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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 4 mars 1971 - Vol. 11 N° 15

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Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale

Séance du jeudi 4 mars 1971

(Dix heures vingt-deux minutes)

M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Remplacement des absents

M. PINARD : Je demanderai le consentement des leaders parlementaires des partis pour que nous puissions changer proprio motu certains membres de la commission qui ne sont malheureusement pas ici à cause de la tempête, de façon à obtenir quorum. Les règlements nous défendent de commencer la réunion si les membres qui font partie officiellement de la commission ne sont pas suffisamment nombreux pour former le quorum. Alors, je pense que, de consentement mutuel, nous pourrions nous entendre pour remplacer les membres absents et, de cette façon, nous pourrions permettre à M. Bonenfant de commencer son intervention.

M. LEGER: D'accord.

M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, je ne crois pas qu'il y ait de décision de fond de prise. C'est un témoignage qu'on entend.

M. PAUL: Comme les journalistes victimes de "procédurite" ne sont pas ici, M. le Président, quant à moi je suis prêt dans ce cas-là à ce que l'on procède avec efficacité, parce que vous savez que la "procédurite" est une espèce de syphilis intellectuelle.

M. PINARD: M. Bonenfant peut-il nous dire combien de temps durera son intervention?

M. BONENFANT: Cela dépend de vous. Quant à moi, je pense que je puis dire l'essentiel en moins d'une heure, mais évidemment, si vous posez des questions, c'est vous qui devenez maîtres de la durée. Je pense que dans une heure je peux dire l'essentiel de tout ce qui est vraiment important.

M. PINARD: Je propose que M. Picard remplace M. Blank.

M. LE PRESIDENT: M. Bonenfant, vous avez l'intention de nous éclairer sur deux sujets particuliers.

M. BONENFANT: Si vous me le permettez, j'aurais l'intention d'abord, pour me donner bonne bouche, de vous faire très rapidement — je ne dirai pas un exposé général — mais de vous dire dans quel domaine j'ai peut-être des idées. Deuxièmement, je voudrais souligner quels sont d'après moi les principes essentiels qui sont à la base d'une réforme globale de la représentation et des mécanismes électoraux. Cela peut prendre deux ou trois minutes. Les sujets sur lesquels je peux parler, je pense, avec un peu plus de compétence, ce sont la carte électorale elle-même et surtout, la façon de la dresser. Sur cela, je pense que malheureusement ou heureusement, je vais m'opposer à plusieurs membres de la commmission d'après les comptes rendus que j'ai déjà lus et, deuxièmement, le scrutin même. On parle beaucoup du système allemand. Je veux oublier le système allemand, mais je voudrais une transposition du système allemand ici avec toutes sortes de variantes. Troisièmement, j'aurais quelque chose à dire assez rapidement sur la liste permanente en tenant compte, à mon sens, d'un facteur qu'on a oublié jusqu'ici. Les listes municipales vont pouvoir s'identifier bientôt avec la liste provinciale et je voudrais parler aussi de la nécessité d'un contrôle par un institut de démographie.

En d'autres termes, d'après moi, la liste électorale devient un tout. Cela touche même un problème qui semble étranger, la laïcisation des actes d'état civil qui, d'après moi, devrait permettre de faire une meilleure liste électorale et la contrôler.

Finalement, j'aurais peut-être quelques mots à dire sur le contrôle des dépenses des partis, ce n'est pas très original, cela a déjà été dit. Au sujet de la contestation, j'aurais peut-être quelques mots à dire. Je suggère un système assez différent de contestation qui permettrait d'éviter ce qui vient d'être souligné par le jugement de la cour d'Appel il y a quelques jours, donc le système qui se rapprocherait du système français pour la contestation. Ce sont les sujets sur lesquels je peux peut-être apporter de modestes lumières.

M. PINARD: M. le Président, me permettez-vous de poser une question? M. Bonenfant, avez-vous un texte? Avez-vous des notes qui vous permettent...

M. BONENFANT: Je suis incapable de suivre un texte, je suis un moulin à paroles. Cela me stérilise de lire un texte. Je n'ai pas de texte.

M. PINARD : Si ma suggestion agréée aux membres de la commission, M. Bonenfant pourrait présenter son exposé de façon globale quitte, par la suite, à permettre aux membres de la commission de poser des questions pour des clarifications.

M. BONENFANT: Je suis bien prêt à accepter votre suggestion mais je pense que, sur le premier point, je ne dis pas qu'il peut y avoir accrochage, mais il peut y avoir discussion. Lorsque j'aurai donné mes idées sur le mécanis-

me selon lequel on devrait faire la carte électorale, je me demande si cela ne serait pas bon de s'arrêter parce que cela peut être assez long. Comme je le disais il y a un instant, d'après ce que j'ai lu dans un compte rendu officieux, je ne partage pas les idées de certains membres de la commission et peut-être même de toute la commission. Je crois que c'est un phénomène essentiel à étudier au début: qui doit faire la carte? Je pense que l'on pourrait peut-être s'arrêter là.

La deuxième partie de l'exposé, ce sont les mécanismes de scrutin. En d'autres termes, est-ce que l'on doit avoir la proportionnelle, le scrutin majoritaire ou —ce qui d'après moi est le bon système — une synthèse des deux, mais une synthèse à la québécoise? Ce ne serait pas tout à fait le système allemand, je transpose le système allemand ici. On pourrait peut-être s'arrêter après ça. J'ai l'impression que le reste n'est pas très très important.

Si vous me permettez de corriger un peu votre suggestion, lorsque j'aurai fait mon exposé à savoir, comment doit se faire la nouvelle carte électorale, à ce moment-là, peut-être que l'on pourrait s'arrêter.

M. PINARD : Nous vous donnons toute liberté.

M. LE PRESIDENT: M. Laurin.

M. LAURIN: M. Bonenfant, il me semble que cela m'éclairerait si vous commenciez votre exposé par la deuxième partie que vous avez mentionnée, en parlant du système...

M. BONENFANT: Oui, il y a moyen de trouver un système qui serait le suivant: je prends pour hypothèse que vous gardiez la carte actuelle, c'est-à-dire avec le scrutin majoritaire simple où vous avez 108 ou 110 députés; c'est le premier problème.

Le deuxième problème — appelons-le le système allemand, pour moi, ce serait le système allemand modifié, je vous le dis tout de suite — ce seraient 80 circonscriptions, avec le scrutin majoritaire simple, et ensuite, les 30 autres seraient élus selon la proportionnelle. Là, j'aurai des distinctions, soit dans toute la province, soit dans les régions rurales ou les régions urbaines, soit dans les régions — je vous dis tout de suite que je suis opposé aux régions — parce que je ne crois pas que ça fonctionnerait ici comme en Allemagne.

J'aimerais peut-être mieux commencer par le premier sujet, parce qu'après tout, le sujet sera le même. C'est sûr que vous avez à décider si vous devez avoir 80 ou 110 circonscriptions. Que vous décidiez que c'est 80 ou 110, le mécanisme pour fabriquer la carte sera exactement le même. Je pense, vous allez voir d'après mes idées, c'est que très tôt vous serez obligés de décider si vous continuez ce que vous faites là, ou bien si vous nommez un organisme indépendant qui prendra la relève, et qui fera le travail.

Je crois que c'est la première décision que vous avez à prendre. Je pense que ça ne va pas à l'encontre de vos idées, et que ça ne va pas à l'encontre des miennes. Est-ce que ça va?

M. LE PRESIDENT: D'accord.

M. BONENFANT: Donc, je commence.

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. PINARD: Un point à clarifier, s'il vous plaît. Si vous faites des références à certaines prises de position par d'autres membres, par des membres de la commission ou par d'autres experts qui ont comparu devant la commission, pourriez-vous nous donner les références afin que nous puissions les inscrire au journal des Débats?

M. BONENFANT: Mais non, écoutez, ce n'est pas ça. Les seules références, c'est un petit compte rendu qui m'a l'air officieux. On dit par exemple qu'il est décidé que ce soient les parlementaires qui doivent faire la carte. C'est à ça que je réfère, ce n'est pas aux comptes rendus, parce que, jusqu'ici, d'après ce que j'ai lu — j'ai lu les témoignages de M. Drouin — ça porte plutôt sur la technique. Je crois que personne n'est venu vous parler d'une façon catégorique du fond de la question. Si le système allemand a été touché, il l'a été par à côté. J'ai l'impression d'être le premier à en parler. D'ailleurs, c'est peut-être mon entrée en matière. Je pense que c'est pompeux de me qualifier d'expert; je ne suis pas un expert mais, toute ma vie, j'ai côtoyé ces choses-là, comme ancien bibliothécaire ou comme professeur.

Comme vous le savez, la meilleure façon de connaître un sujet, c'est de l'enseigner. Or, j'ai enseigné cela en science politique naguère, et surtout, si j'ai une qualité, c'est peut-être d'essayer d'être vulgarisateur. Si vous voulez de grandes théories, vous avez d'autres experts qui vont venir vous les donner. Moi, j'essaie d'expliquer encore une fois, soit par des articles ou par des conférences, comment ça fonctionne.

Le ton de mon témoignage, c'est d'essayer d'être clair, et de ne pas m'embarrasser de trop grandes idées. Tout de même, ce n'est pas une contradiction. Voici, d'après moi, les qualités que tout système de représentation — et je pense que le mot global, c'est ça — doit posséder. On doit rechercher à mon sens, par tous les moyens, ces qualités-là.

Qualités du système

M. BONENFANT: Premièrement, c'est une vérité de La Palice, mais on l'oublie un peu trop, C'est que ça doit être un système représentatif. Par exemple, vous allez voir que, contrairement à certains d'entre vous, la différence pour moi,

entre les circonscriptions rurales et les circonscriptions urbaines, ne me frappe pas autant que certains.

Comme l'a déjà dit un juge de la cour Suprême aux Etats-Unis, le juge Wallon, lorsqu'il a rendu la fameuse décision à propos du "gerrymandering" un député n'est pas élu pour représenter des prairies, des lacs et des forêts. Il est élu pour représenter les gens. Je n'ai pas du tout — on peut avoir des idées contraires — de la représentation, une conception aristocratique. On dit souvent: Comment se fait-il qu'un électeur ignorant puisse annuler par son vote, celui d'un électeur qui a des diplômes? Ceci fait partie du système, j'y tiens. Très souvent, d'ailleurs, l'électeur ignorant fournira un vote peut-être aussi intelligent que l'électeur qui se croit très cultivé et renseigné. Par conséquent, je crois que cela devrait être représentatif, et j'en arrive pratiquement à une division. On doit en arriver à des circonscriptions presque égales. Je suis même pour une marge, nous le verrons tout à l'heure, qui baissera à 20 p. c. plutôt que 25 p. c, ce qui est habituellement la marge conseillée. Donc, il doit être représentatif.

Deuxièmement, il faut faire attention, il est évident que la meilleure représentation serait la proportionnelle, théoriquement. Mais, il faut que cela fonctionne. La deuxième qualité: il faut tout de même que le système fonctionne. Nous avons la responsabilité ministérielle — je crois que l'on devrait la limiter, je suis contre un système présidentiel de type américain — mais, il faut tout de même que le gouvernement, une fois élu, puisse fonctionner normalement. C'est pour cette raison qu'il faut apporter à la qualité de représentatif un coefficient d'efficacité.

Troisièmement, on l'oublie peut-être un peu trop, il faut que le système soit facile à comprendre. Il faut que les électeurs y participent. Je cite un exemple. On a pratiqué, en Alberta, le vote avec numéros sur un bulletin 1, 2, 3, 4. C'est un bon système qui a fonctionné en Alberta, mais on l'a abandonné. Je pense que la plupart de nos électeurs sont habitués à faire la croix, cela fait partie même du langage électoral: Faites votre croix au bon endroit, etc. Donc, il faut éviter un système compliqué et nous verrons tout à l'heure ce que j'entends par cela.

Une quatrième qualité, il faut, malgré tout, ne pas avoir peur de rompre avec le passé, il faut se demander avant tout si c'est fonctionnel. Les traditions, quand c'est possible, il faut les mettre de coté et ne pas avoir peur d'innover. Le système doit aussi être accepté de tous, il faut une sorte d'assentiment. Si vous adoptez un sytème contre lequel un parti se prononce catégoriquement en Chambre, j'ai l'impression que vous aurez ensuite des difficultés à le faire digérer au public.

Enfin, peut-être un point important — dont je vais vous donner un exemple tout à l'heure — il ne faut pas croire que vous trouverez le système parfait. Ce système doit être en perpétuelle correction. D'après moi, ce sont les qualités de base et, lorsque nous étudions le problème, il faut essayer de faire l'équilibre entre ces qualités.

Commission indépendante et découpage de la carte

M. BONENFANT: J'aborde donc maintenant le premier sujet. Le premier point — je l'ai écrit — et dans ce domaine-là ce serait assez difficile de me faire changer d'idée, je crois que le découpage de la carte électorale, c'est-à-dire la rédaction de la carte électorale, la division en circonscriptions ne doit pas se faire par une commission parlementaire, mais elle doit se faire par un organisme indépendant des parlementaires. Je répète donc ma proposition: c'est que le découpage ne doit pas se faire par une commission parlementaire, par exemple, comme on l'a dit, qui pourrait se promener dans toute la province, mais, à mon sens, elle doit se faire par une commission indépendante. Je vous apporterai mes arguments. Cependant, j'ajouterai qu'il appartient à la commission parlementaire, qui est une délégation de l'Assemblée et à l'Assemblée elle-même, d'indiquer dans une loi les principaux critères que cette commission indépendante devra suivre. Je me servirai tout à l'heure de l'exemple de la loi fédérale qui, d'après moi, dans ce domaine-là, est un magnifique exemple.

Voici maintenant pourquoi, à mon sens, le découpage de la carte électorale doit se faire par une commission indépendante.

Premièrement, je dirai que c'est le fruit d'une évolution historique. Si vous examinez l'histoire, soit de l'Angleterre ou du Canada, vous allez vous apercevoir que l'évolution est la suivante: c'est que les premières cartes électorales ont été faites avec l'intervention la plus directe, la plus scandaleuse des partis politiques. On a l'habitude de dire que la carte électorale fédérale qui a été rédigée après le recensement de 1881 — elle a été rédigée en 1885 sous la direction du gouvernement conservateur de M. Macdonald — est un chef-d'oeuvre de "gerrymandering". J'emploie le mot anglais parce que les Français eux-mêmes l'emploient. C'est ce que j'appellerais le découpage pour des motifs politiques de la carte électorale. Un détail, on a même retrouvé le cahier de notes du journaliste qui avait été engagé par Macdonald pour tripoter la carte électorale.

C'est au début du siècle, je dirais, qu'on a commencé à se dire: Tout de même, il faudrait un peu sortir ça de la politique. Et là, la première démarche qu'on a faite a été de confier ça à une commission qui a été contrôlée par les partis politiques. Et nous pouvons affirmer — je vous donnerai les textes tout à l'heure — qu'à Ottawa — je ne prends qu'Ottawa comme exemple, je reviendrai à Québec — c'est que le découpage s'est toujours fait, avant

le nouveau système, avec des intentions politiques. Maintenant, il faut faire attention à ces mots "intentions politiques". On pense toujours qu'un découpage intéressé c'est uniquement en faveur d'un parti. Ce n'est pas ça. On l'a constaté à Ottawa, très souvent, un découpage intéressé est un découpage auquel tous les partis sont intéressés. Nous avons, par exemple, relevé des cas dans Toronto où le député conservateur disait à son voisin libéral: Bien, écoute, tu as une section conservatrice dans ta circonscription, passe-là-moi et je te passe la section libérale. Passe-moi le sucre et je te passe le séné, si vous voulez. Donc, le "gerrymandering" peut se faire, excusez l'expression, entre copains. C'est normal. Ce sont des gens qui vivent ensemble et c'est normal qu'on soit poussé à faire un découpage intéressé.

