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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 7 mars 1985 - Vol. 28 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles au Québec


Journal des débats

 

(Quinze heures cinq minutes)

Le Président (M. Dupré): À l'ordre, messieurs! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur les aspects de relève, de financement et d'endettement agricoles au Québec.

Les membres de cette commission sont: MM. Baril (Arthabaska), Beaumier (Nicolet), Beauséjour (Iberville), Dubois (Huntingdon), Gagnon (Champlam), Houde (Berthier), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Maltais (Saguenay), Mathieu (Beauce-Sud), Picotte (Maskinongé), Proulx (Saint-Jean), Valhères (Richmond).

Remarques du président M. Maurice Dupré

Avant de procéder à l'audition des organismes, vous me permettrez de tracer rapidement le portrait de la commission que j'ai l'honneur de présider aujourd'hui. Le 13 mars 1984 - il y aura donc un an mercredi prochain - était créée la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. C'est, en effet, au début de la session, l'an dernier, qu'étaient adoptées à l'Assemblée nationale, unanimement, les nouvelles règles de procédure issues de ce qu'il est convenu d'appeler la réforme parlementaire. Les commissions parlementaires constituent un des éléments principaux de changement du nouveau règlement. Il en est résulté des modifications substantielles de leur nombre - de 27 à 9 -de leur dénomination, de leur compétence et de leur composition. Ces instances parlementaires ne correspondent plus, comme par le passé, aux ministères de l'exécutif. Elles sont regroupées par secteur d'activité avec des champs de compétence plus diversifiés. Ainsi, notre commission assure tout au long de l'année une surveillance de tout ce qui concerne, à l'intérieur des travaux de l'Assemblée nationale, le secteur de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. La commission procède à l'étude des crédits du ministère concerné, à la vérification de ses engagements financiers, à l'étude détaillée des projets de loi et à la surveillance de la législation déléguée, c'est-à-dire des règlements.

En plus de ces obligations, tes commissions bénéficient de plus d'autonomie et d'un pouvoir d'initiative qui n'existait pas auparavant. De ces nouvelles prérogatives, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation s'en est rapidement prévalue puisque, dès avril 1984, ses membres décidaient unanimement de se charger d'un mandat d'initiative afin d'étudier les questions de relève agricole au Québec, auquel mandat venaient s'ajouter, au mois d'août, les aspects de financement et d'endettement, sujets jugés on ne peut plus d'actualité et nécessairement liés à l'avenir de la relève agricole au Québec. Pour accomplir ce mandat les membres ont décidé de procéder à une consultation générale dont les auditions, qui ont commencé mardi et mercredi à Montréal et qui continuent aujourd'hui à Saint-Hyacinthe, sont les principaux maillons.

Par ailleurs, durant l'automne, la commission a procédé, comme vous le savez, à l'étude des dossiers des sept agriculteurs qui avaient participé à la grève de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover. Nous avons déposé à l'Assemblée nationale, le 13 décembre dernier, le rapport de cette étude dans lequel nous recommandions, entre autres, la création d'un comité spécial pour aider les agriculteurs en difficulté financière et la mise sur pied d'une commission d'appel des décisions de l'Office du crédit agricole du Québec. Ce rapport fera, d'ailleurs, l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale au cours des travaux de la session qui reprendra mardi prochain.

Ce mandat sur les grévistes de Saint-Cyrille a causé un certain retard dans le cheminement de nos travaux, puisque nous escomptions tenir les présentes auditions au début de l'année, mais cela nous a permis, d'autre part, de toucher on ne peut plus concrètement au problème d'endettement des agriculteurs et de mieux nous préparer à recevoir les représentations qui nous seront faites dans les prochains jours et qui ont commencé les deux derniers jours.

Concernant plus précisément notre mandat sur l'étude de la relève, du financement et de l'endettement agricoles, l'objectif que poursuit la commission est de rechercher auprès des organismes et des individus du milieu agricole tout l'éclairage

nécessaire pour nous permettre d'acheminer à l'Assemblée nationale d'abord et aux ministères concernés par la suite les recommandations issues des besoins exprimés à travers les mémoires que nous avons déjà reçus et les représentations qui nous seront faites au cours des auditions qu'il reste à faire.

Permettez-moi de souligner, dans un autre ordre d'idées, que notre commission, en se déplaçant è l'extérieur de l'Hôtel du Parlement pour tenir des auditions publiques, est la première commission de l'Assemblée nationale à se prévaloir de cette possibilité dans le cadre des nouvelles règles de fonctionnement. Nous avons choisi les endroits où nous tenons nos auditions publiques en fonction des organismes qui avaient demandé à être entendus.

En passant, je dois remercier mes collègues pour avoir accepté de se déplacer vers Saint-Hyacinthe. Naturellement, la cause est un peu plus facile à défendre parce que plusieurs avaient présenté des mémoires.

Nous serons à Québec, pour deux jours, la semaine prochaine et compléterons nos auditions à Sherbrooke, le 15, vendredi prochain. Nous aurons alors procédé à 28 auditions à l'intérieur de ces six jours. Nous escomptons pouvoir produire, au cours du mois d'avril, le rapport final, ainsi que les recommandations à l'Assemblée nationale.

D'autre part, avant la fin du présent mois, plus précisément le 26 mars, la commission procédera à l'examen des orientations, des activités et de la gestion de l'Office du crédit agricole du Québec. Nous considérons ce mandat comme étant une suite logique au travail que nous avons entrepris cette année. Ainsi, l'étude des dossiers des grévistes de la faim, la consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles, l'examen de l'office permettront aux membres de la commission d'être en mesure de parler en connaissance de cause et, c'est notre souhait, d'améliorer les conditions dans lesquelles l'agriculteur québécois doit oeuvrer.

En terminant, je voudrais remercier tous les organismes et tous les individus qui nous ont fait parvenir des mémoires. Je dois vous dire que la qualité de ces documents me semble une garantie de succès pour notre consultation.

Maintenant, j'inviterais les représentants de la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Avant de commencer, j'aimerais qu'au niveau des membres de la commission M. le député de Champlain soit inscrit.

Le Président (M. Dupré): Il est inscrit d'office. Il est membre de la commission.

Maintenant, est-ce qu'il y en a de mes collègues qui ont quelque chose à ajouter avant qu'on commence le premier mémoire?

M. Picotte: Tout simplement pour vous dire, M. le Président, qu'on est très heureux d'être dans la région de Saint-Hyacinthe, un beau coin agricole du Québec, et qu'on a hâte d'entendre ce que les gens ont à nous dire pour qu'on puisse les questionner.

Auditions

Le Président (M. Dupré): Avant de donner l'ordre du jour, je voudrais souligner que nous avons visité ce matin, l'ITAA, en compagnie de tout le groupe qui est ici. Je les en remercie très sincèrement. Nous avons été très bien reçus.

Maintenant, l'horaire du jour. On commence à 15 heures avec la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe, suivie du Syndicat des professeurs de l'État du Québec et de l'Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe. À 20 heures, nous allons reprendre avec la Fédération de l'UPA de Nicolet et suivra à 9 heures, Samson, Bélair et Associés, de Saint-Hyacinthe.

Maintenant, M. Chagnon, si vous voulez... Oui, M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Juste un instant. J'ai rencontré mon collègue, le député de Nicolet, qui me dit qu'il va être ici ce soir. Le député de Nicolet ne me remplaçait pas; donc, il est membre aussi, M. le député de Nicolet. Merci.

Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe

Le Président (M. Dupré): Si vous voulez vous identifier et identifier aussi les personnes qui vous accompagnent.

M. Chagnon (Marcel): Bonjour.

Le Président (M. Dupré): Excusez, M. Chagnon. Vous avez une heure à votre disposition. Le temps que vous prendrez pour faire votre exposé sera déduit de l'heure et les minutes qui resteront seront séparées à parts égales pour les deux, formations politiques pour poser des questions.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je me présente, Marcel Chagnon, vice-président de la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe, producteur agricole à Saint-André-d'Acton. À mes côtés, j'ai les membres de mon exécutif: M. Jean-Guy Raymond, M. René Waleszczyk, M. Jean Cournoyer. A ma gauche, le directeur régional, M. Gabriel Cossette et M. Paul Langelier au Service de l'éducation de Saint-Hyacinthe.

La Fédération de Saint-Hyacinthe remercie la commission parlementaire de lui

permettre d'intervenir au cours de ces auditions sur la relève, le financement et l'endettement agricoles au Québec. Les sujets qui seront débattus intéressent au plus haut point les producteurs et productrices de la région de Saint-Hyacinthe. Le texte que nous vous avions soumis lors de l'inscription à la commission faisait état de quelques réflexions de la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe. Nous vous disions, à ce moment-là, que, lors de l'audition elle-même, nous serions en mesure de vous fournir un texte plus détaillé qui vous a été distribué, je pense. C'est à partir de ce texte que nous allons vous présenter nos demandes cet après-midi.

Dans le mémoire que nous avions présenté en janvier dernier, nous avions insisté sur trois points. Premièrement, l'importance de l'implication de l'État dans le financement agricole, étant donné que le financement agricole est un canal par lequel on peut contribuer à réaliser plusieurs objectifs d'une politique agricole; que l'agriculture est fondamentalement instable; qu'aussi bien la collectivité que les agriculteurs et agricultrices bénéficient de l'intervention du gouvernement dans le financement de l'agriculture (essor important des productions et de l'emploi, alimentation de la population à meilleur coût et possibilité pour les jeunes d'acquérir la ferme familiale).

La plupart des pays s'impliquent pour supporter leur agriculture. Certains, qui ne le font pas, se retrouvent aujourd'hui dans des situations désastreuses. Certains gouvernements pensent qu'il est trop dispendieux de subventionner l'agriculture et importent des produits à meilleurs coûts. À moyen et à long termes, une telle politique de dépendance est désavantageuse. Un pays qui produit pour sa population les aliments et qui, de surcroît, est dans une bonne situation financière est un pays bien protégé. Le manque de l'un ou de l'autre rend un pays vulnérable.

Deuxièmement, l'endettement agricole et son rapport avec les politiques de crédit agricole. A ce niveau, nous avions tout d'abord précisé que les agriculteurs et agricultrices de la région de Saint-Hyacinthe étaient touchés plus rapidement par toute forme de changement qu'on introduit dans les politiques de crédit agricole, car la très grande majorité a déjà emprunté le maximum autorisé. De plus, nous avions précisé que la crise actuelle met en évidence trois problèmes fondamentaux: l'incapacité du système actuel de crédit agricole à répondre aux besoins des fermes familiales efficaces de la région; l'absence de mesures pour aider les agriculteurs et agricultrices qui se retrouvent actuellement en position de faillite et, troisièmement, la nécessité d'établir des mécanismes favorisant les transferts de fermes entre générations.

Le troisième point sur lequel nous avions insisté est le transfert des fermes à la relève. En effet, la ferme est un bien familial et l'on veut que ce bien reste dans la famille. Par conséquent, il faut trouver des moyens de transmettre une ferme sans que chaque génération soit obligée, pour ce faire, de travailler toute sa vie pour payer des redevances et des intérêts de toutes sortes.

Le présent document est un complément à notre mémoire en ce sens qu'il vient préciser les "comment faire". On y retrouve donc des propositions précises en ce qui a trait au fonctionnement de l'Office du crédit agricole, aux politiques de l'Office du crédit agricole, à l'utilisation du crédit par les agriculteurs et agricultrices, aux problèmes fiscaux reliés au transfert de fermes et à la nécessité de revenus adéquats.

Aussi bien préciser au point de départ que, dans notre esprit, tout ce qui a trait au crédit agricole devrait être imbibé du principe absolu d'égalité entre hommes et femmes et ce, autant dans la pratique que dans la théorie.

Sans plus tarder, voici le contenu de ces propositions. Fonctionnement de l'office. Plusieurs problèmes seraient réglés si des modifications étaient apportées au niveau du fonctionnement de l'Office du crédit agricole. Ces modifications permettraient de simplifier les démarches des agriculteurs et agricultrices et de rendre les politiques de crédit plus accessibles. De plus, l'office pourrait ainsi mieux jouer son rôle qui est déterminant dans le développement de l'agriculture du Québec.

Évaluation des actifs et politique de prêt. On peut faire le reproche à l'office d'avoir, à une certaine époque, trop prêté. En effet, il y a eu à la fin des années soixante-dix une euphorie inflationniste où, au Québec comme ailleurs, prêteurs et agriculteurs ont manqué de prudence et investi sans assez tenir compte de la rentabilité des investissements et de la fluctuation des marchés.

Aujourd'hui, on doit faire le reproche inverse à l'office. À l'heure actuelle, l'office est devenu très prudent, plus prudent même que les banques. Des prêts sont refusés où il existe des capacités de remboursement et des garanties adéquates. Nous croyons que l'office doit conserver une attitude ouverte et dynamique. Cela peut se réaliser, entre autres, par une politique d'évaluation des actifs qui soit consistante.

Nous proposons donc que les actifs soient évalués en fonction de la tendance à long terme des prix. Cela peut vouloir dire être plus conservateur au moment où la valeur des actifs s'accroît rapidement. Cela veut aussi dire de ne pas dévaluer de façon

drastique dans une période de crise, comme cela se fait actuellement.

La garantie des garanties. Nul ne remet en question la nécessité pour un organisme garantissant un prêt de prendre des garanties, à plus forte raison si ce prêt est garanti à 100%. Par contre, il nous apparaît qu'à ce chapitre les pratiques de l'office sont, pour le moins plus que conservatrices. En effet, les garanties exigées par l'office sont beaucoup trop élevées par rapport à l'emprunt demandé; ceci ne permet pas de laisser une certaine flexibilité nécessaire à l'entreprise.

Nous proposons de ne prendre en garantie que ce qui est nécessaire pour garantir un prêt et que cesdites garanties soient négociées avec l'emprunteur et apparaissent clairement au contrat, et que le partage des garanties, s'il y a lieu, entre l'Office du crédit agricole et la Société du crédit agricole se réalise d'une façon harmonieuse sans pénaliser agriculteurs et agricultrices.

La nécessité d'un fonds de roulement. Lorsqu'on considère le capital investi en agriculture aujourd'hui, il faut reconnaître l'utilité, voire la nécessité pour l'agriculteur d'avoir en main un bon fonds de roulement au moment de l'investissement majeur. Par conséquent, que l'office n'exige pas que l'agriculteur investisse toutes ses liquidités lors du financement à long et à moyen termes de la ferme; sinon, il devra rapidement emprunter à court terme à des coûts élevés avec tous les inconvénients qu'une marge de crédit implique. Nous proposons qu'à l'intérieur de la négociation d'un prêt soit prévu un montant comme fonds de roulement.

Traitement des cas de servitude et d'expropriation. La région de Saint-Hyacinthe a été touchée et est encore aujourd'hui touchée par une multitude de travaux d'infrastructure. Ces travaux amènent des expropriations ou encore des servitudes. La pratique de l'office dans ces situations est d'exiger de la part de l'emprunteur le montant total des compensations qu'il a reçues de l'organisme expropriant ou demandant une servitude.

Mais deux questions se posent. Comment se fait-il que l'office ne tienne pas compte que, dans la compensation reçue par l'emprunteur, il y a un montant rattaché au droit de passage, mais souvent il y a également un montant pour compenser les pertes de récolte ou tout autre préjudice occasionné par les travaux? Comment se fait-il que l'office exige en pratique de toucher un montant supérieur à l'évaluation qu'il avait faite de la garantie concernée?

Pour permettre à l'avenir à l'office d'apporter une réponse adéquate à ces deux questions, nous proposons que, dans les cas d'expropriation et de servitude, l'office n'exige qu'un montant équivalant à l'évaluation faite de la garantie au moment du prêt. Mais dans la mesure où la remise de capital effectuée sur l'emprunt est supérieure à l'évaluation faite par la garantie, l'office ne devrait pas tenir compte des compensations reçues pour expropriation ou servitude.

Durée du prêt. La situation financière de chaque emprunteur varie, ainsi que sa façon de voir le développement de son entreprise, les conditions de travail et les conditions de vie qui s'y rattachent. C'est pourquoi nous proposons que les prêts, à long terme de l'Office du crédit agricole laissent à l'emprunteur le choix de la durée du prêt tout en montrant les avantages et les inconvénients se rattachant aux différentes possibilités en termes de durée, et que l'entente conclue ne soit pas modifiée de façon unilatérale.

Les délais. Étant donné qu'il est inutile de présenter pour la nième fois les problèmes causés par les délais interminables, nous proposons que l'Office du crédit agricole prenne les mesures administratives qui s'imposent pour pouvoir prendre une décision concernant une demande de prêt dans les 30 jours de la soumission de la demande et que les prêts soient consentis dans un délai n'excédant pas 30 jours de la décision.

Démarches relatives aux différents dossiers. Le rôle du conseiller est très important pour obtenir une meilleure planification financière du projet à l'étude. Il doit s'établir un climat de bonne communication entre le producteur et le conseiller. Par conséquent, le libre choix du conseiller permettrait sûrement aux deux parties en cause d'obtenir de meilleurs résultats. Nous proposons que l'emprunteur ait la possibilité de choisir l'officier avec lequel il veut travailler.

Chaque emprunteur devrait avoir facilement accès à son dossier. Il nous semble que c'est là un droit des plus élémentaires. Dans la même orientation de transparence, un dossier négatif devrait être traité de la façon suivante: le producteur concerné en est informé; le dossier est revu par le producteur avec son conseiller pour le rendre positif en y faisant les corrections nécessaires; tous les recours régionaux ayant été utilisés, le dossier est acheminé à l'office; s'il est refusé par l'office, le producteur fait appel à une commission habilitée à revoir le dossier.

Création d'une commission d'appel. On entend souvent dire: Dans tous les domaines, il y a des situations claires, des situations pas claires et d'autres entre les deux. Le crédit agricole n'y fait pas exception et le problème, c'est que les situations entre les deux sont les plus nombreuses. Dans ces situations, même avec les gens les plus

compétents, même avec les règlements les plus clairs, il demeure une partie qui relève plus de l'interprétation et de la compréhension que de l'analyse objective des faits. Ceci est d'autant plus vrai que, dans la majorité des cas, il n'y a que deux personnes d'impliquées: l'emprunteur et le conseiller de l'office. Il faut donc mettre en place un mécanisme neutre d'appel. Celui-ci servirait les emprunteurs en leur donnant la possibilité d'en appeler de la décision rendue dans leur dossier et ce, auprès d'un organisme neutre. Ceci serait tout aussi utile pour l'office, sinon davantage, en lui permettant d'appuyer sa décision finale sur un organisme extérieur et compétent. En d'autres mots, tout le monde y trouverait son profit.

Concrètement, nous proposons de créer une commission d'appel composée majoritairement d'agriculteurs et d'agricultrices, à laquelle toute personne insatisfaite d'une décision de l'office concernant une demande d'emprunt pourrait en appeler de la décision. Cette commission serait nommée par l'État à la suite d'une recommandation de l'UPA et serait représentative en termes de régions, de productions, d'âge, d'hommes et de femmes.

Nous voudrions terminer cette partie par quelques points sur le rôle de l'office et de ses conseillers. La priorité est de rechercher avec l'agriculteur l'investissement le plus rentable en termes de revenus additionnels générés et non celui qui donne les meilleures garanties et qui sécurise davantage le prêteur. Les événements des trois dernières années nous montrent la fragilité des garanties et confirment que la meilleure protection du prêteur, c'est la rentabilité de l'entreprise à laquelle il a prêté.

Au début de notre mémoire nous disions que "le financement est un canal par lequel on peut contribuer à réaliser plusieurs objectifs d'une politique agricole". Par contre, il ne faudrait pas voir le crédit agricole comme un instrument privilégié de l'État pour orienter le développement de la production agricole.

En deuxième partie, des politiques à changer. Dans cette deuxième partie, nous traiterons des modifications à apporter aux politiques de l'Office du crédit agricole, parce qu'il y a des changements souhaités, souhaitables, voire même indispensables au niveau du fonctionnement de l'office. Il en est de même au niveau de certaines politiques de l'office. (15 h 30)

La relève agricole. L'Année internationale de la jeunesse est certes une très bonne occasion pour réfléchir d'une façon particulière sur l'avenir des jeunes en agriculture, ainsi que sur leur présent. Le Québec est marqué par un mode de transmission des fermes qui s'est fait, et qui se fait encore aujourd'hui dans neuf cas sur dix, d'une génération à l'autre, des parents aux enfants. Cet élément, ajouté, entre autres, à la haute capitalisation de l'agriculture d'aujourd'hui, à un contexte de hauts taux d'intérêt et è l'instabilité desdits taux d'intérêt, nécessite au niveau du financement de la ferme une aide spécifique aux jeunes. Il faut aussi considérer que le jeune, avant d'acquérir la ferme, y a travaillé de nombreuses années sans compter ses heures, ni son salaire. En effet, il vivait cela comme un bon investissement, même si son fonds de roulement personnel en était affecté.

Cette aide spécifique à la relève devrait tenir compte de deux principes fondamentaux. Premièrement, trouver une aide plus importante lors dés premières années de l'établissement et une aide qui décroît progressivement - ne pas confondre avec rapidement - afin de favoriser une meilleure gestion de l'entreprise.

Deuxièmement, cette aide devrait s'appliquer sans aucune discrimination reliée au sexe, aux liens familiaux ou matrimoniaux.

Nous proposons, comme mesures spécifiques pour la relève agricole, que l'actuelle subvention à l'établissement de 8000 $ soit indexée à 15 000 $ et que, par la suite, elle soit indexée tous les trois ans. Nous proposons que, lors de son établissement, un jeune, dans le cadre des programmes de crédit agricole à long terme, bénéficie d'un taux d'intérêt croissant, partant de 3% et augmentant de 0, 5% par année et ce, pour une durée de dix ans ou jusqu'au moment où le taux croissant rejoindra le taux subventionnable en vigueur. Nous proposons que ce prêt à taux croissant s'applique sur un montant de 200 000 $ lorsqu'il y a un jeune qui est admissible et sur un montant de 300 000 $ lorsqu'il y a deux jeunes ou plus qui sont admissibles. Notez bien que, dans notre optique, l'actuel prêt de 50 000 $ sans intérêt pendant cinq ans disparaîtrait.

Le taux sur les prêts à long terme. L'intervention de l'État est importante. Nous voulons préciser qu'il est fort juste et pertinent que cette intervention soit appliquée prioritairement sur le taux d'intérêt payé par les agriculteurs. En effet, les augmentations de taux d'intérêt affectent profondément la rentabilité des fermes. D'ailleurs, cela a été confirmé par les résultats des analyses de groupes réalisées dans les syndicats de gestion agricole. En 1981, il a été constaté que la baisse radicale des bénéfices d'exploitation était expliquée à 73% par la seule hausse des intérêts payés sur la dette.

Cela nous amène à proposer un mécanisme d'intervention qui protégera les agriculteurs des fluctuations à la hausse des

taux d'intérêt. Nous proposons que l'office conserve la formule actuelle pour la fixation des taux d'intérêt sur les prêts à long terme, mais avec un plafond de 10%.

Les montants maximaux. Nous avons déjà abordé cette question dans notre mémoire présenté en janvier. Rappelons seulement que nous proposons que le maximum pour un individu passe de 150 000 $ à 200 000 $ pour la partie subventionnée et à 300 000 $ pour le maximum garanti, et que le maximum pour un groupe passe de 200 000 $ à 300 000 $ pour la partie subventionnée et à 500 000 $ pour le maximum garanti.

Le crédit à la production. Ce secteur de crédit s'est beaucoup développé au cours des dernières années, mais ce développement s'est surtout limité à l'augmentation des sommes nécessaires aux agriculteurs et non à l'implication de l'État dans ce secteur. La montée de la production céréalière et le développement de l'engraissement du boeuf liés à des facteurs structurels ont amené ce besoin croissant de crédit à la production. Nous proposons que, dans le cadre du crédit à la production, le taux d'intérêt maximal payé par les agriculteurs soit de 10%. Pour les prêts d'amélioration de ferme, que soit augmenté de 15 000 $ à 50 000 $ le montant d'un prêt d'amélioration de ferme sur lequel il y a un rabais d'intérêt et que le taux d'intérêt sur ce montant soit plafonné à 10%.

Garanties fiscales par les vendeurs-prêteurs. Notre congrès régional considère que l'Office du crédit agricole devrait favoriser le financement par le vendeur en appliquant aux prêts faits par les vendeurs aux acheteurs les mêmes avantages de garanties et de subventions d'intérêt qu'aux prêts consentis par les institutions financières, donc, que ces prêts soient traités comme tout autre prêt tandem; que des incitations fiscales soient mises en place afin d'inciter les vendeurs à se prévaloir de cette politique.

L'utilisation du crédit agricole par les agriculteurs. Comme plusieurs l'affirment -avec raison, d'ailleurs - il ne s'agit pas seulement d'avoir un système de crédit adéquat; il faut savoir bien l'utiliser. À cette fin, nous voulons reprendre à notre compte un certain nombre de recommandations de la Confédération de l'UPA.

En regard des syndicats de gestion, il faut que le programme d'aide aux syndicats de gestion, par l'objectif qu'il poursuit, continue d'être reconnu et considéré comme prioritaire pour aider les agriculteurs à faire face aux problèmes de rentabilité agricole. L'objectif de ce programme pourrait, d'ailleurs, témoigner davantage de la volonté de développer la gestion agricole au Québec, avec les syndicats de gestion comme fer de lance.

Par ailleurs, la notion de gestion n'est pas et ne doit pas être limitée à la seule formule des syndicats de gestion. Il faut que les autorités gouvernementales soient ouvertes à toute initiative, tout projet qui tend à améliorer la gestion financière et il faut que tous les programmes qui s'adressent à l'agriculture, notamment les programmes de formation, fassent une large place à la notion de gestion financière.

La gestion et les officiers et officières de l'Office du crédit agricole. À l'Office du crédit agricole comme tel, il faut que les officiers et officières du crédit aient la formation, la compétence et l'attitude nécessaires pour contribuer au maximum à ce que les prêts soient faits dans un contexte de bonne gestion et que les directives et règlements qui encadrent leur travail leur permettent de le faire.

Exigences minimales. Exiger des emprunteurs qui opèrent en dessous du seuil d'équité minimale à tenir une comptabilité contrôlée avec un suivi approprié. Étant donné le portrait de l'agriculture et de son évolution qui se dégage des pages précédentes, cette mesure nous paraît appropriée dans l'intérêt même de celui qui emprunte.

Les problèmes fiscaux. Nous avons déjà abordé cette question dans le mémoire original. Les questions fiscales reliées au transfert des fermes devraient être abordées dans la perspective que nous avons élaborée. Nous proposons d'abolir l'impôt sur les dons de biens agricoles, d'abolir les taux d'intérêt prescrits, de ramener à 10% de ce qu'il est actuellement le taux d'imposition sur les compagnies agricoles.

Nécessité de revenus adéquats. La commercialisation des produits agricoles. Un des problèmes que rencontrent les producteurs, c'est que les prix des produits agricoles ne sont pas suffisamment élevés pour permettre de rentabiliser les fermes. Au cours des années soixante-dix, le MAPAQ a favorisé par différents programmes le développement de certaines productions. Pour ce faire, les producteurs ont investi, mais les prix ne sont pas restés suffisamment fermes» Ainsi, de bons producteurs, presque pas endettés, sont devenus vulnérables parce que les prix ont chuté.

Les plans conjoints sont des outils qui permettent aux producteurs, quelle que soit leur capacité de production, gros, petits ou moyens, de se regrouper pour obtenir des sécurités de production et des sécurités de revenus, lesquels revenus correspondent aux coûts de production.

Notre position est que les prix doivent correspondre aux coûts de production et provenir du marché. Lorsque le marché ne permet pas d'obtenir un prix correspondant aux coûts de production, dans les productions couvertes, l'assurance-stabilisation des

revenus agricoles, par sa compensation, comble partiellement les pertes dues au marché. L'assurance-stabilisation est un outil de compensation dans les périodes où les prix sont dépressifs et non un outil de développement de production. Si la loi de mise en marché avait suffisamment de pouvoirs pour permettre aux plans conjoints d'opérer normalement, les plans conjoints seraient plus efficaces et permettraient l'obtention de prix davantage satisfaisants.

Crédit agricole et autres politiques agricoles. Nous vivons à l'époque de la concertation, du moins en théorie, puisqu'il en est question un peu partout. Malheureusement, la pratique est tout autre, du moins en milieu agricole. Il nous apparaît très important que l'ensemble des politiques gouvernementales, dans la mesure où on souhaite qu'elles soient véritablement efficaces, se réalise en concertation avec l'UPA et que ces mêmes politiques soient à long terme et non à court terme.

Nous proposons que l'ensemble des politiques gouvernementales en agriculture se situent dans une perspective de développement agricole à long terme et qu'elles se réalisent en concertation avec l'UPA.

Le secteur agricole doit bénéficier de ressources humaines et financières accrues dans les domaines de la recherche et de la vulgarisation, du développement des productions, de la formation des exploitants et des travailleurs agricoles, de la protection de l'environnement, etc.

Conclusion. Que dire comme conclusion ou, plutôt, que faire comme conclusion? Que la commission parlementaire et, par la suite, l'État donnent rapidement des suites à cette consultation. Les agriculteurs et agricultrices, à cause même de la survie de leur ferme et de son transfert à l'autre génération, ne peuvent se payer le luxe d'une étude qui n'aurait pas de suites. Qui seraient les perdants? Les agriculteurs en premier lieu, puis la population en général et l'État. Nous demeurons convaincus de la bonne foi de chacun des intervenants. C'est pourquoi nous osons espérer des changements significatifs à très court terme. Merci.

Le Président (M. Dupré): Merci, M. Chagnon. Avant de poursuivre, j'aimerais souligner l'arrivée de M. Couillard, pour les fins du Journal des débats. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord, au nom de ma formation politique, remercier les membres de la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe de nous avoir présenté ce mémoire et surtout d'avoir essayé, en tout cas, de trouver des solutions ou de nous suggérer des solutions. Depuis deux jours, nous écoutons différents mémoires de différents organismes. Souvent, on fait le tour des problèmes, mais les solutions nous sont plus ou moins suggérées. Réellement, je pense que vous avez essayé de nous aider à trouver ces solutions qui ne sont pas toujours faciles.

Vous parlez un peu de la formation de la relève agricole mais, dans votre mémoire - remarquez bien que ce n'est pas un reproche - vous mettez surtout l'accent, je crois, sur le financement de l'entreprise agricole comme telle. Pour vous, sans doute que la formation du jeune agriculteur ou de la jeune agricultrice est très importante. J'aimerais savoir si, d'après vous, la formation des vendeurs, qui sont le plus souvent les parents de l'acheteur, est suffisante pour essayer de leur faire comprendre l'importance d'envoyer leur garçon ou leur fille suivre des cours de gestion agricole dans une institution. J'aimerais vous entendre parler là-dessus.

M. Chagnon: Je pense que, dans notre société agricole comme dans les autres sociétés, ce n'est peut-être pas l'ensemble des gens qui a la même opinion de la formation, mais, pour la grande majorité des agriculteurs, ce sentiment de vouloir faire instruire leurs enfants est très présent et très fort. Sauf qu'il y a un problème qui se pose. La non-rentabilité de l'agriculture et l'obligation d'avoir des personnes pour travailler sur la ferme dans les périodes de pointe font qu'actuellement les cours ne sont pas nécessairement très bien adaptés aux réalités agricoles. Ils devraient se donner dans des périodes un peu différentes pour permettre à l'agriculteur d'avoir ses enfants quand les périodes de pointe arrivent. C'est une des choses qui devraient être changées au plan de la formation, entre autres: le laps de temps dans lequel se donnent les cours et dans lequel se fait la pratique.

M. Baril (Arthabaska): On nous avait suggéré que les cours devraient être donnés dans la période de novembre à mars et qu'au lieu de les échelonner sur deux ou trois ans on les échelonne sur cinq ans. Pensez-vous réellement que cela inciterait autant les jeunes que les parents à envoyer leurs enfants acquérir une formation? (15 h 45)

M. Chagnon: Ce serait un aspect qui aiderait. Il y a sûrement d'autres aspects qui devront être améliorés. On devrait, dans le cadre de ces cours, accentuer la formation au niveau de la gestion afin d'aider les gens à prendre plus facilement les meilleures décisions dans un contexte de gestion et non pas dans un contexte d'expansion.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez fait allusion dans votre mémoire au fait que l'office, dans certaines circonstances, a trop

prêté et qu'actuellement il ne prête pas assez. J'aimerais également vous entendre sur la politique des banques, des institutions prêteuses, il y a quelques années - il n'y a pas à reculer trop loin - au niveau des prêts pour l'amélioration des fermes. J'ai constaté, par la pratique, depuis un an ou deux ans, que l'office refuse des refinancements à long terme. Les banques, quant aux prêts pour l'amélioration des fermes, ont peut-être été trop larges; la capacité de remboursement de l'entreprise ne permet plus maintenant à l'office de refinancer le tout. Ce n'est pas parce que l'entreprise n'est pas rentable, souvent; c'est parce que la capacité de remboursement ne le permet pas.

M. Raymond (Jean-Guy): II y a bien des raisons à cela. Il y a le prix de la production. Les prix, ce n'est pas toujours nous qui les fixons; c'est pour cela qu'on a introduit un chapitre dans les plans conjoints afin d'y croire et de travailler tous ensemble à une mise en marché ordonnée. On fait des efforts, mais, si les lois étaient plus rigides et que la régie, entre autres, appliquait tous les règlements, c'est le seul endroit où on pourrait se garantir un prix. Même si on était des plus efficaces, quand les prix baissent de 10%, 20% ou 25%, personne, avec la meilleure gestion au monde, ne pourra arriver à administrer une ferme.

M. Baril (Arthabaska): Vous allez peut-être penser que je vais du coq à l'âne, mais je dois y aller rapidement, car nous sommes limités dans le temps. Quand il va en avoir assez, on va me dire d'arrêter. Vous n'êtes peut-être pas habitués à la procédure.

Vous avez beaucoup parlé aussi de la durée de la remise du prêt, que l'emprunteur devrait fixer le temps ou la durée de l'emprunt. Disons que c'est bien discutable. Vous dites aussi que le taux d'intérêt ne devrait pas dépasser 10% jusqu'à la fin. Si l'office appliquait une politique afin que le taux d'intérêt, disons pour les dix premières années, pour la jeune personne qui commence, soit minime - je ne donnerai pas de pourcentage, cela pourrait varier - très bas et qu'après dix ans, lorsque l'agriculteur sera un peu plus en mesure de payer un taux d'intérêt, ce taux se rapproche plus du taux réel garanti au lieu d'être gelé à 10%, cela permettrait probablement d'aider davantage le jeune qui commence au lieu de continuer à aider la personne qui, elle, a plus de facilité de payer.

M. Chagnon: Là-dessus, M. le député, je dois vous dire que, dans notre mémoire, nous faisons une proposition qui va un peu plus loin que celle dont vous venez de parler en fixant des taux d'intérêt pour les dix premières années. Nous commençons à 3% pour aller, sur une période de dix ans, avec une majoration de 1% par année, rejoindre le taux prescrit, le taux subventionnable. On parle de dix ans environ parce qu'actuellement cela prendrait à peu près dix ans pour rejoindre le taux actuel.

Notre désir serait que le taux d'intérêt payé soit compatible avec la rentabilité de l'agriculture. On n'aurait peut-être pas d'objection à payer des taux d'intérêt plus élevés, mais quand on prend les statistiques canadiennes et qu'on nous dit que la rentabilité des investissements agricoles, des exploitations agricoles est à 6% et 7%, c'est bien malaisé de payer des taux d'intérêt élevés. On se dit que, s'il y en a, parmi eux, qui viennent à bout de se mettre un peu d'argent de côté, on n'est pas inquiets, vous saurez bien les ramasser à un moment donné par l'impôt.

M. Baril (Arthabaska): Oui, je suis d'accord que vous ayez fixé un pourcentage de 3% plus 1% par année, mais moi, j'irais jusqu'à suggérer que pour les premières années, ce soit à 0%. Si vous voulez que je fixe un pourcentage, je vais en fixer un: 0%. Parce que c'est celui qui commence qui en a le plus besoin. Celui qui avance avec les années, je ne vous dis pas qu'il n'en a pas besoin du tout, mais il en a moins besoin que celui qui commence.

Vous dites aussi que l'emprunteur devrait avoir le choix de l'officier du crédit agricole pour évaluer son prêt. C'est sans doute une bonne mesure, mais, dans la pratique, je ne sais pas comment ça s'appliquerait. Je ne veux parler contre personne, mais admettons que dans un bureau il y a un bon officier - il est reconnu comme étant bon, ça ne veut pas dire que les autres sont moins bons - ça va prendre du temps parce qu'il ne pourra pas satisfaire toute la clientèle. Comment les deux, trois ou quatre autres pourront-ils dire: Nous autres aussi, on est bons, prenez-nous? Dans l'application, ce serait peut-être plus difficile.

M. Chagnon: Je trouve que, si jamais ça arrivait qu'un seul était demandé, ce serait une bonne note pour les autres de s'améliorer.

M. Raymond: J'aimerais ajouter ceci. Dans tous les autres domaines, vétérinaire ou agronome, je pense qu'on a le choix de la personne. Des fois, le gars peut être bon, mais des conflits de personnalités peuvent se créer entre des personnes et là tu ne fais plus un bon projet.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez raison en disant qu'il y a beaucoup de conflits de personnalités entre les gens.

Je vais poser une dernière question parce que je pense que mes collègues vont

peut-être en avoir, eux aussi, et je ne veux pas prendre tout le temps. Que penseriez-vous si, avec tout ce qui est administré actuellement par l'Office du crédit agricole, avec tous les techniciens dans le champ, le gouvernement décidait demain matin de donner l'administration de ces programmes-là aux institutions privées? Si j'étais en conflit de personnalités avec un agent de l'office qui travaille à telle caisse populaire ou à telle banque, j'irais à une autre banque. Peut-être que cela raccourcirait les délais. Vous avez sans doute étudié ça. Qu'est-ce que ça ferait, selon vous?

M. Chagnon: Vous me posez une question à laquelle on n'a pas réfléchi beaucoup parce que vous ne m'avez pas dit, dans votre projet, si vos garanties seraient toujours là...

M. Baril (Arthabaska): Oui, par l'office.

M. Chagnon:... si les études étaient toujours faites par des officiers indépendants.

M. Baril (Arthabaska): Le dossier serait monté par l'institution privée.

M. Chagnon: Et l'État garantirait de la même façon?

M. Baril (Arthabaska): Oui, mais, par contre, l'Etat ne garantira pas n'importe quoi, non plus. Au niveau du siège social, il y aurait quand même un comité qui accepterait ou refuserait aussi. 5elon vous, est-ce que ça accélérerait le processus des prêts? Est-ce que ce serait bon ou moins bon?

M. Chagnon: Cela l'accélérerait probablement pour un certain nombre de prêts, au moins pour une période donnée. On n'a pas réfléchi là-dessus. Je ne sais pas si d'autres de mes collègues veulent répondre.

M. Baril (Arthabaska): Je ne vous oblige pas à répondre.

M. Raymond: Je pense que cela accélérerait pour donner le O. K. à l'autre bout. Mais on ne le sait pas. Il faudrait le mettre en pratique pour le savoir.

