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Commission permanente de l'Assemblée
nationale
Sujet: Réforme électorale
Séance du jeudi 6 mai 1971
(Neuf heures quarante deux minutes)
M. PICARD (président suppléant de la commission permanente
de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
Au nom du président de la commission de l'Assemblée
nationale qui est absent pour quelques minutes, je voudrais souhaiter la
bienvenue à deux anciens parlementaires prestigieux, en la personne de
M. Bellemare et en la personne de M. O'Reilly.
Je laisserais maintenant la parole aux chefs des principaux partis en
présence pour souhaiter la bienvenue à ces messieurs.
Mise au point
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, avant que nous ne
procédions, je voudrais faire une mise au point concernant un rapport
qui a été diffusé par des moyens de communication qui
disaient que l'autre jour nous nous étions entendus pour décider
du mode de scrutin, d'ici un mois. J'ai relu attentivement le compte rendu des
auditions de la commission et il n'a pas été question de cela: on
a tout simplement indiqué de part et d'autre que chaque parti pourrait
peut-être, d'ici un mois, faire connaître l'attitude officielle de
sa formation politique. Mais quant à la question de décider du
mode de scrutin, il n'appartient pas à la commission,
premièrement, de le faire. La commission pourra donner des indications
des intentions de chaque parti politique et il faudra procéder par voie
législative, ce qui par conséquent ne peut pas être
interprété par les moyens de diffusion comme une décision
formelle et de la commission et du gouvernement.
M. HARDY: M. le Président, je fais miennes les remarques du
député de Chicoutimi. Je me rappelle très bien qu'en tant
que porte-parole de mon groupe parlementaire j'ai tout simplement
exprimé l'espoir qu'au plus tard dans un mois le parti
ministériel ferait connaître sa position en regard de cette
question. Mais il n'était nullement dans mon esprit, à ce
moment-là, de dire que nous choisirions un mode de scrutin ou un autre.
Nous espérons que l'ensemble des témoignages reçus nous
permettront, d'ici un mois, de prendre une position.
Je voudrais également souhaiter la plus cordiale bienvenue
à MM. Bellemare et O'Reilly. J'avais la semaine dernière
personnellement fait la proposition que des praticiens de la politique soient
invités à venir nous exprimer leur opinion en ce qui a trait au
mode de scrutin que nous devrions avoir, c'est-à-dire conserver le mode
de scrutin actuel en emprunter ou en adopter un autre.
Nous avons, jusqu'ici, entendu les témoignages de politicologues
qui ne sont pas unanimes et nous croyons je le répète
que ces témoignages nous seront sûrement très
précieux.
Témoignage de politiciens
M. HARDY: Je pense également que ceux qui ont vécu la vie
politique pendant un certain nombre d'années, vie politique qui
s'étend sur une période assez longue, qui leur a permis de
connaître une période où nous avons vécu, comme
à l'heure présente, avec des tiers partis, nous avons
pensé que leurs témoignages pouvaient nous être utiles.
Bien sûr, la politique a des lois, a des règles et les
politicologues sont là pour les articuler, les rendre explicites. Je
suis également convaincu que, d'une part, la vie politique ne commence
pas aujourd'hui. La vie politique actuelle est le produit en quelque sorte de
la vie politique antérieure, qu'on le veuille ou non, qu'on aime
ça ou non. Il n'y a pas de génération spontanée. A
cause de ce fait et à cause aussi du fait que l'expérience dans
tous domaines, et peut-être encore davantage en politique, peut
être très précieuse pour ceux qui ont à prendre des
décisions. C'est dans cet esprit que nous avons accepté, à
la commission, d'inviter des hommes qui ont une expérience politique,
à venir nous donner leur impression.
Ce que nous voulons savoir de vous, messieurs, en fait et je pense que
c'est l'intention de tous les membres de la commission-c'est ce que vous pensez
du mode de scrutin actuel et si vous croyez qu'il y aurait lieu d'en adopter un
autre. Cet autre, que serait-il toujours en fonction des deux grands objectifs
que nous recherchons? D'une part, assurer au Parlement la plus entière
représentativité, c'est-à-dire permettre à tous les
courants d'opinion qui existent d'être bien représentés au
Parlement et, d'autre part, d'assurer cette stabilité essentielle
à la bonne administration d'une province.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le président, il m'est
agréable de souhaiter la bienvenue au nom de l'Union Nationale à
M. O'Reilly et à mon ex-collègue, M. Maurice Bellemare. Comme
vient de l'indiquer le député de Terrebonne, nous avons entendu
des experts, des spécialistes qui travaillent davantage en cabinet que
sur le terrain. Nous sommes heureux d'accueillir ce matin des praticiens de la
politique.
Il me fait plaisir de saluer M. O'Reilly que je n'ai pas eu le plaisir
de connaître comme collègue à la Chambre et de saluer tout
spécialement mon ex-collègue, M. Maurice Bellemare.
Je rappelle pour mémoire que la dernière fois que j'ai eu
le plaisir de siéger avec lui en qualité de membre de mon parti
politique, M. Bellemare se trouvait précisément au bout de la
table comme il avait coutume de le faire en sa
qualité de doyen de notre formation politique. Alors, nous avons
hâte de les entendre, M. le Président, et de connaître le
point de vue qu'ils ont sur les travaux que nous avons commencé
d'accomplir et qui visent à une réforme complète de
l'institution parlementaire du Québec.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: M. le Président, moi aussi j'aimerais dire quelques
mots au sujet de la position que nous prendrons pour le travail de la
commission. J'ai rencontré un de mes collègues,
dernièrement, et nous serions prêts aussi à déposer
sur la table de la commission, dans un temps déterminé, l'option
que nous prendrons vis-à-vis de la réforme électorale. De
toute façon, on a manifesté la crainte de la déposer trop
rapidement; il faudrait avoir un délai assez long pour avoir le temps de
présenter quelque chose qui se tient sans faire trop d'erreurs. Je tiens
à souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos deux visiteurs de
marque, et je suis sûr que l'expérience de vieux routiers
politiques comme M. Bellemare et aussi M. O'Reilly nous apportera la
lumière nécessaire pour faire du bon travail à cette
commission.
M. LAURIN: M. le Président, je suis en retard, je m'en excuse
auprès de nos invités. Je suis sûr qu'ayant
déjà été députés, eux-mêmes,
ils comprendront les multiples servitudes du métier. J'imagine que c'est
quand même un plaisir pour eux de se retrouver avec nous cet
après-midi; ils sont maintenant dans le rôle de mentor
plutôt que de protagoniste et de combattant, et je suis sûr que
ceci leur donne une certaine sagesse qu'ils auraient aimé
posséder dans le temps mais que d'autres préoccupations les
empêchaient d'avoir, et je suis pour ma part tout ouië pour entendre
les propos qu'ils nous tiendront ce matin.
M. LE PRESIDENT: Le député de Brome.
MR. BROWN: Mr. Chairman, that is a real pleasure for me to see two of my
old "confrères" here, because as I have said before, we have heard from
theoreticians called as professors who, in fact, have had no practical
knowledge of elections and election principles, there is something like
bread.
You know, being a farm boy, I always remembered the making of bread. And
I did find at that time that it was impossible to make bread with yeast only,
you need some flour.
While we do have two such outstanding visitors as we do have here, there
is not only the actual ballot that we have been discussing, it is the
redistribution of electoral counties in the Province of Québec; it is a
thing that changes the whole atmosphere of politics in the province. I know,
with regard to Mr. Bellemare we have been friendly enemies for years
that he has contributed very much to the Province of Quebec for almost a
lifetime.
As with regard to Mr. O'Reilly, not only has he participated as a member
of the Parliament, but he has been the mayor of Verdun for some time. With this
experience, I am sure that we are going to get a lot of good knowledge shown
in. But I think that we must remember that, in the case of our theoreticians,
our professors, who have done an excellent job, they had a chance to prepare
for their meeting.
Now, in the case of Mr. Bellemare and Mr. O'Reilly, they were called in
something like the tire of a horse at the last minute, they have not had this
preparation and I am hoping that they might possibly come back to our committee
again. Thank you.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. Avec votre permission, j'aimerais
maintenant céder la parole au porte-parole du Parti libéral
à cette commission, pour qu'il nous fasse part de la procédure
qui a été décidée par le comité
directeur.
M. HARDY: Voici la procédure. Je pense que ce sont plutôt
nos invités qui pourraient la décider. Les témoins que
nous avons entendus jusqu'ici faisaient un exposé; par la suite, les
membres de la commission posaient des questions. Je me demande si cette
procédure vous conviendrait, messieurs, à savoir que vous
pourriez nous donner une synthèse de vos idées sur la question du
mode de scrutin, ou si vous préférez que nous vous interrogions
immédiatement. Je pense que c'est à vous d'abord de
décider selon la façon de procéder pour laquelle vous vous
êtes préparés.
M. O'REILLY: M. le Président, avec votre permission, je remercie
de leurs bonnes paroles M. Tremblay, M. Tardif et M. Brown; j'ai
siégé avec plusieurs de ceux qui sont ici présents. J'ai
eu un appel à 2 h 30 hier après-midi pour venir siéger
à 10 heures ce matin.
Vous voulez avoir mon opinion relativement au travail que vous vous
proposez de faire durant les trois ou quatre mois que vous avez devant vous. Je
suis parti à 6 heures ce matin pour venir vous la donner. Je ne voulais
pas vous faire attendre. Je donne maintenant la parole à M.
Bellemare.
M. BELLEMARE: Je veux vous remercier, messieurs, de cet accueil vraiment
très sympathique que vous nous faites, à nous, les anciens
députés. Vous nous faites bien plaisir. Vous nous permettez de
nous remémorer certains débats percutants. Je n'ai pas besoin de
vous dire que vos paroles très chaleureuses me touchent personnellement.
J'y suis très sensible.
J'espère que vous vivrez la même expérience un jour,
soit de revenir dans un Parlement après y avoir siégé
pendant 26 années. Vous vous rendrez compte de l'impression, de la
tension
qu'on ressent. Lorsque nous étions à la table autrefois on
ne pouvait pas s'imaginer que ceux qui étaient à la barre
étaient aussi sous tension. Lorsqu'on revient plusieurs années
plus tard, on se sent tout ému. Ce sont, pour vous, des choses
quotidiennes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On vous impressionne !
M. BELLEMARE: C'est là que je me dis que ceux qui venaient
à la barre devaient être drôlement impressionnés par
un Bellemare qui passait, en même temps, pour une espèce de
"bulldozer".
M. BIENVENUE: M. Bellemare vous êtes mutatis mutandis.
M. BELLEMARE: J'ai un drôle d'acabit aussi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, c'est la victoire du temps.
M. BELLEMARE: Je voudrais aussi vous dire, messieurs, combien je suis
touché par ce bon accueil que vous me faites. Malheureusement, comme l'a
dit mon ancien collègue M. O'Reilly, j'ai reçu un appel, hier
après-midi, pour venir vous entretenir de mon expérience
politique, au point de vue électoral. Je n'ai pas lu les débats
qui ont été faits à la commission. Je n'ai pas pris
connaissance des opinions des autres. C'est peut-être mieux de vous
donner la mienne purement et simplement. Si vous avez des objections,
j'espère que M. le Président et les chefs de parti me
rappelleront à l'ordre. Je connais les procédures des commissions
comme celles de la Chambre.
Il y a une chose qui est certaine et évidente: je suis
particulièrement très heureux que vous ayez adopté cette
ligne de conduite, celle de la consultation. Je pense que vous allez en retirer
le fruit d'une expérience qui sera assez salutaire pour la
commission.
Il y a une chose qu'il ne faudrait pas oublier, c'est le proverbe qui
dit: "Other days, other ways", autre temps, autres moeurs, autre temps, autres
lois, autre temps, autres hommes.
A partir de là, je pense que les critères de
stabilité dans une ligne aussi difficile à déceler, le
"guide-line" au point de vue électoral, j'avais pensé que
c'était... Dans le temps, vous savez, j'ai passé pour être
un manieur d'élections et je pensais que le parti m'invitait pour lui
donner mes trucs, comment gagner des élections.
UNE VOIX: On les connaît.
M. BELLEMARE: Quelques-uns de mes collègues les connaissent, mais
d'autres les soupçonnent! Et, ce n'était pas toujours très
catholique, tout le monde le sait. On a même fait des espèces de
figures de ma participation et je garantis que je n'ai pas toujours aimé
les caricatures qu'on avait faites de moi.
Vote secret
M. BELLEMARE: Indépendamment de cela, messieurs, je vais essayer
simplement de vous donner mon opinion sur certains grands principes. C'est
à vous d'essayer de déceler dans cela la voie la meilleure, celle
que vous devriez adopter.
D'abord, une nation vous savez, j'ai écrit cela il y a
deux minutes, je ne veux pas que vous pensiez que j'ai pris la nuit pour
écrire cela, simplement une réflexion à bâtons
rompus. Je voudrais saisir l'occasion, avant de commencer, pour
présenter mes hommages au nouveau ministre que je vois ce matin à
la table et lui dire mes meilleurs voeux et le féliciter pour l'honneur
qui revient à lui et à sa famille ainsi qu'à son
parti.
Messieurs, une nation, d'abord, veut toujours être
représentée dans un conseil, dans un conseil d'Etat, dans une
assemblée, dans une réunion où au plus haut sommet on
pourra décider de son bien-être et aussi de sa vie usuelle, de sa
vie normale, de sa vie courante. Il ne faudra pas oublier au tout début
qu'une nation qui élit des représentants doit conserver
l'initiative de se choisir le meilleur moyen, le plus démocratique,
puisque nous vivons en démocratie. Mais aujourd'hui, dans les pays
totalitaires, on choisit un mode électif qui est presque partout le
même. Si vous avez l'occasion de vérifier les modes
d'élection qui existent dans tous les pays, dans les pays les plus
démocratiques comme les pays les plus totalitaires, il y a un principe
de base qu'il ne faut jamais oublier, je pense, c'est que le vote doit
être un vote confidentiel, un vote secret, un vote qui représente
bien l'idée de la personne qui est venue donner le fruit de sa
réflexion et de son choix. A partir de là, tous les
systèmes peuvent peut-être se ressembler et il y a des
modalités qui, peut-être, selon les coutumes, selon la formation
des peuples, sont différentes.
Chez nous, on a adopté un système de bulletins de vote. Il
y a même eu déjà des bulletins sans talon. Cela a
existé longtemps. C'était peut-être un moyen de
contrôle plus facile d'une élection. Le peuple s'est
amélioré, les législateurs aussi. Ils ont
été élus et ont changé la loi. Je sais que le
président des élections, Me Drouin, qui est ici, peut vous dire
que la Loi électorale elle-même a été changée
27 fois depuis la Confédération. On a changé le principe
de la loi 27 fois. C'était pour ceux qui étaient
déjà élus ou pour ceux qui étaient dans la bataille
des adaptations. Vous changez une loi aujourd'hui pour demain, ça ne
veut pas dire que l'éducation du peuple est faite pour vous adapter
véritablement à ce nouveau système de votation. Il y a
là encore quelques années de rodage, ce qui fait que la
dernière loi électorale qui a été votée en
1965 la dernière loi a été
votée après le comité de la Chambre et elle
a pris effet en 1966. Cette loi-là, en 1966, je l'ai vécue parce
que je me suis présenté à ce moment-là. Or, moi qui
connaissais la loi un peu plus que d'autres dans mon comté, j'avais de
la difficulté en quelques circonstances à me retrouver, ayant
vécu assez longtemps sous la loi de 1944, celle amendée en 1948
et plus particulièrement celle de 1952 où l'on a fait la
représentation dans les bureaux de scrutin, qui est revenue à la
normale en 1958 et qui a été amendée en 1960.
