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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 19 octobre 1972 - Vol. 12 N° 101

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale

Séance du jeudi 19 octobre 1972

(Dix heures dix minutes)

M. GIASSON (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Le député de Terrebonne.

Remarques préliminaires

M.HARDY: M. le Président, je voudrais, tout d'abord, souhaiter la bienvenue aux deux organismes qui sont ici ce matin. Vous me permettrez de rappeler quelque peu la raison d'être de cette séance que nous tenons ce matin.

Nous avions convenu, il y a déjà plusieurs mois, sinon un an, qu'il serait probablement valable, étant donné l'importance du sujet que nous étudions, d'inviter la population et les organismes qui voudraient le faire à se présenter devant la commission de l'Assemblée nationale pour exprimer leurs vues sur l'ensemble de cette question que l'on a appelée la réforme électorale.

Je vous avoue que je déplore qu'un aussi petit nombre d'organismes ou d'individus aient manifesté l'intention de venir se présenter devant nous, même si, à deux reprises, je pense, des avis ont été publiés dans tous les quotidiens du Québec: même des hebdos ont publié cet avis invitant les gens à se présenter. Je n'ai pas de copie de l'avis devant moi, mais je pense que l'on détaillait tous les sujets sur lesquels on pouvait se faire entendre.

Malheureusement, il n'y a que quelques organismes qui ont répondu à notre invitation. Je suis très heureux de souhaiter la bienvenue à la Société Saint-Jean-Baptiste du Québec qui, je pense, depuis, a changé son nom. Sans évidemment vouloir être trop tatillon et même invoquer des questions de privilège en raison des remarques qui ont été faites récemment, je voudrais tout simplement, pour rendre justice aux membres de la commission, souligner que, si nous n'avons pas eu l'occasion, le plaisir et l'honneur de vous convoquer plus tôt, c'est que la commission de l'Assemblée nationale a dû abattre un travail très considérable sur le problème de la carte électorale.

Il ne faut pas oublier, non plus, que les députés qui sont membres de la commission de l'Assemblée nationale — en fait, la commission de l'Assemblée nationale, pour les fins de la réforme électorale, est composée de tous les députés; c'est en quelque sorte une commission plénière — doivent également s'intéresser à d'autres problèmes.

Même si la réforme électorale constitue un sujet extrêmement important, il ne faut pas oublier que le gouvernement et le Parlement doivent également s'intéresser à d'autres sujets. Les vacances parlementaires, à toutes fins pratiques, cette année, ont duré à peine un mois. Déjà, depuis le mois d'août, les commissions parlementaires ont dû se réunir sur une foule d'autres questions. Donc, je voulais préciser que, si nous n'avons pas eu l'occasion de vous convoquer plus tôt, c'est tout simplement par manque de temps et non parce que nous ne croyions pas à l'intérêt de vos mémoires et surtout à l'intérêt de la question que nous étudions.

Enfin, M. le Président, c'est sûrement avec beaucoup d'attention que nous allons écouter les propos qui seront tenus devant nous, ce matin. Je suis certain que les membres de la commission siégeant tant à votre gauche qu'à votre droite auront des questions pertinentes à adresser à ceux qui déposeront devant la commission.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais, au nom des membres du parti de l'Unité-Québec, souhaiter la bienvenue à ceux qui, ce matin, nous présentent des mémoires qui, sans doute, feront l'objet de questions intelligentes de la part des députés présents à la séance de la commission parlementaire.

L'honorable député de Terrebonne a mentionné sa surprise à l'effet que très peu d'organismes avaient répondu à l'invitation du gouvernement, de l'Assemblée nationale de faire connaître leur point de vue sur ce triple volet de notre système électoral, la refonte de la carte électorale, le mode de scrutin et la loi électorale.

Félicitations aux organismes qui se sont penchés sur ce problème. Il nous est permis de nous interroger sur l'absence de certains organismes intéressés à nous faire part de leur point de vue. Faudrait-il en conclure, M. le Président, qu'en résumé la population en général est satisfaite du système que nous avons et qu'elle souhaiterait le voir se prolonger plutôt que de le réformer? Je n'insiste pas davantage sur l'interprétation qu'on peut donner à cette absence ou à cette indifférence pour le moins marquée d'un grand nombre d'organismes au Québec, qui ont préféré ne pas donner suite aux invitations qui leur furent lancées pour participer au travail de notre commission parlementaire.

Ce qu'il y a de remarquable, M. le Président, c'est que ce matin, comme toujours, il y a une continuité de pensées et d'actions parmi la majorité des députés qui siègent à l'Assemblée nationale, parce que ce matin, une fois de plus, trois partis seulement se sont présentés aux travaux de notre commission parlementaire.

Je dois mentionner avec regret au journal des Débats l'absence des membres du Parti québécois qui préfèrent toujours faire des anticampa-

gnes électorales plutôt que de s'adresser à la source même des problèmes pour l'étude desquels nous avons été convoqués.

Ce sont, M. le Président, les quelques remarques que je voulais faire. Je ne comprends pas surtout l'attitude des députés du Parti québécois, lorsque l'on constate, ce matin, que l'organisme principal qui est invité à nous présenter un mémoire, c'est la Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste du Québec.

Voilà les quelques remarques que j'avais à faire au sujet de nos travaux du jour.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, je serai très bref. C'est simplement pour dire toute ma satisfaction à l'effet justement que la Société Saint-Jean-Baptiste, de même qu'une autre association aient bien voulu présenter un mémoire à cette commission, de façon que nous puissions entendre les commentaires d'au moins quelques associations.

C'est heureux que nous puissions entendre, au moins, quelques voix et nous en tiendrons certainement compte. Probablement que nous aurons aussi des questions à poser afin de clarifier peut-être des situations. Merci.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, j'invite le représentant des Hebdos du Canada à nous commenter son mémoire en le priant de s'identifier.

Hebdos du Canada

M. LEGARE: Est-ce qu'on peut rester assis? Mon nom est Jean-Paul Légaré, secrétaire administratif de l'Association des Hebdos du Canada. M. le Président, le point qui fait l'objet de notre représentation a été soumis au gouvernement il y a plusieurs années, il y a déjà sept ou huit ans. Malheureusement, on n'y avait pas donné suite. Peut-être n'avez-vous pas en main le mémoire ou plutôt la très brève résolution qui concerne notre point de vue à l'article 443 de la Loi électorale. Nous l'avions transmise tellement de fois au gouvernement que, cette fois-ci, nous l'avons remise peut-être uniquement au secrétaire de la commission.

Il s'agit peut-être d'un amendement mineur, mais je pense, tout de même, qu'il serait fondamental pour le droit des citoyens à l'information.

M. HARDY: M. Légaré, en législation, il faut se méfier des amendements mineurs. Ce sont les amendements qui semblent les plus mineurs, parfois, qui ont le plus de conséquences.

M. LEGARE: M. le Président, dans mon esprit et dans l'esprit de notre groupe, que je représente, il s'agit peut-être d'un amendement majeur. En résumé, c'est très clair et très simple. La Loi électorale, à l'article 443, autorise le président des élections à publier les avis publics concernant les élections dans les quotidiens ou par les postes de radio. Le président des élections n'est donc pas autorisé à se servir de la presse hebdomadaire pour publier les avis électoraux parce que la loi l'en empêche. La loi dit: "Dans les journaux quotidiens publiés en français ou en anglais, dans les cités ayant ur.e population d'au moins 20,000 âmes lors du dernier recensement général".

Tout ce que nous demandons, c'est que la loi autorise le président général des élections à publier les avis électoraux dans les journaux hebdomadaires. J'avais, récemment, un exemple assez frappant en ce qui concerne l'élection dans Duplessis, par exemple. Je voyais cette annonce, assez imposante, dans le journal Le Devoir. Sans faire injure au Devoir, je pense que dans la région de Duplessis il n'y a pas plus que quelques centaines d'abonnés. Alors que les journaux, par exemple, L'Avenir et Sept-Iles Journal, qui sont à Sept-Iles, qui couvrent bien leur territoire, ne peuvent publier cette annonce qui est d'intérêt public.

M. HARDY: M. Légaré, si vous me permettez, là vous faites allusion à la dernière élection.

M. LEGARE: A la dernière élection complémentaire.

M. HARDY: Oui, la dernière élection partielle. N'y a-t-il pas eu, effectivement, des publications dans l'Avenir et Sept-Iles Journal?

M. LEGARE: Oui, il y a eu des publications par le président d'élections régionales. Par ailleurs, je vois ici un avis qui est très petit, qui a un espace assez restreint comparativement à une annonce qui est publiée dans Le Devoir et celle-là par le président général des élections. De toute façon, depuis longtemps, la pratique est que, dans le cas des élections, les avis sont publiés dans les quotidiens et je pense que, pour l'intérêt de la population, notre argument repose sur le droit du public à l'information. Si on publie les avis, c'est pour renseigner la population. Comme statistique globale, je pourrais vous dire que les quotidiens pénètrent relativement peu en province, à l'exception des grands centres métropolitains. Il y a peut-être 200,000 à 300,000 exemplaires des quotidiens qui circulent en province, qui ont des abonnés en province alors que nous, chez les Hebdos du Canada, nous avons environ 600,000 à 700,000 exemplaires qui sont distribués dans les régions rurales parce que la majorité de nos hebdos sont dans les régions rurales.

Nous demandons simplement, M. le Président — cela nous semble équitable — que la loi soit amendée afin non pas d'obliger le président — nous ne voulons pas en faire une obligation — mais de lui permettre de pouvoir publier dans les hebdos les avis qui concernent la population.

Nous supprimons aussi cette partie de l'article qui dit que la ville doit avoir 20,000 de population. Cela nous semble tout à fait secondaire. C'est peut-être laissé à la discrétion du président des élections, mais, de toute façon, comme il s'agit d'un sujet d'intérêt général, c'est l'amendement que nous recommandons.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Légaré. Le député de Terrebonne.

M. HARDY: M. le Président, d'abord, il y a peut-être certaines remarques ou précisions qu'il faudrait faire. L'honorable juge Drouin, président général des élections, me communique que la loi telle qu'elle est présentement l'oblige à obtenir un arrêté en conseil pour publier dans les quotidiens, alors qu'il peut publier dans les hebdos sans arrêté en conseil. D'après ce que me dit M. Drouin —je vous communique l'information — actuellement, au fond, ce serait moins limitatif pour les hebdos que pour les quotidiens, puisqu'il a le pouvoir de publier dans les hebdos sans arrêté ministériel tandis que, pour les quotidiens, il lui faut un arrêté en conseil.

De toute façon, M. le Président, je dois dire que je concours entièrement avec l'idée que les hebdos sont sûrement le moyen le plus valable d'information de la population. Je pense qu'il serait assez facile — il y a peut-être des enquêtes qui ont été faites — même sans enquête, de déduire, dans les milieux ruraux en tout cas, que l'hebdomadaire régional est sûrement plus lu que n'importe quel quotidien. Là-dessus, je pense que l'on s'entend. Partant de cette réalité, je concède également que les journaux appartenant à votre association jouent un rôle de premier plan dans la société québécoise.

Quant à la suggestion précise que vous faites, personnellement, à cause de ce que je viens de dire, j'y suis sympathique. Maintenant, il s'agirait de voir dans les détails, sur le plan technique, sur le plan des conséquences pratiques, ce que cela peut avoir comme résultat. Il y a sûrement certains problèmes puisque vous avez mentionné vous-même qu'il y a déjà plusieurs années que vous revenez à la charge et que nous sommes toujours devant le statu quo. J'imagine qu'il y a certains aspects de la question. C'est la raison pour laquelle je vous disais tantôt que des amendements mineurs peuvent parfois avoir des conséquences majeures.

Il s'agirait d'étudier une fois pour toutes d'une façon exhaustive cette question, afin d'en arriver à une conclusion.

Pour autant que nous sommes concernés, M. le Président, je veux assurer l'organisme que vous représentez que nous allons nous pencher très sérieusement sur votre suggestion et, s'il n'y a pas d'inconvénient majeur, je suis sûr que nous pourrions arriver à une solution valable.

M. PAUL: M. le Président, j'abonde en partie dans le sens des remarques de l'honorable député de Terrebonne, surtout pour cette dernière phrase où il dit que, s'il n'y a pas d'inconvénient majeur, nous pourrions considérer et recevoir la recommandation qui nous est faite par les hebdos du Canada.

Qu'il me soit permis de vous rappeler qu'à peu près tous les ministères ne craignent pas de faire appel à la presse hebdomadaire pour publication d'annonces, par exemple les ministères de la Voirie, des Richesses naturelles, des Transports, de la Fonction publique. Je ne verrais pas pourquoi le président général des élections ne pourrait pas lui aussi faire confiance à la presse hebdomadaire pour répondre à un besoin d'information de la population.

Nous avons eu l'avantage d'entendre certains mémoires à la commission parlementaire de la liberté de la presse, où il nous a été communiqué que la pénétration des hebdos était beaucoup plus marquée et intensive que l'information quotidienne qui nous vient par la voie des grands journaux.

Personnellement, je m'interroge quant aux remarques de M. Légaré, qui se plaint à juste titre d'une situation qui ne semble pas satisfaire les hebdos, n'est-ce-pas? La situation actuelle?

M. LEGARE: M. le député, les hebdos et la population...

M. PAUL: Je vous demande pourquoi le président général des élections n'a pas usé davantage du pouvoir discrétionnaire qu'il avait. Peut-être qu'il avait peur d'être censuré par un juge d'une cour quelconque. Mais, comme il a maintenant ce même statut de juge et d'indépendance encore plus marquée, je n'ai aucun doute qu'avec beaucoup de discernement, de sagesse il pourra davantage considérer l'utilité et la nécessité de l'information des hebdos et du rôle véritablement essentiel que jouent ces journaux parmi la population, spécialement des petits centres.

Et veuillez croire, M. Légaré, que quant à nous nous allons suivre de près cette évolution dans l'attitude du président général des élections, sachant que ce matin il a réalisé une fois de plus l'importance que jouent les hebdos dans l'information quotidienne.

Nous vous souhaitons beaucoup de succès; je serais fort surpris si votre visite n'avait pas pour effet de caractériser le président général des élections par une libéralité qui sera aux bénéfices et avantage des hebdos du Canada.

M. BELAND: M. le Président, je dois féliciter M. Légaré pour sa mise au point, car pour la population, il est absolument nécessaire que tous les hebdos puissent publier ces avis. Peut-être même cela pourrait-il être inclus dans le journal non partisan que peut être Le Devoir, toujours dans un but de renseignements bien précis.

M. HARDY: Le Devoir, un hebdo?

UNE VOIX: C'est un drôle d'hebdo!

M. BELAND: En somme, disons que l'allusion est passée et que j'avais des raisons bien précises de la faire. Je pense que l'honorable député de Terrebonne me comprend très bien et je n'ai pas besoin d'éclaircir davantage le point.

Je suis, encore une fois, très fier que la suggestion ait été faite et j'espère que ce sera pris en grande considération, de façon qu'à l'avenir il y ait un peu moins de fautes commises de ce côté.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, si je comprends bien, nous n'avons pas besoin d'amendement pour appliquer une suggestion que recommande le mémoire qui nous a été présenté puisque le président général des élections a toujours et possède toujours toute latitude pour répondre, s'il le veut, à la demande qui lui est faite ce matin.

Quant à nous, nous nous fions au jugement et à la connaissance de la situation que possède le président général des élections afin d'assurer le but de la publication des avis qui est de renseigner le plus grand nombre possible de gens sur leurs droits et sur le mécanismes électoraux.

M. HARDY: M. le Président, est-ce que vous me permettez une question? Pouvez-vous nous dire combien il existe actuellement d'hebdos dans le territoire du Québec?

M. LEGARE: II y a environ 150 hebdos, peut-être même 175.

M.HARDY: Vous faites une distinction, évidemment, je suppose, entre les hebdos qui sont membres de votre association et ceux qui ne le sont pas?

M. LEGARE: Oui. Au total, au Québec, il y en a environ 175 hebdos.

M. HARDY: II y en a combien qui sont membres de votre association?

M. LEGARE: II y en a 75.

M. HARDY: II y en a 75 qui sont membres?

M. LEGARE: Oui.

M. HARDY: Evidemment, il y a deux catégories d'hebdos; il y a les hebdos régionaux dont la distribution est circonscrite à un territoire donné; il y en a d'autres, tels — je ne veux faire de publicité pour personne — Dimanche-Matin et ces journaux de fin de semaine qui sont distribués dans tout le territoire. Est-ce que, entre autres, ces hebdos qui sont distribués dans tout le territoire appartiennent à votre association?

M. LEGARE: Non, ils n'appartiennent pas à notre association. Nous ne groupons que des hebdos régionaux et il faut bien distinguer, nous groupons des hebdos uniquement de langue française. Il y a peut-être au Québec une trentaine d'hebdos de langue anglaise qui ne peuvent pas être membres chez nous. Il y a ensuite à peu près 25 hebdos bilingues...

M. HARDY: Vous êtes unilingues.

M. LEGARE: Uniquement de langue française. Il y a peut-être 25, 30 hebdos aussi qui sont bilingues, qui ne peuvent pas être membres. Il y a une bonne cinquantaine d'hebdos qui, d'après nos normes, ne sont pas acceptables chez nous...

M. HARDY: C'est-à-dire certains feuillets publicitaires.

M. LEGARE: C'est ça, nous essayons d'accepter des journaux qui comportent de l'information, des journaux qui ne sont pas que des feuilles, des circulaires, des feuilles d'annonces, surtout dans les quartiers de Montréal. Je ne veux pas les accuser, c'est peut-être un rôle que certaines feuilles peuvent jouer que de transporter uniquement de la publicité à 90 p.c. dans des quartiers de Montréal, mais nous assayons de ne grouper que des journaux qui comportent de l'information.

Alors je pense que même à 75 nous sommes très représentatifs. Nous groupons une bonne proportion des meilleurs hebdos au Québec.

M. HARDY: Mais, est-ce que l'esprit de votre recommandation serait justement que la publicité dont vous parlez soit restreinte aux hebdos membres de votre association?

M. LEGARE: Non pas du tout, je parlais de l'Avenir, de Sept-Iles, tantôt qui n'est plus membre chez nous. Non, je pense que...

M. HARDY: Mais vous ne pensez pas, M. Légaré, qu'il y aurait un danger à consacrer dans la loi tous les hebdos? A moins que le président puisse exercer une discrétion qui pourrait être critiquable. A ce moment-là, si on dit tous les hebdos, ça veut dire que le président général des élections devra publier dans des feuillets publicitaires, des feuilles publicitaires, comme vous dites, qui sont distribuées à Montréal.

Il faudrait quand même qu'il y ait certains critères, j'imagine, si on en venait à accepter votre proposition.

M. LEGARE: Je comprends la difficulté. Notre association est libre. L'adhésion est libre, c'est pourquoi il serait difficile de restreindre la

publication aux journaux d'une association où l'entrée est libre. Par ailleurs, nous n'avons pas de solution miracle, mais je pense que la base de toute la discussion doit être l'efficacité. On publie des avis pour renseigner des gens, il faut donc les publier là où les gens vont les voir.

M. HARDY: D'un autre côté, il ne faut pas faire non plus double emploi. Si l'on publie ces avis dans des hebdos qui couvrent tout le territoire du Québec et qu'on les publie aussi dans tous les hebdos régionaux, ce sera peut-être trop. Je suis d'accord avec vous qu'il faut bien renseigner le public, mais il ne faut pas non plus qu'il y ait double, triple et quadruple emploi.

M. LEGARE: M. le Président, j'avoue que les journaux de notre association constitueraient, je pense, une base valable. On pourrait dire, dans ces journaux: Nous publions des avis électoraux.

M. HARDY: Cela inciterait d'autres hebdos à faire partie de votre association.

M. LEGARE: Oui, quitte à en ajouter d'autres, et que nous, nous en ajoutions d'autres. Je ne vois pas de solution précise. Nous défendons, bien sûr, l'hebdo, mais je vous assure que ce que ça représente monétairement, pour chacun des hebdos, c'est assez insignifiant. Nous avons eu des plaintes dans le passé, depuis un grand nombre d'années, même de la part des lecteurs, non pas nécessairement des électeurs, qui nous disent: Comment se fait-il que nous n'ayons pas telle information d'intérêt général pour tous les électeurs dans les journaux que nous lisons?

Encore une fois, on s'illusionne au Québec, quand on pense qu'en publiant dans les quotidiens on couvre les 6 millions de Québécois; ce n'est pas vrai. C'est peut-être une lacune à l'heure actuelle dans la province de Québec que les quotidiens soient dans une très forte proportion limités dans les grands centres urbains, Montréal et Québec. La presse hebdomadaire, dans bien des régions, a un territoire vierge. Souvent, l'hebdo est seul à renseigner sa population, parce que les quotidiens n'y vont pas. Les choses sont comme ça au Québec. C'est pourquoi nous pensons qu'il ne doit pas y avoir, au départ, de discrimination, mais que la porte doit être ouverte, de telle sorte que les hebdos puissent transmettre cette information à leurs lecteurs et aux électeurs.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chauveau.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, en plus de l'Association des hebdos du Québec, il y a également une autre association qui, je pense, peut chapeauter cette première association et qui s'appelle les hebdos A-l du Québec.

Il y a, quand même, incompatibilité dans une décision qu'on peut prendre au niveau des hebdos si on y va "at large" ou bien si on fait, d'une façon discriminatoire, une sélection. Vous parliez tout à l'heure du journal L'Avenir qui ne fait maintenant plus partie de votre association. Par contre, on peut le retrouver dans l'Association des hebdos A-l du Canada. Je pense donc que la portée du message véhiculé par un journal comme celui-là est un indice qu'il couvre à plein le territoire donné, soit la région de la Côte-Nord, de la Basse-Côte-Nord et de la Moyenne-Côte-Nord. Je me réfère quand même non pas à votre dernière accusation, mais à votre dernier exemple de disparité dans l'annonce faite, soit localement ou provincialement.

M. LEGARE: M. le Président, il y a peut-être une précision à apporter. Il n'y a pas, en fait, deux associations. L'Association des hebdos du Canada est une association professionnelle groupant 75 hebdos; 20, 21 ou 22 de ces hebdos ont créé un bureau d'affaires qui s'appelle les Hebdos A-l, mais ces 21 hebdos A-l sont tous membres des 75.

M. HARVEY (Chauveau): Je vous arrête en vous disant que ceux qui sont membres des Hebdos A-l couvrent, quand même, toutes les régions du Québec, sans exception, et ont des critères d'acceptation beaucoup plus sévères, je pense, que ceux qui existent chez vous.

M. HARDY: Je voudrais faire une correction à l'adresse de mon bon ami, le député de Chauveau. On peut dire qu'il y a des hebdos A-l dans tous les coins de la province, mais ils ne couvrent pas tout le territoire de la province. J'ai, dans ma région, un hebdo A-l qui couvre une bonne partie du territoire, mais il y a une partie du territoire de la région qui est couverte par d'autres hebdos qui ne sont pas A-l.

M. HARVEY (Chauveau): Oui.

M. LEGARE: Je pense qu'il ne faut pas mêler les deux groupes. Les A-l existent pour vendre de la publicité uniquement. C'est leur principale raison d'être. C'est un bureau d'affaires.

M. HARDY: Ce qui me fait penser à cela, c'est que je vois ici dans l'auditoire un résidant de Sainte-Thérèse, qui est sûrement un lecteur d'un journal très bien connu à Sainte-Thérèse, qui n'est pas A-l et qui couvre le territoire de Sainte-Thérèse.

M. HARVEY (Chauveau): II est peut-être A-l, mais pas dans l'association des A-l.

M. LEGARE: M. le Président, je ne sais pas si ça coûterait des millions à la province de faire publier les avis dans tous les hebdos. Ce serait peut-être à étudier aussi.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.

M, PICARD: M. le Président, au moment où je vous ai demandé la parole, j'avais une question à poser à M. Légaré, mais le député de Terrebonne a passablement couvert le sujet. Je pourrais peut-être apporter un exemple. M. Légaré nous a dit, tout à l'heure, qu'il n'y aurait pas obligation pour le président d'élections de publier dans les hebdos. Maintenant, l'exemple que j'aimerais apporter est celui-ci. Durant une campagne électorale, quelques semaines, peut-être quelques mois, parfois, avant le jour du scrutin, il naît de nouveaux hebdos qui, par un hasard, disparaissent immédiatement après le vote.

Si jamais on était appelé à inscrire dans le texte de loi l'obligation, pour le président des élections, de publier dans les hebdos les avis officiels de l'élection, je considère qu'il serait très important d'établir des critères. Il y a de ces feuilles électorales qui se déclarent des hebdos et qui, au cours d'une campagne électorale, ne publient pas seulement une fois par semaine comme un hebdo doit le faire, mais ils publient des éditions spéciales, deux ou trois fois par semaine. Le président des élections serait dans l'obligation de publier des avis officiels dans de tels journaux. Je pense que c'est un point sur lequel il faudra faire bien attention si jamais on incluait dans le texte de loi l'obligation, pour le président des élections, de publier dans les hebdos.

M. LEGARE: M. le Président, nous avons, à ce sujet-là, dans notre association, un règlement qui dit que, pour être membre, un journal doit avoir publié, dans l'année précédant sa demande, 48 numéros pendant 48 semaines. Cela élimine ces journaux qui sont des sortes d'étoiles filantes lors des campagnes électorales.

