L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mardi 5 mars 1985 - Vol. 28 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation entreprend ses travaux. Je voudrais, à ce moment-ci, rappeler le mandat de cette commission qui consiste à procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur les aspects de la relève, du financement et de l'endettement agricoles au Québec.

Je voudrais, au début de ces travaux, mentionner les membres de la commission et les remplacements. Les membres sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Nicolet), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Dupré (Saint-Hyacinthe): M. Gagnon (Champlain) remplacé par Mme Juneau (Johnson): M. Houde (Berthier): le nom de M. Le May (Gaspé) ne doit plus apparaître; M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Maltais (Saguenay): M. Mathieu (Beauce-Sud) sera remplacé en cours de séance; M. Picotte (Maskinongé), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vallières (Richmond).

Remarques du président M. Yvon Vallières

Avant de procéder à l'audition des organismes, vous me permettrez de tracer rapidement le portrait de la commission que j'ai l'honneur de présider. Le 13 mars 1984 -cela fera donc un an mercredi prochain -était créée ia commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. C'est en effet au début de la session, l'an dernier, qu'étaient adoptées à l'Assemblée nationale, unanimement, les nouvelles règles de procédure issues de ce qu'il est convenu d'appeler la réforme parlementaire. Les commissions parlementaires constituent un des éléments principaux de changement du nouveau règlement. Il en est résulté des modifications substantielles de leur nombre, qui est passé de 27 à 9, de leur dénomination, de leur compétence et de leur composition. Ces instances parlementaires ne correspondent plus, comme par le passé, aux ministères de l'exécutif. Elles sont regroupées par secteur d'activité avec des champs de compétence plus diversifiés. Ainsi, notre commission assure tout au long de l'année une surveillance de tout ce qui concerne, à l'intérieur des travaux de l'Assemblée nationale, le secteur de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. La commission procède à l'étude des crédits du ministère concerné, à la vérification de ses engagements financiers, à l'étude détaillée des projets de loi et à la surveillance de la législation déléguée, c'est-à-dire des règlements.

En plus de ces obligations, les commissions bénéficient de plus d'autonomie et d'un pouvoir d'initiative qui n'existait pas auparavant. De ces nouvelles prérogatives, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation s'en est rapidement prévalue puisque, dès avril 1984, ses membres décidaient unanimement de se charger d'un mandat d'initiative afin d'étudier les questions de relève agricole au Québec, auquel mandat venaient s'ajouter, en août, les aspects de financement et d'endettement, sujets jugés on ne peut plus d'actualité et nécessairement liés à l'avenir et à la relève agricole du Québec. Pour accomplir ce mandat, les membres ont décidé de procéder à une consultation générale dont les auditions que nous entreprenons aujourd'hui sont le maillon principal.

Par ailleurs, durant l'automne, la commission a procédé, comme vous le savez, à l'étude des dossiers des sept agriculteurs qui avaient participé à une grève de la faim, à Saint-Cyrille-de-Wendover. Nous avons déposé, à l'Assemblée nationale, le 13 décembre dernier, le rapport de cette étude dans lequel nous recommandions, entre autres, la création d'un comité spécial pour aider les agriculteurs en difficultés financières et la mise sur pied d'une commission d'appel des décisions de l'Office du crédit agricole. Ce rapport fera d'ailleurs l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale au cours des travaux de la session qui reprendra mardi prochain.

Ce mandat sur les grévistes de la faim de Saint-Cyrille a causé un certain retard dans le cheminement de nos travaux, puisque nous escomptions tenir les présentes auditions en début d'année, mais cela nous a permis, d'autre part, de toucher on ne peut plus concrètement aux problèmes d'endettement des agriculteurs et de nous mieux préparer à recevoir les représentations qui nous seront faites durant les prochains

jours.

Concernant plus précisément notre mandat d'étude sur la relève, le financement et l'endettement agricole, l'objectif que poursuit la commission est de rechercher auprès des organismes et des individus du milieu agricole tout l'éclairage nécessaire pour nous permettre d'acheminer, à l'Assemblée nationale d'abord et au ministère concerné par la suite, des recommandations issues des besoins exprimés à travers les mémoires que nous avons déjà reçus et les représentations qui nous seront faites au cours des auditions.

Permettez-moi de souligner, dans un autre ordre d'idées, que notre commission, en se déplaçant à l'extérieur de l'Hôtel du Parlement pour tenir des auditions publiques, est la première commission de l'Assemblée nationale à se prévaloir de cette possibilité dans le cadre des nouvelles règles de fonctionnement.

Nous avons choisi les endroits où nous tenons nos auditions publiques en fonction des organismes qui ont demandé à être entendus. Ainsi, nous sommes à Montréal aujourd'hui et demain; à Saint-Hyacinthe, le jeudi 7. Nous serons par la suite à Québec pendant deux journées la semaine prochaine et nous compléterons nos auditions à Sherbrooke, le vendredi 15 mars. Nous aurons procédé à 28 auditions durant ces six journées. Nous comptons pouvoir produire, au cours du mois d'avril, le rapport final ainsi que nos recommandations à l'Assemblée nationale.

D'autre part, avant la fin du présent mois, la commission procédera à l'examen des orientations, des activités et de la gestion de l'Office du crédit agricole du Québec. Nous considérons ce mandat comme une suite logique du travail que nous avons entrepris cette année.

Ainsi, l'étude des dossiers des grévistes de la faim, la consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles et l'examen de l'Office du crédit agricole du Québec permettront aux membres de la commission d'être en mesure de parler en connaissance de cause et, c'est là mon souhait, d'améliorer les conditions dans lesquelles l'agriculteur québécois doit oeuvrer.

En terminant, je voudrais remercier tous les organismes et les individus qui nous ont fait parvenir des mémoires, et je dois dire que la qualité de ces documents me semble une garantie de succès pour notre consultation.

Là-dessus, avant de procéder à l'audition du mémoire de l'UPA comme tel, je demanderai de chaque côté de la table de faire une courte déclaration d'ouverture. M. le député de Maskinongé, suivi du député de Saint-Hyacinthe.

Déclarations d'ouverture M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je pense que, ce matin, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation peut se réjouir de pouvoir tenir ici des auditions. Une chose est certaine, souventefois, on s'est dit, à l'Assemblée nationale, que l'agriculture, malheureusement, depuis déjà trop longtemps, avait toujours les moins bonnes places, les moins bons endroits pour siéger, était reléguée au dernier plan. Depuis que nous étudions selon les nouvelles formes de commissions parlementaires dont nous faisons partie présentement et avec la commission parlementaire qui vient siéger ici ce matin, en consultation générale sur les aspects de relève, de financement et d'endettement agricoles au Québec, nous pouvons dire que nous sommes la seule commission qui, à ce jour, a décidé, et d'un commun accord, d'étudier certains points sans problème d'un côté comme de l'autre. On a accepté le mandat que nous nous étions fixé et, de toute façon, ce matin - évidemment, il y a eu une tempête; ce n'est pas de notre faute; et indépendamment de cela - je pense qu'on réalise le mandat qu'on s'était déjà fixé et pour lequel on a eu beaucoup de séances auparavant et pour lequel on a eu beaucoup de travail à faire.

Moi, je suis particulièrement fier de cette initiative, je suis fier que la commission de l'agriculture ait fait l'unanimité sur certains points en ce qui concerne le financement, l'endettement, la relève et aussi l'unanimité sur l'organisme que nous aurons à scruter à la fin du mois de mars, c'est-à-dire scruter l'administration de l'organisme qui s'appelle l'Office du crédit agricole du Québec. Je crois que tout cela s'est fait à l'unanimité, sans partisanerie politique et avec beaucoup de disponibilité, de part et d'autre, de chacun des députés qui siègent à cette commission. Alors, je dis tout simplement, parce que je veux surtout nous donner le temps d'écouter ceux qui nous ont déposé des mémoires, je veux surtout qu'on se dise ensemble bravo! pour cette initiative qui est fort louable et fort importante. Les idées qui vont nous être soumises ici ce matin, les questions que nous aurons à poser et tout ce qui sortira de ces débats ne pourront que porter fruit pour la classe agricole du Québec. Je crois que c'est un but commun.

Merci à ceux et à celles qui ont accepté de nous apporter des mémoires et de venir les discuter avec nous. Au nom du groupe parlementaire que je représente, je suis persuadé que nos discussions vont être fructueuses et je suis persuadé aussi que, finalement en fin de course, il n'y aura que

des retombées positives pour la classe agricole au Québec. M. le Président, je vous assure de notre collaboration et je suis persuadé qu'en cours de route nous aurons des questions fort pertinentes à poser à nos invités. Merci de vous être déplacés, entre autres, pour venir à cette consultation fort importante.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Maintenant la parole est au député de Saint-Hyacinthe.

M. Maurice Dupré

M. Dupré: Merci, M. le Président. Évidemment, comme le député de Maskinongé, il faut se réjouir. Il a fait la nomenclature des actions qu'on a faites depuis le début. Je crois que, dans un premier temps, il est certain que l'on doit s'en réjouir. Par contre, il faudrait qu'à chaque fois qu'on se rencontre et qu'on fait des commissions semblables, il y ait des suites. On sait qu'une commission comme celle qui débute ce matin coûte des dizaines de milliers de dollars et il faudrait qu'il y ait aussi des suites. Je pense qu'avant de passer à l'étude de l'organisme qui est l'Office du crédit agricole, on a déposé le 13 décembre le rapport final sur la commission des ex-grévistes. Il va falloir qu'il y ait des suites à cela. On sait que la situation est critique pour des dizaines et des dizaines de producteurs agricoles au Québec. Même si le document n'a pas été discuté à l'Assemblée nationale, je crois que, le ministre en tête, on aurait dû déjà avoir pris certaines décisions. II y avait le comité spécial et la commission d'appel. On peut bien se réunir et faire des rapports et discuter ensemble en bons amis, en toute quiétude, mais j'aimerais bien qu'il y ait des résultats. Notre temps, et aussi bien le vôtre, l'on déplace des quantités de gens. On a reçu la lettre - on avait demandé et on s'inquiétait un peu parce que les réponses tardaient ou les actions tardaient du côté du ministre. M. Garon nous dit dans sa lettre: "... Ne voulant pas présumer de la conclusion à laquelle en viendra l'Assemblée nationale lorsqu'elle aura disposé du débat de deux heures"... en tout cas, il croit qu'à ce stade "de se prononcer sur la question que vous portez à son attention est un peu prématurée. " Je regrette mais je ne pense pas que ce soit... Lui-même étant d'accord à ce moment, M. le Président, je demande au sécrétaire de réitérer sa demande au ministre pour qu'il y donne suite, sans attendre le débat de deux heures. (10 h 30)

On sait qu'au comité spécial et à la commission d'appel, à peu près tous les intervenants qui ont défilé lors de la commission sur les ex-grévistes de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover, la très grande majorité était d'accord, sinon la totalité, pour qu'on en vienne à des solutions concrètes immédiates.

Je pense que déjà, je me répète, cela a trop tardé. Je m'en voudrais de continuer dans cette idée, c'est-à-dire faire des commissions parlementaires juste pour faire des rapports et qu'on les mette sur les tablettes. Je vais participer à celle-ci, non seulement avec anxiété, mais avec beaucoup de disponibilité. Mais, avant d'entreprendre l'étude de l'organisme du crédit agricole, j'attendrai, M. le Président, qu'on ait eu des résultats concrets du rapport de la commission sur les ex-grévistes qu'on a déposé au mois de décembre.

M. Picotte: M. le Président, sur la demande que vient de formuler mon collègue de Saint-Hyacinthe... Moi, je ne voulais pas apporter ça ce matin. J'ai eu l'occasion, abondamment, durant la discussion qui a eu lieu avec les ex-grévistes, de faire part que certaines de nos recommandations devaient effectivement se réaliser. Moi, je dis immédiatement au député de Saint-Hyacinthe qu'il n'y aura aucune espèce de réticence de la part de l'Opposition pour faire des pressions auprès du ministre de l'Agriculture pour qu'il prenne enfin des décisions et pour qu'il donne suite à nos discussions.

Là-dessus, je pense que je vais être d'accord avec le député de Saint-Hyacinthe. Je suis bien heureux qu'on fasse toutes ces démarches, pour autant, évidemment, que ça porte des fruits et que ça règle certains problèmes. Malheureusement, jusqu'ici, dans le cas des ex-grévistes de la faim, ça ne nous a pas satisfaits. Cela fait longtemps et ça ne nous avait pas satisfaits, nous, de l'Opposition. Il y a d'ailleurs bien des choses, à l'intérieur de cette commission, qui ne nous ont pas satisfaits.

Je dois dire au député de Saint-Hyacinthe et à la majorité gouvernementale de se sentir bien à l'aise. Ils vont avoir l'appui de l'Opposition s'ils peuvent réussir à dégeler le ministre de l'Agriculture pour qu'il donne suite à certaines des recommandations qu'on fait. On espère que les recommandations qui seront faites à la suite de notre rencontre d'aujourd'hui et des quelques jours qui vont venir vont déboucher plus rapidement. C'est le seul voeu qu'on peut faire en y apportant un appui avec toute la force dont nous sommes capables.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe n'avait pas terminé son intervention.

M. Dupré: Pour ne pas retarder les travaux, je vais tout simplement demander au secrétaire de faire de nouveau une demande officielle au ministre, pour qu'il

procède dans ces deux cas-là.

Je remercie le président de l'UPA, les vice-présidents, les officiers qui sont présents ainsi que tous ceux qui ont fourni des rapports à la commission permanente de l'agriculture.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Peut-être juste une parenthèse pour les besoins de la presse qui écoute votre proposition d'aller auprès du ministre de l'Agriculture et de s'enquérir des développements à la suite de nos recommandations. Vous indiquiez qu'il y avait une recommandation qui visait également le ministre de la Justice. Ce dernier, en réponse à une lettre que le vice-président de la commission et moi-même lui faisions parvenir, nous a indiqué qu'il avait pris note des éléments d'information concernant notre commission et de présumés actes criminels. Il a demandé à la Direction générale des affaires criminelles et pénales de son ministère de se pencher sur ce dossier et de lui faire rapport. Il allait subséquemment faire part des développements aux membres de la commission.

C'est donc dire que, dans un cas, le ministre de la Justice, M. Pierre-Marc Johnson, a déjà commencé à s'occuper du dossier, avant même que le rapport ait fait l'objet de discussions à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, le ministre de l'Agriculture a également répondu à notre lettre, nous indiquant qu'il n'avait pas l'intention de se prononcer sur la question avant que l'Assemblée nationale ait l'occasion d'étudier le rapport qu'on a déposé.

Là-dessus, je voudrais, à la suite de ces précisions, vous faire part de l'ordre du jour de notre réunion. Ce matin, nous entendrons l'Union des producteurs agricoles du Québec. En après-midi, nos travaux recommenceront à 15 heures. Nous entendrons, dans l'ordre, la Chambre des notaires du Québec, l'Ordre des agronomes du Québec et le collège Macdonald. En soirée, nos travaux débuteront à 20 heures. Nous entendrons, dans l'ordre, la Fédération des producteurs de bovins du Québec et la Fédération de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield.

Sans plus tarder, j'invite l'Union des producteurs agricoles du Québec à présenter son exposé en demandant au princial porte-parole, le président, M. Proulx, de présenter les personnes qui l'accompagneront au cours de la présentation de son mémoire.

Auditions

Union des producteurs agricoles du Québec

M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier, dans un premier temps, de nous permettre de déposer devant vous aujourd'hui notre longue réflexion; on a fait un travail immense de consultation au cours des dernières années pour monter le dossier et se présenter devant vous ce matin. Il y a deux choses que je voudrais quand même préciser. C'est un dossier peut-être un peu trop volumineux pour une commission parlementaire, mais je voudrais vous faire remarquer qu'on l'a préparé pour deux choses, dont la commission parlementaire. Notre réflexion des dernières années portait sur la possibilité d'un sommet réunissant tous les intervenants. C'est pour ça que c'est peut-être, je ne dirai pas trop long pour une commission, mais plus long qu'un projet qu'on dépose normalement à une commission. Cette partie-là, je voulais la préciser avec vous.

Deuxièmement, on n'a pas pu vous le remettre dans les délais prescrits normalement, et on s'en excuse. On comprend que ça pose certaines difficultés, mais vous comprendrez que, de notre côté, des événements des dernières semaines ont fait qu'on n'a pas pu vous le remettre au moins une semaine avant. À cause de la mortalité d'un de nos économistes, la préparation du colloque fut plus longue et on vous remet ce matin le document. Là aussi, vous nous excuserez.

Je passe immédiatement à la présentation des membres et, par la suite, on procédera à la lecture, si vous voulez. M. Jean-Yves Couillard, deuxième vice-président de l'UPA; M. Jean Bernier, membre de l'exécutif de l'UPA; M. Jean-Claude Blanchette, secrétaire général de l'UPA; M. François Côté, responsable du service d'étude et de recherche de l'UPA, et M. Léo Vigneault, secrétaire général adjoint.

On peut procéder immédiatement. Si vous le permettez, on va faire la lecture du document, même si, je pense, il y a beaucoup de tableaux dedans. On ne passera pas au travers de tous les tableaux, on ira aux points majeurs de chaque tableau parce que je pense que c'est important qu'on lise le document puisqu'il contient vraiment....

Je demanderais à François de lire la première partie.

M. Côté (François): M. Proulx a situé un peu le travail. Cela ne se présente pas comme un mémoire habituel à une commission parlementaire, mais, pour nous, c'est un document de réflexion interne et il a été, en partie, pensé en fonction de ça. C'est un document, finalement, qu'on a l'intention éventuellement d'utiliser dans une conférence socio-économique qui portera spécifiquement sur le financement agricole.

Comme M. Proulx l'a dit, on va passer la première partie en revue. Ce n'est pas perdu pour vous parce qu'il y a là-dedans une analyse assez globale de l'évolution de l'agriculture, à l'intérieur de laquelle on

situe le financement agricole. Je lis à partir de la première page.

Plusieurs facteurs affectent la rentabilité de l'agriculture. L'efficacité des fermes, leurs coûts de production, le prix des intrants, le prix reçu pour les produits, les politiques gouvernementales d'assistance sont autant d'éléments fondamentaux. Il est reconnu que le financement et les intérêts déboursés constituent un élément déterminant pour la situation de l'agriculture et son développement. Réduits à leur plus simple expression, les paiements d'intérêt pourraient être considérés comme une dépense parmi l'ensemble des dépenses faites par les agriculteurs.

Vus sous cet angle, les paiements d'intérêt constituent la deuxième dépense en importance faite par les agriculteurs du Québec, atteignant 250 000 000 $ en 1984. C'est aussi une dépense dont l'importance relative a augmenté considérablement, passant de 7, 6% des dépenses en 1971 à 12, 2% en 1984, avec une pointe de 14, 5% en 1981.

On pourrait peut-être regarder les tableaux qui sont aux pages suivantes et qui illustrent un peu ce qui vient d'être décrit. Le tableau 1 de la page 2 énumère l'ensemble des dépenses en 1984, les principales catégories de dépenses faites par les agriculteurs du Québec et du Canada. En bas, total des dépenses d'exploitation: 2 109 709 000 $. Là-dessus, les dépenses d'intérêt, à la quatrième ligne, étaient de l'ordre de 258 000 000 $. Si vous regardez rapidement la colonne, vous observez que c'est la deuxième dépense en importance, la première étant les achats de moulée à 705 000 000 $.

Si on se compare au Canada - c'est assez intéressant de le faire - au Canada, les dépenses d'intérêt était de l'ordre de 2 090 000 000 $, ce qui représentait 15, 2% des dépenses totales faites par les agriculteurs du Canada, derrière les dépenses de machinerie et derrière les dépenses d'alimentation animale. Il est quand même intéressant d'observer que, finalement, les paiements d'intérêt au Québec représentent une dépense relativement moins importante que dans l'ensemble du Canada.

Je reviens au texte, è la première page. Pourtant, à plusieurs points de vue, les paiements d'intérêt ne sont pas une simple dépense comme les autres. C'est une dépense qui comporte plusieurs caractéristiques propres qui la rendent fondamentalement différente de toutes les autres.

Le financement, c'est le mécanisme par lequel s'opère la capitalisation de l'agriculture, qui est un des éléments les plus marquants du développement de l'agriculture. Et cela est vrai pour l'ensemble de l'économie.

Le monde occidental s'est engagé, à partir de ce qu'on a appelé la "révolution industrielle", qui débuta en Angleterre à une date qu'on situe arbitrairement vers 1760, dans un processus d'industrialisation accéléré. Dans le processus d'industrialisation, deux éléments fondamentaux sont à l'oeuvre: l'évolution des connaissances...

Il y a un tableau dont j'aurais dû vous parler, à la page 3; j'aurais dû vous le pointer avant de continuer. C'est aussi un tableau assez intéressant qui indique, depuis 1971 jusqu'en 1984, l'apport des dépenses d'intérêt dans les dépenses totales des agriculteurs au Québec et au Canada. On constate qu'en 1971, les paiements d'intérêt représentaient 7, 6% des dépenses totales et c'est rendu à 12, 2%, donc une croissance très significative au cours des années soixante-dix avec une pointe en 1981, comme on l'avait dit tantôt, au moment de la flambée des taux d'intérêt. On constate une évolution semblable au Canada: les dépenses d'intérêt représentent une part croissante des dépenses d'exploitation.

Je reviens à la page 4: L'évolution des connaissances et de la technologie, d'une part, et le mécanisme de l'épargne, de l'investissement et de la formation du capital, d'autre part.

La révolution industrielle a été et demeure essentiellement le recours, dans tous les secteurs de l'activité économique, à la machine pour produire. En ajoutant au travail humain le travail des machines, on a accru la production de biens à un rythme accéléré, de sorte que, malgré toutes nos misères et nos problèmes, tout historien avisé ne peut que constater que le monde occidental connaît, depuis la fin de la guerre, une période de sécurité et de confort matériels inégalée dans l'histoire.

Au moment de son introduction, partout et toujours, la machine est mise en opération parce qu'elle diminue les coûts de production, augmente le profit, ce qui est l'objectif visé dans un régime de propriété privée des moyens de production. S'il existe, au niveau d'une société, une épargne, c'est-à-dire des revenus qui n'ont pas été dépensés immédiatement, il peut être intéressant d'emprunter et de payer un intérêt pour obtenir cette épargne et se procurer des machines, et s'industrialiser davantage si les économies qui résultent de cette mécanisation accrue sont supérieures à l'intérêt payé sur l'argent emprunté.

À partir de la révolution industrielle, ce circuit épargne-emprunt-investissement s'est développé et a été un mécanisme fondamental dans l'accélération de l'industrialisation. De sorte que l'emprunt et l'investissement sont aujourd'hui, en agriculture comme dans les autres secteurs de l'économie, un des moteurs principaux du développement. En ce sens, le financement représente bien plus qu'un simple intrant

parmi tous les autres.

Dans le processus d'industrialisation, deux phénomènes doivent se produire en même temps: le développement d'industries regroupées dans les villes et une agriculture capable de produire des surplus qui serviront à nourrir cette main-d'oeuvre industrielle croissante.

L'agriculture devient alors une agriculture commerciale, en ce sens qu'elle vend une partie croissante de sa production et en retour achète des biens qu'elle faisait elle-même antérieurement.

Pour ce faire, il faut que soit augmentée la capacité de produire de la terre. Les connaissances techniques ont permis d'accroître le rendement de la terre. Le recours grandissant à la machine aussi. L'efficacité de l'agriculture moderne est telle que 5% de la population peut produire assez pour nourrir la totalité d'une collectivité. On fait ici référence aux tableaux 3 et 4 qu'on peut regarder. À la page 6, le tableau 3 décrit l'évolution, depuis le début du siècle, du nombre de fermes au Québec, de la population agricole, c'est-à-dire les agriculteurs et leur famille, et de la population totale du Québec. À partir de 1931 la première année où on a des chiffres complets, population agricole, 777 000 personnes; population totale du Québec, 2 800 000. À ce moment-là, la population agricole représentait 27% de la population. Il y a eu une diminution régulière du nombre de fermes et de la population agricole en même temps que la population totale du Québec augmentait, de sorte qu'on se retrouve en 1981 avec une population agricole de 186 365 personnes, agriculteurs et leur famille, et une population totale du Québec de 6 400 000; de sorte qu'aujourd'hui, la population agricole sur la population totale est de l'ordre de 2, 89%. Si on faisait le rapport emplois dans l'agriculture sur emplois totaux au Québec, on sortirait des pourcentages à peu près semblables. (10 h 45)

Les tableaux suivants sont assez denses. En même temps, disons qu'il y a matière à réflexion. Il y a matière quand même à réflexion à partir de ces chiffres-là. Ces deux tableaux décrivent l'évolution du capital agricole et de l'endettement agricole pour le Québec, l'Ontario et le Canada depuis 1941. Ce sont les chiffres du recensement, en réalité. À chaque recensement, il y a une évaluation du capital agricole à sa valeur marchande qui est faite en trois grandes catégories: terres et bâtiments, machines et outillage et animaux. Il y a deux tableaux qui suivent. Il y en a un qui est - c'est un peu le jargon d'économistes - en dollars courants, c'est-à-dire les chiffres tels qu'ils sont présentés. Ce tableau-là dit, par exemple - le premier chiffre dans le coin à gauche - qu'en 1941, le capital total investi dans l'agriculture au Québec est estimé à 742 000 000 $. Ce sont des millions de dollars. Si on va à l'extrême droite, en 1981, allons à 1983, le capital total investi dans l'agriculture au Québec est estimé à 9 879 000 000 $ et c'est réparti par catégories. Même chose pour le Québec et l'Ontario. On a finalement, par périodes de dix ans, 1941, 1951, 1961, 1971 et 1981. Le premier tableau est en dollars courants. Le suivant est en dollars constants. Il est plus intéressant parce que l'effet de l'inflation est éliminé.

Quand on regarde les chiffres de 1941 à 1984, avec l'inflation qu'on a eue depuis ce temps, en réalité, on compare un peu des pommes et des oranges. Cela vaut la peine de corriger les chiffres pour refléter les variations dans l'indice du coût de la vie. C'est ce qui est fait dans le tableau suivant: Estimé et mesuré en dollars de 1981, le stock de capital dans l'agriculture au Québec est de 4 365 000 000 $ en 1941, puis, en 1983, de 8 429 000 000 $, pour l'Ontario et le Canada. Je ne veux pas qu'on entre dans les détails de tous les chiffres parce qu'on y passerait la journée. Je vous indique ce que je trouve d'intéressant d'observer dans ce tableau. Si vous prenez le temps de le regarder, vous allez vous apercevoir que si on regarde les variations par tranches de dix ans, par exemple, 1951 sur 1941 et ensuite 1961 sur 1951, 1971 sur 1961, en général, l'accroissement de l'investissement dans l'agriculture était plus lent au Québec qu'en Ontario et en moyenne au Canada. Si vous regardez 1951 sur 1941, au total, 15% au Québec, au total 30% en Ontario, total, 36% au Canada. La décennie 1961-1951, vous observez...

Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je pense que cela ressort, quand on regarde les chiffres, que la croissance du capital était plus lente au Québec et, dans les années 1971 à 1981, depuis dix ans, les chiffres du Québec se comparent aux chiffres du Canada. Peut-être que la seule chose que je vais faire ressortir de ce tableau, c'est que, finalement, de 1941 à 1971, dans ces termes - valeur du capital investi en agriculture - la croissance était plus lente au Québec que dans le reste du Canada et, depuis dix ans, les tendances se comparent. Si vous voulez peut-être revenir là-dessus plus tard...

Je reviens au texte à la page 5. Autre phénomène essentiel dans le processus de l'industrialisation, c'est que la ville et l'industrie qui s'y développe offrent des emplois qui deviennent des alternatives à la vie sur la ferme. L'emploi à la ville devient une alternative à l'emploi agricole. L'agriculteur a à décider s'il est plus rentable de faire manuellement une opération ou de la mécaniser. Plus les salaires de la

ville sont élevés, plus il sera nécessaire de mécaniser les opérations de la ferme.

Dans la mesure où le processus de commercialisation de l'agriculture est amorcé apparaît un autre facteur fondamental: la concurrence. Les produits agricoles peuvent de plus en plus être transportés et mis en vente à des distances sans cesse croissantes de leur lieu de production, avec la modernisation des transports. Les consommateurs des villes, de plus en plus nombreux et, par conséquent, puissants politiquement, cherchent naturellement à payer leur nourriture le moins cher possible. Si elle vient d'ailleurs et qu'elle est moins chère, il la préférera à celle produite ici.

L'histoire récente de l'agriculture est l'histoire de la transition rapide d'une agriculture vivrière vers une agriculture commerciale, évolution où le recours au financement et l'investissement ont joué et continuent de jouer un rôle déterminant.

À la page 8. Un deuxième aspect très particulier du financement, en agriculture à tout le moins, c'est qu'il joue un rôle clé dans la transmission des entreprises d'une génération à l'autre et d'une personne à l'autre.

Les parents propriétaires d'une entreprise agricole qui prennent leur retraite doivent retirer un montant d'argent au moment de la transmission de l'entreprise familiale. Depuis longtemps, les fermes ne se donnent plus à un des enfants, comme cela a été le cas à d'autres époques. Car, avec l'évolution des rapports sociaux, les parents, comme tous les autres travailleurs qui se retirent, ont besoin d'un fonds de retraite pour assurer leur sécurité financière. Or, tout l'avoir qu'ont pu constituer les parents dans leur vie est investi dans la ferme, ce qui est tout à fait normal. L'équité de la ferme constitue le fonds de retraite des agriculteurs. Il est absolument nécessaire que les parents puissent récupérer leur avoir pour pouvoir vivre dignement leur retraite comme n'importe quel autre citoyen.

Donc, celui qui acquiert la ferme doit emprunter et payer aux parents la somme nécessaire pour satisfaire ce besoin.

Pour ces raisons, le financement est un élément central du fonctionnement de l'agriculture.

L'évolution récente de l'agriculture et la situation actuelle. Plusieurs mesures tendent à montrer qu'au cours des 15 dernières années, les efforts des agriculteurs pour accroître et diversifier leur production, jumelées avec les politiques agricoles mises en place, ont produit un certain nombre de résultats significatifs.

Au niveau de l'emploi total dans le secteur de la production primaire, il y a, depuis 1975, une tendance à l'accroissement de l'emploi total en agriculture. On peut estimer que l'emploi dans l'agriculture a, entre 1975-1977 et 19B1-1983, augmenté de plus de 5000 emplois, passant de 72 000 à environ 76 500 emplois. Au niveau canadien, il n'y a pas de telle tendance. L'emploi total agricole au Canada se situe au même niveau qu'en 1975.

Au niveau du développement des productions, il y a eu une expansion marquée dans certains secteurs. Dans le porc, entre 1971 et 1976, les producteurs de porc du Québec ont fait passer leur part de la production totale canadienne de 17% à 30%. De 1976 à aujourd'hui, ils ont participé à l'expansion générale de la production au Canada: depuis 1976, la production du Québec a augmenté, comme celle du reste du Canada, d'environ 90%, et notre part de marché s'est maintenue à un peu plus de 30%.

Des changements marquants sont survenus dans la production des céréales. Dans ce secteur, les acrages sont passés de 837 000 acres en 1976 à 1 376 000 acres en 1984, un accroissement de 64%.

Dans la production du bovin de boucherie, les résultats sont moins évidents jusqu'à maintenant. Le nombre de vaches de boucherie sur les fermes, après avoir augmenté au début des années soixante-dix et après avoir subi une baisse importante en 1976 et en 1977, est demeuré sensiblement le même depuis 1977. Le même phénomène se déroule dans le bouvillon de boucherie. La production est stable. Cependant, il faut être conscient qu'au cours de la même période, le nombre de vaches de boucherie a diminué de 17, 5% à l'échelle canadienne et le nombre de bouvillons de 26%. En d'autres mots, l'industrie naissante du boeuf s'est maintenue dans une conjoncture générale à la baisse, de sorte que notre part du marché canadien dans ces deux productions a légèrement augmenté tout en demeurant très faible, à environ 4%.

Dans le secteur de l'industrie laitière, la production globale a peu varié. Il y a eu cependant un mouvement très marqué de consolidation. La production par ferme a augmenté de 46% au Québec entre 1971 et 1981, passant de 234 000 à 343 000 livres pendant qu'elle augmentait de 22% dans le reste du Canada pour se situer à 399 000 livres en 1981. Ce faisant, le Québec comblait une grande partie de l'écart qui le séparait du reste du Canada au début des années 1970.

En plus de ces grands mouvements, it y a eu des progressions importantes du volume dans plusieurs productions comme l'agneau, la betterave à sucre, les fraises et certains légumes. On pourrait dire les légumes dans leur ensemble.

Même si les statistiques semblent indiquer une expansion et un développement de l'agriculture du Québec au cours de la dernière décennie prise comme un tout, il

faut constater qu'au cours des quatre dernières années la situation de l'agriculture s'est détériorée au Québec comme dans le reste du monde. La détérioration de la situation actuelle de l'agriculture est le résultat du jeu combiné de deux facteurs: l'augmentation substantielle des taux d'intérêt qui atteignirent des sommets historiques à la fin de 1981 et au début de 1982; des prix très bas dans plusieurs produits agricoles majeurs, notamment le porc, le boeuf et les céréales.

Les conséquences de ces deux phénomènes se sont manifestées de la façon suivante: les revenus nets agricoles avaient connu au Québec comme au Canada une augmentation importante dans les années 1973, 1974, 1975. Au cours des années suivantes jusqu'à aujourd'hui, ils sont demeurés supérieurs au niveau des années 1960, mais ont fluctué à la baisse (en termes réels) par rapport au niveau des années 1973 à 1975, de sorte qu'aujourd'hui les revenus agricoles nets, réels sont actuellement au Québec inférieurs de 25% à ce qu'ils étaient en 1973, 1974, 1975. Au Canada, ils sont actuellement inférieurs de 50, 9%

II y a un tableau à la page 13 qui illustre ce qui vient d'être décrit. II serait peut-être utile de regarder ce tableau qui a une certaine importance. À la page 13, revenu agricole net réalisé, Québec et Canada, en millions de dollars. C'est donné en dollars courants et en dollars constants de 1971. C'est toujours plus intéressant de regarder les dollars constants parce que l'effet d'inflation est éliminé des chiffres. On a les mêmes chiffres pour le Canada. Si vous lisez la colonne rapidement, vous allez vous apercevoir qu'en 1973, 1974 et 1975 il y a eu une augmentation - en 1972 aussi -importante des revenus agricoles nets au Québec. Au cours des années suivantes, de 1976 à 1960, 1981, cela a été plus bas un peu et relativement stable, avec des fluctuations; il y a eu une baisse en 1977. Mais on retrouve en 1981 à peu près le même niveau qu'en 1976. Depuis 1981, il y a une diminution importante du revenu agricole net.

Bon, c'est en millions de dollars; peut-être que j'aurais dû le dire. Ce sont les statistiques de Statistique Canada; les statistiques du Québec sortent la même chose aussi. C'est 218 000 000 $ de revenu agricole net pour l'agriculture du Québec. Diminution importante à partir de 1981: 275 000 000 $, 251 000 000 $, 210 000 000 $. Un certain redressement en 1984; il est clair que 1984, par rapport à 1983, représente un léger progrès, mais dans la tendance, ce n'est pas un redressement significatif par rapport au niveau qu'on avait connu dans les années 1979-1980.

Il est important et intéressant d'observer que les mêmes tendances se produisent à l'échelle canadienne: augmentation substantielle des années 1973, 1974, 1975. Diminution par la suite et une certaine stabilité. Depuis 1982, baisse très importante des revenus agricoles nets.

Je reviens, en haut de la page 12, au texte. Les derniers chiffres indiquent, pour l'année 1984, une hausse par rapport à 1983 de 14% du revenu net réalisé au Canada et de 17% au Québec. Au Canada, 70% de l'accroissement du revenu net réalisé résulte d'une diminution dramatique des inventaires survenus dans certaines provinces, surtout en Saskatchewan. De plus, les chiffres du tableau illustrent très clairement que l'année 1984 ne constitue en aucune manière un redressement significatif par rapport à la baisse des dernières années. (11 heures)

Un autre indice de la détérioration de la situation de l'agriculture est l'augmentation des faillites agricoles depuis quelques années. Ce sont les chiffres de Consommation et Corporation Canada sur les faillites agricoles au Québec et au Canada. En 1979, il y avait 14 faillites agricoles officielles - syndic et tout - déclarées; il y en a eu 162 en 1984 avec une croissance régulière. Finalement, c'est un indice d'une certaine détérioration de la situation,

II y a eu modification importante dans l'évolution du prix des terres. Après avoir augmenté de façon très significative pendant les années soixante-dix, le prix des terres diminue au Canada depuis 1981. Au Québec, les valeurs ont augmenté mais très lentement depuis 1980. L'augmentation ayant été nettement moins rapide que l'inflation, il y a eu au Québec baisse de valeur réelle du prix des terres depuis 1980.

Les résultats du sondage de la Société du crédit agricole décrivent très clairement l'évolution de la situation financière des fermes du Québec au cours des dernières années.

MM. les députés, on s'est rendu compte ce matin qu'il manque ce à quoi fait référence le résultat du sondage de la Société du crédit agricole; les deux tableaux de chiffres qui sont tirés de ça sont absents du mémoire. On vous les fera parvenir. Je pense que vous allez en entendre parler beaucoup pendant vos discussions parce que ce sont des données récentes qui apportent beaucoup d'informations sur la situation de l'agriculture.

En quelques mots, les chiffres du sondage de la société disent beaucoup de choses, entre autres, qu'entre 1981 et 1984 il y a eu des diminutions de l'équité des producteurs, c'est-à-dire perte de valeur nette des agriculteurs dans la production de céréales et dans la production de porc au Québec. Cela mesure des choses dont tout le monde parle, dont on entend parler, cela met des chiffres dessus: une détérioration

mesurée de la situation financière des producteurs. On vous enverra ces chiffres-là d'ici à demain pour que vous les ayez en main.

À la page 14, il y a un certain nombre de chiffres intéressants aussi qui ont une assez grande importance finalement pour comprendre l'évolution de l'agriculture depuis une couple d'années. C'est l'évolution du prix des terres au Québec et au Canada entre 1971 et 1983, Cela est donné sous forme d'indice, c'est-à-dire un indice 100 en 1971. Si on lit ce qui concerne le Québec, l'indice est passé de 100 à 364. Cela veut dire que la terre qui se vendait 100 $ en 1971 se vend 364 $ en 1983. Donc, augmentation de 264 sur 100. On donne aussi les variations annuelles survenues. En 1972, augmentation de 9, 2%, 13%, 15%. On peut voir des augmentations substantielles du prix des terres jusqu'en 1980. À partir de 1980, très légers accroissements. En réalité ce sont des accroissements inférieurs à l'inflation générale. On n'a pas encore les chiffres de 1984.

Au niveau canadien, le même phénomène se produit: des augmentations substantielles de 1971 à 1983. Il est important de constater que l'indice est passé de 100 à 412 pour le Canada. Donc, malgré qu'au Québec on est conscient que cela a beaucoup augmenté, cela a augmenté plus vite en moyenne au Canada. L'augmentation du prix des terres qu'on a connue sur l'ensemble de la période demeure inférieure à celle qui s'est produite ailleurs. On observe que nos prix se sont stabilisés. Il y a eu, dans le reste du Canada, baisse du prix des terres en 1983.

Je reviens en haut de la page 15. Le paragraphe concerne le sondage dont les chiffres ne sont pas là. Même si les chiffres sont très globaux, ils confirment, au Québec, une détérioration importante de la situation financière des producteurs de porc et des producteurs de céréales. Au niveau moyen canadien, on constate également une détérioration de la situation des producteurs de boeuf et une plus grande stabilité qu'au Québec pour les producteurs de céréales.

Une analyse plus poussée de la situation dans chaque province telle que révélée par le sondage de la société fait ressortir un élément extrêmement inquiétant. Pendant qu'au Québec et en Ontario les producteurs de porc éprouvaient des difficultés très graves, les producteurs de porc des provinces des Prairies, eux, étaient rentables au point d'augmenter leur équité de façon très significative. Ce fait doit être associé à celui que la part du Québec dans la production canadienne de porc a diminué depuis 1981, passant de 34, 8% en 1981 à 32% en 1984.

Quant aux perspectives d'avenir, il y a eu un revirement important dans les pronostics au cours des dernières années. En 1980, le gouvernement fédéral publiait un document très important intitulé "Le défi des années 80: pour une stratégie agro-alimentaire pour le Canada". La base de cette stratégie était la possibilité que l'augmentation des exportations permette au Canada d'accroître sa production agricole de 85% d'ici à l'an 2000. Personne, à ce moment, n'a songé à contester cette vision particulièrement optimiste. Aujourd'hui, les pronostics sont beaucoup plus pessimistes.

Au niveau du marché des céréales, après une décennie de demande relativement forte, il y a, depuis 1981, surproduction au niveau mondial et tendance à la baisse des prix. Le programme américain "Payment in Kind", qu'on appelle toujours le programme "PIK", en 1983, joint à la sécheresse qui a sévi aux États-Unis en 1983, avait entraîné une réduction de 14% de la production de blé et une réduction de 50, 2% de la production de maïs aux États-Unis. Cela a eu comme effet de redresser temporairement le marché des céréales et les effets se font encore sentir. Cependant, si la production mondiale maintient sa tendance actuelle, il y aura création de surplus au niveau mondial au cours des prochaines années. Les causes principales de ce renversement au niveau mondial sont la croissance de la production de céréales à l'intérieur du Marché commun au cours des dix dernières années, les difficultés financières des pays sous-développés, le développement de l'agriculture en Chine, et on pourrait en ajouter.

Sur le marché des céréales, au problème de la surproduction mondiale s'ajoute celui de la politique agricole américaine. Le système de prêts aux agriculteurs américains, qui a amené te gouvernement américain à soutenir les prix américains en constituant des stocks, a aussi contribué à soutenir le prix mondial des céréales depuis le début des années quatre-vingt. Or, l'administration Reagan a exprimé sa volonté de réduire de façon très substantielle son aide aux agriculteurs américains dans le but de cesser de soutenir aux frais du contribuable américain le cours mondial des céréales et d'autres denrées alimentaires. Les décisions qui se prendront à ce sujet aux États-Unis au cours des prochains mois seront capitales pour les agriculteurs du Québec.

Les perspectives du marché des céréales sont très sombres pour les prochaines années. De telles perspectives pour le marché des céréales ne peuvent qu'avoir des effets négatifs sur le marché des viandes car, lorsque les producteurs de céréales touchent peu pour leur produit, ils transforment une plus grande partie sur place en intensifiant leur production animale et cela engendre des baisses de prix sur le marché des viandes.

En résumé, les années soixante-dix ont été des années d'inflation et des années où les taux d'intérêt réels, c'est-à-dire taux d'intérêt moins l'inflation, ont été faibles, parce que les marchés financiers se sont adaptés avec retard à l'inflation. Dans un tel contexte, il était logique d'emprunter et d'investir, y compris dans l'acquisition de nouvelles terres. Cette conjoncture, jumelée avec la croissance des revenus des années 1973 à 1975, a entraîné une demande pour les terres et en a fait augmenter la valeur de façon très importante créant des plus-values comptables qui ont compensé, dans l'esprit des agriculteurs, la tendance à la baisse des revenus agricoles réels.

Nous sommes entrés dans une situation radicalement différente. L'inflation est considérablement ralentie. Les taux d'intérêt réels que nous connaissons actuellement sont les plus élevés des dernières décennies. C'est un changement fondamental. La décision qui était la bonne il y a dix ans est celle qui, aujourd'hui, conduit à des difficultés. En plus de ce renversement de situation en ce qui concerne les taux d'intérêt, est survenue la crise du porc, où les prix se maintiennent très bas; et, tel que nous l'avons mentionné précédemment, l'industrie du boeuf au Canada est en décroissance depuis plusieurs années. Tel que mentionné plus haut, la situation au niveau du marché mondial des céréales est, finalement, assez inquiétante.

La situation actuelle des fermes en ce qui concerne l'endettement. Les tableaux et les commentaires des pages précédentes ont fait ressortir l'accroissement marqué du capital agricole et des emprunts faits par l'agriculture.

Il a fait ressortir aussi que les agriculteurs ont, en moyenne, un taux d'équité très élevé. Cela aussi se réfère au sondage révélant que la ferme moyenne au Québec avait une équité de l'ordre de 75% en 1984. Au Québec, le taux d'équité moyen est actuellement de 75%, soit une diminution de 5% par rapport à 1981. Au niveau canadien, le taux d'équité est de 82%. L'écart entre le Québec et le Canada reflète une montée plus rapide au Canada qu'au Québec du prix des terres. Je pense que l'autre bout est inutile. De fait, le rapport paiements d'intérêts sur dépenses totales -ce sont des chiffres qu'on a vus au début -demeure légèrement inférieur au Québec par rapport au reste du Canada, comme on l'a illustré au tableau 2.

Le taux d'équité moyen est cependant très trompeur. Dans leur évolution normale, toutes les fermes connaissent des périodes où elles sont très endettées, soit lorsqu'elles sont transmises d'une génération à une autre et lorsqu'il y a de nouveaux investissements de réalisés. Des périodes de difficultés financières vont aussi entraîner un accroissement des dettes, à tout le moins pour ceux qui étaient dans une situation financière serrée, donc ceux qui étaient déjà fortement endettés au moment où sont survenues les difficultés.

Le sondage publié récemment par la Société du crédit agricole divise les agriculteurs en trois catégories, selon leur degré d'endettement. Ces chiffres sont reproduits au tableau 9 qu'on peut regarder à la page suivante. Il y a la situation moyenne des fermes selon leur degré d'endettement du Québec et de l'Ontario. On n'a pas l'équivalent canadien. On y retrouve les fermes du Québec qui ont fait l'objet du sondage de la Société du crédit agricole. Le sondage portait - j'aurais peut-être dû vous l'indiquer - sur l'ensemble des fermes de recensement, c'est-à-dire, si vous êtes un peu familiers avec cela, que le recensement donne le nombre total de fermes, c'est-à-dire qu'en se promenant dans les campagnes au moment du recensement, partout où il y a des ventes de produits agricoles de déclarées, on déclare cela comme fermes. Par ailleurs, lors du recensement, il y a aussi une catégorie appelée fermes commerciales, c'est-à-dire toutes les fermes qui ont déclaré plus de 2500 $ de revenu brut. C'est cela la ferme de recensement, et c'est là-dessus que le sondage de la société a porté; c'est un échantillon des gens qui, au recensement de 1981, avaient déclaré plus de 2500 $ de revenu brut agricole.

Les résultats obtenus, à la page 19, sont divisés en trois catégories, soit les plus faiblement endettées, les moyennement endettées et les plus endettées. Si on regarde la catégorie des plus endettées au Québec, dans ce groupe - ce serait peut-être une autre parenthèse... Il y avait 38 000 fermes. Il y a un nombre d'à peu près 38 000 fermes au Québec. Le sondage portait sur à peu près 38 000 fermes. En divisant cela en trois catégories, cela en mettrait à peu près 13 000 dans chaque catégorie, les 13 000 les moins endettées, les 13 000 moyennement endettées et les 13 000 les plus endettées, approximativement.

Le groupe des plus endettées avait un actif total de 367 000 $, un endettement moyen de 176 000 $, un avoir net moyen de 190 000 $, donc un taux d'endettement, c'est-à-dire la dette sur l'actif total, de 48%. Voici d'autres caractéristiques reliées à ce groupe: des ventes moyennes de 123 000 $, des ventes par dollar d'actif de 0, 33 $, un revenu extérieur de 6600 $, le nombre d'années moyennes en agriculture, 11 ans pour ce groupe, des capitaux investis, en 1983, de 25 000 $, des capitaux empruntés, en 1983, de 43 000 $.

Je vais peut-être laisser les chiffres pour revenir au texte. Au bas de la page 18, le texte fait ressortir de ces chiffres ce qu'on pense être un certain nombre de faits

importants. Vous pourrez y revenir.

Donc, le tiers le plus endetté des agriculteurs, environ 13 000 agriculteurs, ont, en moyenne, un taux d'endettement de 48% et assument une dette moyenne de 176 000 $.

Les agriculteurs les plus endettés sont en même temps les plus productifs. Leur rapport ventes sur actif total est supérieur à celui des agriculteurs moins endettés, les 0, 33 $ dont on parlait tantôt.

En moyenne, les agriculteurs les plus endettés, les plus productifs sont aussi les plus jeunes.

On constate aussi que le groupe des plus endettés est en même temps celui qui investit le plus, vraisemblablement dans du capital productif, puisque d'autres chiffres du sondage révèlent que, de 1981 à 1984, seulement deux postes d'investissement ont progressé, soit les améliorations foncières et les achats de quotas. (11 h 15)

Le tableau confirme, par ailleurs, la détérioration de la situation économique en ce sens que les agriculteurs les plus endettés ont emprunté davantage qu'ils n'ont investi en 1983, donc qu'ils ont emprunté pour financer un déficit d'exploitation. Cela ne s'est pas produit, en moyenne, pour les groupes moyennement ou peu endettés. Cela confirme que les agriculteurs les plus productifs sont aussi les plus vulnérables à une augmentation des taux d'intérêt et à un revirement de prix dont l'effet combiné ne peut être compensé par la seule efficacité.

Un autre phénomène fondamental qui se dégage de ce tableau est le faible rapport ventes-capital investi. Quand on fait la moyenne de tous les agriculteurs du Québec on constate que les ventes sont de l'ordre de 0, 24 $ par dollar de capital investi, ce qui est très faible.

Cela reflète le fait que l'agriculture est une industrie très fortement capitalisée, une des plus capitalisées de l'économie, comme le confirment les chiffres suivants. Ce sont des chiffres qui sont tirés d'une étude de professeurs de l'Université Laval, Robert Saint-Louis et Jean-Pierre Lachapelle, pour le Conseil économique du Canada, faits en 1982, où on donne le rapport capital investi en agriculture/valeur ajoutée par l'agriculture. La valeur ajoutée est une mesure utilisée par la statistique économique pour mesurer la production d'un secteur. C'est la même mesure qui est appliquée dans tous les secteurs. Le rapport capital/valeur ajoutée au Canada, en 1976, était de 9. 16 en agriculture. Cela veut dire 9. 16 $ de capital investi pour chaque dollar de production mesurée par la mesure production en valeur ajoutée. Donc, 9 $ de capital investi par dollar de production. En forêt: 0. 27; dans le secteur des mines: 1. 45; dans le secteur manufacturier pris globalement: 0, 75 $.

Donc, dans le secteur manufacturier, 0, 75 $ de capital investi par dollar de production faite mesurée par la valeur ajoutée. Les conséquences de cette situation feront que les remboursements d'intérêt vont nécessairement représenter une part plus importante des dépenses totales que dans d'autres secteurs d'activité. Une façon d'illustrer ce fait c'est de constater que les paiements d'intérêt de 258 000 000 $ équivalent à 38% du revenu net agricole de 679 000 000 $ au Québec en 1984.

C'est pourquoi les variations de taux d'intérêt auront nécessairement un impact beaucoup plus grand sur le secteur agricole que sur la majorité des autres secteurs d'activité.

M. Proulx (Jacques): Le rôle de l'État dans le financement de l'agriculture. Une des caractéristiques essentielles du financement de l'agriculture est l'implication importante de l'État.

Plusieurs facteurs historiques ont entraîné cette évolution. L'impact de la grande dépression sur le monde rural, la volonté de relocaliser des soldats après la guerre, la nécessité d'une agriculture efficace pour nourrir la population urbaine croissante, certaines caractéristiques sociologiques qui différencient le monde agricole du monde industriel et enfin la dispersion géographique des fermes sont des facteurs qui ont amené les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à s'impliquer dans le financement de l'agriculture à différents moments de l'histoire récente.

Au niveau canadien on a assisté en 1927, à la création de l'Office des prêts agricoles, qui est l'ancêtre de la Société du crédit agricole actuel. Au Québec, la Loi sur le crédit agricole fut votée le 12 novembre 1936. Cette loi prévoyait des prêts aux agriculteurs au taux de 2 1/2% au moment où l'organisme fédéral prêtait à 5 1/2%. Le gouvernement fédéral est progressivement devenu un agent prépondérant et cela a amené la plupart des provinces, sauf le Québec et la Nouvelle-Écosse, à se retirer progressivement du domaine du financement agricole. Depuis une dizaine d'années, toutefois, le gouvernement fédéral a diminué son rôle dans l'ensemble du Canada. Dans les autres provinces du Canada, le vide laissé progressivement par le retrait du fédéral a été occupé par le secteur bancaire. Le Québec a suivi une évolution différente. Le retrait du gouvernement fédéral a été entièrement compensé par l'importance croissante qu'a acquise l'Office du crédit agricole par ses prêts directs puis, à partir de 1978, par l'avènement du système tandem par lequel l'Office du crédit agricole garantit des prêts consentis par les banques aux agriculteurs et assume une partie des frais

d'intérêt. D'ailleurs vous avez un tableau qui est très explicite qui démontre très clairement le retrait, et d'une façon très rapide depuis 1980, depuis 1977, depuis les prêts tandem particulièrement, de la Société du crédit agricole.

Une analyse de l'activité de l'office révèle clairement l'importance qu'a acquise l'office dans le financement de l'agriculture du Québec. Ainsi, l'encours total des prêts (tous les types de prêts) faits ou garantis par l'office, qui est de 1 538 000 000 $, représente 63% de toutes les dettes des agriculteurs du Québec. Au chapitre du long terme, l'encours de 1 266 000 000 $ de prêts à long terme de l'office représente 75% des dettes à long terme des agriculteurs du Québec.

L'implication croissante du gouvernement du Québec dans le financement de l'agriculture s'est traduite par une augmentation des montants versés en rabais d'intérêt, qui sont passés de 15 100 000 $ en 1975-1976, à 115 000 000 $ en 1982-1983, à 69 700 000 $ en 1983-1984. La pointe de 1982-1983 correspond à la flambée des taux d'intérêt qui ont atteint, à l'été 1981, le niveau de 22, 75%.

Étant devenu l'agent dominant dans un domaine aussi crucial que le financement, l'office est devenu l'objet de controverse au point où certains sont portés à se demander s'il ne faut pas remettre en question de façon fondamentale le rôle de l'État dans le financement de l'agriculture. Étant donné la place qu'occupe l'office et son statut d'organisme public, il est inévitable qu'il fasse l'objet de critiques. Cependant, cela ne doit pas faire perdre de vue l'aspect qu'aussi bien les agriculteurs que la collectivité ont bénéficié de l'intervention du gouvernement du Québec dans le financement de l'agriculture.

Il y a eu un essor important des productions et de l'emploi dans l'agriculture, que nous avons décrit précédemment. De nombreuses entreprises ont pu croître et augmenter leur rentabilité. L'assistance au financement a permis à de nombreux jeunes agriculteurs d'acquérir la ferme familiale alors que cela aurait été impossible à plusieurs s'il avait fallu compter uniquement sur le crédit bancaire.

Nous sommes également convaincus qu'il est important et désirable que l'État demeure un agent important dans le financement de l'agriculture pour les raisons suivantes. La première est que le financement est un canal par lequel on peut contribuer à réaliser plusieurs objectifs d'une politique agricole, par exemple le développement de nouvelles productions, de faciliter la transmission d'une ferme d'une génération à l'autre ou d'accorder aux femmes une plus grande place dans le processus économique.

La deuxième est que l'agriculture est fondamentalement instable et est périodiquement secouée par des crises profondes qui mettent en danger l'existence même d'un grand nombre de fermes. Il se vit actuellement un tel bouleversement dans l'agriculture nord-américaine. Après une décennie de marchés relativement stables, les prix tombent, la valeur des terres chute dans un contexte où les taux d'intérêt réels demeurent très élevés. À tel point que le président américain, M. Reagan, ce champion du libéralisme économique, met sur pied un programme d'urgence pour garantir les prêts des agriculteurs aux banques en échange d'une diminution de 10% de la dette.

Une reconnaissance du rôle positif qu'a joué au Québec l'office n'empêche pas qu'il y a eu des erreurs de commises et que plusieurs éléments du système sont sujets à amélioration. Au contraire, la place qu'occupe l'office exige que ses politiques et son fonctionnement fassent l'objet d'une analyse, d'une réévaluation continuelle pour s'adapter aux circonstances toujours changeantes de l'environnement économique, et cela est particulièrement vrai dans le contexte économique actuel.

Les objectifs à viser en matière de financement agricole. Étant donné la problématique élaborée précédemment, étant donné les réflexions et les consultations faites à l'intérieur de l'UPA à ce sujet, nous croyons que les efforts doivent être orientés dans la direction suivante: améliorer le fonctionnement de l'office; modifier certains programmes et politiques administrés par l'office et améliorer la capacité des agriculteurs à utiliser le crédit de façon efficace,

M. Blanchette (Jean-Claude): On va pouvoir reprendre, si vous voulez, chacun des points pour les détailler davantage avec les suggestions qui ont été faîtes à la suite de notre consultation.

Améliorer le fonctionnement de l'office. Nous croyons que des changements importants doivent être apportés au fonctionnement de l'office pour corriger les erreurs passées et pour l'adapter à l'évolution de la réalité agricole. Premièrement, créer une commission d'appel composée majoritairement d'agriculteurs, à laquelle tout agriculteur insatisfait - c'est écrit "satisfait", mais il faudrait bien corriger pour "insatisfait" - d'une décision de l'office concernant une demande d'emprunt pourrait en appeler.

Étant dispensateur d'une aide importante de l'État, les officiers du Crédit agricole disposent d'un pouvoir considérable sur les agriculteurs. Bien naïf celui qui pense qu'une telle situation n'engendre pas des abus de pouvoir.

Un mécanisme neutre d'appel est

absolument nécessaire, aussi bien pour les emprunteurs que pour ceux qui prennent les décisions. Cette commission doit être représentative des différentes régions et des différentes productions du Québec. Les agriculteurs membres de cette commission devraient être nommés sur recommandation de l'UPA. Tous ne peuvent que profiter de l'existence d'une commission d'appel. Il est étonnant qu'elle n'ait pas encore été mise sur pied, alors qu'elle est réclamée depuis plusieurs années.

Deuxièmement, desserrer sa politique de prêt. On peut faire le reproche à l'office d'avoir, à une certaine époque, trop prêté. Tel que nous l'avons mentionné précédemment, il y a eu, à la fin des années soixante-dix, une euphorie inflationniste où, au Québec comme ailleurs, prêteurs et agriculteurs ont manqué de prudence et investi sans assez tenir compte de la rentabilité des investissements. On va faire, aujourd'hui, le reproche inverse à l'office.

