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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mercredi 13 mars 1985 - Vol. 28 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Je vais immédiatement rappeler que le mandat de la commission est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur les aspects de la relève, du financement et de l'endettement agricoles au Québec.

Les membres de la commission pour cette séance sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier (Nicolet), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gagnon (Champlain), M. Houde (Berthier), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Maltais (Saguenay), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Picotte (Maskinongé), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vallières (Richmond).

Très bien. Avant de procéder... M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Vous allez devoir remplacer le député de Beauce-Sud par le député de Papineau.

Le Président (M. Vallières): Le député de Papineau, M. Assad, remplace le député de Beauce-Sud, M. Mathieu.

Remarques du président M. Yvon Vallières

Avant de procéder à l'audition du premier organisme, vous me permettrez de tracer rapidement le portrait de la commission que j'ai l'honneur de présider. Le 13 mars 1984 - cela fait un an aujourd'hui -était créée la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. C'est donc notre anniversaire. C'est, en effet, au début de la session, l'an dernier, qu'étaient adoptées unanimement à l'Assemblée nationale les nouvelles règles de procédure issues de ce qu'il est convenu d'appeler la réforme parlementaire. Les commissions parlementaires constituent un des éléments principaux de changement du nouveau règlement. Il en est résulté des modifications substantielles de leur nombre, de 27 à 9, de leur dénomination, de leur compétence et de leur composition. Ces instances parle- mentaires ne correspondent plus, comme par le passé, aux ministères de l'exécutif. Elles sont regroupées par secteur d'activité avec des champs de compétence plus diversifiés. Ainsi, notre commission assure tout au long de l'année une surveillance de tout ce qui concerne, à l'intérieur des travaux de l'Assemblée nationale, le secteur de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. La commission procède à l'étude des crédits du ministère concerné, à la vérification de ses engagements financiers, à l'étude détaillée des projets de loi et à la surveillance de la législation déléguée, c'est-à-dire des règlements.

En plus de ces obligations, les commissions bénéficient de plus d'autonomie et d'un pouvoir d'initiative qui n'existait pas auparavant. De ces nouvelles prérogatives, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation s'en est rapidement prévalue puisque, dès avril 1984, ses membres décidaient unanimement de se charger d'un mandat d'initiative afin d'étudier les questions de relève agricole au Québec, auquel mandat venaient s'ajouter, en août, les aspects de financement et d'endettement, sujets jugés on ne peut plus d'actualité et nécessairement liés à l'avenir de la relève agricole au Québec.

Pour accomplir ce mandat, les membres ont décidé de procéder à une consultation générale dont les auditions que nous poursuivons aujourd'hui sont le maillon principal. Par ailleurs, durant l'automne, la commission a procédé, comme vous le savez, à l'étude des dossiers des sept agriculteurs qui avaient participé à la grève de la faim de Saint-Cyrille-de-Wendover. Nous avons déposé à l'Assemblée nationale, le 13 décembre dernier, le rapport de cette étude dans laquelle nous recommandions, entre autres, la création d'un comité spécial pour aider les agriculteurs en difficulté financière et la mise sur pied d'une commission d'appel des décisions de l'Office du crédit agricole. Ce rapport fera, d'ailleurs, l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale au cours des travaux de la session qui ont repris hier. Ce mandat sur les grévistes de la faim de Saint-Cyrille a causé un certain retard dans le cheminement de nos travaux puisque nous escomptions tenir les présentes auditions en début d'année, mais nous a permis, d'autre part, de toucher on ne peut plus concrètement aux problèmes d'endettement

des agriculteurs et de mieux nous préparer à recevoir les représentations qui nous seront faites dans les prochains jours.

Concernant plus précisément notre mandat sur l'étude de la relève, du financement et de l'endettement agricoles, l'objectif que poursuit la commission est de rechercher auprès des organismes et des individus du milieu agricole tout l'éclairage nécessaire pour nous permettre d'acheminer, à l'Assemblée nationale d'abord et aux ministères concernés par la suite, des recommandantions issues des besoins exprimés à travers les mémoires que nous avons déjà reçus et les représentations qui nous seront faîtes au cours des auditions.

Permettez-moi de souligner, dans un autre ordre d'idées, que notre commission, en choisissant de tenir quatre séances à l'extérieur de l'Hôtel du Parlement pour exécuter son mandat, est la première commission de l'Assemblée nationale à se prévaloir de cette possibilité dans le cadre des nouvelles règles de fonctionnement. Nous avons choisi les endroits où nous tenons nos auditions publiques en fonction des organismes qui ont demandé à être entendus. Ainsi, nous étions à Montréal, les 5 et 6 mars, à Saint-Hyacinthe, jeudi. Nous sommes à Québec aujourd'hui et demain et nous compléterons nos auditions à Sherbrooke le 15 mars, soit vendredi de cette semaine. Nous aurons alors procédé à 28 auditions à l'intérieur de ces six journées. Nous escomptons pouvoir produire, au cours du mois d'avril, le rapport final, ainsi que nos recommandations à l'Assemblée nationale.

D'autre part, le 26 mars prochain, la commission procédera à l'examen des orientations, des activités et de la gestion de l'Office du crédit agricole du Québec. Nous considérons ce mandat comme étant une suite logique au travail que nous avons entrepris cette année. Ainsi, l'étude des dossiers des grévistes de la faim, la consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles, l'examen de l'OCQ permettront aux membres de la commission d'être en mesure de parler en connaissance de cause et, c'est là mon souhait, d'améliorer les conditions dans lesquelles l'agriculteur québécois doit oeuvrer.

En terminant, je voudrais remercier tous les organismes et les individus qui nous ont fait parvenir des mémoires et je dois dire que la qualité de ces documents me semble une garantie de succès pour notre consultation.