M. LE PRESIDENT: Le député de Wolfe.

M. LAVOIE (Wolfe): Je voudrais avoir votre opinion sur ce sujet, M. Légaré. Croyez-vous que, du fait de ne pas avoir publié les annonces dans les hebdos, certains électeurs n'ont pas été assez renseignés au moins pour aller voter ou quelque chose de semblable? Croyez-vous que cela leur nuit à ce point ou bien si c'est seulement une question, pour les hebdos, d'avoir une annonce de plus ou un revenu de plus, si vous voulez, en termes bien précis? Est-ce pour ça ou bien si, réellement, les électeurs, dans le passé, n'ont pas été assez bien renseignés sur les activités gouvernementales et les activités électorales?

M. LEGARE: Je pense qu'il n'y a aucun doute. Je n'ai pas de cas précis. Mais moi, je crois à la valeur de cet avis électoral, qui est un avis officiel qui doit être disponible, qui est publié, qui est rendu public. Si quelqu'un est privé de ce privilège ou du droit de consulter cet avis public, je pense qu'il y a une sorte de discrimination. Cela me paraît beaucoup plus important que les quelques dollars qu'un hebdo pourrait perdre parce qu'il n'a pas telle annonce.

Je crois à l'efficacité, encore en 1972, de ces avis.

M. LAVOIE (Wolfe): Moi aussi, je suis d'accord. Je voulais savoir si, parfois dans le passé, vous avez eu des plaintes.

M. LEGARE: Si l'électeur n'a pas accès à cette information à laquelle il a droit, je pense qu'il est privé d'un droit ou d'un privilège.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, d'autres questions à poser à M. Légaré?

M. HARDY: Pas pour moi.

M. GAGNON: J'aurais une question à poser à M. Légaré. C'est la suivante. Les hebdos prennent de plus en plus d'ampleur à l'intérieur des territoires régionaux. Etes-vous d'avis qu'être privé d'informations essentielles, entre autres sur la Loi électorale, puisqu'on discute de ce sujet-là, soit de nature à gêner la nouvelle clientèle dans l'achat de votre hebdo? Je remarque, dans bien des cas, que les gens défavorisés économiquement sont plus enclins à s'abonner à un hebdo, qui est moins cher, qu'à un journal quotidien. A ce moment-là, des choses comme on relate, ce matin, seraient de nature peut-être à priver les hebdos d'une certaine clientèle, clientèle dont ils ont besoin. Etes-vous d'avis que cela puisse jouer un certain rôle?

M. LEGARE: Non, je ne pense pas que cela aille jusque là. L'avis, il ne faut pas lui donner plus d'importance qu'il n'en a. L'hebdo peut vivre sans l'avis électoral. Il a vécu jusqu'ici sans les avis électoraux. Mais c'est une information, d'après moi, indispensable. Notre seul argument est qu'il n'y ait pas de discrimination. Qu'on rende l'information au sujet des élections disponible. L'hebdo est un canal et nous pensons que c'est un media valable pour atteindre les citoyens.

M. LE PRESIDENT: M. Légaré, un instant.

M. SEGUIN: M. Légaré, pour mon information, quelle est la distinction que vous faites entre publicité et information? Tout à l'heure, vous avez dit que l'association des journaux A-l a été formée pour fins publicitaires seulement. Est-ce que, par exemple, dans le cas où il s'agit d'annonce électorale, en plus d'être de l'information, ce n'est pas aussi de la publicité? Quelle est la distinction que vous faites entre ces deux choses? C'est simplement pour éclairer ma lanterne.

M. LEGARE: C'est une distinction assez difficile à faire. Je ne sais pas, on pourrait procéder par un exemple.

Un journal de quartier, à Montréal, qui ne contiendrait, à 95 p.c. que des annonces d'épiceries de toutes les chaînes de Montréal, je pense, ne jouerait pas son rôle de journal qui est de renseigner la population. Il ne serait pas la conscience de son milieu. Il n'aurait pas de préoccupation sociale dans son milieu. Evidemment, l'annonce est une information. Mais quand il y a abus de l'annonce, cela devient une feuille publicitaire mercantile. Je ne pense pas que ce journal joue un rôle quelconque dans l'information des citoyens sur les affaires sociales, politiques et économiques. D y a de l'abus des deux côtés.

Au début de l'histoire de la presse, les journaux n'avaient que de l'information. La publicité était inconnue. Aujourd'hui, on est rendu à l'autre extrême. Dans certains cas, des journaux n'ont que de la publicité, que de la réclame. D'après moi, ce ne sont plus des journaux. Dans notre association, nous n'admettons pas ces journaux qui ont un trop fort pourcentage de publicité commerciale et qui n'ont plus d'information.

M. SEGUIN: Vous faites la distinction, en d'autres mots, entre , comme on dit en langue anglaise, "advertising and information". C'est là la distinction.

M. LEGARE: D'accord. Vous voyez comme moi qu'il y a une différence considérable entre un avis électoral et la publicité de produits de consommation alimentaires.

M. LE PRESIDENT: M. Légaré, nous vous remercions. Veuillez croire que les membres de la commission ont pris bonne note de la recommandation que vous avez déposée. Il en est de même, je présume, pour le président général des élections du Québec.

J'invite maintenant le représentant du Mouvement national des Québécois à déposer ses commentaires.

Mouvement national des Québécois

M. MORIN: M. le Président, MM. les députés. On a indiqué, à l'instant, qu'il existait peut-être un manque d'intérêt à travers le Québec pour ces questions de réforme des modalités...

M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, pourriez-vous présenter les gens qui vous accompagnent?

M. MORIN: Oui, très volontiers, M. le Président. A ma gauche immédiate, M. Maurice Vallières, président de la région des Laurentides, M. Jolicoeur, président de la région de l'Amiante, M. Lagueux, qui est également de cette région et s'occupe de l'administration de cette section; à ma droite, M. Léo Jacques, directeur général du Mouvement national des Québécois, qui est notre principal administrateur et celui qui a organisé, à travers le Québec, les séances d'information, les colloques, les diverses manifestations qui ont mené à ce mémoire.

Je faisais allusion, M. le Président, il y a un instant, à une certaine indifférence des citoyens pour les questions dont nous débattons ce matin. En ce qui me concerne, j'ai plutôt l'impression, à la suite du processus d'animation sur la question que nous avons connu à travers le Québec, dans dix de nos quinze régions, que les citoyens s'y intéressent. Ils ne s'y intéressent pas de manière active autrement qu'en période électorale alors que tous les bobos et tous les vices du système sont plus apparents qu'ils ne le sont à l'heure actuelle. Encore qu'on a bien vu, dans une élection toute récente, que lorsque le processus électoral n'est pas suffisamment contrôlé de près, il peut arriver des choses pénibles et regrettables pour tous les partis en présence.

De deux choses l'une: ou bien il y a une résignation de la population — pour ma part je n'y crois pas — ou bien on compte un peu sur les députés, qui sont les élus du peuple, pour faire cette réforme. Après tout, les députés, qui ont vécu le processus électoral — vous l'avez tous vécu ici, j'allais dire que nous l'avons tous vécu — savent très bien...

M. HARDY: Vous admettrez, M. Morin, que suivant qu'on soit dans une situation ou l'autre, la perception peut être différente.

M. MORIN: Sûrement, bien que je crois que le député de Terrebonne admettra qu'il est dans l'intérêt de tous les partis que le processus électoral soit honnête, soit sincère, comme dit Maurice Duverger.

M. HARDY: C'est un point sur lequel je suis entièrement d'accord avec vous.

M. MORIN: Bon. Alors sur cette base, nous pouvons procéder. Nous croyons, en tout cas, que vous êtes les premiers intéressés. Mais je voudrais souligner qu'à travers tout le Québec, à travers dix de nos régions, nous avons tenu des séances d'information. Nous avons fait appel, d'ailleurs, à certains députés pour venir nous entretenir de la question. M. Cournoyer a accepté notre invitation. Je crois que vous-même, avez rencontré nos permanentes, à une séance d'étude.

M. HARDY: Avec grand plaisir. Nous avons eu une réunion très fructueuse, à mon avis. Je ne sais pas si ce fut l'avis de tous.

M. MORIN: Fort bien. Je crois que c'est l'avis de tout le monde. C'est simplement pour dire qu'il ne faudrait pas croire que l'indifféren-

ce soit si générale. Nous sommes tous au fait qu'entre deux élections, malheureusement, la politisation des Québécois n'est pas tout ce qu'elle devrait être. On se désintéresse peut-être un peu trop du processus électoral. Mais c'est notre responsabilité, vous-mêmes en tant que députés et nous-mêmes en tant que représentants du Mouvement national des Québécois, de voir ce qu'il est possible de faire. C'est pourquoi nous vous soumettons une trentaine de recommandations.

Je n'ai pas l'intention, puisque vous avez les documents devant vous, de lire les 30 recommandations. J'imagine que vous en aurez pris connaissance. Mais je pourrais peut-être, si vous le voulez bien, si vous voulez m'y autoriser, M. le Président, les résumer.

Jusqu'ici, on a pu constater, au Québec, les fruits d'un système électoral qui date, en gros, du 19e siècle, qui a été amélioré, bien sûr, par petites retouches mais qui, sans doute, ne correspond plus à la sociologie du Québec. C'est un système électoral qui a été pensé, sans doute, pour un Québec beaucoup moins urbanisé que celui dans lequel nous vivons. Ceux qui ont été candidats dans les villes savent à quel point, par moment, ce processus est inadéquat.

Ce système a toujours porté des fruits qui, traditionnellement, faisaient rire. Tout le monde connaît les tableaux de Krieghoff, où on voit la cabale avant les élections, au 19e siècle. Ce sont des tableaux qui sont enchanteurs. Ce sont de fort beaux tableaux, mais qui dénoncent nos moeurs électorales à l'époque. Elles n'étaient pas très jolies.

Je crois que, dans bien des cas, on peut constater que nos moeurs électorales ne se sont pas tellement améliorées. Chacun connaît les listes électorales faussées, les noms et adresses fictifs. On en a tous eus, dans chacun de nos comtés.

M. HARDY: Evidemment, si vous n'êtes pas d'accord sur notre façon de procéder, vous nous le direz.

M. MORIN: Oui.

M. HARDY: Je sais que vous êtes professeur et probablement que cela se fait comme cela dans vos cours maintenant. Vous êtes probablement interrompu pendant votre cours magistral, pour des questions.

M. MORIN: Constamment.

M. HARDY: Si vous acceptiez le même procédé, ce serait peut-être plus valable parce qu'à mesure que les questions surgissent dans notre esprit, nous pourrions peut-être vous les adresser, si les députés et, évidemment, vous-même, acceptez.

M. MORIN: Tout à fait. D'ailleurs, je voudrais que mes collègues se sentent bien libres d'intervenir eux aussi.

M. HARDY: Oui. Si je comprends bien, jusqu'ici, le sens de votre intervention, c'est que vous faites état du piètre état de nos moeurs électorales. Devrait-on conclure de cet état de fait que nous avons, nous, au Québec, besoin de lois plus précises, plus rigides, que d'autres populations, au fond que nous aurions besoin d'être plus dirigés, au Québec qu'ailleurs, afin d'arriver à un climat électoral plus sain?

M. MORIN: Ce n'est pas une question de dirigisme.

M. HARDY: Vous parlez de lois plus précises, de mécanismes plus précis.

M. MORIN: Oui. Si vous voulez parler de mécanismes plus précis, plus faciles à vérifier et à contrôler, nous sommes d'accord. Dirigisme, j'éviterais ce mot dans le contexte des élections...

M. HARDY: D'accord.

M. MORIN: ... parce qu'on penserait alors plutôt au colonel ou à quelque chose comme cela.

M.HARDY: Oui, oui.

M. MORIN: Beaucoup de pays, pour le moins aussi civilisés que le nôtre, les pays européens, ont des systèmes électoraux beaucoup plus hermétiques et beaucoup plus rigides que le nôtre: des listes électorales permanentes, l'obligation, pour l'électeur, de s'identifier, pas seulement de prêter serment. Nous savons tous à quoi rime le serment, aujourd'hui. Quand on a affaire à des professionnels du "télégraphe", dans certains comtés, prêter serment, ce n'est pas une difficulté pour ces gens.

M. HARDY: Vous faites allusion au peu de respect que des Québécois auraient pour le serment. Est-ce que, dans votre esprit, cela représente un nombre assez considérable de personnes, qui manqueraient de respect comme cela pour le serment?

M. MORIN: Et tout cas certainement ceux qui, le jour des élections, font profession de passer des votes faux, qui font un métier de la supposition de personnes. Je crois que ces gens, cela ne les fatigue pas beaucoup, le serment.

M. HARDY: Considérez-vous qu'il y aurait proportionnellement à la population un plus grand nombre de ces gens ici, au Québec, qu'ailleurs?

M. MORIN: C'est bien difficile à dire, il faudrait demander ça à un sociologue qui, après une enquête, nous le dirait. On a dit bien souvent — et je ne suis pas le premier à le dire — que les moeurs électorales du Québec sont demeurées un peu primitives. C'est sans doute

lié au niveau d'éducation général, qui augmente depuis quelques années.

Je ne dis pas que les moeurs électorales ne se sont pas améliorées depuis quelques années. Il y a eu un progrès, mais nous pensons justement que le nouveau système électoral devrait consacrer ce progrès de la mentalité des Québécois.

Il y a quelques années, nous aurions voulu, nous, créer un intérêt autour de cette question dans nos régions et ça n'aurait intéressé personne. Tandis que maintenant, dix de nos quinze régions ont organisé des journées d'étude sur la question. Donc, il y a un intérêt, je crois.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. Morin, vous venez de parler de cette habitude ou de ces faux votes qui peuvent se donner à l'occasion d'une élection partielle ou générale.

M. MORIN: Parmi d'autres tares.

M. PAUL: Est-ce que vous admettez que ce phénomène se passe très rarement dans les comtés ruraux?

M. MORIN: Je ne peux pas dire que je connaisse aussi bien les comtés ruraux que le député de Maskinongé. Mais d'après ce que j'entends dire, c'est exact, il y a moins de "télégraphes" dans les comtés ruraux parce que tout le monde se connaît. Mais en ville, c'est une plaie, et surtout dans une ville comme Montréal où les gens ne connaissent pas même leur voisin quelquefois.

M. PAUL: Est-ce que c'est plus une plaie qu'un déménagement massif de 3,000 personnes à la veille d'un recensement électoral?

M. MORIN : C'est du même ordre. A quoi faites-vous allusion?

M. PAUL: Cela me vient tout simplement à l'esprit.

M. MORIN: Vous pensiez à une région rurale où il y aurait...

M. PAUL: Non, une région urbaine. Supposons, par exemple, que dans le comté de Terrebonne il y aurait un déplacement massif de 3,000 électeurs dès qu'il y a rumeur presque imminente et émission de brefs d'élection, pour tâcher de favoriser un candidat dans une élection.

M. HARDY: Immédiatement, M. le Président, je voudrais faire une mise au point. Dans le comté de Terrebonne, il n'y a pas suffisamment de maisons de chambres pour accueillir tant de monde que ça.

M. MORIN : Certainement que quelquefois les déménagements — le député de Maskinongé en aura entendu parler — sont très nombreux et quelquefois même on déménage dans une maison inexistante. Et pour ma part, j'ai eu l'expérience de pâtés entiers de maisons qui apparaissaient sur les listes électorales, mais qui n'étaient que des champs vagues. Et là-dedans, on avait trouvé moyen de rentrer de gré ou de force jusqu'à 80 ou 90 personnes.

C'est également un autre aspect, ce n'est pas le "télégraphe" classique, c'est une autre façon de fausser les élections. Mais tout ça existe encore — d'ailleurs, ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre — à des degrés divers, bien sûr. Il y a des comtés qui ont des moeurs peut-être plus civilisées que d'autres.

UNE VOIX: Qui ont plus de chance.

M. MORIN : Qui ont plus de chance à cause de leur structure sociologique. C'est bien possible. Mais la ville — et c'est aux députés des villes que je m'adresse surtout — demeure hélas un foyer de truquage électoral pitoyable.

M. PAUL: Possible.

M. MORIN: Possible, mais je crois aussi existant. Dans les faits, je le crois. Surtout la grande ville. On dirait que plus on tombe dans la grande ville, plus ce genre de moeurs peut se propager facilement. Et ça tient essentiellement au fait que dans la petite ville on connaît pas mal son voisin et qu'un responsable de "poil" connaît tout le monde. A la ville, vous savez comme moi que c'est beaucoup plus difficile.

M. LAVOIE (Wolfe): Vous n'avez pas l'air d'avoir une haute opinion des gens de la ville, M. Morin.

M. MORIN : Je suis moi-même fortement urbanisé, suffisamment pour savoir que, malheureusement, en ville, souvent, le tissu social est beaucoup moins intégré que dans nos régions rurales.

M. HARDY: Vous donnez presque raison à M. Caouette.

M. MORIN : Je ne voudrais pas entrer dans une controverse, surtout par votre intermédiaire, avec M. Caouette. Ce qui est bien certain...

M. PAUL: Pourtant, vous prêchez la même chose que lui, une certaine réforme monétaire.

M. MORIN: Je ne suis venu ce matin vous enretenir que de la réforme électorale. Chose certaine, nos gens étant mieux ancrés dans leur société locale à la campagne, je crois que ce genre de moeurs a moins de chance de se propager dans une société qui se tient. Mais à la ville, le tissu social est éclaté, il est à reconstituer, je n'ai pas à vous le démontrer, je pense bien que nous sommes tous au courant de ces problèmes.

C'est une des conséquences de cette atomisation sociale que des moeurs de ce genre puissent se propager ou être utilisées avant et pendant les élections.

Je ne voudrais pas apporter une réponse tout à fait définitive sur les conditions qui peuvent exister dans les régions rurales que je ne connais pas ou que je connais mal. Il y a ici des représentants qui viennent de régions moins urbanisées que Montréal, mais je ne crois pas qu'on ait, à proprement parler, des représentants des régions rurales ce matin.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, si vous parlez d'erreurs volontaires ou non voulues par les recenseurs lors de la composition des listes électorales, dans quelle proportion établissez-vous les erreurs volontaires pour l'ensemble d'un comté urbain, si vous voulez?

M. MORIN: J'imagine que ça doit varier énormément d'un comté à l'autre. Mais prenons certains comtés...

M. HARVEY (Chauveau): Entre quels pourcentages?

M. MORIN: ... de l'est de Montréal, n'est-ce pas, ou du nord-est de Montréal avec lesquels je suis, par le hasard des circonstances, un peu plus familier. Sur un comté de 63,000 électeurs, nous avons de très bonnes raisons de croire, après enquête, qu'il pouvait y avoir environ 2,000 à 2,500 non-citoyens inscrits sur les listes et qu'on a passé, ce jour-là, disons, quelques centaines de "télégraphes", jusqu'à concurrence de 1,200 ou de 1,500 au maximum.

Nous retraçons cela par les noms fictifs, les adresses fictives, les personnes déjà enterrées, ce genre de choses.

M. HARDY: Dans un autre ordre d'idées, M. Morin, est-ce que vous êtes au courant que, lors des dernières élections scolaires au mois de juin, qui se sont faites à une échelle plus large à cause du regroupement des commissions scolaires...

M. MORIN: Oui.

M. HARDY: ... il y a eu sur les listes électorales des erreurs infiniment plus considérables que celles que l'on retrouve généralement aux élections provinciales?

M. MORIN: Oui. Ce qui me frappe dans tout ça, c'est que c'est un procédé artisanal, qu'on recommence chaque fois.

M. HARDY: Je voulais attirer votre attention là-dessus pour bien démontrer qu'il n'y a pas nécessairement relation, puisque c'était dans les commissions scolaires rurales, entre erreurs ou lacunes sur les listes électorales et volonté de substituer des personnes. Il arrive — et, là-dessus, je vous rejoins — que les lacunes dans les listes électorales découlent beaucoup plus, je pense, du procédé artisanal que l'on utilise que de la malhonnêteté des gens.

M. MORIN: Vous savez, la loi permet quand même à ces choses de se produire. Il suffit qu'il y ait, dans certains comtés, des personnes mal intentionnées pour utiliser chacune des faiblesses de la loi. Et c'est ce qui se passe dans beaucoup de comtés. C'est pour ça que, à supposer même que personne ne soit mal intentionné, ce qui, selon mon expérience, n'est pas le cas — parce qu'on ne peut pas tenir pour acquis que tout le monde est mal intentionné; ce n'est pas le cas — que tout le monde soit éduqué, que les scrutateurs soient des gens vraiment de niveau scolaire suffisant, etc., avec toutes les lacunes que nous lui connaissons, la loi demeure inadéquate, la loi ne permet pas un contrôle suffisant. C'est pour ça, d'ailleurs, que notre principale recommandation, c'est la création d'une commission qui comporterait, en fait, un président et trois commissaires. Cette commission permanente, où chacun aurait des fonctions précises, serait nommée par l'Assemblée, à la majorité des deux tiers et ses membres seraient choisis parmi des gens qui seraient vraiment au-dessus de tout soupçon.

Nous ne faisons pas de réflexion sur les personnes qui, à l'heure actuelle, s'occupent d'élections, comme le président général des élections. Nous ne voulons pas dire qu'il y a malhonnêteté à l'heure actuelle. Nous pensons qu'il y a lieu d'améliorer le système considérablement à ce niveau et de donner des pouvoirs réels à cette commission.

M. PAUL: Vous parlez d'un commissaire général et de trois commissaires adjoints. Est-ce par pur hasard que vous suggéreriez trois commissaires adjoints qui répondraient actuellement à la présence en Chambre de trois partis politiques officiels reconnus?

M. MORIN: Non, ce n'est pas à ça qu'on pensait et, très franchement, ça ne nous a même pas effleurés.

M. PAUL: Est-ce que vous verriez une objection à ce que chaque parti reconnu ait un commissaire adjoint comme membre de la commission?

M. MORIN: Oui, oui.

M. PAUL: Vous y auriez objection?

M. MORIN: Oui, parce que ça politiserait cette commission. D'ailleurs, vous voyez la bisbille qui se mettrait à régner là-dedans, chacun tirant la couverture de son côté. Nous pensons vraiment à des personnes impartiales et reconnues comme telles par tous les partis ou, en tout cas, par une majorité des deux tiers de l'Assemblée.

M. DEMERS: Cela existe, ça?

M. MORIN: Nous pensons que ça existe.

M. BROWN: Who is impartial? Could you find one person in the world who is impartial?

M. MORIN : Oui, il y a des personnes qui sont impartiales.

M. BROWN: Are you impartial?

M. MORIN: Moi, je suis membre d'un parti reconnu, ce qui n'est pas la même chose et je n'ai pas la prétention d'être élu président des élections, pas du tout. Je pense avoir d'autres fonctions à remplir que celles-là. Pour le processus électoral lui-même, pour s'assurer que les députés soient vraiment le choix du peuple, il y a moyen de trouver quatre personnes, et même davantage, quatre personnes impartiales.

Je ne dis pas quatre personnes sans convictions politiques, ce n'est pas la même chose. Je pense que le député confond les convictions politiques et l'impartialité. H confond les convictions politiques et l'honnêteté. Il est possible d'avoir des convictions politiques profondes et d'être cependant honnête et impartial, j'en suis convaincu. J'en connais, de ces personnes, et je suis sûr que si le gouvernement se donnait la peine de chercher il en trouverait.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Iriez-vous jusqu'à la liste permanente et la carte d'identité?

M. MORIN: Oui. La carte d'identité, mais attention, pour fins électorales seulement, comme il existe déjà des cartes d'identité pour d'autres fins, n'est-ce pas? Autrement dit une carte qu'on ne pourrait pas exiger pour d'autres fins, notamment pour des fins d'identification dans la rue. Voilà ce que nous aurions à dire sur cette question.

UNE VOIX: Une photo sur la carte?

M. MORIN : Oui, dans la mesure du possible, quoique là, ça dépendrait évidemment... Vous allez nous dire: Est-ce qu'on a le temps de créer un tel système avant les prochaines élections? Il se peut, si vous ajoutez la photo, que ça complique le processus. Il faudra que chaque électeur se déplace ou qu'on trouve un système de photographie portative.

M. GAGNON: Ou la carte d'identité pourrait être comme un chèque de voyageur. Celui qui va voter a sa signature sur la carte et il l'oppose devant le scrutateur.

M. MORIN: C'est un autre moyen. De toute façon, nous n'avons pas d'attitude rigide là- dessus. Cela pourrait être la photo ou la signature, mais ce serait déjà tellement mieux que ce qu'on a à l'heure actuelle.

M.GAGNON: Pour les villes, incontestablement.

M. MORIN: Pour les villes d'abord et avant tout, et je ne suis pas sûr que dans certaines régions rurales ça ne rendrait pas service aussi. Oui, bien sûr, c'est la question de principe qui est importante. Les détails, les modalités, on peut en discuter. J'imagine qu'on pourrait laisser ça à des experts techniques, quoique je suis bien prêt à en discuter ce matin, si vous le voulez.

Nous avons donc proposé, M. le Président, une commission permanente, une liste électorale permanente, une carte d'électeur. La liste électorale permanente devrait peut-être être décentralisée, mais être sous le contrôle de la commission des élections. Nous pensons que les municipalités pourraient fort bien tenir ces listes permanentes, parce qu'elles sont plus près des électeurs.

