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Commission permanente de l'Assemblée
nationale
Sujet: Réforme électorale
Séance du jeudi 19 octobre 1972
(Dix heures dix minutes)
M. GIASSON (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
Le député de Terrebonne.
Remarques préliminaires
M.HARDY: M. le Président, je voudrais, tout d'abord, souhaiter la
bienvenue aux deux organismes qui sont ici ce matin. Vous me permettrez de
rappeler quelque peu la raison d'être de cette séance que nous
tenons ce matin.
Nous avions convenu, il y a déjà plusieurs mois, sinon un
an, qu'il serait probablement valable, étant donné l'importance
du sujet que nous étudions, d'inviter la population et les organismes
qui voudraient le faire à se présenter devant la commission de
l'Assemblée nationale pour exprimer leurs vues sur l'ensemble de cette
question que l'on a appelée la réforme électorale.
Je vous avoue que je déplore qu'un aussi petit nombre
d'organismes ou d'individus aient manifesté l'intention de venir se
présenter devant nous, même si, à deux reprises, je pense,
des avis ont été publiés dans tous les quotidiens du
Québec: même des hebdos ont publié cet avis invitant les
gens à se présenter. Je n'ai pas de copie de l'avis devant moi,
mais je pense que l'on détaillait tous les sujets sur lesquels on
pouvait se faire entendre.
Malheureusement, il n'y a que quelques organismes qui ont répondu
à notre invitation. Je suis très heureux de souhaiter la
bienvenue à la Société Saint-Jean-Baptiste du
Québec qui, je pense, depuis, a changé son nom. Sans
évidemment vouloir être trop tatillon et même invoquer des
questions de privilège en raison des remarques qui ont été
faites récemment, je voudrais tout simplement, pour rendre justice aux
membres de la commission, souligner que, si nous n'avons pas eu l'occasion, le
plaisir et l'honneur de vous convoquer plus tôt, c'est que la commission
de l'Assemblée nationale a dû abattre un travail très
considérable sur le problème de la carte électorale.
Il ne faut pas oublier, non plus, que les députés qui sont
membres de la commission de l'Assemblée nationale en fait, la
commission de l'Assemblée nationale, pour les fins de la réforme
électorale, est composée de tous les députés; c'est
en quelque sorte une commission plénière doivent
également s'intéresser à d'autres problèmes.
Même si la réforme électorale constitue un sujet
extrêmement important, il ne faut pas oublier que le gouvernement et le
Parlement doivent également s'intéresser à d'autres
sujets. Les vacances parlementaires, à toutes fins pratiques, cette
année, ont duré à peine un mois. Déjà,
depuis le mois d'août, les commissions parlementaires ont dû se
réunir sur une foule d'autres questions. Donc, je voulais
préciser que, si nous n'avons pas eu l'occasion de vous convoquer plus
tôt, c'est tout simplement par manque de temps et non parce que nous ne
croyions pas à l'intérêt de vos mémoires et surtout
à l'intérêt de la question que nous étudions.
Enfin, M. le Président, c'est sûrement avec beaucoup
d'attention que nous allons écouter les propos qui seront tenus devant
nous, ce matin. Je suis certain que les membres de la commission
siégeant tant à votre gauche qu'à votre droite auront des
questions pertinentes à adresser à ceux qui déposeront
devant la commission.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais, au nom des membres du
parti de l'Unité-Québec, souhaiter la bienvenue à ceux
qui, ce matin, nous présentent des mémoires qui, sans doute,
feront l'objet de questions intelligentes de la part des députés
présents à la séance de la commission parlementaire.
L'honorable député de Terrebonne a mentionné sa
surprise à l'effet que très peu d'organismes avaient
répondu à l'invitation du gouvernement, de l'Assemblée
nationale de faire connaître leur point de vue sur ce triple volet de
notre système électoral, la refonte de la carte
électorale, le mode de scrutin et la loi électorale.
Félicitations aux organismes qui se sont penchés sur ce
problème. Il nous est permis de nous interroger sur l'absence de
certains organismes intéressés à nous faire part de leur
point de vue. Faudrait-il en conclure, M. le Président, qu'en
résumé la population en général est satisfaite du
système que nous avons et qu'elle souhaiterait le voir se prolonger
plutôt que de le réformer? Je n'insiste pas davantage sur
l'interprétation qu'on peut donner à cette absence ou à
cette indifférence pour le moins marquée d'un grand nombre
d'organismes au Québec, qui ont préféré ne pas
donner suite aux invitations qui leur furent lancées pour participer au
travail de notre commission parlementaire.
Ce qu'il y a de remarquable, M. le Président, c'est que ce matin,
comme toujours, il y a une continuité de pensées et d'actions
parmi la majorité des députés qui siègent à
l'Assemblée nationale, parce que ce matin, une fois de plus, trois
partis seulement se sont présentés aux travaux de notre
commission parlementaire.
Je dois mentionner avec regret au journal des Débats l'absence
des membres du Parti québécois qui préfèrent
toujours faire des anticampa-
gnes électorales plutôt que de s'adresser à la
source même des problèmes pour l'étude desquels nous avons
été convoqués.
Ce sont, M. le Président, les quelques remarques que je voulais
faire. Je ne comprends pas surtout l'attitude des députés du
Parti québécois, lorsque l'on constate, ce matin, que l'organisme
principal qui est invité à nous présenter un
mémoire, c'est la Fédération des Sociétés
Saint-Jean-Baptiste du Québec.
Voilà les quelques remarques que j'avais à faire au sujet
de nos travaux du jour.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, je serai très bref. C'est
simplement pour dire toute ma satisfaction à l'effet justement que la
Société Saint-Jean-Baptiste, de même qu'une autre
association aient bien voulu présenter un mémoire à cette
commission, de façon que nous puissions entendre les commentaires d'au
moins quelques associations.
C'est heureux que nous puissions entendre, au moins, quelques voix et
nous en tiendrons certainement compte. Probablement que nous aurons aussi des
questions à poser afin de clarifier peut-être des situations.
Merci.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, j'invite le représentant des Hebdos
du Canada à nous commenter son mémoire en le priant de
s'identifier.
Hebdos du Canada
M. LEGARE: Est-ce qu'on peut rester assis? Mon nom est Jean-Paul
Légaré, secrétaire administratif de l'Association des
Hebdos du Canada. M. le Président, le point qui fait l'objet de notre
représentation a été soumis au gouvernement il y a
plusieurs années, il y a déjà sept ou huit ans.
Malheureusement, on n'y avait pas donné suite. Peut-être
n'avez-vous pas en main le mémoire ou plutôt la très
brève résolution qui concerne notre point de vue à
l'article 443 de la Loi électorale. Nous l'avions transmise tellement de
fois au gouvernement que, cette fois-ci, nous l'avons remise peut-être
uniquement au secrétaire de la commission.
Il s'agit peut-être d'un amendement mineur, mais je pense, tout de
même, qu'il serait fondamental pour le droit des citoyens à
l'information.
M. HARDY: M. Légaré, en législation, il faut se
méfier des amendements mineurs. Ce sont les amendements qui semblent les
plus mineurs, parfois, qui ont le plus de conséquences.
M. LEGARE: M. le Président, dans mon esprit et dans l'esprit de
notre groupe, que je représente, il s'agit peut-être d'un
amendement majeur. En résumé, c'est très clair et
très simple. La Loi électorale, à l'article 443, autorise
le président des élections à publier les avis publics
concernant les élections dans les quotidiens ou par les postes de radio.
Le président des élections n'est donc pas autorisé
à se servir de la presse hebdomadaire pour publier les avis
électoraux parce que la loi l'en empêche. La loi dit: "Dans les
journaux quotidiens publiés en français ou en anglais, dans les
cités ayant ur.e population d'au moins 20,000 âmes lors du dernier
recensement général".
Tout ce que nous demandons, c'est que la loi autorise le
président général des élections à publier
les avis électoraux dans les journaux hebdomadaires. J'avais,
récemment, un exemple assez frappant en ce qui concerne
l'élection dans Duplessis, par exemple. Je voyais cette annonce, assez
imposante, dans le journal Le Devoir. Sans faire injure au Devoir, je pense que
dans la région de Duplessis il n'y a pas plus que quelques centaines
d'abonnés. Alors que les journaux, par exemple, L'Avenir et Sept-Iles
Journal, qui sont à Sept-Iles, qui couvrent bien leur territoire, ne
peuvent publier cette annonce qui est d'intérêt public.
M. HARDY: M. Légaré, si vous me permettez, là vous
faites allusion à la dernière élection.
M. LEGARE: A la dernière élection
complémentaire.
M. HARDY: Oui, la dernière élection partielle. N'y a-t-il
pas eu, effectivement, des publications dans l'Avenir et Sept-Iles Journal?
M. LEGARE: Oui, il y a eu des publications par le président
d'élections régionales. Par ailleurs, je vois ici un avis qui est
très petit, qui a un espace assez restreint comparativement à une
annonce qui est publiée dans Le Devoir et celle-là par le
président général des élections. De toute
façon, depuis longtemps, la pratique est que, dans le cas des
élections, les avis sont publiés dans les quotidiens et je pense
que, pour l'intérêt de la population, notre argument repose sur le
droit du public à l'information. Si on publie les avis, c'est pour
renseigner la population. Comme statistique globale, je pourrais vous dire que
les quotidiens pénètrent relativement peu en province, à
l'exception des grands centres métropolitains. Il y a peut-être
200,000 à 300,000 exemplaires des quotidiens qui circulent en province,
qui ont des abonnés en province alors que nous, chez les Hebdos du
Canada, nous avons environ 600,000 à 700,000 exemplaires qui sont
distribués dans les régions rurales parce que la majorité
de nos hebdos sont dans les régions rurales.
Nous demandons simplement, M. le Président cela nous
semble équitable que la loi soit amendée afin non pas
d'obliger le président nous ne voulons pas en faire une
obligation mais de lui permettre de pouvoir publier dans les hebdos les
avis qui concernent la population.
Nous supprimons aussi cette partie de l'article qui dit que la ville
doit avoir 20,000 de population. Cela nous semble tout à fait
secondaire. C'est peut-être laissé à la discrétion
du président des élections, mais, de toute façon, comme il
s'agit d'un sujet d'intérêt général, c'est
l'amendement que nous recommandons.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Légaré. Le député
de Terrebonne.
M. HARDY: M. le Président, d'abord, il y a peut-être
certaines remarques ou précisions qu'il faudrait faire. L'honorable juge
Drouin, président général des élections, me
communique que la loi telle qu'elle est présentement l'oblige à
obtenir un arrêté en conseil pour publier dans les quotidiens,
alors qu'il peut publier dans les hebdos sans arrêté en conseil.
D'après ce que me dit M. Drouin je vous communique l'information
actuellement, au fond, ce serait moins limitatif pour les hebdos que
pour les quotidiens, puisqu'il a le pouvoir de publier dans les hebdos sans
arrêté ministériel tandis que, pour les quotidiens, il lui
faut un arrêté en conseil.
De toute façon, M. le Président, je dois dire que je
concours entièrement avec l'idée que les hebdos sont
sûrement le moyen le plus valable d'information de la population. Je
pense qu'il serait assez facile il y a peut-être des
enquêtes qui ont été faites même sans
enquête, de déduire, dans les milieux ruraux en tout cas, que
l'hebdomadaire régional est sûrement plus lu que n'importe quel
quotidien. Là-dessus, je pense que l'on s'entend. Partant de cette
réalité, je concède également que les journaux
appartenant à votre association jouent un rôle de premier plan
dans la société québécoise.
Quant à la suggestion précise que vous faites,
personnellement, à cause de ce que je viens de dire, j'y suis
sympathique. Maintenant, il s'agirait de voir dans les détails, sur le
plan technique, sur le plan des conséquences pratiques, ce que cela peut
avoir comme résultat. Il y a sûrement certains problèmes
puisque vous avez mentionné vous-même qu'il y a déjà
plusieurs années que vous revenez à la charge et que nous sommes
toujours devant le statu quo. J'imagine qu'il y a certains aspects de la
question. C'est la raison pour laquelle je vous disais tantôt que des
amendements mineurs peuvent parfois avoir des conséquences majeures.
Il s'agirait d'étudier une fois pour toutes d'une façon
exhaustive cette question, afin d'en arriver à une conclusion.
Pour autant que nous sommes concernés, M. le Président, je
veux assurer l'organisme que vous représentez que nous allons nous
pencher très sérieusement sur votre suggestion et, s'il n'y a pas
d'inconvénient majeur, je suis sûr que nous pourrions arriver
à une solution valable.
M. PAUL: M. le Président, j'abonde en partie dans le sens des
remarques de l'honorable député de Terrebonne, surtout pour cette
dernière phrase où il dit que, s'il n'y a pas
d'inconvénient majeur, nous pourrions considérer et recevoir la
recommandation qui nous est faite par les hebdos du Canada.
Qu'il me soit permis de vous rappeler qu'à peu près tous
les ministères ne craignent pas de faire appel à la presse
hebdomadaire pour publication d'annonces, par exemple les ministères de
la Voirie, des Richesses naturelles, des Transports, de la Fonction publique.
Je ne verrais pas pourquoi le président général des
élections ne pourrait pas lui aussi faire confiance à la presse
hebdomadaire pour répondre à un besoin d'information de la
population.
Nous avons eu l'avantage d'entendre certains mémoires à la
commission parlementaire de la liberté de la presse, où il nous a
été communiqué que la pénétration des hebdos
était beaucoup plus marquée et intensive que l'information
quotidienne qui nous vient par la voie des grands journaux.
Personnellement, je m'interroge quant aux remarques de M.
Légaré, qui se plaint à juste titre d'une situation qui ne
semble pas satisfaire les hebdos, n'est-ce-pas? La situation actuelle?
M. LEGARE: M. le député, les hebdos et la
population...
M. PAUL: Je vous demande pourquoi le président
général des élections n'a pas usé davantage du
pouvoir discrétionnaire qu'il avait. Peut-être qu'il avait peur
d'être censuré par un juge d'une cour quelconque. Mais, comme il a
maintenant ce même statut de juge et d'indépendance encore plus
marquée, je n'ai aucun doute qu'avec beaucoup de discernement, de
sagesse il pourra davantage considérer l'utilité et la
nécessité de l'information des hebdos et du rôle
véritablement essentiel que jouent ces journaux parmi la population,
spécialement des petits centres.
Et veuillez croire, M. Légaré, que quant à nous
nous allons suivre de près cette évolution dans l'attitude du
président général des élections, sachant que ce
matin il a réalisé une fois de plus l'importance que jouent les
hebdos dans l'information quotidienne.
Nous vous souhaitons beaucoup de succès; je serais fort surpris
si votre visite n'avait pas pour effet de caractériser le
président général des élections par une
libéralité qui sera aux bénéfices et avantage des
hebdos du Canada.
M. BELAND: M. le Président, je dois féliciter M.
Légaré pour sa mise au point, car pour la population, il est
absolument nécessaire que tous les hebdos puissent publier ces avis.
Peut-être même cela pourrait-il être inclus dans le journal
non partisan que peut être Le Devoir, toujours dans un but de
renseignements bien précis.
M. HARDY: Le Devoir, un hebdo?
UNE VOIX: C'est un drôle d'hebdo!
M. BELAND: En somme, disons que l'allusion est passée et que
j'avais des raisons bien précises de la faire. Je pense que l'honorable
député de Terrebonne me comprend très bien et je n'ai pas
besoin d'éclaircir davantage le point.
Je suis, encore une fois, très fier que la suggestion ait
été faite et j'espère que ce sera pris en grande
considération, de façon qu'à l'avenir il y ait un peu
moins de fautes commises de ce côté.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, si je comprends bien, nous n'avons
pas besoin d'amendement pour appliquer une suggestion que recommande le
mémoire qui nous a été présenté puisque le
président général des élections a toujours et
possède toujours toute latitude pour répondre, s'il le veut,
à la demande qui lui est faite ce matin.
Quant à nous, nous nous fions au jugement et à la
connaissance de la situation que possède le président
général des élections afin d'assurer le but de la
publication des avis qui est de renseigner le plus grand nombre possible de
gens sur leurs droits et sur le mécanismes électoraux.
M. HARDY: M. le Président, est-ce que vous me permettez une
question? Pouvez-vous nous dire combien il existe actuellement d'hebdos dans le
territoire du Québec?
M. LEGARE: II y a environ 150 hebdos, peut-être même
175.
M.HARDY: Vous faites une distinction, évidemment, je suppose,
entre les hebdos qui sont membres de votre association et ceux qui ne le sont
pas?
M. LEGARE: Oui. Au total, au Québec, il y en a environ 175
hebdos.
M. HARDY: II y en a combien qui sont membres de votre association?
M. LEGARE: II y en a 75.
M. HARDY: II y en a 75 qui sont membres?
M. LEGARE: Oui.
M. HARDY: Evidemment, il y a deux catégories d'hebdos; il y a les
hebdos régionaux dont la distribution est circonscrite à un
territoire donné; il y en a d'autres, tels je ne veux faire de
publicité pour personne Dimanche-Matin et ces journaux de fin de
semaine qui sont distribués dans tout le territoire. Est-ce que, entre
autres, ces hebdos qui sont distribués dans tout le territoire
appartiennent à votre association?
M. LEGARE: Non, ils n'appartiennent pas à notre association. Nous
ne groupons que des hebdos régionaux et il faut bien distinguer, nous
groupons des hebdos uniquement de langue française. Il y a
peut-être au Québec une trentaine d'hebdos de langue anglaise qui
ne peuvent pas être membres chez nous. Il y a ensuite à peu
près 25 hebdos bilingues...
M. HARDY: Vous êtes unilingues.
M. LEGARE: Uniquement de langue française. Il y a peut-être
25, 30 hebdos aussi qui sont bilingues, qui ne peuvent pas être membres.
Il y a une bonne cinquantaine d'hebdos qui, d'après nos normes, ne sont
pas acceptables chez nous...
M. HARDY: C'est-à-dire certains feuillets publicitaires.
M. LEGARE: C'est ça, nous essayons d'accepter des journaux qui
comportent de l'information, des journaux qui ne sont pas que des feuilles, des
circulaires, des feuilles d'annonces, surtout dans les quartiers de
Montréal. Je ne veux pas les accuser, c'est peut-être un
rôle que certaines feuilles peuvent jouer que de transporter uniquement
de la publicité à 90 p.c. dans des quartiers de Montréal,
mais nous assayons de ne grouper que des journaux qui comportent de
l'information.
Alors je pense que même à 75 nous sommes très
représentatifs. Nous groupons une bonne proportion des meilleurs hebdos
au Québec.
M. HARDY: Mais, est-ce que l'esprit de votre recommandation serait
justement que la publicité dont vous parlez soit restreinte aux hebdos
membres de votre association?
M. LEGARE: Non pas du tout, je parlais de l'Avenir, de Sept-Iles,
tantôt qui n'est plus membre chez nous. Non, je pense que...
M. HARDY: Mais vous ne pensez pas, M. Légaré, qu'il y
aurait un danger à consacrer dans la loi tous les hebdos? A moins que le
président puisse exercer une discrétion qui pourrait être
critiquable. A ce moment-là, si on dit tous les hebdos, ça veut
dire que le président général des élections devra
publier dans des feuillets publicitaires, des feuilles publicitaires, comme
vous dites, qui sont distribuées à Montréal.
Il faudrait quand même qu'il y ait certains critères,
j'imagine, si on en venait à accepter votre proposition.
M. LEGARE: Je comprends la difficulté. Notre association est
libre. L'adhésion est libre, c'est pourquoi il serait difficile de
restreindre la
publication aux journaux d'une association où l'entrée est
libre. Par ailleurs, nous n'avons pas de solution miracle, mais je pense que la
base de toute la discussion doit être l'efficacité. On publie des
avis pour renseigner des gens, il faut donc les publier là où les
gens vont les voir.
M. HARDY: D'un autre côté, il ne faut pas faire non plus
double emploi. Si l'on publie ces avis dans des hebdos qui couvrent tout le
territoire du Québec et qu'on les publie aussi dans tous les hebdos
régionaux, ce sera peut-être trop. Je suis d'accord avec vous
qu'il faut bien renseigner le public, mais il ne faut pas non plus qu'il y ait
double, triple et quadruple emploi.
M. LEGARE: M. le Président, j'avoue que les journaux de notre
association constitueraient, je pense, une base valable. On pourrait dire, dans
ces journaux: Nous publions des avis électoraux.
M. HARDY: Cela inciterait d'autres hebdos à faire partie de votre
association.
M. LEGARE: Oui, quitte à en ajouter d'autres, et que nous, nous
en ajoutions d'autres. Je ne vois pas de solution précise. Nous
défendons, bien sûr, l'hebdo, mais je vous assure que ce que
ça représente monétairement, pour chacun des hebdos, c'est
assez insignifiant. Nous avons eu des plaintes dans le passé, depuis un
grand nombre d'années, même de la part des lecteurs, non pas
nécessairement des électeurs, qui nous disent: Comment se fait-il
que nous n'ayons pas telle information d'intérêt
général pour tous les électeurs dans les journaux que nous
lisons?
Encore une fois, on s'illusionne au Québec, quand on pense qu'en
publiant dans les quotidiens on couvre les 6 millions de
Québécois; ce n'est pas vrai. C'est peut-être une lacune
à l'heure actuelle dans la province de Québec que les quotidiens
soient dans une très forte proportion limités dans les grands
centres urbains, Montréal et Québec. La presse hebdomadaire, dans
bien des régions, a un territoire vierge. Souvent, l'hebdo est seul
à renseigner sa population, parce que les quotidiens n'y vont pas. Les
choses sont comme ça au Québec. C'est pourquoi nous pensons qu'il
ne doit pas y avoir, au départ, de discrimination, mais que la porte
doit être ouverte, de telle sorte que les hebdos puissent transmettre
cette information à leurs lecteurs et aux électeurs.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chauveau.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, en plus de l'Association
des hebdos du Québec, il y a également une autre association qui,
je pense, peut chapeauter cette première association et qui s'appelle
les hebdos A-l du Québec.
Il y a, quand même, incompatibilité dans une
décision qu'on peut prendre au niveau des hebdos si on y va "at large"
ou bien si on fait, d'une façon discriminatoire, une sélection.
Vous parliez tout à l'heure du journal L'Avenir qui ne fait maintenant
plus partie de votre association. Par contre, on peut le retrouver dans
l'Association des hebdos A-l du Canada. Je pense donc que la portée du
message véhiculé par un journal comme celui-là est un
indice qu'il couvre à plein le territoire donné, soit la
région de la Côte-Nord, de la Basse-Côte-Nord et de la
Moyenne-Côte-Nord. Je me réfère quand même non pas
à votre dernière accusation, mais à votre dernier exemple
de disparité dans l'annonce faite, soit localement ou
provincialement.
M. LEGARE: M. le Président, il y a peut-être une
précision à apporter. Il n'y a pas, en fait, deux associations.
L'Association des hebdos du Canada est une association professionnelle groupant
75 hebdos; 20, 21 ou 22 de ces hebdos ont créé un bureau
d'affaires qui s'appelle les Hebdos A-l, mais ces 21 hebdos A-l sont tous
membres des 75.
M. HARVEY (Chauveau): Je vous arrête en vous disant que ceux qui
sont membres des Hebdos A-l couvrent, quand même, toutes les
régions du Québec, sans exception, et ont des critères
d'acceptation beaucoup plus sévères, je pense, que ceux qui
existent chez vous.
M. HARDY: Je voudrais faire une correction à l'adresse de mon bon
ami, le député de Chauveau. On peut dire qu'il y a des hebdos A-l
dans tous les coins de la province, mais ils ne couvrent pas tout le territoire
de la province. J'ai, dans ma région, un hebdo A-l qui couvre une bonne
partie du territoire, mais il y a une partie du territoire de la région
qui est couverte par d'autres hebdos qui ne sont pas A-l.
M. HARVEY (Chauveau): Oui.
M. LEGARE: Je pense qu'il ne faut pas mêler les deux groupes. Les
A-l existent pour vendre de la publicité uniquement. C'est leur
principale raison d'être. C'est un bureau d'affaires.
M. HARDY: Ce qui me fait penser à cela, c'est que je vois ici
dans l'auditoire un résidant de Sainte-Thérèse, qui est
sûrement un lecteur d'un journal très bien connu à
Sainte-Thérèse, qui n'est pas A-l et qui couvre le territoire de
Sainte-Thérèse.
M. HARVEY (Chauveau): II est peut-être A-l, mais pas dans
l'association des A-l.
M. LEGARE: M. le Président, je ne sais pas si ça
coûterait des millions à la province de faire publier les avis
dans tous les hebdos. Ce serait peut-être à étudier
aussi.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.
M, PICARD: M. le Président, au moment où je vous ai
demandé la parole, j'avais une question à poser à M.
Légaré, mais le député de Terrebonne a passablement
couvert le sujet. Je pourrais peut-être apporter un exemple. M.
Légaré nous a dit, tout à l'heure, qu'il n'y aurait pas
obligation pour le président d'élections de publier dans les
hebdos. Maintenant, l'exemple que j'aimerais apporter est celui-ci. Durant une
campagne électorale, quelques semaines, peut-être quelques mois,
parfois, avant le jour du scrutin, il naît de nouveaux hebdos qui, par un
hasard, disparaissent immédiatement après le vote.
Si jamais on était appelé à inscrire dans le texte
de loi l'obligation, pour le président des élections, de publier
dans les hebdos les avis officiels de l'élection, je considère
qu'il serait très important d'établir des critères. Il y a
de ces feuilles électorales qui se déclarent des hebdos et qui,
au cours d'une campagne électorale, ne publient pas seulement une fois
par semaine comme un hebdo doit le faire, mais ils publient des éditions
spéciales, deux ou trois fois par semaine. Le président des
élections serait dans l'obligation de publier des avis officiels dans de
tels journaux. Je pense que c'est un point sur lequel il faudra faire bien
attention si jamais on incluait dans le texte de loi l'obligation, pour le
président des élections, de publier dans les hebdos.
M. LEGARE: M. le Président, nous avons, à ce
sujet-là, dans notre association, un règlement qui dit que, pour
être membre, un journal doit avoir publié, dans l'année
précédant sa demande, 48 numéros pendant 48 semaines. Cela
élimine ces journaux qui sont des sortes d'étoiles filantes lors
des campagnes électorales.