Auditions

Alors, s'il n'y a pas de déclaration d'ouverture de part et d'autre, on pourrait immédiatement passer à l'audition du premier mémoire de notre journée, soit celui de la

Société du crédit agricole Canada. Je demanderais, à ce moment-ci, à M. Langlois, peut-être, de bien vouloir présenter l'équipe qui l'accompagne et de procéder à la lecture de son mémoire. Nous procéderons ensuite à une période de questions réparties équitablement entre les deux formations politiques à la table. Vous disposez de deux heures au total.

Société du crédit agricole Canada

M. Langlois (Fabien): Merci, M. le Président et MM. les membres de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. En premier lieu vous me permettrez de présenter notre équipe. À mon extrême gauche, M. Jacques Lagacé, directeur adjoint des opérations. Il 3'occupe plus spécialement des opérations de l'administration des prêts et du secteur de l'administration générale. M. Jacques Doran, agent de recherches attaché à notre société et localisé au siège social à Ottawa. À mon extrême droite, Me Gaston Paradis, notaire, conseiller juridique pour la région de Québec. Michel Rousseau, superviseur pour la révision des prêts. M. Eugène Laflamme, gérant adjoint à la division des prêts et moi-même, Fabien Langlois, gérant régional pour le Québec.

Nous désirons d'abord vous féliciter pour le mandat que vous vous êtes donné d'étudier les problèmes reliés à la relève, au financement et à l'endettement agricoles au Québec. Nul doute que votre travail, allié aux efforts apportés par les organismes qui vous ont fourni le fruit de leurs réflexions, saura apporter des améliorations dans les secteurs d'activité visés.

Pour notre part, c'est avec plaisir que nous apportons notre contribution et nous vous remercions de l'opportunité que vous nous avez fournie de participer à votre tâche. Comme vous avez déjà en main le texte de notre mémoire, nous vous remettons, si ce n'est déjà fait, une liste des errata, deux pages qui ont été modifiées ainsi que deux tableaux auxquels nous nous référerons un peu plus tard. Nous ne prévoyons pas lire le texte intégralement, ce qui nous permettra de faire des commentaires additionnels sur quelques points.

Le gouvernement canadien est actif comme prêteur à long terme aux agriculteurs canadiens depuis 1929, soit l'année de la mise sur pied de la Commission du prêt agricole canadien. La Société du crédit agricole Canada lui succédait en 1959. Elle est responsable de l'application de la Loi sur le crédit agricole et de la Loi sur le crédit aux syndicats agricoles. La société offre également des services consultatifs et s'acquitte de tout autre mandat qui lui est confié par le gouverneur en conseil.

Le siège social de la Société du crédit agricole se trouve à Ottawa. Ses activités, très décentralisées, sont réparties entre sept bureaux régionaux et 104 bureaux de campagne établis dans toutes les régions agricoles du Canada. Au 31 mars 1984, l'effectif de la société se composait de 614 personnes. Le portefeuille de prêts à recevoir se chiffrait à 5 000 000 000 $ pour un peu plus de 80 000 prêts. À la même date, l'effectif de la société au Québec se composait de 92 personnes et le portefeuille de prêts à recevoir était de 500 000 000 $ pour 8000 prêts. Le bureau central de la société pour la région du Québec se situe à Sainte-Foy et ses activités sont réparties dans dix-sept bureaux de campagne.

Selon la Loi sur le crédit agricole, la contribution de la société vient spécialement de trois programmes: le programme ordinaire de prêts, le programme d'établissement graduel et le programme de services consultatifs. L'objectif de la société dans le cadre de son programme ordinaire de prêts est "de fournir du crédit hypothécaire à long terme afin d'aider les agriculteurs compétents et les personnes qui désirent devenir des agriculteurs compétents et ne pourraient autrement obtenir, auprès d'autres prêteurs privés, du crédit à des conditions convenables pour aménager des exploitations agricoles rentables".

Dans le cadre du programme d'établissement graduel, l'objectif est de "fournir du crédit hypothécaire à long terme aux personnes qui, en combinant un prêt de la société avec d'autres revenus, peuvent aménager une unité agricole rentable et faire de l'agriculture leur principale activité dans les cinq ans, mais qui ne peuvent obtenir un crédit approprié auprès d'autres prêteurs privés".

Quant aux services consultatifs, l'objectif est "de fournir des services d'organisation, de planification et de gestion financières afin d'aider les agriculteurs à réaliser leurs buts économiques et personnels". Ces services sont mis de façon prioritaire à la disposition des agriculteurs débutants et d'autres qui font face à des difficultés spéciales ou qui disposent de ressources limitées.

Comme déjà mentionné, la société administre également la Loi sur le crédit aux syndicats agricoles. L'objectif est de "consentir des prêts à des groupes de trois producteurs ou plus afin qu'ils achètent des machines ou des équipements qu'ils utiliseront en commun en vue de réduire l'impact du coût élevé d'achat et d'utilisation, de façon à optimaliser le rendement des exploitations agricoles".

La concrétisation des objectifs énumérés précédemment ne se fait que lors du travail quotidien du personnel de la société auprès des agriculteurs. Ces derniers peuvent se présenter à un de nos 17 bureaux de campagne n'importe quel jour ouvrable afin de placer une demande d'emprunt, d'obtenir de l'information générale sur les prêts, aux fins d'administration ou pour se prévaloir de nos services consultatifs.

Une question qui se pose souvent est la suivante: Combien faut-il de temps pour obtenir un prêt? Je vous réfère au tableau de la page 6 du document. Nous remarquons qu'au cours de l'année 1983-1984 46% des prêts consentis ont été déboursés en moins de 30 jours de la réception du dossier au bureau régional. Nous remarquons également qu'il y a eu amélioration chaque année sous cet aspect. Cette amélioration est due principalement, premièrement, à une décentralisation des décisions. Entre autres les prêts sont maintenant approuvés en majeure partie au niveau des agents réviseurs. A partir du 1er avril 1985 - c'est une nouvelle amélioration qui vient d'être apportée à nos programmes - nos conseillers pourront approuver certaines catégories de prêts lors d'évaluation sur la ferme même. Deuxièmement, elle est due au déboursement du prêt après quinze jours de son approbation, sauf dans les cas particuliers où des conditions sont longues à remplir ou si le notaire instrumentant nous indique qu'il n'est pas en mesure de remplir toutes les formalités durant ce délai. Il va sans dire qu'une grande confiance est accordée au notaire instrumentant et que le déboursement est fait sans que nous ayons en main les documents légaux.

