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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 27 mai 1971 - Vol. 11 N° 43

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale

Séance du jeudi 27 mai 1971

(Neuf heures quarante-neuf minutes)

M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Il me fait plaisir de saluer la présence de M. Gilles Lalande, le directeur du département de science politique de l'Université de Montréal, qui est appelé ce matin comme témoin expert à notre commission. Est-ce que nous sommes prêts?

M. HARDY: M. le Président, je veux tout simplement souhaiter la bienvenue à M. Lalande et comme je désire — comme tous les membres de la commission sûrement — profiter le plus rapidement possible de ses lumières, je fais taire immédiatement mon verbe.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, moi de même. Je souhaite la bienvenue à M. Lalande. Nous espérons naturellement obtenir de lui beaucoup de lumière. Nous allons le considérer comme le témoin hardi par excellence.

M. DUMONT: Nous vous souhaitons, M. Lalande, la plus cordiale bienvenue et nous écouterons avec attention toutes vos recommandations pour une meilleure réforme électorale.

M. LAURIN: Moi de même, M. le Président.

M. HARDY: M. le Président, j'imagine que cela conviendrait aux membres de la commission que nous procédions comme avec les autres témoins, c'est-à-dire que le témoin nous fasse non pas une déclaration ministérielle, mais un exposé préliminaire et par la suite, les députés pourraient sans doute interroger M. Lalande. Est-ce que cela convient à tous les membres?

M. LE PRESIDENT: Il s'agit toujours des modes de scrutin?

M. HARDY: Oui, oui. Il est entendu que nous voulons... Je sais que M. Lalande pourrait nous éclairer sur une foule de questions à commencer par les relations du Canada avec la Chine ou le Japon, mais il est bien entendu que ce matin nous devons circonscrire le champ de nos délibérations aux systèmes électoraux.

UNE VOIX: ... et à la carte.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous aurons l'occasion de le ramener d'ailleurs.

M. HARDY: Oui, oui. Je suis sûr que M. Lalande, si nous devions l'interroger sur d'autres sujets, se ferait un plaisir de revenir devant la commission.

UNE VOIX: Devant la commission permanente des affaires étrangères...

M. HARDY: Vous brûlez les étapes.

Mode de scrutin

M. LALANDE: M. le Président, MM. les députés, c'est un plaisir et un honneur pour moi de témoigner devant cette commission dont les travaux sont de la première importance pour l'avenir de notre régime démocratique.

Comme on m'invitait à le faire, je limiterai ce matin mon témoignage à cet aspect de la réforme électorale qui porte sur le mode de scrutin ou la formule électorale. Je me propose toutefois de vous faire d'abord un exposé que j'aimerais terminer avant de me prêter aux questions que vous pourriez avoir sur le sujet. Je crois que cette façon de procéder me permettra de répondre à certaines préoccupations que j'ai cru déceler à la lecture des procès-verbaux des séances antérieures de cette commission.

J'espère aussi pouvoir stimuler, par la même occasion, la réflexion et la discussion sur l'ensemble de ce problème. Je vous dirai, en guise d'introduction, que vos travaux ont déjà fait ressortir les principales questions que vous devez vous poser quant à savoir s'il faut maintenir ou transformer le mode actuel de scrutin au Québec.

La plupart, sinon toutes les personnalités que vous avez entendues jusqu'ici, depuis le président général des élections, Me François Drouin, jusqu'au professeur John Meisel, la semaine dernière, ont touché d'une façon ou d'une autre à ce qu'on peut appeler les problèmes fondamentaux. M. Jean-Charles Bonenfant, par exemple, a justement tenté de définir pour vous les caractéristiques de tout système électoral en régime démocratique.

M. Jean Meynaud, lui, a évoqué, avec beaucoup d'à-propos, le vaste problème de l'insertion du système électoral dans une culture politique donnée. MM. André Bernard et John Meisel ont fort pertinemment souligné la nécessité de définir les objectifs, les valeurs du système électoral avant d'en modifier le mode de scrutin qui est un de ces éléments constitutifs.

Je vous dirai également que j'ai été frappé par la justesse des observations faites par les membres de cette commission, au cours des témoignages entendus. A la lecture des procès-verbaux des séances antérieures, j'ai acquis la conviction que les praticiens de la politique pouvaient poser des questions tout aussi fondamentales que les témoins qui comparaissent devant eux.

Je me permettrai d'ailleurs, dans un moment, de relever au moins deux questions que je considère comme très importantes, qui ont été soulevées par le député de Chicoutimi, M. Jean-Noël Tremblay et par le député de Montréal-Saint-Jacques, M. Claude Charron. Je le ferai d'autant plus volontiers que ces questions n'ont pas trouvé l'écho qu'elles méritent de la part de cette commission.

Je voudrais cependant vous faire part en premier lieu de considérations que je qualifie volontiers de générales sur l'ensemble de la question du mode de scrutin et plus particulièrement sur la façon dont cette question me semble avoir été posée jusqu'ici au Québec.

Je tiendrai compte, dans la mesure du possible, de ce qui a été dit ou de ce qui a été écrit chez nous sur le sujet au cours des récentes années, des déclarations principales des hommes politiques, des ouvrages publiés, des articles parus dans les journaux de Montréal, des documents de travail et des manifestes de partis politiques ou d'organismes parapolitiques et, bien entendu, des travaux de cette commission.

Pour avoir pris connaissance de tout ce dossier, je vous avouerai au départ en avoir retiré trois impressions principales. La première est que plusieurs personnes ou organismes au Québec sont arrivés dans un laps de temps relativement court à se former un jugement catégorique sur notre mode actuel de scrutin et sur l'opportunité de le transformer dans le sens de la représentation proportionnelle. La deuxième impression est que ceux qui préconisent au Québec la transformation de notre mode actuel de scrutin dans le sens de la représentation proportionnelle, le font habituellement à partir ou en fonction des résultats de l'élection du 29 avril 1970. La troisième impression que j'ai est que le système électoral de la République fédérale d'Allemagne exerce chez ces mêmes personnes ou ces mêmes organismes une fascination qui n'a fait que croître depuis 1966.

Or, si ces impressions générales qui sont les miennes s'avèrent fondées, je ne suis pas certain que l'on pourra dire dans un avenir rapproché que le problème du maintien ou de la réforme du mode de scrutin au Québec a été bien posé. Je partirai néanmoins de ces impressions pour me livrer avec vous à un exercice de réflexion commune.

Partons, si vous le voulez bien, du premier thème à savoir que plusieurs personnes ou organismes au Québec sont arrivés dans un laps de temps relativement court à se former un jugement catégorique sur notre mode actuel de scrutin et sur la question de l'opportunité de le transformer dans le sens de la représentation proportionnelle. Ce n'est pas à vous que j'ai à dire que ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on parle au Québec de réforme électorale.

L'assainissement des moeurs électorales, le contrôle des dépenses électorales, le financement des partis politiques, pour ne citer que quelques thèmes, sont restés de façon quasi permanente à l'ordre du jour de nos discussions politiques.

Certes la qualité de notre vie démocratique exige qu'on y revienne sans cesse. La carte électorale a aussi fait couler beaucoup d'encre. Jusqu'à récemment les maux qu'on se plaît aujourd'hui à prêter au mode de scrutin on les attribuait presque invariablement à la carte électorale. On parlait volontiers de redécoupage de cette carte. On parlait de l'amenuisement des écarts entre circonscriptions rurales et urbaines, mais jamais ou presque jamais se serait-on hasardé à remettre en question la formule électorale ou le mode de scrutin, le caractère uninominal du vote ou la structure du bulletin de vote. Les distorsions que produisaient les consultations électorales, on les faisait porter d'emblée à la carte électorale.

Il est intéressant de constater que quelques-uns parmi la jeune faune de politicologues québécois n'ont découvert que récemment l'importance du mode de scrutin, donc, sa responsabilité partielle dans le résultat des élections. Il y a toujours eu, bien sûr, ceux qui ont traité ou ceux qui continuent de traiter de cette question en termes de justice, en termes d'équité, en termes moraux.

M. Bonenfant, par exemple, ne se cache pas pour dire qu'il préconise depuis dix ans une forme de représentation proportionnelle.

M. HARDY: Est-ce que vous le considérez dans la jeune faune?

M. LALANDE: Vous me permettrez de ne pas répondre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le phénix renaît de ses cendres!

M. LALANDE: D'ailleurs, vous savez que M. Bonenfant vous a déclaré ce qui suit: "Je trouve scandaleux qu'un parti n'ait pas en Chambre une représentation populaire qui corresponde au nombre de votes qu'il a obtenus." Il ajoutait, dans la même veine: "Je pense que le premier but que nous devons rechercher c'est qu'il y ait autant que possible identité entre la proportion des parlementaires élus et la proportion des votes populaires." C'est là une position de principe qui a le mérite d'être claire.

Un autre politicologue québécois, M. Robert Boily, s'est inscrit lui aussi assez tôt dans ce courant d'appui à la proportionnelle ou à une forme de représentation proportionnelle pour le Québec. Sa prise de position remonte à novembre 1966, au douzième congrès de la Fédération libérale du Québec dans un atelier qui portait précisément sur le thème: La réforme de notre système électoral. L'argumentation de M. Boily s'appuyait, tout comme celle de M. Bonenfant, sur l'idéal démocratique à atteindre au Québec, sur la situation de multipartisme et sur le pluralisme idéologique qu'on sentait poindre à l'horizon à ce moment.

D'ailleurs, M. Bonenfant et M. Lemieux ont repris devant vous la plupart de ces arguments et je n'insisterai pas pour en faire un relevé exhaustif. M. Bonenfant parlait de la multiplicité des partis, M. Lemieux de société pluraliste et de situation qui n'est plus une situation homogène. Tout cela pour justifier une certaine forme de représentation proportionnelle.

En résumé, on peut dire que leurs avancés montrent que le mode de scrutin actuel fausse le jeu démocratique parce qu'il n'assure pas cette identité entre le vote populaire et le pourcentage des sièges recueillis par les partis et, deuxièmement, que le mode de scrutin actuel ne convient pas à la situation de multipartisme que nous connaissons au Québec depuis un an.

Il faut bien comprendre que ces arguments n'ont rien de neuf et que la polémique qu'ils ont engendrée a toute l'allure d'un débat classique qui est celui qu'a connu l'Angleterre il y a cent ans, entre deux éminents esprits politiques, John Stuart Mill et Walter Bagehot qui, l'un et l'autre, ont fait valoir les mérites du système majoritaire uninominal à un tour que nous connaissons, et ceux de la représentation proportionnelle et de ses innombrables variantes.

Je crois qu'on peut dire qu'on peut être d'un côté ou de l'autre, sans se déshonorer, bien sûr. Il est bien clair que la formule proportionnelle est de beaucoup préférable, si on se place dans l'absolu.

Rien n'égale à mon sens la représentation proportionnelle intégrale du point de vue de la justice distributive, et cette représentation proportionnelle, vous le savez, place la légitimité de la victoire électorale dans la fidélité de la répartition ou dans l'identité, en somme, entre la répartition du vote populaire et la répartition des sièges à l'Assemblée nationale.

Cette représentation proportionnelle assure que le Parlement est le reflet de tous les courants d'opinion dans une population donnée. Mais, — on vous l'a signalé, je pense, abondamment — vous connaissez les désavantages nombreux de la représentation proportionnelle et de ses diverses formes. D'où, bien sûr, la nécessité qu'on a ressentie d'élaborer des variantes même au Québec, qu'on qualifie tantôt de mitigées, de modérées. Mais c'est évidemment tout à fait dans la même veine avec des possibilités extrêmement variées, extrêmement complexes de calcul mathématique. Je n'ai qu'à vous référer ici à l'excellent article de M. Meynaud dans une des dernières livraisons de la revue "Forces" de l'Hydro-Québec, sur les systèmes électoraux.

A l'opposé de cette formule d'inspiration proportionnelle, il y a, bien sûr, la nôtre, la formule du scrutin à la majorité simple. A proprement parler, vous savez que c'est une formule pluralitaire, selon laquelle est reconnu gagnant celui qui obtient plus de voix que n'importe lequel de ses concurrents. La caracté- ristique de cette formule est qu'elle n'implique pas de relation fixe entre le nombre de voix recueillies par le gagnant et le nombre total de votes déclarés valides.

Il peut arriver que le gagnant ait une majorité absolue. Il peut arriver par contre, d'autant plus fréquemment que le vote est sollicité par plus de formations politiques, que le gagnant n'ait que la pluralité des voix.

Mais ce qu'il est important de noter au passage, c'est que la légitimité des victoires dans ce système, dans cette formule et dans l'obtention de la majorité ou de la pluralité, contrairement à la légitimité, au critère de légitimité, qui est celui que j'ai signalé tout à l'heure, qui est dans l'identité, entre le pourcentage des voix et le pourcentage des sièges, ceux qui acceptent cette base de. légitimité parlent, dans le cas de notre système, de majorité relative. Ceux qui ne l'acceptent pas parlent de victoire par une minorité. Il y a certes, à mon sens, une logique dans cette formule, qu'on peut appeler une règle du jeu, dans la mesure où elle s'applique à tous et à tous les niveaux d'une consultation électorale.

On serait malvenu, avec ce mode de scrutin, de contester la légitimité de certaines victoires. Ainsi, je cite de mémoire la victoire du député de Saint-Jacques, avec une proportion du vote, selon évidemment qu'on retienne le nombre total des votes ou le nombre des votes valides, de 30 p.c. ou 35 p.c. On serait malvenu de contester la légitimité de cette victoire si on la compare à celle, par exemple, du Dr Goldbloom, ou celle de Madame Kirkland-Casgrain, qui tous les deux ont obtenu de larges majorités, des majorités absolues. Cela n'enlève rien, à mon sens, à la légitimité de la victoire, que d'aucuns pourraient qualifier de victoire d'une minorité, dans le cas du député de Saint-Jacques.

Ainsi, la victoire du Parti libéral d'avril 1970, à la pluralité des voix, est aussi légitime, dans ce système, que la victoire de l'Union Nationale à la majorité absolue en 1948, en 1952, en 1956. On a eu raison d'ailleurs de comparer l'élection ou les élections, dans de telles circonstances, à une course où celui qui gagne est celui qui arrive avant l'autre, au poteau. Quelle que soit son avance sur son plus proche rival, d'où l'expression anglaise, qui est fort juste: "First passed the post".

Etant donné que la règle veut qu'il faut faire mieux que le meilleur de ses concurrents, cette formule comporte par définition un élément de risque, un élément de chance, mais non pas un élément de hasard, parce que celui qui la comprend bien, je pense, peut réduire et éliminer le hasard s'il fait les efforts nécessaires.

Mais il ne peut pas éliminer l'élément de risque ou de chance qui est inhérent à cette formule.

Vous me pardonnerez de vous avoir imposé ces premières considérations que vous jugerez peut-être élémentaires. Si je les fais, c'est pour

suggérer ou pour montrer qu'il me semble que ce dont nous souffrons actuellement, pas tant au niveau de la population, qui comprend presque instinctivement cette règle du jeu, qu'au niveau de certaines élites, d'une incompréhension de notre propre système ou du système actuel, du mode de scrutin actuel. C'est pour montrer aussi que si on va au fond des choses, c'est là qu'il faut revenir, c'est aux valeurs, c'est à la légitimité dans ce système des victoires électorales. On peut certes dire que notre mode actuel de scrutin ne vise pas à refléter tous les courants d'opinions ni à traduire le plus fidèlement possible ceux parmi ces courants d'opinions qui méritent l'appui d'une majorité relative. On peut même dire que le système pluralitaire est le moins susceptible d'arriver à la proportionnalité, ce qui, à mon sens, n'infirme en rien sa légitimité, même lorsque les résultats d'une consultation électorale entraînent des distorsions de l'ordre de celles qu'on a connues au cours de l'élection du 29 avril 1970, ce qui m'amène à mon deuxième thème ou impression générale.