M. LE PRESIDENT: Le député de Wolfe.
M. LAVOIE (Wolfe): Je voudrais avoir votre opinion sur ce sujet, M.
Légaré. Croyez-vous que, du fait de ne pas avoir publié
les annonces dans les hebdos, certains électeurs n'ont pas
été assez renseignés au moins pour aller voter ou quelque
chose de semblable? Croyez-vous que cela leur nuit à ce point ou bien si
c'est seulement une question, pour les hebdos, d'avoir une annonce de plus ou
un revenu de plus, si vous voulez, en termes bien précis? Est-ce pour
ça ou bien si, réellement, les électeurs, dans le
passé, n'ont pas été assez bien renseignés sur les
activités gouvernementales et les activités
électorales?
M. LEGARE: Je pense qu'il n'y a aucun doute. Je n'ai pas de cas
précis. Mais moi, je crois à la valeur de cet avis
électoral, qui est un avis officiel qui doit être disponible, qui
est publié, qui est rendu public. Si quelqu'un est privé de ce
privilège ou du droit de consulter cet avis public, je pense qu'il y a
une sorte de discrimination. Cela me paraît beaucoup plus important que
les quelques dollars qu'un hebdo pourrait perdre parce qu'il n'a pas telle
annonce.
Je crois à l'efficacité, encore en 1972, de ces avis.
M. LAVOIE (Wolfe): Moi aussi, je suis d'accord. Je voulais savoir si,
parfois dans le passé, vous avez eu des plaintes.
M. LEGARE: Si l'électeur n'a pas accès à cette
information à laquelle il a droit, je pense qu'il est privé d'un
droit ou d'un privilège.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, d'autres questions à poser à
M. Légaré?
M. HARDY: Pas pour moi.
M. GAGNON: J'aurais une question à poser à M.
Légaré. C'est la suivante. Les hebdos prennent de plus en plus
d'ampleur à l'intérieur des territoires régionaux.
Etes-vous d'avis qu'être privé d'informations essentielles, entre
autres sur la Loi électorale, puisqu'on discute de ce sujet-là,
soit de nature à gêner la nouvelle clientèle dans l'achat
de votre hebdo? Je remarque, dans bien des cas, que les gens
défavorisés économiquement sont plus enclins à
s'abonner à un hebdo, qui est moins cher, qu'à un journal
quotidien. A ce moment-là, des choses comme on relate, ce matin,
seraient de nature peut-être à priver les hebdos d'une certaine
clientèle, clientèle dont ils ont besoin. Etes-vous d'avis que
cela puisse jouer un certain rôle?
M. LEGARE: Non, je ne pense pas que cela aille jusque là. L'avis,
il ne faut pas lui donner plus d'importance qu'il n'en a. L'hebdo peut vivre
sans l'avis électoral. Il a vécu jusqu'ici sans les avis
électoraux. Mais c'est une information, d'après moi,
indispensable. Notre seul argument est qu'il n'y ait pas de discrimination.
Qu'on rende l'information au sujet des élections disponible. L'hebdo est
un canal et nous pensons que c'est un media valable pour atteindre les
citoyens.
M. LE PRESIDENT: M. Légaré, un instant.
M. SEGUIN: M. Légaré, pour mon information, quelle est la
distinction que vous faites entre publicité et information? Tout
à l'heure, vous avez dit que l'association des journaux A-l a
été formée pour fins publicitaires seulement. Est-ce que,
par exemple, dans le cas où il s'agit d'annonce électorale, en
plus d'être de l'information, ce n'est pas aussi de la publicité?
Quelle est la distinction que vous faites entre ces deux choses? C'est
simplement pour éclairer ma lanterne.
M. LEGARE: C'est une distinction assez difficile à faire. Je ne
sais pas, on pourrait procéder par un exemple.
Un journal de quartier, à Montréal, qui ne contiendrait,
à 95 p.c. que des annonces d'épiceries de toutes les
chaînes de Montréal, je pense, ne jouerait pas son rôle de
journal qui est de renseigner la population. Il ne serait pas la conscience de
son milieu. Il n'aurait pas de préoccupation sociale dans son milieu.
Evidemment, l'annonce est une information. Mais quand il y a abus de l'annonce,
cela devient une feuille publicitaire mercantile. Je ne pense pas que ce
journal joue un rôle quelconque dans l'information des citoyens sur les
affaires sociales, politiques et économiques. D y a de l'abus des deux
côtés.
Au début de l'histoire de la presse, les journaux n'avaient que
de l'information. La publicité était inconnue. Aujourd'hui, on
est rendu à l'autre extrême. Dans certains cas, des journaux n'ont
que de la publicité, que de la réclame. D'après moi, ce ne
sont plus des journaux. Dans notre association, nous n'admettons pas ces
journaux qui ont un trop fort pourcentage de publicité commerciale et
qui n'ont plus d'information.
M. SEGUIN: Vous faites la distinction, en d'autres mots, entre , comme
on dit en langue anglaise, "advertising and information". C'est là la
distinction.
M. LEGARE: D'accord. Vous voyez comme moi qu'il y a une
différence considérable entre un avis électoral et la
publicité de produits de consommation alimentaires.
M. LE PRESIDENT: M. Légaré, nous vous remercions. Veuillez
croire que les membres de la commission ont pris bonne note de la
recommandation que vous avez déposée. Il en est de même, je
présume, pour le président général des
élections du Québec.
J'invite maintenant le représentant du Mouvement national des
Québécois à déposer ses commentaires.
Mouvement national des Québécois
M. MORIN: M. le Président, MM. les députés. On a
indiqué, à l'instant, qu'il existait peut-être un manque
d'intérêt à travers le Québec pour ces questions de
réforme des modalités...
M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, pourriez-vous présenter les
gens qui vous accompagnent?
M. MORIN: Oui, très volontiers, M. le Président. A ma
gauche immédiate, M. Maurice Vallières, président de la
région des Laurentides, M. Jolicoeur, président de la
région de l'Amiante, M. Lagueux, qui est également de cette
région et s'occupe de l'administration de cette section; à ma
droite, M. Léo Jacques, directeur général du Mouvement
national des Québécois, qui est notre principal administrateur et
celui qui a organisé, à travers le Québec, les
séances d'information, les colloques, les diverses manifestations qui
ont mené à ce mémoire.
Je faisais allusion, M. le Président, il y a un instant, à
une certaine indifférence des citoyens pour les questions dont nous
débattons ce matin. En ce qui me concerne, j'ai plutôt
l'impression, à la suite du processus d'animation sur la question que
nous avons connu à travers le Québec, dans dix de nos quinze
régions, que les citoyens s'y intéressent. Ils ne s'y
intéressent pas de manière active autrement qu'en période
électorale alors que tous les bobos et tous les vices du système
sont plus apparents qu'ils ne le sont à l'heure actuelle. Encore qu'on a
bien vu, dans une élection toute récente, que lorsque le
processus électoral n'est pas suffisamment contrôlé de
près, il peut arriver des choses pénibles et regrettables pour
tous les partis en présence.
De deux choses l'une: ou bien il y a une résignation de la
population pour ma part je n'y crois pas ou bien on compte un peu
sur les députés, qui sont les élus du peuple, pour faire
cette réforme. Après tout, les députés, qui ont
vécu le processus électoral vous l'avez tous vécu
ici, j'allais dire que nous l'avons tous vécu savent très
bien...
M. HARDY: Vous admettrez, M. Morin, que suivant qu'on soit dans une
situation ou l'autre, la perception peut être différente.
M. MORIN: Sûrement, bien que je crois que le député
de Terrebonne admettra qu'il est dans l'intérêt de tous les partis
que le processus électoral soit honnête, soit sincère,
comme dit Maurice Duverger.
M. HARDY: C'est un point sur lequel je suis entièrement d'accord
avec vous.
M. MORIN: Bon. Alors sur cette base, nous pouvons procéder. Nous
croyons, en tout cas, que vous êtes les premiers
intéressés. Mais je voudrais souligner qu'à travers tout
le Québec, à travers dix de nos régions, nous avons tenu
des séances d'information. Nous avons fait appel, d'ailleurs, à
certains députés pour venir nous entretenir de la question. M.
Cournoyer a accepté notre invitation. Je crois que vous-même, avez
rencontré nos permanentes, à une séance
d'étude.
M. HARDY: Avec grand plaisir. Nous avons eu une réunion
très fructueuse, à mon avis. Je ne sais pas si ce fut l'avis de
tous.
M. MORIN: Fort bien. Je crois que c'est l'avis de tout le monde. C'est
simplement pour dire qu'il ne faudrait pas croire que l'indifféren-
ce soit si générale. Nous sommes tous au fait qu'entre
deux élections, malheureusement, la politisation des
Québécois n'est pas tout ce qu'elle devrait être. On se
désintéresse peut-être un peu trop du processus
électoral. Mais c'est notre responsabilité, vous-mêmes en
tant que députés et nous-mêmes en tant que
représentants du Mouvement national des Québécois, de voir
ce qu'il est possible de faire. C'est pourquoi nous vous soumettons une
trentaine de recommandations.
Je n'ai pas l'intention, puisque vous avez les documents devant vous, de
lire les 30 recommandations. J'imagine que vous en aurez pris connaissance.
Mais je pourrais peut-être, si vous le voulez bien, si vous voulez m'y
autoriser, M. le Président, les résumer.
Jusqu'ici, on a pu constater, au Québec, les fruits d'un
système électoral qui date, en gros, du 19e siècle, qui a
été amélioré, bien sûr, par petites retouches
mais qui, sans doute, ne correspond plus à la sociologie du
Québec. C'est un système électoral qui a été
pensé, sans doute, pour un Québec beaucoup moins urbanisé
que celui dans lequel nous vivons. Ceux qui ont été candidats
dans les villes savent à quel point, par moment, ce processus est
inadéquat.
Ce système a toujours porté des fruits qui,
traditionnellement, faisaient rire. Tout le monde connaît les tableaux de
Krieghoff, où on voit la cabale avant les élections, au 19e
siècle. Ce sont des tableaux qui sont enchanteurs. Ce sont de fort beaux
tableaux, mais qui dénoncent nos moeurs électorales à
l'époque. Elles n'étaient pas très jolies.
Je crois que, dans bien des cas, on peut constater que nos moeurs
électorales ne se sont pas tellement améliorées. Chacun
connaît les listes électorales faussées, les noms et
adresses fictifs. On en a tous eus, dans chacun de nos comtés.
M. HARDY: Evidemment, si vous n'êtes pas d'accord sur notre
façon de procéder, vous nous le direz.
M. MORIN: Oui.
M. HARDY: Je sais que vous êtes professeur et probablement que
cela se fait comme cela dans vos cours maintenant. Vous êtes probablement
interrompu pendant votre cours magistral, pour des questions.
M. MORIN: Constamment.
M. HARDY: Si vous acceptiez le même procédé, ce
serait peut-être plus valable parce qu'à mesure que les questions
surgissent dans notre esprit, nous pourrions peut-être vous les adresser,
si les députés et, évidemment, vous-même,
acceptez.
M. MORIN: Tout à fait. D'ailleurs, je voudrais que mes
collègues se sentent bien libres d'intervenir eux aussi.
M. HARDY: Oui. Si je comprends bien, jusqu'ici, le sens de votre
intervention, c'est que vous faites état du piètre état de
nos moeurs électorales. Devrait-on conclure de cet état de fait
que nous avons, nous, au Québec, besoin de lois plus précises,
plus rigides, que d'autres populations, au fond que nous aurions besoin
d'être plus dirigés, au Québec qu'ailleurs, afin d'arriver
à un climat électoral plus sain?
M. MORIN: Ce n'est pas une question de dirigisme.
M. HARDY: Vous parlez de lois plus précises, de mécanismes
plus précis.
M. MORIN: Oui. Si vous voulez parler de mécanismes plus
précis, plus faciles à vérifier et à
contrôler, nous sommes d'accord. Dirigisme, j'éviterais ce mot
dans le contexte des élections...
M. HARDY: D'accord.
M. MORIN: ... parce qu'on penserait alors plutôt au colonel ou
à quelque chose comme cela.
M.HARDY: Oui, oui.
M. MORIN: Beaucoup de pays, pour le moins aussi civilisés que le
nôtre, les pays européens, ont des systèmes
électoraux beaucoup plus hermétiques et beaucoup plus rigides que
le nôtre: des listes électorales permanentes, l'obligation, pour
l'électeur, de s'identifier, pas seulement de prêter serment. Nous
savons tous à quoi rime le serment, aujourd'hui. Quand on a affaire
à des professionnels du "télégraphe", dans certains
comtés, prêter serment, ce n'est pas une difficulté pour
ces gens.
M. HARDY: Vous faites allusion au peu de respect que des
Québécois auraient pour le serment. Est-ce que, dans votre
esprit, cela représente un nombre assez considérable de
personnes, qui manqueraient de respect comme cela pour le serment?
M. MORIN: Et tout cas certainement ceux qui, le jour des
élections, font profession de passer des votes faux, qui font un
métier de la supposition de personnes. Je crois que ces gens, cela ne
les fatigue pas beaucoup, le serment.
M. HARDY: Considérez-vous qu'il y aurait proportionnellement
à la population un plus grand nombre de ces gens ici, au Québec,
qu'ailleurs?
M. MORIN: C'est bien difficile à dire, il faudrait demander
ça à un sociologue qui, après une enquête, nous le
dirait. On a dit bien souvent et je ne suis pas le premier à le
dire que les moeurs électorales du Québec sont
demeurées un peu primitives. C'est sans doute
lié au niveau d'éducation général, qui
augmente depuis quelques années.
Je ne dis pas que les moeurs électorales ne se sont pas
améliorées depuis quelques années. Il y a eu un
progrès, mais nous pensons justement que le nouveau système
électoral devrait consacrer ce progrès de la mentalité des
Québécois.
Il y a quelques années, nous aurions voulu, nous, créer un
intérêt autour de cette question dans nos régions et
ça n'aurait intéressé personne. Tandis que maintenant, dix
de nos quinze régions ont organisé des journées
d'étude sur la question. Donc, il y a un intérêt, je
crois.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. Morin, vous venez de parler de cette habitude ou de ces faux
votes qui peuvent se donner à l'occasion d'une élection partielle
ou générale.
M. MORIN: Parmi d'autres tares.
M. PAUL: Est-ce que vous admettez que ce phénomène se
passe très rarement dans les comtés ruraux?
M. MORIN: Je ne peux pas dire que je connaisse aussi bien les
comtés ruraux que le député de Maskinongé. Mais
d'après ce que j'entends dire, c'est exact, il y a moins de
"télégraphes" dans les comtés ruraux parce que tout le
monde se connaît. Mais en ville, c'est une plaie, et surtout dans une
ville comme Montréal où les gens ne connaissent pas même
leur voisin quelquefois.
M. PAUL: Est-ce que c'est plus une plaie qu'un
déménagement massif de 3,000 personnes à la veille d'un
recensement électoral?
M. MORIN : C'est du même ordre. A quoi faites-vous allusion?
M. PAUL: Cela me vient tout simplement à l'esprit.
M. MORIN: Vous pensiez à une région rurale où il y
aurait...
M. PAUL: Non, une région urbaine. Supposons, par exemple, que
dans le comté de Terrebonne il y aurait un déplacement massif de
3,000 électeurs dès qu'il y a rumeur presque imminente et
émission de brefs d'élection, pour tâcher de favoriser un
candidat dans une élection.
M. HARDY: Immédiatement, M. le Président, je voudrais
faire une mise au point. Dans le comté de Terrebonne, il n'y a pas
suffisamment de maisons de chambres pour accueillir tant de monde que
ça.
M. MORIN : Certainement que quelquefois les déménagements
le député de Maskinongé en aura entendu parler
sont très nombreux et quelquefois même on
déménage dans une maison inexistante. Et pour ma part, j'ai eu
l'expérience de pâtés entiers de maisons qui apparaissaient
sur les listes électorales, mais qui n'étaient que des champs
vagues. Et là-dedans, on avait trouvé moyen de rentrer de
gré ou de force jusqu'à 80 ou 90 personnes.
C'est également un autre aspect, ce n'est pas le
"télégraphe" classique, c'est une autre façon de fausser
les élections. Mais tout ça existe encore d'ailleurs, ce
n'est pas à vous que je vais l'apprendre à des
degrés divers, bien sûr. Il y a des comtés qui ont des
moeurs peut-être plus civilisées que d'autres.
UNE VOIX: Qui ont plus de chance.
M. MORIN : Qui ont plus de chance à cause de leur structure
sociologique. C'est bien possible. Mais la ville et c'est aux
députés des villes que je m'adresse surtout demeure
hélas un foyer de truquage électoral pitoyable.
M. PAUL: Possible.
M. MORIN: Possible, mais je crois aussi existant. Dans les faits, je le
crois. Surtout la grande ville. On dirait que plus on tombe dans la grande
ville, plus ce genre de moeurs peut se propager facilement. Et ça tient
essentiellement au fait que dans la petite ville on connaît pas mal son
voisin et qu'un responsable de "poil" connaît tout le monde. A la ville,
vous savez comme moi que c'est beaucoup plus difficile.
M. LAVOIE (Wolfe): Vous n'avez pas l'air d'avoir une haute opinion des
gens de la ville, M. Morin.
M. MORIN : Je suis moi-même fortement urbanisé,
suffisamment pour savoir que, malheureusement, en ville, souvent, le tissu
social est beaucoup moins intégré que dans nos régions
rurales.
M. HARDY: Vous donnez presque raison à M. Caouette.
M. MORIN : Je ne voudrais pas entrer dans une controverse, surtout par
votre intermédiaire, avec M. Caouette. Ce qui est bien certain...
M. PAUL: Pourtant, vous prêchez la même chose que lui, une
certaine réforme monétaire.
M. MORIN: Je ne suis venu ce matin vous enretenir que de la
réforme électorale. Chose certaine, nos gens étant mieux
ancrés dans leur société locale à la campagne, je
crois que ce genre de moeurs a moins de chance de se propager dans une
société qui se tient. Mais à la ville, le tissu social est
éclaté, il est à reconstituer, je n'ai pas à vous
le démontrer, je pense bien que nous sommes tous au courant de ces
problèmes.
C'est une des conséquences de cette atomisation sociale que des
moeurs de ce genre puissent se propager ou être utilisées avant et
pendant les élections.
Je ne voudrais pas apporter une réponse tout à fait
définitive sur les conditions qui peuvent exister dans les
régions rurales que je ne connais pas ou que je connais mal. Il y a ici
des représentants qui viennent de régions moins urbanisées
que Montréal, mais je ne crois pas qu'on ait, à proprement
parler, des représentants des régions rurales ce matin.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, si vous parlez d'erreurs
volontaires ou non voulues par les recenseurs lors de la composition des listes
électorales, dans quelle proportion établissez-vous les erreurs
volontaires pour l'ensemble d'un comté urbain, si vous voulez?
M. MORIN: J'imagine que ça doit varier énormément
d'un comté à l'autre. Mais prenons certains comtés...
M. HARVEY (Chauveau): Entre quels pourcentages?
M. MORIN: ... de l'est de Montréal, n'est-ce pas, ou du nord-est
de Montréal avec lesquels je suis, par le hasard des circonstances, un
peu plus familier. Sur un comté de 63,000 électeurs, nous avons
de très bonnes raisons de croire, après enquête, qu'il
pouvait y avoir environ 2,000 à 2,500 non-citoyens inscrits sur les
listes et qu'on a passé, ce jour-là, disons, quelques centaines
de "télégraphes", jusqu'à concurrence de 1,200 ou de 1,500
au maximum.
Nous retraçons cela par les noms fictifs, les adresses fictives,
les personnes déjà enterrées, ce genre de choses.
M. HARDY: Dans un autre ordre d'idées, M. Morin, est-ce que vous
êtes au courant que, lors des dernières élections scolaires
au mois de juin, qui se sont faites à une échelle plus large
à cause du regroupement des commissions scolaires...
M. MORIN: Oui.
M. HARDY: ... il y a eu sur les listes électorales des erreurs
infiniment plus considérables que celles que l'on retrouve
généralement aux élections provinciales?
M. MORIN: Oui. Ce qui me frappe dans tout ça, c'est que c'est un
procédé artisanal, qu'on recommence chaque fois.
M. HARDY: Je voulais attirer votre attention là-dessus pour bien
démontrer qu'il n'y a pas nécessairement relation, puisque
c'était dans les commissions scolaires rurales, entre erreurs ou lacunes
sur les listes électorales et volonté de substituer des
personnes. Il arrive et, là-dessus, je vous rejoins que
les lacunes dans les listes électorales découlent beaucoup plus,
je pense, du procédé artisanal que l'on utilise que de la
malhonnêteté des gens.
M. MORIN: Vous savez, la loi permet quand même à ces choses
de se produire. Il suffit qu'il y ait, dans certains comtés, des
personnes mal intentionnées pour utiliser chacune des faiblesses de la
loi. Et c'est ce qui se passe dans beaucoup de comtés. C'est pour
ça que, à supposer même que personne ne soit mal
intentionné, ce qui, selon mon expérience, n'est pas le cas
parce qu'on ne peut pas tenir pour acquis que tout le monde est mal
intentionné; ce n'est pas le cas que tout le monde soit
éduqué, que les scrutateurs soient des gens vraiment de niveau
scolaire suffisant, etc., avec toutes les lacunes que nous lui connaissons, la
loi demeure inadéquate, la loi ne permet pas un contrôle
suffisant. C'est pour ça, d'ailleurs, que notre principale
recommandation, c'est la création d'une commission qui comporterait, en
fait, un président et trois commissaires. Cette commission permanente,
où chacun aurait des fonctions précises, serait nommée par
l'Assemblée, à la majorité des deux tiers et ses membres
seraient choisis parmi des gens qui seraient vraiment au-dessus de tout
soupçon.
Nous ne faisons pas de réflexion sur les personnes qui, à
l'heure actuelle, s'occupent d'élections, comme le président
général des élections. Nous ne voulons pas dire qu'il y a
malhonnêteté à l'heure actuelle. Nous pensons qu'il y a
lieu d'améliorer le système considérablement à ce
niveau et de donner des pouvoirs réels à cette commission.
M. PAUL: Vous parlez d'un commissaire général et de trois
commissaires adjoints. Est-ce par pur hasard que vous suggéreriez trois
commissaires adjoints qui répondraient actuellement à la
présence en Chambre de trois partis politiques officiels reconnus?
M. MORIN: Non, ce n'est pas à ça qu'on pensait et,
très franchement, ça ne nous a même pas
effleurés.
M. PAUL: Est-ce que vous verriez une objection à ce que chaque
parti reconnu ait un commissaire adjoint comme membre de la commission?
M. MORIN: Oui, oui.
M. PAUL: Vous y auriez objection?
M. MORIN: Oui, parce que ça politiserait cette commission.
D'ailleurs, vous voyez la bisbille qui se mettrait à régner
là-dedans, chacun tirant la couverture de son côté. Nous
pensons vraiment à des personnes impartiales et reconnues comme telles
par tous les partis ou, en tout cas, par une majorité des deux tiers de
l'Assemblée.
M. DEMERS: Cela existe, ça?
M. MORIN: Nous pensons que ça existe.
M. BROWN: Who is impartial? Could you find one person in the world who
is impartial?
M. MORIN : Oui, il y a des personnes qui sont impartiales.
M. BROWN: Are you impartial?
M. MORIN: Moi, je suis membre d'un parti reconnu, ce qui n'est pas la
même chose et je n'ai pas la prétention d'être élu
président des élections, pas du tout. Je pense avoir d'autres
fonctions à remplir que celles-là. Pour le processus
électoral lui-même, pour s'assurer que les députés
soient vraiment le choix du peuple, il y a moyen de trouver quatre personnes,
et même davantage, quatre personnes impartiales.
Je ne dis pas quatre personnes sans convictions politiques, ce n'est pas
la même chose. Je pense que le député confond les
convictions politiques et l'impartialité. H confond les convictions
politiques et l'honnêteté. Il est possible d'avoir des convictions
politiques profondes et d'être cependant honnête et impartial, j'en
suis convaincu. J'en connais, de ces personnes, et je suis sûr que si le
gouvernement se donnait la peine de chercher il en trouverait.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: Iriez-vous jusqu'à la liste permanente et la carte
d'identité?
M. MORIN: Oui. La carte d'identité, mais attention, pour fins
électorales seulement, comme il existe déjà des cartes
d'identité pour d'autres fins, n'est-ce pas? Autrement dit une carte
qu'on ne pourrait pas exiger pour d'autres fins, notamment pour des fins
d'identification dans la rue. Voilà ce que nous aurions à dire
sur cette question.
UNE VOIX: Une photo sur la carte?
M. MORIN : Oui, dans la mesure du possible, quoique là, ça
dépendrait évidemment... Vous allez nous dire: Est-ce qu'on a le
temps de créer un tel système avant les prochaines
élections? Il se peut, si vous ajoutez la photo, que ça complique
le processus. Il faudra que chaque électeur se déplace ou qu'on
trouve un système de photographie portative.
M. GAGNON: Ou la carte d'identité pourrait être comme un
chèque de voyageur. Celui qui va voter a sa signature sur la carte et il
l'oppose devant le scrutateur.
M. MORIN: C'est un autre moyen. De toute façon, nous n'avons pas
d'attitude rigide là- dessus. Cela pourrait être la photo ou la
signature, mais ce serait déjà tellement mieux que ce qu'on a
à l'heure actuelle.
M.GAGNON: Pour les villes, incontestablement.
M. MORIN: Pour les villes d'abord et avant tout, et je ne suis pas
sûr que dans certaines régions rurales ça ne rendrait pas
service aussi. Oui, bien sûr, c'est la question de principe qui est
importante. Les détails, les modalités, on peut en discuter.
J'imagine qu'on pourrait laisser ça à des experts techniques,
quoique je suis bien prêt à en discuter ce matin, si vous le
voulez.
Nous avons donc proposé, M. le Président, une commission
permanente, une liste électorale permanente, une carte
d'électeur. La liste électorale permanente devrait
peut-être être décentralisée, mais être sous le
contrôle de la commission des élections. Nous pensons que les
municipalités pourraient fort bien tenir ces listes permanentes, parce
qu'elles sont plus près des électeurs.