Deuxièmement, il y a un point qui est important, il reste que, dans certains cas, le parti majoritaire trouve toutes sortes de moyens, et encore une fois, ce n'est pas une vision manichéenne des choses. Il ne s'agit pas de dire: C'est bien ou c'est mauvais. Il s'agit de constater que les partis politiques sont poussés à faire un découpage qui leur est favorable. Et surtout, c'est peut-être le troisième point, c'est que le "gerrymandering" peut se faire de deux façons. Cela a été très bien expliqué dans une thèse qui a été soutenue à Montréal par le professeur Bernard, qui est un excellent spécialiste, une excellente thèse qui n'a pas été publiée, malheureusement, et il a montré que dans le Québec, en général, ce que l'on a fait, c'est du "gerrymandering" passif et non pas actif. En d'autres termes, on n'a pas découpé des circonscriptions nouvelles dans l'intérêt d'un parti, mais on a laissé vieillir des circonscriptions. Et vous n'avez qu'à regarder votre carte électorale, je ne nommerai pas les circonscriptions, pour savoir que vous avez un manque de proportion entre la population des circonscriptions électorales.

Donc, je crois qu'il est très difficile, pour une commission, de faire vraiment la carte électorale. Et voici les preuves d'autorité maintenant. Le problème s'est posé pour la première fois, à Ottawa, sous le règne de M. Diefenbaker. Et là, il y a eu un débat en 1962, j'ai les discours ici. Il y a eu un grand débat, à la fin du règne de M. Diefenbaker, pour savoir comment on referait la carte, qui était déterminée par le recensement de 1961. Et là, il y eut pratiquement unanimité. Il y a un discours de M. Diefenbaker qui est assez éloquent, un de M. Stanley Knowles, inutile de vous dire qu'il est assez catégorique pour ce qui est de l'existence d'une commission indépendante, où ils ont dit: II faut absolument sortir cela du Parlement. Et on a cité le témoignage, qui me permet d'apporter un second argument, de Norman Watts, je pense. C'est un des bons professeurs de science politique au Canada, c'est lui qui a fait les dernières éditions de "Government of Canada de Dawson". Norman Watts disait: "C'est une trop grosse besogne pour le Parlement". Je vous prie de croire que je ne mets pas de côté votre jugement. Vous êtes certainement aussi compétents que tous les spécialistes que vous allez faire venir, mais, à l'heure actuelle, il me semble que les parlementaires sont tellement pris par leur travail parlementaire véritable que, s'ils commencent à se promener dans toute la province avec un travail fantastique, parce que je vous prie de croire que refaire la carte électorale, ce sera un travail fantastique, surtout si vous réduisez le nombre des circonscriptions.

N'oubliez pas que vous travaillez encore sur une carte dont la base est de 1853 ! Il n'y a rien eu d'essentiel, il y a eu simplement du rapiéçage depuis 1853. Donc, moi, je pense que c'est une trop grosse besogne pour le Parlement.

Un autre argument, c'est que dans la plupart des pays du monde, à l'heure actuelle, et j'ai fait des relevés, je dirai que le courant est en faveur de libérer le Parlement de la carte électorale. Il y a des pays où c'est encore le Parlement, mais, précisément, ce sont les pays où le "gerrymandering" se pratique le plus. Les Etats-Unis, par exemple. J'ai pris des renseignements sur un Etat voisin. On vient de faire une sorte de redistribution dans le Maine. Elle s'est faite par le parti au pouvoir. Inutile de vous dire qu'il y a des circonscriptions qui tortillent. Vous savez l'origine de "gerrymandering", c'est salamandre, "salamander". C'est comme une salamandre. Ce n'est pas très géométrique, si vous voulez.

En France, c'est encore le Parlement qui fait la redistribution, mais je vous prie de croire que dans le sud de la France, en particulier, il y a des circonscriptions qui sont taillées à la mesure des intérêts politiques.

Regardez, par exemple, le découpage que l'on peut faire dans la ville de New-York pour entourer certaines personnes de couleur. Regardez comment est taillée la circonscription d'Harlem. Malheureusement, encore une fois, si vous confiez cela aux organismes politiques, la tentation est malheureusement trop grande. C'est pour cela que, dans la plupart des pays du monde, à l'heure actuelle, le courant est vers une commission indépendante.

Voici des cas concrets, je ne fais que les signaler, je pourrai vous donner des détails. Le premier, c'est sur la Grande-Bretagne. Vous savez qu'au XIXe siècle le pays dont les moeurs électorales étaient les plus pourries, le pays qui vient du plus loin possible dans ce domaine-là, c'est la Grande-Bretagne. Depuis 1944, la Gran-de-Bretage a un découpage qui se fait par quatre commissions: il y a une commission pour le pays de Galles, etc. parce que l'on divise selon les régions. Cependant, et tout de suite, je vous ferais remarquer un détail sur lequel on pourra discuter tout à l'heure. Le découpage se fait selon des règles que le Parlement a établies mais en Angleterre, le Parlement reste suprême. La proposition est faite par la commission qui est permanente et une simple résolution — c'est-à-

dire que l'on n'est pas obligé d'adopter un projet de loi— met le découpage en vigueur.

Donc, le cas de la Grande-Bretagne est patent. Le découpage ne se fait pas par les hommes politiques, cela se fait par une commission indépendante, on prévoit les nominations, etc. Cependant — c'est peut-être sur ça que l'on pourra discuter tout à l'heure — le Parlement garde la maîtrise et même, le gouvernement peut intervenir. Vous comprendrez que, lorsque le gouvernement intervient pour corriger la carte qui a été suggérée par des spécialistes, le gouvernement a besoin d'avoir de bons arguments parce qu'un geste indélicat —pour employer un euphémisme — qu'il pourrait poser va être remarqué.

Le deuxième cas est un cas canadien que je voudrais vous signaler: le Manitoba. La province du Manitoba depuis 1957 a créé une commission permanente qui s'occupe de la carte électorale. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure. Je vous souligne son caractère permanent. Je me demande si, à l'occasion de vos débats, vous ne devriez pas assurer cette permanence. Vous savez qu'il y a un recensement, à toutes fins utiles, à tous les cinq ans. Le vrai recensement est dans l'année qui se termine par un "un", mais maintenant on a un recensement dans l'année qui se termine par un "six". Au Manitoba, après chaque recensement, dès que les résultats du recensement sont connus, la commission — c'est une commission qui est permanente et dont les membres se trouvent déterminés non par leur personne humaine mais par leur fonction. Par exemple, font partie automatiquement de la commission, le juge en chef du Manitoba —s'il ne peut pas, son représentant — le président de l'Université du Manitoba et le directeur général des élections. C'est une commission que vous ne pouvez pas préparer, si vous permettez l'expression. C'est une commission qui est vraiment indépendante. Les membres font leur étude, ils font leur rapport au Parlement. On leur a donné des directives, par exemple pour ce qui est de la proportion entre les circonscriptions rurales et urbaines. D'après les renseignements que j'ai obtenus, cela fonctionne assez bien.

L'exemple que je trouve le plus parfait — le professeur Boily dans son ouvrage est favorable à cette thèse-là d'une façon catégorique — c'est l'exemple fédéral. Nous ne sommes pas toujours portés à prendre nos exemples au niveau du pouvoir fédéral, mais je pense que c'est un domaine où vraiment nous avons donné — non seulement au Canada — au monde entier un exemple de découpage vraiment indépendant.

La loi a été adoptée au début du régime de M. Pearson. Je tiens à vous dire que la loi que M. Diefenbaker avait préparée était à peu près analogue.

Je dirais qu'il y a deux différences entre la loi de M. Diefenbaker et celle de M. Pearson. Dans la loi de M. Diefenbaker, il n'y avait qu'une commission pour tout le Canada, tandis que dans la loi de M. Pearson, vous avez des commissions pour chacune des provinces. Il y a aussi peut-être une légère différence sur laquelle nous reviendrons, c'est que dans la loi de M. Pearson — nous le verrons et c'est ça qui est terrible — le Parlement, une fois qu'il a délégué ses pouvoirs, ne peut plus intervenir; tandis que — je n'ai malheureusement pas eu le temps de le vérifier — je crois que dans la loi de M. Diefenbaker, le Parlement avait gardé une certaine suprématie.

Voici les traits essentiels de la loi fédérale. — En passant, c'est 13 Elizabeth II, chapitre 31, adoptée en 1964. — Les traits sont donc les suivants: II y a au niveau fédéral deux personnages pour les élections: le commissaire à la redistribution qui est l'ancien directeur des élections, M. Castonguay et le directeur général des élections. On me dit entre les lignes qu'on va peut-être s'apercevoir que les deux postes pourraient être réunis. En tout cas, cela est une question qui n'a pas beaucoup d'importance. Il semble bien que le travail de celui qui s'occupe de la redistribution n'est pas extrêmement considérable. Ce personnage, avec un bureau, prépare toute la documentation. A la dernière redistribution, la documentation que j'ai vue était admirable. Les commissaires ont eu devant eux des cartes et des données démographiques qui étaient remarquables. Deuxièmement, dans chaque province, une commission est établie avec les quatre membres suivants: le commissaire qui fait partie de toutes les commissions, un juge qui est président et qui est nommé par le juge en chef de chaque province et deux autres membres qui sont nommés par l'Orateur de la Chambre des communes. On a beaucoup discuté sur la façon de faire les nominations, mais je pense bien qu'il s'agit là de détails. Par conséquent, ces commissions ont été nommées. Par exemple, pour vous donner le cas du Québec, M. Castonguay faisait partie de la commission; vous aviez le juge Langlois à Montréal; vous aviez le président provincial. M. Drouin, qui a été engagé par le gouvernement fédéral et vous aviez le principal ou le vice-principal de Bishop. Donc, quatre personnages, je crois, dont on pouvait dire qu'ils étaient complètement étrangers aux problèmes politiques.

Ces gens-là ont travaillé énormément et cela prouve que le travail est considérable. Ils ont fait le tour de la province. Ils ont fait des enquêtes. Ils ont entendu des gens et ils ont fait rapport. Et là, voici le point important. Le rapport est déposé — je laisse de côté les détails, je donne l'essentiel — à la Chambre des communes et les députés qui ne sont pas contents... C'est normal de ne pas être content d'une distribution, parce que, évidemment, il y en a un qui sera content et un autre qui ne le sera pas. Un certain nombre des députés peuvent intervenir et il y a là un débat. On peut critiquer la carte qui a été dressée par les experts, mais après le débat les plaintes qui ont

été formulées sont renvoyées à la commission et c'est la caractéristique du système canadien qui est presque unique au monde, c'est la commission qui gagne. C'est là le point important. Même si vous déléguez à un organisme indépendant, est-ce que vous ne devez pas vous garder au moins le droit de corriger ce que les experts ont préparé? Je trouve admirable le système fédéral, mais j'admets que, pour des gens qui sont dans la vie politique, il est normal de dire: Nous gardons la maîtrise définitive. Tout de même, j'ai remarqué chez le professeur Boily, dont le livre est très bien fait, qu'il tenait mordicus au système fédéral. Je pense que vous avez là l'essentiel.

J'ajouterai tout de même des remarques d'à-côté. Ce qui me frappe, et je ne sais si cela a été signalé, c'est que vous êtes obligés de faire le découpage de la carte électorale dans un très mauvais moment. Vous allez être obligés de travailler, ou ceux que vous allez déléguer, avec le rencensement de 1966. Or, le recensement se fera en juin 1971. Nous n'aurons pas, je pense, les données du recensement avant 1972 et, ce qui va arriver, c'est que j'ai bien peur que votre carte soit dépassée au moment où vous l'aurez terminée. Evidemment, si vous gardez la commission de la Chambre, il n'y aura pas d'autre organisme.

Je propose que ce soit un organisme permanent, qui dise: A tous les cinq ans, dès que les résultats sont connus — plus tard ce sera peut-être un recensement uniquement pour le Québec mais il y aura toujours des recensements — une commission existante, dont les membres sont déjà prévus, que vous ne nommez pas parce qu'ils sont prévus par leurs fonctions, commence à travailler. Cela résume à peu près mon exposé sur le premier point. Il y a bien d'autres détails, mais c'est mon attitude générale. Je résume — encore une fois, vous avez le droit de ne pas être du même avis — je crois que le système d'Ottawa est un excellent système, vraiment indépendant. Le public en a eu une excellente publicité. Il s'est dit: Les circonscriptions ne sont quand même pas taillées pour faire plaisir à des députés. Une fois que vous aurez donné des directives comme le faisait la loi fédérale, comme la directive des 25 p. c. ou des 20 p. c. — il est possible que vous vous arrêtiez à 25 p. c. — je crois que le découpage de la carte électorale doit se faire par un organisme indépendant. J'ajoute que si vous regardez les ouvrages théoriques, — évidemment les théoriciens ne sont pas dans vos problèmes — tous ces ouvrages sont pour le découpage par un organisme indépendant. Je comprends que, pour un député, il doit être terriblement difficile de se dire; "J'abandonne, ma circonscription sera peut-être abolie, peut-être que lorsque la carte électorale naîtra, je n'aurai pas d'endroit pour me présenter..." Vous me permettrez de voir le problème d'un autre côté. Je pense que le système fédéral, tel que pratiqué, est le meilleur. Ceci est la première partie de mon exposé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie M. Bonenfant des explications qu'il nous a fournies. J'ai retenu les observations qu'il a faites concernant la participation de la commission parlementaire au découpage de la carte. Je crois qu'il y a une certaine confusion — cela vient peut-être du fait que les expressions d'opinion n'ont pas été assez précises — et que le petit compte rendu auquel vous vous êtes référé tout à l'heure ne donne pas une idée exacte de l'ensemble des opinions et surtout des opinions qui n'ont pas été explicitées. Lorsque nous avons parlé de la responsabilité des parlementaires, nous en avons d'abord parlé de façon générale, en pensant à l'ensemble de la réforme institutionnelle que nous entreprenons. A partir de là, nous avons conclu, à la suite d'une déclaration ministérielle du premier ministre, que cette responsabilité incomberait aux parlementaires. Nous avons ensuite réuni un comité directeur chargé d'établir un échéancier, un calendrier de travail, etc. A l'occasion de cette réunion du comité directeur, nous avons fixé certains sujets dont celui de la carte électorale, mode de scrutin, etc. C'est à ce moment que nous sommes revenus sur l'idée que les parlementaires doivent assumer, dans ce travail de refonte, que ce soit celui de la carte, ou du mode de scrutin, une responsabilité beaucoup plus importante que certaines personnes ne le voudraient.

Lorsque nous parlons de responsabilité des parlementaires, nous n'entendons pas par là, nous substituer à des experts qui, dans un domaine spécifique comme celui du réaménagement de la carte, ont une compétence que nous ne nous reconnaissons pas, bien que nous nous réservions le droit de les juger. Nous avons donc convenu — je crois que c'était là le sentiment unanime — que nous déterminerions un certain nombre de critères — vous y avez fait allusion tout à l'heure — qui devraient guider les experts qui seront appelés par la suite à travailler en comité, à procéder à ce réaménagement de la carte électorale. Sous toute réserve cependant, que nous puissions examiner au fur et à mesure, c'est-à-dire par étapes, les travaux qui nous seront soumis. Nous n'entendions pas, lorsque nous avons fait ces propositions — j'ai été un de ceux qui ont fait cette proposition — intervenir à tout instant et à tout propos dans le travail des experts.

Nous pensions qu'il fallait leur confier une tâche bien définie, déterminer des critères qu'ils devraient suivre dans leur travail, et quitte, pour leur part, à nous fournir les résultats de leurs travaux afin que nous puissions les examiner et voir s'ils respectaient les critères que nous avions établis au départ.

Par conséquent, je ne crois pas, M. Bonenfant, qu'il y ait divergence d'opinions entre vous et nous, ou vous et moi en ce qui concerne le réaménagement de la carte électorale. Par ailleurs, vous venez de nous donner des exemples qui nous éclairent, et qui peut-être vont nous permettre d'avoir du problème une dimen-

sion beaucoup plus large, et une dimension beaucoup plus exacte de l'importance et de l'ampleur du travail que nous avons entrepris.

Donc, je ne me refuse pas du tout aux suggestions que vous avez faites, puisqu'elles apportent des éléments nouveaux, mais j'ai précisé l'attitude que personnellement j'avais prise et que d'autres membres de la commission avaient prise, au sujet de cette responsabilité des parlementaires. Parce que si ce ne sont pas les parlementaires qui s'occupent de la réforme institutionnelle du gouvernement du Québec, je ne sais pas qui pourrait le faire.