M. Baril (Arthabaska): Une dernière question. Vous dites que les agriculteurs paient actuellement pour la publicité de la mise en marché. C'est vrai que l'ensemble des producteurs, depuis plusieurs années, ont fait beaucoup d'efforts pour essayer de promouvoir la consommation de produits agricoles. Que diriez-vous si, à la retenue à la source, les fédérations... Est-ce que les agriculteurs accepteraient de payer un petit pourcentage pour essayer de faire la recherche pour la transformation ou la recherche de produits nouveaux? On sait que les industriels paient beaucoup pour la recherche de produits nouveaux.

M. Couillard (Jean-Yves): Au niveau de l'agro-alimentaire, c'est à l'Etat de s'impliquer. Je ne pense pas que la recherche se fasse simplement au niveau de la production. Chaque fois que de la recherche se fait, ça concerne tout le secteur agro-alimentaire. À ce moment-là, je répondrais que c'est le rôle de l'État de le faire au complet.

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dupré): Pour aller en alternance, je vais donner la parole au député de Maskinongé. Vous avez seize minutes pour votre formation.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, il me fait plaisir de vous remercier de votre mémoire. Si vous le permettez, je commencerai par la fin, par la conclusion où vous suggérez que la commission parlementaire et, par la suite, l'État, donnent des suites rapidement à cette consultation.

Je dois vous dire quant à moi que, pour une première expérience que nous avions faite il y a déjà quelque temps dans le cas des grévistes de la faim de Saint-CyriIle-de-Wendover, l'ensemble de la commission - je mets tout le monde dans ce bateau-là - a fait des recommandations fort intéressantes. Je ne doute pas que notre commission, qui siège ici et qui étudie des mémoires depuis déjà trois jours, fera des recommandations qui s'imposent dans certains cas, d'autant plus que ce serait mentir que de dire que vous ne nous proposez pas de solutions. Au contraire, votre mémoire est riche en solutions de toutes sortes. Il nous restera à les évaluer et sans doute que nous ferons l'unanimité pour cela. Il ne nous restera qu'à nous croiser les doigts parce qu'on a évidemment l'obligation de remettre cela entre les mains de l'honorable ministre de l'Agriculture. Des recommandations lui sont faites depuis fort longtemps. Malheureusement, il n'y donne pas suite. En tout cas, il nous restera à faire les pressions qu'il faut pour tâcher que ces recommandations prennent forme dans les meilleurs délais.

J'ai une première question à vous poser. J'ai eu l'occasion, ce matin, avec plusieurs de mes collègues, de visiter votre institut. Force est de constater que vous avez de bonnes écoles de formation. Vous avez le cégep, l'ITAA. Le problème de la formation fait défaut, selon ce qu'on nous dit, dans plusieurs régions, dans plusieurs

coins. On nous dit qu'il y a des difficultés de formation. Mis à part les problèmes de décalage d'horaire ou de temps au niveau de cette formation, selon vous qui êtes à proximité des écoles de formation, y a-t-il un nombre appréciable de vos gens, de votre relève, qui va à ces écoles de formation? Dans quel pourcentage et est-ce que cela donne des résultats bénéfiques?

M. Couillard: Je dirais que cela donne à peu près 25% dans la région qui participent aux cours de formation dans les institutions.

M. Picotte: Alors, il y a beaucoup plus d'étudiants, j'imagine, évidemment, de votre milieu qui viennent. Les appréhensions que vous avez du côté de cette formation, de quel ordre sont-elles? Pourquoi n'y a-t-il pas plus de fréquentation?

M. Couillard: Tout à l'heure, M. Chagnon a répondu passablement à vos appréhensions. C'est sûr que nous aussi, au niveau agricole, on souffre de main-d'oeuvre et on doit dire que nos enfants, c'est de la main-d'oeuvre qualifiée dont on peut souvent se servir. Actuellement l'emphase est mise beaucoup au niveau de l'union pour essayer de promouvoir cette formation. Dans le cas de Saint-Hyacinthe, c'est un engagement ferme que nous avons pris et, au niveau de la relève agricole, on est impliqué passablement. L'augmentation de la formation va certainement se faire ressentir dans notre secteur.

M. Picotte: Dans d'autres régions, parfois, lorsqu'il y a des gens qui doivent aller à La Pocatière, très loin, des parents doivent se priver de leur meilleure main-d'oeuvre agricole qui est le jeune, qui est la relève. On comprend que, parfois, la formation est reléguée au dernier plan ou, en tout cas, c'est la dernière préoccupation. Mais chez vous, je pense que les gens sont proches de cette formation. Ils peuvent facilement revenir à la ferme dans un délai raisonnable pour continuer d'aider. J'imagine que les problèmes sont beaucoup plus, comment dirais-je, au niveau des programmes comme tels à l'intérieur et de la façon dont on intéresse les jeunes dans ces écoles de formation.

M. Chagnon: II y a sûrement ce que vous dites, le fait qu'on est plus près. Par contre, je dois vous dire que les programmes tels qu'ils sont conçus sont des programmes d'études à temps plein, dans le sens que le jeune qui veut réussir son programme d'études ne peut pas voyager chez lui même si c'est à proximité, même si c'est simplement pour une demi-heure ou trois quarts d'heure de travail et faire la besogne sur la ferme. Ce qui fait que cela se produit chez nous comme ailleurs, c'est que c'est un problème de rentabilité agricole. L'agriculteur n'a pas financièrement les moyens d'engager du personnel compétent pour remplacer son jeune qui est accoutumé à la ferme et qui est fiable. Cela coûte plus cher pour le remplacer. (16 heures)

M. Couillard: Si vous me le permettez, je voudrais ajouter ceci. Concernant la formation au niveau agricole, ce ne sont pas des reproches qu'on veut faire. Une amélioration a été apportée parce que les cours ont pu avoir une suite, une continuité. On doit dire aussi qu'il faudrait essayer de reconnaître davantage les cours suivis au niveau agricole. Sur cela, on essaie de mettre beaucoup d'emphase parce que n'importe où ailleurs, si on suit des cours, que ce soient des professeurs ou autres, il y a quand même des crédits qui s'ajoutent; il y a des choses qui se font. Actuellement, nous, au niveau agricole, on voudrait avoir également accès à ces choses. Il est bien sûr que cela pourra nous servir éventuellement. L'agriculteur pourra continuer un cours à temps plein ailleurs, mais ces crédits demeureront et il pourra continuer et avoir accès plus facilement aux crédits.

Tout à l'heure, la relève va lire son mémoire et vous allez vous apercevoir qu'on va insister beaucoup plus sur la formation. Mais on voudrait que tout cela soit reconnu au niveau du ministère également.

M. Picotte: Dans un autre ordre d'idées, nous recevions hier l'Association des banquiers canadiens qui nous faisait quelques recommandations dont l'une, entre autres, qui disait à peu près ceci: Nous, les banques et les institutions bancaires, sommes prêts à prêter et à prendre tous les prêts agricoles et à faire affaires avec les agriculteurs dont la ferme est rentable, s'il n'y a aucun doute sur la rentabilité de la ferme. On est même prêts à les suivre et tout cela. L'État devrait délaisser complètement ce champ d'action où il y a déjà une garantie de rentabilité et laisser cela tout simplement aux institutions privées. Par contre, l'État pourrait, lui, s'occuper des nouvelles productions, par exemple, lorsque les agriculteurs font l'expérimentation de nouvelles productions où il y a plus de risques.

Parallèlement à cela, je leur ai dit: Quand on parle de risque, j'imagine que la relève agricole qui arrive serait considérée par les banquiers, par les institutions prêteuses, comme du risque. À première vue, même si je ne vous demande pas de porter un jugement qui est assis sur plusieurs considérations, seriez-vous favorables à ce que l'État puisse se retirer de tout le champ d'application du prêt agricole où déjà on

considère que les fermes sont rentables. Ou si vous croyez que l'État doit toujours être présent, peu importe la forme de prêt?

M. Chagnon: L'État doit toujours être présent, à notre point de vue. D'ailleurs, dans le mémoire que nous avions présenté à la commission au début de janvier - dont on a repris seulement les éléments principaux, on ne l'a pas repris dans toute sa longueur -on vous donne sur plus d'une page des raisons pour lesquelles l'État doit continuer à s'impliquer. Pour nous, il est primordial que cela continue.

M. Picotte: L'État doit être... M. Chagnon: Présent.

M. Picotte:... présent, même quand il n'y a pas ou à peu près pas de risque.

M. Couillard: J'irais un peu plus loin, dans le sens que vous avez quand même actuellement - cela se vit encore et cela s'est vécu - des organisations agricoles en difficulté pour la simple raison qu'elles ont voulu développer d'autres productions. Elles étaient dans une production laitière et elles voulaient aller dans une production céréalière. Cela veut dire qu'à ce moment-là, chaque fois qu'on va plus loin, on nous demande, à nous, agriculteurs, de mettre toute notre équité avant de commencer à avoir des prêts dans toutes les nouvelles choses qu'on veut partir. Je dirais qu'il devrait, même à ce moment-là, y avoir des choses séparées. Lorsqu'une organisation est bien en place, on ne devrait pas la remettre sur des bases moins solides pour essayer de développer une autre production. On dit que l'État doit s'impliquer au niveau des jeunes lorsqu'il est question de développer des secteurs de production. Alors, cela devrait être des choses différentes, même à l'intérieur d'une même organisation. J'ai été un peu plus loin.

M. Chagnon: En plus de cela, il faudrait savoir à quel moment ce sera la relève et quand cela va arrêter. Présentement, il y a autant de faillites de gars de 50 ans que de la relève. C'est bien beau de dire qu'on y croit, à la relève; en plus de cela, si on croit à la relève, il faut que les parents y croient, eux aussi. Souvent, quand, à 50 ans, tu veux aider tes enfants à s'établir, si tu n'as plus de politique de crédit agricole, si le jeune n'a pas l'âge pour l'avoir ou s'il n'est pas prêt, c'est souvent le père qui emprunte pour ses garçons. Si, par rapport à tout cela, tu n'as plus accès au crédit agricole, à moins que la rentabilité de l'agriculture ne soit bien meilleure qu'elle ne l'est maintenant, impossible d'y croire, c'est impensable. Ce sera un catalogage.

M. Cassette (Gabriel): Ce serait difficile. En fait, tu cataloguerais dès le départ. Si tu es dans une "gang", que ton affaire est bonne, tu empruntes dans une banque, mais ceux qui ne sont pas bien bons vont à l'Office du crédit agricole. Il y aurait un danger. Il faudrait faire bien attention à ne pas cataloguer nos gars en deux groupes. Déjà, ils vont être obligés de payer encore plus cher, parce qu'ils ne sont pas bons, dans toutes les autres places où ils vont devoir emprunter pour leur marge de crédit ou des choses comme cela. Si au départ on les catalogue comme moins bons parce que l'office est avec eux, tandis que ceux qui n'ont pas d'emprunt à l'office, mais aux banques seraient considérés comme des gens privilégiés, non. Notre position est très claire là-dessus: il faut que l'Etat demeure un partenaire important dans tout.

M. Picotte: Je suis content de vous entendre parler un peu dans ce sens parce qu'hier - je ne sais pas si mes collègues ont eu la même impression - en écoutant le mémoire des banquiers, j'avais l'impression que je vivais peut-être une autre époque. Je ne sais pas si ces gens voient l'agriculture en l'an 2000, ils sont peut-être plus avancés que moi encore. Je préfère rester un peu plus au niveau du sol présentement avec les problèmes que cela comporte. Je voulais faire préciser certains points de ce côté.

À la page 4 de votre mémoire, vous nous dites qu'il y a eu, à la fin des années soixante-dix, une euphorie inflationniste où, au Québec comme ailleurs, prêteurs et agriculteurs ont manqué de prudence et ont investi sans assez tenir compte de la rentabilité des investissements, etc. Êtes-vous en train de me dire que les conseillers qui étaient sur le terrain ne faisaient pas leur travail comme il faut ou n'étaient pas bons?

M. Chagnon: Ils ne voyaient pas qu'à un moment donné...

M. Picotte: Ou ils ne voyaient pas clair.

M. Chagnon:... ces choses étaient pour se stabiliser; les agriculteurs, non plus. On était dans un contexte où tout prenait de la valeur rapidement et, à ce moment, on s'accoutume vite à cela, c'est facile de dire: Cela va continuer, donc on va s'agrandir sans tenir compte qu'à un moment donné c'était pour se stabiliser et peut-être pour redevenir bas.

M. Picotte: Quel était le rôle des conseillers? Ils étaient sur une vision peut-être trop emballante de la rentabilité? J'imagine que, quand on fait le profil d'un agriculteur dans tel genre de production et qu'on dit: II devrait arriver, normalement, à

tant de rendement ou tant de bénéfice à la fin d'une année, compte tenu de toutes les implications, on doit faire ce profil avec un certain risque, avec un pourcentage de risque important. N'était-ce pas cela qui se faisait au niveau de l'agriculture ou quoi? La relation entre les conseillers, les professionnels et les agriculteurs était complètement déficiente, d'après ce que je peux comprendre.

M. Couillard: C'est peut-être que tout était beau à ce moment et tout allait bien. Au niveau agricole, c'est qu'à un moment donné on se fait manger sur les deux bouts. Parfois, ce qui arrive, c'est que cette affaire a changé. Quand l'agriculteur commence à retirer des revenus, on commence à regarder au niveau des intrants, au niveau des prix. Cela veut dire qu'à ce moment les productions ont augmenté pas seulement au Québec, pas seulement au Canada, cela a augmenté aux États-Unis. Alors, les prix se sont stabilisés. Cela veut dire qu'à partir de ce moment la prudence était déjà attaquée.

Également, quand les prix ont été à la hausse, vous avez vu augmenter les engrais chimiques, toute la machinerie agricole, de sorte qu'on s'en allait par en arrière. Ils mangeaient nos profits à mesure qu'on pouvait en avoir. A ce moment, cela nous a mangés sur les deux côtés. On peut bien parler de prudence, mais c'est sûr que c'est difficile de la mesurer dans une période où tout allait bien.

Dans le mémoire, ce qu'on veut dire, c'est que chacun prend ses responsabilités, mais on voudrait bien continuer à l'avenir et que cette prudence ne soit pas excessive. En somme, c'est cela qu'on voulait démontrer: que l'office doit continuer à prêter et que la prudence qu'on demandait ne devienne pas excessive. C'est surtout cela que le mémoire demande.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Maskinongé, une courte question et une courte réponse de votre part.

M. Picotte: C'est cela. M. le Président, les deux minutes qui me restent, je voudrais bien les prendre.

À la page 9, on dit: "Par contre, il ne faudrait pas voir le crédit agricole comme un instrument privilégié de l'État pour orienter le développement de la production agricole. " Dans une autre commission parlementaire, j'ai essayé de savoir du président de l'Office du crédit agricole et du ministre de l'Agriculture du Québec s'il n'y avait pas une incitation très forte à ce que des agriculteurs soient dirigés vers telle sorte de production plutôt que telle autre. Est-ce qu'on les oblige, par exemple, à produire à tel niveau? Je n'ai pas été capable d'avoir la réponse. Est-ce que vous, vous pouvez me dire si l'incitation est tellement forte que bien souvent l'agriculteur doit s'embarquer dans une production sans que ce soit tout à fait à son goût?

M. Couillard: M. le député, quand on parle de développement, ce n'est pas par l'office. C'est ce qu'on dit. Il y a des programmes de développement qui sont mis en place. Au niveau de l'Office du crédit agricole, il y a des critères d'admissibilité et ces critères doivent se continuer dans toutes les productions. Tous les producteurs, quelle que soit la production, doivent avoir l'accessibilité à ces crédits avec les critères qui sont là. Quand on met des programmes de développement en place, c'est le ministère qui met des programmes de développement et cela ne doit pas être par l'Office du crédit agricole.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Champlain, quatre minutes.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. D'abord je voudrais saluer particulièrement les gens de Saint-Hyacinthe. Tantôt vous avez parlé de votre région, et moi je suis particulièrement fier aujourd'hui de venir rencontrer entre autres l'UPA et les agriculteurs de ce coin-ci parce que c'est aussi ma région. Cela fait 25 ans que je suis rendu en Mauricie et j'ai travaillé passablement fort. À l'UPA aussi, on a eu l'occasion de se rencontrer.

M. Couillard: J'espère, M. Gagnon, que vous ne faites pas de différence entre l'UPA et les agriculteurs, parce qu'on est également des agriculteurs.

M. Gagnon: Voilà, et je suis d'accord. Si je me suis mal exprimé, vous faites bien de me reprendre.

Tantôt mon collègue d'Arthabaska - et cela a été repris par le député de Maskinongé - a parlé, si j'ai bien compris, de donner plus de possibilités aux caisses, aux banques et aux institutions financières locales d'administrer des prêts. Vous mentionnez que c'est important d'avoir le choix de l'officier. Vous me direz si j'ai raison ou pas, j'ai l'impression que l'un des problèmes qui existent c'est qu'il n'y a pas de concurrence. Alors, si je suis agriculteur, que je veux faire un prêt agricole et m'acheter une ferme, si cela s'adonne que pour une raison ou pour une autre l'officier qui doit s'occuper de mon cas ne convient pas, soit qu'il y ait une certaine antipathie ou qu'il y ait quelque chose qui n'aille pas, je n'ai pas grand choix actuellement, il n'y a pas de concurrence. Je pense que c'est dans ce sens que vous dites qu'on devrait avoir le choix de l'officier. J'ai eu l'impression que c'est à peu près le problème que vous cernez.

L'une des suggestions qu'on a déjè faite et que mon collègue d'Arthabaska a mentionnée tantôt, c'est que quant à décentraliser les prêts comme on l'a fait... Maintenant, le prêt, après acceptation par l'Office du crédit agricole, est consenti par la banque ou la caisse ou l'institution prêteuse. Je crois que ces gens qui connaissent bien le milieu devraient avoir plus de pouvoirs, ce qui donnerait automatiquement le choix de l'officier. C'est un peu le sens de ma question. Plutôt que de faire accepter automatiquement le prêt par l'Office du crédit agricole et, après, permettre à une caisse ou à une banque de consentir le prêt, ne pourrait-on pas décentraliser assez pour permettre à la caisse, à la banque ou à l'institution prêteuse locale d'accepter le prêt, quitte à ce que par la suite il y ait une autre acceptation au niveau de l'Office du crédit agricole? Cela permettrait de mettre de la concurrence. Je veux en venir à ceci. Par exemple, à la caisse populaire de tel endroit je ne fais pas affaires là pour différentes raisons, j'aime mieux faire affaires à une autre caisse populaire. J'aurais alors automatiquement le choix de l'officier et j'aurais de la concurrence. Je pourrais me servir de la concurrence pour obtenir un meilleur service.

Juste un autre point aussi, parce que je sais que je n'ai pas beaucoup de temps. Je suis très heureux de voir votre mémoire, parce qu'il y a des choses qu'on discutait lorsque j'étais à l'UPA et que l'on retrouve ici encore - ce qui veut dire qu'on n'a pas encore réglé tous les problèmes, c'est bien certain. Vous parlez d'une commission d'appel. Je pense que cela doit faire l'unanimité dans presque tous les mémoires qu'on a reçus, où les gens demandent une commission d'appel. À mon point de vue, il faut tenir fortement à cette demande parce que effectivement vous avez raison; cette commission d'appel, étant composée de personnes indépendantes des personnes qui ont déjà jugé le dossier la première fois, donnerait certainement une plus grande satisfaction.

Sur cela aussi j'aimerais vous entendre davantage, j'ai écouté avec beaucoup de satisfaction lorsque vous avez mentionné la possibilité de changer les prêts, dans le sens de prêter à meilleur taux aux débutants, en allant progressivement vers un taux que vous plafonnez à 10%. Je veux savoir si vous avez fait une étude, parce que cette suggestion je la trouve extraordinaire. Avez-vous fait une étude et est-ce que les 3% et les 10% -c'est à peu près une échelle de grandeur que vous donnez - ce sont des choses qui pourraient se discuter?

M. Chagnon: D'abord, on ne demande pas que les prêts se rendent à 10%.

M. Gagnon: Non, d'accord, avec un plafond.

M. Chagnon: On les plafonne à 10%. M. Gagnon: Voilà!

M. Chagnon: On voudrait qu'ils restent à la rentabilité de l'agriculture, au moins.

M. Gagnon: D'accord.

M. Chagnon: Maintenant, je n'ai pas très bien saisi le sens de votre question, si on a fait une étude de...

M. Gagnon: Vous mentionnez des chiffres, vous parlez de 3% avec une majoration de 0, 5% par année jusqu'à un plafond de 10%. Je voulais savoir - à un moment donné, mon collègue d'Arthabaska a dit: Moi, j'irais même plus loin, je dirais que cela devrait être sans intérêt les premières années - si ces chiffres ont fait l'objet d'études chez vous et si cela vient de ces études, les chiffres que vous mentionnez. (16 h 15)

M. Raymond: On a regardé cela. Je pense que ce qu'on veut mettre en évidence... Commencer à zéro, il faut être réaliste! Si on remet de l'argent facilement à des jeunes et qu'on monte trop vite, on est mieux de commencer à un certain niveau et monter très graduellement. Même au bout de 10 ans... Il y avait autrefois le prêt de 50 000 $, après 5 ans, qui tombait, cela faisait 5000 $ d'intérêt dans un an, et il n'y a personne qui va arriver là-dedans. On dit que partir à zéro et remonter, cela va prendre trop de temps. C'est pour cela qu'on veut être réaliste pour dire: Tu as de quoi à payer et tu vas en avoir un petit peu plus tous les ans. C'est dans ce sens-là, je pense, qu'on l'a regardé avec des calculs.

M. Gagnon: La décentralisation..

Le Président (M. Dupré): Le temps est expiré. Je vous remercie.

M. Couillard: M. le Président, si vous permettiez. Il avait posé une première question. Vous êtes à Saint-Hyacinthe, vous allez nous permettre peut-être d'allonger d'une petite minute. Je voudrais quand même répondre au niveau des conseillers. Cela à l'air de vous inquiéter passablement.

Premièrement, si vous vous en allez avec des institutions prêteuses, les critères vont changer complètement d'une institution à l'autre. Vous ne pourrez garder des critères et un niveau qui soient uniformes à l'intérieur de cela. C'est pourquoi on vous dit qu'on devrait avoir des conseillers et les meilleurs.

La deuxième chose c'est que la

compétition et la compétence sont deux choses différentes pour moi. Les gars, ils sont compétents ou ils ne le sont pas. Il faut prendre une décision. Ce n'est pas parce qu'il y a de la compétition que vous allez avoir de la compétence. Ce qu'on voudrait avoir, ce sont des gars compétents. S'il faut leur faire suivre des cours, faites leur suivre des cours. On veut avoir des gars compétents.

La deuxième chose dont vous avez l'air tellement en faveur concernant les institutions prêteuses, c'est qu'il y a quand même un autre niveau. Il y a le niveau des parents qui se retirent et qui peuvent laisser l'argent là. On dirait que vous mettiez moins d'emphase dans vos questions. Je ne sais pas si c'est parce que vous avez oublié. Moi, je reviens sur ce point-là un petit peu, M. Gagnon, permettez-moi.

M. Gagnon: Je m'excuse. Je serais justement revenu là-dessus si le président ne m'avait pas coupé la parole; c'était mon autre question.

M. Couillard: Pour nous, on dit que c'est extrêmement important ce niveau-là. Il y aurait peut-être un autre petit niveau, M. le Président, sur lequel je voudrais attirer l'attention de la commission. Le petit niveau c'est qu'on a parlé énormément des taux d'intérêt. Â l'heure actuelle, la période qu'on vit, on est toujours, dans certaines productions, au niveau de la stabilisation. Ce n'est une cachette pour personne, cela se trouve à être un instrument qui est en place à peu près une fois tous les cinq ans pour niveler, pour ne pas aller trop bas. On est à peu près toujours sur la stabilisation.

Alors, quand on établit un coût de production au niveau de la stabilisation, il faudrait quand même que vous sachiez que ce qui rentre dans le coût de production c'est seulement l'intérêt payé. L'équité, il n'y a rien de rémunéré dans le coût de production, dans l'assurance-stabilisation. C'est simplement l'intérêt payé. Si l'intérêt est à 5%, c'est ce 5% suivant les critères de cette production-là. Les gars peuvent être à 40% ou 50% d'équité. Alors, il y a 50% de cet argent-là qu'on doit et cet argent représente le prêt, l'intérêt qui est payé, qui entre. C'est calculé comme cela. Mettez-le à 2%, ça va être 2% qui va entrer. Mettez-le à 0%, ça va être 0% qui va entrer mais ça ne donnera jamais un cent à l'agriculteur si on reste toujours sur la stabilisation, quand même vous mettriez le meilleur crédit. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut absolument avoir des prix parce que sans cela, si on reste toujours sur l'assurance-stabilisation, il n'y a rien, personne ne s'enrichit, c'est juste une affaire de pauvreté. En même temps, quand on reste toujours sur la stabilisation, il ne faudrait pas vous inquiéter. Plus vous allez mettre le taux d'intérêt bas, mieux le consommateur va pouvoir vivre parce que l'autre gars qui ne doit pas, lui aussi il est obligé d'investir. Son argent ne rapporte pas plus que ce qui est marqué là.

C'est une chose que je voulais noter en passant. Il faudrait que vous en preniez bonne note. C'est pour cela qu'on axe beaucoup notre mémoire sur les coûts de production. C'est là réellement qu'on va trouver une rentabilité.

Le Président (M. Dupré): Merci, M. Couillard, merci, M. Chagnon, ainsi que tout votre groupe de l'UPA de Saint-Hyacinthe. Maintenant, nous devons suspendre quelques minutes à cause de difficultés techniques. N'ajustez pas votre appareil, on vous revient très bientôt.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 28)

Syndicat des professeurs de l'État du Québec (ITAA)

Le Président (M. Dupré): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre le Syndicat des professeurs de l'État du Québec. Je demanderais à monsieur de s'identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

M. Perron (Marcel): Mon nom est Marcel Perron. Je tiens, avant de commencer, à excuser notre président, qui est M. Luc Perron; il est retenu à Québec dans le cadre de la coalition. J'aimerais vous présenter les collègues qui sont avec moi. Il y a Daniel Hamel, complètement à ma droite, et Jacques Brodeur.

Le Président (M. Dupré): Merci. Comme je l'ai dit tantôt, vous disposez d'une heure. Pour le reste du temps, il est séparé entre les deux formations politiques pour les questions. Allez-y.

M. Perron (Marcel): J'aimerais, M. le Président, vous dire que nous sommes fiers de nous présenter devant cette commission. Vous entendrez par la voix de mes collègues un mémoire portant sur la formation de la relève agricole. Nous voulons vous dire que nous sommes convaincus que la formation en institution est une façon parmi tant d'autres de contribuer au développement de l'agriculture. Sans plus tarder, je cède la parole à Jacques et Daniel.

M. Brodeur (Jacques): M. le Président de la commission, M. le député de Saint-

Hyacinthe qui nous a accueillis et MM. les députés membres de cette commission solennelle, on doit tout de suite vous dire, dès le début, que notre sujet n'a, en apparence, strictement rien d'original, parce qu'il porte sur ce qu'on pourrait appeler et ce qu'on appelle un peu partout depuis dix ans la formation de la relève agricole. On va donc parler de ce mot qui semble très théorique ou du moins beaucoup plus que les mots qui ont été utilisés précédemment quand on parlait de financement, de fiscalité ou d'endettement.

Nous souhaitons que cela puisse vous reposer un peu de tous ces chiffres qui ont défilé dans vos cerveaux depuis un bon bout de temps. Si cela peut vous encourager, nous vous apportons une solution. Vous la verrez se formuler au fur et à mesure qu'on va avancer, nous espérons. Nous allons vous dire ce qu'on a à dire un peu volontairement à bâtons rompus. Si jamais vous êtes complètement perdus, vous pourrez référer au texte que vous devez avoir reçu. Ce n'est pas à tous les jours qu'on rencontre une commission si proche et chez nous; on se donne le droit de glisser dans les détours.

Nous allons donc parler de formation agricole. Je ne dis pas grand-chose quand j'affirme que personne ne met en doute la nécessité de la formation en agriculture. Par contre, ce terme, formation agricole, formation de la relève, est source de tellement d'ambiguïtés que les professeurs de l'ITAA, membres du syndicat local, se sont penchés sur ce mot pour essayer de relancer le débat avec des bases encore plus profondes. Nous avons même osé dire que, oui, la formation agricole est rentable. On a tellement dit qu'il était plus avantageux -et, surtout, les Américains l'ont prouvé, donc, pour beaucoup, cela doit être vrai -d'agrandir les connaissances dans la tête d'un producteur que d'agrandir son champ. Évidemment, la formation est rentable mais nous disons avec un certain humour: Elle est d'abord rentable pour les formateurs. Nous avons cela à la page 2, quand nous disons: II est important pour nous d'affirmer cette réalité avant d'aborder les aspects altruistes de notre engagement comme formateurs. Nous sommes conscients d'être un peu juge et partie quand nous réclamons d'avoir des solutions intéressantes en termes de formation.

Pourtant, ce mot "formation" est un concept infiniment vague. On en a parlé presque dans tous les mémoires que nous avons lus et que nous avons entendus. C'est un concept très vague par rapport à ceux qui la donnent, parents, agriculteurs, par exemple. Les organismes agricoles, les établissements d'enseignement, les institutions financières ou commerciales réfèrent toujours au concept de formation pour promouvoir quelque chose, leur expérience, leur expertise ou leurs suggestions. Pourtant, c'est au nom du même concept de formation que, souvent, ces promoteurs de formation se contredisent, quand ils ne se torpillent pas mutuellement. Qu'on pense au vocabulaire utilisé chez tous les agents de formation; les uns, au nom de la pratique, condamnent la théorie, d'autres, au nom de la théorie, condamnent la pratique, pour d'autres, la formation, cela veut dire, simplement, gestion et, à ce moment là, la gestion écrase la technique. Évidemment, le financier risque d'occulter tout ce qui est humain. En fin de compte, on peut arriver à une situation aussi bizarre qu'on va être en mesure de sauver l'agriculture mais on va perdre, peu de chose, l'agriculteur.

Quand nous nous parlons de formation, nous voulons parler de quelque chose de beaucoup plus vaste que la capacité de faire pousser un champ ou même de rendre rentable une entreprise. Avant d'entrer dans ce qu'on veut dire, je continuerais à dire que le mot "formation" est aussi très ambigu par rapport à la clientèle visée. Quand on se demande quel schéma de formation offrir, on pense aux adultes, aux jeunes adultes, à la relève, aux plus jeunes, à la relève récemment établie, aux jeunes couples, à ceux qui commencent, à ceux qui achèvent, et ainsi de suite. Toutes ces étiquettes qui représentent des groupes d'hommes et de femmes à qui s'adresse la formation peuvent nous faire perdre de vue que ces regroupements de clientèles fabriqués par les formateurs desservent beaucoup plus l'organisation de la formation que les gens à qui elle s'adresse.

On pourrait parler ainsi longtemps pour montrer que, à la limite, le mot "formation" finit par recouper des notions qui ne signifient plus grand-chose. Il faudrait renouveler ce qu'on entend par ce terme. Une chose est sûre, c'est qu'il commence depuis dix ans, au Québec, à se dégager l'idée que la formation doit être faite non pas d'abord pour les formateurs, mais pour ceux è qui elle s'adresse.

C'est peut-être pour ça que depuis un certain nombre d'années on a vu s'établir un paquet d'expériences nouvelles chapeautées par le titre d'expérience de formation. Qu'on pense, par exemple, à des initiatives qui ont été faites en région par différents organismes. Qu'on pense à des promotions organisées par des institutions d'enseignement. Qu'on pense à des ateliers qui ont été mis sur pied- Je pense, par exemple, à un atelier majeur, les femmes en agriculture, et ainsi de suite.

Je pense qu'il y a eu, depuis dix ans, au Québec, un effort assez considérable pour rejoindre les gens qui sont en phase de formation. Pourtant, il y a une apparente contradiction qui ressort de notre analyse. Comment se fait-il qu'avec autant de

formats de formation si peu de gens soient formés? Comme on disait tout à l'heure, comment se fait-il qu'en moyenne pas plus de 15% des futurs producteurs québécois ou de ceux qui oeuvrent en agriculture aient ce qu'on appelle, nous, une formation agricole?

D'après notre analyse - c'est celle-ci que nous vous proposons - la réponse à cette question réside dans le fait qu'il manque une concertation entre les différents agents de formation. Cela, nous ne sommes pas seuls à le dire. Cela fait vingt ans que l'UPA le dit. Cela fait au moins - moi, je travaille en agriculture depuis seulement huit ans - huit ans que j'entends dire qu'il manque de concertation, qu'il faudrait quelque chose pour la concertation.

C'est dans cette situation, dans cette problématique que les professeurs de l'Institut de technologie, membres du syndicat, ont décidé de proposer un service qu'ils se sentent presque habilités à mettre sur pied, pas tous seuls, bien sûr.

Ce service, je le résume avec une phrase très lapidaire, très sèche en apparence. L'ITAA de Saint-Hyacinthe, pour un paquet de raisons qu'on va expliquer, pourquoi ne deviendrait-il pas un centre permanent de concertation et de ressources, en regard de tous les formats de formation qui, actuellement, sont en pleine vigueur au Québec? Pourquoi avoir cette prétention et offrir ce service, parce que c'est en offrant un service que nous nous présentons, cet après-midi? C'est Daniel qui va faire un peu l'explication.

M. Hamel (Daniel): Pourquoi un centre de concertation? Un centre, parce qu'on sait très bien que, si on veut que quelque chose se fasse, il faut qu'il y ait un responsable. S'il y a 30 personnes qui ont une tâche à accomplir et qu'on ne donne à personne le mandat de la remplir, il y a très peu de chances que le travail en question soit effectué correctement. Alors qu'on sait très bien que, si on affecte une personne à une tâche précise et concise, à ce moment, on met beaucoup de chances de notre côté -surtout si on lui en donne les ressources -d'obtenir le résultat souhaité.

Pourquoi l'ITAA de Saint-Hyacinthe? Plusieurs raisons justifient ce choix. Il y a des raisons d'ordre historique, d'ordre technique, économique, pédagogique et humaine.

Les raisons historiques se composent, dans un premier temps, d'une reconnaissance de la part des agriculteurs. Les agriculteurs et d'autres intervenants dans le milieu considèrent, avec raison, l'ITAA de Saint-Hyacinthe comme un centre de formation privilégié. À preuve de cet énoncé, M. Vigneault annonçait dans la Presse, en octobre 1984, qu'il reconnaissait l'effort de formation de la classe agricole fait à l'institution de Saint-Hyacinthe.

On peut constater, en plus de ça, que, malgré la tendance à la baisse des inscriptions au niveau collégial dans les différents collèges qui donnent la formation en gestion et exploitation de l'entreprise agricole, l'ITAA de Saint-Hyacinthe a été le seul en 1984-1985 à maintenir son nombre d'étudiants inscrits. De plus, l'ITAA est spécialisé dans la formation agro-alimentaire. C'est la seule maison d'institution au Québec à offrir des diplômes de niveau collégial en formation agro-alimentaire. Elle comporte plusieurs spécialistes: des spécialistes en génétique, des spécialistes en production animale, des spécialistes en production alimentaire. Elle offre, de plus, des programmes de niveau collégial en agriculture. On peut compter parmi ceux-là la gestion et l'exploitation d'entreprises agricoles.

À l'ITAA de Saint-Hyacinthe, on est les seuls dans la province à pouvoir offrir les quatre profils contenus dans ce programme, dû au fait qu'on a une clientèle suffisante pour justifier ces quatre profils. Quand on parle de profils, on parle finalement de production animale laitière, de production de viande bovine et oeufs, de cultures commerciales et de production de légumes et de fruits.

En plus de ce programme de gestion et d'exploitation d'entreprises agricoles qui se destine particulièrement aux futurs exploitants, il y a toute une panoplie de programmes en technologie agricole et alimentaire. De plus, l'ITAA offre un large éventail de cours aux adultes, et on pourrait éventuellement en offrir plus. De 1964 à 1984, il y a plus de 8000 personnes qui ont suivi des cours en éducation aux adultes. La dernière raison concernant l'aspect historique, c'est que l'ITAA a plus de 20 ans d'histoire, ce qui veut dire qu'il a grandi avec l'agriculture du Québec.

Les raisons techniques qui justifient notre voeu, notre intention, notre volonté, c'est qu'à l'ITAA, on possède déjà, comme vous avez pu le constater ce matin lors de votre visite, une infrastructure en place. L'ITAA est le centre de formation agricole le plus important au niveau infra-universîtaire. Diverses études dans le passé ont montré que c'était le niveau collégial qui répondait le mieux aux besoins de formation des futurs exploitants de ferme. L'ITAA dispose d'une équipe multidisciplinaire compétente et complémentaire qui a actuellement plus de 70 professeurs qui ont des compétences reconnues dans des secteurs divers. C'est-à-dire que nous pouvons offrir aux candidats qui s'inscrivent à l'ITAA de bénéficier de plusieurs spécialistes dans leur formation.

L'éventail des programmes disponibles assure la diversification et la spécialisation,

des programmes en technologie et des programmes en gestion d'exploitation d'entreprises agricoles. On sait pertinemment que l'emploi est même très bon dans ces secteurs pour les candidats qui terminent leurs études. Plus de 90% des finissants se trouvent un emploi dans l'année qui suit, pour ce qui est des exploitants de ferme. II reste à savoir si, pour un exploitant de ferme, être six mois à se chercher un travail stable, on peut appeler cela nécessairement du chômage.

Une autre raison technique qui avantage l'ITAA de Saint-Hyacinthe, c'est sa relation constante avec le MAPAQ, car il relève directement du MAPAQ, ce qui veut dire qu'on peut mener des actions concertées en relation avec des politiques établies par le ministère. Des raisons économiques appuient notre volonté. Le personnel de l'ITAA appartient à l'équipe du MAPAQ. Il bénéficie donc des programmes de perfectionnement offerts dans le cadre du ministère de l'Agriculture. Une autre raison économique, c'est que cela nous permet de maximiser l'efficacité des ressources du MAPAQ en utilisant tout le potentiel des formateurs déjà en place. On pense qu'il est préférable de concentrer l'expérimentation pour maximiser l'efficacité des ressources. En effet, l'équipe est en mesure de produire du matériel et de former du personnel qualifié et en mesure, éventuellement, de se servir de ce matériel. On pense, avec raison, que cinq personnes bien utilisées à l'ITAA de Saint-Hyacinthe dans la formation de programmes et dans l'expérimentation seraient plus utiles que huit personnes dispersées un peu partout. Une autre raison économique, c'est que de concentrer ou de décerner le centre de concertation à l'ITAA, ça permettrait à l'agriculture québécoise de bénéficier de l'expertise de cette formation. En fait, c'est de former un noyau.

Des raisons géographiques. Il est inutile d'insister sur les conditions privilégiées par rapport au climat qui permettent toutes les productions à Saint-Hyacinthe. Elle est au coeur d'une région agricole importante où se font les principales productions, pour ne pas dire toutes celles qui sont faites au Québec, au moins en espèces. De plus, la clientèle étudiante provient de toutes les régions du Québec, ce qui veut dire que, à ce jour, l'institution est reconnue au Québec pour la qualité de l'enseignement déjà offert. (16 h 45)

Les raisons pédagogiques - et ce ne sont pas les moindres; à notre avis, ce sont les raisons parmi les plus importantes - c'est qu'actuellement, au Québec, on ne dispose pas de centre de recherche et de production de matériel didactique en agriculture. À l'ITAA de Saint-Hyacinthe, on dispose d'une équipe de professionnels multidisciplinaires avec expérience et formation pédagogique.