M. HARDY: Quand j'ai lu cette recommandation de votre part, je me suis
demandé si ceux qui avaient préparé le mémoire
avaient eu l'occasion de participer déjà à des
élections municipales. Encore une fois, il y a l'expérience des
dernières élections scolaires, mais il ne faudrait
peut-être pas en faire un cas type, parce que c'est quand même une
expérience un peu unique. Il y a quand même les élections
municipales qui se font régulièrement, il y a même un maire
ou un ex-maire ici, il y a des gens qui ont participé aux
élections municipales. Je n'y ai jamais participé à titre
de candidat, mais j'ai eu l'occasion de voir, comme avocat, que le
problème qui se pose aux élections provinciales se pose aux
élections municipales. Souvent, des citoyens ne sont pas inscrits,
arrivent pour voter...
Je me demande si c'est vraiment une solution. C'est une question que je
me pose. Je me demande si, eu égard à l'expérience
vécue au niveau des élections municipales, des élections
scolaires, ce serait une solution vraiment valable que de confier à ces
organismes le soin de préparer une liste permanente.
M. MORIN: Mais vous savez ce qui existe dans certains pays? Un
même contrôle existe sur les électeurs à tous les
niveaux électoraux, c'est-à-dire que votre carte
d'électeur, en France, par exemple, votre carte nationale
d'identité, qui sert de carte d'électeur, vous pouvez la
présenter aux élections municipales, aux élections
communales, comme on les appelle là-bas.
M. HARDY: Est-ce que ce sont les municipalités qui la font, cette
liste?
M. MORIN: C'est la mairie qui fait la liste. Il
faut dire que les services administratifs français sont
très développés, mais ce n'est pas à exclure. On a
le choix au fond entre deux systèmes. On peut refaire tout le processus
électoral, aussi bien municipal que scolaire et la carte
d'identité peut servir à toutes les fins, et la liste permanente
peut servir également à toutes les fins. Pourquoi est-ce que
cette liste permanente ne servirait pas aussi les municipalités.
M. HARDY: Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas de
difficulté. La liste pourrait servir à tout le monde. D'ailleurs,
j'en profite pour le dire, je pense qu'il y a presque consensus à la
commission parlementaire sur la nécessité d'avoir des listes
permanentes. La seule question qu'il nous reste à définir, c'est
le mécanisme. Que ça serve à tout le monde, je pense qu'il
n'y a pas beaucoup de discussions. Le problème qu'il reste encore
à résoudre, pour certains d'entre nous, c'est d'identifier le
mécanisme le plus valable pour fabriquer cette liste permanente et pour
la tenir à jour.
M. MORIN: Oui.
M. HARDY: Vous proposez une solution, que ce soient des administrations
locales qui aient la responsabilité de fabriquer cette liste. Je ne dis
pas que ce n'est pas la bonne solution, je me pose des questions à cause
d'expériences. C'est peut-être la meilleure. Maintenant,
j'aimerais savoir si vous avez aussi étudié d'autres
possibilités.
M. MORIN: Oui. Il y en a plusieurs. Cela a été
débattu assez longuement aussi, je dois dire, dans nos structures. On
peut songer à plusieurs variantes. La première est
évidemment que ce soient les municipalités qui, avec l'aide d'un
représentant de la commission québécoise des
élections, fassent la liste et la tiennent à jour constamment. La
deuxième solution ou variante, c'est que la commission ait des
représentants et des bureaux dans chaque région du Québec
et que la liste permanente soit tenue sous la responsabilité directe de
la commission, mais qu'elle puisse servir à tout le monde. Qu'elle
puisse servir aux municipalités, aux commissions scolaires, etc.
Vous pensez bien que nous pensons à cela dans un contexte
électronique, bien sûr. Tout cela serait sur bandes
magnétiques, ce serait dans les cerveaux électroniques. Une
municipalité, une commission scolaire pourrait avoir une liste
complète des électeurs, à jour, dans 48 heures, comme on
peut, aujourd'hui, au centre de calcul de l'Université de
Montréal obtenir un renseignement en 24 heures, à cause des
banques de données que nous possédons. La même chose serait
appliquée tout simplement au processus électoral. Ce serait
beaucoup plus sûr, parce qu'on a plus de difficulté à
tricher une machine qu'on ne peut quelquefois...
M. HARDY: Sauf que parfois les machines sont défectueuses.
M. MORIN: ... se bloquent. Seulement quand le processus...
M. HARDY: Nous avons vu ça parfois à des
congrès.
M. MORIN: Je sais, on voit tous ça dans les banques. Mais, quand
le processus est permanent, on peut quand même penser que ça se
corrige au fur et à mesure. Ce qui nous parait essentiel, c'est que le
mécanisme ne soit pas trop éloigné de l'électeur,
pour que celui-ci, venant à déménager, ne soit pas
obligé de courir à Québec pour obtenir sa nouvelle carte
ou pour se faire inscrire sur une nouvelle liste. Voilà, ce qui nous
paraft essentiel.
M. CROISETIERE: Vous recommandez qu'une carte d'identité
obligatoire devant servir à des fins électorales seulement soit
émise à tous les citoyens âgés de 18 ans et
plus.
M. MORIN: Oui.
M. CROISETIERE: Pour fins électorales. Pensez-vous qu'elle
pourrait servir pour des élections municipales?
M. MORIN: Je pense qu'elle pourrait servir pour des élections
municipales. Le danger que nous voulons éviter c'est que cette carte ne
devienne pas une sorte de carte d'identité qu'on est obligé
d'avoir sur soi en tout temps. La police peut vous ramasser sur la rue si vous
n'avez pas votre carte d'identité, ce genre de choses-là.
M. CROISETIERE: Vous avez fait allusion qu'en France il y en a une qui
sert. Vous ne croyez pas qu'elle pourrait être similaire à celle
qui existe actuellement en France?
M. MORIN: Vous voulez dire la carte d'identité nationale?
M. CROISETIERE: Oui.
M. MORIN: C'est un peu différent et ça sert à
toutes les fins en France.
M. CROISETIERE: Mais quelles seraient les objections à ce qu'elle
serve pour toutes sortes de fins?
M. MORIN: De tout temps on a manifesté ici au Québec et
dans beaucoup de pays d'inspiration britannique une objection à ce que
tout homme sur la rue puisse être arrêté et qu'on lui dise:
Monsieur, qui êtes-vous? Si la personne dit: Moi, je suis Untel ou ne
peut pas s'identifier on la met en dedans jusqu'à ce
qu'elle puisse établir son identité. Ce genre de
choses-là, nous préférons nous en éloigner.
M. HARDY: Au fond, M. Morin, si je comprends bien à la suite des
questions, vous reconnaissez l'utilité de la carte d'identité
pour éviter les fraudes électorales, mais vous auriez certaines
réserves quant à l'étendre à d'autres sortes de
fraudes?
M. MORIN: C'est cela exactement.
M. HARDY: Est-ce que ça n'implique pas à ce
moment-là, dans votre échelle de valeurs, que vous
considérez les fraudes électorales comme des fraudes majeures?
Les fraudes électorales sont celles où il est permis de prendre
des moyens très draconiens pour les éviter mais, pour les autres
sortes de fraudes, on peut être moins rigoureux.
M. MORIN: Le député de Terrebonne sait que, les autres
sortes de fraudes, on a d'autres moyens de les contrôler. Mais les
fraudes électorales, jusqu'ici...
M. HARDY: On se le demande parfois quand on voit l'emprise de la
pègre.
M. MORIN: Oui, mais si le député a essayé de passer
un chèque dans une banque qui n'est pas la sienne, il aura certainement
eu à s'identifier. C'est notre lot commun, n'est-ce pas? Qu'on soit
député, qu'on soit ministre ou qu'on soit ce qu'on voudra, si on
n'est pas connu dans une banque, on va vous demander de vous identifier.
Là, il y a divers moyens d'identification. Celui qui veut passer un
chèque va s'arranger pour s'identifier.
M. HARDY: Vous admettrez, M. Morin, en tant que juriste et en tant que
citoyen, que la sorte de fraude à laquelle vous faites allusion, ce
n'est pas cela qui fait que nous ayons à déplorer l'emprise de la
pègre, le passage de chèques...
M. MORIN: Oui. Remarquez que nous n'avons pas, ce matin, en ce qui nous
concerne, à nous prononcer sur la question plus large. Nous sommes
venus...
M. HARDY: C'est-à-dire que vous vous prononcez par incidence.
Vous dites, très bien, c'est très clair: Cartes d'identité
pour fins électorales.
M. MORIN: Attention!
M. HARDY: Par voie de conséquence, vous dites: Pas de carte
d'identité pour d'autres fins.
M. MORIN: Attention! On peut aussi interpréter ce que nous disons
dans notre mémoire comme signifiant ceci: cartes d'identité au
moins pour fins électorales...
M. HARDY: Ah bon! C'est différent de ce que vous avez dit
tantôt.
M. MORIN: Ecoutez, si vous nous demandez exactement la position que j'ai
à prendre ce matin, ce serait celle-là.
M. HARDY: Oui, vous dites, au moins...
M. MORIN: Au moins pour fins électorales.
M. HARDY: Et pour d'autres fins, vous ne vous prononcez pas pour le
moment.
M. MORIN: Nous ne nous prononçons pas... M.HARDY: Très
bien.
M. MORIN: ... parce que, à vrai dire, on n'a pas
étudié la question suffisamment à fond.
M. DEMERS: II vous faudra revenir à la commission.
M. LE PRESIDENT: Un instant! Le député de
Saint-Jacques.
M. HARDY: Je m'excuse, mais je pense qu'involontairement, j'ai
coupé la parole à l'honorable député
d'Iberville.
M. LE PRESIDENT: D'accord. La parole est au député
d'Iberville, et au député de Saint-Jacques ensuite.
M. CROISETIERE: Je voulais terminer en posant une question à M.
Morin. Vous, personnellement, auriez-vous objection à avoir une carte
d'identité générale qui pourrait servir à toutes
sortes de choses?
M. MORIN: Personnellement, en tant qu'individu...
M. CROISETIERE: En tant qu'individu...
M. MORIN: ... parce que je ne prétends pas représenter le
Mouvement national des Québécois sur cette question.
M. CROISETIERE: Non, d'accord.
M. MORIN: Mais, personnellement, non. Je trouve que la carte
d'identité nationale est une excellente chose. Personnellement, je crois
qu'on exagère les dangers, les périls de cela. Je crois que cela
irait beaucoup plus dans le sens de la protection de l'individu, à
condition évidemment qu'on ait des corps policiers qui sachent se
conduire. Je tiens cela pour acquis. Cela va de pair un peu, si vous
voulez.
M. HARDY: Très amicalement, M. Morin, j'espère que vous
convaincrez notre collègue, l'honorable député de
Maisonneuve.
M. MORIN: J'essaierai de m'y employer.
M. PAUL: M. Morin, à la suite des relations que vous avez en tant
que professeur émérite de l'université, est-ce que vous
êtes au courant que certains partis politiques au Québec seraient
contre la carte d'identité?
M. MORIN: Oui, j'ai entendu dire que certains partis politiques seraient
contre la carte d'identité. Mais je vous ai donné une opinion
personnelle. Je n'ai parlé au nom d'aucun parti politique, en ce
moment.
M. PAUL: Je n'ai pas l'intention de faire une motion pour détails
afin d'obtenir plus de précisions.
M. MORIN: Je remercie le député de Maskinongé de sa
gentillesse. Mais là-dessus, il y a des opinions partagées,
j'imagine, dans tous les partis, n'est-ce pas?
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, je suis opposé à la
carte d'identité obligatoire mais ce n'est pas là-dessus que je
vais poser ma question à M. Morin. Je voulais demander à M. Morin
si les deux suggestions que le Mouvement national des Québécois
présente, soit une liste électorale permanente et la carte
d'identité obligatoire pour fins électorales, dans son esprit,
devraient être accompagnées, dans la loi, des obligations des
citoyens. Evidemment, il me semble qu'il va de soi de se rapporter, lors d'un
déménagement. On parlait tantôt de la banque
électronique qui détiendrait toutes les données de la
liste électorale, que le citoyen, désormais, aurait une nouvelle
obligation, qu'il n'a pas actuellement, soit lorsqu'il change de ville ou
simplement de rue ou d'étage dans la même maison, il devra le
signaler quelque part, que ce soit à la mairie ou ailleurs, sinon, il va
mêler toutes les données qu'on a là-dedans. Si on veut
qu'il ait une carte d'identité pour fins électorales, que
l'adresse qui est indiquée sur la carte d'identité soit la bonne
au moment où il se présentera au bureau de scrutin. Donc, il
incombe une nouvelle obligation aux citoyens.
M. MORIN: Oui, quoique cette obligation existe déjà, comme
vous le savez, pour ce qui est des permis de conduire. Quand vous
déménagez, vous devez, dans un certain délai qui est
même assez strict, communiquer immédiatement votre nouvelle
adresse. On comprend facilement les raisons qui militent en faveur de cette
obligation du citoyen. Mais nous pensons que les obligations du votant, de
l'électeur sont aussi importantes que celles du chauffeur d'une
voiture.
C'est pour ça que dans notre esprit quoique dans le
mémoire nous n'en faisions pas état il y a une obligation
pour le citoyen de communiquer avec les autorités de la
municipalité où il vient s'installer pour dire: Voilà,
j'habite tel logement. Pour ne pas compliquer les choses, il ne devrait
peut-être pas avertir la municipalité qu'il part. Cela devrait
être la responsabilité de la municipalité où il va
s'établir d'avertir la municipalité qu'il a quittée.
Ainsi, on ne force pas le citoyen à faire 36 démarches. Il n'en
fait qu'une. Tout ça est contrôlé par le président
général des élections et par la régie des
élections.
M. DEMERS: M. le Président, j'aurais une question à poser
à M. Morin.
M. MORIN: Oui.
M. DEMERS: Dans les précautions électorales que vous nous
incitez à prendre, est-ce que vous envisagez, dans votre mémoire
je ne l'ai pas parcouru en entier la possibilité de faire
publier les documents officiels sous le contrôle strict d'une imprimerie
où siégerait en permanence, par exemple, le président
d'élection ou son employé?
M. MORIN: Ou son représentant. M. DEMERS: Ou son
représentant.
M. MORIN : Nous n'en faisons pas état dans le mémoire,
mais...
M. DEMERS: Mais vous pensez que cela pourrait s'ajouter en appendice
après les événements que nous venons de
connaître.
M. MORIN: Oui. De toute façon, avec ou sans les
événements que nous connaissons, je pense que c'est une
réforme qui aurait dû être faite depuis longtemps. Il est
évident que l'ancien imprimeur de la reine, aujourd'hui l'éditeur
du Québec, imprime les documents officiels du Parlement, de
l'Assemblée nationale. Il est évident que tous les bulletins de
vote et toute la paperasse il y en a une qui est énorme
devraient être entre les mains de l'imprimeur public. C'est
évident. Mais là, c'est une opinion personnelle que je donne
parce que, dans le mémoire, nous n'en faisons pas état.
M. PAUL: M. Morin, je dois vous dire que l'éditeur officiel se
charge de l'impression de la documentation. Il ne la fait pas
lui-même.
M. MORIN: Oui.
M. HARDY : L'erreur qui a été commise aurait pu quand
même être commise, même si c'était l'éditeur
officiel de la reine qui en avait eu la charge.
M.MORIN: Bien, attention. Si j'ai bien compris l'honorable
député, il y aurait sur place, exerçant une surveillance
continue, un représentant...
M. HARDY: Si vous dites...
M. PAUL: Cela n'irait peut-être pas jusqu'à empêcher
le déplacement de la forme.
M. DEMERS: A Maniwaki, par exemple. Si c'était sur place, cela
l'éviterait.
M. PAUL: Cela n'empêcherait pas le déplacement de la
forme.
M. MORIN: Vous voulez dire de... M. DEMERS: Oui, justement.
M. MORIN: ... la table d'impression. Bien, écoutez. S'il y a
quelqu'un pour vérifier les bulletins à la sortie, comme il
devrait indubitablement y en avoir...
M. PAUL: Un affidavit est prévu par la loi de la part de
l'imprimeur à l'effet que l'impression des bulletins a été
conforme à la loi.
M. MORIN: Oui, enfin, cet affidavit, comme le député le
sait, n'a pas été une réponse à tous nos
problèmes jusqu'ici. Nous pensons, pour répondre directement
à la question du député que je trouve très
pertinente à l'heure actuelle que c'est l'imprimeur public qui
devrait avoir la charge d'imprimer tous les documents et surtout les bulletins
de vote.
M. PAUL: Vous changeriez le nom "imprimeur de la reine" pour "imprimeur
public".
M. MORIN: Je crois que c'est déjà fait, que je sache. J'ai
eu des documents du Québec entre les mains et je ne crois pas qu'on
utilise... C'est l'éditeur officiel du Québec.
M. HARDY: M. le Président, puisqu'on fait allusion, depuis un
certain moment, à un incident très contemporain qui pourrait
peut-être influencer, dans un sens ou dans l'autre, les décisions
que les parlementaires sont appelés à prendre, je me demande,
puisque l'honorable juge Drouin, président général des
élections, est ici, si, à ce stade, nous ne pourrions pas lui
demander de nous donner une explication sur ce qui s'est passé afin de
ne pas partir sur des pistes qui ne sont pas véritables.
S'il y avait consentement unanime, je proposerais que M. Drouin nous
fasse un exposé clair, précis et détaillé de ce qui
s'est passé dans le cas dont tout le monde parle sans le nommer afin que
nous ne discutions pas dans le vide, mais à partir de données
bien précises. Je propose que nous entendions M. Drouin sur cette
question.
M. MORIN : Nous n'avons pas d'objection.
M. PAUL: M. le Président, je fais une réserve.
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. PAUL: En vertu de notre règlement, lorsque
éventuellement, nous serons appelés à discuter du
même problème à l'occasion d'un projet de loi que la
présidence des élections va recommander au lieutenant-gouverneur
en conseil de nous présenter, je ne voudrais pas qu'on invoque l'article
du règlement pour dire qu'il y a eu débat sur la matière
et sur le sujet.
M. HARDY: II y a donc consentement unanime. Je concours
entièrement à la réserve. Je voudrais bien qu'on comprenne
l'idée qui a inspiré cette proposition.
Encore une fois, puisqu'on fait allusion à un problème
d'une façon directe ou indirecte, peut-être que, pour le
bénéfice de tout le monde, il serait bon que nous partions sur
des choses bien précises. S'il y a discussion évidemment,
c'est toujours rattaché au mémoire que vous présentez
je pense que ce serait à l'avantage de tout le monde si le
président général des élections nous donnait une
version exacte de ce qui s'est passé.
M. VEILLEUX: M. le Président, je suis d'accord en principe sur ce
que vient de dire le député de Terrebonne. Cependant, tout
à l'heure, je posais des questions à M. Morin sur la liste
permanente uniquement, et on tombe sur les bulletins de votes, on revient. Je
voudrais bien savoir, si le président général des
élections vient parler des bulletins de vote, si j'aurai l'occasion de
poser des questions sur la liste permanente. Parce que là on chevauche
de la liste permanente aux bulletins.
M. HARDY: D'accord.
M. VEILLEUX: II faudrait bien qu'on vide une fois pour toutes la liste
et, après cela, nous reviendrons aux bulletins.
M. HARDY: Je concours aux remarques du député de
Saint-Jean. Que l'on entende maintenant le président
général des élections et, par la suite, on prendra les
sujets un par un, pour les épuiser. Je suis d'accord avec vous, on
chevauche.
M. PAUL: M. le Président, y aurait-il possibilité de
savoir du porte-parole du gouvernement en la matière si l'occasion sera
donnée aux membres de la commission de questionner M. Drouin...
M. HARDY: J'imagine.
M. PAUL: ... ou si nous allons tout simplement entendre un récit
des faits?
M. CHARRON: Si vraiment on pose des questions à M. Drouin, ne
devrions-nous pas, poliment, disposer d'abord du mémoire du Mouvement
national des Québécois? Il y a bien d'autres choses
là-dedans. Le témoignage de M. Drouin est assez important pour
qu'on l'isole après.
M. HARDY: Quant à nous, M. le Président, nous avons toute
la journée. Quant à parler sur des choses imprécises et
à peu près, parce que ce n'est pas notre faute si le
mémoire...
M. CHARRON: Mais le mémoire... M. HARDY: Je m'excuse!
M. CHARRON: Laissez-moi terminer aussi. Le mémoire de M. Morin ne
mentionne même pas cela. C'était une question d'un
député.
M. HARDY: Oui, justement.
M. CHARRON: M. Morin a répondu personnellement. Ce n'est pas une
raison pour en faire une parenthèse. Gardons le témoignage de M.
Drouin, que je juge important, pour après.
M. HARDY: Je pense qu'il serait opportun, à moins que le
député de Saint-Jacques ne soit pas intéressé
à être éclairé, d'entendre M. Drouin.
M. CHARRON: Oui, après. Je voudrais d'abord disposer poliment des
invités que nous avons à la commission, ce matin, et non pas
interrompre le témoignage de M. Morin.
M. HARDY: Je ne pense pas que M. Morin ait d'objections. Les
éclaircissements que le président général des
élections nous donnera pourront nous aider à interroger avec plus
de précision M. Morin, tout simplement. J'accorde assez d'importance au
sérieux du mémoire présenté par M. Morin pour
vouloir être en mesure de l'interroger sur des faits précis et non
pas sur des à-peu-près. C'est la raison pour laquelle j'ai
demandé que le président général des
élections soit entendu maintenant.
S'il y a des députés qui ne veulent pas connaître
exactement ce qui s'est passé, c'est un autre problème.
M. CHARRON: J'aurais voulu savoir exactement ce qui s'est passé
dans Gatineau. J'y suis très intéressé. Mais je suis
très intéressé, aussi, au moment ou j'ai entamé une
discussion avec quelqu'un qui s'est déplacé, un groupe important
comme le Mouvement national des Québécois, sur une question tout
à fait parallèle et même pas mentionnée dans son
mémoire, de terminer cela d'abord. Nous avons toute la journée.
Tout de suite après, si vous le voulez puisque le cas est suffisamment
important et, je crois, les membres de l'Assemblée nationale, en
particulier ceux de l'Opposition, auront plusieurs questions à poser
à M. Drouin qu'on entende M. Drouin. Mais on ne peut intercaler
son témoignage.
M. HARDY: Vous voulez qu'on interroge M. Morin sans connaître
exactement les faits.
M. CHARRON : M. Morin a été interrogé simplement
sur un avis personnel. Il y a une vingtaine de recommandations,
là-dedans.
M. HARDY: On a toute la journée! On a toute la
journée!
M. CHARRON: II me semble qu'il n'a pas parlé du bulletin de vote,
de l'imprimeur, à savoir qui est l'imprimeur du bulletin de vote.
C'était une question du député de Saint-Maurice.
M. HARDY: M. le Président, je maintiens ma proposition, avec la
réserve du député d Maskinongé, que je trouve
très fondée. Maintenant, s'il y a des députés qui
ne veulent pas entendre M. Drouin...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le député de
Maskinongé.
M. CHARRON: C'est malhonnête de dire cela. Je n'ai jamais dit que
je ne voulais pas entendre M. Drouin. Je veux l'entendre comme il faut, non pas
au milieu d'un autre témoignage. Je veux entendre M. Drouin pendant deux
heures, s'il le faut, cet après-midi. Je suis un des plus
intéressés à l'entendre. Mais, pendant que M. Morin est
là, il me semble que le minimum de politesse est de lui poser des
questions sur le mémoire d'un groupe aussi important que le Mouvement
national des Québécois.
M. HARDY: Je pense que la politesse, c'est d'être en mesure
d'interroger M. Morin d'une façon intelligente, précise et avec
toutes les informations qu'on puisse posséder.
M. CHARRON: Le cas de l'impression des bulletins de vote n'a rien
à voir avec le mémoire du Mouvement national des
Québécois. M. Morin l'a dit lui-même. Ce n'est même
pas mentionné là-dedans. C'est un avis personnel. Pourquoi, sur
un avis personnel du président du Mouvement national des
Québécois, interviendrait-on?
M. HARDY: M. Morin, auriez-vous des objections à ce que le
président général des élections fasse une courte
déclaration à cause de l'incidence que votre mémoire a
amenée?
M. MORIN: Nous n'avons aucune objection. De toute façon, nous
sommes vos invités , donc, nous nous rendons très volontiers
à votre décision. Mais nous voudrions éviter d'être
entraînés dans un débat de nature politique.
M. HARDY: D'accord.
M. MORIN: Nous ne sommes pas là pour des fins partisanes.
M. HARDY: Je voudrais faire remarquer à M. Morin que, jusqu'ici,
d'une façon générale, sauf quelques exceptions, nos
débats ont été dégagés de toute
partisanerie.
M. MORIN: Je n'en doute pas.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL : Bien, non, le député de Terrebonne vient
justement de poser la question que j'aurais eu l'intention de diriger à
M. Morin pour savoir s'il consentait à ce que son témoignage soit
interrompu pour entendre M. Drouin. Je comprends que c'est seulement sur les
événements de Gatineau et non pas de Duplessis. Très
bien.
M. LE PRESIDENT: M. Drouin, nous vous invitons.
M. PAUL: II est rare que nous voyions un juge s'asseoir avec le
peuple.
M. HARVEY(Chauveau): Un juge ordinaire.
M. DROUIN: Je vous remercie, M. le Président.
M. DEMERS: Est-ce que nous pouvons interroger M. Drouin?
M. LE PRESIDENT: Je l'inviterais peut-être à faire un bref
exposé sur cette situation précise, quitte à inviter les
députés à échanger des questions après.
M. DROUIN: Si je comprends bien, vous voulez un bref exposé de ce
qui s'est passé au sujet des bulletins de vote de Gatineau.
DES VOIX: C'est ça.
Election dans Gatineau
M. DROUIN: Depuis que je suis président général des
élections, j'organise mon bureau de façon que tous les bulletins
de vote soient corrigés avant, sur épreuve. Nous avons fait
ça au cours d'élections générales comme au cours
d'élections partielles.
Dans Gatineau, c'est moi-même qui me suis rendu, le jour de la
mise en nomination, pour corriger l'épreuve des bulletins de vote. Le
verso était en bonne et due forme et conforme à la loi. Il y a eu
une retouche sur le recto et j'ai demandé à l'imprimeur de me
rapporter, le lendemain matin parce que j'étais à Ottawa
de Maniwaki, une épreuve pour regarder s'il avait bien fait les
changements requis sur le recto. Et j'ai approuvé le bulletin.