C'est que ceux qui préconisent au Québec la transformation de notre mode actuel de scrutin dans le sens de la représentation proportionnelle le font habituellement à partir ou en fonction de l'élection du 20 avril 1970. En plus des arguments à caractère philosophique qu'on fait valoir pour remettre en question notre formule électorale, ce sont les résultats de la dernière élection provinciale qui apportent les raisons les plus percutantes à l'appui du changement de notre mode de scrutin. On part du fait indéniable d'écarts entre la proportion des candidats élus par parti et la proportion du vote obtenu par les partis en lice pour faire plus ou moins porter l'odieux d'une telle situation sur la formule électorale ou le mode de scrutin. Il ne s'agit plus ici de ceux qui sont convaincus que la formule proportionnelle est plus juste que la formule pluralitaire. Il s'agit de ceux qui, sur le plan technique, estiment que la formule à la majorité simple pénalise indûment les tiers partis et que, par voie de corrollaire, elle accorde une prime jugée trop considérable au parti qui est sorti le plus fort de la consultation électorale.

C'est un jugement que je ne suis pas loin de partager. C'est en tout cas un jugement qui se défend parfaitement. Si je ne souscris pas entièrement à ce jugement, c'est que, compte tenu de ce qu'on en est en droit de s'attendre de la formule pluralitaire, la preuve n'est pas faite et ne peut pas être faite du degré de responsabilité du mode de scrutin par rapport à celle découlant de la carte électorale ou même de la structure du bulletin de vote.

Je ne peux admettre qu'il y ait incompatibilité entre notre mode actuel de scrutin et le multipartisme. Je ne peux pas admettre que les tiers partis souffrent nécessairement ou également du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour. Et je ne peux pas admettre qu'on dise que notre mode actuel de scrutin est cause d'injustices graves. Et encore moins si on prétend qu'un système de représentation proportionnelle pourrait être la solution à toute injustice électorale.

Mais je vais m'expliquer. Je regarde d'abord du côté du reste du Canada et je constate que le système majoritaire uninominal à un tour n'a pas empêché l'enracinement d'une situation de multipartisme. Pour ce qui est de la scène fédérale, le Canada est même l'exception à la règle générale qui veut qu'il y ait une relation de cause à effet entre la formule pluralitaire et le système bipartite.

Et on retrouve d'ailleurs la même exception en sens inverse pour la formule d'inspiration proportionnelle. Vous savez que l'Autriche et bientôt l'Allemagne fédérale qui utilisent tous les deux une formule d'inspiration proportionnelle ont conduit à un système bipartite ou presque bipartite.

Pour ce qui est de la pénalité qui échoirait aux tiers partis, un auteur fort connu du Canada anglais, Allan Cairns a démontré dans un article portant sur le système électoral et le système de partis au Canada entre 1921 et 1965 que le parti des créditistes avait le plus souvent reçu un pourcentage plus élevé de sièges que le pourcentage du vote qu'il avait recueilli: en 1935, 1940, 1945, 1949, 1953, 1957, 1968.

Ceci n'est cependant pas vrai du Nouveau parti démocratique, du NPD fédéral, qui lui, a toujours reçu un pourcentage de sièges inférieur au pourcentage du vote qu'il recueille.

Pourtant le NPD dont on peut dire qu'il a toujours été à l'avant-garde de la réforme électorale n'a jamais préconisé, à ma connaissance, l'adoption d'un autre mode de scrutin que celui que nous avons.

Cette formule pluralitaire n'a pas empêché le NPD ou le CCF avant lui d'accéder au pouvoir en Saskatchewan et au Manitoba. Ce n'est pas le mode de scrutin actuel qui l'empêche de poursuivre sa montée en Ontario. On pourrait faire la même remarque à l'égard du Crédit social en Alberta et en Colombie-Britannique. Il est assez ironique de constater que c'est pour avoir modifié la formule électorale en Colombie-Britannique que le second parti de l'Opposition de l'époque, le Crédit social, s'est retrouvé au pouvoir en 1952. L'expérience de la Colombie-Britannique fut d'ailleurs de courte durée avec un mode de scrutin différent de celui que nous avons. Deux élections seulement en 1952 et en 1953, après quoi les résultats ayant été peu conformes aux prévisions on décida de revenir au système de la majorité relative.

De fait, il vous intéressera peut-être que j'élabore quelque peu sur cette expérience qui me semble intéressante puisque c'est bien de cela qu'il s'agit ici. Il me semble que l'intérêt pour nous ce serait d'aller voir dans les autres provinces canadiennes ou ailleurs en pays étrangers les expériences faites en modifiant le mode de scrutin.

J'ai dit que l'expérience de la Colombie-Britannique fut de courte durée. Celle de 1952 qui a permis au Crédit social de se retrouver au pouvoir a été mise à l'essai par la coalition de l'époque entre libéraux et conservateurs qui gouvernaient la province pour affaiblir les positions du premier parti de l'Opposition, le CCF, où la lutte se faisait à trois candidats. Ce système, je l'ai dit, a donné des résultats contraires à ce qu'on en attendait. Les libéraux et les conservateurs qui auraient obtenu respectivement neuf sièges ou trois sièges avec le scrutin majoritaire que l'on connaît se retrouvèrent avec six sièges et quatre sièges respectivement. Le CCF perdit trois sièges donc ne garda que 18 des 21 sièges qu'il aurait eus avec le système majoritaire tandis que le Crédit social en gagnait cinq et se retrouvait vainqueur avec 19 sièges alors qu'il ne menait que dans quatorze circonscriptions. Il n'aurait obtenu que ce nombre de sièges si on avait gardé le système majoritaire uninominal à un tour. Ce que je vous raconte se passait en 1952. Le Crédit social consolida sa position l'année suivante et le retour au scrutin majoritaire uninominal à un tour en 1956 ne modifia en rien sa position dominante sur la scène politique de la Colombie-Britannique puisque, comme vous le savez, c'est encore lui qui est à la tête du gouvernement de cette province en 1970.

On a fait le même genre d'expérience au Manitoba et en Alberta dans les circonscriptions rurales à un siège. Cette expérience, comme en Colombie-Britannique, était de substituer au mode de scrutin que l'on connaît celui que l'on appelle le vote alternatif. A la différence de la Colombie-Britannique, cette expérience fut faite parallèlement, d'ailleurs j'en parlerai dans un moment, avec une expérience à la proportionnelle dans des régions urbaines. En alberta, le système du vote alternatif fut utilisé de 1926 à 1959 dans des circonscriptions rurales à un siège. Il appert à l'étude des résultats des élections tenues au cours de cette période que les effets du système sont négligeables. Sur les 237 députés élus au cours des cinq élections tenues durant cette période, sept furent élus au second tour, bien qu'en seconde place après le premier dépouillement du scrutin.

Au Manitoba, le vote alternatif ne fut utilisé dans les circonscriptions rurales à un membre qu'au cours des trois élections de 1927, de 1932 et de 1936. Dans tous les cas il s'est agi tout simplement de passer d'une formule, à la majorité relative, à une formule à la majorité absolue qu'implique le vote alternatif. On a même essayé au Canada anglais l'application d'une formule de représentation proportionnelle cette fois la formule Hare, du nom de son inventeur ou celle du vote unique transférable. D'ailleurs, pour des explications précises sur les modalités de chaque type, soit le vote alternatif ou le vote unique transférable, je pense que M. Meynaud en a donné des définitions très claires sur lesquelles on pourrait évidemment revenir dans un moment si vous le souhaitez.

Donc, une formule de représentation proportionnelle a été utilisée au Canada anglais, celle du vote unique transférable. On présente d'ailleurs cette formule comme la modalité anglaise de la représentation proportionnelle. Et, selon Maurice Duverger, c'est une proportionnelle qui écarte le scrutin de liste. C'est contestablement l'une des plus complexes des formules qui existent. Mais c'est néanmoins le parfait mélange, en quelque sorte, du vote alternatif emprunté au système majoritaire et du scrutin d'inspiration proportionnelle. Cette formule a été utilisée dans trois régions métropolitaines de l'Ouest, celle de Calgary, d'Edmonton et de Winnipeg.

Au Manitoba, il faut remonter en 1916 pour retrouver, en somme, le débat ou les débuts du débat qui ont conduit à l'adoption de ce système. Cette année-là, la représentation proportionnelle était l'un des principaux articles du programme du Canadian Council of Agriculture qui, comme tous les mouvements réformistes à cette époque, visait à l'instauration d'une société démocratique se rapprochant de l'idéal égalitaire.

Pour ce mouvement, la représentation proportionnelle était perçue comme le moyen de contrôler la machine politique et de briser la domination exercée par les conservateurs et les libéraux de l'est du pays sur la province. Il y a eu une campagne de presse intense qui a suivi, qui a été menée d'ailleurs par le Winnipeg Free Press à l'époque et le Green Growers Guide en faveur de son adoption dans la région de Winnipeg. Le résultat a été un amendement apporté en 1924 à la Loi électorale du Manitoba constituant le grand Winnipeg en une circonscription de douze sièges qui devaient être pourvus au moyen de la formule Hare de la représentation proportionnelle ou du vote unique transférable.

Avec quelques modifications quant au nombre de sièges, le système fut en vigueur à Winnipeg, simultanément d'ailleurs avec le vote alternatif dans les régions rurales jusqu'en 1955. Cette année-là, la majorité des membres de la Législature manitobaine votait en faveur de l'abolition entière du système, donc du retour à notre mode de scrutin. Winnipeg étant redivisée en circonscriptions d'un membre chacune et le bulletin ordinaire étant utilisé dans les régions rurales comme dans les régions urbaines depuis lors, les effets principaux de ce mode de scrutin ou cette expérience sont difficiles à évaluer faute de renseignements sur chacune des étapes. On sait cependant que, même s'il a permis dans la région métropolitaine de Winnipeg la constitution de certains petits partis — d'ailleurs c'est inévitable avec l'adoption d'une forme ou d'une autre de proportionnelle — cela s'est fait dans des limites extrêmement raisonnables et le pire que l'on pouvait appréhender ne s'est pas produit.

En Alberta, le système Hare du vote unique transférable a fonctionné en 1926 à 1959 et nous avons encore peu de détails sur la petite

histoire de ce mode de scrutin. Mais nous pouvons dire que quelques années avant son apparition, soit en 1919, le Hare Span System avait été utilisé avec succès au cours de l'élection des officiers de la convention des United Farmers of Alberta. C'est venu dans les deux cas de groupes réformistes agraires qui ont finalement réussi à faire accepter leurs idées au niveau politique dans leur province respective.

Contrairement au Manitoba, les résultats d'élections permettent d'évaluer les conséquences précises de ce système par rapport au scrutin majoritaire. Il appert qu'elles sont minimes. Selon un auteur, Terence Walter, qui fit une analyse comparative des résultats d'élections à Calgary et à Edmonton en 1952 et en 1955, la proportionnalité atteinte avec le vote unique transférable n'est pas tellement plus grande qu'avec le scrutin majoritaire uninominal à un tour, puisque, sur 56 élus au cours de ces deux élections, seulement quatorze d'entre eux n'étaient pas en première position au cours du premier dépouillement du vote. Selon le même auteur, en ce qui concerne la position respective des partis, le système du vote unique transférable offre très peu d'avantages sur le mode majoritaire.

On peut même dire que la combinaison des deux modes de scrutin a une influence nulle sur le système des partis dans cette province quant à la proportionnalité.

Si l'on s'en tient à un autre article de Simon Martin Lipset sur la démocratie en Alberta, l'ensemble des résultats d'élection en cette province en 1926 et 1954 démontre que les partis d'opposition furent rarement représentés au sein de la Législature provinciale pendant cette période. Et quoique n'ayant jamais reçu plus que 55 p.c. des votes, le parti gagnant s'est toujours vu octroyer, par le système électoral, la presque totalité des sièges.

Pour être en mesure de comparer les effets respectifs, évidemment, de ce mode de scrutin et de celui qui est en utilisation depuis 1959, il faudrait voir dans quelle mesure le système de partis a évolué depuis 1955 et, dans ce cas, dans quelle mesure ces modifications sont le fait du nouveau mode de scrutin ou, au contraire, une caractéristique propre du système politique dans cette province.

Voilà pour les expériences au niveau des autres provinces canadiennes. Mais le Canada fédéral, lui, n'est pas resté insensible à ces vogues. La formule Hare de la proportionnelle, donc du vote unique transférable, a connu — comme je viens de le dire — sa vogue au niveau fédéral, mais ne dépassa jamais le stade de la discussion du projet. Déjà, après la Confédération ou au début du siècle, la question suscitait beaucoup d'intérêt. En 1877, un comité avait été nommé par la Chambre des communes pour faire rapport sur ce mode de scrutin. Mais les discussions qui s'ensuivirent ne donnèrent pas de résultats concrets et aucun rapport ne fut jamais fait.

En 1909, une autre résolution fut adoptée pour qu'on procède de nouveau à l'étude du problème de la représentation proportionnelle. Mais encore là, aucune suite.

Dans les années vingt, le débat reprend de l'ampleur avec l'apparition sur la scène fédérale canadienne, aussi bien que sur les scènes provinciales, de tiers partis qui remettent en question le bipartisme canadien, conséquemment le rendement du système ou du scrutin majoritaire uninominal à un tour.

En 1923, le principe du vote alternatif est endossé unanimement par la Chambre des communes. Les projets de loi présentés par le gouvernement libéral à son sujet obtinrent même une première lecture en 1924, 1925, tandis qu'il en est fait mention dans le discours du trône de 1927.

En 1934, c'est au tour des conservateurs à la tête desquels se trouve McNicolls de s'attaquer à la question du vote alternatif en obtenant la première lecture d'un projet de loi destiné à faire l'expérience de cette variante du mode de scrutin majoritaire dans les élections fédérales de Saskatchewan. Et au cours de l'un des débats de la Chambre des communes relatifs à cette question, M. Mackenzie King lui-même dissipa, si l'on peut dire, toute équivoque au sujet de la question du vote alternatif et de la proportionnalité en déclarant ce qui suit: "I am in favour of the alternative vote and I am also in favour of proportionnal representation."

Puis, plus rien jusqu'en 1958 où une nouvelle discussion s'amorce sur le sujet et, depuis la question ne dépassa jamais le stade de la simple proposition en comité.

Tout ceci pour vous dire que de nombreuses expériences et que de nombreuses discussions ont eu lieu au Canada sur l'objet même, en somme, de l'étude que vous faites dans le cadre de votre commission. Il ressort de tout cela qu'il y a, au Canada anglais, un vaste réservoir d'expériences ou d'expérimentations en matière de mode de scrutin. Et je m'étonne qu'on n'en ait pas fait état dans ce que j'ai pu lire ou entendre dans le cadre du débat en cours au Québec sur cette question. Nos concitoyens de langue anglaise ont les mêmes préoccupations que nous. Et on peut dire et on peut voir qu'ils se sont éveillés à la question du mode de scrutin depuis un bon moment.

A la différence de ce qui se passe chez nous leurs auteurs, leurs spécialistes, leurs experts prennent généralement la précaution de faire porter leur analyse sur une longue période de façon à englober plusieurs élections. C'est le sens, si vous voulez, de mon intervention sur ce thème. Je regrette pour ma part que cette discussion soit conduite à partir et en fonction des résultats d'une seule élection.

J'ai cité l'article d'Allan Cairns qui est un exemple du genre, qui a déclenché un débat fort intéressant au Canada sur l'importance du système électoral sur le système des partis, ou

les conséquences que peut avoir le système électoral sur le système des partis.

L'idée de la représentation proportionnelle applicable dans des milieux urbains seulement remonte à 40 ans. Au Canada anglais, c'est Paul Fox dans un article récent qui nous le confirme. C'est une idée et d'ailleurs les expériences dont je viens de faire état l'indiquent bien. Pour poursuivre cette réflexion sur l'impression que j'ai du débat au Québec, je crois devoir me tourner maintenant vers un ouvrage publié en 1967, aux Etats-Unis, par un auteur du nom de Douglas Ray, sur les conséquences du mode de scrutin ou du système électoral sur la vie politique. Pour ceux qui seraient intéressés à jeter un coup d'oeil, c'est un fort petit ouvrage, extrêmement bien fait, extrêmement rigoureux dans son analyse "The Political Consequences of Electoral Law".

