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(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation entreprend ses travaux. Je voudrais, à ce moment-ci,
rappeler le mandat de cette commission qui consiste à procéder
à des auditions publiques dans le cadre de la consultation
générale sur les aspects de la relève, du financement et
de l'endettement agricoles au Québec.
Je voudrais, au début de ces travaux, mentionner les membres de
la commission et les remplacements. Les membres sont: M. Baril (Arthabaska), M.
Beaumier (Nicolet), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon),
M. Dupré (Saint-Hyacinthe): M. Gagnon (Champlain) remplacé par
Mme Juneau (Johnson): M. Houde (Berthier): le nom de M. Le May (Gaspé)
ne doit plus apparaître; M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Maltais (Saguenay): M. Mathieu (Beauce-Sud)
sera remplacé en cours de séance; M. Picotte (Maskinongé),
M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vallières (Richmond).
Remarques du président M. Yvon
Vallières
Avant de procéder à l'audition des organismes, vous me
permettrez de tracer rapidement le portrait de la commission que j'ai l'honneur
de présider. Le 13 mars 1984 -cela fera donc un an mercredi prochain
-était créée ia commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. C'est en effet au début de la
session, l'an dernier, qu'étaient adoptées à
l'Assemblée nationale, unanimement, les nouvelles règles de
procédure issues de ce qu'il est convenu d'appeler la réforme
parlementaire. Les commissions parlementaires constituent un des
éléments principaux de changement du nouveau règlement. Il
en est résulté des modifications substantielles de leur nombre,
qui est passé de 27 à 9, de leur dénomination, de leur
compétence et de leur composition. Ces instances parlementaires ne
correspondent plus, comme par le passé, aux ministères de
l'exécutif. Elles sont regroupées par secteur d'activité
avec des champs de compétence plus diversifiés. Ainsi, notre
commission assure tout au long de l'année une surveillance de tout ce
qui concerne, à l'intérieur des travaux de l'Assemblée
nationale, le secteur de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation. La commission procède à l'étude des
crédits du ministère concerné, à la
vérification de ses engagements financiers, à l'étude
détaillée des projets de loi et à la surveillance de la
législation déléguée, c'est-à-dire des
règlements.
En plus de ces obligations, les commissions bénéficient de
plus d'autonomie et d'un pouvoir d'initiative qui n'existait pas auparavant. De
ces nouvelles prérogatives, la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation s'en est rapidement prévalue
puisque, dès avril 1984, ses membres décidaient unanimement de se
charger d'un mandat d'initiative afin d'étudier les questions de
relève agricole au Québec, auquel mandat venaient s'ajouter, en
août, les aspects de financement et d'endettement, sujets jugés on
ne peut plus d'actualité et nécessairement liés à
l'avenir et à la relève agricole du Québec. Pour accomplir
ce mandat, les membres ont décidé de procéder à une
consultation générale dont les auditions que nous entreprenons
aujourd'hui sont le maillon principal.
Par ailleurs, durant l'automne, la commission a procédé,
comme vous le savez, à l'étude des dossiers des sept agriculteurs
qui avaient participé à une grève de la faim, à
Saint-Cyrille-de-Wendover. Nous avons déposé, à
l'Assemblée nationale, le 13 décembre dernier, le rapport de
cette étude dans lequel nous recommandions, entre autres, la
création d'un comité spécial pour aider les agriculteurs
en difficultés financières et la mise sur pied d'une commission
d'appel des décisions de l'Office du crédit agricole. Ce rapport
fera d'ailleurs l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale
au cours des travaux de la session qui reprendra mardi prochain.
Ce mandat sur les grévistes de la faim de Saint-Cyrille a
causé un certain retard dans le cheminement de nos travaux, puisque nous
escomptions tenir les présentes auditions en début
d'année, mais cela nous a permis, d'autre part, de toucher on ne peut
plus concrètement aux problèmes d'endettement des agriculteurs et
de nous mieux préparer à recevoir les représentations qui
nous seront faites durant les prochains
jours.
Concernant plus précisément notre mandat d'étude
sur la relève, le financement et l'endettement agricole, l'objectif que
poursuit la commission est de rechercher auprès des organismes et des
individus du milieu agricole tout l'éclairage nécessaire pour
nous permettre d'acheminer, à l'Assemblée nationale d'abord et au
ministère concerné par la suite, des recommandations issues des
besoins exprimés à travers les mémoires que nous avons
déjà reçus et les représentations qui nous seront
faites au cours des auditions.
Permettez-moi de souligner, dans un autre ordre d'idées, que
notre commission, en se déplaçant à l'extérieur de
l'Hôtel du Parlement pour tenir des auditions publiques, est la
première commission de l'Assemblée nationale à se
prévaloir de cette possibilité dans le cadre des nouvelles
règles de fonctionnement.
Nous avons choisi les endroits où nous tenons nos auditions
publiques en fonction des organismes qui ont demandé à être
entendus. Ainsi, nous sommes à Montréal aujourd'hui et demain;
à Saint-Hyacinthe, le jeudi 7. Nous serons par la suite à
Québec pendant deux journées la semaine prochaine et nous
compléterons nos auditions à Sherbrooke, le vendredi 15 mars.
Nous aurons procédé à 28 auditions durant ces six
journées. Nous comptons pouvoir produire, au cours du mois d'avril, le
rapport final ainsi que nos recommandations à l'Assemblée
nationale.
D'autre part, avant la fin du présent mois, la commission
procédera à l'examen des orientations, des activités et de
la gestion de l'Office du crédit agricole du Québec. Nous
considérons ce mandat comme une suite logique du travail que nous avons
entrepris cette année.
Ainsi, l'étude des dossiers des grévistes de la faim, la
consultation générale sur la relève, le financement et
l'endettement agricoles et l'examen de l'Office du crédit agricole du
Québec permettront aux membres de la commission d'être en mesure
de parler en connaissance de cause et, c'est là mon souhait,
d'améliorer les conditions dans lesquelles l'agriculteur
québécois doit oeuvrer.
En terminant, je voudrais remercier tous les organismes et les individus
qui nous ont fait parvenir des mémoires, et je dois dire que la
qualité de ces documents me semble une garantie de succès pour
notre consultation.
Là-dessus, avant de procéder à l'audition du
mémoire de l'UPA comme tel, je demanderai de chaque côté de
la table de faire une courte déclaration d'ouverture. M. le
député de Maskinongé, suivi du député de
Saint-Hyacinthe.
Déclarations d'ouverture M. Yvon
Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. Je pense que, ce
matin, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation
peut se réjouir de pouvoir tenir ici des auditions. Une chose est
certaine, souventefois, on s'est dit, à l'Assemblée nationale,
que l'agriculture, malheureusement, depuis déjà trop longtemps,
avait toujours les moins bonnes places, les moins bons endroits pour
siéger, était reléguée au dernier plan. Depuis que
nous étudions selon les nouvelles formes de commissions parlementaires
dont nous faisons partie présentement et avec la commission
parlementaire qui vient siéger ici ce matin, en consultation
générale sur les aspects de relève, de financement et
d'endettement agricoles au Québec, nous pouvons dire que nous sommes la
seule commission qui, à ce jour, a décidé, et d'un commun
accord, d'étudier certains points sans problème d'un
côté comme de l'autre. On a accepté le mandat que nous nous
étions fixé et, de toute façon, ce matin -
évidemment, il y a eu une tempête; ce n'est pas de notre faute; et
indépendamment de cela - je pense qu'on réalise le mandat qu'on
s'était déjà fixé et pour lequel on a eu beaucoup
de séances auparavant et pour lequel on a eu beaucoup de travail
à faire.
Moi, je suis particulièrement fier de cette initiative, je suis
fier que la commission de l'agriculture ait fait l'unanimité sur
certains points en ce qui concerne le financement, l'endettement, la
relève et aussi l'unanimité sur l'organisme que nous aurons
à scruter à la fin du mois de mars, c'est-à-dire scruter
l'administration de l'organisme qui s'appelle l'Office du crédit
agricole du Québec. Je crois que tout cela s'est fait à
l'unanimité, sans partisanerie politique et avec beaucoup de
disponibilité, de part et d'autre, de chacun des députés
qui siègent à cette commission. Alors, je dis tout simplement,
parce que je veux surtout nous donner le temps d'écouter ceux qui nous
ont déposé des mémoires, je veux surtout qu'on se dise
ensemble bravo! pour cette initiative qui est fort louable et fort importante.
Les idées qui vont nous être soumises ici ce matin, les questions
que nous aurons à poser et tout ce qui sortira de ces débats ne
pourront que porter fruit pour la classe agricole du Québec. Je crois
que c'est un but commun.
Merci à ceux et à celles qui ont accepté de nous
apporter des mémoires et de venir les discuter avec nous. Au nom du
groupe parlementaire que je représente, je suis persuadé que nos
discussions vont être fructueuses et je suis persuadé aussi que,
finalement en fin de course, il n'y aura que
des retombées positives pour la classe agricole au Québec.
M. le Président, je vous assure de notre collaboration et je suis
persuadé qu'en cours de route nous aurons des questions fort pertinentes
à poser à nos invités. Merci de vous être
déplacés, entre autres, pour venir à cette consultation
fort importante.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Maintenant la parole est au député de Saint-Hyacinthe.
M. Maurice Dupré
M. Dupré: Merci, M. le Président.
Évidemment, comme le député de Maskinongé, il faut
se réjouir. Il a fait la nomenclature des actions qu'on a faites depuis
le début. Je crois que, dans un premier temps, il est certain que l'on
doit s'en réjouir. Par contre, il faudrait qu'à chaque fois qu'on
se rencontre et qu'on fait des commissions semblables, il y ait des suites. On
sait qu'une commission comme celle qui débute ce matin coûte des
dizaines de milliers de dollars et il faudrait qu'il y ait aussi des suites. Je
pense qu'avant de passer à l'étude de l'organisme qui est
l'Office du crédit agricole, on a déposé le 13
décembre le rapport final sur la commission des ex-grévistes. Il
va falloir qu'il y ait des suites à cela. On sait que la situation est
critique pour des dizaines et des dizaines de producteurs agricoles au
Québec. Même si le document n'a pas été
discuté à l'Assemblée nationale, je crois que, le ministre
en tête, on aurait dû déjà avoir pris certaines
décisions. II y avait le comité spécial et la commission
d'appel. On peut bien se réunir et faire des rapports et discuter
ensemble en bons amis, en toute quiétude, mais j'aimerais bien qu'il y
ait des résultats. Notre temps, et aussi bien le vôtre, l'on
déplace des quantités de gens. On a reçu la lettre - on
avait demandé et on s'inquiétait un peu parce que les
réponses tardaient ou les actions tardaient du côté du
ministre. M. Garon nous dit dans sa lettre: "... Ne voulant pas présumer
de la conclusion à laquelle en viendra l'Assemblée nationale
lorsqu'elle aura disposé du débat de deux heures"... en tout cas,
il croit qu'à ce stade "de se prononcer sur la question que vous portez
à son attention est un peu prématurée. " Je regrette mais
je ne pense pas que ce soit... Lui-même étant d'accord à ce
moment, M. le Président, je demande au sécrétaire de
réitérer sa demande au ministre pour qu'il y donne suite, sans
attendre le débat de deux heures. (10 h 30)
On sait qu'au comité spécial et à la commission
d'appel, à peu près tous les intervenants qui ont
défilé lors de la commission sur les ex-grévistes de la
faim de Saint-Cyrille-de-Wendover, la très grande majorité
était d'accord, sinon la totalité, pour qu'on en vienne à
des solutions concrètes immédiates.
Je pense que déjà, je me répète, cela a trop
tardé. Je m'en voudrais de continuer dans cette idée,
c'est-à-dire faire des commissions parlementaires juste pour faire des
rapports et qu'on les mette sur les tablettes. Je vais participer à
celle-ci, non seulement avec anxiété, mais avec beaucoup de
disponibilité. Mais, avant d'entreprendre l'étude de l'organisme
du crédit agricole, j'attendrai, M. le Président, qu'on ait eu
des résultats concrets du rapport de la commission sur les
ex-grévistes qu'on a déposé au mois de
décembre.
M. Picotte: M. le Président, sur la demande que vient de
formuler mon collègue de Saint-Hyacinthe... Moi, je ne voulais pas
apporter ça ce matin. J'ai eu l'occasion, abondamment, durant la
discussion qui a eu lieu avec les ex-grévistes, de faire part que
certaines de nos recommandations devaient effectivement se réaliser.
Moi, je dis immédiatement au député de Saint-Hyacinthe
qu'il n'y aura aucune espèce de réticence de la part de
l'Opposition pour faire des pressions auprès du ministre de
l'Agriculture pour qu'il prenne enfin des décisions et pour qu'il donne
suite à nos discussions.
Là-dessus, je pense que je vais être d'accord avec le
député de Saint-Hyacinthe. Je suis bien heureux qu'on fasse
toutes ces démarches, pour autant, évidemment, que ça
porte des fruits et que ça règle certains problèmes.
Malheureusement, jusqu'ici, dans le cas des ex-grévistes de la faim,
ça ne nous a pas satisfaits. Cela fait longtemps et ça ne nous
avait pas satisfaits, nous, de l'Opposition. Il y a d'ailleurs bien des choses,
à l'intérieur de cette commission, qui ne nous ont pas
satisfaits.
Je dois dire au député de Saint-Hyacinthe et à la
majorité gouvernementale de se sentir bien à l'aise. Ils vont
avoir l'appui de l'Opposition s'ils peuvent réussir à
dégeler le ministre de l'Agriculture pour qu'il donne suite à
certaines des recommandations qu'on fait. On espère que les
recommandations qui seront faites à la suite de notre rencontre
d'aujourd'hui et des quelques jours qui vont venir vont déboucher plus
rapidement. C'est le seul voeu qu'on peut faire en y apportant un appui avec
toute la force dont nous sommes capables.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe n'avait pas terminé son
intervention.
M. Dupré: Pour ne pas retarder les travaux, je vais tout
simplement demander au secrétaire de faire de nouveau une demande
officielle au ministre, pour qu'il
procède dans ces deux cas-là.
Je remercie le président de l'UPA, les vice-présidents,
les officiers qui sont présents ainsi que tous ceux qui ont fourni des
rapports à la commission permanente de l'agriculture.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe. Peut-être juste une
parenthèse pour les besoins de la presse qui écoute votre
proposition d'aller auprès du ministre de l'Agriculture et de
s'enquérir des développements à la suite de nos
recommandations. Vous indiquiez qu'il y avait une recommandation qui visait
également le ministre de la Justice. Ce dernier, en réponse
à une lettre que le vice-président de la commission et
moi-même lui faisions parvenir, nous a indiqué qu'il avait pris
note des éléments d'information concernant notre commission et de
présumés actes criminels. Il a demandé à la
Direction générale des affaires criminelles et pénales de
son ministère de se pencher sur ce dossier et de lui faire rapport. Il
allait subséquemment faire part des développements aux membres de
la commission.
C'est donc dire que, dans un cas, le ministre de la Justice, M.
Pierre-Marc Johnson, a déjà commencé à s'occuper du
dossier, avant même que le rapport ait fait l'objet de discussions
à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, le ministre de
l'Agriculture a également répondu à notre lettre, nous
indiquant qu'il n'avait pas l'intention de se prononcer sur la question avant
que l'Assemblée nationale ait l'occasion d'étudier le rapport
qu'on a déposé.
Là-dessus, je voudrais, à la suite de ces
précisions, vous faire part de l'ordre du jour de notre réunion.
Ce matin, nous entendrons l'Union des producteurs agricoles du Québec.
En après-midi, nos travaux recommenceront à 15 heures. Nous
entendrons, dans l'ordre, la Chambre des notaires du Québec, l'Ordre des
agronomes du Québec et le collège Macdonald. En soirée,
nos travaux débuteront à 20 heures. Nous entendrons, dans
l'ordre, la Fédération des producteurs de bovins du Québec
et la Fédération de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield.
Sans plus tarder, j'invite l'Union des producteurs agricoles du
Québec à présenter son exposé en demandant au
princial porte-parole, le président, M. Proulx, de présenter les
personnes qui l'accompagneront au cours de la présentation de son
mémoire.
Auditions
Union des producteurs agricoles du
Québec
M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Je voudrais
vous remercier, dans un premier temps, de nous permettre de déposer
devant vous aujourd'hui notre longue réflexion; on a fait un travail
immense de consultation au cours des dernières années pour monter
le dossier et se présenter devant vous ce matin. Il y a deux choses que
je voudrais quand même préciser. C'est un dossier peut-être
un peu trop volumineux pour une commission parlementaire, mais je voudrais vous
faire remarquer qu'on l'a préparé pour deux choses, dont la
commission parlementaire. Notre réflexion des dernières
années portait sur la possibilité d'un sommet réunissant
tous les intervenants. C'est pour ça que c'est peut-être, je ne
dirai pas trop long pour une commission, mais plus long qu'un projet qu'on
dépose normalement à une commission. Cette partie-là, je
voulais la préciser avec vous.
Deuxièmement, on n'a pas pu vous le remettre dans les
délais prescrits normalement, et on s'en excuse. On comprend que
ça pose certaines difficultés, mais vous comprendrez que, de
notre côté, des événements des dernières
semaines ont fait qu'on n'a pas pu vous le remettre au moins une semaine avant.
À cause de la mortalité d'un de nos économistes, la
préparation du colloque fut plus longue et on vous remet ce matin le
document. Là aussi, vous nous excuserez.
Je passe immédiatement à la présentation des
membres et, par la suite, on procédera à la lecture, si vous
voulez. M. Jean-Yves Couillard, deuxième vice-président de l'UPA;
M. Jean Bernier, membre de l'exécutif de l'UPA; M. Jean-Claude
Blanchette, secrétaire général de l'UPA; M.
François Côté, responsable du service d'étude et de
recherche de l'UPA, et M. Léo Vigneault, secrétaire
général adjoint.
On peut procéder immédiatement. Si vous le permettez, on
va faire la lecture du document, même si, je pense, il y a beaucoup de
tableaux dedans. On ne passera pas au travers de tous les tableaux, on ira aux
points majeurs de chaque tableau parce que je pense que c'est important qu'on
lise le document puisqu'il contient vraiment....
Je demanderais à François de lire la première
partie.
M. Côté (François): M. Proulx a situé
un peu le travail. Cela ne se présente pas comme un mémoire
habituel à une commission parlementaire, mais, pour nous, c'est un
document de réflexion interne et il a été, en partie,
pensé en fonction de ça. C'est un document, finalement, qu'on a
l'intention éventuellement d'utiliser dans une conférence
socio-économique qui portera spécifiquement sur le financement
agricole.
Comme M. Proulx l'a dit, on va passer la première partie en
revue. Ce n'est pas perdu pour vous parce qu'il y a là-dedans une
analyse assez globale de l'évolution de l'agriculture, à
l'intérieur de laquelle on
situe le financement agricole. Je lis à partir de la
première page.
Plusieurs facteurs affectent la rentabilité de l'agriculture.
L'efficacité des fermes, leurs coûts de production, le prix des
intrants, le prix reçu pour les produits, les politiques
gouvernementales d'assistance sont autant d'éléments
fondamentaux. Il est reconnu que le financement et les intérêts
déboursés constituent un élément déterminant
pour la situation de l'agriculture et son développement. Réduits
à leur plus simple expression, les paiements d'intérêt
pourraient être considérés comme une dépense parmi
l'ensemble des dépenses faites par les agriculteurs.
Vus sous cet angle, les paiements d'intérêt constituent la
deuxième dépense en importance faite par les agriculteurs du
Québec, atteignant 250 000 000 $ en 1984. C'est aussi une dépense
dont l'importance relative a augmenté considérablement, passant
de 7, 6% des dépenses en 1971 à 12, 2% en 1984, avec une pointe
de 14, 5% en 1981.
On pourrait peut-être regarder les tableaux qui sont aux pages
suivantes et qui illustrent un peu ce qui vient d'être décrit. Le
tableau 1 de la page 2 énumère l'ensemble des dépenses en
1984, les principales catégories de dépenses faites par les
agriculteurs du Québec et du Canada. En bas, total des dépenses
d'exploitation: 2 109 709 000 $. Là-dessus, les dépenses
d'intérêt, à la quatrième ligne, étaient de
l'ordre de 258 000 000 $. Si vous regardez rapidement la colonne, vous observez
que c'est la deuxième dépense en importance, la première
étant les achats de moulée à 705 000 000 $.
Si on se compare au Canada - c'est assez intéressant de le faire
- au Canada, les dépenses d'intérêt était de l'ordre
de 2 090 000 000 $, ce qui représentait 15, 2% des dépenses
totales faites par les agriculteurs du Canada, derrière les
dépenses de machinerie et derrière les dépenses
d'alimentation animale. Il est quand même intéressant d'observer
que, finalement, les paiements d'intérêt au Québec
représentent une dépense relativement moins importante que dans
l'ensemble du Canada.
Je reviens au texte, è la première page. Pourtant,
à plusieurs points de vue, les paiements d'intérêt ne sont
pas une simple dépense comme les autres. C'est une dépense qui
comporte plusieurs caractéristiques propres qui la rendent
fondamentalement différente de toutes les autres.
Le financement, c'est le mécanisme par lequel s'opère la
capitalisation de l'agriculture, qui est un des éléments les plus
marquants du développement de l'agriculture. Et cela est vrai pour
l'ensemble de l'économie.
Le monde occidental s'est engagé, à partir de ce qu'on a
appelé la "révolution industrielle", qui débuta en
Angleterre à une date qu'on situe arbitrairement vers 1760, dans un
processus d'industrialisation accéléré. Dans le processus
d'industrialisation, deux éléments fondamentaux sont à
l'oeuvre: l'évolution des connaissances...
Il y a un tableau dont j'aurais dû vous parler, à la page
3; j'aurais dû vous le pointer avant de continuer. C'est aussi un tableau
assez intéressant qui indique, depuis 1971 jusqu'en 1984, l'apport des
dépenses d'intérêt dans les dépenses totales des
agriculteurs au Québec et au Canada. On constate qu'en 1971, les
paiements d'intérêt représentaient 7, 6% des
dépenses totales et c'est rendu à 12, 2%, donc une croissance
très significative au cours des années soixante-dix avec une
pointe en 1981, comme on l'avait dit tantôt, au moment de la
flambée des taux d'intérêt. On constate une
évolution semblable au Canada: les dépenses
d'intérêt représentent une part croissante des
dépenses d'exploitation.
Je reviens à la page 4: L'évolution des connaissances et
de la technologie, d'une part, et le mécanisme de l'épargne, de
l'investissement et de la formation du capital, d'autre part.
La révolution industrielle a été et demeure
essentiellement le recours, dans tous les secteurs de l'activité
économique, à la machine pour produire. En ajoutant au travail
humain le travail des machines, on a accru la production de biens à un
rythme accéléré, de sorte que, malgré toutes nos
misères et nos problèmes, tout historien avisé ne peut que
constater que le monde occidental connaît, depuis la fin de la guerre,
une période de sécurité et de confort matériels
inégalée dans l'histoire.
Au moment de son introduction, partout et toujours, la machine est mise
en opération parce qu'elle diminue les coûts de production,
augmente le profit, ce qui est l'objectif visé dans un régime de
propriété privée des moyens de production. S'il existe, au
niveau d'une société, une épargne, c'est-à-dire des
revenus qui n'ont pas été dépensés
immédiatement, il peut être intéressant d'emprunter et de
payer un intérêt pour obtenir cette épargne et se procurer
des machines, et s'industrialiser davantage si les économies qui
résultent de cette mécanisation accrue sont supérieures
à l'intérêt payé sur l'argent emprunté.
À partir de la révolution industrielle, ce circuit
épargne-emprunt-investissement s'est développé et a
été un mécanisme fondamental dans
l'accélération de l'industrialisation. De sorte que l'emprunt et
l'investissement sont aujourd'hui, en agriculture comme dans les autres
secteurs de l'économie, un des moteurs principaux du
développement. En ce sens, le financement représente bien plus
qu'un simple intrant
parmi tous les autres.
Dans le processus d'industrialisation, deux phénomènes
doivent se produire en même temps: le développement d'industries
regroupées dans les villes et une agriculture capable de produire des
surplus qui serviront à nourrir cette main-d'oeuvre industrielle
croissante.
L'agriculture devient alors une agriculture commerciale, en ce sens
qu'elle vend une partie croissante de sa production et en retour achète
des biens qu'elle faisait elle-même antérieurement.
Pour ce faire, il faut que soit augmentée la capacité de
produire de la terre. Les connaissances techniques ont permis d'accroître
le rendement de la terre. Le recours grandissant à la machine aussi.
L'efficacité de l'agriculture moderne est telle que 5% de la population
peut produire assez pour nourrir la totalité d'une collectivité.
On fait ici référence aux tableaux 3 et 4 qu'on peut regarder.
À la page 6, le tableau 3 décrit l'évolution, depuis le
début du siècle, du nombre de fermes au Québec, de la
population agricole, c'est-à-dire les agriculteurs et leur famille, et
de la population totale du Québec. À partir de 1931 la
première année où on a des chiffres complets, population
agricole, 777 000 personnes; population totale du Québec, 2 800 000.
À ce moment-là, la population agricole représentait 27% de
la population. Il y a eu une diminution régulière du nombre de
fermes et de la population agricole en même temps que la population
totale du Québec augmentait, de sorte qu'on se retrouve en 1981 avec une
population agricole de 186 365 personnes, agriculteurs et leur famille, et une
population totale du Québec de 6 400 000; de sorte qu'aujourd'hui, la
population agricole sur la population totale est de l'ordre de 2, 89%. Si on
faisait le rapport emplois dans l'agriculture sur emplois totaux au
Québec, on sortirait des pourcentages à peu près
semblables. (10 h 45)
Les tableaux suivants sont assez denses. En même temps, disons
qu'il y a matière à réflexion. Il y a matière quand
même à réflexion à partir de ces chiffres-là.
Ces deux tableaux décrivent l'évolution du capital agricole et de
l'endettement agricole pour le Québec, l'Ontario et le Canada depuis
1941. Ce sont les chiffres du recensement, en réalité. À
chaque recensement, il y a une évaluation du capital agricole à
sa valeur marchande qui est faite en trois grandes catégories: terres et
bâtiments, machines et outillage et animaux. Il y a deux tableaux qui
suivent. Il y en a un qui est - c'est un peu le jargon d'économistes -
en dollars courants, c'est-à-dire les chiffres tels qu'ils sont
présentés. Ce tableau-là dit, par exemple - le premier
chiffre dans le coin à gauche - qu'en 1941, le capital total investi
dans l'agriculture au Québec est estimé à 742 000 000 $.
Ce sont des millions de dollars. Si on va à l'extrême droite, en
1981, allons à 1983, le capital total investi dans l'agriculture au
Québec est estimé à 9 879 000 000 $ et c'est
réparti par catégories. Même chose pour le Québec et
l'Ontario. On a finalement, par périodes de dix ans, 1941, 1951, 1961,
1971 et 1981. Le premier tableau est en dollars courants. Le suivant est en
dollars constants. Il est plus intéressant parce que l'effet de
l'inflation est éliminé.
Quand on regarde les chiffres de 1941 à 1984, avec l'inflation
qu'on a eue depuis ce temps, en réalité, on compare un peu des
pommes et des oranges. Cela vaut la peine de corriger les chiffres pour
refléter les variations dans l'indice du coût de la vie. C'est ce
qui est fait dans le tableau suivant: Estimé et mesuré en dollars
de 1981, le stock de capital dans l'agriculture au Québec est de 4 365
000 000 $ en 1941, puis, en 1983, de 8 429 000 000 $, pour l'Ontario et le
Canada. Je ne veux pas qu'on entre dans les détails de tous les chiffres
parce qu'on y passerait la journée. Je vous indique ce que je trouve
d'intéressant d'observer dans ce tableau. Si vous prenez le temps de le
regarder, vous allez vous apercevoir que si on regarde les variations par
tranches de dix ans, par exemple, 1951 sur 1941 et ensuite 1961 sur 1951, 1971
sur 1961, en général, l'accroissement de l'investissement dans
l'agriculture était plus lent au Québec qu'en Ontario et en
moyenne au Canada. Si vous regardez 1951 sur 1941, au total, 15% au
Québec, au total 30% en Ontario, total, 36% au Canada. La
décennie 1961-1951, vous observez...
Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je pense que cela
ressort, quand on regarde les chiffres, que la croissance du capital
était plus lente au Québec et, dans les années 1971
à 1981, depuis dix ans, les chiffres du Québec se comparent aux
chiffres du Canada. Peut-être que la seule chose que je vais faire
ressortir de ce tableau, c'est que, finalement, de 1941 à 1971, dans ces
termes - valeur du capital investi en agriculture - la croissance était
plus lente au Québec que dans le reste du Canada et, depuis dix ans, les
tendances se comparent. Si vous voulez peut-être revenir là-dessus
plus tard...
Je reviens au texte à la page 5. Autre phénomène
essentiel dans le processus de l'industrialisation, c'est que la ville et
l'industrie qui s'y développe offrent des emplois qui deviennent des
alternatives à la vie sur la ferme. L'emploi à la ville devient
une alternative à l'emploi agricole. L'agriculteur a à
décider s'il est plus rentable de faire manuellement une
opération ou de la mécaniser. Plus les salaires de la
ville sont élevés, plus il sera nécessaire de
mécaniser les opérations de la ferme.
Dans la mesure où le processus de commercialisation de
l'agriculture est amorcé apparaît un autre facteur fondamental: la
concurrence. Les produits agricoles peuvent de plus en plus être
transportés et mis en vente à des distances sans cesse
croissantes de leur lieu de production, avec la modernisation des transports.
Les consommateurs des villes, de plus en plus nombreux et, par
conséquent, puissants politiquement, cherchent naturellement à
payer leur nourriture le moins cher possible. Si elle vient d'ailleurs et
qu'elle est moins chère, il la préférera à celle
produite ici.
L'histoire récente de l'agriculture est l'histoire de la
transition rapide d'une agriculture vivrière vers une agriculture
commerciale, évolution où le recours au financement et
l'investissement ont joué et continuent de jouer un rôle
déterminant.
À la page 8. Un deuxième aspect très particulier du
financement, en agriculture à tout le moins, c'est qu'il joue un
rôle clé dans la transmission des entreprises d'une
génération à l'autre et d'une personne à
l'autre.
Les parents propriétaires d'une entreprise agricole qui prennent
leur retraite doivent retirer un montant d'argent au moment de la transmission
de l'entreprise familiale. Depuis longtemps, les fermes ne se donnent plus
à un des enfants, comme cela a été le cas à
d'autres époques. Car, avec l'évolution des rapports sociaux, les
parents, comme tous les autres travailleurs qui se retirent, ont besoin d'un
fonds de retraite pour assurer leur sécurité financière.
Or, tout l'avoir qu'ont pu constituer les parents dans leur vie est investi
dans la ferme, ce qui est tout à fait normal. L'équité de
la ferme constitue le fonds de retraite des agriculteurs. Il est absolument
nécessaire que les parents puissent récupérer leur avoir
pour pouvoir vivre dignement leur retraite comme n'importe quel autre
citoyen.
Donc, celui qui acquiert la ferme doit emprunter et payer aux parents la
somme nécessaire pour satisfaire ce besoin.
Pour ces raisons, le financement est un élément central du
fonctionnement de l'agriculture.
L'évolution récente de l'agriculture et la situation
actuelle. Plusieurs mesures tendent à montrer qu'au cours des 15
dernières années, les efforts des agriculteurs pour
accroître et diversifier leur production, jumelées avec les
politiques agricoles mises en place, ont produit un certain nombre de
résultats significatifs.
Au niveau de l'emploi total dans le secteur de la production primaire,
il y a, depuis 1975, une tendance à l'accroissement de l'emploi total en
agriculture. On peut estimer que l'emploi dans l'agriculture a, entre 1975-1977
et 19B1-1983, augmenté de plus de 5000 emplois, passant de 72 000
à environ 76 500 emplois. Au niveau canadien, il n'y a pas de telle
tendance. L'emploi total agricole au Canada se situe au même niveau qu'en
1975.
Au niveau du développement des productions, il y a eu une
expansion marquée dans certains secteurs. Dans le porc, entre 1971 et
1976, les producteurs de porc du Québec ont fait passer leur part de la
production totale canadienne de 17% à 30%. De 1976 à aujourd'hui,
ils ont participé à l'expansion générale de la
production au Canada: depuis 1976, la production du Québec a
augmenté, comme celle du reste du Canada, d'environ 90%, et notre part
de marché s'est maintenue à un peu plus de 30%.
Des changements marquants sont survenus dans la production des
céréales. Dans ce secteur, les acrages sont passés de 837
000 acres en 1976 à 1 376 000 acres en 1984, un accroissement de
64%.
Dans la production du bovin de boucherie, les résultats sont
moins évidents jusqu'à maintenant. Le nombre de vaches de
boucherie sur les fermes, après avoir augmenté au début
des années soixante-dix et après avoir subi une baisse importante
en 1976 et en 1977, est demeuré sensiblement le même depuis 1977.
Le même phénomène se déroule dans le bouvillon de
boucherie. La production est stable. Cependant, il faut être conscient
qu'au cours de la même période, le nombre de vaches de boucherie a
diminué de 17, 5% à l'échelle canadienne et le nombre de
bouvillons de 26%. En d'autres mots, l'industrie naissante du boeuf s'est
maintenue dans une conjoncture générale à la baisse, de
sorte que notre part du marché canadien dans ces deux productions a
légèrement augmenté tout en demeurant très faible,
à environ 4%.
Dans le secteur de l'industrie laitière, la production globale a
peu varié. Il y a eu cependant un mouvement très marqué de
consolidation. La production par ferme a augmenté de 46% au
Québec entre 1971 et 1981, passant de 234 000 à 343 000 livres
pendant qu'elle augmentait de 22% dans le reste du Canada pour se situer
à 399 000 livres en 1981. Ce faisant, le Québec comblait une
grande partie de l'écart qui le séparait du reste du Canada au
début des années 1970.
En plus de ces grands mouvements, it y a eu des progressions importantes
du volume dans plusieurs productions comme l'agneau, la betterave à
sucre, les fraises et certains légumes. On pourrait dire les
légumes dans leur ensemble.
Même si les statistiques semblent indiquer une expansion et un
développement de l'agriculture du Québec au cours de la
dernière décennie prise comme un tout, il
faut constater qu'au cours des quatre dernières années la
situation de l'agriculture s'est détériorée au
Québec comme dans le reste du monde. La détérioration de
la situation actuelle de l'agriculture est le résultat du jeu
combiné de deux facteurs: l'augmentation substantielle des taux
d'intérêt qui atteignirent des sommets historiques à la fin
de 1981 et au début de 1982; des prix très bas dans plusieurs
produits agricoles majeurs, notamment le porc, le boeuf et les
céréales.
Les conséquences de ces deux phénomènes se sont
manifestées de la façon suivante: les revenus nets agricoles
avaient connu au Québec comme au Canada une augmentation importante dans
les années 1973, 1974, 1975. Au cours des années suivantes
jusqu'à aujourd'hui, ils sont demeurés supérieurs au
niveau des années 1960, mais ont fluctué à la baisse (en
termes réels) par rapport au niveau des années 1973 à
1975, de sorte qu'aujourd'hui les revenus agricoles nets, réels sont
actuellement au Québec inférieurs de 25% à ce qu'ils
étaient en 1973, 1974, 1975. Au Canada, ils sont actuellement
inférieurs de 50, 9%
II y a un tableau à la page 13 qui illustre ce qui vient
d'être décrit. II serait peut-être utile de regarder ce
tableau qui a une certaine importance. À la page 13, revenu agricole net
réalisé, Québec et Canada, en millions de dollars. C'est
donné en dollars courants et en dollars constants de 1971. C'est
toujours plus intéressant de regarder les dollars constants parce que
l'effet d'inflation est éliminé des chiffres. On a les
mêmes chiffres pour le Canada. Si vous lisez la colonne rapidement, vous
allez vous apercevoir qu'en 1973, 1974 et 1975 il y a eu une augmentation - en
1972 aussi -importante des revenus agricoles nets au Québec. Au cours
des années suivantes, de 1976 à 1960, 1981, cela a
été plus bas un peu et relativement stable, avec des
fluctuations; il y a eu une baisse en 1977. Mais on retrouve en 1981 à
peu près le même niveau qu'en 1976. Depuis 1981, il y a une
diminution importante du revenu agricole net.
Bon, c'est en millions de dollars; peut-être que j'aurais dû
le dire. Ce sont les statistiques de Statistique Canada; les statistiques du
Québec sortent la même chose aussi. C'est 218 000 000 $ de revenu
agricole net pour l'agriculture du Québec. Diminution importante
à partir de 1981: 275 000 000 $, 251 000 000 $, 210 000 000 $. Un
certain redressement en 1984; il est clair que 1984, par rapport à 1983,
représente un léger progrès, mais dans la tendance, ce
n'est pas un redressement significatif par rapport au niveau qu'on avait connu
dans les années 1979-1980.
Il est important et intéressant d'observer que les mêmes
tendances se produisent à l'échelle canadienne: augmentation
substantielle des années 1973, 1974, 1975. Diminution par la suite et
une certaine stabilité. Depuis 1982, baisse très importante des
revenus agricoles nets.
Je reviens, en haut de la page 12, au texte. Les derniers chiffres
indiquent, pour l'année 1984, une hausse par rapport à 1983 de
14% du revenu net réalisé au Canada et de 17% au Québec.
Au Canada, 70% de l'accroissement du revenu net réalisé
résulte d'une diminution dramatique des inventaires survenus dans
certaines provinces, surtout en Saskatchewan. De plus, les chiffres du tableau
illustrent très clairement que l'année 1984 ne constitue en
aucune manière un redressement significatif par rapport à la
baisse des dernières années. (11 heures)
Un autre indice de la détérioration de la situation de
l'agriculture est l'augmentation des faillites agricoles depuis quelques
années. Ce sont les chiffres de Consommation et Corporation Canada sur
les faillites agricoles au Québec et au Canada. En 1979, il y avait 14
faillites agricoles officielles - syndic et tout - déclarées; il
y en a eu 162 en 1984 avec une croissance régulière. Finalement,
c'est un indice d'une certaine détérioration de la situation,
II y a eu modification importante dans l'évolution du prix des
terres. Après avoir augmenté de façon très
significative pendant les années soixante-dix, le prix des terres
diminue au Canada depuis 1981. Au Québec, les valeurs ont
augmenté mais très lentement depuis 1980. L'augmentation ayant
été nettement moins rapide que l'inflation, il y a eu au
Québec baisse de valeur réelle du prix des terres depuis
1980.
Les résultats du sondage de la Société du
crédit agricole décrivent très clairement
l'évolution de la situation financière des fermes du
Québec au cours des dernières années.
MM. les députés, on s'est rendu compte ce matin qu'il
manque ce à quoi fait référence le résultat du
sondage de la Société du crédit agricole; les deux
tableaux de chiffres qui sont tirés de ça sont absents du
mémoire. On vous les fera parvenir. Je pense que vous allez en entendre
parler beaucoup pendant vos discussions parce que ce sont des données
récentes qui apportent beaucoup d'informations sur la situation de
l'agriculture.
En quelques mots, les chiffres du sondage de la société
disent beaucoup de choses, entre autres, qu'entre 1981 et 1984 il y a eu des
diminutions de l'équité des producteurs, c'est-à-dire
perte de valeur nette des agriculteurs dans la production de
céréales et dans la production de porc au Québec. Cela
mesure des choses dont tout le monde parle, dont on entend parler, cela met des
chiffres dessus: une détérioration
mesurée de la situation financière des producteurs. On
vous enverra ces chiffres-là d'ici à demain pour que vous les
ayez en main.
À la page 14, il y a un certain nombre de chiffres
intéressants aussi qui ont une assez grande importance finalement pour
comprendre l'évolution de l'agriculture depuis une couple
d'années. C'est l'évolution du prix des terres au Québec
et au Canada entre 1971 et 1983, Cela est donné sous forme d'indice,
c'est-à-dire un indice 100 en 1971. Si on lit ce qui concerne le
Québec, l'indice est passé de 100 à 364. Cela veut dire
que la terre qui se vendait 100 $ en 1971 se vend 364 $ en 1983. Donc,
augmentation de 264 sur 100. On donne aussi les variations annuelles survenues.
En 1972, augmentation de 9, 2%, 13%, 15%. On peut voir des augmentations
substantielles du prix des terres jusqu'en 1980. À partir de 1980,
très légers accroissements. En réalité ce sont des
accroissements inférieurs à l'inflation générale.
On n'a pas encore les chiffres de 1984.
Au niveau canadien, le même phénomène se produit:
des augmentations substantielles de 1971 à 1983. Il est important de
constater que l'indice est passé de 100 à 412 pour le Canada.
Donc, malgré qu'au Québec on est conscient que cela a beaucoup
augmenté, cela a augmenté plus vite en moyenne au Canada.
L'augmentation du prix des terres qu'on a connue sur l'ensemble de la
période demeure inférieure à celle qui s'est produite
ailleurs. On observe que nos prix se sont stabilisés. Il y a eu, dans le
reste du Canada, baisse du prix des terres en 1983.
Je reviens en haut de la page 15. Le paragraphe concerne le sondage dont
les chiffres ne sont pas là. Même si les chiffres sont très
globaux, ils confirment, au Québec, une détérioration
importante de la situation financière des producteurs de porc et des
producteurs de céréales. Au niveau moyen canadien, on constate
également une détérioration de la situation des
producteurs de boeuf et une plus grande stabilité qu'au Québec
pour les producteurs de céréales.
Une analyse plus poussée de la situation dans chaque province
telle que révélée par le sondage de la
société fait ressortir un élément extrêmement
inquiétant. Pendant qu'au Québec et en Ontario les producteurs de
porc éprouvaient des difficultés très graves, les
producteurs de porc des provinces des Prairies, eux, étaient rentables
au point d'augmenter leur équité de façon très
significative. Ce fait doit être associé à celui que la
part du Québec dans la production canadienne de porc a diminué
depuis 1981, passant de 34, 8% en 1981 à 32% en 1984.
Quant aux perspectives d'avenir, il y a eu un revirement important dans
les pronostics au cours des dernières années. En 1980, le
gouvernement fédéral publiait un document très important
intitulé "Le défi des années 80: pour une stratégie
agro-alimentaire pour le Canada". La base de cette stratégie
était la possibilité que l'augmentation des exportations permette
au Canada d'accroître sa production agricole de 85% d'ici à l'an
2000. Personne, à ce moment, n'a songé à contester cette
vision particulièrement optimiste. Aujourd'hui, les pronostics sont
beaucoup plus pessimistes.
Au niveau du marché des céréales, après une
décennie de demande relativement forte, il y a, depuis 1981,
surproduction au niveau mondial et tendance à la baisse des prix. Le
programme américain "Payment in Kind", qu'on appelle toujours le
programme "PIK", en 1983, joint à la sécheresse qui a sévi
aux États-Unis en 1983, avait entraîné une réduction
de 14% de la production de blé et une réduction de 50, 2% de la
production de maïs aux États-Unis. Cela a eu comme effet de
redresser temporairement le marché des céréales et les
effets se font encore sentir. Cependant, si la production mondiale maintient sa
tendance actuelle, il y aura création de surplus au niveau mondial au
cours des prochaines années. Les causes principales de ce renversement
au niveau mondial sont la croissance de la production de céréales
à l'intérieur du Marché commun au cours des dix
dernières années, les difficultés financières des
pays sous-développés, le développement de l'agriculture en
Chine, et on pourrait en ajouter.
Sur le marché des céréales, au problème de
la surproduction mondiale s'ajoute celui de la politique agricole
américaine. Le système de prêts aux agriculteurs
américains, qui a amené te gouvernement américain à
soutenir les prix américains en constituant des stocks, a aussi
contribué à soutenir le prix mondial des céréales
depuis le début des années quatre-vingt. Or, l'administration
Reagan a exprimé sa volonté de réduire de façon
très substantielle son aide aux agriculteurs américains dans le
but de cesser de soutenir aux frais du contribuable américain le cours
mondial des céréales et d'autres denrées alimentaires. Les
décisions qui se prendront à ce sujet aux États-Unis au
cours des prochains mois seront capitales pour les agriculteurs du
Québec.
Les perspectives du marché des céréales sont
très sombres pour les prochaines années. De telles perspectives
pour le marché des céréales ne peuvent qu'avoir des effets
négatifs sur le marché des viandes car, lorsque les producteurs
de céréales touchent peu pour leur produit, ils transforment une
plus grande partie sur place en intensifiant leur production animale et cela
engendre des baisses de prix sur le marché des viandes.
En résumé, les années soixante-dix ont
été des années d'inflation et des années où
les taux d'intérêt réels, c'est-à-dire taux
d'intérêt moins l'inflation, ont été faibles, parce
que les marchés financiers se sont adaptés avec retard à
l'inflation. Dans un tel contexte, il était logique d'emprunter et
d'investir, y compris dans l'acquisition de nouvelles terres. Cette
conjoncture, jumelée avec la croissance des revenus des années
1973 à 1975, a entraîné une demande pour les terres et en a
fait augmenter la valeur de façon très importante créant
des plus-values comptables qui ont compensé, dans l'esprit des
agriculteurs, la tendance à la baisse des revenus agricoles
réels.
Nous sommes entrés dans une situation radicalement
différente. L'inflation est considérablement ralentie. Les taux
d'intérêt réels que nous connaissons actuellement sont les
plus élevés des dernières décennies. C'est un
changement fondamental. La décision qui était la bonne il y a dix
ans est celle qui, aujourd'hui, conduit à des difficultés. En
plus de ce renversement de situation en ce qui concerne les taux
d'intérêt, est survenue la crise du porc, où les prix se
maintiennent très bas; et, tel que nous l'avons mentionné
précédemment, l'industrie du boeuf au Canada est en
décroissance depuis plusieurs années. Tel que mentionné
plus haut, la situation au niveau du marché mondial des
céréales est, finalement, assez inquiétante.
La situation actuelle des fermes en ce qui concerne l'endettement. Les
tableaux et les commentaires des pages précédentes ont fait
ressortir l'accroissement marqué du capital agricole et des emprunts
faits par l'agriculture.
Il a fait ressortir aussi que les agriculteurs ont, en moyenne, un taux
d'équité très élevé. Cela aussi se
réfère au sondage révélant que la ferme moyenne au
Québec avait une équité de l'ordre de 75% en 1984. Au
Québec, le taux d'équité moyen est actuellement de 75%,
soit une diminution de 5% par rapport à 1981. Au niveau canadien, le
taux d'équité est de 82%. L'écart entre le Québec
et le Canada reflète une montée plus rapide au Canada qu'au
Québec du prix des terres. Je pense que l'autre bout est inutile. De
fait, le rapport paiements d'intérêts sur dépenses totales
-ce sont des chiffres qu'on a vus au début -demeure
légèrement inférieur au Québec par rapport au reste
du Canada, comme on l'a illustré au tableau 2.
Le taux d'équité moyen est cependant très trompeur.
Dans leur évolution normale, toutes les fermes connaissent des
périodes où elles sont très endettées, soit
lorsqu'elles sont transmises d'une génération à une autre
et lorsqu'il y a de nouveaux investissements de réalisés. Des
périodes de difficultés financières vont aussi
entraîner un accroissement des dettes, à tout le moins pour ceux
qui étaient dans une situation financière serrée, donc
ceux qui étaient déjà fortement endettés au moment
où sont survenues les difficultés.
Le sondage publié récemment par la Société
du crédit agricole divise les agriculteurs en trois catégories,
selon leur degré d'endettement. Ces chiffres sont reproduits au tableau
9 qu'on peut regarder à la page suivante. Il y a la situation moyenne
des fermes selon leur degré d'endettement du Québec et de
l'Ontario. On n'a pas l'équivalent canadien. On y retrouve les fermes du
Québec qui ont fait l'objet du sondage de la Société du
crédit agricole. Le sondage portait - j'aurais peut-être dû
vous l'indiquer - sur l'ensemble des fermes de recensement,
c'est-à-dire, si vous êtes un peu familiers avec cela, que le
recensement donne le nombre total de fermes, c'est-à-dire qu'en se
promenant dans les campagnes au moment du recensement, partout où il y a
des ventes de produits agricoles de déclarées, on déclare
cela comme fermes. Par ailleurs, lors du recensement, il y a aussi une
catégorie appelée fermes commerciales, c'est-à-dire toutes
les fermes qui ont déclaré plus de 2500 $ de revenu brut. C'est
cela la ferme de recensement, et c'est là-dessus que le sondage de la
société a porté; c'est un échantillon des gens qui,
au recensement de 1981, avaient déclaré plus de 2500 $ de revenu
brut agricole.
Les résultats obtenus, à la page 19, sont divisés
en trois catégories, soit les plus faiblement endettées, les
moyennement endettées et les plus endettées. Si on regarde la
catégorie des plus endettées au Québec, dans ce groupe -
ce serait peut-être une autre parenthèse... Il y avait 38 000
fermes. Il y a un nombre d'à peu près 38 000 fermes au
Québec. Le sondage portait sur à peu près 38 000 fermes.
En divisant cela en trois catégories, cela en mettrait à peu
près 13 000 dans chaque catégorie, les 13 000 les moins
endettées, les 13 000 moyennement endettées et les 13 000 les
plus endettées, approximativement.
Le groupe des plus endettées avait un actif total de 367 000 $,
un endettement moyen de 176 000 $, un avoir net moyen de 190 000 $, donc un
taux d'endettement, c'est-à-dire la dette sur l'actif total, de 48%.
Voici d'autres caractéristiques reliées à ce groupe: des
ventes moyennes de 123 000 $, des ventes par dollar d'actif de 0, 33 $, un
revenu extérieur de 6600 $, le nombre d'années moyennes en
agriculture, 11 ans pour ce groupe, des capitaux investis, en 1983, de 25 000
$, des capitaux empruntés, en 1983, de 43 000 $.
Je vais peut-être laisser les chiffres pour revenir au texte. Au
bas de la page 18, le texte fait ressortir de ces chiffres ce qu'on pense
être un certain nombre de faits
importants. Vous pourrez y revenir.
Donc, le tiers le plus endetté des agriculteurs, environ 13 000
agriculteurs, ont, en moyenne, un taux d'endettement de 48% et assument une
dette moyenne de 176 000 $.
Les agriculteurs les plus endettés sont en même temps les
plus productifs. Leur rapport ventes sur actif total est supérieur
à celui des agriculteurs moins endettés, les 0, 33 $ dont on
parlait tantôt.
En moyenne, les agriculteurs les plus endettés, les plus
productifs sont aussi les plus jeunes.
On constate aussi que le groupe des plus endettés est en
même temps celui qui investit le plus, vraisemblablement dans du capital
productif, puisque d'autres chiffres du sondage révèlent que, de
1981 à 1984, seulement deux postes d'investissement ont
progressé, soit les améliorations foncières et les achats
de quotas. (11 h 15)
Le tableau confirme, par ailleurs, la détérioration de la
situation économique en ce sens que les agriculteurs les plus
endettés ont emprunté davantage qu'ils n'ont investi en 1983,
donc qu'ils ont emprunté pour financer un déficit d'exploitation.
Cela ne s'est pas produit, en moyenne, pour les groupes moyennement ou peu
endettés. Cela confirme que les agriculteurs les plus productifs sont
aussi les plus vulnérables à une augmentation des taux
d'intérêt et à un revirement de prix dont l'effet
combiné ne peut être compensé par la seule
efficacité.
Un autre phénomène fondamental qui se dégage de ce
tableau est le faible rapport ventes-capital investi. Quand on fait la moyenne
de tous les agriculteurs du Québec on constate que les ventes sont de
l'ordre de 0, 24 $ par dollar de capital investi, ce qui est très
faible.
Cela reflète le fait que l'agriculture est une industrie
très fortement capitalisée, une des plus capitalisées de
l'économie, comme le confirment les chiffres suivants. Ce sont des
chiffres qui sont tirés d'une étude de professeurs de
l'Université Laval, Robert Saint-Louis et Jean-Pierre Lachapelle, pour
le Conseil économique du Canada, faits en 1982, où on donne le
rapport capital investi en agriculture/valeur ajoutée par l'agriculture.
La valeur ajoutée est une mesure utilisée par la statistique
économique pour mesurer la production d'un secteur. C'est la même
mesure qui est appliquée dans tous les secteurs. Le rapport
capital/valeur ajoutée au Canada, en 1976, était de 9. 16 en
agriculture. Cela veut dire 9. 16 $ de capital investi pour chaque dollar de
production mesurée par la mesure production en valeur ajoutée.
Donc, 9 $ de capital investi par dollar de production. En forêt: 0. 27;
dans le secteur des mines: 1. 45; dans le secteur manufacturier pris
globalement: 0, 75 $.
Donc, dans le secteur manufacturier, 0, 75 $ de capital investi par
dollar de production faite mesurée par la valeur ajoutée. Les
conséquences de cette situation feront que les remboursements
d'intérêt vont nécessairement représenter une part
plus importante des dépenses totales que dans d'autres secteurs
d'activité. Une façon d'illustrer ce fait c'est de constater que
les paiements d'intérêt de 258 000 000 $ équivalent
à 38% du revenu net agricole de 679 000 000 $ au Québec en
1984.
C'est pourquoi les variations de taux d'intérêt auront
nécessairement un impact beaucoup plus grand sur le secteur agricole que
sur la majorité des autres secteurs d'activité.
M. Proulx (Jacques): Le rôle de l'État dans le
financement de l'agriculture. Une des caractéristiques essentielles du
financement de l'agriculture est l'implication importante de l'État.
Plusieurs facteurs historiques ont entraîné cette
évolution. L'impact de la grande dépression sur le monde rural,
la volonté de relocaliser des soldats après la guerre, la
nécessité d'une agriculture efficace pour nourrir la population
urbaine croissante, certaines caractéristiques sociologiques qui
différencient le monde agricole du monde industriel et enfin la
dispersion géographique des fermes sont des facteurs qui ont
amené les gouvernements provinciaux et le gouvernement
fédéral à s'impliquer dans le financement de l'agriculture
à différents moments de l'histoire récente.
Au niveau canadien on a assisté en 1927, à la
création de l'Office des prêts agricoles, qui est l'ancêtre
de la Société du crédit agricole actuel. Au Québec,
la Loi sur le crédit agricole fut votée le 12 novembre 1936.
Cette loi prévoyait des prêts aux agriculteurs au taux de 2 1/2%
au moment où l'organisme fédéral prêtait à 5
1/2%. Le gouvernement fédéral est progressivement devenu un agent
prépondérant et cela a amené la plupart des provinces,
sauf le Québec et la Nouvelle-Écosse, à se retirer
progressivement du domaine du financement agricole. Depuis une dizaine
d'années, toutefois, le gouvernement fédéral a
diminué son rôle dans l'ensemble du Canada. Dans les autres
provinces du Canada, le vide laissé progressivement par le retrait du
fédéral a été occupé par le secteur
bancaire. Le Québec a suivi une évolution différente. Le
retrait du gouvernement fédéral a été
entièrement compensé par l'importance croissante qu'a acquise
l'Office du crédit agricole par ses prêts directs puis, à
partir de 1978, par l'avènement du système tandem par lequel
l'Office du crédit agricole garantit des prêts consentis par les
banques aux agriculteurs et assume une partie des frais
d'intérêt. D'ailleurs vous avez un tableau qui est
très explicite qui démontre très clairement le retrait, et
d'une façon très rapide depuis 1980, depuis 1977, depuis les
prêts tandem particulièrement, de la Société du
crédit agricole.
Une analyse de l'activité de l'office révèle
clairement l'importance qu'a acquise l'office dans le financement de
l'agriculture du Québec. Ainsi, l'encours total des prêts (tous
les types de prêts) faits ou garantis par l'office, qui est de 1 538 000
000 $, représente 63% de toutes les dettes des agriculteurs du
Québec. Au chapitre du long terme, l'encours de 1 266 000 000 $ de
prêts à long terme de l'office représente 75% des dettes
à long terme des agriculteurs du Québec.
L'implication croissante du gouvernement du Québec dans le
financement de l'agriculture s'est traduite par une augmentation des montants
versés en rabais d'intérêt, qui sont passés de 15
100 000 $ en 1975-1976, à 115 000 000 $ en 1982-1983, à 69 700
000 $ en 1983-1984. La pointe de 1982-1983 correspond à la
flambée des taux d'intérêt qui ont atteint, à
l'été 1981, le niveau de 22, 75%.
Étant devenu l'agent dominant dans un domaine aussi crucial que
le financement, l'office est devenu l'objet de controverse au point où
certains sont portés à se demander s'il ne faut pas remettre en
question de façon fondamentale le rôle de l'État dans le
financement de l'agriculture. Étant donné la place qu'occupe
l'office et son statut d'organisme public, il est inévitable qu'il fasse
l'objet de critiques. Cependant, cela ne doit pas faire perdre de vue l'aspect
qu'aussi bien les agriculteurs que la collectivité ont
bénéficié de l'intervention du gouvernement du
Québec dans le financement de l'agriculture.
Il y a eu un essor important des productions et de l'emploi dans
l'agriculture, que nous avons décrit précédemment. De
nombreuses entreprises ont pu croître et augmenter leur
rentabilité. L'assistance au financement a permis à de nombreux
jeunes agriculteurs d'acquérir la ferme familiale alors que cela aurait
été impossible à plusieurs s'il avait fallu compter
uniquement sur le crédit bancaire.
Nous sommes également convaincus qu'il est important et
désirable que l'État demeure un agent important dans le
financement de l'agriculture pour les raisons suivantes. La première est
que le financement est un canal par lequel on peut contribuer à
réaliser plusieurs objectifs d'une politique agricole, par exemple le
développement de nouvelles productions, de faciliter la transmission
d'une ferme d'une génération à l'autre ou d'accorder aux
femmes une plus grande place dans le processus économique.
La deuxième est que l'agriculture est fondamentalement instable
et est périodiquement secouée par des crises profondes qui
mettent en danger l'existence même d'un grand nombre de fermes. Il se vit
actuellement un tel bouleversement dans l'agriculture nord-américaine.
Après une décennie de marchés relativement stables, les
prix tombent, la valeur des terres chute dans un contexte où les taux
d'intérêt réels demeurent très élevés.
À tel point que le président américain, M. Reagan, ce
champion du libéralisme économique, met sur pied un programme
d'urgence pour garantir les prêts des agriculteurs aux banques en
échange d'une diminution de 10% de la dette.
Une reconnaissance du rôle positif qu'a joué au
Québec l'office n'empêche pas qu'il y a eu des erreurs de commises
et que plusieurs éléments du système sont sujets à
amélioration. Au contraire, la place qu'occupe l'office exige que ses
politiques et son fonctionnement fassent l'objet d'une analyse, d'une
réévaluation continuelle pour s'adapter aux circonstances
toujours changeantes de l'environnement économique, et cela est
particulièrement vrai dans le contexte économique actuel.
Les objectifs à viser en matière de financement agricole.
Étant donné la problématique élaborée
précédemment, étant donné les réflexions et
les consultations faites à l'intérieur de l'UPA à ce
sujet, nous croyons que les efforts doivent être orientés dans la
direction suivante: améliorer le fonctionnement de l'office; modifier
certains programmes et politiques administrés par l'office et
améliorer la capacité des agriculteurs à utiliser le
crédit de façon efficace,
M. Blanchette (Jean-Claude): On va pouvoir reprendre, si vous
voulez, chacun des points pour les détailler davantage avec les
suggestions qui ont été faîtes à la suite de notre
consultation.
Améliorer le fonctionnement de l'office. Nous croyons que des
changements importants doivent être apportés au fonctionnement de
l'office pour corriger les erreurs passées et pour l'adapter à
l'évolution de la réalité agricole. Premièrement,
créer une commission d'appel composée majoritairement
d'agriculteurs, à laquelle tout agriculteur insatisfait - c'est
écrit "satisfait", mais il faudrait bien corriger pour "insatisfait" -
d'une décision de l'office concernant une demande d'emprunt pourrait en
appeler.
Étant dispensateur d'une aide importante de l'État, les
officiers du Crédit agricole disposent d'un pouvoir considérable
sur les agriculteurs. Bien naïf celui qui pense qu'une telle situation
n'engendre pas des abus de pouvoir.
Un mécanisme neutre d'appel est
absolument nécessaire, aussi bien pour les emprunteurs que pour
ceux qui prennent les décisions. Cette commission doit être
représentative des différentes régions et des
différentes productions du Québec. Les agriculteurs membres de
cette commission devraient être nommés sur recommandation de
l'UPA. Tous ne peuvent que profiter de l'existence d'une commission d'appel. Il
est étonnant qu'elle n'ait pas encore été mise sur pied,
alors qu'elle est réclamée depuis plusieurs années.
Deuxièmement, desserrer sa politique de prêt. On peut faire
le reproche à l'office d'avoir, à une certaine époque,
trop prêté. Tel que nous l'avons mentionné
précédemment, il y a eu, à la fin des années
soixante-dix, une euphorie inflationniste où, au Québec comme
ailleurs, prêteurs et agriculteurs ont manqué de prudence et
investi sans assez tenir compte de la rentabilité des investissements.
