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Commission permanente de l'Assemblée
nationale
Sujet: Réforme électorale
Séance du jeudi 13 mai 1971
(Neuf heures quarante sept minutes)
M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs! Est-ce qu'on peut
commencer?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est déjà dix heures moins
dix, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, nous avons, ce matin, la présence de
M. André Bernard, professeur de science politique de l'Université
du Québec à Montréal et nous devons continuer notre
étude sur les modes de scrutin.
M. HARDY: M. le Président, au nom du parti qui siège
à votre droite, je voudrais souhaiter la bienvenue à M.
André Bernard et surtout le remercier d'avoir bien voulu bouleverser son
horaire. Je pense qu'il devait être à Ottawa, ce matin. Il s'est
désengagé vis-à-vis d'Ottawa pour nous donner
préséance.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Enfin un. M. PAUL: C'est ça le
fédéralisme rentable.
M. HARDY: Je tiens à le souligner et je suis persuadé que
M. Bernard, qui a fait des études d'une façon toute
particulière sur le problème de la réforme
électorale, la carte, le mode de scrutin et les différents
éléments connexes, saura sûrement nous éclairer
davantage, afin que les décisions que nous serons appelés
à prendre bientôt reposent sur un dossier aussi complet que
possible.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au nom de la partie la
plus importante de la gauche, nous sommes heureux de saluer...
M. HARDY: Vous parlez de la qualité ou de la quantité?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...le professeur Bernard en souhaitant qu'il
nous apprenne beaucoup de choses, ce qui n'a pas été toujours le
cas avec certains experts que nous avons eus devant nous. Je suis
réaliste.
M. PAUL: Nous savons lire entre les lignes. M. LE PRESIDENT: M. Bernard.
Objectifs
M. BERNARD: Merci de cet accueil très aimable. Je n'ai pas
l'intention ce matin de vous faire un exposé d'un système
électoral ou autre chose du genre. Mon but est d'essayer d'indiquer des
choses que vous savez peut-être déjà, à savoir
qu'avant de choisir un mode de scrutin particulier, il faut peut-être
savoir quels sont nos objectifs. En d'autres termes,
réfléchissons quelque temps sur les objectifs que nous devons
poursuivre en terme de représentation et si l'accord peut se faire sur
ces objectifs, à ce moment-là, voyons quelles techniques
permettront de les réaliser.
Parmi les objectifs, aujourd'hui, assez souvent mentionnées par
des gens, on trouve notamment celui d'une certaine égalité de
représentation à l'égard des différentes forces
qu'expriment les partis politiques. C'est un objectif qui semble
manifesté par un certain nombre de personnes. Un deuxième
objectif exprimé par un bon nombre de personnes est celui-ci: on
aimerait avoir, en toute occasion, un gouvernement qui a en Chambre une
majorité. Cela suppose qu'un parti qui obtiendrait 45 p. c. des voix
devrait être en mesure, d'après cet objectif exprimé par
certaines personnes, d'avoir une majorité des sièges en
Chambre.
Un troisième objectif, mentionné souvent, est que dans le
système parlementaire, un des principaux intérêts est
d'avoir une Opposition bien articulée, suffisamment forte pour pouvoir
défendre les intérêts de la population et préparer,
éventuellement, une formule de changement pour un gouvernement.
Doit-on considérer ce troisième objectif comme un objectif
important, soit de renforcer l'Opposition? Un quatrième objectif auquel
on fait allusion souvent est celui de la représentation du Québec
non montréalais. Beaucoup de personnes au Québec, se
préoccupent d'une réforme qui aurait pour conséquence
d'accentuer la sous-représentation d'une certaine population rurale ou
semi-urbaine. Est-ce un objectif qu'il faut considérer, en
priorité? D'autres objectifs concernent des questions peut-être
moins importantes bien qu'elles soient plus globales. Par exemple, convient-il
d'adopter un mode de scrutin qui aurait pour conséquence d'accentuer
certains clivages ou un mode de scrutin qui aurait pour conséquence de
permettre l'expression, en termes électoraux, de certaines idées
nouvelles, de certaines forces qui aujourd'hui apparaissent comme
récentes?
D'autres éléments, eux, également secondaires,
touchent des aspects particuliers, non pas globaux et affectent par exemple des
problèmes de carte électorale. Convient-il de se pencher tous les
cinq ou dix ans sur le problème d'une carte électorale?
Autre élément secondaire qui entre dans cette
série, est-ce qu'il faut avoir un député qui
représente nécessairement une région, ou un comté,
ou une circonscription, ou est-ce qu'on doit s'accommoder de
députés qui représentent l'ensemble de la population?
Est-ce qu'il faut absolument reconnaître la validité d'un
objectif comme celui-ci? Le député a pour rôle de
représenter les intérêts
particuliers de ceux qui l'ont élu, ainsi de suite. Je crois que
voilà une série d'objectifs qui devraient nous permettre de
réfléchir sur ce que devraient être les techniques
appropriées. Donc, quel devrait être le mode de scrutin qui
convient pour réaliser ces objectifs? En gros, ce sont des objectifs sur
lesquels j'aimerais attirer l'attention, et jusqu'ici, en lisant les
débats, il ne me semble pas qu'on se soit penché très
longuement sur ces objectifs. On s'est plutôt préoccupé de
dire: Est-ce que le mode de scrutin allemand a tel ou tel avantage? Est-ce que
le mode de scrutin qu'on appelle la représentation proportionnelle, dans
un cadre régional, a tel ou tel avantage? Bien sûr que ça a
des avantages, mais qu'est-ce qu'on veut avoir?
Est-ce qu'on veut avoir un mode de scrutin qui réponde à
des objectifs ou est-ce qu'on veut avoir une technique qui est plus fine qu'une
autre? Voilà, en gros, ce que j'ai à vous dire pour commencer, et
j'aimerais bien répondre à vos questions pour le reste.
M. HARDY: M. Bernard, vous avez énuméré une
série d'objectifs. Je comprends qu'il ne vous appartient pas, à
vous, en tant qu'expert, de nous dire lequel nous devrions adopter, c'est
là une question et une responsabilité politiques; c'est à
nous, législateurs, de choisir. Maintenant, en tant qu'expert, ne
croyez-vous pas qu'il y a entre ces différents objectifs que vous avez
mentionnés ou l'adoption de modes de scrutin qui sont accessoires
à ces objectifs, c'est-à-dire que, suivant qu'on choisit tel ou
tel objectif, cela peut avoir une influence sur le mode de scrutin que l'on
adopte? Ne croyez-vous pas également, que ces deux problèmes ont
également une conséquence ou que l'on doit tenir compte des
institutions actuelles? En d'autres termes, suivant que l'on adopte tel
objectif, cela aurait pour conséquence, non seulement de modifier le
mode de scrutin, mais également de modifier l'économie
générale de nos institutions politiques. Croyez-vous qu'il y a
une relation assez directe entre le choix des objectifs que vous avez
mentionnés et des changements qui devraient s'opérer dans
l'ensemble de nos institutions?
M. BERNARD: Il est certain que si on s'entendait, ici à
l'assemblée, sur ces objectifs ou des objectifs qui soient clairs,
à cet égard, on pourrait adopter un mode de scrutin qui
permettrait de les réaliser sans qu'on ait à modifier
l'économie générale, comme vous le dites, de nos
institutions. On se préoccupe souvent de gouvernement minoritaire, de
multipartisme et ainsi de suite. Il semble assez clair qu'un scrutin
proportionnel, général celui-là et non pas
régional, qu'un tel mode de scrutin agit comme un
accélérateur dans la division des partis, alors qu'un mode de
scrutin comme celui que nous avons est un frein à l'égard de la
multiplication des partis. Il est également certain que le mode de
scrutin n'a pas une influence déterminante sur le nombre des partis
qu'on aura, puisque d'autres facteurs entrent en jeu, ceci est évident.
Cela, c'est un premier point.
Maintenant, est-ce que la multiplication des partis entraîne
nécessairement un gouvernement minoritaire? Ce qui, si je saisis bien
votre point, a une conséquence déterminante ou, disons,
décisive sur l'économie générale de nos
institutions. Il semble qu'effectivement, si on est forcé d'avoir des
gouvernements de coalition, il y aura des changements importants qui devront
s'opérer. Si on a un gouvernement majoritaire mais qui n'a qu'une faible
majorité, il faudra établir des accommodements, en ce qui
concerne la procédure parlementaire, pour permettre au ministre de
s'absenter sans que le gouvernement soit mis en minorité, constamment.
Il y a là, bien sûr, des problèmes qui peuvent se poser,
mais je ne pense pas que notre système soit si peu flexible qu'il ne
puisse s'adapter à d'éventuels changements qui, d'ailleurs, sont
peu prévisibles. On peut toujours dire: Cela peut arriver, mais quelles
sont nos capacités de prédire l'avenir?
M. HARDY : Vous admettez quand même qu'il faudrait certaines
modifications. Je pense, entre autres, j'avais à l'esprit le
problème de la responsabilité ministérielle. Si, à
un moment donné, nous adoptions des objectifs et un mode de scrutin qui
ont pour conséquences d'augmenter les possibilités d'opposition
ou d'entraîner le multipartisme ou la presque impossibilité
d'avoir un parti majoritaire, il faudrait peut-être, entre autres, parmi
les réformes à nos institutions, songer à limiter le
principe de la responsabilité ministérielle, pour ne pas se
retrouver avec un gouvernement qui démissionne à toutes les trois
semaines, à tous les mois.
M. BERNARD: C'est entendu. D'ailleurs, j'ai mentionné comme un
des objectifs que semblent adopter certains Québécois, l'objectif
qu'il faut qu'un gouvernement puisse, quand même, avoir une marge
d'opération qui soit, en gros, majoritaire. Il est clair, cependant, que
si aucun parti n'obtient 30 p. c. des voix aux élections, il ne faut
quand même pas avoir, à ce moment-là, un gouvernement
majoritaire malgré tout. Il me semble, à ce moment, qu'on
exagère vraiment les cadres de la démocratie, n'est-ce pas?
C'est quand même un problème.
Si on a un gouvernement qui a obtenu, disons 45 p. c. des voix, il est
peut-être raisonnable de lui laisser l'avantage du pouvoir, n'est-ce pas,
en termes de discussion. Ce n'est pas à moi d'en décider. C'est,
je crois, à vous-mêmes, députés, ou aux
électeurs de se pencher sur ce problème.
M. HARDY: Maintenant, toujours à titre d'expert, vous avez
mentionné tantôt une série
d'objectifs ou une série de choix devant lesquels nous sommes
placés quant au rôle du Parlement ou des parlementaires.
Pourriez-vous nous dire, en reprenant ces mêmes objectifs, quel est selon
vous celui des modes de scrutin qui favorise davantage cet objectif que nous
pourrions déterminer.
M. BERNARD: C'est une excellente question et je suis heureux de pouvoir
passer à cette deuxième phase de mon exposé.
M. HARDY: Bien, attendez un peu. Si c'est la deuxième phase de
votre exposé, je ne voudrais pas priver mes collègues de vous
interroger sur la première phase. Si c'est la deuxième phase de
votre exposé, je retiens ma question pour permettre à mes
collègues de poser sur la première phase des questions.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bernard, vous n'en serez pas quitte pour si
peu.
Vous avez énuméré un ensemble d'objectifs, huit, en
fait. Quels sont, selon vous, les objectifs majeurs parmi ceux que vous
évoquez?
M. BERNARD: Ces objectifs sont ceux, comme je l'ai dit, qui semblent
être manifestés ou proposés par des personnes que l'on
rencontre un peu partout au Québec. Il semble que les
préoccupations principales sont effectivement manifestées dans
l'ordre où je les ai énumérées. C'est-à-dire
que ce qui semble être la préoccupation première, c'est
bien sûr une égalité de représentation
plus grande que celle que nous avons actuellement sous notre système de
scrutin.
Un deuxième objectif qui semble se manifester cela ne veut
pas dire qu'il soit un bon objectif c'est d'avoir un gouvernement
majoritaire autant que possible. Certaines personnes se méfient d'un
gouvernement minoritaire ou d'un gouvernement éventuel de coalition.
Un troisième objectif qui semble se manifester et, bien
sûr, cela dépend, en gros, de la répartition
démographique dans cette province c'est la question de la
représentation des populations qui sont assises hors de Montréal.
Il est clair que beaucoup de Québécois se préoccupent,
à juste titre, d'une réfonte du système qui
entraînerait une représentation moins équilibrée du
point de vue de la géographie du Québec.
M. PAUL: M. Bernard, pourquoi employez-vous l'expression "à juste
titre"?
M. BERNARD: Personnellement, je trouve qu'il est peut-être correct
de donner un avantage de représentation aux populations qui n'ont pas
l'appui que peut avoir une métropole comme Montréal. En fait,
même l'idée de démocratie représentative, qui
donnait le vote à l'ensemble de la population, était un
mécanisme qui permettait à ceux qui ont moins de pouvoir d'avoir
un peu plus d'influence auprès de l'Etat.
Je pense que Montréal a un désavantage considérable
qu'il conviendrait peut-être d'équilibrer
légèrement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bernard, par cette optique, il est
évident que dans votre esprit le critère de représentation
numérique ou démographique n'est pas nécessairement celui
que nous devrions retenir lorsque nous aurons à penser à un
nouveau mode de scrutin, si l'on tient compte de ce que vous avez dit sur la
sous-représentation des régions par rapports aux grandes
agglomérations urbaines.
M. BERNARD: C'est entendu, mais il faut éviter, je crois,
malgré tout, de maintenir des inégalités qui sont trop
frappantes ou trop accusées. On doit rechercher malgré tout une
certaine égalité, mais une égalité qui tienne
compte de facteurs autres que cette stricte règle
mathématique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quels seront, selon vous, ces facteurs?
M. BERNARD: Il y en a une série qu'on a déjà
mentionnée un peu partout. Le rapport Grenier, il y a quelques
années, en avait mentionné quelques-uns. Il faut tenir compte de
l'éloignement. Il faut tenir compte de la dispersion de la population
sur un territoire. Il faut tenir compte, bien entendu, de facteurs comme un
certain sous-développement économique qui peut affecter certaines
régions. Ces facteurs doivent entrer en considération. Il faut,
également; tenir compte de certaines unités géographiques
qui existent dans le cas de certaines régions. Il est clair que les
populations ne peuvent pas être divisées artificiellement pour
tenir compte d'un simple principe numérique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quel cas faites-vous, dans cette même
optique, de ce que le professeur Meynaud a signalé, en particulier, le
cas de la représentation dite ethnique ou culturelle?
M. BERNARD : On touche un problème plus complexe parce qu'il est
plus difficile de tenir compte des facteurs qui expliquent le clivage qui
existe en termes linguistiques ou culturels. Les populations qui parlent
l'anglais au Québec ne sont pas toutes nécessairement
concentrées dans certains comtés. Il faut, à ce
moment-là, reconnaître que certaines populations seront
minoritaires dans certaines circonscriptions.
Pour répondre à votre question d'une manière plus
intelligente, on doit quand même rechercher une représentation, ou
un système de représentation, qui permettra aux
différentes minorités d'avoir, en Chambre, des porte-parole qui,
en gros, aient à peu près une force proportionnelle à
celle que cette minorité a, en termes numériques peut-être,
à la population
totale du Québec. Dans le cas des anglophones, s'ils constituent
une minorité de 15 p. c. au Québec, ils devraient avoir une
représentation à peu près équivalente en Chambre,
ne serait-ce que pour légitimer, aux yeux de cette minorité,
l'institution parlementaire. Et là, un autre point que j'aimerais
souligner est que la légitimité des institutions dépend
d'une série de facteurs complexes. Et à ce sujet, je pense que
tous les députés présents sont bien au courant de ce
problème. Il faut éviter, n'est-ce pas, qu'une minorité se
sente lésée par le système. Parfois cela ne coûte
strictement rien d'autre que, simplement, une représentation un peu
améliorée qui n'entrafne pas de conséquence néfaste
dans le système.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Bernard, revenons au premier
objectif dont vous avez parlé, à savoir l'égalité
de représentation des groupes politiques. Si l'on tient compte des dix
dernières années, il semble assez évident qu'il y a eu,
lors des scrutins de 1960, 1962, 1966 et 1970 certaines
inégalités de représentation des groupes politiques. Il
s'agit là, évidemment, d'un fait, qui n'est pas nouveau,
d'ailleurs, dans le Québec, mais qui n'a jamais eu, dans le
Québec, une valeur de permanence. Par conséquent, est-ce que
notre démarche doit nécessairement tenir compte, d'une
façon stricte et rigoureuse de l'inégalité de
représentation des groupes politiques, tel que l'échiquier
électoral nous le présente aujourd'hui, ou si d'autres
considérations ne devraient pas être retenues avant de s'accrocher
à cet objectif que vous avez évoqué comme étant
l'un des premiers dans l'ordre de présentation que vous avez suivi?