Divers cégeps ont déjà fait appel à nous pour utiliser nos ressources en termes de conseil pédagogique et, dans certains cas, ont demandé à l'équipe de professeurs d'exprimer ou de partager avec eux l'expérience déjà acquise depuis dix ans. En quelques occasions, on a été dans l'impossibilité de répondre à cette demande et ce n'est pas quelque chose qu'on apprécie. Effectivement, on aimerait beaucoup mieux collaborer et pouvoir offrir ce support technique et pédagogique.

De plus, on se caractérise à l'ITAA avec une clientèle strictement de futurs agriculteurs ou de personnes impliquées dans l'agro-alimentaire. Ce qui fait que notre principal et unique préoccupation ce sont des gens liés au secteur agricole. C'est très différent d'autres maisons où l'on n'attribue pas suffisamment ou nécessairement tout l'intérêt que l'on devrait à la clientèle agricole.

Nous avons plus de dix ans en formation agricole. On a été parmi les premiers ou les premières institutions à offrir la formation collégiale et cela, à la suite de demandes répétées de l'UPA et d'autres intervenants. Cette expérience nous a permis d'offrir une large contribution au programme de gestion et d'exploitation d'entreprises agricoles qui vise à assurer le développement intégral de la personne. Le programme de gestion et d'exploitation d'entreprises agricoles a comme particularité d'intégrer les stages à différents moments de la formation des futurs exploitants, ce qui fait que nous avons pu assumer le leadership dans le développement du programme de gestion et d'exploitation d'entreprises agricoles et des stages. Ce programme est maintenant adopté par l'ensemble des cégeps qui desservent la formation agricole au niveau collégial. Il n'y avait effectivement qu'à l'ITAA de Saint-Hyacinthe qu'on disposait des ressources suffisantes pour bâtir ce programme et du temps d'expérimentation de l'ancien programme pour permettre de proposer des changements.

Nous sommes en contact constant avec l'UPA, les agriculteurs, les syndicats de gestion, les entreprises du milieu et les universités. Nous avons participé à la formation d'agriculteurs, participé à des recherches avec des syndicats de gestion. On a collaboré à des recherches universitaires et autres, ce qui nous a permis en fait de voir ou de vérifier l'intérêt d'utiliser et d'expérimenter des approches pédagogiques innovatrices.

Différents programmes ont été produits à l'ITAA de Saint-Hyacinthe, dont le programme des femmes en agriculture, la production ovine. Un projet est éventuellement à être expérimenté, c'est le CEC et l'AEC: le certificat d'enseignement collégial et l'attestation des études

collégiales. Cette formation sur mesure pour les adultes offrirait un profil de formation qui s'adapterait à la réalité d'un projet de formation personnelle. C'est en fait pour donner réponse à une des interventions de l'UPA de tout à l'heure, c'est une mesure ou un format qui pourrait très bien répondre à ces besoins d'adaptation d'un programme concernant l'horaire des étudiants, par exemple.

L'ITAA de Saint-Hyacinthe est un des dix centres de formation agricole collégiale. À lui seul, il forme près de 25% de la clientèle inscrite au programme de gestion et d'exploitation d'entreprises agricoles. Diverses préoccupations d'ordre pédagogique nous sont courantes. Actuellement, nous avons produit des vidéos pour un cours de réalités agricoles du Québec. Nous avons produit cet automne onze vidéos qui s'inscrivent dans une méthode pédagogique de matériel didactique offert dans le cadre d'un cours de réalités agricoles du Québec. Cette production vidéo serait disponible à d'autres maisons d'enseignement avec un encadrement suffisant. Les stages comme tels ont été expérimentés chez nous et répartis à travers toute la formation de nos étudiants. Ainsi pour expliquer sommairement de quoi il retourne dans les stages, c'est que comme plusieurs agriculteurs et d'autres intervenants nous avaient déjà fait mention qu'ils manquaient de pratique à l'intérieur de leur formation, on s'est dit que les stages seraient le milieu ou le laboratoire privilégié pour la formation de nos futurs exploitants. Les stages ont été répartis à travers les sessions. C'est ainsi que l'on retrouve nos étudiants continuellement en stage au travers de leur profil de formation. Des stages qui se font sur des entreprises différentes avec des tâches très précises à accomplir. En fait, le programme de gestion et d'exploitation de l'entreprise agricole vise à développer de futurs gestionnaires d'entreprises.

Un autre type de préoccupations. Nous sommes, actuellement, à produire une étude pilote, en vérifiant le niveau d'anxiété des jeunes face aux problèmes de l'établissement. Mon collègue, Jacques, dans un cours de philosophie, a vérifié auprès des étudiants leurs préoccupations. Il a décelé chez les étudiants un problème qui n'avait jamais été exprimé ouvertement auparavant par rapport au niveau d'anxiété que les jeunes futurs exploitants éprouvent devant la dimension de la tâche qui les attend, l'immense responsabilité au niveau financier et les répercussions que ces engagements auront sur leurs activités futures.

C'est en raison de ces différentes raisons historiques, techniques, économiques et pédagogiques et en raison des relations privilégiées de l'ITAA avec les agriculteurs, l'UPA, le MAPAQ, la relève agricole, le réseau collégial, les universités, parce que sa préoccupation primaire est le développement de l'agro-alimentaire du Québec, parce qu'il est un centre de ressources au niveau provincial, que les professeurs membres du SPEQ recommandent que l'ITAA devienne le centre permanent de concertation et de ressources entre les intervenants de la formation agro-alimentaire du Québec.

Pour essayer de déterminer un peu ce à quoi pourrait répondre ce centre permanent de concertation des ressources, nous lui avons attribué quelques fonctions, qui ne sont certainement pas les seules qui pourraient être remplies.

Mais dans une première esquisse, nous vous proposons les fonctions suivantes. Ce centre de concertation et de ressources aurait comme fonction de développer un réseau d'interaction entre les intervenants du milieu: MAPAQ, agriculteurs, collèges, UPA, relève agricole, syndicats de gestion, ministère de l'Éducation et autres. Cet objectif, c'est pour finalement rendre quelqu'un responsable de la concertation. À peu près tout le monde dit: II manque de concertation; personne ne dit: On va faire de la concertation; parce que cela ne se fait pas spontanément, ce n'est pas de la génération spontanée, ce machin-là, ce lien-là. C'est un lien organique qui ne naît pas comme cela, de façon spontanée. "

Une deuxième fonction. Cela consiste à collaborer à la recherche, au développement et à l'expérimentation de formats, de méthodes et d'approches adaptés à chacune des clientèles, réguliers et adultes. Quand on pense à la formation de la relève agricole, on pense à la formation en institution pour ceux pour qui c'est disponible de prendre un temps dans leur vie pour se donner une bonne formation; on pense aussi à ceux pour qui les occupations journalières ne leur permettent pas de s'absenter pour une période prolongée. À ce moment-là, on dit: II y a sûrement des méthodes ou des formats qui leur permettraient d'obtenir une formation qui serait reconnue et qui s'intégrerait dans un profil reconnu; cela leur permettrait d'obtenir, à la fin, la compétence désirée.

Troisième fonction. C'est de fournir des ressources pédagogiques pour les formateurs agricoles. Puisque nous disposons déjà d'un personnel qualifié sur place, que nous avons déjà une expertise dans la formation, que nous avons déjà mené à bien plusieurs expériences, il nous semble intéressant d'être priviligiés pour fournir des ressources pédagogiques à d'autres niveaux ou à d'autres intervenants qui pourraient bénéficier de notre expertise.

Si on n'avait qu'une chose à retenir de ce mémoire, c'est que l'impact de ce centre permanent de concertation réside dans son rayonnement provincial, dans son expertise pédagogique et dans ses contacts avec le

milieu. Merci.

Le Président (M. Dupré): Merci, M. Hamel. Je passerai la parole au député de Richmond.

M. Vallières: Merci, M. le Président. D'abord, je veux féliciter ceux qui ont présenté le mémoire et, en même temps, saluer de façon particulière la présence de M. Daniel Hamel, qui est un Danvillois, quelqu'un qui vient du village de chez nous; cela me fait toujours plaisir de rencontrer des gens de notre milieu qui, à un moment donné, ont percé dans leur domaine.

Je voudrais faire d'abord des remarques plutôt générales sur votre proposition comme telle, qui est assez originale dans sa forme. Je dois vous dire que cela peut justifier même le fait que des commissions comme la nôtre se déplacent vers le milieu, afin de trouver de temps à autre des formules qui peuvent présenter une certaine originalité. De prime abord, à tout le moins, la formule que vous nous présentez me semble être d'un intérêt certain. Nous avons eu l'occasion depuis que nous sommes en tournée, et même avant à la commission, de nous rendre compte que, de plus en plus, il est question de formation dans le domaine agricole, que l'on considère cela comme étant un facteur économique important, un facteur de rentabilité important. Vous venez, aujourd'hui, d'une certaine façon, proposer une solution à certains problèmes qui ont été soulevés par divers organismes, par divers intervenants, dans le milieu agricole, concernant la formation du futur agriculteur. J'aurai évidemment des questions à vous poser sur votre projet, mais également sur le fonctionnement et la vie à l'ITAA présentement, au moment où on se parle.

Tout d'abord, concernant les fonctions que vous aimeriez voir remplir à ce centre permanent de concertation, il y en a une en particulier que je retiens, parce que plusieurs intervenants nous ont souligné le problème des ressources pédagogiques, dans ce domaine. Je voudrais vous ramener en particulier aux écoles secondaires où il y a des cours qui se donnent à des gens qui se préparent à prendre la relève en agriculture. On s'est fait dire des choses surprenantes au cours de nos auditions sur, entre autres, la faiblesse des moyens mis à la disposition des enseignants pour dispenser un enseignement vraiment conforme à la réalité. On nous a même dit, à un moment donné, que dans des cours pratiques qui sont offerts aux jeunes producteurs, ont leur demandait de traire une vache en plastique. On nous indiquait que c'était ce genre de procédé qui peut même inciter l'élève à décrocher, à s'en aller chez lui et à dire: C'est ridicule, les cours que je suis, je n'ai pas besoin de cela; l'étable est pleine de vaches, chez nous, je sais comment les traire. Je ne commencerai pas à traire une vache en plastique devant les élèves de la classe. C'est donc dire que c'est un point très important, à mon avis, que vous soulevez là, à savoir mettre à la disposition de nos formateurs des moyens didactiques qui répondent vraiment à un besoin. La question que j'aurais à vous poser là-dessus concerne le personnel qui oeuvre dans nos écoles secondaires présentement. Est-ce que, selon vous - vous connaissez le système qui fait en sorte qu'on attribue des tâches à certains enseignants qui sont, parfois, plus ou moins préparés à dispenser un enseignement dans un secteur donné - selon la connaissance que vous avez du milieu, les professeurs qui dispensent ces cours de formation agricole, actuellement, dans les écoles secondaires, sont bien préparés pour le faire?

M. Brodeur: M. le Président, vous posez une question guillotine, dans le sens que, pour celui que je connais, je réponds oui; j'en connais un qui est excellent et qui est bien préparé; quant aux autres, je ne peux pas me prononcer. Je peux me prononcer en disant qu'il manque vraiment de concertation dans ce groupe de professeurs qu'on rencontre au colloque peut-être à tous les trois ans et qui nous parlent de leurs problèmes, mais on est tellement pris dans nos recherches actuelles qu'on les rencontre très peu et on ne peut pas dire s'ils sont bien préparés. Si on portait un jugement, on est presque sûr qu'ils ont besoin d'aide; nous-mêmes, nous nous débattons pour en trouver pour nous. J'ai l'impression que nos collègues du niveau secondaire doivent tirer le diable par la queue - ou la vache - et je comprends les vaches de plastique, dans ce contexte.

M. Hamel: Pour ma part et pour aller dans le même sens que Jacques Brodeur, M. le Président, après avoir passé deux années d'enseignement au niveau collégial, ce que j'ai constaté en tout cas de plus évident, c'est la volonté de ces personnes de former de futurs agriculteurs ou de futurs ouvriers agricoles, c'est la bonne volonté de ces gens-là. En tout cas, c'est assez étonnant qu'avec si peu de chose, ils réussissent à faire ce qu'ils font. À savoir maintenant s'ils sont bien préparés, je vais dans le même sens que mon confrère, je suis dans l'incapacité de porter un jugement général sur l'ensemble. (17 heures)

M. Vallières: II y a une chose que je retiens, c'est le faible taux de participation du futur exploitant qui s'adresse à l'ITAA ou à d'autres institutions de votre genre. Compte tenu que ces gens qui s'adressent à vous doivent d'abord faire un stage au secondaire, je me demande si ce faible intérêt qui existe à l'endroit d'une formation adéquate en milieu agricole n'est pas une

conséquence directe de ce qu'on retrouve comme enseignement qui est dispensé dans l'école secondaire.

Si on ne donne pas là le goût à l'élève de poursuivre ce début de formation qu'il reçoit, est-ce que ce n'est pas un handicap majeur et est-ce que ce ne serait pas un des points prioritaires à revoir compte tenu que ceux qui vont chez vous doivent d'abord passer par l'école secondaire?

M. Hamel: Ceux qui s'inscrivent au programme de gestion et exploitation d'entreprise agricole ont habituellement le profil général au niveau secondaire. Une faible portion de ceux qui s'inscrivent chez nous ont une formation secondaire autre que le général. À ce moment, ce n'est par leur désir d'aller plus loin dans leur formation qu'ils se dotent des prérequis essentiels.

M. Vallières: D'accord. Dans un autre secteur, celui de nos conseillers agricoles oeuvrant pour le MAPAQ dans les régions, un peu partout, et les fédérations de producteurs nous le disent, un peu partout dans les régions, il semblerait que la formation de nos conseillers auprès des agriculteurs du Québec, et en particulier dans les nouvelles productions, semble être inadéquate. Il semblerait que c'est identifié à un manque de perfectionnement, que ces gens n'auraient pas eu l'occasion de se prévaloir. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette analyse qui est faite voulant que dans les nouvelles productions en particulier, souvent le producteur en connaît plus que le conseiller du ministère de l'Agriculture qu'il rencontre? Ce serait à cause du fait que malgré le lancement de nombreux programmes dans de nouvelles productions, ces gens qui sont au MAPAQ n'auraient pas reçu la formation requise pour dispenser des conseils vraiment pertinents et efficaces aux producteurs dans ces nouvelles catégories de production, comme le veau de grain entre autres.

M. Brodeur: On va laisser la parole à Daniel qui, là-dessus, est plus informé. Je dirais qu'à chaque fois qu'on reproche au formateur de n'être pas en pratique très spécialisé dans sa méthode, on reproduit ce qui se dit de toute façon depuis 2000 ans envers toute fonction d'enseignement. Les enseignants sont toujours, d'une façon générale, au niveau de ce que j'appellerais d'une vision globale, par définition... Quand on parle du problème de l'expérience ou de l'enseignement pratique, il est impossible que nous donnions et que les conseillers donnent satisfaction à temps plein à toute question concrète. C'est un principe général.

Cela devient quasiment du "man to man" quand on parle de formation à ce niveau. Chaque expérience est tellement particulière et presque inédite. Par définition, tout conseiller et tout professeur est perdant par rapport à son client. Cela, c'est dans l'ordre des choses. Cela dit, Daniel va sûrement compléter de façon plus précise.

M. Hamel: Dans le même sens que Jacques, il est évident que le producteur, qui est intéressé dans une nouvelle production, va faire les démarches initiales, il va aller chercher de l'information à l'étranger s'il le faut et il va arriver chez son agronome et il va lui demander conseil; alors que l'agronome s'intéresse aux questions qui lui sont généralement posées. Il est très normal qu'il ne soit pas en mesure immédiatement d'y répondre.

C'est comme si on disait, d'une certaine façon, des écoles on en bâtit quand il y a une clientèle qui entre dedans. C'est la même chose pour les agronomes face aux besoins des agriculteurs. Tant qu'une production ne requiert pas suffisamment de services du ministère, le ministère ne s'en préoccupe habituellement pas par rapport aux agronomes locaux. Je présume qu'ils ont suffisamment de demandes courantes pour ne pas chercher... Ils n'ont pas nécessairement trop de temps.

M. Valiières: À votre connaissance, vous êtes dans le milieu, est-ce que ces conseillers du MAPAQ en région ont déjà une formule de perfectionnement qui est mise à leur disposition? Si cela n'existe pas, lorsque vous parlez de faire de la concertation, ne voyez-vous pas que cela pourrait être un des rôles qui vous soient dévolus de faire en sorte que nos conseillers en région reçoivent le maximum, que ce soit dans les nouvelles ou dans les anciennes productions? Parce que l'on sait que les techniques évoluent très rapidement et que ces gens sont pris dans le champ finalement à servir l'agriculteur et ont beaucoup de paperasse à compléter? Est-ce qu'on ne devrait pas libérer ces gens à l'occasion afin de leur permettre de parfaire certaines connaissances dans certains secteurs donnés? Est-ce que vous seriez en mesure d'établir sur place un programme de cette nature?

M. Hamel: C'est exactement le sens du mandat qu'on attend.

M. Valiières: Très bien. J'aurais une foule d'autres questions, entre autres sur le fonctionnement de l'ITAA actuel. Je suis sûr que d'autres de mes collègues pourront poser certaines questions intéressantes sur cela. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. À la lecture de votre mémoire et des explications que vous avez fournies en faisant la lecture au début -d'ailleurs je voudrais vous remercier pour ce mémoire et j'aurai quelques questions à vous poser - j'ai eu un peu crainte, quand je suis arrivé à la fin de votre mémoire, que vous vouliez centraliser l'agriculture à Saint-Hyacinthe. Alors vous savez que venant d'un des plus beaux comtés du Québec, Kamouraska-Témiscouata, avec une institution qui n'a peut-être pas la taille de...

Le Président (M. Dupré): J'ai presque envie de vous dire que vous êtes non conforme au règlement.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... celle de Saint-Hyacinthe, mais qui donne quand même un bon service aux agriculteurs du Bas-Saint-Laurent-Côte-Sud et du Bas-du-Fleuve... Vous dites que l'ITAA deviendrait un centre permanent de concertation et de ressources entre les intervenants. C'est avec les explications que vous avez données qui m'ont un peu moins fait peur en disant que ce n'était pas pour fermer - je l'espère - les autres institutions qui sont en place, au contraire, c'est pour former - vous avez parlé beaucoup de former, former et former - des gens qui pouvaient former la relève agricole et former d'autres personnes qui voudraient oeuvrer dans le domaine agricole. Je crois bien que vous n'avez pas fait l'évaluation de cela. Pour moi aussi, comme pour le député de Richmond, c'est nouveau ce que vous nous présentez là. Avez-vous fait un peu le calcul de ce que cela pourrait coûter à l'État québécois un genre de centre spécialisé dans ce domaine?

M. Brodeur: M. le député, nous ne sommes pas rendus aussi loin, parce que nous avons l'expérience de longs dossiers qui n'ont même pas été lus. Donc, nous nous sommes dit: On va commencer par lancer notre intuition. Cette intuition vient quand même d'expériences vécues en France. Quand on regarde l'institution qu'on appelle l'INRAIP -Institut national de recherche, d'application et d'innovation en pédagogie - relié à l'agriculture, on remarque que, au Québec, on n'a pas ce type d'institution. Comme on est très en forme - cela, il faut le dire - en tant que profs, on est heureux, on a une clientèle assurée et, sur le plan humain, on n'a aucune inquiétude d'ici à quinze ans et presque jusqu'à notre retraite, en ce qui nous concerne nous deux et quelques collègues...

Le Président (M. Dupré): Vous êtes très jeunes encore.

M. Brodeur: Les congés mi-temps, on va être bons pour jouer dans cela, on s'est dit: La mission de l'ITAA, qui ne nous appartient pas en passant, mais qui appartient à la société québécoise, est-ce qu'elle ne pourrait pas se définir encore plus pour devenir un service encore plus fort dans cela? Cela a été l'intuition de base qui a précédé notre fête de Noël, parce qu'on a fait le rapport alors que nous étions en vacances. Cela veut dire que, lorsque des profs font un rapport présenté à une commission, alors qu'ils sont en vacances, ils aiment leur job, c'est à peu près cela. On ne s'est pas rendu jusqu'aux chiffres, mais toi qui connais les chiffres peut-être...

M. Hamel: Sans connaître la valeur absolue des chiffres, ce qu'on peut affirmer en tout cas, c'est que de disposer de ce dossier dans un centre où il y a déjà des ressources, cela va sûrement coûter moins cher que de créer de toutes pièces un centre qui n'existe pas. C'est dans ce sens finalement que notre proposition se fait, c'est qu'on a déjà une expertise, on a déjà des personnes-ressources, on a une volonté. L'adjonction à cette mini-structure ou à ce lieu-là, de personnes supplémentaires, aurait beaucoup plus d'impact au niveau de la formation que d'en créer un de toutes pièces qui n'a aucune base actuellement.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce centre-là viendrait possiblement - pas juste possiblement - rehausser la qualité de l'enseignement des institutions comme on a à l'UPA La Pocatière. C'est dans ce sens-là qu'on lisait cela pour que ma crainte soit éliminée.

M. Hamel: Exact. Les productions qui seraient faites seraient disponibles aux autres. On n'est pas là pour essayer d'étouffer les autres. On est là pour essayer de fournir aux autres un support pédagogique, des ressources dont ils ne disposent pas actuellement. Si on a de la difficulté pour trouver des finances pour créer un centre, je vois difficilement comment on pourrait en créer 30. À ce moment-là, on est mieux de mettre nos énergies dans un centre et de lui donner un mandat qui lui permette, qui lui facilite l'extension ou l'expansion de ses services. En fait, c'est une solution à bon marché qu'on vous offre.

M. Brodeur: Puis, il y a une autre chose qu'on peut ajouter, c'est vraiment le mot lieu. Quand on parle de volonté de concertation, je crois qu'elle existe et elle a été manifestée, mais jamais collée à un lieu. Comme à Saint-Hyacinthe, on est proche des champs, pour les producteurs et tous ceux qui sont dans l'entreprise agricole, cela réfère à quelque chose de plus viscéral que, par exemple, le 200 chemin Sainte-Foy où c'est beaucoup plus "cimenteux". Comprenez-

vous? C'est dans ce sens-là qu'on dit: C'est une belle place.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Vous êtes plus près des vaches sûrement ici qu'à Sainte-Foy, malgré qu'à Montréal avec ce qu'ils veulent construire au niveau du ministère de l'Agriculture pour montrer aux gens de Montréal c'est quoi une vache, je pense au centre des expositions...

J'aurais voulu poser tout à l'heure la question aux gens de la Fédération de l'UPA. On parle beaucoup de recherches aussi. On sait que les agriculteurs, les syndicats, les producteurs de lait, je pense que sur leur paie, il y a une certaine partie, quelques sous qui vont pour la publicité: "Mon lait, je le bois comme je veux, quand je veux et de toutes sortes de manières". Contrairement à ce que tous les mémoires demandaient, ce que l'État peut faire pour les agriculteurs, mais ce que les agriculteurs - il ne faudrait pas demander cela à la relève - peuvent faire pour l'agriculture, au niveau de la recherche, je pense que ce serait les gens qui sont déjà établis depuis quelques années. Cela ne veut pas dire que, même si on est une commission parlementaire, écoutez, l'agriculture est à terre au Québec. On n'est pas pour aller se pavaner et dire: L'agriculture se porte bien, tout va bien, il n'y a pas de problème en agriculture. Au contraire, il y a des problèmes. Il y a des recherches qui s'en viennent avec les nouvelles productions et tout cela. Il me semble que cela intéresserait aussi les agriculteurs, un genre de recherche qui se ferait en collaboration avec les institutions, le gouvernement et l'agriculteur pour l'intéresser davantage, parce qu'on sait qu'il ne s'en fait pas de recherche au Québec. Regardez les budgets, il n'y en a presque pas, comparez avec d'autres provinces. Qu'est-ce que vous pensez de cela? J'aurais aimé poser la question tout à l'heure aux gens de l'UPA.

M. Brodeur: Votre question est quand même très vaste. Cela veut peut-être tout simplement dire que je n'ai pas la réponse. Je remarque qu'à partir de notre expertise, avec en moyenne 150 fils de producteurs et productrices par année, moi c'est par cela que je connais l'agriculture. On est arrivé à rencontrer les parents, des centaines de maîtres de stage également. On a commencé, je crois, ce qu'on appelle un réseau dans lequel ils sont impliqués dans la formation. Ces quelque 300 ou 400 producteurs viennent participer même à des journées de réflexion sur l'avenir de l'agriculture, de leur fils, transferts, etc. Je pense qu'il faudrait augmenter cela.

Un indice qui est fort intéressant. Des parents ont demandé à rencontrer à l'ITAA, les maîtres de stage, donc d'autres producteurs d'autres régions de la province qui vont accueillir leurs fils. Quand ils nous disent: Est-ce qu'on pourrait les rencontrer une journée pour parler? Pour moi, ce sont de petits pas qui montrent qu'il y a quelque chose.

Par rapport à ce centre de concertation, je pense qu'il faudrait justement se concerter avec eux pour arriver à des formules comme celles-là, qui existent tellement plus facilement en France où, sur mesure, quinze producteurs demandent une session de perfectionnement durant l'hiver et ils l'ont facilement, ressource que nous n'avons pas. Mais ce centre de concertation pourrait servir de plateforme de départ. (17 h 15)

M. Hamel: Comme Jacques le soulignait, chez nous, déjà, les agriculteurs participent à la recherche, dans le sens que tous nos maîtres de stage fournissent à nos étudiants des laboratoires exceptionnels, des laboratoires qu'aucun État ne pourrait se permettre de payer. Ils offrent à la fois l'infrastructure, le matériel, leur compétence et leur temps. Ils offrent tous ça, actuellement, et gratuitement. À mon avis, si on parle d'efforts de recherches, on peut dire que ces agriculteurs, ils participent et pleinement.

Pensez simplement à combien ça pourrait coûter à l'État d'offrir à 150 étudiants un tracteur pour s'expérimenter. Pensez, maintenant, à comment il serait impossible dans le secteur de la formation de donner ou de fournir toutes les caractéristiques de la réalité. La méthode la moins dispendieuse, ce sont, à notre avis, les stages. Les agriculteurs, dans ce cadre, ils participent. Il ne faut pas dire que c'est totalement de façon bénévole, parce qu'eux aussi, ils retirent un certain avantage de ça, une contre-partie qui est fournie par l'étudiant et aussi par l'encadrement qu'il reçoit de la part de l'équipe des professeurs,

M. Brodeur: J'aimerais ajouter, M. le député, si ce n'est pas trop, une demande qui nous a été faite récemment de la part des parents; c'est à peu près ceci: sur le plan financier, on est de plus en plus conseillés et bien. Sur le plan technique également. Mais on a des problèmes de relations avec nos fils et nos filles et, là-dessus, on est tout seuls. Est-ce que vous autres, à l'ITAA, vous ne pourriez pas commencer à nous aider là-dedans? Mon gars, je ne suis pas capable de lui parler et ainsi de suite. Des gars et des filles de producteurs commencent maintenant, dévorent des cours qui étaient autrefois réservés à la philosophie - il y en a-t-il du ministère de l'Éducation; j'espère pas trop -exclusivement à étudier je ne sais pas qui, quelque dépressif du Moyen-Âge, je ne sais pas. Cette année, voilà qu'on se met à

parler de ce que l'on vit comme homme dans l'éventualité du transfert, avec un père qui nous force à le prendre. On commence à établir des liens parents-enfants là-dessus.

Je pense aussi qu'on répond à un besoin et ça commence à se savoir. Il faudrait élargir ça encore plus.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord féliciter les professeurs de l'ITAA de leur mémoire et aussi de leur accueil ce matin. Ne venant pas d'une région agricole, je représente les consommateurs, parce que sur la Côte Nord, l'agriculture étant tout à fait inexistante, nous sommes des consommateurs et j'ai de l'intérêt d'être parmi vous.

Je n'ai pas l'occasion non plus de connaître les personnes qui sont en arrière, alors, je vous salue tout le monde, chacun d'entre vous, en particulier.

Ce qui m'a impressionné depuis deux ou trois jours parmi tous les nombreux mémoires qu'on a entendus, c'est qu'un fait revient régulièrement, la formation. Vous l'avez rendue un peu comique au début de votre mémoire et je pense que c'est intentionnel. Mais il y a quand même des vérités fondamentales là-dedans. Philosophie pour philosophie, l'Université Laval nous a dit la même chose.

Au Québec, il faudrait s'attendre un jour qu'il y ait quelqu'un ou un organisme qui se charge d'une formation adéquate. Les banques nous ont dit carrément pourquoi elles ne faisaient pas confiance à la relève. Elle nous l'ont dit carrément que les banques ne faisaient pas confiance, non pas nécessairement à la relève, mais elles faisaient confiance uniquement aux entrepreneurs, aux gens qui avaient des qualités d'entrepreneur, puisqu'une ferme -appelons-la familiale ou autre - c'est une entreprise. Pour gérer une entreprise, ça prend des qualités d'entrepreneur.

On ne gère pas une entreprise avec un excellent concierge, ni un excellent pêcheur. On gère une entreprise avec quelqu'un qui a le sens de l'entreprise. J'ai posé la question à la direction de la Faculté de l'agronomie et des sciences agro-alimentaires de l'Université Laval et je n'ai pas eu de réponse non plus.

Est-ce que, au Québec, il y a une possibilité de concertation pour qu'il y ait -d'abord, on nous a dit qu'il y avait trop de monde qui s'occupait de la formation agricole. J'étais très surpris parce que chez nous, je n'ai pas eu de plainte dans mon bureau de comté pour dire que les gens n'avaient pas de place nulle part, ça n'intéresse personne. Sauf qu'on doit s'attendre, un jour et toujours, qu'on va continuer d'être alimentés par quelqu'un.

Cette formation, est-ce que le fait qu'au Québec, que ce soit au ministère de l'Éducation, que ce soit l'option qu'on donne au secondaire, qu'on connaisse les différents cégeps, votre institut et d'autres différents instituts au Québec, vu, par exemple, la diversité des programmes, compte tenu des régions spécifiques, est-ce que ce serait une bonne chose, à un moment donné, qu'on ait une direction générale de l'enseignement agricole au Québec, comme nous en avons en papeterie, comme nous en avons une dans les pêches, comme nous allons en avoir une prochainement dans les mines? Est-ce qu'un jour ou l'autre on aura une direction générale? Et là, on aura de la compétence. Somme toute, dans votre mémoire, c'est un peu ça que vous nous dites tout en ajoutant spécifiquement à Saint-Hyacinthe.

Moi, je n'ai pas d'objection, n'en déplaise à mon collègue de Kamouraska-Témiscouata, je n'ai pas d'objection qu'il soit placé partout au Québec, mais est-ce que c'est possible, et est-ce qu'il y a une volonté au MAPAQ, est-ce qu'il y a véritablement une volonté de donner cet instrument plus que nécessaire si on veut vraiment nourrir le Québec? Voilà, je vous pose la question.

M. Hamel: Pour nous, la décision d'offrir un centre de concertation ne provient pas uniquement du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ça doit être une décision, une volonté politique qui établisse cette nécessité. Ce qu'on demande, c'est, parce qu'on est privilégié dans notre situation, on demande que ce soit nous qui puissions offrir ce service, parce qu'on pense que nous sommes les mieux situés pour le faire.

À savoir si les banques ont de la difficulté - vous avez soulevé plusieurs volets dans votre question, vous en avez soulevé au moins deux - si les banques voulaient plus prêter aux entrepreneurs qu'à d'autres gens, là-dessus, on est bien conscient qu'avec la valeur des fermes ou des entreprises, c'est décidément sur des gestionnaires que va se développer l'agriculture du Québec. En ce sens, on pense que les programmes de gestion et exploitation des entreprises agricoles répondent à ce besoin parce que, à la suite des consultations qu'on a faites dans différents milieux, le besoin de développer les gens dans les aspects de gestion et d'économie a été unanime. Dans ces programmes, cet aspect est particulièrement traité.

En ce sens, on pense qu'on développe des habiletés, des attitudes de gestionnaire. Les parents que nous avons rencontrés se sont dits un peu déçus de voir jusqu'à quel

point les étudiants, quand ils revenaient chez eux, n'étaient pas gestionnaires. Â cela, nous avons relié l'aspect de l'âge de ces jeunes lorsqu'ils sortent de chez nous avec la qualité qu'on leur demande. Quand on sait qu'à 20 ans, bien souvent, les étudiants ont tout juste à gérer leur portefeuille, et quand on leur demande: Maintenant, tu vas gérer une entreprise de 300 000 $, 400 000 $, 500 000 $, c'est bien de valeur, mais, à mon avis, c'est très logique de voir que l'étudiant n'est pas tout à fait prêt, qu'il lui manque un temps de mûrissement.

En fait, quand Jacques a soulevé l'aspect de suivi, on pense qu'en accordant davantage nos préoccupations à savoir comment l'étudiant s'inscrit ou poursuit son projet d'établissement, on pourra y arriver en collaboration avec les parents.

Sur le deuxième aspect qui est que trop de monde s'occupe de la formation, ce n'est pas qu'on pense qu'il y a trop de monde, c'est qu'on pense que les gens s'en vont avec la certitude que chacun d'entre eux y va dans le bon sens. Il n'y a aucune orientation spécifique reliée à cela. Je pense que le ministère de l'Agriculture est très bien placé pour donner de la formation agricole. Je pense aussi que le ministère de l'Éducation, quand il a ouvert les cégeps, a très bien répondu à une demande. Le problème n'est pas qu'il y a trop de monde, le problème, c'est de savoir dans quel sens on s'en va.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Saguenay, même si votre temps est écoulé, je vais vous accorder une dernière question.

M. Maltais: Je vais parler pour vous, M. le député de Saint-Hyacinthe. A force de reconnaître que l'expérience qu'on a vécue au cours des quinze dernières années n'est quand même pas un succès aussi éclatant que l'on voudrait le laisser voir, si on continue dans la même veine, je pense qu'au bout de quinze ans on aura peut-être des résultats pareils à ceux qu'on a aujourd'hui. Est-ce que parce que depuis quatre ou cinq jours tout le monde vient nous dire que la raison principale que la relève n'avance pas c'est qu'ils ne sont pas de bons administrateurs? Je suis bien prêt à croire tout ce monde-là mais il reste une chose, c'est que les fils de médecin ne sont pas tous médecins, les fils de notaire ne sont pas notaires. Est-ce que le fait d'être le fils d'un agriculteur nous garantit qu'on va être une bonne relève? Il faut se poser la question. Tous les fils de pêcheur ne sont pas des bons pêcheurs. Alors il faudrait peut-être à un moment donné au niveau de l'orientation et non pas au niveau de la décision du père mais au niveau de l'orientation du vouloir et de la capacité du jeune de gérer une pareille entreprise et de vouloir s'enligner dans cette vie-là. C'est un choix.

M. Brodeur: M. le Président, est-ce que je peux parler? Est-ce qu'il reste encore une minute?

Le Président (M. Dupré): Oui, oui, en concluant.

M. Brodeur: Je conclus en disant justement que j'aimerais avoir une heure pour dire que le modèle d'agriculture sur lequel on s'interroge et le financement de l'agriculture qu'il faut assurer à nos jeunes, ce n'est pas sûr qu'il faille remettre certaines choses en question là-dedans. Il n'est pas sûr que la grosse entreprise soit l'unique voie d'avenir. Ce que je veux dire, c'est que lorsque les banques viennent nous dire des choses, parce qu'elles viennent nous le dire chez nous aussi, elles ont raison de le dire parce qu'elles défendent cela, mais on a une préoccupation aussi du producteur, du futur producteur. Il y en a qui commencent à dire: Quand et comment pouvons-nous "fourrer les brakes" parce qu'on est dévorés et pris en otage par cela? Est-ce le modèle d'agriculture qu'on veut de la relève et ainsi de suite? Il commence à y avoir des endroits où cela réagit et nous sommes conscients de cela. Peut-être qu'il y aurait des pistes nouvelles à trouver. Ce n'est pas vrai que les modèles américains ou suédois, ou je ne sais pas d'où, doivent être les uniques qui vont nous influencer dans l'avenir. C'est pour cela qu'il faut un lien rapide où une concertation serait possible pour savoir où l'on va. Il faut laisser à tout le monde le choix si possible et ne pas laisser au capital la seule possibilité d'être messianique.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je pense que vous nous choyez aujourd'hui parce que vous avez mentionné que vous avez réservé ce mémoire pour notre commission, étant certain que vous seriez au moins entendus tandis que vous avez dit que cela arrive des fois qu'on va écrire des choses et on se demande si c'est lu. Je voudrais vous remercier de nous avoir fait ce cadeau d'une idée originale que je trouve de plus en plus intéressante au fur et à mesure qu'on vous pose les questions et on a des réponses.

Je voulais savoir si vous l'aviez déjà présenté à quelqu'un d'autre mais j'ai eu ma réponse tantôt. Vous revenez souvent sur l'importance de la concertation et je pense qu'effectivement vous avez raison de dire que presque tout le monde parle de concertation mais très peu de gens - et c'est peut-être assez difficile de faire de la

concertation - en font. Vous nous suggérez une façon de faire de la concertation qui ferait que dans l'ensemble du Québec on aurait à peu près le même niveau d'enseignement et ainsi de suite, si j'ai bien compris.

Tantôt vous avez mentionné des expériences ou des études que vous faites. Une qui m'a frappé c'est le niveau d'anxiété chez les jeunes par rapport à leur avenir. J'aimerais vous poser la question à savoir si vous êtes allé plus loin et si vous avez pu découvrir à quoi est dû cette anxiété et comment on pourrait peut-être faire pour la corriger. Vous avez aussi mentionné tantôt qu'on vous demandait une étude ou une expérience ou, enfin, on vous demandait de vous pencher sur le problème des relations parents-enfants, fils ou filles. J'aimerais aussi savoir où vous en êtes rendus parce que j'ai l'impression que vous touchez là un problème important pour la relève agricole, mais en même temps c'est un problème de société. Le problème de relations parents-enfants touche évidemment de façon concrète les agriculteurs et leurs fils ou leurs filles mais cela touche aussi l'ensemble de la société. J'aimerais savoir où vous en êtes rendus ou si vous avez commencé cette expérience-là. (17 h 30)

M. Brodeur: Je répondrai en disant qu'on a toujours cru et on le pensait jusqu'à ces derniers mois que le problème en agriculture c'en était un financier. Récemment on recevait à peu près une cinquantaine de parents pour une journée le samedi; c'est toujours le samedi qu'on travaille le mieux parce qu'on n'est pas payé! On recevait des parents qui nous disaient: Comment se fait-il que nos jeunes soient tellement idéalistes quand ils arrivent chez nous? On prévoit qu'ils vont arriver idéalistes. Cela est un premier son de cloche.