On va faire, aujourd'hui, le reproche inverse à l'office.
À l'heure actuelle, l'office est devenu prudent à
l'excès, plus prudent même que les banques. Des prêts sont
actuellement refusés où il existe une bonne capacité de
remboursement avec des garanties adéquates. Cela est inacceptable. Un
excès de prudence est aussi néfaste qu'un manque de prudence. Il
faut chercher le juste milieu et, actuellement, l'office est trop
conservateur.
Cela est d'autant plus grave que l'office a acquis, au cours des
dernières années, le statut de prêteur le plus important
pour l'agriculture au Québec. Malgré les revers, malgré
les critiques inévitables, il faut que l'office conserve une attitude
ouverte et dynamique.
Troisièmement, jouer son rôle de conseiller. Un très
grand nombre de reproches qui sont faits à l'office peuvent être
ramenés au point suivant: Les employés de l'office, dans de
nombreux cas, ne jouent pas véritablement leur rôle de conseillers
en crédit agricole. Cela se manifeste par les comportements suivants qui
doivent être corrigés: Souvent, des prêts sont
refusés par manque de rentabilité, mais aucune explication n'est
donnée sur ce qui fait qu'un prêt est jugé non rentable et
sur ce qu'il faudrait faire pour que le projet puisse être
considéré comme rentable. C'est une réponse
négative, sans explication et sans discussion.
Très fréquemment, l'employé de l'office modifie la
demande de prêt, sans en informer l'agriculteur, et c'est cette demande
modifiée qui est envoyée à Québec pour approbation.
L'agriculteur reçoit, quelques mois plus tard, une offre de prêt
qui ne correspond pas à sa demande. Il a alors le choix d'accepter ce
prêt ou de reprendre à zéro une procédure qui dure
plusieurs mois.
Pour évaluer une demande de prêt, les employés de
l'office utilisent souvent des modèles et des budgets standards,
basés sur des performances moyennes, plutôt que les données
de l'agriculteur, même quand elles sont fiables. Les analyses de
prêt devraient s'appuyer sur les performances passées et
prévisibles de celui qui fait la demande de prêt.
Un des principaux reproches qu'on peut faire à l'office, à
ce chapitre, c'est d'accepter des demandes de prêt à des
agriculteurs qui présentent les garanties et les capacités de
remboursement nécessaires, mais qui font de mauvais investissements du
point de vue du développement et de la rentabilité de la ferme,
ce qui compromet l'avenir. Les employés de l'office devraient avoir la
compétence et le mandat d'aider les agriculteurs à éviter
de faire de mauvais investissements. Ce rôle n'est pas toujours bien
rempli actuellement.
Un certain nombre de mesures précises pourraient être
prises pour que l'office joue mieux son rôle de conseiller:
Si l'opinion du conseiller est que le prêt doit être
refusé, il devrait en aviser lui-même l'agriculteur. Au fond,
aucun dossier ne devrait être envoyé à Québec avec
une recommandation négative sans qu'il y ait eu une discussion avec
l'agriculteur concerné; les agriculteurs devraient toujours avoir le
choix du conseiller; les agriculteurs doivent pouvoir consulter leur
dossier.
En ce qui concerne l'évaluation des actifs, il faut que l'office
adopte une politique plus consistante qu'actuellement. Après avoir
évalué en fonction des valeurs très considérables
créées par l'inflation, on dévalue actuellement ces
mêmes immeubles de façon très importante, faisant
disparaître le marge de manoeuvre dont les producteurs en
difficulté ont besoin pour se refinancer. Les actifs doivent être
évalués en fonction de la tendance, à long terme, des
prix. Cela peut vouloir dire être plus conservateur, au moment où
la valeur des actifs s'accroît rapidement. Cela veut dire aussi ne pas
dévaluer de façon draconienne, en période de crise, comme
cela se fait actuellement.
Là-dessus, on devrait tendre aussi à uniformiser
l'évaluation dans l'espace, en ce sens d'éviter que des
bâtiments identiques soient évalués de façon
sensiblement différente selon l'endroit où ils sont
situés. (11 h 30)
On devrait aussi prendre les mesures administratives qui s'imposent pour
pouvoir rendre une décision concernant une demande de prêt dans
les 30 jours de la soumission de la demande et pour que les prêts soient
consentis dans un délai n'excédant pas 30 jours de la
décision de prêter.
Une des principales frustrations des agriculteurs depuis plusieurs
années face aux politiques de l'office est que celui-ci prend
systématiquement plus de biens en garantie que ce qui est
nécessaire pour garantir le
prêt. Il ne reste souvent plus de garanties disponibles pour de
nouveaux investissements utiles et nécessaires ou pour garantir une
marge de crédit bancaire.
Tout en reconnaissant qu'il est normal que le prêteur cherche
à se protéger, nous croyons qu'il se commet des abus à ce
niveau qui devraient être corrigés.
Une mesure concrète qui serait susceptible d'améliorer la
situation serait que l'offre de prêt indique clairement la liste et la
valeur des actifs qui sont pris en garantie par l'office dans le cadre de cette
offre de prêt.
On devrait aussi reconnaître l'utilité, voir la
nécessité pour l'agriculteur d'avoir en main un bon fonds de
roulement au moment du financement à long et à moyen terme et ne
pas exiger que l'agriculteur investisse toutes ses liquidités dans ces
investissements de façon à devoir rapidement emprunter à
court terme à des coûts élevés avec tous les
inconvénients qu'une marge de crédit élevée
implique.
Ne jamais modifier les modalités d'une demande de prêt sans
que l'agriculteur n'ait été consulté pour éviter
que l'agriculteur ne se retrouve avec des offres de prêts qui ne
correspondent pas à sa demande et une demande avec laquelle il n'est pas
nécessairement d'accord.
Être transparent c'est-à-dire rendre publics, faire
connaître et expliquer aux agriculteurs et à leurs conseillers les
règlements de l'office de même que les directives. Une telle
mesure comporterait deux avantages importants, soit une meilleure
compréhension par les agriculteurs des politiques de l'office et aussi
une amélioration de la qualité des demandes de prêt. Trop
souvent, malgré tout le soin qu'on met à la préparation
d'un projet nécessitant un emprunt, on se trouve bloqué par des
directives nouvelles émises par l'office mais non rendues publiques. On
perd là beaucoup d'efficacité.
Les officiers de l'office privilégient des prêts sur 20 ans
par rapport aux prêts sur 29 ans.
La différence en remboursement annuel, qui est d'environ 2000 $
pour un prêt de 150 000 $ dans les conditions actuelles, ne semble pas
énorme. Mais pour un jeune agriculteur fortement endetté, ces
2000 $ représentent une marge de manoeuvre extrêmement
précieuse et cela devrait être considéré.
Exiger des emprunteurs qu'ils tiennent une comptabilité reconnue,
contrôlée par un suivi approprié. Étant donné
le portrait de l'agriculture et de son évolution qui se dégage
des chapitres précédents, cette mesure nous apparaît
appropriée dans l'intérêt même de celui qui
emprunte.
Plusieurs ressources sont actuellement disponibles dans le milieu: les
syndicats de gestion, les services d'impôt et de comptabilité de
l'UPA sont des ressources qui pourraient avantageusement être mises
à contribution.
L'Office du crédit agricole ne devrait en aucun cas inciter les
emprunteurs à produire sur une base d'intégration.
L'intégration est une forme - et non pas uniforme - à peine
déguisée de salariat et ce n'est pas sur cette base qu'on peut
penser asseoir une agriculture forte et solide au Québec.
La communication entre la société et l'office en ce qui
concerne les partages de garanties avec la Société du
crédit agricole devrait être améliorée, pour
éviter que des prêts soient refusés par l'office parce que
la société n'offre pas de libérer suffisamment de
garanties, alors qu'il n'y a pas eu d'échange sérieux entre
l'office et la société pour chercher une solution au
problème.
L'office devrait modifier sa pratique de s'approprier la totalité
d'une indemnité pour l'expropriation d'une partie d'immeuble ou pour une
servitude de passage. Il est clair qu'une partie de cette compensation
correspond à une perte réelle de valeur de l'immeuble et le
prêteur peut être justifié de vouloir réduire la
dette. Cependant, la plus grande partie des compensations pour expropriation
sert généralement à compenser les dommages
économiques à l'exploitation, et il est abusif que le
prêteur s'approprie cette partie de la compensation.
Quant au deuxième objectif qui porte sur les modifications
politiques de l'office, comme nous l'avons souligné dans le chapitre
précédent des améliorations extrêmement importantes
doivent être apportées au niveau du fonctionnement. Il faut
envisager aussi de modifier les programmes et les instruments disponibles pour
le financement agricole.
Premièrement, rechercher des moyens pour faciliter le financement
de l'acquisition d'une ferme par la relève. Pour maintenir la ferme
familiale, il faut favoriser le transfert de fermes intactes plutôt que
leur démantèlement et la revente des morceaux à de grosses
fermes qui continuent de s'agrandir sans cesse.
Pour le jeune qui veut s'établir, les hauts taux
d'intérêt se traduisent par un problème souvent insoluble
de capacité de remboursement et, dans bien des cas, une
impossibilité d'acheter en compétition avec les agriculteurs bien
en place et de payer aux vendeurs la somme qu'ils ont besoin de retirer de la
vente de l'entreprise. Il faut rechercher des moyens pour permettre à un
plus grand nombre de jeunes d'acquérir des fermes. Les moyens à
privilégier, selon nous, sont les suivants: augmenter l'assistance au
financement pour les jeunes au cours des premières années d'un
prêt dans le cas d'un jeune qui s'établit. Quoiqu'il existe un
grand nombre de formules possibles pour atteindre
cet objectif, la formule suivante présenterait, selon nous, un
bon nombre d'avantages: un prêt à long terme de 150 000 $ à
un jeune qui s'établit (ou de 200 000 $ lorsqu'ils sont deux ou plus)
à un taux initial de 3% par année et croissant de 0, 5% par
année; une subvention de 15 000 $ lors de l'établissement. Cette
subvention serait disponible pour chaque jeune qui s'établit à
plein temps dans l'entreprise, y compris pour l'épouse de l'agriculteur
lorsque la taille et l'organisation de la ferme requièrent le travail de
l'épouse dans l'entreprise.
Il faudrait éliminer les restrictions actuelles pour
l'utilisation de la subvention à l'établissement pour qu'elle
puisse être utilisée pour tout usage qui accroît la
rentabilité de l'entreprise. Il faudrait aussi modifier les
règles actuelles qui font que, lorsqu'un jeune s'établit dans une
compagnie ou une société existante, il faut créer une
nouvelle société ou une nouvelle compagnie pour qualifier le
jeune à la subvention à l'établissement.
Ces deux mesures seraient simultanément accessibles à ceux
qui s'établissement et remplaceraient l'actuel choix entre un prêt
de 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans ou la subvention de 8000 $.
Dans son ensemble, ce mécanisme comporterait les implications et les
avantages suivants: il constituerait un accroissement de l'assistance
financière à ceux qui s'établissent en agriculture; il
répartirait sur une plus longue période l'assistance
financière particulière pour les jeunes qui s'établissent;
il éviterait l'augmentation subite et importante de paiements qui
survient à la sixième année avec le mécanisme
actuel; le fait de rendre accessible l'aide à l'établissement aux
conjointes d'agriculteurs constituerait une reconnaissance et une valorisation
de la cellule familiale en agriculture et, en même temps, une
reconnaissance du rôle des femmes dans le fonctionnement des fermes.
Une autre voie pour aider à la relève qui doit être
explorée est celle d'inciter le vendeur d'une ferme à participer
au financement et à l'achat par un ou des jeunes. Actuellement, les
mécanismes en place entraînent le genre de transaction suivante:
le vendeur estime le montant auquel il doit vendre l'entreprise. Le ou les
acheteurs empruntent le montant requis pour payer le vendeur. Ils empruntent
généralement à travers le système tandem et paient
le taux en vigueur. Le vendeur n'a pas un besoin immédiat de tout
l'argent reçu et en place une partie. Or, dans beaucoup de cas, les
agriculteurs qui vendent leur ferme seraient intéressés à
prêter l'argent à leur enfant ou à un autre acheteur
plutôt que de le placer dans une institution financière. Et
souvent ils seraient prêts à fixer un taux d'intérêt
assez bas, ce qui constituerait un avantage additionnel au jeune qui
s'établit.
Il y aurait lieu de mettre en place des mécanismes pour faciliter
ce financement par le vendeur. II nous semble que la meilleure façon de
réaliser cet objectif est de considérer les vendeurs comme des
prêteurs à l'intérieur du système tandem. Les
règles de fonctionnement pourraient être les suivantes: les
vendeurs sont considérés comme prêteurs dans le
système tandem et les prêts qu'ils font comportent la même
garantie et la même subvention d'intérêt que le prêt
fait par les institutions financières, quel que soit le taux
d'intérêt effectivement demandé par le vendeur. Comme les
vendeurs ont généralement besoin d'un montant d'argent comptant,
ils ne pourront pas toujours financer toute la transaction et l'acheteur aura
besoin des institutions financières. Il faut donc qu'il y ait un partage
de garantie entre le vendeur et l'institution financière qui finance le
reste de la transaction.
Dans le cas des exploitations animales, il faut chercher à
laisser le troupeau en garantie aux vendeurs, car il est actuellement
avantageux pour les vendeurs, du point de vue fiscal, de conserver une balance
de prix de vente sur le troupeau plus que sur n'importe quel autre actif.
Il faut aussi prévoir un mécanisme par lequel, advenant le
décès des vendeurs avant le terme du prêt, la balance du
prêt pourrait être assumée par une institution
financière à l'intérieur d'un système tandem et aux
conditions normales.
Une quatrième voie qui doit être explorée en ce qui
concerne la relève est celte d'améliorer et de rendre beaucoup
plus souple et plus avantageux le statut d'aspirant agriculteur ou
agricultrice. Dans certains cas, les politiques en place visant la
relève de même que la contribution des vendeurs ne seront pas
suffisantes pour permettre l'acquisition d'une ferme par des jeunes. Une
possibilité qui s'offre alors est de travailler à
l'extérieur tout en développant progressivement la ferme
jusqu'à ce qu'on arrive è un point où la ferme produit
assez de revenus nets pour que l'on puisse en vivre à temps plein.
Présentement, les jeunes sont découragés de suivre
cette voie parce que le délai de cinq ans pour l'aspirant agriculteur
est trop court et les aspirants ne reçoivent qu'une très minime
assistance au niveau du financement, ce qui efface une partie de l'avantage
financier de travailler à l'extérieur.
Nous proposons que le statut d'aspirant agriculteur soit étendu
à une période de dix ans, que l'aspirant agriculteur ait droit
à une subvention du taux d'intérêt de la moitié de
celui qui est payé pour les agriculteurs à temps plein. On pourra
peut-être vous expliquer plus en détail la formule tout
à
l'heure.
Nous croyons que l'ensemble des mesures élaborées dans
cette section sont susceptibles de favoriser la relève. Il est certain
aussi que, face à l'ensemble des problèmes de financement
agricole, une amélioration de la gestion des entreprises est susceptible
de contribuer grandement à la solution de problèmes reliés
à la période de démarrage en agriculture.
La transmission d'une ferme d'une génération à
l'autre est une opération qui se planifie de longue main en la rendant
la plus rentable possible, en préparant et en réalisant sur une
longue période de temps les opérations juridiques et
financières du transfert. Donc, toute politique en vue d'une
amélioration de la gestion est aussi une politique de la relève
agricole.
Un plafond de 10%. Nous avons démontré
précédemment que l'agriculture est un des secteurs les plus
capitalisés de l'économie. Les augmentations du taux
d'intérêt affectent profondément la rentabilité des
fermes. Ce fait est d'ailleurs confirmé par les résultats de
l'analyse des groupes réalisée par les syndicats de gestion
où on constate, en 1981, que la baisse draconienne des
bénéfices d'exploitation est expliquée à 73% par la
seule hausse des intérêts payés sur la dette. Or, la
structure financière des entreprises regroupées dans les
syndicats de gestion correspond fidèlement à cette
catégorie d'agriculteurs que l'on décrivait dans les
résultats du sondage de la société comme à la fois
les plus endettés et les plus efficaces.
Nous croyons qu'un plafond maximum sur les taux d'intérêt
sur les prêts à long terme devrait être fixé à
10%. Avec la formule actuelle de calcul, ce plafond deviendrait applicable
lorsque le taux de base bancaire dépasserait 15, 5%. Il est probable et
surtout souhaitable que les taux n'atteignent pas ce niveau au cours des
prochaines années.
Le troisième élément serait d'indexer les plafonds
de prêts. Les plafonds de prêts subventionnés et de
prêts garantis ont été fixés en 1978. Depuis cette
date, l'indice du coût de la vie a augmenté de 66%. Donc,
l'inflation générale a été de 66%. Le prix des
terres agricoles a augmenté de 59%. C'est donc dire qu'en termes
réels, les plafonds sur les prêts de l'office ont
considérablement diminué et cela devient de plus en plus une
contrainte importante.
Nous proposons que les maximums sub-ventionnables de crédit
agricole à long terme soient haussés de 150 000 $ à 200
000 $ pour les individus et de 200 000 $ à 300 000 $ pour les groupes,
et que les maximums garantis soient haussés de 250 000 $ à 300
000 $ pour un individu et de 450 000 $ à 500 000 $ pour un groupe.
Reconnaître davantage l'agriculture à temps partiel.
Actuellement, les politiques de l'office ne s'adressent qu'à ceux dont
l'agriculture est la principale occupation ou va le devenir, dans le cas des
aspirants agriculteurs. Le syndicalisme agricole a toujours favorisé
cette orientation. Nous avons travaillé et nous avons encore l'intention
de travailler à une agriculture pour en vivre. Nous avons demandé
des politiques qui tendent vers des fermes où l'agriculture était
la principale occupation de l'exploitant. Ce modèle a fait ses preuves
dans un grand nombre de productions, notamment dans le lait, le porc et
l'aviculture. (11 h 45)
On ne peut que constater que, dans plusieurs des productions que l'on
cherche à développer au Québec et où on cherche
à favoriser et à implanter des entreprises assez grosses pour
occuper l'exploitant à temps plein, l'objectif ne s'est que peu ou
très partiellement réalisé et il s'avère
extrêmement difficile de rentabiliser les exploitations à plein
temps dans ces productions. Il faut réfléchir à la
possibilité que, dans certaines productions, il serait peut-être
désirable que la production à temps partiel soit reconnue comme
une contribution nécessaire au développement de l'agriculture et
que ce type d'exploitation reçoive plus d'appui qu'il n'en reçoit
actuellement, en particulier au niveau du financement.
Dans plusieurs productions, une amélioration au statut d'aspirant
agriculteur apporterait la souplesse suffisante. Dans d'autres productions ou
situations, pour des raisons qui tiennent soit à la nature
saisonnière de la production, soit à la taille de l'entreprise ou
aux difficultés qu'il y a dans le contexte actuel à rentabiliser
l'entreprise au point de pouvoir en vivre, nous croyons que la pratique de
l'agriculture combinée à une autre activité peut
être considérée comme une méthode valable pour
développer un potentiel agricole, l'expertise dans certaines productions
nouvelles et l'atteinte d'un optimum d'efficacité qui tienne compte du
potentiel réel de la ferme.
Il existe d'ailleurs, dans toutes les provinces, une tendance à
l'augmentation du travail extérieur par les agriculteurs. La tendance
existe au Québec, mais elle a moins d'ampleur que dans le reste du
Canada. La situation au Québec peut s'expliquer par l'importance de la
production laitière qui se prête mieux que toute autre à
une production à plein temps. Il faut s'interroger quant à savoir
s'il est sage de chercher à appliquer à tout prix, dans toutes
les productions et situations, des pratiques qui sont logiques dans la
production laitière.
En ce sens, nous croyons que certaines mesures devraient être
introduites pour faciliter l'accès à un meilleur financement de
la production agricole. L'objectif du plein
temps ne peut être atteint que dans un avenir
prévisible.
Dans les productions, d'abord, où l'État considère
à travers ses politiques qu'il y a place pour un développement
progressiste, on pourrait offrir au producteur à temps partiel les
mêmes avantages que ceux consentis à l'aspirant agriculteur, avec
les améliorations que nous avons proposées, à condition
qu'il s'agisse d'entreprises et de projets sérieux malgré leur
petite taille. Ainsi, croyons-nous que l'objectif d'une pleine utilisation du
potentiel agricole serait plus accessible. Par ailleurs, il faudra prendre des
mesures pour éviter que l'assistance de l'État ne
bénéficie à des gens qui ont des revenus importants et qui
viendraient en agriculture dans le but d'y trouver un abri fiscal.
Le crédit à la production. La montée de la
production céréalière, le développement de
l'engraissement du boeuf, productions qui exigent un fonds de roulement
élevé, ont fait augmenter le besoin de crédit à
court terme. L'office offre un crédit à la production dont les
producteurs ont un besoin croissant, surtout dans le contexte des
difficultés économiques que nous connaissons. Le crédit
à la production, tel qu'il fonctionne actuellement, ne donne pas
satisfaction et doit être amélioré dans le sens suivant:
accélérer la prise de décision, renouveler automatiquement
le crédit à la production de producteurs qui l'ont utilisé
et qui ont recontré leurs obligations, simplifier le contrôle
administratif. De façon générale, prendre les moyens pour
que le crédit à la production soit vraiment et efficacement
disponible aux producteurs qui sont dans une situation financière
serrée et qui ont de la difficulté à obtenir une marge de
crédit bancaire.
Concernant le crédit à moyen terme, par les prêts
d'amélioration des fermes, nous croyons que le montant sur lequel il y a
rabais d'intérêt de 3%, devrait être porté de 15 000
$ à 50 000 $ pour que cette aide reflète l'inflation des
dernières années.
Concernant l'office et la planification fiscale, plusieurs des
règlements actuels de l'office empêchent ou rendent
onéreuses certaines planifications fiscales financièrement
avantageuses pour les agriculteurs. Nous croyons que plusieurs modifications
devraient être apportées aux lois et règlements du
crédit agricole dans cette perspective, et cela, sans que l'office ne
s'éloigne des objectifs qu'il vise et des principes qui le dirige.
Les points suivants devraient être corrigés? Les
prêts conjoints. Dans certaines situations, l'office fait des prêts
conjoints. Cela se produit, par exemple, si les parents, tout en voulant
conserver une entreprise distincte de celle de leurs enfants, sont prêts
à fournir des garanties sur un emprunt fait par l'enfant qui se lance en
agriculture. Cela se produit aussi quand deux ou plusieurs producteurs, qui
possèdent déjà des actifs agricoles, achètent et
exploitent ensemble un bien agricole.
La convention que l'office exige dans de tels cas entraîne la
création d'une société. Si des précautions ne sont
pas prises dans la rédaction de cette convention, il y a danger qu'elle
entraîne le transfert de tous les actifs des participants dans cette
société. Les conséquences fiscales sont très
graves. Cela s'est produit. Il faut que les employés de l'office soient
conscients de ce danger et prennent des précautions pour
l'éviter.
Les fermes rentables pour un premier établissement de deux
enfants. La situation se présente parfois où la
rentabilité de la ferme ne permet pas l'établissement de deux
enfants qui voudraient s'établir. L'office prête alors à un
enfant, suggérant à l'autre de s'établir lorsque les
conditions seront réunies pour que la ferme puisse faire vivre les deux
enfants. Cela est logique, sauf que le transfert entre vifs de biens agricoles
sans conséquence fiscale immédiate n'est possible que des parents
aux enfants, mais n'est pas possible entre frères ou frères et
soeurs.
Pour éviter cette embûche, l'office devrait prêter
aux deux enfants en société, quitte à exiger une
convention à savoir que l'un des enfants ne pourra retirer de revenu de
la ferme tant qu'un certain nombre de conditions n'auront pas été
remplies, et qu'il ne pourra réclamer sa part des actifs avant un
délai raisonnable.
Les prêts à une société ou à une
compagnie pour le rachat d'une participation dans la société: Une
situation qui se présente assez fréquemment est celle de
sociétés ou de compagnies parents-enfants qui sont
arrivées au point où les parents veulent se retirer
complètement. L'office refuse de prêter à une
société ou à une compagnie pour le rachat de la
participation d'un sociétaire. L'office accepte cependant de
prêter à une nouvelle société ou à une
nouvelle compagnie formée par les enfants et leurs conjoints pour
acquérir la participation des parents et assumer les prêts de
l'ancienne société ou de l'ancienne compagnie. On atteint le
résultat, mais après des démarches compliquées et
coûteuses. L'office devrait prêter à la
société ou à la compagnie pour le rachat de la
participation d'un sociétaire.
Transfert graduel à une société parents-enfants.
Une autre situation qui se présente est celle où les parents
veulent, tout en faisant souscrire les enfants dans l'entreprise, continuer
à y occuper une certaine place pendant un certain temps. En se retirant
partiellement de l'entreprise, ils voudraient retirer un certain montant
d'argent immédiatement pour effectuer certaines dépenses
liées à cette préretraite. Or, l'office va refuser de
prêter à la société ou
à la compagnie pour qu'elle paie un montant aux parents, en vertu
d'une règle à savoir qu'on ne prête pas pour mettre de
l'argent liquide dans les mains d'un participant dans une société
agricole. Il serait logique que la retraite graduelle des parents s'accompagne
du retrait d'une partie des sommes qu'ils comptent retirer au moment de leur
retraite définitive. Il est dans l'intérêt de tous que la
transition se fasse graduellement, par étapes, pour des raisons humaines
aussi bien que financières et fiscales, et cela devrait être
encouragé.
L'exigence de la possession de 20% de chaque catégorie d'actions
d'une compagnie. L'office exige actuellement qu'un actionnaire de compagnie
agricole détienne 20% de chaque catégorie d'actions d'une
compagnie pour se qualifier comme agriculteur ou agricultrice qui
s'établit et pour obtenir l'aide à l'établissement.
Or, un des avantages de la structure de compagnie est la
possibilité de créer plusieurs catégories d'actions qui
jouent un rôle dans la transmission graduelle d'une entreprise.
Plutôt que d'exiger que les enfants actionnaires détiennent 20% de
chaque catégorie, on devrait se limiter à exiger qu'ils
détiennent 20% des actions ordinaires et 20% de l'ensemble des actions
et non de chaque catégorie.
M. Vigneault (Léo): Améliorer la capacité de
bien utiliser le crédit. Les fermes du Québec ont atteint une
étape de leur évolution où le recours à des
emprunts importants est une nécessité, aussi bien pour
l'amélioration de l'efficacité que pour la transmission des
entreprises.
Le recours au financement peut être ou bien un avantage ou bien un
désavantage selon l'usage qu'on en fait. On peut bien investir et bien
dépenser. On peut aussi mal investir et surinvestir. Pour que le recours
à l'emprunt en vue d'acquérir une ferme et/ou la
développer puisse procurer le maximum de bénéfices, il
faut que l'investissement soit fait dans un contexte de bonne gestion et de
prudence, c'est-à-dire en calculant rigoureusement les
conséquences des différents choix, en optant pour le meilleur
choix et en visant à conserver une marge de sécurité par
rapport aux imprévus.
L'évolution de l'agriculture révélée par les
chiffres précédents vers des entreprises qui valent
extrêmement cher et qui sont complexes impose à l'ensemble des
agriculteurs de devenir des gestionnaires rigoureux. Étant donné
les montants d'argent qui sont manipulés, les erreurs deviennent
extrêmement coûteuses sinon fatales.
Il faut, de façon prioritaire, que les politiques
gouvernementales, comme l'action de tous les intervenants dans le
fonctionnement économique des fermes, tendent à donner aux
agriculteurs les instruments et les connaissances pour fonctionner dans un
environnement où la gestion financière devient un facteur
déterminant dans la rentabilité des fermes. Les implications en
termes de politiques gouvernementales d'une telle analyse sont les suivantes:
a) II faut que le programme d'aide aux syndicats de gestion, par l'objectif
qu'il poursuit, continue d'être reconnu et considéré comme
prioritaire pour aider les agriculteurs à faire face aux
problèmes de rentabilité agricole. L'objectif de ce programme
pourrait d'ailleurs témoigner davantage de !a volonté de
développer la gestion agricole au Québec avec les syndicats de
gestion comme fer de lance. b) Par ailleurs, la nation de gestion n'est pas et
ne doit pas être prisonnière de la seule formule des syndicats de
gestion. Il faut que les autorités gouvernementales soient ouvertes aux
projets valables qui tendent à améliorer la gestion
financière et il faut que tous les programmes qui s'adressent à
l'agriculture, notamment les programmes de formation, fassent une large place
à la notion de gestion financière. c) À l'Office du
crédit agricole comme tel, il faut que les employés qui portent
le titre de conseiller en crédit aient la formation, la
compétence et l'attitude nécessaires pour contribuer au maximum
à ce que les prêts soient faits dans un contexte de bonne gestion
et que les directives et règlements qui encadrent leur travail leur
permettent de le faire.
La crise des trois ou quatre dernières années a fait
ressortir toutes les faiblesses qui pouvaient exister au niveau de la
rentabilité des fermes,
À peu près tout le monde reconnaît qu'il y a eu,
à la fin des années soixante-dix, des mauvais investissements et
des surinvestissements dans l'agriculture, dans le contexte un peu euphorique
mais fragile créé par l'inflation du prix des terres et dans le
contexte d'un optimisme excessif en ce qui concerne l'évolution des prix
du porc. Cette période a coïncidé avec l'avènement du
système tandem, avec les possibilités d'abondance de fonds que
cela ouvrait. À la fin des années soixante-dix, des prêts
ont été faits en se basant davantage sur les garanties offertes
par des terres qui avaient pris de la valeur et sur des espoirs de hausses
futures que sur le revenu généré à court terme par
la nouvelle acquisition ou le nouvel investissement.
Ce phénomène n'est pas propre au Québec. Le
même phénomène s'est produit ailleurs au Canada et aux
États-Unis où les banques privées prenaient la
décision de prêter. Les banquiers eux-mêmes reconnaissent
aujourd'hui qu'il y a eu manque de prudence de leur part.
L'Office du crédit agricole, occupant la
place qu'il occupe, doit assumer ses responsabilités et prendre
les moyens pour développer des politiques de prêt où la
rentabilité d'un investissement en termes de revenus
générés devient le facteur déterminant, plus
déterminant que la simple existence de garanties.
Il faut aussi reconnaître qu'il y a, au Québec, une
volonté de développer l'agriculture, de développer de
nouvelles entreprises, d'accroître notre part du marché. Cela
implique nécessairement que plusieurs entreprises se retrouvent dans une
situation d'endettement élevé et de vulnérabilité
quand survient une crise comme celle des taux d'intérêt et de la
baisse de prix des produits, et il se crée des situations que la
meilleure gestion du monde ne peut résoudre.
M. Proulx (Jacques): En conclusion, voici des réflexions
que nous voulions vous soumettre aujourd'hui concernant le financement de
l'agriculture. Étant donné la complexité et l'importance
des enjeux, la réflexion et l'analyse portant sur le financement du
développement de l'agriculture et de la transmission des exploitations
agricoles doivent se continuer. Tout n'a pas été dit et il y a de
la place pour des idées nouvelles. Ainsi, par exemple, nous sommes
à étudier une formule appliquée en Nouvelle-Zélande
appelée "milk-sharing"... (12 heures)
Résumée en quelques mots, cette formule est un cadre
législatif qui favorise la transmission graduelle des exploitations
laitières à un jeune qui s'y intègre par un
mécanisme de partage des revenus sur une base croissante. Sans
expliciter davantage, la formule s'applique à 29%, 39% et 49%. Dans
l'étude qu'on fait à l'heure actuelle sur cela, on a
retiré, on a fait appel à différents intervenants de la
Nouvelle-Zélande justement pour avoir toutes les données, la
question fiscale autour de cela. Si jamais, au Québec, on adoptait un
projet de loi, au niveau du législateur, on aimerait qu'il soit
appliqué à l'ensemble des productions et non pas uniquement
à une production, parce que, pour nous, cela a plusieurs points
d'intérêt dont celui de permettre à des gens de pouvoir
"embarquer" dans l'agriculture et ce, graduellement, d'aller chercher une
expertise, de permettre à ceux qui sont en place de planifier leur
retraite sur un nombre d'années qui peut être intéressant
pour tout le monde. En tout cas, à notre point de vue, à l'heure
actuelle, cela comporte plusieurs avantages. D'ailleurs, c'est un peu cette
façon de fonctionner dans la production du tabac au Québec, cela
a des ressemblances, si on veut, qui ne sont pratiquement pas connues, mais qui
existent.
De telles formules doivent être recherchées et
proposées aux agriculteurs, si on veut vraiment éviter le
démantèlement de l'entreprise agricole et la concentration
continuelle de la production entre un nombre toujours plus restreint de
fermes.
Cela termine la présentation de notre mémoire. J'aimerais
ajouter ceci en finissant, même si cela a été dit au
début. Pour nous, il y a deux questions importantes qu'on doit se poser
sur cela aussi et qu'on pose à la commission. C'est qu'on espère
fortement qu'il y aura des suites de données à cette
tournée de consultation. Pour nous autres, c'est extrêmement
important et on trouverait malheureux que ce soit uniquement un exercice
politique ou autre, si on veut, parce que je pense que plusieurs groupes ont
mis beaucoup d'énergie autour de cela et que, rapidement - c'est quand
même sérieux - des suites devraient être données.
La deuxième question qu'on se pose depuis fort longtemps a
été posée ce matin aussi, c'est par rapport à la
dernière commission sur les grévistes de la faim. Il y a eu des
recommandations très précises. Nous sommes fiers que la
majorité de ces recommandations soit celles qu'on avait faites aussi.
Pour nous, cela a déjà trop tardé et cela attaque
sérieusement quand même la crédibilité d'un
organisme qu'elles n'aient pas été mises en place ou, en tout
cas, qu'il n'y ait pas eu un début d'action justement pour appliquer ces
recommandations qui sont d'une logique qu'il est, à notre avis,
impossible de détruire, si on veut.
Messieurs, cela a peut-être été un peu long, mais je
pense qu'il était important pour un organisme comme le nôtre de
faire entièrement le tour de l'agriculture et du financement de
l'agriculture.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. Proulx. Pour
les fins de l'enregistrement du Journal des débats, je voudrais indiquer
que se sont joints à l'équipe de M. Proulx M. Bernard Duval et M.
André Robitaille, qui ont également participé aux travaux.
Je veux, en tant que président de cette commission, assurer M. Proulx de
la volonté très ferme de tous les membres de la commission que
des suites soient données à ce genre de consultation. Même
si c'est nouveau dans notre système parlementaire, ces initiatives que
peuvent se donner des membres du Parlement, des députés,
rapidement, de façon unanime d'ailleurs, nous concluons sur certaines
recommandations à l'Assemblée nationale afin que, de façon
rapide, les ministres concernés puissent intervenir et mettre en branle
un mécanisme visant soit à donner suite à nos
recommandations ou à nous indiquer pourquoi on ne donnera pas suite aux
recommandations qui ont été faites et qui émanent du
milieu agricole en général.
Si les membres de la commission sont
d'accord, on pourrait convenir de terminer nos travaux vers 13 h 30
plutôt qu'à 13 heures, compte tenu qu'on a commencé un peu
en retard, ce qui nous donnerait environ une heure trente pour la discussion,
soit 45 minutes pour chacun des côtés, pour chaque formation
politique. Si vous le vouliez également, je me permettrais, au tout
début, peut-être de poser une ou deux questions qui ne sont pas
à développement général et on pourrait
peut-être prendre quelques minutes seulement pour y répondre.
En particulier, j'aimerais attirer votre attention sur le tableau no 1
que vous nous avez présenté concernant les dépenses
d'exploitation agricole, les frais d'amortissement. La question que je me pose
- d'abord le tableau est fort intéressant et fort pertinent - est
celle-ci: Est-ce que les données qui sont là varient beaucoup
selon que l'on est dans une production donnée ou dans une autre
production? Peut-on considérer que cela s'applique de façon
générale à toutes les productions ou si cela varierait
énormément si l'on avait un tableau par production?
M. Blanchette: C'est une bonne question. Cela va probablement
varier d'une production à l'autre, certainement les productions qui
demandent beaucoup de crédit à court terme comme le boeuf
où l'on peut rouler 200 000 $ ou 300 000 $ de marge de crédit
bien facilement et où on va s'étirer au maximum au niveau des
intérêts payés. Cela varie probablement plus dans la vie
d'une exploitation. On le voit un peu par le tableau qui porte sur les
agriculteurs classés en trois classes. Dans la vie d'une exploitation,
au moment d'une transaction, il y a des améliorations qui sont faites,
le pourcentage va s'accroître par rapport à des fermes qui ont
pris un rythme de croisière. C'est là qu'il va y avoir les plus
grandes variations. J'aimerais cela avoir une réponse plus
précise, c'est une bonne question et on pourra peut-être y revenir
à un moment donné.
M. Proulx (Jacques): Si vous me permettez. Je suis
persuadé que c'est évident qu'il y a certaines productions, par
exemple les céréales, le porc, le boeuf, cela va être
transporté ailleurs les montants. Globalement, j'ai l'impression que
cela va revenir à peu près au même sauf que les chiffres
vont se déplacer. Par exemple, dans les céréales c'est
bien évident qu'il va y avoir un investissement plus grand de
machinerie. Le boeuf, qui demande de 300 000 $, 400 000 $ à 500 000 $ de
crédit à court terme, c'est évident qu'au niveau de
l'alimentation, et pour le porc aussi, c'est plus que dans le domaine laitier,
l'on partage davantage sur une série de facteurs que sur les
investissements.
Le Président (M. Vallières): Merci. Au tableau no 9
que vous nous avez présenté, il y a une chose que je remarque et
j'aimerais vous poser une question. La conclusion que l'on en tire, c'est qu'il
y a une relation directe entre le niveau d'endettement et l'expérience
agricole. Selon vous, est-ce un phénomène normal en agriculture
que ce niveau d'endettement, selon que l'on est un plus vieux producteur ou un
plus jeune, varie considérablement? Selon nos politiques de financement
agricole, est-ce que cela ne devrait pas plutôt permettre que l'on
retrouve une certaine variante, d'accord, mais peut-être pas aussi
évidente que celle que l'on retrouve dans le tableau no 9?
M. Blanchette: C'est inévitable dans cela. C'est un peu la
vie économique normale d'une ferme, il y a un remboursement
d'intérêt et de capital et une équité qui se
constitue et, au moment où la ferme est transmise,
l'équité, c'est le régime de retraite de l'agriculteur.
Quand la ferme se transmet, fatalement, celui qui suit est obligé d'une
certaine manière de verser à celui qui se retire son
régime de retraite. À ce moment, l'endettement va être
supérieur et lui-même va attaquer ce problème. Il commence
sa vie d'agriculteur en étant endetté au maximum et il va essayer
de prendre le dessus. Cela fait partie de... Ce que le tableau dit aussi, c'est
qu'au moment où cette transmission se fait, il y a des
améliorations qui sont apportées parce que les fermes sont...
Pour faire face en réalité au problème de remboursement
d'endettement maximum qui survient à ce moment, des efforts sont faits
pour accroître l'efficacité, pour générer des
revenus pour faire face au remboursement de sorte que l'on constate que les
plus jeunes sont les plus endettés, mais ce sont aussi les plus
efficaces. La mesure, en réalité, de l'efficacité
mesurée en vente par dollar d'actif, c'est une assez bonne mesure pour
un capital donné. Pour un dollar d'actif, le volume de vente qui sort
par dollar d'actif est nettement plus fort pour les jeunes que pour les plus
âgés; tout cela se tient.
Le Président (M. Vallières): D'accord. Une
dernière question. Oui.
M. Blanchette: C'est d'ailleurs une des raisons qui ont
motivé notre suggestion, quant à la modification de l'aide
à l'établissement pour les jeunes en agriculture, dans le sens
que si on leur donne une aide qui est plus importante au départ, mais
qui diminue graduellement à mesure qu'il y a plus
d'équité, ça leur donne une meilleure marge de manoeuvre
au départ, et ça leur permet graduellement de transférer
leurs frais de financement à l'équité qu'ils vont
accumuler au cours des années.
Le Président (M. Vallières): C'est donc dire que si
on suit vos recommandations, dans les cinq ou dix prochaines années le
tableau devrait changer considérablement.
M. Blanchette: Cela devrait avoir un effet, en tout cas.
Le Président (M. Vallières): Oui. Il y a une
constante qu'on rencontre continuellement, en particulier dans nos bureaux de
comté, quand on rencontre des jeunes producteurs. On ne fait pas
allusion à cela dans votre mémoire, c'est pour ça que je
voudrais le soulever. Plusieurs jeunes producteurs se plaignent de la mise en
vente actuelle des quotas dans le secteur du lait en particulier, disant que
cette mesure favorise d'abord l'agriculteur qui est implanté, qui est
solidement implanté et dont l'endettement est peut-être beaucoup
moins élevé que celui du jeune producteur.
Est-ce que cette vente par encan des quotas que l'on retrouve, selon
vous, favorise définitivement le producteur qui est déjà
bien implanté en agriculture? Est-ce que vous avez une vue sur la
façon dont on pourrait procéder pour permettre aux jeunes
producteurs d'avoir accès à davantage de quotas? Car souvent ils
n'ont pas les ressources financières pour acheter ce quota à
l'encan. Donc on privilégie encore une fois le grossissement, si vous
voulez, de la ferme qui a déjà un quota assez important. On
rencontre ça de façon quotidienne chez les jeunes producteurs.
Est-ce que vous avez une vue précise là-dessus?
M. Proulx (Jacques): Non, on n'a pas de solution à l'heure
actuelle. Il reste quand même qu'il y a trois choses qui se produisent.
Notre comité a réfléchi à ça. Je pense que
François pourra vous donner la réflexion qu'on a faite, au
départ, sur ça.
L'autre chose, c'est que vous savez qu'à l'heure actuelle, il y a
une nouvelle formule de vente de quotas qui devrait normalement être mise
en application. Si elle a été retardée de quelques mois,
c'est un peu à cause de difficultés dans les ententes qui
devaient survenir entre les acheteurs, entre les transformateurs et la
Fédération des producteurs de lait. Alors, elle a
été retardée. Il s'agit d'une vente électronique,
en gros, qui va être faite plus par soumissions, si on veut, et qui, on
espère, va permettre de diminuer...
Troisième chose, c'est qu'à l'heure actuelle, on a fait
à l'intérieur d'un autre comité un travail sur la
"monnayabilité" des quotas. On l'a fait avec la Régie des
marchés agricoles. Il y avait un participant de la Régie et un
participant de chaque production qui a des quotas et qui met en vente des
quotas.
Notre rapport dit qu'on doit regarder... D'ailleurs, on est en travail,
à l'heure actuelle, avec une université du Québec pour
nous faire une étude assez rapide. Quand je parle d'étude, ce
n'est pas pour noyer le problème: c'est quelque chose de très
complexe. Avec les différentes hypothèses qu'on a
soulevées, on nous fera une étude et on nous remettra un rapport
sur les différentes possibilités qu'il y aurait.
Par exemple, je donne un des critères: comment on pourrait
rapatrier la possession des quotas dans les mains des fédérations
ou de l'organisme administrateur du plan conjoint et ainsi de suite, les
coûts rattachés à ça et de quelle façon on
pourrait le faire.
Alors, c'est pour vous dire qu'on n'a pas de solution, mais c'est une
très grande préoccupation à l'heure actuelle. Il ne
faudrait pas oublier que dans ce décor qu'on ne peut pas nier, c'est
extrêmement cher, on est très réticent à mettre
davantage d'accent sur le financement des contingentements, parce qu'on pense
que ce serait un élément de plus pour faire de la
surenchère.
L'autre affaire que je trouve la pire, en fait, c'est que le prix
élevé est fixé uniquement par des producteurs. Cela; c'est
le plus malheureux de toute l'affaire. Alors à partir de là il va
falloir mettre énormément d'efforts aussi au niveau de
l'éducation de nos membres, parce que c'est uniquement entre producteurs
qu'on la fait, parce qu'on a réussi, au cours des dernières
années, à éliminer au maximum la surenchère qui
s'est faite pendant un certain temps par les usines de transformation, sous
forme déguisée. Je pense qu'avec les nouvelles conventions qu'on
a avec elles, avec une garantie d'approvisionnement, ça les a exclues du
champ de trouver toutes sortes de formules pour faire de la surenchère.
(12 h 15)
M. Blanchette: C'est peut-être important de mentionner que
c'est une question qui préoccupe depuis déjà un bon bout
de temps les fédérations qui administrent des règlements
de transfert de quotas et l'UPA et que, déjà, des mesures ont
été prises pour essayer de généraliser
l'accès aux quotas qui sont disponibles dans les encans. Par exemple,
dans les productions qui administrent des règlements de quotas et des
règlements de transfert, ils ont fixé des maximums de
façon à éviter qu'une seule entreprise ou quelques
entreprises puissent accaparer une grande partie des quotas qui sont mis en
vente. Déjà, ça a pour effet de faciliter l'accès
à un plus grand nombre d'acheteurs. On reconnaît que ce n'est pas
suffisant; malgré ça, il y a des augmentations et les prix
demeurent très élevés.
Le défi dans une question aussi
complexe que celle-là, c'est de trouver le moyen qui va faire en
sorte que la "monnayabilité" lors du transfert va être la moins
élevée possible, tout en évitant que la valeur
réelle, s'il y en a, ne se transfère dans d'autres
éléments de l'entreprise. Il y a des études qui ont
été réalisées dans différentes provinces
où, officiellement, il n'y a pas de valeur de quota lors du transfert,
mais où ces valeurs étaient transférées, soit dans
les troupeaux, soit dans la terre. Alors, on n'a pas nécessairement
réglé le problème si on arrive à une solution comme
celle-là.
C'est un processus qui est long, mais depuis plusieurs années
ça nous préoccupe et on a entrepris une démarche plus
systématique, comme le président le mentionnait, avec la
régie, avec les plans conjoints concernés et avec l'aide d'une
université pour essayer de voir s'il n'y a pas des formules qui seraient
applicables en évitant les inconvénients des formules qui ont
été appliquées ailleurs.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe, suivi de M. le député de
Maskinongé.
M. Dupré: Votre mémoire n'est pas seulement
volumineux, il est très intéressant. Vous m'apprenez, encore une
fois, beaucoup de choses. Il y a des avenues très intéressantes.
Une m'a touché davantage, parce que vous en avez déjà
parlé et qu'elle me tient à coeur. Je vois que vous avez
approfondi, peut-être même que vous avez changé votre
orientation pour reconnaître l'agriculture à temps partiel. Je
vous avais déjà posé la question lors de notre
dernière rencontre. Les recommandations qui sont là sont aussi
très intéressantes, mais je me demande si vous êtes
prêts à laisser aller vos représentants et votre aide dans
le même pourcentage que le gouvernement pourrait s'impliquer. Je ne sais
pas si vous me comprenez.
On sait que vos experts sont assez réticents, on peut même
dire qu'ils sont totalement à l'extérieur de cette mesure. Si les
orientations gouvernementales allaient dans ce sens, est-ce que vous, de votre
côté, seriez prêts à... Étant donné que
vous le recommandez, je présume que vous êtes aussi d'accord pour
dégager quelques-uns de vos experts pour appuyer cette recommandation
que je trouve fort intéressante.
M. Proulx (Jacques): C'est évident. On évolue dans
ce domaine et tu as parfaitement raison quand tu dis que c'est quand même
assez récent. Mais dans tout le processus qu'on a à suivre, je
pense que tout le monde, du moins la majorité des gens se rendent compte
que ce sera pour le bien de l'agriculture et des agriculteurs. Il faut tenir
compte d'une nouvelle réalité économique, il faut tenir
compte particulièrement de l'importance du développement des
nouvelles productions. Devant un certain échec concernant ces nouvelles
productions quand on a voulu les faire à temps plein ou sur une
échelle assez grande, parce qu'on manque d'expertise à cause
d'une multitude de choses, il vaut pas mal mieux y aller avec une agriculture
à temps partiel. Je ne la limite pas là, mais je dis que c'est
probablement ça qui a permis de faire évoluer plus rapidement une
partie de notre monde. Ce sera pour le mieux-être de tout le monde
puisqu'on va pouvoir employer au maximum notre potentiel agricole; cela, c'est
drôlement important et ce sera de plus en plus important.
Il y a aussi un autre facteur qui est peut-être plus personnel:
à mon avis, il ne faudra pas descendre beaucoup plus bas que le nombre
actuel de producteurs. Même si je vous dis qu'il est personnel, il est
actuellement partagé par beaucoup de gens parce que cela aura des
implications énormes au niveau de toute l'infrastructure ou ainsi de
suite et on va se retrouver, si on ne surveille pas de près cette
chose-là, comme beaucoup de pays se sont retrouvés,
c'est-à-dire avec quelques personnes qui auront un contrôle total
sur une partie importante de notre économie et, à partir de
là, on sait ce qui arrive. On est prêt actuellement - on l'affirme
clairement dans cela - à faire un bon bout de chemin. Il est
évident qu'il faudra un encadrement. On ne veut pas se retrouver non
plus avec des "flatteux" de toutes sortes, on veut se retrouver avec des gens
qui auront choisi pour toutes sortes de raisons qui sont aussi valables les
unes que les autres d'avoir un travail qui peut être en dehors de
l'agriculture mais en même temps d'exploiter à bon escient une
partie qui va devenir importante dans notre agriculture.
M. Dupré: À la page 9 de votre document, lorsque
vous dites que les emplois ont augmenté de 5000 de 1981 à 1983,
alors que dans le reste du Canada on ne remarque pas une telle tendance,
pouvez-vous m'expliquer à quoi cela est dû? Pourquoi au
Québec les emplois auraient-ils augmenté de 5000 et qu'ailleurs
ce serait resté stable? En ayant moins d'agriculteurs, je comprends
difficilement.
M. Côté (François): Selon les chiffres,
l'explication, ce serait un certain dynamisme de l'agriculture du
Québec: les accroissements de la production dans le porc, les
céréales, les légumes, cela a fait que, finalement, il y a
plus de gens à l'ouvrage. Il peut y avoir moins de fermes, mais une
augmentation de l'emploi familial, une augmentation de l'emploi salarié
aussi. Cela est l'emploi total, selon des statistiques du
ministère de la Main-d'Oeuvre du Canada, je crois; c'est un
échantillon mensuel dans tout le Canada où on demande aux gens
à quoi ils travaillent, ce qu'ils font. Cela peut être de la
main-d'oeuvre familiale; cela peut être l'agriculteur lui-même;
cela peut être un employé salarié. Cela mesure le total de
l'emploi. Les statistiques révèlent qu'entre 1975-1977 et les
années 1981-1983 - il y a des fluctuations annuelles là-dedans -
il y a une tendance au Québec è l'accroissement de l'emploi. On
n'observe pas la même chose au niveau canadien. Alors, tirez-en les
conclusions. Les statistiques révèlent cela. Mon
interprétation reflète l'accroissement des productions au
Québec dans ces années-là.
M. Dupré: À la page 12, lorsqu'on parle de
faillites agricoles, on voit qu'en 1981, avec la montée des taux
d'intérêt, il y a eu une augmentation catastrophique des
faillites. En passant de 54 en 1981 à 162, selon... En tout cas, ce ne
sont pas les chiffres de tout le monde, mais ce sont les chiffres qu'on a
devant nous et qui viennent du ministère de la Consommation et des
Corporations. Y a-t-il une ou des productions... ? On sait que dans le porc,
cela a été... Est-ce exactement confirmé que c'est dans le
porc et dans le boeuf que cela a été le plus dramatique?
M. Proulx (Jacques): Le plus dramatique est effectivement dans
ces productions et, probablement, les céréales en
troisième lieu. C'est particulièrement le porc.
Je voudrais dire aussi que ces chiffres-là sont assez exacts,
à quelques faillites près. Plusieurs disent que ce n'est pas
réel et ainsi de suite. Il ne faut jamais oublier d'abord que ce ne sont
pas uniquement des prêts de l'office ou de la société, ce
sont les faillites au Québec. Deuxièmement, on a fait des
vérifications, non pas dans tout le Québec, mais au bureau de
Montréal, ici dans la région, et on a retrouvé très
peu de faillites, soit une ou deux, qui étaient rattachées de
loin à l'agriculture, si on veut; par exemple, Pêcheurs unis,
c'est souvent relevé, on peut penser que ce soit une chose comme cela.
Cela veut dire que ces chiffres sont véridiques, pour quelques-uns, des
faillites d'agriculteurs.
M. Dupré: Aux pages 15 et 16...
M. Proulx (Jacques): Ce sont seulement les faillites officielles
parce qu'il y en a beaucoup...
M. Dupré: Des amendes...
M. Proulx (Jacques):... qui sont non officielles, si on veut.
M. Dupré:... qui seraient les abandons, liquidations
ou...
M. Proulx (Jacques): Les abandons ainsi de suite.
M. Dupré:... qui seraient sur le point de...
M. Proulx (Jacques): Quelquefois, on est trop pauvre pour faire
faillite.
M. Dupré: Aux pages 15 et 16, vous parlez, en tout cas,
dans quelques paragraphes, de la situation américaine qui,
naturellement, lorsqu'on a un pourcentage infime de la production totale
américaine, c'est certain que lorsqu'il y a des surplus là-bas,
lorsqu'il y a des manques, soit qu'on soit considérablement gagnant ou
directement perdant dans un laps de temps qui est très court... On sait
que l'année dernière, le gouvernement Reagan a
subventionné l'agriculture américaine dans une proportion de 18
000 000 000 $, 20 000 000 000 $ ou peut-être même davantage. Il y a
des surplus énormes de boisseaux de blé et de boisseaux
d'à peu près toutes les productions. Les marchés
européens sont pratiquement pour une bonne partie, à cause de
l'échange d'argent entre autres... Ce n'est pas pour demain que cela va
s'améliorer. Les Russes s'approvisionnent sur le Marché commun.
Déjà, il y a à peu près 20% des fermes
américaines qui sont techniquement en faillite. Lorsqu'on pense que dans
certaines productions, 5% de leur production, c'est notre production totale, je
me pose de fartes questions lorsqu'on dit qu'il y a des problèmes et je
vois qu'il va y en avoir encore plus l'année prochaine quand la hausse
du dollar américain va faire réellement... On va voir dans toute
son ampleur le côté néfaste des exportations et des
importations américaines là-dessus. Est-ce que vous êtes de
mon avis ou est-ce que vous pouvez aller plus loin dans ce domaine?
Peut-être que vous avez des chiffres supplémentaires à
apporter? Je ne voudrais pas noircir davantage le paysage, mais on sait qu'ici,
déjà, même s'il y en a qui disent qu'il n'y a pas de
problèmes en agriculture, je suis cela d'assez près pour savoir
qu'il y en a et qu'ils sont importants. Quand je vois le paysage de l'autre
côté de la barrière, je m'inquiète davantage.
M. Proulx (Jacques): Je peux vous dire qu'à l'heure
actuelle - et d'ailleurs, on l'a précisé davantage la semaine
dernière lors de notre colloque - la situation n'est pas rose. Elle est
très inquiétante pour une bonne partie de nos productions. On est
parfaitement d'accord avec ce que vous dites. C'est inquiétant,
très inquiétant vis-à-vis de toute cette situation et
ainsi de suite.
Quant à la question du dollar américain
vis-à-vis des exportations - François pourra
peut-être aller plus loin - jusqu'à un certain point, elle ne nous
nuit pas, si tu veux, parce que quand on parle d'exportations, il s'agit qu'on
soit capable de se restreindre au niveau des importations qui portent sur la
machinerie et ainsi de suite. Mais je pense que, pour un certain temps,
à long terme, cela va avoir des implications si cela continue encore
bien longtemps de cette façon, c'est bien évident, Je ne sais
pas, François, si tu as de quoi à ajouter sur cela ou si tu as
des chiffres supplémentaires.
M. Côté (François): Non. L'analyse que vous
faites... Bien sûr, vous êtes une commission sur l'agriculture et
si on fait l'effort de regarder où on s'en va dans l'agriculture, c'est
évident quand on regarde la situation sur le marché mondial des
céréales que, pour les raisons que vous avez dites, on s'en va
vers des années extrêmement difficiles. C'est certain. Il faut
enregistrer ce fait et travailler dans ce contexte. C'est la situation mondiale
qui... Il y a une tendance à des surplus à l'échelle
mondiale et cela va faire baisser le prix des céréales. On a
été un peu protégé depuis une couple
d'années. Cela aurait pu être pire s'il n'y avait pas eu le
programme américan PIK par lequel les Américains ont
réduit de 50% la production de maïs en 1983. Et, de loin, les
Américains sont les plus gros producteurs mondiaux. Cela a
été un peu sauvé cet été parce que les
Russes ont acheté beaucoup plus de grain que prévu. Ils ont eu
une mauvaise récolte l'été dernier. On est un peu
protégé, tout le monde est un peu protégé par la
hausse du dollar américain qui fait que les grains produits par les
producteurs américains sont moins concurrentiels sur le marché
mondial parce que cela prend plus de monnaie nationale pour acheter le produit
aux États-Unis en dollars américains. Mais les tendances sont
là. Les tendances sont inquiétantes et ce qui empire un peu
l'affaire, c'est que, comme vous l'avez souligné, le gouvernement
américain a dépensé à peu près 18 000 000
000 $ l'an dernier, mais le budget du président Reagan, c'est sûr
que cela va être discuté devant les Chambres. Il y a tout un
processus de discussion qui s'amorce aux États-Unis, mais l'objectif du
président Reagan est de descendre cela à 8 000 000 000 $. Tout le
reste est en conséquence. Cela veut dire une diminution des prix
garantis aux producteurs de céréales aux États-Unis. En
réalité, le prix garanti aux États-Unis a tendance
à être le prix garanti au niveau mondial parce que le gouvernement
américain, depuis quelques années, retire toute production que
les producteurs américains ne peuvent pas écouler à un
prix meilleur que le prix de soutien. Ils la vendent au gouvernement
américain qui la retire. Cela a tendance à stabiliser le prix au
niveau mondial, mais en tout cas, l'intention du gouvernement américain,
c'est de baisser son niveau de soutien. A ce moment-là, cela va baisser
le niveau des prix mondiaux. En premier lieu, cela va être difficile pour
les producteurs américains. On l'avait souligné et c'est pour
cela qu'il y aura peut-être des compromis politiques qui s'esquisseront
aux États-Unis, parce que les premiers frappés par cela seront
les producteurs américains, mais tous les producteurs de
céréales à l'échelle mondiale vont faire face
à une situation difficile et cela va aussi se répercuter sur les
productions animales. (12 h 30)
II est vrai que c'est sombre, mais, en même temps, il faut
regarder les choses telles qu'elles sont si on veut prendre des
décisions qui ont du bon sens.
M. Proulx (Jacques): Il y a aussi un danger plus à court
terme qu'on n'a pas souligné; ce sont les embargos américains,
les barrières que les Américains sont en train d'installer. Vous
connaissez la lutte qu'on mène actuellement pour le porc. On aura un
jugement au début du mois d'avril, si ma mémoire est bonne.
À court terme, c'est extrêmement inquiétant.
Extrêmement. En même temps, on peut être favorisé par
la dévaluation du dollar pour l'exportation, mais les Américains,
quant à eux, se retournent et mettent en cause toute la question de
l'exportation. Ils ont commencé avec la question du porc. Au cours des
dernières années, il y avait déjà eu des essais
quant au bois et aux pommes de terre. On a gagné nos points à
chaque fois, mais, cette fois-ci, c'est plus "touchy" parce que... Je veux dire
que je ne sais pas ce qui va arriver. Je peux vous dire qu'on s'est
préparé au maximum, mais ce sera toujours une décision
américaine. Cela peut être un peu comme la tour de Pise.
M. Dupré: Au bas de la page 38, vous dites - c'est pour
mon information personnelle - qu'il faut chercher "à laisser le troupeau
en garantie aux vendeurs, car il est actuellement avantageux pour les vendeurs,
du point de vue fiscal... " J'aimerais avoir une explication
là-dessus.
Une voix: François va vous expliquer cela.
M. Côté (François): La réalité
des choses, c'est que, du point de vue fiscal, actuellement, il y a
possibilité de faire un roulement des gains de capitaux. Vous êtes
conscient de cela. Pour un père qui vend à son enfant à
une valeur inférieure à la valeur marchande, donc qui fait un
don, le gain de capital ne se déclenche pas sur la pleine valeur
marchande comme c'est le cas
en général dans d'autres secteurs de l'économie. II
y a un roulement de gain de capital. Tant que le gain n'est pas
réalisé, il n'est pas imposé. Mais c'est un vice de la
fiscalité actuelle. Cela devrait être corrigé parce qu'il
est inacceptable que ce soit comme cela. Mais c'est comme cela actuellement.