M. BERNARD: Il est évident qu'aujourd'hui cette
préoccupation est sans doute c'est mon interprétation,
bien sûr, je n'ai qu'une vision tronquée de la
réalité du fait que je ne fréquente pas tous les milieux
et que je ne voyage pas tous les jours dans toutes les régions du
Québec mais il reste que cet objectif semble préoccupant
actuellement.
Vous avez raison de dire et il faut le retenir que jadis
cette préoccupation était strictement mineure, puisqu'il n'y
avait que deux partis. Mais qu'on se rappelle l'élection de 1939
où l'Action libérale nationale avait 56 candidats, celle de 1944
où le Bloc populaire a essuyé la défaite
électorale, en 1948, alors que l'Union des électeurs n'a eu aucun
député élu.
A chacune de ces élections moi, je parle pour avoir lu les
journaux de l'époque il y a eu des éditoriaux ou des
commentaires dans les journaux qui témoignaient d'une
préoccupation sérieuse à l'égard des
inégalités de représentation affectant ces petits partis.
En 1944, je ne sais pas si vous vous en souvenez, l'Union Nationale a
été sensiblement avantagée par le système et
là aussi il y a eu un bon nombre de personnes qui ont trouvé
qu'il y avait un vice quelconque, quelque part. En 1966, le même
phénomène s'est produit et, aux élections
fédérales où le mode de scrutin était identique au
nôtre, on a à chaque élection des commentaires sur ce
problème de l'égalité de représentation des forces
politiques.
Je ne pense pas qu'on doive considérer cette préoccupation
comme moins importante que les autres. Je crois qu'effectivement c'est une des
considérations qu'on doit avoir à l'esprit quand on se penche sur
le choix d'un mode de scrutin nouveau. Est-ce qu'il convient d'avoir un mode de
scrutin nouveau? C'est déjà une question très importante
et, si on considère que l'objectif de représentation relativement
juste des forces politiques est un objectif qui mérite d'être
considéré, il faut à ce moment-là chercher un mode
de scrutin qui va répondre à cet objectif.
Et le mode de scrutin actuel que nous avons ne répond pas
à cet objectif. Ceci est certain et indiscutable, je crois.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bernard, vous indiquiez comme objectif
secondaire, au no 7, que j'ai noté ici, le problème de la
représentation régionale, représentation de comté,
par rapport à la représentation de toute la population. Vous ne
semblez pas je ne dis pas, attacher d'importance donner beaucoup
d'importance à certaines idées qui ont été
avancées ici, à savoir que l'on devrait s'attacher à
considérer cet aspect de représentation régionale.
M. BERTRAND: Pour répondre à cette question, il faut tenir
compte de ce que les électeurs du Québec, en
général, semble-t-il, perçoivent du rôle du
député. Il m'est arrivé, avec beaucoup de bonheur, de
faire le tour de la province de Québec quand j'ai fait ma thèse
de doctorat sur la carte électorale et j'ai rencontré
quantité de personnes, à cette époque. Il m'est
arrivé, au cours de l'hiver, d'avoir l'occasion d'aller dans
différentes régions du Québec pour discuter de ces
problèmes et, chaque fois, j'ai été frappé par un
sentiment qui me semblait très majoritaire.
Les électeurs accordent une grande importance à ce que
leur député soit identifié à la région
où eux habitent. C'est un point qui m'a semblé majeur. Bien
sûr, les électeurs accordent au député d'autres
rôles que celui de représenter une région. Ils le
perçoivent comme un législateur; ils le perçoivent comme
une personne qui va s'occuper de différentes questions
particulières concernant les électeurs de comté,
même ceux du Québec.
Ils le perçoivent éventuellement comme un futur ministre
ou un ministre, c'est certain. Il reste que les électeurs attachent une
importance, semble-t-il je ne sais pas si tous les électeurs le
font mais disons qu'un certain nombre le fait à cette
identité entre le député et sa région. Est-ce que
cette identité doit être
strictement limitée à un comté ou est-ce qu'elle
peut être un peu plus large? Par exemple, est-ce qu'un
député peut être un député de la
Gaspésie plutôt qu'un député de Matane? C'est
probable et là on peut répondre à un type d'objection qui
est parfois formulé. Certains électeurs disent: Voilà, le
député, je n'ai pas voté pour lui, je n'ai donc pas de
député. J'ai entendu cette réflexion à plusieurs
reprises. Notamment dans votre région, le Lac-Saint-Jean et le
Saguenay.
M. HARDY: Quand ça?
M. BERNARD: Tout récemment.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il va falloir que vous fassiez la distinction
parce qu'il y a cinq circonscriptions.
M. BERNARD: Je parle de la région en général.
M. BIENVENUE: Il n'est évidemment pas question du
député de Chicoutimi.
M. BERNARD: Nullement. Il reste qu'il y a certains électeurs qui
aimeraient, semble-t-il, que les circonscriptions permettent aux
électeurs des différentes formations politiques d'avoir leur
porte-parole régional à l'Assemblée. Cela me semble une
motivation pleine de sens. Pour prendre l'exemple gaspésien je
suis Gaspésien d'origine il est certain qu'il y a des membres de
l'Union Nationale en Gaspésie qui aimeraient avoir leur porte-parole
à l'Assemblée.
M. PAUL: Nous en avons un, c'est M. Gagnon.
M. BERNARD: Oui, mais il ne représente pas le comté de
Bonaventure ni celui de Matane, n'est-ce pas! Il reste que, s'il y avait un
député des principales formations qui ont une force dans la
région, peut-être que certains électeurs qui aimeraient
avoir ce porte-parole particulier à l'Assemblée, seraient heureux
de voir ces objectifs se réaliser.
Je ne sais pas si vous voyez, M. Tremblay, le sens de la
réponse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas secondaire comme vous l'aviez
indiqué au départ.
M. BERNARD: J'ai voulu faire une hiérarchie parmi les objectifs
qui me semblent manifestés. J'ai dit qu'ils étaient secondaires
en termes de préoccupations manifestées. Ce n'est pas tout le
monde qui a cette préoccupation. Elle semble être formulée
moins souvent que celle qui concerne la représentation plus
égalitaire des forces politiques ou la représentation
accentuée des populations rurales ou, disons, qui éliraient un
gouvernement majoritaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Votre avis à ce sujet se base sur un
constat sociologique, après enquête, non pas sur une
réalité vécue.
M. BERNARD: Je ne vois pas précisément le sens de votre
question.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que vous la comprenez très
bien. J'indiquais simplement que sur la foi d'un rapport d'enquête vous
en êtes arrivé à formuler ces objectifs.
M. BERNARD: Mon enquête n'a rien de sociologique ni même de
scientifique puisque...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez dit que c'était une
volonté manifestée.
M. BERNARD: Par certaines personnes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Partant de là, posons le
problème maintenant en termes de principes. Je reviens à ma
question de la représentation régionale soit par région
administrative, etc. Quelle est, indépendamment des constats que vous
avez pu faire ou des opinions qui ont pu vous être manifestées,
exactement votre opinion sur l'idée d'une représentation, d'un
mode de scrutin, du réaménagement d'une carte électorale
qui tiendrait compte de la représentation par région? Remarquez
que je ne défends pas une thèse mais je reprends des idées
qui ont été exprimées ici.
M. BERNARD: Je trouve que des propositions qui viseraient à
créer des circonscriptions plurinominales, qui seraient
régionales, sont des propositions qui ont beaucoup de sens, dans la
mesure où elles respectent les objectifs manifestés par un bon
nombre d'électeurs. Elles ne contredisent pas l'objectif de
représentation locale ou régionale ou de comté. En
même temps, elles répondent à l'objectif d'avoir des
porte-parole des différentes formations dans chacune des régions
identifiables du Québec. Le cas de la Gaspésie est un cas
vraiment facile à analyser puisque les Gaspésiens se
reconnaissent comme tels et s'identifient comme Gaspésiens. Ils vivent
en Gaspésie, etc.
D'autres régions du Québec ont également une
semblable identité régionale. Toutes les régions n'ont pas
cette identité, mais un bon nombre d'entre elles l'ont. Et il est facile
dans un système nouveau de reconnaître ce phénomène.
Il y aurait beaucoup d'avantages à considérer avec sérieux
une proposition dans ce domaine.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bernard, je ne veux pas monopoliser tout le
temps. J'aurais une autre question à vous poser pour m'éclairer
sur la nature des enquêtes que vous avez poursuivies. L'attitude des
citoyens que vous avez interrogés était-elle différente,
en termes d'intérêt, lorsqu'il s'agissait de citoyens vivant dans
des milieux dits ruraux c'est une
expression toujours assez difficile à préciser et
les milieux urbains? En ville, connaît-on vraiment son
député, connait-on la circonscription dans laquelle on vit?
Est-ce qu'on fait la distinction entre les paliers du gouvernement, etc.?
M. BERNARD: C'est une question excellente, puisqu'effectivement...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'avais coutume de dire ça à mes
étudiants lorsqu'ils posaient une question qui me plaisait.
M. BERNARD: Quoiqu'il en soit, c'est une excellente question, parce
qu'effectivement elle amène une réponse. En ville,
l'identification entre l'électeur et son comté ou son
député me semble beaucoup plus faible que dans les régions
à l'extérieur de Montréal. A tel point qu'il y a quelques
années, lors d'une élection fédérale cependant,
nous avions envoyé un certain nombre de nos étudiants interroger
à l'entrée des bureaux de scrutin, les électeurs qui se
présentaient, pour leur demander quel était le nom du candidat
pour qui ils allaient voter. Ceux qui ne répondaient pas à cette
question parce qu'ils ne voulaient pas dévoiler leur parti politique, on
leur demandait quels étaient les noms des principaux candidats dans ce
comté.
A notre grande surprise, les électeurs qui allaient voter, une
très grande portion d'entre eux ignorait le nom du candidat pour qui ils
allaient voter. Ceci est une réponse qui démontre qu'en ville un
problème se pose. Ceci n'est pas seulement pour des comtés comme
celui de Laval ou de Fabre, où effectivement l'identité est
beaucoup plus accusée. Mais elle est assez juste pour des comtés
du centre de Montréal et certaines régions de Montréal,
où, effectivement, il semble y avoir un problème
d'identification.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai eu cette expérience
moi-même, M. Bernard, lors d'une élection fédérale.
J'étais professeur à Laval à ce moment-là et je
votais dans Sainte-Foy. Je ne sais pas comment s'appelle ce comté. Je
suis arrivé au bureau de scrutin, il y avait les noms des candidats
libéraux, conservateurs, etc., ceux-là je les connais. Il y avait
un candidat qui s'appelait M. Borgia. On se demandait qui c'était. On
m'a dit que c'était un candidat du Crédit social.
Alors, M. Borgia, évidemment, n'avait pas l'intelligence des
Borgia qu'on connaît, mais on m'a dit que c'était le candidat du
Crédit social. J'ai appris ça, là.
M. PINARD: Pourquoi ne sont-ils pas plus intelligents, c'est parce
qu'ils n'utilisent pas de poison?
UNE VOIX: Vous, n'attaquez pas le pape.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Dumont aurait des ...
UNE VOIX: Il a des lettres.
M. DUMONT: Merci, M. le Président. M. Bernard, d'abord je veux
vous féliciter d'avoir eu l'idée de venir nous voir, avant de
vous rendre à Ottawa et de changer votre objectif de travail pour la
journée. Vous avez sans doute un message très intéressant
à transmettre aux gens d'Ottawa. J'avais, M. le Président, une
question à poser au professeur Bernard au sujet des objectifs qu'il nous
a fixés, qu'il a mentionnés. Je voudrais que vous nous disiez ce
que vous trouvez de valable et de non acceptable dans le quatrième:
Renforcer la représentation en milieu rural.
M. BERNARD: M. Tremblay a posé une question qui m'a
déjà permis de répondre, un peu, à cette question
que vous posez à nouveau. Pour répondre à la chose,
simplement, disons que le Québec est un territoire extrêmement
vaste qui, actuellement, a un centre de population qui, lui, est
extrêmement réduit, en termes de territoire. Je pense qu'il est
important de donner, à la population qui habite l'extérieurde
Montréal, une possibilité de manifester ses positions, qui soit
plus grande que celle que lui accorderait une simple représentation,
strictement numérique. C'est l'essentiel de mon point là-dessus.
Je ne pense pas qu'on doive exagérer cette surreprésentation
mineure, mais il faut la reconnaître comme étant importante pour
un Québec qui a besoin quand même d'alimenter toutes ses
régions. On ne veut pas avoir un pays...
M. PAUL: Sur quels critères vous basez-vous pour énoncer
ce principe?
M. BERNARD: Il y a eu des études faites dans différents
pays au sujet des problèmes des capitales qui deviennent trop grosses.
Au Québec, on n'a même pas une capitale qui est trop grosse, c'est
une métropole. Le problème qui se pose, à ce
moment-là, c'est qu'une métropole peut drainer des
énergies considérables du reste du territoire et, finalement, le
territoire, qui reste à l'extérieur de la métropole,
s'appauvrit graduellement. Comme l'Etat, le gouvernement a un rôle
très important à jouer dans l'économie, dans l'expansion,
dans l'organisation de la société, il convient de donner aux
populations à l'extérieur de Montréal, je crois, une
certaine capacité de faire valoir des points de vue au niveau de l'Etat
ou des organismes de l'Etat. Vous saisissez bien le point? Je suis convaincu
que vous saisissez, parce que c'est un point...
M. PAUL: Vous n'avez pas fait une comparaison entre le travail quotidien
d'un député rural par rapport à celui d'un
député de ville.
M. BERNARD: C'est un autre élément qui mérite
d'être souligné, mais celui-ci n'est pas un élément
qui a un caractère permanent. Je crois qu'aujourd'hui les tâches
qui incombent au député rural découlent, en bonne partie,
de ce que nos structures administratives ne sont pas suffisamment
déconcentrées pour permettre, dans des régions rurales ou
soi-disant rurales, une administration qui permette de régler beaucoup
de problèmes administratifs qui, aujourd'hui et en bonne partie, doivent
être encore réglés par la personne qui représente le
comté ou la circonscription. Je pense qu'au fur et à mesure que
notre administration, ici au Québec, se déconcentrera,
s'améliorera en termes d'organisation territoriale, les problèmes
qui se posent aux députés ruraux, en termes de travail dans la
localité, deviendront de moins en moins considérables.
M. DUMONT: J'ai tenu, M. Bernard, à vous faire préciser
cela, parce que j'avais remarqué, dans les réponses que vous avez
données à M. Tremblay en faisant allusion, par exemple, à
un groupement minoritaire qui ne serait pas numériquement parlant,
représenté à l'Assemblée nationale se sentirait
lésé dans ses droits, c'est ce qui m'inquiète, maintenant
que, dans le milieu rural, les gens sont devenus en minorité, est-ce
qu'ils n'auraient pas aussi cette pensée d'être
lésés dans leurs droits? Enfin, j'ai bien aimé les
précisions que vous avez apportées.
Une autre question, je voudrais, par l'enquête que vous avez
conduite à travers toute la province, vous demander si vous avez
trouvé des racines de pensée assez profondes pour croire que les
tiers partis, ça va demeurer cette pensée ou que les gens ont
tendance à vouloir revenir à seulement deux partis.
M. BERNARD: La position est difficile là-dessus, puisque, en
fait, ce que vous appelez une enquête, je ne l'ai, moi-même, pas
appelée une enquête. J'ai dit que j'ai rencontré souvent
des gens et il m'arrive de tirer de cela des conclusions, comme vous-même
vous en tirer de vos contacts avec vos électeurs. Vous ne faites pas
d'enquête, n'est-ce pas, mais vous avez quand même la
capacité de porter des appréciations, à la suite de vos
expériences avec vos électeurs.
