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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 29 avril 1971 - Vol. 11 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale

Séance du jeudi 29 avril 1971

(Neuf heures cinquante quatre)

M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs! Messieurs, si vous n'avez pas d'objection, pouvons-nous commencer?

Absence de M. Meynaud

M. HARDY: M. le Président, j'ai ici ce matin une lettre datée du 15 avril, dans laquelle M. Jean Meynaud assurait M. Raymond Desmeules qu'il serait ici pour témoigner. Malheureusement, M. Desmeules, le secrétaire de la commission, a reçu hier un appel téléphonique nous avertissant que M. Meynaud ne pourrait être présent pour cause de maladie.

Hier, il était pratiquement impossible au secrétaire de la commission de demander ou d'inviter un autre témoin à quelques heures de préavis, ça devenait quasi impossible. C'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons ce matin sans témoin. Dans les circonstances — je ne veux pas priver qui que ce soit de son droit de parole — je me demande, puisque l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui ne peut pas être respecté, s'il n'y aurait pas lieu de proposer l'ajournement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je suis d'accord avec le député de Terrebonne, étant donné que nous avions un calendrier de travail bien défini — nous devions entendre ce matin le professeur Meynaud, qui ne peut pas venir — que nous n'avons pas d'autre témoin. Je serais donc d'avis que nous ajournions et que nous reportions cette séance à la semaine prochaine, en prenant bien soin toutefois de nous enquérir de la santé de M. Meynaud, à savoir s'il pourra être ici la semaine prochaine. Sinon, nous pourrions tout de suite demander à un autre témoin de se tenir disponible pour la prochaine réunion.

Eléments de la réforme

M. LAURIN: M. le Président, étant donné que nous sommes quand même ici, que nous avons déjà entendu des spécialistes et que les membres de la commission, qui ont été très assidus aux séances, ont eu l'occasion de leur poser de doctes, savantes et intelligentes questions, et qu'ils ont eu des non moins doctes, savantes et intelligentes réponses; étant donné que, par ailleurs, on nous a distribué des documents, en particulier en ce qui concerne les modes de scrutin, la carte électorale et le reste ; étant donne aussi que nous avons entendu le témoignage du président des élections, je me demande si nous ne pourrions pas profiter de cette séance pour faire le point sur quelques-uns des éléments les plus importants de la réforme, particulièrement en ce qui touche le mode de scrutin et la réforme de la carte.

Nous pourrions peut-être nous entendre sur un ou deux éléments principaux qui pourraient faire le consensus ou l'unanimité, qui pourraient peut-être donner lieu sinon à des décisions, du moins à des orientations nous permettant d'avancer un peu plus, étant donné, quand même, qu'après toute cette période consacrée à nos discussions, notre religion doit être faite sur un ou deux points.

Par exemple: est-ce que nous ne pourrions pas nous demander, ce matin, si nous pouvons nous entendre sur quelques points de la réforme électorale comme, par exemple, la nécessité de confier ce travail à une commission indépendante qui ferait rapport à l'Assemblée nationale, après quelque temps? Sur le mode de scrutin, ne pourrions-nous pas nous entendre pour dire que le scrutin uninominal pourrait être corrigé par un élément de proportionnelle. Nous pourrions ensuite demander à notre comité directeur de se réunir à nouveau et d'expliciter un peu ces deux grands consensus généraux. Ce comité directeur pourrait explorer davantage, par exemple, cette question de la commission indépendante, sa composition. Nous pourrions nous demander si elle peut-être constituée de membres choisis sans acception de parti ou au contraire délégués par des partis, ou encore, en ce qui concerne le mode de scrutin, quel élément de proportionnelle nous devrions ajouter au scrutin uninominal à un tour ou quel autre correctif au scrutin uninominal à un tour.

Je donne simplement des exemples pour expliquer que nous avons déjà pas mal avancé dans nos discussions. Sans pouvoir arriver à des conclusions définitives, nous pourrions dégager quand même quelques orientations, quelques directions qui pourraient nous aider à faire le point entre nous, qui donneraient du moins l'impression à la population qu'on avance aussi. Ce qui m'inquiète, c'est toujours cette phrase du président général des élections, prononcée il y a déjà quelques mois, disant que l'organisation et la mise en vigueur d'un projet demanderont peut-être 18 mois avant qu'on puisse la traduire dans les faits. Ayant les yeux sur cette échéance, je commence à m'inquiéter un peu.

Tout ce que l'on pourrait faire pour accélérer les travaux serait sûrement bienvenu. Du fait qu'il n'y ait pas de spécialiste à entendre ce matin, je me demande si le moment ne serait pas bien choisi pour commencer à essayer d'établir un consensus parmi nous.

M. HARDY: M. le Président, je dois d'abord vous dire qu'il m'est difficile de partager cette opinion exprimée par le Dr Laurin, député de Bourget. Sans vouloir être méchant, je vous dirai que je me demande vraiment, connaissant

son esprit scientifique, s'il exprime ses opinions à lui ou tout simplement les opinions de son parti. Je peux difficilement concilier l'esprit scientifique reconnu du Dr Laurin et la méthode qu'il nous propose ce matin. Je pense qu'elle est totalement illogique et voici pourquoi.

Nous avons décidé, et avec raison, de tenter de posséder un dossier aussi complet que possible avant de déterminer les critères qui devraient présider à la réforme de la carte électorale. Bien sûr, depuis le début de nos séances, nous avons entendu un certain nombre d'experts dont le témoignage est de nature à nous éclairer. Mais je pense, en tout cas en ce qui me concerne, que le dossier n'est pas encore complet et d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous voulions encore entendre des témoins.

Il y a cette réalité qui m'apparaît, premièrement: le dossier n'est pas complet. Il n'est pas complet. Même si nous avons eu, je le répète, des témoignages très savants, il reste dans mon esprit — et je suis sûr que c'est la même chose pour d'autres membres de la commission — certains points obscurs. Si j'essaie rapidement, sans avoir de résumé devant moi, de revoir les témoignages que nous avons entendus, je constate que nous avons eu, entre autres, sur le mode de scrutin, au moins deux experts qui se sont montrés favorables à la thèse défendue par le Parti québécois. Mais si on relit attentivement le témoignage de ces deux experts — et je fais allusion en particulier à MM. Bonenfant et Lemieux — on se rend compte rapidement qu'ils ne sont pas allés concrètement dans les faits.

Entre autres, nous ne sommes pas plus avancés à la suite de leur témoignage quant à savoir de quelle façon, pratiquement, fonctionne ce système allemand dont s'inspirent nos collègues du Parti québécois, quelles en sont les répercussions pratiques. Encore une fois, ça dépend de l'attitude que l'on a, ici. Si déjà on est fixé, si déjà on croit à tel système, évidemment, on n'a plus besoin de continuer à entendre des experts. Quant à moi et quant à mes collègues du parti ministériel, nous sommes arrivés ici à la commission en n'ayant aucun préjugé en quelque sorte.

Je dis préjugé dans le sens que nous n'avions pas de décision prise quant au statu quo, quant à un mode de scrutin ou à un autre. Tout ce que nous désirons, et c'est encore notre attitude, c'est d'essayer de voir le plus complètement possible la situation de façon, par la suite, lorsque nous serons appelés à faire un choix, que ce choix repose sur un dossier aussi complet que possible. C'est notre attitude.

Je considère, précisément pour les raisons que je viens de mentionner tantôt, que nous ne sommes pas prêts à prendre une attitude ou à prendre une décision quant au mode de scrutin qui devrait être le nôtre. Je pense qu'il y aurait lieu de fouiller davantage, entre autres, cette hypothèse d'adopter un mode de scrutin qui serait une combinaison du système actuel et du système proportionnel.

Je pense que notre démarche ne serait pas valable si, ce matin, nous prenions déjà une décision quant au mode de scrutin ou même des orientations. Si on donne des orientations ce matin, cela implique que nous sommes prêts à nous engager dans une voie plutôt que dans une autre.

Dans cet esprit, pour ma part, même si je reconnais qu'il faut agir avec célérité —et je pense qu'il faut être de bon compte — il faut être honnête. Jamais, de mémoire de parlementaire, une commission n'a travaillé avec autant de célérité que la commission actuelle. D'ailleurs, j'ai eu des plaintes de certains députés qui, tout en reconnaissant l'importance du sujet que nous étudions, se demandaient si, à cause du calendrier très serré des réunions de notre commission, nous ne nuisons pas à d'autres commissions qui sont appelées à étudier d'autres problèmes. Parce qu'à un certain moment, des commissions avaient de la difficulté à fixer une date à cause de notre commission qui revenait tous les jeudis.

Je pense bien que tout en reconnaissant la nécessité d'agir avec célérité, nous sommes en face de décisions tellement importantes à prendre — je pense que le député de Bourget reconnaîtra avec moi qu'il s'agit de décisions importantes...

M. LAURIN: Certainement.

M. HARDY: ... nous ne modifions pas des structures importantes d'un régime électoral, sans y penser sérieusement — dans cet esprit, je pense que nous devrions encore, prendre quelques semaines. Je ne pense pas que deux ou trois semaines de plus puissent compromettre dangeureusement le calendrier.

Autres témoins proposés

M. HARDY: C'est pourquoi, M. le Président, je propose, ce matin, que nous ajournions — puisque, à toutes fins utiles, nous n'avons rien à faire — et que nous entendions encore certains experts.

Il y a quelqu'un dont je peux immédiatement dévoiler le nom — nous ne sommes quand même pas à un procès où les avocats cachent leurs témoins jusqu'à la dernière minute pour ne pas donner des éléments à leurs adversaires — et je vous dis immédiatement que j'ai l'intention de proposer que M. Gilles Lalande, directeur du département de science politique de l'Université de Montréal soit invité à venir témoigner.

M. Lalande a été invité à représenter l'Université de Montréal, je ne sais plus trop où, mais quelque part en Europe. Il est actuellement en voyage pour ces fins de représentation. Il doit également aller en Allemagne s'il n'y est pas actuellement. Je n'ai pas l'horaire exact du voyage de M. Lalande; de toute façon, il devait se rendre en Allemagne pour rencontrer sur place des parlementaires de différents partis,

des politicologues et essayer de voir sur place de quelle façon y fonctionne ce système.

Par ailleurs, M. Lalande s'occupe depuis un certain temps à un travail sur les modes de scrutin. Je vous dis immédiatement que je ne sais pas quelles seront ses conclusions. D'ailleurs, j'ai parlé à M. Lalande il y a déjà un bon bout de temps et il commençait à ce moment-là son travail. Lui-même ne savait pas à ce moment-là quelles seraient les conclusions de son travail, le tout dépendant des renseignements qu'il obtiendrait en Allemagne et des recherches personnelles qu'il y effectuait.

Je pense que le témoignage de M. Lalande serait sûrement de nature à éclairer la commission. Par ailleurs — c'est une question que je me pose et, là-dessus, je voudrais bien avoir l'idée des parlementaires — jusqu'ici nous avons eu des experts, des politicologues, des gens qui analysent le monde politique ou la politique en spécialistes, ce qui est très bien, je le reconnais. Je me demande s'il ne serait pas valable pour les membres de la commission que nous puissions entendre un, deux ou trois témoins — le tout dépendant de la décision que vous prendrez — qui seraient des hommes actuellement retirés de la politique, qui ne sont donc plus engagés directement. J'entends par le mot "retiré" des gens dont on peut prévoir normalement qu'ils ne reviendront plus en politique active, mais qui ont une expérience pratique.

Je parle des députés, des parlementaires qui ont vécu la politique pendant une période assez longue; j'ai en tête, par exemple, des hommes qui ont vécu activement une autre période de l'histoire politique du Québec où il y avait plus que deux partis. Il y a des hommes encore vivants, qui ont été députés ou qui, sans être députés, étaient membres de parti à une époque où nous avions trois partis, je pense à l'époque du Bloc populaire.

Je me demande s'il ne serait pas valable pour les membres de la commission d'entendre ces hommes, de les interroger pour savoir ce qu'ils pensent des modifications au mode de scrutin.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, et je tiens à être bien compris, je suis parfaitement d'accord avec cette thèse du député de Bourget à l'effet que nous ne devons pas perdre de temps, que nous devons agir avec célérité et que nous devrions être en mesure d'ici peu de prendre des décisions afin de commencer le travail de refonte de la carte électorale. Je pense que, ce matin, c'est encore prématuré. Les décisions que nous pourrions prendre pourraient nous engager dans une voie qui ne serait pas nécessairement la bonne ou, comme disait le président des élections, la moins mauvaise, puisque nous sommes dans un domaine où il faut tenter, non pas de rechercher l'idéal —il est impossible de l'atteindre — mais de rechercher les moyens qui seraient de nature à réaliser une représentation aussi équitable que possible au Parlement, compte tenu de tous les facteurs.

Témoignage des experts

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je crois que, pour les raisons mêmes qu'a invoquées le député de Bourget, il serait important que, ce matin, nous ajournions cette séance. Il est entendu — et il n'est pas nécessaire d'y revenir longuement — que chacun de nous veut procéder avec la plus grande célérité à ce travail de refonte de la carte et de l'institution électorale.. L'assiduité des membres de cette commission, leur intérêt et la régularité de nos séances en ont donné une preuve très nette.

