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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 6 mai 1971 - Vol. 11 N° 30

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale

Séance du jeudi 6 mai 1971

(Neuf heures quarante deux minutes)

M. PICARD (président suppléant de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Au nom du président de la commission de l'Assemblée nationale qui est absent pour quelques minutes, je voudrais souhaiter la bienvenue à deux anciens parlementaires prestigieux, en la personne de M. Bellemare et en la personne de M. O'Reilly.

Je laisserais maintenant la parole aux chefs des principaux partis en présence pour souhaiter la bienvenue à ces messieurs.

Mise au point

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, avant que nous ne procédions, je voudrais faire une mise au point concernant un rapport qui a été diffusé par des moyens de communication qui disaient que l'autre jour nous nous étions entendus pour décider du mode de scrutin, d'ici un mois. J'ai relu attentivement le compte rendu des auditions de la commission et il n'a pas été question de cela: on a tout simplement indiqué de part et d'autre que chaque parti pourrait peut-être, d'ici un mois, faire connaître l'attitude officielle de sa formation politique. Mais quant à la question de décider du mode de scrutin, il n'appartient pas à la commission, premièrement, de le faire. La commission pourra donner des indications des intentions de chaque parti politique et il faudra procéder par voie législative, ce qui par conséquent ne peut pas être interprété par les moyens de diffusion comme une décision formelle et de la commission et du gouvernement.

M. HARDY: M. le Président, je fais miennes les remarques du député de Chicoutimi. Je me rappelle très bien qu'en tant que porte-parole de mon groupe parlementaire j'ai tout simplement exprimé l'espoir qu'au plus tard dans un mois le parti ministériel ferait connaître sa position en regard de cette question. Mais il n'était nullement dans mon esprit, à ce moment-là, de dire que nous choisirions un mode de scrutin ou un autre. Nous espérons que l'ensemble des témoignages reçus nous permettront, d'ici un mois, de prendre une position.

Je voudrais également souhaiter la plus cordiale bienvenue à MM. Bellemare et O'Reilly. J'avais la semaine dernière personnellement fait la proposition que des praticiens de la politique soient invités à venir nous exprimer leur opinion en ce qui a trait au mode de scrutin que nous devrions avoir, c'est-à-dire conserver le mode de scrutin actuel en emprunter ou en adopter un autre.

Nous avons, jusqu'ici, entendu les témoignages de politicologues qui ne sont pas unanimes et nous croyons — je le répète — que ces témoignages nous seront sûrement très précieux.

Témoignage de politiciens

M. HARDY: Je pense également que ceux qui ont vécu la vie politique pendant un certain nombre d'années, vie politique qui s'étend sur une période assez longue, qui leur a permis de connaître une période où nous avons vécu, comme à l'heure présente, avec des tiers partis, nous avons pensé que leurs témoignages pouvaient nous être utiles. Bien sûr, la politique a des lois, a des règles et les politicologues sont là pour les articuler, les rendre explicites. Je suis également convaincu que, d'une part, la vie politique ne commence pas aujourd'hui. La vie politique actuelle est le produit en quelque sorte de la vie politique antérieure, qu'on le veuille ou non, qu'on aime ça ou non. Il n'y a pas de génération spontanée. A cause de ce fait et à cause aussi du fait que l'expérience dans tous domaines, et peut-être encore davantage en politique, peut être très précieuse pour ceux qui ont à prendre des décisions. C'est dans cet esprit que nous avons accepté, à la commission, d'inviter des hommes qui ont une expérience politique, à venir nous donner leur impression.

Ce que nous voulons savoir de vous, messieurs, en fait et je pense que c'est l'intention de tous les membres de la commission-c'est ce que vous pensez du mode de scrutin actuel et si vous croyez qu'il y aurait lieu d'en adopter un autre. Cet autre, que serait-il toujours en fonction des deux grands objectifs que nous recherchons? D'une part, assurer au Parlement la plus entière représentativité, c'est-à-dire permettre à tous les courants d'opinion qui existent d'être bien représentés au Parlement et, d'autre part, d'assurer cette stabilité essentielle à la bonne administration d'une province.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le président, il m'est agréable de souhaiter la bienvenue au nom de l'Union Nationale à M. O'Reilly et à mon ex-collègue, M. Maurice Bellemare. Comme vient de l'indiquer le député de Terrebonne, nous avons entendu des experts, des spécialistes qui travaillent davantage en cabinet que sur le terrain. Nous sommes heureux d'accueillir ce matin des praticiens de la politique.

Il me fait plaisir de saluer M. O'Reilly que je n'ai pas eu le plaisir de connaître comme collègue à la Chambre et de saluer tout spécialement mon ex-collègue, M. Maurice Bellemare.

Je rappelle pour mémoire que la dernière fois que j'ai eu le plaisir de siéger avec lui en qualité de membre de mon parti politique, M. Bellemare se trouvait précisément au bout de la table comme il avait coutume de le faire en sa

qualité de doyen de notre formation politique. Alors, nous avons hâte de les entendre, M. le Président, et de connaître le point de vue qu'ils ont sur les travaux que nous avons commencé d'accomplir et qui visent à une réforme complète de l'institution parlementaire du Québec.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. le Président, moi aussi j'aimerais dire quelques mots au sujet de la position que nous prendrons pour le travail de la commission. J'ai rencontré un de mes collègues, dernièrement, et nous serions prêts aussi à déposer sur la table de la commission, dans un temps déterminé, l'option que nous prendrons vis-à-vis de la réforme électorale. De toute façon, on a manifesté la crainte de la déposer trop rapidement; il faudrait avoir un délai assez long pour avoir le temps de présenter quelque chose qui se tient sans faire trop d'erreurs. Je tiens à souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos deux visiteurs de marque, et je suis sûr que l'expérience de vieux routiers politiques comme M. Bellemare et aussi M. O'Reilly nous apportera la lumière nécessaire pour faire du bon travail à cette commission.

M. LAURIN: M. le Président, je suis en retard, je m'en excuse auprès de nos invités. Je suis sûr qu'ayant déjà été députés, eux-mêmes, ils comprendront les multiples servitudes du métier. J'imagine que c'est quand même un plaisir pour eux de se retrouver avec nous cet après-midi; ils sont maintenant dans le rôle de mentor plutôt que de protagoniste et de combattant, et je suis sûr que ceci leur donne une certaine sagesse qu'ils auraient aimé posséder dans le temps mais que d'autres préoccupations les empêchaient d'avoir, et je suis pour ma part tout ouië pour entendre les propos qu'ils nous tiendront ce matin.

M. LE PRESIDENT: Le député de Brome.

MR. BROWN: Mr. Chairman, that is a real pleasure for me to see two of my old "confrères" here, because as I have said before, we have heard from theoreticians called as professors who, in fact, have had no practical knowledge of elections and election principles, there is something like bread.

You know, being a farm boy, I always remembered the making of bread. And I did find at that time that it was impossible to make bread with yeast only, you need some flour.

While we do have two such outstanding visitors as we do have here, there is not only the actual ballot that we have been discussing, it is the redistribution of electoral counties in the Province of Québec; it is a thing that changes the whole atmosphere of politics in the province. I know, with regard to Mr. Bellemare — we have been friendly enemies for years — that he has contributed very much to the Province of Quebec for almost a lifetime.

As with regard to Mr. O'Reilly, not only has he participated as a member of the Parliament, but he has been the mayor of Verdun for some time. With this experience, I am sure that we are going to get a lot of good knowledge shown in. But I think that we must remember that, in the case of our theoreticians, our professors, who have done an excellent job, they had a chance to prepare for their meeting.

Now, in the case of Mr. Bellemare and Mr. O'Reilly, they were called in something like the tire of a horse at the last minute, they have not had this preparation and I am hoping that they might possibly come back to our committee again. Thank you.

M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. Avec votre permission, j'aimerais maintenant céder la parole au porte-parole du Parti libéral à cette commission, pour qu'il nous fasse part de la procédure qui a été décidée par le comité directeur.

M. HARDY: Voici la procédure. Je pense que ce sont plutôt nos invités qui pourraient la décider. Les témoins que nous avons entendus jusqu'ici faisaient un exposé; par la suite, les membres de la commission posaient des questions. Je me demande si cette procédure vous conviendrait, messieurs, à savoir que vous pourriez nous donner une synthèse de vos idées sur la question du mode de scrutin, ou si vous préférez que nous vous interrogions immédiatement. Je pense que c'est à vous d'abord de décider selon la façon de procéder pour laquelle vous vous êtes préparés.

M. O'REILLY: M. le Président, avec votre permission, je remercie de leurs bonnes paroles M. Tremblay, M. Tardif et M. Brown; j'ai siégé avec plusieurs de ceux qui sont ici présents. J'ai eu un appel à 2 h 30 hier après-midi pour venir siéger à 10 heures ce matin.

Vous voulez avoir mon opinion relativement au travail que vous vous proposez de faire durant les trois ou quatre mois que vous avez devant vous. Je suis parti à 6 heures ce matin pour venir vous la donner. Je ne voulais pas vous faire attendre. Je donne maintenant la parole à M. Bellemare.

M. BELLEMARE: Je veux vous remercier, messieurs, de cet accueil vraiment très sympathique que vous nous faites, à nous, les anciens députés. Vous nous faites bien plaisir. Vous nous permettez de nous remémorer certains débats percutants. Je n'ai pas besoin de vous dire que vos paroles très chaleureuses me touchent personnellement. J'y suis très sensible.

J'espère que vous vivrez la même expérience un jour, soit de revenir dans un Parlement après y avoir siégé pendant 26 années. Vous vous rendrez compte de l'impression, de la tension

qu'on ressent. Lorsque nous étions à la table autrefois on ne pouvait pas s'imaginer que ceux qui étaient à la barre étaient aussi sous tension. Lorsqu'on revient plusieurs années plus tard, on se sent tout ému. Ce sont, pour vous, des choses quotidiennes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On vous impressionne !

M. BELLEMARE: C'est là que je me dis que ceux qui venaient à la barre devaient être drôlement impressionnés par un Bellemare qui passait, en même temps, pour une espèce de "bulldozer".

M. BIENVENUE: M. Bellemare vous êtes mutatis mutandis.

M. BELLEMARE: J'ai un drôle d'acabit aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, c'est la victoire du temps.

M. BELLEMARE: Je voudrais aussi vous dire, messieurs, combien je suis touché par ce bon accueil que vous me faites. Malheureusement, comme l'a dit mon ancien collègue M. O'Reilly, j'ai reçu un appel, hier après-midi, pour venir vous entretenir de mon expérience politique, au point de vue électoral. Je n'ai pas lu les débats qui ont été faits à la commission. Je n'ai pas pris connaissance des opinions des autres. C'est peut-être mieux de vous donner la mienne purement et simplement. Si vous avez des objections, j'espère que M. le Président et les chefs de parti me rappelleront à l'ordre. Je connais les procédures des commissions comme celles de la Chambre.

Il y a une chose qui est certaine et évidente: je suis particulièrement très heureux que vous ayez adopté cette ligne de conduite, celle de la consultation. Je pense que vous allez en retirer le fruit d'une expérience qui sera assez salutaire pour la commission.

Il y a une chose qu'il ne faudrait pas oublier, c'est le proverbe qui dit: "Other days, other ways", autre temps, autres moeurs, autre temps, autres lois, autre temps, autres hommes.

A partir de là, je pense que les critères de stabilité dans une ligne aussi difficile à déceler, le "guide-line" au point de vue électoral, j'avais pensé que c'était... Dans le temps, vous savez, j'ai passé pour être un manieur d'élections et je pensais que le parti m'invitait pour lui donner mes trucs, comment gagner des élections.

UNE VOIX: On les connaît.

M. BELLEMARE: Quelques-uns de mes collègues les connaissent, mais d'autres les soupçonnent! Et, ce n'était pas toujours très catholique, tout le monde le sait. On a même fait des espèces de figures de ma participation et je garantis que je n'ai pas toujours aimé les caricatures qu'on avait faites de moi.

Vote secret

M. BELLEMARE: Indépendamment de cela, messieurs, je vais essayer simplement de vous donner mon opinion sur certains grands principes. C'est à vous d'essayer de déceler dans cela la voie la meilleure, celle que vous devriez adopter.

D'abord, une nation — vous savez, j'ai écrit cela il y a deux minutes, je ne veux pas que vous pensiez que j'ai pris la nuit pour écrire cela, simplement une réflexion à bâtons rompus. Je voudrais saisir l'occasion, avant de commencer, pour présenter mes hommages au nouveau ministre que je vois ce matin à la table et lui dire mes meilleurs voeux et le féliciter pour l'honneur qui revient à lui et à sa famille ainsi qu'à son parti.

Messieurs, une nation, d'abord, veut toujours être représentée dans un conseil, dans un conseil d'Etat, dans une assemblée, dans une réunion où au plus haut sommet on pourra décider de son bien-être et aussi de sa vie usuelle, de sa vie normale, de sa vie courante. Il ne faudra pas oublier au tout début qu'une nation qui élit des représentants doit conserver l'initiative de se choisir le meilleur moyen, le plus démocratique, puisque nous vivons en démocratie. Mais aujourd'hui, dans les pays totalitaires, on choisit un mode électif qui est presque partout le même. Si vous avez l'occasion de vérifier les modes d'élection qui existent dans tous les pays, dans les pays les plus démocratiques comme les pays les plus totalitaires, il y a un principe de base qu'il ne faut jamais oublier, je pense, c'est que le vote doit être un vote confidentiel, un vote secret, un vote qui représente bien l'idée de la personne qui est venue donner le fruit de sa réflexion et de son choix. A partir de là, tous les systèmes peuvent peut-être se ressembler et il y a des modalités qui, peut-être, selon les coutumes, selon la formation des peuples, sont différentes.

Chez nous, on a adopté un système de bulletins de vote. Il y a même eu déjà des bulletins sans talon. Cela a existé longtemps. C'était peut-être un moyen de contrôle plus facile d'une élection. Le peuple s'est amélioré, les législateurs aussi. Ils ont été élus et ont changé la loi. Je sais que le président des élections, Me Drouin, qui est ici, peut vous dire que la Loi électorale elle-même a été changée 27 fois depuis la Confédération. On a changé le principe de la loi 27 fois. C'était pour ceux qui étaient déjà élus ou pour ceux qui étaient dans la bataille des adaptations. Vous changez une loi aujourd'hui pour demain, ça ne veut pas dire que l'éducation du peuple est faite pour vous adapter véritablement à ce nouveau système de votation. Il y a là encore quelques années de rodage, ce qui fait que la dernière loi électorale qui a été votée en 1965 — la dernière loi a été

votée après le comité de la Chambre — et elle a pris effet en 1966. Cette loi-là, en 1966, je l'ai vécue parce que je me suis présenté à ce moment-là. Or, moi qui connaissais la loi un peu plus que d'autres dans mon comté, j'avais de la difficulté en quelques circonstances à me retrouver, ayant vécu assez longtemps sous la loi de 1944, celle amendée en 1948 et plus particulièrement celle de 1952 où l'on a fait la représentation dans les bureaux de scrutin, qui est revenue à la normale en 1958 et qui a été amendée en 1960.