Sur les inventaires, il n'y a pas de roulement. Même si le père
vend les vaches ou tout l'inventaire moins cher que la valeur marchande, les
impôts se déclenchent sur la pleine valeur marchande. À ce
moment-là, il y a un intérêt à étaler le
paiement pour étaler la réalisation de ce revenu. C'est
l'explication.
En réalité, il y a un vice dans les lois fiscales.
Peut-être que la chose la plus intelligente à faire serait de
corriger les lois fiscales pour que tous les actifs puissent être
transmis sans conséquence fiscale immédiate, dans la mesure,
évidemment, où cela n'est pas vendu à la pleine valeur
marchande. Dans l'état actuel des choses, il y a un intérêt
fiscal à ce qu'il y ait un solde du prix de vente sur le troupeau pour
répartir le revenu.
M. Dupré: Vous dites, à la page 49: "À
l'Office du crédit agricole comme tel, il faut que les employés
qui portent le titre de conseillers en crédit aient la formation, la
compétence et l'attitude nécessaires pour contribuer au
maximum... " Est-ce que cela veut dire que c'est un souhait que vous faites et
que vous considérez qu'ils ne l'ont pas présentement ou qu'ils
l'ont peu?
M. Blanchette: Je ne pense pas que cela veuille dire qu'ils ne
l'ont pas du tout. Il y a déjà des pas qui sont faits dans ce
sens-là, mais nous disons qu'à cause des exigences et de
l'importance du financement actuellement pour le fonctionnement des entreprises
agricoles et en particulier les jeunes entreprises, qui sont très
capitalisées et où toute erreur administrative peut avoir des
conséquences très néfastes, cela prend davantage de
formation au plan de la gestion et du financement de la part des conseillers en
financement agricole.
M. Dupré: En terminant, je voudrais assurer la direction
de l'UPA de ma vigilance, quant aux recommandations qu'on a faites dans le
passé et celles que nous ferons à la suite de la présente
commission parlementaire. Comme je l'ai mentionné au début des
travaux de la commission, je tiendrai à voir à ce que les
recommandations qui sont faites à cette commission ne restent pas sans
réponses. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président.
Encore une fois - et je pense que c'est bien malheureux - on constate
qu'on va manquer de temps pour pouvoir vous questionner sur le volumineux et
intéressant rapport que vous avez présenté à la
commission. Il y a plusieurs questions qui suscitent notre
intérêt. C'est peut-être la raison pour laquelle
j'hésite à vous poser la première question que
j'envisageais de vous poser. Je vais vous la poser quand même, en
espérant que même s'il s'agit d'une question qui pourrait prendre
plusieurs minutes, on essaiera de ne pas trop s'étendre
là-dessus. Il y a des points d'interrogation qui me sont venus à
l'esprit.
On étudie présentement l'endettement, le financement, la
relève agricole, etc. Je sais aussi que l'UPA réclame...
Même moi, à certaines occasions, j'ai eu, en Chambre, l'avantage
de questionner l'honorable ministre de l'Agriculture sur le sommet sur le
financement. Il est évident que ce sommet sur le financement serait
souhaitable dans les meilleurs délais. Il aurait déjà
dû être fait. Je ne connais pas les raisons pour lesquelles cela
n'a pas été fait.
Vous parlez d'un sommet ou d'une conférence
socio-économique sur le financement et l'endettement en
général. Est-ce que, par là, vous identifiez vos
problèmes à beaucoup d'autres sources que celles que l'on a
identifiées aujourd'hui? C'est évident que l'agriculteur a un
problème avec l'Office du crédit agricole, avec certaines
politiques du MAPAQ. Par contre, il y a beaucoup d'autres intervenants dans ce
dossier du financement. On parle de "prétandem", donc, on parle des
sociétés bancaires. On parle sûrement des gens qui ont
à passer des contrats parce que vous faites allusion à certains
contrats de sociétés qui devraient être modifiés,
etc. Cela suppose qu'un ensemble de gens devraient participer à ces
discussions.
En plus des préoccupations que vous nous avez soumises concernant
l'Office du crédit agricole comme tel et le MAPAQ, quels sont les autres
points majeurs qui sont considérés par les agriculteurs ou par
votre organisme comme des points qui devraient être
améliorés de beaucoup?
M. Proulx (Jacques): Il n'y aura pas, comme document de
travail... Je pense que je vous l'ai dit ce matin, le dossier a
été fait comme cadre de travail et ainsi de suite. Dans un sommet
ou une conférence, on va se retrouver autour d'une table, tous ensemble,
avec tous les intervenants. En cours de route, pendant le sommet, il y aura
moyen de trouver des avenues possibles à partir des grands thèmes
qui seront définis à travers cela.
C'est bien évident que si on tombe dans les détails d'une
discussion avec tous les intervenants, on va faire ressortir un
certain nombre de chases. Je ne prends qu'un exemple pour m'expliquer:
la concordance qu'il peut y avoir entre les politiques agricoles et le
crédit agricole. Ce n'est pas nécessairement toujours en
concordance et on va en discuter. Je pourrais prendre d'autres exemples. C'est
ce qui permettrait, au cours d'une conférence, d'y aller plus à
fond, d'aller davantage dans la cuisine, si on veut, pour mixer ces
différents éléments et faire ressortir des
résultats le plus concrets possible au bout.
Mais je suis obligé de dire... En tout cas, je ne pense pas qu'on
ajouterait bien d'autres éléments parce qu'on a couvert
entièrement la question du financement, de la relève, même
si cela ne va pas dans tous les détails. On sait que la relève va
avoir des choses particulières à dire. Les femmes, en
agriculture, vont avoir des choses particulières à dire et elles
vont venir vous les dire, d'ailleurs. Même chose lors d'un sommet. Cela
permettrait, lorsqu'on touche ces points, d'en discuter davantage. Je ne sais
pas si je réponds à votre question.
M. Picotte: Vous avez souventefois, je pense, l'impression, comme
je l'ai eue à plusieurs reprises au contact de certains de mes
électeurs, que tous ceux qui interviennent à l'intérieur
de ce qu'on appelle le contexte agro-alimentaire, bien souvent, sont des gens
qui ne se parlent pas, ou peu, ou qui auraient avantage à se parler. Je
pense que vous m'avez donné un exemple approprié à savoir
que certaines directives du MAPAQ, certaines directives de l'Office du
crédit agricole ne sont pas toujours... ou que les gens de nos
comtés, des bureaux locaux du MAPAQ et des bureaux locaux de l'Office du
crédit agricole sont une source d'embêtements pour l'agriculteur
sérieux, entre autres.
Est-ce que vous avez eu certaines garanties, au moment où on se
parle, que ce sommet devra se tenir rapidement ou si vous croyez que vous
êtes encore à l'étape de le demander et d'exiger qu'il se
tienne?
M. Proulx (Jacques): Je n'appelle plus ça des garanties.
Depuis deux ans on a ces garanties-là. Est-ce encore une garantie
après deux ans? C'est toujours remis de mois en mois ou de trois mois en
trois mois. Vous l'avez probablement vu comme nous dans les journaux,
particulièrement lors d'une conférence que le responsable de la
planification au ministère de l'Agriculture a donnée à
l'Université de Sherbrooke, on a parlé du mois d'avril. Est-ce
encore lancé au pif ou est-ce réel? Je n'en sais vraiment rien.
Vous êtes encore mieux placé que nous autres pour le savoir.
M. Picotte: D'accord. Je vais passer à une autre question
plus rapidement à cause du temps toujours. Mon collègue de
Saint-Hyacinthe a fait mention tantôt du pourcentage d'emplois
créés. On parle de 5000 emplois. Pouvez-vous me
catégoriser ces emplois-là, d'abord, par rapport aux emplois
à temps plein, à temps partiel, des emplois
rémunérés, non rémunérés? On sait
qu'en agriculture, souventefois, les gens de la famille qui travaillent
viennent s'ajouter au nombre d'emplois. Mais quand le fils, la fille ou
l'épouse de l'agriculteur travaille quasi à temps plein sur la
ferme, bien souvent, il n'y a pas de salaire au bout de ça. De quel type
d'emplois s'agit-il, en proportion, quand on parle de 5000 emplois?
M. Côté (François): C'est une bonne question.
Je n'ai pas les détails ici. Bien sûr, pour une partie, c'est de
la main-d'oeuvre familiale non rémunérée et, pour une
autre partie, c'est de la main-d'oeuvre rémunérée. Je
reviens là où j'en étais tantôt, on ne retrouve pas
l'équivalent dans le reste du Canada. A la limite, même si c'est
de la main-d'oeuvre familiale, ça peut être
interprété comme reflétant un peu la crise. Des gens sont
retournés à la ferme par défaut, mais ça ne veut
pas dire que cela. Finalement, ça veut dire que la ferme pouvait fournir
du travail et procurer du revenu pour ce travail-là.
Il y a des deux. Je n'ai pas les chiffres ou les détails ici. Je
suis d'accord avec vous, c'est une zone, du point de vue des statistiques, un
peu glissante. Avant de décider d'utiliser ce chiffre-là, j'ai
recroisé aussi avec le recensement. Même le recensement pose des
questions semblables. On constate aussi dans le recensement un accroissement de
l'emploi dans l'agriculture au Québec qu'on ne retrouve pas dans les
autres provinces.
Quelle sorte d'emplois? Jusqu'à quel point c'est solide?
Peut-être que ça mériterait un approfondissement, mais il
demeure qu'au niveau global on voit ça au Québec et on ne voit
pas ça dans les autres provinces.
M. Proulx (Jacques): On pourrait d'ailleurs vous fournir, sur ce
sujet précis des emplois rémunérés en agriculture,
l'évolution des emplois permanents, occasionnels et temporaires au cours
des dernières années, par le service de main-d'oeuvre agricole
qu'on administre dans les différentes régions. On tient des
statistiques à jour. On ne les a pas ici, mais ce sont des
données qu'on pourrait rendre disponibles.
M. Picotte: Je vous pose la question parce que ça
m'inquiète toujours de constater que, dans le domaine agricole, on a de
moins en moins d'emplois à temps plein rémunérés,
qu'on a de plus en plus d'emplois à temps partiel et de plus en plus
d'emplois
non rémunérés. Par exemple, la famille qui
collabore à travailler sur la ferme. Cela m'inquiète dans le sens
que déjà, quand on fait des moyennes de salaire au taux horaire -
je ne me rappelle plus ce qu'on disait -par exemple, pour un producteur laitier
travaillant au taux horaire de 3, 43 $, si on ajoute un fils ou une fille qui
vient faire des heures additionnelles, cela appauvrit encore davantage. Il n'y
a pas là une augmentation comme telle de revenu, mais il y a de plus en
plus d'heures dispensées. Je pense qu'à cet
égard-là c'est un peu inquiétant et c'est ça que je
voulais vous faire préciser. S'il y avait possibilité d'avoir
quelques statistiques de la part de vos services là-dessus, je pense que
ça orienterait drôlement, en tout cas, la conception qu'on doit se
faire de l'agriculture des années 1985 et plus. (12 h 45)
J'aimerais aussi mentionner la question des faillites. Je suis toujours
surpris quand j'entends certaines personnes prétendre qu'il n'y a pas
tant de faillites que ça en agriculture. Je vis dans un comté
rural et je me promène dans les rangs de mon comté, et souvent
là où il y avait six ou sept agriculteurs dans certains rangs, il
en reste un ou deux. Il y a des gens qui ont disparu de l'agriculture. Ils
n'ont peut-être pas tous fait faillite, mais je pense que le nombre de
faillites de 162 m'apparaît assez exact.
Mais il y a plus que cela et je me demande si vous vous êtes
déjà penchés sur ce phénomène. Il y a tout
le phénomène des gens qui abandonnent parce qu'ils n'ont pas de
ressources ou comme on l'a dit tantôt, qu'ils n'ont pas le moyen de faire
faillite -ils ne sont pas assez riches pour faire faillite tout simplement - ou
qui font une cession de biens volontaire. À combien à peu
près évaluez-vous cela? C'est beaucoup plus que 162 si on regarde
cela, les gens qui ont abandonné, faute de ressources, faute de
possibilité de vivre décemment de l'agriculture. Est-ce que l'UPA
a des études qui peuvent nous démontrer que, finalement, en tout
et partout, la situation est peut-être un peu plus dramatique, sans
vouloir la dramatiser, que celle que nous laissent savoir certaines
statistiques? Le mot "faillite", je n'aime pas cela, c'est bien évident.
Il y a plus que des faillites en agriculture. J'espère que mon
comté n'est pas un phénomène exceptionnel au Québec
parce que je vais drôlement me poser des questions.
Une voix: Nous aussi, on s'en poserait. M. Garon: Cela
dépend du député.
M. Proulx (Jacques): Je ne suis pas capable de vous donner de
chiffres précis à ce sujet, parce qu'il y a beaucoup
d'hypothèses possibles dans tout cela. C'est vrai qu'il s'ajoute
à cela le fait que des gens abandonnent pour les raisons qu'on a dites
tout à l'heure, qui font la cession de leurs biens, et cela n'est pas
compris dans les faillites, même si c'est une faillite
déguisée.
Il y a l'autre partie des gens qui, à cause de l'importance de
l'exploitation et aussi d'un certain âge de retraite ou de
préretraite, ont vendu à des exploitations voisines pour
consolider. Il y a une partie de cela. Il y a l'autre partie: ce sont, dans
bien des cas, comme vous dites, dans les rangs, des gens qui ont
abandonné faute d'acheteur, à cause de la nature du sol, etc. Je
pense que personne ne sera capable de donner un chiffre bien exact, parce qu'il
y a bien des facteurs. Comment pourrait-on rajouter les faillites
déguisées, si on veut?
Il reste quand même que, depuis quelques années, on a eu
une certaine stabilisation du nombre d'agriculteurs. Le nombre d'agriculteurs
est venu plus bas qu'à l'heure actuelle. Il y a eu un certain retour et,
là, cela semble vouloir se stabiliser à cause du
développement de l'agriculture à temps partiel, de l'achat de ces
fermes par des gens qui veulent en tirer quelque chose tout en gardant leur
emploi. Je pense que ce phénomène, s'il était
appuyé de quelque façon, permettrait de garder au Québec
un nombre d'agriculteurs qui permettrait de garder toute l'infrastructure et de
la rendre disponible aux gens du milieu, parce que le monde rural a besoin de
ces infrastructures. Je ne suis pas capable de vous donner les chiffres exacts.
L'écart, est-ce que c'est 50% qui sont des faillites
déguisées?
M. Picotte: Vous n'avez pas, non plus, le pourcentage du nombre
de fermes abandonnées depuis une quinzaine d'années par rapport
aux chiffres existants auparavant.
M. Proulx (Jacques): C'est très difficile d'avoir cela
parce qu'il y a eu, surtout dans les dix dernières années,
énormément de consolidation. Alors ce n'est pas une ferme
abandonnée, c'est même une ferme qui a pris de l'ampleur pour
toutes sortes de raisons. Ce serait extrêmement difficile de sortir des
chiffres autour de cela. J'ai l'impression qu'il s'est produit, en tout cas
depuis un certain nombre d'années, l'effet contraire de remise en
valeur. Si certaines politiques annoncées depuis fort longtemps
étaient mises en vigueur, l'ampleur de cette remise en valeur des terres
abandonnées, etc., serait encore plus grande dans certaines
régions.
M. Blanchette: C'est évident que, là-dessus, on
pourrait toujours voir le nombre de producteurs par production et
l'évolution depuis un certain nombre d'années; mais cela ne
serait pas significatif du nombre d'entreprises qui ont dû soit
être liquidées, soit passer à d'autres mains parce qu'elles
étaient trop endettées ou, effectivement,
faire faillite. L'observation qu'on fait dans le milieu actuellement
nous permet, cependant, d'affirmer que l'évolution du nombre de
faillites, c'est la pointe mesurable d'un phénomène qui est
beaucoup plus vaste et qu'il y a un grand nombre d'entreprises qui passent
à d'autres mains parce qu'elles sont trop endettées et que celui
qui a prêté l'argent ou qui a fourni les utilités, à
un moment donné, en prend le contrôle. Il y a des abandons qui
sont faits dans ce phénomène. Il y a aussi des entreprises qui
passent à d'autres mains. Ce n'est pas mesurable et ce n'est
chiffré nulle part.
M. Picotte: Très bien. Vous parlez, à un moment
donné, du rôle de l'État, à la page 24. Vous vous
demandez s'il ne faut pas remettre en question, de façon fondamentale,
le rôle de l'État dans le financement de l'agriculture. On peut
dire que, depuis quelques années, l'Office du crédit agricole a
été souventefois controversé. On n'a qu'à regarder
un peu ce qui se passe autour de nous. De plus en plus d'agriculteurs
contestent, à tort ou à raison - je pense que ce n'est pas
à moi d'évaluer cela au moment où on se parle - le
rôle que joue l'office. Lorsque vous parlez de renforcer ou de remettre
en question le rôle de l'État, qu'est-ce que c'est exactement dans
votre esprit?
M. Proulx (Jacques): Pour nous autres, la base même de
l'agriculture, c'est le financement à long terme. Établissez un
financement à long terme adéquat dans l'agriculture afin qu'il
réponde à des besoins, à des orientations qu'on va se
donner comme collectivité; établissez cela sur une base solide
qui est ajustable continuellement, parce qu'un des gros problèmes, c'est
qu'on établit de très belles politiques, mais on oublie de les
ajuster à l'évolution, si on veut. À partir de là,
cela devient désuet. Pour nous, c'est fondamental - c'est une
responsabilité de l'État - d'offrir à l'agriculture un
crédit à long terme quasi parfait. À partir de là,
vous pourrez éliminer une multitude d'aides ad hoc, de politiques
-appelez-les comme vous le voudrez - qui sont mises continuellement en place,
parce que c'est la base même de l'agriculture. On n'a qu'à
regarder l'évolution dans cela. L'agriculture a commencé à
évoluer le matin où il y a eu un crédit disponible. Pour
ceux qui s'en souviennent, à partir de 1964, la Société du
crédit agricole a commencé à changer son orientation et
elle fut la première, après l'établissement du
crédit agricole dans les années trente et quarante, qui a
commencé à adapter ce qu'elle offrait aux réalités.
C'est là qu'il y a eu une évolution de l'agriculture. Ensuite,
l'office est arrivé avec d'autres programmes mieux adaptés. Cela
a donné une nouvelle poussée. La société est
revenue avec cela.
On l'a dit souvent, et je le répète encore aujourd'hui, je
ne pense pas que les gens mettent en cause le rôle de l'État,
c'est parfois mal exprimé, ce sont plutôt les modalités
employées par l'État. Il faudrait faire attention, parce que je
pense que les gens ne remettent pas en cause le rôle primordial,
fondamental de l'État de s'impliquer dans le financement à long
terme. Je dis bien à long terme. C'est important. En parlant de long
terme - on le souligne d'ailleurs - trop souvent les conseillers agricoles -
c'est une des grosses lacunes - vont accorder un crédit, vont accepter
d'échelonner cela sur vingt ans. Pour nous, c'est inacceptable. Une
partie du crédit à long terme sur le fonds de terre, etc., cela
ne disparaît pas de la terre. C'est toujours là. Plus le
crédit sur cela durera longtemps, mieux ce sera pour tout le monde.
C'est à cause de cela qu'on dit que l'État doit jouer un
rôle de plus en plus grand dans cette partie. À ce
moment-là, il serait obligé de jouer beaucoup moins un rôle
de "patchage" à tout moment, sur toutes sortes de politiques, de formes
d'aides ad hoc.
M. Picotte: M. le Président, c'est une constatation que je
fais. En tout cas, je ne sais pas ce que cela donnera par la suite, mais je
dois vous dire tout simplement que les gens de ce côté-ci de la
salle sont entièrement d'accord avec la commission d'appel à la
page 27. Je pense même que la commission a déjà fait des
recommandations là-dessus. On s'engage, du moins, à continuer de
faire pression pour que cette commission d'appel puisse être
instaurée le plus vite possible afin d'essayer d'éviter de
créer des injustices comme on a déjà pu en constater dans
le passé.
L'autre question que je voudrais poser, c'est quand vous dites à
l'avant-dernier paragraphe: "Des prêts sont actuellement refusés
où il existe une bonne capacité de remboursement et des garanties
adéquates. " Est-ce qu'il y en a beaucoup? Quelles sont les raisons
majeures? Est-ce un mauvais calcul de la part des officiers de l'Office du
crédit agricole? Est-ce des données qui ne sont pas exactes?
Qu'est-ce qui fait qu'il y a des gens qui ont une bonne capacité de
remboursement à qui on refuse justement certains prêts?
M. Côté (François): II y a deux choses. Il y
a le domaine du porc, premièrement, où il n'y a aucun prêt
pour agrandissement de consenti. C'est une politique de l'office. Alors que,
dans certains cas, c'est sûr, la situation est difficile dans le domaine
du porc, mais qu'il y a des producteurs qui seraient en position de faire des
investissements qui amélioreraient leur efficacité en impliquant
sur certain
accroissement de la production, il n'y a aucune possibilité.
Deuxièmement, en général cela prend toutes sortes de
formes. Cela peut être la façon d'utiliser des normes, la
façon d'analyser le prêt. Mais ce que cela trahit globalement,
c'est un conservatisme et une prudence excessive de l'office dans certains cas.
Vous me demandez dans combien de cas que cela se produit. On ne peut pas
prétendre que c'est généralisé d'une façon
absolue à la grandeur de la province, mais cela se produit dans un
certain nombre de cas actuellement. Nos gens qui sont impliqués dans le
dossier...
M. Picotte: Est-ce qu'on retrouve cela dans certaines productions
plus particulièrement ou si c'est fait de façon
générale? Par exemple, la crainte dans le domaine de la
production porcine, est-ce qu'on la retrouve dans des choses semblables
à cela, dans la production céréalière ou dans la
production du boeuf? Est-ce que cela est localisé comme problème
à certaines productions plutôt qu'à d'autres?
M. Côté (François): Comme je vous l'ai dit,
pour le porc, c'est total et absolu, c'est la porte fermée
complètement. Pour le reste, cela se présente dans toutes les
productions.
M. Picotte: Dans toutes les productions. M. Côté
(François): Oui.
M. Picotte: II y a un autre point à la page 29 aussi qui
m'a surpris. Vous dites: "Très fréquemment, l'employé de
l'office modifie la demande de prêt sans en informer l'agriculteur. "
Êtes-vous en train de me dire que cela se fait dans plusieurs cas ou si
cela s'est fait occasionnellement? Il y a là toute une
différence. Cela vient éclairer certaines discussions que nous
avons eues lors de la commission parlementaire sur les sept grévistes
qui sont venus nous rencontrer où très souvent on nous dit: Ce
n'est même pas tout à fait ce que j'ai demandé ou cela ne
correspond pas à ce qui a été délimité ou
décrit. Cela se fait-il sur une échelle assez
élevée ou si ce sont des cas exceptionnels?
M. Couillard: M. le Président, je dirais à cela
que, lorsqu'on dit qu'on modifie, il faut revenir quasiment à un autre
de nos paragraphes qui est écrit là également où on
parle de fonds de roulement. Il est bien sûr que Je prêt est
toujours établi avec un fonds de roulement avec l'agriculteur et quand,
à un moment donné, il est question d'arriver au but final on
s'aperçoit alors que souvent le fonds de roulement est amputé ou
est enlevé. C'est ce qui crée des difficultés, qui pose
des questions semblables. C'est pourquoi on dit que, lorsqu'il est
regardé avec l'agriculteur, le prêt doit demeurer comme tel parce
qu'après cela on revient et on a des difficultés. Il faut
recommencer, faire un nouvel emprunt, ouvrir une nouvelle marge de
crédit, on n'en finit plus. C'est pour cela qu'on dit qu'un fonds de
roulement doit en faire partie pour nous, pour que l'agriculteur le
possède. Il n'y a pas un prêt qui ne devrait pas avoir un fonds de
roulement.
M. Proulx (Jacques): J'aimerais rajouter sur cela que ce n'est
pas sporadique, ce n'est pas isolé. Il y en avait assez pour que cela
vaille la peine qu'on le mette.
M. Picotte: De l'écrire, oui.
M. Proulx (Jacques): C'est assez fréquent.
M. Couillard: Vous avez, quand même, des agriculteurs qui,
dans le passé, s'achètaient une nouvelle terre, une terre
avoisinante pour consolider et qui avaient déjà un fonds de
roulement. À l'achat de cette terre, le fonds de roulement
disparaît complètement parce qu'on dit: D'abord, tu utilises ton
fonds de roulement et, après cela, si tu ne le mets pas dans le
prêt tout de suite au départ, lorsque le prêt arrive, il est
enlevé. Il doit être dans le prêt. Il y a des
difficultés comme ça. (13 heures)
Nous, on va plus loin que ça. On dit qu'il doit y avoir un fonds
de roulement à tous les prêts, même aux jeunes qui partent
en production. Il doit y avoir un fonds de roulement, parce qu'on ne peut pas
vivre un an, juste à produire, à vivre, sans avoir de revenus de
certaines productions.
M. Picotte: Je devrais vous dire, avant de vous poser une
question sur un point qui est soumis avant celui que je mentionne, que c'est
vrai que les agriculteurs, en ce qui nous concerne, devraient avoir
accès à leurs dossiers. Cela n'a pas de bon sens qu'un
agriculteur ne puisse même pas avoir accès à son propre
dossier et vérifier si les données sont exactes.
Nous avons relevé dans l'étude du cas des sept
grévistes de la faim que des calculs faits par les gens de l'office
étaient complètement inexacts. On s'était trompé en
additionnant. Il y avait des chiffres importants qui avaient été
omis pour comptabiliser certains revenus, ce qui fait que le type ne devenait
plus admissible ou, en tout cas, son affaire n'était plus rentable.
Ce sont des choses essentielles, où l'agriculteur doit
posséder son dossier, s'il en fait la demande, pour bien s'assurer qu'il
n'y a pas eu d'erreurs à l'intérieur de tout ce cheminement.
Vous m'inquiétez beaucoup quand vous demandez, à la page
30, que les agriculteurs devraient toujours avoir le choix du
conseiller. Pourtant, nos conseillers doivent tous être bons de la
même façon. Ils doivent tous être formés de la
même façon. Pour quelle raison voulez-vous que le gars ait le
choix de son conseiller? Nos conseillers, normalement, ont tous
été formés, ont reçu une formation, ont reçu
des directives qui doivent se ressembler. Il ne doit pas y avoir une si grande
différence que ça entre un conseiller et un autre.
M. Proulx (Jacques): Tu viens de le dire. Ils ont reçu des
directives, mais ils n'ont pas été nécessairement
formés.
M. Picotte: Alors, il y a tant de différence que
ça, dans certains cas.
M. Proulx (Jacques): Non, en fait, je pense que tout humain...
Parfois, il y a des gens qu'on n'aime pas rencontrer. C'est normal que
ça se produise au niveau du conseiller. Quand même, chaque bureau
possède un certain nombre de conseillers et, pour nous autres, ça
va être de plus en plus important d'avoir le choix du conseiller.
Il pourrait y avoir une multitude de raisons autour de ça, par
exemple: tu as, au cours des années, fait affaires avec cette
personne-là, elle possède davantage ton dossier, elle
connaît mieux la région où tu es et ainsi de suite.
Il y a la question aussi de s'adonner avec les gens, de discuter d'une
façon différente avec certaines gens. Je ne sais pas si Jean-Yves
a quelque chose à ajouter là-dessus.
M. Couillard: M. le Président, c'est bien sûr que,
quand on dit avoir le choix du conseiller, pour nous autres, c'est très
important. Premièrement, il y* a des personnes avec lesquelles tu ne
t'adonnes pas et il y en a d'autres avec lesquelles ça va bien. Il y en
a d'autres avec lesquelles tu peux discuter et tenter d'aller plus loin au
niveau de ta ferme. Il y en a d'autres avec lesquelles ça ne marche pas.
Alors, il y a le choix du conseiller.
Deuxièmement, l'autre point important - vous le voyez à
l'intérieur du mémoire également - c'est que ce conseiller
doit avoir votre dossier en entier, parce que quand arrive le printemps, on
commence à regarder, à ouvrir nos marges de crédit,
à la fin de février, ce ne sera pas long, là. Souvent, la
marge de crédit n'est même pas fermée, parce que la
production de l'année n'est même pas vendue. Cela veut dire que ta
marge de crédit, présentement, tu peux la fermer juste au mois de
juin ou au mois de juillet. Cela dépend de la date où tu vas
vendre tes productions céréalières ou d'autres. Cela
dépend dans quelle production tu es.
Par contre, il faut t'ouvrir de nouvelles marges. Cela veut dire que
cette personne avec qui tu discutes, doit posséder ton dossier en entier
et être capable de dire, au mois de février: Oui, on va t'ouvrir
une nouvelle marge de crédit et non pas aller ouvrir une marge de
crédit au mois d'août que le gars qui a semé au
commencement d'avril. Des fois, tu sèmes du blé ou des choses
comme ça autour du 15 avril et du maïs à la fin d'avril ou
au commencement de mai, et tu as ta marge de crédit juste en
juillet-août et j'ai déjà vu jusqu'à septembre.
À ce moment-là, vous vous tournez vers les banques à des
taux excessifs et sans garanties.
C'est pour ça que je vous dis que le choix du conseiller est
très important et cette personne doit connaître votre dossier.
Cela veut dire que l'association que vous faites avec cette personne-là,
ce n'est pas une affaire de six mois. Cela veut dire que c'est elle qui doit
être continuellement dans votre dossier et qu'on doit toujours continuer
avec la même personne. C'est pour ça que les relations qui
existent avec le conseiller sont importantes également.
M. Picotte: M. le Président, comme je veux laisser du
temps à d'autres membres de ma formation, j'arrête mes questions
immédiatement.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Je
veux vous indiquer, cependant, qu'il reste environ quatre minutes à
l'Opposition. On passe maintenant au député de
KamouraskaTémiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous me
considérez comme un député de l'Opposition. Où
est-ce que vous me situez, vous, là?
Le Président (M. Vallières): Je vais vous
indiquer...
M. Dupré: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Non, s'il vous
plaît, on n'a pas suffisamment de temps. On va essayer de ne pas trop en
perdre. Je vous considère comme étant un député
indépendant qui a droit de parole à cette commission.
M. Dupré: II faudrait peut-être qu'il se situe
lui-même!
Le Président (M. Vallières): La parole est au
député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le
Président. Je pense que votre mémoire comporte beaucoup de
propositions qui valent la peine d'être analysées. Je ne veux pas
me faire le défenseur de l'Office
du crédit agricole, mais à la page 29 - on y a
touché un peu - on dit: "Jouer son rôle de conseiller. Un
très grand nombre de reproches qui sont faits à l'office peuvent
être ramenés au point suivant: les employés de l'office,
dans de nombreux cas, ne jouent pas véritablement leur rôle de
conseillers en crédit agricole. Cela se manifeste par les comportements
suivants, qui doivent être corrigés. "
Dans chaque région, on a des conseillers agricoles, on ades gens qui représentent l'office, et ils sont là pour,
éventuellement, aider les agriculteurs qui vont vers l'office pour un
prêt. Je ne sais pas s'il faut tous les mettre sur le même pied ou
si ce sont des cas isolés. Il me semble que le conseiller de l'Office du
crédit agricole, un agriculteur va le voir, éventuellement, pour
un prêt. Il me semble que ça ne peut pas être totalement
vrai que l'office ne joue pas son rôle. Il peut y avoir une exception
dans certaines régions, des conseillers qui ne sont peut-être pas
qualifiés, comme vous le dites, mais ça ne doit pas être
généralisé au point de dire que c'est pour tous les
prêts,
II me semble que, quand un prêt est refusé, l'agriculteur a
le droit de le savoir. J'ai eu affaire à l'office et j'ai eu le droit de
savoir si mon prêt était refusé par le gars de l'office
dans la région. Quand vous parlez de ces cas, combien peut-il y en
avoir? Est-ce que c'est général dans tout le Québec ou si
ce sont des cas isolés un peu partout?
M. Proulx (Jacques): Je ne dirai pas que c'est dans tout le
Québec, mais je peux vous dire qu'il y a de nombreux cas où on
s'est plaint et où on a été à même de
constater que les raisons qu'on évoque là sont pertinentes. Il y
a de nombreux cas, je ne peux pas vous identifier certaines régions
parce qu'il existe, probablement dans chacune des régions, un certain
nombre de conseillers ou des conseillers qui ne sont pas qualifiés ou
qui ne jouent pas le rôle qu'ils devraient jouer. Le rôle de
conseiller, c'est plus qu'avoir un livre de normes devant sol et les appliquer
bêtement. Pour nous, un conseiller, ça doit être une
personne qui travaille en étroite collaboration.
Cette plainte n'est pas faite uniquement par nos producteurs parce que,
dans le mémoire qu'on vous présente aujourd'hui, on a fait une
large consultation de différents intervenants, et ça, c'est une
constatation des autres intervenants, aussi, soit qu'il y a beaucoup trop de
ces cas, par manque de formation ou par surplus de travail. Un des gros cas,
c'est justement le manque de conseillers et, durant certaines périodes
de l'année, ils sont surchargés. Alors, il faut trouver
absolument un mécanisme où les gens ne seront pas
débordés et, à partir de là, feront un meilleur
travail.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): À la
page 26, on parle d'une commission d'appel; je serais entièrement
d'accord avec ça pour que des cas puissent être
révisés. Mais que l'agriculteur soit informé du refus d'un
prêt. Je croyais que tous les agriculteurs étaient informés
qu'on leur refusait un prêt et de la raison du refus. C'est sûr
qu'on peut faire une demande de prêt. Si on va à l'Office du
crédit agricole, c'est parce qu'on a besoin d'argent. Au moment
où on fait la demande, peut-être que la ferme n'est pas rentable
comme elle devrait l'être. Justement, c'est peut-être le prêt
qui va lui permettre d'être rentable. Cela doit être analysé
par quelqu'un. Il me semble que c'est assez clair, ça ne devrait pas
être tellement dur à corriger.
À la page 36, vous avez fait une proposition qui me sourit
beaucoup, que je prêche depuis longtemps pour aider les jeunes
agriculteurs. On sait que, pour les jeunes agriculteurs, ce sont les dix
premières années qui sont difficiles. Vous avez parlé de
cinq ans, mais je pense que ça va jusqu'à dix ans. Si on
l'étouffe en partant, c'est sûr qu'il ne sortira pas de l'eau, il
va se noyer. Vous dites que vous êtes d'accord avec un taux
d'intérêt de 3% par année, croissant de 0, 5% par
année pendant les sept, huit, dix premières années de son
établissement.
Avez-vous établi des coûts, avez-vous évalué
comment ça pourrait coûter? Nous, il faut voir si l'État
est en mesure de le faire. Si ça coûte 20 000 000 $... Vous avez
un économiste qui semble assez...
M. Proulx (Jacques): Effectivement, on a fait les calculs.
François les a, il peut vous dire rapidement quelle marge, sans entrer
tellement dans les détails. Pour avancer cela, on a fait des calculs
pour savoir ce que ça coûterait à l'État parce qu'on
savait que la question viendrait.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Avant que M.
l'économiste réponde, est-ce que vous avez aussi, pour les
dernières années, le nombre de jeunes qui font des demandes pour
s'établir sur une ferme? Vous avez cela à l'office?
M. Proulx (Jacques): On a le nombre pas seulement au niveau de
l'office, mais on a le nombre total au Québec des établissements
de jeunes. M. François Côté a cela; je ne sais pas s'il les
a sous la main.
M. Côté (François): Je ne les ai pas sous la
main, mais cela a été de l'ordre de 1300 à 1400 et cela a
baissé à 1100 l'an passé. Je les ai pas loin, ces
chiffres.
M. Proulx (Jacques): C'est dans cet ordre de grandeur.
M. Côté (François): Pour répondre
à votre question, Jacques en a annoncé plus qu'on ne peut en
livrer. On a fait assez de calculs pour savoir que cela implique un certain
accroissement de l'aide par rapport à ce qu'elle est actuellement, mais
pas assez pour vous dire au total, dans le budget du Québec, ce que cela
peut représenter, parce que, finalement, il faudrait tenir compte de
demandes de prêt telles qu'elles sont faites actuellement. Dans chaque
cas, la situation se présente différemment et l'office pourrait
mieux que nous vous dire combien cela serait susceptible de coûter dans
les conditions actuelles. La réponse générale, c'est un
certain accroissement. Je peux vous donner un calcul qu'on a fait et qui donne
un ordre de grandeur, mais qui ne répond pas parfaitement à votre
question.
Prenons le cas d'un emprunt de 150 000 $ actuellement, dont 50 000 $
seraient, en vertu du système actuel, sans aucun intérêt
pour les cinq premières années et, ensuite, cela tombe comme un
prêt normal; pour le reste, les 100 000 $, en calculant le rabais
d'intérêt tel qu'il existe actuellement selon la formule
utilisée, cela implique de la part du gouvernement, dans cette
situation, pour un prêt de 150 000 $ -en réalité, l'emprunt
moyen des jeunes qui s'établissent n'est pas de 150 000 $; le plafond
est à 150 000 $, mais tout le monde ne va pas au plafond, il est
d'environ 117 000 $ - une subvention totale en valeur présente -
c'est-à-dire qu'un dollar dans dix ans ne vaut pas la même chose
qu'un dollar d'aujourd'hui tout est ramené en dollars d'aujourd'hui - de
l'ordre de 55 000 $. 50 000 $ à 0% et les 100 000 $... Avec le
système qu'on vous propose, pour la totalité de ce même
prêt de 150 000 $ à 3%, 3, 5%, 4%, cela ferait une subvention de
l'ordre de 66 000 $. Cela représenterait, en valeur présente, un
accroissement de l'ordre de 10 000 $, selon ce calcul. Cela vous donne une
idée, mais il faudrait aller plus loin et inventorier différentes
situations pour faire le total du point de vue du budget du Québec.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Si on veut
faire accepter cela à notre ministre de l'Agriculture, c'est une mesure
que j'appuierais, mais il va falloir aller plus loin. L'office peut prendre les
trois dernières années, évaluer le nombre de jeunes qui
font des demandes, voir quelle est la moyenne et établir à peu
près comment cela pourrait coûter au budget du gouvernement du
Québec. Il va falloir le faire.
À la page 38, cela me chatouille un peu: "II faut donc qu'il y
ait un partage de garanties entre le vendeur et l'institution financière
qui finance le risque de la transaction. " Vous savez que cela peut amener des
chicanes de clocher ou même des chicanes de famille. Je suis d'accord
qu'il y ait des possibilités pour que le père qui vend à
son fils en finance une partie. Cela pourrait aider beaucoup. En discutant avec
certains syndicats de base et même des agriculteurs, le transfert des
fermes de père en fils est un problème, on le sait, avec la
fiscalité et tout cela. Mais quelle serait la part de garanties d'un
vendeur éventuellement prêteur après la vente? Il faudrait
comparer avec une institution financière. Vous parlez plus bas d'un
troupeau, vous parlez de l'exploitation animale, mais dans n'importe quelle
exploitation agricole...
M. Proulx (Jacques): Ce qu'on demande dans cela, ce n'est pas
d'en privilégier un au détriment d'un autre. C'est une nouvelle
source de financement, une nouvelle possibilité qui serait offerte et,
à partir de là, il ne faut pas en pénaliser un aux
dépens de l'autre. On prête sur des fermes a partir de la valeur;
la valeur est là. On donnera exactement la même garantie au
père ou à ceux qui le remplaceront que ce qu'on va donner
à la banque. On partagera ces garanties. C'est uniquement cela et c'est
très facile à faire,
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
C'est-à-dire de partager entre les prêteurs selon la somme
prêtée. (13 h 15)
M. Proulx (Jacques): Selon la somme, parce que qu'est-ce que cela
me donne... Supposons que je vends 300 000 $; je n'ai pas besoin de ces 300 000
$, j'ai besoin d'une partie de cette somme pour me bâtir une maison et
pour vivre. Pour le reste, au lieu de prendre cet argent, avec toute
l'administration que cela amène, d'aller le placer ailleurs et ainsi de
suite, c'est aussi bien de le laisser directement là. Tout ce que je
demande, c'est d'avoir la même protection, exactement la même.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Si vous avez
une ferme de 300 000 $ -l'exemple que vous citez - que vous vendez votre ferme
300 000 $ et que vous en financez le tiers, normalement, le tiers de la
garantie devrait être porté à votre prêt. En fin de
compte, ce serait assez facile de partager. Cela prend aussi une volonté
de l'office de changer certaines règles du jeu.
M. Proulx (Jacques): C'est cela.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous savez
qu'ils prennent beaucoup plus de garanties, même des terrains
boisés qui ne sont pas directement reliés à l'emprunt
comme tel. Ils prennent des boisés, ils prennent tout, ils
prennent des garanties. Cela m'éclaire et je vous félicite pour
le mémoire. Je pense qu'on va...
M. Couillard: Je pourrais peut-être répondre
à votre question. Vous m'excuserez, mais on n'a pas répondu
complètement, à mon idée. La garantie, à l'heure
actuelle, c'est le père qui la fait au complet, le reste de la garantie.
Quand vous vendez 300 000 $, vous allez emprunter 150 000 $, au maximum 200 000
$, et le père est obligé de laisser son argent là. Il
reste tout le temps en dernière position. C'est lui qui la fait au
complet, la garantie. Rendu au bout, c'est lui qui supporte tout. C'est ce que
je voulais vous dire et c'est ce qu'on veut corriger aussi,
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci.
Le Président (M. Vallières): D'accord. M. le
député de Saint-Jean, suivi du député de Huntingdon
et du député d'Arthabaska.
M. Proulx (Saint-Jean): M. le Président, on a voté
une loi importante, la loi 90 sur le zonage agricole, la protection des terres
agricoles. Depuis cette loi importante qu'on a adoptée, est-ce que les
prix des fermes au Québec ont baissé? Est-ce que cela a
augmenté? Est-ce que cela s'est stabilisé? Est-ce que cela a
permis d'agrandir la superficie des terres cultivées? Est-ce que les
producteurs qui attendaient de vendre leurs biens et qui laissaient les terres
en friche ont repris leurs cultures, en général? En un mot,
est-ce qu'on peut mesurer l'influence de cette loi sur la vie économique
de l'agro-alimentaire? Est-ce qu'on a mesuré toutes les incidences de
cette loi? Dans mon comté, M. le Président, il y a plusieurs
fermes. Toute notre région de la rive sud est une grande région
de spéculation et les gens attendaient. Tout près de ma maison,
chez moi, combien de fermes sont en friche depuis des années! On
attendait. La ville de Saint-Jean grandissait constamment et les gens
attendaient cinq ans, dix ans, quinze ans pour vendre. Ils attendaient le jeu
de la spéculation. Il y a toutes sortes de rumeurs qui courent à
ce sujet. Est-ce que c'est fondé? Qu'en est-il? Enfin, est-ce que vous
comprenez ma question? Qu'en est-il?
M. Proulx (Jacques): En fait, vous avez à la page 14 un
tableau qui vous donne assez clairement l'évolution du prix des fermes,
l'indice des prix des terres. Il n'y a pas eu une variation énorme. Je
pense que cela a surtout stabilisé les choses. Il y a probablement eu
une montée. Il y a eu une certaine remontée, mais qui s'est
stabilisée par ta suite. Il y a une tendance à la baisse assez
importante, à l'heure actuelle, mais c'est à cause d'autres
facteurs aussi. Ce n'est pas à cause du zonage.
L'implication économique pour les producteurs? Il y a une
implication, c'est bien évident, mais notre rôle est de travailler
pour les agriculteurs qui veulent vivre de l'agriculture et non pour ceux qui
veulent en sortir. La spéculation se faisait particulièrement,
comme vous le dites, dans votre comté et dans d'autres, dans la plaine
de Montréal, si vous voulez. Il était urgent que la loi 90 vienne
protéger particulièrement les meilleurs sols du Québec.
Cela fait que, pour nous, ce n'est pas complet tant qu'on n'aura pas,
rattachées à cela, des politiques d'encouragement à rendre
ces terres productives. C'est la lacune un peu de la loi 90 à l'heure
actuelle ou d'autres lois de remise en valeur. Je ne dirai pas de la loi 90,
mais de lois qui ont été annoncées, mais qui ne sont pas
nécessairement appliquées. Je pense qu'il devrait y avoir des
facteurs d'encouragement - non seulement ne plus avoir le droit de les vendre -
et d'incitation à rendre ces sols productifs. D'ailleurs, vous avez eu -
en tout cas, je regarde, parce que je passe assez souvent sur ces routes - un
certain nombre de ces terres qui ont été remises assez rapidement
en production. Dans le bout de Brossard et ainsi de suite, dans le bout de
Saint-Hyacinthe aussi, des terres qui étaient abandonnées depuis
fort longtemps ont été remises en cultures, mais il faudrait
qu'il y ait d'autres incitatifs.
M. Proulx (Saint-Jean): Vous répondez à la
dernière question que je vous posais. Donc, la superficie ou
l'exploitation des fermes du Québec a augmenté depuis cette
loi?
M. Proulx (Jacques): Dans les meilleurs sols, oui, et de
façon assez importante. On n'a pas le tableau, mais on l'avait, il y a
quelques années. Je vais prendre le coin de Saint-Hyacinthe ou 5orel. Je
ne me souviens plus, mais en tout cas, assez près de Montréal, il
y avait une augmentation de...
Une voix: Saint-Basile ou Varennes.
M. Proulx (Jacques):... 45% à 49%, si ma mémoire
est bonne, de remise en valeur. C'est important.
M. Proulx (Saint-Jean): Il y a une loi pour la remise en valeur.
Il y a des subventions pour cela. Est-ce que c'est beaucoup utilisé?
M. Proulx (Jacques): Comme je vous l'ai dit tout à
l'heure, il y a une loi, mais, à ma connaissance, elle n'est pas
appliquée.
M. Couillard: Pour entrer dans les critères qu'elle a,
c'est très difficile.
M. Proulx (Jacques): Elle ne répond pas à l'heure
actuelle.
M. Proulx (Saint-Jean): Elle ne répond pas; c'est
important. Elle ne répond pas aux besoins ou aux exigences
actuelles.
M. Proulx (Jacques): À notre avis, en tout cas, elle n'y
répond pas.
M. Proulx (Saint-Jean): Dans quel sens n'y répond-elle
pas?
M. Couillard: C'est parce qu'il faut en avoir assez grand, mais
pas trop grand. Cela dépend aussi des lots, si ce sont des
moitiés de lot ou des lots complets. Il y a plusieurs facteurs ou
critères qui, pour nous, ne sont pas directement...
M. Proulx (Jacques): C'est limité à la production
céréalière à l'heure actuelle. Nous avons toujours
dit qu'il fallait que cela soit ouvert à toutes les productions.
À l'heure actuelle, la loi est limitée uniquement à la
production céréalière.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Je
m'excuse auprès du député de Saint-Jean, mais son droit de
parole est épuisé. On passe maintenant au député de
Huntingdon qui disposerait, quant à lui, d'environ quatre minutes. Il
sera suivi du député d'Arthabaska.
M. Dubois: En tout premier lieu, j'aimerais vous saluer, M. le
président, ainsi que tous les officiers qui vous entourent. J'aimerais
vous indiquer ma très grande appréciation du document que vous
nous avez présenté. Il nous indique très bien les nombreux
problèmes qui existent chez les producteurs agricoles du Québec.
Vous avez cerné plusieurs de ces problèmes et vous avez
apporté des suggestions très valables et très
intéressantes. Je vous en félicite.
Étant donné que le temps est très limité, je
vais y aller tout de suite avec une première constatation qui m'a quand
même surpris un petit peu au tableau 1 de votre document, où on
parle des dépenses d'exploitation agricole. Si on compare les chiffres
au plan de l'alimentation des animaux, le pourcentage du Québec par
rapport à celui du Canada, on y retrouve un écart énorme.
La question que j'aimerais vous adresser: Est-ce parce que cela coûte
trop cher au Québec pour produire des céréales ou si c'est
parce qu'on doit en faire venir une très grande quantité d'autres
régions ou, encore, si c'est parce que le climat ne s'y prête pas
aussi bien qu'ailleurs? Il reste que nos productions en difficulté, qui
sont celles du porc et du boeuf de boucherie, doivent subir un coût
d'alimentation très élevé comparativement à ce que
serait la moyenne canadienne. Est-ce que ce fait peut être relié
aux problèmes que vivent les producteurs de porc et de boeuf de
boucherie?
M. Proulx (Jacques): Il peut y avoir des relations, c'est bien
évident, mais la cause majeure est le développement de certaines
productions sans sol. C'est un des facteurs majeurs qui font que le chiffre est
pas mal plus élevé que dans le reste du Canada. Ailleurs, en
Ontario, par exemple, où on fait ces mêmes productions avec sol,
on est autosuffisant ou autosuffisant à un très haut pourcentage.
C'est plus une intégration à la ferme. Au Québec, on a
développé davantage des productions sans sol totales.
II est bien évident que la question des céréales a
une relation très étroite. Comme il faut faire venir
énormément de céréales, cela se rajoute au
coût. C'est ce qui fait la différence avec l'Ouest, par exemple,
qui a ses céréales sur les lieux, etc. François.
M. Côté (François): Une autre source de
différence, c'est qu'on est plus spécialisé au
Québec dans les productions animales.
M. Proulx (Jacques): C'est cela.
M. Côté (François): Cela se rajoute. On est
spécialisé dans les productions animales et on a fait une grande
production de porc et de volaille sur une base sans sol. Les deux sont
additionnées. On ne peut pas en faire dire plus aux chiffres qu'ils ne
peuvent en dire, mais ce sont les deux explications qui font que notre
pourcentage d'achat d'alimentation est plus élevé que dans le
reste du Canada.
M. Dubois: Ceci m'amène à souligner l'importance
que les agriculteurs, les producteurs sans sol, au plan du porc ou d'autres
productions animales, produisent autant que possible leur alimentation animale.
Je pense qu'il faudra peut-être se diriger dans ce sens parce que, si on
considère les 705 000 000 $ pour le Québec par rapport aux 2 162
000 000 $ pour l'ensemble du Canada, le pourcentage augmente tellement qu'on ne
peut plus, au plan de la concurrence, se permettre de faire de la production
sans sol, si on veut rester sur le marché. Je ne sais pas si on peut
relier cela, mais des problèmes existent. Il semble évident qu'on
a une lacune dans ce sens-là.
M. Proulx (Jacques): De là découlent une multitude
de problèmes. On est parfaitement d'accord sur cela, c'est l'orientation
qu'on doit prendre rapidement. Tu peux ajouter à cela l'environnement
et
ainsi de suite.
M. Dubois: Il y a un autre point que je voulais souligner. Je ne
voudrais pas tomber dans le négativisme, mais j'écoutais un
programme américain, vers le milieu de janvier, où les
intervenants indiquaient le mécontentement des Américains
à l'endroit des entrées de porc canadien. C'était un des
points soulevés et il semblerait que des pressions très fortes se
font sur Washington afin d'établir des barrières à
l'entrée de porc canadien sur le marché américain. Si cela
se produisait, j'imagine que cela pourrait affecter encore davantage la survie
de nos producteurs de porc ici, au Québec.
M. Proulx (Jacques): II y a un grand problème à
l'heure actuelle, mais ce n'est pas nouveau, les Américains aiment bien
jouer à la vierge offensée. Ils devraient plutôt regarder
dans leur cour ce qui se produit à l'heure actuelle. François a,
tout à l'heure, donné des chiffres. On est passé de
quelques milliards d'aide à pratiquement 20 000 000 000 $ en quelques
années; je pense qu'ils n'ont de leçon à donner à
personne quant à l'aide offerte aux producteurs. On devra quand
même faire valoir très fortement ces données; elles sont
réelles. Si on ramène cela aux proportions du Québec ou du
Canada, même à ce niveau, l'aide est de beaucoup supérieure
au Québec et au Canada.
M. Dubois: Même au-delà de cette aide, on peut
constater que les producteurs américains, enfin, une bonne partie des
producteurs américains sont en très grande difficulté.
M. Proulx (Jacques): C'est évident. Quand vous voyez, dans
un État de 13 000 agriculteurs, que 11 000 vont manifester au Capitole,
c'est parce qu'il y a des difficultés évidentes.
Le Président (M. Vallières): Là-dessus, je
dois arrêter cet échange de vues, si on veut respecter le droit de
parole du député d'Arthabaska. Je cède donc la parole au
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci. Je m'excuse de mon retard, à
cause de la température. J'espère que mes questions ne seront pas
des répétitions. Peut-être que ce seront des questions qui
ont déjà été posées, mais, en tout cas, je
vais essayer de m'en tenir à ce que j'ai entendu depuis mon
arrivée.
Tout à l'heure, vous avez expliqué - et je crois que vous
aviez bien raison - qu'un bon financement agricole réglerait le
problème d'un paquet de subventions qui sont éparpillées
un peu partout dans le décor. Par contre, j'aimerais que vous me disiez
quelques mots sur ce qui suit. Avec un bon financement, comment pourrait-on
encourager les agriculteurs à s'engager dans des productions nouvelles,
comme on l'a vu dans le passé? Pensez-vous que c'est nécessaire
de maintenir une certaine proportion de subventions aux agriculteurs afin de
les inciter à se diriger vers certaines productions ou si seul un bon
financement pourrait régler cela?
M. Proulx (Jacques): Les nouvelles productions, ce n'est pas
uniquement un bon financement à long terme qui va régler le
problème. Les mots le disent bien, "nouvelles productions", cela veut
dire nouveaux marchés, nouvelles habitudes, toute la technique à
aller chercher et ainsi de suite. Par exemple, quant à la mise en
marché, même si c'est l'une de nos responsabilités -et on
est prêt à la prendre - au départ, il faut une aide de
l'État pour faire la recherche des marchés et la mise en place de
mécanismes pour faire ces marchés. C'est tout cela, en fait. Cela
ne peut pas se limiter aux nouvelles productions parce que c'est un choix de
société, de pouvoir employer au maximum les possibilités
et, à partir de là, les élargir davantage et les adapter
à ces productions.
Le gros problème, c'est que l'on cherche trop à
standardiser. On va comparer un élevage de lapin avec la production
laitière. Cela n'a pas de maudit bon sens parce qu'il y a tellement de
facteurs différents. Ou la chèvre, si on veut, comparée au
secteur laitier. Il faut vraiment respecter les critères de base et
tenir compte des particularités.
M. Blanchette: Il est peut-être important de
préciser là-dessus que ce qui est développé
là-dedans, c'est que le financement est la base. S'il est bien
appliqué, il peut peut-être remplacer un certain nombre
d'interventions sporadiques par des subventions qui veulent éteindre des
feux ou régler des problèmes insolubles. Mais ce n'est pas la
seule politique de base qui doit être appliquée. Il faut que le
financement soit complété par des politiques d'assurance et des
politiques au niveau de la recherche et de la commercialisation. Là, on
s'attarde au financement, mais il ne faudrait pas laisser croire qu'en
réglant le problème du financement on pourrait enlever d'autres
politiques de base. Ce qu'on dit, c'est que le financement, s'il est bien
appliqué, pourrait, comme les politiques de stabilisation et de
commercialisation, éviter au gouvernement des interventions sporadiques
pour régler des problèmes immédiats qui se
présentent par des subventions directes.
M. Baril (Arthabaska): C'est bien. Il y a
quelques années, avec mes collègues, on avait
proposé au gouvernement une politique agricole qui devait s'orienter en
quatre points: un bon financement - ce n'est pas en ordre de priorité -
la recherche, l'assurance-agricole et la mise en marché. Je pense que si
on pouvait appliquer les quatre ensemble on réglerait probablement bien
des problèmes dans la situation agricole.
Je ne voudrais pas que vous pensiez que j'essaie de chercher des
"bibites" dans votre affaire; de toute façon, je vous ai dit que je n'ai
pas eu le temps de lire votre texte. Je me pose une question et j'aimerais
connaître vos intentions là-dessus. Tout le monde est d'accord
pour qu'il y ait un meilleur financement pour la relève agricole, entre
autres. Quelles seraient les conséquences d'un financement
adéquat, qu'on pourrait définir ensemble, mais qui serait
réaliste, pour aider la relève? Quelles conséquences cela
pourrait-il avoir sur le coût des terres ou la vente des terres,
dépendant du côté où on se place? Est-ce que
ça pourrait avoir comme conséquence d'augmenter le coût des
terres? Il y a quelques années, lorsqu'il y a eu beaucoup de nouveaux
arrivants au Québec qui sont venus acheter nos terres, ils avaient plus
de "cash" à donner que nous autres et cela a fait augmenter le prix.
Aujourd'hui, il y en a plusieurs qui ont abandonné parce qu'ils ne sont
pas capables de continuer et le prix des terres baisse. Vous devez sans doute
avoir quelques suggestions à faire là-dessus ou quelques
recommandations. Vous vous êtes sans doute penchés sur ce
problème-là. Quelles sont les conséquences d'un
financement adéquat sur le prix des terres pour vous?
M. Proulx (Jacques): C'est toujours difficile de dire quelles
conséquences cela peut avoir. À notre avis, ce qu'on demande,
c'est d'avoir un crédit adapté aux besoins des années
qu'on vit. Je pense qu'il y a assez de critères mis en place, justement,
dans nos recommandations: la question de rentabilité. Il y a une
série de facteurs dont on veut qu'on tienne compte qui n'auront pas une
influence marquée sur le prix des terres.
Je pense que ce sera une question d'offre et de demande. C'est une
question de rentabilité de production. Il y a bien des facteurs. Nous ne
croyons pas que ça puisse jouer un rôle déterminant sur le
prix des sols. Dans notre document, on dit: Autant l'office a été
ouvert et exagérément ouvert dans les productions, parce qu'on
n'a pas mis de planification, autant aujourd'hui il est fermé. Il doit y
avoir un juste milieu à trouver et, en le trouvant, il n'y aura pas
d'effets néfastes sur des particularités, sur le coût du
sol ou sur d'autres. Ce sera une question de rentabilité qui va tenir
compte de tous les facteurs qui déterminent ça.
M. Blanchette: Il y a peut-être deux éléments
qu'il faut considérer dans une politique comme ça. Il faut dire
d'abord que l'inquiétude serait justifiée s'il n'y avait pas de
maximums et de critères établis pour les prêts ou les
incitatifs spéciaux accordés aux jeunes. Comme il y a des
maximums encore en deça de la valeur réelle des entreprises pour
faire vivre une famille, le danger est beaucoup moins grand. Cela a plus pour
effet d'élargir le nombre d'acheteurs disponibles.
Il faut peut-être raisonner aussi à l'inverse. Si on n'a
pas des politiques favorables pour permettre aux jeunes d'avoir accès
aux entreprises agricoles, le phénomène qui va se passer, c'est
que les entreprises déjà existantes vont racheter les autres
entreprises et on va accélérer, par une politique comme
celle-là, le grossissement des entreprises. C'est un choix de
société politique qu'il faut faire aussi à un moment
donné et ça nous apparaît être une mesure qui
maintient des unités agricoles de type familial.
M. Baril (Arthabaska): Tout à l'heure, on discutait aussi
du réinvestissement des profits de la vente de la ferme dans la
même entreprise. On parlait du partage des garanties dont vous avez
discuté tout à l'heure. Si cela fonctionnait, tant mieux, mais
j'espère que tous les intervenants pourraient mieux s'entendre sur le
partage des garanties que la société et l'office s'entendent
actuellement. Dans combien de dossiers j'ai eu à aider des gens de
différentes façons pour que les deux s'entendent sur un certain
partage des garanties. Ma question est celle-ci. C'est évident qu'il y a
des choses que vous suggérez pour faciliter cela, mais que
penseriez-vous si, au Québec, on formait ou on créait une sorte
de banque agricole? Ce serait l'argent de la vente des terres que les
agriculteurs pourraient y placer. Cela faciliterait le partage des garanties
parce que le vendeur placerait son argent, à un taux
d'intérêt aussi avantageux que n'importe où ailleurs, dans
la banque agricole et ce serait la banque agricole elle-même qui, en
réalité, prendrait les garanties qu'elle voudrait. Que
pensez-vous de cette formule?
M. Proulx (Jacques): Écoutez! D'ailleurs, je pense qu'on a
été les premiers, en tout cas on a été dans les
premiers, à précisément discuter de la question d'une
banque agricole. On ne s'y oppose pas, mais on s'oppose à mettre en
place une nouvelle banque. Je pense qu'il va falloir - c'est la partie
importante - accrocher à cela des avantages fiscaux. S'il n'y a pas
d'avantages fiscaux à cela, ne créons pas une nouvelle banque. Il
y en a en masse à l'heure actuelle qui font la pluie et le beau temps.
On n'a pas besoin d'en créer une autre pour avoir
les mêmes résultats parfois, par périodes, si vous
voulez. Mais si c'est clair et net qu'il y a des avantages fiscaux importants
de rattachés à cela, c'est une possibilité avec les autres
possibilités, parce qu'il faut avoir un choix de possibilités. Il
ne faudrait pas dire: Cela est parfait, transférez le tout là. Il
faut regarder le choix qu'on a: banque, caisse, différentes mesures.