Toutefois, reprenant les observations qu'a faites le député de Bourget, je ne crois pas que nous soyons en mesure de formuler des propositions, de prendre déjà parti avant même que nous n'ayons entendu, selon le plan que nous nous étions tracé, tous les experts utiles. Jusqu'à présent, nous avons eu le président général des élections, M. Lemieux, M. Bonenfant, M. Meynaud qui ont présenté ici des thèses extrêmement intéressantes au sujet desquelles, d'ailleurs, nous les avons interrogés longuement. Mais il est assez évident à l'analyse que les propositions qui nous ont été faites par MM. Lemieux, Meynaud et Bonenfant ne sont pas nécessairement des positions d'ordre pratique, et, lorsque nous procédions au contre-interrogatoire, nous nous rendions compte qu'eux-mêmes n'étaient pas toujours très sûrs de ce qu'ils avançaient. Si, en théorie, leurs idées étaient quand même précises, déterminées, il reste que, à la suite des questions que leur posaient les députés, ils — je ne dirais pas — reculaient, mais ils nuançaient considérablement les prises de position qu'ils avaient exprimés ici, devant la commission parlementaire.

On nous dit qu'il y aurait peut-être lieu pour les membres de la commission de s'interroger tout de suite sur les propositions qui ont été faites, afin d'esquisser les lignes de cette réforme pour notre gouverne personnelle. Mais nous n'avons quand même eu jusqu'à présent que quatre témoins principaux. Le député de Terrebonne vient d'indiquer qu'il a l'intention de proposer qu'un autre témoin soit entendu et il est clair que le parti de l'Union Nationale fera la même chose. Je retiens également ce qu'a dit le député de Terrebonne, à savoir qu'il y a différentes sortes d'experts; il y a des experts qui sont des experts plutôt théoriques, qui étudient les problèmes en cabinet, en faisant des recherches fort sérieuses et fort valables, mais il y a aussi ce qu'on appelle les praticiens de la politique et il est de ces gens qui pourraient être fort utiles à la commission.

D'autre part, depuis un certain nombre de semaines, j'ai reçu personnellement — et j'imagine que plusieurs membres de la commission en ont reçu également — des demandes de certains organismes qui aimeraient bien être entendus à la commission parlementaire, afin de faire connaître leur point de vue. En effet, nous ne

travaillons pas pour nous-mêmes, mais nous travaillons pour la population, puisque l'institution électorale que nous proposerons à la fin du travail de cette commission deviendra l'instrument de la démocratie au Québec. Par conséquent, il est non seulement utile mais nécessaire que des citoyens, par la voie d'organismes représentatifs, nous fassent connaître, avant que nous n'allions plus avant, quel est leur point de vue, quelles sont les orientations qu'ils voudraient nous voir prendre.

En ce qui me concerne — et mon collègue de Maskinongé, je crois, partagera mon avis — je ne suis pas disposé à la suite du témoignage des experts à prendre une attitude bien tranchée, bien définie. D y a encore trop d'inconnues dans l'équation que nous essayons d'établir. Nous avons des bribes de renseignements, nous avons l'esquisse de programmes de réforme, mais qui ne se présentent pas encore sous forme de synthèse, à telle enseigne que beaucoup de députés qui pouvaient avoir au départ certaines attitudes déjà fixées, déterminées, ont probablement changé ou éventuellement modifieront leurs démarches intellectuelles dans ce domaine.

C'est d'ailleurs mon cas. Et je cite l'exemple de ce système allemand qu'on nous avait présenté — dans les journaux d'abord — dont on faisait l'idéal de l'institution électorale la plus démocratique, la plus représentative. A l'analyse, on se rend compte que cette formule allemande n'est peut-être pas l'idéal ou tout au moins n'est peut-être pas ce qui conviendrait à la mentalité, aux habitudes électorales des citoyens du Québec et à une réalité politique et démocratique nord-américaine. Du reste, l'institution électorale allemande est elle-même contestée à l'heure actuelle dans le pays même dont je parle. Il sera donc important que nous réunissions l'ensemble des témoignages des experts, non pas seulement ceux que nous avons entendus jusqu'à présent.

Parce que, depuis que nous avons commencé les travaux de cette commission, on voit — par le truchement des lettres ouvertes dans les journaux, ou par d'autres moyens — un grand nombre de gens poser des questions, s'interroger sur ce que nous faisons et sur les propositions qui nous ont été soumises.

Cela indique donc que personne ne prend à la légère le travail que nous faisons ici de façon fort sérieuse et fort objective.

Pour ces raisons, je serais d'avis que, ce matin nous ajournions, étant donné que, pour ma part — et je crois que bon nombre de députés seront de cet avis-là — nous n'avons pas les éléments qui nous permettraient de dessiner les orientations, de nous prononcer même avec prudence sur certains modes de scrutin, sur certains procédés ou procédures de réaménagement de la carte électorale, etc.

Alors, j'endosse les propos du député de Terrebonne à ce sujet. Je serais d'avis que nous remettions la séance de ce matin à la semaine prochaine afin d'entendre soit M. Meynaud, soit un autre témoin oui sera disponible. A ce moment-là, nous serons en mesure, pour notre part, d'indiquer à la commission que nous avons l'intention de faire entendre d'autres témoins, des experts qui apporteront un éclairage peut-être différent, peut-être le même aussi, sur les problèmes que nous examinons à l'heure actuelle.

Je crois, M. le Président, que nous devrions retenir la proposition du député de Terrebonne et ajourner ce matin la séance. Ce n'est pas, comme il le disait, un retard d'une semaine qui peut nuire au travail de la commission puisqu'une fois que la synthèse sera faite à la suite de l'audition des experts, nous pourrons mieux nous-mêmes réfléchir sur la portée des propositions qui nous ont été faites et qui nous seront éventuellement faites par d'autres personnes.

Je termine en vous disant que l'un des experts que nous avons entendu, M. Meynaud, a insisté, lors de sa présence ici, au cours de son témoignage devant nous, sur la célérité certes dont nous devons faire preuve en ce travail, l'examen du problème de la refonte de la carte électorale, des modes de scrutin. Il nous a en même temps mis en garde contre une forme de précipitation qui risquerait de nous faire accepter, sans un examen suffisant, des méthodes, des procédés, des techniques et des propositions de réforme qui nous lieraient et dont nous aurions du mal, par la suite, à nous débarrasser si nous nous rendions compte qu'ils sont préjudiciables à la démocratie et au fonctionnement normal de l'institution parlementaire du Québec.

M. LE PRESIDENT: M. le député Joron.

M. JORON: M. le Président, malgré les points que viennent de faire valoir le député de Terrebonne et le député de Chicoutimi, je continue de partager — cela ne vous surprendra peut-être pas — l'opinion du député de Bourget à l'effet que, sur au moins un point et peut-être même deux, la commission m'apparaît suffisamment éclairée. Je pense notamment au mode de scrutin. D faudrait dire à ce moment-ci que M. Meynaud qui devait témoigner ce matin, devait le faire si ma mémoire est fidèle, principalement sur le mode de financement.

Donc, il m'était apparu, aux dernières séances de la commission, que la question du mode de scrutin avait été jusqu'à un certain point vidée, en ce qui concerne les experts qu'on appellerait à témoigner sur ce sujet précis.

Nous avons effectivement entendu trois propositions principales; on n'en sortira pas d'ailleurs: ça se résumera toujours à ces trois propositions-là: c'est le système actuel uninominal à un tour, ou bien, si on veut le mettre à l'autre extrême, la proportionnelle telle que la présente par exemple M. Lemieux. Il la qualifie de proportionnelle modérée mais ça reste une proportionnelle quand même, ou un système hybride entre les deux qui est le système qu'on appelle allemand, que M. Bonenfant a défendu.

Les trois experts ont fait valoir trois systè-

mes différents; c'est clair que c'est parmi ces trois-là qu'on aura à choisir, ou, à quelques modifications près, ça restera à l'intérieur de ces trois-là. Cela dépend de quelle façon on considère ce qu'est cette commission-ci. Est-ce que c'est durant cette commission-ci que les différentes formations politiques représentées à cette table sont appelées à se faire une idée? Il y a là-dedans, pour la question du mode de scrutin par exemple, des décisions d'ordre politique à prendre. Je pense que ce n'est pas seulement à cette table-ci que ces questions-là se posent, sont mûries, et que des décisions se prennent. Chacune des formations politiques s'interroge, j'imagine, sur ce sujet-là. Chacune des formations politiques, soit à l'intérieur de son caucus, a eu un an depuis la dernière élection pour parler de ces points-là.

J'imagine aussi que la démarche, si vous voulez, des différents partis politiques, n'est peut-être pas entièrement la même à ce sujet-là, mais qu'à l'intérieur des commissions politiques des différents partis, ces sujets-là ont dû être discutés et que chaque formation politique a, à l'intérieur de son propre parti, des experts qui réfléchissent et qui font des recommandations. Il y a un moment où une décision d'ordre politique doit être prise et je me demande jusqu'où on peut allonger la liste d'experts. Et finalement qu'est-ce que ça donne?

Le député de Terrebonne disait lui-même, à un moment donné, que nous ne serons pas plus •avancés après d'autres témoignages. Vous avez dit ça tout à l'heure. Vous le lirez demain dans le journal des Débats, vous avez dit ça.

M. HARDY: Je regrette, mais si j'ai dit ça, mes paroles ont sûrement trahi ma pensée, M. le Président...

M. JORON: Vous avez glissé.

M. HARDY: ...parce qu'au contraire, il y a quand même une certaine logique. Je veux bien confesser humblement qu'il puisse m'arriver de manquer de logique comme tout être humain mais, jusqu'à ce point, de soutenir d'une part que nous devons continuer à entendre des experts, et d'autre part, que je considère qu'à entendre de nouveaux experts on ne sera pas plus avancé, quand même, il ne faut pas aller jusque là. Si jamais mon verbe a aussi failli à ce point, immédiatement je me corrige, parce que ce n'était pas ma pensée.

M. JORON: Je vous remercie de cette correction.

M. PAUL: Ce sont les remarques de mon bon ami, l'honorable député de Terrebonne.

M. JORON: On a dit aussi, M. le Président, qu'il faudrait — je pense que le député de Chicoutimi le mentionnait — entendre tous les experts utiles. C'est toujours intéressant d'en- tendre les experts, j'en conviens. Mais il faut bien se rendre compte aussi que si on veut faire appel à tout ce qui existe d'experts dans le monde entier, on pourra se retrouver encore ici en 1984, en train d'entendre des experts. A un moment donné, il faudra mettre un point.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député de Gouin me permettrait une petite observation s'il vous plaît? J'ai dit qu'il fallait faire entendre les experts utiles.

Naturellement, il ne s'agit pas de faire entendre tous les citoyens du monde qui se prétendent experts, mais trois témoignages d'experts, cela ne me paraît pas suffisant, d'autant plus que vous disiez tout à l'heure qu'il y avait trois propositions principales.

M. JORON: Globales, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne suis pas d'accord avec vous parce qu'il y a d'autres experts que je connais qui ne sont pas de cet avis. Je veux donc les entendre avant que de me prononcer définitivement.

M. JORON: Je pensais d'ailleurs qu'il y avait peut-être d'autres méthodes de s'inspirer des experts sans nécessairement les amener à témoigner ici. Les experts écrivent. Il y a aussi une documentation considérable qui existe dans les journaux. D'autre part, je pense que par définition, les hommes politiques sont des hommes qui sont censés s'être intéressés depuis déjà belle lurette à ce genre de problème. Je vois que le député de Terrebonne, d'ailleurs, est un diplômé en science politique et il y en a d'autres ici. Je veux dire que la réforme électorale, ce n'est pas censé être nouveau pour nous. Les systèmes électoraux, ce n'est pas censé être quelque chose de nouveau.

M. HARDY: Honorable député de Gouin, je ne voudrais pas laisser dire cela et être accusé par la suite. Je ne suis pas diplômé en science politique. Je n'ai pas terminé la rédaction de ma thèse.

M. JORON: Ah! bon, alors...

M. HARDY: J'ai fini ma scolarité de maîtrise, seulement.

M. PAUL: II vient juste de me demander d'écrire sa thèse.

M. JORON: Si vous êtes à écrire la maîtrise, vous êtes donc bachelier en science politique.

M. HARDY: Pardon?

M. JORON: Vous êtes bachelier alors si vous êtes en train...

M. LAURIN: De toute façon, c'est la scolarité qui compte.

M. JORON: Pour résumer, M. le Président, je pense qu'à un moment donné il ne faudra pas prendre la commission — je ne veux pas être méchant et je n'accuse personne— pour une échappatoire qui retarde les décisions politiques à prendre. Ces décisions, quand même... On dit: On a travaillé avec célérité. Célérité, oui et non, ce sont des termes relatifs. Cela fait un an, aujourd'hui, que, dès le lendemain de l'élection, le premier ministre lui-même disait qu'avec urgence il fallait maintenant s'attaquer au problème de la réforme électorale. J'ai l'impression aussi que la population l'attend et qu'on ne pourra pas indéfiniment se soustraire à ses responsabilités face à la population en allongeant et en allongeant la liste d'experts et dire: Je ne suis pas tout à fait prêt à prendre ma décision. C'est le devoir d'une formation politique, c'est le devoir d'un homme politique de s'informer en dehors des séances de cette commission-ci. Il me semble qu'on a eu un an pour ceux qui ne l'avaient pas fait avant d'être élus aux dernières élections. On a quand même eu un an pour, individuellement...

M. HARDY: Est-ce que je peux poser une question?

M. JORON: ...réfléchir à ce sujet.

M. HARDY: Vous me permettez une question?

M. JORON: Oui.

M. HARDY: Est-ce que vous admettez avec moi que, tout en admettant la très grande importance de ce problème, le Québec vit actuellement beaucoup d'autres problèmes certainement aussi importants...