De là, part aussi un autre critère qui me semble dangereux, et je vous prie, messieurs, de faire bien attention de vouloir établir des votes régionaux; les votes proportionnels seraient des votes régionaux. Cela ne représente pas toujours l'opinion d'un comté particulier. Un vote régional a peut-être certains avantages. Mais je dis, je pense et je suis sûr que le peuple voudrait, lorsqu'il se présente un sujet particulier, avoir l'avantage de dire: Moi, j'ai décidé de mon sort par le choix que j'ai fait en votant librement. C'est la base. Si le type se sent un peu dirigé par les forces du parti qui livre une attaque particulière dans une région plus que dans une autre, vous aurez là l'opinion d'un parti. Vous n'aurez pas l'opinion particulière d'un électeur et c'est dangereux.

Maintenant, le vote proportionnel, j'en suis. Il y a énormément de députés qui ont siégé dans cette Assemblée nationale et qui n'auraient jamais siégé. Si on prend M. Lavoie du comté de Berthier, qui a été élu par une voix; M. Lavoie du comté de l'Assomption qui avait été élu par une voix...

M. HARDY: En 1935, Terrebonne.

M. BELLEMARE: En 1960, l'Assomption avec M. Chartrand. M. Bastien, dans Berthier, en 1931 et plusieurs autres qui avaient été élus par une voix de majorité.

M. CROISETIERE: Rouville.

M. BELLEMARE: Dans Rouville, par 9 voix de majorité. Cela ne veut pas dire que ces hommes qui avaient été élus avec une voix ou 9 voix n'ont pas rempli un rôle extrêmement utile pour la nation. Je pense que, pour la qualité des députés élus, le choix qui doit se faire des candidats doit jouer un rôle important dans chacun des partis.

Multiplicité des partis

M. BELLEMARE : II y a une chose qui reste certaine, c'est la multiplicité maintenant des partis, la multiplication du nombre de partis amène nécessairement que, lors d'une élection, ça devient plus compliqué pour mettre le rouage administratif, le rouage physique en marche. Mais c'est nécessaire, je pense. C'est l'expression diverse de plusieurs différentes conceptions de la politique. Certains voient la politique dans un sens, interprètent certains gestes dans un autre sens, mais je pense que ce n'est pas mauvais que plusieurs, dans un Parlement, puissent se faire entendre. Cela empêche souvent le système qui existe dans des pays totalitaires où l'unique parti est souverain et impose, par sa majorité, des disciplines qui ne sont pas toujours les meilleures, les plus bénéfiques au point de vue du bien-être du peuple.

En pays totalitaire — je ne sais pas, vous avez peut-être plus d'expérience que moi pour y avoir passé quelque temps — d'après ce que j'ai lu aujourd'hui, on élit des députés. Il n'y a qu'un bulletin de vote et c'est une espèce de critère: ils sont tous du même parti, mais ils font un choix parmi les hommes. Et c'est de là que vient aujourd'hui ce parti unique qui, à mon sens, a peut-être certains côtés de bons, mais il faut que tout le système soit dirigé de ce côté-là et je pense que ce serait difficile dans un pays comme le nôtre, particulièrement dans une province comme la nôtre.

Droit de vote

M. BELLEMARE: Messieurs, il y a une chose, je pense, que vous avez, vous aussi, décelée: le droit de vote doit être protégé. C'est bien important. Il doit être protégé de bien des manières. Est-ce que le gouvernement pourrait adopter des formules nouvelles pour protéger plus intensément le doit de vote? Je pense que les dernières améliorations qui ont été apportées à la loi, celle de payer presque les dépenses totales était une bonne législation. Quelques-uns disaient que, si le gouvernement pouvait tout payer, ça empêcherait peut-être des gens d'aller chercher des souscriptions, ici et là. Tout comme le péché est défendu, il y aura toujours la tentation et vous aurez de la difficulté à la faire disparaître. Il y aura de bonnes âmes, charitables, qui viendront vous voir et vous diront: Vous savez ça, c'est seulement pour le cigare, on ne veut pas s'engager.

J'ai aussi connu des gens qui ont de l'attrait pour certaines choses plus que d'autres, pour le fumage, par exemple, ou bien autre chose. Cela arrive. Même si les dépenses étaient payées par le gouvernement vous n'empêcherez pas les maraudeurs, même les imprimeries qui font ça gratuitement pour vous rendre service, même des gens qui laisseront des locaux à votre disposition gratuitement ou même des gens qui viendront vous offrir des automobiles pour vous aider à mieux véhiculer vos électeurs etc. et jusqu'aux liqueurs gazeuses.

Vote mécanisé

M. BELLEMARE: Messieurs, je pensais, ce matin, que le procédé de vote par un bulletin avec un talon, bien entendu, tel qu'on a dans la loi va devenir avant longtemps périmé, fastidieux. Au nombre des partis qu'il y a mainte-

nant dans l'arène, il y a aussi les moyens de voter rapidement et de protéger son droit de vote. On confie aux machines, aujourd'hui même, l'état de notre santé. On confie, dans toutes les compagnies aujourd'hui, par la mécanisation, l'informatique, l'IBM, la responsabilité de décider, au-dessus d'un bureau de direction, les politiques à établir pour planifier, roder, améliorer une organisation matérielle.

Je sais qu'aujourd'hui, à la Commission des accidents du travail, on ouvre 200,000 dossiers d'accidents par année. Si on n'avait pas adopté le système de l'informatique, je pense que... Là, on décide, même avec l'informatique, de certains critères de base, de barèmes à être établis en faveur de certains accidentés qui ont perdu une certaine intégrité physique et ceci est décidé par une machine. C'est le processus normal dans des vies aussi trépidantes et avec des lois qui nous obligent à agir rapidement. En vertu du plan quinquennal qui se terminera en 1972, nous couvrirons tous les employeurs de la province comme, aussi, tous les employés de la province. Cela veut dire qu'il y aura 124,000 employeurs qui seront couverts, au lieu de 700,000 employés on couvrira 2,100,000 employés. En plus, on a 200,000 cas d'accidents cette année. Nous en aurons peut-être 300,000 mais le pourcentage est encore en faveur de ceux qui s'occupent de la prévention parce que le pourcentage du nombre des accidents est moindre.

On confie à la machine, par exemple, l'émission de 800,000 chèques. On donne 4,000 chèques par jour à la commission. S'il fallait faire 4,000 chèques par jour "à la mitaine", ça prendrait plusieurs dactylos.

On confie des choses très importantes aujourd'hui à la mécanisation. Il y a des pays qui sont beaucoup plus développés que le nôtre et qui ont des populations cent fois plus considérables que la nôtre, qui ont fait l'expérience. Après plusieurs années de rodage, ils sont venus au système de la mécanisation du vote par des machines très bien perfectionnées.

Mais vous allez me dire: Là aussi il y a du danger. Oui, je sais qu'il y a des dangers parce qu'aux Etats-Unis, je ne dis pas que ça s'est fait dans la province de Québec, mais lors d'une élection pour le choix d'un leader, on avait organisé pas loin des machines qui enregistraient les votes. On avait installé un petit machin à batteries qui avait comme résultat que, quand on pesait, c'était un interrupteur qui paralysait, mon cher monsieur, la tombée de la boule, le fonctionnement de la boule. La boule tombait quand même, mais elle n'était pas comptée. Alors le type était près de la boite et, quand on voyait que c'était un gars qui ne faisait pas son affaire, qui n'était pas de son bord, la boule passait quand même mais le vote ne s'enregistrait pas. Vous en trouverez toute la vie, partout où il y a de l'ordre, vous allez trouver des moyens raffinés, mon cher monsieur, de passer à côté. Je ne dis pas que j'ai fait ça, j'en vois rire! C'est parce que je ne voudrais pas que ce soit inscrit comme un sujet à charge contre moi.

M. LE PRESIDENT: Est-ce une étude que vous avez faite de ce truc-là en particulier?

M. BELLEMARE: C'est-à-dire que je n'ai pas étudié, j'ai constaté parce que je ne voulais pas adopter ces mauvaises méthodes-là.

M. HARDY: Vous avez laissé entendre que ce sont vos adversaires qui pourraient peut-être...

M. BELLEMARE: Quelques-uns, pas tous. Alors, messieurs...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela n'a pas abaissé votre majorité?

M. BELLEMARE: Pardon?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela n'a pas abaissé votre majorité?

M. BELLEMARE: Non, je n'ai pas eu à me plaindre de ma majorité, sauf une année où j'ai affronté un terriblle adversaire, M. Mongrain. En 1960, il m'avait un peu... 127 de majorité. Les autres sont assez bonnes. J'avais même le vote proportionnel. Alors, messieurs, c'est pour vous dire, en terminant, que ce vote doit être étudié. Avec une étude assez approfondie des nouveaux mécanismes, cela pourrait peut-être vous apporter un vote plus rapide, mais un vote aussi qui tendrait vers une planification, une mécanisation. C'est sûr et certain qu'il y aura là aussi des précautions à prendre. Maintenant, vous me voyez bien mal préparé, et si j'avais été un orateur en Chambre, je vous garantis que j'aurais eu honte de présenter une thèse aussi mal bâtie; mais pour être aimable envers tous et chacun, pour vous réciter mes bonnes choses, pas les mauvaises que je connais, j'ai voulu vous donner ça à bâtons rompus. Je suis bien prêt à essayer de répondre, comme mon collègue aussi, à vous questions qui, j'espère ne sont pas méchantes. Mais, connaissant mon passé, je n'attaquerai sûrement pas les journalistes. Pourquoi l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine chante-t-il? Alors, messieurs...

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Bellemare. Maintenant, je céderai la parole au député de Terrebonne; il aura peut-être quelques questions à poser.

M. HARDY: Je vous remercie de l'exposé, de la thèse générale que vous nous avez donnée. Maintenant, d'une façon bien pratique, vous avez sans doute, comme nous tous, lu dans les journaux, particulièrement à la suiter les récentes élections, des critiques assez sévères relati-

vement au mode de scrutin que nous connaissons depuis toujours ici...

M. BELLEMARE: J'ai lu l'abbé Dion, déjà. M. HARDY: ... au Canada.

M. BELLEMARE: Ne serait-ce pas de l'abbé Dion que vous voulez parler?

M. HARDY: Non, je veux parler strictement... Je ne veux pas parler de l'ensemble de nos moeurs...

M. BELLEMARE: ... O'Neill et Dion, c'est resté dans notre statistique, blâmer le système.

Vote proportionnel

M. HARDY: Je parle strictement du mode de scrutin, à savoir le mode que nous connaissons actuellement, le mode majoritaire ou mode proportionnel pur, le mode à deux tours, mode d'inspiration allemande, tel que proposé hier dans une conférence de presse par un député qui disait que deux tiers des députés devraient être élus au scrutin majoritaire et un tiers élus au vote proportionnel.

M. BELLEMARE: Je ne partage pas cette idée.

M. HARDY: J'aimerais que vous nous disiez d'abord: Est-ce que vous endossez ou quelle est votre attitude face à ces nombreuses critiques que l'on adresse à notre système actuel, critiques qui, en résumé, prétendent que le système actuel ne permet pas à la population d'être vraiment représentée au Parlement? On prend, par exemple, une liste de députés élus et on arrive à la conclusion que certains députés ne sont élus qu'avec 29 p. c. des électeurs de leur comté, d'autres avec 25 p. c. . A partir de ces chiffres, on dit: Le Parlement, les députés, l'ensemble des députés ne représente pas vraiment l'opinion de la majorité.

Je vais vous donner un exemple. Moi-même, si j'ai été élu avec 12,400 voix de majorité, certaines personnes ont contesté vigoureusement la représentativité que je pouvais avoir dans mon comté puisqu'on est arrivé à un autre chiffre en disant que, malgré 12,400 voix de majorité, 61.4p. c. des électeurs inscrits n'avaient pas voté pour moi. Donc, on dit que je ne suis pas vraiment représentant du comté de Terrebonne.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils sont intelligents les électeurs du comté de Terrebonne.

M. HARDY: Alors, quelle est votre impression devant ces apparentes anomalies de notre système?

M. BELLEMARE: J'ai d'abord une question, si vous me permettez, à vous poser: Est-ce que dans mon pays qu'est le Canada, le gouvernement fédéral le fait? Première question.

Deuxième question: Est-ce que d'autres provinces, dans mon pays, à part la province de Québec, l'ont déjà expérimenté?

Vote obligatoire

M. BELLEMARE: Et la dernière question: Comment voulez-vous établir un vote proportionnel quand le vote n'est pas obligatoire? La majorité de ceux qui ne votent pas dépasse souvent celle de ceux qui votent, dans certains comtés. Comment voulez-vous établir un vote proportionnel, quand vous avez 47p. c. des électeurs dans mon comté, qui ne votent pas. Dans l'île de Montréal, dans certaines élections, il y a parfois 60p. c. des gens qui ne votent pas. On a vu une élection partielle qui s'est tenue dans Montréal, il n'y a pas si longtemps, où il y a eu 31 p. c. des gens qui ont voté. Comment voulez-vous l'établir, quand le vote n'est pas obligatoire? Et comment voulez-vous établir un vote obligatoire si vous n'avez pas de sanction? A partir de là, que vaut le vote proportionnel de ceux qui ont voté?

M. HARDY: A ce moment-là, si on part de l'hypothèse que ceux qui ne votent pas sont quand même plus ou moins intéressés...

M. BELLEMARE: Non, je pense que pour un éminent avocat comme vous, c'est une bien mauvaise déduction.

M. HARDY: J'essaie de me faire l'avocat...

M. BELLEMARE: On peut être occupé, on peut être malade, on peut avoir toutes sortes de bonnes raisons; il peut y avoir 20 p. c. de gens qui ne votent pas pour des raisons réellement sérieuses qui pourraient se justifier si le vote était obligatoire. Et ces 20 p. c. par exemple, débranchent complètement toute la majorité.

M. O'REILLY: M. le Président, il y a autre chose. Il y a des religions qui, dans le temps des élections, défendent de voter. La religion ne donne pas le droit de voter. Dans mon cas...

M. BELLEMARE: La religion.

M. O'REILLY: Oui, excusez-moi, religion, not region. Religion. Si je fais une erreur en français, vous m'excuserez. Si vous me posez une question, je m'efforcerai de répondre dans ma langue maternelle.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. O'REILLY: Je sais. J'ai posé cette question, parce que j'ai perdu deux élections, l'une après l'autre. J'avais de grosses majorités. Un ministre me téléphone et me dit: Tu en as

entendu parler. Il m'a parlé des Témoins de Jéhovah. C'est une religion et il y en a une autre, une religion protestante où on n'a pas le droit de voter. Qu'on comprenne, comme mon collègue le mentionnait, que c'est vrai qu'il y a des gens, dans le temps des élections, qui sont paresseux. Ceux qui vont faire les commentaires pour les députés, pour donner un exemple de plus, ceux qui ne votent pas... comme ceux qui se font un devoir d'aller voter; c'est un devoir!