M. HARDY: Quand j'ai lu cette recommandation de votre part, je me suis demandé si ceux qui avaient préparé le mémoire avaient eu l'occasion de participer déjà à des élections municipales. Encore une fois, il y a l'expérience des dernières élections scolaires, mais il ne faudrait peut-être pas en faire un cas type, parce que c'est quand même une expérience un peu unique. Il y a quand même les élections municipales qui se font régulièrement, il y a même un maire ou un ex-maire ici, il y a des gens qui ont participé aux élections municipales. Je n'y ai jamais participé à titre de candidat, mais j'ai eu l'occasion de voir, comme avocat, que le problème qui se pose aux élections provinciales se pose aux élections municipales. Souvent, des citoyens ne sont pas inscrits, arrivent pour voter...

Je me demande si c'est vraiment une solution. C'est une question que je me pose. Je me demande si, eu égard à l'expérience vécue au niveau des élections municipales, des élections scolaires, ce serait une solution vraiment valable que de confier à ces organismes le soin de préparer une liste permanente.

M. MORIN: Mais vous savez ce qui existe dans certains pays? Un même contrôle existe sur les électeurs à tous les niveaux électoraux, c'est-à-dire que votre carte d'électeur, en France, par exemple, votre carte nationale d'identité, qui sert de carte d'électeur, vous pouvez la présenter aux élections municipales, aux élections communales, comme on les appelle là-bas.

M. HARDY: Est-ce que ce sont les municipalités qui la font, cette liste?

M. MORIN: C'est la mairie qui fait la liste. Il

faut dire que les services administratifs français sont très développés, mais ce n'est pas à exclure. On a le choix au fond entre deux systèmes. On peut refaire tout le processus électoral, aussi bien municipal que scolaire et la carte d'identité peut servir à toutes les fins, et la liste permanente peut servir également à toutes les fins. Pourquoi est-ce que cette liste permanente ne servirait pas aussi les municipalités.

M. HARDY: Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas de difficulté. La liste pourrait servir à tout le monde. D'ailleurs, j'en profite pour le dire, je pense qu'il y a presque consensus à la commission parlementaire sur la nécessité d'avoir des listes permanentes. La seule question qu'il nous reste à définir, c'est le mécanisme. Que ça serve à tout le monde, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de discussions. Le problème qu'il reste encore à résoudre, pour certains d'entre nous, c'est d'identifier le mécanisme le plus valable pour fabriquer cette liste permanente et pour la tenir à jour.

M. MORIN: Oui.

M. HARDY: Vous proposez une solution, que ce soient des administrations locales qui aient la responsabilité de fabriquer cette liste. Je ne dis pas que ce n'est pas la bonne solution, je me pose des questions à cause d'expériences. C'est peut-être la meilleure. Maintenant, j'aimerais savoir si vous avez aussi étudié d'autres possibilités.

M. MORIN: Oui. Il y en a plusieurs. Cela a été débattu assez longuement aussi, je dois dire, dans nos structures. On peut songer à plusieurs variantes. La première est évidemment que ce soient les municipalités qui, avec l'aide d'un représentant de la commission québécoise des élections, fassent la liste et la tiennent à jour constamment. La deuxième solution ou variante, c'est que la commission ait des représentants et des bureaux dans chaque région du Québec et que la liste permanente soit tenue sous la responsabilité directe de la commission, mais qu'elle puisse servir à tout le monde. Qu'elle puisse servir aux municipalités, aux commissions scolaires, etc.

Vous pensez bien que nous pensons à cela dans un contexte électronique, bien sûr. Tout cela serait sur bandes magnétiques, ce serait dans les cerveaux électroniques. Une municipalité, une commission scolaire pourrait avoir une liste complète des électeurs, à jour, dans 48 heures, comme on peut, aujourd'hui, au centre de calcul de l'Université de Montréal obtenir un renseignement en 24 heures, à cause des banques de données que nous possédons. La même chose serait appliquée tout simplement au processus électoral. Ce serait beaucoup plus sûr, parce qu'on a plus de difficulté à tricher une machine qu'on ne peut quelquefois...

M. HARDY: Sauf que parfois les machines sont défectueuses.

M. MORIN: ... se bloquent. Seulement quand le processus...

M. HARDY: Nous avons vu ça parfois à des congrès.

M. MORIN: Je sais, on voit tous ça dans les banques. Mais, quand le processus est permanent, on peut quand même penser que ça se corrige au fur et à mesure. Ce qui nous parait essentiel, c'est que le mécanisme ne soit pas trop éloigné de l'électeur, pour que celui-ci, venant à déménager, ne soit pas obligé de courir à Québec pour obtenir sa nouvelle carte ou pour se faire inscrire sur une nouvelle liste. Voilà, ce qui nous paraft essentiel.

M. CROISETIERE: Vous recommandez qu'une carte d'identité obligatoire devant servir à des fins électorales seulement soit émise à tous les citoyens âgés de 18 ans et plus.

M. MORIN: Oui.

M. CROISETIERE: Pour fins électorales. Pensez-vous qu'elle pourrait servir pour des élections municipales?

M. MORIN: Je pense qu'elle pourrait servir pour des élections municipales. Le danger que nous voulons éviter c'est que cette carte ne devienne pas une sorte de carte d'identité qu'on est obligé d'avoir sur soi en tout temps. La police peut vous ramasser sur la rue si vous n'avez pas votre carte d'identité, ce genre de choses-là.

M. CROISETIERE: Vous avez fait allusion qu'en France il y en a une qui sert. Vous ne croyez pas qu'elle pourrait être similaire à celle qui existe actuellement en France?

M. MORIN: Vous voulez dire la carte d'identité nationale?

M. CROISETIERE: Oui.

M. MORIN: C'est un peu différent et ça sert à toutes les fins en France.

M. CROISETIERE: Mais quelles seraient les objections à ce qu'elle serve pour toutes sortes de fins?

M. MORIN: De tout temps on a manifesté ici au Québec et dans beaucoup de pays d'inspiration britannique une objection à ce que tout homme sur la rue puisse être arrêté et qu'on lui dise: Monsieur, qui êtes-vous? Si la personne dit: Moi, je suis Untel ou ne peut pas s'identifier on la met en dedans jusqu'à ce

qu'elle puisse établir son identité. Ce genre de choses-là, nous préférons nous en éloigner.

M. HARDY: Au fond, M. Morin, si je comprends bien à la suite des questions, vous reconnaissez l'utilité de la carte d'identité pour éviter les fraudes électorales, mais vous auriez certaines réserves quant à l'étendre à d'autres sortes de fraudes?

M. MORIN: C'est cela exactement.

M. HARDY: Est-ce que ça n'implique pas à ce moment-là, dans votre échelle de valeurs, que vous considérez les fraudes électorales comme des fraudes majeures? Les fraudes électorales sont celles où il est permis de prendre des moyens très draconiens pour les éviter mais, pour les autres sortes de fraudes, on peut être moins rigoureux.

M. MORIN: Le député de Terrebonne sait que, les autres sortes de fraudes, on a d'autres moyens de les contrôler. Mais les fraudes électorales, jusqu'ici...

M. HARDY: On se le demande parfois quand on voit l'emprise de la pègre.

M. MORIN: Oui, mais si le député a essayé de passer un chèque dans une banque qui n'est pas la sienne, il aura certainement eu à s'identifier. C'est notre lot commun, n'est-ce pas? Qu'on soit député, qu'on soit ministre ou qu'on soit ce qu'on voudra, si on n'est pas connu dans une banque, on va vous demander de vous identifier. Là, il y a divers moyens d'identification. Celui qui veut passer un chèque va s'arranger pour s'identifier.

M. HARDY: Vous admettrez, M. Morin, en tant que juriste et en tant que citoyen, que la sorte de fraude à laquelle vous faites allusion, ce n'est pas cela qui fait que nous ayons à déplorer l'emprise de la pègre, le passage de chèques...

M. MORIN: Oui. Remarquez que nous n'avons pas, ce matin, en ce qui nous concerne, à nous prononcer sur la question plus large. Nous sommes venus...

M. HARDY: C'est-à-dire que vous vous prononcez par incidence. Vous dites, très bien, c'est très clair: Cartes d'identité pour fins électorales.

M. MORIN: Attention!

M. HARDY: Par voie de conséquence, vous dites: Pas de carte d'identité pour d'autres fins.

M. MORIN: Attention! On peut aussi interpréter ce que nous disons dans notre mémoire comme signifiant ceci: cartes d'identité au moins pour fins électorales...

M. HARDY: Ah bon! C'est différent de ce que vous avez dit tantôt.

M. MORIN: Ecoutez, si vous nous demandez exactement la position que j'ai à prendre ce matin, ce serait celle-là.

M. HARDY: Oui, vous dites, au moins...

M. MORIN: Au moins pour fins électorales.

M. HARDY: Et pour d'autres fins, vous ne vous prononcez pas pour le moment.

M. MORIN: Nous ne nous prononçons pas... M.HARDY: Très bien.

M. MORIN: ... parce que, à vrai dire, on n'a pas étudié la question suffisamment à fond.

M. DEMERS: II vous faudra revenir à la commission.

M. LE PRESIDENT: Un instant! Le député de Saint-Jacques.

M. HARDY: Je m'excuse, mais je pense qu'involontairement, j'ai coupé la parole à l'honorable député d'Iberville.

M. LE PRESIDENT: D'accord. La parole est au député d'Iberville, et au député de Saint-Jacques ensuite.

M. CROISETIERE: Je voulais terminer en posant une question à M. Morin. Vous, personnellement, auriez-vous objection à avoir une carte d'identité générale qui pourrait servir à toutes sortes de choses?

M. MORIN: Personnellement, en tant qu'individu...

M. CROISETIERE: En tant qu'individu...

M. MORIN: ... parce que je ne prétends pas représenter le Mouvement national des Québécois sur cette question.

M. CROISETIERE: Non, d'accord.

M. MORIN: Mais, personnellement, non. Je trouve que la carte d'identité nationale est une excellente chose. Personnellement, je crois qu'on exagère les dangers, les périls de cela. Je crois que cela irait beaucoup plus dans le sens de la protection de l'individu, à condition évidemment qu'on ait des corps policiers qui sachent se conduire. Je tiens cela pour acquis. Cela va de pair un peu, si vous voulez.

M. HARDY: Très amicalement, M. Morin, j'espère que vous convaincrez notre collègue, l'honorable député de Maisonneuve.

M. MORIN: J'essaierai de m'y employer.

M. PAUL: M. Morin, à la suite des relations que vous avez en tant que professeur émérite de l'université, est-ce que vous êtes au courant que certains partis politiques au Québec seraient contre la carte d'identité?

M. MORIN: Oui, j'ai entendu dire que certains partis politiques seraient contre la carte d'identité. Mais je vous ai donné une opinion personnelle. Je n'ai parlé au nom d'aucun parti politique, en ce moment.

M. PAUL: Je n'ai pas l'intention de faire une motion pour détails afin d'obtenir plus de précisions.

M. MORIN: Je remercie le député de Maskinongé de sa gentillesse. Mais là-dessus, il y a des opinions partagées, j'imagine, dans tous les partis, n'est-ce pas?

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je suis opposé à la carte d'identité obligatoire mais ce n'est pas là-dessus que je vais poser ma question à M. Morin. Je voulais demander à M. Morin si les deux suggestions que le Mouvement national des Québécois présente, soit une liste électorale permanente et la carte d'identité obligatoire pour fins électorales, dans son esprit, devraient être accompagnées, dans la loi, des obligations des citoyens. Evidemment, il me semble qu'il va de soi de se rapporter, lors d'un déménagement. On parlait tantôt de la banque électronique qui détiendrait toutes les données de la liste électorale, que le citoyen, désormais, aurait une nouvelle obligation, qu'il n'a pas actuellement, soit lorsqu'il change de ville ou simplement de rue ou d'étage dans la même maison, il devra le signaler quelque part, que ce soit à la mairie ou ailleurs, sinon, il va mêler toutes les données qu'on a là-dedans. Si on veut qu'il ait une carte d'identité pour fins électorales, que l'adresse qui est indiquée sur la carte d'identité soit la bonne au moment où il se présentera au bureau de scrutin. Donc, il incombe une nouvelle obligation aux citoyens.

M. MORIN: Oui, quoique cette obligation existe déjà, comme vous le savez, pour ce qui est des permis de conduire. Quand vous déménagez, vous devez, dans un certain délai qui est même assez strict, communiquer immédiatement votre nouvelle adresse. On comprend facilement les raisons qui militent en faveur de cette obligation du citoyen. Mais nous pensons que les obligations du votant, de l'électeur sont aussi importantes que celles du chauffeur d'une voiture.

C'est pour ça que dans notre esprit — quoique dans le mémoire nous n'en faisions pas état — il y a une obligation pour le citoyen de communiquer avec les autorités de la municipalité où il vient s'installer pour dire: Voilà, j'habite tel logement. Pour ne pas compliquer les choses, il ne devrait peut-être pas avertir la municipalité qu'il part. Cela devrait être la responsabilité de la municipalité où il va s'établir d'avertir la municipalité qu'il a quittée. Ainsi, on ne force pas le citoyen à faire 36 démarches. Il n'en fait qu'une. Tout ça est contrôlé par le président général des élections et par la régie des élections.

M. DEMERS: M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Morin.

M. MORIN: Oui.

M. DEMERS: Dans les précautions électorales que vous nous incitez à prendre, est-ce que vous envisagez, dans votre mémoire — je ne l'ai pas parcouru en entier — la possibilité de faire publier les documents officiels sous le contrôle strict d'une imprimerie où siégerait en permanence, par exemple, le président d'élection ou son employé?

M. MORIN: Ou son représentant. M. DEMERS: Ou son représentant.

M. MORIN : Nous n'en faisons pas état dans le mémoire, mais...

M. DEMERS: Mais vous pensez que cela pourrait s'ajouter en appendice après les événements que nous venons de connaître.

M. MORIN: Oui. De toute façon, avec ou sans les événements que nous connaissons, je pense que c'est une réforme qui aurait dû être faite depuis longtemps. Il est évident que l'ancien imprimeur de la reine, aujourd'hui l'éditeur du Québec, imprime les documents officiels du Parlement, de l'Assemblée nationale. Il est évident que tous les bulletins de vote et toute la paperasse — il y en a une qui est énorme — devraient être entre les mains de l'imprimeur public. C'est évident. Mais là, c'est une opinion personnelle que je donne parce que, dans le mémoire, nous n'en faisons pas état.

M. PAUL: M. Morin, je dois vous dire que l'éditeur officiel se charge de l'impression de la documentation. Il ne la fait pas lui-même.

M. MORIN: Oui.

M. HARDY : L'erreur qui a été commise aurait pu quand même être commise, même si c'était l'éditeur officiel de la reine qui en avait eu la charge.

M.MORIN: Bien, attention. Si j'ai bien compris l'honorable député, il y aurait sur place, exerçant une surveillance continue, un représentant...

M. HARDY: Si vous dites...

M. PAUL: Cela n'irait peut-être pas jusqu'à empêcher le déplacement de la forme.

M. DEMERS: A Maniwaki, par exemple. Si c'était sur place, cela l'éviterait.

M. PAUL: Cela n'empêcherait pas le déplacement de la forme.

M. MORIN: Vous voulez dire de... M. DEMERS: Oui, justement.

M. MORIN: ... la table d'impression. Bien, écoutez. S'il y a quelqu'un pour vérifier les bulletins à la sortie, comme il devrait indubitablement y en avoir...

M. PAUL: Un affidavit est prévu par la loi de la part de l'imprimeur à l'effet que l'impression des bulletins a été conforme à la loi.

M. MORIN: Oui, enfin, cet affidavit, comme le député le sait, n'a pas été une réponse à tous nos problèmes jusqu'ici. Nous pensons, pour répondre directement à la question du député — que je trouve très pertinente à l'heure actuelle — que c'est l'imprimeur public qui devrait avoir la charge d'imprimer tous les documents et surtout les bulletins de vote.

M. PAUL: Vous changeriez le nom "imprimeur de la reine" pour "imprimeur public".

M. MORIN: Je crois que c'est déjà fait, que je sache. J'ai eu des documents du Québec entre les mains et je ne crois pas qu'on utilise... C'est l'éditeur officiel du Québec.

M. HARDY: M. le Président, puisqu'on fait allusion, depuis un certain moment, à un incident très contemporain qui pourrait peut-être influencer, dans un sens ou dans l'autre, les décisions que les parlementaires sont appelés à prendre, je me demande, puisque l'honorable juge Drouin, président général des élections, est ici, si, à ce stade, nous ne pourrions pas lui demander de nous donner une explication sur ce qui s'est passé afin de ne pas partir sur des pistes qui ne sont pas véritables.

S'il y avait consentement unanime, je proposerais que M. Drouin nous fasse un exposé clair, précis et détaillé de ce qui s'est passé dans le cas dont tout le monde parle sans le nommer afin que nous ne discutions pas dans le vide, mais à partir de données bien précises. Je propose que nous entendions M. Drouin sur cette question.

M. MORIN : Nous n'avons pas d'objection.

M. PAUL: M. le Président, je fais une réserve.

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. PAUL: En vertu de notre règlement, lorsque éventuellement, nous serons appelés à discuter du même problème à l'occasion d'un projet de loi que la présidence des élections va recommander au lieutenant-gouverneur en conseil de nous présenter, je ne voudrais pas qu'on invoque l'article du règlement pour dire qu'il y a eu débat sur la matière et sur le sujet.

M. HARDY: II y a donc consentement unanime. Je concours entièrement à la réserve. Je voudrais bien qu'on comprenne l'idée qui a inspiré cette proposition.

Encore une fois, puisqu'on fait allusion à un problème d'une façon directe ou indirecte, peut-être que, pour le bénéfice de tout le monde, il serait bon que nous partions sur des choses bien précises. S'il y a discussion — évidemment, c'est toujours rattaché au mémoire que vous présentez — je pense que ce serait à l'avantage de tout le monde si le président général des élections nous donnait une version exacte de ce qui s'est passé.

M. VEILLEUX: M. le Président, je suis d'accord en principe sur ce que vient de dire le député de Terrebonne. Cependant, tout à l'heure, je posais des questions à M. Morin sur la liste permanente uniquement, et on tombe sur les bulletins de votes, on revient. Je voudrais bien savoir, si le président général des élections vient parler des bulletins de vote, si j'aurai l'occasion de poser des questions sur la liste permanente. Parce que là on chevauche de la liste permanente aux bulletins.

M. HARDY: D'accord.

M. VEILLEUX: II faudrait bien qu'on vide une fois pour toutes la liste et, après cela, nous reviendrons aux bulletins.

M. HARDY: Je concours aux remarques du député de Saint-Jean. Que l'on entende maintenant le président général des élections et, par la suite, on prendra les sujets un par un, pour les épuiser. Je suis d'accord avec vous, on chevauche.

M. PAUL: M. le Président, y aurait-il possibilité de savoir du porte-parole du gouvernement en la matière si l'occasion sera donnée aux membres de la commission de questionner M. Drouin...

M. HARDY: J'imagine.

M. PAUL: ... ou si nous allons tout simplement entendre un récit des faits?

M. CHARRON: Si vraiment on pose des questions à M. Drouin, ne devrions-nous pas, poliment, disposer d'abord du mémoire du Mouvement national des Québécois? Il y a bien d'autres choses là-dedans. Le témoignage de M. Drouin est assez important pour qu'on l'isole après.

M. HARDY: Quant à nous, M. le Président, nous avons toute la journée. Quant à parler sur des choses imprécises et à peu près, parce que ce n'est pas notre faute si le mémoire...

M. CHARRON: Mais le mémoire... M. HARDY: Je m'excuse!

M. CHARRON: Laissez-moi terminer aussi. Le mémoire de M. Morin ne mentionne même pas cela. C'était une question d'un député.

M. HARDY: Oui, justement.

M. CHARRON: M. Morin a répondu personnellement. Ce n'est pas une raison pour en faire une parenthèse. Gardons le témoignage de M. Drouin, que je juge important, pour après.

M. HARDY: Je pense qu'il serait opportun, à moins que le député de Saint-Jacques ne soit pas intéressé à être éclairé, d'entendre M. Drouin.

M. CHARRON: Oui, après. Je voudrais d'abord disposer poliment des invités que nous avons à la commission, ce matin, et non pas interrompre le témoignage de M. Morin.

M. HARDY: Je ne pense pas que M. Morin ait d'objections. Les éclaircissements que le président général des élections nous donnera pourront nous aider à interroger avec plus de précision M. Morin, tout simplement. J'accorde assez d'importance au sérieux du mémoire présenté par M. Morin pour vouloir être en mesure de l'interroger sur des faits précis et non pas sur des à-peu-près. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé que le président général des élections soit entendu maintenant.

S'il y a des députés qui ne veulent pas connaître exactement ce qui s'est passé, c'est un autre problème.

M. CHARRON: J'aurais voulu savoir exactement ce qui s'est passé dans Gatineau. J'y suis très intéressé. Mais je suis très intéressé, aussi, au moment ou j'ai entamé une discussion avec quelqu'un qui s'est déplacé, un groupe important comme le Mouvement national des Québécois, sur une question tout à fait parallèle et même pas mentionnée dans son mémoire, de terminer cela d'abord. Nous avons toute la journée. Tout de suite après, si vous le voulez puisque le cas est suffisamment important — et, je crois, les membres de l'Assemblée nationale, en particulier ceux de l'Opposition, auront plusieurs questions à poser à M. Drouin — qu'on entende M. Drouin. Mais on ne peut intercaler son témoignage.

M. HARDY: Vous voulez qu'on interroge M. Morin sans connaître exactement les faits.

M. CHARRON : M. Morin a été interrogé simplement sur un avis personnel. Il y a une vingtaine de recommandations, là-dedans.

M. HARDY: On a toute la journée! On a toute la journée!

M. CHARRON: II me semble qu'il n'a pas parlé du bulletin de vote, de l'imprimeur, à savoir qui est l'imprimeur du bulletin de vote. C'était une question du député de Saint-Maurice.

M. HARDY: M. le Président, je maintiens ma proposition, avec la réserve du député d Maskinongé, que je trouve très fondée. Maintenant, s'il y a des députés qui ne veulent pas entendre M. Drouin...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le député de Maskinongé.

M. CHARRON: C'est malhonnête de dire cela. Je n'ai jamais dit que je ne voulais pas entendre M. Drouin. Je veux l'entendre comme il faut, non pas au milieu d'un autre témoignage. Je veux entendre M. Drouin pendant deux heures, s'il le faut, cet après-midi. Je suis un des plus intéressés à l'entendre. Mais, pendant que M. Morin est là, il me semble que le minimum de politesse est de lui poser des questions sur le mémoire d'un groupe aussi important que le Mouvement national des Québécois.

M. HARDY: Je pense que la politesse, c'est d'être en mesure d'interroger M. Morin d'une façon intelligente, précise et avec toutes les informations qu'on puisse posséder.

M. CHARRON: Le cas de l'impression des bulletins de vote n'a rien à voir avec le mémoire du Mouvement national des Québécois. M. Morin l'a dit lui-même. Ce n'est même pas mentionné là-dedans. C'est un avis personnel. Pourquoi, sur un avis personnel du président du Mouvement national des Québécois, interviendrait-on?

M. HARDY: M. Morin, auriez-vous des objections à ce que le président général des élections fasse une courte déclaration à cause de l'incidence que votre mémoire a amenée?

M. MORIN: Nous n'avons aucune objection. De toute façon, nous sommes vos invités , donc, nous nous rendons très volontiers à votre décision. Mais nous voudrions éviter d'être entraînés dans un débat de nature politique.

M. HARDY: D'accord.

M. MORIN: Nous ne sommes pas là pour des fins partisanes.

M. HARDY: Je voudrais faire remarquer à M. Morin que, jusqu'ici, d'une façon générale, sauf quelques exceptions, nos débats ont été dégagés de toute partisanerie.

M. MORIN: Je n'en doute pas.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL : Bien, non, le député de Terrebonne vient justement de poser la question que j'aurais eu l'intention de diriger à M. Morin pour savoir s'il consentait à ce que son témoignage soit interrompu pour entendre M. Drouin. Je comprends que c'est seulement sur les événements de Gatineau et non pas de Duplessis. Très bien.

M. LE PRESIDENT: M. Drouin, nous vous invitons.

M. PAUL: II est rare que nous voyions un juge s'asseoir avec le peuple.

M. HARVEY(Chauveau): Un juge ordinaire.

M. DROUIN: Je vous remercie, M. le Président.

M. DEMERS: Est-ce que nous pouvons interroger M. Drouin?

M. LE PRESIDENT: Je l'inviterais peut-être à faire un bref exposé sur cette situation précise, quitte à inviter les députés à échanger des questions après.

M. DROUIN: Si je comprends bien, vous voulez un bref exposé de ce qui s'est passé au sujet des bulletins de vote de Gatineau.

DES VOIX: C'est ça.

Election dans Gatineau

M. DROUIN: Depuis que je suis président général des élections, j'organise mon bureau de façon que tous les bulletins de vote soient corrigés avant, sur épreuve. Nous avons fait ça au cours d'élections générales comme au cours d'élections partielles.

Dans Gatineau, c'est moi-même qui me suis rendu, le jour de la mise en nomination, pour corriger l'épreuve des bulletins de vote. Le verso était en bonne et due forme et conforme à la loi. Il y a eu une retouche sur le recto et j'ai demandé à l'imprimeur de me rapporter, le lendemain matin — parce que j'étais à Ottawa — de Maniwaki, une épreuve pour regarder s'il avait bien fait les changements requis sur le recto. Et j'ai approuvé le bulletin.

