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Commission permanente de l'Assemblée
nationale
Sujet: Réforme électorale
Séance du jeudi 4 mars 1971
(Dix heures vingt-deux minutes)
M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
Remplacement des absents
M. PINARD : Je demanderai le consentement des leaders parlementaires des
partis pour que nous puissions changer proprio motu certains membres de la
commission qui ne sont malheureusement pas ici à cause de la
tempête, de façon à obtenir quorum. Les règlements
nous défendent de commencer la réunion si les membres qui font
partie officiellement de la commission ne sont pas suffisamment nombreux pour
former le quorum. Alors, je pense que, de consentement mutuel, nous pourrions
nous entendre pour remplacer les membres absents et, de cette façon,
nous pourrions permettre à M. Bonenfant de commencer son
intervention.
M. LEGER: D'accord.
M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, je ne crois pas qu'il y ait de
décision de fond de prise. C'est un témoignage qu'on entend.
M. PAUL: Comme les journalistes victimes de "procédurite" ne sont
pas ici, M. le Président, quant à moi je suis prêt dans ce
cas-là à ce que l'on procède avec efficacité, parce
que vous savez que la "procédurite" est une espèce de syphilis
intellectuelle.
M. PINARD: M. Bonenfant peut-il nous dire combien de temps durera son
intervention?
M. BONENFANT: Cela dépend de vous. Quant à moi, je pense
que je puis dire l'essentiel en moins d'une heure, mais évidemment, si
vous posez des questions, c'est vous qui devenez maîtres de la
durée. Je pense que dans une heure je peux dire l'essentiel de tout ce
qui est vraiment important.
M. PINARD: Je propose que M. Picard remplace M. Blank.
M. LE PRESIDENT: M. Bonenfant, vous avez l'intention de nous
éclairer sur deux sujets particuliers.
M. BONENFANT: Si vous me le permettez, j'aurais l'intention d'abord,
pour me donner bonne bouche, de vous faire très rapidement je ne
dirai pas un exposé général mais de vous dire dans
quel domaine j'ai peut-être des idées. Deuxièmement, je
voudrais souligner quels sont d'après moi les principes essentiels qui
sont à la base d'une réforme globale de la représentation
et des mécanismes électoraux. Cela peut prendre deux ou trois
minutes. Les sujets sur lesquels je peux parler, je pense, avec un peu plus de
compétence, ce sont la carte électorale elle-même et
surtout, la façon de la dresser. Sur cela, je pense que malheureusement
ou heureusement, je vais m'opposer à plusieurs membres de la commmission
d'après les comptes rendus que j'ai déjà lus et,
deuxièmement, le scrutin même. On parle beaucoup du système
allemand. Je veux oublier le système allemand, mais je voudrais une
transposition du système allemand ici avec toutes sortes de variantes.
Troisièmement, j'aurais quelque chose à dire assez rapidement sur
la liste permanente en tenant compte, à mon sens, d'un facteur qu'on a
oublié jusqu'ici. Les listes municipales vont pouvoir s'identifier
bientôt avec la liste provinciale et je voudrais parler aussi de la
nécessité d'un contrôle par un institut de
démographie.
En d'autres termes, d'après moi, la liste électorale
devient un tout. Cela touche même un problème qui semble
étranger, la laïcisation des actes d'état civil qui,
d'après moi, devrait permettre de faire une meilleure liste
électorale et la contrôler.
Finalement, j'aurais peut-être quelques mots à dire sur le
contrôle des dépenses des partis, ce n'est pas très
original, cela a déjà été dit. Au sujet de la
contestation, j'aurais peut-être quelques mots à dire. Je
suggère un système assez différent de contestation qui
permettrait d'éviter ce qui vient d'être souligné par le
jugement de la cour d'Appel il y a quelques jours, donc le système qui
se rapprocherait du système français pour la contestation. Ce
sont les sujets sur lesquels je peux peut-être apporter de modestes
lumières.
M. PINARD: M. le Président, me permettez-vous de poser une
question? M. Bonenfant, avez-vous un texte? Avez-vous des notes qui vous
permettent...
M. BONENFANT: Je suis incapable de suivre un texte, je suis un moulin
à paroles. Cela me stérilise de lire un texte. Je n'ai pas de
texte.
M. PINARD : Si ma suggestion agréée aux membres de la
commission, M. Bonenfant pourrait présenter son exposé de
façon globale quitte, par la suite, à permettre aux membres de la
commission de poser des questions pour des clarifications.
M. BONENFANT: Je suis bien prêt à accepter votre suggestion
mais je pense que, sur le premier point, je ne dis pas qu'il peut y avoir
accrochage, mais il peut y avoir discussion. Lorsque j'aurai donné mes
idées sur le mécanis-
me selon lequel on devrait faire la carte électorale, je me
demande si cela ne serait pas bon de s'arrêter parce que cela peut
être assez long. Comme je le disais il y a un instant, d'après ce
que j'ai lu dans un compte rendu officieux, je ne partage pas les idées
de certains membres de la commission et peut-être même de toute la
commission. Je crois que c'est un phénomène essentiel à
étudier au début: qui doit faire la carte? Je pense que l'on
pourrait peut-être s'arrêter là.
La deuxième partie de l'exposé, ce sont les
mécanismes de scrutin. En d'autres termes, est-ce que l'on doit avoir la
proportionnelle, le scrutin majoritaire ou ce qui d'après moi est
le bon système une synthèse des deux, mais une
synthèse à la québécoise? Ce ne serait pas tout
à fait le système allemand, je transpose le système
allemand ici. On pourrait peut-être s'arrêter après
ça. J'ai l'impression que le reste n'est pas très très
important.
Si vous me permettez de corriger un peu votre suggestion, lorsque
j'aurai fait mon exposé à savoir, comment doit se faire la
nouvelle carte électorale, à ce moment-là, peut-être
que l'on pourrait s'arrêter.
M. PINARD : Nous vous donnons toute liberté.
M. LE PRESIDENT: M. Laurin.
M. LAURIN: M. Bonenfant, il me semble que cela m'éclairerait si
vous commenciez votre exposé par la deuxième partie que vous avez
mentionnée, en parlant du système...
M. BONENFANT: Oui, il y a moyen de trouver un système qui serait
le suivant: je prends pour hypothèse que vous gardiez la carte actuelle,
c'est-à-dire avec le scrutin majoritaire simple où vous avez 108
ou 110 députés; c'est le premier problème.
Le deuxième problème appelons-le le système
allemand, pour moi, ce serait le système allemand modifié, je
vous le dis tout de suite ce seraient 80 circonscriptions, avec le
scrutin majoritaire simple, et ensuite, les 30 autres seraient élus
selon la proportionnelle. Là, j'aurai des distinctions, soit dans toute
la province, soit dans les régions rurales ou les régions
urbaines, soit dans les régions je vous dis tout de suite que je
suis opposé aux régions parce que je ne crois pas que
ça fonctionnerait ici comme en Allemagne.
J'aimerais peut-être mieux commencer par le premier sujet, parce
qu'après tout, le sujet sera le même. C'est sûr que vous
avez à décider si vous devez avoir 80 ou 110 circonscriptions.
Que vous décidiez que c'est 80 ou 110, le mécanisme pour
fabriquer la carte sera exactement le même. Je pense, vous allez voir
d'après mes idées, c'est que très tôt vous serez
obligés de décider si vous continuez ce que vous faites
là, ou bien si vous nommez un organisme indépendant qui prendra
la relève, et qui fera le travail.
Je crois que c'est la première décision que vous avez
à prendre. Je pense que ça ne va pas à l'encontre de vos
idées, et que ça ne va pas à l'encontre des miennes.
Est-ce que ça va?
M. LE PRESIDENT: D'accord.
M. BONENFANT: Donc, je commence.
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. PINARD: Un point à clarifier, s'il vous plaît. Si vous
faites des références à certaines prises de position par
d'autres membres, par des membres de la commission ou par d'autres experts qui
ont comparu devant la commission, pourriez-vous nous donner les
références afin que nous puissions les inscrire au journal des
Débats?
M. BONENFANT: Mais non, écoutez, ce n'est pas ça. Les
seules références, c'est un petit compte rendu qui m'a l'air
officieux. On dit par exemple qu'il est décidé que ce soient les
parlementaires qui doivent faire la carte. C'est à ça que je
réfère, ce n'est pas aux comptes rendus, parce que, jusqu'ici,
d'après ce que j'ai lu j'ai lu les témoignages de M.
Drouin ça porte plutôt sur la technique. Je crois que
personne n'est venu vous parler d'une façon catégorique du fond
de la question. Si le système allemand a été
touché, il l'a été par à côté. J'ai
l'impression d'être le premier à en parler. D'ailleurs, c'est
peut-être mon entrée en matière. Je pense que c'est pompeux
de me qualifier d'expert; je ne suis pas un expert mais, toute ma vie, j'ai
côtoyé ces choses-là, comme ancien bibliothécaire ou
comme professeur.
Comme vous le savez, la meilleure façon de connaître un
sujet, c'est de l'enseigner. Or, j'ai enseigné cela en science politique
naguère, et surtout, si j'ai une qualité, c'est peut-être
d'essayer d'être vulgarisateur. Si vous voulez de grandes
théories, vous avez d'autres experts qui vont venir vous les donner.
Moi, j'essaie d'expliquer encore une fois, soit par des articles ou par des
conférences, comment ça fonctionne.
Le ton de mon témoignage, c'est d'essayer d'être clair, et
de ne pas m'embarrasser de trop grandes idées. Tout de même, ce
n'est pas une contradiction. Voici, d'après moi, les qualités que
tout système de représentation et je pense que le mot
global, c'est ça doit posséder. On doit rechercher
à mon sens, par tous les moyens, ces qualités-là.
Qualités du système
M. BONENFANT: Premièrement, c'est une vérité de La
Palice, mais on l'oublie un peu trop, C'est que ça doit être un
système représentatif. Par exemple, vous allez voir que,
contrairement à certains d'entre vous, la différence pour
moi,
entre les circonscriptions rurales et les circonscriptions urbaines, ne
me frappe pas autant que certains.
Comme l'a déjà dit un juge de la cour Suprême aux
Etats-Unis, le juge Wallon, lorsqu'il a rendu la fameuse décision
à propos du "gerrymandering" un député n'est pas
élu pour représenter des prairies, des lacs et des forêts.
Il est élu pour représenter les gens. Je n'ai pas du tout
on peut avoir des idées contraires de la représentation,
une conception aristocratique. On dit souvent: Comment se fait-il qu'un
électeur ignorant puisse annuler par son vote, celui d'un
électeur qui a des diplômes? Ceci fait partie du système,
j'y tiens. Très souvent, d'ailleurs, l'électeur ignorant fournira
un vote peut-être aussi intelligent que l'électeur qui se croit
très cultivé et renseigné. Par conséquent, je crois
que cela devrait être représentatif, et j'en arrive pratiquement
à une division. On doit en arriver à des circonscriptions presque
égales. Je suis même pour une marge, nous le verrons tout à
l'heure, qui baissera à 20 p. c. plutôt que 25 p. c, ce qui est
habituellement la marge conseillée. Donc, il doit être
représentatif.
Deuxièmement, il faut faire attention, il est évident que
la meilleure représentation serait la proportionnelle,
théoriquement. Mais, il faut que cela fonctionne. La deuxième
qualité: il faut tout de même que le système fonctionne.
Nous avons la responsabilité ministérielle je crois que
l'on devrait la limiter, je suis contre un système présidentiel
de type américain mais, il faut tout de même que le
gouvernement, une fois élu, puisse fonctionner normalement. C'est pour
cette raison qu'il faut apporter à la qualité de
représentatif un coefficient d'efficacité.
Troisièmement, on l'oublie peut-être un peu trop, il faut
que le système soit facile à comprendre. Il faut que les
électeurs y participent. Je cite un exemple. On a pratiqué, en
Alberta, le vote avec numéros sur un bulletin 1, 2, 3, 4. C'est un bon
système qui a fonctionné en Alberta, mais on l'a
abandonné. Je pense que la plupart de nos électeurs sont
habitués à faire la croix, cela fait partie même du langage
électoral: Faites votre croix au bon endroit, etc. Donc, il faut
éviter un système compliqué et nous verrons tout à
l'heure ce que j'entends par cela.
Une quatrième qualité, il faut, malgré tout, ne pas
avoir peur de rompre avec le passé, il faut se demander avant tout si
c'est fonctionnel. Les traditions, quand c'est possible, il faut les mettre de
coté et ne pas avoir peur d'innover. Le système doit aussi
être accepté de tous, il faut une sorte d'assentiment. Si vous
adoptez un sytème contre lequel un parti se prononce
catégoriquement en Chambre, j'ai l'impression que vous aurez ensuite des
difficultés à le faire digérer au public.
Enfin, peut-être un point important dont je vais vous
donner un exemple tout à l'heure il ne faut pas croire que vous
trouverez le système parfait. Ce système doit être en
perpétuelle correction. D'après moi, ce sont les qualités
de base et, lorsque nous étudions le problème, il faut essayer de
faire l'équilibre entre ces qualités.
Commission indépendante et découpage de
la carte
M. BONENFANT: J'aborde donc maintenant le premier sujet. Le premier
point je l'ai écrit et dans ce domaine-là ce serait
assez difficile de me faire changer d'idée, je crois que le
découpage de la carte électorale, c'est-à-dire la
rédaction de la carte électorale, la division en circonscriptions
ne doit pas se faire par une commission parlementaire, mais elle doit se faire
par un organisme indépendant des parlementaires. Je répète
donc ma proposition: c'est que le découpage ne doit pas se faire par une
commission parlementaire, par exemple, comme on l'a dit, qui pourrait se
promener dans toute la province, mais, à mon sens, elle doit se faire
par une commission indépendante. Je vous apporterai mes arguments.
Cependant, j'ajouterai qu'il appartient à la commission parlementaire,
qui est une délégation de l'Assemblée et à
l'Assemblée elle-même, d'indiquer dans une loi les principaux
critères que cette commission indépendante devra suivre. Je me
servirai tout à l'heure de l'exemple de la loi fédérale
qui, d'après moi, dans ce domaine-là, est un magnifique
exemple.
Voici maintenant pourquoi, à mon sens, le découpage de la
carte électorale doit se faire par une commission
indépendante.
Premièrement, je dirai que c'est le fruit d'une évolution
historique. Si vous examinez l'histoire, soit de l'Angleterre ou du Canada,
vous allez vous apercevoir que l'évolution est la suivante: c'est que
les premières cartes électorales ont été faites
avec l'intervention la plus directe, la plus scandaleuse des partis politiques.
On a l'habitude de dire que la carte électorale fédérale
qui a été rédigée après le recensement de
1881 elle a été rédigée en 1885 sous la
direction du gouvernement conservateur de M. Macdonald est un
chef-d'oeuvre de "gerrymandering". J'emploie le mot anglais parce que les
Français eux-mêmes l'emploient. C'est ce que j'appellerais le
découpage pour des motifs politiques de la carte électorale. Un
détail, on a même retrouvé le cahier de notes du
journaliste qui avait été engagé par Macdonald pour
tripoter la carte électorale.
C'est au début du siècle, je dirais, qu'on a
commencé à se dire: Tout de même, il faudrait un peu sortir
ça de la politique. Et là, la première démarche
qu'on a faite a été de confier ça à une commission
qui a été contrôlée par les partis politiques. Et
nous pouvons affirmer je vous donnerai les textes tout à l'heure
qu'à Ottawa je ne prends qu'Ottawa comme exemple, je
reviendrai à Québec c'est que le découpage s'est
toujours fait, avant
le nouveau système, avec des intentions politiques. Maintenant,
il faut faire attention à ces mots "intentions politiques". On pense
toujours qu'un découpage intéressé c'est uniquement en
faveur d'un parti. Ce n'est pas ça. On l'a constaté à
Ottawa, très souvent, un découpage intéressé est un
découpage auquel tous les partis sont intéressés. Nous
avons, par exemple, relevé des cas dans Toronto où le
député conservateur disait à son voisin libéral:
Bien, écoute, tu as une section conservatrice dans ta circonscription,
passe-là-moi et je te passe la section libérale. Passe-moi le
sucre et je te passe le séné, si vous voulez. Donc, le
"gerrymandering" peut se faire, excusez l'expression, entre copains. C'est
normal. Ce sont des gens qui vivent ensemble et c'est normal qu'on soit
poussé à faire un découpage intéressé.