Vous avez fait allusion tout à l'heure à ce danger de l'influence politique, et il est réel. Il est bien évident que si la majorité gouvernementale, par exemple, mettait de côté le travail des experts pour procéder à un découpage qui correspondrait à ses intérêts, que ce soit un parti ou l'autre qui assume le pouvoir à ce moment-là, ce serait malheureux, et l'on n'irait pas dans le sens de l'histoire ainsi que vous l'avez décrit tout à l'heure.

Par conséquent, j'estime que vos propositions et les nôtres se complètent. Il reste à déterminer les modalités d'action, les modalités du travail que nous nous proposons de confier aux experts. Je maintiens pour ma part que le Parlement, par le truchement de sa commission parlementaire — et le premier ministre a été assez formel là-dessus dans sa déclaration ministérielle — que ce travail-là doit être surveillé de très près.

Et non seulement ce travail doit être surveillé, mais les membres de la commission parlementaire doivent y prendre une part active, parce qu'ils sont quand même les représentants du peuple, et beaucoup mieux placés que d'autres pour savoir quels peuvent être les conséquences et les résultats d'un découpage qui procéderait de principes et de données fort scientifiques, mais qui auraient peut-être le tort d'être un peu trop abstraites.

Notre attitude est une attitude assez pragmatique, direz-vous, mais elle est quand même inspirée par l'expérience. J'ai vécu à Ottawa l'expérience à laquelle vous avez fait allusion, lorsque l'on a dû préparer la loi qui devait amender cette refonte de la carte électorale. Au moment où le texte final a été présenté, j'avais quitté Ottawa à ce moment-là. Mais, j'ai suivi et j'ai participé aux travaux qui ont été ensuite repris par le gouvernement de M. Pearson.

Je vous dis donc, M. Bonenfant, que dans l'exposé que vous nous avez fait, je ne vois pas de divergences profondes entre ce que vous avez dit, et ce que nous avons dit. Vous avez dit ceci tout à l'heure, que, à votre avis, le problème de la refonte de la carte électorale n'est pas purement un problème géographique, de géographie physique. C'est une question de géographie humaine, une question démographique.

Vous avez raison, mais il n'empêche qu'il existe telle réalité au Québec, des régions dites rurales et des régions urbaines ou en voie d'urbanisation.

Toutes les démonstrations que l'on pourra nous faire à ce sujet ne nous empêcheront pas de voir le problème dans une optique très réaliste. Les citoyens qui nous parlent de cette refonte de la carte électorale nous font en effet valoir cet aspect très important du problème, c'est qu'il existe des régions rurales. Qu'il y ait préjugé ou non, nous pourrons examiner le problème à fond, il reste que ceux que nous appelons les ruraux ont à l'endroit d'un réaménagement de la carte électorale certaines craintes justifiées. Ils n'accepteraient pas d'emblée que nous placions le problème dans l'optique purement démographique mais que nous tenions compte de critères qui ne soient pas purement numériques mais de critères socio-économiques. C'est de là que sont venues les observations de plusieurs membres de la commission au sujet de cette distinction entre ruraux et urbains.

En ce qui me concerne, je ne défends ni les ruraux ni les urbains, puisque je représente une circonscription urbaine avec une toute petite enclave rurale, mais causant avec des députés qui représentent des régions rurales, je me suis rendu compte que cela pose un problème. Je le répète, qu'il s'agisse d'un préjugé ou non, nous devons quand même examiner la question au fond avant de décider si nous mettrons de côté ce principe qui avait prévalu lorsque nous avons procédé au réaménagement de la carte à partir du rapport de la commission Grenier, réaménagement qui s'est effectué en 1966.

Ce sont, pour l'instant, M. Bonenfant, quelques observations que je voulais faire. Je termine en revenant sur ce que vous avez dit. Vous avez dit qu'il s'agit d'une tâche trop lourde pour les parlementaires.

M. BONENFANT: C'est-à-dire que je l'ai fait dire à Norman Watts. Ce n'est pas moi qui l'ai dit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qui est exact, c'est qu'il est bien évident que le travail pratique, technique de réaménagement ne peut pas être accompli par les parlementaires parce que ceux-ci ont d'autres choses à faire et qu'être député aujourd'hui, c'est un emploi à temps plein. Il y a de multiples commission parlementaires qui nous accaparent. Il n'est pas possible, dans les circonstances, pour nous, de nous atteler à un travail aussi scientifique que celui-là. A ce point de vue, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je maintiens cependant que le gouvernement doit conserver une suprématie sur le réaménagement de la carte électorale, et pour valables que soient les rapports, les résolutions, les recommandations des spécialistes, tout cela devra être soumis à l'approbation du Parlement via la commission parlementaire ou par le Parlement dans son entier.

M. LE PRESIDENT: M. Brown a demandé la parole. M. Brown, si vous n'avez pas d'objection, peut-être serions-nous mieux de garder le

principe que les représentants officiels de chacun des partis donnent une opinion globale.

M. BROWN: Après les spécialistes, merci mon Dieu, je parlerai après eux.

M. LAURIN: M. le Président, je suis passablement d'accord avec tout ce que M. Bonen-fant nous a dit ce matin. Je remarque cependant qu'il n'a pas beaucoup insisté sur l'injustice criante du système actuel. J'imagine que c'est parce que c'est accepté unanimement...

M. BONENFANT: Excusez, je n'ai pas compris le dernier mot.

M. LAURIN: II n'a pas beaucoup insisté sur l'injustice criante du système actuel, étant donné que c'est unanimement accepté.

M. BONENFANT: Cela va de soi.

M. LAURIN: Oui, cela va de soi. Précisément, c'est à partir de cette injustice criante du système actuel qu'il faut conclure aux besoins non moins criants d'une réforme, la plus rapide, et en profondeur. Je remarque que M. Bonen-fant écrivait dans un article, le 2 avril 1970, dans l'Action: "Si le parlementarisme n'est basé que sur une fiction, il sera de plus en plus déprécié dans l'opinion publique. A l'heure actuelle, dans le Québec, avec des circonscriptions trop inégales, et avec le scrutin majoritaire à un tour face à des candidats appartenant à plusieurs partis, nous courons de gros risques d'être gouvernés par une minorité".

Vous avez écrit cet article-là avec l'élection...

M. BONENFANT: Je n'ai pas changé d'idée.

M. LAURIN: Est-ce que votre idée a changé? Voudriez-vous élaborer un peu sur cette question?

M. BONENFANT: Je n'ai pas changé d'idée là-dessus. Au contraite, les dernières élections ont précisément appuyé ce que je disais.

Remarquez bien, je ne dis pas cela parce que j'approuve un parti ou un autre. A mon âge on devient sceptique et puis...

M. LAURIN: Vous voulez dire que la dernière élection a prouvé que le...

M. BONENFANT: Certainement. Ecoutez, je pense que ce n'est pas favoriser un parti que de le dire. Il y a une différence. On en parlera tout à l'heure. Je crois qu'un système doit permettre une identité entre le pourcentage de la représentation parlementaire et le pourcentage du vote populaire. Cela ne dépend pas uniquement de la carte électorale. Cela dépend de la loi du cube, nous le savons, et ça dépend du système de scrutin. Nous aurons l'occasion d'en parler plus tard. Il reste que c'est tellement évident pour moi. Encore une fois, ce n'est pas pour flatter votre parti, je l'ai dit parce que je le pensais. Je l'ai d'ailleurs écrit avant les résultats qui ont peut-être désavantagé votre parti.

M. LAURIN: Ma deuxième question porte sur les remarques que vous avez faites à propos de l'écart de représentation entre les différentes circonscriptions. Vous avez dit que la Grande-Bretagne vise à l'égalité complète. Vous avez dit que d'autres tendances québécoises tendent à limiter cet écart à 25 p. c.

M. BONENFANT: Oui.

M. LAURIN: Vous avez dit que personnellement vous tendriez plutôt à favoriser un écart de 20 p. c.

M. BONENFANT: Oui.

M. LAURIN: J'aimerais que vous explicitiez un peu votre position là-dessus en regard précisément des différences que l'on fait valoir entre les circonscriptions rurales et urbaines en essayant de montrer en quoi cet écart de 20 p. c. que vous suggérez ne désavantagerait pas les circonscriptions rurales par rapport aux circonscriptions urbaines.

M. BONENFANT: Voici mon explication.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je n'avais pas l'impression que M. Laurin procéderait à un interrogatoire. Je croyais qu'il aurait procédé comme M. Tremblay, à donner un point de vue global du parti qu'il représente.

M. LAURIN: Je l'ai donné au début en disant que j'étais d'accord avec tout ce qu'il disait.

M. LE PRESIDENT: Dans ce cas, je vais donner la parole... Je pense qu'on devrait attendre avant de passer à l'interrogatoire parce qu'autrement...

UNE VOIX: Vous pourrez retenir vos questions.

M. LE PRESIDENT: ... il y a certains membres d'autres partis qui vont vouloir enchafner sur les mêmes questions. M. Béland.

M. BELAND: Merci, M. le Président. Voici, je serai très bref. J'accepte, avec plaisir, les observations de M. Bonenfant. Même s'il disait — c'est son expression — qu'il était vieux jeu dans l'affaire, je pense qu'il est très jeune, surtout lorsqu'il a dit...

M. BONENFANT: Cela retourne en vieillissant, vous savez. C'est un cercle vicieux.

M. BELAND: ... qu'il fallait que le système à

établir corresponde à la réalité 1971 et avec adaptation au fur et à mesure des années. Maintenant, quant aux critères à établir en vue de cet agencement, je trouverais normal que nous, les membres de l'Assemblée nationale, établissions les différents critères principaux, quitte à les faire compléter par cette fameuse commission complètement indépendante des politiciens que nous sommes. Cette commission ferait un rapport devant la commission parlementaire, ici même, pour en arriver à étudier ou à regarder d'une façon plus précise, quitte à ce que les politiciens que nous sommes donnent des observations pour en arriver peut-être à un consensus sur quelques questions données mais non quant à l'ensemble global de la division électorale. Je présume quand même — toujours dans l'esprit de M. Bonenfant — qu'il serait tenu compte par cette commission de la nécessité que les divers éléments que l'on peut rencontrer au Québec soient représentés. Je pense, d'ailleurs, en me référant à un discours prononcé en Chambre par M. Brown que j'ai grandement apprécié, à l'effet qu'il faut continuer à représenter l'élément rural. Il n'y a pas que l'élément rural, il y a d'autres éléments qui doivent être représentés compte tenu des diverses mentalités que l'on peut rencontrer à travers la province.

M. BONENFANT: Est-ce que je puis ajouter quelque chose? Il est évident que, quel que soit le système que vous adoptiez, vous allez être obligés d'établir les critère dans une loi. Et il serait peut-être intéressant de vous signaler comment on les a établis à Ottawa. A mon sens, ce n'est pas très bien établi mais ça donne un exemple.

En résumé, dans la loi, on dit à Ottawa: Vous prenez la population d'une province et vous divisez par le nombre de circonscriptions et cela vous donne la circonscription idéale. Evidemment, après ça, on dit: Vous pourrez bouger de 25 p. c. en haut ou de 25 p. c. en bas. On établit comme critère que la commission peut s'écarter de l'application rigoureuse des règles précédentes chaque fois que des considérations spéciales d'ordre géographique, notamment la faible ou forte densité ou de taux relatif de croissance de la population des diverses régions de la province, leur accessibilité, leur superficie ou leur configuration rendent de l'avis de la commission un tel écart nécessaire ou opportun. On ajoute une deuxième circonstance où on peut s'éloigner de la règle, où l'on peut tenir compte des 25 p. c. ; lorsqu'une communauté ou une diversité particulière d'intérêts des habitants des diverses régions de la province rendent de l'avis de la commission un tel écart nécessaire ou opportun.

Voici le cas que vous allez avoir. Je pense que vous devriez, si vous faites cela, établir des critères en tenant compte de la croissance démographique, par exemple, des petites villes de périphérie des grandes villes. Il est sûr que

Laval, Sainte-Foy, ou Sillery à Québec, plutôt Sainte-Foy que Sillery, ont des croissances rapides. Par ailleurs, on sait qu'il y a des circonscriptions dans certaines parties de la province qui vont probablement décroître. Aujourd'hui, par la démographie, surtout si on établit quelque chose de permanent qui va suivre les recensements, on peut tenir compte de cela.

Il y a un deuxième problème. Cela ne sert à rien de se fermer les yeux. Le découpage dans la ville de Montréal aura un impact politique à cause des différences ethniques. Selon que vous avez distribué une certaine partie de la population dans certaines circonscriptions, vous allez changer le résultat de la ville de Montréal. Je crois que ne pas le dire serait faire comme l'autruche qui se met la tête dans le sable.

M. LE PRESIDENT: M. Pinard.

M. PINARD: M. le Président, je crois que les interventions qui ont été faites depuis le début de cette séance sont très intéressantes. J'ai beaucoup aimé, je dois l'avouer, l'intervention de M. Bonenfant. Je pense qu'elle est marquée au coin du réalisme et de l'expérience. Cependant, je ne me déclare pas tout à fait satisfait des explications qu'il a données. Je lui donne quand même la chance de pouvoir expliciter davantage tantôt certaines prises de position.

Il prétend que le système mis en vigueur par le gouvernement du Canada est le meilleur, compte tenu des expériences vécues ailleurs dans d'autres pays du monde. Je serais d'accord en principe avec lui, sauf qu'il faut bien penser qu'au plan géographique, de la géographie physique, comme il l'a souligné, et de la géographie humaine, il s'agit d'un très vaste territoire composé de dix provinces et de populations disparates parfois très clairsemées sur un très vaste territoire avec des économies très différentes, avec des vocations aussi très différentes, avec plus ou moins de dynamisme selon les régions habitées. J'imagine que, dans l'esprit du législateur et des commissaires qui ont présidé aux travaux de la refonte de la carte électorale, ces éléments ont dû entrer en ligne de compte pour leur permettre d'en arriver à un découpage à la fois réaliste et efficace pour être sûrs de bien donner la meilleure représentation possible à tous les éléments de la population qu'un gouvernement doit servir.

Mon argument est celui-ci. Ayant discuté dans un contexte beaucoup plus général, beaucoup plus global, c'est-à-dire beaucoup plus large au plan du territoire et au plan de la disproportion dans les populations qui occupent les territoires du Canada, c'est-à-dire les dix provinces, j'aimerais que M. Bonenfant, s'il est capable de le faire ce matin, nous dise, par exemple, quel peut-être le rapprochement qui serait fait entre le Québec et la Suède qui, au plan de la géographie physique et au plan de la géographie humaine, sont très apparentés. La

province de Québec, tout comme la Suède, a connu ce qu'on appelait autrefois jusqu'à 1930, le phénomène de la vocation rurale. Au fur et à mesure que les années ont passé, la Suède s'est urbanisée et il y a eu migration des populations des territoires ruraux vers de grandes villes comme Stockholm et d'autres villes de moyenne importance. C'est un peu l'expérience que nous avons vécue ici au Québec où Montréal est devenue une très grande ville, une grande métropole, avec une ville comme Québec qui est devenue par la force des choses la capitale de la province et avec aussi des villes moyennes comme Sherbrooke, Trois-Rivières et Hull, pour n'en citer que quelques-unes.

Il se pose des problèmes qui m'inquiètent jusqu'à un certain point pour rejoindre à la fois les interrogations faites tantôt par le député de Chicoutimi, par le député qui représente le Ralliement créditiste, et aussi pour rejoindre un peu les déclarations faites par le député de Bourget.

J'imagine que les critères qui devront être établis, soit par les parlementaires, soit par des experts, devront tenir compte de toutes ces données, pour être bien sûrs que les régions du Québec, plutôt à caractère rural, qui ont moins de dynamisme économique, de dynamisme social que d'autres régions, ne pourront être mieux représentées ou plus représentées que d'autres régions qui, tout en ayant une même vocation rurale, auraient plus de dynamisme économique, en somme, auraient plus d'autonomie de gestion ou de progression vers l'équilibre des forces ou vers l'équilibre économique qui pourrait assurer un niveau de vie plus équitable.

C'est ça qui me préoccupe, parce que, que l'on mette en pratique un système de refonte de la carte électorale en se donnant une marge de 25 p. c. ou 20 p. c, je ne suis pas sûr que nous allons donner satisfaction à la population, qui se sent, à tort ou à raison, sous-représentée au Parlement du Québec, et qui se sent très éloignée du centre des décisions, qui prétend à tort ou à raison ne pas avoir les retombées économiques, les investissements publics, para-publics ou privés.