Par la suite, dans la manipulation de la forme, la forme entière s'est défaite ou en partie, si vous voulez. Quand l'imprimeur l'a remontée première irrégularité, le numéro qui apparaît sur la souche est tombé sur le talon et le numéro qui apparaissait sur le talon est tombé sur le bulletin.

Deuxièmement, en la remontant, le rectangle, on l'a placé à gauche au lieu d'à droite et à l'imprimerie, les initiales du scrutateur, en anglais et en français, sont passées de la gauche à la droite.

Les bulletins ont été imprimés comme ça. Ils ont été livrés comme ça. Nous avons ouvert quatre bureaux provisoires de scrutin, le samedi 7 et le lundi 9, de deux heures de l'après-midi à dix heures le soir. Il y avait quatre scrutateurs, quatre greffiers et douze représentants. Environ 400 personnes ont voté et nous n'avons pas entendu un mot concernant l'irrégularité.

Les bulletins de scrutin ont ouvert à neuf heures, mercredi, et on dit que c'est à la fin de la matinée ou au début de l'après-midi que l'irrégularité a été connue. C'est dire que, sur 225 bureaux ordinaires de scrutin — vu qu'il y avait trois représentants, un scrutateur et un greffier dans chacun, si vous multipliez ça par cinq, ça fait certainement 800 à 900 personnes — cela a pris quatre heures après l'ouverture du scrutin pour que ce soit su. Quant à moi, je l'ai appris à environ deux heures.

J'ai fait une enquête et les employés de l'imprimeur — c'est l'imprimerie de Maniwaki — les imprimeurs, les deux personnes qui ont travaillé sur les bulletins, de même que l'imprimeur lui-même m'ont fait transmettre des assermentations par lesquelles ils disaient que c'était leur faute, mais que cela avait été fait de bonne foi, sans intervention de personnes de l'extérieur. Ce sont les faits.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: M. Drouin, l'épreuve qui vous a été remise par l'imprimeur de Maniwaki, en l'occurence M. Lauriault, est-ce que vous l'avez encore en main?

M. DROUIN: Je ne l'ai pas actuellement en main parce que je l'ai passée à mon procureur qui a assisté au dépouillement, hier, à Maniwaki, et qui doit me la faire parvenir dès son retour.

M. DEMERS: L'épreuve qui vous a été présentée était conforme aux exigences de la Loi électorale?

M. DROUIN: Conforme aux exigences de la Loi électorale.

M. DEMERS: Sans interversion?

M. DROUIN: Sans interversion de numéro.

M. DEMERS: Et elle avait été préparée par l'imprimeur?

M. DROUIN: Elle avait été préparée par l'imprimeur. Je peux vous dire, en passant, que c'est le même imprimeur qui a imprimé les bulletins de 1970 et qu'ils étaient en bonne et due forme.

M. DEMERS: C'était le jour de la mise en nomination?

M. DROUIN: Que j'ai corrigé l'épreuve? M. DEMERS: Oui.

M. DROUIN: Le soir de la mise en nomination et le lendemain matin.

M. DEMERS: Vous parlez d'une enquête que vous avez ordonnée. Est-ce que vous avez envoyé quelqu'un de la force constabulaire?

M. DROUIN: C'est mon adjoint de Montréal, qui était à Maniwaki.

M. DEMERS: II était à Maniwaki, je crois, la journée de l'élection?

M. DROUIN: Oui.

M. DEMERS: C'est un grand monsieur, très long, là?

M. DROUIN: Oui, très long, mon adjoint de Montréal.

M. DEMERS : II nous avait pourtant dit au début, pendant le vote, que le bulletin était excellent jusqu'à ce qu'on discute encore avec lui. De toute façon je voudrais savoir si la commission est d'avis ici, et le président d'élections, qu'on devrait envoyer sur place un spécialiste enquêteur pour avoir des déclarations précises des gens qui ont eu affaire à cela. Je n'accuse personne, mais je veux avoir la certitude que personne n'a été manié là-dedans.

J'ai, dans la journée, rencontré un M. Morin de Maniwaki qui travaille à l'imprimerie et c'est lui-même qui l'a imprimé. Il était convaincu qu'il avait imprimé cela exactement comme l'épreuve. Si c'est lui qui l'a manipulée, qui a emporté l'épreuve pour l'imprimer, quand il est revenu d'Ottawa, je me demande pourquoi et comment tout s'est déplacé pour se retrouver à l'envers.

M. DROUIN: Evidemment, moi, je n'ai pas assité à ce travail.

M. DEMERS: C'est assez compliqué; on a déjà vu des linotypistes faire des montages.

M. DROUIN: Oui.

M. DEMERS: Pour faire tomber ça ainsi, il faut brasser pas mal; ce n'est pas un yo-yo, ça!

M. DROUIN: Je vous comprends. Evidemment, c'est vrai que c'est incompréhensible dans un sens. Ce n'est jamais arrivé depuis 1935. En 1935, c'était la première fois depuis 1867.

M. DEMERS: Sur 108 comtés. M. DROUIN: Oui.

M. DEMERS: C'est que ça aurait bien pu imprimer sur le plancher du train où ça allait.

M. DROUIN: Ah! bien oui.

M. DEMERS: C'est tellement tiré par les cheveux, cette histoire-là, que la souche n'ait pas de numéro et qu'il y en ait un au talon et un autre sur le bulletin, et que la droite soit rendue à gauche.

M. DROUIN: Je vous comprends. C'est quand ils l'ont remontée qu'ils l'ont mal remontée.

M. DEMERS: Sur l'autre côté du premier bulletin, il y avait, en haut, le candidat libéral, le candidat uniquiste et le candidat du Parti québécois.

M. DROUIN: Oui.

M. DEMERS: Cela ne s'est pas déplacé.

M. DROUIN: Non.

M. DEMERS: Et les carreaux, tout était bon.

M. DROUIN: Parce que ce sont deux formes différentes.

M. DEMERS: Deux formes différentes.

M. DROUIN: Oui. C'est l'autre forme qui s'est déplacée. C'est la forme de l'endos qui s'est déplacée et non pas la forme du recto.

M. CHARRON: M. Drouin, dans le processus actuel, à partir du moment où vous avez, vous, donné votre accord sur la formule qui vous a été présentée, selon ce que vous dites, le lendemain de la mise en nomination, il n'y a plus personne, ni vous, ni de votre bureau, qui voit si l'épreuve que vous avez signée est véritablement celle qui est imprimée? Jusqu'à ce qu'au jour du vote ou, disons, aux bureaux provisoires on utilise ces bulletins-là.

M. DROUIN: Evidemment.

M. CHARRON: Entre-temps, il n'y a personne qui va aller vérifier.

M. DROUIN: II n'y a personne.

M. CHARRON: Personne ne va à l'imprimerie pour vérifier le travail.

M. DROUIN: A moins que mon président...

M. DEMERS: Est-ce qu'il y a une surveillance à l'imprimerie?

M. DROUIN: Non, il n'y a pas de surveillance à l'imprimerie, à moins que ce ne soit nécessaire pour protéger le papier.

M. CHARRON: Ne croyez-vous pas que, dans une éventuelle réforme de la Loi électorale, puisque c'est de cette question qu'on parle, on devrait exiger désormais cette surveillance? J'admets que ce n'est jamais arrivé depuis 1935, d'accord, mais le chemin a toujours été ouvert à une intervention partisane de quelque homme que ce soit sur l'imprimeur, sur un linotypiste ou celui qui manipule la chose. Peut-être que ça ne s'est jamais produit, mais le danger était que, sur commande spéciale, par activité partisane ou autre, on puisse faire faire au moins une série de bulletins de vote qui soient facilement identifiables.

M. DROUIN: Vous pouvez être sûr, M. le député, que vous n'avez pas besoin d'exiger quoi que ce soit. A l'avenir le président d'élections ou son secrétaire assistera à la première impression des bulletins pour voir s'ils sont conformes à l'épreuve qui a été acceptée par moi ou par mes adjoints. Soyez assurés de cela.

M. DEMERS: M. le Président, et je m'adresse par vous à M. Drouin, est-ce que vous êtes d'avis que l'enquête doit être poussée plus à fond ou bien si vous pouvez simplement employer votre personnel? Je ne mets pas en doute du tout la validité de votre personnel, mais si on pouvait, par exemple, avoir un corps organisé et spécialisé dans les enquêtes, reconnu par tout le monde, qui irait questionner ces gens, on aurait quelque chose de précis.

En dépit du fait que vous soyez le président d'élection, je ne vous connais pas de capacité d'enquêteur, vous n'êtes pas un spécialiste là-dedans.

M. DROUIN: Pas nécessairement, non.

M. DEMERS: Je voudrais savoir si vous êtes d'avis que vous devriez confier, le gouvernement ou les autorités compétentes, l'enquête à un enquêteur spécialisé?

M. DROUIN: Evidemment, si votre commission veut que je fasse une enquête, que je demande à des spécialistes enquêteurs de la Sûreté du Québec de faire une enquête spéciale sur ça, je n'ai aucune objection à le faire.

M. PAUL: Est-ce qu'on a besoin de l'autorisation de la commission pour ça?

M. DROUIN: Je n'ai pas besoin nécessairement d'autorisation, mais si vous me le demandez...

M. DEMERS: Si on vous en priait, ça ne change rien, d'ailleurs, comme résultat.

M. DROUIN: Si vous me le demandez, je vais le faire, parce que jusqu'ici je n'ai aucune raison de croire qu'il y a eu quelque chose d'anormal. Maintenant, si vous croyez qu'on est mieux d'aller plus au fond des choses, j'irai avec plaisir.

M. DEMERS: Bien moi, je pense que, pour la quiétude des gens qui ont imprimé, d'abord pour eux, il faudrait qu'on ait la certitude, et que ce soit affiché publiquement, qu'ils n'ont rien manigancé, puis qu'ils n'ont rien tripoté, passez-moi l'expression. Je pense qu'on devrait, aujourd'hui, la commission, demander que M. Drouin envoie quelqu'un faire une enquête précise, puis ça libérera tout le monde.

UNE VOIX: M. le Président, moi je n'ai pas d'objection à ce que...

M. LE PRESIDENT: Un instant. Le député de Maskinongé a la parole; il sera suivi de celui d'Iberville, de celui de l'Assomption et de celui de Terrebonne.

M. PAUL: M. Drouin, pourriez-vous nous dire quel genre d'enquête vous avez ordonnée, ça consistait en quoi?

M. DROUIN: Voici, l'imprimeur n'a que deux employés, il est propriétaire, il y a trois personnes. J'ai demandé à mon adjoint à Montréal de bien vouloir obtenir une déclaration assermentée des deux personnes. Maintenant, M. Lauriault, le propriétaire, est descendu à Montréal, le vendredi, c'est-à-dire le 29, pour rencontrer, à son bureau de notaire, mon adjoint, et puis là, après avoir regardé l'original des épreuves que je lui ai fait parvenir, il a admis que c'était une erreur de son imprimerie.

M. PAUL: M. Drouin, c'est le même M. Lauriault qui vous aurait donné un affidavit à l'effet que ses employés auraient commis l'erreur dans la manipulation de la forme. N'avait-il pas produit, conformément à la loi, un affidavit à l'effet que les bulletins qu'il avait livrés avaient été imprimés suivant les exigences de la loi?

M. DROUIN: Je n'ai pas examiné la forme. Probablement qu'il me l'a envoyée parce qu'ils m'envoient tout. J'ai reçu les déclarations...

M. PAUL: Vous nous dites ne pas avoir examiné ce point; par conséquent, il y a au moins cet aspect-là de l'enquête qui n'est pas complet.

M. DROUIN: C'est-à-dire que la déclaration sous serment, je ne l'ai pas regardée. Mais évidemment, ils se sont rendu compte de l'erreur seulement au milieu de la journée du vote. Par conséquent, ils ont cru que la forme avait été très bien remontée et que les bulletins étaient imprimés tel que prévu.

M. PAUL: Quand on vous a montré le bulletin de vote, ce n'était pas la forme, c'était un bulletin imprimé.

M. DROUIN: Non, c'est une épreuve pour passer sur une forme.

M. PAUL: C'est une épreuve, ce n'est pas la forme elle-même qu'on vous a...

M. DROUIN: Non, sur la forme, on passe un rouleau d'encre, puis après ça on place un papier puis on nous donne une épreuve.

M. PAUL: Est-ce que vous avez interrogé l'imprimeur pour savoir quelle avait été la nécessité ou la justification de déplacer la forme?

M. DROUIN: Non. Moi, personnellement, je n'ai pas encore vu l'imprimeur depuis ce temps.

M. PAUL : Vous ne trouvez pas que ce serait peut-être intéressant de le rencontrer?

M. DROUIN: Oui, évidemment comme je vous dis, on peut faire une enquête plus approfondie.

M. PAUL: Selon l'information que nous avons obtenue de dernière heure, la forme était moulée dans le plomb et, dans les circonstances, le déplacement de la forme aurait été assez difficile pour ne pas dire impossible. Est-ce que ce n'est pas fondu dans le plomb?

M. DROUIN: Si elle a été moulée dans le plomb, je l'ignore actuellement, mais...

M. PAUL: Advenant le cas où...

M. DROUIN: Je ne crois pas que l'imprimeur fût en mesure d'imprimer avec ce genre de formes.

Mais tout de même, avant de mouler la forme dans le plomb, il faut faire la forme elle-même, la monter lettre par lettre, mettre les morceaux de plomb nécessaires pour avoir la forme. Si avant de faire ce que vous dites, mouler dans le plomb, la forme s'est défaite, il aurait pu faire la même chose.

M. PAUL: II avait dû nécessairement utiliser cette forme pour l'impression d'un bulletin-échantillon.

M. DROUIN: Que voulez-vous? Pour le mo- ment, l'élection a eu lieu le 11, le 12 il y a eu le recensement.

M. PAUL: Vous avez mentionné, M. Drouin, que 700 à 800 personnes auraient eu l'occasion de constater la forme du bulletin lors de l'ouverture des bureaux de scrutin provisoires. Etes-vous en mesure de nous dire que c'était la même forme de bulletins qu'on a utilisée pour le vote provisoire?

M. DROUIN: Exactement. Le jugement a été rendu hier et il est dit que tous les bulletins étaient semblables.

M. PAUL: Mais est-ce qu'on n'a procédé qu'à l'ouverture de deux boîtes?

M. DROUIN: Oui.

M. PAUL: Est-il à votre connaissance qu'un avocat sur place ou vous ou votre représentant, ait demandé à vérifier les bulletins déposés aux bureaux provisoires?

M. DROUIN: II est à ma connaissance qu'hier devant le juge les avocats des trois partis, soit le Parti libéral, le parti Unité-Québec et le Parti québécois, ont convenu que tous les bulletins de vote, même ceux des bureaux provisoires, étaient semblables et portaient tous un numéro sur le bulletin même.

M. PAUL: Mais votre représentant sur place n'a pas demandé à vérifier le bulletin déposé dans les boîtes des bureaux provisoires?

M. DROUIN: Non. Je ne lui avais pas donné ce mandat.

M. PAUL: Est-ce que le président des élections pour le comté de Gatineau, M. Vincen-nes...

M. DROUIN: M. Sincennes.

M. PAUL: M. Sincennes. Excusez-moi, je l'enrichissais davantage.

Pourriez-vous me dire s'il avait donné des instructions aux scrutateurs quant au déroulement de la procédure de votation?

M. DROUIN: Non. Il n'en a pas donné.

M. PAUL: Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le talon aurait été détruit dans les bureaux de scrutin, au lieu d'être conservé tel que la loi l'exige?

M. DROUIN: Le talon, excusez-moi, je crois qu'il doit être détruit. Le talon doit être détruit.

M. PAUL: Est-ce qu'il n'y avait pas instruction de les garder?

M. DROUIN: S'il y a eu instruction de les garder, ce n'est certainement pas de moi.

M. PAUL: Non.

M. DROUIN: Puis, le président d'élections, je ne crois pas qu'il ait donné de telles instructions aux scrutateurs, parce qu'il en aurait donné tout de même à 200.

M. PAUL: Vous avez une bonne présomption de croire que de telles instructions n'auraient pas été données?

M. DROUIN: N'auraient pas été données.

M. PAUL: Est-ce que votre enquête vous permet de nous déclarer aujourd'hui que de telles instructions ne furent pas données?

M. DROUIN: Je pourrais faire l'enquête pour être plus sûr.

M. PAUL: Alors, est-ce que vous convenez, M. Drouin, qu'à la suite des quelques questions que nous venons de poser et que nous aurions à poser encore, il s'imposerait que de piano c'est-à-dire de par la fonction que vous avez, vous ordonniez vous-même, sans le consentement des membres de la commission, une enquête approfondie menée par un agent de la Sûreté du Québec, aux fins de connaître tous les événements qui se sont déroulés de bonne — et j'ajoute — ou de mauvaise foi à l'occasion de la tenue du scrutin dans le comté de Gatineau?

M. DROUIN: Vous savez, M. le député, j'avais l'intention de faire cette enquête. Mais je ne pouvais pas la faire avant, parce que dès le jeudi après-midi 12 octobre, le recensement s'est terminé. Vendredi, la première requête pour un décompte a été faite. C'était sub judice à ce moment-là. On avait décidé de faire le recensement, mardi après-midi à deux heures.

M. PAUL: Quand avez-vous demandé votre petite enquête maison?

M. DROUIN: Je l'ai demandée le jour même de la votation.

M. PAUL: Est-ce que vous avez l'impression que l'enquête que vous pourriez ordonner pourrait retarder la procédure de votation qui est fixée maintenant pour le 15 novembre?

M. DROUIN: On ne le sait jamais. Que voulez-vous, j'ai jugé bon que c'était nécessaire d'agir de cette façon-ci.

M. PAUL: Je pose la question suivante. Est-ce que l'enquête que vous pourriez ordonner pourrait avoir comme effet de retarder le scrutin que vous avez fixé, après consultation avec le président des élections pour le comté de Gatineau, au 15 novembre prochain, si nécessaire?

M. DROUIN: Non, cela ne l'aurait pas retardé, parce que la loi obligeait le président d'élection, après entente avec moi, à fixer le jour et à le fixer immédiatement. Mais cela aurait pu retarder, par exemple, le décompte devant le juge. Une fois que c'est rendu devant le juge, je n'ai pas à m'en mêler. Mais maintenant que le décompte est fini depuis hier, aujourd'hui, je suis ici.

M. PAUL: M. Drouin, est-ce que vous êtes en mesure de nous déclarer ce matin, que vous allez de vous-même ordonner immédiatement une enquête par des spécialistes en la matière, ou s'il vous faudra consulter avant d'ordonner une telle enquête?

M. DROUIN: Je peux ordonner une enquête de moi-même. Je n'ai besoin de consulter personne. J'ai la juridiction pour cela.

M. PAUL: Est-ce que vous avez l'intention d'ordonner cette enquête dès aujourd'hui?

M. DROUIN: Oui. M. PAUL: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Iberville.

M. CROISETIERE: L'honorable député de Maskinongé a couvert en partie les questions que j'avais l'intention de poser.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: J'aurais quelques questions à poser au président. Quand ont été livrés les bulletins par l'imprimeur?

M. DROUIN: Evidemment, vous comprenez, l'heure de la livraison même...

M. PERREAULT: Le jour?

M. DROUIN: Les bureaux spéciaux de scrutin ont été ouverts le samedi. Les bulletins, à mon sens, d'après les renseignements que j'ai eus dans le temps... Je n'ai pas pris de note parce qu'on ne s'attendait pas à cela. Voyez-vous, lors d'élection on n'a pas l'habitude... Je ne sais... Les bulletins auraient été livrés, d'après moi, vers le 5.

M. PERREAULT: Vers le 5. Ces bulletins sont livrés au président d'élection?

M. DROUIN: Au président d'élection.

M. PERREAULT: Deuxième question. Est-ce qu'il n'est pas normal, en temps ordinaire, pour le président d'élection du comté, de vérifier les bulletins de vote qu'il reçoit de l'imprimeur?

M. DROUIN: C'est normal, mais c'est aussi normal pour un président d'élection de penser, après que les épreuves ont été corrigées par le président général des élections, qu'il ne peut pas y avoir d'erreur. Parce que, normalement, il n'y en a pas. C'est tellement vrai que, normalement, il n'y en a pas, que c'est un cas parmi combien? Si vous multipliez combien on a fait imprimer de bulletins... Voyez-vous, j'ai sept élections générales. Multipliez cela en moyenne par cent, parce qu'il y a des années où on a eu 108 comtés et d'autres années on en a eu 90, mettez une moyenne de cent, cela fait 700 bulletins imprimés. J'ai tenu au-delà de 40, 45 ou 50 élections partielles, cela fait 750 bulletins qui ont été imprimés sous ma juridiction et jamais une telle chose ne s'est produite. Il n'est jamais arrivé qu'un bulletin n'ait été imprimé conformément à l'épreuve qui nous avait été fournie.

M. PERREAULT: Mais ne croyez-vous pas qu'il serait normal que le président d'élection du comté vérifie la marchandise livrée?

M. DROUIN: Oui, oui, je comprends.

M. PERREAULT: Deuxièmement, je ne connais pas le monsieur en question, mais depuis quand est-il en poste comme président d'élection?

M. DROUIN: II est en poste depuis 1969.

M. PERREAULT: Depuis 1969. Considérez-vous que le président d'élection du comté a toutes les qualifications requises pour ce poste?

M. DROUIN: Ah bien! Ecoutez, une minute! J'ai une élection en cours. Je peux difficilement...

M. PERREAULT: Mais il a subi une drôle d'élection. Il a été président d'élection, est-ce que...

M. DROUIN: C'est lui qui a présidé à l'élection de 1970...

M. PERREAULT: Et tout était parfait.

M. DROUIN: ... et personne ne s'en est plaint.

M. PERREAULT: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.

M. HARDY: M. le Président, l'honorable député de Maskinongé a couvert entièrement le terrain sur lequel j'avais l'intention de poser des questions. Les réponses du président général des élections ont satisfait entièrement ma curiosité à sujet.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais demander à M. Drouin combien coûte l'élection de Gatineau?

M. DROUIN: Evidemment, vous dire au juste. Je peux parler de ce que cela coûte à la province, mais je ne peux pas parler de ce que cela coûte aux partis politiques.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, pour la province?

M. DROUIN: Le jour du vote même, j'ai fait le calcul hier, le scrutateur, le greffier, les deux représentants, le constable que nous payons et le bureau de scrutin, cela monte à peu près à $32,000 ou $33,000.

M.DEMERS: Pour l'élection de Gatineau...

M. LAVOIE (Wolfe): Cela comprend les énumérateurs, les réviseurs, etc?

M. DROUIN: Non, les énumérateurs, les réviseurs, évidemment...

M. CHARRON: On parle de toute l'élection...

M. DROUIN: C'est parce qu'on ne reprend pas l'énumération, n'est-ce pas?

M. LAVOIE (Wolfe): Non, je comprends.

M. CHARRON: C'est donc dire que "l'erreur", jusqu'à ce que sorte votre enquête...

M. DROUIN: Oui, oui.

M. CHARRON: ... "l'erreur" de l'imprimeur va faire que le Québec va encourir une autre dépense de $30,000 à $35,000 pour l'élection du 15 novembre?

M. DROUIN: Evidemment, si on tient les élections le 15, il va falloir ouvrir des bureaux de scrutin, il va falloir payer, il n'y a pas d'erreur.

M. CHARRON: C'est encore $30,000 à $35,000.

M. DROUIN: C'est encore $30,000 à $35,000.

M. CHARRON: Le contrat d'imprimerie de Lauriault était de combien?

M. DROUIN: Pour l'imprimerie de Lauriault, le compte est de $1,200.

M. DEMERS: Est-ce qu'il est prêt à tout reprendre pour rien?

M. DROUIN: Je ne sais pas...

M. LAVOIE (Wolfe): Vous êtes assuré pourtant pour ces affaires.

M. DEMERS: Vous êtes assuré...

M. DROUIN : Le président général n'a pas encore décidé qui imprimerait les autres bulletins. Ce n'est pas dans mes habitudes de dire où je les fais imprimer.

UNE VOIX: Non mais on peut dire où.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. Drouin, pour l'élection du 15 novembre, ce sont les mêmes listes qui vont servir?

M. DROUIN: Oui, les mêmes listes révisées.

M. DEMERS: Est-ce que cela va être les mêmes promesses?

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est le même président d'élection qui va être en fonction?

M. DROUIN: Actuellement c'est le même président d'élection, évidemment, parce qu'hier c'est lui qui a donné l'avis, avec sa signature, à l'effet qu'il y aurait une autre élection. Comme il fallait que cela se fasse immédiatement, il n'a pas été question de savoir s'il voulait être remplacé ou non.

M. LAVOIE (Wolfe): Est-ce que vous entendez prendre des poursuites contre l'imprimeur?

M. DROUIN: Cela, évidemment, n'a pas encore été jugé. On va toujours faire l'enquête que vous nous demandez de faire. Alors, on verra.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: Est-ce que la province va défrayer une partie des dépenses des candidats dans les deux élections?

M. DROUIN: J'ai regardé ça hier et je n'ai pas terminé. Mais je reste sur ma première impression, après avoir examiné ça, que les dépenses des candidats qui ont droit à un remboursement seront remboursées pour la deuxième élection.