Deuxièmement, il y a un point qui est important, il reste que,
dans certains cas, le parti majoritaire trouve toutes sortes de moyens, et
encore une fois, ce n'est pas une vision manichéenne des choses. Il ne
s'agit pas de dire: C'est bien ou c'est mauvais. Il s'agit de constater que les
partis politiques sont poussés à faire un découpage qui
leur est favorable. Et surtout, c'est peut-être le troisième
point, c'est que le "gerrymandering" peut se faire de deux façons. Cela
a été très bien expliqué dans une thèse qui
a été soutenue à Montréal par le professeur
Bernard, qui est un excellent spécialiste, une excellente thèse
qui n'a pas été publiée, malheureusement, et il a
montré que dans le Québec, en général, ce que l'on
a fait, c'est du "gerrymandering" passif et non pas actif. En d'autres termes,
on n'a pas découpé des circonscriptions nouvelles dans
l'intérêt d'un parti, mais on a laissé vieillir des
circonscriptions. Et vous n'avez qu'à regarder votre carte
électorale, je ne nommerai pas les circonscriptions, pour savoir que
vous avez un manque de proportion entre la population des circonscriptions
électorales.
Donc, je crois qu'il est très difficile, pour une commission, de
faire vraiment la carte électorale. Et voici les preuves
d'autorité maintenant. Le problème s'est posé pour la
première fois, à Ottawa, sous le règne de M. Diefenbaker.
Et là, il y a eu un débat en 1962, j'ai les discours ici. Il y a
eu un grand débat, à la fin du règne de M. Diefenbaker,
pour savoir comment on referait la carte, qui était
déterminée par le recensement de 1961. Et là, il y eut
pratiquement unanimité. Il y a un discours de M. Diefenbaker qui est
assez éloquent, un de M. Stanley Knowles, inutile de vous dire qu'il est
assez catégorique pour ce qui est de l'existence d'une commission
indépendante, où ils ont dit: II faut absolument sortir cela du
Parlement. Et on a cité le témoignage, qui me permet d'apporter
un second argument, de Norman Watts, je pense. C'est un des bons professeurs de
science politique au Canada, c'est lui qui a fait les dernières
éditions de "Government of Canada de Dawson". Norman Watts disait:
"C'est une trop grosse besogne pour le Parlement". Je vous prie de croire que
je ne mets pas de côté votre jugement. Vous êtes
certainement aussi compétents que tous les spécialistes que vous
allez faire venir, mais, à l'heure actuelle, il me semble que les
parlementaires sont tellement pris par leur travail parlementaire
véritable que, s'ils commencent à se promener dans toute la
province avec un travail fantastique, parce que je vous prie de croire que
refaire la carte électorale, ce sera un travail fantastique, surtout si
vous réduisez le nombre des circonscriptions.
N'oubliez pas que vous travaillez encore sur une carte dont la base est
de 1853 ! Il n'y a rien eu d'essentiel, il y a eu simplement du
rapiéçage depuis 1853. Donc, moi, je pense que c'est une trop
grosse besogne pour le Parlement.
Un autre argument, c'est que dans la plupart des pays du monde, à
l'heure actuelle, et j'ai fait des relevés, je dirai que le courant est
en faveur de libérer le Parlement de la carte électorale. Il y a
des pays où c'est encore le Parlement, mais, précisément,
ce sont les pays où le "gerrymandering" se pratique le plus. Les
Etats-Unis, par exemple. J'ai pris des renseignements sur un Etat voisin. On
vient de faire une sorte de redistribution dans le Maine. Elle s'est faite par
le parti au pouvoir. Inutile de vous dire qu'il y a des circonscriptions qui
tortillent. Vous savez l'origine de "gerrymandering", c'est salamandre,
"salamander". C'est comme une salamandre. Ce n'est pas très
géométrique, si vous voulez.
En France, c'est encore le Parlement qui fait la redistribution, mais je
vous prie de croire que dans le sud de la France, en particulier, il y a des
circonscriptions qui sont taillées à la mesure des
intérêts politiques.
Regardez, par exemple, le découpage que l'on peut faire dans la
ville de New-York pour entourer certaines personnes de couleur. Regardez
comment est taillée la circonscription d'Harlem. Malheureusement, encore
une fois, si vous confiez cela aux organismes politiques, la tentation est
malheureusement trop grande. C'est pour cela que, dans la plupart des pays du
monde, à l'heure actuelle, le courant est vers une commission
indépendante.
Voici des cas concrets, je ne fais que les signaler, je pourrai vous
donner des détails. Le premier, c'est sur la Grande-Bretagne. Vous savez
qu'au XIXe siècle le pays dont les moeurs électorales
étaient les plus pourries, le pays qui vient du plus loin possible dans
ce domaine-là, c'est la Grande-Bretagne. Depuis 1944, la Gran-de-Bretage
a un découpage qui se fait par quatre commissions: il y a une commission
pour le pays de Galles, etc. parce que l'on divise selon les régions.
Cependant, et tout de suite, je vous ferais remarquer un détail sur
lequel on pourra discuter tout à l'heure. Le découpage se fait
selon des règles que le Parlement a établies mais en Angleterre,
le Parlement reste suprême. La proposition est faite par la commission
qui est permanente et une simple résolution c'est-à-
dire que l'on n'est pas obligé d'adopter un projet de loi met le découpage en vigueur.
Donc, le cas de la Grande-Bretagne est patent. Le découpage ne se
fait pas par les hommes politiques, cela se fait par une commission
indépendante, on prévoit les nominations, etc. Cependant
c'est peut-être sur ça que l'on pourra discuter tout à
l'heure le Parlement garde la maîtrise et même, le
gouvernement peut intervenir. Vous comprendrez que, lorsque le gouvernement
intervient pour corriger la carte qui a été
suggérée par des spécialistes, le gouvernement a besoin
d'avoir de bons arguments parce qu'un geste indélicat pour
employer un euphémisme qu'il pourrait poser va être
remarqué.
Le deuxième cas est un cas canadien que je voudrais vous
signaler: le Manitoba. La province du Manitoba depuis 1957 a créé
une commission permanente qui s'occupe de la carte électorale. Je
reviendrai sur ce point tout à l'heure. Je vous souligne son
caractère permanent. Je me demande si, à l'occasion de vos
débats, vous ne devriez pas assurer cette permanence. Vous savez qu'il y
a un recensement, à toutes fins utiles, à tous les cinq ans. Le
vrai recensement est dans l'année qui se termine par un "un", mais
maintenant on a un recensement dans l'année qui se termine par un "six".
Au Manitoba, après chaque recensement, dès que les
résultats du recensement sont connus, la commission c'est une
commission qui est permanente et dont les membres se trouvent
déterminés non par leur personne humaine mais par leur fonction.
Par exemple, font partie automatiquement de la commission, le juge en chef du
Manitoba s'il ne peut pas, son représentant le
président de l'Université du Manitoba et le directeur
général des élections. C'est une commission que vous ne
pouvez pas préparer, si vous permettez l'expression. C'est une
commission qui est vraiment indépendante. Les membres font leur
étude, ils font leur rapport au Parlement. On leur a donné des
directives, par exemple pour ce qui est de la proportion entre les
circonscriptions rurales et urbaines. D'après les renseignements que
j'ai obtenus, cela fonctionne assez bien.
L'exemple que je trouve le plus parfait le professeur Boily dans
son ouvrage est favorable à cette thèse-là d'une
façon catégorique c'est l'exemple fédéral.
Nous ne sommes pas toujours portés à prendre nos exemples au
niveau du pouvoir fédéral, mais je pense que c'est un domaine
où vraiment nous avons donné non seulement au Canada
au monde entier un exemple de découpage vraiment
indépendant.
La loi a été adoptée au début du
régime de M. Pearson. Je tiens à vous dire que la loi que M.
Diefenbaker avait préparée était à peu près
analogue.
Je dirais qu'il y a deux différences entre la loi de M.
Diefenbaker et celle de M. Pearson. Dans la loi de M. Diefenbaker, il n'y avait
qu'une commission pour tout le Canada, tandis que dans la loi de M. Pearson,
vous avez des commissions pour chacune des provinces. Il y a aussi
peut-être une légère différence sur laquelle nous
reviendrons, c'est que dans la loi de M. Pearson nous le verrons et
c'est ça qui est terrible le Parlement, une fois qu'il a
délégué ses pouvoirs, ne peut plus intervenir; tandis que
je n'ai malheureusement pas eu le temps de le vérifier je
crois que dans la loi de M. Diefenbaker, le Parlement avait gardé une
certaine suprématie.
Voici les traits essentiels de la loi fédérale. En
passant, c'est 13 Elizabeth II, chapitre 31, adoptée en 1964. Les
traits sont donc les suivants: II y a au niveau fédéral deux
personnages pour les élections: le commissaire à la
redistribution qui est l'ancien directeur des élections, M. Castonguay
et le directeur général des élections. On me dit entre les
lignes qu'on va peut-être s'apercevoir que les deux postes pourraient
être réunis. En tout cas, cela est une question qui n'a pas
beaucoup d'importance. Il semble bien que le travail de celui qui s'occupe de
la redistribution n'est pas extrêmement considérable. Ce
personnage, avec un bureau, prépare toute la documentation. A la
dernière redistribution, la documentation que j'ai vue était
admirable. Les commissaires ont eu devant eux des cartes et des données
démographiques qui étaient remarquables. Deuxièmement,
dans chaque province, une commission est établie avec les quatre membres
suivants: le commissaire qui fait partie de toutes les commissions, un juge qui
est président et qui est nommé par le juge en chef de chaque
province et deux autres membres qui sont nommés par l'Orateur de la
Chambre des communes. On a beaucoup discuté sur la façon de faire
les nominations, mais je pense bien qu'il s'agit là de détails.
Par conséquent, ces commissions ont été nommées.
Par exemple, pour vous donner le cas du Québec, M. Castonguay faisait
partie de la commission; vous aviez le juge Langlois à Montréal;
vous aviez le président provincial. M. Drouin, qui a été
engagé par le gouvernement fédéral et vous aviez le
principal ou le vice-principal de Bishop. Donc, quatre personnages, je crois,
dont on pouvait dire qu'ils étaient complètement étrangers
aux problèmes politiques.
Ces gens-là ont travaillé énormément et cela
prouve que le travail est considérable. Ils ont fait le tour de la
province. Ils ont fait des enquêtes. Ils ont entendu des gens et ils ont
fait rapport. Et là, voici le point important. Le rapport est
déposé je laisse de côté les détails,
je donne l'essentiel à la Chambre des communes et les
députés qui ne sont pas contents... C'est normal de ne pas
être content d'une distribution, parce que, évidemment, il y en a
un qui sera content et un autre qui ne le sera pas. Un certain nombre des
députés peuvent intervenir et il y a là un débat.
On peut critiquer la carte qui a été dressée par les
experts, mais après le débat les plaintes qui ont
été formulées sont renvoyées à la
commission et c'est la caractéristique du système canadien qui
est presque unique au monde, c'est la commission qui gagne. C'est là le
point important. Même si vous déléguez à un
organisme indépendant, est-ce que vous ne devez pas vous garder au moins
le droit de corriger ce que les experts ont préparé? Je trouve
admirable le système fédéral, mais j'admets que, pour des
gens qui sont dans la vie politique, il est normal de dire: Nous gardons la
maîtrise définitive. Tout de même, j'ai remarqué chez
le professeur Boily, dont le livre est très bien fait, qu'il tenait
mordicus au système fédéral. Je pense que vous avez
là l'essentiel.
J'ajouterai tout de même des remarques
d'à-côté. Ce qui me frappe, et je ne sais si cela a
été signalé, c'est que vous êtes obligés de
faire le découpage de la carte électorale dans un très
mauvais moment. Vous allez être obligés de travailler, ou ceux que
vous allez déléguer, avec le rencensement de 1966. Or, le
recensement se fera en juin 1971. Nous n'aurons pas, je pense, les
données du recensement avant 1972 et, ce qui va arriver, c'est que j'ai
bien peur que votre carte soit dépassée au moment où vous
l'aurez terminée. Evidemment, si vous gardez la commission de la
Chambre, il n'y aura pas d'autre organisme.
Je propose que ce soit un organisme permanent, qui dise: A tous les cinq
ans, dès que les résultats sont connus plus tard ce sera
peut-être un recensement uniquement pour le Québec mais il y aura
toujours des recensements une commission existante, dont les membres
sont déjà prévus, que vous ne nommez pas parce qu'ils sont
prévus par leurs fonctions, commence à travailler. Cela
résume à peu près mon exposé sur le premier point.
Il y a bien d'autres détails, mais c'est mon attitude
générale. Je résume encore une fois, vous avez le
droit de ne pas être du même avis je crois que le
système d'Ottawa est un excellent système, vraiment
indépendant. Le public en a eu une excellente publicité. Il s'est
dit: Les circonscriptions ne sont quand même pas taillées pour
faire plaisir à des députés. Une fois que vous aurez
donné des directives comme le faisait la loi fédérale,
comme la directive des 25 p. c. ou des 20 p. c. il est possible que vous
vous arrêtiez à 25 p. c. je crois que le découpage
de la carte électorale doit se faire par un organisme
indépendant. J'ajoute que si vous regardez les ouvrages
théoriques, évidemment les théoriciens ne sont pas
dans vos problèmes tous ces ouvrages sont pour le
découpage par un organisme indépendant. Je comprends que, pour un
député, il doit être terriblement difficile de se dire;
"J'abandonne, ma circonscription sera peut-être abolie, peut-être
que lorsque la carte électorale naîtra, je n'aurai pas d'endroit
pour me présenter..." Vous me permettrez de voir le problème d'un
autre côté. Je pense que le système fédéral,
tel que pratiqué, est le meilleur. Ceci est la première partie de
mon exposé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie M.
Bonenfant des explications qu'il nous a fournies. J'ai retenu les observations
qu'il a faites concernant la participation de la commission parlementaire au
découpage de la carte. Je crois qu'il y a une certaine confusion
cela vient peut-être du fait que les expressions d'opinion n'ont pas
été assez précises et que le petit compte rendu
auquel vous vous êtes référé tout à l'heure
ne donne pas une idée exacte de l'ensemble des opinions et surtout des
opinions qui n'ont pas été explicitées. Lorsque nous avons
parlé de la responsabilité des parlementaires, nous en avons
d'abord parlé de façon générale, en pensant
à l'ensemble de la réforme institutionnelle que nous
entreprenons. A partir de là, nous avons conclu, à la suite d'une
déclaration ministérielle du premier ministre, que cette
responsabilité incomberait aux parlementaires. Nous avons ensuite
réuni un comité directeur chargé d'établir un
échéancier, un calendrier de travail, etc. A l'occasion de cette
réunion du comité directeur, nous avons fixé certains
sujets dont celui de la carte électorale, mode de scrutin, etc. C'est
à ce moment que nous sommes revenus sur l'idée que les
parlementaires doivent assumer, dans ce travail de refonte, que ce soit celui
de la carte, ou du mode de scrutin, une responsabilité beaucoup plus
importante que certaines personnes ne le voudraient.
Lorsque nous parlons de responsabilité des parlementaires, nous
n'entendons pas par là, nous substituer à des experts qui, dans
un domaine spécifique comme celui du réaménagement de la
carte, ont une compétence que nous ne nous reconnaissons pas, bien que
nous nous réservions le droit de les juger. Nous avons donc convenu
je crois que c'était là le sentiment unanime que
nous déterminerions un certain nombre de critères vous y
avez fait allusion tout à l'heure qui devraient guider les
experts qui seront appelés par la suite à travailler en
comité, à procéder à ce réaménagement
de la carte électorale. Sous toute réserve cependant, que nous
puissions examiner au fur et à mesure, c'est-à-dire par
étapes, les travaux qui nous seront soumis. Nous n'entendions pas,
lorsque nous avons fait ces propositions j'ai été un de
ceux qui ont fait cette proposition intervenir à tout instant et
à tout propos dans le travail des experts.
Nous pensions qu'il fallait leur confier une tâche bien
définie, déterminer des critères qu'ils devraient suivre
dans leur travail, et quitte, pour leur part, à nous fournir les
résultats de leurs travaux afin que nous puissions les examiner et voir
s'ils respectaient les critères que nous avions établis au
départ.
Par conséquent, je ne crois pas, M. Bonenfant, qu'il y ait
divergence d'opinions entre vous et nous, ou vous et moi en ce qui concerne le
réaménagement de la carte électorale. Par ailleurs, vous
venez de nous donner des exemples qui nous éclairent, et qui
peut-être vont nous permettre d'avoir du problème une dimen-
sion beaucoup plus large, et une dimension beaucoup plus exacte de
l'importance et de l'ampleur du travail que nous avons entrepris.
Donc, je ne me refuse pas du tout aux suggestions que vous avez faites,
puisqu'elles apportent des éléments nouveaux, mais j'ai
précisé l'attitude que personnellement j'avais prise et que
d'autres membres de la commission avaient prise, au sujet de cette
responsabilité des parlementaires. Parce que si ce ne sont pas les
parlementaires qui s'occupent de la réforme institutionnelle du
gouvernement du Québec, je ne sais pas qui pourrait le faire.