M. JORON: C'est sûr qu'on s'interroge sur bien des choses.

M. HARDY: ...et que les députés et les partis politiques n'ont pas pu consacrer toutes leurs pensées et toute leur énergie à cette question. Vous admettrez cela avec moi. Et même nous, membres de la commission, nous avons dû consacrer beaucoup d'heures de notre temps à d'autres questions que la réforme électorale. Admettez-vous cela?

Position des partis

M. JORON: Oui, c'est évident que la politique ne concerne pas seulement les modes de scrutin. Je pense qu'il y aurait peut-être une façon d'envisager notre travail qui nous ferait déboucher sur quelque chose. Vous savez que nous avons dans notre programme une position officielle sur la question des modes de scrutin qui ressemble, si vous voulez, au système allemand. On peut la déposer sur la table, vous savez ce qu'on pense des modes de scrutin.

Nous avons drôlement hâte, nous, de savoir quelle est la position du gouvernement et également, des autres partis d'Opposition, sur le sujet. Je pense que ce serait peut-être une façon, si chacun l'exprimait sans se lier les mains, si chacun exprimait sa préférence.

On pourrait peut-être commencer par là. Du choc des idées naîtrait peut-être le système idéal. J'attends avec impatience, M. le Président, le jour où, devant cette commission, chacune des formations politiques autour de cette table déposera le mode de scrutin qu'elle préfère, quitte à se réserver le droit de changer d'idée par la suite et de les mettre en opposition. Peut-être que nos idées seront les mêmes, on ne sait jamais. Nous déposerions peut-être tous la même chose. Prendre une position politique, serait peut-être une façon d'accélérer nos travaux. Nous l'avons fait. Nous souhaitons que le gouvernement le fasse au plus tôt. La population attend. Le premier ministre lui-même s'était engagé à le faire, il y a un an aujourd'hui — c'est un anniversaire —. On pourrait peut-être faire à la population ce cadeau de se brancher.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président en ce qui concerne la question de se brancher, l'expérience politique qu'ont la plupart des députés ici, les fait justement hésiter à prendre des positions qui seraient radicales et qui ne correspondraient pas aux vues de la population, surtout d'une population qui n'aura pas été suffisamment éclairée par les auditions de la commission parlementaire sur la refonte de la carte électorale. Je sais qu'en ce qui concerne le parti que je représente, nous avons des attitudes, nous savons en quelle direction nous allons, mais nous voulons bien, avant de formuler de façon précise les positions de notre parti, entendre les experts faire la synthèse et par la suite exprimer la position de l'Union Nationale en ce qui concerne la refonte de la carte électorale.

Du reste, aucun parti à cet égard n'a de leçon à donner à l'autre puisque tout le monde s'est inquiété de ce problème, a formulé déjà l'esquisse de certains changements, a dessiné certaines orientations, mais quant aux modalités pratiques, nous n'avons pas — je le répète — tous les éléments qui nous permettraient de vous dire carrément : C'est cela ou cela.

M. LAURIN: C'est bien la première fois que cela vous prend autant de temps à vous faire une idée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Laurin, en réponse à votre observation, je vous dirais que je pense ordinairement assez vite. Sur des sujets aussi complexes, il faut quand même un peu plus de réflexion parce que nous engageons l'avenir.

M. JORON: Vous aviez déjà réfléchi avant cette année sur le sujet.

M. LE PRESIDENT: M. Brown.

Point de vue des ruraux

MR BROWN: Mr. President, my honourable friend reminds me of semebody coming to dinner early and eating the dessert and leaving while the rest eat the general course without him. The witnesses that have witnessed here have been to the satisfaction perhaps or the interest of our French from the party they represent. That is the theory of the cities taking and equalizing all of the situation in the Province of Quebec. We have waited while Dave Hood, a theoritician, and we feel that there should be somebody qualified to speak for the rural voice.

MR. JORON: They did speak so, Mr. Brown.

MR. BROWN: This is true, but we want to hear expert witnesses who have been in this business for a long while, men who have character in the Province of Quebec, who know another opinion, rather than those of the City of Montreal, the City of Quebec and a couple of universities. Therefore, I vehemently say that we need to hear the other side of the story as well as the side of your story.

MR. TREMBLAY (Chicoutimi): We did not hear both sides.

MR. BROWN: There has been no real representation, from a practical point of view, of the people of the Province of Quebec at this Committee, so far.

M. LE PRESIDENT: M. Paul.

M. PAUL: M. le Président, le Christ au jardin des oliviers, sentant sa mort venir, disait ceci: "Père, s'il est possible d'éloigner de moi ce calice, mais que votre volonté soit faite! " Je m'interroge, M. le Président, en entendant les propos de mon bon ami, le député de Bourget. Pourquoi, M. le Président, vouloir ce matin mettre de côté cette occasion que nous aurions d'entendre les experts dont il nous a lui-même fourni la liste? Est-ce que, par hasard, ces experts verraient le problème sous un aspect tout à fait différent de celui qui présidait possiblement à la tenue du scrutin du 29 avril 1970?

M. JORON: M. Paul, me permettriez-vous une petite question?

M. PAUL: Avec un grand plaisir, mon cher ami.

Témoignages écrits

M. JORON: Est-ce qu'on pourrait demander aux experts de nous soumettre des mémoires par la poste? On pourrait demander à une liste d'experts sur lesquels on pourrait s'entendre de nous envoyer dans les deux ou trois semaines qui viennent des mémoires par écrit qu'on pourrait lire. Cela éviterait, peut-être, trois mois de séance de témoignages.

UNE VOIX: M. le Président, en vertu du principe...

M.PAUL: Nous avons presque tous connu de mauvaises expériences avec cela. Nous avons eu des experts qui, pressés de questions, lorsqu'on a voulu leur demander certaines précisions sur leur thèse théorique, ont drôlement reculé ou nuancé leur pensée. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont sûrement pas l'avantage de connaf-tre le côté pratique de la vie politique. M. le Président, nous avons de la part du Parti québécois, une liste de seize experts, quant à moi, je suis désireux de les entendre. Ils n'auront certainement pas tous la même expérience, la même valeur, mais ils exprimeront tous des idées qui mériteront qu'on s'organise de façon rationnelle et qui nous permettront de nous orienter dans un travail extrêmement important et qui est le nôtre.

Toute formation politique, M. le Président, qui n'a pas pour but immédiat la prise du pouvoir doit s'intéresser à d'autres problèmes de la vie politique et du mandat qui lui a été confié par ses électeurs, lorsque cette formation politique est représentée en Chambre. C'est là que je rejoins les remarques de l'honorable député de Terrebonne, quand il a mentionné que ce problème de la réforme électorale, si important soit-il, ne doit pas paralyser pour autant toutes les activités de la vie politique normale et courante du Québec.

Je dis, M. le Président, que quant à nous, du parti de l'Union Nationale, nous aurons également des experts à faire entendre. Nous ne savons pas à l'avance quelle sera leur thèse, quel sera leur point de vue. Peut-être que les points de vue exprimés se marieront d'une façon excellente avec ceux de certains experts du Parti québécois, mais peut-être aussi que ces thèses différeront.

C'est pourquoi, M. le Président, nous ne pouvons pas à la lumière du témoignage de quatre experts, bousculer les décisions que nous sommes appelés à prendre, parce que la réforme électorale n'a pas été faite depuis plus de 100 ans. C'est donc dire que nous allons probablement poser des gestes qui vont lier, en quelque sorte pour plusieurs générations ou du moins pour de nombreuses années à venir, la population du Québec dans le mode électoral qu'elle devra vivre et accepter.

M. LAURIN: M. le Président, je voulais juste rétablir brièvement quelques faits. M. le député de Maskinongé...

M. PAUL: Est-ce que vous me permettriez de terminer? J'en ai pour une minute...

M. LAURIN: Ah! je pensais que vous aviez fini. D'accord.

M. PAUL: ... et je vais boire comme d'habitude vos paroles. C'est pourquoi j'appuierais avec beaucoup d'empressement les remarques de l'honorable député de Terrebonne aux fins que nous puissions ajourner notre séance de ce matin. Je suis sûr que ce ne sera que pour le bénéfice et l'avantage de tous les députés de notre commission, afin qu'ils puissent connaître la complexité de différents problèmes qui nous ont été soumis, d'en analyser la portée, les conséquences, l'application.

C'est aussi avec plaisir que j'ai retenu cette excellente suggestion du député de Terrebonne pour que nous puissions entendre quelques gens qui ont eu une expérience vécue de la politique. Il y a aussi un autre aspect soulevé par notre collègue, le député de Brome, à l'effet que l'aspect rural n'a pas encore été analysé ou scruté ici, devant cette commission.

M. le Président, pour toutes ces raisons, je crois que la proposition d'ajournement, ce matin est bienvenue. Elle est logique et je ne vois pas en quoi elle peut préjudicier aux intérêts de la population du Québec, qui ne sera sûrement pas appelée à voter dans un avenir immédiat, parce que je sais que le parti au pouvoir s'accroche trop au pouvoir actuellement pour prendre un risque qui lui serait fatal.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A moins qu'il décide ça...

M. HARDY: M. le Président, pour continuer...

M. LAURIN: M. le Président, je voudrais juste rétablir quelques faits soulignés par M. Paul pour lui dire que ce n'étaient pas des experts du Parti québécois. C'étaient des experts dont une liste avait été soumise par le Parti québécois parmi tous les spécialistes qui avaient écrit sur la question, mais qui n'appartenaient pas au Parti québécois. M. Bonenfant...

M. PAUL: Dans les circonstances, vous conviendrez que...

M. LAURIN: ... n'a jamais été membre du Parti québécois, ni M. Lemieux, ni M. Meynaud.

M. PAUL: ... la liste aura encore plus de valeur.

M. LE PRESIDENT: M. Hardy, M. Charron, M. Audet.

M. HARDY: M. le Président, pour enchaîner — c'est une parenthèse — avec les dernières paroles du leader parlementaire, ce n'est pas tellement que le parti actuel s'accroche, mais c'est que la population le maintient de force.

M. PAUL: Je pense que vous ne voyagez pas beaucoup.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elle est obligée de le maintenir.

M. HARDY: M. le Président, je voudrais faire une tentative pour clarifier la situation. Je comprends très bien l'attitude du député de Bourget et de ses collègues, de même que ce que vient de dire le député de Gouin. Si j'étais dans la même situation intellectuelle — et je ne parle pas des autres situations, pour demeurer bien objectif — que nos amis du Parti québécois, j'adopterais sûrement exactement la même position qu'ils ont adoptée ce matin, parce qu'eux, il y a déjà plus d'un an — ou du moins immédiatement après le résultat des élections — qu'ils ont adopté une position. Comme beaucoup d'autres thèmes de leur credo politique, cette position paraît — en tout cas pour nous — comme quelque chose de dogmatique, d'absolu.

M. LAURIN: Amicus Platoses magis arnica veritas.

M. HARDY: Evidemment, comme toute personne respectueuse d'un dogme, ces gens-là nous arrivent ce matin et nous disent: Nous sommes prêts à nous prononcer, le dogme nous dit que c'est ça la voie. Tandis que pour nous, du parti ministériel — je ne parle pas pour les autres partis — comme nous sommes essentiellement des hommes pratiques, qu'en politique nous ne croyons à aucun dogme, si ce n'est celui de servir la population...

M. LAURIN: C'est terrible!

M. HARDY: ... nous ne sommes pas prêts, et quand je dis, nous ne sommes pas prêts c'est exactement la réalité. Nous ne sommes pas prêts et ce n'est pas parce que nous n'avons pas étudié la situation, au contraire. Quant à moi, c'est une question qui m'intéresse depuis le moment où j'ai fait des études en sciences politiques. Plus je fouille cette question, plus je m'aperçois qu'elle est loin d'être aussi claire et aussi simple qu'on veut bien nous le faire croire. Plus on examine l'ensemble du problème, plus, à certains moments, ressortent des points d'interrogation.

Notre situation est absolument différente. Vous, d'une façon absolument sûre, êtes dans une sécurité absolue, intellectuellement, vous avez déjà opté pour un mode de scrutin. Il est évident que vous considérez cela inutile. Je peux vous dire à la lumière de ce qu'on peut connaître de votre vie comme parti — que quel que soit votre côté — et ce sont peut-être des projections que le député de Gouin faisait quand il me prêtait certains propos. Je suis persuadé, dis-je, que même si nous entendions encore pendant deux ans des experts, la posi-

tion du Parti québécois ne changerait pas sur cette question.

M. JORON: Si vous me permettez, j'aurais une petite chose. Dans un sens la position officielle — celle qui apparaît dans le programme — ne dépend pas des sept députés du Parti québécois.

M. HARDY: C'est ça.

M. JORON: Elle a été votée par un congrès...

M. HARDY: II est évident que...

M. JORON: Mais ça ne veut pas dire qu'un congrès éventuel du PQ ne changera pas...

M. HARDY: Mais comme vous n'en aurez pas avant un an, nous ne sommes pas pour attendre un an, justement parce que nous croyons à la célérité.

M. JORON: Dans l'intervalle, il y a des conseils nationaux...

M. HARDY: II est évident que, dans l'intervalle, quels que soient les experts que nous entendrons ici, que nous en entendions encore un, deux ou trois — puisque comme vous venez de l'admettre, vous êtes liés par votre congrès, ce ne sont pas les experts qui vont venir ici, quelle que soit leur science, qui vont vous faire changer d'idée. Même si intérieurement vous pouvez vous interroger — à cause de la discipline très forte que vous semblez avoir — vous ne changerez pas d'idée. C'est un fait.