À l'heure actuelle, l'office est devenu prudent à l'excès, plus prudent même que les banques. Des prêts sont actuellement refusés où il existe une bonne capacité de remboursement avec des garanties adéquates. Cela est inacceptable. Un excès de prudence est aussi néfaste qu'un manque de prudence. Il faut chercher le juste milieu et, actuellement, l'office est trop conservateur.

Cela est d'autant plus grave que l'office a acquis, au cours des dernières années, le statut de prêteur le plus important pour l'agriculture au Québec. Malgré les revers, malgré les critiques inévitables, il faut que l'office conserve une attitude ouverte et dynamique.

Troisièmement, jouer son rôle de conseiller. Un très grand nombre de reproches qui sont faits à l'office peuvent être ramenés au point suivant: Les employés de l'office, dans de nombreux cas, ne jouent pas véritablement leur rôle de conseillers en crédit agricole. Cela se manifeste par les comportements suivants qui doivent être corrigés: Souvent, des prêts sont refusés par manque de rentabilité, mais aucune explication n'est donnée sur ce qui fait qu'un prêt est jugé non rentable et sur ce qu'il faudrait faire pour que le projet puisse être considéré comme rentable. C'est une réponse négative, sans explication et sans discussion.

Très fréquemment, l'employé de l'office modifie la demande de prêt, sans en informer l'agriculteur, et c'est cette demande modifiée qui est envoyée à Québec pour approbation. L'agriculteur reçoit, quelques mois plus tard, une offre de prêt qui ne correspond pas à sa demande. Il a alors le choix d'accepter ce prêt ou de reprendre à zéro une procédure qui dure plusieurs mois.

Pour évaluer une demande de prêt, les employés de l'office utilisent souvent des modèles et des budgets standards, basés sur des performances moyennes, plutôt que les données de l'agriculteur, même quand elles sont fiables. Les analyses de prêt devraient s'appuyer sur les performances passées et prévisibles de celui qui fait la demande de prêt.

Un des principaux reproches qu'on peut faire à l'office, à ce chapitre, c'est d'accepter des demandes de prêt à des agriculteurs qui présentent les garanties et les capacités de remboursement nécessaires, mais qui font de mauvais investissements du point de vue du développement et de la rentabilité de la ferme, ce qui compromet l'avenir. Les employés de l'office devraient avoir la compétence et le mandat d'aider les agriculteurs à éviter de faire de mauvais investissements. Ce rôle n'est pas toujours bien rempli actuellement.

Un certain nombre de mesures précises pourraient être prises pour que l'office joue mieux son rôle de conseiller:

Si l'opinion du conseiller est que le prêt doit être refusé, il devrait en aviser lui-même l'agriculteur. Au fond, aucun dossier ne devrait être envoyé à Québec avec une recommandation négative sans qu'il y ait eu une discussion avec l'agriculteur concerné; les agriculteurs devraient toujours avoir le choix du conseiller; les agriculteurs doivent pouvoir consulter leur dossier.

En ce qui concerne l'évaluation des actifs, il faut que l'office adopte une politique plus consistante qu'actuellement. Après avoir évalué en fonction des valeurs très considérables créées par l'inflation, on dévalue actuellement ces mêmes immeubles de façon très importante, faisant disparaître le marge de manoeuvre dont les producteurs en difficulté ont besoin pour se refinancer. Les actifs doivent être évalués en fonction de la tendance, à long terme, des prix. Cela peut vouloir dire être plus conservateur, au moment où la valeur des actifs s'accroît rapidement. Cela veut dire aussi ne pas dévaluer de façon draconienne, en période de crise, comme cela se fait actuellement.

Là-dessus, on devrait tendre aussi à uniformiser l'évaluation dans l'espace, en ce sens d'éviter que des bâtiments identiques soient évalués de façon sensiblement différente selon l'endroit où ils sont situés. (11 h 30)

On devrait aussi prendre les mesures administratives qui s'imposent pour pouvoir rendre une décision concernant une demande de prêt dans les 30 jours de la soumission de la demande et pour que les prêts soient consentis dans un délai n'excédant pas 30 jours de la décision de prêter.

Une des principales frustrations des agriculteurs depuis plusieurs années face aux politiques de l'office est que celui-ci prend systématiquement plus de biens en garantie que ce qui est nécessaire pour garantir le

prêt. Il ne reste souvent plus de garanties disponibles pour de nouveaux investissements utiles et nécessaires ou pour garantir une marge de crédit bancaire.

Tout en reconnaissant qu'il est normal que le prêteur cherche à se protéger, nous croyons qu'il se commet des abus à ce niveau qui devraient être corrigés.

Une mesure concrète qui serait susceptible d'améliorer la situation serait que l'offre de prêt indique clairement la liste et la valeur des actifs qui sont pris en garantie par l'office dans le cadre de cette offre de prêt.

On devrait aussi reconnaître l'utilité, voir la nécessité pour l'agriculteur d'avoir en main un bon fonds de roulement au moment du financement à long et à moyen terme et ne pas exiger que l'agriculteur investisse toutes ses liquidités dans ces investissements de façon à devoir rapidement emprunter à court terme à des coûts élevés avec tous les inconvénients qu'une marge de crédit élevée implique.

Ne jamais modifier les modalités d'une demande de prêt sans que l'agriculteur n'ait été consulté pour éviter que l'agriculteur ne se retrouve avec des offres de prêts qui ne correspondent pas à sa demande et une demande avec laquelle il n'est pas nécessairement d'accord.

Être transparent c'est-à-dire rendre publics, faire connaître et expliquer aux agriculteurs et à leurs conseillers les règlements de l'office de même que les directives. Une telle mesure comporterait deux avantages importants, soit une meilleure compréhension par les agriculteurs des politiques de l'office et aussi une amélioration de la qualité des demandes de prêt. Trop souvent, malgré tout le soin qu'on met à la préparation d'un projet nécessitant un emprunt, on se trouve bloqué par des directives nouvelles émises par l'office mais non rendues publiques. On perd là beaucoup d'efficacité.

Les officiers de l'office privilégient des prêts sur 20 ans par rapport aux prêts sur 29 ans.

La différence en remboursement annuel, qui est d'environ 2000 $ pour un prêt de 150 000 $ dans les conditions actuelles, ne semble pas énorme. Mais pour un jeune agriculteur fortement endetté, ces 2000 $ représentent une marge de manoeuvre extrêmement précieuse et cela devrait être considéré.

Exiger des emprunteurs qu'ils tiennent une comptabilité reconnue, contrôlée par un suivi approprié. Étant donné le portrait de l'agriculture et de son évolution qui se dégage des chapitres précédents, cette mesure nous apparaît appropriée dans l'intérêt même de celui qui emprunte.

Plusieurs ressources sont actuellement disponibles dans le milieu: les syndicats de gestion, les services d'impôt et de comptabilité de l'UPA sont des ressources qui pourraient avantageusement être mises à contribution.

L'Office du crédit agricole ne devrait en aucun cas inciter les emprunteurs à produire sur une base d'intégration. L'intégration est une forme - et non pas uniforme - à peine déguisée de salariat et ce n'est pas sur cette base qu'on peut penser asseoir une agriculture forte et solide au Québec.

La communication entre la société et l'office en ce qui concerne les partages de garanties avec la Société du crédit agricole devrait être améliorée, pour éviter que des prêts soient refusés par l'office parce que la société n'offre pas de libérer suffisamment de garanties, alors qu'il n'y a pas eu d'échange sérieux entre l'office et la société pour chercher une solution au problème.

L'office devrait modifier sa pratique de s'approprier la totalité d'une indemnité pour l'expropriation d'une partie d'immeuble ou pour une servitude de passage. Il est clair qu'une partie de cette compensation correspond à une perte réelle de valeur de l'immeuble et le prêteur peut être justifié de vouloir réduire la dette. Cependant, la plus grande partie des compensations pour expropriation sert généralement à compenser les dommages économiques à l'exploitation, et il est abusif que le prêteur s'approprie cette partie de la compensation.

Quant au deuxième objectif qui porte sur les modifications politiques de l'office, comme nous l'avons souligné dans le chapitre précédent des améliorations extrêmement importantes doivent être apportées au niveau du fonctionnement. Il faut envisager aussi de modifier les programmes et les instruments disponibles pour le financement agricole.

Premièrement, rechercher des moyens pour faciliter le financement de l'acquisition d'une ferme par la relève. Pour maintenir la ferme familiale, il faut favoriser le transfert de fermes intactes plutôt que leur démantèlement et la revente des morceaux à de grosses fermes qui continuent de s'agrandir sans cesse.

Pour le jeune qui veut s'établir, les hauts taux d'intérêt se traduisent par un problème souvent insoluble de capacité de remboursement et, dans bien des cas, une impossibilité d'acheter en compétition avec les agriculteurs bien en place et de payer aux vendeurs la somme qu'ils ont besoin de retirer de la vente de l'entreprise. Il faut rechercher des moyens pour permettre à un plus grand nombre de jeunes d'acquérir des fermes. Les moyens à privilégier, selon nous, sont les suivants: augmenter l'assistance au financement pour les jeunes au cours des premières années d'un prêt dans le cas d'un jeune qui s'établit. Quoiqu'il existe un grand nombre de formules possibles pour atteindre

cet objectif, la formule suivante présenterait, selon nous, un bon nombre d'avantages: un prêt à long terme de 150 000 $ à un jeune qui s'établit (ou de 200 000 $ lorsqu'ils sont deux ou plus) à un taux initial de 3% par année et croissant de 0, 5% par année; une subvention de 15 000 $ lors de l'établissement. Cette subvention serait disponible pour chaque jeune qui s'établit à plein temps dans l'entreprise, y compris pour l'épouse de l'agriculteur lorsque la taille et l'organisation de la ferme requièrent le travail de l'épouse dans l'entreprise.

Il faudrait éliminer les restrictions actuelles pour l'utilisation de la subvention à l'établissement pour qu'elle puisse être utilisée pour tout usage qui accroît la rentabilité de l'entreprise. Il faudrait aussi modifier les règles actuelles qui font que, lorsqu'un jeune s'établit dans une compagnie ou une société existante, il faut créer une nouvelle société ou une nouvelle compagnie pour qualifier le jeune à la subvention à l'établissement.

Ces deux mesures seraient simultanément accessibles à ceux qui s'établissement et remplaceraient l'actuel choix entre un prêt de 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans ou la subvention de 8000 $. Dans son ensemble, ce mécanisme comporterait les implications et les avantages suivants: il constituerait un accroissement de l'assistance financière à ceux qui s'établissent en agriculture; il répartirait sur une plus longue période l'assistance financière particulière pour les jeunes qui s'établissent; il éviterait l'augmentation subite et importante de paiements qui survient à la sixième année avec le mécanisme actuel; le fait de rendre accessible l'aide à l'établissement aux conjointes d'agriculteurs constituerait une reconnaissance et une valorisation de la cellule familiale en agriculture et, en même temps, une reconnaissance du rôle des femmes dans le fonctionnement des fermes.

Une autre voie pour aider à la relève qui doit être explorée est celle d'inciter le vendeur d'une ferme à participer au financement et à l'achat par un ou des jeunes. Actuellement, les mécanismes en place entraînent le genre de transaction suivante: le vendeur estime le montant auquel il doit vendre l'entreprise. Le ou les acheteurs empruntent le montant requis pour payer le vendeur. Ils empruntent généralement à travers le système tandem et paient le taux en vigueur. Le vendeur n'a pas un besoin immédiat de tout l'argent reçu et en place une partie. Or, dans beaucoup de cas, les agriculteurs qui vendent leur ferme seraient intéressés à prêter l'argent à leur enfant ou à un autre acheteur plutôt que de le placer dans une institution financière. Et souvent ils seraient prêts à fixer un taux d'intérêt assez bas, ce qui constituerait un avantage additionnel au jeune qui s'établit.

Il y aurait lieu de mettre en place des mécanismes pour faciliter ce financement par le vendeur. II nous semble que la meilleure façon de réaliser cet objectif est de considérer les vendeurs comme des prêteurs à l'intérieur du système tandem. Les règles de fonctionnement pourraient être les suivantes: les vendeurs sont considérés comme prêteurs dans le système tandem et les prêts qu'ils font comportent la même garantie et la même subvention d'intérêt que le prêt fait par les institutions financières, quel que soit le taux d'intérêt effectivement demandé par le vendeur. Comme les vendeurs ont généralement besoin d'un montant d'argent comptant, ils ne pourront pas toujours financer toute la transaction et l'acheteur aura besoin des institutions financières. Il faut donc qu'il y ait un partage de garantie entre le vendeur et l'institution financière qui finance le reste de la transaction.

Dans le cas des exploitations animales, il faut chercher à laisser le troupeau en garantie aux vendeurs, car il est actuellement avantageux pour les vendeurs, du point de vue fiscal, de conserver une balance de prix de vente sur le troupeau plus que sur n'importe quel autre actif.

Il faut aussi prévoir un mécanisme par lequel, advenant le décès des vendeurs avant le terme du prêt, la balance du prêt pourrait être assumée par une institution financière à l'intérieur d'un système tandem et aux conditions normales.

Une quatrième voie qui doit être explorée en ce qui concerne la relève est celte d'améliorer et de rendre beaucoup plus souple et plus avantageux le statut d'aspirant agriculteur ou agricultrice. Dans certains cas, les politiques en place visant la relève de même que la contribution des vendeurs ne seront pas suffisantes pour permettre l'acquisition d'une ferme par des jeunes. Une possibilité qui s'offre alors est de travailler à l'extérieur tout en développant progressivement la ferme jusqu'à ce qu'on arrive è un point où la ferme produit assez de revenus nets pour que l'on puisse en vivre à temps plein.

Présentement, les jeunes sont découragés de suivre cette voie parce que le délai de cinq ans pour l'aspirant agriculteur est trop court et les aspirants ne reçoivent qu'une très minime assistance au niveau du financement, ce qui efface une partie de l'avantage financier de travailler à l'extérieur.

Nous proposons que le statut d'aspirant agriculteur soit étendu à une période de dix ans, que l'aspirant agriculteur ait droit à une subvention du taux d'intérêt de la moitié de celui qui est payé pour les agriculteurs à temps plein. On pourra peut-être vous expliquer plus en détail la formule tout à

l'heure.

Nous croyons que l'ensemble des mesures élaborées dans cette section sont susceptibles de favoriser la relève. Il est certain aussi que, face à l'ensemble des problèmes de financement agricole, une amélioration de la gestion des entreprises est susceptible de contribuer grandement à la solution de problèmes reliés à la période de démarrage en agriculture.

La transmission d'une ferme d'une génération à l'autre est une opération qui se planifie de longue main en la rendant la plus rentable possible, en préparant et en réalisant sur une longue période de temps les opérations juridiques et financières du transfert. Donc, toute politique en vue d'une amélioration de la gestion est aussi une politique de la relève agricole.

Un plafond de 10%. Nous avons démontré précédemment que l'agriculture est un des secteurs les plus capitalisés de l'économie. Les augmentations du taux d'intérêt affectent profondément la rentabilité des fermes. Ce fait est d'ailleurs confirmé par les résultats de l'analyse des groupes réalisée par les syndicats de gestion où on constate, en 1981, que la baisse draconienne des bénéfices d'exploitation est expliquée à 73% par la seule hausse des intérêts payés sur la dette. Or, la structure financière des entreprises regroupées dans les syndicats de gestion correspond fidèlement à cette catégorie d'agriculteurs que l'on décrivait dans les résultats du sondage de la société comme à la fois les plus endettés et les plus efficaces.

Nous croyons qu'un plafond maximum sur les taux d'intérêt sur les prêts à long terme devrait être fixé à 10%. Avec la formule actuelle de calcul, ce plafond deviendrait applicable lorsque le taux de base bancaire dépasserait 15, 5%. Il est probable et surtout souhaitable que les taux n'atteignent pas ce niveau au cours des prochaines années.

Le troisième élément serait d'indexer les plafonds de prêts. Les plafonds de prêts subventionnés et de prêts garantis ont été fixés en 1978. Depuis cette date, l'indice du coût de la vie a augmenté de 66%. Donc, l'inflation générale a été de 66%. Le prix des terres agricoles a augmenté de 59%. C'est donc dire qu'en termes réels, les plafonds sur les prêts de l'office ont considérablement diminué et cela devient de plus en plus une contrainte importante.

Nous proposons que les maximums sub-ventionnables de crédit agricole à long terme soient haussés de 150 000 $ à 200 000 $ pour les individus et de 200 000 $ à 300 000 $ pour les groupes, et que les maximums garantis soient haussés de 250 000 $ à 300 000 $ pour un individu et de 450 000 $ à 500 000 $ pour un groupe.

Reconnaître davantage l'agriculture à temps partiel. Actuellement, les politiques de l'office ne s'adressent qu'à ceux dont l'agriculture est la principale occupation ou va le devenir, dans le cas des aspirants agriculteurs. Le syndicalisme agricole a toujours favorisé cette orientation. Nous avons travaillé et nous avons encore l'intention de travailler à une agriculture pour en vivre. Nous avons demandé des politiques qui tendent vers des fermes où l'agriculture était la principale occupation de l'exploitant. Ce modèle a fait ses preuves dans un grand nombre de productions, notamment dans le lait, le porc et l'aviculture. (11 h 45)

On ne peut que constater que, dans plusieurs des productions que l'on cherche à développer au Québec et où on cherche à favoriser et à implanter des entreprises assez grosses pour occuper l'exploitant à temps plein, l'objectif ne s'est que peu ou très partiellement réalisé et il s'avère extrêmement difficile de rentabiliser les exploitations à plein temps dans ces productions. Il faut réfléchir à la possibilité que, dans certaines productions, il serait peut-être désirable que la production à temps partiel soit reconnue comme une contribution nécessaire au développement de l'agriculture et que ce type d'exploitation reçoive plus d'appui qu'il n'en reçoit actuellement, en particulier au niveau du financement.

Dans plusieurs productions, une amélioration au statut d'aspirant agriculteur apporterait la souplesse suffisante. Dans d'autres productions ou situations, pour des raisons qui tiennent soit à la nature saisonnière de la production, soit à la taille de l'entreprise ou aux difficultés qu'il y a dans le contexte actuel à rentabiliser l'entreprise au point de pouvoir en vivre, nous croyons que la pratique de l'agriculture combinée à une autre activité peut être considérée comme une méthode valable pour développer un potentiel agricole, l'expertise dans certaines productions nouvelles et l'atteinte d'un optimum d'efficacité qui tienne compte du potentiel réel de la ferme.

Il existe d'ailleurs, dans toutes les provinces, une tendance à l'augmentation du travail extérieur par les agriculteurs. La tendance existe au Québec, mais elle a moins d'ampleur que dans le reste du Canada. La situation au Québec peut s'expliquer par l'importance de la production laitière qui se prête mieux que toute autre à une production à plein temps. Il faut s'interroger quant à savoir s'il est sage de chercher à appliquer à tout prix, dans toutes les productions et situations, des pratiques qui sont logiques dans la production laitière.

En ce sens, nous croyons que certaines mesures devraient être introduites pour faciliter l'accès à un meilleur financement de la production agricole. L'objectif du plein

temps ne peut être atteint que dans un avenir prévisible.

Dans les productions, d'abord, où l'État considère à travers ses politiques qu'il y a place pour un développement progressiste, on pourrait offrir au producteur à temps partiel les mêmes avantages que ceux consentis à l'aspirant agriculteur, avec les améliorations que nous avons proposées, à condition qu'il s'agisse d'entreprises et de projets sérieux malgré leur petite taille. Ainsi, croyons-nous que l'objectif d'une pleine utilisation du potentiel agricole serait plus accessible. Par ailleurs, il faudra prendre des mesures pour éviter que l'assistance de l'État ne bénéficie à des gens qui ont des revenus importants et qui viendraient en agriculture dans le but d'y trouver un abri fiscal.

Le crédit à la production. La montée de la production céréalière, le développement de l'engraissement du boeuf, productions qui exigent un fonds de roulement élevé, ont fait augmenter le besoin de crédit à court terme. L'office offre un crédit à la production dont les producteurs ont un besoin croissant, surtout dans le contexte des difficultés économiques que nous connaissons. Le crédit à la production, tel qu'il fonctionne actuellement, ne donne pas satisfaction et doit être amélioré dans le sens suivant: accélérer la prise de décision, renouveler automatiquement le crédit à la production de producteurs qui l'ont utilisé et qui ont recontré leurs obligations, simplifier le contrôle administratif. De façon générale, prendre les moyens pour que le crédit à la production soit vraiment et efficacement disponible aux producteurs qui sont dans une situation financière serrée et qui ont de la difficulté à obtenir une marge de crédit bancaire.

Concernant le crédit à moyen terme, par les prêts d'amélioration des fermes, nous croyons que le montant sur lequel il y a rabais d'intérêt de 3%, devrait être porté de 15 000 $ à 50 000 $ pour que cette aide reflète l'inflation des dernières années.

Concernant l'office et la planification fiscale, plusieurs des règlements actuels de l'office empêchent ou rendent onéreuses certaines planifications fiscales financièrement avantageuses pour les agriculteurs. Nous croyons que plusieurs modifications devraient être apportées aux lois et règlements du crédit agricole dans cette perspective, et cela, sans que l'office ne s'éloigne des objectifs qu'il vise et des principes qui le dirige.

Les points suivants devraient être corrigés? Les prêts conjoints. Dans certaines situations, l'office fait des prêts conjoints. Cela se produit, par exemple, si les parents, tout en voulant conserver une entreprise distincte de celle de leurs enfants, sont prêts à fournir des garanties sur un emprunt fait par l'enfant qui se lance en agriculture. Cela se produit aussi quand deux ou plusieurs producteurs, qui possèdent déjà des actifs agricoles, achètent et exploitent ensemble un bien agricole.

La convention que l'office exige dans de tels cas entraîne la création d'une société. Si des précautions ne sont pas prises dans la rédaction de cette convention, il y a danger qu'elle entraîne le transfert de tous les actifs des participants dans cette société. Les conséquences fiscales sont très graves. Cela s'est produit. Il faut que les employés de l'office soient conscients de ce danger et prennent des précautions pour l'éviter.

Les fermes rentables pour un premier établissement de deux enfants. La situation se présente parfois où la rentabilité de la ferme ne permet pas l'établissement de deux enfants qui voudraient s'établir. L'office prête alors à un enfant, suggérant à l'autre de s'établir lorsque les conditions seront réunies pour que la ferme puisse faire vivre les deux enfants. Cela est logique, sauf que le transfert entre vifs de biens agricoles sans conséquence fiscale immédiate n'est possible que des parents aux enfants, mais n'est pas possible entre frères ou frères et soeurs.

Pour éviter cette embûche, l'office devrait prêter aux deux enfants en société, quitte à exiger une convention à savoir que l'un des enfants ne pourra retirer de revenu de la ferme tant qu'un certain nombre de conditions n'auront pas été remplies, et qu'il ne pourra réclamer sa part des actifs avant un délai raisonnable.

Les prêts à une société ou à une compagnie pour le rachat d'une participation dans la société: Une situation qui se présente assez fréquemment est celle de sociétés ou de compagnies parents-enfants qui sont arrivées au point où les parents veulent se retirer complètement. L'office refuse de prêter à une société ou à une compagnie pour le rachat de la participation d'un sociétaire. L'office accepte cependant de prêter à une nouvelle société ou à une nouvelle compagnie formée par les enfants et leurs conjoints pour acquérir la participation des parents et assumer les prêts de l'ancienne société ou de l'ancienne compagnie. On atteint le résultat, mais après des démarches compliquées et coûteuses. L'office devrait prêter à la société ou à la compagnie pour le rachat de la participation d'un sociétaire.

Transfert graduel à une société parents-enfants. Une autre situation qui se présente est celle où les parents veulent, tout en faisant souscrire les enfants dans l'entreprise, continuer à y occuper une certaine place pendant un certain temps. En se retirant partiellement de l'entreprise, ils voudraient retirer un certain montant d'argent immédiatement pour effectuer certaines dépenses liées à cette préretraite. Or, l'office va refuser de prêter à la société ou

à la compagnie pour qu'elle paie un montant aux parents, en vertu d'une règle à savoir qu'on ne prête pas pour mettre de l'argent liquide dans les mains d'un participant dans une société agricole. Il serait logique que la retraite graduelle des parents s'accompagne du retrait d'une partie des sommes qu'ils comptent retirer au moment de leur retraite définitive. Il est dans l'intérêt de tous que la transition se fasse graduellement, par étapes, pour des raisons humaines aussi bien que financières et fiscales, et cela devrait être encouragé.

L'exigence de la possession de 20% de chaque catégorie d'actions d'une compagnie. L'office exige actuellement qu'un actionnaire de compagnie agricole détienne 20% de chaque catégorie d'actions d'une compagnie pour se qualifier comme agriculteur ou agricultrice qui s'établit et pour obtenir l'aide à l'établissement.

Or, un des avantages de la structure de compagnie est la possibilité de créer plusieurs catégories d'actions qui jouent un rôle dans la transmission graduelle d'une entreprise. Plutôt que d'exiger que les enfants actionnaires détiennent 20% de chaque catégorie, on devrait se limiter à exiger qu'ils détiennent 20% des actions ordinaires et 20% de l'ensemble des actions et non de chaque catégorie.

M. Vigneault (Léo): Améliorer la capacité de bien utiliser le crédit. Les fermes du Québec ont atteint une étape de leur évolution où le recours à des emprunts importants est une nécessité, aussi bien pour l'amélioration de l'efficacité que pour la transmission des entreprises.

Le recours au financement peut être ou bien un avantage ou bien un désavantage selon l'usage qu'on en fait. On peut bien investir et bien dépenser. On peut aussi mal investir et surinvestir. Pour que le recours à l'emprunt en vue d'acquérir une ferme et/ou la développer puisse procurer le maximum de bénéfices, il faut que l'investissement soit fait dans un contexte de bonne gestion et de prudence, c'est-à-dire en calculant rigoureusement les conséquences des différents choix, en optant pour le meilleur choix et en visant à conserver une marge de sécurité par rapport aux imprévus.

L'évolution de l'agriculture révélée par les chiffres précédents vers des entreprises qui valent extrêmement cher et qui sont complexes impose à l'ensemble des agriculteurs de devenir des gestionnaires rigoureux. Étant donné les montants d'argent qui sont manipulés, les erreurs deviennent extrêmement coûteuses sinon fatales.

Il faut, de façon prioritaire, que les politiques gouvernementales, comme l'action de tous les intervenants dans le fonctionnement économique des fermes, tendent à donner aux agriculteurs les instruments et les connaissances pour fonctionner dans un environnement où la gestion financière devient un facteur déterminant dans la rentabilité des fermes. Les implications en termes de politiques gouvernementales d'une telle analyse sont les suivantes: a) II faut que le programme d'aide aux syndicats de gestion, par l'objectif qu'il poursuit, continue d'être reconnu et considéré comme prioritaire pour aider les agriculteurs à faire face aux problèmes de rentabilité agricole. L'objectif de ce programme pourrait d'ailleurs témoigner davantage de !a volonté de développer la gestion agricole au Québec avec les syndicats de gestion comme fer de lance. b) Par ailleurs, la nation de gestion n'est pas et ne doit pas être prisonnière de la seule formule des syndicats de gestion. Il faut que les autorités gouvernementales soient ouvertes aux projets valables qui tendent à améliorer la gestion financière et il faut que tous les programmes qui s'adressent à l'agriculture, notamment les programmes de formation, fassent une large place à la notion de gestion financière. c) À l'Office du crédit agricole comme tel, il faut que les employés qui portent le titre de conseiller en crédit aient la formation, la compétence et l'attitude nécessaires pour contribuer au maximum à ce que les prêts soient faits dans un contexte de bonne gestion et que les directives et règlements qui encadrent leur travail leur permettent de le faire.

La crise des trois ou quatre dernières années a fait ressortir toutes les faiblesses qui pouvaient exister au niveau de la rentabilité des fermes,

À peu près tout le monde reconnaît qu'il y a eu, à la fin des années soixante-dix, des mauvais investissements et des surinvestissements dans l'agriculture, dans le contexte un peu euphorique mais fragile créé par l'inflation du prix des terres et dans le contexte d'un optimisme excessif en ce qui concerne l'évolution des prix du porc. Cette période a coïncidé avec l'avènement du système tandem, avec les possibilités d'abondance de fonds que cela ouvrait. À la fin des années soixante-dix, des prêts ont été faits en se basant davantage sur les garanties offertes par des terres qui avaient pris de la valeur et sur des espoirs de hausses futures que sur le revenu généré à court terme par la nouvelle acquisition ou le nouvel investissement.

Ce phénomène n'est pas propre au Québec. Le même phénomène s'est produit ailleurs au Canada et aux États-Unis où les banques privées prenaient la décision de prêter. Les banquiers eux-mêmes reconnaissent aujourd'hui qu'il y a eu manque de prudence de leur part.

L'Office du crédit agricole, occupant la

place qu'il occupe, doit assumer ses responsabilités et prendre les moyens pour développer des politiques de prêt où la rentabilité d'un investissement en termes de revenus générés devient le facteur déterminant, plus déterminant que la simple existence de garanties.

Il faut aussi reconnaître qu'il y a, au Québec, une volonté de développer l'agriculture, de développer de nouvelles entreprises, d'accroître notre part du marché. Cela implique nécessairement que plusieurs entreprises se retrouvent dans une situation d'endettement élevé et de vulnérabilité quand survient une crise comme celle des taux d'intérêt et de la baisse de prix des produits, et il se crée des situations que la meilleure gestion du monde ne peut résoudre.

M. Proulx (Jacques): En conclusion, voici des réflexions que nous voulions vous soumettre aujourd'hui concernant le financement de l'agriculture. Étant donné la complexité et l'importance des enjeux, la réflexion et l'analyse portant sur le financement du développement de l'agriculture et de la transmission des exploitations agricoles doivent se continuer. Tout n'a pas été dit et il y a de la place pour des idées nouvelles. Ainsi, par exemple, nous sommes à étudier une formule appliquée en Nouvelle-Zélande appelée "milk-sharing"... (12 heures)

Résumée en quelques mots, cette formule est un cadre législatif qui favorise la transmission graduelle des exploitations laitières à un jeune qui s'y intègre par un mécanisme de partage des revenus sur une base croissante. Sans expliciter davantage, la formule s'applique à 29%, 39% et 49%. Dans l'étude qu'on fait à l'heure actuelle sur cela, on a retiré, on a fait appel à différents intervenants de la Nouvelle-Zélande justement pour avoir toutes les données, la question fiscale autour de cela. Si jamais, au Québec, on adoptait un projet de loi, au niveau du législateur, on aimerait qu'il soit appliqué à l'ensemble des productions et non pas uniquement à une production, parce que, pour nous, cela a plusieurs points d'intérêt dont celui de permettre à des gens de pouvoir "embarquer" dans l'agriculture et ce, graduellement, d'aller chercher une expertise, de permettre à ceux qui sont en place de planifier leur retraite sur un nombre d'années qui peut être intéressant pour tout le monde. En tout cas, à notre point de vue, à l'heure actuelle, cela comporte plusieurs avantages. D'ailleurs, c'est un peu cette façon de fonctionner dans la production du tabac au Québec, cela a des ressemblances, si on veut, qui ne sont pratiquement pas connues, mais qui existent.

De telles formules doivent être recherchées et proposées aux agriculteurs, si on veut vraiment éviter le démantèlement de l'entreprise agricole et la concentration continuelle de la production entre un nombre toujours plus restreint de fermes.

Cela termine la présentation de notre mémoire. J'aimerais ajouter ceci en finissant, même si cela a été dit au début. Pour nous, il y a deux questions importantes qu'on doit se poser sur cela aussi et qu'on pose à la commission. C'est qu'on espère fortement qu'il y aura des suites de données à cette tournée de consultation. Pour nous autres, c'est extrêmement important et on trouverait malheureux que ce soit uniquement un exercice politique ou autre, si on veut, parce que je pense que plusieurs groupes ont mis beaucoup d'énergie autour de cela et que, rapidement - c'est quand même sérieux - des suites devraient être données.

La deuxième question qu'on se pose depuis fort longtemps a été posée ce matin aussi, c'est par rapport à la dernière commission sur les grévistes de la faim. Il y a eu des recommandations très précises. Nous sommes fiers que la majorité de ces recommandations soit celles qu'on avait faites aussi. Pour nous, cela a déjà trop tardé et cela attaque sérieusement quand même la crédibilité d'un organisme qu'elles n'aient pas été mises en place ou, en tout cas, qu'il n'y ait pas eu un début d'action justement pour appliquer ces recommandations qui sont d'une logique qu'il est, à notre avis, impossible de détruire, si on veut.

Messieurs, cela a peut-être été un peu long, mais je pense qu'il était important pour un organisme comme le nôtre de faire entièrement le tour de l'agriculture et du financement de l'agriculture.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Proulx. Pour les fins de l'enregistrement du Journal des débats, je voudrais indiquer que se sont joints à l'équipe de M. Proulx M. Bernard Duval et M. André Robitaille, qui ont également participé aux travaux. Je veux, en tant que président de cette commission, assurer M. Proulx de la volonté très ferme de tous les membres de la commission que des suites soient données à ce genre de consultation. Même si c'est nouveau dans notre système parlementaire, ces initiatives que peuvent se donner des membres du Parlement, des députés, rapidement, de façon unanime d'ailleurs, nous concluons sur certaines recommandations à l'Assemblée nationale afin que, de façon rapide, les ministres concernés puissent intervenir et mettre en branle un mécanisme visant soit à donner suite à nos recommandations ou à nous indiquer pourquoi on ne donnera pas suite aux recommandations qui ont été faites et qui émanent du milieu agricole en général.

Si les membres de la commission sont

d'accord, on pourrait convenir de terminer nos travaux vers 13 h 30 plutôt qu'à 13 heures, compte tenu qu'on a commencé un peu en retard, ce qui nous donnerait environ une heure trente pour la discussion, soit 45 minutes pour chacun des côtés, pour chaque formation politique. Si vous le vouliez également, je me permettrais, au tout début, peut-être de poser une ou deux questions qui ne sont pas à développement général et on pourrait peut-être prendre quelques minutes seulement pour y répondre.

En particulier, j'aimerais attirer votre attention sur le tableau no 1 que vous nous avez présenté concernant les dépenses d'exploitation agricole, les frais d'amortissement. La question que je me pose - d'abord le tableau est fort intéressant et fort pertinent - est celle-ci: Est-ce que les données qui sont là varient beaucoup selon que l'on est dans une production donnée ou dans une autre production? Peut-on considérer que cela s'applique de façon générale à toutes les productions ou si cela varierait énormément si l'on avait un tableau par production?

M. Blanchette: C'est une bonne question. Cela va probablement varier d'une production à l'autre, certainement les productions qui demandent beaucoup de crédit à court terme comme le boeuf où l'on peut rouler 200 000 $ ou 300 000 $ de marge de crédit bien facilement et où on va s'étirer au maximum au niveau des intérêts payés. Cela varie probablement plus dans la vie d'une exploitation. On le voit un peu par le tableau qui porte sur les agriculteurs classés en trois classes. Dans la vie d'une exploitation, au moment d'une transaction, il y a des améliorations qui sont faites, le pourcentage va s'accroître par rapport à des fermes qui ont pris un rythme de croisière. C'est là qu'il va y avoir les plus grandes variations. J'aimerais cela avoir une réponse plus précise, c'est une bonne question et on pourra peut-être y revenir à un moment donné.

M. Proulx (Jacques): Si vous me permettez. Je suis persuadé que c'est évident qu'il y a certaines productions, par exemple les céréales, le porc, le boeuf, cela va être transporté ailleurs les montants. Globalement, j'ai l'impression que cela va revenir à peu près au même sauf que les chiffres vont se déplacer. Par exemple, dans les céréales c'est bien évident qu'il va y avoir un investissement plus grand de machinerie. Le boeuf, qui demande de 300 000 $, 400 000 $ à 500 000 $ de crédit à court terme, c'est évident qu'au niveau de l'alimentation, et pour le porc aussi, c'est plus que dans le domaine laitier, l'on partage davantage sur une série de facteurs que sur les investissements.

Le Président (M. Vallières): Merci. Au tableau no 9 que vous nous avez présenté, il y a une chose que je remarque et j'aimerais vous poser une question. La conclusion que l'on en tire, c'est qu'il y a une relation directe entre le niveau d'endettement et l'expérience agricole. Selon vous, est-ce un phénomène normal en agriculture que ce niveau d'endettement, selon que l'on est un plus vieux producteur ou un plus jeune, varie considérablement? Selon nos politiques de financement agricole, est-ce que cela ne devrait pas plutôt permettre que l'on retrouve une certaine variante, d'accord, mais peut-être pas aussi évidente que celle que l'on retrouve dans le tableau no 9?

M. Blanchette: C'est inévitable dans cela. C'est un peu la vie économique normale d'une ferme, il y a un remboursement d'intérêt et de capital et une équité qui se constitue et, au moment où la ferme est transmise, l'équité, c'est le régime de retraite de l'agriculteur. Quand la ferme se transmet, fatalement, celui qui suit est obligé d'une certaine manière de verser à celui qui se retire son régime de retraite. À ce moment, l'endettement va être supérieur et lui-même va attaquer ce problème. Il commence sa vie d'agriculteur en étant endetté au maximum et il va essayer de prendre le dessus. Cela fait partie de... Ce que le tableau dit aussi, c'est qu'au moment où cette transmission se fait, il y a des améliorations qui sont apportées parce que les fermes sont... Pour faire face en réalité au problème de remboursement d'endettement maximum qui survient à ce moment, des efforts sont faits pour accroître l'efficacité, pour générer des revenus pour faire face au remboursement de sorte que l'on constate que les plus jeunes sont les plus endettés, mais ce sont aussi les plus efficaces. La mesure, en réalité, de l'efficacité mesurée en vente par dollar d'actif, c'est une assez bonne mesure pour un capital donné. Pour un dollar d'actif, le volume de vente qui sort par dollar d'actif est nettement plus fort pour les jeunes que pour les plus âgés; tout cela se tient.

Le Président (M. Vallières): D'accord. Une dernière question. Oui.

M. Blanchette: C'est d'ailleurs une des raisons qui ont motivé notre suggestion, quant à la modification de l'aide à l'établissement pour les jeunes en agriculture, dans le sens que si on leur donne une aide qui est plus importante au départ, mais qui diminue graduellement à mesure qu'il y a plus d'équité, ça leur donne une meilleure marge de manoeuvre au départ, et ça leur permet graduellement de transférer leurs frais de financement à l'équité qu'ils vont

accumuler au cours des années.

Le Président (M. Vallières): C'est donc dire que si on suit vos recommandations, dans les cinq ou dix prochaines années le tableau devrait changer considérablement.

M. Blanchette: Cela devrait avoir un effet, en tout cas.

Le Président (M. Vallières): Oui. Il y a une constante qu'on rencontre continuellement, en particulier dans nos bureaux de comté, quand on rencontre des jeunes producteurs. On ne fait pas allusion à cela dans votre mémoire, c'est pour ça que je voudrais le soulever. Plusieurs jeunes producteurs se plaignent de la mise en vente actuelle des quotas dans le secteur du lait en particulier, disant que cette mesure favorise d'abord l'agriculteur qui est implanté, qui est solidement implanté et dont l'endettement est peut-être beaucoup moins élevé que celui du jeune producteur.

Est-ce que cette vente par encan des quotas que l'on retrouve, selon vous, favorise définitivement le producteur qui est déjà bien implanté en agriculture? Est-ce que vous avez une vue sur la façon dont on pourrait procéder pour permettre aux jeunes producteurs d'avoir accès à davantage de quotas? Car souvent ils n'ont pas les ressources financières pour acheter ce quota à l'encan. Donc on privilégie encore une fois le grossissement, si vous voulez, de la ferme qui a déjà un quota assez important. On rencontre ça de façon quotidienne chez les jeunes producteurs. Est-ce que vous avez une vue précise là-dessus?

M. Proulx (Jacques): Non, on n'a pas de solution à l'heure actuelle. Il reste quand même qu'il y a trois choses qui se produisent. Notre comité a réfléchi à ça. Je pense que François pourra vous donner la réflexion qu'on a faite, au départ, sur ça.

L'autre chose, c'est que vous savez qu'à l'heure actuelle, il y a une nouvelle formule de vente de quotas qui devrait normalement être mise en application. Si elle a été retardée de quelques mois, c'est un peu à cause de difficultés dans les ententes qui devaient survenir entre les acheteurs, entre les transformateurs et la Fédération des producteurs de lait. Alors, elle a été retardée. Il s'agit d'une vente électronique, en gros, qui va être faite plus par soumissions, si on veut, et qui, on espère, va permettre de diminuer...

Troisième chose, c'est qu'à l'heure actuelle, on a fait à l'intérieur d'un autre comité un travail sur la "monnayabilité" des quotas. On l'a fait avec la Régie des marchés agricoles. Il y avait un participant de la Régie et un participant de chaque production qui a des quotas et qui met en vente des quotas.

Notre rapport dit qu'on doit regarder... D'ailleurs, on est en travail, à l'heure actuelle, avec une université du Québec pour nous faire une étude assez rapide. Quand je parle d'étude, ce n'est pas pour noyer le problème: c'est quelque chose de très complexe. Avec les différentes hypothèses qu'on a soulevées, on nous fera une étude et on nous remettra un rapport sur les différentes possibilités qu'il y aurait.

Par exemple, je donne un des critères: comment on pourrait rapatrier la possession des quotas dans les mains des fédérations ou de l'organisme administrateur du plan conjoint et ainsi de suite, les coûts rattachés à ça et de quelle façon on pourrait le faire.

Alors, c'est pour vous dire qu'on n'a pas de solution, mais c'est une très grande préoccupation à l'heure actuelle. Il ne faudrait pas oublier que dans ce décor qu'on ne peut pas nier, c'est extrêmement cher, on est très réticent à mettre davantage d'accent sur le financement des contingentements, parce qu'on pense que ce serait un élément de plus pour faire de la surenchère.

L'autre affaire que je trouve la pire, en fait, c'est que le prix élevé est fixé uniquement par des producteurs. Cela; c'est le plus malheureux de toute l'affaire. Alors à partir de là il va falloir mettre énormément d'efforts aussi au niveau de l'éducation de nos membres, parce que c'est uniquement entre producteurs qu'on la fait, parce qu'on a réussi, au cours des dernières années, à éliminer au maximum la surenchère qui s'est faite pendant un certain temps par les usines de transformation, sous forme déguisée. Je pense qu'avec les nouvelles conventions qu'on a avec elles, avec une garantie d'approvisionnement, ça les a exclues du champ de trouver toutes sortes de formules pour faire de la surenchère. (12 h 15)

M. Blanchette: C'est peut-être important de mentionner que c'est une question qui préoccupe depuis déjà un bon bout de temps les fédérations qui administrent des règlements de transfert de quotas et l'UPA et que, déjà, des mesures ont été prises pour essayer de généraliser l'accès aux quotas qui sont disponibles dans les encans. Par exemple, dans les productions qui administrent des règlements de quotas et des règlements de transfert, ils ont fixé des maximums de façon à éviter qu'une seule entreprise ou quelques entreprises puissent accaparer une grande partie des quotas qui sont mis en vente. Déjà, ça a pour effet de faciliter l'accès à un plus grand nombre d'acheteurs. On reconnaît que ce n'est pas suffisant; malgré ça, il y a des augmentations et les prix demeurent très élevés.

Le défi dans une question aussi

complexe que celle-là, c'est de trouver le moyen qui va faire en sorte que la "monnayabilité" lors du transfert va être la moins élevée possible, tout en évitant que la valeur réelle, s'il y en a, ne se transfère dans d'autres éléments de l'entreprise. Il y a des études qui ont été réalisées dans différentes provinces où, officiellement, il n'y a pas de valeur de quota lors du transfert, mais où ces valeurs étaient transférées, soit dans les troupeaux, soit dans la terre. Alors, on n'a pas nécessairement réglé le problème si on arrive à une solution comme celle-là.

C'est un processus qui est long, mais depuis plusieurs années ça nous préoccupe et on a entrepris une démarche plus systématique, comme le président le mentionnait, avec la régie, avec les plans conjoints concernés et avec l'aide d'une université pour essayer de voir s'il n'y a pas des formules qui seraient applicables en évitant les inconvénients des formules qui ont été appliquées ailleurs.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe, suivi de M. le député de Maskinongé.

M. Dupré: Votre mémoire n'est pas seulement volumineux, il est très intéressant. Vous m'apprenez, encore une fois, beaucoup de choses. Il y a des avenues très intéressantes. Une m'a touché davantage, parce que vous en avez déjà parlé et qu'elle me tient à coeur. Je vois que vous avez approfondi, peut-être même que vous avez changé votre orientation pour reconnaître l'agriculture à temps partiel. Je vous avais déjà posé la question lors de notre dernière rencontre. Les recommandations qui sont là sont aussi très intéressantes, mais je me demande si vous êtes prêts à laisser aller vos représentants et votre aide dans le même pourcentage que le gouvernement pourrait s'impliquer. Je ne sais pas si vous me comprenez.

On sait que vos experts sont assez réticents, on peut même dire qu'ils sont totalement à l'extérieur de cette mesure. Si les orientations gouvernementales allaient dans ce sens, est-ce que vous, de votre côté, seriez prêts à... Étant donné que vous le recommandez, je présume que vous êtes aussi d'accord pour dégager quelques-uns de vos experts pour appuyer cette recommandation que je trouve fort intéressante.

M. Proulx (Jacques): C'est évident. On évolue dans ce domaine et tu as parfaitement raison quand tu dis que c'est quand même assez récent. Mais dans tout le processus qu'on a à suivre, je pense que tout le monde, du moins la majorité des gens se rendent compte que ce sera pour le bien de l'agriculture et des agriculteurs. Il faut tenir compte d'une nouvelle réalité économique, il faut tenir compte particulièrement de l'importance du développement des nouvelles productions. Devant un certain échec concernant ces nouvelles productions quand on a voulu les faire à temps plein ou sur une échelle assez grande, parce qu'on manque d'expertise à cause d'une multitude de choses, il vaut pas mal mieux y aller avec une agriculture à temps partiel. Je ne la limite pas là, mais je dis que c'est probablement ça qui a permis de faire évoluer plus rapidement une partie de notre monde. Ce sera pour le mieux-être de tout le monde puisqu'on va pouvoir employer au maximum notre potentiel agricole; cela, c'est drôlement important et ce sera de plus en plus important.

Il y a aussi un autre facteur qui est peut-être plus personnel: à mon avis, il ne faudra pas descendre beaucoup plus bas que le nombre actuel de producteurs. Même si je vous dis qu'il est personnel, il est actuellement partagé par beaucoup de gens parce que cela aura des implications énormes au niveau de toute l'infrastructure ou ainsi de suite et on va se retrouver, si on ne surveille pas de près cette chose-là, comme beaucoup de pays se sont retrouvés, c'est-à-dire avec quelques personnes qui auront un contrôle total sur une partie importante de notre économie et, à partir de là, on sait ce qui arrive. On est prêt actuellement - on l'affirme clairement dans cela - à faire un bon bout de chemin. Il est évident qu'il faudra un encadrement. On ne veut pas se retrouver non plus avec des "flatteux" de toutes sortes, on veut se retrouver avec des gens qui auront choisi pour toutes sortes de raisons qui sont aussi valables les unes que les autres d'avoir un travail qui peut être en dehors de l'agriculture mais en même temps d'exploiter à bon escient une partie qui va devenir importante dans notre agriculture.

M. Dupré: À la page 9 de votre document, lorsque vous dites que les emplois ont augmenté de 5000 de 1981 à 1983, alors que dans le reste du Canada on ne remarque pas une telle tendance, pouvez-vous m'expliquer à quoi cela est dû? Pourquoi au Québec les emplois auraient-ils augmenté de 5000 et qu'ailleurs ce serait resté stable? En ayant moins d'agriculteurs, je comprends difficilement.

M. Côté (François): Selon les chiffres, l'explication, ce serait un certain dynamisme de l'agriculture du Québec: les accroissements de la production dans le porc, les céréales, les légumes, cela a fait que, finalement, il y a plus de gens à l'ouvrage. Il peut y avoir moins de fermes, mais une augmentation de l'emploi familial, une augmentation de l'emploi salarié aussi. Cela est l'emploi total, selon des statistiques du

ministère de la Main-d'Oeuvre du Canada, je crois; c'est un échantillon mensuel dans tout le Canada où on demande aux gens à quoi ils travaillent, ce qu'ils font. Cela peut être de la main-d'oeuvre familiale; cela peut être l'agriculteur lui-même; cela peut être un employé salarié. Cela mesure le total de l'emploi. Les statistiques révèlent qu'entre 1975-1977 et les années 1981-1983 - il y a des fluctuations annuelles là-dedans - il y a une tendance au Québec è l'accroissement de l'emploi. On n'observe pas la même chose au niveau canadien. Alors, tirez-en les conclusions. Les statistiques révèlent cela. Mon interprétation reflète l'accroissement des productions au Québec dans ces années-là.

M. Dupré: À la page 12, lorsqu'on parle de faillites agricoles, on voit qu'en 1981, avec la montée des taux d'intérêt, il y a eu une augmentation catastrophique des faillites. En passant de 54 en 1981 à 162, selon... En tout cas, ce ne sont pas les chiffres de tout le monde, mais ce sont les chiffres qu'on a devant nous et qui viennent du ministère de la Consommation et des Corporations. Y a-t-il une ou des productions... ? On sait que dans le porc, cela a été... Est-ce exactement confirmé que c'est dans le porc et dans le boeuf que cela a été le plus dramatique?

M. Proulx (Jacques): Le plus dramatique est effectivement dans ces productions et, probablement, les céréales en troisième lieu. C'est particulièrement le porc.

Je voudrais dire aussi que ces chiffres-là sont assez exacts, à quelques faillites près. Plusieurs disent que ce n'est pas réel et ainsi de suite. Il ne faut jamais oublier d'abord que ce ne sont pas uniquement des prêts de l'office ou de la société, ce sont les faillites au Québec. Deuxièmement, on a fait des vérifications, non pas dans tout le Québec, mais au bureau de Montréal, ici dans la région, et on a retrouvé très peu de faillites, soit une ou deux, qui étaient rattachées de loin à l'agriculture, si on veut; par exemple, Pêcheurs unis, c'est souvent relevé, on peut penser que ce soit une chose comme cela. Cela veut dire que ces chiffres sont véridiques, pour quelques-uns, des faillites d'agriculteurs.

M. Dupré: Aux pages 15 et 16...

M. Proulx (Jacques): Ce sont seulement les faillites officielles parce qu'il y en a beaucoup...

M. Dupré: Des amendes...

M. Proulx (Jacques):... qui sont non officielles, si on veut.

M. Dupré:... qui seraient les abandons, liquidations ou...

M. Proulx (Jacques): Les abandons ainsi de suite.

M. Dupré:... qui seraient sur le point de...

M. Proulx (Jacques): Quelquefois, on est trop pauvre pour faire faillite.

M. Dupré: Aux pages 15 et 16, vous parlez, en tout cas, dans quelques paragraphes, de la situation américaine qui, naturellement, lorsqu'on a un pourcentage infime de la production totale américaine, c'est certain que lorsqu'il y a des surplus là-bas, lorsqu'il y a des manques, soit qu'on soit considérablement gagnant ou directement perdant dans un laps de temps qui est très court... On sait que l'année dernière, le gouvernement Reagan a subventionné l'agriculture américaine dans une proportion de 18 000 000 000 $, 20 000 000 000 $ ou peut-être même davantage. Il y a des surplus énormes de boisseaux de blé et de boisseaux d'à peu près toutes les productions. Les marchés européens sont pratiquement pour une bonne partie, à cause de l'échange d'argent entre autres... Ce n'est pas pour demain que cela va s'améliorer. Les Russes s'approvisionnent sur le Marché commun. Déjà, il y a à peu près 20% des fermes américaines qui sont techniquement en faillite. Lorsqu'on pense que dans certaines productions, 5% de leur production, c'est notre production totale, je me pose de fartes questions lorsqu'on dit qu'il y a des problèmes et je vois qu'il va y en avoir encore plus l'année prochaine quand la hausse du dollar américain va faire réellement... On va voir dans toute son ampleur le côté néfaste des exportations et des importations américaines là-dessus. Est-ce que vous êtes de mon avis ou est-ce que vous pouvez aller plus loin dans ce domaine? Peut-être que vous avez des chiffres supplémentaires à apporter? Je ne voudrais pas noircir davantage le paysage, mais on sait qu'ici, déjà, même s'il y en a qui disent qu'il n'y a pas de problèmes en agriculture, je suis cela d'assez près pour savoir qu'il y en a et qu'ils sont importants. Quand je vois le paysage de l'autre côté de la barrière, je m'inquiète davantage.

M. Proulx (Jacques): Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle - et d'ailleurs, on l'a précisé davantage la semaine dernière lors de notre colloque - la situation n'est pas rose. Elle est très inquiétante pour une bonne partie de nos productions. On est parfaitement d'accord avec ce que vous dites. C'est inquiétant, très inquiétant vis-à-vis de toute cette situation et ainsi de suite.

Quant à la question du dollar américain

vis-à-vis des exportations - François pourra peut-être aller plus loin - jusqu'à un certain point, elle ne nous nuit pas, si tu veux, parce que quand on parle d'exportations, il s'agit qu'on soit capable de se restreindre au niveau des importations qui portent sur la machinerie et ainsi de suite. Mais je pense que, pour un certain temps, à long terme, cela va avoir des implications si cela continue encore bien longtemps de cette façon, c'est bien évident, Je ne sais pas, François, si tu as de quoi à ajouter sur cela ou si tu as des chiffres supplémentaires.

M. Côté (François): Non. L'analyse que vous faites... Bien sûr, vous êtes une commission sur l'agriculture et si on fait l'effort de regarder où on s'en va dans l'agriculture, c'est évident quand on regarde la situation sur le marché mondial des céréales que, pour les raisons que vous avez dites, on s'en va vers des années extrêmement difficiles. C'est certain. Il faut enregistrer ce fait et travailler dans ce contexte. C'est la situation mondiale qui... Il y a une tendance à des surplus à l'échelle mondiale et cela va faire baisser le prix des céréales. On a été un peu protégé depuis une couple d'années. Cela aurait pu être pire s'il n'y avait pas eu le programme américan PIK par lequel les Américains ont réduit de 50% la production de maïs en 1983. Et, de loin, les Américains sont les plus gros producteurs mondiaux. Cela a été un peu sauvé cet été parce que les Russes ont acheté beaucoup plus de grain que prévu. Ils ont eu une mauvaise récolte l'été dernier. On est un peu protégé, tout le monde est un peu protégé par la hausse du dollar américain qui fait que les grains produits par les producteurs américains sont moins concurrentiels sur le marché mondial parce que cela prend plus de monnaie nationale pour acheter le produit aux États-Unis en dollars américains. Mais les tendances sont là. Les tendances sont inquiétantes et ce qui empire un peu l'affaire, c'est que, comme vous l'avez souligné, le gouvernement américain a dépensé à peu près 18 000 000 000 $ l'an dernier, mais le budget du président Reagan, c'est sûr que cela va être discuté devant les Chambres. Il y a tout un processus de discussion qui s'amorce aux États-Unis, mais l'objectif du président Reagan est de descendre cela à 8 000 000 000 $. Tout le reste est en conséquence. Cela veut dire une diminution des prix garantis aux producteurs de céréales aux États-Unis. En réalité, le prix garanti aux États-Unis a tendance à être le prix garanti au niveau mondial parce que le gouvernement américain, depuis quelques années, retire toute production que les producteurs américains ne peuvent pas écouler à un prix meilleur que le prix de soutien. Ils la vendent au gouvernement américain qui la retire. Cela a tendance à stabiliser le prix au niveau mondial, mais en tout cas, l'intention du gouvernement américain, c'est de baisser son niveau de soutien. A ce moment-là, cela va baisser le niveau des prix mondiaux. En premier lieu, cela va être difficile pour les producteurs américains. On l'avait souligné et c'est pour cela qu'il y aura peut-être des compromis politiques qui s'esquisseront aux États-Unis, parce que les premiers frappés par cela seront les producteurs américains, mais tous les producteurs de céréales à l'échelle mondiale vont faire face à une situation difficile et cela va aussi se répercuter sur les productions animales. (12 h 30)

II est vrai que c'est sombre, mais, en même temps, il faut regarder les choses telles qu'elles sont si on veut prendre des décisions qui ont du bon sens.

M. Proulx (Jacques): Il y a aussi un danger plus à court terme qu'on n'a pas souligné; ce sont les embargos américains, les barrières que les Américains sont en train d'installer. Vous connaissez la lutte qu'on mène actuellement pour le porc. On aura un jugement au début du mois d'avril, si ma mémoire est bonne. À court terme, c'est extrêmement inquiétant. Extrêmement. En même temps, on peut être favorisé par la dévaluation du dollar pour l'exportation, mais les Américains, quant à eux, se retournent et mettent en cause toute la question de l'exportation. Ils ont commencé avec la question du porc. Au cours des dernières années, il y avait déjà eu des essais quant au bois et aux pommes de terre. On a gagné nos points à chaque fois, mais, cette fois-ci, c'est plus "touchy" parce que... Je veux dire que je ne sais pas ce qui va arriver. Je peux vous dire qu'on s'est préparé au maximum, mais ce sera toujours une décision américaine. Cela peut être un peu comme la tour de Pise.

M. Dupré: Au bas de la page 38, vous dites - c'est pour mon information personnelle - qu'il faut chercher "à laisser le troupeau en garantie aux vendeurs, car il est actuellement avantageux pour les vendeurs, du point de vue fiscal... " J'aimerais avoir une explication là-dessus.

Une voix: François va vous expliquer cela.

M. Côté (François): La réalité des choses, c'est que, du point de vue fiscal, actuellement, il y a possibilité de faire un roulement des gains de capitaux. Vous êtes conscient de cela. Pour un père qui vend à son enfant à une valeur inférieure à la valeur marchande, donc qui fait un don, le gain de capital ne se déclenche pas sur la pleine valeur marchande comme c'est le cas

en général dans d'autres secteurs de l'économie. II y a un roulement de gain de capital. Tant que le gain n'est pas réalisé, il n'est pas imposé. Mais c'est un vice de la fiscalité actuelle. Cela devrait être corrigé parce qu'il est inacceptable que ce soit comme cela. Mais c'est comme cela actuellement. Sur les inventaires, il n'y a pas de roulement. Même si le père vend les vaches ou tout l'inventaire moins cher que la valeur marchande, les impôts se déclenchent sur la pleine valeur marchande. À ce moment-là, il y a un intérêt à étaler le paiement pour étaler la réalisation de ce revenu. C'est l'explication.