Lorsqu'un refus est probable, toutes les raisons sont discutées avec le requérant par souci de ses intérêts personnels. Si la décision d'un refus est maintenue au niveau du bureau régional, le demandeur peut en appeler de la décision rendue en demandant un réexamen du dossier par ta commission d'appel formée d'un groupe impartial d'agriculteurs, lesquels nous sont proposés par l'Union des producteurs agricoles et la Quebec Farmers' Association. Au Québec, cette commission est composée de douze membres.

En soumettant son dossier à la commission d'appel, un demandeur insatisfait de la décision rendue par la société bénéficie de l'expérience et de conseils d'agriculteurs compétents qui analysent le dossier d'un point de vue différent, mais complémentaire à celui des fonctionnaires de la Société du crédit agricole du Canada. Le résultat n'en est que plus complet et satisfaisant pour les deux parties.

La commission d'appel a formulé au cours des dernières années une recommandation de prêt aux autorités de la société dans 33% des dossiers étudiés. La société a consenti des prêts dans 66% des cas recommandés par la commission d'appel.

Dans son budget du 12 novembre 1981,

le ministre des Finances a annoncé un programme de prêts spéciaux qui visait spécifiquement à aider les agriculteurs aux prises avec des difficultés financières. Les emprunteurs étaient admissibles à une remise d'intérêts correspondant à 5% pour une période de deux ans et le prêt devait servir principalement au refinancement des dettes, 75% ou plus. Le budget alloué pour ce programme se chiffrait à 50 000 000 $ dont 45 000 000 $ sous forme de prêts et 5 000 000 $ en remise d'intérêts. Il faut noter qu'à cette époque le taux d'intérêt hypothécaire à long terme des institutions privées était d'environ 18%. Le programme a été reconduit le 28 juin 1982, mais cette fois le remboursement d'intérêt, était de 4%. Le budget alloué était de 200 000 000 $ auxquels s'est ajoutée une autre somme de 100 000 000 $, le 20 avril 1983.

Au Québec, 400 prêts pour un montant total de. 34 000 000 $ ont été approuvés sous ce programme, soit environ 10% du budget national. Ces prêts représentaient généralement des risques plus élevés que la normale. Nous sommes fort heureux d'avoir pu par ce programme aider des agriculteurs en grande difficulté financière à améliorer leurs chances de succès dans leur entreprise. Il faut aussi signaler qu'actuellement les premières périodes de subvention de taux d'intérêt de 5% sont terminées et que les taux d'intérêt sur ces prêts ont été baissés à 12, 75% depuis le 1er janvier 1985.

Citons les principales caractéristiques des prêts consentis sous la Loi sur le crédit agricole et qui sont, dans plusieurs cas, des caractéristiques exclusives. Premièrement, le montant d'un prêt peut se chiffrer jusqu'à 350 000 $ pour un requérant admissible ou à 600 000 $ pour deux requérants et plus. Un prêt peut atteindre jusqu'à 100% de la valeur des garanties sur les biens meubles et immeubles. La société peut garantir ses prêts par des hypothèques autres que celles du premier rang. La société accorde le statut de demandeur admissible au conjoint d'un agriculteur, ce qui les rend admissibles à un prêt de 600 000 $ même si le conjoint travaille à plein temps à l'extérieur de l'entreprise, à la condition, toutefois, que ce dernier détienne un titre de propriété. Le revenu extérieur d'un demandeur s'ajoute au revenu de la ferme pour le calcul de la capacité de remboursement. Afin de se qualifier pour un prêt, l'entreprise doit demeurer la principale source de revenu net. La société peut débourser 30% du montant approuvé avant l'enregistrement de l'acte d'hypothèque.

Permettez-moi de revenir sur deux des caractéristiques qui viennent d'être mentionnées. Le premier point: la société peut consentir des prêts à un pourcentage très élevé par rapport aux garanties. Je vous réfère à un tableau qui vous a été distribué ce matin. Ce tableau est intitulé "Prêts/garantie". Nous remarquons qu'au cours des quatre années mentionnées le montant du prêt représentait plus de 90% de la valeur des garanties dans 25% des cas et que ce montant excédait 80% des garanties dans 44% des cas.

Le deuxième point: la société n'exige pas uniquement des garanties hypothécaires de premier rang. Sur la même feuille, un tableau s'intitule "Prêts avec garantie prioritaire d'un autre créancier". Nous constatons que, pour les quatre années déjà mentionnées, 31% de l'argent prêté par la société étaient garantis par une deuxième, une troisième ou même une quatrième hypothèque. Pour les deux dernières années, les proportions étaient de 47% et de 36%. Â cela, il faudrait aussi ajouter des partages de garanties qui sont très nombreux.

Ces deux tableaux démontrent que la société a accepté de prendre des risques qui sont très souvent refusés par d'autres créanciers. Le fait de consentir un prêt en deuxième, troisième ou même quatrième hypothèque permet généralement à un agriculteur de conserver un financement antérieurement obtenu et à des conditions avantageuses.