M. PAUL: Pour vous, peut-être.

M. HARDY: Je maintiens que votre position est logique avec vous-mêmes, mais pour nous c'est bien différent. Nous ne sommes pas liés pas un congrès, les parlementaires du parti ministériel ne sont pas liés par une décision d'un congrès là-dessus...

M. CHARRON: C'est évident.

M. HARDY: C'est évident! Bien oui, le congrès n'a pas étudié cette question-là, nous ne sommes pas liés par...

M. CHARRON: Vous êtes un des rares partis à ne pas avoir de programme.

M. HARDY: Deuxièmement... C'est-à-dire que nous avons des programmes qui laissent quand même une certaine liberté parlementaire, parce que les parlementaires ne représentent pas...

M. CHARRON: Qui sont faits à la veille d'une élection et qui sont oubliés le lendemain.

M. HARDY: ... seulement un parti, à titre de parlementaires, nous représentons l'ensemble des électeurs d'un comté.

M. JORON: M. Hardy, le congrès de 1966 de la Fédération libérale du Québec avait comme thème la réforme électorale...

M. HARDY: Voulez-vous me laisser terminer? Nous vous écoutons toujours avec beaucoup de plaisir, mon collègue et député de Gouin, je voudrais vous demander la même sympathie, même si mes propos n'ont peut-être pas la même valeur.

M. LAURIN: Vous l'avez.

M. HARDY: Pour nous actuellement, c'est vrai que nous n'en avons pas de position définitive. Je vous le concède bien honnêtement, c'est vrai. Je vous l'ai dit au comité directeur et je vous le répète ce matin, la seule position définitive que nous ayons, c'est que, quant au mode de scrutin, nous voulons rechercher le mode de scrutin qui assurera d'une part la meilleure représentativité à la population du Québec au Parlement, tout en assurant la stabilité gouvernementale essentielle à l'administration d'une province, c'est la seule certitude que nous ayons présentement.

M. JORON: II va falloir que vous en ayez une un jour!

M. HARDY: Bien sûr, nous en aurons une. M. JORON: Comment allez-vous y arriver? M. HARDY: Comment nous y arriverons?

M. JORON: C'est pour ça que nous essayons d'accélérer. Ce n'est pas méchant.

M. HARDY: Je pense, M. le Président, que nous avons démontré jusqu'ici notre désir... Là-dessus, j'ouvre une parenthèse. Je ne veux pas faire de partisanerie parce que c'est très important qu'une commission comme la nôtre se dégage des lignes partisanes. Il y a quand même certaines choses qu'on ne peut pas laisser passer. Je me rappelle très bien que, l'été dernier, à plusieurs reprises, après que le premier ministre m'eut demandé de m'occuper particulièrement de cette commission, je demandais à M. Laporte quand nous devions siéger. M. Laporte m'a dit au moins à deux ou trois reprises que nous ne pouvions fixer de séance à la semaine suivante à la demande précisément de votre parti. C'était au cours de l'été dernier. Ce n'était pas notre faute. Nous étions prêts au mois d'août l'an dernier à tenir des séances de la commission parlementaire, mais c'est à la demande de votre parti que nous n'en avons pas tenu.

M. LAURIN: C'est arrivé une fois parce qu'un de nos spécialistes sur le serment, M. Jacques-Yvan Morin, était en Europe. C'est arrivé une fois et nous avions demandé de retarder d'une semaine. Je ne pense pas que vous ayez le droit de faire un cas général avec ça.

Marche des Travaux

M. HARDY: De toute façon, je pense — quitte à me répéter — que jamais une commission parlementaire ne s'est réunie avec la même régularité que la nôtre. Alors, laisser sous-enten-dre, même délicatement, que nous essayons de ralentir les travaux de notre commission, je pense que c'est injuste pour la majorité des membres de cette commission. Nous avons tout fait, quitte encore une fois peut-être, à nuire au travail d'autres commissions, parce que les députés, que ce soient les ministériels ou ceux des autres partis, ne jouissent pas, personne de nous, du don d'ubiquité. Quand nous sommes ici, nous ne pouvons pas être ailleurs.

Je pense qu'on doit reconnaître honnêtement que nous avons fait tout ce qui était humainement possible pour que les travaux procèdent avec célérité. Encore une fois, à titre de député — et je pense que c'est la même chose pour un grand nombre de mes collègues — nous ne sommes pas prêts, aujourd'hui, à prendre position. Je ne dirai pas qu'il faut nécessairement faire ce que mon bon ami, le député de Maskinongé nous a dit tantôt, entendre encore tous les témoins qui ont été proposés. Mais il y a la complexité du problème, d'une part, et, d'autre part, le fait que — je pense que vous devez le reconnaître également — des témoins qui sont venus jusqu'ici — il en reste encore un nombre assez restreint — ont surtout présenté une facette ou un aspect de la situation, sauf le professeur Meynaud, qui a été plus polyvalent. Dans le cas de M. Lemieux et de M. Bonenfant, ils en sont arrivés avec une hypothèse bien précise, comme l'ont fait remarquer tantôt certains de mes collègues — et c'est là que je ne suis pas d'accord sur la théorie du député de Gouin de recevoir des mémoires — et lorsque ces témoins arrivaient avec une thèse assez bien articulée dans leur présentation et qu'on les interrogeait ou contre-interrogeait, on s'apercevait très rapidement que leur thèse n'était pas aussi solide qu'ils voulaient bien nous le faire croire au début. En effet, quand on leur présentait des aspects pratiques, concrets, à ce moment-là, ils devenaient plus sceptiques.

M. JORON: Ce serait peut-être une raison pour ne pas les entendre...

M. HARDY: Ce scepticisme des experts qui sont arrivés avec une thèse bien définie a pour conséquence, pour autant que je suis concerné, de me rendre aussi sceptique et de me faire sentir le besoin d'approfondir encore davantage.

Entre autres, je le répète également, personne n'est venu nous démontrer concrètement même l'excellent document de travail présenté par le Parti québécois ne nous le démontre pas comment pratiquement s'incarne ce mode de scrutin en Allemagne, de quelle façon ce mode de scrutin peut avoir des répercussions non seulement sur la culture politique du pays en cause, mais également sur le fonctionnement pratique des institutions parlementaires.

Personne n'est venu nous parler de ça. Je pense que c'est important avant que nous prenions une décision. Pour ceux qui ne sont pas intellectuellement fixés, c'est important que nous sachions cela. J'ai soumis le nom d'un expert, il pourrait y en avoir d'autres. Je dis actuellement que le directeur du département des sciences politiques de l'Université de Montréal est présentement en Allemagne, à étudier sur place le fonctionnement des institutions.

Je suis persuadé que le directeur, M. Lalande, sera en mesure, à la lumière de l'expérience et des études qu'il aura faites sur le terrain, de nous éclairer. Peut-être les conclusions de M. Lalande iront-elles dans le sens de la position déjà adoptée par le Parti québécois, peut-être également M. Lalande pourra-t-il faire surgir dans notre esprit certaines questions. Je pense qu'il serait prématuré ce matin de dire comme nous invite à le faire le député de Gouin, quelles sont nos positions, parce que nous n'avons pas pour le moment de positions officielles. Il y a individuellement des membres qui peuvent penser une chose ou l'autre, mais, comme parti, nous n'avons pas de position.

Cela ne veut pas dire que nous allons passer encore une éternité sans en avoir. Tout ce que ça veut dire, c'est qu'il nous manque encore certaines pièces essentielles au dossier pour prendre une décision. Quant à moi, soyez certains que je ferai tout ce que je peux, et je suis très désireux que le parti, comme tel, prenne une position assez rapidement sur la question. J'ai toujours en tête moi aussi ce que nous a dit le président général des élections, qu'il fallait commencer le travail de la refonte d'une carte électorale dans un avenir très rapproché. Je suis également convaincu qu'il est impossible de commencer le travail d'une réfonte électorale avant d'avoir décidé cette question du mode de scrutin.

Il faut d'abord décider de cette question-là avant de commencer la réforme électorale, et il est urgent que la réforme électorale soit mise en chantier. J'admets cela aussi, mais encore une fois, je dis que ce n'est pas quelques semaines de plus ou de moins — on demandera aux experts, à ce moment-là, de travailler un peu plus rapidement — qui vont compromettre la réforme de la carte électorale d'une part. D'autre part je dis que ce ne serait pas honnête pour nous, du parti ministériel, de nous prononcer ce matin alors que nous avons conscience que des pièces essentielles au dossier manquent.

M. JORON: Permettez-moi une question. M. HARDY: Une question, oui.

M. JORON: Vous souhaitez arriver à la rigueur scientifique mais je pense bien que vous serez d'accord que, dans le domaine d'une science qui est humaine, qui n'est pas une science technique, on n'arrivera pas à tout prévoir ce que tel système va produire...

M. HARDY: Non, je suis d'accord avec vous.

M. JORON: Vous dites: On n'est pas prêt ce matin, on va l'être bientôt. En gros, sans vous lier et sans être bien précis, pourriez-vous nous donner une indication pas seulement à nous, en fait, mais à l'ensemble de la population, du moment où ça peut venir?

M. HARDY: C'est très difficile. Pour répondre à votre question, je ne vous affirmerai rien parce qu'à ce moment-là je prendrais une décision pour l'ensemble de la commission, ce que je ne suis pas autorisé à faire. Deuxièmement, ce serait imprudent de ma part.

Si le prochain témoin ou les deux prochains témoins, non seulement ne nous rassurent pas mais font encore sortir certaines questions, si je vous dis que dans un mois nous serons prêts à nous prononcer, je serais imprudent. Mais pour répondre à votre question, je vais vous dire ce que j'espère. J'espère que dans un mois nous serons en mesure de nous prononcer, c'est un espoir. Mais je ne peux pas vous dire que je m'engage, ce matin, à prendre une décision dans un mois parce que cet espoir que je formule...

M. JORON: Vous êtes sage.

M. HARDY: ...est sous réserve des témoignages que nous pourrons entendre subséquemment qui pourraient poser des points d'interrogation que nous aurions besoin de clarifier également. Encore une fois, je reviens à cette idée et j'irai plus loin. Tantôt j'ai lancé l'idée d'avoir des témoins, des praticiens de la politique. Je pense que si nous voulons travailler avec célérité, nous pourrions peut-être ce matin nous prononcer sur ce principe et même nous prononcer sur la venue — j'aurais quelques noms à suggérer — de praticiens, d'hommes retirés de la politique et qui n'y reviendront pas et d'hommes qui, pour éviter que l'on pense que ce sont des orientations, ont appartenu à différentes formations politiques et, surtout, ont connu cette période de la vie politique québécoise où il y avait trois partis. J'avais pensé, par exemple, à des hommes comme M. Bellemare, M. René Chalout, qui a vécu comme député cette expérience des tiers partis, M. Marier, M. Paul Gouin, M. Emilien Lafrance, qui sont des hommes qui sont retirés. En tout cas, on pourrait nommer plusieurs noms comme ceux-là.

M. PAUL: Que dites-vous de M. Frank Han-ley?

M. LAURIN: Est-ce que je pourrais vous poser une question?

M. HARDY: Oui.

M. LAURIN: Comment conciliez-vous ce que vous venez de dire avec votre espoir que, dans un mois, la commission pourrait se prononcer? Vous venez de lancer quatre noms, plus M. Meynaud, qui doit revenir...

M. HARDY: D'abord, on pourrait les entendre à plus... c'est-à-dire que les praticiens de la politique seraient peut-être en mesure de donner leur expérience plus brièvement que certains théoriciens d'une part, et, d'autre part, les noms que je viens de soumettre, encore une fois, ne forment pas une liste que l'on devrait respecter intégralement. Ce sont des noms que je mets sur la table comme cela; ce n'est pas nécessaire d'en entendre une dizaine. Il s'agirait d'entendre des hommes qui ont une expérience diverse et qui appartiennent à des idéologies diverses pour qu'on ne puisse pas les accuser de vouloir faire du favoritisme. Mais, si les noms que je viens de proposer sont ceux de gens dont on peut présumer d'une façon presque...

M. LAURIN: Je vais vous poser une autre question. Est-ce que...

M. HARDY: ...qu'ils sont en dehors des lignes principales.

M. LAURIN: Me permettez-vous de vous poser une autre question?

M. HARDY: Oui.

M. LAURIN: Dans un domaine comme celui-là, croyez-vous que ce soit vraiment le passé qui doive nous indiquer l'avenir?

M. HARDY: C'est-à-dire que, encore une fois, il faut quand même être... Là-dessus, il y a des faits bien évidents. Le passé ne doit pas conditionner l'avenir. Je suis bien sûr que c'est une évidence. Mais il ne faudrait pas non plus que les députés actuels, à quelque parti qu'ils appartiennent, s'imaginent appartenir à l'an 1 de la politique ou s'imaginent sur le passé ou l'histoire politique du Québec qu'on baisse un rideau et qu'on oublie ça. Parce que même, messieurs du Parti québécois, si vous existez politiquement, c'est parce qu'il y a eu des faits historiques qui vous ont précédés. Il n'y a pas de génération spontanée en politique comme dans d'autres domaines. D'une part, se limiter uniquement au passé ou à l'expérience passée pour prendre des décisions, j'admets que ce n'est pas une chose valable. Mais, d'autre part, ignorer totalement le passé, vouloir ignorer

l'histoire politique du Québec, c'est également une autre absurdité.