C'est ça qui m'inquiète, et c'est la seule solution possible à mon avis, pour corriger les inégalités sociales d'abord, les inégalités économiques qui engendrent la contestation sociale que nous vivons en ce moment, et qui empêche bien souvent les hommes publics de dormir avec le repos qu'ils méritent parfois, même si on les affuble de toutes les épithètes depuis quelque temps. Pour ma part, c'est ce qui me préoccupe.

Je ne sais pas ce que M. Bonenfant pourrait nous dire à ce moment-ci de son intervention.

M. BONENFANT: Si vous permettez, je pense que je suis de votre avis dans certains cas, mais pas pour les mêmes raisons. La première chose que vous avez dite a été que l'exemple fédéral n'est peut-être pas convaincant parce qu'il s'agit d'une redistribution un peu différen- te. Mais tout de suite, je vais vous souligner que la distribution, ayant été provinciale, vous avez exactement les mêmes choses.

En d'autres termes, on a demandé aux personnes que je vous ai nommées tout à l'heure: A partir de 74 circonscriptions, vous allez faire une carte électorale du Québec. Si vous adoptez tout à l'heure 80 ou 110, vous allez tout de même dire aux gens qui vont faire ça: Vous avez à faire une carte électorale de 110 ou de 80 circonscriptions pour le Québec.

Donc, je pense que la différence avec le problème fédéral n'est pas aussi profonde. Mais, il y a une chose que vous n'avez pas dite et qui est un argument en faveur de votre thèse, de votre point d'interrogation, c'est que la relation entre le député fédéral et les électeurs est un peu différente de la relation du député provincial et ses électeurs.

Qu'on appelle ça patronage ou bons services, il reste quand même que c'est une relation plus intime — je dirais — et du moins pour quelques années, je crois que ça va le demeurer. Il y a un lien plus direct entre le député à Québec et ses électeurs, et je pense que cet élément-là est peut-être assez important. En d'autres termes, ça veut dire qu'un découpage à Ottawa peut être plus impersonnel qu'un découpage à Québec. Je pense que j'ajoute un peu à votre argumentation.

Troisièmement, le problème de la différence entre la représentation rurale et urbaine est un problème très délicat. Je vous ai dit tout à l'heure d'une façon peut-être un peu trop catégorique, que personnellement — je ne cherche pas à transmettre mes idées — je ne fais pas beaucoup de différence, parce qu'à mon sens, de plus en plus, la partie rurale va disparaître.

Dans une petite ville, par exemple Drummondville, qui a d'ailleurs été une ville sociolo-giquement étudiée par Hughes, je me dis qu'il n'y a pas grande différence entre l'électeur dans Drummondville et l'électeur par exemple dans Sillery où j'habite. Je vous garantis qu'au bout d'un certain temps la partie rurale du Québec, ça sera peu de chose.

Et là, je vous le dis avec toutes les précautions nécessaires, ne me tirez pas de pommes de terre, je pense que défendre la partie rurale, c'est déjà une attitude sociale. On a peur des villes. J'ai l'impression que vous ne pourrez pas toujours contenir les mouvements qui viennent des villes par des moyens artificiels. Je veux qu'on représente les milieux ruraux, mais je ne veux pas que ce soit de façon à créer, ce que nous dénoncions tout à l'heure, la différence entre la représentation parlementaire et la représentation populaire.

C'est pour cela que j'avais une solution tout à l'heure; je la donne immédiatement: dans les directives que vous donnerez, vous pouvez très bien faire comme au Manitoba, dire que le rapport est de cinq - sept. Dans cette province, il faut qu'il y ait cinq circonscriptions rurales pour sept circonscriptions urbaines. Or, vous

avez parlé tantôt des pays Scandinaves; je suis passé par la Suède et là c'est la proportionnelle. Mais en Norvège autrefois la constitution de ce pays disait exactement que le nombre de représentants à élire au Storting — c'est le nom du parlement — est fixé à 150. Celui des représentants des districts ruraux, par rapport à celui des villes, doit être toujours dans la proportion de deux à un. On a fait disparaître cela; on a essayé par d'autres moyens de rétablir l'équilibre.

En Russie, le contraire se produit; les villes sont surreprésentées par rapport aux campagnes, on a inversé en Russie. Mais, voici le moyen. Tout à l'heure — si le temps nous le permet — nous parlerons des trente députés qui seront élus selon les listes. A ce moment-là, ce sera peut-être l'occasion de favoriser les milieux ruraux. Par exemple, si vous divisez la province en deux —province urbaine et province rurale — si vous dites le chiffre mentionné tout à l'heure, que sur ces trente députés il y en aura vingt qui représenteront les circonscriptions rurales et dix... Mais, j'aurais une autre solution et, bien qu'ayant l'air farfelu, je ne la mets pas de côté. On est tellement heureux d'avoir aboli le Conseil législatif que nous ne rêvons pas de le rétablir; mais on aurait dû, non pas l'abolir, mais le transformer.

De plus en plus, nous nous apercevons que le problème au Québec, est un problème de régions. Si vous donnez une représentation fidèle de Montréal, cette ville écrasera la province, sans aucun doute. Il y a un moyen d'établir un équilibre — encore là vous rirez peut-être de moi — c'est un équilibre de type fédératif. Je me demande... Si nous avions une Chambre haute régionale au Québec, dont les membres seraient élus à la proportionnelle, vous pourriez compenser le caractère peut-être trop représentatif de la Chambre basse, par une représentation régionale. Si la région du Saguenay avait six représentants à la Chambre haute élus à la proportionnelle et que la région de Montréal n'avait que six représentants élus à la proportionnelle, je pense que les éléments ruraux pourraient retrouver un certain équilibre. Je ne donnerais pas, par exemple, à cette Chambre des pouvoirs de contrôle de la responsabilité ministérielle, mais bien des pouvoirs dilatoires; ceci permettrait aux milieux ruraux de bloquer une mesure qui a été votée par des députés urbains, peut-être un peu trop urbains.

Il y aurait un autre avantage: les élections à cette Chambre auraient lieu périodiquement, ce qui permettrait une consultation périodique de l'opinion populaire. C'est ce qui manque à l'heure actuelle; vous êtes obligés de remplacer cela par les Gallup, si vous voulez. Ma réforme est un peu globale. Tout en étant de votre avis, je pense bien que dans l'état actuel des choses — je ne dirai pas "superreprésenter" les circonscriptions rurales— mais je me demande si le cinq - sept du Manitoba ne serait pas un bon exemple. Mais, attention! si vous voulez "sur- représenter" de façon à briser l'analogie entre la représentation parlementaire et le vote populaire, je ne suis pas d'accord!

M. PINARD: Un point à clarifier, si vous me permettez. Mon intervention était surtout pour mettre l'accent, non pas tellement sur la représentation physique, c'est-à-dire la relation entre le député dûment mandaté par une population donnée, comme le pouvoir de ce représentant d'apporter sur son territoire la quote-part des revenus payés en taxes.

M. BONENFANT: La redistribution de la richesse.

M. PINARD: Oui, la redistribution de la richesse. Parce que c'est, à mon sens, le problème fondamental de toute la contestation globale et partielle que nous vivons en ce moment. Alors, la pauvreté qu'est-ce que c'est? C'est relatif. La pauvreté en Inde est beaucoup plus profonde que celle que nous pouvons connaître au Québec; il faut quand même distinguer la gravité ou la moindre gravité du terme "pauvreté". C'est cela ma préoccupation...

M. BONENFANT: Si vous permettez, vous ne pouvez pas...

M. PINARD: ... et on joue tellement sur les mots, on prend prétexte de toutes sortes de choses pour essayer d'enrayer le mécanisme de l'administration provinciale, soit au niveau exécutif, soit au niveau législatif, pour déplacer les problèmes de leur véritable contexte. J'imagine que même une réforme électorale, si juste soit-elle, si scientifique soit-elle, ne réglera pas les problèmes dans lesquels nous sommes plongés en ce moment.

M. LE PRESIDENT: M. Brown.

MR. BROWN: You have said, Mr. Bonen-fant, that in your opinion, in the representative system, it does not matter whether it is a plane, a house or a skyscraper, it is a bundle of people who vote for one representative, whether he lives in a rural setting or in an urban setting. Now, do you also believe that the marking of a ballot is the only thing that a voter or a citizen should have the right to think in terms of?

MR. BONENFANT: No.

MR. BROWN: Then, do you also believe that every voter should have exactly the same rights under a system of representation that you advocate?

MR. BONENFANT: Yes.

MR. BROWN: Well, if you do, then, how are you going to furnish a book to Mr. Smith who is in Cartier and close to the St. Lawrence, or

in Mansonville, the same as you would furnish a book in the City in Montreal? How are you going to arrange that there is an equal amount of rights or an equal amount of money from the government and an equal amount of service to this voter that he has the same availability of a member? It seems to me that this is an impossible situation. This, over the years, is the cause of the distribution of the counties that we have as they are. At the minute that you say: well, a person has exactly the same rights, then, Mr. Jones, who lives on the side of Lake Memphremagog has the right to read a book just as easily as Mr. Smith who lives in Westmount.

MR. BONENFANT: Yes.

MR. BROWN: This, to me, is the key of the situation. Now, we will say that there is one building in Montreal, a superbuilding which is built. In the building, there are 25,000 residents. Do you propose to make a county of that one building? I mean that we are talking in theory, but we are talking, as you said, that in a representative system, it does not matter where they live, what they do. They have exactly the same rights in voting. If they have exactly the same rights in voting, they have exactly the same rights...

MR. BONENFANT: To services.

MR. BROWN: ... in services of the government...

M. LE PRESIDENT: M. Bonenfant.

M. BONENFANT: M. Brown m'a pris par mon point sensible, les bibliothèques. Evidemment, j'y ai consacré une partie de ma vie. Souvent, il est venu me soir et nous en avons causé lorsque j'étais bibliothécaire. J'ai peut-être exagéré ma pensée au début, mais je crois que la disproportion ne doit pas être aussi considérable qu'elle l'est actuellement.

M. Brown a raison en disant: II faut tout de même, si nous voulons l'égalité des votes, si un vote dans telle circonscription doit égaler tel vote, qu'il y ait égalité des services. C'est le point essentiel. Mais je me demande — vous pouvez différer d'opinion avec moi — si l'égalité des services est aussi liée que nous le croyons à l'égalité de la représentation. Si vous voulez, nous allons prendre l'exemple des bibliothèques. Par hasard, je suis à nouveau membre de la Commission des bibliothèques du Québec. Je ne m'occupe pas de McLennan. Donc, faites attention. Il est sûr que — vous avez peut-être pris un mauvais exemple, je pense que Cartier est assez bien desservi au point de vue de bibliothèques — les faubourgs des grandes villes sont moins bien servis au point de vue des bibliothèques que bien des municipalités rurales. Je pense qu'un gouvernement qui vraiment gouverne pour l'ensemble de la population va chercher à établir un système de bibliobus pour la Gaspésie, même si la Gaspésie ne nous envoie que deux ou trois députés.

Je ne pense pas qu'il y ait une liaison aussi intime que le croit M. Brown entre la représentation fidèle et les services. C'est le vaste domaine de la politique.

Il est sûr qu'un bon gouvernement — tous les gouvernements se disent bons évidemment et l'Opposition croit toujours qu'ils sont mauvais — cherche à redistribuer la richesse de la façon la plus équitable et ce n'est pas la présence de quelques députés de plus... Encore une fois, je suis de votre avis et je suis moins catégorique qu'au début. Je pense que, pour un certain temps dans le Québec, il faut "surreprésenter" non seulement les milieux ruraux mais, par exemple, certaines entités ethniques. C'est pour cela que la redistribution va être terriblement compliquée et je reviens à mon argument.

Il vous appartiendrait, vous, messieurs, d'en tracer les critères et de laisser l'intendance, comme dirait le général, se débrouiller avec les terribles problèmes... Je n'appellerais même pas cela des spécialistes. Je veux une vraie commission au départ. Je vois M. Lacroix. Quant au problème des Iles-de-la-Madeleine, il n'appartient pas à la commission de la régler. Les Iles-de-la-Madeleine représentent un problème qui requiert une solution politique. Ce n'est pas une commission qui va le régler. C'est vraiment un problème politique. Vous savez comment on l'a réglé à Ottawa. Quant à vous, c'est votre liberté de le régler comme vous le voulez. C'est là une décision politique. Mais la différence entre deux circonscriptions des Cantons de l'Est, vous pourrez avoir le mot final comme l'a dit M. Tremblay tout à l'heure et c'est pour cela que je n'irais pas jusqu'à Ottawa. Je laisserais le mot final au Parlement, mais par ailleurs, j'imiterais le système d'Ottawa à peu près en entier. Je préciserais les critères et, comme vous l'avez dit tout à l'heure, je garderais la décision finale au Parlement.

Ce n'est pas l'opinion de M. Boily, mais en vous écoutant et en lisant les Débats, j'ai cru voir que c'était à peu près l'opinion des quatre partis à l'heure actuelle. Mais je pense que vous devriez éviter une intervention trop quotidienne de la commission; sans ça, vous ne finirez pas avant 1975.

MR. BROWN: Mr. Bonenfant, during your exposé which was excellent and is typical of your usual average...

MR. BONENFANT: Thank you.

MR. BROWN: ... you have mentioned members of Parliament and neutral men who are professors, judges, etc. There has been a difference between the members of Parliament and these people living up on the mountain of theory. They would be neutral on top of the mountain...

MR. BONENFANT: Yes.

MR. BROWN: ... but how do you feel about the situation of the rights and duties of a member of Parliament within the context? Today, I happen to be a member of the party in power. Therefore, I have a few exceptional powers that I can wield by being a good friend of those people who wield the power. Tomorrow, I may be in the Opposition. For instance... This is quite possible...

MR. LEGER: It is to go the way of all flesh.

MR. BROWN: ... and I can look around me and say that there are many outstanding characters who are not sitting in the House any more, that I have been in the Opposition and the party in power for fifteen years. And I hope that you will have the same success in the future. But dealing with these powers, for instance, we have the ex-minister of Cultural Affairs, Mr. Tremblay, who is sitting here. One day, he has illimited powers. The next day, he has not. Do you not feel for the good of democracy dealing with the redistribution that it would be better for this committee to lay down the guaranteed powers of a member regardless of whether he is in the party in power or in the Opposition to be able to wield these powers that we are speakink of?

Now, to go on a little farther, so I will finish up, you mentioned that the Manitoba Commission, which is a permanent commission, was an excellent picture of what should be done. You mentioned there was the judge in chief who was on this commission.

MR. BONENFANT: Yes.

MR. BROWN: Now, which party appointed the judge in chief?

MR. BONENFANT: He has been appointed by Ottawa, not by the Province.

MR. BROWN: Yes, but which party was in power when he was appointed?

MR. BONENFANT: I do not know. I do not care.

MR. BROWN: I have a locker room at the Chateau Frontenac...

MR. BONENFANT: Yes.

MR. BROWN: ... having a shower and a steam bath with a judge and his brother, and the judge was a very high person in the Province of Quebec and had just conducted an investigation relative to one thing or another in Ottawa. He said to his brother who was an outstanding politician: " Ah! ah! I have fixed these Liberals today". What makes you think.

Mr. Bonenfant, that anybody can be neutral? We heard about neutralism...

MR. BONENFANT: Including the members?

MR. BROWN: Absolutely, absolutely, but at the same time, let us not say that there is a group of members of Parliament here who cannot be neutral but judges who they appoint can be neutral. I go along with this thing. Now, would it not be better if the federal system of counties, is so good, that we adopt the federal system of counties as we have in the Province of Quebec and do away with all this detail of sitting here and being on a committee to waste the money of the Province of Quebec and the time? Let us take over those federal counties and make them exactly it. Are you boys for that? Thank you, Mr. President.

M. BONENFANT: Si vous le permettez, M. Brown, qui aime beaucoup l'histoire, vient de rappeler un souvenir historique, n'oubliez pas qu'en 1867, le Québec et le Canada ont commencé avec 65 circonscriptions qui étaient identiques. Je pense que, dans un fédéralisme intelligent et coopératif, j'en aurais des propositions. Nous pourrions avoir les mêmes circonscriptions, des listes électorales communes. Si le fédéralisme fonctionnait d'une façon vraiment féconde, ce serait le système.