Cela me fait de la peine parce que je vois des hommes qui travaillent, des députés qui pourraient faire autre chose que venir à 8 heures du matin, 8 h 30, 9 heures à leur bureau, jusqu'à 11 heures le soir et peut-être 2 ou 3 heures le matin. Ils demandent aux électeurs d'aller voter au temps des élections — au moins que ce soit obligatoire —. Il y en a plusieurs qui ne vont pas voter, qui n'iront jamais voter. Le 365e jour, c'est une journée fatale.

On peut les faire travailler 364 jours, mais la dernière journée, ils ne travaillent pas. Une autre raison, il ne va pas voter. Je trouve cela dans le groupe de langue anglaise. Je fais mes commentaires, M. Tremblay et M. le Président, d'après l'expérience que j'ai eue. Si j'avais préparé des documents comme mon collègue qui travaille dans ce domaine depuis 35 ans... Cela n'est pas la personne qui va aller voter. Cette personne fait son devoir, mais il y a beaucoup de gens dans notre pays et notre province qui ne font pas leur devoir d'aller voter dans le temps des élections. Ce sont ceux qui vont critiquer le plus.

M. HARDY: Si je comprends bien les deux réponses, il est sûr, comme M. Bellemare le dit, qu'il y a des gens qui sont vraiment empêchés d'aller voter par maladie, pour toutes sortes de raisons. Mais il y a également, une certaine proportion de gens qui n'y vont pas par désintéressement.

Je reviens encore à ma question, même si votre objection — encore une fois, je précise bien que les questions que je pose ne sont pas nécessairement l'expression de mon opinion, c'est pour essayer d'en connaître davantage. Vous considérez, M. Bellemare, qu'avec le système actuel qui peut avoir comme résultat qu'avec seulement 25 p. c. un député peut siéger en Chambre, ayant recueilli des votes pour seulement 25 p. c. des électeurs inscrits, pour vous, cela ne vous paraît pas une anomalie suffisamment grave pour songer à modifier le mode actuel.

M. BELLEMARE: J'ai bien des réserves, mais je pense qu'un homme qui est élu dans un comté, c'est tout d'abord un apostolat de présence. Un député qui est élu, il faut qu'il se consacre entièrement à son devoir. L'électeur, lui, a une espèce de radar et celui qui ne fait pas tout son devoir et continuellement dans un esprit très sincère ne peut pas rester comme député très longtemps. Le peuple le détecte s'il est là pour se servir au lieu de servir les intérêts de la communauté. Le peuple a cela sur le bout du nez. Il sent cela à distance. Je pense que son libre choix doit s'exercer. Vous avez des hommes extraordinaires qui, dans la politique fédérale du Canada et dans la politique de la province, ont été élus par de petites majorités et qui sont devenus de grands serviteurs de l'Etat. Il y a des portraits tout autour ici. Il y a des monuments à Ottawa où des grands hommes ont été élus par de petites majorités. Ils sont devenus de grands hommes. Il y a des parlementaires, dans cette Chambre, qui sont des hommes extraordinaires. Je lis tous les débats — vous allez peut-être me trouver un peu courageux — mais je lis tous les débats. Il y a des fois où je me dis que, si j'étais en Chambre je dirais telle chose, mais je ne suis pas là. Vous faites parfois comme celui qui est au fauteuil, vous vous retenez. Quand je suis seul, je ne suis pas obligé de suivre les procédures! Il y a des grands hommes dans cette Chambre, dans la Chambre provinciale. Il y a des hommes extraordinaires que je connais, dont je lis les débats. Je regarde la majorité avec laquelle ils ont été élus, je ne les connais pas par leurs noms parce que je ne connais pas les nouveaux, mais parmi ces nouveaux, il y a des gars extraordinaires. Ils font des débats très consciencieux. Comme au pouvoir et dans les partis, il y a des hommes qui se forment une carrière dans la politique et qui sont élus avec une petite majorité. Pourquoi priver l'Etat d'un choix qui a été fait et qui existe depuis des années. Si le changer est mieux, ce n'est pas sûr.

Il faut voter selon sa conscience, c'est sûr. L'alignement des partis qui se fait aujourd'hui, ce n'est plus comme il y a vingt-sept ans, lorsque je me suis présenté. Dans ce temps-là, nous étions branchés entre deux secteurs et nous n'avions pas d'autre choix. Sauf en 1944, lorsque je me suis présenté, nous avions trois choix. Nous avions le Bloc populaire, le Parti libéral et l'Union nationale.

M. HARDY: En 1948, il y avait l'Union des électeurs.

M. BELLEMARE : Nous avions les créditistes en 1948. Nous les avons eus aussi en 1956. Quelques groupements...

M. HARDY: II y avait eu une fusion à ce moment.

M. BELLEMARE: Non, c'est en 1952 que les bérets se sont fusionnés avec le Parti libéral. C'est en 1952, du temps de M. Lapalme.

M. Lapalme lui-même en parle dans son livre.

UNE VOIX: Pas directement.

M. BELLEMARE: Par ses déclarations. Alors, messieurs, aujourd'hui, l'optique de la philosophie des partis est bien différente; elle

est bien exposée à la population en plusieurs secteurs différents; le choix que doit faire l'électeur est donc beaucoup plus facile. Quand vous aviez à choisir entre le Parti libéral et le parti de l'Union Nationale, les gens partaient quelquefois avec une opinion et, en cours de route, on disait cela souvent, il y a les 20 p. c, ceux qui veulent et les indécis. A un moment donné, les 20 p. c, youp! Ça débloquait et cela changeait toute l'élection. Aujourd'hui, je dis que les 20 p. c. ne peuvent plus influencer le résultat parce que les 20 p. c. sont dilués dans les autres partis, ils se fondent presque toujours aujourd'hui. Le vote flottant, pour moi, cela n'existe plus aujourd'hui, il n'y en a presque pas.

Je pense, messieurs, pour répondre au représentant du Parti libéral, que le vote proportionnel serait dangereux tant et aussi longtemps que vous n'aurez pas trouvé un moyen de rendre le vote obligatoire, parce que la proportion de ceux qui ne vote pas jouerait un mauvais tour. On n'aurait dans une élection qu'à faire une campagne pour empêcher les gens de voter, si le vote était proportionnel. Imaginez-vous ce que cela produirait.

M. HARDY: Au fond, votre conclusion est que le vote proportionnel, loin d'assurer une meilleure représentativité, pourrait, justement à cause de l'absence du vote obligatoire, faire en sorte que les députés élus soient encore moins représentatifs que si...

M. BELLEMARE: Ah! si vous avez le vote obligatoire avec pénalité, le vote proportionnel serait peut-être le bienvenu. Mais tant et aussi longtemps que vous n'aurez pas un vote obligatoire, je pense que le vote proportionnel jouera toujours un mauvais tour.

M. HARDY: Maintenant, est-ce qu'on pourrait vous demander, à M. O'Reilly et à vous-même, ce que vous pensez du vote obligatoire?

M. O'REILLY: Je pense que quand vous avez un vote obligatoire, c'est un devoir de le donner. Si ce n'est pas dans les statuts, personne ne va le suivre, mais si vous le mettez dans les statuts, tout le monde va le suivre.

M. HARDY: A la lumière de votre expérience, de votre connaissance de la psychologie des Québécois, tant des anglophones que des francophones, — retenons en particulier que M. Bellemare représentait un comté rural — est-ce que vous considérez que ce serait valable, que ce serait bien accepté par la population que la Loi électorale impose le vote obligatoire avec des pénalités? Est-ce que vous recommanderiez une telle législation?

M. O'REILLY: J'ai lu quelque part, M. le Président, qu'il y a des pays qui ont le vote obligatoire dans leurs statuts. Il y a un montant à payer, lorsqu'on est condamné, mais je ne sais pas le montant.

M. HARDY: Qu'est-ce que vous en pensez?

M. O'REILLY: Je ne suis pas prêt à donner mon opinion. Je n'ai été convoqué qu'hier, à 2 heures. J'ai eu les explications seulement ce matin. Selon mon opinion personnelle, c'est une bonne affaire.

M. HARDY: Vous voulez imposer cela dans une loi.

M. O'REILLY: Dans une loi, c'est mon opinion personnelle. There are also reservations made in it. Mr. President. I think I should clarify that in my mother's tongue, because I could make too many mistakes in the French language and I would not want to be classified as having made the wrong thing. With reservations, there are certain countries that do have that in their statutes and they are fined. Now, for me to say this is a good thing, I would not want to say that personnally. I would say: I, myself, would go for it, because I practice what I preach. When you have a boat, you want somebody in, you want someone to work for you and you should support that individual, whatever party it may be. I myself was leaning towards the party in power as my collegue was a minister and served his province for number of years in the Cabinet and organizer for his party for a number of years. We both feel the same way, I am sure. It is just a matter of expressing ourselves, but to condemn somebody else with my own personal opinion, I think you have too many lawyers around this table, they are too smart for me, to give a legal opinion. But as a layman, who practiced over a number of years, good or bad, I go out on both, whether wise, it did not make any difference.

There is a lot of people who won't, unless you make it compulsory. Je m'excuse...

M. HARDY: Oui, oui. Très bien.

M. O'REILLY: Je ne veux pas faire d'erreur dans mes commentaires en français et aller en anglais parce que parfois les mots...

M. BLANK: M. O'Reilly, on avait mentionné les deux principes. On avait le vote obligatoire et une certaine proportionnelle qui est plus compliquée que celle en Allemagne, mais, jusqu'à ce jour, ça ne marchera pas. D'après les journaux —j'étais en Australie au mois de novembre — après les discussions avec les politiciens, il y a des tendances, pour changer le système, de tirer des statuts le vote obligatoire parce que ça ne marchera pas. Il y avait...

M. BELLEMARE: Monsieur, permettez-moi juste une remarque avant d'aller plus loin. Mon collègue a dit que je partageais son opinion. Pas

tout à fait. Le vote obligatoire, c'est une question de mentalité à préparer.

M. O'REILLY: Quand j'ai mentionné qu'avec l'expérience...

M. BELLEMARE: D'accord. Comme on le fait en Chambre, je retire ces phrases.

M. BOIS: Sans commentaires.

M. BELLEMARE: Oui, sans commentaires, en vertu de l'article. Le vote obligatoire sans préparation, surtout sans acceptation par la population, serait dangereux maintenant. H y a tellement de choses qui ont évolué...

M. O'REILLY: Mêlées.

M. BELLEMARE: ... mêlées, et il y a tellement de choses qui ont évolué depuis des années et qui évolueront dans l'avenir. Vous ne connaissez pas quelle sera la mentalité dans dix ans qui prévaudra sur le trottoir, la mentalité du peuple. Vous êtes des législateurs pour le temps. Vous devez prévoir aussi un peu pour l'avenir. Mais l'avenir aujourd'hui, c'est dans combien de temps? Un an? dix ans? Le législateur est obligé de refaire des lois qu'il a faites il y a deux ans. Je ne blâme personne. Mais c'est: Autre temps, autres moeurs. Le vote obligatoire aujourd'hui serait peut-être dangereux chez la population. Peut-être que dans cinq ans la mentalité aura tellement évolué que, à cause de certains changements qui pourront se produire, ça pourra peut-être être mieux accepté.

M. HARDY: On a déjà mentionné — et j'adresse ça en particulier à M. O'Reilly — que l'établissement du vote obligatoire pourrait inciter, dans une certaine mesure, à la fraude en ce sens que des personnes... J'aimerais que M. Drouin explique cet aspect de la question pour savoir ce que vous en pensez. C'est M. Drouin qui m'avait fait part des difficultés à ce moment-là de l'établissement du vote obligatoire. J'aimerais qu'il expose les difficultés que ça implique pour savoir ce que M. O'Reilly en pense.

M. DROUIN: Lorsque vous avez un vote obligatoire, vous avez nécessairement une peine attachée pour celui qui ne va pas voter. Vous avez énormément de personnes qui ne votent pas pour des considérations personnelles. Cela peut être un voyage, la chasse ou la pêche, moult raisons qu'on ignore. Mais pour ne pas être appelé à se défendre devant une cour pénale pour ne pas avoir voté, ils vont trouver leurs partis politiques et ils leur disent: Voici mon portrait. Voici mes documents. S'il vous plaît, faites-moi voter. Ils accumulent alors tout ce qu'il leur faut pour faire voter les gens. Si vous regardez un peu comment ça se passe dans les pays européens où ils ont le vote obligatoire, c'est ce qui arrive. Et quand vous avez établi le vote obligatoire, vous n'êtes plus capables de l'enlever.

M. BIENVENU: M. Drouin, est-ce qu'il y a également...

M. LEGER: Pas les personnes qui...

M. BOSSE: Au sujet du vote obligatoire, est-ce que la formule de vote que nous avons actuellement et la façon dont les populations réagissent n'est pas le portrait de notre démocratie et de la volonté réelle de nos populations. J'entends par là: Est-ce que ce ne sont pas des coutumes qu'on retrouve dans tous les milieux? Je pense, par exemple, au conseil d'administration des compagnies, aux actionnaires qui sont, oui ou non, participants ou qui participent très peu. Je pense à l'expérience syndicale où, à certains moments, la population syndicale même, lorsqu'il y a des questions importantes, va participer dans une très forte proportion.

Est-ce qu'à certaines élections la participation de l'électeur, lorsqu'elle est minime, n'est pas précisément le reflet d'une espèce de contestation non pas vis-à-vis du mode de scrutin, non pas du système, mais des partis politiques en présence? Nous avons eu de beaux exemples aux dernières élections où l'intérêt suscité par les partis politiques sur les diverses questions posées à la population l'a amenée à voter dans une très forte proportion. Est-ce que ce n'est pas là un aspect précisément de la liberté de notre démocratie? Je songe justement à ce que M. Drouin vient de dire et j'ai à l'idée cette espèce de participation qu'on vient de voir à Haiti, par exemple, où tous ont voté. Ils ont tellement voté en fait que c'en est dangereux. Il y a certaines tendances que je ne connais pas — je ne suis pas familier avec les méthodes de votation derrière le rideau de fer — mais j'ai la certitude qu'on doit avoir créé là aussi ce civisme, encouragé les gens à voter par certains éléments qui ne nous ont pas été fournis, mais qui font que les gens participent. De quelle façon participent-ils? Est-ce que la démocratie et la liberté s'exercent vraiment?

Le vote obligatoire, est-ce que ça modifierait vraiment quelque chose? Est-ce que le fait que les gens soient libres ou non d'aller voter n'apporte pas, ne donne pas à la population, un moyen de plus de contester ou de protester, une façon autre de s'exprimer? Si par exemple on atteint un vote de 30 p. c, c'est très significatif que la population n'accepte pas les programmes que leur présentent les partis politiques ou n'accepte pas les partis politiques eux-mêmes.

Je pose la question à de vieux routiers qui ont des expériences apparemment heureuses en politique.

M. O'REILLY: M. le Président, je voyais que...

M. LE PRESIDENT: Say it in English...

MR. O'REILLY: In my case, Mr. President, not to be misunderstood, my colleague suggests — my French must be pretty bad — that I talk English. I would say that in all fairness, with de turmoil in our province now, imposing something, making it forcely in the statutes, probably the timing could be delated a little longer until the time is quieter, smoother is the sailing; the water is rough sometimes and if you impose something on somebody with all the problems you have here now, it would only aggravate and irritate that much more.

But what I was referring to a moment ago was some of the religious groups...