D'ailleurs, là-dessus, j'en appelle au témoignage de M. Meynaud. Il nous a très bien démontré que, dans le monde politique, il est très important d'assurer, tout en acceptant l'évolution, le progrès et l'ouverture; mais il est très important, aussi, de tenir compte des réalités historiques.

M. CHARRON: Alors, il faudrait faire témoigner les Pères de la Confédération, parce que ce sont eux...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il faut être sérieux.

M. HARDY: Je pense que le député de Saint-Jacques caricature.

M. CHARRON: Si vous êtes en train de sortir...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le député de Terrebonne me le permet...

M. CHARRON: Si vous voulez faire de la commission la ligue du vieux poêle, dites-le tout de suite. On va continuer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le député de Terrebonne me le permet, je voudrais faire une observation ici. Il ne s'agit pas de caricaturer. Il ne s'agit pas d'essayer de prendre tous les députés qui sont ici pour des vieilles barbes. Nous sommes beaucoup plus conscients que bien d'autres du problème, enfin de l'importance du problème qui fait l'objet de la commission. Il serait absolument imprudent et indécent de faire litière du passé en une matière aussi sérieuse que celle de la refonte d'une institutions qui va régir notre vie politique pour des années à venir. Il y a le passé, il faut s'en inspirer, en tirer des leçons...

M. CHARRON: Je trouve que vous en tirez...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et c'est précisément parce que vous avez étudié vous-même le passé que vous proposez une nouvelle formule. C'est précisément parce que nous connaissons, nous aussi, ce passé que nous voulons interroger des gens qui l'ont vécu, afin de voir quels sont les aspects positifs et les aspects négatifs de l'expérience que nous avons vécue autrefois. Comme l'a dit le député de Terrebonne, il n'y a pas de génération spontanée et nous ne commençons pas l'an 1 de la politique à cette commission de la refonte de la carte électorale.

Pour ma part, lorsqu'on nous dit: II faut aller vite, il faut aller vite, je dis M. le Président, et j'exprime là l'opinion de mon parti, que nous devrions prendre tout le temps nécessaire pour bâtir un instrument démocratique qui satisfasse aux exigences des citoyens et qui mette le Québec à l'heure de l'époque moderne. Pour cela, il faut y aller avec célérité. Il faut y aller avec prudence, comme nous incitait à le faire M. Meynaud lui-même. Nous avons des témoins à faire entendre et il est important que nous les entendions, puissent-ils être en nombre assez important, parce que le parti politique que je représente n'a pas lui non plus, à l'heure présente, une position définie. Les témoignages des experts que nous avons entendus, et qui ont atténué considérablement leurs propositions originales, nous incitent à réfléchir davantage, parce qu'ils ont reconnu eux-mêmes qu'ils en avaient appris souvent plus de nous qu'ils n'étaient capables de nous en apprendre.

M. LAURIN: Ils étaient polis.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est-à-dire qu'ils n'étaient pas simplement polis, ils étaient réalistes.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. HARDY: Est-ce que le député de Chicoutimi. ..

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. J'avais accordé le droit de parole — et je l'avais bien dit — à M. Charron. Par contre, j'ai permis au député de Chicoutimi de rétablir d'une manière brève peut-être certains faits, quitte à lui remettre la parole après. Mais j'avais annoncé que l'opinant suivant serait le député de Saint-Jacques. J'ai donné une certaine latitude au député de Chicoutimi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je vous remercie de me rappeler cela, d'autant plus que j'avais demandé la permission au député de Terrebonne. Si je le crois nécessaire, je reprendrai la parole, mais je voulais faire cette précision afin qu'on ne caricature pas l'attitude des députés.

M. LE PRESIDENT: M. Charron.

M. CHARRON: M. le Président, c'est au sujet des travaux de la commission, en général, dont...

M. PINARD: C'est très agréable.

M. CHARRON: Bon, les graffiti étant posés, M. le Président, je vais pouvoir continuer.

M. PINARD: C'est en rapport...

M. CHARRON: M. le Président, une partie de l'intervention de mon collègue, le député de Gouin, portait sur les travaux de la commission. Le député de Terrebonne a fait largement état de la régularité du travail — disons plutôt des

séances — de cette commission, tous les jeudis matin. M. le Président, on pourrait se réunir quatre fois par semaine pour piétiner à la même place, comme on pourrait se réunir une fois par mois pour avancer considérablement. Ce n'est pas la régularité de séances qui compte. Je pense que l'une des choses qui nous poussent, nous, du Parti québécois, ce matin à essayer de créer, au moins pour la première fois, un point quant à notre attitude vis-à-vis de la réforme électorale, c'est justement que nous avons désormais l'impression qu'il serait temps, pour ne pas piétiner, de faire le point. Nous n'avons jamais dit que nous refuserions d'écouter d'autres experts, parce que la réforme électorale, soit dit en passant, ce n'est pas seulement la carte et le mode de scrutin, tout le monde est d'accord aussi. Nous aurons tôt ou tard à aborder la question du financement des partis. M. Meynaud devait nous en parler ce matin, il pourrait fort bien revenir à cette occasion-là.

Nous aurons l'occasion de parler des techniques d'implantation et de modification de la loi électorale et nous pourrons entendre des juristes à ce moment-là. Nous n'écartons pas cela, nous avons été parmi les premiers à demander que les experts viennent témoigner. Nous sommes satisfaits des témoignages des experts que nous avons eus. Nous sommes prêts à en entendre encore. Le problème n'est pas là, cependant, c'est qu'aussi obnubilés par la date qu'a posée le président général des élections quant au calendrier et par le fait que nous avons eu largement l'occasion, pour reprendre une expression du député de Chicoutimi, d'obliger les experts à remettre en question — c'est un peu global comme considération — les thèses qu'ils faisaient, nous nous croyons en mesure ce matin et pour les prochaines séances, de prendre des décisions là-dessus. Le député de Terrebonne veut entendre le directeur du département de science politique et le président de la commission politique du Parti libéral pour venir témoigner ici une dernière fois, sur une nouvelle demande...

M. HARDY: A l'ordre! M. le Président, sur un rappel au règlement, je voudrais faire une précision.

M. CHARRON: Mais pourquoi à l'ordre, vous n'êtes pas le président.

M. HARDY: Je pense que le député de Saint-Jacques, actuellement, encore une fois dans cet esprit que nous voulons donner à la commission, adopte une position vraiment partisane avec les derniers mots qu'il vient de dire.

Lorsque son chef m'a soumis le nom de M. Robert Boily, je ne suis pas venu ici à la commission en disant: M. Boily en plus d'être professeur de science politique à l'Université de Montréal est également un ex-candidat péquis-te. J'ai assez confiance dans l'esprit scientifique de M. Boily...

M. CHARRON: Vous auriez pu le dire.

M. HARDY: On a suffisamment confiance...

M. CHARRON: Je n'aurais pas crié comme vous le faites.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. HARDY: Je fais une mise au point.

M. CHARRON: M. Boily n'a aucune honte d'avoir été candidat.

M. HARDY: J'ai assez confiance dans l'esprit scientifique de M. Boily, comme dans l'esprit scientifique du professeur Gilles Lalande, pour savoir que ces deux hommes sont capables de faire la distinction entre la discipline scientifique qu'ils représentent et leur engagement politique.

Je considère, M. le Président...

M. CHARRON: Ce n'est pas cela du tout que j'ai mis en doute...

M. HARDY: ... que ce que le député de Saint-Jacques vient d'ajouter est une façon insidieuse de laisser entendre que le directeur du département de science politique se laisserait influencer, ici, par ses appartenances à un parti politique.

M. CHARRON: M. le Président, il faut toujours bien établir... Il a pris mouche de rien. J'étais en train de dire — s'il m'avait laissé terminer ma phrase — qu'il veut faire venir M. Lalande. M. Lalande peut venir comme directeur du département de science politique, ce qui lui donne une qualification, et comme président de la commission politique de votre parti également, parce que cela lui donne une expérience.

J'étais en train de dire: Si vous voulez le faire venir, nous allons l'entendre. D'accord? On ne monte pas dans les rideaux pour rien. C'est simple. Si vous m'aviez laissé terminer ma phrase. Avez-vous honte qu'il soit président de la commission politique de votre parti?

M. HARDY: De toute façon, je n'aurais pas pu faire d'affirmation.

M. CHARRON: Nous disons: On le fera venir. C'est bien simple. Bon! De là à faire venir jusqu'à Honoré Mercier, c'est une autre paire de manches. On aura l'occasion d'en parler.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. CHARRON: Mais nous avons discuté hier après-midi...

M. PAUL: Je remercie mon bon ami, le député de Saint-Jacques. Est-ce que vous êtes contre la suggestion qui nous a été faite ce matin d'entendre des politiciens qui ne feront pas de retour dans la vie publique ou ceux qui peut-être pourraient tenter, mais avec un insuccès assuré à l'avance, un retour en politique? Est-ce que vous émettriez une objection à cela?

M. CHARRON: Bien, disons que cela ne me séduit pas. Je ne vois pas exactement, outre les anecdotes, ce qu'on pourrait avoir...

M. PAUL: Auriez-vous objection...

M. CHARRON: ...concernant les décisions bien précises que nous avons à prendre.

M. PAUL: ... à entendre René Lévesque par exemple?

M. CHARRON: II n'est pas retiré de la politique, au contraire.

M. PAUL: J'ai bien dit: Ceux qui tenteront, mais sans succès, un retour en politique. J'ai été prudent. Là je vous pose la question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On n'a pas à parler des mourants.

M. CHARRON: Alors, M. le Président, en réponse à la question du député de Maskinongé, en particulier, c'est une suggestion du député de Terrebonne. Savoir ce que concrètement cela pourrait apporter de plus à nos décisions n'est pas ce qui m'emballe le plus. J'ai entendu le député de Brome, encore une fois, répéter son message, son inquiétude normale. A plusieurs reprises au cours de nos commissions, on a eu l'occasion, soit les experts, soit les membres de cette commission, y compris son propre parti, de répondre à ses inquiétudes. Je ne vois pas, même en faisant témoigner je ne sais pas qui l'expert sur les questions rurales, qui pourrait encore nous donner plus d'assurance, autant au député de Brome qu'à nous, sur cette question-là. Hier, dans une conversation privée avec le député de Terrebonne, nous avions dit que si tel est le cas, des trois partis d'Opposition, des vieux partis dans cette Chambre, de se poser des questions, la volonté d'avoir d'autres experts, si vous le voulez, vous en aurez d'autres experts. On n'a jamais été contre l'idée des experts, mais que cela ne retarde pas le calendrier. J'aimerais que le député de Terrebonne dans son espoir de voir en un mois une décision prise quant à l'orientation de la commission indépendante — oui ou non pour une carte électorale, et si nous changeons oui ou non le mode de scrutin — que ce ne soit pas qu'un espoir, mais que ce soit une décision ferme. Même si on ne prenait que cela ce matin comme décision à la commission. Parce que vous ouvrez une large porte aux experts. L'Union Nationale disait tout à l'heure qu'elle aussi a des experts à faire entendre. Peut-être que le Ralliement créditiste aussi en aura tout à l'heure. On peut être ici encore pendant huit mois à entendre des experts. Il faudrait au moins, si ce matin on doit se rendre à la limite d'accepter d'autres experts, qu'on fixe une date limite et un nombre limite qui ne doivent plus être dépassés dans les témoignages. Quitte au besoin, par exemple, si jamais nous décidions de créer une commission indépendante de la carte électorale, à accorder le droit à cette commission indépendante, d'entendre d'autres experts pour mieux avancer dans son travail. Mais que ça ne retarde pas ici.

M. HARDY: Je suis d'accord sur ça.

M. CHARRON: Qu'on entende encore deux semaines, disons les deux premières semaines de mai, deux autres experts, ceux que vous voudrez.

M. HARDY: Est-ce que vous me permettez une question? Même si nous en venions à la décision de former une commission indépendante, est-ce que vous admettez que c'est quand même à nous de fixer les critères politiques d'une enquête?

M. CHARRON: oui.

M. HARDY: Vous admettez ça?

M. CHARRON: Oui.

M. HARDY: Pour fixer des critères politiques entre autres, celui du mode de scrutin est d'une importance capitale, parce que, si on remet à une commission indépendante des critères politiques, les critères majeurs que nous devrons leur soumettre...

M. CHARRON: C'est le mode de scrutin.

M. HARDY: Non, c'est-à-dire que c'est une conséquence, mais c'est d'abord le nombre de comtés...

M. CHARRON: C'est ça.

M. HARDY: ... la moyenne par comté. Or, nous ne pouvons pas nous entendre sur ce nombre de comtés, aussi longtemps qu'une décision n'a pas été prise quant au mode de scrutin. Vous admettez ça?

M. CHARRON: Oui.

M. HARDY: Je reprends encore ma thèse de tantôt. Pour nous prononcer sur ces points majeurs, nous considérons, nous, que nous ne sommes pas ce matin en mesure de dire que c'est le mode de scrutin uninominal que nous devons conserver, ou que c'est tel ou tel autre

mode de scrutin. La commission indépendante, si nous la formions ce matin, nous ne serions pas en mesure de lui donner les instruments de base dont elle aurait besoin pour effectuer son travail.

