Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente de l'Assemblée
nationale
Sujet: Réforme électorale
Séance du jeudi 27 mai 1971
(Neuf heures quarante-neuf minutes)
M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
Il me fait plaisir de saluer la présence de M. Gilles Lalande, le
directeur du département de science politique de l'Université de
Montréal, qui est appelé ce matin comme témoin expert
à notre commission. Est-ce que nous sommes prêts?
M. HARDY: M. le Président, je veux tout simplement souhaiter la
bienvenue à M. Lalande et comme je désire comme tous les
membres de la commission sûrement profiter le plus rapidement
possible de ses lumières, je fais taire immédiatement mon
verbe.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, moi de même. Je
souhaite la bienvenue à M. Lalande. Nous espérons naturellement
obtenir de lui beaucoup de lumière. Nous allons le considérer
comme le témoin hardi par excellence.
M. DUMONT: Nous vous souhaitons, M. Lalande, la plus cordiale bienvenue
et nous écouterons avec attention toutes vos recommandations pour une
meilleure réforme électorale.
M. LAURIN: Moi de même, M. le Président.
M. HARDY: M. le Président, j'imagine que cela conviendrait aux
membres de la commission que nous procédions comme avec les autres
témoins, c'est-à-dire que le témoin nous fasse non pas une
déclaration ministérielle, mais un exposé
préliminaire et par la suite, les députés pourraient sans
doute interroger M. Lalande. Est-ce que cela convient à tous les
membres?
M. LE PRESIDENT: Il s'agit toujours des modes de scrutin?
M. HARDY: Oui, oui. Il est entendu que nous voulons... Je sais que M.
Lalande pourrait nous éclairer sur une foule de questions à
commencer par les relations du Canada avec la Chine ou le Japon, mais il est
bien entendu que ce matin nous devons circonscrire le champ de nos
délibérations aux systèmes électoraux.
UNE VOIX: ... et à la carte.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous aurons l'occasion de le ramener
d'ailleurs.
M. HARDY: Oui, oui. Je suis sûr que M. Lalande, si nous devions
l'interroger sur d'autres sujets, se ferait un plaisir de revenir devant la
commission.
UNE VOIX: Devant la commission permanente des affaires
étrangères...
M. HARDY: Vous brûlez les étapes.
Mode de scrutin
M. LALANDE: M. le Président, MM. les députés, c'est
un plaisir et un honneur pour moi de témoigner devant cette commission
dont les travaux sont de la première importance pour l'avenir de notre
régime démocratique.
Comme on m'invitait à le faire, je limiterai ce matin mon
témoignage à cet aspect de la réforme électorale
qui porte sur le mode de scrutin ou la formule électorale. Je me propose
toutefois de vous faire d'abord un exposé que j'aimerais terminer avant
de me prêter aux questions que vous pourriez avoir sur le sujet. Je crois
que cette façon de procéder me permettra de répondre
à certaines préoccupations que j'ai cru déceler à
la lecture des procès-verbaux des séances antérieures de
cette commission.
J'espère aussi pouvoir stimuler, par la même occasion, la
réflexion et la discussion sur l'ensemble de ce problème. Je vous
dirai, en guise d'introduction, que vos travaux ont déjà fait
ressortir les principales questions que vous devez vous poser quant à
savoir s'il faut maintenir ou transformer le mode actuel de scrutin au
Québec.
La plupart, sinon toutes les personnalités que vous avez
entendues jusqu'ici, depuis le président général des
élections, Me François Drouin, jusqu'au professeur John Meisel,
la semaine dernière, ont touché d'une façon ou d'une autre
à ce qu'on peut appeler les problèmes fondamentaux. M.
Jean-Charles Bonenfant, par exemple, a justement tenté de définir
pour vous les caractéristiques de tout système électoral
en régime démocratique.
M. Jean Meynaud, lui, a évoqué, avec beaucoup
d'à-propos, le vaste problème de l'insertion du système
électoral dans une culture politique donnée. MM. André
Bernard et John Meisel ont fort pertinemment souligné la
nécessité de définir les objectifs, les valeurs du
système électoral avant d'en modifier le mode de scrutin qui est
un de ces éléments constitutifs.
Je vous dirai également que j'ai été frappé
par la justesse des observations faites par les membres de cette commission, au
cours des témoignages entendus. A la lecture des procès-verbaux
des séances antérieures, j'ai acquis la conviction que les
praticiens de la politique pouvaient poser des questions tout aussi
fondamentales que les témoins qui comparaissent devant eux.
Je me permettrai d'ailleurs, dans un moment, de relever au moins deux
questions que je considère comme très importantes, qui ont
été soulevées par le député de Chicoutimi,
M. Jean-Noël Tremblay et par le député de
Montréal-Saint-Jacques, M. Claude Charron. Je le ferai d'autant plus
volontiers que ces questions n'ont pas trouvé l'écho qu'elles
méritent de la part de cette commission.
Je voudrais cependant vous faire part en premier lieu de
considérations que je qualifie volontiers de générales sur
l'ensemble de la question du mode de scrutin et plus particulièrement
sur la façon dont cette question me semble avoir été
posée jusqu'ici au Québec.
Je tiendrai compte, dans la mesure du possible, de ce qui a
été dit ou de ce qui a été écrit chez nous
sur le sujet au cours des récentes années, des
déclarations principales des hommes politiques, des ouvrages
publiés, des articles parus dans les journaux de Montréal, des
documents de travail et des manifestes de partis politiques ou d'organismes
parapolitiques et, bien entendu, des travaux de cette commission.
Pour avoir pris connaissance de tout ce dossier, je vous avouerai au
départ en avoir retiré trois impressions principales. La
première est que plusieurs personnes ou organismes au Québec sont
arrivés dans un laps de temps relativement court à se former un
jugement catégorique sur notre mode actuel de scrutin et sur
l'opportunité de le transformer dans le sens de la représentation
proportionnelle. La deuxième impression est que ceux qui
préconisent au Québec la transformation de notre mode actuel de
scrutin dans le sens de la représentation proportionnelle, le font
habituellement à partir ou en fonction des résultats de
l'élection du 29 avril 1970. La troisième impression que j'ai est
que le système électoral de la République
fédérale d'Allemagne exerce chez ces mêmes personnes ou ces
mêmes organismes une fascination qui n'a fait que croître depuis
1966.
Or, si ces impressions générales qui sont les miennes
s'avèrent fondées, je ne suis pas certain que l'on pourra dire
dans un avenir rapproché que le problème du maintien ou de la
réforme du mode de scrutin au Québec a été bien
posé. Je partirai néanmoins de ces impressions pour me livrer
avec vous à un exercice de réflexion commune.
Partons, si vous le voulez bien, du premier thème à savoir
que plusieurs personnes ou organismes au Québec sont arrivés dans
un laps de temps relativement court à se former un jugement
catégorique sur notre mode actuel de scrutin et sur la question de
l'opportunité de le transformer dans le sens de la représentation
proportionnelle. Ce n'est pas à vous que j'ai à dire que ce n'est
pas d'aujourd'hui qu'on parle au Québec de réforme
électorale.
L'assainissement des moeurs électorales, le contrôle des
dépenses électorales, le financement des partis politiques, pour
ne citer que quelques thèmes, sont restés de façon quasi
permanente à l'ordre du jour de nos discussions politiques.
Certes la qualité de notre vie démocratique exige qu'on y
revienne sans cesse. La carte électorale a aussi fait couler beaucoup
d'encre. Jusqu'à récemment les maux qu'on se plaît
aujourd'hui à prêter au mode de scrutin on les attribuait presque
invariablement à la carte électorale. On parlait volontiers de
redécoupage de cette carte. On parlait de l'amenuisement des
écarts entre circonscriptions rurales et urbaines, mais jamais ou
presque jamais se serait-on hasardé à remettre en question la
formule électorale ou le mode de scrutin, le caractère uninominal
du vote ou la structure du bulletin de vote. Les distorsions que produisaient
les consultations électorales, on les faisait porter d'emblée
à la carte électorale.
Il est intéressant de constater que quelques-uns parmi la jeune
faune de politicologues québécois n'ont découvert que
récemment l'importance du mode de scrutin, donc, sa
responsabilité partielle dans le résultat des élections.
Il y a toujours eu, bien sûr, ceux qui ont traité ou ceux qui
continuent de traiter de cette question en termes de justice, en termes
d'équité, en termes moraux.
M. Bonenfant, par exemple, ne se cache pas pour dire qu'il
préconise depuis dix ans une forme de représentation
proportionnelle.
M. HARDY: Est-ce que vous le considérez dans la jeune faune?
M. LALANDE: Vous me permettrez de ne pas répondre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le phénix renaît de ses
cendres!
M. LALANDE: D'ailleurs, vous savez que M. Bonenfant vous a
déclaré ce qui suit: "Je trouve scandaleux qu'un parti n'ait pas
en Chambre une représentation populaire qui corresponde au nombre de
votes qu'il a obtenus." Il ajoutait, dans la même veine: "Je pense que le
premier but que nous devons rechercher c'est qu'il y ait autant que possible
identité entre la proportion des parlementaires élus et la
proportion des votes populaires." C'est là une position de principe qui
a le mérite d'être claire.
Un autre politicologue québécois, M. Robert Boily, s'est
inscrit lui aussi assez tôt dans ce courant d'appui à la
proportionnelle ou à une forme de représentation proportionnelle
pour le Québec. Sa prise de position remonte à novembre 1966, au
douzième congrès de la Fédération libérale
du Québec dans un atelier qui portait précisément sur le
thème: La réforme de notre système électoral.
L'argumentation de M. Boily s'appuyait, tout comme celle de M. Bonenfant, sur
l'idéal démocratique à atteindre au Québec, sur la
situation de multipartisme et sur le pluralisme idéologique qu'on
sentait poindre à l'horizon à ce moment.
D'ailleurs, M. Bonenfant et M. Lemieux ont repris devant vous la plupart
de ces arguments et je n'insisterai pas pour en faire un relevé
exhaustif. M. Bonenfant parlait de la multiplicité des partis, M.
Lemieux de société pluraliste et de situation qui n'est plus une
situation homogène. Tout cela pour justifier une certaine forme de
représentation proportionnelle.
En résumé, on peut dire que leurs avancés montrent
que le mode de scrutin actuel fausse le jeu démocratique parce qu'il
n'assure pas cette identité entre le vote populaire et le pourcentage
des sièges recueillis par les partis et, deuxièmement, que le
mode de scrutin actuel ne convient pas à la situation de multipartisme
que nous connaissons au Québec depuis un an.
Il faut bien comprendre que ces arguments n'ont rien de neuf et que la
polémique qu'ils ont engendrée a toute l'allure d'un débat
classique qui est celui qu'a connu l'Angleterre il y a cent ans, entre deux
éminents esprits politiques, John Stuart Mill et Walter Bagehot qui,
l'un et l'autre, ont fait valoir les mérites du système
majoritaire uninominal à un tour que nous connaissons, et ceux de la
représentation proportionnelle et de ses innombrables variantes.
Je crois qu'on peut dire qu'on peut être d'un côté ou
de l'autre, sans se déshonorer, bien sûr. Il est bien clair que la
formule proportionnelle est de beaucoup préférable, si on se
place dans l'absolu.
Rien n'égale à mon sens la représentation
proportionnelle intégrale du point de vue de la justice distributive, et
cette représentation proportionnelle, vous le savez, place la
légitimité de la victoire électorale dans la
fidélité de la répartition ou dans l'identité, en
somme, entre la répartition du vote populaire et la répartition
des sièges à l'Assemblée nationale.
Cette représentation proportionnelle assure que le Parlement est
le reflet de tous les courants d'opinion dans une population donnée.
Mais, on vous l'a signalé, je pense, abondamment vous
connaissez les désavantages nombreux de la représentation
proportionnelle et de ses diverses formes. D'où, bien sûr, la
nécessité qu'on a ressentie d'élaborer des variantes
même au Québec, qu'on qualifie tantôt de mitigées, de
modérées. Mais c'est évidemment tout à fait dans la
même veine avec des possibilités extrêmement variées,
extrêmement complexes de calcul mathématique. Je n'ai qu'à
vous référer ici à l'excellent article de M. Meynaud dans
une des dernières livraisons de la revue "Forces" de
l'Hydro-Québec, sur les systèmes électoraux.
A l'opposé de cette formule d'inspiration proportionnelle, il y
a, bien sûr, la nôtre, la formule du scrutin à la
majorité simple. A proprement parler, vous savez que c'est une formule
pluralitaire, selon laquelle est reconnu gagnant celui qui obtient plus de voix
que n'importe lequel de ses concurrents. La caracté- ristique de cette
formule est qu'elle n'implique pas de relation fixe entre le nombre de voix
recueillies par le gagnant et le nombre total de votes déclarés
valides.
Il peut arriver que le gagnant ait une majorité absolue. Il peut
arriver par contre, d'autant plus fréquemment que le vote est
sollicité par plus de formations politiques, que le gagnant n'ait que la
pluralité des voix.
Mais ce qu'il est important de noter au passage, c'est que la
légitimité des victoires dans ce système, dans cette
formule et dans l'obtention de la majorité ou de la pluralité,
contrairement à la légitimité, au critère de
légitimité, qui est celui que j'ai signalé tout à
l'heure, qui est dans l'identité, entre le pourcentage des voix et le
pourcentage des sièges, ceux qui acceptent cette base de.
légitimité parlent, dans le cas de notre système, de
majorité relative. Ceux qui ne l'acceptent pas parlent de victoire par
une minorité. Il y a certes, à mon sens, une logique dans cette
formule, qu'on peut appeler une règle du jeu, dans la mesure où
elle s'applique à tous et à tous les niveaux d'une consultation
électorale.
On serait malvenu, avec ce mode de scrutin, de contester la
légitimité de certaines victoires. Ainsi, je cite de
mémoire la victoire du député de Saint-Jacques, avec une
proportion du vote, selon évidemment qu'on retienne le nombre total des
votes ou le nombre des votes valides, de 30 p.c. ou 35 p.c. On serait malvenu
de contester la légitimité de cette victoire si on la compare
à celle, par exemple, du Dr Goldbloom, ou celle de Madame
Kirkland-Casgrain, qui tous les deux ont obtenu de larges majorités, des
majorités absolues. Cela n'enlève rien, à mon sens,
à la légitimité de la victoire, que d'aucuns pourraient
qualifier de victoire d'une minorité, dans le cas du
député de Saint-Jacques.
Ainsi, la victoire du Parti libéral d'avril 1970, à la
pluralité des voix, est aussi légitime, dans ce système,
que la victoire de l'Union Nationale à la majorité absolue en
1948, en 1952, en 1956. On a eu raison d'ailleurs de comparer l'élection
ou les élections, dans de telles circonstances, à une course
où celui qui gagne est celui qui arrive avant l'autre, au poteau. Quelle
que soit son avance sur son plus proche rival, d'où l'expression
anglaise, qui est fort juste: "First passed the post".
Etant donné que la règle veut qu'il faut faire mieux que
le meilleur de ses concurrents, cette formule comporte par définition un
élément de risque, un élément de chance, mais non
pas un élément de hasard, parce que celui qui la comprend bien,
je pense, peut réduire et éliminer le hasard s'il fait les
efforts nécessaires.
Mais il ne peut pas éliminer l'élément de risque ou
de chance qui est inhérent à cette formule.
Vous me pardonnerez de vous avoir imposé ces premières
considérations que vous jugerez peut-être
élémentaires. Si je les fais, c'est pour
suggérer ou pour montrer qu'il me semble que ce dont nous
souffrons actuellement, pas tant au niveau de la population, qui comprend
presque instinctivement cette règle du jeu, qu'au niveau de certaines
élites, d'une incompréhension de notre propre système ou
du système actuel, du mode de scrutin actuel. C'est pour montrer aussi
que si on va au fond des choses, c'est là qu'il faut revenir, c'est aux
valeurs, c'est à la légitimité dans ce système des
victoires électorales. On peut certes dire que notre mode actuel de
scrutin ne vise pas à refléter tous les courants d'opinions ni
à traduire le plus fidèlement possible ceux parmi ces courants
d'opinions qui méritent l'appui d'une majorité relative. On peut
même dire que le système pluralitaire est le moins susceptible
d'arriver à la proportionnalité, ce qui, à mon sens,
n'infirme en rien sa légitimité, même lorsque les
résultats d'une consultation électorale entraînent des
distorsions de l'ordre de celles qu'on a connues au cours de l'élection
du 29 avril 1970, ce qui m'amène à mon deuxième
thème ou impression générale.
