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Commission permanente de l'Assemblée
nationale
Sujet: Réforme électorale (24)
Séance du jeudi 26 octobre 1972
(Dix heures seize minutes)
Enquête dans Gatineau
M. LAVOIE (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
M. le juge Drouin m'a remis, quelques minutes avant la séance,
plusieurs exemplaires des conclusions d'une enquête policière sur
ce qui s'est passé dans le comté de Gatineau. Hier, il avait
communiqué avec moi et j'avais proposé que ce dossier soit
déposé en une trentaine de copies. Il s'agit des conclusions de
l'enquêteur, ainsi, que de tous les témoignages des personnes qui
ont été interviewées ou interrogées sur cette
question. J'en remets une copie à chacun des membres de la commission.
Pour les représentants de la presse, j'ai des copies des conclusions du
rapport.
Nous allons considérer, ce matin, deux mémoires, l'un
présenté par M. Jean-Pierre Na-deau, concernant les sondages
électoraux, analyse et solutions; l'autre présenté par M.
Claude Gousse, appuyé par les membres du Centre de recherche sur
l'opinion publique.
Sondages électoraux
M. HARDY: M. le Président, nous avions reçu deux
mémoires concernant les sondages électoraux, à la suite de
l'invitation de la commission parlementaire à différents
organismes de venir témoigner devant nous. Je pense qu'il s'agit d'une
question importante, d'actualité d'ailleurs. L'ampleur qu'a prise ce
phénomène des sondages électoraux, au cours des
récentes années, est importante. Les réactions devant ce
phénomène sont diverses et parfois contradictoires. Certains
voudraient les interdire totalement, alors que d'autres voudraient qu'il y ait
une liberté totale et absolue.
De toute façon, je pense qu'il est difficile d'étudier la
réforme électorale sans se pencher sur cette question. Et je
pense que les membres de la commission parlementaire apprécient la
collaboration des personnes qui, ce matin, viendront se faire entendre.
Je suis persuadé, après avoir lu les mémoires, que
ces personnes nous aideront sûrement à trouver une solution
à ce problème qui soit de nature à atteindre l'objectif
fondamental que nous poursuivons ici, celui d'avoir un système
électoral qui favorise le plus possible l'expression du vote d'une
façon libre, sans aucune entrave.
M. le Président, je suis heureux, au nom du parti
ministériel, de souhaiter la bienvenue à ceux qui nous visitent
ce matin.
M. PAUL: Je voudrais joindre ma voix à celle du
député de Terrebonne pour signaler cependant que ce n'est pas
tant, ce matin, la réforme parlementaire que nous envisageons, mais des
amendements éventuels à la Loi électorale qui pourraient
donner en quelque sorte un certain statut ou imposer des règles quant
à la publicité faite aux sondages préélectoraux et
leur publication.
A la lecture d'un des mémoires, je me suis longuement
demandé cependant pourquoi on parlait de certains sondages qui
étaient effectués, soit au niveau d'une élection
municipale, d'une élection scolaire, même du
référendum, sans que l'on s'arrête sur l'aspect d'un
sondage à l'occasion d'une élection fédérale. On
nous répondra que, notre mandat étant un mandat provincial, on ne
pouvait du même coup envisager cette facette des sondages politiques.
Je crois bien que, même s'il y a une anticampagne qui se
déroule à l'occasion de certaines élections, rien
n'empêche que le principe de la publication des sondages trouve champ
d'application autant au niveau fédéral, provincial ou municipal,
ou à l'occasion d'un référendum.
C'est avec beaucoup d'intérêt que nous allons entendre les
mémoires qui nous seront présentés ce matin. Il est
possible que de ces mémoires découlent certains amendements que
le gouvernement prendra l'initiative de nous présenter pour que la Loi
électorale donne certains pouvoirs au président
général des élections et pour que ces sondages soient
astreints à une certaine directive, à un certain protocole ou
à certaines règles de manière que, s'ils sont jugés
recevables et acceptables, pour qu'au moins leur publication soit soumise
à des règles ou à une éthique, une espèce de
code déontologique qui pourrait donner encore plus de valeur à
ces sondages qui, de plus en plus, cependant, s'avèrent assez exacts,
même si quelquefois les media d'information, suivant l'auteur d'un
mémoire de ce matin, dénaturent la qualité même du
sondage que l'on a pu effectuer.
Veuillez croire, M. le Président, que c'est avec beaucoup
d'intérêt que nous allons entendre ces mémoires et je suis
sûr que nous pourrons en tirer bénéfices, avantages et
profits, nous, législateurs chargés de réformer notre
système électoral de manière à ce qu'il
réponde aux besoins de notre époque.
M. LE PRESIDENT: M. Béland.
M. BELAND : Nous avons également, nous du Ralliement
créditiste, bien hâte d'entendre ce matin ceux qui ont à
présenter des mémoires. Il est évident qu'en ce qui
concerne le sujet plus précis des sondages, qu'on vient de mentionner,
cela provoque des tendances dues à une certaine quantité de votes
flottants. Cela implique dangereusement, dans certains cas, les situations qui
doivent être créées, qui doivent être prévues
dans la réglementation qui viendra compléter la réforme
des districts électoraux en
général. En effet le tout je mets le tout
ensemble de même que toutes les études connexes, pas
ensemble dans le sens dont nous entendons souvent parler depuis quelques jours,
mais simplement ensemble dans le sens qu'il y a deux, trois, quatre, cinq
partis qui forment à un moment donné un contexte faisant en sorte
que nous puissions améliorer les situations qui ont existé depuis
quelques années concernant les élections générales
au Québec.
Mes derniers mots seront pour dire que, justement, nous avons grandement
hâte d'entendre les mémoires qui seront présentés ce
matin.
M. LAURIN: M. le Président, pour notre part, nous abordons ce
problème avec un esprit ouvert et absolument exempt de
préjugés, car le sondage est un phénomène
relativement moderne dont nous ne commençons qu'à saisir toutes
les implications, au fur et à mesure que l'usage s'en répand et
que l'utilisation s'en trouve accélérée.
Nous allons porter une attention particulière à deux
problèmes: le premier, le caractère scientifique du sondage, car
il n'y a pas de sondage qui puisse se justifier s'il n'est pas basé sur
les données les plus sûres, de la science sociologique et, d'autre
part, l'utilisation politique qui en est faite, l'impact politique que le
sondage peut avoir et les utilisations en particulier que peuvent en faire des
machines électorales, non pas au sens péjoratif, qui ont pour
but, justement, de gagner à leur cause l'opinion.
C'est sur ces deux points que notre attention va porter. Nous avons
parcouru également les mémoires, nous les avons trouvés
très intéressants et nous espérons qu'avec toutes les
questions que nous poserons, avec les éclaircissements additionnels que
nous donneront, ceux qui viennent témoigner ici, nous pourrons
éclairer la lanterne du législateur et en arriver à une
législation qui respecte la science, en même temps que les
exigences de la démocratie.
M. LE PRESIDENT: M. Trudeau, pardon, M. Nadeau.
M. PAUL: Vous subissez une certaine déformation professionnelle,
M. le Président.
M. DEMERS: L'influence des sondages. M. Jean-Pierre Nadeau
M. NADEAU: M. le Président, messieurs les députés,
je tiens à vous remercier, ce matin, de m'avoir invité à
une de vos séances pour que je puisse donner mon opinion sur les
sondages politiques. J'en parlerai très librement, d'autant plus que je
ne suis attaché à aucune maison de sondage actuellement. Je me
suis intéressé à cette question, d'abord au cours de mes
études en science politique avec le professeur Lemieux, à
l'université Laval, et, ensuite, en faisant ma thèse de doctorat
en communications à l'Université de Paris, avec le professeur
Cazeneuve et, à l'UNESCO, avec le professeur Fulchignoni. C'est un sujet
international et, dans chaque pays, vous le savez comme moi, on s'interroge sur
cette question-là.
Je vous ai remis un plan de mon exposé, ce matin, j'espère
que le président ou M. Desmeules vous avait donné le texte
précédemment. Le plan se situe en cinq questions. La
première, comment peut-on influer sur les résultats des sondages?
La deuxième, les sondages influencent-ils les votants? Quels sont leurs
effets? La troisième question, a-t-on tort ou raison de rendre public un
sondage en période électorale? La quatrième question, la
présentation des sondages par les mass-media constitue-t-elle un certain
danger? A la fin, je propose une solution à ce problème.
Je dois vous dire très honnêtement que ce sont les points 4
et 5 qui retiendront tout particulièrement mon attention. J'ai voulu
proposer une solution parce qu'il est bon d'en discuter et de pérorer
longuement sur la question des sondages, mais je pense qu'il faut faire un
effort pour proposer une solution. Je vous en propose une. Je ne suis pas
certain que c'est la meilleure. Cependant, je suis sûr que vous
l'étudierez avec attention.
J'ai voulu poser des questions qui regroupent et qui recoupent, je
pense, les points soutenus dans le court mémoire que je vous ai fait
parvenir de Paris, au mois de mars dernier. Comment peut-on influer sur les
résultats des sondages? Je ne vous parlerai pas de marge d'erreurs,
comment on calcule l'écart type, ce matin, mais je dois vous donner les
trois raisons à savoir comment on peut influer sur les résultats
d'un sondage.
On peut influer de trois façons sur les résultats des
sondages: par une mauvaise composition de l'échantillon, par un
questionnaire orienté et par des enquêteurs mal formés. Je
m'attarderai sur le tableau que vous avez derrière vous et qui
présente deux sortes de sondage. L'un de La Presse a été
publié en 1970, à quelques jours de l'élection, et l'autre
à la droite, plus comtemporain, a été publié par le
journal Le Soleil, le 14 octobre dernier, durant cette campagne
électorale fédérale. Je vous parlerai de ces deux
sondages, tout à l'heure, parce que je crois qu'il y a des erreurs
graves de faites dans l'échantillon, en ce qui concerne le journal Le
Soleil, et dans une théorie que j'ai développée avec Souvy
à Paris, en ce qui concerne La Presse, c'est-à-dire la
publication de pourcentages dans le titre d'un journal. Je vous ai dit qu'on
pouvait influer sur les états des sondages par une mauvaise composition
de l'échantillon. Je vous en donnerai tout à l'heure des exemples
précis et je vous expliquerai pourquoi un échantillonnage qui est
mal fait peut fausser gravement les résultats de ces sondages.
Vous comprenez aussi qu'un questionnaire
peut être orienté, c'est-à-dire que, par une
question, en la formulant d'une certaine façon, on peut faire dire ce
que l'on veut à une personne que l'on interroge, soit directement soit
par le téléphone.
Je retiendrai un point pour ma discussion concernant le journal Le
Soleil. Je crois que des enquêteurs non professionnels qui ne sont pas
préparés à poser des questions au téléphone
ou à rencontrer personnellement des gens face à face sont mal
formés. J'en ai eu l'expérience avec la compagnie Canadian Facts
en 1968 lorsque j'ai publié je vous la ferai parvenir si vous
voulez une brochure disant comment on formait les enquêteurs. Il y
a un portrait type de l'enquêteur qui doit être défini. Je
crois personnellement, en ce qui concerne le sondage du 14 octobre, que les
enquêteurs du journal Le Soleil n'étaient peut-être pas
assez professionnels pour faire ce sondage.
Je passerai immédiatement à la deuxième question.
Les sondages influencent-ils les votants ou quels sont les effets des sondages?
Dans mon mémoire, j'ai soutenu que, de 1952 â 1965, il y a eu une
école de pensée qui disait qu'il y avait deux sortes d'effets.
D'abord, l'effet "band-wagon", c'est-à-dire qu'on a estimé un
certain temps, parmi les politicologues et les sociologues, que les votants
indécis, indifférents ont tendance, à la dernière
minute, à appuyer le candidat que les sondages désignent comme le
vainqueur apparent. Par exemple, on dit qu'un tel parti, 48 heures avant les
élections, a 60 p.c. de la faveur populaire; de 1952 à 1965, des
sociologues prétendaient que les votants se laissaient influencer et
couraient vers le gagnant pour exprimer leur vote.
D'autre part, d'autres politicologues américains, que j'ai
cités dans mon rapport, ont soutenu le contraire et l'ont prouvé.
Ils ont appelé ça l'effet "underdog", c'est-à-dire que les
indécis et les indifférents courent parfois vers celui qui fait
le plus pitié, vers celui dont les sondages présument la
défaite. Klineberg a fait un volume sur ça et a prouvé, en
1970, que les effets des sondages s'annulent. Il peut y avoir autant de gens
qui se laisseront influencer par l'effet "band-wagon", c'est-à-dire
qu'ils vont être poussés vers celui dont les sondages
présument la victoire, que de gens qui se laisseront influencer par
l'effet "underdog", c'est-à-dire qu'ils seront poussés vers celui
qui fait le plus pitié, dont les sondages présument la
défaite. Tous ces effets tendent à s'annuler. S'il y a des
effets, c'est sur les leaders d'opinion, sur les organisations des partis
qu'ils agissent.
L'organisateur du parti, dans son comté ou ailleurs, est
confronté avec l'information. Il est beaucoup plus attentif à
l'information que les media apportent. Alors, il se passe ceci: II peut arriver
que la lecture des sondages de ces organisateurs les décourage, d'une
certaine façon, si le sondage abat complètement le parti pour
lequel ils travaillent; ou, d'autre part, cela peut créer un nouveau
regain d'enthousiasme à cause du sondage favorable au parti pour lequel
les organisateurs travaillent.
Cependant, je dois dire ceci. Le sondage peut avoir des effets sur les
leaders d'opion, parfois, ainsi que les organisations de parti. Je crois qu'il
y a tant d'information qui provient des partis politiques, durant que ces
sondages sont publiés, qu'à la fin, les partis politiques
trouveront toujours à dire qu'eux ont fait leurs sondages et prouveront
le contraire. Je vous donne un exemple précis de 1968. En 1968, tous les
sondages politiques, pour l'élection fédérale, disaient
que M. Trudeau était en avance. Alors, le parti conservateur de M.
Stanfield, à ce moment-là, avait fait son propre sondage avec je
ne sais pas quel moyen. Ce sondage, fait par les conservateurs, et
publié dans tous les journaux, disait ceci: Les conservateurs effectuent
un sondage qui leur prédit la victoire à l'élection. Un
sondage accorde 138 sièges à l'élection. Je peux faire
circuler cette information si vous voulez. C'est-à-dire que, même
si tous les media politiques et les compagnies de sondages s'accordaient
à dire, à ce moment-là, que M. Trudeau était en
avance et le donnaient même gagnant à cette élection, les
partis politiques ont publié leurs propres sondages disant que ceux-ci
prouvaient le contraire des autres maisons.
Alors, à cause de tous les moyens que peuvent prendre les partis
pour contrecarrer les effets sur les organisateurs parce que je soutiens
que, s'il y a un effet, il peut se faire sur les organisateurs des partis
politiques ceux-là sont limités parce que toujours les
partis politiques trouvent des motivations pour relancer leurs partis dans !a
lutte, même si les sondages les donnent perdants.
Oui, M. Hardy.
M. HARDY: Est-ce que vous permettez qu'on vous pose des questions
pendant votre intervention?
M. NADEAU: Certainement.
M. HARDY: Est-ce que je dois comprendre...
M. NADEAU: Oui.
M. HARDY: ... que devant une situation comme celle que vous venez
d'exposer, les sondages publiés par différents journaux ou
maisons indépendantes dans un sens où un parti politique publie
son propre sondage,...
M. NADEAU: C'est ça.
M. HARDY: ... vous soutenez que, dans l'opinion publique, ce genre de
démenti que pourrait apporter le sondage maison d'un parti politique
renverse l'effet qu'aurait provoqué le sondage de maisons
indépendantes? En d'autres termes, vous ne croyez pas que le
lecteur,
quand il verrait que tous les sondages vont dans un sens et que le
sondage du parti politique, lui, favorise le parti politique en question,
demeurerait sceptique et que la publicité des partis, de cette
façon, ne changerait pas l'impression ou l'influence des sondages des
journaux ou des maisons indépendantes.
M. NADEAU: A ceci, je vous répondrai très directement que
la population en général ne porte pas un jugement rationnel,
actuellement, sur la maison ou le parti politique qui fait le sondage. Je
m'explique. Je suis presque convaincu que le sondage vienne d'une maison
respectable comme CROP ou l'IQOP au Québec ou qu'il vienne d'un autre
parti politique que les gens, qui ne pensent pas rationnellement quand
ils lisent les nouvelles des journaux, ne verront pas du tout l'effet qu'a
voulu produire ce sondage. Je pense qu'ils croiront autant dans le sondage
politique fait par un parti politique, comme celui que je vous ai cité,
que dans celui qui est fait par une maison indépendante.
Je voudrais, comme vous, que les gens se fient plutôt à des
maisons indépendantes et hors des partis politiques, mais je ne suis pas
certain du tout qu'ils ne croiront pas à un sondage politique fait par
un parti. L'organisateur, lui, se fiera à son parti qui a fait un
sondage politique et qui lui prouve qu'il est en avance.
M. HARDY: J'avais surtout dans l'esprit non pas l'organisateur politique
mais le lecteur indépendant.
M. NADEAU: Oui. Je pense que le lecteur indépendant...
M. HARDY: Il croira autant au sondage d'un parti.
M. NADEAU: Tout dépend, vous savez, du niveau d'éducation.
Je crois que l'homme moyen de notre population québécoise
attachera autant d'importance à un sondage politique provenant d'un
parti politique qu'à celui d'une maison indépendante. Quant
à nous, les gens plus informés que les autres sur cette question,
nous savons bien que nous attachons beaucoup plus d'importance à un
sondage politique fait par une maison indépendante qu'à celui
d'un parti politique.
Ce n'est pas pour rien que les partis politiques, actuellement, font des
sondages. C'est parce qu'ils croient vraiment qu'ils peuvent avoir un effet sur
la population.
M.HARDY: C'est-à-dire qu'ils les publient. Qu'ils les fassent,
c'est pour se guider eux-mêmes. Qu'ils les publient, c'est pour atteindre
l'objectif dont vous parlez.
M. NADEAU: Oui. C'est très exact. M. PAUL: Voyez-vous un
véritable impact politique à la suite de la publication de ces
sondages? Vous avez parlé de deux mouvement contradictoires.
M. NADEAU: Oui.
M. PAUL: Avec l'expérience que vous possédez ou à
la suite des consultations que vous avez pu faire, êtes-vous en mesure de
nous certifier que la publication de ces sondages crée un mouvement
politique réel, un intérêt politique accru ou un
enthousiasme politique accéléré?
M. NADEAU: C'est-à-dire que je soutiens que, sur l'ensemble de la
population, les effets des sondages -s'annulent, mais pour l'organisateur
politique, il est certain que si un sondage donne victorieux son parti, il sera
motivé d'autant plus à travailler.
D'autre part, si l'organisateur politique voit que son parti politique
est défait, si le sondage présume de la défaite de son
parti politique, il aura tendance non pas à laisser tomber mais à
être influencé négativement par ce sondage.
Je dis par après que le parti dont un sondage présume de
la défaite a encore des armes dans sa poche. C'est ainsi que le parti
conservateur, disons-le honnêtement et directement, en 1968, voyant que
les sondages ne l'avantageaient pas, a créé son propre sondage;
il l'a publié, et ce sondage a reçu une très bonne presse,
comme vous voyez. Je crois que l'organisateur, en comparant les sondages faits
par les maisons indépendantes ou par son parti, a pu faire foi à
ce sondage fait par son parti, de sorte que, somme toute, les organisateurs
politiques ne sont pas tellement influencés par cela, parce que leur
parti politique vient tout le temps leur donner d'autres motivations de
travailler.
M. HARVEY (Chauveau): Vous ne voulez pas mettre en doute lorsque
vous vous référez à un sondage qui a été
publié dans l'édition du Soleil par exemple la veille d'un
scrutin en 1968 le journal lui-même, qui tente d'influencer une
certaine clientèle vers un parti plutôt qu'un autre. Vous mettez
plutôt en doute le statut professionnel des véritables
recherchistes pour donner l'image qu'on veut avoir?
M. NADEAU: C'est exact. Dans la discussion que j'aurai sur Le Soleil au
tableau dans quelques minutes, je vous dirai pourquoi à mon avis, les
règles fondamentales pour attirer un bon sondage n'ont pas
été suivies. Sans doute que les gens qui l'ont fait...
M. HARVEY (Chauveau): Quelles sont ces règles, d'après
vous?
M. NADEAU: Je vous parlerai de l'échantillon tantôt. Il y a
une mauvaise composition de l'échantillon. Les enquêteurs ont
probablement été mal formés, ou les journalistes qui ont
posé les questions n'étaient peut-être pas des profes-
sionnels. Je vous dirai aussi que la composition de l'échantillon
ne représente peut-être pas la population réelle qui
recoupe les 22 comtés pour lesquels ce sondage a été
fait.
M. HARVEY (Chauveau): Vous précisez quand même que
ça se situait dans une région.
M. NADEAU: Ils ont précisé que ça se faisait dans
22 comtés très exactement.
M. HARVEY (Chauveau): Et à ce moment, ça inclut une
clientèle à la fois urbaine et rurale, ou mi-rurale,
mi-urbaine.
M. NADEAU: C'est ça.
M. HARVEY (Chauveau): On se situe véritablement dans le contexte
régional et la projection et le résultat ont été
passablement similaires. Je pense qu'on a eu quand même quelque temps
auparavant même si ça favorisait un parti une image
vraie de ce qui s'est produit le jour du scrutin.
Je suis porté à croire à la bonne foi d'un journal,
et à croire que ç'a été bien fait. C'est en plein
dans mon domaine. J'ai fait des études là-dedans. Je ne suis pas
allé étudier à Paris, si j'y suis allé, c'est en
voyage.
M. PAUL: Un autre voyageur du côté ministériel.
M. DEMERS: Un autre touriste.
M. HARVEY (Chauveau): Sans être payé par l'Etat. Je suis
également de très près les sondages qui se font
actuellement en regard de la campagne fédérale, et je vous avoue
franchement qu'hier soir dans le journal Le Soleil, à la demande du
journal le Times et aussi du Soleil, on a vraiment l'orientation que prendra le
votant, en ayant restreint au strict minimum le nombre de votants douteux.
Déjà, on sent qu'il y a une orientation qui va se prendre en
regard du scrutin fédéral.
M. NADEAU: Je répondrai à votre question
brièvement. Le sondage dont vous faites mention est celui fait par MM.
Pinard et Hamilton, qui sont des professionnels des sondages, mais il ne
représente pas l'exemple que je veux vous citer, qui est celui du 14
octobre dernier, un sondage maison fait par les journalistes du Soleil.
M. HARVEY (Chauveau): Vous vous en prenez beaucoup plus à ceux
qui font les sondages qu'au sondage lui-même.
M. NADEAU: C'est exact.
M. HARVEY (Chauveau): Vous croyez aux sondages?
M. NADEAU: Oui, c'est-à-dire que, dans les points qui vont
suivre, je vais vous dire pourquoi nous devons conserver ce style d'information
que sont les sondages dans une campagne électorale.
M. HARVEY (Chauveau): Je vous remercie.
M. NADEAU: Je vais passer au deuxième point, si vous le
permettez, M. le Président. La deuxième question que je citais
c'est: A-t-on tort ou raison de rendre public un sondage en période
électorale? Il y a une école de pensée qui dit que les
sondages représentent en période électorale un grave
danger pour la démocratie et que le peuple y donne trop d'importance.
Cette école de pensée, on voit qu'elle existe encore, du moins au
Québec, en France et en Allemagne tout particulièrement. Je veux
vous dire ce matin, messieurs, que vous devez considérer que l'on a
raison de rendre public un sondage en période électorale. Le
sondage n'est pas une prédiction, ce n'est pas quelque chose que l'on
voit dans une boule de cristal; c'est une information précise sur
l'état de l'opinion à un moment donné. Le sondage est un
indice de cohérence et d'exactitude et il permet d'infliger des
démentis aux hommes politiques qui disent connaître le vrai pouls
de la population.
Ne serait-ce que l'exemple que je vous ai cité, si, en 1968, des
sondages électoraux n'avaient pas été faits durant la
campagne fédérale et qu'un parti politique prenons celui
que je vous présente actuellement, le Parti conservateur avait
présenté le sien, le Parti conservateur aurait donc
présenté le sien, un sondage maison; celui-ci aurait eu beaucoup
d'impact parce que présenté en période électorale
dans une assemblée publique; il n'y aurait eu aucun sondage
cohérent, exact et précis pour justifier, pour permettre
d'identifier très exactement l'état de l'opinion à ce
moment-là. C'est-à-dire qu'il existe actuellement des
règles précises pour faire des sondages qui prouvent avec
exactitude l'état de l'opinion à un certain moment. Quand toutes
ces règles sont bien suivies, il est certain que nous devons faire foi
à l'état du sondage.
Interdire leur publication, ce serait réduire les sondages
à circuler sous le manteau et exposer à la rumeur. Le
gouvernement qui précédait celui de M. Brandt en Allemagne, je
crois que c'était celui de M. Erhard, avait essayé en Allemagne,
à un certain moment, d'empêcher la publication des sondages
politiques; on s'était vite aperçu que chacun y allait de son
propre sondage sans que ce soit publié dans les journaux; on pouvait
recevoir par les radios périphériques des autres pays les
résultats de ces sondages. Chaque politicien se disait fort de l'appui
du sondage qu'il avait fait, de sorte que, actuellement, l'Allemagne a permis
que l'on fasse de nouveau des sondages. Cet essai n'a pas du tout
été concluant et l'Allemagne a rejeté la non-publication
des sondages. Pourquoi?
Ici, au Canada, vous avez le gouvernement Bennett qui avait d'autre part
empêché la
publication des sondages. C'est la seule province que je connaisse,
à moins que vous me corrigiez sur cela, qui empêche la publication
des sondages en période électorale. Je ne sais pas du tout
l'opinion de M. Barrett, le nouveau premier ministre de cette province, sur
cette question. Mais je vous dis qu'interdire les sondages, ce serait les
réduire probablement à circuler sous le manteau et exposer
à la rumeur.
Certes, ce nouveau genre d'information heurte les rites politiques
d'autrefois. C'est sûr que c'est une chose nouvelle, comme le disait le
député Laurin tout à l'heure, mais je pense qu'il
représente un instrument de contradiction immuable contre les faux
sondages. Je crois que nous devons faire confiance aux maisons professionnelles
de sondages. Certes, il y a des erreurs; il y a des maisons qui ne doivent pas
faire des sondages et c'est ce point de vue que nous discuterons
tantôt.
La prochaine question: La présentation des sondages par les
mass-media constitue-t-elle un certain danger? J'ai développé, en
1970, à Paris, une théorie avec M. Sauvy sur le magnétisme
des chiffres.
Je vais m'expliquer parce que ce n'est pas si compliqué à
comprendre, même si le texte ici était peut-être ambigu.
Alors, un titre de journal comportant des chiffres a un impact plus
considérable qu'un autre sondage qui aurait un titre sans chiffres. La
valeur de suggestibilité, de simplification, d'évocation intense
et de mémorisation du chiffre donne une force de persuasion claire,
brève et universelle. Ici, messieurs, je vous demande de regarder le
sondage de la Presse en 1970.
Alors, vous avez un sondage ici publié par la Presse à
quelques jours de l'élection provinciale en 1970. Alors, moi, j'ai
prouvé à Paris que, lorsqu'un journal publiait des pourcentages
dans un titre, l'impact sur les gens était beaucoup plus
considérable que s'il n'y avait que des lettres. Souvenez-vous des
règles de publicité politique que vous employez durant vos
campagnes électorales.
Souvent, dans les slogans que vous employez, c'est 100 p.c.
fédéraliste, 50 p.c. ceci ou 50 p.c. cela. Le chiffre comme tel
en propagande politique a une suggestibilité très intense
vis-à-vis de la population. Vous savez comme moi que les gens
habituellement ont une perception sélective de l'information,
c'est-à-dire que les gens ne lisent que ce qui leur plaît. Si ce
sont des libéraux, ils vont surtout lire un titre où ça
commence par Bourassa; s'ils sont uni-quistes, ils vont surtout être
attirés par un titre qui commence par M. Loubier, etc.
Ceci pour dire que, lorsqu'il y a un chiffre, ça impose à
la personne de lire ce titre, alors qu'habituellement une personne, dans un
journal, ne lit que ce qui lui plaît, c'est-à-dire n'est
attirée par un titre que parce qu'elle est concernée par ce
problème-là. Moi, j'ai prouvé que, lorsqu'il y a
un-chiffre, la personne se sent obligée de lire ce chiffre à
cause du magnétisme du chiffre. En publicité politique, c'est un
élément d'hypnose qui force la personne à lire ce
titre.
M. PAUL: On se rappelle, M. Nadeau, le chiffre 100,000, en 1970.
M. DEMERS: Est-ce que les roues de camion ont de l'influence aussi? Je
pense aux camions de la Brink's?