Le Président (M. Vallières): Merci. Cela
termine...
M. Couillard: Si vous me le permettez, au sujet de la banque
agricole...
Le Président (M. Vallières): Oui, en
complétant.
M. Couillard:... je pense que c'était regardé au
niveau du fédéral. Ils sont allés faire une étude
aux États-Unis. Ils sont revenus en disant qu'il y avait beaucoup
d'avantages, mais souvent plus d'avantages pour les banques que pour les
agriculteurs. J'ai nettement l'impression que si on va dans une banque
agricole, comme le président l'a dit, ce doit être avec des
mesures incitatives fiscales, également probablement avec un holding qui
sera administré exactement pour que cela aille à l'agriculture.
Autrement, cela va aller à tout le monde sauf à
l'agriculture.
Le Président (M. Vallières): D'accord. Je m'excuse
auprès du député d'Arthabaska qui aurait eu d'autres
questions. Je remercie beaucoup les représentants de l'Union des
producteurs agricoles et leur dis que, comme d'habitude, le mémoire
qu'ils ont présenté témoigne de beaucoup de pertinence et
vraiment de leur souci de se tourner vers l'agriculture de l'avenir au
Québec.
J'insisterais à ce moment-ci sur la ponctualité des
membres de la commission puisque nous recommencerons nos travaux à 15
heures précises avec l'étude du mémoire de la Chambre des
notaires du Québec. On vous demanderait d'être présents
à 15 heures pile pour qu'on commence. Encore une fois, merci beaucoup
aux représentants de l'Union des producteurs agricoles.
M. Proulx (Jacques): On vous remercie, M. le Président, et
on vous fera suivre les différents documents qu'on vous a dit qu'on vous
fournirait.
Le Président (M. Vallières): La commission suspend
donc ses travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 39)
(Reprise à 15 h 5)
Le Président (M. Vallières): Comme convenu, nous
reprendrons nos travaux avec la Chambre des notaires du Québec.
J'inviterai le président à présenter tantôt, avant
le début de son mémoire, l'équipe qui l'accompagne. Je
voudrais rappeler aux parlementaires de faire en sorte qu'on débute
à l'heure afin qu'on puisse profiter du maximum de temps possible pour
interroger les organismes qui viennent devant nous.
M. Proulx (Saint-Jean): Le pouvoir est-ce qu'il est
représenté?
Le Président (M. Vallières): Sans plus tarder, M.
le Président, je vous cède la parole.
Chambre des notaires du Québec
M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais souligner que le travail de la Chambre des notaires est dû
à l'invitation du président de l'Office du crédit
agricole, M. Camille Moreau, qui est venu nous rencontrer en juin de l'an
dernier pour nous associer au travail de préparation d'un sommet
économique qui devait avoir lieu l'automne dernier. Les choses
étant ce qu'elles sont, la commission siège avant ce sommet qui
n'a pas été tenu; donc, il nous fait plaisir de communiquer
à la commission le fruit de nos travaux.
Je m'empresse également, M. le Président, de vous
présenter rapidement les artisans de ce travail. Tout d'abord, à
ma droite, le notaire Michel Dionne, de la région de Joliette, qui a
présidé le comité ad hoc qui nous a permis de vous
présenter ce rapport et qui est évidemment d'une région
agricole bien connue du Québec. À sa droite et à ma droite
également, le notaire Pierre Duval, notaire à l'Assomption,
également une région agricole qui nous a apporté son
expérience dans le financement agricole, ainsi que le notaire Daniel
Ferron, qui travaille à l'UPA, qui n'est pas présent avec nous,
mais que faisait partie aussi de la table de travail. À ma gauche, le
notaire Laurence Charest, qui a coordonné le travail du comité et
qui a présidé à la rédaction finale du rapport; Me
Louis Sylvestre, avocat à Berthier et Montréal,
spécialisé dans les questions de l'agriculture et qui a
participé activement à nos travaux. Me Sylvestre est depuis
plusieurs années associé à la Chambre des notaires pour la
formation des notaires en matière de zonage et de financement agricoles.
Vous retrouvez aux deux extrémités, tout d'abord, à mon
extrême gauche, le notaire Julien Mackay, qui est directeur du service de
la recherche à la Chambre des notaires et qui se trouve donc être
la personne responsable de tous les
travaux de recherche et notamment celui-ci. À mon extrême
droite, vous avez un membre du comité administratif de l'Ordre des
notaires, qui représente le public du Québec en
général mais qui a la particularité - c'est la raison pour
laquelle nous l'avons invité à être présent avec
nous à la table - d'avoir fait carrière dans le monde agricole et
de l'agro-alimentaire: il s'agit d'un économiste de profession, M.
Léonard Roy, qui fut, si je ne me trompe, vice-président et
directeur général du Conseil de l'industrie laitière
jusqu'à tout récemment. M. Roy est également disponible
pour ajouter un éclairage aux propos que nous allons tenir.
Ceci étant dit, M. le Président, avec votre permission je
vais sauter l'introduction à notre rapport, dans laquelle nous
mentionnions que le notariat, depuis les tout débuts de la colonisation,
ici, en terre d'Amérique, s'était associé aux
agriculteurs, pour brièvement décrire l'état de la
situation, ce qui vous a été donné finalement d'une
façon beaucoup plus précise par les représentants de l'UPA
ce matin.
Dans ce chapitre nous mentionnons que le monde agricole a connu ses
échos de la révolution tranquille au cours de la dernière
décennie. Ceci s'est exprimé par une modernisation des
entreprises agricoles et, par voie de conséquence, par une demande
accrue de capitaux pour financer ces modifications, cette modernisation. Le
résultat fut toute une période d'effervescence. La conjugaison de
ces éléments a entraîné des transformations majeures
et rapides de la ferme québécoise, accompagnées d'un
accroissement de la productivité. Toutefois, ce fort mouvement
expansionniste a nécessité l'injection dans la ferme de capitaux
considérables dont ne disposait pas l'agriculteur. Il lui a donc fallu
emprunter pour investir, comme on l'a dit ce matin. Mais comme, pendant une
période donnée, le soleil luisait fort et les taux d'inflation
étaient supérieurs aux taux d'intérêt, tout cela
créait une certaine logique qui soutenait qu'on y aille galamment dans
les emprunts.
Toutefois, on allait assister au début de la présente
décennie, donc les années 1980-1981, à un renversement de
la préposition: les taux d'intérêt sont propulsés
vers des sommets insoupçonnés alors que l'inflation s'effondre.
Et pour coiffer le tout, le monde agricole expérimente la stagnation et
la réduction des prix, tandis que l'écologie s'attaque à
certains types de production naguère fort prisés.
Faut-il en dire plus pour décrire l'étouffante situation
économique dans laquelle bon nombre d'agriculteurs se retrouvent comme
au lendemain d'une sévère cuite? Désormais,
l'invraisemblable se réalise: celui qui, dans notre
société, a charge de créer la nourriture, fait
grève de la faim.
Les chiffres traduisent avec plus de justesse que la prose l'état
de la situation. Puisés dans le sondage agricole de 1984,
réalisé par la Société du crédit agricole du
Canada, ceux-ci nous révèlent au bilan de l'agriculture
québécoise qu'entre 1981 et 1984, on retrouve que le passif
à court terme s'est accru de 78, 9% alors que la moyenne canadienne
correspondante est de 18%; le passif à moyen terme s'est accru de 16, 5%
alors que l'équivalent national ou canadien est de 11, 1%; et le passif
à long terme s'est accru de 32, 1% au regard de 19, 8% pour l'ensemble
canadien.
C'est ce dernier chiffre qui semble nous concerner davantage, qui
mérite d'être relevé et mis en rapport avec l'augmentation,
s'il en est, de la valeur des actifs à long terme pour la même
période. Ainsi, à une hausse de 32, 1% de l'endettement à
long terme correspond un accroissement d'actif de 0, 1% - on vous donne la
référence au sondage en question, réalisé par la
Société du crédit agricole -c'est-à-dire, donc,
qu'à des emprunts totalisant quelque 407 000 000 $ effectués
entre 1981 et 1984 par des agriculteurs québécois ne correspond
qu'une prise de valeur réelle de 7 000 000 $, soit un taux
d'efficacité de 1, 7%.
Quand on se rappelle que la valeur des actifs à long terme figure
pour 50% de l'ensemble des actifs de la ferme québécoise moyenne,
il y a lieu de s'interroger sur la pertinence de ces emprunts et, par
extension, sur la qualité de la gestion de l'emprunteur. Si la
qualité de l'administration n'est pas mise en cause, alors là, il
y a un symptôme économique particulier sur lequel - je vous
prierais de corriger: le politique au lieu de la politique - le politique doit
se pencher de toute urgence.
Nous ne prétendons pas connaître la ou les causes de ce
piètre rendement, mais notre expertise nous autorise à sonner la
cloche: On ne peut pas tolérer longtemps qu'à de l'investissement
à long terme ne corresponde aucun enrichissement un tant soit peu
durable. D'ailleurs, le glissement de la ferme québécoise en
deçà du ratio de 80% de l'avoir net - on en a parlé ce
matin - est un autre indice du sérieux d'une tendance qu'il faut
diagnostiquer sans délai. Car avec un coefficient de 75%, le
Québec se distingue de toutes les autres régions agricoles du
pays qui sont demeurées au-dessus de la marque des 80%.
Enfin, à la consultation du même bilan, un autre
élément saute aux yeux: la valeur du quota, c'est-à-dire
du privilège de produire, qui a connu entre 1981 et 1984 un
accroissement de l'ordre de 60%, passant de 30 344 $ à 47 309 $. La
réévaluation à la hausse du quota constitue en fait la
seule appréciation d'actifs de la ferme québécoise pour
toute cette période. Si on réalise que,
sans l'augmentation de la valeur de cet intangible artificiel, le bilan
serait négatif, il y a lieu également de se pencher sur cette
réalité et de considérer les sommes importantes que les
quotas accaparent dans la masse monétaire disponible à
l'agriculture pour repenser tous les modes de financement de ces
privilèges.
En somme, en créant l'occasion de la présente
réflexion, l'initiative des autorités politiques est heureuse:
même si la situation actuelle n'a rien de dramatique, et que, par rapport
à d'autres secteurs industriels, la ferme québécoise
puisse encore s'enorgueillir du plus faible taux d'endettement, le bilan des
dernières années a néanmoins révélé
des tendances qui ne doivent sous aucun prétexte devenir
irréversibles.
Nous nous appliquerons, dans les minutes qui vont suivre, à
soulever d'une façon bien concrète des problèmes
liés au financement agricole et à formuler certaines
recommandations en vue d'améliorer les mécanismes actuels. Nous
suggérerons, par la suite, quelques idées neuves qui auront
peut-être le mérite d'épouser davantage la
complexité des besoins financiers de l'entreprise agricole.
Tout d'abord, les problèmes des formules actuelles de financement
et nos recommandations. L'agriculture nécessite un investissement
important en capital, on l'a vu ce matin. La valeur moyenne de la ferme en 1984
se situe aux environs de 300 000 $. Le producteur agricole a recours aux
institutions privées et publiques pour obtenir les capitaux de
financement ou d'investissement qui lui sont nécessaires et favorise
davantage l'emprunt à long terme. (15 h 15)
Selon le sondage agricole de 1984, qu'on a cité tantôt,
l'encours au crédit à long terme s'est accru de 32, 1% au cours
des trois dernières années et représente plus de 66% du
passif total. Le marché du crédit à long terme est
dominé par les banques et les caisses de crédit qui
détiennent 54, 8% du marché, suivies de la 5ociété
du crédit agricole avec 27, 2% et de l'Office du crédit agricole
avec 13, 9%.
La participation importante des institutions privées dans le
financement agricole à long terme peut s'expliquer par le fait que le
gouvernement du Québec, par le biais de l'Office du crédit
agricole, garantit tous les prêts consentis en vertu de la Loi favorisant
le crédit agricole à long terme par les institutions
privées. Ce système de prêt, communément
appelé le système tandem, est le favori des agriculteurs
puisqu'il leur permet d'obtenir un prêt au taux de base bancaire
majoré de 0, 5% et une subvention d'une partie de l'intérêt
par l'Office du crédit agricole.
Le prêt tandem. Il est évident que l'avènement du
système tandem en 1978 a contribué au financement de nos
agriculteurs. Toutefois, son processus administratif est beaucoup trop long. On
vous réfère, ici, à l'annexe. Il faut prévoir un
délai d'au moins six à sept mois à compter de la demande
de prêt pour obtenir le déboursé des fonds, Dans les
dossiers nécessitant une autorisation de la Commission de protection du
territoire agricole du Québec, ce délai peut atteindre
jusqu'à 18 mois. L'agriculteur qui éprouve un besoin urgent de
financement doit donc contracter un emprunt à court terme à un
taux d'intérêt beaucoup plus élevé.
La Chambre des notaires considère que le long processus
administratif du système tandem occasionne pour l'agriculteur des
délais et des frais additionnels de financement. Il lui semble que l'on
pourrait simplifier le déroulement du prêt. Par exemple, nous
doutons que la désignation cadastrale complète accompagnée
d'une copie du plan et livre de renvoi soit essentielle à l'office pour
juger du crédit de l'emprunteur. Une description sommaire des garanties
et des charges qui les grèvent nous paraît suffisante pour
évaluer les garanties du prêteur. De plus, nous ne voyons pas
l'utilité de conserver l'examen du dossier de demande de prêt
à deux niveaux. La vérification par le représentant
régional de l'office ou par le service des prêts de l'office
devrait être suffisante pour l'émission du certificat de
prêt.
Selon les dispositions de la Loi favorisant le crédit à
long terme par les institutions privées, le prêteur, sous le
système tandem, doit détenir une hypothèque de premier
rang. Or, depuis fort longtemps le gouvernement fédéral, par le
biais de la Société du crédit agricole du Canada, est
impliqué dans le financement à long terme et détient sur
plusieurs exploitations agricoles des privilèges et des
hypothèques de premier rang que l'agriculteur a souvent avantage
à conserver en raison du faible taux d'intérêt auquel ces
prêts ont jadis été accordés.
L'agriculteur qui désire bénéficier des avantages
d'emprunt du système tandem doit donc obtenir de la
Société du crédit agricole du Canada une cession de
priorité de rang ou encore une mainlevée. Comme il est normal que
les deux créanciers recherchent le maximum de garanties, la
Société du crédit agricole du Canada ne consentira
généralement à cette cession de priorité ou cette
mainlevée que sur une partie des immeubles affectés. Il en
résulte un partage de garanties qui risque, d'une part, de mettre en
péril, selon les dispositions de la Loi sur la protection du territoire
agricole, la clause de dation en paiement contenue dans l'acte
d'hypothèque. D'autre part, l'exercice éventuel de cette clause
par l'un des créanciers hypothécaires amènera le
morcellement du territoire agricole que tend
justement à éviter la Loi sur la protection du territoire
agricole.
La Chambre des notaires est d'avis qu'il serait avantageux, tant pour
l'agriculteur que pour la société en général, que
le législateur modifie la Loi favorisant le crédit agricole
à long terme par les institutions privées de façon
à permettre que le prêteur sous le système tandem puisse
effectuer un prêt garanti par une hypothèque de deuxième ou
troisième rang ou encore que la Société du crédit
agricole du Canada soit accréditée comme institution
prêteuse.
Donc, à la page 11 vous retrouvez deux recommandations
précises: simplifier le processus administratif de l'Office du
crédit agricole pour l'expertise et l'émission du certificat de
prêt et modifier la Loi favorisant le crédit agricole à
long terme par les institutions privées de façon à
éviter le partage des garanties.
À la garantie des emprunts contractés à long terme,
le créancier exigera généralement une hypothèque
sur le fonds de terre et les bâtiments et un nantissement agricole sur
les animaux et les produits de l'exploitation, présents et à
venir, et sur l'équipement et l'outillage agricole.
Le notaire, garant de la validité et de l'efficacité des
contrats relatifs aux garanties hypothécaires et aux nantissements, joue
un rôle primordial dans ce domaine. C'est un peu la raison qui nous
amène devant vous.
Garanties hypothécaires. Lorsque l'agriculteur consent une
hypothèque sur son fonds de terre et ses bâtiments, le notaire
chargé de garantir la validité et l'efficacité des titres
éprouve en la matière de grandes difficultés. Au cours des
dix dernières années, en effet, une multitude de lois, de
règlements, de normes se sont superposés dans le domaine
agricole. Le notaire, ne devant ignorer aucune de ces nouvelles exigences
parfois contradictoires, fait face à des difficultés majeures qui
génèrent des coûts supplémentaires et surtout des
délais et des incertitudes très onéreuses tant pour
l'agriculteur que pour le créancier et la société en
général.
Le notaire, examinateur de titres, doit d'abord s'assurer que toutes les
ventes déjà faites et l'hypothèque projetée
constituent des titres inattaquables en regard de la Loi sur la protection du
territoire agricole et de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme au
Québec. Il doit également se pencher sur des textes
réglementaires, interpréter leur portée et leur sens
véritable, déterminer l'ordre à prévaloir entre la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme au Québec et la Loi sur la
protection du territoire agricole, et concilier les autres différentes
réglementations régionales et municipales avec les projets de sa
clientèle.
Afin d'illustrer ces difficultés et les conséquences qui
en résultent pour le financement agricole, nous vous présentons
à l'annexe Il, quelques exemples que l'on pourrait considérer
comme fréquents dans la pratique notariale.
De façon réaliste, on dénombre des centaines de
vices de titres et de titres précaires qui découlent des
incertitudes créées par ces lois et règlements.
Étant donné l'étendue des restrictions au libre exercice
du droit de propriété imposées par ces législations
et la sévérité des sanctions prévues au cas de
non-respect des dispositions, il nous semble que certaines améliorations
doivent être apportées à ce régime juridique de
l'aménagement et de la protection du territoire agricole pour assurer la
sécurité et la transparence des transactions tout en respectant
la volonté du législateur.
Nous recommandons donc de stabiliser le droit et d'harmoniser les lois,
les règlements et les normes dans le domaine agricole; de prévoir
un mécanisme de ratification des titres par l'émission de
certificats de conformité ou de régularité; et enfin,
d'établir une prescription d'un an pour toute demande en nullité,
en regard des articles 30 et 82 de la Loi sur la protection du territoire
agricole et des articles 73 et 227 à 233 de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme au Québec.
Le nantissement agricole. Certains prêts et ouvertures de
crédit consentis aux agriculteurs sont garantis par un nantissement
agricole sur les animaux de la ferme et les produits de l'exploitation,
présents et à venir, la machinerie et l'outillage agricole.
Dans le but de favoriser le financement agricole, ne devrait-on pas
hâter la mise en vigueur de l'hypothèque mobilière telle
que proposée par l'Office de révision du Code civil?
Par analogie à l'hypothèque immobilière, la Chambre
des notaires est d'avis que cette hypothèque mobilière devrait
s'éteindre après quinze ans de la date de l'enregistrement de
l'acte qui la constitue, lui donne effet ou la renouvelle, "à moins que
cet enregistrement n'ait été renouvelé avant l'expiration
de ce délai". Le renouvellement de l'enregistrement devrait se faire en
suivant les mêmes formalités que l'hypothèque
immobilière. De plus, il faudrait prévoir un mode de radiation
légale qui pourrait s'opérer par le seul écoulement du
temps et par la déchéance du droit. Après
l'écoulement d'une période de quinze ans sans renouvellement, il
faudra prévoir que l'hypothèque mobilière puisse
être radiée sur simple demande de l'intéressé pourvu
qu'une telle demande soit faite par acte authentique, conformément aux
articles pertinents du Code civil du Bas-Canada.
La Chambre des notaires remarque que
l'article 1979g du Code civil du Bas-Canada accorde la
possibilité de renouveler l'enregistrement du nantissement commercial -
c'est une réalité actuelle - et qu'il n'y a aucune disposition en
ce sens pour le nantissement agricole. Si une telle disposition était
adoptée pour le nantissement agricole, avant d'opter pour
l'hypothèque mobilière proposée ci-dessus, il faudrait
prévoir immédiatement un mode de radiation légale.
Dans l'état actuel du droit, cette sûreté permet au
créancier, en cas de défaut de l'emprunteur, d'exiger la remise
des biens nantis et de les vendre à l'enchère. La Chambre des
notaires est d'avis que cette procédure ne permet pas de retirer le prix
maximum des biens nantis. La vente des biens à l'enchère
s'effectue souvent à un prix inférieur à leur valeur,
surtout lorsque le moment de la vente est peu propice et que le nombre
d'enchérisseurs est restreint. Elle croit qu'il serait avantageux, tant
pour le créancier que pour l'emprunteur, de pouvoir convenir, dans
l'acte de nantissement, en cas de défaut de l'emprunteur, la vente de
gré à gré, avec le consentement du débiteur.
La Chambre des notaires recommande donc de consacrer le principe de
l'hypothèque mobilière tel que proposé par l'Office de
révision du Code civil, de prévoir un mode de radiation et de
renouvellement du nantissement agricole ou de l'hypothèque
mobilière, si une telle proposition est acceptée, et enfin, de
modifier les articles pertinents du Code civil du Bas-Canada pour permettre la
vente de gré à gré des biens nantis, avec le consentement
du débiteur.
Maintenant, quelques propositions de nouveaux mécanismes de
financement. L'agriculture est l'un des secteurs de l'économie les plus
capitalisés. De fait, l'actif moyen de la ferme québécoise
est d'environ 300 000 $ et l'agriculteur doit posséder un avoir net
élevé pour assurer la rentabilité de son exploitation.
Certains vont même jusqu'à prétendre qu'un avoir net de 80%
est essentiel en agriculture.
Selon le sondage agricole de 1984, l'endettement moyen de nos
agriculteurs ne s'élève qu'à 25% de leurs actifs. La
situation des entreprises agricoles paraît bien meilleure que celle des
petites et moyennes entreprises des secteurs industriels et commerciaux qui
sont souvent beaucoup moins capitalisés. Cependant, cette apparence de
bonne santé financière est trompeuse. Une entreprise doit
rembourser ses dettes à l'aide de ses revenus et non pas de ses actifs.
Or en agriculture, la faiblesse et la variabilité des rentrées
monétaires, surtout dans les productions non contingentées, et
les coûts incontrôlables des intrants agricoles, à
différents degrés expliquent la nécessité d'un si
haut niveau de capitalisation.
Dans les productions contingentées, qui sont les plus rentables,
le permis de production, le quota, doit être maintenant acheté
à gros prix alors que la génération passée a
reçu ce droit tout simplement parce qu'elle produisait
déjà. L'augmentation de valeur de cet actif intangible, au cours
des dernières années, a contribué à alourdir
considérablement le fardeau financier de plusieurs de nos
agriculteurs.
La Chambre des notaires est consciente que le secteur agricole
représente un défi de plus en plus grand au niveau financier,
surtout pour les jeunes agriculteurs qui ont un avoir net très modeste.
Pour assurer le développement et l'orientation de notre agriculture,
elle croit qu'il faut rechercher de nouvelles sources de capital pour maintenir
nos agriculteurs à un niveau d'endettement raisonnable et favoriser
l'entrée de jeunes agriculteurs dans l'entreprise.
La première recommandation: l'abolition de l'impôt sur les
dons et sur les transmissions par décès, du moins pour les
entreprises agricoles, pour permettre le transfert sans aucune implication
fiscale du père à son fils. On ne dissertera pas
là-dessus, je pense que cela se comprend simplement. En tout cas, s'il y
a des questions, on pourra y répondre.
En second lieu, on propose que soit créé un régime
d'épargne agricole enregistré. C'est un peu par analogie au
régime d'épargne-logement enregistré. L'une des sources
premières de capitaux agricoles doit résider dans les
économies de l'agriculteur ou du futur agriculteur lui-même. Si
notre société est d'avis que le jeune intéressé
à s'établir dans l'agriculture doit être fermement
encouragé à faire carrière dans l'"entrepreneurship"
agricole, nos gouvernants doivent alors l'inciter à se créer un
pécule -je ne sais pas si dans votre texte vous avez le mot "pickle",
cela était dans la première version - qui lui servira de capital
de départ.
Troisièmement, financement par le vendeur. Au Québec, le
financement à long terme par le vendeur ne représente que 3, 5%
du financement total, alors qu'en Ontario il est de l'ordre de 22, 9%, une
moyenne légèrement plus basse pour l'ensemble du Canada. Cela
nous porte à une première réflexion: Est-ce que les gens
qui ont gagné leurs économies et leur fortune dans l'agriculture
ont si peu confiance qu'ils ne veulent pas laisser l'argent dans le circuit?
C'est peut-être une première matière à
réflexion.
Afin de conserver dans l'agriculture les capitaux libérés
lors de la vente d'une exploitation agricole, on devrait favoriser le
financement par le vendeur.
À cette fin, la Chambre des notaires invite le gouvernement
à adopter des mesures législatives et fiscales dans le but
d'offrir une certaine garantie et d'inciter le
vendeur à demeurer créancier lors de la vente de son
exploitation agricole. Ainsi, en conservant dans le circuit du financement de
l'agriculture des capitaux qui tirent leur origine de l'activité
agricole, nous introduirons plus de disponibilité et de souplesse.
Quatrièmement, financement par quota. Au Québec, certaines
productions sont contingentées par l'établissement de quotas.
Selon le sondage agricole de 1984, le quota de production représente en
moyenne 16% de l'actif total d'une exploitation agricole pour une valeur de 47
309 $. Évidemment les chiffres s'appliquent au Québec.
Dans certaines productions laitières, la valeur du quota peut
même atteindre jusqu'à 40% de la valeur totale de l'exploitation.
Comme nous l'avons souligné au début du présent
mémoire, c'est d'ailleurs le seul actif à moyen terme qui a connu
une augmentation de valeur au cours des trois dernières années.
L'acheteur d'un droit de production doit donc payer le gros prix pour cet actif
intangible alors que le vendeur a souvent reçu ce permis
gratuitement.
D'après la réglementation sur les quotas adoptée en
vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, le quota
peut être cédé ou vendu à certaines conditions mais
il ne peut pas être transféré à la garantie d'un
emprunt. Ainsi, l'agriculteur qui achète du quota doit financer cet
actif en faisant appel au crédit, sans possibilité de le donner
en garantie à son créancier.
Le coût de produire et l'impossibilité de nantir sa valeur
surcharge souvent le passif à long terme ayant pour garantie les
immeubles. Ce qu'on fait c'est transporter sur d'autres actifs le coût
financier relié à l'achat du quota. Le prix du quota devient une
charge financière fixe qui limite énormément la
possibilité des jeunes à la production agricole et qui compromet
souvent les liquidités disponibles à certains moments pour
l'exploitation. (15 h 30)
Compte tenu de la nature particulière du quota et de sa valeur,
il nous apparaît nécessaire de rechercher un mécanisme de
financement autonome pour cet actif intangible qui permettrait à
l'acquéreur d'une exploitation agricole avec quota ou à un
producteur déjà en place de produire, à un coût
accessible, sans risquer l'insolvabilité ou la saisie d'actifs
étrangers à ce droit de production. Nous croyons également
qu'il appartient à celui qui réalise la plus-value de cet actif,
en l'occurrence le vendeur, d'en assurer le financement.
Donc, nous suggérons ou proposons la création d'une caisse
de quotas. Le détenteur du droit de production pourrait vendre son quota
au prix du marché à un intermédiaire qu'on appelle la
caisse de quotas. En contrepartie de sa valeur, la caisse émettrait au
vendeur un titre mobilier dont la valeur serait inscrite au marché
boursier ou autre. Ce titre mobilier serait rachetable par tranches de 10% par
année, pendant dix ans à, chaque date anniversaire, à la
valeur au marché. Le producteur agricole devrait s'adresser à la
caisse pour acquérir du quota à la valeur au marché. Le
prix d'achat serait remboursable sur une période de dix ans à
raison de 10% par année à la valeur au marché. À la
sûreté du remboursement du prix d'achat, le législateur
pourrait adopter une loi spéciale, comme il l'a fait dernièrement
au niveau des cessions de biens en stock pour permettre, selon certaines
modalités, la mise en garantie du quota. À ce système de
garantie, on devrait prévoir des mesures de protection pour le
créancier hypothécaire du producteur agricole. À notre
avis, l'instauration d'un tel système permettrait un accès plus
facile à la production et une plus grande flexibilité du
financement agricole en évitant de grever à long terme les actifs
tangibles de l'acquéreur et en répartissant le plus
équitablement possible les risques financiers de cet actif intangible
entre le vendeur et l'acheteur.
Le financement agricole de risque. En matière de financement
d'entreprise, on retrouve une lacune commune à tous les secteurs
industriels, soit l'insuffisance du capital de risque. Nous croyons
qu'aujourd'hui l'entreprise agricole comporte des risques comme tout autre
secteur de production et qu'en conséquence une mise en
disponibilité accrue de capitaux de risque est nécessaire, voire
essentielle au développement de la production agricole au Québec.
Il faut donc stimuler la mise en disponibilité de ces capitaux de risque
pour l'entreprise agricole, et une façon de faire s'inspire d'un
programme du gouvernement du Québec qui existe actuellement et qui vise
à compenser l'investisseur de capitaux de risque dans l'industrie
minière. Succinctement, il s'agirait, pour l'exploitant agricole, de
doter son entreprise d'une structure corporative avec capital-actions. Une
partie de ce capital-actions serait offerte en vente aux investisseurs
disposant de capitaux de risque. Une société d'initiative
agricole - SOQUIA -pourrait, par exemple, faire office de courtier en cette
matière. Le risque encouru serait compensé par une forme de
crédit fiscal. Ainsi, celui qui achèterait un bloc d'actions
d'une entreprise agricole se verrait offrir une déduction importante sur
ses autres revenus autrement imposables. Par exemple, une déduction
équivalant à 160% du capital de risque investi dans l'entreprise
agricole. Si, par ailleurs, des pertes en capital sont encourues au-delà
de l'investissement initial, l'investisseur serait autorisé à
déduire complètement ces pertes en les étalant, par
exemple, à raison de 10% par année. On réalise que
derrière un tel
programme, c'est l'État qui assume la majeure partie des risques
de l'opération par le biais des crédits fiscaux. Aussi, nous
reconnaissons aux autorités gouvernementales le droit de juger de
l'opportunité de mettre en vigueur un tel programme eu égard aux
possibilités financières de l'État.
Toutefois, qu'il nous soit permis, en concluant ce sujet, de souligner
trois avantages qu'un tel programme introduirait immédiatement dans
l'ordre du financement agricole. Tout d'abord, l'entreprise agricole
bénéficierait d'une réduction importante de ses
coûts financiers au titre de l'intérêt versé sur les
emprunts. Évidemment, cela proviendrait du capital. Deuxièmement,
l'obtention de ces capitaux n'entraîne pas pour l'agriculteur des frais
de financement aussi élevés que pour les emprunts conventionnels
et, troisièmement, l'injection de capital de risque, loin de
réduire la capacité d'emprunt de l'entreprise, l'augmente et la
dirige vers des fins plus spécifiques et plus productives.
En conclusion, la Chambre des notaires, notre corporation
professionnelle qui est fort préoccupée par l'évolution du
développement de l'agriculture au Québec, à l'occasion de
l'étude de la relève, du financement et de l'endettement
agricole, ne pouvait qu'intervenir pour vous présenter une vision et une
perception bien lucides de la réalité juridique quotidienne
à laquelle sont confrontés les notaires dans la pratique du droit
et du financement agricole.
Nos recommandations visent à faciliter les mécanismes de
financement actuels eu égard aux exigences, aux contraintes et aux
contrôles d'ordre collectif, social et administratif. Elles visent aussi
à établir de nouveaux mécanismes de financement pour
assurer le développement de notre agriculture.
La Chambre des notaires est heureuse d'avoir eu l'occasion de s'exprimer
devant la commission parlementaire et assure les autorités, dont le
ministre, de sa constante coopération dans le processus
d'évolution du droit et du financement agricole au Québec. Merci,
M. le Président.
Vous avez, en page 26, le résumé en reprise de toutes les
recommandations qui ont été lues précédemment.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Je
vous remercie, M. le président. Je voudrais faire immédiatement
une mise au point à savoir que pour les organismes qui présentent
des mémoires, compte tenu qu'on a convenu cet après-midi de se
donner une heure par bloc, plus l'exposé est long, moins la
période des questions sera longue. Par conséquent, il faudrait
essayer de limiter la présentation des mémoires comme telle
à une vingtaine de minutes, ce qui permettrait aux parlementaires
d'avoir plus de temps afin de procéder aux questions. Là-dessus,
on pourrait immédiatement procéder aux questions. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: À la page 12, vous dites: "Le notaire, ne
devant ignorer aucune de ces nouvelles exigences, parfois contradictoires, fait
face à des difficultés... ". Est-ce que je pourrais avoir un
exemple frappant qui vous a amené à déclarer que vous
êtes parfois aux prises avec certaines contradictions qui vous
créent certaines embûches?
M. Lambert: Je vais me permettre de diriger la question à
des confrères qui vivent quotidiennement ces problèmes-là.
Je vais demander au notaire Michel Dionne et aussi à Me Pierre Duval de
répondre à la question.
M. Dionne (Michel): Un exemple que l'on constate
régulièrement, c'est entre autres lors du partage de garanties
entre l'office et la Société du crédit agricole, où
on est virtuellement appelé à procéder un peu à du
morcellement, ce qui est contraire à la Loi sur la protection du
territoire agricole, lors de l'exercice des reprises.
Il y a également des dispositions qui peuvent nous porter
à cette conclusion entre la Loi sur la protection du territoire agricole
et la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Il y a différentes
situations où on est appelé à avoir des problèmes
d'interprétation de ces deux lois,
M. Dupré: Avant que vous ne continuiiez avec votre
confrère... Lorsque, un peu plus loin, vous allez dans le même
sens que les recommandations de l'UPA de ce matin en disant que le financement
par le vendeur et le financement... Vous ajoutez même les tierces
personnes qui pourraient intervenir, pas par la Bourse, mais peut-être
aussi par la Bourse; vous ne trouvez pas que ça complique davantage et
que le partage deviendra de plus en plus difficile?
M. Dionne: Ce sont deux questions séparées.
M. Lambert: Si on regarde le financement de risque, ce sont des
investisseurs ou des détenteurs de portefeuilles d'économies, par
exemple, qui se permettent d'allouer une certaine tranche pour du financement
de risque qui rapporte généralement plus qu'un placement
ordinaire. Or, ils deviennent copropriétaires de l'entreprise.
Évidemment on devine qu'il s'agit d'une participation minoritaire,
l'agriculteur devant garder le contrôle de son entreprise.
Donc, il n'y a pas une dépense d'intérêts à
ce moment-là, on n'augmente pas le fardeau. Un nouveau
propriétaire s'insère et vient mettre des capitaux alors
que le financement c'est autre chose. L'entreprise, quelle soit
individuelle ou par forme corporative, de compagnie par exemple, devient un
débiteur qui emprunte et qui doit acquitter des remboursements. C'est
différent,
M. Duval (Pierre): Quant à la première question,
à cause de la multitude des lois et des contradictions qui peuvent
exister, souvent, en vertu de la Loi sur la protection du territoire agricole
une opération cadastrale est permise et la Loi sur l'aménagement
ne le permet pas. En vertu de la loi agricole on a droit de se réserver,
par exemple, 53 000 pieds carrés sans tenir compte de la largeur sur la
façade du terrain alors que la Loi sur l'aménagement exige 50
mètres, ce qui exige à ce moment-là 164 pieds de
façade. J'ai eu un cas où la personne pouvait établir son
droit acquis simplement sur 160 pieds. Pour aller chercher ses 164 pieds, cela
lui a coûté 5000 $ d'avocat. Cela était dû à
la manière dont les transactions avaient été faites
antérieurement. Il avait acquis ses immeubles par différents
actes. Il pouvait établir son droit acquis simplement sur 160 pieds et
la Loi sur l'aménagement exigeait 164 pieds, la largeur du fossé.
Alors, cela devient un déséquilibre.
M. Dupré: Vous dites, à la page 15, que des ventes
à l'enchère s'effectuent souvent à un prix
inférieur à la valeur et, plus bas, vous parlez de ventes de
gré à gré avec le consentement du débiteur. Est-ce
qu'il y aura un choix à faire où, s'il y en a un qui ne fait pas,
on pourrait passer à l'autre?
M. Duval: Le but visé, c'est d'obtenir le meilleur prix
possible pour être capable de rembourser le maximum que l'on peut
rembourser à même le produit de la vente. On considère
qu'actuellement la procédure de vente forcée cause des
préjudices,
M. Dupré: Déjà, dans la revente des terres,
on a eu des doléances à la dernière commission, à
savoir précisément que cela se faisait parfois avec des gens
choisis à l'avance ou, à la dernière minute, des gens qui
étaient intéressés à ces achats. Les plus
intéressés suivaient cela et étaient toujours les premiers
à avoir la mainmise. Si vous allez un peu plus loin, vous allez
toujours... Est-ce que c'est l'un ou l'autre ou si vous
préféreriez que ce soit toujours de gré à
gré? Cela devient difficile de savoir si ce sera par encan, par
enchère ou si cela va demeurer de gré à gré ou si
cela deviendra de gré à gré. À ce moment-là,
il sera difficile de savoir qui offrira le meilleur prix.
M. Lambert: On souligne que cela devrait être une
possibilité. Actuellement, les gens sont obligés de
procéder à la vente aux enchères. On a même ici en
dossier un jugement où il a été conclu que tout le monde
s'était arrangé précisément pour que les
enchères soient très basses au détriment,
évidemment, de l'agriculteur et du créancier. Ce qu'on dit,
c'est: Permettons, si toutes les parties, parce qu'il pourrait même y
avoir un deuxième créancier qui pourrait avoir un droit sur le
bien nanti... Si les gens directement intéressés sont d'accord
pour aller sur le marché et trouvaient un acheteur qui est prêt
à payer un prix raisonnable, un prix qui satisfasse tout le monde,
pourquoi les empêcher de faire cela en les obligeant à
procéder par enchères? Si les gens ne s'entendent pas, à
ce moment-là, on va au mécanisme de la vente aux enchères.
On ne l'exclut pas, mais on permet la possibilité de la vente de
gré à gré. On pense que cela rendra un meilleur service
aux gens.
M. Dupré: L'abolition de l'impôt sur les dons et les
transmissions par décès, on a augmenté cela à 300
000 $ par personne, par enfant. Cela commence à faire de l'argent. Vous
recommandez, de plus, que ce soit - excusez l'expression - "at large" sans
droits successoraux.
M. Dionne: Si vous me le permettez, je vais vous en donner un
exemple. Je donne l'exemple d'une succession que, dernièrement, j'ai
été appelé à régler où il y avait
pour seul actif dans la succession un quota qui était
évalué par la Fédération des producteurs de
volaille à environ 400 000 $. Le père l'avait donné,
à titre de legs particulier, à son fils. Vous imaginez
l'impôt qu'il doit payer, alors que le fils n'a rien, pour avoir le
quota. Il n'a aucun revenu. On crée tout de suite une obligation de
payer un montant considérable en droit successoral, même si on
calcule toutes les exemptions auxquelles il a droit, pour être capable de
toucher un quota.
M. Dupré: Mais si l'exemption est de 300 000 $, le quota
valait, dans ce cas, 400 000 $...
M. Dionne: 400 000 $.
M. Lambert: C'est qu'on ne touche pas les premiers 300 000 $. Les
100 000 $ subséquents, on les touche pas mal fort.
M. Diorme: Les 100 000 $ subséquents, c'est à
20%-25%, Aujourd'hui, les exploitations agricoles qui dépassent 300 000
$, ce n'est pas rare.
M. Dupré: Déjà, l'exemption était
à 100 000 $. L'année dernière, on l'a augmentée
à 300 000 $. C'est par personne,
par enfant. Si la ferme appartient aux deux, à la femme et au
mari, ils auront droit chacun à 300 000 $. Cela fait 600 000 $ pour le
même enfant. On parle d'agriculture, mais il y a aussi...
M. Lambert: Est-ce qu'on s'entend qu'il y en a seulement un des
deux, dans le couple, qui est l'enfant de l'agriculteur? Ils ne peuvent pas
être l'enfant tous les deux.
M. Picotte: C'est l'un ou l'autre, mais ce n'est pas les
deux.
M. Lambert: Ils ne peuvent pas cumuler les deux. Je ne le pense
pas.
M. Dionne: À l'épouse, il n'y en a pas, mais,
à l'enfant, il y en a. Quand il y a un seul enfant, l'exemple que je
vous ai donné, cela a coûté 25 000 $ ou 26 000 $
d'impôt, de droit successoral, pour être capable de toucher un
quota,
M. Dupré: Pour une succession de 400 000 $.
M. Dionne: Oui. Mais les 400 000 $, c'est un quota. Point. (15 h
45)
M. Lambert: La totalité des recettes du gouvernement
provincial avec l'ensemble des droits de succession s'établit à
peu près à 40 000 000 $ et il faudrait même calculer ce que
cela coûte au ministère de maintenir ces bureaux et de traiter un
ensemble...
M. Dupré: C'est 75 000 000 $ et 40 000 000 $ net.
M. Lambert: En tout cas, on se demande s'il y a lieu de le
garder. On dit au moins au niveau de l'agriculture, si on fait une politique de
favoriser le développement de l'agriculture, il y aurait peut-être
lieu finalement qu'on élimine cet aspect qui est négatif quant
à nous.
M. Mackay (Julien S. ): Au risque de mettre des conditions
minimales. Il faudrait que l'acheteur, celui qui a
bénéficié de la part de son père d'une
détaxe totale... Qu'il garde la terre pour un minimum de trois ans, cinq
ans ou huit ans, l'idée c'est de garder une continuité dans le
patrimoine agricole. Ce qu'on voit maintenant avec des fermes de 850 000 $ ou 1
000 000 $, au moment du transfert de la ferme, il y a des montants
considérables à payer, ce qui fait qu'ils ne sont pas capables,
ils deviennent dans une liquidité qui met tout en péril alors
qu'on veut garder la ferme ensemble, on ne peut même pas faire de
morcellement. Je pense que ce que propose la Chambre des notaires du
Québec c'est justement que dans le cas de l'agriculture, qui est un cas
particulier, il y ait une détaxe totale des droits de succession et de
l'impôt sur les dons pourvu que cela reste en ligne directe descendante
et que les gens restent dans l'agriculture pour une période minimum,
autrement il y aura une taxe è payer; on a vu cela ailleurs.
M. Dupré: Les éléments que vous apportez
sont très importants, à savoir que la personne qui serait
favorisée d'une telle exemption de taxe serait obligée,
probablement selon les montants et au prorata des années qu'elle
garderait l'immeuble... Ceci, pour ne pas se voir attribuer un montant de 400
000 $, 500 000 $ ou 800 000 $ et, le lendemain matin, pouvoir soit faire une
revente ou le liquider et être exemptée de peut-être 100 000
$ d'impôt direct.
M. Lambert: On travaille justement au mémoire que le
ministre Duhaime a sollicité. C'est pour cela que la réponse
verbale est plus élaborée. Ici on s'est juste contentés de
le mentionner mais on reprend toute cette question, évidemment, dans un
contexte plus large.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Au nom de notre formation politique, je voudrais vous
remercier pour votre mémoire qui reflète bien la pensée
des notaires et surtout pour la qualité du mémoire. J'ai quelques
questions à poser. À la page 5, lorsque vous parlez du taux
d'endettement à long terme, vous donnez l'exemple d'emprunts qui
totalisent 407 000 000 $ entre 1981 et 1984 pour un taux d'efficacité de
1, 7%. D'après votre expérience comme gestionnaires agricoles,
quel devrait être le taux d'efficacité sur un pareil emprunt pour
que cela soit acceptable?
M. Lambert: Remarquez que je ne suis pas un gestionnaire
agricole, mais je vous dirais qu'en termes de bonne gestion je pense que tout
endettement à long terme devrait correspondre à un accroissement
d'actifs équivalent à long terme.
M. Maltais: Équivalent. 100%.
M. Lambert: Équivalent. Des fois ce n'est pas vrai, 100%,
cela peut, dans certains cas être un peu moins, mais, de là
à avoir cette différence aussi large... Cela veut dire que
finalement on finance à long terme des déficits courants,
probablement que c'est cela la source. Cela est inacceptable dans n'importe
quel genre d'entreprise, qu'elle soit agricole, commerciale ou
industrielle.
M. Maltais: Vous l'avez constaté, vous
l'avez dit à quelque part dans le mémoire, la
majorité des fermes québécoises souffre de
sous-capitalisation également, peut-être un peu moins que la
petite et moyenne entreprise mais elles souffrent quand même beaucoup de
sous-capitalisation par rapport aux montants des emprunts qu'elles doivent
faire pour financer des dettes à court terme et à long terme et
aussi pour l'acquisition d'actifs nécessaires puisque la
rentabilité est basée par exemple sur l'équipement: plus
tu vas cultiver, plus tu vas avoir une rentabilité, mais cela prend
quand même du capital pour acheter des équipements. Vous devez
rencontrer ce problème aussi dans les transactions que vous devez
faire?
M. Lambert: Exact. Tout étant relatif, on dit que la ferme
québécoise est quand même capitalisée à 75%,
ce qui est énorme dans l'absolu, mais, relativement à la
santé économique du secteur ou aux revenus, c'est là que
le problème se développe. Les revenus varient, comme on vous le
mentionne, et il arrive à un moment donné des situations qui ne
permettent pas à l'agriculteur de respecter ses échéances.
Alors, peu importe qu'il soit capitalisé à 75%, il ne l'est
peut-être pas encore assez. Et on le voit par rapport au contexte
canadien, il commence à se dessiner une marge. Alors, on pense que,
à ce moment-là, il faut qu'il y ait une situation qui soit
redressée. C'est pourquoi on suggère de permettre l'entrée
de capitaux de risque, de gens qui n'ont probablement jamais l'intention de
devenir des agriculteurs mais qui sont peut-être intéressés
à investir certaines sommes dans l'agriculture, dans ce
secteur-là, comme ils investiraient dans les mines ou autres. Pourquoi
pas?
M. Maltais: Vous avez parlé beaucoup du prêt tandem
et vous avez parlé surtout des délais. Pourtant, si je me
souviens bien, lorsqu'on a reçu l'Office du crédit agricole,
à ce moment-là, on nous avait dit que c'étaient des
délais normaux et que tout était fait dans le meilleur des mondes
et qu'on n'avait pas à se plaindre, finalement. Les agriculteurs ne nous
avaient pas dit la même chose, mais, à l'Office du crédit
agricole, on nous a dit que les délais étaient absolument normaux
et que s'il y avait des retards, souvent, ce n'était pas leur faute.
M. Lambert: Je pourrais vous répondre...
M. Maltais: Les tierces personnes là-dedans, j'en conclus
que c'étaient vous!
M. Lambert: Je vais permettre à deux de mes
confrères, qui vivent cela quotidiennement, d'y répondre.
J'aimerais juste faire une remarque pour situer un peu par rapport à
quoi. Mon expérience est plutôt du côté du
financement industriel et commercial. Quand on parle de huit, neuf, dix mois,
même des fois un an, c'est absolument inacceptable, en matière
commerciale et industrielle, de prendre aussi longtemps pour régler un
financement; cela ne se peut pas. Cela ne se fait pas, sauf des cas d'exception
rares ou des chantiers, des affaires vraiment énormes et puis, encore
là, à l'intérieur de chaque étape, il y a une
efficacité beaucoup plus grande.
Mais j'aimerais vous permettre d'entendre mes confrères Duval et
Dionne, qui vont vous expliquer comment cela se passe dans le concret et si
c'est vrai que ces délais ne peuvent pas être réduits ou
s'ils pourraient l'être. Notaire Duval.
M. Duval: D'abord, pour répondre à la question,
j'ai réalisé un prêt l'année dernière. La
demande avait été faite le 13 octobre 1983. J'ai ici, en dossier,
le certificat qui a été émis le 25 septembre 1984, ce qui
veut dire qu'il y a eu un délai de onze mois entre la demande et
l'émission du certificat; le déboursé du prêt a
été fait quand même en octobre 1984, ce qui veut dire un an
après la demande.
Évidemment, cela dépend ce qu'on entend par normal; cela
peut être six mois pour un créancier, un délai normal pour
réaliser un prêt. On sait qu'avec la Banque fédérale
de développement il y a des dossiers qui sont assez longs. Mais, pour
l'agriculteur qui, entre-temps, a du financement à payer selon les taux
bancaires, évidemment cela lui coûte cher. Pendant un an de temps,
s'il est obligé de supporter une différence de 2%, 3%, 4% de
plus, pour lui, le délai d'un an pour la réalisation du
prêt n'est pas normal, même si la moyenne, selon moi, avec
l'expérience que j'ai, c'est autour de cinq ou six mois.
En fait, les problèmes que je peux voir qu'il y a dans la
réalisation du prêt de l'Office du crédit agricole, c'est
surtout sur toutes les vérifications pointilleuses qui sont faites du
point de vue juridique, la responsabilité qui n'est pas donnée au
notaire de pratique privée, contrairement aux prêts de la
5ociété du crédit agricole - on en fait aussi pour le
fédéral. Le notaire de pratique privée, avec le
fédéral, a plus de responsabilités que le notaire pour
l'Office du crédit agricole. La vérification du dossier des
titres est faite avant l'autorisation du prêt, à l'Office du
crédit agricole. Elle est refaite après que le notaire a produit
son dossier tout réalisé à l'Office du crédit
agricole. Le prêteur tandem reçoit son dossier
complété six mois après que le prêt a
été déboursé, ce qui veut dire que cela fait un an
et demi que le dossier traîne. Là, le prêteur nous appelle,
il a des inspecteurs, il dit: Comment se fait-il, notaire, avez-vous produit
vos dossiers à Québec? Bien oui, cela
fait six mois.
Donc, cela prend, du début à la fin d'un prêt, un an
ou un an et demi.
M. Dupré: Est-ce que je peux poser une courte question sur
le sujet, à savoir...
M. Maltais: Sur ton temps, mon ami, tu poses tes questions.
M. Dupré:... dans quelle région? C'est une
région bien spécifique parce que ce sont des laps de temps qui me
surprennent énormément. En tout cas, dans mon coin...
M. Duval: Je peux vous donner le dossier.
M. Dupré: Non, non, mais est-ce que je peux savoir dans
quelle région?
M. Duval: L'Assomption.
M. Dupré: L'Assomption? Merci.
M. Duval: Par contre, ce n'est pas un délai moyen dont je
vous parle, de onze mois; la moyenne est de six mois...
M. Dupré: Vous parlez d'un cas.
M. Duval:... de la demande à la réalisation du
prêt.
M. Dupré: Mais le cas dont vous avez parlé
tantôt, d'une année, c'est dans L'Assomption?
M. Duval: Saint-Roch-de-l'Achigan.
M. Maltais: Cela ne va pas vite, il n'y a pas de
député là!
Vous avez parlé tout à l'heure aussi de certains avantages
au niveau du crédit agricole qui relève du gouvernement
fédéral et qu'il y avait beaucoup de producteurs ou
d'agriculteurs qui étaient avec cet office-là, je ne sais pas
trop comment vous l'appelez, quelque chose comme cela. Lorsque l'Office du
crédit agricole québécois consent un prêt, vous
êtes obligé de l'enlever comme créancier,
c'est-à-dire payer le prêt, et il serait avantageux, par exemple,
qu'ils puissent demeurer dans le décor parce que souvent ils profitent
de taux d'intérêt plus bas. Ce sont des emprunts qui ont
été faits antérieurement. Est-ce qu'il n'y aurait pas
moyen de conjuguer les deux?
M. Duval: Il faudrait, pour faciliter les prêts, pour
garder le même prêteur, que la Société du
crédit agricole soit considérée comme une institution
privée pour faire les prêts.
M. Maltais: Je suis convaincu qu'avec le nouveau virage
fédéraliste du gouvernement actuel cela va se régler.
J'aurais peut-être juste une petite dernière question. Vous en
avez parlé, ce matin, et aux dernières auditions de la commission
il y a un sujet qui m'a frappé; ce sont les encanteurs. Vous ne parlez
pas beaucoup des encanteurs mais vous y faites allusion à un moment
donné lorsqu'on réalise les actifs et que l'agriculteur se
déclare en faillite. Plusieurs agriculteurs - même l'UPA en a
parlé ce matin - trouvent souvent les méthodes pas trop
catholiques. Dans certains mémoires on retrouve des mots beaucoup plus
drastiques que cela à l'égard de ces personnages. Je voulais vous
poser la question suivante: Pensez-vous qu'il pouvait y avoir - c'est une
question, si vous ne voulez pas y répondre n'y répondez pas -
collusion, à un moment donné, entre certains créanciers,
certains encanteurs et certains conseillers des offices? On dépouille,
finalement, littéralement des gens sur la place publique à des
prix tout à fait ridicules, parce que cela nous a été bien
démontré ici en commission, d'équités, d'actifs qui
sont très volumineux. Est-ce que vous avez eu beaucoup de plaintes, vous
autres, comme professionnels?
M. Duval: Personnellement je n'en ai pas eu. Je ne sais pas si
des confrères en ont eu. J'ai eu l'exemple d'un encan et j'en parlais un
peu au dîner avec mes confrères. Je trouvais que l'avantage, pour
un agriculteur, de récupérer son actif c'était de
procéder par encan. J'ai eu un exemple où un agriculteur
demandait pour son exploitation laitière 1 000 000 $. Cela faisait trois
ans qu'il essayait de vendre son exploitation. Il n'a pas été
capable de vendre à un agriculteur ou une corporation, n'importe quoi.
Il a fallu qu'il procède par encan. Il a dit, à un moment
donné: Je laisse tout le "kit" et je vais vendre cela à l'encan.
Il a récupéré 1 500 000 $, avec la vente de son quota. Je
ne peux pas voir qu'il y ait eu collusion entre les créanciers et tout
cela. Il a quand même réussi à vendre tous ses actifs
à leur vraie valeur, selon moi, pour 1 500 000 $ alors qu'il
n'était pas capable de vendre sa production, toute son exploitation
à un agriculteur ou à une corporation. La seule façon de
réaliser ses actifs était de procéder par encan.
Automatiquement, cela devenait une exploitation qui a été
complètement...
M. Lambert: Si vous me le permettez, on a justement, ici, un
jugement de 1983 qui provient du district de Saint-François où,
justement, une vente à l'encan d'un quota a été
annulée parce qu'on a prouvé collusion. Il semble que cela
arrive. On ne peut dire que cela n'arrive pas, je ne sais pas. Le notaire
Dionne mentionnait que vous avez eu une
expérience particulière. On n'a pas vraiment fait de
relevé pour savoir combien il y en a. Ce qu'on a dit c'est que dans
certaines circonstances, peu importe qu'il y ait collusion ou pas, la vente
à l'enchère n'est pas nécessairement le meilleur moyen
d'aller chercher le prix. Pourquoi ne pas permettre une étape? S'il n'y
a pas moyen d'y aller autrement, faisons-là quand même, mais
permettons autre chose. M. le notaire Dionne.
M. Dionne: Je voudrais juste ajouter que, lorsqu'il s'agît
de récupérer des sommes d'argent par la vente des biens d'un
agriculteur, on sait, dans le champ, que souvent les voisins vont venir nous
dire: Ce gars va être vendu à l'enchère, on va aller
l'acheter là parce que cela va être bien meilleur marché.
Mais il pourrait facilement y avoir un système de soumissions ou avoir
des délais. Le problème dans cela c'est le délai qui est
court, qui est de rigueur et il faut vendre. Cela empêche souvent de
réaliser la meilleure valeur.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui, merci, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): En trois minutes.
M. Baril (Arthabaska): Oui, c'est encore court. Je suis toujours
pris par des délais. D'abord je vais vous féliciter pour le
mémoire que vous avez présenté. Je pense que vous vous
êtes donné beaucoup de peine, il y a beaucoup de travail pour
monter cela. Il y a quand même certaines données nouvelles, pour
moi en tout cas, qui sont intéressantes comme entre autres la caisse de
quotas. Je dois admettre bien honnêtement que c'est la première
fois que j'en entends parler de cette façon. (16 heures)
Avant de vous poser des questions sur cela, quand vous parlez de
reconnaître la Société du crédit agricole comme une
institution privée qui pourrait prêter et qu'il y aurait moins de
difficultés dans le partage des garanties, comment entrevoyez-vous
reconnaître la Société du crédit agricole? Je n'y
verrais pas d'objection, mais on sait qu'elle fonctionne encore selon le
même système que l'office dans le passé et elle est
limitée par ses budgets. Quand elle n'a plus d'argent à
prêter, on attend; on connaîtrait ce qu'on a connu avant avec
l'office, des délais encore beaucoup longs, beaucoup plus
élevés que ce qu'on connaît actuellement, sans compter les
taux d'intérêt. J'aurais une autre question mais je ne sais pas
si, dans un délai de trois minutes, je pourrai...
Comment pourriez-vous concilier cela si, à un moment
donné, on reconnaît la société comme institution
prêteuse privée et qu'eux nous disent: Nous n'avons plus de
fonds?
M. Lambert: C'est comme n'importe quelle autre institution qui,
à un moment donné, n'a plus de fonds è prêter. On a
quand même des prêteurs agréés par l'office. Si la
société a X millions à prêter, le temps qu'elle
pourra prêter des millions, qu'elle soit reconnue comme un prêteur,
une banque ou une caisse, pour nous, cela ne semble pas créer de
problème. Lorsqu'elle aura épuisé ses capitaux à
prêter, elle sera comme d'autres sociétés, elle n'aura pas
d'autres capitaux et on pourra s'adresser ailleurs.
M. Baril (Arthabaska): Avec les taux d'intérêt qui
sont quand même beaucoup plus élevés que... Faudra-t-il que
le Québec paie la différence des taux d'intérêt?
M. Lambert: Disons que ce sera une question de marché
aussi. J'ai l'impression que si l'agriculteur a le choix, soit d'être
avec la Société du crédit agricole ou une autre banque ou
une autre caisse, il ira là où il y aura le meilleur taux.
J'imagine que la société pourra ajuster son taux. Je ne peux pas
parler au nom de la société.
M. Roy (Léonard): De toute façon, dans le moment,
le provincial donne des subventions à l'agriculteur pour payer le
fédéral, les 2, 5%...
M. Baril (Arthabaska): Oui, les 2, 5%. M. Roy: Après cela,
la garantie de 8%.
M. Baril (Arthabaska): Vous m'excuserez parce que les
délais me courent mais j'aimerais rapidement, et j'espère qu'on
va être indulgent parce que c'est une question importante... Sur la
caisse de quotas, je trouve cela réellement intéressant quand
vous dites que vous reconnaissez que le prix des quotas est trop
élevé, et tout le monde le reconnaît aussi. Le prix des
quotas, pour la relève, est énormément
élevé. Vous dites que le prix serait fixé par le
marché, et on sait que c'est l'offre et la demande qui fait le prix du
marché. Selon vous, qui pourrait acheter les quotas? Est-ce qu'on
pourrait éviter d'une certaine façon que ce soit ceux qui ont de
l'argent - disons - qui puissent acheter les quotas? Qui assurerait le jeune
qui commence et qui n'a pas les moyens d'en acheter d'être capable, par
cette formule, d'obtenir des quotas avant qu'ils soient
récupérés par ceux qui sont en mesure de payer?
M. Lambert: Tout d'abord, vous avez remarqué qu'on
étale le paiement sur dix
ans. On pense que, à ce moment-là, on ouvre un
marché d'acheteurs qui, à l'heure actuelle, ne se rendent tout
simplement pas aux ventes aux enchères parce qu'ils savent qu'il n'ont
pas l'argent pour acheter. Pour plus d'informations, celui qui a eu cette
idée, Me Sylvestre, pourrait peut-être prendre une minute ou deux
pour vous expliquer ce qu'il a en tête comme fonctionnement, ce qui est
une idée de départ.
M. Sylvestre (Louis V. ): En ce moment, le système de
quotas...
Le Président (M. Vallières): Me
Sylvestre, peut-être pourriez-vous procéder très
rapidement puisque le temps est maintenant écoulé,
dépassé même.
M. Sylvestre: Comme vous le savez, le quota comme tel est un
actif intangible qui ne peut pas être donné en garantie pour un
emprunt. En vendant à la caisse de quotas, le vendeur a le choix: vendre
au comptant -il récupère à ce moment 100% de la valeur du
quota selon la cotation ce jour-là - ou accepter de souscrire à
un bon de la caisse de quotas, auquel cas il va être remboursé par
tranches de dix ans. Le gouvernement lui dit: Écoutez, vous allez
bénéficier d'avantages fiscaux, par exemple au niveau du gain de
capital. Si vous acceptez un étalement du rachat de votre quota par la
caisse, on vous donne certains crédits d'impôt. L'acheteur - le
jeune - en partant, en ayant son certificat de quota, peut le donner en
garantie. Donc, cela lui donne de l'argent disponible, il
bénéficie d'un étalement de dix ans et il pourra
bénéficier d'une aide supplémentaire à même
les impôts que le vendeur aurait payés pour réduire le
coût d'acquisition. Je ne sais pas si vous voyez...