M. BOSSE: That is an exception. It is a very small group.

MR. O'REILLY: Yes they are, that is why I thought the committee should know that, it is small, but when you lose by 36 or 10, it is very big when you want to sit in the House. And it is very big when you see that... I know in this case, I do want to bring up old sorrows, but I think in all fairness that when the late Daniel Johnson won, he did not win by a big majority, but he served his province. And if that man did not belong to politics, he would be still alive today. This is why, you see, when you say a small majority, when you win, it looks very good, but when you lose, you have got all those bills to pay after. I can assure you when Mr. Bellemare was saying a moment ago that these fellows were sending cars, giving you rooms, when you lose, they send you the bill. Maybe if your party wins, they might say: Well, we will get the cigars and smoke them, the pollution department will be looking after that. But when you lose, you pay the bills. I have been through that three times and I can tell you they are very costly.

M. BOSSE: Même si c'est...

M. LE PRESIDENT: Maintenant, messieurs, si c'est une question relativement au vote obligatoire, d'accord.

M. BOSSE: C'est sur la dernière remarque de M. O'Reilly, qui parle des factures qu'on peut recevoir ou non.

M. BELLEMARE: Quand on perd, non quand on gagne.

M. BOSSE: Oui, même sur ce point, je tiens quand même à rappeler comme nouveau venu en politique qu'il y a eu des modifications depuis, en ce qui a trait aux sommes d'argent qui sont...

M. O'REILLY: J'aurais bien dû clarifier ma position...

M. BOSSE: ...fournies.

M. O'REILLY: ...avant que vous posiez cette question-là. J'ai parlé de mon expérience de maire. Je suis ici non pas comme ancien député ou comme ancien membre du Conseil législatif, je suis ici comme un vieux...

M. BOSSE: J'ai compris que vous étiez ici comme ancien député de la...

M. O'REILLY: Non, non écoutez, je suis un ancien conseiller. Vous ne pouvez pas m'ôter ça. J'étais ici. Quand vous parlez... je voudrais bien clarifier votre question. C'était comme lorsque j'étais maire, pris avec toutes les dépenses et ça coûte cher.

M. BOSSE: Votre confrère est aussi d'accord sur cette remarque. Donc, cela s'appliquait aussi à M. Bellemare je crois. Ceci étant dit, je tiens...

M. O'REILLY: Les fonds sont payés par la province, ceci est entre nous.

M. BOSSE: ... quand même à ajouter qu'avec les sommes d'argent qui sont permises à l'heure actuelle et avec un peu de bénévolat, ces sommes sont suffisantes pour ne pas attendre les factures. Je le cite à titre d'expérience personnelle. A titre de maire, c'est peut-être une autre expérience. Je ne crois pas que nous soyons ici présentement dans le but d'étudier la partie qui intéresse les maires.

M. BELLEMARE: Est-ce que le député veut dire que toutes les déclarations rapportées au président des élections, même sous serment, sont véritables? J'ai connu certains organisateurs politiques, certains députés fédéraux ou provinciaux qui ont suivi la loi, qui ont fait leur rapport selon la loi. Je n'avais le goût de prendre de procédures contre personne. Mais lorsque dans certains comtés un adversaire avait rapporté en dépenses électorales $1,800...

M. HARDY: Vous faites allusion aux caisses parallèles.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas dit ça. Vous me prêtez des choses que je n'ai pas dites.

M. BOSSE: Pour confirmer ce que vous dites, j'avais un adversaire qui disposait de sommes d'argent beaucoup plus élevées que les miennes.

M. BELLEMARE: Alors, cela confirme...

M. BOSSE: Cependant, je n'ai pas de moyen de le vérifier.

M. BELLEMARE: ... que vous avez suivi la loi. Cela ne confirme pas qu'à côté de ça, il peut y en avoir d'autres qui, malheureusement, n'ont pas suivi la loi. Cela a pu dérégler énormément...

M. BOSSE: II peut y avoir un soupçon légitime.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé a demandé la parole il y a quelques minutes.

M. HARDY: Je voudrais souligner que M. Bellemare, ancien ministre, ancien député de Champlain, est aussi un ancien maire.

M. BELLEMARE: C'est vrai. UNE VOIX: Père et maire.

M. BELLEMARE: Une municipalité très importante, qui est devenue aujourd'hui la porte du nouveau parc national de la Mauricie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, pour la bonne compréhension et la bonne marche de nos travaux, je dois vous souligner cependant que ma question n'aurait trait ni au vote obligatoire ni au vote proportionnel. Elle aurait trait surtout à certaines considérations quant à la redistribution de la carte électorale. Je ne voudrais en aucune façon priver mes collègues de questions, peut-être, sur le même sujet que nous avons déjà débattu jusqu'ici. Je me réserverais peut-être le droit de poser ma question plus tard.

M. BIENVENUE: Une brève remarque. M. Bellemare, vous avez sûrement pensé que dans le vote obligatoire, il y aurait une proportion, qu'on ne connaît pas mais qui est pensable, de gens qui, pour protester conte le fait qu'ils sont obligés d'aller voter, annuleraient leur vote, s'amuseraient avec les bulletins de vote.

M. BELLEMARE: Vous auriez une proportion qui pourrait varier entre 5 p. c. et 10 p. c. Cela se fait déjà. Les gens, soit dans un référendum ou soit dans une élection de maire plus particulièrement parce que les gens sont "close to close". Vous avez dans les statistiques du rapport des élections des choses bien intéressantes. Vous avez, par exemple, des votes rejetés ou des votes annulés. Regardez la proportion, qu'il y a de votes qui ont été perdus, mais de gens qui ont voté, qui sont allés aux bureaux de scrutin, vous allez voir la proportion. Dans des comtés, à la dernière élection, il y a 312 votes qui ont été annulés. C'est fantastique. Imaginez-vous à partir de là, le critère. Ce n'est pas le système qui n'est pas bon, ce n'est pas le vote que l'on donne par un bulletin qui n'est pas bon, ce sont les modalités de l'application. Le mal est là. Le mal, il peut avoir bien d'autres sources.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. Bellemare, vous sembliez tout à l'heure endosser passablement le vote obligatoire.

M. BELLEMARE: Que j'endossais le vote obligatoire.

M. AUDET: Que vous étiez peut-être favorable.

M. BELLEMARE: Non, non. Je rectifie ça. Je ne suis pas prêt à dire ça parce que la mentalité n'est pas prête. Je suis contre le vote proportionnel, par exemple, parce que tant et aussi longtemps que vous n'aurez pas le vote obligatoire, je pense qu'établir le vote proportionnel... Ce n'est pas ma thèse parce que je ne suis pas un...

M. AUDET: Vous voyez le vote proportionnel avec le vote obligatoire.

M. BELLEMARE: Autrement, vous ne pouvez pas faire la ligne; vous ne pouvez pas faire le véritable pourcentage qui porte le fruit que vous recherchez.

M. AUDET: Verriez-vous dans le vote obligatoire une crainte d'une certaine dictature par exemple?

M. BELLEMARE: Oui, pas tout de suite, le peuple n'est pas prêt à ça, pas actuellement. Le vote obligatoire, vous auriez la proportion d'abord de ceux qui se feraient jouer et puis, comme disait si bien le président des élections, qui iraient porter leurs factures. Vous auriez les partis qui s'organiseraient en conséquence, comme disait le député de Lafontaine, M. Léger. Vous auriez aussi ceux qui emplissent les boites. C'est déjà arrivé dans la province de Québec, sans vote obligatoire, qu'on ait 128 p. c. dans une boîte.

M. HARDY: C'est extraordinaire, M. Belle-mare, en vous entendant, combien on réalise que certains politicologues ignorent des réalités bien concrètes de notre vie électorale.

M. BELLEMARE: Vous êtes très aimable de dire ça, ce matin, mais je suis heureux de ne pas avoir lu leurs propos parce que là je serais peut-être taxé de vouloir m'insurger contre ces gens-là. Comme je ne les ai pas lus, je suis bien libre de donner mon point de vue.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous êtes vierge d'esprit.

M. BELLEMARE: Pardon?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vierge d'esprit.

M, BELLEMARE : II y a des bouts où je n'étais pas tellement vierge...

M. HARDY: M. Bellemare, tantôt dans votre exposé, vous avez parlé du danger de votes régionaux et vous avez également parlé du danger que les partis, en quelque sorte, viennent influencer ou empêcher, dans une certaine mesure, la libre expression du vote des électeurs. C'est ce que j'ai cru comprendre, vou-driez-vous expliquer cela?

M. BELLEMARE: Voici ma prétention. Je me place simplement au point de vue de l'ouvrier syndicaliste, j'en ai fait passablement dans ma vie et...

M. HARDY: Vous l'êtes toujours, vous avez toujours votre carte.

M. BELLEMARE: Oui, j'ai toujours ma carte, je peux vous la montrer. Elle est à jour, elle est en règle, mais je prends simplement au point de vue syndicaliste, au point de vue des centrales syndicales. Supposons que dans une région plus forte que dans une autre où il y a un vote populaire assez dense, j'ai le contrôle de cette région-là au point de vue de centrales syndicales, on possède les gros atouts, et on en fait une proportion régionale. On dit: Voici, on va faire une certaine délimitation des votes et il y aura la représentation régionale aussi. Ce qui arrive, moi je me lance comme syndicaliste responsable d'une centrale et je fais, dans cette région-là particulièrement, une campagne extraordinaire pour faire voter ces gens-là au point de vue de ma thèse. Mais ça ne sera pas véritablement le vote du peuple. Ça va être l'imposition d'une pensée qui est peut-être bien différente de celle qui expose les grands principes de la philosophie politique d'un parti. Là, c'est un danger. C'est pour ça que je dis que, plus une région qu'une autre, ça devrait être les chefs de parti qui parcourent la province, établissent leurs lignes de combat, et font, cher monsieur, qu'ils établissent aussi leurs arrière-gardes.

M. LAURIN: M. Bellemare, un exemple contraire: il y a une grande centrale syndicale qui a appuyé un parti politique, le NPD, durant de longues années au Québec, et jamais elle n'a réussi à faire voter ses syndiqués pour ce parti.

M. BELLEMARE: Je vous donne bien raison parce que nous avons traversé des grèves extra-ordinairement malheureuses dans la province où on a fait contre le gouvernement en place dans le temps, une lutte épouvantable, et quand sont arrivés les ordres de voter à des élections qui ont suivi des grèves extraordinairement déplorables, les ordres étaient venus de haut. Même dans nos comtés. Moi, j'avais un comté où il devait y avoir, au Cap-de-la-Madeleine, 99 p. c. d'ouvriers. On n'a pas suivi ces directives-là, mais j'ai pris le mouvement syndical pour ne pas attaquer des personnes qui sont à cette table, qui ont elles aussi une responsabilité au point de vue politique; c'est pour aller à l'extrême que j'ai pris cet exemple au point de vue syndical. J'aurais pu prendre celui d'un parti quelconque et dire: Voici, un parti va noyauter mieux une certaine région qu'une autre, et on n'aura pas le véritable vote de la population, on va avoir plutôt l'idée d'un parti. Ce qui compte le plus, M. le chef du parti...

M. BOSSE: Le chef parlementaire, c'est pas la même chose...

M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas pareil, je connaissais M. Bourgault.

Je pense, M. le chef du parti, que vous recherchez plutôt à travers la province, le pourcentage du vote qui peut suivre l'exposition de vos thèses politiques et cela, "across the board" à travers toute la province, je pense que c'est ce que vous recherchez.

Mais je dis que, si c'était régionalisé, que le vote devrait être régionalisé et qu'on devrait prendre une certaine région et dire à la population: Vous aurez une certaine proportion dans un vote régional. A part le vote qu'on se donne, on va établir un autre vote régional. C'est rêver en couleur, je pense bien, quand on a l'expérience du boulot comme vous. Vous savez ce que c'est que des élections, vous savez ce que c'est qu'un vote libre, vous savez quels sont les organismes qui font que le vote est libre. Et ça en prendrait un autre pour en faire un vote régional, pour élire une autre superclasse?

Je pense que tous les députés doivent être élus au même étage. Tous les députés doivent avoir les mêmes raisons d'être élus, soit dans un parti ou dans un autre, mais il ne peut pas y avoir une caste spéciale et qu'ils disent: Moi, je suis un vote régional. Vous avez vécu l'expérience de Montréal, où on a établi un certain système, à un moment donné, où il y avait des classes 1, 2, 3. Une était élue par les groupes, une autre était élue...

M. O'REILLY: 99.

M. BELLEMARE: Oui, les 99 à l'époque: a, b et c. Vous avez vu ce que cela a donné. Cela a été lamentable comme système. C'est une belle expérience qu'il s'agit de relire aujourd'hui pour voir où ça nous a portés. On pensait que c'était la panacée à ce moment-là. On s'est aperçu...

M. BOSSE : Castrer le système.

M. LE PRESIDENT: M. Bellemare, afin de renseigner les membres de la commission, j'ai-

merais peut-être entendre vos commentaires sur la question de la carte électorale, par exemple.

Carte électorale

M. BELLEMARE: Voici, vous savez il y a une vieille tradition chez nous que vous allez avoir de la difficulté à défaire. Il y a des comtés privilégiés qui ont été établis depuis la Confédération... Oui, je comprends, j'allais justement... Je lis les journaux et je sais quel est le numéro de la loi qui les a enlevés, comment il y en a qui ont été tourmentés pour voter pour ou contre. En tout cas. Je n'ai pas parlé du comté de Brome.

Disons qu'il y a une vieille tradition dans la province de Québec qui n'a jamais existé dans les autres provinces. Et je vous inviterais, messieurs, à faire un relevé des autres provinces pour que vous puissiez toucher du doigt comment le vote est différent par comté. Pas parce que c'est catholique ou pas catholique, protestant ou pas protestant, anglais ou pas anglais, français ou pas français. Allez simplement dans l'Ontario et vous ne verrez pas un comté égal, pas un comté qui ait...

M. HARDY: Mathématiquement.

M. BELLEMARE: ... mathématiquement... C'est une erreur fantastique de certains penseurs qui croient qu'on peut décréter cela avec une craie et cela fait une équation de tant. C'est fondamentalement une erreur de base, cela n'a pas de bon sens, en partant. 65,000 ici et 65,000 là, 50,000 là, vous n'arriverez jamais à établir véritablement une carte où la représentation sera réellement ce que vous attendez.

Vous allez en Ontario. Par exemple, allez dans la ville de Toronto. Regardez le nombre de votes dans les comtés de la ville de Toronto et vous allez revenir à Québec et vous allez dire: II y a peut-être moyen de trouver entre le trop, le trop peu et le trop loin, le juste milieu, le "guide-line". Entre la disparition de tous les petits comtés qui sont peut-être... Je comprends que le comté de Maskinongé me faisait toujours envie dans ma région...

