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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le jeudi 26 octobre 1972 - Vol. 12 N° 104

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale (24)

Séance du jeudi 26 octobre 1972

(Dix heures seize minutes)

Enquête dans Gatineau

M. LAVOIE (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

M. le juge Drouin m'a remis, quelques minutes avant la séance, plusieurs exemplaires des conclusions d'une enquête policière sur ce qui s'est passé dans le comté de Gatineau. Hier, il avait communiqué avec moi et j'avais proposé que ce dossier soit déposé en une trentaine de copies. Il s'agit des conclusions de l'enquêteur, ainsi, que de tous les témoignages des personnes qui ont été interviewées ou interrogées sur cette question. J'en remets une copie à chacun des membres de la commission. Pour les représentants de la presse, j'ai des copies des conclusions du rapport.

Nous allons considérer, ce matin, deux mémoires, l'un présenté par M. Jean-Pierre Na-deau, concernant les sondages électoraux, analyse et solutions; l'autre présenté par M. Claude Gousse, appuyé par les membres du Centre de recherche sur l'opinion publique.

Sondages électoraux

M. HARDY: M. le Président, nous avions reçu deux mémoires concernant les sondages électoraux, à la suite de l'invitation de la commission parlementaire à différents organismes de venir témoigner devant nous. Je pense qu'il s'agit d'une question importante, d'actualité d'ailleurs. L'ampleur qu'a prise ce phénomène des sondages électoraux, au cours des récentes années, est importante. Les réactions devant ce phénomène sont diverses et parfois contradictoires. Certains voudraient les interdire totalement, alors que d'autres voudraient qu'il y ait une liberté totale et absolue.

De toute façon, je pense qu'il est difficile d'étudier la réforme électorale sans se pencher sur cette question. Et je pense que les membres de la commission parlementaire apprécient la collaboration des personnes qui, ce matin, viendront se faire entendre.

Je suis persuadé, après avoir lu les mémoires, que ces personnes nous aideront sûrement à trouver une solution à ce problème qui soit de nature à atteindre l'objectif fondamental que nous poursuivons ici, celui d'avoir un système électoral qui favorise le plus possible l'expression du vote d'une façon libre, sans aucune entrave.

M. le Président, je suis heureux, au nom du parti ministériel, de souhaiter la bienvenue à ceux qui nous visitent ce matin.

M. PAUL: Je voudrais joindre ma voix à celle du député de Terrebonne pour signaler cependant que ce n'est pas tant, ce matin, la réforme parlementaire que nous envisageons, mais des amendements éventuels à la Loi électorale qui pourraient donner en quelque sorte un certain statut ou imposer des règles quant à la publicité faite aux sondages préélectoraux et leur publication.

A la lecture d'un des mémoires, je me suis longuement demandé cependant pourquoi on parlait de certains sondages qui étaient effectués, soit au niveau d'une élection municipale, d'une élection scolaire, même du référendum, sans que l'on s'arrête sur l'aspect d'un sondage à l'occasion d'une élection fédérale. On nous répondra que, notre mandat étant un mandat provincial, on ne pouvait du même coup envisager cette facette des sondages politiques.

Je crois bien que, même s'il y a une anticampagne qui se déroule à l'occasion de certaines élections, rien n'empêche que le principe de la publication des sondages trouve champ d'application autant au niveau fédéral, provincial ou municipal, ou à l'occasion d'un référendum.

C'est avec beaucoup d'intérêt que nous allons entendre les mémoires qui nous seront présentés ce matin. Il est possible que de ces mémoires découlent certains amendements que le gouvernement prendra l'initiative de nous présenter pour que la Loi électorale donne certains pouvoirs au président général des élections et pour que ces sondages soient astreints à une certaine directive, à un certain protocole ou à certaines règles de manière que, s'ils sont jugés recevables et acceptables, pour qu'au moins leur publication soit soumise à des règles ou à une éthique, une espèce de code déontologique qui pourrait donner encore plus de valeur à ces sondages qui, de plus en plus, cependant, s'avèrent assez exacts, même si quelquefois les media d'information, suivant l'auteur d'un mémoire de ce matin, dénaturent la qualité même du sondage que l'on a pu effectuer.

Veuillez croire, M. le Président, que c'est avec beaucoup d'intérêt que nous allons entendre ces mémoires et je suis sûr que nous pourrons en tirer bénéfices, avantages et profits, nous, législateurs chargés de réformer notre système électoral de manière à ce qu'il réponde aux besoins de notre époque.

M. LE PRESIDENT: M. Béland.

M. BELAND : Nous avons également, nous du Ralliement créditiste, bien hâte d'entendre ce matin ceux qui ont à présenter des mémoires. Il est évident qu'en ce qui concerne le sujet plus précis des sondages, qu'on vient de mentionner, cela provoque des tendances dues à une certaine quantité de votes flottants. Cela implique dangereusement, dans certains cas, les situations qui doivent être créées, qui doivent être prévues dans la réglementation qui viendra compléter la réforme des districts électoraux en

général. En effet le tout — je mets le tout ensemble— de même que toutes les études connexes, pas ensemble dans le sens dont nous entendons souvent parler depuis quelques jours, mais simplement ensemble dans le sens qu'il y a deux, trois, quatre, cinq partis qui forment à un moment donné un contexte faisant en sorte que nous puissions améliorer les situations qui ont existé depuis quelques années concernant les élections générales au Québec.

Mes derniers mots seront pour dire que, justement, nous avons grandement hâte d'entendre les mémoires qui seront présentés ce matin.

M. LAURIN: M. le Président, pour notre part, nous abordons ce problème avec un esprit ouvert et absolument exempt de préjugés, car le sondage est un phénomène relativement moderne dont nous ne commençons qu'à saisir toutes les implications, au fur et à mesure que l'usage s'en répand et que l'utilisation s'en trouve accélérée.

Nous allons porter une attention particulière à deux problèmes: le premier, le caractère scientifique du sondage, car il n'y a pas de sondage qui puisse se justifier s'il n'est pas basé sur les données les plus sûres, de la science sociologique et, d'autre part, l'utilisation politique qui en est faite, l'impact politique que le sondage peut avoir et les utilisations en particulier que peuvent en faire des machines électorales, non pas au sens péjoratif, qui ont pour but, justement, de gagner à leur cause l'opinion.

C'est sur ces deux points que notre attention va porter. Nous avons parcouru également les mémoires, nous les avons trouvés très intéressants et nous espérons qu'avec toutes les questions que nous poserons, avec les éclaircissements additionnels que nous donneront, ceux qui viennent témoigner ici, nous pourrons éclairer la lanterne du législateur et en arriver à une législation qui respecte la science, en même temps que les exigences de la démocratie.

M. LE PRESIDENT: M. Trudeau, pardon, M. Nadeau.

M. PAUL: Vous subissez une certaine déformation professionnelle, M. le Président.

M. DEMERS: L'influence des sondages. M. Jean-Pierre Nadeau

M. NADEAU: M. le Président, messieurs les députés, je tiens à vous remercier, ce matin, de m'avoir invité à une de vos séances pour que je puisse donner mon opinion sur les sondages politiques. J'en parlerai très librement, d'autant plus que je ne suis attaché à aucune maison de sondage actuellement. Je me suis intéressé à cette question, d'abord au cours de mes études en science politique avec le professeur Lemieux, à l'université Laval, et, ensuite, en faisant ma thèse de doctorat en communications à l'Université de Paris, avec le professeur Cazeneuve et, à l'UNESCO, avec le professeur Fulchignoni. C'est un sujet international et, dans chaque pays, vous le savez comme moi, on s'interroge sur cette question-là.

Je vous ai remis un plan de mon exposé, ce matin, j'espère que le président ou M. Desmeules vous avait donné le texte précédemment. Le plan se situe en cinq questions. La première, comment peut-on influer sur les résultats des sondages? La deuxième, les sondages influencent-ils les votants? Quels sont leurs effets? La troisième question, a-t-on tort ou raison de rendre public un sondage en période électorale? La quatrième question, la présentation des sondages par les mass-media constitue-t-elle un certain danger? A la fin, je propose une solution à ce problème.

Je dois vous dire très honnêtement que ce sont les points 4 et 5 qui retiendront tout particulièrement mon attention. J'ai voulu proposer une solution parce qu'il est bon d'en discuter et de pérorer longuement sur la question des sondages, mais je pense qu'il faut faire un effort pour proposer une solution. Je vous en propose une. Je ne suis pas certain que c'est la meilleure. Cependant, je suis sûr que vous l'étudierez avec attention.

J'ai voulu poser des questions qui regroupent et qui recoupent, je pense, les points soutenus dans le court mémoire que je vous ai fait parvenir de Paris, au mois de mars dernier. Comment peut-on influer sur les résultats des sondages? Je ne vous parlerai pas de marge d'erreurs, comment on calcule l'écart type, ce matin, mais je dois vous donner les trois raisons à savoir comment on peut influer sur les résultats d'un sondage.

On peut influer de trois façons sur les résultats des sondages: par une mauvaise composition de l'échantillon, par un questionnaire orienté et par des enquêteurs mal formés. Je m'attarderai sur le tableau que vous avez derrière vous et qui présente deux sortes de sondage. L'un de La Presse a été publié en 1970, à quelques jours de l'élection, et l'autre à la droite, plus comtemporain, a été publié par le journal Le Soleil, le 14 octobre dernier, durant cette campagne électorale fédérale. Je vous parlerai de ces deux sondages, tout à l'heure, parce que je crois qu'il y a des erreurs graves de faites dans l'échantillon, en ce qui concerne le journal Le Soleil, et dans une théorie que j'ai développée avec Souvy à Paris, en ce qui concerne La Presse, c'est-à-dire la publication de pourcentages dans le titre d'un journal. Je vous ai dit qu'on pouvait influer sur les états des sondages par une mauvaise composition de l'échantillon. Je vous en donnerai tout à l'heure des exemples précis et je vous expliquerai pourquoi un échantillonnage qui est mal fait peut fausser gravement les résultats de ces sondages.

Vous comprenez aussi qu'un questionnaire

peut être orienté, c'est-à-dire que, par une question, en la formulant d'une certaine façon, on peut faire dire ce que l'on veut à une personne que l'on interroge, soit directement soit par le téléphone.

Je retiendrai un point pour ma discussion concernant le journal Le Soleil. Je crois que des enquêteurs non professionnels qui ne sont pas préparés à poser des questions au téléphone ou à rencontrer personnellement des gens face à face sont mal formés. J'en ai eu l'expérience avec la compagnie Canadian Facts en 1968 lorsque j'ai publié — je vous la ferai parvenir si vous voulez — une brochure disant comment on formait les enquêteurs. Il y a un portrait type de l'enquêteur qui doit être défini. Je crois personnellement, en ce qui concerne le sondage du 14 octobre, que les enquêteurs du journal Le Soleil n'étaient peut-être pas assez professionnels pour faire ce sondage.

Je passerai immédiatement à la deuxième question. Les sondages influencent-ils les votants ou quels sont les effets des sondages? Dans mon mémoire, j'ai soutenu que, de 1952 â 1965, il y a eu une école de pensée qui disait qu'il y avait deux sortes d'effets. D'abord, l'effet "band-wagon", c'est-à-dire qu'on a estimé un certain temps, parmi les politicologues et les sociologues, que les votants indécis, indifférents ont tendance, à la dernière minute, à appuyer le candidat que les sondages désignent comme le vainqueur apparent. Par exemple, on dit qu'un tel parti, 48 heures avant les élections, a 60 p.c. de la faveur populaire; de 1952 à 1965, des sociologues prétendaient que les votants se laissaient influencer et couraient vers le gagnant pour exprimer leur vote.

D'autre part, d'autres politicologues américains, que j'ai cités dans mon rapport, ont soutenu le contraire et l'ont prouvé. Ils ont appelé ça l'effet "underdog", c'est-à-dire que les indécis et les indifférents courent parfois vers celui qui fait le plus pitié, vers celui dont les sondages présument la défaite. Klineberg a fait un volume sur ça et a prouvé, en 1970, que les effets des sondages s'annulent. Il peut y avoir autant de gens qui se laisseront influencer par l'effet "band-wagon", c'est-à-dire qu'ils vont être poussés vers celui dont les sondages présument la victoire, que de gens qui se laisseront influencer par l'effet "underdog", c'est-à-dire qu'ils seront poussés vers celui qui fait le plus pitié, dont les sondages présument la défaite. Tous ces effets tendent à s'annuler. S'il y a des effets, c'est sur les leaders d'opinion, sur les organisations des partis qu'ils agissent.

L'organisateur du parti, dans son comté ou ailleurs, est confronté avec l'information. Il est beaucoup plus attentif à l'information que les media apportent. Alors, il se passe ceci: II peut arriver que la lecture des sondages de ces organisateurs les décourage, d'une certaine façon, si le sondage abat complètement le parti pour lequel ils travaillent; ou, d'autre part, cela peut créer un nouveau regain d'enthousiasme à cause du sondage favorable au parti pour lequel les organisateurs travaillent.

Cependant, je dois dire ceci. Le sondage peut avoir des effets sur les leaders d'opion, parfois, ainsi que les organisations de parti. Je crois qu'il y a tant d'information qui provient des partis politiques, durant que ces sondages sont publiés, qu'à la fin, les partis politiques trouveront toujours à dire qu'eux ont fait leurs sondages et prouveront le contraire. Je vous donne un exemple précis de 1968. En 1968, tous les sondages politiques, pour l'élection fédérale, disaient que M. Trudeau était en avance. Alors, le parti conservateur de M. Stanfield, à ce moment-là, avait fait son propre sondage avec je ne sais pas quel moyen. Ce sondage, fait par les conservateurs, et publié dans tous les journaux, disait ceci: Les conservateurs effectuent un sondage qui leur prédit la victoire à l'élection. Un sondage accorde 138 sièges à l'élection. Je peux faire circuler cette information si vous voulez. C'est-à-dire que, même si tous les media politiques et les compagnies de sondages s'accordaient à dire, à ce moment-là, que M. Trudeau était en avance et le donnaient même gagnant à cette élection, les partis politiques ont publié leurs propres sondages disant que ceux-ci prouvaient le contraire des autres maisons.

Alors, à cause de tous les moyens que peuvent prendre les partis pour contrecarrer les effets sur les organisateurs —parce que je soutiens que, s'il y a un effet, il peut se faire sur les organisateurs des partis politiques — ceux-là sont limités parce que toujours les partis politiques trouvent des motivations pour relancer leurs partis dans !a lutte, même si les sondages les donnent perdants.

Oui, M. Hardy.

M. HARDY: Est-ce que vous permettez qu'on vous pose des questions pendant votre intervention?

M. NADEAU: Certainement.

M. HARDY: Est-ce que je dois comprendre...

M. NADEAU: Oui.

M. HARDY: ... que devant une situation comme celle que vous venez d'exposer, les sondages publiés par différents journaux ou maisons indépendantes dans un sens où un parti politique publie son propre sondage,...

M. NADEAU: C'est ça.

M. HARDY: ... vous soutenez que, dans l'opinion publique, ce genre de démenti que pourrait apporter le sondage maison d'un parti politique renverse l'effet qu'aurait provoqué le sondage de maisons indépendantes? En d'autres termes, vous ne croyez pas que le lecteur,

quand il verrait que tous les sondages vont dans un sens et que le sondage du parti politique, lui, favorise le parti politique en question, demeurerait sceptique et que la publicité des partis, de cette façon, ne changerait pas l'impression ou l'influence des sondages des journaux ou des maisons indépendantes.

M. NADEAU: A ceci, je vous répondrai très directement que la population en général ne porte pas un jugement rationnel, actuellement, sur la maison ou le parti politique qui fait le sondage. Je m'explique. Je suis presque convaincu — que le sondage vienne d'une maison respectable comme CROP ou l'IQOP au Québec ou qu'il vienne d'un autre parti politique— que les gens, qui ne pensent pas rationnellement quand ils lisent les nouvelles des journaux, ne verront pas du tout l'effet qu'a voulu produire ce sondage. Je pense qu'ils croiront autant dans le sondage politique fait par un parti politique, comme celui que je vous ai cité, que dans celui qui est fait par une maison indépendante.

Je voudrais, comme vous, que les gens se fient plutôt à des maisons indépendantes et hors des partis politiques, mais je ne suis pas certain du tout qu'ils ne croiront pas à un sondage politique fait par un parti. L'organisateur, lui, se fiera à son parti qui a fait un sondage politique et qui lui prouve qu'il est en avance.

M. HARDY: J'avais surtout dans l'esprit non pas l'organisateur politique mais le lecteur indépendant.

M. NADEAU: Oui. Je pense que le lecteur indépendant...

M. HARDY: Il croira autant au sondage d'un parti.

M. NADEAU: Tout dépend, vous savez, du niveau d'éducation. Je crois que l'homme moyen de notre population québécoise attachera autant d'importance à un sondage politique provenant d'un parti politique qu'à celui d'une maison indépendante. Quant à nous, les gens plus informés que les autres sur cette question, nous savons bien que nous attachons beaucoup plus d'importance à un sondage politique fait par une maison indépendante qu'à celui d'un parti politique.

Ce n'est pas pour rien que les partis politiques, actuellement, font des sondages. C'est parce qu'ils croient vraiment qu'ils peuvent avoir un effet sur la population.

M.HARDY: C'est-à-dire qu'ils les publient. Qu'ils les fassent, c'est pour se guider eux-mêmes. Qu'ils les publient, c'est pour atteindre l'objectif dont vous parlez.

M. NADEAU: Oui. C'est très exact. M. PAUL: Voyez-vous un véritable impact politique à la suite de la publication de ces sondages? Vous avez parlé de deux mouvement contradictoires.

M. NADEAU: Oui.

M. PAUL: Avec l'expérience que vous possédez ou à la suite des consultations que vous avez pu faire, êtes-vous en mesure de nous certifier que la publication de ces sondages crée un mouvement politique réel, un intérêt politique accru ou un enthousiasme politique accéléré?

M. NADEAU: C'est-à-dire que je soutiens que, sur l'ensemble de la population, les effets des sondages -s'annulent, mais pour l'organisateur politique, il est certain que si un sondage donne victorieux son parti, il sera motivé d'autant plus à travailler.

D'autre part, si l'organisateur politique voit que son parti politique est défait, si le sondage présume de la défaite de son parti politique, il aura tendance non pas à laisser tomber mais à être influencé négativement par ce sondage.

Je dis par après que le parti dont un sondage présume de la défaite a encore des armes dans sa poche. C'est ainsi que le parti conservateur, disons-le honnêtement et directement, en 1968, voyant que les sondages ne l'avantageaient pas, a créé son propre sondage; il l'a publié, et ce sondage a reçu une très bonne presse, comme vous voyez. Je crois que l'organisateur, en comparant les sondages faits par les maisons indépendantes ou par son parti, a pu faire foi à ce sondage fait par son parti, de sorte que, somme toute, les organisateurs politiques ne sont pas tellement influencés par cela, parce que leur parti politique vient tout le temps leur donner d'autres motivations de travailler.

M. HARVEY (Chauveau): Vous ne voulez pas mettre en doute — lorsque vous vous référez à un sondage qui a été publié dans l'édition du Soleil par exemple la veille d'un scrutin en 1968 — le journal lui-même, qui tente d'influencer une certaine clientèle vers un parti plutôt qu'un autre. Vous mettez plutôt en doute le statut professionnel des véritables recherchistes pour donner l'image qu'on veut avoir?

M. NADEAU: C'est exact. Dans la discussion que j'aurai sur Le Soleil au tableau dans quelques minutes, je vous dirai pourquoi à mon avis, les règles fondamentales pour attirer un bon sondage n'ont pas été suivies. Sans doute que les gens qui l'ont fait...

M. HARVEY (Chauveau): Quelles sont ces règles, d'après vous?

M. NADEAU: Je vous parlerai de l'échantillon tantôt. Il y a une mauvaise composition de l'échantillon. Les enquêteurs ont probablement été mal formés, ou les journalistes qui ont posé les questions n'étaient peut-être pas des profes-

sionnels. Je vous dirai aussi que la composition de l'échantillon ne représente peut-être pas la population réelle qui recoupe les 22 comtés pour lesquels ce sondage a été fait.

M. HARVEY (Chauveau): Vous précisez quand même que ça se situait dans une région.

M. NADEAU: Ils ont précisé que ça se faisait dans 22 comtés très exactement.

M. HARVEY (Chauveau): Et à ce moment, ça inclut une clientèle à la fois urbaine et rurale, ou mi-rurale, mi-urbaine.

M. NADEAU: C'est ça.

M. HARVEY (Chauveau): On se situe véritablement dans le contexte régional et la projection et le résultat ont été passablement similaires. Je pense qu'on a eu quand même quelque temps auparavant — même si ça favorisait un parti — une image vraie de ce qui s'est produit le jour du scrutin.

Je suis porté à croire à la bonne foi d'un journal, et à croire que ç'a été bien fait. C'est en plein dans mon domaine. J'ai fait des études là-dedans. Je ne suis pas allé étudier à Paris, si j'y suis allé, c'est en voyage.

M. PAUL: Un autre voyageur du côté ministériel.

M. DEMERS: Un autre touriste.

M. HARVEY (Chauveau): Sans être payé par l'Etat. Je suis également de très près les sondages qui se font actuellement en regard de la campagne fédérale, et je vous avoue franchement qu'hier soir dans le journal Le Soleil, à la demande du journal le Times et aussi du Soleil, on a vraiment l'orientation que prendra le votant, en ayant restreint au strict minimum le nombre de votants douteux. Déjà, on sent qu'il y a une orientation qui va se prendre en regard du scrutin fédéral.

M. NADEAU: Je répondrai à votre question brièvement. Le sondage dont vous faites mention est celui fait par MM. Pinard et Hamilton, qui sont des professionnels des sondages, mais il ne représente pas l'exemple que je veux vous citer, qui est celui du 14 octobre dernier, un sondage maison fait par les journalistes du Soleil.

M. HARVEY (Chauveau): Vous vous en prenez beaucoup plus à ceux qui font les sondages qu'au sondage lui-même.

M. NADEAU: C'est exact.

M. HARVEY (Chauveau): Vous croyez aux sondages?

M. NADEAU: Oui, c'est-à-dire que, dans les points qui vont suivre, je vais vous dire pourquoi nous devons conserver ce style d'information que sont les sondages dans une campagne électorale.

M. HARVEY (Chauveau): Je vous remercie.

M. NADEAU: Je vais passer au deuxième point, si vous le permettez, M. le Président. La deuxième question que je citais c'est: A-t-on tort ou raison de rendre public un sondage en période électorale? Il y a une école de pensée qui dit que les sondages représentent en période électorale un grave danger pour la démocratie et que le peuple y donne trop d'importance. Cette école de pensée, on voit qu'elle existe encore, du moins au Québec, en France et en Allemagne tout particulièrement. Je veux vous dire ce matin, messieurs, que vous devez considérer que l'on a raison de rendre public un sondage en période électorale. Le sondage n'est pas une prédiction, ce n'est pas quelque chose que l'on voit dans une boule de cristal; c'est une information précise sur l'état de l'opinion à un moment donné. Le sondage est un indice de cohérence et d'exactitude et il permet d'infliger des démentis aux hommes politiques qui disent connaître le vrai pouls de la population.

Ne serait-ce que l'exemple que je vous ai cité, si, en 1968, des sondages électoraux n'avaient pas été faits durant la campagne fédérale et qu'un parti politique — prenons celui que je vous présente actuellement, le Parti conservateur — avait présenté le sien, le Parti conservateur aurait donc présenté le sien, un sondage maison; celui-ci aurait eu beaucoup d'impact parce que présenté en période électorale dans une assemblée publique; il n'y aurait eu aucun sondage cohérent, exact et précis pour justifier, pour permettre d'identifier très exactement l'état de l'opinion à ce moment-là. C'est-à-dire qu'il existe actuellement des règles précises pour faire des sondages qui prouvent avec exactitude l'état de l'opinion à un certain moment. Quand toutes ces règles sont bien suivies, il est certain que nous devons faire foi à l'état du sondage.

Interdire leur publication, ce serait réduire les sondages à circuler sous le manteau et exposer à la rumeur. Le gouvernement qui précédait celui de M. Brandt en Allemagne, je crois que c'était celui de M. Erhard, avait essayé en Allemagne, à un certain moment, d'empêcher la publication des sondages politiques; on s'était vite aperçu que chacun y allait de son propre sondage sans que ce soit publié dans les journaux; on pouvait recevoir par les radios périphériques des autres pays les résultats de ces sondages. Chaque politicien se disait fort de l'appui du sondage qu'il avait fait, de sorte que, actuellement, l'Allemagne a permis que l'on fasse de nouveau des sondages. Cet essai n'a pas du tout été concluant et l'Allemagne a rejeté la non-publication des sondages. Pourquoi?

Ici, au Canada, vous avez le gouvernement Bennett qui avait d'autre part empêché la

publication des sondages. C'est la seule province que je connaisse, à moins que vous me corrigiez sur cela, qui empêche la publication des sondages en période électorale. Je ne sais pas du tout l'opinion de M. Barrett, le nouveau premier ministre de cette province, sur cette question. Mais je vous dis qu'interdire les sondages, ce serait les réduire probablement à circuler sous le manteau et exposer à la rumeur.

Certes, ce nouveau genre d'information heurte les rites politiques d'autrefois. C'est sûr que c'est une chose nouvelle, comme le disait le député Laurin tout à l'heure, mais je pense qu'il représente un instrument de contradiction immuable contre les faux sondages. Je crois que nous devons faire confiance aux maisons professionnelles de sondages. Certes, il y a des erreurs; il y a des maisons qui ne doivent pas faire des sondages et c'est ce point de vue que nous discuterons tantôt.

La prochaine question: La présentation des sondages par les mass-media constitue-t-elle un certain danger? J'ai développé, en 1970, à Paris, une théorie avec M. Sauvy sur le magnétisme des chiffres.

Je vais m'expliquer parce que ce n'est pas si compliqué à comprendre, même si le texte ici était peut-être ambigu. Alors, un titre de journal comportant des chiffres a un impact plus considérable qu'un autre sondage qui aurait un titre sans chiffres. La valeur de suggestibilité, de simplification, d'évocation intense et de mémorisation du chiffre donne une force de persuasion claire, brève et universelle. Ici, messieurs, je vous demande de regarder le sondage de la Presse en 1970.

Alors, vous avez un sondage ici publié par la Presse à quelques jours de l'élection provinciale en 1970. Alors, moi, j'ai prouvé à Paris que, lorsqu'un journal publiait des pourcentages dans un titre, l'impact sur les gens était beaucoup plus considérable que s'il n'y avait que des lettres. Souvenez-vous des règles de publicité politique que vous employez durant vos campagnes électorales.

Souvent, dans les slogans que vous employez, c'est 100 p.c. fédéraliste, 50 p.c. ceci ou 50 p.c. cela. Le chiffre comme tel en propagande politique a une suggestibilité très intense vis-à-vis de la population. Vous savez comme moi que les gens habituellement ont une perception sélective de l'information, c'est-à-dire que les gens ne lisent que ce qui leur plaît. Si ce sont des libéraux, ils vont surtout lire un titre où ça commence par Bourassa; s'ils sont uni-quistes, ils vont surtout être attirés par un titre qui commence par M. Loubier, etc.

Ceci pour dire que, lorsqu'il y a un chiffre, ça impose à la personne de lire ce titre, alors qu'habituellement une personne, dans un journal, ne lit que ce qui lui plaît, c'est-à-dire n'est attirée par un titre que parce qu'elle est concernée par ce problème-là. Moi, j'ai prouvé que, lorsqu'il y a un-chiffre, la personne se sent obligée de lire ce chiffre à cause du magnétisme du chiffre. En publicité politique, c'est un élément d'hypnose qui force la personne à lire ce titre.

M. PAUL: On se rappelle, M. Nadeau, le chiffre 100,000, en 1970.

M. DEMERS: Est-ce que les roues de camion ont de l'influence aussi? Je pense aux camions de la Brink's?

M. NADEAU: Cela ce n'est pas dans mon propos, messieurs. Pour revenir à quelque chose de plus précis en ce qui concerne ce sondage, moi, je prétends, messieurs, que ce titre de la Presse a eu une influence certaine sur les gens, à cause, premièrement, de la faiblesse de ce chiffre ici: l'Union nationale, 10 p.c.