Cet auteur auquel le professeur Meynaud a fait une large place dans son article dans "Forces" est malheureusement inconnu ou ignoré de la plupart de ceux qui se sont intéressés à la question au Québec. Je fais exception dans le cas de M. Meynaud puisqu'il lui a accordé une large place dans son article. Je fais aussi exception dans le cas d'un article publié conjointement par MM. Vincent Lemieux et Jean Crête dans le Devoir où l'ouvrage de Ray était en note de référence.

C'est pourtant l'ouvrage le plus sérieux en la matière. Son auteur procède, dans cet ouvrage, à une analyse scientifique du résultat de 117 élections tenues dans 20 pays du monde occidental, durant une période de 20 ans, du 1er janvier 1945 au 1er janvier 1965. Donc, vingt pays différents, vingt systèmes électoraux différents qu'il regroupe d'ailleurs en quatre catégories, mais il les a tous: on a l'éventail complet dans ces vingt systèmes électoraux de toutes les variations sur les systèmes. D'ailleurs son auteur dégage trois variables dans ces systèmes électoraux: la formule électorale ou le mode de scrutin, la dimension des circonscriptions et le nombre de députés par circonscription et la structure du bulletin de vote. Donc, une analyse rigoureuse, systématique, hautement mathématisée et comparative de résultats d'élections sur une longue période, qui permet à l'auteur de formuler une série de propositions générales qui sont du plus haut intérêt. Par exemple, et je vous fais grâce de la lecture de toutes les propositions qu'il dégage.

Par exemple, la première est que la plupart des systèmes électoraux ont des effets analogues sur la compétition, entre partis. Que les systèmes électoraux tentent à avantager les partis qui obtiennent une large part des suffrages. Ceux-ci conduisent presque toujours, quels qu'ils soient, à donner plus que sa part proportionnelle de sièges au parti qui obtient la plus large part du vote populaire. Par voie de conséquence, que les systèmes électoraux "fabriquent" parfois des majorités parlementaires lorsqu'une majorité ne se dégage pas du vote populaire. Que les modes de scrutin d'inspiration majoritaires, soit à la majorité absolue, soit à la majorité relative, accroissent habituellement de tels effets. Inversement, que les modes de scrutin d'inspiration proportionnelle ont tendance à produire une distribution des sièges plus sur la base proportionnelle que les modes de scrutin à la mojorité absolue ou à la majorité relative. Il y a là une vérité de La Palice qu'il est bon de ramener en surface. La valeur de proposition générale équilibre, je pense, dans les deux sens, les affirmations quant aux deux principaux modes de scrutin, bien que Ray, l'auteur que je cite ici, relève une exception à la dernière règle qui veut que la proportionnelle conduise à la proportionnalité par définition. L'exception, ce sont les élections d'Islande de 1959, tenues sous une formule d'inspiration proportionnelle. Elles ont produit un taux de déviation extraordinaire de 7.2 p.c. sur l'ensemble des sièges, dans la répartition des sièges entre partis.

D'ailleurs, Ray ajoute à ce propos: "La représentation proportionnelle n'est pas une solution parfaite à l'injustice électorale et, par ailleurs, les élections tenues à la pluralité des voix n'entraînent pas toujours de graves injustices." Voilà des affirmations et une conclusion, un jugement de quelqu'un qui a examiné sérieusement et systématiquement 117 résultats d'élections dans 20 pays différents, systèmes électoraux différents. On peut penser ce qu'on voudra de ces propositions générales. Il n'est pas interdit de les constater. Le professeur Meynaud s'interroge lui-même dans son article sur la validité de certaines conclusions que Ray tire de ses observations. Mais j'ose croire que de telles conclusions méritent quand même qu'on s'y arrête. Elles méritent un peu plus de respect, je pense, que celles qu'on peut faire sur une seule élection. Mais il faut bien admettre que la base d'analyse de Ray est tout de même plus satisfaisante que celle qu'utilisent au Québec ceux qui préconisent l'adoption du système mixte allemand pour obvier aux inconvénients du mode actuel de scrutin. Ce qui m'amène à mon troisième thème qui est la fascination qu'exerce sur ceux qui préconisent une transformation du mode de scrutin dans le sens de la proportionnelle, le système allemand.

Il est peut-être significatif que nous ayons découvert, au Québec, le système allemand, au moment où les Allemands eux-mêmes, sous la grande coalition des années 1966-1969, commençaient à réexaminer la possibilité d'adopter le mode de scrutin majoritaire à un tour. Sauf erreur, le professeur Boily, le premier, a fait référence en public au système mixte allemand en novembre 1966, chez les libéraux. Je vous avouerai que ce qui m'étonne encore plus vient du fait que ceux qui ont préconisé jusqu'ici au Québec l'adoption du système mixte allemand ou ceux qui s'en sont inspirés l'ont tous fait à partir du système électoral fédéral allemand. Vous conviendrez avec moi qu'il aurait été plus

logique, a priori, de partir du mode de scrutin d'un des Etats fédérés, d'un des "länder" que de partir du système électoral fédéral puisque, à ce que je sache, le Québec est un Etat fédéré et non un Etat fédéral.

On dirait que la question est sans importance, puisque le mode de scrutin en usage dans les onze länder allemands, l'équivalent de nos Etats provinciaux est essentiellement le même qu'au niveau fédéral, à savoir une formule électorale d'inspiration proportionnelle.

Je rétorque à ceci que les modalités d'application de ce mode de scrutin diffèrent plus qu'on ne l'imagine, selon qu'on est au niveau fédéral, selon qu'on est au niveau des lander, au niveau provincial, en République fédérale d'Allemagne. J'en donnerai des exemples dans un moment.

J'ajoute cependant que la question en elle-même me paraît importante. Cette question a d'ailleurs été soulevée ici par le député de Chicoutimi, dès le début des premières réunions de cette commission. Et le problème est le suivant: c'est la situation du Québec à l'intérieur de la fédération canadienne. Je cite M. Tremblay, du 19 janvier 1971: "Il nous faut songer à ce que sera le Québec de demain et quelles seront ses relations avec les autres Etats membres de la fédération canadienne."

J'estime qu'on doit, à tout le moins, se demander s'il serait opportun de modifier le mode de scrutin au Québec dans un Etat fédéré, de manière que nous ayons éventuellement, côte à côte, des modes de scrutin qui pourraient, à la rigueur, être fondamentalement différents, dont les critères de légitimité seraient différents. Imaginez au Québec qu'on adopte un mode de scrutin à la majorité absolue et qu'au niveau du fédéral dans les circonscriptions électorales fédérales qu'on ait le même mode de scrutin que celui que nous avons actuellement, à majorité simple.

Est-ce qu'il n'y a pas là, en principe, une source ou un élément de confusion dans l'esprit des électeurs et des citoyens? La question mérite qu'on s'y arrête. On ne peut pas non plus ignorer — comme je le laissais entendre il y a un moment — qu'il y a des différences importantes de modalités entre le mode de scrutin fédéral et celui des länder. Contrairement à ce qui existe au niveau fédéral, il n'est pas vrai que la moitié des candidats soient élus dans tous les länder par le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour, et que l'autre moitié, elle, soit élue sur une base proportionnelle.

Cela est vrai au niveau fédéral. Cela n'est plus vrai, pas nécessairement vrai au niveau des lander. L'Etat ou le land du Schleswig-Holstein dans le nord de l'Allemagne, un peu au nord de Hambourg, par exemple compte 44 circonscriptions électorales qui élisent chacune à la majorité simple un membre à la diète de Kiel, donc un député par circonscription, élu avec le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour qui est le nôtre.

Il y a toutefois 29 autres députés qui s'ajoutent à ces 44. Ils sont élus sur la base du pourcentage des votes recueillis par les partis en liste. Donc une formule d'inspiration proportionnelle comme au niveau fédéral mais un système dans lequel 29 députés sur 73 ou 40 p.c. et non pas 50 p.c. comme au niveau fédéral, sont élus à partir d'une liste unique présentée par les partis.

Il est à remarquer qu'en dépit de cette répartition 60 p.c.-40 p.c. versus 50 p.c-50 p.c. néo-fédérale entre députés élus au scrutin majoritaire et députés élus au scrutin de liste ce n'est que le 27 avril dernier que pour la première fois depuis la création de la République fédérale un parti ait réussi à remporter la majorité absolue des sièges à la diète de ce länd. Il aurait donc fallu 22 ans pour arriver même avec ce mode de scrutin à une majorité absolue des sièges dans ce länd du Schleswig-Holstein.

Voilà qui n'est peut-être pas trop rassurant pour ceux qui préconisent l'adoption au Québec d'un système mixte allemand même sous une forme dite modérée ou mitigée. Il y a par ailleurs une autre modalité importante qui diffère selon qu'on est au niveau fédéral ou selon qu'on est au niveau des länder. Cette modalité a trait au bulletin de vote. On vous a dit que l'électeur allemand disposait d'un double bulletin de vote: l'un qui lui permet de voter pour la personne ou pour le candidat de son choix et l'autre pour le parti de son choix. Cela est exact au niveau fédéral mais pas au niveau des lânder où le bulletin de vote oblige l'électeur allemand comme chez nous à voter à la fois pour l'homme et pour le parti.

On a aussi omis de vous dire que, pour la première élection tenue en Allemagne fédérale après la guerre de 1949, le bulletin de vote fédéral était celui encore en usage au niveau des lànder. Ce n'est qu'à partir de la deuxième élection, celle de 1953 après avoir modifié la Loi électorale fédérale qu'on est passé du bulletin que l'on connaît au double bulletin dont on a fait état au niveau fédéral.

Enfin il y a la fameuse clause des 5 p.c. dont on ne sait pas assez qu'elle a non seulement varié dans le temps mais dont on ne sait pas assez qu'elle souffre d'exceptions tant au niveau fédéral pour ce qui est de la Bavière par exemple, un des Etats fédérés, qu'au niveau de certains lànder notamment le Schleswig-Holstein.

Ce qui aurait été important de vous signaler ici, c'est que cette clause n'a pas été immuable en République fédérale allemande. Au moment de la première élection en 1949, la clause stipulait que, pour avoir le droit d'être représenté au Bundestag, à l'Assemblée nationale fédérale, tout parti devait recueillir ou avoir recueilli 5 p.c. du vote dans un länd ou avoir obtenu un mandat direct, avoir un de ses membres élu à la majorité simple. A l'élection de 1953, ces 5 p.c. sont passés du niveau du länd à l'ensemble du territoire allemand et le mandat direct est resté attaché à cette stipulation tout en maintenant à

l'élection de 1956, qu'un parti devait recueillir 5 p.c. du vote national pour avoir droit d'être représenté au Bundestag. On passait d'un mandat direct à trois mandats directs. C'était ou 5 p.c. du vote national ou trois mandats directs.

Ce qu'il est important de noter ici c'est que la tendance a été de rendre plus difficile la condition nécessaire pour obtenir le droit de représentation des partis à la diète fédérale.

En Bavière on a ajouté dans le même sens qu'un parti devait recueillir 10 p. c. du vote dans l'une des quatre régions de ce länd en plus d'obtenir 5 p. c. dans l'ensemble du länd pour s'assurer du droit d'être représenté à la diète.

Par ailleurs, dans d'autres länder comme dans le Schleswig-Holstein, on a établi que le parti de la minorité danoise, par exemple, qui porte le sigle SSW, que lui seul ne serait pas soumis à la règle du minimum des 5 p. c. pour entrer à la diète locale. Or, cette modalité qui conditionne le droit pour un parti d'être représenté à l'Assemblée législative me paraît être, pour nous, d'une importance capitale dans l'hypothèse de l'adoption au Québec d'un système qui pourrait être le système mixte allemand. Pourquoi? Le député de Saint-Jacques, M. Charron, a soulevé lui-même cette question ici même à la séance du 18 mars dernier en parlant de plancher minimal pour la représentation à l'Assemblée nationale. Il adressait sa question à M. Bonenfant. Si j'ai bonne mémoire, M. Bonenfant lui a répondu qu'il ne savait pas comment fixer ce plancher minimal, qu'il estimait qu'il faudrait mettre les mathématiciens et les machines dans le jeu pour le calculer de façon scientifique.

Eh bien! ma question est la suivante: A-t-on envisagé un moment ce que pourrait produire au Québec l'introduction, dans les circonstances actuelles, d'un système électoral s'inspirant de la représentation proportionnelle sans ce genre d'obstacle, sans cette clause d'arrêt, sans ce plancher minimal pour avoir droit d'être représenté à l'Assemblée nationale? Je ne réponds pas. Je pose la question parce que ma crainte est la suivante : Ne risquerait-on pas ainsi d'inciter tel ou tel groupe ethnique ou linguistique minoritaire à mettre sur pied leur propre formation politique, assuré qu'il serait d'être représenté sur une base proportionnelle à l'Assemblée nationale? Ainsi, nous pourrions avoir un parti italien, par exemple, ou un parti allemand ou un parti juif ou un parti grec et je ne retiens que les groupes minoritaires au Québec qui, au recensement de 1961, avaient des nombres de 30,000 ou 35,000 en montant, les Italiens étant les plus nombreux, autour de 83,000. J'exagère un peu, bien sûr, mais moins lorsqu'on songe à l'invitation que cela pourrait représenter pour la minorité anglophone qui, comme vous le savez, peut les contenir tous et fait autour de 20 p. c. de la population.

On me dira: Nous aurons une clause comme celle des 5 p. c. en République fédérale d'Allemagne. Oui. Mais laquelle? Celle de 1949 ou celle de 1953? Celle qui s'appliquera à la région de Montréal ou celle qu'on appliquera à telle ou telle autre région? On me dira aussi que cette clause sera établie de façon telle qu'elle prévienne cette calamité. Oui, mais comment? A partir de quel critère?

Y aurait-il des exceptions comme pour la minorité danoise dans le Schleswig-Holstein? Voilà une question qui me paraît importante, et je vous l'avoue, qui m'embarrasse singulièrement. Je trouve encore pour le moins surprenant que ceux qui se sont inspirés du système mixte allemand ne se soient pas arrêtés à ce détail, ce détail important. C'est une modalité mais une modalité que j'estime très importante dans notre situation.

A-t-on voulu ainsi faire passer plus vite telle ou telle formule électorale nouvelle? A-t-on tout simplement cru à l'inutilité d'un tel obstable? En fait, je me demande si on a suffisamment étudié le système mixte allemand lui-même, si on en connaît tout le bien-fondé, si on en apprécie toutes les conséquences, si on l'adoptait un jour au Québec. Bref, je m'interroge sur l'ensemble de ce dossier et je ne peux en venir qu'à la conclusion que plusieurs parmi les intéressés paraîssent se complaire dans la précipitation, sinon l'improvisation.

Je pose les questions suivantes: Connaît-on seulement son propre système? A-t-on poussé assez loin l'analyse du vote du 29 avril? A-t-on réussi à évaluer l'importance des facteurs dans ce vote qui ne tiennent pas à la mécanique électorale elle-même? A-t-on suffisamment réfléchi sur les critères de légitimité des victoires électorales dans tel ou tel système, et dans le nôtre pour commencer? S'est-on arrêté à comparer les mérites d'autres formules électorales possibles que celle du système mixte allemand? A-t-on tenu compte des expériences faites en territoire canadien avec le mode de scrutin que j'ai évoqué il y a un instant? Connaît-on les effets à long terme d'une transformation du mode de scrutin sur le système de partis, sur la culture politique au Québec?

Bref, je me résumerais assez bien en vous disant qu'en ce qui me concerne ce dossier est incomplet et en souscrivant pour le moins à l'affirmation que vous a faite Vincent Lemieux le 1er avril au cours de son témoignage qui vous disait ceci: "Changer celui qui nous a relativement bien servi jusqu'à tout récemment — il parlait du mode de scrutin — c'est un peu un saut dans l'inconnu." Je n'ajouterai pas, bien sûr, à vos difficultés en vous proposant une nouvelle formule électorale, même si je continue de croire que notre mode de scrutin devrait pouvoir être corrigé dans ses effets les plus regrettables lorsqu'on pourra évaluer avec une certaine précision les conséquences probables des correctifs à utiliser.