M. PEARSON: Ah bon! Cela est en plus des $33,000 que vous avez mentionnés.

M. DROUIN: On dit, à un moment donné, dans l'article: Cette élection est tenue à tous égards comme toute autre élection. Alors, cette élection laisse sous-entendre que c'est une autre élection.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier. Je m'excuse à son endroit, il m'avait donné avis avant que je cède la parole à d'autres.

M. PICARD: M. le Président, le député de Maskinongé, tout à l'heure,dans ses remarques, a attaché beaucoup d'importance à la possibilité pour l'imprimeur d'utiliser la méthode du coulage de la forme dans le plomb. J'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que le problème réside bien plus dans le numérotage du bulletin que dans le fait de savoir si l'inscription était à gauche au lieu d'être à droite. Le numérotage ne se fait pas dans une forme de plomb.

M. PAUL: Nous notons, M. le Président, avec beaucoup d'intérêt, que le député d'Olier est très renseigné sur les événements des élections dans Gatineau.

M. HARVEY (Chauveau): II connaît passablement l'imprimerie en tout cas.

M. PICARD: J'aimerais vous faire remarquer que le problème a été dans les machines à numéroter les bulletins. Il se peut que les techniciens préposés au fonctionnement de cette machine aient placé le papier à un mauvais endroit ou la machine à numéroter à un mauvais endroit.

M. PAUL: Sûrement que M. Sincennes va vous remercier pour le secours que vous lui apportez.

M. PICARD: Je ne le connais pas.

M. HARVEY (Chauveau): II ne lui charge pas un cent à part ça !

M. LE PRESIDENT: Le député d'Iberville.

M. CROISETIERE: M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Drouin. Est-ce que le président d'élection, M. Sincennes, aurait eu l'occasion, avec vous-même, de vérifier l'épreuve du bulletin de vote?

M. DROUIN: Lorsque j'ai corrigé l'épreuve à mon hôtel, à Ottawa, le soir du 27, M. Sincennes et mon adjoint de Montréal étaient présents.

M. CROISETIERE: Et vous n'avez aucune information à l'effet que, par la suite, M. Sincennes aurait pu vérifier cette correction?

M. DROUIN: Non.

M. CROISETIERE: Non. Très bien, merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions à l'adresse de M. Drouin?

M. Drouin, nous vous remercions pour toutes les informations que vous nous avez fournies.

M. DROUIN: Merci.

M. HARDY: Je pense que ma suggestion était quand même valable. Le témoignage de M. Drouin a permis à tous les membres d'avoir une vue plus juste de la réalité. Je ne vois toujours pas pourquoi le député de Saint-Jacques s'opposait.

M. LE PRESIDENT: Je donne la parole au député de Frontenac.

Listes permanentes

M. LATULIPPE: J'aimerais revenir sur un sujet qui a été abordé par le député de Terrebonne, relativement à la question des listes permanentes.

Vous disiez que vous vouliez introduire là-dedans la notion d'électronique, de bandes magnétiques. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de la déclaration qu'avait faite M. Drouin à ce sujet; il y voyait, lui aussi, de fortes réticences. Vous avez même mentionné qu'il y a toujours des personnes mal intentionnées et que, dans un système où l'on se soumet, justement, à une liste permanente, une personne mal intentionnée peut intervenir et facilement tout débalancer. Cela peut avoir des conséquences très importantes pour l'ensemble du territoire québécois, alors qu'avec le système plus artisanal et beaucoup moins efficace, d'accord, que nous avons il y a moins de possibilités qu'un nombre d'individus restreint puisse porter une action qui aurait des conséquences importantes.

M. MORIN : Je ne suis pas de l'avis du député de Frontenac. Je ne sais pas s'il a lui-même beaucoup utilisé les machines. En ce qui me concerne, j'ai eu l'occasion de m'y familiariser grâce à la jurimétrie, c'est-à-dire à l'utilisation de l'électronique pour créer une banque de données et d'informations juridiques. Or, le système est étonnant. Il peut être contrôlé d'une manière très stricte. Ce n'est pas une chose qui ne peut pas être contrôlée. Il suffit qu'il y ait un certain nombre de personnes honnêtes — je pense qu'il y en a — pour s'assurer que les machines ne soient pas faussées. D'ailleurs, il est très difficile de fausser les machines. Il faut connaître cela. Il faut vraiment être initié au langage spécial de ces machines pour pouvoir vraiment arriver à tromper systématiquement la machine.

Il y a toutes sortes de moyens de contrôle que la machine peut exercer sur elle-même, par-dessus le marché. C'est une question de programmation. Malgré la centralisation des données dans une même machine, avec un contrôle local, chacun allant s'inscrire dans sa municipalité — c'est donc dire qu'on conserve quand même un aspect de décentralisation — je serais moins inquiet de ce système que des conséquences qui résultent presque inévitablement de la faillibilité humaine dans le système de recensement actuel.

M. LATULIPPE: M. le Président, ne croyez-vous pas également que des choses comme celles qui se sont produites, disons, à Sir George Williams, assez récemment, puissent se produire dans les lieux où sera située cette machine et qu'effectivement des vandales puissent facilement couper le courant électrique ou s'organiser d'une façon systématique pour saboter intentionnellement le travail?

M.MORIN: Non, quand même pas, parce que les listes sont imprimées — on peut les faire imprimer tous les jours — par la machine en question. Donc, ce n'est pas seulement la machine qui a l'information. Dans chaque municipalité, le cahier des électeurs existe. On peut autoriser la municipalité à faire des modifications qui sont valables, tout en n'étant pas enregistrées dans la machine centrale. La machine centrale est un moyen de contrôle de ce qui se passe dans les municipalités, si vous voulez.

D'ailleurs, on peut concevoir, même à la limite — un jour, ce sera certainement la réalité, au Québec — que la machine centrale, la banque de données centrale soit reliée à des terminaux situés dans chacune des municipalités. Des personnes compétentes pourraient pianoter tout simplement l'information; elle serait enregistrée sur le plan local et enregistrée au centre, avec contrôle mutuel et réciproque. Tout cela est concevable. Ceux qui connaissent l'électronique savent que cela donne, quand même, des garanties de précision et d'exactitude qu'on ne peut pas trouver dans le système actuel.

M. LATULIPPE: Vous avez des garanties de précision et d'exactitude, mais il est aussi facile de couper des câbles et d'empêcher l'accès aux services de la machine. C'est très dangereux. Je trouve qu'on met le système à la merci de spécialistes. Cela peut être assez dangereux. On peut saboter une machine deux mois avant les élections, avec des conséquences extraordinaires que, le jour de l'élection, on ne sera pas prêt.

M. MORIN: M. le Président, je suis accompagné d'un spécialiste de l'électronique. Si vous voulez, je vais lui donner la parole. Il pourra nous éclairer davantage sur la question. M. Vallières, de Saint-Jérôme.

M. VALLIERES: M. le Président, c'est tout simplement pour péciser que la banque d'informations peut être générée ad infinitum en copies. C'est très facile à faire, d'ailleurs. En général, dans de grandes entreprises où il y a

danger — par exemple, dans le génie où on se sert beaucoup de l'informatique — on sort une deuxième, une troisième génération qu'on met à couvert, dans un lieu sûr. Même de grandes compagnies ont loué des voûtes de sûreté pour emmagasiner leurs deuxième et troisième générations. Alors, ce n'est pas un problème, de ce côté.

M. LATULIPPE: Disons que je pousse un peu à l'extrême. On a tout centralisé, comme cela, dans un centre de données, avec des terminaux dans diverses régions. Or, effectivement, des gens fort habiles réussissent à faire sauter ce centre de données. Là, vous avez tous les terminaux. Ils font cela, je ne sais pas, 48 heures, deux semaines ou trois ou quatre semaines, dans un but stratégique.

Ils choisissent leur journée pour qu'effectivement, après que le président aura déclaré qu'il y aura élection tel jour, il soit impossible de le faire, qu'on soit obligé de revenir aux structures manuelles pour essayer de s'en sortir. Je trouve que c'est placer le système à la merci d'éléments assez discriminatoires. C'est une hypothèse, peut-être que ça ne se produira jamais. Mais ça peut se produire. Je suis pour le progrès, mais je m'interroge fortement sur la valeur...

M. VALLIERES: Encore là, il y a des moyens très faciles de contourner le problème. C'est que cet emmagasinage est dans un code unifié. Il y a beaucoup de termes techniques pour ça. C'est un code unifié où même une bande magnétique peut se reproduire sur une machine IBM, Electro Data ou autre, pour autant qu'on se serve du même code. Ce n'est pas un problème, il y a plusieurs façons de contourner ces choses.

M. MORIN : C'est surtout la multiplication des banques qui rend ça impossible. Si par hasard l'une des voûtes contenant les banques était attaquée — quoiqu'on ne voie pas très bien pourquoi, il faudrait vraiment des gens mal intentionnés, comme, j'imagine, il n'y en a pas tellement au Québec — de toute façon, surtout dans cette période de paix relative, on peut avoir une seconde banque à l'abri quelque part, et une troisième. Et on peut même avoir une banque qui se trouve à l'étranger dans une centrale qui est située aux Etats-Unis ou en Europe. Tout ceci passe par câble et, en l'espace de quelques secondes, on est en rapport avec un cerveau électronique situé en Norvège ou Dieu sait où. C'est une question de fils, et on peut même le faire sans fils aujourd'hui. Il n'y a pas de problème vraiment de ce côté.

M. PICARD: La Galerie nationale à Ottawa. M. MORIN: Même à Ottawa.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: Sur le même sujet de la liste électorale, vous n'avez pas pensé assortir ça à une condition. A Montréal, il y a environ 300,000 déménagements par année. Cela supposerait qu'il yaurait défense de tenir des élections durant le mois de mai ou le mois de juin; autrement, la liste elle-même serait complètement désiquilibrée. Cela fait pas mal de déplacements d'électeurs dans un mois.

Si ces gens ont été énumérés dans un autre comté, d'après la loi actuelle ils sont obligés de voter dans le comté où ils ont été énumérés, ce qui veut dire qu'à toutes fins pratiques il y a pas mal de ces électeurs qui ne vont pas voter. Qu'est-ce qui arriverait? Est-ce que vous avez pensé à ce problème?

M. MORIN: Le député de Saint-Laurent soulève un problème concret, mais qui existe déjà à l'heure actuelle. Comme on l'a fait remarquer au début de la séance, il se produit dans beaucoup de cas énormément de déménagements entre le moment où l'énumération est faite et le moment où la votation a lieu. A l'heure actuelle, c'est déjà le cas. De sorte que si on met les choses sur une liste permanente, électronifiée, par exemple, l'électeur peut obtenir très rapidement son changement de liste électorale et faire valider sa carte pour un autre district électoral.

Il se rend à l'hôtel de ville, s'identifie, donne des garanties de son identité, il a déménagé à tel endroit, l'hôtel de ville peut contrôler très facilement et, dans la journée ou dans les 24 heures, il a une carte d'électeur modifiée. Et le contrôle est fait dans tous les sens. Au maximum, je pense que ça peut se faire en deux jours.

Donc, il y a des électeurs qui auraient été inscrits sur la liste des énumérateurs, qui ne pourraient pas, selon le système actuel, voter et qui grâce à ce système nouveau et beaucoup plus rapide, pourraient exercer leur droit de vote, même s'ils ont déménagé entre l'annonce de l'élection et le moment où la votation a lieu.

M. PEARSON: Par contre, ça crée un autre problème, c'est que cet électeur est inscrit sur une liste et il n'aura pas le droit de vote. Qui le saura? Il faudra que les gens soient avisés. Par contre, il va aller voter dans un comté où il n'est pas inscrit sur une liste électorale.

M. MORIN: C'est-à-dire que la liste électorale peut être donnée dans chaque comté, tous les jours. Ces machines sont extrêmement rapides.

M. PEARSON: Je comprends, mais cette liste doit être affichée. Les scrutateurs et les greffiers ont devant eux une liste, ce bonhomme va venir voter et il n'est pas inscrit sur la liste. Par contre, dans l'autre comté il est inscrit sur la liste et il n'ira pas voter. Ce sont des détails techniques mais qui...

M.MORIN: Ce qu'on fait dans un cas comme ça, c'est qu'au lieu du système actuel, qui requiert de trois semaines à un mois entre le moment où on affiche et les élections, on peut ramener ça, grâce à l'électronique et grâce à la permanence de la liste, à quelques jours.

Bien entendu, il faut à un moment donné que la loi tombe, que le couperet tombe et qu'on dise: Sept jours avant l'élection, il n'y a plus de modification possible. Si vous déménagez au cours de cette période, c'est bien malheureux, mais vous ne pourrez pas voter.

On a réduit la marge d'erreurs de trois semaines à une semaine. Ou même on peut le faire en quatre ou cinq jours peut-être. En tout cas, avec l'électronique, c'est possible de la réduire à 24 heures, c'est possible de sortir une liste qui est à jour, exactement à jour, 24 heures avant le scrutin.

M. PEARSON: Vous pensez que le problème n'est pas assez sérieux pour assortir votre mémoire de cette condition, c'est-à-dire de défendre de tenir des élections, disons dans les premières semaines de mai. Cette période est celle où il y a le plus de déménagements. Il y en a pendant toute l'année. On sait bien que, dans la région de Montréal, il y en a 300,000 à peu près par année; dans la région de Québec, il y en a également; dans les villes, en tout cas.

M. MORIN: C'est un problème, mais j'avoue que nous ne l'avons pas étudié à fond. C'est lié, peut-être à un autre problème que les députés connaissent bien, celui de l'étagement dans le temps des déménagements. Vous en avez parlé à l'Assemblée nationale, je pense, il n'y a pas si longtemps. Il est toujours question de faire une loi qui permettrait aux gens d'avoir des baux dont l'échéance ne serait pas toujours le 1er mai, par exemple.

M. VEILLEUX: On en a parlé hier.

M. MORIN: Vous en avez parlé hier, je l'ignorais. C'est lié à ça; c'est évident que, si les déménagements pouvaient se faire toute l'année, ça ne réglerait pas que les problèmes des déménageurs, ça pourrait régler également les problèmes des organisateurs d'élections.

M. le Président, nous avons une autre question bien importante à discuter. Je vois que le temps avance. Nous n'avons même pas abordé toute la question de l'égalité financière.

M. HARDY: Si vous terminez la question de la liste permanente, je voudrais conclure, pour votre satisfaction personnelle, par ce que j'ai dit déjà: il y a un consensus sur le principe, il reste la modalité que nous continuons à explorer pour arriver à trouver le meilleur système. Je pense bien que tout le monde s'entend sur la nécessité d'avoir une liste permanente.

M. MORIN: II reste peut-être deux ans, peut-être moins avant les prochaines élections. Si je peux...

M. HARDY: C'est-à-dire que nous...

M. MORIN: ... modestement me permettre une suggestion, c'est d'essayer de trancher la question assez rapidement.

M. HARDY: Pour un grand juriste comme vous, je vous ferai remarquer que vous savez comme moi qu'il reste au moins trois ans avant les prochaines élections.

M. PAUL: Peut-être pas au moins, au plus!

M. LE PRESIDENT: M. Morin, est-ce que vous pouvez être avec nous cet après-midi pour continuer le débat?

M. MORIN: A quelle heure la séance recommencera-t-elle, M. le Président, vers...?

M. LE PRESIDENT: Vers deux heures.

M. MORIN: Vers deux heures.

M. LE PRESIDENT: Deux heures quinze.

M. HARDY: Pour vous être agréable, nous pourrions devancer et commencer à deux heures, probablement.

M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait terminer... je pense qu'on peut terminer de deux à trois parce que...

M. HARDY: Je m'excuse, je parlais pour moi mais ça pourrait poser des problèmes à d'autres. Alors, ce serait deux heures trente.

UNE VOIX: Vers trois heures.

M. HARDY: Vous devez partir à trois heures?

M. MORIN: Nous avons une conférence de presse à Drummondville, sur un sujet tout autre et nous devons quitter...

M. LE PRESIDENT: A quelle heure?

M. MORIN: C'est à 4 h 30 à Drummondville, et il faut y mettre une heure, une heure et demie pour descendre, ce qui veut dire qu'on doit partir vers trois heures. On n'aura pas le temps d'épuiser le problème.

M. HARDY: Nous pouvons continuer jusqu'à midi et trente et nous reprendrions nos travaux à deux heures.

M. MORIN: Bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Je ne veux pas m'éterniser sur la question. Vous avez dit qu'il était possible de faire des changements très rapides. Est-ce que le coût des changements très rapides comme cela devient prohibitif? Est-ce que ça peut être une raison suffisante pour que ces changements ne se fassent pas rapidement?

Deuxièmement, est-ce que vous avez évalué quel était le coût de l'implantation d'un tel système?

J'aimerais également mentionner que, par exemple, au Service de santé du Québec, relativement à une carte d'assurance-hospitalisation, j'ai déjà présenté des demandes pour correction d'erreurs. On m'a dit: On ne peut pas corriger seulement cette erreur-là; ça coûterait $4,000 pour la corriger. Alors, on va attendre d'en avoir un certain lot d'un type identique et faire une seule programmation pour ça. C'est ce qu'on m'a répondu. A ce moment-là, je ne sais pas si ça ne peut pas devenir un facteur aliénant.

M. VALLIERES: M. le Président, si on le compare au coût supplémentaire de recensement, je pense que le système électronique est certainement à meilleur compte. L'avantage, c'est que c'est toujours instantané. On tient pour acquis que chaque électeur a un code, disons son numéro de carte sociale. Ce code est inscrit à la banque d'informations centrale et, à l'instant où vous poinçonnez ce code, c'est une affaire de quelques millisecondes d'aller chercher un code sur un million de personnes.

Ce n'est pas une affaire de deux jours; c'est une affaire de quelques millisecondes pour aller chercher un code. Alors, à l'instant, vous poinçonnez un changement et vous effacez automatiquement toute la ligne de ce code. Vous avez déjà vu les sorties des répétiteurs électroniques des ordinateurs. Vous effacez automatiquement l'erreur dans la bande d'informations et vous réinsérez la nouvelle information. Donc, si ce monsieur-là est déménagé du point A au point B, automatiquement et en même temps, vous annulez l'autre code.

M. LATULIPPE: Mais pour les coûts?

M. VALLIERES: Les coûts, naturellement, j'ai dit que c'était un système qui fonctionnait en permanence. Vous parlez d'un système centralisé, tel que celui, par exemple, du ministère de l'Education, ici à Québec, qui fonctionne 24 heures par jour. Là, ce n'est pas une question de coût; c'est une question de temps. Combien de temps allez-vous prendre à travers toutes les autres choses? Je pense que c'est un 360. Je ne veux pas parler du point de vue commercial, parce que ce n'est pas mon champ, du tout. Si je compare ça avec des données que j'ai, c'est $400 l'heure. En une heure, vous pouvez sortir des milliers et des milliers de variations de codes.

Là, je me base un peu sur le coût d'exploita- tion d'un 360. Je pense que c'est $400 l'heure ou quelque chose comme ça.

M. LATULIPPE: C'est donc dire que le cerveau pourrait servir à beaucoup d'autres fins que celle-là.

M. VALLIERES: C'est sûr, c'est centralisé. Il s'agit tout simplement de sortir la bande que vous voulez et c'est tout.

M. LATULIPPE: Vous venez justement de définir qu'il faudrait qu'il y ait peut-être des heures réservées pour cette disponibilité immédiate.

M. VALLIERES: II ne faut pas oublier, à part ça, que vous avez ce que l'on appelle l'opération multiplex où vous pouvez changer des sorties de différents points en même temps que l'ordinateur, lui, sort son travail. Vous pouvez interroger un ordinateur, par exemple, de 25 ou 30 points à la fois. C'est une affaire de quelques millisecondes. Il fait sa sélection lui-même.

Je ne prêche pas pour la valeur commercial des ordinateurs; je n'ai rien à faire avec ça, entendons-nous.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, je suis un peu d'accord avec M. Morin qui dit que, pour enlever le plus possible de fraude, que ce soit sur une liste permanente ou autre, il faudrait absolument que nous ayons une carte d'identité obligatoire qui pourrait servir à plus d'une fin. Comme exemple, M. Morin, vous avez mentionné les permis de conduire.

Je me souviens il y a eu un cas à Saint-Jean devant le tribunal et le juge a enlevé un permis de conduire à un type celui-ci a dit: Lequel voulez-vous parmi les six que j'ai dans la main? Alors, il est facile pour les gens d'avoir plus d'un permis de conduire, comme il est assez facile d'avoir plus d'une carte d'assurance-maladie. Je pense que, si on inclut la liste permanente, il faudrait rechercher aussi le moyen le plus efficace pour éliminer le plus de fraudes possible, concernant ces listes-là. Quant à retourner au niveau des municipalités, à Saint-Jean, quelques mois après les élections de 1970, il y a eu des élections municipales. D manquait, uniquement pour la ville de Saint-Jean, 3000 noms sur la liste électorale municipale, ce qu'on n'a pas vu au niveau provincial. Même le nom du député n'était pas sur la liste, je ne sais pas si l'énumérateur s'imaginait que je ne vivais pas à Saint-Jean, mais...

M. HARDY: Vous n'étiez pas député dans ce temps-là.

M. VEILLEUX: Oui, j'étais député à ce moment-là.

UNE VOIX: Aux élections municipales.

M. VEILLEUX: Aux élections municipales.

M. PAUL: Ds vous ont apprécié à votre valeur.

M. VEILLEUX: Pas à ma grosseur. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: M. Morin, je vous invite à continuer.

M. MORIN: Nous abordons évidemment un sujet qui est peut-être plus délicat que celui-là. Je suis très heureux de constater qu'il y a unanimité sur le principe de la liste permanente et de la carte électorale, inutile de vous le dire, M. le Président. Nous abordons la question de l'égalité des chances devant l'électorat. Nous en parlons longuement dans notre mémoire. Bien entendu, nous tenons pour acquis qu'il s'agit de partis reconnus, c'est-à-dire nous les avons définis comme ayant présenté des candidats dans au moins les deux tiers des districts électoraux, ce qu'on appelle les comtés, aux élections précédentes ou à l'élection dont il s'agit au moment de la fermeture des mises en nomination. Tout parti reconnu, sérieux — on ne voit pas de formations fantômes présenter des candidats dans deux tiers des comtés — devrait, à notre avis, avoir des chances égales devant l'électorat.

M. PAUL: Le parti parti ne sera pas reconnu!

M. MORIN: A l'heure actuelle, je ne pense pas qu'il satisfasse aux critères, M. le député. Le fond de ça, M. le Président, c'est que nous pensons que désormais on devrait faire appel à l'intelligence des électeurs et essayer de les éduquer politiquement. Tous les partis devraient essayer de faire ça, plus qu'on ne l'a fait dans le passé. Trop souvent, dans le passé, on a vendu un parti politique comme on vend du savon, c'est-à-dire non pas par la tentative de convaincre, persuader, mais la tentative de faire appel au consommateur qui se cache dans tout électeur. C'est-à-dire qu'on pense que répéter le même mot, le même slogan 1000 mille fois à la télévision ou à la radio, ça va finir par influencer le vote. Et, effectivement, cela l'influence, il faut bien le dire.

M. PAUL: Quand cela touche les 100,000!

M. MORIN: Oui, précisément. Il faut dire que ça ne nous paraît pas sain pour la démocratie québécoise. Nous nous fondons tous sur la démocratie, nous acceptons tous le jeu électoral, la règle de la majorité, mais nous pensons que ce n'est pas suffisant. Il faudrait désormais essayer de faire appel à l'intelligence de l'électeur.

M. HARDY: Sur tout ce que vous venez de dire, c'est bien difficile de ne pas être d'accord; c'est quasiment comme être pour la vertu et contre le péché.

Maintenant, vous proposez dans votre mémoire que "tout parti qui présenterait des candidats dans les 2/3 des comtés serait automatiquement parti reconnu", et vous dites qu'il n'y a pas de danger. Personnellement, je m'interroge là-dessus. Vous savez que c'est très facile de présenter des candidats dans les deux tiers des comtés. C'est relativement facile. Il s'agit tout simplement de ramasser $200 multiplié par X, et vous avez des candidats et des signatures aussi, vous savez.

C'est parce que j'ai vu le cas, à un moment donné, d'un type qui s'est présenté dans un comté et qui avait un casier judiciaire. Evidemment que, s'il avait été élu, il aurait été automatiquement "disqualifié", il y aurait eu des procédures pour le "disqualifier". Personne ne connaissait ce bonhomme dans le comté, il avait un casier judiciaire, et tout cela a provoqué des élections. Alors si cela peut se faire, dans un cas, cela peut se multiplier. Avec les corollaires de votre proposition, c'est une question que je considère sérieuse, en tout cas. On pourrait se poser la question à savoir: qui dit qu'un groupe, même pour des fins absolument étrangères à la politique, qui voudrait faire de la publicité qui voudrait faire connaître ses gens, des vendeurs, par exemple, supposons un groupe de gens qui font de la vente, soit Inspiration-Succès ou toutes sortes de choses semblables, ne pourrait pas profiter d'une élection pour faire de la publicité, pour seulement faire connaître des individus.

Alors, ils mettent des gens dans les deux tiers des comtés. C'est une publicité relativement bon marché, $200 par comté, et automatiquement, ils auraient droit à du temps à la télévision. Ces bonshommes pourraient aller à la télévision et pas nécessairement parler de politique, ou en parler un peu pour justifier leur présence, mais le but véritable qui serait poursuivi n'aurait rien à voir avec la politique. Dans un deuxième temps, — c'est l'aspect non sérieux qui me frappe — me fondant sur les mêmes principes démocratiques que vous, je vois difficilement comment un parti, tout simplement parce qu'il aurait présenté des candidats dans les deux tiers des comtés, qui recueillerait 2 p.c. ou 3 p.c. des voix, aurait le même temps qu'un parti politique qui recueillerait 25 p.c, 30 p.c, 35 p.c. ou 40 p.c. des voix. Je ne vois pas comment vous pouvez concilier cette situation avec les grands principes démocratiques que vous énoncez.