Le rôle joué par la société dans le développement de l'agriculture du Québec au cours des deux dernières décennies se mesure par la quantité de capital injecté sur les fermes. En prenant connaissance du tableau 2, nous constatons que la société a consenti 19 917 prêts depuis 20 ans, pour un montant de 1 000 000 000 $. La contribution de la société a diminué depuis 2 ans. Cette situation découle à la fois du contexte économique défavorable au cours de la période, d'une baisse du revenu agricole net et de l'écart entre les taux d'intérêt de notre société et les taux subventionnés. (10 h 30)

Prêts d'établissement. Durant la même période de référence soit ces deux mêmes décennies, le nombre et le montant des prêts d'établissement consentis par notre société, qui sont aussi indiqués dans le tableau 2, totalisant 4 300 prêts d'établissement et environ 190 000 000 $. Nous y constatons, toutefois, que la contribution de la société dans l'établissement des jeunes agriculteurs du Québec a diminué dans les dix dernières années pour atteindre un niveau résiduel de 31 prêts pour 2 400 000 $ pour l'année 1982-1983.

Notre société est autorisée à prêter pour toute fin utile à l'exploitation d'une ferme comme l'achat de terre, de biens meubles ou le remboursement de dettes, etc.

L'affectation a changé depuis l'année financière 1978-1979. Si vous consultez le tableau 3, à la fin du mémoire, nous constatons une augmentation significative du budget de prêts affecté aux remboursements

de dettes alors que la proportion consacrée aux constructions de bâtisses a diminué de plus de la moitié, passant de 35, 6% en 1979-1980 à 15, 5% en 1983-1984.

Votre commission parlementaire a exprimé le désir que les mémoires des organismes intéressés au financement de l'agriculture québécoise traitent des trois aspects suivants: la relève agricole, l'endettement et le financement du secteur agricole. Ces points ne peuvent être étudiés qu'à la lueur de la rentabilité des fermes. L'agriculture, comme tout autre secteur, ne peut espérer survivre ou se développer sans une rentabilité suffisante.

La notion de rentabilité se réfère au concept de revenu net. Le revenu net est défini comme l'excédent du revenu brut sur les dépenses. Les frais d'intérêt, de même qu'une provision pour remplacer les "items" du bilan qui sont dépréciables sont inclus dans ces dépenses. Le revenu net avant l'acquittement des frais d'intérêt représente la rémunération pour le travail, la gestion et le capital investi.

Deux séries de rapports publiés par Statistique Canada permettent d'estimer que le rendement moyen du capital investi en agriculture, après déduction d'un salaire pour le travail des exploitants agricoles, aurait été d'environ 3% ou 4% au cours des trois dernières années. Le sondage effectué par notre société auprès des agriculteurs québécois semble confirmer ces chiffres pour l'année 1983. Les producteurs laitiers québécois auraient eu un rendement moyen de 3% sur leurs investissements. Selon ces chiffres, le revenu disponible après paiement d'un coût de vie convenable n'est pas suffisant pour rencontrer le service de la dette dans le cas d'exploitations où le taux d'endettement est élevé.

Le revenu net moyen en agriculture, de même que le rendement du capital ne sont plus les seuls facteurs à considérer dans la rentabilité. Premièrement, ils n'expliquent pas le risque. Certaines productions sont plus risquées, c'est-à-dire qu'elles sont plus sujettes aux variations de revenu, d'où la nécessité d'une meilleure situation financière. Deuxièmement, la qualité de la gestion a aussi une très forte influence sur le rendement obtenu sur le capital. Il est évident que, même si le rendement moyen sur le capital a été faible au cours des dernières années, certains agriculteurs possédant un calibre de gestion supérieur réussissent à obtenir un rendement équivalant ou dépassant le loyer courant du capital.

Le faible taux de rendement du capital investi en agriculture calculé sans tenir compte de l'appréciation des "items" de l'actif n'est pas limité au Québec. On retrouve des chiffres similaires aux États-Unis et dans les autres provinces canadiennes. Ces chiffres expliquent pourquoi aux États-Unis comme au

Canada un taux d'avoir net élevé est essentiel pour la bonne marche des entreprises agricoles. Ces chiffres font aussi ressortir que, lorsqu'on parle d'endettement, de financement ou de relève en agriculture, il y a problème, parce que, souvent, la rentabilité est insuffisante pour supporter un taux d'endettement élevé. L'accès au crédit ne semble pas être un problème. De fait, des agriculteurs ont emprunté des montants supérieurs à leurs actifs investis durant l'année, comme il est démontré dans le sondage.

Deux aspects de la relève ont surtout retenu notre attention, soit la formation et l'établissement des jeunes agriculteurs. On estime qu'au Québec 1200 aspirants agriculteurs joignent les rangs de la classe agricole chaque année. Ces chiffres sont corroborés par les résultats de notre sondage. Ce chiffre de 1200 agriculteurs peut varier selon les cycles de rentabilité du secteur agricole.

Le tableau 5, tiré du sondage, indique que le nombre d'agriculteurs ayant moins de cinq ans d'expérience est de 4164 au Québec. Ceci suggère que, même s'il y a environ 6000 établissements durant la période, il n'en reste que 4164 en production, soit l'équivalent de 840 agriculteurs par année.

La catégorie ayant une expérience de six à dix ans semble être plus importante en pourcentage et ceci, dans toutes les provinces du Canada. Il faut se rappeler qu'une expérience de six à dix ans réfère à une période d'entrée en agriculture entre 1975 et 1980. Cette période a été très prospère et l'augmentation du prix des fermes, de même que des revenus nets élevés ont permis à ces jeunes agriculteurs d'atteindre un niveau d'avoir net confortable et une situation financière enviable dans un très court laps de temps. Il est aussi possible d'affirmer que le taux d'échec de ces agriculteurs a été inférieur au taux prévalant lors de la situation économique plus difficile.