M. PAUL: Nous aussi, Champlain. Et si vous saviez comme la population de Champlain regrette votre départ.

M. BELLEMARE: Vous êtes en train de me tenter de nouveau mais je ne succomberai pas.

M. HARDY: Quand même, M. Bellemare, ceci admis...

M. BELLEMARE : Laissez-moi finir, me permettez-vous?

M. HARDY: Oui.

M. BELLEMARE : Allez à Winnipeg et vous allez trouver là des disproportions extraordinaires dans la ville de Winnipeg qui est loin de chez nous. Elle n'a pas connu nos problèmes de la Confédération, des comtés protégés. Que les comtés disparaissent comme comtés privilégiés, j'en suis. Qu'on ait une meilleure redistribution, par exemple, dans une certaine région, je pense que c'est normal. Mais que l'on fasse mathématiquement une règle de proportion des gens, de la population — les technocrates appellent cela la condensation de la population — il y a un mot pour dire cela, la démographie!

Non, ce n'est pas cela. C'est trop loin pour moi cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On change de terme à tout moment, vous savez.

M. BELLEMARE: Qu'on fasse cela et à l'occasion de ce remaniement. Je n'ai pas besoin de vous dire combien l'influence d'un député au pouvoir peut jouer plus favorablement qu'un autre. Je n'accuse personne. J'ai été au pouvoir assez longtemps pour savoir que lorsque...

M. HARDY: Vous parlez du "jerrymandering".

M. BELLEMARE: J'ai été pendant assez longtemps dans les coulisses pour savoir comment se fait à un certain moment la délimitation d'une rivière ou d'un coin de rue.

M. HARDY: M. Bellemare je voulais vous demander — même si cette division absolument mathématique est impossible, tout le monde autour de cette table l'admet — si vous admettez quand même qu'il est inacceptable qu'il y ait un comté de 80,000 électeurs et, tout à côté, un comté voisin de 13,000.

M. BELLEMARE: Ce que je n'admets pas, c'est qu'on n'en fasse pas la différence. Un député qui vit dans l'île de Montréal, c'est un bourgeois. Je n'attaque personne. C'est mon expérience que vous m'avez demandée, je vais vous la donner. Un député qui vit dans la ville de Montréal, c'est un bourgeois. Un député qui vit dans la partie rurale, c'est un esclave. C'est un homme qui est obligé de s'occuper de vingt conseils municipaux. C'est un homme qui, même s'il ne veut pas les recevoir, est obligé de s'occuper de vingt-deux ou vingt-trois commissions scolaires, qui est obligé de s'occuper du crédit agricole. Vous allez dire que le député n'est pas élu pour cela. On n'est pas capable de fermer notre porte. On est obligé de s'occuper des accidents du travail, des mères nécessiteuses, de toutes les lois sociales dans vingt municipalités différentes.

M. HARDY: Dans le cas des accidents du travail avec un bon président...

M. BELLEMARE: Pour tous les ministères.

On est obligé d'aller dans tous les ministères pour régler tous les cas de tout le monde et on dit que c'est du patronage! Non, ce n'est pas du patronage! C'est rendre service à la population pour laquelle on s'est engagé. Aujourd'hui, il n'y a pas comme en France des bureaux de préfecture où l'on peut s'adresser pour faire régler nos cas. Le seul moyen, la seule place où la population peut aller librement, c'est dans le bureau du député dans la région rurale, même dans les villes. J'ai conservé depuis 1944 la liste de tous ceux qui m'ont visité. Des listes, j'en ai épais comme cela. Je ne regrette pas d'avoir vu ces gens. Je prétends que c'est un apostolat de présence. Cela vaut parfois beaucoup plus que l'apostalat de la prière.

M. HARDY: Croyez-vous que cela attire les indulgences?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sous forme de votes!

M. BELLEMARE: Cela dépend, cher monsieur, dans quel esprit vous le faites.

M. HARDY: Cela dépend du genre d'indulgence.

M. BELLEMARE: II y a des indulgences plénières, mais il y a aussi des indulgences partielles, c'est-à-dire de parti.

Je termine, M. le Président, en disant qu'il y ait 80,000 électeurs dans Montréal par comté et qu'il y en ait 25,000 dans un comté rural, je pense que la population accepte cela. Quand on dit vote pour vote, homme pour homme, je ne crois pas à cela. Je suis un ancien politicien. Vous allez dire que c'est l'ancienne tradition qu'on a entendue, la vieille affaire de Duplessis, de tous ces gars-là. Cela ne me fait rien d'être qualifié ainsi. J'ai une vie parlementaire de 26 ans que je ne changerais pas pour bien d'autres. Si je suis devenu ce que je suis aujourd'hui, je le dois à la politique. J'ai rencontré des gens extraordinaires dont le contact m'a formé. Ils m'ont appris des choses extraordinaires que je n'aurais jamais apprises dans les livres. Ce que j'ai appris dans un comté rural comme le mien, je l'ai puisé aux sources les plus pures de la population. J'ai connu leurs misères et leurs justes revendications. J'ai été un homme qui a empêché souvent des contestations d'avoir lieu. J'ai été un homme qui, à un moment donné, à cause du rôle que je jouais, a été le conseiller de bien des gens qui cherchaient un conseiller.

Où voulez-vous qu'on aille, demain matin, dans nos régions rurales, pour avoir un conseil, par exemple, sur un changement qu'on doit faire pour l'exécution d'un testament? On en est rendu là! Les gens viennent nous voir et nous disent : J'ai été mariée, je suis divorcée; il y a vingt ans que mon mari vit avec une telle; il lui a laissé son commerce. Est-ce que vous pensez que j'ai des droits dans le commerce de mon mari? C'est bon cela pour un "brake-man".

M. HARDY: Vous n'avez jamais eu de difficulté avec le Barreau?

M. BELLEMARE: Non, parce que je n'ai jamais rien chargé. Je pense que je n'ai pas les mêmes tarifs que le Barreau.

M. LEGER: N'y a-t-il pas moyen de concilier votre manière de voir avec le fait que des comtés peuvent avoir quand même une moyenne avec une marge?

M. BELLEMARE: Oui. Entre le trop peu, comme j'ai dit tout à l'heure, et le trop loin, il y a une marge raisonnable.

Un comté de Montréal peut avoir 65,000, 75,000 de population, c'est presque raisonnable. Vous êtes de Montréal, vous êtes représentant, l'honorable député de Lafontaine. Pou-vez-vous me dire — écoutez bien, vous avez le droit de ne pas me répondre, c'est peut-être mal ce que je fais-là — sur les 80,000 électeurs que vous avez...

M. LEGER: 55,000.

M. BELLEMARE: ... pouvez-vous me dire quelle proportion vous connaissez des 55,000?

M. LEGER: C'est entendu que dans une ville de la grandeur... J'ai le comté le plus large de Montréal, je pense que...

M. BELLEMARE: Alors, je vous remercie de votre réponse. Dans mon comté, j'ai 32,000 électeurs, j'en connais 80 p. c, individuellement, par leur nom et ceux qui restent au bout du rang Sainte-Marie, puis ils traversent la rivière pour venir chez nous.

M. LEGER: En 26 ans.

M. BELLEMARE: Même après cinq ans, monsieur, j'étais assez clairvoyant. D'ailleurs, je ne me suis pas présenté sans être connu. Indépendamment de cela, il arrive que, dans nos comtés ruraux, on connaît presque toutes les familles; on sait que Pierre est marié à la fille de Baptiste, je dis cela, mais cela n'existe pas dans...

M. LAURIN: II y a votre tempérament et votre personnalité qui ont contribué à...

M. BELLEMARE: Mais la vôtre n'aurait pas nui chez nous.

M. FRASER: Cela arrive dans tous les comtés ruraux.

M. BELLEMARE: Les comtés ruraux, ce n'est pas le même esprit, ce n'est pas le même...

Si vous donnez à un député rural 80,000 de population, il va mal accomplir son boulot. Il n'est pas capable... En tout cas, des bureaux qui ouvrent à sept heures et demie et huit heures et qui vont jusqu'à minuit, moi, j'ai connu cela. Il y en a encore parmi vous qui le faites. L'apostolat de la présence le lundi, le vendredi, le samedi et même le dimanche. On paye bien plus de notre présence dans les comtés ruraux; on est invité à des centaines de démonstrations, continuellement. C'est la paroisse de Saint-Narcisse qui organise un festival, la paroisse de Saint-Maurice a décidé d'en organiser un parce que la paroisse de Saint-Narcisse en avait un. C'est un concours de natation, mon cher monsieur, qui a lieu à Sainte-Adèle. C'est un déjeuner aux "beans" qui arrive à tel endroit. Vous êtes continuellement sur la sellette. Dans une ville, bien, le maire fait cela, ou bien, de temps en temps, vous avez une démonstration; vous n'avez jamais ces préoccupations. C'est pour cela que, quand vous parlez de recoupage entre le "trop peu" des comtés, comme le comté de Bagot qui a 9,000 de population et puis le comté de Saint-Hyacinthe, le voisin, qui en a 36,000, 37,000 M. le Président? 37,000, je pense à Saint-Hyacinthe? 37,000. Bien là, il y a le "trop peu" et le "trop plein". On pourrait avoir une bonne moyenne parmi ces comtés ruraux. A cela, je ne verrais aucune objection. Mais, qu'on compare un comté de la ville de Montréal, homme pour homme, vote pour vote, oh! ce n'est pas la même chose. Qu'est-ce qu'on élit, M. Léger? On élit des représentants. L'obligation d'élire un représentant, est alliée à des obligations. Est-ce que les obligations d'un député de la ville de Montréal sont les mêmes que les obligations d'un député d'un comté rural? Jamais dans cent ans!

M. LEGER: Elles ne sont certainement pas les mêmes, M. Bellemare, mais il faut admettre quand même que, dans les villes, vous avez le problème du bien-être social, des chômeurs qui viennent à nos bureaux... J'ai de 15 à 20 visites, par jour, à mon bureau.

M. BELLEMARE: Vous avez parfaitement raison; je ne dis pas que le député urbain, d'une grande ville comme Montréal ne fait rien, au contraire. Lui aussi a son travail. Mais, toutes proportions gardées, avec un comté rural, il a vingt visités contre cent.

M. LEGER: Mais est-ce que vous admettriez que le rôle du député ruai commence à se modifier et qu'il devrait se modifier?

M. BELLEMARE: La politique, monsieur, suit des critères. La population a confiance. Même parmi les partis de l'Opposition, une fois que le député est élu, cela a changé. Même, maintenant, on fait disparaître l'esprit de parti et on va voir le député élu. Cela ne se faisait pas autrefois. Un député qui était élu libéral, jamais un conservateur n'allait le voir! Aujourd'hui, c'est changé. Il y a des comtés où il est élu, eh bien, qu'il soit de n'importe quel parti, même un créditiste, un péquiste, n'importe, il est élu; on va le voir et on se dit : C'est le seul espoir qui reste. •

M. LEGER: On lui dit qu'on a voté pour lui.

M. BELLEMARE: Non, pas nécessairement, je n'ai pas voté pour vous, monsieur, mais j'ai un renseignement à vous demander: A quel endroit dois-je m'adresser pour envoyer ma formule d'impôt sur le revenu? J'ai, mon cher, un problème avec ma belle-mère. Je ne suis capable de la placer nulle part. Elle est en train de crever chez nous. Ma femme est épuisée. Avez-vous un bon conseil à me donner? Vous en voyez de cela, tous les jours?

M. LE PRESIDENT: Le député de Papineau, s'il vous plaît.

M. ASSAD: M. Bellemare, justement dans un comté de 75,000 de population, j'ai 34 municipalités et il y a peut-être 32 commissions scolaires.

Tel que vous l'avez dit pour les péquistes, depuis un an je sens que je n'arrive à rien finalement.

M. BELLEMARE: Vous êtes député du comté de Papineau?

M. ASSAD: Oui. Je n'ai pas vu que j'avais toutes ces municipalités-là et je vous assure que c'est un emploi jour et nuit.

M. BELLEMARE: Oui, oui.

M. ASSAD: Ne serait-il pas nécessaire dans mon cas d'avoir une division de la carte électorale?

M. BELLEMARE: Ce qui serait peut-être le plus recommandable et qui viendra, je le pense, ce sera la décentralisation de l'administration. Quand vous aurez atteint ce stade-là, décentraliser l'administration pour pouvoir véritablement vous accommoder de faire les deux, être un législateur et accommoder les gens de votre comté par des bureaux qui seraient des bureaux régionalisés de l'administration, vous allez voir que vos problèmes vont diminuer. Exemple: La commission des accidents de travail a commencé une décentralisation de son pouvoir administratif. On est à ouvrir maintenant des bureaux régionaux dans toutes les régions administratives de la province. Ceux qui sont déjà en marche nous rapportent des fruits excellents au point de vue administratif, parce qu'ils déchargent l'administration qu'on avait de la responsabilité de répondre continuellement à des choses qui se font régionalement maintenant. Quand les accidentés savent qu'il y a un bureau

régional dans telle région administrative, ils s'adressent à ce bureau. Ils ont une réponse tout de suite par Télex. S'il y a émission d'un chèque ou n'importe quoi, ils le reçoivent dans un temps plus court. Cela est un problème et je le dis. Même si on faisait un découpage d'une carte électorale chez vous, il faudrait faire attention au comté de Hull, votre voisin. Il faudrait faire attention au comté de Gatineau, votre voisin. Gatineau, Hull, Papineau, cela fait une espèce de régionale. Mais est-ce que le comté de Hull n'est pas plus populeux que le vôtre?

M. ASSAD: Non, parce que j'ai un plus grand nombre d'électeurs.

M. BELLEMARE: II y a plus d'électeurs dans le comté de Papineau?

M. ASSAD: Plus de municipalités.

M. BELLEMARE: Plus de municipalités? Le comté de Gatineau est plus petit dans ce cas-là?

M. ASSAD: Oui, il est plus petit.

M. BELLEMARE: Dans une région particulière, pour ce qui est des comtés régionaux, je ne sais pas, ce n'est pas une directive que je donne, que ça soit proportionnel, mieux redistribué entre les députés régionaux, d'accord. H n'y a pas lieu qu'on redivise certains comtés régionaux pour en faire des comtés à proportions tout à fait égales, mais raisonnables. Ce contre quoi je suis, c'est qu'on dise: Un vote pour un vote. C'est qu'on prenne un critère absolu et qu'on dise: II y a 75,000. On divise ça par le nombre d'électeurs, ça fait 75,000. Il faut qu'il y ait 75,000 dans ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bellemare, vous parliez tout à l'heure de la décentralisation administrative qui se fait de plus en plus et qui existe déjà en grande partie chez nous pour l'ensemble des ministères du gouvernement. Evidemment, les citoyens qui s'adressent à ces bureaux régionaux n'ont pas à s'adresser maintenant au bureau central, là où se trouvent les grands pouvoirs de décision. Prenez le cas de la Commission des accidents du travail, c'en est un. Mais il ne faut quand même pas penser que, du fait de l'existence de ces bureaux régionaux, les députés sont pour autant déchargés...

M. BELLEMARE: Oh! non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... des tâches qu'ils avaient.

M. BELLEMARE: D'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II se produit exactement ce qui se produisait au moment où nous devions requérir les services de l'adminis- tration centrale. Les gens se présentent au bureau du député, nous établissons le contact avec le bureau régional et selon la réponse qui est donnée, les gens reviennent nous voir ou c'est l'inverse. Ils commencent par aller au bureau régional...