M. NADEAU: Cela ce n'est pas dans mon propos, messieurs. Pour revenir
à quelque chose de plus précis en ce qui concerne ce sondage,
moi, je prétends, messieurs, que ce titre de la Presse a eu une
influence certaine sur les gens, à cause, premièrement, de la
faiblesse de ce chiffre ici: l'Union nationale, 10 p.c.
Si tous les partis avaient été égaux, je crois,
parce qu'il y a eu beaucoup de chiffres, que la tendance aurait pu s'annuler,
mais la lecture de ce titre était imposée; la personne ne pouvait
pas passer à la deuxième page. Vous savez, quand vous ouvrez un
journal le matin, vous passez brièvement et vous vous arrêtez sur
les points qui sont susceptibles de vous intéresser.
C'est la même chose pour la population. Les gens s'arrêtent
sur les sujets qui les intéressent tout particulièrement, sur le
parti politique dont ils sont partisans ou d'autres. Alors, lorsqu'il y a un
titre avec un chiffre, avec des numéros, la personne n'a plus ce
privilège de choisir ses articles. Moi, j'ai prouvé que les
titres ayant des chiffres dans leur composition étaient lus de la
plupart des gens, parce que c'était une perception imposée qui se
faisait à ce moment-là.
C'est M. Sauvy qui disait: "Les chiffres sont des innocents qui avouent
vite ce qu'on leur demande d'avouer," et c'est bien vrai. S'il y a des gens
oui, il y en a ici en psychnalyse, ils savent comme moi qu'en
hypnose le chiffre a un magnétisme...
M. HARDY: Qu'est-ce que vous sous-enten-dez par là? Est-ce que
vous les voyez sur le divan ou sur le fauteuil, quand vous dites les gens en
psychanalyse?
M. NADEAU: Quand on fait de la psychanalyse, on étudie les
phénomènes d'hypnose et je crois que c'est un
phénomène d'hypnose ici qu'une personne se sente obligée,
quand elle voit un titre avec un chiffre. Elle perd toute liberté de
lire ou de ne pas lire un titre et ce titre lui est imposé.
M. PAUL: Cela fait perdre des élections aussi. On verra à
ça plus tard.
M. NADEAU: C'est ce que j'avais à vous dire sur le
magnétisme des chiffres. Inutile de vous dire que ces expériences
ont été faites en laboratoire, à l'UNESCO, que nous avons
pris des échantillons de personnes à qui nous avons
fait lire plusieurs articles de journaux que nous avons parcourus
à ce moment-là.
Nous avons repassé tous ces journaux et on voyait qu'il y avait
une perception imposée des titres composés avec des chiffres,
parce que les gens perdaient toute liberté de lire ou de ne pas lire un
titre.
M. PAUL: Vous permettez que je vous pose une question? Les chiffres que
vous nous montrez sur la page de la Presse, même s'ils sont en gros
caractères, est-ce qu'ils correspondent à un sondage qui avait
été effectué?
M. NADEAU: Oui. C'est un sondage qui a été fait par CROP,
l'échantillon est de 1377 personnes, ce qui est très bien,
à mon avis. On oublie de donner la marge d'erreurs qui doit se fixer
à environ 4.2 p.c. je l'ai calculée hier soir mais
quand même, c'est un sondage qui s'est avéré juste, en ce
qui concerne, du moins, l'ordre des partis politiques à
l'élection.
M. PEARSON: M. Nadeau, justement, un titre comme celui-là, vous
ne considérez pas en somme que ça empêche les gens de- lire
l'article, premièrement, parce que c'est toujours ardu de lire de quelle
façon le sondage a été fait.
M. NADEAU: Vous savez, M. le député...
M. PEARSON: Deuxièmement, est-ce un peu comme une conclusion,
avec un titre comme celui-là, que le journal apporte au sondage qui a
été fait? Ce qui veut dire que ça attache une valeur plus
absolue au sondage; tandis que, s'il lisait l'article au complet, le lecteur
considérerait peut-être que c'est un peu plus relatif...
M. NADEAU: Vous savez comme moi je pense que M. Pierre Beausoleil
de la commission de la liberté de presse a exprimé le même
avis que 87 p.c. des lecteurs de journaux sont des lecteurs de titres.
Moi, j'en suis un, hélas! même si je suis concerné par la
presse assez souvent. Vous lirez les articles qui parleront de vous ou qui sont
susceptibles d'être d'un plus grand intérêt, mais vous
passerez vite dans tous les journaux, sur les articles que vous verrez.
Quatre-vingt-sept pour cent c'est un chiffre qui a été
donné à l'UNESCO, je ne sais pas si vraiment au Canada c'est la
même chose, mais c'est sans doute près de ça de la
population sont des lecteurs de titres, du moins dans la nouvelle politique.
C'est le chiffre exact pour la nouvelle politique. On lit les titres, puis
quand on est concerné plus spécifiquement par un parti politique,
là, on se laissera tenter de lire l'article. Je ne veux pas
décourager mes confrères journalistes ici, par cette question,
mais on prétend qu'il y a 87 p.c. des gens qui sont des lecteurs de
titres. Ils lisent plusieurs journaux, ils les lisent rapidement au milieu de
toutes leurs activités journalières.
M. HARVEY (Chauveau): M. Nadeau, j'aurais une question en aparté,
mais si vous me permettez, je la poserais peut-être à M. Girard.
Lorsque vous écrivez un article dans le Soleil, une chronique, par
exemple, est-ce vous-même qui la titrez, même si vous la
signez?
M. GIRARD: Non, monsieur.
M. HARVEY (Chauveau): D'accord, merci.
M. GAGNON: Est-ce un sondage qui a été fait seulement dans
la ville de Montréal?
M. NADEAU: Non, c'est un sondage sur l'ensemble du Québec fait
par la compagnie CROP et la SMA, la Société des
mathématiques appliquées, pour le compte de la Presse. Selon les
renseignements fournies l'échantillon me semble valable, il est
déterminé, il manque certaines informations sur la marge
d'erreurs, mais ça...
M. GAGNON: Mais vous dites qu'il se rapproche de la
réalité. Dans le dernier, il ne s'approche pas de la
réalité.
M. NADEAU: Du moins dans l'ordre des partis.
M. GAGNON: C'est 50 p.c. moins que la réalité.
M. NADEAU: C'est-à-dire, il faut que vous considériez, M.
le député, qu'il y a dans ce sondage 35 p.c. d'indécis. Ce
sondage, publié le 25 avril, c'est-à-dire à quatre jours
des élections, avait été fait sans doute une semaine plus
tôt, on se trouve à dix jours de l'élection.
Peut-être qu'à dix jours de l'élection, il y avait
réellement 35 p.c. d'indécis. Sans avoir consulté les gens
de la SMA et de CROP, je crois que ce sondage représentait, à ce
moment-là, quelque chose de sûr. Ce que je n'approuve pas, et
j'espère m'être bien expliqué, c'est qu'on utilise des
chiffres pour titrer le sondage. Je suis sûr que CROP n'est pas du tout
impliqué dans cette question. Vous savez que c'est le chef du pupitre,
ou le rédacteur en chef, ou le directeur, je ne sais trop, qui choisit
son titre pour faire vendre sa feuille.
M. PEARSON: Ne serait-ce pas plus facile, M. Nadeau, si vous pouviez
nous donner en même temps le résultat officiel de
l'élection, pour qu'on puisse comparer ce sondage et savoir où
les 35 p.c. d'indécis sont allés se brancher?
M. NADEAU: Je ne sais pas le pourcentage exact des élections de
1970, je n'étais pas ici à ce moment. Ce sont des choses que vous
devez savoir sans doute, messieurs les députés. Les
indécis, à ce que je vois, sont surtout allés vers le
Parti libéral et le Parti québécois. Je ne sais pas
combien l'Union nationale a obtenu. Cela dépasse ce que je peux vous
dire. Ce sondage
déclarait 35 p.c. d'indécis et on peut admettre qu'il y
avait réellement 35 p.c. d'indécis. Il est certain que, dans les
dernières heures précédant l'élection, il a pu y
avoir de la publicité politique pour aider les indécis à
se brancher sur un parti.
M. HARVEY (Chauveau): Mais, M. Nadeau, il s'agit d'un pourcentage d'un
pourcentage d'électeurs. A ce moment, ça devient très
complexe pour le lecteur qui ne prête pas attention. Je fais un calcul
rapide, on exprime 65 p.c. en première page. Celui qui regarde ça
mathématiquement dit qu'il manque 35 p.c; donc il y a 35 p.c.
d'indécis. Ils sont en sous-titres les 35 p.c. c'est un
trompe-l'oeil.
M. NADEAU: Je voulais vous dire tantôt, M. le
député, qu'un titre de sondage doit représenter l'aspect
global de tout le sondage. On n'a pas le droit de mettre en valeur certains
résultats et de mettre en veilleuse certains autres qui sont
susceptibles de moins faire l'affaire d'un journal. Vous savez comme moi qu'un
journal a des contraintes de vente; il est certain que c'est le titre le plus
criard qui est susceptible de faire vendre le journal le plus possible. Je dis
que, pour la question des sondages, on doit empêcher que des pourcentages
soient mis dans un titre. Deuxièmement, le sondage doit recouper
l'aspect des résultats globaux du sondage. Sinon, il y a une erreur. Ce
sont les choses que je vais demander dans mes solutions tout à
l'heure.
M. HARVEY (Chauveau): Est-ce que les indécis, pour vous, sont la
majorité tranquille ou s'ils sont vraiment des indécis?
M. NADEAU: Dans un sondage politique, les indécis sont ceux qui
ne veulent pas donner leur opinion et qui en ont une. Ce sont ceux qui sont
indifférents à la politique, qui iront voter mais qui sont
indifférents. Il y a quatre groupements de gens dans les indécis.
Il est certain qu'il y a des gens qui n'aiment pas donner leur opinion
politique au téléphone pour un sondage.
Ce que j'ai voulu vous prouver brièvement, c'est que le vrai
problème n'est peut-être pas dans les sondages, il n'est
peut-être pas dans les maisons de sondage, il est plutôt chez les
media d'information. Que faire devant cela? Interdire les sondages? C'est une
solution que certains demandent. Moi, je dis que le véritable
problème n'est pas le sondage lui-même mais dans sa
présentation, son illustration, les mass media. On n'est pas en pays
totalitaire et on ne peut pas empêcher une information d'être
divulguée. Je peux vous donner une autre explication à ce sujet.
On peut être d'avis qu'il faut interdire les sondages mais cela ne me
paraît pas la meilleure solution.
Deuxièmement, est-ce qu'il faut enfermer les sondages dans une
réglementation minutieuse contenue dans la Loi électorale? Je
vous dis que notre presse a pris l'habitude de vivre à l'abri de la
censure et que lui imposer un carcan juridique n'est peut-être pas la
meilleure façon d'atteindre les meilleurs résultats. Le sondage
est une information qui doit être exacte, cohérente. Je ne crois
pas qu'enfermer le sondage dans un carcan juridique, avec une
réglementation minutieuse, quant à sa publication, quant à
sa fabrication, quant à sa composition, soit la meilleure solution.
Corrigeons où est le malaise. La cause de tous les maux ne concerne pas
spécifiquement les maisons de sondage mais l'utilisation qu'en font les
mass media, qu'en fait la presse. La solution doit venir de ceux-là
mêmes qui sont la cause du problème.
Laissons aux média, à la presse en général
le soin de se réglementer elle-même. Comment? Il existe,
messieurs, un organisme au Québec qui s'appelle le Conseil de presse.
Vous allez dire que le démarrage de cette institution ne se fait pas
vite. Mais c'est à vous, je pense, de la commission de la réforme
électorale, de souhaiter que le Conseil de presse se nomme un
président bientôt pour que cet organisme essentiel vous
l'avez jugé essentiel dans chacune de vos déclarations quand la
constitution du Conseil de presse a été faite existe et
travaille vraiment.
Il existe, dans la constitution du Conseil de presse, un article 13 qui
dit: Le Conseil de presse doit étudier la conduite de la presse. A mon
avis, l'utilisation des résultats des sondages en période
électorale devrait être surveillée par un comité
émanant de ce Conseil de presse. Que ferait ce comité de
surveillance émanant du Conseil de presse? Premièrement, il
devrait lier les entreprises de presse à se composer un code
d'éthique en ce qui concerne l'utilisation des sondages politiques. Tout
sondage, à mon avis, devra faire la preuve de sa valeur scientifique et
de l'objectivité de son processus de fabrication avant d'être
publié. Qu'est- ce que tout cela veut dire? C'est-à-dire que si
une maison comme Le Soleil décide de faire un sondage politique...
M. HARDY: Vous parlez souvent du Soleil.
M. NADEAU: C'est parce que c'est un exemple précis. J'ai de
très bons amis au Soleil. Je le cite parce qu'il me donne un exemple
sensationnel.
M. PICARD : II va falloir faire donner la réplique par un
représentant du Soleil, tout à l'heure!
M. NADEAU: Je croirais que ce comité émanant du Conseil de
presse surveillerait la fabrication, c'est-à-dire l'échantillon
choisi; il surveillerait, d'autre part, tout le processus exact de la
fabrication du sondage, que ce soit la formulation des questions, le choix
de
l'échantillon ou la publication de ce sondage. J'aimerais que ce
Conseil de presse fasse un code d'éthique en ce qui concerne
l'utilisation des sondages. Tout sondage devra faire preuve de son
caractère scientifique. Deuxièmement, la publication du
résultat des sondages devra se soumettre à cinq critères
de responsabilité. Quels sont ces cinq critères? Que, dans
tous les sondages, les questions soient reproduites. Que
l'échantillon soit bien défini. Que les méthodes de
fabrication du sondage soient bien décrites. Que la date du
sondage soit très bien exprimée et non pas dans les petites
lignes du dernier paragraphe. Que le titre du sondage comme je le
soulignais tout à l'heure soit sans chiffres et représente
vraiment la portée générale de ce sondage.
Deuxièmement, ce comité du Conseil de presse veillera,
d'une part, à prévenir le public contre tout organisme de sondage
lançant des rapports fondés sur aucune base théorique. Si,
par exemple, le Conseil de presse avait existé en 1968, il aurait
demandé au parti conservateur, au sujet du sondage que je vous ai remis
tantôt, que celui-ci prouve le caractère scientifique de ce
sondage puisqu'il allait à l'encontre de tous les autres. Il se posait
un grave point d'interrogation? Comment se fait-il que ce sondage fait par un
parti politique va à l'encontre de tous les autres qui sont
publiés? Je pense que ce comité pourrait prévenir le
public contre tout organisme dont il est prouvé que le sondage a
été mal fait.
Deuxièmement, il pourrait dénoncer publiquement une
entreprise de presse qui utiliserait les informations d'un sondage dans le but
de manipuler l'opinion.
Naturellement, ce comité n'aurait aucun pouvoir coercitif.
Cependant, un peu comme un protecteur du citoyen, il préviendrait la
population contre toute manipulation ou contre tout sondage mal fait. Je dis
ceci: Laissons la presse s'occuper de se réglementer elle-même, de
se faire un code d'éthique pour la publication ou la fabrication des
sondages politiques. Est-ce que le pouvoir de l'Etat doit empêcher les
sondages? Je dis non.
Est-ce que ce pouvoir de l'Etat doit minutieusement réglementer
la publication des sondages? Je dis non. Je dis: Laissons la presse se corriger
elle-même. Je suis contre toute censure en ce qui concerne la presse et
je sais, MM. les députés, que vous l'êtes autant que moi.
Même si la presse peut faire des erreurs de temps en temps, il est
certain que nous devons attirer l'attention sur ces erreurs mais que nous ne
devons pas l'encarcaner dans du juridique.
Je dis: Corrigeons le problème là où il existe,
demandons aux media de prendre leurs responsabilités et faisons pression
pour que le Conseil de presse prenne son élan et que les entreprises de
presse se donnent un code d'éthique tel que défini.
M. HARDY: M. le Président, avant de passer à un autre
sujet, vous avez parlé abondamment du problème de censure.
Evidemment, je suis d'accord avec vous. Je pense bien qu'il n'est pas question,
dans une société comme la nôtre, d'avoir même une
velléité de censure à l'endroit de la presse ou du moins,
ceux qui pourraient songer à cela sont sûrement très
marginaux, dans notre société.
Mais ne croyez-vous pas qu'il y a quand même une distinction
à faire entre ce que l'on appelle communément la censure de la
presse, c'est-à-dire délimiter, circonscrire le champ d'action de
la presse et, d'autre part, réglementer peut-être pas la
publication, parce que j'admets que cela serait toucher à la censure
la façon de faire les sondages? En d'autres termes, ne
croyez-vous pas qu'il y aurait une distinction à faire entre
liberté de la presse et réglementation, conformément aux
critères scientifiques, du processus du sondage lui-même? En
d'autres termes, on pourrait réglementer le sondage et, après
cela, évidemment, conformément aux principes de la liberté
de la presse, la presse pourrait en faire ce qu'elle veut. Là,
évidemment, je souscrirais à l'espèce
d'autodiscipline.
M. NADEAU: Oui. Si je vous ai bien compris, M. le député
Hardy, vous seriez peut-être d'accord pour que les sondages soient tous
faits par des maisons professionnelles, qui sont reconnues pour faire des
sondages avec des équipements humains ou techniques qui sont
valables?
M. HARDY: Voici la question que je me pose. Je me dis: L'Etat
réglemente à peu près toutes les formes d'activité
humaine de quelque importance.
M. NADEAU: Oui.
M. HARDY: La pratique des professions, toute activité humaine qui
a une influence sur la société, qui peut avoir une influence, en
bien ou en mal, sur la société, l'Etat la réglemente. Je
ne vois pas contre quel principe cela irait que l'Etat réglemente ou
accrédite ou que l'Etat donne le pouvoir à un organisme reconnu
d'accréditer ceux qui feraient des sondages. Encore une fois, et c'est
la question que je vous pose, au fond ne croyez-vous pas qu'il y a quand
même une distinction à faire entre cette profession, qui s'appelle
faire des sondages de l'opinion publique et, d'autre part, la publication de
tels sondages, c'est-à-dire tout le problème de la liberté
de la presse?
M. LAURIN: Avant que M. Nadeau ne réponde, est-ce à dire
que vous préconisez que, pour qu'une maison puisse faire un sondage,
elle devrait avoir un permis du gouvernement à cet effet?
M. HARDY: Cela pourrait être cela. Ou la
Loi électorale puisqu'on est dans le domaine
électoral pourrait, à partir de critères
scientifiques universellement admis par les spécialistes, dire: Pour
qu'une maison soit autorisée à faire des sondages, elle devra se
soumettre à tel et tel critère.
M. PAUL: Ou avoir tant de mois d'existence ou tant d'années
de...
M. NADEAU: Et vous incluriez cette demande dans...
M. HARDY: C'est-à-dire que le stade où j'en suis,
actuellement, c'est le stade de la cogitation.
M. NADEAU: Oui, oui.
M.HARDY: C'est pour cela que je vous interroge. Je n'ai pas d'opinion
définitive.
M. NADEAU: Enfin, je pense, M. le député, que des maisons
de sondage s'imposent par elles-mêmes. Une maison de sondage qui ne
ferait que des mauvais sondages, il est certain qu'elle perdrait sa
crédibilité aurpès de ses clients et que, rapidement, elle
serait dévolue à disparaître et à faire faillite. Je
crois qu'il y a des maisons de sondage qui s'imposent au Québec. J'ai
nommé, tout à l'heure, CROP, l'IQOP et SORECOM également.
A ce moment-là, ces maisons, parce qu'elles s'acquièrent un
passé et qu'elles prouvent la technicité de leurs sondages et
leur caractère scientifique de fabrication, il est certain que leurs
sondages s'imposent d'eux-mêmes. C'est comme d'autres entreprises.
Il y a des magasins qui sont plus spécialisés que les
autres; il y a des commerces qui sont mieux vus de la population parce qu'ils
offrent de meilleurs produits. Il est certain que, si vous avez, vous, M.
Hardy, à faire effectuer un sondage pour le Parti libéral demain
matin, vous allez choisir une maison susceptible de vous assurer le sondage le
meilleur. Vous allez dire: Cette boite X en fait de bons; il a
été prouvé par le passé, pour telle
élection, par tel ou tel sondage, que ses sondages s'avéraient
valables et justes. D'instinct, vous allez choisir la meilleure maison. Ce sont
les meilleures maisons, comme dans tout commerce, qui s'imposent.
Je ne vois pas du tout pourquoi on verrait à dire: Vous avez un
permis et vous, vous n'en avez pas, parce qu'il vous manque
l'ancienneté, etc. Les maisons de sondage s'imposent par
elles-mêmes.
Moi, si je veux en faire une demain matin et si je vous arrive avec mes
trois sociologues et mes trois mathématiciens, en vous disant: Monsieur,
je suis prêt à faire des sondages, vous allez dire: Oui,
faites-en, parce que vous avez les outils humains valables pour en faire.
M. HARDY: Mais il faut faire une distinc- tion encore une fois entre les
commanditaires. C'est bien sûr que, si je suis un parti politique, j'ai
les moyens de déceler quelles sont les maisons sérieuses et les
maisons non sérieuses et que je vais m'adresser à une maison
sérieuse.
Mais, je me place du côté du lecteur, du consommateur ou de
l'électeur et, là, je reprends votre propre théorie. Vous
avez dit tantôt que l'ensemble des lecteurs ne faisait pas la distinction
entre un sondage maison d'un parti politique et un sondage fait par une maison
sérieuse.
M. NADEAU: On voudrait que les gens le fassent, mais ils ne le font pas,
parce qu'ils ne sont pas renseignés.
M. HARDY: Mais vous contatez qu'ils ne le font pas. Si vous appliquez le
même principe, la même théorie, comment voulez-vous que le
lecteur puisse faire la distinction entre une maison sérieuse et une
maison non sérieuse?
M. NADEAU: C'est là que j'arrive...
M. HARDY: A ce moment, si vous me permettez de compléter, bien
sûr qu'il y aura des maisons sérieuses. Même dans l'opinion
publique, il y aura des maisons sérieuses qui, petit à petit, se
feront connaître. Mais cela n'évitera pas qu'à chaque
élection des charlatans ne s'amènent et lancent des sondages et,
à moins que tout ne fonctionne comme vous l'avez prévu, que des
journaux ne publient en manchettes des sondages faits par des maisons non
sérieuses et que les méfaits que ça peut avoir dans
l'opinion publique ne se produisent.
M. NADEAU: Oui.
M. HARDY: En d'autres termes, ce que vous proposez, si vous voulez avoir
ma première réaction, je trouve que, dans l'ordre idéal,
c'est parfait: code d'éthique, liberté de presse, le jeu
normal...
M. NADEAU: Mais ce sont des choses très réalistes.
M. HARDY: ... mais j'ai l'impression que c'est un peu angélique.
La nature humaine étant ce qu'elle est, les hommes étant ce
qu'ils sont, j'ai l'impression que, si nous nous en tenions à vos
principes, nous pourrions, pendant un grand nombre d'années, avoir des
sondages faux, avec les mauvaises répercussions que ça peut
avoir.
M. NADEAU: Je réfute le mot "angélisme" pour dire que, si
vous vous référez au rapport que je vous ai
présenté, ce comité du Conseil de presse est un
comité de surveillance des sondages. Un comité de surveillance,
ça ne joue pas à l'angélisme. Si une maison de sondage
fait un mauvais sondage ou qu'on a toutes les preuves que la maison qui a
fabriqué ce sondage l'a mal
fait, ce comité de surveillance du Conseil de presse
dénoncerait publiquement la boîte qui a fait ce sondage, en disant
que ce sondage n'est pas réaliste, qu'il a été mal fait
pour telle ou telle raison.
Toutes les maisons de sondage, selon ce code d'éthique, devraient
considérer que, si le Conseil de presse leur demande de prouver leurs
techniques, elles sont obligées de le faire.
M. HARDY: Depuis combien de temps, M. Nadeau, est-il question de
l'établissement d'un code d'éthique dans le domaine du
journalisme?
M. NADEAU: Je ne le sais pas du tout, mais sans doute est-ce un sujet
sur lequel on pérore dans tous les pays actuellement, le code
d'éthique des journalistes. Est-ce que la presse pourrait faire un
geste? Déjà, une institution existe, le Conseil de presse. On
voit que le Conseil de presse de l'Ontario est vachement bien organisé
actuellement et que, déjà vous le savez, vous l'avez vu
dans les journaux dernièrement ce Conseil de presse s'est
décidé à parler, à s'organiser, à prendre
des plaintes, à les examiner et à publier les plaintes qui sont
recevables.
Je crois que c'est l'objet d'un Conseil de presse de discuter de ce qui
se passe dans les entreprises de presse, de dénoncer publiquement les
choses qui ne sont pas bonnes. Je pense que, pour la période
électorale, s'il y avait un comité de surveillance provenant du
Conseil de presse, celui-ci examinerait les sondages publiés et, quand
un sondage ne ferait pas preuve de son objectivité, de sa
technicité, le Conseil de presse dénoncerait ce sondage
publiquement. Je crois, d'une part, que le sondage mauvais pourrait être
dénoncé et ainsi la population serait avertie qu'il y a un
mauvais outil qui circule dans la presse, qui s'appelle un sondage mauvais, et
on atténuerait l'effet de ce sondage mauvais.
Naturellement, si vous refusez ce genre de solution, vous en arriverez,
M. Hardy je le pense à réglementer la presse. Et si
vous réglementez la presse, je pense qu'il peut se passer non pas de
graves choses mais... Alors, dans tous les Etats actuellement, on hésite
beaucoup à censurer la presse, car les régimes
totalitaires le font, d'accord on doit vivre avec la presse; elle fait
des erreurs mais quel organe politique n'en fait pas?
M. HARDY: Revenant à ma première question, cela veut dire
que, en fait, vous ne faites pas de distinction entre réglementer la
presse et réglementer les maisons de sondages, vous assimilez les deux
choses?
M. NADEAU: C'est exact.
M. HARDY: Vous assimilez les deux choses?
M. NADEAU: C'est ça.
M. PAUL: M. Nadeau, comme sous-question au problème
soulevé par M. Hardy, est-ce que vous n'admettrez pas qu'il est possible
que les partis politiques forment une maison de sondages ou une maison de
consultations populaires qui produira le résultat d'un sondage nettement
orienté et en faveur du parti politique qui l'a crée? Alors,
est-ce que vous ne mettez pas en doute la validité ou l'utilité
ou le sérieux des sondages des maisons responsables lorsque vous voyez
un intrus de la sorte venir, en quelque sorte, contaminer l'opinion
publique?
M. NADEAU: M. Paul, qu'est-ce que vous souhaiteriez alors?
M. PAUL: Je ne suis pas ici malheureusement pour répondre, je
pourrai vous répondre dans le particulier, mais je vous demande pour
quelle raison vous n'accepteriez pas que, en vertu d'une loi, certaines maisons
doivent se soumettre à des critères, à des règles
pour qu'elles soient reconnues comme autorisées, et elles seules,
à émettre les résultats de certains sondages politiques?
Mettez-vous une objection à ce qu'il y ait des règles dans ce
sens adoptées par le législateur?
M. NADEAU: Oui.
M. PAUL: Pour quelle raison?
M. NADEAU: Je crois que toute maison de sondages qui peut exister peut
se former demain matin à côté des autres, on est en
régime de concurrence. C'est là la raison.
M. DEMERS: A ce moment-là, en reposant ces qualifications sur
quels critères? On a une loi pour les pédicures...
M. NADEAU: Oui.
M. DEMERS: ... pourquoi n'en aurions-nous pas une pour les gens qui font
des sondages publics, qui influencent comme on voit dans la presse, vous voyez,
vous trouvez vous-même...
M. NADEAU: Exactement, j'ai dénoncé la publication de
certains sondages.
M. DEMERS: Oui, mais ce n'est pas parce que vous avez des gens qui sont
sociologues et ça et ça, qu'ils ne pourront pas se tromper, si
leurs données ne sont pas établies sur des critères de
base. On exige pour toutes les professions un minimum pour les
métiers aussi, une carte de compétence, un permis de travaill
et n'importe qui dans les sondages va ouvrir une maison demain matin et
pour autant qu'il est allé faire un petit voyage ici et là et
qu'il est revenu, ou s'il est sociologue je ne vise personne qui s'est
promené, ça forme d'ailleurs la jeunesse pour autant que
ces gens pourront ramasser un petit bagage et influencer les gens qui veulent
bien les employer, ils vont
partir demain matin et vont vous publier le rapport que vous voudrez,
n'importe quand.
Je suis d'avis, et je pense que, dans notre Loi électorale, on
ait des prévisions pour les qualifications... ou bien, qu'on
établisse une maison, une voie pour les sondeurs.
M. LE PRESIDENT: M. Audet.
M. AUDET: J'ai l'impression que vouloir sortir de la politique ou des
lois, la façon d'uniformiser les sondages, c'est quand même une
garantie de démocratie. Mais croyez-vous que le conseil de surveillance
des sondages que vous préconisez pourrait agir efficacement seulement
avec le code d'éthique existant pour éclairer la population assez
rapidement sur les déficiences d'un sondage quelconque?