C'est que ceux qui préconisent au Québec la transformation
de notre mode actuel de scrutin dans le sens de la représentation
proportionnelle le font habituellement à partir ou en fonction de
l'élection du 20 avril 1970. En plus des arguments à
caractère philosophique qu'on fait valoir pour remettre en question
notre formule électorale, ce sont les résultats de la
dernière élection provinciale qui apportent les raisons les plus
percutantes à l'appui du changement de notre mode de scrutin. On part du
fait indéniable d'écarts entre la proportion des candidats
élus par parti et la proportion du vote obtenu par les partis en lice
pour faire plus ou moins porter l'odieux d'une telle situation sur la formule
électorale ou le mode de scrutin. Il ne s'agit plus ici de ceux qui sont
convaincus que la formule proportionnelle est plus juste que la formule
pluralitaire. Il s'agit de ceux qui, sur le plan technique, estiment que la
formule à la majorité simple pénalise indûment les
tiers partis et que, par voie de corrollaire, elle accorde une prime
jugée trop considérable au parti qui est sorti le plus fort de la
consultation électorale.
C'est un jugement que je ne suis pas loin de partager. C'est en tout cas
un jugement qui se défend parfaitement. Si je ne souscris pas
entièrement à ce jugement, c'est que, compte tenu de ce qu'on en
est en droit de s'attendre de la formule pluralitaire, la preuve n'est pas
faite et ne peut pas être faite du degré de responsabilité
du mode de scrutin par rapport à celle découlant de la carte
électorale ou même de la structure du bulletin de vote.
Je ne peux admettre qu'il y ait incompatibilité entre notre mode
actuel de scrutin et le multipartisme. Je ne peux pas admettre que les tiers
partis souffrent nécessairement ou également du mode de scrutin
majoritaire uninominal à un tour. Et je ne peux pas admettre qu'on dise
que notre mode actuel de scrutin est cause d'injustices graves. Et encore moins
si on prétend qu'un système de représentation
proportionnelle pourrait être la solution à toute injustice
électorale.
Mais je vais m'expliquer. Je regarde d'abord du côté du
reste du Canada et je constate que le système majoritaire uninominal
à un tour n'a pas empêché l'enracinement d'une situation de
multipartisme. Pour ce qui est de la scène fédérale, le
Canada est même l'exception à la règle
générale qui veut qu'il y ait une relation de cause à
effet entre la formule pluralitaire et le système bipartite.
Et on retrouve d'ailleurs la même exception en sens inverse pour
la formule d'inspiration proportionnelle. Vous savez que l'Autriche et
bientôt l'Allemagne fédérale qui utilisent tous les deux
une formule d'inspiration proportionnelle ont conduit à un
système bipartite ou presque bipartite.
Pour ce qui est de la pénalité qui échoirait aux
tiers partis, un auteur fort connu du Canada anglais, Allan Cairns a
démontré dans un article portant sur le système
électoral et le système de partis au Canada entre 1921 et 1965
que le parti des créditistes avait le plus souvent reçu un
pourcentage plus élevé de sièges que le pourcentage du
vote qu'il avait recueilli: en 1935, 1940, 1945, 1949, 1953, 1957, 1968.
Ceci n'est cependant pas vrai du Nouveau parti démocratique, du
NPD fédéral, qui lui, a toujours reçu un pourcentage de
sièges inférieur au pourcentage du vote qu'il recueille.
Pourtant le NPD dont on peut dire qu'il a toujours été
à l'avant-garde de la réforme électorale n'a jamais
préconisé, à ma connaissance, l'adoption d'un autre mode
de scrutin que celui que nous avons.
Cette formule pluralitaire n'a pas empêché le NPD ou le CCF
avant lui d'accéder au pouvoir en Saskatchewan et au Manitoba. Ce n'est
pas le mode de scrutin actuel qui l'empêche de poursuivre sa
montée en Ontario. On pourrait faire la même remarque à
l'égard du Crédit social en Alberta et en Colombie-Britannique.
Il est assez ironique de constater que c'est pour avoir modifié la
formule électorale en Colombie-Britannique que le second parti de
l'Opposition de l'époque, le Crédit social, s'est retrouvé
au pouvoir en 1952. L'expérience de la Colombie-Britannique fut
d'ailleurs de courte durée avec un mode de scrutin différent de
celui que nous avons. Deux élections seulement en 1952 et en 1953,
après quoi les résultats ayant été peu conformes
aux prévisions on décida de revenir au système de la
majorité relative.
De fait, il vous intéressera peut-être que j'élabore
quelque peu sur cette expérience qui me semble intéressante
puisque c'est bien de cela qu'il s'agit ici. Il me semble que
l'intérêt pour nous ce serait d'aller voir dans les autres
provinces canadiennes ou ailleurs en pays étrangers les
expériences faites en modifiant le mode de scrutin.
J'ai dit que l'expérience de la Colombie-Britannique fut de
courte durée. Celle de 1952 qui a permis au Crédit social de se
retrouver au pouvoir a été mise à l'essai par la coalition
de l'époque entre libéraux et conservateurs qui gouvernaient la
province pour affaiblir les positions du premier parti de l'Opposition, le CCF,
où la lutte se faisait à trois candidats. Ce système, je
l'ai dit, a donné des résultats contraires à ce qu'on en
attendait. Les libéraux et les conservateurs qui auraient obtenu
respectivement neuf sièges ou trois sièges avec le scrutin
majoritaire que l'on connaît se retrouvèrent avec six
sièges et quatre sièges respectivement. Le CCF perdit trois
sièges donc ne garda que 18 des 21 sièges qu'il aurait eus avec
le système majoritaire tandis que le Crédit social en gagnait
cinq et se retrouvait vainqueur avec 19 sièges alors qu'il ne menait que
dans quatorze circonscriptions. Il n'aurait obtenu que ce nombre de
sièges si on avait gardé le système majoritaire uninominal
à un tour. Ce que je vous raconte se passait en 1952. Le Crédit
social consolida sa position l'année suivante et le retour au scrutin
majoritaire uninominal à un tour en 1956 ne modifia en rien sa position
dominante sur la scène politique de la Colombie-Britannique puisque,
comme vous le savez, c'est encore lui qui est à la tête du
gouvernement de cette province en 1970.
On a fait le même genre d'expérience au Manitoba et en
Alberta dans les circonscriptions rurales à un siège. Cette
expérience, comme en Colombie-Britannique, était de substituer au
mode de scrutin que l'on connaît celui que l'on appelle le vote
alternatif. A la différence de la Colombie-Britannique, cette
expérience fut faite parallèlement, d'ailleurs j'en parlerai dans
un moment, avec une expérience à la proportionnelle dans des
régions urbaines. En alberta, le système du vote alternatif fut
utilisé de 1926 à 1959 dans des circonscriptions rurales à
un siège. Il appert à l'étude des résultats des
élections tenues au cours de cette période que les effets du
système sont négligeables. Sur les 237 députés
élus au cours des cinq élections tenues durant cette
période, sept furent élus au second tour, bien qu'en seconde
place après le premier dépouillement du scrutin.
Au Manitoba, le vote alternatif ne fut utilisé dans les
circonscriptions rurales à un membre qu'au cours des trois
élections de 1927, de 1932 et de 1936. Dans tous les cas il s'est agi
tout simplement de passer d'une formule, à la majorité relative,
à une formule à la majorité absolue qu'implique le vote
alternatif. On a même essayé au Canada anglais l'application d'une
formule de représentation proportionnelle cette fois la formule Hare, du
nom de son inventeur ou celle du vote unique transférable. D'ailleurs,
pour des explications précises sur les modalités de chaque type,
soit le vote alternatif ou le vote unique transférable, je pense que M.
Meynaud en a donné des définitions très claires sur
lesquelles on pourrait évidemment revenir dans un moment si vous le
souhaitez.
Donc, une formule de représentation proportionnelle a
été utilisée au Canada anglais, celle du vote unique
transférable. On présente d'ailleurs cette formule comme la
modalité anglaise de la représentation proportionnelle. Et, selon
Maurice Duverger, c'est une proportionnelle qui écarte le scrutin de
liste. C'est contestablement l'une des plus complexes des formules qui
existent. Mais c'est néanmoins le parfait mélange, en quelque
sorte, du vote alternatif emprunté au système majoritaire et du
scrutin d'inspiration proportionnelle. Cette formule a été
utilisée dans trois régions métropolitaines de l'Ouest,
celle de Calgary, d'Edmonton et de Winnipeg.
Au Manitoba, il faut remonter en 1916 pour retrouver, en somme, le
débat ou les débuts du débat qui ont conduit à
l'adoption de ce système. Cette année-là, la
représentation proportionnelle était l'un des principaux articles
du programme du Canadian Council of Agriculture qui, comme tous les mouvements
réformistes à cette époque, visait à l'instauration
d'une société démocratique se rapprochant de
l'idéal égalitaire.
Pour ce mouvement, la représentation proportionnelle était
perçue comme le moyen de contrôler la machine politique et de
briser la domination exercée par les conservateurs et les
libéraux de l'est du pays sur la province. Il y a eu une campagne de
presse intense qui a suivi, qui a été menée d'ailleurs par
le Winnipeg Free Press à l'époque et le Green Growers Guide en
faveur de son adoption dans la région de Winnipeg. Le résultat a
été un amendement apporté en 1924 à la Loi
électorale du Manitoba constituant le grand Winnipeg en une
circonscription de douze sièges qui devaient être pourvus au moyen
de la formule Hare de la représentation proportionnelle ou du vote
unique transférable.
Avec quelques modifications quant au nombre de sièges, le
système fut en vigueur à Winnipeg, simultanément
d'ailleurs avec le vote alternatif dans les régions rurales jusqu'en
1955. Cette année-là, la majorité des membres de la
Législature manitobaine votait en faveur de l'abolition entière
du système, donc du retour à notre mode de scrutin. Winnipeg
étant redivisée en circonscriptions d'un membre chacune et le
bulletin ordinaire étant utilisé dans les régions rurales
comme dans les régions urbaines depuis lors, les effets principaux de ce
mode de scrutin ou cette expérience sont difficiles à
évaluer faute de renseignements sur chacune des étapes. On sait
cependant que, même s'il a permis dans la région
métropolitaine de Winnipeg la constitution de certains petits partis
d'ailleurs c'est inévitable avec l'adoption d'une forme ou d'une
autre de proportionnelle cela s'est fait dans des limites
extrêmement raisonnables et le pire que l'on pouvait appréhender
ne s'est pas produit.
En Alberta, le système Hare du vote unique transférable a
fonctionné en 1926 à 1959 et nous avons encore peu de
détails sur la petite
histoire de ce mode de scrutin. Mais nous pouvons dire que quelques
années avant son apparition, soit en 1919, le Hare Span System avait
été utilisé avec succès au cours de
l'élection des officiers de la convention des United Farmers of Alberta.
C'est venu dans les deux cas de groupes réformistes agraires qui ont
finalement réussi à faire accepter leurs idées au niveau
politique dans leur province respective.
Contrairement au Manitoba, les résultats d'élections
permettent d'évaluer les conséquences précises de ce
système par rapport au scrutin majoritaire. Il appert qu'elles sont
minimes. Selon un auteur, Terence Walter, qui fit une analyse comparative des
résultats d'élections à Calgary et à Edmonton en
1952 et en 1955, la proportionnalité atteinte avec le vote unique
transférable n'est pas tellement plus grande qu'avec le scrutin
majoritaire uninominal à un tour, puisque, sur 56 élus au cours
de ces deux élections, seulement quatorze d'entre eux n'étaient
pas en première position au cours du premier dépouillement du
vote. Selon le même auteur, en ce qui concerne la position respective des
partis, le système du vote unique transférable offre très
peu d'avantages sur le mode majoritaire.
On peut même dire que la combinaison des deux modes de scrutin a
une influence nulle sur le système des partis dans cette province quant
à la proportionnalité.
Si l'on s'en tient à un autre article de Simon Martin Lipset sur
la démocratie en Alberta, l'ensemble des résultats
d'élection en cette province en 1926 et 1954 démontre que les
partis d'opposition furent rarement représentés au sein de la
Législature provinciale pendant cette période. Et quoique n'ayant
jamais reçu plus que 55 p.c. des votes, le parti gagnant s'est toujours
vu octroyer, par le système électoral, la presque totalité
des sièges.
Pour être en mesure de comparer les effets respectifs,
évidemment, de ce mode de scrutin et de celui qui est en utilisation
depuis 1959, il faudrait voir dans quelle mesure le système de partis a
évolué depuis 1955 et, dans ce cas, dans quelle mesure ces
modifications sont le fait du nouveau mode de scrutin ou, au contraire, une
caractéristique propre du système politique dans cette
province.
Voilà pour les expériences au niveau des autres provinces
canadiennes. Mais le Canada fédéral, lui, n'est pas resté
insensible à ces vogues. La formule Hare de la proportionnelle, donc du
vote unique transférable, a connu comme je viens de le dire
sa vogue au niveau fédéral, mais ne dépassa jamais
le stade de la discussion du projet. Déjà, après la
Confédération ou au début du siècle, la question
suscitait beaucoup d'intérêt. En 1877, un comité avait
été nommé par la Chambre des communes pour faire rapport
sur ce mode de scrutin. Mais les discussions qui s'ensuivirent ne
donnèrent pas de résultats concrets et aucun rapport ne fut
jamais fait.
En 1909, une autre résolution fut adoptée pour qu'on
procède de nouveau à l'étude du problème de la
représentation proportionnelle. Mais encore là, aucune suite.
Dans les années vingt, le débat reprend de l'ampleur avec
l'apparition sur la scène fédérale canadienne, aussi bien
que sur les scènes provinciales, de tiers partis qui remettent en
question le bipartisme canadien, conséquemment le rendement du
système ou du scrutin majoritaire uninominal à un tour.
En 1923, le principe du vote alternatif est endossé unanimement
par la Chambre des communes. Les projets de loi présentés par le
gouvernement libéral à son sujet obtinrent même une
première lecture en 1924, 1925, tandis qu'il en est fait mention dans le
discours du trône de 1927.
En 1934, c'est au tour des conservateurs à la tête desquels
se trouve McNicolls de s'attaquer à la question du vote alternatif en
obtenant la première lecture d'un projet de loi destiné à
faire l'expérience de cette variante du mode de scrutin majoritaire dans
les élections fédérales de Saskatchewan. Et au cours de
l'un des débats de la Chambre des communes relatifs à cette
question, M. Mackenzie King lui-même dissipa, si l'on peut dire, toute
équivoque au sujet de la question du vote alternatif et de la
proportionnalité en déclarant ce qui suit: "I am in favour of the
alternative vote and I am also in favour of proportionnal representation."
Puis, plus rien jusqu'en 1958 où une nouvelle discussion s'amorce
sur le sujet et, depuis la question ne dépassa jamais le stade de la
simple proposition en comité.
Tout ceci pour vous dire que de nombreuses expériences et que de
nombreuses discussions ont eu lieu au Canada sur l'objet même, en somme,
de l'étude que vous faites dans le cadre de votre commission. Il ressort
de tout cela qu'il y a, au Canada anglais, un vaste réservoir
d'expériences ou d'expérimentations en matière de mode de
scrutin. Et je m'étonne qu'on n'en ait pas fait état dans ce que
j'ai pu lire ou entendre dans le cadre du débat en cours au
Québec sur cette question. Nos concitoyens de langue anglaise ont les
mêmes préoccupations que nous. Et on peut dire et on peut voir
qu'ils se sont éveillés à la question du mode de scrutin
depuis un bon moment.
A la différence de ce qui se passe chez nous leurs auteurs, leurs
spécialistes, leurs experts prennent généralement la
précaution de faire porter leur analyse sur une longue période de
façon à englober plusieurs élections. C'est le sens, si
vous voulez, de mon intervention sur ce thème. Je regrette pour ma part
que cette discussion soit conduite à partir et en fonction des
résultats d'une seule élection.
J'ai cité l'article d'Allan Cairns qui est un exemple du genre,
qui a déclenché un débat fort intéressant au Canada
sur l'importance du système électoral sur le système des
partis, ou
les conséquences que peut avoir le système
électoral sur le système des partis.
L'idée de la représentation proportionnelle applicable
dans des milieux urbains seulement remonte à 40 ans. Au Canada anglais,
c'est Paul Fox dans un article récent qui nous le confirme. C'est une
idée et d'ailleurs les expériences dont je viens de faire
état l'indiquent bien. Pour poursuivre cette réflexion sur
l'impression que j'ai du débat au Québec, je crois devoir me
tourner maintenant vers un ouvrage publié en 1967, aux Etats-Unis, par
un auteur du nom de Douglas Ray, sur les conséquences du mode de scrutin
ou du système électoral sur la vie politique. Pour ceux qui
seraient intéressés à jeter un coup d'oeil, c'est un fort
petit ouvrage, extrêmement bien fait, extrêmement rigoureux dans
son analyse "The Political Consequences of Electoral Law".