Si tous les partis avaient été égaux, je crois, parce qu'il y a eu beaucoup de chiffres, que la tendance aurait pu s'annuler, mais la lecture de ce titre était imposée; la personne ne pouvait pas passer à la deuxième page. Vous savez, quand vous ouvrez un journal le matin, vous passez brièvement et vous vous arrêtez sur les points qui sont susceptibles de vous intéresser.

C'est la même chose pour la population. Les gens s'arrêtent sur les sujets qui les intéressent tout particulièrement, sur le parti politique dont ils sont partisans ou d'autres. Alors, lorsqu'il y a un titre avec un chiffre, avec des numéros, la personne n'a plus ce privilège de choisir ses articles. Moi, j'ai prouvé que les titres ayant des chiffres dans leur composition étaient lus de la plupart des gens, parce que c'était une perception imposée qui se faisait à ce moment-là.

C'est M. Sauvy qui disait: "Les chiffres sont des innocents qui avouent vite ce qu'on leur demande d'avouer," et c'est bien vrai. S'il y a des gens — oui, il y en a — ici en psychnalyse, ils savent comme moi qu'en hypnose le chiffre a un magnétisme...

M. HARDY: Qu'est-ce que vous sous-enten-dez par là? Est-ce que vous les voyez sur le divan ou sur le fauteuil, quand vous dites les gens en psychanalyse?

M. NADEAU: Quand on fait de la psychanalyse, on étudie les phénomènes d'hypnose et je crois que c'est un phénomène d'hypnose ici qu'une personne se sente obligée, quand elle voit un titre avec un chiffre. Elle perd toute liberté de lire ou de ne pas lire un titre et ce titre lui est imposé.

M. PAUL: Cela fait perdre des élections aussi. On verra à ça plus tard.

M. NADEAU: C'est ce que j'avais à vous dire sur le magnétisme des chiffres. Inutile de vous dire que ces expériences ont été faites en laboratoire, à l'UNESCO, que nous avons pris des échantillons de personnes à qui nous avons

fait lire plusieurs articles de journaux que nous avons parcourus à ce moment-là.

Nous avons repassé tous ces journaux et on voyait qu'il y avait une perception imposée des titres composés avec des chiffres, parce que les gens perdaient toute liberté de lire ou de ne pas lire un titre.

M. PAUL: Vous permettez que je vous pose une question? Les chiffres que vous nous montrez sur la page de la Presse, même s'ils sont en gros caractères, est-ce qu'ils correspondent à un sondage qui avait été effectué?

M. NADEAU: Oui. C'est un sondage qui a été fait par CROP, l'échantillon est de 1377 personnes, ce qui est très bien, à mon avis. On oublie de donner la marge d'erreurs qui doit se fixer à environ 4.2 p.c. —je l'ai calculée hier soir — mais quand même, c'est un sondage qui s'est avéré juste, en ce qui concerne, du moins, l'ordre des partis politiques à l'élection.

M. PEARSON: M. Nadeau, justement, un titre comme celui-là, vous ne considérez pas en somme que ça empêche les gens de- lire l'article, premièrement, parce que c'est toujours ardu de lire de quelle façon le sondage a été fait.

M. NADEAU: Vous savez, M. le député...

M. PEARSON: Deuxièmement, est-ce un peu comme une conclusion, avec un titre comme celui-là, que le journal apporte au sondage qui a été fait? Ce qui veut dire que ça attache une valeur plus absolue au sondage; tandis que, s'il lisait l'article au complet, le lecteur considérerait peut-être que c'est un peu plus relatif...

M. NADEAU: Vous savez comme moi — je pense que M. Pierre Beausoleil de la commission de la liberté de presse a exprimé le même avis — que 87 p.c. des lecteurs de journaux sont des lecteurs de titres. Moi, j'en suis un, hélas! même si je suis concerné par la presse assez souvent. Vous lirez les articles qui parleront de vous ou qui sont susceptibles d'être d'un plus grand intérêt, mais vous passerez vite dans tous les journaux, sur les articles que vous verrez. Quatre-vingt-sept pour cent — c'est un chiffre qui a été donné à l'UNESCO, je ne sais pas si vraiment au Canada c'est la même chose, mais c'est sans doute près de ça — de la population sont des lecteurs de titres, du moins dans la nouvelle politique. C'est le chiffre exact pour la nouvelle politique. On lit les titres, puis quand on est concerné plus spécifiquement par un parti politique, là, on se laissera tenter de lire l'article. Je ne veux pas décourager mes confrères journalistes ici, par cette question, mais on prétend qu'il y a 87 p.c. des gens qui sont des lecteurs de titres. Ils lisent plusieurs journaux, ils les lisent rapidement au milieu de toutes leurs activités journalières.

M. HARVEY (Chauveau): M. Nadeau, j'aurais une question en aparté, mais si vous me permettez, je la poserais peut-être à M. Girard. Lorsque vous écrivez un article dans le Soleil, une chronique, par exemple, est-ce vous-même qui la titrez, même si vous la signez?

M. GIRARD: Non, monsieur.

M. HARVEY (Chauveau): D'accord, merci.

M. GAGNON: Est-ce un sondage qui a été fait seulement dans la ville de Montréal?

M. NADEAU: Non, c'est un sondage sur l'ensemble du Québec fait par la compagnie CROP et la SMA, la Société des mathématiques appliquées, pour le compte de la Presse. Selon les renseignements fournies l'échantillon me semble valable, il est déterminé, il manque certaines informations sur la marge d'erreurs, mais ça...

M. GAGNON: Mais vous dites qu'il se rapproche de la réalité. Dans le dernier, il ne s'approche pas de la réalité.

M. NADEAU: Du moins dans l'ordre des partis.

M. GAGNON: C'est 50 p.c. moins que la réalité.

M. NADEAU: C'est-à-dire, il faut que vous considériez, M. le député, qu'il y a dans ce sondage 35 p.c. d'indécis. Ce sondage, publié le 25 avril, c'est-à-dire à quatre jours des élections, avait été fait sans doute une semaine plus tôt, on se trouve à dix jours de l'élection. Peut-être qu'à dix jours de l'élection, il y avait réellement 35 p.c. d'indécis. Sans avoir consulté les gens de la SMA et de CROP, je crois que ce sondage représentait, à ce moment-là, quelque chose de sûr. Ce que je n'approuve pas, et j'espère m'être bien expliqué, c'est qu'on utilise des chiffres pour titrer le sondage. Je suis sûr que CROP n'est pas du tout impliqué dans cette question. Vous savez que c'est le chef du pupitre, ou le rédacteur en chef, ou le directeur, je ne sais trop, qui choisit son titre pour faire vendre sa feuille.

M. PEARSON: Ne serait-ce pas plus facile, M. Nadeau, si vous pouviez nous donner en même temps le résultat officiel de l'élection, pour qu'on puisse comparer ce sondage et savoir où les 35 p.c. d'indécis sont allés se brancher?

M. NADEAU: Je ne sais pas le pourcentage exact des élections de 1970, je n'étais pas ici à ce moment. Ce sont des choses que vous devez savoir sans doute, messieurs les députés. Les indécis, à ce que je vois, sont surtout allés vers le Parti libéral et le Parti québécois. Je ne sais pas combien l'Union nationale a obtenu. Cela dépasse ce que je peux vous dire. Ce sondage

déclarait 35 p.c. d'indécis et on peut admettre qu'il y avait réellement 35 p.c. d'indécis. Il est certain que, dans les dernières heures précédant l'élection, il a pu y avoir de la publicité politique pour aider les indécis à se brancher sur un parti.

M. HARVEY (Chauveau): Mais, M. Nadeau, il s'agit d'un pourcentage d'un pourcentage d'électeurs. A ce moment, ça devient très complexe pour le lecteur qui ne prête pas attention. Je fais un calcul rapide, on exprime 65 p.c. en première page. Celui qui regarde ça mathématiquement dit qu'il manque 35 p.c; donc il y a 35 p.c. d'indécis. Ils sont en sous-titres les 35 p.c. c'est un trompe-l'oeil.

M. NADEAU: Je voulais vous dire tantôt, M. le député, qu'un titre de sondage doit représenter l'aspect global de tout le sondage. On n'a pas le droit de mettre en valeur certains résultats et de mettre en veilleuse certains autres qui sont susceptibles de moins faire l'affaire d'un journal. Vous savez comme moi qu'un journal a des contraintes de vente; il est certain que c'est le titre le plus criard qui est susceptible de faire vendre le journal le plus possible. Je dis que, pour la question des sondages, on doit empêcher que des pourcentages soient mis dans un titre. Deuxièmement, le sondage doit recouper l'aspect des résultats globaux du sondage. Sinon, il y a une erreur. Ce sont les choses que je vais demander dans mes solutions tout à l'heure.

M. HARVEY (Chauveau): Est-ce que les indécis, pour vous, sont la majorité tranquille ou s'ils sont vraiment des indécis?

M. NADEAU: Dans un sondage politique, les indécis sont ceux qui ne veulent pas donner leur opinion et qui en ont une. Ce sont ceux qui sont indifférents à la politique, qui iront voter mais qui sont indifférents. Il y a quatre groupements de gens dans les indécis. Il est certain qu'il y a des gens qui n'aiment pas donner leur opinion politique au téléphone pour un sondage.

Ce que j'ai voulu vous prouver brièvement, c'est que le vrai problème n'est peut-être pas dans les sondages, il n'est peut-être pas dans les maisons de sondage, il est plutôt chez les media d'information. Que faire devant cela? Interdire les sondages? C'est une solution que certains demandent. Moi, je dis que le véritable problème n'est pas le sondage lui-même mais dans sa présentation, son illustration, les mass media. On n'est pas en pays totalitaire et on ne peut pas empêcher une information d'être divulguée. Je peux vous donner une autre explication à ce sujet. On peut être d'avis qu'il faut interdire les sondages mais cela ne me paraît pas la meilleure solution.

Deuxièmement, est-ce qu'il faut enfermer les sondages dans une réglementation minutieuse contenue dans la Loi électorale? Je vous dis que notre presse a pris l'habitude de vivre à l'abri de la censure et que lui imposer un carcan juridique n'est peut-être pas la meilleure façon d'atteindre les meilleurs résultats. Le sondage est une information qui doit être exacte, cohérente. Je ne crois pas qu'enfermer le sondage dans un carcan juridique, avec une réglementation minutieuse, quant à sa publication, quant à sa fabrication, quant à sa composition, soit la meilleure solution. Corrigeons où est le malaise. La cause de tous les maux ne concerne pas spécifiquement les maisons de sondage mais l'utilisation qu'en font les mass media, qu'en fait la presse. La solution doit venir de ceux-là mêmes qui sont la cause du problème.

Laissons aux média, à la presse en général le soin de se réglementer elle-même. Comment? Il existe, messieurs, un organisme au Québec qui s'appelle le Conseil de presse. Vous allez dire que le démarrage de cette institution ne se fait pas vite. Mais c'est à vous, je pense, de la commission de la réforme électorale, de souhaiter que le Conseil de presse se nomme un président bientôt pour que cet organisme essentiel — vous l'avez jugé essentiel dans chacune de vos déclarations quand la constitution du Conseil de presse a été faite — existe et travaille vraiment.

Il existe, dans la constitution du Conseil de presse, un article 13 qui dit: Le Conseil de presse doit étudier la conduite de la presse. A mon avis, l'utilisation des résultats des sondages en période électorale devrait être surveillée par un comité émanant de ce Conseil de presse. Que ferait ce comité de surveillance émanant du Conseil de presse? Premièrement, il devrait lier les entreprises de presse à se composer un code d'éthique en ce qui concerne l'utilisation des sondages politiques. Tout sondage, à mon avis, devra faire la preuve de sa valeur scientifique et de l'objectivité de son processus de fabrication avant d'être publié. Qu'est- ce que tout cela veut dire? C'est-à-dire que si une maison comme Le Soleil décide de faire un sondage politique...

M. HARDY: Vous parlez souvent du Soleil.

M. NADEAU: C'est parce que c'est un exemple précis. J'ai de très bons amis au Soleil. Je le cite parce qu'il me donne un exemple sensationnel.

M. PICARD : II va falloir faire donner la réplique par un représentant du Soleil, tout à l'heure!

M. NADEAU: Je croirais que ce comité émanant du Conseil de presse surveillerait la fabrication, c'est-à-dire l'échantillon choisi; il surveillerait, d'autre part, tout le processus exact de la fabrication du sondage, que ce soit la formulation des questions, le choix de

l'échantillon ou la publication de ce sondage. J'aimerais que ce Conseil de presse fasse un code d'éthique en ce qui concerne l'utilisation des sondages. Tout sondage devra faire preuve de son caractère scientifique. Deuxièmement, la publication du résultat des sondages devra se soumettre à cinq critères de responsabilité. Quels sont ces cinq critères? —Que, dans tous les sondages, les questions soient reproduites. —Que l'échantillon soit bien défini. — Que les méthodes de fabrication du sondage soient bien décrites. — Que la date du sondage soit très bien exprimée et non pas dans les petites lignes du dernier paragraphe. — Que le titre du sondage — comme je le soulignais tout à l'heure — soit sans chiffres et représente vraiment la portée générale de ce sondage.

Deuxièmement, ce comité du Conseil de presse veillera, d'une part, à prévenir le public contre tout organisme de sondage lançant des rapports fondés sur aucune base théorique. Si, par exemple, le Conseil de presse avait existé en 1968, il aurait demandé au parti conservateur, au sujet du sondage que je vous ai remis tantôt, que celui-ci prouve le caractère scientifique de ce sondage puisqu'il allait à l'encontre de tous les autres. Il se posait un grave point d'interrogation? Comment se fait-il que ce sondage fait par un parti politique va à l'encontre de tous les autres qui sont publiés? Je pense que ce comité pourrait prévenir le public contre tout organisme dont il est prouvé que le sondage a été mal fait.

Deuxièmement, il pourrait dénoncer publiquement une entreprise de presse qui utiliserait les informations d'un sondage dans le but de manipuler l'opinion.

Naturellement, ce comité n'aurait aucun pouvoir coercitif. Cependant, un peu comme un protecteur du citoyen, il préviendrait la population contre toute manipulation ou contre tout sondage mal fait. Je dis ceci: Laissons la presse s'occuper de se réglementer elle-même, de se faire un code d'éthique pour la publication ou la fabrication des sondages politiques. Est-ce que le pouvoir de l'Etat doit empêcher les sondages? Je dis non.

Est-ce que ce pouvoir de l'Etat doit minutieusement réglementer la publication des sondages? Je dis non. Je dis: Laissons la presse se corriger elle-même. Je suis contre toute censure en ce qui concerne la presse et je sais, MM. les députés, que vous l'êtes autant que moi. Même si la presse peut faire des erreurs de temps en temps, il est certain que nous devons attirer l'attention sur ces erreurs mais que nous ne devons pas l'encarcaner dans du juridique.

Je dis: Corrigeons le problème là où il existe, demandons aux media de prendre leurs responsabilités et faisons pression pour que le Conseil de presse prenne son élan et que les entreprises de presse se donnent un code d'éthique tel que défini.

M. HARDY: M. le Président, avant de passer à un autre sujet, vous avez parlé abondamment du problème de censure. Evidemment, je suis d'accord avec vous. Je pense bien qu'il n'est pas question, dans une société comme la nôtre, d'avoir même une velléité de censure à l'endroit de la presse ou du moins, ceux qui pourraient songer à cela sont sûrement très marginaux, dans notre société.

Mais ne croyez-vous pas qu'il y a quand même une distinction à faire entre ce que l'on appelle communément la censure de la presse, c'est-à-dire délimiter, circonscrire le champ d'action de la presse et, d'autre part, réglementer — peut-être pas la publication, parce que j'admets que cela serait toucher à la censure — la façon de faire les sondages? En d'autres termes, ne croyez-vous pas qu'il y aurait une distinction à faire entre liberté de la presse et réglementation, conformément aux critères scientifiques, du processus du sondage lui-même? En d'autres termes, on pourrait réglementer le sondage et, après cela, évidemment, conformément aux principes de la liberté de la presse, la presse pourrait en faire ce qu'elle veut. Là, évidemment, je souscrirais à l'espèce d'autodiscipline.

M. NADEAU: Oui. Si je vous ai bien compris, M. le député Hardy, vous seriez peut-être d'accord pour que les sondages soient tous faits par des maisons professionnelles, qui sont reconnues pour faire des sondages avec des équipements humains ou techniques qui sont valables?

M. HARDY: Voici la question que je me pose. Je me dis: L'Etat réglemente à peu près toutes les formes d'activité humaine de quelque importance.

M. NADEAU: Oui.

M. HARDY: La pratique des professions, toute activité humaine qui a une influence sur la société, qui peut avoir une influence, en bien ou en mal, sur la société, l'Etat la réglemente. Je ne vois pas contre quel principe cela irait que l'Etat réglemente ou accrédite ou que l'Etat donne le pouvoir à un organisme reconnu d'accréditer ceux qui feraient des sondages. Encore une fois, et c'est la question que je vous pose, au fond ne croyez-vous pas qu'il y a quand même une distinction à faire entre cette profession, qui s'appelle faire des sondages de l'opinion publique et, d'autre part, la publication de tels sondages, c'est-à-dire tout le problème de la liberté de la presse?

M. LAURIN: Avant que M. Nadeau ne réponde, est-ce à dire que vous préconisez que, pour qu'une maison puisse faire un sondage, elle devrait avoir un permis du gouvernement à cet effet?

M. HARDY: Cela pourrait être cela. Ou la

Loi électorale — puisqu'on est dans le domaine électoral — pourrait, à partir de critères scientifiques universellement admis par les spécialistes, dire: Pour qu'une maison soit autorisée à faire des sondages, elle devra se soumettre à tel et tel critère.

M. PAUL: Ou avoir tant de mois d'existence ou tant d'années de...

M. NADEAU: Et vous incluriez cette demande dans...

M. HARDY: C'est-à-dire que le stade où j'en suis, actuellement, c'est le stade de la cogitation.

M. NADEAU: Oui, oui.

M.HARDY: C'est pour cela que je vous interroge. Je n'ai pas d'opinion définitive.

M. NADEAU: Enfin, je pense, M. le député, que des maisons de sondage s'imposent par elles-mêmes. Une maison de sondage qui ne ferait que des mauvais sondages, il est certain qu'elle perdrait sa crédibilité aurpès de ses clients et que, rapidement, elle serait dévolue à disparaître et à faire faillite. Je crois qu'il y a des maisons de sondage qui s'imposent au Québec. J'ai nommé, tout à l'heure, CROP, l'IQOP et SORECOM également. A ce moment-là, ces maisons, parce qu'elles s'acquièrent un passé et qu'elles prouvent la technicité de leurs sondages et leur caractère scientifique de fabrication, il est certain que leurs sondages s'imposent d'eux-mêmes. C'est comme d'autres entreprises.

Il y a des magasins qui sont plus spécialisés que les autres; il y a des commerces qui sont mieux vus de la population parce qu'ils offrent de meilleurs produits. Il est certain que, si vous avez, vous, M. Hardy, à faire effectuer un sondage pour le Parti libéral demain matin, vous allez choisir une maison susceptible de vous assurer le sondage le meilleur. Vous allez dire: Cette boite X en fait de bons; il a été prouvé par le passé, pour telle élection, par tel ou tel sondage, que ses sondages s'avéraient valables et justes. D'instinct, vous allez choisir la meilleure maison. Ce sont les meilleures maisons, comme dans tout commerce, qui s'imposent.

Je ne vois pas du tout pourquoi on verrait à dire: Vous avez un permis et vous, vous n'en avez pas, parce qu'il vous manque l'ancienneté, etc. Les maisons de sondage s'imposent par elles-mêmes.

Moi, si je veux en faire une demain matin et si je vous arrive avec mes trois sociologues et mes trois mathématiciens, en vous disant: Monsieur, je suis prêt à faire des sondages, vous allez dire: Oui, faites-en, parce que vous avez les outils humains valables pour en faire.

M. HARDY: Mais il faut faire une distinc- tion encore une fois entre les commanditaires. C'est bien sûr que, si je suis un parti politique, j'ai les moyens de déceler quelles sont les maisons sérieuses et les maisons non sérieuses et que je vais m'adresser à une maison sérieuse.

Mais, je me place du côté du lecteur, du consommateur ou de l'électeur et, là, je reprends votre propre théorie. Vous avez dit tantôt que l'ensemble des lecteurs ne faisait pas la distinction entre un sondage maison d'un parti politique et un sondage fait par une maison sérieuse.

M. NADEAU: On voudrait que les gens le fassent, mais ils ne le font pas, parce qu'ils ne sont pas renseignés.

M. HARDY: Mais vous contatez qu'ils ne le font pas. Si vous appliquez le même principe, la même théorie, comment voulez-vous que le lecteur puisse faire la distinction entre une maison sérieuse et une maison non sérieuse?

M. NADEAU: C'est là que j'arrive...

M. HARDY: A ce moment, si vous me permettez de compléter, bien sûr qu'il y aura des maisons sérieuses. Même dans l'opinion publique, il y aura des maisons sérieuses qui, petit à petit, se feront connaître. Mais cela n'évitera pas qu'à chaque élection des charlatans ne s'amènent et lancent des sondages et, à moins que tout ne fonctionne comme vous l'avez prévu, que des journaux ne publient en manchettes des sondages faits par des maisons non sérieuses et que les méfaits que ça peut avoir dans l'opinion publique ne se produisent.

M. NADEAU: Oui.

M. HARDY: En d'autres termes, ce que vous proposez, si vous voulez avoir ma première réaction, je trouve que, dans l'ordre idéal, c'est parfait: code d'éthique, liberté de presse, le jeu normal...

M. NADEAU: Mais ce sont des choses très réalistes.

M. HARDY: ... mais j'ai l'impression que c'est un peu angélique. La nature humaine étant ce qu'elle est, les hommes étant ce qu'ils sont, j'ai l'impression que, si nous nous en tenions à vos principes, nous pourrions, pendant un grand nombre d'années, avoir des sondages faux, avec les mauvaises répercussions que ça peut avoir.

M. NADEAU: Je réfute le mot "angélisme" pour dire que, si vous vous référez au rapport que je vous ai présenté, ce comité du Conseil de presse est un comité de surveillance des sondages. Un comité de surveillance, ça ne joue pas à l'angélisme. Si une maison de sondage fait un mauvais sondage ou qu'on a toutes les preuves que la maison qui a fabriqué ce sondage l'a mal

fait, ce comité de surveillance du Conseil de presse dénoncerait publiquement la boîte qui a fait ce sondage, en disant que ce sondage n'est pas réaliste, qu'il a été mal fait pour telle ou telle raison.

Toutes les maisons de sondage, selon ce code d'éthique, devraient considérer que, si le Conseil de presse leur demande de prouver leurs techniques, elles sont obligées de le faire.

M. HARDY: Depuis combien de temps, M. Nadeau, est-il question de l'établissement d'un code d'éthique dans le domaine du journalisme?

M. NADEAU: Je ne le sais pas du tout, mais sans doute est-ce un sujet sur lequel on pérore dans tous les pays actuellement, le code d'éthique des journalistes. Est-ce que la presse pourrait faire un geste? Déjà, une institution existe, le Conseil de presse. On voit que le Conseil de presse de l'Ontario est vachement bien organisé actuellement et que, déjà — vous le savez, vous l'avez vu dans les journaux dernièrement — ce Conseil de presse s'est décidé à parler, à s'organiser, à prendre des plaintes, à les examiner et à publier les plaintes qui sont recevables.

Je crois que c'est l'objet d'un Conseil de presse de discuter de ce qui se passe dans les entreprises de presse, de dénoncer publiquement les choses qui ne sont pas bonnes. Je pense que, pour la période électorale, s'il y avait un comité de surveillance provenant du Conseil de presse, celui-ci examinerait les sondages publiés et, quand un sondage ne ferait pas preuve de son objectivité, de sa technicité, le Conseil de presse dénoncerait ce sondage publiquement. Je crois, d'une part, que le sondage mauvais pourrait être dénoncé et ainsi la population serait avertie qu'il y a un mauvais outil qui circule dans la presse, qui s'appelle un sondage mauvais, et on atténuerait l'effet de ce sondage mauvais.

Naturellement, si vous refusez ce genre de solution, vous en arriverez, M. Hardy —je le pense — à réglementer la presse. Et si vous réglementez la presse, je pense qu'il peut se passer non pas de graves choses mais... Alors, dans tous les Etats actuellement, on hésite beaucoup à censurer la presse, car — les régimes totalitaires le font, d'accord — on doit vivre avec la presse; elle fait des erreurs mais quel organe politique n'en fait pas?

M. HARDY: Revenant à ma première question, cela veut dire que, en fait, vous ne faites pas de distinction entre réglementer la presse et réglementer les maisons de sondages, vous assimilez les deux choses?

M. NADEAU: C'est exact.

M. HARDY: Vous assimilez les deux choses?

M. NADEAU: C'est ça.

M. PAUL: M. Nadeau, comme sous-question au problème soulevé par M. Hardy, est-ce que vous n'admettrez pas qu'il est possible que les partis politiques forment une maison de sondages ou une maison de consultations populaires qui produira le résultat d'un sondage nettement orienté et en faveur du parti politique qui l'a crée? Alors, est-ce que vous ne mettez pas en doute la validité ou l'utilité ou le sérieux des sondages des maisons responsables lorsque vous voyez un intrus de la sorte venir, en quelque sorte, contaminer l'opinion publique?

M. NADEAU: M. Paul, qu'est-ce que vous souhaiteriez alors?

M. PAUL: Je ne suis pas ici malheureusement pour répondre, je pourrai vous répondre dans le particulier, mais je vous demande pour quelle raison vous n'accepteriez pas que, en vertu d'une loi, certaines maisons doivent se soumettre à des critères, à des règles pour qu'elles soient reconnues comme autorisées, et elles seules, à émettre les résultats de certains sondages politiques? Mettez-vous une objection à ce qu'il y ait des règles dans ce sens adoptées par le législateur?

M. NADEAU: Oui.

M. PAUL: Pour quelle raison?

M. NADEAU: Je crois que toute maison de sondages qui peut exister peut se former demain matin à côté des autres, on est en régime de concurrence. C'est là la raison.

M. DEMERS: A ce moment-là, en reposant ces qualifications sur quels critères? On a une loi pour les pédicures...

M. NADEAU: Oui.

M. DEMERS: ... pourquoi n'en aurions-nous pas une pour les gens qui font des sondages publics, qui influencent comme on voit dans la presse, vous voyez, vous trouvez vous-même...

M. NADEAU: Exactement, j'ai dénoncé la publication de certains sondages.

M. DEMERS: Oui, mais ce n'est pas parce que vous avez des gens qui sont sociologues et ça et ça, qu'ils ne pourront pas se tromper, si leurs données ne sont pas établies sur des critères de base. On exige pour toutes les professions un minimum — pour les métiers aussi, une carte de compétence, un permis de travaill — et n'importe qui dans les sondages va ouvrir une maison demain matin et pour autant qu'il est allé faire un petit voyage ici et là et qu'il est revenu, ou s'il est sociologue — je ne vise personne qui s'est promené, ça forme d'ailleurs la jeunesse — pour autant que ces gens pourront ramasser un petit bagage et influencer les gens qui veulent bien les employer, ils vont

partir demain matin et vont vous publier le rapport que vous voudrez, n'importe quand.

Je suis d'avis, et je pense que, dans notre Loi électorale, on ait des prévisions pour les qualifications... ou bien, qu'on établisse une maison, une voie pour les sondeurs.

M. LE PRESIDENT: M. Audet.

M. AUDET: J'ai l'impression que vouloir sortir de la politique ou des lois, la façon d'uniformiser les sondages, c'est quand même une garantie de démocratie. Mais croyez-vous que le conseil de surveillance des sondages que vous préconisez pourrait agir efficacement seulement avec le code d'éthique existant pour éclairer la population assez rapidement sur les déficiences d'un sondage quelconque?