En réalité, il y a un vice dans les lois fiscales. Peut-être que la chose la plus intelligente à faire serait de corriger les lois fiscales pour que tous les actifs puissent être transmis sans conséquence fiscale immédiate, dans la mesure, évidemment, où cela n'est pas vendu à la pleine valeur marchande. Dans l'état actuel des choses, il y a un intérêt fiscal à ce qu'il y ait un solde du prix de vente sur le troupeau pour répartir le revenu.

M. Dupré: Vous dites, à la page 49: "À l'Office du crédit agricole comme tel, il faut que les employés qui portent le titre de conseillers en crédit aient la formation, la compétence et l'attitude nécessaires pour contribuer au maximum... " Est-ce que cela veut dire que c'est un souhait que vous faites et que vous considérez qu'ils ne l'ont pas présentement ou qu'ils l'ont peu?

M. Blanchette: Je ne pense pas que cela veuille dire qu'ils ne l'ont pas du tout. Il y a déjà des pas qui sont faits dans ce sens-là, mais nous disons qu'à cause des exigences et de l'importance du financement actuellement pour le fonctionnement des entreprises agricoles et en particulier les jeunes entreprises, qui sont très capitalisées et où toute erreur administrative peut avoir des conséquences très néfastes, cela prend davantage de formation au plan de la gestion et du financement de la part des conseillers en financement agricole.

M. Dupré: En terminant, je voudrais assurer la direction de l'UPA de ma vigilance, quant aux recommandations qu'on a faites dans le passé et celles que nous ferons à la suite de la présente commission parlementaire. Comme je l'ai mentionné au début des travaux de la commission, je tiendrai à voir à ce que les recommandations qui sont faites à cette commission ne restent pas sans réponses. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président.

Encore une fois - et je pense que c'est bien malheureux - on constate qu'on va manquer de temps pour pouvoir vous questionner sur le volumineux et intéressant rapport que vous avez présenté à la commission. Il y a plusieurs questions qui suscitent notre intérêt. C'est peut-être la raison pour laquelle j'hésite à vous poser la première question que j'envisageais de vous poser. Je vais vous la poser quand même, en espérant que même s'il s'agit d'une question qui pourrait prendre plusieurs minutes, on essaiera de ne pas trop s'étendre là-dessus. Il y a des points d'interrogation qui me sont venus à l'esprit.

On étudie présentement l'endettement, le financement, la relève agricole, etc. Je sais aussi que l'UPA réclame... Même moi, à certaines occasions, j'ai eu, en Chambre, l'avantage de questionner l'honorable ministre de l'Agriculture sur le sommet sur le financement. Il est évident que ce sommet sur le financement serait souhaitable dans les meilleurs délais. Il aurait déjà dû être fait. Je ne connais pas les raisons pour lesquelles cela n'a pas été fait.

Vous parlez d'un sommet ou d'une conférence socio-économique sur le financement et l'endettement en général. Est-ce que, par là, vous identifiez vos problèmes à beaucoup d'autres sources que celles que l'on a identifiées aujourd'hui? C'est évident que l'agriculteur a un problème avec l'Office du crédit agricole, avec certaines politiques du MAPAQ. Par contre, il y a beaucoup d'autres intervenants dans ce dossier du financement. On parle de "prétandem", donc, on parle des sociétés bancaires. On parle sûrement des gens qui ont à passer des contrats parce que vous faites allusion à certains contrats de sociétés qui devraient être modifiés, etc. Cela suppose qu'un ensemble de gens devraient participer à ces discussions.

En plus des préoccupations que vous nous avez soumises concernant l'Office du crédit agricole comme tel et le MAPAQ, quels sont les autres points majeurs qui sont considérés par les agriculteurs ou par votre organisme comme des points qui devraient être améliorés de beaucoup?

M. Proulx (Jacques): Il n'y aura pas, comme document de travail... Je pense que je vous l'ai dit ce matin, le dossier a été fait comme cadre de travail et ainsi de suite. Dans un sommet ou une conférence, on va se retrouver autour d'une table, tous ensemble, avec tous les intervenants. En cours de route, pendant le sommet, il y aura moyen de trouver des avenues possibles à partir des grands thèmes qui seront définis à travers cela.

C'est bien évident que si on tombe dans les détails d'une discussion avec tous les intervenants, on va faire ressortir un

certain nombre de chases. Je ne prends qu'un exemple pour m'expliquer: la concordance qu'il peut y avoir entre les politiques agricoles et le crédit agricole. Ce n'est pas nécessairement toujours en concordance et on va en discuter. Je pourrais prendre d'autres exemples. C'est ce qui permettrait, au cours d'une conférence, d'y aller plus à fond, d'aller davantage dans la cuisine, si on veut, pour mixer ces différents éléments et faire ressortir des résultats le plus concrets possible au bout.

Mais je suis obligé de dire... En tout cas, je ne pense pas qu'on ajouterait bien d'autres éléments parce qu'on a couvert entièrement la question du financement, de la relève, même si cela ne va pas dans tous les détails. On sait que la relève va avoir des choses particulières à dire. Les femmes, en agriculture, vont avoir des choses particulières à dire et elles vont venir vous les dire, d'ailleurs. Même chose lors d'un sommet. Cela permettrait, lorsqu'on touche ces points, d'en discuter davantage. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Picotte: Vous avez souventefois, je pense, l'impression, comme je l'ai eue à plusieurs reprises au contact de certains de mes électeurs, que tous ceux qui interviennent à l'intérieur de ce qu'on appelle le contexte agro-alimentaire, bien souvent, sont des gens qui ne se parlent pas, ou peu, ou qui auraient avantage à se parler. Je pense que vous m'avez donné un exemple approprié à savoir que certaines directives du MAPAQ, certaines directives de l'Office du crédit agricole ne sont pas toujours... ou que les gens de nos comtés, des bureaux locaux du MAPAQ et des bureaux locaux de l'Office du crédit agricole sont une source d'embêtements pour l'agriculteur sérieux, entre autres.

Est-ce que vous avez eu certaines garanties, au moment où on se parle, que ce sommet devra se tenir rapidement ou si vous croyez que vous êtes encore à l'étape de le demander et d'exiger qu'il se tienne?

M. Proulx (Jacques): Je n'appelle plus ça des garanties. Depuis deux ans on a ces garanties-là. Est-ce encore une garantie après deux ans? C'est toujours remis de mois en mois ou de trois mois en trois mois. Vous l'avez probablement vu comme nous dans les journaux, particulièrement lors d'une conférence que le responsable de la planification au ministère de l'Agriculture a donnée à l'Université de Sherbrooke, on a parlé du mois d'avril. Est-ce encore lancé au pif ou est-ce réel? Je n'en sais vraiment rien. Vous êtes encore mieux placé que nous autres pour le savoir.

M. Picotte: D'accord. Je vais passer à une autre question plus rapidement à cause du temps toujours. Mon collègue de Saint-Hyacinthe a fait mention tantôt du pourcentage d'emplois créés. On parle de 5000 emplois. Pouvez-vous me catégoriser ces emplois-là, d'abord, par rapport aux emplois à temps plein, à temps partiel, des emplois rémunérés, non rémunérés? On sait qu'en agriculture, souventefois, les gens de la famille qui travaillent viennent s'ajouter au nombre d'emplois. Mais quand le fils, la fille ou l'épouse de l'agriculteur travaille quasi à temps plein sur la ferme, bien souvent, il n'y a pas de salaire au bout de ça. De quel type d'emplois s'agit-il, en proportion, quand on parle de 5000 emplois?

M. Côté (François): C'est une bonne question. Je n'ai pas les détails ici. Bien sûr, pour une partie, c'est de la main-d'oeuvre familiale non rémunérée et, pour une autre partie, c'est de la main-d'oeuvre rémunérée. Je reviens là où j'en étais tantôt, on ne retrouve pas l'équivalent dans le reste du Canada. A la limite, même si c'est de la main-d'oeuvre familiale, ça peut être interprété comme reflétant un peu la crise. Des gens sont retournés à la ferme par défaut, mais ça ne veut pas dire que cela. Finalement, ça veut dire que la ferme pouvait fournir du travail et procurer du revenu pour ce travail-là.

Il y a des deux. Je n'ai pas les chiffres ou les détails ici. Je suis d'accord avec vous, c'est une zone, du point de vue des statistiques, un peu glissante. Avant de décider d'utiliser ce chiffre-là, j'ai recroisé aussi avec le recensement. Même le recensement pose des questions semblables. On constate aussi dans le recensement un accroissement de l'emploi dans l'agriculture au Québec qu'on ne retrouve pas dans les autres provinces.

Quelle sorte d'emplois? Jusqu'à quel point c'est solide? Peut-être que ça mériterait un approfondissement, mais il demeure qu'au niveau global on voit ça au Québec et on ne voit pas ça dans les autres provinces.

M. Proulx (Jacques): On pourrait d'ailleurs vous fournir, sur ce sujet précis des emplois rémunérés en agriculture, l'évolution des emplois permanents, occasionnels et temporaires au cours des dernières années, par le service de main-d'oeuvre agricole qu'on administre dans les différentes régions. On tient des statistiques à jour. On ne les a pas ici, mais ce sont des données qu'on pourrait rendre disponibles.

M. Picotte: Je vous pose la question parce que ça m'inquiète toujours de constater que, dans le domaine agricole, on a de moins en moins d'emplois à temps plein rémunérés, qu'on a de plus en plus d'emplois à temps partiel et de plus en plus d'emplois

non rémunérés. Par exemple, la famille qui collabore à travailler sur la ferme. Cela m'inquiète dans le sens que déjà, quand on fait des moyennes de salaire au taux horaire - je ne me rappelle plus ce qu'on disait -par exemple, pour un producteur laitier travaillant au taux horaire de 3, 43 $, si on ajoute un fils ou une fille qui vient faire des heures additionnelles, cela appauvrit encore davantage. Il n'y a pas là une augmentation comme telle de revenu, mais il y a de plus en plus d'heures dispensées. Je pense qu'à cet égard-là c'est un peu inquiétant et c'est ça que je voulais vous faire préciser. S'il y avait possibilité d'avoir quelques statistiques de la part de vos services là-dessus, je pense que ça orienterait drôlement, en tout cas, la conception qu'on doit se faire de l'agriculture des années 1985 et plus. (12 h 45)

J'aimerais aussi mentionner la question des faillites. Je suis toujours surpris quand j'entends certaines personnes prétendre qu'il n'y a pas tant de faillites que ça en agriculture. Je vis dans un comté rural et je me promène dans les rangs de mon comté, et souvent là où il y avait six ou sept agriculteurs dans certains rangs, il en reste un ou deux. Il y a des gens qui ont disparu de l'agriculture. Ils n'ont peut-être pas tous fait faillite, mais je pense que le nombre de faillites de 162 m'apparaît assez exact.

Mais il y a plus que cela et je me demande si vous vous êtes déjà penchés sur ce phénomène. Il y a tout le phénomène des gens qui abandonnent parce qu'ils n'ont pas de ressources ou comme on l'a dit tantôt, qu'ils n'ont pas le moyen de faire faillite -ils ne sont pas assez riches pour faire faillite tout simplement - ou qui font une cession de biens volontaire. À combien à peu près évaluez-vous cela? C'est beaucoup plus que 162 si on regarde cela, les gens qui ont abandonné, faute de ressources, faute de possibilité de vivre décemment de l'agriculture. Est-ce que l'UPA a des études qui peuvent nous démontrer que, finalement, en tout et partout, la situation est peut-être un peu plus dramatique, sans vouloir la dramatiser, que celle que nous laissent savoir certaines statistiques? Le mot "faillite", je n'aime pas cela, c'est bien évident. Il y a plus que des faillites en agriculture. J'espère que mon comté n'est pas un phénomène exceptionnel au Québec parce que je vais drôlement me poser des questions.

Une voix: Nous aussi, on s'en poserait. M. Garon: Cela dépend du député.

M. Proulx (Jacques): Je ne suis pas capable de vous donner de chiffres précis à ce sujet, parce qu'il y a beaucoup d'hypothèses possibles dans tout cela. C'est vrai qu'il s'ajoute à cela le fait que des gens abandonnent pour les raisons qu'on a dites tout à l'heure, qui font la cession de leurs biens, et cela n'est pas compris dans les faillites, même si c'est une faillite déguisée.

Il y a l'autre partie des gens qui, à cause de l'importance de l'exploitation et aussi d'un certain âge de retraite ou de préretraite, ont vendu à des exploitations voisines pour consolider. Il y a une partie de cela. Il y a l'autre partie: ce sont, dans bien des cas, comme vous dites, dans les rangs, des gens qui ont abandonné faute d'acheteur, à cause de la nature du sol, etc. Je pense que personne ne sera capable de donner un chiffre bien exact, parce qu'il y a bien des facteurs. Comment pourrait-on rajouter les faillites déguisées, si on veut?

Il reste quand même que, depuis quelques années, on a eu une certaine stabilisation du nombre d'agriculteurs. Le nombre d'agriculteurs est venu plus bas qu'à l'heure actuelle. Il y a eu un certain retour et, là, cela semble vouloir se stabiliser à cause du développement de l'agriculture à temps partiel, de l'achat de ces fermes par des gens qui veulent en tirer quelque chose tout en gardant leur emploi. Je pense que ce phénomène, s'il était appuyé de quelque façon, permettrait de garder au Québec un nombre d'agriculteurs qui permettrait de garder toute l'infrastructure et de la rendre disponible aux gens du milieu, parce que le monde rural a besoin de ces infrastructures. Je ne suis pas capable de vous donner les chiffres exacts. L'écart, est-ce que c'est 50% qui sont des faillites déguisées?

M. Picotte: Vous n'avez pas, non plus, le pourcentage du nombre de fermes abandonnées depuis une quinzaine d'années par rapport aux chiffres existants auparavant.

M. Proulx (Jacques): C'est très difficile d'avoir cela parce qu'il y a eu, surtout dans les dix dernières années, énormément de consolidation. Alors ce n'est pas une ferme abandonnée, c'est même une ferme qui a pris de l'ampleur pour toutes sortes de raisons. Ce serait extrêmement difficile de sortir des chiffres autour de cela. J'ai l'impression qu'il s'est produit, en tout cas depuis un certain nombre d'années, l'effet contraire de remise en valeur. Si certaines politiques annoncées depuis fort longtemps étaient mises en vigueur, l'ampleur de cette remise en valeur des terres abandonnées, etc., serait encore plus grande dans certaines régions.

M. Blanchette: C'est évident que, là-dessus, on pourrait toujours voir le nombre de producteurs par production et l'évolution depuis un certain nombre d'années; mais cela ne serait pas significatif du nombre d'entreprises qui ont dû soit être liquidées, soit passer à d'autres mains parce qu'elles étaient trop endettées ou, effectivement,

faire faillite. L'observation qu'on fait dans le milieu actuellement nous permet, cependant, d'affirmer que l'évolution du nombre de faillites, c'est la pointe mesurable d'un phénomène qui est beaucoup plus vaste et qu'il y a un grand nombre d'entreprises qui passent à d'autres mains parce qu'elles sont trop endettées et que celui qui a prêté l'argent ou qui a fourni les utilités, à un moment donné, en prend le contrôle. Il y a des abandons qui sont faits dans ce phénomène. Il y a aussi des entreprises qui passent à d'autres mains. Ce n'est pas mesurable et ce n'est chiffré nulle part.

M. Picotte: Très bien. Vous parlez, à un moment donné, du rôle de l'État, à la page 24. Vous vous demandez s'il ne faut pas remettre en question, de façon fondamentale, le rôle de l'État dans le financement de l'agriculture. On peut dire que, depuis quelques années, l'Office du crédit agricole a été souventefois controversé. On n'a qu'à regarder un peu ce qui se passe autour de nous. De plus en plus d'agriculteurs contestent, à tort ou à raison - je pense que ce n'est pas à moi d'évaluer cela au moment où on se parle - le rôle que joue l'office. Lorsque vous parlez de renforcer ou de remettre en question le rôle de l'État, qu'est-ce que c'est exactement dans votre esprit?

M. Proulx (Jacques): Pour nous autres, la base même de l'agriculture, c'est le financement à long terme. Établissez un financement à long terme adéquat dans l'agriculture afin qu'il réponde à des besoins, à des orientations qu'on va se donner comme collectivité; établissez cela sur une base solide qui est ajustable continuellement, parce qu'un des gros problèmes, c'est qu'on établit de très belles politiques, mais on oublie de les ajuster à l'évolution, si on veut. À partir de là, cela devient désuet. Pour nous, c'est fondamental - c'est une responsabilité de l'État - d'offrir à l'agriculture un crédit à long terme quasi parfait. À partir de là, vous pourrez éliminer une multitude d'aides ad hoc, de politiques -appelez-les comme vous le voudrez - qui sont mises continuellement en place, parce que c'est la base même de l'agriculture. On n'a qu'à regarder l'évolution dans cela. L'agriculture a commencé à évoluer le matin où il y a eu un crédit disponible. Pour ceux qui s'en souviennent, à partir de 1964, la Société du crédit agricole a commencé à changer son orientation et elle fut la première, après l'établissement du crédit agricole dans les années trente et quarante, qui a commencé à adapter ce qu'elle offrait aux réalités. C'est là qu'il y a eu une évolution de l'agriculture. Ensuite, l'office est arrivé avec d'autres programmes mieux adaptés. Cela a donné une nouvelle poussée. La société est revenue avec cela.

On l'a dit souvent, et je le répète encore aujourd'hui, je ne pense pas que les gens mettent en cause le rôle de l'État, c'est parfois mal exprimé, ce sont plutôt les modalités employées par l'État. Il faudrait faire attention, parce que je pense que les gens ne remettent pas en cause le rôle primordial, fondamental de l'État de s'impliquer dans le financement à long terme. Je dis bien à long terme. C'est important. En parlant de long terme - on le souligne d'ailleurs - trop souvent les conseillers agricoles - c'est une des grosses lacunes - vont accorder un crédit, vont accepter d'échelonner cela sur vingt ans. Pour nous, c'est inacceptable. Une partie du crédit à long terme sur le fonds de terre, etc., cela ne disparaît pas de la terre. C'est toujours là. Plus le crédit sur cela durera longtemps, mieux ce sera pour tout le monde. C'est à cause de cela qu'on dit que l'État doit jouer un rôle de plus en plus grand dans cette partie. À ce moment-là, il serait obligé de jouer beaucoup moins un rôle de "patchage" à tout moment, sur toutes sortes de politiques, de formes d'aides ad hoc.

M. Picotte: M. le Président, c'est une constatation que je fais. En tout cas, je ne sais pas ce que cela donnera par la suite, mais je dois vous dire tout simplement que les gens de ce côté-ci de la salle sont entièrement d'accord avec la commission d'appel à la page 27. Je pense même que la commission a déjà fait des recommandations là-dessus. On s'engage, du moins, à continuer de faire pression pour que cette commission d'appel puisse être instaurée le plus vite possible afin d'essayer d'éviter de créer des injustices comme on a déjà pu en constater dans le passé.

L'autre question que je voudrais poser, c'est quand vous dites à l'avant-dernier paragraphe: "Des prêts sont actuellement refusés où il existe une bonne capacité de remboursement et des garanties adéquates. " Est-ce qu'il y en a beaucoup? Quelles sont les raisons majeures? Est-ce un mauvais calcul de la part des officiers de l'Office du crédit agricole? Est-ce des données qui ne sont pas exactes? Qu'est-ce qui fait qu'il y a des gens qui ont une bonne capacité de remboursement à qui on refuse justement certains prêts?

M. Côté (François): II y a deux choses. Il y a le domaine du porc, premièrement, où il n'y a aucun prêt pour agrandissement de consenti. C'est une politique de l'office. Alors que, dans certains cas, c'est sûr, la situation est difficile dans le domaine du porc, mais qu'il y a des producteurs qui seraient en position de faire des investissements qui amélioreraient leur efficacité en impliquant sur certain

accroissement de la production, il n'y a aucune possibilité. Deuxièmement, en général cela prend toutes sortes de formes. Cela peut être la façon d'utiliser des normes, la façon d'analyser le prêt. Mais ce que cela trahit globalement, c'est un conservatisme et une prudence excessive de l'office dans certains cas. Vous me demandez dans combien de cas que cela se produit. On ne peut pas prétendre que c'est généralisé d'une façon absolue à la grandeur de la province, mais cela se produit dans un certain nombre de cas actuellement. Nos gens qui sont impliqués dans le dossier...

M. Picotte: Est-ce qu'on retrouve cela dans certaines productions plus particulièrement ou si c'est fait de façon générale? Par exemple, la crainte dans le domaine de la production porcine, est-ce qu'on la retrouve dans des choses semblables à cela, dans la production céréalière ou dans la production du boeuf? Est-ce que cela est localisé comme problème à certaines productions plutôt qu'à d'autres?

M. Côté (François): Comme je vous l'ai dit, pour le porc, c'est total et absolu, c'est la porte fermée complètement. Pour le reste, cela se présente dans toutes les productions.

M. Picotte: Dans toutes les productions. M. Côté (François): Oui.

M. Picotte: II y a un autre point à la page 29 aussi qui m'a surpris. Vous dites: "Très fréquemment, l'employé de l'office modifie la demande de prêt sans en informer l'agriculteur. " Êtes-vous en train de me dire que cela se fait dans plusieurs cas ou si cela s'est fait occasionnellement? Il y a là toute une différence. Cela vient éclairer certaines discussions que nous avons eues lors de la commission parlementaire sur les sept grévistes qui sont venus nous rencontrer où très souvent on nous dit: Ce n'est même pas tout à fait ce que j'ai demandé ou cela ne correspond pas à ce qui a été délimité ou décrit. Cela se fait-il sur une échelle assez élevée ou si ce sont des cas exceptionnels?

M. Couillard: M. le Président, je dirais à cela que, lorsqu'on dit qu'on modifie, il faut revenir quasiment à un autre de nos paragraphes qui est écrit là également où on parle de fonds de roulement. Il est bien sûr que Je prêt est toujours établi avec un fonds de roulement avec l'agriculteur et quand, à un moment donné, il est question d'arriver au but final on s'aperçoit alors que souvent le fonds de roulement est amputé ou est enlevé. C'est ce qui crée des difficultés, qui pose des questions semblables. C'est pourquoi on dit que, lorsqu'il est regardé avec l'agriculteur, le prêt doit demeurer comme tel parce qu'après cela on revient et on a des difficultés. Il faut recommencer, faire un nouvel emprunt, ouvrir une nouvelle marge de crédit, on n'en finit plus. C'est pour cela qu'on dit qu'un fonds de roulement doit en faire partie pour nous, pour que l'agriculteur le possède. Il n'y a pas un prêt qui ne devrait pas avoir un fonds de roulement.

M. Proulx (Jacques): J'aimerais rajouter sur cela que ce n'est pas sporadique, ce n'est pas isolé. Il y en avait assez pour que cela vaille la peine qu'on le mette.

M. Picotte: De l'écrire, oui.

M. Proulx (Jacques): C'est assez fréquent.

M. Couillard: Vous avez, quand même, des agriculteurs qui, dans le passé, s'achètaient une nouvelle terre, une terre avoisinante pour consolider et qui avaient déjà un fonds de roulement. À l'achat de cette terre, le fonds de roulement disparaît complètement parce qu'on dit: D'abord, tu utilises ton fonds de roulement et, après cela, si tu ne le mets pas dans le prêt tout de suite au départ, lorsque le prêt arrive, il est enlevé. Il doit être dans le prêt. Il y a des difficultés comme ça. (13 heures)

Nous, on va plus loin que ça. On dit qu'il doit y avoir un fonds de roulement à tous les prêts, même aux jeunes qui partent en production. Il doit y avoir un fonds de roulement, parce qu'on ne peut pas vivre un an, juste à produire, à vivre, sans avoir de revenus de certaines productions.

M. Picotte: Je devrais vous dire, avant de vous poser une question sur un point qui est soumis avant celui que je mentionne, que c'est vrai que les agriculteurs, en ce qui nous concerne, devraient avoir accès à leurs dossiers. Cela n'a pas de bon sens qu'un agriculteur ne puisse même pas avoir accès à son propre dossier et vérifier si les données sont exactes.

Nous avons relevé dans l'étude du cas des sept grévistes de la faim que des calculs faits par les gens de l'office étaient complètement inexacts. On s'était trompé en additionnant. Il y avait des chiffres importants qui avaient été omis pour comptabiliser certains revenus, ce qui fait que le type ne devenait plus admissible ou, en tout cas, son affaire n'était plus rentable.

Ce sont des choses essentielles, où l'agriculteur doit posséder son dossier, s'il en fait la demande, pour bien s'assurer qu'il n'y a pas eu d'erreurs à l'intérieur de tout ce cheminement.

Vous m'inquiétez beaucoup quand vous demandez, à la page 30, que les agriculteurs devraient toujours avoir le choix du

conseiller. Pourtant, nos conseillers doivent tous être bons de la même façon. Ils doivent tous être formés de la même façon. Pour quelle raison voulez-vous que le gars ait le choix de son conseiller? Nos conseillers, normalement, ont tous été formés, ont reçu une formation, ont reçu des directives qui doivent se ressembler. Il ne doit pas y avoir une si grande différence que ça entre un conseiller et un autre.

M. Proulx (Jacques): Tu viens de le dire. Ils ont reçu des directives, mais ils n'ont pas été nécessairement formés.

M. Picotte: Alors, il y a tant de différence que ça, dans certains cas.

M. Proulx (Jacques): Non, en fait, je pense que tout humain... Parfois, il y a des gens qu'on n'aime pas rencontrer. C'est normal que ça se produise au niveau du conseiller. Quand même, chaque bureau possède un certain nombre de conseillers et, pour nous autres, ça va être de plus en plus important d'avoir le choix du conseiller.

Il pourrait y avoir une multitude de raisons autour de ça, par exemple: tu as, au cours des années, fait affaires avec cette personne-là, elle possède davantage ton dossier, elle connaît mieux la région où tu es et ainsi de suite.

Il y a la question aussi de s'adonner avec les gens, de discuter d'une façon différente avec certaines gens. Je ne sais pas si Jean-Yves a quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Couillard: M. le Président, c'est bien sûr que, quand on dit avoir le choix du conseiller, pour nous autres, c'est très important. Premièrement, il y* a des personnes avec lesquelles tu ne t'adonnes pas et il y en a d'autres avec lesquelles ça va bien. Il y en a d'autres avec lesquelles tu peux discuter et tenter d'aller plus loin au niveau de ta ferme. Il y en a d'autres avec lesquelles ça ne marche pas. Alors, il y a le choix du conseiller.

Deuxièmement, l'autre point important - vous le voyez à l'intérieur du mémoire également - c'est que ce conseiller doit avoir votre dossier en entier, parce que quand arrive le printemps, on commence à regarder, à ouvrir nos marges de crédit, à la fin de février, ce ne sera pas long, là. Souvent, la marge de crédit n'est même pas fermée, parce que la production de l'année n'est même pas vendue. Cela veut dire que ta marge de crédit, présentement, tu peux la fermer juste au mois de juin ou au mois de juillet. Cela dépend de la date où tu vas vendre tes productions céréalières ou d'autres. Cela dépend dans quelle production tu es.

Par contre, il faut t'ouvrir de nouvelles marges. Cela veut dire que cette personne avec qui tu discutes, doit posséder ton dossier en entier et être capable de dire, au mois de février: Oui, on va t'ouvrir une nouvelle marge de crédit et non pas aller ouvrir une marge de crédit au mois d'août que le gars qui a semé au commencement d'avril. Des fois, tu sèmes du blé ou des choses comme ça autour du 15 avril et du maïs à la fin d'avril ou au commencement de mai, et tu as ta marge de crédit juste en juillet-août et j'ai déjà vu jusqu'à septembre. À ce moment-là, vous vous tournez vers les banques à des taux excessifs et sans garanties.

C'est pour ça que je vous dis que le choix du conseiller est très important et cette personne doit connaître votre dossier. Cela veut dire que l'association que vous faites avec cette personne-là, ce n'est pas une affaire de six mois. Cela veut dire que c'est elle qui doit être continuellement dans votre dossier et qu'on doit toujours continuer avec la même personne. C'est pour ça que les relations qui existent avec le conseiller sont importantes également.

M. Picotte: M. le Président, comme je veux laisser du temps à d'autres membres de ma formation, j'arrête mes questions immédiatement.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je veux vous indiquer, cependant, qu'il reste environ quatre minutes à l'Opposition. On passe maintenant au député de KamouraskaTémiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous me considérez comme un député de l'Opposition. Où est-ce que vous me situez, vous, là?

Le Président (M. Vallières): Je vais vous indiquer...

M. Dupré: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Non, s'il vous plaît, on n'a pas suffisamment de temps. On va essayer de ne pas trop en perdre. Je vous considère comme étant un député indépendant qui a droit de parole à cette commission.

M. Dupré: II faudrait peut-être qu'il se situe lui-même!

Le Président (M. Vallières): La parole est au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Je pense que votre mémoire comporte beaucoup de propositions qui valent la peine d'être analysées. Je ne veux pas me faire le défenseur de l'Office

du crédit agricole, mais à la page 29 - on y a touché un peu - on dit: "Jouer son rôle de conseiller. Un très grand nombre de reproches qui sont faits à l'office peuvent être ramenés au point suivant: les employés de l'office, dans de nombreux cas, ne jouent pas véritablement leur rôle de conseillers en crédit agricole. Cela se manifeste par les comportements suivants, qui doivent être corrigés. "

Dans chaque région, on a des conseillers agricoles, on ades gens qui représentent l'office, et ils sont là pour, éventuellement, aider les agriculteurs qui vont vers l'office pour un prêt. Je ne sais pas s'il faut tous les mettre sur le même pied ou si ce sont des cas isolés. Il me semble que le conseiller de l'Office du crédit agricole, un agriculteur va le voir, éventuellement, pour un prêt. Il me semble que ça ne peut pas être totalement vrai que l'office ne joue pas son rôle. Il peut y avoir une exception dans certaines régions, des conseillers qui ne sont peut-être pas qualifiés, comme vous le dites, mais ça ne doit pas être généralisé au point de dire que c'est pour tous les prêts,

II me semble que, quand un prêt est refusé, l'agriculteur a le droit de le savoir. J'ai eu affaire à l'office et j'ai eu le droit de savoir si mon prêt était refusé par le gars de l'office dans la région. Quand vous parlez de ces cas, combien peut-il y en avoir? Est-ce que c'est général dans tout le Québec ou si ce sont des cas isolés un peu partout?

M. Proulx (Jacques): Je ne dirai pas que c'est dans tout le Québec, mais je peux vous dire qu'il y a de nombreux cas où on s'est plaint et où on a été à même de constater que les raisons qu'on évoque là sont pertinentes. Il y a de nombreux cas, je ne peux pas vous identifier certaines régions parce qu'il existe, probablement dans chacune des régions, un certain nombre de conseillers ou des conseillers qui ne sont pas qualifiés ou qui ne jouent pas le rôle qu'ils devraient jouer. Le rôle de conseiller, c'est plus qu'avoir un livre de normes devant sol et les appliquer bêtement. Pour nous, un conseiller, ça doit être une personne qui travaille en étroite collaboration.

Cette plainte n'est pas faite uniquement par nos producteurs parce que, dans le mémoire qu'on vous présente aujourd'hui, on a fait une large consultation de différents intervenants, et ça, c'est une constatation des autres intervenants, aussi, soit qu'il y a beaucoup trop de ces cas, par manque de formation ou par surplus de travail. Un des gros cas, c'est justement le manque de conseillers et, durant certaines périodes de l'année, ils sont surchargés. Alors, il faut trouver absolument un mécanisme où les gens ne seront pas débordés et, à partir de là, feront un meilleur travail.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): À la page 26, on parle d'une commission d'appel; je serais entièrement d'accord avec ça pour que des cas puissent être révisés. Mais que l'agriculteur soit informé du refus d'un prêt. Je croyais que tous les agriculteurs étaient informés qu'on leur refusait un prêt et de la raison du refus. C'est sûr qu'on peut faire une demande de prêt. Si on va à l'Office du crédit agricole, c'est parce qu'on a besoin d'argent. Au moment où on fait la demande, peut-être que la ferme n'est pas rentable comme elle devrait l'être. Justement, c'est peut-être le prêt qui va lui permettre d'être rentable. Cela doit être analysé par quelqu'un. Il me semble que c'est assez clair, ça ne devrait pas être tellement dur à corriger.

À la page 36, vous avez fait une proposition qui me sourit beaucoup, que je prêche depuis longtemps pour aider les jeunes agriculteurs. On sait que, pour les jeunes agriculteurs, ce sont les dix premières années qui sont difficiles. Vous avez parlé de cinq ans, mais je pense que ça va jusqu'à dix ans. Si on l'étouffe en partant, c'est sûr qu'il ne sortira pas de l'eau, il va se noyer. Vous dites que vous êtes d'accord avec un taux d'intérêt de 3% par année, croissant de 0, 5% par année pendant les sept, huit, dix premières années de son établissement.

Avez-vous établi des coûts, avez-vous évalué comment ça pourrait coûter? Nous, il faut voir si l'État est en mesure de le faire. Si ça coûte 20 000 000 $... Vous avez un économiste qui semble assez...

M. Proulx (Jacques): Effectivement, on a fait les calculs. François les a, il peut vous dire rapidement quelle marge, sans entrer tellement dans les détails. Pour avancer cela, on a fait des calculs pour savoir ce que ça coûterait à l'État parce qu'on savait que la question viendrait.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Avant que M. l'économiste réponde, est-ce que vous avez aussi, pour les dernières années, le nombre de jeunes qui font des demandes pour s'établir sur une ferme? Vous avez cela à l'office?

M. Proulx (Jacques): On a le nombre pas seulement au niveau de l'office, mais on a le nombre total au Québec des établissements de jeunes. M. François Côté a cela; je ne sais pas s'il les a sous la main.

M. Côté (François): Je ne les ai pas sous la main, mais cela a été de l'ordre de 1300 à 1400 et cela a baissé à 1100 l'an passé. Je les ai pas loin, ces chiffres.

M. Proulx (Jacques): C'est dans cet ordre de grandeur.

M. Côté (François): Pour répondre à votre question, Jacques en a annoncé plus qu'on ne peut en livrer. On a fait assez de calculs pour savoir que cela implique un certain accroissement de l'aide par rapport à ce qu'elle est actuellement, mais pas assez pour vous dire au total, dans le budget du Québec, ce que cela peut représenter, parce que, finalement, il faudrait tenir compte de demandes de prêt telles qu'elles sont faites actuellement. Dans chaque cas, la situation se présente différemment et l'office pourrait mieux que nous vous dire combien cela serait susceptible de coûter dans les conditions actuelles. La réponse générale, c'est un certain accroissement. Je peux vous donner un calcul qu'on a fait et qui donne un ordre de grandeur, mais qui ne répond pas parfaitement à votre question.

Prenons le cas d'un emprunt de 150 000 $ actuellement, dont 50 000 $ seraient, en vertu du système actuel, sans aucun intérêt pour les cinq premières années et, ensuite, cela tombe comme un prêt normal; pour le reste, les 100 000 $, en calculant le rabais d'intérêt tel qu'il existe actuellement selon la formule utilisée, cela implique de la part du gouvernement, dans cette situation, pour un prêt de 150 000 $ -en réalité, l'emprunt moyen des jeunes qui s'établissent n'est pas de 150 000 $; le plafond est à 150 000 $, mais tout le monde ne va pas au plafond, il est d'environ 117 000 $ - une subvention totale en valeur présente - c'est-à-dire qu'un dollar dans dix ans ne vaut pas la même chose qu'un dollar d'aujourd'hui tout est ramené en dollars d'aujourd'hui - de l'ordre de 55 000 $. 50 000 $ à 0% et les 100 000 $... Avec le système qu'on vous propose, pour la totalité de ce même prêt de 150 000 $ à 3%, 3, 5%, 4%, cela ferait une subvention de l'ordre de 66 000 $. Cela représenterait, en valeur présente, un accroissement de l'ordre de 10 000 $, selon ce calcul. Cela vous donne une idée, mais il faudrait aller plus loin et inventorier différentes situations pour faire le total du point de vue du budget du Québec.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Si on veut faire accepter cela à notre ministre de l'Agriculture, c'est une mesure que j'appuierais, mais il va falloir aller plus loin. L'office peut prendre les trois dernières années, évaluer le nombre de jeunes qui font des demandes, voir quelle est la moyenne et établir à peu près comment cela pourrait coûter au budget du gouvernement du Québec. Il va falloir le faire.

À la page 38, cela me chatouille un peu: "II faut donc qu'il y ait un partage de garanties entre le vendeur et l'institution financière qui finance le risque de la transaction. " Vous savez que cela peut amener des chicanes de clocher ou même des chicanes de famille. Je suis d'accord qu'il y ait des possibilités pour que le père qui vend à son fils en finance une partie. Cela pourrait aider beaucoup. En discutant avec certains syndicats de base et même des agriculteurs, le transfert des fermes de père en fils est un problème, on le sait, avec la fiscalité et tout cela. Mais quelle serait la part de garanties d'un vendeur éventuellement prêteur après la vente? Il faudrait comparer avec une institution financière. Vous parlez plus bas d'un troupeau, vous parlez de l'exploitation animale, mais dans n'importe quelle exploitation agricole...

M. Proulx (Jacques): Ce qu'on demande dans cela, ce n'est pas d'en privilégier un au détriment d'un autre. C'est une nouvelle source de financement, une nouvelle possibilité qui serait offerte et, à partir de là, il ne faut pas en pénaliser un aux dépens de l'autre. On prête sur des fermes a partir de la valeur; la valeur est là. On donnera exactement la même garantie au père ou à ceux qui le remplaceront que ce qu'on va donner à la banque. On partagera ces garanties. C'est uniquement cela et c'est très facile à faire,

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est-à-dire de partager entre les prêteurs selon la somme prêtée. (13 h 15)

M. Proulx (Jacques): Selon la somme, parce que qu'est-ce que cela me donne... Supposons que je vends 300 000 $; je n'ai pas besoin de ces 300 000 $, j'ai besoin d'une partie de cette somme pour me bâtir une maison et pour vivre. Pour le reste, au lieu de prendre cet argent, avec toute l'administration que cela amène, d'aller le placer ailleurs et ainsi de suite, c'est aussi bien de le laisser directement là. Tout ce que je demande, c'est d'avoir la même protection, exactement la même.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Si vous avez une ferme de 300 000 $ -l'exemple que vous citez - que vous vendez votre ferme 300 000 $ et que vous en financez le tiers, normalement, le tiers de la garantie devrait être porté à votre prêt. En fin de compte, ce serait assez facile de partager. Cela prend aussi une volonté de l'office de changer certaines règles du jeu.

M. Proulx (Jacques): C'est cela.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous savez qu'ils prennent beaucoup plus de garanties, même des terrains boisés qui ne sont pas directement reliés à l'emprunt

comme tel. Ils prennent des boisés, ils prennent tout, ils prennent des garanties. Cela m'éclaire et je vous félicite pour le mémoire. Je pense qu'on va...

M. Couillard: Je pourrais peut-être répondre à votre question. Vous m'excuserez, mais on n'a pas répondu complètement, à mon idée. La garantie, à l'heure actuelle, c'est le père qui la fait au complet, le reste de la garantie. Quand vous vendez 300 000 $, vous allez emprunter 150 000 $, au maximum 200 000 $, et le père est obligé de laisser son argent là. Il reste tout le temps en dernière position. C'est lui qui la fait au complet, la garantie. Rendu au bout, c'est lui qui supporte tout. C'est ce que je voulais vous dire et c'est ce qu'on veut corriger aussi,

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci.

Le Président (M. Vallières): D'accord. M. le député de Saint-Jean, suivi du député de Huntingdon et du député d'Arthabaska.

M. Proulx (Saint-Jean): M. le Président, on a voté une loi importante, la loi 90 sur le zonage agricole, la protection des terres agricoles. Depuis cette loi importante qu'on a adoptée, est-ce que les prix des fermes au Québec ont baissé? Est-ce que cela a augmenté? Est-ce que cela s'est stabilisé? Est-ce que cela a permis d'agrandir la superficie des terres cultivées? Est-ce que les producteurs qui attendaient de vendre leurs biens et qui laissaient les terres en friche ont repris leurs cultures, en général? En un mot, est-ce qu'on peut mesurer l'influence de cette loi sur la vie économique de l'agro-alimentaire? Est-ce qu'on a mesuré toutes les incidences de cette loi? Dans mon comté, M. le Président, il y a plusieurs fermes. Toute notre région de la rive sud est une grande région de spéculation et les gens attendaient. Tout près de ma maison, chez moi, combien de fermes sont en friche depuis des années! On attendait. La ville de Saint-Jean grandissait constamment et les gens attendaient cinq ans, dix ans, quinze ans pour vendre. Ils attendaient le jeu de la spéculation. Il y a toutes sortes de rumeurs qui courent à ce sujet. Est-ce que c'est fondé? Qu'en est-il? Enfin, est-ce que vous comprenez ma question? Qu'en est-il?

M. Proulx (Jacques): En fait, vous avez à la page 14 un tableau qui vous donne assez clairement l'évolution du prix des fermes, l'indice des prix des terres. Il n'y a pas eu une variation énorme. Je pense que cela a surtout stabilisé les choses. Il y a probablement eu une montée. Il y a eu une certaine remontée, mais qui s'est stabilisée par ta suite. Il y a une tendance à la baisse assez importante, à l'heure actuelle, mais c'est à cause d'autres facteurs aussi. Ce n'est pas à cause du zonage.

L'implication économique pour les producteurs? Il y a une implication, c'est bien évident, mais notre rôle est de travailler pour les agriculteurs qui veulent vivre de l'agriculture et non pour ceux qui veulent en sortir. La spéculation se faisait particulièrement, comme vous le dites, dans votre comté et dans d'autres, dans la plaine de Montréal, si vous voulez. Il était urgent que la loi 90 vienne protéger particulièrement les meilleurs sols du Québec. Cela fait que, pour nous, ce n'est pas complet tant qu'on n'aura pas, rattachées à cela, des politiques d'encouragement à rendre ces terres productives. C'est la lacune un peu de la loi 90 à l'heure actuelle ou d'autres lois de remise en valeur. Je ne dirai pas de la loi 90, mais de lois qui ont été annoncées, mais qui ne sont pas nécessairement appliquées. Je pense qu'il devrait y avoir des facteurs d'encouragement - non seulement ne plus avoir le droit de les vendre - et d'incitation à rendre ces sols productifs. D'ailleurs, vous avez eu - en tout cas, je regarde, parce que je passe assez souvent sur ces routes - un certain nombre de ces terres qui ont été remises assez rapidement en production. Dans le bout de Brossard et ainsi de suite, dans le bout de Saint-Hyacinthe aussi, des terres qui étaient abandonnées depuis fort longtemps ont été remises en cultures, mais il faudrait qu'il y ait d'autres incitatifs.

M. Proulx (Saint-Jean): Vous répondez à la dernière question que je vous posais. Donc, la superficie ou l'exploitation des fermes du Québec a augmenté depuis cette loi?

M. Proulx (Jacques): Dans les meilleurs sols, oui, et de façon assez importante. On n'a pas le tableau, mais on l'avait, il y a quelques années. Je vais prendre le coin de Saint-Hyacinthe ou 5orel. Je ne me souviens plus, mais en tout cas, assez près de Montréal, il y avait une augmentation de...

Une voix: Saint-Basile ou Varennes.

M. Proulx (Jacques):... 45% à 49%, si ma mémoire est bonne, de remise en valeur. C'est important.

M. Proulx (Saint-Jean): Il y a une loi pour la remise en valeur. Il y a des subventions pour cela. Est-ce que c'est beaucoup utilisé?

M. Proulx (Jacques): Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a une loi, mais, à ma connaissance, elle n'est pas appliquée.

M. Couillard: Pour entrer dans les critères qu'elle a, c'est très difficile.

M. Proulx (Jacques): Elle ne répond pas à l'heure actuelle.

M. Proulx (Saint-Jean): Elle ne répond pas; c'est important. Elle ne répond pas aux besoins ou aux exigences actuelles.

M. Proulx (Jacques): À notre avis, en tout cas, elle n'y répond pas.

M. Proulx (Saint-Jean): Dans quel sens n'y répond-elle pas?

M. Couillard: C'est parce qu'il faut en avoir assez grand, mais pas trop grand. Cela dépend aussi des lots, si ce sont des moitiés de lot ou des lots complets. Il y a plusieurs facteurs ou critères qui, pour nous, ne sont pas directement...

M. Proulx (Jacques): C'est limité à la production céréalière à l'heure actuelle. Nous avons toujours dit qu'il fallait que cela soit ouvert à toutes les productions. À l'heure actuelle, la loi est limitée uniquement à la production céréalière.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je m'excuse auprès du député de Saint-Jean, mais son droit de parole est épuisé. On passe maintenant au député de Huntingdon qui disposerait, quant à lui, d'environ quatre minutes. Il sera suivi du député d'Arthabaska.

M. Dubois: En tout premier lieu, j'aimerais vous saluer, M. le président, ainsi que tous les officiers qui vous entourent. J'aimerais vous indiquer ma très grande appréciation du document que vous nous avez présenté. Il nous indique très bien les nombreux problèmes qui existent chez les producteurs agricoles du Québec. Vous avez cerné plusieurs de ces problèmes et vous avez apporté des suggestions très valables et très intéressantes. Je vous en félicite.

Étant donné que le temps est très limité, je vais y aller tout de suite avec une première constatation qui m'a quand même surpris un petit peu au tableau 1 de votre document, où on parle des dépenses d'exploitation agricole. Si on compare les chiffres au plan de l'alimentation des animaux, le pourcentage du Québec par rapport à celui du Canada, on y retrouve un écart énorme. La question que j'aimerais vous adresser: Est-ce parce que cela coûte trop cher au Québec pour produire des céréales ou si c'est parce qu'on doit en faire venir une très grande quantité d'autres régions ou, encore, si c'est parce que le climat ne s'y prête pas aussi bien qu'ailleurs? Il reste que nos productions en difficulté, qui sont celles du porc et du boeuf de boucherie, doivent subir un coût d'alimentation très élevé comparativement à ce que serait la moyenne canadienne. Est-ce que ce fait peut être relié aux problèmes que vivent les producteurs de porc et de boeuf de boucherie?

M. Proulx (Jacques): Il peut y avoir des relations, c'est bien évident, mais la cause majeure est le développement de certaines productions sans sol. C'est un des facteurs majeurs qui font que le chiffre est pas mal plus élevé que dans le reste du Canada. Ailleurs, en Ontario, par exemple, où on fait ces mêmes productions avec sol, on est autosuffisant ou autosuffisant à un très haut pourcentage. C'est plus une intégration à la ferme. Au Québec, on a développé davantage des productions sans sol totales.

II est bien évident que la question des céréales a une relation très étroite. Comme il faut faire venir énormément de céréales, cela se rajoute au coût. C'est ce qui fait la différence avec l'Ouest, par exemple, qui a ses céréales sur les lieux, etc. François.

M. Côté (François): Une autre source de différence, c'est qu'on est plus spécialisé au Québec dans les productions animales.

M. Proulx (Jacques): C'est cela.

M. Côté (François): Cela se rajoute. On est spécialisé dans les productions animales et on a fait une grande production de porc et de volaille sur une base sans sol. Les deux sont additionnées. On ne peut pas en faire dire plus aux chiffres qu'ils ne peuvent en dire, mais ce sont les deux explications qui font que notre pourcentage d'achat d'alimentation est plus élevé que dans le reste du Canada.

M. Dubois: Ceci m'amène à souligner l'importance que les agriculteurs, les producteurs sans sol, au plan du porc ou d'autres productions animales, produisent autant que possible leur alimentation animale. Je pense qu'il faudra peut-être se diriger dans ce sens parce que, si on considère les 705 000 000 $ pour le Québec par rapport aux 2 162 000 000 $ pour l'ensemble du Canada, le pourcentage augmente tellement qu'on ne peut plus, au plan de la concurrence, se permettre de faire de la production sans sol, si on veut rester sur le marché. Je ne sais pas si on peut relier cela, mais des problèmes existent. Il semble évident qu'on a une lacune dans ce sens-là.

M. Proulx (Jacques): De là découlent une multitude de problèmes. On est parfaitement d'accord sur cela, c'est l'orientation qu'on doit prendre rapidement. Tu peux ajouter à cela l'environnement et

ainsi de suite.

M. Dubois: Il y a un autre point que je voulais souligner. Je ne voudrais pas tomber dans le négativisme, mais j'écoutais un programme américain, vers le milieu de janvier, où les intervenants indiquaient le mécontentement des Américains à l'endroit des entrées de porc canadien. C'était un des points soulevés et il semblerait que des pressions très fortes se font sur Washington afin d'établir des barrières à l'entrée de porc canadien sur le marché américain. Si cela se produisait, j'imagine que cela pourrait affecter encore davantage la survie de nos producteurs de porc ici, au Québec.

M. Proulx (Jacques): II y a un grand problème à l'heure actuelle, mais ce n'est pas nouveau, les Américains aiment bien jouer à la vierge offensée. Ils devraient plutôt regarder dans leur cour ce qui se produit à l'heure actuelle. François a, tout à l'heure, donné des chiffres. On est passé de quelques milliards d'aide à pratiquement 20 000 000 000 $ en quelques années; je pense qu'ils n'ont de leçon à donner à personne quant à l'aide offerte aux producteurs. On devra quand même faire valoir très fortement ces données; elles sont réelles. Si on ramène cela aux proportions du Québec ou du Canada, même à ce niveau, l'aide est de beaucoup supérieure au Québec et au Canada.

M. Dubois: Même au-delà de cette aide, on peut constater que les producteurs américains, enfin, une bonne partie des producteurs américains sont en très grande difficulté.

M. Proulx (Jacques): C'est évident. Quand vous voyez, dans un État de 13 000 agriculteurs, que 11 000 vont manifester au Capitole, c'est parce qu'il y a des difficultés évidentes.

Le Président (M. Vallières): Là-dessus, je dois arrêter cet échange de vues, si on veut respecter le droit de parole du député d'Arthabaska. Je cède donc la parole au député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci. Je m'excuse de mon retard, à cause de la température. J'espère que mes questions ne seront pas des répétitions. Peut-être que ce seront des questions qui ont déjà été posées, mais, en tout cas, je vais essayer de m'en tenir à ce que j'ai entendu depuis mon arrivée.

Tout à l'heure, vous avez expliqué - et je crois que vous aviez bien raison - qu'un bon financement agricole réglerait le problème d'un paquet de subventions qui sont éparpillées un peu partout dans le décor. Par contre, j'aimerais que vous me disiez quelques mots sur ce qui suit. Avec un bon financement, comment pourrait-on encourager les agriculteurs à s'engager dans des productions nouvelles, comme on l'a vu dans le passé? Pensez-vous que c'est nécessaire de maintenir une certaine proportion de subventions aux agriculteurs afin de les inciter à se diriger vers certaines productions ou si seul un bon financement pourrait régler cela?

M. Proulx (Jacques): Les nouvelles productions, ce n'est pas uniquement un bon financement à long terme qui va régler le problème. Les mots le disent bien, "nouvelles productions", cela veut dire nouveaux marchés, nouvelles habitudes, toute la technique à aller chercher et ainsi de suite. Par exemple, quant à la mise en marché, même si c'est l'une de nos responsabilités -et on est prêt à la prendre - au départ, il faut une aide de l'État pour faire la recherche des marchés et la mise en place de mécanismes pour faire ces marchés. C'est tout cela, en fait. Cela ne peut pas se limiter aux nouvelles productions parce que c'est un choix de société, de pouvoir employer au maximum les possibilités et, à partir de là, les élargir davantage et les adapter à ces productions.

Le gros problème, c'est que l'on cherche trop à standardiser. On va comparer un élevage de lapin avec la production laitière. Cela n'a pas de maudit bon sens parce qu'il y a tellement de facteurs différents. Ou la chèvre, si on veut, comparée au secteur laitier. Il faut vraiment respecter les critères de base et tenir compte des particularités.

M. Blanchette: Il est peut-être important de préciser là-dessus que ce qui est développé là-dedans, c'est que le financement est la base. S'il est bien appliqué, il peut peut-être remplacer un certain nombre d'interventions sporadiques par des subventions qui veulent éteindre des feux ou régler des problèmes insolubles. Mais ce n'est pas la seule politique de base qui doit être appliquée. Il faut que le financement soit complété par des politiques d'assurance et des politiques au niveau de la recherche et de la commercialisation. Là, on s'attarde au financement, mais il ne faudrait pas laisser croire qu'en réglant le problème du financement on pourrait enlever d'autres politiques de base. Ce qu'on dit, c'est que le financement, s'il est bien appliqué, pourrait, comme les politiques de stabilisation et de commercialisation, éviter au gouvernement des interventions sporadiques pour régler des problèmes immédiats qui se présentent par des subventions directes.

M. Baril (Arthabaska): C'est bien. Il y a

quelques années, avec mes collègues, on avait proposé au gouvernement une politique agricole qui devait s'orienter en quatre points: un bon financement - ce n'est pas en ordre de priorité - la recherche, l'assurance-agricole et la mise en marché. Je pense que si on pouvait appliquer les quatre ensemble on réglerait probablement bien des problèmes dans la situation agricole.

Je ne voudrais pas que vous pensiez que j'essaie de chercher des "bibites" dans votre affaire; de toute façon, je vous ai dit que je n'ai pas eu le temps de lire votre texte. Je me pose une question et j'aimerais connaître vos intentions là-dessus. Tout le monde est d'accord pour qu'il y ait un meilleur financement pour la relève agricole, entre autres. Quelles seraient les conséquences d'un financement adéquat, qu'on pourrait définir ensemble, mais qui serait réaliste, pour aider la relève? Quelles conséquences cela pourrait-il avoir sur le coût des terres ou la vente des terres, dépendant du côté où on se place? Est-ce que ça pourrait avoir comme conséquence d'augmenter le coût des terres? Il y a quelques années, lorsqu'il y a eu beaucoup de nouveaux arrivants au Québec qui sont venus acheter nos terres, ils avaient plus de "cash" à donner que nous autres et cela a fait augmenter le prix. Aujourd'hui, il y en a plusieurs qui ont abandonné parce qu'ils ne sont pas capables de continuer et le prix des terres baisse. Vous devez sans doute avoir quelques suggestions à faire là-dessus ou quelques recommandations. Vous vous êtes sans doute penchés sur ce problème-là. Quelles sont les conséquences d'un financement adéquat sur le prix des terres pour vous?

M. Proulx (Jacques): C'est toujours difficile de dire quelles conséquences cela peut avoir. À notre avis, ce qu'on demande, c'est d'avoir un crédit adapté aux besoins des années qu'on vit. Je pense qu'il y a assez de critères mis en place, justement, dans nos recommandations: la question de rentabilité. Il y a une série de facteurs dont on veut qu'on tienne compte qui n'auront pas une influence marquée sur le prix des terres.

Je pense que ce sera une question d'offre et de demande. C'est une question de rentabilité de production. Il y a bien des facteurs. Nous ne croyons pas que ça puisse jouer un rôle déterminant sur le prix des sols. Dans notre document, on dit: Autant l'office a été ouvert et exagérément ouvert dans les productions, parce qu'on n'a pas mis de planification, autant aujourd'hui il est fermé. Il doit y avoir un juste milieu à trouver et, en le trouvant, il n'y aura pas d'effets néfastes sur des particularités, sur le coût du sol ou sur d'autres. Ce sera une question de rentabilité qui va tenir compte de tous les facteurs qui déterminent ça.

M. Blanchette: Il y a peut-être deux éléments qu'il faut considérer dans une politique comme ça. Il faut dire d'abord que l'inquiétude serait justifiée s'il n'y avait pas de maximums et de critères établis pour les prêts ou les incitatifs spéciaux accordés aux jeunes. Comme il y a des maximums encore en deça de la valeur réelle des entreprises pour faire vivre une famille, le danger est beaucoup moins grand. Cela a plus pour effet d'élargir le nombre d'acheteurs disponibles.

Il faut peut-être raisonner aussi à l'inverse. Si on n'a pas des politiques favorables pour permettre aux jeunes d'avoir accès aux entreprises agricoles, le phénomène qui va se passer, c'est que les entreprises déjà existantes vont racheter les autres entreprises et on va accélérer, par une politique comme celle-là, le grossissement des entreprises. C'est un choix de société politique qu'il faut faire aussi à un moment donné et ça nous apparaît être une mesure qui maintient des unités agricoles de type familial.

M. Baril (Arthabaska): Tout à l'heure, on discutait aussi du réinvestissement des profits de la vente de la ferme dans la même entreprise. On parlait du partage des garanties dont vous avez discuté tout à l'heure. Si cela fonctionnait, tant mieux, mais j'espère que tous les intervenants pourraient mieux s'entendre sur le partage des garanties que la société et l'office s'entendent actuellement. Dans combien de dossiers j'ai eu à aider des gens de différentes façons pour que les deux s'entendent sur un certain partage des garanties. Ma question est celle-ci. C'est évident qu'il y a des choses que vous suggérez pour faciliter cela, mais que penseriez-vous si, au Québec, on formait ou on créait une sorte de banque agricole? Ce serait l'argent de la vente des terres que les agriculteurs pourraient y placer. Cela faciliterait le partage des garanties parce que le vendeur placerait son argent, à un taux d'intérêt aussi avantageux que n'importe où ailleurs, dans la banque agricole et ce serait la banque agricole elle-même qui, en réalité, prendrait les garanties qu'elle voudrait. Que pensez-vous de cette formule?

M. Proulx (Jacques): Écoutez! D'ailleurs, je pense qu'on a été les premiers, en tout cas on a été dans les premiers, à précisément discuter de la question d'une banque agricole. On ne s'y oppose pas, mais on s'oppose à mettre en place une nouvelle banque. Je pense qu'il va falloir - c'est la partie importante - accrocher à cela des avantages fiscaux. S'il n'y a pas d'avantages fiscaux à cela, ne créons pas une nouvelle banque. Il y en a en masse à l'heure actuelle qui font la pluie et le beau temps. On n'a pas besoin d'en créer une autre pour avoir

les mêmes résultats parfois, par périodes, si vous voulez. Mais si c'est clair et net qu'il y a des avantages fiscaux importants de rattachés à cela, c'est une possibilité avec les autres possibilités, parce qu'il faut avoir un choix de possibilités. Il ne faudrait pas dire: Cela est parfait, transférez le tout là. Il faut regarder le choix qu'on a: banque, caisse, différentes mesures.