Cet auteur auquel le professeur Meynaud a fait une large place dans son
article dans "Forces" est malheureusement inconnu ou ignoré de la
plupart de ceux qui se sont intéressés à la question au
Québec. Je fais exception dans le cas de M. Meynaud puisqu'il lui a
accordé une large place dans son article. Je fais aussi exception dans
le cas d'un article publié conjointement par MM. Vincent Lemieux et Jean
Crête dans le Devoir où l'ouvrage de Ray était en note de
référence.
C'est pourtant l'ouvrage le plus sérieux en la matière.
Son auteur procède, dans cet ouvrage, à une analyse scientifique
du résultat de 117 élections tenues dans 20 pays du monde
occidental, durant une période de 20 ans, du 1er janvier 1945 au 1er
janvier 1965. Donc, vingt pays différents, vingt systèmes
électoraux différents qu'il regroupe d'ailleurs en quatre
catégories, mais il les a tous: on a l'éventail complet dans ces
vingt systèmes électoraux de toutes les variations sur les
systèmes. D'ailleurs son auteur dégage trois variables dans ces
systèmes électoraux: la formule électorale ou le mode de
scrutin, la dimension des circonscriptions et le nombre de
députés par circonscription et la structure du bulletin de vote.
Donc, une analyse rigoureuse, systématique, hautement
mathématisée et comparative de résultats
d'élections sur une longue période, qui permet à l'auteur
de formuler une série de propositions générales qui sont
du plus haut intérêt. Par exemple, et je vous fais grâce de
la lecture de toutes les propositions qu'il dégage.
Par exemple, la première est que la plupart des systèmes
électoraux ont des effets analogues sur la compétition, entre
partis. Que les systèmes électoraux tentent à avantager
les partis qui obtiennent une large part des suffrages. Ceux-ci conduisent
presque toujours, quels qu'ils soient, à donner plus que sa part
proportionnelle de sièges au parti qui obtient la plus large part du
vote populaire. Par voie de conséquence, que les systèmes
électoraux "fabriquent" parfois des majorités parlementaires
lorsqu'une majorité ne se dégage pas du vote populaire. Que les
modes de scrutin d'inspiration majoritaires, soit à la majorité
absolue, soit à la majorité relative, accroissent habituellement
de tels effets. Inversement, que les modes de scrutin d'inspiration
proportionnelle ont tendance à produire une distribution des
sièges plus sur la base proportionnelle que les modes de scrutin
à la mojorité absolue ou à la majorité relative. Il
y a là une vérité de La Palice qu'il est bon de ramener en
surface. La valeur de proposition générale équilibre, je
pense, dans les deux sens, les affirmations quant aux deux principaux modes de
scrutin, bien que Ray, l'auteur que je cite ici, relève une exception
à la dernière règle qui veut que la proportionnelle
conduise à la proportionnalité par définition.
L'exception, ce sont les élections d'Islande de 1959, tenues sous une
formule d'inspiration proportionnelle. Elles ont produit un taux de
déviation extraordinaire de 7.2 p.c. sur l'ensemble des sièges,
dans la répartition des sièges entre partis.
D'ailleurs, Ray ajoute à ce propos: "La représentation
proportionnelle n'est pas une solution parfaite à l'injustice
électorale et, par ailleurs, les élections tenues à la
pluralité des voix n'entraînent pas toujours de graves
injustices." Voilà des affirmations et une conclusion, un jugement de
quelqu'un qui a examiné sérieusement et systématiquement
117 résultats d'élections dans 20 pays différents,
systèmes électoraux différents. On peut penser ce qu'on
voudra de ces propositions générales. Il n'est pas interdit de
les constater. Le professeur Meynaud s'interroge lui-même dans son
article sur la validité de certaines conclusions que Ray tire de ses
observations. Mais j'ose croire que de telles conclusions méritent quand
même qu'on s'y arrête. Elles méritent un peu plus de
respect, je pense, que celles qu'on peut faire sur une seule élection.
Mais il faut bien admettre que la base d'analyse de Ray est tout de même
plus satisfaisante que celle qu'utilisent au Québec ceux qui
préconisent l'adoption du système mixte allemand pour obvier aux
inconvénients du mode actuel de scrutin. Ce qui m'amène à
mon troisième thème qui est la fascination qu'exerce sur ceux qui
préconisent une transformation du mode de scrutin dans le sens de la
proportionnelle, le système allemand.
Il est peut-être significatif que nous ayons découvert, au
Québec, le système allemand, au moment où les Allemands
eux-mêmes, sous la grande coalition des années 1966-1969,
commençaient à réexaminer la possibilité d'adopter
le mode de scrutin majoritaire à un tour. Sauf erreur, le professeur
Boily, le premier, a fait référence en public au système
mixte allemand en novembre 1966, chez les libéraux. Je vous avouerai que
ce qui m'étonne encore plus vient du fait que ceux qui ont
préconisé jusqu'ici au Québec l'adoption du système
mixte allemand ou ceux qui s'en sont inspirés l'ont tous fait à
partir du système électoral fédéral allemand. Vous
conviendrez avec moi qu'il aurait été plus
logique, a priori, de partir du mode de scrutin d'un des Etats
fédérés, d'un des "länder" que de partir du
système électoral fédéral puisque, à ce que
je sache, le Québec est un Etat fédéré et non un
Etat fédéral.
On dirait que la question est sans importance, puisque le mode de
scrutin en usage dans les onze länder allemands, l'équivalent de
nos Etats provinciaux est essentiellement le même qu'au niveau
fédéral, à savoir une formule électorale
d'inspiration proportionnelle.
Je rétorque à ceci que les modalités d'application
de ce mode de scrutin diffèrent plus qu'on ne l'imagine, selon qu'on est
au niveau fédéral, selon qu'on est au niveau des lander, au
niveau provincial, en République fédérale d'Allemagne.
J'en donnerai des exemples dans un moment.
J'ajoute cependant que la question en elle-même me paraît
importante. Cette question a d'ailleurs été soulevée ici
par le député de Chicoutimi, dès le début des
premières réunions de cette commission. Et le problème est
le suivant: c'est la situation du Québec à l'intérieur de
la fédération canadienne. Je cite M. Tremblay, du 19 janvier
1971: "Il nous faut songer à ce que sera le Québec de demain et
quelles seront ses relations avec les autres Etats membres de la
fédération canadienne."
J'estime qu'on doit, à tout le moins, se demander s'il serait
opportun de modifier le mode de scrutin au Québec dans un Etat
fédéré, de manière que nous ayons
éventuellement, côte à côte, des modes de scrutin qui
pourraient, à la rigueur, être fondamentalement différents,
dont les critères de légitimité seraient
différents. Imaginez au Québec qu'on adopte un mode de scrutin
à la majorité absolue et qu'au niveau du fédéral
dans les circonscriptions électorales fédérales qu'on ait
le même mode de scrutin que celui que nous avons actuellement, à
majorité simple.
Est-ce qu'il n'y a pas là, en principe, une source ou un
élément de confusion dans l'esprit des électeurs et des
citoyens? La question mérite qu'on s'y arrête. On ne peut pas non
plus ignorer comme je le laissais entendre il y a un moment qu'il
y a des différences importantes de modalités entre le mode de
scrutin fédéral et celui des länder. Contrairement à
ce qui existe au niveau fédéral, il n'est pas vrai que la
moitié des candidats soient élus dans tous les länder par le
mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour, et que l'autre
moitié, elle, soit élue sur une base proportionnelle.
Cela est vrai au niveau fédéral. Cela n'est plus vrai, pas
nécessairement vrai au niveau des lander. L'Etat ou le land du
Schleswig-Holstein dans le nord de l'Allemagne, un peu au nord de Hambourg, par
exemple compte 44 circonscriptions électorales qui élisent
chacune à la majorité simple un membre à la diète
de Kiel, donc un député par circonscription, élu avec le
mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour qui est le
nôtre.
Il y a toutefois 29 autres députés qui s'ajoutent à
ces 44. Ils sont élus sur la base du pourcentage des votes recueillis
par les partis en liste. Donc une formule d'inspiration proportionnelle comme
au niveau fédéral mais un système dans lequel 29
députés sur 73 ou 40 p.c. et non pas 50 p.c. comme au niveau
fédéral, sont élus à partir d'une liste unique
présentée par les partis.
Il est à remarquer qu'en dépit de cette répartition
60 p.c.-40 p.c. versus 50 p.c-50 p.c. néo-fédérale entre
députés élus au scrutin majoritaire et
députés élus au scrutin de liste ce n'est que le 27 avril
dernier que pour la première fois depuis la création de la
République fédérale un parti ait réussi à
remporter la majorité absolue des sièges à la diète
de ce länd. Il aurait donc fallu 22 ans pour arriver même avec ce
mode de scrutin à une majorité absolue des sièges dans ce
länd du Schleswig-Holstein.
Voilà qui n'est peut-être pas trop rassurant pour ceux qui
préconisent l'adoption au Québec d'un système mixte
allemand même sous une forme dite modérée ou
mitigée. Il y a par ailleurs une autre modalité importante qui
diffère selon qu'on est au niveau fédéral ou selon qu'on
est au niveau des länder. Cette modalité a trait au bulletin de
vote. On vous a dit que l'électeur allemand disposait d'un double
bulletin de vote: l'un qui lui permet de voter pour la personne ou pour le
candidat de son choix et l'autre pour le parti de son choix. Cela est exact au
niveau fédéral mais pas au niveau des lânder où le
bulletin de vote oblige l'électeur allemand comme chez nous à
voter à la fois pour l'homme et pour le parti.
On a aussi omis de vous dire que, pour la première
élection tenue en Allemagne fédérale après la
guerre de 1949, le bulletin de vote fédéral était celui
encore en usage au niveau des lànder. Ce n'est qu'à partir de la
deuxième élection, celle de 1953 après avoir
modifié la Loi électorale fédérale qu'on est
passé du bulletin que l'on connaît au double bulletin dont on a
fait état au niveau fédéral.
Enfin il y a la fameuse clause des 5 p.c. dont on ne sait pas assez
qu'elle a non seulement varié dans le temps mais dont on ne sait pas
assez qu'elle souffre d'exceptions tant au niveau fédéral pour ce
qui est de la Bavière par exemple, un des Etats
fédérés, qu'au niveau de certains lànder notamment
le Schleswig-Holstein.
Ce qui aurait été important de vous signaler ici, c'est
que cette clause n'a pas été immuable en République
fédérale allemande. Au moment de la première
élection en 1949, la clause stipulait que, pour avoir le droit
d'être représenté au Bundestag, à l'Assemblée
nationale fédérale, tout parti devait recueillir ou avoir
recueilli 5 p.c. du vote dans un länd ou avoir obtenu un mandat direct,
avoir un de ses membres élu à la majorité simple. A
l'élection de 1953, ces 5 p.c. sont passés du niveau du länd
à l'ensemble du territoire allemand et le mandat direct est resté
attaché à cette stipulation tout en maintenant à
l'élection de 1956, qu'un parti devait recueillir 5 p.c. du vote
national pour avoir droit d'être représenté au Bundestag.
On passait d'un mandat direct à trois mandats directs. C'était ou
5 p.c. du vote national ou trois mandats directs.
Ce qu'il est important de noter ici c'est que la tendance a
été de rendre plus difficile la condition nécessaire pour
obtenir le droit de représentation des partis à la diète
fédérale.
En Bavière on a ajouté dans le même sens qu'un parti
devait recueillir 10 p. c. du vote dans l'une des quatre régions de ce
länd en plus d'obtenir 5 p. c. dans l'ensemble du länd pour s'assurer
du droit d'être représenté à la diète.
Par ailleurs, dans d'autres länder comme dans le
Schleswig-Holstein, on a établi que le parti de la minorité
danoise, par exemple, qui porte le sigle SSW, que lui seul ne serait pas soumis
à la règle du minimum des 5 p. c. pour entrer à la
diète locale. Or, cette modalité qui conditionne le droit pour un
parti d'être représenté à l'Assemblée
législative me paraît être, pour nous, d'une importance
capitale dans l'hypothèse de l'adoption au Québec d'un
système qui pourrait être le système mixte allemand.
Pourquoi? Le député de Saint-Jacques, M. Charron, a
soulevé lui-même cette question ici même à la
séance du 18 mars dernier en parlant de plancher minimal pour la
représentation à l'Assemblée nationale. Il adressait sa
question à M. Bonenfant. Si j'ai bonne mémoire, M. Bonenfant lui
a répondu qu'il ne savait pas comment fixer ce plancher minimal, qu'il
estimait qu'il faudrait mettre les mathématiciens et les machines dans
le jeu pour le calculer de façon scientifique.
Eh bien! ma question est la suivante: A-t-on envisagé un moment
ce que pourrait produire au Québec l'introduction, dans les
circonstances actuelles, d'un système électoral s'inspirant de la
représentation proportionnelle sans ce genre d'obstacle, sans cette
clause d'arrêt, sans ce plancher minimal pour avoir droit d'être
représenté à l'Assemblée nationale? Je ne
réponds pas. Je pose la question parce que ma crainte est la suivante :
Ne risquerait-on pas ainsi d'inciter tel ou tel groupe ethnique ou linguistique
minoritaire à mettre sur pied leur propre formation politique,
assuré qu'il serait d'être représenté sur une base
proportionnelle à l'Assemblée nationale? Ainsi, nous pourrions
avoir un parti italien, par exemple, ou un parti allemand ou un parti juif ou
un parti grec et je ne retiens que les groupes minoritaires au Québec
qui, au recensement de 1961, avaient des nombres de 30,000 ou 35,000 en
montant, les Italiens étant les plus nombreux, autour de 83,000.
J'exagère un peu, bien sûr, mais moins lorsqu'on songe à
l'invitation que cela pourrait représenter pour la minorité
anglophone qui, comme vous le savez, peut les contenir tous et fait autour de
20 p. c. de la population.
On me dira: Nous aurons une clause comme celle des 5 p. c. en
République fédérale d'Allemagne. Oui. Mais laquelle? Celle
de 1949 ou celle de 1953? Celle qui s'appliquera à la région de
Montréal ou celle qu'on appliquera à telle ou telle autre
région? On me dira aussi que cette clause sera établie de
façon telle qu'elle prévienne cette calamité. Oui, mais
comment? A partir de quel critère?
Y aurait-il des exceptions comme pour la minorité danoise dans le
Schleswig-Holstein? Voilà une question qui me paraît importante,
et je vous l'avoue, qui m'embarrasse singulièrement. Je trouve encore
pour le moins surprenant que ceux qui se sont inspirés du système
mixte allemand ne se soient pas arrêtés à ce détail,
ce détail important. C'est une modalité mais une modalité
que j'estime très importante dans notre situation.
A-t-on voulu ainsi faire passer plus vite telle ou telle formule
électorale nouvelle? A-t-on tout simplement cru à
l'inutilité d'un tel obstable? En fait, je me demande si on a
suffisamment étudié le système mixte allemand
lui-même, si on en connaît tout le bien-fondé, si on en
apprécie toutes les conséquences, si on l'adoptait un jour au
Québec. Bref, je m'interroge sur l'ensemble de ce dossier et je ne peux
en venir qu'à la conclusion que plusieurs parmi les
intéressés paraîssent se complaire dans la
précipitation, sinon l'improvisation.
Je pose les questions suivantes: Connaît-on seulement son propre
système? A-t-on poussé assez loin l'analyse du vote du 29 avril?
A-t-on réussi à évaluer l'importance des facteurs dans ce
vote qui ne tiennent pas à la mécanique électorale
elle-même? A-t-on suffisamment réfléchi sur les
critères de légitimité des victoires électorales
dans tel ou tel système, et dans le nôtre pour commencer? S'est-on
arrêté à comparer les mérites d'autres formules
électorales possibles que celle du système mixte allemand? A-t-on
tenu compte des expériences faites en territoire canadien avec le mode
de scrutin que j'ai évoqué il y a un instant? Connaît-on
les effets à long terme d'une transformation du mode de scrutin sur le
système de partis, sur la culture politique au Québec?
Bref, je me résumerais assez bien en vous disant qu'en ce qui me
concerne ce dossier est incomplet et en souscrivant pour le moins à
l'affirmation que vous a faite Vincent Lemieux le 1er avril au cours de son
témoignage qui vous disait ceci: "Changer celui qui nous a relativement
bien servi jusqu'à tout récemment il parlait du mode de
scrutin c'est un peu un saut dans l'inconnu." Je n'ajouterai pas, bien
sûr, à vos difficultés en vous proposant une nouvelle
formule électorale, même si je continue de croire que notre mode
de scrutin devrait pouvoir être corrigé dans ses effets les plus
regrettables lorsqu'on pourra évaluer avec une certaine précision
les conséquences probables des correctifs à utiliser.