De là, part aussi un autre critère qui me semble
dangereux, et je vous prie, messieurs, de faire bien attention de vouloir
établir des votes régionaux; les votes proportionnels seraient
des votes régionaux. Cela ne représente pas toujours l'opinion
d'un comté particulier. Un vote régional a peut-être
certains avantages. Mais je dis, je pense et je suis sûr que le peuple
voudrait, lorsqu'il se présente un sujet particulier, avoir l'avantage
de dire: Moi, j'ai décidé de mon sort par le choix que j'ai fait
en votant librement. C'est la base. Si le type se sent un peu dirigé par
les forces du parti qui livre une attaque particulière dans une
région plus que dans une autre, vous aurez là l'opinion d'un
parti. Vous n'aurez pas l'opinion particulière d'un électeur et
c'est dangereux.
Maintenant, le vote proportionnel, j'en suis. Il y a
énormément de députés qui ont siégé
dans cette Assemblée nationale et qui n'auraient jamais
siégé. Si on prend M. Lavoie du comté de Berthier, qui a
été élu par une voix; M. Lavoie du comté de
l'Assomption qui avait été élu par une voix...
M. HARDY: En 1935, Terrebonne.
M. BELLEMARE: En 1960, l'Assomption avec M. Chartrand. M. Bastien, dans
Berthier, en 1931 et plusieurs autres qui avaient été élus
par une voix de majorité.
M. CROISETIERE: Rouville.
M. BELLEMARE: Dans Rouville, par 9 voix de majorité. Cela ne veut
pas dire que ces hommes qui avaient été élus avec une voix
ou 9 voix n'ont pas rempli un rôle extrêmement utile pour la
nation. Je pense que, pour la qualité des députés
élus, le choix qui doit se faire des candidats doit jouer un rôle
important dans chacun des partis.
Multiplicité des partis
M. BELLEMARE : II y a une chose qui reste certaine, c'est la
multiplicité maintenant des partis, la multiplication du nombre de
partis amène nécessairement que, lors d'une élection,
ça devient plus compliqué pour mettre le rouage administratif, le
rouage physique en marche. Mais c'est nécessaire, je pense. C'est
l'expression diverse de plusieurs différentes conceptions de la
politique. Certains voient la politique dans un sens, interprètent
certains gestes dans un autre sens, mais je pense que ce n'est pas mauvais que
plusieurs, dans un Parlement, puissent se faire entendre. Cela empêche
souvent le système qui existe dans des pays totalitaires où
l'unique parti est souverain et impose, par sa majorité, des disciplines
qui ne sont pas toujours les meilleures, les plus bénéfiques au
point de vue du bien-être du peuple.
En pays totalitaire je ne sais pas, vous avez peut-être
plus d'expérience que moi pour y avoir passé quelque temps
d'après ce que j'ai lu aujourd'hui, on élit des
députés. Il n'y a qu'un bulletin de vote et c'est une
espèce de critère: ils sont tous du même parti, mais ils
font un choix parmi les hommes. Et c'est de là que vient aujourd'hui ce
parti unique qui, à mon sens, a peut-être certains
côtés de bons, mais il faut que tout le système soit
dirigé de ce côté-là et je pense que ce serait
difficile dans un pays comme le nôtre, particulièrement dans une
province comme la nôtre.
Droit de vote
M. BELLEMARE: Messieurs, il y a une chose, je pense, que vous avez, vous
aussi, décelée: le droit de vote doit être
protégé. C'est bien important. Il doit être
protégé de bien des manières. Est-ce que le gouvernement
pourrait adopter des formules nouvelles pour protéger plus
intensément le doit de vote? Je pense que les dernières
améliorations qui ont été apportées à la
loi, celle de payer presque les dépenses totales était une bonne
législation. Quelques-uns disaient que, si le gouvernement pouvait tout
payer, ça empêcherait peut-être des gens d'aller chercher
des souscriptions, ici et là. Tout comme le péché est
défendu, il y aura toujours la tentation et vous aurez de la
difficulté à la faire disparaître. Il y aura de bonnes
âmes, charitables, qui viendront vous voir et vous diront: Vous savez
ça, c'est seulement pour le cigare, on ne veut pas s'engager.
J'ai aussi connu des gens qui ont de l'attrait pour certaines choses
plus que d'autres, pour le fumage, par exemple, ou bien autre chose. Cela
arrive. Même si les dépenses étaient payées par le
gouvernement vous n'empêcherez pas les maraudeurs, même les
imprimeries qui font ça gratuitement pour vous rendre service,
même des gens qui laisseront des locaux à votre disposition
gratuitement ou même des gens qui viendront vous offrir des automobiles
pour vous aider à mieux véhiculer vos électeurs etc. et
jusqu'aux liqueurs gazeuses.
Vote mécanisé
M. BELLEMARE: Messieurs, je pensais, ce matin, que le
procédé de vote par un bulletin avec un talon, bien entendu, tel
qu'on a dans la loi va devenir avant longtemps périmé,
fastidieux. Au nombre des partis qu'il y a mainte-
nant dans l'arène, il y a aussi les moyens de voter rapidement et
de protéger son droit de vote. On confie aux machines, aujourd'hui
même, l'état de notre santé. On confie, dans toutes les
compagnies aujourd'hui, par la mécanisation, l'informatique, l'IBM, la
responsabilité de décider, au-dessus d'un bureau de direction,
les politiques à établir pour planifier, roder, améliorer
une organisation matérielle.
Je sais qu'aujourd'hui, à la Commission des accidents du travail,
on ouvre 200,000 dossiers d'accidents par année. Si on n'avait pas
adopté le système de l'informatique, je pense que... Là,
on décide, même avec l'informatique, de certains critères
de base, de barèmes à être établis en faveur de
certains accidentés qui ont perdu une certaine intégrité
physique et ceci est décidé par une machine. C'est le processus
normal dans des vies aussi trépidantes et avec des lois qui nous
obligent à agir rapidement. En vertu du plan quinquennal qui se
terminera en 1972, nous couvrirons tous les employeurs de la province comme,
aussi, tous les employés de la province. Cela veut dire qu'il y aura
124,000 employeurs qui seront couverts, au lieu de 700,000 employés on
couvrira 2,100,000 employés. En plus, on a 200,000 cas d'accidents cette
année. Nous en aurons peut-être 300,000 mais le pourcentage est
encore en faveur de ceux qui s'occupent de la prévention parce que le
pourcentage du nombre des accidents est moindre.
On confie à la machine, par exemple, l'émission de 800,000
chèques. On donne 4,000 chèques par jour à la commission.
S'il fallait faire 4,000 chèques par jour "à la mitaine",
ça prendrait plusieurs dactylos.
On confie des choses très importantes aujourd'hui à la
mécanisation. Il y a des pays qui sont beaucoup plus
développés que le nôtre et qui ont des populations cent
fois plus considérables que la nôtre, qui ont fait
l'expérience. Après plusieurs années de rodage, ils sont
venus au système de la mécanisation du vote par des machines
très bien perfectionnées.
Mais vous allez me dire: Là aussi il y a du danger. Oui, je sais
qu'il y a des dangers parce qu'aux Etats-Unis, je ne dis pas que ça
s'est fait dans la province de Québec, mais lors d'une élection
pour le choix d'un leader, on avait organisé pas loin des machines qui
enregistraient les votes. On avait installé un petit machin à
batteries qui avait comme résultat que, quand on pesait, c'était
un interrupteur qui paralysait, mon cher monsieur, la tombée de la
boule, le fonctionnement de la boule. La boule tombait quand même, mais
elle n'était pas comptée. Alors le type était près
de la boite et, quand on voyait que c'était un gars qui ne faisait pas
son affaire, qui n'était pas de son bord, la boule passait quand
même mais le vote ne s'enregistrait pas. Vous en trouverez toute la vie,
partout où il y a de l'ordre, vous allez trouver des moyens
raffinés, mon cher monsieur, de passer à côté. Je ne
dis pas que j'ai fait ça, j'en vois rire! C'est parce que je ne voudrais
pas que ce soit inscrit comme un sujet à charge contre moi.
M. LE PRESIDENT: Est-ce une étude que vous avez faite de ce
truc-là en particulier?
M. BELLEMARE: C'est-à-dire que je n'ai pas étudié,
j'ai constaté parce que je ne voulais pas adopter ces mauvaises
méthodes-là.
M. HARDY: Vous avez laissé entendre que ce sont vos adversaires
qui pourraient peut-être...
M. BELLEMARE: Quelques-uns, pas tous. Alors, messieurs...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela n'a pas abaissé votre
majorité?
M. BELLEMARE: Pardon?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela n'a pas abaissé votre
majorité?
M. BELLEMARE: Non, je n'ai pas eu à me plaindre de ma
majorité, sauf une année où j'ai affronté un
terriblle adversaire, M. Mongrain. En 1960, il m'avait un peu... 127 de
majorité. Les autres sont assez bonnes. J'avais même le vote
proportionnel. Alors, messieurs, c'est pour vous dire, en terminant, que ce
vote doit être étudié. Avec une étude assez
approfondie des nouveaux mécanismes, cela pourrait peut-être vous
apporter un vote plus rapide, mais un vote aussi qui tendrait vers une
planification, une mécanisation. C'est sûr et certain qu'il y aura
là aussi des précautions à prendre. Maintenant, vous me
voyez bien mal préparé, et si j'avais été un
orateur en Chambre, je vous garantis que j'aurais eu honte de présenter
une thèse aussi mal bâtie; mais pour être aimable envers
tous et chacun, pour vous réciter mes bonnes choses, pas les mauvaises
que je connais, j'ai voulu vous donner ça à bâtons rompus.
Je suis bien prêt à essayer de répondre, comme mon
collègue aussi, à vous questions qui, j'espère ne sont pas
méchantes. Mais, connaissant mon passé, je n'attaquerai
sûrement pas les journalistes. Pourquoi l'honorable député
des Iles-de-la-Madeleine chante-t-il? Alors, messieurs...
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Bellemare. Maintenant, je
céderai la parole au député de Terrebonne; il aura
peut-être quelques questions à poser.
M. HARDY: Je vous remercie de l'exposé, de la thèse
générale que vous nous avez donnée. Maintenant, d'une
façon bien pratique, vous avez sans doute, comme nous tous, lu dans les
journaux, particulièrement à la suiter les récentes
élections, des critiques assez sévères relati-
vement au mode de scrutin que nous connaissons depuis toujours
ici...
M. BELLEMARE: J'ai lu l'abbé Dion, déjà. M. HARDY:
... au Canada.
M. BELLEMARE: Ne serait-ce pas de l'abbé Dion que vous voulez
parler?
M. HARDY: Non, je veux parler strictement... Je ne veux pas parler de
l'ensemble de nos moeurs...
M. BELLEMARE: ... O'Neill et Dion, c'est resté dans notre
statistique, blâmer le système.
Vote proportionnel
M. HARDY: Je parle strictement du mode de scrutin, à savoir le
mode que nous connaissons actuellement, le mode majoritaire ou mode
proportionnel pur, le mode à deux tours, mode d'inspiration allemande,
tel que proposé hier dans une conférence de presse par un
député qui disait que deux tiers des députés
devraient être élus au scrutin majoritaire et un tiers élus
au vote proportionnel.
M. BELLEMARE: Je ne partage pas cette idée.
M. HARDY: J'aimerais que vous nous disiez d'abord: Est-ce que vous
endossez ou quelle est votre attitude face à ces nombreuses critiques
que l'on adresse à notre système actuel, critiques qui, en
résumé, prétendent que le système actuel ne permet
pas à la population d'être vraiment représentée au
Parlement? On prend, par exemple, une liste de députés
élus et on arrive à la conclusion que certains
députés ne sont élus qu'avec 29 p. c. des électeurs
de leur comté, d'autres avec 25 p. c. . A partir de ces chiffres, on
dit: Le Parlement, les députés, l'ensemble des
députés ne représente pas vraiment l'opinion de la
majorité.
Je vais vous donner un exemple. Moi-même, si j'ai
été élu avec 12,400 voix de majorité, certaines
personnes ont contesté vigoureusement la représentativité
que je pouvais avoir dans mon comté puisqu'on est arrivé à
un autre chiffre en disant que, malgré 12,400 voix de majorité,
61.4p. c. des électeurs inscrits n'avaient pas voté pour moi.
Donc, on dit que je ne suis pas vraiment représentant du comté de
Terrebonne.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils sont intelligents les électeurs du
comté de Terrebonne.
M. HARDY: Alors, quelle est votre impression devant ces apparentes
anomalies de notre système?
M. BELLEMARE: J'ai d'abord une question, si vous me permettez, à
vous poser: Est-ce que dans mon pays qu'est le Canada, le gouvernement
fédéral le fait? Première question.
Deuxième question: Est-ce que d'autres provinces, dans mon pays,
à part la province de Québec, l'ont déjà
expérimenté?
Vote obligatoire
M. BELLEMARE: Et la dernière question: Comment voulez-vous
établir un vote proportionnel quand le vote n'est pas obligatoire? La
majorité de ceux qui ne votent pas dépasse souvent celle de ceux
qui votent, dans certains comtés. Comment voulez-vous établir un
vote proportionnel, quand vous avez 47p. c. des électeurs dans mon
comté, qui ne votent pas. Dans l'île de Montréal, dans
certaines élections, il y a parfois 60p. c. des gens qui ne votent pas.
On a vu une élection partielle qui s'est tenue dans Montréal, il
n'y a pas si longtemps, où il y a eu 31 p. c. des gens qui ont
voté. Comment voulez-vous l'établir, quand le vote n'est pas
obligatoire? Et comment voulez-vous établir un vote obligatoire si vous
n'avez pas de sanction? A partir de là, que vaut le vote proportionnel
de ceux qui ont voté?
M. HARDY: A ce moment-là, si on part de l'hypothèse que
ceux qui ne votent pas sont quand même plus ou moins
intéressés...
M. BELLEMARE: Non, je pense que pour un éminent avocat comme
vous, c'est une bien mauvaise déduction.
M. HARDY: J'essaie de me faire l'avocat...
M. BELLEMARE: On peut être occupé, on peut être
malade, on peut avoir toutes sortes de bonnes raisons; il peut y avoir 20 p. c.
de gens qui ne votent pas pour des raisons réellement sérieuses
qui pourraient se justifier si le vote était obligatoire. Et ces 20 p.
c. par exemple, débranchent complètement toute la
majorité.
M. O'REILLY: M. le Président, il y a autre chose. Il y a des
religions qui, dans le temps des élections, défendent de voter.
La religion ne donne pas le droit de voter. Dans mon cas...
M. BELLEMARE: La religion.
M. O'REILLY: Oui, excusez-moi, religion, not region. Religion. Si je
fais une erreur en français, vous m'excuserez. Si vous me posez une
question, je m'efforcerai de répondre dans ma langue maternelle.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. O'REILLY: Je sais. J'ai posé cette question, parce que j'ai
perdu deux élections, l'une après l'autre. J'avais de grosses
majorités. Un ministre me téléphone et me dit: Tu en
as
entendu parler. Il m'a parlé des Témoins de
Jéhovah. C'est une religion et il y en a une autre, une religion
protestante où on n'a pas le droit de voter. Qu'on comprenne, comme mon
collègue le mentionnait, que c'est vrai qu'il y a des gens, dans le
temps des élections, qui sont paresseux. Ceux qui vont faire les
commentaires pour les députés, pour donner un exemple de plus,
ceux qui ne votent pas... comme ceux qui se font un devoir d'aller voter; c'est
un devoir!