Par la suite, dans la manipulation de la forme, la forme entière
s'est défaite ou en partie, si vous voulez. Quand l'imprimeur l'a
remontée première irrégularité, le numéro
qui apparaît sur la souche est tombé sur le talon et le
numéro qui apparaissait sur le talon est tombé sur le
bulletin.
Deuxièmement, en la remontant, le rectangle, on l'a placé
à gauche au lieu d'à droite et à l'imprimerie, les
initiales du scrutateur, en anglais et en français, sont passées
de la gauche à la droite.
Les bulletins ont été imprimés comme ça. Ils
ont été livrés comme ça. Nous avons ouvert quatre
bureaux provisoires de scrutin, le samedi 7 et le lundi 9, de deux heures de
l'après-midi à dix heures le soir. Il y avait quatre scrutateurs,
quatre greffiers et douze représentants. Environ 400 personnes ont
voté et nous n'avons pas entendu un mot concernant
l'irrégularité.
Les bulletins de scrutin ont ouvert à neuf heures, mercredi, et
on dit que c'est à la fin de la matinée ou au début de
l'après-midi que l'irrégularité a été
connue. C'est dire que, sur 225 bureaux ordinaires de scrutin vu qu'il y
avait trois représentants, un scrutateur et un greffier dans chacun, si
vous multipliez ça par cinq, ça fait certainement 800 à
900 personnes cela a pris quatre heures après l'ouverture du
scrutin pour que ce soit su. Quant à moi, je l'ai appris à
environ deux heures.
J'ai fait une enquête et les employés de l'imprimeur
c'est l'imprimerie de Maniwaki les imprimeurs, les deux personnes qui
ont travaillé sur les bulletins, de même que l'imprimeur
lui-même m'ont fait transmettre des assermentations par lesquelles ils
disaient que c'était leur faute, mais que cela avait été
fait de bonne foi, sans intervention de personnes de l'extérieur. Ce
sont les faits.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.
M. DEMERS: M. Drouin, l'épreuve qui vous a été
remise par l'imprimeur de Maniwaki, en l'occurence M. Lauriault, est-ce que
vous l'avez encore en main?
M. DROUIN: Je ne l'ai pas actuellement en main parce que je l'ai
passée à mon procureur qui a assisté au
dépouillement, hier, à Maniwaki, et qui doit me la faire parvenir
dès son retour.
M. DEMERS: L'épreuve qui vous a été
présentée était conforme aux exigences de la Loi
électorale?
M. DROUIN: Conforme aux exigences de la Loi électorale.
M. DEMERS: Sans interversion?
M. DROUIN: Sans interversion de numéro.
M. DEMERS: Et elle avait été préparée par
l'imprimeur?
M. DROUIN: Elle avait été préparée par
l'imprimeur. Je peux vous dire, en passant, que c'est le même imprimeur
qui a imprimé les bulletins de 1970 et qu'ils étaient en bonne et
due forme.
M. DEMERS: C'était le jour de la mise en nomination?
M. DROUIN: Que j'ai corrigé l'épreuve? M. DEMERS: Oui.
M. DROUIN: Le soir de la mise en nomination et le lendemain matin.
M. DEMERS: Vous parlez d'une enquête que vous avez
ordonnée. Est-ce que vous avez envoyé quelqu'un de la force
constabulaire?
M. DROUIN: C'est mon adjoint de Montréal, qui était
à Maniwaki.
M. DEMERS: II était à Maniwaki, je crois, la
journée de l'élection?
M. DROUIN: Oui.
M. DEMERS: C'est un grand monsieur, très long, là?
M. DROUIN: Oui, très long, mon adjoint de Montréal.
M. DEMERS : II nous avait pourtant dit au début, pendant le vote,
que le bulletin était excellent jusqu'à ce qu'on discute encore
avec lui. De toute façon je voudrais savoir si la commission est d'avis
ici, et le président d'élections, qu'on devrait envoyer sur place
un spécialiste enquêteur pour avoir des déclarations
précises des gens qui ont eu affaire à cela. Je n'accuse
personne, mais je veux avoir la certitude que personne n'a été
manié là-dedans.
J'ai, dans la journée, rencontré un M. Morin de Maniwaki
qui travaille à l'imprimerie et c'est lui-même qui l'a
imprimé. Il était convaincu qu'il avait imprimé cela
exactement comme l'épreuve. Si c'est lui qui l'a manipulée, qui a
emporté l'épreuve pour l'imprimer, quand il est revenu d'Ottawa,
je me demande pourquoi et comment tout s'est déplacé pour se
retrouver à l'envers.
M. DROUIN: Evidemment, moi, je n'ai pas assité à ce
travail.
M. DEMERS: C'est assez compliqué; on a déjà vu des
linotypistes faire des montages.
M. DROUIN: Oui.
M. DEMERS: Pour faire tomber ça ainsi, il faut brasser pas mal;
ce n'est pas un yo-yo, ça!
M. DROUIN: Je vous comprends. Evidemment, c'est vrai que c'est
incompréhensible dans un sens. Ce n'est jamais arrivé depuis
1935. En 1935, c'était la première fois depuis 1867.
M. DEMERS: Sur 108 comtés. M. DROUIN: Oui.
M. DEMERS: C'est que ça aurait bien pu imprimer sur le plancher
du train où ça allait.
M. DROUIN: Ah! bien oui.
M. DEMERS: C'est tellement tiré par les cheveux, cette
histoire-là, que la souche n'ait pas de numéro et qu'il y en ait
un au talon et un autre sur le bulletin, et que la droite soit rendue à
gauche.
M. DROUIN: Je vous comprends. C'est quand ils l'ont remontée
qu'ils l'ont mal remontée.
M. DEMERS: Sur l'autre côté du premier bulletin, il y
avait, en haut, le candidat libéral, le candidat uniquiste et le
candidat du Parti québécois.
M. DROUIN: Oui.
M. DEMERS: Cela ne s'est pas déplacé.
M. DROUIN: Non.
M. DEMERS: Et les carreaux, tout était bon.
M. DROUIN: Parce que ce sont deux formes différentes.
M. DEMERS: Deux formes différentes.
M. DROUIN: Oui. C'est l'autre forme qui s'est déplacée.
C'est la forme de l'endos qui s'est déplacée et non pas la forme
du recto.
M. CHARRON: M. Drouin, dans le processus actuel, à partir du
moment où vous avez, vous, donné votre accord sur la formule qui
vous a été présentée, selon ce que vous dites, le
lendemain de la mise en nomination, il n'y a plus personne, ni vous, ni de
votre bureau, qui voit si l'épreuve que vous avez signée est
véritablement celle qui est imprimée? Jusqu'à ce qu'au
jour du vote ou, disons, aux bureaux provisoires on utilise ces
bulletins-là.
M. DROUIN: Evidemment.
M. CHARRON: Entre-temps, il n'y a personne qui va aller
vérifier.
M. DROUIN: II n'y a personne.
M. CHARRON: Personne ne va à l'imprimerie pour vérifier le
travail.
M. DROUIN: A moins que mon président...
M. DEMERS: Est-ce qu'il y a une surveillance à l'imprimerie?
M. DROUIN: Non, il n'y a pas de surveillance à l'imprimerie,
à moins que ce ne soit nécessaire pour protéger le
papier.
M. CHARRON: Ne croyez-vous pas que, dans une éventuelle
réforme de la Loi électorale, puisque c'est de cette question
qu'on parle, on devrait exiger désormais cette surveillance? J'admets
que ce n'est jamais arrivé depuis 1935, d'accord, mais le chemin a
toujours été ouvert à une intervention partisane de
quelque homme que ce soit sur l'imprimeur, sur un linotypiste ou celui qui
manipule la chose. Peut-être que ça ne s'est jamais produit, mais
le danger était que, sur commande spéciale, par activité
partisane ou autre, on puisse faire faire au moins une série de
bulletins de vote qui soient facilement identifiables.
M. DROUIN: Vous pouvez être sûr, M. le député,
que vous n'avez pas besoin d'exiger quoi que ce soit. A l'avenir le
président d'élections ou son secrétaire assistera à
la première impression des bulletins pour voir s'ils sont conformes
à l'épreuve qui a été acceptée par moi ou
par mes adjoints. Soyez assurés de cela.
M. DEMERS: M. le Président, et je m'adresse par vous à M.
Drouin, est-ce que vous êtes d'avis que l'enquête doit être
poussée plus à fond ou bien si vous pouvez simplement employer
votre personnel? Je ne mets pas en doute du tout la validité de votre
personnel, mais si on pouvait, par exemple, avoir un corps organisé et
spécialisé dans les enquêtes, reconnu par tout le monde,
qui irait questionner ces gens, on aurait quelque chose de précis.
En dépit du fait que vous soyez le président
d'élection, je ne vous connais pas de capacité d'enquêteur,
vous n'êtes pas un spécialiste là-dedans.
M. DROUIN: Pas nécessairement, non.
M. DEMERS: Je voudrais savoir si vous êtes d'avis que vous devriez
confier, le gouvernement ou les autorités compétentes,
l'enquête à un enquêteur spécialisé?
M. DROUIN: Evidemment, si votre commission veut que je fasse une
enquête, que je demande à des spécialistes enquêteurs
de la Sûreté du Québec de faire une enquête
spéciale sur ça, je n'ai aucune objection à le faire.
M. PAUL: Est-ce qu'on a besoin de l'autorisation de la commission pour
ça?
M. DROUIN: Je n'ai pas besoin nécessairement d'autorisation, mais
si vous me le demandez...
M. DEMERS: Si on vous en priait, ça ne change rien, d'ailleurs,
comme résultat.
M. DROUIN: Si vous me le demandez, je vais le faire, parce que jusqu'ici
je n'ai aucune raison de croire qu'il y a eu quelque chose d'anormal.
Maintenant, si vous croyez qu'on est mieux d'aller plus au fond des choses,
j'irai avec plaisir.
M. DEMERS: Bien moi, je pense que, pour la quiétude des gens qui
ont imprimé, d'abord pour eux, il faudrait qu'on ait la certitude, et
que ce soit affiché publiquement, qu'ils n'ont rien manigancé,
puis qu'ils n'ont rien tripoté, passez-moi l'expression. Je pense qu'on
devrait, aujourd'hui, la commission, demander que M. Drouin envoie quelqu'un
faire une enquête précise, puis ça libérera tout le
monde.
UNE VOIX: M. le Président, moi je n'ai pas d'objection à
ce que...
M. LE PRESIDENT: Un instant. Le député de
Maskinongé a la parole; il sera suivi de celui d'Iberville, de celui de
l'Assomption et de celui de Terrebonne.
M. PAUL: M. Drouin, pourriez-vous nous dire quel genre d'enquête
vous avez ordonnée, ça consistait en quoi?
M. DROUIN: Voici, l'imprimeur n'a que deux employés, il est
propriétaire, il y a trois personnes. J'ai demandé à mon
adjoint à Montréal de bien vouloir obtenir une déclaration
assermentée des deux personnes. Maintenant, M. Lauriault, le
propriétaire, est descendu à Montréal, le vendredi,
c'est-à-dire le 29, pour rencontrer, à son bureau de notaire, mon
adjoint, et puis là, après avoir regardé l'original des
épreuves que je lui ai fait parvenir, il a admis que c'était une
erreur de son imprimerie.
M. PAUL: M. Drouin, c'est le même M. Lauriault qui vous aurait
donné un affidavit à l'effet que ses employés auraient
commis l'erreur dans la manipulation de la forme. N'avait-il pas produit,
conformément à la loi, un affidavit à l'effet que les
bulletins qu'il avait livrés avaient été imprimés
suivant les exigences de la loi?
M. DROUIN: Je n'ai pas examiné la forme. Probablement qu'il me
l'a envoyée parce qu'ils m'envoient tout. J'ai reçu les
déclarations...
M. PAUL: Vous nous dites ne pas avoir examiné ce point; par
conséquent, il y a au moins cet aspect-là de l'enquête qui
n'est pas complet.
M. DROUIN: C'est-à-dire que la déclaration sous serment,
je ne l'ai pas regardée. Mais évidemment, ils se sont rendu
compte de l'erreur seulement au milieu de la journée du vote. Par
conséquent, ils ont cru que la forme avait été très
bien remontée et que les bulletins étaient imprimés tel
que prévu.
M. PAUL: Quand on vous a montré le bulletin de vote, ce
n'était pas la forme, c'était un bulletin imprimé.
M. DROUIN: Non, c'est une épreuve pour passer sur une forme.
M. PAUL: C'est une épreuve, ce n'est pas la forme elle-même
qu'on vous a...
M. DROUIN: Non, sur la forme, on passe un rouleau d'encre, puis
après ça on place un papier puis on nous donne une
épreuve.
M. PAUL: Est-ce que vous avez interrogé l'imprimeur pour savoir
quelle avait été la nécessité ou la justification
de déplacer la forme?
M. DROUIN: Non. Moi, personnellement, je n'ai pas encore vu l'imprimeur
depuis ce temps.
M. PAUL : Vous ne trouvez pas que ce serait peut-être
intéressant de le rencontrer?
M. DROUIN: Oui, évidemment comme je vous dis, on peut faire une
enquête plus approfondie.
M. PAUL: Selon l'information que nous avons obtenue de dernière
heure, la forme était moulée dans le plomb et, dans les
circonstances, le déplacement de la forme aurait été assez
difficile pour ne pas dire impossible. Est-ce que ce n'est pas fondu dans le
plomb?
M. DROUIN: Si elle a été moulée dans le plomb, je
l'ignore actuellement, mais...
M. PAUL: Advenant le cas où...
M. DROUIN: Je ne crois pas que l'imprimeur fût en mesure
d'imprimer avec ce genre de formes.
Mais tout de même, avant de mouler la forme dans le plomb, il faut
faire la forme elle-même, la monter lettre par lettre, mettre les
morceaux de plomb nécessaires pour avoir la forme. Si avant de faire ce
que vous dites, mouler dans le plomb, la forme s'est défaite, il aurait
pu faire la même chose.
M. PAUL: II avait dû nécessairement utiliser cette forme
pour l'impression d'un bulletin-échantillon.
M. DROUIN: Que voulez-vous? Pour le mo- ment, l'élection a eu
lieu le 11, le 12 il y a eu le recensement.
M. PAUL: Vous avez mentionné, M. Drouin, que 700 à 800
personnes auraient eu l'occasion de constater la forme du bulletin lors de
l'ouverture des bureaux de scrutin provisoires. Etes-vous en mesure de nous
dire que c'était la même forme de bulletins qu'on a
utilisée pour le vote provisoire?
M. DROUIN: Exactement. Le jugement a été rendu hier et il
est dit que tous les bulletins étaient semblables.
M. PAUL: Mais est-ce qu'on n'a procédé qu'à
l'ouverture de deux boîtes?
M. DROUIN: Oui.
M. PAUL: Est-il à votre connaissance qu'un avocat sur place ou
vous ou votre représentant, ait demandé à vérifier
les bulletins déposés aux bureaux provisoires?
M. DROUIN: II est à ma connaissance qu'hier devant le juge les
avocats des trois partis, soit le Parti libéral, le parti
Unité-Québec et le Parti québécois, ont convenu que
tous les bulletins de vote, même ceux des bureaux provisoires,
étaient semblables et portaient tous un numéro sur le bulletin
même.
M. PAUL: Mais votre représentant sur place n'a pas demandé
à vérifier le bulletin déposé dans les boîtes
des bureaux provisoires?
M. DROUIN: Non. Je ne lui avais pas donné ce mandat.
M. PAUL: Est-ce que le président des élections pour le
comté de Gatineau, M. Vincen-nes...
M. DROUIN: M. Sincennes.
M. PAUL: M. Sincennes. Excusez-moi, je l'enrichissais davantage.
Pourriez-vous me dire s'il avait donné des instructions aux
scrutateurs quant au déroulement de la procédure de votation?
M. DROUIN: Non. Il n'en a pas donné.
M. PAUL: Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le talon aurait
été détruit dans les bureaux de scrutin, au lieu
d'être conservé tel que la loi l'exige?
M. DROUIN: Le talon, excusez-moi, je crois qu'il doit être
détruit. Le talon doit être détruit.
M. PAUL: Est-ce qu'il n'y avait pas instruction de les garder?
M. DROUIN: S'il y a eu instruction de les garder, ce n'est certainement
pas de moi.
M. PAUL: Non.
M. DROUIN: Puis, le président d'élections, je ne crois pas
qu'il ait donné de telles instructions aux scrutateurs, parce qu'il en
aurait donné tout de même à 200.
M. PAUL: Vous avez une bonne présomption de croire que de telles
instructions n'auraient pas été données?
M. DROUIN: N'auraient pas été données.
M. PAUL: Est-ce que votre enquête vous permet de nous
déclarer aujourd'hui que de telles instructions ne furent pas
données?
M. DROUIN: Je pourrais faire l'enquête pour être plus
sûr.
M. PAUL: Alors, est-ce que vous convenez, M. Drouin, qu'à la
suite des quelques questions que nous venons de poser et que nous aurions
à poser encore, il s'imposerait que de piano c'est-à-dire de par
la fonction que vous avez, vous ordonniez vous-même, sans le consentement
des membres de la commission, une enquête approfondie menée par un
agent de la Sûreté du Québec, aux fins de connaître
tous les événements qui se sont déroulés de bonne
et j'ajoute ou de mauvaise foi à l'occasion de la tenue du
scrutin dans le comté de Gatineau?
M. DROUIN: Vous savez, M. le député, j'avais l'intention
de faire cette enquête. Mais je ne pouvais pas la faire avant, parce que
dès le jeudi après-midi 12 octobre, le recensement s'est
terminé. Vendredi, la première requête pour un
décompte a été faite. C'était sub judice à
ce moment-là. On avait décidé de faire le recensement,
mardi après-midi à deux heures.
M. PAUL: Quand avez-vous demandé votre petite enquête
maison?
M. DROUIN: Je l'ai demandée le jour même de la
votation.
M. PAUL: Est-ce que vous avez l'impression que l'enquête que vous
pourriez ordonner pourrait retarder la procédure de votation qui est
fixée maintenant pour le 15 novembre?
M. DROUIN: On ne le sait jamais. Que voulez-vous, j'ai jugé bon
que c'était nécessaire d'agir de cette façon-ci.
M. PAUL: Je pose la question suivante. Est-ce que l'enquête que
vous pourriez ordonner pourrait avoir comme effet de retarder le scrutin que
vous avez fixé, après consultation avec le président des
élections pour le comté de Gatineau, au 15 novembre prochain, si
nécessaire?
M. DROUIN: Non, cela ne l'aurait pas retardé, parce que la loi
obligeait le président d'élection, après entente avec moi,
à fixer le jour et à le fixer immédiatement. Mais cela
aurait pu retarder, par exemple, le décompte devant le juge. Une fois
que c'est rendu devant le juge, je n'ai pas à m'en mêler. Mais
maintenant que le décompte est fini depuis hier, aujourd'hui, je suis
ici.
M. PAUL: M. Drouin, est-ce que vous êtes en mesure de nous
déclarer ce matin, que vous allez de vous-même ordonner
immédiatement une enquête par des spécialistes en la
matière, ou s'il vous faudra consulter avant d'ordonner une telle
enquête?
M. DROUIN: Je peux ordonner une enquête de moi-même. Je n'ai
besoin de consulter personne. J'ai la juridiction pour cela.
M. PAUL: Est-ce que vous avez l'intention d'ordonner cette enquête
dès aujourd'hui?
M. DROUIN: Oui. M. PAUL: Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Iberville.
M. CROISETIERE: L'honorable député de Maskinongé a
couvert en partie les questions que j'avais l'intention de poser.
M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.
M. PERREAULT: J'aurais quelques questions à poser au
président. Quand ont été livrés les bulletins par
l'imprimeur?
M. DROUIN: Evidemment, vous comprenez, l'heure de la livraison
même...
M. PERREAULT: Le jour?
M. DROUIN: Les bureaux spéciaux de scrutin ont été
ouverts le samedi. Les bulletins, à mon sens, d'après les
renseignements que j'ai eus dans le temps... Je n'ai pas pris de note parce
qu'on ne s'attendait pas à cela. Voyez-vous, lors d'élection on
n'a pas l'habitude... Je ne sais... Les bulletins auraient été
livrés, d'après moi, vers le 5.
M. PERREAULT: Vers le 5. Ces bulletins sont livrés au
président d'élection?
M. DROUIN: Au président d'élection.
M. PERREAULT: Deuxième question. Est-ce qu'il n'est pas normal,
en temps ordinaire, pour le président d'élection du comté,
de vérifier les bulletins de vote qu'il reçoit de
l'imprimeur?
M. DROUIN: C'est normal, mais c'est aussi normal pour un
président d'élection de penser, après que les
épreuves ont été corrigées par le président
général des élections, qu'il ne peut pas y avoir d'erreur.
Parce que, normalement, il n'y en a pas. C'est tellement vrai que, normalement,
il n'y en a pas, que c'est un cas parmi combien? Si vous multipliez combien on
a fait imprimer de bulletins... Voyez-vous, j'ai sept élections
générales. Multipliez cela en moyenne par cent, parce qu'il y a
des années où on a eu 108 comtés et d'autres années
on en a eu 90, mettez une moyenne de cent, cela fait 700 bulletins
imprimés. J'ai tenu au-delà de 40, 45 ou 50 élections
partielles, cela fait 750 bulletins qui ont été imprimés
sous ma juridiction et jamais une telle chose ne s'est produite. Il n'est
jamais arrivé qu'un bulletin n'ait été imprimé
conformément à l'épreuve qui nous avait été
fournie.
M. PERREAULT: Mais ne croyez-vous pas qu'il serait normal que le
président d'élection du comté vérifie la
marchandise livrée?
M. DROUIN: Oui, oui, je comprends.
M. PERREAULT: Deuxièmement, je ne connais pas le monsieur en
question, mais depuis quand est-il en poste comme président
d'élection?
M. DROUIN: II est en poste depuis 1969.
M. PERREAULT: Depuis 1969. Considérez-vous que le
président d'élection du comté a toutes les qualifications
requises pour ce poste?
M. DROUIN: Ah bien! Ecoutez, une minute! J'ai une élection en
cours. Je peux difficilement...
M. PERREAULT: Mais il a subi une drôle d'élection. Il a
été président d'élection, est-ce que...
M. DROUIN: C'est lui qui a présidé à
l'élection de 1970...
M. PERREAULT: Et tout était parfait.
M. DROUIN: ... et personne ne s'en est plaint.
M. PERREAULT: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.
M. HARDY: M. le Président, l'honorable député de
Maskinongé a couvert entièrement le terrain sur lequel j'avais
l'intention de poser des questions. Les réponses du président
général des élections ont satisfait entièrement ma
curiosité à sujet.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais demander
à M. Drouin combien coûte l'élection de Gatineau?
M. DROUIN: Evidemment, vous dire au juste. Je peux parler de ce que cela
coûte à la province, mais je ne peux pas parler de ce que cela
coûte aux partis politiques.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, pour la province?
M. DROUIN: Le jour du vote même, j'ai fait le calcul hier, le
scrutateur, le greffier, les deux représentants, le constable que nous
payons et le bureau de scrutin, cela monte à peu près à
$32,000 ou $33,000.
M.DEMERS: Pour l'élection de Gatineau...
M. LAVOIE (Wolfe): Cela comprend les énumérateurs, les
réviseurs, etc?
M. DROUIN: Non, les énumérateurs, les réviseurs,
évidemment...
M. CHARRON: On parle de toute l'élection...
M. DROUIN: C'est parce qu'on ne reprend pas l'énumération,
n'est-ce pas?
M. LAVOIE (Wolfe): Non, je comprends.
M. CHARRON: C'est donc dire que "l'erreur", jusqu'à ce que sorte
votre enquête...
M. DROUIN: Oui, oui.
M. CHARRON: ... "l'erreur" de l'imprimeur va faire que le Québec
va encourir une autre dépense de $30,000 à $35,000 pour
l'élection du 15 novembre?
M. DROUIN: Evidemment, si on tient les élections le 15, il va
falloir ouvrir des bureaux de scrutin, il va falloir payer, il n'y a pas
d'erreur.
M. CHARRON: C'est encore $30,000 à $35,000.
M. DROUIN: C'est encore $30,000 à $35,000.
M. CHARRON: Le contrat d'imprimerie de Lauriault était de
combien?
M. DROUIN: Pour l'imprimerie de Lauriault, le compte est de $1,200.
M. DEMERS: Est-ce qu'il est prêt à tout reprendre pour
rien?
M. DROUIN: Je ne sais pas...
M. LAVOIE (Wolfe): Vous êtes assuré pourtant pour ces
affaires.
M. DEMERS: Vous êtes assuré...
M. DROUIN : Le président général n'a pas encore
décidé qui imprimerait les autres bulletins. Ce n'est pas dans
mes habitudes de dire où je les fais imprimer.
UNE VOIX: Non mais on peut dire où.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Drouin, pour l'élection du 15
novembre, ce sont les mêmes listes qui vont servir?
M. DROUIN: Oui, les mêmes listes révisées.
M. DEMERS: Est-ce que cela va être les mêmes promesses?
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est le même président
d'élection qui va être en fonction?
M. DROUIN: Actuellement c'est le même président
d'élection, évidemment, parce qu'hier c'est lui qui a
donné l'avis, avec sa signature, à l'effet qu'il y aurait une
autre élection. Comme il fallait que cela se fasse immédiatement,
il n'a pas été question de savoir s'il voulait être
remplacé ou non.
M. LAVOIE (Wolfe): Est-ce que vous entendez prendre des poursuites
contre l'imprimeur?
M. DROUIN: Cela, évidemment, n'a pas encore été
jugé. On va toujours faire l'enquête que vous nous demandez de
faire. Alors, on verra.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: Est-ce que la province va défrayer une partie des
dépenses des candidats dans les deux élections?
M. DROUIN: J'ai regardé ça hier et je n'ai pas
terminé. Mais je reste sur ma première impression, après
avoir examiné ça, que les dépenses des candidats qui ont
droit à un remboursement seront remboursées pour la
deuxième élection.
M. PEARSON: Ah bon! Cela est en plus des $33,000 que vous avez
mentionnés.
