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(Quinze heures cinq minutes)
Le Président (M. Dupré): À l'ordre,
messieurs! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission qui
est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la
consultation générale sur les aspects de relève, de
financement et d'endettement agricoles au Québec.
Les membres de cette commission sont: MM. Baril (Arthabaska), Beaumier
(Nicolet), Beauséjour (Iberville), Dubois (Huntingdon), Gagnon
(Champlam), Houde (Berthier), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
Maltais (Saguenay), Mathieu (Beauce-Sud), Picotte (Maskinongé), Proulx
(Saint-Jean), Valhères (Richmond).
Remarques du président M. Maurice
Dupré
Avant de procéder à l'audition des organismes, vous me
permettrez de tracer rapidement le portrait de la commission que j'ai l'honneur
de présider aujourd'hui. Le 13 mars 1984 - il y aura donc un an mercredi
prochain - était créée la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation. C'est, en effet, au début de la
session, l'an dernier, qu'étaient adoptées à
l'Assemblée nationale, unanimement, les nouvelles règles de
procédure issues de ce qu'il est convenu d'appeler la réforme
parlementaire. Les commissions parlementaires constituent un des
éléments principaux de changement du nouveau règlement. Il
en est résulté des modifications substantielles de leur nombre -
de 27 à 9 -de leur dénomination, de leur compétence et de
leur composition. Ces instances parlementaires ne correspondent plus, comme par
le passé, aux ministères de l'exécutif. Elles sont
regroupées par secteur d'activité avec des champs de
compétence plus diversifiés. Ainsi, notre commission assure tout
au long de l'année une surveillance de tout ce qui concerne, à
l'intérieur des travaux de l'Assemblée nationale, le secteur de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. La commission
procède à l'étude des crédits du ministère
concerné, à la vérification de ses engagements financiers,
à l'étude détaillée des projets de loi et à
la surveillance de la législation déléguée,
c'est-à-dire des règlements.
En plus de ces obligations, tes commissions bénéficient de
plus d'autonomie et d'un pouvoir d'initiative qui n'existait pas auparavant. De
ces nouvelles prérogatives, la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation s'en est rapidement prévalue
puisque, dès avril 1984, ses membres décidaient unanimement de se
charger d'un mandat d'initiative afin d'étudier les questions de
relève agricole au Québec, auquel mandat venaient s'ajouter, au
mois d'août, les aspects de financement et d'endettement, sujets
jugés on ne peut plus d'actualité et nécessairement
liés à l'avenir de la relève agricole au Québec.
Pour accomplir ce mandat les membres ont décidé de
procéder à une consultation générale dont les
auditions, qui ont commencé mardi et mercredi à Montréal
et qui continuent aujourd'hui à Saint-Hyacinthe, sont les principaux
maillons.
Par ailleurs, durant l'automne, la commission a procédé,
comme vous le savez, à l'étude des dossiers des sept agriculteurs
qui avaient participé à la grève de la faim de
Saint-Cyrille-de-Wendover. Nous avons déposé à
l'Assemblée nationale, le 13 décembre dernier, le rapport de
cette étude dans lequel nous recommandions, entre autres, la
création d'un comité spécial pour aider les agriculteurs
en difficulté financière et la mise sur pied d'une commission
d'appel des décisions de l'Office du crédit agricole du
Québec. Ce rapport fera, d'ailleurs, l'objet d'un débat à
l'Assemblée nationale au cours des travaux de la session qui reprendra
mardi prochain.
Ce mandat sur les grévistes de Saint-Cyrille a causé un
certain retard dans le cheminement de nos travaux, puisque nous escomptions
tenir les présentes auditions au début de l'année, mais
cela nous a permis, d'autre part, de toucher on ne peut plus
concrètement au problème d'endettement des agriculteurs et de
mieux nous préparer à recevoir les représentations qui
nous seront faites dans les prochains jours et qui ont commencé les deux
derniers jours.
Concernant plus précisément notre mandat sur
l'étude de la relève, du financement et de l'endettement
agricoles, l'objectif que poursuit la commission est de rechercher
auprès des organismes et des individus du milieu agricole tout
l'éclairage
nécessaire pour nous permettre d'acheminer à
l'Assemblée nationale d'abord et aux ministères concernés
par la suite les recommandations issues des besoins exprimés à
travers les mémoires que nous avons déjà reçus et
les représentations qui nous seront faites au cours des auditions qu'il
reste à faire.
Permettez-moi de souligner, dans un autre ordre d'idées, que
notre commission, en se déplaçant è l'extérieur de
l'Hôtel du Parlement pour tenir des auditions publiques, est la
première commission de l'Assemblée nationale à se
prévaloir de cette possibilité dans le cadre des nouvelles
règles de fonctionnement. Nous avons choisi les endroits où nous
tenons nos auditions publiques en fonction des organismes qui avaient
demandé à être entendus.
En passant, je dois remercier mes collègues pour avoir
accepté de se déplacer vers Saint-Hyacinthe. Naturellement, la
cause est un peu plus facile à défendre parce que plusieurs
avaient présenté des mémoires.
Nous serons à Québec, pour deux jours, la semaine
prochaine et compléterons nos auditions à Sherbrooke, le 15,
vendredi prochain. Nous aurons alors procédé à 28
auditions à l'intérieur de ces six jours. Nous escomptons pouvoir
produire, au cours du mois d'avril, le rapport final, ainsi que les
recommandations à l'Assemblée nationale.
D'autre part, avant la fin du présent mois, plus
précisément le 26 mars, la commission procédera à
l'examen des orientations, des activités et de la gestion de l'Office du
crédit agricole du Québec. Nous considérons ce mandat
comme étant une suite logique au travail que nous avons entrepris cette
année. Ainsi, l'étude des dossiers des grévistes de la
faim, la consultation générale sur la relève, le
financement et l'endettement agricoles, l'examen de l'office permettront aux
membres de la commission d'être en mesure de parler en connaissance de
cause et, c'est notre souhait, d'améliorer les conditions dans
lesquelles l'agriculteur québécois doit oeuvrer.
En terminant, je voudrais remercier tous les organismes et tous les
individus qui nous ont fait parvenir des mémoires. Je dois vous dire que
la qualité de ces documents me semble une garantie de succès pour
notre consultation.
Maintenant, j'inviterais les représentants de la
Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Avant de
commencer, j'aimerais qu'au niveau des membres de la commission M. le
député de Champlain soit inscrit.
Le Président (M. Dupré): Il est inscrit d'office.
Il est membre de la commission.
Maintenant, est-ce qu'il y en a de mes collègues qui ont quelque
chose à ajouter avant qu'on commence le premier mémoire?
M. Picotte: Tout simplement pour vous dire, M. le
Président, qu'on est très heureux d'être dans la
région de Saint-Hyacinthe, un beau coin agricole du Québec, et
qu'on a hâte d'entendre ce que les gens ont à nous dire pour qu'on
puisse les questionner.
Auditions
Le Président (M. Dupré): Avant de donner l'ordre du
jour, je voudrais souligner que nous avons visité ce matin, l'ITAA, en
compagnie de tout le groupe qui est ici. Je les en remercie très
sincèrement. Nous avons été très bien
reçus.
Maintenant, l'horaire du jour. On commence à 15 heures avec la
Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe, suivie du Syndicat des
professeurs de l'État du Québec et de l'Association de la
relève agricole de Saint-Hyacinthe. À 20 heures, nous allons
reprendre avec la Fédération de l'UPA de Nicolet et suivra
à 9 heures, Samson, Bélair et Associés, de
Saint-Hyacinthe.
Maintenant, M. Chagnon, si vous voulez... Oui, M. le
député de Champlain.
M. Gagnon: Juste un instant. J'ai rencontré mon
collègue, le député de Nicolet, qui me dit qu'il va
être ici ce soir. Le député de Nicolet ne me
remplaçait pas; donc, il est membre aussi, M. le député de
Nicolet. Merci.
Fédération de l'UPA de
Saint-Hyacinthe
Le Président (M. Dupré): Si vous voulez vous
identifier et identifier aussi les personnes qui vous accompagnent.
M. Chagnon (Marcel): Bonjour.
Le Président (M. Dupré): Excusez, M. Chagnon. Vous
avez une heure à votre disposition. Le temps que vous prendrez pour
faire votre exposé sera déduit de l'heure et les minutes qui
resteront seront séparées à parts égales pour les
deux, formations politiques pour poser des questions.
M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je me présente,
Marcel Chagnon, vice-président de la Fédération de l'UPA
de Saint-Hyacinthe, producteur agricole à Saint-André-d'Acton.
À mes côtés, j'ai les membres de mon exécutif: M.
Jean-Guy Raymond, M. René Waleszczyk, M. Jean Cournoyer. A ma gauche, le
directeur régional, M. Gabriel Cossette et M. Paul Langelier au Service
de l'éducation de Saint-Hyacinthe.
La Fédération de Saint-Hyacinthe remercie la commission
parlementaire de lui
permettre d'intervenir au cours de ces auditions sur la relève,
le financement et l'endettement agricoles au Québec. Les sujets qui
seront débattus intéressent au plus haut point les producteurs et
productrices de la région de Saint-Hyacinthe. Le texte que nous vous
avions soumis lors de l'inscription à la commission faisait état
de quelques réflexions de la Fédération de l'UPA de
Saint-Hyacinthe. Nous vous disions, à ce moment-là, que, lors de
l'audition elle-même, nous serions en mesure de vous fournir un texte
plus détaillé qui vous a été distribué, je
pense. C'est à partir de ce texte que nous allons vous présenter
nos demandes cet après-midi.
Dans le mémoire que nous avions présenté en janvier
dernier, nous avions insisté sur trois points. Premièrement,
l'importance de l'implication de l'État dans le financement agricole,
étant donné que le financement agricole est un canal par lequel
on peut contribuer à réaliser plusieurs objectifs d'une politique
agricole; que l'agriculture est fondamentalement instable; qu'aussi bien la
collectivité que les agriculteurs et agricultrices
bénéficient de l'intervention du gouvernement dans le financement
de l'agriculture (essor important des productions et de l'emploi, alimentation
de la population à meilleur coût et possibilité pour les
jeunes d'acquérir la ferme familiale).
La plupart des pays s'impliquent pour supporter leur agriculture.
Certains, qui ne le font pas, se retrouvent aujourd'hui dans des situations
désastreuses. Certains gouvernements pensent qu'il est trop dispendieux
de subventionner l'agriculture et importent des produits à meilleurs
coûts. À moyen et à long termes, une telle politique de
dépendance est désavantageuse. Un pays qui produit pour sa
population les aliments et qui, de surcroît, est dans une bonne situation
financière est un pays bien protégé. Le manque de l'un ou
de l'autre rend un pays vulnérable.
Deuxièmement, l'endettement agricole et son rapport avec les
politiques de crédit agricole. A ce niveau, nous avions tout d'abord
précisé que les agriculteurs et agricultrices de la région
de Saint-Hyacinthe étaient touchés plus rapidement par toute
forme de changement qu'on introduit dans les politiques de crédit
agricole, car la très grande majorité a déjà
emprunté le maximum autorisé. De plus, nous avions
précisé que la crise actuelle met en évidence trois
problèmes fondamentaux: l'incapacité du système actuel de
crédit agricole à répondre aux besoins des fermes
familiales efficaces de la région; l'absence de mesures pour aider les
agriculteurs et agricultrices qui se retrouvent actuellement en position de
faillite et, troisièmement, la nécessité d'établir
des mécanismes favorisant les transferts de fermes entre
générations.
Le troisième point sur lequel nous avions insisté est le
transfert des fermes à la relève. En effet, la ferme est un bien
familial et l'on veut que ce bien reste dans la famille. Par conséquent,
il faut trouver des moyens de transmettre une ferme sans que chaque
génération soit obligée, pour ce faire, de travailler
toute sa vie pour payer des redevances et des intérêts de toutes
sortes.
Le présent document est un complément à notre
mémoire en ce sens qu'il vient préciser les "comment faire". On y
retrouve donc des propositions précises en ce qui a trait au
fonctionnement de l'Office du crédit agricole, aux politiques de
l'Office du crédit agricole, à l'utilisation du crédit par
les agriculteurs et agricultrices, aux problèmes fiscaux reliés
au transfert de fermes et à la nécessité de revenus
adéquats.
Aussi bien préciser au point de départ que, dans notre
esprit, tout ce qui a trait au crédit agricole devrait être
imbibé du principe absolu d'égalité entre hommes et femmes
et ce, autant dans la pratique que dans la théorie.
Sans plus tarder, voici le contenu de ces propositions. Fonctionnement
de l'office. Plusieurs problèmes seraient réglés si des
modifications étaient apportées au niveau du fonctionnement de
l'Office du crédit agricole. Ces modifications permettraient de
simplifier les démarches des agriculteurs et agricultrices et de rendre
les politiques de crédit plus accessibles. De plus, l'office pourrait
ainsi mieux jouer son rôle qui est déterminant dans le
développement de l'agriculture du Québec.
Évaluation des actifs et politique de prêt. On peut faire
le reproche à l'office d'avoir, à une certaine époque,
trop prêté. En effet, il y a eu à la fin des années
soixante-dix une euphorie inflationniste où, au Québec comme
ailleurs, prêteurs et agriculteurs ont manqué de prudence et
investi sans assez tenir compte de la rentabilité des investissements et
de la fluctuation des marchés.
Aujourd'hui, on doit faire le reproche inverse à l'office.
À l'heure actuelle, l'office est devenu très prudent, plus
prudent même que les banques. Des prêts sont refusés
où il existe des capacités de remboursement et des garanties
adéquates. Nous croyons que l'office doit conserver une attitude ouverte
et dynamique. Cela peut se réaliser, entre autres, par une politique
d'évaluation des actifs qui soit consistante.
Nous proposons donc que les actifs soient évalués en
fonction de la tendance à long terme des prix. Cela peut vouloir dire
être plus conservateur au moment où la valeur des actifs
s'accroît rapidement. Cela veut aussi dire de ne pas dévaluer de
façon
drastique dans une période de crise, comme cela se fait
actuellement.
La garantie des garanties. Nul ne remet en question la
nécessité pour un organisme garantissant un prêt de prendre
des garanties, à plus forte raison si ce prêt est garanti à
100%. Par contre, il nous apparaît qu'à ce chapitre les pratiques
de l'office sont, pour le moins plus que conservatrices. En effet, les
garanties exigées par l'office sont beaucoup trop élevées
par rapport à l'emprunt demandé; ceci ne permet pas de laisser
une certaine flexibilité nécessaire à l'entreprise.
Nous proposons de ne prendre en garantie que ce qui est
nécessaire pour garantir un prêt et que cesdites garanties soient
négociées avec l'emprunteur et apparaissent clairement au
contrat, et que le partage des garanties, s'il y a lieu, entre l'Office du
crédit agricole et la Société du crédit agricole se
réalise d'une façon harmonieuse sans pénaliser
agriculteurs et agricultrices.
La nécessité d'un fonds de roulement. Lorsqu'on
considère le capital investi en agriculture aujourd'hui, il faut
reconnaître l'utilité, voire la nécessité pour
l'agriculteur d'avoir en main un bon fonds de roulement au moment de
l'investissement majeur. Par conséquent, que l'office n'exige pas que
l'agriculteur investisse toutes ses liquidités lors du financement
à long et à moyen termes de la ferme; sinon, il devra rapidement
emprunter à court terme à des coûts élevés
avec tous les inconvénients qu'une marge de crédit implique. Nous
proposons qu'à l'intérieur de la négociation d'un
prêt soit prévu un montant comme fonds de roulement.
Traitement des cas de servitude et d'expropriation. La région de
Saint-Hyacinthe a été touchée et est encore aujourd'hui
touchée par une multitude de travaux d'infrastructure. Ces travaux
amènent des expropriations ou encore des servitudes. La pratique de
l'office dans ces situations est d'exiger de la part de l'emprunteur le montant
total des compensations qu'il a reçues de l'organisme expropriant ou
demandant une servitude.
Mais deux questions se posent. Comment se fait-il que l'office ne tienne
pas compte que, dans la compensation reçue par l'emprunteur, il y a un
montant rattaché au droit de passage, mais souvent il y a
également un montant pour compenser les pertes de récolte ou tout
autre préjudice occasionné par les travaux? Comment se fait-il
que l'office exige en pratique de toucher un montant supérieur à
l'évaluation qu'il avait faite de la garantie concernée?
Pour permettre à l'avenir à l'office d'apporter une
réponse adéquate à ces deux questions, nous proposons que,
dans les cas d'expropriation et de servitude, l'office n'exige qu'un montant
équivalant à l'évaluation faite de la garantie au moment
du prêt. Mais dans la mesure où la remise de capital
effectuée sur l'emprunt est supérieure à
l'évaluation faite par la garantie, l'office ne devrait pas tenir compte
des compensations reçues pour expropriation ou servitude.
Durée du prêt. La situation financière de chaque
emprunteur varie, ainsi que sa façon de voir le développement de
son entreprise, les conditions de travail et les conditions de vie qui s'y
rattachent. C'est pourquoi nous proposons que les prêts, à long
terme de l'Office du crédit agricole laissent à l'emprunteur le
choix de la durée du prêt tout en montrant les avantages et les
inconvénients se rattachant aux différentes possibilités
en termes de durée, et que l'entente conclue ne soit pas modifiée
de façon unilatérale.
Les délais. Étant donné qu'il est inutile de
présenter pour la nième fois les problèmes causés
par les délais interminables, nous proposons que l'Office du
crédit agricole prenne les mesures administratives qui s'imposent pour
pouvoir prendre une décision concernant une demande de prêt dans
les 30 jours de la soumission de la demande et que les prêts soient
consentis dans un délai n'excédant pas 30 jours de la
décision.
Démarches relatives aux différents dossiers. Le rôle
du conseiller est très important pour obtenir une meilleure
planification financière du projet à l'étude. Il doit
s'établir un climat de bonne communication entre le producteur et le
conseiller. Par conséquent, le libre choix du conseiller permettrait
sûrement aux deux parties en cause d'obtenir de meilleurs
résultats. Nous proposons que l'emprunteur ait la possibilité de
choisir l'officier avec lequel il veut travailler.
Chaque emprunteur devrait avoir facilement accès à son
dossier. Il nous semble que c'est là un droit des plus
élémentaires. Dans la même orientation de transparence, un
dossier négatif devrait être traité de la façon
suivante: le producteur concerné en est informé; le dossier est
revu par le producteur avec son conseiller pour le rendre positif en y faisant
les corrections nécessaires; tous les recours régionaux ayant
été utilisés, le dossier est acheminé à
l'office; s'il est refusé par l'office, le producteur fait appel
à une commission habilitée à revoir le dossier.
Création d'une commission d'appel. On entend souvent dire: Dans
tous les domaines, il y a des situations claires, des situations pas claires et
d'autres entre les deux. Le crédit agricole n'y fait pas exception et le
problème, c'est que les situations entre les deux sont les plus
nombreuses. Dans ces situations, même avec les gens les plus
compétents, même avec les règlements les plus
clairs, il demeure une partie qui relève plus de l'interprétation
et de la compréhension que de l'analyse objective des faits. Ceci est
d'autant plus vrai que, dans la majorité des cas, il n'y a que deux
personnes d'impliquées: l'emprunteur et le conseiller de l'office. Il
faut donc mettre en place un mécanisme neutre d'appel. Celui-ci
servirait les emprunteurs en leur donnant la possibilité d'en appeler de
la décision rendue dans leur dossier et ce, auprès d'un organisme
neutre. Ceci serait tout aussi utile pour l'office, sinon davantage, en lui
permettant d'appuyer sa décision finale sur un organisme
extérieur et compétent. En d'autres mots, tout le monde y
trouverait son profit.
Concrètement, nous proposons de créer une commission
d'appel composée majoritairement d'agriculteurs et d'agricultrices,
à laquelle toute personne insatisfaite d'une décision de l'office
concernant une demande d'emprunt pourrait en appeler de la décision.
Cette commission serait nommée par l'État à la suite d'une
recommandation de l'UPA et serait représentative en termes de
régions, de productions, d'âge, d'hommes et de femmes.
Nous voudrions terminer cette partie par quelques points sur le
rôle de l'office et de ses conseillers. La priorité est de
rechercher avec l'agriculteur l'investissement le plus rentable en termes de
revenus additionnels générés et non celui qui donne les
meilleures garanties et qui sécurise davantage le prêteur. Les
événements des trois dernières années nous montrent
la fragilité des garanties et confirment que la meilleure protection du
prêteur, c'est la rentabilité de l'entreprise à laquelle il
a prêté.
Au début de notre mémoire nous disions que "le financement
est un canal par lequel on peut contribuer à réaliser plusieurs
objectifs d'une politique agricole". Par contre, il ne faudrait pas voir le
crédit agricole comme un instrument privilégié de
l'État pour orienter le développement de la production
agricole.
En deuxième partie, des politiques à changer. Dans cette
deuxième partie, nous traiterons des modifications à apporter aux
politiques de l'Office du crédit agricole, parce qu'il y a des
changements souhaités, souhaitables, voire même indispensables au
niveau du fonctionnement de l'office. Il en est de même au niveau de
certaines politiques de l'office. (15 h 30)
La relève agricole. L'Année internationale de la jeunesse
est certes une très bonne occasion pour réfléchir d'une
façon particulière sur l'avenir des jeunes en agriculture, ainsi
que sur leur présent. Le Québec est marqué par un mode de
transmission des fermes qui s'est fait, et qui se fait encore aujourd'hui dans
neuf cas sur dix, d'une génération à l'autre, des parents
aux enfants. Cet élément, ajouté, entre autres, à
la haute capitalisation de l'agriculture d'aujourd'hui, à un contexte de
hauts taux d'intérêt et è l'instabilité desdits taux
d'intérêt, nécessite au niveau du financement de la ferme
une aide spécifique aux jeunes. Il faut aussi considérer que le
jeune, avant d'acquérir la ferme, y a travaillé de nombreuses
années sans compter ses heures, ni son salaire. En effet, il vivait cela
comme un bon investissement, même si son fonds de roulement personnel en
était affecté.
Cette aide spécifique à la relève devrait tenir
compte de deux principes fondamentaux. Premièrement, trouver une aide
plus importante lors dés premières années de
l'établissement et une aide qui décroît progressivement -
ne pas confondre avec rapidement - afin de favoriser une meilleure gestion de
l'entreprise.
Deuxièmement, cette aide devrait s'appliquer sans aucune
discrimination reliée au sexe, aux liens familiaux ou matrimoniaux.
Nous proposons, comme mesures spécifiques pour la relève
agricole, que l'actuelle subvention à l'établissement de 8000 $
soit indexée à 15 000 $ et que, par la suite, elle soit
indexée tous les trois ans. Nous proposons que, lors de son
établissement, un jeune, dans le cadre des programmes de crédit
agricole à long terme, bénéficie d'un taux
d'intérêt croissant, partant de 3% et augmentant de 0, 5% par
année et ce, pour une durée de dix ans ou jusqu'au moment
où le taux croissant rejoindra le taux subventionnable en vigueur. Nous
proposons que ce prêt à taux croissant s'applique sur un montant
de 200 000 $ lorsqu'il y a un jeune qui est admissible et sur un montant de 300
000 $ lorsqu'il y a deux jeunes ou plus qui sont admissibles. Notez bien que,
dans notre optique, l'actuel prêt de 50 000 $ sans intérêt
pendant cinq ans disparaîtrait.
Le taux sur les prêts à long terme. L'intervention de
l'État est importante. Nous voulons préciser qu'il est fort juste
et pertinent que cette intervention soit appliquée prioritairement sur
le taux d'intérêt payé par les agriculteurs. En effet, les
augmentations de taux d'intérêt affectent profondément la
rentabilité des fermes. D'ailleurs, cela a été
confirmé par les résultats des analyses de groupes
réalisées dans les syndicats de gestion agricole. En 1981, il a
été constaté que la baisse radicale des
bénéfices d'exploitation était expliquée à
73% par la seule hausse des intérêts payés sur la
dette.
Cela nous amène à proposer un mécanisme
d'intervention qui protégera les agriculteurs des fluctuations à
la hausse des
taux d'intérêt. Nous proposons que l'office conserve la
formule actuelle pour la fixation des taux d'intérêt sur les
prêts à long terme, mais avec un plafond de 10%.
Les montants maximaux. Nous avons déjà abordé cette
question dans notre mémoire présenté en janvier. Rappelons
seulement que nous proposons que le maximum pour un individu passe de 150 000 $
à 200 000 $ pour la partie subventionnée et à 300 000 $
pour le maximum garanti, et que le maximum pour un groupe passe de 200 000 $
à 300 000 $ pour la partie subventionnée et à 500 000 $
pour le maximum garanti.
Le crédit à la production. Ce secteur de crédit
s'est beaucoup développé au cours des dernières
années, mais ce développement s'est surtout limité
à l'augmentation des sommes nécessaires aux agriculteurs et non
à l'implication de l'État dans ce secteur. La montée de la
production céréalière et le développement de
l'engraissement du boeuf liés à des facteurs structurels ont
amené ce besoin croissant de crédit à la production. Nous
proposons que, dans le cadre du crédit à la production, le taux
d'intérêt maximal payé par les agriculteurs soit de 10%.
Pour les prêts d'amélioration de ferme, que soit augmenté
de 15 000 $ à 50 000 $ le montant d'un prêt d'amélioration
de ferme sur lequel il y a un rabais d'intérêt et que le taux
d'intérêt sur ce montant soit plafonné à 10%.
Garanties fiscales par les vendeurs-prêteurs. Notre congrès
régional considère que l'Office du crédit agricole devrait
favoriser le financement par le vendeur en appliquant aux prêts faits par
les vendeurs aux acheteurs les mêmes avantages de garanties et de
subventions d'intérêt qu'aux prêts consentis par les
institutions financières, donc, que ces prêts soient
traités comme tout autre prêt tandem; que des incitations fiscales
soient mises en place afin d'inciter les vendeurs à se prévaloir
de cette politique.
L'utilisation du crédit agricole par les agriculteurs. Comme
plusieurs l'affirment -avec raison, d'ailleurs - il ne s'agit pas seulement
d'avoir un système de crédit adéquat; il faut savoir bien
l'utiliser. À cette fin, nous voulons reprendre à notre compte un
certain nombre de recommandations de la Confédération de
l'UPA.
En regard des syndicats de gestion, il faut que le programme d'aide aux
syndicats de gestion, par l'objectif qu'il poursuit, continue d'être
reconnu et considéré comme prioritaire pour aider les
agriculteurs à faire face aux problèmes de rentabilité
agricole. L'objectif de ce programme pourrait, d'ailleurs, témoigner
davantage de la volonté de développer la gestion agricole au
Québec, avec les syndicats de gestion comme fer de lance.
Par ailleurs, la notion de gestion n'est pas et ne doit pas être
limitée à la seule formule des syndicats de gestion. Il faut que
les autorités gouvernementales soient ouvertes à toute
initiative, tout projet qui tend à améliorer la gestion
financière et il faut que tous les programmes qui s'adressent à
l'agriculture, notamment les programmes de formation, fassent une large place
à la notion de gestion financière.
La gestion et les officiers et officières de l'Office du
crédit agricole. À l'Office du crédit agricole comme tel,
il faut que les officiers et officières du crédit aient la
formation, la compétence et l'attitude nécessaires pour
contribuer au maximum à ce que les prêts soient faits dans un
contexte de bonne gestion et que les directives et règlements qui
encadrent leur travail leur permettent de le faire.
Exigences minimales. Exiger des emprunteurs qui opèrent en
dessous du seuil d'équité minimale à tenir une
comptabilité contrôlée avec un suivi approprié.
Étant donné le portrait de l'agriculture et de son
évolution qui se dégage des pages précédentes,
cette mesure nous paraît appropriée dans l'intérêt
même de celui qui emprunte.
Les problèmes fiscaux. Nous avons déjà
abordé cette question dans le mémoire original. Les questions
fiscales reliées au transfert des fermes devraient être
abordées dans la perspective que nous avons élaborée. Nous
proposons d'abolir l'impôt sur les dons de biens agricoles, d'abolir les
taux d'intérêt prescrits, de ramener à 10% de ce qu'il est
actuellement le taux d'imposition sur les compagnies agricoles.
Nécessité de revenus adéquats. La commercialisation
des produits agricoles. Un des problèmes que rencontrent les
producteurs, c'est que les prix des produits agricoles ne sont pas suffisamment
élevés pour permettre de rentabiliser les fermes. Au cours des
années soixante-dix, le MAPAQ a favorisé par différents
programmes le développement de certaines productions. Pour ce faire, les
producteurs ont investi, mais les prix ne sont pas restés suffisamment
fermes» Ainsi, de bons producteurs, presque pas endettés, sont
devenus vulnérables parce que les prix ont chuté.
Les plans conjoints sont des outils qui permettent aux producteurs,
quelle que soit leur capacité de production, gros, petits ou moyens, de
se regrouper pour obtenir des sécurités de production et des
sécurités de revenus, lesquels revenus correspondent aux
coûts de production.
Notre position est que les prix doivent correspondre aux coûts de
production et provenir du marché. Lorsque le marché ne permet pas
d'obtenir un prix correspondant aux coûts de production, dans les
productions couvertes, l'assurance-stabilisation des
revenus agricoles, par sa compensation, comble partiellement les pertes
dues au marché. L'assurance-stabilisation est un outil de compensation
dans les périodes où les prix sont dépressifs et non un
outil de développement de production. Si la loi de mise en marché
avait suffisamment de pouvoirs pour permettre aux plans conjoints
d'opérer normalement, les plans conjoints seraient plus efficaces et
permettraient l'obtention de prix davantage satisfaisants.
Crédit agricole et autres politiques agricoles. Nous vivons
à l'époque de la concertation, du moins en théorie,
puisqu'il en est question un peu partout. Malheureusement, la pratique est tout
autre, du moins en milieu agricole. Il nous apparaît très
important que l'ensemble des politiques gouvernementales, dans la mesure
où on souhaite qu'elles soient véritablement efficaces, se
réalise en concertation avec l'UPA et que ces mêmes politiques
soient à long terme et non à court terme.
Nous proposons que l'ensemble des politiques gouvernementales en
agriculture se situent dans une perspective de développement agricole
à long terme et qu'elles se réalisent en concertation avec
l'UPA.
Le secteur agricole doit bénéficier de ressources humaines
et financières accrues dans les domaines de la recherche et de la
vulgarisation, du développement des productions, de la formation des
exploitants et des travailleurs agricoles, de la protection de l'environnement,
etc.
Conclusion. Que dire comme conclusion ou, plutôt, que faire comme
conclusion? Que la commission parlementaire et, par la suite, l'État
donnent rapidement des suites à cette consultation. Les agriculteurs et
agricultrices, à cause même de la survie de leur ferme et de son
transfert à l'autre génération, ne peuvent se payer le
luxe d'une étude qui n'aurait pas de suites. Qui seraient les perdants?
Les agriculteurs en premier lieu, puis la population en général
et l'État. Nous demeurons convaincus de la bonne foi de chacun des
intervenants. C'est pourquoi nous osons espérer des changements
significatifs à très court terme. Merci.
Le Président (M. Dupré): Merci, M. Chagnon. Avant
de poursuivre, j'aimerais souligner l'arrivée de M. Couillard, pour les
fins du Journal des débats. M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. J'aimerais
d'abord, au nom de ma formation politique, remercier les membres de la
Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe de nous avoir
présenté ce mémoire et surtout d'avoir essayé, en
tout cas, de trouver des solutions ou de nous suggérer des solutions.
Depuis deux jours, nous écoutons différents mémoires de
différents organismes. Souvent, on fait le tour des problèmes,
mais les solutions nous sont plus ou moins suggérées.
Réellement, je pense que vous avez essayé de nous aider à
trouver ces solutions qui ne sont pas toujours faciles.
Vous parlez un peu de la formation de la relève agricole mais,
dans votre mémoire - remarquez bien que ce n'est pas un reproche - vous
mettez surtout l'accent, je crois, sur le financement de l'entreprise agricole
comme telle. Pour vous, sans doute que la formation du jeune agriculteur ou de
la jeune agricultrice est très importante. J'aimerais savoir si,
d'après vous, la formation des vendeurs, qui sont le plus souvent les
parents de l'acheteur, est suffisante pour essayer de leur faire comprendre
l'importance d'envoyer leur garçon ou leur fille suivre des cours de
gestion agricole dans une institution. J'aimerais vous entendre parler
là-dessus.
M. Chagnon: Je pense que, dans notre société
agricole comme dans les autres sociétés, ce n'est peut-être
pas l'ensemble des gens qui a la même opinion de la formation, mais, pour
la grande majorité des agriculteurs, ce sentiment de vouloir faire
instruire leurs enfants est très présent et très fort.
Sauf qu'il y a un problème qui se pose. La non-rentabilité de
l'agriculture et l'obligation d'avoir des personnes pour travailler sur la
ferme dans les périodes de pointe font qu'actuellement les cours ne sont
pas nécessairement très bien adaptés aux
réalités agricoles. Ils devraient se donner dans des
périodes un peu différentes pour permettre à l'agriculteur
d'avoir ses enfants quand les périodes de pointe arrivent. C'est une des
choses qui devraient être changées au plan de la formation, entre
autres: le laps de temps dans lequel se donnent les cours et dans lequel se
fait la pratique.
M. Baril (Arthabaska): On nous avait suggéré que
les cours devraient être donnés dans la période de novembre
à mars et qu'au lieu de les échelonner sur deux ou trois ans on
les échelonne sur cinq ans. Pensez-vous réellement que cela
inciterait autant les jeunes que les parents à envoyer leurs enfants
acquérir une formation? (15 h 45)
M. Chagnon: Ce serait un aspect qui aiderait. Il y a
sûrement d'autres aspects qui devront être améliorés.
On devrait, dans le cadre de ces cours, accentuer la formation au niveau de la
gestion afin d'aider les gens à prendre plus facilement les meilleures
décisions dans un contexte de gestion et non pas dans un contexte
d'expansion.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez fait allusion dans votre
mémoire au fait que l'office, dans certaines circonstances, a trop
prêté et qu'actuellement il ne prête pas assez.
J'aimerais également vous entendre sur la politique des banques, des
institutions prêteuses, il y a quelques années - il n'y a pas
à reculer trop loin - au niveau des prêts pour
l'amélioration des fermes. J'ai constaté, par la pratique, depuis
un an ou deux ans, que l'office refuse des refinancements à long terme.
Les banques, quant aux prêts pour l'amélioration des fermes, ont
peut-être été trop larges; la capacité de
remboursement de l'entreprise ne permet plus maintenant à l'office de
refinancer le tout. Ce n'est pas parce que l'entreprise n'est pas rentable,
souvent; c'est parce que la capacité de remboursement ne le permet
pas.
M. Raymond (Jean-Guy): II y a bien des raisons à cela. Il
y a le prix de la production. Les prix, ce n'est pas toujours nous qui les
fixons; c'est pour cela qu'on a introduit un chapitre dans les plans conjoints
afin d'y croire et de travailler tous ensemble à une mise en
marché ordonnée. On fait des efforts, mais, si les lois
étaient plus rigides et que la régie, entre autres, appliquait
tous les règlements, c'est le seul endroit où on pourrait se
garantir un prix. Même si on était des plus efficaces, quand les
prix baissent de 10%, 20% ou 25%, personne, avec la meilleure gestion au monde,
ne pourra arriver à administrer une ferme.
M. Baril (Arthabaska): Vous allez peut-être penser que je
vais du coq à l'âne, mais je dois y aller rapidement, car nous
sommes limités dans le temps. Quand il va en avoir assez, on va me dire
d'arrêter. Vous n'êtes peut-être pas habitués à
la procédure.
Vous avez beaucoup parlé aussi de la durée de la remise du
prêt, que l'emprunteur devrait fixer le temps ou la durée de
l'emprunt. Disons que c'est bien discutable. Vous dites aussi que le taux
d'intérêt ne devrait pas dépasser 10% jusqu'à la
fin. Si l'office appliquait une politique afin que le taux
d'intérêt, disons pour les dix premières années,
pour la jeune personne qui commence, soit minime - je ne donnerai pas de
pourcentage, cela pourrait varier - très bas et qu'après dix ans,
lorsque l'agriculteur sera un peu plus en mesure de payer un taux
d'intérêt, ce taux se rapproche plus du taux réel garanti
au lieu d'être gelé à 10%, cela permettrait probablement
d'aider davantage le jeune qui commence au lieu de continuer à aider la
personne qui, elle, a plus de facilité de payer.
M. Chagnon: Là-dessus, M. le député, je dois
vous dire que, dans notre mémoire, nous faisons une proposition qui va
un peu plus loin que celle dont vous venez de parler en fixant des taux
d'intérêt pour les dix premières années. Nous
commençons à 3% pour aller, sur une période de dix ans,
avec une majoration de 1% par année, rejoindre le taux prescrit, le taux
subventionnable. On parle de dix ans environ parce qu'actuellement cela
prendrait à peu près dix ans pour rejoindre le taux actuel.
Notre désir serait que le taux d'intérêt payé
soit compatible avec la rentabilité de l'agriculture. On n'aurait
peut-être pas d'objection à payer des taux d'intérêt
plus élevés, mais quand on prend les statistiques canadiennes et
qu'on nous dit que la rentabilité des investissements agricoles, des
exploitations agricoles est à 6% et 7%, c'est bien malaisé de
payer des taux d'intérêt élevés. On se dit que, s'il
y en a, parmi eux, qui viennent à bout de se mettre un peu d'argent de
côté, on n'est pas inquiets, vous saurez bien les ramasser
à un moment donné par l'impôt.
M. Baril (Arthabaska): Oui, je suis d'accord que vous ayez
fixé un pourcentage de 3% plus 1% par année, mais moi, j'irais
jusqu'à suggérer que pour les premières années, ce
soit à 0%. Si vous voulez que je fixe un pourcentage, je vais en fixer
un: 0%. Parce que c'est celui qui commence qui en a le plus besoin. Celui qui
avance avec les années, je ne vous dis pas qu'il n'en a pas besoin du
tout, mais il en a moins besoin que celui qui commence.
Vous dites aussi que l'emprunteur devrait avoir le choix de l'officier
du crédit agricole pour évaluer son prêt. C'est sans doute
une bonne mesure, mais, dans la pratique, je ne sais pas comment ça
s'appliquerait. Je ne veux parler contre personne, mais admettons que dans un
bureau il y a un bon officier - il est reconnu comme étant bon,
ça ne veut pas dire que les autres sont moins bons - ça va
prendre du temps parce qu'il ne pourra pas satisfaire toute la
clientèle. Comment les deux, trois ou quatre autres pourront-ils dire:
Nous autres aussi, on est bons, prenez-nous? Dans l'application, ce serait
peut-être plus difficile.
M. Chagnon: Je trouve que, si jamais ça arrivait qu'un
seul était demandé, ce serait une bonne note pour les autres de
s'améliorer.
M. Raymond: J'aimerais ajouter ceci. Dans tous les autres
domaines, vétérinaire ou agronome, je pense qu'on a le choix de
la personne. Des fois, le gars peut être bon, mais des conflits de
personnalités peuvent se créer entre des personnes et là
tu ne fais plus un bon projet.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez raison en disant qu'il y a
beaucoup de conflits de personnalités entre les gens.
Je vais poser une dernière question parce que je pense que mes
collègues vont
peut-être en avoir, eux aussi, et je ne veux pas prendre tout le
temps. Que penseriez-vous si, avec tout ce qui est administré
actuellement par l'Office du crédit agricole, avec tous les techniciens
dans le champ, le gouvernement décidait demain matin de donner
l'administration de ces programmes-là aux institutions privées?
Si j'étais en conflit de personnalités avec un agent de l'office
qui travaille à telle caisse populaire ou à telle banque, j'irais
à une autre banque. Peut-être que cela raccourcirait les
délais. Vous avez sans doute étudié ça. Qu'est-ce
que ça ferait, selon vous?
M. Chagnon: Vous me posez une question à laquelle on n'a
pas réfléchi beaucoup parce que vous ne m'avez pas dit, dans
votre projet, si vos garanties seraient toujours là...
M. Baril (Arthabaska): Oui, par l'office.
M. Chagnon:... si les études étaient toujours
faites par des officiers indépendants.
M. Baril (Arthabaska): Le dossier serait monté par
l'institution privée.
M. Chagnon: Et l'État garantirait de la même
façon?
M. Baril (Arthabaska): Oui, mais, par contre, l'Etat ne garantira
pas n'importe quoi, non plus. Au niveau du siège social, il y aurait
quand même un comité qui accepterait ou refuserait aussi. 5elon
vous, est-ce que ça accélérerait le processus des
prêts? Est-ce que ce serait bon ou moins bon?
M. Chagnon: Cela l'accélérerait probablement pour
un certain nombre de prêts, au moins pour une période
donnée. On n'a pas réfléchi là-dessus. Je ne sais
pas si d'autres de mes collègues veulent répondre.