J'ai voulu ce matin seulement réfléchir avec vous sur l'état de cette question et j'espère avoir réussi à vous faire part de mon sentiment sur la façon dont la question du maintien ou de la

réforme du mode de scrutin me paraît maintenant posée au Québec. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que nous pouvons procéder à la période des questions? M. Hardy.

M. HARDY: M. le Président, j'aurais une ou deux questions à poser seulement. Vous nous avez parlé des expériences qui se sont déroulées ailleurs au Canada, au niveau fédéral, des études qui ont été faites et même des systèmes autres que le nôtre qui ont été mis en application. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu des préoccupations que pourraient avoir eues les Anglais de Grande-Bretagne? Evidemment, que l'on aime ça ou non, c'est une réalité historique, la Grande-Bretagne demeure le berceau du parlementarisme.

Il serait peut-être intéressant de savoir quelles ont été les réactions des gens de Grande-Bretagne, des politicologues et même des hommes politiques face à ce problème d'autant plus qu'ils ont connu, comme nous connaissons ici, l'expérience de tiers partis; entre autres, je pense au Parti travailliste qui est devenu un principal parti. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu...

M. LALANDE: Ecoutez, je pense que...

M. HARDY: Il est dangereux de prendre ses espérances pour des réalités.

M. LALANDE: ... de façon générale, on peut dire que les Britanniques sont fidèles, sont restés fidèles à leur propre système qui a évolué toutefois. Vous savez que jusqu'en 1885, on tenait en Grande-Bretagne des élections avec des circonscriptions qui élisaient plus d'un député. Néanmoins, je pense que le souci des Britanniques, en somme, l'idéal britannique est resté d'avoir une stabilité parlementaire et une stabilité gouvernementale. Et jamais, à ma connaissance, ils n'ont été sérieusement fascinés par un système de représentation proportionnelle.

Il semble que le système majoritaire uninominal à un tour permette cette alternance, évidemment, entre deux partis qui eux-mêmes, en fait, sont des facteurs d'intégration parce que le système britannique a un mérite, c'est celui d'intégrer, en somme, des gens de diverses tendances dans des mêmes formations politiques et de les...

M. HARDY: Plusieurs partis dans un.

M. LALANDE: Plusieurs partis dans un, comme vous le savez. C'est de cette façon-là qu'on accommode, à toutes fins pratiques, et qu'on permet en fait l'évolution du système et la transformation dans les orientations des partis. C'est en intégrant les dissidents dans l'une ou l'autre des deux formations politiques.

Mais, je pense que, pour répondre à votre question, il ne fait pas de doute que les Britanniques et les Anglo-Saxons restent convaincus de la valeur de leur propre système électoral.

M. PICARD: C'est comme ici, au Québec, le PQ-RIN, par exemple, deux partis dans un.

M. LAURIN: Et le Parti libéral alors?

M. JORON: Ils font tous partie d'un même...

M. PICARD: C'est un kaleïdoscope.

M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres questions, M. Hardy?

M. HARDY: Oui. Je pourrais passer mon tour et je reviendrai.

M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais d'abord exprimer ma satisfaction au sujet du témoignage de M. Lalande. Comme dirait Molière: "Que voilà un esprit clair! " Je le dis sans aucune...

M. BOURASSA: J'appuie, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci. Je le dis sans aucune idée de flatterie, mais voilà que nous avons eu un exposé fort cohérent, planifié et qui apporte sur les travaux de la commission un éclairage nouveau.

Mais l'importance de ce témoignage est telle qu'il a fait surgir dans nos esprits une foule de questions qui, si on voulait y répondre, occuperaient certainement une bonne partie du temps de la commission à la séance de ce matin et dans les séances ultérieures.

M. Lalande, j'ai noté, je ne dirai pas avec une certaine satisfaction mais avec réalisme, que vous vous êtes interrogé sur la façon dont on a posé ici le problème de la réforme électorale et de tout ce qui s'y greffe: la carte, le mode de scrutin, etc.

De votre témoignage, sans vouloir vous interpréter — vous avez le droit évidemment de me corriger — il ressort que ceux que vous avez appelés la jeune faune des politicologues ont mis surtout l'accent sur l'accidentel. Leurs considérations manquent nettement de recul. Elles s'attachent à des aspects superficiels. Surtout, elles se sont cristallisées autour d'un événement qui pourra paraître plus important dans ses conséquences lorsqu'on aura le recul suffisant, mais qui, pour l'instant, a peut-être un caractère accidentel très marqué, soit les dernières élections de 1970.

Vous avez parlé du système allemand et vous nous avez apporté des renseignements que nous ne connaissions pas, pour ma part en tout cas, et qui n'avaient pas fait l'objet de questions de

la part des députés, membres de cette commission.

Vous avez parlé évidemment de précipitation et d'improvisation dans la démarche que l'on poursuit en vue d'en arriver à une réforme électorale valable. Je voudrais vous poser d'abord une question très simple à partir de ce que vous avez dit. Quels sont, selon vous, les critères de légitimité lorsqu'on parle, lorsqu'on apprécie le résultat d'un scrutin?

M. LALANDE: La question est fort difficile. Pour ma part, je pense que je ne vous l'ai pas caché, je souscris, en somme, aux critères de légitimité qui sont sous-jacents au mode actuel de scrutin. Il me semble que la majorité relative, en fait, est satisfaisante en elle-même. Je n'éprouve pas particulièrement le besoin d'avoir, de me hisser au niveau de la majorité absolue pour croire, en somme, pour accepter la victoire d'un député, par exemple. C'est une question, la légitimité ou les critères de la légitimité, de consessus, c'est une convention, une règle que l'on s'applique soi-même. Il suffit, j'imagine, que la majorité — en somme celle-là qui devrait être absolue — l'accepte pour qu'elle existe. C'est difficile à répondre dans la mesure où on pourrait rechercher dans l'absolu des critères de légitimité. La légitimité s'établit à partir d'un consensus qui, lui, doit être majoritaire. C'est une règle du jeu qu'on accepte. Point!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cette règle du jeu dans votre esprit étant validée, si je puis dire, par les habitudes électorales, les citoyens ayant accepté ce que vous appelez une règle du jeu, selon les circonstances vont appuyer des candidats en raison de l'idéologie qu'ils préconisent, du programme électoral qu'ils présentent, et à certains moments parce qu'ils obéissent à un besoin de changement ou à une motivation qui leur vient du mécontentement qu'ils éprouvent à l'endroit d'une équipe gouvernementale.

J'ai, au cours des séances de cette commission, insité beaucoup sur les habitudes électorales. Ceci afin d'inciter mes collègues de la commission à réfléchir sur le danger qu'il y aurait, non pas que ce soit là un interdit, à changer brusquement les habitudes électorales en imposant aux citoyens un mode de scrutin qui, par sa complexité, risquerait d'avoir des effets désastreux ou négatifs.

M. Lalande, j'aimerais que vous précisiez davantage ce que vous avez dit lorsque vous parliez du plancher minimal de 5 p.c. ou moins que vous avez analysé en fonction de ce qui s'est passé en Allemagne, dont on nous a dit et répété que c'était le système idéal et que nous devions nécessairement nous en remettre à cette expérience pour modifier le nôtre. Quelle est la valeur, à votre avis, de cette clause de 5 p.c. plus ou moins variable en fraction par rapport à ce qui vous paraîtrait à vous un plancher minimal qui aurait cette sécurité de ne pas permettre la naissance de partis multipliés, lesquels seraient appelés à donner voix à ce que vous avez désigné tout à l'heure comme les groupes ethniques? Vous disiez: Il y a des Allemands, des Italiens, des Polonais, des Juifs, etc. Je pourrais très bien vous dire ceci, habitant une région qui a nom royaume, nous pourrions constituer un parti des Saguenéens, eomme on pourrait constituer un parti des Abitibiens. Je voudrais que vous explicitiez plutôt la notion l'idée, la conception que vous avez de cette clause de 5 p.c., plancher minimal dont vous avez parlé assez longuement.

M. LALANDE: Cela m'est difficile d'envisager cette hypothèse parce que, comme vous l'avez deviné, je suis loin de souscrire à l'adoption en fait, du moins dans l'état actuel de nos connaissances au Québec d'un système d'inscription proportionnelle. L'exercice que vous cherchez à m'imposer me serait particulièrement pénible. Ce que je peux vous dire pour l'Allemagne, évidemment, c'est que ce seuil, ce plancher minimal — l'expression est d'ailleurs du député de Saint-Jacques — c'est un barrage, c'est un obstacle technique qui vise précisément à écarter les groupes qui sont jugés comme indignes d'être représentés à l'assemblée d'un pays ou d'un Etat.

Les Allemands — vous l'avez noté, je suppose, au passage — ont tâtonné eux-mêmes. Ils ont commencé par fixer, j'imagine de façon arbitraire. Ils ont dit au départ qu'il fallait 5 p.c. dans un des Etats fédérés, dans un des "lander". Ils se sont rendu compte que ce n'était pas suffisant, que cela risquait — et les Allemands sont obsédés évidemment, étant donné qu'ils ont joué avant la guerre sous la république de Weimar de la représentation intégrale — ils craignent par-dessus tout la prolifération de petits partis. L'expérience leur a en effet prouvé qu'un de ces petits partis, une fois le pied au Parlement, à l'Assemblée nationale, pouvait évidemment, à travers des circonstances favorables, prendre de l'ampleur et de minoritaire, d'extrêmement marginal qu'il était au départ, devenir un parti national. Cela a été le parti évidemment... Il y a des auteurs qui soutiennent comme le Dr Hermens de l'Université de Cologne qui attribue la montée de l'hitlérisme à ce défaut du système allemand d'avant-guerre de ne pas avoir prévu, de ne pas avoir créé d'obstacle.

Dans notre système politique, je crois qu'il ne m'appartient pas — et je pense que c'est un travail considérable, extrêmement délicat que d'arriver au départ de façon arbitraire, mais quand même un arbitraire qui soit juste, à un seuil satisfaisant...

Je me permettrais d'ajouter que ce seuil vise à obvier à un des inconvénients majeurs d'un système d'inspiration proportionnelle. Il ne faut pas oublier que notre mode de scrutin lui aussi a des obstacles techniques mais qui sont inhérents. Vous me permettrez de citer Maurice Duverger dans son livre "Institutions politiques

et droit constitutionnel". Il parle de notre mode de scrutin dans les termes suivants: "Le système majoritaire à un tour joue le rôle de frein. Il tend à empêcher la formation d'un parti nouveau, tant que celui-ci n'incarne pas une force sociale suffisamment forte pour franchir le barrage technique qui lui est ainsi imposé."

Donc dans les deux systèmes vous avez des obstacles, un barrage technique. Dans la proportionnelle on l'ajoute à l'allemande, avec un plancher minimal, comme dit M. Charron. Mais dans le système qu'on connaît, il est inhérent au système. Il rend la vie difficile aux nouveaux partis. Il ne permet pas à un nouveau parti, non pas de s'affirmer mais de s'installer avant que ce parti n'incarne une force sociale suffisamment forte pour franchir l'obstacle ou le barrage technique que lui impose le mode de scrutin lui-même.

D'ailleurs il ajoute — il parle toujours de notre mode de scrutin —: "Il tend au contraire à accélérer la disparition d'un parti ancien quand celui-ci cesse d'incarner une force sociale importante." C'est un mode de scrutin terrible parce qu'il est impitoyable. Il rend la vie difficile à un parti nouveau tant qu'il ne représente pas une force sociale importante et, à l'inverse, il est impitoyable à l'égard d'un parti ancien qui lui n'incarne plus également une force sociale importante.

C'est à noter. Dans les deux cas il me semble qu'on a le même obstacle, sauf que dans le premier c'est un obstacle plus visible que dans le second.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lalande, je ne veux pas accaparer le temps de la commission et priver mes collègues du droit qu'ils ont de parler. J'aurais deux autres questions à vous poser. Partant de ce que vous venez de dire de notre système actuel, du mode de scrutin que nous avons, est-ce qu'il ne vous paraît pas dangereux ou prématuré, à partir d'une expérience récente, celle de 1970, de considérer comme un fait acquis qu'un parti politique, quel qu'il soit, ayant émergé, de conclure que justement l'émergence de ce nouveau parti représente une force sociale désormais acquise, implantée qui peut devenir une des assises de notre société démocratique? Parce que la plupart des gens qui veulent des correctifs — nous sommes tous d'accord là-dessus — au mode de scrutin que nous avons, se disent: Voici ce qui s'est passé en telle année, voici ce qui vient de se passer en 1970. Il y a eu émergence en particulier d'une formation politique qui représente une nouvelle force sociale.

Mais justement il m'apparaît à moi que cette nouvelle formation politique n'a pas de racines sociales profondes. Elle est liée à un ensemble de faits accidentels, à des personnalités qui se désintègrent de toute façon. Notre système a justement ce mérite de nous permettre de temporiser avant que ne s'accentuent des mou- vements qu'on pourra considérer alors comme de nouvelles lignes de force de notre société.

M. LALANDE: Je pense que c'est l'avenir qui répondra à votre question, M. le député de Chicoutimi. Si on s'en tient à l'affirmation de Maurice Duverger, il semble bien que la formation politique à laquelle vous faites allusion ne représentait pas au 29 avril dernier une force sociale suffisamment grande pour franchir le barrage technique qui lui imposait le mode de scrutin.

Si on n'est pas d'accord sur cette affirmation, j'estime que le mode de scrutin actuel n'empêchera pas cette formation politique de franchir le barrage technique et de s'imposer en somme, éventuellement. C'est incontestable. Il n'y a aucun des modes de scrutin qu'on peut analyser ici qui va arriver à ce résultat-là. Au départ, c'est évident que, pour un parti nouveau, cela rend sa vie difficile mais à longue échéance, à plus ou moins long terme je pense que le mode de scrutin actuel n'est pas un obstacle majeur, certainement pas un obstacle sérieux à la percée d'une nouvelle formation politique qui incarne une force sociale importante.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai insisté souvent là-dessus, M. Lalande, en commission ici, en disant qu'il y a une certaine mouvance dans le comportement de l'électorat et que le phénomène de 1970 n'était pas quelque chose d'inédit. Cela s'est produit assez souvent et on a vu tout à coup des partis émerger puis redescendre aussi vite selon les fluctuations de l'humeur de l'électorat. Mais je ne veux pas en faire ici l'objet d'une discussion à fond parce que je sais que d'autres collègues de cette formation politique pourront vous poser leurs propres questions.

Je voudrais revenir à ce que vous avez dit au sujet du Québec par rapport à l'Etat canadien. Vous avez fait allusion à des considérations que j'avais faites dès le moment où nous avons commencé les travaux de cette commission. J'avais indiqué à ce moment-là au premier ministre qui avait fait de sa communication une déclaration ministérielle que tout travail de refonte de la carte, tout travail de réforme électorale me paraissait prématuré avant qu'on ait procédé soit à un réaménagement, soit à un changement de la Constitution canadienne parce que j'avais posé la question dans les termes suivants: Dans quelle mesure le système que nous inventerons pourra-t-il être conciliable avec les structures qu'une nouvelle constitution, une constitution réaménagée imposera à l'Etat central et aux Etats membres de la fédération? Vous en avez parlé tout à l'heure assez brièvement. J'aimerais que vous explicitiez votre pensée là-dessus.

M. LALANDE: Je serais moins porté que vous à chercher ce qu'on pourrait appeler un

alibi ou à chercher la raison d'un retard à l'examen de cette question dans la fameuse réforme constitutionnelle qui trame en longueur et qui risque de s'embourber, de s'enliser si on ne donne pas un vigoureux coup de barre dans les mois qui viennent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lalande, je me permets de préciser, si vous le voulez bien, qu'il ne s'agissait pas dans mon esprit d'alibi et de moyen de retarder la refonte de la carte ou la réforme électorale. Je me disais que cela pouvait être mené parallèlement, qu'on devait quand même tenir compte de l'éventualité d'un changement assez radical de la Constitution ou d'un réaménagement qui soit tel qu'il soit, lui aussi, à toutes fins utiles, un changement radical de la situation constitutionnelle canadienne et de celle du Québec en particulier.