M. DROUIN: On dit, à un moment donné, dans l'article:
Cette élection est tenue à tous égards comme toute autre
élection. Alors, cette élection laisse sous-entendre que c'est
une autre élection.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier. Je m'excuse à
son endroit, il m'avait donné avis avant que je cède la parole
à d'autres.
M. PICARD: M. le Président, le député de
Maskinongé, tout à l'heure,dans ses remarques, a attaché
beaucoup d'importance à la possibilité pour l'imprimeur
d'utiliser la méthode du coulage de la forme dans le plomb. J'aimerais
attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que le
problème réside bien plus dans le numérotage du bulletin
que dans le fait de savoir si l'inscription était à gauche au
lieu d'être à droite. Le numérotage ne se fait pas dans une
forme de plomb.
M. PAUL: Nous notons, M. le Président, avec beaucoup
d'intérêt, que le député d'Olier est très
renseigné sur les événements des élections dans
Gatineau.
M. HARVEY (Chauveau): II connaît passablement l'imprimerie en tout
cas.
M. PICARD: J'aimerais vous faire remarquer que le problème a
été dans les machines à numéroter les bulletins. Il
se peut que les techniciens préposés au fonctionnement de cette
machine aient placé le papier à un mauvais endroit ou la machine
à numéroter à un mauvais endroit.
M. PAUL: Sûrement que M. Sincennes va vous remercier pour le
secours que vous lui apportez.
M. PICARD: Je ne le connais pas.
M. HARVEY (Chauveau): II ne lui charge pas un cent à part
ça !
M. LE PRESIDENT: Le député d'Iberville.
M. CROISETIERE: M. le Président, j'aurais une question à
poser à M. Drouin. Est-ce que le président d'élection, M.
Sincennes, aurait eu l'occasion, avec vous-même, de vérifier
l'épreuve du bulletin de vote?
M. DROUIN: Lorsque j'ai corrigé l'épreuve à mon
hôtel, à Ottawa, le soir du 27, M. Sincennes et mon adjoint de
Montréal étaient présents.
M. CROISETIERE: Et vous n'avez aucune information à l'effet que,
par la suite, M. Sincennes aurait pu vérifier cette correction?
M. DROUIN: Non.
M. CROISETIERE: Non. Très bien, merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions à l'adresse
de M. Drouin?
M. Drouin, nous vous remercions pour toutes les informations que vous
nous avez fournies.
M. DROUIN: Merci.
M. HARDY: Je pense que ma suggestion était quand même
valable. Le témoignage de M. Drouin a permis à tous les membres
d'avoir une vue plus juste de la réalité. Je ne vois toujours pas
pourquoi le député de Saint-Jacques s'opposait.
M. LE PRESIDENT: Je donne la parole au député de
Frontenac.
Listes permanentes
M. LATULIPPE: J'aimerais revenir sur un sujet qui a été
abordé par le député de Terrebonne, relativement à
la question des listes permanentes.
Vous disiez que vous vouliez introduire là-dedans la notion
d'électronique, de bandes magnétiques. Je ne sais pas si vous
avez pris connaissance de la déclaration qu'avait faite M. Drouin
à ce sujet; il y voyait, lui aussi, de fortes réticences. Vous
avez même mentionné qu'il y a toujours des personnes mal
intentionnées et que, dans un système où l'on se soumet,
justement, à une liste permanente, une personne mal intentionnée
peut intervenir et facilement tout débalancer. Cela peut avoir des
conséquences très importantes pour l'ensemble du territoire
québécois, alors qu'avec le système plus artisanal et
beaucoup moins efficace, d'accord, que nous avons il y a moins de
possibilités qu'un nombre d'individus restreint puisse porter une action
qui aurait des conséquences importantes.
M. MORIN : Je ne suis pas de l'avis du député de
Frontenac. Je ne sais pas s'il a lui-même beaucoup utilisé les
machines. En ce qui me concerne, j'ai eu l'occasion de m'y familiariser
grâce à la jurimétrie, c'est-à-dire à
l'utilisation de l'électronique pour créer une banque de
données et d'informations juridiques. Or, le système est
étonnant. Il peut être contrôlé d'une manière
très stricte. Ce n'est pas une chose qui ne peut pas être
contrôlée. Il suffit qu'il y ait un certain nombre de personnes
honnêtes je pense qu'il y en a pour s'assurer que les
machines ne soient pas faussées. D'ailleurs, il est très
difficile de fausser les machines. Il faut connaître cela. Il faut
vraiment être initié au langage spécial de ces machines
pour pouvoir vraiment arriver à tromper systématiquement la
machine.
Il y a toutes sortes de moyens de contrôle que la machine peut
exercer sur elle-même, par-dessus le marché. C'est une question de
programmation. Malgré la centralisation des données dans une
même machine, avec un contrôle local, chacun allant s'inscrire dans
sa municipalité c'est donc dire qu'on conserve quand même
un aspect de décentralisation je serais moins inquiet de ce
système que des conséquences qui résultent presque
inévitablement de la faillibilité humaine dans le système
de recensement actuel.
M. LATULIPPE: M. le Président, ne croyez-vous pas
également que des choses comme celles qui se sont produites, disons,
à Sir George Williams, assez récemment, puissent se produire dans
les lieux où sera située cette machine et qu'effectivement des
vandales puissent facilement couper le courant électrique ou s'organiser
d'une façon systématique pour saboter intentionnellement le
travail?
M.MORIN: Non, quand même pas, parce que les listes sont
imprimées on peut les faire imprimer tous les jours par la
machine en question. Donc, ce n'est pas seulement la machine qui a
l'information. Dans chaque municipalité, le cahier des électeurs
existe. On peut autoriser la municipalité à faire des
modifications qui sont valables, tout en n'étant pas enregistrées
dans la machine centrale. La machine centrale est un moyen de contrôle de
ce qui se passe dans les municipalités, si vous voulez.
D'ailleurs, on peut concevoir, même à la limite un
jour, ce sera certainement la réalité, au Québec
que la machine centrale, la banque de données centrale soit
reliée à des terminaux situés dans chacune des
municipalités. Des personnes compétentes pourraient pianoter tout
simplement l'information; elle serait enregistrée sur le plan local et
enregistrée au centre, avec contrôle mutuel et réciproque.
Tout cela est concevable. Ceux qui connaissent l'électronique savent que
cela donne, quand même, des garanties de précision et d'exactitude
qu'on ne peut pas trouver dans le système actuel.
M. LATULIPPE: Vous avez des garanties de précision et
d'exactitude, mais il est aussi facile de couper des câbles et
d'empêcher l'accès aux services de la machine. C'est très
dangereux. Je trouve qu'on met le système à la merci de
spécialistes. Cela peut être assez dangereux. On peut saboter une
machine deux mois avant les élections, avec des conséquences
extraordinaires que, le jour de l'élection, on ne sera pas
prêt.
M. MORIN: M. le Président, je suis accompagné d'un
spécialiste de l'électronique. Si vous voulez, je vais lui donner
la parole. Il pourra nous éclairer davantage sur la question. M.
Vallières, de Saint-Jérôme.
M. VALLIERES: M. le Président, c'est tout simplement pour
péciser que la banque d'informations peut être
générée ad infinitum en copies. C'est très facile
à faire, d'ailleurs. En général, dans de grandes
entreprises où il y a
danger par exemple, dans le génie où on se sert
beaucoup de l'informatique on sort une deuxième, une
troisième génération qu'on met à couvert, dans un
lieu sûr. Même de grandes compagnies ont loué des
voûtes de sûreté pour emmagasiner leurs deuxième et
troisième générations. Alors, ce n'est pas un
problème, de ce côté.
M. LATULIPPE: Disons que je pousse un peu à l'extrême. On a
tout centralisé, comme cela, dans un centre de données, avec des
terminaux dans diverses régions. Or, effectivement, des gens fort
habiles réussissent à faire sauter ce centre de données.
Là, vous avez tous les terminaux. Ils font cela, je ne sais pas, 48
heures, deux semaines ou trois ou quatre semaines, dans un but
stratégique.
Ils choisissent leur journée pour qu'effectivement, après
que le président aura déclaré qu'il y aura élection
tel jour, il soit impossible de le faire, qu'on soit obligé de revenir
aux structures manuelles pour essayer de s'en sortir. Je trouve que c'est
placer le système à la merci d'éléments assez
discriminatoires. C'est une hypothèse, peut-être que ça ne
se produira jamais. Mais ça peut se produire. Je suis pour le
progrès, mais je m'interroge fortement sur la valeur...
M. VALLIERES: Encore là, il y a des moyens très faciles de
contourner le problème. C'est que cet emmagasinage est dans un code
unifié. Il y a beaucoup de termes techniques pour ça. C'est un
code unifié où même une bande magnétique peut se
reproduire sur une machine IBM, Electro Data ou autre, pour autant qu'on se
serve du même code. Ce n'est pas un problème, il y a plusieurs
façons de contourner ces choses.
M. MORIN : C'est surtout la multiplication des banques qui rend
ça impossible. Si par hasard l'une des voûtes contenant les
banques était attaquée quoiqu'on ne voie pas très
bien pourquoi, il faudrait vraiment des gens mal intentionnés, comme,
j'imagine, il n'y en a pas tellement au Québec de toute
façon, surtout dans cette période de paix relative, on peut avoir
une seconde banque à l'abri quelque part, et une troisième. Et on
peut même avoir une banque qui se trouve à l'étranger dans
une centrale qui est située aux Etats-Unis ou en Europe. Tout ceci passe
par câble et, en l'espace de quelques secondes, on est en rapport avec un
cerveau électronique situé en Norvège ou Dieu sait
où. C'est une question de fils, et on peut même le faire sans fils
aujourd'hui. Il n'y a pas de problème vraiment de ce
côté.
M. PICARD: La Galerie nationale à Ottawa. M. MORIN: Même
à Ottawa.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: Sur le même sujet de la liste électorale, vous
n'avez pas pensé assortir ça à une condition. A
Montréal, il y a environ 300,000 déménagements par
année. Cela supposerait qu'il yaurait défense de tenir des
élections durant le mois de mai ou le mois de juin; autrement, la liste
elle-même serait complètement désiquilibrée. Cela
fait pas mal de déplacements d'électeurs dans un mois.
Si ces gens ont été énumérés dans un
autre comté, d'après la loi actuelle ils sont obligés de
voter dans le comté où ils ont été
énumérés, ce qui veut dire qu'à toutes fins
pratiques il y a pas mal de ces électeurs qui ne vont pas voter.
Qu'est-ce qui arriverait? Est-ce que vous avez pensé à ce
problème?
M. MORIN: Le député de Saint-Laurent soulève un
problème concret, mais qui existe déjà à l'heure
actuelle. Comme on l'a fait remarquer au début de la séance, il
se produit dans beaucoup de cas énormément de
déménagements entre le moment où
l'énumération est faite et le moment où la votation a
lieu. A l'heure actuelle, c'est déjà le cas. De sorte que si on
met les choses sur une liste permanente, électronifiée, par
exemple, l'électeur peut obtenir très rapidement son changement
de liste électorale et faire valider sa carte pour un autre district
électoral.
Il se rend à l'hôtel de ville, s'identifie, donne des
garanties de son identité, il a déménagé à
tel endroit, l'hôtel de ville peut contrôler très facilement
et, dans la journée ou dans les 24 heures, il a une carte
d'électeur modifiée. Et le contrôle est fait dans tous les
sens. Au maximum, je pense que ça peut se faire en deux jours.
Donc, il y a des électeurs qui auraient été
inscrits sur la liste des énumérateurs, qui ne pourraient pas,
selon le système actuel, voter et qui grâce à ce
système nouveau et beaucoup plus rapide, pourraient exercer leur droit
de vote, même s'ils ont déménagé entre l'annonce de
l'élection et le moment où la votation a lieu.
M. PEARSON: Par contre, ça crée un autre problème,
c'est que cet électeur est inscrit sur une liste et il n'aura pas le
droit de vote. Qui le saura? Il faudra que les gens soient avisés. Par
contre, il va aller voter dans un comté où il n'est pas inscrit
sur une liste électorale.
M. MORIN: C'est-à-dire que la liste électorale peut
être donnée dans chaque comté, tous les jours. Ces machines
sont extrêmement rapides.
M. PEARSON: Je comprends, mais cette liste doit être
affichée. Les scrutateurs et les greffiers ont devant eux une liste, ce
bonhomme va venir voter et il n'est pas inscrit sur la liste. Par contre, dans
l'autre comté il est inscrit sur la liste et il n'ira pas voter. Ce sont
des détails techniques mais qui...
M.MORIN: Ce qu'on fait dans un cas comme ça, c'est qu'au lieu du
système actuel, qui requiert de trois semaines à un mois entre le
moment où on affiche et les élections, on peut ramener ça,
grâce à l'électronique et grâce à la
permanence de la liste, à quelques jours.
Bien entendu, il faut à un moment donné que la loi tombe,
que le couperet tombe et qu'on dise: Sept jours avant l'élection, il n'y
a plus de modification possible. Si vous déménagez au cours de
cette période, c'est bien malheureux, mais vous ne pourrez pas
voter.
On a réduit la marge d'erreurs de trois semaines à une
semaine. Ou même on peut le faire en quatre ou cinq jours
peut-être. En tout cas, avec l'électronique, c'est possible de la
réduire à 24 heures, c'est possible de sortir une liste qui est
à jour, exactement à jour, 24 heures avant le scrutin.
M. PEARSON: Vous pensez que le problème n'est pas assez
sérieux pour assortir votre mémoire de cette condition,
c'est-à-dire de défendre de tenir des élections, disons
dans les premières semaines de mai. Cette période est celle
où il y a le plus de déménagements. Il y en a pendant
toute l'année. On sait bien que, dans la région de
Montréal, il y en a 300,000 à peu près par année;
dans la région de Québec, il y en a également; dans les
villes, en tout cas.
M. MORIN: C'est un problème, mais j'avoue que nous ne l'avons pas
étudié à fond. C'est lié, peut-être à
un autre problème que les députés connaissent bien, celui
de l'étagement dans le temps des déménagements. Vous en
avez parlé à l'Assemblée nationale, je pense, il n'y a pas
si longtemps. Il est toujours question de faire une loi qui permettrait aux
gens d'avoir des baux dont l'échéance ne serait pas toujours le
1er mai, par exemple.
M. VEILLEUX: On en a parlé hier.
M. MORIN: Vous en avez parlé hier, je l'ignorais. C'est
lié à ça; c'est évident que, si les
déménagements pouvaient se faire toute l'année, ça
ne réglerait pas que les problèmes des déménageurs,
ça pourrait régler également les problèmes des
organisateurs d'élections.
M. le Président, nous avons une autre question bien importante
à discuter. Je vois que le temps avance. Nous n'avons même pas
abordé toute la question de l'égalité
financière.
M. HARDY: Si vous terminez la question de la liste permanente, je
voudrais conclure, pour votre satisfaction personnelle, par ce que j'ai dit
déjà: il y a un consensus sur le principe, il reste la
modalité que nous continuons à explorer pour arriver à
trouver le meilleur système. Je pense bien que tout le monde s'entend
sur la nécessité d'avoir une liste permanente.
M. MORIN: II reste peut-être deux ans, peut-être moins avant
les prochaines élections. Si je peux...
M. HARDY: C'est-à-dire que nous...
M. MORIN: ... modestement me permettre une suggestion, c'est d'essayer
de trancher la question assez rapidement.
M. HARDY: Pour un grand juriste comme vous, je vous ferai remarquer que
vous savez comme moi qu'il reste au moins trois ans avant les prochaines
élections.
M. PAUL: Peut-être pas au moins, au plus!
M. LE PRESIDENT: M. Morin, est-ce que vous pouvez être avec nous
cet après-midi pour continuer le débat?
M. MORIN: A quelle heure la séance recommencera-t-elle, M. le
Président, vers...?
M. LE PRESIDENT: Vers deux heures.
M. MORIN: Vers deux heures.
M. LE PRESIDENT: Deux heures quinze.
M. HARDY: Pour vous être agréable, nous pourrions devancer
et commencer à deux heures, probablement.
M. MORIN: Est-ce qu'on pourrait terminer... je pense qu'on peut terminer
de deux à trois parce que...
M. HARDY: Je m'excuse, je parlais pour moi mais ça pourrait poser
des problèmes à d'autres. Alors, ce serait deux heures
trente.
UNE VOIX: Vers trois heures.
M. HARDY: Vous devez partir à trois heures?
M. MORIN: Nous avons une conférence de presse à
Drummondville, sur un sujet tout autre et nous devons quitter...
M. LE PRESIDENT: A quelle heure?
M. MORIN: C'est à 4 h 30 à Drummondville, et il faut y
mettre une heure, une heure et demie pour descendre, ce qui veut dire qu'on
doit partir vers trois heures. On n'aura pas le temps d'épuiser le
problème.
M. HARDY: Nous pouvons continuer jusqu'à midi et trente et nous
reprendrions nos travaux à deux heures.
M. MORIN: Bien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Je ne veux pas m'éterniser sur la question. Vous
avez dit qu'il était possible de faire des changements très
rapides. Est-ce que le coût des changements très rapides comme
cela devient prohibitif? Est-ce que ça peut être une raison
suffisante pour que ces changements ne se fassent pas rapidement?
Deuxièmement, est-ce que vous avez évalué quel
était le coût de l'implantation d'un tel système?
J'aimerais également mentionner que, par exemple, au Service de
santé du Québec, relativement à une carte
d'assurance-hospitalisation, j'ai déjà présenté des
demandes pour correction d'erreurs. On m'a dit: On ne peut pas corriger
seulement cette erreur-là; ça coûterait $4,000 pour la
corriger. Alors, on va attendre d'en avoir un certain lot d'un type identique
et faire une seule programmation pour ça. C'est ce qu'on m'a
répondu. A ce moment-là, je ne sais pas si ça ne peut pas
devenir un facteur aliénant.
M. VALLIERES: M. le Président, si on le compare au coût
supplémentaire de recensement, je pense que le système
électronique est certainement à meilleur compte. L'avantage,
c'est que c'est toujours instantané. On tient pour acquis que chaque
électeur a un code, disons son numéro de carte sociale. Ce code
est inscrit à la banque d'informations centrale et, à l'instant
où vous poinçonnez ce code, c'est une affaire de quelques
millisecondes d'aller chercher un code sur un million de personnes.
Ce n'est pas une affaire de deux jours; c'est une affaire de quelques
millisecondes pour aller chercher un code. Alors, à l'instant, vous
poinçonnez un changement et vous effacez automatiquement toute la ligne
de ce code. Vous avez déjà vu les sorties des
répétiteurs électroniques des ordinateurs. Vous effacez
automatiquement l'erreur dans la bande d'informations et vous
réinsérez la nouvelle information. Donc, si ce monsieur-là
est déménagé du point A au point B, automatiquement et en
même temps, vous annulez l'autre code.
M. LATULIPPE: Mais pour les coûts?
M. VALLIERES: Les coûts, naturellement, j'ai dit que
c'était un système qui fonctionnait en permanence. Vous parlez
d'un système centralisé, tel que celui, par exemple, du
ministère de l'Education, ici à Québec, qui fonctionne 24
heures par jour. Là, ce n'est pas une question de coût; c'est une
question de temps. Combien de temps allez-vous prendre à travers toutes
les autres choses? Je pense que c'est un 360. Je ne veux pas parler du point de
vue commercial, parce que ce n'est pas mon champ, du tout. Si je compare
ça avec des données que j'ai, c'est $400 l'heure. En une heure,
vous pouvez sortir des milliers et des milliers de variations de codes.
Là, je me base un peu sur le coût d'exploita- tion d'un
360. Je pense que c'est $400 l'heure ou quelque chose comme ça.
M. LATULIPPE: C'est donc dire que le cerveau pourrait servir à
beaucoup d'autres fins que celle-là.
M. VALLIERES: C'est sûr, c'est centralisé. Il s'agit tout
simplement de sortir la bande que vous voulez et c'est tout.
M. LATULIPPE: Vous venez justement de définir qu'il faudrait
qu'il y ait peut-être des heures réservées pour cette
disponibilité immédiate.
M. VALLIERES: II ne faut pas oublier, à part ça, que vous
avez ce que l'on appelle l'opération multiplex où vous pouvez
changer des sorties de différents points en même temps que
l'ordinateur, lui, sort son travail. Vous pouvez interroger un ordinateur, par
exemple, de 25 ou 30 points à la fois. C'est une affaire de quelques
millisecondes. Il fait sa sélection lui-même.
Je ne prêche pas pour la valeur commercial des ordinateurs; je
n'ai rien à faire avec ça, entendons-nous.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président, je suis un peu d'accord avec M.
Morin qui dit que, pour enlever le plus possible de fraude, que ce soit sur une
liste permanente ou autre, il faudrait absolument que nous ayons une carte
d'identité obligatoire qui pourrait servir à plus d'une fin.
Comme exemple, M. Morin, vous avez mentionné les permis de conduire.
Je me souviens il y a eu un cas à Saint-Jean devant le tribunal
et le juge a enlevé un permis de conduire à un type celui-ci a
dit: Lequel voulez-vous parmi les six que j'ai dans la main? Alors, il est
facile pour les gens d'avoir plus d'un permis de conduire, comme il est assez
facile d'avoir plus d'une carte d'assurance-maladie. Je pense que, si on inclut
la liste permanente, il faudrait rechercher aussi le moyen le plus efficace
pour éliminer le plus de fraudes possible, concernant ces
listes-là. Quant à retourner au niveau des municipalités,
à Saint-Jean, quelques mois après les élections de 1970,
il y a eu des élections municipales. D manquait, uniquement pour la
ville de Saint-Jean, 3000 noms sur la liste électorale municipale, ce
qu'on n'a pas vu au niveau provincial. Même le nom du
député n'était pas sur la liste, je ne sais pas si
l'énumérateur s'imaginait que je ne vivais pas à
Saint-Jean, mais...
M. HARDY: Vous n'étiez pas député dans ce
temps-là.
M. VEILLEUX: Oui, j'étais député à ce
moment-là.
UNE VOIX: Aux élections municipales.
M. VEILLEUX: Aux élections municipales.
M. PAUL: Ds vous ont apprécié à votre valeur.
M. VEILLEUX: Pas à ma grosseur. Merci, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: M. Morin, je vous invite à continuer.
M. MORIN: Nous abordons évidemment un sujet qui est
peut-être plus délicat que celui-là. Je suis très
heureux de constater qu'il y a unanimité sur le principe de la liste
permanente et de la carte électorale, inutile de vous le dire, M. le
Président. Nous abordons la question de l'égalité des
chances devant l'électorat. Nous en parlons longuement dans notre
mémoire. Bien entendu, nous tenons pour acquis qu'il s'agit de partis
reconnus, c'est-à-dire nous les avons définis comme ayant
présenté des candidats dans au moins les deux tiers des districts
électoraux, ce qu'on appelle les comtés, aux élections
précédentes ou à l'élection dont il s'agit au
moment de la fermeture des mises en nomination. Tout parti reconnu,
sérieux on ne voit pas de formations fantômes
présenter des candidats dans deux tiers des comtés
devrait, à notre avis, avoir des chances égales devant
l'électorat.
M. PAUL: Le parti parti ne sera pas reconnu!
M. MORIN: A l'heure actuelle, je ne pense pas qu'il satisfasse aux
critères, M. le député. Le fond de ça, M. le
Président, c'est que nous pensons que désormais on devrait faire
appel à l'intelligence des électeurs et essayer de les
éduquer politiquement. Tous les partis devraient essayer de faire
ça, plus qu'on ne l'a fait dans le passé. Trop souvent, dans le
passé, on a vendu un parti politique comme on vend du savon,
c'est-à-dire non pas par la tentative de convaincre, persuader, mais la
tentative de faire appel au consommateur qui se cache dans tout
électeur. C'est-à-dire qu'on pense que répéter le
même mot, le même slogan 1000 mille fois à la
télévision ou à la radio, ça va finir par
influencer le vote. Et, effectivement, cela l'influence, il faut bien le
dire.
M. PAUL: Quand cela touche les 100,000!
M. MORIN: Oui, précisément. Il faut dire que ça ne
nous paraît pas sain pour la démocratie québécoise.
Nous nous fondons tous sur la démocratie, nous acceptons tous le jeu
électoral, la règle de la majorité, mais nous pensons que
ce n'est pas suffisant. Il faudrait désormais essayer de faire appel
à l'intelligence de l'électeur.
M. HARDY: Sur tout ce que vous venez de dire, c'est bien difficile de ne
pas être d'accord; c'est quasiment comme être pour la vertu et
contre le péché.
Maintenant, vous proposez dans votre mémoire que "tout parti qui
présenterait des candidats dans les 2/3 des comtés serait
automatiquement parti reconnu", et vous dites qu'il n'y a pas de danger.
Personnellement, je m'interroge là-dessus. Vous savez que c'est
très facile de présenter des candidats dans les deux tiers des
comtés. C'est relativement facile. Il s'agit tout simplement de ramasser
$200 multiplié par X, et vous avez des candidats et des signatures
aussi, vous savez.
C'est parce que j'ai vu le cas, à un moment donné, d'un
type qui s'est présenté dans un comté et qui avait un
casier judiciaire. Evidemment que, s'il avait été élu, il
aurait été automatiquement "disqualifié", il y aurait eu
des procédures pour le "disqualifier". Personne ne connaissait ce
bonhomme dans le comté, il avait un casier judiciaire, et tout cela a
provoqué des élections. Alors si cela peut se faire, dans un cas,
cela peut se multiplier. Avec les corollaires de votre proposition, c'est une
question que je considère sérieuse, en tout cas. On pourrait se
poser la question à savoir: qui dit qu'un groupe, même pour des
fins absolument étrangères à la politique, qui voudrait
faire de la publicité qui voudrait faire connaître ses gens, des
vendeurs, par exemple, supposons un groupe de gens qui font de la vente, soit
Inspiration-Succès ou toutes sortes de choses semblables, ne pourrait
pas profiter d'une élection pour faire de la publicité, pour
seulement faire connaître des individus.