M. BELLEMARE: II y a une proportion qui ne revient pas.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): ... ils reviennent nous voir. C'est-à-dire que la proportion est à peu près toujours la même parce que, indépendamment des décisions qu'on prend par exemple à la Commission des accidents du travail, les gens se disent toujours: Si le député intervenait, peut-être la décision pourrait-elle être changée. Ils nous demandent à ce moment-là de nous adresser encore une fois au bureau régional et même de nous adresser à l'instance supérieure, de sorte que la décentralisation administrative, à toutes fins utiles, ne change rien aux conditions de travail des députés. On déplace tout simplement le problème. Et vous le souligniez tout à l'heure avec beaucoup d'à-propos, c'est que le député est encore et restera à mon sens pendant longtemps le lien normal entre l'administration et le peuple. Les députés des circonscriptions rurales ou semi-rurales ont à cet égard des responsabilités que n'ont pas toujours les députés des villes. En ce qui me concerne, je représente ce qu'on appelle maintenant un comté de ville, encore qu'il y ait une enclave agricole assez importante, mais cela n'a pas allégé pour autant ma tâche de député, puisque les problèmes restent diversifiés.

Compte tenu même de l'existence de bureaux régionaux, les gens ont toujours recours au député comme s'il s'agissait de Dieu le Père et c'est lui qui fait les relations.

Je revoyais la semaine dernière les statistiques de l'administration que j'ai faite depuis cinq ans. On reçoit à mon bureau entre 125 et 150 appels par jour. Je reçois personnellement entre 40 et 60 lettres par jour. Mon secrétaire de comté doit évidemment établir les contacts, me mettre en contact avec ces gens-là. Je dois moi-même intervenir auprès de l'administration, de sorte que ma tâche de législateur devient, sur le plan pratique, moins important que ma tâche d'administrateur, si je puis appeler ça comme cela, ma tâche d'agent de relations entre le gouvernement et les gens qui m'ont élu.

Et c'est comme ça pour l'ensemble des députés. Vous parliez tout à l'heure de la représentation régionale. Il n'est pas, je ne crois pas, dans l'intention des membres de cette commission de créer, par le truchement d'un nouveau mode de scrutin, ou d'un réaménagement de la carte électorale, des gouvernements régionaux. Mais, il y a des régions qui ont besoin d'être représentées de façon plus adéquate, afin de faire la pondération entre l'influence des grands centres urbains, des grandes agglomérations et les centres moins importants. Et cela davantage

dans des régions qui sont en voie de développement, comme l'est la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Lorsque nous parlons d'un scrutin proportionnel, d'une représentation qui tienne compte de tous ces facteurs-là, nous nous rendons compte que — et je ne veux pas naturellement interpréter vos opinions — vous aviez pris depuis longtemps la dimension de ce problème. Il y a dans votre esprit cette idée qu'il faut un équilibre entre une représentation — appelons-la comme ça — dite rurale et une représentation urbaine pour contrebalancer l'influence des grandes agglomérations par rapport à celles des diverses régions du Québec.

Tout à l'heure, le député de Papineau indiquait qu'il est dans une région à caractère particulier, que les problèmes qu'il a à discuter avec ses électeurs sont très diversifiés. La représentation dans cette région-là ne peut pas être établie sur les mêmes bases démographiques que celles que l'on pourrait établir dans la région de Montréal, où les problèmes sont moins diversifiés. Si on prend un comté comme celui de Sainte-Marie ou le comté du premier ministre, il n'y a quand même pas de problèmes d'agriculture et de colonisation. Or, dans un comté comme le mien qui est pourtant un comté dit urbain, j'ai des problèmes d'agriculture et de colonisation. La Voirie, l'Education, tous les ministères y passent, y compris les Affaires culturelles.

C'est pour ça que j'écoutais vos propos...

M. BELLEMARE: Messieurs, est-ce que je pourrais vous demander la permission de me retirer? J'ai un rendez-vous à onze heures avec un honorable personnage dans le parlement. Je n'aime pas être en retard, mais si vous aviez, comme disait le gars, fini de vous servir de moi...

M. HARDY: Si vous me permettiez une seule question, M. Bellemare. Je vais essayer de la formuler très rapidement, de la résumer. Vous avez, bien sûr, tantôt parlé abondamment de ce rôle de médiateur du député qui est beaucoup plus considérable dans les comtés ruraux et veuillez croire que, malgré votre longue expérience, vous ne m'avez pas tellement appris de choses...

M. BELLEMARE: Ni scandalisé.

M. HARDY: ... parce que déjà j'ai pu le réaliser dans le comté que je représente. Mais ne croyez-vous pas que, même cela admis, à l'heure présente, la région métropolitaine, entre autres, si on considère le nombre de députés de la région de Montréal, par rapport à l'ensemble des députés de la province, nous apparaît, à première vue, sous-représentée? Et que cette sous-représentation dans le contexte social actuel est de nature à aider ou à alimenter les contestations de la rue?

En d'autres termes, les gens habitant la région métropolitaine, se sentant sous-représentés au Parlement, se disent qu'ils doivent connaître leur revendication d'une autre façon. C'est ainsi que vous avez toutes sortes de marches, toutes sortes de revendications. Je me pose souvent une question devant cet état de choses; je me demande pour la paix sociale, pour le bon fonctionnement de la société, s'il ne serait pas préférable que ces gens qui habitent une région urbaine comme la région de Montréal, se sentent davantage représentés au Parlement, pour que, par conséquent les revendications qu'ils font dans la rue puissent plutôt se faire au Parlement, ce qui assurait une meilleure stabilité de notre régime démocratique.

M. BELLEMARE: M. Hardy, vous allez peut-être sursauter, mais je ne partage pas votre opinion. Je ne veux pas paraître un doctrinaire, mais ayant vécu intensément ces contestations-là parce que j'ai été ministre du Travail, je pense que même si vous ajoutiez plus de comtés, vous n'empêcheriez pas ces contestations. Il ne faut pas oublier que, pendant des années, il y a eu ici une ligne. Cela a été une ligne traditionnelle, une ligne de vie où tout le monde vivait son petit bonhomme de chemin sans trop trop percevoir les perturbations des autres. A un moment donné, dans tous les secteurs, il s'est fait une espèce de montée en ligne directe de protestations dans tous les domaines. Il s'est établi, à la suite de ces protestations, une espèce de ligne d'attente. Cela a été la ligne traditionnelle de la chaussure, du textile, des mines, de la construction. Tout ça est resté stationnaire pendant des années, parce que le mouvement syndicaliste ne fonctionnait pas à plein. A un moment donné, le mouvement syndicaliste s'est mis à opérer et il a entraîné dans son évolution normale une certaine montée de contestation dans tous domaines. Quand nous avons connu le domaine des mines, de la chaussure, du textile, de l'acier, des communications, du fonctionnarisme, cela n'existait pas, ça.

A un moment donné, cette flèche-là s'est faite et ils sont venus sur une espèce de plan stabilisateur pour connaître maintenant, dans plusieurs domaines, la ligne raisonnable qui se situe à peu près ici.

Après qu'on a connu la ligne traditionnelle de la vie ordinaire, on a connu cette ligne montante de la contestation et on est arrivé à un palier assez haut. On voulait atteindre ce palier. Quand on l'a eu atteint, on s'est fait des raisons, patrons, syndicalistes et les autres, ceux qui sont obligés de vivre surtout en communauté de pensée pour produire quelque chose ou offrir des services. On en est venu alors à une ligne d'entente qui est beaucoup meilleure et qui est beaucoup plus raisonnable pour tout le monde.

C'est ce qu'on appelle l'évolution normale d'un peuple pendant 30 ans. On ne change pas cela en ayant des députés de plus ou de moins.

M. BOSSE: Vous attribuez exclusivement dans votre démonstration linéaire...

M. BELLEMARE: Ecoutez bien, ce n'est pas breveté ça, cela vient seulement de ma tête.

M. BOSSE: Vous attribuez quand même la contestation uniquement à l'action syndicale.

M. BELLEMARE: Non, non. Elle vient de la partie syndicale, et elle vient aussi, elle peut venir de toute autre association. Elle peut être dénoyautée par toutes sortes d'autres raisons, politiques ou autres.

En général, quand vous voyez une ligne traditionnelle s'établir, et qu'on sort de cette ligne traditionnelle, on est perturbé dans ses idées, on est perturbé dans sa vie. Tout le monde a senti une friction. Et surtout, cette friction-là s'était faite à tous les échelons, dans l'Eglise même.

M. BOSSE: Parce que depuis...

M. BELLEMARE: Dans l'Eglise, il n'y a pas de syndicats. Bien oui, les curés sont syndiqués.

M. BOSSE: Depuis au moins trois ou quatre ans, la contestation n'origine surtout pas du mouvement syndical. Il y a quelque cinq ans...

M. BELLEMARE: Je voudrais que vous compreniez bien. J'ai pris ça pour démontrer que, quand on aura plus de députés ou moins de députés, c'est la synthèse de l'évolution d'un peuple qui se fait pendant trente ans, et à cause de contestations qui peuvent venir de milieux syndicaux, de milieux sociaux, de milieux politiques, il se fait une évolution. Mais rendu à ce stade-là, on se fait une espèce de raison de vivre, d'entente entre les partis ou entre les individus, pour établir une vie raisonnablement meilleure, améliorée, et qui prévaut aujourd'hui. Des contestations, savez-vous qu'il en existait du temps de notre grand-père Adam et du temps de Moïse? Quand Moise, du mont, en haut, avec ses plaques — pas le mont Orford — est arrivé en bas dans la plaine, il y avait une drôle de contestation, vous savez, contre lui!

UNE VOIX: Au mont Sinai".

M. BELLEMARE: Le mont Sinai'.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils ne demandaient pas des salaires, ils voulaient des petits oignons d'Egypte.

M. BOSSE: En ce qui a trait par exemple à l'opinion du confrère de Terrebonne, moi aussi, je me demande si cette théorie, que vous avez exposée tout à l'heure, du député rural qui lui est proche de ses commettants, pourquoi ne serait-elle pas vraie dans les milieux urbains? Et je prends à titre d'exemple ce besoin des populations, des individus et des collectivités de rencontrer le gouvernement sous sa forme la plus humaine, à savoir le député.

M. BELLEMARE: Si vous êtes capable de me le prouver, mon cher, je suis bien prêt à changer d'avis, parce que je suis un homme assez souple. Si vous êtes capable de me prouver qu'à Paris, par exemple, à Londres, à Munich ou à Berlin, ou bien dans toutes les grandes capitales du monde, la proportion des députés élus est différente de celle des autres comtés, je suis prêt à me rendre à votre avis. Mais quand vous aurez fait cette petite étude qui est contenue dans des statistiques qui sont faciles à obtenir auprès du gouvernement du Canada, vous allez vous apercevoir que, dans ces statistiques-là, la proportion qui est accordée pour faire la délimitation des cartes électorales est toujours plus considérable dans une ville, dans une grande capitale que dans une partie rurale.

M. BOSSE: Mais dois-je vous rappeler aussi que dans ces villes, il y a des Londonderry, etc. Il y a le phénomène de la communication, par exemple, du député qui aurait peut-être des populations moins nombreuses et qui pourrait les rencontrer. Evidemment, je serai d'accord avec vous pour dire que les mécanismes de communication avec ces groupes peuvent différer. Et je prends, à titre d'exemple, cette rencontre avec les chauffeurs de taxi qui n'est qu'une rencontre avec un représentant du gouvernement, avec le gouvernement qui descend dans la rue, qui vient les voir. C'est simple en soi, c'est banal, mais pourquoi ne serait-ce pas vrai, par exemple, avec les comités de citoyens? Les populations sont en train d'établir des moyens de communication. Il appartiendrait peut-être, à ce moment-ci, de faire ce retour à une forme de communication gouvernementale beaucoup plus humaine. A mon avis, peut-être qu'on est tombé — je suis peut-être un peu d'accord avec vous — dans la mentalité à savoir qu'on a peut-être exagéré un peu l'utilisation de la technocratie.

M. BELLEMARE: Non, vous vivez un peu dans une ville, dans une capitale nécessairement, pas une capitale, mais une métropole, qui a des problèmes bien divers, bien différents. Est-ce que, par exemple, comme on fait dans nos comtés Vuraux, vous faites ces réunions de comté de temps en temps? Les gens viennent dans nos comtés par 200, 300...

M. BOSSE: Ça roule.

M. BELLEMARE: Ecoutez bien. Dans nos comtés, quand on fait une réunion de comté, nous avons 400 à 500 personnes. Dans la ville de Montréal, quand vous en ferez, je ne sais pas combien vous pouvez avoir de personnes.

M. BOSSE: Je dis que les mécanismes de

communication sont différents. Il y a des groupes d'intérêt qui participent. Il appartient maintenant à la députation nouvelle ère d'établir ces moyens de communication, de savoir évidemment, si elle est inspirée pour la politique, s'il y a là cette espèce de vocation dont vous avez parlé.

M. BELLEMARE : Nous reprendrons cela tous les deux.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, je serai très bref, d'abord pour remercier M. Bellemare d'être venu ici nous donner son expérience vécue. Vous savez tous, messieurs les membres de la commission, que M. Bellemare accuse déjà un retard de 25 minutes.

M. BELLEMARE : J'espère que celui qui va me recevoir va comprendre cela.

M. LE PRESIDENT: ...En votre nom à tous, je désire le remercier encore une fois et l'inviter à revenir nous voir, lorsque l'occasion se présentera.

M. BELLEMARE : Ce sera pour moi un grand plaisir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. BOSSE: Une question auparavant, M. le Président, au député de Chicoutimi, s'il veut bien répondre, évidemment, afin de m'éclairer sur certaines des statistiques qu'il a énoncées.

Tout à l'heure, il a parlé de 100 à 125 appels téléphoniques par jour. Serait-il possible de savoir si c'est de façon régulière ou si c'est sporatique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le député, c'est régulier...

M. BOSSE : Cela cinq jours par semaine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand je ne suis pas dans le comté, bien entendu, les gens communiquent avec le secrétaire de comté. Nous prenons note, depuis cinq ans, de tous les appels, de toutes les heures des appels et de l'objet des appels téléphoniques que nous recevons. Par ailleurs, le courrier est là. Je le vois moi-même, les secrétaires le voient d'abord, je le vois moi-même, je réponds moi-même à toute lettre. Il ne s'agit donc pas d'un phénomène intermittent, c'est un phénomène régulier, et cela depuis cinq ans que je suis député de Chicoutimi et cela pendant les quatre années au cours desquelles j'ai été député de Roberval. Maintenant, pour revenir à ce que vous disiez tout à l'heure, M. Bossé, vous parliez de la représentation de Montréal, par exemple, des grandes agglomérations, et vous disiez que les phénomènes de contestation étaient en grande partie attribuables au fait — et M. Hardy aussi le disait, je crois — qu'il y a une sorte de sous-représentation dans la région de Montréal. Il est bien entendu qu'en ce qui me concerne, je n'ai aucune sorte d'objection à ce que l'on accroisse la représentation dans les grandes agglomérations afin d'établir un juste équilibre entre le nombre d'électeurs et la tâche qu'a à accomplir le député. Je ne suis toutefois pas de votre avis lorsque vous dites que le phénomène de contestation viendrait, du moins en grande partie, du fait qu'il n'y a pas assez de députés dans la région de Montréal.