M. NADEAU: M. le Président, l'Angleterre et la France
actuellement ont des Conseils de presse et s'en servent. Vous devriez crier,
vous, en tant que député, pour que les journalistes s'organisent
pour se donner un Conseil de presse. Cela existe en Angleterre. M. Hardy, vous
qui êtes allé peut-être souvent dans ces universités
londoniennes et anglaises, vous savez qu'en Angleterre, lorsque quelqu'un est
contre un sondage politique ou qu'on a une plainte à formuler contre un
journal, on s'adresse au Conseil de presse qui reçoit sa plainte et le
Conseil de presse, qui a acquis une réputation dans l'ensemble de la
population avec les années...
M. HARDY: M. Nadeau, nous sommes tous d'accord. Nous le souhaitons tous
ardemment. Vous reprochez aux hommes politiques de ne pas le faire. J'ai lu
souvent des opinions provenant d'hommes politiques de différentes
formations; ils souhaitent que les journalistes se donnent un code
d'éthique et non seulement les journalistes, mais également les
propriétaires. On est toujours porté à blâmer les
journalistes, mais il y a aussi les propriétaires, et les
propriétaires aussi ont une responsabilité.
Alors, que ces gens-là se donnent un code d'éthique et le
respectent, je pense que c'est le souhait unanime de tous les hommes
politiques, mais notre problème, c'est que nous sommes en face d'une
situation de fait et il n'y a pas cette autodiscipline au Québec. Vous
avez parlé de l'Ontario, tant mieux. Peut-être qu'il y a des
raisons historiques, psychologiques et autres qui expliquent qu'en Ontario les
journalistes sont arrivés à ce stade où ils peuvent
s'autodiscipliner.
Vous êtes un spécialiste de la communication, je pense que
vous constaterez et vous en donnez une preuve qu'ici au
Québec, ces codes d'éthique et cette autodiscipline qui devrait
en découler n'existent pas. Est-ce que l'alternative du
législateur est la suivante? Est-ce que nous allons attendre cet
éventuel code d'éthique qui, encore une fois, serait la solution
idéale, je le reconnais? Allons-nous attendre cet éventuel code
d'éthique et, en attendant, laisser n'importe quoi se publier en
matière de sondage? Ou, en attendant que ces gens s'autodisciplinent
eux-mêmes, allons-nous prendre certaines dispositions qui, d'une part,
respecteront la liberté de la presse, mais, d'autre part,
éviteront que des charlatans manipulent l'opinion publique?
M.PAUL: Le problème, est-ce qu'il n'y aurait pas au Québec
trop de propriétaires de journaux qui, dans toute la définition
littéraire ou littérale du mot, créent des
journalistes?
M. DEMERS: Créent, oui.
M. NADEAU: Ecoutez, il n'y a pas de code professionnel de formation des
journalistes et souvent les journalistes, dans toutes les maisons, ne
proviennent pas des écoles de journalistes. C'est sûr. Enfin, les
gens qui sortent des facultés de lettres, souvent parce qu'ils n'ont pas
d'autre emploi ailleurs, vont faire du journalisme parce qu'ils ont une bonne
plume.
M. PAUL: Est-ce que vous admettrez, M. Nadeau, qu'en Angleterre n'est
pas journaliste qui veut?
M. NADEAU: Non, c'est-à-dire qu'il y a une formation de deux ans
qui est donnée obligatoirement dans un journal, après avoir
étudié dans une école de journalisme, il est vrai. Mais je
ne crois pas qu'on devrait, messieurs, faire le procès des journalistes
ici. J'aurais pu vous sortir cinquante autres sondages qui ont
été bien publiés, mais je vous ai mis sur le nez ce matin
des sondages qui, à mon avis, contiennent des erreurs.
Moi, je le dis, un sondage est une information comme une autre, qui peut
avoir plus d'impact qu'un autre. Si un titre, par exemple, dit que 25,000
personnes applaudissent Trudeau à Maniwaki, eh bien, à ce
moment-là, le mot 25,000 aussi est un titre, c'est une information qui
va donner plus d'impact au titre parce qu'il y a un chiffre dedans, etc.
C'est-à-dire qu'un sondage, pour moi, c'est une information comme une
autre, fondée scientifiquement sur un certain critère.
Cette information est publiée et il appartient à chaque
journal de traiter l'information-sondage comme il le veut.
M. HARVEY (Chauveau): Sur le même sujet, M. le Président,
il ne s'agit pas d'illustrer qu'il y a 25,000 personnes qui ont applaudi
Trudeau à Toronto pendant que 25 personnes applaudissent
Laliberté à Montréal. Cela, c'est rapporter les faits tels
qu'ils sont survenus.
M. NADEAU: Non, ça, c'est l'exemple d'un titre tendancieux.
M. HARVEY (Chauveau): A ce moment-là, je ne vois rien qui
s'associe au sondage, c'est
tout simplement de rapporter les faits, ce n'est pas du sondage.
M. DEMERS: C'est une nouvelle.
M. NADEAU: Oui, mais il faut que vous acceptiez qu'un sondage s'appuie
sur des données véridiques et les chiffres qui sont produits
là, vous ne devez presque pas les mettre en doute, si c'est une bonne
maison qui les publie.
C'est une information aussi juste, à mon avis, que celle
provenant de la couverture d'une assemblée publique.
M. HARVEY (Chauveau): Mais lorsque vous dites: De grâce, que les
journalistes s'organisent! En fait s'organiser, pour eux, ce serait
s'encarcaner dans des critères et ils ne sont pas assez dupes pour le
faire.
M. PAUL: Ce ne serait pas s'encarcaner pour quelques-uns, ce serait
s'autoformer.
M. NADEAU: Mais pourquoi toujours penser en termes de juridisme pour
régler les problèmes au Québec? Je crois que les
organismes compétents doivent faire leur autodiscipline beaucoup plus
souvent. Personnellement je l'ai peut-être mal prouvé ce
matin que vous censuriez d'une certaine façon, que vous
réglementiez les sondages précisément, je crois que ce
n'est pas la meilleure solution. Donner une chance à un Conseil de
presse de faire ses preuves par ce geste que je propose, je crois que ce n'est
pas de l'angélisme mais que, personnellement, je serais bien d'accord
avec Beausoleil et d'autres qui sont des spécialistes en communications,
de former ce comité émanant du Conseil de presse pour
vérifier la tenue des sondages.
Je suis sûr que mes amis qui vont me succéder
souhaiteraient la même chose, savoir que les sondages qu'ils font dans
leur boîte soient bien publiés et que le titre, par exemple, de
leurs sondages recouvre vraiment la portée générale du
produit qu'ils ont fait. Ce ne sont pas les maisons de sondages qui sont
à attaquer, c'est surtout la presse en général. Si vous
attaquez la presse sur un problème précis des sondages,
attaquez-la sur toutes les autres informations. Parce que si vous mettez en
doute un journal sur la publication d'un sondage, il faut que vous le mettiez
en doute sur toute la ligne.
M. LE PRESIDENT: M. Pearson.
M. PEARSON: M. Nadeau, j'aurais une question à vous poser et une
couple de commentaires à faire. Premièrement, au sujet du sondage
dans la Presse, on mentionne 35 p.c. d'indécis. Est-ce que, lors de vos
sondages, vous avez une possibilité d'évaluer les raisons de
cette indécision? Est-ce que ce sont des raisons sérieuses?
Est-ce que ce sont des raisons de gens qui attendent quel sera peut-être
ou quel serait peut-être le gagnant éventuel? Est-ce que c'est de
l'indifférence ou du désintéressement? Il me semble que
plus le pourcentage d'indécis est élevé, moins ça
donne de la valeur, seulement 65 p.c. des gens qui ont été
questionnés... Est-ce que dans vos sondages vous avez une façon
d'évaluer cette indécision?
M. NADEAU: J'espère que mes confrères en traiteront plus
tard. On fait parfois des recoupements... Supposons qu'une personne vient de
dire qu'elle ne sait pas pour qui elle va voter, et si, dans une autre
réponse, elle dit qu'elle aime beaucoup la personnalité du chef
NPD, et si, dans une autre réponse encore, elle dit qu'elle aime
beaucoup le programme du NPD, même si elle dit qu'elle ne sait pas pour
quel parti voter, il est probable qu'elle va voter pour le NPD, parce que, dans
d'autres questions on a recoupé son jugement. En toute
honnêteté, une personne qui ne veut pas dire pour quelle couleur
ou pour quel parti elle va voter, on ne peut pas préjuger de son choix.
Même si parfois certaines maisons de sondages essaient d'atténuer
elles ont peut-être raison de le faire ce pourcentage
d'indécisions en recoupant les autres questions et en incluant dans une
certaine logique le jugement de la personne a qui on a
téléphoné.
M. PEARSON: Mon premier commentaire serait celui-ci. Je suis allé
chercher les chiffres officiels en regard du sondage. Vous avez
mentionné que, d'après votre sondage, celui qui serait le plus
affecté serait Unité-Québec. Or, des 35 p.c.
d'indécis, il y en a 5 p.c. qui sont allés au Parti
québécois, 9 p.c. sont allés à
l'Unité-Québec, 20 p.c. au Parti libéral et 2 p.c. au
Ralliement créditiste qui avait également 10p.c. comme
Unité-Québec, mon impression est que la preuve n'est pas faite de
l'influence d'un sondage comme celui-là, d'après les
chiffres.
M. DEMERS: Vous le jugez personnellement, vous avez les
résultats, les élections ont eu lieu. C'est un
événement antérieur.
M. PEARSON: D'accord, si on était capable d'évaluer
après ça, avec le résultat, à dix jours des
élections, l'influence que pourrait avoir... C'est parce que M. Nadeau a
mentionné tantôt, ila prouvé...
M. NADEAU: On peut comprendre que l'effet ait pu jouer je dis
ça entre parenthèses comme ceci. Il est certain que le
parti qui s'appelait alors Union nationale fort d'un pourcentage de 43 p.c. ou
45 p.c. à l'élection de 1966, si l'unioniste qui voit que son
parti avait eu 43 p.c. en 1966 et que là il se voit rendu à 10
p.c, il est peut-être normal de prévoir que celui-ci va se poser
plusieurs questions quant à, non pas la dégringolade, mais cette
diminution surprenante et considérable en pourcentage d'un parti
politique.
M. PEARSON: Qu'est-ce que vous penseriez, M. Nadeau, de cette suggestion
à l'effet que, durant la période des campagnes
électorales, il y aurait un organisme de surveillance de la
qualité des sondages? Deuxièmement, on pourrait permettre
uniquement la publication des sondages de maisons reconnues ou possédant
la qualité voulue ou encore obliger le journal à aviser le
lecteur de la qualité du sondage donné. Prenez-le pour ce que
ça vaut. Qu'est-ce que vous en penseriez?
M. NADEAU: Le propriétaire de journal qui dirait que le sondage
qu'il publie n'a pas beaucoup de qualité serait mieux de ne pas le
publier, quant à moi. Je dois vous dire que la suggestion de l'organisme
qui surveillerait la qualité des sondages produits rejoint un de mes
points. Qu'il provienne du Conseil de presse ou non, c'est peu important mais
qu'il soit constitué de gens qualifiés pour en discuter. Je pense
que tous seront d'accord sur ce point. Publier seulement les sondages provenant
de bonnes maisons ou de maisons reconnues comme étant susceptibles de
faire de bons sondages, des sondages de qualité, ce serait aussi normal.
Est-ce que vous iriez jusqu'à empêcher un parti politique de faire
montre de son sondage? Vous ne le pouvez pas. Si je suis candidat d'un parti
politique, si j'arrive sur ma tribune et dis: Selon le sondage que j'ai fait
dans mon comté, je suis en avance de 20 p.c. sur le parti adverse, le
journaliste va prendre ça et va me couvrir dans sa nouvelle.
M. HARDY: Tous les candidats disent ça. Contrairement à
votre opinion de tantôt, la grande majorité des gens prennent
ça avec un grain de sel. Tous les candidats et tous les partis disent:
On va gagner. Même après les élections, quand ils se sont
fait battre, ils disent: On a gagné.
M. PAUL: II y en a qui disent: On s'est fait voler.
M. LE PRESIDENT: M. Lessard.
M. LESSARD: J'ai l'impression, lorsque je vous écoute, M. Nadeau,
que vous refusez, comme spécialiste des sondages, de faire votre
autodiscipline et vous transmettez vos responsabilités aux journalistes.
Les journalistes n'ont pas à surveiller continuellement tout ce qui leur
vient. Je comprends qu'ils ont une responsabilité de ce
côté. S'ils annoncent que 25,000 personnes ont
écouté M. Trudeau à Toronto, ils ont pu le contaster. Mais
en ce qui concerne la question des sondages, ils peuvent s'attendre,
normalement, que les maisons de sondages se basent sur des critères
scientifiques. Le journaliste ne peut pas, à chaque fois qu'il veut
publier parce que ça prendrait une semaine avant de publier une
nouvelle aller vérifier constamment si le sondage est
scientifique. Ce n'est pas la responsabilité du journaliste, ce n'est
pas la responsabilité du Conseil de presse, c'est votre propre
responsabilité. On admet partout que l'Etat protège le
consommateur contre l'exploitation de compagnies non responsables. Toute
compagnie d'assurance doit demander un permis au ministère des
Institutions financières pour pouvoir fonctionner, émettre des
polices d'assurance. C'est comme ça dans d'autres domaines.
Il y a aussi la protection de l'opinion publique. M. Hardy tente de
faire une distinction entre l'accréditation des maisons de sondage et le
contrôle de la presse; je crois que c'est complètement
différent pour moi. Au sujet de l'accréditation, comme n'importe
qui ne peut pas être médecin, comme n'importe qui ne peut pas
être avocat, n'importe qui ne pourrait pas créer des maisons de
sondages. Je trouve absolument anormal que, du jour au lendemain, quelqu'un ou
un parti politique fasse un sondage. Je comprends que vous disiez que le
Conseil de presse va le dénoncer mais cela va créer quoi dans
l'opinion publique? Ce qui importe, ce sont les premiers chiffres qui sont
publiés, c'est le titre. Même si le lendemain le Conseil de presse
dénonce le sondage et dit qu'il n'est pas scientifique. On ne peut pas
demander aux journalistes d'être des spécialistes dans toutes les
disciplines des sciences politiques. Ils sont spécialistes dans leur
domaine. Il appartient d'abord à vous, qui êtes des
spécialistes, si vous voulez être une classe de professionnels
reconnus, de faire votre propre autodiscipline. Je me demande pourquoi l'Etat
ne pourrait pas intervenir. Il y a des critères scientifiques pour faire
un sondage et que vous connaissez beaucoup mieux que moi.
Grâce à un comité qui serait formé de
professionnels du sondage, on pourrait établir un certain nombre de
critères. Lorsqu'une maison, par exemple, demande au gouvernement de se
faire accréditer comme une maison de sondage cela ne veut pas
dire qu'on refuse toute maison mais cette maison devrait se soumettre
à certains critères définis et certains critères
professionnels sur lesquels l'Etat aurait un certain contrôle. Quand on
parle de ça, vous semblez le refuser. Vous semblez transmettre vos
responsabilités au Conseil de presse. Je dis que toute profession...
M. NADEAU: Je ne sais pas si je me suis fait mal comprendre.
M. LESSARD: ... doit faire son audodiscipli-ne. Il appartient à
une profession comme la vôtre, qui prend de plus en plus d'importance,
actuellement, dans l'opinion publique, de régler ses propres
problèmes. Vous devriez, vous-mêmes, nous dire: II faut
établir des contrôles sur les maisons de sondage. Il ne faut pas
que n'importe qui... Je ne refuse pas à un parti politique de faire son
propre sondage. Mais ce sera un sondage pour utilisation interne. A ce
moment-là, par exemple, comme on le disait, l'opinion publique
pourra le prendre, comme probablement elle l'a pris concernant le sondage des
conservateurs, avec un grain de sel. Il y a une différence entre un
sondage du Parti québécois, un sondage de
l'Unité-Québec ou un sondage du Parti libéral et un
sondage qui est fait par une maison comme CROP, qui est une maison reconnue. Il
y a en tout cas une influence qui est beaucoup plus grande.
Pour ma part, je me demande c'est sur ça que je
m'interroge pourquoi vous refusez, vous-mêmes, de faire votre
autodiscipline et pourquoi vous dites que ce n'est pas votre
responsabilité, que c'est la responsabilité des journalistes, qui
devraient se former un Conseil de presse pour contrôler ça. Cela
me paraît aberrant. C'est vous autres qui êtes les professionnels
là-dedans, ce ne sont pas les journalistes.
M. NADEAU: Ecoutez, je me suis peut-être mal fait comprendre.
J'attire votre attention sur ceci. Lorsqu'un sondage est fait, la maison CROP,
par exemple, envoie le texte et les résultats du sondage à
l'entreprise de presse, qui reçoit ce texte et ces résultats.
C'est elle qui décide de le publier. Les journalistes de la maison ou du
journal ne sont pas invités... Ils vont peut-être faire le
"rewriting" du texte de la maison de sondage mais ils vont publier les
informations que celle-ci donne. Les journalistes ne sont pas du tout
considérés dans ça. Ils peuvent faire des commentaires sur
le sondage en éditorial, etc., ou dans des articles. Mais ce que je dis,
c'est que l'entreprise de presse commande des sondages à une maison.
Elle reçoit ces sondages. Il faut alors qu'elle obéisse à
certaines règles que j'ai définies tantôt, pour assurer que
la marge d'erreurs est bien annoncée dans le texte de l'article, que le
titre ne soit pas manipuler; ce sont enfin les cinq critères que j'ai
examinés tantôt qu'il faut considérer.
M. LESSARD: Ce n'est pas le principal problème.
Mais un sondage est commandé par une entreprise de presse
à une maison reconnue, habituellement. Il est certain que ce sondage
doit faire l'objet d'une publication qui doit obéir, quand même,
à des règles antimanipulatrices.
M. LESSARD: D'accord, mais ce n'est pas le principal problème. Le
principal problème c'est la façon dont est fait le sondage. Cela,
ce n'est pas le journaliste, c'est la maison de sondage. Le journaliste va
publier, selon l'échantillonnage, les chiffres qui sont publiés
par la maison de sondage.
M. NADEAU: Oui.
M. LESSARD: II lui appartiendra peut-être, cela est la
liberté du journaliste, de dire que tel sondage, selon lui, est plus ou
moins scientifi- que, etc. Mais le problème, ce n'est pas surtout
à ce niveau qu'il se pose. Le problème est au niveau des
sondages. Actuellement, n'importe qui peut tromper l'opinion publique, peut
fausser l'opinion publique en faisant son propre sondage et en le transmettant
aux journalistes qui l'acceptent, probablement avec un grain de sel, mais qui
le publient, parce qu'on va les accuser de ne pas le publier, si c'est un parti
politique qui l'a fait. On va dire: Ecoutez, vous êtes favorables
à tel parti politique. Vous avez refusé de publier notre sondage.
Mais, lorsque nous aurons véritablement des maisons scientifiques de
sondages et qu'il y aura un certain contrôle, selon certains
critères, là il y aura du moins un premier contrôle
extrêmement important. C'est d'abord de celui-là qu'on a
besoin.
Après cela, en ce qui concerne l'autodiscipline des journalistes,
ils devront régler leurs problèmes. On peut établir, comme
vous l'avez dit, que les questions soient bien précisées, que
l'échantillonnage soit bien défini, que la méthode
décrite soit expliquée dans le sondage et que la date du sondage
soit indiquée.
Qu'on respecte les cinq critères que vous avez établis et
qu'on forme les journalistes, par le Conseil de presse, à les respecter,
je suis bien d'accord, mais, aujourd'hui, nous ne discutons pas la façon
dont le sondage devra être publié. On peut en discuter, mais, moi,
je me dis que c'est, d'abord et avant tout, la façon dont le sondage
devra être fait et par qui il devra être fait; c'est la question
fondamentale.
M. NADEAU: Vous allez, sur ce point, beaucoup plus loin que moi, je
l'avoue. Je situe les maisons de sondages en régime de concurrence. Si
un individu veut fonder une maison de sondage demain matin, il peut le faire,
comme il peut fonder n'importe quelle autre compagnie. Il regroupe des
techniciens en mathématiques appliquées ou en sociologie
politique, etc, et lance sa boîte de sondages. Au nom de quoi, vous, M.
le député, allez-vous, par exemple, dire: Telle maison, je ne
veux pas qu'elle existe parce qu'elle n'est pas reconnue? Une maison est
reconnue par les travaux qu'elle fait, etc. C'est comme toute autre
entreprise.
M. LESSARD: M. le Président, il y a quand même des
critères scientifiques là-dedans. Au nom de quoi, par exemple,
demande-t-on à un médecin de pouvoir pratiquer sa profession? Au
nom de certains critères scientifiques. Au nom de quoi, par exemple,
demande-t-on à un avocat de pratiquer sa profession? Au nom de certains
critères scientifiques. On pourrait continuer. Au nom de quoi
oblige-t-on, aujourd'hui, un monsieur qui veut faire de l'assurance à
passer des examens pour obtenir son permis de vente d'assurance? Au nom de
certains critères scientifiques. On devrait exiger la même chose
des maisons de sondage, au nom de certains critères scientifiques qui ne
seront pas définis par les députés strictement, mais qui
devront être définis par un conseil qui sera
formé de spécialistes de sondage. En fait, ces
critères pourront évoluer, pourront changer selon les nouvelles
techniques qu'on trouvera. Cependant, vous devrez vous-mêmes vous
soumettre, comme maison de sondage, à ces critères.
Je calcule que cela ne nuit pas du tout à la concurrence, au
contraire. Cela va empêcher une mauvaise concurrence, par exemple, que
vous subissez. La maison qui se soumettra à ces critères
scientifiques devra être acceptée par l'Etat, normalement, parce
qu'elle respecte des critères scientifiques minimums. Mais, à
partir du minimum, une maison qui fait des sondages scientifiques pourra
devenir beaucoup mieux reconnue, par exemple, comme Gallup, aux Etats-Unis, ou
d'autres. Il y aura une certaine marge.
M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, j'abonde dans le
même sens que mon prédécesseur quant aux commentaires, qui,
même s'ils sont plus élaborés, contiennent en substance ce
que j'avais exprimé comme inquiétude vis-à-vis des
responsabilités de chacun.
Par ailleurs, tout à l'heure, j'ai brûlé des
étapes en vous interrogeant sur les fiches qui apparaissent au tableau.
Je pense que vous avez sauté une étape qui m'intéresse
grandement. C'est qu'il y a une deuxième image qui apparaît sur ce
tableau. Cela a été publié dans le journal Le Soleil, le
14 octobre dernier. Il n'y a pas de chiffres dans la manchette. Il n'y a
absolument rien qui peut imputer une responsabilité directe et qui
empêche le lecteur de poursuivre la nouvelle comme telle ou le
commentaire, puisqu'il est signé. Je voudrais avoir vos commentaires
là-dessus.
M. NADEAU: C'est exact.
M. HARVEY (Chauveau): Etes-vous d'accord pour dire que c'est un sondage
sérieux, à la lumière de vérifications en
profondeur?
M. NADEAU: Ici, j'ai mis en relief, d'une part, la Presse. Le sondage
est bien fait, par une maison compétente, l'échantillon est
valable, etc., mais le titre est discutable.
D'autre part, en ce qui concerne le journal Le Soleil, j'y ai
dénombré des erreurs de fabrication comme telles. Par exemple, on
fait foi d'un échantillon de 316 personnes seulement, dont 124, je
crois, n'ont pu être rejointes. D'autre part, on ne sait pas si les refus
de répondre sont distribués également. On a choisi un
échantillon de 20 personnes par comté. On a groupé cela
ensemble. On ne sait pas, cependant, si les refus de répondre
proviennent d'une région en bloc.
D'autre part, je dois dire que, pour moi, un échantillon de
seulement 316 personnes a un taux d'erreur trop considérable pour que
vraiment on puisse faire un sondage. Actuellement, selon les études que
j'ai citées, on dit qu'un sondage ne devrait être valable que si
on atteint un échantillon de 1,000 à 2,000 personnes.
Pour des questions de coût sans doute ou d'effectifs humains, on a
accordé foi à un échantillon très minime de 316
personnes. Je dis qu'à partir de très faibles échantillons
comme ceci on ne peut pas déclarer un sondage valable, parce qu'il y a
un taux d'erreur trop considérable.
Encore une petite remarque pour terminer sur ce point. Je suis
associé au National Council of Public Polls, qui a
déterminé qu'entre 250 et 500 personnes il y a un taux d'erreur
d'à peu près 10 p.c. ou 11 p.c. Un sondage qui atteint un taux
d'erreur si considérable, à mon avis, ne devrait pas faire
l'objet d'une publication.
M. HARVEY (Chauveau): Je vous arrête pour vous poser une question.
Est-ce que vous ne pensez pas que 25 circonscriptions électorales ne
représentent pas précisément le quart de l'idéal de
personnes à contacter, tel que vous le disiez
précédemment? Si vous affirmez qu'on peut accorder foi, à
10 p.c. près d'erreurs, à un sondage et que ce même sondage
est effectué dans 25 circonscriptions plutôt que dans 75 ou 80,
cela représente précisément le quart des circonscriptions
électorales de la province de Québec.
A mon point de vue, on l'a peut-être fait "at large"
excusez l'anglicisme dans tout le Québec, mais, pour vulgariser
l'exemple dans la région métropolitaine de Québec, on a
dit: Dans cette région précisément, les libéraux
sont en avance. Est-ce que vous trouvez que c'est tendancieux? Est-ce fausser
la vérité?
M. NADEAU: Je m'attaque à la formation de l'échantillon
essentiellement.
M. HARVEY (Chauveau): Je vous reporte également aux statistiques
que vous donniez tout à l'heure. Vous disiez que pour avoir un sondage
sérieux il faut avoir au moins de 1,200 à 1,400 personnes qui
soient consultées.
M. NADEAU: Exactement.
M. HARVEY (Chauveau): Et c'est précisément ça, pour
25 circonscriptions.
M. NADEAU: Non, non.
M. PAUL: Pour 22, cela fait 15 par circonscription au collège
électoral.
M. NADEAU: Tout sondage doit avoir un échantillonnage assez
considérable pour vraiment accorder foi à sa publication. Ce
n'est pas pour rien que le professeur Paul-André Comeau de
l'Université d'Ottawa, qui est maintenant à Bruxelles, dans un
sondage qu'il faisait pour le comté de Shefford, par exemple, s'est
obligé à avoir un échantillon de 500 personnes.
Peut-être une erreur que l'on peut reprocher
à CROP, c'est qu'actuellement on a tendance, à cause des
coûts que ça occasionne, à limiter les
échantillonnages. C'est une grave erreur. Que le Soleil ait
publié un sondage à partir d'un échantillonnage de 316
personnes, je crois que le taux d'erreur est trop considérable pour dire
que ce sondage est valable.
Par exemple, en ce qui concerne les créditis-tes, on dit que 6.3
p.c. de la population dans ces 25 comtés vont voter créditiste.
Ils se sont servis, à mon avis, d'un échantillonnage de 9 ou de
20 personnes, sur l'ensemble des 316. Probablement, ces 22 comtés dont
on fait mention sont plus crédististes que la région de
Montréal. Et Pinard arrivait avec son sondage hier, disant que les
créditistes atteindraient probablement 19 p.c, alors que dans ces 25
comtés on est censé avoir un certain pourcentage
certainement plus fort que 6.3 p.c. de la population qui va voter
créditiste. Le Soleil dit seulement 6.3 p.c. alors que Pinard, lui, dit,
pour l'ensemble du Québec, 19 p.c.
En réalité, si on avait eu un échantillonnage de
1,000 personnes pour ce sondage du Soleil, si les enquêteurs avaient
été bien formés, si les questions avaient
été bien posées, je crois qu'on aurait dû arriver
à peu près à un taux de 22 p.c. de créditistes au
lieu de 6.3 p.c. Dans ce sondage du Soleil, on a jugé un pourcentage sur
9 personnes. Moi, je me refuse à croire qu'on peut faire des
statistiques sur des nombres trop petits.
Même si vous faites des sondages dans un seul comté, il
vous faut un échantillon qui a atteint un certain plafond. Vous allez
dire: Aux Etats-Unis, on fait des sondages politiques pour 200 millions de
personnes avec des échantillonnages, dans le cas de Gallup vous
me corrigerez, messieurs de 2,500 personnes.
M. HARVEY (Chauveau): De 25,000.
M. NADEAU: Non. De 2,000 à 2,500. C'est-à-dire qu'il y a
un plafond dans l'échantillonnage. Si vous faites un sondage avec 100
personnes pour un comté, vous ne pourrez pas statistiquement arriver
à des choses valables. Il faut un nombre de personnes valables pour que
vous puissiez vous exprimer et avoir un jugement sérieux sur cette
question.
Il y a d'autres questions, mais, là, on parle de
l'échantillon.
M. LESSARD : Parce qu'on peut avoir un échantillon de huit
personnes qui n'est pas du tout représentatif.
M. NADEAU: Ah oui! vous pouvez avoir des échantillons de 2,000
personnes, mais si les questions sont orientées, il est certain, comme
vous le dites...