M. CHARRON: Après combien de témoignages allez-vous...

M. HARDY: Je ne le sais. Peut-être que, pour moi, les deux prochains témoins répondront à toutes mes interrogations d'une façon humaine. Evidemment c'est toujours relatif, mais peut-être que les deux prochains témoins —et c'est encore là mon espoir — mais, encore une fois, je ne suis qu'un membre de la commission — pourront répondre à toutes mes interrogations. Mais peut-être aussi ne répondront-ils pas à toutes les interrogations des autres membres de la commission? C'est pourquoi je ne peux pas vous dire, ce matin, —prendre une décision pourrait être taxé de dictatorial ou d'esprit caporaliste — que nous cesserons d'entendre les témoignages à telle date. Je ne peux pas le faire.

M. CHARRON: Ce n'est pas à vous, c'est aux membres de la commission.

M. HARDY: C'est la commission, et toujours sous condition des témoignages qui seront entendus. Tout ce que je peux faire ce matin est d'exprimer un espoir — veuillez me croire, c'est un espoir très fort de ma part que nous puissions être en mesure de nous prononcer au plus tard, dans un mois. Mais ça ne peut pas être une certitude.

M. JORON: Est-ce que je peux poser une question?

M. HARDY: Ce serait préjuger, d'une part, de la substance des témoignages des prochains experts et, d'autre part, de l'effet que ces témoignages pourront avoir sur nous.

M. CHARRON: Admettez-vous...

M. JORON: Avec la permission du député de Saint-Jacques de l'interrompre, je voudrais poser une toute petite question à M. Hardy. Dans ce sens-là, vous faites du mode de scrutin la première décision à prendre, pour accélérer les travaux...

M. HARDY: Oui, logiquement.

M. JORON: Seriez-vous d'accord pour que les prochaines séances de la commission ne portent que sur ce point-là...

M. HARDY: Oui. Je suis parfaitement d'accord.

M. JORON: ... de façon à accélérer la...

M. HARDY: Oui, quant à moi, je serais d'accord pour que l'on s'en tienne strictement au mode de scrutin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous verrons à ce moment-là.

M. HARDY: Quitte à entendre les mêmes experts plus tard, pour d'autres. Je parle en mon nom personnel. Je dis que...

M. CHARRON: Voudriez-vous admettre une chose? Si la commission laisse ou adopte ce matin une politique de porte ouverte quant aux témoignages, autant qu'il en faudra, tant que les membres de la commission ne se jugeront pas aptes à prendre une décision...

M. HARDY: La majorité des membres. Nous sommes en régime démocratique.

M. CHARRON: La majorité des membres. Est-ce que le député de Terrebonne peut admettre qu'il puisse s'agir dans ce cas-là, pour une formation, pour des gens qui seraient intéressés — pour n'importe quelle raison — à retarder l'adoption d'une réforme électorale, d'une excellente occasion d'ajouter chaque semaine un expert, se disant insatisfait, et d'étirer ça jusqu'au mois de septembre?

M. HARDY: Vous me permettez de répondre?

M. PICARD: Votre lit est fait et vous vous êtes couchés dedans. C'est ça qui est la différence.

M. HARDY: J'admets avec le député de Saint-Jacques que ça pourrait être une façon de procéder, si jamais — je n'ai, à la lumière d'expériences que nous avons connues depuis le début — aucune raison de croire qu'il y ait actuellement quelque parti ou quelque député qui soit intéressé à retarder indûment la réforme électorale. En tout cas, ce n'est pas le cas du parti ministériel...

M. PAUL: Nous non plus.

M. HARDY: ... parce qu'avec la majorité dont nous disposons d'une part, nous aurions pu très bien ne pas nous en préoccuper et laisser tomber la chose. Au contraire, le premier ministre, à maintes reprises, a réaffirmé la préoccupation du gouvernement quant à cette question et, entre autres, si on veut venir bien terre à terre, puisque nous sommes sur ce point-là, le député de Saint-Jacques m'amène sur ce point...

M. CHARRON: A terre.

M. HARDY: ... s'il y a un parti politique qui, électoralement, peut être intéressé à la réforme

de la carte électorale, c'est bien nous, parce que la carte électorale — quand on étudie de près les derniers résultats — nous a nui comme dans le passé, mais elle nous a nui encore la dernière fois. Si nous avions eu une carte électorale plus équitable, nous aurions eu plus de députés en Chambre. C'est donc dire que, non seulement sur le plan des principes mais sur le plan du strict intérêt électoral, nous sommes aussi désireux que nos amis du Parti québécois de voir une refonte de la carte électorale pour les prochaines élections.

Là-dessus, je pense que nous nous entendons. Ce n'est pas parce que nous sommes désireux de voir une refonte de la carte électorale que nous devons oublier certains aspects importants de la question: Je considère que le travail que nous faisons présentement n'est pas seulement en vue de la prochaine élection mais sûrement pour un certain nombre d'années, parce qu'on ne change pas — à moins d'adopter le système que les Français ont fait pendant un certain temps — et je ne pense pas qu'il soit valable — encore là, je m'inspire du témoignage de M. Meynaud — de changer de façon appréciable notre système électoral à chaque élection, suivant les caprices ou les humeurs du temps. Je pense que, dans les décisions que nous sommes appelées à prendre — le député de Maskinongé le rappelait tantôt, cela fait 100 ans qu'il n'y a pas eu de refonte majeure de notre système électoral — je pense qu'il est préférable que les refontes que nous allons faire soient appuyées sur des éléments sérieux, parce que cette refonte s'appliquera pendant un certain nombre d'années.

J'admets avec le député de Saint-Jacques que certains pourraient utiliser ce moyen, mais je ne crois pas que ce soit l'intention d'aucun membre du parti et de la commission. De toute façon, c'est la majorité qui décidera. Même s'il y avait un, deux ou trois membres de la commission qui voulaient se servir de cet instrument, c'est la majorité qui décidera quand mettre fin aux auditions des témoins. Je pense également que l'opinion publique, à l'heure présente, ne permettrait à aucun parti politique de se servir de ce moyen pour retarder indûment des prises de position. Je pense que l'opinion publique, entre autres en ce qui concerne la carte électorale; est très éveillée à ce problème-là. Je sais que l'opinion publique de mon comté, si elle se rendait compte à un moment donné que j'utilise des moyens dilatoires pour empêcher qu'une nouvelle carte électorale soit en application aux prochaines élections, je pense, dis-je, que l'opinion publique de mon comté ne me le permettrait pas. Veuillez croire que je suis sensible aux réactions de l'opinion publique des électeurs du comté de Terrebonne.

M. LAURIN: Une question à M. Hardy. Est-ce que vous n'admettez pas quand même, M. Hardy, qu'il y a un grand danger à vouloir faire montre de perfectionnisme dans un domai- ne où on est sûr de ne jamais arriver à la certitude absolue parce que c'est une science humaine d'une part, et deuxièmement, parce que c'est un problème complexe où beaucoup d'éléments subjectifs peuvent entrer en jeu. Justement, on peut se servir de ça pour arriver à ces mesures dilatoires, à ces rationalisations dont l'opinion publique sûrement ne serait pas dupe comme vous venez vous-même de le souligner.

M. PAUL: Dr Laurin, est-ce que vous convenez qu'il n'est peut-être pas non plus prudent de se lancer aveuglément dans l'aventure?

M. LAURIN: Après un an d'étude, on ne peut pas dire que c'est un aveuglement.

M. HARDY: M. le Président, d'abord il faudrait rectifier, cela ne fait pas un an que nous étudions, nous n'avons vraiment commencé à entendre des experts que depuis quelques semaines, la première séance a eu lieu le 19 janvier. D'autre part, je reviens toujours à la thèse que j'ai défendue tantôt. Nous ne pouvons pas espérer arriver à des certitudes absolues, c'est évident, nous ne sommes pas en face d'une discipline exacte, on ne pourra pas arriver à déterminer comme en mathématiques que tel système est le meilleur. Il y a beaucoup d'impondérables, il y a beaucoup de subjectivité, je concède tout cela.

Mais, par ailleurs, vous admettrez avec moi que nous ne pouvons pas prendre une décision à moins d'avoir une certitude morale que la décision que nous prenons nous apparaît, pour reprendre des termes du président général des élections, ou de M. Meynaud, être la solution qui soit la moins mauvaise.

M. LAURIN: Mais n'avez-vous quand même pas l'impression que ce matin, après tout ce qui a été dit, on demeure dans la même incertitude, quand aux travaux ultérieurs de la commission, quant à la date où on va prendre une décision.

M. HARDY: C'est-à-dire, oui, jusqu'à un certain point, quoique je sois mieux renseigné ce matin que je ne l'étais le 19 janvier. Il me manque encore certains éléments que je considère essentiels. Ces éléments-là, je les ai définis, ce ne sont pas des histoires floues. Je veux absolument connaître de quelle façon, pratiquement, concrètement, et cela, vous admettrez avec moi que personne ne nous l'a dit, le système électoral allemand s'incarne dans la réalité politique de l'Allemagne. C'est un point d'interrogation que je considère très légitime. Il me semble que nous devrions avoir cette réponse avant de nous engager dans des modifications majeures.

M. LAURIN: En tout cas, je retiens de votre réponse deux choses. Les prochaines séances

devront porter exclusivement sur le mode de scrutin.

M. HARDY: Quant à moi.

M.,LAURIN: Deuxièmement, votre espoir qu'on puisse en arriver à une décision à ce sujet, dans un intervalle d'un mois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, ce sont évidemment des présomptions, et juris et de jure — il s'agira, à mesure que...

M. HARDY: Juris tantun.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Juris tantun, pardon! A mesure que nous procéderons, nous verrons dans quelle mesure il sera possible d'atteindre l'idéal qu'évoque le député de Bourget. Il y a des témoins à entendre, il y a des sujets à déterminer. A mesure que les événements se produiront, nous verrons exactement dans quel sens orienter notre démarche. Je ne suis pas, quant à moi, désireux de déclarer qu'il nous faille en arriver à telle étape, à tel moment. Trop d'éléments restent encore inconnus pour que nous puissions déterminer d'ores et déjà qu'à tel moment précis nous en serons à telle étape.

M. LE PRESIDENT: M. Audet, s'il vous plaît.

M. AUDET: M. le Président, de notre côté, nous croyons que le travail de la commission a été dans le passé très objectif, sérieux et désintéressé. Réellement, tous les experts que nous avons rencontrés ici en commission sont des personnalités très attachantes. Ils nous ont fort éclairés et, en même temps, nous ont soulevé des problèmes.

Aujourd'hui, nous voyons encore que nous ne sommes pas tellement avancés. Plusieurs députés ont manifesté, ont dit que nous piétinions et je crois que nous piétinons, avec raison, nous devons piétiner pour trouver quelque chose.

Maintenant, je crois que, tous ces experts rencontrés, avec la lumière qu'ils nous ont apportée, nous pourrions peut-être déterminer un certain problème qu'ils ont apporté en même temps. J'écoutais le député de Brome, tout à l'heure, qui disait que les experts représentaient surtout des régions données comme Québec et Montréal et que nous devrions peut-être penser à avoir des experts représentant la plus grande partie de la province. Je crois que c'est juste. Je dirais aussi que, pour ce faire, pour avoir une meilleure représentation, au stade où nous sommes rendus, nous aurions peut-être assez de lumière venant des experts pour que chacun des partis puisse lui-même, maintenant, à ce stade-ci, rencontrer ses propres experts, ceux de son choix, et apporter — comme le député de Gouin le disait tout à l'heure — à une date déterminée, son option vis-à-vis de la réforme électorale. Je crois que nous avancerions assez rapidement de cette façon. Je crois que nous avons assez de lumière maintenant pour nous faire une idée, pour que chaque parti se fasse une idée et apporte à la table de la commission une option. Et là, nous, en tant que mandatés du peuple, nous devrions prendre nos responsabilités et, à la lumière de ces options, définir une politique...

M. HARDY: Est-ce que le député me permet une question?

M. AUDET: Oui.

M. HARDY: Est-ce que cela implique que, ce matin, vous seriez en mesure de déposer à cette table la position de votre parti?

M. AUDET: Non, mais je crois que nous devrions, à partir de maintenant, cesser de recevoir des experts ici et aller — chaque parti politique — rencontrer les experts de son choix pour formuler l'option à déposer à la table, ici, d'ici une date déterminée. On parlait d'un mois tout à l'heure, peut-être que nous pourrions fixer un mois, puis chaque parti déposera son option à la table. Et là, on discute entre nous.

M. HARDY: Encore une question, si le député me le permet. Vous ne pensez pas que cette façon de procéder, à savoir que chaque parti rencontre privément ses propres experts, ceci peut priver les membres d'autres partis des lumières de ces experts? Si vous avez des experts à nous soumettre...

M. AUDET: M. le député...

M. HARDY: ...je serai très désireux de les entendre.

M. AUDET: M. le député, avec les experts que nous avons tous rencontrés ensemble, si nous avons besoin d'autres lumières — chaque parti connaît ses besoins — nous allons compléter le travail que nous avons déjà et puis, à la lumière de l'option que nous apporterons, automatiquement, nous vous apporterons la lumière des experts que nous aurons rencontrés.

M. LAURIN: Parfait.

M. AUDET: Ne croyez-vous pas que ce serait une façon d'accélérer le travail, et je crois que ce serait juste aussi. Ce serait une question de justesse de pensée d'apporter un travail semblable.