Cela me fait de la peine parce que je vois des hommes qui travaillent,
des députés qui pourraient faire autre chose que venir à 8
heures du matin, 8 h 30, 9 heures à leur bureau, jusqu'à 11
heures le soir et peut-être 2 ou 3 heures le matin. Ils demandent aux
électeurs d'aller voter au temps des élections au moins
que ce soit obligatoire . Il y en a plusieurs qui ne vont pas voter, qui
n'iront jamais voter. Le 365e jour, c'est une journée fatale.
On peut les faire travailler 364 jours, mais la dernière
journée, ils ne travaillent pas. Une autre raison, il ne va pas voter.
Je trouve cela dans le groupe de langue anglaise. Je fais mes commentaires, M.
Tremblay et M. le Président, d'après l'expérience que j'ai
eue. Si j'avais préparé des documents comme mon collègue
qui travaille dans ce domaine depuis 35 ans... Cela n'est pas la personne qui
va aller voter. Cette personne fait son devoir, mais il y a beaucoup de gens
dans notre pays et notre province qui ne font pas leur devoir d'aller voter
dans le temps des élections. Ce sont ceux qui vont critiquer le
plus.
M. HARDY: Si je comprends bien les deux réponses, il est
sûr, comme M. Bellemare le dit, qu'il y a des gens qui sont vraiment
empêchés d'aller voter par maladie, pour toutes sortes de raisons.
Mais il y a également, une certaine proportion de gens qui n'y vont pas
par désintéressement.
Je reviens encore à ma question, même si votre objection
encore une fois, je précise bien que les questions que je pose ne
sont pas nécessairement l'expression de mon opinion, c'est pour essayer
d'en connaître davantage. Vous considérez, M. Bellemare, qu'avec
le système actuel qui peut avoir comme résultat qu'avec seulement
25 p. c. un député peut siéger en Chambre, ayant recueilli
des votes pour seulement 25 p. c. des électeurs inscrits, pour vous,
cela ne vous paraît pas une anomalie suffisamment grave pour songer
à modifier le mode actuel.
M. BELLEMARE: J'ai bien des réserves, mais je pense qu'un homme
qui est élu dans un comté, c'est tout d'abord un apostolat de
présence. Un député qui est élu, il faut qu'il se
consacre entièrement à son devoir. L'électeur, lui, a une
espèce de radar et celui qui ne fait pas tout son devoir et
continuellement dans un esprit très sincère ne peut pas rester
comme député très longtemps. Le peuple le détecte
s'il est là pour se servir au lieu de servir les intérêts
de la communauté. Le peuple a cela sur le bout du nez. Il sent cela
à distance. Je pense que son libre choix doit s'exercer. Vous avez des
hommes extraordinaires qui, dans la politique fédérale du Canada
et dans la politique de la province, ont été élus par de
petites majorités et qui sont devenus de grands serviteurs de l'Etat. Il
y a des portraits tout autour ici. Il y a des monuments à Ottawa
où des grands hommes ont été élus par de petites
majorités. Ils sont devenus de grands hommes. Il y a des parlementaires,
dans cette Chambre, qui sont des hommes extraordinaires. Je lis tous les
débats vous allez peut-être me trouver un peu courageux
mais je lis tous les débats. Il y a des fois où je me dis
que, si j'étais en Chambre je dirais telle chose, mais je ne suis pas
là. Vous faites parfois comme celui qui est au fauteuil, vous vous
retenez. Quand je suis seul, je ne suis pas obligé de suivre les
procédures! Il y a des grands hommes dans cette Chambre, dans la Chambre
provinciale. Il y a des hommes extraordinaires que je connais, dont je lis les
débats. Je regarde la majorité avec laquelle ils ont
été élus, je ne les connais pas par leurs noms parce que
je ne connais pas les nouveaux, mais parmi ces nouveaux, il y a des gars
extraordinaires. Ils font des débats très consciencieux. Comme au
pouvoir et dans les partis, il y a des hommes qui se forment une
carrière dans la politique et qui sont élus avec une petite
majorité. Pourquoi priver l'Etat d'un choix qui a été fait
et qui existe depuis des années. Si le changer est mieux, ce n'est pas
sûr.
Il faut voter selon sa conscience, c'est sûr. L'alignement des
partis qui se fait aujourd'hui, ce n'est plus comme il y a vingt-sept ans,
lorsque je me suis présenté. Dans ce temps-là, nous
étions branchés entre deux secteurs et nous n'avions pas d'autre
choix. Sauf en 1944, lorsque je me suis présenté, nous avions
trois choix. Nous avions le Bloc populaire, le Parti libéral et l'Union
nationale.
M. HARDY: En 1948, il y avait l'Union des électeurs.
M. BELLEMARE : Nous avions les créditistes en 1948. Nous les
avons eus aussi en 1956. Quelques groupements...
M. HARDY: II y avait eu une fusion à ce moment.
M. BELLEMARE: Non, c'est en 1952 que les bérets se sont
fusionnés avec le Parti libéral. C'est en 1952, du temps de M.
Lapalme.
M. Lapalme lui-même en parle dans son livre.
UNE VOIX: Pas directement.
M. BELLEMARE: Par ses déclarations. Alors, messieurs,
aujourd'hui, l'optique de la philosophie des partis est bien différente;
elle
est bien exposée à la population en plusieurs secteurs
différents; le choix que doit faire l'électeur est donc beaucoup
plus facile. Quand vous aviez à choisir entre le Parti libéral et
le parti de l'Union Nationale, les gens partaient quelquefois avec une opinion
et, en cours de route, on disait cela souvent, il y a les 20 p. c, ceux qui
veulent et les indécis. A un moment donné, les 20 p. c, youp!
Ça débloquait et cela changeait toute l'élection.
Aujourd'hui, je dis que les 20 p. c. ne peuvent plus influencer le
résultat parce que les 20 p. c. sont dilués dans les autres
partis, ils se fondent presque toujours aujourd'hui. Le vote flottant, pour
moi, cela n'existe plus aujourd'hui, il n'y en a presque pas.
Je pense, messieurs, pour répondre au représentant du
Parti libéral, que le vote proportionnel serait dangereux tant et aussi
longtemps que vous n'aurez pas trouvé un moyen de rendre le vote
obligatoire, parce que la proportion de ceux qui ne vote pas jouerait un
mauvais tour. On n'aurait dans une élection qu'à faire une
campagne pour empêcher les gens de voter, si le vote était
proportionnel. Imaginez-vous ce que cela produirait.
M. HARDY: Au fond, votre conclusion est que le vote proportionnel, loin
d'assurer une meilleure représentativité, pourrait, justement
à cause de l'absence du vote obligatoire, faire en sorte que les
députés élus soient encore moins représentatifs que
si...
M. BELLEMARE: Ah! si vous avez le vote obligatoire avec
pénalité, le vote proportionnel serait peut-être le
bienvenu. Mais tant et aussi longtemps que vous n'aurez pas un vote
obligatoire, je pense que le vote proportionnel jouera toujours un mauvais
tour.
M. HARDY: Maintenant, est-ce qu'on pourrait vous demander, à M.
O'Reilly et à vous-même, ce que vous pensez du vote
obligatoire?
M. O'REILLY: Je pense que quand vous avez un vote obligatoire, c'est un
devoir de le donner. Si ce n'est pas dans les statuts, personne ne va le
suivre, mais si vous le mettez dans les statuts, tout le monde va le
suivre.
M. HARDY: A la lumière de votre expérience, de votre
connaissance de la psychologie des Québécois, tant des
anglophones que des francophones, retenons en particulier que M.
Bellemare représentait un comté rural est-ce que vous
considérez que ce serait valable, que ce serait bien accepté par
la population que la Loi électorale impose le vote obligatoire avec des
pénalités? Est-ce que vous recommanderiez une telle
législation?
M. O'REILLY: J'ai lu quelque part, M. le Président, qu'il y a des
pays qui ont le vote obligatoire dans leurs statuts. Il y a un montant à
payer, lorsqu'on est condamné, mais je ne sais pas le montant.
M. HARDY: Qu'est-ce que vous en pensez?
M. O'REILLY: Je ne suis pas prêt à donner mon opinion. Je
n'ai été convoqué qu'hier, à 2 heures. J'ai eu les
explications seulement ce matin. Selon mon opinion personnelle, c'est une bonne
affaire.
M. HARDY: Vous voulez imposer cela dans une loi.
M. O'REILLY: Dans une loi, c'est mon opinion personnelle. There are also
reservations made in it. Mr. President. I think I should clarify that in my
mother's tongue, because I could make too many mistakes in the French language
and I would not want to be classified as having made the wrong thing. With
reservations, there are certain countries that do have that in their statutes
and they are fined. Now, for me to say this is a good thing, I would not want
to say that personnally. I would say: I, myself, would go for it, because I
practice what I preach. When you have a boat, you want somebody in, you want
someone to work for you and you should support that individual, whatever party
it may be. I myself was leaning towards the party in power as my collegue was a
minister and served his province for number of years in the Cabinet and
organizer for his party for a number of years. We both feel the same way, I am
sure. It is just a matter of expressing ourselves, but to condemn somebody else
with my own personal opinion, I think you have too many lawyers around this
table, they are too smart for me, to give a legal opinion. But as a layman, who
practiced over a number of years, good or bad, I go out on both, whether wise,
it did not make any difference.
There is a lot of people who won't, unless you make it compulsory. Je
m'excuse...
M. HARDY: Oui, oui. Très bien.
M. O'REILLY: Je ne veux pas faire d'erreur dans mes commentaires en
français et aller en anglais parce que parfois les mots...
M. BLANK: M. O'Reilly, on avait mentionné les deux principes. On
avait le vote obligatoire et une certaine proportionnelle qui est plus
compliquée que celle en Allemagne, mais, jusqu'à ce jour,
ça ne marchera pas. D'après les journaux j'étais en
Australie au mois de novembre après les discussions avec les
politiciens, il y a des tendances, pour changer le système, de tirer des
statuts le vote obligatoire parce que ça ne marchera pas. Il y
avait...
M. BELLEMARE: Monsieur, permettez-moi juste une remarque avant d'aller
plus loin. Mon collègue a dit que je partageais son opinion. Pas
tout à fait. Le vote obligatoire, c'est une question de
mentalité à préparer.
M. O'REILLY: Quand j'ai mentionné qu'avec
l'expérience...
M. BELLEMARE: D'accord. Comme on le fait en Chambre, je retire ces
phrases.
M. BOIS: Sans commentaires.
M. BELLEMARE: Oui, sans commentaires, en vertu de l'article. Le vote
obligatoire sans préparation, surtout sans acceptation par la
population, serait dangereux maintenant. H y a tellement de choses qui ont
évolué...
M. O'REILLY: Mêlées.
M. BELLEMARE: ... mêlées, et il y a tellement de choses qui
ont évolué depuis des années et qui évolueront dans
l'avenir. Vous ne connaissez pas quelle sera la mentalité dans dix ans
qui prévaudra sur le trottoir, la mentalité du peuple. Vous
êtes des législateurs pour le temps. Vous devez prévoir
aussi un peu pour l'avenir. Mais l'avenir aujourd'hui, c'est dans combien de
temps? Un an? dix ans? Le législateur est obligé de refaire des
lois qu'il a faites il y a deux ans. Je ne blâme personne. Mais c'est:
Autre temps, autres moeurs. Le vote obligatoire aujourd'hui serait
peut-être dangereux chez la population. Peut-être que dans cinq ans
la mentalité aura tellement évolué que, à cause de
certains changements qui pourront se produire, ça pourra peut-être
être mieux accepté.
M. HARDY: On a déjà mentionné et j'adresse
ça en particulier à M. O'Reilly que l'établissement
du vote obligatoire pourrait inciter, dans une certaine mesure, à la
fraude en ce sens que des personnes... J'aimerais que M. Drouin explique cet
aspect de la question pour savoir ce que vous en pensez. C'est M. Drouin qui
m'avait fait part des difficultés à ce moment-là de
l'établissement du vote obligatoire. J'aimerais qu'il expose les
difficultés que ça implique pour savoir ce que M. O'Reilly en
pense.
M. DROUIN: Lorsque vous avez un vote obligatoire, vous avez
nécessairement une peine attachée pour celui qui ne va pas voter.
Vous avez énormément de personnes qui ne votent pas pour des
considérations personnelles. Cela peut être un voyage, la chasse
ou la pêche, moult raisons qu'on ignore. Mais pour ne pas être
appelé à se défendre devant une cour pénale pour ne
pas avoir voté, ils vont trouver leurs partis politiques et ils leur
disent: Voici mon portrait. Voici mes documents. S'il vous plaît,
faites-moi voter. Ils accumulent alors tout ce qu'il leur faut pour faire voter
les gens. Si vous regardez un peu comment ça se passe dans les pays
européens où ils ont le vote obligatoire, c'est ce qui arrive. Et
quand vous avez établi le vote obligatoire, vous n'êtes plus
capables de l'enlever.
M. BIENVENU: M. Drouin, est-ce qu'il y a également...
M. LEGER: Pas les personnes qui...
M. BOSSE: Au sujet du vote obligatoire, est-ce que la formule de vote
que nous avons actuellement et la façon dont les populations
réagissent n'est pas le portrait de notre démocratie et de la
volonté réelle de nos populations. J'entends par là:
Est-ce que ce ne sont pas des coutumes qu'on retrouve dans tous les milieux? Je
pense, par exemple, au conseil d'administration des compagnies, aux
actionnaires qui sont, oui ou non, participants ou qui participent très
peu. Je pense à l'expérience syndicale où, à
certains moments, la population syndicale même, lorsqu'il y a des
questions importantes, va participer dans une très forte proportion.
Est-ce qu'à certaines élections la participation de
l'électeur, lorsqu'elle est minime, n'est pas précisément
le reflet d'une espèce de contestation non pas vis-à-vis du mode
de scrutin, non pas du système, mais des partis politiques en
présence? Nous avons eu de beaux exemples aux dernières
élections où l'intérêt suscité par les partis
politiques sur les diverses questions posées à la population l'a
amenée à voter dans une très forte proportion. Est-ce que
ce n'est pas là un aspect précisément de la liberté
de notre démocratie? Je songe justement à ce que M. Drouin vient
de dire et j'ai à l'idée cette espèce de participation
qu'on vient de voir à Haiti, par exemple, où tous ont
voté. Ils ont tellement voté en fait que c'en est dangereux. Il y
a certaines tendances que je ne connais pas je ne suis pas familier avec
les méthodes de votation derrière le rideau de fer mais
j'ai la certitude qu'on doit avoir créé là aussi ce
civisme, encouragé les gens à voter par certains
éléments qui ne nous ont pas été fournis, mais qui
font que les gens participent. De quelle façon participent-ils? Est-ce
que la démocratie et la liberté s'exercent vraiment?
Le vote obligatoire, est-ce que ça modifierait vraiment quelque
chose? Est-ce que le fait que les gens soient libres ou non d'aller voter
n'apporte pas, ne donne pas à la population, un moyen de plus de
contester ou de protester, une façon autre de s'exprimer? Si par exemple
on atteint un vote de 30 p. c, c'est très significatif que la population
n'accepte pas les programmes que leur présentent les partis politiques
ou n'accepte pas les partis politiques eux-mêmes.
Je pose la question à de vieux routiers qui ont des
expériences apparemment heureuses en politique.
M. O'REILLY: M. le Président, je voyais que...
M. LE PRESIDENT: Say it in English...
MR. O'REILLY: In my case, Mr. President, not to be misunderstood, my
colleague suggests my French must be pretty bad that I talk
English. I would say that in all fairness, with de turmoil in our province now,
imposing something, making it forcely in the statutes, probably the timing
could be delated a little longer until the time is quieter, smoother is the
sailing; the water is rough sometimes and if you impose something on somebody
with all the problems you have here now, it would only aggravate and irritate
that much more.