Je reprends tout de même ce qu'a dit M. Brown, et il a raison et Dieu sait combien. J'ai assez appuyé toute ma vie sur la suprématie parlementaire, j'y tiens. Je suis contre le système américain. Il appartient au Parlement de guider les exécutifs et de guider tout le monde.

C'est pour ça que les droits des députés, dans une redistribution, doivent être sauvegardés. Mais attention, même par une commission indépendante, le député est loin d'être mis de côté. Je sais par les membres des commissions qui ont enquêté dans le Québec, que le principal témoin dans chacune des circonscriptions était le député. C'est lui qu'ils ont consulté avant tout.

Deuxièmement, il y a toujours cette possibilité de critiquer et de proposer l'amendement du rapport dès que ça vient devant la Chambre. C'est pour ça que, troisièmement, — je ne vais pas aussi loin qu'à Ottawa — je voudrais que si vous adoptez un tel système, vous gardiez la maîtrise. J'aimerais beaucoup le système anglais. En Angleterre, le rapport est présenté, mais il y a deux sortes d'intervention possible.

Le gouvernement peut dire: Cette circonscription dans le pays de Galles ne nous convient pas. Le gouvernement est obligé de dire pourquoi, c'est une exception, ça frappe la population. Deuxièmement, il reste qu'en Angleterre le dernier vote qui est donné est donné par le Parlement. Pour ce qui est des nominations, je ne tiens pas aux juges. Je partage l'opinion du juge en chef de la cour d'Appel, M. Lucien Tremblay, à savoir qu'on ne devrait laisser aux

juges que leur fonction judiciaire, c'est-à-dire le droit.

On les emploie à trop de sauces, dans toutes sortes de commissions. Par exemple — je parle d'une façon tout à fait dégagée — disons que vous prenez, j'oublie même son nom, le doyen de la faculté de science politique à l'université de Montréal; ce qui est important, c'est que les gens soient désignés par leurs fonctions. On court beaucoup moins de risques en prévoyant qu'un organisme existe à cause de la fonction, qu'à cause des personnes physiques.

Choisir Jos T. c'est un être humain dont je connais le passé politique et le reste. Mais si je dis, pour prendre un exemple proche de M. Brown, ce serait le principal de Bishop qui va être un des membres. Au moment où je fais la loi, je ne sais même pas qui est le principal de Bishop. Le principal de Bishop pourra changer. H faut toujours s'entrer dans la tête, à moins d'être marxiste ou catholique, que la perfection n'existe pas.

Les institutions politiques sont toujours à la recherche du mieux à mon sens.

M. JORON: M. le Président, je voudrais tout de suite assurer la commission que je partage entièrement les inquiétudes qu'ont exprimées M. Pinard et M. Brown entre autres sur la question des comtés ruraux. Si on semble faire un grave problème...

M. BROWN: M. le Président, je n'ai pas tellement parlé des comtés ruraux, je parle des droits de chaque citoyen de la province de Québec, qu'il soit à la ville ou à la campagne.

M. JORON: Je voudrais faire porter davantage mon intervention sur le problème de l'opposition faite à l'heure actuelle entre le problème rural et le problème urbain. Il semble que la raison pour laquelle on s'inquiète au sujet des comtés ruraux, c'est le fait qu'ils ont sans doute des besoins différents de ceux des secteurs urbains, et aussi, la constatation du fait qu'ils sont plus démunis, et qu'ils ont moins participé au partage des richesses que mentionnait M. Pinard tout à l'heure.

A cause de cela, ils sont plus, dans un certain sens, obligés de compter sur le gouvernement et sont plus à sa merci. Je pose la question que M. Bonenfant a soulignée incidemment, tout à l'heure, à savoir si le député est le meilleur moyen, ou le moyen le plus efficace pour arriver à cette fin de meilleur partage des richesses ou de meilleure protection des plus démunis dans notre société.

Je pense que la fonction principale du député est une fonction législative. Là encore, nous pourrions faire une distinction: dans quelle mesure le député participe-t-il véritablement à l'élaboration de la législation? Dans tous les systèmes de type britannique à travers le monde, cette fonction n'a-t-elle pas été accaparée par le Cabinet?

Ce que nous recherchons, c'est un système qui permette une meilleure redistribution de la richesse. Est-ce à travers le député ou le fait que les régions plus démunies et plus rurales auraient un plus grand nombre de députés que nous y parviendrons? J'en doute. Je me demande si une meilleure décentralisation administrative — peut-être l'instauration de préfets régionaux, d'administrateurs gouvernementaux dans les régions, une meilleure planification; enfin, d'autres instruments qui ont été mentionnés à l'intérieur du ministère de l'Industrie et du Commerce — ne serait pas plus appropriée à cette fin. Il faut aussi mentionner que, indépendamment du député ou du nombre de députés qui les représentent, le gouvernement s'occupe déjà, dans un sens, beaucoup plus de ces régions ou des gens plus démunis — parce qu'évidemment le bien-être social est davantage destiné à ces gens — je pose la question que M. Pinard soulevait tout à l'heure: Est-ce que le dynamisme économique d'une région vient du fait qu'il y a plus de députés en Chambre ou pas? Personnellement, j'en doute.

Je pense que c'est en ce sens qu'il faudrait s'interroger. Comment arrive-t-on à cet idéal de meilleure distribution de la richesse, de meilleure protection des plus démunis sur le plan régional? Est-ce que c'est en les "surreprésentant" à l'Assemblée nationale ou en améliorant le mécanisme administratif? Je ne voudrais pas terminer sans signaler le danger qui existe celui de la "surreprésentation" des comtés proprement ruraux. On risque de créer de petits royaumes, finalement — ceci ne met nullement en cause la qualité des hommes en question — mais par sa nature même, cela favorise certainement un type de relations entre l'électeur et le député, ce qui pourrait se qualifier sous le titre de patronage. Ce n'est pas nécessairement dans l'intérêt même des gens concernés que l'on conserve cette formule.

La question qui sous-tend toutes nos discussions, et qui, en fait, amène ce problème, c'est le type de relations entre le député et les électeurs. On a souligné que le type de relations est différent dans un comté rural de ce qu'il est dans un milieu urbain. Il faudrait probablement s'interroger pour savoir si ce type de relations est sain en soi; je ne crois pas qu'il le soit. Sous prétexte parfois de favoriser une meilleure démocratie — nous disons: Plus il y a de représentations, plus les gens sont représentés — plus nous aboutissons facilement à l'effet contraire en créant, dans des petits comtés ruraux, des sortes de seigneurs féodaux. Il y aurait peut-être lieu de s'interroger, en même temps, sur la fonction même de député. En terminant, je voudrais faire une invitation à la commission. Je me suis aperçu, au cours des différentes séances que nous avons tenues, que cette question des comtés ruraux revient à chaque fois et que dans un sens, elle empêche la discussion de s'étendre à d'autres sujets. Nous

devrions, sans doute, nous astreindre à la régler une fois pour toutes, en statuant sur l'écart permissible —l'écart que nous permettrons — entre les comtés urbains et ruraux.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, permettez-moi une réflexion sur ce que vient de dire M. Joron. Lorsqu'il parle de la question du rôle du député — nous pourrons y revenir — je ne crois pas que nous bloquons la discussion en examinant le problème de la représentation rurale. C'est peut-être un point d'accrochage, mais si nous voulons justement débarrasser le débat de ce que nous considérons comme un empêchement à la marche normale de nos travaux, il faut examiner ce problème à fond. Je vous le dis avec le plus grand détachement puisque je ne représente pas une circonscription rurale.

Par ailleurs, je vis dans une région qui est dite rurale et je suis constamment harcelé par les citoyens qui viennent nous dire: Ecoutez, il faut maintenir la représentation rurale. Je pense que nous devrions nous pencher sur ce problème, afin de le liquider, si je puis dire, pour procéder ensuite à l'examen des problèmes généraux que nous avons déjà esquissés.

En examinant cette question de la représentation rurale, M. Joron, il ne faut pas du tout mettre de côté l'examen du problème du rôle du député. Je suis bien d'accord avec vous qu'on peut en arriver à constituer certains petits royaumes dans des secteurs ruraux, à créer des seigneurs féodaux. Mais il y a dans le peuple une mentalité qu'il sera difficile de faire disparaître, sinon progressivement, c'est que le député reste, aux yeux de la population, et même dans les régions périphériques des villes, le lien nécessaire, c'est sacré, entre le gouvernement, entre l'administration et le peuple. Et souvent les gens, alors même qu'il y a décentralisation administrative, qu'il y a des bureaux régionaux d'éducation, de voirie, de ci ou de cela, les gens viennent d'abord chez le député avant d'aller voir les représentants du gouvernement. Il y a là une problème psychologique, si vous voulez, qui est historique et nous devons le garder à l'esprit en examinant les divers problèmes, le problème général de la refonte de la carte électorale.

Le député de ville, et j'en ai eu l'expérience à Ottawa, n'a pas les mêmes responsabilités que le député de campagne. Les gens de la ville vont assez peu souvent déranger le député. Ils peuvent y aller par groupes, comme ces corps représentatifs qui vont aller voir le député, mais dans les sections rurales et même dans un comté urbain comme le mien, ce sont des individus qui viennent me voir la plupart du temps. Il y a des organismes, d'accord, mais la majorité des gens que je reçois sont des individus qui vivent toujours de cette mentalité que je suis nécessairement le lien entre le gouvernement et eux.

Ce n'est pas, à mon avis, empêcher ou retarder les travaux de la commission, que de vider la question.

M. BONENFANT: Si vous permettez, dans ce domaine-là, vous allez avoir la chance d'entendre le Canadien français qui, d'après moi, est le meilleur expert : c'est Vincent Lemieux qui a le mieux étudié le rapport du député avec les électeurs. Sa thèse sur l'île d'Orléans va paraître d'ici quelque temps et dans un livre qu'il a publié et que vous avez peut-être lu, il a montré — ce qui vous donne raison à plusieurs d'entre vous — que le critère principal du résultat des élections, c'est la distribution de services.

Par exemple, il a prouvé que, lors de l'élection sur l'étatisation de l'électricité, les gens ne se sont pas prononcés surtout sur l'étatisation, ils se sont prononcés sur la distribution de services. Et je pense que c'est certainement le Canadien français le plus compétent dans ce domaine. Je vous avoue que, dans ce domaine-là, je suis assez ignorant. Je crois qu'il doit venir devant la commission. Je vous suggérerais de l'interroger fortement sur ce problème.

Je tiens à mon rapport de 5/7, comme au Manitoba.

M. LE PRESIDENT: Voici maintenant les noms des députés qui ont demandé la parole, dans l'ordre: M. Picard, M. Charron, M. Lacroix, M. Léger.

M. Picard.

M. PICARD: Merci, M. le Président. Je serai très bref, mais il reste tout de même, au fur et à mesure que le débat se déroule, que j'ajoute, des questions. J'avais, au préalable, deux questions à poser à M. Bonenfant. Maintenant, après les remarques du député de Gouin de même que du député de Chicoutimi, je me vois forcé d'attirer l'attention des membres de la commission sur un point. Lorsqu'on parle de circonscription rurale, il ne faudrait pas oublier une chose. Il y a des circonscriptions rurales où la population se divise en deux catégories bien distinctes. Vous avez le rural agricole et le rural non agricole. A ce moment-là, dans une circonscription rurale où vous avez, par exemple, une partie de la population qui travaille dans une usine, qui a sa voiture à la porte et qui s'en va travailler dans une mine, à Rouyn-Noranda, ou qui a sa voiture à la porte et qui s'en va travailler dans l'usine de l'Acton Rubber, dans le comté de Bagot, je ne vois aucune différence entre ce citoyen, qui est pourtant dans une circonscription rurale, et le citoyen de mon comté qui a sa voiture à la porte et qui va travailler à Canadair.

Pour faire la distinction dans les circonscriptions rurales de cette population rurale agricole et rurale non agricole, pour ceux que cela intéresse, vous pouvez toujours avoir les chiffres fournis par le Bureau de la statistique, ils établissent dans les circonscriptions la population rurale agricole et la population rurale non agricole.

J'aimerais, au début de mes remarques, féliciter M. Bonenfant de son exposé. Ce qui

m'a le plus frappé, c'est que, contrairement à ce que l'on s'attend d'entendre de la part d'experts, il ne s'en est pas tenu aux principes et aux théories. Il a essayé de les appliquer. N'en déplaise à votre modestie, M. Bonenfant, on vous classifie comme tel. Il s'en est tenu à l'application de ses théories et de ses principes dans le concret, dans le pratique. S'il y a un souhait que je voudrais formuler, c'est que les autres experts que nous entendrons essayent d'appliquer dans le contexte québécois les recommandations qu'ils voudront nous apporter.

Par contre, il y a deux points sur lesquels je ne suis pas tout à fait d'accord. M. Bonenfant nous parlait, au début de ses remarques — il les a confirmées tantôt, en réponse aux questions du député de Brome — il semblait favorable à ces commissions permanentes dont les membres seraient nommés en raison de leur fonction. Je ne peux pas accepter cela, M. Bonenfant. Je vais vous dire pourquoi. A ce moment-là, si on prend l'exemple que vous avez donné vous-même, le président de l'université Bishop n'est probablement pas intéressé du tout aux questions de la division de la carte électorale. Deuxièmement, il n'est probablement pas expert. Que va faire ce commissaire? Il va faire appel aux experts. Je me demande pourquoi la commission parlementaire ne pourrait tout simplement passer directement et faire appel aux experts et les nommer commissaires de cette commission.

M. BONENFANT: Je suis de votre avis. Le seul point est ceci: j'ai cru —et je pense que ceux qui ont décidé cela ont dû le croire — que l'on courait moins de risque de personnaliser —c'est presque une vérité de La Palice — en désignant la fonction plutôt que la personne. J'ai oublié de le dire, il reste qu'il y a une soupape. Au Manitoba, ce n'est jamais le juge en chef lui-même qui fait cela, il en désigne un.

Je pense que c'est de nature à dépolitiser un peu. Je n'y tiens pas. Encore une fois, le cas fédéral me convient très bien. Dans le cas fédéral, ils sont nommés personnellement. Ils ont fait une excellente chose au niveau fédéral —ce n'est pas parce que c'est un de mes amis — ils sont venus prendre, ici, dans le Québec, le directeur des élections provinciales, qui, normalement connaissait ça et Dieu sait qu'au niveau fédéral il n'avait aucun intérêt. Ils ont pris le principal de Bishop, parce qu'il n'était pas désigné par sa fonction.

Je suis de votre avis. Je n'y tiens pas. Je me dis que, lorsque l'on désigne quelqu'un par sa fonction plutôt que par sa personne physique, on court peut-être moins de risque d'être préjugé. Je n'y tiens pas. C'est peut-être mieux de nommer M. X en toute honnêteté sachant que c'est M. X.

M. PICARD: Tous les partis présents à cette commission ont été d'accord pour dire que le travail de bureau devrait être fait par des gens qui connaissent la chose.

M. BONENFANT: Vous avez peut-être raison. Vous me faites changer d'idée.

M. PICARD: Ce n'est donc pas le président de Bishop ou le juge en chef qui va s'attabler et commencer à déchiffrer les statistiques.

M. BONENFANT: Si vous nommez un juge, c'est peut-être bon qu'il soit désigné par le juge en chef plutôt que par le gouvernement.

M. PICARD: Sur le deuxième point, quant à l'affirmation qu'a faite tantôt M. Bonenfant, je ne suis pas tout à fait d'accord: il a dit que le moment était très mal choisi pour le découpage de la carte électorale, parce que nous devrions travailler avec les chiffres de 1966. J'aimerais attirer son attention sur le fait que le recensement fédéral décennal aura lieu dans moins de trois mois.

M. BONENFANT: Oui, le 1er juin prochain.

M. PICARD: Pour les travaux de cette commission, il n'est pas nécessaire d'attendre les statistiques globales compilées par le gouvernement fédéral, qui comprennent entre autres, le nombre de réfrigérateurs...