Vous avez fait allusion tout à l'heure à ce danger de
l'influence politique, et il est réel. Il est bien évident que si
la majorité gouvernementale, par exemple, mettait de côté
le travail des experts pour procéder à un découpage qui
correspondrait à ses intérêts, que ce soit un parti ou
l'autre qui assume le pouvoir à ce moment-là, ce serait
malheureux, et l'on n'irait pas dans le sens de l'histoire ainsi que vous
l'avez décrit tout à l'heure.
Par conséquent, j'estime que vos propositions et les nôtres
se complètent. Il reste à déterminer les modalités
d'action, les modalités du travail que nous nous proposons de confier
aux experts. Je maintiens pour ma part que le Parlement, par le truchement de
sa commission parlementaire et le premier ministre a été
assez formel là-dessus dans sa déclaration ministérielle
que ce travail-là doit être surveillé de très
près.
Et non seulement ce travail doit être surveillé, mais les
membres de la commission parlementaire doivent y prendre une part active, parce
qu'ils sont quand même les représentants du peuple, et beaucoup
mieux placés que d'autres pour savoir quels peuvent être les
conséquences et les résultats d'un découpage qui
procéderait de principes et de données fort scientifiques, mais
qui auraient peut-être le tort d'être un peu trop abstraites.
Notre attitude est une attitude assez pragmatique, direz-vous, mais elle
est quand même inspirée par l'expérience. J'ai vécu
à Ottawa l'expérience à laquelle vous avez fait allusion,
lorsque l'on a dû préparer la loi qui devait amender cette refonte
de la carte électorale. Au moment où le texte final a
été présenté, j'avais quitté Ottawa à
ce moment-là. Mais, j'ai suivi et j'ai participé aux travaux qui
ont été ensuite repris par le gouvernement de M. Pearson.
Je vous dis donc, M. Bonenfant, que dans l'exposé que vous nous
avez fait, je ne vois pas de divergences profondes entre ce que vous avez dit,
et ce que nous avons dit. Vous avez dit ceci tout à l'heure, que,
à votre avis, le problème de la refonte de la carte
électorale n'est pas purement un problème géographique, de
géographie physique. C'est une question de géographie humaine,
une question démographique.
Vous avez raison, mais il n'empêche qu'il existe telle
réalité au Québec, des régions dites rurales et des
régions urbaines ou en voie d'urbanisation.
Toutes les démonstrations que l'on pourra nous faire à ce
sujet ne nous empêcheront pas de voir le problème dans une optique
très réaliste. Les citoyens qui nous parlent de cette refonte de
la carte électorale nous font en effet valoir cet aspect très
important du problème, c'est qu'il existe des régions rurales.
Qu'il y ait préjugé ou non, nous pourrons examiner le
problème à fond, il reste que ceux que nous appelons les ruraux
ont à l'endroit d'un réaménagement de la carte
électorale certaines craintes justifiées. Ils n'accepteraient pas
d'emblée que nous placions le problème dans l'optique purement
démographique mais que nous tenions compte de critères qui ne
soient pas purement numériques mais de critères
socio-économiques. C'est de là que sont venues les observations
de plusieurs membres de la commission au sujet de cette distinction entre
ruraux et urbains.
En ce qui me concerne, je ne défends ni les ruraux ni les
urbains, puisque je représente une circonscription urbaine avec une
toute petite enclave rurale, mais causant avec des députés qui
représentent des régions rurales, je me suis rendu compte que
cela pose un problème. Je le répète, qu'il s'agisse d'un
préjugé ou non, nous devons quand même examiner la question
au fond avant de décider si nous mettrons de côté ce
principe qui avait prévalu lorsque nous avons procédé au
réaménagement de la carte à partir du rapport de la
commission Grenier, réaménagement qui s'est effectué en
1966.
Ce sont, pour l'instant, M. Bonenfant, quelques observations que je
voulais faire. Je termine en revenant sur ce que vous avez dit. Vous avez dit
qu'il s'agit d'une tâche trop lourde pour les parlementaires.
M. BONENFANT: C'est-à-dire que je l'ai fait dire à Norman
Watts. Ce n'est pas moi qui l'ai dit.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qui est exact, c'est qu'il est bien
évident que le travail pratique, technique de
réaménagement ne peut pas être accompli par les
parlementaires parce que ceux-ci ont d'autres choses à faire et
qu'être député aujourd'hui, c'est un emploi à temps
plein. Il y a de multiples commission parlementaires qui nous accaparent. Il
n'est pas possible, dans les circonstances, pour nous, de nous atteler à
un travail aussi scientifique que celui-là. A ce point de vue, je suis
tout à fait d'accord avec vous. Je maintiens cependant que le
gouvernement doit conserver une suprématie sur le
réaménagement de la carte électorale, et pour valables que
soient les rapports, les résolutions, les recommandations des
spécialistes, tout cela devra être soumis à l'approbation
du Parlement via la commission parlementaire ou par le Parlement dans son
entier.
M. LE PRESIDENT: M. Brown a demandé la parole. M. Brown, si vous
n'avez pas d'objection, peut-être serions-nous mieux de garder le
principe que les représentants officiels de chacun des partis
donnent une opinion globale.
M. BROWN: Après les spécialistes, merci mon Dieu, je
parlerai après eux.
M. LAURIN: M. le Président, je suis passablement d'accord avec
tout ce que M. Bonen-fant nous a dit ce matin. Je remarque cependant qu'il n'a
pas beaucoup insisté sur l'injustice criante du système actuel.
J'imagine que c'est parce que c'est accepté unanimement...
M. BONENFANT: Excusez, je n'ai pas compris le dernier mot.
M. LAURIN: II n'a pas beaucoup insisté sur l'injustice criante du
système actuel, étant donné que c'est unanimement
accepté.
M. BONENFANT: Cela va de soi.
M. LAURIN: Oui, cela va de soi. Précisément, c'est
à partir de cette injustice criante du système actuel qu'il faut
conclure aux besoins non moins criants d'une réforme, la plus rapide, et
en profondeur. Je remarque que M. Bonen-fant écrivait dans un article,
le 2 avril 1970, dans l'Action: "Si le parlementarisme n'est basé que
sur une fiction, il sera de plus en plus déprécié dans
l'opinion publique. A l'heure actuelle, dans le Québec, avec des
circonscriptions trop inégales, et avec le scrutin majoritaire à
un tour face à des candidats appartenant à plusieurs partis, nous
courons de gros risques d'être gouvernés par une
minorité".
Vous avez écrit cet article-là avec
l'élection...
M. BONENFANT: Je n'ai pas changé d'idée.
M. LAURIN: Est-ce que votre idée a changé? Voudriez-vous
élaborer un peu sur cette question?
M. BONENFANT: Je n'ai pas changé d'idée là-dessus.
Au contraite, les dernières élections ont
précisément appuyé ce que je disais.
Remarquez bien, je ne dis pas cela parce que j'approuve un parti ou un
autre. A mon âge on devient sceptique et puis...
M. LAURIN: Vous voulez dire que la dernière élection a
prouvé que le...
M. BONENFANT: Certainement. Ecoutez, je pense que ce n'est pas favoriser
un parti que de le dire. Il y a une différence. On en parlera tout
à l'heure. Je crois qu'un système doit permettre une
identité entre le pourcentage de la représentation parlementaire
et le pourcentage du vote populaire. Cela ne dépend pas uniquement de la
carte électorale. Cela dépend de la loi du cube, nous le savons,
et ça dépend du système de scrutin. Nous aurons l'occasion
d'en parler plus tard. Il reste que c'est tellement évident pour moi.
Encore une fois, ce n'est pas pour flatter votre parti, je l'ai dit parce que
je le pensais. Je l'ai d'ailleurs écrit avant les résultats qui
ont peut-être désavantagé votre parti.
M. LAURIN: Ma deuxième question porte sur les remarques que vous
avez faites à propos de l'écart de représentation entre
les différentes circonscriptions. Vous avez dit que la Grande-Bretagne
vise à l'égalité complète. Vous avez dit que
d'autres tendances québécoises tendent à limiter cet
écart à 25 p. c.
M. BONENFANT: Oui.
M. LAURIN: Vous avez dit que personnellement vous tendriez plutôt
à favoriser un écart de 20 p. c.
M. BONENFANT: Oui.
M. LAURIN: J'aimerais que vous explicitiez un peu votre position
là-dessus en regard précisément des différences que
l'on fait valoir entre les circonscriptions rurales et urbaines en essayant de
montrer en quoi cet écart de 20 p. c. que vous suggérez ne
désavantagerait pas les circonscriptions rurales par rapport aux
circonscriptions urbaines.
M. BONENFANT: Voici mon explication.
M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je n'avais pas
l'impression que M. Laurin procéderait à un interrogatoire. Je
croyais qu'il aurait procédé comme M. Tremblay, à donner
un point de vue global du parti qu'il représente.
M. LAURIN: Je l'ai donné au début en disant que
j'étais d'accord avec tout ce qu'il disait.
M. LE PRESIDENT: Dans ce cas, je vais donner la parole... Je pense qu'on
devrait attendre avant de passer à l'interrogatoire parce
qu'autrement...
UNE VOIX: Vous pourrez retenir vos questions.
M. LE PRESIDENT: ... il y a certains membres d'autres partis qui vont
vouloir enchafner sur les mêmes questions. M. Béland.
M. BELAND: Merci, M. le Président. Voici, je serai très
bref. J'accepte, avec plaisir, les observations de M. Bonenfant. Même
s'il disait c'est son expression qu'il était vieux jeu
dans l'affaire, je pense qu'il est très jeune, surtout lorsqu'il a
dit...
M. BONENFANT: Cela retourne en vieillissant, vous savez. C'est un cercle
vicieux.
M. BELAND: ... qu'il fallait que le système à
établir corresponde à la réalité 1971 et
avec adaptation au fur et à mesure des années. Maintenant, quant
aux critères à établir en vue de cet agencement, je
trouverais normal que nous, les membres de l'Assemblée nationale,
établissions les différents critères principaux, quitte
à les faire compléter par cette fameuse commission
complètement indépendante des politiciens que nous sommes. Cette
commission ferait un rapport devant la commission parlementaire, ici
même, pour en arriver à étudier ou à regarder d'une
façon plus précise, quitte à ce que les politiciens que
nous sommes donnent des observations pour en arriver peut-être à
un consensus sur quelques questions données mais non quant à
l'ensemble global de la division électorale. Je présume quand
même toujours dans l'esprit de M. Bonenfant qu'il serait
tenu compte par cette commission de la nécessité que les divers
éléments que l'on peut rencontrer au Québec soient
représentés. Je pense, d'ailleurs, en me référant
à un discours prononcé en Chambre par M. Brown que j'ai
grandement apprécié, à l'effet qu'il faut continuer
à représenter l'élément rural. Il n'y a pas que
l'élément rural, il y a d'autres éléments qui
doivent être représentés compte tenu des diverses
mentalités que l'on peut rencontrer à travers la province.
M. BONENFANT: Est-ce que je puis ajouter quelque chose? Il est
évident que, quel que soit le système que vous adoptiez, vous
allez être obligés d'établir les critère dans une
loi. Et il serait peut-être intéressant de vous signaler comment
on les a établis à Ottawa. A mon sens, ce n'est pas très
bien établi mais ça donne un exemple.
En résumé, dans la loi, on dit à Ottawa: Vous
prenez la population d'une province et vous divisez par le nombre de
circonscriptions et cela vous donne la circonscription idéale.
Evidemment, après ça, on dit: Vous pourrez bouger de 25 p. c. en
haut ou de 25 p. c. en bas. On établit comme critère que la
commission peut s'écarter de l'application rigoureuse des règles
précédentes chaque fois que des considérations
spéciales d'ordre géographique, notamment la faible ou forte
densité ou de taux relatif de croissance de la population des diverses
régions de la province, leur accessibilité, leur superficie ou
leur configuration rendent de l'avis de la commission un tel écart
nécessaire ou opportun. On ajoute une deuxième circonstance
où on peut s'éloigner de la règle, où l'on peut
tenir compte des 25 p. c. ; lorsqu'une communauté ou une
diversité particulière d'intérêts des habitants des
diverses régions de la province rendent de l'avis de la commission un
tel écart nécessaire ou opportun.
Voici le cas que vous allez avoir. Je pense que vous devriez, si vous
faites cela, établir des critères en tenant compte de la
croissance démographique, par exemple, des petites villes de
périphérie des grandes villes. Il est sûr que
Laval, Sainte-Foy, ou Sillery à Québec, plutôt
Sainte-Foy que Sillery, ont des croissances rapides. Par ailleurs, on sait
qu'il y a des circonscriptions dans certaines parties de la province qui vont
probablement décroître. Aujourd'hui, par la démographie,
surtout si on établit quelque chose de permanent qui va suivre les
recensements, on peut tenir compte de cela.
Il y a un deuxième problème. Cela ne sert à rien de
se fermer les yeux. Le découpage dans la ville de Montréal aura
un impact politique à cause des différences ethniques. Selon que
vous avez distribué une certaine partie de la population dans certaines
circonscriptions, vous allez changer le résultat de la ville de
Montréal. Je crois que ne pas le dire serait faire comme l'autruche qui
se met la tête dans le sable.
M. LE PRESIDENT: M. Pinard.
M. PINARD: M. le Président, je crois que les interventions qui
ont été faites depuis le début de cette séance sont
très intéressantes. J'ai beaucoup aimé, je dois l'avouer,
l'intervention de M. Bonenfant. Je pense qu'elle est marquée au coin du
réalisme et de l'expérience. Cependant, je ne me déclare
pas tout à fait satisfait des explications qu'il a données. Je
lui donne quand même la chance de pouvoir expliciter davantage
tantôt certaines prises de position.
Il prétend que le système mis en vigueur par le
gouvernement du Canada est le meilleur, compte tenu des expériences
vécues ailleurs dans d'autres pays du monde. Je serais d'accord en
principe avec lui, sauf qu'il faut bien penser qu'au plan géographique,
de la géographie physique, comme il l'a souligné, et de la
géographie humaine, il s'agit d'un très vaste territoire
composé de dix provinces et de populations disparates parfois
très clairsemées sur un très vaste territoire avec des
économies très différentes, avec des vocations aussi
très différentes, avec plus ou moins de dynamisme selon les
régions habitées. J'imagine que, dans l'esprit du
législateur et des commissaires qui ont présidé aux
travaux de la refonte de la carte électorale, ces éléments
ont dû entrer en ligne de compte pour leur permettre d'en arriver
à un découpage à la fois réaliste et efficace pour
être sûrs de bien donner la meilleure représentation
possible à tous les éléments de la population qu'un
gouvernement doit servir.
Mon argument est celui-ci. Ayant discuté dans un contexte
beaucoup plus général, beaucoup plus global, c'est-à-dire
beaucoup plus large au plan du territoire et au plan de la disproportion dans
les populations qui occupent les territoires du Canada, c'est-à-dire les
dix provinces, j'aimerais que M. Bonenfant, s'il est capable de le faire ce
matin, nous dise, par exemple, quel peut-être le rapprochement qui serait
fait entre le Québec et la Suède qui, au plan de la
géographie physique et au plan de la géographie humaine, sont
très apparentés. La
province de Québec, tout comme la Suède, a connu ce qu'on
appelait autrefois jusqu'à 1930, le phénomène de la
vocation rurale. Au fur et à mesure que les années ont
passé, la Suède s'est urbanisée et il y a eu migration des
populations des territoires ruraux vers de grandes villes comme Stockholm et
d'autres villes de moyenne importance. C'est un peu l'expérience que
nous avons vécue ici au Québec où Montréal est
devenue une très grande ville, une grande métropole, avec une
ville comme Québec qui est devenue par la force des choses la capitale
de la province et avec aussi des villes moyennes comme Sherbrooke,
Trois-Rivières et Hull, pour n'en citer que quelques-unes.
Il se pose des problèmes qui m'inquiètent jusqu'à
un certain point pour rejoindre à la fois les interrogations faites
tantôt par le député de Chicoutimi, par le
député qui représente le Ralliement créditiste, et
aussi pour rejoindre un peu les déclarations faites par le
député de Bourget.
J'imagine que les critères qui devront être établis,
soit par les parlementaires, soit par des experts, devront tenir compte de
toutes ces données, pour être bien sûrs que les
régions du Québec, plutôt à caractère rural,
qui ont moins de dynamisme économique, de dynamisme social que d'autres
régions, ne pourront être mieux représentées ou plus
représentées que d'autres régions qui, tout en ayant une
même vocation rurale, auraient plus de dynamisme économique, en
somme, auraient plus d'autonomie de gestion ou de progression vers
l'équilibre des forces ou vers l'équilibre économique qui
pourrait assurer un niveau de vie plus équitable.