J'ai voulu ce matin seulement réfléchir avec vous sur
l'état de cette question et j'espère avoir réussi à
vous faire part de mon sentiment sur la façon dont la question du
maintien ou de la
réforme du mode de scrutin me paraît maintenant
posée au Québec. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que nous pouvons procéder à la
période des questions? M. Hardy.
M. HARDY: M. le Président, j'aurais une ou deux questions
à poser seulement. Vous nous avez parlé des expériences
qui se sont déroulées ailleurs au Canada, au niveau
fédéral, des études qui ont été faites et
même des systèmes autres que le nôtre qui ont
été mis en application. Est-ce que vous pourriez nous parler un
peu des préoccupations que pourraient avoir eues les Anglais de
Grande-Bretagne? Evidemment, que l'on aime ça ou non, c'est une
réalité historique, la Grande-Bretagne demeure le berceau du
parlementarisme.
Il serait peut-être intéressant de savoir quelles ont
été les réactions des gens de Grande-Bretagne, des
politicologues et même des hommes politiques face à ce
problème d'autant plus qu'ils ont connu, comme nous connaissons ici,
l'expérience de tiers partis; entre autres, je pense au Parti
travailliste qui est devenu un principal parti. Est-ce que vous pouvez nous
parler un peu...
M. LALANDE: Ecoutez, je pense que...
M. HARDY: Il est dangereux de prendre ses espérances pour des
réalités.
M. LALANDE: ... de façon générale, on peut dire que
les Britanniques sont fidèles, sont restés fidèles
à leur propre système qui a évolué toutefois. Vous
savez que jusqu'en 1885, on tenait en Grande-Bretagne des élections avec
des circonscriptions qui élisaient plus d'un député.
Néanmoins, je pense que le souci des Britanniques, en somme,
l'idéal britannique est resté d'avoir une stabilité
parlementaire et une stabilité gouvernementale. Et jamais, à ma
connaissance, ils n'ont été sérieusement fascinés
par un système de représentation proportionnelle.
Il semble que le système majoritaire uninominal à un tour
permette cette alternance, évidemment, entre deux partis qui
eux-mêmes, en fait, sont des facteurs d'intégration parce que le
système britannique a un mérite, c'est celui d'intégrer,
en somme, des gens de diverses tendances dans des mêmes formations
politiques et de les...
M. HARDY: Plusieurs partis dans un.
M. LALANDE: Plusieurs partis dans un, comme vous le savez. C'est de
cette façon-là qu'on accommode, à toutes fins pratiques,
et qu'on permet en fait l'évolution du système et la
transformation dans les orientations des partis. C'est en intégrant les
dissidents dans l'une ou l'autre des deux formations politiques.
Mais, je pense que, pour répondre à votre question, il ne
fait pas de doute que les Britanniques et les Anglo-Saxons restent convaincus
de la valeur de leur propre système électoral.
M. PICARD: C'est comme ici, au Québec, le PQ-RIN, par exemple,
deux partis dans un.
M. LAURIN: Et le Parti libéral alors?
M. JORON: Ils font tous partie d'un même...
M. PICARD: C'est un kaleïdoscope.
M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres questions, M. Hardy?
M. HARDY: Oui. Je pourrais passer mon tour et je reviendrai.
M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais d'abord
exprimer ma satisfaction au sujet du témoignage de M. Lalande. Comme
dirait Molière: "Que voilà un esprit clair! " Je le dis sans
aucune...
M. BOURASSA: J'appuie, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci. Je le dis sans aucune idée de
flatterie, mais voilà que nous avons eu un exposé fort
cohérent, planifié et qui apporte sur les travaux de la
commission un éclairage nouveau.
Mais l'importance de ce témoignage est telle qu'il a fait surgir
dans nos esprits une foule de questions qui, si on voulait y répondre,
occuperaient certainement une bonne partie du temps de la commission à
la séance de ce matin et dans les séances ultérieures.
M. Lalande, j'ai noté, je ne dirai pas avec une certaine
satisfaction mais avec réalisme, que vous vous êtes
interrogé sur la façon dont on a posé ici le
problème de la réforme électorale et de tout ce qui s'y
greffe: la carte, le mode de scrutin, etc.
De votre témoignage, sans vouloir vous interpréter
vous avez le droit évidemment de me corriger il ressort que ceux
que vous avez appelés la jeune faune des politicologues ont mis surtout
l'accent sur l'accidentel. Leurs considérations manquent nettement de
recul. Elles s'attachent à des aspects superficiels. Surtout, elles se
sont cristallisées autour d'un événement qui pourra
paraître plus important dans ses conséquences lorsqu'on aura le
recul suffisant, mais qui, pour l'instant, a peut-être un
caractère accidentel très marqué, soit les
dernières élections de 1970.
Vous avez parlé du système allemand et vous nous avez
apporté des renseignements que nous ne connaissions pas, pour ma part en
tout cas, et qui n'avaient pas fait l'objet de questions de
la part des députés, membres de cette commission.
Vous avez parlé évidemment de précipitation et
d'improvisation dans la démarche que l'on poursuit en vue d'en arriver
à une réforme électorale valable. Je voudrais vous poser
d'abord une question très simple à partir de ce que vous avez
dit. Quels sont, selon vous, les critères de légitimité
lorsqu'on parle, lorsqu'on apprécie le résultat d'un scrutin?
M. LALANDE: La question est fort difficile. Pour ma part, je pense que
je ne vous l'ai pas caché, je souscris, en somme, aux critères de
légitimité qui sont sous-jacents au mode actuel de scrutin. Il me
semble que la majorité relative, en fait, est satisfaisante en
elle-même. Je n'éprouve pas particulièrement le besoin
d'avoir, de me hisser au niveau de la majorité absolue pour croire, en
somme, pour accepter la victoire d'un député, par exemple. C'est
une question, la légitimité ou les critères de la
légitimité, de consessus, c'est une convention, une règle
que l'on s'applique soi-même. Il suffit, j'imagine, que la
majorité en somme celle-là qui devrait être absolue
l'accepte pour qu'elle existe. C'est difficile à répondre
dans la mesure où on pourrait rechercher dans l'absolu des
critères de légitimité. La légitimité
s'établit à partir d'un consensus qui, lui, doit être
majoritaire. C'est une règle du jeu qu'on accepte. Point!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cette règle du jeu dans votre esprit
étant validée, si je puis dire, par les habitudes
électorales, les citoyens ayant accepté ce que vous appelez une
règle du jeu, selon les circonstances vont appuyer des candidats en
raison de l'idéologie qu'ils préconisent, du programme
électoral qu'ils présentent, et à certains moments parce
qu'ils obéissent à un besoin de changement ou à une
motivation qui leur vient du mécontentement qu'ils éprouvent
à l'endroit d'une équipe gouvernementale.
J'ai, au cours des séances de cette commission, insité
beaucoup sur les habitudes électorales. Ceci afin d'inciter mes
collègues de la commission à réfléchir sur le
danger qu'il y aurait, non pas que ce soit là un interdit, à
changer brusquement les habitudes électorales en imposant aux citoyens
un mode de scrutin qui, par sa complexité, risquerait d'avoir des effets
désastreux ou négatifs.
M. Lalande, j'aimerais que vous précisiez davantage ce que vous
avez dit lorsque vous parliez du plancher minimal de 5 p.c. ou moins que vous
avez analysé en fonction de ce qui s'est passé en Allemagne, dont
on nous a dit et répété que c'était le
système idéal et que nous devions nécessairement nous en
remettre à cette expérience pour modifier le nôtre. Quelle
est la valeur, à votre avis, de cette clause de 5 p.c. plus ou moins
variable en fraction par rapport à ce qui vous paraîtrait à
vous un plancher minimal qui aurait cette sécurité de ne pas
permettre la naissance de partis multipliés, lesquels seraient
appelés à donner voix à ce que vous avez
désigné tout à l'heure comme les groupes ethniques? Vous
disiez: Il y a des Allemands, des Italiens, des Polonais, des Juifs, etc. Je
pourrais très bien vous dire ceci, habitant une région qui a nom
royaume, nous pourrions constituer un parti des Saguenéens, eomme on
pourrait constituer un parti des Abitibiens. Je voudrais que vous explicitiez
plutôt la notion l'idée, la conception que vous avez de cette
clause de 5 p.c., plancher minimal dont vous avez parlé assez
longuement.
M. LALANDE: Cela m'est difficile d'envisager cette hypothèse
parce que, comme vous l'avez deviné, je suis loin de souscrire à
l'adoption en fait, du moins dans l'état actuel de nos connaissances au
Québec d'un système d'inscription proportionnelle. L'exercice que
vous cherchez à m'imposer me serait particulièrement
pénible. Ce que je peux vous dire pour l'Allemagne, évidemment,
c'est que ce seuil, ce plancher minimal l'expression est d'ailleurs du
député de Saint-Jacques c'est un barrage, c'est un
obstacle technique qui vise précisément à écarter
les groupes qui sont jugés comme indignes d'être
représentés à l'assemblée d'un pays ou d'un
Etat.
Les Allemands vous l'avez noté, je suppose, au passage
ont tâtonné eux-mêmes. Ils ont commencé par
fixer, j'imagine de façon arbitraire. Ils ont dit au départ qu'il
fallait 5 p.c. dans un des Etats fédérés, dans un des
"lander". Ils se sont rendu compte que ce n'était pas suffisant, que
cela risquait et les Allemands sont obsédés
évidemment, étant donné qu'ils ont joué avant la
guerre sous la république de Weimar de la représentation
intégrale ils craignent par-dessus tout la prolifération
de petits partis. L'expérience leur a en effet prouvé qu'un de
ces petits partis, une fois le pied au Parlement, à l'Assemblée
nationale, pouvait évidemment, à travers des circonstances
favorables, prendre de l'ampleur et de minoritaire, d'extrêmement
marginal qu'il était au départ, devenir un parti national. Cela a
été le parti évidemment... Il y a des auteurs qui
soutiennent comme le Dr Hermens de l'Université de Cologne qui attribue
la montée de l'hitlérisme à ce défaut du
système allemand d'avant-guerre de ne pas avoir prévu, de ne pas
avoir créé d'obstacle.
Dans notre système politique, je crois qu'il ne m'appartient pas
et je pense que c'est un travail considérable, extrêmement
délicat que d'arriver au départ de façon arbitraire, mais
quand même un arbitraire qui soit juste, à un seuil
satisfaisant...
Je me permettrais d'ajouter que ce seuil vise à obvier à
un des inconvénients majeurs d'un système d'inspiration
proportionnelle. Il ne faut pas oublier que notre mode de scrutin lui aussi a
des obstacles techniques mais qui sont inhérents. Vous me permettrez de
citer Maurice Duverger dans son livre "Institutions politiques
et droit constitutionnel". Il parle de notre mode de scrutin dans les
termes suivants: "Le système majoritaire à un tour joue le
rôle de frein. Il tend à empêcher la formation d'un parti
nouveau, tant que celui-ci n'incarne pas une force sociale suffisamment forte
pour franchir le barrage technique qui lui est ainsi imposé."
Donc dans les deux systèmes vous avez des obstacles, un barrage
technique. Dans la proportionnelle on l'ajoute à l'allemande, avec un
plancher minimal, comme dit M. Charron. Mais dans le système qu'on
connaît, il est inhérent au système. Il rend la vie
difficile aux nouveaux partis. Il ne permet pas à un nouveau parti, non
pas de s'affirmer mais de s'installer avant que ce parti n'incarne une force
sociale suffisamment forte pour franchir l'obstacle ou le barrage technique que
lui impose le mode de scrutin lui-même.
D'ailleurs il ajoute il parle toujours de notre mode de scrutin
: "Il tend au contraire à accélérer la disparition
d'un parti ancien quand celui-ci cesse d'incarner une force sociale
importante." C'est un mode de scrutin terrible parce qu'il est impitoyable. Il
rend la vie difficile à un parti nouveau tant qu'il ne représente
pas une force sociale importante et, à l'inverse, il est impitoyable
à l'égard d'un parti ancien qui lui n'incarne plus
également une force sociale importante.
C'est à noter. Dans les deux cas il me semble qu'on a le
même obstacle, sauf que dans le premier c'est un obstacle plus visible
que dans le second.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lalande, je ne veux pas accaparer le temps
de la commission et priver mes collègues du droit qu'ils ont de parler.
J'aurais deux autres questions à vous poser. Partant de ce que vous
venez de dire de notre système actuel, du mode de scrutin que nous
avons, est-ce qu'il ne vous paraît pas dangereux ou
prématuré, à partir d'une expérience
récente, celle de 1970, de considérer comme un fait acquis qu'un
parti politique, quel qu'il soit, ayant émergé, de conclure que
justement l'émergence de ce nouveau parti représente une force
sociale désormais acquise, implantée qui peut devenir une des
assises de notre société démocratique? Parce que la
plupart des gens qui veulent des correctifs nous sommes tous d'accord
là-dessus au mode de scrutin que nous avons, se disent: Voici ce
qui s'est passé en telle année, voici ce qui vient de se passer
en 1970. Il y a eu émergence en particulier d'une formation politique
qui représente une nouvelle force sociale.
Mais justement il m'apparaît à moi que cette nouvelle
formation politique n'a pas de racines sociales profondes. Elle est liée
à un ensemble de faits accidentels, à des personnalités
qui se désintègrent de toute façon. Notre système a
justement ce mérite de nous permettre de temporiser avant que ne
s'accentuent des mou- vements qu'on pourra considérer alors comme de
nouvelles lignes de force de notre société.
M. LALANDE: Je pense que c'est l'avenir qui répondra à
votre question, M. le député de Chicoutimi. Si on s'en tient
à l'affirmation de Maurice Duverger, il semble bien que la formation
politique à laquelle vous faites allusion ne représentait pas au
29 avril dernier une force sociale suffisamment grande pour franchir le barrage
technique qui lui imposait le mode de scrutin.
Si on n'est pas d'accord sur cette affirmation, j'estime que le mode de
scrutin actuel n'empêchera pas cette formation politique de franchir le
barrage technique et de s'imposer en somme, éventuellement. C'est
incontestable. Il n'y a aucun des modes de scrutin qu'on peut analyser ici qui
va arriver à ce résultat-là. Au départ, c'est
évident que, pour un parti nouveau, cela rend sa vie difficile mais
à longue échéance, à plus ou moins long terme je
pense que le mode de scrutin actuel n'est pas un obstacle majeur, certainement
pas un obstacle sérieux à la percée d'une nouvelle
formation politique qui incarne une force sociale importante.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai insisté souvent là-dessus,
M. Lalande, en commission ici, en disant qu'il y a une certaine mouvance dans
le comportement de l'électorat et que le phénomène de 1970
n'était pas quelque chose d'inédit. Cela s'est produit assez
souvent et on a vu tout à coup des partis émerger puis
redescendre aussi vite selon les fluctuations de l'humeur de
l'électorat. Mais je ne veux pas en faire ici l'objet d'une discussion
à fond parce que je sais que d'autres collègues de cette
formation politique pourront vous poser leurs propres questions.
Je voudrais revenir à ce que vous avez dit au sujet du
Québec par rapport à l'Etat canadien. Vous avez fait allusion
à des considérations que j'avais faites dès le moment
où nous avons commencé les travaux de cette commission. J'avais
indiqué à ce moment-là au premier ministre qui avait fait
de sa communication une déclaration ministérielle que tout
travail de refonte de la carte, tout travail de réforme
électorale me paraissait prématuré avant qu'on ait
procédé soit à un réaménagement, soit
à un changement de la Constitution canadienne parce que j'avais
posé la question dans les termes suivants: Dans quelle mesure le
système que nous inventerons pourra-t-il être conciliable avec les
structures qu'une nouvelle constitution, une constitution
réaménagée imposera à l'Etat central et aux Etats
membres de la fédération? Vous en avez parlé tout à
l'heure assez brièvement. J'aimerais que vous explicitiez votre
pensée là-dessus.
M. LALANDE: Je serais moins porté que vous à chercher ce
qu'on pourrait appeler un
alibi ou à chercher la raison d'un retard à l'examen de
cette question dans la fameuse réforme constitutionnelle qui trame en
longueur et qui risque de s'embourber, de s'enliser si on ne donne pas un
vigoureux coup de barre dans les mois qui viennent.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lalande, je me permets de préciser,
si vous le voulez bien, qu'il ne s'agissait pas dans mon esprit d'alibi et de
moyen de retarder la refonte de la carte ou la réforme
électorale. Je me disais que cela pouvait être mené
parallèlement, qu'on devait quand même tenir compte de
l'éventualité d'un changement assez radical de la Constitution ou
d'un réaménagement qui soit tel qu'il soit, lui aussi, à
toutes fins utiles, un changement radical de la situation constitutionnelle
canadienne et de celle du Québec en particulier.