M. LESSARD: Plus que ça, ça ne représente pas
véritablement, par exemple, la base démocratique de la
population.
M. NADEAU: Exactement, oui.
M. HARVEY (Chauveau): Une autre question: Est-ce que vous croyez qu'un
sondage par écrit, ce qu'on appelle le "mailing" est
préférable à une communication téléphonique
pure et simple? C'est entendu que c'est beaucoup plus long, beaucoup plus
coûteux aussi, mais croyez-vous que c'est comparable au point de vue du
sérieux et de l'authenticité et que cela a une marge d'erreur
identique ou plus grande?
M. NADEAU: J'ai participé, en 1968, avec le professeur John
Meisel, de Kingston, à un sondage fait dans tout le Canada, après
les élections fédérales. On avait envisagé le
"mailing post" pour poser des questions sur la politique en
général. On avait rejeté cette hypothèse parce que
le nombre de questionnaires qui nous est renvoyé est très minime
et qu'en termes de coûts c'est assez considérable.
Sans doute mes confrères seront-ils d'accord avec moi que la
meilleure façon de faire un sondage, c'est d'envoyer un interviewer voir
la personne et lui dire: Monsieur, j'ai quinze questions à vous poser,
est-ce que vous pourriez me le permettre? C'est sans doute l'entrevue face
à face qui est la plus valable, à mon avis, avec des
enquêteurs bien formés. C'est celle que nous avions choisie.
L'enquête par téléphone, naturellement, on doit s'y
référer en campagne électorale pour des questions de
coûts, parce qu'une maison de sondage doit envisager les coûts que
ça représente de faire un sondage. Si un journal donne, disons,
$5,000 pour faire un sondage, la maison de sondage doit dire: Quel moyen
j'utilise, est-ce que j'y vais par entrevue, est-ce que je vais voir chacune
des personnes choisies au hasard ou est-ce que, plutôt, je le fais par
téléphone? En période électorale, c'est plus rapide
et moins coûteux de le faire par téléphone, mais ça
représente un certain risque. Il y a des gens qui ne sont pas
accessibles par téléphone; il y a des gens qui ne sont pas sur
les listes. A ce moment-là, comme disait le député, il
faut se faire une liste de personnes choisies au hasard et
représentatives de la population que l'on veut toucher,
établissant qu'il y a tant de ruraux et tant d'urbains dans tel et tel
comté, avec tel pourcentage d'hommes et de femmes. Il faut que
l'échantillonnage respecte les données socio-économiques
des comtés pour lesquels on fait le sondage.
M. HARVEY (Chauveau): Merci. M. LE PRESIDENT: M. Latulippe.
M. LATULIPPE: Qu'est-ce que vous pensez des sondages qui se font dans
les écoles? Pensez-vous que c'est quelque chose de valable?
M. NADEAU: Les sondages dans les écoles?
M. LATULIPPE: Dans les écoles, est-ce que vous pensez qu'on
devrait continuer cela?
M. NADEAU: M. le député, je dois avouer mon ignorance; je
suis arrivé seulement depuis un mois et je n'ai pas eu connaissance de
ces sondages faits dans les écoles.
M. LATULIPPE: Ce ne sont pas des sondages faits par des maisons
officielles, c'est officieux.
M. NADEAU: Qui se font dans les écoles? M. LATULIPPE: Oui.
M. NADEAU: Sur quel sujet, par exemple?
M. LATULIPPE: Sur la politique; on fait voter l'enfant dans certains
milieux. Cela s'est déjà fait dans mon comté.
M. NADEAU: Ah bon!
M. LATULIPPE : Cela peut être représentatif.
M. CROISETIERE: C'est de leur propre initiative qu'ils effectuent ces
sondages.
M. LESSARD: Perspectives-Jeunesse. M. CROISETIERE: Possiblement.
M. NADEAU: Peut-être que mes amis vont en parler. Je ne connais
pas la situation assez pour en discuter sérieusement.
M. LATULIPPE : II y a également eu des programmes de
Perspectives-Jeunesse...
M. NADEAU: Oui.
M. LATULIPPE: ... qui ont traité des questions de sondages, qui
en ont effectué; il y en a plusieurs qui ont obtenu des projets
là-dessus. Est-ce que vous pensez que c'est valable et que l'Etat
devrait financer de tels projets?
M. NADEAU: Ce n'est pas à moi de répondre.
M. HARDY: Je pense que ça s'éloigne pas mal des
préoccupations électorales.
M. LATULIPPE: Non, ça touche... M. HARDY: On aborde un autre
problème.
M. LE PRESIDENT: Je pense que nous avons épuisé le
mémoire de M. Nadeau. Est-ce qu'il y a d'autres questions avant
d'entendre l'autre témoin, M. Gousse?
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais aimé qu'on
réponde davantage à la question que vient de soulever le
député de Frontenac. La question est pertinente, parce que ces
sondages ont quand même une influence dans bien des milieux. J'aimerais
qu'il y ait des opinions émises à ce sujet.
M. HARDY: II a dit qu'il n'était pas en mesure d'y
répondre. On pourrait peut-être formuler la question à
l'autre groupe.
M. LE PRESIDENT: M. Brochu, est-ce que vous avez d'autres questions?
M. BROCHU: Oui, une question sur un aspect technique qui a
été touché superficiellement à un moment
donné. Vous avez parlé de certaines anomalies qui pouvaient
exister au niveau de la formation des questions, du manque de
préparation ou de formation de certains enquêteurs. Par contre, il
y a l'autre aspect c'est surtout sur celui-là que je voudrais
parler celui de la représentativité de
l'échantillonnage. Vous en avez glissé un mot à
différentes occasions, mais je pense que vous ne vous êtes pas
arrêté précisément sur cette question.
Est-ce que vous avez vu dans vos recherches un problème majeur se
poser au niveau de la représentativité de
l'échantillonnage, que ce soit pour CROP, SORECOM ou même les
autres maisons de sondages?
Dans ce que vous avez vu jusqu'ici, est-ce qu'il n'y a pas
d'erreurs?
M. NADEAU: Je ne suis pas membre de ces boîtes dont vous faites
mention. Cependant je peux vous dire les critères qu'il faut respecter
pour avoir un échantillonnage valable. Au député qui
était assis à ma gauche tantôt, j'ai dit que, pour qu'un
échantillon soit représentatif, il faut certes choisir au hasard,
mais il faut qu'il corresponde exactement à la région, à
la population de la région que l'on veut sonder.
Supposons que je fais un sondage dans votre comté, s'il y a 60
p.c. de gans des milieux ruraux et 40 p.c. des milieux urbains, je devrai
stratifier mon échantillon pour qu'il y ait 60 p.c. des gens qui
proviennent de milieux ruraux et 40 p.c. de milieux urbains. S'il y a beaucoup
d'Italiens dans votre coin, je devrai me dire qu'il faut qu'il y ait une
certaine représentativité correspondant au pourcentage d'Italiens
que vous aurez dans votre comté; s'il y a 50 p.c. d'hommes et de femmes
dans votre comté, je devrai, dans mon échantillon, avoir autant
d'hommes et de femmes, selon ce qu'il y a dans votre comté. On doit
tenir compte de ces critères socio-économiques, de ce que
j'appelle les critères socio-économiques. C'est la même
chose pour les phénomènes d'âge. S'il y a une population
importante dans votre comté qui a entre 18 et 25 ans, je devrai lui
assurer une représentativité correspondant à la population
qui a entre 18 et 25 ans dans votre comté.
M. BROCHU: Vous nous donnez les normes idéales d'un sondage
vraiment représentatif, mais ma question était celle-ci surtout:
Est-ce que, dans les recherches que vous avez faites,
vous avez pu remarquer prenons le cas surtout des maisons
reconnues, qui spécialisent, si vous voulez qu'elles respectent
ces critères que vous avez mentionnés?
M. NADEAU: Je ne peux pas parler pour CROP, mais je connais l'Institut
québécois d'opinion publique, qui a fait plusieurs sondages en
1970, et je dois vous dire que ces gens avaient exactement obéi à
tous les critères que j'ai mentionnés. Pour CROP, je ne connais
pas la situation à l'intérieur de cette boîte, mais je
présume que sans doute on a respecté ces critères.
M. BROCHU: Compte tenu peut-être aussi des disponibilités
budgétaires pour les services qui sont demandés.
M. NADEAU: Non, non.
M. BROCHU: Compte tenu aussi des disponibilités de budget vous
mentionniez tout à l'heure que, si quelqu'un demande un sondage et donne
$5,000, s'il demande un sondage trop vaste, évidemment on est
obligé de mettre de côté certains critères qui
seraient peut-être trop onéreux à ce moment-là.
M. NADEAU: Non, si une maison a $25,000 pour faire un sondage,
l'échantillon sera assez considérable, parce que c'est une somme
quand même assez considérable. J'entends là pour un sondage
par téléphone. Non, je crois que, pour fabriquer un
échantillon, la maison qui se respecte la fait le mieux possible, parce
que, si le sondage ne correspond pas à la réalité, elle
perd de sa crédibilité et c'est grave pour cette entreprise.
M. BROCHU: Juste une autre petite question, M. Nadeau. Vous avez
mentionné tout à l'heure que les sondage et la publication des
sondages, surtout en termes de chiffres, pouvaient influencer d'une
façon ou de l'autre, avoir des effets d'aller vers ou des effets
négatifs, c'est-à-dire de voter pour d'autres partis. A
présent, est-ce qu'il existe des moyens de vérifier après
une élection l'impact que ç'a pu avoir, et, si ces
moyens-là existent, est-ce que ç'a été tenté
déjà sous forme d'enquête ou comme expérience de
vérification?
M. NADEAU: Au Canada, je sais que CROP, lors de l'élection
provinciale, avait d'abord formulé l'opinion qu'elle ferait ce genre
d'analyse. Je crois qu'au bout d'un mois, peut-être par manque de fonds,
je ne sais pas la raison officielle qui a été produite à
ce moment-là, on n'a pas jugé bon de faire cette analyse.
Habituellement, pour détecter les effets, il y a des
méthodes précises, des gens qu'on amène en laboratoire, ou
des gens que l'on requestionne après un sondage, et l'on essaie, par des
interviews non directifs, de savoir exactement jusqu'où telle ou telle
manchette, tel ou tel sondage, telle ou telle information en campagne
électorale ont pu les toucher.
Si vous voulez, je vous ferai pervenir un de ces questionnaires que l'on
peut employer par après. Je ne l'ai pas ici, mes bagages sont encore au
Havre, je les attends, ça me fera plaisir de vous l'envoyer. Cela vous
donnera un exemple de ce qui se fait pour essayer d'analyser les effets des
sondages.
M. BROCHU: Donc il est possible, en prici-pe, d'établir une
corrélation entre les deux, mais on n'a pas poussé
l'expérience jusqu'au bout à ce jour.
M. NADEAU: Exactement, mais les analyses qui sont faites, pour les
effets, sont surtout faites en Californie, à Syracuse et à
Stanford, parmi celles que je connais.
Sans doute qu'il peut en exister ailleurs, je n'en doute pas, mais ce
sont celles que je connais.
M. LE PRESIDENT: M. Roy.
M. ROY (Beauce): J'aurais une couple de petites questions à
poser. Tout à l'heure, vous avez dit que c'est important de tenir compte
de l'âge des électeurs, de leur milieu, de leur origine ethnique.
Maintenant, est-ce que vous estimez important aussi de tenir compte des couches
de population? Je remarque que vous en avez fait mention dans votre
mémoire, mais y attachez-vous une importance particulière? Vous
avez des comtés où 50 p.c. de la population est ouvrière,
vous avez d'autres comtés où 50p.c. de la population est
agricole. J'ai remarqué que dans le passé il y a eu beaucoup de
sondages, on a questionné dix personnes de chaque profession. Avec les
résultats que l'on connaît d'avance, si vous avez, par exemple,
100 professionnels dans un comté, vous en questionnez dix, vous
questionnez 10 p.c. des professionnels; vous avez 2,500 agriculteurs, vous en
questionnez 10, le pourcentage n'est pas le même. Les résultats
sont faussés au départ. Est-ce que vous estimez qu'il est
très important de tenir compte des couches de la population surtout du
côté professionnel
M. NADEAU: Je sais que Gallup, pour répondre à votre
question, tient compte de la profession, de cette question dont vous traitez.
51 la personne est un ouvrier ou un fonctionnaire gagnant entre $15,000 et
$20,000, oui... il y a des maisons qui le font. Je ne suis pas prêt
à dire que les maisons québécoises tiennent compte
explicitement de la formation de leur échantillon quant à cette
question précise, parce qu'avec trois variables, celles du pourcentage
rural, urbain qui déjà découpent... parce que si vous avez
40 p.c. de ruraux dans votre population, dans votre échantillon, il est
normal que la personne à qui vous allez téléphoner sera un
cultivateur ou autre, un homme de milieu
rural gagnant le revenu moyen qu'un rural gagne. Il y a six
données socio-économiques qu'on peut avoir dans un sondage. On
peut traiter de la religion, de l'ethnie, de l'âge, de la profession, du
niveau de salaire, est-ce que j'en oublie? Peut-être. Mais ce sont toutes
des choses qui entrent en considération dans la formation d'un
échantillon.
M. ROY (Beauce): Merci. Deuxième question, à combien
estimez-vous le coût? Est-ce que vous avez fait des études quant
au coût d'un bon échantillonnage? En contactant 1,000 personnes,
combien cela peut coûter pour avoir le meilleur
échantillonnage?
M. NADEAU: On demande actuellement, dans une boite que je connais plus
spécifiquement qui s'appelle l'IQOP, pour un échantillonnage de
1,000 personnes que l'on rejoint au téléphone, environ $4,
c'est-à-dire que ça paye l'interurbain, la personne qui
interviewe, les analystes qui font le texte, etc. Ce n'est pas beaucoup. Je
sais que d'autres maisons se rendent sans doute jusqu'à $5, $6 ou $7.
Mais, pa exemple, pour une entrevue, si vous envoyez une personne interviewer
personnellement, comme moi en 1968, M. Meisel, qui était responsable de
tout ce sondage, m'a envoyé à Havre-Saint-Pierre interviewer deux
personnes, parce que c'était essentiel qu'on couvre les régions
périphériques. Il m'a envoyé aussi à Chibougamau et
à Blanc-Sablon, cela représente des coûts énormes,
mais le Conseil des arts a été très généreux
pour l'étude que M. Meisel voulait faire.
Il avait beaucoup de fonds, il pouvait se permettre d'envoyer à
la périphérie du pays ses enquêteurs.
M. ROY (Beauce): En somme, un échantillonnage fait par
téléphone est ce qui est le moins dispendieux à l'heure
actuelle.
M. NADEAU: Si vous me disiez: M. Nadeau, vous allez faire un sondage
dans le comté de Québec-Ouest, vous allez rencontrer un certain
nombre de personnes, je vous demanderais $10 pour rencontrer chaque
personne.
M. ROY (Beauce): Cela veut dire que le sondage le plus économique
ne peut pas être inférieur à $4.
M. NADEAU: C'est celui qui se fait par téléphone. Encore
là, on peut faire un sondage par envoi postal, ce qui
représenterait moins de coûts. Personnellement, je juge que ce
n'est pas bien valable à cause du faible taux des réponses. Je
parles des sondages politiques. Il y a un certain nombre de sondages qu'on peut
faire par la poste. Mais, les sondages politiques par la poste, je n'en connais
pas qui ont été faits. Il y en a sans doute qui ont essayé
d'en faire mais je ne peux pas vous citer d'exemples précis et je ne
peux pas vous apporter de coûts précis.
M. ROY (Beauce): Pour un sondage de 1,000 personnes, le meilleur
marché possible, pour avoir le plus de réponses possible, par
téléphone, il n coûterait environ $4,000?
M. NADEAU: La boite que je connais charge ça. Sans doute que
d'autres boites ont des prix plus ou moins élevés.
M. ROY (Beauce): Par entrevue, ça peut atteindre $10,000 ou
$12,000?
M. NADEAU: Oui, tout dépend de la région que vous touchez.
Si vous m'envoyez dans le Grand Nord pour faire mon enquête, il est
certain que ça représente des frais additionnels, le transport,
etc.
Messieurs, je tiens à vous remercier.
M. PAUL: M. le Président, avec votre permission...
M. CROISETIERE: Pourriez-vous nous dire combien, à votre
connaissance, il pourrait y avoir de firmes de sondages actuellement au
Québec?
M; NADEAU: Au Québec, je connais CROP, je connais l'IQOP,
l'Institut québécois de l'opinion publique; je pense aussi que
SORECOM en fait. Je suis arrivé seulement depuis un mois; je ne saurais
dire, je pense que mes confrères seront plus en mesure de vous
répondre sur toutes les boites qui existent. Il y en a sans doute
d'autres.
M. CROISETIERE: II y en aurait trois ou quatre.
M. NADEAU: Que je connais; il y en a sans doute d'autres.
M.PAUL: M. Nadeau, est-ce que vous allez convenir que la publication des
sondages par des maisons sérieuses peut influencer les souscripteurs aux
caisses électorales des partis?
M. NADEAU: C'est un problème sur lequel je ne me suis pas
penché et sur lequel je me refuse bien humblement de parler. Est-ce que
ça existe encore des caisses électorales pour les partis?
M.PAUL: II y a certains partis qui en ont encore.
M. NADEAU: C'est une nouvelle pour moi.
M. PAUL: On ne donnera pas d'exemple. Comme de raison, je ne regarde pas
à droite en posant la question, je vous regarde.
M. LE PRESIDENT: Pardon?
M. PAUL: Bien objectivement, M. Nadeau, vous n'avez pas l'impression que
certaines gens,
qui ont pris connaissance le lendemain de la publicité faite
autour du sondage qui a paru dans le journal La Presse, dans le cas des
indécis, ont souscrit davantage à un parti politique plutôt
qu'à l'autre, sans donner un caractère péjoratif à
la souscription électorale?
M. NADEAU: Je ne veux pas me prononcer sur les souscripteurs des partis
politiques. Je ne sais même pas quel est le processus d'entrée
d'argent dans un parti politique. A mon avis, l'argent entre dans une caisse
électorale avant qu'une campagne n'arrive. Je ne connais vraiment pas le
processus de fabrication des souscriptions pour un parti politique.
M. LE PRESIDENT: Vous n'avez pas lu ce qui s'est passé aux
Etats-Unis à propos de M. McGovern?
M. NADEAU: M. Nixon a fait une loi qui a été mise en
vigueur le 1er avril 1972, bloquant les caisses électorales.
C'est-à-dire qu'il y a eu une loi qui a été adoptée
au mois de décembre, par le Congrès des Etats-Unis, disant
qu'à partir du 1er avril 1972 les caisses électorales seraient
vérifiées je ne saurais dire parce que nous en avons
discuté hier soir mais il y a quelque chose qui empêche les
gens maintenant de verser sous le couvert de la table...
M. HARDY: J'ai aussi entendu parler de quelque chose du genre, mais je
ne pense pas...
M. NADEAU: J'ai pensé que le Congrès l'avait
adoptée, parce que les souscripteurs de caisse électorale entre
le mois de janvier et le mois d'avril ont envoyé immédiatement
leurs chèques avant que ce projet de loi soit mis en vigueur.
M. HARDY: Cela signifie que c'est bloqué pour toujours?
M. NADEAU: Oui. J'aimerais beaucoup avoir le projet de loi, mais je dois
dire qu'il se passe quelque chose aux Etats-Unis pour vérifier l'argent
entrant dans la caisse électorale. Est-ce que le projet de loi a
été adopté? J'ai entendu dire qu'il avait
été adopté, parce qu'il y a eu un mouvement énorme
de fonds entre le mois de janvier et le mois d'avril avant que le projet de
loi, par exemple, s'il a été adopté au mois d'avril, soit
en vigueur.
M. PAUL: Est-ce que cela affecte même les distilleries?
M. LE PRESIDENT: Messieurs, je pense que nous avons
terminé...
M. LESSARD: On peut dire que cela affecte les distilleries, les gens qui
se permettent de donner de la boisson aux...
M. PAUL: Vous avez l'air de vous y connaf-tre.
M. LESSARD: Non, je ne m'y connais pas, M. le Président. Nous ne
connaissons pas cela, les caisses électorales.
M. PAUL: Ne me faites pas croire que vous ne connaissez pas les produits
Melcher's.
M. LESSARD: Je les connais pour en boire.
M. LE PRESIDENT: Sur ces derniers mots, je crois qu'il y aurait
peut-être lieu d'ajourner, nos travaux de passer à
l'apéritif et de reprendre nos travaux à 2 h 30 cet
après-midi, alors que nous entendrons M. Gousse et ses
collègues.
Je vous remercie, M. Nadeau.
(Suspension de la séance à 12 h 16)
Reprise de la séance à 14 h 40
M. LAVOIE (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
Nous pouvons inviter à la barre M. Gousse.
Groupe de maisons de recherche
M. GOUSSE: M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire, je vous remercie de l'occasion qui nous est accordée de
discuter avec vous de la publication des sondages électoraux. Je suis
convaincu que votre intérêt sera très grand. Je voudrais
corriger le tir du président de l'Assemblée qui, ce matin,
mentionnait que c'était un mémoire présenté par moi
et le président de CROP. Notre mémoire, dont vous avez une copie,
j'imagine, entre les mains, est un mémoire qui a été
endossé par neuf organismes de recherche de Montréal, plus deux
individus.
J'aimerais vous présenter, d'ailleurs, les membres de la
délégation qui ont endossé le mémoire et qui sont
ici présents. Je vais commencer par la gauche: Paul Danvoye, du groupe
de sondage et de recherche de l'Université du Québec, à
Montréal; Jacques Goulet, du même groupe; Yvan Corbeil,
président du Centre de recherche sur l'opinion publique. A ma droite,
Denis Fagnan, chercheur à l'Université de Montréal, au
département de sociologie, et à ma droite immédiate, Soucy
Gagné, président de SORECOM. Je suis Claude Gousse, de
Multi-Réso.
Comme vous le savez, il y a également d'autres organismes qui ne
sont pas représentés ici et qui ont également
endossé le mémoire. Je voudrais mentionner, par exemple, les
organismes suivants: Multi-Services professionnels, Robert Pelletier; Denyse
Fortin-Bouchoux, Recherches en communications de masse du Québec Inc.,
Jean-Claude de Brouwer, Plurimar; Laurent Bastien, qui travaille à
Market Facts; Murray Glow, pour Applied Research Associates. En
définitive, je voudrais également vous faire part de
l'endossement de ce mémoire par le président de la Corporation
des psychologues du Québec. J'imagine que vous avez entre les mains la
copie de la lettre de M. Courval.
UNE VOIX: Oui.
M. GOUSSE: Est-ce que la lettre a été distribuée
aux membres?
M. HARDY: Je ne sais pas si elle a été distribuée,
mais je l'ai vue aux archives de la commission.
M. GOUSSE: Si vous voulez, M. le vice-président, je vais vous
lire la lettre. De cette façon, vous en connaîtrez la teneur.
Cette lettre était adressée à M. Desmeules: "Cher
monsieur, nous vous saurions gré de bien vouloir enregistrer l'appui
officiel de notre chambre professionnelle au mémoire sur les sondages
électoraux présenté par des maisons de recherche
psychosociale appliquée. Après avoir participé aux
réunions d'étude qui ont précédé la
rédaction du mémoire et pris connaissance de la version finale du
document, la Corporation des psychologues de la province de Québec
souscrit pleinement aux principes qu'il énonce et aux recommandations
qu'il soumet au gouvernement. Veuillez agréer, cher monsieur,
l'expression de mes sentiments distingués. Jean Cour-val,
président.
Vous avez reçu aussi, j'imagine, la lettre de CROP endossant le
présent mémoire. Encore là, je vais me permettre de la
lire assez rapidement: "Messieurs les membres de la commission, il me fait
plaisir de vous dire que CROP Inc., endosse entièrement le contenu du
mémoire ci-joint qui vous est remis par quelques membres de notre
profession. J'espère qu'un jour les membres de notre profession
accepteront aussi de déposer auprès du président des
élections du Québec les données brutes des sondages
d'opinion qui auront été publiés, avec tous les documents
pertinents permettant de juger de leur valeur. Veuillez, messieurs,
agréer tous nos remerciements pour votre consultation. Yvan Corbeil,
président."
Le point que je voudrais souligner ici, c'est le mémoire d'un
groupe de praticiens pour qui les sondages d'opinions électorales ne
sont qu'une tâche parmi la recherche sociale appliquée. Ce n'est
donc pas un mémoire d'un individu. C'est un mémoire qui a
été constitué après plusieurs rencontres. Une fois
que nous avons pris connaissance de vos préoccupations dans ce domaine,
nous nous sommes réunis à plusieurs reprises, à
Montréal, afin de soumettre nos points de vue sur une éventuelle
loi si vous y songez en matière de publication des
sondages électoraux, parce que nous parlons de publication des sondages
électoraux.
Ce point étant établi, pour nous rafrafchir la
mémoire, j'aimerais beaucoup que M. Corbeil lise le mémoire.
Ensuite, nous pourrons engager la discussion sur la teneur du
mémoire.
M. CORBEIL: Messieurs, préoccupés que nous sommes par la
recherche sociale appliquée dans les sondages électoraux, nous
vous soumettons ce mémoire pour suggérer des recommandations au
législateur. Conscients que nous sommes des conséquences d'une
éventuelle loi en matière de publication des sondages politiques,
nous nous en tenons à ce niveau, bien que nous croyions que toute une
politique scientifique soit ici en cause.
A) Principes. Les sondages politiques existent depuis longtemps et ont
constitué jusqu'à récemment une pièce d'information
pour l'appareil d'un parti politique en vue d'une élection. Le
phénomène récent au Québec a été la
publication de ces sondages comme information à divulguer au public.
Nous croyons que la
publication des sondages politiques doit continuer parce qu'elle
constitue une source d'information politique capitale en régime
démocratique. Toutefois, comme le droit distingue le libelle de
l'information, aussi faut-il distinguer les sondages scientifiques des
pièces de propagande partisane soi-disant basées sur des
enquêtes d'opinion. Le public doit pouvoir distinguer lui-même
l'information de la propagande afin de mieux exercer son activité
démocratique.
De plus, nous croyons que tout sondage doit tenir compte d'une certaine
méthode pour obtenir des faits. Certaines règles
méthodologiques sont requises pour fabriquer un sondage et éviter
de tomber dans la propagande. Nous présentons donc nos suggestions dans
le but d'adopter des mesures législatives qui auront pour
conséquence de faire respecter les droits du public à une
information exacte, lui permettant d'apprécier la qualité des
standards à partir desquels ces sondages ont été
effectués.
B) Définitions. 1) Sondages politiques. Nous entendons par
sondages politiques toute enquête ayant recueilli auprès d'une
population ou d'une partie de cette population les préférences
partisanes, les intentions de vote et les motivations ou attitudes à la
base des adhésions à un parti politique ou à l'un de ses
candidats ou encore à des thèmes d'un programme politique. Ces
sondages d'opinion sont ceux publiés à l'occasion des
élections provinciales ou municipales, les élections provinciales
complémentaires, les élections à la chefferie d'un parti
politique provincial. Nous endossons la même chose pour les
élections fédérales mais, ayant défini votre
rôle au niveau provincial, nous nous sommes limités à la
dimension provinciale.
M. PAUL: Vous m'excuserez, j'ai pensé, à un moment
donné, que ça rentrait peut-être dans le cadre de
l'anticampagne. C'est pour ça que je me suis permis de penser tout
haut.
M. HARDY: Si je comprends bien, le mémoire a été
rédigé avant que l'on n'entende parler d'anticampagne?
M.PAUL: Je comprends mais il est lu au moment où il y a une
anticampagne tellement forte que je dois faire inscrire au journal des
Débats, une fois de plus aujourd'hui, l'absence de tout
député du Parti québécois à cette importante
réunion de la commission parlementaire de l'Assemblée
nationale.
M. CORBEIL: Vous pouvez être assuré de notre position
à cet égard, nous avons essayé plutôt de rester
à l'intérieur de normes juridiques.
M. HARDY: Vous avez essayé d'être positif, non pas
négatif, je veux dire anti.
M. LE PRESIDENT: Messieurs! M.CORBEIL: Ce sont aussi les études
de popularité faites hors des périodes électorales dans
lesquelles la population, ou une partie de celle-ci, exprime un jugement
quelconque sur un parti politique ou sur le gouvernement. Enfin, nous
comprenons également toute étude faite dans le même sens
à propos d'un référendum. 2) Sondages électoraux.
Nous entendons par sondage électoral tout sondage politique
publié durant la période électorale.
La période électorale désigne la période de
temps officielle précédant toute élection comme entendue
plus haut.
Publication. Par publication, nous entendons toute diffusion publique,
soit par les media d'information tels que quotidiens, hebdomadaires, revues
scientifiques ou non, brochures à périodicité
régulière ou non, télévision, film ou radio.