Le Président (M. Vallières): Merci. Cela termine...

M. Couillard: Si vous me le permettez, au sujet de la banque agricole...

Le Président (M. Vallières): Oui, en complétant.

M. Couillard:... je pense que c'était regardé au niveau du fédéral. Ils sont allés faire une étude aux États-Unis. Ils sont revenus en disant qu'il y avait beaucoup d'avantages, mais souvent plus d'avantages pour les banques que pour les agriculteurs. J'ai nettement l'impression que si on va dans une banque agricole, comme le président l'a dit, ce doit être avec des mesures incitatives fiscales, également probablement avec un holding qui sera administré exactement pour que cela aille à l'agriculture. Autrement, cela va aller à tout le monde sauf à l'agriculture.

Le Président (M. Vallières): D'accord. Je m'excuse auprès du député d'Arthabaska qui aurait eu d'autres questions. Je remercie beaucoup les représentants de l'Union des producteurs agricoles et leur dis que, comme d'habitude, le mémoire qu'ils ont présenté témoigne de beaucoup de pertinence et vraiment de leur souci de se tourner vers l'agriculture de l'avenir au Québec.

J'insisterais à ce moment-ci sur la ponctualité des membres de la commission puisque nous recommencerons nos travaux à 15 heures précises avec l'étude du mémoire de la Chambre des notaires du Québec. On vous demanderait d'être présents à 15 heures pile pour qu'on commence. Encore une fois, merci beaucoup aux représentants de l'Union des producteurs agricoles.

M. Proulx (Jacques): On vous remercie, M. le Président, et on vous fera suivre les différents documents qu'on vous a dit qu'on vous fournirait.

Le Président (M. Vallières): La commission suspend donc ses travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 39)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Vallières): Comme convenu, nous reprendrons nos travaux avec la Chambre des notaires du Québec. J'inviterai le président à présenter tantôt, avant le début de son mémoire, l'équipe qui l'accompagne. Je voudrais rappeler aux parlementaires de faire en sorte qu'on débute à l'heure afin qu'on puisse profiter du maximum de temps possible pour interroger les organismes qui viennent devant nous.

M. Proulx (Saint-Jean): Le pouvoir est-ce qu'il est représenté?

Le Président (M. Vallières): Sans plus tarder, M. le Président, je vous cède la parole.

Chambre des notaires du Québec

M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais souligner que le travail de la Chambre des notaires est dû à l'invitation du président de l'Office du crédit agricole, M. Camille Moreau, qui est venu nous rencontrer en juin de l'an dernier pour nous associer au travail de préparation d'un sommet économique qui devait avoir lieu l'automne dernier. Les choses étant ce qu'elles sont, la commission siège avant ce sommet qui n'a pas été tenu; donc, il nous fait plaisir de communiquer à la commission le fruit de nos travaux.

Je m'empresse également, M. le Président, de vous présenter rapidement les artisans de ce travail. Tout d'abord, à ma droite, le notaire Michel Dionne, de la région de Joliette, qui a présidé le comité ad hoc qui nous a permis de vous présenter ce rapport et qui est évidemment d'une région agricole bien connue du Québec. À sa droite et à ma droite également, le notaire Pierre Duval, notaire à l'Assomption, également une région agricole qui nous a apporté son expérience dans le financement agricole, ainsi que le notaire Daniel Ferron, qui travaille à l'UPA, qui n'est pas présent avec nous, mais que faisait partie aussi de la table de travail. À ma gauche, le notaire Laurence Charest, qui a coordonné le travail du comité et qui a présidé à la rédaction finale du rapport; Me Louis Sylvestre, avocat à Berthier et Montréal, spécialisé dans les questions de l'agriculture et qui a participé activement à nos travaux. Me Sylvestre est depuis plusieurs années associé à la Chambre des notaires pour la formation des notaires en matière de zonage et de financement agricoles. Vous retrouvez aux deux extrémités, tout d'abord, à mon extrême gauche, le notaire Julien Mackay, qui est directeur du service de la recherche à la Chambre des notaires et qui se trouve donc être la personne responsable de tous les

travaux de recherche et notamment celui-ci. À mon extrême droite, vous avez un membre du comité administratif de l'Ordre des notaires, qui représente le public du Québec en général mais qui a la particularité - c'est la raison pour laquelle nous l'avons invité à être présent avec nous à la table - d'avoir fait carrière dans le monde agricole et de l'agro-alimentaire: il s'agit d'un économiste de profession, M. Léonard Roy, qui fut, si je ne me trompe, vice-président et directeur général du Conseil de l'industrie laitière jusqu'à tout récemment. M. Roy est également disponible pour ajouter un éclairage aux propos que nous allons tenir.

Ceci étant dit, M. le Président, avec votre permission je vais sauter l'introduction à notre rapport, dans laquelle nous mentionnions que le notariat, depuis les tout débuts de la colonisation, ici, en terre d'Amérique, s'était associé aux agriculteurs, pour brièvement décrire l'état de la situation, ce qui vous a été donné finalement d'une façon beaucoup plus précise par les représentants de l'UPA ce matin.

Dans ce chapitre nous mentionnons que le monde agricole a connu ses échos de la révolution tranquille au cours de la dernière décennie. Ceci s'est exprimé par une modernisation des entreprises agricoles et, par voie de conséquence, par une demande accrue de capitaux pour financer ces modifications, cette modernisation. Le résultat fut toute une période d'effervescence. La conjugaison de ces éléments a entraîné des transformations majeures et rapides de la ferme québécoise, accompagnées d'un accroissement de la productivité. Toutefois, ce fort mouvement expansionniste a nécessité l'injection dans la ferme de capitaux considérables dont ne disposait pas l'agriculteur. Il lui a donc fallu emprunter pour investir, comme on l'a dit ce matin. Mais comme, pendant une période donnée, le soleil luisait fort et les taux d'inflation étaient supérieurs aux taux d'intérêt, tout cela créait une certaine logique qui soutenait qu'on y aille galamment dans les emprunts.

Toutefois, on allait assister au début de la présente décennie, donc les années 1980-1981, à un renversement de la préposition: les taux d'intérêt sont propulsés vers des sommets insoupçonnés alors que l'inflation s'effondre. Et pour coiffer le tout, le monde agricole expérimente la stagnation et la réduction des prix, tandis que l'écologie s'attaque à certains types de production naguère fort prisés.

Faut-il en dire plus pour décrire l'étouffante situation économique dans laquelle bon nombre d'agriculteurs se retrouvent comme au lendemain d'une sévère cuite? Désormais, l'invraisemblable se réalise: celui qui, dans notre société, a charge de créer la nourriture, fait grève de la faim.

Les chiffres traduisent avec plus de justesse que la prose l'état de la situation. Puisés dans le sondage agricole de 1984, réalisé par la Société du crédit agricole du Canada, ceux-ci nous révèlent au bilan de l'agriculture québécoise qu'entre 1981 et 1984, on retrouve que le passif à court terme s'est accru de 78, 9% alors que la moyenne canadienne correspondante est de 18%; le passif à moyen terme s'est accru de 16, 5% alors que l'équivalent national ou canadien est de 11, 1%; et le passif à long terme s'est accru de 32, 1% au regard de 19, 8% pour l'ensemble canadien.

C'est ce dernier chiffre qui semble nous concerner davantage, qui mérite d'être relevé et mis en rapport avec l'augmentation, s'il en est, de la valeur des actifs à long terme pour la même période. Ainsi, à une hausse de 32, 1% de l'endettement à long terme correspond un accroissement d'actif de 0, 1% - on vous donne la référence au sondage en question, réalisé par la Société du crédit agricole -c'est-à-dire, donc, qu'à des emprunts totalisant quelque 407 000 000 $ effectués entre 1981 et 1984 par des agriculteurs québécois ne correspond qu'une prise de valeur réelle de 7 000 000 $, soit un taux d'efficacité de 1, 7%.

Quand on se rappelle que la valeur des actifs à long terme figure pour 50% de l'ensemble des actifs de la ferme québécoise moyenne, il y a lieu de s'interroger sur la pertinence de ces emprunts et, par extension, sur la qualité de la gestion de l'emprunteur. Si la qualité de l'administration n'est pas mise en cause, alors là, il y a un symptôme économique particulier sur lequel - je vous prierais de corriger: le politique au lieu de la politique - le politique doit se pencher de toute urgence.

Nous ne prétendons pas connaître la ou les causes de ce piètre rendement, mais notre expertise nous autorise à sonner la cloche: On ne peut pas tolérer longtemps qu'à de l'investissement à long terme ne corresponde aucun enrichissement un tant soit peu durable. D'ailleurs, le glissement de la ferme québécoise en deçà du ratio de 80% de l'avoir net - on en a parlé ce matin - est un autre indice du sérieux d'une tendance qu'il faut diagnostiquer sans délai. Car avec un coefficient de 75%, le Québec se distingue de toutes les autres régions agricoles du pays qui sont demeurées au-dessus de la marque des 80%.

Enfin, à la consultation du même bilan, un autre élément saute aux yeux: la valeur du quota, c'est-à-dire du privilège de produire, qui a connu entre 1981 et 1984 un accroissement de l'ordre de 60%, passant de 30 344 $ à 47 309 $. La réévaluation à la hausse du quota constitue en fait la seule appréciation d'actifs de la ferme québécoise pour toute cette période. Si on réalise que,

sans l'augmentation de la valeur de cet intangible artificiel, le bilan serait négatif, il y a lieu également de se pencher sur cette réalité et de considérer les sommes importantes que les quotas accaparent dans la masse monétaire disponible à l'agriculture pour repenser tous les modes de financement de ces privilèges.

En somme, en créant l'occasion de la présente réflexion, l'initiative des autorités politiques est heureuse: même si la situation actuelle n'a rien de dramatique, et que, par rapport à d'autres secteurs industriels, la ferme québécoise puisse encore s'enorgueillir du plus faible taux d'endettement, le bilan des dernières années a néanmoins révélé des tendances qui ne doivent sous aucun prétexte devenir irréversibles.

Nous nous appliquerons, dans les minutes qui vont suivre, à soulever d'une façon bien concrète des problèmes liés au financement agricole et à formuler certaines recommandations en vue d'améliorer les mécanismes actuels. Nous suggérerons, par la suite, quelques idées neuves qui auront peut-être le mérite d'épouser davantage la complexité des besoins financiers de l'entreprise agricole.

Tout d'abord, les problèmes des formules actuelles de financement et nos recommandations. L'agriculture nécessite un investissement important en capital, on l'a vu ce matin. La valeur moyenne de la ferme en 1984 se situe aux environs de 300 000 $. Le producteur agricole a recours aux institutions privées et publiques pour obtenir les capitaux de financement ou d'investissement qui lui sont nécessaires et favorise davantage l'emprunt à long terme. (15 h 15)

Selon le sondage agricole de 1984, qu'on a cité tantôt, l'encours au crédit à long terme s'est accru de 32, 1% au cours des trois dernières années et représente plus de 66% du passif total. Le marché du crédit à long terme est dominé par les banques et les caisses de crédit qui détiennent 54, 8% du marché, suivies de la 5ociété du crédit agricole avec 27, 2% et de l'Office du crédit agricole avec 13, 9%.

La participation importante des institutions privées dans le financement agricole à long terme peut s'expliquer par le fait que le gouvernement du Québec, par le biais de l'Office du crédit agricole, garantit tous les prêts consentis en vertu de la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les institutions privées. Ce système de prêt, communément appelé le système tandem, est le favori des agriculteurs puisqu'il leur permet d'obtenir un prêt au taux de base bancaire majoré de 0, 5% et une subvention d'une partie de l'intérêt par l'Office du crédit agricole.

Le prêt tandem. Il est évident que l'avènement du système tandem en 1978 a contribué au financement de nos agriculteurs. Toutefois, son processus administratif est beaucoup trop long. On vous réfère, ici, à l'annexe. Il faut prévoir un délai d'au moins six à sept mois à compter de la demande de prêt pour obtenir le déboursé des fonds, Dans les dossiers nécessitant une autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, ce délai peut atteindre jusqu'à 18 mois. L'agriculteur qui éprouve un besoin urgent de financement doit donc contracter un emprunt à court terme à un taux d'intérêt beaucoup plus élevé.

La Chambre des notaires considère que le long processus administratif du système tandem occasionne pour l'agriculteur des délais et des frais additionnels de financement. Il lui semble que l'on pourrait simplifier le déroulement du prêt. Par exemple, nous doutons que la désignation cadastrale complète accompagnée d'une copie du plan et livre de renvoi soit essentielle à l'office pour juger du crédit de l'emprunteur. Une description sommaire des garanties et des charges qui les grèvent nous paraît suffisante pour évaluer les garanties du prêteur. De plus, nous ne voyons pas l'utilité de conserver l'examen du dossier de demande de prêt à deux niveaux. La vérification par le représentant régional de l'office ou par le service des prêts de l'office devrait être suffisante pour l'émission du certificat de prêt.

Selon les dispositions de la Loi favorisant le crédit à long terme par les institutions privées, le prêteur, sous le système tandem, doit détenir une hypothèque de premier rang. Or, depuis fort longtemps le gouvernement fédéral, par le biais de la Société du crédit agricole du Canada, est impliqué dans le financement à long terme et détient sur plusieurs exploitations agricoles des privilèges et des hypothèques de premier rang que l'agriculteur a souvent avantage à conserver en raison du faible taux d'intérêt auquel ces prêts ont jadis été accordés.

L'agriculteur qui désire bénéficier des avantages d'emprunt du système tandem doit donc obtenir de la Société du crédit agricole du Canada une cession de priorité de rang ou encore une mainlevée. Comme il est normal que les deux créanciers recherchent le maximum de garanties, la Société du crédit agricole du Canada ne consentira généralement à cette cession de priorité ou cette mainlevée que sur une partie des immeubles affectés. Il en résulte un partage de garanties qui risque, d'une part, de mettre en péril, selon les dispositions de la Loi sur la protection du territoire agricole, la clause de dation en paiement contenue dans l'acte d'hypothèque. D'autre part, l'exercice éventuel de cette clause par l'un des créanciers hypothécaires amènera le morcellement du territoire agricole que tend

justement à éviter la Loi sur la protection du territoire agricole.

La Chambre des notaires est d'avis qu'il serait avantageux, tant pour l'agriculteur que pour la société en général, que le législateur modifie la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les institutions privées de façon à permettre que le prêteur sous le système tandem puisse effectuer un prêt garanti par une hypothèque de deuxième ou troisième rang ou encore que la Société du crédit agricole du Canada soit accréditée comme institution prêteuse.

Donc, à la page 11 vous retrouvez deux recommandations précises: simplifier le processus administratif de l'Office du crédit agricole pour l'expertise et l'émission du certificat de prêt et modifier la Loi favorisant le crédit agricole à long terme par les institutions privées de façon à éviter le partage des garanties.

À la garantie des emprunts contractés à long terme, le créancier exigera généralement une hypothèque sur le fonds de terre et les bâtiments et un nantissement agricole sur les animaux et les produits de l'exploitation, présents et à venir, et sur l'équipement et l'outillage agricole.

Le notaire, garant de la validité et de l'efficacité des contrats relatifs aux garanties hypothécaires et aux nantissements, joue un rôle primordial dans ce domaine. C'est un peu la raison qui nous amène devant vous.

Garanties hypothécaires. Lorsque l'agriculteur consent une hypothèque sur son fonds de terre et ses bâtiments, le notaire chargé de garantir la validité et l'efficacité des titres éprouve en la matière de grandes difficultés. Au cours des dix dernières années, en effet, une multitude de lois, de règlements, de normes se sont superposés dans le domaine agricole. Le notaire, ne devant ignorer aucune de ces nouvelles exigences parfois contradictoires, fait face à des difficultés majeures qui génèrent des coûts supplémentaires et surtout des délais et des incertitudes très onéreuses tant pour l'agriculteur que pour le créancier et la société en général.

Le notaire, examinateur de titres, doit d'abord s'assurer que toutes les ventes déjà faites et l'hypothèque projetée constituent des titres inattaquables en regard de la Loi sur la protection du territoire agricole et de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme au Québec. Il doit également se pencher sur des textes réglementaires, interpréter leur portée et leur sens véritable, déterminer l'ordre à prévaloir entre la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme au Québec et la Loi sur la protection du territoire agricole, et concilier les autres différentes réglementations régionales et municipales avec les projets de sa clientèle.

Afin d'illustrer ces difficultés et les conséquences qui en résultent pour le financement agricole, nous vous présentons à l'annexe Il, quelques exemples que l'on pourrait considérer comme fréquents dans la pratique notariale.

De façon réaliste, on dénombre des centaines de vices de titres et de titres précaires qui découlent des incertitudes créées par ces lois et règlements. Étant donné l'étendue des restrictions au libre exercice du droit de propriété imposées par ces législations et la sévérité des sanctions prévues au cas de non-respect des dispositions, il nous semble que certaines améliorations doivent être apportées à ce régime juridique de l'aménagement et de la protection du territoire agricole pour assurer la sécurité et la transparence des transactions tout en respectant la volonté du législateur.

Nous recommandons donc de stabiliser le droit et d'harmoniser les lois, les règlements et les normes dans le domaine agricole; de prévoir un mécanisme de ratification des titres par l'émission de certificats de conformité ou de régularité; et enfin, d'établir une prescription d'un an pour toute demande en nullité, en regard des articles 30 et 82 de la Loi sur la protection du territoire agricole et des articles 73 et 227 à 233 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme au Québec.

Le nantissement agricole. Certains prêts et ouvertures de crédit consentis aux agriculteurs sont garantis par un nantissement agricole sur les animaux de la ferme et les produits de l'exploitation, présents et à venir, la machinerie et l'outillage agricole.

Dans le but de favoriser le financement agricole, ne devrait-on pas hâter la mise en vigueur de l'hypothèque mobilière telle que proposée par l'Office de révision du Code civil?

Par analogie à l'hypothèque immobilière, la Chambre des notaires est d'avis que cette hypothèque mobilière devrait s'éteindre après quinze ans de la date de l'enregistrement de l'acte qui la constitue, lui donne effet ou la renouvelle, "à moins que cet enregistrement n'ait été renouvelé avant l'expiration de ce délai". Le renouvellement de l'enregistrement devrait se faire en suivant les mêmes formalités que l'hypothèque immobilière. De plus, il faudrait prévoir un mode de radiation légale qui pourrait s'opérer par le seul écoulement du temps et par la déchéance du droit. Après l'écoulement d'une période de quinze ans sans renouvellement, il faudra prévoir que l'hypothèque mobilière puisse être radiée sur simple demande de l'intéressé pourvu qu'une telle demande soit faite par acte authentique, conformément aux articles pertinents du Code civil du Bas-Canada.

La Chambre des notaires remarque que

l'article 1979g du Code civil du Bas-Canada accorde la possibilité de renouveler l'enregistrement du nantissement commercial - c'est une réalité actuelle - et qu'il n'y a aucune disposition en ce sens pour le nantissement agricole. Si une telle disposition était adoptée pour le nantissement agricole, avant d'opter pour l'hypothèque mobilière proposée ci-dessus, il faudrait prévoir immédiatement un mode de radiation légale.

Dans l'état actuel du droit, cette sûreté permet au créancier, en cas de défaut de l'emprunteur, d'exiger la remise des biens nantis et de les vendre à l'enchère. La Chambre des notaires est d'avis que cette procédure ne permet pas de retirer le prix maximum des biens nantis. La vente des biens à l'enchère s'effectue souvent à un prix inférieur à leur valeur, surtout lorsque le moment de la vente est peu propice et que le nombre d'enchérisseurs est restreint. Elle croit qu'il serait avantageux, tant pour le créancier que pour l'emprunteur, de pouvoir convenir, dans l'acte de nantissement, en cas de défaut de l'emprunteur, la vente de gré à gré, avec le consentement du débiteur.

La Chambre des notaires recommande donc de consacrer le principe de l'hypothèque mobilière tel que proposé par l'Office de révision du Code civil, de prévoir un mode de radiation et de renouvellement du nantissement agricole ou de l'hypothèque mobilière, si une telle proposition est acceptée, et enfin, de modifier les articles pertinents du Code civil du Bas-Canada pour permettre la vente de gré à gré des biens nantis, avec le consentement du débiteur.

Maintenant, quelques propositions de nouveaux mécanismes de financement. L'agriculture est l'un des secteurs de l'économie les plus capitalisés. De fait, l'actif moyen de la ferme québécoise est d'environ 300 000 $ et l'agriculteur doit posséder un avoir net élevé pour assurer la rentabilité de son exploitation. Certains vont même jusqu'à prétendre qu'un avoir net de 80% est essentiel en agriculture.

Selon le sondage agricole de 1984, l'endettement moyen de nos agriculteurs ne s'élève qu'à 25% de leurs actifs. La situation des entreprises agricoles paraît bien meilleure que celle des petites et moyennes entreprises des secteurs industriels et commerciaux qui sont souvent beaucoup moins capitalisés. Cependant, cette apparence de bonne santé financière est trompeuse. Une entreprise doit rembourser ses dettes à l'aide de ses revenus et non pas de ses actifs. Or en agriculture, la faiblesse et la variabilité des rentrées monétaires, surtout dans les productions non contingentées, et les coûts incontrôlables des intrants agricoles, à différents degrés expliquent la nécessité d'un si haut niveau de capitalisation.

Dans les productions contingentées, qui sont les plus rentables, le permis de production, le quota, doit être maintenant acheté à gros prix alors que la génération passée a reçu ce droit tout simplement parce qu'elle produisait déjà. L'augmentation de valeur de cet actif intangible, au cours des dernières années, a contribué à alourdir considérablement le fardeau financier de plusieurs de nos agriculteurs.

La Chambre des notaires est consciente que le secteur agricole représente un défi de plus en plus grand au niveau financier, surtout pour les jeunes agriculteurs qui ont un avoir net très modeste. Pour assurer le développement et l'orientation de notre agriculture, elle croit qu'il faut rechercher de nouvelles sources de capital pour maintenir nos agriculteurs à un niveau d'endettement raisonnable et favoriser l'entrée de jeunes agriculteurs dans l'entreprise.

La première recommandation: l'abolition de l'impôt sur les dons et sur les transmissions par décès, du moins pour les entreprises agricoles, pour permettre le transfert sans aucune implication fiscale du père à son fils. On ne dissertera pas là-dessus, je pense que cela se comprend simplement. En tout cas, s'il y a des questions, on pourra y répondre.

En second lieu, on propose que soit créé un régime d'épargne agricole enregistré. C'est un peu par analogie au régime d'épargne-logement enregistré. L'une des sources premières de capitaux agricoles doit résider dans les économies de l'agriculteur ou du futur agriculteur lui-même. Si notre société est d'avis que le jeune intéressé à s'établir dans l'agriculture doit être fermement encouragé à faire carrière dans l'"entrepreneurship" agricole, nos gouvernants doivent alors l'inciter à se créer un pécule -je ne sais pas si dans votre texte vous avez le mot "pickle", cela était dans la première version - qui lui servira de capital de départ.

Troisièmement, financement par le vendeur. Au Québec, le financement à long terme par le vendeur ne représente que 3, 5% du financement total, alors qu'en Ontario il est de l'ordre de 22, 9%, une moyenne légèrement plus basse pour l'ensemble du Canada. Cela nous porte à une première réflexion: Est-ce que les gens qui ont gagné leurs économies et leur fortune dans l'agriculture ont si peu confiance qu'ils ne veulent pas laisser l'argent dans le circuit? C'est peut-être une première matière à réflexion.

Afin de conserver dans l'agriculture les capitaux libérés lors de la vente d'une exploitation agricole, on devrait favoriser le financement par le vendeur.

À cette fin, la Chambre des notaires invite le gouvernement à adopter des mesures législatives et fiscales dans le but d'offrir une certaine garantie et d'inciter le

vendeur à demeurer créancier lors de la vente de son exploitation agricole. Ainsi, en conservant dans le circuit du financement de l'agriculture des capitaux qui tirent leur origine de l'activité agricole, nous introduirons plus de disponibilité et de souplesse.

Quatrièmement, financement par quota. Au Québec, certaines productions sont contingentées par l'établissement de quotas. Selon le sondage agricole de 1984, le quota de production représente en moyenne 16% de l'actif total d'une exploitation agricole pour une valeur de 47 309 $. Évidemment les chiffres s'appliquent au Québec.

Dans certaines productions laitières, la valeur du quota peut même atteindre jusqu'à 40% de la valeur totale de l'exploitation. Comme nous l'avons souligné au début du présent mémoire, c'est d'ailleurs le seul actif à moyen terme qui a connu une augmentation de valeur au cours des trois dernières années. L'acheteur d'un droit de production doit donc payer le gros prix pour cet actif intangible alors que le vendeur a souvent reçu ce permis gratuitement.

D'après la réglementation sur les quotas adoptée en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, le quota peut être cédé ou vendu à certaines conditions mais il ne peut pas être transféré à la garantie d'un emprunt. Ainsi, l'agriculteur qui achète du quota doit financer cet actif en faisant appel au crédit, sans possibilité de le donner en garantie à son créancier.

Le coût de produire et l'impossibilité de nantir sa valeur surcharge souvent le passif à long terme ayant pour garantie les immeubles. Ce qu'on fait c'est transporter sur d'autres actifs le coût financier relié à l'achat du quota. Le prix du quota devient une charge financière fixe qui limite énormément la possibilité des jeunes à la production agricole et qui compromet souvent les liquidités disponibles à certains moments pour l'exploitation. (15 h 30)

Compte tenu de la nature particulière du quota et de sa valeur, il nous apparaît nécessaire de rechercher un mécanisme de financement autonome pour cet actif intangible qui permettrait à l'acquéreur d'une exploitation agricole avec quota ou à un producteur déjà en place de produire, à un coût accessible, sans risquer l'insolvabilité ou la saisie d'actifs étrangers à ce droit de production. Nous croyons également qu'il appartient à celui qui réalise la plus-value de cet actif, en l'occurrence le vendeur, d'en assurer le financement.

Donc, nous suggérons ou proposons la création d'une caisse de quotas. Le détenteur du droit de production pourrait vendre son quota au prix du marché à un intermédiaire qu'on appelle la caisse de quotas. En contrepartie de sa valeur, la caisse émettrait au vendeur un titre mobilier dont la valeur serait inscrite au marché boursier ou autre. Ce titre mobilier serait rachetable par tranches de 10% par année, pendant dix ans à, chaque date anniversaire, à la valeur au marché. Le producteur agricole devrait s'adresser à la caisse pour acquérir du quota à la valeur au marché. Le prix d'achat serait remboursable sur une période de dix ans à raison de 10% par année à la valeur au marché. À la sûreté du remboursement du prix d'achat, le législateur pourrait adopter une loi spéciale, comme il l'a fait dernièrement au niveau des cessions de biens en stock pour permettre, selon certaines modalités, la mise en garantie du quota. À ce système de garantie, on devrait prévoir des mesures de protection pour le créancier hypothécaire du producteur agricole. À notre avis, l'instauration d'un tel système permettrait un accès plus facile à la production et une plus grande flexibilité du financement agricole en évitant de grever à long terme les actifs tangibles de l'acquéreur et en répartissant le plus équitablement possible les risques financiers de cet actif intangible entre le vendeur et l'acheteur.

Le financement agricole de risque. En matière de financement d'entreprise, on retrouve une lacune commune à tous les secteurs industriels, soit l'insuffisance du capital de risque. Nous croyons qu'aujourd'hui l'entreprise agricole comporte des risques comme tout autre secteur de production et qu'en conséquence une mise en disponibilité accrue de capitaux de risque est nécessaire, voire essentielle au développement de la production agricole au Québec. Il faut donc stimuler la mise en disponibilité de ces capitaux de risque pour l'entreprise agricole, et une façon de faire s'inspire d'un programme du gouvernement du Québec qui existe actuellement et qui vise à compenser l'investisseur de capitaux de risque dans l'industrie minière. Succinctement, il s'agirait, pour l'exploitant agricole, de doter son entreprise d'une structure corporative avec capital-actions. Une partie de ce capital-actions serait offerte en vente aux investisseurs disposant de capitaux de risque. Une société d'initiative agricole - SOQUIA -pourrait, par exemple, faire office de courtier en cette matière. Le risque encouru serait compensé par une forme de crédit fiscal. Ainsi, celui qui achèterait un bloc d'actions d'une entreprise agricole se verrait offrir une déduction importante sur ses autres revenus autrement imposables. Par exemple, une déduction équivalant à 160% du capital de risque investi dans l'entreprise agricole. Si, par ailleurs, des pertes en capital sont encourues au-delà de l'investissement initial, l'investisseur serait autorisé à déduire complètement ces pertes en les étalant, par exemple, à raison de 10% par année. On réalise que derrière un tel

programme, c'est l'État qui assume la majeure partie des risques de l'opération par le biais des crédits fiscaux. Aussi, nous reconnaissons aux autorités gouvernementales le droit de juger de l'opportunité de mettre en vigueur un tel programme eu égard aux possibilités financières de l'État.

Toutefois, qu'il nous soit permis, en concluant ce sujet, de souligner trois avantages qu'un tel programme introduirait immédiatement dans l'ordre du financement agricole. Tout d'abord, l'entreprise agricole bénéficierait d'une réduction importante de ses coûts financiers au titre de l'intérêt versé sur les emprunts. Évidemment, cela proviendrait du capital. Deuxièmement, l'obtention de ces capitaux n'entraîne pas pour l'agriculteur des frais de financement aussi élevés que pour les emprunts conventionnels et, troisièmement, l'injection de capital de risque, loin de réduire la capacité d'emprunt de l'entreprise, l'augmente et la dirige vers des fins plus spécifiques et plus productives.

En conclusion, la Chambre des notaires, notre corporation professionnelle qui est fort préoccupée par l'évolution du développement de l'agriculture au Québec, à l'occasion de l'étude de la relève, du financement et de l'endettement agricole, ne pouvait qu'intervenir pour vous présenter une vision et une perception bien lucides de la réalité juridique quotidienne à laquelle sont confrontés les notaires dans la pratique du droit et du financement agricole.

Nos recommandations visent à faciliter les mécanismes de financement actuels eu égard aux exigences, aux contraintes et aux contrôles d'ordre collectif, social et administratif. Elles visent aussi à établir de nouveaux mécanismes de financement pour assurer le développement de notre agriculture.

La Chambre des notaires est heureuse d'avoir eu l'occasion de s'exprimer devant la commission parlementaire et assure les autorités, dont le ministre, de sa constante coopération dans le processus d'évolution du droit et du financement agricole au Québec. Merci, M. le Président.

Vous avez, en page 26, le résumé en reprise de toutes les recommandations qui ont été lues précédemment.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je vous remercie, M. le président. Je voudrais faire immédiatement une mise au point à savoir que pour les organismes qui présentent des mémoires, compte tenu qu'on a convenu cet après-midi de se donner une heure par bloc, plus l'exposé est long, moins la période des questions sera longue. Par conséquent, il faudrait essayer de limiter la présentation des mémoires comme telle à une vingtaine de minutes, ce qui permettrait aux parlementaires d'avoir plus de temps afin de procéder aux questions. Là-dessus, on pourrait immédiatement procéder aux questions. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: À la page 12, vous dites: "Le notaire, ne devant ignorer aucune de ces nouvelles exigences, parfois contradictoires, fait face à des difficultés... ". Est-ce que je pourrais avoir un exemple frappant qui vous a amené à déclarer que vous êtes parfois aux prises avec certaines contradictions qui vous créent certaines embûches?

M. Lambert: Je vais me permettre de diriger la question à des confrères qui vivent quotidiennement ces problèmes-là. Je vais demander au notaire Michel Dionne et aussi à Me Pierre Duval de répondre à la question.

M. Dionne (Michel): Un exemple que l'on constate régulièrement, c'est entre autres lors du partage de garanties entre l'office et la Société du crédit agricole, où on est virtuellement appelé à procéder un peu à du morcellement, ce qui est contraire à la Loi sur la protection du territoire agricole, lors de l'exercice des reprises.

Il y a également des dispositions qui peuvent nous porter à cette conclusion entre la Loi sur la protection du territoire agricole et la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Il y a différentes situations où on est appelé à avoir des problèmes d'interprétation de ces deux lois,

M. Dupré: Avant que vous ne continuiiez avec votre confrère... Lorsque, un peu plus loin, vous allez dans le même sens que les recommandations de l'UPA de ce matin en disant que le financement par le vendeur et le financement... Vous ajoutez même les tierces personnes qui pourraient intervenir, pas par la Bourse, mais peut-être aussi par la Bourse; vous ne trouvez pas que ça complique davantage et que le partage deviendra de plus en plus difficile?

M. Dionne: Ce sont deux questions séparées.

M. Lambert: Si on regarde le financement de risque, ce sont des investisseurs ou des détenteurs de portefeuilles d'économies, par exemple, qui se permettent d'allouer une certaine tranche pour du financement de risque qui rapporte généralement plus qu'un placement ordinaire. Or, ils deviennent copropriétaires de l'entreprise. Évidemment on devine qu'il s'agit d'une participation minoritaire, l'agriculteur devant garder le contrôle de son entreprise.

Donc, il n'y a pas une dépense d'intérêts à ce moment-là, on n'augmente pas le fardeau. Un nouveau propriétaire s'insère et vient mettre des capitaux alors

que le financement c'est autre chose. L'entreprise, quelle soit individuelle ou par forme corporative, de compagnie par exemple, devient un débiteur qui emprunte et qui doit acquitter des remboursements. C'est différent,

M. Duval (Pierre): Quant à la première question, à cause de la multitude des lois et des contradictions qui peuvent exister, souvent, en vertu de la Loi sur la protection du territoire agricole une opération cadastrale est permise et la Loi sur l'aménagement ne le permet pas. En vertu de la loi agricole on a droit de se réserver, par exemple, 53 000 pieds carrés sans tenir compte de la largeur sur la façade du terrain alors que la Loi sur l'aménagement exige 50 mètres, ce qui exige à ce moment-là 164 pieds de façade. J'ai eu un cas où la personne pouvait établir son droit acquis simplement sur 160 pieds. Pour aller chercher ses 164 pieds, cela lui a coûté 5000 $ d'avocat. Cela était dû à la manière dont les transactions avaient été faites antérieurement. Il avait acquis ses immeubles par différents actes. Il pouvait établir son droit acquis simplement sur 160 pieds et la Loi sur l'aménagement exigeait 164 pieds, la largeur du fossé. Alors, cela devient un déséquilibre.

M. Dupré: Vous dites, à la page 15, que des ventes à l'enchère s'effectuent souvent à un prix inférieur à la valeur et, plus bas, vous parlez de ventes de gré à gré avec le consentement du débiteur. Est-ce qu'il y aura un choix à faire où, s'il y en a un qui ne fait pas, on pourrait passer à l'autre?

M. Duval: Le but visé, c'est d'obtenir le meilleur prix possible pour être capable de rembourser le maximum que l'on peut rembourser à même le produit de la vente. On considère qu'actuellement la procédure de vente forcée cause des préjudices,

M. Dupré: Déjà, dans la revente des terres, on a eu des doléances à la dernière commission, à savoir précisément que cela se faisait parfois avec des gens choisis à l'avance ou, à la dernière minute, des gens qui étaient intéressés à ces achats. Les plus intéressés suivaient cela et étaient toujours les premiers à avoir la mainmise. Si vous allez un peu plus loin, vous allez toujours... Est-ce que c'est l'un ou l'autre ou si vous préféreriez que ce soit toujours de gré à gré? Cela devient difficile de savoir si ce sera par encan, par enchère ou si cela va demeurer de gré à gré ou si cela deviendra de gré à gré. À ce moment-là, il sera difficile de savoir qui offrira le meilleur prix.

M. Lambert: On souligne que cela devrait être une possibilité. Actuellement, les gens sont obligés de procéder à la vente aux enchères. On a même ici en dossier un jugement où il a été conclu que tout le monde s'était arrangé précisément pour que les enchères soient très basses au détriment, évidemment, de l'agriculteur et du créancier. Ce qu'on dit, c'est: Permettons, si toutes les parties, parce qu'il pourrait même y avoir un deuxième créancier qui pourrait avoir un droit sur le bien nanti... Si les gens directement intéressés sont d'accord pour aller sur le marché et trouvaient un acheteur qui est prêt à payer un prix raisonnable, un prix qui satisfasse tout le monde, pourquoi les empêcher de faire cela en les obligeant à procéder par enchères? Si les gens ne s'entendent pas, à ce moment-là, on va au mécanisme de la vente aux enchères. On ne l'exclut pas, mais on permet la possibilité de la vente de gré à gré. On pense que cela rendra un meilleur service aux gens.

M. Dupré: L'abolition de l'impôt sur les dons et les transmissions par décès, on a augmenté cela à 300 000 $ par personne, par enfant. Cela commence à faire de l'argent. Vous recommandez, de plus, que ce soit - excusez l'expression - "at large" sans droits successoraux.

M. Dionne: Si vous me le permettez, je vais vous en donner un exemple. Je donne l'exemple d'une succession que, dernièrement, j'ai été appelé à régler où il y avait pour seul actif dans la succession un quota qui était évalué par la Fédération des producteurs de volaille à environ 400 000 $. Le père l'avait donné, à titre de legs particulier, à son fils. Vous imaginez l'impôt qu'il doit payer, alors que le fils n'a rien, pour avoir le quota. Il n'a aucun revenu. On crée tout de suite une obligation de payer un montant considérable en droit successoral, même si on calcule toutes les exemptions auxquelles il a droit, pour être capable de toucher un quota.

M. Dupré: Mais si l'exemption est de 300 000 $, le quota valait, dans ce cas, 400 000 $...

M. Dionne: 400 000 $.

M. Lambert: C'est qu'on ne touche pas les premiers 300 000 $. Les 100 000 $ subséquents, on les touche pas mal fort.

M. Diorme: Les 100 000 $ subséquents, c'est à 20%-25%, Aujourd'hui, les exploitations agricoles qui dépassent 300 000 $, ce n'est pas rare.

M. Dupré: Déjà, l'exemption était à 100 000 $. L'année dernière, on l'a augmentée à 300 000 $. C'est par personne,

par enfant. Si la ferme appartient aux deux, à la femme et au mari, ils auront droit chacun à 300 000 $. Cela fait 600 000 $ pour le même enfant. On parle d'agriculture, mais il y a aussi...

M. Lambert: Est-ce qu'on s'entend qu'il y en a seulement un des deux, dans le couple, qui est l'enfant de l'agriculteur? Ils ne peuvent pas être l'enfant tous les deux.

M. Picotte: C'est l'un ou l'autre, mais ce n'est pas les deux.

M. Lambert: Ils ne peuvent pas cumuler les deux. Je ne le pense pas.

M. Dionne: À l'épouse, il n'y en a pas, mais, à l'enfant, il y en a. Quand il y a un seul enfant, l'exemple que je vous ai donné, cela a coûté 25 000 $ ou 26 000 $ d'impôt, de droit successoral, pour être capable de toucher un quota,

M. Dupré: Pour une succession de 400 000 $.

M. Dionne: Oui. Mais les 400 000 $, c'est un quota. Point. (15 h 45)

M. Lambert: La totalité des recettes du gouvernement provincial avec l'ensemble des droits de succession s'établit à peu près à 40 000 000 $ et il faudrait même calculer ce que cela coûte au ministère de maintenir ces bureaux et de traiter un ensemble...

M. Dupré: C'est 75 000 000 $ et 40 000 000 $ net.

M. Lambert: En tout cas, on se demande s'il y a lieu de le garder. On dit au moins au niveau de l'agriculture, si on fait une politique de favoriser le développement de l'agriculture, il y aurait peut-être lieu finalement qu'on élimine cet aspect qui est négatif quant à nous.

M. Mackay (Julien S. ): Au risque de mettre des conditions minimales. Il faudrait que l'acheteur, celui qui a bénéficié de la part de son père d'une détaxe totale... Qu'il garde la terre pour un minimum de trois ans, cinq ans ou huit ans, l'idée c'est de garder une continuité dans le patrimoine agricole. Ce qu'on voit maintenant avec des fermes de 850 000 $ ou 1 000 000 $, au moment du transfert de la ferme, il y a des montants considérables à payer, ce qui fait qu'ils ne sont pas capables, ils deviennent dans une liquidité qui met tout en péril alors qu'on veut garder la ferme ensemble, on ne peut même pas faire de morcellement. Je pense que ce que propose la Chambre des notaires du Québec c'est justement que dans le cas de l'agriculture, qui est un cas particulier, il y ait une détaxe totale des droits de succession et de l'impôt sur les dons pourvu que cela reste en ligne directe descendante et que les gens restent dans l'agriculture pour une période minimum, autrement il y aura une taxe è payer; on a vu cela ailleurs.

M. Dupré: Les éléments que vous apportez sont très importants, à savoir que la personne qui serait favorisée d'une telle exemption de taxe serait obligée, probablement selon les montants et au prorata des années qu'elle garderait l'immeuble... Ceci, pour ne pas se voir attribuer un montant de 400 000 $, 500 000 $ ou 800 000 $ et, le lendemain matin, pouvoir soit faire une revente ou le liquider et être exemptée de peut-être 100 000 $ d'impôt direct.

M. Lambert: On travaille justement au mémoire que le ministre Duhaime a sollicité. C'est pour cela que la réponse verbale est plus élaborée. Ici on s'est juste contentés de le mentionner mais on reprend toute cette question, évidemment, dans un contexte plus large.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Au nom de notre formation politique, je voudrais vous remercier pour votre mémoire qui reflète bien la pensée des notaires et surtout pour la qualité du mémoire. J'ai quelques questions à poser. À la page 5, lorsque vous parlez du taux d'endettement à long terme, vous donnez l'exemple d'emprunts qui totalisent 407 000 000 $ entre 1981 et 1984 pour un taux d'efficacité de 1, 7%. D'après votre expérience comme gestionnaires agricoles, quel devrait être le taux d'efficacité sur un pareil emprunt pour que cela soit acceptable?

M. Lambert: Remarquez que je ne suis pas un gestionnaire agricole, mais je vous dirais qu'en termes de bonne gestion je pense que tout endettement à long terme devrait correspondre à un accroissement d'actifs équivalent à long terme.

M. Maltais: Équivalent. 100%.

M. Lambert: Équivalent. Des fois ce n'est pas vrai, 100%, cela peut, dans certains cas être un peu moins, mais, de là à avoir cette différence aussi large... Cela veut dire que finalement on finance à long terme des déficits courants, probablement que c'est cela la source. Cela est inacceptable dans n'importe quel genre d'entreprise, qu'elle soit agricole, commerciale ou industrielle.

M. Maltais: Vous l'avez constaté, vous

l'avez dit à quelque part dans le mémoire, la majorité des fermes québécoises souffre de sous-capitalisation également, peut-être un peu moins que la petite et moyenne entreprise mais elles souffrent quand même beaucoup de sous-capitalisation par rapport aux montants des emprunts qu'elles doivent faire pour financer des dettes à court terme et à long terme et aussi pour l'acquisition d'actifs nécessaires puisque la rentabilité est basée par exemple sur l'équipement: plus tu vas cultiver, plus tu vas avoir une rentabilité, mais cela prend quand même du capital pour acheter des équipements. Vous devez rencontrer ce problème aussi dans les transactions que vous devez faire?

M. Lambert: Exact. Tout étant relatif, on dit que la ferme québécoise est quand même capitalisée à 75%, ce qui est énorme dans l'absolu, mais, relativement à la santé économique du secteur ou aux revenus, c'est là que le problème se développe. Les revenus varient, comme on vous le mentionne, et il arrive à un moment donné des situations qui ne permettent pas à l'agriculteur de respecter ses échéances. Alors, peu importe qu'il soit capitalisé à 75%, il ne l'est peut-être pas encore assez. Et on le voit par rapport au contexte canadien, il commence à se dessiner une marge. Alors, on pense que, à ce moment-là, il faut qu'il y ait une situation qui soit redressée. C'est pourquoi on suggère de permettre l'entrée de capitaux de risque, de gens qui n'ont probablement jamais l'intention de devenir des agriculteurs mais qui sont peut-être intéressés à investir certaines sommes dans l'agriculture, dans ce secteur-là, comme ils investiraient dans les mines ou autres. Pourquoi pas?

M. Maltais: Vous avez parlé beaucoup du prêt tandem et vous avez parlé surtout des délais. Pourtant, si je me souviens bien, lorsqu'on a reçu l'Office du crédit agricole, à ce moment-là, on nous avait dit que c'étaient des délais normaux et que tout était fait dans le meilleur des mondes et qu'on n'avait pas à se plaindre, finalement. Les agriculteurs ne nous avaient pas dit la même chose, mais, à l'Office du crédit agricole, on nous a dit que les délais étaient absolument normaux et que s'il y avait des retards, souvent, ce n'était pas leur faute.

M. Lambert: Je pourrais vous répondre...

M. Maltais: Les tierces personnes là-dedans, j'en conclus que c'étaient vous!

M. Lambert: Je vais permettre à deux de mes confrères, qui vivent cela quotidiennement, d'y répondre. J'aimerais juste faire une remarque pour situer un peu par rapport à quoi. Mon expérience est plutôt du côté du financement industriel et commercial. Quand on parle de huit, neuf, dix mois, même des fois un an, c'est absolument inacceptable, en matière commerciale et industrielle, de prendre aussi longtemps pour régler un financement; cela ne se peut pas. Cela ne se fait pas, sauf des cas d'exception rares ou des chantiers, des affaires vraiment énormes et puis, encore là, à l'intérieur de chaque étape, il y a une efficacité beaucoup plus grande.

Mais j'aimerais vous permettre d'entendre mes confrères Duval et Dionne, qui vont vous expliquer comment cela se passe dans le concret et si c'est vrai que ces délais ne peuvent pas être réduits ou s'ils pourraient l'être. Notaire Duval.

M. Duval: D'abord, pour répondre à la question, j'ai réalisé un prêt l'année dernière. La demande avait été faite le 13 octobre 1983. J'ai ici, en dossier, le certificat qui a été émis le 25 septembre 1984, ce qui veut dire qu'il y a eu un délai de onze mois entre la demande et l'émission du certificat; le déboursé du prêt a été fait quand même en octobre 1984, ce qui veut dire un an après la demande.

Évidemment, cela dépend ce qu'on entend par normal; cela peut être six mois pour un créancier, un délai normal pour réaliser un prêt. On sait qu'avec la Banque fédérale de développement il y a des dossiers qui sont assez longs. Mais, pour l'agriculteur qui, entre-temps, a du financement à payer selon les taux bancaires, évidemment cela lui coûte cher. Pendant un an de temps, s'il est obligé de supporter une différence de 2%, 3%, 4% de plus, pour lui, le délai d'un an pour la réalisation du prêt n'est pas normal, même si la moyenne, selon moi, avec l'expérience que j'ai, c'est autour de cinq ou six mois.

En fait, les problèmes que je peux voir qu'il y a dans la réalisation du prêt de l'Office du crédit agricole, c'est surtout sur toutes les vérifications pointilleuses qui sont faites du point de vue juridique, la responsabilité qui n'est pas donnée au notaire de pratique privée, contrairement aux prêts de la 5ociété du crédit agricole - on en fait aussi pour le fédéral. Le notaire de pratique privée, avec le fédéral, a plus de responsabilités que le notaire pour l'Office du crédit agricole. La vérification du dossier des titres est faite avant l'autorisation du prêt, à l'Office du crédit agricole. Elle est refaite après que le notaire a produit son dossier tout réalisé à l'Office du crédit agricole. Le prêteur tandem reçoit son dossier complété six mois après que le prêt a été déboursé, ce qui veut dire que cela fait un an et demi que le dossier traîne. Là, le prêteur nous appelle, il a des inspecteurs, il dit: Comment se fait-il, notaire, avez-vous produit vos dossiers à Québec? Bien oui, cela

fait six mois.

Donc, cela prend, du début à la fin d'un prêt, un an ou un an et demi.

M. Dupré: Est-ce que je peux poser une courte question sur le sujet, à savoir...

M. Maltais: Sur ton temps, mon ami, tu poses tes questions.

M. Dupré:... dans quelle région? C'est une région bien spécifique parce que ce sont des laps de temps qui me surprennent énormément. En tout cas, dans mon coin...

M. Duval: Je peux vous donner le dossier.

M. Dupré: Non, non, mais est-ce que je peux savoir dans quelle région?

M. Duval: L'Assomption.

M. Dupré: L'Assomption? Merci.

M. Duval: Par contre, ce n'est pas un délai moyen dont je vous parle, de onze mois; la moyenne est de six mois...

M. Dupré: Vous parlez d'un cas.

M. Duval:... de la demande à la réalisation du prêt.

M. Dupré: Mais le cas dont vous avez parlé tantôt, d'une année, c'est dans L'Assomption?

M. Duval: Saint-Roch-de-l'Achigan.

M. Maltais: Cela ne va pas vite, il n'y a pas de député là!

Vous avez parlé tout à l'heure aussi de certains avantages au niveau du crédit agricole qui relève du gouvernement fédéral et qu'il y avait beaucoup de producteurs ou d'agriculteurs qui étaient avec cet office-là, je ne sais pas trop comment vous l'appelez, quelque chose comme cela. Lorsque l'Office du crédit agricole québécois consent un prêt, vous êtes obligé de l'enlever comme créancier, c'est-à-dire payer le prêt, et il serait avantageux, par exemple, qu'ils puissent demeurer dans le décor parce que souvent ils profitent de taux d'intérêt plus bas. Ce sont des emprunts qui ont été faits antérieurement. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de conjuguer les deux?

M. Duval: Il faudrait, pour faciliter les prêts, pour garder le même prêteur, que la Société du crédit agricole soit considérée comme une institution privée pour faire les prêts.

M. Maltais: Je suis convaincu qu'avec le nouveau virage fédéraliste du gouvernement actuel cela va se régler. J'aurais peut-être juste une petite dernière question. Vous en avez parlé, ce matin, et aux dernières auditions de la commission il y a un sujet qui m'a frappé; ce sont les encanteurs. Vous ne parlez pas beaucoup des encanteurs mais vous y faites allusion à un moment donné lorsqu'on réalise les actifs et que l'agriculteur se déclare en faillite. Plusieurs agriculteurs - même l'UPA en a parlé ce matin - trouvent souvent les méthodes pas trop catholiques. Dans certains mémoires on retrouve des mots beaucoup plus drastiques que cela à l'égard de ces personnages. Je voulais vous poser la question suivante: Pensez-vous qu'il pouvait y avoir - c'est une question, si vous ne voulez pas y répondre n'y répondez pas - collusion, à un moment donné, entre certains créanciers, certains encanteurs et certains conseillers des offices? On dépouille, finalement, littéralement des gens sur la place publique à des prix tout à fait ridicules, parce que cela nous a été bien démontré ici en commission, d'équités, d'actifs qui sont très volumineux. Est-ce que vous avez eu beaucoup de plaintes, vous autres, comme professionnels?

M. Duval: Personnellement je n'en ai pas eu. Je ne sais pas si des confrères en ont eu. J'ai eu l'exemple d'un encan et j'en parlais un peu au dîner avec mes confrères. Je trouvais que l'avantage, pour un agriculteur, de récupérer son actif c'était de procéder par encan. J'ai eu un exemple où un agriculteur demandait pour son exploitation laitière 1 000 000 $. Cela faisait trois ans qu'il essayait de vendre son exploitation. Il n'a pas été capable de vendre à un agriculteur ou une corporation, n'importe quoi. Il a fallu qu'il procède par encan. Il a dit, à un moment donné: Je laisse tout le "kit" et je vais vendre cela à l'encan. Il a récupéré 1 500 000 $, avec la vente de son quota. Je ne peux pas voir qu'il y ait eu collusion entre les créanciers et tout cela. Il a quand même réussi à vendre tous ses actifs à leur vraie valeur, selon moi, pour 1 500 000 $ alors qu'il n'était pas capable de vendre sa production, toute son exploitation à un agriculteur ou à une corporation. La seule façon de réaliser ses actifs était de procéder par encan. Automatiquement, cela devenait une exploitation qui a été complètement...

M. Lambert: Si vous me le permettez, on a justement, ici, un jugement de 1983 qui provient du district de Saint-François où, justement, une vente à l'encan d'un quota a été annulée parce qu'on a prouvé collusion. Il semble que cela arrive. On ne peut dire que cela n'arrive pas, je ne sais pas. Le notaire Dionne mentionnait que vous avez eu une

expérience particulière. On n'a pas vraiment fait de relevé pour savoir combien il y en a. Ce qu'on a dit c'est que dans certaines circonstances, peu importe qu'il y ait collusion ou pas, la vente à l'enchère n'est pas nécessairement le meilleur moyen d'aller chercher le prix. Pourquoi ne pas permettre une étape? S'il n'y a pas moyen d'y aller autrement, faisons-là quand même, mais permettons autre chose. M. le notaire Dionne.

M. Dionne: Je voudrais juste ajouter que, lorsqu'il s'agît de récupérer des sommes d'argent par la vente des biens d'un agriculteur, on sait, dans le champ, que souvent les voisins vont venir nous dire: Ce gars va être vendu à l'enchère, on va aller l'acheter là parce que cela va être bien meilleur marché. Mais il pourrait facilement y avoir un système de soumissions ou avoir des délais. Le problème dans cela c'est le délai qui est court, qui est de rigueur et il faut vendre. Cela empêche souvent de réaliser la meilleure valeur.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): En trois minutes.

M. Baril (Arthabaska): Oui, c'est encore court. Je suis toujours pris par des délais. D'abord je vais vous féliciter pour le mémoire que vous avez présenté. Je pense que vous vous êtes donné beaucoup de peine, il y a beaucoup de travail pour monter cela. Il y a quand même certaines données nouvelles, pour moi en tout cas, qui sont intéressantes comme entre autres la caisse de quotas. Je dois admettre bien honnêtement que c'est la première fois que j'en entends parler de cette façon. (16 heures)

Avant de vous poser des questions sur cela, quand vous parlez de reconnaître la Société du crédit agricole comme une institution privée qui pourrait prêter et qu'il y aurait moins de difficultés dans le partage des garanties, comment entrevoyez-vous reconnaître la Société du crédit agricole? Je n'y verrais pas d'objection, mais on sait qu'elle fonctionne encore selon le même système que l'office dans le passé et elle est limitée par ses budgets. Quand elle n'a plus d'argent à prêter, on attend; on connaîtrait ce qu'on a connu avant avec l'office, des délais encore beaucoup longs, beaucoup plus élevés que ce qu'on connaît actuellement, sans compter les taux d'intérêt. J'aurais une autre question mais je ne sais pas si, dans un délai de trois minutes, je pourrai...

Comment pourriez-vous concilier cela si, à un moment donné, on reconnaît la société comme institution prêteuse privée et qu'eux nous disent: Nous n'avons plus de fonds?

M. Lambert: C'est comme n'importe quelle autre institution qui, à un moment donné, n'a plus de fonds è prêter. On a quand même des prêteurs agréés par l'office. Si la société a X millions à prêter, le temps qu'elle pourra prêter des millions, qu'elle soit reconnue comme un prêteur, une banque ou une caisse, pour nous, cela ne semble pas créer de problème. Lorsqu'elle aura épuisé ses capitaux à prêter, elle sera comme d'autres sociétés, elle n'aura pas d'autres capitaux et on pourra s'adresser ailleurs.

M. Baril (Arthabaska): Avec les taux d'intérêt qui sont quand même beaucoup plus élevés que... Faudra-t-il que le Québec paie la différence des taux d'intérêt?

M. Lambert: Disons que ce sera une question de marché aussi. J'ai l'impression que si l'agriculteur a le choix, soit d'être avec la Société du crédit agricole ou une autre banque ou une autre caisse, il ira là où il y aura le meilleur taux. J'imagine que la société pourra ajuster son taux. Je ne peux pas parler au nom de la société.

M. Roy (Léonard): De toute façon, dans le moment, le provincial donne des subventions à l'agriculteur pour payer le fédéral, les 2, 5%...

M. Baril (Arthabaska): Oui, les 2, 5%. M. Roy: Après cela, la garantie de 8%.

M. Baril (Arthabaska): Vous m'excuserez parce que les délais me courent mais j'aimerais rapidement, et j'espère qu'on va être indulgent parce que c'est une question importante... Sur la caisse de quotas, je trouve cela réellement intéressant quand vous dites que vous reconnaissez que le prix des quotas est trop élevé, et tout le monde le reconnaît aussi. Le prix des quotas, pour la relève, est énormément élevé. Vous dites que le prix serait fixé par le marché, et on sait que c'est l'offre et la demande qui fait le prix du marché. Selon vous, qui pourrait acheter les quotas? Est-ce qu'on pourrait éviter d'une certaine façon que ce soit ceux qui ont de l'argent - disons - qui puissent acheter les quotas? Qui assurerait le jeune qui commence et qui n'a pas les moyens d'en acheter d'être capable, par cette formule, d'obtenir des quotas avant qu'ils soient récupérés par ceux qui sont en mesure de payer?

M. Lambert: Tout d'abord, vous avez remarqué qu'on étale le paiement sur dix

ans. On pense que, à ce moment-là, on ouvre un marché d'acheteurs qui, à l'heure actuelle, ne se rendent tout simplement pas aux ventes aux enchères parce qu'ils savent qu'il n'ont pas l'argent pour acheter. Pour plus d'informations, celui qui a eu cette idée, Me Sylvestre, pourrait peut-être prendre une minute ou deux pour vous expliquer ce qu'il a en tête comme fonctionnement, ce qui est une idée de départ.

M. Sylvestre (Louis V. ): En ce moment, le système de quotas...

Le Président (M. Vallières): Me

Sylvestre, peut-être pourriez-vous procéder très rapidement puisque le temps est maintenant écoulé, dépassé même.

M. Sylvestre: Comme vous le savez, le quota comme tel est un actif intangible qui ne peut pas être donné en garantie pour un emprunt. En vendant à la caisse de quotas, le vendeur a le choix: vendre au comptant -il récupère à ce moment 100% de la valeur du quota selon la cotation ce jour-là - ou accepter de souscrire à un bon de la caisse de quotas, auquel cas il va être remboursé par tranches de dix ans. Le gouvernement lui dit: Écoutez, vous allez bénéficier d'avantages fiscaux, par exemple au niveau du gain de capital. Si vous acceptez un étalement du rachat de votre quota par la caisse, on vous donne certains crédits d'impôt. L'acheteur - le jeune - en partant, en ayant son certificat de quota, peut le donner en garantie. Donc, cela lui donne de l'argent disponible, il bénéficie d'un étalement de dix ans et il pourra bénéficier d'une aide supplémentaire à même les impôts que le vendeur aurait payés pour réduire le coût d'acquisition. Je ne sais pas si vous voyez...