M. NADEAU: M. le Président, l'Angleterre et la France actuellement ont des Conseils de presse et s'en servent. Vous devriez crier, vous, en tant que député, pour que les journalistes s'organisent pour se donner un Conseil de presse. Cela existe en Angleterre. M. Hardy, vous qui êtes allé peut-être souvent dans ces universités londoniennes et anglaises, vous savez qu'en Angleterre, lorsque quelqu'un est contre un sondage politique ou qu'on a une plainte à formuler contre un journal, on s'adresse au Conseil de presse qui reçoit sa plainte et le Conseil de presse, qui a acquis une réputation dans l'ensemble de la population avec les années...

M. HARDY: M. Nadeau, nous sommes tous d'accord. Nous le souhaitons tous ardemment. Vous reprochez aux hommes politiques de ne pas le faire. J'ai lu souvent des opinions provenant d'hommes politiques de différentes formations; ils souhaitent que les journalistes se donnent un code d'éthique et non seulement les journalistes, mais également les propriétaires. On est toujours porté à blâmer les journalistes, mais il y a aussi les propriétaires, et les propriétaires aussi ont une responsabilité.

Alors, que ces gens-là se donnent un code d'éthique et le respectent, je pense que c'est le souhait unanime de tous les hommes politiques, mais notre problème, c'est que nous sommes en face d'une situation de fait et il n'y a pas cette autodiscipline au Québec. Vous avez parlé de l'Ontario, tant mieux. Peut-être qu'il y a des raisons historiques, psychologiques et autres qui expliquent qu'en Ontario les journalistes sont arrivés à ce stade où ils peuvent s'autodiscipliner.

Vous êtes un spécialiste de la communication, je pense que vous constaterez — et vous en donnez une preuve — qu'ici au Québec, ces codes d'éthique et cette autodiscipline qui devrait en découler n'existent pas. Est-ce que l'alternative du législateur est la suivante? Est-ce que nous allons attendre cet éventuel code d'éthique qui, encore une fois, serait la solution idéale, je le reconnais? Allons-nous attendre cet éventuel code d'éthique et, en attendant, laisser n'importe quoi se publier en matière de sondage? Ou, en attendant que ces gens s'autodisciplinent eux-mêmes, allons-nous prendre certaines dispositions qui, d'une part, respecteront la liberté de la presse, mais, d'autre part, éviteront que des charlatans manipulent l'opinion publique?

M.PAUL: Le problème, est-ce qu'il n'y aurait pas au Québec trop de propriétaires de journaux qui, dans toute la définition littéraire ou littérale du mot, créent des journalistes?

M. DEMERS: Créent, oui.

M. NADEAU: Ecoutez, il n'y a pas de code professionnel de formation des journalistes et souvent les journalistes, dans toutes les maisons, ne proviennent pas des écoles de journalistes. C'est sûr. Enfin, les gens qui sortent des facultés de lettres, souvent parce qu'ils n'ont pas d'autre emploi ailleurs, vont faire du journalisme parce qu'ils ont une bonne plume.

M. PAUL: Est-ce que vous admettrez, M. Nadeau, qu'en Angleterre n'est pas journaliste qui veut?

M. NADEAU: Non, c'est-à-dire qu'il y a une formation de deux ans qui est donnée obligatoirement dans un journal, après avoir étudié dans une école de journalisme, il est vrai. Mais je ne crois pas qu'on devrait, messieurs, faire le procès des journalistes ici. J'aurais pu vous sortir cinquante autres sondages qui ont été bien publiés, mais je vous ai mis sur le nez ce matin des sondages qui, à mon avis, contiennent des erreurs.

Moi, je le dis, un sondage est une information comme une autre, qui peut avoir plus d'impact qu'un autre. Si un titre, par exemple, dit que 25,000 personnes applaudissent Trudeau à Maniwaki, eh bien, à ce moment-là, le mot 25,000 aussi est un titre, c'est une information qui va donner plus d'impact au titre parce qu'il y a un chiffre dedans, etc. C'est-à-dire qu'un sondage, pour moi, c'est une information comme une autre, fondée scientifiquement sur un certain critère.

Cette information est publiée et il appartient à chaque journal de traiter l'information-sondage comme il le veut.

M. HARVEY (Chauveau): Sur le même sujet, M. le Président, il ne s'agit pas d'illustrer qu'il y a 25,000 personnes qui ont applaudi Trudeau à Toronto pendant que 25 personnes applaudissent Laliberté à Montréal. Cela, c'est rapporter les faits tels qu'ils sont survenus.

M. NADEAU: Non, ça, c'est l'exemple d'un titre tendancieux.

M. HARVEY (Chauveau): A ce moment-là, je ne vois rien qui s'associe au sondage, c'est

tout simplement de rapporter les faits, ce n'est pas du sondage.

M. DEMERS: C'est une nouvelle.

M. NADEAU: Oui, mais il faut que vous acceptiez qu'un sondage s'appuie sur des données véridiques et les chiffres qui sont produits là, vous ne devez presque pas les mettre en doute, si c'est une bonne maison qui les publie.

C'est une information aussi juste, à mon avis, que celle provenant de la couverture d'une assemblée publique.

M. HARVEY (Chauveau): Mais lorsque vous dites: De grâce, que les journalistes s'organisent! En fait s'organiser, pour eux, ce serait s'encarcaner dans des critères et ils ne sont pas assez dupes pour le faire.

M. PAUL: Ce ne serait pas s'encarcaner pour quelques-uns, ce serait s'autoformer.

M. NADEAU: Mais pourquoi toujours penser en termes de juridisme pour régler les problèmes au Québec? Je crois que les organismes compétents doivent faire leur autodiscipline beaucoup plus souvent. Personnellement — je l'ai peut-être mal prouvé ce matin — que vous censuriez d'une certaine façon, que vous réglementiez les sondages précisément, je crois que ce n'est pas la meilleure solution. Donner une chance à un Conseil de presse de faire ses preuves par ce geste que je propose, je crois que ce n'est pas de l'angélisme mais que, personnellement, je serais bien d'accord avec Beausoleil et d'autres qui sont des spécialistes en communications, de former ce comité émanant du Conseil de presse pour vérifier la tenue des sondages.

Je suis sûr que mes amis qui vont me succéder souhaiteraient la même chose, savoir que les sondages qu'ils font dans leur boîte soient bien publiés et que le titre, par exemple, de leurs sondages recouvre vraiment la portée générale du produit qu'ils ont fait. Ce ne sont pas les maisons de sondages qui sont à attaquer, c'est surtout la presse en général. Si vous attaquez la presse sur un problème précis des sondages, attaquez-la sur toutes les autres informations. Parce que si vous mettez en doute un journal sur la publication d'un sondage, il faut que vous le mettiez en doute sur toute la ligne.

M. LE PRESIDENT: M. Pearson.

M. PEARSON: M. Nadeau, j'aurais une question à vous poser et une couple de commentaires à faire. Premièrement, au sujet du sondage dans la Presse, on mentionne 35 p.c. d'indécis. Est-ce que, lors de vos sondages, vous avez une possibilité d'évaluer les raisons de cette indécision? Est-ce que ce sont des raisons sérieuses? Est-ce que ce sont des raisons de gens qui attendent quel sera peut-être ou quel serait peut-être le gagnant éventuel? Est-ce que c'est de l'indifférence ou du désintéressement? Il me semble que plus le pourcentage d'indécis est élevé, moins ça donne de la valeur, seulement 65 p.c. des gens qui ont été questionnés... Est-ce que dans vos sondages vous avez une façon d'évaluer cette indécision?

M. NADEAU: J'espère que mes confrères en traiteront plus tard. On fait parfois des recoupements... Supposons qu'une personne vient de dire qu'elle ne sait pas pour qui elle va voter, et si, dans une autre réponse, elle dit qu'elle aime beaucoup la personnalité du chef NPD, et si, dans une autre réponse encore, elle dit qu'elle aime beaucoup le programme du NPD, même si elle dit qu'elle ne sait pas pour quel parti voter, il est probable qu'elle va voter pour le NPD, parce que, dans d'autres questions on a recoupé son jugement. En toute honnêteté, une personne qui ne veut pas dire pour quelle couleur ou pour quel parti elle va voter, on ne peut pas préjuger de son choix. Même si parfois certaines maisons de sondages essaient d'atténuer — elles ont peut-être raison de le faire — ce pourcentage d'indécisions en recoupant les autres questions et en incluant dans une certaine logique le jugement de la personne a qui on a téléphoné.

M. PEARSON: Mon premier commentaire serait celui-ci. Je suis allé chercher les chiffres officiels en regard du sondage. Vous avez mentionné que, d'après votre sondage, celui qui serait le plus affecté serait Unité-Québec. Or, des 35 p.c. d'indécis, il y en a 5 p.c. qui sont allés au Parti québécois, 9 p.c. sont allés à l'Unité-Québec, 20 p.c. au Parti libéral et 2 p.c. au Ralliement créditiste qui avait également 10p.c. comme Unité-Québec, mon impression est que la preuve n'est pas faite de l'influence d'un sondage comme celui-là, d'après les chiffres.

M. DEMERS: Vous le jugez personnellement, vous avez les résultats, les élections ont eu lieu. C'est un événement antérieur.

M. PEARSON: D'accord, si on était capable d'évaluer après ça, avec le résultat, à dix jours des élections, l'influence que pourrait avoir... C'est parce que M. Nadeau a mentionné tantôt, ila prouvé...

M. NADEAU: On peut comprendre que l'effet ait pu jouer — je dis ça entre parenthèses — comme ceci. Il est certain que le parti qui s'appelait alors Union nationale fort d'un pourcentage de 43 p.c. ou 45 p.c. à l'élection de 1966, si l'unioniste qui voit que son parti avait eu 43 p.c. en 1966 et que là il se voit rendu à 10 p.c, il est peut-être normal de prévoir que celui-ci va se poser plusieurs questions quant à, non pas la dégringolade, mais cette diminution surprenante et considérable en pourcentage d'un parti politique.

M. PEARSON: Qu'est-ce que vous penseriez, M. Nadeau, de cette suggestion à l'effet que, durant la période des campagnes électorales, il y aurait un organisme de surveillance de la qualité des sondages? Deuxièmement, on pourrait permettre uniquement la publication des sondages de maisons reconnues ou possédant la qualité voulue ou encore obliger le journal à aviser le lecteur de la qualité du sondage donné. Prenez-le pour ce que ça vaut. Qu'est-ce que vous en penseriez?

M. NADEAU: Le propriétaire de journal qui dirait que le sondage qu'il publie n'a pas beaucoup de qualité serait mieux de ne pas le publier, quant à moi. Je dois vous dire que la suggestion de l'organisme qui surveillerait la qualité des sondages produits rejoint un de mes points. Qu'il provienne du Conseil de presse ou non, c'est peu important mais qu'il soit constitué de gens qualifiés pour en discuter. Je pense que tous seront d'accord sur ce point. Publier seulement les sondages provenant de bonnes maisons ou de maisons reconnues comme étant susceptibles de faire de bons sondages, des sondages de qualité, ce serait aussi normal. Est-ce que vous iriez jusqu'à empêcher un parti politique de faire montre de son sondage? Vous ne le pouvez pas. Si je suis candidat d'un parti politique, si j'arrive sur ma tribune et dis: Selon le sondage que j'ai fait dans mon comté, je suis en avance de 20 p.c. sur le parti adverse, le journaliste va prendre ça et va me couvrir dans sa nouvelle.

M. HARDY: Tous les candidats disent ça. Contrairement à votre opinion de tantôt, la grande majorité des gens prennent ça avec un grain de sel. Tous les candidats et tous les partis disent: On va gagner. Même après les élections, quand ils se sont fait battre, ils disent: On a gagné.

M. PAUL: II y en a qui disent: On s'est fait voler.

M. LE PRESIDENT: M. Lessard.

M. LESSARD: J'ai l'impression, lorsque je vous écoute, M. Nadeau, que vous refusez, comme spécialiste des sondages, de faire votre autodiscipline et vous transmettez vos responsabilités aux journalistes. Les journalistes n'ont pas à surveiller continuellement tout ce qui leur vient. Je comprends qu'ils ont une responsabilité de ce côté. S'ils annoncent que 25,000 personnes ont écouté M. Trudeau à Toronto, ils ont pu le contaster. Mais en ce qui concerne la question des sondages, ils peuvent s'attendre, normalement, que les maisons de sondages se basent sur des critères scientifiques. Le journaliste ne peut pas, à chaque fois qu'il veut publier — parce que ça prendrait une semaine avant de publier une nouvelle — aller vérifier constamment si le sondage est scientifique. Ce n'est pas la responsabilité du journaliste, ce n'est pas la responsabilité du Conseil de presse, c'est votre propre responsabilité. On admet partout que l'Etat protège le consommateur contre l'exploitation de compagnies non responsables. Toute compagnie d'assurance doit demander un permis au ministère des Institutions financières pour pouvoir fonctionner, émettre des polices d'assurance. C'est comme ça dans d'autres domaines.

Il y a aussi la protection de l'opinion publique. M. Hardy tente de faire une distinction entre l'accréditation des maisons de sondage et le contrôle de la presse; je crois que c'est complètement différent pour moi. Au sujet de l'accréditation, comme n'importe qui ne peut pas être médecin, comme n'importe qui ne peut pas être avocat, n'importe qui ne pourrait pas créer des maisons de sondages. Je trouve absolument anormal que, du jour au lendemain, quelqu'un ou un parti politique fasse un sondage. Je comprends que vous disiez que le Conseil de presse va le dénoncer mais cela va créer quoi dans l'opinion publique? Ce qui importe, ce sont les premiers chiffres qui sont publiés, c'est le titre. Même si le lendemain le Conseil de presse dénonce le sondage et dit qu'il n'est pas scientifique. On ne peut pas demander aux journalistes d'être des spécialistes dans toutes les disciplines des sciences politiques. Ils sont spécialistes dans leur domaine. Il appartient d'abord à vous, qui êtes des spécialistes, si vous voulez être une classe de professionnels reconnus, de faire votre propre autodiscipline. Je me demande pourquoi l'Etat ne pourrait pas intervenir. Il y a des critères scientifiques pour faire un sondage et que vous connaissez beaucoup mieux que moi.

Grâce à un comité qui serait formé de professionnels du sondage, on pourrait établir un certain nombre de critères. Lorsqu'une maison, par exemple, demande au gouvernement de se faire accréditer comme une maison de sondage — cela ne veut pas dire qu'on refuse toute maison — mais cette maison devrait se soumettre à certains critères définis et certains critères professionnels sur lesquels l'Etat aurait un certain contrôle. Quand on parle de ça, vous semblez le refuser. Vous semblez transmettre vos responsabilités au Conseil de presse. Je dis que toute profession...

M. NADEAU: Je ne sais pas si je me suis fait mal comprendre.

M. LESSARD: ... doit faire son audodiscipli-ne. Il appartient à une profession comme la vôtre, qui prend de plus en plus d'importance, actuellement, dans l'opinion publique, de régler ses propres problèmes. Vous devriez, vous-mêmes, nous dire: II faut établir des contrôles sur les maisons de sondage. Il ne faut pas que n'importe qui... Je ne refuse pas à un parti politique de faire son propre sondage. Mais ce sera un sondage pour utilisation interne. A ce

moment-là, par exemple, comme on le disait, l'opinion publique pourra le prendre, comme probablement elle l'a pris concernant le sondage des conservateurs, avec un grain de sel. Il y a une différence entre un sondage du Parti québécois, un sondage de l'Unité-Québec ou un sondage du Parti libéral et un sondage qui est fait par une maison comme CROP, qui est une maison reconnue. Il y a en tout cas une influence qui est beaucoup plus grande.

Pour ma part, je me demande — c'est sur ça que je m'interroge — pourquoi vous refusez, vous-mêmes, de faire votre autodiscipline et pourquoi vous dites que ce n'est pas votre responsabilité, que c'est la responsabilité des journalistes, qui devraient se former un Conseil de presse pour contrôler ça. Cela me paraît aberrant. C'est vous autres qui êtes les professionnels là-dedans, ce ne sont pas les journalistes.

M. NADEAU: Ecoutez, je me suis peut-être mal fait comprendre. J'attire votre attention sur ceci. Lorsqu'un sondage est fait, la maison CROP, par exemple, envoie le texte et les résultats du sondage à l'entreprise de presse, qui reçoit ce texte et ces résultats. C'est elle qui décide de le publier. Les journalistes de la maison ou du journal ne sont pas invités... Ils vont peut-être faire le "rewriting" du texte de la maison de sondage mais ils vont publier les informations que celle-ci donne. Les journalistes ne sont pas du tout considérés dans ça. Ils peuvent faire des commentaires sur le sondage en éditorial, etc., ou dans des articles. Mais ce que je dis, c'est que l'entreprise de presse commande des sondages à une maison. Elle reçoit ces sondages. Il faut alors qu'elle obéisse à certaines règles que j'ai définies tantôt, pour assurer que la marge d'erreurs est bien annoncée dans le texte de l'article, que le titre ne soit pas manipuler; ce sont enfin les cinq critères que j'ai examinés tantôt qu'il faut considérer.

M. LESSARD: Ce n'est pas le principal problème.

Mais un sondage est commandé par une entreprise de presse à une maison reconnue, habituellement. Il est certain que ce sondage doit faire l'objet d'une publication qui doit obéir, quand même, à des règles antimanipulatrices.

M. LESSARD: D'accord, mais ce n'est pas le principal problème. Le principal problème c'est la façon dont est fait le sondage. Cela, ce n'est pas le journaliste, c'est la maison de sondage. Le journaliste va publier, selon l'échantillonnage, les chiffres qui sont publiés par la maison de sondage.

M. NADEAU: Oui.

M. LESSARD: II lui appartiendra peut-être, cela est la liberté du journaliste, de dire que tel sondage, selon lui, est plus ou moins scientifi- que, etc. Mais le problème, ce n'est pas surtout à ce niveau qu'il se pose. Le problème est au niveau des sondages. Actuellement, n'importe qui peut tromper l'opinion publique, peut fausser l'opinion publique en faisant son propre sondage et en le transmettant aux journalistes qui l'acceptent, probablement avec un grain de sel, mais qui le publient, parce qu'on va les accuser de ne pas le publier, si c'est un parti politique qui l'a fait. On va dire: Ecoutez, vous êtes favorables à tel parti politique. Vous avez refusé de publier notre sondage. Mais, lorsque nous aurons véritablement des maisons scientifiques de sondages et qu'il y aura un certain contrôle, selon certains critères, là il y aura du moins un premier contrôle extrêmement important. C'est d'abord de celui-là qu'on a besoin.

Après cela, en ce qui concerne l'autodiscipline des journalistes, ils devront régler leurs problèmes. On peut établir, comme vous l'avez dit, que les questions soient bien précisées, que l'échantillonnage soit bien défini, que la méthode décrite soit expliquée dans le sondage et que la date du sondage soit indiquée.

Qu'on respecte les cinq critères que vous avez établis et qu'on forme les journalistes, par le Conseil de presse, à les respecter, je suis bien d'accord, mais, aujourd'hui, nous ne discutons pas la façon dont le sondage devra être publié. On peut en discuter, mais, moi, je me dis que c'est, d'abord et avant tout, la façon dont le sondage devra être fait et par qui il devra être fait; c'est la question fondamentale.

M. NADEAU: Vous allez, sur ce point, beaucoup plus loin que moi, je l'avoue. Je situe les maisons de sondages en régime de concurrence. Si un individu veut fonder une maison de sondage demain matin, il peut le faire, comme il peut fonder n'importe quelle autre compagnie. Il regroupe des techniciens en mathématiques appliquées ou en sociologie politique, etc, et lance sa boîte de sondages. Au nom de quoi, vous, M. le député, allez-vous, par exemple, dire: Telle maison, je ne veux pas qu'elle existe parce qu'elle n'est pas reconnue? Une maison est reconnue par les travaux qu'elle fait, etc. C'est comme toute autre entreprise.

M. LESSARD: M. le Président, il y a quand même des critères scientifiques là-dedans. Au nom de quoi, par exemple, demande-t-on à un médecin de pouvoir pratiquer sa profession? Au nom de certains critères scientifiques. Au nom de quoi, par exemple, demande-t-on à un avocat de pratiquer sa profession? Au nom de certains critères scientifiques. On pourrait continuer. Au nom de quoi oblige-t-on, aujourd'hui, un monsieur qui veut faire de l'assurance à passer des examens pour obtenir son permis de vente d'assurance? Au nom de certains critères scientifiques. On devrait exiger la même chose des maisons de sondage, au nom de certains critères scientifiques qui ne seront pas définis par les députés strictement, mais qui devront être définis par un conseil qui sera

formé de spécialistes de sondage. En fait, ces critères pourront évoluer, pourront changer selon les nouvelles techniques qu'on trouvera. Cependant, vous devrez vous-mêmes vous soumettre, comme maison de sondage, à ces critères.

Je calcule que cela ne nuit pas du tout à la concurrence, au contraire. Cela va empêcher une mauvaise concurrence, par exemple, que vous subissez. La maison qui se soumettra à ces critères scientifiques devra être acceptée par l'Etat, normalement, parce qu'elle respecte des critères scientifiques minimums. Mais, à partir du minimum, une maison qui fait des sondages scientifiques pourra devenir beaucoup mieux reconnue, par exemple, comme Gallup, aux Etats-Unis, ou d'autres. Il y aura une certaine marge.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, j'abonde dans le même sens que mon prédécesseur quant aux commentaires, qui, même s'ils sont plus élaborés, contiennent en substance ce que j'avais exprimé comme inquiétude vis-à-vis des responsabilités de chacun.

Par ailleurs, tout à l'heure, j'ai brûlé des étapes en vous interrogeant sur les fiches qui apparaissent au tableau. Je pense que vous avez sauté une étape qui m'intéresse grandement. C'est qu'il y a une deuxième image qui apparaît sur ce tableau. Cela a été publié dans le journal Le Soleil, le 14 octobre dernier. Il n'y a pas de chiffres dans la manchette. Il n'y a absolument rien qui peut imputer une responsabilité directe et qui empêche le lecteur de poursuivre la nouvelle comme telle ou le commentaire, puisqu'il est signé. Je voudrais avoir vos commentaires là-dessus.

M. NADEAU: C'est exact.

M. HARVEY (Chauveau): Etes-vous d'accord pour dire que c'est un sondage sérieux, à la lumière de vérifications en profondeur?

M. NADEAU: Ici, j'ai mis en relief, d'une part, la Presse. Le sondage est bien fait, par une maison compétente, l'échantillon est valable, etc., mais le titre est discutable.

D'autre part, en ce qui concerne le journal Le Soleil, j'y ai dénombré des erreurs de fabrication comme telles. Par exemple, on fait foi d'un échantillon de 316 personnes seulement, dont 124, je crois, n'ont pu être rejointes. D'autre part, on ne sait pas si les refus de répondre sont distribués également. On a choisi un échantillon de 20 personnes par comté. On a groupé cela ensemble. On ne sait pas, cependant, si les refus de répondre proviennent d'une région en bloc.

D'autre part, je dois dire que, pour moi, un échantillon de seulement 316 personnes a un taux d'erreur trop considérable pour que vraiment on puisse faire un sondage. Actuellement, selon les études que j'ai citées, on dit qu'un sondage ne devrait être valable que si on atteint un échantillon de 1,000 à 2,000 personnes.

Pour des questions de coût sans doute ou d'effectifs humains, on a accordé foi à un échantillon très minime de 316 personnes. Je dis qu'à partir de très faibles échantillons comme ceci on ne peut pas déclarer un sondage valable, parce qu'il y a un taux d'erreur trop considérable.

Encore une petite remarque pour terminer sur ce point. Je suis associé au National Council of Public Polls, qui a déterminé qu'entre 250 et 500 personnes il y a un taux d'erreur d'à peu près 10 p.c. ou 11 p.c. Un sondage qui atteint un taux d'erreur si considérable, à mon avis, ne devrait pas faire l'objet d'une publication.

M. HARVEY (Chauveau): Je vous arrête pour vous poser une question. Est-ce que vous ne pensez pas que 25 circonscriptions électorales ne représentent pas précisément le quart de l'idéal de personnes à contacter, tel que vous le disiez précédemment? Si vous affirmez qu'on peut accorder foi, à 10 p.c. près d'erreurs, à un sondage et que ce même sondage est effectué dans 25 circonscriptions plutôt que dans 75 ou 80, cela représente précisément le quart des circonscriptions électorales de la province de Québec.

A mon point de vue, on l'a peut-être fait "at large" — excusez l'anglicisme — dans tout le Québec, mais, pour vulgariser l'exemple dans la région métropolitaine de Québec, on a dit: Dans cette région précisément, les libéraux sont en avance. Est-ce que vous trouvez que c'est tendancieux? Est-ce fausser la vérité?

M. NADEAU: Je m'attaque à la formation de l'échantillon essentiellement.

M. HARVEY (Chauveau): Je vous reporte également aux statistiques que vous donniez tout à l'heure. Vous disiez que pour avoir un sondage sérieux il faut avoir au moins de 1,200 à 1,400 personnes qui soient consultées.

M. NADEAU: Exactement.

M. HARVEY (Chauveau): Et c'est précisément ça, pour 25 circonscriptions.

M. NADEAU: Non, non.

M. PAUL: Pour 22, cela fait 15 par circonscription au collège électoral.

M. NADEAU: Tout sondage doit avoir un échantillonnage assez considérable pour vraiment accorder foi à sa publication. Ce n'est pas pour rien que le professeur Paul-André Comeau de l'Université d'Ottawa, qui est maintenant à Bruxelles, dans un sondage qu'il faisait pour le comté de Shefford, par exemple, s'est obligé à avoir un échantillon de 500 personnes.

Peut-être une erreur que l'on peut reprocher

à CROP, c'est qu'actuellement on a tendance, à cause des coûts que ça occasionne, à limiter les échantillonnages. C'est une grave erreur. Que le Soleil ait publié un sondage à partir d'un échantillonnage de 316 personnes, je crois que le taux d'erreur est trop considérable pour dire que ce sondage est valable.

Par exemple, en ce qui concerne les créditis-tes, on dit que 6.3 p.c. de la population dans ces 25 comtés vont voter créditiste. Ils se sont servis, à mon avis, d'un échantillonnage de 9 ou de 20 personnes, sur l'ensemble des 316. Probablement, ces 22 comtés dont on fait mention sont plus crédististes que la région de Montréal. Et Pinard arrivait avec son sondage hier, disant que les créditistes atteindraient probablement 19 p.c, alors que dans ces 25 comtés on est censé avoir un certain pourcentage — certainement plus fort que 6.3 p.c. — de la population qui va voter créditiste. Le Soleil dit seulement 6.3 p.c. alors que Pinard, lui, dit, pour l'ensemble du Québec, 19 p.c.

En réalité, si on avait eu un échantillonnage de 1,000 personnes pour ce sondage du Soleil, si les enquêteurs avaient été bien formés, si les questions avaient été bien posées, je crois qu'on aurait dû arriver à peu près à un taux de 22 p.c. de créditistes au lieu de 6.3 p.c. Dans ce sondage du Soleil, on a jugé un pourcentage sur 9 personnes. Moi, je me refuse à croire qu'on peut faire des statistiques sur des nombres trop petits.

Même si vous faites des sondages dans un seul comté, il vous faut un échantillon qui a atteint un certain plafond. Vous allez dire: Aux Etats-Unis, on fait des sondages politiques pour 200 millions de personnes avec des échantillonnages, dans le cas de Gallup — vous me corrigerez, messieurs — de 2,500 personnes.

M. HARVEY (Chauveau): De 25,000.

M. NADEAU: Non. De 2,000 à 2,500. C'est-à-dire qu'il y a un plafond dans l'échantillonnage. Si vous faites un sondage avec 100 personnes pour un comté, vous ne pourrez pas statistiquement arriver à des choses valables. Il faut un nombre de personnes valables pour que vous puissiez vous exprimer et avoir un jugement sérieux sur cette question.

Il y a d'autres questions, mais, là, on parle de l'échantillon.

M. LESSARD : Parce qu'on peut avoir un échantillon de huit personnes qui n'est pas du tout représentatif.

M. NADEAU: Ah oui! vous pouvez avoir des échantillons de 2,000 personnes, mais si les questions sont orientées, il est certain, comme vous le dites...