M. BONENFANT Quand allez-vous avoir les premiers résultats? Je ne le sais pas.

M. PICARD: Dans cinq ou six mois. M. BONENFANT: Très bien.

M. PICARD: Ce qui veut dire que les chiffres de ce recensement strictement démographique seront disponibles en octobre ou novembre de cette année.

M. BONENFANT: Cela répond à ma question, mais...

M. PICARD: Vous aviez dit 1972...

M. BONENFANT: ... quelqu'un m'a dit à Ottawa, que ce ne serait pas avant janvier. C'est pour cette raison que j'étais un peu pessimiste.

M. PICARD: Le rapport préliminaire qui touche exclusivement la population...

M. BONENFANT: ... même les détails élémentaires. Tant mieux pour vous!

M. PICARD: ... sera disponible en octobre ou novembre.

M. BONENFANT: Donc, vous croyez que la redistribution peut se faire avec les chiffres de 1971.

M. PICARD: De 1971.

M. BONENFANT: Je retire ce que j'ai dit, mais on m'avait dit que c'était impossible. Donc, tant mieux, si vous me dites ça.

M. LE PRESIDENT: M. Charron.

M. CHARRON: M. le Président, je sais qu'il y a une autre partie de l'exposé de M. Bonen-fant qui doit venir, celle-là traitant des systèmes électoraux et qui doit être pour le moins aussi intéressante et importante que la première partie, mais avant d'abandonner cette première partie, il y a quand même une question que j'aimerais poser à M. Bonenfant. Moi aussi, je favorise le principe d'une commission indépendante, avec un contrôle final par le Parlement, mais il reste qu'avec l'exemple que vous avez apporté et souligé, à Ottawa, on avait, avant de remettre la chose à la commission, signifié la volonté du Parlement, que cette commission s'en tienne à certains critères. Les critères à Ottawa ont été assez larges.

M. BONENFANT: Pas assez nombreux, à mon sens.

M. CHARRON: C'est ce que j'allais vous demander.

M. BONENFANT: Oui et j'ai dit tout à l'heure que j'allais en ajouter.

M. CHARRON: Justement, là-dessus, j'allais vous demander si les critères à Ottawa, même s'ils étaient très larges, n'avaient pas tous été retenus par la commission Langlois dans sonapplication. Mais, est-ce que, pour le cas précis du Québec, vous souhaitez des critères plus précis et j'en signale un sur lequel j'aimerais entendre votre opinion: celui du critère ethnique, par rapport aux critères socio-économiques. Croyez-vous que le Parlement devrait recommander à la commission de respecter, dans la plus grande mesure possible, l'homogénéité ethnique d'une circonscription, ou plutôt l'homogénéité socio-économique, parfois même, au détriment de l'homogénéité culturelle ou ethnique, à la base? Je cite un exemple bien simple. Est-ce que le centre de Montréal doit être revalorisé dans son secteur français, en y incluant volontairement les minorités néo-québécoises ou si nous devons essayer de faire de ces Néo-Québécois, un groupe ethnique ayant son propre représentant?

M. BONENFANT: Je suis entièrement de votre avis, je l'ai signalé tout à l'heure et je pense avoir parlé du cas ethnique de Montréal. Je ne peux vous donner une réponse scientifique, c'est un domaine que je ne connais pas très bien, mais tout de même, voici mes idées à ce sujet.

Premièrement, je crois que c'est vraiment un domaine où la maîtrise doit appartenir aux parlementaires et non pas à la commission. Je pense que la commission ne doit pas être laissée libre de régler ce problème, parce que c'est vraiment un problème politique; selon que la redistribution sera effectuée dans la région de Montréal, vous en changer le résultat.

Deuxièmement, quel est le critère adopté et encore une fois, je réfléchis à haute voix. Ce serait techniquement possible d'adopter un critère qui ne soit pas trop rigoureux dans un sens ou dans l'autre et je m'explique. Ce qu'il faut, c'est que les groupes ethniques de Montréal soient représentés en proportion de leur force véritable. La redistribution que vous allez faire à Montréal, devrait être faite — c'est sans doute difficile, c'est un problème technique, presque de mathématiques qui me dépasse — en taillant les circonscriptions de Montréal en respectant leur arrière-plan historique, jusqu'à un certain point, leur arrière-plan sociologique; mais d'un autre côté, il ne faut pas les tailler de façon que le résultat final soit faussé dans la province. Il faudrait essayer de faire cette synthèse. Je pense que ceci relève des sociologues et des mathématiciens.

M. CHARRON: Je vais préciser ma question, sans espoir que vous ayez à trancher non plus...

M. BONENFANT: Je n'aurai pas de réponse.

M. CHARRON: Si vous avez le choix entre maintenir l'homogénéité socio-économique d'une circonscription, et son homogénéité ethnique, parce que le cas précis va se présenter, lequel des deux critères, selon vous, vous apparaît le plus important dans le contexte québécois?

M. BONENFANT: Je vais peut-être vous donner la réponse qui ne vous satisfait pas. Pour moi, les facteurs sociaux sont plus importants que les facteurs ethniques dans ma chaîne de pensée.

M. CHARRON: Vous avez probablement tort de dire que cela ne me satisfait pas.

M. BONENFANT: Tant mieux! D'ailleurs, d'après moi, le facteur ethnique n'est qu'un facteur social, mais il est plus important et je l'admets. Mais il reste qu'il n'y aura pas de solution magique. Il va falloir, dans la ville de Montréal ou dans l'agglomération montréalaise — excusez, ce ne sera pas un langage très académique et je m'en excuse — jouer avec des "p't'être ben", si vous me permettez l'expression. Il va falloir essayer de faire un équilibre entre tous ces facteurs. Je pense que la carte de Montréal ne donnera satisfaction à personne, quelle que ce soit cette carte. Mais je reviens à l'idée que la représentation totale devrait tout de même correspondre à la représentation parlementaire et faire en sorte que le fait que

certaines circonscriptions à Montréal sont de telle espèce ne fausse pas le résultat total. Ce n'est peut-être pas une réponse qui vous donne satisfaction mais je ne suis pas capable de vous en donner une meilleure.

M. CHARRON: Est-ce que je pourrais revenir à la deuxième partie de votre témoignage devant cette commission? Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer l'application d'un système de scrutin différent pour la ville de Montréal par rapport au reste du Québec? On a déjà parlé de l'application de la proportionnelle. A cause du problème du "p't'être ben" que vous venez de signaler dans Montréal, eh bien! Montréal ne veut plus marcher avec un "p't'être ben". Il faudrait peut-être faire un cas bien précis de cela et appliquer un autre système pour le reste de la province et cela nous amène à parler des systèmes de scrutin, je pense bien.

M. BONENFANT: Si vous me le permettez, je vous dépasse et voici ma proposition. Non seulement pour Montréal, mais je pense que, dans toutes les agglomérations urbaines un peu considérables, on pourrait tenter la proportionnelle et remarquez bien que ce n'est pas une innovation. N'oubliez pas que la ville de Winnipeg, pendant des années, a travaillé avec la proportionnelle et je vous apporte le témoignage de Paul Fox dans son volume sur les institutions politiques qui prétend que cela a admirablement fonctionné. Mais, à un moment donné, le parti qui veut être sûr de sa majorité n'aime pas la proportionnelle. Il a peur que cela fasse naître des petits partis qui mettent en danger sa suprématie. Mais je serais de cet avis, quoique on va peut-être obtenir le même résultat avec une application du système allemand. Mais je me demande si vous ne devriez pas étudier sérieusement l'application de la proportionnelle dans une agglomération comme Montréal. Je suis de votre avis. Encore une fois,il y a des exemples dans l'histoire. Au Canada, on a pratiqué — on l'oublie souvent — la proportionnelle dans les villes et le cas le plus classique qui est disparu aujourd'hui est le cas de Winnipeg.

M. PICARD: Oui, Winnipeg.

M. BONENFANT; Mais à Halifax, c'étaient deux députés et ils ont disparu.

M. PICARD: Est-ce qu'il existe encore à Winnipeg ou si...

M. BONENFANT: Non. Il est disparu.

M. PICARD: Pourquoi l'ont-ils fait disparaître?

M. BONENFANT: C'est ce que je viens de dire. Le parti qui veut être solide au pouvoir n'aime pas beaucoup que la proportionnelle lui amène les petits Dartis à côté de lui.

M. PICARD : Et la population n'y comprenait plus rien.

M. BONENFANT : II y a ça. Cela revient à ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'un bon système doit être à la portée de tous. Cela aussi est un facteur qu'il ne faut pas oublier.

M. PICARD: Quand l'électeur ne s'y comprend plus dans le système, il ne va pas voter.

M. BONENFANT: J'ai l'impression que le plus loin où l'on peut aller dans le Québec, c'est de les faire voter deux fois. Ce n'est pas un mépris d'électorat. C'est normal qu'on soit comme ça et je pense que le système allemand transposé — j'insiste — est peut-être le meilleur essai à faire.

M. LE PRESIDENT: M. Lacroix.

M. LACROIX: M. Bonenfant, au cours de votre intervention tantôt, qui était fort valable, vous parliez de l'Angleterrre. Naturellement, on avait l'égalité des circonscriptions, mais il faut bien admettre qu'il y a une différence d'étendue de territoire à comparer avec la province de Québec. On essaie de trouver la solution à la quadrature du cercle. Il y en a qui proposent de séparer le Québec du reste du Canada. Je pense que la seule façon de résoudre le problème serait de faire la province de Montréal et la province de Québec. Naturellement, quand il s'agit de définir les députés ruraux et les députés urbains, je crois qu'on devrait définir ce qu'est un député. Seulement, est-ce que le député est plus important, plus intelligent et plus valable s'il a 50,000 électeurs ou s'il en a 10,000? Cela est une question fort importante. Et il reste qu'il y a des problèmes particuliers à résoudre. Il y a des problèmes d'étendue de territoire. Il y a des problèmes d'isolement, d'éloignement. Tous ces facteurs-là doivent entrer en ligne de compte et tout à l'heure, le député de Chicoutimi notait fort à propos que, par exemple, les électeurs, au lieu de s'adresser aux administrateurs régionaux s'adressent à leur député en premier lieu et cela s'explique très facilement. C'est parce que les technocrates, dans la très grande majorité des cas, ne comprennent absolument rien aux problèmes socio-économiques d'une région.

M. Bonenfant, prenez par exemple General Motors, est-ce que, si le budget est de $20 milliards et qu'il y a 20 administrateurs, on se répartit la responsabilité, l'administration du budget, à parts égales, à $1 milliard chacun?

Il reste que chacun assume ses responsabilités et représente un secteur de l'administration. Dans le cas de l'administration de la représentativité, je pense que c'est la même chose. Les députés doivent représenter leur région, leur secteur, la situation économique. En fait, un député doit être un leader dans son milieu.

Actuellement, prenez par exemple le comté de Bellechasse au fédéral, ça comprend les

comtés de Dorchester, de Bellechasse, de Montmagny. Trois comtés qui n'ont absolument aucune interdépendance, qui n'ont pas les mêmes problèmes. Vous avez les Iles-de-la-Madeleine que l'on a placées avec le comté de Bonaventure où nous n'avons rien à voir. Le député de Bonaventure a déjà assez de ses affaires.

Si vous faites le tour des comtés ruraux, heureusement les députés fédéraux n'ont pas les mêmes responsabilités qu'un député provincial. Mais je pense que cette façon de voir actuellement — essayer de toujours opposer les députés ruraux aux députés urbains ou vice versa — va aboutir à des complications très grandes, et je ne vois pas le problème résolu de sitôt.

Les députés urbains devraient penser que la population que les députés ruraux représentent, ce sont les parents de leurs électeurs. Les députés urbains devraient penser que les gens qu'ils représentent, ce sont les fils ou les enfants des électeurs des députés ruraux. Le rôle du député devrait plutôt être considéré comme celui d'un administrateur. Je ne vois pas de quelle façon on pourrait avoir justice avec 20 p. c. de plus ou de moins.

Prenez par exemple, dans 40 milles ou dans 1,500 milles carrés à Montréal et dans les environs, vous auriez plus de la moitié des députés. Je me demande ce que les autres députés pourraient faire pour représenter adéquatement la population, leur région, et faire les représentations et les efforts auprès des différents ministères pour pouvoir obtenir leur juste part des richesses naturelles pour leur région.

M. PICARD: La solution serait très simple, M. le Président, je me permettrais une remarque. Il vaut mieux avoir deux catégories de députés, les urbains et les ruraux que d'avoir les urbains, les ruraux et les insulaires!

M. LACROIX: Cela serait une bonne chose. Au moins il y en aurait un assuré d'être bon.

M. LE PRESIDENT: II y en aurait deux autres sur l'île Jésus.

M. LACROIX: C'est vrai.

M. LE PRESIDENT: II y a l'île de Montréal.

UNE VOIX: Il y a l'Ile d'Orléans aussi.

M. LAURIN: Voulez-vous parler de votre successeur?

M. LACROIX: Ce ne sera certainement pas un membre de votre parti.

M. CHARRON: Ne sous-estimez pas l'intelligence des Madelinots à ce point de vue-là.

M. LACROIX: C'est justement parce que je ne la sous-estime pas, ils vous jugent à votre juste valeur.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEGER: M. le Président, je voudrais féliciter M. Bonenfant de sa présentation que j'appuie en grande partie. Mais il y a trois points où je me pose une question. Vous avez parlé tantôt de la proportionnelle, la partie de 30 députés, qui pourrait être la partie proportionnelle sur laquelle on pourrait faire un correctif concernant la représentation des ruraux.

Face au fait que le député représentant l'élément rural a une relation beaucoup plus directe, beaucoup plus proche des personnes individuelles qu'un député représentant une circonscription urbaine, où les gens sont beaucoup plus impersonnels, se connaissent moins, ont surtout des relations de groupes, je me demande si cette correction serait réellement efficace, et représentative où les gens, les ruraux, pourraient réellement se sentir représentés par quelqu'un qui est nommé par la proportionnelle. C'est la première remarque que je me fais...

M. BONENFANT: Je suis de votre avis, c'est un moyen terme, c'est une sorte de cataplasme que j'ai essayé d'offrir. Je suis de votre avis.

M. LEGER: Deuxièmement, nous sommes plutôt tous d'accord ici sur le fait que c'est la commission parlementaire du Parlement qui devrait être l'instance finale. Pour une troisième raison, en plus des deux mentionnées par le député d'Olier, c'est que, si il y a une décision finale qui se prend par le Parlement, le gouvernement est quand même en majorité, et est quand même responsable de déterminer pourquoi il a fait pencher la décision de ce côté plutôt que de l'autre. Dans une commission indépendante, on sait qu'il pourrait y avoir des jeux de coulisses très importants, que la population serait moins sensibilisée à le savoir, et que le gouvernement, quel qu'il soit, pourrait se laver les mains et dire: Cela devient une déclaration indépendante. Cela ne dépend pas de nous.

Vous avez aussi parlé d'une nomination en raison de la fonction d'une personne plutôt que de la personne elle-même. Je pense aussi au fait d'une nomination future. Autrement dit, il se pourrait que, si on sait que dorénavant le doyen d'une faculté aura en plus une fonction électorale, ce dernier reçoive une nomination dans ce sens. De toute façon, je voulais vous poser une dernière question: Est-ce que vous avez des chiffres indiquant la proportion exacte ou approximative de la population rurale agricole comparativement à la population urbaine? Je pense qu'elle se situe à 8 p. c. ou 9 p. c. de la population de la province. Pourquoi êtes-vous arrivé à une proportion de 5/7? Il me semble qu'il y a passablement de différence.

M. BONENFANT: Pour ma part, je n'ai pas les chiffres. Je pense que le président général

des élections, qui est pris dans la neige ce matin, a ces chiffres. Je reviens cependant à ce qu'a dit tout à l'heure, M. Picard, je crois. Il faut faire attention à ce qu'est un rural. Nous avons tous des exemples personnels. J'habite la plus grande partie de l'année à l'île d'Orléans — moi aussi, j'aimerais bien avoir un député pour mon île — et il reste que je ne vois pas beaucoup la différence entre mon voisin de l'île d'Orléans dans le village et mon voisin de Sillery. J'ai l'impression qu'il n'y a pas énormément de vrais ruraux à l'heure actuelle. C'est donc un faux problème que nous sommes en train de poser.