M. Baril (Arthabaska): Oui, c'est intéressant. Comme je disais, il y a certainement quelque chose à gratter là-dedans. Il y a sans doute quelque chose d'intéressant dans cela.

M. Sylvestre: Et puis, cela pourrait facilement être administré par les fédérations de production. Maintenant, il y aurait un autre point sur les contradictions qu'il y a entre le zonage agricole et certaines lois. Je vous donne un exemple bien simple.

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse, Me Sylvestre. Je dois vous arrêter parce qu'il aurait fallu répondre à la question quand elle fut posée, malheureusement. Je donne maintenant la parole au député de Maskinongé, en lui indiquant qu'il faudra qu'il fasse tout cela en quatre minutes.

M. Picotte: Je serais presque tenté de revenir sur la question de la protection du territoire agricole mais, comme cela va prendre plus de temps, je vais poser la question initiale qui m'est venue à l'esprit. À la page 6 de votre mémoire, vous dites tout simplement ceci: "même si la situation actuelle n'a rien de dramatique et que, par rapport à d'autres secteurs industriels, la ferme québécoise peut encore s'enorgueillir du plus faible taux d'endettement. " Je ne suis pas en mesure de vérifier, effectivement, la situation dans le secteur de l'agriculture, mais j'ai l'impression qu'elle est un peu plus dramatique que vous ne semblez le croire et que le taux d'endettement est peut-être un peu supérieur à ce que vous pensez, comparativement à d'autres secteurs. Quand vous faites une assertion comme cela, vous êtes-vous donné la peine d'aller évaluer aussi le taux de rentabilité en agriculture? Je ne suis pas certain qu'un grand nombre d'hommes d'affaires voudraient investir les mêmes sommes d'argent que l'agriculteur en donnant si peu de rentabilité. Quand on fait une assertion du taux d'endettement qui peut être un peu plus faible que les autres, toutes proportions gardées, la situation est beaucoup plus compliquée que ce qu'elle peut paraître ou qu'on peut penser qu'elle est en lisant cette partie du rapport.

M. Lambert: II faut la lire avec l'extension à la page 17 où on dit justement: "Cependant, cette apparence de bonne santé financière est trompeuse. " Et on reprend en d'autres mots ce que vous venez de dire. En fait, si on regarde d'après les chiffres qu'on a eus du sondage qui a été effectué -jusqu'à preuve du contraire on estime qu'il a été fait sérieusement - il y a environ 25% de l'actif qui est endetté. Il n'y a pas beaucoup de secteurs industriels qui fonctionnent avec uniquement des emprunts pour environ l'équivalent de 25%. Normalement, vous allez retrouver 35%, 40% et même 50%, parfois plus, mais disons que cela joue autour de cela. Donc, on ne peut pas dire que la ferme comme telle, si on regarde strictement et bêtement, d'une façon bien objective, les chiffres, est très endettée, surendettée par rapport à ses valeurs d'actifs, mais là où vous avez raison, c'est que, par exemple, la rentabilité, elle, n'est peut-être pas correspondante à cette valeur d'actifs. Cela est évidemment le problème.

M. Picotte: Tout simplement, en vous remerciant de votre rapport...

M. Lambert: Non, non, c'était clair dans notre esprit, il faut lire la page 17.

M. Picotte:... au nom de l'Opposition, je voulais faire ressortir ce point-là parce que, pris comme tel, on a l'impression que, finalement, ce n'est peut-être pas si pire que cela, mais, quand on regarde le taux de rentabilité, j'ai drôlement l'impression que plusieurs notaires et plusieurs hommes d'affaires n'investiraient pas à ce taux-là, en tout cas, ou avec un capital de risque semblable.

M. Lambert: Ce qui est à retenir, c'est ce glissement depuis trois ans. On est descendu en bas de la marque des 80%; cela va continuer à glisser vers 70%, etc. Cela est une tendance importante qu'il faut diagnostiquer et qu'il faut, je pense, arrêter, enrayer. Cela est important; c'est la tendance indiquée par ce glissement-là. C'est ce qu'on a voulu soulever ici.

Le Président (M. Vallières): Avant de terminer avec votre organisme, j'aurais un petit service à demander à Me Sylvestre. Votre caisse de quotas a soulevé bien des interrogations; s'il vous était possible de préparer un document additionnel qui viendrait donner des éclaircissements sur le fonctionnement de cette caisse de quotas, c'est avec plaisir que la commission recevra vos suggestions et en fera l'étude ultérieurement. Là-dessus, je vous remercie beaucoup de votre participation. Pardon?

M. Mackay: Dans quel délai?

Le Président (M. Vallières): Le plus tôt possible, mais disons vers la fin du mois ou quelque chose comme cela.

M. Mackay: On va faire notre possible.

Le Président (M. Vallières): Merci beaucoup.

Ordre des agronomes du Québec

Nous allons maintenant recevoir l'Ordre des agronomes du Québec. Très bien, je demanderais à M. le président de bien vouloir présenter son mémoire de même que les personnes qui l'accompagnent en vous demandant dans la mesure du possible de vous limiter aux 20 minutes afin de permettre le plus de questions possible de la part des députés. M. le président, la parole est à vous.

M. Bélanger (Jean-Hugues): Merci. Bonjour à tous. Je voudrais d'abord remercier les membres de la commission de nous permettre de présenter notre point de vue. La façon de procéder va se faire assez rapidement. D'abord, vous avez notre mémoire en main qui n'a pas de nombreuses pages. Étant donné que vous l'avez déjà en main, on ne le relira pas, on va simplement tirer les grandes lignes qui apparaissent là-dedans pour laisser plus de temps par la suite pour les questions et les discussions. Si vous le permettez, c'est comme cela qu'on va procéder. Cela va?

Le Président (M. Vallières): Oui. Très bien.

M. Bélanger: Lorsqu'on parle de planification et de développement de l'agriculture, cela suppose, bien sûr, des méthodes de production et de mise en marché efficaces, mais également des conditions de financement qui favorisent la rentabilité des entreprises et l'établissement des jeunes. Les modes traditionnels d'achat, de transfert et de financement ne répondent plus totalement aux besoins des jeunes désireux de s'établir en agriculture.

Si l'on continue avec le mémoire, au paragraphe "La situation actuelle", au cours des trois dernières années, l'avoir net des agriculteurs canadiens a fléchi de 5% passant de 85% à 82% et, au Québec, de 80% à 75%. Il y a probablement des statistiques que vous allez réentendre à plusieurs occasions. L'augmentation des actifs ne s'est fait sentir que dans quelques secteurs seulement, principalement dans le secteur laitier, et est surtout causée par l'augmentation de la valeur des quotas. Selon un sondage de la Société du crédit agricole du Canada dont les chiffres ont été rendus publics en octobre 1984, on remarque que 13% des 32 000 producteurs québécois sont en difficulté financière sérieuse et 10% additionnels sont en situation financière difficile. Globalement, on peut considérer que la situation est assez fragile si l'on considère que 54% des ventes agricoles sont engendrées par un tiers des agriculteurs, c'est-à-dire les jeunes exploitants, ceux qui ont l'avoir net le plus faible. Ils sont quand même efficaces. Ils ont un taux de rendement de 0, 34 $ par dollar investi comparativement à 0, 23 $ et à 0, 16 $ pour leurs aînés qui sont bien nantis financièrement. Ces individus qui produisent 54% des ventes agricoles ont emprunté, en fait, 94% des sommes investies.

Au chapitre du financement, au cours des dernières années, les faillites d'entreprises agricoles ont fait l'objet de beaucoup de publicité. Elles sont cependant peu nombreuses par rapport aux autres secteurs de l'économie. Leurs conséquences sont toutefois très graves, souvent même tragiques parce que, dans une faillite, l'agriculteur entraîne également toute sa famille. L'agriculture, c'est une mode de vie. C'est souvent du personnel qui est plus ou moins spécialisé et qui peut difficilement entrer dans d'autres secteurs de l'économie. Si on prend également le fait que c'est un secteur primaire, il a un effet

d'entraînement important. On doit également considérer l'effet économique majeur que peut avoir la faillite d'une entreprise agricole dans une paroisse. La situation s'est encore aggravée au cours des dernières années, principalement avec la hausse des taux d'intérêt. On a compensé par l'augmentation des dettes.

Parmi les principes qui devraient guider l'action de l'État en matière de crédit agricole et de financement, nous proposons une meilleure planification dans le développement de certaines productions, un encadrement scientifique et technique auprès des producteurs agricoles qui bénéficient d'un prêt, en particulier une "initiation encadrée" obligatoire pour les jeunes exploitants, un nouveau concept de crédit agricole basé sur les aptitudes de l'exploitant, le potentiel de l'entreprise et l'existence réelle des marchés et une meilleure formation en gestion financière pour les producteurs agricoles et les agronomes appelés à les conseiller. On va développer cela un peu.

La planification du développement. Les progrès technologiques importants et le crédit agricole facile ont intensifié certaines productions, ce qui a supposé une gestion plus complexe et également multiplié les risques financiers. La spécialisation exige des connaissances plus raffinées. À titre de chef d'entreprise, l'agriculteur, bien sûr, mais surtout ses conseillers doivent connaître la situation et les tendances des marchés, d'où l'importance de bien planifier des programmes d'encouragement à la production afin de ne pas provoquer un déséquilibre du marché. Qu'on pense aux politiques, par exemple, favorisant la production, de miel ou de sirop d'érable au cours des dernières années.

Au niveau de l'encadrement technique, il est absolument nécessaire. On a souvent cherché la rentabilité par l'augmentation des emprunts, ce qui nous a amenés vers une espèce de gigantisme et, au lieu de raffiner nos méthodes de production et nos modes de gestion, on a essayé de compenser en grossissant l'économie d'échelle et tout cela. Il faudra développer des politiques qui évitent les investissements trop onéreux, surtout au début pour le jeune qui s'établit, mais, par la suite, suivre son évolution, l'encadrer. À ce chapitre il est primordial que le gouvernement provincial maintienne un secteur témoin en vulgarisation agricole et encourage également la formation continue de ses conseillers. (16 h 15)

On parlait d'un nouveau concept de crédit agricole, qu'on pourrait appeler "crédit agricole modernisé". "Nouveau concept", c'est peut-être un peu fort, mais il est important d'avoir une nouvelle approche dans l'octroi des crédits agricoles. Est-ce qu'on ne devrait pas considérer plus la location de fermes, la location de quotas et, lors de l'établissement, y aller avec des taux d'intérêt réduits, progressifs mais avec un maximum prévu au départ? Est-ce qu'il ne serait pas opportun que les vendeurs ou autres deviennent également des prêteurs accrédités? Est-ce qu'on ne devrait pas développer des formules de prêt et prévoir des taux d'intérêt compatibles avec la rentabilité des différentes productions? Actuellement, on retrouve des taux d'intérêt assez uniformes pour toutes les productions. On sait que la rentabilité diffère passablement d'une production à l'autre.

On devrait également tenir compte de la formation technique agricole, de la formation en gestion financière et également d'une formation face aux nouvelles structures de ferme. À ma connaissance, il y a très peu de cours actuellement sur les structures de ferme, qui vont peut-être se modifier passablement dans le futur. Que ce soient les compagnies, les associations, de quelle façon on embarque là-dedans, comment on vit à l'intérieur d'un groupe. Il y a très peu de choses connues à ce niveau.

Est-ce qu'on ne devrait pas regarder également de plus en plus le crédit à l'agriculture plutôt que le crédit à l'agriculteur? Souvent le crédit à l'agriculture permettrait à quelqu'un de s'établir à temps partiel. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir des façons qui permettraient à Un jeune de se ramasser un certain capital? Il existe des programmes d'épargne-logement, par exemple; est-ce que ça ne pourrait pas exister en agriculture également?

On devrait également favoriser les nouveaux modes d'établissement. Est-ce essentiel, par exemple, qu'un jeune de 20 ans doive posséder du jour au lendemain une entreprise qui vaut 225 000 $ ou 500 000 $? Je ne sais pas.

Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un crédit un peu spécial, également, pour les innovateurs? De plus en plus, on devra implanter des technologies nouvelles pour réduire nos coûts de production. Il y a des risques attachés à ça. Est-ce que ce sont les agriculteurs qui doivent les prendre? Ce sont toutes des questions qu'on peut se poser.

J'aimerais revenir un peu du côté de la formation en gestion financière pour vous citer une étude américaine qui a été faite en 1983, qui démontre que doubler les dépenses gouvernementales pour la recherche et la vulgarisation pourrait accroître la production agricole de 5%; doubler l'emploi des fertilisants ou les superficies en culture augmenterait la production de 15%. Mais, en doublant le degré de scolarité des agriculteurs, on obtient une augmentation de 40% de la production agricole. Une autre étude réalisée à l'échelle mondiale par deux chercheurs a fourni les mêmes données.

La relève agricole. On connaît actuellement très peu de choses face à la relève agricole. Il devrait y avoir une recherche un peu plus poussée afin de connaître un peu notre relève de façon à augmenter son degré de scolarité, ce qui, également, nous permettrait de bâtir des cours en conséquence. Si on ne vérifie pas ce qui manque à la relève» il devient difficile de fournir une formation adaptée à ses besoins.

Il y a également, du côté de la relève, des problèmes importants impliquant la fiscalité. À ce sujet, je vais passer la parole à M. Lusignan, qui connaît mieux le sujet.

M. Lusignan (Yvon): Merci. Je ne sais pas si vous avez reçu l'annexe qui a été produite dernièrement? Pour les besoins de la cause, si vous manquez de copies on s'arrangera pour vous fournir des copies additionnelles.

Évidemment, quant à l'aspect fiscal, comme tous les autres intervenants l'ont signalé, il n'y a pas de solution miracle. Ce qui va donner les meilleures solutions, ce sera une concertation de la part de tous les intervenants. À ce chapitre, j'aimerais ici vous proposer quelques recommandations. Premièrement, dans le but d'amener des fonds au niveau agricole - parce qu'on sait que l'un des principaux problèmes pour les jeunes, c'est quand, à un moment donné, on dit: On devrait accroître les montants subventionnés par l'office - on pourrait peut-être penser è la création d'un nouvel abri fiscal dans lequel les gens qui investiraient auraient droit à un crédit d'impôt fédéral et provincial; donc, il faudrait une concertation des deux paliers de gouvernement. Le but, c'est que l'agriculteur pourrait bénéficier de fonds à faibles taux. En termes de modalités d'application, si on pousse un peu plus, la formule la plus appropriée serait probablement une compagnie, dans le sens que c'est plus facile de transiger des actions que de transiger des participations ou des hypothèques. Par conséquent, pour inciter les jeunes - pourquoi? parce que ce serait les principaux intéressés - à adhérer à ce programme, on pourrait probablement exclure la taxe sur le capital versé et, en même temps, évidemment, il faudrait modifier la loi de l'office pour la rendre compatible. Pour la réalisation d'un tel programme, il faudra donc étudier toutes les modalités d'application pour être certain que ce sera utile à ceux qui en ont vraiment besoin.

Ensuite, plutôt que de changer toutes les lois actuelles, il serait préférable d'apporter des modifications qui, en soi, sont elles-mêmes simples, mais qui auront probablement des effets d'entraînement importants. La première, ce serait la création d'une réserve sur la vente de contingents agricoles. Autrement dit, lorsque vous vendez un fonds de terre ou des biens commerciaux et que vous financez le prix de vente en partie, vous allez être taxé sur le gain de capital avec étalement sur les années. Étant donné que de plus en plus les parents financent les enfants, pourquoi le père serait-il taxé sur tout le montant alors qu'il n'a pas encore encaissé les sommes? Nous savons qu'au fédéral cela fonctionne en partie. Le provincial n'accepte pas cette position. Un simple amendement è la loi favoriserait le financement des parents aux enfants et réglerait en partie le problème des garanties générées par le quota.

Il y aurait des petites modifications è apporter. Au cours des années, nous savons qu'il y a eu des budgets qui ont été très favorables pour les agriculteurs, sauf que, quand on a modifié une loi, souvent on n'a pas modifié les autres lois, de sorte qu'on a des biens qui sont exemptés de l'impôt sur le revenu, mais qui sont assujettis à l'impôt sur les dons ou les droits successoraux. Si on a des biens exemptés dans une loi, pourquoi ne le seraient-ils pas dans l'ensemble des lois? Les biens qui sont imposés devraient être imposés. Cela simplifierait, je crois, toute l'administration des biens et cela simplifierait aussi le choix au niveau des producteurs.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur un point qui est très important. Actuellement, c'est une anomalie qui risque de causer de graves problèmes. Un agriculteur n'a pas le droit de décéder dans les trois années suivant le transfert de son entreprise. Je m'explique. Si un agriculteur a fait un don et qu'il décède dans les trois années qui suivent, on doit inclure ce don-là dans la valeur de sa succession. De plus, selon les dispositions budgétaires qui auront force de loi au provincial et qui ont maintenant force de loi au fédéral, automatiquement on a une réduction de l'exemption des biens agricoles pour ce qui est des droits successoraux. Donc, les résultats nets, c'est qu'on enlève l'exemption des biens agricoles de l'impôt sur les dons, parce qu'ils deviennent assujettis aux droits successoraux et, de plus, on enlève des exemptions au niveau des droits successoraux. C'est actuellement un problème. qui existe depuis quelques années, sauf qu'on est chanceux, il n'y a pas trop d'agriculteurs qui décèdent dans les trois années.

Nous savons que, lors du dernier budget, on a instauré les fameux 120 000 $ qui permettent, finalement, de différer une partie de l'imposition sur le gain en capital. Dans le même ordre d'idées, la vente de quotas pourrait donner droit au montant qui pourrait être investi dans le REER. Pourquoi? Parce que, finalement, le patrimoine est un peu le fonds de retraite des agriculteurs.

Comme dernier point, nous savons que,

de plus en plus, les transferts graduels deviennent à la mode. Pourquoi? Parce que vous êtes sûrement aussi conscients que moi-même que, au niveau agricole, la rentabilité ne justifie jamais la valeur des biens qui sont transférés. Par conséquent, de plus en plus, on suggère aux agriculteurs d'y aller de façon graduelle pour que les jeunes commencent à former leur propre patrimoine.

Alors, la règle du deux fois du vivant, au niveau de l'impôt sur les dons, est toujours un obstacle constant pour les transferts graduels. En plus de cela, lorsqu'on a plus de deux enfants, c'est inévitablement une grosse enfarge. Par conséquent, il devrait donc y avoir un accroissement du nombre de fois, peut-être cinq fois du vivant.

Pour la conclusion, je cède la parole à M. Bélanger.

M. Bélanger: En guise de conclusion, si on peut dire, les difficultés majeures rencontrées: capital limité, un capital qui est retiré entre les générations; problème de formation, parce que faciliter les conditions de prêt aux nouveaux exploitants peut être dangereux si les critères d'admissibilité ne prévoient pas l'acquisition de connaissances théoriques et pratiques suffisantes; les taux d'intérêt trop fluctuants. Est-ce qu'on doit y aller vers des subventions à l'agriculture ou à l'agriculteur? Qu'est-ce qu'on vise, maintenir un style de vie ou une option pour la productivité et l'adaptation rapide de nouvelles technologies? Également, un encadrement fiscal qui doit être cohérent avec tout cela. C'était le résumé de notre présentation.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. Bélanger. On passe maintenant aux questions des députés. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: M. le Président, j'ai écouté attentivement les représentants des agronomes. Vous avez surtout parlé de fiscalité. Vous avez parlé, naturellement, d'endettement, mais vous avez parlé aussi de formation de gestion financière. Mais il y a une chose qui me surprend. C'est bien beau que les agriculteurs soient plus instruits, soient plus au courant, mais comme agronomes, vous avez totalement évité de parler de certaines restrictions comme les herbicides cancérigènes, de tout ce débat sur le coût des additifs dans l'alimentation et les pertes considérables chez les cultivateurs par les grains qui sont contaminés. J'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que même si on peut accroître la production agricole de 5%, parce que le producteur est peut-être un peu plus renseigné et un peu plus instruit, s'il ne donne pas la bonne nourriture à ses porcs, cela se réveille sur la table du consommateur, comme le démontrent de nombreux articles de journaux. Ici, j'ai une lettre qui est signée par de nombreux producteurs de porc qui, entre autres, disent: Nous, soussignés, affirmons que les Pré-mix Gardo, qui ont été donnés aux truies, nous ont causé des dommages considérables, à des nombres incalculables de troupeaux.

J'aimerais entendre vos commentaires concernant non seulement la nourriture, mais tout ce qui entoure le côté réellement agronome. Vous avez déjà beaucoup parlé de finance, d'exemptions.

M. Bélanger: Je pense que tout cela fait, justement, partie de sa formation. C'est peut-être une formation plus appropriée qui va lui permettre de tirer le meilleur profit possible de ce qu'il y a à la portée de la main. Cela me paraît intimement relié à sa formation.

M. Dupré: Mais n'est-ce pas à vous de les instruire? Selon un journal de ce matin: Le Laso est un herbicide cancérigène. Wise a annoncé, la semaine dernière, de nouvelles mesures destinées à réduire les risques d'utilisation de l'herbicide Alachlor, cause de cancer chez les animaux. À un moment donné, cela doit être votre première responsabilité, parce qu'en somme non seulement les agriculteurs ou les producteurs vont voir l'Office du crédit agricole pour avoir de l'argent, mais ils vous consultent aussi pour savoir si, dans tel ou tel programme, ils doivent s'embarquer. Une fois qu'ils sont embarqués là-dedans, c'est vous les premiers conseillers. (16 h 30)

M. Bélanger: Je suis bien d'accord, mais nous également nous nous instruisons avec eux. On n'a pas la science infuse. Lorsque des recommandations sont faites, c'est à partir des meilleures connaissances que tout le monde possède à ce moment-là. Il y a beaucoup de choses qu'en cours de route on doit modifier en agriculture comme ailleurs, au moment où cela se fait. Il y a eu beaucoup d'évolution dans tous les secteurs, que ce soit les médicaments ou autres. On apprend avec tout le monde, nous aussi.

M. Lusignan: J'aimerais apporter quelques commentaires. Ce que nous vivons là, c'est un peu le problème de l'évolution technologique dans lequel nous sommes embarqués. Actuellement - il ne faut pas se le cacher - il y a une grande partie de la recherche qui est faite par les compagnies privées. Évidemment, elles poussent leurs produits sur certaines choses et c'est toujours après X années que l'on découvre les effets néfastes de telle affaire. Il y a beaucoup de recherches qui sont faites par les ministères. J'ai l'impression que des

erreurs comme cela au niveau agronomique, il s'en est toujours produit et, malheureusement, il s'en produira encore. Pourquoi? Parce qu'il a beau y avoir beaucoup de recherche afin de voir s'il y a des effets néfastes, le problème est que souvent il y en a plusieurs qu'on trouve après X années. Je suis d'accord avec vous que c'est déplorable. Comme M. Bélanger le dit, c'est sûr et certain que le problème de fond dans cela, c'est qu'on est embarqué dans une évolution technologique qui est très rapide et qu'il faut une formation au niveau de l'agriculteur, certes, mais aussi l'agriculteur évidemment ne peut pas tout connaître non plus et chacun des agronomes ne peut non plus tout connaître. C'est ce qui fait qu'à un moment donné il peut se produire certaines erreurs; mais lorsque ces erreurs deviennent publiques, on réalise que la formation continue des agronomes est une des priorités, en même temps que la formation des agriculteurs.

C'est sûr et certain que l'agronome en tant que tel est comme tous les autres professionnels, vous le savez comme moi. Est-ce que tous les agronomes doivent connaître toute la dimension agricole ou si on a besoin de plus de spécialistes? Est-ce qu'on a besoin de plus de recherche? C'est une autre dimension. Pour résumer, la seule chose que l'on puisse dire, c'est un besoin de formation additionnelle. Il ne faut pas se le cacher, les compagnies américaines ont les fonds pour réaliser ces recherches. S'il y a quelque chose, c'est qu'elles sont souvent en avance sur les recherches qui sont faites au niveau du ministère. C'est malheureux à dire, mais des erreurs, il va toujours s'en produire comme dans n'importe quel domaine, mais il faut vraiment tout faire pour les éviter.

M. Bélanger: Si je peux ajouter un mot, j'aimerais aussi mentionner que l'agronome n'est quand même pas limité aux aspects de techniques de production. Il y a une phrase que j'avais mentionnée tout à l'heure: II est primordial que le gouvernement provincial maintienne un secteur témoin en vulgarisation agricole. C'est un peu dans ce sens aussi que cela permettrait de se détacher un peu du secteur privé et peut-être, dans certains cas, de donner un conseil plus impartial.

M. Dupré: Non pas à cette commission, mais quand on a entendu les ex-grévistes de la faim à plusieurs occasions on a entendu, mais on n'a pas pu le vérifier, naturellement, auprès des conseillers du temps... Ce n'est pas un reproche que je vous fais, ce sont des questions que je me pose, à savoir jusqu'à quel point les agronomes sont à la fine pointe, au Québec, des recommandations que vous faites. Cela devient évident. Quand on voit une quarantaine de producteurs qui signent la même demande ou qui se posent les mêmes questions, ce ne sont pas des cas isolés. Ce n'est pas l'hemophilus, c'est quelque chose qui est beaucoup plus répandu et plus grave.

M. Lusignan: II faut bien comprendre qu'en fait l'utilisation de tous les herbicides ou des pesticides résulte toujours de nombreuses recherches. Donc, sur qui doit-on jeter le blâme? Est-ce sur l'agronome, dans le champ, qui est chargé de vulgarisation ou sur celui qui fait la recherche et qui publie ces rapports? C'est ce que je me dis, parce qu'au fond je ne crois pas que c'est à l'agronome qui est chargé de vulgarisation ou à celui qui est avec les clients de faire ces recherches. Il faut se fier aux recherches qui sont faites.

M. Dupré: Est-ce qu'il y en a qui sont spécialisés dans ces recherches ou si c'est laissé totalement aux médecins vétérinaires ou aux chercheurs d'université?

M. Lusignan: Non.

M. Martin (Aurèle): L'homologation des produits se fait à Ottawa après d'amples recherches. Il peut y avoir quand même des possibilités d'erreurs; la concentration de produits dans un animal ou dans les productions dont les animaux s'alimentent peut causer des problèmes ultérieurs. Maintenant, remarquez bien que ces choses sont très complexes. C'est l'éternel...

M. Dupré: Saint-Hyacinthe est probablement présentement la région où il y a la plus grande concentration d'éleveurs de porcs. Or, on voit depuis quelques années, en tout cas depuis que je suis député, une diminution constante des portées. C'est censé être à peu près 20 porcelets par année et cela diminue considérablement. Il me semble que cela devrait être une des questions que vous vous posez, même si vous n'êtes pas médecins vétérinaires. C'est tout de même vous autres qui faites affaires directement avec les agriculteurs et qui les conseillez.

M. Lusignan: Il y aurait juste une précision que j'aimerais apporter. En fait, l'agronome en tant que tel a beaucoup de spécialisations en termes de niveaux agronomiques. C'est pour cela que, parmi les représentants de l'ordre, nous n'avons pas de spécialistes au niveau des productions végétales, des productions animales et au niveau de ces analyses. Évidemment, chaque agronome a une spécialité, parce que tout le domaine agronomique est très complexe et très spécialisé aussi. Comme mot, je ne suis, en fait, spécialisé qu'au niveau fiscal, évidemment, les clients que je rencontre, ce n'est pas moi qui vais leur dire d'utiliser tel

pesticide par rapport à un autre. C'est chacun son domaine. Il reste que le problème que vous avez mentionné, c'est certain que c'est pitoyable et que c'est malheureux que cela se produise. J'ai l'impression qu'on arrive à des résultats, mais que la base de cela est la recherche. Je ne crois pas que les problèmes soient au niveau de la vulgarisation. Le système est bon. C'est la recherche en dessous de cela qui n'est peut-être pas adéquate.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, je m'en tiendrai au mémoire que vous nous avez soumis en ce qui concerne la commission parlementaire. Il y a plusieurs choses que vous mentionnez, que vous soulignez à l'intérieur du mémoire, qui sont intéressantes, mais qui, à mon avis, mériteraient des explications additionnelles. Je vais tenter, dans le temps qui m'est accordé, de vous poser certaines questions. On a parlé beaucoup de faillites agricoles, on fait état de faillites agricoles, comme s'il y en avait beaucoup. Cet avant-midi, on a parlé aussi avec l'Union des producteurs agricoles de ces faillites agricoles. On parlait de 162 faillites, entre autres. J'ai fait référence moi-même, aussi, au fait qu'en plus des faillites agricoles, il y a des abandons qui sont volontaires ou semi-volontaires ou forcés. On a fait allusion au fait qu'il y avait des gens, même dans ce domaine, qui étaient trop pauvres pour faire faillite.

À partir de ce moment, quand vous affirmez que, "depuis trois ans, les faillites d'entreprises agricoles ont fait l'objet de beaucoup de publicité; cependant, elles demeurent peu nombreuses par rapport à d'autres secteurs de l'économie québécoise ou canadienne", vous devez, sans doute, pour nous faire une telle affirmation, posséder l'équivalent d'autres secteurs. J'aimerais que vous m'expliquiez et me disiez dans quels secteurs il y a des comparaisons possibles et quels types de comparaisons on peut faire pour nous démontrer que ce n'est pas si mal que cela.

M. Bélanger: On parle ici de 127 agriculteurs québécois, au cours des neuf premiers mois de 1984 qui ont une situation financière précaire. Les chiffres exacts sur le nombre de faillites, nous ne les avons pas là-dedans. On pourrait vous les...

M. Picotte: Statistique Canada donne 162...

M. Bélanger: 162.

M. Picotte:... en 1984. Puisque vous dites que c'est moins grave dans ce secteur, j'imagine que vous avez des données qui viennent démontrer que, dans d'autres secteurs, c'est pas mal pire que cela. C'est cela que je voulais vous voir expliciter, parce que moi, je ne suis pas certain qu'il y ait une comparaison possible. S'il y en a une, en tout cas, je voudrais voir sur quoi vous vous êtes basés pour faire une telle comparaison.

M. Bélanger: On n'a malheureusement pas les données en main. Maintenant, il y a des données qui sont disponibles là-dessus sûrement. Cela n'a pas été écrit là par hasard. Je n'ai pas les données en main.

M. Picotte: Pourriez-vous, d'ici quinze jours, trois semaines, nous faire parvenir les données qui font en sorte que la comparaison est possible?

M. Bélanger: Certainement.

M. Picotte: Dans un autre ordre d'idées, à la page 3, vous parlez d'initiation, en particulier, "d'initiation encadrée obligatoire pour les jeunes exploitants". J'aimerais que vous m'expliquiez cette façon de procéder. L'initiation encadrée, c'est quoi, cela veut dire quoi?

M. Bélanger: Actuellement, le jeune agriculteur, à la suite de son emprunt, est peut-être un peu trop laissé à lui-même. Est-ce que les ressources sont là, actuellement, pour fournir l'encadrement nécessaire? Peut-être pas de la façon dont les organismes de crédit sont structurés actuellement. Est-ce que ce sont uniquement les prêteurs qui devraient fournir ce suivi? Probablement que non. L'initiation encadrée, cela peut commencer avant que le jeune entre en agriculture aussi. Est-ce que cela peut aller jusqu'à un stage pratique obligatoire? Cela peut aller loin. Est-ce qu'on peut revenir aussi, peut-être sous une autre formule -vous en avez sûrement entendu parler - aux anciens prêts surveillés, par exemple, qui existaient? C'était un service de gestion financière qui était attaché au prêt, qui était obligatoire à partir d'un certain montant et qui a disparu avec les années. Est-ce qu'il ne faudrait pas revenir à quelque chose de semblable? C'est un peu dans ce sens, pour ne pas laisser le jeune à lui-même ou à peu près à la suite d'un prêt, mais le guider.

M. Picotte: J'imagine que cette initiation encadrée devrait se faire en cours de formation pour le jeune. C'est là qu'elle doit se faire, j'imagine. Est-ce qu'il y d'autres façons, après le stage? En supposant que le jeune suive un stage de formation tel qu'on le connaît présentement, y a-t-il

d'autres façons? Est-ce que cela veut dire que, dans les cinq premières années d'exploitation agricole, il doit y avoir une telle façon de fonctionner? De quelle façon cela doit-il fonctionner?

M. Bélanger: L'histoire de la formation continue doit continuer à exister et peut-être même plus qu'après cinq ans, Elle doit être là au besoin. Elle ne devrait pas arrêter, en fait.

M. Picotte: Toujours à la page 3, au point 3, vous dites: "Un nouveau concept de crédit agricole basé sur les aptitudes de l'exploitant, le potentiel de l'entreprise et l'existence réelle des marchés". J'ai fait beaucoup de consultation agricole dans plusieurs milieux et, entre autres, à un moment donné, quelqu'un parlait d'une espèce de carte, pas une carte de producteur comme on l'entend, mais une carte de compétence peut-être en comparaison avec ce qui existe au niveau de l'OCQ quand on parle du domaine de la construction. Quand vous dites "basé sur les aptitudes de l'exploitant", jusqu'où va votre idée? Êtes-vous prêts à défendre une position telle qu'une carte d'agriculteur, par exemple? Qu'est-ce que cela veut dire? Je voudrais bien qu'on précise cela dans votre idée, "un nouveau concept de crédit agricole basé sur les aptitudes de l'exploitant. " Comment va-t-on être capable de vérifier si le jeune agriculteur ou la relève qui arrive sur le marché va avoir les aptitudes nécessaires? Comment et qui va porter ce jugement?

M. Bélanger: Ce n'est jamais facile lorsque, par exemple, un jeune de 18 ou de 20 ans désire obtenir un prêt agricole de savoir s'il a le potentiel pour l'obtenir ou non. D'abord, son potentiel peut être évalué en partie par ses connaissances théoriques; cela peut également aller du côté du stage pratique dont on parlait tout à l'heure pour vérifier vraiment, ceci non seulement pour ceux qui auront à décider s'il est admissible ou non à un prêt, mais peut-être aussi pour lui, afin de se rendre compte s'il a le potentiel et les aptitudes pour se diriger dans telle production plutôt que dans telle autre.

M. Picotte: Quand on parle de stage, quand on parle de formation à ce niveau, cela suppose qu'on peut difficilement penser, en fait, qu'un jeune pourrait arriver comme exploitant agricole avant l'âge de 26, 27 ou 28 ans. (16 h 45)

M. Bélanger: C'est peut-être aussi une nouvelle approche qu'il va falloir développer. On admet très bien dans l'industrie, par exemple, que quelqu'un devienne propriétaire de son entreprise à l'âge de 45 ou 50 ans.

Est-il pensable, même aujourd'hui, qu'un jeune de 20 ans possède une entreprise qui vaut 500 000 $ du jour au lendemain? Il y a peut-être une intégration graduelle qu'il va falloir développer. Il va certainement falloir développer de nouvelles façons de s'introduire en agriculture; parce qu'il n'est plus possible pour quelqu'un, avec le comptant que cela suppose aujourd'hui, dans la majorité des cas, pour les Québécois ordinaires en tout cas, avec la situation financière dans laquelle un peu tout le monde se trouve, d'avoir le comptant nécessaire pour acquérir une entreprise au complet. Il faut quand même dire que l'âge actuel d'établissement est de l'ordre de 26, 27 ans, en moyenne.

M. Picotte: II faudrait que l'État soutienne une initiative semblable à celle-là, parce que les modalités d'application deviennent forcément très compliquées si on regarde un cheminement semblable à celui que vous proposez.

M. Bélanger: Peut-être pas nécessairement. Les compagnies existent en agriculture actuellement, les sociétés. Un peu comme dans l'industrie, est-ce qu'on peut acquérir des parts au fur et à mesure là-dedans? Pourquoi pas? Il y a toute une philosophie nouvelle qui est à développer, c'est bien sûr, parce qu'on est habitué à être propriétaire et à devenir propriétaire de sa ferme au complet en s'établissant.

M. Picotte: Selon le langage que vous tenez, cela suppose qu'il ne faut plus trop songer à ce qu'on appelle l'agriculture de type familial.

M. Bélanger: Cela dépend de ce qu'on entend...

M. Picotte: Il faut mettre cette nation de côté.

M. Bélanger:... par ferme familiale. Le père avec ses deux garçons, est-ce que cela est encore une ferme familiale? Je ne le sais pas, je n'ai pas la réponse.

M. Picotte: Parlons de type familial, entre parenthèses. Si on commence à jouer dans les relations père-fils ou grand-père, mon oncle, ma tante... Parlons de type familial. Tout le monde sait ce que cela représente, une agriculture de type familial. Quand on parle de formation de compagnie pour avoir des parts à l'intérieur et tout cela, dans une compagnie, on fait référence à quelque chose qui est vraiment plus gros et qui m'apparaît beaucoup plus vaste, donc encore beaucoup plus difficile à contrôler.

M. Bélanger: Actuellement, s'il n'y a pas une injection de fonds importante - elle

viendra de je ne sais où, est-ce que ce sont les gouvernements qui doivent la fournir ou pas? - avec le prix des fermes aujourd'hui et l'avoir net moyen qu'un individu peut avoir pour s'établir en agriculture à l'âge de 26 ou de 27 ans, il est officiel qu'il faudra penser à autre chose. La ferme familiale, telle qu'on la conçoit aujourd'hui, sera-t-elle encore la ferme de l'avenir? Ce n'est pas sûr.

M. Picotte: Vous dites que la planification du développement pose une question encore plus globale, "celle du développement rationnel de notre potentiel agricole". J'aimerais que vous m'expliquiez ce que serait un développement rationnel de notre potentiel agricole. Qu'est-ce que cela voudrait dire?

M. Bélanger: Peut-être que, si on continue un peu plus loin, on va avoir une partie de la réponse. Développer notre potentiel agricole, cela peut être souhaitable en soi, cela peut être un objectif valable. Maintenant, quand on parle de développement rationnel, doit-on penser strictement en termes d'autosuffisance, par exemple? Doit-on penser en termes d'exportation? Doit-on accroître la production des entreprises en considérant plusieurs secteurs actuellement où on a déjà une production excédentaire? Doit-on encore développer, par exemple, pour développer des marchés d'exportation?

M. Picotte: J'ai saisi cela à l'intérieur de votre mémoire, mais je veux savoir ce que vous pensez, vous, comme organisme? C'est quoi? Je comprends que c'est un éventail de possibilités: l'exportation et tout cela, mais, pour vous, doit-on tendre davantage vers l'autosuffisance ou quoi? Quelle est la position plus arrêtée de votre organisme?

M. Bélanger: C'est-à-dire que l'auto-suffisance dans certaines productions actuellement, elle est déjà atteinte et même comblée. On n'a pas nécessairement la réponse à tout cela, nous autres non plus. Maintenant, je ne pense pas qu'on doive continuer d'injecter de l'argent dans certaines productions où on est déjà excédentaire strictement en pensant à des marchés ou, en tout cas, si on le fait en pensant à des marchés d'exportation, il faudrait peut-être s'assurer qu'ils soient là, ces marchés.

M. Picotte: Vous parlez, à un moment donné, d'un crédit aux innovateurs ou à l'innovation. Vous avez fait allusion à cela tantôt. Pourriez-vous me citer un ou des exemples et me dire comment cela fonctionnerait, le crédit aux innovateurs? C'est du risque élevé ou...

M. Bélanger: Chaque fois...

M. Picotte: C'est quoi, l'apport de l'État, quand on arrive dans certaines innovations où il y a un risque très fort, un haut pourcentage de risque? Ce serait quoi? Est-ce que l'État devrait avoir une politique spéciale de crédit quand on parle d'un crédit aux innovateurs?

M. Bélanger: Remarquez que cela a été présenté peut-être avec un point d'interrogation au bout de la ligne. On sait que, si on veut développer de nouvelles productions, si on veut mettre en place de nouvelles technologies, il y a un risque d'attaché à cela. C'est un risque qui peut être variable selon ce qu'on veut introduire. Est-ce qu'il ne faudrait pas encourager ces gens-là ou est-ce qu'on peut leur permettre de prendre le risque seuls? Cela peut être vrai pour toutes les productions aussi actuellement. Est-ce que le taux d'intérêt ne pourrait pas être compatible avec la rentabilité des productions? On a peut-être socialement décidé, à un moment donné, si on veut manger du boeuf, si on veut manger de l'agneau, si on veut boire du lait ou tout cela, mais, par la suite, si on dit oui à certaines productions et si on dit non à d'autres, celles auxquelles on aura dit non, le problème est réglé, mais si on dit oui, est-ce qu'il ne faudrait pas y aller avec un taux d'intérêt qui tienne compte de la rentabilité de cette production? Je ne pense pas que secteur du bovin de boucherie puisse payer les mêmes taux d'intérêt que le secteur laitier. Je ne sais pas.

M. Picotte: Vous parlez en page 6 de la fiscalité. Entre autres, vous dites; "Une autre façon d'encourager et de faciliter l'établissement de la relève agricole pourrait peut-être se trouver dans des subventions ou crédit à l'agriculture à temps partiel. "

M. Bélanger: Actuellement, le crédit disponible l'est beaucoup plus à l'agriculteur qu'à l'agriculture, ce qui limite encore... Cela répond peut-être à votre préoccupation de tout à l'heure, à savoir comment un jeune peut encore acquérir une ferme familiale aujourd'hui. C'est peut-être une façon de permettre du crédit à ces individus qui voudront s'introduire graduellement en agriculture. Ce n'est pas facile avec toutes les productions, mais cela...

M. Picotte: Mais ce genre de crédit devrait être dosé d'une certaine façon. Ce n'est pas un danger, à un moment donné, qu'on se retrouve avec plusieurs agriculteurs à temps partiel qui travaillent ailleurs, qui vont chercher un revenu ailleurs, qui bénéficient des subventions, de l'aide de l'État, qui bénéficient de crédit peut-être à

un meilleur taux, forcément, et que cela change un peu le visage de l'agriculture comme telle? Parce que, quand vous parlez de cela, j'imagine que vous voulez qu'un gouvernement ouvre les portes assez grandes là-dedans, à moins qu'on ne contingente dans certaines productions données. Quand on sait qu'il y a des productions qui sont peut-être en faiblesse ou des productions qui mériteraient d'être exploitées davantage, on en fait une seconde zone, une seconde sorte d'agriculteurs. Il faut aussi réfléchir là-dessus. Mais vous croyez vraiment que cela doit être ouvert avec beaucoup d'emphase du côté des agriculteurs à temps partiel?

M. Bélanger: Avec beaucoup d'emphase, je ne sais pas. Il faudrait voir avec quelle emphase cela devrait se faire. Mais si on cherche une solution pour perpétuer la tradition de nos fermes familiales, c'est peut-être une façon. Cela comporte beaucoup de risques, je suis d'accord avec vous, et cela peut peut-être amener des individus en agriculture aussi qu'on ne voudrait pas avoir. Je ne le sais pas. Je ne sais pas comment sont les statistiques canadiennes, mais aux États-Unis, actuellement, 60% de la production vient de l'agriculture à temps partiel et on doit être en concurrence avec eux. Est-ce qu'il va falloir embarquer, nous autres aussi?

M. Picotte: C'est un changement qui est quand même assez radical si on envisage cela de cette façon. Moi, je ne serais peut-être pas prêt à l'envisager comme cela immédiatement, mais en tout cas, il faudrait que des gens me convainquent qu'il va y avoir là un effet fort bénéfique du côté de l'agriculture, chose dont je ne suis pas trop certain au moment où on se parle, mais il reste quand même qu'on peut toujours bien me le démontrer à certaines occasions.

M. Lusignan: On pourrait envisager cette formule surtout dans les secteurs qu'on veut développer. Évidemment, on ne parle pas de lait, mais de secteurs nouveaux où on croit qu'il y a vraiment des débouchés. On sait que dans le vison cela va relativement bien. Si on veut encourager davantage !e vison, si on décide d'encourager davantage le mouton ou d'autres productions, étant donné qu'on sait actuellement qu'à court terme c'est non rentable, il pourrait y avoir des conditions attachées à cela. Souvent, les intéressés sont obligés d'aller travailler à l'extérieur pour assurer leur vie, mais ils ont tout le temps l'expectative raisonnable de dire: Dans cinq ans, je devrais être bon pour vivre, etc.

En fait, il existe maintenant des formules. Il ne faut pas se le cacher, l'Office du crédit agricole a certains programmes là-dessus, mais il devrait peut- être être plus souple dans les productions qu'on veut développer. Évidemment, je ne suis pas d'accord, moi non plus, pour laisser la porte grande ouverte là où c'est déjà contingenté, où on en a déjà trop. Par contre, ça pourrait être un apport de fonds intéressant pour les secteurs qu'on veut développer.

M. Picotte: Une dernière question, M. le Président. Je pense que mon temps tire à sa fin. Il me reste deux minutes; je vais essayer de prendre 30 secondes. Une dernière question concernant la formation comme telle. Vous parlez de formation avec beaucoup d'à-propos. Ne croyez-vous pas que le fait que ce soit le ministère de l'Éducation qui soit le maître d'oeuvre de cette formation-là au niveau agricole soit un peu une carence dans notre système? Ne serait-ce pas plutôt au ministère de l'Agriculture d'être le maître d'oeuvre là-dedans et de prendre exactement la place qui doit lui revenir dans la formation agricole? Est-ce que l'Ordre des agronomes est mis suffisamment à contribution en ce qui concerne la formation des jeunes?

M. Bélanger: Je peux vous dire que certains pensent encore avec nostalgie aux anciennes écoles d'agriculture.

M. Picotte: C'est peut-être trop loin en arrière, par exemple.

M. Bélanger: Peut-être, mais je pense que, entre-temps, on cherche encore une formule qui prendra la place. Je ne suis pas sûr qu'on l'ait atteinte tout à fait. C'est peut-être une opinion personnelle.

M. Picotte: Êtes-vous satisfait ou non de cette situation qui existe dans la formation?

M. Bélanger: Non, on n'est pas satisfait actuellement. Si on considère qu'il y a 14% de ceux qui s'embarquent en agriculture qui ont une formation adéquate, il y a certainement beaucoup à faire. Est-ce que ce doit être uniquement le ministère de l'Agriculture? Est-ce que ce doit être uniquement le ministère de l'Éducation ou les deux qui oeuvrent à ce niveau-là? Probablement.

M. Picotte: Merci pour votre mémoire. On a pu avoir un échange de vues assez enrichissant.

M. Bélanger: Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci. Je vais

d'abord remercier l'Ordre des agronomes pour avoir présenté ce mémoire qui soulève, quand même, plusieurs interrogations et qui aidera certainement la commission parlementaire à formuler nos recommandations au gouvernement.

Vous dites, dans votre mémoire, que les modes traditionnels d'achat, de transfert et de financement des entreprises agricoles ont besoin actuellement d'un rajeunissement, si vous voulez me passer l'expression. Vous soulignez également que, dans la consultation du gouvernement, il y a trois points particuliers, soit la relève, le financement et l'endettement. Si vous aviez eu plus de temps pour préparer votre mémoire, vous auriez sans doute précisé davantage.

Je vais essayer de vous donner la chance de le faire ici, si vous en êtes capables, en commençant par le premier thème, soit la relève comme telle et le financement. Vous dites qu'aux États-Unis et en Europe il semble y avoir plus de ressources; on semble être plus avancé que nous pour l'aide à la relève agricole et au niveau du financement pour l'acquisition d'entreprises. Pournez-vous expliquer un peu les méthodes qui diffèrent des nôtres, soit aux États-Unis ou en Europe? Quelle différence y a-t-il entre leurs méthodes et la nôtre? Qu'est-ce qui est plus avantageux? (17 heures)

M. Lusignan: En partant, il n'y a pas de solution miracle, sauf qu'il y aurait peut-être des idées intéressantes. En Europe, on fonctionne beaucoup par voie de location. Les prix à l'arpent ou à l'acre sont déjà limités, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas louer plus cher. Le problème qu'ils ont eu, c'est que les baux étaient devenus un marché spéculatif. Le problème de fond, le danger, peu importe la méthode, je crois, c'est que toutes les fois qu'on va créer un avantage, c'est-à-dire qu'on va diminuer le coût ou le prix de vente, toutes les fois qu'on ouvre une porte, on dirait que les producteurs veulent toujours en profiter au maximum. Si on permet des coûts plus bas, donc en ayant des coûts de location gelés, ou si on a des taux supérieurs, des montants... Par exemple, si on pouvait emprunter à un taux de 4%, qui, finalement, peut en bénéficier? J'ai l'impression que le problème de fond, c'est qu'on tourne toujours autour de cette fameuse question. J'ai l'impression que la seule façon de bloquer cela, parce qu'il y a une relation directe entre les taux subventionnés et la valeur des biens, c'est que plus on va subventionner, plus on va créer de l'inflation au niveau agricole, de sorte que, selon moi, on ne réglera aucun problème.

Le dilemme, c'est d'essayer de geler l'inflation tout en permettant la rentabilité. On dirait que, même si on veut en régler un, l'autre suit tout le temps. Un des moyens, ce pourrait être de s'assurer, simplement au niveau des politiques des crédits, qu'on prévoie un solde pour expansion obligatoire plus élevé, dans le sens qu'on dirait que 10% des revenus bruts de l'entreprise ne doivent pas être utilisés pendant X années ou créer des fonds. Le but, c'est parce que toutes les fois qu'on donne des politiques avantageuses, peu importe ce que c'est, automatiquement le vendeur, souvent le père, va dire: D'accord, si ta capacité de remboursement est plus haute parce que cela coûte moins cher, donc je vais te vendre plus cher. Finalement, l'argent va tout simplement sortir de l'agriculture pour s'en aller dans les banques. La seule façon d'empêcher cela, c'est précisément de jouer sur la capacité de remboursement pour que le vendeur n'ait plus ce choix, pour arrêter cet effet inflationniste occasionné par les subventions.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce que ce sont des formules appliquées en Europe ou aux États-Unis?

M. Lusignan: Oui.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce qu'elles sont appliquées présentement?

M. Lusignan: En Europe, une très grande partie de l'agriculture est fondée sur des baux de location. Souvent, les gens de la ville sont propriétaires et ce qu'ils reçoivent, ce sont des revenus à même le loyer, sauf que les revenus de loyer sont gelés par l'État, c'est-à-dire qu'il y a un prix gelé. Le problème, on ne peut pas dire que leur solution est meilleure parce que ce sont les baux qui se vendent.

M. Baril (Arthabaska): Je me souviens -cela a pu être corrigé - en 1978, je suis allé en France et je parlais avec quelqu'un de là-bas, évidemment, qui disait que la location des fermes avait comme conséquence néfaste que les locataires étaient moins intéressés à maintenir la valeur de la ferme. Ils investissaient moins dans les bâtiments et dans le sol parce que ce n'était pas à eux.

M. Lusignan: J'ai l'impression que c'est probablement une question de durée des baux. Si vous avez des baux de trois ans, j'ai l'impression que vous n'aurez pas le goût de faire des améliorations importantes parce que vous vous dites que vous n'aurez jamais un rendement sur votre capital investi. Si on signe des baux de 20 ans ou de 10 ans, j'ai l'impression que cela vaut la peine de drainer pour s'assurer qu'on va avoir des bons rendements. Pourquoi? Parce que les revenus vont justifier les investissements.

M. Baril (Arthabaska): Concernant le taux d'endettement, le problème de

l'endettement des agriculteurs, il peut y avoir toutes sortes de raisons. On parle de différentes façons d'ouvrir davantage le crédit. Ce matin, je ne sais pas si c'est avec les représentants de l'Union des producteurs agricoles ou les notaires, on disait, entre autres, qu'à l'office les conseillers en gestion n'étaient peut-être pas tout à fait formés ou assez bien formés pour répondre aux besoins des agriculteurs afin d'élaborer la planification de leur projet. Croyez-vous que dans les entreprises privées actuellement, si on recule de quelques années, cette formation est adéquate? On sait que beaucoup d'agriculteurs, entre autres concernant le prêt d'amélioration de la ferme, n'ont qu'à aller voir leur banquier et vont donner en garantie ce qu'ils vont acheter. Je pense que c'est probablement une faiblesse de certains agriculteurs d'avoir acheté peut-être sans avoir trop planifié. J'aimerais vous entendre sur ce point-là.

M. Lusignan: D'accord. Je pense que vous venez de toucher exactement un gros problème. Le problème de fond, c'est une mentalité à laquelle on doit s'attaquer. Pourquoi? Supposons que vous avez l'opportunité d'emprunter, demain matin, 100 000 $, que vous avez des facilités de crédit qui sont en place et tout cela. Du fait que c'est subventionné, vous décidez d'y aller au maximum, mais cependant vous n'en avez pas besoin. C'est le gros problème. Si on a un taux de 8% qui serait de 5% et que tu décides tout simplement d'investir davantage parce que le taux est plus bas, mais que tu investis dans des choses qui sont non rentables, les 5% sont trop cher. Mais le problème, d'après moi, c'est une question de mentalité. C'est beaucoup plus qu'un problème en tant que tel d'organisation de crédit; si le crédit est bas, c'est fantastique, c'est donc pour aider ceux qui en ont besoin. Mais si c'est utilisé à mauvais escient, le problème, c'est d'abord et avant tout l'agriculteur qui prend cette décision. Évidemment, ce sont les gens qui encadrent aussi l'agriculteur. L'avènement des syndicats de gestion a aidé beaucoup, mais, il ne faut pas se le cacher, ce n'est encore qu'une partie des agriculteurs. Les autres ne veulent pas se casser la tête: J'ai besoin d'un tracteur, bon.

Mais le problème de fond, c'est l'aspect gestion, qui est plus ou moins développé chez nos producteurs, dont la formation. C'est pour cela que si les gens commencent à penser gestion, automatiquement, cela devrait être une des choses qui devraient être éliminées. Je trouve cela bizarre, parce que je ne trouve pas cela logique que ce soit l'État ou tous les organismes qui disent tout le temps quoi faire à l'agriculteur. Si, à un moment donné, on disait à l'office: Vous prêtez, mais vous allez tout le temps suivre, pendant cinq ou dix ans, tout ce que l'agriculteur va faire, cela veut donc dire que l'agriculteur, ce n'est pas un homme d'affaires, ce n'est pas un "businessman". Le problème de fond, c'est une question de mentalité, d'après moi. La seule façon, d'après moi, pour enrayer ces problèmes dans l'avenir, c'est la formation qui devrait être exigée au niveau de tous ceux qui vont venir après.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez parlé d'un problème de gestion. Je pense que tout le monde le reconnaît. Mais si on se met dans la peau d'un agriculteur, aujourd'hui... Je me suis fait une liste tout à l'heure, je suis certain que j'en ai oublié, de personnes qui conseillent l'agriculteur. Tu as l'agronome local, le banquier, le gars de l'office, le meunier, les compagnies privées, le syndicat de gestion et je suis certain que j'en ai oublié; il y a le vendeur de machinerie, le voisin, rnercil

J'aimerais connaître votre réaction là-dessus. À un moment donné, l'agriculteur se fie à tout ce monde-là et il vient un temps où il dit: Qui a raison dans tout cela? Pensez-vous qu'il n'y a pas un malaise au niveau des conseils qu'on peut fournir à l'agriculteur?

M. Bélanger: Je pense que l'agriculteur doit quand même avoir une certaine autonomie aussi. Maintenant, je peux vous dire, par expérience, qu'il ne suit pas toujours les conseils de tout ce monde.

M. Baril (Arthabaska): Oui, oui. Remarquez bien que, si je dis cela, ce n'est pas parce que je veux dévaloriser l'intelligence de l'agriculteur.

M. Picotte: Parce que ce sont des conseils, il n'est pas obligé de les suivre.

M. Baril (Arthabaska): Ce sont des conseils, mais, quand même, le jeune, entre autres, qui n'a pas l'expérience d'un agriculteur qui l'est depuis quelques années, à un moment donné, il a tout ce paquet de conseillers qui arrivent autour de lui; qu'est-ce qu'il choisit? Concrètement, je comprends que ce n'est pas tout le monde qui les écoute, mais ne pensez-vous pas que c'est une lacune ou un problème à ce niveau ou si cela va bien comme cela?

M. Lusignan: II y a deux choses qu'il faut bien comprendre. C'est que, si l'on veut donner du bon service, il faut être spécialisé dans notre domaine. Cela est une vérité. Parce que les gens qui connaissent un petit peu de tout, ce sont les pires. C'est très dangereux. Pourquoi? Parce que tu dépasses, à un moment donné, ton encadrement. Sauf que la solution à ce que vous venez de

mentionner, c'est simplement quelqu'un qui est capable de vous diriger vers les personnes compétentes. C'est pour cela que le conseiller en gestion, en tant que tel, ou l'agronome local est censé vous diriger lorsque vous avez un problème précis et dire: Je ne suis pas capable de répondre à cela. Cela prend donc quelqu'un, aujourd'hui, qui est capable de vous suivre. Autrement dit, cela prend un bras droit, quelqu'un de confiance qui va vous diriger vers tous ces intervenants. Autrement dit, on est rendu avec un mal nécessaire. La seule solution, en fait, c'est d'avoir quelqu'un en qui on a confiance qui va nous diriger vers les bonnes personnes.

Le Président (M. Vallières): Je m'excuse auprès des intervenants, c'est intéressant. Par ailleurs, Je temps réservé à l'Ordre des agronomes est...

M. Baril (Arthabaska): Ma question la plus importante!

Le Président (M. Vallières):... terminé. Il me reste à vous remercier de votre participation et de la présentation de votre mémoire.

J'inviterais maintenant les représentants du Collège Macdonald à s'avancer. Je prierais M. Marcel Couture de bien vouloir nous présenter sa délégation, de même que son mémoire en tentant, lui aussi, de limiter la présentation du mémoire aux 20 minutes qui lui sont allouées.

Collège Macdonald

M. Couture (Marcel): Parfait. Merci. À ma gauche, je présente le Dr Angus MacKenzie, notre vice-doyen à la recherche à la faculté et, à ma droite, M. Garth Coffin, directeur du département d'agroéconomie.

En débutant, je voudrais remercier tous les membres de la commission de nous avoir donné l'opportunité d'être ici aujourd'hui. J'ai apporté quelques copies additionnelles de notre mémoire; je ne sais pas si chacun en a une copie ou si je devrais en distribuer. Cela va-t-il?

Le Président (M. Vallières): Nous avons déjà des copies en main.

M. Couture: Merci. Ce qu'on me dit, c'est que je vais présenter notre mémoire; cela devrait durer à peu près quatorze ou quinze minutes et après, c'est la période de questions. Est-ce bien cela?

Le Président (M. Vallières): C'est cela. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire.