C'est ça qui me préoccupe, parce que, que l'on mette en
pratique un système de refonte de la carte électorale en se
donnant une marge de 25 p. c. ou 20 p. c, je ne suis pas sûr que nous
allons donner satisfaction à la population, qui se sent, à tort
ou à raison, sous-représentée au Parlement du
Québec, et qui se sent très éloignée du centre des
décisions, qui prétend à tort ou à raison ne pas
avoir les retombées économiques, les investissements publics,
para-publics ou privés.
C'est ça qui m'inquiète, et c'est la seule solution
possible à mon avis, pour corriger les inégalités sociales
d'abord, les inégalités économiques qui engendrent la
contestation sociale que nous vivons en ce moment, et qui empêche bien
souvent les hommes publics de dormir avec le repos qu'ils méritent
parfois, même si on les affuble de toutes les épithètes
depuis quelque temps. Pour ma part, c'est ce qui me préoccupe.
Je ne sais pas ce que M. Bonenfant pourrait nous dire à ce
moment-ci de son intervention.
M. BONENFANT: Si vous permettez, je pense que je suis de votre avis dans
certains cas, mais pas pour les mêmes raisons. La première chose
que vous avez dite a été que l'exemple fédéral
n'est peut-être pas convaincant parce qu'il s'agit d'une redistribution
un peu différen- te. Mais tout de suite, je vais vous souligner que la
distribution, ayant été provinciale, vous avez exactement les
mêmes choses.
En d'autres termes, on a demandé aux personnes que je vous ai
nommées tout à l'heure: A partir de 74 circonscriptions, vous
allez faire une carte électorale du Québec. Si vous adoptez tout
à l'heure 80 ou 110, vous allez tout de même dire aux gens qui
vont faire ça: Vous avez à faire une carte électorale de
110 ou de 80 circonscriptions pour le Québec.
Donc, je pense que la différence avec le problème
fédéral n'est pas aussi profonde. Mais, il y a une chose que vous
n'avez pas dite et qui est un argument en faveur de votre thèse, de
votre point d'interrogation, c'est que la relation entre le
député fédéral et les électeurs est un peu
différente de la relation du député provincial et ses
électeurs.
Qu'on appelle ça patronage ou bons services, il reste quand
même que c'est une relation plus intime je dirais et du
moins pour quelques années, je crois que ça va le demeurer. Il y
a un lien plus direct entre le député à Québec et
ses électeurs, et je pense que cet élément-là est
peut-être assez important. En d'autres termes, ça veut dire qu'un
découpage à Ottawa peut être plus impersonnel qu'un
découpage à Québec. Je pense que j'ajoute un peu à
votre argumentation.
Troisièmement, le problème de la différence entre
la représentation rurale et urbaine est un problème très
délicat. Je vous ai dit tout à l'heure d'une façon
peut-être un peu trop catégorique, que personnellement je
ne cherche pas à transmettre mes idées je ne fais pas
beaucoup de différence, parce qu'à mon sens, de plus en plus, la
partie rurale va disparaître.
Dans une petite ville, par exemple Drummondville, qui a d'ailleurs
été une ville sociolo-giquement étudiée par Hughes,
je me dis qu'il n'y a pas grande différence entre l'électeur dans
Drummondville et l'électeur par exemple dans Sillery où j'habite.
Je vous garantis qu'au bout d'un certain temps la partie rurale du
Québec, ça sera peu de chose.
Et là, je vous le dis avec toutes les précautions
nécessaires, ne me tirez pas de pommes de terre, je pense que
défendre la partie rurale, c'est déjà une attitude
sociale. On a peur des villes. J'ai l'impression que vous ne pourrez pas
toujours contenir les mouvements qui viennent des villes par des moyens
artificiels. Je veux qu'on représente les milieux ruraux, mais je ne
veux pas que ce soit de façon à créer, ce que nous
dénoncions tout à l'heure, la différence entre la
représentation parlementaire et la représentation populaire.
C'est pour cela que j'avais une solution tout à l'heure; je la
donne immédiatement: dans les directives que vous donnerez, vous pouvez
très bien faire comme au Manitoba, dire que le rapport est de cinq -
sept. Dans cette province, il faut qu'il y ait cinq circonscriptions rurales
pour sept circonscriptions urbaines. Or, vous
avez parlé tantôt des pays Scandinaves; je suis
passé par la Suède et là c'est la proportionnelle. Mais en
Norvège autrefois la constitution de ce pays disait exactement que le
nombre de représentants à élire au Storting c'est
le nom du parlement est fixé à 150. Celui des
représentants des districts ruraux, par rapport à celui des
villes, doit être toujours dans la proportion de deux à un. On a
fait disparaître cela; on a essayé par d'autres moyens de
rétablir l'équilibre.
En Russie, le contraire se produit; les villes sont
surreprésentées par rapport aux campagnes, on a inversé en
Russie. Mais, voici le moyen. Tout à l'heure si le temps nous le
permet nous parlerons des trente députés qui seront
élus selon les listes. A ce moment-là, ce sera peut-être
l'occasion de favoriser les milieux ruraux. Par exemple, si vous divisez la
province en deux province urbaine et province rurale si vous dites
le chiffre mentionné tout à l'heure, que sur ces trente
députés il y en aura vingt qui représenteront les
circonscriptions rurales et dix... Mais, j'aurais une autre solution et, bien
qu'ayant l'air farfelu, je ne la mets pas de côté. On est
tellement heureux d'avoir aboli le Conseil législatif que nous ne
rêvons pas de le rétablir; mais on aurait dû, non pas
l'abolir, mais le transformer.
De plus en plus, nous nous apercevons que le problème au
Québec, est un problème de régions. Si vous donnez une
représentation fidèle de Montréal, cette ville
écrasera la province, sans aucun doute. Il y a un moyen d'établir
un équilibre encore là vous rirez peut-être de moi
c'est un équilibre de type fédératif. Je me
demande... Si nous avions une Chambre haute régionale au Québec,
dont les membres seraient élus à la proportionnelle, vous
pourriez compenser le caractère peut-être trop
représentatif de la Chambre basse, par une représentation
régionale. Si la région du Saguenay avait six
représentants à la Chambre haute élus à la
proportionnelle et que la région de Montréal n'avait que six
représentants élus à la proportionnelle, je pense que les
éléments ruraux pourraient retrouver un certain équilibre.
Je ne donnerais pas, par exemple, à cette Chambre des pouvoirs de
contrôle de la responsabilité ministérielle, mais bien des
pouvoirs dilatoires; ceci permettrait aux milieux ruraux de bloquer une mesure
qui a été votée par des députés urbains,
peut-être un peu trop urbains.
Il y aurait un autre avantage: les élections à cette
Chambre auraient lieu périodiquement, ce qui permettrait une
consultation périodique de l'opinion populaire. C'est ce qui manque
à l'heure actuelle; vous êtes obligés de remplacer cela par
les Gallup, si vous voulez. Ma réforme est un peu globale. Tout en
étant de votre avis, je pense bien que dans l'état actuel des
choses je ne dirai pas "superreprésenter" les circonscriptions
rurales mais je me demande si le cinq - sept du Manitoba ne serait pas un
bon exemple. Mais, attention! si vous voulez "sur- représenter" de
façon à briser l'analogie entre la représentation
parlementaire et le vote populaire, je ne suis pas d'accord!
M. PINARD: Un point à clarifier, si vous me permettez. Mon
intervention était surtout pour mettre l'accent, non pas tellement sur
la représentation physique, c'est-à-dire la relation entre le
député dûment mandaté par une population
donnée, comme le pouvoir de ce représentant d'apporter sur son
territoire la quote-part des revenus payés en taxes.
M. BONENFANT: La redistribution de la richesse.
M. PINARD: Oui, la redistribution de la richesse. Parce que c'est,
à mon sens, le problème fondamental de toute la contestation
globale et partielle que nous vivons en ce moment. Alors, la pauvreté
qu'est-ce que c'est? C'est relatif. La pauvreté en Inde est beaucoup
plus profonde que celle que nous pouvons connaître au Québec; il
faut quand même distinguer la gravité ou la moindre gravité
du terme "pauvreté". C'est cela ma préoccupation...
M. BONENFANT: Si vous permettez, vous ne pouvez pas...
M. PINARD: ... et on joue tellement sur les mots, on prend
prétexte de toutes sortes de choses pour essayer d'enrayer le
mécanisme de l'administration provinciale, soit au niveau
exécutif, soit au niveau législatif, pour déplacer les
problèmes de leur véritable contexte. J'imagine que même
une réforme électorale, si juste soit-elle, si scientifique
soit-elle, ne réglera pas les problèmes dans lesquels nous sommes
plongés en ce moment.
M. LE PRESIDENT: M. Brown.
MR. BROWN: You have said, Mr. Bonen-fant, that in your opinion, in the
representative system, it does not matter whether it is a plane, a house or a
skyscraper, it is a bundle of people who vote for one representative, whether
he lives in a rural setting or in an urban setting. Now, do you also believe
that the marking of a ballot is the only thing that a voter or a citizen should
have the right to think in terms of?
MR. BONENFANT: No.
MR. BROWN: Then, do you also believe that every voter should have
exactly the same rights under a system of representation that you advocate?
MR. BONENFANT: Yes.
MR. BROWN: Well, if you do, then, how are you going to furnish a book to
Mr. Smith who is in Cartier and close to the St. Lawrence, or
in Mansonville, the same as you would furnish a book in the City in
Montreal? How are you going to arrange that there is an equal amount of rights
or an equal amount of money from the government and an equal amount of service
to this voter that he has the same availability of a member? It seems to me
that this is an impossible situation. This, over the years, is the cause of the
distribution of the counties that we have as they are. At the minute that you
say: well, a person has exactly the same rights, then, Mr. Jones, who lives on
the side of Lake Memphremagog has the right to read a book just as easily as
Mr. Smith who lives in Westmount.
MR. BONENFANT: Yes.
MR. BROWN: This, to me, is the key of the situation. Now, we will say
that there is one building in Montreal, a superbuilding which is built. In the
building, there are 25,000 residents. Do you propose to make a county of that
one building? I mean that we are talking in theory, but we are talking, as you
said, that in a representative system, it does not matter where they live, what
they do. They have exactly the same rights in voting. If they have exactly the
same rights in voting, they have exactly the same rights...
MR. BONENFANT: To services.
MR. BROWN: ... in services of the government...
M. LE PRESIDENT: M. Bonenfant.
M. BONENFANT: M. Brown m'a pris par mon point sensible, les
bibliothèques. Evidemment, j'y ai consacré une partie de ma vie.
Souvent, il est venu me soir et nous en avons causé lorsque
j'étais bibliothécaire. J'ai peut-être
exagéré ma pensée au début, mais je crois que la
disproportion ne doit pas être aussi considérable qu'elle l'est
actuellement.
M. Brown a raison en disant: II faut tout de même, si nous voulons
l'égalité des votes, si un vote dans telle circonscription doit
égaler tel vote, qu'il y ait égalité des services. C'est
le point essentiel. Mais je me demande vous pouvez différer
d'opinion avec moi si l'égalité des services est aussi
liée que nous le croyons à l'égalité de la
représentation. Si vous voulez, nous allons prendre l'exemple des
bibliothèques. Par hasard, je suis à nouveau membre de la
Commission des bibliothèques du Québec. Je ne m'occupe pas de
McLennan. Donc, faites attention. Il est sûr que vous avez
peut-être pris un mauvais exemple, je pense que Cartier est assez bien
desservi au point de vue de bibliothèques les faubourgs des
grandes villes sont moins bien servis au point de vue des bibliothèques
que bien des municipalités rurales. Je pense qu'un gouvernement qui
vraiment gouverne pour l'ensemble de la population va chercher à
établir un système de bibliobus pour la Gaspésie,
même si la Gaspésie ne nous envoie que deux ou trois
députés.
Je ne pense pas qu'il y ait une liaison aussi intime que le croit M.
Brown entre la représentation fidèle et les services. C'est le
vaste domaine de la politique.
Il est sûr qu'un bon gouvernement tous les gouvernements se
disent bons évidemment et l'Opposition croit toujours qu'ils sont
mauvais cherche à redistribuer la richesse de la façon la
plus équitable et ce n'est pas la présence de quelques
députés de plus... Encore une fois, je suis de votre avis et je
suis moins catégorique qu'au début. Je pense que, pour un certain
temps dans le Québec, il faut "surreprésenter" non seulement les
milieux ruraux mais, par exemple, certaines entités ethniques. C'est
pour cela que la redistribution va être terriblement compliquée et
je reviens à mon argument.
Il vous appartiendrait, vous, messieurs, d'en tracer les critères
et de laisser l'intendance, comme dirait le général, se
débrouiller avec les terribles problèmes... Je n'appellerais
même pas cela des spécialistes. Je veux une vraie commission au
départ. Je vois M. Lacroix. Quant au problème des
Iles-de-la-Madeleine, il n'appartient pas à la commission de la
régler. Les Iles-de-la-Madeleine représentent un problème
qui requiert une solution politique. Ce n'est pas une commission qui va le
régler. C'est vraiment un problème politique. Vous savez comment
on l'a réglé à Ottawa. Quant à vous, c'est votre
liberté de le régler comme vous le voulez. C'est là une
décision politique. Mais la différence entre deux
circonscriptions des Cantons de l'Est, vous pourrez avoir le mot final comme
l'a dit M. Tremblay tout à l'heure et c'est pour cela que je n'irais pas
jusqu'à Ottawa. Je laisserais le mot final au Parlement, mais par
ailleurs, j'imiterais le système d'Ottawa à peu près en
entier. Je préciserais les critères et, comme vous l'avez dit
tout à l'heure, je garderais la décision finale au Parlement.
Ce n'est pas l'opinion de M. Boily, mais en vous écoutant et en
lisant les Débats, j'ai cru voir que c'était à peu
près l'opinion des quatre partis à l'heure actuelle. Mais je
pense que vous devriez éviter une intervention trop quotidienne de la
commission; sans ça, vous ne finirez pas avant 1975.
MR. BROWN: Mr. Bonenfant, during your exposé which was excellent
and is typical of your usual average...
MR. BONENFANT: Thank you.
MR. BROWN: ... you have mentioned members of Parliament and neutral men
who are professors, judges, etc. There has been a difference between the
members of Parliament and these people living up on the mountain of theory.
They would be neutral on top of the mountain...
MR. BONENFANT: Yes.
MR. BROWN: ... but how do you feel about the situation of the rights and
duties of a member of Parliament within the context? Today, I happen to be a
member of the party in power. Therefore, I have a few exceptional powers that I
can wield by being a good friend of those people who wield the power. Tomorrow,
I may be in the Opposition. For instance... This is quite possible...
MR. LEGER: It is to go the way of all flesh.
MR. BROWN: ... and I can look around me and say that there are many
outstanding characters who are not sitting in the House any more, that I have
been in the Opposition and the party in power for fifteen years. And I hope
that you will have the same success in the future. But dealing with these
powers, for instance, we have the ex-minister of Cultural Affairs, Mr.
Tremblay, who is sitting here. One day, he has illimited powers. The next day,
he has not. Do you not feel for the good of democracy dealing with the
redistribution that it would be better for this committee to lay down the
guaranteed powers of a member regardless of whether he is in the party in power
or in the Opposition to be able to wield these powers that we are speakink
of?
Now, to go on a little farther, so I will finish up, you mentioned that
the Manitoba Commission, which is a permanent commission, was an excellent
picture of what should be done. You mentioned there was the judge in chief who
was on this commission.
MR. BONENFANT: Yes.
MR. BROWN: Now, which party appointed the judge in chief?
MR. BONENFANT: He has been appointed by Ottawa, not by the Province.
MR. BROWN: Yes, but which party was in power when he was appointed?
MR. BONENFANT: I do not know. I do not care.
MR. BROWN: I have a locker room at the Chateau Frontenac...
MR. BONENFANT: Yes.
MR. BROWN: ... having a shower and a steam bath with a judge and his
brother, and the judge was a very high person in the Province of Quebec and had
just conducted an investigation relative to one thing or another in Ottawa. He
said to his brother who was an outstanding politician: " Ah! ah! I have fixed
these Liberals today". What makes you think.
Mr. Bonenfant, that anybody can be neutral? We heard about
neutralism...
MR. BONENFANT: Including the members?
MR. BROWN: Absolutely, absolutely, but at the same time, let us not say
that there is a group of members of Parliament here who cannot be neutral but
judges who they appoint can be neutral. I go along with this thing. Now, would
it not be better if the federal system of counties, is so good, that we adopt
the federal system of counties as we have in the Province of Quebec and do away
with all this detail of sitting here and being on a committee to waste the
money of the Province of Quebec and the time? Let us take over those federal
counties and make them exactly it. Are you boys for that? Thank you, Mr.
President.
M. BONENFANT: Si vous le permettez, M. Brown, qui aime beaucoup
l'histoire, vient de rappeler un souvenir historique, n'oubliez pas qu'en 1867,
le Québec et le Canada ont commencé avec 65 circonscriptions qui
étaient identiques. Je pense que, dans un fédéralisme
intelligent et coopératif, j'en aurais des propositions. Nous pourrions
avoir les mêmes circonscriptions, des listes électorales communes.