But what I was referring to a moment ago was some of the religious
groups...
M. BOSSE: That is an exception. It is a very small group.
MR. O'REILLY: Yes they are, that is why I thought the committee should
know that, it is small, but when you lose by 36 or 10, it is very big when you
want to sit in the House. And it is very big when you see that... I know in
this case, I do want to bring up old sorrows, but I think in all fairness that
when the late Daniel Johnson won, he did not win by a big majority, but he
served his province. And if that man did not belong to politics, he would be
still alive today. This is why, you see, when you say a small majority, when
you win, it looks very good, but when you lose, you have got all those bills to
pay after. I can assure you when Mr. Bellemare was saying a moment ago that
these fellows were sending cars, giving you rooms, when you lose, they send you
the bill. Maybe if your party wins, they might say: Well, we will get the
cigars and smoke them, the pollution department will be looking after that. But
when you lose, you pay the bills. I have been through that three times and I
can tell you they are very costly.
M. BOSSE: Même si c'est...
M. LE PRESIDENT: Maintenant, messieurs, si c'est une question
relativement au vote obligatoire, d'accord.
M. BOSSE: C'est sur la dernière remarque de M. O'Reilly, qui
parle des factures qu'on peut recevoir ou non.
M. BELLEMARE: Quand on perd, non quand on gagne.
M. BOSSE: Oui, même sur ce point, je tiens quand même
à rappeler comme nouveau venu en politique qu'il y a eu des
modifications depuis, en ce qui a trait aux sommes d'argent qui sont...
M. O'REILLY: J'aurais bien dû clarifier ma position...
M. BOSSE: ...fournies.
M. O'REILLY: ...avant que vous posiez cette question-là. J'ai
parlé de mon expérience de maire. Je suis ici non pas comme
ancien député ou comme ancien membre du Conseil
législatif, je suis ici comme un vieux...
M. BOSSE: J'ai compris que vous étiez ici comme ancien
député de la...
M. O'REILLY: Non, non écoutez, je suis un ancien conseiller. Vous
ne pouvez pas m'ôter ça. J'étais ici. Quand vous parlez...
je voudrais bien clarifier votre question. C'était comme lorsque
j'étais maire, pris avec toutes les dépenses et ça
coûte cher.
M. BOSSE: Votre confrère est aussi d'accord sur cette remarque.
Donc, cela s'appliquait aussi à M. Bellemare je crois. Ceci étant
dit, je tiens...
M. O'REILLY: Les fonds sont payés par la province, ceci est entre
nous.
M. BOSSE: ... quand même à ajouter qu'avec les sommes
d'argent qui sont permises à l'heure actuelle et avec un peu de
bénévolat, ces sommes sont suffisantes pour ne pas attendre les
factures. Je le cite à titre d'expérience personnelle. A titre de
maire, c'est peut-être une autre expérience. Je ne crois pas que
nous soyons ici présentement dans le but d'étudier la partie qui
intéresse les maires.
M. BELLEMARE: Est-ce que le député veut dire que toutes
les déclarations rapportées au président des
élections, même sous serment, sont véritables? J'ai connu
certains organisateurs politiques, certains députés
fédéraux ou provinciaux qui ont suivi la loi, qui ont fait leur
rapport selon la loi. Je n'avais le goût de prendre de procédures
contre personne. Mais lorsque dans certains comtés un adversaire avait
rapporté en dépenses électorales $1,800...
M. HARDY: Vous faites allusion aux caisses parallèles.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas dit ça. Vous me prêtez des choses
que je n'ai pas dites.
M. BOSSE: Pour confirmer ce que vous dites, j'avais un adversaire qui
disposait de sommes d'argent beaucoup plus élevées que les
miennes.
M. BELLEMARE: Alors, cela confirme...
M. BOSSE: Cependant, je n'ai pas de moyen de le vérifier.
M. BELLEMARE: ... que vous avez suivi la loi. Cela ne confirme pas
qu'à côté de ça, il peut y en avoir d'autres qui,
malheureusement, n'ont pas suivi la loi. Cela a pu dérégler
énormément...
M. BOSSE: II peut y avoir un soupçon légitime.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé a
demandé la parole il y a quelques minutes.
M. HARDY: Je voudrais souligner que M. Bellemare, ancien ministre,
ancien député de Champlain, est aussi un ancien maire.
M. BELLEMARE: C'est vrai. UNE VOIX: Père et maire.
M. BELLEMARE: Une municipalité très importante, qui est
devenue aujourd'hui la porte du nouveau parc national de la Mauricie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, pour la bonne compréhension et
la bonne marche de nos travaux, je dois vous souligner cependant que ma
question n'aurait trait ni au vote obligatoire ni au vote proportionnel. Elle
aurait trait surtout à certaines considérations quant à la
redistribution de la carte électorale. Je ne voudrais en aucune
façon priver mes collègues de questions, peut-être, sur le
même sujet que nous avons déjà débattu jusqu'ici. Je
me réserverais peut-être le droit de poser ma question plus
tard.
M. BIENVENUE: Une brève remarque. M. Bellemare, vous avez
sûrement pensé que dans le vote obligatoire, il y aurait une
proportion, qu'on ne connaît pas mais qui est pensable, de gens qui, pour
protester conte le fait qu'ils sont obligés d'aller voter, annuleraient
leur vote, s'amuseraient avec les bulletins de vote.
M. BELLEMARE: Vous auriez une proportion qui pourrait varier entre 5 p.
c. et 10 p. c. Cela se fait déjà. Les gens, soit dans un
référendum ou soit dans une élection de maire plus
particulièrement parce que les gens sont "close to close". Vous avez
dans les statistiques du rapport des élections des choses bien
intéressantes. Vous avez, par exemple, des votes rejetés ou des
votes annulés. Regardez la proportion, qu'il y a de votes qui ont
été perdus, mais de gens qui ont voté, qui sont
allés aux bureaux de scrutin, vous allez voir la proportion. Dans des
comtés, à la dernière élection, il y a 312 votes
qui ont été annulés. C'est fantastique. Imaginez-vous
à partir de là, le critère. Ce n'est pas le système
qui n'est pas bon, ce n'est pas le vote que l'on donne par un bulletin qui
n'est pas bon, ce sont les modalités de l'application. Le mal est
là. Le mal, il peut avoir bien d'autres sources.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: M. Bellemare, vous sembliez tout à l'heure endosser
passablement le vote obligatoire.
M. BELLEMARE: Que j'endossais le vote obligatoire.
M. AUDET: Que vous étiez peut-être favorable.
M. BELLEMARE: Non, non. Je rectifie ça. Je ne suis pas prêt
à dire ça parce que la mentalité n'est pas prête. Je
suis contre le vote proportionnel, par exemple, parce que tant et aussi
longtemps que vous n'aurez pas le vote obligatoire, je pense qu'établir
le vote proportionnel... Ce n'est pas ma thèse parce que je ne suis pas
un...
M. AUDET: Vous voyez le vote proportionnel avec le vote obligatoire.
M. BELLEMARE: Autrement, vous ne pouvez pas faire la ligne; vous ne
pouvez pas faire le véritable pourcentage qui porte le fruit que vous
recherchez.
M. AUDET: Verriez-vous dans le vote obligatoire une crainte d'une
certaine dictature par exemple?
M. BELLEMARE: Oui, pas tout de suite, le peuple n'est pas prêt
à ça, pas actuellement. Le vote obligatoire, vous auriez la
proportion d'abord de ceux qui se feraient jouer et puis, comme disait si bien
le président des élections, qui iraient porter leurs factures.
Vous auriez les partis qui s'organiseraient en conséquence, comme disait
le député de Lafontaine, M. Léger. Vous auriez aussi ceux
qui emplissent les boites. C'est déjà arrivé dans la
province de Québec, sans vote obligatoire, qu'on ait 128 p. c. dans une
boîte.
M. HARDY: C'est extraordinaire, M. Belle-mare, en vous entendant,
combien on réalise que certains politicologues ignorent des
réalités bien concrètes de notre vie
électorale.
M. BELLEMARE: Vous êtes très aimable de dire ça, ce
matin, mais je suis heureux de ne pas avoir lu leurs propos parce que là
je serais peut-être taxé de vouloir m'insurger contre ces
gens-là. Comme je ne les ai pas lus, je suis bien libre de donner mon
point de vue.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous êtes vierge d'esprit.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vierge d'esprit.
M, BELLEMARE : II y a des bouts où je n'étais pas
tellement vierge...
M. HARDY: M. Bellemare, tantôt dans votre exposé, vous avez
parlé du danger de votes régionaux et vous avez également
parlé du danger que les partis, en quelque sorte, viennent influencer ou
empêcher, dans une certaine mesure, la libre expression du vote des
électeurs. C'est ce que j'ai cru comprendre, vou-driez-vous expliquer
cela?
M. BELLEMARE: Voici ma prétention. Je me place simplement au
point de vue de l'ouvrier syndicaliste, j'en ai fait passablement dans ma vie
et...
M. HARDY: Vous l'êtes toujours, vous avez toujours votre
carte.
M. BELLEMARE: Oui, j'ai toujours ma carte, je peux vous la montrer. Elle
est à jour, elle est en règle, mais je prends simplement au point
de vue syndicaliste, au point de vue des centrales syndicales. Supposons que
dans une région plus forte que dans une autre où il y a un vote
populaire assez dense, j'ai le contrôle de cette région-là
au point de vue de centrales syndicales, on possède les gros atouts, et
on en fait une proportion régionale. On dit: Voici, on va faire une
certaine délimitation des votes et il y aura la représentation
régionale aussi. Ce qui arrive, moi je me lance comme syndicaliste
responsable d'une centrale et je fais, dans cette région-là
particulièrement, une campagne extraordinaire pour faire voter ces
gens-là au point de vue de ma thèse. Mais ça ne sera pas
véritablement le vote du peuple. Ça va être l'imposition
d'une pensée qui est peut-être bien différente de celle qui
expose les grands principes de la philosophie politique d'un parti. Là,
c'est un danger. C'est pour ça que je dis que, plus une région
qu'une autre, ça devrait être les chefs de parti qui parcourent la
province, établissent leurs lignes de combat, et font, cher monsieur,
qu'ils établissent aussi leurs arrière-gardes.
M. LAURIN: M. Bellemare, un exemple contraire: il y a une grande
centrale syndicale qui a appuyé un parti politique, le NPD, durant de
longues années au Québec, et jamais elle n'a réussi
à faire voter ses syndiqués pour ce parti.
M. BELLEMARE: Je vous donne bien raison parce que nous avons
traversé des grèves extra-ordinairement malheureuses dans la
province où on a fait contre le gouvernement en place dans le temps, une
lutte épouvantable, et quand sont arrivés les ordres de voter
à des élections qui ont suivi des grèves
extraordinairement déplorables, les ordres étaient venus de haut.
Même dans nos comtés. Moi, j'avais un comté où il
devait y avoir, au Cap-de-la-Madeleine, 99 p. c. d'ouvriers. On n'a pas suivi
ces directives-là, mais j'ai pris le mouvement syndical pour ne pas
attaquer des personnes qui sont à cette table, qui ont elles aussi une
responsabilité au point de vue politique; c'est pour aller à
l'extrême que j'ai pris cet exemple au point de vue syndical. J'aurais pu
prendre celui d'un parti quelconque et dire: Voici, un parti va noyauter mieux
une certaine région qu'une autre, et on n'aura pas le véritable
vote de la population, on va avoir plutôt l'idée d'un parti. Ce
qui compte le plus, M. le chef du parti...
M. BOSSE: Le chef parlementaire, c'est pas la même chose...
M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas pareil, je connaissais M. Bourgault.
Je pense, M. le chef du parti, que vous recherchez plutôt à
travers la province, le pourcentage du vote qui peut suivre l'exposition de vos
thèses politiques et cela, "across the board" à travers toute la
province, je pense que c'est ce que vous recherchez.
Mais je dis que, si c'était régionalisé, que le
vote devrait être régionalisé et qu'on devrait prendre une
certaine région et dire à la population: Vous aurez une certaine
proportion dans un vote régional. A part le vote qu'on se donne, on va
établir un autre vote régional. C'est rêver en couleur, je
pense bien, quand on a l'expérience du boulot comme vous. Vous savez ce
que c'est que des élections, vous savez ce que c'est qu'un vote libre,
vous savez quels sont les organismes qui font que le vote est libre. Et
ça en prendrait un autre pour en faire un vote régional, pour
élire une autre superclasse?
Je pense que tous les députés doivent être
élus au même étage. Tous les députés doivent
avoir les mêmes raisons d'être élus, soit dans un parti ou
dans un autre, mais il ne peut pas y avoir une caste spéciale et qu'ils
disent: Moi, je suis un vote régional. Vous avez vécu
l'expérience de Montréal, où on a établi un certain
système, à un moment donné, où il y avait des
classes 1, 2, 3. Une était élue par les groupes, une autre
était élue...
M. O'REILLY: 99.
M. BELLEMARE: Oui, les 99 à l'époque: a, b et c. Vous avez
vu ce que cela a donné. Cela a été lamentable comme
système. C'est une belle expérience qu'il s'agit de relire
aujourd'hui pour voir où ça nous a portés. On pensait que
c'était la panacée à ce moment-là. On s'est
aperçu...
M. BOSSE : Castrer le système.
M. LE PRESIDENT: M. Bellemare, afin de renseigner les membres de la
commission, j'ai-
merais peut-être entendre vos commentaires sur la question de la
carte électorale, par exemple.
Carte électorale
M. BELLEMARE: Voici, vous savez il y a une vieille tradition chez nous
que vous allez avoir de la difficulté à défaire. Il y a
des comtés privilégiés qui ont été
établis depuis la Confédération... Oui, je comprends,
j'allais justement... Je lis les journaux et je sais quel est le numéro
de la loi qui les a enlevés, comment il y en a qui ont été
tourmentés pour voter pour ou contre. En tout cas. Je n'ai pas
parlé du comté de Brome.
Disons qu'il y a une vieille tradition dans la province de Québec
qui n'a jamais existé dans les autres provinces. Et je vous inviterais,
messieurs, à faire un relevé des autres provinces pour que vous
puissiez toucher du doigt comment le vote est différent par
comté. Pas parce que c'est catholique ou pas catholique, protestant ou
pas protestant, anglais ou pas anglais, français ou pas français.
Allez simplement dans l'Ontario et vous ne verrez pas un comté
égal, pas un comté qui ait...
M. HARDY: Mathématiquement.
M. BELLEMARE: ... mathématiquement... C'est une erreur
fantastique de certains penseurs qui croient qu'on peut décréter
cela avec une craie et cela fait une équation de tant. C'est
fondamentalement une erreur de base, cela n'a pas de bon sens, en partant.
65,000 ici et 65,000 là, 50,000 là, vous n'arriverez jamais
à établir véritablement une carte où la
représentation sera réellement ce que vous attendez.
Vous allez en Ontario. Par exemple, allez dans la ville de Toronto.
Regardez le nombre de votes dans les comtés de la ville de Toronto et
vous allez revenir à Québec et vous allez dire: II y a
peut-être moyen de trouver entre le trop, le trop peu et le trop loin, le
juste milieu, le "guide-line". Entre la disparition de tous les petits
comtés qui sont peut-être... Je comprends que le comté de
Maskinongé me faisait toujours envie dans ma région...
M. PAUL: Nous aussi, Champlain. Et si vous saviez comme la population de
Champlain regrette votre départ.
M. BELLEMARE: Vous êtes en train de me tenter de nouveau mais je
ne succomberai pas.