M. LALANDE: Ce que j'avais à l'esprit tout à l'heure, M.
Tremblay, c'était le risque ou le danger que je voyais si on se prenait
à changer les critères de légitimité des victoires
électorales dans un système qui est le système
québécois par rapport au système fédéral. En
somme, vous avez les mêmes électeurs, les mêmes citoyens qui
pourraient y voir une source de confusion, si on n'y prend garde.
Comme je l'ai dit, si on maintenait le système actuel dont le
critère de légitimité est quand même la
pluralité, la majorité relative, et que d'autre part on ait en
fait un système qui lui irait dans un autre sens ou qui adopterait
d'autres critères de légitimité je pense que ça
pourrait être discordant, ça pourrait être gênant pour
les électeurs, pour les citoyens. C'est seulement dans ce sens-là
que je faisais cette réserve. Mais il est sûr et certain que tant
que le Québec sera dans la fédération il faudrait le moins
possible que nos systèmes électoraux soient divergents dans leur
fondement même dans l'Etat provincial ou dans l'Etat
fédéral.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'où votre insistance sur les
expériences dans les autres provinces du Canada et votre insistance sur
la distinction qu'il faut faire entre le système fédéral
allemand et le système adopté dans les länder.
M. LALANDE: C'est exact. En Allemagne, vous savez, on s'y
réfère abondamment. On se dit à priori, évidemment:
C'est un système fédéral. Mais ce qu'on ne sait pas
toujours c'est que le système politique allemand est bien
différent du système politique canadien. Les partis politiques,
par exemple, ou les organisations au niveau des Etats
fédérés font partie des organisations nationales.
Evidemment, cela simplifie énormément les rapports qui peuvent
exister entre les Etats fédérés et l'Etat
fédéral. Dans de telles circonstances, vous voyez une
espèce de symbiose sur le plan des formations politiques quand on passe
ou quand on examine l'ensemble du système au niveau
fédéré au niveau fédéral, les Etats
provinciaux et l'Etat fédéral. Ce qui n'est pas le cas ici. Il
faut tenir compte de ces facteurs quand on s'inspire, je pense, d'un exemple
étranger si proche qu'il puisse nous paraître à
première vue.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une dernière question, M. Lalande, je
voudrais vous demander, d'abord: Dans quelle mesure pouvons-nous, sans danger
vous allez me dire qu'il est difficile de répondre à cette
question, c'est juste accélérer le travail de refonte de
notre système électoral et quels seraient, selon vous, les grands
critères que la commission devrait accepter et imposer à ceux qui
seront chargés d'effectuer la besogne technique du
réaménagement de la carte et l'invention des mécanismes du
mode de scrutin?
M. LALANDE: Eh bien! Il y a des contraintes qui sont évidentes.
Je pense que du point de vue de la révision de la carte
électorale, c'est le président général des
élections qui vous a dit que la commission devait faire diligence si la
nouvelle carte doit voir le jour pour la prochaine consultation
électorale. Donc, vous êtes poussés, malgré vous,
à mettre en marche, j'imagine, le plus tôt possible le travail de
révision de la carte. Je serais porté, moi, à le
considérer comme tel, à définir pour les gens qui seront
chargés de ce travail-là... C'est évident que
l'idéal c'est une commission indépendante et permanente comme
elle existe au niveau fédéral, composée de gens pas
nécessairement d'experts mais de gens dont le caractère,
dont l'indépendance est une espèce de gage de
sécurité au départ, quoi! Je verrais, en somme, le travail
de la carte électorale confié dans les meilleurs délais
à une commission indépendante et permanente.
D'autre part, après tout ce que j'ai dit et toutes les questions
que je me pose, toutes les interrogations que j'ai soulevées, je
rejoins, sans difficulté, la suggestion qui vous a été
faite la semaine dernière par le professeur John Meisel. Il me semble
que vous pourriez traiter de la question du mode de scrutin comme une question
distincte à toutes fins pratiques.
Si vous acceptez le diagnostic que j'ai pu poser, ça veut dire
que le dossier est incomplet, que le dossier est insuffisant pour vous
permettre actuellement de faire quoi que ce soit.
Il vous reste à savoir, si vous souscrivez à la
préoccupation que je partage, que le mode de scrutin actuel doit pouvoir
être corrigé d'une façon ou d'une autre, dans ses effets
les plus regrettables, les plus répréhensibles, par un
mécanisme qui reste à trouver. Mais, avant de l'accepter, ce
mécanisme, il faudra que vous sachiez les conséquences que peut
avoir le mécanisme à appliquer.
Cette question, il me semble, pourrait être confiée, comme
vous l'a suggéré M. Meisel, à une commission
d'étude. Je verrais mal que ces
deux commissions soient parallèles et sans lien l'une avec
l'autre. Vous pourriez, j'imagine, indiquer à la commission
d'étude qui sera plus technique en somme, mais qui sera composée,
je l'espère, de gens qui ont une connaissance pratique de la politique,
qui ont un certain détachement par rapport à la politique, mais
néanmoins de gens qui ne soient pas nécessairement des
techniciens au sens étroit du terme.
Alors, un lien à établir entre ces deux commissions, une
directive à donner à la commission indépendante et
permanente pour la réforme électorale à l'effet de tenir
compte d'un regroupement possible de circonscriptions, en vue de régions
hypothétiques. Si le besoin se faisait sentir ou si le mécanisme
à trouver par la commission technique exige des régions, des
listes de candidats en vue d'un correctif qui sera nécessairement dans
le sens d'un correctif à la proportionnelle...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, de l'étude des
témoignages et des questions qu'ont posées les
députés ici à la commission, vous avez dû en
conclure que si, nous voulons bien nous en remettre à des
spécialistes, des techniciens, appelons-les comme on voudra, il
appartient à la commission de déterminer des critères qui
guideront ces experts, ces commissions, ou ces comités, etc., dans le
travail qu'ils auront à accomplir. Et celui-ci sera d'ailleurs
ultérieurement resoumis à la commission, et éventuellement
à l'Assemblée nationale.
M. LALANDE: Bien sûr. Pour ce qui est de révision de la
carte, je verrais mal que vous laissiez une commission, dite
indépendante et permanente, faire les choses à sa fantaisie. Il
faut que vous puissiez leur dire, au moins au départ, que vous leur
donniez un ordre de grandeur sur le nombre de circonscriptions que vous
souhaitez avoir, sur l'écart que vous voyez entre circonscriptions
urbaines et circonscriptions rurales. Ce n'est pas à la commission
d'établir ça, c'est à vous. Vous pourrez y ajouter celles
qui vous paraîtront nécessaires, mais c'est ce genre
d'orientations et de directives qu'il vous faut donner à une commission
dite indépendante et permanente, qui elle s'adjoindra les techniciens.
J'ai fait allusion à la commission fédérale ou à la
commission telle qu'elle existe au Manitoba.
Vous avez une commission indépendante formée, si ma
mémoire est fidèle, du directeur des élections, ou du
président général des élections, d'un
président d'université et d'un juge nommé par le
président de la Chambre ou en fait par le chef du gouvernement.
Voilà le genre de commission que j'appelle indépendante. Ce n'est
pas une commission d'experts. Mais, pour faire son travail, elle devra
s'adjoindre ou des fonctionnaires, ou des techniciens au sens étroit du
terme, des géographes, des cartographes, en fait tous les autres
techniciens qu'on peut utiliser dans ce genre de travaux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ceux-ci s'inspirant des critères par
exemple, qu'ont évoqués M. Meynaud, M. Lemieux, M. Bonenfant, et
que nous avons examinés à tour de rôle quand ils nous les
ont proposés ici.
M. LALANDE: Bien sûr.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie, M. Lalande.
M. LE PRESIDENT: M. Dumont.
M. DUMONT: Je vous remercie, M. le Président.
Vous avez été, M. Lalande, d'une extrême prudence en
nous disant qu'avant toute réforme monétaire, tel que vous l'avez
souligné...
UNE VOIX: Réforme monétaire!
M. DUMONT: ... le dossier pour une réforme électorale est
incomplet, que les conséquences probables des correctifs doivent
être d'abord analysées, que nous semblons ou du moins que
plusieurs personnes semblent hantées par le scrutin d'Allemagne.
Il m'est justement venu à l'idée une question. Le
professeur Meynaud y a fait allusion et a dit que ce système d'Allemagne
était né d'un accident et qu'il était appelé
à disparaître d'ici quelques scrutins.
M. LALANDE: Vous me permettrez là-dessus d'apporter
peut-être une voix discordante. On a déjà fait état
du fait que je suis allé, peut-être par accident, en Allemagne,
puisque je me trouvais sur la voie de retour d'un voyage en Algérie
à la fin du mois d'avril. La raison pour laquelle je me suis
référé à plusieurs reprises à l'Etat du
Schleswig-Holstein, c'est que j'ai un bon ami à moi qui est professeur
de science politique et d'histoire à l'université de Kiel, qui
m'a reçu, avec qui j'ai pu bavarder et qui m'a, en somme, piloté
à la diète de Kiel, où j'ai pu interroger des
fonctionnaires.
Par la suite, je me suis rendu dans la capitale fédérale,
à Bonn, où j'ai aussi rencontré des membres ou
plutôt des fonctionnaires du bundestag, avec lesquels j'ai
échangé des opinions sur le système mixte allemand.
L'impression que j'ai récoltée est que le mode de scrutin
qu'on connaît actuellement en Allemagne n'est plus une question
d'actualité. Il l'a été au moment de la grande coalition
en 1966. A ce moment-là, la grande coalition, c'était la
coalition entre les deux grands partis allemands, les
chrétiens-démocrates et les sociaux démocrates.
Aujourd'hui, on a une coalition entre les sociaux-démocrates et le petit
parti libéral allemand, mais pour la première fois dans
l'histoire de l'après-guerre, on avait en 1966 les deux grands partis
qui formaient une colation. La question se posait. Est-ce qu'à ce
moment-là on a besoin de continuer à protéger
un tiers parti? Alors, les chrétiens-démocrates tendaient
comme ils l'avaient fait d'ailleurs en 1948 et en 1949 à
promouvoir l'adoption du mode britannique, du mode de scrutin qui est le
nôtre. Les sociaux-démocrates, quant à eux, sont plus
fidèles à la représentation proportionnelle et ont
résisté à cette tentation. Ils ont voulu de toute
façon soumettre à leur propre parti la question, au cours d'un
congrès qui s'est tenu en 1968 j'ai d'ailleurs ramené
d'Allemagne des documents en langue allemande, un texte assez
intéressant qui est une étude comparative des deux
systèmes qui a été faite en 1967 par des fonctionnaires du
Bundestag et par la suite la question a été posée
à une convention du Parti social-démocrate, des socialistes
allemands. Les socialistes allemands n'étaient pas prêts en 1968
à aller plus loin que revenir si vous voulez au mode de
scrutin que l'on connaît ici, mais avec des circonscriptions beaucoup
plus larges que celles qui existent en Allemagne, des circonscriptions dans
lesquelles pourraient être élus plusieurs députés,
ce qui n'est pas le cas actuellement.
La chose, en somme, en est restée là. Donc, depuis 1968,
la question est morte; elle n'est plus soulevée, elle n'intéresse
plus personne. On m'a laissé entendre que même si les
libéraux, qui sont autour du fameux seuil fatidique de 5 p.c.
à la dernière élection ils ont à peine
réussi à se hisser au-delà du seuil du 5 p.c. mais
à la prochaine élection, pourraient glisser en dessous et perdre
de ce fait le droit d'être représentés au Bundestag. Alors,
même dans cette hypothèse, on me dit que les Allemands ne
reviendront pas vraisemblablement à ce mode de scrutin. En fait, ils ne
peuvent pas y revenir, ils ne l'ont jamais connu.
Mais ils ne changeront pas leur mode de scrutin actuellement parce qu'il
semble que la proportionnelle colle assez bien maintenant à la
réalité allemande, qu'elle assure un très bon
équilibre dans la représentation des partis, des grands partis au
Bundestag et on en est très satisfait.
M. DUMONT: Dans un autre ordre d'idées, vous avez parlé de
confusion si la même méthode électorale de l'Etat
fédéral ou provincial, si la même méthode de scrutin
n'était pas utilisée. Pourtant, deux provinces socialistes de
l'Ouest et deux provinces créditistes, selon les informations que vous
nous avez données, ont apporté des changements et n'ont pas
attendu l'Etat fédéral pour avoir des changements dans leur
méthode d'élection. Est-ce que le Québec ne pourrait pas
imiter ces gestes?
M. LALANDE: Je ne voudrais pas être méchant, mais avec les
succès, je vous répondrais, avec les succès que l'on
connaît, c'est-à-dire qu'ils en ont fait l'expérience, ils
sont revenus, au bout de périodes plus ou moins différentes, au
mode de scrutin actuel.
Non, la chose n'est pas à exclure totalement.
Tout dépend aussi, si vous voulez, de l'état de la culture
politique d'une province donnée, en somme. Je pense que les
électeurs de l'Ouest avaient été mieux sensibilisés
par les groupes de pression, les mouvements réformistes dans le sens
d'une transformation des règles du jeu. Est-ce que c'est possible au
Québec sans bouleverser les esprits, sans jeter la confusion? Je me pose
la question. Je n'ai pas de réponse définitive à vous
offrir là-dessus.
M. DUMONT: Une dernière question, M. le Président. Vous
avez aussi fait allusion, à savoir si nous connaissons bien notre
système électoral, à une certaine élite qui ne
semblerait pas comprendre notre système électoral. Est-ce que
vous pourriez définir un peu plus votre pensée concernant cette
élite qui ne semblerait pas comprendre ou saisir notre système
électoral?
M. LALANDE: Saisir ou accepter... M. DUMONT: Accepter surtout.
M. LALANDE: ... la règle du jeu. J'ai devant moi un extrait, pour
vous montrer jusqu'où la chose peut aller, du rapport moral du
président général de la CSN, M. Marcel Pepin, au
congrès général du 6 décembre 1970. La citation est
la suivante: "La majorité de la population de chaque comté doit
avoir la liberté d'élire son député. A l'heure
actuelle, cette liberté essentielle est brimée. Par le jeu de la
division des opinions politiques en plusieurs partis, un candidat qui a l'appui
d'une minorité peut devenir effectivement le député d'un
comté."
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est la description de ce qui se passe aux
réunions de la CSN lorsqu'il y a des votes de grève.
M. LALANDE: Et cela arrive fréquemment. Le système de
l'élection par simple majorité remonte à l'époque
où il n'y avait que deux partis politiques. Notre démocratie
actuelle est moins valable qu'elle ne l'était parce qu'elle ne garantit
plus le gouvernement par la majorité de l'électorat. Quand j'ai
parlé d'élite, je n'avais pas particulièrement à
l'esprit le président de la CSN. Néanmoins, il y a là
quand même quelqu'un qui appartient à l'establishment syndical,
qui conteste, disons, le critère, le fondement même de notre
système, de notre mode de scrutin, qui prétend qu'il n'y a qu'une
façon d'élire un député et c'est à la
majorité absolue.
Donc, qui pourrait dire, à l'égard de plusieurs
députés ici: Messieurs, vous avez été élus
par une minorité. C'est un peu dans ce sens-là. Evidemment, vous
me ferez grâce de ne pas aller plus loin dans la définition des
élites au Québec, mais puisque j'avais sous la main un extrait du
rapport moral du président de la CSN, je pense que ça illustre
bien ma pensée.
M. DUMONT: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Blank): Le député de Gouin.
M. JORON: Merci, M. le Président. M. Lalande, vous avez
mentionné au tout début qu'il vous apparaîssait que les
tenants de la proportionnelle ou de ses différentes variantes
s'inspiraient largement pour fonder leur opinion, à partir des
résultats du 29 avril. J'ai l'impression je voudrais savoir ce
que vous en pensez qu'on se sert facilement de cet exemple pour
illustrer une situation. C'est peut-être un exemple un peu spectaculaire.
C'est le plus récent. Mais on aurait peut-être tort de penser que
le fondement du raisonnement qui motive ces gens tient uniquement de
l'injustice, si on veut la qualifier ainsi, des résultats du 29 avril.