Si le fédéralisme fonctionnait d'une façon vraiment
féconde, ce serait le système.
Je reprends tout de même ce qu'a dit M. Brown, et il a raison et
Dieu sait combien. J'ai assez appuyé toute ma vie sur la
suprématie parlementaire, j'y tiens. Je suis contre le système
américain. Il appartient au Parlement de guider les exécutifs et
de guider tout le monde.
C'est pour ça que les droits des députés, dans une
redistribution, doivent être sauvegardés. Mais attention,
même par une commission indépendante, le député est
loin d'être mis de côté. Je sais par les membres des
commissions qui ont enquêté dans le Québec, que le
principal témoin dans chacune des circonscriptions était le
député. C'est lui qu'ils ont consulté avant tout.
Deuxièmement, il y a toujours cette possibilité de
critiquer et de proposer l'amendement du rapport dès que ça vient
devant la Chambre. C'est pour ça que, troisièmement, je ne
vais pas aussi loin qu'à Ottawa je voudrais que si vous adoptez
un tel système, vous gardiez la maîtrise. J'aimerais beaucoup le
système anglais. En Angleterre, le rapport est présenté,
mais il y a deux sortes d'intervention possible.
Le gouvernement peut dire: Cette circonscription dans le pays de Galles
ne nous convient pas. Le gouvernement est obligé de dire pourquoi, c'est
une exception, ça frappe la population. Deuxièmement, il reste
qu'en Angleterre le dernier vote qui est donné est donné par le
Parlement. Pour ce qui est des nominations, je ne tiens pas aux juges. Je
partage l'opinion du juge en chef de la cour d'Appel, M. Lucien Tremblay,
à savoir qu'on ne devrait laisser aux
juges que leur fonction judiciaire, c'est-à-dire le droit.
On les emploie à trop de sauces, dans toutes sortes de
commissions. Par exemple je parle d'une façon tout à fait
dégagée disons que vous prenez, j'oublie même son
nom, le doyen de la faculté de science politique à
l'université de Montréal; ce qui est important, c'est que les
gens soient désignés par leurs fonctions. On court beaucoup moins
de risques en prévoyant qu'un organisme existe à cause de la
fonction, qu'à cause des personnes physiques.
Choisir Jos T. c'est un être humain dont je connais le
passé politique et le reste. Mais si je dis, pour prendre un exemple
proche de M. Brown, ce serait le principal de Bishop qui va être un des
membres. Au moment où je fais la loi, je ne sais même pas qui est
le principal de Bishop. Le principal de Bishop pourra changer. H faut toujours
s'entrer dans la tête, à moins d'être marxiste ou
catholique, que la perfection n'existe pas.
Les institutions politiques sont toujours à la recherche du mieux
à mon sens.
M. JORON: M. le Président, je voudrais tout de suite assurer la
commission que je partage entièrement les inquiétudes qu'ont
exprimées M. Pinard et M. Brown entre autres sur la question des
comtés ruraux. Si on semble faire un grave problème...
M. BROWN: M. le Président, je n'ai pas tellement parlé des
comtés ruraux, je parle des droits de chaque citoyen de la province de
Québec, qu'il soit à la ville ou à la campagne.
M. JORON: Je voudrais faire porter davantage mon intervention sur le
problème de l'opposition faite à l'heure actuelle entre le
problème rural et le problème urbain. Il semble que la raison
pour laquelle on s'inquiète au sujet des comtés ruraux, c'est le
fait qu'ils ont sans doute des besoins différents de ceux des secteurs
urbains, et aussi, la constatation du fait qu'ils sont plus démunis, et
qu'ils ont moins participé au partage des richesses que mentionnait M.
Pinard tout à l'heure.
A cause de cela, ils sont plus, dans un certain sens, obligés de
compter sur le gouvernement et sont plus à sa merci. Je pose la question
que M. Bonenfant a soulignée incidemment, tout à l'heure,
à savoir si le député est le meilleur moyen, ou le moyen
le plus efficace pour arriver à cette fin de meilleur partage des
richesses ou de meilleure protection des plus démunis dans notre
société.
Je pense que la fonction principale du député est une
fonction législative. Là encore, nous pourrions faire une
distinction: dans quelle mesure le député participe-t-il
véritablement à l'élaboration de la législation?
Dans tous les systèmes de type britannique à travers le monde,
cette fonction n'a-t-elle pas été accaparée par le
Cabinet?
Ce que nous recherchons, c'est un système qui permette une
meilleure redistribution de la richesse. Est-ce à travers le
député ou le fait que les régions plus démunies et
plus rurales auraient un plus grand nombre de députés que nous y
parviendrons? J'en doute. Je me demande si une meilleure
décentralisation administrative peut-être l'instauration de
préfets régionaux, d'administrateurs gouvernementaux dans les
régions, une meilleure planification; enfin, d'autres instruments qui
ont été mentionnés à l'intérieur du
ministère de l'Industrie et du Commerce ne serait pas plus
appropriée à cette fin. Il faut aussi mentionner que,
indépendamment du député ou du nombre de
députés qui les représentent, le gouvernement s'occupe
déjà, dans un sens, beaucoup plus de ces régions ou des
gens plus démunis parce qu'évidemment le bien-être
social est davantage destiné à ces gens je pose la
question que M. Pinard soulevait tout à l'heure: Est-ce que le dynamisme
économique d'une région vient du fait qu'il y a plus de
députés en Chambre ou pas? Personnellement, j'en doute.
Je pense que c'est en ce sens qu'il faudrait s'interroger. Comment
arrive-t-on à cet idéal de meilleure distribution de la richesse,
de meilleure protection des plus démunis sur le plan régional?
Est-ce que c'est en les "surreprésentant" à l'Assemblée
nationale ou en améliorant le mécanisme administratif? Je ne
voudrais pas terminer sans signaler le danger qui existe celui de la
"surreprésentation" des comtés proprement ruraux. On risque de
créer de petits royaumes, finalement ceci ne met nullement en
cause la qualité des hommes en question mais par sa nature
même, cela favorise certainement un type de relations entre
l'électeur et le député, ce qui pourrait se qualifier sous
le titre de patronage. Ce n'est pas nécessairement dans
l'intérêt même des gens concernés que l'on conserve
cette formule.
La question qui sous-tend toutes nos discussions, et qui, en fait,
amène ce problème, c'est le type de relations entre le
député et les électeurs. On a souligné que le type
de relations est différent dans un comté rural de ce qu'il est
dans un milieu urbain. Il faudrait probablement s'interroger pour savoir si ce
type de relations est sain en soi; je ne crois pas qu'il le soit. Sous
prétexte parfois de favoriser une meilleure démocratie
nous disons: Plus il y a de représentations, plus les gens sont
représentés plus nous aboutissons facilement à
l'effet contraire en créant, dans des petits comtés ruraux, des
sortes de seigneurs féodaux. Il y aurait peut-être lieu de
s'interroger, en même temps, sur la fonction même de
député. En terminant, je voudrais faire une invitation à
la commission. Je me suis aperçu, au cours des différentes
séances que nous avons tenues, que cette question des comtés
ruraux revient à chaque fois et que dans un sens, elle empêche la
discussion de s'étendre à d'autres sujets. Nous
devrions, sans doute, nous astreindre à la régler une fois
pour toutes, en statuant sur l'écart permissible l'écart
que nous permettrons entre les comtés urbains et ruraux.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, permettez-moi une
réflexion sur ce que vient de dire M. Joron. Lorsqu'il parle de la
question du rôle du député nous pourrons y revenir
je ne crois pas que nous bloquons la discussion en examinant le
problème de la représentation rurale. C'est peut-être un
point d'accrochage, mais si nous voulons justement débarrasser le
débat de ce que nous considérons comme un empêchement
à la marche normale de nos travaux, il faut examiner ce problème
à fond. Je vous le dis avec le plus grand détachement puisque je
ne représente pas une circonscription rurale.
Par ailleurs, je vis dans une région qui est dite rurale et je
suis constamment harcelé par les citoyens qui viennent nous dire:
Ecoutez, il faut maintenir la représentation rurale. Je pense que nous
devrions nous pencher sur ce problème, afin de le liquider, si je puis
dire, pour procéder ensuite à l'examen des problèmes
généraux que nous avons déjà esquissés.
En examinant cette question de la représentation rurale, M.
Joron, il ne faut pas du tout mettre de côté l'examen du
problème du rôle du député. Je suis bien d'accord
avec vous qu'on peut en arriver à constituer certains petits royaumes
dans des secteurs ruraux, à créer des seigneurs féodaux.
Mais il y a dans le peuple une mentalité qu'il sera difficile de faire
disparaître, sinon progressivement, c'est que le député
reste, aux yeux de la population, et même dans les régions
périphériques des villes, le lien nécessaire, c'est
sacré, entre le gouvernement, entre l'administration et le peuple. Et
souvent les gens, alors même qu'il y a décentralisation
administrative, qu'il y a des bureaux régionaux d'éducation, de
voirie, de ci ou de cela, les gens viennent d'abord chez le
député avant d'aller voir les représentants du
gouvernement. Il y a là une problème psychologique, si vous
voulez, qui est historique et nous devons le garder à l'esprit en
examinant les divers problèmes, le problème général
de la refonte de la carte électorale.
Le député de ville, et j'en ai eu l'expérience
à Ottawa, n'a pas les mêmes responsabilités que le
député de campagne. Les gens de la ville vont assez peu souvent
déranger le député. Ils peuvent y aller par groupes, comme
ces corps représentatifs qui vont aller voir le député,
mais dans les sections rurales et même dans un comté urbain comme
le mien, ce sont des individus qui viennent me voir la plupart du temps. Il y a
des organismes, d'accord, mais la majorité des gens que je reçois
sont des individus qui vivent toujours de cette mentalité que je suis
nécessairement le lien entre le gouvernement et eux.
Ce n'est pas, à mon avis, empêcher ou retarder les travaux
de la commission, que de vider la question.
M. BONENFANT: Si vous permettez, dans ce domaine-là, vous allez
avoir la chance d'entendre le Canadien français qui, d'après moi,
est le meilleur expert : c'est Vincent Lemieux qui a le mieux
étudié le rapport du député avec les
électeurs. Sa thèse sur l'île d'Orléans va
paraître d'ici quelque temps et dans un livre qu'il a publié et
que vous avez peut-être lu, il a montré ce qui vous donne
raison à plusieurs d'entre vous que le critère principal
du résultat des élections, c'est la distribution de services.
Par exemple, il a prouvé que, lors de l'élection sur
l'étatisation de l'électricité, les gens ne se sont pas
prononcés surtout sur l'étatisation, ils se sont prononcés
sur la distribution de services. Et je pense que c'est certainement le Canadien
français le plus compétent dans ce domaine. Je vous avoue que,
dans ce domaine-là, je suis assez ignorant. Je crois qu'il doit venir
devant la commission. Je vous suggérerais de l'interroger fortement sur
ce problème.
Je tiens à mon rapport de 5/7, comme au Manitoba.
M. LE PRESIDENT: Voici maintenant les noms des députés qui
ont demandé la parole, dans l'ordre: M. Picard, M. Charron, M. Lacroix,
M. Léger.
M. Picard.
M. PICARD: Merci, M. le Président. Je serai très bref,
mais il reste tout de même, au fur et à mesure que le débat
se déroule, que j'ajoute, des questions. J'avais, au préalable,
deux questions à poser à M. Bonenfant. Maintenant, après
les remarques du député de Gouin de même que du
député de Chicoutimi, je me vois forcé d'attirer
l'attention des membres de la commission sur un point. Lorsqu'on parle de
circonscription rurale, il ne faudrait pas oublier une chose. Il y a des
circonscriptions rurales où la population se divise en deux
catégories bien distinctes. Vous avez le rural agricole et le rural non
agricole. A ce moment-là, dans une circonscription rurale où vous
avez, par exemple, une partie de la population qui travaille dans une usine,
qui a sa voiture à la porte et qui s'en va travailler dans une mine,
à Rouyn-Noranda, ou qui a sa voiture à la porte et qui s'en va
travailler dans l'usine de l'Acton Rubber, dans le comté de Bagot, je ne
vois aucune différence entre ce citoyen, qui est pourtant dans une
circonscription rurale, et le citoyen de mon comté qui a sa voiture
à la porte et qui va travailler à Canadair.
Pour faire la distinction dans les circonscriptions rurales de cette
population rurale agricole et rurale non agricole, pour ceux que cela
intéresse, vous pouvez toujours avoir les chiffres fournis par le Bureau
de la statistique, ils établissent dans les circonscriptions la
population rurale agricole et la population rurale non agricole.
J'aimerais, au début de mes remarques, féliciter M.
Bonenfant de son exposé. Ce qui
m'a le plus frappé, c'est que, contrairement à ce que l'on
s'attend d'entendre de la part d'experts, il ne s'en est pas tenu aux principes
et aux théories. Il a essayé de les appliquer. N'en
déplaise à votre modestie, M. Bonenfant, on vous classifie comme
tel. Il s'en est tenu à l'application de ses théories et de ses
principes dans le concret, dans le pratique. S'il y a un souhait que je
voudrais formuler, c'est que les autres experts que nous entendrons essayent
d'appliquer dans le contexte québécois les recommandations qu'ils
voudront nous apporter.
Par contre, il y a deux points sur lesquels je ne suis pas tout à
fait d'accord. M. Bonenfant nous parlait, au début de ses remarques
il les a confirmées tantôt, en réponse aux questions
du député de Brome il semblait favorable à ces
commissions permanentes dont les membres seraient nommés en raison de
leur fonction. Je ne peux pas accepter cela, M. Bonenfant. Je vais vous dire
pourquoi. A ce moment-là, si on prend l'exemple que vous avez
donné vous-même, le président de l'université Bishop
n'est probablement pas intéressé du tout aux questions de la
division de la carte électorale. Deuxièmement, il n'est
probablement pas expert. Que va faire ce commissaire? Il va faire appel aux
experts. Je me demande pourquoi la commission parlementaire ne pourrait tout
simplement passer directement et faire appel aux experts et les nommer
commissaires de cette commission.
M. BONENFANT: Je suis de votre avis. Le seul point est ceci: j'ai cru
et je pense que ceux qui ont décidé cela ont dû le
croire que l'on courait moins de risque de personnaliser c'est
presque une vérité de La Palice en désignant la
fonction plutôt que la personne. J'ai oublié de le dire, il reste
qu'il y a une soupape. Au Manitoba, ce n'est jamais le juge en chef
lui-même qui fait cela, il en désigne un.
Je pense que c'est de nature à dépolitiser un peu. Je n'y
tiens pas. Encore une fois, le cas fédéral me convient
très bien. Dans le cas fédéral, ils sont nommés
personnellement. Ils ont fait une excellente chose au niveau
fédéral ce n'est pas parce que c'est un de mes amis
ils sont venus prendre, ici, dans le Québec, le directeur des
élections provinciales, qui, normalement connaissait ça et Dieu
sait qu'au niveau fédéral il n'avait aucun intérêt.
Ils ont pris le principal de Bishop, parce qu'il n'était pas
désigné par sa fonction.
Je suis de votre avis. Je n'y tiens pas. Je me dis que, lorsque l'on
désigne quelqu'un par sa fonction plutôt que par sa personne
physique, on court peut-être moins de risque d'être
préjugé. Je n'y tiens pas. C'est peut-être mieux de nommer
M. X en toute honnêteté sachant que c'est M. X.
M. PICARD: Tous les partis présents à cette commission ont
été d'accord pour dire que le travail de bureau devrait
être fait par des gens qui connaissent la chose.
M. BONENFANT: Vous avez peut-être raison. Vous me faites changer
d'idée.
M. PICARD: Ce n'est donc pas le président de Bishop ou le juge en
chef qui va s'attabler et commencer à déchiffrer les
statistiques.
M. BONENFANT: Si vous nommez un juge, c'est peut-être bon qu'il
soit désigné par le juge en chef plutôt que par le
gouvernement.
M. PICARD: Sur le deuxième point, quant à l'affirmation
qu'a faite tantôt M. Bonenfant, je ne suis pas tout à fait
d'accord: il a dit que le moment était très mal choisi pour le
découpage de la carte électorale, parce que nous devrions
travailler avec les chiffres de 1966. J'aimerais attirer son attention sur le
fait que le recensement fédéral décennal aura lieu dans
moins de trois mois.
M. BONENFANT: Oui, le 1er juin prochain.
M. PICARD: Pour les travaux de cette commission, il n'est pas
nécessaire d'attendre les statistiques globales compilées par le
gouvernement fédéral, qui comprennent entre autres, le nombre de
réfrigérateurs...
M. BONENFANT Quand allez-vous avoir les premiers résultats? Je ne
le sais pas.