M. LAVOIE (Wolfe): Je voudrais ajouter juste un mot. Il y a aussi l'affaire que certains partis politiques bénéficient d'une publicité à pleine page pendant quatre ans et que d'autres partis sont obligés de se reprendre pendant les dernières semaines pour pouvoir faire valoir leur programme, leur point de vue.

M.MORIN: Il y a tout de même des réponses. Je vais seulement esquisser la réponse et je donnerai la parole à M. Léo Jacques, qui a particulièrement creusé cette question.

Il est évident qu'il faut mettre des garanties additionnelles. Là, je ne faisais qu'énoncer le principe général. Dans notre onzième recommandation nous exigeons l'enregistrement préalable du parti, que le nom du chef de parti soit connu, que ses statuts soient déposés et qu'il s'agisse d'un authentique parti politique.

M. HARDY: M. Morin, encore une fois, je fais appel à vos très grands talents et à vos connaissances de juriste. Vous savez, aussi bien que moi, qu'il n'est rien de plus facile que de faire enregistrer un parti politique, et de dire qu'un tel est chef. Quand vous dites "authentique parti politique", sur quels critères allez-vous déterminer que telle formation, qui présente des candidats dans les deux tiers des comtés, est un authentique parti politique et que telles autres formations ne le sont pas?

M. MORIN: C'est une question fort délicate. A moins qu'il ne s'agisse d'une entreprise commerciale...

M. HARDY : Justement, une entreprise commerciale peut se cacher sous un paravent. Même, il y a des mouvements politiques qui peuvent parfois se cacher sous un paravent apolitique.

M. MORIN: II peut y avoir des partis politiques qui sont, en fait, aussi des entreprises commerciales.

M. HARDY: Oui, oui.

M. MORIN: Beaucoup le sont, à notre expérience quotidienne. Je crois, quand même que l'on peut établir un certain nombre de garanties, comme l'exigence d'enregistrement, de rapports financiers. On peut également exiger que l'adresse des bureaux soit connue et que, dans la loi, on prévoie qu'un parti reconnu rencontre également toutes ces exigences administratives. S'ils les rencontrent, je pense qu'on est obligé de donner leur chance à tous les citoyens.

M. HARDY: Vous croyez que ce que vous venez d'énumérer serait suffisant pour éviter de la supercherie et éviter que ne se multiplie une quantité de pseudo-partis politiques. Vous pensez qu'avec les exigences que vous avez ce serait suffisant?

M. MORIN: Avec une commission vigilante qui voit à ce que les règlements soient respectés, je crois qu'on peut y arriver. Maintenant, évidemment, on peut aussi aller jusqu'à l'absurde dans ce raisonnement. Au fond, les citoyens ne pourraient plus fonder de parti politique. Il n'y aurait plus moyen de le faire si on pousse votre raisonnement jusqu'à la limite.

M. HARDY: Non, non. Tel que la loi existe actuellement — je ne dis pas qu'elle n'est pas perfectible — il y a au moins une certaine garantie; c'est la réponse de l'électorat. La réponse de l'électorat constitue un certain frein. Si un parti politique présente des candidats dans les deux tiers des comtés et si, par la suite, l'électorat répond dans une certaine mesure, ce n'est plus de la supercherie, parce que l'électorat a dit oui dans une certaine mesure.

Mais si vous n'avez comme stricte exigence qu'enregistrement, chef, adresse et des candidats dans deux tiers des comtés, vous n'avez aucun frein à l'exagération et même à la supercherie.

M. MORIN: Je vais donner la parole à M. Léo Jacques, si vous me le permettez.

M.JACQUES: Je crois que nous serions assez d'accord pour raffiner, peut-être, cette définition d'un parti reconnu.

M. HARDY: D'accord.

M. JACQUES: Au fond, il s'agit d'une exigence minimale. Notre souci premier, dans ce cas, était que la Loi électorale se fonde sur une définition du parti, sur un critère uniforme pour tous les partis. Tout de même, dans la loi, la définition des partis, selon les articles, se fonde sur le chef du gouvernement ou de l'Opposition, ou encore le critère du pourcentage ou le nombre de candidats, et ainsi de suite.

M. HARDY: Mais ne considérez-vous pas, M. Jacques, que ces critères sont essentiellement démocratiques, puisqu'ils correspondent à une expression de la volonté populaire?

M. JACQUES : C'est-à-dire qu'il y a certains articles, par exemple, où on définit les partis par rapport au chef du gouvernement et au chef de l'Opposition officielle.

M. HARDY: Je comprends mais lorsqu'on définit l'article par un corollaire, cela implique que c'est le parti qui a obtenu la pluralité des voix.

M. JACQUES: Je ne crois pas qu'il s'agisse de définir les partis selon une situation passée, si vous voulez. Il s'agit, au fond, d'utiliser des critères uniformes qui peuvent tenir compte de l'évolution de la situation politique au Québec. Disons que c'était notre souci. Maintenant, je ne crois pas qu'on soit en désaccord sur le fait qu'il y a peut-être lieu de raffiner.

M. HARDY: De raffiner.

M. JACQUES: A ce moment-là, j'imagine

qu'à peu près le seul critère à ajouter pourrait être le pourcentage minimum des voix obtenues au cours d'une dernière élection.

M. HARDY: C'est ce qui existe actuellement.

M.JACQUES: Oui, mais ce qu'on fait ici, c'est qu'on a quand même un critère uniforme. D'autre part, je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit aussi facile...

M. HARDY: Quand vous parlez de critères uniformes, est-ce que vous voulez dire qu'un parti politique qui aurait obtenu 4 p.c. des voix, un autre 25 p.c. et un autre 50 p.c. devraient être reconnus sur un pied d'égalité?

M. JACQUES: Non. Ce que je dis, c'est qu'à ce moment-là on pourrait peut-être ajouter, comme c'est le cas dans la Loi électorale, le critère du pourcentage des voix obtenues, un pourcentage minimum, pour raffiner cette chose-là. Mais il reste que la règle fondamentale, pour définir un parti, c'est le fait qu'il présente des candidats dans les deux tiers des circonscriptions. Je ne crois pas que ce soit aussi facile que cela, parce que cela comporte quand même des conséquences et des exigences pour le parti qui présente des candidats dans les deux tiers des circonscriptions.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, si vous permettez, il est midi trente. Nous allons suspendre nos travaux, quitte à recommencer à 14 heures.

M. MORIN : Merci, M. le Président. M. HARDY: A 14 heures. (Suspension de la séance à 12 h 31)

Reprise de la séance à 14 h 12

M. GIASSON (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs! Je crois qu'au moment de suspendre nos travaux pour le dîner...

UNE VOIX: Le déjeuner, M. le Président.

M. GIASSON: Pour le déjeuner, merci, mes amis. C'est M. Léo Jacques qui avait la parole, qui était à énoncer ses idées sur les modalités de reconnaissance de partis politiques au Québec. Je lui redonne la parole.

Dépenses électorales

M. JACQUES: Ce que j'avais signalé au fond, encore une fois, pour reprendre la discussion là-dessus, c'est que je crois bien que nous sommes assez d'accord pour ajouter aux critères que nous avons recommandés pour définir les partis dans notre mémoire, peut-être sur la base du pourcentage des résultats obtenus à l'élection précédente.

Cependant, étant donné les conséquences que cette définition des partis a forcément sur tout le reste de la loi — je pense à la nomination des officiers, au remboursement des dépenses, et d'autre part à d'autres recommandations que nous faisons dans le mémoire, notamment concernant l'utilisation de la radio et de la télévision — notre souci premier était d'avoir un critère uniforme qui nous permette de définir les partis. Cependant, nous sommes conscients tout de même que dans le critère que nous proposons — et de toute façon dans tout critère pour définir les partis — il y aura toujours une part d'arbitraire. C'est dire que, par rapport au nombre de candidats, si on retient ce critère, nous, nous disons deux tiers, ça nous semble une norme raisonnable. Nous avons eu quant à nous des consultations avec des experts à ce sujet, on nous a dit: Cela pourrait être théoriquement qu'il y ait des candidats dans 50 p.c. des circonscriptions plus une, c'est-à-dire en partant du fait que, théoriquement, ça permet d'élire un gouvernement.

De toute façon, il y a toujours une part d'arbitraire, il y a peut-être lieu de raffiner. Mais, il faudrait peut-être éviter dans la définition de parti de prendre des critères spécifiques, qui s'appliquent à des partis en particulier et qui ne soient pas une règle générale au fond.

Encore une fois quand, dans la loi on parle du parti du chef de l'Opposition ou du parti du premier ministre, au fond ce n'est pas une règle générale. On nomme des partis, c'est ce que nous voulons éviter.

M. LAURIN: Sur le même sujet, le député de Terrebonne a posé la question d'une façon telle que, dans la réponse, on en arrive à étudier les normes de reconnaissance d'un parti reconnu. Mais je pense qu'il y a peut-être une autre

façon d'interpréter le mémoire de la SNQ et surtout d'envisager ce qui arrive une fois qu'un parti est reconnu.

Une fois qu'un parti est reconnu, soit à l'aide du critère actuel qui a fait élire tant de députés, et des autres critères qui sont mentionnés dans le mémoire, qu'on en arrive à des normes qui permettent de reconnaître un parti.

Mais une fois que ce parti est reconnu, est-ce qu'il y aurait objection à ce que ce parti reconnu soit tenu d'enregistrer son nom, le nom de son chef, de ses principaux dirigeants et officiers, de déposer ses statuts et règlements, de publier un rapport financier annuel indiquant la provenance de son revenu et la location de ses ressources, de publier un rapport financier soixante jours après chaque élection.

On peut aussi envisager la question dans ce sens. Je pense que ce serait un progrès quand même qu'une fois qu'un parti est reconnu on le soumette à des exigences nouvelles par rapport à la siuation.

M. HARDY: M. le Président, je suis entièrement d'accord sur ce que vient de dire le député de Bourget, à la condition — et c'est là que je rejoins le mémoire du MNQ, Je m'excuse, quand j'étais membre de cet organisme, c'était la Société Saint-Jean-Baptiste alors...

M. MORIN: Devenu le Mouvement national des Québécois.

M. HARDY: C'est là que je suis d'accord sur les principes que vous avez énoncés. Encore une fois, c'est bien difficile d'être en désaccord, sur cela et par ailleurs, il faut trouver des mécanismes de contrôle. Il ne sert à rien de faire des lois qui, en apparence, sont presque parfaites si elles ne sont pas appliquées. Je vais m'en tenir à l'abstrait, je ne l'identifierai pas, mais j'ai eu connaissance aux dernières élections, par exemple, du cas d'un parti politique; lorsqu'on faisait l'addition en lignes agates de sa publicité soit dans les journaux, soit par des feuillets, à la valeur moyenne de ce que ça coûte, et que, par la suite, on allait voir le rapport de l'agent d'élection, on s'apercevait qu'en fait le volume de publicité représentait à peu près trois fois ce que disait le rapport de l'agent d'élection.

M. PICARD: Cela ne s'est pas passé au Québec.

M. PAUL: De toute façon, ça devait dépasser $210.

M. HARDY: Et pourtant il s'agit d'un parti politique — je ne le nommerai pas, il y en avait quatre, cinq — qui, d'une façon globale, en général, revendique d'une façon très vigoureuse la pureté.

M. LAURIN: Qui joue à la vierge offensée!

M. HARDY: La raison... écoutez, M. le Président, c'est très facile; il y a des prix uniformes dans les journaux et d'ailleurs la Loi électorale prévoit qu'un journal n'a pas le droit de donner une réduction à un parti.

M. LAURIN: J'aimerais que vous me communiquiez le résultat de votre étude et qu'on l'examine conjointement.

M. HARDY: Cela me fera plaisir.

M. PAUL: M. le Président, comme l'honorable député de Terrebonne on pourra mentionner le parti.

M. LAURIN: Nous l'avons tous reconnu.

M. PAUL: J'ai cru déceler qu'il pourrait s'agir d'un parti autre que le mien. Je serais intéressé à être membre de ce petit comité d'amis qui pourrait faire la révision des dépenses électorales, à moins que mon honorable ami le député de Bourget ne s'oppose.

M. LAURIN: Je n'ai aucune objection, aucune objection.

M. MORIN: M. le Président, s'il semble bien prouvé que des contrôles efficaces...

M. PAUL: S'imposent.

M. MORIN: C'est ça exactement. Est-ce que je crois déceler parmi les membres de la commission, un accord de principe sur la question?

M. HARDY: Sur le principe, oui.

M. MORIN: Donc le corollaire, la conséquence serait qu'il faut reconnaître au président d'élection ou à la future régie électorale, si vous acceptez d'en créer une et si vous prenez les dispositions pour le faire, des pouvoirs accrus, des pouvoirs d'enquête. C'est ce que nous recommandons dans notre mémoire.

M. HARDY: C'est-à-dire des pouvoirs efficaces parce qu'actuellement la loi prévoit des pouvoirs. La loi prévoit qu'on peut poursuivre les gens, il y a toute une série de choses. Mais la difficulté est de trouver des mécanismes, non pas intellectuellement ou rationnellement valables, mais concrets. C'est un peu comme le problème des dépenses électorales. C'est bien beau de dire qu'on ne peut pas dépenser plus que tant par électeur, que c'est très précis, mais encore faut-il et que, si un candidat, un agent d'élection ne respecte pas ça, il soit passible d'amende et même de prison dans certains cas.

C'est bien beau de voir tout ça, mais il s'agit de savoir dans quelle mesure, dans la réalité concrète, tout cela peut se vérifier, tout cela peut se faire.

M. MORIN: M. le Président, nous avons tenté d'apporter une réponse aux remarques très pertinentes du député de Terrebonne. Nous voudrions justement que la commission générale des élections puisse, de son propre gré, convoquer des personnes, des candidats, des agents d'élection, voire des organisateurs. Souvent on fait faire par des organisateurs qui n'ont pas la responsabilité — vous savez comment la loi est faite — des organisateurs qui sont plus ou moins reliés à l'organisation toutes sortes de tâches dont le candidat ou l'agent électoral ne veut pas prendre la responsabilité directe. Que la commission puisse les convoquer, entendre des témoins, faire produire des documents, enquêter sur toute situation qui lui semble irrégulière.

Moi je vois très bien le député de Terrebonne se présenter avec ses lignes agates devant la régie en question et dire: Voilà, j'attire l'attention de la commission sur cette situation qui me paraît pour le moins irrégulière.

M. HARDY: A la condition d'avoir le rapport avant que les poursuites ne soient prescrites.

M. MORIN: Là c'est une question de prescription dans la loi. On peut très bien dire qu'il n'y aura de prescription qu'à l'élection suivante, par exemple, pour ne pas étirer ça éternellement, mais mettons une prescription de trois ou quatre ans ou de la durée du Parlement.

Je pense tout haut, comme vous. Nous tentons de répondre aux questions du député de Terrebonne. Nous voyons une régie avec des pouvoirs d'enquête. Cela me permet d'aborder une autre question.

M. LAURIN: Un autre point?

M. MORIN: Oui. Le point est relié.

M. LAURIN: Encore à propos de l'intervention du député de Terrebonne, je pense bien que si vous faites ces remarques, c'est parce que vous constatez actuellement que la loi est insuffisante dans ses moyens de contrôle, autant peut-être que dans la formulation des objectifs. J'ai noté avec intérêt — c'est relié au même point — la recommandation no 4 du MNQ où l'on tente de définir les tâches des commissaires adjoints. Par exemple, on dit que l'un des commissaires serait chargé du contrôle de l'inscription, un autre du contrôle des revenus et des dépenses, un autre du contrôle de la publicité. J'imagine que, si vous avez fait cette recommandation, c'est que vous constatez que la loi actuelle comporte des lacunes assez importantes en ce sens. Vous tentez de la combler par la suggestion que vous faites et vous allez encore plus loin dans la recommandation no 11, lorsque vous ajoutez un pouvoir de vérification post hoc, avec capacité d'instituer des enquêtes, un peu comme les corpora- tions professionnelles, d'ailleurs, sont habilitées à le faire. On sait que cela a rendu de grands services dans le passé. En l'occurrence, on pourrait presque assimiler le rôle de cette nouvelle régie ou de cette nouvelle commission indépendante à une corporation professionnelle, en ce qui concerne la capacité d'électeur ou la façon dont on exerce le droit de vote. Je pense qu'il y a lieu ici d'aller beaucoup plus loin que les textes législatifs ou réglementaires actuels.

M. MORIN: Pour ne pas être en reste de comparaison, on pourrait aussi faire allusion à la Commission des valeurs mobilières qui a des pouvoirs d'enquête, de répression, et dire qu'une élection est aussi importante qu'une émission d'obligations pour l'avenir de la démocratie au Québec. Pourquoi ne reconnaîtrait-on pas à cette commission des pouvoirs plus étendus?

Irrégularités

M. MORIN: Nous pensons qu'aucun parti honnête n'aurait quoi que ce soit à craindre de cela. Je ne crois pas que les partis représentés autour de cette table aient quoi que ce soit à se reprocher. Donc, qu'y a-t-il à craindre? Ce serait à l'avantage de tous. Cela m'amène à signaler autre chose. Vous savez — d'ailleurs, nous en avons tous fait l'expérience — qu'au cours des élections il y a des arrestations qui s'effectuent, soit pour intimidation, soit parce qu'on a violenté des électeurs, soit pour des choses plus bénignes, soit pour supposition de personnes, etc. A mon expérience, dès le soir de l'élection venu, on laisse tomber toutes les poursuites et ces gens entrent chez eux impunis, comme si rien ne s'était passé. Je connais un comté en particulier où, il y a eu 38 arrestations le jour du scrutin.

C'était autant que dans le reste de l'île de Montréal. Il y a eu une poursuite et, encore, il a fallu s'y atteler parce qu'il s'agissait d'un cas particulièrement vilain. Une poursuite. Les autres, volatilisés dans le décor. Impossible même d'obtenir le dossier pour voir ce qu'il y avait en preuve contre eux. Or, il y avait dans les dossiers des bulletins de vote, parce que nous avons récolté des bulletins de vote sur les banquettes des taxis, par exemple, ou dans des voitures et on les a remis à l'agent. Il n'y a pas eu moyen de les voir par la suite. Les dossiers étaient partis pour Québec. On nous répondait n'importe quoi. Le résultat, c'est qu'il n'y a pas eu de sanction.

Je ne dis pas que c'est comme ça partout. Dans un comté, 38 arrestations, c'est vrai que c'est un comté un peu spécial, je l'avoue. Mais, tout de même, il y a eu des arrestations ailleurs. Est-ce que la commission a été habilitée à aller voir ce qui s'était passé dans chaque dossier, à voir comment les élections se déroulent? Motus et boule de gomme, on n'en entend plus parler.

M. HARDY: II faut dire qu'à l'heure actuelle, tel que la loi existe, le président général des élections, on me corrigera si je fais erreur, dans un cas semblable, a le pouvoir de faire enquête, a le pouvoir de la demander ou le ministre de la Justice.

M. PAUL: C'est-à-dire que c'est l'enquête qui est demandée par le président général des élections au ministère de la Justice. Les plaintes émanent du ministère de la Justice.

M. HARDY: Oui, les plaintes. Mais le président général des élections, si on lui rapporte des irrégularités, peut demander que des enquêtes soient faites. Le ministre de la Justice peut lui aussi le demander. Maintenant, je reconnais avec vous que 38 arrestations et une seule cause, cela a l'air drôle au point de départ. D'un autre côté, il faut être prudent et ce n'est pas parce que quelqu'un est arrêté, dans la fièvre d'une journée électorale, qu'on peut se rendre compte le soir ou le lendemain que la personne a été arrêté et qu'on n'a pas de preuve.

Vous savez, là non plus je ne vous apprendrai rien, qu'avant de porter une plainte, la police arrête des tas de gens. On n'a qu'à aller dans un bureau du procureur de la Couronne pour voir qu'entre le nombre de dossiers que les procureurs de la Couronne reçoivent de la police et le nombre de plaintes formulées, il y a un décalage assez important.

M. MORIN: Oui, mais ils ne sont pas tous porteurs de bulletins de vote.

M. HARDY: Non, je le sais...

M. PAUL: C'est comme commettre des infractions au code criminel. Dans certains cas, c'est aussi grave.

M. LAURIN: On en arrête peut-être trop.

M. HARDY: C'est ça, peut-être. C'est pour ça que je faisais allusion à la fièvre. Vous savez, les gens sont un peu...

M. LAURIN: On peut penser aux événements d'octobre aussi.

M. HARDY: Peut-être que les gens sont aussi excités un jour d'élection que lors des événements d'octobre, oui.

M. PAUL: Quand vous parlez des événements d'octobre, est-ce que vous parlez des événements d'octobre 1972?

M. LAURIN: De 1970.

M. PAUL: Ah pardon! Je pensais que vous parliez des événements d'octobre 1972 par allusion aux comtés de Duplessis et de Gatineau.

M. LAURIN: D'octobre 1970, où on en a arrêté 420 et où il y a eu neuf poursuites.

M. PAUL: Vu que nous étions à étudier la loi de la réforme électorale...

M. LAURIN: C'est un parallèle. Il y a eu moins d'arrestations.

M. LATULIPPE: M. le Président, là-dessus, à titre d'information, est-ce que dans le cas actuel et passé, quand il s'agissait justement d'entreprendre des poursuites pour des cas bien spécifiques où la police était intervenue, il y a eu arrestation, c'était manifeste qu'il y avait un désaccord avec la loi, s'il n'y a personne après l'élection, parce que j'imagine que le candidat pour qui c'est défavorable ne désire pas porter en appel, cela peut être coûteux, à ce moment-là, tout homme, actuellement dans notre régime...

M. HARDY: C'est une des raisons d'être des partis politiques, justement de voir à ce que... On disait autrefois, quand il y avait seulement deux partis, il y avait une espèce de "gentleman agreement" et les vieux partis, disait-on, s'entendaient ensemble pour tout oublier. Mais aujourd'hui, où nous sommes en présence du multipartisme, les "gentleman agreement" ne sont plus possibles. Alors, si vraiment un parti politique, ou une formation politique, ou un groupe d'individus considère qu'il y a eu des infractions et que la machine n'y voit pas, il n'y a rien qui les empêche de...

M. LATULIPPE: Dans les conditions actuelles même si un parti politique porte un fait à l'attention du président de l'élection et si effectivement la décision est rendue et trame en longueur...

M. HARDY: Je vois difficilement, M. le Président, si vous avez un dossier sérieux, non pas des commérages, comment on ne donnerait pas suite à un dossier semblable.

M. LATULIPPE: Même pour l'enquête?

M. MORIN: M. le Président, le député de Terrebonne disait tout à l'heure qu'il ne fallait pas tomber dans l'abstrait, je pense qu'il y nage à pleins bras. Parce que nous avons tenté... je pourrais parler pour des gens qui ont été mêlés à ces questions-là d'assez près, il n'y a rien à faire. Ce sont des murs, ce sont des impasses. Il n'y a rien à faire.

M. PAUL: Oui, mais le député de Terrebonne a parlé de plaintes sérieuses. Il a été prudent, il a employé le mot "sérieuse" pour qualifier la plainte, la nature de la plainte.

M. MORIN: Oui. Je parle d'événements sérieux, je parle d'intimidations.

M. HARDY: Vous savez comme moi qu'à un moment donné on peut être convaincu qu'il y a des irrégularités graves qui se sont produites, on peut avoir la certitude morale qu'il y a eu des fautes de commises et on est incapable d'en faire la preuve.

M. MORIN : Oui, mais M. le député, lorsque vous vous rendez compte que les dossiers sont fermés sans même qu'on les examine et qu'il n'y a pas moyen de savoir ce qui s'est passé, ni de quoi même certains sont accusés alors que c'est vous-même qui avez fait faire l'arrestation. Il faut tout de même que vous conveniez qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Vous ne pouvez même pas mettre en marche le mécanisme d'étude des dossiers.

M. HARDY: J'aimerais bien savoir à quelle échelle une chose semblable se produit.

M. MORIN: J'admets volontiers que cela varie d'un comté à l'autre. Il y a des comtés où tout se passe dans un ordre relatif, mais vous savez comme moi qu'il y a des comtés où le "batte" de baseball, pour employer le jargon des élections, sert encore.

M. PAUL: Seulement dans Montréal.

M.HARDY: Vous remontez loin dans le temps, monsieur.

M. MORIN: Non, non. Je pense que le député de Terrebonne devrait venir faire un tour dans certains comtés de Montréal.

M. HARDY: Vous parlez toujours de Montréal.

M. MORIN: Oui, mais il y a du monde.

M. HARDY: Vous allez finir par nous convaincre qu'à Montréal, ce n'est pas du monde aussi honnête qu'ailleurs.

M. MORIN: Je pense avoir dit que, sociologi-quement, c'est une société bien moins intégrée que ce qu'on retrouve ailleurs au Québec. C'est un fait.