M. LALANDE: Ce que j'avais à l'esprit tout à l'heure, M. Tremblay, c'était le risque ou le danger que je voyais si on se prenait à changer les critères de légitimité des victoires électorales dans un système qui est le système québécois par rapport au système fédéral. En somme, vous avez les mêmes électeurs, les mêmes citoyens qui pourraient y voir une source de confusion, si on n'y prend garde.

Comme je l'ai dit, si on maintenait le système actuel dont le critère de légitimité est quand même la pluralité, la majorité relative, et que d'autre part on ait en fait un système qui lui irait dans un autre sens ou qui adopterait d'autres critères de légitimité je pense que ça pourrait être discordant, ça pourrait être gênant pour les électeurs, pour les citoyens. C'est seulement dans ce sens-là que je faisais cette réserve. Mais il est sûr et certain que tant que le Québec sera dans la fédération il faudrait le moins possible que nos systèmes électoraux soient divergents dans leur fondement même dans l'Etat provincial ou dans l'Etat fédéral.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'où votre insistance sur les expériences dans les autres provinces du Canada et votre insistance sur la distinction qu'il faut faire entre le système fédéral allemand et le système adopté dans les länder.

M. LALANDE: C'est exact. En Allemagne, vous savez, on s'y réfère abondamment. On se dit à priori, évidemment: C'est un système fédéral. Mais ce qu'on ne sait pas toujours c'est que le système politique allemand est bien différent du système politique canadien. Les partis politiques, par exemple, ou les organisations au niveau des Etats fédérés font partie des organisations nationales. Evidemment, cela simplifie énormément les rapports qui peuvent exister entre les Etats fédérés et l'Etat fédéral. Dans de telles circonstances, vous voyez une espèce de symbiose sur le plan des formations politiques quand on passe ou quand on examine l'ensemble du système au niveau fédéré au niveau fédéral, les Etats provinciaux et l'Etat fédéral. Ce qui n'est pas le cas ici. Il faut tenir compte de ces facteurs quand on s'inspire, je pense, d'un exemple étranger si proche qu'il puisse nous paraître à première vue.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une dernière question, M. Lalande, je voudrais vous demander, d'abord: Dans quelle mesure pouvons-nous, sans danger — vous allez me dire qu'il est difficile de répondre à cette question, c'est juste — accélérer le travail de refonte de notre système électoral et quels seraient, selon vous, les grands critères que la commission devrait accepter et imposer à ceux qui seront chargés d'effectuer la besogne technique du réaménagement de la carte et l'invention des mécanismes du mode de scrutin?

M. LALANDE: Eh bien! Il y a des contraintes qui sont évidentes. Je pense que du point de vue de la révision de la carte électorale, c'est le président général des élections qui vous a dit que la commission devait faire diligence si la nouvelle carte doit voir le jour pour la prochaine consultation électorale. Donc, vous êtes poussés, malgré vous, à mettre en marche, j'imagine, le plus tôt possible le travail de révision de la carte. Je serais porté, moi, à le considérer comme tel, à définir pour les gens qui seront chargés de ce travail-là... C'est évident que l'idéal c'est une commission indépendante et permanente comme elle existe au niveau fédéral, composée de gens — pas nécessairement d'experts — mais de gens dont le caractère, dont l'indépendance est une espèce de gage de sécurité au départ, quoi! Je verrais, en somme, le travail de la carte électorale confié dans les meilleurs délais à une commission indépendante et permanente.

D'autre part, après tout ce que j'ai dit et toutes les questions que je me pose, toutes les interrogations que j'ai soulevées, je rejoins, sans difficulté, la suggestion qui vous a été faite la semaine dernière par le professeur John Meisel. Il me semble que vous pourriez traiter de la question du mode de scrutin comme une question distincte à toutes fins pratiques.

Si vous acceptez le diagnostic que j'ai pu poser, ça veut dire que le dossier est incomplet, que le dossier est insuffisant pour vous permettre actuellement de faire quoi que ce soit.

Il vous reste à savoir, si vous souscrivez à la préoccupation que je partage, que le mode de scrutin actuel doit pouvoir être corrigé d'une façon ou d'une autre, dans ses effets les plus regrettables, les plus répréhensibles, par un mécanisme qui reste à trouver. Mais, avant de l'accepter, ce mécanisme, il faudra que vous sachiez les conséquences que peut avoir le mécanisme à appliquer.

Cette question, il me semble, pourrait être confiée, comme vous l'a suggéré M. Meisel, à une commission d'étude. Je verrais mal que ces

deux commissions soient parallèles et sans lien l'une avec l'autre. Vous pourriez, j'imagine, indiquer à la commission d'étude qui sera plus technique en somme, mais qui sera composée, je l'espère, de gens qui ont une connaissance pratique de la politique, qui ont un certain détachement par rapport à la politique, mais néanmoins de gens qui ne soient pas nécessairement des techniciens au sens étroit du terme.

Alors, un lien à établir entre ces deux commissions, une directive à donner à la commission indépendante et permanente pour la réforme électorale à l'effet de tenir compte d'un regroupement possible de circonscriptions, en vue de régions hypothétiques. Si le besoin se faisait sentir ou si le mécanisme à trouver par la commission technique exige des régions, des listes de candidats en vue d'un correctif qui sera nécessairement dans le sens d'un correctif à la proportionnelle...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, de l'étude des témoignages et des questions qu'ont posées les députés ici à la commission, vous avez dû en conclure que si, nous voulons bien nous en remettre à des spécialistes, des techniciens, appelons-les comme on voudra, il appartient à la commission de déterminer des critères qui guideront ces experts, ces commissions, ou ces comités, etc., dans le travail qu'ils auront à accomplir. Et celui-ci sera d'ailleurs ultérieurement resoumis à la commission, et éventuellement à l'Assemblée nationale.

M. LALANDE: Bien sûr. Pour ce qui est de révision de la carte, je verrais mal que vous laissiez une commission, dite indépendante et permanente, faire les choses à sa fantaisie. Il faut que vous puissiez leur dire, au moins au départ, que vous leur donniez un ordre de grandeur sur le nombre de circonscriptions que vous souhaitez avoir, sur l'écart que vous voyez entre circonscriptions urbaines et circonscriptions rurales. Ce n'est pas à la commission d'établir ça, c'est à vous. Vous pourrez y ajouter celles qui vous paraîtront nécessaires, mais c'est ce genre d'orientations et de directives qu'il vous faut donner à une commission dite indépendante et permanente, qui elle s'adjoindra les techniciens. J'ai fait allusion à la commission fédérale ou à la commission telle qu'elle existe au Manitoba.

Vous avez une commission indépendante formée, si ma mémoire est fidèle, du directeur des élections, ou du président général des élections, d'un président d'université et d'un juge nommé par le président de la Chambre ou en fait par le chef du gouvernement. Voilà le genre de commission que j'appelle indépendante. Ce n'est pas une commission d'experts. Mais, pour faire son travail, elle devra s'adjoindre ou des fonctionnaires, ou des techniciens au sens étroit du terme, des géographes, des cartographes, en fait tous les autres techniciens qu'on peut utiliser dans ce genre de travaux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ceux-ci s'inspirant des critères par exemple, qu'ont évoqués M. Meynaud, M. Lemieux, M. Bonenfant, et que nous avons examinés à tour de rôle quand ils nous les ont proposés ici.

M. LALANDE: Bien sûr.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie, M. Lalande.

M. LE PRESIDENT: M. Dumont.

M. DUMONT: Je vous remercie, M. le Président.

Vous avez été, M. Lalande, d'une extrême prudence en nous disant qu'avant toute réforme monétaire, tel que vous l'avez souligné...

UNE VOIX: Réforme monétaire!

M. DUMONT: ... le dossier pour une réforme électorale est incomplet, que les conséquences probables des correctifs doivent être d'abord analysées, que nous semblons ou du moins que plusieurs personnes semblent hantées par le scrutin d'Allemagne.

Il m'est justement venu à l'idée une question. Le professeur Meynaud y a fait allusion et a dit que ce système d'Allemagne était né d'un accident et qu'il était appelé à disparaître d'ici quelques scrutins.

M. LALANDE: Vous me permettrez là-dessus d'apporter peut-être une voix discordante. On a déjà fait état du fait que je suis allé, peut-être par accident, en Allemagne, puisque je me trouvais sur la voie de retour d'un voyage en Algérie à la fin du mois d'avril. La raison pour laquelle je me suis référé à plusieurs reprises à l'Etat du Schleswig-Holstein, c'est que j'ai un bon ami à moi qui est professeur de science politique et d'histoire à l'université de Kiel, qui m'a reçu, avec qui j'ai pu bavarder et qui m'a, en somme, piloté à la diète de Kiel, où j'ai pu interroger des fonctionnaires.

Par la suite, je me suis rendu dans la capitale fédérale, à Bonn, où j'ai aussi rencontré des membres ou plutôt des fonctionnaires du bundestag, avec lesquels j'ai échangé des opinions sur le système mixte allemand.

L'impression que j'ai récoltée est que le mode de scrutin qu'on connaît actuellement en Allemagne n'est plus une question d'actualité. Il l'a été au moment de la grande coalition en 1966. A ce moment-là, la grande coalition, c'était la coalition entre les deux grands partis allemands, les chrétiens-démocrates et les sociaux démocrates. Aujourd'hui, on a une coalition entre les sociaux-démocrates et le petit parti libéral allemand, mais pour la première fois dans l'histoire de l'après-guerre, on avait en 1966 les deux grands partis qui formaient une colation. La question se posait. Est-ce qu'à ce moment-là on a besoin de continuer à protéger

un tiers parti? Alors, les chrétiens-démocrates tendaient — comme ils l'avaient fait d'ailleurs en 1948 et en 1949 — à promouvoir l'adoption du mode britannique, du mode de scrutin qui est le nôtre. Les sociaux-démocrates, quant à eux, sont plus fidèles à la représentation proportionnelle et ont résisté à cette tentation. Ils ont voulu de toute façon soumettre à leur propre parti la question, au cours d'un congrès qui s'est tenu en 1968 — j'ai d'ailleurs ramené d'Allemagne des documents en langue allemande, un texte assez intéressant qui est une étude comparative des deux systèmes qui a été faite en 1967 par des fonctionnaires du Bundestag — et par la suite la question a été posée à une convention du Parti social-démocrate, des socialistes allemands. Les socialistes allemands n'étaient pas prêts en 1968 à aller plus loin que revenir — si vous voulez — au mode de scrutin que l'on connaît ici, mais avec des circonscriptions beaucoup plus larges que celles qui existent en Allemagne, des circonscriptions dans lesquelles pourraient être élus plusieurs députés, ce qui n'est pas le cas actuellement.

La chose, en somme, en est restée là. Donc, depuis 1968, la question est morte; elle n'est plus soulevée, elle n'intéresse plus personne. On m'a laissé entendre que même si les libéraux, qui sont autour du fameux seuil fatidique de 5 p.c. — à la dernière élection ils ont à peine réussi à se hisser au-delà du seuil du 5 p.c. — mais à la prochaine élection, pourraient glisser en dessous et perdre de ce fait le droit d'être représentés au Bundestag. Alors, même dans cette hypothèse, on me dit que les Allemands ne reviendront pas vraisemblablement à ce mode de scrutin. En fait, ils ne peuvent pas y revenir, ils ne l'ont jamais connu.

Mais ils ne changeront pas leur mode de scrutin actuellement parce qu'il semble que la proportionnelle colle assez bien maintenant à la réalité allemande, qu'elle assure un très bon équilibre dans la représentation des partis, des grands partis au Bundestag et on en est très satisfait.

M. DUMONT: Dans un autre ordre d'idées, vous avez parlé de confusion si la même méthode électorale de l'Etat fédéral ou provincial, si la même méthode de scrutin n'était pas utilisée. Pourtant, deux provinces socialistes de l'Ouest et deux provinces créditistes, selon les informations que vous nous avez données, ont apporté des changements et n'ont pas attendu l'Etat fédéral pour avoir des changements dans leur méthode d'élection. Est-ce que le Québec ne pourrait pas imiter ces gestes?

M. LALANDE: Je ne voudrais pas être méchant, mais avec les succès, je vous répondrais, avec les succès que l'on connaît, c'est-à-dire qu'ils en ont fait l'expérience, ils sont revenus, au bout de périodes plus ou moins différentes, au mode de scrutin actuel.

Non, la chose n'est pas à exclure totalement.

Tout dépend aussi, si vous voulez, de l'état de la culture politique d'une province donnée, en somme. Je pense que les électeurs de l'Ouest avaient été mieux sensibilisés par les groupes de pression, les mouvements réformistes dans le sens d'une transformation des règles du jeu. Est-ce que c'est possible au Québec sans bouleverser les esprits, sans jeter la confusion? Je me pose la question. Je n'ai pas de réponse définitive à vous offrir là-dessus.

M. DUMONT: Une dernière question, M. le Président. Vous avez aussi fait allusion, à savoir si nous connaissons bien notre système électoral, à une certaine élite qui ne semblerait pas comprendre notre système électoral. Est-ce que vous pourriez définir un peu plus votre pensée concernant cette élite qui ne semblerait pas comprendre ou saisir notre système électoral?

M. LALANDE: Saisir ou accepter... M. DUMONT: Accepter surtout.

M. LALANDE: ... la règle du jeu. J'ai devant moi un extrait, pour vous montrer jusqu'où la chose peut aller, du rapport moral du président général de la CSN, M. Marcel Pepin, au congrès général du 6 décembre 1970. La citation est la suivante: "La majorité de la population de chaque comté doit avoir la liberté d'élire son député. A l'heure actuelle, cette liberté essentielle est brimée. Par le jeu de la division des opinions politiques en plusieurs partis, un candidat qui a l'appui d'une minorité peut devenir effectivement le député d'un comté."

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est la description de ce qui se passe aux réunions de la CSN lorsqu'il y a des votes de grève.

M. LALANDE: Et cela arrive fréquemment. Le système de l'élection par simple majorité remonte à l'époque où il n'y avait que deux partis politiques. Notre démocratie actuelle est moins valable qu'elle ne l'était parce qu'elle ne garantit plus le gouvernement par la majorité de l'électorat. Quand j'ai parlé d'élite, je n'avais pas particulièrement à l'esprit le président de la CSN. Néanmoins, il y a là quand même quelqu'un qui appartient à l'establishment syndical, qui conteste, disons, le critère, le fondement même de notre système, de notre mode de scrutin, qui prétend qu'il n'y a qu'une façon d'élire un député et c'est à la majorité absolue.

Donc, qui pourrait dire, à l'égard de plusieurs députés ici: Messieurs, vous avez été élus par une minorité. C'est un peu dans ce sens-là. Evidemment, vous me ferez grâce de ne pas aller plus loin dans la définition des élites au Québec, mais puisque j'avais sous la main un extrait du rapport moral du président de la CSN, je pense que ça illustre bien ma pensée.

M. DUMONT: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Blank): Le député de Gouin.

M. JORON: Merci, M. le Président. M. Lalande, vous avez mentionné au tout début qu'il vous apparaîssait que les tenants de la proportionnelle ou de ses différentes variantes s'inspiraient largement pour fonder leur opinion, à partir des résultats du 29 avril. J'ai l'impression — je voudrais savoir ce que vous en pensez — qu'on se sert facilement de cet exemple pour illustrer une situation. C'est peut-être un exemple un peu spectaculaire. C'est le plus récent. Mais on aurait peut-être tort de penser que le fondement du raisonnement qui motive ces gens tient uniquement de l'injustice, si on veut la qualifier ainsi, des résultats du 29 avril. On pourrait faire une longue série d'injustices. Il n'y a pas que le 29 avril. D'autres avaient remis en question les résultats des élections de 1966. Le gouvernement élu à la majorité des sièges obtenait moins au vote populaire que l'Opposition. On pourrait remonter même à des situations peut-être plus aberrantes encore que celles de 1970. Je pense à celle de 1948 où le Parti libéral qui avait plus de 40 p.c. des voix se retrouvait avec huit sièges. C'est encore une situation pire que celle dans laquelle se trouve, par exemple, le Parti québécois à l'heure actuelle. On a tort de penser que c'est à partir de ce phénomène que certaines personnes aujourd'hui, peut-être plus qu'autrefois, remettent en question le mode de scrutin. Vous avez d'ailleurs dit dans votre exposé que... Evidemment le professeur Bonenfant en parle depuis déjà dix ans, Robert Boily dès 1966 en parlait. Je vous ferai remarquer que ce système, inspiré du système allemand qu'on trouve, par exemple, dans le programme du Parti québécois, a été voté à un congrès avant les élections de 1970. Je me demande si l'interrogation au sujet du mode de scrutin ne vient pas et son urgence d'autant plus accrue, d'une évolution très rapide de la culture politique au Québec.