M. PICARD: Dans cinq ou six mois. M. BONENFANT: Très bien.
M. PICARD: Ce qui veut dire que les chiffres de ce recensement
strictement démographique seront disponibles en octobre ou novembre de
cette année.
M. BONENFANT: Cela répond à ma question, mais...
M. PICARD: Vous aviez dit 1972...
M. BONENFANT: ... quelqu'un m'a dit à Ottawa, que ce ne serait
pas avant janvier. C'est pour cette raison que j'étais un peu
pessimiste.
M. PICARD: Le rapport préliminaire qui touche exclusivement la
population...
M. BONENFANT: ... même les détails
élémentaires. Tant mieux pour vous!
M. PICARD: ... sera disponible en octobre ou novembre.
M. BONENFANT: Donc, vous croyez que la redistribution peut se faire avec
les chiffres de 1971.
M. PICARD: De 1971.
M. BONENFANT: Je retire ce que j'ai dit, mais on m'avait dit que
c'était impossible. Donc, tant mieux, si vous me dites ça.
M. LE PRESIDENT: M. Charron.
M. CHARRON: M. le Président, je sais qu'il y a une autre partie
de l'exposé de M. Bonen-fant qui doit venir, celle-là traitant
des systèmes électoraux et qui doit être pour le moins
aussi intéressante et importante que la première partie, mais
avant d'abandonner cette première partie, il y a quand même une
question que j'aimerais poser à M. Bonenfant. Moi aussi, je favorise le
principe d'une commission indépendante, avec un contrôle final par
le Parlement, mais il reste qu'avec l'exemple que vous avez apporté et
souligé, à Ottawa, on avait, avant de remettre la chose à
la commission, signifié la volonté du Parlement, que cette
commission s'en tienne à certains critères. Les critères
à Ottawa ont été assez larges.
M. BONENFANT: Pas assez nombreux, à mon sens.
M. CHARRON: C'est ce que j'allais vous demander.
M. BONENFANT: Oui et j'ai dit tout à l'heure que j'allais en
ajouter.
M. CHARRON: Justement, là-dessus, j'allais vous demander si les
critères à Ottawa, même s'ils étaient très
larges, n'avaient pas tous été retenus par la commission Langlois
dans sonapplication. Mais, est-ce que, pour le cas précis du
Québec, vous souhaitez des critères plus précis et j'en
signale un sur lequel j'aimerais entendre votre opinion: celui du
critère ethnique, par rapport aux critères
socio-économiques. Croyez-vous que le Parlement devrait recommander
à la commission de respecter, dans la plus grande mesure possible,
l'homogénéité ethnique d'une circonscription, ou
plutôt l'homogénéité socio-économique,
parfois même, au détriment de l'homogénéité
culturelle ou ethnique, à la base? Je cite un exemple bien simple.
Est-ce que le centre de Montréal doit être revalorisé dans
son secteur français, en y incluant volontairement les minorités
néo-québécoises ou si nous devons essayer de faire de ces
Néo-Québécois, un groupe ethnique ayant son propre
représentant?
M. BONENFANT: Je suis entièrement de votre avis, je l'ai
signalé tout à l'heure et je pense avoir parlé du cas
ethnique de Montréal. Je ne peux vous donner une réponse
scientifique, c'est un domaine que je ne connais pas très bien, mais
tout de même, voici mes idées à ce sujet.
Premièrement, je crois que c'est vraiment un domaine où la
maîtrise doit appartenir aux parlementaires et non pas à la
commission. Je pense que la commission ne doit pas être laissée
libre de régler ce problème, parce que c'est vraiment un
problème politique; selon que la redistribution sera effectuée
dans la région de Montréal, vous en changer le
résultat.
Deuxièmement, quel est le critère adopté et encore
une fois, je réfléchis à haute voix. Ce serait
techniquement possible d'adopter un critère qui ne soit pas trop
rigoureux dans un sens ou dans l'autre et je m'explique. Ce qu'il faut, c'est
que les groupes ethniques de Montréal soient représentés
en proportion de leur force véritable. La redistribution que vous allez
faire à Montréal, devrait être faite c'est sans
doute difficile, c'est un problème technique, presque de
mathématiques qui me dépasse en taillant les
circonscriptions de Montréal en respectant leur arrière-plan
historique, jusqu'à un certain point, leur arrière-plan
sociologique; mais d'un autre côté, il ne faut pas les tailler de
façon que le résultat final soit faussé dans la province.
Il faudrait essayer de faire cette synthèse. Je pense que ceci
relève des sociologues et des mathématiciens.
M. CHARRON: Je vais préciser ma question, sans espoir que vous
ayez à trancher non plus...
M. BONENFANT: Je n'aurai pas de réponse.
M. CHARRON: Si vous avez le choix entre maintenir
l'homogénéité socio-économique d'une
circonscription, et son homogénéité ethnique, parce que le
cas précis va se présenter, lequel des deux critères,
selon vous, vous apparaît le plus important dans le contexte
québécois?
M. BONENFANT: Je vais peut-être vous donner la réponse qui
ne vous satisfait pas. Pour moi, les facteurs sociaux sont plus importants que
les facteurs ethniques dans ma chaîne de pensée.
M. CHARRON: Vous avez probablement tort de dire que cela ne me satisfait
pas.
M. BONENFANT: Tant mieux! D'ailleurs, d'après moi, le facteur
ethnique n'est qu'un facteur social, mais il est plus important et je l'admets.
Mais il reste qu'il n'y aura pas de solution magique. Il va falloir, dans la
ville de Montréal ou dans l'agglomération montréalaise
excusez, ce ne sera pas un langage très académique et je
m'en excuse jouer avec des "p't'être ben", si vous me permettez
l'expression. Il va falloir essayer de faire un équilibre entre tous ces
facteurs. Je pense que la carte de Montréal ne donnera satisfaction
à personne, quelle que ce soit cette carte. Mais je reviens à
l'idée que la représentation totale devrait tout de même
correspondre à la représentation parlementaire et faire en sorte
que le fait que
certaines circonscriptions à Montréal sont de telle
espèce ne fausse pas le résultat total. Ce n'est peut-être
pas une réponse qui vous donne satisfaction mais je ne suis pas capable
de vous en donner une meilleure.
M. CHARRON: Est-ce que je pourrais revenir à la deuxième
partie de votre témoignage devant cette commission? Est-ce que vous
iriez jusqu'à suggérer l'application d'un système de
scrutin différent pour la ville de Montréal par rapport au reste
du Québec? On a déjà parlé de l'application de la
proportionnelle. A cause du problème du "p't'être ben" que vous
venez de signaler dans Montréal, eh bien! Montréal ne veut plus
marcher avec un "p't'être ben". Il faudrait peut-être faire un cas
bien précis de cela et appliquer un autre système pour le reste
de la province et cela nous amène à parler des systèmes de
scrutin, je pense bien.
M. BONENFANT: Si vous me le permettez, je vous dépasse et voici
ma proposition. Non seulement pour Montréal, mais je pense que, dans
toutes les agglomérations urbaines un peu considérables, on
pourrait tenter la proportionnelle et remarquez bien que ce n'est pas une
innovation. N'oubliez pas que la ville de Winnipeg, pendant des années,
a travaillé avec la proportionnelle et je vous apporte le
témoignage de Paul Fox dans son volume sur les institutions politiques
qui prétend que cela a admirablement fonctionné. Mais, à
un moment donné, le parti qui veut être sûr de sa
majorité n'aime pas la proportionnelle. Il a peur que cela fasse
naître des petits partis qui mettent en danger sa suprématie. Mais
je serais de cet avis, quoique on va peut-être obtenir le même
résultat avec une application du système allemand. Mais je me
demande si vous ne devriez pas étudier sérieusement l'application
de la proportionnelle dans une agglomération comme Montréal. Je
suis de votre avis. Encore une fois,il y a des exemples dans
l'histoire. Au Canada, on a pratiqué on l'oublie souvent
la proportionnelle dans les villes et le cas le plus classique qui est disparu
aujourd'hui est le cas de Winnipeg.
M. PICARD: Oui, Winnipeg.
M. BONENFANT; Mais à Halifax, c'étaient deux
députés et ils ont disparu.
M. PICARD: Est-ce qu'il existe encore à Winnipeg ou si...
M. BONENFANT: Non. Il est disparu.
M. PICARD: Pourquoi l'ont-ils fait disparaître?
M. BONENFANT: C'est ce que je viens de dire. Le parti qui veut
être solide au pouvoir n'aime pas beaucoup que la proportionnelle lui
amène les petits Dartis à côté de lui.
M. PICARD : Et la population n'y comprenait plus rien.
M. BONENFANT : II y a ça. Cela revient à ce que j'ai dit
tout à l'heure, c'est qu'un bon système doit être à
la portée de tous. Cela aussi est un facteur qu'il ne faut pas
oublier.
M. PICARD: Quand l'électeur ne s'y comprend plus dans le
système, il ne va pas voter.
M. BONENFANT: J'ai l'impression que le plus loin où l'on peut
aller dans le Québec, c'est de les faire voter deux fois. Ce n'est pas
un mépris d'électorat. C'est normal qu'on soit comme ça et
je pense que le système allemand transposé j'insiste
est peut-être le meilleur essai à faire.
M. LE PRESIDENT: M. Lacroix.
M. LACROIX: M. Bonenfant, au cours de votre intervention tantôt,
qui était fort valable, vous parliez de l'Angleterrre. Naturellement, on
avait l'égalité des circonscriptions, mais il faut bien admettre
qu'il y a une différence d'étendue de territoire à
comparer avec la province de Québec. On essaie de trouver la solution
à la quadrature du cercle. Il y en a qui proposent de séparer le
Québec du reste du Canada. Je pense que la seule façon de
résoudre le problème serait de faire la province de
Montréal et la province de Québec. Naturellement, quand il s'agit
de définir les députés ruraux et les députés
urbains, je crois qu'on devrait définir ce qu'est un
député. Seulement, est-ce que le député est plus
important, plus intelligent et plus valable s'il a 50,000 électeurs ou
s'il en a 10,000? Cela est une question fort importante. Et il reste qu'il y a
des problèmes particuliers à résoudre. Il y a des
problèmes d'étendue de territoire. Il y a des problèmes
d'isolement, d'éloignement. Tous ces facteurs-là doivent entrer
en ligne de compte et tout à l'heure, le député de
Chicoutimi notait fort à propos que, par exemple, les électeurs,
au lieu de s'adresser aux administrateurs régionaux s'adressent à
leur député en premier lieu et cela s'explique très
facilement. C'est parce que les technocrates, dans la très grande
majorité des cas, ne comprennent absolument rien aux problèmes
socio-économiques d'une région.
M. Bonenfant, prenez par exemple General Motors, est-ce que, si le
budget est de $20 milliards et qu'il y a 20 administrateurs, on se
répartit la responsabilité, l'administration du budget, à
parts égales, à $1 milliard chacun?
Il reste que chacun assume ses responsabilités et
représente un secteur de l'administration. Dans le cas de
l'administration de la représentativité, je pense que c'est la
même chose. Les députés doivent représenter leur
région, leur secteur, la situation économique. En fait, un
député doit être un leader dans son milieu.
Actuellement, prenez par exemple le comté de Bellechasse au
fédéral, ça comprend les
comtés de Dorchester, de Bellechasse, de Montmagny. Trois
comtés qui n'ont absolument aucune interdépendance, qui n'ont pas
les mêmes problèmes. Vous avez les Iles-de-la-Madeleine que l'on a
placées avec le comté de Bonaventure où nous n'avons rien
à voir. Le député de Bonaventure a déjà
assez de ses affaires.
Si vous faites le tour des comtés ruraux, heureusement les
députés fédéraux n'ont pas les mêmes
responsabilités qu'un député provincial. Mais je pense que
cette façon de voir actuellement essayer de toujours opposer les
députés ruraux aux députés urbains ou vice versa
va aboutir à des complications très grandes, et je ne vois
pas le problème résolu de sitôt.
Les députés urbains devraient penser que la population que
les députés ruraux représentent, ce sont les parents de
leurs électeurs. Les députés urbains devraient penser que
les gens qu'ils représentent, ce sont les fils ou les enfants des
électeurs des députés ruraux. Le rôle du
député devrait plutôt être considéré
comme celui d'un administrateur. Je ne vois pas de quelle façon on
pourrait avoir justice avec 20 p. c. de plus ou de moins.
Prenez par exemple, dans 40 milles ou dans 1,500 milles carrés
à Montréal et dans les environs, vous auriez plus de la
moitié des députés. Je me demande ce que les autres
députés pourraient faire pour représenter
adéquatement la population, leur région, et faire les
représentations et les efforts auprès des différents
ministères pour pouvoir obtenir leur juste part des richesses naturelles
pour leur région.
M. PICARD: La solution serait très simple, M. le
Président, je me permettrais une remarque. Il vaut mieux avoir deux
catégories de députés, les urbains et les ruraux que
d'avoir les urbains, les ruraux et les insulaires!
M. LACROIX: Cela serait une bonne chose. Au moins il y en aurait un
assuré d'être bon.
M. LE PRESIDENT: II y en aurait deux autres sur l'île
Jésus.
M. LACROIX: C'est vrai.
M. LE PRESIDENT: II y a l'île de Montréal.
UNE VOIX: Il y a l'Ile d'Orléans aussi.
M. LAURIN: Voulez-vous parler de votre successeur?
M. LACROIX: Ce ne sera certainement pas un membre de votre parti.
M. CHARRON: Ne sous-estimez pas l'intelligence des Madelinots à
ce point de vue-là.
M. LACROIX: C'est justement parce que je ne la sous-estime pas, ils vous
jugent à votre juste valeur.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LEGER: M. le Président, je voudrais féliciter M.
Bonenfant de sa présentation que j'appuie en grande partie. Mais il y a
trois points où je me pose une question. Vous avez parlé
tantôt de la proportionnelle, la partie de 30 députés, qui
pourrait être la partie proportionnelle sur laquelle on pourrait faire un
correctif concernant la représentation des ruraux.
Face au fait que le député représentant
l'élément rural a une relation beaucoup plus directe, beaucoup
plus proche des personnes individuelles qu'un député
représentant une circonscription urbaine, où les gens sont
beaucoup plus impersonnels, se connaissent moins, ont surtout des relations de
groupes, je me demande si cette correction serait réellement efficace,
et représentative où les gens, les ruraux, pourraient
réellement se sentir représentés par quelqu'un qui est
nommé par la proportionnelle. C'est la première remarque que je
me fais...
M. BONENFANT: Je suis de votre avis, c'est un moyen terme, c'est une
sorte de cataplasme que j'ai essayé d'offrir. Je suis de votre avis.
M. LEGER: Deuxièmement, nous sommes plutôt tous d'accord
ici sur le fait que c'est la commission parlementaire du Parlement qui devrait
être l'instance finale. Pour une troisième raison, en plus des
deux mentionnées par le député d'Olier, c'est que, si il y
a une décision finale qui se prend par le Parlement, le gouvernement est
quand même en majorité, et est quand même responsable de
déterminer pourquoi il a fait pencher la décision de ce
côté plutôt que de l'autre. Dans une commission
indépendante, on sait qu'il pourrait y avoir des jeux de coulisses
très importants, que la population serait moins sensibilisée
à le savoir, et que le gouvernement, quel qu'il soit, pourrait se laver
les mains et dire: Cela devient une déclaration indépendante.
Cela ne dépend pas de nous.
Vous avez aussi parlé d'une nomination en raison de la fonction
d'une personne plutôt que de la personne elle-même. Je pense aussi
au fait d'une nomination future. Autrement dit, il se pourrait que, si on sait
que dorénavant le doyen d'une faculté aura en plus une fonction
électorale, ce dernier reçoive une nomination dans ce sens. De
toute façon, je voulais vous poser une dernière question: Est-ce
que vous avez des chiffres indiquant la proportion exacte ou approximative de
la population rurale agricole comparativement à la population urbaine?
Je pense qu'elle se situe à 8 p. c. ou 9 p. c. de la population de la
province. Pourquoi êtes-vous arrivé à une proportion de
5/7? Il me semble qu'il y a passablement de différence.
M. BONENFANT: Pour ma part, je n'ai pas les chiffres. Je pense que le
président général
des élections, qui est pris dans la neige ce matin, a ces
chiffres. Je reviens cependant à ce qu'a dit tout à l'heure, M.
Picard, je crois. Il faut faire attention à ce qu'est un rural. Nous
avons tous des exemples personnels. J'habite la plus grande partie de
l'année à l'île d'Orléans moi aussi,
j'aimerais bien avoir un député pour mon île et il
reste que je ne vois pas beaucoup la différence entre mon voisin de
l'île d'Orléans dans le village et mon voisin de Sillery. J'ai
l'impression qu'il n'y a pas énormément de vrais ruraux à
l'heure actuelle. C'est donc un faux problème que nous sommes en train
de poser.