Ceci étant posé, il n'y a pas de caractère
d'enquête ou de caractère scientifique dans mes observations. Il
reste ceci: j'ai bien l'impression que, dans la mesure où il y a au
Québec, actuellement, un certain pluralisme qui va en s'accusant, il est
probable que les tendances que l'on voit aujourd'hui vont être une
réalité pendant un bon nombre d'années encore. C'est
évident. Est-ce que, dans les régions rurales, ces tendances sont
aussi diversifiées? Ce n'est peut-être pas encore le cas,
ça le deviendra peut-être. Il n'est pas possible pour moi de dire:
Voilà, ça va rester avec nous nécessairement. Je ne suis
ni un juge ni un prophète. Mais on peut dire cependant qu'il y a
déjà en milieu rural des éléments en termes de
pluralisme qui sont sûrement divergeants. Il est peu probable que les
gens changent d'idée du jour au lendemain. Il est tout de même
probable que ça puisse aller en s'accentuant légèrement.
Si c'est le cas, il est peut-être intéressant, il est
peut-être utile de prévoir le coup et de tenir compte de cette
situation.
M. DUMONT: M. le Président, je vous remercie. Je veux m'excuser
auprès des membres de la commission et auprès de M. Bernard, je
suis obligé de quitter pour une conférence de presse. Je lirai
quand même les rapports de ceux qui ont posé des questions.
M. HARDY: ...aux électeurs?
M. DUMONT: C'est, disons, quelque chose qui va renverser le
député de Terrebonne.
M. BIENVENUE: Qui va renverser...
M. DUMONT: De députés libéraux ils deviendront
peut-être créditistes.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Probablement une synthèse de ce que
nous avons dit ce matin.
M. LE PRESIDENT: M. Laurin, s'il vous plaît.
Inégalités de
représentation
M. LAURIN: M. Bernard, je vois que vous êtes très
préoccupé par la stabilité de nos futurs gouvernements et
que les systèmes que vous nous proposez ont pour but en tout cas
un des buts principaux d'assurer cette stabilité. Pour cela, vous
avez mentionné des chiffres vers lesquels nous devrions nous diriger,
45, 30... Mais, il reste que, même avec le scrutin que nous avons
actuellement, selon des méthodes de calcul hypothétiques
il y en a quelques-unes qui ont été faites devant cette
commission parlementaire par M. Lemieux on aurait pu envisager
qu'à l'élection de 1970 un certain parti, avec 30 p. c. des voix
seulement, aurait pu avoir une majorité de députés. Donc,
même avec notre méthode actuelle, notre mode actuel de scrutin, on
pourrait, hypothétiquement, en arriver à des résultats
où une minorité de 30 p. c. des électeurs aurait
élu un gouvernement majoritaire. Est-ce que ceci n'est quand même
pas une des preuves de la faiblesse du système actuel et de la
nécessité de le corriger?
M. BERNARD: C'est un point assez clair. Si les députés et
la population considèrent qu'un gouvernement qui n'aurait que 30 p. c.
des voix et qui aurait une majorité des sièges serait un
gouvernement qui n'aurait pas la légitimité qui devrait
être normale, si c'est là un objectif que l'on considère
comme devant être poursuivi, celui de cette légitimité, il
convient sûrement d'améliorer le mode de scrutin. Car il est
possible que les partis qui ont actuellement des positions assez importantes
perdent des voix en termes de pourcentage. On ne sait jamais ce qui peut
arriver.
Il peut effectivement se produire une situation assez fantastique,
à savoir que le Québec aurait un gouvernement majoritaire avec un
parti qui aurait moins de 40 p. c. des voix. Bien sûr, ceci n'est que du
calcul hypothétique. Les électeurs votent selon ce qu'ils veulent
et ce n'est pas nous qui allons leur dire comment le faire. Mais cela peut,
théoriquement, arriver.
Pour ma part, si on avait un jugement à me demander, à
titre de citoyen, je considérerais qu'une telle situation serait
sûrement défavorable à l'évolution du Québec
et serait une source probable de difficultés. Il y a toujours des
électeurs il y en a toujours quelques-uns, qui vont trouver tout
à fait impensable qu'ils puissent être tellement
sous-représentés. Il y a certaines personnes qui ont des
problèmes et peuvent aller jusqu'à faire des scènes
à ce moment-là...
M. LAURIN: Dans l'étude de...
M. PICARD: Considérant l'énoncé du Dr Laurin
à l'effet que 30 p. c. des voix auraient permis selon une étude,
hypothétiquement, de faire élire un nombre suffisant de
députés pour permettre à un parti de prendre le pouvoir,
ne croyez-vous pas que c'est beaucoup plus attribuable au fait de la mauvaise
distribution de la carte électorale qu'au mode de scrutin?
M. BERNARD: Cette question de carte électorale, c'est une chose
sur laquelle je me suis penché pendant au moins deux ans.
L'incidence des inégalités de représentation qui
tiennent de la carte électorale est généralement
très faible. Ce n'est qu'exceptionnellement que les
inégalités de représentation qui découlent de la
carte électorale ont une influence sur la représentation des
partis en Chambre. Quand cela se produit-il? Cela se produit quand des
régions rurales sont surreprésentées par rapport à
des régions urbaines en même temps que la distribution du vote
dans la population épouse ce clivage rural urbain. S'il y avait un parti
rural qui s'opposait à un parti urbain et que les comtés ruraux,
qui composent 30 p. c. de la population, mais 50 p. c. des sièges,
élisaient chacun un député du parti rural, la situation
qu'on prévoit se produirait.
Cette situation ne peut se produire en fonction de la carte
électorale que dans des circonstances très particulières.
Actuellement, au Québec, notre carte électorale, tout en accusant
la sous-représentation de Montréal, n'est quand même pas
à ce point inégalitaire dans les milieux ruraux pour permettre
à un parti rural de remporter le pouvoir dans ces conditions parce que,
dans les milieux ruraux, il y a des comtés qui sont
surreprésentés et il y en a d'autres qui sont
sous-représentés. On connaît les deux situations et
généralement cela s'équilibre pas mal. Je ne pense pas
qu'on doive considérer la carte électorale dans cette question
comme étant un élément fondamental. J'aimerais dire,
cependant, pour ajouter à ma réponse, que si les
inégalités sont assez grandes entre les comtés, il se pose
des problèmes encore de légitimité. Les gens qui sont
sous-représentés s'en plaignent avec raison. Il disent: Comment
se fait-il que dans notre comté nous sommes 100,000 nous
avons un seul député alors que dans le comté de Huntingdon
et ailleurs ils ne sont que 15,000 ou 20,000 et ils ont également
un député. Il faut éviter ces inégalités
trop grandes.
M. LAURIN: Vous avez aussi semblé insister sur une sorte
d'égalité de représentation des minorités d'une
part, en ce qui concerne la population, et d'autre part en ce qui concerne le
représentant à l'Assemblée nationale. Je comprends
parfaitement cette préoccupation, mais pourquoi la limitez-vous à
l'aspect ethnique? Pourquoi ne pas l'étendre, par exemple, à
l'aspect urbain versus rural? Pourquoi faudrait-il être plus juste en ce
qui concerne le caractère ethnique qu'en ce qui concerne le
caractère urbain d'une population?
Si vous êtes d'avis qu'avec 15 p. c. d'électeurs
appartenant à l'ethnie, il faut qu'il y ait des députés
qui les représentent exactement, pourquoi ne pas dire la même
chose en ce qui concerne les urbains et les ruraux?
M. BERNARD: Je n'évoque pas des objectifs qui sont les miens.
J'évoque des objectifs qui sont manifestés par des
électeurs que j'ai rencontrés.
M. LAURIN: Le sens de ma question est: Pourquoi faut-il
privilégier le caractère ethnique, quand on en arrive à la
représentation, au détriment d'un facteur peut-être plus
moderne, plus près de la vie, l'appartenance à un milieu rural ou
urbain?
M. BERNARD: Le point est majeur, mais je ne pense pas que les gens qu'on
rencontre dans la rue y apportent une réponse facile. Il y a des
électeurs, au Québec, qui se préoccupent de la
surreprésentation de la minorité anglaise du Québec. Ils
se préoccupent de la surreprésentation de cette minorité
parce que, disent-ils: Vous avez cette minorité qui constitue dans bon
nombre de comtés un groupe suffisamment important pour déterminer
si elle vote avec une certaine unanimité le choix du
député. A ce moment-là, ces gens disent: Voilà,
avec une minorité anglophone au Québec, on risque d'avoir une
surreprésentation de porte-parole de
cette minorité. Cela ne veut pas dire que les
députés en question seront des anglophones, mais c'est une
préoccupation de certains électeurs. D'autres électeurs
disent: Dans les milieux urbains, nous sommes sous-représentés et
on a tel et tel problème. Je ne pense pas que l'on doive
considérer ces différences d'arguments comme étant des
arguments déterminants. Je ne pense pas, non plus, qu'on doive dire
qu'il faut absolument que 15 p. c. de la population ait 15 p. c. de
représentants. Il y a des équilibres qui doivent se faire quelque
part.
Les arguments que j'ai mentionnés et qui sont proposés par
ceux qui défendent la surreprésentation relative des milieux non
montréalais, me semblent des arguments qui ont un certain poids, compte
tenu de la dimension du Québec. Est-ce que le Québec doit
préserver un certain nombre de valeurs qui sont des valeurs
québécoises et est-ce qu'on peut faire confiance à une
représentation excessive des milieux urbains pour les défendre,
ainsi de suite?
Ce sont des points mentionnés par les gens. Vous devez vous
pencher là-dessus pour faire vos choix d'objectifs.
M. LAURIN: Maintenant, vous avez mentionné que l'identification
de l'électeur rural à son député était
beaucoup plus forte que l'identification de l'électeur urbain, et
surtout métropolitain, à son député.
Métropolitain, car je pense bien que c'est surtout à
Montréal que vous avez noté cette faible identification de
l'électeur à son député. Mais, n'est-ce pas
précisément un des objectifs que nous devrions viser que de
secouer un peu cette identification? Un parti politique, ça
représente d'abord une idéologie, ça représente
d'abord un programme, une conception de la société, un programme
de création, d'invention d'une société, beaucoup plus que
les hommes qui sont chargés de véhiculer ce programme-là;
à tel point que dans plusieurs de ces régions, on se rend compte
qu'on vote pour le parti avant de voter pour un homme, étant
donné qu'on sait d'avance que l'homme est lié par un programme
qui a été distribué, qui a été
expliqué, qui a fait l'objet de déclarations à la radio,
lors des assemblées publiques? Est-ce que ça ne nous rapproche
pas davantage du jour où le député sera vu comme
étant au service d'une conception de la société, d'une
conception de l'administration de la société? Loin d'y voir une
faiblesse, je verrais plutôt ça comme un signe d'évolution
positive des sociétés. Et, à ce moment-là, ne
devrait-on pas viser comme objectif, justement, les méthodes qui vont
accélérer cette évolution dans ce sens?
M. BERNARD: Oui, cela suppose un jugement de valeur sur la
qualité, n'est-ce pas, de cette évolution. Maintenant, il est
certain qu'il y a une évolution dans ce sens. Est-ce qu'il convient de
l'accélérer? Est-ce qu'il convient de s'y adapter? Ou est-ce
qu'il convient de la freiner? Cela est un choix qui sera fait en fonction de
perspectives politiques, c'est évident.
Maintenant, il est clair qu'au fur et à mesure qu'une population
devient urbaine, industrielle, ainsi de suite, il me semble assez certain que
les préoccupations changent de foyer et finalement...
M. LAURIN: Plus intense, parfois.
M. BERNARD: Peut-être. Mais là, évidemment, il est
plus difficile de changer les hommes que de tenter de...
M. LAURIN: A tel point que, lorsque je rencontre un électeur dans
mon comté, bien souvent il me dit: Pour tel ou tel problème
quelle solution préconisez-vous? C'est ça qui m'intéresse.
Ce n'est pas le parti auquel vous appartenez.
M. BERNARD: Ceci est très probable. Les préoccupations
changent effectivement de foyer, se portent sur des points de problèmes,
sur des solutions, sur des options etc.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Laurin, me permettez-vous une question
ici?
M. LAURIN: Oui, certainement!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ne pensez-vous pas que le problème
qu'évoque le Dr Laurin est exactement le même dans les
régions rurales? Et même si on met l'accent sur le
député avant de le mettre sur le parti, si on met l'accent sur la
conception de la société que se fait un parti par rapport
à celle que s'en fait un autre, on retrouve finalement, lorsque le
brassage est fait, exactement les lignes de force actuelle. Si, par exemple, un
parti propose une solution socialiste, communiste, appelons ça n'importe
comment, les gens décident d'opter pour cette solution. Bon. Ils votent
en faveur des candidats socialistes. Et, à ce moment-là, ils ne
regarderont pas la qualité de l'homme. Ils vont voter pour le parti qui
a proposé cette formule miracle qui serait le socialisme ou toute autre
formule d'une autre nature. Alors, au fond, on retrouve exactement le
même problème. Les habitudes électorales des citoyens se
modifient selon les programmes des partis. On retrouve, finalement, une
série de gens qui votent pour un parti plutôt que pour un homme.
Alors ça ne change pas grand-chose au problème. C'est une
façon de le regarder sous un autre angle, sous un autre
éclairage. Fondamentalement les gens vont voter pour un homme ou pour un
parti et plus souvent pour un parti que pour un homme, tout dépend,
naturellement, de la qualité.
M. LAURIN: Je ne posais la question que pour replacer cette question de
l'identification de l'électeur à son député...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.
M. LAURIN: ... dans un cadre plus vaste, plus évolutif.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Laurin, excusez-moi, je ne
voulais pas vous interrompre. Je voulais poser une question à propos de
cette identification de l'électeur à son député?
Vous nous indiquiez tout à l'heure, M. Bernard, que cette identification
est moins intense dans les villes. Est-ce que cela ne provient pas du fait que
les citoyens de la ville, des grandes agglomérations se sentent
davantage représentés du fait qu'ils ont leur grande
municipalité?
Prenez le cas de Montréal. L'électeur se sent
déjà représenté par ceux qui siègent au
conseil de ville de Montréal. Il y a décentralisation
administrative, ce qui, à toutes fins utiles, signifie que le
gouvernement est installé là. Alors, ils n'ont pas tendance
à s'identifier à un député qui, pour eux, restera
toujours un homme assez éloigné du fait qu'il doive siéger
ici, à l'Assemblée nationale. Est-ce que ce n'est pas là
une des grandes raisons de ce peu de motivations des gens à l'endroit du
député?
M. BERNARD: C'est sans doute une des raisons, mais je suis en peine de
répondre à votre question en termes scientifiques, parce qu'il
faudrait vérifier cette hypothèse, si on la formule comme une
hypothèse. Je pense que c'est une hypothèse qui se défend
très bien; il est probable que ce que vous énoncez comme raison
explique assurément cette différence d'identification.
J'aimerais reprendre cette question, puisqu'elle est importante. Dans
les milieux ruraux, beaucoup d'électeurs ce qu'on ne voit pas
tellement à Montréal se posent la question: Est-ce que je
dois voter pour le parti que j'aime alors que son programme ne me plaît
pas? Ou dois-je voter pour l'homme qui me plaît le plus, alors qu'il
n'est pas membre du parti qui me plaît? Ces questions-là sont
posées beaucoup plus régulièrement en campagne me
semble-t-il, c'est à vérifier qu'en ville.
Déjà cela montre une différence qui n'est
peut-être pas tellement grande mais elle existe tout de
même. Il est certain que les Québécois sont des hommes qui
pensent, sans doute, d'une façon assez semblable sur un bon nombre de
questions. Mais ils se distinguent quand même, les uns des autres sous un
certain nombre de détails. Je pense que c'est là un des
détails sur lesquels on peut établir quelques distinctions.
M. LAURIN: Une dernière question sur l'accent que vous mettez sur
la représentation régionale par rapport à la
représentation métropolitaine. Vous nous avez cité des
études, où on dit, par exemple, que les grandes métropoles
peuvent drainer trop d'énergie, ce qui peut se solder par une sorte
d'appauvrissement pour le reste du territoire et vous en faites la base d'un
raisonnement qui voudrait privilégier la représentation
régionale par rapport à la représentation
métropolitaine.