M. HARDY: Quand même, M. Bellemare, ceci admis...
M. BELLEMARE : Laissez-moi finir, me permettez-vous?
M. HARDY: Oui.
M. BELLEMARE : Allez à Winnipeg et vous allez trouver là
des disproportions extraordinaires dans la ville de Winnipeg qui est loin de
chez nous. Elle n'a pas connu nos problèmes de la
Confédération, des comtés protégés. Que les
comtés disparaissent comme comtés privilégiés, j'en
suis. Qu'on ait une meilleure redistribution, par exemple, dans une certaine
région, je pense que c'est normal. Mais que l'on fasse
mathématiquement une règle de proportion des gens, de la
population les technocrates appellent cela la condensation de la
population il y a un mot pour dire cela, la démographie!
Non, ce n'est pas cela. C'est trop loin pour moi cela.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On change de terme à tout moment, vous
savez.
M. BELLEMARE: Qu'on fasse cela et à l'occasion de ce remaniement.
Je n'ai pas besoin de vous dire combien l'influence d'un député
au pouvoir peut jouer plus favorablement qu'un autre. Je n'accuse personne.
J'ai été au pouvoir assez longtemps pour savoir que
lorsque...
M. HARDY: Vous parlez du "jerrymandering".
M. BELLEMARE: J'ai été pendant assez longtemps dans les
coulisses pour savoir comment se fait à un certain moment la
délimitation d'une rivière ou d'un coin de rue.
M. HARDY: M. Bellemare je voulais vous demander même si
cette division absolument mathématique est impossible, tout le monde
autour de cette table l'admet si vous admettez quand même qu'il
est inacceptable qu'il y ait un comté de 80,000 électeurs et,
tout à côté, un comté voisin de 13,000.
M. BELLEMARE: Ce que je n'admets pas, c'est qu'on n'en fasse pas la
différence. Un député qui vit dans l'île de
Montréal, c'est un bourgeois. Je n'attaque personne. C'est mon
expérience que vous m'avez demandée, je vais vous la donner. Un
député qui vit dans la ville de Montréal, c'est un
bourgeois. Un député qui vit dans la partie rurale, c'est un
esclave. C'est un homme qui est obligé de s'occuper de vingt conseils
municipaux. C'est un homme qui, même s'il ne veut pas les recevoir, est
obligé de s'occuper de vingt-deux ou vingt-trois commissions scolaires,
qui est obligé de s'occuper du crédit agricole. Vous allez dire
que le député n'est pas élu pour cela. On n'est pas
capable de fermer notre porte. On est obligé de s'occuper des accidents
du travail, des mères nécessiteuses, de toutes les lois sociales
dans vingt municipalités différentes.
M. HARDY: Dans le cas des accidents du travail avec un bon
président...
M. BELLEMARE: Pour tous les ministères.
On est obligé d'aller dans tous les ministères pour
régler tous les cas de tout le monde et on dit que c'est du patronage!
Non, ce n'est pas du patronage! C'est rendre service à la population
pour laquelle on s'est engagé. Aujourd'hui, il n'y a pas comme en France
des bureaux de préfecture où l'on peut s'adresser pour faire
régler nos cas. Le seul moyen, la seule place où la population
peut aller librement, c'est dans le bureau du député dans la
région rurale, même dans les villes. J'ai conservé depuis
1944 la liste de tous ceux qui m'ont visité. Des listes, j'en ai
épais comme cela. Je ne regrette pas d'avoir vu ces gens. Je
prétends que c'est un apostolat de présence. Cela vaut parfois
beaucoup plus que l'apostalat de la prière.
M. HARDY: Croyez-vous que cela attire les indulgences?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sous forme de votes!
M. BELLEMARE: Cela dépend, cher monsieur, dans quel esprit vous
le faites.
M. HARDY: Cela dépend du genre d'indulgence.
M. BELLEMARE: II y a des indulgences plénières, mais il y
a aussi des indulgences partielles, c'est-à-dire de parti.
Je termine, M. le Président, en disant qu'il y ait 80,000
électeurs dans Montréal par comté et qu'il y en ait 25,000
dans un comté rural, je pense que la population accepte cela. Quand on
dit vote pour vote, homme pour homme, je ne crois pas à cela. Je suis un
ancien politicien. Vous allez dire que c'est l'ancienne tradition qu'on a
entendue, la vieille affaire de Duplessis, de tous ces gars-là. Cela ne
me fait rien d'être qualifié ainsi. J'ai une vie parlementaire de
26 ans que je ne changerais pas pour bien d'autres. Si je suis devenu ce que je
suis aujourd'hui, je le dois à la politique. J'ai rencontré des
gens extraordinaires dont le contact m'a formé. Ils m'ont appris des
choses extraordinaires que je n'aurais jamais apprises dans les livres. Ce que
j'ai appris dans un comté rural comme le mien, je l'ai puisé aux
sources les plus pures de la population. J'ai connu leurs misères et
leurs justes revendications. J'ai été un homme qui a
empêché souvent des contestations d'avoir lieu. J'ai
été un homme qui, à un moment donné, à cause
du rôle que je jouais, a été le conseiller de bien des gens
qui cherchaient un conseiller.
Où voulez-vous qu'on aille, demain matin, dans nos régions
rurales, pour avoir un conseil, par exemple, sur un changement qu'on doit faire
pour l'exécution d'un testament? On en est rendu là! Les gens
viennent nous voir et nous disent : J'ai été mariée, je
suis divorcée; il y a vingt ans que mon mari vit avec une telle; il lui
a laissé son commerce. Est-ce que vous pensez que j'ai des droits dans
le commerce de mon mari? C'est bon cela pour un "brake-man".
M. HARDY: Vous n'avez jamais eu de difficulté avec le
Barreau?
M. BELLEMARE: Non, parce que je n'ai jamais rien chargé. Je pense
que je n'ai pas les mêmes tarifs que le Barreau.
M. LEGER: N'y a-t-il pas moyen de concilier votre manière de voir
avec le fait que des comtés peuvent avoir quand même une moyenne
avec une marge?
M. BELLEMARE: Oui. Entre le trop peu, comme j'ai dit tout à
l'heure, et le trop loin, il y a une marge raisonnable.
Un comté de Montréal peut avoir 65,000, 75,000 de
population, c'est presque raisonnable. Vous êtes de Montréal, vous
êtes représentant, l'honorable député de Lafontaine.
Pou-vez-vous me dire écoutez bien, vous avez le droit de ne pas
me répondre, c'est peut-être mal ce que je fais-là
sur les 80,000 électeurs que vous avez...
M. LEGER: 55,000.
M. BELLEMARE: ... pouvez-vous me dire quelle proportion vous connaissez
des 55,000?
M. LEGER: C'est entendu que dans une ville de la grandeur... J'ai le
comté le plus large de Montréal, je pense que...
M. BELLEMARE: Alors, je vous remercie de votre réponse. Dans mon
comté, j'ai 32,000 électeurs, j'en connais 80 p. c,
individuellement, par leur nom et ceux qui restent au bout du rang
Sainte-Marie, puis ils traversent la rivière pour venir chez nous.
M. LEGER: En 26 ans.
M. BELLEMARE: Même après cinq ans, monsieur, j'étais
assez clairvoyant. D'ailleurs, je ne me suis pas présenté sans
être connu. Indépendamment de cela, il arrive que, dans nos
comtés ruraux, on connaît presque toutes les familles; on sait que
Pierre est marié à la fille de Baptiste, je dis cela, mais cela
n'existe pas dans...
M. LAURIN: II y a votre tempérament et votre personnalité
qui ont contribué à...
M. BELLEMARE: Mais la vôtre n'aurait pas nui chez nous.
M. FRASER: Cela arrive dans tous les comtés ruraux.
M. BELLEMARE: Les comtés ruraux, ce n'est pas le même
esprit, ce n'est pas le même...
Si vous donnez à un député rural 80,000 de
population, il va mal accomplir son boulot. Il n'est pas capable... En tout
cas, des bureaux qui ouvrent à sept heures et demie et huit heures et
qui vont jusqu'à minuit, moi, j'ai connu cela. Il y en a encore parmi
vous qui le faites. L'apostolat de la présence le lundi, le vendredi, le
samedi et même le dimanche. On paye bien plus de notre présence
dans les comtés ruraux; on est invité à des centaines de
démonstrations, continuellement. C'est la paroisse de Saint-Narcisse qui
organise un festival, la paroisse de Saint-Maurice a décidé d'en
organiser un parce que la paroisse de Saint-Narcisse en avait un. C'est un
concours de natation, mon cher monsieur, qui a lieu à
Sainte-Adèle. C'est un déjeuner aux "beans" qui arrive à
tel endroit. Vous êtes continuellement sur la sellette. Dans une ville,
bien, le maire fait cela, ou bien, de temps en temps, vous avez une
démonstration; vous n'avez jamais ces préoccupations. C'est pour
cela que, quand vous parlez de recoupage entre le "trop peu" des comtés,
comme le comté de Bagot qui a 9,000 de population et puis le
comté de Saint-Hyacinthe, le voisin, qui en a 36,000, 37,000 M. le
Président? 37,000, je pense à Saint-Hyacinthe? 37,000. Bien
là, il y a le "trop peu" et le "trop plein". On pourrait avoir une bonne
moyenne parmi ces comtés ruraux. A cela, je ne verrais aucune objection.
Mais, qu'on compare un comté de la ville de Montréal, homme pour
homme, vote pour vote, oh! ce n'est pas la même chose. Qu'est-ce qu'on
élit, M. Léger? On élit des représentants.
L'obligation d'élire un représentant, est alliée à
des obligations. Est-ce que les obligations d'un député de la
ville de Montréal sont les mêmes que les obligations d'un
député d'un comté rural? Jamais dans cent ans!
M. LEGER: Elles ne sont certainement pas les mêmes, M. Bellemare,
mais il faut admettre quand même que, dans les villes, vous avez le
problème du bien-être social, des chômeurs qui viennent
à nos bureaux... J'ai de 15 à 20 visites, par jour, à mon
bureau.
M. BELLEMARE: Vous avez parfaitement raison; je ne dis pas que le
député urbain, d'une grande ville comme Montréal ne fait
rien, au contraire. Lui aussi a son travail. Mais, toutes proportions
gardées, avec un comté rural, il a vingt visités contre
cent.
M. LEGER: Mais est-ce que vous admettriez que le rôle du
député ruai commence à se modifier et qu'il devrait se
modifier?
M. BELLEMARE: La politique, monsieur, suit des critères. La
population a confiance. Même parmi les partis de l'Opposition, une fois
que le député est élu, cela a changé. Même,
maintenant, on fait disparaître l'esprit de parti et on va voir le
député élu. Cela ne se faisait pas autrefois. Un
député qui était élu libéral, jamais un
conservateur n'allait le voir! Aujourd'hui, c'est changé. Il y a des
comtés où il est élu, eh bien, qu'il soit de n'importe
quel parti, même un créditiste, un péquiste, n'importe, il
est élu; on va le voir et on se dit : C'est le seul espoir qui reste.
M. LEGER: On lui dit qu'on a voté pour lui.
M. BELLEMARE: Non, pas nécessairement, je n'ai pas voté
pour vous, monsieur, mais j'ai un renseignement à vous demander: A quel
endroit dois-je m'adresser pour envoyer ma formule d'impôt sur le revenu?
J'ai, mon cher, un problème avec ma belle-mère. Je ne suis
capable de la placer nulle part. Elle est en train de crever chez nous. Ma
femme est épuisée. Avez-vous un bon conseil à me donner?
Vous en voyez de cela, tous les jours?
M. LE PRESIDENT: Le député de Papineau, s'il vous
plaît.
M. ASSAD: M. Bellemare, justement dans un comté de 75,000 de
population, j'ai 34 municipalités et il y a peut-être 32
commissions scolaires.
Tel que vous l'avez dit pour les péquistes, depuis un an je sens
que je n'arrive à rien finalement.
M. BELLEMARE: Vous êtes député du comté de
Papineau?
M. ASSAD: Oui. Je n'ai pas vu que j'avais toutes ces
municipalités-là et je vous assure que c'est un emploi jour et
nuit.
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. ASSAD: Ne serait-il pas nécessaire dans mon cas d'avoir une
division de la carte électorale?
M. BELLEMARE: Ce qui serait peut-être le plus recommandable et qui
viendra, je le pense, ce sera la décentralisation de l'administration.
Quand vous aurez atteint ce stade-là, décentraliser
l'administration pour pouvoir véritablement vous accommoder de faire les
deux, être un législateur et accommoder les gens de votre
comté par des bureaux qui seraient des bureaux
régionalisés de l'administration, vous allez voir que vos
problèmes vont diminuer. Exemple: La commission des accidents de travail
a commencé une décentralisation de son pouvoir administratif. On
est à ouvrir maintenant des bureaux régionaux dans toutes les
régions administratives de la province. Ceux qui sont déjà
en marche nous rapportent des fruits excellents au point de vue administratif,
parce qu'ils déchargent l'administration qu'on avait de la
responsabilité de répondre continuellement à des choses
qui se font régionalement maintenant. Quand les accidentés savent
qu'il y a un bureau
régional dans telle région administrative, ils s'adressent
à ce bureau. Ils ont une réponse tout de suite par Télex.
S'il y a émission d'un chèque ou n'importe quoi, ils le
reçoivent dans un temps plus court. Cela est un problème et je le
dis. Même si on faisait un découpage d'une carte électorale
chez vous, il faudrait faire attention au comté de Hull, votre voisin.
Il faudrait faire attention au comté de Gatineau, votre voisin.
Gatineau, Hull, Papineau, cela fait une espèce de régionale. Mais
est-ce que le comté de Hull n'est pas plus populeux que le
vôtre?
M. ASSAD: Non, parce que j'ai un plus grand nombre
d'électeurs.
M. BELLEMARE: II y a plus d'électeurs dans le comté de
Papineau?
M. ASSAD: Plus de municipalités.
M. BELLEMARE: Plus de municipalités? Le comté de Gatineau
est plus petit dans ce cas-là?
M. ASSAD: Oui, il est plus petit.
M. BELLEMARE: Dans une région particulière, pour ce qui
est des comtés régionaux, je ne sais pas, ce n'est pas une
directive que je donne, que ça soit proportionnel, mieux
redistribué entre les députés régionaux, d'accord.
H n'y a pas lieu qu'on redivise certains comtés régionaux pour en
faire des comtés à proportions tout à fait égales,
mais raisonnables. Ce contre quoi je suis, c'est qu'on dise: Un vote pour un
vote. C'est qu'on prenne un critère absolu et qu'on dise: II y a 75,000.
On divise ça par le nombre d'électeurs, ça fait 75,000. Il
faut qu'il y ait 75,000 dans ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bellemare, vous parliez tout à
l'heure de la décentralisation administrative qui se fait de plus en
plus et qui existe déjà en grande partie chez nous pour
l'ensemble des ministères du gouvernement. Evidemment, les citoyens qui
s'adressent à ces bureaux régionaux n'ont pas à s'adresser
maintenant au bureau central, là où se trouvent les grands
pouvoirs de décision. Prenez le cas de la Commission des accidents du
travail, c'en est un. Mais il ne faut quand même pas penser que, du fait
de l'existence de ces bureaux régionaux, les députés sont
pour autant déchargés...
M. BELLEMARE: Oh! non.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... des tâches qu'ils avaient.
M. BELLEMARE: D'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II se produit exactement ce qui se produisait
au moment où nous devions requérir les services de l'adminis-
tration centrale. Les gens se présentent au bureau du
député, nous établissons le contact avec le bureau
régional et selon la réponse qui est donnée, les gens
reviennent nous voir ou c'est l'inverse. Ils commencent par aller au bureau
régional...
M. BELLEMARE: II y a une proportion qui ne revient pas.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): ... ils reviennent nous voir.