M. PICARD: Même les cultivateurs, on les appelle maintenant les "cultive-ailleurs" parce que bien souvent, ils font du camionnage et ils ne font plus de culture.

M. BONENFANT: Je n'ai pas les chiffres, mais je crois que M. Drouin les a. Le problème est aigu, on le voit très bien, mais il n'est peut-être pas aussi considérable qu'il est aigu. Il frappe peut-être plus que son importance. Encore une fois, je dis peut-être des choses qui ne conviennent pas.

M. CHARRON: A partir de votre dernière remarque justement, et de ce que vous suggériez tout à l'heure: la proportion 5/7, est-ce que cette proportion qui s'applique au Manitoba, qui est beaucoup plus rural que le Québec, à toutes fins utiles — Winnipeg, ce n'est pas la fin du monde...

M. BONENFANT: Je pense que là, il faut bien faire attention de ne pas faire d'improvisations comme peut-être je suis un peu porté à faire. Des démographes pourraient vous établir la proportion exacte. La proportion 5/7 est peut-être un peu forte. Oui, je la trouve forte. Encore une fois, je pars avec l'idée qu'il n'y a pas tant que ça de ruraux. Par exemple, le bon petit patelin de l'île d'Orléans, je le connais et les ruraux ne sont pas des ruraux à cet endroit. Je regrette, ce ne sont plus des ruraux. A Saint-Fulgence, par exemple, il y a peut-être des ruraux.

M. LEGER: Seulement une courte question pour terminer. Dans tout ça, un des critères qui m'a bien frappé c'est le caractère de la correction continuelle de ce système qui permettrait de corriger au fur et à mesure les erreurs qu'on aurait pu faire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bonen-fant, vous nous parliez tout à l'heure de vos voisins de l'île d'Orléans. J'imagine qu'il y a là des cultivateurs et surtout des estivants. Si vous aviez eu, comme moi, à régler le problème qui nous a permis d'aboutir à cette décision déclarant l'île d'Orléans arrondissement historique et si vous aviez eu à traiter avec toutes les municipalités et la population de l'île d'Orléans, vous vous seriez rendu compte qu'il y a une différence entre un estivant de l'île d'Orléans et un bon habitant de l'île.

M. BONENFANT: Ecoutez. J'y ai passé toute ma vie, mon père a été médecin là pendant quarante ans, je connais pas mal bien la mentalité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez une mentalité rurale, M. Bonenfant!

M. FRASER: Combien de fois, depuis les derniers vingt ans, avez-vous eu à traiter avec votre député?

M. BONENFANT: Mon député à l'île d'Orléans, je le connais parce qu'il a été un de mes anciens élèves, c'est M. Louis Vézina.

M. FRASER: Combien de fois lui avez-vous demandé de faire quelque chose pour vous?

M. BONENFANT: II reste - et cela a été étudié — que l'île d'Orléans, par exemple, est complètement dépolitisée. Vous en parlerez à votre collègue Vézina mais il reste que les gens de l'île d'Orléans ont beaucoup moins recours au député aujourd'hui.

C'est ça qui se passe dans toute la province. La province s'urbanise partout et on l'oublie.

M. LACROIX: M. Bonenfant, je pense que dernièrement vous n'avez pas rencontré M. Vézina pour en discuter avec lui.

M. BONENFANT: Non, du tout.

M. LACROIX: Je vous conseillerais pour...

M. BONENFANT: Oui, ce doit être pour la côte de Beaupré plutôt que pour l'île.

M. LACROIX: Cela me surprendrait qu'il confirme vos propos.

M. LE PRESIDENT: Voici dans l'ordre les trois prochains députés qui auront la parole. M. Cloutier. Je ne sais pas si M. Fraser avait...

M. FRASER: Je n'ai qu'un commentaire.

M. LE PRESIDENT: Un instant, après... Et M. Lessard.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Bonenfant, il y a trois choses dont je voudrais traiter. Vous avez parlé des travaux qui ont été faits au niveau fédéral pour la carte électorale. Vous avez dit tantôt que le Parlement n'aurait pas gardé le contrôle sur les travaux de la commission. Vous avez fait allusion, à des répercussions. Il y a eu des objections.

M. BONENFANT: A Montmagny précisément.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui. Je réfère à ce cas particulier. Mais, je voudrais parler au niveau général du Québec aussi. Est-ce que vous pouvez nous donner une idée de l'abondance ou du volume des objections et des constantes qui sont revenues dans ces objections que l'on a posées de la part des députés? Est-ce qu'il est ressorti des questions de principe ou est-ce qu'on se rejoignait sur des points particuliers dans les différentes régions du Québec?

M. BONENFANT: Ce que j'en connais vient de deux sources. J'ai regardé les débats, parce qu'il y avait des débats à ce sujet. Dans les débats qui couvraient le Canada entier, j'ai eu l'impression qu'il s'agissait de divergences de lieux qui étaient aux frontières. Mais je pense que la meilleure réponse pour le Québec, vous l'auriez de M. Drouin qui était membre de l'enquête. Je ne voudrais pas exagérer son témoignage. Je lui ai posé la question. Il m'a dit que les remarques venant du Québec, les protestations de certains députés n'avaient pas été très considérables. J'ai à la mémoire le cas de Montmagny. Je ne sais pas...

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, voici, je peux en parler parce que j'ai...

M. BONENFANT: Mais, je pense que c'est M. Drouin qui pourrait nous répondre. Il était membre de la commission.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, j'avais fait des représentations écrites devant cette commission. Voici ce qui s'est produit.

M. BONENFANT: Est-ce qu'on les a suivies? Non?

M. CLOUTIER (Montmagny): En partie. Il y a un point que j'avais soulevé et qu'on a respecté. C'est qu'aux limites du territoire, dans Montmagny, on avait pris deux paroisses et on les avait incluses dans le comté de Kamouraska.

M. BONENFANT C'est ça!

M. CLOUTIER (Montmagny): Ces deux paroisses n'étaient pas reliées par voie terrestre, par des communications, au comté de Kamouraska mais elles l'étaient au comté de Montmagny. C'étaient les deux seules paroisses. Alors, on a dit, pour une question de 2,000 de population cela pouvait entrer dans le comté de Bellechasse. On a fait aussi des représentations sur le bureau de scrutin de ce nouveau comté de Bellechasse. La ville de Montmagny a 13,000 de population et le bureau de scrutin se trouvait complètement à l'extrémité de ce nouveau comté fédéral. On a fait aussi des représentations quant au nom. Le nom de Montmagny comportait beaucoup plus d'histoire évidemment que le nom de Bellechasse. Je le dis sans discrimination pour mon collègue de Bellechasse.

M. BONENFANT: Des gens...

M. CLOUTIER (Montmagny): Deuxième remarque. Je voudrais revenir à une observation du député de Gouin. Tout à l'heure, il a mentionné qu'on ne devait pas attacher autant d'importance qu'on semblait le faire devant la commission au fait que la représentation des députés, quant à l'équilibre à maintenir entre les régions rurales et les régions urbaines, pouvait avoir autant d'influence sur le principe de la redistribution des richesses ou des questions de services à donner sur le territoire. Je me pose la question suivante. Je me dis qu'évidemment la législation est fortement influencée par la composition du Parlement.

Nous savons comment la législation est faite. Elle est d'abord apportée par le gouvernement en place. Mais s'il y a une tendance trop prononcée au sein du Parlement, ou s'il y a une absence de représentation des régions rurales, je me demande quel sort serait réservé ou quelle importance pourrait avoir dans les discussions, au sujet de la législation, cette partie du territoire qui serait véritablement sous-représentée. Nous n'avons qu'à prendre des exemples dans la législation. Nous savons que c'est un excellent moyen de redistribution des richesses, que ce soit la législation sociale, que ce soit la législation dans le domaine économique. Je crois qu'il y a là une considération que nous ne devons pas ignorer. Et aussi, dans la formation d'un cabinet. Nous savons que le cabinet des ministres est formé à partir de la représentation que nous avons. Je prends l'exemple du Parti québécois, actuellement: s'il avait, sans compter le nombre de députés, à former un exécutif. Il a sept députés mais il n'y en a qu'un qui représente une région rurale, même s'il y a dans cette région une partie urbanisée. Je sais qu'on me répondra qu'on essaiera de corriger cela à une prochaine élection, mais prenons la situation actuelle. Quelle serait l'importance, au sein de ce cabinet, des discussions qui auraient trait à la redistribution des richesses dans le territoire, en prenant les inégalités régionales? Je sais qu'on peut parler des inégalités régionales à l'intérieur du territoire de l'île de Montréal. Il y a des comtés qui sont plus défavorisés par rapport à d'autres. Mais, je crois qu'il y a là un élément d'équilibre qu'on ne doit pas sous-estimer quand à l'impact causé sur la législation, sur les mesures administratives, qui, bien souvent, ont un aspect de redistribution des richesses. Je voudrais savoir, M. Bonenfant, quelles sont vos considérations?

M. BONENFANT: On tourne toujours autour du même point. Je ne nie pas que les régions rurales doivent être représentées. Mais, attention! J'ai l'impression que, de plus en plus, la province est plutôt l'agglomération montréalaise et le reste de la province. Je me demande si ce n'est pas cela la réalité qu'on n'ose pas traduire. Il s'agit de trouver un système qui va donner les résultats dont vous

parlez, qui va permettre aux circonscriptions dites rurales d'avoir de l'influence. D'après moi, l'influence n'est pas tant au niveau de la représentation qu'au niveau du cabinet, parce que les lois sortent beaucoup plus du cabinet que de la représentation. Evidemment, il y a le caucus qui peut donner un appui assez fort.

Il y a une solution qui, je crois, a été esquissée ici et que je n'ai pas développée, c'est d'établir l'équilibre par un certain zonage. En d'autres termes, c'est l'idée, je pense, qui est chère au président général des élections, qui a été un peu développée lors de la dernière redistribution. Est-ce que ce ne serait pas mieux d'essayer d'établir surtout l'équilibre à l'intérieur de certaines zones?

Mais, il y a une chose dont on est sûr. Je viens de faire une étude à partir du dernier rapport du président des élections qui nous a été donné la semaine dernière. Si vous regardez le manque de proportion, c'est scandaleux! Même si vous n'avez pas l'égalité parfaite. Je ne réclame pas l'égalité parfaite — je n'ose même pas donner les circonscriptions — mais il y a des gens qui sont ici parce que 3,500 personnes ont voté pour le député, alors qu'il y en a d'autres qui sont ici parce que 36,000 ou 37,000 ont voté.

Je pense que, entre les deux, il y a peut-être un équilibre. C'est tellement vrai que ce manque d'équilibre — ce n'est pas la cause unique — a engendré, ce que je n'admets pas, le manque de relation entre la majorité parlementaire et la majorité populaire. Avec cela, vous scandaliserez toujours les gens, c'est une fiction qui était acceptée autrefois en droit britannique, mais celui qui a la majorité parlementaire devrait avoir une proportion qui correspond au vote populaire. Au moins, qu'on recherche cela.

Encore une fois, j'insiste. Je crois que l'égalité serait scandaleuse mais au moins, qu'il n'y ait pas le manque de proportion actuelle. Je mets de côté les Iles-de-la-Madeleine où c'est un cas spécial. Regardez le comté de Wolfe, regardez d'autres comtés, vous allez voir que le député est élu par un nombre tout à fait minime.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je comprends et j'admets votre argumentation, M. Bonenfant. Je voulais soulever un autre argument en faveur d'un maintien d'un certain équilibre, d'un écart pas trop considérable. J'ai mentionné qu'au niveau de l'exécutif et qu'au niveau du Parlement cela pouvait avoir une influence sur la législation qui, elle, traduit dans les faits certains objectifs que l'on veut atteindre comme ceux de la redistribution des richesses.

M. BONENFANT: Dieu sait si je ne veux pas foire de politique! Ce n'est pas mon rôle. Il reste qu'à l'heure actuelle vous avez un système qui favorise les campagnes. Les gens qui se trouvent les plus négligés — encore une fois ce n'est pas une attaque politique — ce sont les ruraux, ce sont les cultivateurs. Les cultivateurs disent: A l'heure actuelle, nous ne sommes pas représentés. Vous êtes à l'intérieur d'un système qui favorise les ruraux. Avouez que c'est bizarre.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je voulais traiter d'une troisième chose, M. Bonenfant. Nous avons actuellement et depuis quelques années une carte administrative de la province. Il y a dix régions qui ont été désignées. A l'intérieur de ces régions, il y a des bureaux de scrutin, des zones, des sous-centres, des centres intermédiaires. Il y a alentour de cette carte administrative, toute une politique qui s'est établie dans les différents ministères: décentralisation, régionalisation, organisation de bureaux régionaux, de services, de conseils économiques régionaux. Il y a certaines zones et certaines régions qui sont très bien délimitées géographi-quement et sociologiquement où vous avez une certaine homogénéité. Dans d'autres régions c'est moins bien indiqué. Quelle serait l'importance que l'on doit attacher comme critère à ce facteur?

M. BONENFANT: Je vous remercie de poser la question. J'avais une note. J'avais complètement oublié d'en parler. Ceci est une idée qui m'est chère. Je pense que la prochaine redistribution devrait, pour autant que c'est possible, tenir compte de la répartition administrative du Québec à l'heure actuelle. En d'autres termes, une des grandes erreurs où nous a conduits peut-être la redistribution au hasard, c'est qu'à l'heure actuelle — c'est un domaine où j'enseigne — vous avez toute une série d'unités différentes. Par exemple, le comté municipal. Vous savez qu'aujourd'hui le comté municipal ne correspond plus à une réalité véritable. L'unité administrative judiciaire ne correspond plus à des réalités. Vous devriez dire aux gens qui vont faire la redistribution — cela devrait être un critère: Ecoutez, tenez compte des grandes régions administratives. Je pense qu'aucune circonscription ne devrait déborder une division administrative. Plus que cela, à l'intérieur de vos grandes régions administratives, essayez donc d'établir des circonscriptions pour les fins d'élection qui seront analogues à celles du bureau d'enregistrement afin que le pauvre citoyen ne soit pas perdu dans je ne sais combien de divisions.

En 1867, le Québec est né avec 65 circonscriptions qui étaient pour des fins électorales, pour des fins municipales, pour des fins d'enregistrement. Comme nous avons fait du rapiéçage d'année en année, aujourd'hui vous avez une sorte de courtepointe, si vous permettez l'expression, où vous avez toutes sortes de divisions.

Lorsque j'ai vu naître les divisions administratives, il y a six ou sept ans, j'ai cru que c'était vraiment le salut de la province. On me dit que l'administration commence à bien s'orienter

dans ce domaine-là. On me dit qu'il y a beaucoup de travail à faire.

Pour répondre à votre question, pour autant que c'est possible et j'ai l'impression que ce l'est, qu'on tâche donc de faire une redistribution qui va coïncider avec les régions et, à l'intérieur des régions, à des sous-unités d'administration! Je suis entièrement de votre avis.

M. CLOUTIER (Montmagny): Il serait prudent, tenant compte des observations que vous venez de faire, pour les ministères qui sont en voie de décentralisation, de réorganisation administrative, d'associer peut-être leurs travaux à ceux de la carte électorale. Je le dis particulièrement pour le ministère de la Voirie. Il y a d'autres ministères. Je crois qu'il serait prudent peut-être pour ces ministères-là de ne pas s'engager trop avant dans des décisions finales sans tenir compte des travaux de...

M. BONENFANT: Si vous me le permettez, ce ne serait pas une réforme tape à l'oeil, mais ce serait une réforme des plus essentiels à l'heure actuelle pour la bonne administration du Québec et pour que cela fonctionne d'une façon intelligente. A l'heure actuelle, vous le savez, votre comté municipal est différent de votre comté électoral. Votre division d'enregistrement peut être différente. C'est un mélange épouvantable. Je suis de votre avis et je trouve que c'est un des points importants. Je vous avoue que j'en avais pris note. J'avais oublié de le signaler.

M. PICARD: M. le Président, me permettez-vous de poser une question sur ce point de la région administrative? En respectant, dans le découpage de la carte électorale, les dix régions administratives actuelles, à votre avis, M. Bo-nenfant, est-ce que cela ne faciliterait pas, par exemple, le travail du découpage, parce que moi, personnellement...