On pourrait faire une longue série d'injustices. Il n'y a pas que le 29
avril. D'autres avaient remis en question les résultats des
élections de 1966. Le gouvernement élu à la
majorité des sièges obtenait moins au vote populaire que
l'Opposition. On pourrait remonter même à des situations
peut-être plus aberrantes encore que celles de 1970. Je pense à
celle de 1948 où le Parti libéral qui avait plus de 40 p.c. des
voix se retrouvait avec huit sièges. C'est encore une situation pire que
celle dans laquelle se trouve, par exemple, le Parti québécois
à l'heure actuelle. On a tort de penser que c'est à partir de ce
phénomène que certaines personnes aujourd'hui, peut-être
plus qu'autrefois, remettent en question le mode de scrutin. Vous avez
d'ailleurs dit dans votre exposé que... Evidemment le professeur
Bonenfant en parle depuis déjà dix ans, Robert Boily dès
1966 en parlait. Je vous ferai remarquer que ce système, inspiré
du système allemand qu'on trouve, par exemple, dans le programme du
Parti québécois, a été voté à un
congrès avant les élections de 1970. Je me demande si
l'interrogation au sujet du mode de scrutin ne vient pas et son urgence
d'autant plus accrue, d'une évolution très rapide de la culture
politique au Québec.
Vous avez dit que le problème fondamental était celui de
la légitimité. Je suis tout à fait d'accord avec vous. La
semaine dernière, le professeur Meisel nous disait d'ailleurs,
définissait la légitimité un peu dans ces
termes-là: La légitimité tenait en dernier ressort de
l'acceptation de la règle du jeu par la majorité. C'est une
notion de culture politique que cette acceptation des règles du jeu.
Est-ce qu'on n'est pas en train d'assister en ce moment à une
évolution très rapide de la culture politique qui
découlerait d'une évolution de la culture au sens large du mot.
Je prends par exemple ce qui se passe au Québec depuis dix ans.
Premièrement, il y a eu une explosion de la population. Cela fait que
dans le Québec de 1971, 53 p.c. de la population a moins de 25 ans. Nous
sommes devenus, en très peu de temps, suite à l'explosion de ce
qu'on appelle les bébés de guerre et tout ça, une
population très jeune. C'est un phénomène nouveau. Cela se
passe aussi aux Etats-Unis et dans d'autres pays du monde, mais c'est plus
marqué ici. Nous sommes devenus aussi plus rapidement qu'ailleurs une
population subitement instruite. De 1960 à 1970, toute une
génération fut assise sur les bancs d'école. En même
temps, il s'est produit aussi, non seulement une explosion de la population et
d'éducation, mais une explosion des communications qui crée une
ouverture sur le monde et sur toutes sortes de problèmes.
Finalement tout ça aboutit à une espèce de
bouilloire ou de soupière qui fait que toute une
génération et d'autres qui n'appartiennent pas
nécessairement à cette jeune génération sont
à la recherche de définitions de nouvelles valeurs. C'est toute
une culture pas besoin de leur montrer ce qui se passe aux Etats-Unis,
en Californie, en commençant par le phénomène hippie ou en
prenant le phénomène existentialiste qui a été
lancé en France après la guerre ou les événements
de mai 1968 en France, ceux de Tokyo, de Shangaï, de Pékin, un peu
partout à travers le monde cette recherche d'une
définition d'une culture nouvelle.
On retrouve dans cette recherche d'une nouvelle culture une notion d'une
justice représentative, une notion d'un plus grand humanisme, une notion
de participation. Cela va peut-être justement nous faire
déboucher... Cela change forcément la culture politique. Si la
culture globalement est en train de changer, la culture politique va changer.
Ces notions qui sont parmi les nouvelles valeurs recherchées si on veut
les traduire en termes politiques, eh bien! c'est ça peut-être
principalement qui nous fait remettre en question le mode de scrutin, qui va
nous faire peut-être remettre en question le système de
gouvernement. On aboutira peut-être à la nécessité
d'un gouvernement de coalition là-dedans.
C'est peut-être là que va s'introduire justement la notion
de participation, de faire participer les différentes oppositions au
gouvernement s'il n'y a plus de majorité qui peut se dégager. Or,
je vais vous demander moi je pense qu'on a tort si on aborde le
problème du mode de scrutin en évoquant les injustices du 29
avril ou d'autre s'il n'y a pas en dessous de ça une question
beaucoup plus fondamentale qui est une évolution très rapide et
très substantielle de la culture politique.
C'est peut-être toute la notion de légitimité qui
est en train de changer sous nos pieds. On ne le sait pas, mais finalement nous
sommes peut-être assis sur un baril de poudre. Qu'en pensez-vous?
M. LALANDE: Je pense que je souscris à la plupart de vos
remarques. C'est incontestable que le Québec comme les autres
sociétés du monde occidental est bouleversé et subit des
transformations rapides tant sur le plan de la culture avec un grand C que sur
le plan de la culture politique. Mais je pense que, pour être logique
avec ce postulat, cette affirmation, c'est
tout le système politique qu'il faut repenser. Là
où je ne vous suis pas, c'est quand vous commencez en somme par le mode
de scrutin qui me semble être quand même un des
éléments mineurs de la mécanique électorale. Et
d'autant plus que si on touche au mode de scrutin dans le sens que vous
préconisez, vous allez peut-être provoquer des bouleversements,
vous allez ajouter à la confusion, vous allez affaiblir vos
institutions.
C'est ça qui me fait me poser des questions, m'interroger et
plutôt recommander d'agir avec prudence. Les conseils qui émanent
de mon exposé, ce matin, vous les avez déjà entendus de la
part de M. Meynaud qui vous a dit: "Ecoutez, le mécanisme
électoral il faut toucher à cela avec énormément de
prudence, non seulement en fonction de ce qui s'est passé, mais en
fonction de ce qui risque de se passer."
M. Lemieux, lui-même, qui préconise un mode de scrutin
à l'allemande, mais modéré ou mitigé, vous dit:
"C'est un saut dans l'inconnu".
Est-ce que c'est dans ce sens-là ou si ce n'est pas plutôt
dans le sens d'une interrogation et d'une maturation beaucoup plus lente de la
réflexion sur l'ensemble de nos institutions, sur l'ensemble du
système politique qu'il faudrait procéder? Je suis bien d'accord
pour remettre en question les choses mais qu'on ne sorte pas un
élément de l'édifice, une brique de l'édifice pour
risquer de le voir s'écrouler.
M. JORON: C'est indiscutable qu'une transformation du mode de scrutin va
provoquer une attaque à l'intégrité de nos institutions
dans le sens qu'on les connaît aujourd'hui mais, d'autre part, ne pas le
faire, est-ce que ça risque de prolonger la vie désuète de
certaines de nos institutions? N'y aurait-il pas moyen de voir une
transformation du mode de scrutin comme un facteur d'accélération
d'une transformation souhaitée de nos institutions? N'est-ce pas par
là qu'il faut commencer?
M. LALANDE: Je n'ai pas éliminé cette possibilité
mais ma seule préoccupation, la préoccupation fondamentale que
j'ai, c'est que le moment ne me semble pas venu. Il me semble que ce serait
prématuré de le faire. Ce que je souhaite, c'est qu'une
commission dite technique poursuive l'étude de la question et qu'on
arrive à trouver des mécanismes dont les conséquences
pourront être plus ou moins grandes mais qu'on connaîtra avant de
mettre en marche le mécanisme de transformation. C'est le sens de mon
intervention. Je n'élimine pas la possibilité de réformes
même profondes mais j'estime que, dans l'état actuel de nos
connaissances, cela équivaudrait à tomber dans une espèce
de guet-apens. C'est ce contre quoi j'essaie de vous prémunir.
M. LAURIN: N'y a-t-il pas de danger que ce que vous appelez la prudence,
ne soit perçu par la population comme un autre nom pour le
conservatisme, le statu quo, le refus de tout changement, le refus de
l'évolution, eu égard justement de toutes les injustices dont
vous avez vous-même fait état?
M. PICARD: Quelle partie de la population? C'est toujours le même
groupe.
M. LAURIN: A la lumière des...
M. PICARD: C'est toujours le même groupe qui conteste.
M. LAURIN: Je ne parle pas de...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Docteur, me permettriez-vous une petite
question là-dessus? Est-ce que statistiquement vous avez une idée
de cette proportion de la population qui soit aussi friande que ça de
changements?
M. LAURIN: Vous savez, M. Tremblay, quand je vois des symptômes
comme les contestations qui ont eu lieu dans à peu près tous les
pays du monde, en tant que médecin je suis obligé de dire qu'un
symptôme correspond toujours à des changements invisibles,
profonds qui se manifestent à l'intérieur de l'organisme. Au
point de vue clinique, on est toujours obligé d'accorder une grande
attention aux symptômes parce que c'est à partir des
symptômes qu'on peut retrouver le cheminement qui nous mène
à la véritable pathologie, c'est-à-dire aux changements
structurels à l'intérieur de l'organisme et à
l'étiologie, c'est-à-dire aux causes qui mettent en danger la
santé d'un organisme mutatis mutandis s'il est permis d'extrapoler de la
biologie à la sociologie et Dieu sait que souvent il y a de bonnes
raisons pour ça. Je pense que c'est en toute bonne logique qu'on doit se
poser ces questions-là.
M. PINARD: Posez-vous la question si vos symptômes sont
réels ou fictifs, si ces symptômes ont été
créés de toutes pièces pour poursuivre une
idéologie quelconque, à ce moment-là le symptôme
n'est pas comme en médecine.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dr Laurin, je suis d'accord avec vous sur
votre analogie en matière de pathologie, etc. Une grippe ça peut
devenir grave mais quand tout le monde l'attrape cela passe ordinairement assez
vite.
M. LAURIN: Cela devient une épidémie et on sait que la
grippe a tué plus de gens que le cancer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Des grippes non malignes!
M. LE PRESIDENT: Alors je cède la parole au député
d'Olier, M. Picard.
M. CHARRON: Pour terminer sur la question du député de
Gouin...
M. PICARD: Ne me dites pas qu'on va recommencer cette chose-là. A
la dernière séance cela a été la même chose.
Questions subsidiaires et tout ce que vous voulez et finalement on n'a pas le
droit de parole.
Merci beaucoup, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Blank): ... vous êtes le quatrième
après M. Picard. Alors, M. Picard.
M. PICARD: M. Lalande, vous nous avez apporté, lorsque vous avez
fait votre exposé des éléments tout à fait
nouveaux, des explications et des précisions, je dirais, sur le
système allemand. Et, il y a une précision que vous avez
apportée qui m'a beaucoup frappé lorsque vous avez parlé
que tout le territoire de la République allemande était
divisé en onze länder qu'on pouvait facilement comparer aux dix
provinces canadiennes et qu'on a négligé dans le passé
d'étudier un peu plus dans les détails le système
électoral à l'intérieur d'un länd qui est beaucoup
plus ce qui devrait s'adapter à l'intérieur d'une province, du
système électoral à l'intérieur d'une province.
Maintenant, vous avez dit que dans le land Schleswig-Holstein il y avait 44
circonscriptions électorales qui choisissaient chacune un
député et que de plus il y avait 29 autres députés
choisis proportionnellement aux votes recueillis par les partis politiques en
présence.
Maintenant, vous êtes au courant que tout au long de ces
séances de la commission nous avons eu des personnes, des politicologues
qui ont suggéré l'établissement, au Québec, de
régions, comme par exemple, 90 députés élus "at
large" et disons 30 députés élus dans des régions
selon le vote proportionnel recueilli par chacun des partis politiques.
Maintenant, j'aimerais savoir si vous avez cette information, dans le
cas du länd Schleswig-Holstein, de quelle façon les 29 autres
députés sont-ils choisis dans ce lànd? Je ne parle pas des
44 qui sont probablement choisis de la façon conventionnelle. Vous avez
dit tantôt que la ville Hambourg faisait partie de ce lànd.
M. LALANDE: La banlieue de Hambourg fait partie du lànd du
Schleswig-Holstein mais pas la ville de Hambourg. La ville de Hambourg c'est un
lànd...
M. PICARD: C'est un lànd.
M. LALANDE: ... c'est un länd en soi, comme la ville de
Brême, par exemple, ou la ville de Berlin, en somme, qui constituent
autant de lànder urbains proprement dits.
Mais écoutez, pour répondre à votre question je
pense qu'autant au niveau du Schleswig-Holstein qu'au niveau
fédéral, le choix des députés est fait sur la
même base, est fait à partir de la proportion du vote recueilli
par un parti, et le choix des députés est fait à partir de
listes fermées, préparées par chacun des partis.
M. PICARD: Mais chacun de ces 29 députés, est-ce qu'il
n'est pas représentant d'un territoire donné ou s'il est tout
simplement représentant de tout le lànd? Chacun des 29 choisis
proportionnellement au vote donné au parti?
M. LALANDE: Je crois qu'il est représentant du lànd dans
son entier. Je ne pourrais pas vous l'assurer, mais je suis à peu
près certain qu'il est représentant au niveau du lànd, en
fait, le lànd dans son entier. Mais il est choisi à partir d'une
liste préparée par les partis eux-mêmes.
M. PICARD: Oui, alors il n'est pas question de régions.
M. LALANDE : Pas à ma connaissance.
M. PICARD: C'est parce qu'on avait parlé, par exemple, de 90
circonscriptions électorales je parle du Québec et
30 régions, et chacune d'elles pourraient élire un certain nombre
de députés proportionnellement au vote recueilli par les
partis.
M. LALANDE: Ecoutez, il faut, même s'il y a des similitudes entre
le lànd et nos Etats provinciaux, garder à l'esprit les
différences sur le plan géographique. Le lànd allemand a
la superficie d'un lànd allemand. Quand on dit que la ville de Hambourg
est un länd, vous voyez ce que ça peut donner. Ce n'est pas l'Etat
du Québec, ce n'est pas le territoire du Québec. Il me semblerait
donc, a priori, difficile de construire des régions à
l'intérieur d'un lànd aussi petit que le lànd du
Schleswig-Holstein ou de tout autre lànd allemand.
M. PICARD: Parce que, voyez-vous, dans ce lànd là,
à part la ville de Kiel, qui est la capitale, c'est une région
agricole.
M. LALANDE: Oui.
M. PICARD: Très agricole, l'industrie laitière y
prédomine. J'ai eu l'occasion de visiter de long en large...
M. LALANDE: C'est exact.
M. PICARD: ...toute cette région-là, ça saute aux
yeux. Vous n'avez qu'une grosse agglomération urbaine, c'est Kiel. Tout
le reste devient ce qu'on appelle ici des comtés ruraux. Est-ce que ces
comtés ruraux bénéficient d'une majorité de ces 29
sièges-là, ou bien si ce sont les centres urbains qui en
bénéficient?
M. LALANDE: Je pense qu'on ne fait pas la distinction, à mon
sens. C'est en rapport avec la
proportion du vote recueilli par les partis en lice.
M. PICARD: Merci, M. le Président. M. LE PRESIDENT: M. Assad.
M. ASSAD: M. Lalande, concernant le vote proportionnel, vous avez
parlé des effets à long terme. Je crois qu'avec le vote
proportionnel, ce sont les dangers qui sont à court terme plutôt,
la confusion que ça va peut-être créer. La question est:
Quels sont à votre avis les plus graves dangers, s'il y a de graves
dangers dans un système de vote proportionnel?
M. LALANDE: Ecoutez, je pense qu'on a beaucoup parlé des risques
ici; autant M. Meynaud que M. Meisel vous ont parlé des risques de
fractionnement des partis, risques d'affaiblissement des majorités et
des difficultés à constituer des gouvernements majoritaires. Mais
le risque, au point de vue des partis, je pense que c'est d'inciter ou
d'inviter le fractionnement. Essentiellement, c'est peut-être le risque
le plus grand; d'ailleurs, M. Meisel a été beaucoup plus
explicite, je pense, qu'à l'égard du Parti
québécois; il vous a dit que l'adoption d'une formule
d'inspiration proportionnelle risquerait de produire l'éclatement de ce
parti. C'est assez clair, ce sont les risques qu'on reconnaît partout
à toute formule proportionnelle.
M. ASSAD: Est-ce que les dangers sont seulement sur l'aspect politique
ou est-ce que ça peut avoir des rebondissements sociaux, disons?
M. LALANDE: Cela peut créer de la confusion dans les esprits,
ça peut amener une perte de confiance, une difficulté de la part
des citoyens à s'identifier au système, à
accélérer ou à accentuer le sentiment d'aliénation
que certains citoyens peuvent éprouver à l'égard des
élus du peuple. C'est un peu dans ce sens-là qu'on peut voir les
répercussions néfastes d'un tel système.
Mais il n'y a pas que des effets néfastes, il y a aussi des
avantages, on les a signalés ici. Le fait de pouvoir attirer dans les
partis de nouvelles personnalités, du sang nouveau, des types nouveaux,
ce n'est pas à négliger, il me semble, c'est précieux, je
pense.
En Allemagne, on est très satisfait de cette possibilité.