Assumant un taux de rendement de 4% durant les périodes économiques difficiles, un jeune agriculteur peut espérer se maintenir sur son entreprise si son taux d'endettement ne dépasse pas un certain niveau. En estimant le coût global du crédit à 10%, ceci inclut ses emprunts à court, moyen et long termes. Le taux d'endettement ne devrait pas dépasser 40%. Ce pourcentage d'avoir net tient compte d'un revenu net annuel constant. On sait très bien que les revenus agricoles sont sujets à des variations importantes. Même avec l'apport important de l'assurance-récolte et du régime de stabilisation des revenus agricoles, les revenus nets des agriculteurs varient, ce qui laisse voir le besoin d'un avoir net encore plus élevé pour maintenir une situation financière de départ. Un avoir net réduit a souvent pour effet de laisser un agriculteur

dans une situation financière intenable à long terme.

Deux possibilités s'offrent aux jeunes agriculteurs pour diminuer leurs risques d'échec: augmenter leur avoir net et/ou augmenter le niveau de leur revenu net. La première possibilité pourrait être incluse dans un programme d'épargne-ferme. De la même façon que l'épargne-logement, l'épargne-ferme pourrait être accessible à toute personne intéressée à économiser pour l'achat d'une ferme. Non seulement l'épargne accumulée et les revenus non taxables augmenteraient l'avoir net, mais its permettraient, entre-temps, aux futurs agriculteurs de se donner une meilleure formation professionnelle agricole.

Les autres mesures, telles que l'établissement progressif, entente père-fils, location de ferme, etc., sont toutes des mesures facilitant l'entrée des aspirants agriculteurs en limitant le risque représenté par un endettement élevé. Il est indéniable qu'une formation plus poussée et bien orientée sera nécessaire pour améliorer le revenu net d'une entreprise et faire face, ainsi, à un endettement plus élevé. Il est souhaitable, également, qu'un jeune qui aspire à s'établir en agriculture prenne contact avec les différents organismes oeuvrant dans son milieu afin de parfaire ses connaissances dans ce domaine.

Le sondage de la Société du crédit agricole rapporte un total de 32 629 fermes au Québec, à la fin de 1983. Le tableau 7 fournît une image de la répartition des fermes en fonction de leur avoir net, de leurs ventes agricoles et du revenu extérieur de l'exploitant et de son conjoint.

Les entreprises dont l'avoir net excède 70% sont généralement considérées par la société comme pouvant être desservies par les prêteurs commerciaux. Il est estimé que 30% des fermes n'ont pas de dette à long terme. Parmi les autres, environ 7700 fermes ont un avoir net de moins de 70% tout en ayant un revenu agricole de plus de 30 000 $. Il s'agit de la majeure partie de la clientèle visée par la société.

Dans le sondage qu'elle a mené en 1981 auprès des agriculteurs canadiens, la société a recueilli des informations sur la structure des exploitations agricoles. Elle recherchait également des renseignements plus complets sur l'actif des agriculteurs, ta répartition de l'endettement par province et le crédit consenti par les différentes sources. La publication de ce sondage a vivement intéressé la collectivité agricole, soit les agriculteurs et Ies organismes privés ou publics.

L'économie agricole canadienne traverse depuis 1981 une période de crise qui se caractérise par des prix des denrées plus faibles, des taux d'intérêt élevés et un recul de la valeur des terres. Afin de mesurer l'effet combiné de ces phénomènes sur la structure des entreprises agricoles, la société a mené un autre sondage en 1984 auprès de 6000 agriculteurs canadiens, dont 895 au Québec. En plus, le sondage permet de déterminer le rôle des prêteurs commerciaux dans le financement agricole, de faire des comparaisons avec les résultats de 1981 et d'évaluer les besoins de capitaux des agriculteurs.

La page 24 nous présente un bilan global de l'agriculture québécoise pour tes années 1981 et 1984. Certaines données de ce tableau méritent d'être soulignées. L'actif agricole du Québec représente 8, 4% de l'actif agricole canadien et le passif, 11, 8% du passif canadien. En 1984, l'actif total des agriculteurs québécois était de 9 800 000 000 $, soit environ 700 000 000 de plus qu'en 1981. Cette augmentation est due principalement à la valeur des quotas qui est passée de 965 000 000 $ à plus de 1 500 000 000 $. La valeur des immeubles agricoles est demeurée relativement stable, passant de 4 300 000 000 $ à 4 400 000 000 $. Le passif totat est passé de 1 800 000 000 $ en 1981 à 2 500 000 000 $ en 1984, soit une augmentation de 33%. Ainsi, l'avoir net moyen des agriculteurs québécois a chuté de 80% en 1981 à 75% en 1984. Pour la même période, au Canada, l'avoir net des agriculteurs est passé de 85% à 82%.

À la page 26, nous retrouvons des données similaires, sauf qu'il s'agit du bilan moyen de la ferme québécoise et canadienne. Il est à remarquer que l'actif moyen des fermes au Québec a légèrement augmenté et que le passif a augmenté dans une proportion plus grande.

Aux pages 27 et 28, nous retrouvons une étude sommaire de la structure financière des entreprises québécoises et canadiennes selon leur production. Attardons-nous un peu à ces tableaux. Nous constatons qu'en industrie laitière l'avoir net a tégèrement augmenté, tant au Québec qu'au Canada. Les entreprises de récoltes marchandes ont subi un recul au Québec, alors qu'au Canada, c'est resté stable. Les fermes porcines ont connu une nette diminution de l'avoir net au Québec, en grande partie due à une baisse de valeur des actifs à long terme, soit 42 000 $. La diminution a été moins forte au niveau du Canada.