Relations entre le commanditaire et l'organisme de sondage en regard de
la publication. Nous distinguons trois situations de publication. Le
commanditaire est le diffuseur ou un ensemble de diffuseurs, alors il est clair
pour la maison de sondage que les résultats seront publiés en
totalité ou en partie. b) Le commanditaire n'est aucunement un organisme
de diffusion mais décide lui-même de transmettre la
totalité ou une partie des résultats à un diffuseur. Il
arrive très souvent que ce commanditaire prenne cette décision
sans consulter ni informer l'entreprise de sondage. c) Le commanditaire n'est
ni un diffuseur et n'entre pas lui-même en contact avec l'un des
diffuseurs. Toutefois, une fuite organisée ou non permet à l'un
des diffuseurs de prendre connaissance des résultats de sondage
politique et d'en publier les résultats.
Ces trois situations de publication veulent démontrer que
l'initiative de publication appartient le plus souvent aux diffuseurs et aux
commanditaires qu'aux maisons de sondage et de recherche ou aux chercheurs
eux-mêmes. En conséquence, nous estimons que ces trois situations
doivent être comprises dans les mesures émises plus loin.
C) Recommandations. Nous proposons à cette commission de
recommander au gouvernement d'exiger: 1) La présence des informations
suivantes dans la publication écrite des résultats de sondage
politique. La publication de ces informations doit se faire dans le voisinage
immédiat des principaux résultats. Les éléments
méthodologiques suivants doivent être publiés lorsqu'il
s'agit des imprimés. a) L'échantillon. 1) La définition
précise de la population étudiée; 2) La taille de
l'échantillon; 3) Le mode de sélection des unités
échantillonnales; 4) Les données sur les facteurs de
pondération, s'il y a lieu; 5) Les substitutions de personnes, s'il y a
lieu; 6) L'erreur d'échantillonnage en précisant le niveau de
probabilité lorsqu'il est possible de le calculer; 7) Les taux de
réponses et la procédure de rappel en incluant la
non-réponse partielle, le refus de répondre et
l'indécision quant aux questions
posées et dont on publie les résultats; 8) Les
caractéristiques socio-démographiques usuelles, comme
l'âge, le sexe, la langue parlée ou l'origine ethnique. Ces
caractéristiques doivent être présentées avec des
catégories compatibles avec celles des sources officielles de
données statistiques. b) L'administration d'une entrevue. 1)
L'énoncé exact des questions ayant conduit aux résultats
publiés; 2) La version anglaise ou française des questions; 3)
Les contrôles établis; 4) Le mode de cueillette d'information,
soit par téléphone, à domicile ou par la poste; 5) La
possibilité de mentionner le nom de l'entreprise responsable du sondage
politique, à condition que celle-ci ait droit de regard sur la
publication; 6) Les dates d'entrevues. Le diffuseur de l'imprimé doit
indiquer où se trouve disponible le questionnaire, si celui-ci est trop
long. Dans les autres cas, la séquence, y compris le numéro des
questions, doit être publiée. Lorsqu'il s'agit de diffusion
radiophonique, télévisée ou filmée, il devrait
être dit d'une façon ou de l'autre par le diffuseur que les
informations ci-haut mentionnées sont disponibles pour ceux qui en font
la demande auprès du diffuseur. Nous soumettons également que les
périodes de radio et de télévision mises gratuitement
à la disposition des partis politiques provinciaux tombent
entièrement sous le coup de cette éventuelle loi.
Que les président des élections du Québec, dans le
cas d'élections provinciales, veille à l'application des normes
de publication ci-haut mentionnées.
Ces suggestions touchent essentiellement la diffusion des
résultats de sondages politiques. La production de ces sondages ne
pourra que bénéficier de l'application de ces normes. Il y a
assurément d'autres mesures qui favoriseraient l'épanouissement
de la qualité dans la conduite de ces travaux de sondage. Les banques de
données des sondages politiques en constituent un exemple. Toutefois, il
nous semble que cette question relève d'une politique scientifique
à élaborer au Québec, politique à laquelle nous,
les sciences sociales appliquées, sommes disposés à
contribuer. Merci beaucoup.
M. HARDY: M. Corbeil, si je comprends bien le sens de votre
mémoire, vous seriez d'avis que les normes ou les exigences que vous
proposez deviennent partie de la loi, que la loi électorale ou un autre
loi prévoie qu'on ne puisse pas publier de sondages, à moins de
respecter les normes que vous venez de mentionner?
M. CORBEIL: C'est juste.
M. HARDY: Vous étiez probablement ici ce matin, quelle est votre
attitude face à ceux qui prétendent que ce serait là
brimer ou atténuer de quelque façon le grand principe fondamental
de la liberté, la liberté de presse entre autres?
Ce matin, j'émettais l'hypothèse de contrôler ou
d'accréditer, mais là, dans votre mémoire, vous allez plus
loin que cette hypothèse. Vous réglementez la façon de
publier. En quelque sorte, vous réglementez dans ce domaine la
liberté de presse.
M. CORBEIL: Nous recommandons, et je pense que ce que le mémoire
dit n'est absolument pas différent du code d'éthique selon lequel
nous travaillons, en tout cas moi, personnellement, au niveau de l'Association
mondiale de la recherche sur l'opinion publique. Le même code
d'éthique recouvre les principales recommandations de l'American
Association for Public Opinion Research.
Sur ce que vous soulevez, je crois qu'il y a déjà des lois
existantes dans le cas des médicaments et de certains produits
alimentaires, qui obligent les fabricants à indiquer le contenu des
produits qu'ils mettent sur le marché. C'est dans cet esprit que nous
travaillons.
M. HARDY: Dans un autre ordre d'idées, quel est, selon vous...
Oui, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?
M. GOUSSE: Je voudrais préciser votre intervention de
tantôt. Ce que nous demandons aux diffuseurs, c'est de publier les
données méthodologiques, qu'elles soient erronées ou non.
Nous ne précisons pas la bonne façon de faire un sondage. Nous
demandons aux diffuseurs de nous donner les informations pertinentes à
la conduite de l'étude.
M.HARDY: Vous m'amenez, par conséquent, à vous poser la
question que je posais ce matin. Est-ce que vous seriez d'accord pour que l'on
reconnaisse ou que l'on accrédite des personnes ou des organismes dans
ce domaine ou qu'on laisse, comme c'est le cas actuellement, la concurrence ou
la liberté absolue sans aucun contrôle de la qualité des
personnes qui sont appelées à effectuer des sondages?
M. GOUSSE: Oui, il serait difficile, en tout cas à moins que vous
expliquiez votre idée, votre pensée, de nous préciser sur
quelle base vous allez faire cette accréditation. Est-ce que vous allez
la faire sur la base des diplômes obtenus par les chercheurs? Est-ce que
vous allez d'abord accréditer des chercheurs ou des compagnies de
recherche? Est-ce que, d'autre part, vous allez pouvoir accréditer une
façon de faire une recherche ou un sondage d'opinions politiques ou
électorales qui soit bonne?
M. HARDY: Je n'ai pas réfléchi très longuement
à ce problème, mais à première vue, ce qui me
paraîtrait être si jamais nous devions nous engager dans
cette voie valable, c'est, premièrement, avoir certaines
exigences quant à la qualité des personnes. Cela peut être
aussi bien un individu qu'un groupe d'individus. Il y a des
personnes qui peuvent travailler... Il y aurait, j'imagine, un minimum
requis quant aux personnes qui travaillent dans ce domaine, un minimum
d'expérience ou de connaissances. Deuxièmement, quant à la
façon d'administrer ou de faire le sondage et ce serait assez
facile, il me semble, d'ailleurs vous le démontrez dans votre
mémoire il me semble que c'est assez facile d'établir des
critères scientifiques universellement connus auxquels tout le monde
devrait au moins souscrire.
Certains pourrait aller plus loin, mais il faudrait qu'il y ait un
minimum de critères auxquels les gens qui veulent être
accrédités devraient se soumettre quand ils font un travail.
M. GOUSSE: Dans le mémoire, nous ne suggérons aucune
taille minimale qui soit correcte pour les échantillons. Nous ne disons
pas que c'est 300, 1,000 ou 1,200.
M. HARDY: Mais cela ne se détermine pas? Les spécialistes
ne peuvent pas déterminer que, pour tel genre de sondage, cela prend un
minimum de tant?
M. GOUSSE: C'est très difficile
M. CORBEIL: Le problème est très complexe et chaque
situation amène sa décision. Ce matin, la personne que vous avez
interrogée n'a pas distingué entre deux concepts importants, la
représentativité et la précision. Un échantillon
peut être représentatif quand les unités qui le composent
ont une égale probabilité d'être partie intégrante
d'un échantillon. La précision c'est autre chose. On parlait de
2,000 à l'échelle de la population américaine qui est de
200 millions. Au Canada, au niveau de 20 millions, on pourrait travailler avec
2,000. Compte tenu du calcul des probabilités, la variance ou la marge
d'erreurs, lorsque vous avez des résultats d'un échantillon d'une
grandeur de 2,000, est plus petite. Disons que je vous pose la question:
Etes-vous pour telle chose, oui ou non? Si vous avez 60 p.c. de oui et 40 p.c.
de non, la marge d'erreurs ou la variance peut-être de 2 p.c. en plus ou
en moins autour de 60 p.c. Cela veut dire que le résultat réel
pourra varier entre 62 p.c. et 58 p.c. si vous prenez un échantillon de
5,000 ou de 10,000, votre variance ne sera à peu près pas
changée. Il faudrait que vous tombiez maintenant dans des
catégories de millions pour que cela change vraiment.
Si je parle d'un échantillon de 300, la
représentativité peut être identique à celle
où je vais prendre un échantillon de 200, mais la
précision autour du oui, qui est 60 p.c. et 40 p.c. encore le
même exemple pourrait être de l'ordre de 8 p.c, plus ou
moins, ce qui donnerait 68 et 52.
Ici, pour encore vous compliquer la vie, il faut distinguer s'il s'agit
d'un échantillon au hasard simple, d'un échantillon au hasard
stratifié par aire et par grappe ou d'un échantillon au hasard
stratifié. Et puis il y a plusieurs combinaisons. Alors la marge
d'erreurs peut varier suivant les décisions qu'on prend. C'est un
métier, c'est ce que nous essayons de dire, qui s'apprend en partie dans
des écoles et en partie par la pratique. C'est un métier
empirique et il faut plusieurs années pour l'apprendre. C'est comme en
médecine, c'est comme dans des métiers professionnels. On ne peut
pas facilement préciser si 300, 200 ou 50, c'est la bonne norme. Il faut
juger. Pour juger, on a besoin de l'information. C'est dans ces termes, je
pense, que se pose le problème.
M. LESSARD: Si vous me permettez, cela veut dire que vous n'êtes
même pas capables de préciser des minimums. Si on veut avoir une
représentativité de la population, il y a un certain nombre de
critères sur lesquels il faut se baser. Sans préciser un nombre
de personnes, en ce qui concerne l'échantillonnage, il faudrait au
moins, par exemple, être capable de dire: Toute enquête devra
être faite selon des critères bien caractéristiques qui, il
me semble, sont précisés en science politique. On ne fait pas
n'importe quelle enquête de n'importe quelle façon.
M. CORBEIL: C'est technique, le problème que vous soulevez. Une
cellule de 50 unités, avec un échantillon au hasard simple, est
acceptable. Si vous prenez un échantillon au hasard stratifié par
aire et par grappe, c'est un minimum. Là-dessus, l'expérience,
aussi, nous enseigne.
M. LESSARD: D'accord.
M. CORBEIL: C'est un métier dynamique le métier que nous
pratiquons. Comme il y a peu de traditions, il faut les construire à
mesure que nous travaillons.
M. GAGNE: Je pense qu'il faut revenir, peut-être, au sens
réel de la proposition qu'on fait. On ne peut pas donner un cours sur
toutes les exigences pratico-pratiques et théoriques de ce que nous
mettons là-dedans. On ne peut pas y aller. On ne pouvait pas se
permettre cela et c'était inutile. L'intention, derrière cela,
est de dire ceci: Si on publie les sondages, qu'on nous donne des informations
qui permettent au public en général ou à des
spécialistes, si nécessaire, de porter un jugement valable sur
leur qualité. Pour un produit pharmaceutique, il n'y a peut-être
pas de normes très précises mais au moins les spécialistes
peuvent réagir et, en un deuxième temps, dire au public: Ce que
nous vous avons vendu là, ce n'est pas de qualité.
Ou encore nous, nous pouvons dire: Ce qu'on vous a donné comme
information, compte tenu de la grandeur de l'échantillon, compte tenu de
la représentativité, compte tenu de la précision et de
tous les détails qui sont là, c'est ou ce n'est pas valable.
Cela permet d'engager un dialogue et d'é-
changer de l'information qui est réelle. Sans ces informations,
on ne peut pas se faire de jugement, y compris les spécialistes. Sans de
l'information qui tienne compte de normes aussi générales que
ça, on ne peut pas commencer à discuter. On espère que
c'est bon, un point c'est tout. On n'est pas éclairé. C'est le
sens de notre proposition.
Quant à la deuxième partie qui traite des implications du
point de vue de la loi, nous n'allons pas très loin, et pour cause, nous
ne sommes pas des spécialistes à ce niveau. Nous vous disons:
Vous êtes habitués à établir des normes, des
institutions qui permettent de contrôler toutes sortes de choses. Cette
connaissance, vous allez l'appliquer aussi dans le domaine des sondages. C'est
seulement ça que nous disons, à toutes fins pratiques.
M. LESSARD: Comment la population pourra-t-elle juger d'un bon ou d'un
mauvais sondage? Exactement comme elle peut juger d'un bon ou d'un mauvais
remède. Il faut, quand même, qu'il y ait des critères
minimums. Comme on sait que la population n'est pas spécialiste dans le
domaine, il semble qu'il faut au moins s'assurer d'un certain minimum
auprès des maisons qui font des sondages.
M. CORBEIL: Ce sont ces minimums-là que nous avons mis dans notre
mémoire. Si on faisait ceci et si c'était consigné par le
gouvernement de la province de Québec, nous aurions fait un
énorme pas dans la recherche en opinion publique au niveau mondial. Je
ne veux pas que nous soyons des pionniers par définition, mais je peux
vous dire que ça serait sûrement une contribution. Je peux aussi
ajouter, dans ce sens, que je pense que la communauté à laquelle
j'appartiens épaulerait cette situation.
M. GAGNE: Pour répondre de façon peut-être plus
directe à votre question, quand, dans un sondage, vous donnez l'erreur
d'échantillonnage, autrement dit le résultat obtenu avec
l'écart, le degré de précision, vous lui donnez une
information, à mon sens, qui lui permet de porter un jugement.
S'il sait que 58 p.c, ça peut être 50 p.c. ou 66 p.c, il
voit bien qu'il y a pas mal de jeu dans le pourcentage qui est donné.
Mais, si vous lui dites que ça varie entre 56 p.c. et 60 p.c, il voit
très bien quel degré de crédibilité il peut
avoir.
Si la maison de sondages donne ceci et que, par ailleurs, elle donne
d'autres informations qui nous permettent, à nous les
spécialistes, de dire qu'elle s'est trompée, au moins nous avons
l'information pour rétorquer.
M. LESSARD: Les spécialistes.
M. GAGNE: Les spécialistes, d'une part, mais aussi les gens qui
ont appris à lire les sondages. Il y a plus que ça. Je ne pense
pas que celui qui achète un médicament soit toujours en mesure de
savoir ce que c'est. Si, au moins, c'est écrit, il peut aller consulter
quelqu'un. C'est très important, cette information minimum sur ce qu'il
achète.
M. GOUSSE: II existe des leaders d'opinion qui peuvent éclairer
la population sur la valeur d'un sondage, au moins sur les informations
méthodologiques qui y apparaîtront. Prenez les sondages Gallup qui
paraissent régulièrement dans le journal La Presse; vous ne
pouvez jamais juger de la qualité de ces sondages d'opinion. Vous n'avez
aucune information méthodologique. Ne venez pas me demander ce que
ça vaut, je vous répondrai: rien.
M. GAGNE: Vous ne pouvez même pas vous adresser à un
spécialiste pour demander la valeur de ça.
M. LESSARD: Pour ça, je suis d'accord.
M. CORBEIL: Je voudrais sur Gallup faire une nuance. Je voudrais dire
que c'est l'Institut canadien d'opinion publique qui est responsable de la
parution des résultats des sondages Gallup, ici au Canada. Ce n'est pas
Gallup. M. Gallup a lui-même appliqué à l'échelle
internationale, en commençant aux Etats-Unis, les critères de
parution des résultats de sondages que nous voulons, nous, inscrire dans
la province de Québec.
M. GOUSSE: M. Gallup, en d'autres termes, ne fait pas les sondages qui
portent son nom au Canada.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. Corbeil, au nom des différentes maisons qui sont
représentées et dont vous êtes le porte-parole,
pourriez-vous nous dire si vous désirez une loi concernant les sondages
politiques et, si oui, pourquoi?
M. CORBEIL: C'est sur la publication des résultats de
sondages.
M. PAUL: C'est un peu sur l'étiquette, comme des remèdes
à la pharmacie.
M. CORBEIL: Exact.
M. PAUL: C'est l'étiquetage de la bouteille.
M. CORBEIL: Exact. C'est à l'intérieur de cette...
M. PAUL: Qu'importe ce qu'il peut y avoir dans la bouteille?
M. CORBEIL: Exact.
M. LESSARD : Avant qu'elle soit dans la bouteille...
M. PAUL: C'est donc dire que, qu'importe la valeur du sondage, il en
faut, il faut que ce soit publié.
M. CORBEIL: C'est un autre problème, à mon avis. Un autre
pourrait en parler. Je ne suis pas le porte-parole exclusif du groupe qui est
ici.
M. PAUL: Alors, faites-moi part de vos opinions personnelles puisque
vous semblez un homme averti dans le métier.
M. CORBEIL: L'important est de pouvoir juger de la qualité du
produit.
M. LESSARD: Même s'il est empoisonné.
M. CORBEIL: Si vous vivez dans une atmosphère où il y a du
poison, si vous avez des plantes qui sont un poison, il s'agit de le savoir. Je
pense que si on est capable d'identifier quelle plante est un poison, à
l'aide de normes, nous pourrons revenir à la charge et aviser en
conséquence de ne pas se frôler à cette plante ou de ne pas
l'ingurgiter.
M.PAUL: Ne croyez-vous pas qu'il serait plus nécessaire
d'empêcher la diffusion du poison plutôt que de trouver
l'antidote?
M. GAGNE: Je trouve que l'utilisation du mot poison gauchit la
discussion. Je pense que le public a autant droit d'exprimer son opinion que
n'importe quelle personne prise individuellement. Je pense qu'un groupe a
autant droit de s'exprimer.
Le sondage, c'est la population qui s'exprime à travers...
M. PAUL: ... droit de prétendre qu'il a le monopole de la
vérité?
M. GOUSSE: Puisque c'est lui qui va voter, c'est lui qui peut
s'exprimer?
M. GAGNE: II n'est même pas question de vérité; il y
a expression d'opinion sur différentes questions.
M. PAUL: Vous allez admettre, par exemple, que le sondage publié
doit être conforme aux faits recueillis.
M. GAGNE: Exactement. M. CORBEIL: C'est ce que nous disions.
M. GAGNE: C'est ce que nous voulons et désirons, même
si...
M. LESSARD : Ce n'est pas ce que vous voulez. Selon vous, même si
les faits ne sont pas exacts, même si ce n'est pas fait selon des
critères scientifiques, l'important est que ce soit publié dans
le journal et que ce soit précisé que ce n'est pas fait selon un
échantillonnage en vertu de telle caractéristique. La
façon dont l'enquête est faite, vous ne vous en préoccupez
pas. L'important, ce que vous exigez, c'est que le journal soit obligé
de dire de quelle façon cela a été fait; même si
ç'a été mal fait, qu'il le dise. Mais la population n'est
pas spécialiste dans le domaine et est plus ou moins capable de
juger.
M. CORBEIL: Dans la province de Québec, depuis cinq, six ans,
chaque fois qu'il y a eu des critiques à l'égard des sondages, on
a défendu des points et on a explicité des situations. Les gens
ont même changé de politique. Il y a des gens, dans certains
journaux, qui ont changé de politique à l'occasion de certaines
critiques. Je pense qu'il ne faut pas perdre ça de vue aussi, c'est que
la compétence s'impose d'elle-même à un moment
donné.
M. PAUL: Est-ce que ces sondages sont nécessaires dans une saine
démocratie?
M. GAGNE: Ils sont essentiels.
M. CORBEIL: Vous, qu'est-ce que vous en pensez?
M. PAUL: Je ne suis pas ici pour répondre, en Chambre je
répondrai. Pour le moment, je voudrais savoir..
Je suis en cogitation, je cherche la lumière et j'espère
que vous allez être ce Diogène qui va me l'apporter.
M. CORBEIL: Je crois que le public a le devoir et le droit d'apprendre
à se connaître comme public.
M. PAUL: A le devoir ou a le droit. Placez-vous sur le même pied
le terme "devoir" et le terme "pouvoir"?
M. CORBEIL: Devrait avoir... M. PAUL: Ah, très bien!
M. CORBEIL: ... la possibilité de se connaître comme public
et de réagir comme public. Je pense que c'est un droit. Vous avez le
droit de vous regarder, comme individu, en face. Je pense que les
collectivités devraient avoir le droit de pouvoir le faire comme
collectivité. De cette façon, quand je parle ainsi, je ne parle
pas exclusivement pour les sondages en période électorale, je
veux dire en toute situation. La population ou le public devrait utiliser les
résultats de sondage comme un miroir dans lequel elle se regarde pour
prendre la décision de continuer à être comme elle est, ou
de changer.
M. PAUL: Ce sondage, une fois effectué, devient de la nouvelle
lorsqu'il est promulgé ou lorsqu'il est dévoilé. Vrai ou
faux?
M. GOUSSE: C'est une information à donner au public. C'est une
information comme un autre type d'information.
M. PAUL : C'est de la nouvelle.
M. GOUSSE: C'est comme la déclaration d'un ministre ou d'un
candidat dans une course électorale. Il faut bien distinguer, il y a un
danger de restreindre la discussion au terme uniquement de sondage d'opinion ou
d'intention de vote en période électorale. Il y a aussi des
sondages qui peuvent être faits sur les images des chefs de parti
politique en présence. Il peut y avoir des études faites sur des
thèmes électoraux comme: Qu'est-ce que vous pensez des 100,000
emplois? Vous touchez alors à des problèmes politiques, vous en
convenez. On doit aussi apporter une lumière sur ces types
d'études qui sont différents des types d'études
d'intention de vote.
M. PAUL: Dans votre mémoire, à la page 1, au dernier
paragraphe, vous insistez surtout sur le fait que le public doit pouvoir
distinguer lui-même l'information de la propagande afin de mieux exercer
son activité démocratique. Quels sont les éléments
de base qui vont aider le public à faire cette différence entre
l'information et la propagande? Est-ce que l'on doit nécessairement
trouver réponse à la page 2, premier paragraphe, ou si, pour le
commun des mortels, vous ne pouvez pas nous donner certaines raisons ou
distinctions qu'il serait utile pour le grand public de savoir ou de
connaître?
M. FAGNAN: Je pense qu'on peut retrouver la distinction de base avec la
présentation des sondages qui a été faite ce matin. Au
moment où vous avez un sondage fait, premièrement, par CROP,
c'est quand même une maison spécialisée là-dedans et
qui respecte, dans son activité professionnelle un certain nombre de
critères scientifiques; deuxièmement, vous avez un sondage fait
par le Parti conservateur lui-même, et troisièmement, vous avez un
sondage fait par des journalistes à partir de leur bureau. Vous
êtes en présence de trois types de sondages différents. Au
moment où vous faites référence au bas de la page 1,
où on dit que le public doit pouvoir distinguer lui-même les
parties du texte qui suivent et qui se rapportent à la méthode
ont justement pour but de dire: C'est un sondage scientifique sur lequel on
peut se fier et quant à l'autre, on ne peut pas. On aura beau dire que
le Parti conservateur va remporter une victoire éclatante ou que le
Crédit social est en train de faire une percée dans tel ou tel
coin, selon la méthode qu'on aura appliquée, on pourra s'y fier
ou non. Dans notre mémoire, nous disons qu'il y a certains
éléments de base qui, avec une tradition... c'est sûr que
si on regarde depuis cinq ans les informations méthodologiques sur
lesquelles vous pouvez vous fier, ou moi je peux me fier, n'abondent pas.
M. PAUL: C'est la source d'information qui va en faire une information
de valeur ou pas?
M. CORBEIL: Oui. C'est un des critères que nous
suggérons.
M. FAGNAN: De toute façon, je pense qu'il y a une distinction
fondamentale et on la fait lorsqu'on parle des commanditaires et des
diffuseurs. Nous, actuellement, dans le fond, nous émettons un point de
vue de producteur. Nous vous mentionnons les standards que nous respectons
quand nous faisons un sondage électoral ou un autre type de sondage.
Mais ce dont on se rend compte, c'est que même si on fait ça,
même si on travaille à tour de bras et qu'on donne le meilleur de
soi-même pour réaliser un sondage qui a de l'allure, lorsqu'on lit
la Gazette, le Devoir, le Soleil, Montréal-Matin, on ne retrouve plus le
produit qu'on avait fait. On a 58 p.c. des gens qui vont dire que le
chômage est un problème important, mais par contre, on oublie de
dire que ces 58 p.c. vont varier de plus ou moins 18 p.c., ce qui peut
impliquer que c'est le problème de l'inflation ou du logement qui, lui,
est situé à 52 p.c. et qui peut monter aussi jusqu'à 62
p.c. Donc, il y a des éléments de cette nature qui en tout
cas, moi je le pense doivent créer une tradition, et
là-dessus c'est le diffuseur qui est pris d'une certaine façon
avec ce problème. Je voudrais ajouter une parenthèse sur la
nécessité du sondage. Je pense qu'un sondage, ce n'est pas
nécessaire, c'est essentiel.
Dans la tradition de la vie politique, il y en a toujours eu des
sondages, scientifiques ou pas, et même si on interdit la publication de
sondages scientifiques, ce à quoi on va en arriver et là
j'émets une image négative de la situation c'est à
une manipulation de l'information. C'est-à-dire qu'il y a des gens dans
des positions stratégiques, des organisateurs d'élection, des
organisateurs de comté, des chefs d'organisation qui vont savoir, eux,
comment le public s'oriente au niveau des thèmes politiques, au niveau
des intentions de vote, et le public ne le saura pas, il va se faire charrier.
On l'a vu avant que la tradition s'inscrive dans nos moeurs électorales
depuis cinq ou six ans. Il y en avait, des sondages électoraux, mais ils
ne sortaient pas. Les gars se promenaient avec ça dans leurs poches,
disant: On les a, on a le papier, c'est telle firme qui l'a fait puis on vous
l'assure.
Personnellement, je leur accorde autant d'importance, sinon plus
d'importance qu'à un discours de M. Trudeau, de M. Bourassa ou de M.
Cournoyer dans le sens que le discours qu'on va faire, pour moi, est aussi
important qu'un
résultat de sondage d'opinions. Les deux s'équivalent dans
le fond. Ils n'ont pas le même contenu, ils n'ont pas le même
objectif, et je ne pense pas qu'il faille avoir peur des sondages. Cela fait
peur parce que c'est la première fois qu'ils nous pètent dans la
face, on ne sait plus trop qu'en faire. Je pense qu'il va falloir apprendre
à vivre avec eux. Dans le sens où M. Corbeil le disait
tantôt, si vous êtes ici à l'Assemblée nationale,
c'est parce qu'il y a une vie collective qui existe. Cette collectivité
a le droit, en tant que collectivité, d'avoir une image
d'elle-même à certains moments, comme le sondage de CROP sur
l'élection fédérale, il y a dix jours. A ce
moment-là, on savait ce qui se passait.
Hier, on a eu un autre son de cloche dans le Montreal Star avec Pinard.
A ce moment, c'était telle situation, et cette évolution de la
pensée collective au niveau du problème du vote ou d'un scrutin
électoral est à mon sens primordiale, vitale. Au moment où
on reconnaît à une collectivité son existence, il faut lui
donner les moyens de vivre. L'image collective en est un.
M. PAUL: A la page 3 de votre mémoire, vous nous parlez des
différentes situations de publication. A la page 4, on trouve le
paragraphe c) qui se lit comme ceci: "Le commanditaire n'est ni un diffuseur et
n'entre pas lui-même en contact avec l'un des diffiseurs; toutefois, une
fuite organisée ou non, etc."
Alors, pourriez-vous nous dire comment fonctionne une fuite
organisée ou non dans le cas d'un sondage politique, par une maison
sérieuse comme celle que vous représentez aujourd'hui?
M. CORBEIL: Une fuite organisée ou non!
M. PAUL: Oui, je lis cela.
M. CORBEIL: Oui, moi je peux parler...
M. PAUL: C'est pour savoir si les méthodes que vous employez sont
celles que je connais.
M. LESSARD: Vous avez beaucoup d'expérience dans le domaine?
M. PAUL: Ah oui! Cela fait plus longtemps que vous que je suis en
politique.