On arrive à amener dans le système politique et à
l'Assemblée nationale, au bundestag, des gens ou des
personnalités qui ne s'intéresseraient pas autrement au jeu
politique. Beaucoup de spécialistes, par exemple, viennent enrichir la
députation, viennent si vous voulez élever le
niveau des travaux de certaines commissions parlementaires. Ce n'est pas
à négliger, je pense. Il y a des avantages et des
inconvénients. Il s'agit de mesurer, de comparer les uns aux autres pour
voir si ça vaut le coup de modifier le mode de scrutin actuel.
M. ASSAD: Je suis d'accord qu'il y a des avantages. Aussi, la
possibilité de créer énormément de nouveaux
partis...
M. LALANDE: Oui, mais...
M. ASSAD: ... peut dans un sens être un obstacle à des
changements qui pourraient créer d'autres symptômes dont le Dr
Lalande parlait.
M. CHARRON: C'est ça l'avantage du plancher minimal de 5 p.c.
M. LALANDE: Vous avez évidemment, si vous ne prenez pas cette
précaution, le risque de voir proliférer vos formations
politiques, les groupuscules. Quand j'ai fait allusion tout à l'heure
aux Italiens ou aux Anglophones, vous auriez peut-être des embryons de
formation politique qui se prévaudraient du système pour
être représentés, pour défendre eux-mêmes
leurs intérêts à l'Assemblée nationale. Pour obvier
à cela, il faut trouver un obstacle technique qui est celui du seuil, du
plancher minimal. C'est là que ça devient extrêmement
difficile, extrêmement délicat délicat à
justifier aussi aux yeux de la population et aux yeux des
minorités intéressées.
M. ASSAD: Est-ce que le seuil de 5 p.c. a été une
expérience en Allemagne ou est-ce que...
M. LALANDE: On a commencé de façon arbitraire avec 5 p.c.
au niveau d'un länd et on s'est rendu compte que ce n'était pas
suffisant pour empêcher le pullulement des partis. On l'a donc rendu plus
difficile en disant: 5 p.c. au niveau de l'ensemble des länder,
c'est-à-dire pour l'ensemble du territoire national,
M. LE PRESIDENT: M. Charron.
M. CHARRON: M. le Président, je voudrais revenir sur la question
du plancher minimal. Vous me prêtez à tort la création de
l'expression, c'est Robert Doyle, le politicologue américain qui l'a
créée. J'ai trouvé curieux que la première
objection que vous ressortiez sur le système mixte allemand soit
précisément celle-là, parce que je la considère
comme étant précisément un désavantage dans le
système mixte allemand. Un des dangers qu'on reproche toujours à
la proportionnelle, surtout l'intégrale comme celle de l'Islande, c'est
de favoriser le cens, parce que tout le monde se dit: Puisqu'on va être
représenté de toute façon, on y va. Or, la création
de ce plancher minimal a fait qu'elle a restreint la création de partis.
La preuve en est que si vous craignez de voir naître un parti italien, un
parti irlandais, un parti anglais il y en a déjà un au
Québec pourquoi est-ce que cela ne s'est pas produit en
Allemagne? Il y a
une minorité anglaise, il y a une minorité de toutes les
nations, si vous voulez en Allemagne, sur une population de 65 millions. Ce
n'est pas né, précisément à cause de ce seuil de 5
p.c. qui ferait qu'au Québec on pourrait avoir la même
garantie.
Quant à la création de différents groupuscules,
comme vous les appelez, ou différents groupements politiques, ce ne sont
pas tellement les systèmes électoraux que les tensions
culturelles forcément ou les tensions sociales qui peuvent exister dans
une société qui vont les faire naître.
Je ne crois pas que l'adoption d'un système électoral,
quel qu'il soit, soit une cause de multiplication ou de diminution de partis.
Quand vous dites que cela serait dangereux parce qu'il suffirait qu'un parti
prenne 5 p.c. pour qu'il soit à l'intérieur de l'Assemblée
nationale, cela va véritablement dans le sens d'une
représentation. Un parti qui obtient 5 p.c. est déjà un
symptôme. On n'a pas à s'en inquiéter s'il ne prend que 5
p.c. Vous pouvez être sûr que sa représentation ne
dépassera pas un ou deux députés. Si un parti de 5 p.c.
pouvait obtenir le contrôle du pouvoir par coalition, vraiment, cela
pourrait devenir inquiétant.
Qu'un parti ou qu'une formation, qu'une idéologie politique
représente 5 p.c. d'une population, ce n'est pas mauvais qu'elle ait un
ou deux députés sur 120, par exemple, à l'intérieur
d'une Assemblée nationale. Cela ne met pas en danger l'équilibre
nécessaire qui peut exister au gouvernement d'une société.
Quand vous dites que le plancher minimal de 5 p.c. également pourrait
faire qu'un parti sérieux, établi pendant un moment donné,
serait menacé de disparition une fois tombé en bas des 5 p.c, ce
n'est pas ma faute et ce n'est pas de la faute de... Cela peut être la
faute d'une collectivité. C'est le droit d'une collectivité qu'un
parti qui l'a jadis servie, mais qui d'élection en élection a
perdu des votes, a fait une chute de 40 p.c. à 19 p.c, par exemple, soit
inévitablement appelé à la disparition. Je ne vois pas
pourquoi il faudrait prendre des mécanismes qui viseraient à un
moment donné à les préserver. Lorsqu'une
société juge que ce groupement politique ne représente
plus rien, mais n'est à toutes fins pratiques qu'un vestige politique
dans le décor, qu'il soit appelé à disparaître
à un moment donné, je ne vois pas pourquoi on voudrait le
préserver.
Le parti libéral allemand qui fait 5.8 p.c. depuis septembre
1969, je crois, à l'intérieur de l'Allemagne, en est un qui peut
être appelé à disparaître. S'il disparaît,
ça ne sera pas à cause du système mixte allemand ou quel
qu'il soit. C'est parce que le parti libéral allemand ne correspond
plus... Les allemands ne votent plus pour lui parce qu'ils ne trouvent plus
chez lui l'orientation suffisante à leur volonté nationale. Je ne
vois pas pourquoi on voudrait préserver, à moins de vouloir
nécessairement diviser un vote, des partis qui ne représentent
plus rien dans la société. Le plancher minimal de 5 p.c. est un
des bons aspects du système allemand. Je trouve fort curieux que vous le
mettiez comme étant... les doutes que vous avez là-dessus...
M. BLANK: M. Charron, les 5 p.c. dont vous parlez, ce sont les 5 p.c.
d'un bulletin simple comme dans les länder ou les 5 p.c. du
deuxième bulletin qu'on a au fédéral en Allemagne. Il y a
une grande différence entre cela.
M. CHARRON: Oui, je le sais et j'apprécie l'intervention du
député de Saint-Louis. D'ailleurs le programme de notre parti
aussi favorise le maintien du système actuel, sauf qu'il
préconise un correctif. Mais nous disons clairement, dans le programme
du parti, c'est la position que nous avons défendue à chaque
séance de cette commission...
M. BLANK: Il ne faut pas que...
M. CHARRON: ... Laissez-moi vous répondre, si vous le permettez.
C'est la position que nous avons maintenue à chaque séance de
cette commission. Nous sommes pour le scrutin uninominal à un tour tel
qu'il existe. Sauf que nous suggérons d'ajouter au nombre de
députés que nous sommes déjà, qui pourrait
être réduit en conséquence à 90, l'adoption d'une
trentaine qui, eux, viendraient comme correctif. Là les 5 p.c.
commenceraient à jouer. Mais le vote, le vote comme tel de
l'électeur dans le comté de Saint-Louis se ferait selon les
partis, c'est-à-dire que le bulletin de vote pourrait être
exactement le même que celui qui fut employé à notre
élection le 29 avril dernier. Sauf que, lorsqu'on s'aperçoit
qu'un parti, à travers l'ensemble du Québec, obtient 6 p.c. ou 7
p.c., donc il préconise, il représente déjà quelque
chose. On ne sait pas ce qui peut arriver dans l'évolution de la culture
politique que signalait le député de Gouin tout à
l'heure.
Il est normal que dans le lot de députés
réservés, ils aient droit à un ou deux, les 6 p. c. ou 7
p. c. normalement leur donneraient cela. Mais il est faux de prétendre,
d'essayer de mener le débat en disant: Les députés du
Parti québécois préconisent l'adoption du système
allemand intégral ou la proportionnelle intégrale. Nous
favorisons le système actuel. Ce que nous voulons, c'est un correctif
pour éviter les injustices et les querelles qui ont mené depuis
un an ou depuis...
M. BLANK: Pour commencer, le meilleur correctif serait la correction de
la carte électorale et on va voir quel résultat cela va amener.
Pour compléter le dossier de M. Lalande, il faut commencer par la carte
électorale.
M. CHARRON: Le député de Saint-Louis admettra avec moi que
la commission indépendante, je l'espère, qui sera chargée
de refaire la
carte électorale devra d'abord savoir dans quel système
nous allons fonctionner. Il est évident que, si nous adoptions ce que
nous proposons, le nombre de comtés serait nécessairement
réduit à 90. Je prends un exemple comme ça. Les membres de
la commission devraient dans l'élaboration de leur carte se dire: Il y a
30 députés qui seront ajoutés selon la volonté de
la population. Si nous disons aux membres de la commission indépendante:
Nous maintenons le même système, il s'agit tout simplement de
refaire la carte comme on l'a fait en 1964 ou 1965 je ne sais trop
enfin, avant l'élection de 1966... Il est évident que la
commission indépendante que je favorise, que le professeur Lalande
favorise, que je pense bien tous les membres de la commission
favorisent, enfin je l'espère, doit d'abord savoir le mode de scrutin
dans lequel cette carte va...
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le député de
Saint-Jacques et le député de Saint-Louis me permettraient sur ce
qu'ils viennent de dire... Le député de Saint-Louis disait que
déjà les modifications à la carte seraient un correctif
qui précéderait le changement du mode de scrutin. Je voudrais
demander à M. Lalande à quel point, dans son esprit, cela
pourrait être un correctif qui précéderait
déjà la modification de la carte électorale, qui serait de
nature à corriger les injustices du système actuel. Dans quelle
mesure est-ce qu'on peut apprécier cela?
M. LALANDE: J'ai beaucoup moins examiné la question de la carte
électorale que le mode de scrutin. Je crois que le professeur
André Bernard vous a dit au cours de son témoignage que la
révision de la carte électorale ne modifierait pas sensiblement
la situation actuelle. Mais là-dessus, je ne peux pas évidemment
porter de jugement. Je n'en sais rien. Je pense néanmoins qu'avec une
carte électorale mieux faite et bien sûr, puisque les 17
comtés protégés ont sauté, on arriverait
très probablement à éviter la situation de
l'élection de 1966. Je pense qu'à ce moment-là une telle
situation à mon sens ne se produirait pas avec une carte
électorale plus convenable. Néanmoins, il semble bien que la
carte électorale comme d'ailleurs M. Lemieux l'a établi
lui-même, ne soit pas vraiment le correctif idéal à mon
sens.
M. CHARRON: M. Lemieux a dit ici en commission qu'une carte
électorale plus juste, juste cela comme réforme, aurait
probablement apporté comme résultat je
réfère au journal des Débats 78 libéraux et
10 de chacun des partis.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le professeur Lemieux a été
obligé d'admettre que sa base de calcul n'avait absolument rien de
scientifique. Il s'agissait d'une pure hypothèse de travail.
M. HARDY: C'était...
M. PICARD: Qu'est-ce qu'elle vaut quand vous ne savez même pas
quelles seraient les limites des nouveaux comtés?
M. CHARRON: En les calculant en proportion de...
M. PICARD: De quelle façon va-t-il calculer les limites des
nouveaux comtés s'il ne les connaît même pas? Comment
pouvez-vous faire un calcul sur cette base-là?
M. LALANDE: Je voudrais dire qu'il y a une légère
différence. Je suis pour le correctif, mais je ne suis pas porté
à aller chercher le correctif dans le mode de scrutin ou dans une
modification au mode de scrutin, dans la façon d'élire les
députés. Je verrais plutôt un autre mécanisme qu'on
pourrait utiliser en certains cas seulement, dans des cas d'injustice flagrante
ou dans des cas où le système serait conduit de façon
particulièrement déréglée. On pourrait
peut-être appliquer le correctif exceptionnellement, plutôt qu'un
correctif dans le sens préconisé ici, qui vise à corriger
l'ensemble de la situation. C'est là que je suis moins d'accord.
Je suis pour le correctif, mais pas dans un sens qui aurait une
portée générale et permanente.
M. CHARRON: A quel endroit voyez-vous le correctif?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas une façon radicale en somme, mais
un petit mécanisme qui permettrait d'apporter cette correction.
M. LALANDE: Par exemple, pour être concret, vous avez actuellement
d'ailleurs c'est l'objet même de nos préoccupations
un écart qui me paraît sensible et que je trouve regrettable entre
la proportion du vote recueilli par le Parti québécois et la
proportion des sièges des membres de ce parti à
l'Assemblée nationale l'écart est de 17 p.c. ou 18 p.c.
Cela me semble excessif.
Un écart de 12 p.c. ou de 10 p.c. me dérangerait moins. Je
me demande si, dans l'hypothèse où une telle situaion se
représenterait, il ne serait pas possible à ce moment-là
de réduire l'écart jusqu'à un niveau acceptable, parce que
la question d'injustice vous en conviendrez comme moi existe
à partir du moment où on la sent, où on la perçoit,
c'est subjectif ça. S'il y a des gens qui estiment actuellement qu'ils
subissent une injustice, on doit les prendre au sérieux et je pense
qu'à ce moment-là il y aurait lieu de trouver avec un peu
d'imagination une façon d'y arriver.
Je verrais un correctif dans ce sens-là plutôt que de
bouleverser notre carte, de créer des régions et de modifier
sensiblement, dans le sens de la proportionnelle, notre mode de scrutin. Mais
je m'arrête là parce que je n'ai pas fait ce travail, mais je
souhaiterais que d'autres
qu'une commission d'étude, une commission technique s'y
applique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lorsque l'injustice est vraiment
perçue. Mais lorsqu'il y a accident et que 60 p.c. des gens qui se
disaient lésés, laissent le parti pour lequel ils avaient
opté, à ce moment-là, ce sont eux-mêmes qui
corrigent l'injustice.
M. LALANDE: Il faut accepter dans notre mode de scrutin qu'il est
inévitable qu'il y ait des écarts entre le pourcentage des votes
recueillis et le pourcentage des sièges obtenus. Cela est
inhérent au système. Maintenant, lorsqu'un parti subit les
conséquences que j'appelle détraquées, du système
et que cela semble exagéré, à ce moment-là il y
aurait certainement lieu de trouver le correctif approprié. Je voudrais
ajouter un mot sur l'intervention...
M. PICARD: Vous ne croyez pas qu'on ne devrait tout de même pas
perdre le nord si on a eu un petit accident le 29 avril dernier et commencer
à tout vouloir chambarder.
M. LALANDE: C'est tout à fait dans le sens de mes propos. Ce que
je préconise est un correctif minimal. C'est un correctif quand
même qui rétablirait la situation et qui permettrait à des
gens de se sentir moins lésés qu'ils se sentent actuellement, par
le système.
M. PICARD: Ne seriez-vous pas d'accord pour retarder l'application d'un
tel correctif après une deuxième expérience, par exemple
les élections de 1974? On verrait s'ils existent encore ces partis.
M. LALANDE: Il n'est pas question, dans mon esprit, de corriger la
situation actuelle. Cela serait de prévoir un correctif qu'on
appliquerait au moment de la prochaine consultation électorale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si l'accident doit se reproduire, là il
y aurait une signification et le correctif aura une valeur.
M. LE PRESIDENT: M. Laurin.
M. LALANDE: Vous me permettrez...
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, M. Lalande.
M. LALANDE: ...peut-être d'ajouter une remarque aux propos du
député de Saint-Jacques. Je pense qu'il a mal compris le sens de
mes propos antérieurs sur le système mixte allemand. Je n'ai pas
porté de jugement sur le plancher minimal, sur la clause des 5 p.c.
Là où je ne suis pas ceux qui utilisent ou s'inspirent du
système allemand c'est dans la transposition, dans le contexte
québécois d'une telle clause. Je trouve pour ma part, assez
surprenant qu'on dispose de la question dans votre document de travail, dans le
document de travail du Parti québécois, dans un paragraphe ou
deux. On dit: "Les modalités allemandes en ce qui touche
l'élimination des partis marginaux sont transférables au
Québec. En fin de compte, le choix des mesures de contrôle
seraient toujours, en grande partie, arbitraires." Vous disposez, à mon
sens de la question d'une façon un peu trop...