M. BOSSE: Pas exclusivement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai bien dit en partie. Le phénomène de contestation — bien des sociologues, psychologues, etc. — l'ont analysé, c'est un phénomène international et c'est ici comme ailleurs un phénomène de mécontentement.

Vous savez, lorsqu'on fait de la contestation pour une raison ou pour une autre, on ne s'en prend pas nécessairement au député comme tel ou on n'allègue pas la raison qu'on est mal représenté. On a bien d'autres motifs de le faire. Ce qui devra nous inciter à réfléchir, lorsqu'on parle de la contestation en fonction de la représentation dans les grandes agglomérations, c'est que, la plupart du temps, cette contestation prend la forme suivante d'un refus total de l'autorité incarnée par qui que ce soit. Soit au palier des commissions scolaires, à celui des municipalités comme à celui du gouvernement.

On a très peu souci de la personne qui est là et qui représente l'autorité. Ces représentants de l'autorité, en ce qui concerne le gouvernement, fussent-ils beaucoup plus nombreux, cela ne changera absolument rien au problème. Toutefois, il me paraît important que l'on accroisse, dans une proportion raisonnable, le nombre de députés dans les agglomérations urbaines afin d'enlever, à ceux qui invoqueraient cette raison, cet argument qu'ils sont mal représentés ou insuffisamment représentés sur le plan numérique. Toute cette question suppose que l'on revoit l'ensemble du problème et que l'on établisse, comme je l'indiquais tout à l'heure, une pondération très équitable entre la représentation des grandes agglomérations et celle des régions dites rurales où la population est moins importante, mais où lés problèmes se manifestent dans tous les secteurs de l'activité sociale, économique, éducative, etc, de façon plus aiguë du fait que ces régions sont en voie de développement ou sont considérées comme des régions défavorisées.

Je n'établis pas, du moins en grande partie, de relation directe entre le phénomène de la contestation, pris dans son ensemble, et celui de ce que vous appelez la sous-représentation.

Et la meilleure preuve de cela, c'est le mépris souverain qu'ont un grand nombre de groupes contestataires de l'autorité sous toutes ses

formes. Et fussions-nous 500 députés à l'Assemblée nationale, nous n'aurions pas empêché les phénomènes de contestation. Nous n'aurions été, à leurs yeux, que les boucs émissaires qu'ils ont fait de tous ceux qui représentaient l'autorité.

M. BOSSE: Je pense, par exemple, que ces groupes de contestataires qui ont un mépris souverain sont quand même dominés par un nombre extrêmement limité de dirigeants qui, eux, sont ce qu'on peut qualifier, selon les circonstances, d'agitateurs, selon que les motifs de contestation sont bien fondés ou non, d'une part. Je n'ai pas voulu attribuer, cependant, que le fait de multiplier le nombre des députés dans la région, ou d'établir une répartition plus adéquate de la députation dans des grands centres urbains, soit de nature à corriger toute la contestation de notre société. Je suis bien d'accord. J'ai voulu exprimer tout simplement une expérience...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'ai bien compris.

M. BOSSE: ... à savoir que la population souffre de l'absence de ces rencontres humaines avec ceux qui forment le gouvernement. Vos remarques étaient sûrement très pertinentes. Elles ne m'ont cependant pas fait oublier l'objet de ma question, à savoir que j'ai établi ma statistique et vous recevez, durant une année, au moins 10,000 lettres et 25,000 appels téléphoniques.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est aussi tragique que cela !

M. BIENVENUE: J'ai dit oui parce que...

M. BLANK: D'après mon expérience, quand j'ai siégé ici pour la première fois, en 1960, j'ai occupé la banquette voisine de celle du député de Matane à l'époque, M. Castonguay, et...

UNE VOIX: II en est mort!

M. BLANK: II en est mort! Lui, il recevait environ 100 à 150 lettres par jour tandis que moi je n'en recevais que trois ou quatre par semaine. Je lui prêtais les services de ma secrétaire pour lui permettre de répondre à toutes ces lettres parce qu'il lui était impossible de mettre à jour toute sa correspondance. Nous occupions les banquettes voisines. La même situation s'est répétée lorsque j'occupais la banquette voisine de celle du député de Saguenay, M. Bélanger. C'était exactement la même chose. Pour lui, peut-être un peu moins, soit 75 à 80 lettres. Mais à Matane c'était 100 à 150 lettres par jour.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. Bossé, je vais vous donner simplement un petit détail...

M. BOSSE: L'objet de mon insistance est précisément de faire réaliser, peut-être, au public, la somme de travail qui échoit à un député...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais vous donner un petit détail en passant.

Quand j'ai fait la campagne électorale de 1970, je faisais observer aux journalistes qui étaient venus me rencontrer à mon bureau pour une conférence de presse — et je leur montrais les dossiers dans tous les classeurs — que j'avais au-delà de 6,500 dossiers ouverts, y compris évidemment les dossiers classés. Pour quelle raison cela? Evidemment, on n'ouvre pas toujours un dossier lorsqu'on reçoit un appel téléphonique. Ce sont des choses, parfois, qu'on règle par téléphone. Mais pour que le citoyen se rende bien compte que le secrétaire qui est là et qui nous remplace a fait le message, immédiatement après que l'appel téléphonique a été reçu, le secrétaire écrit en disant: Suite à votre appel téléphonique, j'ai communiqué, etc., etc. Alors à ce moment-là, s'il s'agit d'une question d'assistance sociale, on envoie une lettre à la personne pour lui dire qu'on s'occupe de son cas. On envoie une lettre au bureau régional ou au bureau central ici pour lui soumettre le cas. On reçoit les réponses. On recommunique avec la personne pour lui envoyer copie des réponses. Quelquefois, le cas est embrouillé, difficile. Il y a refus ou il y a demande de renseignements additionnels. Parfois, pour un seul appel téléphonique, ça exige une dizaine de lettres et ça, c'est quotidien.

M. BOSSE: Je ne veux pas être méchant, mais est-ce que vos statistiques — je ne veux pas manquer de respect à la langue française — ça comprend le "rush" des Fêtes aussi, pour les cartes de Noël?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non. Nous ne faisons absolument pas intervenir cette sorte de flux massif qui se produit à l'occasion des Fêtes où on échange des voeux. Cela est mis à part. On considère ça comme une chose absolument personnelle et je ne fais pas entrer en ligne de compte non plus la correspondance strictement personnelle, des gens qui m'écrivent pour me dire que je suis beau et que je suis fin...

M. BOSSE: Cela, vous le savez.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ou ceux qui m'écrivent pour me dire le contraire.

M. BIENVENUE: Vos soupirantes sont incluses, aussi?

M. HARDY: Et ceux qui vous écrivent pour vous dire que vous êtes méchant à l'endroit du président des comités pléniers.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai jamais

eu de lettre dans ce sens-là, M. le Président. J'ai eu des félicitations.

M. HARDY: M. le Président, j'aurais un petit mot à ajouter. Je ne veux pas prolonger ce débat-là parce qu'en fait on s'écarte un peu de l'objet même. Mais je continue à maintenir ceci. Bien sûr, tout ce volume dont fait mention le député de Chicoutimi, dont parle le député de Matane, il est exact, c'est évident que dans des comtés ruraux, nous recevons — et moi je suis bien prêt, je ne mets pas en doute du tout les statistiques du député de Chicoutimi ou du député de Matane, me fondant sur mes propres statistiques qui sont étrangement semblables à celles qui ont été évoquées — mais ça, c'est un problème.

M. BOSSE: C'est l'inverse, je voulais les mettre en valeur.

M. HARDY: Je sais, je savais votre...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez bien réussi.

M. HARDY: ... mais cela, c'est un problème. Sur l'autre problème, je diffère d'opinion avec le député de Chicoutimi en ce qui a trait à la contestation. Bien sûr, il y a des contestataires professionnels, des gens qui seront toujours contre l'autorité quelle qu'elle soit, en commençant par l'autorité du bedeau en allant jusqu'à l'autorité du pape, en passant par l'autorité des ministres...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les enfants de Marie.

M. HARDY: ... et il y a certains députés même qui sont presque des contestataires de l'autorité présidentielle.

M. PAUL: Pas de l'autorité, du personnage.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Je me sens visé.

M. HARDY: Mais ceci admis, je pense qu'il y a quand même cette réalité que, si nous voulons que le Parlement continue à être un instrument valable de démocratie, si nous voulons qu'une partie de la contestation se fasse par le truchement du Parlement — et je pense qu'il y a une partie de la contestation qui peut se faire par le truchement du Parlement — et là je pense non pas aux contestataires professionnels, mais à ceux qui veulent un changement sur le plan social, sur le plan économique, sur différents plans...

Je dis que si nous voulons que le Parlement soit vraiment un instrument crédible aux yeux de cette partie des contestataires qui veulent des changements normaux, il faut que le Parlement soit plus représentatif. Ce que j'ai en tête, actuellement, c'est cette trop grande différence qui existe présentement entre la représentation urbaine et la représentation rurale. Et je continue à prétendre que, si le Parlement ou si les régions urbaines étaient mieux représentées au Parlement, ceci n'enlèverait pas complètement la contestation, mais aurait pour résultante de l'amenuiser, de la diminuer. Mon collègue Bossé faisait allusion tantôt aux comités de citoyens.

Il Va falloir que les députés urbains — et ça dépend d'une part de leur disponibilité personnelle, ça dépend aussi de la dimension de leur comté — soient en mesure d'être, au Parlement, les porte-parole de ces nouveaux groupes que sont les comités de citoyens ou d'autres organismes, sinon nous allons avoir un Parlement en dehors du Parlement. Nous allons avoir un Parlement parallèle et, à ce moment-là, je pense que pour la survie même du Parlement ou pour le bon fonctionnement de la démocratie cela est malsain.

Je retiens, pour ma part, qu'il faut d'une part assurer aux régions rurales une situation particulière à cause de ce rôle de médiateur du député qui est différent.

A cause de la difficulté que les ruraux ont de se faire entendre — une plus grande difficulté que les urbains, c'est classique — mais il faut également corriger la sous-représentation des régions urbaines. Je pense en particulier, non pas seulement à l'île de Montréal, mais à l'ensemble de la région métropolitaine, ce qui comprend l'île de Montréal et la banlieue, qui actuellement, est sous-représentée. Je continue à prétendre que c'est un des facteurs. Je ne veux pas être absolu, il n'y a pas d'absolutisme dans ce domaine-là, mais je pense que c'est un des facteurs qui rendent aux yeux de certains groupes le Parlement moins crédible, le Parlement n'étant pas l'instrument qu'il devrait être, ce qui occasionne, pour une certaine part, cette opposition qui s'exprime en dehors du Parlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Hardy, justement, les raisons que vous invoquez pour demander qu'on accroisse la représentation urbaine pour permettre de s'exprimer à ces comités de citoyens, à tous ces groupes de représentation, ces groupes représentatifs, elles valent de la même façon pour les régions rurales, parce que la contestation n'est pas un phénomène qui est circonscrit aux villes. La contestation s'exprime de la même façon dans nos régions. Chez nous, en plus de la tâche d'administrateur, si vous voulez, en plus de cette tâche de lien entre le gouvernement et le peuple que nous avons, nous avons en même temps à nous occuper nous aussi des problèmes de contestation. Les gens, à ce moment-là, nous voyant pris comme nous le sommes, ont moins de chance de nous rejoindre qu'ils ne l'avaient dans le passé.

Par conséquent, il y a toujours le problème d'un équilibre à établir, parce que les problèmes

qui se Manifestent dans la ville sous forme de contestation, ils se manifestent également dans nos régions. Comme les députés des régions rurales sont très occupés, il est important de revoir le problème pour se demander si la représentation rurale non seulement devrait être maintenue au niveau où elle se trouve actuellement, mais ne devrait pas être accrue. Il est important de se demander si un certain nombre de députés, comme on l'indiquait lorsqu'on a formulé des propositions de représentation — 90 députés élus de telle façon ou 30 autres d'une autre façon — si ces nouveaux députés, dis-je n'auraient justement pas comme fonction d'être ces agents de liaison qui permettent aux groupes représentatifs de s'exprimer et de contacter le gouvernement sur le plan des relations humaines.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je pense, messieurs, qu'il serait dans l'ordre de demander l'opinion de notre invité sur cette question de la représentation dans les comtés ruraux et les comtés urbains.

M. O'REILLY: Je dis que j'étais présent aux caucus qu'on avait dans le temps où j'étais député...

M. HARDY: Mais vous le livrez pas de secrets.

M. O'REILLY: Non, je n'en dévoile pas, mais je vous donne mon opinion. Voici mon opinion personnelle: le député n'a pas assez de privilèges, pas assez d'autorité. Parce qu'un député est élu, les gens lui apportent tous leurs problèmes. Quoi que ce soit, ennuis dans la famille, maladie, les fonds de pension, c'est le député qui s'en occupe du lundi au dimanche. C'est ce que j'ai mentionné au début de mes remarques ce matin. Si vous avez un commerce, vous ne travaillez pas seize, 18 ou 20 heures par jour, vous ne faites pas ça. Mais lorsqu'on entre en politique, c'est comme un cheval de course, parfois il n'a pas de jambe, mais c'est un cheval de course. Quand le klaxon se fait entendre, il faut être prêt à faire son devoir. Je pense qu'il commence à être temps que le parti au pouvoir, quel qu'il soit, reconnaisse le député dans le comté parce que le député d'un comté est plus proche que le gouvernement actuel. Le' représentant du gouvernement actuel, c'est le député. Si il y a des problèmes, c'est parce que le député, comme le leader l'a mentionné, et les hommes dans l'Opposition sont semblables. Vous avez un devoir à remplir. Quelqu'un qui est malade vient vous voir, vous êtes toujours à confesser les problèmes qu'il a. Cela est normal. Pour être en politique aujourd'hui, il faut travailler de seize à vingt heures par jour.

M. LE PRESIDENT: Je pense que les membres de la commission seraient peut-être intéressés à avoir l'opinion d'un ministre par exem- ple. On parle toujours du député, est-ce que ça comprend aussi les ministres?

M. O'REILLY: M. le Président, les ministres présents.

M. HARDY: M. le Président, avant que l'honorable ministre d'Etat aux finances exprime son opinion, j'aimerais quand même que M. O'Reilly poursuive. Il nous a mentionné combien le travail du député était important. Mais j'aimerais qu'il nous donne son opinion. Est-ce qu'il considère actuellement que, dans l'ensemble de la province, si on considère les 108 députés, que la région métropolitaine est suffisamment représentée? Est-ce qu'il y a un assez bon équilibre ou si il ne devrait pas y avoir une augmentation de la représentation de la grande région métropolitaine?

J'inclus la rive sud et la rive nord, j'inclus même... Je considère même que le comté de Terrebonne, pour une grande partie, fait partie de la région métropolitaine. Est-ce que vous considérez qu'à l'heure présente la région métropolitaine de Montréal est suffisamment représentée par rapport à l'ensemble de la province?