Mais n'est-ce pas là exactement ce qui s'est produit avec le
scrutin uninominal à un tour que nous avons connu, qui a
privilégié d'une façon extraordinaire la
représentation régionale, par rapport à la
représentation métropolitaine? C'est sous ce régime que
nous avons vu les régions s'appauvrir au point de vue économique,
au point de vue sociologique, parfois, où le tempo du progrès
était plus lent par rapport à la métropole. Est-ce que ce
n'est pas justement une des preuves de la faiblesse du système actuel
que d'avoir permis cet écart grandissant entre la métropole et
les pôles régionaux?
M. HARDY: M. le Président, nous poumons dire que la question du
député de Bourget toute sensée qu'elle puisse
être est pour le moins suggestive.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Elle est appuyée de plus sur un
postulat qu'il faudra démontrer.
M. LAURIN: Avec ces qualificatifs de mes savants collègues, et
maintenant que vous êtes prévenu...
M. HARDY: Je ne voudrais pas être à la place du
témoin.
M. PAUL: C'est dégagé de tout intérêt
personnel.
M. LAURIN: Pas tout à fait.
M. BERNARD: Je ne pense pas qu'on puisse lier le problème de
l'accroissement métropolitain à notre système de scrutin;
ça me semble difficile à faire. Je ne pense pas, pour autant,
qu'on doive dire qu'une représentation de la province de Québec,
en termes qui privilégient un peu l'extérieur de Montréal,
accuse l'accroissement de la métropole; au contraire, je mentionne ceci
comme étant un moyen de limiter cet accroissement de la
métropole.
Je ne pense pas que ce soit un moyen très, très fort. Mais
sûrement qu'il y a des gens qui considèrent que c'est là un
moyen, parmi d'autres.
M. LAURIN: De toute façon...
M. BERNARD: Je n'ai pas amené cet argument comme étant mon
argument, je le mentionne comme un argument qui est mentionné par des
personnes.
M. LAURIN: ... cette maladie, dont nous ne sommes pas les seules
victimes, parce que ça existe un peu dans tous les pays, peut-elle
être
contrée uniquement et principalement par une réforme du
mode de scrutin, par comparaison avec d'autres méthodes? Vous en avez
d'ailleurs mentionné une des plus importantes qui est la
déconcentration des structures administratives, qui elle n'est pas quand
même liée à l'idée d'une réforme
électorale.
M. BERNARD: J'aurais voulu dire tout à l'heure, je me suis sans
doute exprimé trop brièvement, que l'Etat a un rôle
important à jouer dans ce secteur. L'Etat agit en réaction aux
pressions qui s'exercent sur lui, aux demandes qui lui sont formulées,
etc. Si l'on accorde une voix un peu plus forte à ceux qui peuvent
effectivement demander une déconcentration, etc. je pense que
l'on...
M. LAURIN: Peut-elle être plus forte qu'actuellement, où
elle est très forte?
M. BERNARD: Elle risque d'être beaucoup moins forte
qu'actuellement si on adopte une égalité absolue en termes
numériques. Mon point n'est pas de préconiser quelque chose qui
réduise excessivement cette capacité de pression des milieux non
montréalais. Je signale que parmi les objectifs que vous devrez
poursuivre, il y a celui-ci: il faudra, je crois, éviter de
privilégier au détriment de cet objectif, l'objectif
numérique que je n'ai même pas mentionné d'ailleurs, comme
étant un objectif principal sauf en termes de représentation des
groupes ou des forces politiques.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bernard, je voudrais revenir sur ce
problème de la...
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, M. Tremblay, M. Pearson m'avait
demandé depuis un bon moment le privilège de poser une question
ainsi que M. Picard. Si vous n'avez pas d'objection.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous en prie, mes chers
collègues.
M. PEARSON: D'accord, ce ne sera pas long. M. Bernard, vous avez
parlé tantôt du travail d'un député rural
comparé au député urbain. Je voudrais brièvement
caricaturer un peu ce travail. Je dirais que, de façon
générale, le député rural c'est la première
personne que l'électeur va voir. Le député urbain, c'est
la dernière personne que l'électeur va voir. Ici, je vous rejoins
quand vous mentionnez la décentralisation.
M. HARDY: Chanceux!
M. PEARSON: ... de façon générale. Si
l'électeur rural trouvait sur place les endroits pour se renseigner ou
pour lui fournir les services, peut-être qu'à ce moment-là
ce serait un peu comme dans une région urbaine. Dans une région
urbaine, de façon générale, la personne qui va voir le
député a fait des démarches personnelles auparavant et
elle est rendue, en somme, au bout de son rouleau, c'est-à-dire que
c'est sa dernière chance, sa dernière planche de salut. De
façon absolue ou caricaturiste, c'est un peu ça. Maintenant,
j'aimerais, pour être pratique, que vous critiquiez ou que vous me disiez
si les objectifs qui ont été mentionnés pourraient
être atteints par un mode de scrutin comme le suivant? un mode de scrutin
où il y aurait 90 députés élus, 20
députés nommés selon la proportion du vote obtenu pour
chacun des partis et également dix députés nommés
selon les dix régions administratives du Québec. Cela rejoindrait
en somme la représentation selon les partis et donnerait
également une représentation selon les régions
administratives. Ce qui ferait en somme 120, chiffre qui a déjà
été avancé ici mais en mentionnant 90-30.
M. BERNARD: Le scrutin auquel vous faites allusion permet, sans aucun
doute, de réaliser un bon nombre des objectifs mentionnés ici.
Cependant, l'objectif de représentation adéquate des
différentes forces politiques ne serait pas aussi bien
réalisé que par un autre mode de scrutin même s'il sera
réalisé partiellement. Je pense que l'objectif dont on a
parlé au sujet de ces électeurs qui aimeraient avoir un
député de leur parti dans leur région n'est
peut-être pas tellement réalisé non plus.
C'est là une proposition pratique qui est peut-être
considérée avec intérêt en fonction des objectifs
que vous pourrez énoncer éventuellement. C'est certain.
M. LE PRESIDENT: M. Picard.
M. PICARD: M. Bernard, d'abord, au début, j'aimerais faire une
remarque et j'espère que vous ne la prendrez pas comme une critique.
Vous aussi, comme la plupart des experts qui sont venus devant cette
commission, semblez ignorer un fait, ou du moins vous hésitez à
le mentionner.
Le fait est le suivant: l'île de Montréal a actuellement
une représentation de 25 députés sur 108, et chaque fois
qu'on entend les experts discuter de la redistribution de la carte
électorale, on dit toujours qu'il ne faut pas que Montréal soit
trop représentée, il faut faire attention. Mais tout ce qu'on
demande, à Montréal, c'est de corriger cette injustice flagrante,
le fait de n'avoir que 25 députés dans une Assemblée
nationale de 108. On ne demande pas d'en avoir exactement,
numériquement, proportionnellement à la population de l'île
de Montréal, mais une représentation plus juste. Il est assez
curieux de voir, et c'est un phénomène qu'on remarque depuis
peut-être sept ou huit ans, que les gens qui crient le plus fort à
la démocratie, sauvons la démocratie, ce sont
précisément ces gens-là qui ne semblent pas se rendre
compte de ce qui se passe actuellement
dans la représentation à l'Assemblée nationale. Ils
sont toujours à la défense des minorités.
Mais qu'est-ce qu'on fait de la majorité là-dedans?
Qu'est-ce qu'on en fait de la majorité? On défend toujours les
minorités, sur tous les plans imaginables, et la majorité, on
semble l'oublier. Est-ce que c'est ça la démocratie?
M. LAURIN: Parce qu'elle est trop silencieuse.
M. PICARD : Probablement qu'elle est trop silencieuse, mais il reste
tout de même que si on veut crier en même temps: Défendons
les minorités et sauvons la démocratie, je pense que ça ne
concorde pas. Si c'est démocratique, c'est la majorité, sur
quelque plan que ce soit. Mais depuis quelques années, tout ce qu'on
entend, c'est l'opinion de la minorité. Qu'est-ce que vous en
pensez?
M. BERNARD : Je suis heureux d'avoir donné l'impression que je
représentais la minorité rurale, mais quoiqu'il en soit, il est
certain que c'est un objectif prioritaire, pour les gens de Montréal,
que d'améliorer leur représentation. Par contre, je ne partage
pas tout à fait le point de vue de ceux qui disent qu'il faut avoir,
à Montréal, la moitié des députés parce que
la région métropolitaine a la moitié de la population.
C'est le point sur lequel j'ai voulu insister, parce qu'effectivement, à
Montréal, on rencontre des jeunes, par exemple dans mes cours, on se
préoccupe beaucoup de ce point-là. On ne se préoccupe pas
du reste du Québec.
C'est là le point. Je suis bien d'accord, maintenant 25 ou 27, si
on prend Fabre et Laval, sur 108, ce n'est pas beaucoup, et effectivement il y
a une sous-représentation de l'ordre de 45 p. c, en termes de
pourcentage. Il est évident que ce devrait être corrigé et
beaucoup.
M. PICARD: Maintenant, pour revenir encore a cette question de la
démocratie, on nous suggère dés systèmes de scrutin
électoraux qui prévoiraient, par exemple, l'élection de
députés sur une base régionale, avec des listes
préparées, soit une liste bloquée ou une liste ouverte
préparée par des partis politiques. Où est la
démocratie, là-dedans?
M. BERNARD: Oui, mais là, on peut...
M. PICARD: Je pose la question encore: Où est la
démocratie, là-dedans?
M. BERNARD: On peut répondre à cette question par une
autre question. Est-ce que tous les candidats, actuellement, sont effectivement
choisis d'une façon démocratique?
M. PICARD: Oui, absolument, mais lorsqu'il arrivera une liste
bloquée comme vous l'avez en Allemagne, avec le résultat
qu'à un moment donné il était prévu qu'à
l'Assemblée nationale de l'Allemagne il y aurait 496
députés, et qu'à cause du mode de scrutin on a
été obligé d'ajouter deux sièges additionnels, pour
pouvoir maintenir la proportion, c'est ce qui s'est passé en
Allemagne.
M. BERNARD : Oui, mais ce sont des problèmes qu'on peut
considérer comme importants...
M. PICARD: Je ne trouve pas ça démocratique.
M. LE PRESIDENT: J'ai fortement l'impression que le député
de Brome aurait une question à poser sur le même sujet.
M. PICARD: Vous permettez, M. le Président, seulement un dernier
point. Lorsqu'on parle de représentation rurale et urbaine, je pense
qu'il y aurait lieu, une fois pour toutes, d'établir ce qu'est une
population rurale. Je l'ai déjà dit, dans la population rurale,
vous avez une proportion de cette population-là, c'est-à-dire la
population qui vit dans un comté rural, vous avez une partie de cette
population-là qui est rurale agricole et une très forte partie
qui est rurale non agricole. Qu'est-ce que c'est, en fait? Ce sont des citadins
installés en banlieue, c'est tout simplement ça. Les statistiques
ont établi que la population agricole ne représente,
actuellement, qu'à peine 5 p. c. de la population.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela vaut pour le nord de Montréal.
M. PICARD : Cinq pour cent de la population sont
considérés comme ruraux agricoles. Ce sont des gens qui ont des
problèmes autres qu'un citadin ou des problèmes autres qu'une
personne rurale non agricole. Je m'explique: ce sont des gens qui ont des
problèmes, par exemple, de drainage, de subvention pour l'agriculture,
de prêts agricoles.
La population rurale non agricole n'a pas ces problèmes, d'aucune
façon. Ce sont les mêmes problèmes que nous avons dans les
municipalités.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Picard, est-ce que vous me permettriez de
vous demander une précision à ce sujet? Lorsque vous parlez de
cette population de citadins qui vivraient en banlieue, est-ce que vous
pourriez circonscrire le territoire? Parlez-vous des richissimes exploiteurs du
nord de Montréal?
M. PICARD: Absolument pas, je vais vous donner une explication. Vous
allez prendre, par exemple...
M. HARDY: Question de privilège, M. le Président,
j'espère que le député de Chicoutimi ne parle pas des
électeurs de mon comté, les richissimes...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... ils sont mal
représentés?
M. PICARD: Je vais parler pour répondre au député
de Chicoutimi, un peu de son propre patelin. Est-ce que vous considérez
comme un électeur rural, d'une section rurale, une personne qui demeure
en dehors de Chicoutimi, mais qui travaille à l'ALCAN? Et qui ne cultive
même pas le petit jardin, pour cultiver sa laitue ou ses radis...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il faut prendre le problème d'une tout
autre façon. Moi, je suis représentant d'une circonscription
urbaine qui est chez nous une métropole. C'est précisément
parce qu'il faut que cette métropole grandisse, pour drainer une force
économique, que nous voulons une représentation qui corresponde
à ce que nous représentons comme potentiel; parce que l'avenir du
Québec du point de vue économique, référence:
projet de la baie James, est dans le nord du Québec et dans la
région périphérique, tout le bassin du
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
M. PICARD: Dans les comtés de la périphérie de
Montréal, vous en avez plusieurs, par exemple, je dirais, Chambly
Rouville. Il y a des gens qui demeurent dans ce qu'on appelle un comté
à caractère rural. Où travaillent-ils? A Canadair ou
à la Vickers, quelque chose comme cela. Ils ont la vie d'un citadin mais
ils demeurent dans une région rurale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, le problème de ces
régions dites rurales, indépendemment du pourcentage de gens qui
sont vraiment des travailleurs agricoles, le problème de ces
circonscriptions et de ces régions, est un problème
d'infrastructure que les gouvernements doivent créer là, afin d'y
amener la grande industrie et d'en faire des régions qui ne soient pas
défavorisées par rapport à la ville de Montréal et
la banlieue, qui commencent à être sursaturées.
Rappelez-vous ce que nous a dit le professeur Meynaud. Il a dit: "Dès
qu'on commence à vider les régions éloignées de ce
qu'on appelle la métropole, il n'est plus possible de
récréer une vie dans ces régions." C'est pour cela que
nous défendons le principe de la représentation, appelée
rurale, ce n'est pas le terme exact. Au fond, nous voulons établir une
pondération dans l'ordre social et dans l'ordre économique entre
les grandes agglomérations et les agglomérations de moindre
importance des réservoirs de population qui se trouvent dans les
diverses régions du Québec et qui sont en train de se vider parce
qu'on s'imagine que le salut est à Montréal. J'en ai, tous les
jours, la preuve lorsqu'on confond Rimouski et Chicoutimi. A Montréal,
on ne sait même pas où se trouve Chicoutimi, on ne sait même
pas où se trouve Rimouski.
M. PICARD: D'après votre théorie, est-ce que, pour
arrêter cet exode, vous préconisez d'augmenter encore le nombre
des députés dans les régions en dehors de Montréal?
Vous êtes représenté, surreprésenté
actuellement. Il y a exode, même avec une surreprésentation, au
détriment de l'île de Montréal. Il y a exode, vous
l'admettez vous-même.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Croyez-vous qu'une région comme celle
des comtés de Duplessis, Saguenay, Charlevoix, toute la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean je ne parle pas des autres régions qui ne
sont pas la mienne croyez-vous que ces régions soient vraiment
représentées à l'Assemblée nationale, qu'elles ont
suffisamment de poids? La représentation...
M. PICARD: Au nombre de milles carrés des territoires
d'abord...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, et même du point de vue de
l'importance des problèmes. Il ne s'agit pas des problèmes
actuels. Il s'agit de ceux qui vont naître du fait de l'exigence d'un
développement dans ces régions. La représentation que nous
avons à l'heure actuelle est absolument inadéquate. La ville de
Montréal, même si vous n'avez que 25 députés
je ne souhaite pas que vous ne gardiez que 25 députés, je
souhaiterais que vous en ayiez plus mais il faut établir la
pondération afin qu'on ne se trouve pas dans la situation où se
trouvent les gouvernements qu'on appelle provinciaux. Vous avez une petite
province comme l'Ile du Prince-Edouard qui a 100,000 personnes et un peu plus,
et qui a la même voix que le Québec ou que l'Ontario à la
table des négociations constitutionnelles.