M. Baril (Arthabaska): Je ne vous oblige pas à
répondre.
M. Raymond: Je pense que cela accélérerait pour
donner le O. K. à l'autre bout. Mais on ne le sait pas. Il faudrait le
mettre en pratique pour le savoir.
M. Baril (Arthabaska): Une dernière question. Vous dites
que les agriculteurs paient actuellement pour la publicité de la mise en
marché. C'est vrai que l'ensemble des producteurs, depuis plusieurs
années, ont fait beaucoup d'efforts pour essayer de promouvoir la
consommation de produits agricoles. Que diriez-vous si, à la retenue
à la source, les fédérations... Est-ce que les
agriculteurs accepteraient de payer un petit pourcentage pour essayer de faire
la recherche pour la transformation ou la recherche de produits nouveaux? On
sait que les industriels paient beaucoup pour la recherche de produits
nouveaux.
M. Couillard (Jean-Yves): Au niveau de l'agro-alimentaire, c'est
à l'Etat de s'impliquer. Je ne pense pas que la recherche se fasse
simplement au niveau de la production. Chaque fois que de la recherche se fait,
ça concerne tout le secteur agro-alimentaire. À ce
moment-là, je répondrais que c'est le rôle de l'État
de le faire au complet.
M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dupré): Pour aller en alternance,
je vais donner la parole au député de Maskinongé. Vous
avez seize minutes pour votre formation.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation
politique, il me fait plaisir de vous remercier de votre mémoire. Si
vous le permettez, je commencerai par la fin, par la conclusion où vous
suggérez que la commission parlementaire et, par la suite,
l'État, donnent des suites rapidement à cette consultation.
Je dois vous dire quant à moi que, pour une première
expérience que nous avions faite il y a déjà quelque temps
dans le cas des grévistes de la faim de Saint-CyriIle-de-Wendover,
l'ensemble de la commission - je mets tout le monde dans ce bateau-là -
a fait des recommandations fort intéressantes. Je ne doute pas que notre
commission, qui siège ici et qui étudie des mémoires
depuis déjà trois jours, fera des recommandations qui s'imposent
dans certains cas, d'autant plus que ce serait mentir que de dire que vous ne
nous proposez pas de solutions. Au contraire, votre mémoire est riche en
solutions de toutes sortes. Il nous restera à les évaluer et sans
doute que nous ferons l'unanimité pour cela. Il ne nous restera
qu'à nous croiser les doigts parce qu'on a évidemment
l'obligation de remettre cela entre les mains de l'honorable ministre de
l'Agriculture. Des recommandations lui sont faites depuis fort longtemps.
Malheureusement, il n'y donne pas suite. En tout cas, il nous restera à
faire les pressions qu'il faut pour tâcher que ces recommandations
prennent forme dans les meilleurs délais.
J'ai une première question à vous poser. J'ai eu
l'occasion, ce matin, avec plusieurs de mes collègues, de visiter votre
institut. Force est de constater que vous avez de bonnes écoles de
formation. Vous avez le cégep, l'ITAA. Le problème de la
formation fait défaut, selon ce qu'on nous dit, dans plusieurs
régions, dans plusieurs
coins. On nous dit qu'il y a des difficultés de formation. Mis
à part les problèmes de décalage d'horaire ou de temps au
niveau de cette formation, selon vous qui êtes à proximité
des écoles de formation, y a-t-il un nombre appréciable de vos
gens, de votre relève, qui va à ces écoles de formation?
Dans quel pourcentage et est-ce que cela donne des résultats
bénéfiques?
M. Couillard: Je dirais que cela donne à peu près
25% dans la région qui participent aux cours de formation dans les
institutions.
M. Picotte: Alors, il y a beaucoup plus d'étudiants,
j'imagine, évidemment, de votre milieu qui viennent. Les
appréhensions que vous avez du côté de cette formation, de
quel ordre sont-elles? Pourquoi n'y a-t-il pas plus de
fréquentation?
M. Couillard: Tout à l'heure, M. Chagnon a répondu
passablement à vos appréhensions. C'est sûr que nous aussi,
au niveau agricole, on souffre de main-d'oeuvre et on doit dire que nos
enfants, c'est de la main-d'oeuvre qualifiée dont on peut souvent se
servir. Actuellement l'emphase est mise beaucoup au niveau de l'union pour
essayer de promouvoir cette formation. Dans le cas de Saint-Hyacinthe, c'est un
engagement ferme que nous avons pris et, au niveau de la relève
agricole, on est impliqué passablement. L'augmentation de la formation
va certainement se faire ressentir dans notre secteur.
M. Picotte: Dans d'autres régions, parfois, lorsqu'il y a
des gens qui doivent aller à La Pocatière, très loin, des
parents doivent se priver de leur meilleure main-d'oeuvre agricole qui est le
jeune, qui est la relève. On comprend que, parfois, la formation est
reléguée au dernier plan ou, en tout cas, c'est la
dernière préoccupation. Mais chez vous, je pense que les gens
sont proches de cette formation. Ils peuvent facilement revenir à la
ferme dans un délai raisonnable pour continuer d'aider. J'imagine que
les problèmes sont beaucoup plus, comment dirais-je, au niveau des
programmes comme tels à l'intérieur et de la façon dont on
intéresse les jeunes dans ces écoles de formation.
M. Chagnon: II y a sûrement ce que vous dites, le fait
qu'on est plus près. Par contre, je dois vous dire que les programmes
tels qu'ils sont conçus sont des programmes d'études à
temps plein, dans le sens que le jeune qui veut réussir son programme
d'études ne peut pas voyager chez lui même si c'est à
proximité, même si c'est simplement pour une demi-heure ou trois
quarts d'heure de travail et faire la besogne sur la ferme. Ce qui fait que
cela se produit chez nous comme ailleurs, c'est que c'est un problème de
rentabilité agricole. L'agriculteur n'a pas financièrement les
moyens d'engager du personnel compétent pour remplacer son jeune qui est
accoutumé à la ferme et qui est fiable. Cela coûte plus
cher pour le remplacer. (16 heures)
M. Couillard: Si vous me le permettez, je voudrais ajouter ceci.
Concernant la formation au niveau agricole, ce ne sont pas des reproches qu'on
veut faire. Une amélioration a été apportée parce
que les cours ont pu avoir une suite, une continuité. On doit dire aussi
qu'il faudrait essayer de reconnaître davantage les cours suivis au
niveau agricole. Sur cela, on essaie de mettre beaucoup d'emphase parce que
n'importe où ailleurs, si on suit des cours, que ce soient des
professeurs ou autres, il y a quand même des crédits qui
s'ajoutent; il y a des choses qui se font. Actuellement, nous, au niveau
agricole, on voudrait avoir également accès à ces choses.
Il est bien sûr que cela pourra nous servir éventuellement.
L'agriculteur pourra continuer un cours à temps plein ailleurs, mais ces
crédits demeureront et il pourra continuer et avoir accès plus
facilement aux crédits.
Tout à l'heure, la relève va lire son mémoire et
vous allez vous apercevoir qu'on va insister beaucoup plus sur la formation.
Mais on voudrait que tout cela soit reconnu au niveau du ministère
également.
M. Picotte: Dans un autre ordre d'idées, nous recevions
hier l'Association des banquiers canadiens qui nous faisait quelques
recommandations dont l'une, entre autres, qui disait à peu près
ceci: Nous, les banques et les institutions bancaires, sommes prêts
à prêter et à prendre tous les prêts agricoles et
à faire affaires avec les agriculteurs dont la ferme est rentable, s'il
n'y a aucun doute sur la rentabilité de la ferme. On est même
prêts à les suivre et tout cela. L'État devrait
délaisser complètement ce champ d'action où il y a
déjà une garantie de rentabilité et laisser cela tout
simplement aux institutions privées. Par contre, l'État pourrait,
lui, s'occuper des nouvelles productions, par exemple, lorsque les agriculteurs
font l'expérimentation de nouvelles productions où il y a plus de
risques.
Parallèlement à cela, je leur ai dit: Quand on parle de
risque, j'imagine que la relève agricole qui arrive serait
considérée par les banquiers, par les institutions
prêteuses, comme du risque. À première vue, même si
je ne vous demande pas de porter un jugement qui est assis sur plusieurs
considérations, seriez-vous favorables à ce que l'État
puisse se retirer de tout le champ d'application du prêt agricole
où déjà on
considère que les fermes sont rentables. Ou si vous croyez que
l'État doit toujours être présent, peu importe la forme de
prêt?
M. Chagnon: L'État doit toujours être
présent, à notre point de vue. D'ailleurs, dans le mémoire
que nous avions présenté à la commission au début
de janvier - dont on a repris seulement les éléments principaux,
on ne l'a pas repris dans toute sa longueur -on vous donne sur plus d'une page
des raisons pour lesquelles l'État doit continuer à s'impliquer.
Pour nous, il est primordial que cela continue.
M. Picotte: L'État doit être... M. Chagnon:
Présent.
M. Picotte:... présent, même quand il n'y a pas ou
à peu près pas de risque.
M. Couillard: J'irais un peu plus loin, dans le sens que vous
avez quand même actuellement - cela se vit encore et cela s'est
vécu - des organisations agricoles en difficulté pour la simple
raison qu'elles ont voulu développer d'autres productions. Elles
étaient dans une production laitière et elles voulaient aller
dans une production céréalière. Cela veut dire qu'à
ce moment-là, chaque fois qu'on va plus loin, on nous demande, à
nous, agriculteurs, de mettre toute notre équité avant de
commencer à avoir des prêts dans toutes les nouvelles choses qu'on
veut partir. Je dirais qu'il devrait, même à ce moment-là,
y avoir des choses séparées. Lorsqu'une organisation est bien en
place, on ne devrait pas la remettre sur des bases moins solides pour essayer
de développer une autre production. On dit que l'État doit
s'impliquer au niveau des jeunes lorsqu'il est question de développer
des secteurs de production. Alors, cela devrait être des choses
différentes, même à l'intérieur d'une même
organisation. J'ai été un peu plus loin.
M. Chagnon: En plus de cela, il faudrait savoir à quel
moment ce sera la relève et quand cela va arrêter.
Présentement, il y a autant de faillites de gars de 50 ans que de la
relève. C'est bien beau de dire qu'on y croit, à la
relève; en plus de cela, si on croit à la relève, il faut
que les parents y croient, eux aussi. Souvent, quand, à 50 ans, tu veux
aider tes enfants à s'établir, si tu n'as plus de politique de
crédit agricole, si le jeune n'a pas l'âge pour l'avoir ou s'il
n'est pas prêt, c'est souvent le père qui emprunte pour ses
garçons. Si, par rapport à tout cela, tu n'as plus accès
au crédit agricole, à moins que la rentabilité de
l'agriculture ne soit bien meilleure qu'elle ne l'est maintenant, impossible
d'y croire, c'est impensable. Ce sera un catalogage.
M. Cassette (Gabriel): Ce serait difficile. En fait, tu
cataloguerais dès le départ. Si tu es dans une "gang", que ton
affaire est bonne, tu empruntes dans une banque, mais ceux qui ne sont pas bien
bons vont à l'Office du crédit agricole. Il y aurait un danger.
Il faudrait faire bien attention à ne pas cataloguer nos gars en deux
groupes. Déjà, ils vont être obligés de payer encore
plus cher, parce qu'ils ne sont pas bons, dans toutes les autres places
où ils vont devoir emprunter pour leur marge de crédit ou des
choses comme cela. Si au départ on les catalogue comme moins bons parce
que l'office est avec eux, tandis que ceux qui n'ont pas d'emprunt à
l'office, mais aux banques seraient considérés comme des gens
privilégiés, non. Notre position est très claire
là-dessus: il faut que l'Etat demeure un partenaire important dans
tout.
M. Picotte: Je suis content de vous entendre parler un peu dans
ce sens parce qu'hier - je ne sais pas si mes collègues ont eu la
même impression - en écoutant le mémoire des banquiers,
j'avais l'impression que je vivais peut-être une autre époque. Je
ne sais pas si ces gens voient l'agriculture en l'an 2000, ils sont
peut-être plus avancés que moi encore. Je préfère
rester un peu plus au niveau du sol présentement avec les
problèmes que cela comporte. Je voulais faire préciser certains
points de ce côté.
À la page 4 de votre mémoire, vous nous dites qu'il y a
eu, à la fin des années soixante-dix, une euphorie inflationniste
où, au Québec comme ailleurs, prêteurs et agriculteurs ont
manqué de prudence et ont investi sans assez tenir compte de la
rentabilité des investissements, etc. Êtes-vous en train de me
dire que les conseillers qui étaient sur le terrain ne faisaient pas
leur travail comme il faut ou n'étaient pas bons?
M. Chagnon: Ils ne voyaient pas qu'à un moment
donné...
M. Picotte: Ou ils ne voyaient pas clair.
M. Chagnon:... ces choses étaient pour se stabiliser; les
agriculteurs, non plus. On était dans un contexte où tout prenait
de la valeur rapidement et, à ce moment, on s'accoutume vite à
cela, c'est facile de dire: Cela va continuer, donc on va s'agrandir sans tenir
compte qu'à un moment donné c'était pour se stabiliser et
peut-être pour redevenir bas.
M. Picotte: Quel était le rôle des conseillers? Ils
étaient sur une vision peut-être trop emballante de la
rentabilité? J'imagine que, quand on fait le profil d'un agriculteur
dans tel genre de production et qu'on dit: II devrait arriver, normalement,
à
tant de rendement ou tant de bénéfice à la fin
d'une année, compte tenu de toutes les implications, on doit faire ce
profil avec un certain risque, avec un pourcentage de risque important.
N'était-ce pas cela qui se faisait au niveau de l'agriculture ou quoi?
La relation entre les conseillers, les professionnels et les agriculteurs
était complètement déficiente, d'après ce que je
peux comprendre.
M. Couillard: C'est peut-être que tout était beau
à ce moment et tout allait bien. Au niveau agricole, c'est qu'à
un moment donné on se fait manger sur les deux bouts. Parfois, ce qui
arrive, c'est que cette affaire a changé. Quand l'agriculteur commence
à retirer des revenus, on commence à regarder au niveau des
intrants, au niveau des prix. Cela veut dire qu'à ce moment les
productions ont augmenté pas seulement au Québec, pas seulement
au Canada, cela a augmenté aux États-Unis. Alors, les prix se
sont stabilisés. Cela veut dire qu'à partir de ce moment la
prudence était déjà attaquée.
Également, quand les prix ont été à la
hausse, vous avez vu augmenter les engrais chimiques, toute la machinerie
agricole, de sorte qu'on s'en allait par en arrière. Ils mangeaient nos
profits à mesure qu'on pouvait en avoir. A ce moment, cela nous a
mangés sur les deux côtés. On peut bien parler de prudence,
mais c'est sûr que c'est difficile de la mesurer dans une période
où tout allait bien.
Dans le mémoire, ce qu'on veut dire, c'est que chacun prend ses
responsabilités, mais on voudrait bien continuer à l'avenir et
que cette prudence ne soit pas excessive. En somme, c'est cela qu'on voulait
démontrer: que l'office doit continuer à prêter et que la
prudence qu'on demandait ne devienne pas excessive. C'est surtout cela que le
mémoire demande.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Maskinongé, une courte question et une courte réponse de votre
part.
M. Picotte: C'est cela. M. le Président, les deux minutes
qui me restent, je voudrais bien les prendre.
À la page 9, on dit: "Par contre, il ne faudrait pas voir le
crédit agricole comme un instrument privilégié de
l'État pour orienter le développement de la production agricole.
" Dans une autre commission parlementaire, j'ai essayé de savoir du
président de l'Office du crédit agricole et du ministre de
l'Agriculture du Québec s'il n'y avait pas une incitation très
forte à ce que des agriculteurs soient dirigés vers telle sorte
de production plutôt que telle autre. Est-ce qu'on les oblige, par
exemple, à produire à tel niveau? Je n'ai pas été
capable d'avoir la réponse. Est-ce que vous, vous pouvez me dire si
l'incitation est tellement forte que bien souvent l'agriculteur doit
s'embarquer dans une production sans que ce soit tout à fait à
son goût?
M. Couillard: M. le député, quand on parle de
développement, ce n'est pas par l'office. C'est ce qu'on dit. Il y a des
programmes de développement qui sont mis en place. Au niveau de l'Office
du crédit agricole, il y a des critères d'admissibilité et
ces critères doivent se continuer dans toutes les productions. Tous les
producteurs, quelle que soit la production, doivent avoir
l'accessibilité à ces crédits avec les critères qui
sont là. Quand on met des programmes de développement en place,
c'est le ministère qui met des programmes de développement et
cela ne doit pas être par l'Office du crédit agricole.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Champlain, quatre minutes.
M. Gagnon: Merci, M. le Président. D'abord je voudrais
saluer particulièrement les gens de Saint-Hyacinthe. Tantôt vous
avez parlé de votre région, et moi je suis
particulièrement fier aujourd'hui de venir rencontrer entre autres l'UPA
et les agriculteurs de ce coin-ci parce que c'est aussi ma région. Cela
fait 25 ans que je suis rendu en Mauricie et j'ai travaillé passablement
fort. À l'UPA aussi, on a eu l'occasion de se rencontrer.
M. Couillard: J'espère, M. Gagnon, que vous ne faites pas
de différence entre l'UPA et les agriculteurs, parce qu'on est
également des agriculteurs.
M. Gagnon: Voilà, et je suis d'accord. Si je me suis mal
exprimé, vous faites bien de me reprendre.
Tantôt mon collègue d'Arthabaska - et cela a
été repris par le député de Maskinongé - a
parlé, si j'ai bien compris, de donner plus de possibilités aux
caisses, aux banques et aux institutions financières locales
d'administrer des prêts. Vous mentionnez que c'est important d'avoir le
choix de l'officier. Vous me direz si j'ai raison ou pas, j'ai l'impression que
l'un des problèmes qui existent c'est qu'il n'y a pas de concurrence.
Alors, si je suis agriculteur, que je veux faire un prêt agricole et
m'acheter une ferme, si cela s'adonne que pour une raison ou pour une autre
l'officier qui doit s'occuper de mon cas ne convient pas, soit qu'il y ait une
certaine antipathie ou qu'il y ait quelque chose qui n'aille pas, je n'ai pas
grand choix actuellement, il n'y a pas de concurrence. Je pense que c'est dans
ce sens que vous dites qu'on devrait avoir le choix de l'officier. J'ai eu
l'impression que c'est à peu près le problème que vous
cernez.
L'une des suggestions qu'on a déjè faite et que mon
collègue d'Arthabaska a mentionnée tantôt, c'est que quant
à décentraliser les prêts comme on l'a fait... Maintenant,
le prêt, après acceptation par l'Office du crédit agricole,
est consenti par la banque ou la caisse ou l'institution prêteuse. Je
crois que ces gens qui connaissent bien le milieu devraient avoir plus de
pouvoirs, ce qui donnerait automatiquement le choix de l'officier. C'est un peu
le sens de ma question. Plutôt que de faire accepter automatiquement le
prêt par l'Office du crédit agricole et, après, permettre
à une caisse ou à une banque de consentir le prêt, ne
pourrait-on pas décentraliser assez pour permettre à la caisse,
à la banque ou à l'institution prêteuse locale d'accepter
le prêt, quitte à ce que par la suite il y ait une autre
acceptation au niveau de l'Office du crédit agricole? Cela permettrait
de mettre de la concurrence. Je veux en venir à ceci. Par exemple,
à la caisse populaire de tel endroit je ne fais pas affaires là
pour différentes raisons, j'aime mieux faire affaires à une autre
caisse populaire. J'aurais alors automatiquement le choix de l'officier et
j'aurais de la concurrence. Je pourrais me servir de la concurrence pour
obtenir un meilleur service.
Juste un autre point aussi, parce que je sais que je n'ai pas beaucoup
de temps. Je suis très heureux de voir votre mémoire, parce qu'il
y a des choses qu'on discutait lorsque j'étais à l'UPA et que
l'on retrouve ici encore - ce qui veut dire qu'on n'a pas encore
réglé tous les problèmes, c'est bien certain. Vous parlez
d'une commission d'appel. Je pense que cela doit faire l'unanimité dans
presque tous les mémoires qu'on a reçus, où les gens
demandent une commission d'appel. À mon point de vue, il faut tenir
fortement à cette demande parce que effectivement vous avez raison;
cette commission d'appel, étant composée de personnes
indépendantes des personnes qui ont déjà jugé le
dossier la première fois, donnerait certainement une plus grande
satisfaction.
Sur cela aussi j'aimerais vous entendre davantage, j'ai
écouté avec beaucoup de satisfaction lorsque vous avez
mentionné la possibilité de changer les prêts, dans le sens
de prêter à meilleur taux aux débutants, en allant
progressivement vers un taux que vous plafonnez à 10%. Je veux savoir si
vous avez fait une étude, parce que cette suggestion je la trouve
extraordinaire. Avez-vous fait une étude et est-ce que les 3% et les 10%
-c'est à peu près une échelle de grandeur que vous donnez
- ce sont des choses qui pourraient se discuter?
M. Chagnon: D'abord, on ne demande pas que les prêts se
rendent à 10%.
M. Gagnon: Non, d'accord, avec un plafond.
M. Chagnon: On les plafonne à 10%. M. Gagnon:
Voilà!
M. Chagnon: On voudrait qu'ils restent à la
rentabilité de l'agriculture, au moins.
M. Gagnon: D'accord.
M. Chagnon: Maintenant, je n'ai pas très bien saisi le
sens de votre question, si on a fait une étude de...
M. Gagnon: Vous mentionnez des chiffres, vous parlez de 3% avec
une majoration de 0, 5% par année jusqu'à un plafond de 10%. Je
voulais savoir - à un moment donné, mon collègue
d'Arthabaska a dit: Moi, j'irais même plus loin, je dirais que cela
devrait être sans intérêt les premières années
- si ces chiffres ont fait l'objet d'études chez vous et si cela vient
de ces études, les chiffres que vous mentionnez. (16 h 15)
M. Raymond: On a regardé cela. Je pense que ce qu'on veut
mettre en évidence... Commencer à zéro, il faut être
réaliste! Si on remet de l'argent facilement à des jeunes et
qu'on monte trop vite, on est mieux de commencer à un certain niveau et
monter très graduellement. Même au bout de 10 ans... Il y avait
autrefois le prêt de 50 000 $, après 5 ans, qui tombait, cela
faisait 5000 $ d'intérêt dans un an, et il n'y a personne qui va
arriver là-dedans. On dit que partir à zéro et remonter,
cela va prendre trop de temps. C'est pour cela qu'on veut être
réaliste pour dire: Tu as de quoi à payer et tu vas en avoir un
petit peu plus tous les ans. C'est dans ce sens-là, je pense, qu'on l'a
regardé avec des calculs.
M. Gagnon: La décentralisation..
Le Président (M. Dupré): Le temps est
expiré. Je vous remercie.
M. Couillard: M. le Président, si vous permettiez. Il
avait posé une première question. Vous êtes à
Saint-Hyacinthe, vous allez nous permettre peut-être d'allonger d'une
petite minute. Je voudrais quand même répondre au niveau des
conseillers. Cela à l'air de vous inquiéter passablement.
Premièrement, si vous vous en allez avec des institutions
prêteuses, les critères vont changer complètement d'une
institution à l'autre. Vous ne pourrez garder des critères et un
niveau qui soient uniformes à l'intérieur de cela. C'est pourquoi
on vous dit qu'on devrait avoir des conseillers et les meilleurs.
La deuxième chose c'est que la
compétition et la compétence sont deux choses
différentes pour moi. Les gars, ils sont compétents ou ils ne le
sont pas. Il faut prendre une décision. Ce n'est pas parce qu'il y a de
la compétition que vous allez avoir de la compétence. Ce qu'on
voudrait avoir, ce sont des gars compétents. S'il faut leur faire suivre
des cours, faites leur suivre des cours. On veut avoir des gars
compétents.
La deuxième chose dont vous avez l'air tellement en faveur
concernant les institutions prêteuses, c'est qu'il y a quand même
un autre niveau. Il y a le niveau des parents qui se retirent et qui peuvent
laisser l'argent là. On dirait que vous mettiez moins d'emphase dans vos
questions. Je ne sais pas si c'est parce que vous avez oublié. Moi, je
reviens sur ce point-là un petit peu, M. Gagnon, permettez-moi.
M. Gagnon: Je m'excuse. Je serais justement revenu
là-dessus si le président ne m'avait pas coupé la parole;
c'était mon autre question.
M. Couillard: Pour nous, on dit que c'est extrêmement
important ce niveau-là. Il y aurait peut-être un autre petit
niveau, M. le Président, sur lequel je voudrais attirer l'attention de
la commission. Le petit niveau c'est qu'on a parlé
énormément des taux d'intérêt. Â l'heure
actuelle, la période qu'on vit, on est toujours, dans certaines
productions, au niveau de la stabilisation. Ce n'est une cachette pour
personne, cela se trouve à être un instrument qui est en place
à peu près une fois tous les cinq ans pour niveler, pour ne pas
aller trop bas. On est à peu près toujours sur la
stabilisation.
Alors, quand on établit un coût de production au niveau de
la stabilisation, il faudrait quand même que vous sachiez que ce qui
rentre dans le coût de production c'est seulement l'intérêt
payé. L'équité, il n'y a rien de
rémunéré dans le coût de production, dans
l'assurance-stabilisation. C'est simplement l'intérêt payé.
Si l'intérêt est à 5%, c'est ce 5% suivant les
critères de cette production-là. Les gars peuvent être
à 40% ou 50% d'équité. Alors, il y a 50% de cet
argent-là qu'on doit et cet argent représente le prêt,
l'intérêt qui est payé, qui entre. C'est calculé
comme cela. Mettez-le à 2%, ça va être 2% qui va entrer.
Mettez-le à 0%, ça va être 0% qui va entrer mais ça
ne donnera jamais un cent à l'agriculteur si on reste toujours sur la
stabilisation, quand même vous mettriez le meilleur crédit. C'est
pour cela qu'on dit qu'il faut absolument avoir des prix parce que sans cela,
si on reste toujours sur l'assurance-stabilisation, il n'y a rien, personne ne
s'enrichit, c'est juste une affaire de pauvreté. En même temps,
quand on reste toujours sur la stabilisation, il ne faudrait pas vous
inquiéter. Plus vous allez mettre le taux d'intérêt bas,
mieux le consommateur va pouvoir vivre parce que l'autre gars qui ne doit pas,
lui aussi il est obligé d'investir. Son argent ne rapporte pas plus que
ce qui est marqué là.
C'est une chose que je voulais noter en passant. Il faudrait que vous en
preniez bonne note. C'est pour cela qu'on axe beaucoup notre mémoire sur
les coûts de production. C'est là réellement qu'on va
trouver une rentabilité.
Le Président (M. Dupré): Merci, M. Couillard,
merci, M. Chagnon, ainsi que tout votre groupe de l'UPA de Saint-Hyacinthe.
Maintenant, nous devons suspendre quelques minutes à cause de
difficultés techniques. N'ajustez pas votre appareil, on vous revient
très bientôt.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 28)
Syndicat des professeurs de l'État du
Québec (ITAA)
Le Président (M. Dupré): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre le Syndicat
des professeurs de l'État du Québec. Je demanderais à
monsieur de s'identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent.
M. Perron (Marcel): Mon nom est Marcel Perron. Je tiens, avant de
commencer, à excuser notre président, qui est M. Luc Perron; il
est retenu à Québec dans le cadre de la coalition. J'aimerais
vous présenter les collègues qui sont avec moi. Il y a Daniel
Hamel, complètement à ma droite, et Jacques Brodeur.
Le Président (M. Dupré): Merci. Comme je l'ai dit
tantôt, vous disposez d'une heure. Pour le reste du temps, il est
séparé entre les deux formations politiques pour les questions.
Allez-y.
M. Perron (Marcel): J'aimerais, M. le Président, vous dire
que nous sommes fiers de nous présenter devant cette commission. Vous
entendrez par la voix de mes collègues un mémoire portant sur la
formation de la relève agricole. Nous voulons vous dire que nous sommes
convaincus que la formation en institution est une façon parmi tant
d'autres de contribuer au développement de l'agriculture. Sans plus
tarder, je cède la parole à Jacques et Daniel.
M. Brodeur (Jacques): M. le Président de la commission, M.
le député de Saint-
Hyacinthe qui nous a accueillis et MM. les députés membres
de cette commission solennelle, on doit tout de suite vous dire, dès le
début, que notre sujet n'a, en apparence, strictement rien d'original,
parce qu'il porte sur ce qu'on pourrait appeler et ce qu'on appelle un peu
partout depuis dix ans la formation de la relève agricole. On va donc
parler de ce mot qui semble très théorique ou du moins beaucoup
plus que les mots qui ont été utilisés
précédemment quand on parlait de financement, de fiscalité
ou d'endettement.
Nous souhaitons que cela puisse vous reposer un peu de tous ces chiffres
qui ont défilé dans vos cerveaux depuis un bon bout de temps. Si
cela peut vous encourager, nous vous apportons une solution. Vous la verrez se
formuler au fur et à mesure qu'on va avancer, nous espérons. Nous
allons vous dire ce qu'on a à dire un peu volontairement à
bâtons rompus. Si jamais vous êtes complètement perdus, vous
pourrez référer au texte que vous devez avoir reçu. Ce
n'est pas à tous les jours qu'on rencontre une commission si proche et
chez nous; on se donne le droit de glisser dans les détours.
Nous allons donc parler de formation agricole. Je ne dis pas grand-chose
quand j'affirme que personne ne met en doute la nécessité de la
formation en agriculture. Par contre, ce terme, formation agricole, formation
de la relève, est source de tellement d'ambiguïtés que les
professeurs de l'ITAA, membres du syndicat local, se sont penchés sur ce
mot pour essayer de relancer le débat avec des bases encore plus
profondes. Nous avons même osé dire que, oui, la formation
agricole est rentable. On a tellement dit qu'il était plus avantageux
-et, surtout, les Américains l'ont prouvé, donc, pour beaucoup,
cela doit être vrai -d'agrandir les connaissances dans la tête d'un
producteur que d'agrandir son champ. Évidemment, la formation est
rentable mais nous disons avec un certain humour: Elle est d'abord rentable
pour les formateurs. Nous avons cela à la page 2, quand nous disons: II
est important pour nous d'affirmer cette réalité avant d'aborder
les aspects altruistes de notre engagement comme formateurs. Nous sommes
conscients d'être un peu juge et partie quand nous réclamons
d'avoir des solutions intéressantes en termes de formation.
Pourtant, ce mot "formation" est un concept infiniment vague. On en a
parlé presque dans tous les mémoires que nous avons lus et que
nous avons entendus. C'est un concept très vague par rapport à
ceux qui la donnent, parents, agriculteurs, par exemple. Les organismes
agricoles, les établissements d'enseignement, les institutions
financières ou commerciales réfèrent toujours au concept
de formation pour promouvoir quelque chose, leur expérience, leur
expertise ou leurs suggestions. Pourtant, c'est au nom du même concept de
formation que, souvent, ces promoteurs de formation se contredisent, quand ils
ne se torpillent pas mutuellement. Qu'on pense au vocabulaire utilisé
chez tous les agents de formation; les uns, au nom de la pratique, condamnent
la théorie, d'autres, au nom de la théorie, condamnent la
pratique, pour d'autres, la formation, cela veut dire, simplement, gestion et,
à ce moment là, la gestion écrase la technique.
Évidemment, le financier risque d'occulter tout ce qui est humain. En
fin de compte, on peut arriver à une situation aussi bizarre qu'on va
être en mesure de sauver l'agriculture mais on va perdre, peu de chose,
l'agriculteur.
Quand nous nous parlons de formation, nous voulons parler de quelque
chose de beaucoup plus vaste que la capacité de faire pousser un champ
ou même de rendre rentable une entreprise. Avant d'entrer dans ce qu'on
veut dire, je continuerais à dire que le mot "formation" est aussi
très ambigu par rapport à la clientèle visée. Quand
on se demande quel schéma de formation offrir, on pense aux adultes, aux
jeunes adultes, à la relève, aux plus jeunes, à la
relève récemment établie, aux jeunes couples, à
ceux qui commencent, à ceux qui achèvent, et ainsi de suite.
Toutes ces étiquettes qui représentent des groupes d'hommes et de
femmes à qui s'adresse la formation peuvent nous faire perdre de vue que
ces regroupements de clientèles fabriqués par les formateurs
desservent beaucoup plus l'organisation de la formation que les gens à
qui elle s'adresse.
On pourrait parler ainsi longtemps pour montrer que, à la limite,
le mot "formation" finit par recouper des notions qui ne signifient plus
grand-chose. Il faudrait renouveler ce qu'on entend par ce terme. Une chose est
sûre, c'est qu'il commence depuis dix ans, au Québec, à se
dégager l'idée que la formation doit être faite non pas
d'abord pour les formateurs, mais pour ceux è qui elle s'adresse.
C'est peut-être pour ça que depuis un certain nombre
d'années on a vu s'établir un paquet d'expériences
nouvelles chapeautées par le titre d'expérience de formation.
Qu'on pense, par exemple, à des initiatives qui ont été
faites en région par différents organismes. Qu'on pense à
des promotions organisées par des institutions d'enseignement. Qu'on
pense à des ateliers qui ont été mis sur pied- Je pense,
par exemple, à un atelier majeur, les femmes en agriculture, et ainsi de
suite.
Je pense qu'il y a eu, depuis dix ans, au Québec, un effort assez
considérable pour rejoindre les gens qui sont en phase de formation.
Pourtant, il y a une apparente contradiction qui ressort de notre analyse.
Comment se fait-il qu'avec autant de
formats de formation si peu de gens soient formés? Comme on
disait tout à l'heure, comment se fait-il qu'en moyenne pas plus de 15%
des futurs producteurs québécois ou de ceux qui oeuvrent en
agriculture aient ce qu'on appelle, nous, une formation agricole?
D'après notre analyse - c'est celle-ci que nous vous proposons -
la réponse à cette question réside dans le fait qu'il
manque une concertation entre les différents agents de formation. Cela,
nous ne sommes pas seuls à le dire. Cela fait vingt ans que l'UPA le
dit. Cela fait au moins - moi, je travaille en agriculture depuis seulement
huit ans - huit ans que j'entends dire qu'il manque de concertation, qu'il
faudrait quelque chose pour la concertation.
C'est dans cette situation, dans cette problématique que les
professeurs de l'Institut de technologie, membres du syndicat, ont
décidé de proposer un service qu'ils se sentent presque
habilités à mettre sur pied, pas tous seuls, bien sûr.
Ce service, je le résume avec une phrase très lapidaire,
très sèche en apparence. L'ITAA de Saint-Hyacinthe, pour un
paquet de raisons qu'on va expliquer, pourquoi ne deviendrait-il pas un centre
permanent de concertation et de ressources, en regard de tous les formats de
formation qui, actuellement, sont en pleine vigueur au Québec? Pourquoi
avoir cette prétention et offrir ce service, parce que c'est en offrant
un service que nous nous présentons, cet après-midi? C'est Daniel
qui va faire un peu l'explication.
M. Hamel (Daniel): Pourquoi un centre de concertation? Un centre,
parce qu'on sait très bien que, si on veut que quelque chose se fasse,
il faut qu'il y ait un responsable. S'il y a 30 personnes qui ont une
tâche à accomplir et qu'on ne donne à personne le mandat de
la remplir, il y a très peu de chances que le travail en question soit
effectué correctement. Alors qu'on sait très bien que, si on
affecte une personne à une tâche précise et concise,
à ce moment, on met beaucoup de chances de notre côté
-surtout si on lui en donne les ressources -d'obtenir le résultat
souhaité.
Pourquoi l'ITAA de Saint-Hyacinthe? Plusieurs raisons justifient ce
choix. Il y a des raisons d'ordre historique, d'ordre technique,
économique, pédagogique et humaine.
Les raisons historiques se composent, dans un premier temps, d'une
reconnaissance de la part des agriculteurs. Les agriculteurs et d'autres
intervenants dans le milieu considèrent, avec raison, l'ITAA de
Saint-Hyacinthe comme un centre de formation privilégié. À
preuve de cet énoncé, M. Vigneault annonçait dans la
Presse, en octobre 1984, qu'il reconnaissait l'effort de formation de la classe
agricole fait à l'institution de Saint-Hyacinthe.
On peut constater, en plus de ça, que, malgré la tendance
à la baisse des inscriptions au niveau collégial dans les
différents collèges qui donnent la formation en gestion et
exploitation de l'entreprise agricole, l'ITAA de Saint-Hyacinthe a
été le seul en 1984-1985 à maintenir son nombre
d'étudiants inscrits. De plus, l'ITAA est spécialisé dans
la formation agro-alimentaire. C'est la seule maison d'institution au
Québec à offrir des diplômes de niveau collégial en
formation agro-alimentaire. Elle comporte plusieurs spécialistes: des
spécialistes en génétique, des spécialistes en
production animale, des spécialistes en production alimentaire. Elle
offre, de plus, des programmes de niveau collégial en agriculture. On
peut compter parmi ceux-là la gestion et l'exploitation d'entreprises
agricoles.
À l'ITAA de Saint-Hyacinthe, on est les seuls dans la province
à pouvoir offrir les quatre profils contenus dans ce programme, dû
au fait qu'on a une clientèle suffisante pour justifier ces quatre
profils. Quand on parle de profils, on parle finalement de production animale
laitière, de production de viande bovine et oeufs, de cultures
commerciales et de production de légumes et de fruits.
En plus de ce programme de gestion et d'exploitation d'entreprises
agricoles qui se destine particulièrement aux futurs exploitants, il y a
toute une panoplie de programmes en technologie agricole et alimentaire. De
plus, l'ITAA offre un large éventail de cours aux adultes, et on
pourrait éventuellement en offrir plus. De 1964 à 1984, il y a
plus de 8000 personnes qui ont suivi des cours en éducation aux adultes.
La dernière raison concernant l'aspect historique, c'est que l'ITAA a
plus de 20 ans d'histoire, ce qui veut dire qu'il a grandi avec l'agriculture
du Québec.
Les raisons techniques qui justifient notre voeu, notre intention, notre
volonté, c'est qu'à l'ITAA, on possède déjà,
comme vous avez pu le constater ce matin lors de votre visite, une
infrastructure en place. L'ITAA est le centre de formation agricole le plus
important au niveau infra-universîtaire. Diverses études dans le
passé ont montré que c'était le niveau collégial
qui répondait le mieux aux besoins de formation des futurs exploitants
de ferme. L'ITAA dispose d'une équipe multidisciplinaire
compétente et complémentaire qui a actuellement plus de 70
professeurs qui ont des compétences reconnues dans des secteurs divers.
C'est-à-dire que nous pouvons offrir aux candidats qui s'inscrivent
à l'ITAA de bénéficier de plusieurs spécialistes
dans leur formation.
L'éventail des programmes disponibles assure la diversification
et la spécialisation,
des programmes en technologie et des programmes en gestion
d'exploitation d'entreprises agricoles. On sait pertinemment que l'emploi est
même très bon dans ces secteurs pour les candidats qui terminent
leurs études. Plus de 90% des finissants se trouvent un emploi dans
l'année qui suit, pour ce qui est des exploitants de ferme. II reste
à savoir si, pour un exploitant de ferme, être six mois à
se chercher un travail stable, on peut appeler cela nécessairement du
chômage.
Une autre raison technique qui avantage l'ITAA de Saint-Hyacinthe, c'est
sa relation constante avec le MAPAQ, car il relève directement du MAPAQ,
ce qui veut dire qu'on peut mener des actions concertées en relation
avec des politiques établies par le ministère. Des raisons
économiques appuient notre volonté. Le personnel de l'ITAA
appartient à l'équipe du MAPAQ. Il bénéficie donc
des programmes de perfectionnement offerts dans le cadre du ministère de
l'Agriculture. Une autre raison économique, c'est que cela nous permet
de maximiser l'efficacité des ressources du MAPAQ en utilisant tout le
potentiel des formateurs déjà en place. On pense qu'il est
préférable de concentrer l'expérimentation pour maximiser
l'efficacité des ressources. En effet, l'équipe est en mesure de
produire du matériel et de former du personnel qualifié et en
mesure, éventuellement, de se servir de ce matériel. On pense,
avec raison, que cinq personnes bien utilisées à l'ITAA de
Saint-Hyacinthe dans la formation de programmes et dans
l'expérimentation seraient plus utiles que huit personnes
dispersées un peu partout. Une autre raison économique, c'est que
de concentrer ou de décerner le centre de concertation à l'ITAA,
ça permettrait à l'agriculture québécoise de
bénéficier de l'expertise de cette formation. En fait, c'est de
former un noyau.