Vous avez dit que le problème fondamental était celui de la légitimité. Je suis tout à fait d'accord avec vous. La semaine dernière, le professeur Meisel nous disait d'ailleurs, définissait la légitimité un peu dans ces termes-là: La légitimité tenait en dernier ressort de l'acceptation de la règle du jeu par la majorité. C'est une notion de culture politique que cette acceptation des règles du jeu. Est-ce qu'on n'est pas en train d'assister en ce moment à une évolution très rapide de la culture politique qui découlerait d'une évolution de la culture au sens large du mot. Je prends par exemple ce qui se passe au Québec depuis dix ans. Premièrement, il y a eu une explosion de la population. Cela fait que dans le Québec de 1971, 53 p.c. de la population a moins de 25 ans. Nous sommes devenus, en très peu de temps, suite à l'explosion de ce qu'on appelle les bébés de guerre et tout ça, une population très jeune. C'est un phénomène nouveau. Cela se passe aussi aux Etats-Unis et dans d'autres pays du monde, mais c'est plus marqué ici. Nous sommes devenus aussi plus rapidement qu'ailleurs une population subitement instruite. De 1960 à 1970, toute une génération fut assise sur les bancs d'école. En même temps, il s'est produit aussi, non seulement une explosion de la population et d'éducation, mais une explosion des communications qui crée une ouverture sur le monde et sur toutes sortes de problèmes.

Finalement tout ça aboutit à une espèce de bouilloire ou de soupière qui fait que toute une génération et d'autres qui n'appartiennent pas nécessairement à cette jeune génération sont à la recherche de définitions de nouvelles valeurs. C'est toute une culture — pas besoin de leur montrer ce qui se passe aux Etats-Unis, en Californie, en commençant par le phénomène hippie ou en prenant le phénomène existentialiste qui a été lancé en France après la guerre ou les événements de mai 1968 en France, ceux de Tokyo, de Shangaï, de Pékin, un peu partout à travers le monde — cette recherche d'une définition d'une culture nouvelle.

On retrouve dans cette recherche d'une nouvelle culture une notion d'une justice représentative, une notion d'un plus grand humanisme, une notion de participation. Cela va peut-être justement nous faire déboucher... Cela change forcément la culture politique. Si la culture globalement est en train de changer, la culture politique va changer. Ces notions qui sont parmi les nouvelles valeurs recherchées si on veut les traduire en termes politiques, eh bien! c'est ça peut-être principalement qui nous fait remettre en question le mode de scrutin, qui va nous faire peut-être remettre en question le système de gouvernement. On aboutira peut-être à la nécessité d'un gouvernement de coalition là-dedans.

C'est peut-être là que va s'introduire justement la notion de participation, de faire participer les différentes oppositions au gouvernement s'il n'y a plus de majorité qui peut se dégager. Or, je vais vous demander — moi je pense qu'on a tort si on aborde le problème du mode de scrutin en évoquant les injustices du 29 avril ou d'autre — s'il n'y a pas en dessous de ça une question beaucoup plus fondamentale qui est une évolution très rapide et très substantielle de la culture politique.

C'est peut-être toute la notion de légitimité qui est en train de changer sous nos pieds. On ne le sait pas, mais finalement nous sommes peut-être assis sur un baril de poudre. Qu'en pensez-vous?

M. LALANDE: Je pense que je souscris à la plupart de vos remarques. C'est incontestable que le Québec comme les autres sociétés du monde occidental est bouleversé et subit des transformations rapides tant sur le plan de la culture avec un grand C que sur le plan de la culture politique. Mais je pense que, pour être logique avec ce postulat, cette affirmation, c'est

tout le système politique qu'il faut repenser. Là où je ne vous suis pas, c'est quand vous commencez en somme par le mode de scrutin qui me semble être quand même un des éléments mineurs de la mécanique électorale. Et d'autant plus que si on touche au mode de scrutin dans le sens que vous préconisez, vous allez peut-être provoquer des bouleversements, vous allez ajouter à la confusion, vous allez affaiblir vos institutions.

C'est ça qui me fait me poser des questions, m'interroger et plutôt recommander d'agir avec prudence. Les conseils qui émanent de mon exposé, ce matin, vous les avez déjà entendus de la part de M. Meynaud qui vous a dit: "Ecoutez, le mécanisme électoral il faut toucher à cela avec énormément de prudence, non seulement en fonction de ce qui s'est passé, mais en fonction de ce qui risque de se passer."

M. Lemieux, lui-même, qui préconise un mode de scrutin à l'allemande, mais modéré ou mitigé, vous dit: "C'est un saut dans l'inconnu".

Est-ce que c'est dans ce sens-là ou si ce n'est pas plutôt dans le sens d'une interrogation et d'une maturation beaucoup plus lente de la réflexion sur l'ensemble de nos institutions, sur l'ensemble du système politique qu'il faudrait procéder? Je suis bien d'accord pour remettre en question les choses mais qu'on ne sorte pas un élément de l'édifice, une brique de l'édifice pour risquer de le voir s'écrouler.

M. JORON: C'est indiscutable qu'une transformation du mode de scrutin va provoquer une attaque à l'intégrité de nos institutions dans le sens qu'on les connaît aujourd'hui mais, d'autre part, ne pas le faire, est-ce que ça risque de prolonger la vie désuète de certaines de nos institutions? N'y aurait-il pas moyen de voir une transformation du mode de scrutin comme un facteur d'accélération d'une transformation souhaitée de nos institutions? N'est-ce pas par là qu'il faut commencer?

M. LALANDE: Je n'ai pas éliminé cette possibilité mais ma seule préoccupation, la préoccupation fondamentale que j'ai, c'est que le moment ne me semble pas venu. Il me semble que ce serait prématuré de le faire. Ce que je souhaite, c'est qu'une commission dite technique poursuive l'étude de la question et qu'on arrive à trouver des mécanismes dont les conséquences pourront être plus ou moins grandes mais qu'on connaîtra avant de mettre en marche le mécanisme de transformation. C'est le sens de mon intervention. Je n'élimine pas la possibilité de réformes même profondes mais j'estime que, dans l'état actuel de nos connaissances, cela équivaudrait à tomber dans une espèce de guet-apens. C'est ce contre quoi j'essaie de vous prémunir.

M. LAURIN: N'y a-t-il pas de danger que ce que vous appelez la prudence, ne soit perçu par la population comme un autre nom pour le conservatisme, le statu quo, le refus de tout changement, le refus de l'évolution, eu égard justement de toutes les injustices dont vous avez vous-même fait état?

M. PICARD: Quelle partie de la population? C'est toujours le même groupe.

M. LAURIN: A la lumière des...

M. PICARD: C'est toujours le même groupe qui conteste.

M. LAURIN: Je ne parle pas de...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Docteur, me permettriez-vous une petite question là-dessus? Est-ce que statistiquement vous avez une idée de cette proportion de la population qui soit aussi friande que ça de changements?

M. LAURIN: Vous savez, M. Tremblay, quand je vois des symptômes comme les contestations qui ont eu lieu dans à peu près tous les pays du monde, en tant que médecin je suis obligé de dire qu'un symptôme correspond toujours à des changements invisibles, profonds qui se manifestent à l'intérieur de l'organisme. Au point de vue clinique, on est toujours obligé d'accorder une grande attention aux symptômes parce que c'est à partir des symptômes qu'on peut retrouver le cheminement qui nous mène à la véritable pathologie, c'est-à-dire aux changements structurels à l'intérieur de l'organisme et à l'étiologie, c'est-à-dire aux causes qui mettent en danger la santé d'un organisme mutatis mutandis s'il est permis d'extrapoler de la biologie à la sociologie et Dieu sait que souvent il y a de bonnes raisons pour ça. Je pense que c'est en toute bonne logique qu'on doit se poser ces questions-là.

M. PINARD: Posez-vous la question si vos symptômes sont réels ou fictifs, si ces symptômes ont été créés de toutes pièces pour poursuivre une idéologie quelconque, à ce moment-là le symptôme n'est pas comme en médecine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dr Laurin, je suis d'accord avec vous sur votre analogie en matière de pathologie, etc. Une grippe ça peut devenir grave mais quand tout le monde l'attrape cela passe ordinairement assez vite.

M. LAURIN: Cela devient une épidémie et on sait que la grippe a tué plus de gens que le cancer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Des grippes non malignes!

M. LE PRESIDENT: Alors je cède la parole au député d'Olier, M. Picard.

M. CHARRON: Pour terminer sur la question du député de Gouin...

M. PICARD: Ne me dites pas qu'on va recommencer cette chose-là. A la dernière séance cela a été la même chose. Questions subsidiaires et tout ce que vous voulez et finalement on n'a pas le droit de parole.

Merci beaucoup, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Blank): ... vous êtes le quatrième après M. Picard. Alors, M. Picard.

M. PICARD: M. Lalande, vous nous avez apporté, lorsque vous avez fait votre exposé des éléments tout à fait nouveaux, des explications et des précisions, je dirais, sur le système allemand. Et, il y a une précision que vous avez apportée qui m'a beaucoup frappé lorsque vous avez parlé que tout le territoire de la République allemande était divisé en onze länder qu'on pouvait facilement comparer aux dix provinces canadiennes et qu'on a négligé dans le passé d'étudier un peu plus dans les détails le système électoral à l'intérieur d'un länd qui est beaucoup plus ce qui devrait s'adapter à l'intérieur d'une province, du système électoral à l'intérieur d'une province. Maintenant, vous avez dit que dans le land Schleswig-Holstein il y avait 44 circonscriptions électorales qui choisissaient chacune un député et que de plus il y avait 29 autres députés choisis proportionnellement aux votes recueillis par les partis politiques en présence.

Maintenant, vous êtes au courant que tout au long de ces séances de la commission nous avons eu des personnes, des politicologues qui ont suggéré l'établissement, au Québec, de régions, comme par exemple, 90 députés élus "at large" et disons 30 députés élus dans des régions selon le vote proportionnel recueilli par chacun des partis politiques.

Maintenant, j'aimerais savoir si vous avez cette information, dans le cas du länd Schleswig-Holstein, de quelle façon les 29 autres députés sont-ils choisis dans ce lànd? Je ne parle pas des 44 qui sont probablement choisis de la façon conventionnelle. Vous avez dit tantôt que la ville Hambourg faisait partie de ce lànd.

M. LALANDE: La banlieue de Hambourg fait partie du lànd du Schleswig-Holstein mais pas la ville de Hambourg. La ville de Hambourg c'est un lànd...

M. PICARD: C'est un lànd.

M. LALANDE: ... c'est un länd en soi, comme la ville de Brême, par exemple, ou la ville de Berlin, en somme, qui constituent autant de lànder urbains proprement dits.

Mais écoutez, pour répondre à votre question je pense qu'autant au niveau du Schleswig-Holstein qu'au niveau fédéral, le choix des députés est fait sur la même base, est fait à partir de la proportion du vote recueilli par un parti, et le choix des députés est fait à partir de listes fermées, préparées par chacun des partis.

M. PICARD: Mais chacun de ces 29 députés, est-ce qu'il n'est pas représentant d'un territoire donné ou s'il est tout simplement représentant de tout le lànd? Chacun des 29 choisis proportionnellement au vote donné au parti?

M. LALANDE: Je crois qu'il est représentant du lànd dans son entier. Je ne pourrais pas vous l'assurer, mais je suis à peu près certain qu'il est représentant au niveau du lànd, en fait, le lànd dans son entier. Mais il est choisi à partir d'une liste préparée par les partis eux-mêmes.

M. PICARD: Oui, alors il n'est pas question de régions.

M. LALANDE : Pas à ma connaissance.

M. PICARD: C'est parce qu'on avait parlé, par exemple, de 90 circonscriptions électorales — je parle du Québec — et 30 régions, et chacune d'elles pourraient élire un certain nombre de députés proportionnellement au vote recueilli par les partis.

M. LALANDE: Ecoutez, il faut, même s'il y a des similitudes entre le lànd et nos Etats provinciaux, garder à l'esprit les différences sur le plan géographique. Le lànd allemand a la superficie d'un lànd allemand. Quand on dit que la ville de Hambourg est un länd, vous voyez ce que ça peut donner. Ce n'est pas l'Etat du Québec, ce n'est pas le territoire du Québec. Il me semblerait donc, a priori, difficile de construire des régions à l'intérieur d'un lànd aussi petit que le lànd du Schleswig-Holstein ou de tout autre lànd allemand.

M. PICARD: Parce que, voyez-vous, dans ce lànd là, à part la ville de Kiel, qui est la capitale, c'est une région agricole.

M. LALANDE: Oui.

M. PICARD: Très agricole, l'industrie laitière y prédomine. J'ai eu l'occasion de visiter de long en large...

M. LALANDE: C'est exact.

M. PICARD: ...toute cette région-là, ça saute aux yeux. Vous n'avez qu'une grosse agglomération urbaine, c'est Kiel. Tout le reste devient ce qu'on appelle ici des comtés ruraux. Est-ce que ces comtés ruraux bénéficient d'une majorité de ces 29 sièges-là, ou bien si ce sont les centres urbains qui en bénéficient?

M. LALANDE: Je pense qu'on ne fait pas la distinction, à mon sens. C'est en rapport avec la

proportion du vote recueilli par les partis en lice.

M. PICARD: Merci, M. le Président. M. LE PRESIDENT: M. Assad.

M. ASSAD: M. Lalande, concernant le vote proportionnel, vous avez parlé des effets à long terme. Je crois qu'avec le vote proportionnel, ce sont les dangers qui sont à court terme plutôt, la confusion que ça va peut-être créer. La question est: Quels sont à votre avis les plus graves dangers, s'il y a de graves dangers dans un système de vote proportionnel?

M. LALANDE: Ecoutez, je pense qu'on a beaucoup parlé des risques ici; autant M. Meynaud que M. Meisel vous ont parlé des risques de fractionnement des partis, risques d'affaiblissement des majorités et des difficultés à constituer des gouvernements majoritaires. Mais le risque, au point de vue des partis, je pense que c'est d'inciter ou d'inviter le fractionnement. Essentiellement, c'est peut-être le risque le plus grand; d'ailleurs, M. Meisel a été beaucoup plus explicite, je pense, qu'à l'égard du Parti québécois; il vous a dit que l'adoption d'une formule d'inspiration proportionnelle risquerait de produire l'éclatement de ce parti. C'est assez clair, ce sont les risques qu'on reconnaît partout à toute formule proportionnelle.

M. ASSAD: Est-ce que les dangers sont seulement sur l'aspect politique ou est-ce que ça peut avoir des rebondissements sociaux, disons?

M. LALANDE: Cela peut créer de la confusion dans les esprits, ça peut amener une perte de confiance, une difficulté de la part des citoyens à s'identifier au système, à accélérer ou à accentuer le sentiment d'aliénation que certains citoyens peuvent éprouver à l'égard des élus du peuple. C'est un peu dans ce sens-là qu'on peut voir les répercussions néfastes d'un tel système.

Mais il n'y a pas que des effets néfastes, il y a aussi des avantages, on les a signalés ici. Le fait de pouvoir attirer dans les partis de nouvelles personnalités, du sang nouveau, des types nouveaux, ce n'est pas à négliger, il me semble, c'est précieux, je pense.

En Allemagne, on est très satisfait de cette possibilité. On arrive à amener dans le système politique et à l'Assemblée nationale, au bundestag, des gens ou des personnalités qui ne s'intéresseraient pas autrement au jeu politique. Beaucoup de spécialistes, par exemple, viennent enrichir la députation, viennent — si vous voulez — élever le niveau des travaux de certaines commissions parlementaires. Ce n'est pas à négliger, je pense. Il y a des avantages et des inconvénients. Il s'agit de mesurer, de comparer les uns aux autres pour voir si ça vaut le coup de modifier le mode de scrutin actuel.