M. Baril (Arthabaska): Oui, c'est intéressant. Comme je
disais, il y a certainement quelque chose à gratter là-dedans. Il
y a sans doute quelque chose d'intéressant dans cela.
M. Sylvestre: Et puis, cela pourrait facilement être
administré par les fédérations de production. Maintenant,
il y aurait un autre point sur les contradictions qu'il y a entre le zonage
agricole et certaines lois. Je vous donne un exemple bien simple.
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse, Me
Sylvestre. Je dois vous arrêter parce qu'il aurait fallu répondre
à la question quand elle fut posée, malheureusement. Je donne
maintenant la parole au député de Maskinongé, en lui
indiquant qu'il faudra qu'il fasse tout cela en quatre minutes.
M. Picotte: Je serais presque tenté de revenir sur la
question de la protection du territoire agricole mais, comme cela va prendre
plus de temps, je vais poser la question initiale qui m'est venue à
l'esprit. À la page 6 de votre mémoire, vous dites tout
simplement ceci: "même si la situation actuelle n'a rien de dramatique et
que, par rapport à d'autres secteurs industriels, la ferme
québécoise peut encore s'enorgueillir du plus faible taux
d'endettement. " Je ne suis pas en mesure de vérifier, effectivement, la
situation dans le secteur de l'agriculture, mais j'ai l'impression qu'elle est
un peu plus dramatique que vous ne semblez le croire et que le taux
d'endettement est peut-être un peu supérieur à ce que vous
pensez, comparativement à d'autres secteurs. Quand vous faites une
assertion comme cela, vous êtes-vous donné la peine d'aller
évaluer aussi le taux de rentabilité en agriculture? Je ne suis
pas certain qu'un grand nombre d'hommes d'affaires voudraient investir les
mêmes sommes d'argent que l'agriculteur en donnant si peu de
rentabilité. Quand on fait une assertion du taux d'endettement qui peut
être un peu plus faible que les autres, toutes proportions
gardées, la situation est beaucoup plus compliquée que ce qu'elle
peut paraître ou qu'on peut penser qu'elle est en lisant cette partie du
rapport.
M. Lambert: II faut la lire avec l'extension à la page 17
où on dit justement: "Cependant, cette apparence de bonne santé
financière est trompeuse. " Et on reprend en d'autres mots ce que vous
venez de dire. En fait, si on regarde d'après les chiffres qu'on a eus
du sondage qui a été effectué -jusqu'à preuve du
contraire on estime qu'il a été fait sérieusement - il y a
environ 25% de l'actif qui est endetté. Il n'y a pas beaucoup de
secteurs industriels qui fonctionnent avec uniquement des emprunts pour environ
l'équivalent de 25%. Normalement, vous allez retrouver 35%, 40% et
même 50%, parfois plus, mais disons que cela joue autour de cela. Donc,
on ne peut pas dire que la ferme comme telle, si on regarde strictement et
bêtement, d'une façon bien objective, les chiffres, est
très endettée, surendettée par rapport à ses
valeurs d'actifs, mais là où vous avez raison, c'est que, par
exemple, la rentabilité, elle, n'est peut-être pas correspondante
à cette valeur d'actifs. Cela est évidemment le
problème.
M. Picotte: Tout simplement, en vous remerciant de votre
rapport...
M. Lambert: Non, non, c'était clair dans notre esprit, il
faut lire la page 17.
M. Picotte:... au nom de l'Opposition, je voulais faire ressortir
ce point-là parce que, pris comme tel, on a l'impression que,
finalement, ce n'est peut-être pas si pire que cela, mais, quand on
regarde le taux de rentabilité, j'ai drôlement l'impression que
plusieurs notaires et plusieurs hommes d'affaires n'investiraient pas à
ce taux-là, en tout cas, ou avec un capital de risque semblable.
M. Lambert: Ce qui est à retenir, c'est ce glissement
depuis trois ans. On est descendu en bas de la marque des 80%; cela va
continuer à glisser vers 70%, etc. Cela est une tendance importante
qu'il faut diagnostiquer et qu'il faut, je pense, arrêter, enrayer. Cela
est important; c'est la tendance indiquée par ce glissement-là.
C'est ce qu'on a voulu soulever ici.
Le Président (M. Vallières): Avant de terminer avec
votre organisme, j'aurais un petit service à demander à Me
Sylvestre. Votre caisse de quotas a soulevé bien des interrogations;
s'il vous était possible de préparer un document additionnel qui
viendrait donner des éclaircissements sur le fonctionnement de cette
caisse de quotas, c'est avec plaisir que la commission recevra vos suggestions
et en fera l'étude ultérieurement. Là-dessus, je vous
remercie beaucoup de votre participation. Pardon?
M. Mackay: Dans quel délai?
Le Président (M. Vallières): Le plus tôt
possible, mais disons vers la fin du mois ou quelque chose comme cela.
M. Mackay: On va faire notre possible.
Le Président (M. Vallières): Merci beaucoup.
Ordre des agronomes du Québec
Nous allons maintenant recevoir l'Ordre des agronomes du Québec.
Très bien, je demanderais à M. le président de bien
vouloir présenter son mémoire de même que les personnes qui
l'accompagnent en vous demandant dans la mesure du possible de vous limiter aux
20 minutes afin de permettre le plus de questions possible de la part des
députés. M. le président, la parole est à vous.
M. Bélanger (Jean-Hugues): Merci. Bonjour à tous.
Je voudrais d'abord remercier les membres de la commission de nous permettre de
présenter notre point de vue. La façon de procéder va se
faire assez rapidement. D'abord, vous avez notre mémoire en main qui n'a
pas de nombreuses pages. Étant donné que vous l'avez
déjà en main, on ne le relira pas, on va simplement tirer les
grandes lignes qui apparaissent là-dedans pour laisser plus de temps par
la suite pour les questions et les discussions. Si vous le permettez, c'est
comme cela qu'on va procéder. Cela va?
Le Président (M. Vallières): Oui. Très
bien.
M. Bélanger: Lorsqu'on parle de planification et de
développement de l'agriculture, cela suppose, bien sûr, des
méthodes de production et de mise en marché efficaces, mais
également des conditions de financement qui favorisent la
rentabilité des entreprises et l'établissement des jeunes. Les
modes traditionnels d'achat, de transfert et de financement ne répondent
plus totalement aux besoins des jeunes désireux de s'établir en
agriculture.
Si l'on continue avec le mémoire, au paragraphe "La situation
actuelle", au cours des trois dernières années, l'avoir net des
agriculteurs canadiens a fléchi de 5% passant de 85% à 82% et, au
Québec, de 80% à 75%. Il y a probablement des statistiques que
vous allez réentendre à plusieurs occasions. L'augmentation des
actifs ne s'est fait sentir que dans quelques secteurs seulement,
principalement dans le secteur laitier, et est surtout causée par
l'augmentation de la valeur des quotas. Selon un sondage de la
Société du crédit agricole du Canada dont les chiffres ont
été rendus publics en octobre 1984, on remarque que 13% des 32
000 producteurs québécois sont en difficulté
financière sérieuse et 10% additionnels sont en situation
financière difficile. Globalement, on peut considérer que la
situation est assez fragile si l'on considère que 54% des ventes
agricoles sont engendrées par un tiers des agriculteurs,
c'est-à-dire les jeunes exploitants, ceux qui ont l'avoir net le plus
faible. Ils sont quand même efficaces. Ils ont un taux de rendement de 0,
34 $ par dollar investi comparativement à 0, 23 $ et à 0, 16 $
pour leurs aînés qui sont bien nantis financièrement. Ces
individus qui produisent 54% des ventes agricoles ont emprunté, en fait,
94% des sommes investies.
Au chapitre du financement, au cours des dernières années,
les faillites d'entreprises agricoles ont fait l'objet de beaucoup de
publicité. Elles sont cependant peu nombreuses par rapport aux autres
secteurs de l'économie. Leurs conséquences sont toutefois
très graves, souvent même tragiques parce que, dans une faillite,
l'agriculteur entraîne également toute sa famille. L'agriculture,
c'est une mode de vie. C'est souvent du personnel qui est plus ou moins
spécialisé et qui peut difficilement entrer dans d'autres
secteurs de l'économie. Si on prend également le fait que c'est
un secteur primaire, il a un effet
d'entraînement important. On doit également
considérer l'effet économique majeur que peut avoir la faillite
d'une entreprise agricole dans une paroisse. La situation s'est encore
aggravée au cours des dernières années, principalement
avec la hausse des taux d'intérêt. On a compensé par
l'augmentation des dettes.
Parmi les principes qui devraient guider l'action de l'État en
matière de crédit agricole et de financement, nous proposons une
meilleure planification dans le développement de certaines productions,
un encadrement scientifique et technique auprès des producteurs
agricoles qui bénéficient d'un prêt, en particulier une
"initiation encadrée" obligatoire pour les jeunes exploitants, un
nouveau concept de crédit agricole basé sur les aptitudes de
l'exploitant, le potentiel de l'entreprise et l'existence réelle des
marchés et une meilleure formation en gestion financière pour les
producteurs agricoles et les agronomes appelés à les conseiller.
On va développer cela un peu.
La planification du développement. Les progrès
technologiques importants et le crédit agricole facile ont
intensifié certaines productions, ce qui a supposé une gestion
plus complexe et également multiplié les risques financiers. La
spécialisation exige des connaissances plus raffinées. À
titre de chef d'entreprise, l'agriculteur, bien sûr, mais surtout ses
conseillers doivent connaître la situation et les tendances des
marchés, d'où l'importance de bien planifier des programmes
d'encouragement à la production afin de ne pas provoquer un
déséquilibre du marché. Qu'on pense aux politiques, par
exemple, favorisant la production, de miel ou de sirop d'érable au cours
des dernières années.
Au niveau de l'encadrement technique, il est absolument
nécessaire. On a souvent cherché la rentabilité par
l'augmentation des emprunts, ce qui nous a amenés vers une espèce
de gigantisme et, au lieu de raffiner nos méthodes de production et nos
modes de gestion, on a essayé de compenser en grossissant
l'économie d'échelle et tout cela. Il faudra développer
des politiques qui évitent les investissements trop onéreux,
surtout au début pour le jeune qui s'établit, mais, par la suite,
suivre son évolution, l'encadrer. À ce chapitre il est primordial
que le gouvernement provincial maintienne un secteur témoin en
vulgarisation agricole et encourage également la formation continue de
ses conseillers. (16 h 15)
On parlait d'un nouveau concept de crédit agricole, qu'on
pourrait appeler "crédit agricole modernisé". "Nouveau concept",
c'est peut-être un peu fort, mais il est important d'avoir une nouvelle
approche dans l'octroi des crédits agricoles. Est-ce qu'on ne devrait
pas considérer plus la location de fermes, la location de quotas et,
lors de l'établissement, y aller avec des taux d'intérêt
réduits, progressifs mais avec un maximum prévu au départ?
Est-ce qu'il ne serait pas opportun que les vendeurs ou autres deviennent
également des prêteurs accrédités? Est-ce qu'on ne
devrait pas développer des formules de prêt et prévoir des
taux d'intérêt compatibles avec la rentabilité des
différentes productions? Actuellement, on retrouve des taux
d'intérêt assez uniformes pour toutes les productions. On sait que
la rentabilité diffère passablement d'une production à
l'autre.
On devrait également tenir compte de la formation technique
agricole, de la formation en gestion financière et également
d'une formation face aux nouvelles structures de ferme. À ma
connaissance, il y a très peu de cours actuellement sur les structures
de ferme, qui vont peut-être se modifier passablement dans le futur. Que
ce soient les compagnies, les associations, de quelle façon on embarque
là-dedans, comment on vit à l'intérieur d'un groupe. Il y
a très peu de choses connues à ce niveau.
Est-ce qu'on ne devrait pas regarder également de plus en plus le
crédit à l'agriculture plutôt que le crédit à
l'agriculteur? Souvent le crédit à l'agriculture permettrait
à quelqu'un de s'établir à temps partiel. Est-ce qu'il ne
devrait pas y avoir des façons qui permettraient à Un jeune de se
ramasser un certain capital? Il existe des programmes
d'épargne-logement, par exemple; est-ce que ça ne pourrait pas
exister en agriculture également?
On devrait également favoriser les nouveaux modes
d'établissement. Est-ce essentiel, par exemple, qu'un jeune de 20 ans
doive posséder du jour au lendemain une entreprise qui vaut 225 000 $ ou
500 000 $? Je ne sais pas.
Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un crédit un peu
spécial, également, pour les innovateurs? De plus en plus, on
devra implanter des technologies nouvelles pour réduire nos coûts
de production. Il y a des risques attachés à ça. Est-ce
que ce sont les agriculteurs qui doivent les prendre? Ce sont toutes des
questions qu'on peut se poser.
J'aimerais revenir un peu du côté de la formation en
gestion financière pour vous citer une étude américaine
qui a été faite en 1983, qui démontre que doubler les
dépenses gouvernementales pour la recherche et la vulgarisation pourrait
accroître la production agricole de 5%; doubler l'emploi des fertilisants
ou les superficies en culture augmenterait la production de 15%. Mais, en
doublant le degré de scolarité des agriculteurs, on obtient une
augmentation de 40% de la production agricole. Une autre étude
réalisée à l'échelle mondiale par deux chercheurs a
fourni les mêmes données.
La relève agricole. On connaît actuellement très peu
de choses face à la relève agricole. Il devrait y avoir une
recherche un peu plus poussée afin de connaître un peu notre
relève de façon à augmenter son degré de
scolarité, ce qui, également, nous permettrait de bâtir des
cours en conséquence. Si on ne vérifie pas ce qui manque à
la relève» il devient difficile de fournir une formation
adaptée à ses besoins.
Il y a également, du côté de la relève, des
problèmes importants impliquant la fiscalité. À ce sujet,
je vais passer la parole à M. Lusignan, qui connaît mieux le
sujet.
M. Lusignan (Yvon): Merci. Je ne sais pas si vous avez
reçu l'annexe qui a été produite dernièrement? Pour
les besoins de la cause, si vous manquez de copies on s'arrangera pour vous
fournir des copies additionnelles.
Évidemment, quant à l'aspect fiscal, comme tous les autres
intervenants l'ont signalé, il n'y a pas de solution miracle. Ce qui va
donner les meilleures solutions, ce sera une concertation de la part de tous
les intervenants. À ce chapitre, j'aimerais ici vous proposer quelques
recommandations. Premièrement, dans le but d'amener des fonds au niveau
agricole - parce qu'on sait que l'un des principaux problèmes pour les
jeunes, c'est quand, à un moment donné, on dit: On devrait
accroître les montants subventionnés par l'office - on pourrait
peut-être penser è la création d'un nouvel abri fiscal dans
lequel les gens qui investiraient auraient droit à un crédit
d'impôt fédéral et provincial; donc, il faudrait une
concertation des deux paliers de gouvernement. Le but, c'est que l'agriculteur
pourrait bénéficier de fonds à faibles taux. En termes de
modalités d'application, si on pousse un peu plus, la formule la plus
appropriée serait probablement une compagnie, dans le sens que c'est
plus facile de transiger des actions que de transiger des participations ou des
hypothèques. Par conséquent, pour inciter les jeunes - pourquoi?
parce que ce serait les principaux intéressés - à
adhérer à ce programme, on pourrait probablement exclure la taxe
sur le capital versé et, en même temps, évidemment, il
faudrait modifier la loi de l'office pour la rendre compatible. Pour la
réalisation d'un tel programme, il faudra donc étudier toutes les
modalités d'application pour être certain que ce sera utile
à ceux qui en ont vraiment besoin.
Ensuite, plutôt que de changer toutes les lois actuelles, il
serait préférable d'apporter des modifications qui, en soi, sont
elles-mêmes simples, mais qui auront probablement des effets
d'entraînement importants. La première, ce serait la
création d'une réserve sur la vente de contingents agricoles.
Autrement dit, lorsque vous vendez un fonds de terre ou des biens commerciaux
et que vous financez le prix de vente en partie, vous allez être
taxé sur le gain de capital avec étalement sur les années.
Étant donné que de plus en plus les parents financent les
enfants, pourquoi le père serait-il taxé sur tout le montant
alors qu'il n'a pas encore encaissé les sommes? Nous savons qu'au
fédéral cela fonctionne en partie. Le provincial n'accepte pas
cette position. Un simple amendement è la loi favoriserait le
financement des parents aux enfants et réglerait en partie le
problème des garanties générées par le quota.
Il y aurait des petites modifications è apporter. Au cours des
années, nous savons qu'il y a eu des budgets qui ont été
très favorables pour les agriculteurs, sauf que, quand on a
modifié une loi, souvent on n'a pas modifié les autres lois, de
sorte qu'on a des biens qui sont exemptés de l'impôt sur le
revenu, mais qui sont assujettis à l'impôt sur les dons ou les
droits successoraux. Si on a des biens exemptés dans une loi, pourquoi
ne le seraient-ils pas dans l'ensemble des lois? Les biens qui sont
imposés devraient être imposés. Cela simplifierait, je
crois, toute l'administration des biens et cela simplifierait aussi le choix au
niveau des producteurs.
J'aimerais aussi attirer votre attention sur un point qui est
très important. Actuellement, c'est une anomalie qui risque de causer de
graves problèmes. Un agriculteur n'a pas le droit de
décéder dans les trois années suivant le transfert de son
entreprise. Je m'explique. Si un agriculteur a fait un don et qu'il
décède dans les trois années qui suivent, on doit inclure
ce don-là dans la valeur de sa succession. De plus, selon les
dispositions budgétaires qui auront force de loi au provincial et qui
ont maintenant force de loi au fédéral, automatiquement on a une
réduction de l'exemption des biens agricoles pour ce qui est des droits
successoraux. Donc, les résultats nets, c'est qu'on enlève
l'exemption des biens agricoles de l'impôt sur les dons, parce qu'ils
deviennent assujettis aux droits successoraux et, de plus, on enlève des
exemptions au niveau des droits successoraux. C'est actuellement un
problème. qui existe depuis quelques années, sauf qu'on est
chanceux, il n'y a pas trop d'agriculteurs qui décèdent dans les
trois années.
Nous savons que, lors du dernier budget, on a instauré les fameux
120 000 $ qui permettent, finalement, de différer une partie de
l'imposition sur le gain en capital. Dans le même ordre d'idées,
la vente de quotas pourrait donner droit au montant qui pourrait être
investi dans le REER. Pourquoi? Parce que, finalement, le patrimoine est un peu
le fonds de retraite des agriculteurs.
Comme dernier point, nous savons que,
de plus en plus, les transferts graduels deviennent à la mode.
Pourquoi? Parce que vous êtes sûrement aussi conscients que
moi-même que, au niveau agricole, la rentabilité ne justifie
jamais la valeur des biens qui sont transférés. Par
conséquent, de plus en plus, on suggère aux agriculteurs d'y
aller de façon graduelle pour que les jeunes commencent à former
leur propre patrimoine.
Alors, la règle du deux fois du vivant, au niveau de
l'impôt sur les dons, est toujours un obstacle constant pour les
transferts graduels. En plus de cela, lorsqu'on a plus de deux enfants, c'est
inévitablement une grosse enfarge. Par conséquent, il devrait
donc y avoir un accroissement du nombre de fois, peut-être cinq fois du
vivant.
Pour la conclusion, je cède la parole à M.
Bélanger.
M. Bélanger: En guise de conclusion, si on peut dire, les
difficultés majeures rencontrées: capital limité, un
capital qui est retiré entre les générations;
problème de formation, parce que faciliter les conditions de prêt
aux nouveaux exploitants peut être dangereux si les critères
d'admissibilité ne prévoient pas l'acquisition de connaissances
théoriques et pratiques suffisantes; les taux d'intérêt
trop fluctuants. Est-ce qu'on doit y aller vers des subventions à
l'agriculture ou à l'agriculteur? Qu'est-ce qu'on vise, maintenir un
style de vie ou une option pour la productivité et l'adaptation rapide
de nouvelles technologies? Également, un encadrement fiscal qui doit
être cohérent avec tout cela. C'était le
résumé de notre présentation.
Le Président (M. Vallières): Merci, M.
Bélanger. On passe maintenant aux questions des députés.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: M. le Président, j'ai
écouté attentivement les représentants des agronomes. Vous
avez surtout parlé de fiscalité. Vous avez parlé,
naturellement, d'endettement, mais vous avez parlé aussi de formation de
gestion financière. Mais il y a une chose qui me surprend. C'est bien
beau que les agriculteurs soient plus instruits, soient plus au courant, mais
comme agronomes, vous avez totalement évité de parler de
certaines restrictions comme les herbicides cancérigènes, de tout
ce débat sur le coût des additifs dans l'alimentation et les
pertes considérables chez les cultivateurs par les grains qui sont
contaminés. J'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que
même si on peut accroître la production agricole de 5%, parce que
le producteur est peut-être un peu plus renseigné et un peu plus
instruit, s'il ne donne pas la bonne nourriture à ses porcs, cela se
réveille sur la table du consommateur, comme le démontrent de
nombreux articles de journaux. Ici, j'ai une lettre qui est signée par
de nombreux producteurs de porc qui, entre autres, disent: Nous,
soussignés, affirmons que les Pré-mix Gardo, qui ont
été donnés aux truies, nous ont causé des dommages
considérables, à des nombres incalculables de troupeaux.
J'aimerais entendre vos commentaires concernant non seulement la
nourriture, mais tout ce qui entoure le côté réellement
agronome. Vous avez déjà beaucoup parlé de finance,
d'exemptions.
M. Bélanger: Je pense que tout cela fait, justement,
partie de sa formation. C'est peut-être une formation plus
appropriée qui va lui permettre de tirer le meilleur profit possible de
ce qu'il y a à la portée de la main. Cela me paraît
intimement relié à sa formation.
M. Dupré: Mais n'est-ce pas à vous de les
instruire? Selon un journal de ce matin: Le Laso est un herbicide
cancérigène. Wise a annoncé, la semaine dernière,
de nouvelles mesures destinées à réduire les risques
d'utilisation de l'herbicide Alachlor, cause de cancer chez les animaux.
À un moment donné, cela doit être votre première
responsabilité, parce qu'en somme non seulement les agriculteurs ou les
producteurs vont voir l'Office du crédit agricole pour avoir de
l'argent, mais ils vous consultent aussi pour savoir si, dans tel ou tel
programme, ils doivent s'embarquer. Une fois qu'ils sont embarqués
là-dedans, c'est vous les premiers conseillers. (16 h 30)
M. Bélanger: Je suis bien d'accord, mais nous
également nous nous instruisons avec eux. On n'a pas la science infuse.
Lorsque des recommandations sont faites, c'est à partir des meilleures
connaissances que tout le monde possède à ce moment-là. Il
y a beaucoup de choses qu'en cours de route on doit modifier en agriculture
comme ailleurs, au moment où cela se fait. Il y a eu beaucoup
d'évolution dans tous les secteurs, que ce soit les médicaments
ou autres. On apprend avec tout le monde, nous aussi.
M. Lusignan: J'aimerais apporter quelques commentaires. Ce que
nous vivons là, c'est un peu le problème de l'évolution
technologique dans lequel nous sommes embarqués. Actuellement - il ne
faut pas se le cacher - il y a une grande partie de la recherche qui est faite
par les compagnies privées. Évidemment, elles poussent leurs
produits sur certaines choses et c'est toujours après X années
que l'on découvre les effets néfastes de telle affaire. Il y a
beaucoup de recherches qui sont faites par les ministères. J'ai
l'impression que des
erreurs comme cela au niveau agronomique, il s'en est toujours produit
et, malheureusement, il s'en produira encore. Pourquoi? Parce qu'il a beau y
avoir beaucoup de recherche afin de voir s'il y a des effets néfastes,
le problème est que souvent il y en a plusieurs qu'on trouve
après X années. Je suis d'accord avec vous que c'est
déplorable. Comme M. Bélanger le dit, c'est sûr et certain
que le problème de fond dans cela, c'est qu'on est embarqué dans
une évolution technologique qui est très rapide et qu'il faut une
formation au niveau de l'agriculteur, certes, mais aussi l'agriculteur
évidemment ne peut pas tout connaître non plus et chacun des
agronomes ne peut non plus tout connaître. C'est ce qui fait qu'à
un moment donné il peut se produire certaines erreurs; mais lorsque ces
erreurs deviennent publiques, on réalise que la formation continue des
agronomes est une des priorités, en même temps que la formation
des agriculteurs.
C'est sûr et certain que l'agronome en tant que tel est comme tous
les autres professionnels, vous le savez comme moi. Est-ce que tous les
agronomes doivent connaître toute la dimension agricole ou si on a besoin
de plus de spécialistes? Est-ce qu'on a besoin de plus de recherche?
C'est une autre dimension. Pour résumer, la seule chose que l'on puisse
dire, c'est un besoin de formation additionnelle. Il ne faut pas se le cacher,
les compagnies américaines ont les fonds pour réaliser ces
recherches. S'il y a quelque chose, c'est qu'elles sont souvent en avance sur
les recherches qui sont faites au niveau du ministère. C'est malheureux
à dire, mais des erreurs, il va toujours s'en produire comme dans
n'importe quel domaine, mais il faut vraiment tout faire pour les
éviter.
M. Bélanger: Si je peux ajouter un mot, j'aimerais aussi
mentionner que l'agronome n'est quand même pas limité aux aspects
de techniques de production. Il y a une phrase que j'avais mentionnée
tout à l'heure: II est primordial que le gouvernement provincial
maintienne un secteur témoin en vulgarisation agricole. C'est un peu
dans ce sens aussi que cela permettrait de se détacher un peu du secteur
privé et peut-être, dans certains cas, de donner un conseil plus
impartial.
M. Dupré: Non pas à cette commission, mais quand on
a entendu les ex-grévistes de la faim à plusieurs occasions on a
entendu, mais on n'a pas pu le vérifier, naturellement, auprès
des conseillers du temps... Ce n'est pas un reproche que je vous fais, ce sont
des questions que je me pose, à savoir jusqu'à quel point les
agronomes sont à la fine pointe, au Québec, des recommandations
que vous faites. Cela devient évident. Quand on voit une quarantaine de
producteurs qui signent la même demande ou qui se posent les mêmes
questions, ce ne sont pas des cas isolés. Ce n'est pas l'hemophilus,
c'est quelque chose qui est beaucoup plus répandu et plus grave.
M. Lusignan: II faut bien comprendre qu'en fait l'utilisation de
tous les herbicides ou des pesticides résulte toujours de nombreuses
recherches. Donc, sur qui doit-on jeter le blâme? Est-ce sur l'agronome,
dans le champ, qui est chargé de vulgarisation ou sur celui qui fait la
recherche et qui publie ces rapports? C'est ce que je me dis, parce qu'au fond
je ne crois pas que c'est à l'agronome qui est chargé de
vulgarisation ou à celui qui est avec les clients de faire ces
recherches. Il faut se fier aux recherches qui sont faites.
M. Dupré: Est-ce qu'il y en a qui sont
spécialisés dans ces recherches ou si c'est laissé
totalement aux médecins vétérinaires ou aux chercheurs
d'université?
M. Lusignan: Non.
M. Martin (Aurèle): L'homologation des produits se fait
à Ottawa après d'amples recherches. Il peut y avoir quand
même des possibilités d'erreurs; la concentration de produits dans
un animal ou dans les productions dont les animaux s'alimentent peut causer des
problèmes ultérieurs. Maintenant, remarquez bien que ces choses
sont très complexes. C'est l'éternel...
M. Dupré: Saint-Hyacinthe est probablement
présentement la région où il y a la plus grande
concentration d'éleveurs de porcs. Or, on voit depuis quelques
années, en tout cas depuis que je suis député, une
diminution constante des portées. C'est censé être à
peu près 20 porcelets par année et cela diminue
considérablement. Il me semble que cela devrait être une des
questions que vous vous posez, même si vous n'êtes pas
médecins vétérinaires. C'est tout de même vous
autres qui faites affaires directement avec les agriculteurs et qui les
conseillez.
M. Lusignan: Il y aurait juste une précision que
j'aimerais apporter. En fait, l'agronome en tant que tel a beaucoup de
spécialisations en termes de niveaux agronomiques. C'est pour cela que,
parmi les représentants de l'ordre, nous n'avons pas de
spécialistes au niveau des productions végétales, des
productions animales et au niveau de ces analyses. Évidemment, chaque
agronome a une spécialité, parce que tout le domaine agronomique
est très complexe et très spécialisé aussi. Comme
mot, je ne suis, en fait, spécialisé qu'au niveau fiscal,
évidemment, les clients que je rencontre, ce n'est pas moi qui vais leur
dire d'utiliser tel
pesticide par rapport à un autre. C'est chacun son domaine. Il
reste que le problème que vous avez mentionné, c'est certain que
c'est pitoyable et que c'est malheureux que cela se produise. J'ai l'impression
qu'on arrive à des résultats, mais que la base de cela est la
recherche. Je ne crois pas que les problèmes soient au niveau de la
vulgarisation. Le système est bon. C'est la recherche en dessous de cela
qui n'est peut-être pas adéquate.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, je m'en tiendrai au
mémoire que vous nous avez soumis en ce qui concerne la commission
parlementaire. Il y a plusieurs choses que vous mentionnez, que vous soulignez
à l'intérieur du mémoire, qui sont intéressantes,
mais qui, à mon avis, mériteraient des explications
additionnelles. Je vais tenter, dans le temps qui m'est accordé, de vous
poser certaines questions. On a parlé beaucoup de faillites agricoles,
on fait état de faillites agricoles, comme s'il y en avait beaucoup. Cet
avant-midi, on a parlé aussi avec l'Union des producteurs agricoles de
ces faillites agricoles. On parlait de 162 faillites, entre autres. J'ai fait
référence moi-même, aussi, au fait qu'en plus des faillites
agricoles, il y a des abandons qui sont volontaires ou semi-volontaires ou
forcés. On a fait allusion au fait qu'il y avait des gens, même
dans ce domaine, qui étaient trop pauvres pour faire faillite.
À partir de ce moment, quand vous affirmez que, "depuis trois
ans, les faillites d'entreprises agricoles ont fait l'objet de beaucoup de
publicité; cependant, elles demeurent peu nombreuses par rapport
à d'autres secteurs de l'économie québécoise ou
canadienne", vous devez, sans doute, pour nous faire une telle affirmation,
posséder l'équivalent d'autres secteurs. J'aimerais que vous
m'expliquiez et me disiez dans quels secteurs il y a des comparaisons possibles
et quels types de comparaisons on peut faire pour nous démontrer que ce
n'est pas si mal que cela.
M. Bélanger: On parle ici de 127 agriculteurs
québécois, au cours des neuf premiers mois de 1984 qui ont une
situation financière précaire. Les chiffres exacts sur le nombre
de faillites, nous ne les avons pas là-dedans. On pourrait vous
les...
M. Picotte: Statistique Canada donne 162...
M. Bélanger: 162.
M. Picotte:... en 1984. Puisque vous dites que c'est moins grave
dans ce secteur, j'imagine que vous avez des données qui viennent
démontrer que, dans d'autres secteurs, c'est pas mal pire que cela.
C'est cela que je voulais vous voir expliciter, parce que moi, je ne suis pas
certain qu'il y ait une comparaison possible. S'il y en a une, en tout cas, je
voudrais voir sur quoi vous vous êtes basés pour faire une telle
comparaison.
M. Bélanger: On n'a malheureusement pas les données
en main. Maintenant, il y a des données qui sont disponibles
là-dessus sûrement. Cela n'a pas été écrit
là par hasard. Je n'ai pas les données en main.
M. Picotte: Pourriez-vous, d'ici quinze jours, trois semaines,
nous faire parvenir les données qui font en sorte que la comparaison est
possible?
M. Bélanger: Certainement.
M. Picotte: Dans un autre ordre d'idées, à la page
3, vous parlez d'initiation, en particulier, "d'initiation encadrée
obligatoire pour les jeunes exploitants". J'aimerais que vous m'expliquiez
cette façon de procéder. L'initiation encadrée, c'est
quoi, cela veut dire quoi?
M. Bélanger: Actuellement, le jeune agriculteur, à
la suite de son emprunt, est peut-être un peu trop laissé à
lui-même. Est-ce que les ressources sont là, actuellement, pour
fournir l'encadrement nécessaire? Peut-être pas de la façon
dont les organismes de crédit sont structurés actuellement.
Est-ce que ce sont uniquement les prêteurs qui devraient fournir ce
suivi? Probablement que non. L'initiation encadrée, cela peut commencer
avant que le jeune entre en agriculture aussi. Est-ce que cela peut aller
jusqu'à un stage pratique obligatoire? Cela peut aller loin. Est-ce
qu'on peut revenir aussi, peut-être sous une autre formule -vous en avez
sûrement entendu parler - aux anciens prêts surveillés, par
exemple, qui existaient? C'était un service de gestion financière
qui était attaché au prêt, qui était obligatoire
à partir d'un certain montant et qui a disparu avec les années.
Est-ce qu'il ne faudrait pas revenir à quelque chose de semblable? C'est
un peu dans ce sens, pour ne pas laisser le jeune à lui-même ou
à peu près à la suite d'un prêt, mais le guider.
M. Picotte: J'imagine que cette initiation encadrée
devrait se faire en cours de formation pour le jeune. C'est là qu'elle
doit se faire, j'imagine. Est-ce qu'il y d'autres façons, après
le stage? En supposant que le jeune suive un stage de formation tel qu'on le
connaît présentement, y a-t-il
d'autres façons? Est-ce que cela veut dire que, dans les cinq
premières années d'exploitation agricole, il doit y avoir une
telle façon de fonctionner? De quelle façon cela doit-il
fonctionner?
M. Bélanger: L'histoire de la formation continue doit
continuer à exister et peut-être même plus qu'après
cinq ans, Elle doit être là au besoin. Elle ne devrait pas
arrêter, en fait.
M. Picotte: Toujours à la page 3, au point 3, vous dites:
"Un nouveau concept de crédit agricole basé sur les aptitudes de
l'exploitant, le potentiel de l'entreprise et l'existence réelle des
marchés". J'ai fait beaucoup de consultation agricole dans plusieurs
milieux et, entre autres, à un moment donné, quelqu'un parlait
d'une espèce de carte, pas une carte de producteur comme on l'entend,
mais une carte de compétence peut-être en comparaison avec ce qui
existe au niveau de l'OCQ quand on parle du domaine de la construction. Quand
vous dites "basé sur les aptitudes de l'exploitant", jusqu'où va
votre idée? Êtes-vous prêts à défendre une
position telle qu'une carte d'agriculteur, par exemple? Qu'est-ce que cela veut
dire? Je voudrais bien qu'on précise cela dans votre idée, "un
nouveau concept de crédit agricole basé sur les aptitudes de
l'exploitant. " Comment va-t-on être capable de vérifier si le
jeune agriculteur ou la relève qui arrive sur le marché va avoir
les aptitudes nécessaires? Comment et qui va porter ce jugement?
M. Bélanger: Ce n'est jamais facile lorsque, par exemple,
un jeune de 18 ou de 20 ans désire obtenir un prêt agricole de
savoir s'il a le potentiel pour l'obtenir ou non. D'abord, son potentiel peut
être évalué en partie par ses connaissances
théoriques; cela peut également aller du côté du
stage pratique dont on parlait tout à l'heure pour vérifier
vraiment, ceci non seulement pour ceux qui auront à décider s'il
est admissible ou non à un prêt, mais peut-être aussi pour
lui, afin de se rendre compte s'il a le potentiel et les aptitudes pour se
diriger dans telle production plutôt que dans telle autre.
M. Picotte: Quand on parle de stage, quand on parle de formation
à ce niveau, cela suppose qu'on peut difficilement penser, en fait,
qu'un jeune pourrait arriver comme exploitant agricole avant l'âge de 26,
27 ou 28 ans. (16 h 45)
M. Bélanger: C'est peut-être aussi une nouvelle
approche qu'il va falloir développer. On admet très bien dans
l'industrie, par exemple, que quelqu'un devienne propriétaire de son
entreprise à l'âge de 45 ou 50 ans.
Est-il pensable, même aujourd'hui, qu'un jeune de 20 ans
possède une entreprise qui vaut 500 000 $ du jour au lendemain? Il y a
peut-être une intégration graduelle qu'il va falloir
développer. Il va certainement falloir développer de nouvelles
façons de s'introduire en agriculture; parce qu'il n'est plus possible
pour quelqu'un, avec le comptant que cela suppose aujourd'hui, dans la
majorité des cas, pour les Québécois ordinaires en tout
cas, avec la situation financière dans laquelle un peu tout le monde se
trouve, d'avoir le comptant nécessaire pour acquérir une
entreprise au complet. Il faut quand même dire que l'âge actuel
d'établissement est de l'ordre de 26, 27 ans, en moyenne.
M. Picotte: II faudrait que l'État soutienne une
initiative semblable à celle-là, parce que les modalités
d'application deviennent forcément très compliquées si on
regarde un cheminement semblable à celui que vous proposez.
M. Bélanger: Peut-être pas nécessairement.
Les compagnies existent en agriculture actuellement, les
sociétés. Un peu comme dans l'industrie, est-ce qu'on peut
acquérir des parts au fur et à mesure là-dedans? Pourquoi
pas? Il y a toute une philosophie nouvelle qui est à développer,
c'est bien sûr, parce qu'on est habitué à être
propriétaire et à devenir propriétaire de sa ferme au
complet en s'établissant.
M. Picotte: Selon le langage que vous tenez, cela suppose qu'il
ne faut plus trop songer à ce qu'on appelle l'agriculture de type
familial.
M. Bélanger: Cela dépend de ce qu'on entend...
M. Picotte: Il faut mettre cette nation de côté.
M. Bélanger:... par ferme familiale. Le père avec
ses deux garçons, est-ce que cela est encore une ferme familiale? Je ne
le sais pas, je n'ai pas la réponse.
M. Picotte: Parlons de type familial, entre parenthèses.
Si on commence à jouer dans les relations père-fils ou
grand-père, mon oncle, ma tante... Parlons de type familial. Tout le
monde sait ce que cela représente, une agriculture de type familial.
Quand on parle de formation de compagnie pour avoir des parts à
l'intérieur et tout cela, dans une compagnie, on fait
référence à quelque chose qui est vraiment plus gros et
qui m'apparaît beaucoup plus vaste, donc encore beaucoup plus difficile
à contrôler.
M. Bélanger: Actuellement, s'il n'y a pas une injection de
fonds importante - elle
viendra de je ne sais où, est-ce que ce sont les gouvernements
qui doivent la fournir ou pas? - avec le prix des fermes aujourd'hui et l'avoir
net moyen qu'un individu peut avoir pour s'établir en agriculture
à l'âge de 26 ou de 27 ans, il est officiel qu'il faudra penser
à autre chose. La ferme familiale, telle qu'on la conçoit
aujourd'hui, sera-t-elle encore la ferme de l'avenir? Ce n'est pas
sûr.
M. Picotte: Vous dites que la planification du
développement pose une question encore plus globale, "celle du
développement rationnel de notre potentiel agricole". J'aimerais que
vous m'expliquiez ce que serait un développement rationnel de notre
potentiel agricole. Qu'est-ce que cela voudrait dire?
M. Bélanger: Peut-être que, si on continue un peu
plus loin, on va avoir une partie de la réponse. Développer notre
potentiel agricole, cela peut être souhaitable en soi, cela peut
être un objectif valable. Maintenant, quand on parle de
développement rationnel, doit-on penser strictement en termes
d'autosuffisance, par exemple? Doit-on penser en termes d'exportation? Doit-on
accroître la production des entreprises en considérant plusieurs
secteurs actuellement où on a déjà une production
excédentaire? Doit-on encore développer, par exemple, pour
développer des marchés d'exportation?
M. Picotte: J'ai saisi cela à l'intérieur de votre
mémoire, mais je veux savoir ce que vous pensez, vous, comme organisme?
C'est quoi? Je comprends que c'est un éventail de possibilités:
l'exportation et tout cela, mais, pour vous, doit-on tendre davantage vers
l'autosuffisance ou quoi? Quelle est la position plus arrêtée de
votre organisme?
M. Bélanger: C'est-à-dire que l'auto-suffisance
dans certaines productions actuellement, elle est déjà atteinte
et même comblée. On n'a pas nécessairement la
réponse à tout cela, nous autres non plus. Maintenant, je ne
pense pas qu'on doive continuer d'injecter de l'argent dans certaines
productions où on est déjà excédentaire strictement
en pensant à des marchés ou, en tout cas, si on le fait en
pensant à des marchés d'exportation, il faudrait peut-être
s'assurer qu'ils soient là, ces marchés.
M. Picotte: Vous parlez, à un moment donné, d'un
crédit aux innovateurs ou à l'innovation. Vous avez fait allusion
à cela tantôt. Pourriez-vous me citer un ou des exemples et me
dire comment cela fonctionnerait, le crédit aux innovateurs? C'est du
risque élevé ou...
M. Bélanger: Chaque fois...
M. Picotte: C'est quoi, l'apport de l'État, quand on
arrive dans certaines innovations où il y a un risque très fort,
un haut pourcentage de risque? Ce serait quoi? Est-ce que l'État devrait
avoir une politique spéciale de crédit quand on parle d'un
crédit aux innovateurs?
M. Bélanger: Remarquez que cela a été
présenté peut-être avec un point d'interrogation au bout de
la ligne. On sait que, si on veut développer de nouvelles productions,
si on veut mettre en place de nouvelles technologies, il y a un risque
d'attaché à cela. C'est un risque qui peut être variable
selon ce qu'on veut introduire. Est-ce qu'il ne faudrait pas encourager ces
gens-là ou est-ce qu'on peut leur permettre de prendre le risque seuls?
Cela peut être vrai pour toutes les productions aussi actuellement.
Est-ce que le taux d'intérêt ne pourrait pas être compatible
avec la rentabilité des productions? On a peut-être socialement
décidé, à un moment donné, si on veut manger du
boeuf, si on veut manger de l'agneau, si on veut boire du lait ou tout cela,
mais, par la suite, si on dit oui à certaines productions et si on dit
non à d'autres, celles auxquelles on aura dit non, le problème
est réglé, mais si on dit oui, est-ce qu'il ne faudrait pas y
aller avec un taux d'intérêt qui tienne compte de la
rentabilité de cette production? Je ne pense pas que secteur du bovin de
boucherie puisse payer les mêmes taux d'intérêt que le
secteur laitier. Je ne sais pas.
M. Picotte: Vous parlez en page 6 de la fiscalité. Entre
autres, vous dites; "Une autre façon d'encourager et de faciliter
l'établissement de la relève agricole pourrait peut-être se
trouver dans des subventions ou crédit à l'agriculture à
temps partiel. "
M. Bélanger: Actuellement, le crédit disponible
l'est beaucoup plus à l'agriculteur qu'à l'agriculture, ce qui
limite encore... Cela répond peut-être à votre
préoccupation de tout à l'heure, à savoir comment un jeune
peut encore acquérir une ferme familiale aujourd'hui. C'est
peut-être une façon de permettre du crédit à ces
individus qui voudront s'introduire graduellement en agriculture. Ce n'est pas
facile avec toutes les productions, mais cela...
M. Picotte: Mais ce genre de crédit devrait être
dosé d'une certaine façon. Ce n'est pas un danger, à un
moment donné, qu'on se retrouve avec plusieurs agriculteurs à
temps partiel qui travaillent ailleurs, qui vont chercher un revenu ailleurs,
qui bénéficient des subventions, de l'aide de l'État, qui
bénéficient de crédit peut-être à
un meilleur taux, forcément, et que cela change un peu le visage
de l'agriculture comme telle? Parce que, quand vous parlez de cela, j'imagine
que vous voulez qu'un gouvernement ouvre les portes assez grandes
là-dedans, à moins qu'on ne contingente dans certaines
productions données. Quand on sait qu'il y a des productions qui sont
peut-être en faiblesse ou des productions qui mériteraient
d'être exploitées davantage, on en fait une seconde zone, une
seconde sorte d'agriculteurs. Il faut aussi réfléchir
là-dessus. Mais vous croyez vraiment que cela doit être ouvert
avec beaucoup d'emphase du côté des agriculteurs à temps
partiel?
M. Bélanger: Avec beaucoup d'emphase, je ne sais pas. Il
faudrait voir avec quelle emphase cela devrait se faire. Mais si on cherche une
solution pour perpétuer la tradition de nos fermes familiales, c'est
peut-être une façon. Cela comporte beaucoup de risques, je suis
d'accord avec vous, et cela peut peut-être amener des individus en
agriculture aussi qu'on ne voudrait pas avoir. Je ne le sais pas. Je ne sais
pas comment sont les statistiques canadiennes, mais aux États-Unis,
actuellement, 60% de la production vient de l'agriculture à temps
partiel et on doit être en concurrence avec eux. Est-ce qu'il va falloir
embarquer, nous autres aussi?
M. Picotte: C'est un changement qui est quand même assez
radical si on envisage cela de cette façon. Moi, je ne serais
peut-être pas prêt à l'envisager comme cela
immédiatement, mais en tout cas, il faudrait que des gens me
convainquent qu'il va y avoir là un effet fort bénéfique
du côté de l'agriculture, chose dont je ne suis pas trop certain
au moment où on se parle, mais il reste quand même qu'on peut
toujours bien me le démontrer à certaines occasions.
M. Lusignan: On pourrait envisager cette formule surtout dans les
secteurs qu'on veut développer. Évidemment, on ne parle pas de
lait, mais de secteurs nouveaux où on croit qu'il y a vraiment des
débouchés. On sait que dans le vison cela va relativement bien.
Si on veut encourager davantage !e vison, si on décide d'encourager
davantage le mouton ou d'autres productions, étant donné qu'on
sait actuellement qu'à court terme c'est non rentable, il pourrait y
avoir des conditions attachées à cela. Souvent, les
intéressés sont obligés d'aller travailler à
l'extérieur pour assurer leur vie, mais ils ont tout le temps
l'expectative raisonnable de dire: Dans cinq ans, je devrais être bon
pour vivre, etc.
En fait, il existe maintenant des formules. Il ne faut pas se le cacher,
l'Office du crédit agricole a certains programmes là-dessus, mais
il devrait peut- être être plus souple dans les productions qu'on
veut développer. Évidemment, je ne suis pas d'accord, moi non
plus, pour laisser la porte grande ouverte là où c'est
déjà contingenté, où on en a déjà
trop. Par contre, ça pourrait être un apport de fonds
intéressant pour les secteurs qu'on veut développer.
M. Picotte: Une dernière question, M. le Président.
Je pense que mon temps tire à sa fin. Il me reste deux minutes; je vais
essayer de prendre 30 secondes. Une dernière question concernant la
formation comme telle. Vous parlez de formation avec beaucoup
d'à-propos. Ne croyez-vous pas que le fait que ce soit le
ministère de l'Éducation qui soit le maître d'oeuvre de
cette formation-là au niveau agricole soit un peu une carence dans notre
système? Ne serait-ce pas plutôt au ministère de
l'Agriculture d'être le maître d'oeuvre là-dedans et de
prendre exactement la place qui doit lui revenir dans la formation agricole?
Est-ce que l'Ordre des agronomes est mis suffisamment à contribution en
ce qui concerne la formation des jeunes?
M. Bélanger: Je peux vous dire que certains pensent encore
avec nostalgie aux anciennes écoles d'agriculture.
M. Picotte: C'est peut-être trop loin en arrière,
par exemple.
M. Bélanger: Peut-être, mais je pense que,
entre-temps, on cherche encore une formule qui prendra la place. Je ne suis pas
sûr qu'on l'ait atteinte tout à fait. C'est peut-être une
opinion personnelle.
M. Picotte: Êtes-vous satisfait ou non de cette situation
qui existe dans la formation?
M. Bélanger: Non, on n'est pas satisfait actuellement. Si
on considère qu'il y a 14% de ceux qui s'embarquent en agriculture qui
ont une formation adéquate, il y a certainement beaucoup à faire.
Est-ce que ce doit être uniquement le ministère de l'Agriculture?
Est-ce que ce doit être uniquement le ministère de
l'Éducation ou les deux qui oeuvrent à ce niveau-là?
Probablement.
M. Picotte: Merci pour votre mémoire. On a pu avoir un
échange de vues assez enrichissant.
M. Bélanger: Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci. Je vais
d'abord remercier l'Ordre des agronomes pour avoir
présenté ce mémoire qui soulève, quand même,
plusieurs interrogations et qui aidera certainement la commission parlementaire
à formuler nos recommandations au gouvernement.
Vous dites, dans votre mémoire, que les modes traditionnels
d'achat, de transfert et de financement des entreprises agricoles ont besoin
actuellement d'un rajeunissement, si vous voulez me passer l'expression. Vous
soulignez également que, dans la consultation du gouvernement, il y a
trois points particuliers, soit la relève, le financement et
l'endettement. Si vous aviez eu plus de temps pour préparer votre
mémoire, vous auriez sans doute précisé davantage.
Je vais essayer de vous donner la chance de le faire ici, si vous en
êtes capables, en commençant par le premier thème, soit la
relève comme telle et le financement. Vous dites qu'aux
États-Unis et en Europe il semble y avoir plus de ressources; on semble
être plus avancé que nous pour l'aide à la relève
agricole et au niveau du financement pour l'acquisition d'entreprises.
Pournez-vous expliquer un peu les méthodes qui diffèrent des
nôtres, soit aux États-Unis ou en Europe? Quelle différence
y a-t-il entre leurs méthodes et la nôtre? Qu'est-ce qui est plus
avantageux? (17 heures)
M. Lusignan: En partant, il n'y a pas de solution miracle, sauf
qu'il y aurait peut-être des idées intéressantes. En
Europe, on fonctionne beaucoup par voie de location. Les prix à l'arpent
ou à l'acre sont déjà limités, c'est-à-dire
que vous ne pouvez pas louer plus cher. Le problème qu'ils ont eu, c'est
que les baux étaient devenus un marché spéculatif. Le
problème de fond, le danger, peu importe la méthode, je crois,
c'est que toutes les fois qu'on va créer un avantage,
c'est-à-dire qu'on va diminuer le coût ou le prix de vente, toutes
les fois qu'on ouvre une porte, on dirait que les producteurs veulent toujours
en profiter au maximum. Si on permet des coûts plus bas, donc en ayant
des coûts de location gelés, ou si on a des taux
supérieurs, des montants... Par exemple, si on pouvait emprunter
à un taux de 4%, qui, finalement, peut en bénéficier? J'ai
l'impression que le problème de fond, c'est qu'on tourne toujours autour
de cette fameuse question. J'ai l'impression que la seule façon de
bloquer cela, parce qu'il y a une relation directe entre les taux
subventionnés et la valeur des biens, c'est que plus on va
subventionner, plus on va créer de l'inflation au niveau agricole, de
sorte que, selon moi, on ne réglera aucun problème.
Le dilemme, c'est d'essayer de geler l'inflation tout en permettant la
rentabilité. On dirait que, même si on veut en régler un,
l'autre suit tout le temps. Un des moyens, ce pourrait être de s'assurer,
simplement au niveau des politiques des crédits, qu'on prévoie un
solde pour expansion obligatoire plus élevé, dans le sens qu'on
dirait que 10% des revenus bruts de l'entreprise ne doivent pas être
utilisés pendant X années ou créer des fonds. Le but,
c'est parce que toutes les fois qu'on donne des politiques avantageuses, peu
importe ce que c'est, automatiquement le vendeur, souvent le père, va
dire: D'accord, si ta capacité de remboursement est plus haute parce que
cela coûte moins cher, donc je vais te vendre plus cher. Finalement,
l'argent va tout simplement sortir de l'agriculture pour s'en aller dans les
banques. La seule façon d'empêcher cela, c'est
précisément de jouer sur la capacité de remboursement pour
que le vendeur n'ait plus ce choix, pour arrêter cet effet inflationniste
occasionné par les subventions.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que ce sont des formules
appliquées en Europe ou aux États-Unis?
M. Lusignan: Oui.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce qu'elles sont appliquées
présentement?
M. Lusignan: En Europe, une très grande partie de
l'agriculture est fondée sur des baux de location. Souvent, les gens de
la ville sont propriétaires et ce qu'ils reçoivent, ce sont des
revenus à même le loyer, sauf que les revenus de loyer sont
gelés par l'État, c'est-à-dire qu'il y a un prix
gelé. Le problème, on ne peut pas dire que leur solution est
meilleure parce que ce sont les baux qui se vendent.
M. Baril (Arthabaska): Je me souviens -cela a pu être
corrigé - en 1978, je suis allé en France et je parlais avec
quelqu'un de là-bas, évidemment, qui disait que la location des
fermes avait comme conséquence néfaste que les locataires
étaient moins intéressés à maintenir la valeur de
la ferme. Ils investissaient moins dans les bâtiments et dans le sol
parce que ce n'était pas à eux.
M. Lusignan: J'ai l'impression que c'est probablement une
question de durée des baux. Si vous avez des baux de trois ans, j'ai
l'impression que vous n'aurez pas le goût de faire des
améliorations importantes parce que vous vous dites que vous n'aurez
jamais un rendement sur votre capital investi. Si on signe des baux de 20 ans
ou de 10 ans, j'ai l'impression que cela vaut la peine de drainer pour
s'assurer qu'on va avoir des bons rendements. Pourquoi? Parce que les revenus
vont justifier les investissements.
M. Baril (Arthabaska): Concernant le taux d'endettement, le
problème de
l'endettement des agriculteurs, il peut y avoir toutes sortes de
raisons. On parle de différentes façons d'ouvrir davantage le
crédit. Ce matin, je ne sais pas si c'est avec les représentants
de l'Union des producteurs agricoles ou les notaires, on disait, entre autres,
qu'à l'office les conseillers en gestion n'étaient
peut-être pas tout à fait formés ou assez bien
formés pour répondre aux besoins des agriculteurs afin
d'élaborer la planification de leur projet. Croyez-vous que dans les
entreprises privées actuellement, si on recule de quelques
années, cette formation est adéquate? On sait que beaucoup
d'agriculteurs, entre autres concernant le prêt d'amélioration de
la ferme, n'ont qu'à aller voir leur banquier et vont donner en garantie
ce qu'ils vont acheter. Je pense que c'est probablement une faiblesse de
certains agriculteurs d'avoir acheté peut-être sans avoir trop
planifié. J'aimerais vous entendre sur ce point-là.
M. Lusignan: D'accord. Je pense que vous venez de toucher
exactement un gros problème. Le problème de fond, c'est une
mentalité à laquelle on doit s'attaquer. Pourquoi? Supposons que
vous avez l'opportunité d'emprunter, demain matin, 100 000 $, que vous
avez des facilités de crédit qui sont en place et tout cela. Du
fait que c'est subventionné, vous décidez d'y aller au maximum,
mais cependant vous n'en avez pas besoin. C'est le gros problème. Si on
a un taux de 8% qui serait de 5% et que tu décides tout simplement
d'investir davantage parce que le taux est plus bas, mais que tu investis dans
des choses qui sont non rentables, les 5% sont trop cher. Mais le
problème, d'après moi, c'est une question de mentalité.
C'est beaucoup plus qu'un problème en tant que tel d'organisation de
crédit; si le crédit est bas, c'est fantastique, c'est donc pour
aider ceux qui en ont besoin. Mais si c'est utilisé à mauvais
escient, le problème, c'est d'abord et avant tout l'agriculteur qui
prend cette décision. Évidemment, ce sont les gens qui encadrent
aussi l'agriculteur. L'avènement des syndicats de gestion a aidé
beaucoup, mais, il ne faut pas se le cacher, ce n'est encore qu'une partie des
agriculteurs. Les autres ne veulent pas se casser la tête: J'ai besoin
d'un tracteur, bon.
Mais le problème de fond, c'est l'aspect gestion, qui est plus ou
moins développé chez nos producteurs, dont la formation. C'est
pour cela que si les gens commencent à penser gestion, automatiquement,
cela devrait être une des choses qui devraient être
éliminées. Je trouve cela bizarre, parce que je ne trouve pas
cela logique que ce soit l'État ou tous les organismes qui disent tout
le temps quoi faire à l'agriculteur. Si, à un moment
donné, on disait à l'office: Vous prêtez, mais vous allez
tout le temps suivre, pendant cinq ou dix ans, tout ce que l'agriculteur va
faire, cela veut donc dire que l'agriculteur, ce n'est pas un homme d'affaires,
ce n'est pas un "businessman". Le problème de fond, c'est une question
de mentalité, d'après moi. La seule façon, d'après
moi, pour enrayer ces problèmes dans l'avenir, c'est la formation qui
devrait être exigée au niveau de tous ceux qui vont venir
après.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez parlé d'un
problème de gestion. Je pense que tout le monde le reconnaît. Mais
si on se met dans la peau d'un agriculteur, aujourd'hui... Je me suis fait une
liste tout à l'heure, je suis certain que j'en ai oublié, de
personnes qui conseillent l'agriculteur. Tu as l'agronome local, le banquier,
le gars de l'office, le meunier, les compagnies privées, le syndicat de
gestion et je suis certain que j'en ai oublié; il y a le vendeur de
machinerie, le voisin, rnercil
J'aimerais connaître votre réaction là-dessus.
À un moment donné, l'agriculteur se fie à tout ce
monde-là et il vient un temps où il dit: Qui a raison dans tout
cela? Pensez-vous qu'il n'y a pas un malaise au niveau des conseils qu'on peut
fournir à l'agriculteur?
M. Bélanger: Je pense que l'agriculteur doit quand
même avoir une certaine autonomie aussi. Maintenant, je peux vous dire,
par expérience, qu'il ne suit pas toujours les conseils de tout ce
monde.
M. Baril (Arthabaska): Oui, oui. Remarquez bien que, si je dis
cela, ce n'est pas parce que je veux dévaloriser l'intelligence de
l'agriculteur.
M. Picotte: Parce que ce sont des conseils, il n'est pas
obligé de les suivre.
M. Baril (Arthabaska): Ce sont des conseils, mais, quand
même, le jeune, entre autres, qui n'a pas l'expérience d'un
agriculteur qui l'est depuis quelques années, à un moment
donné, il a tout ce paquet de conseillers qui arrivent autour de lui;
qu'est-ce qu'il choisit? Concrètement, je comprends que ce n'est pas
tout le monde qui les écoute, mais ne pensez-vous pas que c'est une
lacune ou un problème à ce niveau ou si cela va bien comme
cela?
M. Lusignan: II y a deux choses qu'il faut bien comprendre. C'est
que, si l'on veut donner du bon service, il faut être
spécialisé dans notre domaine. Cela est une vérité.
Parce que les gens qui connaissent un petit peu de tout, ce sont les pires.
C'est très dangereux. Pourquoi? Parce que tu dépasses, à
un moment donné, ton encadrement. Sauf que la solution à ce que
vous venez de
mentionner, c'est simplement quelqu'un qui est capable de vous diriger
vers les personnes compétentes. C'est pour cela que le conseiller en
gestion, en tant que tel, ou l'agronome local est censé vous diriger
lorsque vous avez un problème précis et dire: Je ne suis pas
capable de répondre à cela. Cela prend donc quelqu'un,
aujourd'hui, qui est capable de vous suivre. Autrement dit, cela prend un bras
droit, quelqu'un de confiance qui va vous diriger vers tous ces intervenants.
Autrement dit, on est rendu avec un mal nécessaire. La seule solution,
en fait, c'est d'avoir quelqu'un en qui on a confiance qui va nous diriger vers
les bonnes personnes.
Le Président (M. Vallières): Je m'excuse
auprès des intervenants, c'est intéressant. Par ailleurs, Je
temps réservé à l'Ordre des agronomes est...
M. Baril (Arthabaska): Ma question la plus importante!
Le Président (M. Vallières):... terminé. Il
me reste à vous remercier de votre participation et de la
présentation de votre mémoire.
J'inviterais maintenant les représentants du Collège
Macdonald à s'avancer. Je prierais M. Marcel Couture de bien vouloir
nous présenter sa délégation, de même que son
mémoire en tentant, lui aussi, de limiter la présentation du
mémoire aux 20 minutes qui lui sont allouées.
Collège Macdonald
M. Couture (Marcel): Parfait. Merci. À ma gauche, je
présente le Dr Angus MacKenzie, notre vice-doyen à la recherche
à la faculté et, à ma droite, M. Garth Coffin, directeur
du département d'agroéconomie.
En débutant, je voudrais remercier tous les membres de la
commission de nous avoir donné l'opportunité d'être ici
aujourd'hui. J'ai apporté quelques copies additionnelles de notre
mémoire; je ne sais pas si chacun en a une copie ou si je devrais en
distribuer. Cela va-t-il?
Le Président (M. Vallières): Nous avons
déjà des copies en main.
M. Couture: Merci. Ce qu'on me dit, c'est que je vais
présenter notre mémoire; cela devrait durer à peu
près quatorze ou quinze minutes et après, c'est la période
de questions. Est-ce bien cela?
Le Président (M. Vallières): C'est cela. Vous
disposez d'une vingtaine de minutes pour la présentation du
mémoire.