Des raisons géographiques. Il est inutile d'insister sur les
conditions privilégiées par rapport au climat qui permettent
toutes les productions à Saint-Hyacinthe. Elle est au coeur d'une
région agricole importante où se font les principales
productions, pour ne pas dire toutes celles qui sont faites au Québec,
au moins en espèces. De plus, la clientèle étudiante
provient de toutes les régions du Québec, ce qui veut dire que,
à ce jour, l'institution est reconnue au Québec pour la
qualité de l'enseignement déjà offert. (16 h 45)
Les raisons pédagogiques - et ce ne sont pas les moindres;
à notre avis, ce sont les raisons parmi les plus importantes - c'est
qu'actuellement, au Québec, on ne dispose pas de centre de recherche et
de production de matériel didactique en agriculture. À l'ITAA de
Saint-Hyacinthe, on dispose d'une équipe de professionnels
multidisciplinaires avec expérience et formation pédagogique.
Divers cégeps ont déjà fait appel à nous
pour utiliser nos ressources en termes de conseil pédagogique et, dans
certains cas, ont demandé à l'équipe de professeurs
d'exprimer ou de partager avec eux l'expérience déjà
acquise depuis dix ans. En quelques occasions, on a été dans
l'impossibilité de répondre à cette demande et ce n'est
pas quelque chose qu'on apprécie. Effectivement, on aimerait beaucoup
mieux collaborer et pouvoir offrir ce support technique et
pédagogique.
De plus, on se caractérise à l'ITAA avec une
clientèle strictement de futurs agriculteurs ou de personnes
impliquées dans l'agro-alimentaire. Ce qui fait que notre principal et
unique préoccupation ce sont des gens liés au secteur agricole.
C'est très différent d'autres maisons où l'on n'attribue
pas suffisamment ou nécessairement tout l'intérêt que l'on
devrait à la clientèle agricole.
Nous avons plus de dix ans en formation agricole. On a été
parmi les premiers ou les premières institutions à offrir la
formation collégiale et cela, à la suite de demandes
répétées de l'UPA et d'autres intervenants. Cette
expérience nous a permis d'offrir une large contribution au programme de
gestion et d'exploitation d'entreprises agricoles qui vise à assurer le
développement intégral de la personne. Le programme de gestion et
d'exploitation d'entreprises agricoles a comme particularité
d'intégrer les stages à différents moments de la formation
des futurs exploitants, ce qui fait que nous avons pu assumer le leadership
dans le développement du programme de gestion et d'exploitation
d'entreprises agricoles et des stages. Ce programme est maintenant
adopté par l'ensemble des cégeps qui desservent la formation
agricole au niveau collégial. Il n'y avait effectivement qu'à
l'ITAA de Saint-Hyacinthe qu'on disposait des ressources suffisantes pour
bâtir ce programme et du temps d'expérimentation de l'ancien
programme pour permettre de proposer des changements.
Nous sommes en contact constant avec l'UPA, les agriculteurs, les
syndicats de gestion, les entreprises du milieu et les universités. Nous
avons participé à la formation d'agriculteurs, participé
à des recherches avec des syndicats de gestion. On a collaboré
à des recherches universitaires et autres, ce qui nous a permis en fait
de voir ou de vérifier l'intérêt d'utiliser et
d'expérimenter des approches pédagogiques innovatrices.
Différents programmes ont été produits à
l'ITAA de Saint-Hyacinthe, dont le programme des femmes en agriculture, la
production ovine. Un projet est éventuellement à être
expérimenté, c'est le CEC et l'AEC: le certificat d'enseignement
collégial et l'attestation des études
collégiales. Cette formation sur mesure pour les adultes
offrirait un profil de formation qui s'adapterait à la
réalité d'un projet de formation personnelle. C'est en fait pour
donner réponse à une des interventions de l'UPA de tout à
l'heure, c'est une mesure ou un format qui pourrait très bien
répondre à ces besoins d'adaptation d'un programme concernant
l'horaire des étudiants, par exemple.
L'ITAA de Saint-Hyacinthe est un des dix centres de formation agricole
collégiale. À lui seul, il forme près de 25% de la
clientèle inscrite au programme de gestion et d'exploitation
d'entreprises agricoles. Diverses préoccupations d'ordre
pédagogique nous sont courantes. Actuellement, nous avons produit des
vidéos pour un cours de réalités agricoles du
Québec. Nous avons produit cet automne onze vidéos qui
s'inscrivent dans une méthode pédagogique de matériel
didactique offert dans le cadre d'un cours de réalités agricoles
du Québec. Cette production vidéo serait disponible à
d'autres maisons d'enseignement avec un encadrement suffisant. Les stages comme
tels ont été expérimentés chez nous et
répartis à travers toute la formation de nos étudiants.
Ainsi pour expliquer sommairement de quoi il retourne dans les stages, c'est
que comme plusieurs agriculteurs et d'autres intervenants nous avaient
déjà fait mention qu'ils manquaient de pratique à
l'intérieur de leur formation, on s'est dit que les stages seraient le
milieu ou le laboratoire privilégié pour la formation de nos
futurs exploitants. Les stages ont été répartis à
travers les sessions. C'est ainsi que l'on retrouve nos étudiants
continuellement en stage au travers de leur profil de formation. Des stages qui
se font sur des entreprises différentes avec des tâches
très précises à accomplir. En fait, le programme de
gestion et d'exploitation de l'entreprise agricole vise à
développer de futurs gestionnaires d'entreprises.
Un autre type de préoccupations. Nous sommes, actuellement,
à produire une étude pilote, en vérifiant le niveau
d'anxiété des jeunes face aux problèmes de
l'établissement. Mon collègue, Jacques, dans un cours de
philosophie, a vérifié auprès des étudiants leurs
préoccupations. Il a décelé chez les étudiants un
problème qui n'avait jamais été exprimé ouvertement
auparavant par rapport au niveau d'anxiété que les jeunes futurs
exploitants éprouvent devant la dimension de la tâche qui les
attend, l'immense responsabilité au niveau financier et les
répercussions que ces engagements auront sur leurs activités
futures.
C'est en raison de ces différentes raisons historiques,
techniques, économiques et pédagogiques et en raison des
relations privilégiées de l'ITAA avec les agriculteurs, l'UPA, le
MAPAQ, la relève agricole, le réseau collégial, les
universités, parce que sa préoccupation primaire est le
développement de l'agro-alimentaire du Québec, parce qu'il est un
centre de ressources au niveau provincial, que les professeurs membres du SPEQ
recommandent que l'ITAA devienne le centre permanent de concertation et de
ressources entre les intervenants de la formation agro-alimentaire du
Québec.
Pour essayer de déterminer un peu ce à quoi pourrait
répondre ce centre permanent de concertation des ressources, nous lui
avons attribué quelques fonctions, qui ne sont certainement pas les
seules qui pourraient être remplies.
Mais dans une première esquisse, nous vous proposons les
fonctions suivantes. Ce centre de concertation et de ressources aurait comme
fonction de développer un réseau d'interaction entre les
intervenants du milieu: MAPAQ, agriculteurs, collèges, UPA,
relève agricole, syndicats de gestion, ministère de
l'Éducation et autres. Cet objectif, c'est pour finalement rendre
quelqu'un responsable de la concertation. À peu près tout le
monde dit: II manque de concertation; personne ne dit: On va faire de la
concertation; parce que cela ne se fait pas spontanément, ce n'est pas
de la génération spontanée, ce machin-là, ce
lien-là. C'est un lien organique qui ne naît pas comme cela, de
façon spontanée. "
Une deuxième fonction. Cela consiste à collaborer à
la recherche, au développement et à l'expérimentation de
formats, de méthodes et d'approches adaptés à chacune des
clientèles, réguliers et adultes. Quand on pense à la
formation de la relève agricole, on pense à la formation en
institution pour ceux pour qui c'est disponible de prendre un temps dans leur
vie pour se donner une bonne formation; on pense aussi à ceux pour qui
les occupations journalières ne leur permettent pas de s'absenter pour
une période prolongée. À ce moment-là, on dit: II y
a sûrement des méthodes ou des formats qui leur permettraient
d'obtenir une formation qui serait reconnue et qui s'intégrerait dans un
profil reconnu; cela leur permettrait d'obtenir, à la fin, la
compétence désirée.
Troisième fonction. C'est de fournir des ressources
pédagogiques pour les formateurs agricoles. Puisque nous disposons
déjà d'un personnel qualifié sur place, que nous avons
déjà une expertise dans la formation, que nous avons
déjà mené à bien plusieurs expériences, il
nous semble intéressant d'être priviligiés pour fournir des
ressources pédagogiques à d'autres niveaux ou à d'autres
intervenants qui pourraient bénéficier de notre expertise.
Si on n'avait qu'une chose à retenir de ce mémoire, c'est
que l'impact de ce centre permanent de concertation réside dans son
rayonnement provincial, dans son expertise pédagogique et dans ses
contacts avec le
milieu. Merci.
Le Président (M. Dupré): Merci, M. Hamel. Je
passerai la parole au député de Richmond.
M. Vallières: Merci, M. le Président. D'abord, je
veux féliciter ceux qui ont présenté le mémoire et,
en même temps, saluer de façon particulière la
présence de M. Daniel Hamel, qui est un Danvillois, quelqu'un qui vient
du village de chez nous; cela me fait toujours plaisir de rencontrer des gens
de notre milieu qui, à un moment donné, ont percé dans
leur domaine.
Je voudrais faire d'abord des remarques plutôt
générales sur votre proposition comme telle, qui est assez
originale dans sa forme. Je dois vous dire que cela peut justifier même
le fait que des commissions comme la nôtre se déplacent vers le
milieu, afin de trouver de temps à autre des formules qui peuvent
présenter une certaine originalité. De prime abord, à tout
le moins, la formule que vous nous présentez me semble être d'un
intérêt certain. Nous avons eu l'occasion depuis que nous sommes
en tournée, et même avant à la commission, de nous rendre
compte que, de plus en plus, il est question de formation dans le domaine
agricole, que l'on considère cela comme étant un facteur
économique important, un facteur de rentabilité important. Vous
venez, aujourd'hui, d'une certaine façon, proposer une solution à
certains problèmes qui ont été soulevés par divers
organismes, par divers intervenants, dans le milieu agricole, concernant la
formation du futur agriculteur. J'aurai évidemment des questions
à vous poser sur votre projet, mais également sur le
fonctionnement et la vie à l'ITAA présentement, au moment
où on se parle.
Tout d'abord, concernant les fonctions que vous aimeriez voir remplir
à ce centre permanent de concertation, il y en a une en particulier que
je retiens, parce que plusieurs intervenants nous ont souligné le
problème des ressources pédagogiques, dans ce domaine. Je
voudrais vous ramener en particulier aux écoles secondaires où il
y a des cours qui se donnent à des gens qui se préparent à
prendre la relève en agriculture. On s'est fait dire des choses
surprenantes au cours de nos auditions sur, entre autres, la faiblesse des
moyens mis à la disposition des enseignants pour dispenser un
enseignement vraiment conforme à la réalité. On nous a
même dit, à un moment donné, que dans des cours pratiques
qui sont offerts aux jeunes producteurs, ont leur demandait de traire une vache
en plastique. On nous indiquait que c'était ce genre de
procédé qui peut même inciter l'élève
à décrocher, à s'en aller chez lui et à dire: C'est
ridicule, les cours que je suis, je n'ai pas besoin de cela; l'étable
est pleine de vaches, chez nous, je sais comment les traire. Je ne commencerai
pas à traire une vache en plastique devant les élèves de
la classe. C'est donc dire que c'est un point très important, à
mon avis, que vous soulevez là, à savoir mettre à la
disposition de nos formateurs des moyens didactiques qui répondent
vraiment à un besoin. La question que j'aurais à vous poser
là-dessus concerne le personnel qui oeuvre dans nos écoles
secondaires présentement. Est-ce que, selon vous - vous connaissez le
système qui fait en sorte qu'on attribue des tâches à
certains enseignants qui sont, parfois, plus ou moins préparés
à dispenser un enseignement dans un secteur donné - selon la
connaissance que vous avez du milieu, les professeurs qui dispensent ces cours
de formation agricole, actuellement, dans les écoles secondaires, sont
bien préparés pour le faire?
M. Brodeur: M. le Président, vous posez une question
guillotine, dans le sens que, pour celui que je connais, je réponds oui;
j'en connais un qui est excellent et qui est bien préparé; quant
aux autres, je ne peux pas me prononcer. Je peux me prononcer en disant qu'il
manque vraiment de concertation dans ce groupe de professeurs qu'on rencontre
au colloque peut-être à tous les trois ans et qui nous parlent de
leurs problèmes, mais on est tellement pris dans nos recherches
actuelles qu'on les rencontre très peu et on ne peut pas dire s'ils sont
bien préparés. Si on portait un jugement, on est presque
sûr qu'ils ont besoin d'aide; nous-mêmes, nous nous
débattons pour en trouver pour nous. J'ai l'impression que nos
collègues du niveau secondaire doivent tirer le diable par la queue - ou
la vache - et je comprends les vaches de plastique, dans ce contexte.
M. Hamel: Pour ma part et pour aller dans le même sens que
Jacques Brodeur, M. le Président, après avoir passé deux
années d'enseignement au niveau collégial, ce que j'ai
constaté en tout cas de plus évident, c'est la volonté de
ces personnes de former de futurs agriculteurs ou de futurs ouvriers agricoles,
c'est la bonne volonté de ces gens-là. En tout cas, c'est assez
étonnant qu'avec si peu de chose, ils réussissent à faire
ce qu'ils font. À savoir maintenant s'ils sont bien
préparés, je vais dans le même sens que mon
confrère, je suis dans l'incapacité de porter un jugement
général sur l'ensemble. (17 heures)
M. Vallières: II y a une chose que je retiens, c'est le
faible taux de participation du futur exploitant qui s'adresse à l'ITAA
ou à d'autres institutions de votre genre. Compte tenu que ces gens qui
s'adressent à vous doivent d'abord faire un stage au secondaire, je me
demande si ce faible intérêt qui existe à l'endroit d'une
formation adéquate en milieu agricole n'est pas une
conséquence directe de ce qu'on retrouve comme enseignement qui
est dispensé dans l'école secondaire.
Si on ne donne pas là le goût à
l'élève de poursuivre ce début de formation qu'il
reçoit, est-ce que ce n'est pas un handicap majeur et est-ce que ce ne
serait pas un des points prioritaires à revoir compte tenu que ceux qui
vont chez vous doivent d'abord passer par l'école secondaire?
M. Hamel: Ceux qui s'inscrivent au programme de gestion et
exploitation d'entreprise agricole ont habituellement le profil
général au niveau secondaire. Une faible portion de ceux qui
s'inscrivent chez nous ont une formation secondaire autre que le
général. À ce moment, ce n'est par leur désir
d'aller plus loin dans leur formation qu'ils se dotent des prérequis
essentiels.
M. Vallières: D'accord. Dans un autre secteur, celui de
nos conseillers agricoles oeuvrant pour le MAPAQ dans les régions, un
peu partout, et les fédérations de producteurs nous le disent, un
peu partout dans les régions, il semblerait que la formation de nos
conseillers auprès des agriculteurs du Québec, et en particulier
dans les nouvelles productions, semble être inadéquate. Il
semblerait que c'est identifié à un manque de perfectionnement,
que ces gens n'auraient pas eu l'occasion de se prévaloir. Est-ce que
vous êtes d'accord avec cette analyse qui est faite voulant que dans les
nouvelles productions en particulier, souvent le producteur en connaît
plus que le conseiller du ministère de l'Agriculture qu'il rencontre? Ce
serait à cause du fait que malgré le lancement de nombreux
programmes dans de nouvelles productions, ces gens qui sont au MAPAQ n'auraient
pas reçu la formation requise pour dispenser des conseils vraiment
pertinents et efficaces aux producteurs dans ces nouvelles catégories de
production, comme le veau de grain entre autres.
M. Brodeur: On va laisser la parole à Daniel qui,
là-dessus, est plus informé. Je dirais qu'à chaque fois
qu'on reproche au formateur de n'être pas en pratique très
spécialisé dans sa méthode, on reproduit ce qui se dit de
toute façon depuis 2000 ans envers toute fonction d'enseignement. Les
enseignants sont toujours, d'une façon générale, au niveau
de ce que j'appellerais d'une vision globale, par définition... Quand on
parle du problème de l'expérience ou de l'enseignement pratique,
il est impossible que nous donnions et que les conseillers donnent satisfaction
à temps plein à toute question concrète. C'est un principe
général.
Cela devient quasiment du "man to man" quand on parle de formation
à ce niveau. Chaque expérience est tellement particulière
et presque inédite. Par définition, tout conseiller et tout
professeur est perdant par rapport à son client. Cela, c'est dans
l'ordre des choses. Cela dit, Daniel va sûrement compléter de
façon plus précise.
M. Hamel: Dans le même sens que Jacques, il est
évident que le producteur, qui est intéressé dans une
nouvelle production, va faire les démarches initiales, il va aller
chercher de l'information à l'étranger s'il le faut et il va
arriver chez son agronome et il va lui demander conseil; alors que l'agronome
s'intéresse aux questions qui lui sont généralement
posées. Il est très normal qu'il ne soit pas en mesure
immédiatement d'y répondre.
C'est comme si on disait, d'une certaine façon, des écoles
on en bâtit quand il y a une clientèle qui entre dedans. C'est la
même chose pour les agronomes face aux besoins des agriculteurs. Tant
qu'une production ne requiert pas suffisamment de services du ministère,
le ministère ne s'en préoccupe habituellement pas par rapport aux
agronomes locaux. Je présume qu'ils ont suffisamment de demandes
courantes pour ne pas chercher... Ils n'ont pas nécessairement trop de
temps.
M. Valiières: À votre connaissance, vous êtes
dans le milieu, est-ce que ces conseillers du MAPAQ en région ont
déjà une formule de perfectionnement qui est mise à leur
disposition? Si cela n'existe pas, lorsque vous parlez de faire de la
concertation, ne voyez-vous pas que cela pourrait être un des rôles
qui vous soient dévolus de faire en sorte que nos conseillers en
région reçoivent le maximum, que ce soit dans les nouvelles ou
dans les anciennes productions? Parce que l'on sait que les techniques
évoluent très rapidement et que ces gens sont pris dans le champ
finalement à servir l'agriculteur et ont beaucoup de paperasse à
compléter? Est-ce qu'on ne devrait pas libérer ces gens à
l'occasion afin de leur permettre de parfaire certaines connaissances dans
certains secteurs donnés? Est-ce que vous seriez en mesure
d'établir sur place un programme de cette nature?
M. Hamel: C'est exactement le sens du mandat qu'on attend.
M. Valiières: Très bien. J'aurais une foule
d'autres questions, entre autres sur le fonctionnement de l'ITAA actuel. Je
suis sûr que d'autres de mes collègues pourront poser certaines
questions intéressantes sur cela. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le
Président. À la lecture de votre mémoire et des
explications que vous avez fournies en faisant la lecture au début
-d'ailleurs je voudrais vous remercier pour ce mémoire et j'aurai
quelques questions à vous poser - j'ai eu un peu crainte, quand je suis
arrivé à la fin de votre mémoire, que vous vouliez
centraliser l'agriculture à Saint-Hyacinthe. Alors vous savez que venant
d'un des plus beaux comtés du Québec,
Kamouraska-Témiscouata, avec une institution qui n'a peut-être pas
la taille de...
Le Président (M. Dupré): J'ai presque envie de vous
dire que vous êtes non conforme au règlement.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... celle de
Saint-Hyacinthe, mais qui donne quand même un bon service aux
agriculteurs du Bas-Saint-Laurent-Côte-Sud et du Bas-du-Fleuve... Vous
dites que l'ITAA deviendrait un centre permanent de concertation et de
ressources entre les intervenants. C'est avec les explications que vous avez
données qui m'ont un peu moins fait peur en disant que ce n'était
pas pour fermer - je l'espère - les autres institutions qui sont en
place, au contraire, c'est pour former - vous avez parlé beaucoup de
former, former et former - des gens qui pouvaient former la relève
agricole et former d'autres personnes qui voudraient oeuvrer dans le domaine
agricole. Je crois bien que vous n'avez pas fait l'évaluation de cela.
Pour moi aussi, comme pour le député de Richmond, c'est nouveau
ce que vous nous présentez là. Avez-vous fait un peu le calcul de
ce que cela pourrait coûter à l'État
québécois un genre de centre spécialisé dans ce
domaine?
M. Brodeur: M. le député, nous ne sommes pas rendus
aussi loin, parce que nous avons l'expérience de longs dossiers qui
n'ont même pas été lus. Donc, nous nous sommes dit: On va
commencer par lancer notre intuition. Cette intuition vient quand même
d'expériences vécues en France. Quand on regarde l'institution
qu'on appelle l'INRAIP -Institut national de recherche, d'application et
d'innovation en pédagogie - relié à l'agriculture, on
remarque que, au Québec, on n'a pas ce type d'institution. Comme on est
très en forme - cela, il faut le dire - en tant que profs, on est
heureux, on a une clientèle assurée et, sur le plan humain, on
n'a aucune inquiétude d'ici à quinze ans et presque
jusqu'à notre retraite, en ce qui nous concerne nous deux et quelques
collègues...
Le Président (M. Dupré): Vous êtes
très jeunes encore.
M. Brodeur: Les congés mi-temps, on va être bons
pour jouer dans cela, on s'est dit: La mission de l'ITAA, qui ne nous
appartient pas en passant, mais qui appartient à la
société québécoise, est-ce qu'elle ne pourrait pas
se définir encore plus pour devenir un service encore plus fort dans
cela? Cela a été l'intuition de base qui a
précédé notre fête de Noël, parce qu'on a fait
le rapport alors que nous étions en vacances. Cela veut dire que,
lorsque des profs font un rapport présenté à une
commission, alors qu'ils sont en vacances, ils aiment leur job, c'est à
peu près cela. On ne s'est pas rendu jusqu'aux chiffres, mais toi qui
connais les chiffres peut-être...
M. Hamel: Sans connaître la valeur absolue des chiffres, ce
qu'on peut affirmer en tout cas, c'est que de disposer de ce dossier dans un
centre où il y a déjà des ressources, cela va
sûrement coûter moins cher que de créer de toutes
pièces un centre qui n'existe pas. C'est dans ce sens finalement que
notre proposition se fait, c'est qu'on a déjà une expertise, on a
déjà des personnes-ressources, on a une volonté.
L'adjonction à cette mini-structure ou à ce lieu-là, de
personnes supplémentaires, aurait beaucoup plus d'impact au niveau de la
formation que d'en créer un de toutes pièces qui n'a aucune base
actuellement.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce
centre-là viendrait possiblement - pas juste possiblement - rehausser la
qualité de l'enseignement des institutions comme on a à l'UPA La
Pocatière. C'est dans ce sens-là qu'on lisait cela pour que ma
crainte soit éliminée.
M. Hamel: Exact. Les productions qui seraient faites seraient
disponibles aux autres. On n'est pas là pour essayer d'étouffer
les autres. On est là pour essayer de fournir aux autres un support
pédagogique, des ressources dont ils ne disposent pas actuellement. Si
on a de la difficulté pour trouver des finances pour créer un
centre, je vois difficilement comment on pourrait en créer 30. À
ce moment-là, on est mieux de mettre nos énergies dans un centre
et de lui donner un mandat qui lui permette, qui lui facilite l'extension ou
l'expansion de ses services. En fait, c'est une solution à bon
marché qu'on vous offre.
M. Brodeur: Puis, il y a une autre chose qu'on peut ajouter,
c'est vraiment le mot lieu. Quand on parle de volonté de concertation,
je crois qu'elle existe et elle a été manifestée, mais
jamais collée à un lieu. Comme à Saint-Hyacinthe, on est
proche des champs, pour les producteurs et tous ceux qui sont dans l'entreprise
agricole, cela réfère à quelque chose de plus
viscéral que, par exemple, le 200 chemin Sainte-Foy où c'est
beaucoup plus "cimenteux". Comprenez-
vous? C'est dans ce sens-là qu'on dit: C'est une belle place.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous
êtes plus près des vaches sûrement ici qu'à
Sainte-Foy, malgré qu'à Montréal avec ce qu'ils veulent
construire au niveau du ministère de l'Agriculture pour montrer aux gens
de Montréal c'est quoi une vache, je pense au centre des
expositions...
J'aurais voulu poser tout à l'heure la question aux gens de la
Fédération de l'UPA. On parle beaucoup de recherches aussi. On
sait que les agriculteurs, les syndicats, les producteurs de lait, je pense que
sur leur paie, il y a une certaine partie, quelques sous qui vont pour la
publicité: "Mon lait, je le bois comme je veux, quand je veux et de
toutes sortes de manières". Contrairement à ce que tous les
mémoires demandaient, ce que l'État peut faire pour les
agriculteurs, mais ce que les agriculteurs - il ne faudrait pas demander cela
à la relève - peuvent faire pour l'agriculture, au niveau de la
recherche, je pense que ce serait les gens qui sont déjà
établis depuis quelques années. Cela ne veut pas dire que,
même si on est une commission parlementaire, écoutez,
l'agriculture est à terre au Québec. On n'est pas pour aller se
pavaner et dire: L'agriculture se porte bien, tout va bien, il n'y a pas de
problème en agriculture. Au contraire, il y a des problèmes. Il y
a des recherches qui s'en viennent avec les nouvelles productions et tout cela.
Il me semble que cela intéresserait aussi les agriculteurs, un genre de
recherche qui se ferait en collaboration avec les institutions, le gouvernement
et l'agriculteur pour l'intéresser davantage, parce qu'on sait qu'il ne
s'en fait pas de recherche au Québec. Regardez les budgets, il n'y en a
presque pas, comparez avec d'autres provinces. Qu'est-ce que vous pensez de
cela? J'aurais aimé poser la question tout à l'heure aux gens de
l'UPA.
M. Brodeur: Votre question est quand même très
vaste. Cela veut peut-être tout simplement dire que je n'ai pas la
réponse. Je remarque qu'à partir de notre expertise, avec en
moyenne 150 fils de producteurs et productrices par année, moi c'est par
cela que je connais l'agriculture. On est arrivé à rencontrer les
parents, des centaines de maîtres de stage également. On a
commencé, je crois, ce qu'on appelle un réseau dans lequel ils
sont impliqués dans la formation. Ces quelque 300 ou 400 producteurs
viennent participer même à des journées de réflexion
sur l'avenir de l'agriculture, de leur fils, transferts, etc. Je pense qu'il
faudrait augmenter cela.
Un indice qui est fort intéressant. Des parents ont
demandé à rencontrer à l'ITAA, les maîtres de stage,
donc d'autres producteurs d'autres régions de la province qui vont
accueillir leurs fils. Quand ils nous disent: Est-ce qu'on pourrait les
rencontrer une journée pour parler? Pour moi, ce sont de petits pas qui
montrent qu'il y a quelque chose.
Par rapport à ce centre de concertation, je pense qu'il faudrait
justement se concerter avec eux pour arriver à des formules comme
celles-là, qui existent tellement plus facilement en France où,
sur mesure, quinze producteurs demandent une session de perfectionnement durant
l'hiver et ils l'ont facilement, ressource que nous n'avons pas. Mais ce centre
de concertation pourrait servir de plateforme de départ. (17 h 15)
M. Hamel: Comme Jacques le soulignait, chez nous,
déjà, les agriculteurs participent à la recherche, dans le
sens que tous nos maîtres de stage fournissent à nos
étudiants des laboratoires exceptionnels, des laboratoires qu'aucun
État ne pourrait se permettre de payer. Ils offrent à la fois
l'infrastructure, le matériel, leur compétence et leur temps. Ils
offrent tous ça, actuellement, et gratuitement. À mon avis, si on
parle d'efforts de recherches, on peut dire que ces agriculteurs, ils
participent et pleinement.
Pensez simplement à combien ça pourrait coûter
à l'État d'offrir à 150 étudiants un tracteur pour
s'expérimenter. Pensez, maintenant, à comment il serait
impossible dans le secteur de la formation de donner ou de fournir toutes les
caractéristiques de la réalité. La méthode la moins
dispendieuse, ce sont, à notre avis, les stages. Les agriculteurs, dans
ce cadre, ils participent. Il ne faut pas dire que c'est totalement de
façon bénévole, parce qu'eux aussi, ils retirent un
certain avantage de ça, une contre-partie qui est fournie par
l'étudiant et aussi par l'encadrement qu'il reçoit de la part de
l'équipe des professeurs,
M. Brodeur: J'aimerais ajouter, M. le député, si ce
n'est pas trop, une demande qui nous a été faite récemment
de la part des parents; c'est à peu près ceci: sur le plan
financier, on est de plus en plus conseillés et bien. Sur le plan
technique également. Mais on a des problèmes de relations avec
nos fils et nos filles et, là-dessus, on est tout seuls. Est-ce que vous
autres, à l'ITAA, vous ne pourriez pas commencer à nous aider
là-dedans? Mon gars, je ne suis pas capable de lui parler et ainsi de
suite. Des gars et des filles de producteurs commencent maintenant,
dévorent des cours qui étaient autrefois réservés
à la philosophie - il y en a-t-il du ministère de
l'Éducation; j'espère pas trop -exclusivement à
étudier je ne sais pas qui, quelque dépressif du Moyen-Âge,
je ne sais pas. Cette année, voilà qu'on se met à
parler de ce que l'on vit comme homme dans l'éventualité
du transfert, avec un père qui nous force à le prendre. On
commence à établir des liens parents-enfants
là-dessus.
Je pense aussi qu'on répond à un besoin et ça
commence à se savoir. Il faudrait élargir ça encore
plus.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
féliciter les professeurs de l'ITAA de leur mémoire et aussi de
leur accueil ce matin. Ne venant pas d'une région agricole, je
représente les consommateurs, parce que sur la Côte Nord,
l'agriculture étant tout à fait inexistante, nous sommes des
consommateurs et j'ai de l'intérêt d'être parmi vous.
Je n'ai pas l'occasion non plus de connaître les personnes qui
sont en arrière, alors, je vous salue tout le monde, chacun d'entre
vous, en particulier.
Ce qui m'a impressionné depuis deux ou trois jours parmi tous les
nombreux mémoires qu'on a entendus, c'est qu'un fait revient
régulièrement, la formation. Vous l'avez rendue un peu comique au
début de votre mémoire et je pense que c'est intentionnel. Mais
il y a quand même des vérités fondamentales
là-dedans. Philosophie pour philosophie, l'Université Laval nous
a dit la même chose.
Au Québec, il faudrait s'attendre un jour qu'il y ait quelqu'un
ou un organisme qui se charge d'une formation adéquate. Les banques nous
ont dit carrément pourquoi elles ne faisaient pas confiance à la
relève. Elle nous l'ont dit carrément que les banques ne
faisaient pas confiance, non pas nécessairement à la
relève, mais elles faisaient confiance uniquement aux entrepreneurs, aux
gens qui avaient des qualités d'entrepreneur, puisqu'une ferme
-appelons-la familiale ou autre - c'est une entreprise. Pour gérer une
entreprise, ça prend des qualités d'entrepreneur.
On ne gère pas une entreprise avec un excellent concierge, ni un
excellent pêcheur. On gère une entreprise avec quelqu'un qui a le
sens de l'entreprise. J'ai posé la question à la direction de la
Faculté de l'agronomie et des sciences agro-alimentaires de
l'Université Laval et je n'ai pas eu de réponse non plus.
Est-ce que, au Québec, il y a une possibilité de
concertation pour qu'il y ait -d'abord, on nous a dit qu'il y avait trop de
monde qui s'occupait de la formation agricole. J'étais très
surpris parce que chez nous, je n'ai pas eu de plainte dans mon bureau de
comté pour dire que les gens n'avaient pas de place nulle part,
ça n'intéresse personne. Sauf qu'on doit s'attendre, un jour et
toujours, qu'on va continuer d'être alimentés par quelqu'un.
Cette formation, est-ce que le fait qu'au Québec, que ce soit au
ministère de l'Éducation, que ce soit l'option qu'on donne au
secondaire, qu'on connaisse les différents cégeps, votre institut
et d'autres différents instituts au Québec, vu, par exemple, la
diversité des programmes, compte tenu des régions
spécifiques, est-ce que ce serait une bonne chose, à un moment
donné, qu'on ait une direction générale de l'enseignement
agricole au Québec, comme nous en avons en papeterie, comme nous en
avons une dans les pêches, comme nous allons en avoir une prochainement
dans les mines? Est-ce qu'un jour ou l'autre on aura une direction
générale? Et là, on aura de la compétence. Somme
toute, dans votre mémoire, c'est un peu ça que vous nous dites
tout en ajoutant spécifiquement à Saint-Hyacinthe.
Moi, je n'ai pas d'objection, n'en déplaise à mon
collègue de Kamouraska-Témiscouata, je n'ai pas d'objection qu'il
soit placé partout au Québec, mais est-ce que c'est possible, et
est-ce qu'il y a une volonté au MAPAQ, est-ce qu'il y a
véritablement une volonté de donner cet instrument plus que
nécessaire si on veut vraiment nourrir le Québec? Voilà,
je vous pose la question.
M. Hamel: Pour nous, la décision d'offrir un centre de
concertation ne provient pas uniquement du ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation. Ça doit être une
décision, une volonté politique qui établisse cette
nécessité. Ce qu'on demande, c'est, parce qu'on est
privilégié dans notre situation, on demande que ce soit nous qui
puissions offrir ce service, parce qu'on pense que nous sommes les mieux
situés pour le faire.
À savoir si les banques ont de la difficulté - vous avez
soulevé plusieurs volets dans votre question, vous en avez
soulevé au moins deux - si les banques voulaient plus prêter aux
entrepreneurs qu'à d'autres gens, là-dessus, on est bien
conscient qu'avec la valeur des fermes ou des entreprises, c'est
décidément sur des gestionnaires que va se développer
l'agriculture du Québec. En ce sens, on pense que les programmes de
gestion et exploitation des entreprises agricoles répondent à ce
besoin parce que, à la suite des consultations qu'on a faites dans
différents milieux, le besoin de développer les gens dans les
aspects de gestion et d'économie a été unanime. Dans ces
programmes, cet aspect est particulièrement traité.
En ce sens, on pense qu'on développe des habiletés, des
attitudes de gestionnaire. Les parents que nous avons rencontrés se sont
dits un peu déçus de voir jusqu'à quel
point les étudiants, quand ils revenaient chez eux,
n'étaient pas gestionnaires. Â cela, nous avons relié
l'aspect de l'âge de ces jeunes lorsqu'ils sortent de chez nous avec la
qualité qu'on leur demande. Quand on sait qu'à 20 ans, bien
souvent, les étudiants ont tout juste à gérer leur
portefeuille, et quand on leur demande: Maintenant, tu vas gérer une
entreprise de 300 000 $, 400 000 $, 500 000 $, c'est bien de valeur, mais,
à mon avis, c'est très logique de voir que l'étudiant
n'est pas tout à fait prêt, qu'il lui manque un temps de
mûrissement.
En fait, quand Jacques a soulevé l'aspect de suivi, on pense
qu'en accordant davantage nos préoccupations à savoir comment
l'étudiant s'inscrit ou poursuit son projet d'établissement, on
pourra y arriver en collaboration avec les parents.
Sur le deuxième aspect qui est que trop de monde s'occupe de la
formation, ce n'est pas qu'on pense qu'il y a trop de monde, c'est qu'on pense
que les gens s'en vont avec la certitude que chacun d'entre eux y va dans le
bon sens. Il n'y a aucune orientation spécifique reliée à
cela. Je pense que le ministère de l'Agriculture est très bien
placé pour donner de la formation agricole. Je pense aussi que le
ministère de l'Éducation, quand il a ouvert les cégeps, a
très bien répondu à une demande. Le problème n'est
pas qu'il y a trop de monde, le problème, c'est de savoir dans quel sens
on s'en va.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Saguenay, même si votre temps est écoulé, je vais vous
accorder une dernière question.
M. Maltais: Je vais parler pour vous, M. le député
de Saint-Hyacinthe. A force de reconnaître que l'expérience qu'on
a vécue au cours des quinze dernières années n'est quand
même pas un succès aussi éclatant que l'on voudrait le
laisser voir, si on continue dans la même veine, je pense qu'au bout de
quinze ans on aura peut-être des résultats pareils à ceux
qu'on a aujourd'hui. Est-ce que parce que depuis quatre ou cinq jours tout le
monde vient nous dire que la raison principale que la relève n'avance
pas c'est qu'ils ne sont pas de bons administrateurs? Je suis bien prêt
à croire tout ce monde-là mais il reste une chose, c'est que les
fils de médecin ne sont pas tous médecins, les fils de notaire ne
sont pas notaires. Est-ce que le fait d'être le fils d'un agriculteur
nous garantit qu'on va être une bonne relève? Il faut se poser la
question. Tous les fils de pêcheur ne sont pas des bons pêcheurs.
Alors il faudrait peut-être à un moment donné au niveau de
l'orientation et non pas au niveau de la décision du père mais au
niveau de l'orientation du vouloir et de la capacité du jeune de
gérer une pareille entreprise et de vouloir s'enligner dans cette
vie-là. C'est un choix.
M. Brodeur: M. le Président, est-ce que je peux parler?
Est-ce qu'il reste encore une minute?
Le Président (M. Dupré): Oui, oui, en
concluant.
M. Brodeur: Je conclus en disant justement que j'aimerais avoir
une heure pour dire que le modèle d'agriculture sur lequel on
s'interroge et le financement de l'agriculture qu'il faut assurer à nos
jeunes, ce n'est pas sûr qu'il faille remettre certaines choses en
question là-dedans. Il n'est pas sûr que la grosse entreprise soit
l'unique voie d'avenir. Ce que je veux dire, c'est que lorsque les banques
viennent nous dire des choses, parce qu'elles viennent nous le dire chez nous
aussi, elles ont raison de le dire parce qu'elles défendent cela, mais
on a une préoccupation aussi du producteur, du futur producteur. Il y en
a qui commencent à dire: Quand et comment pouvons-nous "fourrer les
brakes" parce qu'on est dévorés et pris en otage par cela? Est-ce
le modèle d'agriculture qu'on veut de la relève et ainsi de
suite? Il commence à y avoir des endroits où cela réagit
et nous sommes conscients de cela. Peut-être qu'il y aurait des pistes
nouvelles à trouver. Ce n'est pas vrai que les modèles
américains ou suédois, ou je ne sais pas d'où, doivent
être les uniques qui vont nous influencer dans l'avenir. C'est pour cela
qu'il faut un lien rapide où une concertation serait possible pour
savoir où l'on va. Il faut laisser à tout le monde le choix si
possible et ne pas laisser au capital la seule possibilité d'être
messianique.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Chambly.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je pense que vous
nous choyez aujourd'hui parce que vous avez mentionné que vous avez
réservé ce mémoire pour notre commission, étant
certain que vous seriez au moins entendus tandis que vous avez dit que cela
arrive des fois qu'on va écrire des choses et on se demande si c'est lu.
Je voudrais vous remercier de nous avoir fait ce cadeau d'une idée
originale que je trouve de plus en plus intéressante au fur et à
mesure qu'on vous pose les questions et on a des réponses.
Je voulais savoir si vous l'aviez déjà
présenté à quelqu'un d'autre mais j'ai eu ma
réponse tantôt. Vous revenez souvent sur l'importance de la
concertation et je pense qu'effectivement vous avez raison de dire que presque
tout le monde parle de concertation mais très peu de gens - et c'est
peut-être assez difficile de faire de la
concertation - en font. Vous nous suggérez une façon de
faire de la concertation qui ferait que dans l'ensemble du Québec on
aurait à peu près le même niveau d'enseignement et ainsi de
suite, si j'ai bien compris.
Tantôt vous avez mentionné des expériences ou des
études que vous faites. Une qui m'a frappé c'est le niveau
d'anxiété chez les jeunes par rapport à leur avenir.
J'aimerais vous poser la question à savoir si vous êtes
allé plus loin et si vous avez pu découvrir à quoi est
dû cette anxiété et comment on pourrait peut-être
faire pour la corriger. Vous avez aussi mentionné tantôt qu'on
vous demandait une étude ou une expérience ou, enfin, on vous
demandait de vous pencher sur le problème des relations parents-enfants,
fils ou filles. J'aimerais aussi savoir où vous en êtes rendus
parce que j'ai l'impression que vous touchez là un problème
important pour la relève agricole, mais en même temps c'est un
problème de société. Le problème de relations
parents-enfants touche évidemment de façon concrète les
agriculteurs et leurs fils ou leurs filles mais cela touche aussi l'ensemble de
la société. J'aimerais savoir où vous en êtes rendus
ou si vous avez commencé cette expérience-là. (17 h
30)
M. Brodeur: Je répondrai en disant qu'on a toujours cru et
on le pensait jusqu'à ces derniers mois que le problème en
agriculture c'en était un financier. Récemment on recevait
à peu près une cinquantaine de parents pour une journée le
samedi; c'est toujours le samedi qu'on travaille le mieux parce qu'on n'est pas
payé! On recevait des parents qui nous disaient: Comment se fait-il que
nos jeunes soient tellement idéalistes quand ils arrivent chez nous? On
prévoit qu'ils vont arriver idéalistes. Cela est un premier son
de cloche.