M. PICARD: C'est ce qui arrive actuellement. Vous avez des comtés
avec une population de 12,000 et dans mon comté, j'en ai 123,000.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, chez moi, j'ai...
M. PICARD: Alors, ça prend dix électeurs dans mon
comté pour élire un député.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous n'avez pas les mêmes
problèmes que nous avons.
M. PICARD: Justement, je voulais en venir à la dernière
question, M. le Président, sur les problèmes des
députés ruraux et des députés urbains.
La différence c'est que, premièrement, les populations
n'ont pas les mêmes problèmes. C'est un fait reconnu par tout le
monde. Deuxièmement, dans les régions urbaines, nous avons
d'autres structures, d'autres organismes qui sont appelés à
résoudre ces problèmes-là. Je vais prendre, par exemple,
un comté à l'intérieur de la ville de Montréal.
Quantité de problè-
mes relèvent des autorités municipales. Nous avons
là les structures. Mais ce n'est pas une raison pour nommer un nombre
excessif de députés à l'extérieur. Tout ce qu'il
faut donner à ce député, ce sont les outils.
J'ai souvent suggéré, à plusieurs reprises, que,
dans les comtés ruraux je reconnais qu'un député,
dans une région rurale, a plus de travail qu'un député
d'une région urbaine on donne à tous les
députés, sans s'occuper du territoire qu'ils représentent,
un bureau de député. C'est-à-dire qu'on leur paie la
dépense de $200 par mois. Dans certains comtés ruraux, pourquoi
le gouvernement ne paierait-il pas l'entretien de trois bureaux? Je voterais
pour cela.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis bien content de vous l'entendre dire,
parce que $200 par mois, pour mon bureau, cela représente $95.
M. PICARD: Alors, ça vous en prendrait trois bureaux, à
cause du territoire que vous représentez.
M. LE PRESIDENT: M. Brown.
M. PICARD: Mais ce n'est pas là le problème.
M. CROISETIERE: Il me semble que le député de Brome aurait
intérêt à inviter le député d'Olier à
aller à son bureau...
M. PICARD: Je ne suis pas intéressé, parce que ceux qui
veulent...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. CROISETIERE: Je pense que les électeurs... le
député rural.
MR. BROWN : Mr. Bernard, in the studies that you have done, in what
matter have you pursued your studies? Have you visited different counties? Have
you interviewed different people? What type of studies do you have? Are they
merely from reading a book or have you actually interviewed people in Brome
county, l'Assomption? Have you been around to see these people?
M. BERNARD: Pour répondre à votre question, j'ai
déjà spécifié que je n'ai pas fait d'enquête
particulière. Mais quand j'ai rédigé ma thèse de
doctorat sur la carte électorale du Québec, j'ai pris soin de
visiter tous les comtés du Québec, sauf les Iles-de-la-Madeleine
je le regrette et, à ces occasions, en ce qui a trait aux
comtés qui avaient été effectivement modifiés au
cours des années, j'ai essayé de trouver les raisons qui avaient
pu justifier ces modifications dans le temps, selon la mémoire des gens
que je pouvais rencontrer. Il y a beaucoup de choses que je n'ai pas
écrites dans ma thèse, bien entendu, vous le savez.
Ceci étant posé, depuis une année, j'ai eu
l'occasion, par exemple, d'aller dans les régions de Mégantic, de
l'Assomption, de Richelieu, du Lac-Saint-Jean, ainsi de suite, et chacune de
ces occasions nouvelles était destinée à me permettre
effectivement d'échanger des propos avec des gens qui se
préoccupent du même problème que vous aujourd'hui. C'est
ainsi que j'ai enregistré un certain nombre de points de vue que j'ai
manifestés ici comme étant des objectifs que semblent poursuivre
des électeurs. Je n'ai pas dit qu'ils étaient majoritaires ou
unanimes mais je sais que ce sont là des objectifs que beaucoup de
personnes considèrent comme étant des objectifs à
considérer.
M. BROWN: Par exemple, à Mégantic, à qui avez-vous
parlé?
M. BERNARD: Justement M. Dumont, qui vient tout juste de partir.
M. BROWN: Quelle sorte de propos avez-vous eus?
M. BERNARD: Pour prendre l'exemple de Mégantic, il y a une
réunion cette semaine...
M. BROWN: Ou le comté de Brome?
M. BERNARD: Je suis arrêté dans le comté de Brome
mais je n'y ai vu personne en particulier depuis 1966.
M. HARDY: Je demanderais à M. Bernard d'aller dans Brome.
M. BERNARD: C'est une région très jolie...
M. PICARD: Il connaît les noms, les adresses, les âges et
les occupations...
M. BROWN: Je me demande pourquoi on prend un tel consensus. Est-ce que
vous avez peur de ce comté?
M. BERNARD: Ceci n'est pas une enquête, comme je l'ai bien
expliqué. Prenons le cas de Mégantic que j'ai
visité...
M. BROWN: Avec le maire ou les échevins de la municipalité
ou avec qui?
M. BERNARD: Si j'étais payé pour faire une étude de
ce genre, je la ferais volontiers. J'ai fait cette chose, assez
généralement, de ma propre initiative.
Prenons le cas de Mégantic. J'y suis allé, invité
par une société locale là-bas; j'y ai rencontré un
ancien député du comté, M. Dumont, et un bon nombre
d'électeurs de ce comté qui étaient des électeurs
de différents partis, y compris des libéraux, des gens de
l'Union Nationale, du Crédit social, etc. Il y a des gens qui
étaient relativement intéressés par ces questions.
M. PICARD: Est-ce qu'il y avait des péquistes dans ce
coin-là?
M. BERNARD: Il y en avait quelques-uns, bien entendu. Il y en a partout,
que voulez-vous? Il y avait également un bon nombre de
créditistes et de libéraux.
MR. BROWN: In these discussions that you had or the studies you made,
what place have you put or what emphasis have you put on the difference between
a Cabinet minister, a backbencher, a member of the Opposition dealing with
Government?
M. BERNARD: Je n'ai pas considéré ces points de vue
comme...
MR. BROWN: What are your values for those?
M. BERNARD: Vous me demandez si on faisait une étude. Vous
employez le mot "study"; je devrais dire que ce n'est ni une enquête ni
une étude que j'ai faite. J'ai tout simplement eu l'occasion de discuter
avec des gens. Je n'aimerais pas qu'on donne à ces observations, que je
formule, un caractère scientifique ou sociologique. Ce n'est pas du tout
le cas. Il faut bien comprendre ceci. Il reste que si j'avais à
étudier la chose, dans un avenir lointain ou rapproché,
j'accorderais une importance différente aux opinions des ministres, des
députés du parti ministériel qui sont simplement
députés et aux membres de l'Opposition. C'est évident!
Ceux-ci ont des rôles différents à jouer. Il est clair
qu'un ministre est occupé continuellement par des préoccupations
administratives. Il ne faut pas penser...
M. BROWN: Le pouvoir différent entre le cabinet, "le
back-bencher" et l'Opposition. Est-ce que vous avez pensé à
cela?
M. BERNARD: On peut y penser, mais je n'ai pas considéré
ces aspects dans mes conversations.
MR. BROWN: My honourable friend, Mr. Chairman, from Montreal, has
brought up the idea of the representation of 25 members from Montreal compared
with 108 in the rest of the Province. Now, in the system of government we
presently have, there is a considerable difference between a Cabinet minister
and a backbencher of a party and a member of the Opposition. How many of the 25
in Montreal have always been Cabinet ministers...
MR. PICARD: Six exactly.
MR. BROWN: ... during the last 104 years.
MR. PICARD: At the present time, six ministers.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs! A l'ordre s'il vous
plaît !
Il ne faudrait pas oublier que le but de cette rencontre de ce matin,
est le mode de scrutin.
MR. BROWN: My honourable friend, Mr. President, has said: Why should we
be dealing forever with minorities? The fact and the matter is that the City of
Montreal within the Cabinet has made every damned decision regarding money
bills from the time we started government in the Province of Quebec.
MR. PICARD: It is Montrealers' money!
MR. BROWN: Certainly yes! But you have had the right, so do not tell me
with big tears in your eyes, about the fact that you have no
representation.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, je vous demanderais... Je pense que si nous
continuons cette je ne dis pas polémique mais cette
diversité d'opinions au sujet de la représentation urbaine et
rurale, nous devrons siéger pendant de multiples séances. J'ai
donné l'occasion au député d'Olier d'énoncer le
point de vue de... A l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que M. Brown
comprend également qu'il peut différer d'opinion avec un
député de la région métropolitaine de
Montréal, mais que ce n'est pas ce matin que nous allons résoudre
finalement ce problème parce qu'il existe dans tous les pays.
MR. BROWN: I would just like to make...
M. PICARD: D'après ce que vient de dire le député
de Brome, il semble oublier que le ministre des Finances vient de
Québec...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PICARD: ... le ministre du Revenu vient du Lac-Saint-Jean.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs!
M. CROISETIERE: Le ministre des Terres et Forêts vient de
Montréal.
MR. BROWN: I would like to say this, Mr. Chairman: Dealing with rural
representation in Brome county, I have one of the smallest counties in the
Province of Quebec. Who has been the representatives for Brome county for the
last many years? W. Fox, Montreal; J. Robinson, Montreal; Stochweel,
Montreal;
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
MR. BROWN: Mac Master, Montreal, and if you consider that this is rural
representation, you need your address.
MR. PRESIDENT: And Glen Brown, Montreal Alouettes! Alors, messieurs, M.
Hardy avait une question à poser, je crois.
M. HARDY: Evidemment, moi aussi, je trouve que ces débats sont
très intéressants, mais peut-être faudrait-il, sans vouloir
priver personne de son droit de parole, essayer de nous limiter, quand nous
avons un témoin, quitte, lorsque nous n'aurons pas de témoin,
à avoir des séances où les députés pourront
vraiment y aller de leurs propres opinions.
M. PICARD: C'est pour vous donner une idée de ce qui va se passer
après.
M. HARDY: Je voudrais poser une question à M. Bernard je
reviens un peu en arrière, je m'excuse de lui faire commettre des
acrobaties intellectuelles, je sais qu'il serait capable de le faire. Vous avez
parlé tantôt de cette nécessité d'avoir une certaine
représentation régionale de façon qu'un groupe, comme la
Gaspésie, qui n'a pas de député élu, puisse se
sentir mieux représenté au Parlement. Si j'ai bien saisi votre
opinion, c'est ça, essayer de trouver une formule.
Maintenant, j'aimerais avoir votre opinion. J'ai devant moi le dernier
rapport des élections du Nouveau-Brunswick. Vous y avez une formule qui
s'apparente un peu à l'opinion que vous avez émise,
c'est-à-dire que, dans un même comté je prends le
comté de Carleton où vous avez trois députés
hypothétiquement, si on replace ça dans la province de
Québec, vous pourriez avoir pour le comté de Carleton, un
député libéral, un député péquiste et
un député de l'Union Nationale, parce que les gens peuvent voter
pour l'un ou l'autre des candidats. Cela arrive à certains moments. Mais
il y a quand même une constante qui se dégage. On voit que, d'une
façon presque générale, même si,
hypothétiquement, on pouvait élire trois députés de
partis différents, on arrive à ce que ce sont presque toujours
des députés d'un même parti qui sont élus. Je
regarde dans Carleton, ce sont trois progressistes-conservateurs qui ont
été élus. Dans d'autres comtés, ce sont tous des
libéraux qui ont été élus. Alors, je me demande, en
appliquant mutatis mutandis cette formule au Québec, si on avait une
sorte de représentation régionale, si oh n'arriverait pas encore
à une représentation d'un seul parti, si on présuppose que
le comportement des électeurs du Québec pourrait ressembler
à celui du Nouveau-Brunswick et que même, malgré cette
représentation régionale, vous arriveriez avec des
représentants de la Gaspésie qui appartiendraient tous à
un même parti, quel qu'il soit.
M. BERNARD: Ce qui arrive au Nouveau-Brunswick actuellement, c'est que
l'électeur je ne pense pas me tromper, supposons qu'il y a trois
sièges au pouvoir vote trois fois. Les gens votent pour leur
parti et, par conséquent, ils élisent des députés
du même parti, il y a ce qu'on appelle des "split ballots", c'est
extrêmement rare, il y en a 3 p. c. ou 4 p. c, paraît-il. Je n'ai
pas vu ces choses-là depuis des années. Il y a un ouvrage de M.
Hugh Thurburn dans lequel il fait un bref exposé que j'ai en
mémoire à ce sujet. Si on devait avoir une représentation
régionale, je suis convaincu qu'on ne peut réaliser l'objectif
qu'on a mentionné qu'en terme de proportionnelle dans le cadre de la
région. Autrement, on ne réalise pas l'objectif qu'on veut
réaliser. Pour avoir une proportionnelle dans le cadre de la
région, s'il y a cinq sièges à pourvoir, les gens votent
effectivement pour une liste, comme l'a mentionné tout à l'heure
le député d'Olier qui faisait allusion au problème de la
démocratie dans les partis. Si on a une liste qui présente, bien
sûr, le candidat préféré des libéraux dans la
région de la Gaspésie, il est possible qu'on ait, par exemple, M.
Bienvenue, M. Lacroix et M. Lévesque, ainsi de suite, en tête de
liste, n'est-ce pas. On peut parler non seulement de différents
critères, et on pourrait avoir la liste du Parti
québécois, qui comporterait un ancien candidat du comté de
Matapédia et ainsi de suite, en tête de liste.
M. HARDY: M. Lévesque pourrait aller à New-Carlisle, il
n'y a personne...
M. BERNARD: J'imagine que le Parti québécois verra
à l'affecter quelque part. C'est certain.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il a eu le salaire du dernier
congrès.
M. BERNARD: Quoi qu'il en soit, les électeurs, à mon sens,
pour répondre à cet objectif possible, voteraient pour le parti
qu'ils avantagent. Si le Parti libéral avait, par hypothèse, 60
p. c. des voix dans la région, le Parti québécois,
mettons, 20 p. c. l'Union Nationale, mettons 20 p. c, le Ralliement
créditiste n'ayant pas présenté de candidat pour
différentes raisons, on peut imaginer que les libéraux auraient
trois sièges, le Parti québécois un, et l'Union Nationale
un. En fait, chacun des électeurs de ces partis aurait au moins un
porte-parole pour la Gaspésie.
M. LEGER: Est-ce que voulez-vous dire, à la question que je vous
ai posée, que les gens voteraient pour un parti et non pas pour des
noms?
M. BERNARD: Il y aurait une liste de noms qui leur serait
proposée.
M. LEGER: C'est la proportionnelle qui corrigerait... Ce sont les 20 p.
c. qui donneraient droit à un nom, à un député,
disons du PQ?
M. BERNARD: C'est entendu, vous avez eu déjà, un
exposé là-dessus par M. Lemieux. Il est inutile pour moi de
revenir sur ces détails.
M. LEGER: C'est selon ce style-là que vous voyez ça?
M. BERNARD: Oui, à supposer que cet objectif soit reconnu. Il
faut bien l'entendre. Je parle d'objectifs que vous aurez à
définir éventuellement, à titre de
députés.
Tout à l'heure, M. le député de Terrebonne avait
une question à me poser sur les systèmes qui répondaient
mieux aux objectifs...
M. HARDY: C'était la deuxième phase de votre
exposé?
Vous avez exposé une série d'objectifs sur lesquels on
pourra toujours choisir. Ce que j'aimerais savoir, c'est le mode de scrutin qui
favorise davantage tel objectif ou tel autre. Parce qu'il y a sûrement
une relation.
M. BERNARD: C'est évident. Si on prend le cas de la
représentation des forces politiques, qu'on a appelé
égalitaire, il est évident qu'un mode de scrutin uninominal
majoritaire, comme nous avons actuellement ne répond pas très
bien à cet objectif. Un correctif introduit par la proportionnelle est
sûrement une solution à considérer. Il y a deux types de
solutions qui vous ont été proposées, l'une étant
proposée par M. Bonenfant, l'autre par M. Lemieux.
Je pense que la proposition de M. Lemieux est bien sûr la plus
perfectionnée des deux dans la mesure où, effectivement,
l'élément de correction qui est apporté est plus
considérable, sans pour autant aller à l'encontre du
deuxième objectif qui pourrait être considéré,
c'est-à-dire avoir un gouvernement majoritaire. Le gouvernement
majoritaire, on l'a dans la mesure où les électeurs votent en
majorité pour un parti. Quel que soit le mode de scrutin, on
réalise cet objectif.