M. BONENFANT: Je suis de votre avis.

M. PICARD: ... en tant que député de la ville de Montréal, je ne vois pas comment je pourrais, par mon vote, être favorable à une division électorale dans le comté de Gaspé plutôt qu'une autre division électorale dans le comté de Gaspé. Si nous divisions le nombre total de députés à l'Assemblée nationale selon la population dans chaque région administrative et qu'on dise ensuite: La région administrative numéro un qui comprend Gaspé, débrouillez-vous, vous avez droit à six députés découpés par quatre à l'intérieur de votre région administrative et moi, en tant que député de Montréal, je n'ai pas un mot à dire là-dedans, pour autant que vous ne dépassez pas le nombre de députés qui vous est alloué, faites la division comme vous l'entendrez. Je n'aime pas avoir à mettre le nez dans la division des circonscriptions électorales de l'Abitibi, du Lac Saint- Jean, ou des Cantons de l'Est. Pour autant qu'on établisse par les régions administratives le nombre de députés auxquels chaque région administrative aura droit, à partir de ce moment-là, ce sont les députés de chaque région qui décideront.

M. BONENFANT: Je suis de votre avis. Je me demande si ce n'est pas l'idée la plus féconde qui ait été suggérée ici. En même temps, vous appuyez, comme je vous le disais, la proposition du président. Il faudrait faire une redistribution par zone et que chacun, ayant établi des critères, soit maître de sa zone. Je pense que c'est un des points les plus importants qui ait été soulevé, beaucoup plus important que tout ce que j'ai dit.

M. LE PRESIDENT: M. Lessard.

M. LESSARD: M. le Président, disons d'abord que les remarques que je ferai ici — il ne s'agit pas de blâmer qui que ce soit — mais je pense que toute la discussion tourne autour de certains faux problèmes, à savoir le rôle du député que nous aurons probablement l'occasion de définir. Pour ma part, comme je le disais tout à l'heure, opposer électeurs ruraux et électeurs urbains — je suis moi-même dans un comté semi-rural, semi-urbain — c'est un faux problème. Chez certaines catégories de gens et même, je pense bien, parmi certains députés, on a encore la conception des années cinquante, au moment où il n'y avait pas de décentralisation de l'administration, au moment où, dans les régions rurales, toute l'administration gouvernementale était vraiment identifiée au député.

Le député, à ce moment, siégeait beaucoup moins longtemps et, de plus, comme il n'y avait pas de service d'administration, on devait s'adresser immédiatement au député. Par contre, dans les régions urbaines, certaines villes avaient les pouvoirs économiques nécessaires afin de pouvoir créer leur propre réseau d'administration et pouvoir suffire aux besoins des électeurs. Je pense bien qu'actuellement le rôle du député, par suite d'une certaine décentralisation de l'administration, est complètement différent.

Pensons, par exemple, à la décentralisation de l'administration qui s'est faite depuis quelques années, au niveau du ministère des Affaires sociales. Quel a été le rôle du député? Il a voté une loi, le bill 26. Mais, en ce qui concerne l'administration de la loi comme telle et qui est très rigide, il n'appartient pas au député de l'administrer. Il appartient à des fonctionnaires d'administrer cette loi. Même en ce qui me concerne, si une personne vient me voir pour me parler de son problème individuel, à savoir qu'elle ne reçoit pas assez, ou qu'elle reçoit plus d'argent du ministère des Affaires sociales, la seule chose que je pourrais lui dire, c'est qu'il y a une loi qui possède des critères très précis et vous devrez vous adresser à telle personne. Il s'agit d'une information que nous donnons aux gens.

De plus en plus, je pense que les ministères vont se décentraliser de telle sorte que le député, qu'il soit dans les régions rurales ou qu'il soit dans les régions urbaines, devra faire un travail d'information de la population. Mais, l'administration de la loi, comme telle, sera faite par des administrateurs. Le rôle du député va se transformer — le député des Iles-de-la-Madeleine en a parlé tout à l'heure — en ce sens que le député pourra devenir un animateur dans son milieu. Cela va lui laisser probablement beaucoup moins de tâches comme celles de technicien et plus de temps pour aller rencontrer ses électeurs, discuter de leurs problèmes et surtout de problèmes globaux et non pas de problèmes individuels. De cette façon, il pourra arriver à l'Assemblée Nationale et soumettre ces problèmes globaux et non pas des problèmes individuels.

Je constate aussi une autre chose, quant au rôle du député de 1950. Je me demande si nous ne sommes pas encore un peu jaloux des privilèges qu'il avait à ce moment. Il avait le contrôle, et se faisait, comme on le disait tout à l'heure, un petit royaume où il pouvait tout contrôler et pouvoir dire aux gens: Bien voici, tu as reçu telle chose, c'est grâce au député que tu l'a reçue, etc. Alors, c'est un peu comme les curés qui à un moment donné ont eu un rôle très fort et très puissant. Je me demande si la discussion qui sous-tend toutes ces choses ne serait d'essayer de conserver ce rôle privilégié du député de 1950, qui aujourd'hui, à mon sens, n'existe plus. C'est un autre rôle que nous devons jouer d'autant plus que nous siégeons de plus en plus longtemps actuellement.

Alors, je pense que le rôle de législateur, nous devons l'agrandir chez les députés en formant des commissions ou enfin toutes autres formes.

Maintenant, il existe aussi — et là, je rejoins ce que disait le député des Iles-de-la-Madeleine— quand même une disproportion géographique des comtés. Il est certain, par exemple, que ce soit le comté de Duplessis, de Saguenay ou autres, il existe une certaine disproportion.

Mais, en ce qui me concerne, régler cela, ce sont des détails parce qu'on pourra, par des appareillages différents, apporter à ces députés certains moyens de rencontrer leurs électeurs aussi souvent qu'un député d'un comté urbain peut le faire, en créant des services autour du député.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Monsieur, j'aimerais faire une observation sur ce qu'a dit le député de Saguenay. Je veux bien croire qu'avec la décentralisation administrative on pourra progressivement en arriver à transformer le rôle du député. Il reste que, même dans les bureaux, même dans les régions où existent ces bureaux administratifs décentralisés, l'habitude de la population est là. La psychologie de la population reste la même, et, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, toutes les fois que les gens ont des problèmes, lors même qu'ils sont passés par les bureaux régionaux, et qu'on leur a dit: II y a tel et tel critère selon lesquels on peut octroyer des subventions ou des pensions ou quoi que ce soit, les gens viennent toujours voir le député.

Un des meilleurs moyens de connaître les problèmes globaux, comme le disait le député du Saguenay, ce sont précisément les contacts individuels, et c'est à cette occasion que l'on prend la dimension parcellaire, au départ, des problèmes, et qu'on en arrive tout à coup à découvrir le problème dans sa totalité. Je crois que ce matin, une des suggestions qui a été faite et une des observations des plus pertinentes à mon sens qui a été faite, ç'a été celle du député d'Olier, et aussi ce qu'a dit M. Bonenfant, qui à mon avis a fait avancer notre pensée, notre réflexion, c'est lorsqu'il a dit, après avoir parlé du problème des ruraux et des urbains, il a mis le doigt sur le problème fondamental: la question de la grande ville qui est Montréal, par rapport au reste du Québec. Alors tenons pour acquis comme hypothèse de travail, que les gens s'urbanisent de plus en plus. Mais ils s'urbanisent dans des régions qui sont assez éloignées de la ville de Montréal. De sorte que la ville de Montréal sera toujours pour eux quelque chose d'effrayant, et ils se demanderont, dans le cas où un réaménagement de la carte favoriserait numériquement la représentation à Montréal, ce que nous sommes, nous par rapport à la ville de Montréal?

Je crois que, écartant l'idée de rural, d'urbain, il faudrait retenir cette observation très importante qu'a faite M. Bonenfant à savoir qu'il faut peut-être poser le problème en d'autres termes. C'est à dire, ne plus opposer urbains et ruraux, et voir dans quelle mesure il y a opposition et conflit virtuel entre la grande métropole, et les autres régions du Québec. C'est, à mon sens, dans cette voie-là qu'il faudrait pousser notre recherche, et approfondir le problème pour découvrir exactement quels sont les critères qui nous permettront de procéder à un réaménagement de la carte qui soit juste, qui soit vraiment équilibré.

Je crois qu'on a déblayé ce terrain-là ce matin et cette observation de M. Bonenfant nous fait voir tout à coup une autre perspective.

M. BONENFANT: Si vous me le permettez, je vais vous montrer que je n 'ai tout de même pas une idée trop péjorative du député et je sais qu'il faut s'occuper de choses comme vous l'avez dit. Il ne faut pas s'en faire; il y a d'autres pays où c'est pire qu'ici, vous savez. Le hasard du voyage et de l'amitié m'a fait suivre une campagne électorale dans les Pyrénées pendant quinze jours où un de mes amis qui a vécu au Canada, M. Labarrère-Paulé, se présentait. Et je vous prie de croire que ce qu'on appelle le patronage, ce qu'on appelle la petite politique ici, n'est rien à comparer à la province française et je vous garantis que dans les petits bourgs

autour du Pô, le patronage — le mot n'est pas utilisé là-bas évidemment, ça nous rendrait jaloux ici...

M. PINARD: C'est que c'est sanctifié là-bas.

M. BONENFANT: Oui, c'est parce qu'on voit toujours le mal autour de soi. Il y a cela. Mais sur ce point-là, je vous conseille encore une fois le meilleur spécialiste, M. Vincent Lemieux. Il est vraiment bien dans ce domaine-là. Il a une approche scientifique que je n'ai pas.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais donner la parole à M. Béland.

M. BELAND: Je veux simplement préciser davantage ma pensée. On a parlé tantôt de l'île d'Orléans au point de vue de la culture. D'une façon générale, la culture qu'il y a là est une culture artisanale, tandis qu'au niveau de la province il y a quand même certaines régions spécifiques qui ont besoin d'être défendues d'une façon spécifique. Je verrais très mal justement un pêcheur défendre les intérêts des membres du Barreau. Il ne faut pas mettre de casiers spéciaux, par exemple les éléments ruraux à côté d'autres casiers qui représenteraient d'autres éléments. Il ne le faut pas. Il faut que ce soit "entremélangé," si vous acceptez ce terme-là. Par contre, si on tient compte du passé, il y a malheureusement eu beaucoup trop de laissez-aller. L'élément rural passait en tout dernier lieu dans la législation. A ce moment-là, il faut absolument qu'il y ait un réveil ou quelque chose qui aiderait à un réveil pour assurer que l'élément rural soit placé sur le même pied que n'importe quel autre élément que l'on puisse rencontrer.

M. BONENFANT: Ce qui est tout de même intéressant, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est que les ruraux sont "surreprésentés" et passent en dernier lieu. Il y a tout de même quelque chose qui ne va pas.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Bonen-fant, pour revenir à ce que tout à l'heure le député d'Olier et moi-même disions au sujet des régions, des zones...

M. BONENFANT: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... est-ce que dans la question d'écart entre les comtés — vous avez mentionné un écart, 20 p. c. qui seraient possibles — on pourrait aussi examiner la possibilité d'un écart entre les régions, pondérer cet écart...

M. BONENFANT: C'est exactement mon idée. Cet écart doit être plutôt calculé, si vous préférez ce truc-là, entre les régions. Dans une région donnée, j'en arriverais, je vous garantis, à une égalité considérable. A ce moment-là, vous pourriez en même temps peut-être régler le problème rural et le problème urbain. Je me demande si ce n'est pas dans cette voie-là que vous devez vous engager.

M. CLOUTIER (Montmagny): A l'intérieur d'une région en particulier, il y a l'écart entre les comtés. Mais à l'intérieur de la province, sur les territoires de la province, il y aura un écart aussi entre les régions. Je pense qu'on fait là une pondération.

M. BONENFANT: J'ai l'impression que vous faites un progrès en raisonnant comme cela. Du moins, c'est mon idée.

Nous semblons être d'accord qu'il y ait une différence de 25 p. c. en plus ou en moins dans la division des circonscriptions électorales. Dans une région métropolitaine comme Montréal, la moyenne est de 40,000 électeurs, ceci est une moyenne provinciale et ça permettrait avec l'écart de 25 p. c. un minimum de 30,000 électeurs dans les comtés ou un maximum de 50,000. Dans une région, comme la région métropolitaine de Montréal, je n'aurais aucune objection à ce que l'on prenne comme barème le maximum de 50,000 pour fixer le nombre des députés à l'intérieur de cette région-là. Et, que dans les régions rurales que l'on prenne le nombre de 30,000.

M. BONENFANT: Attention! Il y a un autre facteur qui va jouer. Dans les villes, vous serez peut-être obligés de mettre ce nombre assez bas pour prévoir la croissance rapide de la circonscription.

M. PICARD: Ce problème pourrait être résolu en ayant une révision périodique, de ne pas attendre à tous les 99 ans.

M. BONENFANT: Je suis de votre avis.

M. PICARD: Périodiquement, à chaque recensement décennal, automatiquement, il devrait y avoir une révision de la carte.

M. BONENFANT: Vous pourriez le dire dans la loi tout de suite.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, je crois que nous avons fait un travail fructueux. Nous avons à peine abordé le premier sujet. La semaine prochaine, le 11 mars, M. Vincent Lemieux a été invité devant cette commission. Le 18 mars serait ouvert. Le 25 mars, M. Meynaud. Je ne sais pas si M. Bonenfant serait disponible le 18 mars.

M. BONENFANT: Est-ce que le 18 mars serait un jeudi?

M. LE PRESIDENT: C'est un jeudi.

M. BONENFANT: Cela ferait mieux mon

affaire si c'était à 10 h 30. J'ai un cours jusqu'à 10 h 20. Remarquez bien que les étudiants pourraient se passer de mes cours. Comme la fin de l'année arrive, laisser tomber un cours serait presque scandaleux. Heureusement, aujourd'hui

Il y avait une tempête, j'ai pu donner simplement une heure. Je viendrais volontiers à condition que ce soit à 10 h 30.

Remarquez bien qu'après avoir entendu M. 'Vincent Lemieux sur le système allemand, je n'aurai peut-être pas grand-chose à ajouter. Sauf que j'ai peut être un projet un peu différent. J'ai des choses à ajouter sur la liste. J'ai une conception globale de la liste électorale en tenant compte du phénomène municipal, et en tenant compte de la démographie québécoise et en tenant compte de la nécessité, d'après moi, de laïciser les actes d'état civil d'ici quelque temps.

Je pense qu'il y aurait quelque chose d'assez intéressant là-dessus. Je reviendrai volontiers à condition que ce soit à 10 h 30.

M. LE PRESIDENT: Jeudi, le 18 mars, à 10 h 30.

M. BONENFANT: Dans quinze jours, à 10 h 30.

M. LE PRESIDENT: C'est ça. La semaine prochaine, c'est à quelle heure? La semaine prochaine, le 11 mars M. Vincent Lemieux, c'est à 9 h 30.

M. BONENFANT: Si par hasard M. Vincent

Lemieux ne couvre plus le terrain, avertissez-moi.

M. PINARD: M. le Président, à l'intention des députés, à cause de la formidable tempête que nous avons connue, je crois que nos travaux seront paralysés quelque peu aujourd'hui en commission et à l'Assemblée nationale. II est fort peu probable que nous pourrons siéger à la commission de la Fonction publique cet après-midi parce que les parties ne pourront pas être dûment représentées. Le premier ministre a suggéré lorsqu'il est venu, de faire siéger l'Assemblée nationale en assemblée plénière quitte à voir de quelle façon nous pourrons fonctionner ce soir. On m'informe aussi que les services administratifs du gouvernement comme tels sont fermés. H y a eu instruction aux fonctionnaires de retourner chez eux parce que les prévisions du temps sont que la tempête va durer toute la journée et possiblement jusqu'à demain après-midi. Reprenons cet après-midi à trois heures et nous verrons comment nous pourrons fonctionner.

M. LEGER: Nous avions une commission qui devait siéger cet après-midi et qui a été contremandée. Est-ce que nous ne pourrions pas continuer cet après-midi avec M. Bonenfant?

M. PINARD: Non, non. Il y a trop d'absents pour permettre de faire travailler efficacement le Parlement comme tel ou les commissions.

(Fin de la séance 12 h 47)

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