M. CHARRON: Si on allait jusqu'au dernier paragraphe.
M. LALANDE: Oui. "Mais en aucune façon ces mesures ne doivent
servir au parti déjà installé pour empêcher la
concurrence normale par des groupements sérieux." Alors c'est ça
qui m'inquiète particulièrement et c'est l'absence de
référence à d'autres formules, comme celle de M. Lemieux
ou celle de M. Bonenfant, de toute référence à cette
clause qui est indispensable. Je trouve, comme M. Charron, que cette
clause-là, tant dans le système allemand que dans le
système québécois, à l'état
d'hypothèse, évidemment, est indispensable. Mais je pense qu'on
procède à la légère en disant: D'accord, les 5 p.c,
on les transpose au Québec, il n'y a pas de problème. A partir du
moment où ces 5 p.c. seront inscrits dans votre Loi électorale,
eh bien pour ceux qui connaissent un peu les groupes de pression vous aurez,
quel que soit le parti au pouvoir, beaucoup de difficulté à vous
en tenir à ce seuil. On fera toujours des pressions à droite et
à gauche pour le faire varier. Et, à ce moment-là, vous
ouvrez la porte à toutes sortes d'excès et, à mon sens,
c'est là le danger.
M. CHARRON: Je pense que vous confondez deux choses dont j'ai
parlé en même temps. Le principe d'un plancher minimal dans un
système comme celui-là est le nombre suggéré, 5
p.c. Selon nous, pour une population électorale de 3.5 millions
d'habitants, pour une société comme le Québec, ce
chiffre-là qui est adopté par les Allemands pourrait être
essayé ici. En aucun temps nous ne perdrions le droit de faire ce que
les Allemands ont fait eux-mêmes, c'est-à-dire si nous voyons que
ces 5 p.c. n'assurent pas la concurrence normale par des groupements
sérieux ou au contraire tendent à l'éliminer, nous pouvons
jouer avec la marge, comme les Allemands l'ont fait, vous l'avez cité
vous-même. Vous me direz si j'ai tort. Dans votre intervention, c'est au
principe même d'un plancher minimal que vous en aviez plutôt qu'aux
5 p.c. Si ce n'est qu'aux 5 p.c, alors on peut ouvrir un nouveau débat.
Moi, je peux bien vous dire que les 5 p.c. qui sont là, c'est notre
croyance nous ne sommes pas des experts et ça pourrait être
à des experts de le déterminer qu'ils joueraient justement
le rôle que nous souhaitons leur voir jouer. Certains diront que c'est 7
p.c, d'autres diront que c'est 4 p.c, d'autres diront que c'est à
condi-
tion que ce soit dans trois régions. On peut le trouver. Mais
qu'on distingue bien clairement et je veux que ce soit clair dans votre
esprit aussi que l'adoption du principe d'un plancher minimal est une
chose, le chiffre, et la modalité de ce plancher minimal-là en
est une autre. C'est tout.
M. LE PRESIDENT: M. Laurin.
M. LAURIN: Etant donné l'heure, je vais abréger mon
intervention, M. le Président. Je voulais juste dire que l'optique dans
laquelle il me semble que les partis doivent se situer dans l'étude
actuelle, c'est la recherche d'un système qui va non pas
pénaliser ou favoriser tel parti donné, mais plutôt la
progression de la justice ou de l'idéal démocratique et je pense
bien que, cette optique-là, on devra toujours la remettre devant nos
yeux.
Deuxièmement, le spécialiste que nous avons entendu
aujourd'hui a pris plaisir à souligner les omissions des autres experts,
ce qu'ils ne nous ont pas dit, ce qu'ils auraient dû nous dire.
Il y aurait peut-être une autre façon d'envisager
ça. Les autres spécialistes ont mis l'accent sur des
problèmes ou sur des facettes du problème qui correspondent le
plus à leurs études ou à leur mentalité. En ce sens
le spécialiste que nous avons entendu aujourd'hui a mis l'accent sur
certaines facettes du problème qui correspondent davantage à son
expérience. Je pense que cet accent, que cet éclairage, que ces
éclairages finissent par se compenser mutuellement. Il ne faudrait quand
même pas oublier que nous aussi, membres de la commission, ayant
été instruits par tous ces spécialistes, et ayant
poursuivi nos études de notre côté, nous avons pu
compléter le tableau un peu comme les impressionnistes qui, avec des
taches, finissent par faire des chefs-d'oeuvres.
Troisièmement, je remarque aussi que le spécialiste que
nous avons entendu ce matin a avoué que, dans l'absolu, la
proportionnelle est la meilleure. Bien sûr, il a dit tout de suite
après qu'il n'y avait rien de nouveau sous le soleil, que plusieurs
expériences ont été tentées, juste à
côté de nous, et qu'il serait utile de les examiner. Je dois
avouer que l'échec de ces tentatives ne me rend pas extraordinairement
pessimiste.
M. HARDY: ... optimiste.
M. LAURIN: Non, parce que je me rends compte que dans l'histoire des
idées, on s'est approché de la vérité par
approximations successives. Il ne faut jamais cesser de remettre la même
idée sur l'enclume pour voir s'il n'y a pas de meilleure façon de
la concrétiser dans les faits. Mais il y a un point plus important
cependant qui m'est venu à l'idée pendant que le professeur
Lalande parlait. Dans l'analyse qu'il a faite des sytèmes qui ont
été mis en vigueur, soit dans les autres provinces, soit dans les
autres pays, y compris dans l'étude qu'il nous a citée du
professeur Ray et qu'incidemment nous connaissions parce que nous l'avions
étudiée, l'approche est surtout analytique et l'approche est
surtout pragmatique. C'est-à-dire qu'on analyse post hoc des
expériences qui ont eu lieu.
Cela me semble insuffisant dans le sujet qui est soumis à notre
attention. Comme le député de Gouin l'a montré, nous
sommes en pleine pâte humaine. Il y a des changements également
qui ont lieu dans les mentalités, dans les structures sociales. Il me
semble qu'il faut compléter cette approche scientifique, analytique,
pragmatique, par une autre approche qui, elle, est plus déductive, plus
normative, et qui est plus déductive aussi, et qui fait davantage
état des principes qu'affectionne particulièrement le
député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, M. le Président, le
député de Chicoutimi affectionne beaucoup les principes en
général. Comme nous sommes en une matière mouvante
où il y a beaucoup d'impondérables, je crois qu'il faut appliquer
la méthode inductive d'abord, s'inspirant évidemment de certains
principes fondamentaux.
M. LAURIN: Je suis plutôt le partisan d'une fécondation
réciproque des méthodes inductives et déductives...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est ce que fait un esprit bien
organisé.
M. LAURIN: Je pense qu'il ne faudrait pas privilégier
indûment l'une ou l'autre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais moi, je mets l'accent sur l'essentiel et
non pas sur les accidents de parcours.
M. LAURIN: L'essentiel n'est jamais dans l'incidence, dans l'induction,
dans l'empirisme. L'essentiel, habituellement, on le retrouve au niveau des
prinicpes.
UNE VOIX: C'est très thomiste.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme conclusion, si vous voulez, M. le
Président.
M. HARDY: Je ferais remarquer au député de Bourget que ce
matin il est très thomiste.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très thomiste, et il va offenser son
collègue de Saint-Jacques.
M. LAURIN: De toute façon, je retiens aussi, de l'exposé
que nous avons entendu ce matin, la nécessité d'un correctif.
J'émettrais simplement le voeu que ce correctif ne soit pas
trouvé après des études qui se prolongent
encore d'une façon indéfinie, et qui reculent d'autant
plus l'avènement d'une véritable démocratie au
Québec.
M. PICARD: Après 1974.
M. HARDY: Est-ce que c'est à moi, M. le Président?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. HARDY: M. le Président, si d'autres députés
membres de la commission n'ont pas de questions à poser au
témoin-expert, je terminerai ma courte intervention par une proposition
d'ajournement.
M. AUDET: M. le Président, j'aurais une question.
M. HARDY: C'est pour cela que je voulais bien m'assurer que personne
d'autre n'avait de questions à poser à M. Lalande.
M. AUDET: M. Lalande, on parlait tout à l'heure de certains
correctifs éventuels qui pourraient peut-être prendre forme
éventuellement lorsqu'on verrait certains symptômes qui
justifieraient ces correctifs. Nous verrions peut-être ces correctifs
prendre aussi figure de pénalisation, à l'endroit de ces
symptômes apparents. Croyez-vous qu'il serait bon, lorsqu'on parlera de
ces correctifs, de tenir compte du pourcentage de participation de certains
territoires? Par exemple, si un certain territoire ne se préoccupe pas
beaucoup, s'intéresse plus ou moins à la participation au vote,
s'il y a 5 p.c. seulement des électeurs qui vont voter et que 5 p.c.
s'adonnent à verser surtout pour un parti que pour un autre. S'il y
avait un correctif peut-être qu'on pourrait lui donner figure de
pénalisation en tenant compte du pourcentage de participation de ce
territoire donné.
M. LALANDE: Oui, cela me semble aller de soi. Néanmoins, dans mon
esprit, le correctif, je ne l'envisageais pas dans les deux sens. Je ne
l'envisageais pas dans le sens de la pénalisation parce qu'autrement il
suffirait tout simplement de passer à un autre mode de scrutin, d'aller
dans le sens d'une formule de représentation d'inspiration
proportionnelle. Vous n'avez pas le choix. Si vous voulez, à toutes fins
utiles, corriger les maux inhérents au mode de scrutin actuel, à
ce moment-là, avec tous ces maux-là, vous devez modifier le
système. Pour moi, le correctif ce n'était que pour obvier aux
inconvénients majeurs, les plus sérieux et les plus regrettables
et non pas dans l'autre sens. Parce que, à mon sens, le système
est ce qu'il est.
M. AUDET: Vous admettez quand même qu'il y a un
déséquilibre lorsqu'il y a une faible proportion des
électeurs qui vont s'acquitter de leur droit de vote et que cette
proportion peut verser surtout vers un parti.
Donc, le territoire en question serait accordé à un parti
en particulier qui aurait la grande proportion du vote donné, mais qui
proportionnellement aurait l'ensemble du vote, mais ne représenterait
infiniment pas la totalité.
M. LALANDE: C'est toute l'idée des régions. Je pense que
c'est une idée qui est pleine de bon sens.
M. PICARD: Ne croyez-vous pas que cette pénalisation pourrait
devenir à un moment donné un instrument comment dirais-je
de préjugés à l'endroit d'une certaine partie de la
population du Québec comme, par exemple, à l'endroit des centres
urbains?
M. AUDET: On pourrait peut-être l'appeler autre que
pénalisation. On pourrait peut-être l'appeler une justification
parce qu'en somme voter est un droit. Si les gens ne votent pas,
automatiquement il y a peut-être un parti plus qu'un autre qui profitera
du scrutin et qui...
M. PICARD: Cela serait un genre de discrimination à l'endroit de
certains secteurs de la province.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais cela, M. le Président, "it is just
too bad". Si les gens ne veulent pas aller voter, ce n'est quand même pas
la faute de qui que ce soit. Il faut les motiver. Alors, M. Audet, vous
êtes un spécialiste de la motivation ayant appartenu aux
Bérets blancs et ayant encore votre béret, m'a-t-on dit,
j'imagine que vous êtes capable de motiver les gens pour que votre
région soit représentée...
M. AUDET: Je n'ai pas à me plaindre dans mon coin. Ils votent
à un haut pourcentage...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont eux qui ont à se plaindre.
M. HARDY: Est-ce qu'ils votent à 110 p.c. chez vous?
M. AUDET: A 90 p.c.
M. HARDY: M. le Président, je pense qu'à ce stade-ci de
nos travaux, des travaux de la commission, on peut constater que nous sommes en
face d'une masse assez considérable de témoignages, d'opinions
qui peuvent sûrement alimenter très valablement la
réflexion de chacun des membres de la commission.
Je me demande s'il ne serait pas temps que nous suspendions l'audition
de témoins pour permettre non seulement aux partis comme tels mais aux
membres de la commission de faire le point sur cet ensemble d'opinions que nous
avons entendues. C'est une première constatation.
D'autre part, ayant toujours à l'esprit les espèces de
prérequis ou de nécessités d'en arriver à des
décisions, tel que l'a mentionné le
président général des élections dans son
témoignage, je suis en mesure de faire part à la commission que
d'ici la fin de juin évidemment il y a certaines
difficultés, d'abord la Chambre sera probablement appelée
à siéger d'une façon plus accélérée,
d'autre part, il y a des congés, en particulier, notre fête
nationale, le 24 juin et il est difficile pour le moment de préciser la
date d'une façon absolue, mais je suis, dis-je, en mesure de dire aux
membres de la commission que, d'ici la fin de juin, le premier ministre fera
part à la commission de certaines suggestions concrètes en
particulier quant aux deux sujets suivants: les systèmes
électoraux et la refonte de la carte électorale. Ces suggestions,
je pense bien, tiendraient compte d'un consensus des différents partis,
des différents membres de la commission. Dans cette optique, je me
demande s'il ne serait pas préférable aujourd'hui d'ajourner sine
die, parce que je retiens cette idée que la Chambre devra siéger
d'une façon accélérée, il y a d'autres commissions
qui doivent siéger...
M. PAUL: Il y a la commission des bills privés et des bills
publics.
M. HARDY: Il y a la commission des bills privés et des bills
publics jeudi prochain. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu aujourd'hui
d'ajourner nos travaux sine die toujours en ayant à l'esprit et
ceci, je suis en mesure de l'affirmer d'une façon absolue
qu'éventuellement la commission devrait se réunir d'ici la fin de
juin, lorsque le premier ministre aurait des propositions concrètes
à soumettre aux membres de la commission concernant les deux questions.
Par la suite, suivant le désir des membres de la commission, nous
pourrions fixer un autre calendrier pour ce qui concerne les autres
problèmes sur lesquels nous nous sommes entendus au comité
directeur. Ce sont le financement des partis, les sondages électoraux,
la Loi de contestation des élections, la Loi électorale, enfin
tous les sujets que nous avons, au comité directeur, convenu
d'étudier à la commission. Tenant compte de ces différents
faits que je viens de souligner, je me demande s'il ne serait pas bon que nous
ajournions aujourd'hui sine die. C'est ce que je propose.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis d'accord, M. le Président.
Adopté.
M. LAURIN: Adopté en ce qui me concerne, avec une petite
réserve cependant. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que le
comité directeur se réunisse à nouveau pour fixer une
nouvelle série de réunions pour l'étude des autres...
M. HARDY: D'ici la fin de juin? M. LAURIN: Oui.
M. HARDY: Personnellement je n'ai pas d'objection...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Aussitôt que possible.
M. HARDY: ... comme le comité-directeur est composé d'un
représentant de chaque parti, il est assez facile de s'entendre entre
nous pour fixer une date. Je retiens la suggestion du député de
Bourget.
M. LAURIN: J'émettrais aussi le souhait que les suggestions
concrètes faites par le premier ministre nous conduisent au respect du
calendrier qui nous a été tracé par le président
général des élections.
M. HARDY: Je pense bien que le premier ministre est très
conscient, respecte beaucoup l'opinion qui a été formulée
par le président général des élections et je peux
sans risque de me tromper vous dire que les propositions concrètes que
le premier ministre serait appelé à faire respecteraient
sûrement les exigences de calendrier formulées par le
président général des élections.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'ailleurs, elles seront faites sous toutes
réserves de l'examen par la commission.
M. HARDY: Le premier ministre fera des propositions à la
commission.
M. LE PRESIDENT: Je tiens à remercier notre témoin, M.
Gilles Lalande, cela m'a permis de le revoir après de nombreuses
années passées ensemble sur les bancs de l'école.
J'espère qu'il y aura d'autres occasions pour l'inviter à venir
nous éclairer à l'occasion d'études subséquentes
des travaux de la commission.
M. LAURIN: Je joins mes remerciements à ceux du
président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai déjà dit ce que je pensais
du témoignage de M. Lalande. Je veux lui réitérer nos
remerciements et le féliciter. Je souhaite vivement que nous puissions
le revoir ici, l'interroger sur des sujets qu'il nous proposera, qu'il
indiquera au président.
M. LAURIN: Une dernière question. Est-ce que le
député de Terrebonne croit opportun comme l'idée a
déjà été émise à la commission
que chacun des partis d'Opposition fassent tenir au gouvernement une sorte
d'énoncé final de ces propositions ou suggestions sur les deux
sujets qui ont été étudiés?
M. HARDY: Je pense que la proposition du député de Bourget
serait si des partis sont prêts à faire des suggestions
finales très valable, parce que le parti ministériel
étant très ouvert, très disponible, très
désireux de connaître ce que les partis d'Opposition ont à
faire valoir, il est évident que nous serions très heureux de
recevoir les recommandations et les suggestions des partis d'Opposition.
M. LE PRESIDENT: La politique d'ouverture.
(Fin de la séance 12 h 45)