M. LESSARD: Plus que ça, ça ne représente pas véritablement, par exemple, la base démocratique de la population.

M. NADEAU: Exactement, oui.

M. HARVEY (Chauveau): Une autre question: Est-ce que vous croyez qu'un sondage par écrit, ce qu'on appelle le "mailing" est préférable à une communication téléphonique pure et simple? C'est entendu que c'est beaucoup plus long, beaucoup plus coûteux aussi, mais croyez-vous que c'est comparable au point de vue du sérieux et de l'authenticité et que cela a une marge d'erreur identique ou plus grande?

M. NADEAU: J'ai participé, en 1968, avec le professeur John Meisel, de Kingston, à un sondage fait dans tout le Canada, après les élections fédérales. On avait envisagé le "mailing post" pour poser des questions sur la politique en général. On avait rejeté cette hypothèse parce que le nombre de questionnaires qui nous est renvoyé est très minime et qu'en termes de coûts c'est assez considérable.

Sans doute mes confrères seront-ils d'accord avec moi que la meilleure façon de faire un sondage, c'est d'envoyer un interviewer voir la personne et lui dire: Monsieur, j'ai quinze questions à vous poser, est-ce que vous pourriez me le permettre? C'est sans doute l'entrevue face à face qui est la plus valable, à mon avis, avec des enquêteurs bien formés. C'est celle que nous avions choisie.

L'enquête par téléphone, naturellement, on doit s'y référer en campagne électorale pour des questions de coûts, parce qu'une maison de sondage doit envisager les coûts que ça représente de faire un sondage. Si un journal donne, disons, $5,000 pour faire un sondage, la maison de sondage doit dire: Quel moyen j'utilise, est-ce que j'y vais par entrevue, est-ce que je vais voir chacune des personnes choisies au hasard ou est-ce que, plutôt, je le fais par téléphone? En période électorale, c'est plus rapide et moins coûteux de le faire par téléphone, mais ça représente un certain risque. Il y a des gens qui ne sont pas accessibles par téléphone; il y a des gens qui ne sont pas sur les listes. A ce moment-là, comme disait le député, il faut se faire une liste de personnes choisies au hasard et représentatives de la population que l'on veut toucher, établissant qu'il y a tant de ruraux et tant d'urbains dans tel et tel comté, avec tel pourcentage d'hommes et de femmes. Il faut que l'échantillonnage respecte les données socio-économiques des comtés pour lesquels on fait le sondage.

M. HARVEY (Chauveau): Merci. M. LE PRESIDENT: M. Latulippe.

M. LATULIPPE: Qu'est-ce que vous pensez des sondages qui se font dans les écoles? Pensez-vous que c'est quelque chose de valable?

M. NADEAU: Les sondages dans les écoles?

M. LATULIPPE: Dans les écoles, est-ce que vous pensez qu'on devrait continuer cela?

M. NADEAU: M. le député, je dois avouer mon ignorance; je suis arrivé seulement depuis un mois et je n'ai pas eu connaissance de ces sondages faits dans les écoles.

M. LATULIPPE: Ce ne sont pas des sondages faits par des maisons officielles, c'est officieux.

M. NADEAU: Qui se font dans les écoles? M. LATULIPPE: Oui.

M. NADEAU: Sur quel sujet, par exemple?

M. LATULIPPE: Sur la politique; on fait voter l'enfant dans certains milieux. Cela s'est déjà fait dans mon comté.

M. NADEAU: Ah bon!

M. LATULIPPE : Cela peut être représentatif.

M. CROISETIERE: C'est de leur propre initiative qu'ils effectuent ces sondages.

M. LESSARD: Perspectives-Jeunesse. M. CROISETIERE: Possiblement.

M. NADEAU: Peut-être que mes amis vont en parler. Je ne connais pas la situation assez pour en discuter sérieusement.

M. LATULIPPE : II y a également eu des programmes de Perspectives-Jeunesse...

M. NADEAU: Oui.

M. LATULIPPE: ... qui ont traité des questions de sondages, qui en ont effectué; il y en a plusieurs qui ont obtenu des projets là-dessus. Est-ce que vous pensez que c'est valable et que l'Etat devrait financer de tels projets?

M. NADEAU: Ce n'est pas à moi de répondre.

M. HARDY: Je pense que ça s'éloigne pas mal des préoccupations électorales.

M. LATULIPPE: Non, ça touche... M. HARDY: On aborde un autre problème.

M. LE PRESIDENT: Je pense que nous avons épuisé le mémoire de M. Nadeau. Est-ce qu'il y a d'autres questions avant d'entendre l'autre témoin, M. Gousse?

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais aimé qu'on réponde davantage à la question que vient de soulever le député de Frontenac. La question est pertinente, parce que ces sondages ont quand même une influence dans bien des milieux. J'aimerais qu'il y ait des opinions émises à ce sujet.

M. HARDY: II a dit qu'il n'était pas en mesure d'y répondre. On pourrait peut-être formuler la question à l'autre groupe.

M. LE PRESIDENT: M. Brochu, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. BROCHU: Oui, une question sur un aspect technique qui a été touché superficiellement à un moment donné. Vous avez parlé de certaines anomalies qui pouvaient exister au niveau de la formation des questions, du manque de préparation ou de formation de certains enquêteurs. Par contre, il y a l'autre aspect — c'est surtout sur celui-là que je voudrais parler — celui de la représentativité de l'échantillonnage. Vous en avez glissé un mot à différentes occasions, mais je pense que vous ne vous êtes pas arrêté précisément sur cette question.

Est-ce que vous avez vu dans vos recherches un problème majeur se poser au niveau de la représentativité de l'échantillonnage, que ce soit pour CROP, SORECOM ou même les autres maisons de sondages?

Dans ce que vous avez vu jusqu'ici, est-ce qu'il n'y a pas d'erreurs?

M. NADEAU: Je ne suis pas membre de ces boîtes dont vous faites mention. Cependant je peux vous dire les critères qu'il faut respecter pour avoir un échantillonnage valable. Au député qui était assis à ma gauche tantôt, j'ai dit que, pour qu'un échantillon soit représentatif, il faut certes choisir au hasard, mais il faut qu'il corresponde exactement à la région, à la population de la région que l'on veut sonder.

Supposons que je fais un sondage dans votre comté, s'il y a 60 p.c. de gans des milieux ruraux et 40 p.c. des milieux urbains, je devrai stratifier mon échantillon pour qu'il y ait 60 p.c. des gens qui proviennent de milieux ruraux et 40 p.c. de milieux urbains. S'il y a beaucoup d'Italiens dans votre coin, je devrai me dire qu'il faut qu'il y ait une certaine représentativité correspondant au pourcentage d'Italiens que vous aurez dans votre comté; s'il y a 50 p.c. d'hommes et de femmes dans votre comté, je devrai, dans mon échantillon, avoir autant d'hommes et de femmes, selon ce qu'il y a dans votre comté. On doit tenir compte de ces critères socio-économiques, de ce que j'appelle les critères socio-économiques. C'est la même chose pour les phénomènes d'âge. S'il y a une population importante dans votre comté qui a entre 18 et 25 ans, je devrai lui assurer une représentativité correspondant à la population qui a entre 18 et 25 ans dans votre comté.

M. BROCHU: Vous nous donnez les normes idéales d'un sondage vraiment représentatif, mais ma question était celle-ci surtout: Est-ce que, dans les recherches que vous avez faites,

vous avez pu remarquer — prenons le cas surtout des maisons reconnues, qui spécialisent, si vous voulez — qu'elles respectent ces critères que vous avez mentionnés?

M. NADEAU: Je ne peux pas parler pour CROP, mais je connais l'Institut québécois d'opinion publique, qui a fait plusieurs sondages en 1970, et je dois vous dire que ces gens avaient exactement obéi à tous les critères que j'ai mentionnés. Pour CROP, je ne connais pas la situation à l'intérieur de cette boîte, mais je présume que sans doute on a respecté ces critères.

M. BROCHU: Compte tenu peut-être aussi des disponibilités budgétaires pour les services qui sont demandés.

M. NADEAU: Non, non.

M. BROCHU: Compte tenu aussi des disponibilités de budget vous mentionniez tout à l'heure que, si quelqu'un demande un sondage et donne $5,000, s'il demande un sondage trop vaste, évidemment on est obligé de mettre de côté certains critères qui seraient peut-être trop onéreux à ce moment-là.

M. NADEAU: Non, si une maison a $25,000 pour faire un sondage, l'échantillon sera assez considérable, parce que c'est une somme quand même assez considérable. J'entends là pour un sondage par téléphone. Non, je crois que, pour fabriquer un échantillon, la maison qui se respecte la fait le mieux possible, parce que, si le sondage ne correspond pas à la réalité, elle perd de sa crédibilité et c'est grave pour cette entreprise.

M. BROCHU: Juste une autre petite question, M. Nadeau. Vous avez mentionné tout à l'heure que les sondage et la publication des sondages, surtout en termes de chiffres, pouvaient influencer d'une façon ou de l'autre, avoir des effets d'aller vers ou des effets négatifs, c'est-à-dire de voter pour d'autres partis. A présent, est-ce qu'il existe des moyens de vérifier après une élection l'impact que ç'a pu avoir, et, si ces moyens-là existent, est-ce que ç'a été tenté déjà sous forme d'enquête ou comme expérience de vérification?

M. NADEAU: Au Canada, je sais que CROP, lors de l'élection provinciale, avait d'abord formulé l'opinion qu'elle ferait ce genre d'analyse. Je crois qu'au bout d'un mois, peut-être par manque de fonds, je ne sais pas la raison officielle qui a été produite à ce moment-là, on n'a pas jugé bon de faire cette analyse.

Habituellement, pour détecter les effets, il y a des méthodes précises, des gens qu'on amène en laboratoire, ou des gens que l'on requestionne après un sondage, et l'on essaie, par des interviews non directifs, de savoir exactement jusqu'où telle ou telle manchette, tel ou tel sondage, telle ou telle information en campagne électorale ont pu les toucher.

Si vous voulez, je vous ferai pervenir un de ces questionnaires que l'on peut employer par après. Je ne l'ai pas ici, mes bagages sont encore au Havre, je les attends, ça me fera plaisir de vous l'envoyer. Cela vous donnera un exemple de ce qui se fait pour essayer d'analyser les effets des sondages.

M. BROCHU: Donc il est possible, en prici-pe, d'établir une corrélation entre les deux, mais on n'a pas poussé l'expérience jusqu'au bout à ce jour.

M. NADEAU: Exactement, mais les analyses qui sont faites, pour les effets, sont surtout faites en Californie, à Syracuse et à Stanford, parmi celles que je connais.

Sans doute qu'il peut en exister ailleurs, je n'en doute pas, mais ce sont celles que je connais.

M. LE PRESIDENT: M. Roy.

M. ROY (Beauce): J'aurais une couple de petites questions à poser. Tout à l'heure, vous avez dit que c'est important de tenir compte de l'âge des électeurs, de leur milieu, de leur origine ethnique. Maintenant, est-ce que vous estimez important aussi de tenir compte des couches de population? Je remarque que vous en avez fait mention dans votre mémoire, mais y attachez-vous une importance particulière? Vous avez des comtés où 50 p.c. de la population est ouvrière, vous avez d'autres comtés où 50p.c. de la population est agricole. J'ai remarqué que dans le passé il y a eu beaucoup de sondages, on a questionné dix personnes de chaque profession. Avec les résultats que l'on connaît d'avance, si vous avez, par exemple, 100 professionnels dans un comté, vous en questionnez dix, vous questionnez 10 p.c. des professionnels; vous avez 2,500 agriculteurs, vous en questionnez 10, le pourcentage n'est pas le même. Les résultats sont faussés au départ. Est-ce que vous estimez qu'il est très important de tenir compte des couches de la population surtout du côté professionnel

M. NADEAU: Je sais que Gallup, pour répondre à votre question, tient compte de la profession, de cette question dont vous traitez. 51 la personne est un ouvrier ou un fonctionnaire gagnant entre $15,000 et $20,000, oui... il y a des maisons qui le font. Je ne suis pas prêt à dire que les maisons québécoises tiennent compte explicitement de la formation de leur échantillon quant à cette question précise, parce qu'avec trois variables, celles du pourcentage rural, urbain qui déjà découpent... parce que si vous avez 40 p.c. de ruraux dans votre population, dans votre échantillon, il est normal que la personne à qui vous allez téléphoner sera un cultivateur ou autre, un homme de milieu

rural gagnant le revenu moyen qu'un rural gagne. Il y a six données socio-économiques qu'on peut avoir dans un sondage. On peut traiter de la religion, de l'ethnie, de l'âge, de la profession, du niveau de salaire, est-ce que j'en oublie? Peut-être. Mais ce sont toutes des choses qui entrent en considération dans la formation d'un échantillon.

M. ROY (Beauce): Merci. Deuxième question, à combien estimez-vous le coût? Est-ce que vous avez fait des études quant au coût d'un bon échantillonnage? En contactant 1,000 personnes, combien cela peut coûter pour avoir le meilleur échantillonnage?

M. NADEAU: On demande actuellement, dans une boite que je connais plus spécifiquement qui s'appelle l'IQOP, pour un échantillonnage de 1,000 personnes que l'on rejoint au téléphone, environ $4, c'est-à-dire que ça paye l'interurbain, la personne qui interviewe, les analystes qui font le texte, etc. Ce n'est pas beaucoup. Je sais que d'autres maisons se rendent sans doute jusqu'à $5, $6 ou $7. Mais, pa exemple, pour une entrevue, si vous envoyez une personne interviewer personnellement, comme moi en 1968, M. Meisel, qui était responsable de tout ce sondage, m'a envoyé à Havre-Saint-Pierre interviewer deux personnes, parce que c'était essentiel qu'on couvre les régions périphériques. Il m'a envoyé aussi à Chibougamau et à Blanc-Sablon, cela représente des coûts énormes, mais le Conseil des arts a été très généreux pour l'étude que M. Meisel voulait faire.

Il avait beaucoup de fonds, il pouvait se permettre d'envoyer à la périphérie du pays ses enquêteurs.

M. ROY (Beauce): En somme, un échantillonnage fait par téléphone est ce qui est le moins dispendieux à l'heure actuelle.

M. NADEAU: Si vous me disiez: M. Nadeau, vous allez faire un sondage dans le comté de Québec-Ouest, vous allez rencontrer un certain nombre de personnes, je vous demanderais $10 pour rencontrer chaque personne.

M. ROY (Beauce): Cela veut dire que le sondage le plus économique ne peut pas être inférieur à $4.

M. NADEAU: C'est celui qui se fait par téléphone. Encore là, on peut faire un sondage par envoi postal, ce qui représenterait moins de coûts. Personnellement, je juge que ce n'est pas bien valable à cause du faible taux des réponses. Je parles des sondages politiques. Il y a un certain nombre de sondages qu'on peut faire par la poste. Mais, les sondages politiques par la poste, je n'en connais pas qui ont été faits. Il y en a sans doute qui ont essayé d'en faire mais je ne peux pas vous citer d'exemples précis et je ne peux pas vous apporter de coûts précis.

M. ROY (Beauce): Pour un sondage de 1,000 personnes, le meilleur marché possible, pour avoir le plus de réponses possible, par téléphone, il n coûterait environ $4,000?

M. NADEAU: La boite que je connais charge ça. Sans doute que d'autres boites ont des prix plus ou moins élevés.

M. ROY (Beauce): Par entrevue, ça peut atteindre $10,000 ou $12,000?

M. NADEAU: Oui, tout dépend de la région que vous touchez. Si vous m'envoyez dans le Grand Nord pour faire mon enquête, il est certain que ça représente des frais additionnels, le transport, etc.

Messieurs, je tiens à vous remercier.

M. PAUL: M. le Président, avec votre permission...

M. CROISETIERE: Pourriez-vous nous dire combien, à votre connaissance, il pourrait y avoir de firmes de sondages actuellement au Québec?

M; NADEAU: Au Québec, je connais CROP, je connais l'IQOP, l'Institut québécois de l'opinion publique; je pense aussi que SORECOM en fait. Je suis arrivé seulement depuis un mois; je ne saurais dire, je pense que mes confrères seront plus en mesure de vous répondre sur toutes les boites qui existent. Il y en a sans doute d'autres.

M. CROISETIERE: II y en aurait trois ou quatre.

M. NADEAU: Que je connais; il y en a sans doute d'autres.

M.PAUL: M. Nadeau, est-ce que vous allez convenir que la publication des sondages par des maisons sérieuses peut influencer les souscripteurs aux caisses électorales des partis?

M. NADEAU: C'est un problème sur lequel je ne me suis pas penché et sur lequel je me refuse bien humblement de parler. Est-ce que ça existe encore des caisses électorales pour les partis?

M.PAUL: II y a certains partis qui en ont encore.

M. NADEAU: C'est une nouvelle pour moi.

M. PAUL: On ne donnera pas d'exemple. Comme de raison, je ne regarde pas à droite en posant la question, je vous regarde.

M. LE PRESIDENT: Pardon?

M. PAUL: Bien objectivement, M. Nadeau, vous n'avez pas l'impression que certaines gens,

qui ont pris connaissance le lendemain de la publicité faite autour du sondage qui a paru dans le journal La Presse, dans le cas des indécis, ont souscrit davantage à un parti politique plutôt qu'à l'autre, sans donner un caractère péjoratif à la souscription électorale?

M. NADEAU: Je ne veux pas me prononcer sur les souscripteurs des partis politiques. Je ne sais même pas quel est le processus d'entrée d'argent dans un parti politique. A mon avis, l'argent entre dans une caisse électorale avant qu'une campagne n'arrive. Je ne connais vraiment pas le processus de fabrication des souscriptions pour un parti politique.

M. LE PRESIDENT: Vous n'avez pas lu ce qui s'est passé aux Etats-Unis à propos de M. McGovern?

M. NADEAU: M. Nixon a fait une loi qui a été mise en vigueur le 1er avril 1972, bloquant les caisses électorales. C'est-à-dire qu'il y a eu une loi qui a été adoptée au mois de décembre, par le Congrès des Etats-Unis, disant qu'à partir du 1er avril 1972 les caisses électorales seraient vérifiées — je ne saurais dire parce que nous en avons discuté hier soir — mais il y a quelque chose qui empêche les gens maintenant de verser sous le couvert de la table...

M. HARDY: J'ai aussi entendu parler de quelque chose du genre, mais je ne pense pas...

M. NADEAU: J'ai pensé que le Congrès l'avait adoptée, parce que les souscripteurs de caisse électorale entre le mois de janvier et le mois d'avril ont envoyé immédiatement leurs chèques avant que ce projet de loi soit mis en vigueur.

M. HARDY: Cela signifie que c'est bloqué pour toujours?

M. NADEAU: Oui. J'aimerais beaucoup avoir le projet de loi, mais je dois dire qu'il se passe quelque chose aux Etats-Unis pour vérifier l'argent entrant dans la caisse électorale. Est-ce que le projet de loi a été adopté? J'ai entendu dire qu'il avait été adopté, parce qu'il y a eu un mouvement énorme de fonds entre le mois de janvier et le mois d'avril avant que le projet de loi, par exemple, s'il a été adopté au mois d'avril, soit en vigueur.

M. PAUL: Est-ce que cela affecte même les distilleries?

M. LE PRESIDENT: Messieurs, je pense que nous avons terminé...

M. LESSARD: On peut dire que cela affecte les distilleries, les gens qui se permettent de donner de la boisson aux...

M. PAUL: Vous avez l'air de vous y connaf-tre.

M. LESSARD: Non, je ne m'y connais pas, M. le Président. Nous ne connaissons pas cela, les caisses électorales.

M. PAUL: Ne me faites pas croire que vous ne connaissez pas les produits Melcher's.

M. LESSARD: Je les connais pour en boire.

M. LE PRESIDENT: Sur ces derniers mots, je crois qu'il y aurait peut-être lieu d'ajourner, nos travaux de passer à l'apéritif et de reprendre nos travaux à 2 h 30 cet après-midi, alors que nous entendrons M. Gousse et ses collègues.

Je vous remercie, M. Nadeau.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

Reprise de la séance à 14 h 40

M. LAVOIE (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Nous pouvons inviter à la barre M. Gousse.

Groupe de maisons de recherche

M. GOUSSE: M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, je vous remercie de l'occasion qui nous est accordée de discuter avec vous de la publication des sondages électoraux. Je suis convaincu que votre intérêt sera très grand. Je voudrais corriger le tir du président de l'Assemblée qui, ce matin, mentionnait que c'était un mémoire présenté par moi et le président de CROP. Notre mémoire, dont vous avez une copie, j'imagine, entre les mains, est un mémoire qui a été endossé par neuf organismes de recherche de Montréal, plus deux individus.

J'aimerais vous présenter, d'ailleurs, les membres de la délégation qui ont endossé le mémoire et qui sont ici présents. Je vais commencer par la gauche: Paul Danvoye, du groupe de sondage et de recherche de l'Université du Québec, à Montréal; Jacques Goulet, du même groupe; Yvan Corbeil, président du Centre de recherche sur l'opinion publique. A ma droite, Denis Fagnan, chercheur à l'Université de Montréal, au département de sociologie, et à ma droite immédiate, Soucy Gagné, président de SORECOM. Je suis Claude Gousse, de Multi-Réso.

Comme vous le savez, il y a également d'autres organismes qui ne sont pas représentés ici et qui ont également endossé le mémoire. Je voudrais mentionner, par exemple, les organismes suivants: Multi-Services professionnels, Robert Pelletier; Denyse Fortin-Bouchoux, Recherches en communications de masse du Québec Inc., Jean-Claude de Brouwer, Plurimar; Laurent Bastien, qui travaille à Market Facts; Murray Glow, pour Applied Research Associates. En définitive, je voudrais également vous faire part de l'endossement de ce mémoire par le président de la Corporation des psychologues du Québec. J'imagine que vous avez entre les mains la copie de la lettre de M. Courval.

UNE VOIX: Oui.

M. GOUSSE: Est-ce que la lettre a été distribuée aux membres?

M. HARDY: Je ne sais pas si elle a été distribuée, mais je l'ai vue aux archives de la commission.

M. GOUSSE: Si vous voulez, M. le vice-président, je vais vous lire la lettre. De cette façon, vous en connaîtrez la teneur. Cette lettre était adressée à M. Desmeules: "Cher monsieur, nous vous saurions gré de bien vouloir enregistrer l'appui officiel de notre chambre professionnelle au mémoire sur les sondages électoraux présenté par des maisons de recherche psychosociale appliquée. Après avoir participé aux réunions d'étude qui ont précédé la rédaction du mémoire et pris connaissance de la version finale du document, la Corporation des psychologues de la province de Québec souscrit pleinement aux principes qu'il énonce et aux recommandations qu'il soumet au gouvernement. Veuillez agréer, cher monsieur, l'expression de mes sentiments distingués. Jean Cour-val, président.

Vous avez reçu aussi, j'imagine, la lettre de CROP endossant le présent mémoire. Encore là, je vais me permettre de la lire assez rapidement: "Messieurs les membres de la commission, il me fait plaisir de vous dire que CROP Inc., endosse entièrement le contenu du mémoire ci-joint qui vous est remis par quelques membres de notre profession. J'espère qu'un jour les membres de notre profession accepteront aussi de déposer auprès du président des élections du Québec les données brutes des sondages d'opinion qui auront été publiés, avec tous les documents pertinents permettant de juger de leur valeur. Veuillez, messieurs, agréer tous nos remerciements pour votre consultation. Yvan Corbeil, président."

Le point que je voudrais souligner ici, c'est le mémoire d'un groupe de praticiens pour qui les sondages d'opinions électorales ne sont qu'une tâche parmi la recherche sociale appliquée. Ce n'est donc pas un mémoire d'un individu. C'est un mémoire qui a été constitué après plusieurs rencontres. Une fois que nous avons pris connaissance de vos préoccupations dans ce domaine, nous nous sommes réunis à plusieurs reprises, à Montréal, afin de soumettre nos points de vue sur une éventuelle loi — si vous y songez — en matière de publication des sondages électoraux, parce que nous parlons de publication des sondages électoraux.

Ce point étant établi, pour nous rafrafchir la mémoire, j'aimerais beaucoup que M. Corbeil lise le mémoire. Ensuite, nous pourrons engager la discussion sur la teneur du mémoire.

M. CORBEIL: Messieurs, préoccupés que nous sommes par la recherche sociale appliquée dans les sondages électoraux, nous vous soumettons ce mémoire pour suggérer des recommandations au législateur. Conscients que nous sommes des conséquences d'une éventuelle loi en matière de publication des sondages politiques, nous nous en tenons à ce niveau, bien que nous croyions que toute une politique scientifique soit ici en cause.

A) Principes. Les sondages politiques existent depuis longtemps et ont constitué jusqu'à récemment une pièce d'information pour l'appareil d'un parti politique en vue d'une élection. Le phénomène récent au Québec a été la publication de ces sondages comme information à divulguer au public. Nous croyons que la

publication des sondages politiques doit continuer parce qu'elle constitue une source d'information politique capitale en régime démocratique. Toutefois, comme le droit distingue le libelle de l'information, aussi faut-il distinguer les sondages scientifiques des pièces de propagande partisane soi-disant basées sur des enquêtes d'opinion. Le public doit pouvoir distinguer lui-même l'information de la propagande afin de mieux exercer son activité démocratique.

De plus, nous croyons que tout sondage doit tenir compte d'une certaine méthode pour obtenir des faits. Certaines règles méthodologiques sont requises pour fabriquer un sondage et éviter de tomber dans la propagande. Nous présentons donc nos suggestions dans le but d'adopter des mesures législatives qui auront pour conséquence de faire respecter les droits du public à une information exacte, lui permettant d'apprécier la qualité des standards à partir desquels ces sondages ont été effectués.

B) Définitions. 1) Sondages politiques. Nous entendons par sondages politiques toute enquête ayant recueilli auprès d'une population ou d'une partie de cette population les préférences partisanes, les intentions de vote et les motivations ou attitudes à la base des adhésions à un parti politique ou à l'un de ses candidats ou encore à des thèmes d'un programme politique. Ces sondages d'opinion sont ceux publiés à l'occasion des élections provinciales ou municipales, les élections provinciales complémentaires, les élections à la chefferie d'un parti politique provincial. Nous endossons la même chose pour les élections fédérales mais, ayant défini votre rôle au niveau provincial, nous nous sommes limités à la dimension provinciale.

M. PAUL: Vous m'excuserez, j'ai pensé, à un moment donné, que ça rentrait peut-être dans le cadre de l'anticampagne. C'est pour ça que je me suis permis de penser tout haut.

M. HARDY: Si je comprends bien, le mémoire a été rédigé avant que l'on n'entende parler d'anticampagne?

M.PAUL: Je comprends mais il est lu au moment où il y a une anticampagne tellement forte que je dois faire inscrire au journal des Débats, une fois de plus aujourd'hui, l'absence de tout député du Parti québécois à cette importante réunion de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale.

M. CORBEIL: Vous pouvez être assuré de notre position à cet égard, nous avons essayé plutôt de rester à l'intérieur de normes juridiques.

M. HARDY: Vous avez essayé d'être positif, non pas négatif, je veux dire anti.

M. LE PRESIDENT: Messieurs! M.CORBEIL: Ce sont aussi les études de popularité faites hors des périodes électorales dans lesquelles la population, ou une partie de celle-ci, exprime un jugement quelconque sur un parti politique ou sur le gouvernement. Enfin, nous comprenons également toute étude faite dans le même sens à propos d'un référendum. 2) Sondages électoraux. Nous entendons par sondage électoral tout sondage politique publié durant la période électorale.

La période électorale désigne la période de temps officielle précédant toute élection comme entendue plus haut.

Publication. Par publication, nous entendons toute diffusion publique, soit par les media d'information tels que quotidiens, hebdomadaires, revues scientifiques ou non, brochures à périodicité régulière ou non, télévision, film ou radio.