M. ASSAD: Je suis d'accord qu'il y a des avantages. Aussi, la possibilité de créer énormément de nouveaux partis...

M. LALANDE: Oui, mais...

M. ASSAD: ... peut dans un sens être un obstacle à des changements qui pourraient créer d'autres symptômes dont le Dr Lalande parlait.

M. CHARRON: C'est ça l'avantage du plancher minimal de 5 p.c.

M. LALANDE: Vous avez évidemment, si vous ne prenez pas cette précaution, le risque de voir proliférer vos formations politiques, les groupuscules. Quand j'ai fait allusion tout à l'heure aux Italiens ou aux Anglophones, vous auriez peut-être des embryons de formation politique qui se prévaudraient du système pour être représentés, pour défendre eux-mêmes leurs intérêts à l'Assemblée nationale. Pour obvier à cela, il faut trouver un obstacle technique qui est celui du seuil, du plancher minimal. C'est là que ça devient extrêmement difficile, extrêmement délicat — délicat à justifier aussi — aux yeux de la population et aux yeux des minorités intéressées.

M. ASSAD: Est-ce que le seuil de 5 p.c. a été une expérience en Allemagne ou est-ce que...

M. LALANDE: On a commencé de façon arbitraire avec 5 p.c. au niveau d'un länd et on s'est rendu compte que ce n'était pas suffisant pour empêcher le pullulement des partis. On l'a donc rendu plus difficile en disant: 5 p.c. au niveau de l'ensemble des länder, c'est-à-dire pour l'ensemble du territoire national,

M. LE PRESIDENT: M. Charron.

M. CHARRON: M. le Président, je voudrais revenir sur la question du plancher minimal. Vous me prêtez à tort la création de l'expression, c'est Robert Doyle, le politicologue américain qui l'a créée. J'ai trouvé curieux que la première objection que vous ressortiez sur le système mixte allemand soit précisément celle-là, parce que je la considère comme étant précisément un désavantage dans le système mixte allemand. Un des dangers qu'on reproche toujours à la proportionnelle, surtout l'intégrale comme celle de l'Islande, c'est de favoriser le cens, parce que tout le monde se dit: Puisqu'on va être représenté de toute façon, on y va. Or, la création de ce plancher minimal a fait qu'elle a restreint la création de partis. La preuve en est que si vous craignez de voir naître un parti italien, un parti irlandais, un parti anglais — il y en a déjà un au Québec — pourquoi est-ce que cela ne s'est pas produit en Allemagne? Il y a

une minorité anglaise, il y a une minorité de toutes les nations, si vous voulez en Allemagne, sur une population de 65 millions. Ce n'est pas né, précisément à cause de ce seuil de 5 p.c. qui ferait qu'au Québec on pourrait avoir la même garantie.

Quant à la création de différents groupuscules, comme vous les appelez, ou différents groupements politiques, ce ne sont pas tellement les systèmes électoraux que les tensions culturelles forcément ou les tensions sociales qui peuvent exister dans une société qui vont les faire naître.

Je ne crois pas que l'adoption d'un système électoral, quel qu'il soit, soit une cause de multiplication ou de diminution de partis. Quand vous dites que cela serait dangereux parce qu'il suffirait qu'un parti prenne 5 p.c. pour qu'il soit à l'intérieur de l'Assemblée nationale, cela va véritablement dans le sens d'une représentation. Un parti qui obtient 5 p.c. est déjà un symptôme. On n'a pas à s'en inquiéter s'il ne prend que 5 p.c. Vous pouvez être sûr que sa représentation ne dépassera pas un ou deux députés. Si un parti de 5 p.c. pouvait obtenir le contrôle du pouvoir par coalition, vraiment, cela pourrait devenir inquiétant.

Qu'un parti ou qu'une formation, qu'une idéologie politique représente 5 p.c. d'une population, ce n'est pas mauvais qu'elle ait un ou deux députés sur 120, par exemple, à l'intérieur d'une Assemblée nationale. Cela ne met pas en danger l'équilibre nécessaire qui peut exister au gouvernement d'une société. Quand vous dites que le plancher minimal de 5 p.c. également pourrait faire qu'un parti sérieux, établi pendant un moment donné, serait menacé de disparition une fois tombé en bas des 5 p.c, ce n'est pas ma faute et ce n'est pas de la faute de... Cela peut être la faute d'une collectivité. C'est le droit d'une collectivité qu'un parti qui l'a jadis servie, mais qui d'élection en élection a perdu des votes, a fait une chute de 40 p.c. à 19 p.c, par exemple, soit inévitablement appelé à la disparition. Je ne vois pas pourquoi il faudrait prendre des mécanismes qui viseraient à un moment donné à les préserver. Lorsqu'une société juge que ce groupement politique ne représente plus rien, mais n'est à toutes fins pratiques qu'un vestige politique dans le décor, qu'il soit appelé à disparaître à un moment donné, je ne vois pas pourquoi on voudrait le préserver.

Le parti libéral allemand qui fait 5.8 p.c. depuis septembre 1969, je crois, à l'intérieur de l'Allemagne, en est un qui peut être appelé à disparaître. S'il disparaît, ça ne sera pas à cause du système mixte allemand ou quel qu'il soit. C'est parce que le parti libéral allemand ne correspond plus... Les allemands ne votent plus pour lui parce qu'ils ne trouvent plus chez lui l'orientation suffisante à leur volonté nationale. Je ne vois pas pourquoi on voudrait préserver, à moins de vouloir nécessairement diviser un vote, des partis qui ne représentent plus rien dans la société. Le plancher minimal de 5 p.c. est un des bons aspects du système allemand. Je trouve fort curieux que vous le mettiez comme étant... les doutes que vous avez là-dessus...

M. BLANK: M. Charron, les 5 p.c. dont vous parlez, ce sont les 5 p.c. d'un bulletin simple comme dans les länder ou les 5 p.c. du deuxième bulletin qu'on a au fédéral en Allemagne. Il y a une grande différence entre cela.

M. CHARRON: Oui, je le sais et j'apprécie l'intervention du député de Saint-Louis. D'ailleurs le programme de notre parti aussi favorise le maintien du système actuel, sauf qu'il préconise un correctif. Mais nous disons clairement, dans le programme du parti, c'est la position que nous avons défendue à chaque séance de cette commission...

M. BLANK: Il ne faut pas que...

M. CHARRON: ... Laissez-moi vous répondre, si vous le permettez. C'est la position que nous avons maintenue à chaque séance de cette commission. Nous sommes pour le scrutin uninominal à un tour tel qu'il existe. Sauf que nous suggérons d'ajouter au nombre de députés que nous sommes déjà, qui pourrait être réduit en conséquence à 90, l'adoption d'une trentaine qui, eux, viendraient comme correctif. Là les 5 p.c. commenceraient à jouer. Mais le vote, le vote comme tel de l'électeur dans le comté de Saint-Louis se ferait selon les partis, c'est-à-dire que le bulletin de vote pourrait être exactement le même que celui qui fut employé à notre élection le 29 avril dernier. Sauf que, lorsqu'on s'aperçoit qu'un parti, à travers l'ensemble du Québec, obtient 6 p.c. ou 7 p.c., donc il préconise, il représente déjà quelque chose. On ne sait pas ce qui peut arriver dans l'évolution de la culture politique que signalait le député de Gouin tout à l'heure.

Il est normal que dans le lot de députés réservés, ils aient droit à un ou deux, les 6 p. c. ou 7 p. c. normalement leur donneraient cela. Mais il est faux de prétendre, d'essayer de mener le débat en disant: Les députés du Parti québécois préconisent l'adoption du système allemand intégral ou la proportionnelle intégrale. Nous favorisons le système actuel. Ce que nous voulons, c'est un correctif pour éviter les injustices et les querelles qui ont mené depuis un an ou depuis...

M. BLANK: Pour commencer, le meilleur correctif serait la correction de la carte électorale et on va voir quel résultat cela va amener. Pour compléter le dossier de M. Lalande, il faut commencer par la carte électorale.

M. CHARRON: Le député de Saint-Louis admettra avec moi que la commission indépendante, je l'espère, qui sera chargée de refaire la

carte électorale devra d'abord savoir dans quel système nous allons fonctionner. Il est évident que, si nous adoptions ce que nous proposons, le nombre de comtés serait nécessairement réduit à 90. Je prends un exemple comme ça. Les membres de la commission devraient dans l'élaboration de leur carte se dire: Il y a 30 députés qui seront ajoutés selon la volonté de la population. Si nous disons aux membres de la commission indépendante: Nous maintenons le même système, il s'agit tout simplement de refaire la carte comme on l'a fait en 1964 ou 1965 — je ne sais trop — enfin, avant l'élection de 1966... Il est évident que la commission indépendante que je favorise, que le professeur Lalande favorise, que — je pense bien — tous les membres de la commission favorisent, enfin je l'espère, doit d'abord savoir le mode de scrutin dans lequel cette carte va...

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le député de Saint-Jacques et le député de Saint-Louis me permettraient sur ce qu'ils viennent de dire... Le député de Saint-Louis disait que déjà les modifications à la carte seraient un correctif qui précéderait le changement du mode de scrutin. Je voudrais demander à M. Lalande à quel point, dans son esprit, cela pourrait être un correctif qui précéderait déjà la modification de la carte électorale, qui serait de nature à corriger les injustices du système actuel. Dans quelle mesure est-ce qu'on peut apprécier cela?

M. LALANDE: J'ai beaucoup moins examiné la question de la carte électorale que le mode de scrutin. Je crois que le professeur André Bernard vous a dit au cours de son témoignage que la révision de la carte électorale ne modifierait pas sensiblement la situation actuelle. Mais là-dessus, je ne peux pas évidemment porter de jugement. Je n'en sais rien. Je pense néanmoins qu'avec une carte électorale mieux faite et bien sûr, puisque les 17 comtés protégés ont sauté, on arriverait très probablement à éviter la situation de l'élection de 1966. Je pense qu'à ce moment-là une telle situation à mon sens ne se produirait pas avec une carte électorale plus convenable. Néanmoins, il semble bien que la carte électorale comme d'ailleurs M. Lemieux l'a établi lui-même, ne soit pas vraiment le correctif idéal à mon sens.

M. CHARRON: M. Lemieux a dit ici en commission qu'une carte électorale plus juste, juste cela comme réforme, aurait probablement apporté comme résultat — je réfère au journal des Débats — 78 libéraux et 10 de chacun des partis.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le professeur Lemieux a été obligé d'admettre que sa base de calcul n'avait absolument rien de scientifique. Il s'agissait d'une pure hypothèse de travail.

M. HARDY: C'était...

M. PICARD: Qu'est-ce qu'elle vaut quand vous ne savez même pas quelles seraient les limites des nouveaux comtés?

M. CHARRON: En les calculant en proportion de...

M. PICARD: De quelle façon va-t-il calculer les limites des nouveaux comtés s'il ne les connaît même pas? Comment pouvez-vous faire un calcul sur cette base-là?

M. LALANDE: Je voudrais dire qu'il y a une légère différence. Je suis pour le correctif, mais je ne suis pas porté à aller chercher le correctif dans le mode de scrutin ou dans une modification au mode de scrutin, dans la façon d'élire les députés. Je verrais plutôt un autre mécanisme qu'on pourrait utiliser en certains cas seulement, dans des cas d'injustice flagrante ou dans des cas où le système serait conduit de façon particulièrement déréglée. On pourrait peut-être appliquer le correctif exceptionnellement, plutôt qu'un correctif dans le sens préconisé ici, qui vise à corriger l'ensemble de la situation. C'est là que je suis moins d'accord.

Je suis pour le correctif, mais pas dans un sens qui aurait une portée générale et permanente.

M. CHARRON: A quel endroit voyez-vous le correctif?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pas une façon radicale en somme, mais un petit mécanisme qui permettrait d'apporter cette correction.

M. LALANDE: Par exemple, pour être concret, vous avez actuellement — d'ailleurs c'est l'objet même de nos préoccupations — un écart qui me paraît sensible et que je trouve regrettable entre la proportion du vote recueilli par le Parti québécois et la proportion des sièges des membres de ce parti à l'Assemblée nationale — l'écart est de 17 p.c. ou 18 p.c. Cela me semble excessif.

Un écart de 12 p.c. ou de 10 p.c. me dérangerait moins. Je me demande si, dans l'hypothèse où une telle situaion se représenterait, il ne serait pas possible à ce moment-là de réduire l'écart jusqu'à un niveau acceptable, parce que la question d'injustice — vous en conviendrez comme moi — existe à partir du moment où on la sent, où on la perçoit, c'est subjectif ça. S'il y a des gens qui estiment actuellement qu'ils subissent une injustice, on doit les prendre au sérieux et je pense qu'à ce moment-là il y aurait lieu de trouver avec un peu d'imagination une façon d'y arriver.

Je verrais un correctif dans ce sens-là plutôt que de bouleverser notre carte, de créer des régions et de modifier sensiblement, dans le sens de la proportionnelle, notre mode de scrutin. Mais je m'arrête là parce que je n'ai pas fait ce travail, mais je souhaiterais que d'autres

qu'une commission d'étude, une commission technique s'y applique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lorsque l'injustice est vraiment perçue. Mais lorsqu'il y a accident et que 60 p.c. des gens qui se disaient lésés, laissent le parti pour lequel ils avaient opté, à ce moment-là, ce sont eux-mêmes qui corrigent l'injustice.

M. LALANDE: Il faut accepter dans notre mode de scrutin qu'il est inévitable qu'il y ait des écarts entre le pourcentage des votes recueillis et le pourcentage des sièges obtenus. Cela est inhérent au système. Maintenant, lorsqu'un parti subit les conséquences que j'appelle détraquées, du système et que cela semble exagéré, à ce moment-là il y aurait certainement lieu de trouver le correctif approprié. Je voudrais ajouter un mot sur l'intervention...

M. PICARD: Vous ne croyez pas qu'on ne devrait tout de même pas perdre le nord si on a eu un petit accident le 29 avril dernier et commencer à tout vouloir chambarder.

M. LALANDE: C'est tout à fait dans le sens de mes propos. Ce que je préconise est un correctif minimal. C'est un correctif quand même qui rétablirait la situation et qui permettrait à des gens de se sentir moins lésés qu'ils se sentent actuellement, par le système.

M. PICARD: Ne seriez-vous pas d'accord pour retarder l'application d'un tel correctif après une deuxième expérience, par exemple les élections de 1974? On verrait s'ils existent encore ces partis.

M. LALANDE: Il n'est pas question, dans mon esprit, de corriger la situation actuelle. Cela serait de prévoir un correctif qu'on appliquerait au moment de la prochaine consultation électorale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si l'accident doit se reproduire, là il y aurait une signification et le correctif aura une valeur.

M. LE PRESIDENT: M. Laurin.

M. LALANDE: Vous me permettrez...

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, M. Lalande.

M. LALANDE: ...peut-être d'ajouter une remarque aux propos du député de Saint-Jacques. Je pense qu'il a mal compris le sens de mes propos antérieurs sur le système mixte allemand. Je n'ai pas porté de jugement sur le plancher minimal, sur la clause des 5 p.c. Là où je ne suis pas ceux qui utilisent ou s'inspirent du système allemand c'est dans la transposition, dans le contexte québécois d'une telle clause. Je trouve pour ma part, assez surprenant qu'on dispose de la question dans votre document de travail, dans le document de travail du Parti québécois, dans un paragraphe ou deux. On dit: "Les modalités allemandes en ce qui touche l'élimination des partis marginaux sont transférables au Québec. En fin de compte, le choix des mesures de contrôle seraient toujours, en grande partie, arbitraires." Vous disposez, à mon sens de la question d'une façon un peu trop...