Alors, ils mettent des gens dans les deux tiers des comtés. C'est
une publicité relativement bon marché, $200 par comté, et
automatiquement, ils auraient droit à du temps à la
télévision. Ces bonshommes pourraient aller à la
télévision et pas nécessairement parler de politique, ou
en parler un peu pour justifier leur présence, mais le but
véritable qui serait poursuivi n'aurait rien à voir avec la
politique. Dans un deuxième temps, c'est l'aspect non
sérieux qui me frappe me fondant sur les mêmes principes
démocratiques que vous, je vois difficilement comment un parti, tout
simplement parce qu'il aurait présenté des candidats dans les
deux tiers des comtés, qui recueillerait 2 p.c. ou 3 p.c. des voix,
aurait le même temps qu'un parti politique qui recueillerait 25 p.c, 30
p.c, 35 p.c. ou 40 p.c. des voix. Je ne vois pas comment vous pouvez concilier
cette situation avec les grands principes démocratiques que vous
énoncez.
M. LAVOIE (Wolfe): Je voudrais ajouter juste un mot. Il y a aussi
l'affaire que certains partis politiques bénéficient d'une
publicité à pleine page pendant quatre ans et que d'autres partis
sont obligés de se reprendre pendant les dernières semaines pour
pouvoir faire valoir leur programme, leur point de vue.
M.MORIN: Il y a tout de même des réponses. Je vais
seulement esquisser la réponse et je donnerai la parole à M.
Léo Jacques, qui a particulièrement creusé cette
question.
Il est évident qu'il faut mettre des garanties additionnelles.
Là, je ne faisais qu'énoncer le principe général.
Dans notre onzième recommandation nous exigeons l'enregistrement
préalable du parti, que le nom du chef de parti soit connu, que ses
statuts soient déposés et qu'il s'agisse d'un authentique parti
politique.
M. HARDY: M. Morin, encore une fois, je fais appel à vos
très grands talents et à vos connaissances de juriste. Vous
savez, aussi bien que moi, qu'il n'est rien de plus facile que de faire
enregistrer un parti politique, et de dire qu'un tel est chef. Quand vous dites
"authentique parti politique", sur quels critères allez-vous
déterminer que telle formation, qui présente des candidats dans
les deux tiers des comtés, est un authentique parti politique et que
telles autres formations ne le sont pas?
M. MORIN: C'est une question fort délicate. A moins qu'il ne
s'agisse d'une entreprise commerciale...
M. HARDY : Justement, une entreprise commerciale peut se cacher sous un
paravent. Même, il y a des mouvements politiques qui peuvent parfois se
cacher sous un paravent apolitique.
M. MORIN: II peut y avoir des partis politiques qui sont, en fait, aussi
des entreprises commerciales.
M. HARDY: Oui, oui.
M. MORIN: Beaucoup le sont, à notre expérience
quotidienne. Je crois, quand même que l'on peut établir un certain
nombre de garanties, comme l'exigence d'enregistrement, de rapports financiers.
On peut également exiger que l'adresse des bureaux soit connue et que,
dans la loi, on prévoie qu'un parti reconnu rencontre également
toutes ces exigences administratives. S'ils les rencontrent, je pense qu'on est
obligé de donner leur chance à tous les citoyens.
M. HARDY: Vous croyez que ce que vous venez d'énumérer
serait suffisant pour éviter de la supercherie et éviter que ne
se multiplie une quantité de pseudo-partis politiques. Vous pensez
qu'avec les exigences que vous avez ce serait suffisant?
M. MORIN: Avec une commission vigilante qui voit à ce que les
règlements soient respectés, je crois qu'on peut y arriver.
Maintenant, évidemment, on peut aussi aller jusqu'à l'absurde
dans ce raisonnement. Au fond, les citoyens ne pourraient plus fonder de parti
politique. Il n'y aurait plus moyen de le faire si on pousse votre raisonnement
jusqu'à la limite.
M. HARDY: Non, non. Tel que la loi existe actuellement je ne dis
pas qu'elle n'est pas perfectible il y a au moins une certaine garantie;
c'est la réponse de l'électorat. La réponse de
l'électorat constitue un certain frein. Si un parti politique
présente des candidats dans les deux tiers des comtés et si, par
la suite, l'électorat répond dans une certaine mesure, ce n'est
plus de la supercherie, parce que l'électorat a dit oui dans une
certaine mesure.
Mais si vous n'avez comme stricte exigence qu'enregistrement, chef,
adresse et des candidats dans deux tiers des comtés, vous n'avez aucun
frein à l'exagération et même à la supercherie.
M. MORIN: Je vais donner la parole à M. Léo Jacques, si
vous me le permettez.
M.JACQUES: Je crois que nous serions assez d'accord pour raffiner,
peut-être, cette définition d'un parti reconnu.
M. HARDY: D'accord.
M. JACQUES: Au fond, il s'agit d'une exigence minimale. Notre souci
premier, dans ce cas, était que la Loi électorale se fonde sur
une définition du parti, sur un critère uniforme pour tous les
partis. Tout de même, dans la loi, la définition des partis, selon
les articles, se fonde sur le chef du gouvernement ou de l'Opposition, ou
encore le critère du pourcentage ou le nombre de candidats, et ainsi de
suite.
M. HARDY: Mais ne considérez-vous pas, M. Jacques, que ces
critères sont essentiellement démocratiques, puisqu'ils
correspondent à une expression de la volonté populaire?
M. JACQUES : C'est-à-dire qu'il y a certains articles, par
exemple, où on définit les partis par rapport au chef du
gouvernement et au chef de l'Opposition officielle.
M. HARDY: Je comprends mais lorsqu'on définit l'article par un
corollaire, cela implique que c'est le parti qui a obtenu la pluralité
des voix.
M. JACQUES: Je ne crois pas qu'il s'agisse de définir les partis
selon une situation passée, si vous voulez. Il s'agit, au fond,
d'utiliser des critères uniformes qui peuvent tenir compte de
l'évolution de la situation politique au Québec. Disons que
c'était notre souci. Maintenant, je ne crois pas qu'on soit en
désaccord sur le fait qu'il y a peut-être lieu de raffiner.
M. HARDY: De raffiner.
M. JACQUES: A ce moment-là, j'imagine
qu'à peu près le seul critère à ajouter
pourrait être le pourcentage minimum des voix obtenues au cours d'une
dernière élection.
M. HARDY: C'est ce qui existe actuellement.
M.JACQUES: Oui, mais ce qu'on fait ici, c'est qu'on a quand même
un critère uniforme. D'autre part, je ne suis pas tout à fait
sûr que ce soit aussi facile...
M. HARDY: Quand vous parlez de critères uniformes, est-ce que
vous voulez dire qu'un parti politique qui aurait obtenu 4 p.c. des voix, un
autre 25 p.c. et un autre 50 p.c. devraient être reconnus sur un pied
d'égalité?
M. JACQUES: Non. Ce que je dis, c'est qu'à ce moment-là on
pourrait peut-être ajouter, comme c'est le cas dans la Loi
électorale, le critère du pourcentage des voix obtenues, un
pourcentage minimum, pour raffiner cette chose-là. Mais il reste que la
règle fondamentale, pour définir un parti, c'est le fait qu'il
présente des candidats dans les deux tiers des circonscriptions. Je ne
crois pas que ce soit aussi facile que cela, parce que cela comporte quand
même des conséquences et des exigences pour le parti qui
présente des candidats dans les deux tiers des circonscriptions.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, si vous permettez, il est midi trente. Nous
allons suspendre nos travaux, quitte à recommencer à 14
heures.
M. MORIN : Merci, M. le Président. M. HARDY: A 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
Reprise de la séance à 14 h 12
M. GIASSON (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs! Je crois qu'au moment de
suspendre nos travaux pour le dîner...
UNE VOIX: Le déjeuner, M. le Président.
M. GIASSON: Pour le déjeuner, merci, mes amis. C'est M.
Léo Jacques qui avait la parole, qui était à
énoncer ses idées sur les modalités de reconnaissance de
partis politiques au Québec. Je lui redonne la parole.
Dépenses électorales
M. JACQUES: Ce que j'avais signalé au fond, encore une fois, pour
reprendre la discussion là-dessus, c'est que je crois bien que nous
sommes assez d'accord pour ajouter aux critères que nous avons
recommandés pour définir les partis dans notre mémoire,
peut-être sur la base du pourcentage des résultats obtenus
à l'élection précédente.
Cependant, étant donné les conséquences que cette
définition des partis a forcément sur tout le reste de la loi
je pense à la nomination des officiers, au remboursement des
dépenses, et d'autre part à d'autres recommandations que nous
faisons dans le mémoire, notamment concernant l'utilisation de la radio
et de la télévision notre souci premier était
d'avoir un critère uniforme qui nous permette de définir les
partis. Cependant, nous sommes conscients tout de même que dans le
critère que nous proposons et de toute façon dans tout
critère pour définir les partis il y aura toujours une
part d'arbitraire. C'est dire que, par rapport au nombre de candidats, si on
retient ce critère, nous, nous disons deux tiers, ça nous semble
une norme raisonnable. Nous avons eu quant à nous des consultations avec
des experts à ce sujet, on nous a dit: Cela pourrait être
théoriquement qu'il y ait des candidats dans 50 p.c. des
circonscriptions plus une, c'est-à-dire en partant du fait que,
théoriquement, ça permet d'élire un gouvernement.
De toute façon, il y a toujours une part d'arbitraire, il y a
peut-être lieu de raffiner. Mais, il faudrait peut-être
éviter dans la définition de parti de prendre des critères
spécifiques, qui s'appliquent à des partis en particulier et qui
ne soient pas une règle générale au fond.
Encore une fois quand, dans la loi on parle du parti du chef de
l'Opposition ou du parti du premier ministre, au fond ce n'est pas une
règle générale. On nomme des partis, c'est ce que nous
voulons éviter.
M. LAURIN: Sur le même sujet, le député de
Terrebonne a posé la question d'une façon telle que, dans la
réponse, on en arrive à étudier les normes de
reconnaissance d'un parti reconnu. Mais je pense qu'il y a peut-être une
autre
façon d'interpréter le mémoire de la SNQ et surtout
d'envisager ce qui arrive une fois qu'un parti est reconnu.
Une fois qu'un parti est reconnu, soit à l'aide du critère
actuel qui a fait élire tant de députés, et des autres
critères qui sont mentionnés dans le mémoire, qu'on en
arrive à des normes qui permettent de reconnaître un parti.
Mais une fois que ce parti est reconnu, est-ce qu'il y aurait objection
à ce que ce parti reconnu soit tenu d'enregistrer son nom, le nom de son
chef, de ses principaux dirigeants et officiers, de déposer ses statuts
et règlements, de publier un rapport financier annuel indiquant la
provenance de son revenu et la location de ses ressources, de publier un
rapport financier soixante jours après chaque élection.
On peut aussi envisager la question dans ce sens. Je pense que ce serait
un progrès quand même qu'une fois qu'un parti est reconnu on le
soumette à des exigences nouvelles par rapport à la siuation.
M. HARDY: M. le Président, je suis entièrement d'accord
sur ce que vient de dire le député de Bourget, à la
condition et c'est là que je rejoins le mémoire du MNQ, Je
m'excuse, quand j'étais membre de cet organisme, c'était la
Société Saint-Jean-Baptiste alors...
M. MORIN: Devenu le Mouvement national des Québécois.
M. HARDY: C'est là que je suis d'accord sur les principes que
vous avez énoncés. Encore une fois, c'est bien difficile
d'être en désaccord, sur cela et par ailleurs, il faut trouver des
mécanismes de contrôle. Il ne sert à rien de faire des lois
qui, en apparence, sont presque parfaites si elles ne sont pas
appliquées. Je vais m'en tenir à l'abstrait, je ne l'identifierai
pas, mais j'ai eu connaissance aux dernières élections, par
exemple, du cas d'un parti politique; lorsqu'on faisait l'addition en lignes
agates de sa publicité soit dans les journaux, soit par des feuillets,
à la valeur moyenne de ce que ça coûte, et que, par la
suite, on allait voir le rapport de l'agent d'élection, on s'apercevait
qu'en fait le volume de publicité représentait à peu
près trois fois ce que disait le rapport de l'agent
d'élection.
M. PICARD: Cela ne s'est pas passé au Québec.
M. PAUL: De toute façon, ça devait dépasser
$210.
M. HARDY: Et pourtant il s'agit d'un parti politique je ne le
nommerai pas, il y en avait quatre, cinq qui, d'une façon
globale, en général, revendique d'une façon très
vigoureuse la pureté.
M. LAURIN: Qui joue à la vierge offensée!
M. HARDY: La raison... écoutez, M. le Président, c'est
très facile; il y a des prix uniformes dans les journaux et d'ailleurs
la Loi électorale prévoit qu'un journal n'a pas le droit de
donner une réduction à un parti.
M. LAURIN: J'aimerais que vous me communiquiez le résultat de
votre étude et qu'on l'examine conjointement.
M. HARDY: Cela me fera plaisir.
M. PAUL: M. le Président, comme l'honorable député
de Terrebonne on pourra mentionner le parti.
M. LAURIN: Nous l'avons tous reconnu.
M. PAUL: J'ai cru déceler qu'il pourrait s'agir d'un parti autre
que le mien. Je serais intéressé à être membre de ce
petit comité d'amis qui pourrait faire la révision des
dépenses électorales, à moins que mon honorable ami le
député de Bourget ne s'oppose.
M. LAURIN: Je n'ai aucune objection, aucune objection.
M. MORIN: M. le Président, s'il semble bien prouvé que des
contrôles efficaces...
M. PAUL: S'imposent.
M. MORIN: C'est ça exactement. Est-ce que je crois déceler
parmi les membres de la commission, un accord de principe sur la question?
M. HARDY: Sur le principe, oui.
M. MORIN: Donc le corollaire, la conséquence serait qu'il faut
reconnaître au président d'élection ou à la future
régie électorale, si vous acceptez d'en créer une et si
vous prenez les dispositions pour le faire, des pouvoirs accrus, des pouvoirs
d'enquête. C'est ce que nous recommandons dans notre mémoire.
M. HARDY: C'est-à-dire des pouvoirs efficaces parce
qu'actuellement la loi prévoit des pouvoirs. La loi prévoit qu'on
peut poursuivre les gens, il y a toute une série de choses. Mais la
difficulté est de trouver des mécanismes, non pas
intellectuellement ou rationnellement valables, mais concrets. C'est un peu
comme le problème des dépenses électorales. C'est bien
beau de dire qu'on ne peut pas dépenser plus que tant par
électeur, que c'est très précis, mais encore faut-il et
que, si un candidat, un agent d'élection ne respecte pas ça, il
soit passible d'amende et même de prison dans certains cas.
C'est bien beau de voir tout ça, mais il s'agit de savoir dans
quelle mesure, dans la réalité concrète, tout cela peut se
vérifier, tout cela peut se faire.
M. MORIN: M. le Président, nous avons tenté d'apporter une
réponse aux remarques très pertinentes du député de
Terrebonne. Nous voudrions justement que la commission générale
des élections puisse, de son propre gré, convoquer des personnes,
des candidats, des agents d'élection, voire des organisateurs. Souvent
on fait faire par des organisateurs qui n'ont pas la responsabilité
vous savez comment la loi est faite des organisateurs qui sont
plus ou moins reliés à l'organisation toutes sortes de
tâches dont le candidat ou l'agent électoral ne veut pas prendre
la responsabilité directe. Que la commission puisse les convoquer,
entendre des témoins, faire produire des documents, enquêter sur
toute situation qui lui semble irrégulière.
Moi je vois très bien le député de Terrebonne se
présenter avec ses lignes agates devant la régie en question et
dire: Voilà, j'attire l'attention de la commission sur cette situation
qui me paraît pour le moins irrégulière.
M. HARDY: A la condition d'avoir le rapport avant que les poursuites ne
soient prescrites.
M. MORIN: Là c'est une question de prescription dans la loi. On
peut très bien dire qu'il n'y aura de prescription qu'à
l'élection suivante, par exemple, pour ne pas étirer ça
éternellement, mais mettons une prescription de trois ou quatre ans ou
de la durée du Parlement.
Je pense tout haut, comme vous. Nous tentons de répondre aux
questions du député de Terrebonne. Nous voyons une régie
avec des pouvoirs d'enquête. Cela me permet d'aborder une autre
question.
M. LAURIN: Un autre point?
M. MORIN: Oui. Le point est relié.
M. LAURIN: Encore à propos de l'intervention du
député de Terrebonne, je pense bien que si vous faites ces
remarques, c'est parce que vous constatez actuellement que la loi est
insuffisante dans ses moyens de contrôle, autant peut-être que dans
la formulation des objectifs. J'ai noté avec intérêt
c'est relié au même point la recommandation no 4 du MNQ
où l'on tente de définir les tâches des commissaires
adjoints. Par exemple, on dit que l'un des commissaires serait chargé du
contrôle de l'inscription, un autre du contrôle des revenus et des
dépenses, un autre du contrôle de la publicité. J'imagine
que, si vous avez fait cette recommandation, c'est que vous constatez que la
loi actuelle comporte des lacunes assez importantes en ce sens. Vous tentez de
la combler par la suggestion que vous faites et vous allez encore plus loin
dans la recommandation no 11, lorsque vous ajoutez un pouvoir de
vérification post hoc, avec capacité d'instituer des
enquêtes, un peu comme les corpora- tions professionnelles, d'ailleurs,
sont habilitées à le faire. On sait que cela a rendu de grands
services dans le passé. En l'occurrence, on pourrait presque assimiler
le rôle de cette nouvelle régie ou de cette nouvelle commission
indépendante à une corporation professionnelle, en ce qui
concerne la capacité d'électeur ou la façon dont on exerce
le droit de vote. Je pense qu'il y a lieu ici d'aller beaucoup plus loin que
les textes législatifs ou réglementaires actuels.
M. MORIN: Pour ne pas être en reste de comparaison, on pourrait
aussi faire allusion à la Commission des valeurs mobilières qui a
des pouvoirs d'enquête, de répression, et dire qu'une
élection est aussi importante qu'une émission d'obligations pour
l'avenir de la démocratie au Québec. Pourquoi ne
reconnaîtrait-on pas à cette commission des pouvoirs plus
étendus?
Irrégularités
M. MORIN: Nous pensons qu'aucun parti honnête n'aurait quoi que ce
soit à craindre de cela. Je ne crois pas que les partis
représentés autour de cette table aient quoi que ce soit à
se reprocher. Donc, qu'y a-t-il à craindre? Ce serait à
l'avantage de tous. Cela m'amène à signaler autre chose. Vous
savez d'ailleurs, nous en avons tous fait l'expérience
qu'au cours des élections il y a des arrestations qui s'effectuent, soit
pour intimidation, soit parce qu'on a violenté des électeurs,
soit pour des choses plus bénignes, soit pour supposition de personnes,
etc. A mon expérience, dès le soir de l'élection venu, on
laisse tomber toutes les poursuites et ces gens entrent chez eux impunis, comme
si rien ne s'était passé. Je connais un comté en
particulier où, il y a eu 38 arrestations le jour du scrutin.
C'était autant que dans le reste de l'île de
Montréal. Il y a eu une poursuite et, encore, il a fallu s'y atteler
parce qu'il s'agissait d'un cas particulièrement vilain. Une poursuite.
Les autres, volatilisés dans le décor. Impossible même
d'obtenir le dossier pour voir ce qu'il y avait en preuve contre eux. Or, il y
avait dans les dossiers des bulletins de vote, parce que nous avons
récolté des bulletins de vote sur les banquettes des taxis, par
exemple, ou dans des voitures et on les a remis à l'agent. Il n'y a pas
eu moyen de les voir par la suite. Les dossiers étaient partis pour
Québec. On nous répondait n'importe quoi. Le résultat,
c'est qu'il n'y a pas eu de sanction.
Je ne dis pas que c'est comme ça partout. Dans un comté,
38 arrestations, c'est vrai que c'est un comté un peu spécial, je
l'avoue. Mais, tout de même, il y a eu des arrestations ailleurs. Est-ce
que la commission a été habilitée à aller voir ce
qui s'était passé dans chaque dossier, à voir comment les
élections se déroulent? Motus et boule de gomme, on n'en entend
plus parler.
M. HARDY: II faut dire qu'à l'heure actuelle, tel que la loi
existe, le président général des élections, on me
corrigera si je fais erreur, dans un cas semblable, a le pouvoir de faire
enquête, a le pouvoir de la demander ou le ministre de la Justice.
M. PAUL: C'est-à-dire que c'est l'enquête qui est
demandée par le président général des
élections au ministère de la Justice. Les plaintes émanent
du ministère de la Justice.
M. HARDY: Oui, les plaintes. Mais le président
général des élections, si on lui rapporte des
irrégularités, peut demander que des enquêtes soient
faites. Le ministre de la Justice peut lui aussi le demander. Maintenant, je
reconnais avec vous que 38 arrestations et une seule cause, cela a l'air
drôle au point de départ. D'un autre côté, il faut
être prudent et ce n'est pas parce que quelqu'un est arrêté,
dans la fièvre d'une journée électorale, qu'on peut se
rendre compte le soir ou le lendemain que la personne a été
arrêté et qu'on n'a pas de preuve.
Vous savez, là non plus je ne vous apprendrai rien, qu'avant de
porter une plainte, la police arrête des tas de gens. On n'a qu'à
aller dans un bureau du procureur de la Couronne pour voir qu'entre le nombre
de dossiers que les procureurs de la Couronne reçoivent de la police et
le nombre de plaintes formulées, il y a un décalage assez
important.
M. MORIN: Oui, mais ils ne sont pas tous porteurs de bulletins de
vote.
M. HARDY: Non, je le sais...
M. PAUL: C'est comme commettre des infractions au code criminel. Dans
certains cas, c'est aussi grave.
M. LAURIN: On en arrête peut-être trop.
M. HARDY: C'est ça, peut-être. C'est pour ça que je
faisais allusion à la fièvre. Vous savez, les gens sont un
peu...
M. LAURIN: On peut penser aux événements d'octobre
aussi.
M. HARDY: Peut-être que les gens sont aussi excités un jour
d'élection que lors des événements d'octobre, oui.
M. PAUL: Quand vous parlez des événements d'octobre,
est-ce que vous parlez des événements d'octobre 1972?
M. LAURIN: De 1970.
M. PAUL: Ah pardon! Je pensais que vous parliez des
événements d'octobre 1972 par allusion aux comtés de
Duplessis et de Gatineau.
M. LAURIN: D'octobre 1970, où on en a arrêté 420 et
où il y a eu neuf poursuites.
M. PAUL: Vu que nous étions à étudier la loi de la
réforme électorale...
M. LAURIN: C'est un parallèle. Il y a eu moins
d'arrestations.
M. LATULIPPE: M. le Président, là-dessus, à titre
d'information, est-ce que dans le cas actuel et passé, quand il
s'agissait justement d'entreprendre des poursuites pour des cas bien
spécifiques où la police était intervenue, il y a eu
arrestation, c'était manifeste qu'il y avait un désaccord avec la
loi, s'il n'y a personne après l'élection, parce que j'imagine
que le candidat pour qui c'est défavorable ne désire pas porter
en appel, cela peut être coûteux, à ce moment-là,
tout homme, actuellement dans notre régime...
M. HARDY: C'est une des raisons d'être des partis politiques,
justement de voir à ce que... On disait autrefois, quand il y avait
seulement deux partis, il y avait une espèce de "gentleman agreement" et
les vieux partis, disait-on, s'entendaient ensemble pour tout oublier. Mais
aujourd'hui, où nous sommes en présence du multipartisme, les
"gentleman agreement" ne sont plus possibles. Alors, si vraiment un parti
politique, ou une formation politique, ou un groupe d'individus
considère qu'il y a eu des infractions et que la machine n'y voit pas,
il n'y a rien qui les empêche de...
M. LATULIPPE: Dans les conditions actuelles même si un parti
politique porte un fait à l'attention du président de
l'élection et si effectivement la décision est rendue et trame en
longueur...
M. HARDY: Je vois difficilement, M. le Président, si vous avez un
dossier sérieux, non pas des commérages, comment on ne donnerait
pas suite à un dossier semblable.
M. LATULIPPE: Même pour l'enquête?
M. MORIN: M. le Président, le député de Terrebonne
disait tout à l'heure qu'il ne fallait pas tomber dans l'abstrait, je
pense qu'il y nage à pleins bras. Parce que nous avons tenté...
je pourrais parler pour des gens qui ont été mêlés
à ces questions-là d'assez près, il n'y a rien à
faire. Ce sont des murs, ce sont des impasses. Il n'y a rien à
faire.
M. PAUL: Oui, mais le député de Terrebonne a parlé
de plaintes sérieuses. Il a été prudent, il a
employé le mot "sérieuse" pour qualifier la plainte, la nature de
la plainte.
M. MORIN: Oui. Je parle d'événements sérieux, je
parle d'intimidations.
M. HARDY: Vous savez comme moi qu'à un moment donné on
peut être convaincu qu'il y a des irrégularités graves qui
se sont produites, on peut avoir la certitude morale qu'il y a eu des fautes de
commises et on est incapable d'en faire la preuve.
M. MORIN : Oui, mais M. le député, lorsque vous vous
rendez compte que les dossiers sont fermés sans même qu'on les
examine et qu'il n'y a pas moyen de savoir ce qui s'est passé, ni de
quoi même certains sont accusés alors que c'est vous-même
qui avez fait faire l'arrestation. Il faut tout de même que vous
conveniez qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Vous ne pouvez même pas
mettre en marche le mécanisme d'étude des dossiers.
M. HARDY: J'aimerais bien savoir à quelle échelle une
chose semblable se produit.
M. MORIN: J'admets volontiers que cela varie d'un comté à
l'autre. Il y a des comtés où tout se passe dans un ordre
relatif, mais vous savez comme moi qu'il y a des comtés où le
"batte" de baseball, pour employer le jargon des élections, sert
encore.
M. PAUL: Seulement dans Montréal.
M.HARDY: Vous remontez loin dans le temps, monsieur.
M. MORIN: Non, non. Je pense que le député de Terrebonne
devrait venir faire un tour dans certains comtés de Montréal.
M. HARDY: Vous parlez toujours de Montréal.
M. MORIN: Oui, mais il y a du monde.
M. HARDY: Vous allez finir par nous convaincre qu'à
Montréal, ce n'est pas du monde aussi honnête qu'ailleurs.
M. MORIN: Je pense avoir dit que, sociologi-quement, c'est une
société bien moins intégrée que ce qu'on retrouve
ailleurs au Québec. C'est un fait.