M. Couture: Parfait, merci. En débutant, je voudrais
mentionner quelques faits sur la situation financière des fermes
québécoises. L'avoir net moyen des producteurs
québécois est le plus faible au pays. Il a chuté de 80% en
1981 à 75% en janvier 1984. L'équité du tiers
inférieur des fermes est de moins de 74%, le plus bas au pays. Cela veut
dire que ces fermes québécoises ont le taux d'endettement le plus
élevé au Canada, les rendant très vulnérables aux
hausses de taux d'intérêt. Le taux d'endettement moyen des fermes
constituant le tiers des plus endettées des entreprises agricoles
québécoises est de 177 000 $. En conditions normales
c'est-à-dire aucune protection et taux d'intérêt flottant,
une augmentation du taux d'intérêt de 2% signifierait une hausse
de paiement de 3450 $ par année.
Basé sur une enquête réalisée
récemment par la Société du crédit agricole dans
plusieurs provinces, l'endettement moyen par ferme est plus élevé
que l'investissement moyen. On en conclut que les agriculteurs empruntent de
plus en plus pour payer leurs vieux emprunts ou qu'ils vivent des montants
empruntés. De plus, d'après la même enquête, 7000
agriculteurs québécois sont présentement en
difficulté financière. Dans les trois cas, tout indique que les
agriculteurs ont des problèmes de liquidités. À cause du
niveau plus élevé des taux d'intérêt au cours des
quelques dernières années, le passif à court terme des
agriculteurs, dû surtout au paiement d'intérêts plus
élevés, dépasse les actifs à court terme, une
situation qui augmente de beaucoup les risques financiers et les
problèmes de liquidités.
Dans le groupe des fermes québécoises possédant le
plus faible avoir net, le revenu hors ferme s'est accru à un rythme
parmi les plus rapides au Canada. Ceci indique que ces agriculteurs ont besoin
de travail hors ferme pour améliorer leur niveau de vie et parfois
même pour continuer d'exploiter la ferme. Les effets de cette situation
sont mal connus, mais il pourrait en résulter une agriculture à
temps partiel, peu efficace au Québec. (17 h 15)
La grande majorité des problèmes financiers de l'industrie
agricole sont étroitement reliés aux conditions
économiques et aux politiques gouvernementales des années
soixante-dix. Durant la majeure partie de cette décennie, la valeur des
immobilisations en agriculture, c'est-à-dire le fonds de terre surtout,
s'est accrue à un rythme beaucoup plus rapide que le taux d'inflation
général et que les taux d'intérêt. Avec, par
exemple, un taux d'intérêt de 8% et un taux d'inflation du prix
des terres de 16%, nous avions donc un taux d'intérêt
négatif. Il devenait alors très profitable, à
court terme, d'emprunter de plus en plus d'argent. Cette situation
exceptionnelle ne pouvait durer bien longtemps, mais bien peu de gens, incluant
les emprunteurs, les agriculteurs et les prêteurs, banques et
gouvernements, ne voulaient l'admettre.
Les subsides et les garanties de prêts consentis par les
gouvernements envenimaient encore plus la situation. À la fin des
années soixante-dix, la plupart des fermes étaient fortement
hypothéquées. Par la suite, la hausse vertigineuse des taux
d'intérêt ravagea les agriculteurs, particulièrement les
nouveaux arrivés. Au cours des dernières années, la
stabilité ou la baisse du prix des terres a porté un autre
coût dur en érodant, au Canada, des milliards de dollars de
l'avoir net des agriculteurs.
Tel que mentionné auparavant, les plus touchés par les
problèmes financiers sont, comme de raison, les jeunes agriculteurs. Ces
jeunes sont souvent parmi les meilleurs et on peut leur attribuer plus de 50%
de la production agricole. Pour plusieurs, la seule issue est de laisser la
profession agricole comme le reflète actuellement le grand nombre de
faillites et de ventes de fermes. Plusieurs autres continueront avec un lourd
fardeau de dettes pour les années à venir portant ainsi un carcan
qui les empêche de s'adapter rapidement aux conditions changeantes des
marchés. Dans les deux cas, l'industrie agricole ne pourra obtenir une
pleine contribution de ces agriculteurs énergiques et progressifs.
Les solutions. Sortir l'agriculture québécoise de ses
problèmes financiers ne sera pas une sinécure. Dans plusieurs
cas, il faudra des années pour rétablir un équilibre plus
sain entre la dette, l'avoir net et les liquidités.
L'amélioration des marchés et des prix représente le
meilleur espoir de redressement rapide de la situation, mais il s'agit d'un
domaine où nous avons bien peu de contrôle. Même si les
programmes d'assistance sont justifiables en cas d'urgence en vue de
réduire le fardeau relié aux ajustements nécessaires,
l'emphase principale devrait porter sur des efforts à long terme pour
empêcher une répétition de la situation présente.
À ce sujet, les gouvernements peuvent agir à plusieurs
niveaux.
Programmes liés au financement agricole. Les subventions
reliées aux taux d'intérêt font depuis longtemps partie des
programmes de crédits agricoles offerts par les gouvernements. Tout en
apportant une aide financière aux agriculteurs en difficultés
financières, ce programme en incite d'autres à partir en
production agricole ou à augmenter leur production, ce qui était
le but original de la subvention. Au début, ce programme a probablement
aidé plusieurs agriculteurs cherchant à agrandir leur entreprise
pour la rendre plus efficace dans le contexte de la mécanisation
à grande échelle de l'agriculture. Cependant, cette phase du
développement de l'agriculture est maintenant révolue et nous
devons nous interroger sur la valeur des subventions sur les taux
d'intérêt du crédit agricole en vue du risque encouru par
les producteurs qui débutent en agriculture ou qui augmentent leur
production au mauvais moment.
II serait beaucoup plus avantageux pour l'agriculteur de stabiliser les
taux d'intérêt, en termes réels, pour correspondre aux
changements inflationnaires ou déflationnaires de la valeur des biens et
d'introduire des programmes de remboursement flexibles qui prendraient en
considération la volatilité des marchés agricoles. La
stabilité des taux d'intérêt réels pourrait
être obtenue en ajustant ceux-ci au taux d'inflation. Ceci rendrait les
programmes de crédit moins sensibles aux sautes d'humeur du
marché, tout en contribuant au maintien d'un climat plus stable pour les
investissements en évitant les effets dévastateurs d'une hausse
des taux d'intérêt ou d'une baisse de valeur des biens. Les
programmes de remboursement flexibles sont nécessaires pour qu'ils
correspondent aux variations de liquidités causées par
l'instabilité des marchés agricoles.
Autres programmes gouvernementaux: développement de la
production. Les gouvernements doivent faire preuve d'extrême prudence
dans l'implantation de programmes destinés à encourager le
développement de certains types de production. Comme exemple, pour ceux
qui mettent en place ces politiques, les programmes actuels visant à
accroître la production de boeuf québécois peuvent sembler
une bonne façon de détourner des ressources de la production
laitière vers une production où le Québec n'est pas encore
autosuffisant.
Du point de vue du producteur, la possibilité d'obtenir une
subvention de plusieurs milliers de dollars pour partir une entreprise qui
demande probablement moins de travail est très alléchante. Le
producteur peut penser que, si le gouvernement est prêt à investir
tout cet argent dans un secteur, ce dernier doit être très
important. Les risques doivent donc être minimes et le gouvernement doit
sûrement être prêt à soutenir ce secteur. Ainsi, le
producteur emprunte les sommes importantes nécessaires à son
établissement et au fonctionnement d'un parc d'engraissement de boeufs
sans réaliser que la demande pour le boeuf baisse et que les prix n'ont
que rarement excédé les coûts de production au cours des
dernières années. Malgré tout cet argent gratuit et
malgré les subsides sur les prêts, ces producteurs peuvent
très bien en venir à la conclusion qu'ils ont reçu juste
assez d'aide pour s'endetter jusqu'au cou, mais pas assez pour établir
une entreprise viable.
Si les responsables des politiques gouvernementales croient que ces
programmes incitatifs sont judicieux, ils devraient au moins s'assurer qu'il
existe une bonne possibilité de faire des profits dans les productions
visées.
Stabilisation des revenus. Les programmes qui tendent à
stabiliser les revenus des agriculteurs sans trop grever les contribuables sont
utiles. À ce niveau, les programmes auxquels les producteurs contribuent
en payant des primes, comme ceux qui existent actuellement au Québec,
sont très avantageux pour autant qu'ils représentent assez
fidèlement la réalité. Il faut encore une fois rappeler
que les prix payés ne devraient pas être placés à un
niveau tel qu'ils constitueraient une incitation à produire une
denrée qui se vend mal. Bien que le développement de ces
programmes se fasse au niveau provincial dans certaines provinces seulement, il
apparaît avantageux de les harmoniser autant que possible au niveau
national.
La recherche. Une bonne planification des orientations politiques
futures doit s'appuyer sur des hypothèses et, si possible, sur des faits
dont les probabilités d'erreurs ont été amenuisées,
Le meilleur moyen de réduire ces risques d'erreurs consiste à
prendre les décisions une fois que nous avons assemblé toutes les
informations nécessaires et à analyser les différentes
alternatives possibles.
C'est, d'une manière simplifiée, ces outils de
décision que représente la recherche - accumulation de
données - et le développement - mise au point technique. Si les
innovations sont mises au point sous d'autres cieux, nombre d'entre elles,
surtout en agriculture, se révèlent impraticables au
Québec.
Transfert de technologie. Découlant du sujet traité
ci-haut, nous devons nous rappeler que la recherche elle-même n'est pas
le but, mais bien l'outil. Donc, il faut s'assurer que les résultats de
la recherche seront diffusés afin d'augmenter la productivité de
l'industrie agro-alimentaire. Afin de réussir cela, il est
impératif que les facultés d'agriculture soient impliquées
dans le réseau de transfert de technologie. À cette fin, des
fonds considérables devront être consacrés à
l'expansion.
Nous recommandons donc que le Québec adopte un système
semblable à celui qui existe dans plusieurs États
américains comme, par exemple, dans l'État de New York. À
l'Université Cornell, il y a plusieurs agronomes payés par
l'État qui sont employés à temps plein et qui diffusent
les résultats de la recherche aux agriculteurs, à l'industrie
privée et aux professionnels. Il existe dans cet État une
véritable concertation entre tous les intervenants. Même les
agriculteurs sont impliqués dans la prise de décision en ce qui
concerne les programmes de développement.
Nous devons aussi étudier de près le modèle que
l'on retrouve en France, par exemple, où les producteurs, les
chercheurs, l'industrie agro-alimentaire et le réseau de l'extension,
tous ensemble, favorisent en priorité les projets de recherche et
soumettent le résultat de leurs délibérations aux
instances gouvernementales. Le mandat des universités dans ce domaine
devrait être précis et soutenu par l'assistance financière
requise. Présentement, le MAPAQ ne destine aucune somme aux
universités à cette fin et ceci est une carence
évidente.
L'éducation. Nous ne pouvons pas nous empêcher de noter
qu'au Québec, malgré l'importance que l'on a attachée
à la formation agricole, les résultats sont très
décevants. La classe agricole continue à dire que l'agriculture
n'est pas un métier mais une profession. On dit que c'est varié,
même très complexe. L'agriculteur doit être un
ingénieur, un vacher, un entrepreneur, un plombier. Il doit être
ferré en comptabilité afin de comprendre la législation
qui concerne l'impôt, les droits de succession, les transferts de fermes.
Il doit être mécanicien, commis, spécialiste de
l'environnement et le reste. On lui met en main une entreprise valant plusieurs
centaines de milliers de dollars, avec des machines valant au-delà de
100 000 $, des marges de crédit de plusieurs centaines de milliers de
dollars et on ne le prépare pas. D'ailleurs, monsieur faisait tout
à l'heure des commentaires là-dessus.
Partout ailleurs, on demande une carte de compétence, que ce soit
pour exercer la profession de menuisier, machiniste, électricien ou
autre profession. Personne n'oserait remettre entre les mains d'une
secrétaire ou d'un commis une machine à écrire qui vaut
moins de 2000 $ sans insister sur le fait qu'elle ait reçu une formation
dans le domaine. Cette formation dure dans certains cas plus de deux ans.
Personne n'oserait non plus mettre un illetré devant un
micro-ordinateur. L'on requiert une formation allant jusqu'au DEC du
cégep afin d'accomplir cette tâche.
Nous savons que près de 92% - c'est peut-être 88%, donc de
88% à 92% - de nos exploitants qui prennent la relève n'ont
aucune formation agricole. C'est une aberration incroyable et inacceptable.
Nous croyons que le gouvernement du Québec ainsi que toute la
classe agricole doit se pencher sur ce problème. Nous nous demandons
pourquoi les agriculteurs acceptent d'envoyer leurs enfants à
l'extérieur lorsqu'ils veulent devenir agronomes, curés,
comptables etc., mais, pour former des chefs d'entreprises agricoles, ils
croient que leurs enfants devraient avoir accès à des
établissements où l'on dispense la formation agricole sur le
perron de la
demeure familiale ou, comme on dit souvent, près, sur le tas.
Nous croyons que nous vivons une multiplication injustifiée
d'établissements où l'on dispense cette formation. Nous croyons
fermement que nous devrions consolider ce que l'on a, c'est-à-dire nos
deux facultés, les deux ITA, avant de procéder à la
multiplication des options agricoles au niveau des cégeps que nous
vivons présentement. Les conséquences ne peuvent être autre
que de diluer la qualité de la formation qui est offerte.
Nous devons donc accorder une priorité à
l'éducation et à la formation, mais nous devons tenir compte des
réalités agricoles. Donc, l'information de base doit être
offerte au niveau des universités et des instituts de technologie
agricole et seulement dans quelques cégeps.
La formation continue, elle, devrait être offerte en
région. Cette formation sera ponctuelle et répondra aux besoins
locaux et régionaux. Les facultées et les ITA qui sont à
la fine pointe de la recherche participeraient à l'alimentation du
réseau et dispenseraient de la formation régionale et locale.
Motivation et mesures incitatives à la formation agricole. Nous
nous posons la question: Devrons-nous développer des mesures incitatives
afin de renforcer la valeur d'une formation agricole? Ceux-ci pourraient
prendre la forme suivante: Banque de main-d'oeuvre où le père
pourrait puiser lorsque l'enfant doit s'absenter pour acquérir une
formation agricole.
Le crédit agricole ne serait pas dispensé si le futur
agriculteur n'avait pas d'expérience agricole et de formation agricole.
Le risque d'échec étant tout simplement trop grand. L'État
est responsable de ne pas gaspiller des deniers publics comme nous le voyons
trop souvent.
Les primes à l'établissement et autres mesures incitatives
à la production seraient liées à un encadrement technique
poussé où la formation serait un prérequis. Par exemple,
le futur exploitant devrait faire une comptabilité agricole, utiliser
des programmes tels que l'analyse des sols, analyse des aliments, le PATLQ et
beaucoup d'autres; sinon, il n'aurait pas droit à ces subventions. Nous
nous devons d'encourager la productivité et non la
médiocrité.
Lorsque formée, la relève agricole recevrait un
encadrement technique accru. Il est inutile de garrocher des fonds à des
personnes non formées. Il serait beaucoup préférable de
consacrer ces fonds à leur formation de base. S'ils sont bien
formés, ces jeunes sauront utiliser les outils à leur disposition
et ceci contribuera à assurer leur réussite. Ils pourront ainsi
continuer d'acquérir une formation continue par la suite dans leur
milieu. Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci. Demande
d'intervention de ta part des députés. M. le député
de Huntingdon.
M. Dubois: Messieurs de la faculté d'agriculture du
Collège Macdonald, je voudrais vous remercier pour la
présentation de ce mémoire.
On behalf of the Official Opposition, I would like to thank you for
presenting this brief to us and you can be assured that it will be a useful
tool for us. (17 h 30)
Vous avez soulevé plusieurs points, vous avez fait plusieurs
commentaires également. Cela m'amène à poser quelques
questions évidemment. La première serait au niveau de la
suggestion de remboursement flexible. Pourriez-vous m'expliquer sur quelle base
cela pourrait fonctionner? Cela devrait-il être annuel ou à tous
les deux ans? Sur le plan administratif, ne croyez-vous pas que cela serait
lourd? À quel rythme pourrait-on faire fluctuer les taux
d'intérêt sans que ce soit aussi discriminatoire envers d'autres
genres de production? Certains agriculteurs pourraient dire: Ma production est
aussi difficile que celle du voisin. J'ai autant de difficulté
financière, mais un comité a décidé de baisser le
taux d'intérêt ou de faire fluctuer le taux d'intérêt
pour une certaine production plutôt qu'une autre. Je ne sais pas comment
cela pourrait s'adapter à la situation présente qu'on vit au
Québec. Est-ce que vous pourriez donner quelques renseignements
là-dessus?
M. Coffin (Garth): Je n'ai pas de réponse exacte pour
cela. C'est une idée discutée dans les autres groupes,
suggérée par un monsieur de la Société du
crédit agricole. Donc, il y a quelques possibilités de
développer ou d'implanter un programme politique de cette sorte. Le
problème, c'est que, pendant plusieurs années, le taux
d'intérêt payé par les agriculteurs était assez
stable, même si les prix des produits sur le marché étaient
très variables, mais, depuis quelques années, avec les deux
sources de variation, dans le coût et dans le prix de production, ce
n'est pas possible de planifier les emprunts et l'endettement de manière
très prudente. Il serait possible de stabiliser un peu le taux
d'intérêt ou de le rendre plus en rapport avec les revenus
agricoles. Cela peut réduire un peu les pressions, les problèmes
financiers dans l'agriculture. À mon avis, c'est possible de le faire.
Ce n'est pas la seule méthode pour régler le problème. Ce
n'est pas la réponse à tous les aspects des problèmes,
mais, pour ceux qui ont le plus de problèmes financiers, cela peut
être un aspect de la solution.
M. Dubois: Dans un autre ordre d'idées, vous avez
indiqué, è un certain endroit de
votre mémoire: "II faut, encore une fois, rappeler que les prix
payés ne devraient pas être placés à un niveau tel
qu'ils constitueraient une incitation à produire une denrée qui
se vend mal. " Je pense qu'on doit constater aujourd'hui qu'il y a plusieurs
denrées qui se vendent mat, de là le problème que vit
actuellement une bonne partie des agriculteurs du Québec. Je pense qu'on
en est rendu au point de se demander dans quelle production on devrait aller
pour que ce soit vraiment rentable, quand on regarde les marchés qui
sont saturés comme celui du lait où on ne peut pas augmenter le
nombre de producteurs. On a même de la difficulté à y faire
pénétrer la relève agricole. Nous regardons les oeufs
où il y a un contrôle. Il y a une centaine de personnes au
Québec qui détiennent des droits de produire si on les prend du
côté des compagnies ou des individus, où il en coûte
28 $ pour une poule pondeuse ou à peu près. C'est impossible pour
la relève de pénétrer là. Pour le lait, cela
coûte environ... Cela coûte très cher et cela prend environ
neuf ans pour payer un quota de lait, selon certaines études.
Si on regarde l'ensemble des productions, je suis bien d'accord avec
vous que, si toutes les productions sont massivement appuyées, soit par
l'assurance-stabilisation ou des subventions d'autres formes... Mais, un bon
jour, on se pose la question: Est-ce que l'agriculture est viable au
Québec? Assurément, si on veut la conserver, il faut faire
quelque chose. Je pense qu'on n'a pas d'autres choix que celui d'appuyer
certaines productions agricoles au Québec, mais on s'aperçoit
aujourd'hui que, même si elles sont appuyées à 20%, 25% ou
30% de leur valeur marchande, le producteur ne réussit pas encore
à vivre. Est-ce qu'on doit aller plus loin? C'est une question que
plusieurs se posent. La réponse n'est peut-être pas facile, mais
quel est votre point de vue quand vous nous indiquez qu'il faudrait
peut-être arrêter, à un certain niveau, l'appui par le biais
de l'assurance-stabilisation ou autres formes à une production qui se
vend mal? J'aimerais avoir un peu plus d'explications à ce niveau.
M. Coffin: Il n'y a pas de doute que les prévisions
actuelles ne sont pas tellement encourageantes pour le développement
agricole, pas seulement au Québec, mais partout au Canada et même
en Amérique du Nord. Les marchés sont faibles. Les demandes sont
faibles. Les prix sont bas par rapport au coût de production et les
gouvernements des autres juridictions politiques, par exemple aux
États-Unis, discutent de la possibilité de réduire leur
budget agricole. Donc, ce n'est pas le temps pour le développement ou
l'agrandissement agricole. C'est le temps de consolider peut- être, pour
rendre plus efficace ce qu'on a déjà, pour réorganiser un
peu, pour prendre des mesures pour empêcher dans l'avenir la
répétition des mêmes problèmes. Tout peut changer
rapidement avec une mauvaise récolte l'an prochain, mats, pour Je
moment, il n'y a pas de sorte de production vraiment encourageante du point de
vue des profits dans l'agriculture, sauf peut-être la possibilité
des légumes, mais ce n'est pas une grande production ici.
M. Dubois: Vous avez soulevé un autre point que je
considère très important. Il s'agit du transfert de la
technologie. Vous avez souligné le manque d'appui financier offert par
le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
du Québec aux universités qui pourraient faire ce transfert de
technologie. Vous avez fait état de la situation dans l'État de
New York. Je pense que, lors d'une rencontre précédente, il y a
quelques mois, vous aviez aussi souligné ce fait. Malheureusement,
jusqu'à maintenant, on n'a pas eu de développement sur le plan
politique en agriculture afin que le transfert de la technologie soit fait.
J'en ai eu un exemple frappant hier. Un producteur d'asperges m'a dit: il
n'existe que du Mary Washington tandis qu'il y a des variétés qui
viennent de l'Europe, particulièrement de l'Allemagne, qui seraient
beaucoup plus productives. Il n'y a qu'une personne au Québec qui savait
ça et cette personne-là n'a peut-être pas fourni
l'information aux producteurs d'asperges. Cela peut s'adapter dans plusieurs
récoltes. Je n'en souligne qu'une. Ce n'est certainement pas la plus
importante sur le plan du revenu en dollars, mais il reste quand même
qu'on est tellement déficient dans ce domaine-là. Il manque le
transfert de la technologie, c'est sûr.
Est-ce que des demandes d'aide financière ont été
formulées au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation depuis longtemps et répondraient à ce point de
vue que vous soulevez? Est-ce que le ministre a déjà reçu
une demande de votre part ou des autres de l'ITA, par exemple, de La
Pocatière, de Saint-Hyacinthe, ou de l'Université Laval afin que
le développement se fasse d'une façon plus rapide?
M. Couture: Je voudrais faire au moins trois ou quatre
commentaires sur ça. Durant les années soixante-dix, on a
vécu une période où c'était très important
de faire de la gestion. C'était le mot d'ordre. Durant les années
soixante-dix, par exemple, au pays, la Société du crédit
agricole avait ce qu'on appelait les prêts surveillés. Si un jeune
producteur voulait un emprunt, il était surveillé, on l'incitait
à faire de la gestion, à faire une bonne comptabilité. Si
on
retourne en arrière, peut-être que les années ont
changé, on réalise ça, on voit que tous ces jeunes
agriculteurs qui avaient des prêts surveillés durant les
années soixante-dix sont de bons producteurs aujourd'hui. Ça
fonctionne; ce sont des gars qui sont allés chercher le transfert de
technologie.
Deuxièmement, durant les années soixante-dix encore,
l'inflation, les subventions, la production, on s'est préoccupé
presque totalement de production sans se faire d'idée sur la
productivité, sur l'efficacité. Ce n'était plus le mot
d'ordre de faire de la gestion ou de la comptabilité. On a
abandonné Canfarm - il s'en fait un petit peu encore, mais presque pas -
ce n'était plus important. L'inflation nous enrichissait.
Tout à coup, depuis une dizaines d'années, je trouve, au
niveau du développement, il s'en fait vraiment très peu. On a
poussé la production; on a donné des subventions au niveau de la
production, mais pas de transfert de technologie.
Dernièrement, je visitais un jeune couple qui est
encarcané présentement avec un prêt agricole de 230 000 $.
Ils ne savaient pas ce qu'avaient l'air un bilan et un état de
liquidité et ne savaient même pas que leur paiement semi-annuel
était composé de principal et d'intérêts. Je vous
assure qu'on ne devrait pas se demander pourquoi ces gens-là ont de la
difficulté financière.
Réalisant ça, ça discute beaucoup au niveau de
l'Ordre des agronomes depuis quelques années. Cet été, on
a eu un colloque sur l'extension où tout ça a été
discuté. Autant que je sache, il n'y a pas eu de résultat encore
là-dessus.
M. Dubois: Sur un autre sujet qui est quand même
relié à cette question-là, et ce sera la dernière
question que je soulèverai, M. le Président. Vous parlez de carte
de compétence. Vous indiquez qu'on demande une carte de
compétence dans plusieurs domaines professionnels, mais qu'en
agriculture on peut se lancer sans connaissance ou presque. Je viens d'une
région particulièrement de production horticole. Je ne suis pas
entièrement d'accord avec ce qui est écrit. Je m'aperçois
que la plupart des fils d'horticulteurs réussissent à un
très haut niveau, très bien. Cela peut être la même
chose dans l'industrie laitière et on le remarque souvent. Je pense que
les fils qui ont été élevés sur une ferme, qui ont
travaillé avec leur père, réussissent
généralement assez bien.
Pour un nouvel arrivé dans l'agriculture, qui n'a jamais connu ce
que c'était pendant les 15, 18 ou 20 dernières années,
c'est sûr que cela peut être différent. À ce
moment-là, cela prend des connaissances théoriques et la pratique
viendra le jour où il travaillera sur une ferme. Si on parle de
l'agriculteur qui a des connaissances pratiques, qui est fils d'agriculteur, je
pense que le taux de faillite est assez bas dans ce domaine. Je ne peux pas
souscrire totalement à ce qu'on ait vraiment l'obligation, pour recevoir
un prêt de l'office, de présenter un document qui stipule qu'on a
eu les connaissances techniques nécessaires pour oeuvrer sur une
ferme.
M. Couture: II faut bien se comprendre là-dessus.
N'oubliez pas, quand on dit qu'il y a 7000 producteurs qui sont en
difficulté financière dans la province présentement, qu'on
ne discute pas des autres 80%. Même que cela va très bien, dans
plusieurs cas, très bien merci. On ne parle pas de ceux qui vont bien.
On parle de ceux qui ont de ta difficulté. Ceux qui ont de la
difficulté, habituellement, ne sont pas ceux qui ont eu la ferme du
père qui a commencé avec une équité de 400 000 $,
500 000 $ et 600 000 $. Ceux-là n'auront pas de difficulté de
financement s'ils ont eu la ferme et pas de gros emprunts. Lorsqu'on finance
des jeunes agriculteurs qui n'ont pas du tout d'équité ou
très peu d'équité, on les endette à 80%, 85% et 90%
et, dans certains cas, à près de 100%; il y a quelques
années, pas aujourd'hui. Des jeunes qui n'avaient pas la formation,
c'est bien sûr qu'il y en a quelques-uns qui vont réussir. On
voudrait que plusieurs autres réussissent aussi. Je dis que la carte de
compétence ne remplacera pas l'expérience. Avant de prêter
des grosses sommes d'argent à des jeunes pour s'établir en
agriculture, s'ils n'ont pas cette expérience, s'ils n'ont pas la
formation et s'ils n'ont pas d'équité, il faut qu'on y pense deux
fois.
M. Dubois: Je vous remercie. Je vais laisser l'occasion à
mes collègues de poser des questions.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Jean.
M. Proulx (Saint-Jean): À peu près dans le
même sens que mon collègue, M. Dubois. Un simple détail.
Combien y a-t-il d'étudiants chez vous, au Collège Macdonald?
M. Couture: 1175.
M. Proulx (Saint-Jean): Combien y a-t-il de francophones? On dit
que le nombre augmente de plus en plus.
M. Couture: M. le vice-doyen pourrait peut-être m'aider
à ce sujet.
M. Proulx (Saint-Jean): À peu près?
M. Mackenzie (Angus F. ): Cela dépend du programme. Des
sous-gradués, à peu près 60% sont des francophones dans
les
programmes d'agriculture. Les sous-gradués, à peu
près 60%. Dans les autres programmes, la science des aliments, c'est
à peu près 30% ou 40% de francophones. Cela dépend du
programme. Au total, c'est 52% de francophones, je crois, au
collège.
M. Proulx (Saint-Jean): Est-ce que la majorité de vos
étudiants retourne sur le champ, dans le monde agricole, ou si elle va
dans d'autres secteurs d'activité? Est-ce que vous comprenez ma
question?
M. MacKenzie: Oui.
M. Proulx (Saint-Jean): Est-ce qu'ils s'en vont fonctionnaires,
travaillent pour des compagnies ou s'ils retournent sur des fermes?
M. MacKenzie: Une étude a été faite il y a
environ dix ans, et je vais y référer. 50% ont suivi des cours.
Cela veut dire que le tiers a suivi des études postgraduées et,
parmi les deux tiers qui sont demeurés dans le domaine de l'emploi, il y
en a eu 50% qui ont suivi les projets avec les gouvernements, soit le
gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral. Les autres
50% ont fait carrière dans l'industrie et il y a toute une gamme de
travaux dans l'industrie. Cela touche toutes sortes de choses. Ceux qui sont
retournés sur les fermes n'étaient pas, à cette
époque, il y a dix ans, nombreux du tout. Cela veut dire que c'est
surtout une formation d'agriculture ou de ferme.
M. Proulx (Saint-Jean): Est-il exact que le nombre de
francophones chez vous augmente d'année en année parmi les
étudiants ou s'il se stabilise? (17 h 45)
M. MacKenzie: Je crois qu'il a augmenté. Je crois que cela
commence à se stabiliser un peu. Je n'ai pas les chiffres exactement,
mais, depuis les deux ou trois dernières années, cela est
resté à peu près stable.
M. Couture: Je voulais seulement ajouter quelque chose à
ce que le Dr MacKenzie disait. Il y a quelque chose qui se passe aux
États-Unis et qu'on n'a pas vu au pays encore. Dans les États du
Midwest, comme par exemple l'Iowa, près de 30% des gradués au
baccalauréat en agriculture aux facultés prennent la
relève agricole. Au Québec, c'est le contraire. Au Québec,
comme je le disais tout à l'heure, 90% de nos gars qui prennent la
relève agricole n'ont aucune formation en agriculture et c'est cela qui
nous fait peur parce que cela, c'est notre "compétition". L'agriculture
est tellement complexe aujourd'hui. Je crois qu'on devrait, au lieu de souvent
ridiculiser une formation agricole, essayer d'éduquer les gens, changer
les attitudes et encourager une formation en agriculture. C'est cela, à
long terme, le succès de notre agriculture, d'après moi.
M. Proulx (Saint-Jean): M. Couture, vous avez noté, tout a
l'heure, un manque de concertation entre le gouvernement, les
universités et le monde agricole. Vous faites chez vous de la recherche
fondamentale, j'imagine. Il n'y en a qu'une profonde. Donc, vous admettez que
c'est un peu un ghetto, les universités. C'est un peu un ghetto, comme
d'autres universités. Vous n'êtes pas en contact direct avec ce
pourquoi vous travaillez, en fait.
M. Couture: C'est pour cela qu'on dit qu'on devrait inclure les
facultés au niveau de l'extension, nous donner les ressources
nécessaires et les fonds parce qu'on veut sortir du ghetto. On le
réalise, on l'admet.
M. Proulx (Saint-Jean): Ce que vous dites de vos facultés,
cela s'applique aussi à d'autres facultés sans doute, que vous
connaissez.
Deuxièmement, je voudrais parler des jeunes. Je trouve que vos
exigences sont un peu sévères. Je viens du comté de
Saint-Jean, donc une région extrêmement agricole, Saint-Jean,
Iberville, Laprairie, la même région que M. Dubois, toute la rive
sud, donc une des plus belles régions au point de vue agricole, toutes
les cultures. On a donné des cours dans une école polyvalente
secondaire sur la gestion agricole. On a suspendu les cours parce qu'il n'y
avait pas assez d'étudiants qui y étaient inscrits. Il y a
beaucoup d'enfants de cultivateurs, de producteurs agricoles, dans les
polyvalentes de Saint-Jean et d'Iberville. Ils ont laissé tomber le
cours parce qu'il n'y avait pas de demande. Je vous dis cela pour votre
information.
Deuxièmement, j'ai fait inscrire au cégep de Saint-Jean
des cours en gestion agricole. Il y a quelques cégeps qui ont des cours
en gestion agricole. À Saint-Jean, chez nous, on avait l'école
des contrôleurs aériens et différentes options, dont la
gestion agricole. Ces cours sont assez populaires. Ils ont une soixantaine
d'étudiants. Disons qu'au niveau du cégep, je pense, on
répond un peu à vos interrogations, M. Couture. Admettez-vous
cela? Oui?
M. Couture: Oui.
M. Proulx (Saint-Jean): Il y a une certaine formation au niveau
du cégep. Au niveau secondaire, je ne peux pas parler pour tout le
Québec, mais chez nous cela n'a pas marché.
M. Couture: Je crois qu'on y a mis des
efforts. On ne dit pas qu'on n'en a pas mis, on en a mis; mais les
résultats sont très décevants. L'autre jour, à une
réunion d'agriculteurs, j'ai posé la question: Pourquoi
n'encouragez-vous pas vos jeunes à aller chercher une formation? Je ne
sais pas, j'ai l'impression qu'on croit aujourd'hui que des taux
d'intérêt subventionnés, pas chers, vont régler tous
les problèmes en agriculture. Moi, je dis que non, c'est à
beaucoup plus long terme que cela. Lorsque j'ai posé la question
à ce groupe d'agriculteurs, on m'a dit: Je vais vous dire, M. Couture,
pourquoi on n'encourage pas nos gars à aller chercher une formation
agricole; c'est parce que l'agriculture n'est pas rentable. Donc, je suis
prêt à envoyer mon gars aux universités
éloignées pour aller chercher une bonne formation pour en faire
des agronomes, des curés et des notaires, mais pas en exploitant une
ferme parce que l'agriculture, ce n'est pas rentable. Si c'est cela, l'attitude
de nos agriculteurs, je crois que c'est le problème auquel il va falloir
s'attaquer, auquel nos gouvernements devront s'attaquer.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, j'ai aussi
trouvé un peu sévère l'affirmation que vous faites quand
vous dites: Nous savons que près de - c'était marqué 92%
et vous l'avez corrigé - 88% des exploitants qui prennent la
relève n'ont aucune formation agricole. C'est vrai que c'est une
aberration, mais ce qui me surprend, selon les chiffres que j'ai, c'est qu'il y
a quand même eu une amélioration sensible, parce qu'en 1971 les
agriculteurs les plus nombreux se situaient entre 45 ans et 54 ans. En 1981,
ils se situaient entre 35 ans et 40 ans. Maintenant, il y a 69% des
agriculteurs de moins de 20 ans, des propriétaires, qui ont plus de 11
années de scolarité. Évidemment, il y a 14% des
agriculteurs-propriétaires de 55 ans et plus qui ont plus qu'une
onzième année de scolarité. Donc, je pense que cela peut
être encourageant parce que les rôles ont l'air à être
renversés. Mais je suis étonné quand même, comme
vous le dites, qu'il y ait 88% des exploitants qui prennent la relève
qui n'ont aucune formation agricole. Est-ce dernièrement que ces
chiffres ont été pris?
M. Couture: Non. Je parlais à un monsieur de l'UPA,
dernièrement; dans un mémoire de la fédération de
la relève agricole du Québec, on mentionne de 14% à 18% ou
de 15% à 20%. Mais, après de longues discussions avec le
secrétaire de la fédération, ils admettent qu'on n'a pas
de données valables présentement qui nous confirmeraient cela.
C'est pour cela qu'on se met d'accord qu'on est peut-être encore entre
8%, 12% et 15%. Présentement, on me dit qu'il y a une recherche qui va
être publiée bientôt; on va faire un sondage et une
étude sur ce sujet.
M. Baril (Arthabaska): Également, vous semblez être
non seulement réticent, mais pas d'accord du tout à ce qu'il y
ait la multiplication des services dans les institutions agricoles, entre
autres les cégeps au Québec. On sait que, depuis quelques
années, je ne connais pas le nombre, mais plusieurs cégeps ont un
nouveau secteur, la technologie agricole, dans lequel - ou la gestion agricole
- on dispense des cours de formation. Plus loin dans votre mémoire, on
dit que ces cégeps devraient, d'après l'interprétation que
j'en fais, plutôt relever des deux ITA, soit Saint-Hyacinthe ou La
Pocatière. Pourquoi est-ce qu'il faudrait que cela relève
d'eux?
M. Couture: Cela est au niveau... Dans le mémoire, on
disait que ce sont les ITA ou les facultés qui vont faire la recherche,
pas relever des ITA ou des facultés. Ils vont aller s'approvisionner au
niveau des résultats de la recherche qu'ils vont vulgariser, etc.
Au niveau des cégeps, je suis bien d'accord qu'on en a certains
qui font un très bon travail. Tout ce que l'on fait ici, c'est un peu
une mise en garde. II y a certains cégeps où on n'a pas le nombre
d'étudiants nécessaire, comme monsieur le disait tout à
l'heure, on n'a pas la population. Si vous comparez les ITA, par exemple, qui
ont un très grand nombre de professeurs, de professionnels, avec les
cégeps où on a trois au quatre professionnels, un monsieur qui
est spécialiste dans le marketing, dans l'économie, dans la
gestion, dans la finance et dans tout cela, et une autre personne qui est la
personne-ressource dans tout ce qui est relié à la phytotechnie
et une personne en zootechnie, le problème est celui-ci: si le nombre
n'est pas assez grand pour avoir un programme valable, il y a un danger - et on
le fait - qu'on dilue la qualité de la formation au point qu'il serait
préférable de ne pas l'offrir. Si la demande est là, si la
population est là et qu'on est pour avoir un bon programme, oui,
parfait. Mais pas à un point où on ne peut pas se permettre
d'avoir les ressources financières nécessaires pour avoir ce bon
programme.
M. Baril (Arthabaska): Ce qui a peut-être forcé ou
incité le gouvernement à essayer de dispenser plus de services
dans les cégeps, c'est peut-être aussi à cause de la
limitation ou de l'accessibilité des ITA. On sait que c'est
contingenté. Il y a beaucoup plus de jeunes qui voudraient aller suivre
des cours aux ITA, mais il n'y a pas de place. Il faudrait agrandir ou je ne
sais pas quoi.
M. Couture: Oui. On me dit que la
population étudiante à l'ITA de La Pocatière, cette
année, a diminué, au niveau de l'inscription du cours
d'exploitant, de près de 50%, monsieur.
M. Baril (Arthabaska): À l'ITA de?
M. Couture: À l'ITA de La Pocatière.
M. Baril (Arthabaska): La Pocatière.
M. Couture: Le niveau d'inscription au cours d'exploitant,
à La Pocatière, cet automne, a diminué de près de
50%.
M. Baril (Arthabaska): Vous n'en savez pas les causes? Est-ce la
situation de l'agriculture?
M. Couture: Je crois tout simplement que la population, le
bassin... On n'est pas venu à bout de convaincre tous nos jeunes qu'ils
ont besoin de la formation en agriculture; et nos parents, nos agriculteurs,
deuxième chose; et, la troisième chose, avec la
prolifération des cégeps tout près de l'ITA, le bassin
n'est tout simplement pas assez important. Il semblerait que...
M. Baril (Arthabaska): Je n'ai pas les chiffres, mais je lisais
dernièrement que les étudiants provenant des villes
étaient beaucoup plus nombreux que les étudiants qui proviennent
du milieu rural, qui s'inscrivent aux cours, tant de l'ITA que des
cégeps.
M. Couture: Oui, présentement, aux deux ITA... Nous avons
aussi, au Collège Macdonald, un cours d'exploitant. Dans notre cours
d'exploitant, comme aux deux ITA, près de 48% à 50% de nos jeunes
proviennent de la ferme et 50% proviennent du milieu urbain et semi-urbain.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez touché, tout à
l'heure, le fait que les agriculteurs, eux-mêmes, n'encouragent
peut-être pas assez leurs enfants à aller étudier. Comment
voyez-vous cela? Le rôle appartient à la société,
mais il faut qu'il y ait des leaders dans cette société. Est-ce
que c'est au gouvernement, à l'Union des producteurs agricoles? Qui
devrait se charger d'informer les parents - je dois dire les parents - afin
d'envoyer leurs enfants soit à l'ITA ou au cegep, pour obtenir une
certaine formation? Actuellement, il n'y a pas de moyens incitateurs pour faire
comprendre aux jeunes l'importance...
M. Couture: Lorsque je rêve, le soir, j'ose rêver
qu'un jour nous aurons ces tables de concertation où les
facultés, le ministère, l'UPA et les coopératives, tous
les grands intervenants du milieu, vont s'asseoir ensemble et discuter de tout
cela.
Dernièrement, j'ai eu des contacts avec la coopérative
Agropur et ils sont prêts à travailler avec nous pour faire du
recrutement. Donc, les gens de la coopérative se disent: Ils faut qu'on
réalise, aujourd'hui, que l'on a un problème de formation. Ils
sont prêts à travailler à ce niveau. J'espère qu'un
jour, quand je parle du système de Cornell, nous l'aurons, au
Québec, et qu'on va tous ensemble réaliser qu'il y a des
problèmes; on va en discuter et on va trouver des solutions. Ce sont mes
grands rêves.
M. Baril (Arthabaska): On dit que les rêves, un jour,
deviennent réalité. Espérons que ce sera sous peu. Dans
vos recommandations, vous parlez d'une banque de main-d'oeuvre. Est-ce que
c'est une des solutions aux problèmes dont on discute?
M. Couture: Je voudrais avoir les réponses
là-dessus. Lorsque les agriculteurs nous disent que c'est difficile pour
eux d'envoyer leurs jeunes chercher une formation agricole et que les jeunes
qui viennent... On parle du cours d'exploitant, on ne parle pas du cours
d'agronome et de la faculté, d'accord, au niveau de la formation des
exploitants. Nos jeunes nous arrivent souvent, ceux de la ferme et n'ont pas
toujours les bases nécessaires en physique, en mathématiques - le
génie rural, cela prend un petit peu de mathématiques aujourd'hui
-et en économie; ils n'ont pas fait de biologie et ils nous disent
souvent: Sur la ferme, on préfère de beaucoup - c'est bien
sûr - les travaux pratiques, conduire le tracteur, travailler avec les
bras qu'avec la tête. Je ne sais pas. Je crois que cela commence au tout
début, cette attitude de leur faire comprendre que cette formation est
importante.
M. Baril (Arthabaska): Je me souviens, dernièrement, quand
le gouvernement du Québec a appliqué la formule des 50 000 $ sans
intérêt pour cinq ans; on avait élaboré, au
gouvernement, une politique. Il y avait des critères
d'admissibilité. Entre autres, il fallait - je ne l'ai pas à la
mémoire - je pense, au moins une neuvième année de
scolarité, peut-être plus, je ne me souviens pas exactement. On
parlait et cela s'arrêtait là. Évidemment, si on regarde la
situation et le contexte que nous vivons présentement, il y a bien des
jeunes qui prennent la relève et ils n'ont pas cette formation, ce
degré scolaire. Donc, on avait ajouté: Pour compenser,
expérience équivalente. (18 heures)
Admettons qu'on enlève "expérience équivalente" et
qu'on s'en tienne uniquement à la formation scolaire, comment
pensez-vous... Cela créerait un vide. Les gens seraient obligés
d'aller étudier pendant une
période, mais, d'ici à ce qu'ils sortent, des terres
devront quand même se vendre et certaines transactions devront quand
même s'accomplir. Pour compenser ce vide, que penseriez-vous si on
exigeait qu'après la transaction il y ait obligation de suivre des cours
du soir ou je ne sais quoi, des cours de formation? Pensez-vous que cela
pourrait répondre à...
M. Couture: Oui. Pour la formation, on n'a pas besoin de
fréquenter un collège pendant deux ans à temps plein pour
l'acquérir. Je fais référence encore là au
mémoire de la fédération de la relève agricole du
Québec qui disait: Si on pouvait instaurer un système dans lequel
le jeune pourrait prendre quelques cours du soir, pour aller au collège,
au cégep ou à l'ITA pour un cours de vacher ou un cours dans la
production du porc et quelques cours l'hiver suivant dans la gestion,
l'économie et tout cela... Je crois que, dans son mémoire, on
mentionnait une période de cinq ans qui pourrait mener à un
diplôme, un certificat. Merveilleux! Je suis d'accord qu'il n'est pas
obligatoire d'envoyer le bonhomme au collège pendant deux ans à
temps plein pour aller chercher cette formation. Mais là, il va falloir
tout intégrer cela. Présentement, cela ne se fait pas. En
Alberta, il y a un système qui s'appelle "Green Certificate", le
certificat vert, où les jeunes peuvent prendre des cours du soir, ils
peuvent prendre des cours l'hiver qui vont durer une, deux ou six semaines et
après un nombre X de cours, ils obtiennent leur "Green Certificate". Je
crois que c'est un modèle qu'on devrait étudier.
M. Baril (Arthabaska): Au niveau de la recherche, tout le monde
reconnaît qu'il n'y a pas assez de recherche au Québec, qu'on
devrait en faire beaucoup plus dans tous les domaines, dans tous les secteurs.
Par contre, il se fait quand même un peu de recherche et, selon vous, le
résultat de cette recherche est-il assez bien diffusé ou assez
connu des milieux agricoles? Est-elle disponible et facilement accessible?
M. Couture: Beaucoup de notre recherche ne l'est pas. C'est donc
pour cela qu'on voudrait être inclus, à la faculté, dans le
réseau de l'extension. Je voudrais citer un exemple. J'espère que
chacun de vous connaît le programme d'analyse des troupeaux laitiers du
Québec qui a été créé par le Dr John Moxley
du Collège Macdonald qui a fait des études à
l'Université Cornell pour développer ce programme. Les quatre ou
cinq premières années que ce programme... C'est un outil
extrêmement valable. On me dit qu'au Québec, présentement,
nous avons près de 7500 agriculteurs au programme qui est beaucoup
subventionné aujourd'hui par le MAPAQ. Les trois, quatre ou cinq
premières années, ce sont des bienfaiteurs qui ont donné
à la faculté du Collège Macdonald une somme d'environ 500
000 $ pour vulgariser ce programme au commencement, en 1966 et au tout
début des années soixante-dix, lorsque le ministère s'est
impliqué. C'est un outil merveilleux et la faculté n'avait pas de
sous pour le vulgariser. Notre doyen de ce temps, le Dr George Dion, a
été chercher des fonds privés pour 500 000 $ et c'est
comme cela qu'on a vulgarisé l'outil qui est aujourd'hui un
modèle sûrement au Canada et en Amérique. On dit que oui,
on fait de la recherche, on dit que oui, souvent, on réalise de la
recherche qui reste sur les tablettes. On ne voudrait pas qu'elle reste sur les
tablettes et on veut être impliqué dans le réseau.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député d'Arthabaska. J'aurais quelques questions à
adresser à M. Couture. Vous avez parlez du programme de stabilisation
des revenus dans votre mémoire. Vous avez dit que c'était valable
à condition que ces programmes reflètent fidèlement la
réalité. Dois-je interpréter, de par ce que je lis, qu'il
y aurait actuellement des programmes de stabilisation des revenus qui ne
refléteraient pas la réalité?
M. Couture: Je vais m'en tenir à la recherche et à
la formation et je vais passer cela à notre "chairman" de
l'économie.
M. Coffin: Si on regarde depuis quelques années les sommes
d'argent payées par ces programmes, il est évident qu'ils
deviennent de plus en plus importants dans les revenus agricoles. Quant
à savoir s'ils sont un "incentive" ou non pour entrer en agriculture,
cela est une chose qu'on ne sait pas. C'est sûr que, si on a des
problèmes actuellement en agriculture, ils seront même plus
sérieux pour ces programmes, mais il faut en même temps
établir un niveau des paiements qui soit réaliste par rapport aux
coûts de production. Il faut aussi avoir une participation des
producteurs, comme on l'accorde présentement, pour établir une
base plus solide et plus réaliste. Je ne peux pas dire que les
programmes actuels ne sont pas réalistes, mais on ne peut pas continuer
avec le taux d'augmentation des paiements année après
année, parce que ce n'est pas "affordable". On ne peut pas les
payer...
Une voix: On ne peut pas se le permettre.
M. Coffin:... après quelques années.
Le Président (M. Vallières): D'accord. Vous avez
fait allusion également dans votre mémoire à
l'harmonisation des programmes
de stabilisation au niveau national. Est-ce que vous pourriez rapidement
m'indiquer quels sont les avantages que vous voyez à une pareille
harmonisation? On parle d'une harmonisation qui n'existe pas. Si on
harmonisait, quelles devraient être les retombées positives dans
le milieu agricole de cette harmonisation?
M. Coffin: C'est-à-dire une harmonisation entre les
provinces canadiennes?
Le Président (M. Vallières): C'est cela.
M. Coffin: C'est parce que, si ces programmes deviennent une
espèce de guerre financière entre les provinces, c'est sûr
que les provinces, avec une industrie agricole déjà plus grande
que la nôtre, vont mettre beaucoup plus d'argent là-dedans. C'est
difficile pour nous, dans les circonstances, de rester concurrentiels dans le
marché domestique ou même dans le marché international.
À part cela, avec une demande domestique qui n'augmente pas rapidement
actuellement, il faut regarder les possibilités d'exportation pour
l'avenir et, si on a trop de subventions au niveau domestique dans la
production, on aura des situations comme celle qu'on a présentement
où les États-Unis regardent l'exportation du porc du Canada comme
une chose subventionnée et considèrent la possibilité de
mettre en place des règlements contre nos exportations. Si on investit
trop d'argent de cette espèce, on aura plus de problèmes
semblables dans l'avenir et, tant qu'on aura seulement des programmes
provinciaux, le risque est plus grand d'avoir cette espèce
d'environnement.
Le Président (M. Vallières): D'accord. Dans votre
mémoire, vous faites également allusion au transfert
technologique. Est-ce que vous avez évalué les sommes à
consacrer et le nombre d'emplois à créer afin d'impliquer les
facultés d'agriculture dans le réseau du transfert technologique?
Est-ce que vous avez des données là-dessus et peut-être
pourriez-vous nous décrire la façon dont vous entrevoyez le
fonctionnement d'un pareil réseau?
M. Couture: Je dirais comme cela, tout de suite au début,
que ce qu'on pourrait appeler une table de concertation où tous les
intervenants fonctionneraient à ce niveau, cela ne coûterait pas
bien cher et on pourrait accomplir beaucoup.
Au niveau de l'extension, présentement, je dirais qu'avec une
centaine de milliers de dollars, donc, 200 000 $, 100 000 $ par faculté,
on pourrait avoir une ou deux personnes, des communicateurs qui pourraient
écrire les résultats de la recherche au niveau des organes, au
niveau des journaux, comme le Producteur de lait québécois, par
exemple, le Meunier québécois et tout cela, la Terre de chez
nous. Ils pourraient y participer avec tous ces gens-là. Je dis qu'on ne
parle pas beaucoup d'argent au début et là, jusqu'à quel
point on voudrait inclure les facultés, cela pourrait coûter
peut-être un peu plus cher, mais, aujourd'hui, je dirais au
ministère: Donnez 50 000 $ à chacune des facultés et on va
faire un grand bout de chemin.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Une
dernière question parce qu'on a convenu avec le député de
Saint-Jean qu'il pourrait aussi poser une courte question.
Concrètement, comment fonctionnerait votre suggestion se
rapportant au programme de remboursement flexible que vous nous proposez et qui
prend en considération la volatilité des marchés
agricoles? Est-ce que vous avez fait une recherche là-dessus
jusqu'à évaluer comment pourrait fonctionner un pareil
système?
M. Coffin: On n'a pas développé les détails
de ce programme-là. On le présente comme une solution possible.
On ne sait même pas encore si c'est vraiment viable dans tous les cas.
C'est quelque chose suggéré par les experts en finance. Je ne
suis pas expert dans ce domaine-là. On pose cette question: Est-ce une
solution possible? On ne met pas toute la foi dans ça.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Très rapidement, M. le député de Saint-Jean.
M. Proulx (Saint-Jean): Oui, deux petites questions à M.
Couture. Je vois que vous êtes de parfaits bilingues. Est-ce que tous les
cours sont en anglais chez vous ou y a-t-il des cours qui se donnent en
français, M. Couture?
M. Couture: Non. Premièrement, pour m'assurer que tout le
monde comprend bien, le Macdonald College est, la Faculté d'agriculture
de l'Université McGill. Les cours se donnent complètement en
anglais. Wilfrid Laurier a fait ses études à McGill et il a
passé ses examens en français. Nos étudiants peuvent nous
parler en français, ils peuvent faire les examens et des
présentations en français, mais notre but primordial, c'est le
milieu anglophone.
M. Proulx (Saint-Jean): D'accord. Vous avez répondu
à ma deuxième question tout à l'heure et ça
m'intéressait. Vous avez dit que vous aviez reçu des subventions
privées. Je pense que, historiquement parlant, McGill et Macdonald
College ont reçu beaucoup de subventions privées. Est-ce que vous
recevez encore des subventions privées? Évidemment, si vous
recevez des subventions privées,
l'État doit tenir compte de ça. Le ministère de
l'Éducation vous donne tant de subventions. Les subventions
privées, c'est un peu des subventions directes. Vous avez dit tout
à l'heure que c'est pour faire de la publicité sur
certaines... Est-ce que vous recevez encore régulièrement des
subventions privées? Comprenez-vous ma question?
M. Couture: On parle de deux ou trois choses. C'est bien vrai
que, dernièrement, dans les journaux, on disait que McGill a de l'argent
et ne sait plus quoi en faire. Le doyen me dit que la majorité de nos
fonds privés, depuis dix ou douze ans, a disparu.
M. Proulx (Saint-Jean): Oui?
M. Couture: Qu'on arrête de se leurrer avec ça. Ils
ont été dépensés sur des choses comme
çaî vulgariser le programme d'analyse des troupeaux laitiers et
autres choses. Les gens qui meurent aujourd'hui en laissant beaucoup d'argent,
avec notre présent système d'impôt, ça n'existe plus
autant que cela a déjà existé. Donc, je crois
qu'aujourd'hui on peut mettre ça de côté. On ne peut pas
s'en tenir à ça pour l'avenir.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Deux courtes questions en terminant. En haut de
la page 5, vous dites que les recherches qui se font sont mises au point sous
d'autres cieux. Nombre d'entre elles, surtout en agriculture, se
révèlent impraticables au Québec. On sait que c'est le
gouvernement fédéral qui paie la plupart des recherches qui sont
faites dans les autres provinces. Il y en a très peu au Québec.
Comment pouvez-vous nous expliquer qu'il ne se fait presque pas de recherches
au Québec du côté fédéral et qu'il s'en fait
énormément en Ontario et dans l'Ouest?
M. Couture: Je ne peux pas parler au nom du gouvernement
fédéral.
M. Dupré: Dans le cours d'exploitant que vous donnez au
Collège Macdonald, lorsque les étudiants terminent leur cours
d'exploitant, ils ne peuvent pas entrer en agronomie.
M. Couture: Un jeune qui réussit très bien au cours
d'exploitant... On accepte un étudiant ou une étudiante au niveau
du cours d'exploitant avec la 11e, secondaire V. Donc, si l'étudiant
réussit bien le cours d'exploitant, il doit retourner au cégep
pour aller chercher tous les cours de base, revenir dans le cours d'agronome,
ce que j'ai d'ailleurs fait il y a 15 ou 18 ans. On lui donne alors un certain
nombre de crédits. Par exemple, un étudiant qui aurait pris, au
niveau du cours d'exploitant, un cours de gestion, de comptabilité,
gestion I, gestion II, on lui donnerait un crédit pour le cours de
gestion au niveau du bac.
M. Dupré: Cela ne prend pas nécessairement une
formation en sciences pures?
M. Couture: C'est-à-dire que, parmi les étudiants
qui entrent chez nous, il y en a toujours deux ou trois par année qui
prennent le cours d'exploitant et réussissent très bien. On les
encourage, s'ils veulent faire leur cours d'agronome, à retourner au
cégep, à aller chercher tous les cours de base, les sciences que
cela leur prend - il y en a six ou sept à compléter au niveau du
DEC - et à revenir au niveau du bac, où on leur donne des
crédits.
M. Dupré: Quelle serait votre position vis-à-vis de
quelqu'un qui sortirait du secondaire pour passer au collégial? Est-ce
qu'il faudrait qu'il fasse certaines mathématiques
supplémentaires?
M. Couture: Vous parlez au niveau du collégial,
c'est-à-dire au niveau du cours d'exploitant.
Une voix: Oui.
M. Couture: Présentement, c'est ce qui se fait. Nos
étudiants, qui viennent au cours d'exploitant, sortent du secondaire
V.
M. Dupré: Du cours général?
M. Couture: Oui. On demande seulement quatre cours, un cours au
niveau 440 de chimie, de mathématiques, de physique et on aime qu'ils
aient le cours de biologie, au niveau 400, pas obligatoire.
M. Dupré: C'est au niveau des sciences pures.
M. Couture: Mais au niveau 400, c'est peut-être même
au niveau du secondaire IV, donc, c'est très général, ce
n'est pas poussé du tout. C'est le minimum.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Alors, je veux remercier les représentants du Collège Macdonald
et indiquer aux membres de la commission que nous commencerons nos travaux ce
soir, à 20 heures, avec la Fédération des producteurs de
bovins du Québec. J'insisterais sur la ponctualité des membres
afin qu'on puisse terminer à l'heure prévue, donc commencer
à 20 heures pile. Merci et bon appétit. La commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 16)
(Reprise à 20 h 2)
Le Président (M. Vallières): La commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux.
Comme nous l'avions convenu, nous commencerons nos travaux par un exposé
de la Fédération des producteurs de bovins du Québec qui
sera suivi par la Fédération de l'UPA de
Saint-Jean-Valleyfield.
Je rappelle aux gens qui présentent le mémoire qu'ils
disposent d'environ 20 minutes pour la présentation et, ensuite, le
reste de l'heure sera partagé entre les formations politiques à
vous poser des questions. Je crois que c'est M. Charland ou M. Bélanger
qui agit comme principal porte-parole.
Fédération des producteurs de bovins du
Québec
M. Charland (Denis): Charland.
Le Président (M. Vailières): M. Charland, je vous
demanderais de présenter l'équipe qui vous accompagne.
M. Charland: Mon nom est Denis Charland. Je suis
représentant de la Fédération des producteurs de bovins du
Québec. J'ai ici, à ma gauche, M. Normand Chouinard,
président du comité de mise en marché; M. Gaétan
Bélanger, secrétaire de la fédération; M. Antoine
Doyon, vice-président du comité de mise en marché et Luc
Pilotte, membre du comité de négociation.
Je voudrais remercier la commission de nous avoir invités
à siéger ici ce soir. Je croîs que la
Fédération des producteurs de bovins du Québec n'a pas
qu'un dossier, il n'y a pas seulement un secteur de production qui est en
difficulté, mais le veau de grain représente la production qui a
les plus durs problèmes présentement au niveau de l'organisation
des crédits. On vous a transmis un deuxième document. On a voulu
chiffrer, en fin de compte, un peu plus en détail le mémoire
qu'on vous avait présenté, c'est tout simplement cela. On va
partir avec ce document qui s'intitule: "Le mémoire sur la relance de
l'élevage spécialisé du veau de grain".
La problématique. La production du veau de grain est relativement
récente au Québec. À peu près inexistante en 1978,
elle compte maintenant plus de 500 éleveurs, produisant au-delà
de 58 000 veaux par année. Bien qu'une partie de ces veaux soit produite
par les producteurs laitiers possédant un petit atelier
spécialisé en parallèle à leur entreprise
laitière, la majorité, soit 79%, des veaux de grain au
Québec est produite par environ 150 éleveurs
spécialisés en veaux de grain. Ces éleveurs,
établis entre 1978 et 1982 pour la plupart, sont actuellement aux prises
avec de sérieuses difficultés financières et la survie de
leur entreprise est grandement menacée.
Une enquête de l'Office du crédit agricole du
Québec, effectuée en 1982 auprès de ses
éleveurs-emprunteurs, révélait en effet qu'a cette
époque la plupart des éleveurs de veaux de grain avaient
déjà de la difficulté à faire face à leurs
exigences financières. Puisque les conditions de marché n'ont
fait que se détériorer depuis, il est facile d'imaginer la
précarité de leur situation financière trois ans plus
tard.
Avec l'appui de la Fédération des producteurs de bovins du
Québec, les éleveurs spécialisés de veaux de grain
ont convenu de présenter un mémoire aux membres de cette
commission parlementaire puisqu'ils estiment que les problèmes
rencontrés dans leur élevage concernent directement les
préoccupations des membres de cette commission qui portent sur la
relève, le financement et l'endettement agricole au Québec. Selon
eux, la production de veaux de grain pourrait leur servir d'exemple type ou
d'étude de cas. C'est, en effet, un cas typique de ce qui peut arriver
ou arrivera à toute autre production dont les assises sont
déficientes.