Même si l'avoir net des entreprises de bovins de boucherie est resté stable au Québec, les dettes n'en ont pas moins augmenté de 112%. Généralement, ces entreprises se sont développées comme entreprises secondaires. Le revenu par dollar d'investissement est faible, soit 0, 126 $. Par contre, le revenu extérieur est relativement élevé avec 13 130 $ par entreprise. (10 h 45)

Nous retrouvons en page 31 une analyse des exploitations agricoles québécoises par groupe d'avoir net, toujours selon le sondage de 1984. Pour les fins de cette analyse, les entreprises agricoles ont été divisées en trais groupes égaux en fonction de leur avoir net. Attardons-nous un peu au groupe dont l'avoir net est le plus faible. Nous remarquons que c'est dans ce groupe que les entreprises sont les plus importantes avec un actif moyen de 367 000 $. Ce groupe supporte 79% du passif agricole total de la province alors qu'il ne possède que 41% de l'actif total. Il regroupe également les agriculteurs ayant le moins d'années d'expérience avec une moyenne de onze ans. C'est ce groupe qui investit le plus chaque année et qui emprunte aussi le plus. Par contre, c'est ce groupe qui est le plus productif. Il génère 0, 34 $ de revenu par dollar d'investissement alors que le groupe à avoir net moyen en génère 0, 23 $ et que le groupe à avoir net élevé se limite à 0, 05 $ par dollar d'investissement.

Nous pouvons remarquer que le groupe à avoir net élevé est en tout point à l'opposé de l'autre groupe. En plus de générer moins de revenu par dollar investi, c'est dans ce groupe que l'on retrouve la dimension moyenne d'entreprise la plus faible, le moins de dettes, le moins d'investissements annuels et l'âge moyen des agriculteurs le plus élevé. Il est fort probable que c'est dans ce groupe que se trouvent le plus d'agriculteurs s'acheminant vers la retraite et qui n'exploitent plus de façon intensive.

Voyons maintenant le bilan moyen par catégorie d'avoir net des exploitations agricoles québécoises, page 34. De ce tableau, nous déduisons que 1855 fermes, soit 5, 8% des fermes ont un avoir net inférieur à 30%. Elles contrôlent 6% de l'actif tout en supportant 21% des dettes. Concernant la première catégorie, le groupe de 10% et moins d'avoir net, nous constatons que l'avoir net moyen est négatif de 21%. Quelques entreprises ayant des dettes très élevées par rapport à leur actif contribuent à réduire de beaucoup l'avoir net moyen de ce groupe.

De l'analyse des données du sondage agricole, nous pouvons tirer quelques conclusions. À la page 36, un tableau nous indique que, sur les 32 600 fermes du Québec, 4200 sont dans une situation précaire, 3300 dans une situation difficile et 25 100 dans une situation normale.

Définissons d'abord ces termes. La situation est considérée précaire lorsque les paiements pour le service de la dette, c'est-à-dire le paiement des intérêts et les remboursements de capital, sont supérieurs à 40% des ventes agricoles; le total des emprunts à moyen et long termes dépasse 110% de l'investissement total de l'année ou la valeur nette de la ferme est inférieure à 15% de l'actif total.

La situation est considérée difficile lorsque premièrement, les paiements pour le service de la dette se situent entre 25% et 40% des ventes agricoles; les emprunts sont supérieurs à 105% de l'investissement total de l'année et la valeur nette de la ferme se situe entre 15% et 40%.

La situation est donc normale lorsque les paiements pour le service de la dette sont inférieurs à 25% des ventes brutes et que la valeur nette de la ferme est supérieure à 40%.

Parmi les 4200 fermes au Québec qui sont considérées comme étant en situation précaire, 300 à 350 risquent la faillite puisque leurs dettes égalent ou dépassent leur actif. 1700 fermes sont dans cette même situation au Canada. Même si sur une base statistique cette situation ne semble aucunement dramatique du fait que 300 ou 350 fermes ne représentent que 1% des fermes totales, nous considérons qu'une telle situation est toujours extrêmement malheureuse.

Nous constatons que l'agriculture canadienne n'échappe pas aux problèmes occasionnés par la récession économique que subissent les pays occidentaux depuis quatre ou cinq ans. Bien qu'il soit difficile de qualifier par un seul mot la situation financière des agriculteurs canadiens, il reste que l'état actuel des choses exige une attention particulière et soutenue de la part des différents intervenants du milieu agricole.

Conclusions. Devant la situation financière difficile de plusieurs agriculteurs, notre société a pris depuis quelque temps les décisions suivantes. Premièrement, nous intensifions le service à la clientèle ou les services consultatifs auprès des agriculteurs en difficulté afin de les aider à analyser leur situation et les solutions susceptibles d'améliorer la viabilité de leur entreprise. Même si notre personnel est bien préparé à ce travail, nous poursuivons continuellement son perfectionnement en fonction de l'utilisation de la technologie moderne et, en particulier, des micro-ordinateurs.

Deuxièmement, nous avons suspendu, du 26 octobre 1984 au 15 janvier 1985, les procédures de réalisation de nos garanties contre nos emprunteurs qui désirent continuer à exploiter leur ferme. Cette décision a été prise afin de procéder à une analyse en profondeur, avec tous les intervenants, des moyens qui pourraient être utilisés pour permettre à des producteurs agricoles de conserver leur ferme et de continuer à l'exploiter.

Troisièmement, nous avons élargi le mandat des commissions d'appel afin de leur permettre un dernier examen des situations en très grande difficulté avant d'entreprendre, après le 15 janvier 1985, des

procédures de réalisation de garanties.

Quatrièmement, nous lancerons le 1er avril 1985 un nouveau programme intitulé "L'hypothèque à risque partagé". Selon ce programme, le prêteur et l'emprunteur partageront les coûts ou les bénéfices engendrés par la fluctuation des taux d'intérêt. De plus, au cours d'une période de six ans, l'emprunteur est protégé par un plafond de 2, 5% sur l'augmentation des taux d'intérêt.

Cinquièmement, nous étudions d'autres programmes qui pourraient nous permettre d'aider davantage les agriculteurs en difficulté et les jeunes désirant s'établir en agriculture. Mentionnons tout le processus des bons agricoles qui font actuellement l'objet d'une étude au niveau du gouvernement canadien; ensuite, un programme de redressement économique qui comporterait deux volets: un premier volet de restructuration du passif des agriculteurs et un deuxième rui comporterait un prêt indexé à bas taux d'intérêt; aussi un programme de location de ferme avec ou sans option d'achat.