C'est-à-dire que la proportion est à peu près toujours la
même parce que, indépendamment des décisions qu'on prend
par exemple à la Commission des accidents du travail, les gens se disent
toujours: Si le député intervenait, peut-être la
décision pourrait-elle être changée. Ils nous demandent
à ce moment-là de nous adresser encore une fois au bureau
régional et même de nous adresser à l'instance
supérieure, de sorte que la décentralisation administrative,
à toutes fins utiles, ne change rien aux conditions de travail des
députés. On déplace tout simplement le problème. Et
vous le souligniez tout à l'heure avec beaucoup d'à-propos, c'est
que le député est encore et restera à mon sens pendant
longtemps le lien normal entre l'administration et le peuple. Les
députés des circonscriptions rurales ou semi-rurales ont à
cet égard des responsabilités que n'ont pas toujours les
députés des villes. En ce qui me concerne, je représente
ce qu'on appelle maintenant un comté de ville, encore qu'il y ait une
enclave agricole assez importante, mais cela n'a pas allégé pour
autant ma tâche de député, puisque les problèmes
restent diversifiés.
Compte tenu même de l'existence de bureaux régionaux, les
gens ont toujours recours au député comme s'il s'agissait de Dieu
le Père et c'est lui qui fait les relations.
Je revoyais la semaine dernière les statistiques de
l'administration que j'ai faite depuis cinq ans. On reçoit à mon
bureau entre 125 et 150 appels par jour. Je reçois personnellement entre
40 et 60 lettres par jour. Mon secrétaire de comté doit
évidemment établir les contacts, me mettre en contact avec ces
gens-là. Je dois moi-même intervenir auprès de
l'administration, de sorte que ma tâche de législateur devient,
sur le plan pratique, moins important que ma tâche d'administrateur, si
je puis appeler ça comme cela, ma tâche d'agent de relations entre
le gouvernement et les gens qui m'ont élu.
Et c'est comme ça pour l'ensemble des députés. Vous
parliez tout à l'heure de la représentation régionale. Il
n'est pas, je ne crois pas, dans l'intention des membres de cette commission de
créer, par le truchement d'un nouveau mode de scrutin, ou d'un
réaménagement de la carte électorale, des gouvernements
régionaux. Mais, il y a des régions qui ont besoin d'être
représentées de façon plus adéquate, afin de faire
la pondération entre l'influence des grands centres urbains, des grandes
agglomérations et les centres moins importants. Et cela davantage
dans des régions qui sont en voie de développement, comme
l'est la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Lorsque nous parlons d'un scrutin proportionnel, d'une
représentation qui tienne compte de tous ces facteurs-là, nous
nous rendons compte que et je ne veux pas naturellement
interpréter vos opinions vous aviez pris depuis longtemps la
dimension de ce problème. Il y a dans votre esprit cette idée
qu'il faut un équilibre entre une représentation
appelons-la comme ça dite rurale et une représentation
urbaine pour contrebalancer l'influence des grandes agglomérations par
rapport à celles des diverses régions du Québec.
Tout à l'heure, le député de Papineau indiquait
qu'il est dans une région à caractère particulier, que les
problèmes qu'il a à discuter avec ses électeurs sont
très diversifiés. La représentation dans cette
région-là ne peut pas être établie sur les
mêmes bases démographiques que celles que l'on pourrait
établir dans la région de Montréal, où les
problèmes sont moins diversifiés. Si on prend un comté
comme celui de Sainte-Marie ou le comté du premier ministre, il n'y a
quand même pas de problèmes d'agriculture et de colonisation. Or,
dans un comté comme le mien qui est pourtant un comté dit urbain,
j'ai des problèmes d'agriculture et de colonisation. La Voirie,
l'Education, tous les ministères y passent, y compris les Affaires
culturelles.
C'est pour ça que j'écoutais vos propos...
M. BELLEMARE: Messieurs, est-ce que je pourrais vous demander la
permission de me retirer? J'ai un rendez-vous à onze heures avec un
honorable personnage dans le parlement. Je n'aime pas être en retard,
mais si vous aviez, comme disait le gars, fini de vous servir de moi...
M. HARDY: Si vous me permettiez une seule question, M. Bellemare. Je
vais essayer de la formuler très rapidement, de la résumer. Vous
avez, bien sûr, tantôt parlé abondamment de ce rôle de
médiateur du député qui est beaucoup plus
considérable dans les comtés ruraux et veuillez croire que,
malgré votre longue expérience, vous ne m'avez pas tellement
appris de choses...
M. BELLEMARE: Ni scandalisé.
M. HARDY: ... parce que déjà j'ai pu le réaliser
dans le comté que je représente. Mais ne croyez-vous pas que,
même cela admis, à l'heure présente, la région
métropolitaine, entre autres, si on considère le nombre de
députés de la région de Montréal, par rapport
à l'ensemble des députés de la province, nous
apparaît, à première vue, sous-représentée?
Et que cette sous-représentation dans le contexte social actuel est de
nature à aider ou à alimenter les contestations de la rue?
En d'autres termes, les gens habitant la région
métropolitaine, se sentant sous-représentés au Parlement,
se disent qu'ils doivent connaître leur revendication d'une autre
façon. C'est ainsi que vous avez toutes sortes de marches, toutes sortes
de revendications. Je me pose souvent une question devant cet état de
choses; je me demande pour la paix sociale, pour le bon fonctionnement de la
société, s'il ne serait pas préférable que ces gens
qui habitent une région urbaine comme la région de
Montréal, se sentent davantage représentés au Parlement,
pour que, par conséquent les revendications qu'ils font dans la rue
puissent plutôt se faire au Parlement, ce qui assurait une meilleure
stabilité de notre régime démocratique.
M. BELLEMARE: M. Hardy, vous allez peut-être sursauter, mais je ne
partage pas votre opinion. Je ne veux pas paraître un doctrinaire, mais
ayant vécu intensément ces contestations-là parce que j'ai
été ministre du Travail, je pense que même si vous ajoutiez
plus de comtés, vous n'empêcheriez pas ces contestations. Il ne
faut pas oublier que, pendant des années, il y a eu ici une ligne. Cela
a été une ligne traditionnelle, une ligne de vie où tout
le monde vivait son petit bonhomme de chemin sans trop trop percevoir les
perturbations des autres. A un moment donné, dans tous les secteurs, il
s'est fait une espèce de montée en ligne directe de protestations
dans tous les domaines. Il s'est établi, à la suite de ces
protestations, une espèce de ligne d'attente. Cela a été
la ligne traditionnelle de la chaussure, du textile, des mines, de la
construction. Tout ça est resté stationnaire pendant des
années, parce que le mouvement syndicaliste ne fonctionnait pas à
plein. A un moment donné, le mouvement syndicaliste s'est mis à
opérer et il a entraîné dans son évolution normale
une certaine montée de contestation dans tous domaines. Quand nous avons
connu le domaine des mines, de la chaussure, du textile, de l'acier, des
communications, du fonctionnarisme, cela n'existait pas, ça.
A un moment donné, cette flèche-là s'est faite et
ils sont venus sur une espèce de plan stabilisateur pour connaître
maintenant, dans plusieurs domaines, la ligne raisonnable qui se situe à
peu près ici.
Après qu'on a connu la ligne traditionnelle de la vie ordinaire,
on a connu cette ligne montante de la contestation et on est arrivé
à un palier assez haut. On voulait atteindre ce palier. Quand on l'a eu
atteint, on s'est fait des raisons, patrons, syndicalistes et les autres, ceux
qui sont obligés de vivre surtout en communauté de pensée
pour produire quelque chose ou offrir des services. On en est venu alors
à une ligne d'entente qui est beaucoup meilleure et qui est beaucoup
plus raisonnable pour tout le monde.
C'est ce qu'on appelle l'évolution normale d'un peuple pendant 30
ans. On ne change pas cela en ayant des députés de plus ou de
moins.
M. BOSSE: Vous attribuez exclusivement dans votre démonstration
linéaire...
M. BELLEMARE: Ecoutez bien, ce n'est pas breveté ça, cela
vient seulement de ma tête.
M. BOSSE: Vous attribuez quand même la contestation uniquement
à l'action syndicale.
M. BELLEMARE: Non, non. Elle vient de la partie syndicale, et elle vient
aussi, elle peut venir de toute autre association. Elle peut être
dénoyautée par toutes sortes d'autres raisons, politiques ou
autres.
En général, quand vous voyez une ligne traditionnelle
s'établir, et qu'on sort de cette ligne traditionnelle, on est
perturbé dans ses idées, on est perturbé dans sa vie. Tout
le monde a senti une friction. Et surtout, cette friction-là
s'était faite à tous les échelons, dans l'Eglise
même.
M. BOSSE: Parce que depuis...
M. BELLEMARE: Dans l'Eglise, il n'y a pas de syndicats. Bien oui, les
curés sont syndiqués.
M. BOSSE: Depuis au moins trois ou quatre ans, la contestation n'origine
surtout pas du mouvement syndical. Il y a quelque cinq ans...
M. BELLEMARE: Je voudrais que vous compreniez bien. J'ai pris ça
pour démontrer que, quand on aura plus de députés ou moins
de députés, c'est la synthèse de l'évolution d'un
peuple qui se fait pendant trente ans, et à cause de contestations qui
peuvent venir de milieux syndicaux, de milieux sociaux, de milieux politiques,
il se fait une évolution. Mais rendu à ce stade-là, on se
fait une espèce de raison de vivre, d'entente entre les partis ou entre
les individus, pour établir une vie raisonnablement meilleure,
améliorée, et qui prévaut aujourd'hui. Des contestations,
savez-vous qu'il en existait du temps de notre grand-père Adam et du
temps de Moïse? Quand Moise, du mont, en haut, avec ses plaques pas
le mont Orford est arrivé en bas dans la plaine, il y avait une
drôle de contestation, vous savez, contre lui!
UNE VOIX: Au mont Sinai".
M. BELLEMARE: Le mont Sinai'.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils ne demandaient pas des salaires, ils
voulaient des petits oignons d'Egypte.
M. BOSSE: En ce qui a trait par exemple à l'opinion du
confrère de Terrebonne, moi aussi, je me demande si cette
théorie, que vous avez exposée tout à l'heure, du
député rural qui lui est proche de ses commettants, pourquoi ne
serait-elle pas vraie dans les milieux urbains? Et je prends à titre
d'exemple ce besoin des populations, des individus et des collectivités
de rencontrer le gouvernement sous sa forme la plus humaine, à savoir le
député.
M. BELLEMARE: Si vous êtes capable de me le prouver, mon cher, je
suis bien prêt à changer d'avis, parce que je suis un homme assez
souple. Si vous êtes capable de me prouver qu'à Paris, par
exemple, à Londres, à Munich ou à Berlin, ou bien dans
toutes les grandes capitales du monde, la proportion des députés
élus est différente de celle des autres comtés, je suis
prêt à me rendre à votre avis. Mais quand vous aurez fait
cette petite étude qui est contenue dans des statistiques qui sont
faciles à obtenir auprès du gouvernement du Canada, vous allez
vous apercevoir que, dans ces statistiques-là, la proportion qui est
accordée pour faire la délimitation des cartes électorales
est toujours plus considérable dans une ville, dans une grande capitale
que dans une partie rurale.
M. BOSSE: Mais dois-je vous rappeler aussi que dans ces villes, il y a
des Londonderry, etc. Il y a le phénomène de la communication,
par exemple, du député qui aurait peut-être des populations
moins nombreuses et qui pourrait les rencontrer. Evidemment, je serai d'accord
avec vous pour dire que les mécanismes de communication avec ces groupes
peuvent différer. Et je prends, à titre d'exemple, cette
rencontre avec les chauffeurs de taxi qui n'est qu'une rencontre avec un
représentant du gouvernement, avec le gouvernement qui descend dans la
rue, qui vient les voir. C'est simple en soi, c'est banal, mais pourquoi ne
serait-ce pas vrai, par exemple, avec les comités de citoyens? Les
populations sont en train d'établir des moyens de communication. Il
appartiendrait peut-être, à ce moment-ci, de faire ce retour
à une forme de communication gouvernementale beaucoup plus humaine. A
mon avis, peut-être qu'on est tombé je suis peut-être
un peu d'accord avec vous dans la mentalité à savoir qu'on
a peut-être exagéré un peu l'utilisation de la
technocratie.
M. BELLEMARE: Non, vous vivez un peu dans une ville, dans une capitale
nécessairement, pas une capitale, mais une métropole, qui a des
problèmes bien divers, bien différents. Est-ce que, par exemple,
comme on fait dans nos comtés Vuraux, vous faites ces réunions de
comté de temps en temps? Les gens viennent dans nos comtés par
200, 300...
M. BOSSE: Ça roule.
M. BELLEMARE: Ecoutez bien. Dans nos comtés, quand on fait une
réunion de comté, nous avons 400 à 500 personnes. Dans la
ville de Montréal, quand vous en ferez, je ne sais pas combien vous
pouvez avoir de personnes.
M. BOSSE: Je dis que les mécanismes de
communication sont différents. Il y a des groupes
d'intérêt qui participent. Il appartient maintenant à la
députation nouvelle ère d'établir ces moyens de
communication, de savoir évidemment, si elle est inspirée pour la
politique, s'il y a là cette espèce de vocation dont vous avez
parlé.
M. BELLEMARE : Nous reprendrons cela tous les deux.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, je serai très bref, d'abord pour
remercier M. Bellemare d'être venu ici nous donner son expérience
vécue. Vous savez tous, messieurs les membres de la commission, que M.
Bellemare accuse déjà un retard de 25 minutes.
M. BELLEMARE : J'espère que celui qui va me recevoir va
comprendre cela.
M. LE PRESIDENT: ...En votre nom à tous, je désire le
remercier encore une fois et l'inviter à revenir nous voir, lorsque
l'occasion se présentera.
M. BELLEMARE : Ce sera pour moi un grand plaisir.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. BOSSE: Une question auparavant, M. le Président, au
député de Chicoutimi, s'il veut bien répondre,
évidemment, afin de m'éclairer sur certaines des statistiques
qu'il a énoncées.
Tout à l'heure, il a parlé de 100 à 125 appels
téléphoniques par jour. Serait-il possible de savoir si c'est de
façon régulière ou si c'est sporatique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le député, c'est
régulier...
M. BOSSE : Cela cinq jours par semaine.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand je ne suis pas dans le comté,
bien entendu, les gens communiquent avec le secrétaire de comté.
Nous prenons note, depuis cinq ans, de tous les appels, de toutes les heures
des appels et de l'objet des appels téléphoniques que nous
recevons. Par ailleurs, le courrier est là. Je le vois moi-même,
les secrétaires le voient d'abord, je le vois moi-même, je
réponds moi-même à toute lettre. Il ne s'agit donc pas d'un
phénomène intermittent, c'est un phénomène
régulier, et cela depuis cinq ans que je suis député de
Chicoutimi et cela pendant les quatre années au cours desquelles j'ai
été député de Roberval. Maintenant, pour revenir
à ce que vous disiez tout à l'heure, M. Bossé, vous
parliez de la représentation de Montréal, par exemple, des
grandes agglomérations, et vous disiez que les phénomènes
de contestation étaient en grande partie attribuables au fait et
M. Hardy aussi le disait, je crois qu'il y a une sorte de
sous-représentation dans la région de Montréal. Il est
bien entendu qu'en ce qui me concerne, je n'ai aucune sorte d'objection
à ce que l'on accroisse la représentation dans les grandes
agglomérations afin d'établir un juste équilibre entre le
nombre d'électeurs et la tâche qu'a à accomplir le
député. Je ne suis toutefois pas de votre avis lorsque vous dites
que le phénomène de contestation viendrait, du moins en grande
partie, du fait qu'il n'y a pas assez de députés dans la
région de Montréal.