M. LAURIN: Les manoeuvres.

M. MORIN: C'est un tissu social déchiré.

M. VEILLEUX: Même dans des comtés ruraux. Il s'agissait tout simplement d'être dans le comté de Gatineau, lors de la dernière élection où le vote a été annulé. Des gens ont demandé à leurs représentants de poser des gestes nettement illégaux, sinon criminels, en leur demandant, dès qu'on s'est rendu compte que les bulletins étaient numérotés, de prendre note des numéros et de les inscrire à côté des noms des gens qui allaient voter, afin d'être capables, après cela, de mieux déceler pour qui ils avaient voté. Ce sont des irrégularités.

M. LAURIN: Disons simplement que l'élection a été arrêtée trop tard.

M. VEILLEUX: C'est plus qu'une irrégularité. C'est un geste...

M. LAURIN: II y en avait eu une qui avait précédé.

M. HARVEY (Chauveau): C'est criminel, cela.

M. VEILLEUX: ... criminel.

M. MORIN: M. le Président, je ne voudrais pas, non plus, qu'on s'enfonce dans des considérations qui nous amèneraient à nous lancer des horions de part et d'autre, parce que cela n'avancerait pas l'objet pour lequel nous sommes réunis.

Il nous reste, quand même, à parler du contrôle efficace des finances. On en a parlé, mais on n'a pas dit tout ce qu'il faudrait faire pour que ce contrôle soit efficace. Il nous reste à parler des élections elles-mêmes; il nous reste à parler de la question de la contestation.

Choix des présidents et représentants

M. MORIN: En ce qui concerne les élections elles-mêmes, aux recommandations 23 à 25, nous recommandons que les présidents d'élection de chaque comté soient choisis en accord avec les partis reconnus, ce qui n'est pas le cas actuellement. Dans le cas où ce ne serait pas possible — il me semble qu'en général il devrait être possible de trouver une personne vraiment reconnue pour son impartialité dans le comté — nous nous en remettrions au président général des élections, c'est-à-dire à la régie électorale dont nous avons parlé plus tôt ce matin.

Ensuite, nous recommandons que tous les partis aient droit à un représentant officiel dans chacun des bureaux de scrutin et qu'ils soient rémunérés par l'Etat. Le député de Terrebonne, avec raison, faisait appel, tout à l'heure, au multipartisme. Il disait qu'on n'est plus dans la situation où ce qu'il appelait les vieux partis se faisaient la lutte.

M. HARDY: Je ne voudrais pas que vous donniez plus d'extension à mes paroles. J'ai enregistré le fait que nous étions devant une multipartite. Je n'ai pas nécessairement dit que c'était bon ou mauvais. J'ai constaté.

M. MORIN: Bien sûr, je sais bien que le député n'a pas porté de jugement de valeur sur un fait qui pourrait le contrarier à ce point. Mais il reste que nous sommes devant le multipartisme, qu'on le veuille ou non. Et nous pensons, dans les circonstances, que les repré-

sentants devraient être payés par l'Etat, les représentants de partis reconnus bien sûr.

Il n'y a pas de raison que la situation actuelle où seulement le parti gouvernemental et le parti du chef de l'Opposition se voient reconnaître ce privilège de voir leurs représentants payés par l'Etat, tandis que les autres, eux, ne le sont pas. Nous ne voyons pas de raison logique, en tout cas, de maintenir cette situation.

D'autant que ce qui se passe — je ne dis pas de manière générale, bien entendu — à l'occasion, c'est qu'on voit parfois des partis s'entendre comme larrons en foire pour essayer de venir à bout d'un troisième, si, par hasard, le troisième parti est celui qui a de la difficulté à avoir des représentants parce qu'il faut du militantisme. Quand on n'a pas d'argent pour payer les représentants, il faut des gens vraiment convaincus pour sacrifier une journée de leur vie à une chose aussi rébarbative que de siéger derrière des urnes pendant une journée.

M. HARDY: Cela dépend. Moi je me rappelle que ma première expérience en politique a été justement de faire ça, et au contraire je ne trouvais pas ça rébarbatif du tout. J'ai trouvé ça très stimulant.

M. MORIN: Nos expériences coincident, M. le député, ça a été moi aussi, à l'époque de Mme Casgrain, mon premier rôle en politique, alors que j'avais un âge...

M. PAUL: Est-ce que vous parlez de Mme Kirkland-Casgrain?

M. MORIN: Non, je parle de la grande Mme Casgrain.

M. PAUL: L'honorable sénateur.

M. MORIN: L'honorable sénateur Casgrain.

Nous pensons donc, troisièmement, que lorsque plusieurs bureaux de scrutin sont regroupés en un même endroit, il devrait y avoir un adjoint du président d'élections qui serait nommé, avec l'approbation du président général, et qui soit habilité à exercer tous les pouvoirs du président à cet endroit le jour du scrutin.

Nous recommandons cela parce que l'expérience récente nous a démontré que lorsqu'il n'y a pas de représentant officiel de l'Etat, dans un endroit où sont groupés plusieurs polls, il se produit souvent que des personnages s'improvisent, sur place, directeurs de toute l'opération. Et s'il n'y a personne pour leur tenir tête, pour leur rappeler la loi, ces messieurs s'installent et font la loi dans un certain nombre de bureaux de scrutin, une chose qui s'est produite.

On a même vu, chose étonnante, dans certains coins, des personnes arriver sur les lieux et littéralement écarter des gens qui étaient là soi-disant pour représenter le président d'élection local mais qui n'avaient pas de fonctions précises en vertu de la loi, les écarter, prendre leur place. En sorte qu'on ne sait plus très bien qui est responsable, et que ça devient une sorte de jeu de force dans le comté le jour même de l'élection. Nous pensons que c'est contraire aux intérêts de tous les partis, et nous aimerions donc voir déléguer sur place un représentant de l'Etat, qui serait — théroriquement en tout cas — aussi impartial que les autres.

Contestation

M. MORIN: En ce qui concerne la contestation — puisque nous pouvons peut-être épuiser tout de suite notre mémoire — nous aimerions que la Loi sur les contestations soit incorporée à la loi générale. Parce qu'il y a des discordances entre les deux. La Loi sur la contestation des élections, vous le savez, utilise un vocabulaire qui n'est pas toujours le même que celui de la loi électorale. Et il faut vraiment un juriste versé — comme il s'en trouve peu — pour arriver à démêler tout ça, pour arriver à savoir ce qui est une manoeuvre frauduleuse par exemple.

Je ne sais pas si le député de Terrebonne, qui est juriste lui aussi, a jamais essayé de savoir ce qu'était exactement une manoeuvre frauduleuse d'après la Loi électorale c'est un casse-tête à n'en plus finir.

Il nous semble que tout ça devrait être mieux défini, mieux incorporé à la Loi électorale. Nous pensons aussi que les irrégularités devraient être plus précises, ce qui constitue une irrégularité; que les règles... sautons pardessus la vingt-huitième, c'est un point technique qui n'intéresse que les avocats. La vingt-neuvième: "qu'en cas de contestation d'élection, il ne soit pas nécessaire de prouver que les personnes ayant voté illégalement ont voté pour l'un des candidats en particulier". C'est une recommandation que nous faisons suite au jugement intervenu dans l'affaire de Fabre.

Poursuites judiciaires

M. MORIN: Enfin, la trentième recommandation: que le président général des élections soit obligatoirement informé de toutes les arrestations effectuées en cours d'élection ainsi que des raisons qui les ont motivées pour qu'il puisse vérifier si des poursuites ont été engagées, qu'il soit autorisé lui-même à engager des poursuites s'il y a lieu.

C'est pour compléter les remarques que nous faisions tout à l'heure.

Nous avons essayé dans ce mémoire de faire vraiment le tour de toutes les modalités du scrutin. Nous ne pensons pas au mode de scrutin: doit-il être uninominal, à un tour ou à deux tours et tout ça? Ce n'est pas là-dessus que porte notre mémoire mais sur toute les modalités du scrutin lui-même.

Voilà, je voulais au moins avoir une occasion de faire le tour de l'ensemble du mémoire.

M. LE PRESIDENT: Merci. Le député de Terrebonne.

M. HARDY: Pas pour le moment.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: J'aurais une question à poser.

M. MORIN: Oui.

Emission de reçus

M. LATULIPPE: Relativement à l'article 17, vous parlez de l'émission de reçus aux entreprises privées ou aux personnes qui collaborent aux caisses électorales. Ne croyez-vous pas qu'il y a une possibilité d'abus, qu'on retrouve justement le grand phénomène qu'on a retrouvé dans les fabriques avec le truc des reçus et que ce soit difficile à vérifier et que ça va prendre encore peut-être un contrôle assez serré là-dessus?

M. MORIN: Sauf que la différence entre un parti politique et une fabrique, sur le plan financier, est quand même sensible. Un bon curé va quelquefois donner un reçu faux parce qu'il veut aider son paroissien à éviter peut-être que l'impôt ne soit trop élevé; cela se fait par charité en quelque sorte, tandis...

M. PAUL: II y a des curés aujourd'hui qui s'intéressent aux électeurs.

M. LATULIPPE: J'ai beaucoup plus confiance aux curés qu'aux politiciens.

M. PAUL: II y a des curés qui espèrent trouver "la voie" qui les mènera au succès!

M.MORIN: Bien sûr, aussi! Mais ce n'est pas pour parler des curés que je suis venu mais pour parler des partis politiques avant tout, et dans ces cas-là, je connais peu de partis politiques qui donneraient un reçu truqué, parce que ce qui les intéresse c'est d'avoir l'argent qui correspond au reçu.

M. HARDY: II faut faire attention, dans cet esprit-là, vous pourriez avoir des partis politiques dans le même esprit que les curés, je ne connais pas de curés qui faisaient ça mais vous semblez en connaître...

M. MORIN: C'est de notorité publique. M. HARDY: De notoriété publique? M. MORIN: Oui.

M. HARDY: Je vais encore me demander s'il y a à Montréal des curés différents de la campagne?

M. MORIN: Je ne sais pas si la situation a changé, mais il y a quelques années, c'est le gouvernement lui-même qui se plaignait de ce que les reçus donnés par les curés, si on totalisait le tout, excédaient largement les revenus des fabriques.

M. HARDY: Mais dans le même esprit, vous ne craindriez pas que des partis politiques, pour s'attirer le vote de certains électeurs, donnent aussi des reçus plus ou moins exacts?

M. MORIN: Je ne le craindrais pas.

M. LATULIPPE: II y a un autre avantage marqué, je ne partage pas cette opinion...

M. HARDY: C'est une question que j'ai posée.

M. LATULIPPE: Si une entreprise vous donne $500 de contribution, vous lui émettez un reçu de $1,000 ça devient beaucoup plus facile de faire de la collection, ça ne coûte absolument rien.

M. MORIN: Ai-je bien saisi la question, M. le député? Vous dites: si la personne a donné $500...

M. LATULIPPE: Puis qu'on lui donne un reçu de $1,000 et cette entreprise est autorisée à les déduire de ses dépenses; ça devient un revenu acquis pour le parti politique à même les diminutions d'impôt. Il y a des moyens de faire des transferts.

M. MORIN: Oui, mais nous n'avons pas parlé d'entreprises là.

M. LATULIPPE: Disons que j'ai peut-être mal compris.

M. MORIN: C'est le revenu des particuliers.

M. LATULIPPE: Cela change le contexte totalement. Je vous remercie.

M. MORIN: Cela change le contexte. Nous pensons qu'il n'y a pas de raison pour que les particuliers ne puissent pas déduire ça de leur impôt lorsque très démocratiquement ils financent un parti, quel qu'il soit.

M. HARDY: Je vous avoue que je concours entièrement au principe et ce serait une façon d'encourager le plus grand nombre possible de gens à financer les partis politiques, à démocratiser le financement des partis.

M. MORIN: C'est ça.

M. HARDY: C'est comme dans toute question, il y a un aspect très positif, très valable. Est-ce que cet aspect positif et valable ne l'emporte pas largement sur l'aspect négatif?

C'est fort possible également. Il ne faut pas non plus ne voir que l'aspect positif. Je maintiens qu'il y a un aspect négatif et il pourrait très bien y avoir des partis politiques qui à un moment donné distribueraient des reçus assez généreusement, afin de s'attirer la sympathie des gens à qui ils les distribuent.

Encore une fois, il s'agit d'évaluer si l'aspect positif est largement supérieur à l'aspect négatif.

M. MORIN : M. Léo Jacques aimerait dire quelque chose.

M. JACQUES: Comme nous l'avons mentionné dans le mémoire, nous nous sommes inspirés très largement du rapport Barbeau, qui fait une recommandation en ce sens. Mais nous n'avons pas indiqué de maximum, c'est-à-dire nous n'avons pas indiqué de montant dans la recommandation, et je pense qu'il faudrait nécessairement le faire. Deuxièmement, ça s'adresse aux particuliers, aux citoyens seulement. D'autre part, si on tient compte...

M. HARDY: Dans mon esprit, c'est ça qui est important, parce que ce sont les particuliers qui votent; ce ne sont pas les entreprises.

M. JACQUES: C'est ça, c'est le sens de la recommandation. D'autre part, si l'on tient compte des contrôles que nous proposons dans d'autres recommandations, je pense qu'à ce moment-là ça facilite la vérification de l'émission des reçus. Dans le rapport Barbeau, on signale qu'il faudrait que ces reçus soient émis par un nombre restreint de personnes; en général il faut que ce soit l'agent officiel du candidat. Quant à nous, nous recommandons qu'il y ait des rapports, des contrôles des candidats et des partis sous l'égide de la commission des élections. Je pense qu'à ce moment-là ça faciliterait grandement les choses. Cela pourrait éviter qu'il y ait ce genre de choses que vous mentionnez, c'est-à-dire qu'on émette des reçus pour des dons qui n'ont pas été faits, qu'il y ait des abus dans ce sens.

M. LATULJPPE: Sur le même sujet, M. le Président. Selon vos recommandations, faut-il comprendre que les entreprises, automatiquement, ne devront plus contribuer aux caisses des partis, que ce serait considéré comme une matière frauduleuse?

M. JACQUES: Non, ce n'est pas le sens de la recommandation. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a des dégrèvements d'impôts pour les citoyens qui contribuent. Il n'y en a pas dans le cas des entreprises ou des corporations. Cela ne signifie pas nécessairement qu'on les exclut quant à nous.

M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet. M.VINCENT: M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Morin. Lorsque vous parlez du financement des partis, sous-enten-dez-vous les contributions qu'une personne pourrait apporter en temps ou sont-ce seulement les contributions en argent? Une personne pourrait aller travailler pour un parti politique pendant X mois et ça peut représenter une contribution de $1,000 ou de $1,500 qui est aussi importante pour un parti politique que les $1,000 ou les $500 qu'il reçoit.

M. MORIN : Nous ne pensions pas à ça du tout. Le temps qu'une personne peut y mettre, d'ailleurs, il serait très difficile de le jauger, de l'évaluer, parce que tel militant est totalement inefficace, alors qu'un autre, au contraire, est capable de diriger toute l'organisation d'une manière extrêmement fructueuse.

Alors, nous ne pensons pas au temps. C'est une affaire de militantisme et c'est à chaque parti de voir s'il peut éveiller dans la population suffisamment d'intérêt pour obtenir ce militantisme. Nous pensons seulement aux contributions en argent, parce que ce sont celles-là qui peuvent fausser le scrutin, bien plus que les contributions en temps.

M. VINCENT: Mais si, par exemple, M. Morin, une compagnie ou une société prête les services d'une personne, une secrétaire, un commis de bureau ou encore un organisateur, un publiciste à un parti politique pour une période d'un mois et évalue ce temps à $500 ou à $1,000, est-ce que ça ne devient pas une contribution matérielle?

M. MORIN: Là, j'abonderais dans le sens du député, c'est une autre affaire. Lorsqu'il s'agit d'une proposition qui est sur les limites du commercial, là, nous n'y avons pas pensé. J'avoue bien modestement qu'on n'a pas réponse à tout et qu'on n'a pas pu épuiser, sans doute, tous les raffinements possibles dans une situation comme ça. J'abonderais dans le sens du député sur le plan personnel, sans préjuger de ce que pensent mes collègues. Lorsqu'une société commerciale ou industrielle prête son personnel, nous pensons que cela est une contribution financière, d'ordre financier.

M. VINCENT: Je remarque souvent que, dans nos comtés ruraux, c'est une chose qui arrive.

M. MORIN: Oui.

M. VINCENT: Très souvent, nous avons les services de personnes qui nous sont prêtées pour une durée d'un mois. A ce moment-là, je considère ça comme plus important qu'une contribution financière.

M. MORIN: Oui, mais c'en est une, en fait. Cela devrait figurer dans les budgets, ce genre de prêt là.

M. VINCENT: A ce moment-là, je me pose une autre question: Qu'est-ce qu'il arriverait avec le T-4, qui est de règle pour toute personne qui emploie quelqu'un pendant une période donnée? C'est un autre problème qu'il faudrait aborder à un certain moment dans le rôle des partis politiques avec les agents électoraux. Le ministère du Revenu va arriver à un certain moment et il va dire: Vous avez donné une contribution, un salaire; vous devez payer maintenant, vous devez compléter une formule. Ce sont toutes des implications auxquelles nous allons avoir à faire face au cours des prochaines années.

M. MORIN: Oui, bien sûr. Mais, là encore, sur le plan de revenu, cela ne pose pas de difficulté insurmontable. Parce que j'imagine que, dans la situation dont vous avez parlé, l'employé reste au service de la corporation...

M. VINCENT: Dans ces cas-là, oui.

M. MORIN: ... qui l'a prêté. Donc, il émarge toujours au budget de sa société, de sa compagnie. C'est une contribution, en fait. Cela peut s'analyser comme étant une contribution financière, disons même pas déguisée, mais directe aux activités d'un parti. Dans ce cas, nous pensons que cela devrait figurer parmi les revenus du parti politique, bien sûr. Ce serait ma réaction.

M. VINCENT: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. Morin, à ma connaissance, vous n'avez pas parlé dans le mémoire du cas que j'ai mentionné, celui des rapports que font les candidats quant à leurs dépenses électorales au président général des élections. On sait de bonne part que, là aussi, assez souvent, on laisse passer le délai et que le candidat défait ou l'un des candidats défaits fait une déclaration dans le journal, disant: Si j'avais eu le temps, j'aurais fait disqualifier le député élu parce que nous avons de bonnes raisons de penser qu'il a excédé ses dépenses. Verriez-vous l'obligation pour chacun des candidats d'annexer à leur rapport toute annonce publicitaire dans les journaux, copies des dépliants distribués de porte à porte, etc?

A ce moment, le président général des élections pourrait faire une évaluation beaucoup plus précise des dépenses des candidats. Parce qu'il y en a plusieurs qui disent que cela ne leur a pas coûté cher, mais les journaux ont été distribués tous les jours pratiquement, de porte à porte, et on sait que la publicité coûte énormément cher.

M. MORIN: Oui, j'abonde dans le même sens que vous, M. le député. Je pense que vous avez tout à fait raison. Ce n'est pas insurmontable comme procédure à suivre. Cela peut très bien se faire. J'ajouterais même que ce ne sont pas seulement les lignes agates qu'il faudra inclure, les annonces, etc. Il faudrait qu'il y ait dans chaque rapport de chaque candidat un énoncé exact de toutes les activités qui représentent une contribution en argent et qui ont eu lieu le jour de l'élection ou auparavant.

Par exemple, si dans un comté il y a une "flotte" de 60 taxis à la disposition du candidat et que le jour où il fait son rapport, vous constatez qu'il fait rapport pour $18,000 et que cela ne figure même pas parmi les dépenses, il faudrait que le président d'élection puisse convoquer l'agent électoral, le candidat pour lui dire: Ecoutez, il y a des témoignages à l'effet que vous aviez 60 taxis. Qui les a payés? Où sont-ils passés dans le budget? C'est ce genre de choses-là.

J'irais même plus loin que vous en ce sens-là: toutes les dépenses devraient figurer en annexe, pièces à l'appui. Comme lorsqu'on fait un rapport d'impôt. Cela devrait être aussi méticuleux, aussi précis que cela.

M. VEILLEUX: Oui, mais quand je dis que les candidats seraient dans l'obligation de produire une copie des annonces publiées dans les journaux, etc., on sait que des rapports peuvent être faits et que des oublis peuvent s'être glissés dans le rapport...

M.MORIN: Bien sûr.

M. VEILLEUX: Je ne sais pas. S'il s'est publié trois ou quatre journaux pendant la campagne électorale, il est fort possible qu'un candidat oublie une partie de page d'annonces ou une page complète d'annonces, compte tenu qu'il y en avait plusieurs dans le journal. A ce moment, si on oblige les candidats à remettre une copie de ces choses-là, peut-être que les autres candidats pourraient les ramasser pour leurs adversaires et évaluer, par la suite, si, effectivement, le rapport a été fait, au niveau publicitaire, comme il se devait d'être fait.

M. MORIN: Oui, j'imagine qu'ils pourraient le faire. Oui, il pourrait y avoir quelqu'un qui, très facilement, suivrait tout cela et on arriverait, je pense, assez rapidement à assainir l'aspect financier des élections.

M. LATULIPPE: D'après l'intervention du député de Saint-Jean, cela supposerait que le rapport de tous les candidats serait rendu pubiic.

M. HARDY: Ce serait contresigné par...

M. LATULIPPE: Oui, il faudrait quasiment cela. Est-ce que cela irait jusque là?

M. MORIN: Pas nécessairement, mais si...

UNE VOIX: Cela pourrait soulever de longs débats.

M. MORIN: Oui, oui.

M. VEILLEUX: Je ne sais pas, mais il est facile de porter des accusations sur des gens, relativement à leurs dépenses électorales, sachant d'avance que le délai prévu à cet effet est expiré et prétextant cinquante raisons pour dire qu'on n'a pas eu le temps de contester, parce qu'il n'y avait pas assez de temps, etc. Comme n'importe qui peut venir à la barre, ici, pour dire que dans tel comté il s'est fait telle chose. Il nous semble que c'est tel parti politique. Chacun de nous, autour de la table ici, pourrait dire la même chose vis-à-vis des gens qui viennent. C'est bien facile.

M. MORIN: Oui.

M. VEILLEUX: Alors, il faut prévoir. En théorie, il y a des choses ici très bonnes, mais la seule chose que je trouve dans le mémoire de la Fédération des sociétés Saint-Jean-Baptiste de Québec, c'est qu'on ne nous donne pas assez de détails quant à l'application des principes émis dans le mémoire. Moi, je pourrais aller à la télévision demain matin et en émettre des principes électoraux extraordinaires, mais quant à leur application, ce serait pas mal difficile d'y répondre. D'ailleurs M. Morin l'a dit tout à l'heure, dans son mémoire, il y a des lois ou il y a des articles de la loi électorale qui sont formidables mais qu'on devrait enlever parce qu'inapplicables. Cela a été dit à un endroit dans le mémoire.

M. MORIN: Surtout, il y en a beaucoup qui devront être revus parce qu'ils sont obscurs, ils ne sont pas clairs.

Mais, M. le Président, puisque déjà le temps va nous manquer, je voudrais abonder dans le même sens que le député de Saint-Jean et ajouter ce commentaire, peut-être en guise de conclusion.

Si au moins vous pouviez déjà mettre en route, ne serait-ce qu'une partie de ces recommandations-là. Commencer à assainir le climat électoral du Québec. Je suis convaincu, pour ma part, qu'en quelques années on arriverait à améliorer sensiblement le niveau du comportement électoral des Québécois, surtout peut-être dans les villes, encore une fois. Je suis convaincu de cela. Il ne faut pas grand-chose pour assainir ce climat. Et on cesserait de s'invectiver comme on le fait trop souvent, comme on vient de le dire, comme l'a dit le député de Saint-Jean. Après les élections, on trouve encore le moyen de s'invectiver et de mettre la bonne foi de l'autre et les motifs de l'autre en doute, même après que les délais sont expirés. Cela, c'est parce que le climat est mauvais. C'est parce qu'il règne au Québec un climat de méfiance à l'égard de tout ce qui est politique.

Le député de Terrebonne posait la question suivante au tout début de la séance, ou était-ce le député de Maskinongé, il regrettait que les Québécois aient l'air de se désintéresser de la question. Mais il faut dire que malheureusement les Québécois se disent: "Quossa donne", vous connaissez la fameux "Quossa donne" de nos jeunes. Ils n'y croient plus guère, que ce soit possible de l'améliorer. Si les hommes politiques leur donnaient l'exemple, leur montraient qu'ils veulent améliorer le système, vous seriez surpris en quelques années des progrès qu'on pourrait faire, dans la mentalité électorale des Québécois. Ce sera ma conclusion.

M. HARDY: M. le Président...

M. LAURIN: J'aurais une autre question, M. le Président. A votre recommandation 16, est-ce que vous pourriez nous indiquer les raisons qui vous ont motivés à recommander un remboursement dont le maximum serait le tiers des dépenses, jusqu'à concurrence de un tiers du montant que les candidats sont autorisés à dépenser. Pourquoi avez-vous choisi cette fraction plutôt que le quart ou le cinquième ou la demie?

M. MORIN: Nous avons tenté de trouver un chiffre qui soit à peu près équilibré et qui ne taxe pas trop à la fois les fonds publics, parce que c'est l'électeur lui-même qui paie tout cela, n'est-ce pas? D'un autre côté, ça serait un encouragement, ça donnerait une chance à tous les partis, même les plus démunis, de pouvoir faire valoir leurs arguments convenablement devant la population.

Alors, on s'est arrêté au tiers un peu par instinct, un peu au pif en se disant: Cela est assez équilibré, entre les intérêts des électeurs et l'intérêt des fonds publics.