Mais si on a des situations où le parti qui a le plus grand
nombre de voix est tout de même minoritaire en termes de suffrages, il y
a peut-être des solutions qui sont meilleures que d'autres. Le mode de
scrutin actuel, bien sûr, dans ces situations-là, donne une
majorité, même si le parti n'a pas l'absolue majorité des
voix.
Le mode de scrutin proposé par M. Bonenfant donnerait aussi cette
majorité, même si le pourcentage du parti le plus fort tombait
à 45, 44, peut-être 40, peut-être moins aussi.
Le mode de scrutin proposé par M. Lemieux a également le
même effet et donne une majorité presque garantie, si un parti a
au moins 45 p. c. des voix. Donc, le correctif, en termes de proportionnelle,
peut donner une représentation assez égalitaire aux
différentes forces mais n'empêche pas la réalisation de
l'objectif de majorité, dans la mesure où un parti a quand
même un appui sérieux dans la population.
On peut fixer cette marge à 45 ou à 40; ce n'est pas moi
qui vais la fixer, c'est vous. Mais vous pourrez dire: Notre marge est donc
à 45, quel système va répondre le mieux aux autres
objectifs qu'on considère, tout en respectant celui-ci?
Représentation rurale ou non montréalaise, rurale me
déplaît autant qu'à vous, mais il est consacré par
l'usage et ce qu'on veut dire par là, c'est, comme le
député d'Olier l'a bien compris, une représentation qui
tient compte des difficultés des régions à
l'extérieur de la région de Montréal, sans l'accuser
trop.
Je pense qu'un système uninominal comme nous l'avons actuellement
permet de faire la chose facilement, mais un système, comme nous avons
actuellement où il y a des comtés uninominaux, avec un seul
député, avec les déplacements de population,
entraîne des difficultés majeures. C'est que la population
n'évolue pas au même rythme partout et on n'a pas changé la
carte électorale, qu'elle est déjà désuète,
parce que le comté de Terrebonne a grossi, parce que le comté de
Verchères a subi un développement immobilier, etc.
A ce moment-là, il faut continuellement repenser cette carte
électorale. C'est une première difficulté. En plus, dans
ce système uninominal, nous avons souvent des situations qui ont
voisiné des comtés d'inégale population.
A ce moment-là, les électeurs d'un comté ressentent
peut-être c'est une possibilité plus
l'inégalité que si les inégalités sont
réparties un peu plus subtilement dans l'ensemble du territoire. C'est
pourquoi cette question de représentation non métropolitaine peut
être mieux réalisée, à mon point de vue, par un
système de circonscriptions plurinominales. Il y a plusieurs techniques.
Ce sont des questions très très faciles. Supposons qu'on ait, au
Québec, une vingtaine de circonscriptions plurinominales, dont on
détermine le nombre de sièges, en fonction de la population
qu'elles ont dans l'ensemble. On peut établir un correctif simple qui
assure une surreprésentation rurale, en disant que chaque
circonscription aura au moins un député. En plus, elle aurait un
nombre de députés qui tiendrait compte de la formule, population
par région, par rapport à la population totale de la
province.
Si, dans cette situation, on avait, dans la région de
Montréal, une, deux ou trois circonscriptions seulement et le reste des
circonscriptions, non montréalaises, vous auriez, à ce
moment-là, une formule aussi simple que celle-ci: une
surreprésentation effective, disons de 17 sièges, pour des
régions non métropolitaines. Je ne sais pas si vous saisissez la
technique qui est extrêmement simple. C'est pourquoi, pour cet aspect de
la chose, je considère qu'il est plus facile, plus économique, en
termes d'efficacité politique, d'avoir des circonscriptions
plurinominales que le système que nous avons actuellement où les
inégalités s'accroissent rapidement. Où il faut
continuellement repenser la
carte électorale, ce qui entraîne des débats sans
fin. Les députés sont amenés à défendre,
avec vigueur et énergie, la représentation de leur
circonscription donnée. Vous avez sûrement des choses très
importantes à faire en dehors de cela.
M. PAUL: Est-ce que cela vous a permis de vous arrêter sur un
nombre de députés dans votre conception ou dans votre
analyse?
M. BERNARD: Il y a eu une étude faite en 1953 par un... j'ai
oublié le nom de l'auteur. J'avais lu ça dans le temps.
D'ailleurs, cela m'avait bien amusé. Il avait pris la
représentation de chacun des pays et des Etats dans le monde et la
population par rapport à la représentation. Il avait
établi que le rapport entre le nombre de députés et la
population était égale au cube de la représentation.
C'est-à-dire, vous multipliez le nombre de députés une
fois par lui-même et ensuite, ce nombre-là une autre fois par
lui-même et vous avez théoriquement la population du pays.
C'était une formule qu'il avait établie. Ici, au Québec,
si on établissait la même formule à l'envers, qui semble
une norme dans le monde, on aurait, en gros, 120 ou 125 sièges pour
avoir ce rapport.
M. PICARD: Ces chiffres, M. Bernard, je pense qu'ils sont
faussés. Si on regarde la population de l'Ile-du-Prince-Edouard avec
100,000 de population et avec 28 députés et vous prenez la
population du New Hampshire...
M. BERNARD: C'est entendu.
M. PICARD: ... où ils ont une Assemblée nationale de 400
députés.
M. BERNARD: On sait tout ça.
M. PICARD: Seriez-vous d'avis, M. Bernard, pour se rendre aux
désirs mentionnés par le député de Brome, par
exemple, et tous ceux qui veulent avoir une plus forte représentation
pour les régions de l'île de Montréal, d'augmenter le
nombre de députés à l'Assemblée nationale, comme on
l'a par exemple dans le New Hampshire ou du Vermont, d'augmenter les
députés à 400 mais de réduire les salaires à
$3,000.
M. BERNARD: Je pense que vous êtes un homme plein d'esprit.
M. HARDY: J'aurais une question, M. le Président, pour continuer
dans le sens des propos de M. Bernard. Dans l'hypothèse proposée
pour être plus juste et pour ne pas trahir votre pensée
à l'effet que nous gardons les comtés ruraux comme ils le
sont ou à peu près et que nous corrigeons le
déséquilibre entre la représentation urbaine et la
représentation non urbaine par des comtés où il y aurait
plusieurs députés, est-ce que cette hypothèse-là
veut dire que le correctif d'une certaine proportionnelle s'appliquerait
à ces comtés plurinominaux et non pas aux comtés où
il y a un seul député?
M. BERNARD: La proportionnelle ne peut pas marcher s'il y a un seul
député. C'est une première chose. Il faut qu'il y ait une
liste.
M. HARDY: Je ne dis pas qu'il y a un seul candidat mais il y a un seul
député. Vous pouvez avoir la proportionnelle dans un comté
même s'il y a seulement un député à
élire.
M. BERNARD : On ne peut pas l'avoir.
M. HARDY: Vous avez raison. J'efface ce que j'ai dit. Dans le
système que vous proposez, la proportionnelle pourrait s'appliquer dans
les comtés où il y a plusieurs candidats et, dans les
comtés où il n'y a qu'un siège à pourvoir, nous
aurions le système actuel.
M. BERNARD: Il y a deux possibilités qu'il faut envisager. Je
vais reprendre mon exemple pour le mettre plus clair. Evidemment, si on dit
ça en trois mots, l'essentiel y est, mais il faut quand même
l'expliquer: Si on avait 20 circonscriptions toutes plurinominales, au
Québec, et qu'on établissait que chaque circonscription commence
par avoir un député, un siège, plus un nombre de
sièges calculés en fonction de sa population par rapport à
la population totale. Prenons notre bel exemple gaspésien. Supposons que
la Gaspésie, en partant, a un siège. Ensuite elle
représente 5 p. c. ou 6 p. c. de la population québécoise;
elle a, à ce moment-là, 5 p. c. ou 6 p. c. des sièges
qu'on a à distribuer au Québec, abstraction faite des
sièges en question.
Disons que c'est 100, elle a en plus cinq sièges. Un plus cinq
égale six, pour la Gaspésie. On fait le même calcul pour
chacune des vingt, des dix-huit ou des seize ou des treize circonscriptions
qu'on aura établies, ce qui fait que chaque circonscription, à
l'extérieur de Montréal, a chaque fois un petit avantage de
représentation par rapport à cinq, quatre ou trois ou à
huit...
M. HARDY: On part toujours avec un sur...
M. BERNARD: On part toujours avec un sur, plus un surplus.
M. LEGER : Pouvez-vous donner un exemple pour Montréal? Supposons
qu'il y a 26 circonscriptions à Montréal.
M. BERNARD: Imaginons Montréal. On prend des chiffres tout
à fait hypothétiques: supposons qu'on divise Montréal en
trois circonscriptions, c'est une possibilité. Une circonscription pour
l'ouest, pour donner une chance à la population anglophone: une
circonscription
pour le centre-est-sud, pour donner une chance à la population un
peu plus... n'est-ce pas? et une autre circonscription pour le nord de
Montréal où effectivement habitent des gens à revenus un
peu plus élevés.
Imaginons que chacune de ces circonscriptions représente 10 p. c.
de la population du Québec. On fait des hypothèses. Chaque
circonscription aurait, à ce moment-là, onze sièges, si le
total des sièges accordés au Québec est de 120, à
supposer qu'on ait 20 circonscriptions au total.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on dit circonscriptions au total?
M. BERNARD: Mettons 120 au total,. 20 circonscriptions plurinominales,
trois à Montréal, chacune a 10 p. c. de population, ça
donne finalement onze sièges chacune. A supposer n'est-ce pas qu'on ait
établi...
M. PAUL: Dans la région du Montréal métropolitain,
il y aurait 33 députés, si vous divisez en trois...
M. BERNARD: A supposer, n'est-ce pas que ce soit là, la
population de Montréal. Nous avons émis l'hypothèse que
ces trois circonscriptions avaient, chacune, 10 p. c. de la population totale
du Québec. Dans les faits, elles en ont peut-être quinze, douze,
si on devait les diviser, ces circonscriptions. A ce moment-là, on
ajusterait la représentation de ces circonscriptions en fonction de la
formule, tout simplement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Bernard...
M. LEGER: Excusez-moi, mais pour terminer ça, vous dites qu'il y
aurait onze sièges; actuellement, il y en a 26, vous calculez qu'il y en
avait 33, auparavant.
M. BERNARD: Non, mais on fait un calcul à partir d'une
hypothèse qui fait abstraction de la réalité actuelle.
Tout ce qui nous intéresse, c'est de voir comment pourrait fonctionner
une formule comme celle-ci.
M. LEGER: Mais, est-ce que vous voulez dire par là qu'il y en
aurait 26, et comme on en aurait besoin de 33 pour arriver au 10 p. c, il y
aurait sept sièges de plus à remplir.
M. BERNARD : Non, oubliez la réalité et ne pensez
qu'à l'hypothèse. Nous avons imaginé qu'il y avait trois
circonscriptions qui avaient chacune 10 p. c. de la population totale du
Québec. Nous avons 120 sièges. Il y a 20 circonscriptions. Chaque
circonscription a un siège en partant et il reste à diviser les
100 sièges qui doivent être partagés entre les
différentes circonscriptions. Il y en a 20, elles sont plurinominales.
Alors nos trois circonscriptions montréalaises qui, par
hypothèse, ont 10 p. c. chacune de la population, ont automatiquement
voix; un député accordé à la circonscription, plus
dix députés qui correspondent à 10 p. c. de la population
totale. Ce qui fait que chacune aurait onze députés. Cela n'est
qu'une hypothèse, tout simplement.
M. LEGER: Quel rapport y aurait-il avec les comtés exacts dans
une de ces trois circonscriptions?
M. BERNARD: Dans cette situation-là, il n'y aurait pas de
comtés exacts à Montréal; il y aurait la circonscription
de Montréal-Ouest, la circonscription de Montréal-Centre et de
Montréal comme vous voudrez l'appeler... et les députés de
ces différentes circonscriptions seraient les députés de
la circonscription globale. Un député pourrait
s'intéresser à Westmount parce qu'il demeure dans Wesmount, un
autre pourrait s'intéresser plus à Verdun parce qu'il demeure
à l'île des Soeurs, ainsi de suite. Cela pourrait arriver.
Mais chaque député aurait peut-être des liens avec
les électeurs de son parti.
M. PICARD : Pour établir ces supercirconscriptions, quels
critères utiliseriez-vous en dehors de Montréal? Si vous dites
hypothétiquement trois supercirconscriptions à l'île de
Montréal, à l'extérieur quels seraient les
critères?
M. BERNARD: A mon sens, si on devait effectivement appliquer une telle
formule, on devrait appliquer des critères qui prévalent
actuellement, en général, dans le choix des frontières des
circonscriptions, c'est-à-dire tenir compte de l'identité d'une
population. Alors, dans le cas de la Gaspésie, cela va bien, parce que
les Gaspésiens s'identifient bien. Au Lac Saint-Jean et au Saguenay il y
a peut-être une difficulté. La région de l'amiante, c'est
peut-être facile, et ainsi de suite. Il faut voir ces
choses-là.
Donc, cette identité de la population à un territoire
donné; il faudrait considérer également peut-être
d'autres facteurs, comme les divisions actuelles de l'administration; les
frontières chevauchent, vont de pair avec les frontières
administratives, éviter autant que possible qu'une ville soit
divisée en deux, arbitrairement. Ce sont des choses assez
étonnantes, parfois.
Il faudrait sûrement tenir compte de facteurs comme ceux-ci. On
n'aurait pas besoin de se préoccuper de la population, ainsi de suite. A
ce moment-là, le nombre des sièges serait fonction de la
population. Alors, on aurait des régions assez vastes mais qui auraient
une identité sur le plan de la région, sur le plan
économique...
M. PICARD: Ce qui m'amène à vous poser la question: Est-ce
que vous êtes favorable à ce que l'on respecte les régions
administratives qui
maintenant font partie de l'administration de la province pour tous les
ministères, qui sont respectées par tous les ministères?
Est-ce qu'on ne devrait pas respecter ces régions administratives
lorsqu'on découpe la carte électorale?
M. BERNARD: C'est là une suggestion qui a beaucoup de sens, mais
elle mériterait d'être étudiée à son
mérite. Il faudrait voir si, effectivement, les frontières des
régions administratives actuelles correspondent en fait, n'est-ce pas,
à des identités de population. C'est le cas dans la grande
majorité des régions d'après ce que j'ai pu voir
sommairement. Je n'ai pas étudié la question.
M. PICARD: Les ministères qui pratiquent aujourd'hui la
décentralisation administrative...
M. BERNARD: Le font dans le cas de...
M. PICARD: ... respectent les régions administratives. Les
circonscriptions électorales devraient aussi les respecter.
M. BERNARD: Ce serait une heureuse initiative, je crois. Cela
éliminerait beaucoup de problèmes.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que dans une circonscription qui aurait le
droit, disons à 10 sièges, l'électeur aurait dix choix
à faire sur les bulletins?
M. BERNARD: Si on adopte un système proportionnel,
l'électeur, je crois, peut avoir un choix à faire et vote pour la
liste de son choix. Il met un X au haut de la liste et c'est
réglé.
M. LE PRESIDENT: Il ne pourra pas chevaucher.
M. PAUL: Mais est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de voter
par exemple pour trois députés péquistes et sept de
l'Union Nationale...
M. LAURIN: Le système des listes bloquées. UNE VOIX: A
Montréal, c'est défendu.
M. BERNARD: La question de M. Paul est une question simple. En termes
techniques, on y répond facilement. Il y a deux principaux
systèmes dans la proportionnelle. Le système des listes
bloquées. Tout le monde sait ça ici. Vous l'avez
déjà étudié. Et le système de la liste
ouverte. Alors, la liste bloquée est plus simple à manier.
L'électeur n'a pas à se préoccuper de choix interne aux
listes. Dans les listes ouvertes, il y a également deux
possibilités. Ou bien les choix se font à l'intérieur
d'une liste ou bien on permet ce qu'on appelle le panachage,
c'est-à-dire que les électeurs peuvent aller mettre leurs dix X,
s'ils en ont dix à mettre, sur les différentes listes. Ils font
leur propre liste.