Voilà qu'on se retrouve en classe. Un jour, suite à une
dynamique de groupe bien structurée, des étudiants commencent
à dire: Moi, je ne l'ai jamais dit mais je vous le dis, je suis
stressé, j'ai peur de rentrer chez nous, je ne peux plus parler à
mon père parce qu'il m'a dit qu'il voulait, dès que je vais
arriver en septembre, signer les papiers, le transfert de la ferme et ainsi de
suite. Je n'ai pas encore commencé à sortir avec une blonde et je
veux régler cela avant d'embarquer sur la ferme. C'est un gars de 20
ans. Là, dans une classe de 30, il y en a à peu près
quinze qui, dans un feu roulant, disent: Comment cela qu'on n'en a pas
parlé avant - ce sont des finissants qui vont partir - de cela, de ce
stress? Le stress est constant. Les gens disent "on est pris en otage". Par
ailleurs, mon père a fait une crise cardiaque. Si je ne prends pas tout
de suite la ferme, il en fait une deuxième.
Anxiété, culpabilité, malaise affectif, c'est cela
qu'on commence à analyser.
C'est rendu tellement loin que les finissants commencent à se
concerter. Là, il est question que paraisse, dans Terre de chez nous,
une nouvelle chronique permanente où des jeunes qui ne sont pas capables
de parler à leurs parents, vont y aller via une chronique, en signant
d'une façon anonyme, "Ce qu'on aurait voulu dire à nos parents".
Cela va être piloté par des profs, pas trop coupé. Ils vont
dire des choses, leur angoisse, leur stress. Ils ne signeront pas. Mais comme
des gens me disaient, il va faire lire à son père cette
chronique, son père va réagir vis-à-vis du
troisième paragraphe en disant "ce n'est pas pire cela"; si le
père comprend cela, le gars va dire: C'est moi, papa! On va même
inviter les parents à répondre, toujours par voie anonyme, pas
nécessairement donner les vrais noms parce qu'on ne veut pas faire une
dynamique à l'échelle de la province, simplement identifier des
problèmes qui se vivent, dont on n'est pas au courant.
C'est en relation avec cela qu'il y a eu cette autre expérience
de parents qui nous disent: Sur le plan humain, relationnel, il se fait des
choses dans les cessions de transfert de ferme. Il y en a beaucoup qui
travaillent à des niveaux plus petits. Mais, d'une, façon
globale, on n'ose pas parler d'humain dans des programmes de formation. Cela
fait profs de philo qui ne veulent pas perdre leur job quand on parle de
l'humain, de l'humanisme et ainsi de suite. Mais lorsque l'on creuse, on
s'aperçoit que le problème no 1 d'aujourd'hui, il est un
problème de communication et de relation. Quand on est en France et
qu'on traverse les voies ferrées, on voit, à un moment
donné "méfiez-vous, un train en cache un autre". Je dirais:
Méfions-nous, le problème économique en cache un autre
peut-être plus grave. C'est cet autre-là qu'il faut absolument
mettre sur la table avec les problèmes économiques qui sont
réels. Notre projet de concertation, c'est, à la limite, de
donner à des gens, qui ont des compétences différentes, le
goût de travailler ensemble, pour que le grand perdant ne soit pas le
producteur. C'est trop triste de sauver l'agriculture au détriment de
l'agriculteur.
Le Président (M. Dupré): Messieurs, comme la
plupart de mes confrères, je me réjouis de votre initiative. Je
m'en réjouis doublement, je ne sais pas trop pourquoi, mais vous voulez
le faire à Saint-Hyacinthe...
M. Brodeur: On est mobile!
Le Président (M. Dupré): J'ajouterais ceci, je ne
suis pas certain que les inquiétudes de mon confrère, à
savoir si cela va coûter bien de l'argent... Parce que, si on coordonne,
si on planifie, si on s'organise,
peut-être aussi qu'on va en économiser quelque part.
Pour ma part, je vous remercie beaucoup de votre
présentation.
M. Brodeur: Merci, cela nous donne le goût de revenir.
Association de la relève agricole de
Saint-Hyacinthe
Le Président (M. Dupré): Nous entendrons maintenant
l'Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe.
La commission continue ses travaux. Je demanderais au porte-parole de
s'identifier et d'identifier ses collègues.
M. Bessette (Yves): D'accord. Bonjour tout le monde. Je me
présente, Yves Bessette, je représente la relève à
l'école de Saint-Hyacinthe. Mes collègues sont M. Paul Langelier,
du service de l'éducation; Mme Christiane Bérard,
représentante de la relève également; M. Luc
Hébert, de la région de Varennes, et M. Guy Lapointe de la
région de Rivière Noire.
Le Président (M. Dupré): Comme les deux autres
intervenants précédents, vous avez une heure en tout.
M. Bessette: En parlant de l'agriculture, les grands-parents
disent: Tout est changé; les parents, pour leur part, affirment que tout
change trop vite et, finalement, les enfants croient que cela ne change pas
assez vite. En tout cas, tout le monde s'entend pour dire qu'il y a du
changement.
Si notre syndicat, l'Association de la relève agricole de
Saint-Hyacinthe, a voulu présenter son point de vue devant la commission
parlementaire, c'est pour indiquer les changements souhaités par les
jeunes au niveau de l'agriculture et plus particulièrement de
l'établissement des jeunes en agriculture. Quand nous parlons de
changements souhaités, nous ne parlons pas de changements souhaitables,
mais bien de changements nécessaires. De plus, à notre avis, les
politiques qui seront mises de l'avant dans les prochaines années, au
niveau de l'établissement des jeunes en agriculture, influenceront
directement le développement de l'agriculture
québécoise.
Le syndicat de la relève agricole de la région de
Saint-Hyacinthe aura bientôt cinq ans et c'est à partir de cette
expérience, à la fois jeune et riche, que nous allons essayer de
faire le point sur la situation de la relève dans la région de
Saint-Hyacinthe. Pour ce faire, nous traiterons successivement des points
suivants: l'importance de la relève agricole, la formation
professionnelle des jeunes, le rôle du MAPAQ auprès de la
relève, le crédit agricole, la fiscalité et la banque de
terres arables.
Avant d'entrer de plain-pied dans le vif du sujet, nous tenons à
préciser que nous sommes affiliés à la
Fédération de la relève agricole du Québec.
À ce titre, nous avons participé à l'élaboration du
mémoire présenté par notre fédération et si,
à notre tour, nous présentons un mémoire, c'est pour
apporter une certaine couleur régionale et insister sur un certain
nombre de points qui nous apparaissent particulièrement importants.
Mais, globalement, nous partageons le point de vue avancé par notre
fédération à l'intérieur de son mémoire.
Le premier point, l'importance de la relève agricole. Avec ce
titre, nous ne voulons pas faire de nombrilisme; bien au contraire, nous
voulons essayer de voir comment et pourquoi se pose la question de la
relève agricole au Québec ou, en d'autres termes, voir dans quel
contexte se pose la question de la relève.
En 1941, on comptait 150 ODD fermes au Québec; en 1951, il y en
avait encore 135 000. Le nombre de fermes n'est plus que de 91 000, en 1961, et
de 61 000, en 1971. En 1981, on comptait, au Québec, 38 000 fermes dont
les ventes dépassaient les 2500 $. Au fur et à mesure qu'on se
spécialise, bon an mal an, on perd un tiers des fermes du Québec
à tous les dix ans.
Le quart de la production agricole du Québec a été
vendu, en 1981, par seulement 750 fermes et 4000 fermes ont vendu la
moitié de la production. C'est dire qu'avec 4000 autres fermes
semblables, soit 4000 qui vendraient plus de 100 000 $ de produits par
année, tout pourrait être produit au Québec par seulement
8000 fermes. Ceci est tiré d'une conférence de Michel
Morisset.
Dans la région de Saint-Hyacinthe, 60% de la valeur totale de la
production est produite par 16, 4% des fermes. Nous pourrions faire état
de plusieurs autres données statistiques, mais notre objectif n'est pas
là. En effet, nous voulons seulement illustrer qu'il y a une tendance
importante vers une concentration des entreprises agricoles.
Certains diront que c'est normal; d'autres diront qu'on ne peut
empêcher ce processus; d'autres diront que cela va se stabiliser et
d'autres... En ce qui nous concerne, nous croyons que le choix à long
terme est clair. Nous avons à choisir entre: premièrement, une
agriculture dominée par les multinationales où les jeunes seront
des travailleurs agricoles; deuxièmement, une agriculture familiale,
c'est-à-dire où la famille immédiate, parents et enfants,
possède l'entreprise, la contrôle et apporte la majorité du
travail nécessaire. Pour les gens qui nous trouveraient alarmistes, nous
leur conseillons, entre autres, de visionner le film de l'ONF "La ferme
familiale en danger".
Nous parlions précédemment d'un choix
à long terme, mais ce choix à long terme, c'est par les
choix à court terme qu'il va se réaliser. En d'autres mots,
aujourd'hui, il faut mettre en place les conditions nécessaires pour
qu'un jeune puisse s'établir décemment en agriculture en sachant
qu'en faisant ce geste, c'est, en grande partie, un type de
développement de l'agriculture que nous choisissons. Donc, les
conditions d'établissement seront de même nature que le type de
développement agricole souhaité.
Deuxième point, la formation professionnelle des jeunes. À
ce chapitre, la question centrale demeure: Pourquoi pas plus de 20% des jeunes
qui s'établissent ont une formation agricole terminale? L'ensemble des
intervenants en formation agricole s'entend pour dire qu'il faut sensibiliser
le milieu agricole à l'importance, à la nécessité
de la formation. Nous partageons ce point de vue tout en disant que la solution
à ce problème ne s'arrête pas là. En effet, nous
croyons qu'il est tout aussi important que le produit offert, la formation
offerte réponde aux attentes des jeunes. Dans notre région, il
n'y a pas de problème d'accessibilité, étant donné
que plusieurs institutions dispensent de la formation agricole de niveaux
secondaire et collégial.
Cependant, nous croyons qu'il y a un problème au niveau du
produit offert et nous osons mettre de l'avant trois propositions qui
pourraient améliorer la situation: premièrement, adapter la
période des cours à la réalité agricole, à
la disponibilité des jeunes, du début de novembre à la fin
de mars; deuxièmement, pour les jeunes qui ont une expérience en
agriculture, reconnaître officiellement et formellement leurs acquis
pratiques; troisièmement, un jeune qui termine un cours agrotechnique au
niveau secondaire devrait pouvoir s'inscrire dans une option agricole de niveau
collégial.
Peu importe si le jeune a suivi une formation agricole terminale, il
demeure que l'éducation aux adultes a un rôle aussi important dans
la perspective d'une formation continue. D'ailleurs, c'est un secteur qui a
rejoint plusieurs jeunes depuis cinq ans. Comme il est mentionné dans le
mémoire de la Fédération de la relève agricole du
Québec, si tous les cours suivis par la relève à
l'éducation des adultes avaient été
accrédités par des maisons d'enseignement, quel serait le niveau
d'instruction des jeunes d'aujourd'hui?
Quatrièmement, que la formation dispensée par
l'éducation aux adultes soit accréditée, ainsi que
l'expérience acquise par le jeune. Depuis le début, nous avons
parlé de formation en institution. Mais la formation en dehors des
institutions est tout aussi importante dans l'optique d'une formation continue
et globale. À ce niveau, le syndicat de la relève agricole a
joué et continue de jouer un râle des plus déterminants.
Qu'il suffise de mentionner quelques exemples d'activités
organisées par le syndicat: session de simulation d'achat de ferme,
trois jours; session en économie agricole, deux jours; session animation
et leadership, deux jours; plusieurs soirées d'information sur tous les
sujets possibles; des journées d'études sur la fiscalité,
la ferme familiale, etc.
Afin de reconnaître l'importance de cette formation en dehors des
institutions, nous proposons: Que le budget du MAPAQ accordé à la
relève agricole soit plus disponible; en d'autres termes, que les
procédures administratives soient plus simples afin que les groupes y
aient davantage accès; que le montant maximal par projet passe de 2000 $
à 3000 $ à l'intérieur de ce programme du MAPAQ. (17 h
45)
Le rôle du MAPAQ auprès de la relève agricole. Tout
d'abord, parlons du conseiller régional en relève agricole. Le
rôle de celui-ci pourrait se traduire de la façon suivante: un
animateur auprès de la relève agricole; une personne qui voit
à la promotion et à l'organisation de la formation; une personne
qui assure le lien entre les conseillers locaux; une personne qui collabore aux
projets mis de l'avant par le syndicat au plan régional.
Pour ce qui est des conseillers locaux, nous croyons que leur rôle
est de soutenir les groupes locaux de relève agricole; voir à la
promotion et à l'organisation de la formation; aider les jeunes
individuellement à préparer leur projet d'établissement;
collaborer aux projets mis de l'avant par leur groupe local de relève
agricole.
Concrètement voici nos propositions sur le rôle du MAPAQ
auprès de la relève: Que dans la région agricole 06 il y
ait un conseiller régional en relève agricole à 100% de
son temps; que dans chaque bureau de renseignements agricoles il y ait un
conseiller local en relève agricole à au moins 25% de son
temps.
Le crédit agricole. Nous pourrions parler longuement du
crédit agricole, puisque plusieurs programmes sont administrés
par l'Office du crédit agricole. Mais notre objectif n'est pas de faire
une analyse systématique de tous les programmes dans tous leurs
détails. Notre objectif est d'abord et avant tout de regarder ce qui
devrait être spécifique à la relève au niveau des
politiques du crédit agricole.
Actuellement, comme mesures spécifiques à la
relève, il y a la subvention de 8000 $ en vertu de la Loi favorisant la
mise en valeur des exploitations agricoles ou un rabais d'intérêt
sur les premiers 50 000 $ du prêt pour une période de cinq ans et
ce, en vertu de la Loi favorisant l'établissement des jeunes
agriculteurs et agricultrices.
Par rapport à ces deux lois nous
proposons: Que la subvention à l'établissement de 8000 $
et le prêt de 50 000 $ sans intérêt pendant cinq ans soient
maintenus ainsi que le choix entre les deux formules; que les 50 000 $ soient
appliqués sur la dernière tranche du prêt, qu'ils soient
indexés à tous les trois ans et que les 8000 $ soient
portés à 15 000 $.
Même si ces améliorations étaient apportées,
nous croyons que ce serait insuffisant, En effet, à notre avis, il faut
ajouter une nouvelle mesure spécifique à la relève, celle
du taux croissant.
Il est proposé que, lors de son établissement, un jeune,
dans le cadre des programmes de crédit agricole à long terme, ait
un taux d'intérêt croissant partant de 2% et augmentant de 1% par
année et ce, sur une durée de huit ans ou jusqu'au moment
où le taux croissant rejoindra le taux subventionnable en vigueur; que
ce prêt à taux croissant s'applique sur un montant de 150 000 $,
lorsqu'il y a un jeune d'admissible, et sur un montant de 250 000 $ lorsqu'il y
a deux jeunes ou plus d'admissibles; que ce prêt consenti à taux
croissant ne soit pas transférable.
Pour réfuter ces propositions, certains diront qu'avec les
programmes actuels il y a suffisamment de jeunes qui s'établissent. Oui,
mais à quelles conditions? À quel prix et pour combien de
temps?
La fiscalité. Le gouvernement du Québec a récemment
apporté des modifications fiscales au niveau de l'impôt sur les
dons et au niveau des taux d'intérêt prescrits. Nous ne voulons
pas, à ce chapitre, remettre en question les politiques fiscales. Par
contre, nous voulons remettre en question la philosophie sous-jacente à
ces politiques.
La philosophie sous-jacente aux politiques fiscales actuelles en est une
restrictive plutôt qu'incitative. Expliquons-nous. Les politiques
fiscales actuelles sont restrictives dans le sens où leur objectif
premier est d'imposer à l'occasion du transfert des fermes. Des
politiques fiscales incitatrices permettraient, quant à elles, de
favoriser le transfert des fermes. Pour nous, il ne s'agit pas de trouver des
moyens d'évasion fiscale, mais bien de trouver d'autres moyens fiscaux
pour faciliter le transfert des fermes d'une génération è
l'autre.
Nous proposons: Que les ministères du Revenu ainsi que de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, avec l'UPA et la
Fédération de la relève agricole du Québec, se
donnent un comité de travail afin d'explorer de nouvelles avenues au
plan fiscal et ce, dans la perspective de politiques fiscales incitatives; que
ce même comité étudie les problèmes fiscaux et
légaux reliés aux méthodes graduelles de transfert et
qu'il explore de nouvelles avenues.
Enfin, la banque de terres arables. Depuis le moment où on parle
de cette banque, on parle de favoriser l'établissement de la
relève. Mais comment, dans sa forme actuelle, la banque de terres
pourra-t-elle favoriser l'établissement de la relève?
D'après les informations que nous avons recueillies, il nous
apparaît que le critère premier, le critère
déterminant au niveau de la banque est la production
céréalière. En effet, ce programme nous apparaît
être un programme dont l'objectif est le développement de la
production céréalière et la remise en état de
terres en friche et sous-utilisées. Si ça peut aider la
relève, tant mieux, mais ce n'est pas ce qui est recherché.
Par contre, nous croyons que la banque de terres peut être un
élément positif pour la relève, mais pas dans sa forme
actuelle. C'est pourquoi nous proposons que le projet de banque de terres
arables soit révisé et que cette révision se
réalise en consultation avec la Fédération de la
relève agricole du Québec et l'UPA.
En conclusion, au début, nous disions que les conditions
d'établissement mises en place seront de la même nature que le
type de développement agricole souhaité. À
l'intérieur du présent mémoire, nous avons proposé
des mesures qui, croyons-nous, favoriseront le développement de la ferme
familiale et non le développement de la concentration.
Mais la véritable conclusion ne peut pas être écrite
dans ce mémoire, puisqu'elle réside dans les suites que
l'État donnera à cette consultation.
De plus, quand on parle d'agriculture, on parle d'un secteur
générateur d'emplois. Par conséquent, les suites
données risquent d'affecter l'ensemble du secteur agro-alimentaire.
L'avenir de l'agriculture passe par le présent des jeunes en
agriculture.
Le Président (M. Dupré): Je vous remercie beaucoup.
Avant de passer la parole au député d'Arthabaska, j'aurais une
couple de questions à vous poser. Â la page 5, lorsque vous parlez
des budgets que vous pouvez avoir du MAPAQ, quelles sont les procédures?
Est-ce que c'est long? Quelles procédures employez-vous pour
réussir à obtenir ces montants?
M. Bessette: Présentement, ce n'est pas contesté.
Ce qu'on n'aime pas tellement, c'est que le formulaire qu'on doit remplir pour
avoir le crédit disponible est assez compliqué. Cela prend de la
bureaucratie quasiment pour remplir ce formulaire. Nous, on demande qu'il soit
plus accessible aux petits groupes de la relève agricole.
Présentement, on trouve qu'il est seulement accessible aux groupes
régionaux. Au niveau
local, on a de la misère. Premièrement, on n'a pas les
compétences pour remplir ce formulaire qui est assez compliqué.
Deuxièmement, quand on veut demander un petit montant, des fois 200 $,
300 $, 400 $, le temps que cela prend pour recevoir l'argent... Vous n'avez pas
tout l'argent au début. Le temps que cela prend et les complications,
cela nous amène des fois... Si c'est un petit projet, on aime mieux
s'arranger avec nos propres moyens que de le demander.
Le Président (M. Dupré): Vers la fin, à la
page 8, vous pariez de la banque de terres arables. Est-ce que vous avez des
idées là-dessus? Vous demandez que cette révision se
réalise en consultation; quels sont les changements que vous voudriez
voir apporter? Vous pouvez m'en dire quelques-uns. De quelle manière
voyez-vous cela?
M. Bessette: Présentement, la banque de terres arables,
comme elle devrait fonctionner - je pense qu'elle ne fonctionne pas encore,
après je ne sais combien d'années - l'objectif est de ramasser
des blocs de terre, de faire d'assez grands lopins pour développer la
production céréalière. Donc, le critère pour
obtenir ces lopins... Je parle des lopins, mais cela peut couvrir 300, 400 ou
500 arpents. Ce qui est visé par le projet de la banque de terres,
premièrement, cela prend quelqu'un qui est déjà fortement
engagé dans la production pour prendre cela. Ce n'est pas un jeune qui
n'a rien ou presque rien, qui voudrait partir à côté.
Le Président (M. Dupré): Si jamais vous vouliez
partir dans le vison, est-ce qu'il y aurait accès?
M. Bessette: Non.
Le Président (M. Dupré): Sans sol, non. Sans sol,
c'est totalement exclu présentement.
M. Bessette: La banque de terres arables, c'est seulement une
banque de terres.
Le Président (M. Dupré): Oui, je comprends.
M. Bessette: Même pas une banque...
Le Président (M. Dupré): Est-ce qu'un jeune
pourrait avoir, je ne sais pas moi, 4, 5 arpents carrés pour partir dans
le vison?
M. Bessette: Non. La banque de terres arables, son objectif est
de ramasser des lopins de terre, comme je vous dis, de plusieurs centaines
d'arpents même et de développer la culture
céréalière là-dessus.
Le Président (M. Dupré): Seulement.
M. Bessette: Seulement. Même s'il y a des bâtiments,
on ne prévoit même pas faire la production animale dessus. On
prévoit seulement faire de la production
céréalière.
Le Président (M. Dupré): Est-ce que c'est comme
cela dans toutes les régions? On sait que c'est appliqué... c'est
20 000 000 $ qu'on avait adoptés?
M. Baril (Arthabaska): C'est un budget de 20 000 000 $.
Le Président (M. Dupré): C'est un budget de 20 000
000 $ qu'on avait adopté l'automne passé.
M. Bessette: C'est 20 000 000 $. C'est prévu pour toutes
les régions. C'est justement, dans toutes les régions, comme dans
la Beauce, le Bas-du-Fleuve, ce n'est pas tellement la culture
céréalière qui est à la mode, ce n'est pas
tellement ça qui est rentable. C'est le but qui est visé par la
banque de terres arables présentement et c'est ça qu'on va...
Le Président (M. Dupré): C'est peut-être
comme cela que cela est appliqué, mais ce n'était pas notre but
quand on l'a adopté. En tout cas, je suis content de vous entendre
là-dessus.
Je vais passer la parole au député d'Arthabaska.
M. Langelier (Paul): Lorsqu'on regarde les premiers écrits
qui ont été faits, il y a déjà de ça deux ou
même trois ans, sur les objectifs de la banque de terres et la formule
à laquelle on en arrive aujourd'hui, tel que cela nous a
été expliqué, voilà deux mois environ, par les gens
de l'office, il reste qu'il y a une grande différence. Ce qui nous
était apparu lorsqu'il en avait été question, voilà
deux ou trois ans, c'est qu'effectivement l'objectif prioritaire de la banque
serait de favoriser l'établissement de la relève. Alors
qu'aujourd'hui, finalement, le critère déterminant au niveau de
l'accessibilité à cette banque, c'est d'être en production
céréalière. Encore là, c'est plus précis que
ça, c'est dans la mesure où tu vas remettre en état des
terres en friche, où tu vas valoriser des terres sous-utilisées,
toujours du point de vue céréalier.
Donc, à ce moment-là, peut-être que c'est un
programme intéressant pour le développement de la production
céréalière. On dit peut-être, sauf que ce n'est pas
ça qu'était l'objectif et ce n'est pas ça qu'on
perçoit, au niveau du syndicat de la relève, comme étant
nécessaire pour aider la relève.
Le Président (M. Dupré): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, merci beaucoup. Au
nom de ma formation politique, j'aimerais féliciter, d'abord, et
remercier l'Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe
d'être venue nous présenter ce mémoire.
Pour continuer dans la même veine, sur la banque de terres, vous
avez entièrement raison quand vous dites que la loi qui avait
été adoptée, avec ses principes fondamentaux, allait dans
le sens d'aider la relève agricole. Lorsqu'un jeune voulait s'acheter
une ferme et qu'il n'avait pas le capital voulu, n'avait pas les
possibilités voulues, il allait voir l'agent de l'office, parce que
c'était administré par l'office, et l'achetait à son nom
avec un bail de location d'une durée déterminée et avec,
évidemment, une option d'achat.
Ma question est celle-ci: Est-ce que cette formule, à vous
autres, aux jeunes, vous fait peur? Vous savez, le jeu de la démocratie
politique fait en sorte que... Nous, puisqu'on voulait appliquer cette formule,
on nous disait que c'était une mesure socialisante, que le gouvernement
du Québec s'emparait de tous les sols québécois et qu'on
deviendrait comme en Russie, que c'était nous qui contrôlerions
partout.
J'aimerais vous entendre pour voir si cette formule, que vous connaissez
d'ailleurs et qu'on voulait appliquer, vous faisait peur ou si ça fait
peur aux jeunes. Est-ce que vous auriez aimé que ça s'applique
dans le sens où je pense qu'on est d'accord?
M. Bessette: Je pense que le point de vue que le gouvernement
devienne socialisant, comme vous le dites, on n'a jamais eu peur de cela. Bien
au contraire, on était très optimiste quand ce projet est sorti.
Le problème, c'est que, justement, au fur et à mesure que le
projet de banque de terres arables se développe, on s'aperçoit
que la réalité envers la relève agricole n'est pas
là. C'est un projet; on y vise quasiment plus les producteurs
déjà établis, afin qu'ils puissent se grossir, concentrer
encore plus leur ferme. On aide le producteur déjà
établi.
Si vous prenez la production céréalière, c'est une
production qui demande quand même certains investissements, un certain
actif en machinerie, surtout, et ça prend quelqu'un qui a
déjà du capital, de l'actif pour pouvoir démarrer. C'est
certain que le but... C'est une production qui est assez difficile à
partir, la production céréaiière, avec un gros lopin de
terre. Si c'étaient des petites parcelles de terre avec une centaine
d'arpents pour vraiment aider la relève agricole, si un jeune pouvait
partir là-dessus, 100 ou 150 arpents, et que son père pouvait lui
prêter la machinerie, ce serait parfait.
Mais je pense que l'objectif n'est pas tout à fait dans ce
sens.
M. Baril (Arthabaska): L'application de la banque de terres,
aujourd'hui, telle qu'on la connaît, ne correspond pas du tout,
absolument pas à l'objectif que nous, on voulait atteindre. Au
début, quand on a adopté la toi - la loi, c'est une chose, vous
savez, mais les règlements, c'est une autre affaire -
déjà, quelqu'un m'avait dit que les règlements sont bien
plus importants que la loi. J'ai compris ça vite. C'est ça que je
veux dire.
Quand le gouvernement a établi sa réglementation, avec
toutes les mises en garde que nous avions eues, on ne voulait quand même
pas se faire accuser d'être des socialistes. On se fait accuser assez de
même! Mais c'était ça. Le but de la loi, c'était
d'aider un jeune qui voulait acquérir une propriété, que
ce soit de son père ou d'un étranger, peu importe. Il allait voir
l'office et il lui disait: Moi, je suis prêt à l'acheter. Je vais
la louer pour dix, vingt ans, peu importe.
C'était ça, le but. Ce n'était pas juste d'acheter
des terres qui ne sont pas cultivées ou des terres en friche et faire
grossir ceux qui sont capables, de toute façon, de les acheter. Ce
n'était pas ça, le premier but de la loi. Mais cela a
été modifié en chemin. De toute façon,
espérons qu'un jour ça pourra revenir et aider plus la
relève qu'aujourd'hui. (18 heures)
Vous étiez ici, tout à l'heure, quand les enseignants de
l'ITA nous ont fait part de la préoccupation des jeunes. J'ai bien
aimé l'intervention parce que ça fait deux jours et demi qu'on
écoute différents mémoires, on nous parle du financement,
on nous parle de la formation, de la mise en marché, on nous parle de 25
affaires, mais on ne nous a jamais parlé du plan humain. C'est la
première fois qu'on soulève l'aspect humain.
Est-ce que pour vous, la relève - vous avez sans doute
pensé à ça parce que c'est vous qui avez quand même
suggéré ces choses-là aux professeurs - le MAPAQ aurait un
râle à jouer pour améliorer cet aspect, le plan humain, les
relations entre parents et enfants? Qu'est-ce que le gouvernement pourrait
faire, selon vous?
Une voix: Pour l'anxiété.
M. Baril (Arthabaska): L'anxiété? Je serais bien
désireux de vous aider.
M. Bessette: Je vais répondre à cela. Le MAPAQ a
déjà fait un bout là-dessus. Si je prends mon exemple
personnel, ça fait seulement deux semaines que j'ai eu mon prêt de
l'office. On a suivi notre...
M. Baril (Arthabaska): Vous êtes content?
M. Bessette: Non.
M. Baril (Arthabaska): Vous n'êtes pas content?
M. Bessette: Non, parce que ce n'est pas ça que j'avais
demandé. Cela faisait deux ans que je l'avais demandé.
Si je me souviens bien, quand on avait fait le transfert, on avait suivi
des cours parents-enfants parce que c'est vrai, comme monsieur de l'ITA le
disait, que le père dit: Mon fils, je ne peux pas lui parler. Pour nous,
c'est plutôt le contraire, c'est: Mon père, je ne peux pas lui
parler. À un moment donné, la communication entre les parents et
les enfants dans le domaine de l'agriculture, ce n'est pas seulement dans le
transfert, c'est même dans le développement. À un moment
donné, à la relève, nous avions une réunion
régionale et on se demandait: Le développement de l'agriculture,
c'est quoi pour nous, pour la relève? On s'est aperçu que le
développement de l'agriculture n'est pas tout à fait comme les
jeunes l'espéraient, que le grossissement des fermes, ce n'était
peut-être pas désiré par tant de jeunes que cela. On
s'imaginait que c'était le père qui disait: II y a deux ou trois
jeunes qui s'en viennent, je vais grossir ma ferme pour les établir.
Dans le fond, les jeunes ne voulaient pas cela, mats ils laissaient faire le
père; ils disaient: C'est lui le patron, il fera ce qu'il voudra.
C'est là qu'on s'aperçoit qu'il y a un gros manque. C'est
vrai que le plan humain dans l'agriculture, les jeunes et les parents, il y a
un gros manque là-dessus. C'est pour ça qu'on parlait, dans la
troisième intervention qu'on a faite, du rôle du MAPAQ
auprès de la relève agricole. On parlait de conseillers locaux,
à 25% de leur temps, pour aider les jeunes individuellement à
préparer leur projet d'établissement. C'est là qu'on voit
beaucoup le rôle de l'agronome local. Il n'est pas là seulement
pour dire comment soigner ta vache pour qu'elle donne 20 000 livres de lait ou
comment fertiliser ton champ pour sortir quatre tonnes de blé d'Inde
à l'acre. Le rôle de l'agronome local est aussi sur le plan
humain, pour aider les jeunes et les parents dans le transfert de la ferme.
Le mien m'a aidé, mais ce n'est pas dans toutes les
régions que l'agronome est en mesure de faire cela. Le rôle du
MAPAQ, là-dessus... C'est pour ça qu'on demandait des conseillers
régionaux et des conseillers locaux; c'est là que le
ministère pourrait intervenir, pour promouvoir, comment dire, le
"parloting" entre les parents et les enfants.
Mme Bérard (Christiane): À un moment donné,
on a suivi le cours du transfert de ferme et il y avait un monsieur qui
était capable de nous faire parler. Cela a réussi à faire
un déblocage, mais il aurait fallu que ça aille encore plus loin
parce que, aussitôt qu'on est revenu à la maison, cela a fini
là. Peut-être que, s'il y avait une continuité... Avec le
monsieur qui était capable de nous faire parler, cela a duré
vingt minutes. Vingt minutes avec quatre familles, il n'en restait pas beaucoup
par famille.
M. Baril (Arthabaska): Le dialogue, aujourd'hui, c'est le
problème de bien des familles.
Mme Bérard: De toute la famille. M. Baril (Arthabaska):
Oui.
M. Langelier: II faut peut-être voir aussi que la
façon dont se pose le problème, c'est très complexe. Au
plan humain, dans le fond, les parents et les enfants vivent des relations
à trois niveaux en même temps. Vous avez des relations familiales
entre parents et enfants, des relations au niveau du travail, parce qu'ils
travaillent ensemble sur la même ferme, et des relations en termes
d'acheteur et de vendeur. Mettez tout ça ensemble autour d'un souper de
famille et ajoutez à cela des changements dans la vie affective des
enfants concernés, mariage ou autres, ce qui fait qu'en partant les
conditions ne sont pas nécessairement faciles.
Comme il a été dit tantôt, dans le fond, la session
de transfert parents-enfants est une session qui est apparue
intéressante, mais, par contre, peut-être insuffisante, comme on
le disait, c'est-à-dire qu'il faudrait qu'il y ait autre chose aussi par
l'agronome local et peut-être aussi par d'autres formules.
M. Baril (Arthabaska): II y a aussi un détail qui revient
souvent: on nous dit souvent que, ce qui préoccupe le vendeur, c'est de
payer moins d'impôt. L'acheteur c'est d'essayer d'être capable
d'acquérir à un prix qui va lui permettre d'arriver. Selon vous,
les cours qui se donnent actuellement en formation agricole que vous suivez,
est-ce qu'ils sont adaptés à la situation ou s'ils sont assez
souples pour suivre l'évolution de l'agriculture d'aujourd'hui ou si
selon vous c'est trop lent?
Mme Bérard: Je peux parler un peu. Ma soeur suit le cours
présentement au niveau secondaire en agro-technique, mais cela fait deux
ans qu'elle le suit et la première année il n'y avait rien de
fait. Ce sont eux qui ont bâti le cours. Comme le disait le monsieur de
l'ITAA, il n'y avait pas de matériel ou il manquait quelque chose. Il a
dit: la première
année, on a perdu toute notre année. Cette année,
elle dit que c'est différent parce que le gars connaissait cela; il sort
de l'université et on suppose qu'il veut tout leur montrer dans la
même année. Elle dit: Cette année on est "loadé" on
en a trop. Peut-être que si vraiment il y avait eu le cours... Je ne veux
pas dire de tout leur envoyer cela d'un coup mais peut-être leur
apprendre pour que ce soit plus en longueur, sans trop étirer mais pour
qu'au moins ce soit bien réparti. Cette année elle a
été en stage, elle a suivi les cours de gestion, elle a suivi les
cours de comptabilité et elle a appris à transférer une
ferme. Je trouve qu'elle en a appris beaucoup dans une année. Elle aussi
est bien contente d'avoir appris tout cela, mais tout cela a été
trop peut-être. Si le cours avait été mieux bâti ou
c'est peut-être expérimental, je ne le sais pas, je n'avais jamais
entendu parler du cours. Sylvie l'a suivi cette année. Cela fait deux
ans qu'elle le suit et elle a bien aimé cela. Elle était
peut-être bien bonne pour y aller, mais l'ITAA pour elle c'est trop long.
Il faut faire son secondaire V et s'en venir au cégep après.
Quand tu fais ton secondaire V tu es rendu à 21 ans quand tu sors
d'ici.
M. Baril (Arthabaska): Où a-t-elle suivi son cours?
Mme Bérard: À Saint-Césaire.
M. Baril (Arthabaska): C'est un collège, un
cégep?
Mme Bérard: C'est une école secondaire.
M. Baril (Arthabaska): Une école secondaire.
Mme Bérard: C'est comme le disaient les professeurs
tantôt: à l'ITAA il n'y avait peut-être pas le
matériel pour établir le cours; c'était à titre
expérimental.
M. Baril (Arthabaska): C'est là l'importance de leur
centre de concertation.
Mme Bérard: C'est peut-être une solution. Je ne le
sais pas, je ne connais pas assez cela mais je dirais que c'est peut-être
une solution qui ferait qu'il y aurait moins de perte de temps pour les
nouveaux élèves étant donné que c'est la
première année du cours et les premiers élèves ont
fait des expériences. Peut-être que les seconds cela ira mieux
mais il en reste seulement quatre cette année.
M. Baril (Arthabaska): J'ai une question qui se rattache à
votre mémoire: Pourquoi les 50 000 $ devraient s'appliquer à la
dernière tranche au lieu de la première tranche?
M. Bessette: Parce que c'est tout le temps la dernière
tranche qui est la plus chère.
Mme Bérard: II y aussi qu'à (a première
tranche, bien souvent, quand il y a le transfert du père au fils ou
à la fille, il est à 2%, 8% et ensuite il y a le taux normal.
Mais en le mettant aux 50 000 $ en dernier tu gardes tes 2%, tes 8% et
là tu t'en vas à 50 000 $.
M. Baril (Arthabaska): Je dois vous dire que j'aime rarement
poser une question dont je sais la réponse, mais pour la forme, pour
l'enregistrement des débats, je voulais vous l'entendre dire. Je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le. Président, pour votre rapport et
pour tout ce qu'il y a de recommandations à l'intérieur, d'autant
plus que nous avions eu l'occasion d'entendre seulement les
représentants de l'Association provinciale de la relève agricole.
Cela va évidemment dans le même, il va de soi parce que vous vivez
les mêmes problèmes. Je suis heureux de constater que les
discussions nous amènent à faire réaliser à mon bon
ami et collègue d'Arthabaska que finalement quand on étudie une
loi on n'a jamais assez de garantie de la part d'un ministre pour
connaître exactement ses orientations. Souventefois, 80% ou 90% du temps
- et cela je pense que tout le monde en est conscient autour de la table -
c'est que les législateurs que nous sommes, lorsque nous arrivons dans
nos bureaux de comté, que nous discutons avec nos électeurs qui
nous apportent des problèmes concrets qu'ils ont à vivre avec une
loi qu'on a adoptée, on est porté à se dire et on revient
ensemble et on dit: Maudit, ce n'est pourtant pas cela qu'on a voté. Ce
n'est pas l'esprit de la loi qu'on a votée. Pourtant, elle ne s'applique
pas de la même façon. Évidemment, plus on montrera
d'inquiétudes à l'étude, d'un projet de loi, plus on
évitera des occasions et des situations comme vous avez décrites.
Au moins, je suis heureux parce que j'aurai d'autres personnes pour m'appuyer
en commission parlementaire pour l'étude des projets de loi, afin de
nous faire avoir le plus de garanties possible de la part du ministre sur
certains points qu'on voudrait voir éclaircis et sur certaines choses
dont on doute avant que la loi soit mise en application. Tout compte fait, je
pense que, au moins de ce côté, on aura réalisé
certaines choses ensemble et ce n'est pas mauvais.
Je voudrais m'adresser à celui
malheureusement, je me rappelle plus de votre nom...
M. Bessette: Yves Bessette.
M. Picotte: M. Bessette, concernant votre prêt agricole,
à maintes et maintes reprises, on s'est fait dire: Les délais
sont beaucoup trop longs. Je me souviens d'avoir parlé avec un M.
Camille Moreau, président de l'Office du crédit agricole - c'est
enregistré à part cela, ce n'est pas une conversation
privée - où on s'est fait dire que, depuis l'opération
Desjardins, il me semble que c'est dans ce coin-là, que ce
n'était pas si pire que cela, la demande de prêt agricole, que
cela ne durait pas tellement longtemps, que c'était dans l'esprit des
"charrieux" surtout que cela prenait du temps.
Il me semble que c'est un élément de nature à
décourager la relève, d'attendre deux ans d'abord pour un
prêt agricole. J'aimerais savoir pourquoi vous avez attendu deux ans. Y
a-t-il des choses que vous avez négligé de faire,
premièrement? Deuxièmement, est-ce que vous avez obtenu votre
prêt agricole de la même façon que vous l'aviez
demandé ou si on l'a modifié? C'est encore une chose qu'on nous a
dite, qu'on modifie nos demandes en cours de route. J'aimerais vous entendre
là-dessus, je pense que cela pourrait éclairer tout le monde. Ne
vous gênez pas pour prendre le temps qu'il faut à part cela.
M. Bessette: Je ne suis quand même pas gêné de
parler de mon cas personnel.
M. Picotte: Non, non, mais en général, ce n'est pas
nécessaire...
M. Bessette: Non, je vais y aller avec mon cas personnel. La
première consultation qu'on a eue, c'est en avril 1983; on avait
été rencontrer le conseiller local. Il faut dire que, en cours de
route, on a changé trois fois de conseiller local, sans le demander.
Même, à un moment donné, on en a eu un autre, on en a
même eu quatre. C'est le "fun"!
On a demandé des consultations. Étant donné que,
comme tout le monde, mon père est poigné avec une entreprise de
600 000 $, je ne suis pas capable de tout acheter, on a formé une
société, notre comptable nous a constitué une
société. C'est bien beau tout celai J'ai acheté 60% des
parts. Tu allais là, tu posais des questions pour savoir comment faire
ton contrat de société, ce que tu voulais mettre dedans.