M. LAURIN: Quelle raison vous a poussés à repousser ou à rejeter la clause actuelle des 20 p.c.?

M. MORIN: Tout simplement, nous pensions que ce n'était peut-être pas suffisant, que 20 p.c, dans la majorité des cas... On a fait un peu enquête, beaucoup se sont plaints, évidemment surtout parmi ceux qui sont les plus désavantagés, que finalement cela n'était pas suffisant pour leur permettre de décoller, qu'ils restaient pris souvent avec des dettes, des choses comme cela, après l'élection.

On a donc tenté de trouver un nouvel équilibre, si vous voulez, et 33 p.c. nous paraissaient plus justes.

M. LATULIPPE: Sur cette question, si vous me le permettez, vous parlez de partis, alors que le Dr Laurin parlait de candidats. Est-ce effectivement le remboursement du tiers des dépenses du parti lors d'une élection?

M. MORIN: Dans cette recommandation, il s'agit des dépenses des partis reconnus.

M. LATULIPPE: Des partis.

M. MORIN: Oui.

M. LATULIPPE: Pas des candidats.

M. MORIN: Pas des candidats, cette fois-ci. Ce sont les partis qui se feraient rembourser le tiers de leurs dépenses. C'est une disposition qui, à l'heure actuelle, bien sûr, n'existe pas.

M. LATULIPPE: D'accord, merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: A la page 23 de votre mémoire, vous dites qu'il est important, cependant, de laisser place aux contributions des particuliers. Vous avez mentionné également qu'il y avait un climat de méfiance. Ne croyez-vous pas que certains auraient le droit, un peu, de se méfier si on se servait d'un individu, qui est président d'une compagnie, d'une imprimerie ou de quelque organisation que ce soit, pour retransmettre à un parti donné certaines contributions? Le gars le fait à titre de particulier, mais, en réalité, ce n'est pas son propre argent. Ce serait considéré comme une souscription d'un particulier qui, en fait, ne l'est pas.

M. MORIN: Oui, bien sûr.

M.JACQUES: Ce qu'il est important de mentionner dans cette recommandation, c'est que, comme je l'ai dit tout à l'heure, on n'a pas indiqué de montant maximum. Cependant, nous croyons qu'il faudrait en indiquer un. Dans le cas du rapport Barbeau, on parle de $300. Cela veut dire que cela peut être $100, cela peut être $200, cela peut être $300. A ce moment-là, l'inconvénient que vous pouvez mentionner, je ne crois pas qu'il puisse jouer beaucoup, dans le cas de corporations ou d'entreprises importantes.

M. CARPENTIER: Sur quels critères, sur quelles normes pouvez-vous vous baser pour dire que la contribution d'un particulier est normale et que cela reste dans l'état d'un particulier? Sur quels critères pouvez-vous vous baser pour fixer un tel montant?

M.JACQUES: C'est un choix qu'il faut faire. Vous pouvez bien mettre la contribution à $1,000 ou à plus aussi mais il s'agit de demeurer dans des limites raisonnables, si vous voulez, puisqu'il s'agit de contributions de particuliers, que l'on veut provoquer par cette mesure. Pour les mêmes raisons, on suggère qu'il y ait un dégrèvement d'impôts. Dans l'ensemble des citoyens, si on établissait une moyenne, peut-être qu'un chiffre de $100, par exemple, serait dans des limites raisonnables pour les contributions des citoyens. Cela ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas y avoir de contributions supérieures, comme on l'a indiqué tout à l'heure, mais que les dégrèvements d'impôts s'appliquent jusqu'à un maximum.

On ne l'a pas indiqué de fait. Est-ce que ça doit être $100, $200 ou $300? Cela nous semblait un peu difficile. Il y a certainement une part d'arbitraire là-dedans. Mais il est certain qu'il doit y avoir un maximum.

M. PAUL: Vous croyez que la somme de $300 ne pourrait en aucune façon influencer l'administration gouvernementale?

M. JACQUES: Je pense que nous, nous ne sommes peut-être pas en mesure de le dire. Vous, les membres de l'Assemblée nationale, êtes plus en mesure que nous, d'apprécier quelle est la contribution maximum à laquelle un dégrèvement d'impôt doit s'appliquer. Dans le cas du rapport Barbeau — et je vous ai dit que nous nous étions inspirés, pour cette recommandation, du rapport Barbeau, et ça nous semblait raisonnable — on mentionnait un montant de $300.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

Information politique

M. CARPENTIER: Une autre question, dans un autre ordre d'idées. A la page 24 de votre mémoire: "En dehors d'une période électorale, que la Société Radio-Canada et les radiodiffu-seurs et les télédiffuseurs privés scient invités à mettre gratuitement et à parts égales des périodes de temps à la disposition des partis reconnus en dehors des campagnes électorales."

Ne croyez-vous pas que le parti ministériel, quel qu'il soit, n'a pas plus raison d'avoir des périodes supplémentaires non seulement pour faire de la promotion politique, mais également pour expliquer à la population les programmes électoraux ou les programmes législatifs qu'il a mis en place, après son élection? Ne croyez-vous pas qu'il est juste et raisonnable qu'un parti en place puisse donner des explications à la population, contrairement aux partis de l'Opposition — peu importent lesquels, sans politique aucune — qui, eux, sont là pour faire de la critique ou exprimer leurs désirs, ou faire de la promotion politique. Tandis que le gouvernement qui est en place, le parti ministériel doit, lui, voir à expliquer les programmes, les lois qui ont été mis en place après son élection.

Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu d'avoir plus de périodes ou un temps supplémentaire ou un pourcentage quelconque pour le parti ministériel?

M.MORIN: Nous pensons le contraire.

M. CARPENTIER: Pour quelles raisons?

M. MORIN: Parce que les politiques que propose un gouvernement sont peut-être bonnes, mais ce ne sont peut-être pas les bonnes pour la population, et il nous paraît que l'intérêt de la population, c'est d'être éclairée sur tous les arguments. Et si on recommence à reconnaître au gouvernement une position privilégiée, qu'il possède déjà de toute façon du seul fait qu'il est le gouvernement, il se fait bien plus entendre. S'il convoque une conférence de presse il a immédiatement tous les media, toutes les nouvelles à ses pieds. Cela ne touche pas les nouvelles ça, n'est-ce pas?

M. CARPENTIER: Que pensez-vous des lois qui sont adoptées à l'Assemblée nationale et qui sont votées à la majorité des vois? Elles doivent être diffusées pour le bénéfice de la population, lorsqu'elles sont adoptées. Si elles ne sont pas bonnes, d'accord, à la population d'en décider. Mais lorsqu'elles sont acceptées par la majorité à l'Assemblée nationale, je pense que la population est en droit de savoir ce qui se passe...

M. MORIN: Là, c'est autre chose. S'il s'agit de faire connaître les lois adoptées par l'Assemblée, ce n'est pas nécessairement le personnel politique qui est le mieux habilité à le faire, ça pourrait être tout simplement un fonctionnaire du service d'information du gouvernement. C'est une autre affaire.

Si ce n'est que de l'information que vous voulez faire, c'est autre chose. Mais là, ce n'est pas ça. Il s'agit d'utiliser les ondes pour faire valoir les objectifs les réalisations d'un parti politique.

M. CARPENTIER: Vous admettrez tout de même que c'est très proche parent?

M. MORIN: Oui, mais il y a quand même une ligne à tirer quelque part entre les deux. Et en ce qui me concerne, si c'est de l'information que vous voulez faire, je vois très bien un fonctionnaire le faire. On peut choisir des personnes particulièrement qualifiées pour intéresser les auditeurs et faire en sorte que, dès qu'ils voient apparaître ce programme, les gens ne changent pas de poste. Vous comprenez qu'informer les auditeurs sur la législation, ce n'est pas tout le monde que ça intéresse — vous le savez comme moi — hélas!

M. PAUL: En écoutant le député de Laviolette, je me suis interrogé sérieusement quand il a dit: Lorsqu'une loi est adoptée en Chambre majoritairement.

Comment pourrait-elle l'être autrement? Et, en second lieu, nous avons étudié avec beaucoup d'intérêt les lois 35, 36 et 37, contre lesquelles nous nous sommes battus justement parce que nous croyions que nous mettions à ce moment-là par ces lois un instrument de propa- gande dans les mains du gouvernement. C'est pourquoi je trouve que vous avez raison de ne pas faire de distinction en faveur du gouvernement quant à cette recommandation contenue dans votre rapport et, sur ce point, je vous félicite.

M. LAURIN: Sur le même point, M. le Président. Est-ce qu'il n'y a pas aussi une distinction à établir entre ce qui est permis en période non électorale, où le gouvernement existe, et en période électorale, où la Chambre est dissoute et où tous les partis se retrouvent sur le même pied?

M. MORIN: II y aurait une distinction à établir certainement en ce qui concerne l'information. Mais en ce qui concerne la propagande partisane proprement dite, je n'en vois pas. Cela demeure toujours, hors du temps d'élection ou pendant l'élection, de la propagande pour le parti. Donc, si on se met à interdire seulement qu'il y ait disproportion en temps électoral, les partis vont se reprendre en période non électorale et on va assister à un déferlement continu de propagande politique.

M. HARDY: Dans ce sens-là, ça peut aller très loin...

M. MORIN: Oui.

M. HARDY: ... ce souci d'égalité. Encore là, à première vue, je trouve cela très valable. Mais de quelle façon allez-vous réagir? Supposons qu'on prévoie que les partis politiques doivent avoir exactement le même nombre d'heures de propagande. Qu'est-ce qui arrive — et là je ne pense pas à un parti en particulier, c'est strictement une hypothèse de travail — si par certaines circonstances un parti politique a meilleure presse qu'un autre, c'est-à-dire qu'un parti politique voit plus facilement diffuser sa pensée dans les journaux qu'un autre? cela peut conduire à un déséquilibre. Est-ce que ça impliquerait, à ce moment-là, un certain contrôle de la presse, votre volonté d'égalité?

M. MORIN: Non, pas du tout. Il y a plusieurs valeurs en présence, M. le député. Il y a, d'une part, le souci d'égaliser les chances des partis devant l'électorat et de mieux informer les électeurs. D'autre part, il y a une valeur, qu'on peut mettre dans l'autre plateau de la balance, qui est la liberté de la presse. Nous estimons que, dans ce cas-là, la liberté de la presse va plus loin. Si on se met à régenter, à contrôler même le nombre de lignes agates dans la presse, là nous admettons ça va trop loin et qu'il n'y a rien à faire.

M. HARDY: Bon, je suis parfaitement d'accord avec vous.

M. MORIN: Attention, cela soulève un autre

problème! Je ne voudrais pas qu'on s'embarque là-dedans cet après-midi mais cela soulève le problème du contrôle de la presse par les intérêts financiers.

M. HARDY: C'est un corollaire. Je suis parfaitement d'accord avec vous pour respecter la liberté de la presse. Je pense que c'est une valeur fondamentale d'une société libérale. Quel remède avez-vous à ça? Vous dites, c'est bien beau, de contrôler exactement le nombre d'heures que les partis politiques peuvent retenir à la radio ou à la télévision. Par ailleurs, supposons qu'il arrive qu'un ou deux partis politiques aient un avantage très marqué dans les journaux, les autres partis politiques se trouvant défavorisés. Quel est le mécanisme pour rétablir l'équilibre à ce moment-là?

M. MORIN: M. le député, il n'y en a pas, sauf évidemment pour ce qui est des annonces payées.

M. HARDY: Non, non.

M. MORIN: Vous parlez des réactions des journalistes.

M. HARDY: Non, je parle de la façon dont l'activité, la vie, les programmes, les idées des partis politiques sont retransmis par la presse électronique et la presse écrite.

M. MORIN: Bien, c'est là que la liberté reprend le dessus.

M. HARDY: Encore une fois, je suis parfaitement d'accord avec vous que la liberté de la presse, c'est une valeur fondamentale à laquelle il ne faut pas toucher. Mais il faudrait que vous soyez, quand même, cohérent et conséquent avec vous-même. Vous dites, d'une part, qu'il faut absolument réglementer le temps que les partis politiques vont avoir à leur disposition. L'objectif, c'est que tout le monde soit sur un pied d'égalité. Jusque là, ça va, mais, quand je vous arrive avec l'autre situation, vous me dites: Pas de remède.

M. MORIN: Ah, une seconde! Il ne faudrait pas essayer de m'entraîner dans des contradictions qui n'existent pas. Je n'ai pas dit: pas de remède, mais pas de problème.

M. HARDY: II n'y a pas de problème!

M. MORIN: II n'y a pas de problème à ce niveau-là, parce que c'est la liberté de la presse qui l'emporte et la liberté des individus de juger les gouvernements et les partis de l'Opposition.

M. HARDY: M. Morin, cessons d'être angéli-ques et reconnaissons la situation telle qu'elle est. Vous y avez fait allusion et, puisqu'on y est, c'est un corollaire, ça. Cela a beau ne pas être directement dans votre mémoire, c'est une situation. D'une part, il y a ce problème de la concentration des propriétaires de journaux...

M. MORIN: Oui.

M. HARDY: ... qui peut, à certains moments, nuire à certains partis politiques. Deuxièmement, il y a cet autre phénomène qui est la syndicalisation des journalistes. C'est une autre concentration, ça. On parle souvent de la concentration des propriétaires, c'est un mal qui existe. Il y a l'autre aspect aussi, c'est la concentration qui peut s'effectuer via le syndicalisme, c'est-à-dire qu'une grande partie ou la majorité des journalistes appartenant à tel syndicat, tel syndicat ayant telle idéologie, cela peut avoir pour résultat, au bout de la ligne, que tel parti politique soit favorisé par rapport à tel autre. Cela aussi, c'est une réalité.

Alors, il ne faudrait pas qu'en essayant de corriger des situations d'un côté on se voile pudiquement les yeux sur d'autres aspects.

M. MORIN: Mais, il n'est pas question de ça, M. le Président. Seulement, il est question de bien distinguer les media d'information: la radio, la télévision, c'est une chose; la presse écrite, c'est autre chose.

La radio et la télévision pénètrent dans les foyers et influencent certainement d'une façon beaucoup plus considérable que la presse écrite. Ce n'est pas tout le monde qui lit.

M. HARDY: Est-ce que vous avez des études scientifiques là-dessus?

M. MORIN: Je pense que cela a été démontré par McLuhan et par bien d'autres que c'est l'âge de la télévision et que la télévision remplace la lecture. D'ailleurs, c'est le sens commun qui nous l'apprend.

M. PAUL: Pourquoi aujourd'hui, durant cette campagne-ci, cette campagne fédérale, se sert-on plus de la radio que la télévision? C'est parce que la télévision n'est pas devenu le moyen par excellence de la communication et de la pénétration.

M. MORIN: Bien sûr, c'était précisément ce que je disais, M. le Président.

M. HARDY : De toute façon, même si on admet ce fait que la presse électronique influence davantage que la presse écrite, ça ne change pas le problème que je vous ai posé.

M. MORIN : Ah ! mais je ne voudrais pas nier le problème tel que vous l'avez soulevé, celui du contrôle de la presse écrite par des intérêts...

M. HARDY: Et de la presse électronique également.

M. MORIN: Naturellement, mais, là, nous avons tenté d'y apporter des remèdes. Vous savez, parfois; on peut pousser la logique trop loin et arriver à des résultats inverses de ce qu'on recherche, parce que, justement, on raisonne entièrement dans l'abstrait. Nous pensons, nous, qu'au niveau de la télévision et de la radio il est dans l'intérêt de tous les partis que la répartition se fasse justement, adéquatement.

Mais, nous pensons que, lorsqu'on tombe dans la presse écrite, si on se met à contrôler...

M. HARDY: Tenons-nous-en à la presse électronique. Oublions pour le moment la presse écrite. Le problème se pose de la même façon, concentration des propriétaires...

M. MORIN: Oui.

M. HARDY: ... et concentration de ceux qui sont les agents de ceux qui travaillent à la radio et à la télévision. Le même problème se pose.

M. MORIN: Nous sommes conscients de cela et c'est pour ça que nous voulons que ce soit partagé en parts égales.

M. HARDY: Vous passez élégamment à côté de la question qui se pose.

M. MORIN: Précisez-la parce que je tiendrais vraiment à répondre à votre question.

M. HARDY: Je vous ai dit: Supposons le poste de radio ou de télévision X, supposons qu'on se rend à votre demande que tous les partis politiques n'aient pas le droit d'avoir plus que telle ou telle période de temps, à ce moment-là, tout le monde est sur un pied d'égalité, c'est bien, c'est bon. Mais à cause de la concentration, soit des propriétaires, soit des journalistes qui appartiennent à une même association, ceci a pour résultat que, dans la nouvelle, dans les bulletins de nouvelles, dans les panels, dans différentes choses, certains partis politiques sont favorisés par rapport à d'autres. Vous m'avez dit tantôt: Nous n'avons pas de remède.

M. MORIN: M. le député, vous faites allusion à la densité même de la vie sociale. Si un parti n'envoie à la radio ou à la télévision que des imbéciles pour défendre ses politiques, c'est évident qu'il se fera mauvaise presse. Mais s'il envoie des gens qui connaissent les problèmes, qui connaissent les dossiers, que voulez-vous qu'il arrive?

M. HARDY: Vous passez élégamment à côté du sujet, M. Morin.

M. MORIN: Alors revenons à la question tant qu'on ne l'aura pas résolue.

M. PAUL: Je vais poser une question plus précise. Etes-vous en faveur de la propagande dans la nouvelle?

M. MORIN: La propagande par la nouvelle?

M. PAUL: La propagande politique dans la nouvelle ou par la nouvelle?

M. MORIN: Je vous répondrai au même niveau d'abstraction que la question; je suis contre la propagande par la nouvelle.

M. HARDY: Est-ce qu'actuellement dans la nouvelle il y a de la propagande parfois? Je ne dis pas...

M.MORIN: Parfois il y en a. Seulement, là-dessus je suis bien prêt à me rendre au jugement de tout autre citoyen, parce que je ne m'estime pas plus qualifié qu'un autre pour répondre à votre question.

M. VEILLEUX: M. Morin, prenons l'exemple que vous venez de donner. Vous mentionnez dans votre mémoire des critères de reconnaissance officielle de partis politiques.

M. MORIN: Oui.

M. VEILLEUX: Vous avez, à l'heure actuelle, une campagne électorale fédérale où vous avez quatre partis officiellement reconnus.

M.MORIN: Oui.

M. VEILLEUX: Le Parti libéral, le Parti conservateur, Nouveau parti démocratique et le Crédit social. Est-ce que ça veut dire, dans votre esprit, qu'à l'heure où on se parle, ni Radio-Canada, ni le réseau TVA, ni aucun poste de radio à Montréal ne devraient donner des périodes à des partis qui ne sont pas reconnus dans l'élection fédérale?

M. MORIN: Je vais distinguer. S'il s'agit de propagande politique des partis en lice, j'estime que la réponse doit être non. S'il s'agit d'une nouvelle, s'il s'agit de débats d'information...

M. PAUL: D'anticampagne.

M. MORIN: Je ne pense à rien en particulier, j'essaie d'établir un principe général.

M. PAUL: Nous, nous y pensons pour vous aider à y penser.

M. MORIN: Vous avez tout à fait raison d'y penser. Moi, j'essaie quand même de me mettre au-dessus de cela et de voir si on ne peut pas établir un principe général.

M. HARDY: II ne faut pas faire d'angélisme, dit un vieux proverbe.

M. VEILLEUX: Je vais prendre un programme bien spécifique. Laissons tomber le Téléjournal.

M. MORIN: Est-ce que vous êtes d'accord sur la distinction que je fais.

M. VEILLEUX: Laissons tomber le Téléjournal, prenons le programme ligne ouverte Fren-chie Jarraud où il a fait venir et il fera venir un représentant de chacun des partis.

Je me souviens, de Saint-Jean à Québec, j'ai entendu M. Jacques Parizeau, dans le cadre de ces visites des partis reconnus à l'élection fédérale; il avait lui aussi la ligne ouverte. Est-ce que, dans votre esprit, les propriétaires et le journaliste en question n'auraient pas dû inviter Jacques Parizeau

M. MORIN: Attention! Nous sommes dans un système. Nous ne sommes pas dans l'autre. Nous sommes dans un système, à l'heure actuelle, qui n'exerce aucun contrôle. Mais je vais répondre quand même à votre question, je ne veux pas l'esquiver. Dans le système, tel que nous l'envisageons, je pense que de telles émissions devraient être réparties également entre les partis en lice et ne pas inclure les partis qui ne sont pas reconnus dans l'élection en question.

M. VEILLEUX: D'accord.

M. MORIN: Mais, attention! dans le système que nous proposons. A l'heure actuelle, ce n'est pas ça. Ne me faites pas condamner une action qui est permise par la loi.

M. VEILLEUX: Non, non, je ne vous fais pas condamner une action qui est permise par la loi.

M. MORIN: Bien, nous sommes d'accord.

M. VEILLEUX: Je vous donne un exemple précis. Advenant que le cas que vous mentionnez existerait cela ne devrait pas se produire.

M. MORIN: Je ne peux pas ne pas être d'accord avec vous.

M. VEILLEUX: D'accord.

M. MORIN: M. le Président, nous sommes déjà en retard pour une autre activité. Ce n'est pas qu'elle soit aussi importante que celle-ci, bien sûr, mais nous aimerions quand même, si c'était possible, prendre congé. Si vous désiriez nous interroger à nouveau, nous reviendrions n'importe quand devant la commission. Nous sommes à votre disposition.

M. HARDY: Quant à nous, je pense que nous avons épuisé toutes les facettes de votre mémoire. Je veux de nouveau vous remercier d'avoir bien voulu vous prêter avec autant d'amabilité à nos questions. Je voudrais simplement faire une petite remarque.

Vous avez dit tantôt que vous souhaiteriez que nous commencions à faire une réforme électorale le plus brièvement possible, afin que les gens reprennent confiance et tout cela. Je voudrais amicalement vous rappeler, M. Morin, que la réforme, sur le plan électoral, a commencé déjà depuis quelques années et qu'il y a eu, dans les années soixante, une réforme majeure de la Loi électorale. Je pense entre autres au remboursement des dépenses électorales et à une foule de choses. Il ne s'agit pas pour nous, il ne faut quand même pas se prendre pour d'autres, ni vous ni nous, de commencer la réforme de nos lois électorales, de nos institutions électorales mais de la continuer.

Je pense qu'il y a lieu de se perfectionner. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous consacrons beaucoup de nos travaux à cette question, afin d'arriver à obtenir un systènme électoral qui soit aussi démocratique que possible, où les citoyens puissent vraiment, avec le moins d'entraves — il y en aura toujours — et de limites possible, s'exprimer librement.

Quant au pessimisme que vous avez voulu déceler, vous fondant sur le peu de mémoires que nous avons reçus, là aussi il faut faire attention. Il y a deux interprétations possibles. Le peu de mémoire que nous avons reçus peut signifier, bien sûr, qu'il y a un certain pessimisme, un certain désabusement et que les gens disent qu'il n'y a rien à faire. Mais il y a aussi l'autre attitude qui peut vouloir dire que les gens sont quand même relativement satisfaits des systèmes actuels, que la majorité, du moins, des citoyens est relativement satisfaite des lois actuelles, du système actuel. Il y a aussi cet aspect qu'il ne faut pas oublier.

De toute façon, quant à moi, personnellement, et je pense que c'est l'esprit qui anime mes collègues, nous croyons qu'il y a place pour continuer à perfectionner nos institutions, le mécanisme électoral, la Loi électorale, la Loi de la contestation des élections. Je reconnais bien volontiers que votre participation à nos travaux sera sûrement de nature à nous aider à présenter des amendements valables à la Loi électorale et à la Loi de la contestation des élections.

M.MORIN: Merci, M. le Président. Puisque vous êtes en si bonne route, il reste seulement à souhaiter que vous continuiez.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais remercier, au nom des membres du parti Unité-Québec, M. Morin et son équipe. Vous nous avez fait des exposés sur beaucoup de points très valables, et j'ai admiré, personnellement — puisque je suis un fervent du baseball, j'ai retenu la publicité qu'une certaine compagnie fait quand on parle d'une lame de rasoir qui est "vif d'esprit et vif d'allure"— votre esprit très vif lorsque vous avez, avec beaucoup d'intelligence

et de souplesse, contourné les questions piégées que certains collègues de l'assemblée vous ont posées. Je vous en félicite et je vous en remercie.

M. MORIN: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Je voudrais remercier M. Jacques-Yvan Morin et son équipe pour l'élaboration de principes que vous nous avez présentée et que j'ai beaucoup appréciée. Je pense que c'est de nature à orienter les travaux d'une façon valable. Si jamais votre organisme décidait de s'attaquer aux techniques d'application de ces grands principes, je pense que ce serait aussi de nature à nous aider considérablement parce que c'est là que nous retrouvons le plus de difficultés à les rendre à maturité. Là-dessus, je vous remercie beaucoup.

M. LAURIN: Je remercie pour ma part le MNQ pour son immense effort, c'est un des rares organismes à avoir travaillé aussi fort sur ce problème. Je pense que cela témoigne de son sens démocratique et de son sens social. Je le remercie pour une contribution que, pour ma part, j'ai trouvé extrêmement utile.

M. MORIN: Merci, messieurs.

M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. La commission ajourne ses travaux au 26 octobre à 10 heures.

(Fin de la séance à 15 h 23)

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