M. Couture: Parfait, merci. En débutant, je voudrais mentionner quelques faits sur la situation financière des fermes québécoises. L'avoir net moyen des producteurs québécois est le plus faible au pays. Il a chuté de 80% en 1981 à 75% en janvier 1984. L'équité du tiers inférieur des fermes est de moins de 74%, le plus bas au pays. Cela veut dire que ces fermes québécoises ont le taux d'endettement le plus élevé au Canada, les rendant très vulnérables aux hausses de taux d'intérêt. Le taux d'endettement moyen des fermes constituant le tiers des plus endettées des entreprises agricoles québécoises est de 177 000 $. En conditions normales c'est-à-dire aucune protection et taux d'intérêt flottant, une augmentation du taux d'intérêt de 2% signifierait une hausse de paiement de 3450 $ par année.

Basé sur une enquête réalisée récemment par la Société du crédit agricole dans plusieurs provinces, l'endettement moyen par ferme est plus élevé que l'investissement moyen. On en conclut que les agriculteurs empruntent de plus en plus pour payer leurs vieux emprunts ou qu'ils vivent des montants empruntés. De plus, d'après la même enquête, 7000 agriculteurs québécois sont présentement en difficulté financière. Dans les trois cas, tout indique que les agriculteurs ont des problèmes de liquidités. À cause du niveau plus élevé des taux d'intérêt au cours des quelques dernières années, le passif à court terme des agriculteurs, dû surtout au paiement d'intérêts plus élevés, dépasse les actifs à court terme, une situation qui augmente de beaucoup les risques financiers et les problèmes de liquidités.

Dans le groupe des fermes québécoises possédant le plus faible avoir net, le revenu hors ferme s'est accru à un rythme parmi les plus rapides au Canada. Ceci indique que ces agriculteurs ont besoin de travail hors ferme pour améliorer leur niveau de vie et parfois même pour continuer d'exploiter la ferme. Les effets de cette situation sont mal connus, mais il pourrait en résulter une agriculture à temps partiel, peu efficace au Québec. (17 h 15)

La grande majorité des problèmes financiers de l'industrie agricole sont étroitement reliés aux conditions économiques et aux politiques gouvernementales des années soixante-dix. Durant la majeure partie de cette décennie, la valeur des immobilisations en agriculture, c'est-à-dire le fonds de terre surtout, s'est accrue à un rythme beaucoup plus rapide que le taux d'inflation général et que les taux d'intérêt. Avec, par exemple, un taux d'intérêt de 8% et un taux d'inflation du prix des terres de 16%, nous avions donc un taux d'intérêt négatif. Il devenait alors très profitable, à

court terme, d'emprunter de plus en plus d'argent. Cette situation exceptionnelle ne pouvait durer bien longtemps, mais bien peu de gens, incluant les emprunteurs, les agriculteurs et les prêteurs, banques et gouvernements, ne voulaient l'admettre.

Les subsides et les garanties de prêts consentis par les gouvernements envenimaient encore plus la situation. À la fin des années soixante-dix, la plupart des fermes étaient fortement hypothéquées. Par la suite, la hausse vertigineuse des taux d'intérêt ravagea les agriculteurs, particulièrement les nouveaux arrivés. Au cours des dernières années, la stabilité ou la baisse du prix des terres a porté un autre coût dur en érodant, au Canada, des milliards de dollars de l'avoir net des agriculteurs.

Tel que mentionné auparavant, les plus touchés par les problèmes financiers sont, comme de raison, les jeunes agriculteurs. Ces jeunes sont souvent parmi les meilleurs et on peut leur attribuer plus de 50% de la production agricole. Pour plusieurs, la seule issue est de laisser la profession agricole comme le reflète actuellement le grand nombre de faillites et de ventes de fermes. Plusieurs autres continueront avec un lourd fardeau de dettes pour les années à venir portant ainsi un carcan qui les empêche de s'adapter rapidement aux conditions changeantes des marchés. Dans les deux cas, l'industrie agricole ne pourra obtenir une pleine contribution de ces agriculteurs énergiques et progressifs.

Les solutions. Sortir l'agriculture québécoise de ses problèmes financiers ne sera pas une sinécure. Dans plusieurs cas, il faudra des années pour rétablir un équilibre plus sain entre la dette, l'avoir net et les liquidités. L'amélioration des marchés et des prix représente le meilleur espoir de redressement rapide de la situation, mais il s'agit d'un domaine où nous avons bien peu de contrôle. Même si les programmes d'assistance sont justifiables en cas d'urgence en vue de réduire le fardeau relié aux ajustements nécessaires, l'emphase principale devrait porter sur des efforts à long terme pour empêcher une répétition de la situation présente. À ce sujet, les gouvernements peuvent agir à plusieurs niveaux.

Programmes liés au financement agricole. Les subventions reliées aux taux d'intérêt font depuis longtemps partie des programmes de crédits agricoles offerts par les gouvernements. Tout en apportant une aide financière aux agriculteurs en difficultés financières, ce programme en incite d'autres à partir en production agricole ou à augmenter leur production, ce qui était le but original de la subvention. Au début, ce programme a probablement aidé plusieurs agriculteurs cherchant à agrandir leur entreprise pour la rendre plus efficace dans le contexte de la mécanisation à grande échelle de l'agriculture. Cependant, cette phase du développement de l'agriculture est maintenant révolue et nous devons nous interroger sur la valeur des subventions sur les taux d'intérêt du crédit agricole en vue du risque encouru par les producteurs qui débutent en agriculture ou qui augmentent leur production au mauvais moment.

II serait beaucoup plus avantageux pour l'agriculteur de stabiliser les taux d'intérêt, en termes réels, pour correspondre aux changements inflationnaires ou déflationnaires de la valeur des biens et d'introduire des programmes de remboursement flexibles qui prendraient en considération la volatilité des marchés agricoles. La stabilité des taux d'intérêt réels pourrait être obtenue en ajustant ceux-ci au taux d'inflation. Ceci rendrait les programmes de crédit moins sensibles aux sautes d'humeur du marché, tout en contribuant au maintien d'un climat plus stable pour les investissements en évitant les effets dévastateurs d'une hausse des taux d'intérêt ou d'une baisse de valeur des biens. Les programmes de remboursement flexibles sont nécessaires pour qu'ils correspondent aux variations de liquidités causées par l'instabilité des marchés agricoles.

Autres programmes gouvernementaux: développement de la production. Les gouvernements doivent faire preuve d'extrême prudence dans l'implantation de programmes destinés à encourager le développement de certains types de production. Comme exemple, pour ceux qui mettent en place ces politiques, les programmes actuels visant à accroître la production de boeuf québécois peuvent sembler une bonne façon de détourner des ressources de la production laitière vers une production où le Québec n'est pas encore autosuffisant.

Du point de vue du producteur, la possibilité d'obtenir une subvention de plusieurs milliers de dollars pour partir une entreprise qui demande probablement moins de travail est très alléchante. Le producteur peut penser que, si le gouvernement est prêt à investir tout cet argent dans un secteur, ce dernier doit être très important. Les risques doivent donc être minimes et le gouvernement doit sûrement être prêt à soutenir ce secteur. Ainsi, le producteur emprunte les sommes importantes nécessaires à son établissement et au fonctionnement d'un parc d'engraissement de boeufs sans réaliser que la demande pour le boeuf baisse et que les prix n'ont que rarement excédé les coûts de production au cours des dernières années. Malgré tout cet argent gratuit et malgré les subsides sur les prêts, ces producteurs peuvent très bien en venir à la conclusion qu'ils ont reçu juste assez d'aide pour s'endetter jusqu'au cou, mais pas assez pour établir une entreprise viable.

Si les responsables des politiques gouvernementales croient que ces programmes incitatifs sont judicieux, ils devraient au moins s'assurer qu'il existe une bonne possibilité de faire des profits dans les productions visées.

Stabilisation des revenus. Les programmes qui tendent à stabiliser les revenus des agriculteurs sans trop grever les contribuables sont utiles. À ce niveau, les programmes auxquels les producteurs contribuent en payant des primes, comme ceux qui existent actuellement au Québec, sont très avantageux pour autant qu'ils représentent assez fidèlement la réalité. Il faut encore une fois rappeler que les prix payés ne devraient pas être placés à un niveau tel qu'ils constitueraient une incitation à produire une denrée qui se vend mal. Bien que le développement de ces programmes se fasse au niveau provincial dans certaines provinces seulement, il apparaît avantageux de les harmoniser autant que possible au niveau national.

La recherche. Une bonne planification des orientations politiques futures doit s'appuyer sur des hypothèses et, si possible, sur des faits dont les probabilités d'erreurs ont été amenuisées, Le meilleur moyen de réduire ces risques d'erreurs consiste à prendre les décisions une fois que nous avons assemblé toutes les informations nécessaires et à analyser les différentes alternatives possibles.

C'est, d'une manière simplifiée, ces outils de décision que représente la recherche - accumulation de données - et le développement - mise au point technique. Si les innovations sont mises au point sous d'autres cieux, nombre d'entre elles, surtout en agriculture, se révèlent impraticables au Québec.

Transfert de technologie. Découlant du sujet traité ci-haut, nous devons nous rappeler que la recherche elle-même n'est pas le but, mais bien l'outil. Donc, il faut s'assurer que les résultats de la recherche seront diffusés afin d'augmenter la productivité de l'industrie agro-alimentaire. Afin de réussir cela, il est impératif que les facultés d'agriculture soient impliquées dans le réseau de transfert de technologie. À cette fin, des fonds considérables devront être consacrés à l'expansion.

Nous recommandons donc que le Québec adopte un système semblable à celui qui existe dans plusieurs États américains comme, par exemple, dans l'État de New York. À l'Université Cornell, il y a plusieurs agronomes payés par l'État qui sont employés à temps plein et qui diffusent les résultats de la recherche aux agriculteurs, à l'industrie privée et aux professionnels. Il existe dans cet État une véritable concertation entre tous les intervenants. Même les agriculteurs sont impliqués dans la prise de décision en ce qui concerne les programmes de développement.

Nous devons aussi étudier de près le modèle que l'on retrouve en France, par exemple, où les producteurs, les chercheurs, l'industrie agro-alimentaire et le réseau de l'extension, tous ensemble, favorisent en priorité les projets de recherche et soumettent le résultat de leurs délibérations aux instances gouvernementales. Le mandat des universités dans ce domaine devrait être précis et soutenu par l'assistance financière requise. Présentement, le MAPAQ ne destine aucune somme aux universités à cette fin et ceci est une carence évidente.

L'éducation. Nous ne pouvons pas nous empêcher de noter qu'au Québec, malgré l'importance que l'on a attachée à la formation agricole, les résultats sont très décevants. La classe agricole continue à dire que l'agriculture n'est pas un métier mais une profession. On dit que c'est varié, même très complexe. L'agriculteur doit être un ingénieur, un vacher, un entrepreneur, un plombier. Il doit être ferré en comptabilité afin de comprendre la législation qui concerne l'impôt, les droits de succession, les transferts de fermes. Il doit être mécanicien, commis, spécialiste de l'environnement et le reste. On lui met en main une entreprise valant plusieurs centaines de milliers de dollars, avec des machines valant au-delà de 100 000 $, des marges de crédit de plusieurs centaines de milliers de dollars et on ne le prépare pas. D'ailleurs, monsieur faisait tout à l'heure des commentaires là-dessus.

Partout ailleurs, on demande une carte de compétence, que ce soit pour exercer la profession de menuisier, machiniste, électricien ou autre profession. Personne n'oserait remettre entre les mains d'une secrétaire ou d'un commis une machine à écrire qui vaut moins de 2000 $ sans insister sur le fait qu'elle ait reçu une formation dans le domaine. Cette formation dure dans certains cas plus de deux ans. Personne n'oserait non plus mettre un illetré devant un micro-ordinateur. L'on requiert une formation allant jusqu'au DEC du cégep afin d'accomplir cette tâche.

Nous savons que près de 92% - c'est peut-être 88%, donc de 88% à 92% - de nos exploitants qui prennent la relève n'ont aucune formation agricole. C'est une aberration incroyable et inacceptable.

Nous croyons que le gouvernement du Québec ainsi que toute la classe agricole doit se pencher sur ce problème. Nous nous demandons pourquoi les agriculteurs acceptent d'envoyer leurs enfants à l'extérieur lorsqu'ils veulent devenir agronomes, curés, comptables etc., mais, pour former des chefs d'entreprises agricoles, ils croient que leurs enfants devraient avoir accès à des établissements où l'on dispense la formation agricole sur le perron de la

demeure familiale ou, comme on dit souvent, près, sur le tas.

Nous croyons que nous vivons une multiplication injustifiée d'établissements où l'on dispense cette formation. Nous croyons fermement que nous devrions consolider ce que l'on a, c'est-à-dire nos deux facultés, les deux ITA, avant de procéder à la multiplication des options agricoles au niveau des cégeps que nous vivons présentement. Les conséquences ne peuvent être autre que de diluer la qualité de la formation qui est offerte.

Nous devons donc accorder une priorité à l'éducation et à la formation, mais nous devons tenir compte des réalités agricoles. Donc, l'information de base doit être offerte au niveau des universités et des instituts de technologie agricole et seulement dans quelques cégeps.

La formation continue, elle, devrait être offerte en région. Cette formation sera ponctuelle et répondra aux besoins locaux et régionaux. Les facultées et les ITA qui sont à la fine pointe de la recherche participeraient à l'alimentation du réseau et dispenseraient de la formation régionale et locale.

Motivation et mesures incitatives à la formation agricole. Nous nous posons la question: Devrons-nous développer des mesures incitatives afin de renforcer la valeur d'une formation agricole? Ceux-ci pourraient prendre la forme suivante: Banque de main-d'oeuvre où le père pourrait puiser lorsque l'enfant doit s'absenter pour acquérir une formation agricole.

Le crédit agricole ne serait pas dispensé si le futur agriculteur n'avait pas d'expérience agricole et de formation agricole. Le risque d'échec étant tout simplement trop grand. L'État est responsable de ne pas gaspiller des deniers publics comme nous le voyons trop souvent.

Les primes à l'établissement et autres mesures incitatives à la production seraient liées à un encadrement technique poussé où la formation serait un prérequis. Par exemple, le futur exploitant devrait faire une comptabilité agricole, utiliser des programmes tels que l'analyse des sols, analyse des aliments, le PATLQ et beaucoup d'autres; sinon, il n'aurait pas droit à ces subventions. Nous nous devons d'encourager la productivité et non la médiocrité.

Lorsque formée, la relève agricole recevrait un encadrement technique accru. Il est inutile de garrocher des fonds à des personnes non formées. Il serait beaucoup préférable de consacrer ces fonds à leur formation de base. S'ils sont bien formés, ces jeunes sauront utiliser les outils à leur disposition et ceci contribuera à assurer leur réussite. Ils pourront ainsi continuer d'acquérir une formation continue par la suite dans leur milieu. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. Demande d'intervention de ta part des députés. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Messieurs de la faculté d'agriculture du Collège Macdonald, je voudrais vous remercier pour la présentation de ce mémoire.

On behalf of the Official Opposition, I would like to thank you for presenting this brief to us and you can be assured that it will be a useful tool for us. (17 h 30)

Vous avez soulevé plusieurs points, vous avez fait plusieurs commentaires également. Cela m'amène à poser quelques questions évidemment. La première serait au niveau de la suggestion de remboursement flexible. Pourriez-vous m'expliquer sur quelle base cela pourrait fonctionner? Cela devrait-il être annuel ou à tous les deux ans? Sur le plan administratif, ne croyez-vous pas que cela serait lourd? À quel rythme pourrait-on faire fluctuer les taux d'intérêt sans que ce soit aussi discriminatoire envers d'autres genres de production? Certains agriculteurs pourraient dire: Ma production est aussi difficile que celle du voisin. J'ai autant de difficulté financière, mais un comité a décidé de baisser le taux d'intérêt ou de faire fluctuer le taux d'intérêt pour une certaine production plutôt qu'une autre. Je ne sais pas comment cela pourrait s'adapter à la situation présente qu'on vit au Québec. Est-ce que vous pourriez donner quelques renseignements là-dessus?

M. Coffin (Garth): Je n'ai pas de réponse exacte pour cela. C'est une idée discutée dans les autres groupes, suggérée par un monsieur de la Société du crédit agricole. Donc, il y a quelques possibilités de développer ou d'implanter un programme politique de cette sorte. Le problème, c'est que, pendant plusieurs années, le taux d'intérêt payé par les agriculteurs était assez stable, même si les prix des produits sur le marché étaient très variables, mais, depuis quelques années, avec les deux sources de variation, dans le coût et dans le prix de production, ce n'est pas possible de planifier les emprunts et l'endettement de manière très prudente. Il serait possible de stabiliser un peu le taux d'intérêt ou de le rendre plus en rapport avec les revenus agricoles. Cela peut réduire un peu les pressions, les problèmes financiers dans l'agriculture. À mon avis, c'est possible de le faire. Ce n'est pas la seule méthode pour régler le problème. Ce n'est pas la réponse à tous les aspects des problèmes, mais, pour ceux qui ont le plus de problèmes financiers, cela peut être un aspect de la solution.

M. Dubois: Dans un autre ordre d'idées, vous avez indiqué, è un certain endroit de

votre mémoire: "II faut, encore une fois, rappeler que les prix payés ne devraient pas être placés à un niveau tel qu'ils constitueraient une incitation à produire une denrée qui se vend mal. " Je pense qu'on doit constater aujourd'hui qu'il y a plusieurs denrées qui se vendent mat, de là le problème que vit actuellement une bonne partie des agriculteurs du Québec. Je pense qu'on en est rendu au point de se demander dans quelle production on devrait aller pour que ce soit vraiment rentable, quand on regarde les marchés qui sont saturés comme celui du lait où on ne peut pas augmenter le nombre de producteurs. On a même de la difficulté à y faire pénétrer la relève agricole. Nous regardons les oeufs où il y a un contrôle. Il y a une centaine de personnes au Québec qui détiennent des droits de produire si on les prend du côté des compagnies ou des individus, où il en coûte 28 $ pour une poule pondeuse ou à peu près. C'est impossible pour la relève de pénétrer là. Pour le lait, cela coûte environ... Cela coûte très cher et cela prend environ neuf ans pour payer un quota de lait, selon certaines études.

Si on regarde l'ensemble des productions, je suis bien d'accord avec vous que, si toutes les productions sont massivement appuyées, soit par l'assurance-stabilisation ou des subventions d'autres formes... Mais, un bon jour, on se pose la question: Est-ce que l'agriculture est viable au Québec? Assurément, si on veut la conserver, il faut faire quelque chose. Je pense qu'on n'a pas d'autres choix que celui d'appuyer certaines productions agricoles au Québec, mais on s'aperçoit aujourd'hui que, même si elles sont appuyées à 20%, 25% ou 30% de leur valeur marchande, le producteur ne réussit pas encore à vivre. Est-ce qu'on doit aller plus loin? C'est une question que plusieurs se posent. La réponse n'est peut-être pas facile, mais quel est votre point de vue quand vous nous indiquez qu'il faudrait peut-être arrêter, à un certain niveau, l'appui par le biais de l'assurance-stabilisation ou autres formes à une production qui se vend mal? J'aimerais avoir un peu plus d'explications à ce niveau.

M. Coffin: Il n'y a pas de doute que les prévisions actuelles ne sont pas tellement encourageantes pour le développement agricole, pas seulement au Québec, mais partout au Canada et même en Amérique du Nord. Les marchés sont faibles. Les demandes sont faibles. Les prix sont bas par rapport au coût de production et les gouvernements des autres juridictions politiques, par exemple aux États-Unis, discutent de la possibilité de réduire leur budget agricole. Donc, ce n'est pas le temps pour le développement ou l'agrandissement agricole. C'est le temps de consolider peut- être, pour rendre plus efficace ce qu'on a déjà, pour réorganiser un peu, pour prendre des mesures pour empêcher dans l'avenir la répétition des mêmes problèmes. Tout peut changer rapidement avec une mauvaise récolte l'an prochain, mats, pour Je moment, il n'y a pas de sorte de production vraiment encourageante du point de vue des profits dans l'agriculture, sauf peut-être la possibilité des légumes, mais ce n'est pas une grande production ici.

M. Dubois: Vous avez soulevé un autre point que je considère très important. Il s'agit du transfert de la technologie. Vous avez souligné le manque d'appui financier offert par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec aux universités qui pourraient faire ce transfert de technologie. Vous avez fait état de la situation dans l'État de New York. Je pense que, lors d'une rencontre précédente, il y a quelques mois, vous aviez aussi souligné ce fait. Malheureusement, jusqu'à maintenant, on n'a pas eu de développement sur le plan politique en agriculture afin que le transfert de la technologie soit fait. J'en ai eu un exemple frappant hier. Un producteur d'asperges m'a dit: il n'existe que du Mary Washington tandis qu'il y a des variétés qui viennent de l'Europe, particulièrement de l'Allemagne, qui seraient beaucoup plus productives. Il n'y a qu'une personne au Québec qui savait ça et cette personne-là n'a peut-être pas fourni l'information aux producteurs d'asperges. Cela peut s'adapter dans plusieurs récoltes. Je n'en souligne qu'une. Ce n'est certainement pas la plus importante sur le plan du revenu en dollars, mais il reste quand même qu'on est tellement déficient dans ce domaine-là. Il manque le transfert de la technologie, c'est sûr.

Est-ce que des demandes d'aide financière ont été formulées au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation depuis longtemps et répondraient à ce point de vue que vous soulevez? Est-ce que le ministre a déjà reçu une demande de votre part ou des autres de l'ITA, par exemple, de La Pocatière, de Saint-Hyacinthe, ou de l'Université Laval afin que le développement se fasse d'une façon plus rapide?

M. Couture: Je voudrais faire au moins trois ou quatre commentaires sur ça. Durant les années soixante-dix, on a vécu une période où c'était très important de faire de la gestion. C'était le mot d'ordre. Durant les années soixante-dix, par exemple, au pays, la Société du crédit agricole avait ce qu'on appelait les prêts surveillés. Si un jeune producteur voulait un emprunt, il était surveillé, on l'incitait à faire de la gestion, à faire une bonne comptabilité. Si on

retourne en arrière, peut-être que les années ont changé, on réalise ça, on voit que tous ces jeunes agriculteurs qui avaient des prêts surveillés durant les années soixante-dix sont de bons producteurs aujourd'hui. Ça fonctionne; ce sont des gars qui sont allés chercher le transfert de technologie.

Deuxièmement, durant les années soixante-dix encore, l'inflation, les subventions, la production, on s'est préoccupé presque totalement de production sans se faire d'idée sur la productivité, sur l'efficacité. Ce n'était plus le mot d'ordre de faire de la gestion ou de la comptabilité. On a abandonné Canfarm - il s'en fait un petit peu encore, mais presque pas - ce n'était plus important. L'inflation nous enrichissait.

Tout à coup, depuis une dizaines d'années, je trouve, au niveau du développement, il s'en fait vraiment très peu. On a poussé la production; on a donné des subventions au niveau de la production, mais pas de transfert de technologie.

Dernièrement, je visitais un jeune couple qui est encarcané présentement avec un prêt agricole de 230 000 $. Ils ne savaient pas ce qu'avaient l'air un bilan et un état de liquidité et ne savaient même pas que leur paiement semi-annuel était composé de principal et d'intérêts. Je vous assure qu'on ne devrait pas se demander pourquoi ces gens-là ont de la difficulté financière.

Réalisant ça, ça discute beaucoup au niveau de l'Ordre des agronomes depuis quelques années. Cet été, on a eu un colloque sur l'extension où tout ça a été discuté. Autant que je sache, il n'y a pas eu de résultat encore là-dessus.

M. Dubois: Sur un autre sujet qui est quand même relié à cette question-là, et ce sera la dernière question que je soulèverai, M. le Président. Vous parlez de carte de compétence. Vous indiquez qu'on demande une carte de compétence dans plusieurs domaines professionnels, mais qu'en agriculture on peut se lancer sans connaissance ou presque. Je viens d'une région particulièrement de production horticole. Je ne suis pas entièrement d'accord avec ce qui est écrit. Je m'aperçois que la plupart des fils d'horticulteurs réussissent à un très haut niveau, très bien. Cela peut être la même chose dans l'industrie laitière et on le remarque souvent. Je pense que les fils qui ont été élevés sur une ferme, qui ont travaillé avec leur père, réussissent généralement assez bien.

Pour un nouvel arrivé dans l'agriculture, qui n'a jamais connu ce que c'était pendant les 15, 18 ou 20 dernières années, c'est sûr que cela peut être différent. À ce moment-là, cela prend des connaissances théoriques et la pratique viendra le jour où il travaillera sur une ferme. Si on parle de l'agriculteur qui a des connaissances pratiques, qui est fils d'agriculteur, je pense que le taux de faillite est assez bas dans ce domaine. Je ne peux pas souscrire totalement à ce qu'on ait vraiment l'obligation, pour recevoir un prêt de l'office, de présenter un document qui stipule qu'on a eu les connaissances techniques nécessaires pour oeuvrer sur une ferme.

M. Couture: II faut bien se comprendre là-dessus. N'oubliez pas, quand on dit qu'il y a 7000 producteurs qui sont en difficulté financière dans la province présentement, qu'on ne discute pas des autres 80%. Même que cela va très bien, dans plusieurs cas, très bien merci. On ne parle pas de ceux qui vont bien. On parle de ceux qui ont de ta difficulté. Ceux qui ont de la difficulté, habituellement, ne sont pas ceux qui ont eu la ferme du père qui a commencé avec une équité de 400 000 $, 500 000 $ et 600 000 $. Ceux-là n'auront pas de difficulté de financement s'ils ont eu la ferme et pas de gros emprunts. Lorsqu'on finance des jeunes agriculteurs qui n'ont pas du tout d'équité ou très peu d'équité, on les endette à 80%, 85% et 90% et, dans certains cas, à près de 100%; il y a quelques années, pas aujourd'hui. Des jeunes qui n'avaient pas la formation, c'est bien sûr qu'il y en a quelques-uns qui vont réussir. On voudrait que plusieurs autres réussissent aussi. Je dis que la carte de compétence ne remplacera pas l'expérience. Avant de prêter des grosses sommes d'argent à des jeunes pour s'établir en agriculture, s'ils n'ont pas cette expérience, s'ils n'ont pas la formation et s'ils n'ont pas d'équité, il faut qu'on y pense deux fois.

M. Dubois: Je vous remercie. Je vais laisser l'occasion à mes collègues de poser des questions.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx (Saint-Jean): À peu près dans le même sens que mon collègue, M. Dubois. Un simple détail. Combien y a-t-il d'étudiants chez vous, au Collège Macdonald?

M. Couture: 1175.

M. Proulx (Saint-Jean): Combien y a-t-il de francophones? On dit que le nombre augmente de plus en plus.

M. Couture: M. le vice-doyen pourrait peut-être m'aider à ce sujet.

M. Proulx (Saint-Jean): À peu près?

M. Mackenzie (Angus F. ): Cela dépend du programme. Des sous-gradués, à peu près 60% sont des francophones dans les

programmes d'agriculture. Les sous-gradués, à peu près 60%. Dans les autres programmes, la science des aliments, c'est à peu près 30% ou 40% de francophones. Cela dépend du programme. Au total, c'est 52% de francophones, je crois, au collège.

M. Proulx (Saint-Jean): Est-ce que la majorité de vos étudiants retourne sur le champ, dans le monde agricole, ou si elle va dans d'autres secteurs d'activité? Est-ce que vous comprenez ma question?

M. MacKenzie: Oui.

M. Proulx (Saint-Jean): Est-ce qu'ils s'en vont fonctionnaires, travaillent pour des compagnies ou s'ils retournent sur des fermes?

M. MacKenzie: Une étude a été faite il y a environ dix ans, et je vais y référer. 50% ont suivi des cours. Cela veut dire que le tiers a suivi des études postgraduées et, parmi les deux tiers qui sont demeurés dans le domaine de l'emploi, il y en a eu 50% qui ont suivi les projets avec les gouvernements, soit le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral. Les autres 50% ont fait carrière dans l'industrie et il y a toute une gamme de travaux dans l'industrie. Cela touche toutes sortes de choses. Ceux qui sont retournés sur les fermes n'étaient pas, à cette époque, il y a dix ans, nombreux du tout. Cela veut dire que c'est surtout une formation d'agriculture ou de ferme.

M. Proulx (Saint-Jean): Est-il exact que le nombre de francophones chez vous augmente d'année en année parmi les étudiants ou s'il se stabilise? (17 h 45)

M. MacKenzie: Je crois qu'il a augmenté. Je crois que cela commence à se stabiliser un peu. Je n'ai pas les chiffres exactement, mais, depuis les deux ou trois dernières années, cela est resté à peu près stable.

M. Couture: Je voulais seulement ajouter quelque chose à ce que le Dr MacKenzie disait. Il y a quelque chose qui se passe aux États-Unis et qu'on n'a pas vu au pays encore. Dans les États du Midwest, comme par exemple l'Iowa, près de 30% des gradués au baccalauréat en agriculture aux facultés prennent la relève agricole. Au Québec, c'est le contraire. Au Québec, comme je le disais tout à l'heure, 90% de nos gars qui prennent la relève agricole n'ont aucune formation en agriculture et c'est cela qui nous fait peur parce que cela, c'est notre "compétition". L'agriculture est tellement complexe aujourd'hui. Je crois qu'on devrait, au lieu de souvent ridiculiser une formation agricole, essayer d'éduquer les gens, changer les attitudes et encourager une formation en agriculture. C'est cela, à long terme, le succès de notre agriculture, d'après moi.

M. Proulx (Saint-Jean): M. Couture, vous avez noté, tout a l'heure, un manque de concertation entre le gouvernement, les universités et le monde agricole. Vous faites chez vous de la recherche fondamentale, j'imagine. Il n'y en a qu'une profonde. Donc, vous admettez que c'est un peu un ghetto, les universités. C'est un peu un ghetto, comme d'autres universités. Vous n'êtes pas en contact direct avec ce pourquoi vous travaillez, en fait.

M. Couture: C'est pour cela qu'on dit qu'on devrait inclure les facultés au niveau de l'extension, nous donner les ressources nécessaires et les fonds parce qu'on veut sortir du ghetto. On le réalise, on l'admet.

M. Proulx (Saint-Jean): Ce que vous dites de vos facultés, cela s'applique aussi à d'autres facultés sans doute, que vous connaissez.

Deuxièmement, je voudrais parler des jeunes. Je trouve que vos exigences sont un peu sévères. Je viens du comté de Saint-Jean, donc une région extrêmement agricole, Saint-Jean, Iberville, Laprairie, la même région que M. Dubois, toute la rive sud, donc une des plus belles régions au point de vue agricole, toutes les cultures. On a donné des cours dans une école polyvalente secondaire sur la gestion agricole. On a suspendu les cours parce qu'il n'y avait pas assez d'étudiants qui y étaient inscrits. Il y a beaucoup d'enfants de cultivateurs, de producteurs agricoles, dans les polyvalentes de Saint-Jean et d'Iberville. Ils ont laissé tomber le cours parce qu'il n'y avait pas de demande. Je vous dis cela pour votre information.

Deuxièmement, j'ai fait inscrire au cégep de Saint-Jean des cours en gestion agricole. Il y a quelques cégeps qui ont des cours en gestion agricole. À Saint-Jean, chez nous, on avait l'école des contrôleurs aériens et différentes options, dont la gestion agricole. Ces cours sont assez populaires. Ils ont une soixantaine d'étudiants. Disons qu'au niveau du cégep, je pense, on répond un peu à vos interrogations, M. Couture. Admettez-vous cela? Oui?

M. Couture: Oui.

M. Proulx (Saint-Jean): Il y a une certaine formation au niveau du cégep. Au niveau secondaire, je ne peux pas parler pour tout le Québec, mais chez nous cela n'a pas marché.

M. Couture: Je crois qu'on y a mis des

efforts. On ne dit pas qu'on n'en a pas mis, on en a mis; mais les résultats sont très décevants. L'autre jour, à une réunion d'agriculteurs, j'ai posé la question: Pourquoi n'encouragez-vous pas vos jeunes à aller chercher une formation? Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'on croit aujourd'hui que des taux d'intérêt subventionnés, pas chers, vont régler tous les problèmes en agriculture. Moi, je dis que non, c'est à beaucoup plus long terme que cela. Lorsque j'ai posé la question à ce groupe d'agriculteurs, on m'a dit: Je vais vous dire, M. Couture, pourquoi on n'encourage pas nos gars à aller chercher une formation agricole; c'est parce que l'agriculture n'est pas rentable. Donc, je suis prêt à envoyer mon gars aux universités éloignées pour aller chercher une bonne formation pour en faire des agronomes, des curés et des notaires, mais pas en exploitant une ferme parce que l'agriculture, ce n'est pas rentable. Si c'est cela, l'attitude de nos agriculteurs, je crois que c'est le problème auquel il va falloir s'attaquer, auquel nos gouvernements devront s'attaquer.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, j'ai aussi trouvé un peu sévère l'affirmation que vous faites quand vous dites: Nous savons que près de - c'était marqué 92% et vous l'avez corrigé - 88% des exploitants qui prennent la relève n'ont aucune formation agricole. C'est vrai que c'est une aberration, mais ce qui me surprend, selon les chiffres que j'ai, c'est qu'il y a quand même eu une amélioration sensible, parce qu'en 1971 les agriculteurs les plus nombreux se situaient entre 45 ans et 54 ans. En 1981, ils se situaient entre 35 ans et 40 ans. Maintenant, il y a 69% des agriculteurs de moins de 20 ans, des propriétaires, qui ont plus de 11 années de scolarité. Évidemment, il y a 14% des agriculteurs-propriétaires de 55 ans et plus qui ont plus qu'une onzième année de scolarité. Donc, je pense que cela peut être encourageant parce que les rôles ont l'air à être renversés. Mais je suis étonné quand même, comme vous le dites, qu'il y ait 88% des exploitants qui prennent la relève qui n'ont aucune formation agricole. Est-ce dernièrement que ces chiffres ont été pris?

M. Couture: Non. Je parlais à un monsieur de l'UPA, dernièrement; dans un mémoire de la fédération de la relève agricole du Québec, on mentionne de 14% à 18% ou de 15% à 20%. Mais, après de longues discussions avec le secrétaire de la fédération, ils admettent qu'on n'a pas de données valables présentement qui nous confirmeraient cela. C'est pour cela qu'on se met d'accord qu'on est peut-être encore entre 8%, 12% et 15%. Présentement, on me dit qu'il y a une recherche qui va être publiée bientôt; on va faire un sondage et une étude sur ce sujet.

M. Baril (Arthabaska): Également, vous semblez être non seulement réticent, mais pas d'accord du tout à ce qu'il y ait la multiplication des services dans les institutions agricoles, entre autres les cégeps au Québec. On sait que, depuis quelques années, je ne connais pas le nombre, mais plusieurs cégeps ont un nouveau secteur, la technologie agricole, dans lequel - ou la gestion agricole - on dispense des cours de formation. Plus loin dans votre mémoire, on dit que ces cégeps devraient, d'après l'interprétation que j'en fais, plutôt relever des deux ITA, soit Saint-Hyacinthe ou La Pocatière. Pourquoi est-ce qu'il faudrait que cela relève d'eux?

M. Couture: Cela est au niveau... Dans le mémoire, on disait que ce sont les ITA ou les facultés qui vont faire la recherche, pas relever des ITA ou des facultés. Ils vont aller s'approvisionner au niveau des résultats de la recherche qu'ils vont vulgariser, etc.

Au niveau des cégeps, je suis bien d'accord qu'on en a certains qui font un très bon travail. Tout ce que l'on fait ici, c'est un peu une mise en garde. II y a certains cégeps où on n'a pas le nombre d'étudiants nécessaire, comme monsieur le disait tout à l'heure, on n'a pas la population. Si vous comparez les ITA, par exemple, qui ont un très grand nombre de professeurs, de professionnels, avec les cégeps où on a trois au quatre professionnels, un monsieur qui est spécialiste dans le marketing, dans l'économie, dans la gestion, dans la finance et dans tout cela, et une autre personne qui est la personne-ressource dans tout ce qui est relié à la phytotechnie et une personne en zootechnie, le problème est celui-ci: si le nombre n'est pas assez grand pour avoir un programme valable, il y a un danger - et on le fait - qu'on dilue la qualité de la formation au point qu'il serait préférable de ne pas l'offrir. Si la demande est là, si la population est là et qu'on est pour avoir un bon programme, oui, parfait. Mais pas à un point où on ne peut pas se permettre d'avoir les ressources financières nécessaires pour avoir ce bon programme.

M. Baril (Arthabaska): Ce qui a peut-être forcé ou incité le gouvernement à essayer de dispenser plus de services dans les cégeps, c'est peut-être aussi à cause de la limitation ou de l'accessibilité des ITA. On sait que c'est contingenté. Il y a beaucoup plus de jeunes qui voudraient aller suivre des cours aux ITA, mais il n'y a pas de place. Il faudrait agrandir ou je ne sais pas quoi.

M. Couture: Oui. On me dit que la

population étudiante à l'ITA de La Pocatière, cette année, a diminué, au niveau de l'inscription du cours d'exploitant, de près de 50%, monsieur.

M. Baril (Arthabaska): À l'ITA de?

M. Couture: À l'ITA de La Pocatière.

M. Baril (Arthabaska): La Pocatière.

M. Couture: Le niveau d'inscription au cours d'exploitant, à La Pocatière, cet automne, a diminué de près de 50%.

M. Baril (Arthabaska): Vous n'en savez pas les causes? Est-ce la situation de l'agriculture?

M. Couture: Je crois tout simplement que la population, le bassin... On n'est pas venu à bout de convaincre tous nos jeunes qu'ils ont besoin de la formation en agriculture; et nos parents, nos agriculteurs, deuxième chose; et, la troisième chose, avec la prolifération des cégeps tout près de l'ITA, le bassin n'est tout simplement pas assez important. Il semblerait que...

M. Baril (Arthabaska): Je n'ai pas les chiffres, mais je lisais dernièrement que les étudiants provenant des villes étaient beaucoup plus nombreux que les étudiants qui proviennent du milieu rural, qui s'inscrivent aux cours, tant de l'ITA que des cégeps.

M. Couture: Oui, présentement, aux deux ITA... Nous avons aussi, au Collège Macdonald, un cours d'exploitant. Dans notre cours d'exploitant, comme aux deux ITA, près de 48% à 50% de nos jeunes proviennent de la ferme et 50% proviennent du milieu urbain et semi-urbain.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez touché, tout à l'heure, le fait que les agriculteurs, eux-mêmes, n'encouragent peut-être pas assez leurs enfants à aller étudier. Comment voyez-vous cela? Le rôle appartient à la société, mais il faut qu'il y ait des leaders dans cette société. Est-ce que c'est au gouvernement, à l'Union des producteurs agricoles? Qui devrait se charger d'informer les parents - je dois dire les parents - afin d'envoyer leurs enfants soit à l'ITA ou au cegep, pour obtenir une certaine formation? Actuellement, il n'y a pas de moyens incitateurs pour faire comprendre aux jeunes l'importance...

M. Couture: Lorsque je rêve, le soir, j'ose rêver qu'un jour nous aurons ces tables de concertation où les facultés, le ministère, l'UPA et les coopératives, tous les grands intervenants du milieu, vont s'asseoir ensemble et discuter de tout cela.

Dernièrement, j'ai eu des contacts avec la coopérative Agropur et ils sont prêts à travailler avec nous pour faire du recrutement. Donc, les gens de la coopérative se disent: Ils faut qu'on réalise, aujourd'hui, que l'on a un problème de formation. Ils sont prêts à travailler à ce niveau. J'espère qu'un jour, quand je parle du système de Cornell, nous l'aurons, au Québec, et qu'on va tous ensemble réaliser qu'il y a des problèmes; on va en discuter et on va trouver des solutions. Ce sont mes grands rêves.

M. Baril (Arthabaska): On dit que les rêves, un jour, deviennent réalité. Espérons que ce sera sous peu. Dans vos recommandations, vous parlez d'une banque de main-d'oeuvre. Est-ce que c'est une des solutions aux problèmes dont on discute?

M. Couture: Je voudrais avoir les réponses là-dessus. Lorsque les agriculteurs nous disent que c'est difficile pour eux d'envoyer leurs jeunes chercher une formation agricole et que les jeunes qui viennent... On parle du cours d'exploitant, on ne parle pas du cours d'agronome et de la faculté, d'accord, au niveau de la formation des exploitants. Nos jeunes nous arrivent souvent, ceux de la ferme et n'ont pas toujours les bases nécessaires en physique, en mathématiques - le génie rural, cela prend un petit peu de mathématiques aujourd'hui -et en économie; ils n'ont pas fait de biologie et ils nous disent souvent: Sur la ferme, on préfère de beaucoup - c'est bien sûr - les travaux pratiques, conduire le tracteur, travailler avec les bras qu'avec la tête. Je ne sais pas. Je crois que cela commence au tout début, cette attitude de leur faire comprendre que cette formation est importante.

M. Baril (Arthabaska): Je me souviens, dernièrement, quand le gouvernement du Québec a appliqué la formule des 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans; on avait élaboré, au gouvernement, une politique. Il y avait des critères d'admissibilité. Entre autres, il fallait - je ne l'ai pas à la mémoire - je pense, au moins une neuvième année de scolarité, peut-être plus, je ne me souviens pas exactement. On parlait et cela s'arrêtait là. Évidemment, si on regarde la situation et le contexte que nous vivons présentement, il y a bien des jeunes qui prennent la relève et ils n'ont pas cette formation, ce degré scolaire. Donc, on avait ajouté: Pour compenser, expérience équivalente. (18 heures)

Admettons qu'on enlève "expérience équivalente" et qu'on s'en tienne uniquement à la formation scolaire, comment pensez-vous... Cela créerait un vide. Les gens seraient obligés d'aller étudier pendant une

période, mais, d'ici à ce qu'ils sortent, des terres devront quand même se vendre et certaines transactions devront quand même s'accomplir. Pour compenser ce vide, que penseriez-vous si on exigeait qu'après la transaction il y ait obligation de suivre des cours du soir ou je ne sais quoi, des cours de formation? Pensez-vous que cela pourrait répondre à...

M. Couture: Oui. Pour la formation, on n'a pas besoin de fréquenter un collège pendant deux ans à temps plein pour l'acquérir. Je fais référence encore là au mémoire de la fédération de la relève agricole du Québec qui disait: Si on pouvait instaurer un système dans lequel le jeune pourrait prendre quelques cours du soir, pour aller au collège, au cégep ou à l'ITA pour un cours de vacher ou un cours dans la production du porc et quelques cours l'hiver suivant dans la gestion, l'économie et tout cela... Je crois que, dans son mémoire, on mentionnait une période de cinq ans qui pourrait mener à un diplôme, un certificat. Merveilleux! Je suis d'accord qu'il n'est pas obligatoire d'envoyer le bonhomme au collège pendant deux ans à temps plein pour aller chercher cette formation. Mais là, il va falloir tout intégrer cela. Présentement, cela ne se fait pas. En Alberta, il y a un système qui s'appelle "Green Certificate", le certificat vert, où les jeunes peuvent prendre des cours du soir, ils peuvent prendre des cours l'hiver qui vont durer une, deux ou six semaines et après un nombre X de cours, ils obtiennent leur "Green Certificate". Je crois que c'est un modèle qu'on devrait étudier.

M. Baril (Arthabaska): Au niveau de la recherche, tout le monde reconnaît qu'il n'y a pas assez de recherche au Québec, qu'on devrait en faire beaucoup plus dans tous les domaines, dans tous les secteurs. Par contre, il se fait quand même un peu de recherche et, selon vous, le résultat de cette recherche est-il assez bien diffusé ou assez connu des milieux agricoles? Est-elle disponible et facilement accessible?

M. Couture: Beaucoup de notre recherche ne l'est pas. C'est donc pour cela qu'on voudrait être inclus, à la faculté, dans le réseau de l'extension. Je voudrais citer un exemple. J'espère que chacun de vous connaît le programme d'analyse des troupeaux laitiers du Québec qui a été créé par le Dr John Moxley du Collège Macdonald qui a fait des études à l'Université Cornell pour développer ce programme. Les quatre ou cinq premières années que ce programme... C'est un outil extrêmement valable. On me dit qu'au Québec, présentement, nous avons près de 7500 agriculteurs au programme qui est beaucoup subventionné aujourd'hui par le MAPAQ. Les trois, quatre ou cinq premières années, ce sont des bienfaiteurs qui ont donné à la faculté du Collège Macdonald une somme d'environ 500 000 $ pour vulgariser ce programme au commencement, en 1966 et au tout début des années soixante-dix, lorsque le ministère s'est impliqué. C'est un outil merveilleux et la faculté n'avait pas de sous pour le vulgariser. Notre doyen de ce temps, le Dr George Dion, a été chercher des fonds privés pour 500 000 $ et c'est comme cela qu'on a vulgarisé l'outil qui est aujourd'hui un modèle sûrement au Canada et en Amérique. On dit que oui, on fait de la recherche, on dit que oui, souvent, on réalise de la recherche qui reste sur les tablettes. On ne voudrait pas qu'elle reste sur les tablettes et on veut être impliqué dans le réseau.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député d'Arthabaska. J'aurais quelques questions à adresser à M. Couture. Vous avez parlez du programme de stabilisation des revenus dans votre mémoire. Vous avez dit que c'était valable à condition que ces programmes reflètent fidèlement la réalité. Dois-je interpréter, de par ce que je lis, qu'il y aurait actuellement des programmes de stabilisation des revenus qui ne refléteraient pas la réalité?

M. Couture: Je vais m'en tenir à la recherche et à la formation et je vais passer cela à notre "chairman" de l'économie.

M. Coffin: Si on regarde depuis quelques années les sommes d'argent payées par ces programmes, il est évident qu'ils deviennent de plus en plus importants dans les revenus agricoles. Quant à savoir s'ils sont un "incentive" ou non pour entrer en agriculture, cela est une chose qu'on ne sait pas. C'est sûr que, si on a des problèmes actuellement en agriculture, ils seront même plus sérieux pour ces programmes, mais il faut en même temps établir un niveau des paiements qui soit réaliste par rapport aux coûts de production. Il faut aussi avoir une participation des producteurs, comme on l'accorde présentement, pour établir une base plus solide et plus réaliste. Je ne peux pas dire que les programmes actuels ne sont pas réalistes, mais on ne peut pas continuer avec le taux d'augmentation des paiements année après année, parce que ce n'est pas "affordable". On ne peut pas les payer...

Une voix: On ne peut pas se le permettre.

M. Coffin:... après quelques années.

Le Président (M. Vallières): D'accord. Vous avez fait allusion également dans votre mémoire à l'harmonisation des programmes

de stabilisation au niveau national. Est-ce que vous pourriez rapidement m'indiquer quels sont les avantages que vous voyez à une pareille harmonisation? On parle d'une harmonisation qui n'existe pas. Si on harmonisait, quelles devraient être les retombées positives dans le milieu agricole de cette harmonisation?

M. Coffin: C'est-à-dire une harmonisation entre les provinces canadiennes?

Le Président (M. Vallières): C'est cela.

M. Coffin: C'est parce que, si ces programmes deviennent une espèce de guerre financière entre les provinces, c'est sûr que les provinces, avec une industrie agricole déjà plus grande que la nôtre, vont mettre beaucoup plus d'argent là-dedans. C'est difficile pour nous, dans les circonstances, de rester concurrentiels dans le marché domestique ou même dans le marché international. À part cela, avec une demande domestique qui n'augmente pas rapidement actuellement, il faut regarder les possibilités d'exportation pour l'avenir et, si on a trop de subventions au niveau domestique dans la production, on aura des situations comme celle qu'on a présentement où les États-Unis regardent l'exportation du porc du Canada comme une chose subventionnée et considèrent la possibilité de mettre en place des règlements contre nos exportations. Si on investit trop d'argent de cette espèce, on aura plus de problèmes semblables dans l'avenir et, tant qu'on aura seulement des programmes provinciaux, le risque est plus grand d'avoir cette espèce d'environnement.

Le Président (M. Vallières): D'accord. Dans votre mémoire, vous faites également allusion au transfert technologique. Est-ce que vous avez évalué les sommes à consacrer et le nombre d'emplois à créer afin d'impliquer les facultés d'agriculture dans le réseau du transfert technologique? Est-ce que vous avez des données là-dessus et peut-être pourriez-vous nous décrire la façon dont vous entrevoyez le fonctionnement d'un pareil réseau?

M. Couture: Je dirais comme cela, tout de suite au début, que ce qu'on pourrait appeler une table de concertation où tous les intervenants fonctionneraient à ce niveau, cela ne coûterait pas bien cher et on pourrait accomplir beaucoup.

Au niveau de l'extension, présentement, je dirais qu'avec une centaine de milliers de dollars, donc, 200 000 $, 100 000 $ par faculté, on pourrait avoir une ou deux personnes, des communicateurs qui pourraient écrire les résultats de la recherche au niveau des organes, au niveau des journaux, comme le Producteur de lait québécois, par exemple, le Meunier québécois et tout cela, la Terre de chez nous. Ils pourraient y participer avec tous ces gens-là. Je dis qu'on ne parle pas beaucoup d'argent au début et là, jusqu'à quel point on voudrait inclure les facultés, cela pourrait coûter peut-être un peu plus cher, mais, aujourd'hui, je dirais au ministère: Donnez 50 000 $ à chacune des facultés et on va faire un grand bout de chemin.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Une dernière question parce qu'on a convenu avec le député de Saint-Jean qu'il pourrait aussi poser une courte question.

Concrètement, comment fonctionnerait votre suggestion se rapportant au programme de remboursement flexible que vous nous proposez et qui prend en considération la volatilité des marchés agricoles? Est-ce que vous avez fait une recherche là-dessus jusqu'à évaluer comment pourrait fonctionner un pareil système?

M. Coffin: On n'a pas développé les détails de ce programme-là. On le présente comme une solution possible. On ne sait même pas encore si c'est vraiment viable dans tous les cas. C'est quelque chose suggéré par les experts en finance. Je ne suis pas expert dans ce domaine-là. On pose cette question: Est-ce une solution possible? On ne met pas toute la foi dans ça.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Très rapidement, M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx (Saint-Jean): Oui, deux petites questions à M. Couture. Je vois que vous êtes de parfaits bilingues. Est-ce que tous les cours sont en anglais chez vous ou y a-t-il des cours qui se donnent en français, M. Couture?

M. Couture: Non. Premièrement, pour m'assurer que tout le monde comprend bien, le Macdonald College est, la Faculté d'agriculture de l'Université McGill. Les cours se donnent complètement en anglais. Wilfrid Laurier a fait ses études à McGill et il a passé ses examens en français. Nos étudiants peuvent nous parler en français, ils peuvent faire les examens et des présentations en français, mais notre but primordial, c'est le milieu anglophone.

M. Proulx (Saint-Jean): D'accord. Vous avez répondu à ma deuxième question tout à l'heure et ça m'intéressait. Vous avez dit que vous aviez reçu des subventions privées. Je pense que, historiquement parlant, McGill et Macdonald College ont reçu beaucoup de subventions privées. Est-ce que vous recevez encore des subventions privées? Évidemment, si vous recevez des subventions privées,

l'État doit tenir compte de ça. Le ministère de l'Éducation vous donne tant de subventions. Les subventions privées, c'est un peu des subventions directes. Vous avez dit tout à l'heure que c'est pour faire de la publicité sur certaines... Est-ce que vous recevez encore régulièrement des subventions privées? Comprenez-vous ma question?

M. Couture: On parle de deux ou trois choses. C'est bien vrai que, dernièrement, dans les journaux, on disait que McGill a de l'argent et ne sait plus quoi en faire. Le doyen me dit que la majorité de nos fonds privés, depuis dix ou douze ans, a disparu.

M. Proulx (Saint-Jean): Oui?

M. Couture: Qu'on arrête de se leurrer avec ça. Ils ont été dépensés sur des choses comme çaî vulgariser le programme d'analyse des troupeaux laitiers et autres choses. Les gens qui meurent aujourd'hui en laissant beaucoup d'argent, avec notre présent système d'impôt, ça n'existe plus autant que cela a déjà existé. Donc, je crois qu'aujourd'hui on peut mettre ça de côté. On ne peut pas s'en tenir à ça pour l'avenir.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Deux courtes questions en terminant. En haut de la page 5, vous dites que les recherches qui se font sont mises au point sous d'autres cieux. Nombre d'entre elles, surtout en agriculture, se révèlent impraticables au Québec. On sait que c'est le gouvernement fédéral qui paie la plupart des recherches qui sont faites dans les autres provinces. Il y en a très peu au Québec. Comment pouvez-vous nous expliquer qu'il ne se fait presque pas de recherches au Québec du côté fédéral et qu'il s'en fait énormément en Ontario et dans l'Ouest?

M. Couture: Je ne peux pas parler au nom du gouvernement fédéral.

M. Dupré: Dans le cours d'exploitant que vous donnez au Collège Macdonald, lorsque les étudiants terminent leur cours d'exploitant, ils ne peuvent pas entrer en agronomie.

M. Couture: Un jeune qui réussit très bien au cours d'exploitant... On accepte un étudiant ou une étudiante au niveau du cours d'exploitant avec la 11e, secondaire V. Donc, si l'étudiant réussit bien le cours d'exploitant, il doit retourner au cégep pour aller chercher tous les cours de base, revenir dans le cours d'agronome, ce que j'ai d'ailleurs fait il y a 15 ou 18 ans. On lui donne alors un certain nombre de crédits. Par exemple, un étudiant qui aurait pris, au niveau du cours d'exploitant, un cours de gestion, de comptabilité, gestion I, gestion II, on lui donnerait un crédit pour le cours de gestion au niveau du bac.

M. Dupré: Cela ne prend pas nécessairement une formation en sciences pures?

M. Couture: C'est-à-dire que, parmi les étudiants qui entrent chez nous, il y en a toujours deux ou trois par année qui prennent le cours d'exploitant et réussissent très bien. On les encourage, s'ils veulent faire leur cours d'agronome, à retourner au cégep, à aller chercher tous les cours de base, les sciences que cela leur prend - il y en a six ou sept à compléter au niveau du DEC - et à revenir au niveau du bac, où on leur donne des crédits.

M. Dupré: Quelle serait votre position vis-à-vis de quelqu'un qui sortirait du secondaire pour passer au collégial? Est-ce qu'il faudrait qu'il fasse certaines mathématiques supplémentaires?

M. Couture: Vous parlez au niveau du collégial, c'est-à-dire au niveau du cours d'exploitant.

Une voix: Oui.

M. Couture: Présentement, c'est ce qui se fait. Nos étudiants, qui viennent au cours d'exploitant, sortent du secondaire V.

M. Dupré: Du cours général?

M. Couture: Oui. On demande seulement quatre cours, un cours au niveau 440 de chimie, de mathématiques, de physique et on aime qu'ils aient le cours de biologie, au niveau 400, pas obligatoire.

M. Dupré: C'est au niveau des sciences pures.

M. Couture: Mais au niveau 400, c'est peut-être même au niveau du secondaire IV, donc, c'est très général, ce n'est pas poussé du tout. C'est le minimum.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, je veux remercier les représentants du Collège Macdonald et indiquer aux membres de la commission que nous commencerons nos travaux ce soir, à 20 heures, avec la Fédération des producteurs de bovins du Québec. J'insisterais sur la ponctualité des membres afin qu'on puisse terminer à l'heure prévue, donc commencer à 20 heures pile. Merci et bon appétit. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 16)

(Reprise à 20 h 2)

Le Président (M. Vallières): La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Comme nous l'avions convenu, nous commencerons nos travaux par un exposé de la Fédération des producteurs de bovins du Québec qui sera suivi par la Fédération de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield.

Je rappelle aux gens qui présentent le mémoire qu'ils disposent d'environ 20 minutes pour la présentation et, ensuite, le reste de l'heure sera partagé entre les formations politiques à vous poser des questions. Je crois que c'est M. Charland ou M. Bélanger qui agit comme principal porte-parole.

Fédération des producteurs de bovins du Québec

M. Charland (Denis): Charland.

Le Président (M. Vailières): M. Charland, je vous demanderais de présenter l'équipe qui vous accompagne.

M. Charland: Mon nom est Denis Charland. Je suis représentant de la Fédération des producteurs de bovins du Québec. J'ai ici, à ma gauche, M. Normand Chouinard, président du comité de mise en marché; M. Gaétan Bélanger, secrétaire de la fédération; M. Antoine Doyon, vice-président du comité de mise en marché et Luc Pilotte, membre du comité de négociation.

Je voudrais remercier la commission de nous avoir invités à siéger ici ce soir. Je croîs que la Fédération des producteurs de bovins du Québec n'a pas qu'un dossier, il n'y a pas seulement un secteur de production qui est en difficulté, mais le veau de grain représente la production qui a les plus durs problèmes présentement au niveau de l'organisation des crédits. On vous a transmis un deuxième document. On a voulu chiffrer, en fin de compte, un peu plus en détail le mémoire qu'on vous avait présenté, c'est tout simplement cela. On va partir avec ce document qui s'intitule: "Le mémoire sur la relance de l'élevage spécialisé du veau de grain".

La problématique. La production du veau de grain est relativement récente au Québec. À peu près inexistante en 1978, elle compte maintenant plus de 500 éleveurs, produisant au-delà de 58 000 veaux par année. Bien qu'une partie de ces veaux soit produite par les producteurs laitiers possédant un petit atelier spécialisé en parallèle à leur entreprise laitière, la majorité, soit 79%, des veaux de grain au Québec est produite par environ 150 éleveurs spécialisés en veaux de grain. Ces éleveurs, établis entre 1978 et 1982 pour la plupart, sont actuellement aux prises avec de sérieuses difficultés financières et la survie de leur entreprise est grandement menacée.

Une enquête de l'Office du crédit agricole du Québec, effectuée en 1982 auprès de ses éleveurs-emprunteurs, révélait en effet qu'a cette époque la plupart des éleveurs de veaux de grain avaient déjà de la difficulté à faire face à leurs exigences financières. Puisque les conditions de marché n'ont fait que se détériorer depuis, il est facile d'imaginer la précarité de leur situation financière trois ans plus tard.

Avec l'appui de la Fédération des producteurs de bovins du Québec, les éleveurs spécialisés de veaux de grain ont convenu de présenter un mémoire aux membres de cette commission parlementaire puisqu'ils estiment que les problèmes rencontrés dans leur élevage concernent directement les préoccupations des membres de cette commission qui portent sur la relève, le financement et l'endettement agricole au Québec. Selon eux, la production de veaux de grain pourrait leur servir d'exemple type ou d'étude de cas. C'est, en effet, un cas typique de ce qui peut arriver ou arrivera à toute autre production dont les assises sont déficientes.