Pour ma part je considère que les complications à
l'intérieur d'un système de listes ouvertes sont peut-être
un peu considérables. C'est pour ça que ça rapporte.
M. PAUL: On s'exposerait peut-être à se réveiller
avec la représentation, pour toute l'île de Montréal, d'un
seul parti politique si vous avez une liste bloquée.
M. BERNARD: C'est impossible, M. Paul. Oui et non. Si on a une liste
bloquée, M. Paul prenons cet exemple-là, il est facile. Prenons
le cas de la circonscription que nous appellerons Montréal-Centre.
Disons 11 députés pour faire plaisir à notre exemple de
tout à l'heure. Nous savons qu'à Montréal, actuellement,
un certain nombre d'électeurs ont pris l'habitude de voter
libéral depuis des années, d'autres votent Union Nationale et un
certain nombre, depuis quelque temps, semble favoriser le Parti
québécois. Imaginons, pour satisfaire notre hypothèse,
quatre ou cinq listes en présence: Libéral, Union Nationale,
Parti québécois, Ralliement créditiste et un autre parti
qu'on appellera le parti de Montréal. Alors, imaginons que ces listes
obtiennent, en pourcentage des votes exprimés, pour les Libéraux,
50 p. c. ; pour le Parti québécois, mettons 25 p. c. ; pour
l'Union Nationale, mettons 20 p. c. et pour les autres listes, 5 p. c.
divisés entre les deux. Alors, les sièges seront
distribués en fonction des proportions de suffrages obtenus par les
différents partis.
M. PAUL: En tenant compte du dernier scrutin.
M. BERNARD: Non, non, en tenant compte du scrutin éventuel...
M. PAUL: Si vous prenez actuellement 50, 25, et 20, cela correspond aux
chiffres du dernier scrutin.
M. BERNARD: D'accord, mais nous parlons en termes d'hypothèse.
J'imagine qu'à une élection prochaine les changements ne seront
pas tellement grands. Il y aura peut-être des variations, mais ça
ne change pas diamétralement, d'une élection à l'autre,
les résultats électoraux. Cela varie, il y a parfois des cas
exceptionnels comme le cas du Parti québécois. Mais, en
général, les variations sont de l'ordre de quelques pour
cent.
Alors, mon exemple, je le prends seulement pour illustrer le
problème. Et ceci n'a rien de différent de ce qu'a
déjà montré M. Lemieux ici. C'est le même
système.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bernard, j'ai écouté
l'exposé de votre hypothèse et, partant de cette
hypothèse, vous avez manipulé une sorte de mécanique qui
est fort ingénieuse. Mais cela me paraît laisser intact le
problème; cela ne me parait pas répondre aux habitudes
électorales des citoyens, et surtout c'est cela qui me
préoccupe cette mécanique, à supposer qu'on
l'applique selon certains critères que vous avez évoqués
sous forme d'hypothèse, est-ce que vraiment, dans cette solution, elle
répond aux objectifs, 4, 7 et 8 que vous avez évoqués au
départ, soit la représentation du Québec non
montréalais, la représentation régionale? Et est-ce que
cela tient compte aussi du fait que le député, quel que soit le
mode de scrutin, quel que soit le réaménagement de la carte
électorale, aura toujours les problèmes qu'il a actuellement dans
les milieux dits non montréalais ou non métropolitains?
Parce que, vous savez, toute cette mécanique, ces
hypothèses pour nous qui sommes dans la pratique de la politique, n'ont
qu'une valeur très relative. Ce sont des exercices scolaires, auxquels
on se livre avec beaucoup de passion, dans les auditoriums, dans les
amphithéâtres ou dans les salles de cours. Je reviens à la
question de base: Comment pouvons-nous, par le mode de scrutin, contrer cette
voracité de la région métropolitaine qui est en train de
tuer littéralement les régions du Québec qui se situent en
dehors de la grande agglomération?
M. BERNARD: Je ne pense pas que l'on puisse utiliser le mode de scrutin
comme étant le seul facteur qui permettrait éventuellement de
répondre à cet objectif de freiner l'expansion de
Montréal.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne dis pas, pardon, freiner l'expansion de
Montréal.
M. BERNARD: Vous avez dit "contrer"...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je dis "contrer la voracité" de
Montréal, qui gruge le budget, qui empêche les autres
régions de se développer.
M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question à M. Tremblay
pour qualifier sa question?
Est-ce que M. le député de Chicoutimi a pris connaissance
du rapport de M. André Reynault et de M. Martin où ils disent que
le progrès du Québec est précisément lié
à l'évolution croissante de Montréal au point de vue
économique. Si Montréal n'est pas progressive au point de vue
économique, c'est tout le reste de la province de Québec qui en
souffre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis tout à fait d'accord, monsieur,
qu'en théorie la thèse de M. Reynault est fort valable et
défendable. Mais je suis dans le concret des choses et dans les faits.
Et quand je vais dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui est
quand même une région d'avenir, si on tient compte de toute la
Côte-Nord, je ne puis pas faire autrement que de craindre que l'expansion
précipitée et même artificielle, telle qu'on la pratique
actuellement en faveur de Montréal, paralyse pour l'avenir le
développement des régions comme la nôtre.
M. LAURIN: Mais est-ce que c'est la tête qui va mener l'animal ou
la queue?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il reste à savoir si l'animal n'est pas
un tout. C'est là le problème. Quand bien même on aura une
tête, s'il n'y a pas de pattes, cela ne fonctionnera pas, M. Laurin, vous
savez cela.
M. HARDY: M. le Président, je ne sais pas s'il y a d'autres
députés qui ont d'autres questions à adresser à M.
Bernard sur le propos, sur l'ensemble des hypothèses de travail qu'il
nous a exposées; sinon, je pense que si nous avons d'autres sujets
à discuter entre nous, nous pourrions ajourner à d'autres
séances parce qu'évidemment je ne vois pas... Je pense que M.
Bernard est à notre disposition. D'un autre côté, il ne
faudrait pas le retenir inutilement.
Carte électorale
M. LAURIN: Etant donné que M. Bernard est un spécialiste
de la carte électorale sur laquelle il a écrit une thèse,
est-ce qu'on pourrait lui demander brièvement avant qu'il se
retire s'il est en faveur...
M. BERNARD: Sûrement!
M. LAURIN: ... de la confection d'une carte électorale par une
commission indépendante ou par une commission de parlementaires?
M. BERNARD: Je crains qu'une commission de parlementaires épuise
énormément d'énergie dans des débats qui,
finalement, n'amèneront peut-être pas les compromis souhaitables.
Une commission de personnes indépendantes du Parlement permettrait
peut-être de tenir compte d'un bon nombre de facteurs, d'une
manière plus rapide et en évitant aux parlementaires cet
épuisement que constituent, je crois, des débats sur des
questions qui les touchent de si près, en termes personnels.
L'expérience qu'il y a eue à Ottawa, pendant des
années, nous indique que les méthodes adoptées depuis
1963, si je me souviens de la date où on a passé la loi, ont
présenté un certain avantage par rapport au passé
même s'il y a eu, de la part des députés, un bon nombre de
réactions défavorables au projet qui avait été
présenté par la commission ou les commissions
indépendantes qui avaient été constituées à
l'époque. Dans le passé prenons l'exemple de 1923 ou 1930,
etc. les débats avaient duré jusqu'à deux et trois
ans, entre les députés pour arriver à se faire une
carte.
Antérieurement à cela, les débats ne duraient pas
longtemps parce qu'il n'y avait pas de commission parlementaire pour les
étudier; le cabinet arrivait avec son projet tout
préparé.
Cela a d'ailleurs été le cas au Québec, comme vous
le savez, pendant de très nombreuses années, sauf depuis la
dernière réforme électorale.
Je crois que les députés pourraient
déléguer, sans trop de crainte, à une commission
indépendante le soin de faire une carte électorale, à
supposer qu'on adopte un système qui prévoit une carte
électorale.
M. LEGER: Il faut prendre les arbres pour concevoir la forêt.
M. BERNARD: Non. Je pense que les députés en
général voient bien les problèmes. En fait, c'est qu'ils
ont entre eux, des compromis à établir...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cette opinion que vous venez d'exprimer, on
peut la partager, en partie. Il est évident que, sur le plan technique,
la confection d'une carte électorale ou le réaménagement
de celle que nous avons, doit être confiée à des
spécialistes, démographes, sociologues, etc., mais vous ne pensez
pas que la commission parlementaire, après avoir défini des
critères, ne doit pas être, quand même, sous forme de
commission mixte, associée directement au travail de cette commission
parce qu'il me parait qu'il en sera de ce travail des spécialistes comme
il en est toujours du travail de tout spécialiste. Il arrivera, de ceci,
que cette carte fabriquée par des spécialistes, en dehors de ce
groupe d'hommes qui vivent la réalité québécoise,
puisse fort bien ne pas coller à la réalité et ne pas
tenir compte des critères que nous aurons au préalable
établis, et ne pas tenir compte de tous les facteurs que nous avons
examinés ce matin, notamment les objectifs que vous avez
déterminés en huit points dont nous nous souviendrons.
M. BERNARD: Il y a évidemment un problème. Si vous
choisissez des spécialistes qui ne font pas le travail, mais le font
faire par d'autres en empochant l'argent et faisant faire les détails
par des étudiants, il est certain que vous aurez des problèmes.
Si votre commission de spécialistes se met au travail, rencontre
effectivement les gens, visite le Québec et fait ce qu'il faut
faire...
M. HARDY: Pour des honoraires.
M. BERNARD: Oui, je comprends. A ce moment, vous aurez effectivement un
travail qui aura une qualité, une bonne qualité.
Je pense quand même que vous avez, à titre de
député, le rôle primordial là-dedans, parce qu'un
projet de spécialistes, même s'il est très bon, doit quand
même être adopté par l'Assemblée. Je ne vois pas
pourquoi l'idée de créer une commission indépendante de
personnes qui vont faire le travail soit pour vous un handicap au niveau de
l'autorité que vous avez sur la question, des connaissances que vous
possédez et éventuellement des points de vue que vous aurez
à formuler. Il est très probable que telle ou telle petite
proposition, dans l'ensemble du projet, puisse être modifiée. Je
crois que ce sont des positions que les députés doivent prendre
sur une carte électorale avant même de songer à se mettre
au travail. Je pense qu'ils ont intérêt à établir
les principes ou objectifs directeurs. Je pense qu'ils s'évitent
beaucoup de problèmes, beaucoup de discussions en donnant la majeure
partie du travail technique à une équipe de personnes qui est
choisie en dehors de leur cadre.
M. HARDY: Dans cet esprit, M. Bernard, que diriez-vous de la proposition
suivante? On est vraiment en face de deux tendances, d'un dilemme, qui est le
suivant: d'une part un danger que vous avez évoqué, qu'il ne faut
pas se cacher, le danger du "gerrymandering", de l'influence des
députés, tout cela, il faut bien l'admettre; d'autre part, il y a
le principe auquel vient de faire allusion le député de
Chicoutimi, qui, pour moi, est très valable, c'est-à-dire
on parle constamment de revalorisation du Parlement qu'une carte
électorale, comme toute autre loi, est d'abord de la
responsabilité des parlementaires. Que penseriez-vous de la proposition
suivante, qui, à mon sens j'aimerais savoir ce que vous en pensez
pourrait peut-être éviter ces deux écueils? D'une
part, que l'Assemblée nationale, crée une commission
indépendante, par une loi, dans laquelle on indiquerait les
critères politiques sur lesquels devraient se fonder des experts.
Les experts font du travail. Ils peuvent évidemment
écouter les députés, les recevoir, entendre leurs
propositions, mais ce sont eux qui préparent un travail, un projet de
carte. Par la suite, ils remettent un rapport au Parlement qui devrait
constituer l'ébauche du projet de loi. En dernier ressort, ce sont les
parlementaires qui sont appelés à adopter la loi et
théoriquement à l'amender, à la modifier.
A ce moment, on préserve le droit absolu des parlementaires. Par
ailleurs on évite aussi les écueils ou les dangers de triturer la
carte électorale. A ce moment, si une commission indépendante
remet, publiquement, devant le Parlement un rapport, les parlementaires sont
bien mal placés pour tenter de tout chambarder la carte. Ils pourraient
faire des amendements. Il faudrait quand même que ces amendements
reposent sur des critères objectifs et non pas simplement sur des
critères partisans.
Personnellement, je me demande si on n'atteindrait pas tous les
objectifs voulus pour autant que c'est possible de les atteindre. D'une part,
éviter les discussions à ne plus finir, les influences auxquelles
M. Bellemare faisait allusion la semaine dernière, les influences de
coulisse et aussi préserver le droit absolu du Parlement d'avoir le
dernier mot à dire dans une question semblable.
Que pensez-vous de cette solution?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bernard, avant que vous ne
répondiez, j'ajoute un élément à ce que vient de
dire mon collègue. Il y a toujours danger supposons qu'il y ait
une commission indépendante créée comme cela se
crée ordinairement par le lieutenant-gouverneur en conseil, selon la
formule consacrée lorsque cette commission présente son
rapport, ses recommandations, que les gens, les citoyens, par les artifices de
publicité qu'on connaît bien, soient obnubilés du fait que
c'est le travail de gens appelés experts.
Les meilleurs experts de la politique, vous savez, sont devant vous.
M. PICARD: Les praticiens.
M. BERNARD: Vous avez bien raison. C'est toujours intéressant
d'étudier la chose avant de s'y lancer. Peut-être, un bon nombre
de personnes qui ont fait des études de science politique, deviennent
éventuellement des hommes politiques. Quoiqu'il en soit pour
répondre à la question...
M. PICARD: Dans quel comté? UNE VOIX: Le comté de
Gouin?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En Gaspésie, lui.
M. BERNARD: ... il y en a même plusieurs au Canada.
Pour répondre à la question il faut ne pas faire de
faux esprit il reste que je crois que la proposition de M. Hardy est
pleine de sens.
Il y a deux choses que j'aimerais souligner cependant: le premier danger
concerne le choix des experts ce que vous appeliez experts si on
nommait des personnes, à cette commission, qui représentent
très bien les points de vue d'un seul ou de deux partis politiques
seulement, il peut y avoir des complications mineures. En même temps,
c'est l'autre élément, si les experts se présentent
eux-mêmes comme vraiment des spécialistes de la question et
laissent entendre que les députés n'y connaissent rien, je pense
qu'ils commettent une très grave erreur; je crois qu'il faudrait bien
éviter une telle situation, parce qu'en fait, comme vous le dites bien,
l'expérience de la politique, c'est vous qui l'avez.
M. HARDY: Cette obligation qui pourrait même être
prévue dans la loi, à l'effet que les experts doivent entendre
les députés, pourrait corriger. L'autre danger,
personnellement, je pense que cela a déjà été
abordé est que chaque parti politique nomme son expert. Je me
demande si on n'aurait pas le même problème que si ce sont les
députés. On pourrait avoir des discussions à n'en plus
finir, tandis que, si les experts sont vraiment nommés, non pas pour
leur appartenance politique mais à cause de leurs connaissances du
problème il y a quand même des experts, ici au
Québec, qui ne sont pas compromis politiquement, qui ne sont pas
engagés dans un parti ou l'autre je me demande si ce ne serait
pas l'idéal de nommer des experts, des gens qui connaissent la chose
d'une part et d'autre part qui sont en politique. Evidemment cela demeure
toujours relatif. Il y a des gens qui sont plus ou moins politisés, dans
le sens partisan. Si vous avez quatre gars qui viennent là et qui se
sentent à la fois experts et porte-parole d'un parti, vous risquez qu'on
se retrouve dans dix ans et qu'on n'ait pas encore de carte
électorale.
M. BERNARD: C'est exactement le premier danger. Le deuxième point
que je voulais souligner concerne les effets, finalement assez faibles, sur le
plan de la représentation, d'un changement de carte électorale.
Il semble avoir été assez bien démontré que les
efforts de "gerrymandering", c'est-à-dire modifier la carte pour
satisfaire les intérêts d'un parti, ça ne donne pas
grand-chose parce que les comportements des électeurs sont
même s'ils sont prévisibles en gros quand même assez
imprévisibles dans le détail.