M. LE PRESIDENT: Une question?

M. PINARD: J'aimerais poser une question à M. Audet. Est-ce que, d'autre part, le député ne penserait pas qu'il serait plus certain que les positions adoptées par chacun des partis, grâce aux travaux de leurs experts, nous feraient

déboucher sur une réforme valable qui pourrait tenir le coup devant les obstacles, les difficultés d'ordre théorique mais surtout d'ordre pratique?

Une fois les travaux des experts donnés aux partis qui les ont respectivement demandés, ces experts reviendraient devant la commission parlementaire et sous le feu des questions venant de part et d'autre, il y aurait à expliciter davantage certains... Oui, oui, mais voici mon point de vue. C'est que nous devrons fatalement en arriver à un projet de législation pour concrétiser cette réforme électorale que nous voulons tous. Si on reste seulement à l'intérieur des lignes partisanes, la même représentation qui aura prévalu jusqu'ici à la commission, prévaudra également lorsque nous serons rendus à l'Assemblée nationale pour discuter d'un projet de loi qui sera l'émanation possible d'une commission parlementaire mais dont l'initiative viendra, par la force même des choses, du gouvernement au pouvoir, du Conseil exécutif...

M. AUDET: M. le Président...

M. PINARD: C'est là que je vois la difficulté. On va rester à l'intérieur des lignes de parti et finalement ce sera encore la règle de la majorité qui prévaudra en ce sens que le projet de loi qui sera présenté pourrait éviter d'être, non pas nécessairement le consensus des membres de la commission parlementaire comme tels, mais le désir et la décision du gouvernement comme entité majoritaire...

M. JORON: II arrive que nous sommes d'accord avec vous.

M. AUDET: M. le Président, pour répondre à cette question, je crois que si nous avons besoin de lumière additionnelle, je ne suis pas contre le fait de rencontrer d'autres experts à la commission, peut-être quelques-uns, mais il ne faut tout de même pas éterniser les travaux. Il faut accélérer le travail. Je crois que nous devrions arrêter de recevoir les témoins, mettre une fin à cela. En somme, peut-être qu'il y aura des erreurs, de l'ambiguïté dans les prises de position, de toute façon c'est nous qui sommes responsables. C'est à nous que revient la responsabilité de finir le travail. Si nous faisons des erreurs, nous en subirons les conséquences. Je crois qu'il serait juste de finir le travail et, à la lumière de l'option de chacun, on en sortira le meilleur.

M. PINARD : Un point de clarification encore à l'égard du député, M. Audet. Si, par hasard, le Ralliement créditiste avait fait la synthèse des travaux d'expertise commandés et est en mesure de déposer sa politique officielle en matière de refonte électorale, tant mieux pour ce parti. Honnêtement, pour ce qui concerne le Parti libéral, je pense que les travaux de synthèse ne sont pas encore terminés et qu'il reste d'autres experts à consulter. Peut-être privément! Ceci ne vous empêchera cependant pas de vouloir faire entendre à la commission parlementaire les experts que nous allions consulter. J'ai à l'esprit, une fois que le président des élections générales du Québec aura été consulté, de faire entendre de façon officielle — s'il ne le peut pas ou s'il refuse de le faire de façon officielle, parce qu'il est encore président général des élections — le président général d'Ottawa, M. Castonguay, qui pourrait peut-être nous donner privément son opinion. Cela peut être demandé par le Parti libéral, mais également par les autres partis de l'Opposition.

M. LAURIN: Nous sommes d'accord sur ce qui a été exprimé: on est maintenant prêt à présenter l'option au comité directeur de notre parti. Il y a deux partis qui sont prêts.

M. HARDY: Est-ce que je peux prendre la parole, M. le Président?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'aurais une question à poser à M. Audet. M. Audet, si vous me le permettez, j'aurais une question à vous poser.

Ce que vous venez d'exprimer...

M. PAUL: Cela ne veut pas dire que vous êtes dans le bon chemin!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Audet, ce que vous venez de dire ne contredit-il pas la position qu'a prise officiellement votre parti lorsqu'on a demandé que la commission devienne une commission itinérante qui aille dans les diverses régions du Québec consulter les citoyens?

M. AUDET: Je crois que cette commission itinérante que nous avions préconisée pourrait, après ces nombreuses rencontres des spécialistes, être complétée justement en laissant un temps déterminé à chaque parti pour aller lui-même s'informer auprès des spécialistes de son choix pour compléter la lumière dont il a besoin en tant que mandaté pour décider des lois à appliquer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous maintenez, M. Audet, que la commission doit être itinérante à un moment donné?

M. AUDET: Itinérante, je ne pensais pas justement à cela. J'ai avancé cette idée-là.

M. TREMBLAY: C'est la position avancée par M. Dumont.

M. AUDET: Mais, actuellement après ce long travail que nous avons déjà fait là-dessus, je me demande si ce serait aussi nécessaire qu'au début. Je pense que nous sommes passablement

avancés. Nous pourrions peut-être écourter le travail, parce qu'une commission itinérante prendrait passablement de temps, je crois.

M. LEGER: A la suite de la proposition du député d'Abitibi, je me demande, si chaque parti apportait sa position, s'il y aurait possibilité de mettre sur papier, vis-à-vis de chacun des articles, les positions de chacun des partis, comme ça a été fait parfois avant de présenter... Sur le mode de scrutin surtout et aussi sur la carte. Si chaque parti arrive avec sa position précise, comment concevoir où on se rejoint et où on ne se rejoint pas?

M. HARDY: M. le Président, je ne veux pas empêcher le député de Lafontaine de parler, mais on tourne en rond. Cela ne sert à rien, même si vous nous demanderiez encore pendant deux et trois heures qu'on dépose notre point de vue la semaine prochaine. Je vous dis et vous répète — et c'est d'une façon définitive et absolue — que, quant à nous, nous ne serons pas prêts à déposer notre position définitive devant la commission avant d'avoir entendu au moins un ou deux témoins et peut-être d'autres, suivant la nature des témoignages. Même si on continuait jusqu'à deux heures et demie cet après-midi et que vous nous demandiez cela, nous ne sommes pas prêts et nous ne le serons pas plus. Ce n'est pas la lumière de vos interventions qui va nous rendre plus aptes à prendre des décisions; c'est à la lumière des interventions des témoins que nous voulons entendre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, c'est la même attitude de notre part. Nous ne sommes pas prêts à déposer quelque document que ce soit avant d'avoir entendu un certain nombre de témoins, d'experts, utiles et éventuellement d'autres témoins comme la suggestion en a été faite ce matin.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais à chacun d'être court parce qu'on se répète depuis au moins une demi-heure. Questions? M. Joron et ensuite M. Béland.

M. JORON: M. le Président.

M. LE PRESIDENT: II y a une question de M. Léger.

M. LEGER: II semblait tantôt que les représentants du Parti libéral et du Parti québécois semblaient au moins unanimes sur un point, qu'on devait s'attacher au mode de scrutin d'avant. Je sais qu'au début, le député de Chicoutimi semblait accepter qu'il faille toucher les deux points en même temps; le mode de scrutin et la carte électorale. Est-ce que le député de Chicoutimi est d'accord pour dire que les prochaines études devaient être au moins, pour avancer, sur le mode de scrutin uniquement au départ?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il est assez facile de répondre à cette question. Tout dépendra de la qualité du témoin et du témoignage qu'il voudra rendre sur un sujet spécifique. Si le témoin qui vient devant nous la semaine prochaine désire parler du mode de scrutin parce qu'il est préparé à en traiter, nous serons heureux de l'entendre là-dessus, mais si, d'aventure, il avait un autre sujet, bien, nous l'entendrons sur cet autre sujet. Cela a été le cas de M. Meynaud, qui nous a parlé d'abord du système électoral, du mode de scrutin, et qui se propose de nous parler des dépenses électorales, des sondages, etc.

Tout dépend de la qualité du témoin et de la nature du témoignage qu'il voudra rendre ici. Je ne puis pas prendre d'engagement avant de savoir qui sera devant nous.

M. LEGER: On peut être d'accord quand même qu'on étudie le mode de scrutin.

M. HARDY: M. le Président, je suis d'accord. Je concours avec cette proposition de nos amis du Parti québécois pour que, lors des prochaines séances, nos travaux se concentrent sur le mode de scrutin, ayant toujours dans l'esprit que nous ne pouvons prendre aucune décision quant à la carte électorale à moins de prendre une décision sur le mode de scrutin. Alors pour ça, je concours entièrement avec les députés du Parti québécois à l'effet que nos prochaines séances soient circonscrites au domaine du mode de scrutin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A condition que le témoin le veuille bien.

M. HARDY: Je veux dire... On peut inviter... C'est quand même la commission qui détermine le sujet sur lequel le témoin doit parler, quitte à ce que le témoin...

M. LE PRESIDENT: M. Joron.

M. HARDY: ...revienne à une séance ultérieure pour parler des autres sujets pour lesquels il est préparé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans ces conditions-là...

M. HARDY: Je pense, M. le Président, pour essayer de clarifier...

UNE VOIX: Un instant.

M. HARDY : Peut-être que le député de...

M. JORON: Cela revient au même.

M. BELAND: Le député de Terrebonne menaçait de dire quelques mots. Je pense que je résumerais tout.

M. HARDY: D'accord. Si vous résumez tout, M. le député de Lotbinière, on va...

M. BELAND: Je ne résumerai pas tout ce que vous avez dit parce qu'il y a beaucoup de choses qui auraient pu ne pas être dites et ça aurait fait pareil.

M. HARDY: Merci.

M. BELAND: En tout cas, voici. Là, à différents stages...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Stades.

M. BELAND: ...il faut évidemment synthétiser le travail fait à ce jour. Ah! moquez-vous des mots que je dis, ça ne me fait absolument rien, honorable député de Terrebonne.

M. HARDY: Ah! pardon. Je m'excuse. Je ne me moque pas. Je ne fais que... Tantôt, l'honorable député de Chicoutimi m'a soumis quelques anglicismes que j'avais prononcés et c'est avec beaucoup de plaisir que je l'ai remercié, parce que c'est une excellente chose si nous voulons améliorer la langue parlementaire...

M. BELAND: Merci.

M. HARDY: ...que les collègues se corrigent les uns les autres.

M. HARDY: Alors publiquement... correction du député de Chicoutimi.

M. BELAND: D'ailleurs, j'accepte moi-même de me contester.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, vous nous parliez des stades...

M. BELAND: A un moment donné, mon collègue Dumont a fait la suggestion même de commissions itinérantes qui circuleraient à travers la province pour prendre connaissance de certains faits spécifiques. A cela, d'accord. Maintenant, étant donné qu'il en a été question, le député de Chicoutimi en a parlé, eh bien! à un moment donné, on a vu que ce n'était pas accepté. Donc, on ne s'est pas arrêté mordicus à ça et on a accepté de laisser ça de côté et on continue. Donc, ça veut dire qu'on accepte qu'à un moment donné, c'est possible qu'on se soit trompé à ce moment-là, c'est possible que non, mais le temps le dira. Seulement, par contre, c'est que là, faisant suite à ce que mon collègue Audet a dit tantôt — parce qu'il a dit des choses sensées — à ce moment-là, disons que, ce matin, on avance graduellement. Il y a beaucoup de minutes qui s'écoulent et on n'avance pas. En tout cas, on avance quand même. On parvient à avancer, à un moment donné. Or, il faut synthétiser à certains stages. Je le répète encore, stages. C'est peut-être le mauvais mot. Je le répète encore.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est stade. Stade veut dire degré.

M. BELAND: Très bien, merci. Vous êtes bien aimable.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et stage, c'est un séjour. On fait un stage en médecine, mais on avance par stades.

M. BELAND: Merci. A tout événement, en commission, on peut gravir certains barreaux de l'échelle comme ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela est un stade.

M. BELAND: On peut avancer de cette façon-là.

Par contre, il est entendu que, en faisant comparaître une foule de gars encore, on entendrait des optiques différentes, probablement certains points spécifiques qui nous éclaireraient davantage.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On verrait l'impossible.

M. BELAND: Mais, à un moment donné, il faut définitivement s'arrêter et passer à d'autres périodes pour en arriver — et avant dix ans, avant quatre ans et avant même un an — il y a d'autres choses à penser...

UNE VOIX: Avant un mois. M. HARDY: D'ici un mois.

M. BELAND: ...il y a d'autres choses dont on devrait s'occuper dans ce Parlement. Nous n'avons pas été élus pour niaiser — je devrais dire n i a i s e, r, pardon...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non. Vous devez dire niaiser.

M. BELAND: Cela, c'est du bon français.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La phonéthi-que amuise les voyelles.

M. BELAND: Ah bon! C'est accepté par l'Académie française. Merci.

Ce sont en somme mes observations. De grâce, essayons, autant que possible, d'avancer dans l'affaire pour faire en sorte — même mon collègue parlait de peut-être un mois — d'être en mesure d'accoucher des choses sur table de façon définitive. Puis là, c'est entendu qu'il y a quatre partis. Chacun des quatre va avoir son optique différente. Mais comme dans toute période de négociation, c'est en entendant

parfois d'autres idées, bien défendues, qu'on reprend nos positions, on diverge quelque peu, et on avance.

M. HARDY: C'est ça.

M. BELAND: Nous acceptons, nous, de nous contester et nous acceptons que d'autres puissent nous dire: Ce n'est pas tout à fait comme ça, c'est de telle façon. Continuons comme ça...