Relations entre le commanditaire et l'organisme de sondage en regard de la publication. Nous distinguons trois situations de publication. Le commanditaire est le diffuseur ou un ensemble de diffuseurs, alors il est clair pour la maison de sondage que les résultats seront publiés en totalité ou en partie. b) Le commanditaire n'est aucunement un organisme de diffusion mais décide lui-même de transmettre la totalité ou une partie des résultats à un diffuseur. Il arrive très souvent que ce commanditaire prenne cette décision sans consulter ni informer l'entreprise de sondage. c) Le commanditaire n'est ni un diffuseur et n'entre pas lui-même en contact avec l'un des diffuseurs. Toutefois, une fuite organisée ou non permet à l'un des diffuseurs de prendre connaissance des résultats de sondage politique et d'en publier les résultats.

Ces trois situations de publication veulent démontrer que l'initiative de publication appartient le plus souvent aux diffuseurs et aux commanditaires qu'aux maisons de sondage et de recherche ou aux chercheurs eux-mêmes. En conséquence, nous estimons que ces trois situations doivent être comprises dans les mesures émises plus loin.

C) Recommandations. Nous proposons à cette commission de recommander au gouvernement d'exiger: 1) La présence des informations suivantes dans la publication écrite des résultats de sondage politique. La publication de ces informations doit se faire dans le voisinage immédiat des principaux résultats. Les éléments méthodologiques suivants doivent être publiés lorsqu'il s'agit des imprimés. a) L'échantillon. 1) La définition précise de la population étudiée; 2) La taille de l'échantillon; 3) Le mode de sélection des unités échantillonnales; 4) Les données sur les facteurs de pondération, s'il y a lieu; 5) Les substitutions de personnes, s'il y a lieu; 6) L'erreur d'échantillonnage en précisant le niveau de probabilité lorsqu'il est possible de le calculer; 7) Les taux de réponses et la procédure de rappel en incluant la non-réponse partielle, le refus de répondre et l'indécision quant aux questions

posées et dont on publie les résultats; 8) Les caractéristiques socio-démographiques usuelles, comme l'âge, le sexe, la langue parlée ou l'origine ethnique. Ces caractéristiques doivent être présentées avec des catégories compatibles avec celles des sources officielles de données statistiques. b) L'administration d'une entrevue. 1) L'énoncé exact des questions ayant conduit aux résultats publiés; 2) La version anglaise ou française des questions; 3) Les contrôles établis; 4) Le mode de cueillette d'information, soit par téléphone, à domicile ou par la poste; 5) La possibilité de mentionner le nom de l'entreprise responsable du sondage politique, à condition que celle-ci ait droit de regard sur la publication; 6) Les dates d'entrevues. Le diffuseur de l'imprimé doit indiquer où se trouve disponible le questionnaire, si celui-ci est trop long. Dans les autres cas, la séquence, y compris le numéro des questions, doit être publiée. Lorsqu'il s'agit de diffusion radiophonique, télévisée ou filmée, il devrait être dit d'une façon ou de l'autre par le diffuseur que les informations ci-haut mentionnées sont disponibles pour ceux qui en font la demande auprès du diffuseur. Nous soumettons également que les périodes de radio et de télévision mises gratuitement à la disposition des partis politiques provinciaux tombent entièrement sous le coup de cette éventuelle loi.

Que les président des élections du Québec, dans le cas d'élections provinciales, veille à l'application des normes de publication ci-haut mentionnées.

Ces suggestions touchent essentiellement la diffusion des résultats de sondages politiques. La production de ces sondages ne pourra que bénéficier de l'application de ces normes. Il y a assurément d'autres mesures qui favoriseraient l'épanouissement de la qualité dans la conduite de ces travaux de sondage. Les banques de données des sondages politiques en constituent un exemple. Toutefois, il nous semble que cette question relève d'une politique scientifique à élaborer au Québec, politique à laquelle nous, les sciences sociales appliquées, sommes disposés à contribuer. Merci beaucoup.

M. HARDY: M. Corbeil, si je comprends bien le sens de votre mémoire, vous seriez d'avis que les normes ou les exigences que vous proposez deviennent partie de la loi, que la loi électorale ou un autre loi prévoie qu'on ne puisse pas publier de sondages, à moins de respecter les normes que vous venez de mentionner?

M. CORBEIL: C'est juste.

M. HARDY: Vous étiez probablement ici ce matin, quelle est votre attitude face à ceux qui prétendent que ce serait là brimer ou atténuer de quelque façon le grand principe fondamental de la liberté, la liberté de presse entre autres?

Ce matin, j'émettais l'hypothèse de contrôler ou d'accréditer, mais là, dans votre mémoire, vous allez plus loin que cette hypothèse. Vous réglementez la façon de publier. En quelque sorte, vous réglementez dans ce domaine la liberté de presse.

M. CORBEIL: Nous recommandons, et je pense que ce que le mémoire dit n'est absolument pas différent du code d'éthique selon lequel nous travaillons, en tout cas moi, personnellement, au niveau de l'Association mondiale de la recherche sur l'opinion publique. Le même code d'éthique recouvre les principales recommandations de l'American Association for Public Opinion Research.

Sur ce que vous soulevez, je crois qu'il y a déjà des lois existantes dans le cas des médicaments et de certains produits alimentaires, qui obligent les fabricants à indiquer le contenu des produits qu'ils mettent sur le marché. C'est dans cet esprit que nous travaillons.

M. HARDY: Dans un autre ordre d'idées, quel est, selon vous... Oui, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. GOUSSE: Je voudrais préciser votre intervention de tantôt. Ce que nous demandons aux diffuseurs, c'est de publier les données méthodologiques, qu'elles soient erronées ou non. Nous ne précisons pas la bonne façon de faire un sondage. Nous demandons aux diffuseurs de nous donner les informations pertinentes à la conduite de l'étude.

M.HARDY: Vous m'amenez, par conséquent, à vous poser la question que je posais ce matin. Est-ce que vous seriez d'accord pour que l'on reconnaisse ou que l'on accrédite des personnes ou des organismes dans ce domaine ou qu'on laisse, comme c'est le cas actuellement, la concurrence ou la liberté absolue sans aucun contrôle de la qualité des personnes qui sont appelées à effectuer des sondages?

M. GOUSSE: Oui, il serait difficile, en tout cas à moins que vous expliquiez votre idée, votre pensée, de nous préciser sur quelle base vous allez faire cette accréditation. Est-ce que vous allez la faire sur la base des diplômes obtenus par les chercheurs? Est-ce que vous allez d'abord accréditer des chercheurs ou des compagnies de recherche? Est-ce que, d'autre part, vous allez pouvoir accréditer une façon de faire une recherche ou un sondage d'opinions politiques ou électorales qui soit bonne?

M. HARDY: Je n'ai pas réfléchi très longuement à ce problème, mais à première vue, ce qui me paraîtrait être — si jamais nous devions nous engager dans cette voie — valable, c'est, premièrement, avoir certaines exigences quant à la qualité des personnes. Cela peut être aussi bien un individu qu'un groupe d'individus. Il y a des

personnes qui peuvent travailler... Il y aurait, j'imagine, un minimum requis quant aux personnes qui travaillent dans ce domaine, un minimum d'expérience ou de connaissances. Deuxièmement, quant à la façon d'administrer ou de faire le sondage — et ce serait assez facile, il me semble, d'ailleurs vous le démontrez dans votre mémoire — il me semble que c'est assez facile d'établir des critères scientifiques universellement connus auxquels tout le monde devrait au moins souscrire.

Certains pourrait aller plus loin, mais il faudrait qu'il y ait un minimum de critères auxquels les gens qui veulent être accrédités devraient se soumettre quand ils font un travail.

M. GOUSSE: Dans le mémoire, nous ne suggérons aucune taille minimale qui soit correcte pour les échantillons. Nous ne disons pas que c'est 300, 1,000 ou 1,200.

M. HARDY: Mais cela ne se détermine pas? Les spécialistes ne peuvent pas déterminer que, pour tel genre de sondage, cela prend un minimum de tant?

M. GOUSSE: C'est très difficile

M. CORBEIL: Le problème est très complexe et chaque situation amène sa décision. Ce matin, la personne que vous avez interrogée n'a pas distingué entre deux concepts importants, la représentativité et la précision. Un échantillon peut être représentatif quand les unités qui le composent ont une égale probabilité d'être partie intégrante d'un échantillon. La précision c'est autre chose. On parlait de 2,000 à l'échelle de la population américaine qui est de 200 millions. Au Canada, au niveau de 20 millions, on pourrait travailler avec 2,000. Compte tenu du calcul des probabilités, la variance ou la marge d'erreurs, lorsque vous avez des résultats d'un échantillon d'une grandeur de 2,000, est plus petite. Disons que je vous pose la question: Etes-vous pour telle chose, oui ou non? Si vous avez 60 p.c. de oui et 40 p.c. de non, la marge d'erreurs ou la variance peut-être de 2 p.c. en plus ou en moins autour de 60 p.c. Cela veut dire que le résultat réel pourra varier entre 62 p.c. et 58 p.c. si vous prenez un échantillon de 5,000 ou de 10,000, votre variance ne sera à peu près pas changée. Il faudrait que vous tombiez maintenant dans des catégories de millions pour que cela change vraiment.

Si je parle d'un échantillon de 300, la représentativité peut être identique à celle où je vais prendre un échantillon de 200, mais la précision autour du oui, qui est 60 p.c. et 40 p.c. — encore le même exemple — pourrait être de l'ordre de 8 p.c, plus ou moins, ce qui donnerait 68 et 52.

Ici, pour encore vous compliquer la vie, il faut distinguer s'il s'agit d'un échantillon au hasard simple, d'un échantillon au hasard stratifié par aire et par grappe ou d'un échantillon au hasard stratifié. Et puis il y a plusieurs combinaisons. Alors la marge d'erreurs peut varier suivant les décisions qu'on prend. C'est un métier, c'est ce que nous essayons de dire, qui s'apprend en partie dans des écoles et en partie par la pratique. C'est un métier empirique et il faut plusieurs années pour l'apprendre. C'est comme en médecine, c'est comme dans des métiers professionnels. On ne peut pas facilement préciser si 300, 200 ou 50, c'est la bonne norme. Il faut juger. Pour juger, on a besoin de l'information. C'est dans ces termes, je pense, que se pose le problème.

M. LESSARD: Si vous me permettez, cela veut dire que vous n'êtes même pas capables de préciser des minimums. Si on veut avoir une représentativité de la population, il y a un certain nombre de critères sur lesquels il faut se baser. Sans préciser un nombre de personnes, en ce qui concerne l'échantillonnage, il faudrait au moins, par exemple, être capable de dire: Toute enquête devra être faite selon des critères bien caractéristiques qui, il me semble, sont précisés en science politique. On ne fait pas n'importe quelle enquête de n'importe quelle façon.

M. CORBEIL: C'est technique, le problème que vous soulevez. Une cellule de 50 unités, avec un échantillon au hasard simple, est acceptable. Si vous prenez un échantillon au hasard stratifié par aire et par grappe, c'est un minimum. Là-dessus, l'expérience, aussi, nous enseigne.

M. LESSARD: D'accord.

M. CORBEIL: C'est un métier dynamique le métier que nous pratiquons. Comme il y a peu de traditions, il faut les construire à mesure que nous travaillons.

M. GAGNE: Je pense qu'il faut revenir, peut-être, au sens réel de la proposition qu'on fait. On ne peut pas donner un cours sur toutes les exigences pratico-pratiques et théoriques de ce que nous mettons là-dedans. On ne peut pas y aller. On ne pouvait pas se permettre cela et c'était inutile. L'intention, derrière cela, est de dire ceci: Si on publie les sondages, qu'on nous donne des informations qui permettent au public en général ou à des spécialistes, si nécessaire, de porter un jugement valable sur leur qualité. Pour un produit pharmaceutique, il n'y a peut-être pas de normes très précises mais au moins les spécialistes peuvent réagir et, en un deuxième temps, dire au public: Ce que nous vous avons vendu là, ce n'est pas de qualité.

Ou encore nous, nous pouvons dire: Ce qu'on vous a donné comme information, compte tenu de la grandeur de l'échantillon, compte tenu de la représentativité, compte tenu de la précision et de tous les détails qui sont là, c'est ou ce n'est pas valable.

Cela permet d'engager un dialogue et d'é-

changer de l'information qui est réelle. Sans ces informations, on ne peut pas se faire de jugement, y compris les spécialistes. Sans de l'information qui tienne compte de normes aussi générales que ça, on ne peut pas commencer à discuter. On espère que c'est bon, un point c'est tout. On n'est pas éclairé. C'est le sens de notre proposition.

Quant à la deuxième partie qui traite des implications du point de vue de la loi, nous n'allons pas très loin, et pour cause, nous ne sommes pas des spécialistes à ce niveau. Nous vous disons: Vous êtes habitués à établir des normes, des institutions qui permettent de contrôler toutes sortes de choses. Cette connaissance, vous allez l'appliquer aussi dans le domaine des sondages. C'est seulement ça que nous disons, à toutes fins pratiques.

M. LESSARD: Comment la population pourra-t-elle juger d'un bon ou d'un mauvais sondage? Exactement comme elle peut juger d'un bon ou d'un mauvais remède. Il faut, quand même, qu'il y ait des critères minimums. Comme on sait que la population n'est pas spécialiste dans le domaine, il semble qu'il faut au moins s'assurer d'un certain minimum auprès des maisons qui font des sondages.

M. CORBEIL: Ce sont ces minimums-là que nous avons mis dans notre mémoire. Si on faisait ceci et si c'était consigné par le gouvernement de la province de Québec, nous aurions fait un énorme pas dans la recherche en opinion publique au niveau mondial. Je ne veux pas que nous soyons des pionniers par définition, mais je peux vous dire que ça serait sûrement une contribution. Je peux aussi ajouter, dans ce sens, que je pense que la communauté à laquelle j'appartiens épaulerait cette situation.

M. GAGNE: Pour répondre de façon peut-être plus directe à votre question, quand, dans un sondage, vous donnez l'erreur d'échantillonnage, autrement dit le résultat obtenu avec l'écart, le degré de précision, vous lui donnez une information, à mon sens, qui lui permet de porter un jugement.

S'il sait que 58 p.c, ça peut être 50 p.c. ou 66 p.c, il voit bien qu'il y a pas mal de jeu dans le pourcentage qui est donné. Mais, si vous lui dites que ça varie entre 56 p.c. et 60 p.c, il voit très bien quel degré de crédibilité il peut avoir.

Si la maison de sondages donne ceci et que, par ailleurs, elle donne d'autres informations qui nous permettent, à nous les spécialistes, de dire qu'elle s'est trompée, au moins nous avons l'information pour rétorquer.

M. LESSARD: Les spécialistes.

M. GAGNE: Les spécialistes, d'une part, mais aussi les gens qui ont appris à lire les sondages. Il y a plus que ça. Je ne pense pas que celui qui achète un médicament soit toujours en mesure de savoir ce que c'est. Si, au moins, c'est écrit, il peut aller consulter quelqu'un. C'est très important, cette information minimum sur ce qu'il achète.

M. GOUSSE: II existe des leaders d'opinion qui peuvent éclairer la population sur la valeur d'un sondage, au moins sur les informations méthodologiques qui y apparaîtront. Prenez les sondages Gallup qui paraissent régulièrement dans le journal La Presse; vous ne pouvez jamais juger de la qualité de ces sondages d'opinion. Vous n'avez aucune information méthodologique. Ne venez pas me demander ce que ça vaut, je vous répondrai: rien.

M. GAGNE: Vous ne pouvez même pas vous adresser à un spécialiste pour demander la valeur de ça.

M. LESSARD: Pour ça, je suis d'accord.

M. CORBEIL: Je voudrais sur Gallup faire une nuance. Je voudrais dire que c'est l'Institut canadien d'opinion publique qui est responsable de la parution des résultats des sondages Gallup, ici au Canada. Ce n'est pas Gallup. M. Gallup a lui-même appliqué à l'échelle internationale, en commençant aux Etats-Unis, les critères de parution des résultats de sondages que nous voulons, nous, inscrire dans la province de Québec.

M. GOUSSE: M. Gallup, en d'autres termes, ne fait pas les sondages qui portent son nom au Canada.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. Corbeil, au nom des différentes maisons qui sont représentées et dont vous êtes le porte-parole, pourriez-vous nous dire si vous désirez une loi concernant les sondages politiques et, si oui, pourquoi?

M. CORBEIL: C'est sur la publication des résultats de sondages.

M. PAUL: C'est un peu sur l'étiquette, comme des remèdes à la pharmacie.

M. CORBEIL: Exact.

M. PAUL: C'est l'étiquetage de la bouteille.

M. CORBEIL: Exact. C'est à l'intérieur de cette...

M. PAUL: Qu'importe ce qu'il peut y avoir dans la bouteille?

M. CORBEIL: Exact.

M. LESSARD : Avant qu'elle soit dans la bouteille...

M. PAUL: C'est donc dire que, qu'importe la valeur du sondage, il en faut, il faut que ce soit publié.

M. CORBEIL: C'est un autre problème, à mon avis. Un autre pourrait en parler. Je ne suis pas le porte-parole exclusif du groupe qui est ici.

M. PAUL: Alors, faites-moi part de vos opinions personnelles puisque vous semblez un homme averti dans le métier.

M. CORBEIL: L'important est de pouvoir juger de la qualité du produit.

M. LESSARD: Même s'il est empoisonné.

M. CORBEIL: Si vous vivez dans une atmosphère où il y a du poison, si vous avez des plantes qui sont un poison, il s'agit de le savoir. Je pense que si on est capable d'identifier quelle plante est un poison, à l'aide de normes, nous pourrons revenir à la charge et aviser en conséquence de ne pas se frôler à cette plante ou de ne pas l'ingurgiter.

M.PAUL: Ne croyez-vous pas qu'il serait plus nécessaire d'empêcher la diffusion du poison plutôt que de trouver l'antidote?

M. GAGNE: Je trouve que l'utilisation du mot poison gauchit la discussion. Je pense que le public a autant droit d'exprimer son opinion que n'importe quelle personne prise individuellement. Je pense qu'un groupe a autant droit de s'exprimer.

Le sondage, c'est la population qui s'exprime à travers...

M. PAUL: ... droit de prétendre qu'il a le monopole de la vérité?

M. GOUSSE: Puisque c'est lui qui va voter, c'est lui qui peut s'exprimer?

M. GAGNE: II n'est même pas question de vérité; il y a expression d'opinion sur différentes questions.

M. PAUL: Vous allez admettre, par exemple, que le sondage publié doit être conforme aux faits recueillis.

M. GAGNE: Exactement. M. CORBEIL: C'est ce que nous disions.

M. GAGNE: C'est ce que nous voulons et désirons, même si...

M. LESSARD : Ce n'est pas ce que vous voulez. Selon vous, même si les faits ne sont pas exacts, même si ce n'est pas fait selon des critères scientifiques, l'important est que ce soit publié dans le journal et que ce soit précisé que ce n'est pas fait selon un échantillonnage en vertu de telle caractéristique. La façon dont l'enquête est faite, vous ne vous en préoccupez pas. L'important, ce que vous exigez, c'est que le journal soit obligé de dire de quelle façon cela a été fait; même si ç'a été mal fait, qu'il le dise. Mais la population n'est pas spécialiste dans le domaine et est plus ou moins capable de juger.

M. CORBEIL: Dans la province de Québec, depuis cinq, six ans, chaque fois qu'il y a eu des critiques à l'égard des sondages, on a défendu des points et on a explicité des situations. Les gens ont même changé de politique. Il y a des gens, dans certains journaux, qui ont changé de politique à l'occasion de certaines critiques. Je pense qu'il ne faut pas perdre ça de vue aussi, c'est que la compétence s'impose d'elle-même à un moment donné.

M. PAUL: Est-ce que ces sondages sont nécessaires dans une saine démocratie?

M. GAGNE: Ils sont essentiels.

M. CORBEIL: Vous, qu'est-ce que vous en pensez?

M. PAUL: Je ne suis pas ici pour répondre, en Chambre je répondrai. Pour le moment, je voudrais savoir..

Je suis en cogitation, je cherche la lumière et j'espère que vous allez être ce Diogène qui va me l'apporter.

M. CORBEIL: Je crois que le public a le devoir et le droit d'apprendre à se connaître comme public.

M. PAUL: A le devoir ou a le droit. Placez-vous sur le même pied le terme "devoir" et le terme "pouvoir"?

M. CORBEIL: Devrait avoir... M. PAUL: Ah, très bien!

M. CORBEIL: ... la possibilité de se connaître comme public et de réagir comme public. Je pense que c'est un droit. Vous avez le droit de vous regarder, comme individu, en face. Je pense que les collectivités devraient avoir le droit de pouvoir le faire comme collectivité. De cette façon, quand je parle ainsi, je ne parle pas exclusivement pour les sondages en période électorale, je veux dire en toute situation. La population ou le public devrait utiliser les résultats de sondage comme un miroir dans lequel elle se regarde pour prendre la décision de continuer à être comme elle est, ou de changer.

M. PAUL: Ce sondage, une fois effectué, devient de la nouvelle lorsqu'il est promulgé ou lorsqu'il est dévoilé. Vrai ou faux?

M. GOUSSE: C'est une information à donner au public. C'est une information comme un autre type d'information.

M. PAUL : C'est de la nouvelle.

M. GOUSSE: C'est comme la déclaration d'un ministre ou d'un candidat dans une course électorale. Il faut bien distinguer, il y a un danger de restreindre la discussion au terme uniquement de sondage d'opinion ou d'intention de vote en période électorale. Il y a aussi des sondages qui peuvent être faits sur les images des chefs de parti politique en présence. Il peut y avoir des études faites sur des thèmes électoraux comme: Qu'est-ce que vous pensez des 100,000 emplois? Vous touchez alors à des problèmes politiques, vous en convenez. On doit aussi apporter une lumière sur ces types d'études qui sont différents des types d'études d'intention de vote.

M. PAUL: Dans votre mémoire, à la page 1, au dernier paragraphe, vous insistez surtout sur le fait que le public doit pouvoir distinguer lui-même l'information de la propagande afin de mieux exercer son activité démocratique. Quels sont les éléments de base qui vont aider le public à faire cette différence entre l'information et la propagande? Est-ce que l'on doit nécessairement trouver réponse à la page 2, premier paragraphe, ou si, pour le commun des mortels, vous ne pouvez pas nous donner certaines raisons ou distinctions qu'il serait utile pour le grand public de savoir ou de connaître?

M. FAGNAN: Je pense qu'on peut retrouver la distinction de base avec la présentation des sondages qui a été faite ce matin. Au moment où vous avez un sondage fait, premièrement, par CROP, c'est quand même une maison spécialisée là-dedans et qui respecte, dans son activité professionnelle un certain nombre de critères scientifiques; deuxièmement, vous avez un sondage fait par le Parti conservateur lui-même, et troisièmement, vous avez un sondage fait par des journalistes à partir de leur bureau. Vous êtes en présence de trois types de sondages différents. Au moment où vous faites référence au bas de la page 1, où on dit que le public doit pouvoir distinguer lui-même les parties du texte qui suivent et qui se rapportent à la méthode ont justement pour but de dire: C'est un sondage scientifique sur lequel on peut se fier et quant à l'autre, on ne peut pas. On aura beau dire que le Parti conservateur va remporter une victoire éclatante ou que le Crédit social est en train de faire une percée dans tel ou tel coin, selon la méthode qu'on aura appliquée, on pourra s'y fier ou non. Dans notre mémoire, nous disons qu'il y a certains éléments de base qui, avec une tradition... c'est sûr que si on regarde depuis cinq ans les informations méthodologiques sur lesquelles vous pouvez vous fier, ou moi je peux me fier, n'abondent pas.

M. PAUL: C'est la source d'information qui va en faire une information de valeur ou pas?

M. CORBEIL: Oui. C'est un des critères que nous suggérons.

M. FAGNAN: De toute façon, je pense qu'il y a une distinction fondamentale et on la fait lorsqu'on parle des commanditaires et des diffuseurs. Nous, actuellement, dans le fond, nous émettons un point de vue de producteur. Nous vous mentionnons les standards que nous respectons quand nous faisons un sondage électoral ou un autre type de sondage. Mais ce dont on se rend compte, c'est que même si on fait ça, même si on travaille à tour de bras et qu'on donne le meilleur de soi-même pour réaliser un sondage qui a de l'allure, lorsqu'on lit la Gazette, le Devoir, le Soleil, Montréal-Matin, on ne retrouve plus le produit qu'on avait fait. On a 58 p.c. des gens qui vont dire que le chômage est un problème important, mais par contre, on oublie de dire que ces 58 p.c. vont varier de plus ou moins 18 p.c., ce qui peut impliquer que c'est le problème de l'inflation ou du logement qui, lui, est situé à 52 p.c. et qui peut monter aussi jusqu'à 62 p.c. Donc, il y a des éléments de cette nature qui — en tout cas, moi je le pense — doivent créer une tradition, et là-dessus c'est le diffuseur qui est pris d'une certaine façon avec ce problème. Je voudrais ajouter une parenthèse sur la nécessité du sondage. Je pense qu'un sondage, ce n'est pas nécessaire, c'est essentiel.

Dans la tradition de la vie politique, il y en a toujours eu des sondages, scientifiques ou pas, et même si on interdit la publication de sondages scientifiques, ce à quoi on va en arriver — et là j'émets une image négative de la situation — c'est à une manipulation de l'information. C'est-à-dire qu'il y a des gens dans des positions stratégiques, des organisateurs d'élection, des organisateurs de comté, des chefs d'organisation qui vont savoir, eux, comment le public s'oriente au niveau des thèmes politiques, au niveau des intentions de vote, et le public ne le saura pas, il va se faire charrier. On l'a vu avant que la tradition s'inscrive dans nos moeurs électorales depuis cinq ou six ans. Il y en avait, des sondages électoraux, mais ils ne sortaient pas. Les gars se promenaient avec ça dans leurs poches, disant: On les a, on a le papier, c'est telle firme qui l'a fait puis on vous l'assure.

Personnellement, je leur accorde autant d'importance, sinon plus d'importance qu'à un discours de M. Trudeau, de M. Bourassa ou de M. Cournoyer dans le sens que le discours qu'on va faire, pour moi, est aussi important qu'un

résultat de sondage d'opinions. Les deux s'équivalent dans le fond. Ils n'ont pas le même contenu, ils n'ont pas le même objectif, et je ne pense pas qu'il faille avoir peur des sondages. Cela fait peur parce que c'est la première fois qu'ils nous pètent dans la face, on ne sait plus trop qu'en faire. Je pense qu'il va falloir apprendre à vivre avec eux. Dans le sens où M. Corbeil le disait tantôt, si vous êtes ici à l'Assemblée nationale, c'est parce qu'il y a une vie collective qui existe. Cette collectivité a le droit, en tant que collectivité, d'avoir une image d'elle-même à certains moments, comme le sondage de CROP sur l'élection fédérale, il y a dix jours. A ce moment-là, on savait ce qui se passait.

Hier, on a eu un autre son de cloche dans le Montreal Star avec Pinard. A ce moment, c'était telle situation, et cette évolution de la pensée collective au niveau du problème du vote ou d'un scrutin électoral est à mon sens primordiale, vitale. Au moment où on reconnaît à une collectivité son existence, il faut lui donner les moyens de vivre. L'image collective en est un.

M. PAUL: A la page 3 de votre mémoire, vous nous parlez des différentes situations de publication. A la page 4, on trouve le paragraphe c) qui se lit comme ceci: "Le commanditaire n'est ni un diffuseur et n'entre pas lui-même en contact avec l'un des diffiseurs; toutefois, une fuite organisée ou non, etc."

Alors, pourriez-vous nous dire comment fonctionne une fuite organisée ou non dans le cas d'un sondage politique, par une maison sérieuse comme celle que vous représentez aujourd'hui?

M. CORBEIL: Une fuite organisée ou non!

M. PAUL: Oui, je lis cela.

M. CORBEIL: Oui, moi je peux parler...

M. PAUL: C'est pour savoir si les méthodes que vous employez sont celles que je connais.

M. LESSARD: Vous avez beaucoup d'expérience dans le domaine?

M. PAUL: Ah oui! Cela fait plus longtemps que vous que je suis en politique.

M.LESSARD: Vous avez eu le temps de vous pourrir. Nous, pas encore.