M. PICARD: Même les cultivateurs, on les appelle maintenant les
"cultive-ailleurs" parce que bien souvent, ils font du camionnage et ils ne
font plus de culture.
M. BONENFANT: Je n'ai pas les chiffres, mais je crois que M. Drouin les
a. Le problème est aigu, on le voit très bien, mais il n'est
peut-être pas aussi considérable qu'il est aigu. Il frappe
peut-être plus que son importance. Encore une fois, je dis
peut-être des choses qui ne conviennent pas.
M. CHARRON: A partir de votre dernière remarque justement, et de
ce que vous suggériez tout à l'heure: la proportion 5/7, est-ce
que cette proportion qui s'applique au Manitoba, qui est beaucoup plus rural
que le Québec, à toutes fins utiles Winnipeg, ce n'est pas
la fin du monde...
M. BONENFANT: Je pense que là, il faut bien faire attention de ne
pas faire d'improvisations comme peut-être je suis un peu porté
à faire. Des démographes pourraient vous établir la
proportion exacte. La proportion 5/7 est peut-être un peu forte. Oui, je
la trouve forte. Encore une fois, je pars avec l'idée qu'il n'y a pas
tant que ça de ruraux. Par exemple, le bon petit patelin de l'île
d'Orléans, je le connais et les ruraux ne sont pas des ruraux à
cet endroit. Je regrette, ce ne sont plus des ruraux. A Saint-Fulgence, par
exemple, il y a peut-être des ruraux.
M. LEGER: Seulement une courte question pour terminer. Dans tout
ça, un des critères qui m'a bien frappé c'est le
caractère de la correction continuelle de ce système qui
permettrait de corriger au fur et à mesure les erreurs qu'on aurait pu
faire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bonen-fant, vous nous parliez tout à
l'heure de vos voisins de l'île d'Orléans. J'imagine qu'il y a
là des cultivateurs et surtout des estivants. Si vous aviez eu, comme
moi, à régler le problème qui nous a permis d'aboutir
à cette décision déclarant l'île d'Orléans
arrondissement historique et si vous aviez eu à traiter avec toutes les
municipalités et la population de l'île d'Orléans, vous
vous seriez rendu compte qu'il y a une différence entre un estivant de
l'île d'Orléans et un bon habitant de l'île.
M. BONENFANT: Ecoutez. J'y ai passé toute ma vie, mon père
a été médecin là pendant quarante ans, je connais
pas mal bien la mentalité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez une mentalité rurale, M.
Bonenfant!
M. FRASER: Combien de fois, depuis les derniers vingt ans, avez-vous eu
à traiter avec votre député?
M. BONENFANT: Mon député à l'île
d'Orléans, je le connais parce qu'il a été un de mes
anciens élèves, c'est M. Louis Vézina.
M. FRASER: Combien de fois lui avez-vous demandé de faire quelque
chose pour vous?
M. BONENFANT: II reste - et cela a été
étudié que l'île d'Orléans, par exemple, est
complètement dépolitisée. Vous en parlerez à votre
collègue Vézina mais il reste que les gens de l'île
d'Orléans ont beaucoup moins recours au député
aujourd'hui.
C'est ça qui se passe dans toute la province. La province
s'urbanise partout et on l'oublie.
M. LACROIX: M. Bonenfant, je pense que dernièrement vous n'avez
pas rencontré M. Vézina pour en discuter avec lui.
M. BONENFANT: Non, du tout.
M. LACROIX: Je vous conseillerais pour...
M. BONENFANT: Oui, ce doit être pour la côte de
Beaupré plutôt que pour l'île.
M. LACROIX: Cela me surprendrait qu'il confirme vos propos.
M. LE PRESIDENT: Voici dans l'ordre les trois prochains
députés qui auront la parole. M. Cloutier. Je ne sais pas si M.
Fraser avait...
M. FRASER: Je n'ai qu'un commentaire.
M. LE PRESIDENT: Un instant, après... Et M. Lessard.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Bonenfant, il y a trois choses dont je
voudrais traiter. Vous avez parlé des travaux qui ont été
faits au niveau fédéral pour la carte électorale. Vous
avez dit tantôt que le Parlement n'aurait pas gardé le
contrôle sur les travaux de la commission. Vous avez fait allusion,
à des répercussions. Il y a eu des objections.
M. BONENFANT: A Montmagny précisément.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui. Je réfère à ce cas
particulier. Mais, je voudrais parler au niveau général du
Québec aussi. Est-ce que vous pouvez nous donner une idée de
l'abondance ou du volume des objections et des constantes qui sont revenues
dans ces objections que l'on a posées de la part des
députés? Est-ce qu'il est ressorti des questions de principe ou
est-ce qu'on se rejoignait sur des points particuliers dans les
différentes régions du Québec?
M. BONENFANT: Ce que j'en connais vient de deux sources. J'ai
regardé les débats, parce qu'il y avait des débats
à ce sujet. Dans les débats qui couvraient le Canada entier, j'ai
eu l'impression qu'il s'agissait de divergences de lieux qui étaient aux
frontières. Mais je pense que la meilleure réponse pour le
Québec, vous l'auriez de M. Drouin qui était membre de
l'enquête. Je ne voudrais pas exagérer son témoignage. Je
lui ai posé la question. Il m'a dit que les remarques venant du
Québec, les protestations de certains députés n'avaient
pas été très considérables. J'ai à la
mémoire le cas de Montmagny. Je ne sais pas...
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, voici, je peux en parler parce que
j'ai...
M. BONENFANT: Mais, je pense que c'est M. Drouin qui pourrait nous
répondre. Il était membre de la commission.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, j'avais fait des représentations
écrites devant cette commission. Voici ce qui s'est produit.
M. BONENFANT: Est-ce qu'on les a suivies? Non?
M. CLOUTIER (Montmagny): En partie. Il y a un point que j'avais
soulevé et qu'on a respecté. C'est qu'aux limites du territoire,
dans Montmagny, on avait pris deux paroisses et on les avait incluses dans le
comté de Kamouraska.
M. BONENFANT C'est ça!
M. CLOUTIER (Montmagny): Ces deux paroisses n'étaient pas
reliées par voie terrestre, par des communications, au comté de
Kamouraska mais elles l'étaient au comté de Montmagny.
C'étaient les deux seules paroisses. Alors, on a dit, pour une question
de 2,000 de population cela pouvait entrer dans le comté de Bellechasse.
On a fait aussi des représentations sur le bureau de scrutin de ce
nouveau comté de Bellechasse. La ville de Montmagny a 13,000 de
population et le bureau de scrutin se trouvait complètement à
l'extrémité de ce nouveau comté fédéral. On
a fait aussi des représentations quant au nom. Le nom de Montmagny
comportait beaucoup plus d'histoire évidemment que le nom de
Bellechasse. Je le dis sans discrimination pour mon collègue de
Bellechasse.
M. BONENFANT: Des gens...
M. CLOUTIER (Montmagny): Deuxième remarque. Je voudrais revenir
à une observation du député de Gouin. Tout à
l'heure, il a mentionné qu'on ne devait pas attacher autant d'importance
qu'on semblait le faire devant la commission au fait que la
représentation des députés, quant à
l'équilibre à maintenir entre les régions rurales et les
régions urbaines, pouvait avoir autant d'influence sur le principe de la
redistribution des richesses ou des questions de services à donner sur
le territoire. Je me pose la question suivante. Je me dis qu'évidemment
la législation est fortement influencée par la composition du
Parlement.
Nous savons comment la législation est faite. Elle est d'abord
apportée par le gouvernement en place. Mais s'il y a une tendance trop
prononcée au sein du Parlement, ou s'il y a une absence de
représentation des régions rurales, je me demande quel sort
serait réservé ou quelle importance pourrait avoir dans les
discussions, au sujet de la législation, cette partie du territoire qui
serait véritablement sous-représentée. Nous n'avons
qu'à prendre des exemples dans la législation. Nous savons que
c'est un excellent moyen de redistribution des richesses, que ce soit la
législation sociale, que ce soit la législation dans le domaine
économique. Je crois qu'il y a là une considération que
nous ne devons pas ignorer. Et aussi, dans la formation d'un cabinet. Nous
savons que le cabinet des ministres est formé à partir de la
représentation que nous avons. Je prends l'exemple du Parti
québécois, actuellement: s'il avait, sans compter le nombre de
députés, à former un exécutif. Il a sept
députés mais il n'y en a qu'un qui représente une
région rurale, même s'il y a dans cette région une partie
urbanisée. Je sais qu'on me répondra qu'on essaiera de corriger
cela à une prochaine élection, mais prenons la situation
actuelle. Quelle serait l'importance, au sein de ce cabinet, des discussions
qui auraient trait à la redistribution des richesses dans le territoire,
en prenant les inégalités régionales? Je sais qu'on peut
parler des inégalités régionales à
l'intérieur du territoire de l'île de Montréal. Il y a des
comtés qui sont plus défavorisés par rapport à
d'autres. Mais, je crois qu'il y a là un élément
d'équilibre qu'on ne doit pas sous-estimer quand à l'impact
causé sur la législation, sur les mesures administratives, qui,
bien souvent, ont un aspect de redistribution des richesses. Je voudrais
savoir, M. Bonenfant, quelles sont vos considérations?
M. BONENFANT: On tourne toujours autour du même point. Je ne nie
pas que les régions rurales doivent être
représentées. Mais, attention! J'ai l'impression que, de plus en
plus, la province est plutôt l'agglomération montréalaise
et le reste de la province. Je me demande si ce n'est pas cela la
réalité qu'on n'ose pas traduire. Il s'agit de trouver un
système qui va donner les résultats dont vous
parlez, qui va permettre aux circonscriptions dites rurales d'avoir de
l'influence. D'après moi, l'influence n'est pas tant au niveau de la
représentation qu'au niveau du cabinet, parce que les lois sortent
beaucoup plus du cabinet que de la représentation. Evidemment, il y a le
caucus qui peut donner un appui assez fort.
Il y a une solution qui, je crois, a été esquissée
ici et que je n'ai pas développée, c'est d'établir
l'équilibre par un certain zonage. En d'autres termes, c'est
l'idée, je pense, qui est chère au président
général des élections, qui a été un peu
développée lors de la dernière redistribution. Est-ce que
ce ne serait pas mieux d'essayer d'établir surtout l'équilibre
à l'intérieur de certaines zones?
Mais, il y a une chose dont on est sûr. Je viens de faire une
étude à partir du dernier rapport du président des
élections qui nous a été donné la semaine
dernière. Si vous regardez le manque de proportion, c'est scandaleux!
Même si vous n'avez pas l'égalité parfaite. Je ne
réclame pas l'égalité parfaite je n'ose même
pas donner les circonscriptions mais il y a des gens qui sont ici parce
que 3,500 personnes ont voté pour le député, alors qu'il y
en a d'autres qui sont ici parce que 36,000 ou 37,000 ont voté.
Je pense que, entre les deux, il y a peut-être un
équilibre. C'est tellement vrai que ce manque d'équilibre
ce n'est pas la cause unique a engendré, ce que je n'admets pas,
le manque de relation entre la majorité parlementaire et la
majorité populaire. Avec cela, vous scandaliserez toujours les gens,
c'est une fiction qui était acceptée autrefois en droit
britannique, mais celui qui a la majorité parlementaire devrait avoir
une proportion qui correspond au vote populaire. Au moins, qu'on recherche
cela.
Encore une fois, j'insiste. Je crois que l'égalité serait
scandaleuse mais au moins, qu'il n'y ait pas le manque de proportion actuelle.
Je mets de côté les Iles-de-la-Madeleine où c'est un cas
spécial. Regardez le comté de Wolfe, regardez d'autres
comtés, vous allez voir que le député est élu par
un nombre tout à fait minime.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je comprends et j'admets votre argumentation,
M. Bonenfant. Je voulais soulever un autre argument en faveur d'un maintien
d'un certain équilibre, d'un écart pas trop considérable.
J'ai mentionné qu'au niveau de l'exécutif et qu'au niveau du
Parlement cela pouvait avoir une influence sur la législation qui, elle,
traduit dans les faits certains objectifs que l'on veut atteindre comme ceux de
la redistribution des richesses.
M. BONENFANT: Dieu sait si je ne veux pas foire de politique! Ce n'est
pas mon rôle. Il reste qu'à l'heure actuelle vous avez un
système qui favorise les campagnes. Les gens qui se trouvent les plus
négligés encore une fois ce n'est pas une attaque
politique ce sont les ruraux, ce sont les cultivateurs. Les cultivateurs
disent: A l'heure actuelle, nous ne sommes pas représentés. Vous
êtes à l'intérieur d'un système qui favorise les
ruraux. Avouez que c'est bizarre.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voulais traiter d'une troisième
chose, M. Bonenfant. Nous avons actuellement et depuis quelques années
une carte administrative de la province. Il y a dix régions qui ont
été désignées. A l'intérieur de ces
régions, il y a des bureaux de scrutin, des zones, des sous-centres, des
centres intermédiaires. Il y a alentour de cette carte administrative,
toute une politique qui s'est établie dans les différents
ministères: décentralisation, régionalisation,
organisation de bureaux régionaux, de services, de conseils
économiques régionaux. Il y a certaines zones et certaines
régions qui sont très bien délimitées
géographi-quement et sociologiquement où vous avez une certaine
homogénéité. Dans d'autres régions c'est moins bien
indiqué. Quelle serait l'importance que l'on doit attacher comme
critère à ce facteur?
M. BONENFANT: Je vous remercie de poser la question. J'avais une note.
J'avais complètement oublié d'en parler. Ceci est une idée
qui m'est chère. Je pense que la prochaine redistribution devrait, pour
autant que c'est possible, tenir compte de la répartition administrative
du Québec à l'heure actuelle. En d'autres termes, une des grandes
erreurs où nous a conduits peut-être la redistribution au hasard,
c'est qu'à l'heure actuelle c'est un domaine où j'enseigne
vous avez toute une série d'unités différentes. Par
exemple, le comté municipal. Vous savez qu'aujourd'hui le comté
municipal ne correspond plus à une réalité
véritable. L'unité administrative judiciaire ne correspond plus
à des réalités. Vous devriez dire aux gens qui vont faire
la redistribution cela devrait être un critère: Ecoutez,
tenez compte des grandes régions administratives. Je pense qu'aucune
circonscription ne devrait déborder une division administrative. Plus
que cela, à l'intérieur de vos grandes régions
administratives, essayez donc d'établir des circonscriptions pour les
fins d'élection qui seront analogues à celles du bureau
d'enregistrement afin que le pauvre citoyen ne soit pas perdu dans je ne sais
combien de divisions.
En 1867, le Québec est né avec 65 circonscriptions qui
étaient pour des fins électorales, pour des fins municipales,
pour des fins d'enregistrement. Comme nous avons fait du
rapiéçage d'année en année, aujourd'hui vous avez
une sorte de courtepointe, si vous permettez l'expression, où vous avez
toutes sortes de divisions.
Lorsque j'ai vu naître les divisions administratives, il y a six
ou sept ans, j'ai cru que c'était vraiment le salut de la province. On
me dit que l'administration commence à bien s'orienter
dans ce domaine-là. On me dit qu'il y a beaucoup de travail
à faire.
Pour répondre à votre question, pour autant que c'est
possible et j'ai l'impression que ce l'est, qu'on tâche donc de faire une
redistribution qui va coïncider avec les régions et, à
l'intérieur des régions, à des sous-unités
d'administration! Je suis entièrement de votre avis.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il serait prudent, tenant compte des
observations que vous venez de faire, pour les ministères qui sont en
voie de décentralisation, de réorganisation administrative,
d'associer peut-être leurs travaux à ceux de la carte
électorale. Je le dis particulièrement pour le ministère
de la Voirie. Il y a d'autres ministères. Je crois qu'il serait prudent
peut-être pour ces ministères-là de ne pas s'engager trop
avant dans des décisions finales sans tenir compte des travaux de...
M. BONENFANT: Si vous me le permettez, ce ne serait pas une
réforme tape à l'oeil, mais ce serait une réforme des plus
essentiels à l'heure actuelle pour la bonne administration du
Québec et pour que cela fonctionne d'une façon intelligente. A
l'heure actuelle, vous le savez, votre comté municipal est
différent de votre comté électoral. Votre division
d'enregistrement peut être différente. C'est un mélange
épouvantable. Je suis de votre avis et je trouve que c'est un des points
importants. Je vous avoue que j'en avais pris note. J'avais oublié de le
signaler.
M. PICARD: M. le Président, me permettez-vous de poser une
question sur ce point de la région administrative? En respectant, dans
le découpage de la carte électorale, les dix régions
administratives actuelles, à votre avis, M. Bo-nenfant, est-ce que cela
ne faciliterait pas, par exemple, le travail du découpage, parce que
moi, personnellement...