M. HARDY: C'est ce que nous voulons faire. M. BELAND: ...et avançons.

M. HARDY: Justement, M. le Président, je voudrais poser une question au député de Lotbinière. Il nous avait annoncé — et je m'en réjouissais — une synthèse de nos travaux. H nous avait dit qu'il était temps que nous fassions cette synthèse pour prendre des orientations et j'attends encore sa synthèse.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II eût fallu qu'il se résumât.

M. HARDY: Non pas une synthèse de mes propos, mais une synthèse de nos travaux. C'est ce que vous nous aviez annoncé, si je vous ai bien compris.

M. BELAND: La synthèse, je n'ai pas dit que je la ferais aujourd'hui.

M. HARDY: Ah bon!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah!

M. BELAND: Parce que justement j'ai parlé d'un mois.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait demander au représentant de chacun des partis d'arriver peut-être avec un programme concret pour les prochaines séances?

M. JORON: J'avais demandé la parole tout à l'heure, c'est ce que je voulais faire justement. Je pense que nous nous sommes à peu près tout dit. Pour terminer, la séance de ce matin n'aura peut-être pas été inutile. Cela nous amène à prendre une décision. Je voudrais faire une proposition qui, semble-t-il, serait appuyée par le député de Terrebonne, suite à ce qu'il a dit tout à l'heure, à l'effet que nos prochaines...

M. HARDY: Sous toute réserve que de droit.

M. JORON: ...séances portent exclusivement sur la question du mode de scrutin. C'est la première question que nous devons vider avant de procéder à d'autres étapes. En conséquence les experts que nous serons amenés à inviter, qu'il soit clair dans l'invitation qu'ils sont invités à témoigner uniquement sur ce point-là.

M. HARDY: Je pense que tous les membres de la commission acceptent cette proposition.

Pour continuer avec un certain ordre, je voudrais — je n'en fais pas une proposition — simplement que la commission se prononce sur cette idée que j'ai avancée. Encore une fois je ne dis pas qu'elle est d'une nécessité absolue, mais elle m'apparaît valable, quoi qu'ait dit mon collègue de Saint-Jacques.

Je pense qu'il ne serait pas mauvais que la commission entende quelques praticiens. Vous savez qu'il faut faire attention, quand on s'imagine que c'est parce que des hommes ont vécu longuement qu'intellectuellement ils manquent de vigueur. Je connais des hommes qui ont atteint un certain âge, pour ne pas dire un âge avancé, qui possèdent un long bagage d'expérience et qui, intellectuellement, sont plus jeunes que d'autres personnes qui sont chronologiquement plus jeunes, moins avancées.

J'aimerais bien que la commission se prononce sur cette question, à savoir si, oui ou non, les membres de la commission ou la majorité des membres de la commission considèrent important d'entendre quelques praticiens ou si l'on rejette cette idée.

M. LAURIN: M. le Président, dans la mesure où ce serait limité à une séance!

M. JORON: Ou peut-être trois ou quatre.

M. LAURIN: C'est-à-dire qu'on a dit qu'on les inviterait tous ensemble. Il me semble que ce serait une bonne chose.

M. PAUL: On ne peut pas les entendre tous ensemble.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas un bal à l'huile qu'on va faire là.

M. LAURIN: Et l'espoir que le député de Terrebonne manifestait tout à l'heure, que dans un mois on serait prêt à arriver à une décision, je serais prêt à accepter ça.

M. HARDY: Vous acceptez le principe? M. JORON: Accepteriez-vous?

M. HARDY: Moi, dans la ligne de pensée du député de Bourget, j'accepterais le principe que l'on ne tienne pas un nombre indéfini de séances. Que ce soit une ou deux, il ne faut quand même pas être trop inflexible. J'admettrais — évidemment on n'est pas pour se mettre à entendre tous les anciens qui ont siégé tant à Québec qu'à Ottawa — qu'il faut essayer de trouver parmi les hommes politiques retraités ceux qui par leur expérience ou de par leur idéoligie politique, seraient en mesure de nous apporter un éventail aussi complet que possible

de leur expérience de praticien. Je ne vous suggérerais pas d'inviter...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Frank Han-ley.

M. HARDY: ... Je ne veux pas faire de personnalité. Je pense qu'on pourrait s'en tenir... J'aimerais même que les personnes que l'on invitera le soient à la suite d'un consensus des membres de la commission. J'ai soumis quelques noms et peut-être qu'il y aurait lieu... D'une façon bien pratique, je suggérerais que la prochaine séance, c'est-à-dire celle de jeudi prochain, soit une réunion du comité directeur de la commission, où on pourrait peut-être s'entendre comme nous l'avions fait au début des séances... Je pense que ç'a été très valable. Nous nous sommes entendus sur certains principes, sur certains témoins...

M. LAURIN: M. le Président.

M. HARDY: Alors, peut-être qu'il y aurait lieu que, jeudi prochain, au lieu d'avoir une séance plénière, nous ayons une réunion du comité directeur où nous pourrions nous entendre...

M. JORON: II ne sera pas difficile de nous entendre là-dessus.

M. HARDY: ... sur certains points.

M. LAURIN: M. le Président, je suggère au député de Terrebonne qu'il pourrait mettre cinq ou six noms sur une feuille et nous consulter individuellement. Nous serions prêts à lui donner...

M. HARDY: M. le Président, il y a d'autres questions sur lesquelles il serait peut-être bon... Nous n'avons eu qu'une seule réunion du comité directeur qui à mon sens a été très fructueuse. Je pense qu'il serait bon que nous en ayons une autre où peut-être nous pourrions faire une synthèse comme le député de Lotbinière l'a suggéré. Peut-être que, d'ici une semaine, le représentant du Ralliement créditiste à la commission serait en mesure de nous donner cette synthèse, la même chose pour nous. A partir de cette synthèse, nous pourrions fixer dans une certaine mesure le calendrier, la nature ou la substance de nos travaux au cours des prochaines semaines. Je pense qu'il serait valable que le comité directeur se réunisse.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, sur les deux suggestions qui ont été faites à savoir que, lors de la prochaine audition de témoins, ces témoins devront traiter des modes de scrutin, nous sommes d'accord.

Maintenant, en ce qui concerne la seconde suggestion, à savoir la réunion, lors de la prochaine séance de la commission, du comité directeur, je suis tout à fait d'accord aussi, parce que nous en sommes venus au point où il nous faut, si vous voulez, redéfinir notre plan de travail, le préciser afin d'éviter que nous répétions l'expérience de ce matin, d'aller un peu à droite et à gauche.

Remarquez que cette séance n'a pas été inutile quand même, ce matin, puisque ça nous a permis de faire un effort de systhèse. Alors, une réunion du comité directeur nous permettrait de remettre à jour notre calendrier de travail et de nous entendre sur les sujets que nous devrons aborder, afin d'accélérer le travail de la commission et de ne pas nous perdre dans des considérations tout intéressantes mais souvent abstraites.

M. LAURIN: Quant à nous, M. le Président, nous pensons que la commission s'était entendue sur les deux points les plus importants; c'est-à-dire que les prochains spécialistes soient sur le mode de scrutin, qu'on invite d'anciens parlementaires, et que tant que ceci ne sera pas fait, on ne voit pas ce que le comité directeur pourra ajouter de plus. Je verrais plutôt une réunion du comité directeur après qu'on en aura fini avec cette première phase où tous les spécialistes auront été entendus sur le mode de scrutin.

M. HARDY: Le comité directeur pourrait au moins s'entendre sur le nom des prochains experts.

M. LAURIN: On peut les choisir; vous pouvez les mettre sur une liste et nous consulter individuellement; on perdrait beaucoup moins de temps comme ça.

M. HARDY: De toute façon, je n'ai pas d'objection à ce que la commission se réunisse jeudi prochain, mais il faudrait quand même que nous sachions ce que nous allons faire, parce que, je vous l'ai dit tantôt, il y a un expert que je compte inviter et qui ne sera ici que le 13.

M. LAURIN: Invitez les parlementaires, les anciens parlementaires en attendant.

M. HARDY: Si vous ne voulez pas de comité directeur, il faudrait qu'on s'entende ce matin pour savoir qui sera là. M. Laurin, nous sommes d'accord pour les noms que vous avez mentionnés tout à l'heure.

M. LEGER: Mais le comité directeur... M. HARDY: J'en ai mentionné beaucoup.

M. LEGER: ... n'est pas obligé de se réunir seulement jeudi prochain: on perd une semaine. Cela peut avoir lieu durant un avant-midi, avant jeudi et la commission parlementaire peut siéger jeudi prochain.

M. LAURIN: MM. Gouin, Chaloult, Belle-mare, nous sommes d'accord.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Il y en a d'autres aussi.

M. PINARD: Encore faut-il que ceux que nous inviterons, ou pour lesquels nous tomberions d'accord aient le temps de se préparer aussi. Il ne faut pas qu'ils viennent pérorer ici.

M. LAURIN: Ils vont tirer ça de leur expérience.

M. PINARD: Oui, j'admets bien que ces hommes ont de l'expérience; ils en viennent bien, quand même, à mettre leurs idées en ordre pour pouvoir donner un temps raisonnable devant la commission.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, à toutes fins utiles, il faudrait quand même s'entendre. On s'est entendu sur un point, à savoir que les prochains experts, au moment où nous les inviterons, traiteront du mode de scrutin. Est-ce que tout le monde est d'accord à ce sujet? Quant à la deuxième question, savoir quel sera l'objet de la prochaine rencontre, est-ce que c'est une réunion du comité directeur ou une séance plénière, M. le Président? Si on n'a pas l'air de s'entendre là-dessus et si on va s'éterniser, je proposerais qu'on mette la question aux voix et que...

M. JORON: Je voudrais faire une suggestion. Les anciens parlementaires, on les invite davantage d'ailleurs pour avoir un point de vue pratique et non pas théorique; alors ça ne demande pas un exposé d'académicien. Dans ce sens-là, nos séances durent à peu près trois heures, en moyenne. On pourrait peut-être inviter trois experts...

M. HARDY: Dans le sens du député de Gouin, je vais faire une proposition: je vais proposer que le secrétaire de la commission, M. Desmeules, soit invité à communiquer avec les personnes suivantes: M. Emilien Lafrance, on avait soumis M. Bellemare, mais je me demande si son poste actuel... en tout cas, M. Bellemare...

M. PAUL: C'est ça, la philosophie du trottoir!

M. HARDY: Je soumets une série de noms pour qu'il n'y ait pas d'objection. A même ce réservoir de noms, M. Desmeules pourrait entrer en communication, parce qu'il y en a qui pourraient ou ne pourraient pas venir.

Alors, MM. Lafrance, Bellemare, Talbot, Marier, George O'Reilly, René Chaloult. Cela fait combien?

M. LAURIN: Cela fait six.

M. HARDY: Alors peut-être qu'à même ce réservoir, on pourrait inviter trois, s'assurer de la présence de trois...

M. LAURIN: D'accord. M. AUDET: C'est ça.

M. HARDY: C'est-à-dire que j'ai soumis O'Reilly ou Marier suivant... Ils ne pourraient pas venir tous les deux. Si M. O'Reilly ne pouvait pas venir... un ou l'autre, suivant les disponibilités.

M. LAURIN: D'accord.

M. AUDET: Est-ce que vous me permettez une question?

M. HARDY: Oui.

M. AUDET: Pourquoi ne pas inviter chacun des partis à faire le choix d'un expert.

M. HARDY: C'est ce que nous avons fait ce matin.

C'est-à-dire, M. Chaloult n'est certainement pas de notre parti.

Il a fait tous les partis, M. Chaloult.

M. LAURIN: Nous appuyons cette proposition de M. Hardy de Terrebonne.

M. HARDY: Mais si vous avez des noms à ajouter, je ne voudrais pas que la liste que je viens de vous soumettre soit exhaustive et limitative.

Alors, on s'entend sur cette question et je propose l'ajournement de la commission à jeudi prochain, 9 h 30.

M. LE PRESIDENT: M. Picard, quelques mots.

M. PICARD: J'ai demandé la parole au président.

M. LE PRESIDENT: Je vous accorde la parole.

Demande de statistiques

M. PICARD: J'aurais une proposition à soumettre à la commission étant donné que tous les membres semblent conscients du fait qu'il faut accélérer les travaux. Si nous voulons réellement accélérer les travaux, il faudrait prévoir que nous aurons des problèmes dans quelques mois.

Voici ma proposition. Que la commission autorise le secrétaire de la commission à se mettre en communication, de façon officielle, avec le Bureau fédéral de la statistique de façon qu'il soit informé que nous lui ferons une demande d'information au cours de l'automne sur le recensement qui doit avoir lieu dans exactement 31 jours. Je pense que si nous

faisons une demande officielle au Bureau fédéral de la statistique, étant donné que toutes ces informations sur la population au Québec seront mises sur ordinateur, il y aurait possibilité à ce moment-là pour le Bureau fédéral de la statistique de prendre les dispositions pour nous fournir, dès le mois d'octobre ou novembre, la population du Québec par comté de recensement.

M. HARDY: Oui, d'accord.

M. LAURIN: Nous sommes d'accord.

M. HARDY: Un préavis au bureau des statistiques.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La prochaine réunion, M. le Président, sera une réunion plénière.

M. HARDY: Je souligne sans malice, M. le Président, que les membres du Parti québécois sont d'accord que nous ayons recours aux bons offices du fédéral.

M. JORON: Certainement! M. LAURIN: Sûrement!

M. CHARRON: Nous payons pour cela de toute façon!

M. LE PRESIDENT: A quelle heure, messieurs?

M.HARDY: A 9 h 30.

(Fin de la séance: 11 h 55)

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