Les éleveurs de veaux de grain ont, de fait, rencontré des
problèmes d'ordre technique, économique et financier. Ainsi, les
éleveurs de veaux de grain possédaient, pour la plupart, peu
d'équité au moment de leur établissement en agriculture et
leur endettement était dès lors excessif, quoique la survie
même de leur entreprise n'aurait pas été menacée si,
dès le début, des techniques de production de veaux de grain
avaient été au point et qu'un véritable marché de
consommation avait existé pour ce produit. Tel ne fut pas le cas et ils
ont dû alors procéder à des modifications physiques de
leurs bâtiments, inadéquats à l'origine, modifications
financées par la marge de crédit (à tort ou à
raison) dans l'impossibilité de faire autrement. Les éleveurs
reprochent le manque de souplesse des lois sur le crédit agricole du
Québec.
Toutefois, les compensations versées en vertu de la Loi sur
l'assurance-stabilisation des revenus agricoles auraient dû permettre aux
producteurs de veaux lourds de traverser cette crise, mais, là encore,
un tel régime est inadéquat pour les productions nouvelles dont
les technologies de production évoluent constamment, alors que le
modèle de ferme, faisant partie intégrante du régime, n'a
pas été ou n'a pu être modifié en
conséquence.
Aussi, lorsque des compensations doivent être versées
année après année, ce qui est tout à fait plausible
pour une nouvelle production, le producteur se trouve rapidement aux prises
avec un sérieux problème de liquidité puisque, d'une part,
toutes les charges de production ne sont pas incluses dans le calcul du
coût de production
et que, d'autre part, ce coût de production est basé sur
une entreprise dont l'efficacité est supérieure à la
moyenne. Ainsi, même dans des conditions normales, les compensations
versées année après année deviennent nettement
insuffisantes pour plus de 70% des éleveurs. Un gouvernement
réellement désireux de développer rapidement une
production se doit de protéger adéquatement le revenu d'un plus
grand nombre d'éleveurs.
Les éleveurs de veaux de grain considèrent que la
production de veaux de grain au Québec a toujours sa raison d'être
puisqu'elle repose sur une valorisation des ressources disponibles que sont les
petits veaux laitiers, traditionnellement abattus en bas âge,
alimentés à partir d'énormes excédents de poudre de
lait. Les fins étaient et demeurent louables, mais les moyens ont
été inadéquats. Dans leur forme actuelle, en
période de récession économique surtout, les programmes
agricoles québécois suffisent è peine pour maintenir les
acquis. On ne peut ainsi espérer une expansion de la production sans
apport supplémentaire d'argent, apport accru indûment par le
manque de souplesse des programmes gouvernementaux.
Avec l'exemple du veau de grain, les membres de cette commission sont en
mesure de préciser les faiblesses du système agricole
québécois. Les maillons les plus faibles cèdent toujours
les premiers. Heureusement, ou malheureusement, le veau de grain nous a permis
de connaître les limites de ce système.
Toutefois, les éleveurs spécialisés de veaux de
grain croient toujours en l'avenir de leur production. Le gouvernement actuel
doit prendre tous les moyens nécessaires à la relance de
l'élevage spécialisé du veau de grain au Québec. Le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Jean
Garon, vient d'annoncer le lancement d'un nouveau programme d'aide à
l'établissement d'ateliers de veaux de grain. Les producteurs
spécialisés se réjouissent de ce fait. Cependant, il leur
semble tout à fait logique que le ministre ait la décence de
réchapper les producteurs actuels, ne serait-ce que pour
récupérer leur savoir-faire, si chèrement acquis, avant
d'en lancer d'autres dans cet élevage.
De concert avec les producteurs, le gouvernement doit relancer
l'élevage du veau de grain. Jusqu'à présent, le prix du
marché n'a jamais couvert entièrement le coût de
production. Cela ne nous surprend aucunement puisque le veau de grain demeure
un produit mal connu des consommateurs.
L'introduction d'un nouveau produit sur le marché
nécessite un effort de publicité et de promotion de plusieurs
centaines de milliers de dollars. Pourtant, à peine 200 000 $ ont
été injectés par les producteurs et le gouvernement au
cours des deux dernières années en guise de promotion en faveur
du veau de grain. Cet effort de promotion, quoique minime, nous convainc de
l'existence d'une demande potentielle par la consommation de veaux de grain au
Québec. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à y croire.
Depuis plus d'un an, la chaîne d'alimentation Steinberg étale de
la viande de veaux de grain dans ses comptoirs, mais, même si elle le
désirait, cette chaîne ne peut faire la promotion du veau de grain
à cause d'un manque de disponibilité du produit. De fait, plus de
3000 boîtes de veau, soit 1500 carcasses, sont nécessaires
à la promotion d'une seule semaine, ce qui correspond à deux fois
le niveau de production actuel et ce, seulement pour Steinberg. Le
problème est là. On ne produit pas trop de veau de grain au
Québec, on en manque.
Pour les autres parties du document, je vais laisser la parole à
M. Normand Chouinard, le président du comité de mise en
marché.
M. Chouinard (Normand): Merci. Bonjour messieurs. Ce qu'on va
essayer de démontrer, dans la deuxième partie, c'est la
quantification des pertes financières qui ont été
encourues par les producteurs. On va essayer de répondre à la
question: Pourquoi cela va-t-il mal pour les producteurs de veaux de grain?
Les pertes sont de plusieurs ordres. La première, 2. 1, au niveau
de l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, il y a seulement 90% du
salaire de l'exploitant qui a été compensé. Nous
réclamerions les 10% supplémentaires. On s'est dit que, depuis le
début de la production, jamais les prix de vente n'ont été
supérieurs au coût de production. On serait en mesure d'obtenir au
moins 100% du salaire auquel on aurait droit. Selon les années de
production, de 1980 à 1984 le salaire de la première
année, les 10%, un exemple, pour un producteur qui aurait
commencé en 1980, il y aurait eu un manque à gagner de 1483 $.
Pour l'année 1981, pour ce même producteur, la perte aurait
été de 1977 $. Le calcul tient compte du fait que, la
première année de production, le producteur ne peut pas produire
425 veaux comme le modèle étant donné que c'est la
première année.
Au niveau de l'équité non plus, la
rémunération du capital investi n'a pas eu lieu. Pour
l'année 1980, l'équité dont on a tenu compte, c'est celle
qui était dans le modèle de l'assurance-stabilisation.
L'équité pour l'année 1980 - un exemple - 11 985 $, avec
un taux de rémunération à 11, 73%, la
rémunération aurait été de 1406 $, ce qui aurait
été un manque à gagner.
Les autres pertes sont surtout
encourues - et c'est la plus grande partie des pertes - au moment de
l'année de démarrage. L'année de démarrage, la
première année, le modèle de l'assurance-stabilisation
nous fait produire un nombre inférieur de veaux, étant
donné qu'on ne peut pas produire la quantité totale de veaux de
la capacité de l'étable la première année. Tous les
frais fixes qui ont été encourus dans le modèle ne peuvent
être répartis sur le même nombre de veaux. Au lieu de 425
veaux la première année, la production est de 354 veaux.
La répartition des frais fixes: En vitesse de croisière,
l'entreprise de 500 veaux à l'achat vend 425 veaux, c'est-à-dire
10% de mortalité et 5% de rejet. Toutefois, elle en vend moins au cours
de l'année de démarrage; moins de veaux, alors que les frais
fixes demeurent constants, d'où une surcharge pour chacun des veaux
produits sans toutefois que le régime en tienne compte. Selon les
années de démarrage, les charges fixes... On a tenu compte aussi,
dans notre exemple, du fait que le poids de vente à chaque année
a augmenté et que le modèle est demeuré constant. Le
modèle est toujours à 375 livres, mais on a estimé que les
poids de vente ont augmenté d'environ 25 livres par année. Le
poids de vente de 1984 se situerait aux environs de 475 livres. La
rémunération pour l'exemple de 1980: veau de 375 livres, la
charge fixe ajustée, 9668 $, et la charge fixe non
rémunérée, 1615 $.
Les autres coûts encourus au cours de la première
année sont les modifications aux bâtiments. Ces frais ont
été plus élevés plus le producteur a
démarré dans les années antérieures. Étant
donné que la production était à 375 livres, la technique
aussi était déficiente; il y a eu plus de modifications et c'est
pour cela que les montants des premières années sont plus
élevés que les montants des dernières années. On a
essayé de quantifier ces modifications.
Il y a eu l'espace de finition supplémentaire. Compte tenu du
fait que le poids de vente des veaux va en augmentant d'année en
année, les étables sont insuffisantes. Il y a un espace pour
finir les veaux qui était manquant. Pour un producteur qui aurait
commencé en 1980, on a chiffré - en tenant compte du coût
au pied carré de construction - les pertes à 8600 $. Il y a eu
des réfections au système de ventilation; même les plans du
ministère ont été modifiés année
après année. Les systèmes de ventilation qui ont
été bâtis en 1980 sont totalement inefficaces en 1984 et
cela ne correspond plus à ce dont on a besoin. Les systèmes de
ventilation, 2000 $. Les autres modifications comme les
débarcadères, les entrepôts à litière, les
infirmeries qui n'ont jamais apparu aux plans, ces coûts, on les a
évalués à environ 3000 $.
L'outillage pour la première année: il y a un tas de
petits outils qui n'apparaissent nulle part dans nos demandes de prêt,
mais qu'on est obligé d'encourir quand même et on les a
chiffrés à 1250 $. Pour un producteur qui aurait
démarré en 1980, on les a chiffrés à 14 850 $.
À mesure que les années avancent, les pertes vont en diminuant,
comme je l'ai dit tout à l'heure, parce que la technique allait en
s'améliorant.
Un autre coût qui n'a jamais été compensé,
c'est l'erreur d'un débutant. On a toujours présumé que le
producteur qui démarrait avait une efficacité à 100%
dès la première année. La régie de l'élevage
d'un producteur démarrant en agriculture, particulièrement dans
une production nouvelle, est généralement déficiente.
L'inexpérience des producteurs et de leurs conseillers en est la
principale cause. Au cours des premières années, la
sélection des veaux est inadéquate et le taux de conversion
alimentaire insuffisant. Par ailleurs, le plan de prophyaxie, malgré son
coût exorbitant, n'a pas permis d'éviter un taux de
morbidité et de mortalité extrêmement élevé.
Ce taux de mortalité anormalement élevé est
généralement le signe le plus évident d'un manque
d'expérience du jeune producteur. (20 h 15)
Le taux de mortalité calculé dans le modèle de
ferme servant è établir le coût de production depuis 1980
est demeuré fixe à 10%. Pourtant, au cours des deux
premières années de production, le producteur obtient couramment
un taux de mortalité d'au moins 5% et 2, 5% plus élevé que
la moyenne des producteurs. Nous réclamons les pertes reliées
à ces mortalités supplémentaires. Ces chiffres sont une
moyenne.
Pour un producteur ayant démarré en 1980, on a
chiffré cette perte, pour la première année,
l'année de démarrage, sur 354 veaux produits, à 6218 $.
Pour un producteur ayant démarré en 1981, cette perte aurait
été de 7169 $. La deuxième année, étant
donné qu'on l'évalue à 2, 5%, pour un producteur ayant
démarré en 1980, les pertes encourues pour la mortalité se
chiffraient à 4363 $. Dans ces coûts, on tient compte de l'achat
des veaux, on tient compte des frais fixes et de certains frais; au niveau de
l'alimentation, on tient compte d'un quart des frais de l'alimentation
seulement.
À la page 7, à la page suivante, on fait un sommaire
détaillé de ces pertes. On a séparé les pertes en
trois catégories: l'année de démarrage, la deuxième
année de production et les années subséquentes. On prend
toujours l'exemple du producteur qui a démarré en 1980; c'est le
résumé de ce qu'on avait dans les pages
précédentes. Les modifications aux bâtiments: 14 850 $. Les
charges fixes réparties sur 354 veaux: 1615 $. Les erreurs d'un
débutant: 5% de
mortalité, 6218 $. Le salaire non rémunéré,
10% multiplié par 0, 833 pour tenir compte que la première
année il y avait seulement 359 veaux produits au lieu de 425 veaux, 1483
$. Rémunération de l'équité: 1406 $. Total: 25 572
$. Par veau produit - 359 -72, 24 $.
La deuxième année de production. Ce producteur qui a
démarré en 1980, sa deuxième année de production,
c'est l'année 1981. Les erreurs d'un débutant: 2, 5% de
mortalité supplémentaire, le montant: 4363 $. Le salaire est
encore 10%, 1977 $ et rémunération de l'équité:
1430 $, ce qui fait un total de 7770 $ divisé par 425 veaux comme le
modèle: 18, 28 $ du veau produit en 1981.
On est rendu en 1982. Ce sont les années subséquentes: Sa
perte, c'est son salaire, 10% du salaire et la rémunération de
l'équité qu'il n'a pas eue dans les années
subséquentes. Pour l'année 1982, ces deux montants se chiffrent
respectivement à 2163 $ et 1040 $ pour un total de 3203 $, ce qui fait
7, 54 $ par veau pour l'année 1982, 7, 31 $ pour l'année 1983 et
7, 60 $ pour l'année 1984.
Un sommaire des pertes par veau pour chacune des années, à
la page 8. Pour l'année de production 1980, si on prend l'exemple du
producteur qui a démarré en 1980, sa perte est de 72, 24 $ par
veau produit; en 1981, 18, 28 $; en 1982, 7, 54 $; en 1983, 7, 31 $ et en 1984,
7, 60 $.
Le tableau suivant, c'est le sommaire des pertes actualisées par
veau pour chacune des années. Le facteur d'actualisation dont on a tenu
compte, c'est le troisième tableau qu'on a dans le bas de la page et les
taux d'intérêt pris pour chacune des années avec le facteur
multiplicateur pour l'actualisation. Le montant qu'on a dans le premier tableau
supérieur de 72, 24 $ pour le producteur qui a démarré en
1980; ce montant, en 1985, est rendu à 147, 16 $. Le montant de 18, 28 $
est rendu à 32, 31 $, etc. Pour chacune de ces années, ce sont
les pertes encourues pour les veaux qui ont été produits.
Qu'est-ce que la Fédération des producteurs de bovins du
Québec demande? Dans un premier temps, rétablir la situation
financière des éleveurs de veaux de grain. Les moyens?
L'injection d'une aide financière directe aux éleveurs
actuellement en production suffisante pour couvrir les pertes
financières encourues pour chacune des années de production. Le
tableau suivant est le résumé de ce que l'on vient de voir
précédemment.
Au niveau de la promotion, ce que nous demandons. Le potentiel de
consommation de veaux de grain au Québec est immense et
inexploité. Le budget actuel de promotion financé à part
égale par le gouvernement provincial et les producteurs concernés
s'élève à 100 000 $ annuellement. La contribution des
éleveurs se chiffre à 1, 50 $ par veau, c'est la contribution
actuelle des éleveurs. Ils ne peuvent faire plus. Une augmentation du
prix de vente de 0, 01 $ la livre permet de réduire de 275 000 $ le
niveau de compensation dans le cadre du régime d'assurance-stabilisation
du revenu. Il faut tout faire pour accroître la demande et ainsi
augmenter le prix du marché. En supplément au programme actuel de
promotion, les producteurs demandent au gouvernement d'affecter un budget de
500 000 $ pour la promotion du veau de grain et ce pour l'exercice
1985-1986.
Troisièmement, on demande des modifications au régime
d'assurance-stabilisation du revenu des producteurs de veaux de grain. Le
coût de production au régime veaux de grain correspond au
modèle de 1979 alors que le poids de vente s'élévait
à 375 livres. Actuellement le poids du marché atteint environ 475
livres. De plus les techniques de production ont grandement
évolué depuis cinq ans. Le régime doit être
modifié en conséquence.
L'article 3 de la Loi sur l'assurance-stabilisation des revenus
agricoles prévoit que les régimes ont pour objet de garantir un
revenu annuel net positif aux producteurs. Pourtant les compensations
versées année après année aux producteurs de veaux
de grain sont calculées sur l'équivalent de 905 du salaire de
l'année précédente. Les producteurs demandent que le
régime soit modifié pour être conforme à la loi.
La Loi sur l'assurance-agricole assure à l'heure actuelle un
revenu annuel. Un calcul annuel couvre relativement bien les productions qui ne
font qu'un seul cycle d'élevage par année. Toutefois, cela
devient nettement insuffisant dans le cas de productions à plus d'un
cycle par année. Par exemple, la production de veaux de grain se fait
à raison d'environ 2, 5 cycles par an. Le régime
d'assurance-stabilisation devrait couvrir distinctement chaque cycle
d'élevage. La loi devrait donc être modifiée pour permettre
l'implantation d'un régime trimestriel de stabilisation des revenus des
producteurs de veaux de grain.
Quatrièmement, refinancement des éleveurs. L'analyse des
états financiers des éleveurs de veaux de grain nous indique que
plusieurs d'entre eux sont mal financés. Ils ont dû notamment
utiliser la marge de crédit (le crédit à la production)
à des fins autres que pour financer des dépenses de
fonctionnement. En premier lieu, il faut donc refinancer convenablement ces
éleveurs.
Par ailleurs, les producteurs recommandent que les modifications
suivantes soient apportées aux lois du crédit agricole. Loi sur
le crédit à la production. Les hauts taux d'intérêt
en vigueur au début des années quatre-vingt ont
littéralement étranglé les producteurs. La relève
agricole
est encore plus vulnérable à l'accroissement subit des
taux d'intérêt; les taux d'intérêt fixés pour
le crédit à la production devraient être plafonnés
à 14%. Loi sur le crédit à long terme. Les producteurs
demandent que l'aide gouvernementale soit discrétionnaire, en ce sens
qu'elle avantage la relève agricole. Il faut donner la chance au
coureur.
Des avantages financiers devraient être concédés
tant au niveau des intérêts fixé qu'au niveau du capital
remboursé. Par exemple on donne un taux d'intérêt
subventionné. On demande un taux d'intérêt croissant sur
l'excédent du premier 15 000 $. Par exemple, premier 15 000 $ à 2
1/2%, l'exécent à 4% la première année et croissant
de 1% par année jusqu'au plafond de 8%.
La remise en capital différé. La première
année, remise de 0% du remboursement calculé. La deuxième
année, remise de 25% du remboursement calculé. La
troisième année, 50%. La quatrième année, 75%. La
cinquième année, 100%.
Il est clair que la remise de capital différé c'est un
capital différé, ce n'est pas une subvention. La subvention, on
la demande au niveau des intérêts.
L'aide technique. La relève agricole, de même que tous les
éleveurs oeuvrant dans des secteurs de production nouvelle exemple:
veaux de grain - ou utilisant des techniques nouvelles sont en droit d'obtenir
une aide technique spécialisée et un service
vétérinaire compétent. Actuellement, il n'existe aucun
conseiller technique spécialisé dans la production de veaux de
grain à l'emploi du gouvernement provincial. L'information sur les
techniques de production éprouvées ne circule pas. On demande que
le gouvernement offre aux producteurs de chaque région un service de
conseillers techniques spécialisés dans la production de veaux de
grain. Aussi, un budget spécial devrait être alloué par la
recherche de techniques adaptées à l'élevage du veau de
grain.
Les systèmes de ventilation sont inadéquats, les taux de
morbidité et de mortalité sont énormes et la régie
alimentaire pourrait être améliorée. Des découvertes
dans l'un ou l'autre de ces secteurs contribueraient à réduire
substantiellement le coût de production du veau de grain et à
rentabiliser cet élevage au Québec. Mais encore faut-il que les
résultats de ces recherches soient vulgarisés.
Page 13. Quatrièmement. Notre engagement. Les éleveurs de
veaux de grain et la Fédération des producteurs de bovins du
Québec croient en l'avenir de la production de veaux de grain au
Québec. Sinon, nous ne serions pas ici aujourd'hui. L'élevage du
veau de grain résulte de la combinaison de deux sous-produits de
l'industrie laitière (les petits veaux et la poudre de lait), auxquels
s'ajoutent des céréales que l'on produit de plus en plus au
Québec. L'industrie laitière est là pour demeurer et il en
est de même pour l'industrie céréalière. Pourquoi
pas le veau de grain?
Il faut produire de plus en plus. Les producteurs sont prêts, mais
à la condition qu'ils reçoivent un prix acceptable. Le
marché est là et ne demande qu'à être
exploité. De leur côté, les producteurs travaillent
activement à l'organisation de leur mise en marché. La
réglementation permettant l'établissement d'une agence de vente
centralisée est déjà approuvée. Des entreprises
sont disposées à développer le système
d'enchères électroniques nécessaire à la vente des
veaux et n'attendent que notre signal. Mais ce signal ne viendra que si les
producteurs sont convaincus que le gouvernement sera là pour les
épauler.
Dans les conditions actuelles, laissés à eux-mêmes,
ils abandonnent la partie. Des jeunes éleveurs ont osé se lancer
en agriculture, aidons-les à produire. Pourquoi ne pas nourrir le
Québec avec de la viande de veaux de grain? Relancer l'élevage
spécialisé de veaux de grain au Québec c'est le meilleur
placement. Merci.
Le Président (M. Vallière): Très bien. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci. J'aimerais d'abord remercier les
représentants de la Fédération des producteurs de veaux de
grain du Québec d'avoir présenté ce mémoire. Ils
ont soulevé d'importantes questions qui peuvent réfléter
réellement la situation des élevages ou des nouvelles productions
au Québec. Vous nous faites mention, dans votre mémoire, des
difficultés que les producteurs ont vécues. On pourrait retrouver
ces mêmes difficultés dans d'autres fédérations de
producteurs dans de nouvelles productions. Quand je parle de nouvelles
productions, c'est pour nous au Québec, par exemple, les producteurs de
lapins, les producteurs de chèvres, d'agneaux et d'autres.
Tout le problème relève de la situation de la mise en
marché pour les nouvelles productions. Évidemment, pour avoir une
mise en marché ordonnée, il faut d'abord qu'on ait une
production. On ne peut pas établir une mise en marché si on n'a
pas de production. On ne peut pas établir une production si on n'a pas
de marché. Cela, je pense que c'est un dilemme pour bien des
productions. Je pense que nous du gouvernement, on s'arrête souvent
là-dessus et la solution on ne la trouve pas.
J'aimerais peut-être vous entendre à savoir comment vous
voyez cela? Il faut mettre une production nouvelle en place parce que tout le
monde reconnaît que le marché est là, mais il faut le
faire
connaître aux consommateurs qui souvent l'ignorent.
J'aimerais vous entrendre afin de savoir quelle méthode serait
idéale ou la plus propice pour différentes productions, mais on
va s'en tenir à la vôtre dans ce domaine? Soit la production par
la mise en marché et la mise en marché par la production?
M. Charland: D'accord. Si on se contente seulement de regarder la
mise en marché et la production, je pense que dans le document on en
parle, à un moment donné, et on dit que ce serait le temps de
mettre quasiment 500 000 $ dans la mise en marché. C'est justement pour
cela, c'est pour développer le marché en même temps que la
production se développe. Concernant le veau de grain, c'est que cet
argent n'a pas été investi, on arrive avec un volume de
production qu'on met en marché, mais on est saturé à un
moment donné. C'est que là cela en prendrait de l'argent à
investir dans la mise en marché, pour faire la demande du produit et on
arrive tellement tard dans la production de veaux de grain que le produit est
là, mais pas assez pour couvrir toutes les places en même temps
parce qu'il y a eu une déficience. Si la promotion avait suivi
l'évolution de la production, on ne l'aurait pas eu le problème.
Cela aurait fonctionné. C'est parce qu'à un moment donné
il y a eu une déficience de promotion quand le produit a commencé
à se développer. Tantôt, on parlait du lapin, la même
chose va arriver. Si la production de lapin ne se développe pas en
même temps que la promotion, cela va "flopper".
M. Baril (Arthabaska): C'est cela, on parle de la
régularité d'approvisionnement. Concernant les magasins à
succursales, vous avez nommé Steinberg tout à l'heure et vous
n'êtes même pas capable de fournir sa demande. Cela fait partie du
tout. La régularité de l'approvisionnement, il faut qu'on
l'assure par notre production.
Cela me fait penser un peu à un chien qui court après sa
queue. Le marché est là, on a fait de la publicité, mais
on en a peut-être trop fait par rapport à la production. Est-ce
parce que la production n'a pas augmenté assez rapidement ou est-ce
à cause d'un manque de connaissance de la technique de production?
Est-ce à cause d'un manque de recherche? Est-ce à cause d'un
manque de producteurs? (20 h 30)
M. Doyon (Antoine): Je crois que c'est plutôt un
problème qui est survenu au cours des années. Les
premières années on a développé la production. Les
prix étaient faibles. L'assurance-stabilisation fait
répétition et répétition de paiements; le
producteur en est venu à ne plus avoir de liquidité pour
continuer à produire à 100% de son élevage. À ce
moment les producteurs ont décidé de mettre de l'argent dans la
publicité conjointement avec le ministère. Cette publicité
a peut-être fait augmenter un peu les prix mais ce n'était pas
assez pour que les producteurs puissent continuer à produire à
100% de leur volume. C'est le jeu du chien qui court après sa queue. Les
producteurs ont pris l'argent de la vente de leurs veaux pour tenter de
maintenir leur inventaire mais comme le coût de la vente de veaux ne
couvrait pas le coût de production, les inventaires ont diminué
graduellement. Arrivés aux alentours de 1983, les producteurs
produisaient à peu près à 60% ou 65% de leur
capacité de bâtiment avec une marge de crédit qui
était toujours au maximum et là on avait une demande et on
n'était pas capable de produire. Je comprends qu'aujourd'hui le
ministère a mis un nouveau programme en marche pour essayer d'augmenter
la production mais ce programme n'est pas accessible aux producteurs qui sont
déjà en place. On ne pourrait pas avoir de cet argent neuf qui
aiderait aux producteurs à augmenter ou à produire à 100%
et les producteurs qui sont en place depuis trois, quatre ou cinq ans et qui
ont acquis de l'expérience c'est eux qui, par des manques de
liquidité, ne sont plus capables de produire à leur pleine
capacité. C'est là le danger. Tant que les producteurs qui sont
déjà efficaces ne peuvent pas produire à 100% de leur
bâtiment, les veaux manquent sur le marché etc.
M. Baril (Arthabaska): Pourquoi me dites-vous qu'actuellement
l'argent disponible n'est pas accessible ou disponible aux producteurs
existants? Est-ce à cause des conditions des programmes?
M. Doyon (Antoine): Les programmes s'appliquent pour la
construction de bâtiments neufs. Ceux qui ont débuté,
supposons en 1979, 1980, 1981 ou 1982 dont les plans n'étaient pas
adéquats, selon le ministère ont été obligés
de faire des modifications à leur bâtiment et ils ont pris une
partie de l'argent sur leur marge de crédit parce qu'il était
devenu difficile de faire des emprunts à l'office puisque l'office avait
mis un veto ni plus ni moins sur la production de veaux de grain et ils ne
voulaient plus rien savoir de nous. En prenant l'argent sur notre marge de
crédit on n'avait plus de liquidité pour remplir nos
étables. Alors, en ne fonctionnant pas à pleine capacité,
cela se fait sentir aussi du côté de l'assurance-stabilisation. Un
producteur qui produit juste à 65% et qui vit directement quasiment de
l'assurance-stabilisation et qui a juste 65% de son efficacité et que
les charges fixes sont sur 100%, il devient inefficace parce que c'est toujours
un manque de liquidité. Cela s'est
accumulé d'année en année et on voit aujourd'hui
jusqu'où cela est rendu. On a perdu plusieurs producteurs en chemin
aussi.
M. Charland: Si on ne peut participer à ces programmes,
c'est tout simplement parce qu'on n'a pas l'argent. Vous dites supposons que
dans un programme vous pouvez avoir X milliers de dollars pour participer
à ce programme et qu'on n'a pas l'argent pour investir soit ce qui
manque pour construire la bâtisse. Nous ne l'avons plus l'argent puisque
tout notre argent est passé dans l'élevage. On est rendu
même à hypothéquer notre marge de crédit pour
être capable de vivre. Si on veut grossir, la seule façon c'est
d'aller chercher de l'argent ailleurs. Là, le ministère quand il
nous voit arriver avec une production de veaux de grain, c'est clair, il attend
s'il y avait...
M. Baril (Arthabaska): Sur les plans que le MAPAQ vous a fournis
sur la construction des bâtisses, cela s'avère qu'avec
l'expérience ces bâtiments n'étaient pas adéquats.
Vous avez parlé de la ventilation qui était manquante ou je ne
sais pas... Ces plans qu'on vous a fournis, c'était à partir de
quelle expérience? D'où a-t-on fourni cela et comment a-t-on fait
pour établir ces plans du début?
M. Doyon (Antoine): Je pense qu'ils avaient fait quelques voyages
en Europe. Ce n'était pas connu au Québec et il y avait eu un
sondage, il me semble en 1979, auprès des chaînes alimentaires qui
prétendaient que le veau devrait peser de 325 à 375 livres.
Alors, ils ont fait leur plan en fonction de cela.
Comme notre climat réagit plus vite qu'en Europe, c'est là
qu'on a eu des problèmes au niveau de la ventilation. Je me souviens que
dans les années 1980, les producteurs ont eu 80% de mortalité
quand ils ont mis en marche leur système de ventilation, à
l'automne. Je pourrais même vous dire que la ferme expérimentale
de Lennoxville, elle les a tous perdus.
M. Baril (Arthabaska): Ce sont des spécialistes.
M. Chouinard: C'étaient des spécialistes. Je pense
que ce qu'il est important de dire là-dessus, c'est qu'au niveau des
ressources techniques du ministère, ils ont fait leur expérience
en même temps que les producteurs qui ont démarré. Les
premiers plans qui ont circulé étaient en cours de modification.
On n'arrivait pas à bâtir avec un plan qui était à
jour, parce qu'au moment où on bâtissait, il y en avait toujours
un nouveau qui sortait, parce qu'ils avaient trouvé quelque chose de
nouveau. Je pense que ces gens-là ont fait leur expérience
à même les producteurs qui ont bâti, qui ont parti en 1979,
1980. Je suis parti en 1982 et quand j'ai bâti, j'avais
déjà un nouveau plan sur lequel c'était marqué
"Préliminaire". J'avais déjà une copie parce que je
connaissais Michel Fortier à ce moment et il m'en avait envoyé
une copie mais c'était complètement différent de ce que
j'étais en train de faire.
Donc, si je résume un petit peu cet aspect-là, c'est que
le MAPAQ se fie un peu sur l'expérience des agriculteurs pour
améliorer la technique d'une production comme telle tandis que si l'on
regarde au niveau de l'industrie en dehors de l'agriculture, vous avez des
centres de recherche dont un qui s'appelle Le Centre de recherche industrielle
du Québec qui, lui, fait réellement la recherche chez lui. Il est
financé par le gouvernement. Si je résume, il y aurait un manque
au niveau du gouvernement à l'effet d'aider... je ne sais pas si je peux
dire cette recherche ou cette amélioration de la situation.
M. Charland: Oui, c'est carrément supporté par le
producteur. Toutes les expériences qui ont été faites au
début de la production, surtout en ce qui concerne le veau de grain, ont
été faites carrément chez les producteurs. Moi, je suis
parti à la fin de 1979 et les techniciens - en fin de compte, ce sont
les producteurs de 1979-1980 qui ont formé les techniciens en même
temps que nous, ils apprenaient, autant au niveau de clinique
vétérinaire du coin chez nous ou du technicien qui était
là - on leur a tout montré à eux, à nos frais
comment il fallait que cela se fasse du veau de grain. C'est là toute la
problématique, en fin de compte. On en parle dans cela aussi. Tout le
problème est dans cela. On a essayé de l'écrire bien comme
il faut dans cela. Toute la recherche concernant le veau de grain, il y a la
ferme expérimentale à Lennoxville qui en fait; je pense qu'elle
fait du bon travail aussi. À Saint-Hyacinthe aussi, ils font du bon
travail. Eux, quand ils font une expérience, il y en a une, entre
autres, qui a un système de ventilation de 60 000 $ et à
Lennoxville, ils ne calculent pas le nombre de kilowatts qui passent dans leur
place pour le chauffage. Nous, on a tout cela à calculer. Je pense
qu'eux... Je suis convaincu qu'ils essaient de faire une bonne
expérience, mais cela n'est jamais comme une expérience faite
à la ferme comme nous on l'a vécu, en fin de compte.
M. Baril (Arthabaska): Nous, on se fait dire, en tant
qu'élus du peuple, souvent on se fait dire que les personnes qui
s'engagent dans une nouvelle production, comme le veau de grain, entre autres,
ce sont des gens qui ont vécu une certaine période de temps en
ville et qui veulent revenir à la ferme. Tout
le monde aime cela revenir à la campagne car il y a une sorte de
liberté et les gens s'imaginent que du veau de grain, puisqu'on parle de
celui-là, c'est facile, ce sont des petits veaux, c'est doux, c'est
gentil, ça ne rue pas dans les brancards trop fort. Donc, il y a un
manque d'expérience, de connaissance de la part de ces gens-là et
ce sont des gens qui se sont lancés dans une production qu'ils ne
connaissaient absolument pas, cela fait trop longtemps - je vais utiliser le
terme qui est peut-être trop fort - qu'ils sont décrochés
de l'agriculture.
Selon la Fédération des producteurs de bovins du
Québec, quel est le pourcentage de producteurs de veaux de grain qui
sont revenus à la campagne dans les conditions précitées
et d'autres qui ont voulu réorienter leur production ou additionner
celle-ci à celle qui est déjà existante? Je ne sais pas si
vous avez des chiffres là-dessus.
M. Chouinard: Des chiffres, on n'en a pas mais je pense que de
ceux qu'on connaît, il y a beaucoup de monde qui vient de
l'extérieur de l'agriculture. Je pense qu'en ce qui regarde le veau de
grain, étant donné que c'est une production nouvelle, cela a
été une très bonne chose. On se rend compte aujourd'hui
qu'à peu près les meilleurs éleveurs, ce sont ceux qui
étaient à l'extérieur de l'agriculture. Il n'y a pas
presque de pire éleveur de veau de grain qu'un bon producteur laitier,
parce que la petite génisse d'élevage, c'est le même animal
que notre veau. Je pense toutefois que ce n'est plus le même
élevage du tout, même si c'est le même animal.
M. Baril (Arthabaska): Au sujet de l'approvisionnement en veaux,
est-ce qu'il y a une certaine facilité ou bien sî les
éleveurs de veaux de grain sont obligés de se ravitailler soit
à des encans publics ou à la ferme? Là-dessus, selon le
lieu d'approvisionnement, est-ce que la réussite est meilleure, est-elle
moindre?
M. Chouinard: Je pense que le problème ne se situe pas au
niveau des approvisionnements, actuellement. D'ailleurs, on n'en fait pas
mention dans notre mémoire. Il y a 300 000 veaux de disponibles au
Québec et on en a produit 60 000. Les producteurs, actuellement,
s'approvisionnent, pour répondre complètement à votre
question, autant dans les encans que chez les producteurs directement. À
ce niveau-là, je pense que ce n'est pas le problème majeur de la
production du veau de grain, actuellement.
M. Baril (Arthabaska): Si je pose cette question, c'est parce
qu'on a assisté à une commission parlementaire l'automne dernier
et certaines personnes avaient eu des difficultés. Eux faisaient
beaucoup mention du lieu d'approvisionnement. Les difficultés qu'ils
vivaient ou qu'ils avaient vécues dépendaient beaucoup du lieu
d'approvisionnement, des bêtes qu'ils allaient acheter ou dont ils
allaient s'enquérir. C'était le sens de ma question, de savoir
si, pour vous autres, il y avait une différence entre le lieu
d'approvisionnement, soit par encan public ou directement à la ferme,
chez des producteurs.
M. Chouinard: Je ne pense pas qu'il y ait de différence.
Même, je pense que, des fois, on est mieux à l'encan public. Dans
un sens, on peut choisir le veau, tandis que, si on s'approvisionne directement
à la ferme, tu rentres chez un producteur. Il a cinq veaux. Tu dis: Je
vais en prendre rien que deux. Il y en a juste deux qui font mon affaire; il ne
sera pas content. Si tu ne les prends pas tous, tu n'en a pas un. Là,
ça devient des charges supplémentaires de transport. Tandis que,
si on achète à l'encan, un veau qui a résisté
à l'encan, il résiste à bien des choses.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez probablement raison!
M. Chouinard: Tout à l'heure, on parlait de la formation
des techniciens. Moi, je peux vous dire personnellement que, chez nous, j'en ai
eu un pendant huit jours de temps, que j'ai formé. On lui a
montré le métier. C'est un agronome. Deux mois après, il
est revenu chez nous pour me dire quoi faire.
Nous, pendant huit jours, on lui a montré le métier
d'éleveur de veaux de grain. Il est resté à la maison et
il faisait le train avec moi et tout le "kit". Deux mois après, c'est
lui qui nous disait quoi faire.
Une voix: II a aimé ça?
M. Chouinard: Le train, il a aimé ça.
M. Baril (Arthabaska): Sérieusement, la
fédération a sans doute rencontré la Régie des
assurances agricoles. Quand vous parlez d'une certaine souplesse qui devrait
exister, quelle est l'ouverture que les dirigeants de l'assurance agricole ont
envers vous? Est-ce qu'ils ont un esprit d'ouverture ou bien s'ils sont
renfermés? Est-ce qu'ils calculent le revenu sur une base moyenne, sur
l'ensemble du Québec, des producteurs de veaux de grain et s'en
tiennent-ils à ça ou bien s'ils essaient d'améliorer leur
système d'assurance?
M. Chouinard: On le saurait mieux si on avait plus de
facilité à les rencontrer. On a déjà beaucoup de
misère à les rencontrer. On a des comités MAPAQ-UPA avec
eux autres. On a déjà de la difficulté à les
rencontrer. Pour donner un exemple, les dernières rencontres
qu'on a eues avec eux concernaient les coûts de production et surtout le
modèle qu'on voulait faire changer; ça fait trois ans qu'on fait
des représentations pour que le modèle soit changé.
M. Baril (Arthabaska): II n'est pas changé encore?
M. Chouinard: À la date d'aujourd'hui, on n'a aucune
nouvelle à savoir si on va être encore compensé pour
l'année 1984 sur le modèle de 375 livres. Je ne sais pas si
ça répond à votre question quant à la collaboration
qu'on peut avoir avec l'assurance-stabilisation. Nous, on s'attendait qu'il y
aurait quelque chose qui aurait débouché cette année. On
était convaincu que ça viendrait l'an passé.
M. Charland: C'est-à-dire que ça fait trois ans
qu'on va là et qu'on leur dit qu'il faut que le modèle de 375
livres soit changé. Ils nous répètent: On les change cette
année. On est rendu en 1985 et on n'est même pas sûr si on
va être compensé sur un veau de 450 livres ou pas, ou encore notre
modèle de 1980 est toujours indexé jusqu'à la date
actuelle.
M. Baril (Arthabaska): Je vous remercie des réponses
à mes questions.
Le Président (M. Vallières): On pourrait
compléter le bloc de ce côté-ci avec une courte question du
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Je voulais simplement savoir si, dans le
lancement du nouveau programme dont vous avez parlé tantôt, il y a
des montants pour augmenter la promotion ou bien si c'est complètement
séparé. Il n'y a aucun montant de prévu?
M. Chouinard: C'est l'augmentation de la production comme telle,
pour la construction ou la rénovation de bâtiments pour la
production. Pour la promotion, dans le document, on parlait d'une promotion
intensive. Il y a seulement le mot "intensif". Il n'a pas été
quantifié, non.
M. Dupré: Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien. M.
le député de Maskinongé. (20 h 45)
M. Picotte: Merci, M. te Président. J'ai eu l'occasion de
parcourir le premier rapport et le résumé dont vous nous aviez
fait part, et j'ai constaté avec beaucoup de plaisir qu'il y avait
beaucoup plus de détails dans l'autre; ne serait-ce uniquement qu'au
niveau des tableaux comparatifs, il y a eu une meilleure perception de la part
des parlementaires de ce côté-là.
Avant d'aller plus en profondeur, il y aurait quelques questions de
détail que j'aimerais soulever. Entre autres, on a parlé du
transport tantôt. Quelqu'un nous a déjà mentionné
que le transport était tellement organisé de façon peu
adéquate que souventefois des éleveurs perdaient des animaux
à cause de mauvaises conditions de transport. Est-ce que vous avez
réalisé ça chez vous ou si les distances sont tellement
courtes, finalement, que ce n'est pas un problème de perte dans votre
cas?
M. Charland: Je pense que les pertes dont vous parlez, ce serait
plutôt au niveau du transport des gros animaux.
M. Picotte: Les gros animaux, mais je me souviens aussi que M.
Robidas, en commission parlementaire, qui était un éleveur de
veaux de grain, nous a soumis son cas et nous a parlé, entre autres, du
transport. Il semblait nous dire que c'était une partie, non pas... En
tout cas, chez vous, ça ne semble pas être une partie importante
qu'il faut capitaliser.
M. Chouinard: Ma réponse 'à votre question, ce
serait non; parce que la majeure partie des producteurs font leur transport et
il n'y a pas de producteurs qui nous font des revendications. On a quand
même le comité de mise en marché à ce niveau, et il
n'y a jamais personne qui s'est plaint qu'on avait des pertes
élevées au niveau du transport. Ça fait plus de 1000 veaux
depuis que j'ai commencé et je n'ai jamais perdu un veau dans le
transport.
M. Picotte: II n'y a pas tellement de problèmes de ce
côté-là.
M. Chouinard: S'il y en a un, il n'est pas majeur, je pense que
non.
M. Pixotte: D'accord. Dans votre domaine, depuis cinq ans -
reculons d'environ quatre ans - il y avait tel nombre de producteurs et,
maintenant, avec le temps, quel est le pourcentage de ceux qui ont soit failli,
abandonné ou qui ont changé d'orientation à cause,
justement, de la non-rentabilité?
M. Charland: Je pense qu'il y avait un document, à un
moment donné, qui avait été pondu en février 1983.
Selon ce rapport, l'Office du crédit agricole avait fait - on en parlait
dans notre document - une centaine de prêts en 1979 et, rendu en 1983,
quand il a fini son enquête, sur les 100 prêts qu'il avait
octroyés, je pense qu'il en restait environ une cinquantaine en
production. Ce
sont des anciens producteurs qui sont restés en production en
1983; là, j'imagine qu'il doit y en avoir moins. Mais, d'année en
année, je pense qu'il y en a d'autres qui ont recommencé; en fin
de compte, il y en a qui ont racheté des faillites, probablement - je ne
sais pas trop comment ça se passe - et il y a des producteurs de lait
qui ont commencé à en faire beaucoup.
Quand on a eu notre assurance-stabilisation, au début, je pense
qu'on était 130 ou 140 producteurs qui vivaient seulement de cela.
Maintenant, on est aux alentours de 450 producteurs, incluant les producteurs
de lait qui ont commencé à en faire. Il faut comprendre que les
producteurs produisent environ, si ma mémoire est bonne, 30% de la
production, et les 150 éleveurs qui restent, les producteurs
spécialisés, font de 70% à 80%.
M. Picotte: On a parlé tantôt du marché, on a
parlé de Steinberg, entre autres, qui serait prête à
prendre du volume amplement. J'aimerais savoir si, à votre connaissance,
il y a eu une étude sérieuse qui a été
effectuée, par qui elle a été effectuée, afin de
connaître le volume de production que le marché serait capable
d'absorber. Évidemment, c'est sûr qu'il y a de la place, et on
pourrait en mettre amplement sur les tablettes, mais est-ce qu'il y a un volume
de production que le marché peut absorber? Est-ce qu'il y a une
étude qui nous dit la quantité et, en plus de cela, à quel
prix aussi le marché est prêt à l'absorber, c'est une autre
chose? Le consommateur est prêt à payer quel prix pour du veau de
grain - c'est quand même important à savoir - et dans quelle
région du Québec, entre autres, la demande peut-elle exister ou
peut-elle être la plus forte? Il doit y avoir des régions
où... Parlons d'une étude possible, s'il y en a eu une.
M. Chouinard: II y a une étude qui a été
faite en 1980 ou 1981, au début des années quatre-vingt, par le
ministère de l'Agriculture. Cette étude a été faite
dans plusieurs villes du Québec, notamment une ville au Lac-Saint-Jean
et à Sherbrooke aussi. Une des constatations qui ressortait,
c'était que le consommateur québécois mangeait très
peu de veau, sauf que le consommateur néo-québécois,
surtout l'Italien, en consommait beaucoup. Sur une moyenne provinciale,
actuellement, il se consomme... L'étude aboutissait à des
conclusions selon lesquelles 95% des Québécois ne mangent pas de
veau. Le taux de consommation au Québec, c'est un peu moins de quatre
livres de veau par habitant. Il y a des endroits -selon les conclusions de
l'étude - où le potentiel de consommation était
inexistant. Les gens ne le connaissaient pas, parce qu'il n'y en avait pas dans
les comptoirs. Le boucher ne savait pas comment le couper et la consommatrice
ne savait pas comment l'apprêter. La seule place où c'était
différent, c'était parmi les Italiens. Le taux de consommation de
veau de la part des Italiens est extrêmement élevé.
Les conclusions de cette étude, c'est que le potentiel de
consommation existait à ce moment. Ils n'ont pas chiffré
jusqu'à quel prix ces gens seraient prêts à payer. Je n'ai
pas vu d'étude qui disait que les consommateurs seraient prêts
à payer jusqu'à 15 $ le kilo pour avoir du veau. II n'y avait pas
de coefficient économique rattaché à cela, mais sauf qu'il
était évident que le potentiel de consommation existait. Il
s'agissait maintenant de l'aménager. C'est un peu cela qui manque.
M. Picotte: C'est probablement pour cela que vous parlez de
beaucoup de promotion. Il faut mettre évidemment beaucoup d'argent dans
la promotion, parce qu'on sait très bien que les Québécois
ne sont pas des amateurs de veau au point de départ, quand on regarde
cela, puisque vous me dites en plus qu'il y a 95% des gens qui n'en mangent
pas.
M. Bélanger (Gaétan): J'aimerais bien
répondre à votre question. Concernant la promotion, vous savez
qu'avec de la promotion on peut vendre n'importe quoi. On le sait
déjà au départ, n'importe quoi, et les Japonais nous l'ont
déjà montré...
M. Picotte: Ou presque.
M. Bélanger (Gaétan):... maintenant, ils sont
rendus avec un bon produit. Cela, c'est la première chose.
Imaginez-vous maintenant si on a un bon produit; mais il y a de bien
bons produits qui ne se sont jamais vendus, parce que la promotion a
été mauvaise. Par exemple, la margarine Krona, on en entend
parler, M. Baulu en fait la promotion. Qui fait la margarine Krona ici?
Une voix: Monarch.
M. Bélanger (Gaétan): Monarch. 2 000 000 $
d'injectés dans environ treize semaines, il va s'en manger de la
margarine Krona. Il va s'en manger au Québec, comme ils ont fait en
Angleterre, comme ils ont fait partout. Quand on a un produit, il faut en faire
la promotion. Il n'y a personne qui connaît cela le veau de grain,
personne; personne encore. Comment voulez-vous que les producteurs obtiennent
un prix pour un produit que personne ne connaît? La demande, il faut la
générer - et tantôt la question était bien
posée - avec de la production, sauf que de la production, les gars vont
en faire et ils sont prêts à en
faire, mais à la condition de recevoir de l'argent. Il y a deux
sources pour recevoir de l'argent: il y a le marché et une source
extérieure qui pourrait être le gouvernement.
Donc, cela prend la production et, parallèlement à la
production, on fait la promotion de cette consommation. Il faut commencer par
la production. Tantôt, on se demandait par où on commence; on
commence par la production. On commence par avoir des veaux, mais, pour que les
gars puissent en produire, il faut qu'ils aient de l'argent. II est là
le problème, il est juste là. Le point de départ, ce n'est
pas faire de la promotion d'un produit qui n'existe pas, c'est faire de la
promotion parallèlement à l'implantation d'un élevage.
Je ne voudrais quand même pas prendre le temps des producteurs,
mais j'aimerais revenir sur le premier commentaire qui a été
émis par M. Baril. Le veau de grain, c'est un élément et
c'est typique au Québec. Il me semble qu'il aurait dû y avoir des
gens qui, premièrement, auraient fait beaucoup d'expériences. Ce
n'est pas juste aux producteurs à faire des expériences, c'est
aussi au gouvernement à en faire, à développer ces
techniques. Actuellement - et on l'a fait ressortir dans notre mémoire
tantôt - il n'y a plus un conseiller technique dans la production du veau
de grain au Québec. Est-ce qu'on y croit encore? Il n'y a pas un
conseiller technique spécialisé dans la production actuellement
au Québec. Il y en a eu deux jusqu'au début de l'année
1984. Les contrats, c'est fini; ce n'était pas temporaire, mais... Les
contrats sont là et il n'y a plus un conseiller technique. Est-ce qu'on
y croit? On veut la développer et, à la fin de l'année
1984, on amène un superprogramme de réinvestissement, pas dans
les étables qui sont là et qui ne produisent pas, dans de
nouvelles étables. On dit aux gens: Construisez des étables pour
produire du veau de grain et il n'y a plus un conseiller technique
actuellement. C'est cela le "feeling" qu'on aimerait avoir, à savoir qui
y croit encore à cette production.
Dernier élément de réponse à une des
premières questions, ce sont des gens de la ville qui sont
peut-être venus investir là-dedans, sauf que ce n'est pas eux qui
ont inventé la production de veau de grain. L'espèce de retour
à la campagne; tu fais un retour à la campagne pour quelque chose
que tu connais. Quand ils sont arrivés, ils ne savaient pas le jour
d'avant que la production de veau de grain existait. Ils sont arrivés
devant leur conseiller en crédit et ils ont vérifié;
alors, on ne pouvait pas se lancer dans le lait, on ne pouvait pas se lancer
dans la volaille, et on ne pouvait pas se lancer dans les oeufs; c'est le
conseiller qui disait: Tu vas te spécialiser dans le veau de grain, tu
veux venir en agriculture, tu pars dans le veau de grain. Je crois que ce sont
des choses qu'on peut quand même vérifier, il y avait certaines
avenues et cela en était une avenue. Ce n'est pas le gars qui a
décidé de s'en venir en agriculture pour produire du veau, il ne
savait même pas que cela existait le veau; c'est le conseiller qui le lui
a dit.
M. Picotte: Ils sont en train de me dire qu'il n'y a plus de
conseiller technique dans ce domaine. Êtes-vous en train de me dire qu'on
est en train d'implanter un nouveau programme ou une nouvelle politique
puisqu'on y a fait référence tantôt et que, finalement, il
n'y aura personne pour conseiller les gens même dans cela, même
dans la nouvelle technique? Vous êtes en train de nous dire cela.
M. Charland: C'est en plein cela. Le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en fin de compte,
développe la production de veau de grain et donne une subvention pour
bâtir pour le veau de grain, mais il n'y a aucun conseiller technique
dans la production de veau de grain.
M. Picotte: Même avec la nouvelle politique qui est mise en
place.
M. Charland: II n'y a pas de conseiller technique
présentement. Dans le champ, ce qu'ils font, en fin de compte, les
officiers régionaux pour le crédit disent qu'il faut essayer: il
y a un producteur qui en fait présentement; pour avoir de l'information,
il faut aller le voir. C'est nous qui donnons l'information aux producteurs qui
veulent se lancer dans cela et là, on leur dit: Attendons pour voir si
le gouvernement veut réellement continuer.
M. Picotte: Il n'y a pas d'honoraires professionnels pour cela
non plus, en guise de compensation...
M. Charland: Non, c'est nous qui subissons les...
M. Picotte: Vous pourriez envoyer une facture au ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ne croyez-vous pas
que, finalement, la première chose peut-être qu'il y aurait
à faire - je comprends que vous demandiez 500 000 $, je ne veux pas
juger de la pertinence de cette demande, sûrement qu'elle est valable -
de la part du ministère, ce serait une étude justement,
même s'il en existe déjà une, et d'aller un peu plus en
profondeur, au moins du côté des prix que des consommateurs
seraient prêts à payer, ce qui pourrait déboucher par la
suite sur une étude de promotion? Cela est tout de même assez
important, le prix que le consommateur est
prêt à payer; et changer ces mentalités, c'est toute
une éducation à faire.
M. Chouinard: Actuellement, le service de la commercialisation du
MAPAQ a suffisamment d'information pour répondre à cela.
Aujourd'hui, le veau de lait se vend 2, 40 $ la carcasse. Notre prix de veau de
grain est à 1, 80 $, il y a une différence de 0, 60 $. Je pense
que le problème du veau de grain actuellement, ce n'est pas qu'on n'est
pas capable d'obtenir notre coût de production. On a déjà
développé... Nous, producteurs, sommes capables de
spécifier notre produit. Quand le veau de grain a commencé, ce
n'était pas du veau de grain, c'étaient toutes sortes de veaux
dans lesquels il y avait du veau de grain. On s'est rendu compte qu'il fallait
spécifier notre produit et qu'il fallait l'identifier. Alors, on l'a
demandé et on a fini par l'obtenir aussi, on a fait des pressions au
niveau des intervenants pour avoir la classification dans le veau de grain.
Cette classification, aujourd'hui, on l'a et il se classe actuellement au
Québec de 1000 à 1500 veaux par semaine. C'est une chose qui est
faite, les bouchers achètent leurs veaux classés. On a
réussi à spécifier notre produit. Ce qui nous manque
actuellement, c'est le volume de production pour être capable de
répondre à cette demande.
Steinberg a investi des sommes d'argent considérables et elle est
la seule à l'avoir fait actuellement. Elle a cru au veau de grain, comme
nous, et elle a investi de l'argent dans la mise en marché du veau de
grain. Actuellement, tous les magasins Steinberg dans la province de
Québec ont du veau de grain dans leurs comptoirs identifiés avec
un petit collant sur chacun des paquets. Je pense que c'est croire au veau de
grain que de faire cela. Le problème chez Steinberg, et que nous
craignons beaucoup, c'est qu'elle nous laisse tomber. Si Steinberg nous laisse
tomber, il n'y aura plus de veau de grain au Québec. Elle va nous
laisser tomber, parce qu'elle n'est pas capable d'en faire la promotion; elle
voudrait en faire une ce printemps, bientôt, et cela lui prend 3000
boîtes ou 1500 carcasses qu'elle nous a demandées, c'est la
production d'une semaine complète. Cela veut dire qu'il n'y a pas de
veau de grain nulle part ailleurs au Québec. Je pense que, si elle ne
réussit pas è le faire et si elle ne réussit pas à
promouvoir le produit et à en vendre de plus en plus dans ses magasins,
parce qu'elle ne peut pas rester au point où elle en est là, elle
a déjà investi beaucoup d'argent et je crois qu'elle va vouloir
le promouvoir, elle va abandonner. (21 heures)
M. Picotte: À un moment donné, vous écrivez
dans votre mémoire que les entreprises n'auraient pas été
menacées si, dès le début, des techniques de production de
veaux de grain avaient été mises au point et si un
véritable marché de consommation avait existé pour ce
produit. On vient de parler un peu du marché de consommation. Vous
parlez des techniques de production de veaux à mettre au point, vous
parlez un peu plus loin aussi du modèle de ferme, de
l'efficacité. Cela veut dire que, quand il y a eu des techniciens qui
sont allés, au début, pour vous préparer ou pour essayer
d'organiser cette production-là chez vous, on vous a fait un
modèle de ferme. On a dit: Cela va donner un tel taux de
rentabilité. Si je ne m'abuse, cela s'est fait un peu comme dans
d'autres productions où l'on dit, par exemple: Le veau ou le boeuf est
à tel prix. À ce moment-là, tu fais: tant de veaux
multiplié par tant de livres, quand c'est fini, à tel prix,
égalent tant. C'est ton modèle et tu es censé arriver
comme cela.
On a vu dans le boeuf, entre autres, qu'à un moment donné
on fixait le prix à 1, 30 $, mais, quand on regarde cela, le boeuf se
paie 1, 30 $ une semaine durant l'année. Alors, il faut qu'un gars soit
mauditement chanceux pour arriver, cette semaine-là, à produire
tout son boeuf, finalement, qui rapporte exactement ce qu'il doit rapporter.
C'est le même genre de modèle qu'on a fait chez vous. Quand vous
arrivez et que les techniciens vous fournissent un modèle, on vous fait
un modèle qui est parfait, mais finalement on ne tient compte de rien,
j'imagine. On ne tient pas compte de la maladie, on ne tient pas compte d'une
foule de choses comme cela.
M. Pilotte (Luc): Excusez! Ce qui est arrivé, c'est qu'ils
ont essayé de tenir compte du modèle, mais c'est qu'ils
n'étaient pas au courant de la production du veau de grain. On a eu des
problèmes au départ de manque de capacité dans
l'étable. Les gars ne pouvaient pas rouler à pleine
capacité. Il y a eu des maladies qui se sont développées
chez le veau, comme la salmonelle. Il n'y a aucun vétérinaire qui
connaissait cela, il n'y a aucun vétérinaire qui pouvait
guérir cela; donc, c'est le producteur qui absorbait la perte de cela et
il y avait des pertes, à un moment donné, assez énormes.
Il y a des producteurs qui ont dû lâcher dès la
première année à cause de pertes semblables. Il y avait
des problèmes de ventilation et toutes sortes de problèmes. Ce
n'est pas le bon vouloir qui manquait, mais seulement l'expérience et,
cette expérience-là, ce sont les producteurs qui l'ont
endossée.
M. Picotte: Autrement dit, les gens qui sont allés vous
faire un modèle, ils ne connaissaient pas plus cela que vous autres, en
moins probablement qu'en plus. C'est cela que ça veut dire.
M. Doyon (Antoine): Quand vous parlez de modèle, c'est le
modèle pour l'assurance-stabilisation. Ce n'est pas le modèle
physique de la ferme, c'est un modèle économique. Ce
modèle-là a été établi conjointement avec
les producteurs de veaux de grain et le comité MAPAQ-UPA au printemps
1980. Dans le temps, quand on l'a établi, le modèle
reflétait la situation de l'année, mais cela a
évolué tellement vite au cours des années suivantes que le
modèle est devenu déficient au point de vue du poids des animaux,
du taux de mortalité, du roulement dans la ferme. Premièrement,
on prenait un modèle qui produisait, la première année,
425 veaux; ce n'était pas vrai, on pouvait produire seulement 354 veaux
la première année. Alors, tout de suite en partant, on avait un
modèle qui était faussé déjà la
deuxième année et qui s'est amplifié d'année en
année. Le régime d'assurance-stabilisation, la philosophie de
cela, c'est basé sur le fait que cela paie deux ans sur cinq, à
peu près, comme dans toutes les autres productions. Mais, quand cela
paie cinq ans sur cinq, les 90% du salaire de l'ouvrier
spécialisé deviennent, au bout de cinq ans, 30% et la prime qu'on
ne doit pas calculer dans les coûts de production devient drôlement
fatigante, tu es obligé de la prendre sur ton salaire; cela fait que,
d'année en année, il ne te reste plus rien. C'est là que
le modèle est devenu plus au point. Depuis trois ans, on était
censé le modifier d'année en année.
Je ne sais pas si c'est le ministre ou le Conseil du trésor qui
fait qu'on ne signe pas. À chaque année, les comités
MAPAQ-UPA disent: On va le changer. Mais il n'a jamais été
changé.
M. Picotte: Est-ce que présentement, au moment où
l'on se parle, les spécialistes de la santé ont réussi
à mieux traiter les animaux et qu'il y a beaucoup moins de perte de ce
côté-là, ou si on est encore un petit peu dans le
néant?
M. Charland: Je pense que les producteurs de veaux de grain leur
ont donné un maudit bon coup de main. Les producteurs de veaux de grain
ont donné un bon coup de main aux vétérinaires à
savoir comment faire pour soigner les veaux. Je pense que c'est bien plus cela.
En tout cas, depuis que je suis dans la production de veaux de grain, la
clinique vétérinaire de la région chez nous vient faire un
tour chez nous, à toutes les années, pour venir voir ce que
j'utilise, qu'est-ce que je prends, comment je le donne, quand est-ce que je le
donne et ce que je fais avec les veaux pour les sauver. Parce que, eux autres,
ils ne comprennent pas qu'on les sauve, ces veaux-là.
Quand ils regardent les chiffres, par exemple, qu'ils font des
recherches et qu'ils arrivent avec des taux de 30% et de 40%, qu'ils viennent
chez nous et qu'on est capable de rouler à 10%, ça les
dépasse. Alors, ils viennent voir ce qu'on utilise et ce qu'on fait avec
eux autres. C'est nous qui leur donnons l'information pour savoir comment faire
ailleurs s'ils ont des problèmes avec les veaux.
M. Picotte: M. le Président, si j'ai bien compris, vous
m'avez dit qu'il n'y avait plus de temps.