M. LAURIN: Les manoeuvres.
M. MORIN: C'est un tissu social déchiré.
M. VEILLEUX: Même dans des comtés ruraux. Il s'agissait
tout simplement d'être dans le comté de Gatineau, lors de la
dernière élection où le vote a été
annulé. Des gens ont demandé à leurs représentants
de poser des gestes nettement illégaux, sinon criminels, en leur
demandant, dès qu'on s'est rendu compte que les bulletins étaient
numérotés, de prendre note des numéros et de les inscrire
à côté des noms des gens qui allaient voter, afin
d'être capables, après cela, de mieux déceler pour qui ils
avaient voté. Ce sont des irrégularités.
M. LAURIN: Disons simplement que l'élection a été
arrêtée trop tard.
M. VEILLEUX: C'est plus qu'une irrégularité. C'est un
geste...
M. LAURIN: II y en avait eu une qui avait
précédé.
M. HARVEY (Chauveau): C'est criminel, cela.
M. VEILLEUX: ... criminel.
M. MORIN: M. le Président, je ne voudrais pas, non plus, qu'on
s'enfonce dans des considérations qui nous amèneraient à
nous lancer des horions de part et d'autre, parce que cela n'avancerait pas
l'objet pour lequel nous sommes réunis.
Il nous reste, quand même, à parler du contrôle
efficace des finances. On en a parlé, mais on n'a pas dit tout ce qu'il
faudrait faire pour que ce contrôle soit efficace. Il nous reste à
parler des élections elles-mêmes; il nous reste à parler de
la question de la contestation.
Choix des présidents et
représentants
M. MORIN: En ce qui concerne les élections elles-mêmes, aux
recommandations 23 à 25, nous recommandons que les présidents
d'élection de chaque comté soient choisis en accord avec les
partis reconnus, ce qui n'est pas le cas actuellement. Dans le cas où ce
ne serait pas possible il me semble qu'en général il
devrait être possible de trouver une personne vraiment reconnue pour son
impartialité dans le comté nous nous en remettrions au
président général des élections,
c'est-à-dire à la régie électorale dont nous avons
parlé plus tôt ce matin.
Ensuite, nous recommandons que tous les partis aient droit à un
représentant officiel dans chacun des bureaux de scrutin et qu'ils
soient rémunérés par l'Etat. Le député de
Terrebonne, avec raison, faisait appel, tout à l'heure, au
multipartisme. Il disait qu'on n'est plus dans la situation où ce qu'il
appelait les vieux partis se faisaient la lutte.
M. HARDY: Je ne voudrais pas que vous donniez plus d'extension à
mes paroles. J'ai enregistré le fait que nous étions devant une
multipartite. Je n'ai pas nécessairement dit que c'était bon ou
mauvais. J'ai constaté.
M. MORIN: Bien sûr, je sais bien que le député n'a
pas porté de jugement de valeur sur un fait qui pourrait le contrarier
à ce point. Mais il reste que nous sommes devant le multipartisme, qu'on
le veuille ou non. Et nous pensons, dans les circonstances, que les
repré-
sentants devraient être payés par l'Etat, les
représentants de partis reconnus bien sûr.
Il n'y a pas de raison que la situation actuelle où seulement le
parti gouvernemental et le parti du chef de l'Opposition se voient
reconnaître ce privilège de voir leurs représentants
payés par l'Etat, tandis que les autres, eux, ne le sont pas. Nous ne
voyons pas de raison logique, en tout cas, de maintenir cette situation.
D'autant que ce qui se passe je ne dis pas de manière
générale, bien entendu à l'occasion, c'est qu'on
voit parfois des partis s'entendre comme larrons en foire pour essayer de venir
à bout d'un troisième, si, par hasard, le troisième parti
est celui qui a de la difficulté à avoir des représentants
parce qu'il faut du militantisme. Quand on n'a pas d'argent pour payer les
représentants, il faut des gens vraiment convaincus pour sacrifier une
journée de leur vie à une chose aussi rébarbative que de
siéger derrière des urnes pendant une journée.
M. HARDY: Cela dépend. Moi je me rappelle que ma première
expérience en politique a été justement de faire
ça, et au contraire je ne trouvais pas ça rébarbatif du
tout. J'ai trouvé ça très stimulant.
M. MORIN: Nos expériences coincident, M. le député,
ça a été moi aussi, à l'époque de Mme
Casgrain, mon premier rôle en politique, alors que j'avais un
âge...
M. PAUL: Est-ce que vous parlez de Mme Kirkland-Casgrain?
M. MORIN: Non, je parle de la grande Mme Casgrain.
M. PAUL: L'honorable sénateur.
M. MORIN: L'honorable sénateur Casgrain.
Nous pensons donc, troisièmement, que lorsque plusieurs bureaux
de scrutin sont regroupés en un même endroit, il devrait y avoir
un adjoint du président d'élections qui serait nommé, avec
l'approbation du président général, et qui soit
habilité à exercer tous les pouvoirs du président à
cet endroit le jour du scrutin.
Nous recommandons cela parce que l'expérience récente nous
a démontré que lorsqu'il n'y a pas de représentant
officiel de l'Etat, dans un endroit où sont groupés plusieurs
polls, il se produit souvent que des personnages s'improvisent, sur place,
directeurs de toute l'opération. Et s'il n'y a personne pour leur tenir
tête, pour leur rappeler la loi, ces messieurs s'installent et font la
loi dans un certain nombre de bureaux de scrutin, une chose qui s'est
produite.
On a même vu, chose étonnante, dans certains coins, des
personnes arriver sur les lieux et littéralement écarter des gens
qui étaient là soi-disant pour représenter le
président d'élection local mais qui n'avaient pas de fonctions
précises en vertu de la loi, les écarter, prendre leur place. En
sorte qu'on ne sait plus très bien qui est responsable, et que ça
devient une sorte de jeu de force dans le comté le jour même de
l'élection. Nous pensons que c'est contraire aux intérêts
de tous les partis, et nous aimerions donc voir déléguer sur
place un représentant de l'Etat, qui serait théroriquement
en tout cas aussi impartial que les autres.
Contestation
M. MORIN: En ce qui concerne la contestation puisque nous pouvons
peut-être épuiser tout de suite notre mémoire nous
aimerions que la Loi sur les contestations soit incorporée à la
loi générale. Parce qu'il y a des discordances entre les deux. La
Loi sur la contestation des élections, vous le savez, utilise un
vocabulaire qui n'est pas toujours le même que celui de la loi
électorale. Et il faut vraiment un juriste versé comme il
s'en trouve peu pour arriver à démêler tout
ça, pour arriver à savoir ce qui est une manoeuvre frauduleuse
par exemple.
Je ne sais pas si le député de Terrebonne, qui est juriste
lui aussi, a jamais essayé de savoir ce qu'était exactement une
manoeuvre frauduleuse d'après la Loi électorale c'est un
casse-tête à n'en plus finir.
Il nous semble que tout ça devrait être mieux
défini, mieux incorporé à la Loi électorale. Nous
pensons aussi que les irrégularités devraient être plus
précises, ce qui constitue une irrégularité; que les
règles... sautons pardessus la vingt-huitième, c'est un point
technique qui n'intéresse que les avocats. La vingt-neuvième:
"qu'en cas de contestation d'élection, il ne soit pas nécessaire
de prouver que les personnes ayant voté illégalement ont
voté pour l'un des candidats en particulier". C'est une recommandation
que nous faisons suite au jugement intervenu dans l'affaire de Fabre.
Poursuites judiciaires
M. MORIN: Enfin, la trentième recommandation: que le
président général des élections soit
obligatoirement informé de toutes les arrestations effectuées en
cours d'élection ainsi que des raisons qui les ont motivées pour
qu'il puisse vérifier si des poursuites ont été
engagées, qu'il soit autorisé lui-même à engager des
poursuites s'il y a lieu.
C'est pour compléter les remarques que nous faisions tout
à l'heure.
Nous avons essayé dans ce mémoire de faire vraiment le
tour de toutes les modalités du scrutin. Nous ne pensons pas au mode de
scrutin: doit-il être uninominal, à un tour ou à deux tours
et tout ça? Ce n'est pas là-dessus que porte notre mémoire
mais sur toute les modalités du scrutin lui-même.
Voilà, je voulais au moins avoir une occasion de faire le tour de
l'ensemble du mémoire.
M. LE PRESIDENT: Merci. Le député de Terrebonne.
M. HARDY: Pas pour le moment.
M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: J'aurais une question à poser.
M. MORIN: Oui.
Emission de reçus
M. LATULIPPE: Relativement à l'article 17, vous parlez de
l'émission de reçus aux entreprises privées ou aux
personnes qui collaborent aux caisses électorales. Ne croyez-vous pas
qu'il y a une possibilité d'abus, qu'on retrouve justement le grand
phénomène qu'on a retrouvé dans les fabriques avec le truc
des reçus et que ce soit difficile à vérifier et que
ça va prendre encore peut-être un contrôle assez
serré là-dessus?
M. MORIN: Sauf que la différence entre un parti politique et une
fabrique, sur le plan financier, est quand même sensible. Un bon
curé va quelquefois donner un reçu faux parce qu'il veut aider
son paroissien à éviter peut-être que l'impôt ne soit
trop élevé; cela se fait par charité en quelque sorte,
tandis...
M. PAUL: II y a des curés aujourd'hui qui s'intéressent
aux électeurs.
M. LATULIPPE: J'ai beaucoup plus confiance aux curés qu'aux
politiciens.
M. PAUL: II y a des curés qui espèrent trouver "la voie"
qui les mènera au succès!
M.MORIN: Bien sûr, aussi! Mais ce n'est pas pour parler des
curés que je suis venu mais pour parler des partis politiques avant
tout, et dans ces cas-là, je connais peu de partis politiques qui
donneraient un reçu truqué, parce que ce qui les intéresse
c'est d'avoir l'argent qui correspond au reçu.
M. HARDY: II faut faire attention, dans cet esprit-là, vous
pourriez avoir des partis politiques dans le même esprit que les
curés, je ne connais pas de curés qui faisaient ça mais
vous semblez en connaître...
M. MORIN: C'est de notorité publique. M. HARDY: De
notoriété publique? M. MORIN: Oui.
M. HARDY: Je vais encore me demander s'il y a à Montréal
des curés différents de la campagne?
M. MORIN: Je ne sais pas si la situation a changé, mais il y a
quelques années, c'est le gouvernement lui-même qui se plaignait
de ce que les reçus donnés par les curés, si on totalisait
le tout, excédaient largement les revenus des fabriques.
M. HARDY: Mais dans le même esprit, vous ne craindriez pas que des
partis politiques, pour s'attirer le vote de certains électeurs, donnent
aussi des reçus plus ou moins exacts?
M. MORIN: Je ne le craindrais pas.
M. LATULIPPE: II y a un autre avantage marqué, je ne partage pas
cette opinion...
M. HARDY: C'est une question que j'ai posée.
M. LATULIPPE: Si une entreprise vous donne $500 de contribution, vous
lui émettez un reçu de $1,000 ça devient beaucoup plus
facile de faire de la collection, ça ne coûte absolument rien.
M. MORIN: Ai-je bien saisi la question, M. le député? Vous
dites: si la personne a donné $500...
M. LATULIPPE: Puis qu'on lui donne un reçu de $1,000 et cette
entreprise est autorisée à les déduire de ses
dépenses; ça devient un revenu acquis pour le parti politique
à même les diminutions d'impôt. Il y a des moyens de faire
des transferts.
M. MORIN: Oui, mais nous n'avons pas parlé d'entreprises
là.
M. LATULIPPE: Disons que j'ai peut-être mal compris.
M. MORIN: C'est le revenu des particuliers.
M. LATULIPPE: Cela change le contexte totalement. Je vous remercie.
M. MORIN: Cela change le contexte. Nous pensons qu'il n'y a pas de
raison pour que les particuliers ne puissent pas déduire ça de
leur impôt lorsque très démocratiquement ils financent un
parti, quel qu'il soit.
M. HARDY: Je vous avoue que je concours entièrement au principe
et ce serait une façon d'encourager le plus grand nombre possible de
gens à financer les partis politiques, à démocratiser le
financement des partis.
M. MORIN: C'est ça.
M. HARDY: C'est comme dans toute question, il y a un aspect très
positif, très valable. Est-ce que cet aspect positif et valable ne
l'emporte pas largement sur l'aspect négatif?
C'est fort possible également. Il ne faut pas non plus ne voir
que l'aspect positif. Je maintiens qu'il y a un aspect négatif et il
pourrait très bien y avoir des partis politiques qui à un moment
donné distribueraient des reçus assez
généreusement, afin de s'attirer la sympathie des gens à
qui ils les distribuent.
Encore une fois, il s'agit d'évaluer si l'aspect positif est
largement supérieur à l'aspect négatif.
M. MORIN : M. Léo Jacques aimerait dire quelque chose.
M. JACQUES: Comme nous l'avons mentionné dans le mémoire,
nous nous sommes inspirés très largement du rapport Barbeau, qui
fait une recommandation en ce sens. Mais nous n'avons pas indiqué de
maximum, c'est-à-dire nous n'avons pas indiqué de montant dans la
recommandation, et je pense qu'il faudrait nécessairement le faire.
Deuxièmement, ça s'adresse aux particuliers, aux citoyens
seulement. D'autre part, si on tient compte...
M. HARDY: Dans mon esprit, c'est ça qui est important, parce que
ce sont les particuliers qui votent; ce ne sont pas les entreprises.
M. JACQUES: C'est ça, c'est le sens de la recommandation. D'autre
part, si l'on tient compte des contrôles que nous proposons dans d'autres
recommandations, je pense qu'à ce moment-là ça facilite la
vérification de l'émission des reçus. Dans le rapport
Barbeau, on signale qu'il faudrait que ces reçus soient émis par
un nombre restreint de personnes; en général il faut que ce soit
l'agent officiel du candidat. Quant à nous, nous recommandons qu'il y
ait des rapports, des contrôles des candidats et des partis sous
l'égide de la commission des élections. Je pense qu'à ce
moment-là ça faciliterait grandement les choses. Cela pourrait
éviter qu'il y ait ce genre de choses que vous mentionnez,
c'est-à-dire qu'on émette des reçus pour des dons qui
n'ont pas été faits, qu'il y ait des abus dans ce sens.
M. LATULJPPE: Sur le même sujet, M. le Président. Selon vos
recommandations, faut-il comprendre que les entreprises, automatiquement, ne
devront plus contribuer aux caisses des partis, que ce serait
considéré comme une matière frauduleuse?
M. JACQUES: Non, ce n'est pas le sens de la recommandation. Ce qu'on
dit, c'est qu'il y a des dégrèvements d'impôts pour les
citoyens qui contribuent. Il n'y en a pas dans le cas des entreprises ou des
corporations. Cela ne signifie pas nécessairement qu'on les exclut quant
à nous.
M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet. M.VINCENT: M. le
Président, j'aurais une question à poser à M. Morin.
Lorsque vous parlez du financement des partis, sous-enten-dez-vous les
contributions qu'une personne pourrait apporter en temps ou sont-ce seulement
les contributions en argent? Une personne pourrait aller travailler pour un
parti politique pendant X mois et ça peut représenter une
contribution de $1,000 ou de $1,500 qui est aussi importante pour un parti
politique que les $1,000 ou les $500 qu'il reçoit.
M. MORIN : Nous ne pensions pas à ça du tout. Le temps
qu'une personne peut y mettre, d'ailleurs, il serait très difficile de
le jauger, de l'évaluer, parce que tel militant est totalement
inefficace, alors qu'un autre, au contraire, est capable de diriger toute
l'organisation d'une manière extrêmement fructueuse.
Alors, nous ne pensons pas au temps. C'est une affaire de militantisme
et c'est à chaque parti de voir s'il peut éveiller dans la
population suffisamment d'intérêt pour obtenir ce militantisme.
Nous pensons seulement aux contributions en argent, parce que ce sont
celles-là qui peuvent fausser le scrutin, bien plus que les
contributions en temps.
M. VINCENT: Mais si, par exemple, M. Morin, une compagnie ou une
société prête les services d'une personne, une
secrétaire, un commis de bureau ou encore un organisateur, un publiciste
à un parti politique pour une période d'un mois et évalue
ce temps à $500 ou à $1,000, est-ce que ça ne devient pas
une contribution matérielle?
M. MORIN: Là, j'abonderais dans le sens du député,
c'est une autre affaire. Lorsqu'il s'agit d'une proposition qui est sur les
limites du commercial, là, nous n'y avons pas pensé. J'avoue bien
modestement qu'on n'a pas réponse à tout et qu'on n'a pas pu
épuiser, sans doute, tous les raffinements possibles dans une situation
comme ça. J'abonderais dans le sens du député sur le plan
personnel, sans préjuger de ce que pensent mes collègues.
Lorsqu'une société commerciale ou industrielle prête son
personnel, nous pensons que cela est une contribution financière,
d'ordre financier.
M. VINCENT: Je remarque souvent que, dans nos comtés ruraux,
c'est une chose qui arrive.
M. MORIN: Oui.
M. VINCENT: Très souvent, nous avons les services de personnes
qui nous sont prêtées pour une durée d'un mois. A ce
moment-là, je considère ça comme plus important qu'une
contribution financière.
M. MORIN: Oui, mais c'en est une, en fait. Cela devrait figurer dans les
budgets, ce genre de prêt là.
M. VINCENT: A ce moment-là, je me pose une autre question:
Qu'est-ce qu'il arriverait avec le T-4, qui est de règle pour toute
personne qui emploie quelqu'un pendant une période donnée? C'est
un autre problème qu'il faudrait aborder à un certain moment dans
le rôle des partis politiques avec les agents électoraux. Le
ministère du Revenu va arriver à un certain moment et il va dire:
Vous avez donné une contribution, un salaire; vous devez payer
maintenant, vous devez compléter une formule. Ce sont toutes des
implications auxquelles nous allons avoir à faire face au cours des
prochaines années.
M. MORIN: Oui, bien sûr. Mais, là encore, sur le plan de
revenu, cela ne pose pas de difficulté insurmontable. Parce que
j'imagine que, dans la situation dont vous avez parlé, l'employé
reste au service de la corporation...
M. VINCENT: Dans ces cas-là, oui.
M. MORIN: ... qui l'a prêté. Donc, il émarge
toujours au budget de sa société, de sa compagnie. C'est une
contribution, en fait. Cela peut s'analyser comme étant une contribution
financière, disons même pas déguisée, mais directe
aux activités d'un parti. Dans ce cas, nous pensons que cela devrait
figurer parmi les revenus du parti politique, bien sûr. Ce serait ma
réaction.
M. VINCENT: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. Morin, à ma connaissance, vous n'avez pas
parlé dans le mémoire du cas que j'ai mentionné, celui des
rapports que font les candidats quant à leurs dépenses
électorales au président général des
élections. On sait de bonne part que, là aussi, assez souvent, on
laisse passer le délai et que le candidat défait ou l'un des
candidats défaits fait une déclaration dans le journal, disant:
Si j'avais eu le temps, j'aurais fait disqualifier le député
élu parce que nous avons de bonnes raisons de penser qu'il a
excédé ses dépenses. Verriez-vous l'obligation pour chacun
des candidats d'annexer à leur rapport toute annonce publicitaire dans
les journaux, copies des dépliants distribués de porte à
porte, etc?
A ce moment, le président général des
élections pourrait faire une évaluation beaucoup plus
précise des dépenses des candidats. Parce qu'il y en a plusieurs
qui disent que cela ne leur a pas coûté cher, mais les journaux
ont été distribués tous les jours pratiquement, de porte
à porte, et on sait que la publicité coûte
énormément cher.
M. MORIN: Oui, j'abonde dans le même sens que vous, M. le
député. Je pense que vous avez tout à fait raison. Ce
n'est pas insurmontable comme procédure à suivre. Cela peut
très bien se faire. J'ajouterais même que ce ne sont pas seulement
les lignes agates qu'il faudra inclure, les annonces, etc. Il faudrait qu'il y
ait dans chaque rapport de chaque candidat un énoncé exact de
toutes les activités qui représentent une contribution en argent
et qui ont eu lieu le jour de l'élection ou auparavant.
Par exemple, si dans un comté il y a une "flotte" de 60 taxis
à la disposition du candidat et que le jour où il fait son
rapport, vous constatez qu'il fait rapport pour $18,000 et que cela ne figure
même pas parmi les dépenses, il faudrait que le président
d'élection puisse convoquer l'agent électoral, le candidat pour
lui dire: Ecoutez, il y a des témoignages à l'effet que vous
aviez 60 taxis. Qui les a payés? Où sont-ils passés dans
le budget? C'est ce genre de choses-là.
J'irais même plus loin que vous en ce sens-là: toutes les
dépenses devraient figurer en annexe, pièces à l'appui.
Comme lorsqu'on fait un rapport d'impôt. Cela devrait être aussi
méticuleux, aussi précis que cela.
M. VEILLEUX: Oui, mais quand je dis que les candidats seraient dans
l'obligation de produire une copie des annonces publiées dans les
journaux, etc., on sait que des rapports peuvent être faits et que des
oublis peuvent s'être glissés dans le rapport...
M.MORIN: Bien sûr.
M. VEILLEUX: Je ne sais pas. S'il s'est publié trois ou quatre
journaux pendant la campagne électorale, il est fort possible qu'un
candidat oublie une partie de page d'annonces ou une page complète
d'annonces, compte tenu qu'il y en avait plusieurs dans le journal. A ce
moment, si on oblige les candidats à remettre une copie de ces
choses-là, peut-être que les autres candidats pourraient les
ramasser pour leurs adversaires et évaluer, par la suite, si,
effectivement, le rapport a été fait, au niveau publicitaire,
comme il se devait d'être fait.
M. MORIN: Oui, j'imagine qu'ils pourraient le faire. Oui, il pourrait y
avoir quelqu'un qui, très facilement, suivrait tout cela et on
arriverait, je pense, assez rapidement à assainir l'aspect financier des
élections.
M. LATULIPPE: D'après l'intervention du député de
Saint-Jean, cela supposerait que le rapport de tous les candidats serait rendu
pubiic.
M. HARDY: Ce serait contresigné par...
M. LATULIPPE: Oui, il faudrait quasiment cela. Est-ce que cela irait
jusque là?
M. MORIN: Pas nécessairement, mais si...
UNE VOIX: Cela pourrait soulever de longs débats.
M. MORIN: Oui, oui.
M. VEILLEUX: Je ne sais pas, mais il est facile de porter des
accusations sur des gens, relativement à leurs dépenses
électorales, sachant d'avance que le délai prévu à
cet effet est expiré et prétextant cinquante raisons pour dire
qu'on n'a pas eu le temps de contester, parce qu'il n'y avait pas assez de
temps, etc. Comme n'importe qui peut venir à la barre, ici, pour dire
que dans tel comté il s'est fait telle chose. Il nous semble que c'est
tel parti politique. Chacun de nous, autour de la table ici, pourrait dire la
même chose vis-à-vis des gens qui viennent. C'est bien facile.
M. MORIN: Oui.
M. VEILLEUX: Alors, il faut prévoir. En théorie, il y a
des choses ici très bonnes, mais la seule chose que je trouve dans le
mémoire de la Fédération des sociétés
Saint-Jean-Baptiste de Québec, c'est qu'on ne nous donne pas assez de
détails quant à l'application des principes émis dans le
mémoire. Moi, je pourrais aller à la télévision
demain matin et en émettre des principes électoraux
extraordinaires, mais quant à leur application, ce serait pas mal
difficile d'y répondre. D'ailleurs M. Morin l'a dit tout à
l'heure, dans son mémoire, il y a des lois ou il y a des articles de la
loi électorale qui sont formidables mais qu'on devrait enlever parce
qu'inapplicables. Cela a été dit à un endroit dans le
mémoire.
M. MORIN: Surtout, il y en a beaucoup qui devront être revus parce
qu'ils sont obscurs, ils ne sont pas clairs.
Mais, M. le Président, puisque déjà le temps va
nous manquer, je voudrais abonder dans le même sens que le
député de Saint-Jean et ajouter ce commentaire, peut-être
en guise de conclusion.
Si au moins vous pouviez déjà mettre en route, ne
serait-ce qu'une partie de ces recommandations-là. Commencer à
assainir le climat électoral du Québec. Je suis convaincu, pour
ma part, qu'en quelques années on arriverait à améliorer
sensiblement le niveau du comportement électoral des
Québécois, surtout peut-être dans les villes, encore une
fois. Je suis convaincu de cela. Il ne faut pas grand-chose pour assainir ce
climat. Et on cesserait de s'invectiver comme on le fait trop souvent, comme on
vient de le dire, comme l'a dit le député de Saint-Jean.
Après les élections, on trouve encore le moyen de s'invectiver et
de mettre la bonne foi de l'autre et les motifs de l'autre en doute, même
après que les délais sont expirés. Cela, c'est parce que
le climat est mauvais. C'est parce qu'il règne au Québec un
climat de méfiance à l'égard de tout ce qui est
politique.
Le député de Terrebonne posait la question suivante au
tout début de la séance, ou était-ce le
député de Maskinongé, il regrettait que les
Québécois aient l'air de se désintéresser de la
question. Mais il faut dire que malheureusement les Québécois se
disent: "Quossa donne", vous connaissez la fameux "Quossa donne" de nos jeunes.
Ils n'y croient plus guère, que ce soit possible de l'améliorer.
Si les hommes politiques leur donnaient l'exemple, leur montraient qu'ils
veulent améliorer le système, vous seriez surpris en quelques
années des progrès qu'on pourrait faire, dans la mentalité
électorale des Québécois. Ce sera ma conclusion.
M. HARDY: M. le Président...
M. LAURIN: J'aurais une autre question, M. le Président. A votre
recommandation 16, est-ce que vous pourriez nous indiquer les raisons qui vous
ont motivés à recommander un remboursement dont le maximum serait
le tiers des dépenses, jusqu'à concurrence de un tiers du montant
que les candidats sont autorisés à dépenser. Pourquoi
avez-vous choisi cette fraction plutôt que le quart ou le
cinquième ou la demie?
M. MORIN: Nous avons tenté de trouver un chiffre qui soit
à peu près équilibré et qui ne taxe pas trop
à la fois les fonds publics, parce que c'est l'électeur
lui-même qui paie tout cela, n'est-ce pas? D'un autre côté,
ça serait un encouragement, ça donnerait une chance à tous
les partis, même les plus démunis, de pouvoir faire valoir leurs
arguments convenablement devant la population.
Alors, on s'est arrêté au tiers un peu par instinct, un peu
au pif en se disant: Cela est assez équilibré, entre les
intérêts des électeurs et l'intérêt des fonds
publics.