M. PAUL: Ah, Seigneur! A votre contact, je pourris bien plus vite. Continuons. Vous savez, ce n'est pas le temps qui fait pourrir; ce sont les occasions.

M. CORBEIL: Certaines expériences que nous avons eues se résument à peu près à ceci. Nous avons remis des résultats de sondage à des groupes de personnes. Par le fait même qu'il y a, dans des groupes, des intérêts divergents ou qu'il peut y en avoir, les indices ou les informations que nous avons pu obtenir laissent entendre que, la plupart du temps, les fuites — c'est là qu'on dit organisées ou non — viendraient de l'intérieur de ces groupements.

M. PAUL: C'est par le canal d'espions.

M. CORBEIL: Je ne sais pas comment on peut appeler cela, mais, quand quatre de nos clients reçoivent des résultats de sondage, c'est à ce niveau qu'il y a des fuites, organisées ou non.

M. PAUL: Que la fuite se fait.

M. CORBEIL: Je vous cite des cas, c'est tout. Je n'en sais pas plus.

M. HARDY: II n'y a vraiment pas de danger de fuite, en général, de la part des maisons sérieuses. Supposons que je confie un sondage à une maison bien connue, je peux être tranquille, il n'y a pas de danger.

M. CORBEIL: Chaque maison a sa propre politique sur cette situation. Je pense que nous sommes autant professionnels dans notre milieu que les avocats le sont.

M. HARDY: Sauf que les avocats ont un code d'éthique assez rigide et, s'ils le transgressent, ils peuvent...

M. CORBEIL: Est-ce que vous pensez que, si nous transgressons le code d'éthique, nous allons exister encore demain matin pour le client qui nous a confié un travail?

M.HARDY: Evidemment, si vous le transgressez trop souvent et si cela se sait...

M. CORBEIL: Est-ce que vous pensez que, dans le milieu ici, au nombre que nous sommes, cela ne s'apprendra pas très vite?

M. FAGNAN: J'ai l'impression que c'est difficile de répondre par un oui ou par un non très net à la question qui est posée. D'abord, c'est une question difficile, car qui peut promettre, avec le maximum de garanties, qu'il ne se produira pas quelque chose? Cela peut être complètement par inadvertance qu'un papier est oublié à un endroit. Cela peut arriver. Par contre, une maison sérieuse est toujours dans un rapport de confidentialité avec son client, surtout à ces niveaux. Il y a déjà un état d'alerte qui est créé et il en va de sa renommée. Donc, on peut penser que c'est par ce processus d'autocensure, à mon sens, qu'on en arrive à être très très prudent.

Il y a des mécanismes où on confie la responsabilité du sondage à une personne seulement à l'intérieur du bureau. Il y a parfois des

locaux spéciaux pour consigner les questionnaires. Il y a une quantité de choses qui se font de façon à réduire les probabilités de diffusion. Mais une garantie absolue, je ne pense pas que cela peut être promis.

M.CORBEIL: II existe, ici, depuis des années, des doutes à ce sujet, à l'égard des gens du milieu. A cela, nous n'y pouvons rien.

M. HARDY: Vous voulez dire qu'à l'intérieur de votre profession vous avez des gens sur lesquels vous avez des soupçons?

M. CORBEIL: Non. Ce que je dis, c'est que certaines clientèles, à nous ou d'en dehors, parce qu'elles ne veulent pas venir nous voir, vont à l'extérieur de la province ou du pays pour faire faire des études.

C'est une observation que nous avons tous faite.

M. HARDY: Vous voulez dire un peu comme une partie du public qui est soupçonneux à votre endroit comme il y en a qui le sont vis-à-vis des avocats.

M. LE PRESIDENT (Giasson): Le député de Beauce.

M. PAUL: Excusez-moi. Est-ce que vous me permettez de...

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. Je reconnais le député de Maskinongé.

M. PAUL: A la page 5 du mémoire, vous nous donnez certains critères qu'on devrait retrouver dans l'échantillonnage qui pourrait être fait. A cinquièmement, je lis: "... les substitutions de personnes, s'il y a lieu." Pour-riez-vous préciser votre pensée quelque peu là-dessus? Est-ce que vous voulez dire que vous changez d'enquêteur ou si, à défaut de parler au chef de famille, vous parlerez à l'épouse? Qu'est-ce que ces mots veulent dire exactement?

M. DANVOYE: La substitution de personnes peut venir effectivement d'une grille de sélection familiale à un certain moment. C'est pour cette raison que sont aussi mentionnés les facteurs de pondération un peu plus loin. Cela peut aussi venir d'une personne qui n'est pas là ou qui ne figure plus sur le lieu, qui est déménagée ou toutes sortes de trucs du genre. Or, si on a un quota échantillonnant, il s'agit de remplir ce quota. H existe des tables de vérification de la validité du remplacement de cette personne, mais cela change l'évaluation du facteur global à un certain moment.

M. PAUL: Pour compléter le quota.

M. DANVOYE: Oui. Si vous avez à répondre à un quota, votre estimation du phénomène dans la population variera, la façon de calculer variera s'il y a des substitutions de personnes.

M. PAUL: Je voudrais être bien objectif et je ne voudrais pas que ma question soit reçue comme étant de la malice de ma part. II y a des gens qui prétendent que la publication des sondages politiques a pour effet de désintéresser davantage la population au jour du scrutin. Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires là-dessus?

M. DANVOYE: Je peux répondre à cette question. M. Corbeil pourra répondre par la suite. Sur la situation québécoise, nous n'avons pas d'étude comme telle de faite sur l'influence de la publication des sondages sur les comportements électoraux ou sur la participation électorale. Il y a des études qui ont été faites aux Etats-Unis, je pense, en particulier en Californie. Les bureaux de scrutin ferment à huit heures dans l'Ouest américain et, à partir de trois heures, les gens de l'Ouest reçoivent les résultats des élections de l'Est. Il y a des études qui ont été faites sur l'effet de cette publication des résultats et non pas des sondages sur le comportement électoral. En ce qui concerne la participation électorale, il n'y a pas d'influence comme telle, c'est-à-dire que les gens ne vont plus voter ou moins voter qu'avant d'avoir pris connaissance de cette publication des résultats.

M. PAUL: Est-ce que vous accepteriez une certaine restriction quant à la période de publication de ces sondages, comme, par exemple, cette disposition que l'on retrouve dans la Loi électorale à l'effet que, dans les 48 heures qui précèdent la votation, aucun programme politique, soit à la télévision ou à la radio, n'est permis? Est-ce que vous accepteriez qu'aucun sondage politique ne soit publié dans les 48 heures précédant la votation? Et pourriez-vous soutenir votre opinion, si elle est dans l'affirmative ou dans la négative?

M. CORBEIL: Je dis à nouveau ce que Claude a dit tout à l'heure. Du point de vue des effets dans la province de Québec et au Canada, nous n'avons pas d'étude et nous ne pouvons pas répondre empiriquement à cette question. Aux Etats-Unis, je pense que le cas que Claude a cité est pas mal draconien parce que ce sont les résultats mêmes des élections qui sont diffusés dans l'Est. Comme il y a une différence de trois heures dans le fuseau horaire et qu'en plus les bureaux de scrutin ferment à 8 heures dans l'Ouest, cela donne une période de cinq heures pour connaître les résultats dans l'Est.

Les études qui ont été faites sur cette question, au moment de l'élection de Nixon et de Kennedy, au moment de Humphrey et de Nixon et au moment de Johnson et Goldwater, études qui ont été faites par des hommes de recherche comme Crespi, Mendelsohn, Green-berg, les Lang sous la commandite de CBS, de

ABC et de NBC montrent, actuellement, qu'il n'y a aucun effet sur le comportement politique des électeurs. Les indécis qui apprennent les résultats ne sont pas plus influencés que les gens qui avaient décidé de ne pas aller voter ou qui avaient décidé d'aller voter. Tous ces facteurs n'ont pas d'effets nets dûs à la connaissance des résultats d'élections dans l'Est.

Me basant là-dessus, je ne vois pas pourquoi il y aurait des restrictions de 48 heures ou de 24 heures pour la parution des résultats de sondages dans les journaux au moment d'une élection. C'est mon opinion personnelle. Je ne veux pas engager mes collègues sur cette question.

M. PAUL: Conviendrez-vous qu'aux Etats-Unis le jeu des élections préliminaires peut grandement influencer la population?

M. CORBEIL: Voulez-vous dire ce qu'on appelle les "primaries"?

M. PAUL: Oui. Cela a son effet, les "primaries".

M. CORBEIL: A quoi vous référez-vous?

M. PAUL: II y a un certain pourcentage de la population qui est pressentie, qui est prévenue, qui est orientée par suite du résultat des "primaries".

M. CORBEIL: Les "primaries" varient d'un Etat à l'autre, c'est-à-dire que les règles qui gouvernent les "primaries", aux Etats-Unis, ne sont pas les mêmes, comme vous le savez, dans chacun des Etats. Dans certains Etats, tous les membres de tous les partis politiques peuvent être appelés à élire les gens qui se présentent aux "primaries". Dans d'autres, ce n'est pas le cas. Je pense qu'il faut nuancer la pensée parce qu'il n'y a pas de cas identiques.

M. PAUL: Mais cela précède toujours les sondages.

M. GAGNE: Je dirais que c'est une question de jugement pratique. Le problème que vous soulevez, il se peut qu'il se produise dans des circonstances bien particulières, l'issue de l'élection étant très très contestée. On peut être dans un climat social très particulier et cela peut poser toutes sortes de problèmes qu'on ne peut pas appréhender ici. Alors je resterais un peu dans la position qu'Yvan soulignait tout à l'heure, à savoir que, ne le sachant pas, je pense qu'il faut faire de l'investigation. C'est un domaine où les chercheurs devront apporter d'autres contributions avant qu'on se fasse une idée.

Pratiquement parlant, devons-nous avoir une attitude conservatrice ou plutôt ouverte là-dessus? C'est un jugement pratique à poser. Certains diront qu'ils n'y voient pas de difficultés, comme moi j'ai tendance à le faire. D'autres diront qu'il vaut mieux être plus prudents et limiter cela à deux jours, à condition qu'il y ait une loi qui puisse être respectée dans ce sens.

M. CORBEIL: Je concours à la position de mon ami Soucy.

M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez de remercier, en mon nom et au nom de mon parti, messieurs les spécialistes pour la qualité de leur mémoire, qui a retenu notre attention, et pour l'objectivité avec laquelle ils ont traité de ce problème délicat. Veuillez croire que les renseignements que vous nous avez transmis nous seront fort utiles. Peut-être — j'en suis convaincu — nous aideront-ils à mieux comprendre l'objectivité des sondages politiques.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Je voulais demander aux représentants ce qu'ils pensent de la possibilité ou de la non-possibilité de divulguer le nom du commanditaire lors de la publication d'un sondage. Est-ce que c'est préférable de dire qui l'a commandité? Ou est-ce préférable de garder le nom du commanditaire confidentiel?

M. CORBEIL: Nous, c'est notre politique, pour des raisons scientifiques et aussi par respect pour nos clients, de ne pas divulguer leur nom. Quand je dis pour des raisons scientifiques, c'est que, lorsque nous allons poser des questions, la connaissance du nom du client pourrait avoir un effet insoupçonné, un effet sur la façon dont les personnes pourraient nous répondre.

Si je comprends bien votre question, moi je m'oriente vers la position suivante, en accord avec plusieurs de mes collègues américains. Quand je signe des contrats avec les clients, j'y inclus que, si les résultats sont divulgués en partie seulement, je me réserverai le droit de les divulguer en entier.

M. ROY (Beauce): A ce moment-là...

M. CORBEIL: A ce moment-là le client, en donnant le résultat, risque de se révéler lui-même.

M. ROY (Beauce): Je pense qu'on cherche une formule —je m'interroge là-dessus — pour tenter d'augmenter la crédibilité d'un sondage préélectoral, parce qu'on veut en quelque sorte garder le caractère confidentiel du commanditaire. C'est un peu la question que je me pose, et je pense que je ne suis pas le seul à me la poser.

Une deuxième question dans le même sens. Je ne parle pas du moment où les personnes sont interrogées, mais de la publication du sondage. Voici un sondage commandité par le Parti progressiste conservateur, le Parti libéral,

le NPD, le Crédit social, n'importe quel groupement politique ou encore commandité par l'Association des journalistes, etc. Lorsqu'une personne est payée par quelqu'un, c'est normal et naturel, pour chaque citoyen, de travailler un peu dans l'intérêt de ceux qui nous paient.

Lorsqu'on dit qu'un sondage est commandité par le Parti conservateur, il est évident que l'opinion publique ne le commentera pas, ne l'interprétera pas de la même façon que si le sondage est commandité par le Parti libéral, ou vice versa.

M. CORBEIL: La CEQ nous a demandé de faire un sondage pour elle au moment des négociations, du problème des enseignants avec la fonction publique. La CEQ a publié les résultats en disant que c'était elle qui avait commandité l'étude. La Commission de la fonction publique a aussi commandé une étude et elle a donné les résultats en s'identifiant. Dans les deux cas les gens se sont identifiés.

M. ROY (Beauce): Je trouve que cela a été même très bien, parce que la population a su à quoi s'en tenir. Je pense que ce serait peut-être un moyen d'augmenter la crédibilité des sondages. Je me pose aussi une autre question. Je m'excuse; vous aviez peut-être quelque chose à ajouter?

M. CORBEIL: Ce que je voulais dire, c'est que la Presse et le Devoir, qui ont été nos clients, ont été très explicites. Pour autant que je suis concerné dans la diffusion des résultats de sondages, les gens ont très bien agi à ce point de vue. Pour autant que CROP est concerné, cela ne me paraît pas être un véritable problème parce que ça se fait.

M. ROY (Beauce): Je me demande si c'est la même chose, mais, normalement, le commanditaire a toujours le droit d'imposer certaines conditions. Supposons, par exemple, que notre parti politique commandite un sondage chez vous. On dit: On veut avoir un sondage, par exemple, dans quinze comtés de la province de Québec et on détermine les comtés. Est-ce une chose qui peut se faire?

M. CORBEIL: Oui, vous pouvez le faire, mais moi, en tout cas, je vais vous donner mon avis comme professionnel. En dernière analyse, lorsque nous vous remettrons les résultats en conformité avec les ententes prises avec vous, nous allons vous dire ce que ça veut dire pour vous. Si c'est quinze comtés, ce sera représentatif de quinze comtés et non de 17.

M. ROY (Beauce): Le commanditaire en déterminant les comtés, naturellement, a tout de même une certaine opinion de base sur ces comtés. Il est évident que le commanditaire, qu'il soit libéral, NPD, créditiste ou conservateur, risque de ne pas demander le même sondage dans les mêmes régions. Etant donné que c'est lui qui paie, que c'est lui le commanditaire, il aimerait peut-être que telle ou telle question soit posée plutôt que telle et telle autre. Est-ce encore une chose possible?

M. CORBEIL: Vous parlez toujours de sondages qui ont pour but d'être diffusés?

M. ROY (Beauce): Oui, les sondages qui ont pour but d'être diffusés. Je pense qu'il y a deux façons de diffuser les sondages. H peut être diffusé par la firme elle-même ou par l'organisation centrale du parti. Ou encore, à un moment donné, il peut y avoir, comme mon collègue, le député de Maskinongé, le disait tout à l'heure, une fuite organisée au bon moment, au moment psychologique.

M. PAUL: M. le Président, je dois soulever une question de règlement. Je n'ai pas fait référence à des fuites organisées comme étant de mon cru. Le mémoire le mentionnait; ce n'était pas une idée personnelle que j'exprimais.

M. ROY (Beauce): Vous l'avez souligné, quand même.

M. PAUL: Oui.

M. ROY (Beauce): Je me réfère au mémoire, à la page 4, deuxième paragraphe.

M. GOUSSE: Pour répondre à votre question, si on parle de publication de sondages, à ce moment-là, on désire que le nom du commanditaire paraisse. De plus, on précisera justement la population étudiée dans la diffusion ou, au moins, la population accessible, si on parle de télévision et de radio. On définira les 15, 17, 22 ou 32 comtés en question. Tout ce qu'on veut, c'est que l'information soit disponible.

M. ROY (Beauce): Quelle serait votre attitude si le gouvernement présentait une loi en ce sens de façon à déterminer une réglementation concernant ces sondages politiques? Est-ce que vous y verriez un avantage ou si vous y verriez un danger?

M GOUSSE: Est-ce qu'on parle de la publication ou de la production des sondages?

M. ROY (Beauce): La production des sondages, la façon dont le sondage serait fait et la façon dont le sondage serait publié. Il y a tout de même le sondage lui-même, la publication du sondage et le rapport du sondage qui est fait après la compilation.

M. GOUSSE: Je ne vois pas comment vous pourriez légiférer en ce qui concerne la production d'un sondage. Est-ce que vous pouvez indiquer s'il existe une bonne façon de faire le sondage?

M. ROY (Beauce): Non, non, je vous pose la question. Je parle d'une certaine réglementation que le gouvernement fixerait, certaines normes.

M. GOUSSE: Ce serait très difficile en ce qui concerne la production des sondages, leur fabrication.

M. ROY (Beauce): Vous ne favoriseriez pas un genre de loi ou de réglementation de ce côté-là?

M. GOUSSE: Sur la production, non.

M. GAGNE: Le travail de type scientifique n'est pas habituellement régi par d'autres facteurs que par les normes de la profession. Je pense que quelqu'un a mentionné ça ce matin parmi vos collègues. C'est vraiment régi de l'intérieur. Quant à la publication, vous pouvez utiliser des normes spécifiques à la publication. Tout le centre de notre document est d'apporter des critères qui sont spécifiques à la publication. Je crois personnellement que le nom du commanditaire, lorsque c'est publié, doit apparaître, parce qu'il fait partie des variables qui peuvent influencer la nature des résultats et on a besoin de le savoir.

M. ROY (Beauce): Je pense qu'on se fait jouer un peu sur ce point. La dernière question que j'aurais à poser là-dessus, c'est que, s'il y a des normes de publication, — parce que je pense que les sondages sont toujours difficiles à vérifier dans leur teneur scientifique — c'est surtout sur la façon dont les sondages pourraient être compilés. Si vous faites un sondage à la première semaine d'une campagne électorale et si vous en faites un autre à la deuxième, un autre à la troisième, un chaque semaine, au dernier moment, il n'y a que le résultat de l'élection qui peut dire si votre sondage a été bon ou moins bon ou pas bon du tout. C'est seulement le dernier. Il y a quand même des variantes qui arrivent à la dernière minute. On dit que les partis politiques traditionnels sortent leurs cartes d'atout dans les dernières 48 heures. On a déjà vu le vent tourner dans telle ou telle direction, ce qui a fait que ceux qui avaient fait des sondages, même s'ils avaient toute l'objectivité possible, sont arrivés complètement à côté.

M. FAGNAN: On peut difficilement évaluer un sondage avec les résultats des élections. Si on se réfère au sens même d'un sondage, qui est la collection d'une information à un moment bien précis, on ne vise pas à prédire les élections avec un sondage. On vise à prendre le pouls d'une population à un moment donné et cette population évolue. On ne peut pas se servir du résultat des sondages comme étant un critère pour évaluer les sondages. Les critères ont été énumérés tantôt. Cela réfère à l'échantillonnage précisément et au mode d'entrevue avec les différentes sous-questions, et c'est là qu'on peut évaluer un sondage. Ce sont des critères internes. On ne peut pas mesurer un sondage avec les résultats des élections.

On peut comparer. Cela nous permet de voir, à l'intérieur d'une campagne de deux mois, comment les gens ont évolué, comment les indécis se sont partagés. On ne peut pas évaluer un sondage avec un résultat d'élection, ce n'est pas possible.

On met en présence deux éléments très distincts.

M. ROY (Beauce): Cela reste toujours indiscutable, parce qu'il n'y a aucune vérification possible.

M. FAGNAN: Bien non, ça ne demeure pas toujours indiscutable. Quand vous prenez le pouls d'une population, à un certain moment, vous arrivez à... prenons le cas des élections fédérales, 36 p.c. des gens, le 14 octobre, sont favorables au Parti libéral, c'est vrai au moment où le sondage a été fait. Deux semaines plus tard, vous allez vous rendre compte que c'est rendu à 26 p.c, puis vous allez arriver aux élections avec 32 p.c. Il s'agit de prendre cela au moment où chacun des sondages est fait, c'est ça qui est véridique.

M. ROY (Beauce): A condition de prendre les sondages dans les mêmes régions, dans les mêmes milieux avec les mêmes critères.

M. FAGNAN: C'est ça.

M. ROY (Beauce): Si vous faites un sondage dans une autre région, à ce moment-là, la relation de l'un avec l'autre n'existe plus.

M. FAGNAN: C'est ça. Si on prend l'exemple de la province de Québec, pour des fins de discussion, vous avez 26 p.c. le 14 octobre, 28 p.c. le 21 octobre et puis, 42 p.c. le 26 octobre. Finalement, ça arrive à 40 p.c. le jour des élections. C'est un phénomène qui évolue, qui est vrai en lui-même. Et les critères pour évaluer un sondage sont justement ceux qu'on vous propose dans notre document. C'est une validation interne au niveau des méthodes en termes d'échantillons et en termes de types d'entrevues.

M. PICARD: M. le Président, j'aurais quelques questions à poser, mais je pense que d'autres opinants m'ont devancé. Par exemple, la possibilité d'interdire, durant une période donnée, la publication de tous les sondages durant une période électorale. Si on me demandait mon opinion, j'irais plus loin que ça, je dirais qu'à partir de l'émission des brefs il serait interdit de publier des sondages. Ce serait peut-être aller un peu loin, mais on pourrait publier l'opinion de la population six mois, douze mois, dix-huit mois ou trois ans avant les élections.

Maintenant, il y a une question que je me pose et peut-être que M. Corbeil pourrait me répondre. Au cours d'une campagne électorale, on fait plusieurs sondages et, habituellement, quant au premier sondage, on lit: Tel pourcentage à tel parti, tel parti, tel parti et, indécis 40 p.c. J'imagine que les gens qui préparent cela sont conscients du fait que la population n'attachera pas beaucoup d'importance à ce sondage si on lui dit qu'il y a 40 p.c. d'indécis. Plus le jour du vote approche, plus on remarque que ce pourcentage diminue de façon substantielle.

Tellement qu'un pourcentage, dont j'ai vu le rapport dans les journaux de fins de semaine, diminuait le nombre d'indécis à 11 p.c. La question que je me pose — et il y a beaucoup de gens qui se posent cette question — est celle-ci: Comment pouvez-vous arriver à un pourcentage d'indécis de 11 p.c. quand on sait très en que le jour de la votation, il y a rarement plus de 80 p.c. des électeurs qui votent? Il y en donc 20 p.c. qui ne votent même pas. Est-ce qu'ils sont classifiés comme indécis ou bien comme des personnes qui ne répondent même pas? Si ces personnes ont été contactées et ont donné la réponse que la politique ne les intéresse pas, on n'en tient pas compte dans les résultats, dans les rapports de sondages. Qu'est-ce qu'on fait des réponses de ces personnes qui disent: Je ne suis pas intéressée, ou bien: Je n'irai pas voter. Est-ce qu'on les ignore complètement?

M. CORBEIL: Je vais répondre à cette question en deuxième lieu. Premièrement, vous dites qu'à mesure que la période où on va voter approche, plus le nombre d'indécis diminue.

M. PICARD: Vous allez me répondre que la population forme son opinion.

M. CORBEIL: Non, non, ce que je veux vous dire, c'est que ce n'est pas toujours vrai. Cela dépend des élections, cela dépend des niveaux d'élections et cela dépend des pays. Dans la province de Québec, nous avons eu les deux expériences. A CROP, nous avons vu, à mesure que nous approchions de la date fatidique, le taux d'indécis augmenter considérablement et atteindre des chiffres comme 50 p.c. et 60 p.c. Il y a d'autres moments où c'est l'inverse. Je veux seulement dire cela.

Quant à votre deuxième question, nous tenons compte de deux types de refus. H y a le type de refus à l'enquête elle-même et le refus de répondre à la question posée. Une fois la question posée, il y a d'autres catégories que celle du refus d'y répondre. Il y a la réponse : Je n'irai pas voter ou: Je vais blanchir mon vote, ou encore: Je ne sais pas pour qui je vais voter. C'est ce que nous rapportons.

M. PICARD: Comme indécis?

M. CORBEIL: Pas comme indécis. Les indé- cis sont ceux qui disent qu'ils ne savent pas pour qui ils vont voter. Ce sont ceux-là qui sont des indécis et nous rapportons des indécis. Nous rapportons ceux qui disent qu'ils n'iront pas voter comme étant un pourcentage donné. Nous rapportons aussi les gens qui vont annuler leur vote. Nous donnons toute l'information sur chacune de ces catégories. Quand les gens disent: Ne m'ennuyez pas avec ça, c'est un refus de répondre.

M. PICARD : Je ne sais pas si vous y étiez ce matin, mais M. Nadeau a exprimé une opinion en rapport avec les chiffres, l'importance des chiffres dans les titres des articles de journaux ou dans les slogans des partis politiques. Est-ce que vous avez une opinion sur ce sujet? J'aurais une question à vous poser, à savoir si vous trouvez que cela aurait un effet favorable ou défavorable pour un parti politique qui aurait comme sigle, par exemple, deux zéros?

M. CORBEIL: J'aimerais là-dessus...

M. PAUL: ... qui pourrait avoir un un et cinq zéros. C'est beaucoup plus.

M. CROISETIERE: Quatre zéros.

M. DEMERS: C'est "cheaper by the dozen". Vous comprenez?

M. CORBEIL: J'aimerais passer la parole à M. Gagné. Je ne sais pas s'il a quelque chose à dire sur l'hypnotisme ou ce facteur.

M. GAGNE: II y a deux niveaux. Il y a le niveau, à savoir si cela a un effet plus grand — c'est une première question — et l'autre, à savoir l'opinion qui a été émise ce matin, si on devrait interdire de mettre des chiffres dans un titre. C'est ce que j'ai compris. Je ne vois pas pourquoi on ne mettrait pas de chiffre dans un titre. Je n'ai trouvé aucune raison pour laquelle on ne mettrait pas de chiffre dans un titre.

M. HARDY: Cela veut dire que vous n'y ajoutez pas foi, parce que, si je me rappelle bien, si vous permettez, M. Nadeau a été précis là-dessus. Il a dit qu'à l'UNESCO, des travaux faits en laboratoire ont démontré l'effet d'hypnose du chiffre dans un titre. Est-ce que vous mettez cela en doute?

M. GAGNE: II aurait fallu que je discute avec M. Nadeau pour savoir ce qu'il entendait à ce moment-là par un effet d'hypnose...

M. HARDY: ... jusqu'à quel point le lecteur était hypnotisé.

M. GAGNE: Oui, et comment il pouvait contrôler cette situation d'hypnotisme. Il y a beaucoup de problèmes méthodologiques derrière cela qu'il faudrait clarifier de sorte qu'avec l'information que j'ai pu entendre ce matin...

M. HARDY: Ce n'est pas suffisant.

M. GAGNE: ... je ne peux pas me prononcer. C'est pourquoi je dis que je ne vois pas encore les raisons pour lesquelles on enlèverait les chiffres des titres.

M. HARDY: Est-ce que vous croyez quand même qu'il y a là une hypothèse suffisamment sérieuse pour que l'on s'y intéresse et que l'on pousse plus loin les études et les recherches là-dessus ou si...

M. GAGNE: Je n'ai pas assez réfléchi pour dire que... Cela ne m'intéresserait pas dans l'immédiat mais c'est une question très personnelle. Non, je ne vois pas encore le sérieux de l'affaire, peut-être y en a-t-il. C'est peut-être moi qui ne suis pas sérieux.