M. BOSSE: Pas exclusivement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai bien dit en partie. Le
phénomène de contestation bien des sociologues,
psychologues, etc. l'ont analysé, c'est un
phénomène international et c'est ici comme ailleurs un
phénomène de mécontentement.
Vous savez, lorsqu'on fait de la contestation pour une raison ou pour
une autre, on ne s'en prend pas nécessairement au député
comme tel ou on n'allègue pas la raison qu'on est mal
représenté. On a bien d'autres motifs de le faire. Ce qui devra
nous inciter à réfléchir, lorsqu'on parle de la
contestation en fonction de la représentation dans les grandes
agglomérations, c'est que, la plupart du temps, cette contestation prend
la forme suivante d'un refus total de l'autorité incarnée par qui
que ce soit. Soit au palier des commissions scolaires, à celui des
municipalités comme à celui du gouvernement.
On a très peu souci de la personne qui est là et qui
représente l'autorité. Ces représentants de
l'autorité, en ce qui concerne le gouvernement, fussent-ils beaucoup
plus nombreux, cela ne changera absolument rien au problème. Toutefois,
il me paraît important que l'on accroisse, dans une proportion
raisonnable, le nombre de députés dans les agglomérations
urbaines afin d'enlever, à ceux qui invoqueraient cette raison, cet
argument qu'ils sont mal représentés ou insuffisamment
représentés sur le plan numérique. Toute cette question
suppose que l'on revoit l'ensemble du problème et que l'on
établisse, comme je l'indiquais tout à l'heure, une
pondération très équitable entre la représentation
des grandes agglomérations et celle des régions dites rurales
où la population est moins importante, mais où lés
problèmes se manifestent dans tous les secteurs de l'activité
sociale, économique, éducative, etc, de façon plus
aiguë du fait que ces régions sont en voie de développement
ou sont considérées comme des régions
défavorisées.
Je n'établis pas, du moins en grande partie, de relation directe
entre le phénomène de la contestation, pris dans son ensemble, et
celui de ce que vous appelez la sous-représentation.
Et la meilleure preuve de cela, c'est le mépris souverain qu'ont
un grand nombre de groupes contestataires de l'autorité sous toutes
ses
formes. Et fussions-nous 500 députés à
l'Assemblée nationale, nous n'aurions pas empêché les
phénomènes de contestation. Nous n'aurions été,
à leurs yeux, que les boucs émissaires qu'ils ont fait de tous
ceux qui représentaient l'autorité.
M. BOSSE: Je pense, par exemple, que ces groupes de contestataires qui
ont un mépris souverain sont quand même dominés par un
nombre extrêmement limité de dirigeants qui, eux, sont ce qu'on
peut qualifier, selon les circonstances, d'agitateurs, selon que les motifs de
contestation sont bien fondés ou non, d'une part. Je n'ai pas voulu
attribuer, cependant, que le fait de multiplier le nombre des
députés dans la région, ou d'établir une
répartition plus adéquate de la députation dans des grands
centres urbains, soit de nature à corriger toute la contestation de
notre société. Je suis bien d'accord. J'ai voulu exprimer tout
simplement une expérience...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'ai bien compris.
M. BOSSE: ... à savoir que la population souffre de l'absence de
ces rencontres humaines avec ceux qui forment le gouvernement. Vos remarques
étaient sûrement très pertinentes. Elles ne m'ont cependant
pas fait oublier l'objet de ma question, à savoir que j'ai établi
ma statistique et vous recevez, durant une année, au moins 10,000
lettres et 25,000 appels téléphoniques.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est aussi tragique que cela !
M. BIENVENUE: J'ai dit oui parce que...
M. BLANK: D'après mon expérience, quand j'ai
siégé ici pour la première fois, en 1960, j'ai
occupé la banquette voisine de celle du député de Matane
à l'époque, M. Castonguay, et...
UNE VOIX: II en est mort!
M. BLANK: II en est mort! Lui, il recevait environ 100 à 150
lettres par jour tandis que moi je n'en recevais que trois ou quatre par
semaine. Je lui prêtais les services de ma secrétaire pour lui
permettre de répondre à toutes ces lettres parce qu'il lui
était impossible de mettre à jour toute sa correspondance. Nous
occupions les banquettes voisines. La même situation s'est
répétée lorsque j'occupais la banquette voisine de celle
du député de Saguenay, M. Bélanger. C'était
exactement la même chose. Pour lui, peut-être un peu moins, soit 75
à 80 lettres. Mais à Matane c'était 100 à 150
lettres par jour.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. Bossé, je vais vous donner
simplement un petit détail...
M. BOSSE: L'objet de mon insistance est précisément de
faire réaliser, peut-être, au public, la somme de travail qui
échoit à un député...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais vous donner un petit détail en
passant.
Quand j'ai fait la campagne électorale de 1970, je faisais
observer aux journalistes qui étaient venus me rencontrer à mon
bureau pour une conférence de presse et je leur montrais les
dossiers dans tous les classeurs que j'avais au-delà de 6,500
dossiers ouverts, y compris évidemment les dossiers classés. Pour
quelle raison cela? Evidemment, on n'ouvre pas toujours un dossier lorsqu'on
reçoit un appel téléphonique. Ce sont des choses, parfois,
qu'on règle par téléphone. Mais pour que le citoyen se
rende bien compte que le secrétaire qui est là et qui nous
remplace a fait le message, immédiatement après que l'appel
téléphonique a été reçu, le
secrétaire écrit en disant: Suite à votre appel
téléphonique, j'ai communiqué, etc., etc. Alors à
ce moment-là, s'il s'agit d'une question d'assistance sociale, on envoie
une lettre à la personne pour lui dire qu'on s'occupe de son cas. On
envoie une lettre au bureau régional ou au bureau central ici pour lui
soumettre le cas. On reçoit les réponses. On recommunique avec la
personne pour lui envoyer copie des réponses. Quelquefois, le cas est
embrouillé, difficile. Il y a refus ou il y a demande de renseignements
additionnels. Parfois, pour un seul appel téléphonique, ça
exige une dizaine de lettres et ça, c'est quotidien.
M. BOSSE: Je ne veux pas être méchant, mais est-ce que vos
statistiques je ne veux pas manquer de respect à la langue
française ça comprend le "rush" des Fêtes aussi,
pour les cartes de Noël?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non. Nous ne faisons absolument pas
intervenir cette sorte de flux massif qui se produit à l'occasion des
Fêtes où on échange des voeux. Cela est mis à part.
On considère ça comme une chose absolument personnelle et je ne
fais pas entrer en ligne de compte non plus la correspondance strictement
personnelle, des gens qui m'écrivent pour me dire que je suis beau et
que je suis fin...
M. BOSSE: Cela, vous le savez.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ou ceux qui m'écrivent pour me dire
le contraire.
M. BIENVENUE: Vos soupirantes sont incluses, aussi?
M. HARDY: Et ceux qui vous écrivent pour vous dire que vous
êtes méchant à l'endroit du président des
comités pléniers.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai jamais
eu de lettre dans ce sens-là, M. le Président. J'ai eu des
félicitations.
M. HARDY: M. le Président, j'aurais un petit mot à
ajouter. Je ne veux pas prolonger ce débat-là parce qu'en fait on
s'écarte un peu de l'objet même. Mais je continue à
maintenir ceci. Bien sûr, tout ce volume dont fait mention le
député de Chicoutimi, dont parle le député de
Matane, il est exact, c'est évident que dans des comtés ruraux,
nous recevons et moi je suis bien prêt, je ne mets pas en doute du
tout les statistiques du député de Chicoutimi ou du
député de Matane, me fondant sur mes propres statistiques qui
sont étrangement semblables à celles qui ont été
évoquées mais ça, c'est un problème.
M. BOSSE: C'est l'inverse, je voulais les mettre en valeur.
M. HARDY: Je sais, je savais votre...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez bien réussi.
M. HARDY: ... mais cela, c'est un problème. Sur l'autre
problème, je diffère d'opinion avec le député de
Chicoutimi en ce qui a trait à la contestation. Bien sûr, il y a
des contestataires professionnels, des gens qui seront toujours contre
l'autorité quelle qu'elle soit, en commençant par
l'autorité du bedeau en allant jusqu'à l'autorité du pape,
en passant par l'autorité des ministres...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les enfants de Marie.
M. HARDY: ... et il y a certains députés même qui
sont presque des contestataires de l'autorité présidentielle.
M. PAUL: Pas de l'autorité, du personnage.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Je me sens visé.
M. HARDY: Mais ceci admis, je pense qu'il y a quand même cette
réalité que, si nous voulons que le Parlement continue à
être un instrument valable de démocratie, si nous voulons qu'une
partie de la contestation se fasse par le truchement du Parlement et je
pense qu'il y a une partie de la contestation qui peut se faire par le
truchement du Parlement et là je pense non pas aux contestataires
professionnels, mais à ceux qui veulent un changement sur le plan
social, sur le plan économique, sur différents plans...
Je dis que si nous voulons que le Parlement soit vraiment un instrument
crédible aux yeux de cette partie des contestataires qui veulent des
changements normaux, il faut que le Parlement soit plus représentatif.
Ce que j'ai en tête, actuellement, c'est cette trop grande
différence qui existe présentement entre la représentation
urbaine et la représentation rurale. Et je continue à
prétendre que, si le Parlement ou si les régions urbaines
étaient mieux représentées au Parlement, ceci
n'enlèverait pas complètement la contestation, mais aurait pour
résultante de l'amenuiser, de la diminuer. Mon collègue
Bossé faisait allusion tantôt aux comités de citoyens.
Il Va falloir que les députés urbains et ça
dépend d'une part de leur disponibilité personnelle, ça
dépend aussi de la dimension de leur comté soient en
mesure d'être, au Parlement, les porte-parole de ces nouveaux groupes que
sont les comités de citoyens ou d'autres organismes, sinon nous allons
avoir un Parlement en dehors du Parlement. Nous allons avoir un Parlement
parallèle et, à ce moment-là, je pense que pour la survie
même du Parlement ou pour le bon fonctionnement de la démocratie
cela est malsain.
Je retiens, pour ma part, qu'il faut d'une part assurer aux
régions rurales une situation particulière à cause de ce
rôle de médiateur du député qui est
différent.
A cause de la difficulté que les ruraux ont de se faire entendre
une plus grande difficulté que les urbains, c'est classique
mais il faut également corriger la sous-représentation des
régions urbaines. Je pense en particulier, non pas seulement à
l'île de Montréal, mais à l'ensemble de la région
métropolitaine, ce qui comprend l'île de Montréal et la
banlieue, qui actuellement, est sous-représentée. Je continue
à prétendre que c'est un des facteurs. Je ne veux pas être
absolu, il n'y a pas d'absolutisme dans ce domaine-là, mais je pense que
c'est un des facteurs qui rendent aux yeux de certains groupes le Parlement
moins crédible, le Parlement n'étant pas l'instrument qu'il
devrait être, ce qui occasionne, pour une certaine part, cette opposition
qui s'exprime en dehors du Parlement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Hardy, justement, les raisons que vous
invoquez pour demander qu'on accroisse la représentation urbaine pour
permettre de s'exprimer à ces comités de citoyens, à tous
ces groupes de représentation, ces groupes représentatifs, elles
valent de la même façon pour les régions rurales, parce que
la contestation n'est pas un phénomène qui est circonscrit aux
villes. La contestation s'exprime de la même façon dans nos
régions. Chez nous, en plus de la tâche d'administrateur, si vous
voulez, en plus de cette tâche de lien entre le gouvernement et le peuple
que nous avons, nous avons en même temps à nous occuper nous aussi
des problèmes de contestation. Les gens, à ce moment-là,
nous voyant pris comme nous le sommes, ont moins de chance de nous rejoindre
qu'ils ne l'avaient dans le passé.
Par conséquent, il y a toujours le problème d'un
équilibre à établir, parce que les problèmes
qui se Manifestent dans la ville sous forme de contestation, ils se
manifestent également dans nos régions. Comme les
députés des régions rurales sont très
occupés, il est important de revoir le problème pour se demander
si la représentation rurale non seulement devrait être maintenue
au niveau où elle se trouve actuellement, mais ne devrait pas être
accrue. Il est important de se demander si un certain nombre de
députés, comme on l'indiquait lorsqu'on a formulé des
propositions de représentation 90 députés
élus de telle façon ou 30 autres d'une autre façon
si ces nouveaux députés, dis-je n'auraient justement pas comme
fonction d'être ces agents de liaison qui permettent aux groupes
représentatifs de s'exprimer et de contacter le gouvernement sur le plan
des relations humaines.
M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je pense, messieurs,
qu'il serait dans l'ordre de demander l'opinion de notre invité sur
cette question de la représentation dans les comtés ruraux et les
comtés urbains.
M. O'REILLY: Je dis que j'étais présent aux caucus qu'on
avait dans le temps où j'étais député...
M. HARDY: Mais vous le livrez pas de secrets.
M. O'REILLY: Non, je n'en dévoile pas, mais je vous donne mon
opinion. Voici mon opinion personnelle: le député n'a pas assez
de privilèges, pas assez d'autorité. Parce qu'un
député est élu, les gens lui apportent tous leurs
problèmes. Quoi que ce soit, ennuis dans la famille, maladie, les fonds
de pension, c'est le député qui s'en occupe du lundi au dimanche.
C'est ce que j'ai mentionné au début de mes remarques ce matin.
Si vous avez un commerce, vous ne travaillez pas seize, 18 ou 20 heures par
jour, vous ne faites pas ça. Mais lorsqu'on entre en politique, c'est
comme un cheval de course, parfois il n'a pas de jambe, mais c'est un cheval de
course. Quand le klaxon se fait entendre, il faut être prêt
à faire son devoir. Je pense qu'il commence à être temps
que le parti au pouvoir, quel qu'il soit, reconnaisse le député
dans le comté parce que le député d'un comté est
plus proche que le gouvernement actuel. Le' représentant du gouvernement
actuel, c'est le député. Si il y a des problèmes, c'est
parce que le député, comme le leader l'a mentionné, et les
hommes dans l'Opposition sont semblables. Vous avez un devoir à remplir.
Quelqu'un qui est malade vient vous voir, vous êtes toujours à
confesser les problèmes qu'il a. Cela est normal. Pour être en
politique aujourd'hui, il faut travailler de seize à vingt heures par
jour.
M. LE PRESIDENT: Je pense que les membres de la commission seraient
peut-être intéressés à avoir l'opinion d'un ministre
par exem- ple. On parle toujours du député, est-ce que ça
comprend aussi les ministres?
M. O'REILLY: M. le Président, les ministres présents.
M. HARDY: M. le Président, avant que l'honorable ministre d'Etat
aux finances exprime son opinion, j'aimerais quand même que M. O'Reilly
poursuive. Il nous a mentionné combien le travail du
député était important. Mais j'aimerais qu'il nous donne
son opinion. Est-ce qu'il considère actuellement que, dans l'ensemble de
la province, si on considère les 108 députés, que la
région métropolitaine est suffisamment représentée?
Est-ce qu'il y a un assez bon équilibre ou si il ne devrait pas y avoir
une augmentation de la représentation de la grande région
métropolitaine?
J'inclus la rive sud et la rive nord, j'inclus même... Je
considère même que le comté de Terrebonne, pour une grande
partie, fait partie de la région métropolitaine. Est-ce que vous
considérez qu'à l'heure présente la région
métropolitaine de Montréal est suffisamment
représentée par rapport à l'ensemble de la province?
M. O'REILLY: M. le Président, en réponse à monsieur
le leader, ça change beaucoup à Montréal, dans le moment.