M. HARDY: Il y a des cas classiques, là-dessus.
M. BERNARD: Il y en a donc bien, des cas classiques. Il reste qu'en
1939, prenez un cas où il y a eu effectivement quelques petits exemples
de "gerrymandering", il y en a eu quelques-uns. Cela n'a pas donné
grand-chose.
M. HARDY: Cela n'a pas payé les auteurs.
M. BERNARD: Je prends l'exemple de 1939 parce qu'il est vieux.
UNE VOIX: Le crime ne paie pas.
M. BERNARD: Ceci pour dire qu'il ne sert à rien de vouloir
éviter des problèmes considérables parce qu'on croit que
les problèmes sont considérables. Ce n'est pas parce qu'on voudra
se donner une grosse majorité dans un comté donné, que
ça change quelque chose dans la représentation en Chambre.
M. HARDY: Oui, c'est ça.
M. BERNARD: Cela ne sert à rien de dire: On élimine tel
député qui ne nous plaît pas en modifiant les
frontières de son comté.
M. HARDY : Un député, en particulier, pourrait
peut-être se tailler un petit fief. Mais un parti politique ne peut pas
songer à faire une carte électorale qui le servira lui
plutôt qu'un autre.
M. BERNARD: C'est illusoire de croire
qu'on peut réaliser ce tour de force. Effectivement, les
comportements électoraux varient peu, mais varient quand même
suffisamment pour déjouer les calculs que l'on peut faire. A moins qu'on
fasse la carte au dernier moment, juste avant l'élection, en fonction
d'enquête sociologiques très poussées...
M. HARDY: Et encore là, les sondages démontrent que dans
un mois, parfois, l'électorat se modifie...
M. BERNARD: Mais il démontre que les sondages ne sont pas
toujours bons, enfin. Ceci étant posé, c'était une
observation que vous voulez faire à ce sujet.
M. LE PRESIDENT: M. Picard.
M. PICARD: M. Bernard, indépendamment du choix qui serait fait en
vue de la division de la carte électorale, soit par une commission
indépendante ou une commission parlementaire, j'imagine que vous
êtes d'accord sur l'importance d'établir des critères.
M. BERNARD: Et comment!
M. PICARD: Maintenant, une première question. Etes-vous d'accord
que ces critères soient établis par la commission qui
siège ici présentement? La commission indépendante s'y
soumettrait. Deuxièmement, parmi les critères j'aimerais
avoir votre opinion à ce sujet, lorsqu'on parle d'une
représentation est-ce qu'il faudrait que cette
représentation soit basée sur la population et non pas sur les
électeurs? Je vais vous expliquer la raison. Lorsqu'on parle
actuellement, dans la Loi électorale, du nombre d'électeurs dans
un comté donné, en vue du paiement des dépenses
électorales, on dit toujours le nombre d'électeurs lors de
l'énumération et non pas le nombre d'électeurs
après la révision. Vous savez qu'il y a une grosse
différence dans le nombre d'électeurs d'un comté
donné. Deuxième critère, seriez-vous favorable à ce
qu'on établisse cela, avec le pourcentage de 25 en plus ou 25 en moins,
pour chaque comté, basé sur la moyenne établie de la
population totale de la province divisée par le nombre de
circonscriptions électorales qu'on veut atteindre, soit 108 ou 120 ou
n'importe quel nombre?
Et, troisième critère, est-ce qu'on devrait respecter, ce
dont je vous parlais tantôt, les régions administratives lorsqu'on
délimite les circonscriptions électorales?
M. BERNARD: Bien, votre question est multiple, mais je vais y
répondre avec autant de capacité que je le peux.
En ce qui concerne les critères, je pense qu'il convient aux
élus du peuple de les fixer. Cependant, si les élus du peuple
veulent se décharger d'un certain nombre de discussions, ils peuvent
toujours demander à un certain nombre d'experts de leur préparer
ce qui semblerait les critères les plus admis dans la population. Il
faut faire une étude là-dessus pour savoir quels sont les
critères qui semblent privilégiés, parmi les
électeurs. Mais je pense que c'est aux députés de
décider ça. Quand même, c'est ça qui est est plus
fondamental. La technique devient, finalement, moins importante que les
principes ou les objectifs. Et s'il y a quelque chose qui doit être
respectée, tout de même, c'est ce point-là. Bon.
En ce qui concerne la deuxième fraction de question, est-ce qu'on
doit calculer nos quotas ou notre représentation en fonction de la
population des électeurs ou peut-être aussi des votants? Je pense
qu'il est plus simple, en termes de calcul, d'opérer en fonction des
électeurs inscrits sur les listes revisées. C'est un calcul qui
est inattaquable. Les chiffres sont vérifiés. Il y a
peut-être des erreurs à l'intérieur des chiffres, mais les
chiffres sont officiels. Il n'est pas toujours facile de savoir quelle est la
population exacte d'un comté, dans la mesure où notre état
civil ne permet pas, actuellement, semble-t-il, de fournir des résultats
à court terme, là-dessus. Quant au nombre des votants...
M. PICARD: Seulement une remarque, là, lorsque vous parlez des
électeurs sur les listes, est-ce que vous avez à l'esprit une
liste permanente...
M. BERNARD: Oui...
M. PICARD: ... ou bien prendre les listes de l'élection
précédente?
M. BERNARD: Alors, là, il y a deux éléments dans la
réponse que je vais vous faire. Si on considère la division des
comtés, je crois qu'il faudra tenir compte de quelques chiffres qui sont
indiscutables et qui sont les plus récents. En général,
les chiffres les plus récents sont ceux de la dernière
élection, à moins qu'il n'y ait eu entre-temps un recensement,
à moins que les services du gouvernement ici, au plan de la
démographie, puissent nous fournir des chiffres plus récents
encore, en termes de population. D'accord? Moi, je pense qu'il faut prendre les
chiffres les plus récents. Cela est un point...
M. PICARD: Si vous prenez les chiffres de la dernière
élection, habituellement il s'écoule une période de quatre
années entre les élections.
Alors, c'est là que ces chiffres sont archifaux dans des
régions comme Montréal ou dans une période de quatre ans,
dans mon comté, je peux vous dire que la population a augmenté de
23,000 habitants.
M. BERNARD: C'est ça.
M. PICARD: A ce moment-là, où est la justice?
M. BERNARD: Il y a un problème.
M. PICARD: Vous dites que c'est plus facile. Ne croyez-vous pas que, si
on établit dans la loi qu'il sera obligatoire de rediviser la carte
électorale dans l'année qui suivra le recensement décennal
d'Ottawa il y aura un recensement cette année, dans trois
semaines, environ, le 1er juillet ne croyez-vous pas, dis-je,
qu'à l'intérieur d'une année, après ce recensement,
on établisse les limites des nouvelles circonscriptions
électorales, à ce moment-là, qu'on se base sur la
population?
M. BERNARD: D'accord. Le problème qui va se poser est le suivant.
C'est qu'au bout de trois ans votre carte sera encore mauvaise parce qu'il se
sera écoulé trois ans depuis le recensement. On est d'accord sur
cela, c'est un problème.
Si vous n'avez pas à diviser votre carte électorale en
fonction des comtés, à chaque période, si vous avez des
circonscriptions plurinominales, vous n'avez aucun problème de cet
ordre. Je vous le signale en passant, c'est un des arguments que je trouve
utiles dans la proposition de Vincent Lemieux. C'est que ça
élimine les problèmes de la carte électorale, qui sont des
problèmes sur lesquels on se heurte au Canada et au Québec,
depuis des années, et dans la plupart des pays du monde qui ont un
système uninominal.
A ce moment-là, le nombre des sièges qui est
accordé à une circonscription est fonction du nombre
d'électeurs inscrits au moment de l'élection. Cela règle
le problème vis-à-vis d'une relative justice et ça
évite toutes les discussions sur le problème de la carte.
Il y avait un autre élément à ma réponse,
tout à l'heure, concernant votre rapport entre population et
électeurs, sur le paiement des dépenses électorales. Je
pense qu'on devrait fonder ce calcul sur les listes revisées, sur le
nombre d'électeurs dûment inscrits après revision. Cela me
semble logique.
M. PICARD: La loi prévoit que c'est la liste à
l'énumération, actuellement.
M. BERNARD: Il est facile pour vous, législateurs, de corriger ce
petit détail.
M. PICARD: Je n'en parlais pas pour les dépenses
électorales. Je disais qu'actuellement on semble accepter que le
critère soit le nombre d'électeurs et non pas la population que
le député, éventuellement, représentera.
Il ne faut pas perdre de vue une chose. C'est que, s'il y a une
élection, disons, cette année, les gens de 14, 15, 16 et 17 ans
n'ont pas droit de vote et pourtant, ils sont des contribuables lorsqu'ils
achètent un paquet de cigarettes ou n'importe quoi. Et l'an prochain,
ils auront droit de vote.
M. BERNARD: Il y a un écart possible entre le rapport entre
l'électorat d'un comté et l'électorat total et le rapport
entre la population d'un comté et la population totale.
Cet écart varie très peu. Je ne pense pas que l'on doive
se préoccuper de petites marges de 1 p. c. ou 2 p. c. de sur ou de
sous-représentation quand on a une population qui dépasse 6
millions d'habitants, comme au Québec. Vous pouvez vous en
préoccuper, mais si j'étais à votre place, cette
question...
M. PICARD: Je ne sais pas si les députés présents,
qui viennent des régions de l'extérieur de l'île de
Montréal, réalisent l'importance, pour eux, de se baser sur la
population. Ce n'est pas à l'avantage des grands centres urbains. C'est
à l'avantage des régions rurales parce que c'est un fait reconnu
que, dans les régions à l'extérieur de l'île de
Montréal, les familles sont plus nombreuses. Si on se base sur le nombre
de citoyens... C'est à leur avantage de se baser sur la population et
non pas sur le nombre d'électeurs.
M. BERNARD: Ceci est très juste. De plus, si on veut, on peut
même multiplier votre exemple.
M. HARDY: On peut se faire des amis parmi les ruraux.
M. BERNARD: On m'a même dévoilé qu'il y a quelques
années les familles des minorités les plus avantagées sur
le plan économique étaient moins nombreuses que celles des
familles défavorisées. A ce moment-là, bien sûr, on
a davantage des populations pauvres avec le truchement de la population et
inversement les populations riches prennent soin...
UNE VOIX: C'est 25 p. c.
M. BERNARD: L'écart était assez appréciable, il y a
quelques années. Je ne sais pas ce qui en est aujourd'hui. Ce sont des
questions qui ont leur importance, mais je ne pense pas qu'on doive accorder
trop d'importance à cela parce que finalement il est question de 1, 2, 3
pour cent.
Il y avait quatre éléments dans la question du
député d'Olier.
M. LEGER: Le dernier, c'est l'élément des régions
administratives.
M. PICARD: Les régions administratives, oui.
M. BERNARD: Il y avait l'élément de la marge des 25 p. c.
A supposer qu'on adopte une carte électorale avec le système
uninominal. Je pense que cette marge est une belle marge. Je suis d'accord sur
cela. Une marge plus grosse, c'est peut-être exagéré. Plus
petite, c'est difficile à appliquer. 25 p. c. ou 20 p. c, cela va. Je ne
pense pas qu'on doive tellement se préoccu-
per de savoir si ça sera 20 p. c. ou 25 p. c. Dans cet
ordre-là, je suis tout à fait d'accord.
Quant aux régions administratives, si on a une carte
électorale uninominale, je crois qu'on doit se préoccuper de
respecter les frontières naturelles des circonscriptions soit
municipales, soit administratives. Ne pas faire de chevauchement de cartes;
c'est généralement inutile, même si cela permet un
accroissement dans la justice et la représentation. Si, par contre, on a
des circonscriptions plurinominales sur cela on a déjà
posé la question au début de cette séance il est
peut-être préférable d'avoir justement les régions
administratives tout simplement comme base de la division.
M. LEGER: Concernant le mandat que le comité d'experts pourrait
avoir, il y a quand même le fait qu'il faut savoir, avant de
déterminer la carte, le nombre de députés et le nombre de
circonscriptions, en d'autres mots, savoir le mode de scrutin.
Est-ce que vous verriez, dans le mandat donné au comité
d'experts, qu'il y ait d'abord une étude faite sur le mode de scrutin et
que le comité devrait faire rapport à la commission parlementaire
pour accepter le style de mode de scrutin? Après cela, une
deuxième étape, à la suite de ce mandat déterminant
le nombre de circonscriptions et de députés, déterminerait
après cela la façon de diviser la carte.
M. BERNARD: Alors, si vous me demandez mon avis sur la chose, la
manière d'opérer, je pense que la première étape
à faire serait d'établir les objectifs généraux que
poursuivent les députés à cette question de réforme
électorale. Qu'est-ce qu'ils veulent, effectivement, donner au
Québec? Ceci étant établi, une deuxième
étape serait de demander à ceux qui connaissent la chose, de
l'étudier et de dire: Bien voilà, quel type de scrutin
répond le mieux à nos objectifs? Les députés
pourront ensuite dire: Votre proposition ne nous plaît pas parce que,
effectivement, il y a tel ou tel aspect que vous avez négligé ou
tel et tel aspect qui ne nous plaît pas. Je ferais la chose ainsi:
objectifs généraux, études techniques pour voir ce qui
réalise les objectifs, approbation ou non des formules qu'on propose. A
ce moment-là on aura dit: Bien, le mode de scrutin qu'on aura, c'est
celui-ci, disons, uninominal ou majoritaire ou proportionnel ou mixte. Alors,
on donne mandat à une commission de faire une étude en fonction
des objectifs concernant la division de la carte. Celle-ci fait rapport. Les
députés, à nouveau, analysent les différentes
suggestions, formulent leurs observations, font les corrections qui s'imposent.
A ce moment, on peut procéder avec assez de rapidité. D'ailleurs,
je crois que c'est ce que vous faites actuellement. Vous vous
préoccupez, en premier lieu, des questions globales concernant le mode
de scrutin et tout cela. Et, d'après ce que j'ai compris, à la
lecture de vos travaux, vous allez voir ceci en premier et ensuite les autres
étapes plus techniques.
M. HARDY : M. le Président, nous avons bien travaillé. Je
voudrais remercier M. Bernard. J'avais exprimé l'hypothèse, au
début de notre rencontre, qu'il saurait sûrement nous
éclairer. Je pense que ce fut le cas. Je le remercie. Avant de terminer,
je voudrais tout simplement dire que, si ça convient aux membres de la
commission, nous pourrions avoir la semaine prochaine, comme témoin, M.
John Meisel, politicologue, professeur à l'université Queen's.
Peut-être que M. Bernard pourrait nous en dire davantage. Evidemment, il
est toujours assez difficile de se prononcer sur des collègues. Mais, je
pense que M. Meisel est reconnu, non seulement au Canada, mais même sur
le plan international comme spécialiste de science politique. Nous
pourrions avoir également, si toujours cela convient aux membres de la
commission, le 27 mai, le professeur Gilles Lalande, directeur du
département de science politique, qui, comme je l'avais dit à une
séance antérieure, s'est rendu en Allemagne à l'occasion
d'un voyage.
Il n'y est pas allé expressément pour ça, mais en
revenant d'un voyage il s'est arrêté en Allemagne pour rencontrer
différentes personnes qui vivent concrètement le système
électoral allemand.
M. LEGER: Est-ce qu'il parle allemand?
M. PICARD: Comment écrivez-vous ce nom?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Meisel.
M. le Président, je désire, moi aussi, remercier le
professeur Bernard qui nous a permis de remettre à jour nos
connaissances et nous a apporté des éléments
extrêmement intéressants. Il a abordé le problème
d'une façon suffisamment pratique pour que nous puissions y greffer nos
questions. Je lui sais gré de cette attitude qu'il a prise et je suis
d'accord avec mon collègue pour entendre la semaine prochaine le
professeur Meisel, de même qu'ultérieurement le professeur
Lalande.
M. LAURIN: Je me joins aux remerciements exprimés et j'accepte la
suggestion du député de Terrebonne.
M. HARDY: Nos amis du Ralliement crédi-tiste étant
absents, étant devenus...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ayant parlé avant eux, ils sont
d'accord.
M. HARDY: ... des experts du problème constitutionnel, je dois
proposer l'ajournement de notre séance à jeudi prochain, 9 h
30
(Fin de la séance 12 h 10)