M. BONENFANT: Je suis de votre avis.
M. PICARD: ... en tant que député de la ville de
Montréal, je ne vois pas comment je pourrais, par mon vote, être
favorable à une division électorale dans le comté de
Gaspé plutôt qu'une autre division électorale dans le
comté de Gaspé. Si nous divisions le nombre total de
députés à l'Assemblée nationale selon la population
dans chaque région administrative et qu'on dise ensuite: La
région administrative numéro un qui comprend Gaspé,
débrouillez-vous, vous avez droit à six députés
découpés par quatre à l'intérieur de votre
région administrative et moi, en tant que député de
Montréal, je n'ai pas un mot à dire là-dedans, pour autant
que vous ne dépassez pas le nombre de députés qui vous est
alloué, faites la division comme vous l'entendrez. Je n'aime pas avoir
à mettre le nez dans la division des circonscriptions électorales
de l'Abitibi, du Lac Saint- Jean, ou des Cantons de l'Est. Pour autant qu'on
établisse par les régions administratives le nombre de
députés auxquels chaque région administrative aura droit,
à partir de ce moment-là, ce sont les députés de
chaque région qui décideront.
M. BONENFANT: Je suis de votre avis. Je me demande si ce n'est pas
l'idée la plus féconde qui ait été
suggérée ici. En même temps, vous appuyez, comme je vous le
disais, la proposition du président. Il faudrait faire une
redistribution par zone et que chacun, ayant établi des critères,
soit maître de sa zone. Je pense que c'est un des points les plus
importants qui ait été soulevé, beaucoup plus important
que tout ce que j'ai dit.
M. LE PRESIDENT: M. Lessard.
M. LESSARD: M. le Président, disons d'abord que les remarques que
je ferai ici il ne s'agit pas de blâmer qui que ce soit
mais je pense que toute la discussion tourne autour de certains faux
problèmes, à savoir le rôle du député que
nous aurons probablement l'occasion de définir. Pour ma part, comme je
le disais tout à l'heure, opposer électeurs ruraux et
électeurs urbains je suis moi-même dans un comté
semi-rural, semi-urbain c'est un faux problème. Chez certaines
catégories de gens et même, je pense bien, parmi certains
députés, on a encore la conception des années cinquante,
au moment où il n'y avait pas de décentralisation de
l'administration, au moment où, dans les régions rurales, toute
l'administration gouvernementale était vraiment identifiée au
député.
Le député, à ce moment, siégeait beaucoup
moins longtemps et, de plus, comme il n'y avait pas de service
d'administration, on devait s'adresser immédiatement au
député. Par contre, dans les régions urbaines, certaines
villes avaient les pouvoirs économiques nécessaires afin de
pouvoir créer leur propre réseau d'administration et pouvoir
suffire aux besoins des électeurs. Je pense bien qu'actuellement le
rôle du député, par suite d'une certaine
décentralisation de l'administration, est complètement
différent.
Pensons, par exemple, à la décentralisation de
l'administration qui s'est faite depuis quelques années, au niveau du
ministère des Affaires sociales. Quel a été le rôle
du député? Il a voté une loi, le bill 26. Mais, en ce qui
concerne l'administration de la loi comme telle et qui est très rigide,
il n'appartient pas au député de l'administrer. Il appartient
à des fonctionnaires d'administrer cette loi. Même en ce qui me
concerne, si une personne vient me voir pour me parler de son problème
individuel, à savoir qu'elle ne reçoit pas assez, ou qu'elle
reçoit plus d'argent du ministère des Affaires sociales, la seule
chose que je pourrais lui dire, c'est qu'il y a une loi qui possède des
critères très précis et vous devrez vous adresser à
telle personne. Il s'agit d'une information que nous donnons aux gens.
De plus en plus, je pense que les ministères vont se
décentraliser de telle sorte que le député, qu'il soit
dans les régions rurales ou qu'il soit dans les régions urbaines,
devra faire un travail d'information de la population. Mais, l'administration
de la loi, comme telle, sera faite par des administrateurs. Le rôle du
député va se transformer le député des
Iles-de-la-Madeleine en a parlé tout à l'heure en ce sens
que le député pourra devenir un animateur dans son milieu. Cela
va lui laisser probablement beaucoup moins de tâches comme celles de
technicien et plus de temps pour aller rencontrer ses électeurs,
discuter de leurs problèmes et surtout de problèmes globaux et
non pas de problèmes individuels. De cette façon, il pourra
arriver à l'Assemblée Nationale et soumettre ces problèmes
globaux et non pas des problèmes individuels.
Je constate aussi une autre chose, quant au rôle du
député de 1950. Je me demande si nous ne sommes pas encore un peu
jaloux des privilèges qu'il avait à ce moment. Il avait le
contrôle, et se faisait, comme on le disait tout à l'heure, un
petit royaume où il pouvait tout contrôler et pouvoir dire aux
gens: Bien voici, tu as reçu telle chose, c'est grâce au
député que tu l'a reçue, etc. Alors, c'est un peu comme
les curés qui à un moment donné ont eu un rôle
très fort et très puissant. Je me demande si la discussion qui
sous-tend toutes ces choses ne serait d'essayer de conserver ce rôle
privilégié du député de 1950, qui aujourd'hui,
à mon sens, n'existe plus. C'est un autre rôle que nous devons
jouer d'autant plus que nous siégeons de plus en plus longtemps
actuellement.
Alors, je pense que le rôle de législateur, nous devons
l'agrandir chez les députés en formant des commissions ou enfin
toutes autres formes.
Maintenant, il existe aussi et là, je rejoins ce que
disait le député des Iles-de-la-Madeleine quand même
une disproportion géographique des comtés. Il est certain, par
exemple, que ce soit le comté de Duplessis, de Saguenay ou autres, il
existe une certaine disproportion.
Mais, en ce qui me concerne, régler cela, ce sont des
détails parce qu'on pourra, par des appareillages différents,
apporter à ces députés certains moyens de rencontrer leurs
électeurs aussi souvent qu'un député d'un comté
urbain peut le faire, en créant des services autour du
député.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Monsieur, j'aimerais faire une observation sur
ce qu'a dit le député de Saguenay. Je veux bien croire qu'avec la
décentralisation administrative on pourra progressivement en arriver
à transformer le rôle du député. Il reste que,
même dans les bureaux, même dans les régions où
existent ces bureaux administratifs décentralisés, l'habitude de
la population est là. La psychologie de la population reste la
même, et, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, toutes les fois que les
gens ont des problèmes, lors même qu'ils sont passés par
les bureaux régionaux, et qu'on leur a dit: II y a tel et tel
critère selon lesquels on peut octroyer des subventions ou des pensions
ou quoi que ce soit, les gens viennent toujours voir le
député.
Un des meilleurs moyens de connaître les problèmes globaux,
comme le disait le député du Saguenay, ce sont
précisément les contacts individuels, et c'est à cette
occasion que l'on prend la dimension parcellaire, au départ, des
problèmes, et qu'on en arrive tout à coup à
découvrir le problème dans sa totalité. Je crois que ce
matin, une des suggestions qui a été faite et une des
observations des plus pertinentes à mon sens qui a été
faite, ç'a été celle du député d'Olier, et
aussi ce qu'a dit M. Bonenfant, qui à mon avis a fait avancer notre
pensée, notre réflexion, c'est lorsqu'il a dit, après
avoir parlé du problème des ruraux et des urbains, il a mis le
doigt sur le problème fondamental: la question de la grande ville qui
est Montréal, par rapport au reste du Québec. Alors tenons pour
acquis comme hypothèse de travail, que les gens s'urbanisent de plus en
plus. Mais ils s'urbanisent dans des régions qui sont assez
éloignées de la ville de Montréal. De sorte que la ville
de Montréal sera toujours pour eux quelque chose d'effrayant, et ils se
demanderont, dans le cas où un réaménagement de la carte
favoriserait numériquement la représentation à
Montréal, ce que nous sommes, nous par rapport à la ville de
Montréal?
Je crois que, écartant l'idée de rural, d'urbain, il
faudrait retenir cette observation très importante qu'a faite M.
Bonenfant à savoir qu'il faut peut-être poser le problème
en d'autres termes. C'est à dire, ne plus opposer urbains et ruraux, et
voir dans quelle mesure il y a opposition et conflit virtuel entre la grande
métropole, et les autres régions du Québec. C'est,
à mon sens, dans cette voie-là qu'il faudrait pousser notre
recherche, et approfondir le problème pour découvrir exactement
quels sont les critères qui nous permettront de procéder à
un réaménagement de la carte qui soit juste, qui soit vraiment
équilibré.
Je crois qu'on a déblayé ce terrain-là ce matin et
cette observation de M. Bonenfant nous fait voir tout à coup une autre
perspective.
M. BONENFANT: Si vous me le permettez, je vais vous montrer que je n 'ai
tout de même pas une idée trop péjorative du
député et je sais qu'il faut s'occuper de choses comme vous
l'avez dit. Il ne faut pas s'en faire; il y a d'autres pays où c'est
pire qu'ici, vous savez. Le hasard du voyage et de l'amitié m'a fait
suivre une campagne électorale dans les Pyrénées pendant
quinze jours où un de mes amis qui a vécu au Canada, M.
Labarrère-Paulé, se présentait. Et je vous prie de croire
que ce qu'on appelle le patronage, ce qu'on appelle la petite politique ici,
n'est rien à comparer à la province française et je vous
garantis que dans les petits bourgs
autour du Pô, le patronage le mot n'est pas utilisé
là-bas évidemment, ça nous rendrait jaloux ici...
M. PINARD: C'est que c'est sanctifié là-bas.
M. BONENFANT: Oui, c'est parce qu'on voit toujours le mal autour de soi.
Il y a cela. Mais sur ce point-là, je vous conseille encore une fois le
meilleur spécialiste, M. Vincent Lemieux. Il est vraiment bien dans ce
domaine-là. Il a une approche scientifique que je n'ai pas.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais donner la parole à M.
Béland.
M. BELAND: Je veux simplement préciser davantage ma
pensée. On a parlé tantôt de l'île d'Orléans
au point de vue de la culture. D'une façon générale, la
culture qu'il y a là est une culture artisanale, tandis qu'au niveau de
la province il y a quand même certaines régions spécifiques
qui ont besoin d'être défendues d'une façon
spécifique. Je verrais très mal justement un pêcheur
défendre les intérêts des membres du Barreau. Il ne faut
pas mettre de casiers spéciaux, par exemple les éléments
ruraux à côté d'autres casiers qui représenteraient
d'autres éléments. Il ne le faut pas. Il faut que ce soit
"entremélangé," si vous acceptez ce terme-là. Par contre,
si on tient compte du passé, il y a malheureusement eu beaucoup trop de
laissez-aller. L'élément rural passait en tout dernier lieu dans
la législation. A ce moment-là, il faut absolument qu'il y ait un
réveil ou quelque chose qui aiderait à un réveil pour
assurer que l'élément rural soit placé sur le même
pied que n'importe quel autre élément que l'on puisse
rencontrer.
M. BONENFANT: Ce qui est tout de même intéressant, comme je
l'ai dit tout à l'heure, c'est que les ruraux sont
"surreprésentés" et passent en dernier lieu. Il y a tout de
même quelque chose qui ne va pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Bonen-fant, pour revenir à ce que
tout à l'heure le député d'Olier et moi-même disions
au sujet des régions, des zones...
M. BONENFANT: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... est-ce que dans la question d'écart
entre les comtés vous avez mentionné un écart, 20
p. c. qui seraient possibles on pourrait aussi examiner la
possibilité d'un écart entre les régions, pondérer
cet écart...
M. BONENFANT: C'est exactement mon idée. Cet écart doit
être plutôt calculé, si vous préférez ce
truc-là, entre les régions. Dans une région donnée,
j'en arriverais, je vous garantis, à une égalité
considérable. A ce moment-là, vous pourriez en même temps
peut-être régler le problème rural et le problème
urbain. Je me demande si ce n'est pas dans cette voie-là que vous devez
vous engager.
M. CLOUTIER (Montmagny): A l'intérieur d'une région en
particulier, il y a l'écart entre les comtés. Mais à
l'intérieur de la province, sur les territoires de la province, il y
aura un écart aussi entre les régions. Je pense qu'on fait
là une pondération.
M. BONENFANT: J'ai l'impression que vous faites un progrès en
raisonnant comme cela. Du moins, c'est mon idée.
Nous semblons être d'accord qu'il y ait une différence de
25 p. c. en plus ou en moins dans la division des circonscriptions
électorales. Dans une région métropolitaine comme
Montréal, la moyenne est de 40,000 électeurs, ceci est une
moyenne provinciale et ça permettrait avec l'écart de 25 p. c. un
minimum de 30,000 électeurs dans les comtés ou un maximum de
50,000. Dans une région, comme la région métropolitaine de
Montréal, je n'aurais aucune objection à ce que l'on prenne comme
barème le maximum de 50,000 pour fixer le nombre des
députés à l'intérieur de cette
région-là. Et, que dans les régions rurales que l'on
prenne le nombre de 30,000.
M. BONENFANT: Attention! Il y a un autre facteur qui va jouer. Dans les
villes, vous serez peut-être obligés de mettre ce nombre assez bas
pour prévoir la croissance rapide de la circonscription.
M. PICARD: Ce problème pourrait être résolu en ayant
une révision périodique, de ne pas attendre à tous les 99
ans.
M. BONENFANT: Je suis de votre avis.
M. PICARD: Périodiquement, à chaque recensement
décennal, automatiquement, il devrait y avoir une révision de la
carte.
M. BONENFANT: Vous pourriez le dire dans la loi tout de suite.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, je crois que nous avons fait un travail
fructueux. Nous avons à peine abordé le premier sujet. La semaine
prochaine, le 11 mars, M. Vincent Lemieux a été invité
devant cette commission. Le 18 mars serait ouvert. Le 25 mars, M. Meynaud. Je
ne sais pas si M. Bonenfant serait disponible le 18 mars.
M. BONENFANT: Est-ce que le 18 mars serait un jeudi?
M. LE PRESIDENT: C'est un jeudi.
M. BONENFANT: Cela ferait mieux mon
affaire si c'était à 10 h 30. J'ai un cours jusqu'à
10 h 20. Remarquez bien que les étudiants pourraient se passer de mes
cours. Comme la fin de l'année arrive, laisser tomber un cours serait
presque scandaleux. Heureusement, aujourd'hui
Il y avait une tempête, j'ai pu donner simplement une heure. Je
viendrais volontiers à condition que ce soit à 10 h 30.
Remarquez bien qu'après avoir entendu M. 'Vincent Lemieux sur le
système allemand, je n'aurai peut-être pas grand-chose à
ajouter. Sauf que j'ai peut être un projet un peu différent. J'ai
des choses à ajouter sur la liste. J'ai une conception globale de la
liste électorale en tenant compte du phénomène municipal,
et en tenant compte de la démographie québécoise et en
tenant compte de la nécessité, d'après moi, de
laïciser les actes d'état civil d'ici quelque temps.
Je pense qu'il y aurait quelque chose d'assez intéressant
là-dessus. Je reviendrai volontiers à condition que ce soit
à 10 h 30.
M. LE PRESIDENT: Jeudi, le 18 mars, à 10 h 30.
M. BONENFANT: Dans quinze jours, à 10 h 30.
M. LE PRESIDENT: C'est ça. La semaine prochaine, c'est à
quelle heure? La semaine prochaine, le 11 mars M. Vincent Lemieux, c'est
à 9 h 30.
M. BONENFANT: Si par hasard M. Vincent
Lemieux ne couvre plus le terrain, avertissez-moi.
M. PINARD: M. le Président, à l'intention des
députés, à cause de la formidable tempête que nous
avons connue, je crois que nos travaux seront paralysés quelque peu
aujourd'hui en commission et à l'Assemblée nationale. II est fort
peu probable que nous pourrons siéger à la commission de la
Fonction publique cet après-midi parce que les parties ne pourront pas
être dûment représentées. Le premier ministre a
suggéré lorsqu'il est venu, de faire siéger
l'Assemblée nationale en assemblée plénière quitte
à voir de quelle façon nous pourrons fonctionner ce soir. On
m'informe aussi que les services administratifs du gouvernement comme tels sont
fermés. H y a eu instruction aux fonctionnaires de retourner chez eux
parce que les prévisions du temps sont que la tempête va durer
toute la journée et possiblement jusqu'à demain
après-midi. Reprenons cet après-midi à trois heures et
nous verrons comment nous pourrons fonctionner.
M. LEGER: Nous avions une commission qui devait siéger cet
après-midi et qui a été contremandée. Est-ce que
nous ne pourrions pas continuer cet après-midi avec M. Bonenfant?
M. PINARD: Non, non. Il y a trop d'absents pour permettre de faire
travailler efficacement le Parlement comme tel ou les commissions.
(Fin de la séance 12 h 47)