Voilà qu'on se retrouve en classe. Un jour, suite à une dynamique de groupe bien structurée, des étudiants commencent à dire: Moi, je ne l'ai jamais dit mais je vous le dis, je suis stressé, j'ai peur de rentrer chez nous, je ne peux plus parler à mon père parce qu'il m'a dit qu'il voulait, dès que je vais arriver en septembre, signer les papiers, le transfert de la ferme et ainsi de suite. Je n'ai pas encore commencé à sortir avec une blonde et je veux régler cela avant d'embarquer sur la ferme. C'est un gars de 20 ans. Là, dans une classe de 30, il y en a à peu près quinze qui, dans un feu roulant, disent: Comment cela qu'on n'en a pas parlé avant - ce sont des finissants qui vont partir - de cela, de ce stress? Le stress est constant. Les gens disent "on est pris en otage". Par ailleurs, mon père a fait une crise cardiaque. Si je ne prends pas tout de suite la ferme, il en fait une deuxième.

Anxiété, culpabilité, malaise affectif, c'est cela qu'on commence à analyser.

C'est rendu tellement loin que les finissants commencent à se concerter. Là, il est question que paraisse, dans Terre de chez nous, une nouvelle chronique permanente où des jeunes qui ne sont pas capables de parler à leurs parents, vont y aller via une chronique, en signant d'une façon anonyme, "Ce qu'on aurait voulu dire à nos parents". Cela va être piloté par des profs, pas trop coupé. Ils vont dire des choses, leur angoisse, leur stress. Ils ne signeront pas. Mais comme des gens me disaient, il va faire lire à son père cette chronique, son père va réagir vis-à-vis du troisième paragraphe en disant "ce n'est pas pire cela"; si le père comprend cela, le gars va dire: C'est moi, papa! On va même inviter les parents à répondre, toujours par voie anonyme, pas nécessairement donner les vrais noms parce qu'on ne veut pas faire une dynamique à l'échelle de la province, simplement identifier des problèmes qui se vivent, dont on n'est pas au courant.

C'est en relation avec cela qu'il y a eu cette autre expérience de parents qui nous disent: Sur le plan humain, relationnel, il se fait des choses dans les cessions de transfert de ferme. Il y en a beaucoup qui travaillent à des niveaux plus petits. Mais, d'une, façon globale, on n'ose pas parler d'humain dans des programmes de formation. Cela fait profs de philo qui ne veulent pas perdre leur job quand on parle de l'humain, de l'humanisme et ainsi de suite. Mais lorsque l'on creuse, on s'aperçoit que le problème no 1 d'aujourd'hui, il est un problème de communication et de relation. Quand on est en France et qu'on traverse les voies ferrées, on voit, à un moment donné "méfiez-vous, un train en cache un autre". Je dirais: Méfions-nous, le problème économique en cache un autre peut-être plus grave. C'est cet autre-là qu'il faut absolument mettre sur la table avec les problèmes économiques qui sont réels. Notre projet de concertation, c'est, à la limite, de donner à des gens, qui ont des compétences différentes, le goût de travailler ensemble, pour que le grand perdant ne soit pas le producteur. C'est trop triste de sauver l'agriculture au détriment de l'agriculteur.

Le Président (M. Dupré): Messieurs, comme la plupart de mes confrères, je me réjouis de votre initiative. Je m'en réjouis doublement, je ne sais pas trop pourquoi, mais vous voulez le faire à Saint-Hyacinthe...

M. Brodeur: On est mobile!

Le Président (M. Dupré): J'ajouterais ceci, je ne suis pas certain que les inquiétudes de mon confrère, à savoir si cela va coûter bien de l'argent... Parce que, si on coordonne, si on planifie, si on s'organise,

peut-être aussi qu'on va en économiser quelque part.

Pour ma part, je vous remercie beaucoup de votre présentation.

M. Brodeur: Merci, cela nous donne le goût de revenir.

Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe

Le Président (M. Dupré): Nous entendrons maintenant l'Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe.

La commission continue ses travaux. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et d'identifier ses collègues.

M. Bessette (Yves): D'accord. Bonjour tout le monde. Je me présente, Yves Bessette, je représente la relève à l'école de Saint-Hyacinthe. Mes collègues sont M. Paul Langelier, du service de l'éducation; Mme Christiane Bérard, représentante de la relève également; M. Luc Hébert, de la région de Varennes, et M. Guy Lapointe de la région de Rivière Noire.

Le Président (M. Dupré): Comme les deux autres intervenants précédents, vous avez une heure en tout.

M. Bessette: En parlant de l'agriculture, les grands-parents disent: Tout est changé; les parents, pour leur part, affirment que tout change trop vite et, finalement, les enfants croient que cela ne change pas assez vite. En tout cas, tout le monde s'entend pour dire qu'il y a du changement.

Si notre syndicat, l'Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe, a voulu présenter son point de vue devant la commission parlementaire, c'est pour indiquer les changements souhaités par les jeunes au niveau de l'agriculture et plus particulièrement de l'établissement des jeunes en agriculture. Quand nous parlons de changements souhaités, nous ne parlons pas de changements souhaitables, mais bien de changements nécessaires. De plus, à notre avis, les politiques qui seront mises de l'avant dans les prochaines années, au niveau de l'établissement des jeunes en agriculture, influenceront directement le développement de l'agriculture québécoise.

Le syndicat de la relève agricole de la région de Saint-Hyacinthe aura bientôt cinq ans et c'est à partir de cette expérience, à la fois jeune et riche, que nous allons essayer de faire le point sur la situation de la relève dans la région de Saint-Hyacinthe. Pour ce faire, nous traiterons successivement des points suivants: l'importance de la relève agricole, la formation professionnelle des jeunes, le rôle du MAPAQ auprès de la relève, le crédit agricole, la fiscalité et la banque de terres arables.

Avant d'entrer de plain-pied dans le vif du sujet, nous tenons à préciser que nous sommes affiliés à la Fédération de la relève agricole du Québec. À ce titre, nous avons participé à l'élaboration du mémoire présenté par notre fédération et si, à notre tour, nous présentons un mémoire, c'est pour apporter une certaine couleur régionale et insister sur un certain nombre de points qui nous apparaissent particulièrement importants. Mais, globalement, nous partageons le point de vue avancé par notre fédération à l'intérieur de son mémoire.

Le premier point, l'importance de la relève agricole. Avec ce titre, nous ne voulons pas faire de nombrilisme; bien au contraire, nous voulons essayer de voir comment et pourquoi se pose la question de la relève agricole au Québec ou, en d'autres termes, voir dans quel contexte se pose la question de la relève.

En 1941, on comptait 150 ODD fermes au Québec; en 1951, il y en avait encore 135 000. Le nombre de fermes n'est plus que de 91 000, en 1961, et de 61 000, en 1971. En 1981, on comptait, au Québec, 38 000 fermes dont les ventes dépassaient les 2500 $. Au fur et à mesure qu'on se spécialise, bon an mal an, on perd un tiers des fermes du Québec à tous les dix ans.

Le quart de la production agricole du Québec a été vendu, en 1981, par seulement 750 fermes et 4000 fermes ont vendu la moitié de la production. C'est dire qu'avec 4000 autres fermes semblables, soit 4000 qui vendraient plus de 100 000 $ de produits par année, tout pourrait être produit au Québec par seulement 8000 fermes. Ceci est tiré d'une conférence de Michel Morisset.

Dans la région de Saint-Hyacinthe, 60% de la valeur totale de la production est produite par 16, 4% des fermes. Nous pourrions faire état de plusieurs autres données statistiques, mais notre objectif n'est pas là. En effet, nous voulons seulement illustrer qu'il y a une tendance importante vers une concentration des entreprises agricoles.

Certains diront que c'est normal; d'autres diront qu'on ne peut empêcher ce processus; d'autres diront que cela va se stabiliser et d'autres... En ce qui nous concerne, nous croyons que le choix à long terme est clair. Nous avons à choisir entre: premièrement, une agriculture dominée par les multinationales où les jeunes seront des travailleurs agricoles; deuxièmement, une agriculture familiale, c'est-à-dire où la famille immédiate, parents et enfants, possède l'entreprise, la contrôle et apporte la majorité du travail nécessaire. Pour les gens qui nous trouveraient alarmistes, nous leur conseillons, entre autres, de visionner le film de l'ONF "La ferme familiale en danger".

Nous parlions précédemment d'un choix

à long terme, mais ce choix à long terme, c'est par les choix à court terme qu'il va se réaliser. En d'autres mots, aujourd'hui, il faut mettre en place les conditions nécessaires pour qu'un jeune puisse s'établir décemment en agriculture en sachant qu'en faisant ce geste, c'est, en grande partie, un type de développement de l'agriculture que nous choisissons. Donc, les conditions d'établissement seront de même nature que le type de développement agricole souhaité.

Deuxième point, la formation professionnelle des jeunes. À ce chapitre, la question centrale demeure: Pourquoi pas plus de 20% des jeunes qui s'établissent ont une formation agricole terminale? L'ensemble des intervenants en formation agricole s'entend pour dire qu'il faut sensibiliser le milieu agricole à l'importance, à la nécessité de la formation. Nous partageons ce point de vue tout en disant que la solution à ce problème ne s'arrête pas là. En effet, nous croyons qu'il est tout aussi important que le produit offert, la formation offerte réponde aux attentes des jeunes. Dans notre région, il n'y a pas de problème d'accessibilité, étant donné que plusieurs institutions dispensent de la formation agricole de niveaux secondaire et collégial.

Cependant, nous croyons qu'il y a un problème au niveau du produit offert et nous osons mettre de l'avant trois propositions qui pourraient améliorer la situation: premièrement, adapter la période des cours à la réalité agricole, à la disponibilité des jeunes, du début de novembre à la fin de mars; deuxièmement, pour les jeunes qui ont une expérience en agriculture, reconnaître officiellement et formellement leurs acquis pratiques; troisièmement, un jeune qui termine un cours agrotechnique au niveau secondaire devrait pouvoir s'inscrire dans une option agricole de niveau collégial.

Peu importe si le jeune a suivi une formation agricole terminale, il demeure que l'éducation aux adultes a un rôle aussi important dans la perspective d'une formation continue. D'ailleurs, c'est un secteur qui a rejoint plusieurs jeunes depuis cinq ans. Comme il est mentionné dans le mémoire de la Fédération de la relève agricole du Québec, si tous les cours suivis par la relève à l'éducation des adultes avaient été accrédités par des maisons d'enseignement, quel serait le niveau d'instruction des jeunes d'aujourd'hui?

Quatrièmement, que la formation dispensée par l'éducation aux adultes soit accréditée, ainsi que l'expérience acquise par le jeune. Depuis le début, nous avons parlé de formation en institution. Mais la formation en dehors des institutions est tout aussi importante dans l'optique d'une formation continue et globale. À ce niveau, le syndicat de la relève agricole a joué et continue de jouer un râle des plus déterminants. Qu'il suffise de mentionner quelques exemples d'activités organisées par le syndicat: session de simulation d'achat de ferme, trois jours; session en économie agricole, deux jours; session animation et leadership, deux jours; plusieurs soirées d'information sur tous les sujets possibles; des journées d'études sur la fiscalité, la ferme familiale, etc.

Afin de reconnaître l'importance de cette formation en dehors des institutions, nous proposons: Que le budget du MAPAQ accordé à la relève agricole soit plus disponible; en d'autres termes, que les procédures administratives soient plus simples afin que les groupes y aient davantage accès; que le montant maximal par projet passe de 2000 $ à 3000 $ à l'intérieur de ce programme du MAPAQ. (17 h 45)

Le rôle du MAPAQ auprès de la relève agricole. Tout d'abord, parlons du conseiller régional en relève agricole. Le rôle de celui-ci pourrait se traduire de la façon suivante: un animateur auprès de la relève agricole; une personne qui voit à la promotion et à l'organisation de la formation; une personne qui assure le lien entre les conseillers locaux; une personne qui collabore aux projets mis de l'avant par le syndicat au plan régional.

Pour ce qui est des conseillers locaux, nous croyons que leur rôle est de soutenir les groupes locaux de relève agricole; voir à la promotion et à l'organisation de la formation; aider les jeunes individuellement à préparer leur projet d'établissement; collaborer aux projets mis de l'avant par leur groupe local de relève agricole.

Concrètement voici nos propositions sur le rôle du MAPAQ auprès de la relève: Que dans la région agricole 06 il y ait un conseiller régional en relève agricole à 100% de son temps; que dans chaque bureau de renseignements agricoles il y ait un conseiller local en relève agricole à au moins 25% de son temps.

Le crédit agricole. Nous pourrions parler longuement du crédit agricole, puisque plusieurs programmes sont administrés par l'Office du crédit agricole. Mais notre objectif n'est pas de faire une analyse systématique de tous les programmes dans tous leurs détails. Notre objectif est d'abord et avant tout de regarder ce qui devrait être spécifique à la relève au niveau des politiques du crédit agricole.

Actuellement, comme mesures spécifiques à la relève, il y a la subvention de 8000 $ en vertu de la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles ou un rabais d'intérêt sur les premiers 50 000 $ du prêt pour une période de cinq ans et ce, en vertu de la Loi favorisant l'établissement des jeunes agriculteurs et agricultrices.

Par rapport à ces deux lois nous

proposons: Que la subvention à l'établissement de 8000 $ et le prêt de 50 000 $ sans intérêt pendant cinq ans soient maintenus ainsi que le choix entre les deux formules; que les 50 000 $ soient appliqués sur la dernière tranche du prêt, qu'ils soient indexés à tous les trois ans et que les 8000 $ soient portés à 15 000 $.

Même si ces améliorations étaient apportées, nous croyons que ce serait insuffisant, En effet, à notre avis, il faut ajouter une nouvelle mesure spécifique à la relève, celle du taux croissant.

Il est proposé que, lors de son établissement, un jeune, dans le cadre des programmes de crédit agricole à long terme, ait un taux d'intérêt croissant partant de 2% et augmentant de 1% par année et ce, sur une durée de huit ans ou jusqu'au moment où le taux croissant rejoindra le taux subventionnable en vigueur; que ce prêt à taux croissant s'applique sur un montant de 150 000 $, lorsqu'il y a un jeune d'admissible, et sur un montant de 250 000 $ lorsqu'il y a deux jeunes ou plus d'admissibles; que ce prêt consenti à taux croissant ne soit pas transférable.

Pour réfuter ces propositions, certains diront qu'avec les programmes actuels il y a suffisamment de jeunes qui s'établissent. Oui, mais à quelles conditions? À quel prix et pour combien de temps?

La fiscalité. Le gouvernement du Québec a récemment apporté des modifications fiscales au niveau de l'impôt sur les dons et au niveau des taux d'intérêt prescrits. Nous ne voulons pas, à ce chapitre, remettre en question les politiques fiscales. Par contre, nous voulons remettre en question la philosophie sous-jacente à ces politiques.

La philosophie sous-jacente aux politiques fiscales actuelles en est une restrictive plutôt qu'incitative. Expliquons-nous. Les politiques fiscales actuelles sont restrictives dans le sens où leur objectif premier est d'imposer à l'occasion du transfert des fermes. Des politiques fiscales incitatrices permettraient, quant à elles, de favoriser le transfert des fermes. Pour nous, il ne s'agit pas de trouver des moyens d'évasion fiscale, mais bien de trouver d'autres moyens fiscaux pour faciliter le transfert des fermes d'une génération è l'autre.

Nous proposons: Que les ministères du Revenu ainsi que de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, avec l'UPA et la Fédération de la relève agricole du Québec, se donnent un comité de travail afin d'explorer de nouvelles avenues au plan fiscal et ce, dans la perspective de politiques fiscales incitatives; que ce même comité étudie les problèmes fiscaux et légaux reliés aux méthodes graduelles de transfert et qu'il explore de nouvelles avenues.

Enfin, la banque de terres arables. Depuis le moment où on parle de cette banque, on parle de favoriser l'établissement de la relève. Mais comment, dans sa forme actuelle, la banque de terres pourra-t-elle favoriser l'établissement de la relève?

D'après les informations que nous avons recueillies, il nous apparaît que le critère premier, le critère déterminant au niveau de la banque est la production céréalière. En effet, ce programme nous apparaît être un programme dont l'objectif est le développement de la production céréalière et la remise en état de terres en friche et sous-utilisées. Si ça peut aider la relève, tant mieux, mais ce n'est pas ce qui est recherché.

Par contre, nous croyons que la banque de terres peut être un élément positif pour la relève, mais pas dans sa forme actuelle. C'est pourquoi nous proposons que le projet de banque de terres arables soit révisé et que cette révision se réalise en consultation avec la Fédération de la relève agricole du Québec et l'UPA.

En conclusion, au début, nous disions que les conditions d'établissement mises en place seront de la même nature que le type de développement agricole souhaité. À l'intérieur du présent mémoire, nous avons proposé des mesures qui, croyons-nous, favoriseront le développement de la ferme familiale et non le développement de la concentration.

Mais la véritable conclusion ne peut pas être écrite dans ce mémoire, puisqu'elle réside dans les suites que l'État donnera à cette consultation.

De plus, quand on parle d'agriculture, on parle d'un secteur générateur d'emplois. Par conséquent, les suites données risquent d'affecter l'ensemble du secteur agro-alimentaire.

L'avenir de l'agriculture passe par le présent des jeunes en agriculture.

Le Président (M. Dupré): Je vous remercie beaucoup. Avant de passer la parole au député d'Arthabaska, j'aurais une couple de questions à vous poser. Â la page 5, lorsque vous parlez des budgets que vous pouvez avoir du MAPAQ, quelles sont les procédures? Est-ce que c'est long? Quelles procédures employez-vous pour réussir à obtenir ces montants?

M. Bessette: Présentement, ce n'est pas contesté. Ce qu'on n'aime pas tellement, c'est que le formulaire qu'on doit remplir pour avoir le crédit disponible est assez compliqué. Cela prend de la bureaucratie quasiment pour remplir ce formulaire. Nous, on demande qu'il soit plus accessible aux petits groupes de la relève agricole. Présentement, on trouve qu'il est seulement accessible aux groupes régionaux. Au niveau

local, on a de la misère. Premièrement, on n'a pas les compétences pour remplir ce formulaire qui est assez compliqué. Deuxièmement, quand on veut demander un petit montant, des fois 200 $, 300 $, 400 $, le temps que cela prend pour recevoir l'argent... Vous n'avez pas tout l'argent au début. Le temps que cela prend et les complications, cela nous amène des fois... Si c'est un petit projet, on aime mieux s'arranger avec nos propres moyens que de le demander.

Le Président (M. Dupré): Vers la fin, à la page 8, vous pariez de la banque de terres arables. Est-ce que vous avez des idées là-dessus? Vous demandez que cette révision se réalise en consultation; quels sont les changements que vous voudriez voir apporter? Vous pouvez m'en dire quelques-uns. De quelle manière voyez-vous cela?

M. Bessette: Présentement, la banque de terres arables, comme elle devrait fonctionner - je pense qu'elle ne fonctionne pas encore, après je ne sais combien d'années - l'objectif est de ramasser des blocs de terre, de faire d'assez grands lopins pour développer la production céréalière. Donc, le critère pour obtenir ces lopins... Je parle des lopins, mais cela peut couvrir 300, 400 ou 500 arpents. Ce qui est visé par le projet de la banque de terres, premièrement, cela prend quelqu'un qui est déjà fortement engagé dans la production pour prendre cela. Ce n'est pas un jeune qui n'a rien ou presque rien, qui voudrait partir à côté.

Le Président (M. Dupré): Si jamais vous vouliez partir dans le vison, est-ce qu'il y aurait accès?

M. Bessette: Non.

Le Président (M. Dupré): Sans sol, non. Sans sol, c'est totalement exclu présentement.

M. Bessette: La banque de terres arables, c'est seulement une banque de terres.

Le Président (M. Dupré): Oui, je comprends.

M. Bessette: Même pas une banque...

Le Président (M. Dupré): Est-ce qu'un jeune pourrait avoir, je ne sais pas moi, 4, 5 arpents carrés pour partir dans le vison?

M. Bessette: Non. La banque de terres arables, son objectif est de ramasser des lopins de terre, comme je vous dis, de plusieurs centaines d'arpents même et de développer la culture céréalière là-dessus.

Le Président (M. Dupré): Seulement.

M. Bessette: Seulement. Même s'il y a des bâtiments, on ne prévoit même pas faire la production animale dessus. On prévoit seulement faire de la production céréalière.

Le Président (M. Dupré): Est-ce que c'est comme cela dans toutes les régions? On sait que c'est appliqué... c'est 20 000 000 $ qu'on avait adoptés?

M. Baril (Arthabaska): C'est un budget de 20 000 000 $.

Le Président (M. Dupré): C'est un budget de 20 000 000 $ qu'on avait adopté l'automne passé.

M. Bessette: C'est 20 000 000 $. C'est prévu pour toutes les régions. C'est justement, dans toutes les régions, comme dans la Beauce, le Bas-du-Fleuve, ce n'est pas tellement la culture céréalière qui est à la mode, ce n'est pas tellement ça qui est rentable. C'est le but qui est visé par la banque de terres arables présentement et c'est ça qu'on va...

Le Président (M. Dupré): C'est peut-être comme cela que cela est appliqué, mais ce n'était pas notre but quand on l'a adopté. En tout cas, je suis content de vous entendre là-dessus.

Je vais passer la parole au député d'Arthabaska.

M. Langelier (Paul): Lorsqu'on regarde les premiers écrits qui ont été faits, il y a déjà de ça deux ou même trois ans, sur les objectifs de la banque de terres et la formule à laquelle on en arrive aujourd'hui, tel que cela nous a été expliqué, voilà deux mois environ, par les gens de l'office, il reste qu'il y a une grande différence. Ce qui nous était apparu lorsqu'il en avait été question, voilà deux ou trois ans, c'est qu'effectivement l'objectif prioritaire de la banque serait de favoriser l'établissement de la relève. Alors qu'aujourd'hui, finalement, le critère déterminant au niveau de l'accessibilité à cette banque, c'est d'être en production céréalière. Encore là, c'est plus précis que ça, c'est dans la mesure où tu vas remettre en état des terres en friche, où tu vas valoriser des terres sous-utilisées, toujours du point de vue céréalier.

Donc, à ce moment-là, peut-être que c'est un programme intéressant pour le développement de la production céréalière. On dit peut-être, sauf que ce n'est pas ça qu'était l'objectif et ce n'est pas ça qu'on perçoit, au niveau du syndicat de la relève, comme étant nécessaire pour aider la relève.

Le Président (M. Dupré): Merci. M. le

député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, merci beaucoup. Au nom de ma formation politique, j'aimerais féliciter, d'abord, et remercier l'Association de la relève agricole de Saint-Hyacinthe d'être venue nous présenter ce mémoire.

Pour continuer dans la même veine, sur la banque de terres, vous avez entièrement raison quand vous dites que la loi qui avait été adoptée, avec ses principes fondamentaux, allait dans le sens d'aider la relève agricole. Lorsqu'un jeune voulait s'acheter une ferme et qu'il n'avait pas le capital voulu, n'avait pas les possibilités voulues, il allait voir l'agent de l'office, parce que c'était administré par l'office, et l'achetait à son nom avec un bail de location d'une durée déterminée et avec, évidemment, une option d'achat.

Ma question est celle-ci: Est-ce que cette formule, à vous autres, aux jeunes, vous fait peur? Vous savez, le jeu de la démocratie politique fait en sorte que... Nous, puisqu'on voulait appliquer cette formule, on nous disait que c'était une mesure socialisante, que le gouvernement du Québec s'emparait de tous les sols québécois et qu'on deviendrait comme en Russie, que c'était nous qui contrôlerions partout.

J'aimerais vous entendre pour voir si cette formule, que vous connaissez d'ailleurs et qu'on voulait appliquer, vous faisait peur ou si ça fait peur aux jeunes. Est-ce que vous auriez aimé que ça s'applique dans le sens où je pense qu'on est d'accord?

M. Bessette: Je pense que le point de vue que le gouvernement devienne socialisant, comme vous le dites, on n'a jamais eu peur de cela. Bien au contraire, on était très optimiste quand ce projet est sorti. Le problème, c'est que, justement, au fur et à mesure que le projet de banque de terres arables se développe, on s'aperçoit que la réalité envers la relève agricole n'est pas là. C'est un projet; on y vise quasiment plus les producteurs déjà établis, afin qu'ils puissent se grossir, concentrer encore plus leur ferme. On aide le producteur déjà établi.

Si vous prenez la production céréalière, c'est une production qui demande quand même certains investissements, un certain actif en machinerie, surtout, et ça prend quelqu'un qui a déjà du capital, de l'actif pour pouvoir démarrer. C'est certain que le but... C'est une production qui est assez difficile à partir, la production céréaiière, avec un gros lopin de terre. Si c'étaient des petites parcelles de terre avec une centaine d'arpents pour vraiment aider la relève agricole, si un jeune pouvait partir là-dessus, 100 ou 150 arpents, et que son père pouvait lui prêter la machinerie, ce serait parfait.

Mais je pense que l'objectif n'est pas tout à fait dans ce sens.

M. Baril (Arthabaska): L'application de la banque de terres, aujourd'hui, telle qu'on la connaît, ne correspond pas du tout, absolument pas à l'objectif que nous, on voulait atteindre. Au début, quand on a adopté la toi - la loi, c'est une chose, vous savez, mais les règlements, c'est une autre affaire - déjà, quelqu'un m'avait dit que les règlements sont bien plus importants que la loi. J'ai compris ça vite. C'est ça que je veux dire.

Quand le gouvernement a établi sa réglementation, avec toutes les mises en garde que nous avions eues, on ne voulait quand même pas se faire accuser d'être des socialistes. On se fait accuser assez de même! Mais c'était ça. Le but de la loi, c'était d'aider un jeune qui voulait acquérir une propriété, que ce soit de son père ou d'un étranger, peu importe. Il allait voir l'office et il lui disait: Moi, je suis prêt à l'acheter. Je vais la louer pour dix, vingt ans, peu importe.

C'était ça, le but. Ce n'était pas juste d'acheter des terres qui ne sont pas cultivées ou des terres en friche et faire grossir ceux qui sont capables, de toute façon, de les acheter. Ce n'était pas ça, le premier but de la loi. Mais cela a été modifié en chemin. De toute façon, espérons qu'un jour ça pourra revenir et aider plus la relève qu'aujourd'hui. (18 heures)

Vous étiez ici, tout à l'heure, quand les enseignants de l'ITA nous ont fait part de la préoccupation des jeunes. J'ai bien aimé l'intervention parce que ça fait deux jours et demi qu'on écoute différents mémoires, on nous parle du financement, on nous parle de la formation, de la mise en marché, on nous parle de 25 affaires, mais on ne nous a jamais parlé du plan humain. C'est la première fois qu'on soulève l'aspect humain.

Est-ce que pour vous, la relève - vous avez sans doute pensé à ça parce que c'est vous qui avez quand même suggéré ces choses-là aux professeurs - le MAPAQ aurait un râle à jouer pour améliorer cet aspect, le plan humain, les relations entre parents et enfants? Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire, selon vous?

Une voix: Pour l'anxiété.

M. Baril (Arthabaska): L'anxiété? Je serais bien désireux de vous aider.

M. Bessette: Je vais répondre à cela. Le MAPAQ a déjà fait un bout là-dessus. Si je prends mon exemple personnel, ça fait seulement deux semaines que j'ai eu mon prêt de l'office. On a suivi notre...

M. Baril (Arthabaska): Vous êtes content?

M. Bessette: Non.

M. Baril (Arthabaska): Vous n'êtes pas content?

M. Bessette: Non, parce que ce n'est pas ça que j'avais demandé. Cela faisait deux ans que je l'avais demandé.

Si je me souviens bien, quand on avait fait le transfert, on avait suivi des cours parents-enfants parce que c'est vrai, comme monsieur de l'ITA le disait, que le père dit: Mon fils, je ne peux pas lui parler. Pour nous, c'est plutôt le contraire, c'est: Mon père, je ne peux pas lui parler. À un moment donné, la communication entre les parents et les enfants dans le domaine de l'agriculture, ce n'est pas seulement dans le transfert, c'est même dans le développement. À un moment donné, à la relève, nous avions une réunion régionale et on se demandait: Le développement de l'agriculture, c'est quoi pour nous, pour la relève? On s'est aperçu que le développement de l'agriculture n'est pas tout à fait comme les jeunes l'espéraient, que le grossissement des fermes, ce n'était peut-être pas désiré par tant de jeunes que cela. On s'imaginait que c'était le père qui disait: II y a deux ou trois jeunes qui s'en viennent, je vais grossir ma ferme pour les établir. Dans le fond, les jeunes ne voulaient pas cela, mats ils laissaient faire le père; ils disaient: C'est lui le patron, il fera ce qu'il voudra.

C'est là qu'on s'aperçoit qu'il y a un gros manque. C'est vrai que le plan humain dans l'agriculture, les jeunes et les parents, il y a un gros manque là-dessus. C'est pour ça qu'on parlait, dans la troisième intervention qu'on a faite, du rôle du MAPAQ auprès de la relève agricole. On parlait de conseillers locaux, à 25% de leur temps, pour aider les jeunes individuellement à préparer leur projet d'établissement. C'est là qu'on voit beaucoup le rôle de l'agronome local. Il n'est pas là seulement pour dire comment soigner ta vache pour qu'elle donne 20 000 livres de lait ou comment fertiliser ton champ pour sortir quatre tonnes de blé d'Inde à l'acre. Le rôle de l'agronome local est aussi sur le plan humain, pour aider les jeunes et les parents dans le transfert de la ferme.

Le mien m'a aidé, mais ce n'est pas dans toutes les régions que l'agronome est en mesure de faire cela. Le rôle du MAPAQ, là-dessus... C'est pour ça qu'on demandait des conseillers régionaux et des conseillers locaux; c'est là que le ministère pourrait intervenir, pour promouvoir, comment dire, le "parloting" entre les parents et les enfants.

Mme Bérard (Christiane): À un moment donné, on a suivi le cours du transfert de ferme et il y avait un monsieur qui était capable de nous faire parler. Cela a réussi à faire un déblocage, mais il aurait fallu que ça aille encore plus loin parce que, aussitôt qu'on est revenu à la maison, cela a fini là. Peut-être que, s'il y avait une continuité... Avec le monsieur qui était capable de nous faire parler, cela a duré vingt minutes. Vingt minutes avec quatre familles, il n'en restait pas beaucoup par famille.

M. Baril (Arthabaska): Le dialogue, aujourd'hui, c'est le problème de bien des familles.

Mme Bérard: De toute la famille. M. Baril (Arthabaska): Oui.

M. Langelier: II faut peut-être voir aussi que la façon dont se pose le problème, c'est très complexe. Au plan humain, dans le fond, les parents et les enfants vivent des relations à trois niveaux en même temps. Vous avez des relations familiales entre parents et enfants, des relations au niveau du travail, parce qu'ils travaillent ensemble sur la même ferme, et des relations en termes d'acheteur et de vendeur. Mettez tout ça ensemble autour d'un souper de famille et ajoutez à cela des changements dans la vie affective des enfants concernés, mariage ou autres, ce qui fait qu'en partant les conditions ne sont pas nécessairement faciles.

Comme il a été dit tantôt, dans le fond, la session de transfert parents-enfants est une session qui est apparue intéressante, mais, par contre, peut-être insuffisante, comme on le disait, c'est-à-dire qu'il faudrait qu'il y ait autre chose aussi par l'agronome local et peut-être aussi par d'autres formules.

M. Baril (Arthabaska): II y a aussi un détail qui revient souvent: on nous dit souvent que, ce qui préoccupe le vendeur, c'est de payer moins d'impôt. L'acheteur c'est d'essayer d'être capable d'acquérir à un prix qui va lui permettre d'arriver. Selon vous, les cours qui se donnent actuellement en formation agricole que vous suivez, est-ce qu'ils sont adaptés à la situation ou s'ils sont assez souples pour suivre l'évolution de l'agriculture d'aujourd'hui ou si selon vous c'est trop lent?

Mme Bérard: Je peux parler un peu. Ma soeur suit le cours présentement au niveau secondaire en agro-technique, mais cela fait deux ans qu'elle le suit et la première année il n'y avait rien de fait. Ce sont eux qui ont bâti le cours. Comme le disait le monsieur de l'ITAA, il n'y avait pas de matériel ou il manquait quelque chose. Il a dit: la première

année, on a perdu toute notre année. Cette année, elle dit que c'est différent parce que le gars connaissait cela; il sort de l'université et on suppose qu'il veut tout leur montrer dans la même année. Elle dit: Cette année on est "loadé" on en a trop. Peut-être que si vraiment il y avait eu le cours... Je ne veux pas dire de tout leur envoyer cela d'un coup mais peut-être leur apprendre pour que ce soit plus en longueur, sans trop étirer mais pour qu'au moins ce soit bien réparti. Cette année elle a été en stage, elle a suivi les cours de gestion, elle a suivi les cours de comptabilité et elle a appris à transférer une ferme. Je trouve qu'elle en a appris beaucoup dans une année. Elle aussi est bien contente d'avoir appris tout cela, mais tout cela a été trop peut-être. Si le cours avait été mieux bâti ou c'est peut-être expérimental, je ne le sais pas, je n'avais jamais entendu parler du cours. Sylvie l'a suivi cette année. Cela fait deux ans qu'elle le suit et elle a bien aimé cela. Elle était peut-être bien bonne pour y aller, mais l'ITAA pour elle c'est trop long. Il faut faire son secondaire V et s'en venir au cégep après. Quand tu fais ton secondaire V tu es rendu à 21 ans quand tu sors d'ici.

M. Baril (Arthabaska): Où a-t-elle suivi son cours?

Mme Bérard: À Saint-Césaire.

M. Baril (Arthabaska): C'est un collège, un cégep?

Mme Bérard: C'est une école secondaire.

M. Baril (Arthabaska): Une école secondaire.

Mme Bérard: C'est comme le disaient les professeurs tantôt: à l'ITAA il n'y avait peut-être pas le matériel pour établir le cours; c'était à titre expérimental.

M. Baril (Arthabaska): C'est là l'importance de leur centre de concertation.

Mme Bérard: C'est peut-être une solution. Je ne le sais pas, je ne connais pas assez cela mais je dirais que c'est peut-être une solution qui ferait qu'il y aurait moins de perte de temps pour les nouveaux élèves étant donné que c'est la première année du cours et les premiers élèves ont fait des expériences. Peut-être que les seconds cela ira mieux mais il en reste seulement quatre cette année.

M. Baril (Arthabaska): J'ai une question qui se rattache à votre mémoire: Pourquoi les 50 000 $ devraient s'appliquer à la dernière tranche au lieu de la première tranche?

M. Bessette: Parce que c'est tout le temps la dernière tranche qui est la plus chère.

Mme Bérard: II y aussi qu'à (a première tranche, bien souvent, quand il y a le transfert du père au fils ou à la fille, il est à 2%, 8% et ensuite il y a le taux normal. Mais en le mettant aux 50 000 $ en dernier tu gardes tes 2%, tes 8% et là tu t'en vas à 50 000 $.

M. Baril (Arthabaska): Je dois vous dire que j'aime rarement poser une question dont je sais la réponse, mais pour la forme, pour l'enregistrement des débats, je voulais vous l'entendre dire. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le. Président, pour votre rapport et pour tout ce qu'il y a de recommandations à l'intérieur, d'autant plus que nous avions eu l'occasion d'entendre seulement les représentants de l'Association provinciale de la relève agricole. Cela va évidemment dans le même, il va de soi parce que vous vivez les mêmes problèmes. Je suis heureux de constater que les discussions nous amènent à faire réaliser à mon bon ami et collègue d'Arthabaska que finalement quand on étudie une loi on n'a jamais assez de garantie de la part d'un ministre pour connaître exactement ses orientations. Souventefois, 80% ou 90% du temps - et cela je pense que tout le monde en est conscient autour de la table - c'est que les législateurs que nous sommes, lorsque nous arrivons dans nos bureaux de comté, que nous discutons avec nos électeurs qui nous apportent des problèmes concrets qu'ils ont à vivre avec une loi qu'on a adoptée, on est porté à se dire et on revient ensemble et on dit: Maudit, ce n'est pourtant pas cela qu'on a voté. Ce n'est pas l'esprit de la loi qu'on a votée. Pourtant, elle ne s'applique pas de la même façon. Évidemment, plus on montrera d'inquiétudes à l'étude, d'un projet de loi, plus on évitera des occasions et des situations comme vous avez décrites. Au moins, je suis heureux parce que j'aurai d'autres personnes pour m'appuyer en commission parlementaire pour l'étude des projets de loi, afin de nous faire avoir le plus de garanties possible de la part du ministre sur certains points qu'on voudrait voir éclaircis et sur certaines choses dont on doute avant que la loi soit mise en application. Tout compte fait, je pense que, au moins de ce côté, on aura réalisé certaines choses ensemble et ce n'est pas mauvais.

Je voudrais m'adresser à celui

malheureusement, je me rappelle plus de votre nom...

M. Bessette: Yves Bessette.

M. Picotte: M. Bessette, concernant votre prêt agricole, à maintes et maintes reprises, on s'est fait dire: Les délais sont beaucoup trop longs. Je me souviens d'avoir parlé avec un M. Camille Moreau, président de l'Office du crédit agricole - c'est enregistré à part cela, ce n'est pas une conversation privée - où on s'est fait dire que, depuis l'opération Desjardins, il me semble que c'est dans ce coin-là, que ce n'était pas si pire que cela, la demande de prêt agricole, que cela ne durait pas tellement longtemps, que c'était dans l'esprit des "charrieux" surtout que cela prenait du temps.

Il me semble que c'est un élément de nature à décourager la relève, d'attendre deux ans d'abord pour un prêt agricole. J'aimerais savoir pourquoi vous avez attendu deux ans. Y a-t-il des choses que vous avez négligé de faire, premièrement? Deuxièmement, est-ce que vous avez obtenu votre prêt agricole de la même façon que vous l'aviez demandé ou si on l'a modifié? C'est encore une chose qu'on nous a dite, qu'on modifie nos demandes en cours de route. J'aimerais vous entendre là-dessus, je pense que cela pourrait éclairer tout le monde. Ne vous gênez pas pour prendre le temps qu'il faut à part cela.

M. Bessette: Je ne suis quand même pas gêné de parler de mon cas personnel.

M. Picotte: Non, non, mais en général, ce n'est pas nécessaire...

M. Bessette: Non, je vais y aller avec mon cas personnel. La première consultation qu'on a eue, c'est en avril 1983; on avait été rencontrer le conseiller local. Il faut dire que, en cours de route, on a changé trois fois de conseiller local, sans le demander. Même, à un moment donné, on en a eu un autre, on en a même eu quatre. C'est le "fun"!

On a demandé des consultations. Étant donné que, comme tout le monde, mon père est poigné avec une entreprise de 600 000 $, je ne suis pas capable de tout acheter, on a formé une société, notre comptable nous a constitué une société. C'est bien beau tout celai J'ai acheté 60% des parts. Tu allais là, tu posais des questions pour savoir comment faire ton contrat de société, ce que tu voulais mettre dedans. C'était correct, le notaire comprend cela, il va vous faire cela, il n'y a pas de problème. Tu amenais une espèce de premier contrat de société, tu le leur montrais et il n'y avait jamais rien de correct pour eux. Tu leur demandais quoi mettre, il n'y avait rien là, c'était le notaire qui connaissait cela. Quand tu le leur montrais, ce n'était pas correct.