M. O'REILLY: M. le Président, en réponse à monsieur le leader, ça change beaucoup à Montréal, dans le moment. Il y a des "high-rise" — je ne sais pas s'il y a une expression en français — mais les appartements se construisent. Vous remarquez qu'un comté comme l'ancien comté de Sainte-Anne qui avait, 16,000 électeurs, aux prochaines élections, avec les grosses conciergeries aux alentours, cela va changer beaucoup. Je crois qu'à Pointe-Claire, ce sera semblable. Il y a d'autres comtés, au point de vue de la construction, comme le comté de Brome, dans les Cantons de l'Est, il y a d'autres comtés de l'est de Québec qui sont semblables.

Il y a des problèmes. Je crois que, lorsque vous parlez de représentation, si vous mentionnez le nombre d'électeurs qu'un député aimerait mieux avoir — le député de Papineau a mentionné le nombre de 75,000 — le devoir d'un député est très difficile à remplir. Tout le monde ne vous connaît pas. Je donne un exemple. Hier, j'étais dans un magasin à Verdun, une dame est entrée et a dit: Cela commence à être le temps que vous bouchiez les trous dans les rues, M. le maire. Je ne suis plus maire depuis 1966, et je me promène dans les rues et dans les magasins, tout le temps. Vous remarquez que cette dame d'expression anglaise: "Get off your button, block the holes". Je lui ai répondu: "Telephone your mayor". Elle va y penser seulement après coup. Je ne suis plus maire depuis 1966.

M. HARDY: Vous avez été un si bon maire qu'elle croit que vous êtes encore là.

M. O'REILLY: Quand vous faites le travail comme il faut, il faut commencer de bonne heure le matin et finir tard le soir. Vous ne travaillez pas pour l'éloge. En politique, vous ne pouvez pas travailler pour les éloges. Le temps ne vous appartient pas, vous n'avez pas cinq minutes à vous-même. Ne pensez pas aller à votre maison et ne pas avoir de visiteur. Vous avez quelqu'un à la porte et quand vous allez dfner ou souper, c'est pas mal froid. Cela prend une ou deux heures et bien de la patience. Remarquez que vous avez beaucoup de patience avec moi, ce matin. Quant à cela, je crois que pour augmenter le nombre de députés, si vous pensez que cela va départager les devoirs pour d'autres, équilibrer les représentations, si on fait le même travail, cela va nous obliger à faire appel au ministre des Finances pour trouver les fonds nécessaires pour le faire partout.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait entendre les commentaires du ministre?

M. BIENVENUE: M. le Président, je vois difficilement comment on pourrait accroître le nombre de députés des milieux urbains — et je n'ai pas fini ma phrase — au détriment des comtés ruraux, c'est-à-dire par un jeu de balance, diminuer le nombre de la représentation des comtés ruraux. J'abonde dans le sens des remarques du député de Chicoutimi. Le député de Chicoutimi donnait des exemples. On pourrait en parler longuement des exemples du travail du député rural, de tout ce pourquoi on nous consulte. J'ai à l'esprit des cas assez surprenants, tels ces bonhommes qui m'ont consulté sur le choix d'une future épouse.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Moi aussi, pourtant je suis célibataire!

M. BIENVENUE: Le député de Chicoutimi... Moi, j'étais impartial. Des inscriptions, cela peut paraître amusant, mais un type me donnait la descriptions de la femme idéale qu'il recherchait et il me disait qu'elle devrait être bien "viandue", etc. Ou encore, tout récemment, une mère de famille me consultait pour avoir un remède pour guérir l'exzéma de son enfant. Cela peut paraître surprenant, mais c'est le genre de chose qui nous est demandé. Il y a en plus de cela le phénomène géographique. Si pour tel comté — prenons le mien, celui de Matane où il y a 25,000 électeurs — si on voulait l'agrandir parce qu'on veut augmenter le nombre d'électeurs pour compenser pour un comté de ville où on veut diminuer le nombre d'électeurs, j'aurais 150 ou 200 milles à parcourir en automobile pour aller d'un bout de mon comté à l'autre. Mon comté mesure 100 milles par 30 milles. C'est tout un territoire. Ceux qui font du porte à porte —et j'en ai fait— le savent. Le problème de concentration de la population entre en ligne de compte.

Je vois, comme M. Bellemare le disait, certains cas où l'on pourrait faire un ajustement entre deux comtés ruraux voisins sans que cela ait des répercussions sur le plan économique ou sur le plan... Allez-y, M. Paul.

M. PAUL: Le ministre pourrait-il nous dire — comme de raison je ne veux pas l'engager, sa réponse serait sans préjudice et sans solidarité ministérielle — s'il a retenu une suggestion qui, pour ma part, m'a grandement frappé. Elle venait de notre président de ce matin, le député d'Olier, lorsqu'il nous a suggéré de tenir compte si possible des régions dans la redistribution de la carte électorale.

M. BIENVENUE: Oui, et c'est ce que je m'apprêtais à dire: Le problème régional ou l'économie régionale entre en ligne de compte. Vous aurez deux comtés voisins qui seront tous deux agricoles. Par conséquent, la préoccupation première est le problème agricole. Il est plus facile de voir, je vois plus facilement le rajustement de deux comtés agricoles que de deux comtés ruraux dont l'un serait agricole et l'autre complètement différent, où l'économie principale, la discipline principale est tout à fait différente. Cette suggestion me frappe. Pour ce qui est des comtés urbains, — je ne veux pas revenir sur tout ce qui s'est dit — il est évident que, là aussi, dans ma modeste optique, il y a un rajustement à faire. Mais, même si ça peut surprendre un peu et tenant compte du facteur travail du député ou des obligations du député, sans être un expert sur la question de l'île de Montréal, je vois certains comtés —je pense à l'ouest en particulier — plus avantagés sur le plan économique, je vois les problèmes différents suivant les coins de l'île de Montréal.

Je conçois beaucoup plus facilement certains comtés de l'est, où il y aurait avantage à accroître la représentation — je songe surtout en ce moment au travail et aux responsabilités du député — par opposition à certains comtés plus fortunés. Le fait qu'on coupe pour mettre deux ou trois députés — je pense à Westmount — je ne vois pas que la nécessité en soit aussi forte dans ces cas que dans d'autres comtés où il y a finalement plus de problèmes, où la population est plus dense et où le député a énormément à faire. Non, je ne recherche aucun applaudissement en disant cela et ce n'est pas l'endroit non plus. Je ne veux pas généraliser, je ne parle pas de tous les comtés de l'île de Montréal, mais il peut se faire, si on s'arrête à l'argument du travail et des responsabilités du député, que ce soit plus impératif ou plus urgent dans certains coins que dans d'autres. Je n'ai évidemment parlé qu'en mon nom personnel et je n'énumère pas toutes les réserves qui me viennent à l'esprit au moment où je dis cela.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorion.

M. BOSSE: Je voudrais revenir sur les savants propos de mon confrère de Chicoutimi. Il

parlait tout à l'heure aussi de l'existence de la contestation dans les comtés ruraux, ce qui n'est pas, en fait, contesté de notre part.

Qu'il y ait de la contestation ou des groupes de contestation, présentement, dans les milieux ruraux, cela demeure une réalité qui n'est pas ignorée de notre part. Cependant, il y a une distinction à faire entre les groupes contestataires comme tels. Ils sont facilement identifiés dans les milieux ruraux alors que, dans les milieux urbains, ces types de contestation ou ces groupes de contestation sont assez fréquemment anonymes ou si divers qu'ils sont plus difficilement décelables. C'est pourquoi je crois que l'augmentation du nombre des députés, d'une part dans les milieux urbains, dans mon esprit en tout cas — et je pense bien dans l'esprit du député de Terrebonne— n'est pas dans le but de le faire au détriment des ruraux. Il semblerait ici qu'une nécessité plutôt d'augmenter le nombre des députés, de plus en plus s'impose. En terminant, je ne verrais pas d'inconvénient à ce qu'on augmente le nombre de députés dans le milieux urbains plutôt que d'engager de nouveaux animateurs sociaux qui, à mon avis, sont fréquemment à l'origine même des troubles sociaux. Je ne généralise pas ici évidemment, mais je crois que fréquemment, lorsque nous puisons à la source, nous constatons que ce sont les résultats de certains éveils faits avec trop d'enthousiasme. Les députés nouveaux ou l'addition d'un nombre de députés dans certaines régions urbaines aurait peut-être pour effet de permettre cette espèce de communication qui semble être un phénomène nouveau de notre société.

M. LE PRESIDENT: Le député de Brome.

MR. BROWN: Mr. Chairman, we have Mr. O'Reilly here from the city and I do not think it is fair for him to be an expert on the country. I think we have Mr. Bellemare here to represent them. I would like to hear if what he feels should be done in the city ridings. Should there be more counties in the city or less counties, or what should be the representation, from his experience?

MR. O'REILLY: The county of Verdun is a very small area, but it has 60,000 electors and it is building, they are mushrooming up. I suppose that in time you would have to have more representation because, I do not know, you, gentlemen, would know just what your intentions are, whether you are going to cut it down to 50,000 or some areas are going to be pretty large.

I recall, in instance, you mentioned a country area where one of the representation, it was in the Duplessis area, they had to get an airplane during the election time to fly on to meet these people. So, the problems that we have in the city, you would not have them in the country. You can get an automobile or a bus and stay in your own county, whereas the people in the country would have this problem of being confronted with problems we are not confronted with.

You have — one of the members mentioned it — colonization, agriculture, we do not have these problems. But you do have pension problems, people are sick, old age, we have other problems. But the idea is now that everything is mushrooming up to high-rise apartments. Now, if you are going to build apartments where they are going to have 400 or 500, you take Nun's Island, there is over 4,000 people there now.

Now to give you an idea of what the county of Verdun is going to be, it is going to be around 70,000 or more. Lasalle is another area, mayor Séguin's Pointe-Claire will be similar too. The high rise in that county is over 100,700. In Laval, you will have to cut in that too. In some areas, I think it is justified. In other areas, I think it is going to deserve a lot of study.

MR. BOSSE: Depending on the amount of the population or in regard with problems involved?

MR. O'REILLY: No, in regard of the population. You are going to have the same problems.

MR. BOSSE: Is that the only factor?

MR. O'REILLY: No, I said population wise...

MR. BOSSE: You attach no importance to the problems.

MR. O'REILLY: You are going to be faced with the same problems : welfare, pensions, old age, and things like that, social...

MR. BOSSE: As the minister stated a few minutes ago, in some areas in the City of Montreal, like in the eastern area, problems are different as these in Westmount, where there is no financial problem at least.

MR. O'REILLY: Very much so. I agree with that.

M. LE PRESIDENT (Picard): M. O'Reilly, au nom de tous les membres de la commission, je désire vous remercier pour la contribution que vous avez apportée à nos discussions au sujet de la réforme électorale dans la province. Avant d'ajourner la séance, j'aimerais demander au...

M. O'REILLY: Pouvez-vous me donner la parole avant? J'aimerais —je l'ai mentionné à M. Brown qui me demandait mon adresse — que la contribution donnée par le gouvernement soit versée à un fonds choisi par vous. Le comté

de Jonquière, je pense, est le comté du ministre du Revenu et c'est le comté touché par le désastre.

Si on peut trouver une manière d'aider ces personnes — je sais que le gouvernement va le faire — en faisant un don personnel qui irait peut-être dans un fonds spécial. Devant un désastre comme ça, j'aimerais donner cela à mon nom. Je serai d'accord sur ce que décidera le président.

M. BOSSE: Félicitations pour ce geste, M. O'Reilly.

M. LE PRESIDENT: Je veux remercier M. O'Reilly pour ce geste.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Thank you very much, Mr. O'Reilly, for your generosity.

MR. O'REILLY: I apologize that my French is not a little better but, I was not prepared for this morning, believe me. Je n'étais pas préparé pour faire ce que j'ai fait ce matin. J'aurais peut-être mieux préparé mes affaires. Mais, j'ai fait de mon mieux.

MR. BOSSE: You have respected the priority of French.

M. LE PRESIDENT: M. O'Reilly, il reste tout de même que tous les membres de la commission ont apprécié vos commentaires et qu'ils sauront en tirer profit. Maintenant, avant d'ajourner la séance, j'aimerais demander au porte-parole du parti ministériel de nous dire quel sera l'ordre du jour pour la prochaine réunion.

M. HARDY: D'abord, M. le Président, au nom du parti ministériel, je voudrais nous excuser auprès de M. O'Reilly. Apparemment, il y a eu certaines difficultés techniques. Je voudrais m'excuser auprès de lui pour le peu de temps qu'il a eu à sa disposition. Malgré cela, je suis convaincu que son témoignage, de même que celui de M. Bellemare, ont été très enrichissants pour les membres de la commission. Je veux le remercier. Je veux également le remercier pour le geste très humanitaire qu'il pose en voulant que les indemnités qui lui étaient accordées soient remises à un fonds spécial.

Quant à la séance de la semaine prochaine, il y a trois noms possibles pour les témoins. Ce sera, si cela convient aux membres de la commission, l'un des trois suivant leur disponibilité. Il y a le professeur Gilles Lalande, dont j'avais déjà parlé, qui pourrait être entendu. Il y a également le professeur André Bernard et il y a le professeur John Meisel, de l'université Queen's qui, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, à peu près une réputation équivalente, comme politicologue sur le plan international, à celle du professeur Jean Meynaud. M. Meisel est un Tchèque d'origine qui a enseigné dans plusieurs pays la science politique. Il est actuellement professeur attaché à l'université Queen's et il est déjà venu donner des cours ici à l'université Laval. Je n'ai pas encore la confirmation de sa part. Il est possible qu'il puisse être un de nos invités.

De cette façon, en pouvant compter sur trois personnes, nous serions assurés d'en avoir au moins une à notre séance de jeudi prochain.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable député de Terrebonne pourrait nous dire sur quel sujet spécifique porteront les remarques de l'un ou l'autre de ces témoins experts?

M. HARDY: A la suite de l'entente intervenue la semaine dernière, où nous avions tous convenu de faire porter l'objet de nos travaux au cours des prochaines séances sur le mode de scrutin, il est convenu à l'avance, que ce soit M. Bernard, M. Meisel ou M. Lalande, que ces trois témoins nous parleraient du mode de scrutin, des systèmes électoraux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, en ce qui nous concerne, nous sommes d'accord au sujet des propositions du député de Terrebonne et nous serons heureux d'entendre l'un ou l'autre des témoins disponibles sur la question des modes de scrutin.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je veux simplement dire que nous sommes d'accord aussi. Nous aimerions, si c'était possible, entendre M. Lalande, qui semble spécialisé dans le domaine du mode de scrutin tandis que je pense que M. Bernard est spécialiste du domaine de la carte électorale.

M. HARDY: Les renseignements que j'ai sont à l'effet que M. Bernard pourrait avoir des éléments nouveaux à nous apporter en ce qui concerne le mode de scrutin, même si sa thèse a porté sur la carte électorale.

M. LEGER: Alors nous sommes disposés à entendre l'un des trois.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, l'assemblée est donc ajournée à sa prochaine séance. Vous en verrez l'avis dans le feuilleton.

M. HARDY: Jeudi prochain, 9 h 30.

(Fin de la séance 12 h 4)

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