M. HARDY : Cela vous semble être plutôt une question académique qu'une question d'ordre pratique pour des législateurs.

M. GAGNE : Pour le moment, cela me parait encore académique.

M. PAUL: A ce moment-là, ce n'était pas la qualité du sondage qui était mise en doute?

M. GAGNE: Non.

M. PAUL: C'était dans la publication.

M. GAGNE: C'était l'utilisation des chiffres dans le titre.

M. PAUL: C'est cela.

M. GOUSSE: On peut répondre indirectement à la question du vice-président. Nous parlons de l'imprimé. Je ne me référerai pas aux études en laboratoire qu'il mentionnait, parce qu'encore là je manque, moi aussi, d'informations méthodologiques. On peut y répondre en sachant, d'une part, qu'il y a quand même, à Montréal — je parle des Montréalais francophones — 30 p.c. des gens qui ne lisent aucun quotidien.

M. HARDY: Il y en a 30 p.c?

M. GOUSSE : II y a 30 p.c. des Montréalais francophones qui ne lisent aucun quotidien.

M. HARDY: Est-ce 30 p.c. des adultes?

M. GOUSSE: C'est 30 p.c. des personnes de 15 ans et plus. Deuxièmement, j'essaierai de répondre un peu plus directement. Je me rappelle l'étude que la revue "Réalités françaises" avait faite sur l'élection Pompidou-Poher. Un sondage avait été fait par SOFRES, justement dans le but de prouver cela. H n'y avait que 20 p.c. des Français qui avaient pris connaissance de la publication des sondages.

Là, il faudrait se demander encore dans quelle mesure cela a influencé ceux qui en ont pris connaissance. Vous voyez, je pense que, plus on se posera des questions, plus on va réduire l'influence des sondages.

M. HARDY: Vous allez finir par nous convaincre que c'est une perte d'argent de vous confier des études?

M. GOUSSE: Mais je vous apporte de l'information, là.

M. CORBEIL: Je pourrais ajouter à ce que vient de dire Claude que nous avons déjà fait un sondage sur les sondages. Nous avons obtenu les mêmes chiffres que ceux que Claude vient de citer, quant à l'attention qu'on porte aux résultats.

Il faut aussi dire qu'il nous parle de laboratoires. Il faut faire énormément de distinction entre un laboratoire et une situation réelle. Nous travaillons aussi en laboratoire, mais notre champ d'expérience est celui de la vie quotidienne.

M. HARDY: J'imagine qu'on essaie de recréer dans les laboratoires la vie réelle.

M. CORBEIL: Justement, comme vous le dites, on essaie de recréer ce qu'est la vie réelle. C'est exactement ce qu'on fait.

M. PICARD: M. le Président, le mémoire a été présenté et signé par environ sept ou huit organisations différentes. Est-ce que ces compagnies existent depuis longtemps? C'est curieux, il y a plusieurs noms qui manquent. Même CROP, je ne le vois pas ici.

M. CORBEIL: Le 9 février, j'ai envoyé une lettre, qui a été lue tout à l'heure par Claude et que je peux vous lire: "II me fait plaisir de vous dire que CROP endosse entièrement le contenu du mémoire qui vous est remis, ci-joint, par quelques membres de notre profession.

J'espère qu'un jour les membres de notre profession accepteront aussi de déposer auprès du président des élections du Québec les données brutes des sondages d'opinions qui auront été publiés avec tous les documents pertinents permettant de juger de leur valeur."

M. PICARD: Ces firmes, est-ce qu'elles existent depuis longtemps? Et quelles sont leurs sources de revenus en dehors des campagnes électorales? Est-ce qu'elles font des sondages pour des industries, etc.? Est-ce que ces compagnies ont un personnel permanent, ou si c'est comme un hobby?

M. CORBEIL: Dans le cas de CROP, nous sommes en existence depuis 1965. Nous avons environ de 30 à 40 personnes qui travaillent chez nous présentement.

M. PICARD: En permanence?

M. CORBEIL: J'allais vous le dire. Sur ça, il y en a autour de 20 à 25 qui sont en permanence, 20 ou 22, je n'ai pas les chiffres. C'est un peu difficile de répondre à votre question, c'est que j'ai du personnel qui est en permanence à longueur d'année sur une base contractuelle. J'ai des gens qui sont engagés pour des projets donnés pour un an, et ces projets pour un an durent deux ans et trois ans. Cela fait des gens qui ne sont pas en permanence, mais qui sont là de manière régulière.

M. PICARD: Je ne suis pas avocat, mais si on donnait ce que mes collègues avocats pourraient appeler un statut juridique à une profession comme celle-là, je crains qu'il pourrait arriver que, dans les années à venir, ces organisations se croient en droit d'exiger des honoraires dix fois, vingt fois, cent fois plus élevés, parce qu'elles diraient: Nous avons besoin maintenant d'ordinateurs pour préparer les données de nos sondages.

M. CORBEIL: Nous les avons.

M. PICARD: Alors, au lieu de vous charger $2,000 pour un sondage, nous sommes obligés de vous en charger $25,000.

M. CORBEIL: Mais c'est déjà fait. Cela fait longtemps que nous avons franchi cette étape.

M. PICARD : Alors, ils monteraient de $25,000 à $100,000.

UNE VOIX: Ils chargent ça.

M. GAGNE : Est-ce que nous pouvons compléter la réponse apportée par M. Corbeil? La question que vous posiez au début, était-ce pour savoir la crédibilité des gens qui signaient ça d'une part ou si c'est plutôt pour la deuxième préoccupation que vous avez mentionnée?

M. PICARD : Je mentionne ça, parce qu'à un moment donné, si on regarde les sondages qui paraissent dans les journaux, c'est drôle, ce n'est jamais le même nom qui revient, c'est fait par une autre organisation, par quelqu'un d'autre, et je n'en vois pas un seul ici.

M. GAGNE : Je pense que vous en connaissez ici. Je vais vous en nommer. Il y a Multi-Réso Compagnie, qui est connue maintenant; Claude travaille dans le milieu depuis plusieurs années. CROP, je pense qu'on n'a pas à faire sa publicité puisqu'il fait définitivement partie des institutions québécoises maintenant. Vous avez la firme que je représente, SORECOM, qui a fait certains travaux ici pour la commission sur la liberté de la presse, qui a fait des travaux pour l'entreprise privée et l'entreprise publique et parapublique. Voilà à peu près quinze ans qu'on travaille dans ce domaine, pas SORECOM comme telle, mais des individus à l'intérieur de la firme, c'est assez important de le mentionner. Je pense que Denis a eu aussi une expérience de travail assez prolongée à CROP et à l'Université de Montréal, sinon ailleurs; il peut peut-être mieux le dire que moi. Vous avez enfin nos deux collègues qui travaillent présentement dans un centre de recherche à l'Université du Québec à Montréal.

Il y a d'autres personnes ici qui ont signé et qui font partie d'organismes. Peut-être que Claude Gousse pourrait préciser leur statut exact en fonction de la question que vous avez posée.

M. GOUSSE: Je pense qu'il voulait faire référence aussi — l'on parle bien de la province de Québec — à beaucoup de maisons de sondages qui travaillent à partir de Chicago, Détroit ou Toronto et dont on voit les résultats dans les media imprimés, par exemple, ou même à la télévision.

En ce qui concerne les autres qui sont ici, Robert Pelletier, de Multi-Services Professionnels, est assez connu en ce qui concerne des sondages qui ont été faits dans le passé. Je pense aussi aux Recherches en communications de masse du Québec Inc.

Il y a une autre question aussi que vous avez posée. Vous êtes intéressé dans le gagne-pain en dehors des périodes électorales.

M. GAGNE: II y a cette dimension qui était importante.

M. GOUSSE: Je pense qu'on pourrait répondre individuellement.

M. CORBEIL: Je ne pense pas qu'il y ait une boite dans le continent nord-américain qui vive des sondages électoraux.

M. GAGNE: C'est une infime partie de notre chiffre d'affaires.

M. CORBEIL: Pour notre part...

M. PICARD: Si vous permettez, sur ce point, ce qui m'inquiéterait, c'est qu'à un moment donné on prévoie dans une loi qu'on va accepter vos recommandations et inclure dans la Loi électorale que tout ce qui touche la publication des sondages devra être fait selon les critères et les normes que vous avez énoncés ici. Maintenant, qui va vérifier durant une période électorale alors qu'on a quelques semaines? Disons que la compagnie impliquée a tout simplement roulé la population. Tout ce qu'elle a à faire, c'est de changer de nom après les élections, former une autre compagnie, probablement avec les mêmes individus, et recommencer à une prochaine élection. C'est aussi simple que ça.

M. GAGNE: Cela peut très bien se passer et je pense que ça se passe ailleurs. Par contre, dans le cas des personnes qui ont signé ici, je peux vous dire, pour ma part, que SORECOM n'a jamais fait de sondages électoraux même si on utilise toutes les techniques du sondage de l'opinion publique. On est équipé pour faire des études d'opinion publique. Si j'ai accepté de signer au nom de SORECOM ce document, c'est parce que le droit à l'information du public via les sondages, je trouve que cela doit nous préoccuper au plus haut point, que ce soient les sondages électoraux ou les autres, nous sommes impliqués à ce niveau. On a des choses à dire et on les a dites. On s'est même entendu avec ceux qui font beaucoup de sondages électoraux. Il n'y avait pas de problème. On est d'accord sur ça.

M. GOUSSE: II y a aussi le rôle que peut jouer le président des élections.

M. AUDET: Si j'ai bien compris, vous ne demandez pas une législation sur la manière dont vous devez faire les sondages suivant les critères auxquels vous avez droit, vous demandez une législation?

M. CORBEIL: Non.

M. AUDET: Mais vous en demandez une pour le publiciste qui va diffuser la nouvelle. Qui nous garantit que vos organismes seront plus intègres que les diffuseurs quant au respect des normes que vous nous donnez ici. C'est difficile de dire, occasionnellement, si un parti politique donné nous approche. On veut bien croire que vous êtes de bonne foi. Ne faites pas le gros lot pour avoir un échantillonnage ou un verdict en sa faveur. Qui assurera le public de la véracité de l'échantillonnage et du sondage?

M. GOUSSE: C'est très difficile de répondre. Nous avons glissé une suggestion en conclusion. Vous touchez à toute l'activité de recherches sociales appliquées. Si le président des élections veut se donner un rôle de contrôleur d'une politique scientifique québécoise dans ce domaine, il pourrait le faire. Parce que nous sommes prêts à donner à un organisme provincial, que ce soit le président des élections ou un autre, à remettre nos questionnaires sans les noms des individus...

M. AUDET: La discrétion qui appuie son autorité...

M. GAGNE: A ce moment-là, vous touchez à l'éthique et vous vous demandez jusqu'à quel point des maisons comme les nôtres peuvent être éthiques dans leur comportement, leur travail de recherche.

Présentement, nous sommes à réfléchir ensemble sur la possibilité de nous faire des normes en commun et de faire exiger et d'exiger comme groupe, comme maison, le respect de ces normes par les maisons de publication. Evidemment, vous pouvez toujours dire que nous pouvons faire une espèce de consortium, nous entendre entre nous et finalement nous organiser pour ne pas être jugés de l'extérieur. A ce moment-là, ça pose un problème d'activité professionnelle. Par exemple, moi, je fais partie de la Corporation des psychologues du Québec et je suis certain que, si la corporation avait vent d'une activité non éthique au point de vue de mon travail, elle est autorisée à m'exclure de la corporation. Je ne pourrais jamais signer du titre de psychologue, ça, c'est ce qui me concerne. Des organismes comme ça peuvent aussi être créés entre nous, à l'intérieur de la profession. Ce n'est pas fait encore, mais, dans certains cas, il faut avoir des garanties de ce type. Il peut peut-être y avoir d'autres sortes de garanties.

M. CORBEIL: On a eu, dans le passé, la possibilité de recourir à des gens de l'extérieur. Il y a des gens qui peuvent lire des rapports et quand ils ont les rapports, ils peuvent porter un jugement professionnel. En fait, je pense que ce que M. Soucy Gagné est en train de dire, c'est que notre métier est extrêmement exigeant en ce sens que nous avons des professionnels de la pratique, partout dans le monde, actuellement, qui peuvent nous sanctionner. En plus, nous avons à répondre aux besoins d'une clientèle et nous avons des professions auxquelles nous appartenons et il y a des milieux académiques. En fin de compte, nous sommes vraiment mal placés d'une certaine façon pour mal travailler.

M. GAGNE: Nous sommes soumis à la censure de non-concurrents. Je pense que c'est peut-être l'aspect le plus important de la censure ou du contrôle. Parce que si un client venait nous demander à une maison: Qu'est-ce que vous pensez de cette procédure pour le travail? Vous lui donnez une expertise, il peut aller voir un universitaire qui est complètement dégagé de nos maisons, complètement indépendant et, à ce moment-là, il lui remet toute la documentation. L'universitaire en question, s'il connaît le métier, va faire un examen très minutieux et peut très bien relever n'importe quelle inconsistance; nous sommes soumis à ça.

Alors, quand on remet de la documentation, de l'information, des méthodes et tout, on doit au moins avoir l'intelligence sociale de comprendre que cela peut être contrôlé sous cet angle.

M. AUDET: II faudra nécessairement que le public reconnaisse votre honnêteté et ait confiance en vous. Par la suite, vos sondages précis pourront dire, oui ou non, si vous avez été à la hauteur.

M. CORBEIL: Vous avez fait allusion aux journalistes. J'aimerais faire un commentaire, me référant à nos débuts, en 1965, et dire qu'il y a un grand nombre de journalistes, aujour-

d'hui, qui savent très bien rapporter correctement les données de recherche que nous leur remettons. Comparé à des normes extérieures à la province de Québec, nous avons probablement dans le milieu plus de journalistes, toutes proportions gardées, que dans le pays voisin qui savent très bien faire le métier de rapporter correctement les données de recherche.

M. AUDET: Donc, les journalistes et les diffuseurs ne seraient pas plus vulnérables que vous en ce qui regarde l'honnêteté de leur travail se rapportant à la publication des sondages. Ils pourraient facilement se passer de la loi.

M. CORBEIL: C'est un problème d'apprendre. C'est techniquement difficile d'articuler notre métier. C'est un apprentissage que les journalistes ont eu à faire avec nous. Il y en a plusieurs qui ont bien fait cet apprentissage. Cela ne s'apprend pas du jour au lendemain.

M. GAGNE: De même, le public apprend aussi. Je pense qu'il faut mettre toutes les parties en cause. Je crois que les commanditaires apprennent à utiliser, de façon de plus en plus efficace, les ressources de chercheurs en sciences sociales appliquées. Je crois que les chercheurs deviennent de plus en plus exigeants parce qu'il existe de plus en plus de contrôles sur eux, que ces contrôles viennent des commanditaires ou qu'ils viennent de leurs collègues concurrents. Je crois que, parce que nous donnons nos méthodes, il y a une proportion de plus en plus grande du public qui est capable de poser des questions très adéquates.

Je pense que nous sommes dans un processus social d'apprentissage, d'utilisation rationnelle des résultats de sondages quels qu'ils soient, que ce soit en période électorale ou autrement. Je me dis qu'une loi, qui vient appuyer ce mouvement qui existe au moins depuis sept ans, ne fait qu'aider ceux qui veulent que ce soit de la qualité qu'on donne au public. C'est comme ça que je résumerais ma position.

M. AUDET: Je veux remercier tous les experts qui ont bien voulu tenter de nous éclairer en approfondissant un domaine aussi ambigu.

M. LE PRESIDENT (Giasson): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'aurais seulement quelques questions à ajouter à celles que mon collègue, le député de Saguenay, a posées avant de quitter la commission. Je suis favorable à l'existence des sondages, même en période électorale, contrairement au député d'Olier. Je suis favorable également au principe d'une réglementation de l'utilisation des sondages pendant cette période pour qu'elle contribue à augmenter le libre choix des citoyens plutôt qu'à le restrein- dre et le triturer. Il y a déjà suffisamment de forces qui viennent jouer à l'encontre du libre choix du citoyen sans en ajouter d'autres. Ce qui me préoccupe le plus, là où j'espérais le plus une réglementation, une orientation quelconque que la Loi électorale devrait donner aux sondages — d'ailleurs, vous le mentionnez dans votre mémoire — c'est l'écart qu'il peut y avoir entre la date de confection d'un sondage et sa publication. Cela, à mon avis, peut contribuer grandement à défaire le tableau de l'opinion publique à un moment ou à un autre. Je pense — l'exemple est devant nos yeux — à un sondage publié aujourd'hui, le 26 octobre, qui aurait été fait le 4 octobre, par exemple. On mentionnerait tout simplement dans l'article que ce sondage a été fait le 4 octobre et on dirait que les conservateurs au Québec, à ce moment-là, avaient 25 p.c. du vote. Dans le titre, on peut ne pas mentionner la grande période de 22 jours d'écart où plusieurs facteurs sont intervenus et où, comme tout le monde le sait, les conservateurs, je suppose, ont perdu des votes. C'est une donnée qui arrive dans l'opinion publique et qui aura des effets plutôt malheureux que heureux.

Il y a un endroit où j'aimerais avoir une réglementation de la part du président général des élections. Sans interdire la publication de sondages — je suis favorable à leur publication en période électorale — qu'il limite l'écart entre la confection et la publication pour que vraiment cela devienne une donnée qui aidera le citoyen à se former une meilleure opinion. Il ne faut pas publier, cinq jours avant une élection, un sondage qui a été fait il y a longtemps. Bien sûr, on le mentionne toujours dans l'article mais plusieurs lecteurs se contentent du titre, d'une photo de l'opinion publique qui date déjà d'un mois. Je voulais vous demander votre opinion là-dessus. Devrions-nous réglementer cet écart entre la date de réalisation et la date de diffusion? Vous avez mentionné tantôt que vous aviez fait des sondages sur les effets des sondages.

Lorsque vous vous êtes livrés, à quelques reprises, à l'étude des effets des sondages, si c'étaient des sondages électoraux, avez-vous eu l'occasion de vérifier si l'écart, agrandi ou amoindri, entre la réalisation et la diffusion avait un effet sur l'opinion publique?

M. CORBEIL: C'est moi qui me suis référé à cela tout à l'heure. On n'a pas fait un sondage sur les effets des sondages, sur la parution des résultats de sondages. On a fait un sondage sur les sondages en ce sens qu'on a essayé de savoir quelle était la proportion des gens qui avaient déjà été l'objet d'un sondage et quelle était la proportion des gens qui avaient déjà lu des résultats de sondages. On n'a pas du tout étudié la dimension des effets. Je n'ai pas de données par rapport à la question que vous posez.

Quant à la première question que vous avez posée, je pense qu'il y a eu deux incidents récemment. Il y a l'incident de Peter Regen-

streif qui a fait des sondages au mois de septembre et qui a publié ses résultats il y a quelque temps. Ce que j'en sais, c'est qu'il y a peut-être des problèmes mécaniques qui ont joué dans ce cas. A une certaine époque, on ne pouvait pas travailler aussi vite qu'on travaille maintenant. Il n'est pas assuré qu'on sera toujours capable de travailler vite, aussi.

M. GAGNE: Je crois qu'il y a une autre dimension dans la distance. Sur un vote, ou l'intention d'un vote, il peut être assez important de donner une date et rappeler vraiment la date où la question a été posée. Par contre, il y a d'autres dimensions qui peuvent être beaucoup plus permanentes. La question suppose des attitudes. Par exemple: Est-ce que la personne a toujours été de tel parti ou de tel autre parti? Pour des questions aussi fondamentales que cela, que ce soit un mois, quinze jours ou deux mois, cela ne fait pas tellement de différence.

Mais je pense que vous vous référez surtout à l'intention de vote. Si vous vous posez la question: Est-ce que la législation devrait aller jusque là? Je dirais que peut-être elle devrait aller jusque là. Par contre, c'est difficile. Elle serait probablement très difficile à appliquer. C'est ce que je peux dire comme opinion, à ce moment-ci.

M. CHARRON: De façon générale, vous êtes les professionnels du métier, quelle est la distance — en période électorale, j'imagine que vous travaillez plus vite à cause des échéances — pour qu'un sondage soit réalisé de façon scientifique, donc pour qu'il soit de qualité? Combien de temps entre sa réalisation et la date la plus proche de sa diffusion? Vous pouvez le diffuser combien de temps après?

M. CORBEIL: Moi, je ne veux pas m'engager à répondre à cette question. La situation va changer dans les années qui viennent. Je pense qu'il va y avoir des exigences sur nous qui vont faire que nous ne pourrons peut-être pas les diffuser aussi vite que nous les diffusions.

Je ne peux vraiment pas prévoir ce qui va se passer. Par exemple, nous allons publier des résultats samedi. Il y a des résultats qui ont été publiés avant-hier. Il y a des points d'interrogation que nous avons sur nos résultats présentement, sur notre taux de réponse. Nous avons commencé à faire des études là-dessus. Nous sommes en état de doute, nous, non pas sur les résultats, mais nous sommes constamment dans notre métier en état de doute, et nous inventons des méthodes à mesure, pour pouvoir nous autovérifier. Ceci va jouer.

Comme tendance en recherche sociale appliquée, je ne pense pas que les phénomènes sociaux, à part le vote, ce qui amène l'explication du vote, changent beaucoup. Moi, actuellement, je travaille beaucoup à promouvoir l'idée de l'analyse secondaire de données qui ont été recueillies ici il y a cinq ans, dix ans et qui, à mon avis, sont aussi valides et valables que ce qu'on vient de recueillir aujourd'hui.

M. CHARRON: D'accord, mais il y a les titres que les media imprimés vont faire, et surtout l'utilisation politique que les différents partis vont faire. Celui qui apprend qu'il va "manger une claque", il va en parler moins que celui qui apprend qu'il a le vent dans les voiles.

Mais tout ça est drôlement important en période électorale et porte, — je suis d'accord avec vous, M. Gagné l'a précisé — sur l'intention du vote. C'est surtout là-dessus que j'en ai. Pour le reste, les attitudes politiques fondamentales, j'admets qu'elles ne peuvent pas changer en 48 heures, mais les intentions de voter le pensent.

M. GAGNE: Oui, par ailleurs, si Yvan pensait à il y a deux ans, un an et peut-être trois ans, on peut peut-être dire qu'un jour pour les relevés rapides, pour un milieu très limité, non pas sur l'ensemble de la province ou sur l'ensemble du pays, ça pouvait être une semaine, moins que ça, avant de les publier.

M. CORBEIL: Moi, je l'ai fait dans une journée, avec un taux de réponse très élevé.

M. CHARRON: En 1970, peut-être que les collègues qui ont tous vécu la campagne électorale ici se le rappellent, il me semble que le résultat qu'on avait publié le samedi 25 avril dans La Presse — le sondage avait été fait par la maison chez vous, je pense, quatre jours avant les élections, et il faisait part encore de 25 p.c. d'indécis— datait du 18 avril. L'enquête avait été faite sept jours avant.

M. CORBEIL: Cela fait une semaine; c'est habituellement ça. On en a fait récemment avec des taux de réponses très élevés, mais ce sont des conditions inhabituelles. Quand il y a des unités très homogènes, il y a un taux de réponses très élevé et, dans une journée et demie, vous avez les résultats.

M. GAGNE: Si on voulait, par exemple, on pourrait imaginer plusieurs situations face à une question comme ça. Plusieurs maisons pourraient temporairement s'organiser ensemble et dire: On va produire ça en un temps record; ça peut être à l'intérieur d'une journée, je veux dire de 36 heures. Il faut que cela porte sur quelque chose de relativement simple, peut-être à travers la province.

M. CHARRON: Vous avez mentionné tout à l'heure que vous en publiez un, samedi, pour la Presse. Celui de samedi va avoir quel âge quand il va sortir?

M. CORBEIL: Je ne le sais pas précisément. M. GAGNE: Celui de M. Pinard...

M. CORBEIL: Non, il rentre.

M. CHARRON: II rentre actuellement.

M. CORBEIL: II rentre, c'est-à-dire que les entrevues ont dû se terminer hier.

M. CHARRON: C'est-à-dire que, plus ils sont proches, mieux c'est. Quand c'est une photocopie des opinions publiques d'il y a quinze jours, qu'on vient vous "garrocher" cinq jours avant...

M. CORBEIL: Celui de Pinard, cela a dû être une semaine à peu près, ou deux semaines, je ne le sais pas.

M. GAGNE: Pour celui de M. Pinard, il s'est écoulé à peu près dix jours, du moment où il a remis son questionnaire aux interviewers jusqu'au moment où cela a paru dans le journal. Je pense que c'est environ dix jours.

M. CHARRON: M. le Président, j'aurais une autre question là-dessus; elle est peut-être plus ambiguë. Vos commanditaires font une utilisation, encore une fois, politique du fruit professionnel scientifique de vos recherches, mais vous n'en dépendez pas. Ce qu'un parti politique va faire avec, ce qu'il va mettre en évidence...

M. PAUL: Est-ce que l'honorable député pourrait parler dans son micro?

M. CHARRON: Oui, vu l'âge avancé du député de Maskinongé.

M. PAUL: C'est plutôt la subtilité de votre raisonnement qui m'inquiète.

M. CHARRON: Ce qui est plus facile, c'est l'utilisation politique... Vous m'entendez bien, cher ami?

M. PAUL: Je ne vous comprends pas mieux. M. CHARRON: Cela, je le sais. M. PAUL: Continuez!

M. CHARRON : Je vais mettre toutes les chances de mon bord. L'utilisation politique des résultats scientifiques d'un sondage est bien connue et a été parfois dénoncée par certaines personnes. Est-ce que vous croyez que cela a des effets, comme "backlash", lorsque vous vous mettez à la tâche de confectionner un questionnaire et que vous avez — veut ou ne veut pas — dans la tête le fait qu'il va avoir des fins autres que scientifiques comme résultats?

C'est assez personnel, ambigu comme question. Vous avez à rédiger des questionnaires pour différents organismes. Si vous vérifiez la qualité des soins médicaux dans une région donnée, c'est plus technique, cela aura des conséquences limitées à un groupe réservé de gens qui vous l'ont commandé. Mais quand c'est pour une utilisation politique où on peut triturer les chiffres, grossir, vous connaissez ça, est-ce que cela a des conséquences, à savoir que vous faites plus attention? Vous dites-vous: Quel que soit le résultat, sans le connaître à l'avance, il faut que la question soit assez claire pour qu'on ne puisse jouer avec la réponse? Est-ce que c'est exact ou si cette appréhension n'existe pas?

M. CORBEIL: Cela soulève tout le problème de la recherche. Ce que je pense, c'est qu'il y a des biais, qu'on appelle des gauchissements, dans des études qui pourraient exister. Il y a deux types de gauchissements. Les gauchissements techniques sont ceux dont on a parlé depuis ce matin et ils font objet de certaines de nos recommandations. Il y a des gauchissements que j'appelle intellectuels. Ces gauchissements intellectuels, il faut que tu t'organises dans une atmosphère pour pouvoir t'en prémunir le plus possible. Cela veut dire que l'environnement dans lequel tu oeuvres au jour le jour est important pour que tu puisses poser toutes les dimensions d'un problème de façon que tu ne le traites pas strictement dans une ligne donnée et que tu oublies l'autre dimension qui est importante. Si on pousse l'exemple plus loin, il peut y avoir des difficultés à concevoir correctement une opération de recherche à l'intérieur d'une institution qui poursuit des objectifs autres que ceux de faire de la recherche. C'est sans que les gens le veuillent consciemment. Au jour le jour, travaillant dans une boîte donnée, il est très difficile pour les gens qui y vivent de faire des travaux de recherche qui ne soient pas colorés par l'activité quotidienne qui s'y passe, la philosophie qui s'y développe, etc. Je ne sais pas si je réponds à la question.

M. GAGNE: II y a tellement d'éléments de réponse à donner à une question comme ça. Elle soulève toutes sortes de problèmes. Le chercheur peut être très nerveux, selon son tempérament, face à la perspective d'avoir à faire une recherche dont les résultats vont paraître dans le grand public et qui, même si on n'est pas sûr des effets exacts, peut avoir des effets sur l'opinion.