Finalement, avant qu'ils acceptent le contrat de société, cela a pris une couple de mois. On a changé un peu d'idée, là. On a déposé officiellement notre demande en juin 1984. J'avais demandé d'acheter 60% de la part de mon père en faisant une société. Mon père reste déjà au village, il est déjà retiré complètement de la production depuis presque trois ans. Il reste au village, comme on dit; cela a pris un an au conseiller local pour s'en apercevoir. Il n'avait pas compris cela. Il s'imaginait qu'on restait tous les deux dans la même maison.

À part cela, j'avais demandé, dans la formule initiale de mon premier prêt, de prendre les dettes de mon père, dont 15 000 $ à 2, 5% et un bout à 8000 $, ce qu'il restait de mon père; donc, c'est là que je reviens avec les 50 000 $, lesquels j'ai refusés parce que ce n'était pas du tout rentable pour moi. Les 8000 $ étaient plus rentables pour moi, étant donné que je perdais le taux de 2, 5%; cela ne valait pas cher pour moi, ces 50 000 $. À part cela, j'avais demandé un certain montant pour payer mon père. On calcule avec le comptable, je vais voir mon agronome local, on calcule tout, j'arrive; j'arrive serré mais j'arrive. On va voir le gars de l'Office du crédit agricole: Ah, cela va être pas mal serré, ton affaire. Cela arrive, mais tout d'un coup une mauvaise année! Qu'est-ce qui se passe? Ceci et cela. Finalement: Tu ne pourrais pas en donner un peu moins à ton père pour partir. Cède un peu et finalement, en dernier, je n'ai rien donné à mon père. C'est comme ça que c'est arrivé. (18 h 15)

M. Picotte: Êtes-vous en train de me dire que, chaque fois que vous changiez de conseiller, vous étiez obligé de recommencer le processus?

M. Bessette: Oui. Ils disaient qu'ils venaient me rencontrer et ce n'était pas le même gars qui arrivait à la maison. Il fallait refaire... Le gars, premièrement, ne connaissait pas l'entreprise; il fallait toujours recommencer à lui montrer l'entreprise et lui remontrer les chiffres, il ne les connaissait pas. C'était toujours ainsi. Ensuite, sur la question de payer mon père, l'argent que je voulais donner à mon père, à un moment donné, on avait concédé quelque chose et ils nous avaient dit: Cela va arriver. Cela prenait du temps et ils ne nous disaient pas pourquoi ils n'acceptaient pas notre projet. Ils nous avaient dit que cela arrivait, qu'il n'y avait pas de problème au point de vue rentabilité et ils ne nous donnaient pas de réponse. Finalement, mon père - on avait suivi des cours de transfert - cela lui donnait des palpitations de transférer sa

ferme et il avait hâte que ce soit fini. Â un moment donné, il a dit: D'accord, cela va faire, prends uniquement les dettes et je vais te financer. Aussitôt que j'ai dit cela au conseiller local, cela a pris une semaine pour avoir son accord écrit, le prêt consenti. Là, il était content.

M. Picotte: Le père allait supporter la dette.

M. Bessette: Là, comme par hasard, eux me finançaient et je n'arrivais pas à payer mon père, mais je fais un billet à mon père et j'arrive. Pourtant, c'est la même dette et les mêmes paiements. Je n'ai pas compris cela encore mais en tout cas.

M. Picotte: La même ferme, les mêmes animaux, la même production et les mêmes risques d'avoir une mauvaise année aussi.

M. Bessette: Oui. Ils sont contents parce qu'ils ont seulement prêté pour les anciennes dettes de mon père et on arrivait, mon père arrivait facilement avec le peu de dettes qu'il avait. Mon père a 52 ans et il n'y a pas de problème, son équité est très grande. J'ai dû signer à mon père un billet plus élevé que les dettes qu'il avait déjà. Ce sont les mêmes dettes et je vais arriver quand même, apparemment, m'ont-ils dit, mais ils sont contents, eux ne m'ont pas prêté, ils prennent moins de risque.

M. Picotte: Est-ce qu'on a essayé en cours de route de vous faire diversifier le genre de production que vous aviez ou de vous dire que ce serait plus facile dans un autre type de production?

M. Bessette: Non, ils ne nous ont jamais demandé cela. Nous, c'est la production laitière et un peu de production céréalière à côté mais très minime. Il n'a jamais été question d'agrandir. Il a été question, à un moment donné, de me faire acheter des quotas, étant donné que, surtout en dernier, j'avais du "lousse" un peu. Je n'ai pas tout pris ce que je peux avoir de subventionnable à l'office. Il en a été question un peu mais pas plus. Encore là, cela restait dans la production laitière. Franchement, ils n'ont jamais essayé de me faire acheter une autre terre pour la céréaliculture, disons.

M. Picotte: Je n'irai pas jusqu'à vous demander ce que tout cela a pu coûter mais je suis persuadé, finalement, que le fait de toujours recommencer et de toujours retourner voir des professionnels tels les notaires ou autres, à la fin du compte, la facture est sans doute pas mal plus élevée et les coûts inhérents sont néfastes pour le jeune qui veut. Cela hante, c'est un point important pour le jeune qui veut se lancer en agriculture. On dit déjà qu'il est mal pris, qu'il est étouffé au point de vue financement et on y ajoute des coûts qui, bien souvent, pourraient être complètement évités.

M. Bessette: Seulement pour le coût du notaire, sûrement que les délais vont me faire au moins entre 1000 $ et 2000 $ de plus pour le transfert parce que le notaire a dû souvent refaire des papiers qui étaient bons dans le fond pour changer des petits mots et le délai et a dû refaire certaines lettres. Le comptable a recommencé d'autres projets.

M. Picotte: Avant de passer à une autre question, je pense que madame avait...

Mme Bérard: Comme il disait, je l'ai déjà rencontré, M. Moreau, et je ne sais pas où il est; il n'est jamais à son bureau. Je l'ai eu aussi mon prêt agricole mais cela n'a pas été court comme il pense. Quand il dit court, on peut mettre 90 jours, mais quand c'est rendu à peut-être neuf, dix, onze ou douze mois et que le vendeur attend pour se faire payer et qu'on est stressé... On arrive à l'Office du crédit agricole et le gars vous revire parce que vous êtes une fille, premièrement et deuxièment, il vous revire parce que vous, vous ne connaissez rien. Je me demande - d'accord, je ne suis pas allée à l'école bien longtemps mais j'ai dix ans d'expérience sur la terre et mon père a une bien grande terre - comment le gars peut me juger quand je me présente au bureau et qu'il me dit: Vous feriez mieux de réviser votre projet parce que peut-être que vous n'arriverez pas, peut-être qu'il va vous manquer des vaches... quand on arrive avec un projet et qu'on est capable de sortir notre argent pour faire nos paiements et tout.

Quand on me dit qu'ils nous encouragent, je ne suis pas tellement certaine de cela. M. Moreau a l'air d'avoir confiance bien gros à ses hommes, mais je ne suis pas tellement... Parce que cette année-là, on était trois: moi, ma cousine, mon cousin qui arrivaient au bureau chacun notre semaine, on avait planifié cela pour ne pas le faire fâcher, pour pas qu'il soit trop chargé, il nous revire.

M. Picotte: Cette affaire est presque un concours.

Mme Bérard: C'est un concours, on s'achetait chacun une terre, mais non. La question c'était que le gars il ne voulait pas, il ne filait pas pour cela cette journée-là. M. Moreau dit que ses gars sont bons, mais...

M. Picotte: J'ai cru comprendre au cours des mémoires que nous avons entendus,

je ne sais pas s'il n'y a pas quelqu'un qui nous a fait des suggestions voulant que ce serait peut-être plus facile si... J'aimerais vous demander ce que vous pensez, en tant que jeunes de la relève, comme représentants de ce qu'on appelle des agriculteurs à temps partiel. Il me semble que quelqu'un nous a dit en cours de route que ce serait peut-être plus facile si les jeunes qui veulent s'en aller en relève agricole, on pouvait d'ores et déjà commencer à les aider en les impliquant mais comme agriculteurs à temps partiel.

Mme Bérard: Est-ce que cela a été reconnu?

M. Picotte: Je ne sais pas si c'est reconnu, je ne crois pas, mais avant, j'aimerais demander au sujet de la reconnaissance de ce type d'agriculture si vous autres, en tant que jeunes, à prime abord, vous avez déjà pensé à cette question et si, effectivement, ce serait une des bonnes façons de commencer en agriculture?

M. Bessette: Le problème, comme on disait, on représente la région de Saint-Hyacinthe et dans cette région les fermes ne sont pas tellement petites et des petites fermes il n'y en a plus tellement. L'agriculture à temps partiel, peut-être dans les autres régions, mais à Saint-Hyacinthe, je n'y crois pas tellement. Premièrement, je ne sais pas si vous allez trouver une ferme assez petite pour avoir un travail extérieur et avoir une petite ferme à vous. Deuxièmement, s'il faut considérer que vous avez le temps d'occuper un emploi à l'extérieur donc, la conclusion est que c'est une ferme non rentable ou vraiment trop petite. Dans Saint-Hyacinthe, je n'y crois pas tellement à cela, mais dans les autres régions, peut-être, oui. Je ne sais pas si tu peux ajouter autre chose.

Mme Bérard: Je n'y crois pas non plus.

M. Picotte: À la page 4 de votre mémoire, quand vous dites que si tous les cours suivis par la relève à l'éducation des adultes avaient été accrédités par les maisons d'enseignement, quel serait le niveau d'instruction des jeunes d'aujourd'hui? Vous posez une question, mais est-ce que vous pourriez nous dire ce que cela serait?

Mme Bérard: On aurait tous été à l'ITAA.

M. Picotte: Vous auriez tous... Pour la relève, les cours aux adultes c'est beaucoup attirant, pour quelle raison? Je sais que dans ma région, nos cours à l'éducation des adultes étaient beaucoup plus fréquentés, beaucoup plus attirants, beaucoup plus intéressants pour les agriculteurs que les cours que l'on dispensait même si nous avons une option agricole chez nous au niveau de la polyvalente, nos cours aux adultes étaient beaucoup plus fréquentés pour une raison bien simple: c'est que souventefois, quand on avait besoin d'un agronome, c'était un agronome qui donnait le cours. Quand on avait besoin d'un mécanicien en mécanique agricole, c'était mécanicien qui était embauché, non pas un professeur régulier. Êtes-vous capable de fournir des précisions un peu là-dessus?

M. Langelier: Peut-être une des choses par rapport à la première partie de votre question, la réponse qu'on donnerait à la question qu'on pose est difficilement évaluable d'une façon générale. Par contre, ce qu'on peut dire dans l'expérience du syndicat de la relève depuis cinq ans, c'est que les différents groupes locaux qui forment le syndicat, à chaque hiver, organisent plusieurs cours aux adultes, que ce soit sur la fertilisation, que ce soit sur le transfert, que ce soit sur le dossier de l'établissement ou autres. Dans le fond, plusieurs groupes organisent plusieurs cours aux adultes sur différents aspects de l'agriculture.

À savoir au total comment est-ce que cela pourrait faire par individu, c'est difficile à évaluer, mais ce qui est sûr c'est qu'il y a un attrait pour la question des cours aux adultes. Pourquoi? Il y sûrement une partie de la réponse qui réside dans le fait qu'il y a un certain nombre de jeunes qui n'ont pas pu, pour différentes raisons, avoir un cours agricole à temps plein, soit d'agrotechnique ou le niveau collégial par le cégep ou l'ITAA. Ce qui veut dire qu'à ce moment, tout en étant conscient de la nécessité d'une bonne formation pour administrer leur ferme, ces jeunes vont, par le canal de l'éducation des adultes, combler ce besoin qu'ils n'ont pas pu combler pour différentes raisons, par le biais de l'éducation régulière aux jeunes à temps plein.

M. Picotte: En terminant parce que je veux laisser huit à dix minutes à d'autres de mes collègues de ce côté pour poser des questions, j'aurais bien aimé vous entretenir un peu sur le choix des 50 000 $ et des 8000 $. On avait obtenu cela à bout de bras, en pleine nuit, à l'Assemblée nationale pour que ce choix persiste et perdure jusqu'au 31 décembre. J'espère qu'on ne fera pas la même chose.

M. Gagnon: Une question de règlement. Je pense qu'à venir jusqu'à maintenant, la commission a très bien été et il n'y a pas eu de partisanerie. Là si vous laissez aller le député de Maskinongé dans ce sens, je vous jure qu'il va y avoir de la partisanerie pas simplement de son bord.

Le Président (M. Dupré): Le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président à moins que ce que je dis là soit inexact si c'est inexact...

M. Gagnon: Voilà ce que j'aurais... M.Picotte: Si c'est inexact.

Le Président (M. Dupré): En revenant au mémoire.

M. Picotte: Si c'est inexact on a juste à aller vérifier au Journal des débats. De toute façon, vous avez demandé encore... et si le député de Champlain avait été présent aux autres auditions il aurait vu que cela a été une chose qui a été discutée à Montréal et qu'on nous demandait encore un prolongement cette année. Alors peut-être que vous auriez intérêt à relire ce qui s'est passé antérieurement. De toute façon sur cela on va essayer de faire le nécessaire, tout le monde, tant que nous sommes, j'imagine, pour que ce choix vous soit laissé.

Une dernière question rapidement. J'ai déjà participé à une émission de télévision à laquelle il y avait des gens de la relève agricole et où il y avait aussi... On a semblé dire à un moment donné que du fait qu'il y ait un besoin de 1200 personnes en relève agricole annuellement le manque ou ce qu'il fallait combler c'est d'avoir au moins 1200 jeunes qui décident de prendre la relève sur les fermes au Québec et que là c'était moins alarmant de ce côté. Cela semblait dire que si les jeunes y allaient finalement c'est parce que cela était assez attirant, donc qu'il y avait beaucoup moins de problèmes qu'on en laissait prévoir. Est-ce que cela veut dire que si les jeunes vont en agriculture aujourd'hui, c'est parce qu'ils ont un goût du risque supérieur à celui que nos parents avaient dans le temps, compte tenu de tous les problèmes que cela comporte? II y a quand même 1200 jeunes qui annuellement arrivent sur le marché des fermes pour assumer la relève.

M. Langelier: Si je comprends bien la question vous dites finalement: II ne semble pas y avoir de problème de relève parce qu'il y a suffisamment de jeunes qui y sont intéressés. À ce moment qu'est-ce qui explique qu'il y a beaucoup de jeunes qui sont intéressés à prendre la relève? C'est un peu cela la question.

M. Picotte: C'est le goût du risque j'imagine.

Mme Bérard: C'est peut-être parce qu'on aime cela aussi. On aime à rester sur nos fermes, c'est un goût qu'on développe.

Je n'aurais vraiment pas été intéressée à travailler dans une usine. C'est un goût personnel que chacun a en soi, je suppose. Comme le disait tantôt, je ne sais pas quel député qui disait qu'un pêcheur n'est pas nécessairement pêcheur mais quand on a une ferme on est peut-être plus tenté que... Cela ne me disait rien d'aller en ville.

M. Picotte: II y a un aspect vocationnel dans cela.

Mme Bérard: Vocationnel peut-être un peu, c'est une vocation.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Je ne répondrai pas à... quatre minutes encore moins. Je veux revenir sur ce que vous avez conté comme cas personnel, pour les difficultés que vous avez eues à obtenir votre prêt agricole. Madame aussi a mentionné d'autres cas et c'est peut-être le vôtre aussi que vous avez mentionné. C'est un fait qu'il y a des cas actuellement qui sont difficiles. Je saisi comme député de mon comté, j'ai eu à m'occuper personnellement de certains cas de crédit agricole mais on ne peut pas généraliser. Quand on dit qu'actuellement un crédit agricole s'obtient assez vite, c'est vrai, mais cela restera toujours peu importe la loi ou peu importent les modifications qu'on peut apporter il y aura toujours des cas un peu plus compliqués. Par exemple, j'en ai eu un dans mon comté où la ferme valait 1 500 000 $. Le père ne pouvait pas la partager comme cela. Moi-même j'ai fait des sessions avec ses fils et le père pour les faire s'entendre ensemble et pour former une compagnie. Tout cela a pris du temps mais je pense que le cas était assez compliqué pour que cela prenne du temps. Finalement, après cela, tu as l'Office du crédit agricole qui fait aussi ses suggestions pour la bonne marche de l'entreprise.

Ce que j'ai aimé dans votre mémoire, on a posé pas mal de questions actuellement et vous avez donné des chiffres intéressants par rapport aux statistiques où vous avez mentionné par exemple qu'en 1961 et en 1971 - je n'ai pas les dates exactes - mais de plus en plus la production agricole qu'on a besoin se fait par un nombre toujours de moins en moins grand d'agriculteurs. (18 h 30)

Vous avez mentionné vous-même, M. Bessette, je pense, que vous avez acheté une ferme autour de 600 000 $, si j'ai bien compris. Cela m'amène à poser une question. Toute la journée, tout l'après-midi, on a parlé - à peu près tous les intervenants -d'agriculture de type familial. Vous avez tantôt tenté de donner une définition de

l'agriculture de type familial. Cela me tente de vous demander d'élaborer un peu plus, parce que je pense que c'est encore un débat, même au sein de l'UPA. Enfin, tout le monde en parle. On essaie de définir le type familial. Quand on est rendu avec des fermes, par exemple, 1 500 000 $, une dont je vous mentionnais dans mon comté et je suis certain qu'il y en a plusieurs comme ça ici, est-ce que pour vous c'est encore de l'agriculture de type familial. Ce serait quoi une ferme idéale pour que ce soit réellement une entreprise familiale? Tantôt les gens à l'ITAA ont mentionné justement: Est-ce que les gens d'aujourd'hui veulent avoir ces grosses patentes-là? Est-ce que ce ne serait pas un autre type de grosseur d'entreprise qu'on recherche? Quelle est votre définition de l'agriculture de type familial?

M. Bessette: Une ferme familiale, il n'y en a pas de définition, on n'est pas capable d'en trouver. Si je me réfère à voilà deux semaines, tu avais trois types de jeunes qui étaient là. Le type qui avait une ferme qu'il disait vraiment familiale, qui était tout seul et qui disait que quand il prendrait la relève, il s'arrangerait pour être tout seul avec son épouse pour faire l'ouvrage. Tu avais le gars qui était là et qui disait: Avec un de mes frères ou une de mes soeurs, je vais être correct pour faire l'ouvrage. Tu avais l'autre qui disait: Moi, mon père, mon frère et un ou deux employés, on va faire l'ouvrage et on a tous les trois des fermes familiales. Même le gars qui disait: On va être trois avec un ou deux employés, il disait: c'est bien beau, mais nous autres, on est encore capable de tout contrôler notre, ferme. On est capable de contrôler tous nos champs, tous nos animaux, les employés ne sont là que pour nous aider. C'est ça pour nous une ferme familiale, on contrôle tout, on contrôle même le temps des employés. Pour nous autres, c'est encore une ferme familiale, pourtant ils sont cinq salaires à longueur d'année là-dessus. Tu as l'autre aussi qui est seul avec son épouse et qui, lui aussi, a une ferme familiale. C'est difficile de dire ce qu'est une ferme familiale. Dans Saint-Hyacinthe, peut-être encore plus, parce que c'est dans cette région-ci qu'on a les plus grosses fermes. Pour nous autres quand on dit: la famille immédiate possède l'entreprise, la contrôle et apporte la majorité du travail nécessaire, je pense que c'est pas mal notre définition de ce que c'est une ferme familiale.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Juste une autre petite question.

Le Président (M. Dupré): Très courte.

M. Gagnon: J'ai peut-être été trop long. Vous avez mentionné l'agriculture familiale par rapport aux grosses corporations multinationales que vous ne voudriez pas voir devenir propriétaires des fermes. Est-ce que dans la région ici, c'est commencé, que les fermes soient la propriété d'entreprises. Je ne parle pas des fermes d'élevage, j'en connais des fermes d'élevage, dans le porc entre autres, je le sais. Dans la grande culture, est-ce que c'est commencé?

M. Bessette: La grande culture, au Québec, non. Nous autres au Québec, le cas le plus près serait justement dans le porc. Tu avais le gars qui avait sa porcherie, mais c'est point final, les porcs qui étaient dans sa porcherie, n'étaient pas à lui. Lui, il était payé seulement au porc qui sortait. S'il y en avait qui mouraient, ce n'était même pas ses affaires, il était payé au porc vivant qui partait à l'abattoir. Tu avais le gars qui n'était même pas propriétaire de la terre, à un moment donné, non plus. Ça c'est un type d'intégration pas mal flagrant. L'intégration dans le porc au Québec, à un moment donné, voilà deux, trois, quatre ans, était pas mal flagrante. Au Québec, dans l'industrie laitière, c'est un peu plus difficile et c'est assez même difficile à cause des quotas au Canada. Dans les céréales, ça ne l'est pas encore mais, nous autres, on se référait surtout au Nouveau-Brunswick où ce n'est pas tellement loin la production de la pomme de terre.

Tout le monde est au courant de McCain. Qu'est-ce qui est produit che2 McCain? McCain produit à peu près toute la pomme de terre du Nouveau-Brunswick. Ça ne sera pas bien long, si elle continue comme ça, elle possédera pas loin de 20 000 acres prochainement. Les producteurs qui font faillite, McCain les achète et les fait travailler sur ses propres terres à des coûts, pas ridicules, mais encore-là, les producteurs disaient dans le film que c'était peut-être encore mieux au point de vue salarial, pour eux, de travailler pour McCain que de travailler pour eux-mêmes. Sauf qu'ils n'avaient plus d'ambition, ils n'avaient plus rien, ce n'étaient que des employés. Il n'y avait plus tellement de "challenge" à avoir une ferme. Au Nouveau-Brunswick, ce n'est pas les États-Unis, c'est juste à côté. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Huntingdon et M. le député de Berthier, chacun une question.

M. Houde: Bonjourl Félicitations pour ce que vous avez présenté. Je voudrais poser seulement une courte question à la proposition 11. Quel est le but visé en ayant un prêt non tranférable?

M. Langelier: Dans !e fond, quand on suggère que ce prêt consenti à taux croissant ne soit pas transférable, on parle de la partie à taux croissant. Cela va dans le sens du prêt. Ce qu'on voulait, c'est s'assurer que ce soient vraiment les jeunes qui bénéficient de ce prêt et non pas qu'un jeune puisse bénéficier de ce prêt et que deux ans après, finalement, il vend pour différentes raisons et que ce soit transféré à quelqu'un qui n'est pas de la relève agricole, qui n'est pas un jeune. C'est dans ce sens qu'on propose qu'il ne soit pas transférable. C'est pour s'assurer que ce soit vraiment les jeunes qui bénéficient de ça, puisque, comme il a été dit au début, ce qui est proposé, ce sont des mesures spécifiques pour la relève, parce que celles qui sont actuellement en place, de 8000 à 50 000, ne sont pas suffisantes pour permettre des conditions décentes d'établissement pour les jeunes.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux vous féliciter pour votre mémoire. Le sujet que je voulais soulever a été discuté brièvement par mon collègue de Champlain. Mais je veux poursuivre dans la même veine au niveau d'une crainte qui est, jusqu'à un certain point, à l'effet que le nombre de fermes diminue au Québec.

Vous donnez des chiffres de 1941 à 1981. On peut percevoir la diminution très progressive et constante depuis ce temps. Voici la question que j'aimerais vous poser: Est-ce qu'on devrait parler en termes de nombre de fermes ou plutôt en termes de nombre de personnes propriétaires de fermes? Parce que je pense que cela a quand même une incidence sur la discussion. Je crois que, qu'on le veuille ou non, le nombre de fermes va continuer à diminuer jusqu'à un certain point, c'est-à-dire, le nombre d'unités de fermes.

Regardons seulement des productions très spécialisées, comme dans l'horticulture, la laitue, les carottes. Cela peut aller dans la production céréalière, parce que quand vous achetez un tracteur de 250 ou de 200 forces, et une moissonneuse-batteuse de 150 000 $, vous devez avoir une grosse ferme, autrement, vous ne pourriez pas vous payer ça.

Mais, parlons de production spécialisée, comme la laitue. Cela prend un refroidisseur sous vide. Dans la carotte, ça prend un entrepôt à parois doubles qui est très dispendieux. Dans certaines autres productions spécialisées, on parle de refroidissement avec glace, des machines de 150 000 $, de 175 000 $ ou de 200 000 $. Comment peut-on ne pas accepter que le nombre de fermes diminue, tout en conservant peut-être le même nombre de copropriétaires de fermes? Dans ce sens-là, est-ce qu'il y a des statistiques qui indiquent que le nombre de personnes vivant de production agricole, copropriétaires ou propriétaires, aurait diminué sensiblement depuis, disons, dix ans? Parce qu'on remarque que les fils forment une compagnie avec leur père, ce qui n'existait pas, il y a X années. On divisait une terre en quatre petites terres et, finalement, chacun des fils était propriétaire d'une ferme et on l'interprétait comme ça.

Mais, aujourd'hui, je pense qu'il faudrait peut-être changer la façon d'interpréter ça et aller plutôt vers le nombre de personnes qui vivent de l'opération.

M. Bessette: II peut y avoir deux exemples différents. Vous allez être en production laitière. C'est certain qu'on n'est plus capable de séparer les grosses fermes. Il y a quelqu'un qui disait la semaine passée que quand tu allonges ta grange, tu n'es plus capable de la rapetisser, c'est certain. Dans la production céréalière ou horticole, comme vous en avez parlé, c'est un peu différent.

Mettons qu'on parle des entrepôts réfrigérés pour l'horticulture; je me réfère au colloque de l'UPA, la semaine passée. Il y avait des producteurs horticoles indépendants qui parlaient de rester indépendants à produire leurs produits, mais è se mettre en commun pour réfrigérer leurs produits et se mettre en commun pour vendre leurs produits, se mettre en groupe. C'est là qu'il y a des développements pas mal intéressants dans l'attitude des agriculteurs, aujourd'hui; c'est de se mettre ensemble, de former de gros groupes pour transformer ou écouler leur marchandise.

Mais la mentalité au point de vue de produire est encore celle d'être indépendant le plus possible et de ne pas nécessairement être plus gros pour avoir un plus gros pouvoir sur le marché. Je sais que dans l'horticulture, cela en est un bel exemple. Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question.

M. Dubois: Ma dernière question serait de savoir si le nombre de, personnes propriétaires, copropriétaires de fermes a diminué sensiblement, mettons, depuis dix ans? Est-ce que vous avez des recherches dans ce sens-là? C'est parce que, tout en soulignant la crainte de voir le nombre de fermes diminuer, s'il y a autant de personnes qui sont propriétaires de fermes, mais qui vivent dans des grosses unités au lieu d'une unité plus petite, je comprends, à ce moment-là, que le transfert peut être plus difficile. Je l'accepte bien, mais, si on conserve le même nombre de travailleurs, copropriétaires ou propriétaires, est-ce qu'il y aurait des études de faites dans ce sens-là par la réserve agricole?

M. Bessette: On dit présentement que sur 38 000 fermes, il y aurait à peu près 50 000 agriculteurs. Cela veut dire qu'il y a à peu près 1, 3 producteur par ferme. Cela veut dire que c'est certain qu'il y a des fermes qui ont deux ou trois producteurs propriétaires maintenant, mais c'est certain que la main-d'oeuvre agricole a pris une place beaucoup plus importante, aujourd'hui, et en prend une de plus en plus, parce que la main-d'oeuvre dans le monde agricole demeurera toujours essentielle. On a beau parler d'innovations technologiques, on a beau parler d'ordinateurs, de tout ce que l'on voudra, mais la main-d'oeuvre est encore plus que nécessaire dans le monde agricole aujourd'hui. L'homme ne se remplace pas par la machine n'importe où, surtout pas dans le domaine agricole. Mais, le nombre d'employés aujourd'hui s'en va... Il y a beaucoup d'employés qui prennent la place de producteurs propriétaires, aujourd'hui. Il y a des producteurs qui grossissent et qui, pour pouvoir faire l'ouvrage, engagent des employés. Il n'y a pas seulement des propriétaires producteurs, aujourd'hui. Il y a aussi...

Le Président (M. Dupré): M. le député, notre temps est déjà expiré.

Je voudrais vous faire une petite suggestion. On est ensemble, en catimini. Personne ne sait qu'on est ici. Lorsque vous avez parlé de votre cas, tantôt, et vous, vous avez parlé de votre cas qui n'est pas généralisé. Par contre, que direz-vous si, une fois votre prêt obtenu, vous receviez du gouvernement, du ministère, une fiche de notation? Le fonctionnaire serait au courant qu'il y aurait une fiche de notation qui parviendrait au ministère, comme quand vous allez dans les hôtels et qu'ils vous demandent si le savon fait votre affaire ou pas. Je pense que, peut-être que... Je ne vous dis pas qu'on se servirait seulement d'une notation pour juger quelqu'un, mais je ne sais pas, j'aimerais, tout en terminant, avoir votre idée là-dessus pour voir si vous trouvez cela intéressant ou pas.

M. Bessette: Mais, je vois mal le jeune qui fait une note très négative envers un conseiller et qui retourne trois ans après pour se faire refinancer.

Le Président (M. Dupré): Merci bien.

Je vous remercie de vous être présentés, d'avoir répondu à notre appel et de la consistance de votre mémoire. Je vous remercie beaucoup.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 43)

(Reprise à 20 h 20)

Le Président (M. Dupré): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Je demanderais à la Fédération de l'UPA de Nicolet de prendre place. C'est déjà fait. Je demanderais de vous identifier et d'identifier les gens qui vous accompagnent.

Fédération de l'UPA de Nicolet

M. Raîche (André): Mon nom est André Raîche, président de l'UPA de Nicolet. Bonjour. A mes côtés, Jean-Marc Lavigne, directeur régional, Réjean Saint-Pierre, vice-président et, en même temps, responsable du suivi du sommet économique, et Normand Jacob, économiste et responsable du développement régional.

Le Président (M. Dupré): Messieurs, le temps que vous avez à votre disposition est une heure pour présenter votre mémoire et cela comprend aussi les questions de part et d'autre. Le temps qu'il restera une fois que vous aurez fait votre exposé sera divisé entre les deux formations politiques.

M. Raîche: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais vous dire qu'on est satisfaits de se présenter devant cette commission parlementaire. Je pense qu'on est une région agricole importante. Dans notre coin, l'agriculture domine sur bien d'autres choses. On a également des problèmes dans notre région sur le financement. Vous en avez entendu parler dans le courant de l'année; du moins, on le prétend. Quand on parle du problème de la relève, du financement et de l'endettement en agriculture, pour nous, au niveau régional, on relie cela à un autre problème également qui est le respect des coûts de production. Quand on parle de l'agriculture, il faut également parler de rentabilité. On associe un peu tout cela et c'est pour cela que, dans notre mémoire, vous allez voir qu'on s'éloigne un peu pour revenir dans le vif du sujet. Je demanderais au directeur régional, M. Lavigne, d'en lire une partie.

M. Lavigne (Jean-Marc): MM. les membres de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, c'est avec empressement que la Fédération de l'UPA de Nicolet a manifesté la volonté d'intervenir dans ce débat sur la relève, le financement et l'endettement agricole au Québec. Nous sommes d'autant plus concernés par les thématiques de cette commission qu'elles englobent à la fois les problématiques dominantes du contexte actuel dans lequel évolue l'agriculture et les assises sous-jacentes aux actions politiques susceptibles

d'être posées pour diriger ce secteur économique vers de meilleurs lendemains.

Notre vision de l'agriculture est fort probablement différente de la vôtre, du moins à un égard. Ainsi, vous associez les difficultés actuelles en agriculture aux problèmes de financement, alors que, pour nous, elles sont aussi, sinon plus, liées à la dérogation des coûts de production. Incidemment, plus le producteur s'éloigne de son coût de production et moins il pourra couvrir son endettement, nonobstant les programmes de crédit agricole ou la compétence des agriculteurs. Pour nous, la relève, le financement et l'endettement constituent des problématiques essentiellement causées par la transgression des coûts de production. À cet égard, nous sommes convaincus qu'il faudra prochainement une nouvelle commission parlementaire afin de mesurer les conséquences du non-respect des coûts de production sur la situation financière des agriculteurs. Peut-être pourra-t-on alors découvrir les véritables raisons des gestes fortuits posés dernièrement par certains ex-producteurs de notre région.

Évidemment, plusieurs diront que les politiques gouvernementales en matière d'agriculture visent précisément à combler cette lacune entre les revenus réels des agriculteurs et leur coût de production. Toutefois, si tel est le cas, la réalité nous permet de douter de l'efficacité de programmes gouvernementaux.

Ainsi, les politiques de crédit agricole actuelles s'inspirent d'une approche par programme alors que l'agriculture se constitue de divers types de productions dans lesquels oeuvrent des professionnels dont les besoins financiers sont aussi différents que variés. Concrètement, en établissant des programmes universels de financement, basés notamment sur la valeur des exploitations et sur une rentabilité figée dans le temps, on oublie trop facilement les fluctuations de prix, les risques naturels et combien d'autres zones d'influence.

S'il est donc facile pour le gouvernement d'adapter ses interventions à tous les producteurs, il lui est tout aussi facile d'ajuster ses opérations en fonction du contexte vécu dans chacune des productions et, par conséquent, de limiter ses propres risques d'erreurs. Ainsi, durant les périodes où les revenus sont faibles, on tire sur les cordons de la bourse alors que, pendant les "marées hautes", on ouvre trop facilement cette bourse.

Pourtant, c'est précisément au moment où les agriculteurs ont le plus de difficultés qu'il faudrait penser à ouvrir les goussets, non pas durant les bonnes années. En fait, historiquement, dans les productions laissées au libre marché, le contexte est trompeur du fait que, généralement, les prix élevés ont été provoqués par une diminution de la production, elle-même provoquée par de bas prix.

Ironiquement, la hausse des prix conduira inévitablement vers une hausse de la production et... une chute des prix. Ce phénomène est cyclique et fort caractéristique du système capitaliste nord-américain. De plus, il faut ajouter â ce scénario d'autres phénomènes, telles les baisses de consommation, la diminution des marchés d'exportation, les difficultés financières des pays exportateurs, etc.

On comprendra donc que, tant et aussi longtemps que ce système existera, les faillites succéderont aux faillites, et ce, au même rythme que les cycles ou la conjoncture elle-même. C'est d'ailleurs pourquoi l'UPA insiste tant, depuis quelques années, afin de créer des plans conjoints de mises en marché et des agences nationales pour ajuster l'offre à la demande et pour fournir à chaque producteur un coût de production moyen et, par conséquent, un revenu stable et adéquat.

Mais avant de réaliser cet objectif, les mesures protectionnistes devront tenir compte de ces phénomènes et composer davantage avec les convulsions du marché et des autres impondérables de l'agriculture. Certes, il existe des programmes d'assurance-stabilisation. Toutefois, leur application nous démontre qu'ils sous-tendent davantage des objectifs de superefficacité plutôt que d'être des palliatifs au coût de production. À cet égard, nous ne pouvons que déplorer les formules sur lesquelles se base le ministère pour évaluer les coûts de production. Il faudrait surtout tracer ce coût en tenant réellement compte de moyennes et inclure tous les coûts. Par exemple, la prime n'est pas encore comptabilisée. Donc, qui peut affirmer que ce n'est pas un coût pour le producteur?

Par ailleurs, les programmes de crédit agricole ne pourront être efficaces sans que, lors d'une décision bureaucratique, on s'engage aussi à appuyer les producteurs durant les mauvaises périodes par le biais de mesures transitoires, tels des programmes spéciaux d'aide aux producteurs en difficulté. Â cet effet, nous devons mettre en garde le gouvernement contre des pseudo-mesures d'aides qui, en fait, ne font que reporter à plus tard l'"exécution" des producteurs. On se rappellera que les prêts spéciaux consentis aux producteurs de porcs en difficulté sont devenus, après deux ans, de véritables guillotines pour ceux qui réussissaient enfin à voir la lumière au bout du "tunnel". C'est pourquoi il faudra prévoir des dispositions plus adéquates pour permettre aux producteurs de se relever véritablement de ces mauvaises périodes.

Maintenant que nous avons émis des commentaires sur le financement et

l'endettement par rapport aux productions, permettez-nous d'établir quelques constatations sur ces mêmes éléments en regard des producteurs eux-mêmes.

D'une part, il est évident qu'il existe au moins deux types de producteurs au Québec. Il s'agit de celui qui possède un endettement important et l'autre.

Si on s'attarde quelque peu à l'autre, on verra qu'il s'agit généralement d'un producteur qui oeuvre en agriculture depuis plus d'une douzaine d'années et qui a profité notamment de l'inflation pour augmenter son avoir net. En effet, selon un sondage effectué par la Société du crédit agricole, ce sont les jeunes agriculteurs, soit ceux qui, en moyenne, sont en agriculture depuis moins de treize ans, qui ont de la difficulté présentement. D'ailleurs, c'est à même cet avoir net que ces agriculteurs réussissent à se maintenir en production lors de périodes "creuses". De plus, compte tenu de leur charge financière moins importante, le coût de production est par conséquent beaucoup moins élevé.

Toutefois, pour le nouveau producteur ou pour celui qui a trop puisé dans son avoir net, au contraire, la situation financière est fort différente.

Premièrement, pour le nouveau producteur, il est essentiel de savoir qu'aucun programme ne le protège adéquatement. Que ce soit le poids de la concurrence ou les exigences des formules de mise en marché collectif, il n'en demeure pas moins que le nouveau producteur doit assumer un endettement tellement substantiel que la moindre défaillance met souvent en péril la survie de l'entreprise. À cet égard, "l'erreur n'est pas humaine" pour le nouveau producteur. Ce phénomène n'est pas nouveau, direz-vous. Toutefois, il n'a jamais été aussi manifeste que depuis les trois dernières années.

En termes clairs, la marge de manoeuvre des nouveaux producteurs se révèle tellement réduite actuellement que même les compétences du nouvel arrivant ne garantissent pas la réussite en agriculture. Evidemment, on comprendra que l'incompétence n'a plus sa place dans notre milieu. À cet égard, une formule adéquate s'avère de plus en plus indispensable avant de se lancer en agriculture.

Conséquemment, la Fédération de l'UPA de Nicolet propose que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, en collaboration avec le ministère de l'Éducation et le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, entreprenne une évaluation exhaustive des programmes de formation en agriculture.

M. Jacob (Normand): Nous croyons en effet que ces programmes n'atteignent qu'une infime partie de la relève agricole. Noyautée dans le carcan de l'éducation permanente ou dans certains objectifs de la formation professionnelle aux adultes, la formation agricole est bâillonnée de toutes parts. En fait, il faudrait ajuster tous les programmes de formation en fonction des prérogatives et des conditions du milieu.

Premièrement, nul n'est sans savoir que bon nombre de futurs exploitants quittent l'école très tôt. Ceux-ci croient qu'il vaut mieux travailler sur la ferme avec leurs parents en attendant le transfert plutôt que de s'enliser dans un programme rigide d'éducation. Ce n'est certainement pas en préconisant uniquement la formation générale de base au niveau secondaire que nous convaincrons ces jeunes à poursuivre leurs études. Il faudrait plutôt accentuer le contenu des programmes de formation professionnelle afin de procurer à ceux-ci le maximum de connaissances du milieu dans lequel ils seront appelés à travailler éventuellement. (20 h 30)

Par ailleurs, au niveau collégial, le critère de disponibilité nous semble être un obstacle majeur pour bon nombre de futurs exploitants. Concrètement, nous soupçonnons que de nombreux jeunes pourraient poursuivre leur formation dans une institution collégiale ou dans un institut de technologie agricole si les périodes de formation étaient le moindrement ajustées en fonction des périodes de travaux intenses de la ferme. Finalement, le secteur de la formation professionnelle agricole aux adultes nous apparaît indispensable pour suppléer au manque de formation des futurs exploitants et aux producteurs qui anticipent de se perfectionner.