C'était correct, le notaire comprend cela, il va vous faire cela, il n'y
a pas de problème. Tu amenais une espèce de premier contrat de
société, tu le leur montrais et il n'y avait jamais rien de
correct pour eux. Tu leur demandais quoi mettre, il n'y avait rien là,
c'était le notaire qui connaissait cela. Quand tu le leur montrais, ce
n'était pas correct.
Finalement, avant qu'ils acceptent le contrat de société,
cela a pris une couple de mois. On a changé un peu d'idée,
là. On a déposé officiellement notre demande en juin 1984.
J'avais demandé d'acheter 60% de la part de mon père en faisant
une société. Mon père reste déjà au village,
il est déjà retiré complètement de la production
depuis presque trois ans. Il reste au village, comme on dit; cela a pris un an
au conseiller local pour s'en apercevoir. Il n'avait pas compris cela. Il
s'imaginait qu'on restait tous les deux dans la même maison.
À part cela, j'avais demandé, dans la formule initiale de
mon premier prêt, de prendre les dettes de mon père, dont 15 000 $
à 2, 5% et un bout à 8000 $, ce qu'il restait de mon père;
donc, c'est là que je reviens avec les 50 000 $, lesquels j'ai
refusés parce que ce n'était pas du tout rentable pour moi. Les
8000 $ étaient plus rentables pour moi, étant donné que je
perdais le taux de 2, 5%; cela ne valait pas cher pour moi, ces 50 000 $.
À part cela, j'avais demandé un certain montant pour payer mon
père. On calcule avec le comptable, je vais voir mon agronome local, on
calcule tout, j'arrive; j'arrive serré mais j'arrive. On va voir le gars
de l'Office du crédit agricole: Ah, cela va être pas mal
serré, ton affaire. Cela arrive, mais tout d'un coup une mauvaise
année! Qu'est-ce qui se passe? Ceci et cela. Finalement: Tu ne pourrais
pas en donner un peu moins à ton père pour partir. Cède un
peu et finalement, en dernier, je n'ai rien donné à mon
père. C'est comme ça que c'est arrivé. (18 h 15)
M. Picotte: Êtes-vous en train de me dire que, chaque fois
que vous changiez de conseiller, vous étiez obligé de recommencer
le processus?
M. Bessette: Oui. Ils disaient qu'ils venaient me rencontrer et
ce n'était pas le même gars qui arrivait à la maison. Il
fallait refaire... Le gars, premièrement, ne connaissait pas
l'entreprise; il fallait toujours recommencer à lui montrer l'entreprise
et lui remontrer les chiffres, il ne les connaissait pas. C'était
toujours ainsi. Ensuite, sur la question de payer mon père, l'argent que
je voulais donner à mon père, à un moment donné, on
avait concédé quelque chose et ils nous avaient dit: Cela va
arriver. Cela prenait du temps et ils ne nous disaient pas pourquoi ils
n'acceptaient pas notre projet. Ils nous avaient dit que cela arrivait, qu'il
n'y avait pas de problème au point de vue rentabilité et ils ne
nous donnaient pas de réponse. Finalement, mon père - on avait
suivi des cours de transfert - cela lui donnait des palpitations de
transférer sa
ferme et il avait hâte que ce soit fini. Â un moment
donné, il a dit: D'accord, cela va faire, prends uniquement les dettes
et je vais te financer. Aussitôt que j'ai dit cela au conseiller local,
cela a pris une semaine pour avoir son accord écrit, le prêt
consenti. Là, il était content.
M. Picotte: Le père allait supporter la dette.
M. Bessette: Là, comme par hasard, eux me
finançaient et je n'arrivais pas à payer mon père, mais je
fais un billet à mon père et j'arrive. Pourtant, c'est la
même dette et les mêmes paiements. Je n'ai pas compris cela encore
mais en tout cas.
M. Picotte: La même ferme, les mêmes animaux, la
même production et les mêmes risques d'avoir une mauvaise
année aussi.
M. Bessette: Oui. Ils sont contents parce qu'ils ont seulement
prêté pour les anciennes dettes de mon père et on arrivait,
mon père arrivait facilement avec le peu de dettes qu'il avait. Mon
père a 52 ans et il n'y a pas de problème, son
équité est très grande. J'ai dû signer à mon
père un billet plus élevé que les dettes qu'il avait
déjà. Ce sont les mêmes dettes et je vais arriver quand
même, apparemment, m'ont-ils dit, mais ils sont contents, eux ne m'ont
pas prêté, ils prennent moins de risque.
M. Picotte: Est-ce qu'on a essayé en cours de route de
vous faire diversifier le genre de production que vous aviez ou de vous dire
que ce serait plus facile dans un autre type de production?
M. Bessette: Non, ils ne nous ont jamais demandé cela.
Nous, c'est la production laitière et un peu de production
céréalière à côté mais très
minime. Il n'a jamais été question d'agrandir. Il a
été question, à un moment donné, de me faire
acheter des quotas, étant donné que, surtout en dernier, j'avais
du "lousse" un peu. Je n'ai pas tout pris ce que je peux avoir de
subventionnable à l'office. Il en a été question un peu
mais pas plus. Encore là, cela restait dans la production
laitière. Franchement, ils n'ont jamais essayé de me faire
acheter une autre terre pour la céréaliculture, disons.
M. Picotte: Je n'irai pas jusqu'à vous demander ce que
tout cela a pu coûter mais je suis persuadé, finalement, que le
fait de toujours recommencer et de toujours retourner voir des professionnels
tels les notaires ou autres, à la fin du compte, la facture est sans
doute pas mal plus élevée et les coûts inhérents
sont néfastes pour le jeune qui veut. Cela hante, c'est un point
important pour le jeune qui veut se lancer en agriculture. On dit
déjà qu'il est mal pris, qu'il est étouffé au point
de vue financement et on y ajoute des coûts qui, bien souvent, pourraient
être complètement évités.
M. Bessette: Seulement pour le coût du notaire,
sûrement que les délais vont me faire au moins entre 1000 $ et
2000 $ de plus pour le transfert parce que le notaire a dû souvent
refaire des papiers qui étaient bons dans le fond pour changer des
petits mots et le délai et a dû refaire certaines lettres. Le
comptable a recommencé d'autres projets.
M. Picotte: Avant de passer à une autre question, je pense
que madame avait...
Mme Bérard: Comme il disait, je l'ai déjà
rencontré, M. Moreau, et je ne sais pas où il est; il n'est
jamais à son bureau. Je l'ai eu aussi mon prêt agricole mais cela
n'a pas été court comme il pense. Quand il dit court, on peut
mettre 90 jours, mais quand c'est rendu à peut-être neuf, dix,
onze ou douze mois et que le vendeur attend pour se faire payer et qu'on est
stressé... On arrive à l'Office du crédit agricole et le
gars vous revire parce que vous êtes une fille, premièrement et
deuxièment, il vous revire parce que vous, vous ne connaissez rien. Je
me demande - d'accord, je ne suis pas allée à l'école bien
longtemps mais j'ai dix ans d'expérience sur la terre et mon père
a une bien grande terre - comment le gars peut me juger quand je me
présente au bureau et qu'il me dit: Vous feriez mieux de réviser
votre projet parce que peut-être que vous n'arriverez pas,
peut-être qu'il va vous manquer des vaches... quand on arrive avec un
projet et qu'on est capable de sortir notre argent pour faire nos paiements et
tout.
Quand on me dit qu'ils nous encouragent, je ne suis pas tellement
certaine de cela. M. Moreau a l'air d'avoir confiance bien gros à ses
hommes, mais je ne suis pas tellement... Parce que cette
année-là, on était trois: moi, ma cousine, mon cousin qui
arrivaient au bureau chacun notre semaine, on avait planifié cela pour
ne pas le faire fâcher, pour pas qu'il soit trop chargé, il nous
revire.
M. Picotte: Cette affaire est presque un concours.
Mme Bérard: C'est un concours, on s'achetait chacun une
terre, mais non. La question c'était que le gars il ne voulait pas, il
ne filait pas pour cela cette journée-là. M. Moreau dit que ses
gars sont bons, mais...
M. Picotte: J'ai cru comprendre au cours des mémoires que
nous avons entendus,
je ne sais pas s'il n'y a pas quelqu'un qui nous a fait des suggestions
voulant que ce serait peut-être plus facile si... J'aimerais vous
demander ce que vous pensez, en tant que jeunes de la relève, comme
représentants de ce qu'on appelle des agriculteurs à temps
partiel. Il me semble que quelqu'un nous a dit en cours de route que ce serait
peut-être plus facile si les jeunes qui veulent s'en aller en
relève agricole, on pouvait d'ores et déjà commencer
à les aider en les impliquant mais comme agriculteurs à temps
partiel.
Mme Bérard: Est-ce que cela a été
reconnu?
M. Picotte: Je ne sais pas si c'est reconnu, je ne crois pas,
mais avant, j'aimerais demander au sujet de la reconnaissance de ce type
d'agriculture si vous autres, en tant que jeunes, à prime abord, vous
avez déjà pensé à cette question et si,
effectivement, ce serait une des bonnes façons de commencer en
agriculture?
M. Bessette: Le problème, comme on disait, on
représente la région de Saint-Hyacinthe et dans cette
région les fermes ne sont pas tellement petites et des petites fermes il
n'y en a plus tellement. L'agriculture à temps partiel, peut-être
dans les autres régions, mais à Saint-Hyacinthe, je n'y crois pas
tellement. Premièrement, je ne sais pas si vous allez trouver une ferme
assez petite pour avoir un travail extérieur et avoir une petite ferme
à vous. Deuxièmement, s'il faut considérer que vous avez
le temps d'occuper un emploi à l'extérieur donc, la conclusion
est que c'est une ferme non rentable ou vraiment trop petite. Dans
Saint-Hyacinthe, je n'y crois pas tellement à cela, mais dans les autres
régions, peut-être, oui. Je ne sais pas si tu peux ajouter autre
chose.
Mme Bérard: Je n'y crois pas non plus.
M. Picotte: À la page 4 de votre mémoire, quand
vous dites que si tous les cours suivis par la relève à
l'éducation des adultes avaient été
accrédités par les maisons d'enseignement, quel serait le niveau
d'instruction des jeunes d'aujourd'hui? Vous posez une question, mais est-ce
que vous pourriez nous dire ce que cela serait?
Mme Bérard: On aurait tous été à
l'ITAA.
M. Picotte: Vous auriez tous... Pour la relève, les cours
aux adultes c'est beaucoup attirant, pour quelle raison? Je sais que dans ma
région, nos cours à l'éducation des adultes étaient
beaucoup plus fréquentés, beaucoup plus attirants, beaucoup plus
intéressants pour les agriculteurs que les cours que l'on dispensait
même si nous avons une option agricole chez nous au niveau de la
polyvalente, nos cours aux adultes étaient beaucoup plus
fréquentés pour une raison bien simple: c'est que souventefois,
quand on avait besoin d'un agronome, c'était un agronome qui donnait le
cours. Quand on avait besoin d'un mécanicien en mécanique
agricole, c'était mécanicien qui était embauché,
non pas un professeur régulier. Êtes-vous capable de fournir des
précisions un peu là-dessus?
M. Langelier: Peut-être une des choses par rapport à
la première partie de votre question, la réponse qu'on donnerait
à la question qu'on pose est difficilement évaluable d'une
façon générale. Par contre, ce qu'on peut dire dans
l'expérience du syndicat de la relève depuis cinq ans, c'est que
les différents groupes locaux qui forment le syndicat, à chaque
hiver, organisent plusieurs cours aux adultes, que ce soit sur la
fertilisation, que ce soit sur le transfert, que ce soit sur le dossier de
l'établissement ou autres. Dans le fond, plusieurs groupes organisent
plusieurs cours aux adultes sur différents aspects de l'agriculture.
À savoir au total comment est-ce que cela pourrait faire par
individu, c'est difficile à évaluer, mais ce qui est sûr
c'est qu'il y a un attrait pour la question des cours aux adultes. Pourquoi? Il
y sûrement une partie de la réponse qui réside dans le fait
qu'il y a un certain nombre de jeunes qui n'ont pas pu, pour différentes
raisons, avoir un cours agricole à temps plein, soit d'agrotechnique ou
le niveau collégial par le cégep ou l'ITAA. Ce qui veut dire
qu'à ce moment, tout en étant conscient de la
nécessité d'une bonne formation pour administrer leur ferme, ces
jeunes vont, par le canal de l'éducation des adultes, combler ce besoin
qu'ils n'ont pas pu combler pour différentes raisons, par le biais de
l'éducation régulière aux jeunes à temps plein.
M. Picotte: En terminant parce que je veux laisser huit à
dix minutes à d'autres de mes collègues de ce côté
pour poser des questions, j'aurais bien aimé vous entretenir un peu sur
le choix des 50 000 $ et des 8000 $. On avait obtenu cela à bout de
bras, en pleine nuit, à l'Assemblée nationale pour que ce choix
persiste et perdure jusqu'au 31 décembre. J'espère qu'on ne fera
pas la même chose.
M. Gagnon: Une question de règlement. Je pense qu'à
venir jusqu'à maintenant, la commission a très bien
été et il n'y a pas eu de partisanerie. Là si vous laissez
aller le député de Maskinongé dans ce sens, je vous jure
qu'il va y avoir de la partisanerie pas simplement de son bord.
Le Président (M. Dupré): Le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président à moins que ce que je
dis là soit inexact si c'est inexact...
M. Gagnon: Voilà ce que j'aurais... M.Picotte:
Si c'est inexact.
Le Président (M. Dupré): En revenant au
mémoire.
M. Picotte: Si c'est inexact on a juste à aller
vérifier au Journal des débats. De toute façon, vous avez
demandé encore... et si le député de Champlain avait
été présent aux autres auditions il aurait vu que cela a
été une chose qui a été discutée à
Montréal et qu'on nous demandait encore un prolongement cette
année. Alors peut-être que vous auriez intérêt
à relire ce qui s'est passé antérieurement. De toute
façon sur cela on va essayer de faire le nécessaire, tout le
monde, tant que nous sommes, j'imagine, pour que ce choix vous soit
laissé.
Une dernière question rapidement. J'ai déjà
participé à une émission de télévision
à laquelle il y avait des gens de la relève agricole et où
il y avait aussi... On a semblé dire à un moment donné que
du fait qu'il y ait un besoin de 1200 personnes en relève agricole
annuellement le manque ou ce qu'il fallait combler c'est d'avoir au moins 1200
jeunes qui décident de prendre la relève sur les fermes au
Québec et que là c'était moins alarmant de ce
côté. Cela semblait dire que si les jeunes y allaient finalement
c'est parce que cela était assez attirant, donc qu'il y avait beaucoup
moins de problèmes qu'on en laissait prévoir. Est-ce que cela
veut dire que si les jeunes vont en agriculture aujourd'hui, c'est parce qu'ils
ont un goût du risque supérieur à celui que nos parents
avaient dans le temps, compte tenu de tous les problèmes que cela
comporte? II y a quand même 1200 jeunes qui annuellement arrivent sur le
marché des fermes pour assumer la relève.
M. Langelier: Si je comprends bien la question vous dites
finalement: II ne semble pas y avoir de problème de relève parce
qu'il y a suffisamment de jeunes qui y sont intéressés. À
ce moment qu'est-ce qui explique qu'il y a beaucoup de jeunes qui sont
intéressés à prendre la relève? C'est un peu cela
la question.
M. Picotte: C'est le goût du risque j'imagine.
Mme Bérard: C'est peut-être parce qu'on aime cela
aussi. On aime à rester sur nos fermes, c'est un goût qu'on
développe.
Je n'aurais vraiment pas été intéressée
à travailler dans une usine. C'est un goût personnel que chacun a
en soi, je suppose. Comme le disait tantôt, je ne sais pas quel
député qui disait qu'un pêcheur n'est pas
nécessairement pêcheur mais quand on a une ferme on est
peut-être plus tenté que... Cela ne me disait rien d'aller en
ville.
M. Picotte: II y a un aspect vocationnel dans cela.
Mme Bérard: Vocationnel peut-être un peu, c'est une
vocation.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Champlain.
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Je ne répondrai
pas à... quatre minutes encore moins. Je veux revenir sur ce que vous
avez conté comme cas personnel, pour les difficultés que vous
avez eues à obtenir votre prêt agricole. Madame aussi a
mentionné d'autres cas et c'est peut-être le vôtre aussi que
vous avez mentionné. C'est un fait qu'il y a des cas actuellement qui
sont difficiles. Je saisi comme député de mon comté, j'ai
eu à m'occuper personnellement de certains cas de crédit agricole
mais on ne peut pas généraliser. Quand on dit qu'actuellement un
crédit agricole s'obtient assez vite, c'est vrai, mais cela restera
toujours peu importe la loi ou peu importent les modifications qu'on peut
apporter il y aura toujours des cas un peu plus compliqués. Par exemple,
j'en ai eu un dans mon comté où la ferme valait 1 500 000 $. Le
père ne pouvait pas la partager comme cela. Moi-même j'ai fait des
sessions avec ses fils et le père pour les faire s'entendre ensemble et
pour former une compagnie. Tout cela a pris du temps mais je pense que le cas
était assez compliqué pour que cela prenne du temps. Finalement,
après cela, tu as l'Office du crédit agricole qui fait aussi ses
suggestions pour la bonne marche de l'entreprise.
Ce que j'ai aimé dans votre mémoire, on a posé pas
mal de questions actuellement et vous avez donné des chiffres
intéressants par rapport aux statistiques où vous avez
mentionné par exemple qu'en 1961 et en 1971 - je n'ai pas les dates
exactes - mais de plus en plus la production agricole qu'on a besoin se fait
par un nombre toujours de moins en moins grand d'agriculteurs. (18 h 30)
Vous avez mentionné vous-même, M. Bessette, je pense, que
vous avez acheté une ferme autour de 600 000 $, si j'ai bien compris.
Cela m'amène à poser une question. Toute la journée, tout
l'après-midi, on a parlé - à peu près tous les
intervenants -d'agriculture de type familial. Vous avez tantôt
tenté de donner une définition de
l'agriculture de type familial. Cela me tente de vous demander
d'élaborer un peu plus, parce que je pense que c'est encore un
débat, même au sein de l'UPA. Enfin, tout le monde en parle. On
essaie de définir le type familial. Quand on est rendu avec des fermes,
par exemple, 1 500 000 $, une dont je vous mentionnais dans mon comté et
je suis certain qu'il y en a plusieurs comme ça ici, est-ce que pour
vous c'est encore de l'agriculture de type familial. Ce serait quoi une ferme
idéale pour que ce soit réellement une entreprise familiale?
Tantôt les gens à l'ITAA ont mentionné justement: Est-ce
que les gens d'aujourd'hui veulent avoir ces grosses patentes-là? Est-ce
que ce ne serait pas un autre type de grosseur d'entreprise qu'on recherche?
Quelle est votre définition de l'agriculture de type familial?
M. Bessette: Une ferme familiale, il n'y en a pas de
définition, on n'est pas capable d'en trouver. Si je me
réfère à voilà deux semaines, tu avais trois types
de jeunes qui étaient là. Le type qui avait une ferme qu'il
disait vraiment familiale, qui était tout seul et qui disait que quand
il prendrait la relève, il s'arrangerait pour être tout seul avec
son épouse pour faire l'ouvrage. Tu avais le gars qui était
là et qui disait: Avec un de mes frères ou une de mes soeurs, je
vais être correct pour faire l'ouvrage. Tu avais l'autre qui disait: Moi,
mon père, mon frère et un ou deux employés, on va faire
l'ouvrage et on a tous les trois des fermes familiales. Même le gars qui
disait: On va être trois avec un ou deux employés, il disait:
c'est bien beau, mais nous autres, on est encore capable de tout
contrôler notre, ferme. On est capable de contrôler tous nos
champs, tous nos animaux, les employés ne sont là que pour nous
aider. C'est ça pour nous une ferme familiale, on contrôle tout,
on contrôle même le temps des employés. Pour nous autres,
c'est encore une ferme familiale, pourtant ils sont cinq salaires à
longueur d'année là-dessus. Tu as l'autre aussi qui est seul avec
son épouse et qui, lui aussi, a une ferme familiale. C'est difficile de
dire ce qu'est une ferme familiale. Dans Saint-Hyacinthe, peut-être
encore plus, parce que c'est dans cette région-ci qu'on a les plus
grosses fermes. Pour nous autres quand on dit: la famille immédiate
possède l'entreprise, la contrôle et apporte la majorité du
travail nécessaire, je pense que c'est pas mal notre définition
de ce que c'est une ferme familiale.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Champlain.
M. Gagnon: Juste une autre petite question.
Le Président (M. Dupré): Très courte.
M. Gagnon: J'ai peut-être été trop long. Vous
avez mentionné l'agriculture familiale par rapport aux grosses
corporations multinationales que vous ne voudriez pas voir devenir
propriétaires des fermes. Est-ce que dans la région ici, c'est
commencé, que les fermes soient la propriété
d'entreprises. Je ne parle pas des fermes d'élevage, j'en connais des
fermes d'élevage, dans le porc entre autres, je le sais. Dans la grande
culture, est-ce que c'est commencé?
M. Bessette: La grande culture, au Québec, non. Nous
autres au Québec, le cas le plus près serait justement dans le
porc. Tu avais le gars qui avait sa porcherie, mais c'est point final, les
porcs qui étaient dans sa porcherie, n'étaient pas à lui.
Lui, il était payé seulement au porc qui sortait. S'il y en avait
qui mouraient, ce n'était même pas ses affaires, il était
payé au porc vivant qui partait à l'abattoir. Tu avais le gars
qui n'était même pas propriétaire de la terre, à un
moment donné, non plus. Ça c'est un type d'intégration pas
mal flagrant. L'intégration dans le porc au Québec, à un
moment donné, voilà deux, trois, quatre ans, était pas mal
flagrante. Au Québec, dans l'industrie laitière, c'est un peu
plus difficile et c'est assez même difficile à cause des quotas au
Canada. Dans les céréales, ça ne l'est pas encore mais,
nous autres, on se référait surtout au Nouveau-Brunswick
où ce n'est pas tellement loin la production de la pomme de terre.
Tout le monde est au courant de McCain. Qu'est-ce qui est produit che2
McCain? McCain produit à peu près toute la pomme de terre du
Nouveau-Brunswick. Ça ne sera pas bien long, si elle continue comme
ça, elle possédera pas loin de 20 000 acres prochainement. Les
producteurs qui font faillite, McCain les achète et les fait travailler
sur ses propres terres à des coûts, pas ridicules, mais
encore-là, les producteurs disaient dans le film que c'était
peut-être encore mieux au point de vue salarial, pour eux, de travailler
pour McCain que de travailler pour eux-mêmes. Sauf qu'ils n'avaient plus
d'ambition, ils n'avaient plus rien, ce n'étaient que des
employés. Il n'y avait plus tellement de "challenge" à avoir une
ferme. Au Nouveau-Brunswick, ce n'est pas les États-Unis, c'est juste
à côté. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Huntingdon et M. le député de Berthier, chacun une
question.
M. Houde: Bonjourl Félicitations pour ce que vous avez
présenté. Je voudrais poser seulement une courte question
à la proposition 11. Quel est le but visé en ayant un prêt
non tranférable?
M. Langelier: Dans !e fond, quand on suggère que ce
prêt consenti à taux croissant ne soit pas transférable, on
parle de la partie à taux croissant. Cela va dans le sens du prêt.
Ce qu'on voulait, c'est s'assurer que ce soient vraiment les jeunes qui
bénéficient de ce prêt et non pas qu'un jeune puisse
bénéficier de ce prêt et que deux ans après,
finalement, il vend pour différentes raisons et que ce soit
transféré à quelqu'un qui n'est pas de la relève
agricole, qui n'est pas un jeune. C'est dans ce sens qu'on propose qu'il ne
soit pas transférable. C'est pour s'assurer que ce soit vraiment les
jeunes qui bénéficient de ça, puisque, comme il a
été dit au début, ce qui est proposé, ce sont des
mesures spécifiques pour la relève, parce que celles qui sont
actuellement en place, de 8000 à 50 000, ne sont pas suffisantes pour
permettre des conditions décentes d'établissement pour les
jeunes.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux vous
féliciter pour votre mémoire. Le sujet que je voulais soulever a
été discuté brièvement par mon collègue de
Champlain. Mais je veux poursuivre dans la même veine au niveau d'une
crainte qui est, jusqu'à un certain point, à l'effet que le
nombre de fermes diminue au Québec.
Vous donnez des chiffres de 1941 à 1981. On peut percevoir la
diminution très progressive et constante depuis ce temps. Voici la
question que j'aimerais vous poser: Est-ce qu'on devrait parler en termes de
nombre de fermes ou plutôt en termes de nombre de personnes
propriétaires de fermes? Parce que je pense que cela a quand même
une incidence sur la discussion. Je crois que, qu'on le veuille ou non, le
nombre de fermes va continuer à diminuer jusqu'à un certain
point, c'est-à-dire, le nombre d'unités de fermes.
Regardons seulement des productions très
spécialisées, comme dans l'horticulture, la laitue, les carottes.
Cela peut aller dans la production céréalière, parce que
quand vous achetez un tracteur de 250 ou de 200 forces, et une
moissonneuse-batteuse de 150 000 $, vous devez avoir une grosse ferme,
autrement, vous ne pourriez pas vous payer ça.
Mais, parlons de production spécialisée, comme la laitue.
Cela prend un refroidisseur sous vide. Dans la carotte, ça prend un
entrepôt à parois doubles qui est très dispendieux. Dans
certaines autres productions spécialisées, on parle de
refroidissement avec glace, des machines de 150 000 $, de 175 000 $ ou de 200
000 $. Comment peut-on ne pas accepter que le nombre de fermes diminue, tout en
conservant peut-être le même nombre de copropriétaires de
fermes? Dans ce sens-là, est-ce qu'il y a des statistiques qui indiquent
que le nombre de personnes vivant de production agricole,
copropriétaires ou propriétaires, aurait diminué
sensiblement depuis, disons, dix ans? Parce qu'on remarque que les fils forment
une compagnie avec leur père, ce qui n'existait pas, il y a X
années. On divisait une terre en quatre petites terres et, finalement,
chacun des fils était propriétaire d'une ferme et on
l'interprétait comme ça.
Mais, aujourd'hui, je pense qu'il faudrait peut-être changer la
façon d'interpréter ça et aller plutôt vers le
nombre de personnes qui vivent de l'opération.
M. Bessette: II peut y avoir deux exemples différents.
Vous allez être en production laitière. C'est certain qu'on n'est
plus capable de séparer les grosses fermes. Il y a quelqu'un qui disait
la semaine passée que quand tu allonges ta grange, tu n'es plus capable
de la rapetisser, c'est certain. Dans la production
céréalière ou horticole, comme vous en avez parlé,
c'est un peu différent.
Mettons qu'on parle des entrepôts réfrigérés
pour l'horticulture; je me réfère au colloque de l'UPA, la
semaine passée. Il y avait des producteurs horticoles
indépendants qui parlaient de rester indépendants à
produire leurs produits, mais è se mettre en commun pour
réfrigérer leurs produits et se mettre en commun pour vendre
leurs produits, se mettre en groupe. C'est là qu'il y a des
développements pas mal intéressants dans l'attitude des
agriculteurs, aujourd'hui; c'est de se mettre ensemble, de former de gros
groupes pour transformer ou écouler leur marchandise.
Mais la mentalité au point de vue de produire est encore celle
d'être indépendant le plus possible et de ne pas
nécessairement être plus gros pour avoir un plus gros pouvoir sur
le marché. Je sais que dans l'horticulture, cela en est un bel exemple.
Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question.
M. Dubois: Ma dernière question serait de savoir si le
nombre de, personnes propriétaires, copropriétaires de fermes a
diminué sensiblement, mettons, depuis dix ans? Est-ce que vous avez des
recherches dans ce sens-là? C'est parce que, tout en soulignant la
crainte de voir le nombre de fermes diminuer, s'il y a autant de personnes qui
sont propriétaires de fermes, mais qui vivent dans des grosses
unités au lieu d'une unité plus petite, je comprends, à ce
moment-là, que le transfert peut être plus difficile. Je l'accepte
bien, mais, si on conserve le même nombre de travailleurs,
copropriétaires ou propriétaires, est-ce qu'il y aurait des
études de faites dans ce sens-là par la réserve
agricole?
M. Bessette: On dit présentement que sur 38 000 fermes, il
y aurait à peu près 50 000 agriculteurs. Cela veut dire qu'il y a
à peu près 1, 3 producteur par ferme. Cela veut dire que c'est
certain qu'il y a des fermes qui ont deux ou trois producteurs
propriétaires maintenant, mais c'est certain que la main-d'oeuvre
agricole a pris une place beaucoup plus importante, aujourd'hui, et en prend
une de plus en plus, parce que la main-d'oeuvre dans le monde agricole
demeurera toujours essentielle. On a beau parler d'innovations technologiques,
on a beau parler d'ordinateurs, de tout ce que l'on voudra, mais la
main-d'oeuvre est encore plus que nécessaire dans le monde agricole
aujourd'hui. L'homme ne se remplace pas par la machine n'importe où,
surtout pas dans le domaine agricole. Mais, le nombre d'employés
aujourd'hui s'en va... Il y a beaucoup d'employés qui prennent la place
de producteurs propriétaires, aujourd'hui. Il y a des producteurs qui
grossissent et qui, pour pouvoir faire l'ouvrage, engagent des employés.
Il n'y a pas seulement des propriétaires producteurs, aujourd'hui. Il y
a aussi...
Le Président (M. Dupré): M. le
député, notre temps est déjà expiré.
Je voudrais vous faire une petite suggestion. On est ensemble, en
catimini. Personne ne sait qu'on est ici. Lorsque vous avez parlé de
votre cas, tantôt, et vous, vous avez parlé de votre cas qui n'est
pas généralisé. Par contre, que direz-vous si, une fois
votre prêt obtenu, vous receviez du gouvernement, du ministère,
une fiche de notation? Le fonctionnaire serait au courant qu'il y aurait une
fiche de notation qui parviendrait au ministère, comme quand vous allez
dans les hôtels et qu'ils vous demandent si le savon fait votre affaire
ou pas. Je pense que, peut-être que... Je ne vous dis pas qu'on se
servirait seulement d'une notation pour juger quelqu'un, mais je ne sais pas,
j'aimerais, tout en terminant, avoir votre idée là-dessus pour
voir si vous trouvez cela intéressant ou pas.
M. Bessette: Mais, je vois mal le jeune qui fait une note
très négative envers un conseiller et qui retourne trois ans
après pour se faire refinancer.
Le Président (M. Dupré): Merci bien.
Je vous remercie de vous être présentés, d'avoir
répondu à notre appel et de la consistance de votre
mémoire. Je vous remercie beaucoup.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 43)
(Reprise à 20 h 20)
Le Président (M. Dupré): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Je demanderais à la
Fédération de l'UPA de Nicolet de prendre place. C'est
déjà fait. Je demanderais de vous identifier et d'identifier les
gens qui vous accompagnent.
Fédération de l'UPA de Nicolet
M. Raîche (André): Mon nom est André
Raîche, président de l'UPA de Nicolet. Bonjour. A mes
côtés, Jean-Marc Lavigne, directeur régional, Réjean
Saint-Pierre, vice-président et, en même temps, responsable du
suivi du sommet économique, et Normand Jacob, économiste et
responsable du développement régional.
Le Président (M. Dupré): Messieurs, le temps que
vous avez à votre disposition est une heure pour présenter votre
mémoire et cela comprend aussi les questions de part et d'autre. Le
temps qu'il restera une fois que vous aurez fait votre exposé sera
divisé entre les deux formations politiques.
M. Raîche: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
voudrais vous dire qu'on est satisfaits de se présenter devant cette
commission parlementaire. Je pense qu'on est une région agricole
importante. Dans notre coin, l'agriculture domine sur bien d'autres choses. On
a également des problèmes dans notre région sur le
financement. Vous en avez entendu parler dans le courant de l'année; du
moins, on le prétend. Quand on parle du problème de la
relève, du financement et de l'endettement en agriculture, pour nous, au
niveau régional, on relie cela à un autre problème
également qui est le respect des coûts de production. Quand on
parle de l'agriculture, il faut également parler de rentabilité.
On associe un peu tout cela et c'est pour cela que, dans notre mémoire,
vous allez voir qu'on s'éloigne un peu pour revenir dans le vif du
sujet. Je demanderais au directeur régional, M. Lavigne, d'en lire une
partie.
M. Lavigne (Jean-Marc): MM. les membres de la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, c'est avec
empressement que la Fédération de l'UPA de Nicolet a
manifesté la volonté d'intervenir dans ce débat sur la
relève, le financement et l'endettement agricole au Québec. Nous
sommes d'autant plus concernés par les thématiques de cette
commission qu'elles englobent à la fois les problématiques
dominantes du contexte actuel dans lequel évolue l'agriculture et les
assises sous-jacentes aux actions politiques susceptibles
d'être posées pour diriger ce secteur économique
vers de meilleurs lendemains.
Notre vision de l'agriculture est fort probablement différente de
la vôtre, du moins à un égard. Ainsi, vous associez les
difficultés actuelles en agriculture aux problèmes de
financement, alors que, pour nous, elles sont aussi, sinon plus, liées
à la dérogation des coûts de production. Incidemment, plus
le producteur s'éloigne de son coût de production et moins il
pourra couvrir son endettement, nonobstant les programmes de crédit
agricole ou la compétence des agriculteurs. Pour nous, la relève,
le financement et l'endettement constituent des problématiques
essentiellement causées par la transgression des coûts de
production. À cet égard, nous sommes convaincus qu'il faudra
prochainement une nouvelle commission parlementaire afin de mesurer les
conséquences du non-respect des coûts de production sur la
situation financière des agriculteurs. Peut-être pourra-t-on alors
découvrir les véritables raisons des gestes fortuits posés
dernièrement par certains ex-producteurs de notre région.
Évidemment, plusieurs diront que les politiques gouvernementales
en matière d'agriculture visent précisément à
combler cette lacune entre les revenus réels des agriculteurs et leur
coût de production. Toutefois, si tel est le cas, la
réalité nous permet de douter de l'efficacité de
programmes gouvernementaux.
Ainsi, les politiques de crédit agricole actuelles s'inspirent
d'une approche par programme alors que l'agriculture se constitue de divers
types de productions dans lesquels oeuvrent des professionnels dont les besoins
financiers sont aussi différents que variés. Concrètement,
en établissant des programmes universels de financement, basés
notamment sur la valeur des exploitations et sur une rentabilité
figée dans le temps, on oublie trop facilement les fluctuations de prix,
les risques naturels et combien d'autres zones d'influence.
S'il est donc facile pour le gouvernement d'adapter ses interventions
à tous les producteurs, il lui est tout aussi facile d'ajuster ses
opérations en fonction du contexte vécu dans chacune des
productions et, par conséquent, de limiter ses propres risques
d'erreurs. Ainsi, durant les périodes où les revenus sont
faibles, on tire sur les cordons de la bourse alors que, pendant les
"marées hautes", on ouvre trop facilement cette bourse.
Pourtant, c'est précisément au moment où les
agriculteurs ont le plus de difficultés qu'il faudrait penser à
ouvrir les goussets, non pas durant les bonnes années. En fait,
historiquement, dans les productions laissées au libre marché, le
contexte est trompeur du fait que, généralement, les prix
élevés ont été provoqués par une diminution
de la production, elle-même provoquée par de bas prix.
Ironiquement, la hausse des prix conduira inévitablement vers une
hausse de la production et... une chute des prix. Ce phénomène
est cyclique et fort caractéristique du système capitaliste
nord-américain. De plus, il faut ajouter â ce scénario
d'autres phénomènes, telles les baisses de consommation, la
diminution des marchés d'exportation, les difficultés
financières des pays exportateurs, etc.
On comprendra donc que, tant et aussi longtemps que ce système
existera, les faillites succéderont aux faillites, et ce, au même
rythme que les cycles ou la conjoncture elle-même. C'est d'ailleurs
pourquoi l'UPA insiste tant, depuis quelques années, afin de
créer des plans conjoints de mises en marché et des agences
nationales pour ajuster l'offre à la demande et pour fournir à
chaque producteur un coût de production moyen et, par conséquent,
un revenu stable et adéquat.
Mais avant de réaliser cet objectif, les mesures protectionnistes
devront tenir compte de ces phénomènes et composer davantage avec
les convulsions du marché et des autres impondérables de
l'agriculture. Certes, il existe des programmes d'assurance-stabilisation.
Toutefois, leur application nous démontre qu'ils sous-tendent davantage
des objectifs de superefficacité plutôt que d'être des
palliatifs au coût de production. À cet égard, nous ne
pouvons que déplorer les formules sur lesquelles se base le
ministère pour évaluer les coûts de production. Il faudrait
surtout tracer ce coût en tenant réellement compte de moyennes et
inclure tous les coûts. Par exemple, la prime n'est pas encore
comptabilisée. Donc, qui peut affirmer que ce n'est pas un coût
pour le producteur?
Par ailleurs, les programmes de crédit agricole ne pourront
être efficaces sans que, lors d'une décision bureaucratique, on
s'engage aussi à appuyer les producteurs durant les mauvaises
périodes par le biais de mesures transitoires, tels des programmes
spéciaux d'aide aux producteurs en difficulté. Â cet effet,
nous devons mettre en garde le gouvernement contre des pseudo-mesures d'aides
qui, en fait, ne font que reporter à plus tard l'"exécution" des
producteurs. On se rappellera que les prêts spéciaux consentis aux
producteurs de porcs en difficulté sont devenus, après deux ans,
de véritables guillotines pour ceux qui réussissaient enfin
à voir la lumière au bout du "tunnel". C'est pourquoi il faudra
prévoir des dispositions plus adéquates pour permettre aux
producteurs de se relever véritablement de ces mauvaises
périodes.
Maintenant que nous avons émis des commentaires sur le
financement et
l'endettement par rapport aux productions, permettez-nous
d'établir quelques constatations sur ces mêmes
éléments en regard des producteurs eux-mêmes.
D'une part, il est évident qu'il existe au moins deux types de
producteurs au Québec. Il s'agit de celui qui possède un
endettement important et l'autre.
Si on s'attarde quelque peu à l'autre, on verra qu'il s'agit
généralement d'un producteur qui oeuvre en agriculture depuis
plus d'une douzaine d'années et qui a profité notamment de
l'inflation pour augmenter son avoir net. En effet, selon un sondage
effectué par la Société du crédit agricole, ce sont
les jeunes agriculteurs, soit ceux qui, en moyenne, sont en agriculture depuis
moins de treize ans, qui ont de la difficulté présentement.
D'ailleurs, c'est à même cet avoir net que ces agriculteurs
réussissent à se maintenir en production lors de périodes
"creuses". De plus, compte tenu de leur charge financière moins
importante, le coût de production est par conséquent beaucoup
moins élevé.
Toutefois, pour le nouveau producteur ou pour celui qui a trop
puisé dans son avoir net, au contraire, la situation financière
est fort différente.
Premièrement, pour le nouveau producteur, il est essentiel de
savoir qu'aucun programme ne le protège adéquatement. Que ce soit
le poids de la concurrence ou les exigences des formules de mise en
marché collectif, il n'en demeure pas moins que le nouveau producteur
doit assumer un endettement tellement substantiel que la moindre
défaillance met souvent en péril la survie de l'entreprise.
À cet égard, "l'erreur n'est pas humaine" pour le nouveau
producteur. Ce phénomène n'est pas nouveau, direz-vous.
Toutefois, il n'a jamais été aussi manifeste que depuis les trois
dernières années.
En termes clairs, la marge de manoeuvre des nouveaux producteurs se
révèle tellement réduite actuellement que même les
compétences du nouvel arrivant ne garantissent pas la réussite en
agriculture. Evidemment, on comprendra que l'incompétence n'a plus sa
place dans notre milieu. À cet égard, une formule adéquate
s'avère de plus en plus indispensable avant de se lancer en
agriculture.
Conséquemment, la Fédération de l'UPA de Nicolet
propose que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, en collaboration avec le ministère de l'Éducation
et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, entreprenne une évaluation exhaustive des programmes de
formation en agriculture.
M. Jacob (Normand): Nous croyons en effet que ces programmes
n'atteignent qu'une infime partie de la relève agricole. Noyautée
dans le carcan de l'éducation permanente ou dans certains objectifs de
la formation professionnelle aux adultes, la formation agricole est
bâillonnée de toutes parts. En fait, il faudrait ajuster tous les
programmes de formation en fonction des prérogatives et des conditions
du milieu.