Déjà, la conscience professionnelle entre en ligne de compte et tu deviens sur tes gardes, tu te mets des instruments sur pied pour vérifier davantage tes biais idéologiques, si tu en as, ou, dans tel domaine, par exemple, une opinion politique ou autre. Tout ça est un appareillage où on devient plus "précautionneux" pour en arriver à une meilleure évaluation de la réalité de la situation. C'est un contexte dans lequel on est appelé à travailler. Par contre, vous avez des clients aussi qui créent des pressions, qui ne sont pas toujours des politiciens; ce sont des gens qui sont pris dans une action donnée, ils vont te téléphoner, ils vont te dire: Voudrais-tu faire un sondage pour prouver que... Il n'y a pas

un chercheur qui va faire un sondage pour prouver à qui que ce soit quoi que ce soit, ce n'est pas comme ça qu'on travaille.

M. HARDY: On vous demande un sondage favorable.

M. GAGNE: C'est ça, ils demandent un sondage favorable, mais il y a des gens, des commanditaires, qui n'ont jamais travaillé avec la recherche, ou avec les chercheurs, et les chercheurs sont souvent très décevants pour ces gens qui veulent avoir une démonstration quelconque. Voyez-vous dans quel contexte on est obligé de travailler? Parfois, il faut expliquer aux commanditaires que ce qu'ils veulent et ce qu'on peut leur donner, ce n'est pas exactement ce qu'ils veulent. On va leur donner des faits, des précisions, des opinions du public, etc. mais on ne leur fera pas de démonstration que leur thèse ou leur idée est la bonne ou la mauvaise. C'est un contexte, je ne sais pas si cela décrit le problème.

M. CORBEIL: Concrètement, on se donne des critiques officielles. D y en a un qui travaille sur l'instrument et, avant que l'instrument ne sorte, il est critiqué par l'autre à côté. Je ne te parle pas de "junior" à "senior", je te parle de "senior" à "senior".

M. GOUSSE: II y a aussi le problème de la validité par exemple, la question qu'on pose mesure-t-elle bien ce qu'on veut mesurer? Il existe une tradition dans notre domaine, de sorte qu'on peut savoir où on met le pied en posant le pied à tel endroit. Il y a quand même de l'acquis, il y a des choses qu'on sait. Dans le sondage électoral, je dirais que le concept de la validité est peut-être le moins préoccupant, parce qu'on sait très bien où on va dans un sondage électoral.

M. FAGNAN: II y a des sondages, l'intérieur même du geste de constituer un questionnaire en période électorale, sachant les effets de "backlash" que ça peut créer, qui nous prémunissent d'une certaine façon contre des tentatives de déformer le geste qu'on va poser. Je me compare un peu dans une telle situation, à un médecin qui est en train de faire une opération bien délicate, mais qui possède quand même son métier où il y a des règles. Disons, pour prendre un exemple précis, que si on formule des questions tendancieuses, on va se les faire remettre dans la face.

Il y a une façon de formuler une question pour qu'elle ne soit pas gauchie ou biaisée. Il ne faut justement pas demander à la personne: "Etes-vous favorable au Parti libéral? " Une question ne se pose pas comme cela. Du fait de la poser comme cela, on présume déjà de la réponse de la personne. Disons que ces aspects techniques que nous avons mentionnés dans notre rapport nous aident à garder notre sang- froid et à nous contrôler au moment où nous vivons des situations politiques. Nous ne sommes pas désincarnés au moment où nous faisons un questionnaire sur un sondage électoral.

Pour ma part, là-dessus, ce que je veux faire valoir, c'est qu'à l'intérieur même du métier que nous exerçons il y a des règles, entre autres au niveau des questions. Il y a toutes les règles, que nous avons mentionnées dans notre rapport, qui nous aident à bien faire notre métier.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: M. le Président, à la page 1 de votre résumé, à l'article 2, est-ce que vous voulez dire qu'à chaque fois qu'un média d'information voudrait publier un de ces rapports il devrait consulter ou avoir l'approbation du président des élections, à savoir si l'application qu'il veut en faire est conforme aux normes? Est-ce que ce serait la formule...

M. CORBEIL : A quoi vous référez-vous?

M. GOUSSE: Voulez-vous répéter votre question, s'il vous plait?

M. CARPENTIER: Page 1 de votre résumé du mémoire soumis à la commission de l'Assemblée nationale,...

M. GOUSSE: D'accord.

M. CARPENTIER: ... article 2, le dernier article en bas. Il se lit comme suit: Que le président des élections du Québec, dans le cas d'élection provinciale, veille à l'application de saines normes de publication. Est-ce que vous voulez dire par là...

M. PAUL: C'est le mémoire qu'on a étudié la semaine passée.

M. CARPENTIER: Pardon!

M. PAUL: Quel est le titre du mémoire?

M. CARPENTIER: C'est le résumé qui va avec cela.

M. GAGNE: C'est le résumé du mémoire.

M. CARPENTIER: C'est le résumé du mémoire, cher collègue. Est-ce que vous l'avez retrouvé?

M. PAUL: Oui, je me suis retrouvé.

M. CARPENTIER: Est-ce que vous voulez dire par là qu'à chaque fois qu'une de ces publications sera faite on devra consulter le président des élections pour savoir si cela suit les normes ou ne les suit pas?

M. GOUSSE: Si on veut une loi en ce qui concerne la publication, il faut désigner un organisme gouvernemental responsable de son application. Si on songe à faire une loi sans en même temps songer à voir quel est l'organisme qui sera responsable de son application, on serait aussi bien de ne pas faire de loi à ce moment-là. Je pense que c'est le président des élections qui sera responsable de voir si la publication d'un sondage respecte la loi.

M. CARPENTIER: Précisément si c'est fait seulement après la publication et que le mal est fait? Si une mauvaise publication paraît dans tous les journaux et que le président des élections s'en aperçoit et dit: Messieurs, vous n'avez pas respecté les normes, qu'est-ce que cela veut dire si les élections sont passées ou si une publication comme cela est faite deux jours ou la veille des élections? Même si vous vous apercevez que ce n'est pas fait suivant les normes, à ce moment-là, le mal est fait. La publication est connue et tous les lecteurs, les consommateurs en ont pris connaissance; il n'y a rien à faire avec cela.

M. GOUSSE: C'est à vous de juger, à ce moment-là, s'il a bien appliqué la loi, oui ou non.

M. CARPENTIER: Oui, mais le mal est fait quand même. Ce sont précisément les normes qui devraient être appliquées avant la publication.

M. GOUSSE: Vous lui donnez le mandat de voir à leur application dans les jours qui suivent la publication.

M. CARPENTIER: Cela porte pas mal à la tentation de l'ambiguïté.

M. CORBEIL: Je ne suis pas avocat, mais il me semble qu'il y a des lois et que, si elles sont transgressées, la démonstration est faite que quelqu'un les a transgressées. Il me semble que le système dans lequel nous vivons est ainsi fait.

M. CARPENTIER: Entièrement d'accord.

M. CORBEIL: Ce n'est pas différent des autres situations.

M. CARPENTIER: Supposons qu'une maison nouvellement fondée fasse un genre de publication comme cela, tout simplement pour tromper l'attention des gens et, après cela, qu'elle laisse tomber. Alors, même si le président des élections la poursuivait, si elle n'est plus là, il n'y a rien à faire.

M. HARDY: Supposons qu'on arriverait à la conclusion que la Loi électorale prévoit que toute publication de sondage doit contenir tous les détails, sur la façon dont le sondage s'est fait, est-ce que vous verriez une objection majeure à ce que la loi prévoie que le président général des élections doive donner, avant telle publication, son nihil obstat?

M. CORBEIL: J'en verrais, en ce sens qu'il me semble que ce n'est pas comme cela que la société fonctionne. Autrement, vous aurez un rôle de censeur avant la faute commise.

M. PAUL: C'est pour prévenir la faute.

M. HARDY: On peut assimiler cela à de la médecine préventive ou à des moyens préventifs.

M. HARDY: Sanctionner avant ou après, c'est pareil; si nous avons à sanctionner à posteriori, c'est encore une sanction.

M. CORBEIL: Ce que je vois, ce sont des problèmes pratiques...

M. HARDY: Oui.

M. CORBEIL: ... de rouages administratifs.

M. GOUSSE: Si vous le faites avant, vous allez sanctionner la fabrication des sondages. Nous parlons de la publication des sondages.

M. HARDY: Supposons que je suis propriétaire d'un journal. Mon papier est fait et la loi prévoit, comme vous le recommandez, de publier toutes les informations.

Cela voudrait dire, dans la question que je vous pose, que le journaliste doit faire le papier, comprenant les résultats du sondage et l'information quant à l'administration du sondage, et que l'ensemble du papier ne pourrait pas être publié sans avoir été soumis au président général des élections ou à son représentant.

M. CORBEIL: Je ne suis pas d'accord avec cela.

M. HARDY: Vous êtes contre le principe. M. CORBEIL: Je suis contre le principe.

M.HARDY: Et vous, monsieur? Vous ne sembliez pas tout à fait partager, au début, les opinions de votre collègue de gauche.

M. GOUSSE: Mon collègue de gauche, cela me fait plaisir d'entendre cela. Ecoutez, ce qu'on vous propose là, c'est une législation qui n'a pas de dents.

M. HARDY: Qui n'a pas?

M. GOUSSE: De dents. Je veux dire...

M. HARDY: J'ai appris en droit qu'une loi

qui n'a pas de dents, c'est comme s'il n'y avait pas de loi du tout. C'est un principe. Je ne sais pas si mon collègue et confrère va confirmer ou infirmer ce que je dis, mais on nous enseignait, à la faculté de droit, qu'une loi qui n'a pas de sanctions ne vaut pas grand-chose. Cela a une valeur strictement morale. C'est une précision que je n'avais pas remarquée: au fond, vous nous suggérez que la Loi électorale contienne ceci comme une espèce de déclaration d'intention, mais il n'y aurait pas de sanctions de prévues, c'est-à-dire que ceux qui s'y conformeraient seraient du bon monde, ceux qui ne s'y conformeraient pas ne s'y conformeraient pas, c'est tout.

M. PAUL: Quels seraient les avantages de s'y conformer?

M. HARDY: Bien oui, s'il n'y a pas de sanctions. Je ne vois pas pourquoi je m'y conformerais, s'il n'y a pas de sanctions.

M. GOUSSE: Le risque qu'il peut y avoir — parce qu'on a mentionné plusieurs informations méthodologiques là-dedans — c'est qu'il faudrait que le président ait l'expertise ou, en tout cas, puisse s'appuyer sur l'expertise pour savoir, en fait, si tel sondage fabriqué a été bien ou mal fait. Non, je pense que le dernier cas est éliminé.

M. HARDY: Non, non. Ce n'est pas dans ce sens. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. GOUSSE : La publication, par exemple. Il faudrait que la publication mentionne ces informations.

M. HARDY: Oui, c'est cela.

M. GOUSSE: Si elle ne les mentionne pas, il doit y avoir une sanction.

M. HARDY: Si on oblige le journal à soumettre son papier au président général des élections ou à son délégué, il va voir si le papier est conforme à vos recommandations ou non.

M. GAGNE : Je réfléchis tout haut, mais il me semble que le problème, c'est de voir la praticabilité d'une loi quelconque. Je verrais, par exemple, qu'un journal qui publie puisse être pénalisé par la suite. Je ne pense pas à l'absence de pénalisation. Je pense qu'il peut y avoir une pénalisation après, qui peut être toutes sortes de choses qu'on peut imaginer assez bien.

Par contre, ce serait peut-être plus efficace, à mon sens, s'il pouvait y avoir une pénalisation avant ou même que le législateur ou le président d'élection exige que les informations soient connues avant que ça soit publié.

M. HARDY: C'est ça, c'est...

M. GAGNE: Le dilemme, c'est la praticabilité de l'affaire. Est-ce que c'est praticable de pénaliser avant ou si c'est plus praticable de pénaliser après? La longueur des dents...

M. HARDY: II n'y aurait pas de pénalité avant.

M. GAGNE: II y aurait pénalité.

M. HARDY: C'est-à-dire qu'il y aurait pénalité si on ne se conforme pas à la décision du président.

M. PAUL: C'est ça. M. GAGNE: Oui.

M. HARDY: Ce serait toujours après, la pénalité, pas avant. On ne peut pas pénaliser quelqu'un avant qu'il ait commis...

M. PAUL: II y aurait la défense de publier avant.

M. GAGNE: Mais pourquoi fait-on ça? Il me semble que ce n'était pas comme ça.

M. HARDY: C'est comme dans l'esprit du député de Laviolette, c'est pour empêcher...

M. GAGNE: C'est de la censure.

M. HARDY: Vous censurez après, dans votre affaire.

M. GAGNE: Avec des règles que vous avez établies.

M. HARDY: Ce sont les mêmes règles qui s'appliqueraient avant.

M. GAGNE: Je ne sais pas comment vous appelez ça dans votre métier, mais vous ne faites pas la présomption de l'honnêteté ou de, je ne sais comment, suivre les règles. Si vous établissez des règles, vous présumez que les gens vont suivre les règles.

M. HARDY: II y a beaucoup de lois qui disent qu'avant de faire telle chose, on doit se conformer, on doit démontrer que le plan qu'on a est conforme.

M. GAGNE: Si on prend le domaine du cinéma par exemple, je pense que le cinéma...

M. HARDY: C'est le cas le cinéma, vous avez le plus bel exemple. Avant de projeter un film, il faut le montrer, c'est aussi simple que cela.

M. GAGNE: C'est ce à quoi je pense. C'est praticable dans ce cas-là, je pense.

M. HARDY: Vous avez l'exemple parfait.

M. GAGNE: Le film doit être vu avant d'être autorisé pour fins de circulation.

M. HARDY: Autrefois, dans le clergé, selon le droit canon, tout clerc qui publiait un volume devait le soumettre à son ordinaire avant de le publier.

M. CORBEIL: IL y a une différence sur ce problème-là. Il me semble que le rapport Régis recommandait des positions différentes.

M. HARDY: Nous parlons de la loi actuelle. Selon la loi actuelle, même si elle est très élargie, même si les critères de sélection des films sont très élargis par rapport à ce qu'ils étaient autrefois, tout film — si mes informations sont encore à jour — avant d'être projeté dans un cinéma au Québec, doit recevoir un visa du bureau de surveillance quelconque. Il ne peut pas être projeté avant.

M. GAGNE: Au fond, vous nous posez une question sur laquelle n'importe quel citoyen un peu averti pourrait donner une opinion. L'opinion que nous pouvons avoir présentement, la mienne...

M. HARDY: II y a une question de principe là-dessus.

M. GAGNE: II y a un principe dans le sens que...

M. HARDY: Si vous dites que votre objection est uniquement d'ordre pratique, laissez-nous ça. Le problème pratique, nous allons le régler.

M. GAGNE: C'est ce que j'aurais tendance à vous...

M. HARDY: Ce que j'aimerais savoir des spécialistes comme vous — et d'ailleurs on le sait maintenant de M. Corbeil — c'est si vous avez des objections de principe à cette façon de procéder. M. Corbeil dit oui.

M. GAGNE: Moi, j'ai...

M. CORBEIL: Je me prononce comme citoyen.

M. PAUL: Est-ce que vous vous désolidarisez du groupe sur ce point-là?

M. GAGNE: Non, c'est qu'on est en train de réfléchir, en ce qui me concerne du moins, parce qu'on n'avait pas discuté de ce point et on ne s'était pas fait d'opinion commune là-dessus. Face à une situation comme ça, je ne voudrais pas avoir une loi qu'on appliquerait dans certains cas et non dans d'autres. Par exemple, dans le cas du cinéma, on oblige les fabricants de films à se présenter à un comité, je ne sais trop lequel, et à les faire censurer avant de les mettre en circulation. Dans d'autres domaines, on ne le fait pas et j'ai tendance à croire que c'est mieux de ne pas avoir de censure à toutes fins pratiques. L'auto-censure est préférable. Mais, comme on fait une loi, à un moment donné il faudra poser un jugement sur la qualité de l'information qui sera donnée dans le journal. Je me dis que c'est plus praticable et c'est mieux de faire une loi qui est applicable qu'une loi qui ne l'est pas. C'est très difficile d'application parce qu'il faut publier dans de courts délais.

Si vous avez une machine administrative qui permet de poser un jugement rapide sur la valeur de l'information qui est là, je n'aurais pas d'objection de principe présentement.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi.

M. CARPENTIER: Pardon! A la page 5, à l'article 4, au sujet de l'échantillonnage, vous dites: Les données sur les facteurs de pondération. Est-ce que vous pourriez nous en énumé-rer quelques-uns?

M. GOUSSE: Par exemple, il est possible que vous fassiez un sondage dans tout le Québec. Dans ce sondage — supposons un cas de 1,000 personnes échantillonnées — vous voulez surreprésenter la région de Québec puisque cette région ne représente que 7 p.c. de l'ensemble de la province de Québec. Par ailleurs, vous êtes intéressé à savoir ce qui se passe effectivement dans la région métropolitaine de Québec. Donc, vous êtes peut-être appelé à surreprésenter la région de Québec afin de voir ce qui s'y passe. Mais, lorsque vous allez parler de l'ensemble du Québec, il va falloir que vous pondériez la région de Québec de sorte qu'elle conserve toujours ses 7 p.c. en importance.

Ce sont ces facteurs de pondération dont on parle là-dedans.

M. CARPENTIER: A la dernière page de votre mémoire, la page 7, vous avez une série d'organismes qui ont signé. Est-ce que tous ces organismes ont leur bureau, leur siège social dans la province de Québec?

M. CORBEIL: Oui.

M. GOUSSE: II y a deux individus qui ont signé personnellement et qui travaillent dans des maisons de recherche. Si je comprends bien, votre question porte sur les organismes et les boites de recherche qui ont signé. Toutes ont leur siège social au Québec.

M. CARPENTIER: Tout le groupe qui a signé ici?

M. GOUSSE: Tout le groupe des maisons de recherche qui ont signé.

M. CARPENTIER: Ces firmes sont toutes enregistrées auprès des Institutions financières?

M. CORBEIL: Nous le sommes, nous.

M. HARDY: En d'autres termes, est-ce qu'il s'agit de compagnies incorporées?

M. CORBEIL: II y a un groupe qui n'est pas incorporé, le groupe enquêtes et sondages est incorporé sous l'Université du Québec à Montréal.

M. HARDY: C'est un service de l'université.

M. CORBEIL: C'est un service de l'université.

M. LE PRESIDENT: M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Est-ce que vous avez eu à déplorer dans le passé des diffusions erronées de vos sondages, pour demander aujourd'hui une loi qui couvrirait les diffuseurs?

M. GOUSSE: C'est une bonne question; je pense qu'on va vous répondre oui.

M. AUDET: Si la responsabilité complète du sondage relève de vous, pourquoi n'exigeriez-vous pas que la diffusion du mot à mot de vos données de sondage soit faite en tribune libre? Si le diffuseur ne doit pas passer par le président des élections qu'il vous réfère le texte qu'il doit publier puisque c'est votre responsabilité.

M. GOUSSE: II reste quand même l'espace. L'espace est déterminé dans un journal par l'éditeur et non pas par le journaliste. A ce moment, notre tribune libre n'aurait pas l'espace qui avait été accordé au moment de la diffusion première.

M. HARDY: La question du député d'Abitibi-Ouest, au fond, c'est: Pourquoi le diffuseur ne serait-il pas obligé de se soumettre à vos exigences, que ce soit publié en tribune libre ou autrement? Le principe est que vous, responsables du sondage, vous seriez les censeurs et vous auriez un droit de regard sur la façon dont on diffuse votre travail.

M. GAGNE: On s'en va vers ce genre de situation. A mesure que le temps avance, les boîtes de recherche commencent à poser de plus en plus d'exigences au niveau de la publication. Par contre, la solution de cette difficulté peut venir en partie des boites de recherche, mais...

M. HARDY: Ce serait plus facile pour vous si le législateur agissait.

M. GAGNE: Oui, ce serait plus facile. Il existe des boîtes à l'extérieur du Québec...

M. GOUSSE: Nous ne sommes pas les seuls qui publient des résultats au Québec.

M. HARDY: Surtout, vous n'auriez pas l'odieux devant vos clients de leur imposer une chose.

M. CORBEIL: Ce que je pourrais vous dire, c'est que notre code d'éthique a un paragraphe précis là-dessus et nous nous engageons à corriger les erreurs de parution.

M. HARDY: Je ne sais pas si ce serait l'avis de mes collègues, est-ce que vous auriez objection à nous faire parvenir votre code d'éthique pour nos archives?

M. CORBEIL: Aucunement.

M. GAGNE: Oui.

M. GOUSSE: On peut...

M. CORBEIL: Je vous ferai parvenir deux codes, celui de l'AAPOR, qui est l'American Association for Public Opinion Research et celui de l'Association mondiale.

M. HARDY : Est-ce qu'ils sont très différents?

M. CORBEIL: Ils sont différents. Celui de l'Association mondiale est beaucoup plus précis, plus élaboré et il a été fait par un groupe de personnes qui étaient moins nombreux. J'ai travaillé à l'élaboration de ce code et on est pris avec toutes sortes de problèmes à ce niveau-là... On a pris le problème avant notre existence au niveau international, c'est un peu ça, la chose. Pour aider certains chercheurs, dans des pays où ils ont de la difficulté, on a fait un code d'éthique qui pouvait avoir plus de résonnance et aider les chercheurs de différents pays. Comme nous étions moins nombreux, il a été plus facile de nous entendre sur ce code d'éthique que sur celui de l'AAPOR. Quand on l'a écrit il y a quelques années, je pense, nous étions déjà 800 membres.

M. HARDY: Mais votre groupe, auquel des deux se soumet-il?

M.CORBEIL: On suit les deux effectivement, on respecte le code de l'American, et la teneur de notre mémoire va dans le détail de ce qu'il y a dans celui de l'Association mondiale.

M. PAUL: Est-ce que vous avez un code écrit?

M. CORBEIL: Oui, il est écrit pour l'Asso-

ciation mondiale de recherche sur l'opinion publique.

M. PAUL: Mais pour votre association québécoise?

M. CORBEIL: On commence à...

M. GAGNE: On n'a même pas d'association.

M. CORBEIL: On n'a même pas d'association, on commence à... il y a un groupe de formé.

M. HARDY: Ce n'est qu'un front commun pour les fins de la commission.

M. GOUSSE: Qui va se perpétuer...

M. CORBEIL: Qui va se perpétuer dans le sens que vous l'indiquez.

M. GOUSSE: Peut-être que cela pourrait vous intéresser si nous vous envoyions aussi une copie du bill qui est pendant devant le Congrès américain sur la publication des sondages électoraux...

M. HARDY: Oui.

M. GOUSSE: ... dont nous nous sommes inspirés en bonne partie. Je vais vous le faire parvenir.

M. AUDET: M. le Président, si l'Assemblée nationale décrétait une simple loi à l'effet que toutes les diffusions soient soumises aux responsables des sondages avant publication, ne croyez-vous pas que même les diffuseurs pourraient être heureux de pouvoir se dégager de cette responsabilité? On enlèverait les possibilités de sanction vis-à-vis d'eux.

M. GAGNE : C'est une approche intéressante. Mais voyez-vous, vous nous amenez sur un terrain qui ne nous est pas familier. Ma première réaction à votre intervention est que je trouve la proposition intéressante à considérer. Quelles sont les implications que cela peut avoir pour nous? Il faudrait l'examiner de plus près. Mais je trouve que cela a de l'importance.

M. AUDET: En somme, avec le code d'éthique que vous nous présentez, vous nous amenez quasiment à croire que vous voulez nous apporter une honnêteté...

M. GAGNE: ... que vous espériez...

M. AUDET: ... qui ne souffrirait aucun doute. Donc, si vous êtes aussi intègres que cela, il faudrait aussi que vous portiez la pleine responsabilité de vos rapports. Donc, la diffusion serait intégralement conforme à ce que vous avez publié.

M. GOUSSE: Oui mais pour les maisons à l'étranger? Comment réglez-vous le cas des maisons de l'étranger qui publieraient au Québec?

M. GAGNE: On peut se demander si cela a suffisamment de poids auprès des organismes de publication. Je crois que non, a priori, comme ça. Mais ce serait à examiner.

M. GOUSSE: L'appartenance à l'association professionnelle, si on veut, n'est pas obligatoire, et nous ne la recherchons pas non plus.

M. GAGNE: En fait qu'une reconnaissance sociale du type qui serait incluse dans une loi, sur l'importance de donner au public l'information, je trouve que c'est une occasion unique pour un organisme gouvernemental de signifier qu'il prend l'intérêt du public. Je pense que c'est le premier temps.

Le deuxième temps, c'est de signifier aussi aux cherchers qu'on attend quelque chose d'eux. Si un point de collaboration peut se faire à ce niveau, tant mieux. Mais moi, je vois bien le jeu des deux à la fois, cela donne plus de poids aux gestes posés.

M. LESSARD: M. le Président, j'ai dû partir. Je ne sais pas si la question a été posée. Cela ne sera pas long. Il est déjà cinq heures. Quand je suis parti, le député de Beauce posait certaines questions sur la possibilité que quelques commanditaires puissent influencer la décision de poser telle question ou telle autre. Je m'inquiétais à un moment donné de voir que cela était peut-être possible. Je pose la question: Est-ce que les résultats d'une enquête/ d'un sondage, peuvent être influencés par le commanditaire?

M. GOUSSE: Je vais vous répondre que cette question a déjà été posée.

M. LESSARD: D'accord, mais est-ce que c'était oui ou non?

M.PAUL: Quand on n'est pas toujours constant et présent...

M. HARDY: En vertu du règlement, on ne peut pas revenir sur un débat.

M. LESSARD: M. le Président, je suis bien d'accord que la question a été posée mais j'ai dû parti parce que c'était un ministre libéral qui m'invitait à le rencontrer pour essayer de l'aider à résoudre un problème.

M.PAUL: Et vous pensez que nous allons vous croire?

M. LESSARD: Je lirai les Débats, M. le Président.

M. PAUL: Vous avez toujours le mérite de le dire mais...

M. HARDY: Le ministre doit être bien mal pris.

M. LESSARD: Ils sont toujours mal pris, M. le Président. Ils ne sont pas capables de régler les problèmes.

M. PAUL : J'appuie votre motion. M. LESSARD: Oui ou non?

M. GOUSSE: Non. Je pense qu'on a répondu tantôt...

M. HARDY: Le député lira le journal des Débats. Avez-vous d'autres questions? On veut terminer.

M. LESSARD : M. le Président, je comprends mais, si j'avais d'autres questions, je continuerais même s'il est 5 heures.

M. HARDY: Allez à une autre qui n'est pas posée.

M. LESSARD: Que le député de Terrebonne prenne son temps...

M. HARDY: Qui vous dit que je ne suis pas invité, moi aussi, par un ministre libéral?

M. PAUL: Qu'est-ce qui vous dit qu'il n'est pas invité à être nommé ministre?

M.LESSARD: Ils sont jaloux, M. le Président. Alors, d'accord, je n'ai pas d'autres questions. Je vous poserai la question tout à l'heure.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez d'autres questions? Le député de Terrebonne.

M.HARDY: C'est-à-dire, est-ce que c'est fini?

M.LESSARD: C'est cela. Est-ce vous qui donnez la conclusion là-dessus?

M. HARDY: M. le Président, je voudrais remercier, au nom de notre groupe, les membres des différents organismes qui ont témoigné cet après-midi. J'ai remarqué en particulier l'aspect pratique des suggestions que vous nous avez faites. Sans doute, elles nous aideront à trouver une solution à ce problème assez complexe.

M. GOUSSE: Je voudrais remercier M. le président ainsi que tous les députés qui sont présents ici cet après-midi. Je pense que je parle en mon nom et en celui de mes collègues. Nous avons eu l'impression que nous avons travaillé ensemble sur le sujet de la publication des sondages électoraux.

M. HARDY: Je pense que oui.

M. PAUL: M. le Président, il ne m'arrive pas souvent d'être entièrement d'accord avec mon bon ami l'honorable député de Terrebonne mais, aujourd'hui, c'est sans réserve que je partage son opinion et ses remarques.

M. AUDET: Merci beaucoup. M. LESSARD: Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux...

M. HARDY: J'allais l'oublier devant cette euphorie. Je propose que notre commission ajourne ses travaux, pro forma, au 15 novembre. Je propose également qu'à cette date nous nous penchions sur le problème des listes permanentes.

M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs.

(Fin de la séance à 17 h 4)

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