À cet égard, nous sommes conscients que l'agriculture se prête mal aux règlements et directives édictés par les commissions de formation professionnelle. Ainsi, pour jusfifier le maintien des programmes à la relève, il faut constamment travailler afin de prioriser ce secteur. À notre avis, cette façon d'agir n'offre aucune garantie pour les utilisateurs. Par conséquent, nous proposons que le comité interministériel sur la formation professionnelle confère à la formation professionnelle agricole un statut particulier et une enveloppe budgétaire distincte. De plus, toutes les commissions de formation professionnelle (CFP) en zones rurales devraient ouvrir un service permanent d'orientation en agriculture. Ce service ne devrait en aucun cas relever de la direction régionale du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais d'une direction provinciale de la formation de la relève agricole, composée de représentants du MAPAQ, du MEQ, du MMSR, de la Fédération de la relève agricole, des syndicats de gestion et de l'UPA. Selon nous, il faut, dans la mesure du possible, éviter

que le MMSR ou la CFP freine, par ses politiques globales, l'émergence de programmes adaptés notamment à la relève agricole.

Somme toute, la Fédération de l'UPA de Nicolet est d'avis que la formation de la relève agricole passe par plusieurs voies et que la qualité des programmes n'est qu'un critère parmi une multitude de contraintes. En abolissant ces contraintes, nous pouvons vraisemblablement augmenter substantiellement le nombre de futurs exploitants formés, et ainsi potentiellement compétents.

D'autre part, la problématique de la dimension financière des nouveaux producteurs doit aussi être réévaluée dans le contexte actuel. À cet égard, nous avons fait, dans notre région, une réflexion en profondeur sur la situation et les possibilités de modifications du système actuel. Cette réflexion origine de la création d'un comité d'étude sur les transferts de fermes établi lors du sommet économique de la région 04, en mai 1983. Compte tenu de l'expertise des membres de ce comité, soit des représentants de l'UPA, de l'Office et de la Société du crédit agricole, de la Fédération des caisses Desjardins, de l'Association des femmes collaboratrices et des femmes en agriculture, de l'Association des jeunes ruraux, du MAPAQ, d'Agropur et de deux députés de notre région, MM. Jacques Baril et Marcel Gagnon, qui sont en l'occurrence membres de cette commission, il nous apparaît important de souligner les conclusions de leurs réflexions.

Ainsi, lors de la phase II du sommet économique de notre région qui a eu lieu dernièrement, le comité d'étude sur les transferts de fermes soulignait, et je cite: "Afin de minimiser les obstacles majeurs à l'établissement des jeunes en agriculture, on sollicite des modifications à l'aide que l'Office du crédit agricole offre présentement, moyennant le respect de certaines exigences en matière de formation agricole... Après l'analyse des principales mesures d'aides à l'établissement, il appert que le problème de liquidité et celui du manque de capacité de remboursement sont des facteurs qui constituent des embûches majeures à l'établissement. Il faut donc y trouver des solutions qui satisferont, d'une part, les organismes de crédit agricole et, d'autre part, ceux qui ont besoin de cette aide pour s'établir. "

Concrètement, le comité a proposé, lors de la phase II du sommet économique, d'établir un programme basé sur des taux d'intérêt progressifs. Ainsi, le comité croit que l'une des mesures les plus efficaces pour les nouveaux producteurs serait d'augmenter le prêt à l'établissement de 50 000 $ à 150 000 $ sans intérêt au cours des cinq premières années. Par ailleurs, à compter de la sixième année, on devrait prévoir un taux d'intérêt progressif, donc augmentant à chaque année, pour plafonner au taux d'intérêt prévu par l'Office du crédit agricole, en conformité avec son programme, à compter de la 15e année du prêt. Évidemment, ce prêt ne devrait jamais comporter un taux d'intérêt supérieur è 10%.

Pour le comité et pour la Fédération de l'UPA de Nicolet, cette proposition constitue non seulement une orientation politique souhaitable, mais un énoncé susceptible d'améliorer substantiellement les problèmes financiers de la relève agricole. Il allège le fardeau du nouveau producteur et lui permet d'adapter, au cours des premières années d'établissement, la situation financière de son entreprise à ses propres capacités de remboursement. De plus, il lui permet d'effectuer des investissements pour moderniser et améliorer la capacité de remboursement de l'entreprise. Évidemment, nous le répétons, il s'avère nécessaire de greffer des critères de formation à cette mesure politique puisque la compétence des nouveaux exploitants est liée directement à toute formule de financement. Il incombe que le nouveau producteur puisse gérer adéquatement son exploitation et maîtriser la subtilité des techniques de production modernes en agriculture. Par ailleurs, le comité a greffé à cette exigence de formation deux autres critères d'admissibilité: premièrement, que ce prêt fasse l'objet d'un suivi et, deuxièmement - il y a eu une modification au mémoire - que les avantages financiers accordés à l'acheteur, soit la relève agricole, restent à l'avantage de l'acheteur et non à celui du vendeur.

Finalement, nous ne pouvons terminer notre intervention sans souligner les effets directs des hauts taux d'intérêt sur les entreprises agricoles. Au cours des trois ou quatre dernières années, l'augmentation des taux d'intérêt a provoqué une déstabilisation de nombreuses entreprises agricoles au Québec.

Ce n'est certainement pas en laissant les producteurs jouer à la roulette russe que les gouvernements pourront maintenir ce secteur économique en vie-

N'oublions surtout pas que les changements de contexte économique ont été brutaux et n'ont pas laissé suffisamment de temps aux agriculteurs pour corriger leur attitude. D'ailleurs, les organismes gouvernementaux de prêt agricole sont les premiers à l'admettre.

D'autre part, après avoir fait notre mea culpa, il faut maintenant se ressaisir et éviter de retomber dans le même piège.

Pour nous, l'un de ces pièges, et probablement le plus dangereux, se révèle être les taux d'intérêt trop élevés. Il est donc nécessaire, dès à présent, d'établir une politique générale de plafonnement des taux

d'intérêt en agriculture. Cette politique doit s'inspirer des réalités conjoncturelles auxquelles doivent faire face les producteurs agricoles. Nous avons déjà signalé qu'il est inacceptable de maintenir des taux d'intérêt supérieurs à 10% en agriculture et, pour nous, ce chiffre paraît même indu, compte tenu de la marge de rentabilité des exploitations agricoles au Québec.

Incidemment, bien que ce ne soit pas la tribune idéale pour l'affirmer, il n'en demeure pas moins que nous ne pouvons que dénoncer les programmes de la Société du crédit agricole qui ne sont certainement pas des exemples à suivre au Québec.

Évidemment, si les producteurs agricoles, et ce, dans chacune des productions, pouvaient obtenir leur coût de production, nous pourrions nous protéger contre ces fluctuations des taux d'intérêt. Toutefois, puisque le législateur prétend couvrir la différence, il s'avère nécessaire qu'il ajuste ses politiques en fonction de ces impondérables de notre système économique.

En conclusion, messieurs les députés, la Fédération de l'UPA de Nicolet ne prétend pas détenir la formule miracle pour enrayer tous les problèmes en agriculture. Cependant, forte d'une expertise quotidienne des réalités agricoles, la fédération souhaite que ces quelques commentaires puissent nourrir, non pas une quelconque refonte, mais un nouveau programme d'intervention autant pour la relève que pour les milliers de producteurs agricoles du Québec. Merci.

Le Président (M. Dupré): Premièrement, je vous remercie, au nom de ma formation, du rapport que vous nous présentez. Je vous souhaite la bienvenue dans le comté de Saint-Hyacinthe, étant député de Saint-Hyacinthe. J'aurais une couple de courtes questions avant de donner la parole au député d'Arthabaska.

À la page 2 de votre mémoire, vous dites: "S'il est donc facile pour le gouvernement d'adapter ses interventions à tous les producteurs, il lui est tout aussi facile d'ajuster ses opérations en fonction du contexte vécu dans chacune des productions. " Mais lorsqu'on parle, par exemple, du veau de grain, des moutons, des lapins, ce n'est pas plus facile... Je parle de nouvelles productions, je pense qu'on peut appeler cela les nouvelles productions. Ce n'est pas aussi facile, ni pour lui ni pour d'autres.

M. Raîche: L'important là-dedans, c'est que vous avez adopté des programmes qui font un cadre juridique, un programme de statibilisation, mais qui ne sont pas adaptés à une production qu'on veut développer. Vous en avez peut-être l'exemple idéal dans le veau de grain. Vous n'avez pas de politique pour tenir compte des investissements que ces gars ont à faire à court ou à long terme et de ce que représente un coût de production. On se base, bien souvent, sur le bovin ou sur le porc pour, justement, rentabiliser à court terme en tenant compte des investissements, mais, lorsqu'on entre dans les nouvelles productions, bien souvent, c'est différent. II faut que chaque production soit adaptée, et il y a toujours des hauts et des bas dans les besoins du marché. Vous avez justement un secteur où, actuellement, il n'y a pas de plan conjoint qui fonctionne pour assurer une sécurité du revenu. Si on prenait l'exemple des producteurs de lait qui ont une formule d'indexation au coût, vous pouvez évaluer à court terme ou à moyen terme le remboursement possible du producteur, mais, lorsque vous arrivez dans une production nouvelle à développer, vous n'avez pas d'échelle pour prévoir à court terme ces paiements. On limite à très peu la marge d'exploitation du producteur. Le plus petit exemple de, je ne dirais pas, une mauvaise administration, mais le plus petit pépin qui arrive, des fois, ça lui enlève plus que ses biens.

Le Président (M. Dupré): À la page suivante, la page 3, lorsque vous parlez d'évaluation des coûts de production, vous dites: "Par exemple, la prime n'est pas encore comptabilisée. " Je sais fort bien qu'il y en a d'autres. Je voudrais vous entendre développer davantage ce sujet.

M. Saint-Pierre (Réjean): Dans le coût de production, la prime de l'assurance-stabilisation n'est pas comptabilisée. Dans le moment, si je ne me trompe pas, c'est aux alentours, pour les bovins de boucherie, d'une quarantaine de dollars; à ce moment-là, dans le coût de production du bovin de boucherie, cette prime n'est pas comptabilisée.

Le Président (M. Dupré): C'est cela. Vous parlez de la prime, mais il y a d'autres choses. Si on ajoute la prime, cela n'a pas l'air à vous satisfaire. Vous dites: Par exemple, il y a la prime. Je suis d'accord...

M. Raîche: C'est 40 $ à 50 $ pour l'assurance-stabilisation. Mais, lorsqu'on n'en tient pas compte, cela veut dire que son coût de production est de 50 $ plus élevé. Si vous prenez un producteur qui a 200 bovins à 50 $ de prime, cela représente des sous, toute une différence au bout. Ce n'est pas comptabilisé dans son coût de production.

Le Président (M. Dupré): Je comprends cela et je le savais. C'est l'exemple que vous donnez. Mais je veux savoir s'il y en a d'autres.

M. Saint-Pierre: Parce que le coût de production est aussi établi en fonction de la ferme modèle, superefficace.

Le Président (M. Dupré): Dès la première année.

M. Saint-Pierre: Oui.

Le Président (M. Dupré): Lorsque vous parlez à cet égard, à la page 5, des taux d'intérêt, c'est sûr que, depuis... Ceux qui sont partis depuis 1979, tout de suite en 1981-1982, on a frappé des taux d'intérêt à 18%, 20% et 22%, même davantage dans certains cas, alors qu'on sait que l'agriculture peut rapporter quoi, 7%, 8%...

M. Raîche:... autour de 3%, peut-être.

Le Président (M. Dupré): IIn'y a aucune production, à ce moment-là. Ce phénomène n'est pas nouveau, direz-vous; toutefois, il n'a jamais été aussi manifeste que depuis les trois dernières années. Est-ce que, d'après vous, la raison la plus évidente, cela a été la montée des taux d'intérêt? Est-ce que c'est seulement cela? Cela l'a été en bonne partie, mais, à part ceux qui étaient partis dans les nouvelles productions, ceux qui étaient établis depuis un certain temps, il y en a quand même qui sont venus... En tout cas, s'ils n'ont pas fait faillite, ils sont venus sur le bord de le faire. Il y a eu certainement les taux d'intérêt, tout le monde est d'accord. Mais si c'est le montant que cela rapporte... Vous parlez de 3%. Est-ce pour les arrivants ou après un certain temps? Si on dit que cela rapporte environ 7%, je voudrais que vous en parliez davantage. C'est toujours difficile pour ceux... On sait que c'est en agriculture que cela prend le plus de capital pour essayer de faire vivre une famille ou une entreprise par rapport à tous les autres. D'après votre point de vue, peut-être aussi d'après votre région, parce que l'on sait que cela varie considérablement...

M. Jacob: On pourrait reprendre certains chiffres. Si on prend les revenus agricoles nets réalisés, on s'aperçoit - je pense que l'UPA provinciale l'a mentionné -que, dans les années 1973, 1974 et 1975, les revenus en dollars constants, en millions de dollars, étaient comme suit: en 1973, on enregistrait 299 000 000 $; en 1974, 304 000 000 $, et en 1975, 343 000 000 $; on se ramasse, en 1984, à 235 000 000 $, toujours en dollars constants, comme revenus nets réalisés.

Il faudrait peut-être voir, de l'autre côté, les coûts de production depuis 1973. On sait que les coûts d'énergie ont augmenté considérablement et cela représente un point important dans le coût de production. Cela peut vous démontrer la faiblesse des rendements que cela peut donner à l'agriculture. (20 h 45)

Le Président (M. Dupré): Avec les subsides, l'encouragement et l'aide, lorsque tu demeures à l'interne, il n'y a pas de problème; tu peux faire varier tes coûts, tu peux donner de l'aide en masse. Mais quand tu es rendu dans une production comme le porc - on a déjà été à 150%, 155% d'autosuffisance - quand tu n'es pas saturé à l'intérieur, il n'y a pas de problème. Mais une fois que tu es saturé et que tu as des extra, qu'est-ce qu'on fait comparativement aux autres pays? On sait ce qui s'en vient aux États-Unis, vous suivez probablement cela de plus près ou, en tout cas, d'aussi près que nous. Ils demandent des subsides. M. Reagan dit: Les 8 000 000 000 $, vous ne les aurez pas. L'année dernière, il y a eu 18 000 000 000 $ de subsides. On gonfle les prix. Ils sont pris avec 25 000 000 000 de boisseaux de blé, on en a parlé encore hier. Si vous ne sortez pas de votre coquille, il n'y a pas de problème, vous pouvez fixer les prix que vous voulez, mais, quand vous arrivez sur les autres marchés... Les Russes s'approvisionnent auprès du Marché commun. Qu'est-ce que vous faites avec votre production et cela mène où?

M. Jacob: Quand vous mentionnez qu'il n'y a pas de problème tant qu'on n'est pas saturé, là-dessus, je pourrais vous mentionner les grandes cultures où an n'est pas saturé au Québec. Si on se réfère aux deux ou trois dernières années, il y a eu des problèmes. Prenons au niveau du maïs, une année, à la fin de 1982, du maïs s'est vendu 100 $, 110 $ la tonne, dans notre région.

Le Président (M. Dupré): Évidemment, parce que le prix n'est pas fixé, au Québec.

M. Jacob: Ce n'est pas nécessairement une question de saturer nos marchés à l'intérieur, parce que, dans cette production, on n'est pas saturé, on n'est pas autosuffisant; pour le porc, c'est peut-être un développement trop rapide de la production occasionné par des crédits agricoles qui ont donné accès au développement de la production. C'est certain que le marché international y est pour beaucoup dans ces productions. Nous, quand on revient, on se ferme. Je veux dire qu'on parle d'offices nationaux et de leur contrôle. Idéalement, il faut en arriver là. Au Québec, on est 6 millions de personnes, au Canada, on est 25 millions de personnes; sur le marché international, ce n'est peut-être pas la meilleure place où on doit faire le développement de l'agriculture, en vendant nos produits à l'étranger.

M. Raîche: Je croîs que, dans tous les domaines où l'agriculture a évolué, l'État a toujours participé. Je pense qu'au Québec, si on voulait essayer de développer

l'agriculture, mais en la laissant seulement aux producteurs, on ne pourra jamais réussir à développer des choses. Mondialement, l'agriculture est subventionnée, mais on applique toujours la subvention à l'agriculteur. Je pense qu'il va peut-être falloir changer de formule, parce que c'est une subvention aux consommateurs. Les agriculteurs commencent en avoir assez de supporter de toujours se faire dire qu'ils sont subventionnés. Lorsqu'on applique une subvention, c'est plus facile de l'appliquer à l'agriculteur, mais, en réalité, c'est pour subventionner le consommateur de la ville qui, lui, peut en bénéficier. Actuellement, voyez quel prix les producteurs d'oeufs vendent la douzaine d'oeufs par rapport à il y a dix ans; elle est encore à peu près au même taux. On demande de plus en plus à l'agriculture d'être efficace et de produire au meilleur coût, et je crois qu'il n'a pas augmenté depuis dix ans. Actuellement, pourtant, le consommateur peut encore se procurer des oeufs au même prix. Il va falloir dire, à un moment donné, au consommateur qu'il bénéficie également de subventions, parce que notre coût de production se rapporte à cela.

Le Président (M. Dupré): Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Je serai très bref dans mes commentaires pour vous laisser le plus de temps possible pour y répondre. Depuis quelques jours, différents intervenants nous ont parlé de l'importance de la formation, d'autres de l'importance du financement et, aujourd'hui, on nous a parlé de l'importance du dialogue entre père et fils et père et fille pour l'aide à la relève agricole. Aujourd'hui, dans votre mémoire, vous nous parlez de l'importance d'obtenir le coût de production. Ce qui me surprend un peu, à la fin de votre mémoire, vous revenez en mettant l'accent sur le financement. Admettons qu'on réglerait le problème au niveau du coût de production et qu'on ajouterait le coût de la prime à l'évaluation, est-ce que cela réglerait tous les problèmes? J'aimerais vous entendre parler sur le coût de production, si c'est uniquement le fait qu'on n'ajoute pas le coût de la prime au coût de production ou s'il y a autre chose.

M. Jacob: Vous parlez de l'assurance-stabilisation?

M. Baril (Arthabaska): Oui.

M. Jacob: C'est une chose, l'assurance-stabilisation. Je pourrais vous relancer la balle, est-ce qu'on va faire le développement de l'agriculture sur le dos de l'assurance-stabilisation? C'est une autre chose.

M. Baril (Arthabaska): Pour vous, atteindre le coût de production sans nuire à la compétition - je parle d'autres pays, etc. - c'est quoi?

M. Jacob: Quand on établit un coût de production, c'est toujours un coût de production moyen. Autrement dit, on prend une ferme modèle, on commence à parler des modèles "enquêtisés", mais on en est encore, dans beaucoup de productions, à la ferme modèle. D'accord? On calcule un niveau d'endettement moyen, mais, par contre, les jeunes qui s'établissent en agriculture, on sait bien que leur coût de production est toujours beaucoup plus élevé que le coût de production moyen. Cela oblige le jeune, au point de départ, à être beaucoup plus efficace, si vous me le permettez, à "scorer" plus que celui qui est en production depuis dix ans ou quinze ans.

M. Baril (Arthabaska): Ce qui veut dire qu'il faudrait modifier le calcul du coût de production. Il ne faudrait pas s'en tenir à la moyenne.

M. Jacob: C'est pour cela qu'on parle d'un taux progressif; leur coût de financement étant moins élevé par un système de taux progressifs, cela réduirait leur coût de production. Donc, il se rapprocherait du coût de production moyen, toujours en supposant que le coût de production moyen serait calculé sur des modèles "enquêtisés" et en calculant qu'il paierait les taux d'intérêt, même s'il ne les paie pas les premières années; en faisant comme s'il les payait. À ce moment-là, il se rapprocherait du coût de production moyen.

M. Baril (Arthabaska): Dans votre mémoire, à la page 2, je crois, vous dites que, dans certaines périodes, l'Office du crédit agricole a délié les cordons de la bourse quand cela va bien et, quand cela va moins bien, les cordons se resserrent. Moi, dans ma tête, j'ai fait allusion à la période -je pense que vous allez comprendre mon expression - de folie de l'expansion de la production porcine, à un moment donné, où tout le monde pensait faire fortune là-dedans. Quelle aurait été l'attitude ou le rôle de l'UPA si, à cette période de l'expansion de la production du porc, parce qu'on connaît celle-là, l'office avait dit: Non, on ne prête plus nous autres, parce qu'on a peur qu'il y en ait trop tout à l'heure et que les prix vont chuter, on ne prête plus? Quelle aurait été l'attitude de l'UPA?

M. Raîche: Je pense que l'UPA, en tant que telle, était consciente du problème qui s'en venait. C'est entendu qu'on le vit dans un pays qui est libre et tout le monde

voudrait essayer de bénéficier de l'emprunt. Mais, à un moment donné, on s'aperçoit que la liberté individuelle ne devient plus une liberté collective. C'est peut-être de faire comprendre cela à des gens. Je vais vous relancer la balle dans un autre domaine, soit l'industrie de l'érable, parce que j'en suis un producteur. Cela a été pareil. On a développé, à un moment donné, parce qu'il y avait des politiques d'incitation pour développer l'industrie de l'érable. Mais, on n'avait pas développé les marchés. Qu'est-ce que cela a fait? On n'est pourtant pas dans un produit excédentaire. Cela a fait baisser les ventes au point où on était rendu dans un marasme. Actuellement, on repart sur l'autre côté. Qu'est-ce que cela va faire? On n'a pas de stabilité.

Cela veut dire que, dans une production, peu importe laquelle, il faut y aller par étapes. L'industrie du porc en est une qu'on a développée parce que cela demandait des capitaux, l'office a ouvert les crédits. C'était possible de prêter et, bien souvent, de prêter avec des contrats d'intégration qui enlevaient au producteur la liberté de faire, de contrôler sa production, parce que l'intégration est une formule qui ne protège pas. On devient des journaliers avec cela.

M. Baril (Arthabaska): Pensez-vous que le gouvernement du Québec, depuis les cinq ou six dernières années, a travaillé de concert avec l'UPA pour justement essayer d'empêcher l'intégration au Québec dans différentes productions ou si on aurait pu faire plus, ou quoi?

M. Raîche: Peut-être qu'on ne consulte pas assez vite. Je pense que l'UPA est un intervenant dans le domaine agricole qui se doit d'être consulté. Peut-être pas prendre toutes les solutions, mais, au moins la consulter. On a des problèmes qu'on voit venir, à un moment donné, dans le domaine agricole et on n'est peut-être pas assez consulté. Je déplore... Peu importe le gouvernement, je ne fais pas de politique, on connaît les soubresauts qui vont venir, parce qu'on a des tendances, on a des habitudes. On ne doit pas penser que, de plus en plus, la libre entreprise va s'en aller. Il va falloir s'en aller... Vous allez prendre le boeuf, il n'y a pas de mécanisme qui permette de contrôler la mise en marché. Mais, quand on développe des choses sans les planifier, on se réveille avec des problèmes. Cela donne des secteurs de transformation non adaptés. C'est tout un monde qui vit autour de l'agriculture, si on veut. Il faut tenir compte de toutes ces choses.

M. Baril (Arthabaska): Vous dites que l'UPA n'est pas assez consultée, mais, le peu de fois qu'elle a été consultée, est-ce que vous pensez que vous avez eu une oreille attentive, le gouvernement respecte-t-il un peu, tient-il compte de vos suggestions, ou bien si l'on n'en tient pas compte du tout?

M. Raîche: Ce n'est pas à nous de vous le dire.

M. Baril (Arthabaska): Mais quoi, vous êtes là.

M. Raîche: On prétend qu'on consulte nos membres, qu'on aide un peu...

M. Baril (Arthabaska): Non, je parle au sein du gouvernement. Quand le gouvernement consulte l'UPA, est-ce que, selon vous autres, le gouvernement tient assez compte des suggestions de l'UPA ou bien s'il n'en tient pas assez compte?

M. Raîche: Moi, je dirais qu'il n'en tient pas assez compte. Question facile peut-être.

M. Saint-Pierre: J'aurais quelque chose à ajouter, quand vous avez parlé de l'explosion, de l'expansion rapide de la production porcine. Je suis convaincu qu'à ce moment-là aussi bien qu'aujourd'hui, l'UPA défendait toujours la formule des plans conjoints au niveau de la production porcine, pour ajuster, en fin de compte, l'offre à la demande intérieure. Je ne sais pas si cela répond un peu et si vous comprenez l'essentiel de mon intervention. En fin de compte, un plan conjoint, c'est pour ajuster l'offre et la demande.

M. Baril (Arthabaska): Je comprends que c'est pour ajuster l'offre et la demande, les plans conjoints; mais comment fait-on pour en arriver à donner aux producteurs quand l'offre est plus grande que la demande, à cause de la concurrence du marché? Comment fait-on pour en arriver à donner le coût de production aux producteurs?

M. Jacob: Vous pourriez peut-être répéter la question. Je voudrais compléter l'intervention de M. Saint-Pierre. Quand on parle des années d'expansion, quand on parle de l'organisation de la mise en marché, on sait que, dans les bonnes années, quand les prix sont élevés aux producteurs, quand on parle d'organisation, cela devient plus difficile de faire travailler le monde ensemble. Par contre, quand vient le temps d'organiser, disons, le porc, on est peut-être arrivé trop tard. On a développé la production, on a augmenté notre degré d'autosuffisance et on l'a dépassé, mais, par contre, on a oublié l'organisation de la mise en marché. Même si l'UPA a toujours défendu la mise en place des plans conjoints

on va en fonction des intérêts des producteurs, je veux dire la majorité des producteurs - la Régie des marchés agricoles nous oblige d'avoir les deux tiers des producteurs en faveur, 50%, ou l'inverse, les deux tiers des votants et 50%... En tout cas, c'est l'inverse encore. Mais, finalement, quand vient le temps de s'organiser, dans des périodes où les prix sont élevés, cela devient beaucoup plus difficile d'organisation. J'aimerais que vous repreniez votre question, je n'ai pas saisi.

M. Baril (Arthabaska): Je sais que le président est à la veille de me faire signe.

Le Président (M. Dupré): II reste trois minutes à votre formation.

M. Baril (Arthabaska): Voyez-vous comme ce n'est pas long, on est vite passé au "cash". Ce n'est pas parce que je n'aimerais pas gratter le fond de cette question, mais, hier, on a reçu les banquiers, et ils nous ont dit à peu près ceci: Nous, on est capable de financer les bons agriculteurs sans aucune garantie du gouvernement, mais les moins bons agriculteurs, qu'ils aient une sorte de - je vais utiliser à peu près leurs termes - caisse sociale - ils n'appelaient pas ça l'Office du crédit agricole - qui les finance. J'aimerais avoir vos commentaires sur cela.

M. Raîche: Autrement dit, ils ramassent les bons et ils vont vous laisser les pas bons.

M. Baril (Arthabaska): C'est exactement cela.

M. Raîche: Cela fait une bonne moyenne quand on parle d'un organisme gouvernemental qui doit fonctionner et être plus efficace qu'eux quand tu ramasses les pas bons. Est-ce cela?

M. Baril (Arthabaska): Oui. Seriez-vous d'accord que l'administration des prêts agricoles et que l'évaluation de chaque projet soient faites par les institutions financières privées, toujours sous garantie par le gouvernement ou que le prêt soit garanti par l'Office du crédit agricole?

M. Raîche: Oui, je pense que cela serait garanti par l'Office du crédit agricole, d'accord, mais on voudrait un nouveau mécanisme lorsqu'il y a une transaction et que le père vend à son fils ou à un étranger, il y a des capitaux qui sont là et qui sont manipulés; qu'on les prête à une banque pour qu'elle les reprête à l'exploitant qui entre en fonction ou qu'on prenne ces capitaux, qu'on les prête à la banque et que ce soit l'autre qui reprête; il y a des transactions qui, d'après nous, pourraient être minimisées. S'il y avait une garantie de la part du gouvernement que, lorsqu'un gars prend son argent, il endosse pour être certain d'avoir une sécurité et le laisse dans l'entreprise; cela peut être un fonds de retraite ou un crédit d'impôt, etc. Mais cela est le même argent qui finance. Actuellement, l'institution financière est là pour travailler avec de l'argent, mais également pour faire des profits. Même si cela coûtait seulement 2% ou 3%, celui qui achète fait un surplus de frais d'exploitation. Les 2% ou 3% sont importants. S'il y avait une garantie que le gouvernement assure sa somme au vendeur, l'emprunteur en bénéficierait. On n'aurait même pas besoin quasiment des institutions prêteuses.

M. Baril (Arthabaska): Ce serait la formation d'une sorte de banque agricole?

M. Raîche: Si l'on veut.

Une voix: Je ne sais pas si les autres ont des choses à ajouter.

Le Président (M. Dupré): Est-ce qu'on peut entendre...

M. Jacob: Tout à l'heure, quand vous parliez des banques qui ramasseraient les bons et les pas bons... Quand on parle de pas bons, il faut faire attention.

M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas moi qui l'ai dit, j'ai répété ce que les banquiers ont dit hier. (21 heures)

M. Jacob: Mon président voulait sûrement dire, en parlant de pas bons, que c'est en termes de capacité de remboursement.

M. Baril (Arthabaska): Oui, c'est moins sécuritaire.

M. Jacob: Le problème, ce serait de définir les bons et les pas bons.

M. Lavigne (Jean-Marc): Ils sont tous bons, c'est que tu as des gens moins riches.

M. Baril (Arthabaska): Mais un producteur peut être bon durant deux, trois ans. À un moment donné, il arrive une fluctuation du marché et là, il devient moins bon. La banque, qu'est-ce qu'elle ferait?

M. Lavigne (Jean-Marc): Surtout, n'oubliez pas le jeu des banques aussi. Elles ne se basent que sur l'évaluation des bâtisses pour jouer sur les marges de crédit. C'est ce qui se passe actuellement. Si on veut, tous les agriculteurs pourraient faire une caisse sociale et on jouera sur la faillite des

banques. C'est un autre point.

Le Président (M. Dupré): Merci, M. le député. Malheureusement, le temps est terminé.

Une voix: Vous avez pris tout le temps, M. le député.

M. Baril (Arthabaska): Il me semblait que vous étiez gentil.

Le Président (M. Dupré): Je suis très souple, mais tout de même, il y a un autre mémoire à entendre par la suite. Je passerais la parole au député de Maskinongé.

M. Picotte: Comme le député de Saint-Hyacinthe est chez lui, il est roi et maître, M. le député d'Arthabaska. Merci, M. le Président. Vous avez été quasiment une planche de salut pour la région de la Mauricie parce que je ne vous cacherai pas qu'on a été un peu déçu au début de constater que, de la région de la Mauricie, il y avait seulement un mémoire qui nous avait été présenté; c'était le vôtre, alors on vous en remercie. C'est peut-être explicable, parce qu'il y a eu un mini-sommet économique dans la région de Victoriaville dernièrement et tous les intervenants de la région de la Mauricie ont pu aller au moins exprimer leurs doléances à cette occasion.

De toute façon, vous avez un élément dans votre programme qui est nettement différent, un aspect qui est différent des autres. Vous nous parlez de la dérogation des coûts de production. Moi, j'ai écouté d'autres intervenants, pas nécessairement à cette commission parlementaire, mais à d'autres commissions parlementaires. Ne croyez-vous pas qu'il n'y a pas beaucoup de réalisme en ce qui concerne l'établissement de coûts de production quand on fait une ferme de type modèle? C'est-à-dire que, souventefois, on va calculer des coûts et, en fin de compte, cela représente la réalité d'une, deux ou trois semaines dans l'année lorsqu'il s'agit de la vente de produits ou quoi que ce soit. D'ailleurs, c'est un des reproches qu'on nous avait fait. Qu'est-ce qui manque justement à cet établissement de coûts de production pour le rendre en fait conforme à la réalité que vous vivez? Est-ce que ce sont des rêveurs qui vous conseillent ou si ce sont des gens qui ont les deux pieds à terre?

M. Jacob: Comme vous l'avez mentionné, la ferme modèle, c'est rigide dans le temps. On s'arrête à un moment donné, on calcule habituellement les coûts de production à tous les cinq ans et on les indexe avec les années. Par contre, si on prend, ces dernières années, l'augmentation des taux d'intérêt, est-ce qu'on a tenu compte de la croissance des taux d'intérêt au cours des cinq dernières années, vu qu'elle a été aussi rapide? Il demeure que, quand on calcule un coût de production - je reviens là-dessus - c'est toujours un coût de production moyen. Une ferme modèle... Quand l'UPA va défendre ses coûts de production au niveau du ministère de l'Agriculture, on en revient et c'est toujours difficile de s'entendre. On ne s'entend pas sur la ferme modèle, on finit par concéder d'un bord, de tous côtés. Par contre, quand on en arrive à la stabilisation, est-ce qu'ils tiennent compte vraiment de ces coûts de production qui sont déterminés par les références économiques? Les références économiques établissent un coût, l'assurance-stabilisation, est-ce qu'elle en tient compte? Elle en tient compte en partie, elle n'en tient pas compte au total. On a dit qu'elle ne tenait pas compte de la prime; c'est un point encore, c'est toujours un coût de production moyen. Celui qui est établi depuis 15 ans, peut-être que ce coût de production lui convient et même qu'il est en bas. Par contre, celui qui s'établit, ce coût de production est encore moins élevé que le sien.

M. Picotte: Le point principal qui joue justement dans la différence de l'établissement de ce coût de production, vous semblez dire, en tout cas, que le point majeur, c'est le taux d'intérêt. Est-ce que ça veut dire, par contre, que, si on suivait une recommandation que nous font la plupart des organismes qui sont passés, à l'effet de mettre une stabilité au taux d'intérêt, de le rendre progressif, on vient de régler le problème de l'établissement du coût de production?

M. Saint-Pierre: Peut-être pas nécessairement régler le problème, mais ça stabilise le coût de production.

M. Picotte: Il resterait quoi à corriger par la suite?

M. Jacob: L'organisation et la mise en marché.

M. Picotte: L'organisation et la mise en marché.

M. Jacob: D'accord, si on demeure tout le temps dans l'offre et la demande. Prenons la situation du porc, il va falloir, à un moment donné, organiser cette production. Ce n'est pas facile parce qu'il y a différents intervenants. Il y a toujours des gagnants et des perdants dans une production. Si les producteurs veulent en avoir un peu plus, il y en a d'autres qui vont devoir reculer. En diminuant les taux d'intérêt ou en contrôlant cette fluctuation des taux d'intérêt, il faut absolument organiser la mise en marché. Si

on reste toujours avec l'offre et la demande, la concurrence parfaite, à long terme, il ne restera plus beaucoup de fermes.

M. Raîche: Un point qui est majeur quand on parle de l'intérêt, c'est que la deuxième dépense en importance pour une ferme - cela dépend des exploitations - c'est le coût des intérêts. La première, c'est l'alimentation des animaux et la deuxième, c'est le remboursement de l'intérêt. Cela suit de près, avec une fraction de point, les dépenses pour la machinerie. Quand ces dépenses entrent en ligne de compte à un point aussi élevé, 12, 2% du coût des dépenses, c'est énorme.

M. Picotte: C'est le gros morceau.

M. Raîche: C'est le gros morceau. Si on pouvait situer une majoration d'environ 5% seulement, ce serait toute la différence. Ce sont les dépenses brutes d'une exploitation, c'est 12% du total des dépenses. On prend un agriculteur qui rembourse jusqu'à 40 000 $ par année d'intérêt, avant de commencer à vivre. Il n'a pas vécu et il a 40 000 $ d'intérêt à rembourser. C'est pour cela que, quand on prend des fermes moyennes, on enlève les premières et on enlève les dernières; donc, les premières qui partent... Le problème qui s'en vient de plus en plus grave, c'est la relève. La relève ne pourra pas acheter des fermes. On va être pris avec des capitaux qui vont venir des étrangers ou des superentreprises qu'on va être obligé de bâtir et qu'on va être obligé de démanteler pour être capable de les financer. Si on avait des formules pour permettre aux jeunes ou aux moins jeunes de faire de la production et d'avoir des prix. Cela se reflète sur le coût de production immédiatement. C'est pour cela qu'on dit que, s'il y avait un taux d'intérêt progressif, cela permettrait à celui qui veut entrer en production de partir.

M. Picotte: Maintenant, on a parlé aussi - pour aller dans un autre domaine, étant donné qu'il n'y a pas d'autres questions - du phénomène de l'intégration. On s'est fait dire à plusieurs reprises, en tout cas, que, quand un individu s'adressait à l'Office du crédit agricole, on lui disait: On est bien prêt à te prêter, mais tu vas aller te chercher un contrat d'intégration. Si tu réussis à nous apporter un contrat d'intégration, on verra si on doit compléter ta formule. À votre connaissance - cela a dû se faire dans le porc, j'imagine, surtout à l'époque un peu plus difficile - est-ce que cela s'est fait à une échelle assez élevée ou si cela s'est fait à quelques exceptions? Est-ce que le phénomène est tellement peu fréquent qu'il ne vaut même pas la peine de s'en inquiéter?

M. Raîche: Je crois qu'il vaut la peine de s'en inquiéter parce qu'on a l'exemple du porc, entre autres. On a également le domaine de la volaille, des oeufs, qui dépend beaucoup de l'intrant de moulée. Ce sont surtout des compagnies qui ne vivent pas de l'industrie, mais il y a une autre industrie à côté qu'elles font vivre avec cela. Le boeuf, actuellement, on va le voir de plus en plus se développer par rapport à cela, parce que c'est un consommateur de grain. Donc, plus tu manipules, même si tu ne fais pas d'argent avec l'animal en tant que tel, si tu en fais avec la moulée, tu viens d'accrocher les deux bouts. Vous voyez actuellement ce qui se passe. L'entreprise qui est dans le porc, mais qui a également de la volaille, s'en sauve mieux que d'autres. Cela veut dire qu'il y a une relation entre les deux. Il ne faut pas se le cacher, je pense que c'est vrai.

M. Picotte: Un autre domaine que je voudrais étudier un peu avec vous, c'est le phénomène des quotas pour la relève. Souventefois, le prix que doit payer un jeune concernant le quota qu'il doit acheter et qui n'est pas comptabilisé parce qu'on trouve qu'un quota, évidemment, cela ne se comptabilise pas... Il reste que le type doit le débourser. J'imagine que ce phénomène est un drôle de phénomène enfargeant pour le jeune qui s'en va en agriculture. Y a-t-il eu des études faites au niveau de l'UPA ou au niveau de votre fédération pour proposer des solutions concrètes au phénomène du quota? Parce qu'on parle de 100 000 $, 125 000 $, 150 000 $ dans certains cas, peut-être un peu moins que cela; en tout cas, jouons entre 50 000 $ et 100 000 $; c'est déjà beaucoup d'argent, d'autant plus que, lorsqu'on n'accepte pas de le comptabiliser, parce qu'on dit: Du quota, ce n'est pas comptabilisable et cela peut disparaître... Finalement, qu'est-ce que cela veut dire? Y a-t-il un phénomène quelconque que vous suggéreriez pour enlever cette embûche dans tout le domaine, à la fois de l'endettement et du financement de la relève?