M.LESSARD: Vous avez eu le temps de vous pourrir. Nous, pas encore.
M. PAUL: Ah, Seigneur! A votre contact, je pourris bien plus vite.
Continuons. Vous savez, ce n'est pas le temps qui fait pourrir; ce sont les
occasions.
M. CORBEIL: Certaines expériences que nous avons eues se
résument à peu près à ceci. Nous avons remis des
résultats de sondage à des groupes de personnes. Par le fait
même qu'il y a, dans des groupes, des intérêts divergents ou
qu'il peut y en avoir, les indices ou les informations que nous avons pu
obtenir laissent entendre que, la plupart du temps, les fuites c'est
là qu'on dit organisées ou non viendraient de
l'intérieur de ces groupements.
M. PAUL: C'est par le canal d'espions.
M. CORBEIL: Je ne sais pas comment on peut appeler cela, mais, quand
quatre de nos clients reçoivent des résultats de sondage, c'est
à ce niveau qu'il y a des fuites, organisées ou non.
M. PAUL: Que la fuite se fait.
M. CORBEIL: Je vous cite des cas, c'est tout. Je n'en sais pas plus.
M. HARDY: II n'y a vraiment pas de danger de fuite, en
général, de la part des maisons sérieuses. Supposons que
je confie un sondage à une maison bien connue, je peux être
tranquille, il n'y a pas de danger.
M. CORBEIL: Chaque maison a sa propre politique sur cette situation. Je
pense que nous sommes autant professionnels dans notre milieu que les avocats
le sont.
M. HARDY: Sauf que les avocats ont un code d'éthique assez rigide
et, s'ils le transgressent, ils peuvent...
M. CORBEIL: Est-ce que vous pensez que, si nous transgressons le code
d'éthique, nous allons exister encore demain matin pour le client qui
nous a confié un travail?
M.HARDY: Evidemment, si vous le transgressez trop souvent et si cela se
sait...
M. CORBEIL: Est-ce que vous pensez que, dans le milieu ici, au nombre
que nous sommes, cela ne s'apprendra pas très vite?
M. FAGNAN: J'ai l'impression que c'est difficile de répondre par
un oui ou par un non très net à la question qui est posée.
D'abord, c'est une question difficile, car qui peut promettre, avec le maximum
de garanties, qu'il ne se produira pas quelque chose? Cela peut être
complètement par inadvertance qu'un papier est oublié à un
endroit. Cela peut arriver. Par contre, une maison sérieuse est toujours
dans un rapport de confidentialité avec son client, surtout à ces
niveaux. Il y a déjà un état d'alerte qui est
créé et il en va de sa renommée. Donc, on peut penser que
c'est par ce processus d'autocensure, à mon sens, qu'on en arrive
à être très très prudent.
Il y a des mécanismes où on confie la
responsabilité du sondage à une personne seulement à
l'intérieur du bureau. Il y a parfois des
locaux spéciaux pour consigner les questionnaires. Il y a une
quantité de choses qui se font de façon à réduire
les probabilités de diffusion. Mais une garantie absolue, je ne pense
pas que cela peut être promis.
M.CORBEIL: II existe, ici, depuis des années, des doutes à
ce sujet, à l'égard des gens du milieu. A cela, nous n'y pouvons
rien.
M. HARDY: Vous voulez dire qu'à l'intérieur de votre
profession vous avez des gens sur lesquels vous avez des soupçons?
M. CORBEIL: Non. Ce que je dis, c'est que certaines clientèles,
à nous ou d'en dehors, parce qu'elles ne veulent pas venir nous voir,
vont à l'extérieur de la province ou du pays pour faire faire des
études.
C'est une observation que nous avons tous faite.
M. HARDY: Vous voulez dire un peu comme une partie du public qui est
soupçonneux à votre endroit comme il y en a qui le sont
vis-à-vis des avocats.
M. LE PRESIDENT (Giasson): Le député de Beauce.
M. PAUL: Excusez-moi. Est-ce que vous me permettez de...
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. Je reconnais le député de
Maskinongé.
M. PAUL: A la page 5 du mémoire, vous nous donnez certains
critères qu'on devrait retrouver dans l'échantillonnage qui
pourrait être fait. A cinquièmement, je lis: "... les
substitutions de personnes, s'il y a lieu." Pour-riez-vous préciser
votre pensée quelque peu là-dessus? Est-ce que vous voulez dire
que vous changez d'enquêteur ou si, à défaut de parler au
chef de famille, vous parlerez à l'épouse? Qu'est-ce que ces mots
veulent dire exactement?
M. DANVOYE: La substitution de personnes peut venir effectivement d'une
grille de sélection familiale à un certain moment. C'est pour
cette raison que sont aussi mentionnés les facteurs de
pondération un peu plus loin. Cela peut aussi venir d'une personne qui
n'est pas là ou qui ne figure plus sur le lieu, qui est
déménagée ou toutes sortes de trucs du genre. Or, si on a
un quota échantillonnant, il s'agit de remplir ce quota. H existe des
tables de vérification de la validité du remplacement de cette
personne, mais cela change l'évaluation du facteur global à un
certain moment.
M. PAUL: Pour compléter le quota.
M. DANVOYE: Oui. Si vous avez à répondre à un
quota, votre estimation du phénomène dans la population variera,
la façon de calculer variera s'il y a des substitutions de
personnes.
M. PAUL: Je voudrais être bien objectif et je ne voudrais pas que
ma question soit reçue comme étant de la malice de ma part. II y
a des gens qui prétendent que la publication des sondages politiques a
pour effet de désintéresser davantage la population au jour du
scrutin. Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires là-dessus?
M. DANVOYE: Je peux répondre à cette question. M. Corbeil
pourra répondre par la suite. Sur la situation québécoise,
nous n'avons pas d'étude comme telle de faite sur l'influence de la
publication des sondages sur les comportements électoraux ou sur la
participation électorale. Il y a des études qui ont
été faites aux Etats-Unis, je pense, en particulier en
Californie. Les bureaux de scrutin ferment à huit heures dans l'Ouest
américain et, à partir de trois heures, les gens de l'Ouest
reçoivent les résultats des élections de l'Est. Il y a des
études qui ont été faites sur l'effet de cette publication
des résultats et non pas des sondages sur le comportement
électoral. En ce qui concerne la participation électorale, il n'y
a pas d'influence comme telle, c'est-à-dire que les gens ne vont plus
voter ou moins voter qu'avant d'avoir pris connaissance de cette publication
des résultats.
M. PAUL: Est-ce que vous accepteriez une certaine restriction quant
à la période de publication de ces sondages, comme, par exemple,
cette disposition que l'on retrouve dans la Loi électorale à
l'effet que, dans les 48 heures qui précèdent la votation, aucun
programme politique, soit à la télévision ou à la
radio, n'est permis? Est-ce que vous accepteriez qu'aucun sondage politique ne
soit publié dans les 48 heures précédant la votation? Et
pourriez-vous soutenir votre opinion, si elle est dans l'affirmative ou dans la
négative?
M. CORBEIL: Je dis à nouveau ce que Claude a dit tout à
l'heure. Du point de vue des effets dans la province de Québec et au
Canada, nous n'avons pas d'étude et nous ne pouvons pas répondre
empiriquement à cette question. Aux Etats-Unis, je pense que le cas que
Claude a cité est pas mal draconien parce que ce sont les
résultats mêmes des élections qui sont diffusés dans
l'Est. Comme il y a une différence de trois heures dans le fuseau
horaire et qu'en plus les bureaux de scrutin ferment à 8 heures dans
l'Ouest, cela donne une période de cinq heures pour connaître les
résultats dans l'Est.
Les études qui ont été faites sur cette question,
au moment de l'élection de Nixon et de Kennedy, au moment de Humphrey et
de Nixon et au moment de Johnson et Goldwater, études qui ont
été faites par des hommes de recherche comme Crespi, Mendelsohn,
Green-berg, les Lang sous la commandite de CBS, de
ABC et de NBC montrent, actuellement, qu'il n'y a aucun effet sur le
comportement politique des électeurs. Les indécis qui apprennent
les résultats ne sont pas plus influencés que les gens qui
avaient décidé de ne pas aller voter ou qui avaient
décidé d'aller voter. Tous ces facteurs n'ont pas d'effets nets
dûs à la connaissance des résultats d'élections dans
l'Est.
Me basant là-dessus, je ne vois pas pourquoi il y aurait des
restrictions de 48 heures ou de 24 heures pour la parution des résultats
de sondages dans les journaux au moment d'une élection. C'est mon
opinion personnelle. Je ne veux pas engager mes collègues sur cette
question.
M. PAUL: Conviendrez-vous qu'aux Etats-Unis le jeu des élections
préliminaires peut grandement influencer la population?
M. CORBEIL: Voulez-vous dire ce qu'on appelle les "primaries"?
M. PAUL: Oui. Cela a son effet, les "primaries".
M. CORBEIL: A quoi vous référez-vous?
M. PAUL: II y a un certain pourcentage de la population qui est
pressentie, qui est prévenue, qui est orientée par suite du
résultat des "primaries".
M. CORBEIL: Les "primaries" varient d'un Etat à l'autre,
c'est-à-dire que les règles qui gouvernent les "primaries", aux
Etats-Unis, ne sont pas les mêmes, comme vous le savez, dans chacun des
Etats. Dans certains Etats, tous les membres de tous les partis politiques
peuvent être appelés à élire les gens qui se
présentent aux "primaries". Dans d'autres, ce n'est pas le cas. Je pense
qu'il faut nuancer la pensée parce qu'il n'y a pas de cas
identiques.
M. PAUL: Mais cela précède toujours les sondages.
M. GAGNE: Je dirais que c'est une question de jugement pratique. Le
problème que vous soulevez, il se peut qu'il se produise dans des
circonstances bien particulières, l'issue de l'élection
étant très très contestée. On peut être dans
un climat social très particulier et cela peut poser toutes sortes de
problèmes qu'on ne peut pas appréhender ici. Alors je resterais
un peu dans la position qu'Yvan soulignait tout à l'heure, à
savoir que, ne le sachant pas, je pense qu'il faut faire de l'investigation.
C'est un domaine où les chercheurs devront apporter d'autres
contributions avant qu'on se fasse une idée.
Pratiquement parlant, devons-nous avoir une attitude conservatrice ou
plutôt ouverte là-dessus? C'est un jugement pratique à
poser. Certains diront qu'ils n'y voient pas de difficultés, comme moi
j'ai tendance à le faire. D'autres diront qu'il vaut mieux être
plus prudents et limiter cela à deux jours, à condition qu'il y
ait une loi qui puisse être respectée dans ce sens.
M. CORBEIL: Je concours à la position de mon ami Soucy.
M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez de remercier, en mon
nom et au nom de mon parti, messieurs les spécialistes pour la
qualité de leur mémoire, qui a retenu notre attention, et pour
l'objectivité avec laquelle ils ont traité de ce problème
délicat. Veuillez croire que les renseignements que vous nous avez
transmis nous seront fort utiles. Peut-être j'en suis convaincu
nous aideront-ils à mieux comprendre l'objectivité des
sondages politiques.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): Je voulais demander aux représentants ce qu'ils
pensent de la possibilité ou de la non-possibilité de divulguer
le nom du commanditaire lors de la publication d'un sondage. Est-ce que c'est
préférable de dire qui l'a commandité? Ou est-ce
préférable de garder le nom du commanditaire confidentiel?
M. CORBEIL: Nous, c'est notre politique, pour des raisons scientifiques
et aussi par respect pour nos clients, de ne pas divulguer leur nom. Quand je
dis pour des raisons scientifiques, c'est que, lorsque nous allons poser des
questions, la connaissance du nom du client pourrait avoir un effet
insoupçonné, un effet sur la façon dont les personnes
pourraient nous répondre.
Si je comprends bien votre question, moi je m'oriente vers la position
suivante, en accord avec plusieurs de mes collègues américains.
Quand je signe des contrats avec les clients, j'y inclus que, si les
résultats sont divulgués en partie seulement, je me
réserverai le droit de les divulguer en entier.
M. ROY (Beauce): A ce moment-là...
M. CORBEIL: A ce moment-là le client, en donnant le
résultat, risque de se révéler lui-même.
M. ROY (Beauce): Je pense qu'on cherche une formule je m'interroge
là-dessus pour tenter d'augmenter la crédibilité
d'un sondage préélectoral, parce qu'on veut en quelque sorte
garder le caractère confidentiel du commanditaire. C'est un peu la
question que je me pose, et je pense que je ne suis pas le seul à me la
poser.
Une deuxième question dans le même sens. Je ne parle pas du
moment où les personnes sont interrogées, mais de la publication
du sondage. Voici un sondage commandité par le Parti progressiste
conservateur, le Parti libéral,
le NPD, le Crédit social, n'importe quel groupement politique ou
encore commandité par l'Association des journalistes, etc. Lorsqu'une
personne est payée par quelqu'un, c'est normal et naturel, pour chaque
citoyen, de travailler un peu dans l'intérêt de ceux qui nous
paient.
Lorsqu'on dit qu'un sondage est commandité par le Parti
conservateur, il est évident que l'opinion publique ne le commentera
pas, ne l'interprétera pas de la même façon que si le
sondage est commandité par le Parti libéral, ou vice versa.
M. CORBEIL: La CEQ nous a demandé de faire un sondage pour elle
au moment des négociations, du problème des enseignants avec la
fonction publique. La CEQ a publié les résultats en disant que
c'était elle qui avait commandité l'étude. La Commission
de la fonction publique a aussi commandé une étude et elle a
donné les résultats en s'identifiant. Dans les deux cas les gens
se sont identifiés.
M. ROY (Beauce): Je trouve que cela a été même
très bien, parce que la population a su à quoi s'en tenir. Je
pense que ce serait peut-être un moyen d'augmenter la
crédibilité des sondages. Je me pose aussi une autre question. Je
m'excuse; vous aviez peut-être quelque chose à ajouter?
M. CORBEIL: Ce que je voulais dire, c'est que la Presse et le Devoir,
qui ont été nos clients, ont été très
explicites. Pour autant que je suis concerné dans la diffusion des
résultats de sondages, les gens ont très bien agi à ce
point de vue. Pour autant que CROP est concerné, cela ne me paraît
pas être un véritable problème parce que ça se
fait.
M. ROY (Beauce): Je me demande si c'est la même chose, mais,
normalement, le commanditaire a toujours le droit d'imposer certaines
conditions. Supposons, par exemple, que notre parti politique commandite un
sondage chez vous. On dit: On veut avoir un sondage, par exemple, dans quinze
comtés de la province de Québec et on détermine les
comtés. Est-ce une chose qui peut se faire?
M. CORBEIL: Oui, vous pouvez le faire, mais moi, en tout cas, je vais
vous donner mon avis comme professionnel. En dernière analyse, lorsque
nous vous remettrons les résultats en conformité avec les
ententes prises avec vous, nous allons vous dire ce que ça veut dire
pour vous. Si c'est quinze comtés, ce sera représentatif de
quinze comtés et non de 17.
M. ROY (Beauce): Le commanditaire en déterminant les
comtés, naturellement, a tout de même une certaine opinion de base
sur ces comtés. Il est évident que le commanditaire, qu'il soit
libéral, NPD, créditiste ou conservateur, risque de ne pas
demander le même sondage dans les mêmes régions. Etant
donné que c'est lui qui paie, que c'est lui le commanditaire, il
aimerait peut-être que telle ou telle question soit posée
plutôt que telle et telle autre. Est-ce encore une chose possible?
M. CORBEIL: Vous parlez toujours de sondages qui ont pour but
d'être diffusés?
M. ROY (Beauce): Oui, les sondages qui ont pour but d'être
diffusés. Je pense qu'il y a deux façons de diffuser les
sondages. H peut être diffusé par la firme elle-même ou par
l'organisation centrale du parti. Ou encore, à un moment donné,
il peut y avoir, comme mon collègue, le député de
Maskinongé, le disait tout à l'heure, une fuite organisée
au bon moment, au moment psychologique.
M. PAUL: M. le Président, je dois soulever une question de
règlement. Je n'ai pas fait référence à des fuites
organisées comme étant de mon cru. Le mémoire le
mentionnait; ce n'était pas une idée personnelle que
j'exprimais.
M. ROY (Beauce): Vous l'avez souligné, quand même.
M. PAUL: Oui.
M. ROY (Beauce): Je me réfère au mémoire, à
la page 4, deuxième paragraphe.
M. GOUSSE: Pour répondre à votre question, si on parle de
publication de sondages, à ce moment-là, on désire que le
nom du commanditaire paraisse. De plus, on précisera justement la
population étudiée dans la diffusion ou, au moins, la population
accessible, si on parle de télévision et de radio. On
définira les 15, 17, 22 ou 32 comtés en question. Tout ce qu'on
veut, c'est que l'information soit disponible.
M. ROY (Beauce): Quelle serait votre attitude si le gouvernement
présentait une loi en ce sens de façon à déterminer
une réglementation concernant ces sondages politiques? Est-ce que vous y
verriez un avantage ou si vous y verriez un danger?
M GOUSSE: Est-ce qu'on parle de la publication ou de la production des
sondages?
M. ROY (Beauce): La production des sondages, la façon dont le
sondage serait fait et la façon dont le sondage serait publié. Il
y a tout de même le sondage lui-même, la publication du sondage et
le rapport du sondage qui est fait après la compilation.
M. GOUSSE: Je ne vois pas comment vous pourriez légiférer
en ce qui concerne la production d'un sondage. Est-ce que vous pouvez indiquer
s'il existe une bonne façon de faire le sondage?
M. ROY (Beauce): Non, non, je vous pose la question. Je parle d'une
certaine réglementation que le gouvernement fixerait, certaines
normes.
M. GOUSSE: Ce serait très difficile en ce qui concerne la
production des sondages, leur fabrication.
M. ROY (Beauce): Vous ne favoriseriez pas un genre de loi ou de
réglementation de ce côté-là?
M. GOUSSE: Sur la production, non.
M. GAGNE: Le travail de type scientifique n'est pas habituellement
régi par d'autres facteurs que par les normes de la profession. Je pense
que quelqu'un a mentionné ça ce matin parmi vos collègues.
C'est vraiment régi de l'intérieur. Quant à la
publication, vous pouvez utiliser des normes spécifiques à la
publication. Tout le centre de notre document est d'apporter des
critères qui sont spécifiques à la publication. Je crois
personnellement que le nom du commanditaire, lorsque c'est publié, doit
apparaître, parce qu'il fait partie des variables qui peuvent influencer
la nature des résultats et on a besoin de le savoir.
M. ROY (Beauce): Je pense qu'on se fait jouer un peu sur ce point. La
dernière question que j'aurais à poser là-dessus, c'est
que, s'il y a des normes de publication, parce que je pense que les
sondages sont toujours difficiles à vérifier dans leur teneur
scientifique c'est surtout sur la façon dont les sondages
pourraient être compilés. Si vous faites un sondage à la
première semaine d'une campagne électorale et si vous en faites
un autre à la deuxième, un autre à la troisième, un
chaque semaine, au dernier moment, il n'y a que le résultat de
l'élection qui peut dire si votre sondage a été bon ou
moins bon ou pas bon du tout. C'est seulement le dernier. Il y a quand
même des variantes qui arrivent à la dernière minute. On
dit que les partis politiques traditionnels sortent leurs cartes d'atout dans
les dernières 48 heures. On a déjà vu le vent tourner dans
telle ou telle direction, ce qui a fait que ceux qui avaient fait des sondages,
même s'ils avaient toute l'objectivité possible, sont
arrivés complètement à côté.
M. FAGNAN: On peut difficilement évaluer un sondage avec les
résultats des élections. Si on se réfère au sens
même d'un sondage, qui est la collection d'une information à un
moment bien précis, on ne vise pas à prédire les
élections avec un sondage. On vise à prendre le pouls d'une
population à un moment donné et cette population évolue.
On ne peut pas se servir du résultat des sondages comme étant un
critère pour évaluer les sondages. Les critères ont
été énumérés tantôt. Cela
réfère à l'échantillonnage
précisément et au mode d'entrevue avec les différentes
sous-questions, et c'est là qu'on peut évaluer un sondage. Ce
sont des critères internes. On ne peut pas mesurer un sondage avec les
résultats des élections.
On peut comparer. Cela nous permet de voir, à l'intérieur
d'une campagne de deux mois, comment les gens ont évolué, comment
les indécis se sont partagés. On ne peut pas évaluer un
sondage avec un résultat d'élection, ce n'est pas possible.
On met en présence deux éléments très
distincts.
M. ROY (Beauce): Cela reste toujours indiscutable, parce qu'il n'y a
aucune vérification possible.
M. FAGNAN: Bien non, ça ne demeure pas toujours indiscutable.
Quand vous prenez le pouls d'une population, à un certain moment, vous
arrivez à... prenons le cas des élections
fédérales, 36 p.c. des gens, le 14 octobre, sont favorables au
Parti libéral, c'est vrai au moment où le sondage a
été fait. Deux semaines plus tard, vous allez vous rendre compte
que c'est rendu à 26 p.c, puis vous allez arriver aux élections
avec 32 p.c. Il s'agit de prendre cela au moment où chacun des sondages
est fait, c'est ça qui est véridique.
M. ROY (Beauce): A condition de prendre les sondages dans les
mêmes régions, dans les mêmes milieux avec les mêmes
critères.
M. FAGNAN: C'est ça.
M. ROY (Beauce): Si vous faites un sondage dans une autre région,
à ce moment-là, la relation de l'un avec l'autre n'existe
plus.
M. FAGNAN: C'est ça. Si on prend l'exemple de la province de
Québec, pour des fins de discussion, vous avez 26 p.c. le 14 octobre, 28
p.c. le 21 octobre et puis, 42 p.c. le 26 octobre. Finalement, ça arrive
à 40 p.c. le jour des élections. C'est un phénomène
qui évolue, qui est vrai en lui-même. Et les critères pour
évaluer un sondage sont justement ceux qu'on vous propose dans notre
document. C'est une validation interne au niveau des méthodes en termes
d'échantillons et en termes de types d'entrevues.
M. PICARD: M. le Président, j'aurais quelques questions à
poser, mais je pense que d'autres opinants m'ont devancé. Par exemple,
la possibilité d'interdire, durant une période donnée, la
publication de tous les sondages durant une période électorale.
Si on me demandait mon opinion, j'irais plus loin que ça, je dirais
qu'à partir de l'émission des brefs il serait interdit de publier
des sondages. Ce serait peut-être aller un peu loin, mais on pourrait
publier l'opinion de la population six mois, douze mois, dix-huit mois ou trois
ans avant les élections.
Maintenant, il y a une question que je me pose et peut-être que M.
Corbeil pourrait me répondre. Au cours d'une campagne électorale,
on fait plusieurs sondages et, habituellement, quant au premier sondage, on
lit: Tel pourcentage à tel parti, tel parti, tel parti et,
indécis 40 p.c. J'imagine que les gens qui préparent cela sont
conscients du fait que la population n'attachera pas beaucoup d'importance
à ce sondage si on lui dit qu'il y a 40 p.c. d'indécis. Plus le
jour du vote approche, plus on remarque que ce pourcentage diminue de
façon substantielle.
Tellement qu'un pourcentage, dont j'ai vu le rapport dans les journaux
de fins de semaine, diminuait le nombre d'indécis à 11 p.c. La
question que je me pose et il y a beaucoup de gens qui se posent cette
question est celle-ci: Comment pouvez-vous arriver à un
pourcentage d'indécis de 11 p.c. quand on sait très en que le
jour de la votation, il y a rarement plus de 80 p.c. des électeurs qui
votent? Il y en donc 20 p.c. qui ne votent même pas. Est-ce qu'ils sont
classifiés comme indécis ou bien comme des personnes qui ne
répondent même pas? Si ces personnes ont été
contactées et ont donné la réponse que la politique ne les
intéresse pas, on n'en tient pas compte dans les résultats, dans
les rapports de sondages. Qu'est-ce qu'on fait des réponses de ces
personnes qui disent: Je ne suis pas intéressée, ou bien: Je
n'irai pas voter. Est-ce qu'on les ignore complètement?
M. CORBEIL: Je vais répondre à cette question en
deuxième lieu. Premièrement, vous dites qu'à mesure que la
période où on va voter approche, plus le nombre d'indécis
diminue.
M. PICARD: Vous allez me répondre que la population forme son
opinion.
M. CORBEIL: Non, non, ce que je veux vous dire, c'est que ce n'est pas
toujours vrai. Cela dépend des élections, cela dépend des
niveaux d'élections et cela dépend des pays. Dans la province de
Québec, nous avons eu les deux expériences. A CROP, nous avons
vu, à mesure que nous approchions de la date fatidique, le taux
d'indécis augmenter considérablement et atteindre des chiffres
comme 50 p.c. et 60 p.c. Il y a d'autres moments où c'est l'inverse. Je
veux seulement dire cela.
Quant à votre deuxième question, nous tenons compte de
deux types de refus. H y a le type de refus à l'enquête
elle-même et le refus de répondre à la question
posée. Une fois la question posée, il y a d'autres
catégories que celle du refus d'y répondre. Il y a la
réponse : Je n'irai pas voter ou: Je vais blanchir mon vote, ou encore:
Je ne sais pas pour qui je vais voter. C'est ce que nous rapportons.
M. PICARD: Comme indécis?
M. CORBEIL: Pas comme indécis. Les indé- cis sont ceux qui
disent qu'ils ne savent pas pour qui ils vont voter. Ce sont ceux-là qui
sont des indécis et nous rapportons des indécis. Nous rapportons
ceux qui disent qu'ils n'iront pas voter comme étant un pourcentage
donné. Nous rapportons aussi les gens qui vont annuler leur vote. Nous
donnons toute l'information sur chacune de ces catégories. Quand les
gens disent: Ne m'ennuyez pas avec ça, c'est un refus de
répondre.
M. PICARD : Je ne sais pas si vous y étiez ce matin, mais M.
Nadeau a exprimé une opinion en rapport avec les chiffres, l'importance
des chiffres dans les titres des articles de journaux ou dans les slogans des
partis politiques. Est-ce que vous avez une opinion sur ce sujet? J'aurais une
question à vous poser, à savoir si vous trouvez que cela aurait
un effet favorable ou défavorable pour un parti politique qui aurait
comme sigle, par exemple, deux zéros?
M. CORBEIL: J'aimerais là-dessus...
M. PAUL: ... qui pourrait avoir un un et cinq zéros. C'est
beaucoup plus.
M. CROISETIERE: Quatre zéros.
M. DEMERS: C'est "cheaper by the dozen". Vous comprenez?
M. CORBEIL: J'aimerais passer la parole à M. Gagné. Je ne
sais pas s'il a quelque chose à dire sur l'hypnotisme ou ce facteur.
M. GAGNE: II y a deux niveaux. Il y a le niveau, à savoir si cela
a un effet plus grand c'est une première question et
l'autre, à savoir l'opinion qui a été émise ce
matin, si on devrait interdire de mettre des chiffres dans un titre. C'est ce
que j'ai compris. Je ne vois pas pourquoi on ne mettrait pas de chiffre dans un
titre. Je n'ai trouvé aucune raison pour laquelle on ne mettrait pas de
chiffre dans un titre.
M. HARDY: Cela veut dire que vous n'y ajoutez pas foi, parce que, si je
me rappelle bien, si vous permettez, M. Nadeau a été
précis là-dessus. Il a dit qu'à l'UNESCO, des travaux
faits en laboratoire ont démontré l'effet d'hypnose du chiffre
dans un titre. Est-ce que vous mettez cela en doute?
M. GAGNE: II aurait fallu que je discute avec M. Nadeau pour savoir ce
qu'il entendait à ce moment-là par un effet d'hypnose...
M. HARDY: ... jusqu'à quel point le lecteur était
hypnotisé.
M. GAGNE: Oui, et comment il pouvait contrôler cette situation
d'hypnotisme. Il y a beaucoup de problèmes méthodologiques
derrière cela qu'il faudrait clarifier de sorte qu'avec l'information
que j'ai pu entendre ce matin...
M. HARDY: Ce n'est pas suffisant.
M. GAGNE: ... je ne peux pas me prononcer. C'est pourquoi je dis que je
ne vois pas encore les raisons pour lesquelles on enlèverait les
chiffres des titres.
M. HARDY: Est-ce que vous croyez quand même qu'il y a là
une hypothèse suffisamment sérieuse pour que l'on s'y
intéresse et que l'on pousse plus loin les études et les
recherches là-dessus ou si...
M. GAGNE: Je n'ai pas assez réfléchi pour dire que... Cela
ne m'intéresserait pas dans l'immédiat mais c'est une question
très personnelle. Non, je ne vois pas encore le sérieux de
l'affaire, peut-être y en a-t-il. C'est peut-être moi qui ne suis
pas sérieux.
M. HARDY : Cela vous semble être plutôt une question
académique qu'une question d'ordre pratique pour des
législateurs.
M. GAGNE : Pour le moment, cela me parait encore académique.
M. PAUL: A ce moment-là, ce n'était pas la qualité
du sondage qui était mise en doute?