Le Président (M. Vallières): Oui, malheureusement,
nous avons terminé notre bloc.
M. Picotte: II me restait tellement de questions encore.
Le Président (M. Vallières): Mais je pense qu'il y
a une question assez générale qui se pose. On pourrait
peut-être compléter avec une courte question portant strictement
sur le poids du veau.
M. Dupré: C'est ça, sur le poids des veaux. Vous me
dites qu'en 1980 c'était 375 livres. Si un nouvel éleveur part,
aujourd'hui, est-ce qu'il va les rendre, déjà, dans la
première année, à 475 livres ou si ça va être
425, va-t-il y avoir une diminution?
La deuxième question: Est-ce que ce n'est pas plus payant de les
vendre à 375 livres, vous pourriez alors les vendre plus rapidement?
Est-ce que, si vous les gardez et les montez de 100 livres, le producteur est
gagnant?
M. Chouinard: La réponse à cette question, c'est:
le poids de vente, c'est le marché qui le fait. Au moment où les
prix sur le marché pour un veau de 475 livres sont plus
élevés que pour un veau de 400 livres, la réponse est
là. Le producteur va vendre un veau de 475 livres. Un producteur qui
commence sa production en 1985 sort son premier veau à 475 livres.
M. Picotte: Est-ce que ça varie?
M. Chouinard: Le poids du marché peut varier
légèrement, fluctuer dans l'année. Mais, on se rend
compte, d'année en année, que le poids moyen va en
augmentant.
M. Dupré: Comme ça, les derniers cent livres, c'est
payant de le garder pour ce temps-là, pour le vendre à cent
livres de plus.
M. Chouinard: Actuellement, oui. Ce n'est pas parce que les
producteurs ne veulent pas produire un veau de 375 livres. Ce n'est pas dans ce
sens-là qu'on dit qu'on veut que le modèle soit ajusté
à 475 livres. On dit: II faut que le modèle soit ajusté
à la
production.
M. Dupré: Si ça monte de 25 livres par
année, ça va arrêter où?
M. Chouinard: Actuellement, je pense que la production est
stabilisée. Je pense que le marché n'ira pas bien au-dessus de ce
poids-là, pas actuellement. Il a même baissé un peu.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie,
c'est très intéressant comme discussion.
M. Pilotte: Si on avait une subvention directe aux producteurs,
si on dit qu'on sort 58 000 veaux par année, en dedans de six mois, on
serait presque capable de doubler la capacité des 58 000, parce que,
présentement, les producteurs, en grande partie, travaillent à
75% de la capacité de leur étable, à cause du manque de
liquidité. Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Si, à chaque fois, on prend 30 secondes de plus, on
élargit le système. M. le député de Berthier.
M. Houde: Moi, je voudrais savoir -c'est comme le poulet à
rôtir - lorsque vous produisez un veau de 375 livres ou de 475 livres,
est-ce que ça ne prend pas plus de temps aujourd'hui que cela n'en
prenait voilà quatre ans? Est-ce que c'est plus efficace et vous le
produisez en moins de temps?
M. Chouinard: On est plus efficace qu'on ne l'était
voilà quatre ans, je pense.
M. Houde: Vous produisez en moins de temps aujourd'hui?
M. Chouinard: Oui et nos taux de conversion sont meilleurs
aussi.
M. Charland: Les veaux de 475 livres, ça ne va pas plus
vite que des veaux de 375 livres. Ils ne sont pas plus vite, mais ça
prend plus de temps à faire.
M. Houde: Un peu plus de temps, oui?
M. Charland: Oui, c'est clair. Les 100 livres qu'un veau va
prendre - supposons 25 livres par semaine - ça va lui prendre un mois de
plus dans l'étable, pour lui faire faire 450 livres. Cela, c'est
clair.
M. Houde: M. le Président, quand on faisait un barbecue,
il y a huit ans, on le faisait dans dix semaines pour peser quatre livres.
Aujourd'hui, on le fait dans six semaines pour peser quatre livres et quart.
C'est pour ça que je voulais comparer le coût, s'il est
pareil.
M. Charland: Oui, mais je pense que, s'il y a de l'investissement
au niveau de la recherche, je ne dis pas qu'on ne sera jamais capable.
M. Houde: Merci beaucoup.
Le Président (M. Vallières): Nous allons clore
là-dessus.
M. Houde: Le montant de la subvention pour chaque veau dont vous
parliez, c'est combien?
M. Chouinard: Tout dépend de l'année où le
producteur a commencé. Vous l'avez dans le tableau qui a
été mentionné tantôt. Il n'a pas été
additionné.
Le Président (M. Vallières): Nous vous remercions
de votre témoignage. Je prierais maintenant la Fédération
de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield de s'approcher, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais au
président, M. Maurice Savaria, de bien vouloir présenter ceux qui
l'accompagnent et de procéder, à la lecture de son mémoire
pour une période d'environ vingt minutes.
Fédération de l'UPA de
Saint-Jean-Valleyfield
M. Savaria (Maurice): M. le Président, membres de la
commission parlementaire, il me fait plaisir, ce soir, de venir vous
présenter le mémoire qu'on vous a déjà fait
parvenir. Je suis accompagné de M. Louis Beauclair, directeur du service
de l'information chez nous, Saint-Jean-Valleyfield.
Le document qu'on va vous présenter est peut-être un peu
à caractère régional, bien sûr, vu que notre
fédération Saint-Jean-Valleyfield a à vivre une situation
un peu particulière. Étant situés près des grands
centres, nous avons vécu le phénomène de la
spéculation des années soixante-dix. J'aimerais aussi vous
remercier de l'attention que vous nous portez à cet effet. Pour vous
présenter le document, je demanderais à M. Beauclair de vous en
faire la lecture.
M. Beauclair (Louis): D'accord, En tant qu'organisme
impliqué dans le domaine agricole, il nous fait plaisir de participer,
aujourd'hui, à la commission parlementaire de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. La présente commission
représente pour nous un lieu privilégié d'intervention,
étant donné, d'une part, le nombre d'intervenants présents
et, d'autre part, les membres qui y siègent.
Le dossier de la relève agricole en est
un des plus vastes et, à la fois, des plus complexes. En effet,
il n'est pas nouveau que des groupes s'attardent à évaluer la
problématique du dossier de la relève. Il n'est pas nouveau non
plus que les divers intervenants du milieu tentent divers exercices dans le but
de permettre à la relève agricole de se faire plus nombreuse,
mieux préparée et plus intéressée.
Après nombre d'interventions de la part des partenaires agricoles
ou para-agricoles, force nous est de constater qu'un grand nombre de
problèmes subsistent et parfois même s'aggravent depuis les
dernières années.
L'objectif de la présente intervention est, d'une part,
l'énoncé des aspects primordiaux de cette problématique
et, d'autre part, de soumettre notre point de vue quant aux actions à
poser ou décisions à prendre dans le but d'en arriver à
des solutions pratiques et efficaces.
Notre intervention portera donc sur trois aspects principaux du dossier,
à savoir: la relève agricole vue en termes de quantité, le
financement des entreprises agricoles, puis le dossier de la création
des nouvelles entreprises, possibilités et contraintes.
La relève agricole, vue en termes de quantité. Lorsque
nous prenons connaissance des différents écrits sur le sujet,
nous nous rendons vite compte que les différents
intéressés s'entendent pour évaluer qu'au Québec
nous retrouvons généralement une relève agricole
suffisante pour permettre un lendemain à la majeure partie des
entreprises déjà en place. Or, nous croyons que cet
énoncé, bien qu'encourageant, est positif, mais ne reflète
pas la réalité.
En effet, les différentes méthodologies de calcul ont pour
objectif de mesurer de façon précise le nombre
d'établissements et de le confronter au nombre de retraités
constatés dans le secteur agricole. Or, nous croyons que nous obtenons
par ce moyen non pas un indice de la santé du niveau de relève,
mais tout simplement un taux de remplacement qui, bien qu'il soit
généralement positif, ne reflète, selon nous, qu'une
partie des besoins du secteur agricole. D'une part, nous considérons que
deux types d'erreurs flagrantes se glissent lorsque nous posons le
problème de cette façon. Premièrement, le Québec
peut posséder un taux de remplacement des propriétaires agricoles
positif tout en ayant, à notre avis, à souffrir grandement, dans
certaines régions, d'une pénurie ou d'un surplus. Ce sont deux
situations qui sont, à notre avis, tout aussi intolérables l'une
que l'autre. La première ne permettra pas à l'entreprise de
trouver preneur, alors que la seconde ne permettra pas à l'aspirant de
trouver l'entreprise sur laquelle il anticipe de donner suite à ses
aspirations et est, par surcroît, très inflationniste.
L'autre type d'erreur qui, à notre avis, se glisse dans nos
discussions lorsque nous parlons de relève agricole est d'estimer les
besoins en relève en termes uniques de remplacement des entrepreneurs
actuels. À ce moment, nous ignorons les besoins pour mettre en place de
nouvelles entreprises dans les régions qui possèdent de grandes
superficies à réintégrer à des pratiques agricoles.
Comment pouvons-nous anticiper un jour réintégrer à une
utilisation agricole les milliers d'acres soumis à la spéculation
foncière, si nous ne tenons pas compte des besoins du
propriétaire ou du travailleur agricole pour ces espaces?
Nous considérons que les méthodes actuelles de calcul au
niveau de la relève ont pour objet de semer dans l'esprit de la
population un sentiment de suffisance et qu'il nous faut, au contraire,
refléter la réalité. Tout ceci, afin d'attirer au secteur
agricole des entrepreneurs intéressés et agressifs qui pourraient
orienter une carrière dans ce même secteur.
Afin de pallier cette situation, nous croyons que, lorsque nous parlons
de relève agricole, nous devons considérer non pas uniquement le
besoin de remplacement, mais le besoin pour pouvoir utiliser le territoire de
façon globale. (21 h 15)
Le financement des entreprises agricoles. Cet aspect du problème
de la relève agricole est, selon nous, le plus important. Comme dans
tout autre secteur de l'économie, l'agriculture est de plus en plus
soumise à cette grande règle qui veut que la santé du
secteur soit en grande partie soumise et proportionnelle aux sommes qui y sont
investies.
Le gouvernement du Québec de même que les institutions
privées acceptent, il est vrai, d'investir des sommes qui, globalement,
sont très importantes. Il est vrai de plus qu'un certain nombre de
programmes gouvernementaux complètent, tant bien que mal, les divers
modes de financement mis à la disposition des jeunes.
Notre intention n'est pas de soulever ici un débat sur tout
l'aspect du financement. Tout au plus, nous aimerions vous faire part d'un
certain nombre d'idées nouvelles et originales qui proviennent
d'échanges, d'avis que nous avons eus sur le sujet. Notre intervention
portera sur quatre aspects du problème: le crédit à long
terme; l'aide à l'établissement; les productions
contingentées et la banque agricole.
Le crédit agricole à long terme. La forme de financement
de l'agriculture formulée par cette loi provinciale comporte, à
notre avis, un certain nombre de lacunes. Parmi celles que l'on peut
déceler le plus facilement, nous pouvons mentionner la fixation à
long terme des montants de crédit disponibles, alors que nous vivons
tous dans
une économie où l'inflation est omniprésente. Ce
simple fait a pour effet de voir les problèmes de financement à
long terme s'aggraver d'année en année, alors que l'inflation
gruge lentement la valeur réelle des montants de crédit pouvant
être accessibles.
Un deuxième point sur lequel nous aimerions vous entretenir est
le niveau même de ces crédits pouvant être obtenus qui,
selon nous, ne sont pas réalistes, tenant compte des investissements
devant être réalisés pour se porter acquéreur d'une
entreprise. La situation est la même, que cette acquisition se fasse
seule ou en groupe.
Un troisième aspect qu'il nous faut envisager, c'est le fait que,
lors de l'acquisition d'une entreprise, les premières années
d'opération de celle-ci sont les plus cruciales. En effet, la
fragilité financière d'une entreprise agricole est, à
notre avis, beaucoup plus grande lors des cinq à sept premières
années qu'elle ne l'est lors des années subséquentes.
Après un certain nombre d'années, une saine gestion lui permet
d'atteindre une croissance positive et une rentabilité beaucoup plus
certaine.
Afin de pallier ces trois problèmes, nous croyons que des mesures
nouvelles devraient être mises en place afin d'apporter à notre
relève agricole de meilleures conditions de fonctionnement et une plus
grande possibilité d'atteindre un niveau de rentabilité
Nous croyons ainsi que le gouvernement devrait, dans ses
législations portant sur le financement agricole, tenir compte des trois
conditions suivantes: Premièrement, indexation annuelle des montants de
crédits subventionnés aux taux d'accroissement du coût des
entreprises. Deuxièmement, ajustement des plafonds actuels de
crédits subventionnables à un montant de 250 000 $ pour un
entrepreneur unique, avec la possibilité d'y ajouter 100 000 $ par
actionnaire impliqué à temps plein dans l'entreprise dans le cas
des entreprises de groupe. Troisièmement, modifier l'intervention du
gouvernement et la formule de distribution de son aide.
Nous considérons ainsi que la loi sur le crédit à
long terme devrait permettre d'aider le jeune en période
d'établissement et de consolidation plutôt que d'être
uniforme tout au cours du prêt. La formule pourrait offrir, pour le
premier tiers de la durée du prêt, une aide maximale; pour le
second tiers, une aide qu'on pourrait qualifier de "médium" et, pour le
dernier tiers, une aide minimale. Cette formule devra permettre d'étaler
l'aide totale calculée pour le prêt octroyé aux
périodes où le jeune, en voie d'établissement, en a le
plus besoin.
L'aide à l'établissement. Le second aspect que nous
désirons soulever dans te dossier du financement agricole est celui de
l'aide à l'établissement.
Premièrement, nous croyons qu'il serait illogique qu'à
compter du 31 décembre 1985 le gouvernement du Québec mette fin
au choix pour l'aspirant d'une subvention directe à l'entreprise ou
d'une subvention appliquée è son financement. En effet, ces deux
formules sont globalement équivalentes et nous croyons qu'il revient
à l'aspirant de déterminer, à partir de sa situation
propre, que! type d'aide convient le mieux à son entreprise.
Tout en conservant le libre choix entre ces deux formules, nous croyons
par contre qu'un certain nombre d'amendements devraient être
apportés, dont l'indexation des montants d'aide au taux d'accroissement
du coût des entreprises et que, dans le cas d'entreprises de groupe et si
un des partenaires occupe temporairement un emploi extérieur afin
d'aider l'entreprise à démarrer, on permette à celui-ci de
toucher le pourcentage de la subvention correspondant è son pourcentage
de parts de l'entreprise, à partir du moment où cet actionnaire
revient à plein temps à l'entreprise.
Les productions contingentées. Nous n'apprenons rien à
personne, je crois, lorsque nous énonçons qu'il est de plus en
plus difficile d'accéder à une entreprise impliquée dans
une production contingentée. Le degré de difficultés
s'accroît de plus en plus lorsqu'il s'agit d'une entreprise
impliquée dans une production sans sol.
À l'analyse de ce dossier, nous conviendrons tous que le
problème n'est pas en soi le contingent rattaché à cette
production, mais bien sa valeur, alors que les institutions de crédit ne
veulent pas prêter sur ce contingent tout en le prenant en garantie.
Nous comprenons bien que la valeur du quota est arbitraire et difficile
à fixer. Pour l'institution prêteuse et l'emprunteur, il est
difficile, sinon impossible, d'estimer sa valeur pour la durée d'un
prêt.
Or, nous croyons par contre que, si nous ne tentons pas ensemble de
trouver une solution à ce problème - et ce, très
rapidement - les productions d'oeufs, de volailles, etc., risquent fort de se
retrouver entre les mains d'un ou de quelques individus, le modèle
américain en quelque sorte.
Vous et nous ne croyons pas à cette formule et nous croyons qu'il
nous faut mettre en place les mécanismes nécessaires pour
permettre à de nouveaux exploitants d'accéder à ces
productions. Nous croyons en ce sens que les maisons prêteuses devraient
de plus en plus considérer, lors d'un projet de financement agricole,
50% de la valeur du quota comme garantie apportée aux prêts et
permettre ainsi à ces exploitations une relève
nécessaire.
La banque agricole. Cette idée, lancée
il y a de cela quelques années par le ministre Garon, a
été à plusieurs reprises considérée. Nous
croyons qu'il est essentiel et urgent que le gouvernement du Québec y
donne suite. Nous sommes d'avis qu'il est souhaitable que les montants
générés par l'agriculture y soient réinvestis si
nous ne voulons pas être continuellement à la merci de nouveaux
capitaux qui sont hélas trop longs à venir.
La création de nouvelles entreprises; possibilités et
contraintes. Comme nous l'avons mentionné précédemment,
certaines régions du Québec foisonnent d'espaces vacants
actuellement sous ou non utilisés. Or, à notre avis, si nous
voulons véritablement instaurer au Québec une industrie agricole
saine et dynamique, il nous faut mettre fin à ce cancer qui la ronge.
Que ces espaces soient inutilisés en raison de l'abandon de
l'agriculture ou en raison de leur soustraction du milieu agricole par la
spéculation foncière, l'État doit intervenir. En effet,
quelle qu'en soit la cause, les conséquences demeurent les mêmes,
à savoir une diminution du dynamisme régional. Au risque de nous
répéter, il nous faut mettre en place de véritables
mécanismes de réinsertion de l'agriculture. Une chose demeure,
c'est que le gouvernement du Québec a voté - il y a de cela
plusieurs années - une loi timide et qui est loin de faire
l'unanimité, la loi sur les banques de terres.
De plus, l'expérience des dernières années, depuis
l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, démontre
qu'il ne suffit pas de peindre le territoire, mais qu'il nous faut y mettre les
conditions. Il revient - nous croyons - à chaque intervenant de faire
son bout de chemin. Ce qu'il nous faut avoir continuellement à l'esprit,
si nous voulons véritablement ouvrir l'agriculture à notre
jeunesse, c'est que des gestes doivent être posés non seulement
par les agriculteurs en place, mais par tous les impliqués. Il nous faut
également avoir à l'idée que l'agriculture du
Québec doit demeurer aux mains des agriculteurs. Sans nier que l'on
puisse faire de l'agriculture sous location ou sous toute autre forme, nous
sommes convaincus que l'agriculteur propriétaire de ses moyens de
production rejoint beaucoup plus notre vision commune d'une agriculture
dynamique et rentable.
Il est dommage de constater que plus que six ans après l'adoption
de la loi 90, quel que soit le milieu où l'on se retrouve, on est encore
à se poser des questions sur certains aspects d'une telle loi. Dommage
également que l'on tarde à mettre en place de véritables
outils qui pourraient permettre à plus de jeunes d'adhérer
à l'agriculture et d'y développer de nouvelles entreprises dans
des milieux où nous nous payons présentement le luxe de
l'inertie.
Nous croyons aussi que les autorités tant municipales que
provinciales doivent agir de concert avec les artisans mêmes de
l'agriculture québécoise, à savoir les agriculteurs
eux-mêmes.
En guise de conclusion, nous pourrions, je crois, mentionner qu'il y a,
au Québec, beaucoup de place pour développer l'agriculture. Il
nous faut également être conscients que ce développement ne
peut se faire que si des garanties et des conditions sont mises en place. Nous
pourrions allonger de beaucoup cette présentation des différents
problèmes du milieu. Tenant compte du cadre de référence
fourni, il nous a fait plaisir de vous présenter notre opinion.
Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien. J'ai
plusieurs demandes d'intervention dont le député de Huntingdon,
suivi du député d'Arthabaska. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Au nom de l'Opposition, je voudrais vous remercier, M.
Savaria, d'avoir bien voulu présenter un mémoire et aussi
d'être venu nous rencontrer ici à cette commission.
Vous avez soulevé plusieurs points intéressants.
J'aimerais commencer par le domaine de la relève agricole dont vous avez
parlé au début de votre mémoire. Vous avez indiqué
qu'il y a pénurie dans certaines régions et surplus dans
d'autres. Est-ce que vous avez identifié certaines régions cibles
où il y aurait surplus ou pénurie? À la préparation
de ce mémoire, est-ce que vous vous basez sur des données
précises de régions où il y aurait un manque de
relève agricole?
M. Beauclair: Ce sur quoi on se base surtout, si on prend le
territoire... D'accord, comme disait le président tantôt, on a
quand même régionalisé passablement notre intervention, et
lorsqu'on regarde le territoire que nous couvrons au niveau de la
fédération, on se rend nettement compte, entre autres, lorsqu'il
s'agit de transfert d'entreprise, si on se situe dans des régions, si on
passe par comté, supposons dans le comté de Beauharnois,
aussitôt qu'il y a une entreprise agricole qui est mise en vente, les
gens se l'arrachent, c'est-à-dire qu'il y a une demande qui est
présente, d'une part, au niveau des agriculteurs en place, mais
également aussi, au niveau de jeunes agriculteurs qui veulent
s'établir.
Si nous allons dans d'autres secteurs de notre fédération,
dans les régions comme celle de Boueherville, etc., on se rend compte
qu'il y a un vieillissement - ce n'est pas un défaut de vieillir,
remarquez - des agriculteurs en place et ces gens-là n'ont pas
actuellement de relève. Ce sont les mêmes gens. Puis, ce qu'on
constate, c'est que ce sont les gens qui ont été
confrontés
justement, ce qu'on soulevait tantôt - à des
problèmes de spéculations foncières qui ont fait qu'ils
n'ont pas véritablement investi à long terme dans l'entreprise et
il ne s'est pas créé de noyau de relève dans ces
milieux-là. Ce qui nous amène à dire que, lorsqu'on
regarde au niveau des transactions de ferme, entre autres, dans une
région comme Boucherville et toutes ces banlieues, on se rend compte
qu'il ne se fait pas de transaction de ferme père-fils, alors que, dans
d'autres régions, comme les comtés de Beauharnois et de
Vaudreuil-Soulanges où il existe une relève, on sent qu'il y a un
dynamisme, qu'il y a un développement de l'agriculture.
M. Dubois: Vous avez soulevé le point que ce n'est pas
uniquement un besoin de remplacement, mais bien aussi pour pouvoir utiliser
tout le territoire disponible. Cela m'amène à vous poser la
question suivante. Dans quelles productions cibles verriez-vous la
relève agricole se lancer, face à plusieurs productions qui sont
très difficiles actuellement? Si on veut utiliser tout notre territoire,
il faut quand même avoir des productions qui sont attirantes pour la
relève. Alors, est-ce que vous auriez des productions cibles?
M. Savaria: Je pense qu'il n'y a peut-être pas de
production cible comme telle, mais en tenant compte qu'il y a beaucoup de
bonnes terres agricoles, compte tenu des degrés thermiques, la
fédération de la région est certainement avantagée.
Il y a différentes cultures, comme la culture
céréalière, qu'on pourrait certainement développer
pour la rendre intéressante. Bien sûr, des productions très
intéressantes, c'est très difficile à identifier par les
temps qu'on passe.
M. Dubois: Je comprends qu'on a une région qui est
particulièrement versée dans l'horticulture, mais, quand on
regarde les difficultés des producteurs céréaliers, par
exemple, dans le maïs-grain, si on regarde la situation depuis quelques
années, c'est à peu près désastreux sur le plan
revenu net. J'aimerais bien voir à ce que cette situation se corrige,
car ce serait un endroit où on pourrait envoyer une relève
agricole. Actuellement, les difficultés au niveau du prix de la
marchandise, au niveau de plusieurs contraintes, l'offre qui est quand
même assez importante provenant de l'Ouest, de l'Ontario, des
États-Unis, à des prix très bas, empêchent quand
même les jeunes producteurs de se lancer dans la production
céréalière présentement, à moins qu'il n'y
ait des aides particulières ou enfin qu'on puisse soutenir cette
production davantage. Il faudrait quand même qu'il y ait des aides sous
quelque forme que ce soit, si on veut attirer notre relève vers ce genre
de production.
Dans la production horticole, c'est autre chose. Je remarque que, dans
la région où je vis, la plupart des jeunes se lancent dans la
production horticole. Cela exige peut-être un peu moins de mise de fond
et c'est peut-être plus facile de s'en sortir. On est près du
marché de Montréal, mais cela ne règle pas le
problème de ceux qui résident à 100 ou 200 milles de
Montréal; cela ne règle pas leur problème, car la mise en
marché est plus difficile, à ce moment-là. Si on veut
avoir une relève agricole, il faudra certainement avoir des programmes
qui vont inciter les jeunes à aller vers une production. Je pense que
plusieurs intervenants ont fait état d'un besoin d'améliorer
notre façon d'aider le jeune producteur à s'insérer dans
l'agriculture. Est-ce que vous avez des suggestions particulières
à proposer au niveau de type d'aide en dehors, disons, de taux de
financement à rabais? Est-ce qu'il y a d'autres formes d'aide que vous
seriez porté à suggérer à cette commission-ci? (21
h 30)
M. Savaria: Moi, ce que j'aimerais répondre à
ça, c'est que, étant dans une région où les
degrés thermiques nous permettent de faire une culture
céréalière, peut-être pas de façon la plus
avantageuse, mais dans des conditions où on peut produire des
quantités assez importantes, je pense que, s'il y avait de bons
programmes au niveau de l'élevage de bovins, pour n'en nommer qu'un,
ça serait une continuité de notre production. C'est-à-dire
qu'on pourrait prendre la céréale et la finir en chair, parce
qu'au Québec, présentement, on produit à peine 18% de nos
besoins de consommation en bovins.
Je pense que, s'il y avait de bons programmes à cet effet, les
agriculteurs pourraient certainement embarquer dans ces genres de programmes et
développer cette production, à partir des céréales
qu'on est en mesure de produire avantageusement, si on se compare à
d'autres régions du Québec. Bien sûr, il y a d'autres
régions qui sont intéressantes. Mais on pourrait transformer
ça en chair et ainsi de suite. On ne s'est peut-être pas
arrêté à cela.
Mais, on pourrait certainement être imaginatif et sortir certains
points intéressants à cet égard.
M. Dubois: Entre autres, vous avez parlé aussi d'un autre
sujet très intéressant, en ce qui a trait à
l'établissement pour les jeunes, à l'effet d'avoir des
prêts en trois étapes, c'est-à-dire un prêt qui
augmente à chaque période de tant d'années. Au
début, il y aurait des prêts plus généreux et
l'intérêt augmenterait par période. Alors, ce serait
peut-être une façon d'aider le jeune à s'en
aller vers les productions dont vous parlez.
Il reste quand même que, si l'assurance-stabilisation n'est pas
plus généreuse qu'elle ne l'est actuellement, au niveau des
productions céréalières, il y a encore des
difficultés à prévoir.
Est-ce que vous avez des taux à suggérer? Par exemple,
quel pourrait être le taux minimal pour le premier tiers; le taux moyen
pour le deuxième tiers?
M. Beauclair: En réalité, de mémoire, on
avait arrêté certains taux. Je sais qu'il y a deux ans, on en
avait discuté. Il me semble que c'était quelque chose comme 4,
8%. Mais, disons que, pour les taux précis qu'on avait
arrêtés, je pourrais toujours... Mais je pense que l'idée
première, c'était de dire, si on prend une période de 20,
25 ou 30 ans, on échelonne un prêt. On s'attend à une aide
financière de la part du gouvernement au niveau du crédit qui
représente une somme globalement d'à peu près tant.
Généralement, si on tient compte d'un taux d'intérêt
pas trop fluctuant, à ce moment, l'aide est répartie, à
toutes fins pratiques, sur la durée du prêt.
Ce qu'on veut dire, c'est qu'un jeune qui part a besoin, à notre
sens, de beaucoup plus d'aide gouvernementale qu'une personne qui est à
la veille de quitter l'agriculture. À ce moment-là, je pense
qu'il s'agirait de chercher ensemble, sans nécessairement s'astreindre
à dire: Ils ont dit 2%, ils ont dit 5%, c'est oui ou non.
Je pense que c'est plus au niveau d'un principe, à savoir
échelonner de façon différente l'aide au financement.
M. Dubois: Vous avez également soulevé le cas des
coûts effarants que représente l'achat des quotas, que ce soit
pour les oeufs, pour le lait ou d'autres domaines. Vous indiquez la
nécessité que les institutions financières prêtent
jusqu'à 50% de la valeur du quota. Actuellement, elles prennent le quota
en garantie, mais elles n'augmentent pas la valeur du prêt. À ce
moment-là, est-ce que vous seriez prêt à suggérer
que la banque prenne la responsabilité à ses charges ou que ce
soit garanti par l'Office du crédit agricole, ces 50% de la valeur du
quota? Parce que les institutions financières, j'imagine, le feraient,
pour autant qu'elles ont un certificat leur garantissant les prêts.
À ce moment-là, ça devient une décision qui est
beaucoup plus de l'office, du ministère de l'Agriculture, que de
l'institution financière. Ce n'est pas spécifié si c'est
une institution financière qui devrait porter la responsabilité
de ces 50%, ou l'office.
M. Beauclair: Au moment où on en avait discuté,
pour nous, il était clair que c'était l'office parce qu'il met
déjà un élastique sur le quota. Essayez de disposer de
votre quota lorsque vous avez un crédit à l'Office du
crédit agricole et ce n'est pas long que vous avez la visite des
officiers. À ce moment-là, étant donné qu'ils
tiennent déjà compte de la présence d'un quota sur une
entreprise... D'ailleurs, on s'est déjà laissé dire que,
de façon indirecte, ils en tenaient quand même compte
jusqu'à un certain point au niveau du montant de crédit
accessible. Dans le fond, ce serait pour permettre à des
entreprises...
Surtout lorsqu'il s'agit de production sans sol, le problème,
c'est que, si on veut anticiper un transfert au niveau d'une relève
éventuelle, actuellement, c'est totalement impossible. J'ai un exemple
où ça prendrait une équité d'à peu
près, dans le fond des poches du fils, 350 000 $ à 400 000 $ pour
acheter l'entreprise qui est une entreprise, dans ce cas, d'élevage de
poulets; ça prendrait à peu près 350 000 $ au jeune pour
acheter ça de son père actuellement parce que, comme seule
garantie de l'entreprise, il y a quatre acres de terrain, il y a un poulailler
qui, sans poulet, sans quota, n'a à peu près aucune valeur et une
résidence qui a une valeur tout à fait normale, ce qui veut dire,
en termes d'équité, en termes de garanties, qu'il y a très
peu de garanties. À ce moment-là, à notre sens, c'est
à peu près impossible pour un jeune de pouvoir s'établir
sur une entreprise, même s'il envisage un établissement à
deux ou trois personnes là-dessus.
Plus on laisse persister le problème, à notre sens, il va
en s'aggravant, et très rapidement. Connaissant un peu l'âge moyen
des agriculteurs dans la région, ça veut dire, à toutes
fins utiles, que d'ici vingt ans les transferts à faire seront
terminés. À ce moment-là, si on ne modifie pas nos vues
sur un dossier de ce type, on laisse s'aggraver une situation sans que jamais
une relève puisse s'établir dans les productions de ce type.
M. Dubois: Un dernier point. Vous avez soulevé la question
de banque agricole; je pense que ça circule depuis quelques
années. Est-ce que vous voyez une obligation de la part d'un vendeur
d'une ferme de réinvestir le fruit de sa vente ou une partie du fruit de
sa vente dans une banque, ou si ce serait facultatif?
M. Savaria: Excusez, une banque agricole ou une banque de
sols?
M. Dubois: Une banque agricole... Excusez, non, la banque...
M. Beauclair: De sols.
M. Dubois: Non, c'est-à-dire la banque de
crédit.
M. Beauclair: Au moment où on en a discuté, nous,
c'est clair qu'on disait: On ne peut pas forcer quelqu'un à investir,
pas plus qu'on ne peut me forcer ou qu'on ne peut forcer une personne à
aller à la caisse populaire plutôt qu'à la banque. Dans
l'esprit des gens, lorsqu'on en discutait, on disait qu'on mette en place ce
type de banque, d'une part, qu'on y associe certains avantages pour faire en
sorte que l'acheteur, le type qui prend la relève puisse avoir
accès à des crédits ou à un crédit, à
un taux peut-être plus avantageux, puis, à celui qui laisse la
production, qu'on lui donne des incitatifs quelconques, qu'on fasse en sorte
que ce soit intéressant pour lui de laisser son argent en agriculture
plutôt que d'aller l'investir en Floride sur un condo.
M. Dubois: En fait, vous voulez dire des avantages fiscaux
à celui qui investirait le fruit de ses ventes dans une banque de
crédit.
M. Beauclair: Exactement.
M. Dubois: Mais ces avantages seraient payés par les fonds
publics de toute façon. Alors, ce serait une façon
peut-être déviée de régler un problème; qu'on
prenne l'argent hors de l'assiette fiscale ou qu'on le prenne d'un budget qui
s'en va au ministère de l'Agriculture, c'est finalement le même
argent.
M. Beauclair; Oui, sauf que, durant 30 ou 35 ans, actuellement,
on aide, par un certain nombre de soutiens, à mon sens, un
"agriculteur", entre guillemets, à vivre de l'agriculture, on essaie de
le faire vivoter. Lorsqu'il se retire, il retire complètement les
capitaux et on est obligé continuellement de réinvestir de
nouveaux capitaux. C'est un perpétuel recommencement.
M. Dubois: Après les taux d'intérêt qui
étaient très élevés il y a quelques années,
je me demande si un producteur qui vendrait sa ferme serait prêt,
actuellement, à geler des fonds à un taux d'intérêt
moyen qu'on pourrait lui garantir. Il se dirait peut-être: Si les taux
augmentent d'une façon vertigineuse, je ne profiterai pas de cette
manne. Je ne sais pas jusqu'à quel point Les gens investiraient sachant
qu'ils gèlent leur argent à long terme. C'est un point
intéressant. Une banque de crédit, cela fait longtemps qu'il en
est question.
M. Beauclair: D'accord, mais je pense que ce n'est pas uniquement
dans un banque agricole qu'un individu peut aller geler des fonds à long
terme. Tout est à bâtir là-dedans. On n'avait pas la
présomption d'arriver et de dire: Le fonctionnement d'une banque
agricole, ce serait de telle ou telle façon. La réflexion qu'on a
faite, c'était beaucoup plus au niveau de dire: II y a des sommes qui
ont été investies dans les années passées au niveau
de l'agriculture, il y a un ou deux individus qui ont opéré avec
leur avoir net, avec leur argent propre et également avec un certain
nombre d'aides à l'agriculture. Il serait "décent", entre
guillemets, que ces gens puissent laisser ces sommes à la disposition de
l'agriculture.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): D'abord, au nom de mes collègues,
j'aimerais remercier les représentants de la Fédération de
l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield de nous avoir fait connaître un
aperçu des problèmes régionaux et également de nous
suggérer certaines solutions à différents
problèmes.
Voici ma question: Vous touchez l'aide à l'établissement,
vous parlez des aspirants agriculteurs et vous dites que le gouvernement
devrait maintenir sa politique du choix entre les 50 000 $ sans
intérêt pour cinq ans ou les 8000 $ immédiatement. Vous ne
traitez pas de cela dans votre mémoire, mais vous êtes sans doute
au courant du problème. J'aimerais vous entendre sur les
problèmes ou sur la définition de l'aspirant agriculteur. Vous
savez que l'office a sa définition d'aspirant agriculteur. Si vous avez
un jeune homme ou une jeune fille qui a travaillé X temps pour son
père et que celui-ci l'a intégré lentement à
l'entreprise, lorsqu'il vient pour faire la transaction, souvent l'office dit:
Vous n'êtes plus aspirant agriculteur parce que cela fait X temps que
vous travaillez avec votre père et vous avez quelques parts, je ne sais
pas quoi, dans l'entreprise, et là vous n'avez plus droit aux 50 000 $,
mais vous avez droit aux 8000 $.
Selon vous, est-ce que le terme "aspirant agriculteur", tel que
défini par l'Office du crédit agricole, est adéquat ou
s'il aurait besoin d'améliorations ou d'une autre définition?
M. Savaria: Concernant votre question, l'aspirant comme tel ou le
futur agriculteur, pour moi, vous me posez la question, ma réaction
à cela, c'est que le type qui démarre en agriculture, qu'il ait
vécu une expérience de cinq ou six ans sur la ferme familiale ou
que ce soit un type qui ait eu une formation scolaire, ce qui fait qu'il prend
la relève d'un autre agriculteur, en somme, c'est un futur agriculteur.
Le mot "aspirant", je ne sais pas exactement la définition que vous
voulez en donner, mais pour moi c'est un agriculteur qui démarre, point,
ou j'ai mal saisi votre question.
M. Baril (Arthabaska): Je vais
m'expliquer à nouveau plus clairement. Admettons qu'un
père va louer à son fils ou à sa fille son entreprise
durant un an ou deux ans. Il n'y aura rien au nom du garçon ou de la
fille, mais le père va louer à son fils ou sa fille, pour une
période d'un an ou deux ans, pour voir - parce que j'ai vu des cas chez
nous - si, premièrement, la personne aime l'agriculture, pense qu'elle
va faire sa vie là-dedans, etc. Après un an ou deux ans,
lorsqu'elle vient pour demander un prêt pour racheter la ferme, l'office
dit: Vous n'êtes plus aspirant agriculteur parce que vous avez
loué la ferme de votre père durant un an ou deux et là on
ne vous considère plus comme un aspirant agriculteur parce que cela fait
deux ans que vous l'avez. Elle n'est pas à son nom, elle l'a eue en
location. Dans mon coin, j'ai vu plusieurs problèmes de ce genre
concernant la définition d'aspirant. (21 h 45)
Donc, elle perdait le droit aux 50 000 $ sans intérêt pour
cinq ans mais, par contre, elle avait droit aux 8000 $ qui sont alloués
également aux aspirants agriculteurs. Comment expliquer cela à
notre monde chez nous, tu n'as pas droit aux 50 000 $ parce que tu n'es pas un
aspirant mais, par contre, tu as droit aux 8000 $ parce que tu es un aspirant?
Je voulais savoir si dans votre coin, vous aviez des cas.
M. Beauclair: Disons qu'on en a vécu un l'an dernier,
justement. Lui, ce n'était pas 8000 $, c'est à 4000 $ qu'il avait
droit puisqu'il avait acheté quelques parts il y a plusieurs
années lorsqu'il était très jeune, apparemment. À
ce moment, on. retourne, si l'on veut, au premier acte d'établissement
pour dire à partir de quand tu as commencé à
t'établir. On en a des cas comme cela. Je vais vous avouer qu'il n'y en
a pas été vraiment question lorsqu'on a abordé la question
du crédit agricole au niveau de la fédération. Je sais
qu'au niveau de l'office ce qu'il applique, c'est véritablement une
définition d'aspirant à partir d'une date d'établissement
ou d'une date de début d'établissement. Je vais vous avouer qu'il
n'en a pas été question plus que cela, mais je sais qu'il y a des
cas - j'en ai eu à traiter - où on s'est rendu compte
qu'effectivement c'était non seulement pas aux 50 000 $ qu'il avait
droit sans intérêt, non plus aux 8000 $, mais à 4000 $
parce qu'il avait acheté quelques parts à cette
époque.
M. Baril (Arthabaska): D'accord, c'est bien. À la page 7
vous parlez de la valeur des quotas qui est arbitraire et qui est difficile
è fixer. Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi
quand la Chambre des notaires du Québec a suggéré la
création ou l'établissement d'une caisse de quotas. Je ne sais
pas si vous avez pu saisir un peu le fonctionnement de cette caisse de quotas
qu'elle a suggérée. J'aimerais vous entendre sur cela. Est-ce que
vous seriez en gros favorable à ce genre de caisse? Je ne dis pas
exactement comme elle, mais elle est supposée nous fournir une
définition plus explicite de sa position. J'aimerais vous entendre sur
cela, si vous l'avez entendu; sinon, je pourrai vous expliquer
brièvement ce qu'elle a dit.
M. Savaria: Brièvement, oui, j'étais dans la salle
ici. Je n'ai peut-être pas saisi tout le fonctionnement de la fameuse
caisse ou banque de quotas en question. Pour nous, c'est un problème et
on essaie de trouver une solution à ces quotas, surtout sur la valeur
des quotas, Je pense que cela mérite une attention, il faudrait
certainement se pencher et étudier è fond la façon dont la
Chambre des notaires du Québec a proposé cela. Vous dire si je
suis d'accord ou pas ce soir, c'est peut-être prématuré, et
je pense qu'il faudrait faire une analyse en profondeur de cela. Bien
sûr, toutes les avenues possibles qu'on pourrait avoir, il faudrait que
ce soit regardé sérieusement. Moi, je ne peux pas aller plus loin
que cela ici.
M. Baril (Arthabaska): Mais vous trouvez la proposition
intéressante, en tout cas?
M. Savaria: C'est une proposition qui pourrait être
intéressante, écoutez, mais il faudrait faire l'analyse de tout
cela.
M. Baril (Arthabaska): C'est bien. À la page 9, vous
faites mention qu'il y a des gens qui se posent certaines questions sur
certains aspects de la Loi sur la protection du territoire agricole; est-ce que
vous pourriez nous expliquer davantage ces questions ou certaines questions que
les gens se posent? Je ne sais pas si c'est sur la nécessité de
la loi ou sur l'application de la loi, j'aimerais voir.
M. Beauclair: Disons qu'il est clair que dans une région
comme la nôtre, dans certains milieux, je pense que les choses sont
claires, le milieu accepte bien la loi. Mais, lorsqu'on s'en va dans des
régions - c'est là qu'il y a une problématique assez
complexe -lorsque l'on considère des régions où la
spéculation foncière a joué un rôle très
grand... Pour ne citer qu'un exemple, entre autres, dans une ville comme
Boucherville, la Commission de protection du territoire agricole a zoné
vert au-delà de 16 500 acres et on se ramasse avec une situation aussi
aberrante que de dire: Sur les 16 500 acres, il y a à peu près
500 acres qui appartiennent actuellement à des agriculteurs. Il est
clair que dans un milieu de ce type, quand bien
même j'essaierais de vous dire que la Loi sur la protection du
territoire agricole est perçue comme une chose très essentielle,
ce serait forcer la vérité quelque peu. Ce dont on se rend
compte, c'est que, d'une part, même ceux qui, je dirais, vivotent de
l'agriculture parce qu'ils fonctionnent le plus souvent sous forme de location
avec des baux à très court terme peuvent difficilement
développer une agriculture viable parce qu'ils n'ont absolument pas
accès au crédit à long terme, etc., à cause de la
durée des baux, à cause du peu de garantie et ils ne sont pas
intéressés, non plus. À ce moment c'est clair qu'il y a du
monde qui remet drôlement en question la nécessité
même de la loi. Ce qui se produit, c'est qu'on se rend compte que, plus
les années s'écoulent depuis l'adoption de la loi, la situation
stagne, il n'y en a pas de retour actuellement à une agriculture
dynamique dans ces régions. Ce qui manque, c'est véritablement,
je pense, moi - c'est l'opinion d'un comité qu'on a - des interventions
assez fermes de l'État, avec un grand "É", ce qui comprend,
à notre sens, nous autres, le gouvernement du Québec, mais
également aussi les milieux municipaux qui ont à patauger dans
tout cela. Ce qui manque, je pense, moi, que c'est un peu de concertation
à ce niveau-là.
Il n'y a absolument pas de conditions favorables, actuellement, à
la réinsertion dans l'agriculture, ce qui fait qu'il y a
énormément de gens qui se posent la question, à savoir: La
Loi sur la protection du territoire agricole, qu'est-ce que c'est venu faire
dans un milieu comme le nôtre, sinon, à toutes fins utiles, geler
du territoire qui n'est pas plus utilisé qu'il l'était avant? A
notre sens, ce qui manque, ce sont des interventions très fermes.
J'irais même plus loin que cela, c'est qu'on parle, entre autres, d'une
loi timide, pour ne pas la nommer, c'est la loi sur les banques de terres.
À notre sens, cette loi-là ne joue pas son "rôle", entre
guillemets. À partir d'une étude qu'on a fait réaliser en
1983-1984, on serait en mesure de démontrer qu'elle ne pourrait que
très difficilement jouer son rôle dans des milieux comme ceux dont
on vous parle. Pour une foule de raisons, elle deviendrait quasi
inapplicable.
On se rend compte également que les milieux municipaux
possèdent un certain nombre de pouvoirs là-dedans, mais le
problème c'est qu'ils ne les exercent pas actuellement. Le type de
pouvoirs qu'ils détiennent, c'est, premièrement, un pouvoir de
taxation sur les lots qui sont actuellement zonés agricole, mais qui ne
sont pas utilisés à des fins agricoles. C'est un premier pouvoir
qu'ils détiennent par la loi 57. Un second pouvoir qu'ils
possèdent, je pense, à caractère municipal, ce serait
d'ajuster leur règlement d'urbanisme au décret provincial.
On a des situations aussi aberrantes que des spéculateurs
propriétaires de terres qui louent à court terme à des
agriculteurs qui veulent bien faire le foin, dans le fond, parce qu'ils veulent
un peu se protéger contre la loi sur les banques de terres actuellement.
Ces gens-là, dans le fond, les conservent à leur intention parce
que, primo, cela ne coûte pas cher de taxes, c'est la
société qui paie les taxes à leur place;
deuxièmement, c'est qu'au municipal ils sont zonés industriel,
ils sont zonés commercial, ils sont zonés résidentiel. Ce
qu'on sent nettement dans ces milieux-là, c'est qu'une loi comme la loi
90, c'est une loi qui est peut-être trop politisée à notre
goût. Ce n'est pas une loi gouvernementale, dans ces milieux-là,
c'est une loi du Parti québécois. Je pense qu'il faut dire les
mots tels qu'ils sont. Ce qu'on dit, c'est que le gouvernement n'a pas
véritablement fait le voeu d'une loi ou d'une orientation à long
terme et c'est très difficile de pouvoir parler de réinsertion de
l'agriculture dans un cadre tel que celui que je vous décris.
M. Baril (Arthabaska): Voulez-vous dire par les propos que vous
avez tenus que, pour utiliser votre terme, l'État avec un grand
"É" n'a pas encore assez développé sa production agricole
pour utiliser tous les sols zonés?
M. Beauclair: Non.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce cela que ça veut dire?
M. Beauclair: Non, ce n'est absolument pas cela. Je pense
qu'actuellement il y a des agriculteurs... Pour vous donner un exemple, j'en ai
eu un, justement, il y a quelques mois encore, qui était
intéressé à consolider son entreprise. Il fait de la
grande culture. Il était écoeuré, comme on dit, de
fonctionner avec des baux conditionnels de deux ans et de trois ans; la
journée où son spéculateur décide de mettre fin au
bail, il le laisse prendre la récolte et c'est à conseiller de se
dépêcher à débarrasser de là. C'est clair que
ce n'est pas une garantie à long terme pour le type en question. Il a
abordé la question avec la personne qui est propriétaire, elle
est vendeur. La personne est prête à vendre à 7000 $
l'acre. À 7000 $ l'acre, il n'y a pas d'espoir de faire, d'une
façon rentable, du maïs-grain et surtout pas de la betterave
à sucre, dans les conditions actuelles du marché.
M. Dupré: S'ils font du hasch?
M. Beauclair: Cette même terre, dans le fond, c'est une
propriété étrangère, actuellement. C'est un trust
qui l'administre. Comme je vous le dis, elle est zonée
industriel au niveau de la municipalité. Le principe de taxation
qu'on applique là-dessus, c'est le même principe qu'on
appliquerait sur une ferme. C'est-à-dire, on va puiser ailleurs le
manque à gagner en termes de taxation,
M. Baril (Arthabaska): Dans le cas que vous citez, quel serait le
vrai rôle, selon vous, de la banque de terres? Elle fixe le prix à
combien l'acre, 700 $ au lieu de 1000 $, au lieu de 7000 $? C'est une bonne
question!
M. Beauclair: C'est une question de 1, 25 $. Remarquez qu'on y a
réfléchi, parce que ça fait quand même plusieurs
années qu'on essaie de trouver des solutions à ce type de
problème. La position de la fédération là-dessus,
c'est que le premier rôle ne relève même pas, à notre
sens, de la banque de terres. Le milieu municipal impliqué a un
rôle à jouer. S'il applique les lois actuelles sur ces
terrains-là, les fermes vont se vendre. Un exemple de ça, c'est
l'étude dont je vous parlais tantôt. On a identifié une
municipalité qui a, d'une part, ajusté son règlement
d'urbanisme en 1979 ou 1980, en tout cas, à partir du moment où
le décret a été déposé. C'est-à-dire
ce qui était vert au niveau provincial est devenu vert au niveau
municipal. Cela a été sa première action.
Sa deuxième action, c'est qu'elle a appliqué,
effectivement, ce que la loi 57 permettait, si on veut, d'appliquer en termes
de taxation. Dans un relevé qu'on a pu faire de toutes les transactions
qui ont été faites dans cette municipalité - en passant,
c'est la seule municipalité dans la laquelle on a pu trouver des
transactions qui se sont faites après la loi 90 entre un
spéculateur et des agriculteurs - toutes les transactions ont
été faites à perte pour les spéculateurs. La
moyenne d'achat par les agriculteurs était aux alentours de 450 $ l'acre
pour des terres qui avaient besoin d'un certain réaménagement.
C'est un prix, à notre sens, qui était qualifié de tout
à fait normal dans ce milieu. La preuve, c'est qu'elles se sont vendues
comme des petits pains chauds. Ce sont des terres qui avaient été
achetées il y a dix, douze ou quinze ans par des spéculateurs
à des prix plus élevés que ça.
Mais, le simple fait d'avoir une volonté municipale de jouer son
rôle et de dire: On a une zone agricole et on va agir tout comme si on
avait une zone agricole, ça a fait que dans cette municipalité,
à notre sens, il reste très peu d'espace pour la banque de
terres. On calcule que c'est heureux que ce se soit fait de cette
façon.
Au niveau du comité, je pense que la position qu'on adoptait - en
tout cas, Maurice pourra me reprendre si je vais trop loin - c'est de dire: II
y a une première responsabilité et elle se situe à ce
niveau-là.
D'accord?
M. Baril (Arthabaska): D'accord.
M. Beauclair: Dans des cas où ça pourrait devenir
impossible d'agir de cette façon, il y a place pour la banque de terres,
sauf que, si on regarde la spéculation foncière, il y a eu un
effet d'entraînement. On n'a pas commencé à spéculer
dans les années 1800 et on n'a pas fini en 1978. On a surtout
spéculé dans les années 1960 à 1973 dans notre
région.
Cela a été un effet d'entraînement. À partir
du moment où cela a commencé à être le "fun" pour
certains à spéculer, tout le monde s'est mis à
spéculer. Si on applique véritablement les lois - elles ne sont
pas à mettre en place, elles sont déjà là; c'est
tout simplement de les appliquer telles qu'elles sont - on pense qu'on peut
retrouver également un effet d'entraînement inverse.
 ce moment, le prix s'établira entre l'agriculteur qui est
en place, qui peut être intéressé à
récupérer du terrain, à en devenir le propriétaire
et à l'exploiter et le spéculateur.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que c'est pour ça, avec
l'explication que vous avez donnée, que vous dites que la banque de
terres, dans la formule actuelle, ne remplit pas le rôle qu'elle se doit
de remplir, ou y aurait-il des choses à améliorer dans le
fonctionnement de la banque de terres? (22 heures)
M. Savaria: Je peux rajouter quelque chose à cela. Comme
Louis disait, qu'il y ait une volonté de la part des élus
municipaux et du gouvernement de redonner à l'agriculture les terres
sous spéculation, bien sûr, dans les zones vertes. On parle de la
loi 57 sur la fiscalité municipale; qu'il y ait des points, à
l'intérieur du règlement de cette loi, qui auront pour effet de
décourager un spéculateur à garder ces fermes.
Deuxièmement, au niveau de la banque de sols comme telle, après
avoir pris connaissance de toute la documentation sur la banque de sols, ce
qu'on lui reproche, c'est justement de ne pas avoir de dents. La loi sur la
banque de sols, c'est à partir d'une volonté du
propriétaire de bien vouloir vendre sa ferme, point, parce que c'est
ça qu'on lui reproche toujours, à la banque de sols.
M. Baril (Arthabaska): Au début, je me souviens que, quand
on a parlé de l'application de la banque de sols, on s'est fait dire que
c'était une mesure socialisante parce que le gouvernement allait
acquérir toutes les terres disponibles au Québec et qu'elles
appartiendraient à l'État, voyez-vous.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé, en cinq minutes.
M. Picotte: Vous vous êtes fait accuser de bien des choses,
évidemment, mais, si vous commenciez à la mettre en application
telle qu'elle doit l'être, peut-être que ces accusations
tomberaient. Là, vous les gardez pour vous; à ce
moment-là, l'accusation est de plus en plus valable.
Le Président (M. Vallières): II vous reste
seulement cinq minutes.
M. Picotte: Oui, ce ne sera pas long, d'ailleurs. Je ne veux pas
débattre à cette heure-là, j'aime mieux commencer les
débats le matin.
M. le Président, il y a une chose, entre autres il y a plusieurs
choses avec lesquelles je suis d'accord - que je voudrais souligner plus
précisément, c'est à la page 6 de votre mémoire,
lorsque vous parlez de l'aide à l'établissement. Je suis un de
ceux qui préfèrent que le jeune, celui qui s'établit, ait
le choix. On doit lui laisser le choix propre correspondant à sa
façon de voir son implantation en milieu agricole.
J'aimerais vous demander ceci. Dans les amendements dont vous faites
état, "l'indexation des montants d'aide au taux d'accroissement du
coût des entreprises", ça veut dire quoi dans votre esprit? Une
indexation, de quel ordre, par exemple, compte tenu des années depuis
lesquelles ce plan existe?
M. Beauclair: Si on avait une boule de cristal, on pourrait vous
les donner pour les 20 prochaines années, mais on ne l'a pas. Tout
dépend naturellement du type de croissance qu'on va retrouver au niveau
du coût des entreprises. Il y a possibilité, selon nous,
d'établir ce qu'une entreprise agricole a coûté, supposons,
en 1984, ce qu'elle coûte en 1985, ce qu'elle va coûter en 1986, au
fil des années. Ce qu'on dit sur le fait d'établir une politique
d'aide fixe dans le temps, c'est que, d'année en année, cette
même politique perd beaucoup.
Un exemple de cela, lorsqu'on a mis 150 000 $ d'aide
subventionnée dans la loi sur le crédit à long terme, je
présume que, l'année où on l'a établi,
c'était très beau. Lorsqu'on regarde le coût actuel pour
acquérir une entreprise agricole, ça commence à être
beaucoup moins important en termes de pourcentage sur le coût de la
transaction. Lorsqu'on parle d'accroître au niveau d'un indice qu'on
pourrait calculer, ce serait à toutes fins utiles d'évaluer, si
on veut, la moyenne ou l'accroissement du coût des entreprises au fil des
années, qu'on en tienne compte pour faire en sorte qu'une personne qui
s'établirait, supposons, en 1986 ait une part d'aide, mais que celle qui
s'établira en 1988, 1989, 1990 puisse aller chercher une aide qui, en
termes de pourcentage, est équivalente.
M. Picotte: Comme il y a une possibilité, par exemple, de
donner un indice du coût de la vie quand on évalue certaines
choses, il pourrait y avoir la même chose de ce
côté-là, sous une formule à peu près
semblable ou identique.
Une dernière question que je voudrais vous poser, vous n'en
faites pas état dans votre mémoire, mais c'est sûrement une
question d'opinion que je vous pose; alors, vous y répondrez si
ça vous semble pertinent d'y répondre. J'estime que, comme
fédération, vous avez dû sûrement vous pencher
là-dessus. On nous a parlé à quelques reprises,
aujourd'hui et dans le passé, aussi, de ce qu'on appelle les
agriculteurs à temps partiel, dans le sens que le gouvernement pourrait
peut-être se permettre de favoriser un certain type d'agriculteurs
à temps partiel. Dans votre fédération, vous avez
sûrement évalué cela; qu'est-ce que vous en pensez?
M. Savaria: Je pense que c'est peut-être une approche un
peu nouvelle qu'on a pour aider l'agriculture. Partir aujourd'hui en
agriculture, c'est tellement onéreux, c'est tellement difficile. C'est
peut-être un peu l'approche qu'on a, que certaines personnes qui ont des
revenus extérieurs puissent commencer à faire de la production,
que ce soit pour voir s'ils aiment cela, ou pour voir si ce serait assez
rentable pour en vivre. Je pense que du jour au lendemain... On parlait de
chiffres assez astronomiques cet après-midi, on parlait de 300 000 $,
400 000 $. C'est peut-être une façon de débuter en
agriculture, de voir exactement, de se former aussi en agriculture.
Cet après-midi, il y avait des types qui disaient: Pour
être agriculteur aujourd'hui, il faut être gestionnaire,
électricien, il faut être ci et ça. C'est un peu tout cela.
Toute la complexité de pouvoir démarrer en agriculture, c'est
peut-être cela qui fait qu'on a une approche un peu différente.
Voir au départ s'il n'y a pas moyen de faire de l'agriculture à
temps partiel. C'est à peu près ce que je peux vous...
M. Picotte: Vous le voyez beaucoup plus en termes de
noviciat.
M. Savaria: Pas nécessairement. Cela peut être une
façon de partir en agriculture.
M. Picotte: D'accord. Je vous remercie de votre mémoire,
au nom de l'Opposition. Sans doute que cela va ajouter beaucoup à ce
qu'on connaissait déjà et surtout aux orientations que nous
aurons à suggérer à l'honorable ministre de
l'Agriculture.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Sainte-Hyacinthe, en trois minutes.
M. Dupré: À la page 2 de votre mémoire, vous
dites: "Nous croyons que cet énoncé, bien qu'encourageant et
positif -vous parlez du nombre de nouveaux arrivants, si je peux m'exprimer
ainsi, qui est environ de 1200 - ne reflète pas la
réalité. " D'après vous, qu'est-ce que ce serait? Est-ce
que c'est parce que vous voyez des nouvelles ouvertures sur les sols arables
qui ne sont pas défrichés? Est-ce que vous avez une certaine
évaluation?
M. Beauclair: En termes de chiffres, on n'a pas de chiffres
à soumettre, sauf que dire qu'on a 1200 retraités et 1200
nouveaux établissements, pour nous, cela veut dire à toutes fins
utiles qu'on a assez d'agriculture. Dans un contexte très
régional avec les problèmes qu'on soulevait tantôt au
niveau de la réinsertion de certaines exploitations, il y a des milieux,
je pense, où il y a nettement besoin de nouveaux établissements.
En termes quantitatifs au niveau de la fédération, cela n'a pas
été évalué. C'est d'ailleurs difficile à
évaluer, tout dépend si on parle d'une production, que ce soit
dans la région de Saint-Rémi, etc.; lorsqu'on parle
d'horticulture, une tête de pipe va en cultiver moins grand que si on
parle d'introduire des grandes cultures dans la région de Boucherville
où les sols disponibles... C'est très difficile. Tout ce qu'on
dit, c'est que, actuellement, il ne faudrait pas se dire: L'agriculture est en
santé parce qu'on a assez de relève. Si on se dit cela, ce qu'on
veut dire, c'est qu'on a assez de sol d'exploité et cessons de nous
leurrer avec les sols qui ne sont pas exploités et, à toutes fins
utiles, cessons de les zoner vert si on n'en a pas besoin. Je pense à
cela.
M. Dupré: Vous parlez, à la page 5, d'ajustement
des plafonds de 250 000 $ et, après, d'y ajouter 100 000 $ par
actionnaire. Avec toutes les données que vous émettez là,
que faites-vous des vieux prêts à 2, 5% dans ces transactions ou
dans ces nouveaux investissements?
M. Beauclair: À ce que je sache, tous ces prêts sont
transférables. Ils font partie intégrante. Ce n'est pas un
surplus à cela.
M. Dupré: Là-dessus, ce n'est pas dans votre
idée de les faire disparaître? Vous voulez absolument les
maintenir parce que c'est un acquis qui est tout de même important.
M. Beauclair: Ces prêts sont actuellement
transférables. Si on avait voulu les faire disparaître, on
l'aurait certainement mentionné.
M. Dupré: Merci bien.
Le Président (M. Vallières): Je remercie les
représentants de la Fédération de l'UPA de
Saint-Jean-Valleyfield. Je veux indiquer aux membres de la commission que
demain nous commençons notre séance de travail à 9 h 30 au
Salon Beauharnois, sur le même étage.
Une voix: Ce n'est pas Beauharnois, c'est Valleyfield.
M. Picotte: M. le Président, ne serait-il pas plus sage de
dire 9 h 15 pour que tout le monde soit ici à 9 h 30?
Une voix: Avis aux intéressés!
Le Président (M. Vallières): Nous irons à 9
h 30, en essayant d'être ponctuels, s'il vous plaît; on a quand
même seulement une vingtaine de minutes à notre disposition. Nous
recommencerons nos travaux demain à dix heures. La commission ajourne
donc ses travaux à demain, dix heures précises.
(Fin de la séance à 22 h 11)