Les éleveurs de veaux de grain ont, de fait, rencontré des problèmes d'ordre technique, économique et financier. Ainsi, les éleveurs de veaux de grain possédaient, pour la plupart, peu d'équité au moment de leur établissement en agriculture et leur endettement était dès lors excessif, quoique la survie même de leur entreprise n'aurait pas été menacée si, dès le début, des techniques de production de veaux de grain avaient été au point et qu'un véritable marché de consommation avait existé pour ce produit. Tel ne fut pas le cas et ils ont dû alors procéder à des modifications physiques de leurs bâtiments, inadéquats à l'origine, modifications financées par la marge de crédit (à tort ou à raison) dans l'impossibilité de faire autrement. Les éleveurs reprochent le manque de souplesse des lois sur le crédit agricole du Québec.

Toutefois, les compensations versées en vertu de la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles auraient dû permettre aux producteurs de veaux lourds de traverser cette crise, mais, là encore, un tel régime est inadéquat pour les productions nouvelles dont les technologies de production évoluent constamment, alors que le modèle de ferme, faisant partie intégrante du régime, n'a pas été ou n'a pu être modifié en conséquence.

Aussi, lorsque des compensations doivent être versées année après année, ce qui est tout à fait plausible pour une nouvelle production, le producteur se trouve rapidement aux prises avec un sérieux problème de liquidité puisque, d'une part, toutes les charges de production ne sont pas incluses dans le calcul du coût de production

et que, d'autre part, ce coût de production est basé sur une entreprise dont l'efficacité est supérieure à la moyenne. Ainsi, même dans des conditions normales, les compensations versées année après année deviennent nettement insuffisantes pour plus de 70% des éleveurs. Un gouvernement réellement désireux de développer rapidement une production se doit de protéger adéquatement le revenu d'un plus grand nombre d'éleveurs.

Les éleveurs de veaux de grain considèrent que la production de veaux de grain au Québec a toujours sa raison d'être puisqu'elle repose sur une valorisation des ressources disponibles que sont les petits veaux laitiers, traditionnellement abattus en bas âge, alimentés à partir d'énormes excédents de poudre de lait. Les fins étaient et demeurent louables, mais les moyens ont été inadéquats. Dans leur forme actuelle, en période de récession économique surtout, les programmes agricoles québécois suffisent è peine pour maintenir les acquis. On ne peut ainsi espérer une expansion de la production sans apport supplémentaire d'argent, apport accru indûment par le manque de souplesse des programmes gouvernementaux.

Avec l'exemple du veau de grain, les membres de cette commission sont en mesure de préciser les faiblesses du système agricole québécois. Les maillons les plus faibles cèdent toujours les premiers. Heureusement, ou malheureusement, le veau de grain nous a permis de connaître les limites de ce système.

Toutefois, les éleveurs spécialisés de veaux de grain croient toujours en l'avenir de leur production. Le gouvernement actuel doit prendre tous les moyens nécessaires à la relance de l'élevage spécialisé du veau de grain au Québec. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Jean Garon, vient d'annoncer le lancement d'un nouveau programme d'aide à l'établissement d'ateliers de veaux de grain. Les producteurs spécialisés se réjouissent de ce fait. Cependant, il leur semble tout à fait logique que le ministre ait la décence de réchapper les producteurs actuels, ne serait-ce que pour récupérer leur savoir-faire, si chèrement acquis, avant d'en lancer d'autres dans cet élevage.

De concert avec les producteurs, le gouvernement doit relancer l'élevage du veau de grain. Jusqu'à présent, le prix du marché n'a jamais couvert entièrement le coût de production. Cela ne nous surprend aucunement puisque le veau de grain demeure un produit mal connu des consommateurs.

L'introduction d'un nouveau produit sur le marché nécessite un effort de publicité et de promotion de plusieurs centaines de milliers de dollars. Pourtant, à peine 200 000 $ ont été injectés par les producteurs et le gouvernement au cours des deux dernières années en guise de promotion en faveur du veau de grain. Cet effort de promotion, quoique minime, nous convainc de l'existence d'une demande potentielle par la consommation de veaux de grain au Québec. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à y croire. Depuis plus d'un an, la chaîne d'alimentation Steinberg étale de la viande de veaux de grain dans ses comptoirs, mais, même si elle le désirait, cette chaîne ne peut faire la promotion du veau de grain à cause d'un manque de disponibilité du produit. De fait, plus de 3000 boîtes de veau, soit 1500 carcasses, sont nécessaires à la promotion d'une seule semaine, ce qui correspond à deux fois le niveau de production actuel et ce, seulement pour Steinberg. Le problème est là. On ne produit pas trop de veau de grain au Québec, on en manque.

Pour les autres parties du document, je vais laisser la parole à M. Normand Chouinard, le président du comité de mise en marché.

M. Chouinard (Normand): Merci. Bonjour messieurs. Ce qu'on va essayer de démontrer, dans la deuxième partie, c'est la quantification des pertes financières qui ont été encourues par les producteurs. On va essayer de répondre à la question: Pourquoi cela va-t-il mal pour les producteurs de veaux de grain?

Les pertes sont de plusieurs ordres. La première, 2. 1, au niveau de l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, il y a seulement 90% du salaire de l'exploitant qui a été compensé. Nous réclamerions les 10% supplémentaires. On s'est dit que, depuis le début de la production, jamais les prix de vente n'ont été supérieurs au coût de production. On serait en mesure d'obtenir au moins 100% du salaire auquel on aurait droit. Selon les années de production, de 1980 à 1984 le salaire de la première année, les 10%, un exemple, pour un producteur qui aurait commencé en 1980, il y aurait eu un manque à gagner de 1483 $. Pour l'année 1981, pour ce même producteur, la perte aurait été de 1977 $. Le calcul tient compte du fait que, la première année de production, le producteur ne peut pas produire 425 veaux comme le modèle étant donné que c'est la première année.

Au niveau de l'équité non plus, la rémunération du capital investi n'a pas eu lieu. Pour l'année 1980, l'équité dont on a tenu compte, c'est celle qui était dans le modèle de l'assurance-stabilisation. L'équité pour l'année 1980 - un exemple - 11 985 $, avec un taux de rémunération à 11, 73%, la rémunération aurait été de 1406 $, ce qui aurait été un manque à gagner.

Les autres pertes sont surtout

encourues - et c'est la plus grande partie des pertes - au moment de l'année de démarrage. L'année de démarrage, la première année, le modèle de l'assurance-stabilisation nous fait produire un nombre inférieur de veaux, étant donné qu'on ne peut pas produire la quantité totale de veaux de la capacité de l'étable la première année. Tous les frais fixes qui ont été encourus dans le modèle ne peuvent être répartis sur le même nombre de veaux. Au lieu de 425 veaux la première année, la production est de 354 veaux.

La répartition des frais fixes: En vitesse de croisière, l'entreprise de 500 veaux à l'achat vend 425 veaux, c'est-à-dire 10% de mortalité et 5% de rejet. Toutefois, elle en vend moins au cours de l'année de démarrage; moins de veaux, alors que les frais fixes demeurent constants, d'où une surcharge pour chacun des veaux produits sans toutefois que le régime en tienne compte. Selon les années de démarrage, les charges fixes... On a tenu compte aussi, dans notre exemple, du fait que le poids de vente à chaque année a augmenté et que le modèle est demeuré constant. Le modèle est toujours à 375 livres, mais on a estimé que les poids de vente ont augmenté d'environ 25 livres par année. Le poids de vente de 1984 se situerait aux environs de 475 livres. La rémunération pour l'exemple de 1980: veau de 375 livres, la charge fixe ajustée, 9668 $, et la charge fixe non rémunérée, 1615 $.

Les autres coûts encourus au cours de la première année sont les modifications aux bâtiments. Ces frais ont été plus élevés plus le producteur a démarré dans les années antérieures. Étant donné que la production était à 375 livres, la technique aussi était déficiente; il y a eu plus de modifications et c'est pour cela que les montants des premières années sont plus élevés que les montants des dernières années. On a essayé de quantifier ces modifications.

Il y a eu l'espace de finition supplémentaire. Compte tenu du fait que le poids de vente des veaux va en augmentant d'année en année, les étables sont insuffisantes. Il y a un espace pour finir les veaux qui était manquant. Pour un producteur qui aurait commencé en 1980, on a chiffré - en tenant compte du coût au pied carré de construction - les pertes à 8600 $. Il y a eu des réfections au système de ventilation; même les plans du ministère ont été modifiés année après année. Les systèmes de ventilation qui ont été bâtis en 1980 sont totalement inefficaces en 1984 et cela ne correspond plus à ce dont on a besoin. Les systèmes de ventilation, 2000 $. Les autres modifications comme les débarcadères, les entrepôts à litière, les infirmeries qui n'ont jamais apparu aux plans, ces coûts, on les a évalués à environ 3000 $.

L'outillage pour la première année: il y a un tas de petits outils qui n'apparaissent nulle part dans nos demandes de prêt, mais qu'on est obligé d'encourir quand même et on les a chiffrés à 1250 $. Pour un producteur qui aurait démarré en 1980, on les a chiffrés à 14 850 $. À mesure que les années avancent, les pertes vont en diminuant, comme je l'ai dit tout à l'heure, parce que la technique allait en s'améliorant.

Un autre coût qui n'a jamais été compensé, c'est l'erreur d'un débutant. On a toujours présumé que le producteur qui démarrait avait une efficacité à 100% dès la première année. La régie de l'élevage d'un producteur démarrant en agriculture, particulièrement dans une production nouvelle, est généralement déficiente. L'inexpérience des producteurs et de leurs conseillers en est la principale cause. Au cours des premières années, la sélection des veaux est inadéquate et le taux de conversion alimentaire insuffisant. Par ailleurs, le plan de prophyaxie, malgré son coût exorbitant, n'a pas permis d'éviter un taux de morbidité et de mortalité extrêmement élevé. Ce taux de mortalité anormalement élevé est généralement le signe le plus évident d'un manque d'expérience du jeune producteur. (20 h 15)

Le taux de mortalité calculé dans le modèle de ferme servant è établir le coût de production depuis 1980 est demeuré fixe à 10%. Pourtant, au cours des deux premières années de production, le producteur obtient couramment un taux de mortalité d'au moins 5% et 2, 5% plus élevé que la moyenne des producteurs. Nous réclamons les pertes reliées à ces mortalités supplémentaires. Ces chiffres sont une moyenne.

Pour un producteur ayant démarré en 1980, on a chiffré cette perte, pour la première année, l'année de démarrage, sur 354 veaux produits, à 6218 $. Pour un producteur ayant démarré en 1981, cette perte aurait été de 7169 $. La deuxième année, étant donné qu'on l'évalue à 2, 5%, pour un producteur ayant démarré en 1980, les pertes encourues pour la mortalité se chiffraient à 4363 $. Dans ces coûts, on tient compte de l'achat des veaux, on tient compte des frais fixes et de certains frais; au niveau de l'alimentation, on tient compte d'un quart des frais de l'alimentation seulement.

À la page 7, à la page suivante, on fait un sommaire détaillé de ces pertes. On a séparé les pertes en trois catégories: l'année de démarrage, la deuxième année de production et les années subséquentes. On prend toujours l'exemple du producteur qui a démarré en 1980; c'est le résumé de ce qu'on avait dans les pages précédentes. Les modifications aux bâtiments: 14 850 $. Les charges fixes réparties sur 354 veaux: 1615 $. Les erreurs d'un débutant: 5% de

mortalité, 6218 $. Le salaire non rémunéré, 10% multiplié par 0, 833 pour tenir compte que la première année il y avait seulement 359 veaux produits au lieu de 425 veaux, 1483 $. Rémunération de l'équité: 1406 $. Total: 25 572 $. Par veau produit - 359 -72, 24 $.

La deuxième année de production. Ce producteur qui a démarré en 1980, sa deuxième année de production, c'est l'année 1981. Les erreurs d'un débutant: 2, 5% de mortalité supplémentaire, le montant: 4363 $. Le salaire est encore 10%, 1977 $ et rémunération de l'équité: 1430 $, ce qui fait un total de 7770 $ divisé par 425 veaux comme le modèle: 18, 28 $ du veau produit en 1981.

On est rendu en 1982. Ce sont les années subséquentes: Sa perte, c'est son salaire, 10% du salaire et la rémunération de l'équité qu'il n'a pas eue dans les années subséquentes. Pour l'année 1982, ces deux montants se chiffrent respectivement à 2163 $ et 1040 $ pour un total de 3203 $, ce qui fait 7, 54 $ par veau pour l'année 1982, 7, 31 $ pour l'année 1983 et 7, 60 $ pour l'année 1984.

Un sommaire des pertes par veau pour chacune des années, à la page 8. Pour l'année de production 1980, si on prend l'exemple du producteur qui a démarré en 1980, sa perte est de 72, 24 $ par veau produit; en 1981, 18, 28 $; en 1982, 7, 54 $; en 1983, 7, 31 $ et en 1984, 7, 60 $.

Le tableau suivant, c'est le sommaire des pertes actualisées par veau pour chacune des années. Le facteur d'actualisation dont on a tenu compte, c'est le troisième tableau qu'on a dans le bas de la page et les taux d'intérêt pris pour chacune des années avec le facteur multiplicateur pour l'actualisation. Le montant qu'on a dans le premier tableau supérieur de 72, 24 $ pour le producteur qui a démarré en 1980; ce montant, en 1985, est rendu à 147, 16 $. Le montant de 18, 28 $ est rendu à 32, 31 $, etc. Pour chacune de ces années, ce sont les pertes encourues pour les veaux qui ont été produits.

Qu'est-ce que la Fédération des producteurs de bovins du Québec demande? Dans un premier temps, rétablir la situation financière des éleveurs de veaux de grain. Les moyens? L'injection d'une aide financière directe aux éleveurs actuellement en production suffisante pour couvrir les pertes financières encourues pour chacune des années de production. Le tableau suivant est le résumé de ce que l'on vient de voir précédemment.

Au niveau de la promotion, ce que nous demandons. Le potentiel de consommation de veaux de grain au Québec est immense et inexploité. Le budget actuel de promotion financé à part égale par le gouvernement provincial et les producteurs concernés s'élève à 100 000 $ annuellement. La contribution des éleveurs se chiffre à 1, 50 $ par veau, c'est la contribution actuelle des éleveurs. Ils ne peuvent faire plus. Une augmentation du prix de vente de 0, 01 $ la livre permet de réduire de 275 000 $ le niveau de compensation dans le cadre du régime d'assurance-stabilisation du revenu. Il faut tout faire pour accroître la demande et ainsi augmenter le prix du marché. En supplément au programme actuel de promotion, les producteurs demandent au gouvernement d'affecter un budget de 500 000 $ pour la promotion du veau de grain et ce pour l'exercice 1985-1986.

Troisièmement, on demande des modifications au régime d'assurance-stabilisation du revenu des producteurs de veaux de grain. Le coût de production au régime veaux de grain correspond au modèle de 1979 alors que le poids de vente s'élévait à 375 livres. Actuellement le poids du marché atteint environ 475 livres. De plus les techniques de production ont grandement évolué depuis cinq ans. Le régime doit être modifié en conséquence.

L'article 3 de la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus agricoles prévoit que les régimes ont pour objet de garantir un revenu annuel net positif aux producteurs. Pourtant les compensations versées année après année aux producteurs de veaux de grain sont calculées sur l'équivalent de 905 du salaire de l'année précédente. Les producteurs demandent que le régime soit modifié pour être conforme à la loi.

La Loi sur l'assurance-agricole assure à l'heure actuelle un revenu annuel. Un calcul annuel couvre relativement bien les productions qui ne font qu'un seul cycle d'élevage par année. Toutefois, cela devient nettement insuffisant dans le cas de productions à plus d'un cycle par année. Par exemple, la production de veaux de grain se fait à raison d'environ 2, 5 cycles par an. Le régime d'assurance-stabilisation devrait couvrir distinctement chaque cycle d'élevage. La loi devrait donc être modifiée pour permettre l'implantation d'un régime trimestriel de stabilisation des revenus des producteurs de veaux de grain.

Quatrièmement, refinancement des éleveurs. L'analyse des états financiers des éleveurs de veaux de grain nous indique que plusieurs d'entre eux sont mal financés. Ils ont dû notamment utiliser la marge de crédit (le crédit à la production) à des fins autres que pour financer des dépenses de fonctionnement. En premier lieu, il faut donc refinancer convenablement ces éleveurs.

Par ailleurs, les producteurs recommandent que les modifications suivantes soient apportées aux lois du crédit agricole. Loi sur le crédit à la production. Les hauts taux d'intérêt en vigueur au début des années quatre-vingt ont littéralement étranglé les producteurs. La relève agricole

est encore plus vulnérable à l'accroissement subit des taux d'intérêt; les taux d'intérêt fixés pour le crédit à la production devraient être plafonnés à 14%. Loi sur le crédit à long terme. Les producteurs demandent que l'aide gouvernementale soit discrétionnaire, en ce sens qu'elle avantage la relève agricole. Il faut donner la chance au coureur.

Des avantages financiers devraient être concédés tant au niveau des intérêts fixé qu'au niveau du capital remboursé. Par exemple on donne un taux d'intérêt subventionné. On demande un taux d'intérêt croissant sur l'excédent du premier 15 000 $. Par exemple, premier 15 000 $ à 2 1/2%, l'exécent à 4% la première année et croissant de 1% par année jusqu'au plafond de 8%.

La remise en capital différé. La première année, remise de 0% du remboursement calculé. La deuxième année, remise de 25% du remboursement calculé. La troisième année, 50%. La quatrième année, 75%. La cinquième année, 100%.

Il est clair que la remise de capital différé c'est un capital différé, ce n'est pas une subvention. La subvention, on la demande au niveau des intérêts.

L'aide technique. La relève agricole, de même que tous les éleveurs oeuvrant dans des secteurs de production nouvelle exemple: veaux de grain - ou utilisant des techniques nouvelles sont en droit d'obtenir une aide technique spécialisée et un service vétérinaire compétent. Actuellement, il n'existe aucun conseiller technique spécialisé dans la production de veaux de grain à l'emploi du gouvernement provincial. L'information sur les techniques de production éprouvées ne circule pas. On demande que le gouvernement offre aux producteurs de chaque région un service de conseillers techniques spécialisés dans la production de veaux de grain. Aussi, un budget spécial devrait être alloué par la recherche de techniques adaptées à l'élevage du veau de grain.

Les systèmes de ventilation sont inadéquats, les taux de morbidité et de mortalité sont énormes et la régie alimentaire pourrait être améliorée. Des découvertes dans l'un ou l'autre de ces secteurs contribueraient à réduire substantiellement le coût de production du veau de grain et à rentabiliser cet élevage au Québec. Mais encore faut-il que les résultats de ces recherches soient vulgarisés.

Page 13. Quatrièmement. Notre engagement. Les éleveurs de veaux de grain et la Fédération des producteurs de bovins du Québec croient en l'avenir de la production de veaux de grain au Québec. Sinon, nous ne serions pas ici aujourd'hui. L'élevage du veau de grain résulte de la combinaison de deux sous-produits de l'industrie laitière (les petits veaux et la poudre de lait), auxquels s'ajoutent des céréales que l'on produit de plus en plus au Québec. L'industrie laitière est là pour demeurer et il en est de même pour l'industrie céréalière. Pourquoi pas le veau de grain?

Il faut produire de plus en plus. Les producteurs sont prêts, mais à la condition qu'ils reçoivent un prix acceptable. Le marché est là et ne demande qu'à être exploité. De leur côté, les producteurs travaillent activement à l'organisation de leur mise en marché. La réglementation permettant l'établissement d'une agence de vente centralisée est déjà approuvée. Des entreprises sont disposées à développer le système d'enchères électroniques nécessaire à la vente des veaux et n'attendent que notre signal. Mais ce signal ne viendra que si les producteurs sont convaincus que le gouvernement sera là pour les épauler.

Dans les conditions actuelles, laissés à eux-mêmes, ils abandonnent la partie. Des jeunes éleveurs ont osé se lancer en agriculture, aidons-les à produire. Pourquoi ne pas nourrir le Québec avec de la viande de veaux de grain? Relancer l'élevage spécialisé de veaux de grain au Québec c'est le meilleur placement. Merci.

Le Président (M. Vallière): Très bien. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci. J'aimerais d'abord remercier les représentants de la Fédération des producteurs de veaux de grain du Québec d'avoir présenté ce mémoire. Ils ont soulevé d'importantes questions qui peuvent réfléter réellement la situation des élevages ou des nouvelles productions au Québec. Vous nous faites mention, dans votre mémoire, des difficultés que les producteurs ont vécues. On pourrait retrouver ces mêmes difficultés dans d'autres fédérations de producteurs dans de nouvelles productions. Quand je parle de nouvelles productions, c'est pour nous au Québec, par exemple, les producteurs de lapins, les producteurs de chèvres, d'agneaux et d'autres.

Tout le problème relève de la situation de la mise en marché pour les nouvelles productions. Évidemment, pour avoir une mise en marché ordonnée, il faut d'abord qu'on ait une production. On ne peut pas établir une mise en marché si on n'a pas de production. On ne peut pas établir une production si on n'a pas de marché. Cela, je pense que c'est un dilemme pour bien des productions. Je pense que nous du gouvernement, on s'arrête souvent là-dessus et la solution on ne la trouve pas.

J'aimerais peut-être vous entendre à savoir comment vous voyez cela? Il faut mettre une production nouvelle en place parce que tout le monde reconnaît que le marché est là, mais il faut le faire

connaître aux consommateurs qui souvent l'ignorent.

J'aimerais vous entrendre afin de savoir quelle méthode serait idéale ou la plus propice pour différentes productions, mais on va s'en tenir à la vôtre dans ce domaine? Soit la production par la mise en marché et la mise en marché par la production?

M. Charland: D'accord. Si on se contente seulement de regarder la mise en marché et la production, je pense que dans le document on en parle, à un moment donné, et on dit que ce serait le temps de mettre quasiment 500 000 $ dans la mise en marché. C'est justement pour cela, c'est pour développer le marché en même temps que la production se développe. Concernant le veau de grain, c'est que cet argent n'a pas été investi, on arrive avec un volume de production qu'on met en marché, mais on est saturé à un moment donné. C'est que là cela en prendrait de l'argent à investir dans la mise en marché, pour faire la demande du produit et on arrive tellement tard dans la production de veaux de grain que le produit est là, mais pas assez pour couvrir toutes les places en même temps parce qu'il y a eu une déficience. Si la promotion avait suivi l'évolution de la production, on ne l'aurait pas eu le problème. Cela aurait fonctionné. C'est parce qu'à un moment donné il y a eu une déficience de promotion quand le produit a commencé à se développer. Tantôt, on parlait du lapin, la même chose va arriver. Si la production de lapin ne se développe pas en même temps que la promotion, cela va "flopper".

M. Baril (Arthabaska): C'est cela, on parle de la régularité d'approvisionnement. Concernant les magasins à succursales, vous avez nommé Steinberg tout à l'heure et vous n'êtes même pas capable de fournir sa demande. Cela fait partie du tout. La régularité de l'approvisionnement, il faut qu'on l'assure par notre production.

Cela me fait penser un peu à un chien qui court après sa queue. Le marché est là, on a fait de la publicité, mais on en a peut-être trop fait par rapport à la production. Est-ce parce que la production n'a pas augmenté assez rapidement ou est-ce à cause d'un manque de connaissance de la technique de production? Est-ce à cause d'un manque de recherche? Est-ce à cause d'un manque de producteurs? (20 h 30)

M. Doyon (Antoine): Je crois que c'est plutôt un problème qui est survenu au cours des années. Les premières années on a développé la production. Les prix étaient faibles. L'assurance-stabilisation fait répétition et répétition de paiements; le producteur en est venu à ne plus avoir de liquidité pour continuer à produire à 100% de son élevage. À ce moment les producteurs ont décidé de mettre de l'argent dans la publicité conjointement avec le ministère. Cette publicité a peut-être fait augmenter un peu les prix mais ce n'était pas assez pour que les producteurs puissent continuer à produire à 100% de leur volume. C'est le jeu du chien qui court après sa queue. Les producteurs ont pris l'argent de la vente de leurs veaux pour tenter de maintenir leur inventaire mais comme le coût de la vente de veaux ne couvrait pas le coût de production, les inventaires ont diminué graduellement. Arrivés aux alentours de 1983, les producteurs produisaient à peu près à 60% ou 65% de leur capacité de bâtiment avec une marge de crédit qui était toujours au maximum et là on avait une demande et on n'était pas capable de produire. Je comprends qu'aujourd'hui le ministère a mis un nouveau programme en marche pour essayer d'augmenter la production mais ce programme n'est pas accessible aux producteurs qui sont déjà en place. On ne pourrait pas avoir de cet argent neuf qui aiderait aux producteurs à augmenter ou à produire à 100% et les producteurs qui sont en place depuis trois, quatre ou cinq ans et qui ont acquis de l'expérience c'est eux qui, par des manques de liquidité, ne sont plus capables de produire à leur pleine capacité. C'est là le danger. Tant que les producteurs qui sont déjà efficaces ne peuvent pas produire à 100% de leur bâtiment, les veaux manquent sur le marché etc.

M. Baril (Arthabaska): Pourquoi me dites-vous qu'actuellement l'argent disponible n'est pas accessible ou disponible aux producteurs existants? Est-ce à cause des conditions des programmes?

M. Doyon (Antoine): Les programmes s'appliquent pour la construction de bâtiments neufs. Ceux qui ont débuté, supposons en 1979, 1980, 1981 ou 1982 dont les plans n'étaient pas adéquats, selon le ministère ont été obligés de faire des modifications à leur bâtiment et ils ont pris une partie de l'argent sur leur marge de crédit parce qu'il était devenu difficile de faire des emprunts à l'office puisque l'office avait mis un veto ni plus ni moins sur la production de veaux de grain et ils ne voulaient plus rien savoir de nous. En prenant l'argent sur notre marge de crédit on n'avait plus de liquidité pour remplir nos étables. Alors, en ne fonctionnant pas à pleine capacité, cela se fait sentir aussi du côté de l'assurance-stabilisation. Un producteur qui produit juste à 65% et qui vit directement quasiment de l'assurance-stabilisation et qui a juste 65% de son efficacité et que les charges fixes sont sur 100%, il devient inefficace parce que c'est toujours un manque de liquidité. Cela s'est

accumulé d'année en année et on voit aujourd'hui jusqu'où cela est rendu. On a perdu plusieurs producteurs en chemin aussi.

M. Charland: Si on ne peut participer à ces programmes, c'est tout simplement parce qu'on n'a pas l'argent. Vous dites supposons que dans un programme vous pouvez avoir X milliers de dollars pour participer à ce programme et qu'on n'a pas l'argent pour investir soit ce qui manque pour construire la bâtisse. Nous ne l'avons plus l'argent puisque tout notre argent est passé dans l'élevage. On est rendu même à hypothéquer notre marge de crédit pour être capable de vivre. Si on veut grossir, la seule façon c'est d'aller chercher de l'argent ailleurs. Là, le ministère quand il nous voit arriver avec une production de veaux de grain, c'est clair, il attend s'il y avait...

M. Baril (Arthabaska): Sur les plans que le MAPAQ vous a fournis sur la construction des bâtisses, cela s'avère qu'avec l'expérience ces bâtiments n'étaient pas adéquats. Vous avez parlé de la ventilation qui était manquante ou je ne sais pas... Ces plans qu'on vous a fournis, c'était à partir de quelle expérience? D'où a-t-on fourni cela et comment a-t-on fait pour établir ces plans du début?

M. Doyon (Antoine): Je pense qu'ils avaient fait quelques voyages en Europe. Ce n'était pas connu au Québec et il y avait eu un sondage, il me semble en 1979, auprès des chaînes alimentaires qui prétendaient que le veau devrait peser de 325 à 375 livres. Alors, ils ont fait leur plan en fonction de cela.

Comme notre climat réagit plus vite qu'en Europe, c'est là qu'on a eu des problèmes au niveau de la ventilation. Je me souviens que dans les années 1980, les producteurs ont eu 80% de mortalité quand ils ont mis en marche leur système de ventilation, à l'automne. Je pourrais même vous dire que la ferme expérimentale de Lennoxville, elle les a tous perdus.

M. Baril (Arthabaska): Ce sont des spécialistes.

M. Chouinard: C'étaient des spécialistes. Je pense que ce qu'il est important de dire là-dessus, c'est qu'au niveau des ressources techniques du ministère, ils ont fait leur expérience en même temps que les producteurs qui ont démarré. Les premiers plans qui ont circulé étaient en cours de modification. On n'arrivait pas à bâtir avec un plan qui était à jour, parce qu'au moment où on bâtissait, il y en avait toujours un nouveau qui sortait, parce qu'ils avaient trouvé quelque chose de nouveau. Je pense que ces gens-là ont fait leur expérience à même les producteurs qui ont bâti, qui ont parti en 1979, 1980. Je suis parti en 1982 et quand j'ai bâti, j'avais déjà un nouveau plan sur lequel c'était marqué "Préliminaire". J'avais déjà une copie parce que je connaissais Michel Fortier à ce moment et il m'en avait envoyé une copie mais c'était complètement différent de ce que j'étais en train de faire.

Donc, si je résume un petit peu cet aspect-là, c'est que le MAPAQ se fie un peu sur l'expérience des agriculteurs pour améliorer la technique d'une production comme telle tandis que si l'on regarde au niveau de l'industrie en dehors de l'agriculture, vous avez des centres de recherche dont un qui s'appelle Le Centre de recherche industrielle du Québec qui, lui, fait réellement la recherche chez lui. Il est financé par le gouvernement. Si je résume, il y aurait un manque au niveau du gouvernement à l'effet d'aider... je ne sais pas si je peux dire cette recherche ou cette amélioration de la situation.

M. Charland: Oui, c'est carrément supporté par le producteur. Toutes les expériences qui ont été faites au début de la production, surtout en ce qui concerne le veau de grain, ont été faites carrément chez les producteurs. Moi, je suis parti à la fin de 1979 et les techniciens - en fin de compte, ce sont les producteurs de 1979-1980 qui ont formé les techniciens en même temps que nous, ils apprenaient, autant au niveau de clinique vétérinaire du coin chez nous ou du technicien qui était là - on leur a tout montré à eux, à nos frais comment il fallait que cela se fasse du veau de grain. C'est là toute la problématique, en fin de compte. On en parle dans cela aussi. Tout le problème est dans cela. On a essayé de l'écrire bien comme il faut dans cela. Toute la recherche concernant le veau de grain, il y a la ferme expérimentale à Lennoxville qui en fait; je pense qu'elle fait du bon travail aussi. À Saint-Hyacinthe aussi, ils font du bon travail. Eux, quand ils font une expérience, il y en a une, entre autres, qui a un système de ventilation de 60 000 $ et à Lennoxville, ils ne calculent pas le nombre de kilowatts qui passent dans leur place pour le chauffage. Nous, on a tout cela à calculer. Je pense qu'eux... Je suis convaincu qu'ils essaient de faire une bonne expérience, mais cela n'est jamais comme une expérience faite à la ferme comme nous on l'a vécu, en fin de compte.

M. Baril (Arthabaska): Nous, on se fait dire, en tant qu'élus du peuple, souvent on se fait dire que les personnes qui s'engagent dans une nouvelle production, comme le veau de grain, entre autres, ce sont des gens qui ont vécu une certaine période de temps en ville et qui veulent revenir à la ferme. Tout

le monde aime cela revenir à la campagne car il y a une sorte de liberté et les gens s'imaginent que du veau de grain, puisqu'on parle de celui-là, c'est facile, ce sont des petits veaux, c'est doux, c'est gentil, ça ne rue pas dans les brancards trop fort. Donc, il y a un manque d'expérience, de connaissance de la part de ces gens-là et ce sont des gens qui se sont lancés dans une production qu'ils ne connaissaient absolument pas, cela fait trop longtemps - je vais utiliser le terme qui est peut-être trop fort - qu'ils sont décrochés de l'agriculture.

Selon la Fédération des producteurs de bovins du Québec, quel est le pourcentage de producteurs de veaux de grain qui sont revenus à la campagne dans les conditions précitées et d'autres qui ont voulu réorienter leur production ou additionner celle-ci à celle qui est déjà existante? Je ne sais pas si vous avez des chiffres là-dessus.

M. Chouinard: Des chiffres, on n'en a pas mais je pense que de ceux qu'on connaît, il y a beaucoup de monde qui vient de l'extérieur de l'agriculture. Je pense qu'en ce qui regarde le veau de grain, étant donné que c'est une production nouvelle, cela a été une très bonne chose. On se rend compte aujourd'hui qu'à peu près les meilleurs éleveurs, ce sont ceux qui étaient à l'extérieur de l'agriculture. Il n'y a pas presque de pire éleveur de veau de grain qu'un bon producteur laitier, parce que la petite génisse d'élevage, c'est le même animal que notre veau. Je pense toutefois que ce n'est plus le même élevage du tout, même si c'est le même animal.

M. Baril (Arthabaska): Au sujet de l'approvisionnement en veaux, est-ce qu'il y a une certaine facilité ou bien sî les éleveurs de veaux de grain sont obligés de se ravitailler soit à des encans publics ou à la ferme? Là-dessus, selon le lieu d'approvisionnement, est-ce que la réussite est meilleure, est-elle moindre?

M. Chouinard: Je pense que le problème ne se situe pas au niveau des approvisionnements, actuellement. D'ailleurs, on n'en fait pas mention dans notre mémoire. Il y a 300 000 veaux de disponibles au Québec et on en a produit 60 000. Les producteurs, actuellement, s'approvisionnent, pour répondre complètement à votre question, autant dans les encans que chez les producteurs directement. À ce niveau-là, je pense que ce n'est pas le problème majeur de la production du veau de grain, actuellement.

M. Baril (Arthabaska): Si je pose cette question, c'est parce qu'on a assisté à une commission parlementaire l'automne dernier et certaines personnes avaient eu des difficultés. Eux faisaient beaucoup mention du lieu d'approvisionnement. Les difficultés qu'ils vivaient ou qu'ils avaient vécues dépendaient beaucoup du lieu d'approvisionnement, des bêtes qu'ils allaient acheter ou dont ils allaient s'enquérir. C'était le sens de ma question, de savoir si, pour vous autres, il y avait une différence entre le lieu d'approvisionnement, soit par encan public ou directement à la ferme, chez des producteurs.

M. Chouinard: Je ne pense pas qu'il y ait de différence. Même, je pense que, des fois, on est mieux à l'encan public. Dans un sens, on peut choisir le veau, tandis que, si on s'approvisionne directement à la ferme, tu rentres chez un producteur. Il a cinq veaux. Tu dis: Je vais en prendre rien que deux. Il y en a juste deux qui font mon affaire; il ne sera pas content. Si tu ne les prends pas tous, tu n'en a pas un. Là, ça devient des charges supplémentaires de transport. Tandis que, si on achète à l'encan, un veau qui a résisté à l'encan, il résiste à bien des choses.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez probablement raison!

M. Chouinard: Tout à l'heure, on parlait de la formation des techniciens. Moi, je peux vous dire personnellement que, chez nous, j'en ai eu un pendant huit jours de temps, que j'ai formé. On lui a montré le métier. C'est un agronome. Deux mois après, il est revenu chez nous pour me dire quoi faire.

Nous, pendant huit jours, on lui a montré le métier d'éleveur de veaux de grain. Il est resté à la maison et il faisait le train avec moi et tout le "kit". Deux mois après, c'est lui qui nous disait quoi faire.

Une voix: II a aimé ça?

M. Chouinard: Le train, il a aimé ça.

M. Baril (Arthabaska): Sérieusement, la fédération a sans doute rencontré la Régie des assurances agricoles. Quand vous parlez d'une certaine souplesse qui devrait exister, quelle est l'ouverture que les dirigeants de l'assurance agricole ont envers vous? Est-ce qu'ils ont un esprit d'ouverture ou bien s'ils sont renfermés? Est-ce qu'ils calculent le revenu sur une base moyenne, sur l'ensemble du Québec, des producteurs de veaux de grain et s'en tiennent-ils à ça ou bien s'ils essaient d'améliorer leur système d'assurance?

M. Chouinard: On le saurait mieux si on avait plus de facilité à les rencontrer. On a déjà beaucoup de misère à les rencontrer. On a des comités MAPAQ-UPA avec eux autres. On a déjà de la difficulté à les

rencontrer. Pour donner un exemple, les dernières rencontres qu'on a eues avec eux concernaient les coûts de production et surtout le modèle qu'on voulait faire changer; ça fait trois ans qu'on fait des représentations pour que le modèle soit changé.

M. Baril (Arthabaska): II n'est pas changé encore?

M. Chouinard: À la date d'aujourd'hui, on n'a aucune nouvelle à savoir si on va être encore compensé pour l'année 1984 sur le modèle de 375 livres. Je ne sais pas si ça répond à votre question quant à la collaboration qu'on peut avoir avec l'assurance-stabilisation. Nous, on s'attendait qu'il y aurait quelque chose qui aurait débouché cette année. On était convaincu que ça viendrait l'an passé.

M. Charland: C'est-à-dire que ça fait trois ans qu'on va là et qu'on leur dit qu'il faut que le modèle de 375 livres soit changé. Ils nous répètent: On les change cette année. On est rendu en 1985 et on n'est même pas sûr si on va être compensé sur un veau de 450 livres ou pas, ou encore notre modèle de 1980 est toujours indexé jusqu'à la date actuelle.

M. Baril (Arthabaska): Je vous remercie des réponses à mes questions.

Le Président (M. Vallières): On pourrait compléter le bloc de ce côté-ci avec une courte question du député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Je voulais simplement savoir si, dans le lancement du nouveau programme dont vous avez parlé tantôt, il y a des montants pour augmenter la promotion ou bien si c'est complètement séparé. Il n'y a aucun montant de prévu?

M. Chouinard: C'est l'augmentation de la production comme telle, pour la construction ou la rénovation de bâtiments pour la production. Pour la promotion, dans le document, on parlait d'une promotion intensive. Il y a seulement le mot "intensif". Il n'a pas été quantifié, non.

M. Dupré: Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Maskinongé. (20 h 45)

M. Picotte: Merci, M. te Président. J'ai eu l'occasion de parcourir le premier rapport et le résumé dont vous nous aviez fait part, et j'ai constaté avec beaucoup de plaisir qu'il y avait beaucoup plus de détails dans l'autre; ne serait-ce uniquement qu'au niveau des tableaux comparatifs, il y a eu une meilleure perception de la part des parlementaires de ce côté-là.

Avant d'aller plus en profondeur, il y aurait quelques questions de détail que j'aimerais soulever. Entre autres, on a parlé du transport tantôt. Quelqu'un nous a déjà mentionné que le transport était tellement organisé de façon peu adéquate que souventefois des éleveurs perdaient des animaux à cause de mauvaises conditions de transport. Est-ce que vous avez réalisé ça chez vous ou si les distances sont tellement courtes, finalement, que ce n'est pas un problème de perte dans votre cas?

M. Charland: Je pense que les pertes dont vous parlez, ce serait plutôt au niveau du transport des gros animaux.

M. Picotte: Les gros animaux, mais je me souviens aussi que M. Robidas, en commission parlementaire, qui était un éleveur de veaux de grain, nous a soumis son cas et nous a parlé, entre autres, du transport. Il semblait nous dire que c'était une partie, non pas... En tout cas, chez vous, ça ne semble pas être une partie importante qu'il faut capitaliser.

M. Chouinard: Ma réponse 'à votre question, ce serait non; parce que la majeure partie des producteurs font leur transport et il n'y a pas de producteurs qui nous font des revendications. On a quand même le comité de mise en marché à ce niveau, et il n'y a jamais personne qui s'est plaint qu'on avait des pertes élevées au niveau du transport. Ça fait plus de 1000 veaux depuis que j'ai commencé et je n'ai jamais perdu un veau dans le transport.

M. Picotte: II n'y a pas tellement de problèmes de ce côté-là.

M. Chouinard: S'il y en a un, il n'est pas majeur, je pense que non.

M. Pixotte: D'accord. Dans votre domaine, depuis cinq ans - reculons d'environ quatre ans - il y avait tel nombre de producteurs et, maintenant, avec le temps, quel est le pourcentage de ceux qui ont soit failli, abandonné ou qui ont changé d'orientation à cause, justement, de la non-rentabilité?

M. Charland: Je pense qu'il y avait un document, à un moment donné, qui avait été pondu en février 1983. Selon ce rapport, l'Office du crédit agricole avait fait - on en parlait dans notre document - une centaine de prêts en 1979 et, rendu en 1983, quand il a fini son enquête, sur les 100 prêts qu'il avait octroyés, je pense qu'il en restait environ une cinquantaine en production. Ce

sont des anciens producteurs qui sont restés en production en 1983; là, j'imagine qu'il doit y en avoir moins. Mais, d'année en année, je pense qu'il y en a d'autres qui ont recommencé; en fin de compte, il y en a qui ont racheté des faillites, probablement - je ne sais pas trop comment ça se passe - et il y a des producteurs de lait qui ont commencé à en faire beaucoup.

Quand on a eu notre assurance-stabilisation, au début, je pense qu'on était 130 ou 140 producteurs qui vivaient seulement de cela. Maintenant, on est aux alentours de 450 producteurs, incluant les producteurs de lait qui ont commencé à en faire. Il faut comprendre que les producteurs produisent environ, si ma mémoire est bonne, 30% de la production, et les 150 éleveurs qui restent, les producteurs spécialisés, font de 70% à 80%.

M. Picotte: On a parlé tantôt du marché, on a parlé de Steinberg, entre autres, qui serait prête à prendre du volume amplement. J'aimerais savoir si, à votre connaissance, il y a eu une étude sérieuse qui a été effectuée, par qui elle a été effectuée, afin de connaître le volume de production que le marché serait capable d'absorber. Évidemment, c'est sûr qu'il y a de la place, et on pourrait en mettre amplement sur les tablettes, mais est-ce qu'il y a un volume de production que le marché peut absorber? Est-ce qu'il y a une étude qui nous dit la quantité et, en plus de cela, à quel prix aussi le marché est prêt à l'absorber, c'est une autre chose? Le consommateur est prêt à payer quel prix pour du veau de grain - c'est quand même important à savoir - et dans quelle région du Québec, entre autres, la demande peut-elle exister ou peut-elle être la plus forte? Il doit y avoir des régions où... Parlons d'une étude possible, s'il y en a eu une.

M. Chouinard: II y a une étude qui a été faite en 1980 ou 1981, au début des années quatre-vingt, par le ministère de l'Agriculture. Cette étude a été faite dans plusieurs villes du Québec, notamment une ville au Lac-Saint-Jean et à Sherbrooke aussi. Une des constatations qui ressortait, c'était que le consommateur québécois mangeait très peu de veau, sauf que le consommateur néo-québécois, surtout l'Italien, en consommait beaucoup. Sur une moyenne provinciale, actuellement, il se consomme... L'étude aboutissait à des conclusions selon lesquelles 95% des Québécois ne mangent pas de veau. Le taux de consommation au Québec, c'est un peu moins de quatre livres de veau par habitant. Il y a des endroits -selon les conclusions de l'étude - où le potentiel de consommation était inexistant. Les gens ne le connaissaient pas, parce qu'il n'y en avait pas dans les comptoirs. Le boucher ne savait pas comment le couper et la consommatrice ne savait pas comment l'apprêter. La seule place où c'était différent, c'était parmi les Italiens. Le taux de consommation de veau de la part des Italiens est extrêmement élevé.

Les conclusions de cette étude, c'est que le potentiel de consommation existait à ce moment. Ils n'ont pas chiffré jusqu'à quel prix ces gens seraient prêts à payer. Je n'ai pas vu d'étude qui disait que les consommateurs seraient prêts à payer jusqu'à 15 $ le kilo pour avoir du veau. II n'y avait pas de coefficient économique rattaché à cela, mais sauf qu'il était évident que le potentiel de consommation existait. Il s'agissait maintenant de l'aménager. C'est un peu cela qui manque.

M. Picotte: C'est probablement pour cela que vous parlez de beaucoup de promotion. Il faut mettre évidemment beaucoup d'argent dans la promotion, parce qu'on sait très bien que les Québécois ne sont pas des amateurs de veau au point de départ, quand on regarde cela, puisque vous me dites en plus qu'il y a 95% des gens qui n'en mangent pas.

M. Bélanger (Gaétan): J'aimerais bien répondre à votre question. Concernant la promotion, vous savez qu'avec de la promotion on peut vendre n'importe quoi. On le sait déjà au départ, n'importe quoi, et les Japonais nous l'ont déjà montré...

M. Picotte: Ou presque.

M. Bélanger (Gaétan):... maintenant, ils sont rendus avec un bon produit. Cela, c'est la première chose.

Imaginez-vous maintenant si on a un bon produit; mais il y a de bien bons produits qui ne se sont jamais vendus, parce que la promotion a été mauvaise. Par exemple, la margarine Krona, on en entend parler, M. Baulu en fait la promotion. Qui fait la margarine Krona ici?

Une voix: Monarch.

M. Bélanger (Gaétan): Monarch. 2 000 000 $ d'injectés dans environ treize semaines, il va s'en manger de la margarine Krona. Il va s'en manger au Québec, comme ils ont fait en Angleterre, comme ils ont fait partout. Quand on a un produit, il faut en faire la promotion. Il n'y a personne qui connaît cela le veau de grain, personne; personne encore. Comment voulez-vous que les producteurs obtiennent un prix pour un produit que personne ne connaît? La demande, il faut la générer - et tantôt la question était bien posée - avec de la production, sauf que de la production, les gars vont en faire et ils sont prêts à en

faire, mais à la condition de recevoir de l'argent. Il y a deux sources pour recevoir de l'argent: il y a le marché et une source extérieure qui pourrait être le gouvernement.

Donc, cela prend la production et, parallèlement à la production, on fait la promotion de cette consommation. Il faut commencer par la production. Tantôt, on se demandait par où on commence; on commence par la production. On commence par avoir des veaux, mais, pour que les gars puissent en produire, il faut qu'ils aient de l'argent. II est là le problème, il est juste là. Le point de départ, ce n'est pas faire de la promotion d'un produit qui n'existe pas, c'est faire de la promotion parallèlement à l'implantation d'un élevage.

Je ne voudrais quand même pas prendre le temps des producteurs, mais j'aimerais revenir sur le premier commentaire qui a été émis par M. Baril. Le veau de grain, c'est un élément et c'est typique au Québec. Il me semble qu'il aurait dû y avoir des gens qui, premièrement, auraient fait beaucoup d'expériences. Ce n'est pas juste aux producteurs à faire des expériences, c'est aussi au gouvernement à en faire, à développer ces techniques. Actuellement - et on l'a fait ressortir dans notre mémoire tantôt - il n'y a plus un conseiller technique dans la production du veau de grain au Québec. Est-ce qu'on y croit encore? Il n'y a pas un conseiller technique spécialisé dans la production actuellement au Québec. Il y en a eu deux jusqu'au début de l'année 1984. Les contrats, c'est fini; ce n'était pas temporaire, mais... Les contrats sont là et il n'y a plus un conseiller technique. Est-ce qu'on y croit? On veut la développer et, à la fin de l'année 1984, on amène un superprogramme de réinvestissement, pas dans les étables qui sont là et qui ne produisent pas, dans de nouvelles étables. On dit aux gens: Construisez des étables pour produire du veau de grain et il n'y a plus un conseiller technique actuellement. C'est cela le "feeling" qu'on aimerait avoir, à savoir qui y croit encore à cette production.

Dernier élément de réponse à une des premières questions, ce sont des gens de la ville qui sont peut-être venus investir là-dedans, sauf que ce n'est pas eux qui ont inventé la production de veau de grain. L'espèce de retour à la campagne; tu fais un retour à la campagne pour quelque chose que tu connais. Quand ils sont arrivés, ils ne savaient pas le jour d'avant que la production de veau de grain existait. Ils sont arrivés devant leur conseiller en crédit et ils ont vérifié; alors, on ne pouvait pas se lancer dans le lait, on ne pouvait pas se lancer dans la volaille, et on ne pouvait pas se lancer dans les oeufs; c'est le conseiller qui disait: Tu vas te spécialiser dans le veau de grain, tu veux venir en agriculture, tu pars dans le veau de grain. Je crois que ce sont des choses qu'on peut quand même vérifier, il y avait certaines avenues et cela en était une avenue. Ce n'est pas le gars qui a décidé de s'en venir en agriculture pour produire du veau, il ne savait même pas que cela existait le veau; c'est le conseiller qui le lui a dit.

M. Picotte: Ils sont en train de me dire qu'il n'y a plus de conseiller technique dans ce domaine. Êtes-vous en train de me dire qu'on est en train d'implanter un nouveau programme ou une nouvelle politique puisqu'on y a fait référence tantôt et que, finalement, il n'y aura personne pour conseiller les gens même dans cela, même dans la nouvelle technique? Vous êtes en train de nous dire cela.

M. Charland: C'est en plein cela. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en fin de compte, développe la production de veau de grain et donne une subvention pour bâtir pour le veau de grain, mais il n'y a aucun conseiller technique dans la production de veau de grain.

M. Picotte: Même avec la nouvelle politique qui est mise en place.

M. Charland: II n'y a pas de conseiller technique présentement. Dans le champ, ce qu'ils font, en fin de compte, les officiers régionaux pour le crédit disent qu'il faut essayer: il y a un producteur qui en fait présentement; pour avoir de l'information, il faut aller le voir. C'est nous qui donnons l'information aux producteurs qui veulent se lancer dans cela et là, on leur dit: Attendons pour voir si le gouvernement veut réellement continuer.

M. Picotte: Il n'y a pas d'honoraires professionnels pour cela non plus, en guise de compensation...

M. Charland: Non, c'est nous qui subissons les...

M. Picotte: Vous pourriez envoyer une facture au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ne croyez-vous pas que, finalement, la première chose peut-être qu'il y aurait à faire - je comprends que vous demandiez 500 000 $, je ne veux pas juger de la pertinence de cette demande, sûrement qu'elle est valable - de la part du ministère, ce serait une étude justement, même s'il en existe déjà une, et d'aller un peu plus en profondeur, au moins du côté des prix que des consommateurs seraient prêts à payer, ce qui pourrait déboucher par la suite sur une étude de promotion? Cela est tout de même assez important, le prix que le consommateur est

prêt à payer; et changer ces mentalités, c'est toute une éducation à faire.

M. Chouinard: Actuellement, le service de la commercialisation du MAPAQ a suffisamment d'information pour répondre à cela. Aujourd'hui, le veau de lait se vend 2, 40 $ la carcasse. Notre prix de veau de grain est à 1, 80 $, il y a une différence de 0, 60 $. Je pense que le problème du veau de grain actuellement, ce n'est pas qu'on n'est pas capable d'obtenir notre coût de production. On a déjà développé... Nous, producteurs, sommes capables de spécifier notre produit. Quand le veau de grain a commencé, ce n'était pas du veau de grain, c'étaient toutes sortes de veaux dans lesquels il y avait du veau de grain. On s'est rendu compte qu'il fallait spécifier notre produit et qu'il fallait l'identifier. Alors, on l'a demandé et on a fini par l'obtenir aussi, on a fait des pressions au niveau des intervenants pour avoir la classification dans le veau de grain. Cette classification, aujourd'hui, on l'a et il se classe actuellement au Québec de 1000 à 1500 veaux par semaine. C'est une chose qui est faite, les bouchers achètent leurs veaux classés. On a réussi à spécifier notre produit. Ce qui nous manque actuellement, c'est le volume de production pour être capable de répondre à cette demande.

Steinberg a investi des sommes d'argent considérables et elle est la seule à l'avoir fait actuellement. Elle a cru au veau de grain, comme nous, et elle a investi de l'argent dans la mise en marché du veau de grain. Actuellement, tous les magasins Steinberg dans la province de Québec ont du veau de grain dans leurs comptoirs identifiés avec un petit collant sur chacun des paquets. Je pense que c'est croire au veau de grain que de faire cela. Le problème chez Steinberg, et que nous craignons beaucoup, c'est qu'elle nous laisse tomber. Si Steinberg nous laisse tomber, il n'y aura plus de veau de grain au Québec. Elle va nous laisser tomber, parce qu'elle n'est pas capable d'en faire la promotion; elle voudrait en faire une ce printemps, bientôt, et cela lui prend 3000 boîtes ou 1500 carcasses qu'elle nous a demandées, c'est la production d'une semaine complète. Cela veut dire qu'il n'y a pas de veau de grain nulle part ailleurs au Québec. Je pense que, si elle ne réussit pas è le faire et si elle ne réussit pas à promouvoir le produit et à en vendre de plus en plus dans ses magasins, parce qu'elle ne peut pas rester au point où elle en est là, elle a déjà investi beaucoup d'argent et je crois qu'elle va vouloir le promouvoir, elle va abandonner. (21 heures)

M. Picotte: À un moment donné, vous écrivez dans votre mémoire que les entreprises n'auraient pas été menacées si, dès le début, des techniques de production de veaux de grain avaient été mises au point et si un véritable marché de consommation avait existé pour ce produit. On vient de parler un peu du marché de consommation. Vous parlez des techniques de production de veaux à mettre au point, vous parlez un peu plus loin aussi du modèle de ferme, de l'efficacité. Cela veut dire que, quand il y a eu des techniciens qui sont allés, au début, pour vous préparer ou pour essayer d'organiser cette production-là chez vous, on vous a fait un modèle de ferme. On a dit: Cela va donner un tel taux de rentabilité. Si je ne m'abuse, cela s'est fait un peu comme dans d'autres productions où l'on dit, par exemple: Le veau ou le boeuf est à tel prix. À ce moment-là, tu fais: tant de veaux multiplié par tant de livres, quand c'est fini, à tel prix, égalent tant. C'est ton modèle et tu es censé arriver comme cela.

On a vu dans le boeuf, entre autres, qu'à un moment donné on fixait le prix à 1, 30 $, mais, quand on regarde cela, le boeuf se paie 1, 30 $ une semaine durant l'année. Alors, il faut qu'un gars soit mauditement chanceux pour arriver, cette semaine-là, à produire tout son boeuf, finalement, qui rapporte exactement ce qu'il doit rapporter. C'est le même genre de modèle qu'on a fait chez vous. Quand vous arrivez et que les techniciens vous fournissent un modèle, on vous fait un modèle qui est parfait, mais finalement on ne tient compte de rien, j'imagine. On ne tient pas compte de la maladie, on ne tient pas compte d'une foule de choses comme cela.

M. Pilotte (Luc): Excusez! Ce qui est arrivé, c'est qu'ils ont essayé de tenir compte du modèle, mais c'est qu'ils n'étaient pas au courant de la production du veau de grain. On a eu des problèmes au départ de manque de capacité dans l'étable. Les gars ne pouvaient pas rouler à pleine capacité. Il y a eu des maladies qui se sont développées chez le veau, comme la salmonelle. Il n'y a aucun vétérinaire qui connaissait cela, il n'y a aucun vétérinaire qui pouvait guérir cela; donc, c'est le producteur qui absorbait la perte de cela et il y avait des pertes, à un moment donné, assez énormes. Il y a des producteurs qui ont dû lâcher dès la première année à cause de pertes semblables. Il y avait des problèmes de ventilation et toutes sortes de problèmes. Ce n'est pas le bon vouloir qui manquait, mais seulement l'expérience et, cette expérience-là, ce sont les producteurs qui l'ont endossée.

M. Picotte: Autrement dit, les gens qui sont allés vous faire un modèle, ils ne connaissaient pas plus cela que vous autres, en moins probablement qu'en plus. C'est cela que ça veut dire.

M. Doyon (Antoine): Quand vous parlez de modèle, c'est le modèle pour l'assurance-stabilisation. Ce n'est pas le modèle physique de la ferme, c'est un modèle économique. Ce modèle-là a été établi conjointement avec les producteurs de veaux de grain et le comité MAPAQ-UPA au printemps 1980. Dans le temps, quand on l'a établi, le modèle reflétait la situation de l'année, mais cela a évolué tellement vite au cours des années suivantes que le modèle est devenu déficient au point de vue du poids des animaux, du taux de mortalité, du roulement dans la ferme. Premièrement, on prenait un modèle qui produisait, la première année, 425 veaux; ce n'était pas vrai, on pouvait produire seulement 354 veaux la première année. Alors, tout de suite en partant, on avait un modèle qui était faussé déjà la deuxième année et qui s'est amplifié d'année en année. Le régime d'assurance-stabilisation, la philosophie de cela, c'est basé sur le fait que cela paie deux ans sur cinq, à peu près, comme dans toutes les autres productions. Mais, quand cela paie cinq ans sur cinq, les 90% du salaire de l'ouvrier spécialisé deviennent, au bout de cinq ans, 30% et la prime qu'on ne doit pas calculer dans les coûts de production devient drôlement fatigante, tu es obligé de la prendre sur ton salaire; cela fait que, d'année en année, il ne te reste plus rien. C'est là que le modèle est devenu plus au point. Depuis trois ans, on était censé le modifier d'année en année.

Je ne sais pas si c'est le ministre ou le Conseil du trésor qui fait qu'on ne signe pas. À chaque année, les comités MAPAQ-UPA disent: On va le changer. Mais il n'a jamais été changé.

M. Picotte: Est-ce que présentement, au moment où l'on se parle, les spécialistes de la santé ont réussi à mieux traiter les animaux et qu'il y a beaucoup moins de perte de ce côté-là, ou si on est encore un petit peu dans le néant?

M. Charland: Je pense que les producteurs de veaux de grain leur ont donné un maudit bon coup de main. Les producteurs de veaux de grain ont donné un bon coup de main aux vétérinaires à savoir comment faire pour soigner les veaux. Je pense que c'est bien plus cela. En tout cas, depuis que je suis dans la production de veaux de grain, la clinique vétérinaire de la région chez nous vient faire un tour chez nous, à toutes les années, pour venir voir ce que j'utilise, qu'est-ce que je prends, comment je le donne, quand est-ce que je le donne et ce que je fais avec les veaux pour les sauver. Parce que, eux autres, ils ne comprennent pas qu'on les sauve, ces veaux-là.

Quand ils regardent les chiffres, par exemple, qu'ils font des recherches et qu'ils arrivent avec des taux de 30% et de 40%, qu'ils viennent chez nous et qu'on est capable de rouler à 10%, ça les dépasse. Alors, ils viennent voir ce qu'on utilise et ce qu'on fait avec eux autres. C'est nous qui leur donnons l'information pour savoir comment faire ailleurs s'ils ont des problèmes avec les veaux.

M. Picotte: M. le Président, si j'ai bien compris, vous m'avez dit qu'il n'y avait plus de temps.

Le Président (M. Vallières): Oui, malheureusement, nous avons terminé notre bloc.