M. Saint-Pierre: En ce moment, il est en train de se monter tout un système d'étude entre les fédérations concernées, celles qui administrent des quotas - si je ne me trompe pas, les paliers de gouvernement devraient être sollicités, le collège Macdonald aussi - avec une équipe d'économistes et toutes les formations nécessaires. En fin de compte, ceci est pour étudier tout l'impact de la valeur des quotas en ce moment, pour trouver une ou des façons pour résoudre le problème. L'étude devrait se faire sur une période d'environ un an.

M. Picotte: Cela suppose que, d'ici un an environ, il y aura des solutions concrètes de proposées pour régler ce problème, qui est quand même assez crucial, à mon avis, surtout du côté de la relève,

M. Saint-Pierre: Exactement.

M. Raîche: Cela pose des problèmes majeurs également parce que, actuellement, on voit la transmission des fermes qui se fait; celui qui veut acquérir une ferme est obligé de payer meilleur marché parce qu'elle n'est pas rentable. Si tu élimines l'élément quota en frais de piastres, la valeur de l'entreprise est à peu près égale à sa rentabilité moins le quota. Donc, c'est une plus-value qui est attachée à cela; mais cela prend un quota, une production certaine pour être capable de vivre. Ils ne se dissocient pas l'un de l'autre. Actuellement, on a le phénomène qui est rendu assez grand par l'ampleur des quotas; si tu mets le quota et la valeur de l'entreprise, elle ne se vend pas, elle n'est pas rentable; si tu élimines l'élément quota, elle devient récupérable.

M. Saint-Pierre: II y a une autre question aussi qu'on peut se poser. Si vous éliminez le facteur quota, est-ce que les autres actifs de la ferme vont prendre de la valeur? C'est tout cela qu'il faut regarder,

M. Picotte: Est-ce qu'on ne comptabilise pas, de toute façon, la valeur du quota?

M. Saint-Pierre: On ne le comptabilise pas, on ne le prend pas en garantie. Mais, quand on vend du quota, il faut donner l'argent au prêteur, en tout cas.

M. Picotte: Oui, c'est cela. C'est pour cela que le phénomène du quota est drôlement... Vous avez, à la page 4... Je me rappelle, quand est arrivée la crise dans l'industrie porcine, ce qu'on appelle les fameux prêts spéciaux consentis aux agriculteurs. J'ai toujours eu l'impression, même si le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation me disait que j'étais dans les patates à ce moment-là, qu'ajouter des crédits spéciaux, sous forme de prêts, à des gens qui sont déjà mal pris jusqu'au cou, c'est risquer de leur en mettre une goutte de plus, bien souvent plus qu'une goutte, pour leur en envoyer par-dessus la tête. Finalement, cela semble difficile de se sortir de ce pétrin.

Vous dites, dans votre mémoire: "C'est pourquoi il faudra prévoir des dispositions plus adéquates pour permettre aux producteurs de se relever véritablement de ces mauvaises périodes. " Dans la conjoncture qu'on a appelée la conjoncture du problème du porc, qu'est-ce qu'il aurait fallu qu'un ministère fasse pour éviter tout cela, pour venir en aide, pour justement que les producteurs puissent se relever véritablement de cette mauvaise période? C'était quoi? Des subventions directes? On nous dit souvent que les agriculteurs n'aiment pas trop cela recevoir des subventions, ils ont l'impression de quêter du bien-être social.

M. Saint-Pierre: D'accord. Ceux qui ont sauté le plus vite, à ce moment-là, c'étaient probablement les derniers entrés en production, depuis quelques années. S'ils avaient eu, comme on en a parlé tantôt, le taux d'intérêt progressif, à ce moment-là, les gens auraient peut-être pu avoir une marge de manoeuvre au niveau de leur fonds de roulement pour éviter tous ces problèmes. Cela est une cause. (21 h 15)

M. Jacob: J'aimerais compléter son intervention. Les crédits à la production. On sait que ces productions, cela demande beaucoup de capitaux, beaucoup de fonds de roulement. Les crédits à la production, quand on allait à une institution financière dans cette période-là, on se ramassait avec des taux d'intérêt allant de 18% jusqu'à 20%, 21%, 22%. Une ferme qui fonctionne avec un crédit à la production d'un taux semblable, c'est impensable de pouvoir sortir de l'argent au bout de cela, après une période de production. On sait que, dans le domaine du boeuf, cela exige des crédits à la production importants quand vous commencez un élevage. Dans le domaine du porc, c'est la même chose; quand vous rentrez des porcs à l'engrais et que vous les maintenez jusqu'à leur terme, à ce moment-là, il vous faut beaucoup de fonds, beaucoup de crédits. Les crédits à la production, il va falloir que le gouvernement y pense sérieusement parce que... D'accord, on finance l'hypothèque à cause des volumes, on a remonté le crédit à la production, dans le domaine du boeuf, jusqu'à 500 000 $; cela ne règle pas le problème si les taux d'intérêt augmentent jusqu'à 18% ou 19%.

M. Picotte: D'accord. On a aussi beaucoup entendu parler de problème de la formation chez les agriculteurs. On sait qu'il y a un problème du côté de l'adaptation des programmes, des cours et du temps de cours. On nous dit souvent: Si les cours se dispensaient du mois de novembre au mois de mars et s'ils étaient échelonnés sur une période de cinq ans au lieu de trois, déjà, nos jeunes seraient plus disponibles pour se scolariser, pour recevoir cette formation et rendre la formation plus attrayante aussi, en évitant ce qu'on a souligné déjà, des vaches en plastique, dans certaines institutions, pour montrer aux jeunes ce qu'est une vache, alors qu'ils le savent bien avant d'arriver là. Je me demande... La réticence des gens...

Souvent, on nous dit: Les parents ne croient pas plus qu'il ne faut à la formation, dans le sens qu'ils disent qu'ils ont appris cela de leur père, ils ont transmis cela de père en fils et, finalement, ils disent: Ti-gars, je me suis débrouillé quand j'ai pris cela et tu vas être capable de te débrouiller, cela fait déjà un bout de temps que tu travailles chez nous, alors que ce n'est plus de cela qu'il est question parce qu'on parle d'une entreprise et de gestionnaire aussi. Quelles sont les choses concrètes que votre syndicat qui s'appelle l'UPA ou que des fédérations ont pu faire pour convaincre les parents et les jeunes - je pense que les jeunes en sont peut-être un peu plus convaincus au moment où on se parle - de la nécessité d'une formation très adéquate et beaucoup plus poussée pour arriver, en 1985, comme relève agricole? Y a-t-il eu des efforts faits par les dirigeants dans ce sens? Je n'en ai pas vu. Il y en a sûrement eu, c'est possible. Quel genre d'effort a-t-il pu y avoir ou quel genre de...

M. Lavigne (Jean-Marc): La première chose que nous avons réalisée dans notre région était de savoir quels étaient les jeunes qui arriveraient, achèteraient la ferme ou prendraient la relève. Il a fallu établir un inventaire de ce qui se passait chez nous. Par la suite, il s'est formé dans certaines régions ce qu'on appelle des groupes de relève agricole. Dans la région de Nicolet, ils ont ce qu'on appelle les jeunes managers, ce qui fonctionne actuellement; ils ont organisé des cours et aussi il y a des réunions avec les commissions scolaires pour les adapter. De même, dans la région de Victoriaville, le bureau du ministère organise des rencontres parents-enfants pour bien établir et corriger ce que vous mentionnez, la relation entre les deux. Cela veut dire que, déjà, des rencontres parents-enfants -parents-fils, parents-filles - sont en marche pour leur faire comprendre qu'il y a une base qui est acquise d'abord par l'expérience familiale et ensuite, il y a à la compléter par des cours en gestion et autres; et cela, ça fonctionne. On va connaître, évidemment, plus de résultats dans les mois et les années à venir. C'est ce qui se fait actuellement.

M. Picotte: Je suis content de vous l'entendre dire, parce que, cet avant-midi, en visitant l'ITAA, le responsable des étudiants me faisait part qu'une des bonnes régions qui alimentaient l'ITAA en jeunes qui veulent suivre une formation, c'était la région de la Mauricie. Je soupçonnais que quelque chose s'était fait, au moins de ce côté-là, pour inciter davantage les gens à vouloir y aller. Je pense que, si j'avais un voeu à formuler, ce serait le voeu de développer une thématique ou quelque chose qui pourrait inciter davantage et bien faire prendre conscience, de cette réalité puisque, dans certains cas, on nous a souligné, à tort ou à raison, je ne sais pas, qu'il y avait carence, nettement carence de...

M. Saint-Pierre: Vous avez souligné aussi le problème de la communication entre les parents et les enfants. Il a été souligné ici, en fin d'après-midi. L'iniative, je pense que M. Lavigne vient d'en parler au niveau de la région des Bois-Francs: il y a un agronome du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je pense, qui a parti cela, peut-être un petit peu de sa personne même, et qui fait un travail immense dans ce dossier. Il va chercher des parents et des enfants pendant des fins de semaines complètes et il les emmène dans une salle: Vous avez quelque chose à vous dire, dites-le. Il dit que ce n'est pas facile et que n'importe qui n'est pas capable de faire cela non plus.

M. Picotte: Je voudrais vous remercier, au nom de ma formation politique, de votre mémoire, encore une fois. N'hésitez pas, quand vous trouverez de bonnes solutions, à les acheminer à notre président, ce qui sans doute va permettre à la commission d'avoir encore un éclairage additionnel sur les différents problèmes et de trouver des correctifs plus appropriés pour le mieux-être de la classe agricole. Alors, merci d'être venus nous rencontrer et au plaisir de se rencontrer à nouveau.

Le Président (M. Dupré): Merci, M. le député de Maskinongé. M. le député de Champlain, une courte question.

M. Gagnon: Je vais essayer d'en mettre plusieurs dans la même. Moi aussi, je voudrais vous remercier. Quand on parlait de bonnes suggestions à acheminer, je pense qu'aujourd'hui vous nous en avez fait quelques bonnes. Je veux relever, entre autres, ce que j'ai entendu de la bouche du président tantôt, quand il a dit: Subventions données à l'agriculture. Ce sont des subventions données aux consommateurs. Je pense qu'on devrait appuyer là-dessus le plus possible. C'est un fait que ce sont des subventions directement données aux consommateurs. Et je suis d'accord avec M. Raîche quand il dit que cela devient un peu insultant de recevoir des subventions pour diminuer le coût de production et que c'est finalement le consommateur qui en bénéficie et l'ensemble de l'industrie.

Juste une question que je voulais poser, parce que vous avez appuyé beaucoup sur la mise en marché. Là-dessus, je suis aussi d'accord avec vous qu'on ne devrait pas partir une production sans voir à organiser la mise en marché, pour qu'on ne se retrouve pas comme on s'est retrouvé avec le

phénomène du porc. Je voudrais savoir ce que l'on aurait pu faire de plus; après coup on peut analyser les erreurs. Dans le domaine du porc, je me souviens qu'en 1978 ou 1979, alors qu'on voyait se construire énormément de porcheries, vous aviez eu un référendum qui avait été négatif et cela par une marge très faible. À ce moment-là, le gouvernement avait accordé le plan conjoint sans référendum. Si, à ce moment-là, on avait pu mettre le plan conjoint en marche, il est fort probable qu'on aurait évité beaucoup de problèmes que retrouvent actuellement certains producteurs de porcs. Qu'aurait-on pu faire de plus, ou de quelle façon aurait-on pu s'y prendre pour que ce fameux plan conjoint puisse être mis en application. Depuis ce temps, le plan conjoint a été voté dans le domaine du porc. Où en est-on rendu? Est-ce que vous êtes satisfait de l'étape qu'a franchie le plan conjoint dans le domaine du porc?

M. Raîche: Je pense qu'un plan conjoint se vote par des producteurs qui sont convaincus de choses. Mais, lorsqu'on va voter... Voyez un gouvernement qui est élu à 50%, voyez comme il est fort. Un plan conjoint qui est voté à 50%, c'est pareil. Une journée, cela va bien. Une autre journée, cela ne va pas. Mais je pense qu'un plan conjoint, pour qu'il se donne des forces, il faut qu'il soit voté et compris par l'ensemble des producteurs. Actuellement, les producteurs de porcs y vont par étapes et ils sont en train de comprendre ce que c'est. Mais ce ne sont peut-être pas des gars qui étaient... Dans l'ensemble, je ne dirais pas, il y avait des gars qui connaissaient le fonctionnement et qui étaient bien convaincus du fonctionnement du plan conjoint. Mais il faut que cela soit approuvé par l'ensemble des producteurs. Quand on n'a pas cette force, cette volonté des producteurs, je ne pense pas que ce soit... Peu importe qui va le mettre en place, il n'y a rien qui va fonctionner. C'est un pouvoir que les gars se donnent et ce sont également des restrictions que les producteurs se donnent entre eux. Un plan conjoint donne des barrières et il faut que tu acceptes des choses; tu ne peux pas passer à côté.

Tout à l'heure, vous avez soulevé un point, je pense, c'est-à-dire qu'on travaille avec les producteurs ou les anciens producteurs, justement, pour qu'ils comprennent qu'une entreprise agricole, aujourd'hui, cela prend un suivi également. Bien souvent les agriculteurs ont eu des prêts et, au départ, il y a eu même des prêts suivis. Les agriculteurs ne se trouvaient pas bien avec ces prêts. Mais, malgré tout, ce sont ceux-là qui sont restés en production, parce qu'il y avait un certain suivi, un certain encadrement. Il y a trop d'agriculteurs, malheureusement, qui n'ont pas d'encadrement et qui veulent la liberté. Aujourd'hui, la liberté existe de moins en moins. On donne les libertés collectives, mais pas les libertés individuelles. C'est pour cela qu'on est en train, avec nos membres, de leur accorder, de leur faire sentir qu'un suivi, peu importe que ce soit la banque qui les suive ou différents organismes, qu'il est nécessaire d'avoir un suivi.

Regardez les gars qui sont dans les syndicats de gestion: il y a un suivi, un encadrement et cela leur évite de faire des faux pas. Cela prend une petite affaire de rien pour débalancer la situation d'un producteur agricole. Les gars, des fois, quand ils n'ont pas le suivi de cela, l'encadrement... Il ne faudrait pas qu'ils fassent un investissement sur les machineries, il faudrait qu'ils le fassent dans une chose plus rentable, mais il y a de bons vendeurs qui leur passent des patates chaudes et ils viennent désorganiser son affaire; quand il arrive une situation de crise, ils ne sont pas capables de passer au travers. Ce sont des points où nous allons y aller par étapes et que les agriculteurs vont comprendre de plus en plus. C'est le temps qui arrange les choses, mais, durant ce temps, on en échappe, c'est cela qui est malheureux.

Le Président (M. Dupré): Merci, M. Raîche; merci aux représentants de la Fédération de l'UPA de Nicolet d'avoir bien voulu, comme je l'ai dit au début - se présenter ici.

M. Saint-Pierre: M. Jacob aurait une petite précision d'une demi-minute à faire au sujet de l'assurance-stabilisation...

Le Président (M. Dupré): Continuant avec ma souplesse ordinaire, je vais l'entendre.

M. Jacob: Je vous remercie beaucoup. Tout à l'heure, on disait: Est-ce juste la prime qui manque? Ce n'est pas juste cela. Tantôt, peut-être qu'on n'a pas été assez clair. On dit qu'on détermine le coût de production et, après, le prix stabilisé est à 90%. Après, quand on calcule le prix moyen du marché... Je vais vous donner un exemple. On dit que le prix moyen du marché, dans le cas du maïs-grain, est calculé sur la base Montréal par camion; on sait que, dans notre région, la région de Saint-Hyacinthe, on vend 10 $, des fois 15 $ en bas du prix du marché. C'est pour vous dire que, lorsqu'on est stabilisé, il nous manque 10%, il nous manque la prime, il nous manque 10 $ à 15 $ la tonne. C'est un fait et on pourrait peut-être, en y pensant, en trouver d'autres.

Le Président (M. Dupré): Merci de vos réponses.

M. Raîche: Cela nous a fait plaisir de venir vous exposer nos problèmes. On a tenté de donner des solutions à d'autres intervenants, si l'on veut. On a été très bien reçus de la part de Saint-Hyacinthe. On parle de l'agriculture, c'est notre domaine.

Le Président (M. Dupré): Merci.

M. Picotte: Une autre fois, on ira à Nicolet.

Le Président (M. Dupré): Je demanderais maintenant au groupe Samson, Bélair et Associés de s'approcher. Bonsoir. Je vous demanderais de vous identifier, de même que vos collègues, pour les besoins de la transcription des débats, s'il vous plaît!

Samson, Bélair et Associés

M. Laroche (Claude): Mon nom est Claude Laroche. Je suis comptable agréé, associé de la firme Samson, Bélair et vice-président de Les conseillers Samson, Bélair Inc., conseillers en administration. À mon extrême droite, M. Alain Touchette, comptable agréé, associé de Samson, Bélair, qui a une longue expérience pratique en fiscalité agricole. Il a donné de nombreuses conférences sur le transfert d'entreprises agricoles entre père et fils. Je me suis trompé, M. Vignola n'était pas arrivé. À l'extrême droite de M. Touchette, M. Dominique Vignola, agronome, vice-président aux affaires agricoles de Les conseillers Samson, Bélair Inc., et directeur du service de conseil en gestion agricole. Il a été conseiller en financement agricole auprès de l'Office du crédit agricole du Québec et fondateur d'un bureau de consultants spécialisés dans la gestion agricole. À ma droite immédiate, M. Robert Longtin, comptable agréé, maîtrise en fiscalité, associé de Samson, Bélair et responsable du service de fiscalité. Il a écrit plusieurs articles sur la fiscalité agricole. À ma gauche, M. Bernard Malo, comptable agréé, associé de Samson, Bélair, président du comité d'étude de l'Ordre des comptables agréés du Québec sur la vérification des coopératives et membre du comité d'étude de l'Institut canadien des comptables agréés sur la présentation de l'information financière des entreprises agricoles. Il possède une expérience considérable en fiscalité agricole. (21 h 30)

M. le Président, tout d'abord, j'aimerais faire une présentation pour indiquer pourquoi Samson, Bélair s'est intéressée à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation du Québec.

Nous avons l'honneur de déposer ce mémoire dans lequel sont formulées des recommandations que nous soumettons à votre attention dans la recherche que vous poursuivez sur le financement, l'endettement et la relève agricoles au Québec. Samson, Bélair est sans contredit l'un des plus importants cabinets québécois d'experts-comptables. Depuis plus de 75 ans, son nom est très avantageusement connu dans le domaine de la comptabilité, de la vérification, de la fiscalité, des conseils en gestion, tant auprès des milieux des affaires et de la finance que des organismes gouvernementaux et paragouvernementaux. Les bureaux de notre cabinet se trouvent dans près de 25 villes du Québec. Ces bureaux sont dirigés par plus de 100 associés et comprennent des ressources humaines d'environ 800 collaborateurs.

L'invitation lancée par votre commission a suscité un vif intérêt chez les membres des bureaux de Beloeil, Drummondville et Saint-Hyacinthe, de Samson, Bélair, puisqu'une bonne partie de leur clientèle oeuvre dans le domaine agricole et dans ses domaines connexes. En plus de services de professionnels experts en comptabilité, en vérification et en fiscalité, ces bureaux comptent deux agronomes parmi leurs conseillers en gestion. Tous ces professionnels ont acquis une solide connaissance de la problématique à l'ordre du jour de la commission puisqu'ils ont à desservir régulièrement une clientèle de plus de 1500 agriculteurs.

Les recommandations de ce mémoire sont principalement orientées vers les aspects fiscaux de l'investissement et de l'endettement de l'entreprise agricole depuis son acquisition jusqu'à son transfert à une nouvelle génération, en passant par son exploitation et son expansion.

La première partie du mémoire résume les principales recommandations, la deuxième partie fait une analyse détaillée de chacune d'elles et la troisième partie donne quelques notes biographiques sur les auteurs du mémoire, que je vous ai déjà données.

Samson, Bélair désire offrir sa pleine et entière collaboration à la commission dans l'élaboration et la mise en application des recommandations qui résulteront de ses travaux. Je vous présente maintenant le sommaire des recommandations.

La compagnie devrait être favorisée comme cadre juridique de l'exploitation d'une entreprise par plusieurs agriculteurs. Les principaux avantages de ce cadre juridique résident dans la responsabilité limitée, un taux d'imposition non progressif et avantageux lorsque les bénéfices sont réinvestis dans l'entreprise et les facilités fiscales relatives au transfert de biens agricoles et au gel de leur valeur. Cependant, le taux de la taxe sur le capital au Québec est le principal obstacle à l'utilisation d'une corporation pour l'exploitation d'une entreprise agricole. Le

Québec est la seule province où la taxe sur le capital imposée aux entreprises agricoles ne représente pas un montant symbolique. En conséquence, nous recommandons que la taxe sur le capital pour les entreprises agricoles exploitées par une compagnie soit abolie.

La Loi de l'impôt sur le revenu ne permet pas que tous les facteurs de production agricole soient déduits dans le calcul du revenu. En particulier, le coût des fonds de terre ne peut pas être amorti. Le coût des quotas de production ne peut être amorti que sur la moitié de son coût d'acquisition. De plus, le taux d'amortissement des biens agricoles devrait être suffisamment augmenté pour accélérer leur déductibilité au même titre que certains autres secteurs de l'activité économique qui bénéficient de taux fort avantageux pour leurs principaux facteurs de production.

Nous recommandons que le coût des fonds de terre puisse être amorti puisqu'il est un facteur de production très important en l'agriculture; que le coût des quotas puisse être amorti en entier; que le taux d'amortissement de l'ensemble des biens agricoles, y compris le taux applicable aux fonds de terre et aux quotas de production, ne soit pas inférieur à 20%.

Afin de favoriser le financement des exploitations agricoles par du capital de risque plutôt que par l'endettement, nous recommandons que soit constituée une société de développement des entreprises agricoles. Cette société sera autorisée à émettre des titres admissibles au Régime d'épargne-actions du Québec, mais son rôle sera d'investir dans le capital de risque des entreprises agricoles.

Les programmes de subvention d'intérêt actuellement en vigueur ont tendance à faire augmenter les prix de vente d'exploitations agricoles parce qu'un rendement moins élevé est requis pour payer les charges financières de l'acquisition. Par conséquent, nous recommandons que les programmes d'aide soient agencés de telle façon qu'ils n'influenceront pas le prix de vente des exploitations agricoles.

Les programmes d'aide destinés à favoriser le transfert d'exploitations agricoles d'une génération à l'autre sont surtout orientés vers l'acquéreur via une réduction du taux d'intérêt ou une subvention à l'amélioration de l'exploitation. Cependant, ces programmes n'assurent d'aucune façon le financement de la retraite du vendeur. Le vendeur n'est donc pas incité à transférer son exploitation car elle demeure sa seule garantie de retraite. Nous recommandons que soit institué un régime de retraite des agriculteurs auquel le gouvernement contribuera lorsque des conditions précises de transfert auront été respectées.

Deux mesures fiscales et une règle de financement de l'Office du crédit agricole compliquent de façon indue la planification de la plupart des transferts d'exploitations agricoles. Pour respecter les règles de l'impôt sur les dons, des sommes importantes sont consacrées à l'évaluation des actifs donnés, bien qu'en définitive aucun impôt sur les dons ne doive être payé généralement. Nous recommandons donc l'abolition de l'impôt sur les dons pour les transferts de biens agricoles.

Les règles d'imposition du gain de capital exigent, d'autre part, qu'un impôt soit payé même si le produit de la vente n'est pas encaissé. Nous recommandons que le gain de capital soit imposé au même rythme que l'encaissement du produit de la vente.

Enfin, la règle de l'Office du crédit agricole qui exige qu'un agriculteur ne reçoive son aide que s'il détient 20% de la valeur de l'exploitation force l'agriculteur à faire un don dont le montant est parfois irréaliste compte tenu de sa situation familiale. Nous recommandons la révision des critères de l'Office du crédit agricole pour que l'aide à l'établissement n'exige pas le don du patrimoine familial.

Nous allons maintenant analyser ces recommandations; elles sont au nombre de onze. Je ne lirai pas tout le texte. J'irai aux principaux paragraphes. Vous • pourrez me retrouver au fur et à mesure que je passerai d'une recommandation à l'autre.

Financement et endettement. Nos recommandations sur le financement et l'endettement agricoles visent à améliorer de façon significative le ratio d'autonomie financière des entreprises agricoles. Ce ratio nous apparaît beaucoup trop faible dans la plupart des entreprises agricoles et il devient, à notre avis, la principale cause des difficultés financières de ces entreprises. La situation financière précaire d'aujourd'hui nous a conduits à formuler un ensemble de recommandations destinées à introduire des règles fiscales et financières propres à favoriser la capitalisation des entreprises agricoles pour mieux les protéger des conditions économiques difficiles.

Notre première recommandation: Les entreprises agricoles familiales non incorporées doivent bénéficier d'un statut fiscal comparable à celui dont jouissent les petites entreprises incorporées. Cependant, comme il est difficile d'agencer la Loi sur les impôts du Québec avec celle du ministère du Revenu national, cet objectif pourrait être atteint en abolissant la taxe sur le capital imposée aux compagnies agricoles.

Le système fiscal, tel qu'il existe présentement, ne traite pas tous les producteurs agricoles sur le même pied. Le statut juridique de l'entreprise agricole de même que sa situation géographique vont déterminer le traitement fiscal qui lui sera réservé.

À la ligne que je lis maintenant les mots "non incorporées" doivent être rayés. Considérons, par exemple, un agriculteur qui investirait 400 000 $ dans l'achat d'un fonds de terre. Cet investissement serait financé par 200 000 $ de bénéfices réinvestis et un emprunt de 200 000 $. L'analyse de la charge fiscale de cet agriculteur dans trois situations différentes démontre l'importance de cette situation inéquitable. Si cet agriculteur est un particulier et que son taux marginal d'imposition est de 35%, soit le taux marginal d'imposition pour un revenu imposable de 8000 $, il lui faudrait un total de 300 000 $ de revenus pour rembourser le capital de sa dette. Si ce même agriculteur s'incorporait au Québec, pour rembourser la même dette l'entreprise devra générer 279 900 $ pour rembourser le capital. Enfin, si l'entreprise agricole se situe en Ontario plutôt qu'au Québec, elle devra alors générer 235 300 $ pour rembourser le capital de sa dette.

Il résulte de l'exemple précédent que l'agriculteur le plus pénalisé par le système actuel est celui qui exploite son entreprise en dehors du cadre corporatif. Les entreprises agricoles familiales non incorporées représentent pourtant environ 96% de toutes les entreprises agricoles canadiennes.

Étudions maintenant un autre aspect de ce que coûte en impôt le réinvestissement des bénéfices par l'entreprise. On entend par réinvestissement de bénéfices le fait qu'après qu'un agriculteur a gagné son coût de vie il réinvestit soit en remboursement de dettes ou en acquisition de nouvelles immobilisations.

Le tableau suivant donne pour chacun des niveaux de bénéfices réinvestis dans l'entreprise la charge fiscale. L'étude de ce tableau démontre clairement que l'entreprise constituée en corporation a un net avantage sur l'entreprise exploitée par un particulier au fur et à mesure que le niveau des bénéfices augmente. Il devient proportionnellement moins coûteux à une compagnie qui peut investir 50 000 $ de bénéfices de prendre de l'expansion que pour l'agriculteur dont l'entreprise n'est pas incorporée et dont la capacité de réinvestir les bénéfices est limitée.

Si la fiscalité favorise tellement la constitution de compagnies, alors pourquoi la grande majorité des entreprises agricoles ne sont-elles pas exploitées dans ce cadre juridique? Cette situation résulte du fait que le statut juridique d'une entreprise doit être déterminé au début de son exploitation alors que les résultats sont parfois imprévisibles et la liquidité fort restreinte. Dans cette situation, très peu d'agriculteurs consentiront à payer à court terme une taxe importante sur le capital sans obtenir des avantages immédiats. Ils sacrifieront les avantages à moyen terme d'un taux d'imposition moins élevé. Cependant, lorsqu'ils constateront que la charge fiscale augmente de façon importante, ils accepteront trop facilement d'investir dans des nouveaux facteurs de production et souvent au détriment de la santé financière de leur entreprise pour économiser de l'impôt.

À la lumière de ce qui précède, nous proposons que tout bénéfice agricole réinvesti dans l'entreprise soit taxé à un taux uniforme, par exemple 15%. Cette politique mettrait sur un même pied toutes les exploitations agricoles quel que soit leur statut juridique. Elle favoriserait, de plus, une capitalisation des entreprises agricoles en permettant la rétention par l'entreprise d'une plus grande partie des bénéfices réalisés. Cependant, l'harmonisation des règles fiscales québécoises et canadiennes pourrait être un obstacle à cette recommandation. Dans ce cas, il faudrait envisager l'abolition de la taxe sur le capital pour les entreprises agricoles.

La deuxième recommandation. Tous les facteurs de production agricole, y compris les fonds de terre et les quotas de production, doivent être considérés comme des biens amortissables. Le régime fiscal actuellement en vigueur ne considère pas de façon semblable tous les actifs qui sont utilisés dans la production agricole. Si le matériel roulant peut être amorti au taux de 30%, l'équipement à 20% et les bâtisses à 5% ou 10%, les fonds de terre ne sont pas amortissables tandis que les quotas de production sont amortissables au taux de 10%, mais seulement sur la moitié de leur coût.

Je vais passer à la page suivante. L'économie potentielle reliée à l'amortissement des facteurs de production est donc très différente selon le type de production de l'entreprise agricole. Le tableau suivant illustre notre point de vue. Nous avons établi qu'un individu avait 400 000 $ à investir et qu'il puisse l'investir dans différentes sortes d'entreprises agricoles, soit une de grande culture, une de production laitière, une dans l'industrie porcine ou dans une entreprise d'un autre secteur d'activité économique comme la fabrication-transformation. Nous avons calculé la valeur des économies d'impôt qui sont données par l'amortissement. On constatera qu'en grande culture, pour un investissement de 400 000 $, on a une valeur d'économie d'impôt de 32 000 $, alors que, dans l'industrie porcine, ce montant est de 79 000 $ et, dans l'entreprise de fabrication et de transformation, de 117 000 $. On voit dès lors qu'il y a une grande inéquité, même si on a le même montant en actifs immobilisés.

Nous avons appliqué la règle de notre proposition d'amortir à 20%. La dernière

colonne indique quel serait le résultat pour l'ensemble de l'amortissement si la règle de 20% était appliquée. Les détails des hypothèses pour le calcul de ce tableau sont à l'annexe B. Ce tableau dégage clairement que, pour un même investissement de 400 000 $, les économies d'impôt résultant de l'amortissement peuvent aller de 32 000 $ à 117 000 $, selon le type de l'entreprise agricole considérée. Nous recommandons donc que le taux d'amortissement de 20% soit utilisé et qu'il soit admissible pour tous les facteurs de production, autant les fonds de terre que les quotas.

La troisième recommandation. Les règles fiscales doivent permettre à l'agriculteur, qui vend son entreprise agricole, de ne payer l'impôt qui en résulte qu'au moment où il encaisse le produit de la vente, afin de l'encourager à financer lui-même l'entreprise vendue. L'agriculteur, qui vend ses biens agricoles, réalise habituellement un gain de capital. Il peut vouloir avantager l'acquéreur, n'exigeant pas le paiement immédiat du prix de vente. Si cet acquéreur est son enfant, les règles fiscales actuellement en vigueur ne lui permettent pas d'étaler sur de dix ans le gain de capital. Il devra, de plus, payer l'impôt sur un minimum de 1 dixième du gain à chacune de ces dix années.

Le problème est donc le suivant: pour avantager l'acheteur, le vendeur peut consentir à ce qu'aucune somme de capital ne soit versée au cours des premières années suivant la transaction. Cependant, le vendeur devra quand même payer l'impôt sur un minimum de 1 dixième du gain de capital réalisé, selon le cas, même s'il n'a reçu aucune somme d'argent.

Nous soulignons ici que l'agriculteur peut éviter un tel problème en se servant du statut juridique de la compagnie pour reporter l'imposition résultant de la vente seulement au moment de l'encaissement du produit de la disposition. Nous préconisons donc que l'impôt résultant de la disposition d'une entreprise agricole ne soit exigible qu'au moment de l'encaissement du produit de la vente. Ces mesures devraient s'appliquer à la récupération de l'amortissement, à la partie imposable de la disposition des quotas de production, ainsi qu'au gain de capital.

La quatrième recommandation. Une société de développement des entreprises agricoles, qui pourrait émettre des actions admissibles au Régime d'épargne-actions du Québec, doit être créée. Les fonds ainsi recueillis seront investis dans le capital de risque des entreprises agricoles.

Pour favoriser leur capitalisation et leur financement, nous suggérons la mise sur pied d'une société de développement de l'entreprise agricole québécoise, qui agirait comme intermédiaire entre le public investisseur et l'entreprise agricole. Le capital-actions de telles sociétés serait admissible au Régime épargne-actions du Québec, créant ainsi une incitation fiscale aux contribuables québécois. D'autre part, les fonds ainsi recueillis seraient réinvestis dans les entreprises agricoles selon des modalités qui favoriseraient leur expansion ou leur consolidation.

La cinquième recommandation. L'intervention de l'État dans le domaine du financement agricole devrait être orientée vers l'amélioration de la capitalisation des entreprises. Je saute au quatrième paragraphe.

Les programmes qui subventionnent une réduction du taux d'intérêt pour l'acquisition d'exploitations agricoles auront généralement pour effet d'augmenter le prix de l'exploitation transigée plutôt que d'augmenter la rentabilité de l'entreprise, parce que le vendeur escompte, habituellement, à son avantage l'aide donnée à l'acquéreur. (21 h 45)

Par conséquent, nous croyons qu'il serait préférable d'abandonner les programmes favorisant une réduction du taux d'intérêt pour favoriser des programmes d'aide qui augmenteront la rentabilité et la capitalisation des entreprises, tout en évitant que ces avantages ne bénéficient plutôt au vendeur d'une exploitation qu'à son acheteur.

La sixième recommandation. L'aide gouvernementale ne devrait pas être dirigée uniquement vers le crédit à long terme, facteur causant un déséquilibre important de la structure financière d'une exploitation. Plusieurs financements effectués par l'Office du crédit agricole au cours des dernières années visaient la consolidation des dettes à court et à moyen termes en un seul prêt à long terme. Une telle structure financière laisse présager d'énormes problèmes dans le futur, lorsque les actifs devront être remplacés. Si la subvention d'intérêt demeurait l'outil privilégié d'aide à l'agriculture, il faudrait qu'elle soit accordée autant pour l'endettement à court, à moyen et à long termes.

Nous passons maintenant è, 1a section relative à nos recommandations sur la relève agricole. Les problèmes d'aide gouvernementale à la relève agricole ont toujours été orientés vers un appui apporté à la nouvelle génération qui prend en main l'exploitation agricole. Rarement s'est-on intéressé à la situation de celui qui la quitte. Nous nous sommes interrogés sérieusement sur le choix du bénéficiaire de l'aide et nous en sommes venus à la conclusion qu'il faut favoriser davantage la retraite de l'agriculteur et l'intégration progressive de la relève. Nos recommandations établissent donc des

mesures d'aide à la retraite et au transfert et demandent également une simplification du régime fiscal relatif au transfert de biens agricoles.

La septième recommandation. La taxe sur le capital des entreprises agricoles incorporées doit être abolie. J'ai déjà expliqué antérieurement pourquoi elle doit être abolie.

Je passe à la recommandation huit. L'impôt sur les dons doit être aboli dans le cas de transfert de biens agricoles. Si l'agriculteur ne peut ou ne veut pas utiliser le moyen que constitue la corporation pour transmettre son exploitation à la jeune génération, il peut en utiliser un autre qui est le don pur et simple d'une partie de son entreprise à ses enfants. Je saute deux paragraphes. Au moment de faire un tel don, il faut établir la juste valeur marchande de l'exploitation agricole. Cette procédure entraîne des frais importants. Elle peut aussi parfois semer la controverse parmi les enfants quand une proportion importante du patrimoine familial est donnée à l'un ou l'autre, au détriment de ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas participer à la gestion agricole.

La neuvième recommandation. Un programme favorisant la retraite des agriculteurs avec une participation gouvernementale doit être créé. L'agriculteur qui investit tout son avoir et ses énergies dans son exploitation agricole n'est pas pressé de vendre ou de transférer celle-ci à la jeune génération. Son entreprise constitue souvent pour lui son unique source de revenu en vue de sa retraite. Cette situation est une source de problèmes pour la jeune génération qui serait, par ailleurs, prête à prendre la relève. Le jeune agriculteur aimerait être au moins en partie propriétaire de ce bien sur lequel il met toutes ses énergies et non un simple employé.

Pour inciter les agriculteurs à effectuer un gel successoral plus tôt dans leur vie active, nous proposons la création d'un régime d'épargne-retraite spécifique à cette catégorie de contribuables. Ce programme permettrait à l'agriculteur qui aurait effectué un gel successoral en faveur de la jeune génération de verser, chaque année, un montant de 5000 $ dans un régime particulier d'épargne-retraite, avec un maximum cumulatif possible de 75 000 $. D'autre part, le gouvernement verserait, lui aussi, un montant équivalent dans le régime. L'agriculteur aurait alors accès, au moment où il serait réellement prêt à prendre sa retraite, à un capital de 150 000 $, augmenté des intérêts accumulés au cours des quinze années de contribution. Avec un rendement constant de 10%, ce capital serait d'environ 318 000 $ et il lui permettrait d'envisager de céder plus tôt la propriété de son entreprise agricole à la jeune génération.

La dixième recommandation. Les règles de l'Office du crédit agricole relatives au programme d'aide à l'établissement doivent être modifiées pour qu'elles n'obligent pas l'agriculteur à donner des sommes importantes au moment du transfert, au détriment de l'équilibre financier familial. Les règles de l'Office du crédit agricole exigent actuellement qu'un jeune agriculteur détienne une participation de 20% dans une exploitation agricole pour bénéficier de l'aide à l'établissement. La plupart du temps, cette règle oblige le parent à donner une somme imporante à son enfant pour qu'il se qualifie. Cette exigence retardera habituellement la mise en branle du transfert de l'exploitation parce que le parent n'est pas toujours prêt à donner une somme aussi substantielle à un enfant, habituellement, au détriment d'autres membres de sa famille-La onzième et dernière recommandation. Les règles fiscales relatives au transfert de biens agricoles en franchise d'impôt doivent être modifiées pour permettre le transfert d'animaux sans conséquence fiscale pour le vendeur. Les règles fiscales permettent le transfert de la plupart des biens agricoles en franchise d'impôt lorsque le parent veut transférer ses biens à son enfant. Cependant, ces règles ne permettent pas le transfert d'animaux. Comme les troupeaux d'animaux sont parfois d'une grande valeur, cette anomalie de la loi devrait être corrigée. Il faut souligner que l'agriculteur qui transfère ses animaux è une compagnie peut, lui, bénéficier d'un transfert sans incidence fiscale.

J'ai complété la lecture des sections les plus importantes de notre mémoire.