M. GAGNE: Non.
M. PAUL: C'était dans la publication.
M. GAGNE: C'était l'utilisation des chiffres dans le titre.
M. PAUL: C'est cela.
M. GOUSSE: On peut répondre indirectement à la question du
vice-président. Nous parlons de l'imprimé. Je ne me
référerai pas aux études en laboratoire qu'il mentionnait,
parce qu'encore là je manque, moi aussi, d'informations
méthodologiques. On peut y répondre en sachant, d'une part, qu'il
y a quand même, à Montréal je parle des
Montréalais francophones 30 p.c. des gens qui ne lisent aucun
quotidien.
M. HARDY: Il y en a 30 p.c?
M. GOUSSE : II y a 30 p.c. des Montréalais francophones qui ne
lisent aucun quotidien.
M. HARDY: Est-ce 30 p.c. des adultes?
M. GOUSSE: C'est 30 p.c. des personnes de 15 ans et plus.
Deuxièmement, j'essaierai de répondre un peu plus directement. Je
me rappelle l'étude que la revue "Réalités
françaises" avait faite sur l'élection Pompidou-Poher. Un sondage
avait été fait par SOFRES, justement dans le but de prouver cela.
H n'y avait que 20 p.c. des Français qui avaient pris connaissance de la
publication des sondages.
Là, il faudrait se demander encore dans quelle mesure cela a
influencé ceux qui en ont pris connaissance. Vous voyez, je pense que,
plus on se posera des questions, plus on va réduire l'influence des
sondages.
M. HARDY: Vous allez finir par nous convaincre que c'est une perte
d'argent de vous confier des études?
M. GOUSSE: Mais je vous apporte de l'information, là.
M. CORBEIL: Je pourrais ajouter à ce que vient de dire Claude que
nous avons déjà fait un sondage sur les sondages. Nous avons
obtenu les mêmes chiffres que ceux que Claude vient de citer, quant
à l'attention qu'on porte aux résultats.
Il faut aussi dire qu'il nous parle de laboratoires. Il faut faire
énormément de distinction entre un laboratoire et une situation
réelle. Nous travaillons aussi en laboratoire, mais notre champ
d'expérience est celui de la vie quotidienne.
M. HARDY: J'imagine qu'on essaie de recréer dans les laboratoires
la vie réelle.
M. CORBEIL: Justement, comme vous le dites, on essaie de recréer
ce qu'est la vie réelle. C'est exactement ce qu'on fait.
M. PICARD: M. le Président, le mémoire a été
présenté et signé par environ sept ou huit organisations
différentes. Est-ce que ces compagnies existent depuis longtemps? C'est
curieux, il y a plusieurs noms qui manquent. Même CROP, je ne le vois pas
ici.
M. CORBEIL: Le 9 février, j'ai envoyé une lettre, qui a
été lue tout à l'heure par Claude et que je peux vous
lire: "II me fait plaisir de vous dire que CROP endosse entièrement le
contenu du mémoire qui vous est remis, ci-joint, par quelques membres de
notre profession.
J'espère qu'un jour les membres de notre profession accepteront
aussi de déposer auprès du président des élections
du Québec les données brutes des sondages d'opinions qui auront
été publiés avec tous les documents pertinents permettant
de juger de leur valeur."
M. PICARD: Ces firmes, est-ce qu'elles existent depuis longtemps? Et
quelles sont leurs sources de revenus en dehors des campagnes
électorales? Est-ce qu'elles font des sondages pour des industries,
etc.? Est-ce que ces compagnies ont un personnel permanent, ou si c'est comme
un hobby?
M. CORBEIL: Dans le cas de CROP, nous sommes en existence depuis 1965.
Nous avons environ de 30 à 40 personnes qui travaillent chez nous
présentement.
M. PICARD: En permanence?
M. CORBEIL: J'allais vous le dire. Sur ça, il y en a autour de 20
à 25 qui sont en permanence, 20 ou 22, je n'ai pas les chiffres. C'est
un peu difficile de répondre à votre question, c'est que j'ai du
personnel qui est en permanence à longueur d'année sur une base
contractuelle. J'ai des gens qui sont engagés pour des projets
donnés pour un an, et ces projets pour un an durent deux ans et trois
ans. Cela fait des gens qui ne sont pas en permanence, mais qui sont là
de manière régulière.
M. PICARD: Je ne suis pas avocat, mais si on donnait ce que mes
collègues avocats pourraient appeler un statut juridique à une
profession comme celle-là, je crains qu'il pourrait arriver que, dans
les années à venir, ces organisations se croient en droit
d'exiger des honoraires dix fois, vingt fois, cent fois plus
élevés, parce qu'elles diraient: Nous avons besoin maintenant
d'ordinateurs pour préparer les données de nos sondages.
M. CORBEIL: Nous les avons.
M. PICARD: Alors, au lieu de vous charger $2,000 pour un sondage, nous
sommes obligés de vous en charger $25,000.
M. CORBEIL: Mais c'est déjà fait. Cela fait longtemps que
nous avons franchi cette étape.
M. PICARD : Alors, ils monteraient de $25,000 à $100,000.
UNE VOIX: Ils chargent ça.
M. GAGNE : Est-ce que nous pouvons compléter la réponse
apportée par M. Corbeil? La question que vous posiez au début,
était-ce pour savoir la crédibilité des gens qui signaient
ça d'une part ou si c'est plutôt pour la deuxième
préoccupation que vous avez mentionnée?
M. PICARD : Je mentionne ça, parce qu'à un moment
donné, si on regarde les sondages qui paraissent dans les journaux,
c'est drôle, ce n'est jamais le même nom qui revient, c'est fait
par une autre organisation, par quelqu'un d'autre, et je n'en vois pas un seul
ici.
M. GAGNE : Je pense que vous en connaissez ici. Je vais vous en nommer.
Il y a Multi-Réso Compagnie, qui est connue maintenant; Claude travaille
dans le milieu depuis plusieurs années. CROP, je pense qu'on n'a pas
à faire sa publicité puisqu'il fait définitivement partie
des institutions québécoises maintenant. Vous avez la firme que
je représente, SORECOM, qui a fait certains travaux ici pour la
commission sur la liberté de la presse, qui a fait des travaux pour
l'entreprise privée et l'entreprise publique et parapublique.
Voilà à peu près quinze ans qu'on travaille dans ce
domaine, pas SORECOM comme telle, mais des individus à
l'intérieur de la firme, c'est assez important de le mentionner. Je
pense que Denis a eu aussi une expérience de travail assez
prolongée à CROP et à l'Université de
Montréal, sinon ailleurs; il peut peut-être mieux le dire que moi.
Vous avez enfin nos deux collègues qui travaillent présentement
dans un centre de recherche à l'Université du Québec
à Montréal.
Il y a d'autres personnes ici qui ont signé et qui font partie
d'organismes. Peut-être que Claude Gousse pourrait préciser leur
statut exact en fonction de la question que vous avez posée.
M. GOUSSE: Je pense qu'il voulait faire référence aussi
l'on parle bien de la province de Québec à beaucoup
de maisons de sondages qui travaillent à partir de Chicago,
Détroit ou Toronto et dont on voit les résultats dans les media
imprimés, par exemple, ou même à la
télévision.
En ce qui concerne les autres qui sont ici, Robert Pelletier, de
Multi-Services Professionnels, est assez connu en ce qui concerne des sondages
qui ont été faits dans le passé. Je pense aussi aux
Recherches en communications de masse du Québec Inc.
Il y a une autre question aussi que vous avez posée. Vous
êtes intéressé dans le gagne-pain en dehors des
périodes électorales.
M. GAGNE: II y a cette dimension qui était importante.
M. GOUSSE: Je pense qu'on pourrait répondre individuellement.
M. CORBEIL: Je ne pense pas qu'il y ait une boite dans le continent
nord-américain qui vive des sondages électoraux.
M. GAGNE: C'est une infime partie de notre chiffre d'affaires.
M. CORBEIL: Pour notre part...
M. PICARD: Si vous permettez, sur ce point, ce qui
m'inquiéterait, c'est qu'à un moment donné on
prévoie dans une loi qu'on va accepter vos recommandations et inclure
dans la Loi électorale que tout ce qui touche la publication des
sondages devra être fait selon les critères et les normes que vous
avez énoncés ici. Maintenant, qui va vérifier durant une
période électorale alors qu'on a quelques semaines? Disons que la
compagnie impliquée a tout simplement roulé la population. Tout
ce qu'elle a à faire, c'est de changer de nom après les
élections, former une autre compagnie, probablement avec les mêmes
individus, et recommencer à une prochaine élection. C'est aussi
simple que ça.
M. GAGNE: Cela peut très bien se passer et je pense que ça
se passe ailleurs. Par contre, dans le cas des personnes qui ont signé
ici, je peux vous dire, pour ma part, que SORECOM n'a jamais fait de sondages
électoraux même si on utilise toutes les techniques du sondage de
l'opinion publique. On est équipé pour faire des études
d'opinion publique. Si j'ai accepté de signer au nom de SORECOM ce
document, c'est parce que le droit à l'information du public via les
sondages, je trouve que cela doit nous préoccuper au plus haut point,
que ce soient les sondages électoraux ou les autres, nous sommes
impliqués à ce niveau. On a des choses à dire et on les a
dites. On s'est même entendu avec ceux qui font beaucoup de sondages
électoraux. Il n'y avait pas de problème. On est d'accord sur
ça.
M. GOUSSE: II y a aussi le rôle que peut jouer le président
des élections.
M. AUDET: Si j'ai bien compris, vous ne demandez pas une
législation sur la manière dont vous devez faire les sondages
suivant les critères auxquels vous avez droit, vous demandez une
législation?
M. CORBEIL: Non.
M. AUDET: Mais vous en demandez une pour le publiciste qui va diffuser
la nouvelle. Qui nous garantit que vos organismes seront plus intègres
que les diffuseurs quant au respect des normes que vous nous donnez ici. C'est
difficile de dire, occasionnellement, si un parti politique donné nous
approche. On veut bien croire que vous êtes de bonne foi. Ne faites pas
le gros lot pour avoir un échantillonnage ou un verdict en sa faveur.
Qui assurera le public de la véracité de l'échantillonnage
et du sondage?
M. GOUSSE: C'est très difficile de répondre. Nous avons
glissé une suggestion en conclusion. Vous touchez à toute
l'activité de recherches sociales appliquées. Si le
président des élections veut se donner un rôle de
contrôleur d'une politique scientifique québécoise dans ce
domaine, il pourrait le faire. Parce que nous sommes prêts à
donner à un organisme provincial, que ce soit le président des
élections ou un autre, à remettre nos questionnaires sans les
noms des individus...
M. AUDET: La discrétion qui appuie son autorité...
M. GAGNE: A ce moment-là, vous touchez à l'éthique
et vous vous demandez jusqu'à quel point des maisons comme les
nôtres peuvent être éthiques dans leur comportement, leur
travail de recherche.
Présentement, nous sommes à réfléchir
ensemble sur la possibilité de nous faire des normes en commun et de
faire exiger et d'exiger comme groupe, comme maison, le respect de ces normes
par les maisons de publication. Evidemment, vous pouvez toujours dire que nous
pouvons faire une espèce de consortium, nous entendre entre nous et
finalement nous organiser pour ne pas être jugés de
l'extérieur. A ce moment-là, ça pose un problème
d'activité professionnelle. Par exemple, moi, je fais partie de la
Corporation des psychologues du Québec et je suis certain que, si la
corporation avait vent d'une activité non éthique au point de vue
de mon travail, elle est autorisée à m'exclure de la corporation.
Je ne pourrais jamais signer du titre de psychologue, ça, c'est ce qui
me concerne. Des organismes comme ça peuvent aussi être
créés entre nous, à l'intérieur de la profession.
Ce n'est pas fait encore, mais, dans certains cas, il faut avoir des garanties
de ce type. Il peut peut-être y avoir d'autres sortes de garanties.
M. CORBEIL: On a eu, dans le passé, la possibilité de
recourir à des gens de l'extérieur. Il y a des gens qui peuvent
lire des rapports et quand ils ont les rapports, ils peuvent porter un jugement
professionnel. En fait, je pense que ce que M. Soucy Gagné est en train
de dire, c'est que notre métier est extrêmement exigeant en ce
sens que nous avons des professionnels de la pratique, partout dans le monde,
actuellement, qui peuvent nous sanctionner. En plus, nous avons à
répondre aux besoins d'une clientèle et nous avons des
professions auxquelles nous appartenons et il y a des milieux
académiques. En fin de compte, nous sommes vraiment mal placés
d'une certaine façon pour mal travailler.
M. GAGNE: Nous sommes soumis à la censure de non-concurrents. Je
pense que c'est peut-être l'aspect le plus important de la censure ou du
contrôle. Parce que si un client venait nous demander à une
maison: Qu'est-ce que vous pensez de cette procédure pour le travail?
Vous lui donnez une expertise, il peut aller voir un universitaire qui est
complètement dégagé de nos maisons, complètement
indépendant et, à ce moment-là, il lui remet toute la
documentation. L'universitaire en question, s'il connaît le
métier, va faire un examen très minutieux et peut très
bien relever n'importe quelle inconsistance; nous sommes soumis à
ça.
Alors, quand on remet de la documentation, de l'information, des
méthodes et tout, on doit au moins avoir l'intelligence sociale de
comprendre que cela peut être contrôlé sous cet angle.
M. AUDET: II faudra nécessairement que le public reconnaisse
votre honnêteté et ait confiance en vous. Par la suite, vos
sondages précis pourront dire, oui ou non, si vous avez
été à la hauteur.
M. CORBEIL: Vous avez fait allusion aux journalistes. J'aimerais faire
un commentaire, me référant à nos débuts, en 1965,
et dire qu'il y a un grand nombre de journalistes, aujour-
d'hui, qui savent très bien rapporter correctement les
données de recherche que nous leur remettons. Comparé à
des normes extérieures à la province de Québec, nous avons
probablement dans le milieu plus de journalistes, toutes proportions
gardées, que dans le pays voisin qui savent très bien faire le
métier de rapporter correctement les données de recherche.
M. AUDET: Donc, les journalistes et les diffuseurs ne seraient pas plus
vulnérables que vous en ce qui regarde l'honnêteté de leur
travail se rapportant à la publication des sondages. Ils pourraient
facilement se passer de la loi.
M. CORBEIL: C'est un problème d'apprendre. C'est techniquement
difficile d'articuler notre métier. C'est un apprentissage que les
journalistes ont eu à faire avec nous. Il y en a plusieurs qui ont bien
fait cet apprentissage. Cela ne s'apprend pas du jour au lendemain.
M. GAGNE: De même, le public apprend aussi. Je pense qu'il faut
mettre toutes les parties en cause. Je crois que les commanditaires apprennent
à utiliser, de façon de plus en plus efficace, les ressources de
chercheurs en sciences sociales appliquées. Je crois que les chercheurs
deviennent de plus en plus exigeants parce qu'il existe de plus en plus de
contrôles sur eux, que ces contrôles viennent des commanditaires ou
qu'ils viennent de leurs collègues concurrents. Je crois que, parce que
nous donnons nos méthodes, il y a une proportion de plus en plus grande
du public qui est capable de poser des questions très
adéquates.
Je pense que nous sommes dans un processus social d'apprentissage,
d'utilisation rationnelle des résultats de sondages quels qu'ils soient,
que ce soit en période électorale ou autrement. Je me dis qu'une
loi, qui vient appuyer ce mouvement qui existe au moins depuis sept ans, ne
fait qu'aider ceux qui veulent que ce soit de la qualité qu'on donne au
public. C'est comme ça que je résumerais ma position.
M. AUDET: Je veux remercier tous les experts qui ont bien voulu tenter
de nous éclairer en approfondissant un domaine aussi ambigu.
M. LE PRESIDENT (Giasson): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: J'aurais seulement quelques questions à ajouter
à celles que mon collègue, le député de Saguenay, a
posées avant de quitter la commission. Je suis favorable à
l'existence des sondages, même en période électorale,
contrairement au député d'Olier. Je suis favorable
également au principe d'une réglementation de l'utilisation des
sondages pendant cette période pour qu'elle contribue à augmenter
le libre choix des citoyens plutôt qu'à le restrein- dre et le
triturer. Il y a déjà suffisamment de forces qui viennent jouer
à l'encontre du libre choix du citoyen sans en ajouter d'autres. Ce qui
me préoccupe le plus, là où j'espérais le plus une
réglementation, une orientation quelconque que la Loi électorale
devrait donner aux sondages d'ailleurs, vous le mentionnez dans votre
mémoire c'est l'écart qu'il peut y avoir entre la date de
confection d'un sondage et sa publication. Cela, à mon avis, peut
contribuer grandement à défaire le tableau de l'opinion publique
à un moment ou à un autre. Je pense l'exemple est devant
nos yeux à un sondage publié aujourd'hui, le 26 octobre,
qui aurait été fait le 4 octobre, par exemple. On mentionnerait
tout simplement dans l'article que ce sondage a été fait le 4
octobre et on dirait que les conservateurs au Québec, à ce
moment-là, avaient 25 p.c. du vote. Dans le titre, on peut ne pas
mentionner la grande période de 22 jours d'écart où
plusieurs facteurs sont intervenus et où, comme tout le monde le sait,
les conservateurs, je suppose, ont perdu des votes. C'est une donnée qui
arrive dans l'opinion publique et qui aura des effets plutôt malheureux
que heureux.
Il y a un endroit où j'aimerais avoir une réglementation
de la part du président général des élections. Sans
interdire la publication de sondages je suis favorable à leur
publication en période électorale qu'il limite
l'écart entre la confection et la publication pour que vraiment cela
devienne une donnée qui aidera le citoyen à se former une
meilleure opinion. Il ne faut pas publier, cinq jours avant une
élection, un sondage qui a été fait il y a longtemps. Bien
sûr, on le mentionne toujours dans l'article mais plusieurs lecteurs se
contentent du titre, d'une photo de l'opinion publique qui date
déjà d'un mois. Je voulais vous demander votre opinion
là-dessus. Devrions-nous réglementer cet écart entre la
date de réalisation et la date de diffusion? Vous avez mentionné
tantôt que vous aviez fait des sondages sur les effets des sondages.
Lorsque vous vous êtes livrés, à quelques reprises,
à l'étude des effets des sondages, si c'étaient des
sondages électoraux, avez-vous eu l'occasion de vérifier si
l'écart, agrandi ou amoindri, entre la réalisation et la
diffusion avait un effet sur l'opinion publique?
M. CORBEIL: C'est moi qui me suis référé à
cela tout à l'heure. On n'a pas fait un sondage sur les effets des
sondages, sur la parution des résultats de sondages. On a fait un
sondage sur les sondages en ce sens qu'on a essayé de savoir quelle
était la proportion des gens qui avaient déjà
été l'objet d'un sondage et quelle était la proportion des
gens qui avaient déjà lu des résultats de sondages. On n'a
pas du tout étudié la dimension des effets. Je n'ai pas de
données par rapport à la question que vous posez.
Quant à la première question que vous avez posée,
je pense qu'il y a eu deux incidents récemment. Il y a l'incident de
Peter Regen-
streif qui a fait des sondages au mois de septembre et qui a
publié ses résultats il y a quelque temps. Ce que j'en sais,
c'est qu'il y a peut-être des problèmes mécaniques qui ont
joué dans ce cas. A une certaine époque, on ne pouvait pas
travailler aussi vite qu'on travaille maintenant. Il n'est pas assuré
qu'on sera toujours capable de travailler vite, aussi.
M. GAGNE: Je crois qu'il y a une autre dimension dans la distance. Sur
un vote, ou l'intention d'un vote, il peut être assez important de donner
une date et rappeler vraiment la date où la question a été
posée. Par contre, il y a d'autres dimensions qui peuvent être
beaucoup plus permanentes. La question suppose des attitudes. Par exemple:
Est-ce que la personne a toujours été de tel parti ou de tel
autre parti? Pour des questions aussi fondamentales que cela, que ce soit un
mois, quinze jours ou deux mois, cela ne fait pas tellement de
différence.
Mais je pense que vous vous référez surtout à
l'intention de vote. Si vous vous posez la question: Est-ce que la
législation devrait aller jusque là? Je dirais que
peut-être elle devrait aller jusque là. Par contre, c'est
difficile. Elle serait probablement très difficile à appliquer.
C'est ce que je peux dire comme opinion, à ce moment-ci.
M. CHARRON: De façon générale, vous êtes les
professionnels du métier, quelle est la distance en
période électorale, j'imagine que vous travaillez plus vite
à cause des échéances pour qu'un sondage soit
réalisé de façon scientifique, donc pour qu'il soit de
qualité? Combien de temps entre sa réalisation et la date la plus
proche de sa diffusion? Vous pouvez le diffuser combien de temps
après?
M. CORBEIL: Moi, je ne veux pas m'engager à répondre
à cette question. La situation va changer dans les années qui
viennent. Je pense qu'il va y avoir des exigences sur nous qui vont faire que
nous ne pourrons peut-être pas les diffuser aussi vite que nous les
diffusions.
Je ne peux vraiment pas prévoir ce qui va se passer. Par exemple,
nous allons publier des résultats samedi. Il y a des résultats
qui ont été publiés avant-hier. Il y a des points
d'interrogation que nous avons sur nos résultats présentement,
sur notre taux de réponse. Nous avons commencé à faire des
études là-dessus. Nous sommes en état de doute, nous, non
pas sur les résultats, mais nous sommes constamment dans notre
métier en état de doute, et nous inventons des méthodes
à mesure, pour pouvoir nous autovérifier. Ceci va jouer.
Comme tendance en recherche sociale appliquée, je ne pense pas
que les phénomènes sociaux, à part le vote, ce qui
amène l'explication du vote, changent beaucoup. Moi, actuellement, je
travaille beaucoup à promouvoir l'idée de l'analyse secondaire de
données qui ont été recueillies ici il y a cinq ans, dix
ans et qui, à mon avis, sont aussi valides et valables que ce qu'on
vient de recueillir aujourd'hui.
M. CHARRON: D'accord, mais il y a les titres que les media
imprimés vont faire, et surtout l'utilisation politique que les
différents partis vont faire. Celui qui apprend qu'il va "manger une
claque", il va en parler moins que celui qui apprend qu'il a le vent dans les
voiles.
Mais tout ça est drôlement important en période
électorale et porte, je suis d'accord avec vous, M. Gagné
l'a précisé sur l'intention du vote. C'est surtout
là-dessus que j'en ai. Pour le reste, les attitudes politiques
fondamentales, j'admets qu'elles ne peuvent pas changer en 48 heures, mais les
intentions de voter le pensent.
M. GAGNE: Oui, par ailleurs, si Yvan pensait à il y a deux ans,
un an et peut-être trois ans, on peut peut-être dire qu'un jour
pour les relevés rapides, pour un milieu très limité, non
pas sur l'ensemble de la province ou sur l'ensemble du pays, ça pouvait
être une semaine, moins que ça, avant de les publier.
M. CORBEIL: Moi, je l'ai fait dans une journée, avec un taux de
réponse très élevé.
M. CHARRON: En 1970, peut-être que les collègues qui ont
tous vécu la campagne électorale ici se le rappellent, il me
semble que le résultat qu'on avait publié le samedi 25 avril dans
La Presse le sondage avait été fait par la maison chez
vous, je pense, quatre jours avant les élections, et il faisait part
encore de 25 p.c. d'indécis datait du 18 avril. L'enquête
avait été faite sept jours avant.
M. CORBEIL: Cela fait une semaine; c'est habituellement ça. On en
a fait récemment avec des taux de réponses très
élevés, mais ce sont des conditions inhabituelles. Quand il y a
des unités très homogènes, il y a un taux de
réponses très élevé et, dans une journée et
demie, vous avez les résultats.
M. GAGNE: Si on voulait, par exemple, on pourrait imaginer plusieurs
situations face à une question comme ça. Plusieurs maisons
pourraient temporairement s'organiser ensemble et dire: On va produire
ça en un temps record; ça peut être à
l'intérieur d'une journée, je veux dire de 36 heures. Il faut que
cela porte sur quelque chose de relativement simple, peut-être à
travers la province.
M. CHARRON: Vous avez mentionné tout à l'heure que vous en
publiez un, samedi, pour la Presse. Celui de samedi va avoir quel âge
quand il va sortir?
M. CORBEIL: Je ne le sais pas précisément. M. GAGNE: Celui
de M. Pinard...
M. CORBEIL: Non, il rentre.
M. CHARRON: II rentre actuellement.
M. CORBEIL: II rentre, c'est-à-dire que les entrevues ont
dû se terminer hier.
M. CHARRON: C'est-à-dire que, plus ils sont proches, mieux c'est.
Quand c'est une photocopie des opinions publiques d'il y a quinze jours, qu'on
vient vous "garrocher" cinq jours avant...
M. CORBEIL: Celui de Pinard, cela a dû être une semaine
à peu près, ou deux semaines, je ne le sais pas.
M. GAGNE: Pour celui de M. Pinard, il s'est écoulé
à peu près dix jours, du moment où il a remis son
questionnaire aux interviewers jusqu'au moment où cela a paru dans le
journal. Je pense que c'est environ dix jours.
M. CHARRON: M. le Président, j'aurais une autre question
là-dessus; elle est peut-être plus ambiguë. Vos
commanditaires font une utilisation, encore une fois, politique du fruit
professionnel scientifique de vos recherches, mais vous n'en dépendez
pas. Ce qu'un parti politique va faire avec, ce qu'il va mettre en
évidence...
M. PAUL: Est-ce que l'honorable député pourrait parler
dans son micro?
M. CHARRON: Oui, vu l'âge avancé du député de
Maskinongé.
M. PAUL: C'est plutôt la subtilité de votre raisonnement
qui m'inquiète.
M. CHARRON: Ce qui est plus facile, c'est l'utilisation politique...
Vous m'entendez bien, cher ami?
M. PAUL: Je ne vous comprends pas mieux. M. CHARRON: Cela, je le sais.
M. PAUL: Continuez!
M. CHARRON : Je vais mettre toutes les chances de mon bord.
L'utilisation politique des résultats scientifiques d'un sondage est
bien connue et a été parfois dénoncée par certaines
personnes. Est-ce que vous croyez que cela a des effets, comme "backlash",
lorsque vous vous mettez à la tâche de confectionner un
questionnaire et que vous avez veut ou ne veut pas dans la
tête le fait qu'il va avoir des fins autres que scientifiques comme
résultats?
C'est assez personnel, ambigu comme question. Vous avez à
rédiger des questionnaires pour différents organismes. Si vous
vérifiez la qualité des soins médicaux dans une
région donnée, c'est plus technique, cela aura des
conséquences limitées à un groupe réservé de
gens qui vous l'ont commandé. Mais quand c'est pour une utilisation
politique où on peut triturer les chiffres, grossir, vous connaissez
ça, est-ce que cela a des conséquences, à savoir que vous
faites plus attention? Vous dites-vous: Quel que soit le résultat, sans
le connaître à l'avance, il faut que la question soit assez claire
pour qu'on ne puisse jouer avec la réponse? Est-ce que c'est exact ou si
cette appréhension n'existe pas?
M. CORBEIL: Cela soulève tout le problème de la recherche.
Ce que je pense, c'est qu'il y a des biais, qu'on appelle des gauchissements,
dans des études qui pourraient exister. Il y a deux types de
gauchissements. Les gauchissements techniques sont ceux dont on a parlé
depuis ce matin et ils font objet de certaines de nos recommandations. Il y a
des gauchissements que j'appelle intellectuels. Ces gauchissements
intellectuels, il faut que tu t'organises dans une atmosphère pour
pouvoir t'en prémunir le plus possible. Cela veut dire que
l'environnement dans lequel tu oeuvres au jour le jour est important pour que
tu puisses poser toutes les dimensions d'un problème de façon que
tu ne le traites pas strictement dans une ligne donnée et que tu oublies
l'autre dimension qui est importante. Si on pousse l'exemple plus loin, il peut
y avoir des difficultés à concevoir correctement une
opération de recherche à l'intérieur d'une institution qui
poursuit des objectifs autres que ceux de faire de la recherche. C'est sans que
les gens le veuillent consciemment. Au jour le jour, travaillant dans une
boîte donnée, il est très difficile pour les gens qui y
vivent de faire des travaux de recherche qui ne soient pas colorés par
l'activité quotidienne qui s'y passe, la philosophie qui s'y
développe, etc. Je ne sais pas si je réponds à la
question.
M. GAGNE: II y a tellement d'éléments de réponse
à donner à une question comme ça. Elle soulève
toutes sortes de problèmes. Le chercheur peut être très
nerveux, selon son tempérament, face à la perspective d'avoir
à faire une recherche dont les résultats vont paraître dans
le grand public et qui, même si on n'est pas sûr des effets exacts,
peut avoir des effets sur l'opinion.