Il y a des "high-rise" je ne sais pas s'il y a une expression en
français mais les appartements se construisent. Vous remarquez
qu'un comté comme l'ancien comté de Sainte-Anne qui avait, 16,000
électeurs, aux prochaines élections, avec les grosses
conciergeries aux alentours, cela va changer beaucoup. Je crois qu'à
Pointe-Claire, ce sera semblable. Il y a d'autres comtés, au point de
vue de la construction, comme le comté de Brome, dans les Cantons de
l'Est, il y a d'autres comtés de l'est de Québec qui sont
semblables.
Il y a des problèmes. Je crois que, lorsque vous parlez de
représentation, si vous mentionnez le nombre d'électeurs qu'un
député aimerait mieux avoir le député de
Papineau a mentionné le nombre de 75,000 le devoir d'un
député est très difficile à remplir. Tout le monde
ne vous connaît pas. Je donne un exemple. Hier, j'étais dans un
magasin à Verdun, une dame est entrée et a dit: Cela commence
à être le temps que vous bouchiez les trous dans les rues, M. le
maire. Je ne suis plus maire depuis 1966, et je me promène dans les rues
et dans les magasins, tout le temps. Vous remarquez que cette dame d'expression
anglaise: "Get off your button, block the holes". Je lui ai répondu:
"Telephone your mayor". Elle va y penser seulement après coup. Je ne
suis plus maire depuis 1966.
M. HARDY: Vous avez été un si bon maire qu'elle croit que
vous êtes encore là.
M. O'REILLY: Quand vous faites le travail comme il faut, il faut
commencer de bonne heure le matin et finir tard le soir. Vous ne travaillez pas
pour l'éloge. En politique, vous ne pouvez pas travailler pour les
éloges. Le temps ne vous appartient pas, vous n'avez pas cinq minutes
à vous-même. Ne pensez pas aller à votre maison et ne pas
avoir de visiteur. Vous avez quelqu'un à la porte et quand vous allez
dfner ou souper, c'est pas mal froid. Cela prend une ou deux heures et bien de
la patience. Remarquez que vous avez beaucoup de patience avec moi, ce matin.
Quant à cela, je crois que pour augmenter le nombre de
députés, si vous pensez que cela va départager les devoirs
pour d'autres, équilibrer les représentations, si on fait le
même travail, cela va nous obliger à faire appel au ministre des
Finances pour trouver les fonds nécessaires pour le faire partout.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait entendre les commentaires du
ministre?
M. BIENVENUE: M. le Président, je vois difficilement comment on
pourrait accroître le nombre de députés des milieux urbains
et je n'ai pas fini ma phrase au détriment des
comtés ruraux, c'est-à-dire par un jeu de balance, diminuer le
nombre de la représentation des comtés ruraux. J'abonde dans le
sens des remarques du député de Chicoutimi. Le
député de Chicoutimi donnait des exemples. On pourrait en parler
longuement des exemples du travail du député rural, de tout ce
pourquoi on nous consulte. J'ai à l'esprit des cas assez surprenants,
tels ces bonhommes qui m'ont consulté sur le choix d'une future
épouse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Moi aussi, pourtant je suis
célibataire!
M. BIENVENUE: Le député de Chicoutimi... Moi,
j'étais impartial. Des inscriptions, cela peut paraître amusant,
mais un type me donnait la descriptions de la femme idéale qu'il
recherchait et il me disait qu'elle devrait être bien "viandue", etc. Ou
encore, tout récemment, une mère de famille me consultait pour
avoir un remède pour guérir l'exzéma de son enfant. Cela
peut paraître surprenant, mais c'est le genre de chose qui nous est
demandé. Il y a en plus de cela le phénomène
géographique. Si pour tel comté prenons le mien, celui de
Matane où il y a 25,000 électeurs si on voulait l'agrandir
parce qu'on veut augmenter le nombre d'électeurs pour compenser pour un
comté de ville où on veut diminuer le nombre d'électeurs,
j'aurais 150 ou 200 milles à parcourir en automobile pour aller d'un
bout de mon comté à l'autre. Mon comté mesure 100 milles
par 30 milles. C'est tout un territoire. Ceux qui font du porte à porte
et j'en ai fait le savent. Le problème de concentration de
la population entre en ligne de compte.
Je vois, comme M. Bellemare le disait, certains cas où l'on
pourrait faire un ajustement entre deux comtés ruraux voisins sans que
cela ait des répercussions sur le plan économique ou sur le
plan... Allez-y, M. Paul.
M. PAUL: Le ministre pourrait-il nous dire comme de raison je ne
veux pas l'engager, sa réponse serait sans préjudice et sans
solidarité ministérielle s'il a retenu une suggestion qui,
pour ma part, m'a grandement frappé. Elle venait de notre
président de ce matin, le député d'Olier, lorsqu'il nous a
suggéré de tenir compte si possible des régions dans la
redistribution de la carte électorale.
M. BIENVENUE: Oui, et c'est ce que je m'apprêtais à dire:
Le problème régional ou l'économie régionale entre
en ligne de compte. Vous aurez deux comtés voisins qui seront tous deux
agricoles. Par conséquent, la préoccupation première est
le problème agricole. Il est plus facile de voir, je vois plus
facilement le rajustement de deux comtés agricoles que de deux
comtés ruraux dont l'un serait agricole et l'autre complètement
différent, où l'économie principale, la discipline
principale est tout à fait différente. Cette suggestion me
frappe. Pour ce qui est des comtés urbains, je ne veux pas
revenir sur tout ce qui s'est dit il est évident que, là
aussi, dans ma modeste optique, il y a un rajustement à faire. Mais,
même si ça peut surprendre un peu et tenant compte du facteur
travail du député ou des obligations du député,
sans être un expert sur la question de l'île de Montréal, je
vois certains comtés je pense à l'ouest en particulier
plus avantagés sur le plan économique, je vois les
problèmes différents suivant les coins de l'île de
Montréal.
Je conçois beaucoup plus facilement certains comtés de
l'est, où il y aurait avantage à accroître la
représentation je songe surtout en ce moment au travail et aux
responsabilités du député par opposition à
certains comtés plus fortunés. Le fait qu'on coupe pour mettre
deux ou trois députés je pense à Westmount
je ne vois pas que la nécessité en soit aussi forte dans ces cas
que dans d'autres comtés où il y a finalement plus de
problèmes, où la population est plus dense et où le
député a énormément à faire. Non, je ne
recherche aucun applaudissement en disant cela et ce n'est pas l'endroit non
plus. Je ne veux pas généraliser, je ne parle pas de tous les
comtés de l'île de Montréal, mais il peut se faire, si on
s'arrête à l'argument du travail et des responsabilités du
député, que ce soit plus impératif ou plus urgent dans
certains coins que dans d'autres. Je n'ai évidemment parlé qu'en
mon nom personnel et je n'énumère pas toutes les réserves
qui me viennent à l'esprit au moment où je dis cela.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorion.
M. BOSSE: Je voudrais revenir sur les savants propos de mon
confrère de Chicoutimi. Il
parlait tout à l'heure aussi de l'existence de la contestation
dans les comtés ruraux, ce qui n'est pas, en fait, contesté de
notre part.
Qu'il y ait de la contestation ou des groupes de contestation,
présentement, dans les milieux ruraux, cela demeure une
réalité qui n'est pas ignorée de notre part. Cependant, il
y a une distinction à faire entre les groupes contestataires comme tels.
Ils sont facilement identifiés dans les milieux ruraux alors que, dans
les milieux urbains, ces types de contestation ou ces groupes de contestation
sont assez fréquemment anonymes ou si divers qu'ils sont plus
difficilement décelables. C'est pourquoi je crois que l'augmentation du
nombre des députés, d'une part dans les milieux urbains, dans mon
esprit en tout cas et je pense bien dans l'esprit du
député de Terrebonne n'est pas dans le but de le faire au
détriment des ruraux. Il semblerait ici qu'une nécessité
plutôt d'augmenter le nombre des députés, de plus en plus
s'impose. En terminant, je ne verrais pas d'inconvénient à ce
qu'on augmente le nombre de députés dans le milieux urbains
plutôt que d'engager de nouveaux animateurs sociaux qui, à mon
avis, sont fréquemment à l'origine même des troubles
sociaux. Je ne généralise pas ici évidemment, mais je
crois que fréquemment, lorsque nous puisons à la source, nous
constatons que ce sont les résultats de certains éveils faits
avec trop d'enthousiasme. Les députés nouveaux ou l'addition d'un
nombre de députés dans certaines régions urbaines aurait
peut-être pour effet de permettre cette espèce de communication
qui semble être un phénomène nouveau de notre
société.
M. LE PRESIDENT: Le député de Brome.
MR. BROWN: Mr. Chairman, we have Mr. O'Reilly here from the city and I
do not think it is fair for him to be an expert on the country. I think we have
Mr. Bellemare here to represent them. I would like to hear if what he feels
should be done in the city ridings. Should there be more counties in the city
or less counties, or what should be the representation, from his
experience?
MR. O'REILLY: The county of Verdun is a very small area, but it has
60,000 electors and it is building, they are mushrooming up. I suppose that in
time you would have to have more representation because, I do not know, you,
gentlemen, would know just what your intentions are, whether you are going to
cut it down to 50,000 or some areas are going to be pretty large.
I recall, in instance, you mentioned a country area where one of the
representation, it was in the Duplessis area, they had to get an airplane
during the election time to fly on to meet these people. So, the problems that
we have in the city, you would not have them in the country. You can get an
automobile or a bus and stay in your own county, whereas the people in the
country would have this problem of being confronted with problems we are not
confronted with.
You have one of the members mentioned it colonization,
agriculture, we do not have these problems. But you do have pension problems,
people are sick, old age, we have other problems. But the idea is now that
everything is mushrooming up to high-rise apartments. Now, if you are going to
build apartments where they are going to have 400 or 500, you take Nun's
Island, there is over 4,000 people there now.
Now to give you an idea of what the county of Verdun is going to be, it
is going to be around 70,000 or more. Lasalle is another area, mayor
Séguin's Pointe-Claire will be similar too. The high rise in that county
is over 100,700. In Laval, you will have to cut in that too. In some areas, I
think it is justified. In other areas, I think it is going to deserve a lot of
study.
MR. BOSSE: Depending on the amount of the population or in regard with
problems involved?
MR. O'REILLY: No, in regard of the population. You are going to have the
same problems.
MR. BOSSE: Is that the only factor?
MR. O'REILLY: No, I said population wise...
MR. BOSSE: You attach no importance to the problems.
MR. O'REILLY: You are going to be faced with the same problems :
welfare, pensions, old age, and things like that, social...
MR. BOSSE: As the minister stated a few minutes ago, in some areas in
the City of Montreal, like in the eastern area, problems are different as these
in Westmount, where there is no financial problem at least.
MR. O'REILLY: Very much so. I agree with that.
M. LE PRESIDENT (Picard): M. O'Reilly, au nom de tous les membres de la
commission, je désire vous remercier pour la contribution que vous avez
apportée à nos discussions au sujet de la réforme
électorale dans la province. Avant d'ajourner la séance,
j'aimerais demander au...
M. O'REILLY: Pouvez-vous me donner la parole avant? J'aimerais je
l'ai mentionné à M. Brown qui me demandait mon adresse que
la contribution donnée par le gouvernement soit versée à
un fonds choisi par vous. Le comté
de Jonquière, je pense, est le comté du ministre du Revenu
et c'est le comté touché par le désastre.
Si on peut trouver une manière d'aider ces personnes je
sais que le gouvernement va le faire en faisant un don personnel qui
irait peut-être dans un fonds spécial. Devant un désastre
comme ça, j'aimerais donner cela à mon nom. Je serai d'accord sur
ce que décidera le président.
M. BOSSE: Félicitations pour ce geste, M. O'Reilly.
M. LE PRESIDENT: Je veux remercier M. O'Reilly pour ce geste.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Thank you very much, Mr. O'Reilly, for your
generosity.
MR. O'REILLY: I apologize that my French is not a little better but, I
was not prepared for this morning, believe me. Je n'étais pas
préparé pour faire ce que j'ai fait ce matin. J'aurais
peut-être mieux préparé mes affaires. Mais, j'ai fait de
mon mieux.
MR. BOSSE: You have respected the priority of French.
M. LE PRESIDENT: M. O'Reilly, il reste tout de même que tous les
membres de la commission ont apprécié vos commentaires et qu'ils
sauront en tirer profit. Maintenant, avant d'ajourner la séance,
j'aimerais demander au porte-parole du parti ministériel de nous dire
quel sera l'ordre du jour pour la prochaine réunion.
M. HARDY: D'abord, M. le Président, au nom du parti
ministériel, je voudrais nous excuser auprès de M. O'Reilly.
Apparemment, il y a eu certaines difficultés techniques. Je voudrais
m'excuser auprès de lui pour le peu de temps qu'il a eu à sa
disposition. Malgré cela, je suis convaincu que son témoignage,
de même que celui de M. Bellemare, ont été très
enrichissants pour les membres de la commission. Je veux le remercier. Je veux
également le remercier pour le geste très humanitaire qu'il pose
en voulant que les indemnités qui lui étaient accordées
soient remises à un fonds spécial.
Quant à la séance de la semaine prochaine, il y a trois
noms possibles pour les témoins. Ce sera, si cela convient aux membres
de la commission, l'un des trois suivant leur disponibilité. Il y a le
professeur Gilles Lalande, dont j'avais déjà parlé, qui
pourrait être entendu. Il y a également le professeur André
Bernard et il y a le professeur John Meisel, de l'université Queen's
qui, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, à peu près une
réputation équivalente, comme politicologue sur le plan
international, à celle du professeur Jean Meynaud. M. Meisel est un
Tchèque d'origine qui a enseigné dans plusieurs pays la science
politique. Il est actuellement professeur attaché à
l'université Queen's et il est déjà venu donner des cours
ici à l'université Laval. Je n'ai pas encore la confirmation de
sa part. Il est possible qu'il puisse être un de nos invités.
De cette façon, en pouvant compter sur trois personnes, nous
serions assurés d'en avoir au moins une à notre séance de
jeudi prochain.
M. PAUL: Est-ce que l'honorable député de Terrebonne
pourrait nous dire sur quel sujet spécifique porteront les remarques de
l'un ou l'autre de ces témoins experts?
M. HARDY: A la suite de l'entente intervenue la semaine dernière,
où nous avions tous convenu de faire porter l'objet de nos travaux au
cours des prochaines séances sur le mode de scrutin, il est convenu
à l'avance, que ce soit M. Bernard, M. Meisel ou M. Lalande, que ces
trois témoins nous parleraient du mode de scrutin, des systèmes
électoraux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, en ce qui nous
concerne, nous sommes d'accord au sujet des propositions du
député de Terrebonne et nous serons heureux d'entendre l'un ou
l'autre des témoins disponibles sur la question des modes de
scrutin.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je veux simplement dire que nous
sommes d'accord aussi. Nous aimerions, si c'était possible, entendre M.
Lalande, qui semble spécialisé dans le domaine du mode de scrutin
tandis que je pense que M. Bernard est spécialiste du domaine de la
carte électorale.
M. HARDY: Les renseignements que j'ai sont à l'effet que M.
Bernard pourrait avoir des éléments nouveaux à nous
apporter en ce qui concerne le mode de scrutin, même si sa thèse a
porté sur la carte électorale.
M. LEGER: Alors nous sommes disposés à entendre l'un des
trois.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, l'assemblée est donc ajournée
à sa prochaine séance. Vous en verrez l'avis dans le
feuilleton.
M. HARDY: Jeudi prochain, 9 h 30.
(Fin de la séance 12 h 4)