Le Président (M. Dupré): Merci, M. Laroche. On voit que les recommandations sont assez précises et on voit aussi que vous avez de la suite dans les idées. Si on parie de la taxe sur le capital investi, entre autres, on sait qu'on a passé tout près, l'année dernière, de la faire enlever. Je peux vous assurer qu'étant sur le comité du budget cette année, je vais redoubler d'ardeur. Les arguments supplémentaires que vous me donnez dans votre mémoire, je vais les conserver précieusement. Je crois qu'ils seront très utiles.

Sur ceci, je donnerais la parole au député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. J'aimerais peut-être savoir, avant, le temps qui est mis à ma disposition; 20 minutes, merci. D'abord, j'aimerais féliciter la firme Samson, Belair et ses représentants de l'excellent mémoire qui a été présenté. Depuis, quand même, trois ou quatre jours, nous avons entendu passablement de mémoires. Nous avons vu beaucoup de critiques et nous avons vu des embryons de

solutions. Je pense que le travail que vous avez fait - il faut quand même le souligner - est un travail phénoménal et c'est le fruit, je pense, de l'expérience que vous avez vécue dans le domaine agricole. J'en suis particulièrement heureux parce que les recommandations que vous apportez, il y a longtemps que, de notre côté, notre formation politique veut les mettre de l'avant. Surtout que vous apportez des choses complètement nouvelles, qui n'ont pas été soulevées même par les différents mémoires autant de l'UPA que de la relève. Je pense particulièrement au fonds de retraite qui est une chose, vraiment, qu'on entend depuis nombre d'années, mais il n'y a personne qui a osé le dire publiquement. Je pense que c'est une façon bien ferme, bien déterminée, qui, dans le domaine de l'agriculture, va permettre, finalement, à celui qui arrive d'exister et de continuer et è celui qui quitte de s'assurer qu'il n'aura pas travaillé 25, 30 ou 40 ans pour être réduit à vivre avec les fonds sociaux de l'État. Je pense que, d'abord et avant tout, c'est un encouragement et une preuve de confiance envers ceux qui ont bâti l'agriculture québécoise.

Au départ, on va s'entendre, on va essayer d'être rapide parce que j'ai beaucoup de questions. À question courte, réponse courte si c'est possible. À la page 3 de votre mémoire, vous parlez de compagnies et d'entités personnelles, et vous faites une différence. J'aimerais savoir précisément, peut-être en trois volets, quels sont les avantages actuels, selon nos lois fiscales, d'être en compagnie et les inconvénients d'une ferme familiale à propriétaire unique.

M. Longtin (Robert): Finalement, c'est une question qui peut difficilement recevoir des réponses éclairs, mais, pratiquement parlant, tout d'abord, un avantage de l'incorporation, comme on peut le voir dans les conclusions du mémoire, réside dans le fait qu'on a un taux de taxation privilégié si on compare 18%, qui est le taux proportionnel pour les premiers 200 000 $ de revenu, au taux marginal d'imposition qui, on le sait, aux environs de 4000 $ de revenu imposable est à 32%. À ce moment, quelqu'un qui exploite son entreprise par l'intermédiaire d'une corporation peut réinvestir les profits après impôt sans nécessairement avoir à multiplier. Il en va de même aussi pour le remboursement de la dette. Par contre, l'aspect négatif qu'on peut retrouver là-dedans, c'est la taxe sur le capital. On l'a mentionné et re-rementionné. Il y a aussi le fait que d'une certaine façon, on peut utiliser la corporation pour faire des transferts de ferme père-fils en évitant les problèmes d'impôt sur les dons, en évitant les problèmes générés par le financement qui résulte, encore une fois, de l'application de l'impôt sur les dons.

D'autre part, l'avantage qu'on a de fonctionner du point de vue particulier, c'est strictement la question qu'on a moins de paperasserie parce que, finalement, en termes de transfert, en termes de facilités fiscales, d'utilisation des divers modes de comptabilité, on les retrouve dans les deux types de structures juridiques. Évidemment, on parle toujours, lorsqu'on fonctionne sous la forme d'une corporation, de la responsabilité limitée, mais quand on connaît nos intervenants financiers, elle est limitée à nos endossements qu'on met dans la corporation.

M. Maltais: Je suis sûr que vous avez lu le mémoire des banques et vous savez qu'il n'y a personne qui a le moyen de s'en sortir. Mais il reste une chose, un point important, c'est que lorsqu'on réinvestit les profits, on peut aussi déduire les pertes.

M. Longtin: Effectivement.

M. Maltais: D'une façon beaucoup plus tangible que...

M. Longtin: C'est-à-dire...

M. Maltais:... de la façon actuelle, je pense, ou dans la ferme familiale.

M. Longtin:... que dans la ferme familiale, il n'y a pas la transférabilité des pertes de la corporation au niveau de l'actionnaire. On perd ce fil-là. Sauf qu'au niveau de la ferme familiale, le report de pertes est aussi étendu, on a exactement les mêmes périodes de report, finalement, tandis que, dans la corporation, si, par exemple, notre particulier a un revenu d'appoint à l'extérieur de sa corporation, il ne pourrait pas appliquer les pertes de la corporation sur son revenu personnel. Il n'y a pas cette transition qui se fait directement de la corporation à l'individu.

M. Maltais: Vous parlez, à la page 4 -vous n'êtes pas les seuls à en avoir parlé; je suis heureux de savoir que tout le monde en a parlé, bref, mais surtout que vous le relevez d'une façon peut-être un peu différente de ce que les autres ont dit - de "favoriser le financement des exploitations agricoles par du capital de risque".

Compte tenu de ce qu'on a entendu, comme profanes en administration agricole, depuis trois ou quatre jours, pensez-vous honnêtement, comme gestionnaires financiers, qu'on va trouver des gens pour investir dans du capital de risque? On s'est fait dire par certaines unités de l'UPA que plus on travaillait en agriculture, plus on était déficitaire. Honnêtement, comme comptables agréés et comme professionnels de la

gestion, vous allez me dire rapidement si on va trouver des gens. À moins de leur donner une situation fiscale tout à fait exceptionnelle, est-ce que vous croyez honnêtement en cette formule, si on garde les mêmes "brackets" ou les mêmes barèmes de fiscalité qu'on a présentement au Québec?

M. Touchette (Alain): On a trouvé des personnes pour investir dans les puits de pétrole, dans des films, dans des mines où il y avait à peu près aucune possibilité d'obtenir un revenu; il y avait une bonne déduction d'impôt. Je ne vois pas pourquoi on n'obtiendrait pas le même phénomène pour l'agriculture.

M. Maltais: Avec la même déduction d'impôt.

M. Touchette: La déduction d'impôt.

M. Maltais: Alors, il suffit pour nous de réviser, au gouvernement, notre système fiscal là-dessus.

M. Touchette: Vous avez pour les

SODEQ, entre autres, des déductions avantageuses d'impôt. Il y a des personnes qui investissent.

M. Maltais: D'accord.

M. Malo (Bernard): Si vous me le permettez, vous avez touché à un aspect, vous avez fait une déclaration qui parlait de la "profondeur" des investissements en agriculture. Vous avez dit: Plus on investit dans l'agriculture ou plus on s'y enfonce, plus on réalise des pertes. Notre expérience démontre et révèle quand même ceci: Les entreprises, dans n'importe quel secteur qu'on connaît en agriculture, qui ont une structure financière saine, à moyen terme, fonctionnent à profit.

M. Maltais: Écoutez, là-dessus, je pense qu'il y a deux tendances. Ce que j'ai dit - je ne voudrais pas vous induire en erreur -c'est que certains secteurs de l'UPA qu'on a rencontrés nous ont dit qu'en agriculture, plus on travaillait finalement, plus on n'avait pas de bénéfices. Cela nous a été dit carrément et on pourra le relever dans le Journal des débats.

Ce à quoi je voudrais arriver, c'est que, si on travaille dans une mauvaise tangente, c'est sûr qu'on va arriver à des pertes. Mais si vous me parlez d'une structure financière adéquate avec des normes bien respectées, je suis sûr qu'on va arriver. D'ailleurs, les banques nous ont dit que l'agriculture était un excellent investissement, qu'elles avaient un excellent rendement sur le taux de leur argent. C'est sûr qu'elles n'ont pas prêté aux gens qui représentaient un certain risque. Les banques ne prêtent pas beaucoup avec des risques, à ce qu'on connaît; elles prêtent sur du sûr, parce que les banquiers ont pour mission de faire fructifier l'argent des capitalistes. C'est reconnu et c'est clair. Alors, ils ne vont pas prêter dans des endroits où ils ont un certain pourcentage de risque qui équivaut à une perte possible. C'est assez rare que les banques perdent de l'argent. Écoutez, on le voit dans le journal, c'est dramatique chaque fois qu'elles perdent 100 000 $ ou 200 000 $; mais on ne voit pas cela dans le journal chaque fois qu'elles font 200 000 $ ou 300 000 $. C'est inversement proportionnel.

Il y a une autre question, à la page 4, que vous soulevez, qui est quand même nouvelle pour nous. C'est que les programmes de subvention d'intérêt actuellement en vigueur ont tendance à faire augmenter le prix de vente de l'exploitation. J'aimerais que vous nous disiez un petit peu comment vous voyez cela. Est-ce que, vraiment, les jeunes, la relève paient trop cher les fermes qui sont mises en vente? (22 heures)

M. Vignola (Dominique): Je crois qu'à ce niveau c'est relevé à partir des transactions qui ont eu lieu ou de l'évolution des prix des terres qu'on a vue dans les années soixante-dix, surtout dans notre région. Lorsqu'on a vu les maxima de prêts au crédit agricole augmenter assez souvent, la valeur des fermes a suivi d'assez près. Les statistiques québécoises le démontrent peu parce qu'on a des statistiques globales de toute la province. Dans plusieurs régions, on a vécu ce fait. Je pense que le fait de dire que le vendeur escompte l'économie ou le fait que l'acheteur puisse avoir un taux d'intérêt subventionné ou plus bas, nous vivons ce fait assez régulièrement, c'est sûr. On n'a malheureusement pas les données valables pour le justifier mais l'expérience nous a fait constater cela très régulièrement.

M. Laroche: Si vous me le permettez, il y a un aspect que j'ajoute, c'est qu'il faut se poser la question, quand on regarde quelque chose: combien suis-je capable de rembourser s'il m'en coûte 8% d'intérêt? Combien suis-je capable de rembourser s'il m'en coûte 13%, 14% ou 15% d'intérêt? Évidemment, plus le taux d'intérêt va être élevé, moins on va être capable de rembourser. Cependant, le vendeur du fonds de terre ou de l'exploitation, lui, fait le même calcul, et, sachant très bien que l'acquéreur paiera un taux d'intérêt réduit, il augmentera aussitôt son prix de vente parce qu'il sait que la capacité de remboursement de l'emprunteur est plus grande puisqu'il paie un taux d'intérêt moins élevé que le marché n'en demande.

M. Malo: J'ai une précision à apporter au dernier élément, ce qu'il faut se rappeler, c'est que ce sont des constatations de moyenne époque. On observe l'évolution de l'agriculture depuis les années soixante-dix, jusqu'à aujourd'hui. Il y a des gens qui vont argumenter que, actuellement, l'énoncé qu'on fait est peut-être modifié par l'évolution de certains secteurs de l'activité agricole. On n'a qu'à regarder ce qui se passe actuellement dans le secteur laitier pour penser que nos remarques sont quand même encore pertinentes. Je veux dire par là, entre autres, l'enchère et la surenchère qui peuvent survenir au niveau de la valeur des contingentements, actuellement.

M. Maltais: J'aimerais vous poser une question que vous avez effleurée dans votre mémoire et je pense que c'est à vous qu'on doit la poser. Nous l'avons posée à bien des gens et ils nous ont donné des réponses différentes. Je suis sûr qu'une personne comme vous va nous donner l'heure juste.

On a parlé beaucoup de la relève agricole et aussi de la compétence et de l'incompétence, de la préparation et de la formation, bref, on a à peu près tout dit ce qu'on pouvait nous dire sur la relève. Moi, je vais vous poser une question. À 20 ans, 21 ans, est-ce que, dans l'entreprise privée, on voit beaucoup de jeunes qui sortent avec un DEC administrer des entreprises qui valent entre 300 000 $ et 1 000 000 $. En vertu de quoi le ministère de l'Agriculture et la société pourraient-ils demander à des jeunes de la relève agricole, même s'ils ont vécu sur la ferme de leurs parents - parce que à 21 ans et 22 ans, on n'est quand même pas des spécialistes en gestion, en agronomie, ainsi de suite - d'être de parfaits administrateurs, d'être de parfaits agronomes, d'être de parfaits "autres techniques", toute la série qu'on a vue aujourd'hui avec l'ITAA? Il y a quelque chose que je ne comprends pas là-dedans. Vous allez m'expliquer pourquoi ces jeunes devraient faire face à cela - c'est quand même un secteur des plus importants, c'est celui qui nous fait bouffer trois fois par jour - alors qu'on n'exige absolument pas cela dans d'autres domaines de la société - à moins que le papa soit à côté et dise: Mon petit garçon, tu ouvres à telle heure, tu fermes à telle heure, tu vas faire le dépôt à telle heure, ainsi de suite -tandis que, à la ferme, notre société exige, à partir des institutions financières et des institutions administratives québécoises, une compétence qu'on ne pourra jamais trouver, à mon avis. J'aimerais que vous donniez un embryon de réponse là-dessus.

M. Vignola: Je pense que pour ce qui est de la compétence, au niveau des futurs exploitants, c'est bon d'insister sur ce fait, on ne pourra jamais dire qu'on a formé des futurs exploitants qui ne seront pas assez formés. La formation est très rentable pour l'agriculture et je pense que c'est bon de viser ce point. Ce que vous soulevez est assez important parce que, dans le secteur agricole traditionnellement, on a toujours vu des entreprises se transférer globalement. Le transfert graduel s'est très peu fait à cause d'une question de mentalité. Et assez souvent, ce qu'on a vu dans le passé avec des entreprises qui avaient moins de capital, c'est que ce qui se passait au moment du transfert, on envisageait uniquement le transfert global. À un moment donné, le père décidait qu'il sortait de l'entreprise. Il allait au crédit agricole pour voir combien il pouvait emprunter et il établissait la valeur à partir de cela. Et, à partir de là, il y a une coupure draconienne dans l'exploitation de la ferme. Le fils reprend la relève et, avec l'endettement qu'il y a sur la ferme, c'est sûr qu'il faut qu'il soit supercompétent, d'où l'utilité des recommandations qu'on a faites, surtout celles où on parle du gel successoral, où on va créer, on va donner une possibilité aux parents de se retirer, de s'assurer d'un fonds de retraite, de créer un gel successoral assez tôt qui va permettre aux enfants d'embarquer graduellement dans l'exploitation et, là, d'acquérir la pratique qui leur manque. Mais, la théorie, il faut qu'ils aillent la chercher. C'est officiel.

M. Maltais: Je vous remercie. J'aurais aimé dialoguer beaucoup avec vous autres, là-dessus, parce que j'aurais encore énormément de questions. Malheureusement, le temps presse. Il y a un point... Vous avez fait onze recommandations et il y en a une qui m'a frappé particulièrement, en dehors de toute la fiscalité qui doit être révisée pour permettre tout ce transfert et toute cette adaptation, toutes ces déductions, toutes ces chances de réussite. Il y en a une dont personne n'a parlé en dehors de vous autres. Je vous félicite parce que c'est un point important. Celui qui s'en va, il s'en va comment? L'agriculteur qui prend sa retraite. Et vous apportez une chose tout à fait nouvelle, en tout cas, depuis trois ou quatre jours, soit le fonds de retraite. S'assurer que celui qui s'en va après avoir consacré 25 ou 30 ans de sa vie ne s'en ira pas avec son baluchon, qu'il va s'en aller comme tout travailleur qui a travaillé dans l'industrie ou dans l'entreprise et qui a le droit à une retraite équilibrée.

J'aimerais peut-être que vous me donniez les paramètres. Je sais qu'il me reste trois ou quatre minutes, M. le Président. Ils vont aller assez vite. Ils sont rapides. Ils comprennent vite. Ce sont des comptables. J'aimerais que vous me donniez quand même les paramètres sur lesquels vous vous êtes basés pour en arriver aux chiffres que vous nous avez donnés dans votre

mémoire. Je sais que je ne vous demanderai pas un travail d'actuariat, rapidement, mais je vais vous demander quand même deux ou trois petits paramètres. Cela va nous permettre, peut-être, de connaître mieux votre opinion là-dessus.

M. Laroche: Les chiffres dans notre mémoire sont un exemple. D'accord? Ceux-ci s'appuient sur des situations qu'on retrouve habituellement dans d'autres secteurs d'activité. Par exemple, un particulier peut investir jusqu'à 5500 $ dans un REER par année et on s'est probablement fondé là-dessus. Je dis probablement parce que cela a été notre mesure pour dire: Si on faisait la même chose que dans un autre secteur d'activité, combien d'argent aurions-nous après une certaine période de temps?

M. Maltais: Est-ce que vous avez pensé - ou vous l'avez inclus, je ne le sais pas -que la plus-value de l'équité pourrait servir de fonds d'acquisition de pension?

M. Laroche: Ce qu'on a dit, c'est ceci. Faisons un gel successoral. Faire un gel successoral, cela veut dire que la valeur de la ferme est fixée à partir d'un moment donné ou à partir du moment où on décide de le faire, c'est-à-dire quinze ans avant notre retraite. La plus-value ira à l'enfant et au moment de la retraite, évidemment, il y aura encore cette valeur qui pourrait être transférée. On n'a pas prévu la mécanique de l'application de la loi. Ce qu'on a voulu penser à ce moment-là, c'est une nouvelle approche au problème qui pourra être explorée beaucoup plus en profondeur si on décide d'y apporter une attention particulière.

M. Maltais: Est-ce que j'ai le temps, M. te Président? Vous nous dites dans votre mémoire que celui qui cède sa propriété à son fils pourra laisser un certain montant d'argent qui pourra être versé sous forme de rente différée, par exemple. Est-ce que cela pourrait être inclus dans ce genre de fonds de retraite et déductible d'impôt? parce que son revenu à ce moment-là sera quand même très minime. Non?

M. Laroche: Évidemment...

M. Maltais: Sous forme de rente différée, l'acquis après la date de cessation.

M. Laroche: Effectivement, si on accepte de mettre cela dans un REER, celui-ci offre des possibilités de retraite qui sont des rentes viagères, toutes sortes de choses assez compliquées...

M. Maltais: Avec tout le cheminement, oui.

M. Laroche: Toutes les choses qui font que, éventuellement, les sommes qui auraient été investies par le gouvernement seraient, en partie, repayées en impôt par l'agriculteur qui se retire et, au fur et à mesure, il retirera ces sommes pendant sa retraite.

M. Maltais: Je vous remercie infiniment, je pense que c'est tout le temps que j'ai à ma disposition. Je vous remercie.

Le Président (M. Dupré): Merci, M. le député de Saguenay. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci. Au nom de ma formation politique, j'aimerais vous remercier de nous avoir présenté ce mémoire qui est très détaillé. Nous, on avait pris connaissance du premier mémoire qui avait été déposé, donc il se peut que les questions chambardent les deux mémoires. Ma première question serait celle-ci: Vous parlez d'une chose qui m'intéresse beaucoup, d'une société de développement des entreprises agricoles. J'aimerais que vous puissiez nous démontrer plus clairement quel avantage cette nouvelle société aurait pour l'agriculteur comparativement aux avantages qu'offrent les institutions prêteuses, les institutions privées, actuellement, ce qui existe dans l'entreprise privée.

M. Longtin: Essentiellement, si cette nouvelle société investit dans du capital de risque, c'est évident que la charge financière de l'entreprise va être moindre. 5i on investit dans du capital-actions dans une corporation, on a moins de fardeau de dettes à subir, cela veut dire une participation externe qu'on va chercher sur laquelle on peut donner, peut-être, un rendement mais un rendement de beaucoup inférieur au taux du marché qui serait demandé par une institution financière conventionnelle. Par contre, l'investisseur, la personne qui souscrirait à un tel régime irait chercher son rendement supplémentaire par son dégrèvement fiscal parce qu'on sait, sans entrer dans la technicité de tout cela, qu'une SODEQ nous donnait droit au REA et en plus on pouvait transférer cela à un régime enregistré d'épargne-retraite, ce qui contribuait à donner un rendement intéressant, un rendement qui était, en fait, directement relié au taux marginal de taxation de l'individu qui contribuait. Donc, finalement, si on crée un tel genre de société, on investit dans du capital de risque de l'agriculture, parce que toute notre affaire s'enchaîne. Si on dit qu'on favorise l'incorporation, donc les entreprises agricoles, au Québec, devraient être en majorité incorporées. Donc, la SODEAQ, comme on pourrait l'appeler, pourrait souscrire directement dans du capital-actions d'une

corporation agricole. On réduit le fardeau de la dette, donc on fait respirer un peu plus l'entreprise. C'est un petit peu le même principe. Pourquoi les corporations publiques vont-elles chercher des nouvelles émissions? C'est pour soulager leur fardeau de dettes.

M. Baril (Arthabaska): Cela reviendrait un peu à ce que j'appelais une banque de crédit agricole qui serait financée - c'est une façon de parler - qui serait supportée par du capital-actions, les agriculteurs achèteraient des actions dans cette société.

M. Longtin: À peu de choses près, oui, mais on ajouterait un petit sucre à cela, finalement, pour intéresser les gens.

M. Baril (Arthabaska): Oui, des dégrèvements fiscaux.

M. Longtin: C'est exact.

M. Baril (Arthabaska): C'est ce que vous dites. D'ailleurs, moi aussi je fais...

M. Laroche: Si vous me permettez une intervention. Je faisais signe que non pendant qu'il répondait oui, ce n'est pas clair. D'abord, c'est qu'on ne veut pas aller chercher l'argent de l'agriculteur pour le remettre sur la ferme. On veut aller chercher l'argent du médecin, l'argent de l'avocat, l'argent du comptable ou l'argent du député qu'il est pris, à un moment donné, pour placer dans un régime d'épargne-actions parce que ses revenus sont trop élevés.

M. Baril (Arthabaska): Je suis un fermier et si vous voyiez ma comptabilité vous ne viendriez pas en chercher chez moi certain.

M. Laroche: Le régime d'épargne-actions, en pratique, a eu beaucoup de succès au Québec. Ce qu'on dit c'est qu'on devrait pouvoir ramener cela dans l'agriculture autant qu'on l'a amené dans les films, dans les puits de pétrole ou dans les mines. Donc, dans le public il y a des gens qui sont prêts à investir des sommes d'argent pour en obtenir un certain rendement pour économiser de l'impôt. Ce qu'on n'a pas, dans l'agriculture, c'est la mécanique pour amener cela jusqu'à la ferme. Ce qu'on propose c'est la mécanique pour l'amener jusqu'à la ferme pour sortir le banquier ou pour sortir l'Office du crédit agricole de l'entreprise ou le sortir en partie et donner à l'agriculteur comme tel un partenaire financier qui ne demande pas de rendement, qui est là en équité, qui pourra réaliser son placement au moment de la vente de la ferme ou dans quelques années au moment où l'agriculteur pourra décider de le racheter parce qu'il commence à être satisfait et qu'il a eu un meilleur rendement que d'avoir toujours un banquier ou un autre organisme financier qui est là et qui réagit toujours au taux d'intérêt. On sait que la variation du taux d'intérêt vient affecter de façon importante le rendement de l'entreprise et ce qu'on cherche c'est de diminuer cela en réduisant le ratio d'endettement de la ferme et, pour diminuer ce ratio d'endettement, c'est de mettre de l'équité ou du capital dans l'entreprise. Ce qu'on se dit c'est qu'il y a des intervenants dans le cycle économique qui sont capables d'intervenir, qui interviennent dans d'autres secteurs et qui pourraient en mettre dans l'agriculture par intérêt d'économiser de l'impôt. (22 h 15)

M. Baril (Arthabaska): Dans le premier mémoire que vous nous avez présenté, à la page 3 que j'ai paginée...

M. Laroche: M. le Président, on aimerait ne passer aucun commentaire sur le premier mémoire parce qu'on n'est pas sûr que tout le monde l'a lu, ici. C'est que c'est un avant-projet qui a été envoyé, sur lequel on ne passera pas de commentaire.

M. Baril (Arthabaska): De toute façon, croyez-vous que les subventions aux taux d'intérêt font augmenter le prix des fermes?

M. Laroche: Oui.

M. Baril (Arthabaska): Vous croyez que cela fait augmenter. Si d'autres formes de subventions de la part du gouvernement... Si on ne subventionne pas les taux d'intérêt, si on subventionne la production, pour en arriver aux coûts de production, quelle est la différence entre les deux?

M. Vignola: Ce que vous dites, est-ce au niveau du...

M. Baril (Arthabaska): Différents programmes agricoles que le gouvernement va subventionner...

M. Vignola: D'accord.

M. Baril (Arthabaska):... pour assister les agriculteurs.

M. Vignola: Comme on parlait tout à l'heure, au niveau des coûts de production, garantir des coûts de production et des choses comme cela.

M. Baril (Arthabaska): Oui.

M. Vignola: À notre sens, c'est plus valable de considérer cette optique de subventionner le produit plutôt que de subventionner les intérêts sur les entreprises, parce qu'on va subventionner directement, on

va garantir le coût de production au producteur. Comme cela a été soulevé tout à l'heure par l'UPA - c'est très intéressant -c'est le fait qu'en garantissant le coût de production, c'est le consommateur, en fin de compte... La subvention n'est plus nécessairement attachée à la production, mais à la consommation. Je pense qu'il faut peut-être sortir un petit peu de cette optique de dire "l'agriculture doit être subventionnée"; c'est peut-être normal que les produits agricoles se vendent... Les produits agricoles ont probablement une valeur plus grande aux prix où ils se transigent à l'heure actuelle. Donc, nous favorisons de beaucoup cette optique, d'autant plus que, tout au long de notre mémoire, on favorise la capitalisation de l'entreprise. Si on subventionne le taux d'intérêt, cela a comme conséquence de favoriser l'endettement au détriment de la capitalisation.

M. Baril (Arthabaska): Je comprends très bien votre explication, que je partage beaucoup; je voyais les gens de l'UPA, en arrière, faire de grands signes que "oui"!

Si on subventionne la consommation, pour se comprendre, au heu de la production, je vais dire, pour l'État, quelle est la différence en coût, pensez-vous? Est-ce que cela coûte plus cher, subventionner le prix à la consommation ou le prix à la production?

M. Malo: Je vais faire une réponse politique'. Le problème n'est pas là. C'est cela qu'on a voulu dire à la commission, ce soir. Le problème de l'agriculture en Amérique du Nord, c'est le même problème qu'on retrouve dans les petites entreprises, c'est un problème de structure de capital. Les propositions qu'on fait sont orientées vers le fait d'augmenter l'équité dans ces entreprises agricoles. Le jour où on aura réussi cela, l'agriculture québécoise va être compétitive avec toute agriculture au monde.

Ce soir, on a mentionné, précédemment, qu'on a quand même un éventail de clients. Dans chacun des cas, que ce soit dans n'importe quel secteur d'industrie - l'industrie du porc, on nous dit que cela va mal - même dans l'industrie du porc, quand vous retrouvez une entreprise porcine où il y a une structure de capital normale, cette dernière fonctionne de façon rentable. Je ne comprends pas, à ce moment-là, qu'on s'acharne à vouloir donner des antibiotiques plutôt que de prévenir la maladie. La maladie est au niveau de la structure financière. Je ne pense pas que ce soit en subventionnant des productions ou en les réglementant qu'on va résoudre le problème.

M. Baril (Arthabaska): Pour ma part, je vous remercie beaucoup de cet éclairage. Je laisserai la chance à mes collègues de continuer pour la période qu'il nous reste.

Le Président (M. Dupré): Avant de donner la parole au député de Kamouraska-Témiscouata, à la page 16, vous parlez de la personne qui vend sa terre et ne reçoit pas tout de suite les montants. On est obligé de payer en dix ans 10% par année. De quelle manière cela peut-il favoriser... De toute façon, on est obligé de payer en dix ans. Avec les normes que nous avons présentement, si on attend les deux dernières années, on va payer dans deux ans. À qui cela peut-il profiter ou de quelle manière cela peut-il profiter à la relève? Le vendeur, de quelle manière aussi? Si on est obligé de payer en deux au lieu de payer en dix ans, on ne paiera pas, même si la taxe sur le gain de capital...

M. Longtin: En fait, le but de cette proposition, c'est de dire que, si quelqu'un qui vend est intéressé à financer son acheteur éventuel, pourquoi ne pas le taxer sur une base d'encaissement plutôt que sur la base d'une formule mathématique qui dit: Encaissé, pas encaissé, tu vas payer de l'impôt là-dessus? C'est ce qu'on veut dire. On ne veut pas dire qu'il ne paierait pas l'impôt. Par contre, si je vous vends une ferme et je vous dis: Je suis prêt à rester en financement pour dix ans avec vous, sans intérêt, vous seriez intéressé probablement à acheter ma ferme. Sauf que, moi, je suis obligé de payer l'impôt, même pas au fur et à mesure des encaissements, un dixième par année, même si je n'ai pas encaissé un rond. Ce que nous disons c'est de revenir aux anciennes règles qui existaient avant le 12 novembre 1981. Ce n'est malheureusement pas le provincial qui a modifié cela mais on a suivi... Oui, heureusement pas, sauf qu'il y a un suivi systématique et, à ce moment-là, ce qui se produit, c'est que cela joue au détriment de la personne qui veut acheter parce qu'il pourrait peut-être y avoir un financement intéressant et cela nuit aussi à la personne qui est prête à reporter sa taxation sur une période plus longue que dix ans. Les dix ans, c'est toujours en termes de transfert père-fils.

M. Laroche: J'ajouterai que c'est un obstacle pour le contribuable qui n'est pas en compagnie ou en société parce que, si on utilise ces véhicules, on est capable de faire le tour de la loi, telle qu'elle est écrite actuellement, et assez facilement. Donc, ce qu'on recommande, c'est de permettre à tout le monde de le faire et non seulement à ceux qui ont trouvé le truc pour passer à côté.

Le Président (M. Dupré): Pour revenir à ce qui me tient à coeur, la taxe sur le

capital investi, on sait qu'en Ontario c'est 50 $ par année; par contre, on sait qu'il est toujours difficile de comparer les systèmes de fiscalité d'une province ou d'un pays à un autre. Est-ce que vous avez... C'est sûr que votre voeu le plus cher, en représentant bien vos clients, ce serait l'abolition totale mais est-ce que vous seriez satisfait d'une certaine gradation? On peut en venir ou il peut y avoir un certain danger... Tantôt, on parlait de la ferme familiale, mais, si c'est une ferme familiale qui vaut 2 000 000 $ ou 3 000 000 $, il reste que, à ce moment-là, si c'est égal pour tout le monde, vous allez favoriser jusqu'à un certain point les montants d'argent qu'on n'aura pas, à ceux qui paient déjà... Il y en a qui paient 8000 $, 10 000 $ de taxe de capital investi; à ce moment-là, cela sera de l'argent de moins dans l'assiette des montants d'argent qu'on aura à redistribuer dans l'agriculture et ailleurs.

M. Longtin: Il y a un point qui est quand même important. La notion de taxe sur capital, ce n'est pas une taxe sur l'équité, c'est une taxe sur l'endettement. Quand on sait combien les entreprises agricoles peuvent être endettées, et les corporations ne font pas exception à cette règle, d'ores et déjà, cela ne devient pas raisonnable de le faire. Deux individus qui ont exactement la même exploitation agricole, l'un est en corporation, l'autre ne l'est pas, au même niveau d'endettement, l'un est obligé de payer la taxe sur le capital et l'autre, non. C'est un non-sens, à ce niveau et c'est pour cela que, de toute façon, on recommande l'abolition. Peut-être en ayant un plafond pour dire: Jusqu'à concurrence de, peut-être, mais encore là...

M. Laroche: Je ne suis pas d'accord avec ce que Robert Longtin vient de dire. Ma réponse à moi, c'est non. On ne peut pas avoir de gradation et il faut que ce soit 10 $ ou 50 $. L'idée principale est que, en agriculture, cela nous prend énormément de capital pour essayer de retirer un revenu qui est souvent à peine suffisant pour vivre. Si on compare avec d'autres secteurs d'activité, quelqu'un qui aurait un dépanneur et qui réussirait à faire 20 000 $ par année, sa taxe sur le capital, en compagnie, serait peut-être de 200 $ ou de 250 $. L'agriculteur qui irait chercher le même revenu a besoin d'une ferme qui aurait peut-être 800 000 $ de valeur. À 800 000 $ de valeur, cela fait une taxe sur le capital qui est autour de 3500 $ à 4000 $. Il n'y a pas de proportion et, quand on comprendra cette situation de l'agriculture qui est essentiellement prise avec une très grande capitalisation, on acceptera beaucoup plus facilement d'enlever la taxe sur le capital de ces entreprises.

Le Président (M. Dupré): Sans vous faire une offre formelle, si je vous disais...

Une voix: Une table de négociation.

Le Président (M. Dupré):... ceci: Une taxe de 3500 $ sur le capital investi, parce que vous dites qu'un bon nombre là-dedans ne font pas un sou, est-ce qu'on pourrait la maintenir, mais elle serait déductible de l'impôt à payer?

M. Laroche: Je pense qu'on ne peut pas négocier là-dessus.

Le Président (M. Dupré): M. le député de Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Kamouraska.

Le Président (M. Dupré): Kamouraska, en plus, Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Beaucoup de questions ont été posées déjà. Cela va être très bref. Je voudrais savoir ceci de votre part, qui êtes des comptables. Dans votre mémoire, je pense que vous dites que vous traitez de 1200 à 1500 dossiers de la région, alors vous devez voir passer, comme on dirait en bon agriculteur, des poches de moulée et toutes sortes de choses au niveau des dépenses, des revenus, ainsi de suite. Pensez-vous qu'un jeune, ou moins jeune, qui peut être âgé de 18, 20, 25, 26 ans, qui n'a pas nécessairement quitté l'agriculture par rapport à certaines circonstances... Vous savez, des fois il y a des familles de 2 gars et 3 filles et cela peut être la fille aussi ou un gars, mais il y a juste une ferme. Il est fils d'agriculteur, mais il n'y a qu'une ferme à partager et, pour certaines raisons, cette personne aurait laissé un peu l'agriculture pour faire du travail à l'extérieur, soit dans la foresterie comme travailleur forestier, ainsi de suite. Il s'est ramassé un peu d'argent, mais il décide, c'est son rêve, de faire de l'agriculture, et il y a une belle... Je vous dis cela parce que l'exemple que je cite je ne l'ai pas vécu, mais je l'ai vu. Il décide de s'acheter une ferme très bien organisée, un très bon quota, une moyenne de 325 000 $, qu'il pouvait acheter. Avec les mesures fiscales et tout ce qu'il y a aujourd'hui au niveau des programmes d'aide, les emprunts et les sommes d'argent pour se lancer, croyez-vous qu'il peut arriver avec un pareil endettement? Vous connaissez un peu le rouage de tout cela, est-ce qu'il peut arriver?

M. Vignola: La réponse tourne autour du mémoire qu'on a présenté aujourd'hui. Cela dépend de la capitalisation qu'il y a

dans son entreprise, le capital qu'il y a dedans.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Son capital à lui, qu'il a mis.

M. Vignola: Oui.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): II n'en a pas mis beaucoup.

M. Vignola: Vous dites...

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Bien, à 26 ans, à 22 ans, il ne peut pas avoir ramassé 500 000 $, II a mis le minimum qu'il pouvait sur une ferme de 325 000 $.

M. Vignola: Je pense que vous allez peut-être avoir la même réponse que dans n'importe quel autre secteur. Il n'y a pas beaucoup d'industries, quel que soit le secteur où on se trouve, il n'y a pas beaucoup de possibilités pour quelqu'un qui achète une entreprise de pouvoir arriver s'il n'investit pas un montant de capital assez intéressant ou s'il n'a pas une façon d'aller chercher ce capital qui puisse diminuer son endettement. On ne peut pas demander à une entreprise de rembourser 100% de la dette, une entreprise qui n'a pas d'équité. Je ne pense pas qu'elle ait une chance de survie.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): D'après vous, ce n'est quasiment pas réalisable avec un minimum de capital.

M. Vignola: Surtout les entreprises laitières.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est une ferme... La moyenne des fermes est d'environ 300 000 $ au Québec.

M. Vignola: Aujourd'hui, si vous vous retrouvez dans une entreprise laitière, les entreprises en bas de 40% d'avoir net arrivent difficilement à safisfaire è leurs obligations.

M. Malo: Ce que j'aimerais ajouter, et Dominique conclura, je dirais que, dans les entreprises où les contingentements sont importants, la capitalisation requise par rapport à la valeur marchande dépasse 50% et, dans les entreprises où les contigentements sont à peu près inexistants, cela prendrait une capitalisation de 40% d'équité par rapport à la valeur actuelle, et non pas par rapport à la valeur au livre, pour que l'entreprise soit rentable.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): D'accord. Cela veut dire que l'exemple que je vous donne, c'est impossible qu'il s'en sorte.

M. Malo: C'est cela.

M. Vignola: On pourrait se poser la question. À quel endroit a-t-il pu obtenir un financement de 325 000 $, compte tenu des garanties qu'il pouvait offrir?

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Laissons la relève agricole, mais prenons la relève des jeunes. Tout à l'heure, le député de Saguenay disait, au niveau d'un jeune qui lancerait une entreprise à 20, 22, 25 ans en agriculture... Mais, est-ce qu'on voit des jeunes à peu près du même âge - je ne parle pas d'un fils de médecin ou d'un fils de comptable parce qu'ils ont de l'argent, eux, mais un fils très ordinaire - se lancer dans une entreprise de l'ordre de 300 000 $ avec un capital pas trop élevé? Est-ce qu'on en voit beaucoup de jeunes? Ne parlons pas de la relève agricole, parlons de la relève des jeunes en générali. Est-ce qu'on voit beaucoup... Non, c'est une question que vous aviez posée. Est-ce qu'on en voit beaucoup?

M. Vignola: À l'heure actuelle, d'après des statistiques, 95% des transferts de fermes qui se font sont des transferts père-fils ou entre générations; il y a un mince 5% qui réussit à s'établir en dehors de ce moyen. Ce serait quand même pensable. La seule façon que je le vois, ce serait par une intégration graduelle. Si dans les politiques que l'on proposait tout à l'heure... Supposons un agriculteur qui est rendu à sa retraite, qui n'a pas de relève, qui aurait quelqu'un qui serait intéressé à embarquer avec lui, s'il faisait un gel successoral, il embarquerait le futur exploitant avec lui, l'intégrerait au cours des années et il pourrait réussir, je pense bien, à lui transférer son entreprise.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est fini, M. le Président.

Le Président (M. Dupré): Je vous remercie beaucoup de votre présentation et des réponses que vous nous avez apportées. Je suis persuadé que le travail que vous avez accompli va nous servir. J'espère que cela va donner des résultats à vos clients et à la relève, entre autres, parce que nous sommes sur la relève, mais aussi aux agriculteurs en général.

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ajourne ses travaux au mercredi 13 mars, à 10 heures, à Québec.

(Fin de la séance à 22 h 32)

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