Premièrement, nul n'est sans savoir que bon nombre de futurs
exploitants quittent l'école très tôt. Ceux-ci croient
qu'il vaut mieux travailler sur la ferme avec leurs parents en attendant le
transfert plutôt que de s'enliser dans un programme rigide
d'éducation. Ce n'est certainement pas en préconisant uniquement
la formation générale de base au niveau secondaire que nous
convaincrons ces jeunes à poursuivre leurs études. Il faudrait
plutôt accentuer le contenu des programmes de formation professionnelle
afin de procurer à ceux-ci le maximum de connaissances du milieu dans
lequel ils seront appelés à travailler éventuellement. (20
h 30)
Par ailleurs, au niveau collégial, le critère de
disponibilité nous semble être un obstacle majeur pour bon nombre
de futurs exploitants. Concrètement, nous soupçonnons que de
nombreux jeunes pourraient poursuivre leur formation dans une institution
collégiale ou dans un institut de technologie agricole si les
périodes de formation étaient le moindrement ajustées en
fonction des périodes de travaux intenses de la ferme. Finalement, le
secteur de la formation professionnelle agricole aux adultes nous
apparaît indispensable pour suppléer au manque de formation des
futurs exploitants et aux producteurs qui anticipent de se perfectionner.
À cet égard, nous sommes conscients que l'agriculture se
prête mal aux règlements et directives édictés par
les commissions de formation professionnelle. Ainsi, pour jusfifier le maintien
des programmes à la relève, il faut constamment travailler afin
de prioriser ce secteur. À notre avis, cette façon d'agir n'offre
aucune garantie pour les utilisateurs. Par conséquent, nous proposons
que le comité interministériel sur la formation professionnelle
confère à la formation professionnelle agricole un statut
particulier et une enveloppe budgétaire distincte. De plus, toutes les
commissions de formation professionnelle (CFP) en zones rurales devraient
ouvrir un service permanent d'orientation en agriculture. Ce service ne devrait
en aucun cas relever de la direction régionale du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais d'une direction
provinciale de la formation de la relève agricole, composée de
représentants du MAPAQ, du MEQ, du MMSR, de la Fédération
de la relève agricole, des syndicats de gestion et de l'UPA. Selon nous,
il faut, dans la mesure du possible, éviter
que le MMSR ou la CFP freine, par ses politiques globales,
l'émergence de programmes adaptés notamment à la
relève agricole.
Somme toute, la Fédération de l'UPA de Nicolet est d'avis
que la formation de la relève agricole passe par plusieurs voies et que
la qualité des programmes n'est qu'un critère parmi une multitude
de contraintes. En abolissant ces contraintes, nous pouvons vraisemblablement
augmenter substantiellement le nombre de futurs exploitants formés, et
ainsi potentiellement compétents.
D'autre part, la problématique de la dimension financière
des nouveaux producteurs doit aussi être réévaluée
dans le contexte actuel. À cet égard, nous avons fait, dans notre
région, une réflexion en profondeur sur la situation et les
possibilités de modifications du système actuel. Cette
réflexion origine de la création d'un comité
d'étude sur les transferts de fermes établi lors du sommet
économique de la région 04, en mai 1983. Compte tenu de
l'expertise des membres de ce comité, soit des représentants de
l'UPA, de l'Office et de la Société du crédit agricole, de
la Fédération des caisses Desjardins, de l'Association des femmes
collaboratrices et des femmes en agriculture, de l'Association des jeunes
ruraux, du MAPAQ, d'Agropur et de deux députés de notre
région, MM. Jacques Baril et Marcel Gagnon, qui sont en l'occurrence
membres de cette commission, il nous apparaît important de souligner les
conclusions de leurs réflexions.
Ainsi, lors de la phase II du sommet économique de notre
région qui a eu lieu dernièrement, le comité
d'étude sur les transferts de fermes soulignait, et je cite: "Afin de
minimiser les obstacles majeurs à l'établissement des jeunes en
agriculture, on sollicite des modifications à l'aide que l'Office du
crédit agricole offre présentement, moyennant le respect de
certaines exigences en matière de formation agricole... Après
l'analyse des principales mesures d'aides à l'établissement, il
appert que le problème de liquidité et celui du manque de
capacité de remboursement sont des facteurs qui constituent des
embûches majeures à l'établissement. Il faut donc y trouver
des solutions qui satisferont, d'une part, les organismes de crédit
agricole et, d'autre part, ceux qui ont besoin de cette aide pour
s'établir. "
Concrètement, le comité a proposé, lors de la phase
II du sommet économique, d'établir un programme basé sur
des taux d'intérêt progressifs. Ainsi, le comité croit que
l'une des mesures les plus efficaces pour les nouveaux producteurs serait
d'augmenter le prêt à l'établissement de 50 000 $ à
150 000 $ sans intérêt au cours des cinq premières
années. Par ailleurs, à compter de la sixième
année, on devrait prévoir un taux d'intérêt
progressif, donc augmentant à chaque année, pour plafonner au
taux d'intérêt prévu par l'Office du crédit
agricole, en conformité avec son programme, à compter de la 15e
année du prêt. Évidemment, ce prêt ne devrait jamais
comporter un taux d'intérêt supérieur è 10%.
Pour le comité et pour la Fédération de l'UPA de
Nicolet, cette proposition constitue non seulement une orientation politique
souhaitable, mais un énoncé susceptible d'améliorer
substantiellement les problèmes financiers de la relève agricole.
Il allège le fardeau du nouveau producteur et lui permet d'adapter, au
cours des premières années d'établissement, la situation
financière de son entreprise à ses propres capacités de
remboursement. De plus, il lui permet d'effectuer des investissements pour
moderniser et améliorer la capacité de remboursement de
l'entreprise. Évidemment, nous le répétons, il
s'avère nécessaire de greffer des critères de formation
à cette mesure politique puisque la compétence des nouveaux
exploitants est liée directement à toute formule de financement.
Il incombe que le nouveau producteur puisse gérer adéquatement
son exploitation et maîtriser la subtilité des techniques de
production modernes en agriculture. Par ailleurs, le comité a
greffé à cette exigence de formation deux autres critères
d'admissibilité: premièrement, que ce prêt fasse l'objet
d'un suivi et, deuxièmement - il y a eu une modification au
mémoire - que les avantages financiers accordés à
l'acheteur, soit la relève agricole, restent à l'avantage de
l'acheteur et non à celui du vendeur.
Finalement, nous ne pouvons terminer notre intervention sans souligner
les effets directs des hauts taux d'intérêt sur les entreprises
agricoles. Au cours des trois ou quatre dernières années,
l'augmentation des taux d'intérêt a provoqué une
déstabilisation de nombreuses entreprises agricoles au
Québec.
Ce n'est certainement pas en laissant les producteurs jouer à la
roulette russe que les gouvernements pourront maintenir ce secteur
économique en vie-
N'oublions surtout pas que les changements de contexte économique
ont été brutaux et n'ont pas laissé suffisamment de temps
aux agriculteurs pour corriger leur attitude. D'ailleurs, les organismes
gouvernementaux de prêt agricole sont les premiers à
l'admettre.
D'autre part, après avoir fait notre mea culpa, il faut
maintenant se ressaisir et éviter de retomber dans le même
piège.
Pour nous, l'un de ces pièges, et probablement le plus dangereux,
se révèle être les taux d'intérêt trop
élevés. Il est donc nécessaire, dès à
présent, d'établir une politique générale de
plafonnement des taux
d'intérêt en agriculture. Cette politique doit s'inspirer
des réalités conjoncturelles auxquelles doivent faire face les
producteurs agricoles. Nous avons déjà signalé qu'il est
inacceptable de maintenir des taux d'intérêt supérieurs
à 10% en agriculture et, pour nous, ce chiffre paraît même
indu, compte tenu de la marge de rentabilité des exploitations agricoles
au Québec.
Incidemment, bien que ce ne soit pas la tribune idéale pour
l'affirmer, il n'en demeure pas moins que nous ne pouvons que dénoncer
les programmes de la Société du crédit agricole qui ne
sont certainement pas des exemples à suivre au Québec.
Évidemment, si les producteurs agricoles, et ce, dans chacune des
productions, pouvaient obtenir leur coût de production, nous pourrions
nous protéger contre ces fluctuations des taux d'intérêt.
Toutefois, puisque le législateur prétend couvrir la
différence, il s'avère nécessaire qu'il ajuste ses
politiques en fonction de ces impondérables de notre système
économique.
En conclusion, messieurs les députés, la
Fédération de l'UPA de Nicolet ne prétend pas
détenir la formule miracle pour enrayer tous les problèmes en
agriculture. Cependant, forte d'une expertise quotidienne des
réalités agricoles, la fédération souhaite que ces
quelques commentaires puissent nourrir, non pas une quelconque refonte, mais un
nouveau programme d'intervention autant pour la relève que pour les
milliers de producteurs agricoles du Québec. Merci.
Le Président (M. Dupré): Premièrement, je
vous remercie, au nom de ma formation, du rapport que vous nous
présentez. Je vous souhaite la bienvenue dans le comté de
Saint-Hyacinthe, étant député de Saint-Hyacinthe. J'aurais
une couple de courtes questions avant de donner la parole au
député d'Arthabaska.
À la page 2 de votre mémoire, vous dites: "S'il est donc
facile pour le gouvernement d'adapter ses interventions à tous les
producteurs, il lui est tout aussi facile d'ajuster ses opérations en
fonction du contexte vécu dans chacune des productions. " Mais lorsqu'on
parle, par exemple, du veau de grain, des moutons, des lapins, ce n'est pas
plus facile... Je parle de nouvelles productions, je pense qu'on peut appeler
cela les nouvelles productions. Ce n'est pas aussi facile, ni pour lui ni pour
d'autres.
M. Raîche: L'important là-dedans, c'est que vous
avez adopté des programmes qui font un cadre juridique, un programme de
statibilisation, mais qui ne sont pas adaptés à une production
qu'on veut développer. Vous en avez peut-être l'exemple
idéal dans le veau de grain. Vous n'avez pas de politique pour tenir
compte des investissements que ces gars ont à faire à court ou
à long terme et de ce que représente un coût de production.
On se base, bien souvent, sur le bovin ou sur le porc pour, justement,
rentabiliser à court terme en tenant compte des investissements, mais,
lorsqu'on entre dans les nouvelles productions, bien souvent, c'est
différent. II faut que chaque production soit adaptée, et il y a
toujours des hauts et des bas dans les besoins du marché. Vous avez
justement un secteur où, actuellement, il n'y a pas de plan conjoint qui
fonctionne pour assurer une sécurité du revenu. Si on prenait
l'exemple des producteurs de lait qui ont une formule d'indexation au
coût, vous pouvez évaluer à court terme ou à moyen
terme le remboursement possible du producteur, mais, lorsque vous arrivez dans
une production nouvelle à développer, vous n'avez pas
d'échelle pour prévoir à court terme ces paiements. On
limite à très peu la marge d'exploitation du producteur. Le plus
petit exemple de, je ne dirais pas, une mauvaise administration, mais le plus
petit pépin qui arrive, des fois, ça lui enlève plus que
ses biens.
Le Président (M. Dupré): À la page suivante,
la page 3, lorsque vous parlez d'évaluation des coûts de
production, vous dites: "Par exemple, la prime n'est pas encore
comptabilisée. " Je sais fort bien qu'il y en a d'autres. Je voudrais
vous entendre développer davantage ce sujet.
M. Saint-Pierre (Réjean): Dans le coût de
production, la prime de l'assurance-stabilisation n'est pas
comptabilisée. Dans le moment, si je ne me trompe pas, c'est aux
alentours, pour les bovins de boucherie, d'une quarantaine de dollars; à
ce moment-là, dans le coût de production du bovin de boucherie,
cette prime n'est pas comptabilisée.
Le Président (M. Dupré): C'est cela. Vous parlez de
la prime, mais il y a d'autres choses. Si on ajoute la prime, cela n'a pas
l'air à vous satisfaire. Vous dites: Par exemple, il y a la prime. Je
suis d'accord...
M. Raîche: C'est 40 $ à 50 $ pour
l'assurance-stabilisation. Mais, lorsqu'on n'en tient pas compte, cela veut
dire que son coût de production est de 50 $ plus élevé. Si
vous prenez un producteur qui a 200 bovins à 50 $ de prime, cela
représente des sous, toute une différence au bout. Ce n'est pas
comptabilisé dans son coût de production.
Le Président (M. Dupré): Je comprends cela et je le
savais. C'est l'exemple que vous donnez. Mais je veux savoir s'il y en a
d'autres.
M. Saint-Pierre: Parce que le coût de production est aussi
établi en fonction de la ferme modèle, superefficace.
Le Président (M. Dupré): Dès la
première année.
M. Saint-Pierre: Oui.
Le Président (M. Dupré): Lorsque vous parlez
à cet égard, à la page 5, des taux d'intérêt,
c'est sûr que, depuis... Ceux qui sont partis depuis 1979, tout de suite
en 1981-1982, on a frappé des taux d'intérêt à 18%,
20% et 22%, même davantage dans certains cas, alors qu'on sait que
l'agriculture peut rapporter quoi, 7%, 8%...
M. Raîche:... autour de 3%, peut-être.
Le Président (M. Dupré): IIn'y a aucune production,
à ce moment-là. Ce phénomène n'est pas nouveau,
direz-vous; toutefois, il n'a jamais été aussi manifeste que
depuis les trois dernières années. Est-ce que, d'après
vous, la raison la plus évidente, cela a été la
montée des taux d'intérêt? Est-ce que c'est seulement cela?
Cela l'a été en bonne partie, mais, à part ceux qui
étaient partis dans les nouvelles productions, ceux qui étaient
établis depuis un certain temps, il y en a quand même qui sont
venus... En tout cas, s'ils n'ont pas fait faillite, ils sont venus sur le bord
de le faire. Il y a eu certainement les taux d'intérêt, tout le
monde est d'accord. Mais si c'est le montant que cela rapporte... Vous parlez
de 3%. Est-ce pour les arrivants ou après un certain temps? Si on dit
que cela rapporte environ 7%, je voudrais que vous en parliez davantage. C'est
toujours difficile pour ceux... On sait que c'est en agriculture que cela prend
le plus de capital pour essayer de faire vivre une famille ou une entreprise
par rapport à tous les autres. D'après votre point de vue,
peut-être aussi d'après votre région, parce que l'on sait
que cela varie considérablement...
M. Jacob: On pourrait reprendre certains chiffres. Si on prend
les revenus agricoles nets réalisés, on s'aperçoit - je
pense que l'UPA provinciale l'a mentionné -que, dans les années
1973, 1974 et 1975, les revenus en dollars constants, en millions de dollars,
étaient comme suit: en 1973, on enregistrait 299 000 000 $; en 1974, 304
000 000 $, et en 1975, 343 000 000 $; on se ramasse, en 1984, à 235 000
000 $, toujours en dollars constants, comme revenus nets
réalisés.
Il faudrait peut-être voir, de l'autre côté, les
coûts de production depuis 1973. On sait que les coûts
d'énergie ont augmenté considérablement et cela
représente un point important dans le coût de production. Cela
peut vous démontrer la faiblesse des rendements que cela peut donner
à l'agriculture. (20 h 45)
Le Président (M. Dupré): Avec les subsides,
l'encouragement et l'aide, lorsque tu demeures à l'interne, il n'y a pas
de problème; tu peux faire varier tes coûts, tu peux donner de
l'aide en masse. Mais quand tu es rendu dans une production comme le porc - on
a déjà été à 150%, 155% d'autosuffisance -
quand tu n'es pas saturé à l'intérieur, il n'y a pas de
problème. Mais une fois que tu es saturé et que tu as des extra,
qu'est-ce qu'on fait comparativement aux autres pays? On sait ce qui s'en vient
aux États-Unis, vous suivez probablement cela de plus près ou, en
tout cas, d'aussi près que nous. Ils demandent des subsides. M. Reagan
dit: Les 8 000 000 000 $, vous ne les aurez pas. L'année
dernière, il y a eu 18 000 000 000 $ de subsides. On gonfle les prix.
Ils sont pris avec 25 000 000 000 de boisseaux de blé, on en a
parlé encore hier. Si vous ne sortez pas de votre coquille, il n'y a pas
de problème, vous pouvez fixer les prix que vous voulez, mais, quand
vous arrivez sur les autres marchés... Les Russes s'approvisionnent
auprès du Marché commun. Qu'est-ce que vous faites avec votre
production et cela mène où?
M. Jacob: Quand vous mentionnez qu'il n'y a pas de
problème tant qu'on n'est pas saturé, là-dessus, je
pourrais vous mentionner les grandes cultures où an n'est pas
saturé au Québec. Si on se réfère aux deux ou trois
dernières années, il y a eu des problèmes. Prenons au
niveau du maïs, une année, à la fin de 1982, du maïs
s'est vendu 100 $, 110 $ la tonne, dans notre région.
Le Président (M. Dupré): Évidemment, parce
que le prix n'est pas fixé, au Québec.
M. Jacob: Ce n'est pas nécessairement une question de
saturer nos marchés à l'intérieur, parce que, dans cette
production, on n'est pas saturé, on n'est pas autosuffisant; pour le
porc, c'est peut-être un développement trop rapide de la
production occasionné par des crédits agricoles qui ont
donné accès au développement de la production. C'est
certain que le marché international y est pour beaucoup dans ces
productions. Nous, quand on revient, on se ferme. Je veux dire qu'on parle
d'offices nationaux et de leur contrôle. Idéalement, il faut en
arriver là. Au Québec, on est 6 millions de personnes, au Canada,
on est 25 millions de personnes; sur le marché international, ce n'est
peut-être pas la meilleure place où on doit faire le
développement de l'agriculture, en vendant nos produits à
l'étranger.
M. Raîche: Je croîs que, dans tous les domaines
où l'agriculture a évolué, l'État a toujours
participé. Je pense qu'au Québec, si on voulait essayer de
développer
l'agriculture, mais en la laissant seulement aux producteurs, on ne
pourra jamais réussir à développer des choses.
Mondialement, l'agriculture est subventionnée, mais on applique toujours
la subvention à l'agriculteur. Je pense qu'il va peut-être falloir
changer de formule, parce que c'est une subvention aux consommateurs. Les
agriculteurs commencent en avoir assez de supporter de toujours se faire dire
qu'ils sont subventionnés. Lorsqu'on applique une subvention, c'est plus
facile de l'appliquer à l'agriculteur, mais, en réalité,
c'est pour subventionner le consommateur de la ville qui, lui, peut en
bénéficier. Actuellement, voyez quel prix les producteurs d'oeufs
vendent la douzaine d'oeufs par rapport à il y a dix ans; elle est
encore à peu près au même taux. On demande de plus en plus
à l'agriculture d'être efficace et de produire au meilleur
coût, et je crois qu'il n'a pas augmenté depuis dix ans.
Actuellement, pourtant, le consommateur peut encore se procurer des oeufs au
même prix. Il va falloir dire, à un moment donné, au
consommateur qu'il bénéficie également de subventions,
parce que notre coût de production se rapporte à cela.
Le Président (M. Dupré): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Je serai
très bref dans mes commentaires pour vous laisser le plus de temps
possible pour y répondre. Depuis quelques jours, différents
intervenants nous ont parlé de l'importance de la formation, d'autres de
l'importance du financement et, aujourd'hui, on nous a parlé de
l'importance du dialogue entre père et fils et père et fille pour
l'aide à la relève agricole. Aujourd'hui, dans votre
mémoire, vous nous parlez de l'importance d'obtenir le coût de
production. Ce qui me surprend un peu, à la fin de votre mémoire,
vous revenez en mettant l'accent sur le financement. Admettons qu'on
réglerait le problème au niveau du coût de production et
qu'on ajouterait le coût de la prime à l'évaluation, est-ce
que cela réglerait tous les problèmes? J'aimerais vous entendre
parler sur le coût de production, si c'est uniquement le fait qu'on
n'ajoute pas le coût de la prime au coût de production ou s'il y a
autre chose.
M. Jacob: Vous parlez de l'assurance-stabilisation?
M. Baril (Arthabaska): Oui.
M. Jacob: C'est une chose, l'assurance-stabilisation. Je pourrais
vous relancer la balle, est-ce qu'on va faire le développement de
l'agriculture sur le dos de l'assurance-stabilisation? C'est une autre
chose.
M. Baril (Arthabaska): Pour vous, atteindre le coût de
production sans nuire à la compétition - je parle d'autres pays,
etc. - c'est quoi?
M. Jacob: Quand on établit un coût de production,
c'est toujours un coût de production moyen. Autrement dit, on prend une
ferme modèle, on commence à parler des modèles
"enquêtisés", mais on en est encore, dans beaucoup de productions,
à la ferme modèle. D'accord? On calcule un niveau d'endettement
moyen, mais, par contre, les jeunes qui s'établissent en agriculture, on
sait bien que leur coût de production est toujours beaucoup plus
élevé que le coût de production moyen. Cela oblige le
jeune, au point de départ, à être beaucoup plus efficace,
si vous me le permettez, à "scorer" plus que celui qui est en production
depuis dix ans ou quinze ans.
M. Baril (Arthabaska): Ce qui veut dire qu'il faudrait modifier
le calcul du coût de production. Il ne faudrait pas s'en tenir à
la moyenne.
M. Jacob: C'est pour cela qu'on parle d'un taux progressif; leur
coût de financement étant moins élevé par un
système de taux progressifs, cela réduirait leur coût de
production. Donc, il se rapprocherait du coût de production moyen,
toujours en supposant que le coût de production moyen serait
calculé sur des modèles "enquêtisés" et en calculant
qu'il paierait les taux d'intérêt, même s'il ne les paie pas
les premières années; en faisant comme s'il les payait. À
ce moment-là, il se rapprocherait du coût de production moyen.
M. Baril (Arthabaska): Dans votre mémoire, à la
page 2, je crois, vous dites que, dans certaines périodes, l'Office du
crédit agricole a délié les cordons de la bourse quand
cela va bien et, quand cela va moins bien, les cordons se resserrent. Moi, dans
ma tête, j'ai fait allusion à la période -je pense que vous
allez comprendre mon expression - de folie de l'expansion de la production
porcine, à un moment donné, où tout le monde pensait faire
fortune là-dedans. Quelle aurait été l'attitude ou le
rôle de l'UPA si, à cette période de l'expansion de la
production du porc, parce qu'on connaît celle-là, l'office avait
dit: Non, on ne prête plus nous autres, parce qu'on a peur qu'il y en ait
trop tout à l'heure et que les prix vont chuter, on ne prête plus?
Quelle aurait été l'attitude de l'UPA?
M. Raîche: Je pense que l'UPA, en tant que telle,
était consciente du problème qui s'en venait. C'est entendu qu'on
le vit dans un pays qui est libre et tout le monde
voudrait essayer de bénéficier de l'emprunt. Mais,
à un moment donné, on s'aperçoit que la liberté
individuelle ne devient plus une liberté collective. C'est
peut-être de faire comprendre cela à des gens. Je vais vous
relancer la balle dans un autre domaine, soit l'industrie de l'érable,
parce que j'en suis un producteur. Cela a été pareil. On a
développé, à un moment donné, parce qu'il y avait
des politiques d'incitation pour développer l'industrie de
l'érable. Mais, on n'avait pas développé les
marchés. Qu'est-ce que cela a fait? On n'est pourtant pas dans un
produit excédentaire. Cela a fait baisser les ventes au point où
on était rendu dans un marasme. Actuellement, on repart sur l'autre
côté. Qu'est-ce que cela va faire? On n'a pas de
stabilité.
Cela veut dire que, dans une production, peu importe laquelle, il faut y
aller par étapes. L'industrie du porc en est une qu'on a
développée parce que cela demandait des capitaux, l'office a
ouvert les crédits. C'était possible de prêter et, bien
souvent, de prêter avec des contrats d'intégration qui enlevaient
au producteur la liberté de faire, de contrôler sa production,
parce que l'intégration est une formule qui ne protège pas. On
devient des journaliers avec cela.
M. Baril (Arthabaska): Pensez-vous que le gouvernement du
Québec, depuis les cinq ou six dernières années, a
travaillé de concert avec l'UPA pour justement essayer d'empêcher
l'intégration au Québec dans différentes productions ou si
on aurait pu faire plus, ou quoi?
M. Raîche: Peut-être qu'on ne consulte pas assez
vite. Je pense que l'UPA est un intervenant dans le domaine agricole qui se
doit d'être consulté. Peut-être pas prendre toutes les
solutions, mais, au moins la consulter. On a des problèmes qu'on voit
venir, à un moment donné, dans le domaine agricole et on n'est
peut-être pas assez consulté. Je déplore... Peu importe le
gouvernement, je ne fais pas de politique, on connaît les soubresauts qui
vont venir, parce qu'on a des tendances, on a des habitudes. On ne doit pas
penser que, de plus en plus, la libre entreprise va s'en aller. Il va falloir
s'en aller... Vous allez prendre le boeuf, il n'y a pas de mécanisme qui
permette de contrôler la mise en marché. Mais, quand on
développe des choses sans les planifier, on se réveille avec des
problèmes. Cela donne des secteurs de transformation non adaptés.
C'est tout un monde qui vit autour de l'agriculture, si on veut. Il faut tenir
compte de toutes ces choses.
M. Baril (Arthabaska): Vous dites que l'UPA n'est pas assez
consultée, mais, le peu de fois qu'elle a été
consultée, est-ce que vous pensez que vous avez eu une oreille
attentive, le gouvernement respecte-t-il un peu, tient-il compte de vos
suggestions, ou bien si l'on n'en tient pas compte du tout?
M. Raîche: Ce n'est pas à nous de vous le dire.
M. Baril (Arthabaska): Mais quoi, vous êtes là.
M. Raîche: On prétend qu'on consulte nos membres,
qu'on aide un peu...
M. Baril (Arthabaska): Non, je parle au sein du gouvernement.
Quand le gouvernement consulte l'UPA, est-ce que, selon vous autres, le
gouvernement tient assez compte des suggestions de l'UPA ou bien s'il n'en
tient pas assez compte?
M. Raîche: Moi, je dirais qu'il n'en tient pas assez
compte. Question facile peut-être.
M. Saint-Pierre: J'aurais quelque chose à ajouter, quand
vous avez parlé de l'explosion, de l'expansion rapide de la production
porcine. Je suis convaincu qu'à ce moment-là aussi bien
qu'aujourd'hui, l'UPA défendait toujours la formule des plans conjoints
au niveau de la production porcine, pour ajuster, en fin de compte, l'offre
à la demande intérieure. Je ne sais pas si cela répond un
peu et si vous comprenez l'essentiel de mon intervention. En fin de compte, un
plan conjoint, c'est pour ajuster l'offre et la demande.
M. Baril (Arthabaska): Je comprends que c'est pour ajuster
l'offre et la demande, les plans conjoints; mais comment fait-on pour en
arriver à donner aux producteurs quand l'offre est plus grande que la
demande, à cause de la concurrence du marché? Comment fait-on
pour en arriver à donner le coût de production aux
producteurs?
M. Jacob: Vous pourriez peut-être répéter la
question. Je voudrais compléter l'intervention de M. Saint-Pierre. Quand
on parle des années d'expansion, quand on parle de l'organisation de la
mise en marché, on sait que, dans les bonnes années, quand les
prix sont élevés aux producteurs, quand on parle d'organisation,
cela devient plus difficile de faire travailler le monde ensemble. Par contre,
quand vient le temps d'organiser, disons, le porc, on est peut-être
arrivé trop tard. On a développé la production, on a
augmenté notre degré d'autosuffisance et on l'a
dépassé, mais, par contre, on a oublié l'organisation de
la mise en marché. Même si l'UPA a toujours défendu la mise
en place des plans conjoints
on va en fonction des intérêts des producteurs, je veux
dire la majorité des producteurs - la Régie des marchés
agricoles nous oblige d'avoir les deux tiers des producteurs en faveur, 50%, ou
l'inverse, les deux tiers des votants et 50%... En tout cas, c'est l'inverse
encore. Mais, finalement, quand vient le temps de s'organiser, dans des
périodes où les prix sont élevés, cela devient
beaucoup plus difficile d'organisation. J'aimerais que vous repreniez votre
question, je n'ai pas saisi.
M. Baril (Arthabaska): Je sais que le président est
à la veille de me faire signe.
Le Président (M. Dupré): II reste trois minutes
à votre formation.
M. Baril (Arthabaska): Voyez-vous comme ce n'est pas long, on est
vite passé au "cash". Ce n'est pas parce que je n'aimerais pas gratter
le fond de cette question, mais, hier, on a reçu les banquiers, et ils
nous ont dit à peu près ceci: Nous, on est capable de financer
les bons agriculteurs sans aucune garantie du gouvernement, mais les moins bons
agriculteurs, qu'ils aient une sorte de - je vais utiliser à peu
près leurs termes - caisse sociale - ils n'appelaient pas ça
l'Office du crédit agricole - qui les finance. J'aimerais avoir vos
commentaires sur cela.
M. Raîche: Autrement dit, ils ramassent les bons et ils
vont vous laisser les pas bons.
M. Baril (Arthabaska): C'est exactement cela.
M. Raîche: Cela fait une bonne moyenne quand on parle d'un
organisme gouvernemental qui doit fonctionner et être plus efficace
qu'eux quand tu ramasses les pas bons. Est-ce cela?
M. Baril (Arthabaska): Oui. Seriez-vous d'accord que
l'administration des prêts agricoles et que l'évaluation de chaque
projet soient faites par les institutions financières privées,
toujours sous garantie par le gouvernement ou que le prêt soit garanti
par l'Office du crédit agricole?
M. Raîche: Oui, je pense que cela serait garanti par
l'Office du crédit agricole, d'accord, mais on voudrait un nouveau
mécanisme lorsqu'il y a une transaction et que le père vend
à son fils ou à un étranger, il y a des capitaux qui sont
là et qui sont manipulés; qu'on les prête à une
banque pour qu'elle les reprête à l'exploitant qui entre en
fonction ou qu'on prenne ces capitaux, qu'on les prête à la banque
et que ce soit l'autre qui reprête; il y a des transactions qui,
d'après nous, pourraient être minimisées. S'il y avait une
garantie de la part du gouvernement que, lorsqu'un gars prend son argent, il
endosse pour être certain d'avoir une sécurité et le laisse
dans l'entreprise; cela peut être un fonds de retraite ou un
crédit d'impôt, etc. Mais cela est le même argent qui
finance. Actuellement, l'institution financière est là pour
travailler avec de l'argent, mais également pour faire des profits.
Même si cela coûtait seulement 2% ou 3%, celui qui achète
fait un surplus de frais d'exploitation. Les 2% ou 3% sont importants. S'il y
avait une garantie que le gouvernement assure sa somme au vendeur, l'emprunteur
en bénéficierait. On n'aurait même pas besoin quasiment des
institutions prêteuses.
M. Baril (Arthabaska): Ce serait la formation d'une sorte de
banque agricole?
M. Raîche: Si l'on veut.
Une voix: Je ne sais pas si les autres ont des choses à
ajouter.
Le Président (M. Dupré): Est-ce qu'on peut
entendre...
M. Jacob: Tout à l'heure, quand vous parliez des banques
qui ramasseraient les bons et les pas bons... Quand on parle de pas bons, il
faut faire attention.
M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas moi qui l'ai dit, j'ai
répété ce que les banquiers ont dit hier. (21 heures)
M. Jacob: Mon président voulait sûrement dire, en
parlant de pas bons, que c'est en termes de capacité de
remboursement.
M. Baril (Arthabaska): Oui, c'est moins sécuritaire.
M. Jacob: Le problème, ce serait de définir les
bons et les pas bons.
M. Lavigne (Jean-Marc): Ils sont tous bons, c'est que tu as des
gens moins riches.
M. Baril (Arthabaska): Mais un producteur peut être bon
durant deux, trois ans. À un moment donné, il arrive une
fluctuation du marché et là, il devient moins bon. La banque,
qu'est-ce qu'elle ferait?
M. Lavigne (Jean-Marc): Surtout, n'oubliez pas le jeu des banques
aussi. Elles ne se basent que sur l'évaluation des bâtisses pour
jouer sur les marges de crédit. C'est ce qui se passe actuellement. Si
on veut, tous les agriculteurs pourraient faire une caisse sociale et on jouera
sur la faillite des
banques. C'est un autre point.
Le Président (M. Dupré): Merci, M. le
député. Malheureusement, le temps est terminé.
Une voix: Vous avez pris tout le temps, M. le
député.
M. Baril (Arthabaska): Il me semblait que vous étiez
gentil.
Le Président (M. Dupré): Je suis très
souple, mais tout de même, il y a un autre mémoire à
entendre par la suite. Je passerais la parole au député de
Maskinongé.
M. Picotte: Comme le député de Saint-Hyacinthe est
chez lui, il est roi et maître, M. le député d'Arthabaska.
Merci, M. le Président. Vous avez été quasiment une
planche de salut pour la région de la Mauricie parce que je ne vous
cacherai pas qu'on a été un peu déçu au
début de constater que, de la région de la Mauricie, il y avait
seulement un mémoire qui nous avait été
présenté; c'était le vôtre, alors on vous en
remercie. C'est peut-être explicable, parce qu'il y a eu un mini-sommet
économique dans la région de Victoriaville dernièrement et
tous les intervenants de la région de la Mauricie ont pu aller au moins
exprimer leurs doléances à cette occasion.
De toute façon, vous avez un élément dans votre
programme qui est nettement différent, un aspect qui est
différent des autres. Vous nous parlez de la dérogation des
coûts de production. Moi, j'ai écouté d'autres
intervenants, pas nécessairement à cette commission
parlementaire, mais à d'autres commissions parlementaires. Ne
croyez-vous pas qu'il n'y a pas beaucoup de réalisme en ce qui concerne
l'établissement de coûts de production quand on fait une ferme de
type modèle? C'est-à-dire que, souventefois, on va calculer des
coûts et, en fin de compte, cela représente la
réalité d'une, deux ou trois semaines dans l'année
lorsqu'il s'agit de la vente de produits ou quoi que ce soit. D'ailleurs, c'est
un des reproches qu'on nous avait fait. Qu'est-ce qui manque justement à
cet établissement de coûts de production pour le rendre en fait
conforme à la réalité que vous vivez? Est-ce que ce sont
des rêveurs qui vous conseillent ou si ce sont des gens qui ont les deux
pieds à terre?
M. Jacob: Comme vous l'avez mentionné, la ferme
modèle, c'est rigide dans le temps. On s'arrête à un moment
donné, on calcule habituellement les coûts de production à
tous les cinq ans et on les indexe avec les années. Par contre, si on
prend, ces dernières années, l'augmentation des taux
d'intérêt, est-ce qu'on a tenu compte de la croissance des taux
d'intérêt au cours des cinq dernières années, vu
qu'elle a été aussi rapide? Il demeure que, quand on calcule un
coût de production - je reviens là-dessus - c'est toujours un
coût de production moyen. Une ferme modèle... Quand l'UPA va
défendre ses coûts de production au niveau du ministère de
l'Agriculture, on en revient et c'est toujours difficile de s'entendre. On ne
s'entend pas sur la ferme modèle, on finit par concéder d'un
bord, de tous côtés. Par contre, quand on en arrive à la
stabilisation, est-ce qu'ils tiennent compte vraiment de ces coûts de
production qui sont déterminés par les références
économiques? Les références économiques
établissent un coût, l'assurance-stabilisation, est-ce qu'elle en
tient compte? Elle en tient compte en partie, elle n'en tient pas compte au
total. On a dit qu'elle ne tenait pas compte de la prime; c'est un point
encore, c'est toujours un coût de production moyen. Celui qui est
établi depuis 15 ans, peut-être que ce coût de production
lui convient et même qu'il est en bas. Par contre, celui qui
s'établit, ce coût de production est encore moins
élevé que le sien.
M. Picotte: Le point principal qui joue justement dans la
différence de l'établissement de ce coût de production,
vous semblez dire, en tout cas, que le point majeur, c'est le taux
d'intérêt. Est-ce que ça veut dire, par contre, que, si on
suivait une recommandation que nous font la plupart des organismes qui sont
passés, à l'effet de mettre une stabilité au taux
d'intérêt, de le rendre progressif, on vient de régler le
problème de l'établissement du coût de production?
M. Saint-Pierre: Peut-être pas nécessairement
régler le problème, mais ça stabilise le coût de
production.
M. Picotte: Il resterait quoi à corriger par la suite?
M. Jacob: L'organisation et la mise en marché.
M. Picotte: L'organisation et la mise en marché.
M. Jacob: D'accord, si on demeure tout le temps dans l'offre et
la demande. Prenons la situation du porc, il va falloir, à un moment
donné, organiser cette production. Ce n'est pas facile parce qu'il y a
différents intervenants. Il y a toujours des gagnants et des perdants
dans une production. Si les producteurs veulent en avoir un peu plus, il y en a
d'autres qui vont devoir reculer. En diminuant les taux d'intérêt
ou en contrôlant cette fluctuation des taux d'intérêt, il
faut absolument organiser la mise en marché. Si
on reste toujours avec l'offre et la demande, la concurrence parfaite,
à long terme, il ne restera plus beaucoup de fermes.
M. Raîche: Un point qui est majeur quand on parle de
l'intérêt, c'est que la deuxième dépense en
importance pour une ferme - cela dépend des exploitations - c'est le
coût des intérêts. La première, c'est l'alimentation
des animaux et la deuxième, c'est le remboursement de
l'intérêt. Cela suit de près, avec une fraction de point,
les dépenses pour la machinerie. Quand ces dépenses entrent en
ligne de compte à un point aussi élevé, 12, 2% du
coût des dépenses, c'est énorme.
M. Picotte: C'est le gros morceau.
M. Raîche: C'est le gros morceau. Si on pouvait situer une
majoration d'environ 5% seulement, ce serait toute la différence. Ce
sont les dépenses brutes d'une exploitation, c'est 12% du total des
dépenses. On prend un agriculteur qui rembourse jusqu'à 40 000 $
par année d'intérêt, avant de commencer à vivre. Il
n'a pas vécu et il a 40 000 $ d'intérêt à
rembourser. C'est pour cela que, quand on prend des fermes moyennes, on
enlève les premières et on enlève les dernières;
donc, les premières qui partent... Le problème qui s'en vient de
plus en plus grave, c'est la relève. La relève ne pourra pas
acheter des fermes. On va être pris avec des capitaux qui vont venir des
étrangers ou des superentreprises qu'on va être obligé de
bâtir et qu'on va être obligé de démanteler pour
être capable de les financer. Si on avait des formules pour permettre aux
jeunes ou aux moins jeunes de faire de la production et d'avoir des prix. Cela
se reflète sur le coût de production immédiatement. C'est
pour cela qu'on dit que, s'il y avait un taux d'intérêt
progressif, cela permettrait à celui qui veut entrer en production de
partir.
M. Picotte: Maintenant, on a parlé aussi - pour aller dans
un autre domaine, étant donné qu'il n'y a pas d'autres questions
- du phénomène de l'intégration. On s'est fait dire
à plusieurs reprises, en tout cas, que, quand un individu s'adressait
à l'Office du crédit agricole, on lui disait: On est bien
prêt à te prêter, mais tu vas aller te chercher un contrat
d'intégration. Si tu réussis à nous apporter un contrat
d'intégration, on verra si on doit compléter ta formule. À
votre connaissance - cela a dû se faire dans le porc, j'imagine, surtout
à l'époque un peu plus difficile - est-ce que cela s'est fait
à une échelle assez élevée ou si cela s'est fait
à quelques exceptions? Est-ce que le phénomène est
tellement peu fréquent qu'il ne vaut même pas la peine de s'en
inquiéter?
M. Raîche: Je crois qu'il vaut la peine de s'en
inquiéter parce qu'on a l'exemple du porc, entre autres. On a
également le domaine de la volaille, des oeufs, qui dépend
beaucoup de l'intrant de moulée. Ce sont surtout des compagnies qui ne
vivent pas de l'industrie, mais il y a une autre industrie à
côté qu'elles font vivre avec cela. Le boeuf, actuellement, on va
le voir de plus en plus se développer par rapport à cela, parce
que c'est un consommateur de grain. Donc, plus tu manipules, même si tu
ne fais pas d'argent avec l'animal en tant que tel, si tu en fais avec la
moulée, tu viens d'accrocher les deux bouts. Vous voyez actuellement ce
qui se passe. L'entreprise qui est dans le porc, mais qui a également de
la volaille, s'en sauve mieux que d'autres. Cela veut dire qu'il y a une
relation entre les deux. Il ne faut pas se le cacher, je pense que c'est
vrai.
M. Picotte: Un autre domaine que je voudrais étudier un
peu avec vous, c'est le phénomène des quotas pour la
relève. Souventefois, le prix que doit payer un jeune concernant le
quota qu'il doit acheter et qui n'est pas comptabilisé parce qu'on
trouve qu'un quota, évidemment, cela ne se comptabilise pas... Il reste
que le type doit le débourser. J'imagine que ce phénomène
est un drôle de phénomène enfargeant pour le jeune qui s'en
va en agriculture. Y a-t-il eu des études faites au niveau de l'UPA ou
au niveau de votre fédération pour proposer des solutions
concrètes au phénomène du quota? Parce qu'on parle de 100
000 $, 125 000 $, 150 000 $ dans certains cas, peut-être un peu moins que
cela; en tout cas, jouons entre 50 000 $ et 100 000 $; c'est déjà
beaucoup d'argent, d'autant plus que, lorsqu'on n'accepte pas de le
comptabiliser, parce qu'on dit: Du quota, ce n'est pas comptabilisable et cela
peut disparaître... Finalement, qu'est-ce que cela veut dire? Y a-t-il un
phénomène quelconque que vous suggéreriez pour enlever
cette embûche dans tout le domaine, à la fois de l'endettement et
du financement de la relève?