Déjà, la conscience professionnelle entre en ligne de
compte et tu deviens sur tes gardes, tu te mets des instruments sur pied pour
vérifier davantage tes biais idéologiques, si tu en as, ou, dans
tel domaine, par exemple, une opinion politique ou autre. Tout ça est un
appareillage où on devient plus "précautionneux" pour en arriver
à une meilleure évaluation de la réalité de la
situation. C'est un contexte dans lequel on est appelé à
travailler. Par contre, vous avez des clients aussi qui créent des
pressions, qui ne sont pas toujours des politiciens; ce sont des gens qui sont
pris dans une action donnée, ils vont te téléphoner, ils
vont te dire: Voudrais-tu faire un sondage pour prouver que... Il n'y a pas
un chercheur qui va faire un sondage pour prouver à qui que ce
soit quoi que ce soit, ce n'est pas comme ça qu'on travaille.
M. HARDY: On vous demande un sondage favorable.
M. GAGNE: C'est ça, ils demandent un sondage favorable, mais il y
a des gens, des commanditaires, qui n'ont jamais travaillé avec la
recherche, ou avec les chercheurs, et les chercheurs sont souvent très
décevants pour ces gens qui veulent avoir une démonstration
quelconque. Voyez-vous dans quel contexte on est obligé de travailler?
Parfois, il faut expliquer aux commanditaires que ce qu'ils veulent et ce qu'on
peut leur donner, ce n'est pas exactement ce qu'ils veulent. On va leur donner
des faits, des précisions, des opinions du public, etc. mais on ne leur
fera pas de démonstration que leur thèse ou leur idée est
la bonne ou la mauvaise. C'est un contexte, je ne sais pas si cela
décrit le problème.
M. CORBEIL: Concrètement, on se donne des critiques officielles.
D y en a un qui travaille sur l'instrument et, avant que l'instrument ne sorte,
il est critiqué par l'autre à côté. Je ne te parle
pas de "junior" à "senior", je te parle de "senior" à
"senior".
M. GOUSSE: II y a aussi le problème de la validité par
exemple, la question qu'on pose mesure-t-elle bien ce qu'on veut mesurer? Il
existe une tradition dans notre domaine, de sorte qu'on peut savoir où
on met le pied en posant le pied à tel endroit. Il y a quand même
de l'acquis, il y a des choses qu'on sait. Dans le sondage électoral, je
dirais que le concept de la validité est peut-être le moins
préoccupant, parce qu'on sait très bien où on va dans un
sondage électoral.
M. FAGNAN: II y a des sondages, l'intérieur même du geste
de constituer un questionnaire en période électorale, sachant les
effets de "backlash" que ça peut créer, qui nous
prémunissent d'une certaine façon contre des tentatives de
déformer le geste qu'on va poser. Je me compare un peu dans une telle
situation, à un médecin qui est en train de faire une
opération bien délicate, mais qui possède quand même
son métier où il y a des règles. Disons, pour prendre un
exemple précis, que si on formule des questions tendancieuses, on va se
les faire remettre dans la face.
Il y a une façon de formuler une question pour qu'elle ne soit
pas gauchie ou biaisée. Il ne faut justement pas demander à la
personne: "Etes-vous favorable au Parti libéral? " Une question ne se
pose pas comme cela. Du fait de la poser comme cela, on présume
déjà de la réponse de la personne. Disons que ces aspects
techniques que nous avons mentionnés dans notre rapport nous aident
à garder notre sang- froid et à nous contrôler au moment
où nous vivons des situations politiques. Nous ne sommes pas
désincarnés au moment où nous faisons un questionnaire sur
un sondage électoral.
Pour ma part, là-dessus, ce que je veux faire valoir, c'est
qu'à l'intérieur même du métier que nous
exerçons il y a des règles, entre autres au niveau des questions.
Il y a toutes les règles, que nous avons mentionnées dans notre
rapport, qui nous aident à bien faire notre métier.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.
M. CARPENTIER: M. le Président, à la page 1 de votre
résumé, à l'article 2, est-ce que vous voulez dire
qu'à chaque fois qu'un média d'information voudrait publier un de
ces rapports il devrait consulter ou avoir l'approbation du président
des élections, à savoir si l'application qu'il veut en faire est
conforme aux normes? Est-ce que ce serait la formule...
M. CORBEIL : A quoi vous référez-vous?
M. GOUSSE: Voulez-vous répéter votre question, s'il vous
plait?
M. CARPENTIER: Page 1 de votre résumé du mémoire
soumis à la commission de l'Assemblée nationale,...
M. GOUSSE: D'accord.
M. CARPENTIER: ... article 2, le dernier article en bas. Il se lit comme
suit: Que le président des élections du Québec, dans le
cas d'élection provinciale, veille à l'application de saines
normes de publication. Est-ce que vous voulez dire par là...
M. PAUL: C'est le mémoire qu'on a étudié la semaine
passée.
M. CARPENTIER: Pardon!
M. PAUL: Quel est le titre du mémoire?
M. CARPENTIER: C'est le résumé qui va avec cela.
M. GAGNE: C'est le résumé du mémoire.
M. CARPENTIER: C'est le résumé du mémoire, cher
collègue. Est-ce que vous l'avez retrouvé?
M. PAUL: Oui, je me suis retrouvé.
M. CARPENTIER: Est-ce que vous voulez dire par là qu'à
chaque fois qu'une de ces publications sera faite on devra consulter le
président des élections pour savoir si cela suit les normes ou ne
les suit pas?
M. GOUSSE: Si on veut une loi en ce qui concerne la publication, il faut
désigner un organisme gouvernemental responsable de son application. Si
on songe à faire une loi sans en même temps songer à voir
quel est l'organisme qui sera responsable de son application, on serait aussi
bien de ne pas faire de loi à ce moment-là. Je pense que c'est le
président des élections qui sera responsable de voir si la
publication d'un sondage respecte la loi.
M. CARPENTIER: Précisément si c'est fait seulement
après la publication et que le mal est fait? Si une mauvaise publication
paraît dans tous les journaux et que le président des
élections s'en aperçoit et dit: Messieurs, vous n'avez pas
respecté les normes, qu'est-ce que cela veut dire si les
élections sont passées ou si une publication comme cela est faite
deux jours ou la veille des élections? Même si vous vous apercevez
que ce n'est pas fait suivant les normes, à ce moment-là, le mal
est fait. La publication est connue et tous les lecteurs, les consommateurs en
ont pris connaissance; il n'y a rien à faire avec cela.
M. GOUSSE: C'est à vous de juger, à ce moment-là,
s'il a bien appliqué la loi, oui ou non.
M. CARPENTIER: Oui, mais le mal est fait quand même. Ce sont
précisément les normes qui devraient être appliquées
avant la publication.
M. GOUSSE: Vous lui donnez le mandat de voir à leur application
dans les jours qui suivent la publication.
M. CARPENTIER: Cela porte pas mal à la tentation de
l'ambiguïté.
M. CORBEIL: Je ne suis pas avocat, mais il me semble qu'il y a des lois
et que, si elles sont transgressées, la démonstration est faite
que quelqu'un les a transgressées. Il me semble que le système
dans lequel nous vivons est ainsi fait.
M. CARPENTIER: Entièrement d'accord.
M. CORBEIL: Ce n'est pas différent des autres situations.
M. CARPENTIER: Supposons qu'une maison nouvellement fondée fasse
un genre de publication comme cela, tout simplement pour tromper l'attention
des gens et, après cela, qu'elle laisse tomber. Alors, même si le
président des élections la poursuivait, si elle n'est plus
là, il n'y a rien à faire.
M. HARDY: Supposons qu'on arriverait à la conclusion que la Loi
électorale prévoit que toute publication de sondage doit contenir
tous les détails, sur la façon dont le sondage s'est fait, est-ce
que vous verriez une objection majeure à ce que la loi prévoie
que le président général des élections doive
donner, avant telle publication, son nihil obstat?
M. CORBEIL: J'en verrais, en ce sens qu'il me semble que ce n'est pas
comme cela que la société fonctionne. Autrement, vous aurez un
rôle de censeur avant la faute commise.
M. PAUL: C'est pour prévenir la faute.
M. HARDY: On peut assimiler cela à de la médecine
préventive ou à des moyens préventifs.
M. HARDY: Sanctionner avant ou après, c'est pareil; si nous avons
à sanctionner à posteriori, c'est encore une sanction.
M. CORBEIL: Ce que je vois, ce sont des problèmes
pratiques...
M. HARDY: Oui.
M. CORBEIL: ... de rouages administratifs.
M. GOUSSE: Si vous le faites avant, vous allez sanctionner la
fabrication des sondages. Nous parlons de la publication des sondages.
M. HARDY: Supposons que je suis propriétaire d'un journal. Mon
papier est fait et la loi prévoit, comme vous le recommandez, de publier
toutes les informations.
Cela voudrait dire, dans la question que je vous pose, que le
journaliste doit faire le papier, comprenant les résultats du sondage et
l'information quant à l'administration du sondage, et que l'ensemble du
papier ne pourrait pas être publié sans avoir été
soumis au président général des élections ou
à son représentant.
M. CORBEIL: Je ne suis pas d'accord avec cela.
M. HARDY: Vous êtes contre le principe. M. CORBEIL: Je suis contre
le principe.
M.HARDY: Et vous, monsieur? Vous ne sembliez pas tout à fait
partager, au début, les opinions de votre collègue de gauche.
M. GOUSSE: Mon collègue de gauche, cela me fait plaisir
d'entendre cela. Ecoutez, ce qu'on vous propose là, c'est une
législation qui n'a pas de dents.
M. HARDY: Qui n'a pas?
M. GOUSSE: De dents. Je veux dire...
M. HARDY: J'ai appris en droit qu'une loi
qui n'a pas de dents, c'est comme s'il n'y avait pas de loi du tout.
C'est un principe. Je ne sais pas si mon collègue et confrère va
confirmer ou infirmer ce que je dis, mais on nous enseignait, à la
faculté de droit, qu'une loi qui n'a pas de sanctions ne vaut pas
grand-chose. Cela a une valeur strictement morale. C'est une précision
que je n'avais pas remarquée: au fond, vous nous suggérez que la
Loi électorale contienne ceci comme une espèce de
déclaration d'intention, mais il n'y aurait pas de sanctions de
prévues, c'est-à-dire que ceux qui s'y conformeraient seraient du
bon monde, ceux qui ne s'y conformeraient pas ne s'y conformeraient pas, c'est
tout.
M. PAUL: Quels seraient les avantages de s'y conformer?
M. HARDY: Bien oui, s'il n'y a pas de sanctions. Je ne vois pas pourquoi
je m'y conformerais, s'il n'y a pas de sanctions.
M. GOUSSE: Le risque qu'il peut y avoir parce qu'on a
mentionné plusieurs informations méthodologiques là-dedans
c'est qu'il faudrait que le président ait l'expertise ou, en tout
cas, puisse s'appuyer sur l'expertise pour savoir, en fait, si tel sondage
fabriqué a été bien ou mal fait. Non, je pense que le
dernier cas est éliminé.
M. HARDY: Non, non. Ce n'est pas dans ce sens. Ce n'est pas ce que j'ai
dit.
M. GOUSSE : La publication, par exemple. Il faudrait que la publication
mentionne ces informations.
M. HARDY: Oui, c'est cela.
M. GOUSSE: Si elle ne les mentionne pas, il doit y avoir une
sanction.
M. HARDY: Si on oblige le journal à soumettre son papier au
président général des élections ou à son
délégué, il va voir si le papier est conforme à vos
recommandations ou non.
M. GAGNE : Je réfléchis tout haut, mais il me semble que
le problème, c'est de voir la praticabilité d'une loi quelconque.
Je verrais, par exemple, qu'un journal qui publie puisse être
pénalisé par la suite. Je ne pense pas à l'absence de
pénalisation. Je pense qu'il peut y avoir une pénalisation
après, qui peut être toutes sortes de choses qu'on peut imaginer
assez bien.
Par contre, ce serait peut-être plus efficace, à mon sens,
s'il pouvait y avoir une pénalisation avant ou même que le
législateur ou le président d'élection exige que les
informations soient connues avant que ça soit publié.
M. HARDY: C'est ça, c'est...
M. GAGNE: Le dilemme, c'est la praticabilité de l'affaire. Est-ce
que c'est praticable de pénaliser avant ou si c'est plus praticable de
pénaliser après? La longueur des dents...
M. HARDY: II n'y aurait pas de pénalité avant.
M. GAGNE: II y aurait pénalité.
M. HARDY: C'est-à-dire qu'il y aurait pénalité si
on ne se conforme pas à la décision du président.
M. PAUL: C'est ça. M. GAGNE: Oui.
M. HARDY: Ce serait toujours après, la pénalité,
pas avant. On ne peut pas pénaliser quelqu'un avant qu'il ait
commis...
M. PAUL: II y aurait la défense de publier avant.
M. GAGNE: Mais pourquoi fait-on ça? Il me semble que ce
n'était pas comme ça.
M. HARDY: C'est comme dans l'esprit du député de
Laviolette, c'est pour empêcher...
M. GAGNE: C'est de la censure.
M. HARDY: Vous censurez après, dans votre affaire.
M. GAGNE: Avec des règles que vous avez établies.
M. HARDY: Ce sont les mêmes règles qui s'appliqueraient
avant.
M. GAGNE: Je ne sais pas comment vous appelez ça dans votre
métier, mais vous ne faites pas la présomption de
l'honnêteté ou de, je ne sais comment, suivre les règles.
Si vous établissez des règles, vous présumez que les gens
vont suivre les règles.
M. HARDY: II y a beaucoup de lois qui disent qu'avant de faire telle
chose, on doit se conformer, on doit démontrer que le plan qu'on a est
conforme.
M. GAGNE: Si on prend le domaine du cinéma par exemple, je pense
que le cinéma...
M. HARDY: C'est le cas le cinéma, vous avez le plus bel exemple.
Avant de projeter un film, il faut le montrer, c'est aussi simple que cela.
M. GAGNE: C'est ce à quoi je pense. C'est praticable dans ce
cas-là, je pense.
M. HARDY: Vous avez l'exemple parfait.
M. GAGNE: Le film doit être vu avant d'être autorisé
pour fins de circulation.
M. HARDY: Autrefois, dans le clergé, selon le droit canon, tout
clerc qui publiait un volume devait le soumettre à son ordinaire avant
de le publier.
M. CORBEIL: IL y a une différence sur ce
problème-là. Il me semble que le rapport Régis
recommandait des positions différentes.
M. HARDY: Nous parlons de la loi actuelle. Selon la loi actuelle,
même si elle est très élargie, même si les
critères de sélection des films sont très élargis
par rapport à ce qu'ils étaient autrefois, tout film si
mes informations sont encore à jour avant d'être
projeté dans un cinéma au Québec, doit recevoir un visa du
bureau de surveillance quelconque. Il ne peut pas être projeté
avant.
M. GAGNE: Au fond, vous nous posez une question sur laquelle n'importe
quel citoyen un peu averti pourrait donner une opinion. L'opinion que nous
pouvons avoir présentement, la mienne...
M. HARDY: II y a une question de principe là-dessus.
M. GAGNE: II y a un principe dans le sens que...
M. HARDY: Si vous dites que votre objection est uniquement d'ordre
pratique, laissez-nous ça. Le problème pratique, nous allons le
régler.
M. GAGNE: C'est ce que j'aurais tendance à vous...
M. HARDY: Ce que j'aimerais savoir des spécialistes comme vous
et d'ailleurs on le sait maintenant de M. Corbeil c'est si vous
avez des objections de principe à cette façon de procéder.
M. Corbeil dit oui.
M. GAGNE: Moi, j'ai...
M. CORBEIL: Je me prononce comme citoyen.
M. PAUL: Est-ce que vous vous désolidarisez du groupe sur ce
point-là?
M. GAGNE: Non, c'est qu'on est en train de réfléchir, en
ce qui me concerne du moins, parce qu'on n'avait pas discuté de ce point
et on ne s'était pas fait d'opinion commune là-dessus. Face
à une situation comme ça, je ne voudrais pas avoir une loi qu'on
appliquerait dans certains cas et non dans d'autres. Par exemple, dans le cas
du cinéma, on oblige les fabricants de films à se
présenter à un comité, je ne sais trop lequel, et à
les faire censurer avant de les mettre en circulation. Dans d'autres domaines,
on ne le fait pas et j'ai tendance à croire que c'est mieux de ne pas
avoir de censure à toutes fins pratiques. L'auto-censure est
préférable. Mais, comme on fait une loi, à un moment
donné il faudra poser un jugement sur la qualité de l'information
qui sera donnée dans le journal. Je me dis que c'est plus praticable et
c'est mieux de faire une loi qui est applicable qu'une loi qui ne l'est pas.
C'est très difficile d'application parce qu'il faut publier dans de
courts délais.
Si vous avez une machine administrative qui permet de poser un jugement
rapide sur la valeur de l'information qui est là, je n'aurais pas
d'objection de principe présentement.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi.
M. CARPENTIER: Pardon! A la page 5, à l'article 4, au sujet de
l'échantillonnage, vous dites: Les données sur les facteurs de
pondération. Est-ce que vous pourriez nous en énumé-rer
quelques-uns?
M. GOUSSE: Par exemple, il est possible que vous fassiez un sondage dans
tout le Québec. Dans ce sondage supposons un cas de 1,000
personnes échantillonnées vous voulez
surreprésenter la région de Québec puisque cette
région ne représente que 7 p.c. de l'ensemble de la province de
Québec. Par ailleurs, vous êtes intéressé à
savoir ce qui se passe effectivement dans la région
métropolitaine de Québec. Donc, vous êtes peut-être
appelé à surreprésenter la région de Québec
afin de voir ce qui s'y passe. Mais, lorsque vous allez parler de l'ensemble du
Québec, il va falloir que vous pondériez la région de
Québec de sorte qu'elle conserve toujours ses 7 p.c. en importance.
Ce sont ces facteurs de pondération dont on parle
là-dedans.
M. CARPENTIER: A la dernière page de votre mémoire, la
page 7, vous avez une série d'organismes qui ont signé. Est-ce
que tous ces organismes ont leur bureau, leur siège social dans la
province de Québec?
M. CORBEIL: Oui.
M. GOUSSE: II y a deux individus qui ont signé personnellement et
qui travaillent dans des maisons de recherche. Si je comprends bien, votre
question porte sur les organismes et les boites de recherche qui ont
signé. Toutes ont leur siège social au Québec.
M. CARPENTIER: Tout le groupe qui a signé ici?
M. GOUSSE: Tout le groupe des maisons de recherche qui ont
signé.
M. CARPENTIER: Ces firmes sont toutes enregistrées auprès
des Institutions financières?
M. CORBEIL: Nous le sommes, nous.
M. HARDY: En d'autres termes, est-ce qu'il s'agit de compagnies
incorporées?
M. CORBEIL: II y a un groupe qui n'est pas incorporé, le groupe
enquêtes et sondages est incorporé sous l'Université du
Québec à Montréal.
M. HARDY: C'est un service de l'université.
M. CORBEIL: C'est un service de l'université.
M. LE PRESIDENT: M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: Est-ce que vous avez eu à déplorer dans le
passé des diffusions erronées de vos sondages, pour demander
aujourd'hui une loi qui couvrirait les diffuseurs?
M. GOUSSE: C'est une bonne question; je pense qu'on va vous
répondre oui.
M. AUDET: Si la responsabilité complète du sondage
relève de vous, pourquoi n'exigeriez-vous pas que la diffusion du mot
à mot de vos données de sondage soit faite en tribune libre? Si
le diffuseur ne doit pas passer par le président des élections
qu'il vous réfère le texte qu'il doit publier puisque c'est votre
responsabilité.
M. GOUSSE: II reste quand même l'espace. L'espace est
déterminé dans un journal par l'éditeur et non pas par le
journaliste. A ce moment, notre tribune libre n'aurait pas l'espace qui avait
été accordé au moment de la diffusion première.
M. HARDY: La question du député d'Abitibi-Ouest, au fond,
c'est: Pourquoi le diffuseur ne serait-il pas obligé de se soumettre
à vos exigences, que ce soit publié en tribune libre ou
autrement? Le principe est que vous, responsables du sondage, vous seriez les
censeurs et vous auriez un droit de regard sur la façon dont on diffuse
votre travail.
M. GAGNE: On s'en va vers ce genre de situation. A mesure que le temps
avance, les boîtes de recherche commencent à poser de plus en plus
d'exigences au niveau de la publication. Par contre, la solution de cette
difficulté peut venir en partie des boites de recherche, mais...
M. HARDY: Ce serait plus facile pour vous si le législateur
agissait.
M. GAGNE: Oui, ce serait plus facile. Il existe des boîtes
à l'extérieur du Québec...
M. GOUSSE: Nous ne sommes pas les seuls qui publient des
résultats au Québec.
M. HARDY: Surtout, vous n'auriez pas l'odieux devant vos clients de leur
imposer une chose.
M. CORBEIL: Ce que je pourrais vous dire, c'est que notre code
d'éthique a un paragraphe précis là-dessus et nous nous
engageons à corriger les erreurs de parution.
M. HARDY: Je ne sais pas si ce serait l'avis de mes collègues,
est-ce que vous auriez objection à nous faire parvenir votre code
d'éthique pour nos archives?
M. CORBEIL: Aucunement.
M. GAGNE: Oui.
M. GOUSSE: On peut...
M. CORBEIL: Je vous ferai parvenir deux codes, celui de l'AAPOR, qui est
l'American Association for Public Opinion Research et celui de l'Association
mondiale.
M. HARDY : Est-ce qu'ils sont très différents?
M. CORBEIL: Ils sont différents. Celui de l'Association mondiale
est beaucoup plus précis, plus élaboré et il a
été fait par un groupe de personnes qui étaient moins
nombreux. J'ai travaillé à l'élaboration de ce code et on
est pris avec toutes sortes de problèmes à ce niveau-là...
On a pris le problème avant notre existence au niveau international,
c'est un peu ça, la chose. Pour aider certains chercheurs, dans des pays
où ils ont de la difficulté, on a fait un code d'éthique
qui pouvait avoir plus de résonnance et aider les chercheurs de
différents pays. Comme nous étions moins nombreux, il a
été plus facile de nous entendre sur ce code d'éthique que
sur celui de l'AAPOR. Quand on l'a écrit il y a quelques années,
je pense, nous étions déjà 800 membres.
M. HARDY: Mais votre groupe, auquel des deux se soumet-il?
M.CORBEIL: On suit les deux effectivement, on respecte le code de
l'American, et la teneur de notre mémoire va dans le détail de ce
qu'il y a dans celui de l'Association mondiale.
M. PAUL: Est-ce que vous avez un code écrit?
M. CORBEIL: Oui, il est écrit pour l'Asso-
ciation mondiale de recherche sur l'opinion publique.
M. PAUL: Mais pour votre association québécoise?
M. CORBEIL: On commence à...
M. GAGNE: On n'a même pas d'association.
M. CORBEIL: On n'a même pas d'association, on commence à...
il y a un groupe de formé.
M. HARDY: Ce n'est qu'un front commun pour les fins de la
commission.
M. GOUSSE: Qui va se perpétuer...
M. CORBEIL: Qui va se perpétuer dans le sens que vous
l'indiquez.
M. GOUSSE: Peut-être que cela pourrait vous intéresser si
nous vous envoyions aussi une copie du bill qui est pendant devant le
Congrès américain sur la publication des sondages
électoraux...
M. HARDY: Oui.
M. GOUSSE: ... dont nous nous sommes inspirés en bonne partie. Je
vais vous le faire parvenir.
M. AUDET: M. le Président, si l'Assemblée nationale
décrétait une simple loi à l'effet que toutes les
diffusions soient soumises aux responsables des sondages avant publication, ne
croyez-vous pas que même les diffuseurs pourraient être heureux de
pouvoir se dégager de cette responsabilité? On enlèverait
les possibilités de sanction vis-à-vis d'eux.
M. GAGNE : C'est une approche intéressante. Mais voyez-vous, vous
nous amenez sur un terrain qui ne nous est pas familier. Ma première
réaction à votre intervention est que je trouve la proposition
intéressante à considérer. Quelles sont les implications
que cela peut avoir pour nous? Il faudrait l'examiner de plus près. Mais
je trouve que cela a de l'importance.
M. AUDET: En somme, avec le code d'éthique que vous nous
présentez, vous nous amenez quasiment à croire que vous voulez
nous apporter une honnêteté...
M. GAGNE: ... que vous espériez...
M. AUDET: ... qui ne souffrirait aucun doute. Donc, si vous êtes
aussi intègres que cela, il faudrait aussi que vous portiez la pleine
responsabilité de vos rapports. Donc, la diffusion serait
intégralement conforme à ce que vous avez publié.
M. GOUSSE: Oui mais pour les maisons à l'étranger? Comment
réglez-vous le cas des maisons de l'étranger qui publieraient au
Québec?
M. GAGNE: On peut se demander si cela a suffisamment de poids
auprès des organismes de publication. Je crois que non, a priori, comme
ça. Mais ce serait à examiner.
M. GOUSSE: L'appartenance à l'association professionnelle, si on
veut, n'est pas obligatoire, et nous ne la recherchons pas non plus.
M. GAGNE: En fait qu'une reconnaissance sociale du type qui serait
incluse dans une loi, sur l'importance de donner au public l'information, je
trouve que c'est une occasion unique pour un organisme gouvernemental de
signifier qu'il prend l'intérêt du public. Je pense que c'est le
premier temps.
Le deuxième temps, c'est de signifier aussi aux cherchers qu'on
attend quelque chose d'eux. Si un point de collaboration peut se faire à
ce niveau, tant mieux. Mais moi, je vois bien le jeu des deux à la fois,
cela donne plus de poids aux gestes posés.
M. LESSARD: M. le Président, j'ai dû partir. Je ne sais pas
si la question a été posée. Cela ne sera pas long. Il est
déjà cinq heures. Quand je suis parti, le député de
Beauce posait certaines questions sur la possibilité que quelques
commanditaires puissent influencer la décision de poser telle question
ou telle autre. Je m'inquiétais à un moment donné de voir
que cela était peut-être possible. Je pose la question: Est-ce que
les résultats d'une enquête/ d'un sondage, peuvent
être influencés par le commanditaire?
M. GOUSSE: Je vais vous répondre que cette question a
déjà été posée.
M. LESSARD: D'accord, mais est-ce que c'était oui ou non?
M.PAUL: Quand on n'est pas toujours constant et présent...
M. HARDY: En vertu du règlement, on ne peut pas revenir sur un
débat.
M. LESSARD: M. le Président, je suis bien d'accord que la
question a été posée mais j'ai dû parti parce que
c'était un ministre libéral qui m'invitait à le rencontrer
pour essayer de l'aider à résoudre un problème.
M.PAUL: Et vous pensez que nous allons vous croire?
M. LESSARD: Je lirai les Débats, M. le Président.
M. PAUL: Vous avez toujours le mérite de le dire mais...
M. HARDY: Le ministre doit être bien mal pris.
M. LESSARD: Ils sont toujours mal pris, M. le Président. Ils ne
sont pas capables de régler les problèmes.
M. PAUL : J'appuie votre motion. M. LESSARD: Oui ou non?
M. GOUSSE: Non. Je pense qu'on a répondu tantôt...
M. HARDY: Le député lira le journal des Débats.
Avez-vous d'autres questions? On veut terminer.
M. LESSARD : M. le Président, je comprends mais, si j'avais
d'autres questions, je continuerais même s'il est 5 heures.
M. HARDY: Allez à une autre qui n'est pas posée.
M. LESSARD: Que le député de Terrebonne prenne son
temps...
M. HARDY: Qui vous dit que je ne suis pas invité, moi aussi, par
un ministre libéral?
M. PAUL: Qu'est-ce qui vous dit qu'il n'est pas invité à
être nommé ministre?
M.LESSARD: Ils sont jaloux, M. le Président. Alors, d'accord, je
n'ai pas d'autres questions. Je vous poserai la question tout à
l'heure.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez d'autres questions? Le
député de Terrebonne.
M.HARDY: C'est-à-dire, est-ce que c'est fini?
M.LESSARD: C'est cela. Est-ce vous qui donnez la conclusion
là-dessus?
M. HARDY: M. le Président, je voudrais remercier, au nom de notre
groupe, les membres des différents organismes qui ont
témoigné cet après-midi. J'ai remarqué en
particulier l'aspect pratique des suggestions que vous nous avez faites. Sans
doute, elles nous aideront à trouver une solution à ce
problème assez complexe.
M. GOUSSE: Je voudrais remercier M. le président ainsi que tous
les députés qui sont présents ici cet après-midi.
Je pense que je parle en mon nom et en celui de mes collègues. Nous
avons eu l'impression que nous avons travaillé ensemble sur le sujet de
la publication des sondages électoraux.
M. HARDY: Je pense que oui.
M. PAUL: M. le Président, il ne m'arrive pas souvent d'être
entièrement d'accord avec mon bon ami l'honorable député
de Terrebonne mais, aujourd'hui, c'est sans réserve que je partage son
opinion et ses remarques.
M. AUDET: Merci beaucoup. M. LESSARD: Merci beaucoup.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux...
M. HARDY: J'allais l'oublier devant cette euphorie. Je propose que notre
commission ajourne ses travaux, pro forma, au 15 novembre. Je propose
également qu'à cette date nous nous penchions sur le
problème des listes permanentes.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs.
(Fin de la séance à 17 h 4)