M. CHARRON: Si on allait jusqu'au dernier paragraphe.

M. LALANDE: Oui. "Mais en aucune façon ces mesures ne doivent servir au parti déjà installé pour empêcher la concurrence normale par des groupements sérieux." Alors c'est ça qui m'inquiète particulièrement et c'est l'absence de référence à d'autres formules, comme celle de M. Lemieux ou celle de M. Bonenfant, de toute référence à cette clause qui est indispensable. Je trouve, comme M. Charron, que cette clause-là, tant dans le système allemand que dans le système québécois, à l'état d'hypothèse, évidemment, est indispensable. Mais je pense qu'on procède à la légère en disant: D'accord, les 5 p.c, on les transpose au Québec, il n'y a pas de problème. A partir du moment où ces 5 p.c. seront inscrits dans votre Loi électorale, eh bien pour ceux qui connaissent un peu les groupes de pression vous aurez, quel que soit le parti au pouvoir, beaucoup de difficulté à vous en tenir à ce seuil. On fera toujours des pressions à droite et à gauche pour le faire varier. Et, à ce moment-là, vous ouvrez la porte à toutes sortes d'excès et, à mon sens, c'est là le danger.

M. CHARRON: Je pense que vous confondez deux choses dont j'ai parlé en même temps. Le principe d'un plancher minimal dans un système comme celui-là est le nombre suggéré, 5 p.c. Selon nous, pour une population électorale de 3.5 millions d'habitants, pour une société comme le Québec, ce chiffre-là qui est adopté par les Allemands pourrait être essayé ici. En aucun temps nous ne perdrions le droit de faire ce que les Allemands ont fait eux-mêmes, c'est-à-dire si nous voyons que ces 5 p.c. n'assurent pas la concurrence normale par des groupements sérieux ou au contraire tendent à l'éliminer, nous pouvons jouer avec la marge, comme les Allemands l'ont fait, vous l'avez cité vous-même. Vous me direz si j'ai tort. Dans votre intervention, c'est au principe même d'un plancher minimal que vous en aviez plutôt qu'aux 5 p.c. Si ce n'est qu'aux 5 p.c, alors on peut ouvrir un nouveau débat. Moi, je peux bien vous dire que les 5 p.c. qui sont là, c'est notre croyance — nous ne sommes pas des experts et ça pourrait être à des experts de le déterminer — qu'ils joueraient justement le rôle que nous souhaitons leur voir jouer. Certains diront que c'est 7 p.c, d'autres diront que c'est 4 p.c, d'autres diront que c'est à condi-

tion que ce soit dans trois régions. On peut le trouver. Mais qu'on distingue bien clairement — et je veux que ce soit clair dans votre esprit aussi — que l'adoption du principe d'un plancher minimal est une chose, le chiffre, et la modalité de ce plancher minimal-là en est une autre. C'est tout.

M. LE PRESIDENT: M. Laurin.

M. LAURIN: Etant donné l'heure, je vais abréger mon intervention, M. le Président. Je voulais juste dire que l'optique dans laquelle il me semble que les partis doivent se situer dans l'étude actuelle, c'est la recherche d'un système qui va non pas pénaliser ou favoriser tel parti donné, mais plutôt la progression de la justice ou de l'idéal démocratique et je pense bien que, cette optique-là, on devra toujours la remettre devant nos yeux.

Deuxièmement, le spécialiste que nous avons entendu aujourd'hui a pris plaisir à souligner les omissions des autres experts, ce qu'ils ne nous ont pas dit, ce qu'ils auraient dû nous dire.

Il y aurait peut-être une autre façon d'envisager ça. Les autres spécialistes ont mis l'accent sur des problèmes ou sur des facettes du problème qui correspondent le plus à leurs études ou à leur mentalité. En ce sens le spécialiste que nous avons entendu aujourd'hui a mis l'accent sur certaines facettes du problème qui correspondent davantage à son expérience. Je pense que cet accent, que cet éclairage, que ces éclairages finissent par se compenser mutuellement. Il ne faudrait quand même pas oublier que nous aussi, membres de la commission, ayant été instruits par tous ces spécialistes, et ayant poursuivi nos études de notre côté, nous avons pu compléter le tableau un peu comme les impressionnistes qui, avec des taches, finissent par faire des chefs-d'oeuvres.

Troisièmement, je remarque aussi que le spécialiste que nous avons entendu ce matin a avoué que, dans l'absolu, la proportionnelle est la meilleure. Bien sûr, il a dit tout de suite après qu'il n'y avait rien de nouveau sous le soleil, que plusieurs expériences ont été tentées, juste à côté de nous, et qu'il serait utile de les examiner. Je dois avouer que l'échec de ces tentatives ne me rend pas extraordinairement pessimiste.

M. HARDY: ... optimiste.

M. LAURIN: Non, parce que je me rends compte que dans l'histoire des idées, on s'est approché de la vérité par approximations successives. Il ne faut jamais cesser de remettre la même idée sur l'enclume pour voir s'il n'y a pas de meilleure façon de la concrétiser dans les faits. Mais il y a un point plus important cependant qui m'est venu à l'idée pendant que le professeur Lalande parlait. Dans l'analyse qu'il a faite des sytèmes qui ont été mis en vigueur, soit dans les autres provinces, soit dans les autres pays, y compris dans l'étude qu'il nous a citée du professeur Ray et qu'incidemment nous connaissions parce que nous l'avions étudiée, l'approche est surtout analytique et l'approche est surtout pragmatique. C'est-à-dire qu'on analyse post hoc des expériences qui ont eu lieu.

Cela me semble insuffisant dans le sujet qui est soumis à notre attention. Comme le député de Gouin l'a montré, nous sommes en pleine pâte humaine. Il y a des changements également qui ont lieu dans les mentalités, dans les structures sociales. Il me semble qu'il faut compléter cette approche scientifique, analytique, pragmatique, par une autre approche qui, elle, est plus déductive, plus normative, et qui est plus déductive aussi, et qui fait davantage état des principes qu'affectionne particulièrement le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, M. le Président, le député de Chicoutimi affectionne beaucoup les principes en général. Comme nous sommes en une matière mouvante où il y a beaucoup d'impondérables, je crois qu'il faut appliquer la méthode inductive d'abord, s'inspirant évidemment de certains principes fondamentaux.

M. LAURIN: Je suis plutôt le partisan d'une fécondation réciproque des méthodes inductives et déductives...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est ce que fait un esprit bien organisé.

M. LAURIN: Je pense qu'il ne faudrait pas privilégier indûment l'une ou l'autre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais moi, je mets l'accent sur l'essentiel et non pas sur les accidents de parcours.

M. LAURIN: L'essentiel n'est jamais dans l'incidence, dans l'induction, dans l'empirisme. L'essentiel, habituellement, on le retrouve au niveau des prinicpes.

UNE VOIX: C'est très thomiste.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme conclusion, si vous voulez, M. le Président.

M. HARDY: Je ferais remarquer au député de Bourget que ce matin il est très thomiste.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très thomiste, et il va offenser son collègue de Saint-Jacques.

M. LAURIN: De toute façon, je retiens aussi, de l'exposé que nous avons entendu ce matin, la nécessité d'un correctif. J'émettrais simplement le voeu que ce correctif ne soit pas trouvé après des études qui se prolongent

encore d'une façon indéfinie, et qui reculent d'autant plus l'avènement d'une véritable démocratie au Québec.

M. PICARD: Après 1974.

M. HARDY: Est-ce que c'est à moi, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. HARDY: M. le Président, si d'autres députés membres de la commission n'ont pas de questions à poser au témoin-expert, je terminerai ma courte intervention par une proposition d'ajournement.

M. AUDET: M. le Président, j'aurais une question.

M. HARDY: C'est pour cela que je voulais bien m'assurer que personne d'autre n'avait de questions à poser à M. Lalande.

M. AUDET: M. Lalande, on parlait tout à l'heure de certains correctifs éventuels qui pourraient peut-être prendre forme éventuellement lorsqu'on verrait certains symptômes qui justifieraient ces correctifs. Nous verrions peut-être ces correctifs prendre aussi figure de pénalisation, à l'endroit de ces symptômes apparents. Croyez-vous qu'il serait bon, lorsqu'on parlera de ces correctifs, de tenir compte du pourcentage de participation de certains territoires? Par exemple, si un certain territoire ne se préoccupe pas beaucoup, s'intéresse plus ou moins à la participation au vote, s'il y a 5 p.c. seulement des électeurs qui vont voter et que 5 p.c. s'adonnent à verser surtout pour un parti que pour un autre. S'il y avait un correctif peut-être qu'on pourrait lui donner figure de pénalisation en tenant compte du pourcentage de participation de ce territoire donné.

M. LALANDE: Oui, cela me semble aller de soi. Néanmoins, dans mon esprit, le correctif, je ne l'envisageais pas dans les deux sens. Je ne l'envisageais pas dans le sens de la pénalisation parce qu'autrement il suffirait tout simplement de passer à un autre mode de scrutin, d'aller dans le sens d'une formule de représentation d'inspiration proportionnelle. Vous n'avez pas le choix. Si vous voulez, à toutes fins utiles, corriger les maux inhérents au mode de scrutin actuel, à ce moment-là, avec tous ces maux-là, vous devez modifier le système. Pour moi, le correctif ce n'était que pour obvier aux inconvénients majeurs, les plus sérieux et les plus regrettables et non pas dans l'autre sens. Parce que, à mon sens, le système est ce qu'il est.

M. AUDET: Vous admettez quand même qu'il y a un déséquilibre lorsqu'il y a une faible proportion des électeurs qui vont s'acquitter de leur droit de vote et que cette proportion peut verser surtout vers un parti.

Donc, le territoire en question serait accordé à un parti en particulier qui aurait la grande proportion du vote donné, mais qui proportionnellement aurait l'ensemble du vote, mais ne représenterait infiniment pas la totalité.

M. LALANDE: C'est toute l'idée des régions. Je pense que c'est une idée qui est pleine de bon sens.

M. PICARD: Ne croyez-vous pas que cette pénalisation pourrait devenir à un moment donné un instrument — comment dirais-je — de préjugés à l'endroit d'une certaine partie de la population du Québec comme, par exemple, à l'endroit des centres urbains?

M. AUDET: On pourrait peut-être l'appeler autre que pénalisation. On pourrait peut-être l'appeler une justification parce qu'en somme voter est un droit. Si les gens ne votent pas, automatiquement il y a peut-être un parti plus qu'un autre qui profitera du scrutin et qui...

M. PICARD: Cela serait un genre de discrimination à l'endroit de certains secteurs de la province.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais cela, M. le Président, "it is just too bad". Si les gens ne veulent pas aller voter, ce n'est quand même pas la faute de qui que ce soit. Il faut les motiver. Alors, M. Audet, vous êtes un spécialiste de la motivation ayant appartenu aux Bérets blancs et ayant encore votre béret, m'a-t-on dit, j'imagine que vous êtes capable de motiver les gens pour que votre région soit représentée...

M. AUDET: Je n'ai pas à me plaindre dans mon coin. Ils votent à un haut pourcentage...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont eux qui ont à se plaindre.

M. HARDY: Est-ce qu'ils votent à 110 p.c. chez vous?

M. AUDET: A 90 p.c.

M. HARDY: M. le Président, je pense qu'à ce stade-ci de nos travaux, des travaux de la commission, on peut constater que nous sommes en face d'une masse assez considérable de témoignages, d'opinions qui peuvent sûrement alimenter très valablement la réflexion de chacun des membres de la commission.

Je me demande s'il ne serait pas temps que nous suspendions l'audition de témoins pour permettre non seulement aux partis comme tels mais aux membres de la commission de faire le point sur cet ensemble d'opinions que nous avons entendues. C'est une première constatation.

D'autre part, ayant toujours à l'esprit les espèces de prérequis ou de nécessités d'en arriver à des décisions, tel que l'a mentionné le

président général des élections dans son témoignage, je suis en mesure de faire part à la commission que d'ici la fin de juin — évidemment il y a certaines difficultés, d'abord la Chambre sera probablement appelée à siéger d'une façon plus accélérée, d'autre part, il y a des congés, en particulier, notre fête nationale, le 24 juin et il est difficile pour le moment de préciser la date d'une façon absolue, mais je suis, dis-je, en mesure de dire aux membres de la commission que, d'ici la fin de juin, le premier ministre fera part à la commission de certaines suggestions concrètes en particulier quant aux deux sujets suivants: les systèmes électoraux et la refonte de la carte électorale. Ces suggestions, je pense bien, tiendraient compte d'un consensus des différents partis, des différents membres de la commission. Dans cette optique, je me demande s'il ne serait pas préférable aujourd'hui d'ajourner sine die, parce que je retiens cette idée que la Chambre devra siéger d'une façon accélérée, il y a d'autres commissions qui doivent siéger...

M. PAUL: Il y a la commission des bills privés et des bills publics.

M. HARDY: Il y a la commission des bills privés et des bills publics jeudi prochain. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu aujourd'hui d'ajourner nos travaux sine die toujours en ayant à l'esprit — et ceci, je suis en mesure de l'affirmer d'une façon absolue — qu'éventuellement la commission devrait se réunir d'ici la fin de juin, lorsque le premier ministre aurait des propositions concrètes à soumettre aux membres de la commission concernant les deux questions. Par la suite, suivant le désir des membres de la commission, nous pourrions fixer un autre calendrier pour ce qui concerne les autres problèmes sur lesquels nous nous sommes entendus au comité directeur. Ce sont le financement des partis, les sondages électoraux, la Loi de contestation des élections, la Loi électorale, enfin tous les sujets que nous avons, au comité directeur, convenu d'étudier à la commission. Tenant compte de ces différents faits que je viens de souligner, je me demande s'il ne serait pas bon que nous ajournions aujourd'hui sine die. C'est ce que je propose.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis d'accord, M. le Président. Adopté.

M. LAURIN: Adopté en ce qui me concerne, avec une petite réserve cependant. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que le comité directeur se réunisse à nouveau pour fixer une nouvelle série de réunions pour l'étude des autres...

M. HARDY: D'ici la fin de juin? M. LAURIN: Oui.

M. HARDY: Personnellement je n'ai pas d'objection...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Aussitôt que possible.

M. HARDY: ... comme le comité-directeur est composé d'un représentant de chaque parti, il est assez facile de s'entendre entre nous pour fixer une date. Je retiens la suggestion du député de Bourget.

M. LAURIN: J'émettrais aussi le souhait que les suggestions concrètes faites par le premier ministre nous conduisent au respect du calendrier qui nous a été tracé par le président général des élections.

M. HARDY: Je pense bien que le premier ministre est très conscient, respecte beaucoup l'opinion qui a été formulée par le président général des élections et je peux sans risque de me tromper vous dire que les propositions concrètes que le premier ministre serait appelé à faire respecteraient sûrement les exigences de calendrier formulées par le président général des élections.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'ailleurs, elles seront faites sous toutes réserves de l'examen par la commission.

M. HARDY: Le premier ministre fera des propositions à la commission.

M. LE PRESIDENT: Je tiens à remercier notre témoin, M. Gilles Lalande, cela m'a permis de le revoir après de nombreuses années passées ensemble sur les bancs de l'école. J'espère qu'il y aura d'autres occasions pour l'inviter à venir nous éclairer à l'occasion d'études subséquentes des travaux de la commission.

M. LAURIN: Je joins mes remerciements à ceux du président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai déjà dit ce que je pensais du témoignage de M. Lalande. Je veux lui réitérer nos remerciements et le féliciter. Je souhaite vivement que nous puissions le revoir ici, l'interroger sur des sujets qu'il nous proposera, qu'il indiquera au président.

M. LAURIN: Une dernière question. Est-ce que le député de Terrebonne croit opportun — comme l'idée a déjà été émise à la commission — que chacun des partis d'Opposition fassent tenir au gouvernement une sorte d'énoncé final de ces propositions ou suggestions sur les deux sujets qui ont été étudiés?

M. HARDY: Je pense que la proposition du député de Bourget serait — si des partis sont prêts à faire des suggestions finales — très valable, parce que le parti ministériel étant très ouvert, très disponible, très désireux de connaître ce que les partis d'Opposition ont à faire valoir, il est évident que nous serions très heureux de recevoir les recommandations et les suggestions des partis d'Opposition.

M. LE PRESIDENT: La politique d'ouverture.

(Fin de la séance 12 h 45)

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