M. Saint-Pierre: En ce moment, il est en train de se monter tout
un système d'étude entre les fédérations
concernées, celles qui administrent des quotas - si je ne me trompe pas,
les paliers de gouvernement devraient être sollicités, le
collège Macdonald aussi - avec une équipe d'économistes et
toutes les formations nécessaires. En fin de compte, ceci est pour
étudier tout l'impact de la valeur des quotas en ce moment, pour trouver
une ou des façons pour résoudre le problème.
L'étude devrait se faire sur une période d'environ un an.
M. Picotte: Cela suppose que, d'ici un an environ, il y aura des
solutions concrètes de proposées pour régler ce
problème, qui est quand même assez crucial, à mon avis,
surtout du côté de la relève,
M. Saint-Pierre: Exactement.
M. Raîche: Cela pose des problèmes majeurs
également parce que, actuellement, on voit la transmission des fermes
qui se fait; celui qui veut acquérir une ferme est obligé de
payer meilleur marché parce qu'elle n'est pas rentable. Si tu
élimines l'élément quota en frais de piastres, la valeur
de l'entreprise est à peu près égale à sa
rentabilité moins le quota. Donc, c'est une plus-value qui est
attachée à cela; mais cela prend un quota, une production
certaine pour être capable de vivre. Ils ne se dissocient pas l'un de
l'autre. Actuellement, on a le phénomène qui est rendu assez
grand par l'ampleur des quotas; si tu mets le quota et la valeur de
l'entreprise, elle ne se vend pas, elle n'est pas rentable; si tu
élimines l'élément quota, elle devient
récupérable.
M. Saint-Pierre: II y a une autre question aussi qu'on peut se
poser. Si vous éliminez le facteur quota, est-ce que les autres actifs
de la ferme vont prendre de la valeur? C'est tout cela qu'il faut regarder,
M. Picotte: Est-ce qu'on ne comptabilise pas, de toute
façon, la valeur du quota?
M. Saint-Pierre: On ne le comptabilise pas, on ne le prend pas en
garantie. Mais, quand on vend du quota, il faut donner l'argent au
prêteur, en tout cas.
M. Picotte: Oui, c'est cela. C'est pour cela que le
phénomène du quota est drôlement... Vous avez, à la
page 4... Je me rappelle, quand est arrivée la crise dans l'industrie
porcine, ce qu'on appelle les fameux prêts spéciaux consentis aux
agriculteurs. J'ai toujours eu l'impression, même si le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation me disait que
j'étais dans les patates à ce moment-là, qu'ajouter des
crédits spéciaux, sous forme de prêts, à des gens
qui sont déjà mal pris jusqu'au cou, c'est risquer de leur en
mettre une goutte de plus, bien souvent plus qu'une goutte, pour leur en
envoyer par-dessus la tête. Finalement, cela semble difficile de se
sortir de ce pétrin.
Vous dites, dans votre mémoire: "C'est pourquoi il faudra
prévoir des dispositions plus adéquates pour permettre aux
producteurs de se relever véritablement de ces mauvaises
périodes. " Dans la conjoncture qu'on a appelée la conjoncture du
problème du porc, qu'est-ce qu'il aurait fallu qu'un ministère
fasse pour éviter tout cela, pour venir en aide, pour justement que les
producteurs puissent se relever véritablement de cette mauvaise
période? C'était quoi? Des subventions directes? On nous dit
souvent que les agriculteurs n'aiment pas trop cela recevoir des subventions,
ils ont l'impression de quêter du bien-être social.
M. Saint-Pierre: D'accord. Ceux qui ont sauté le plus
vite, à ce moment-là, c'étaient probablement les derniers
entrés en production, depuis quelques années. S'ils avaient eu,
comme on en a parlé tantôt, le taux d'intérêt
progressif, à ce moment-là, les gens auraient peut-être pu
avoir une marge de manoeuvre au niveau de leur fonds de roulement pour
éviter tous ces problèmes. Cela est une cause. (21 h 15)
M. Jacob: J'aimerais compléter son intervention. Les
crédits à la production. On sait que ces productions, cela
demande beaucoup de capitaux, beaucoup de fonds de roulement. Les
crédits à la production, quand on allait à une institution
financière dans cette période-là, on se ramassait avec des
taux d'intérêt allant de 18% jusqu'à 20%, 21%, 22%. Une
ferme qui fonctionne avec un crédit à la production d'un taux
semblable, c'est impensable de pouvoir sortir de l'argent au bout de cela,
après une période de production. On sait que, dans le domaine du
boeuf, cela exige des crédits à la production importants quand
vous commencez un élevage. Dans le domaine du porc, c'est la même
chose; quand vous rentrez des porcs à l'engrais et que vous les
maintenez jusqu'à leur terme, à ce moment-là, il vous faut
beaucoup de fonds, beaucoup de crédits. Les crédits à la
production, il va falloir que le gouvernement y pense sérieusement parce
que... D'accord, on finance l'hypothèque à cause des volumes, on
a remonté le crédit à la production, dans le domaine du
boeuf, jusqu'à 500 000 $; cela ne règle pas le problème si
les taux d'intérêt augmentent jusqu'à 18% ou 19%.
M. Picotte: D'accord. On a aussi beaucoup entendu parler de
problème de la formation chez les agriculteurs. On sait qu'il y a un
problème du côté de l'adaptation des programmes, des cours
et du temps de cours. On nous dit souvent: Si les cours se dispensaient du mois
de novembre au mois de mars et s'ils étaient échelonnés
sur une période de cinq ans au lieu de trois, déjà, nos
jeunes seraient plus disponibles pour se scolariser, pour recevoir cette
formation et rendre la formation plus attrayante aussi, en évitant ce
qu'on a souligné déjà, des vaches en plastique, dans
certaines institutions, pour montrer aux jeunes ce qu'est une vache, alors
qu'ils le savent bien avant d'arriver là. Je me demande... La
réticence des gens...
Souvent, on nous dit: Les parents ne croient pas plus qu'il ne faut
à la formation, dans le sens qu'ils disent qu'ils ont appris cela de
leur père, ils ont transmis cela de père en fils et, finalement,
ils disent: Ti-gars, je me suis débrouillé quand j'ai pris cela
et tu vas être capable de te débrouiller, cela fait
déjà un bout de temps que tu travailles chez nous, alors que ce
n'est plus de cela qu'il est question parce qu'on parle d'une entreprise et de
gestionnaire aussi. Quelles sont les choses concrètes que votre syndicat
qui s'appelle l'UPA ou que des fédérations ont pu faire pour
convaincre les parents et les jeunes - je pense que les jeunes en sont
peut-être un peu plus convaincus au moment où on se parle - de la
nécessité d'une formation très adéquate et beaucoup
plus poussée pour arriver, en 1985, comme relève agricole? Y
a-t-il eu des efforts faits par les dirigeants dans ce sens? Je n'en ai pas vu.
Il y en a sûrement eu, c'est possible. Quel genre d'effort a-t-il pu y
avoir ou quel genre de...
M. Lavigne (Jean-Marc): La première chose que nous avons
réalisée dans notre région était de savoir quels
étaient les jeunes qui arriveraient, achèteraient la ferme ou
prendraient la relève. Il a fallu établir un inventaire de ce qui
se passait chez nous. Par la suite, il s'est formé dans certaines
régions ce qu'on appelle des groupes de relève agricole. Dans la
région de Nicolet, ils ont ce qu'on appelle les jeunes managers, ce qui
fonctionne actuellement; ils ont organisé des cours et aussi il y a des
réunions avec les commissions scolaires pour les adapter. De même,
dans la région de Victoriaville, le bureau du ministère organise
des rencontres parents-enfants pour bien établir et corriger ce que vous
mentionnez, la relation entre les deux. Cela veut dire que, déjà,
des rencontres parents-enfants -parents-fils, parents-filles - sont en marche
pour leur faire comprendre qu'il y a une base qui est acquise d'abord par
l'expérience familiale et ensuite, il y a à la compléter
par des cours en gestion et autres; et cela, ça fonctionne. On va
connaître, évidemment, plus de résultats dans les mois et
les années à venir. C'est ce qui se fait actuellement.
M. Picotte: Je suis content de vous l'entendre dire, parce que,
cet avant-midi, en visitant l'ITAA, le responsable des étudiants me
faisait part qu'une des bonnes régions qui alimentaient l'ITAA en jeunes
qui veulent suivre une formation, c'était la région de la
Mauricie. Je soupçonnais que quelque chose s'était fait, au moins
de ce côté-là, pour inciter davantage les gens à
vouloir y aller. Je pense que, si j'avais un voeu à formuler, ce serait
le voeu de développer une thématique ou quelque chose qui
pourrait inciter davantage et bien faire prendre conscience, de cette
réalité puisque, dans certains cas, on nous a souligné,
à tort ou à raison, je ne sais pas, qu'il y avait carence,
nettement carence de...
M. Saint-Pierre: Vous avez souligné aussi le
problème de la communication entre les parents et les enfants. Il a
été souligné ici, en fin d'après-midi. L'iniative,
je pense que M. Lavigne vient d'en parler au niveau de la région des
Bois-Francs: il y a un agronome du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, je pense, qui a parti cela,
peut-être un petit peu de sa personne même, et qui fait un travail
immense dans ce dossier. Il va chercher des parents et des enfants pendant des
fins de semaines complètes et il les emmène dans une salle: Vous
avez quelque chose à vous dire, dites-le. Il dit que ce n'est pas facile
et que n'importe qui n'est pas capable de faire cela non plus.
M. Picotte: Je voudrais vous remercier, au nom de ma formation
politique, de votre mémoire, encore une fois. N'hésitez pas,
quand vous trouverez de bonnes solutions, à les acheminer à notre
président, ce qui sans doute va permettre à la commission d'avoir
encore un éclairage additionnel sur les différents
problèmes et de trouver des correctifs plus appropriés pour le
mieux-être de la classe agricole. Alors, merci d'être venus nous
rencontrer et au plaisir de se rencontrer à nouveau.
Le Président (M. Dupré): Merci, M. le
député de Maskinongé. M. le député de
Champlain, une courte question.
M. Gagnon: Je vais essayer d'en mettre plusieurs dans la
même. Moi aussi, je voudrais vous remercier. Quand on parlait de bonnes
suggestions à acheminer, je pense qu'aujourd'hui vous nous en avez fait
quelques bonnes. Je veux relever, entre autres, ce que j'ai entendu de la
bouche du président tantôt, quand il a dit: Subventions
données à l'agriculture. Ce sont des subventions données
aux consommateurs. Je pense qu'on devrait appuyer là-dessus le plus
possible. C'est un fait que ce sont des subventions directement données
aux consommateurs. Et je suis d'accord avec M. Raîche quand il dit que
cela devient un peu insultant de recevoir des subventions pour diminuer le
coût de production et que c'est finalement le consommateur qui en
bénéficie et l'ensemble de l'industrie.
Juste une question que je voulais poser, parce que vous avez
appuyé beaucoup sur la mise en marché. Là-dessus, je suis
aussi d'accord avec vous qu'on ne devrait pas partir une production sans voir
à organiser la mise en marché, pour qu'on ne se retrouve pas
comme on s'est retrouvé avec le
phénomène du porc. Je voudrais savoir ce que l'on aurait
pu faire de plus; après coup on peut analyser les erreurs. Dans le
domaine du porc, je me souviens qu'en 1978 ou 1979, alors qu'on voyait se
construire énormément de porcheries, vous aviez eu un
référendum qui avait été négatif et cela par
une marge très faible. À ce moment-là, le gouvernement
avait accordé le plan conjoint sans référendum. Si,
à ce moment-là, on avait pu mettre le plan conjoint en marche, il
est fort probable qu'on aurait évité beaucoup de problèmes
que retrouvent actuellement certains producteurs de porcs. Qu'aurait-on pu
faire de plus, ou de quelle façon aurait-on pu s'y prendre pour que ce
fameux plan conjoint puisse être mis en application. Depuis ce temps, le
plan conjoint a été voté dans le domaine du porc.
Où en est-on rendu? Est-ce que vous êtes satisfait de
l'étape qu'a franchie le plan conjoint dans le domaine du porc?
M. Raîche: Je pense qu'un plan conjoint se vote par des
producteurs qui sont convaincus de choses. Mais, lorsqu'on va voter... Voyez un
gouvernement qui est élu à 50%, voyez comme il est fort. Un plan
conjoint qui est voté à 50%, c'est pareil. Une journée,
cela va bien. Une autre journée, cela ne va pas. Mais je pense qu'un
plan conjoint, pour qu'il se donne des forces, il faut qu'il soit voté
et compris par l'ensemble des producteurs. Actuellement, les producteurs de
porcs y vont par étapes et ils sont en train de comprendre ce que c'est.
Mais ce ne sont peut-être pas des gars qui étaient... Dans
l'ensemble, je ne dirais pas, il y avait des gars qui connaissaient le
fonctionnement et qui étaient bien convaincus du fonctionnement du plan
conjoint. Mais il faut que cela soit approuvé par l'ensemble des
producteurs. Quand on n'a pas cette force, cette volonté des
producteurs, je ne pense pas que ce soit... Peu importe qui va le mettre en
place, il n'y a rien qui va fonctionner. C'est un pouvoir que les gars se
donnent et ce sont également des restrictions que les producteurs se
donnent entre eux. Un plan conjoint donne des barrières et il faut que
tu acceptes des choses; tu ne peux pas passer à côté.
Tout à l'heure, vous avez soulevé un point, je pense,
c'est-à-dire qu'on travaille avec les producteurs ou les anciens
producteurs, justement, pour qu'ils comprennent qu'une entreprise agricole,
aujourd'hui, cela prend un suivi également. Bien souvent les
agriculteurs ont eu des prêts et, au départ, il y a eu même
des prêts suivis. Les agriculteurs ne se trouvaient pas bien avec ces
prêts. Mais, malgré tout, ce sont ceux-là qui sont
restés en production, parce qu'il y avait un certain suivi, un certain
encadrement. Il y a trop d'agriculteurs, malheureusement, qui n'ont pas
d'encadrement et qui veulent la liberté. Aujourd'hui, la liberté
existe de moins en moins. On donne les libertés collectives, mais pas
les libertés individuelles. C'est pour cela qu'on est en train, avec nos
membres, de leur accorder, de leur faire sentir qu'un suivi, peu importe que ce
soit la banque qui les suive ou différents organismes, qu'il est
nécessaire d'avoir un suivi.
Regardez les gars qui sont dans les syndicats de gestion: il y a un
suivi, un encadrement et cela leur évite de faire des faux pas. Cela
prend une petite affaire de rien pour débalancer la situation d'un
producteur agricole. Les gars, des fois, quand ils n'ont pas le suivi de cela,
l'encadrement... Il ne faudrait pas qu'ils fassent un investissement sur les
machineries, il faudrait qu'ils le fassent dans une chose plus rentable, mais
il y a de bons vendeurs qui leur passent des patates chaudes et ils viennent
désorganiser son affaire; quand il arrive une situation de crise, ils ne
sont pas capables de passer au travers. Ce sont des points où nous
allons y aller par étapes et que les agriculteurs vont comprendre de
plus en plus. C'est le temps qui arrange les choses, mais, durant ce temps, on
en échappe, c'est cela qui est malheureux.
Le Président (M. Dupré): Merci, M. Raîche;
merci aux représentants de la Fédération de l'UPA de
Nicolet d'avoir bien voulu, comme je l'ai dit au début - se
présenter ici.
M. Saint-Pierre: M. Jacob aurait une petite précision
d'une demi-minute à faire au sujet de l'assurance-stabilisation...
Le Président (M. Dupré): Continuant avec ma
souplesse ordinaire, je vais l'entendre.
M. Jacob: Je vous remercie beaucoup. Tout à l'heure, on
disait: Est-ce juste la prime qui manque? Ce n'est pas juste cela.
Tantôt, peut-être qu'on n'a pas été assez clair. On
dit qu'on détermine le coût de production et, après, le
prix stabilisé est à 90%. Après, quand on calcule le prix
moyen du marché... Je vais vous donner un exemple. On dit que le prix
moyen du marché, dans le cas du maïs-grain, est calculé sur
la base Montréal par camion; on sait que, dans notre région, la
région de Saint-Hyacinthe, on vend 10 $, des fois 15 $ en bas du prix du
marché. C'est pour vous dire que, lorsqu'on est stabilisé, il
nous manque 10%, il nous manque la prime, il nous manque 10 $ à 15 $ la
tonne. C'est un fait et on pourrait peut-être, en y pensant, en trouver
d'autres.
Le Président (M. Dupré): Merci de vos
réponses.
M. Raîche: Cela nous a fait plaisir de venir vous exposer
nos problèmes. On a tenté de donner des solutions à
d'autres intervenants, si l'on veut. On a été très bien
reçus de la part de Saint-Hyacinthe. On parle de l'agriculture, c'est
notre domaine.
Le Président (M. Dupré): Merci.
M. Picotte: Une autre fois, on ira à Nicolet.
Le Président (M. Dupré): Je demanderais maintenant
au groupe Samson, Bélair et Associés de s'approcher. Bonsoir. Je
vous demanderais de vous identifier, de même que vos collègues,
pour les besoins de la transcription des débats, s'il vous
plaît!
Samson, Bélair et Associés
M. Laroche (Claude): Mon nom est Claude Laroche. Je suis
comptable agréé, associé de la firme Samson, Bélair
et vice-président de Les conseillers Samson, Bélair Inc.,
conseillers en administration. À mon extrême droite, M. Alain
Touchette, comptable agréé, associé de Samson,
Bélair, qui a une longue expérience pratique en fiscalité
agricole. Il a donné de nombreuses conférences sur le transfert
d'entreprises agricoles entre père et fils. Je me suis trompé, M.
Vignola n'était pas arrivé. À l'extrême droite de M.
Touchette, M. Dominique Vignola, agronome, vice-président aux affaires
agricoles de Les conseillers Samson, Bélair Inc., et directeur du
service de conseil en gestion agricole. Il a été conseiller en
financement agricole auprès de l'Office du crédit agricole du
Québec et fondateur d'un bureau de consultants spécialisés
dans la gestion agricole. À ma droite immédiate, M. Robert
Longtin, comptable agréé, maîtrise en fiscalité,
associé de Samson, Bélair et responsable du service de
fiscalité. Il a écrit plusieurs articles sur la fiscalité
agricole. À ma gauche, M. Bernard Malo, comptable agréé,
associé de Samson, Bélair, président du comité
d'étude de l'Ordre des comptables agréés du Québec
sur la vérification des coopératives et membre du comité
d'étude de l'Institut canadien des comptables agréés sur
la présentation de l'information financière des entreprises
agricoles. Il possède une expérience considérable en
fiscalité agricole. (21 h 30)
M. le Président, tout d'abord, j'aimerais faire une
présentation pour indiquer pourquoi Samson, Bélair s'est
intéressée à la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation du Québec.
Nous avons l'honneur de déposer ce mémoire dans lequel
sont formulées des recommandations que nous soumettons à votre
attention dans la recherche que vous poursuivez sur le financement,
l'endettement et la relève agricoles au Québec. Samson,
Bélair est sans contredit l'un des plus importants cabinets
québécois d'experts-comptables. Depuis plus de 75 ans, son nom
est très avantageusement connu dans le domaine de la
comptabilité, de la vérification, de la fiscalité, des
conseils en gestion, tant auprès des milieux des affaires et de la
finance que des organismes gouvernementaux et paragouvernementaux. Les bureaux
de notre cabinet se trouvent dans près de 25 villes du Québec.
Ces bureaux sont dirigés par plus de 100 associés et comprennent
des ressources humaines d'environ 800 collaborateurs.
L'invitation lancée par votre commission a suscité un vif
intérêt chez les membres des bureaux de Beloeil, Drummondville et
Saint-Hyacinthe, de Samson, Bélair, puisqu'une bonne partie de leur
clientèle oeuvre dans le domaine agricole et dans ses domaines connexes.
En plus de services de professionnels experts en comptabilité, en
vérification et en fiscalité, ces bureaux comptent deux agronomes
parmi leurs conseillers en gestion. Tous ces professionnels ont acquis une
solide connaissance de la problématique à l'ordre du jour de la
commission puisqu'ils ont à desservir régulièrement une
clientèle de plus de 1500 agriculteurs.
Les recommandations de ce mémoire sont principalement
orientées vers les aspects fiscaux de l'investissement et de
l'endettement de l'entreprise agricole depuis son acquisition jusqu'à
son transfert à une nouvelle génération, en passant par
son exploitation et son expansion.
La première partie du mémoire résume les
principales recommandations, la deuxième partie fait une analyse
détaillée de chacune d'elles et la troisième partie donne
quelques notes biographiques sur les auteurs du mémoire, que je vous ai
déjà données.
Samson, Bélair désire offrir sa pleine et entière
collaboration à la commission dans l'élaboration et la mise en
application des recommandations qui résulteront de ses travaux. Je vous
présente maintenant le sommaire des recommandations.
La compagnie devrait être favorisée comme cadre juridique
de l'exploitation d'une entreprise par plusieurs agriculteurs. Les principaux
avantages de ce cadre juridique résident dans la responsabilité
limitée, un taux d'imposition non progressif et avantageux lorsque les
bénéfices sont réinvestis dans l'entreprise et les
facilités fiscales relatives au transfert de biens agricoles et au gel
de leur valeur. Cependant, le taux de la taxe sur le capital au Québec
est le principal obstacle à l'utilisation d'une corporation pour
l'exploitation d'une entreprise agricole. Le
Québec est la seule province où la taxe sur le capital
imposée aux entreprises agricoles ne représente pas un montant
symbolique. En conséquence, nous recommandons que la taxe sur le capital
pour les entreprises agricoles exploitées par une compagnie soit
abolie.
La Loi de l'impôt sur le revenu ne permet pas que tous les
facteurs de production agricole soient déduits dans le calcul du revenu.
En particulier, le coût des fonds de terre ne peut pas être amorti.
Le coût des quotas de production ne peut être amorti que sur la
moitié de son coût d'acquisition. De plus, le taux d'amortissement
des biens agricoles devrait être suffisamment augmenté pour
accélérer leur déductibilité au même titre
que certains autres secteurs de l'activité économique qui
bénéficient de taux fort avantageux pour leurs principaux
facteurs de production.
Nous recommandons que le coût des fonds de terre puisse être
amorti puisqu'il est un facteur de production très important en
l'agriculture; que le coût des quotas puisse être amorti en entier;
que le taux d'amortissement de l'ensemble des biens agricoles, y compris le
taux applicable aux fonds de terre et aux quotas de production, ne soit pas
inférieur à 20%.
Afin de favoriser le financement des exploitations agricoles par du
capital de risque plutôt que par l'endettement, nous recommandons que
soit constituée une société de développement des
entreprises agricoles. Cette société sera autorisée
à émettre des titres admissibles au Régime
d'épargne-actions du Québec, mais son rôle sera d'investir
dans le capital de risque des entreprises agricoles.
Les programmes de subvention d'intérêt actuellement en
vigueur ont tendance à faire augmenter les prix de vente d'exploitations
agricoles parce qu'un rendement moins élevé est requis pour payer
les charges financières de l'acquisition. Par conséquent, nous
recommandons que les programmes d'aide soient agencés de telle
façon qu'ils n'influenceront pas le prix de vente des exploitations
agricoles.
Les programmes d'aide destinés à favoriser le transfert
d'exploitations agricoles d'une génération à l'autre sont
surtout orientés vers l'acquéreur via une réduction du
taux d'intérêt ou une subvention à l'amélioration de
l'exploitation. Cependant, ces programmes n'assurent d'aucune façon le
financement de la retraite du vendeur. Le vendeur n'est donc pas incité
à transférer son exploitation car elle demeure sa seule garantie
de retraite. Nous recommandons que soit institué un régime de
retraite des agriculteurs auquel le gouvernement contribuera lorsque des
conditions précises de transfert auront été
respectées.
Deux mesures fiscales et une règle de financement de l'Office du
crédit agricole compliquent de façon indue la planification de la
plupart des transferts d'exploitations agricoles. Pour respecter les
règles de l'impôt sur les dons, des sommes importantes sont
consacrées à l'évaluation des actifs donnés, bien
qu'en définitive aucun impôt sur les dons ne doive être
payé généralement. Nous recommandons donc l'abolition de
l'impôt sur les dons pour les transferts de biens agricoles.
Les règles d'imposition du gain de capital exigent, d'autre part,
qu'un impôt soit payé même si le produit de la vente n'est
pas encaissé. Nous recommandons que le gain de capital soit
imposé au même rythme que l'encaissement du produit de la
vente.
Enfin, la règle de l'Office du crédit agricole qui exige
qu'un agriculteur ne reçoive son aide que s'il détient 20% de la
valeur de l'exploitation force l'agriculteur à faire un don dont le
montant est parfois irréaliste compte tenu de sa situation familiale.
Nous recommandons la révision des critères de l'Office du
crédit agricole pour que l'aide à l'établissement n'exige
pas le don du patrimoine familial.
Nous allons maintenant analyser ces recommandations; elles sont au
nombre de onze. Je ne lirai pas tout le texte. J'irai aux principaux
paragraphes. Vous pourrez me retrouver au fur et à mesure que je
passerai d'une recommandation à l'autre.
Financement et endettement. Nos recommandations sur le financement et
l'endettement agricoles visent à améliorer de façon
significative le ratio d'autonomie financière des entreprises agricoles.
Ce ratio nous apparaît beaucoup trop faible dans la plupart des
entreprises agricoles et il devient, à notre avis, la principale cause
des difficultés financières de ces entreprises. La situation
financière précaire d'aujourd'hui nous a conduits à
formuler un ensemble de recommandations destinées à introduire
des règles fiscales et financières propres à favoriser la
capitalisation des entreprises agricoles pour mieux les protéger des
conditions économiques difficiles.
Notre première recommandation: Les entreprises agricoles
familiales non incorporées doivent bénéficier d'un statut
fiscal comparable à celui dont jouissent les petites entreprises
incorporées. Cependant, comme il est difficile d'agencer la Loi sur les
impôts du Québec avec celle du ministère du Revenu
national, cet objectif pourrait être atteint en abolissant la taxe sur le
capital imposée aux compagnies agricoles.
Le système fiscal, tel qu'il existe présentement, ne
traite pas tous les producteurs agricoles sur le même pied. Le statut
juridique de l'entreprise agricole de même que sa situation
géographique vont déterminer le traitement fiscal qui lui sera
réservé.
À la ligne que je lis maintenant les mots "non
incorporées" doivent être rayés. Considérons, par
exemple, un agriculteur qui investirait 400 000 $ dans l'achat d'un fonds de
terre. Cet investissement serait financé par 200 000 $ de
bénéfices réinvestis et un emprunt de 200 000 $. L'analyse
de la charge fiscale de cet agriculteur dans trois situations
différentes démontre l'importance de cette situation
inéquitable. Si cet agriculteur est un particulier et que son taux
marginal d'imposition est de 35%, soit le taux marginal d'imposition pour un
revenu imposable de 8000 $, il lui faudrait un total de 300 000 $ de revenus
pour rembourser le capital de sa dette. Si ce même agriculteur
s'incorporait au Québec, pour rembourser la même dette
l'entreprise devra générer 279 900 $ pour rembourser le capital.
Enfin, si l'entreprise agricole se situe en Ontario plutôt qu'au
Québec, elle devra alors générer 235 300 $ pour rembourser
le capital de sa dette.
Il résulte de l'exemple précédent que l'agriculteur
le plus pénalisé par le système actuel est celui qui
exploite son entreprise en dehors du cadre corporatif. Les entreprises
agricoles familiales non incorporées représentent pourtant
environ 96% de toutes les entreprises agricoles canadiennes.
Étudions maintenant un autre aspect de ce que coûte en
impôt le réinvestissement des bénéfices par
l'entreprise. On entend par réinvestissement de bénéfices
le fait qu'après qu'un agriculteur a gagné son coût de vie
il réinvestit soit en remboursement de dettes ou en acquisition de
nouvelles immobilisations.
Le tableau suivant donne pour chacun des niveaux de
bénéfices réinvestis dans l'entreprise la charge fiscale.
L'étude de ce tableau démontre clairement que l'entreprise
constituée en corporation a un net avantage sur l'entreprise
exploitée par un particulier au fur et à mesure que le niveau des
bénéfices augmente. Il devient proportionnellement moins
coûteux à une compagnie qui peut investir 50 000 $ de
bénéfices de prendre de l'expansion que pour l'agriculteur dont
l'entreprise n'est pas incorporée et dont la capacité de
réinvestir les bénéfices est limitée.
Si la fiscalité favorise tellement la constitution de compagnies,
alors pourquoi la grande majorité des entreprises agricoles ne
sont-elles pas exploitées dans ce cadre juridique? Cette situation
résulte du fait que le statut juridique d'une entreprise doit être
déterminé au début de son exploitation alors que les
résultats sont parfois imprévisibles et la liquidité fort
restreinte. Dans cette situation, très peu d'agriculteurs consentiront
à payer à court terme une taxe importante sur le capital sans
obtenir des avantages immédiats. Ils sacrifieront les avantages à
moyen terme d'un taux d'imposition moins élevé. Cependant,
lorsqu'ils constateront que la charge fiscale augmente de façon
importante, ils accepteront trop facilement d'investir dans des nouveaux
facteurs de production et souvent au détriment de la santé
financière de leur entreprise pour économiser de
l'impôt.
À la lumière de ce qui précède, nous
proposons que tout bénéfice agricole réinvesti dans
l'entreprise soit taxé à un taux uniforme, par exemple 15%. Cette
politique mettrait sur un même pied toutes les exploitations agricoles
quel que soit leur statut juridique. Elle favoriserait, de plus, une
capitalisation des entreprises agricoles en permettant la rétention par
l'entreprise d'une plus grande partie des bénéfices
réalisés. Cependant, l'harmonisation des règles fiscales
québécoises et canadiennes pourrait être un obstacle
à cette recommandation. Dans ce cas, il faudrait envisager l'abolition
de la taxe sur le capital pour les entreprises agricoles.
La deuxième recommandation. Tous les facteurs de production
agricole, y compris les fonds de terre et les quotas de production, doivent
être considérés comme des biens amortissables. Le
régime fiscal actuellement en vigueur ne considère pas de
façon semblable tous les actifs qui sont utilisés dans la
production agricole. Si le matériel roulant peut être amorti au
taux de 30%, l'équipement à 20% et les bâtisses à 5%
ou 10%, les fonds de terre ne sont pas amortissables tandis que les quotas de
production sont amortissables au taux de 10%, mais seulement sur la
moitié de leur coût.
Je vais passer à la page suivante. L'économie potentielle
reliée à l'amortissement des facteurs de production est donc
très différente selon le type de production de l'entreprise
agricole. Le tableau suivant illustre notre point de vue. Nous avons
établi qu'un individu avait 400 000 $ à investir et qu'il puisse
l'investir dans différentes sortes d'entreprises agricoles, soit une de
grande culture, une de production laitière, une dans l'industrie porcine
ou dans une entreprise d'un autre secteur d'activité économique
comme la fabrication-transformation. Nous avons calculé la valeur des
économies d'impôt qui sont données par l'amortissement. On
constatera qu'en grande culture, pour un investissement de 400 000 $, on a une
valeur d'économie d'impôt de 32 000 $, alors que, dans l'industrie
porcine, ce montant est de 79 000 $ et, dans l'entreprise de fabrication et de
transformation, de 117 000 $. On voit dès lors qu'il y a une grande
inéquité, même si on a le même montant en actifs
immobilisés.
Nous avons appliqué la règle de notre proposition
d'amortir à 20%. La dernière
colonne indique quel serait le résultat pour l'ensemble de
l'amortissement si la règle de 20% était appliquée. Les
détails des hypothèses pour le calcul de ce tableau sont à
l'annexe B. Ce tableau dégage clairement que, pour un même
investissement de 400 000 $, les économies d'impôt
résultant de l'amortissement peuvent aller de 32 000 $ à 117 000
$, selon le type de l'entreprise agricole considérée. Nous
recommandons donc que le taux d'amortissement de 20% soit utilisé et
qu'il soit admissible pour tous les facteurs de production, autant les fonds de
terre que les quotas.
La troisième recommandation. Les règles fiscales doivent
permettre à l'agriculteur, qui vend son entreprise agricole, de ne payer
l'impôt qui en résulte qu'au moment où il encaisse le
produit de la vente, afin de l'encourager à financer lui-même
l'entreprise vendue. L'agriculteur, qui vend ses biens agricoles,
réalise habituellement un gain de capital. Il peut vouloir avantager
l'acquéreur, n'exigeant pas le paiement immédiat du prix de
vente. Si cet acquéreur est son enfant, les règles fiscales
actuellement en vigueur ne lui permettent pas d'étaler sur de dix ans le
gain de capital. Il devra, de plus, payer l'impôt sur un minimum de 1
dixième du gain à chacune de ces dix années.
Le problème est donc le suivant: pour avantager l'acheteur, le
vendeur peut consentir à ce qu'aucune somme de capital ne soit
versée au cours des premières années suivant la
transaction. Cependant, le vendeur devra quand même payer l'impôt
sur un minimum de 1 dixième du gain de capital réalisé,
selon le cas, même s'il n'a reçu aucune somme d'argent.
Nous soulignons ici que l'agriculteur peut éviter un tel
problème en se servant du statut juridique de la compagnie pour reporter
l'imposition résultant de la vente seulement au moment de l'encaissement
du produit de la disposition. Nous préconisons donc que l'impôt
résultant de la disposition d'une entreprise agricole ne soit exigible
qu'au moment de l'encaissement du produit de la vente. Ces mesures devraient
s'appliquer à la récupération de l'amortissement, à
la partie imposable de la disposition des quotas de production, ainsi qu'au
gain de capital.
La quatrième recommandation. Une société de
développement des entreprises agricoles, qui pourrait émettre des
actions admissibles au Régime d'épargne-actions du Québec,
doit être créée. Les fonds ainsi recueillis seront investis
dans le capital de risque des entreprises agricoles.
Pour favoriser leur capitalisation et leur financement, nous
suggérons la mise sur pied d'une société de
développement de l'entreprise agricole québécoise, qui
agirait comme intermédiaire entre le public investisseur et l'entreprise
agricole. Le capital-actions de telles sociétés serait admissible
au Régime épargne-actions du Québec, créant ainsi
une incitation fiscale aux contribuables québécois. D'autre part,
les fonds ainsi recueillis seraient réinvestis dans les entreprises
agricoles selon des modalités qui favoriseraient leur expansion ou leur
consolidation.
La cinquième recommandation. L'intervention de l'État dans
le domaine du financement agricole devrait être orientée vers
l'amélioration de la capitalisation des entreprises. Je saute au
quatrième paragraphe.
Les programmes qui subventionnent une réduction du taux
d'intérêt pour l'acquisition d'exploitations agricoles auront
généralement pour effet d'augmenter le prix de l'exploitation
transigée plutôt que d'augmenter la rentabilité de
l'entreprise, parce que le vendeur escompte, habituellement, à son
avantage l'aide donnée à l'acquéreur. (21 h 45)
Par conséquent, nous croyons qu'il serait
préférable d'abandonner les programmes favorisant une
réduction du taux d'intérêt pour favoriser des programmes
d'aide qui augmenteront la rentabilité et la capitalisation des
entreprises, tout en évitant que ces avantages ne
bénéficient plutôt au vendeur d'une exploitation
qu'à son acheteur.
La sixième recommandation. L'aide gouvernementale ne devrait pas
être dirigée uniquement vers le crédit à long terme,
facteur causant un déséquilibre important de la structure
financière d'une exploitation. Plusieurs financements effectués
par l'Office du crédit agricole au cours des dernières
années visaient la consolidation des dettes à court et à
moyen termes en un seul prêt à long terme. Une telle structure
financière laisse présager d'énormes problèmes dans
le futur, lorsque les actifs devront être remplacés. Si la
subvention d'intérêt demeurait l'outil privilégié
d'aide à l'agriculture, il faudrait qu'elle soit accordée autant
pour l'endettement à court, à moyen et à long termes.
Nous passons maintenant è, 1a section relative à nos
recommandations sur la relève agricole. Les problèmes d'aide
gouvernementale à la relève agricole ont toujours
été orientés vers un appui apporté à la
nouvelle génération qui prend en main l'exploitation agricole.
Rarement s'est-on intéressé à la situation de celui qui la
quitte. Nous nous sommes interrogés sérieusement sur le choix du
bénéficiaire de l'aide et nous en sommes venus à la
conclusion qu'il faut favoriser davantage la retraite de l'agriculteur et
l'intégration progressive de la relève. Nos recommandations
établissent donc des
mesures d'aide à la retraite et au transfert et demandent
également une simplification du régime fiscal relatif au
transfert de biens agricoles.
La septième recommandation. La taxe sur le capital des
entreprises agricoles incorporées doit être abolie. J'ai
déjà expliqué antérieurement pourquoi elle doit
être abolie.
Je passe à la recommandation huit. L'impôt sur les dons
doit être aboli dans le cas de transfert de biens agricoles. Si
l'agriculteur ne peut ou ne veut pas utiliser le moyen que constitue la
corporation pour transmettre son exploitation à la jeune
génération, il peut en utiliser un autre qui est le don pur et
simple d'une partie de son entreprise à ses enfants. Je saute deux
paragraphes. Au moment de faire un tel don, il faut établir la juste
valeur marchande de l'exploitation agricole. Cette procédure
entraîne des frais importants. Elle peut aussi parfois semer la
controverse parmi les enfants quand une proportion importante du patrimoine
familial est donnée à l'un ou l'autre, au détriment de
ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas participer à la gestion
agricole.
La neuvième recommandation. Un programme favorisant la retraite
des agriculteurs avec une participation gouvernementale doit être
créé. L'agriculteur qui investit tout son avoir et ses
énergies dans son exploitation agricole n'est pas pressé de
vendre ou de transférer celle-ci à la jeune
génération. Son entreprise constitue souvent pour lui son unique
source de revenu en vue de sa retraite. Cette situation est une source de
problèmes pour la jeune génération qui serait, par
ailleurs, prête à prendre la relève. Le jeune agriculteur
aimerait être au moins en partie propriétaire de ce bien sur
lequel il met toutes ses énergies et non un simple employé.
Pour inciter les agriculteurs à effectuer un gel successoral plus
tôt dans leur vie active, nous proposons la création d'un
régime d'épargne-retraite spécifique à cette
catégorie de contribuables. Ce programme permettrait à
l'agriculteur qui aurait effectué un gel successoral en faveur de la
jeune génération de verser, chaque année, un montant de
5000 $ dans un régime particulier d'épargne-retraite, avec un
maximum cumulatif possible de 75 000 $. D'autre part, le gouvernement
verserait, lui aussi, un montant équivalent dans le régime.
L'agriculteur aurait alors accès, au moment où il serait
réellement prêt à prendre sa retraite, à un capital
de 150 000 $, augmenté des intérêts accumulés au
cours des quinze années de contribution. Avec un rendement constant de
10%, ce capital serait d'environ 318 000 $ et il lui permettrait d'envisager de
céder plus tôt la propriété de son entreprise
agricole à la jeune génération.
La dixième recommandation. Les règles de l'Office du
crédit agricole relatives au programme d'aide à
l'établissement doivent être modifiées pour qu'elles
n'obligent pas l'agriculteur à donner des sommes importantes au moment
du transfert, au détriment de l'équilibre financier familial. Les
règles de l'Office du crédit agricole exigent actuellement qu'un
jeune agriculteur détienne une participation de 20% dans une
exploitation agricole pour bénéficier de l'aide à
l'établissement. La plupart du temps, cette règle oblige le
parent à donner une somme imporante à son enfant pour qu'il se
qualifie. Cette exigence retardera habituellement la mise en branle du
transfert de l'exploitation parce que le parent n'est pas toujours prêt
à donner une somme aussi substantielle à un enfant,
habituellement, au détriment d'autres membres de sa famille-La
onzième et dernière recommandation. Les règles fiscales
relatives au transfert de biens agricoles en franchise d'impôt doivent
être modifiées pour permettre le transfert d'animaux sans
conséquence fiscale pour le vendeur. Les règles fiscales
permettent le transfert de la plupart des biens agricoles en franchise
d'impôt lorsque le parent veut transférer ses biens à son
enfant. Cependant, ces règles ne permettent pas le transfert d'animaux.
Comme les troupeaux d'animaux sont parfois d'une grande valeur, cette anomalie
de la loi devrait être corrigée. Il faut souligner que
l'agriculteur qui transfère ses animaux è une compagnie peut,
lui, bénéficier d'un transfert sans incidence fiscale.