M. Picotte: II me restait tellement de questions encore.

Le Président (M. Vallières): Mais je pense qu'il y a une question assez générale qui se pose. On pourrait peut-être compléter avec une courte question portant strictement sur le poids du veau.

M. Dupré: C'est ça, sur le poids des veaux. Vous me dites qu'en 1980 c'était 375 livres. Si un nouvel éleveur part, aujourd'hui, est-ce qu'il va les rendre, déjà, dans la première année, à 475 livres ou si ça va être 425, va-t-il y avoir une diminution?

La deuxième question: Est-ce que ce n'est pas plus payant de les vendre à 375 livres, vous pourriez alors les vendre plus rapidement? Est-ce que, si vous les gardez et les montez de 100 livres, le producteur est gagnant?

M. Chouinard: La réponse à cette question, c'est: le poids de vente, c'est le marché qui le fait. Au moment où les prix sur le marché pour un veau de 475 livres sont plus élevés que pour un veau de 400 livres, la réponse est là. Le producteur va vendre un veau de 475 livres. Un producteur qui commence sa production en 1985 sort son premier veau à 475 livres.

M. Picotte: Est-ce que ça varie?

M. Chouinard: Le poids du marché peut varier légèrement, fluctuer dans l'année. Mais, on se rend compte, d'année en année, que le poids moyen va en augmentant.

M. Dupré: Comme ça, les derniers cent livres, c'est payant de le garder pour ce temps-là, pour le vendre à cent livres de plus.

M. Chouinard: Actuellement, oui. Ce n'est pas parce que les producteurs ne veulent pas produire un veau de 375 livres. Ce n'est pas dans ce sens-là qu'on dit qu'on veut que le modèle soit ajusté à 475 livres. On dit: II faut que le modèle soit ajusté à la

production.

M. Dupré: Si ça monte de 25 livres par année, ça va arrêter où?

M. Chouinard: Actuellement, je pense que la production est stabilisée. Je pense que le marché n'ira pas bien au-dessus de ce poids-là, pas actuellement. Il a même baissé un peu.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie, c'est très intéressant comme discussion.

M. Pilotte: Si on avait une subvention directe aux producteurs, si on dit qu'on sort 58 000 veaux par année, en dedans de six mois, on serait presque capable de doubler la capacité des 58 000, parce que, présentement, les producteurs, en grande partie, travaillent à 75% de la capacité de leur étable, à cause du manque de liquidité. Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien.

Si, à chaque fois, on prend 30 secondes de plus, on élargit le système. M. le député de Berthier.

M. Houde: Moi, je voudrais savoir -c'est comme le poulet à rôtir - lorsque vous produisez un veau de 375 livres ou de 475 livres, est-ce que ça ne prend pas plus de temps aujourd'hui que cela n'en prenait voilà quatre ans? Est-ce que c'est plus efficace et vous le produisez en moins de temps?

M. Chouinard: On est plus efficace qu'on ne l'était voilà quatre ans, je pense.

M. Houde: Vous produisez en moins de temps aujourd'hui?

M. Chouinard: Oui et nos taux de conversion sont meilleurs aussi.

M. Charland: Les veaux de 475 livres, ça ne va pas plus vite que des veaux de 375 livres. Ils ne sont pas plus vite, mais ça prend plus de temps à faire.

M. Houde: Un peu plus de temps, oui?

M. Charland: Oui, c'est clair. Les 100 livres qu'un veau va prendre - supposons 25 livres par semaine - ça va lui prendre un mois de plus dans l'étable, pour lui faire faire 450 livres. Cela, c'est clair.

M. Houde: M. le Président, quand on faisait un barbecue, il y a huit ans, on le faisait dans dix semaines pour peser quatre livres. Aujourd'hui, on le fait dans six semaines pour peser quatre livres et quart. C'est pour ça que je voulais comparer le coût, s'il est pareil.

M. Charland: Oui, mais je pense que, s'il y a de l'investissement au niveau de la recherche, je ne dis pas qu'on ne sera jamais capable.

M. Houde: Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Nous allons clore là-dessus.

M. Houde: Le montant de la subvention pour chaque veau dont vous parliez, c'est combien?

M. Chouinard: Tout dépend de l'année où le producteur a commencé. Vous l'avez dans le tableau qui a été mentionné tantôt. Il n'a pas été additionné.

Le Président (M. Vallières): Nous vous remercions de votre témoignage. Je prierais maintenant la Fédération de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield de s'approcher, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais au président, M. Maurice Savaria, de bien vouloir présenter ceux qui l'accompagnent et de procéder, à la lecture de son mémoire pour une période d'environ vingt minutes.

Fédération de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield

M. Savaria (Maurice): M. le Président, membres de la commission parlementaire, il me fait plaisir, ce soir, de venir vous présenter le mémoire qu'on vous a déjà fait parvenir. Je suis accompagné de M. Louis Beauclair, directeur du service de l'information chez nous, Saint-Jean-Valleyfield.

Le document qu'on va vous présenter est peut-être un peu à caractère régional, bien sûr, vu que notre fédération Saint-Jean-Valleyfield a à vivre une situation un peu particulière. Étant situés près des grands centres, nous avons vécu le phénomène de la spéculation des années soixante-dix. J'aimerais aussi vous remercier de l'attention que vous nous portez à cet effet. Pour vous présenter le document, je demanderais à M. Beauclair de vous en faire la lecture.

M. Beauclair (Louis): D'accord, En tant qu'organisme impliqué dans le domaine agricole, il nous fait plaisir de participer, aujourd'hui, à la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. La présente commission représente pour nous un lieu privilégié d'intervention, étant donné, d'une part, le nombre d'intervenants présents et, d'autre part, les membres qui y siègent.

Le dossier de la relève agricole en est

un des plus vastes et, à la fois, des plus complexes. En effet, il n'est pas nouveau que des groupes s'attardent à évaluer la problématique du dossier de la relève. Il n'est pas nouveau non plus que les divers intervenants du milieu tentent divers exercices dans le but de permettre à la relève agricole de se faire plus nombreuse, mieux préparée et plus intéressée.

Après nombre d'interventions de la part des partenaires agricoles ou para-agricoles, force nous est de constater qu'un grand nombre de problèmes subsistent et parfois même s'aggravent depuis les dernières années.

L'objectif de la présente intervention est, d'une part, l'énoncé des aspects primordiaux de cette problématique et, d'autre part, de soumettre notre point de vue quant aux actions à poser ou décisions à prendre dans le but d'en arriver à des solutions pratiques et efficaces.

Notre intervention portera donc sur trois aspects principaux du dossier, à savoir: la relève agricole vue en termes de quantité, le financement des entreprises agricoles, puis le dossier de la création des nouvelles entreprises, possibilités et contraintes.

La relève agricole, vue en termes de quantité. Lorsque nous prenons connaissance des différents écrits sur le sujet, nous nous rendons vite compte que les différents intéressés s'entendent pour évaluer qu'au Québec nous retrouvons généralement une relève agricole suffisante pour permettre un lendemain à la majeure partie des entreprises déjà en place. Or, nous croyons que cet énoncé, bien qu'encourageant, est positif, mais ne reflète pas la réalité.

En effet, les différentes méthodologies de calcul ont pour objectif de mesurer de façon précise le nombre d'établissements et de le confronter au nombre de retraités constatés dans le secteur agricole. Or, nous croyons que nous obtenons par ce moyen non pas un indice de la santé du niveau de relève, mais tout simplement un taux de remplacement qui, bien qu'il soit généralement positif, ne reflète, selon nous, qu'une partie des besoins du secteur agricole. D'une part, nous considérons que deux types d'erreurs flagrantes se glissent lorsque nous posons le problème de cette façon. Premièrement, le Québec peut posséder un taux de remplacement des propriétaires agricoles positif tout en ayant, à notre avis, à souffrir grandement, dans certaines régions, d'une pénurie ou d'un surplus. Ce sont deux situations qui sont, à notre avis, tout aussi intolérables l'une que l'autre. La première ne permettra pas à l'entreprise de trouver preneur, alors que la seconde ne permettra pas à l'aspirant de trouver l'entreprise sur laquelle il anticipe de donner suite à ses aspirations et est, par surcroît, très inflationniste.

L'autre type d'erreur qui, à notre avis, se glisse dans nos discussions lorsque nous parlons de relève agricole est d'estimer les besoins en relève en termes uniques de remplacement des entrepreneurs actuels. À ce moment, nous ignorons les besoins pour mettre en place de nouvelles entreprises dans les régions qui possèdent de grandes superficies à réintégrer à des pratiques agricoles. Comment pouvons-nous anticiper un jour réintégrer à une utilisation agricole les milliers d'acres soumis à la spéculation foncière, si nous ne tenons pas compte des besoins du propriétaire ou du travailleur agricole pour ces espaces?

Nous considérons que les méthodes actuelles de calcul au niveau de la relève ont pour objet de semer dans l'esprit de la population un sentiment de suffisance et qu'il nous faut, au contraire, refléter la réalité. Tout ceci, afin d'attirer au secteur agricole des entrepreneurs intéressés et agressifs qui pourraient orienter une carrière dans ce même secteur.

Afin de pallier cette situation, nous croyons que, lorsque nous parlons de relève agricole, nous devons considérer non pas uniquement le besoin de remplacement, mais le besoin pour pouvoir utiliser le territoire de façon globale. (21 h 15)

Le financement des entreprises agricoles. Cet aspect du problème de la relève agricole est, selon nous, le plus important. Comme dans tout autre secteur de l'économie, l'agriculture est de plus en plus soumise à cette grande règle qui veut que la santé du secteur soit en grande partie soumise et proportionnelle aux sommes qui y sont investies.

Le gouvernement du Québec de même que les institutions privées acceptent, il est vrai, d'investir des sommes qui, globalement, sont très importantes. Il est vrai de plus qu'un certain nombre de programmes gouvernementaux complètent, tant bien que mal, les divers modes de financement mis à la disposition des jeunes.

Notre intention n'est pas de soulever ici un débat sur tout l'aspect du financement. Tout au plus, nous aimerions vous faire part d'un certain nombre d'idées nouvelles et originales qui proviennent d'échanges, d'avis que nous avons eus sur le sujet. Notre intervention portera sur quatre aspects du problème: le crédit à long terme; l'aide à l'établissement; les productions contingentées et la banque agricole.

Le crédit agricole à long terme. La forme de financement de l'agriculture formulée par cette loi provinciale comporte, à notre avis, un certain nombre de lacunes. Parmi celles que l'on peut déceler le plus facilement, nous pouvons mentionner la fixation à long terme des montants de crédit disponibles, alors que nous vivons tous dans

une économie où l'inflation est omniprésente. Ce simple fait a pour effet de voir les problèmes de financement à long terme s'aggraver d'année en année, alors que l'inflation gruge lentement la valeur réelle des montants de crédit pouvant être accessibles.

Un deuxième point sur lequel nous aimerions vous entretenir est le niveau même de ces crédits pouvant être obtenus qui, selon nous, ne sont pas réalistes, tenant compte des investissements devant être réalisés pour se porter acquéreur d'une entreprise. La situation est la même, que cette acquisition se fasse seule ou en groupe.

Un troisième aspect qu'il nous faut envisager, c'est le fait que, lors de l'acquisition d'une entreprise, les premières années d'opération de celle-ci sont les plus cruciales. En effet, la fragilité financière d'une entreprise agricole est, à notre avis, beaucoup plus grande lors des cinq à sept premières années qu'elle ne l'est lors des années subséquentes. Après un certain nombre d'années, une saine gestion lui permet d'atteindre une croissance positive et une rentabilité beaucoup plus certaine.

Afin de pallier ces trois problèmes, nous croyons que des mesures nouvelles devraient être mises en place afin d'apporter à notre relève agricole de meilleures conditions de fonctionnement et une plus grande possibilité d'atteindre un niveau de rentabilité

Nous croyons ainsi que le gouvernement devrait, dans ses législations portant sur le financement agricole, tenir compte des trois conditions suivantes: Premièrement, indexation annuelle des montants de crédits subventionnés aux taux d'accroissement du coût des entreprises. Deuxièmement, ajustement des plafonds actuels de crédits subventionnables à un montant de 250 000 $ pour un entrepreneur unique, avec la possibilité d'y ajouter 100 000 $ par actionnaire impliqué à temps plein dans l'entreprise dans le cas des entreprises de groupe. Troisièmement, modifier l'intervention du gouvernement et la formule de distribution de son aide.

Nous considérons ainsi que la loi sur le crédit à long terme devrait permettre d'aider le jeune en période d'établissement et de consolidation plutôt que d'être uniforme tout au cours du prêt. La formule pourrait offrir, pour le premier tiers de la durée du prêt, une aide maximale; pour le second tiers, une aide qu'on pourrait qualifier de "médium" et, pour le dernier tiers, une aide minimale. Cette formule devra permettre d'étaler l'aide totale calculée pour le prêt octroyé aux périodes où le jeune, en voie d'établissement, en a le plus besoin.

L'aide à l'établissement. Le second aspect que nous désirons soulever dans te dossier du financement agricole est celui de l'aide à l'établissement.

Premièrement, nous croyons qu'il serait illogique qu'à compter du 31 décembre 1985 le gouvernement du Québec mette fin au choix pour l'aspirant d'une subvention directe à l'entreprise ou d'une subvention appliquée è son financement. En effet, ces deux formules sont globalement équivalentes et nous croyons qu'il revient à l'aspirant de déterminer, à partir de sa situation propre, que! type d'aide convient le mieux à son entreprise.

Tout en conservant le libre choix entre ces deux formules, nous croyons par contre qu'un certain nombre d'amendements devraient être apportés, dont l'indexation des montants d'aide au taux d'accroissement du coût des entreprises et que, dans le cas d'entreprises de groupe et si un des partenaires occupe temporairement un emploi extérieur afin d'aider l'entreprise à démarrer, on permette à celui-ci de toucher le pourcentage de la subvention correspondant è son pourcentage de parts de l'entreprise, à partir du moment où cet actionnaire revient à plein temps à l'entreprise.

Les productions contingentées. Nous n'apprenons rien à personne, je crois, lorsque nous énonçons qu'il est de plus en plus difficile d'accéder à une entreprise impliquée dans une production contingentée. Le degré de difficultés s'accroît de plus en plus lorsqu'il s'agit d'une entreprise impliquée dans une production sans sol.

À l'analyse de ce dossier, nous conviendrons tous que le problème n'est pas en soi le contingent rattaché à cette production, mais bien sa valeur, alors que les institutions de crédit ne veulent pas prêter sur ce contingent tout en le prenant en garantie.

Nous comprenons bien que la valeur du quota est arbitraire et difficile à fixer. Pour l'institution prêteuse et l'emprunteur, il est difficile, sinon impossible, d'estimer sa valeur pour la durée d'un prêt.

Or, nous croyons par contre que, si nous ne tentons pas ensemble de trouver une solution à ce problème - et ce, très rapidement - les productions d'oeufs, de volailles, etc., risquent fort de se retrouver entre les mains d'un ou de quelques individus, le modèle américain en quelque sorte.

Vous et nous ne croyons pas à cette formule et nous croyons qu'il nous faut mettre en place les mécanismes nécessaires pour permettre à de nouveaux exploitants d'accéder à ces productions. Nous croyons en ce sens que les maisons prêteuses devraient de plus en plus considérer, lors d'un projet de financement agricole, 50% de la valeur du quota comme garantie apportée aux prêts et permettre ainsi à ces exploitations une relève nécessaire.

La banque agricole. Cette idée, lancée

il y a de cela quelques années par le ministre Garon, a été à plusieurs reprises considérée. Nous croyons qu'il est essentiel et urgent que le gouvernement du Québec y donne suite. Nous sommes d'avis qu'il est souhaitable que les montants générés par l'agriculture y soient réinvestis si nous ne voulons pas être continuellement à la merci de nouveaux capitaux qui sont hélas trop longs à venir.

La création de nouvelles entreprises; possibilités et contraintes. Comme nous l'avons mentionné précédemment, certaines régions du Québec foisonnent d'espaces vacants actuellement sous ou non utilisés. Or, à notre avis, si nous voulons véritablement instaurer au Québec une industrie agricole saine et dynamique, il nous faut mettre fin à ce cancer qui la ronge. Que ces espaces soient inutilisés en raison de l'abandon de l'agriculture ou en raison de leur soustraction du milieu agricole par la spéculation foncière, l'État doit intervenir. En effet, quelle qu'en soit la cause, les conséquences demeurent les mêmes, à savoir une diminution du dynamisme régional. Au risque de nous répéter, il nous faut mettre en place de véritables mécanismes de réinsertion de l'agriculture. Une chose demeure, c'est que le gouvernement du Québec a voté - il y a de cela plusieurs années - une loi timide et qui est loin de faire l'unanimité, la loi sur les banques de terres.

De plus, l'expérience des dernières années, depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, démontre qu'il ne suffit pas de peindre le territoire, mais qu'il nous faut y mettre les conditions. Il revient - nous croyons - à chaque intervenant de faire son bout de chemin. Ce qu'il nous faut avoir continuellement à l'esprit, si nous voulons véritablement ouvrir l'agriculture à notre jeunesse, c'est que des gestes doivent être posés non seulement par les agriculteurs en place, mais par tous les impliqués. Il nous faut également avoir à l'idée que l'agriculture du Québec doit demeurer aux mains des agriculteurs. Sans nier que l'on puisse faire de l'agriculture sous location ou sous toute autre forme, nous sommes convaincus que l'agriculteur propriétaire de ses moyens de production rejoint beaucoup plus notre vision commune d'une agriculture dynamique et rentable.

Il est dommage de constater que plus que six ans après l'adoption de la loi 90, quel que soit le milieu où l'on se retrouve, on est encore à se poser des questions sur certains aspects d'une telle loi. Dommage également que l'on tarde à mettre en place de véritables outils qui pourraient permettre à plus de jeunes d'adhérer à l'agriculture et d'y développer de nouvelles entreprises dans des milieux où nous nous payons présentement le luxe de l'inertie.

Nous croyons aussi que les autorités tant municipales que provinciales doivent agir de concert avec les artisans mêmes de l'agriculture québécoise, à savoir les agriculteurs eux-mêmes.

En guise de conclusion, nous pourrions, je crois, mentionner qu'il y a, au Québec, beaucoup de place pour développer l'agriculture. Il nous faut également être conscients que ce développement ne peut se faire que si des garanties et des conditions sont mises en place. Nous pourrions allonger de beaucoup cette présentation des différents problèmes du milieu. Tenant compte du cadre de référence fourni, il nous a fait plaisir de vous présenter notre opinion. Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. J'ai plusieurs demandes d'intervention dont le député de Huntingdon, suivi du député d'Arthabaska. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Au nom de l'Opposition, je voudrais vous remercier, M. Savaria, d'avoir bien voulu présenter un mémoire et aussi d'être venu nous rencontrer ici à cette commission.

Vous avez soulevé plusieurs points intéressants. J'aimerais commencer par le domaine de la relève agricole dont vous avez parlé au début de votre mémoire. Vous avez indiqué qu'il y a pénurie dans certaines régions et surplus dans d'autres. Est-ce que vous avez identifié certaines régions cibles où il y aurait surplus ou pénurie? À la préparation de ce mémoire, est-ce que vous vous basez sur des données précises de régions où il y aurait un manque de relève agricole?

M. Beauclair: Ce sur quoi on se base surtout, si on prend le territoire... D'accord, comme disait le président tantôt, on a quand même régionalisé passablement notre intervention, et lorsqu'on regarde le territoire que nous couvrons au niveau de la fédération, on se rend nettement compte, entre autres, lorsqu'il s'agit de transfert d'entreprise, si on se situe dans des régions, si on passe par comté, supposons dans le comté de Beauharnois, aussitôt qu'il y a une entreprise agricole qui est mise en vente, les gens se l'arrachent, c'est-à-dire qu'il y a une demande qui est présente, d'une part, au niveau des agriculteurs en place, mais également aussi, au niveau de jeunes agriculteurs qui veulent s'établir.

Si nous allons dans d'autres secteurs de notre fédération, dans les régions comme celle de Boueherville, etc., on se rend compte qu'il y a un vieillissement - ce n'est pas un défaut de vieillir, remarquez - des agriculteurs en place et ces gens-là n'ont pas actuellement de relève. Ce sont les mêmes gens. Puis, ce qu'on constate, c'est que ce sont les gens qui ont été confrontés

justement, ce qu'on soulevait tantôt - à des problèmes de spéculations foncières qui ont fait qu'ils n'ont pas véritablement investi à long terme dans l'entreprise et il ne s'est pas créé de noyau de relève dans ces milieux-là. Ce qui nous amène à dire que, lorsqu'on regarde au niveau des transactions de ferme, entre autres, dans une région comme Boucherville et toutes ces banlieues, on se rend compte qu'il ne se fait pas de transaction de ferme père-fils, alors que, dans d'autres régions, comme les comtés de Beauharnois et de Vaudreuil-Soulanges où il existe une relève, on sent qu'il y a un dynamisme, qu'il y a un développement de l'agriculture.

M. Dubois: Vous avez soulevé le point que ce n'est pas uniquement un besoin de remplacement, mais bien aussi pour pouvoir utiliser tout le territoire disponible. Cela m'amène à vous poser la question suivante. Dans quelles productions cibles verriez-vous la relève agricole se lancer, face à plusieurs productions qui sont très difficiles actuellement? Si on veut utiliser tout notre territoire, il faut quand même avoir des productions qui sont attirantes pour la relève. Alors, est-ce que vous auriez des productions cibles?

M. Savaria: Je pense qu'il n'y a peut-être pas de production cible comme telle, mais en tenant compte qu'il y a beaucoup de bonnes terres agricoles, compte tenu des degrés thermiques, la fédération de la région est certainement avantagée. Il y a différentes cultures, comme la culture céréalière, qu'on pourrait certainement développer pour la rendre intéressante. Bien sûr, des productions très intéressantes, c'est très difficile à identifier par les temps qu'on passe.

M. Dubois: Je comprends qu'on a une région qui est particulièrement versée dans l'horticulture, mais, quand on regarde les difficultés des producteurs céréaliers, par exemple, dans le maïs-grain, si on regarde la situation depuis quelques années, c'est à peu près désastreux sur le plan revenu net. J'aimerais bien voir à ce que cette situation se corrige, car ce serait un endroit où on pourrait envoyer une relève agricole. Actuellement, les difficultés au niveau du prix de la marchandise, au niveau de plusieurs contraintes, l'offre qui est quand même assez importante provenant de l'Ouest, de l'Ontario, des États-Unis, à des prix très bas, empêchent quand même les jeunes producteurs de se lancer dans la production céréalière présentement, à moins qu'il n'y ait des aides particulières ou enfin qu'on puisse soutenir cette production davantage. Il faudrait quand même qu'il y ait des aides sous quelque forme que ce soit, si on veut attirer notre relève vers ce genre de production.

Dans la production horticole, c'est autre chose. Je remarque que, dans la région où je vis, la plupart des jeunes se lancent dans la production horticole. Cela exige peut-être un peu moins de mise de fond et c'est peut-être plus facile de s'en sortir. On est près du marché de Montréal, mais cela ne règle pas le problème de ceux qui résident à 100 ou 200 milles de Montréal; cela ne règle pas leur problème, car la mise en marché est plus difficile, à ce moment-là. Si on veut avoir une relève agricole, il faudra certainement avoir des programmes qui vont inciter les jeunes à aller vers une production. Je pense que plusieurs intervenants ont fait état d'un besoin d'améliorer notre façon d'aider le jeune producteur à s'insérer dans l'agriculture. Est-ce que vous avez des suggestions particulières à proposer au niveau de type d'aide en dehors, disons, de taux de financement à rabais? Est-ce qu'il y a d'autres formes d'aide que vous seriez porté à suggérer à cette commission-ci? (21 h 30)

M. Savaria: Moi, ce que j'aimerais répondre à ça, c'est que, étant dans une région où les degrés thermiques nous permettent de faire une culture céréalière, peut-être pas de façon la plus avantageuse, mais dans des conditions où on peut produire des quantités assez importantes, je pense que, s'il y avait de bons programmes au niveau de l'élevage de bovins, pour n'en nommer qu'un, ça serait une continuité de notre production. C'est-à-dire qu'on pourrait prendre la céréale et la finir en chair, parce qu'au Québec, présentement, on produit à peine 18% de nos besoins de consommation en bovins.

Je pense que, s'il y avait de bons programmes à cet effet, les agriculteurs pourraient certainement embarquer dans ces genres de programmes et développer cette production, à partir des céréales qu'on est en mesure de produire avantageusement, si on se compare à d'autres régions du Québec. Bien sûr, il y a d'autres régions qui sont intéressantes. Mais on pourrait transformer ça en chair et ainsi de suite. On ne s'est peut-être pas arrêté à cela.

Mais, on pourrait certainement être imaginatif et sortir certains points intéressants à cet égard.

M. Dubois: Entre autres, vous avez parlé aussi d'un autre sujet très intéressant, en ce qui a trait à l'établissement pour les jeunes, à l'effet d'avoir des prêts en trois étapes, c'est-à-dire un prêt qui augmente à chaque période de tant d'années. Au début, il y aurait des prêts plus généreux et l'intérêt augmenterait par période. Alors, ce serait peut-être une façon d'aider le jeune à s'en

aller vers les productions dont vous parlez.

Il reste quand même que, si l'assurance-stabilisation n'est pas plus généreuse qu'elle ne l'est actuellement, au niveau des productions céréalières, il y a encore des difficultés à prévoir.

Est-ce que vous avez des taux à suggérer? Par exemple, quel pourrait être le taux minimal pour le premier tiers; le taux moyen pour le deuxième tiers?

M. Beauclair: En réalité, de mémoire, on avait arrêté certains taux. Je sais qu'il y a deux ans, on en avait discuté. Il me semble que c'était quelque chose comme 4, 8%. Mais, disons que, pour les taux précis qu'on avait arrêtés, je pourrais toujours... Mais je pense que l'idée première, c'était de dire, si on prend une période de 20, 25 ou 30 ans, on échelonne un prêt. On s'attend à une aide financière de la part du gouvernement au niveau du crédit qui représente une somme globalement d'à peu près tant. Généralement, si on tient compte d'un taux d'intérêt pas trop fluctuant, à ce moment, l'aide est répartie, à toutes fins pratiques, sur la durée du prêt.

Ce qu'on veut dire, c'est qu'un jeune qui part a besoin, à notre sens, de beaucoup plus d'aide gouvernementale qu'une personne qui est à la veille de quitter l'agriculture. À ce moment-là, je pense qu'il s'agirait de chercher ensemble, sans nécessairement s'astreindre à dire: Ils ont dit 2%, ils ont dit 5%, c'est oui ou non.

Je pense que c'est plus au niveau d'un principe, à savoir échelonner de façon différente l'aide au financement.

M. Dubois: Vous avez également soulevé le cas des coûts effarants que représente l'achat des quotas, que ce soit pour les oeufs, pour le lait ou d'autres domaines. Vous indiquez la nécessité que les institutions financières prêtent jusqu'à 50% de la valeur du quota. Actuellement, elles prennent le quota en garantie, mais elles n'augmentent pas la valeur du prêt. À ce moment-là, est-ce que vous seriez prêt à suggérer que la banque prenne la responsabilité à ses charges ou que ce soit garanti par l'Office du crédit agricole, ces 50% de la valeur du quota? Parce que les institutions financières, j'imagine, le feraient, pour autant qu'elles ont un certificat leur garantissant les prêts. À ce moment-là, ça devient une décision qui est beaucoup plus de l'office, du ministère de l'Agriculture, que de l'institution financière. Ce n'est pas spécifié si c'est une institution financière qui devrait porter la responsabilité de ces 50%, ou l'office.

M. Beauclair: Au moment où on en avait discuté, pour nous, il était clair que c'était l'office parce qu'il met déjà un élastique sur le quota. Essayez de disposer de votre quota lorsque vous avez un crédit à l'Office du crédit agricole et ce n'est pas long que vous avez la visite des officiers. À ce moment-là, étant donné qu'ils tiennent déjà compte de la présence d'un quota sur une entreprise... D'ailleurs, on s'est déjà laissé dire que, de façon indirecte, ils en tenaient quand même compte jusqu'à un certain point au niveau du montant de crédit accessible. Dans le fond, ce serait pour permettre à des entreprises...

Surtout lorsqu'il s'agit de production sans sol, le problème, c'est que, si on veut anticiper un transfert au niveau d'une relève éventuelle, actuellement, c'est totalement impossible. J'ai un exemple où ça prendrait une équité d'à peu près, dans le fond des poches du fils, 350 000 $ à 400 000 $ pour acheter l'entreprise qui est une entreprise, dans ce cas, d'élevage de poulets; ça prendrait à peu près 350 000 $ au jeune pour acheter ça de son père actuellement parce que, comme seule garantie de l'entreprise, il y a quatre acres de terrain, il y a un poulailler qui, sans poulet, sans quota, n'a à peu près aucune valeur et une résidence qui a une valeur tout à fait normale, ce qui veut dire, en termes d'équité, en termes de garanties, qu'il y a très peu de garanties. À ce moment-là, à notre sens, c'est à peu près impossible pour un jeune de pouvoir s'établir sur une entreprise, même s'il envisage un établissement à deux ou trois personnes là-dessus.

Plus on laisse persister le problème, à notre sens, il va en s'aggravant, et très rapidement. Connaissant un peu l'âge moyen des agriculteurs dans la région, ça veut dire, à toutes fins utiles, que d'ici vingt ans les transferts à faire seront terminés. À ce moment-là, si on ne modifie pas nos vues sur un dossier de ce type, on laisse s'aggraver une situation sans que jamais une relève puisse s'établir dans les productions de ce type.

M. Dubois: Un dernier point. Vous avez soulevé la question de banque agricole; je pense que ça circule depuis quelques années. Est-ce que vous voyez une obligation de la part d'un vendeur d'une ferme de réinvestir le fruit de sa vente ou une partie du fruit de sa vente dans une banque, ou si ce serait facultatif?

M. Savaria: Excusez, une banque agricole ou une banque de sols?

M. Dubois: Une banque agricole... Excusez, non, la banque...

M. Beauclair: De sols.

M. Dubois: Non, c'est-à-dire la banque de crédit.

M. Beauclair: Au moment où on en a discuté, nous, c'est clair qu'on disait: On ne peut pas forcer quelqu'un à investir, pas plus qu'on ne peut me forcer ou qu'on ne peut forcer une personne à aller à la caisse populaire plutôt qu'à la banque. Dans l'esprit des gens, lorsqu'on en discutait, on disait qu'on mette en place ce type de banque, d'une part, qu'on y associe certains avantages pour faire en sorte que l'acheteur, le type qui prend la relève puisse avoir accès à des crédits ou à un crédit, à un taux peut-être plus avantageux, puis, à celui qui laisse la production, qu'on lui donne des incitatifs quelconques, qu'on fasse en sorte que ce soit intéressant pour lui de laisser son argent en agriculture plutôt que d'aller l'investir en Floride sur un condo.

M. Dubois: En fait, vous voulez dire des avantages fiscaux à celui qui investirait le fruit de ses ventes dans une banque de crédit.

M. Beauclair: Exactement.

M. Dubois: Mais ces avantages seraient payés par les fonds publics de toute façon. Alors, ce serait une façon peut-être déviée de régler un problème; qu'on prenne l'argent hors de l'assiette fiscale ou qu'on le prenne d'un budget qui s'en va au ministère de l'Agriculture, c'est finalement le même argent.

M. Beauclair; Oui, sauf que, durant 30 ou 35 ans, actuellement, on aide, par un certain nombre de soutiens, à mon sens, un "agriculteur", entre guillemets, à vivre de l'agriculture, on essaie de le faire vivoter. Lorsqu'il se retire, il retire complètement les capitaux et on est obligé continuellement de réinvestir de nouveaux capitaux. C'est un perpétuel recommencement.

M. Dubois: Après les taux d'intérêt qui étaient très élevés il y a quelques années, je me demande si un producteur qui vendrait sa ferme serait prêt, actuellement, à geler des fonds à un taux d'intérêt moyen qu'on pourrait lui garantir. Il se dirait peut-être: Si les taux augmentent d'une façon vertigineuse, je ne profiterai pas de cette manne. Je ne sais pas jusqu'à quel point Les gens investiraient sachant qu'ils gèlent leur argent à long terme. C'est un point intéressant. Une banque de crédit, cela fait longtemps qu'il en est question.

M. Beauclair: D'accord, mais je pense que ce n'est pas uniquement dans un banque agricole qu'un individu peut aller geler des fonds à long terme. Tout est à bâtir là-dedans. On n'avait pas la présomption d'arriver et de dire: Le fonctionnement d'une banque agricole, ce serait de telle ou telle façon. La réflexion qu'on a faite, c'était beaucoup plus au niveau de dire: II y a des sommes qui ont été investies dans les années passées au niveau de l'agriculture, il y a un ou deux individus qui ont opéré avec leur avoir net, avec leur argent propre et également avec un certain nombre d'aides à l'agriculture. Il serait "décent", entre guillemets, que ces gens puissent laisser ces sommes à la disposition de l'agriculture.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): D'abord, au nom de mes collègues, j'aimerais remercier les représentants de la Fédération de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield de nous avoir fait connaître un aperçu des problèmes régionaux et également de nous suggérer certaines solutions à différents problèmes.

Voici ma question: Vous touchez l'aide à l'établissement, vous parlez des aspirants agriculteurs et vous dites que le gouvernement devrait maintenir sa politique du choix entre les 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans ou les 8000 $ immédiatement. Vous ne traitez pas de cela dans votre mémoire, mais vous êtes sans doute au courant du problème. J'aimerais vous entendre sur les problèmes ou sur la définition de l'aspirant agriculteur. Vous savez que l'office a sa définition d'aspirant agriculteur. Si vous avez un jeune homme ou une jeune fille qui a travaillé X temps pour son père et que celui-ci l'a intégré lentement à l'entreprise, lorsqu'il vient pour faire la transaction, souvent l'office dit: Vous n'êtes plus aspirant agriculteur parce que cela fait X temps que vous travaillez avec votre père et vous avez quelques parts, je ne sais pas quoi, dans l'entreprise, et là vous n'avez plus droit aux 50 000 $, mais vous avez droit aux 8000 $.

Selon vous, est-ce que le terme "aspirant agriculteur", tel que défini par l'Office du crédit agricole, est adéquat ou s'il aurait besoin d'améliorations ou d'une autre définition?

M. Savaria: Concernant votre question, l'aspirant comme tel ou le futur agriculteur, pour moi, vous me posez la question, ma réaction à cela, c'est que le type qui démarre en agriculture, qu'il ait vécu une expérience de cinq ou six ans sur la ferme familiale ou que ce soit un type qui ait eu une formation scolaire, ce qui fait qu'il prend la relève d'un autre agriculteur, en somme, c'est un futur agriculteur. Le mot "aspirant", je ne sais pas exactement la définition que vous voulez en donner, mais pour moi c'est un agriculteur qui démarre, point, ou j'ai mal saisi votre question.

M. Baril (Arthabaska): Je vais

m'expliquer à nouveau plus clairement. Admettons qu'un père va louer à son fils ou à sa fille son entreprise durant un an ou deux ans. Il n'y aura rien au nom du garçon ou de la fille, mais le père va louer à son fils ou sa fille, pour une période d'un an ou deux ans, pour voir - parce que j'ai vu des cas chez nous - si, premièrement, la personne aime l'agriculture, pense qu'elle va faire sa vie là-dedans, etc. Après un an ou deux ans, lorsqu'elle vient pour demander un prêt pour racheter la ferme, l'office dit: Vous n'êtes plus aspirant agriculteur parce que vous avez loué la ferme de votre père durant un an ou deux et là on ne vous considère plus comme un aspirant agriculteur parce que cela fait deux ans que vous l'avez. Elle n'est pas à son nom, elle l'a eue en location. Dans mon coin, j'ai vu plusieurs problèmes de ce genre concernant la définition d'aspirant. (21 h 45)

Donc, elle perdait le droit aux 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans mais, par contre, elle avait droit aux 8000 $ qui sont alloués également aux aspirants agriculteurs. Comment expliquer cela à notre monde chez nous, tu n'as pas droit aux 50 000 $ parce que tu n'es pas un aspirant mais, par contre, tu as droit aux 8000 $ parce que tu es un aspirant? Je voulais savoir si dans votre coin, vous aviez des cas.

M. Beauclair: Disons qu'on en a vécu un l'an dernier, justement. Lui, ce n'était pas 8000 $, c'est à 4000 $ qu'il avait droit puisqu'il avait acheté quelques parts il y a plusieurs années lorsqu'il était très jeune, apparemment. À ce moment, on. retourne, si l'on veut, au premier acte d'établissement pour dire à partir de quand tu as commencé à t'établir. On en a des cas comme cela. Je vais vous avouer qu'il n'y en a pas été vraiment question lorsqu'on a abordé la question du crédit agricole au niveau de la fédération. Je sais qu'au niveau de l'office ce qu'il applique, c'est véritablement une définition d'aspirant à partir d'une date d'établissement ou d'une date de début d'établissement. Je vais vous avouer qu'il n'en a pas été question plus que cela, mais je sais qu'il y a des cas - j'en ai eu à traiter - où on s'est rendu compte qu'effectivement c'était non seulement pas aux 50 000 $ qu'il avait droit sans intérêt, non plus aux 8000 $, mais à 4000 $ parce qu'il avait acheté quelques parts à cette époque.

M. Baril (Arthabaska): D'accord, c'est bien. À la page 7 vous parlez de la valeur des quotas qui est arbitraire et qui est difficile è fixer. Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi quand la Chambre des notaires du Québec a suggéré la création ou l'établissement d'une caisse de quotas. Je ne sais pas si vous avez pu saisir un peu le fonctionnement de cette caisse de quotas qu'elle a suggérée. J'aimerais vous entendre sur cela. Est-ce que vous seriez en gros favorable à ce genre de caisse? Je ne dis pas exactement comme elle, mais elle est supposée nous fournir une définition plus explicite de sa position. J'aimerais vous entendre sur cela, si vous l'avez entendu; sinon, je pourrai vous expliquer brièvement ce qu'elle a dit.

M. Savaria: Brièvement, oui, j'étais dans la salle ici. Je n'ai peut-être pas saisi tout le fonctionnement de la fameuse caisse ou banque de quotas en question. Pour nous, c'est un problème et on essaie de trouver une solution à ces quotas, surtout sur la valeur des quotas, Je pense que cela mérite une attention, il faudrait certainement se pencher et étudier è fond la façon dont la Chambre des notaires du Québec a proposé cela. Vous dire si je suis d'accord ou pas ce soir, c'est peut-être prématuré, et je pense qu'il faudrait faire une analyse en profondeur de cela. Bien sûr, toutes les avenues possibles qu'on pourrait avoir, il faudrait que ce soit regardé sérieusement. Moi, je ne peux pas aller plus loin que cela ici.

M. Baril (Arthabaska): Mais vous trouvez la proposition intéressante, en tout cas?

M. Savaria: C'est une proposition qui pourrait être intéressante, écoutez, mais il faudrait faire l'analyse de tout cela.

M. Baril (Arthabaska): C'est bien. À la page 9, vous faites mention qu'il y a des gens qui se posent certaines questions sur certains aspects de la Loi sur la protection du territoire agricole; est-ce que vous pourriez nous expliquer davantage ces questions ou certaines questions que les gens se posent? Je ne sais pas si c'est sur la nécessité de la loi ou sur l'application de la loi, j'aimerais voir.

M. Beauclair: Disons qu'il est clair que dans une région comme la nôtre, dans certains milieux, je pense que les choses sont claires, le milieu accepte bien la loi. Mais, lorsqu'on s'en va dans des régions - c'est là qu'il y a une problématique assez complexe -lorsque l'on considère des régions où la spéculation foncière a joué un rôle très grand... Pour ne citer qu'un exemple, entre autres, dans une ville comme Boucherville, la Commission de protection du territoire agricole a zoné vert au-delà de 16 500 acres et on se ramasse avec une situation aussi aberrante que de dire: Sur les 16 500 acres, il y a à peu près 500 acres qui appartiennent actuellement à des agriculteurs. Il est clair que dans un milieu de ce type, quand bien

même j'essaierais de vous dire que la Loi sur la protection du territoire agricole est perçue comme une chose très essentielle, ce serait forcer la vérité quelque peu. Ce dont on se rend compte, c'est que, d'une part, même ceux qui, je dirais, vivotent de l'agriculture parce qu'ils fonctionnent le plus souvent sous forme de location avec des baux à très court terme peuvent difficilement développer une agriculture viable parce qu'ils n'ont absolument pas accès au crédit à long terme, etc., à cause de la durée des baux, à cause du peu de garantie et ils ne sont pas intéressés, non plus. À ce moment c'est clair qu'il y a du monde qui remet drôlement en question la nécessité même de la loi. Ce qui se produit, c'est qu'on se rend compte que, plus les années s'écoulent depuis l'adoption de la loi, la situation stagne, il n'y en a pas de retour actuellement à une agriculture dynamique dans ces régions. Ce qui manque, c'est véritablement, je pense, moi - c'est l'opinion d'un comité qu'on a - des interventions assez fermes de l'État, avec un grand "É", ce qui comprend, à notre sens, nous autres, le gouvernement du Québec, mais également aussi les milieux municipaux qui ont à patauger dans tout cela. Ce qui manque, je pense, moi, que c'est un peu de concertation à ce niveau-là.

Il n'y a absolument pas de conditions favorables, actuellement, à la réinsertion dans l'agriculture, ce qui fait qu'il y a énormément de gens qui se posent la question, à savoir: La Loi sur la protection du territoire agricole, qu'est-ce que c'est venu faire dans un milieu comme le nôtre, sinon, à toutes fins utiles, geler du territoire qui n'est pas plus utilisé qu'il l'était avant? A notre sens, ce qui manque, ce sont des interventions très fermes. J'irais même plus loin que cela, c'est qu'on parle, entre autres, d'une loi timide, pour ne pas la nommer, c'est la loi sur les banques de terres. À notre sens, cette loi-là ne joue pas son "rôle", entre guillemets. À partir d'une étude qu'on a fait réaliser en 1983-1984, on serait en mesure de démontrer qu'elle ne pourrait que très difficilement jouer son rôle dans des milieux comme ceux dont on vous parle. Pour une foule de raisons, elle deviendrait quasi inapplicable.

On se rend compte également que les milieux municipaux possèdent un certain nombre de pouvoirs là-dedans, mais le problème c'est qu'ils ne les exercent pas actuellement. Le type de pouvoirs qu'ils détiennent, c'est, premièrement, un pouvoir de taxation sur les lots qui sont actuellement zonés agricole, mais qui ne sont pas utilisés à des fins agricoles. C'est un premier pouvoir qu'ils détiennent par la loi 57. Un second pouvoir qu'ils possèdent, je pense, à caractère municipal, ce serait d'ajuster leur règlement d'urbanisme au décret provincial.

On a des situations aussi aberrantes que des spéculateurs propriétaires de terres qui louent à court terme à des agriculteurs qui veulent bien faire le foin, dans le fond, parce qu'ils veulent un peu se protéger contre la loi sur les banques de terres actuellement. Ces gens-là, dans le fond, les conservent à leur intention parce que, primo, cela ne coûte pas cher de taxes, c'est la société qui paie les taxes à leur place; deuxièmement, c'est qu'au municipal ils sont zonés industriel, ils sont zonés commercial, ils sont zonés résidentiel. Ce qu'on sent nettement dans ces milieux-là, c'est qu'une loi comme la loi 90, c'est une loi qui est peut-être trop politisée à notre goût. Ce n'est pas une loi gouvernementale, dans ces milieux-là, c'est une loi du Parti québécois. Je pense qu'il faut dire les mots tels qu'ils sont. Ce qu'on dit, c'est que le gouvernement n'a pas véritablement fait le voeu d'une loi ou d'une orientation à long terme et c'est très difficile de pouvoir parler de réinsertion de l'agriculture dans un cadre tel que celui que je vous décris.

M. Baril (Arthabaska): Voulez-vous dire par les propos que vous avez tenus que, pour utiliser votre terme, l'État avec un grand "É" n'a pas encore assez développé sa production agricole pour utiliser tous les sols zonés?

M. Beauclair: Non.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce cela que ça veut dire?

M. Beauclair: Non, ce n'est absolument pas cela. Je pense qu'actuellement il y a des agriculteurs... Pour vous donner un exemple, j'en ai eu un, justement, il y a quelques mois encore, qui était intéressé à consolider son entreprise. Il fait de la grande culture. Il était écoeuré, comme on dit, de fonctionner avec des baux conditionnels de deux ans et de trois ans; la journée où son spéculateur décide de mettre fin au bail, il le laisse prendre la récolte et c'est à conseiller de se dépêcher à débarrasser de là. C'est clair que ce n'est pas une garantie à long terme pour le type en question. Il a abordé la question avec la personne qui est propriétaire, elle est vendeur. La personne est prête à vendre à 7000 $ l'acre. À 7000 $ l'acre, il n'y a pas d'espoir de faire, d'une façon rentable, du maïs-grain et surtout pas de la betterave à sucre, dans les conditions actuelles du marché.

M. Dupré: S'ils font du hasch?

M. Beauclair: Cette même terre, dans le fond, c'est une propriété étrangère, actuellement. C'est un trust qui l'administre. Comme je vous le dis, elle est zonée

industriel au niveau de la municipalité. Le principe de taxation qu'on applique là-dessus, c'est le même principe qu'on appliquerait sur une ferme. C'est-à-dire, on va puiser ailleurs le manque à gagner en termes de taxation,

M. Baril (Arthabaska): Dans le cas que vous citez, quel serait le vrai rôle, selon vous, de la banque de terres? Elle fixe le prix à combien l'acre, 700 $ au lieu de 1000 $, au lieu de 7000 $? C'est une bonne question!

M. Beauclair: C'est une question de 1, 25 $. Remarquez qu'on y a réfléchi, parce que ça fait quand même plusieurs années qu'on essaie de trouver des solutions à ce type de problème. La position de la fédération là-dessus, c'est que le premier rôle ne relève même pas, à notre sens, de la banque de terres. Le milieu municipal impliqué a un rôle à jouer. S'il applique les lois actuelles sur ces terrains-là, les fermes vont se vendre. Un exemple de ça, c'est l'étude dont je vous parlais tantôt. On a identifié une municipalité qui a, d'une part, ajusté son règlement d'urbanisme en 1979 ou 1980, en tout cas, à partir du moment où le décret a été déposé. C'est-à-dire ce qui était vert au niveau provincial est devenu vert au niveau municipal. Cela a été sa première action.

Sa deuxième action, c'est qu'elle a appliqué, effectivement, ce que la loi 57 permettait, si on veut, d'appliquer en termes de taxation. Dans un relevé qu'on a pu faire de toutes les transactions qui ont été faites dans cette municipalité - en passant, c'est la seule municipalité dans la laquelle on a pu trouver des transactions qui se sont faites après la loi 90 entre un spéculateur et des agriculteurs - toutes les transactions ont été faites à perte pour les spéculateurs. La moyenne d'achat par les agriculteurs était aux alentours de 450 $ l'acre pour des terres qui avaient besoin d'un certain réaménagement. C'est un prix, à notre sens, qui était qualifié de tout à fait normal dans ce milieu. La preuve, c'est qu'elles se sont vendues comme des petits pains chauds. Ce sont des terres qui avaient été achetées il y a dix, douze ou quinze ans par des spéculateurs à des prix plus élevés que ça.

Mais, le simple fait d'avoir une volonté municipale de jouer son rôle et de dire: On a une zone agricole et on va agir tout comme si on avait une zone agricole, ça a fait que dans cette municipalité, à notre sens, il reste très peu d'espace pour la banque de terres. On calcule que c'est heureux que ce se soit fait de cette façon.

Au niveau du comité, je pense que la position qu'on adoptait - en tout cas, Maurice pourra me reprendre si je vais trop loin - c'est de dire: II y a une première responsabilité et elle se situe à ce niveau-là.

D'accord?

M. Baril (Arthabaska): D'accord.

M. Beauclair: Dans des cas où ça pourrait devenir impossible d'agir de cette façon, il y a place pour la banque de terres, sauf que, si on regarde la spéculation foncière, il y a eu un effet d'entraînement. On n'a pas commencé à spéculer dans les années 1800 et on n'a pas fini en 1978. On a surtout spéculé dans les années 1960 à 1973 dans notre région.

Cela a été un effet d'entraînement. À partir du moment où cela a commencé à être le "fun" pour certains à spéculer, tout le monde s'est mis à spéculer. Si on applique véritablement les lois - elles ne sont pas à mettre en place, elles sont déjà là; c'est tout simplement de les appliquer telles qu'elles sont - on pense qu'on peut retrouver également un effet d'entraînement inverse.

 ce moment, le prix s'établira entre l'agriculteur qui est en place, qui peut être intéressé à récupérer du terrain, à en devenir le propriétaire et à l'exploiter et le spéculateur.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce que c'est pour ça, avec l'explication que vous avez donnée, que vous dites que la banque de terres, dans la formule actuelle, ne remplit pas le rôle qu'elle se doit de remplir, ou y aurait-il des choses à améliorer dans le fonctionnement de la banque de terres? (22 heures)

M. Savaria: Je peux rajouter quelque chose à cela. Comme Louis disait, qu'il y ait une volonté de la part des élus municipaux et du gouvernement de redonner à l'agriculture les terres sous spéculation, bien sûr, dans les zones vertes. On parle de la loi 57 sur la fiscalité municipale; qu'il y ait des points, à l'intérieur du règlement de cette loi, qui auront pour effet de décourager un spéculateur à garder ces fermes. Deuxièmement, au niveau de la banque de sols comme telle, après avoir pris connaissance de toute la documentation sur la banque de sols, ce qu'on lui reproche, c'est justement de ne pas avoir de dents. La loi sur la banque de sols, c'est à partir d'une volonté du propriétaire de bien vouloir vendre sa ferme, point, parce que c'est ça qu'on lui reproche toujours, à la banque de sols.

M. Baril (Arthabaska): Au début, je me souviens que, quand on a parlé de l'application de la banque de sols, on s'est fait dire que c'était une mesure socialisante parce que le gouvernement allait acquérir toutes les terres disponibles au Québec et qu'elles appartiendraient à l'État, voyez-vous.

Le Président (M. Vallières): M. le

député de Maskinongé, en cinq minutes.

M. Picotte: Vous vous êtes fait accuser de bien des choses, évidemment, mais, si vous commenciez à la mettre en application telle qu'elle doit l'être, peut-être que ces accusations tomberaient. Là, vous les gardez pour vous; à ce moment-là, l'accusation est de plus en plus valable.

Le Président (M. Vallières): II vous reste seulement cinq minutes.

M. Picotte: Oui, ce ne sera pas long, d'ailleurs. Je ne veux pas débattre à cette heure-là, j'aime mieux commencer les débats le matin.

M. le Président, il y a une chose, entre autres il y a plusieurs choses avec lesquelles je suis d'accord - que je voudrais souligner plus précisément, c'est à la page 6 de votre mémoire, lorsque vous parlez de l'aide à l'établissement. Je suis un de ceux qui préfèrent que le jeune, celui qui s'établit, ait le choix. On doit lui laisser le choix propre correspondant à sa façon de voir son implantation en milieu agricole.

J'aimerais vous demander ceci. Dans les amendements dont vous faites état, "l'indexation des montants d'aide au taux d'accroissement du coût des entreprises", ça veut dire quoi dans votre esprit? Une indexation, de quel ordre, par exemple, compte tenu des années depuis lesquelles ce plan existe?

M. Beauclair: Si on avait une boule de cristal, on pourrait vous les donner pour les 20 prochaines années, mais on ne l'a pas. Tout dépend naturellement du type de croissance qu'on va retrouver au niveau du coût des entreprises. Il y a possibilité, selon nous, d'établir ce qu'une entreprise agricole a coûté, supposons, en 1984, ce qu'elle coûte en 1985, ce qu'elle va coûter en 1986, au fil des années. Ce qu'on dit sur le fait d'établir une politique d'aide fixe dans le temps, c'est que, d'année en année, cette même politique perd beaucoup.

Un exemple de cela, lorsqu'on a mis 150 000 $ d'aide subventionnée dans la loi sur le crédit à long terme, je présume que, l'année où on l'a établi, c'était très beau. Lorsqu'on regarde le coût actuel pour acquérir une entreprise agricole, ça commence à être beaucoup moins important en termes de pourcentage sur le coût de la transaction. Lorsqu'on parle d'accroître au niveau d'un indice qu'on pourrait calculer, ce serait à toutes fins utiles d'évaluer, si on veut, la moyenne ou l'accroissement du coût des entreprises au fil des années, qu'on en tienne compte pour faire en sorte qu'une personne qui s'établirait, supposons, en 1986 ait une part d'aide, mais que celle qui s'établira en 1988, 1989, 1990 puisse aller chercher une aide qui, en termes de pourcentage, est équivalente.

M. Picotte: Comme il y a une possibilité, par exemple, de donner un indice du coût de la vie quand on évalue certaines choses, il pourrait y avoir la même chose de ce côté-là, sous une formule à peu près semblable ou identique.

Une dernière question que je voudrais vous poser, vous n'en faites pas état dans votre mémoire, mais c'est sûrement une question d'opinion que je vous pose; alors, vous y répondrez si ça vous semble pertinent d'y répondre. J'estime que, comme fédération, vous avez dû sûrement vous pencher là-dessus. On nous a parlé à quelques reprises, aujourd'hui et dans le passé, aussi, de ce qu'on appelle les agriculteurs à temps partiel, dans le sens que le gouvernement pourrait peut-être se permettre de favoriser un certain type d'agriculteurs à temps partiel. Dans votre fédération, vous avez sûrement évalué cela; qu'est-ce que vous en pensez?

M. Savaria: Je pense que c'est peut-être une approche un peu nouvelle qu'on a pour aider l'agriculture. Partir aujourd'hui en agriculture, c'est tellement onéreux, c'est tellement difficile. C'est peut-être un peu l'approche qu'on a, que certaines personnes qui ont des revenus extérieurs puissent commencer à faire de la production, que ce soit pour voir s'ils aiment cela, ou pour voir si ce serait assez rentable pour en vivre. Je pense que du jour au lendemain... On parlait de chiffres assez astronomiques cet après-midi, on parlait de 300 000 $, 400 000 $. C'est peut-être une façon de débuter en agriculture, de voir exactement, de se former aussi en agriculture.

Cet après-midi, il y avait des types qui disaient: Pour être agriculteur aujourd'hui, il faut être gestionnaire, électricien, il faut être ci et ça. C'est un peu tout cela. Toute la complexité de pouvoir démarrer en agriculture, c'est peut-être cela qui fait qu'on a une approche un peu différente. Voir au départ s'il n'y a pas moyen de faire de l'agriculture à temps partiel. C'est à peu près ce que je peux vous...

M. Picotte: Vous le voyez beaucoup plus en termes de noviciat.

M. Savaria: Pas nécessairement. Cela peut être une façon de partir en agriculture.

M. Picotte: D'accord. Je vous remercie de votre mémoire, au nom de l'Opposition. Sans doute que cela va ajouter beaucoup à ce qu'on connaissait déjà et surtout aux orientations que nous aurons à suggérer à l'honorable ministre de l'Agriculture.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Sainte-Hyacinthe, en trois minutes.

M. Dupré: À la page 2 de votre mémoire, vous dites: "Nous croyons que cet énoncé, bien qu'encourageant et positif -vous parlez du nombre de nouveaux arrivants, si je peux m'exprimer ainsi, qui est environ de 1200 - ne reflète pas la réalité. " D'après vous, qu'est-ce que ce serait? Est-ce que c'est parce que vous voyez des nouvelles ouvertures sur les sols arables qui ne sont pas défrichés? Est-ce que vous avez une certaine évaluation?

M. Beauclair: En termes de chiffres, on n'a pas de chiffres à soumettre, sauf que dire qu'on a 1200 retraités et 1200 nouveaux établissements, pour nous, cela veut dire à toutes fins utiles qu'on a assez d'agriculture. Dans un contexte très régional avec les problèmes qu'on soulevait tantôt au niveau de la réinsertion de certaines exploitations, il y a des milieux, je pense, où il y a nettement besoin de nouveaux établissements. En termes quantitatifs au niveau de la fédération, cela n'a pas été évalué. C'est d'ailleurs difficile à évaluer, tout dépend si on parle d'une production, que ce soit dans la région de Saint-Rémi, etc.; lorsqu'on parle d'horticulture, une tête de pipe va en cultiver moins grand que si on parle d'introduire des grandes cultures dans la région de Boucherville où les sols disponibles... C'est très difficile. Tout ce qu'on dit, c'est que, actuellement, il ne faudrait pas se dire: L'agriculture est en santé parce qu'on a assez de relève. Si on se dit cela, ce qu'on veut dire, c'est qu'on a assez de sol d'exploité et cessons de nous leurrer avec les sols qui ne sont pas exploités et, à toutes fins utiles, cessons de les zoner vert si on n'en a pas besoin. Je pense à cela.

M. Dupré: Vous parlez, à la page 5, d'ajustement des plafonds de 250 000 $ et, après, d'y ajouter 100 000 $ par actionnaire. Avec toutes les données que vous émettez là, que faites-vous des vieux prêts à 2, 5% dans ces transactions ou dans ces nouveaux investissements?

M. Beauclair: À ce que je sache, tous ces prêts sont transférables. Ils font partie intégrante. Ce n'est pas un surplus à cela.

M. Dupré: Là-dessus, ce n'est pas dans votre idée de les faire disparaître? Vous voulez absolument les maintenir parce que c'est un acquis qui est tout de même important.

M. Beauclair: Ces prêts sont actuellement transférables. Si on avait voulu les faire disparaître, on l'aurait certainement mentionné.

M. Dupré: Merci bien.

Le Président (M. Vallières): Je remercie les représentants de la Fédération de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield. Je veux indiquer aux membres de la commission que demain nous commençons notre séance de travail à 9 h 30 au Salon Beauharnois, sur le même étage.

Une voix: Ce n'est pas Beauharnois, c'est Valleyfield.

M. Picotte: M. le Président, ne serait-il pas plus sage de dire 9 h 15 pour que tout le monde soit ici à 9 h 30?

Une voix: Avis aux intéressés!

Le Président (M. Vallières): Nous irons à 9 h 30, en essayant d'être ponctuels, s'il vous plaît; on a quand même seulement une vingtaine de minutes à notre disposition. Nous recommencerons nos travaux demain à dix heures. La commission ajourne donc ses travaux à demain, dix heures précises.

(Fin de la séance à 22 h 11)

Document(s) associé(s) à la séance