M. LAURIN: Quelle raison vous a poussés à repousser ou
à rejeter la clause actuelle des 20 p.c.?
M. MORIN: Tout simplement, nous pensions que ce n'était
peut-être pas suffisant, que 20 p.c, dans la majorité des cas...
On a fait un peu enquête, beaucoup se sont plaints, évidemment
surtout parmi ceux qui sont les plus désavantagés, que finalement
cela n'était pas suffisant pour leur permettre de décoller,
qu'ils restaient pris souvent avec des dettes, des choses comme cela,
après l'élection.
On a donc tenté de trouver un nouvel équilibre, si vous
voulez, et 33 p.c. nous paraissaient plus justes.
M. LATULIPPE: Sur cette question, si vous me le permettez, vous parlez
de partis, alors que le Dr Laurin parlait de candidats. Est-ce effectivement le
remboursement du tiers des dépenses du parti lors d'une
élection?
M. MORIN: Dans cette recommandation, il s'agit des dépenses des
partis reconnus.
M. LATULIPPE: Des partis.
M. MORIN: Oui.
M. LATULIPPE: Pas des candidats.
M. MORIN: Pas des candidats, cette fois-ci. Ce sont les partis qui se
feraient rembourser le tiers de leurs dépenses. C'est une disposition
qui, à l'heure actuelle, bien sûr, n'existe pas.
M. LATULIPPE: D'accord, merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.
M. CARPENTIER: A la page 23 de votre mémoire, vous dites qu'il
est important, cependant, de laisser place aux contributions des particuliers.
Vous avez mentionné également qu'il y avait un climat de
méfiance. Ne croyez-vous pas que certains auraient le droit, un peu, de
se méfier si on se servait d'un individu, qui est président d'une
compagnie, d'une imprimerie ou de quelque organisation que ce soit, pour
retransmettre à un parti donné certaines contributions? Le gars
le fait à titre de particulier, mais, en réalité, ce n'est
pas son propre argent. Ce serait considéré comme une souscription
d'un particulier qui, en fait, ne l'est pas.
M. MORIN: Oui, bien sûr.
M.JACQUES: Ce qu'il est important de mentionner dans cette
recommandation, c'est que, comme je l'ai dit tout à l'heure, on n'a pas
indiqué de montant maximum. Cependant, nous croyons qu'il faudrait en
indiquer un. Dans le cas du rapport Barbeau, on parle de $300. Cela veut dire
que cela peut être $100, cela peut être $200, cela peut être
$300. A ce moment-là, l'inconvénient que vous pouvez mentionner,
je ne crois pas qu'il puisse jouer beaucoup, dans le cas de corporations ou
d'entreprises importantes.
M. CARPENTIER: Sur quels critères, sur quelles normes pouvez-vous
vous baser pour dire que la contribution d'un particulier est normale et que
cela reste dans l'état d'un particulier? Sur quels critères
pouvez-vous vous baser pour fixer un tel montant?
M.JACQUES: C'est un choix qu'il faut faire. Vous pouvez bien mettre la
contribution à $1,000 ou à plus aussi mais il s'agit de demeurer
dans des limites raisonnables, si vous voulez, puisqu'il s'agit de
contributions de particuliers, que l'on veut provoquer par cette mesure. Pour
les mêmes raisons, on suggère qu'il y ait un
dégrèvement d'impôts. Dans l'ensemble des citoyens, si on
établissait une moyenne, peut-être qu'un chiffre de $100, par
exemple, serait dans des limites raisonnables pour les contributions des
citoyens. Cela ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas y avoir de contributions
supérieures, comme on l'a indiqué tout à l'heure, mais que
les dégrèvements d'impôts s'appliquent jusqu'à un
maximum.
On ne l'a pas indiqué de fait. Est-ce que ça doit
être $100, $200 ou $300? Cela nous semblait un peu difficile. Il y a
certainement une part d'arbitraire là-dedans. Mais il est certain qu'il
doit y avoir un maximum.
M. PAUL: Vous croyez que la somme de $300 ne pourrait en aucune
façon influencer l'administration gouvernementale?
M. JACQUES: Je pense que nous, nous ne sommes peut-être pas en
mesure de le dire. Vous, les membres de l'Assemblée nationale,
êtes plus en mesure que nous, d'apprécier quelle est la
contribution maximum à laquelle un dégrèvement
d'impôt doit s'appliquer. Dans le cas du rapport Barbeau et je
vous ai dit que nous nous étions inspirés, pour cette
recommandation, du rapport Barbeau, et ça nous semblait raisonnable
on mentionnait un montant de $300.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.
Information politique
M. CARPENTIER: Une autre question, dans un autre ordre d'idées. A
la page 24 de votre mémoire: "En dehors d'une période
électorale, que la Société Radio-Canada et les
radiodiffu-seurs et les télédiffuseurs privés scient
invités à mettre gratuitement et à parts égales des
périodes de temps à la disposition des partis reconnus en dehors
des campagnes électorales."
Ne croyez-vous pas que le parti ministériel, quel qu'il soit, n'a
pas plus raison d'avoir des périodes supplémentaires non
seulement pour faire de la promotion politique, mais également pour
expliquer à la population les programmes électoraux ou les
programmes législatifs qu'il a mis en place, après son
élection? Ne croyez-vous pas qu'il est juste et raisonnable qu'un parti
en place puisse donner des explications à la population, contrairement
aux partis de l'Opposition peu importent lesquels, sans politique aucune
qui, eux, sont là pour faire de la critique ou exprimer leurs
désirs, ou faire de la promotion politique. Tandis que le gouvernement
qui est en place, le parti ministériel doit, lui, voir à
expliquer les programmes, les lois qui ont été mis en place
après son élection.
Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu d'avoir plus de périodes
ou un temps supplémentaire ou un pourcentage quelconque pour le parti
ministériel?
M.MORIN: Nous pensons le contraire.
M. CARPENTIER: Pour quelles raisons?
M. MORIN: Parce que les politiques que propose un gouvernement sont
peut-être bonnes, mais ce ne sont peut-être pas les bonnes pour la
population, et il nous paraît que l'intérêt de la
population, c'est d'être éclairée sur tous les arguments.
Et si on recommence à reconnaître au gouvernement une position
privilégiée, qu'il possède déjà de toute
façon du seul fait qu'il est le gouvernement, il se fait bien plus
entendre. S'il convoque une conférence de presse il a
immédiatement tous les media, toutes les nouvelles à ses pieds.
Cela ne touche pas les nouvelles ça, n'est-ce pas?
M. CARPENTIER: Que pensez-vous des lois qui sont adoptées
à l'Assemblée nationale et qui sont votées à la
majorité des vois? Elles doivent être diffusées pour le
bénéfice de la population, lorsqu'elles sont adoptées. Si
elles ne sont pas bonnes, d'accord, à la population d'en décider.
Mais lorsqu'elles sont acceptées par la majorité à
l'Assemblée nationale, je pense que la population est en droit de savoir
ce qui se passe...
M. MORIN: Là, c'est autre chose. S'il s'agit de faire
connaître les lois adoptées par l'Assemblée, ce n'est pas
nécessairement le personnel politique qui est le mieux habilité
à le faire, ça pourrait être tout simplement un
fonctionnaire du service d'information du gouvernement. C'est une autre
affaire.
Si ce n'est que de l'information que vous voulez faire, c'est autre
chose. Mais là, ce n'est pas ça. Il s'agit d'utiliser les ondes
pour faire valoir les objectifs les réalisations d'un parti
politique.
M. CARPENTIER: Vous admettrez tout de même que c'est très
proche parent?
M. MORIN: Oui, mais il y a quand même une ligne à tirer
quelque part entre les deux. Et en ce qui me concerne, si c'est de
l'information que vous voulez faire, je vois très bien un fonctionnaire
le faire. On peut choisir des personnes particulièrement
qualifiées pour intéresser les auditeurs et faire en sorte que,
dès qu'ils voient apparaître ce programme, les gens ne changent
pas de poste. Vous comprenez qu'informer les auditeurs sur la
législation, ce n'est pas tout le monde que ça intéresse
vous le savez comme moi hélas!
M. PAUL: En écoutant le député de Laviolette, je me
suis interrogé sérieusement quand il a dit: Lorsqu'une loi est
adoptée en Chambre majoritairement.
Comment pourrait-elle l'être autrement? Et, en second lieu, nous
avons étudié avec beaucoup d'intérêt les lois 35, 36
et 37, contre lesquelles nous nous sommes battus justement parce que nous
croyions que nous mettions à ce moment-là par ces lois un
instrument de propa- gande dans les mains du gouvernement. C'est pourquoi je
trouve que vous avez raison de ne pas faire de distinction en faveur du
gouvernement quant à cette recommandation contenue dans votre rapport
et, sur ce point, je vous félicite.
M. LAURIN: Sur le même point, M. le Président. Est-ce qu'il
n'y a pas aussi une distinction à établir entre ce qui est permis
en période non électorale, où le gouvernement existe, et
en période électorale, où la Chambre est dissoute et
où tous les partis se retrouvent sur le même pied?
M. MORIN: II y aurait une distinction à établir
certainement en ce qui concerne l'information. Mais en ce qui concerne la
propagande partisane proprement dite, je n'en vois pas. Cela demeure toujours,
hors du temps d'élection ou pendant l'élection, de la propagande
pour le parti. Donc, si on se met à interdire seulement qu'il y ait
disproportion en temps électoral, les partis vont se reprendre en
période non électorale et on va assister à un
déferlement continu de propagande politique.
M. HARDY: Dans ce sens-là, ça peut aller très
loin...
M. MORIN: Oui.
M. HARDY: ... ce souci d'égalité. Encore là,
à première vue, je trouve cela très valable. Mais de
quelle façon allez-vous réagir? Supposons qu'on prévoie
que les partis politiques doivent avoir exactement le même nombre
d'heures de propagande. Qu'est-ce qui arrive et là je ne pense
pas à un parti en particulier, c'est strictement une hypothèse de
travail si par certaines circonstances un parti politique a meilleure
presse qu'un autre, c'est-à-dire qu'un parti politique voit plus
facilement diffuser sa pensée dans les journaux qu'un autre? cela peut
conduire à un déséquilibre. Est-ce que ça
impliquerait, à ce moment-là, un certain contrôle de la
presse, votre volonté d'égalité?
M. MORIN: Non, pas du tout. Il y a plusieurs valeurs en présence,
M. le député. Il y a, d'une part, le souci d'égaliser les
chances des partis devant l'électorat et de mieux informer les
électeurs. D'autre part, il y a une valeur, qu'on peut mettre dans
l'autre plateau de la balance, qui est la liberté de la presse. Nous
estimons que, dans ce cas-là, la liberté de la presse va plus
loin. Si on se met à régenter, à contrôler
même le nombre de lignes agates dans la presse, là nous admettons
ça va trop loin et qu'il n'y a rien à faire.
M. HARDY: Bon, je suis parfaitement d'accord avec vous.
M. MORIN: Attention, cela soulève un autre
problème! Je ne voudrais pas qu'on s'embarque là-dedans
cet après-midi mais cela soulève le problème du
contrôle de la presse par les intérêts financiers.
M. HARDY: C'est un corollaire. Je suis parfaitement d'accord avec vous
pour respecter la liberté de la presse. Je pense que c'est une valeur
fondamentale d'une société libérale. Quel remède
avez-vous à ça? Vous dites, c'est bien beau, de contrôler
exactement le nombre d'heures que les partis politiques peuvent retenir
à la radio ou à la télévision. Par ailleurs,
supposons qu'il arrive qu'un ou deux partis politiques aient un avantage
très marqué dans les journaux, les autres partis politiques se
trouvant défavorisés. Quel est le mécanisme pour
rétablir l'équilibre à ce moment-là?
M. MORIN: M. le député, il n'y en a pas, sauf
évidemment pour ce qui est des annonces payées.
M. HARDY: Non, non.
M. MORIN: Vous parlez des réactions des journalistes.
M. HARDY: Non, je parle de la façon dont l'activité, la
vie, les programmes, les idées des partis politiques sont retransmis par
la presse électronique et la presse écrite.
M. MORIN: Bien, c'est là que la liberté reprend le
dessus.
M. HARDY: Encore une fois, je suis parfaitement d'accord avec vous que
la liberté de la presse, c'est une valeur fondamentale à laquelle
il ne faut pas toucher. Mais il faudrait que vous soyez, quand même,
cohérent et conséquent avec vous-même. Vous dites, d'une
part, qu'il faut absolument réglementer le temps que les partis
politiques vont avoir à leur disposition. L'objectif, c'est que tout le
monde soit sur un pied d'égalité. Jusque là, ça va,
mais, quand je vous arrive avec l'autre situation, vous me dites: Pas de
remède.
M. MORIN: Ah, une seconde! Il ne faudrait pas essayer de
m'entraîner dans des contradictions qui n'existent pas. Je n'ai pas dit:
pas de remède, mais pas de problème.
M. HARDY: II n'y a pas de problème!
M. MORIN: II n'y a pas de problème à ce niveau-là,
parce que c'est la liberté de la presse qui l'emporte et la
liberté des individus de juger les gouvernements et les partis de
l'Opposition.
M. HARDY: M. Morin, cessons d'être angéli-ques et
reconnaissons la situation telle qu'elle est. Vous y avez fait allusion et,
puisqu'on y est, c'est un corollaire, ça. Cela a beau ne pas être
directement dans votre mémoire, c'est une situation. D'une part, il y a
ce problème de la concentration des propriétaires de
journaux...
M. MORIN: Oui.
M. HARDY: ... qui peut, à certains moments, nuire à
certains partis politiques. Deuxièmement, il y a cet autre
phénomène qui est la syndicalisation des journalistes. C'est une
autre concentration, ça. On parle souvent de la concentration des
propriétaires, c'est un mal qui existe. Il y a l'autre aspect aussi,
c'est la concentration qui peut s'effectuer via le syndicalisme,
c'est-à-dire qu'une grande partie ou la majorité des journalistes
appartenant à tel syndicat, tel syndicat ayant telle idéologie,
cela peut avoir pour résultat, au bout de la ligne, que tel parti
politique soit favorisé par rapport à tel autre. Cela aussi,
c'est une réalité.
Alors, il ne faudrait pas qu'en essayant de corriger des situations d'un
côté on se voile pudiquement les yeux sur d'autres aspects.
M. MORIN: Mais, il n'est pas question de ça, M. le
Président. Seulement, il est question de bien distinguer les media
d'information: la radio, la télévision, c'est une chose; la
presse écrite, c'est autre chose.
La radio et la télévision pénètrent dans les
foyers et influencent certainement d'une façon beaucoup plus
considérable que la presse écrite. Ce n'est pas tout le monde qui
lit.
M. HARDY: Est-ce que vous avez des études scientifiques
là-dessus?
M. MORIN: Je pense que cela a été démontré
par McLuhan et par bien d'autres que c'est l'âge de la
télévision et que la télévision remplace la
lecture. D'ailleurs, c'est le sens commun qui nous l'apprend.
M. PAUL: Pourquoi aujourd'hui, durant cette campagne-ci, cette campagne
fédérale, se sert-on plus de la radio que la
télévision? C'est parce que la télévision n'est pas
devenu le moyen par excellence de la communication et de la
pénétration.
M. MORIN: Bien sûr, c'était précisément ce
que je disais, M. le Président.
M. HARDY : De toute façon, même si on admet ce fait que la
presse électronique influence davantage que la presse écrite,
ça ne change pas le problème que je vous ai posé.
M. MORIN : Ah ! mais je ne voudrais pas nier le problème tel que
vous l'avez soulevé, celui du contrôle de la presse écrite
par des intérêts...
M. HARDY: Et de la presse électronique également.
M. MORIN: Naturellement, mais, là, nous avons tenté d'y
apporter des remèdes. Vous savez, parfois; on peut pousser la logique
trop loin et arriver à des résultats inverses de ce qu'on
recherche, parce que, justement, on raisonne entièrement dans
l'abstrait. Nous pensons, nous, qu'au niveau de la télévision et
de la radio il est dans l'intérêt de tous les partis que la
répartition se fasse justement, adéquatement.
Mais, nous pensons que, lorsqu'on tombe dans la presse écrite, si
on se met à contrôler...
M. HARDY: Tenons-nous-en à la presse électronique.
Oublions pour le moment la presse écrite. Le problème se pose de
la même façon, concentration des propriétaires...
M. MORIN: Oui.
M. HARDY: ... et concentration de ceux qui sont les agents de ceux qui
travaillent à la radio et à la télévision. Le
même problème se pose.
M. MORIN: Nous sommes conscients de cela et c'est pour ça que
nous voulons que ce soit partagé en parts égales.
M. HARDY: Vous passez élégamment à
côté de la question qui se pose.
M. MORIN: Précisez-la parce que je tiendrais vraiment à
répondre à votre question.
M. HARDY: Je vous ai dit: Supposons le poste de radio ou de
télévision X, supposons qu'on se rend à votre demande que
tous les partis politiques n'aient pas le droit d'avoir plus que telle ou telle
période de temps, à ce moment-là, tout le monde est sur un
pied d'égalité, c'est bien, c'est bon. Mais à cause de la
concentration, soit des propriétaires, soit des journalistes qui
appartiennent à une même association, ceci a pour résultat
que, dans la nouvelle, dans les bulletins de nouvelles, dans les panels, dans
différentes choses, certains partis politiques sont favorisés par
rapport à d'autres. Vous m'avez dit tantôt: Nous n'avons pas de
remède.
M. MORIN: M. le député, vous faites allusion à la
densité même de la vie sociale. Si un parti n'envoie à la
radio ou à la télévision que des imbéciles pour
défendre ses politiques, c'est évident qu'il se fera mauvaise
presse. Mais s'il envoie des gens qui connaissent les problèmes, qui
connaissent les dossiers, que voulez-vous qu'il arrive?
M. HARDY: Vous passez élégamment à
côté du sujet, M. Morin.
M. MORIN: Alors revenons à la question tant qu'on ne l'aura pas
résolue.
M. PAUL: Je vais poser une question plus précise. Etes-vous en
faveur de la propagande dans la nouvelle?
M. MORIN: La propagande par la nouvelle?
M. PAUL: La propagande politique dans la nouvelle ou par la
nouvelle?
M. MORIN: Je vous répondrai au même niveau d'abstraction
que la question; je suis contre la propagande par la nouvelle.
M. HARDY: Est-ce qu'actuellement dans la nouvelle il y a de la
propagande parfois? Je ne dis pas...
M.MORIN: Parfois il y en a. Seulement, là-dessus je suis bien
prêt à me rendre au jugement de tout autre citoyen, parce que je
ne m'estime pas plus qualifié qu'un autre pour répondre à
votre question.
M. VEILLEUX: M. Morin, prenons l'exemple que vous venez de donner. Vous
mentionnez dans votre mémoire des critères de reconnaissance
officielle de partis politiques.
M. MORIN: Oui.
M. VEILLEUX: Vous avez, à l'heure actuelle, une campagne
électorale fédérale où vous avez quatre partis
officiellement reconnus.
M.MORIN: Oui.
M. VEILLEUX: Le Parti libéral, le Parti conservateur, Nouveau
parti démocratique et le Crédit social. Est-ce que ça veut
dire, dans votre esprit, qu'à l'heure où on se parle, ni
Radio-Canada, ni le réseau TVA, ni aucun poste de radio à
Montréal ne devraient donner des périodes à des partis qui
ne sont pas reconnus dans l'élection fédérale?
M. MORIN: Je vais distinguer. S'il s'agit de propagande politique des
partis en lice, j'estime que la réponse doit être non. S'il s'agit
d'une nouvelle, s'il s'agit de débats d'information...
M. PAUL: D'anticampagne.
M. MORIN: Je ne pense à rien en particulier, j'essaie
d'établir un principe général.
M. PAUL: Nous, nous y pensons pour vous aider à y penser.
M. MORIN: Vous avez tout à fait raison d'y penser. Moi, j'essaie
quand même de me mettre au-dessus de cela et de voir si on ne peut pas
établir un principe général.
M. HARDY: II ne faut pas faire d'angélisme, dit un vieux
proverbe.
M. VEILLEUX: Je vais prendre un programme bien spécifique.
Laissons tomber le Téléjournal.
M. MORIN: Est-ce que vous êtes d'accord sur la distinction que je
fais.
M. VEILLEUX: Laissons tomber le Téléjournal, prenons le
programme ligne ouverte Fren-chie Jarraud où il a fait venir et il fera
venir un représentant de chacun des partis.
Je me souviens, de Saint-Jean à Québec, j'ai entendu M.
Jacques Parizeau, dans le cadre de ces visites des partis reconnus à
l'élection fédérale; il avait lui aussi la ligne ouverte.
Est-ce que, dans votre esprit, les propriétaires et le journaliste en
question n'auraient pas dû inviter Jacques Parizeau
M. MORIN: Attention! Nous sommes dans un système. Nous ne sommes
pas dans l'autre. Nous sommes dans un système, à l'heure
actuelle, qui n'exerce aucun contrôle. Mais je vais répondre quand
même à votre question, je ne veux pas l'esquiver. Dans le
système, tel que nous l'envisageons, je pense que de telles
émissions devraient être réparties également entre
les partis en lice et ne pas inclure les partis qui ne sont pas reconnus dans
l'élection en question.
M. VEILLEUX: D'accord.
M. MORIN: Mais, attention! dans le système que nous proposons. A
l'heure actuelle, ce n'est pas ça. Ne me faites pas condamner une action
qui est permise par la loi.
M. VEILLEUX: Non, non, je ne vous fais pas condamner une action qui est
permise par la loi.
M. MORIN: Bien, nous sommes d'accord.
M. VEILLEUX: Je vous donne un exemple précis. Advenant que le cas
que vous mentionnez existerait cela ne devrait pas se produire.
M. MORIN: Je ne peux pas ne pas être d'accord avec vous.
M. VEILLEUX: D'accord.
M. MORIN: M. le Président, nous sommes déjà en
retard pour une autre activité. Ce n'est pas qu'elle soit aussi
importante que celle-ci, bien sûr, mais nous aimerions quand même,
si c'était possible, prendre congé. Si vous désiriez nous
interroger à nouveau, nous reviendrions n'importe quand devant la
commission. Nous sommes à votre disposition.
M. HARDY: Quant à nous, je pense que nous avons
épuisé toutes les facettes de votre mémoire. Je veux de
nouveau vous remercier d'avoir bien voulu vous prêter avec autant
d'amabilité à nos questions. Je voudrais simplement faire une
petite remarque.
Vous avez dit tantôt que vous souhaiteriez que nous commencions
à faire une réforme électorale le plus brièvement
possible, afin que les gens reprennent confiance et tout cela. Je voudrais
amicalement vous rappeler, M. Morin, que la réforme, sur le plan
électoral, a commencé déjà depuis quelques
années et qu'il y a eu, dans les années soixante, une
réforme majeure de la Loi électorale. Je pense entre autres au
remboursement des dépenses électorales et à une foule de
choses. Il ne s'agit pas pour nous, il ne faut quand même pas se prendre
pour d'autres, ni vous ni nous, de commencer la réforme de nos lois
électorales, de nos institutions électorales mais de la
continuer.
Je pense qu'il y a lieu de se perfectionner. D'ailleurs, c'est la raison
pour laquelle nous consacrons beaucoup de nos travaux à cette question,
afin d'arriver à obtenir un systènme électoral qui soit
aussi démocratique que possible, où les citoyens puissent
vraiment, avec le moins d'entraves il y en aura toujours et de
limites possible, s'exprimer librement.
Quant au pessimisme que vous avez voulu déceler, vous fondant sur
le peu de mémoires que nous avons reçus, là aussi il faut
faire attention. Il y a deux interprétations possibles. Le peu de
mémoire que nous avons reçus peut signifier, bien sûr,
qu'il y a un certain pessimisme, un certain désabusement et que les gens
disent qu'il n'y a rien à faire. Mais il y a aussi l'autre attitude qui
peut vouloir dire que les gens sont quand même relativement satisfaits
des systèmes actuels, que la majorité, du moins, des citoyens est
relativement satisfaite des lois actuelles, du système actuel. Il y a
aussi cet aspect qu'il ne faut pas oublier.
De toute façon, quant à moi, personnellement, et je pense
que c'est l'esprit qui anime mes collègues, nous croyons qu'il y a place
pour continuer à perfectionner nos institutions, le mécanisme
électoral, la Loi électorale, la Loi de la contestation des
élections. Je reconnais bien volontiers que votre participation à
nos travaux sera sûrement de nature à nous aider à
présenter des amendements valables à la Loi électorale et
à la Loi de la contestation des élections.
M.MORIN: Merci, M. le Président. Puisque vous êtes en si
bonne route, il reste seulement à souhaiter que vous continuiez.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais remercier, au nom des
membres du parti Unité-Québec, M. Morin et son équipe.
Vous nous avez fait des exposés sur beaucoup de points très
valables, et j'ai admiré, personnellement puisque je suis un
fervent du baseball, j'ai retenu la publicité qu'une certaine compagnie
fait quand on parle d'une lame de rasoir qui est "vif d'esprit et vif
d'allure" votre esprit très vif lorsque vous avez, avec beaucoup
d'intelligence
et de souplesse, contourné les questions piégées
que certains collègues de l'assemblée vous ont posées. Je
vous en félicite et je vous en remercie.
M. MORIN: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: Je voudrais remercier M. Jacques-Yvan Morin et son
équipe pour l'élaboration de principes que vous nous avez
présentée et que j'ai beaucoup appréciée. Je pense
que c'est de nature à orienter les travaux d'une façon valable.
Si jamais votre organisme décidait de s'attaquer aux techniques
d'application de ces grands principes, je pense que ce serait aussi de nature
à nous aider considérablement parce que c'est là que nous
retrouvons le plus de difficultés à les rendre à
maturité. Là-dessus, je vous remercie beaucoup.
M. LAURIN: Je remercie pour ma part le MNQ pour son immense effort,
c'est un des rares organismes à avoir travaillé aussi fort sur ce
problème. Je pense que cela témoigne de son sens
démocratique et de son sens social. Je le remercie pour une contribution
que, pour ma part, j'ai trouvé extrêmement utile.
M. MORIN: Merci, messieurs.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. La commission ajourne ses travaux au
26 octobre à 10 heures.
(Fin de la séance à 15 h 23)