Sixièmement, nous savons que plusieurs jeunes préparent sérieusement leur établissement, mais que le manque de ressources financières et d'expérience retarde leur projet. Par contre, nous détenons plusieurs fermes que nous tentons de vendre, mais qui sont abandonnées et souvent dans un état détérioré. Nous recherchons une manière de réunir ces deux situations de façon à améliorer la position des deux parties. C'est sûr qu'il ne s'agit pas, dans cette option, de louer des fermes détériorées, mais de pouvoir réussir à louer les fermes à de jeunes agriculteurs avant qu'elles soient détériorées.

Aussi, même si nos emprunteurs bénéficient de quelques mesures d'aide du gouvernement du Québec, nous croyons que nous pourrions être encore plus efficaces et plus utiles aux agriculteurs si nous pouvions harmoniser davantage les interventions des deux paliers de gouvernement, Canada et Québec. Cette coopération pourrait s'exprimer par un rapprochement visant à mieux servir les agriculteurs en travaillant plus étroitement avec le gouvernement du Québec, comme c'est le cas en Ontario et en Saskatchewan. Ainsi, en Saskatchewan, le programme d'achat de fermes prévoit une remise d'intérêt pour une certaine catégorie d'agriculteurs et ce, selon l'avoir net détenu. Le taux est ramené à 8% pour la partie subventionnée pour les cinq premières années et à un taux n'excédant pas 12% pour une autre période de cinq ans. En Ontario, le programme d'assistance pour les agriculteurs débutants prévoit un rabais d'intérêt pour l'excédent du taux de 8%, mais jusqu'à un maximum de 5% de réduction pour cinq ans. Nul doute qu'au Québec de telles ententes seraient bénéfiques et ce, pour toutes les parties et spécialement pour les agriculteurs. Il est d'une grande importance pour toutes les institutions de faire une réflexion profonde sur la situation actuelle et de rechercher ensemble les meilleurs moyens pour aider les agriculteurs en difficulté et les jeunes désirant s'établir. Il est impératif de profiter du contexte actuel afin de pouvoir être "proactif" face à l'avenir. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions et vous fournir toute information supplémentaire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie, M. Langlois. J'ai une demande d'intervention du député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais vous remercier, au nom de ma formation politique, pour avoir répondu à notre appel et vous être présentés devant nous ce matin. Au début, à la page 3 de votre mémoire, lorsque vous parlez des principales activités, vous avez l'air d'avoir déterminé que cinq ans pour s'établir sur une ferme, c'est un nombre d'années suffisant avant de pouvoir voler de ses propres ailes sans avoir besoin d'emprunt. Il semble que ce soit les cinq années tes plus difficiles. On a vu au cours des derniers jours, selon les gens que nous avons entendus, que cela va plus loin que cela déjà. C'est sept, huit ou dix ans. Est-ce que vous pourriez m'expliquer sur quoi vous vous basez pour dire qu'une fois que les cinq premières années sont passées le pis est passé?

M. Langlois: Vous vous référez, à ce moment-là, au programme d'établissement graduel, période pendant laquelle l'agriculteur peut conserver un emploi extérieur et obtenir un prêt chez nous pour structurer son entreprise, ce qu'on appelle le paragraphe 1. 2? Est-ce que c'est exactement à cela que vous vous référez?

M. Dupré: Oui.

M. Langlois: Alors, c'est un programme qui a été mis sur pied avant qu'on connaisse la crise économique qu'on a connue depuis 1981. Alors, il faut se replacer dans un contexte où l'agriculture était beaucoup plus rentable, avant les années 1981. Il n'y a pas de doute qu'avec le recul du temps, aujourd'hui, on va probablement modifier cette période. Mais, originellement, c'était prévu que l'agriculteur qui pouvait manquer de ressources pouvait combiner un emploi extérieur et aussi un prêt chez nous de façon à structurer et à développer graduellement son entreprise. On prévoyait qu'après cinq ans il pouvait laisser ou abandonner son emploi extérieur pour être

occupé à plein temps en agriculture. Alors, ce phénomène a pu se réaliser au début, avant les années 1981. Il n'y a pas de doute qu'actuellement la situation est beaucoup plus difficile et que la période de cinq ans est certainement très marginale.

M. Dupré: Vos prêts à long terme se font sur un maximum de combien d'années présentement?

M. Langlois: Les périodes varient de 15 à 30 ans dépendant de la structure de la garantie, dépendant de la capacité de remboursement, dépendant aussi des taux d'intérêt. C'est sûr que, quand les taux d'intérêt sont très élevés, il n'est pas tellement avantageux pour un agriculteur d'aller chercher des périodes d'amortissement de 30 ans s'il peut rembourser plus rapidement.

M. Dupré: Dans votre programme de services à la clientèle, quels types de services sont le plus souvent demandés? À la page 3 et 4.

M. Langlois: Alors, si vous me le permettez...

M. Dupré: Je vais enchaîner en demandant: Lorsque vous parlez, à 2. 1 à la page 4, de la Loi sur le crédit aux syndicats agricoles, ce ne sont pas les syndicats de gestion; ce sont des ententes, des associations ou...

M. Langlois: Si vous me le permettez, je vais référer les deux questions à M. Eugène Laflamme, sur les services consultatifs ou les services à la clientèle et sur les prêts aux syndicats agricoles. (11 heures)

M. Laflamme (Eugène): Concernant les services consultatifs, les services qui sont demandés, c'est un ensemble. C'est un ensemble dans ce sens que l'agriculteur veut avoir une personne à qui il peut confier ses problèmes, avec qui il peut discuter, une personne qui va être capable de l'écouter pour, à la fin de cette période d'écoute, rechercher avec lui les différentes solutions. Alors, cela peut être dans le secteur de la gestion financière. S'il s'agit, par exemple, de secteurs strictement plus agricoles, généralement notre personnel va référer l'agriculteur à un spécialiste du ministère de l'Agriculture du Québec.