J'ai complété la lecture des sections les plus importantes
de notre mémoire.
Le Président (M. Dupré): Merci, M. Laroche. On voit
que les recommandations sont assez précises et on voit aussi que vous
avez de la suite dans les idées. Si on parie de la taxe sur le capital
investi, entre autres, on sait qu'on a passé tout près,
l'année dernière, de la faire enlever. Je peux vous assurer
qu'étant sur le comité du budget cette année, je vais
redoubler d'ardeur. Les arguments supplémentaires que vous me donnez
dans votre mémoire, je vais les conserver précieusement. Je crois
qu'ils seront très utiles.
Sur ceci, je donnerais la parole au député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. J'aimerais
peut-être savoir, avant, le temps qui est mis à ma disposition; 20
minutes, merci. D'abord, j'aimerais féliciter la firme Samson, Belair et
ses représentants de l'excellent mémoire qui a été
présenté. Depuis, quand même, trois ou quatre jours, nous
avons entendu passablement de mémoires. Nous avons vu beaucoup de
critiques et nous avons vu des embryons de
solutions. Je pense que le travail que vous avez fait - il faut quand
même le souligner - est un travail phénoménal et c'est le
fruit, je pense, de l'expérience que vous avez vécue dans le
domaine agricole. J'en suis particulièrement heureux parce que les
recommandations que vous apportez, il y a longtemps que, de notre
côté, notre formation politique veut les mettre de l'avant.
Surtout que vous apportez des choses complètement nouvelles, qui n'ont
pas été soulevées même par les différents
mémoires autant de l'UPA que de la relève. Je pense
particulièrement au fonds de retraite qui est une chose, vraiment, qu'on
entend depuis nombre d'années, mais il n'y a personne qui a osé
le dire publiquement. Je pense que c'est une façon bien ferme, bien
déterminée, qui, dans le domaine de l'agriculture, va permettre,
finalement, à celui qui arrive d'exister et de continuer et è
celui qui quitte de s'assurer qu'il n'aura pas travaillé 25, 30 ou 40
ans pour être réduit à vivre avec les fonds sociaux de
l'État. Je pense que, d'abord et avant tout, c'est un encouragement et
une preuve de confiance envers ceux qui ont bâti l'agriculture
québécoise.
Au départ, on va s'entendre, on va essayer d'être rapide
parce que j'ai beaucoup de questions. À question courte, réponse
courte si c'est possible. À la page 3 de votre mémoire, vous
parlez de compagnies et d'entités personnelles, et vous faites une
différence. J'aimerais savoir précisément, peut-être
en trois volets, quels sont les avantages actuels, selon nos lois fiscales,
d'être en compagnie et les inconvénients d'une ferme familiale
à propriétaire unique.
M. Longtin (Robert): Finalement, c'est une question qui peut
difficilement recevoir des réponses éclairs, mais, pratiquement
parlant, tout d'abord, un avantage de l'incorporation, comme on peut le voir
dans les conclusions du mémoire, réside dans le fait qu'on a un
taux de taxation privilégié si on compare 18%, qui est le taux
proportionnel pour les premiers 200 000 $ de revenu, au taux marginal
d'imposition qui, on le sait, aux environs de 4000 $ de revenu imposable est
à 32%. À ce moment, quelqu'un qui exploite son entreprise par
l'intermédiaire d'une corporation peut réinvestir les profits
après impôt sans nécessairement avoir à multiplier.
Il en va de même aussi pour le remboursement de la dette. Par contre,
l'aspect négatif qu'on peut retrouver là-dedans, c'est la taxe
sur le capital. On l'a mentionné et re-rementionné. Il y a aussi
le fait que d'une certaine façon, on peut utiliser la corporation pour
faire des transferts de ferme père-fils en évitant les
problèmes d'impôt sur les dons, en évitant les
problèmes générés par le financement qui
résulte, encore une fois, de l'application de l'impôt sur les
dons.
D'autre part, l'avantage qu'on a de fonctionner du point de vue
particulier, c'est strictement la question qu'on a moins de paperasserie parce
que, finalement, en termes de transfert, en termes de facilités
fiscales, d'utilisation des divers modes de comptabilité, on les
retrouve dans les deux types de structures juridiques. Évidemment, on
parle toujours, lorsqu'on fonctionne sous la forme d'une corporation, de la
responsabilité limitée, mais quand on connaît nos
intervenants financiers, elle est limitée à nos endossements
qu'on met dans la corporation.
M. Maltais: Je suis sûr que vous avez lu le mémoire
des banques et vous savez qu'il n'y a personne qui a le moyen de s'en sortir.
Mais il reste une chose, un point important, c'est que lorsqu'on
réinvestit les profits, on peut aussi déduire les pertes.
M. Longtin: Effectivement.
M. Maltais: D'une façon beaucoup plus tangible que...
M. Longtin: C'est-à-dire...
M. Maltais:... de la façon actuelle, je pense, ou dans la
ferme familiale.
M. Longtin:... que dans la ferme familiale, il n'y a pas la
transférabilité des pertes de la corporation au niveau de
l'actionnaire. On perd ce fil-là. Sauf qu'au niveau de la ferme
familiale, le report de pertes est aussi étendu, on a exactement les
mêmes périodes de report, finalement, tandis que, dans la
corporation, si, par exemple, notre particulier a un revenu d'appoint à
l'extérieur de sa corporation, il ne pourrait pas appliquer les pertes
de la corporation sur son revenu personnel. Il n'y a pas cette transition qui
se fait directement de la corporation à l'individu.
M. Maltais: Vous parlez, à la page 4 -vous n'êtes
pas les seuls à en avoir parlé; je suis heureux de savoir que
tout le monde en a parlé, bref, mais surtout que vous le relevez d'une
façon peut-être un peu différente de ce que les autres ont
dit - de "favoriser le financement des exploitations agricoles par du capital
de risque".
Compte tenu de ce qu'on a entendu, comme profanes en administration
agricole, depuis trois ou quatre jours, pensez-vous honnêtement, comme
gestionnaires financiers, qu'on va trouver des gens pour investir dans du
capital de risque? On s'est fait dire par certaines unités de l'UPA que
plus on travaillait en agriculture, plus on était déficitaire.
Honnêtement, comme comptables agréés et comme
professionnels de la
gestion, vous allez me dire rapidement si on va trouver des gens.
À moins de leur donner une situation fiscale tout à fait
exceptionnelle, est-ce que vous croyez honnêtement en cette formule, si
on garde les mêmes "brackets" ou les mêmes barèmes de
fiscalité qu'on a présentement au Québec?
M. Touchette (Alain): On a trouvé des personnes pour
investir dans les puits de pétrole, dans des films, dans des mines
où il y avait à peu près aucune possibilité
d'obtenir un revenu; il y avait une bonne déduction d'impôt. Je ne
vois pas pourquoi on n'obtiendrait pas le même phénomène
pour l'agriculture.
M. Maltais: Avec la même déduction
d'impôt.
M. Touchette: La déduction d'impôt.
M. Maltais: Alors, il suffit pour nous de réviser, au
gouvernement, notre système fiscal là-dessus.
M. Touchette: Vous avez pour les
SODEQ, entre autres, des déductions avantageuses d'impôt.
Il y a des personnes qui investissent.
M. Maltais: D'accord.
M. Malo (Bernard): Si vous me le permettez, vous avez
touché à un aspect, vous avez fait une déclaration qui
parlait de la "profondeur" des investissements en agriculture. Vous avez dit:
Plus on investit dans l'agriculture ou plus on s'y enfonce, plus on
réalise des pertes. Notre expérience démontre et
révèle quand même ceci: Les entreprises, dans n'importe
quel secteur qu'on connaît en agriculture, qui ont une structure
financière saine, à moyen terme, fonctionnent à
profit.
M. Maltais: Écoutez, là-dessus, je pense qu'il y a
deux tendances. Ce que j'ai dit - je ne voudrais pas vous induire en erreur
-c'est que certains secteurs de l'UPA qu'on a rencontrés nous ont dit
qu'en agriculture, plus on travaillait finalement, plus on n'avait pas de
bénéfices. Cela nous a été dit carrément et
on pourra le relever dans le Journal des débats.
Ce à quoi je voudrais arriver, c'est que, si on travaille dans
une mauvaise tangente, c'est sûr qu'on va arriver à des pertes.
Mais si vous me parlez d'une structure financière adéquate avec
des normes bien respectées, je suis sûr qu'on va arriver.
D'ailleurs, les banques nous ont dit que l'agriculture était un
excellent investissement, qu'elles avaient un excellent rendement sur le taux
de leur argent. C'est sûr qu'elles n'ont pas prêté aux gens
qui représentaient un certain risque. Les banques ne prêtent pas
beaucoup avec des risques, à ce qu'on connaît; elles prêtent
sur du sûr, parce que les banquiers ont pour mission de faire fructifier
l'argent des capitalistes. C'est reconnu et c'est clair. Alors, ils ne vont pas
prêter dans des endroits où ils ont un certain pourcentage de
risque qui équivaut à une perte possible. C'est assez rare que
les banques perdent de l'argent. Écoutez, on le voit dans le journal,
c'est dramatique chaque fois qu'elles perdent 100 000 $ ou 200 000 $; mais on
ne voit pas cela dans le journal chaque fois qu'elles font 200 000 $ ou 300 000
$. C'est inversement proportionnel.
Il y a une autre question, à la page 4, que vous soulevez, qui
est quand même nouvelle pour nous. C'est que les programmes de subvention
d'intérêt actuellement en vigueur ont tendance à faire
augmenter le prix de vente de l'exploitation. J'aimerais que vous nous disiez
un petit peu comment vous voyez cela. Est-ce que, vraiment, les jeunes, la
relève paient trop cher les fermes qui sont mises en vente? (22
heures)
M. Vignola (Dominique): Je crois qu'à ce niveau c'est
relevé à partir des transactions qui ont eu lieu ou de
l'évolution des prix des terres qu'on a vue dans les années
soixante-dix, surtout dans notre région. Lorsqu'on a vu les maxima de
prêts au crédit agricole augmenter assez souvent, la valeur des
fermes a suivi d'assez près. Les statistiques québécoises
le démontrent peu parce qu'on a des statistiques globales de toute la
province. Dans plusieurs régions, on a vécu ce fait. Je pense que
le fait de dire que le vendeur escompte l'économie ou le fait que
l'acheteur puisse avoir un taux d'intérêt subventionné ou
plus bas, nous vivons ce fait assez régulièrement, c'est
sûr. On n'a malheureusement pas les données valables pour le
justifier mais l'expérience nous a fait constater cela très
régulièrement.
M. Laroche: Si vous me le permettez, il y a un aspect que
j'ajoute, c'est qu'il faut se poser la question, quand on regarde quelque
chose: combien suis-je capable de rembourser s'il m'en coûte 8%
d'intérêt? Combien suis-je capable de rembourser s'il m'en
coûte 13%, 14% ou 15% d'intérêt? Évidemment, plus le
taux d'intérêt va être élevé, moins on va
être capable de rembourser. Cependant, le vendeur du fonds de terre ou de
l'exploitation, lui, fait le même calcul, et, sachant très bien
que l'acquéreur paiera un taux d'intérêt réduit, il
augmentera aussitôt son prix de vente parce qu'il sait que la
capacité de remboursement de l'emprunteur est plus grande puisqu'il paie
un taux d'intérêt moins élevé que le marché
n'en demande.
M. Malo: J'ai une précision à apporter au dernier
élément, ce qu'il faut se rappeler, c'est que ce sont des
constatations de moyenne époque. On observe l'évolution de
l'agriculture depuis les années soixante-dix, jusqu'à
aujourd'hui. Il y a des gens qui vont argumenter que, actuellement,
l'énoncé qu'on fait est peut-être modifié par
l'évolution de certains secteurs de l'activité agricole. On n'a
qu'à regarder ce qui se passe actuellement dans le secteur laitier pour
penser que nos remarques sont quand même encore pertinentes. Je veux dire
par là, entre autres, l'enchère et la surenchère qui
peuvent survenir au niveau de la valeur des contingentements, actuellement.
M. Maltais: J'aimerais vous poser une question que vous avez
effleurée dans votre mémoire et je pense que c'est à vous
qu'on doit la poser. Nous l'avons posée à bien des gens et ils
nous ont donné des réponses différentes. Je suis sûr
qu'une personne comme vous va nous donner l'heure juste.
On a parlé beaucoup de la relève agricole et aussi de la
compétence et de l'incompétence, de la préparation et de
la formation, bref, on a à peu près tout dit ce qu'on pouvait
nous dire sur la relève. Moi, je vais vous poser une question. À
20 ans, 21 ans, est-ce que, dans l'entreprise privée, on voit beaucoup
de jeunes qui sortent avec un DEC administrer des entreprises qui valent entre
300 000 $ et 1 000 000 $. En vertu de quoi le ministère de l'Agriculture
et la société pourraient-ils demander à des jeunes de la
relève agricole, même s'ils ont vécu sur la ferme de leurs
parents - parce que à 21 ans et 22 ans, on n'est quand même pas
des spécialistes en gestion, en agronomie, ainsi de suite - d'être
de parfaits administrateurs, d'être de parfaits agronomes, d'être
de parfaits "autres techniques", toute la série qu'on a vue aujourd'hui
avec l'ITAA? Il y a quelque chose que je ne comprends pas là-dedans.
Vous allez m'expliquer pourquoi ces jeunes devraient faire face à cela -
c'est quand même un secteur des plus importants, c'est celui qui nous
fait bouffer trois fois par jour - alors qu'on n'exige absolument pas cela dans
d'autres domaines de la société - à moins que le papa soit
à côté et dise: Mon petit garçon, tu ouvres à
telle heure, tu fermes à telle heure, tu vas faire le dépôt
à telle heure, ainsi de suite -tandis que, à la ferme, notre
société exige, à partir des institutions
financières et des institutions administratives
québécoises, une compétence qu'on ne pourra jamais
trouver, à mon avis. J'aimerais que vous donniez un embryon de
réponse là-dessus.
M. Vignola: Je pense que pour ce qui est de la compétence,
au niveau des futurs exploitants, c'est bon d'insister sur ce fait, on ne
pourra jamais dire qu'on a formé des futurs exploitants qui ne seront
pas assez formés. La formation est très rentable pour
l'agriculture et je pense que c'est bon de viser ce point. Ce que vous soulevez
est assez important parce que, dans le secteur agricole traditionnellement, on
a toujours vu des entreprises se transférer globalement. Le transfert
graduel s'est très peu fait à cause d'une question de
mentalité. Et assez souvent, ce qu'on a vu dans le passé avec des
entreprises qui avaient moins de capital, c'est que ce qui se passait au moment
du transfert, on envisageait uniquement le transfert global. À un moment
donné, le père décidait qu'il sortait de l'entreprise. Il
allait au crédit agricole pour voir combien il pouvait emprunter et il
établissait la valeur à partir de cela. Et, à partir de
là, il y a une coupure draconienne dans l'exploitation de la ferme. Le
fils reprend la relève et, avec l'endettement qu'il y a sur la ferme,
c'est sûr qu'il faut qu'il soit supercompétent, d'où
l'utilité des recommandations qu'on a faites, surtout celles où
on parle du gel successoral, où on va créer, on va donner une
possibilité aux parents de se retirer, de s'assurer d'un fonds de
retraite, de créer un gel successoral assez tôt qui va permettre
aux enfants d'embarquer graduellement dans l'exploitation et, là,
d'acquérir la pratique qui leur manque. Mais, la théorie, il faut
qu'ils aillent la chercher. C'est officiel.
M. Maltais: Je vous remercie. J'aurais aimé dialoguer
beaucoup avec vous autres, là-dessus, parce que j'aurais encore
énormément de questions. Malheureusement, le temps presse. Il y a
un point... Vous avez fait onze recommandations et il y en a une qui m'a
frappé particulièrement, en dehors de toute la fiscalité
qui doit être révisée pour permettre tout ce transfert et
toute cette adaptation, toutes ces déductions, toutes ces chances de
réussite. Il y en a une dont personne n'a parlé en dehors de vous
autres. Je vous félicite parce que c'est un point important. Celui qui
s'en va, il s'en va comment? L'agriculteur qui prend sa retraite. Et vous
apportez une chose tout à fait nouvelle, en tout cas, depuis trois ou
quatre jours, soit le fonds de retraite. S'assurer que celui qui s'en va
après avoir consacré 25 ou 30 ans de sa vie ne s'en ira pas avec
son baluchon, qu'il va s'en aller comme tout travailleur qui a travaillé
dans l'industrie ou dans l'entreprise et qui a le droit à une retraite
équilibrée.
J'aimerais peut-être que vous me donniez les paramètres. Je
sais qu'il me reste trois ou quatre minutes, M. le Président. Ils vont
aller assez vite. Ils sont rapides. Ils comprennent vite. Ce sont des
comptables. J'aimerais que vous me donniez quand même les
paramètres sur lesquels vous vous êtes basés pour en
arriver aux chiffres que vous nous avez donnés dans votre
mémoire. Je sais que je ne vous demanderai pas un travail
d'actuariat, rapidement, mais je vais vous demander quand même deux ou
trois petits paramètres. Cela va nous permettre, peut-être, de
connaître mieux votre opinion là-dessus.
M. Laroche: Les chiffres dans notre mémoire sont un
exemple. D'accord? Ceux-ci s'appuient sur des situations qu'on retrouve
habituellement dans d'autres secteurs d'activité. Par exemple, un
particulier peut investir jusqu'à 5500 $ dans un REER par année
et on s'est probablement fondé là-dessus. Je dis probablement
parce que cela a été notre mesure pour dire: Si on faisait la
même chose que dans un autre secteur d'activité, combien d'argent
aurions-nous après une certaine période de temps?
M. Maltais: Est-ce que vous avez pensé - ou vous l'avez
inclus, je ne le sais pas -que la plus-value de l'équité pourrait
servir de fonds d'acquisition de pension?
M. Laroche: Ce qu'on a dit, c'est ceci. Faisons un gel
successoral. Faire un gel successoral, cela veut dire que la valeur de la ferme
est fixée à partir d'un moment donné ou à partir du
moment où on décide de le faire, c'est-à-dire quinze ans
avant notre retraite. La plus-value ira à l'enfant et au moment de la
retraite, évidemment, il y aura encore cette valeur qui pourrait
être transférée. On n'a pas prévu la
mécanique de l'application de la loi. Ce qu'on a voulu penser à
ce moment-là, c'est une nouvelle approche au problème qui pourra
être explorée beaucoup plus en profondeur si on décide d'y
apporter une attention particulière.
M. Maltais: Est-ce que j'ai le temps, M. te Président?
Vous nous dites dans votre mémoire que celui qui cède sa
propriété à son fils pourra laisser un certain montant
d'argent qui pourra être versé sous forme de rente
différée, par exemple. Est-ce que cela pourrait être inclus
dans ce genre de fonds de retraite et déductible d'impôt? parce
que son revenu à ce moment-là sera quand même très
minime. Non?
M. Laroche: Évidemment...
M. Maltais: Sous forme de rente différée, l'acquis
après la date de cessation.
M. Laroche: Effectivement, si on accepte de mettre cela dans un
REER, celui-ci offre des possibilités de retraite qui sont des rentes
viagères, toutes sortes de choses assez compliquées...
M. Maltais: Avec tout le cheminement, oui.
M. Laroche: Toutes les choses qui font que,
éventuellement, les sommes qui auraient été investies par
le gouvernement seraient, en partie, repayées en impôt par
l'agriculteur qui se retire et, au fur et à mesure, il retirera ces
sommes pendant sa retraite.
M. Maltais: Je vous remercie infiniment, je pense que c'est tout
le temps que j'ai à ma disposition. Je vous remercie.
Le Président (M. Dupré): Merci, M. le
député de Saguenay. M. le député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Merci. Au nom de ma formation politique,
j'aimerais vous remercier de nous avoir présenté ce
mémoire qui est très détaillé. Nous, on avait pris
connaissance du premier mémoire qui avait été
déposé, donc il se peut que les questions chambardent les deux
mémoires. Ma première question serait celle-ci: Vous parlez d'une
chose qui m'intéresse beaucoup, d'une société de
développement des entreprises agricoles. J'aimerais que vous puissiez
nous démontrer plus clairement quel avantage cette nouvelle
société aurait pour l'agriculteur comparativement aux avantages
qu'offrent les institutions prêteuses, les institutions privées,
actuellement, ce qui existe dans l'entreprise privée.
M. Longtin: Essentiellement, si cette nouvelle
société investit dans du capital de risque, c'est évident
que la charge financière de l'entreprise va être moindre. 5i on
investit dans du capital-actions dans une corporation, on a moins de fardeau de
dettes à subir, cela veut dire une participation externe qu'on va
chercher sur laquelle on peut donner, peut-être, un rendement mais un
rendement de beaucoup inférieur au taux du marché qui serait
demandé par une institution financière conventionnelle. Par
contre, l'investisseur, la personne qui souscrirait à un tel
régime irait chercher son rendement supplémentaire par son
dégrèvement fiscal parce qu'on sait, sans entrer dans la
technicité de tout cela, qu'une SODEQ nous donnait droit au REA et en
plus on pouvait transférer cela à un régime
enregistré d'épargne-retraite, ce qui contribuait à donner
un rendement intéressant, un rendement qui était, en fait,
directement relié au taux marginal de taxation de l'individu qui
contribuait. Donc, finalement, si on crée un tel genre de
société, on investit dans du capital de risque de l'agriculture,
parce que toute notre affaire s'enchaîne. Si on dit qu'on favorise
l'incorporation, donc les entreprises agricoles, au Québec, devraient
être en majorité incorporées. Donc, la SODEAQ, comme on
pourrait l'appeler, pourrait souscrire directement dans du capital-actions
d'une
corporation agricole. On réduit le fardeau de la dette, donc on
fait respirer un peu plus l'entreprise. C'est un petit peu le même
principe. Pourquoi les corporations publiques vont-elles chercher des nouvelles
émissions? C'est pour soulager leur fardeau de dettes.
M. Baril (Arthabaska): Cela reviendrait un peu à ce que
j'appelais une banque de crédit agricole qui serait financée -
c'est une façon de parler - qui serait supportée par du
capital-actions, les agriculteurs achèteraient des actions dans cette
société.
M. Longtin: À peu de choses près, oui, mais on
ajouterait un petit sucre à cela, finalement, pour intéresser les
gens.
M. Baril (Arthabaska): Oui, des dégrèvements
fiscaux.
M. Longtin: C'est exact.
M. Baril (Arthabaska): C'est ce que vous dites. D'ailleurs, moi
aussi je fais...
M. Laroche: Si vous me permettez une intervention. Je faisais
signe que non pendant qu'il répondait oui, ce n'est pas clair. D'abord,
c'est qu'on ne veut pas aller chercher l'argent de l'agriculteur pour le
remettre sur la ferme. On veut aller chercher l'argent du médecin,
l'argent de l'avocat, l'argent du comptable ou l'argent du député
qu'il est pris, à un moment donné, pour placer dans un
régime d'épargne-actions parce que ses revenus sont trop
élevés.
M. Baril (Arthabaska): Je suis un fermier et si vous voyiez ma
comptabilité vous ne viendriez pas en chercher chez moi certain.
M. Laroche: Le régime d'épargne-actions, en
pratique, a eu beaucoup de succès au Québec. Ce qu'on dit c'est
qu'on devrait pouvoir ramener cela dans l'agriculture autant qu'on l'a
amené dans les films, dans les puits de pétrole ou dans les
mines. Donc, dans le public il y a des gens qui sont prêts à
investir des sommes d'argent pour en obtenir un certain rendement pour
économiser de l'impôt. Ce qu'on n'a pas, dans l'agriculture, c'est
la mécanique pour amener cela jusqu'à la ferme. Ce qu'on propose
c'est la mécanique pour l'amener jusqu'à la ferme pour sortir le
banquier ou pour sortir l'Office du crédit agricole de l'entreprise ou
le sortir en partie et donner à l'agriculteur comme tel un partenaire
financier qui ne demande pas de rendement, qui est là en
équité, qui pourra réaliser son placement au moment de la
vente de la ferme ou dans quelques années au moment où
l'agriculteur pourra décider de le racheter parce qu'il commence
à être satisfait et qu'il a eu un meilleur rendement que d'avoir
toujours un banquier ou un autre organisme financier qui est là et qui
réagit toujours au taux d'intérêt. On sait que la variation
du taux d'intérêt vient affecter de façon importante le
rendement de l'entreprise et ce qu'on cherche c'est de diminuer cela en
réduisant le ratio d'endettement de la ferme et, pour diminuer ce ratio
d'endettement, c'est de mettre de l'équité ou du capital dans
l'entreprise. Ce qu'on se dit c'est qu'il y a des intervenants dans le cycle
économique qui sont capables d'intervenir, qui interviennent dans
d'autres secteurs et qui pourraient en mettre dans l'agriculture par
intérêt d'économiser de l'impôt. (22 h 15)
M. Baril (Arthabaska): Dans le premier mémoire que vous
nous avez présenté, à la page 3 que j'ai
paginée...
M. Laroche: M. le Président, on aimerait ne passer aucun
commentaire sur le premier mémoire parce qu'on n'est pas sûr que
tout le monde l'a lu, ici. C'est que c'est un avant-projet qui a
été envoyé, sur lequel on ne passera pas de
commentaire.
M. Baril (Arthabaska): De toute façon, croyez-vous que les
subventions aux taux d'intérêt font augmenter le prix des
fermes?
M. Laroche: Oui.
M. Baril (Arthabaska): Vous croyez que cela fait augmenter. Si
d'autres formes de subventions de la part du gouvernement... Si on ne
subventionne pas les taux d'intérêt, si on subventionne la
production, pour en arriver aux coûts de production, quelle est la
différence entre les deux?
M. Vignola: Ce que vous dites, est-ce au niveau du...
M. Baril (Arthabaska): Différents programmes agricoles que
le gouvernement va subventionner...
M. Vignola: D'accord.
M. Baril (Arthabaska):... pour assister les agriculteurs.
M. Vignola: Comme on parlait tout à l'heure, au niveau des
coûts de production, garantir des coûts de production et des choses
comme cela.
M. Baril (Arthabaska): Oui.
M. Vignola: À notre sens, c'est plus valable de
considérer cette optique de subventionner le produit plutôt que de
subventionner les intérêts sur les entreprises, parce qu'on va
subventionner directement, on
va garantir le coût de production au producteur. Comme cela a
été soulevé tout à l'heure par l'UPA - c'est
très intéressant -c'est le fait qu'en garantissant le coût
de production, c'est le consommateur, en fin de compte... La subvention n'est
plus nécessairement attachée à la production, mais
à la consommation. Je pense qu'il faut peut-être sortir un petit
peu de cette optique de dire "l'agriculture doit être
subventionnée"; c'est peut-être normal que les produits agricoles
se vendent... Les produits agricoles ont probablement une valeur plus grande
aux prix où ils se transigent à l'heure actuelle. Donc, nous
favorisons de beaucoup cette optique, d'autant plus que, tout au long de notre
mémoire, on favorise la capitalisation de l'entreprise. Si on
subventionne le taux d'intérêt, cela a comme conséquence de
favoriser l'endettement au détriment de la capitalisation.
M. Baril (Arthabaska): Je comprends très bien votre
explication, que je partage beaucoup; je voyais les gens de l'UPA, en
arrière, faire de grands signes que "oui"!
Si on subventionne la consommation, pour se comprendre, au heu de la
production, je vais dire, pour l'État, quelle est la différence
en coût, pensez-vous? Est-ce que cela coûte plus cher,
subventionner le prix à la consommation ou le prix à la
production?
M. Malo: Je vais faire une réponse politique'. Le
problème n'est pas là. C'est cela qu'on a voulu dire à la
commission, ce soir. Le problème de l'agriculture en Amérique du
Nord, c'est le même problème qu'on retrouve dans les petites
entreprises, c'est un problème de structure de capital. Les propositions
qu'on fait sont orientées vers le fait d'augmenter
l'équité dans ces entreprises agricoles. Le jour où on
aura réussi cela, l'agriculture québécoise va être
compétitive avec toute agriculture au monde.
Ce soir, on a mentionné, précédemment, qu'on a
quand même un éventail de clients. Dans chacun des cas, que ce
soit dans n'importe quel secteur d'industrie - l'industrie du porc, on nous dit
que cela va mal - même dans l'industrie du porc, quand vous retrouvez une
entreprise porcine où il y a une structure de capital normale, cette
dernière fonctionne de façon rentable. Je ne comprends pas,
à ce moment-là, qu'on s'acharne à vouloir donner des
antibiotiques plutôt que de prévenir la maladie. La maladie est au
niveau de la structure financière. Je ne pense pas que ce soit en
subventionnant des productions ou en les réglementant qu'on va
résoudre le problème.
M. Baril (Arthabaska): Pour ma part, je vous remercie beaucoup de
cet éclairage. Je laisserai la chance à mes collègues de
continuer pour la période qu'il nous reste.
Le Président (M. Dupré): Avant de donner la parole
au député de Kamouraska-Témiscouata, à la page 16,
vous parlez de la personne qui vend sa terre et ne reçoit pas tout de
suite les montants. On est obligé de payer en dix ans 10% par
année. De quelle manière cela peut-il favoriser... De toute
façon, on est obligé de payer en dix ans. Avec les normes que
nous avons présentement, si on attend les deux dernières
années, on va payer dans deux ans. À qui cela peut-il profiter ou
de quelle manière cela peut-il profiter à la relève? Le
vendeur, de quelle manière aussi? Si on est obligé de payer en
deux au lieu de payer en dix ans, on ne paiera pas, même si la taxe sur
le gain de capital...
M. Longtin: En fait, le but de cette proposition, c'est de dire
que, si quelqu'un qui vend est intéressé à financer son
acheteur éventuel, pourquoi ne pas le taxer sur une base d'encaissement
plutôt que sur la base d'une formule mathématique qui dit:
Encaissé, pas encaissé, tu vas payer de l'impôt
là-dessus? C'est ce qu'on veut dire. On ne veut pas dire qu'il ne
paierait pas l'impôt. Par contre, si je vous vends une ferme et je vous
dis: Je suis prêt à rester en financement pour dix ans avec vous,
sans intérêt, vous seriez intéressé probablement
à acheter ma ferme. Sauf que, moi, je suis obligé de payer
l'impôt, même pas au fur et à mesure des encaissements, un
dixième par année, même si je n'ai pas encaissé un
rond. Ce que nous disons c'est de revenir aux anciennes règles qui
existaient avant le 12 novembre 1981. Ce n'est malheureusement pas le
provincial qui a modifié cela mais on a suivi... Oui, heureusement pas,
sauf qu'il y a un suivi systématique et, à ce moment-là,
ce qui se produit, c'est que cela joue au détriment de la personne qui
veut acheter parce qu'il pourrait peut-être y avoir un financement
intéressant et cela nuit aussi à la personne qui est prête
à reporter sa taxation sur une période plus longue que dix ans.
Les dix ans, c'est toujours en termes de transfert père-fils.
M. Laroche: J'ajouterai que c'est un obstacle pour le
contribuable qui n'est pas en compagnie ou en société parce que,
si on utilise ces véhicules, on est capable de faire le tour de la loi,
telle qu'elle est écrite actuellement, et assez facilement. Donc, ce
qu'on recommande, c'est de permettre à tout le monde de le faire et non
seulement à ceux qui ont trouvé le truc pour passer à
côté.
Le Président (M. Dupré): Pour revenir à ce
qui me tient à coeur, la taxe sur le
capital investi, on sait qu'en Ontario c'est 50 $ par année; par
contre, on sait qu'il est toujours difficile de comparer les systèmes de
fiscalité d'une province ou d'un pays à un autre. Est-ce que vous
avez... C'est sûr que votre voeu le plus cher, en représentant
bien vos clients, ce serait l'abolition totale mais est-ce que vous seriez
satisfait d'une certaine gradation? On peut en venir ou il peut y avoir un
certain danger... Tantôt, on parlait de la ferme familiale, mais, si
c'est une ferme familiale qui vaut 2 000 000 $ ou 3 000 000 $, il reste que,
à ce moment-là, si c'est égal pour tout le monde, vous
allez favoriser jusqu'à un certain point les montants d'argent qu'on
n'aura pas, à ceux qui paient déjà... Il y en a qui paient
8000 $, 10 000 $ de taxe de capital investi; à ce moment-là, cela
sera de l'argent de moins dans l'assiette des montants d'argent qu'on aura
à redistribuer dans l'agriculture et ailleurs.
M. Longtin: Il y a un point qui est quand même important.
La notion de taxe sur capital, ce n'est pas une taxe sur
l'équité, c'est une taxe sur l'endettement. Quand on sait combien
les entreprises agricoles peuvent être endettées, et les
corporations ne font pas exception à cette règle, d'ores et
déjà, cela ne devient pas raisonnable de le faire. Deux individus
qui ont exactement la même exploitation agricole, l'un est en
corporation, l'autre ne l'est pas, au même niveau d'endettement, l'un est
obligé de payer la taxe sur le capital et l'autre, non. C'est un
non-sens, à ce niveau et c'est pour cela que, de toute façon, on
recommande l'abolition. Peut-être en ayant un plafond pour dire:
Jusqu'à concurrence de, peut-être, mais encore là...
M. Laroche: Je ne suis pas d'accord avec ce que Robert Longtin
vient de dire. Ma réponse à moi, c'est non. On ne peut pas avoir
de gradation et il faut que ce soit 10 $ ou 50 $. L'idée principale est
que, en agriculture, cela nous prend énormément de capital pour
essayer de retirer un revenu qui est souvent à peine suffisant pour
vivre. Si on compare avec d'autres secteurs d'activité, quelqu'un qui
aurait un dépanneur et qui réussirait à faire 20 000 $ par
année, sa taxe sur le capital, en compagnie, serait peut-être de
200 $ ou de 250 $. L'agriculteur qui irait chercher le même revenu a
besoin d'une ferme qui aurait peut-être 800 000 $ de valeur. À 800
000 $ de valeur, cela fait une taxe sur le capital qui est autour de 3500 $
à 4000 $. Il n'y a pas de proportion et, quand on comprendra cette
situation de l'agriculture qui est essentiellement prise avec une très
grande capitalisation, on acceptera beaucoup plus facilement d'enlever la taxe
sur le capital de ces entreprises.
Le Président (M. Dupré): Sans vous faire une offre
formelle, si je vous disais...
Une voix: Une table de négociation.
Le Président (M. Dupré):... ceci: Une taxe de 3500
$ sur le capital investi, parce que vous dites qu'un bon nombre
là-dedans ne font pas un sou, est-ce qu'on pourrait la maintenir, mais
elle serait déductible de l'impôt à payer?
M. Laroche: Je pense qu'on ne peut pas négocier
là-dessus.
Le Président (M. Dupré): M. le député
de Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Kamouraska.
Le Président (M. Dupré): Kamouraska, en plus,
Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le
Président. Beaucoup de questions ont été posées
déjà. Cela va être très bref. Je voudrais savoir
ceci de votre part, qui êtes des comptables. Dans votre mémoire,
je pense que vous dites que vous traitez de 1200 à 1500 dossiers de la
région, alors vous devez voir passer, comme on dirait en bon
agriculteur, des poches de moulée et toutes sortes de choses au niveau
des dépenses, des revenus, ainsi de suite. Pensez-vous qu'un jeune, ou
moins jeune, qui peut être âgé de 18, 20, 25, 26 ans, qui
n'a pas nécessairement quitté l'agriculture par rapport à
certaines circonstances... Vous savez, des fois il y a des familles de 2 gars
et 3 filles et cela peut être la fille aussi ou un gars, mais il y a
juste une ferme. Il est fils d'agriculteur, mais il n'y a qu'une ferme à
partager et, pour certaines raisons, cette personne aurait laissé un peu
l'agriculture pour faire du travail à l'extérieur, soit dans la
foresterie comme travailleur forestier, ainsi de suite. Il s'est ramassé
un peu d'argent, mais il décide, c'est son rêve, de faire de
l'agriculture, et il y a une belle... Je vous dis cela parce que l'exemple que
je cite je ne l'ai pas vécu, mais je l'ai vu. Il décide de
s'acheter une ferme très bien organisée, un très bon
quota, une moyenne de 325 000 $, qu'il pouvait acheter. Avec les mesures
fiscales et tout ce qu'il y a aujourd'hui au niveau des programmes d'aide, les
emprunts et les sommes d'argent pour se lancer, croyez-vous qu'il peut arriver
avec un pareil endettement? Vous connaissez un peu le rouage de tout cela,
est-ce qu'il peut arriver?
M. Vignola: La réponse tourne autour du mémoire
qu'on a présenté aujourd'hui. Cela dépend de la
capitalisation qu'il y a
dans son entreprise, le capital qu'il y a dedans.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Son capital
à lui, qu'il a mis.
M. Vignola: Oui.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): II n'en a pas
mis beaucoup.
M. Vignola: Vous dites...
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Bien,
à 26 ans, à 22 ans, il ne peut pas avoir ramassé 500 000
$, II a mis le minimum qu'il pouvait sur une ferme de 325 000 $.
M. Vignola: Je pense que vous allez peut-être avoir la
même réponse que dans n'importe quel autre secteur. Il n'y a pas
beaucoup d'industries, quel que soit le secteur où on se trouve, il n'y
a pas beaucoup de possibilités pour quelqu'un qui achète une
entreprise de pouvoir arriver s'il n'investit pas un montant de capital assez
intéressant ou s'il n'a pas une façon d'aller chercher ce capital
qui puisse diminuer son endettement. On ne peut pas demander à une
entreprise de rembourser 100% de la dette, une entreprise qui n'a pas
d'équité. Je ne pense pas qu'elle ait une chance de survie.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
D'après vous, ce n'est quasiment pas réalisable avec un minimum
de capital.
M. Vignola: Surtout les entreprises laitières.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est une
ferme... La moyenne des fermes est d'environ 300 000 $ au Québec.
M. Vignola: Aujourd'hui, si vous vous retrouvez dans une
entreprise laitière, les entreprises en bas de 40% d'avoir net arrivent
difficilement à safisfaire è leurs obligations.
M. Malo: Ce que j'aimerais ajouter, et Dominique conclura, je
dirais que, dans les entreprises où les contingentements sont
importants, la capitalisation requise par rapport à la valeur marchande
dépasse 50% et, dans les entreprises où les contigentements sont
à peu près inexistants, cela prendrait une capitalisation de 40%
d'équité par rapport à la valeur actuelle, et non pas par
rapport à la valeur au livre, pour que l'entreprise soit rentable.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): D'accord.
Cela veut dire que l'exemple que je vous donne, c'est impossible qu'il s'en
sorte.
M. Malo: C'est cela.
M. Vignola: On pourrait se poser la question. À quel
endroit a-t-il pu obtenir un financement de 325 000 $, compte tenu des
garanties qu'il pouvait offrir?
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Laissons la
relève agricole, mais prenons la relève des jeunes. Tout à
l'heure, le député de Saguenay disait, au niveau d'un jeune qui
lancerait une entreprise à 20, 22, 25 ans en agriculture... Mais, est-ce
qu'on voit des jeunes à peu près du même âge - je ne
parle pas d'un fils de médecin ou d'un fils de comptable parce qu'ils
ont de l'argent, eux, mais un fils très ordinaire - se lancer dans une
entreprise de l'ordre de 300 000 $ avec un capital pas trop
élevé? Est-ce qu'on en voit beaucoup de jeunes? Ne parlons pas de
la relève agricole, parlons de la relève des jeunes en
générali. Est-ce qu'on voit beaucoup... Non, c'est une question
que vous aviez posée. Est-ce qu'on en voit beaucoup?
M. Vignola: À l'heure actuelle, d'après des
statistiques, 95% des transferts de fermes qui se font sont des transferts
père-fils ou entre générations; il y a un mince 5% qui
réussit à s'établir en dehors de ce moyen. Ce serait quand
même pensable. La seule façon que je le vois, ce serait par une
intégration graduelle. Si dans les politiques que l'on proposait tout
à l'heure... Supposons un agriculteur qui est rendu à sa
retraite, qui n'a pas de relève, qui aurait quelqu'un qui serait
intéressé à embarquer avec lui, s'il faisait un gel
successoral, il embarquerait le futur exploitant avec lui, l'intégrerait
au cours des années et il pourrait réussir, je pense bien,
à lui transférer son entreprise.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est fini,
M. le Président.
Le Président (M. Dupré): Je vous remercie beaucoup
de votre présentation et des réponses que vous nous avez
apportées. Je suis persuadé que le travail que vous avez accompli
va nous servir. J'espère que cela va donner des résultats
à vos clients et à la relève, entre autres, parce que nous
sommes sur la relève, mais aussi aux agriculteurs en
général.
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation ajourne ses travaux au mercredi 13 mars, à 10 heures,
à Québec.
(Fin de la séance à 22 h 32)