Dans le secteur des prêts aux syndicats selon la Loi sur le crédit aux syndicats agricoles, comme vous l'avez mentionné, il ne s'agit pas de syndicats de gestion; il s'agit d'agriculteurs qui se regroupent pour faire l'achat en commun de certaines machines agricoles afin de diminuer les coûts d'opération qui leur incomberaient s'ils avaient à acheter chacun telle ou telle machine. Cela s'applique également à des entrepôts que des agriculteurs ont voulu construire en commun.

M. Dupré: Est-ce qu'il faut que ce soit absolument trois entités différentes? Vous dites trois agriculteurs, mais est-ce que cela peut être deux agriculteurs d'une même ferme?

M. Laflamme: Exact. Cela peut être deux agriculteurs d'une même ferme avec un autre. Cela peut être la père qui exploite avec son fils une ferme; alors, les deux pourront être considérés comme deux membres, plus un troisième.

M. Dupré: La commission d'appel, c'est certain que cela attire notre attention parce qu'on a fait la demande pour avoir quelque chose de semblable ici. Je suis tout de même un peu surpris, car, si c'est 66% de 33%, cela fait tout de même un bon nombre de gens qui se voient accorder, une fois qu'ils ont été devant la commission d'appel, des prêts. À la page 7, c'est inscrit "formée d'un groupe impartial d'agriculteurs". Y a-t-il seulement des agriculteurs à la commission?

M. Langlois: Uniquement des agriculteurs à plein temps. Maintenant, il faut peut-être rendre tout le crédit aussi aux membres de cette commission d'appel. Les douze membres de la commission d'appel n'entendent pas tous les cas. Ils siègent deux ou trois à la fois. Ils vont visiter la ferme, ils ont l'occasion de faire des observations, de faire des commentaires à l'agriculteur et souvent il y a des modifications que l'agriculteur accepte de faire dans ses projets qui peuvent le rendre admissible. 5ouvent, ce sont des modifications ou des ralentissements d'expansion. On peut essayer, nous, comme fonctionnaires, de convaincre l'agriculteur de modifier ses programmes, mais il maintient son programme original. Alors, on est obligé de le refuser.

M. Dupré: Est-ce que le comité est décisionnel ou consultatif?

M. Langlois: Non, le comité fait des recommandations. La commission d'appel fait une recommandation. Si, au niveau de notre région, je suis d'accord avec la recommandation, on consent le prêt. Si je ne suis pas d'accord avec la recommandation, je dois référer le dossier au président ou au vice-président à notre siège social.

M. Dupré: Vous tenez certainement des statistiques en ce qui a trait au taux d'échec, indiquant ceux qui ont, à la suite d'une révision de la commission d'appel, réussi et de ceux qui ont pointé du nez.

Parce que, après avoir établi une commission semblable, si on veut qu'elle ait réellement les suites pour lesquelles elle a été formée, il faut absolument savoir ce que cela donne. Si la commission d'appel était un peu plus ouverte, est-ce que cela donnerait des résultats néfastes?

M. Langlois: Pour les décisions de refus qui sont maintenues par la commission d'appel, on n'a pas de contrôle ni de suivi. Le suivi qu'on poursuit avec beaucoup d'intérêt - et cela nous est demandé par les membres de la commission d'appel - ce sont les dossiers marginaux qu'ils nous ont recommandés et auxquels on a consenti des prêts. Ils nous demandent, un an ou deux ans après, où ces agriculteurs sont rendus parce que cela les préoccupe de savoir si le prêt qu'on leur a consenti a servi de façon très positive ou si l'agriculteur a pu échouer en cours de rpute.

M. Dupré: N'avez-vous pas de chiffres là-dessus?

M. Langlois: On n'a pas de contrôle ni de suivi sur les refus qui sont maintenus.

M. Dupré: Non, mais ce sont les personnes acceptées. Celles qui sont refusées, il n'y a pas de problème, elles sont refusées aux deux places. Mais celles qui sont acceptées, si on veut avec succès avoir une commission d'appel qui joue réellement un rôle important, il faudrait savoir si elles réussissent ou si cela dure un an ou deux et que, de toute manière, elles s'en vont à la faillite ou abandonnent.

M. Langlois: On n'a pas de statistiques officielles pour suivre ce groupe, mais le taux d'échec n'est certainement pas plus élevé que dans le secteur régulier ou dans tous les autres cas où il y a des échecs. On n'a pas de suivi ou de statistiques officielles.

M. Laflamme: Je pourrais peut-être compléter. On peut certainement faire cette analyse et vous faire parvenir des données plus précises d'ici une quinzaine de jours à ce sujet.

M. Dupré: Pour nous, cela serait très intéressant.

M. Laflamme: D'accord. Il y a peut-être un autre élément qui s'ajoute à cela concernant les commissions d'appel. Il y a un genre de pacte qui se crée entre toutes les personnes intervenant autour d'un dossier qui va à la commission d'appel. Il y a une sensibilisation des gens du milieu qui apportent un suivi à cette personne, qui lui donnent un soutien d'orientation ou peut-être de gestion jusqu'à un certain point aussi vu la difficulté dans laquelle elle est. Ce sont toujours des cas très difficiles qui sont analysés par la commission d'appel. Les gens du milieu et de l'entourage, les intervenants dans ce dossier semblent contribuer à maintenir un certain succès autour de ceux qui sont recommandés.

M. Dupré: À la page 15, s'il vous plaît, lorsque vous affirmez que "le revenu net moyen en agriculture, de même que le rendement du capital ne sont plus les seuls facteurs à considérer dans la rentabilité", je suis entièrement d'accord avec cela. À la fin du premier paragraphe, vous dites: "Certains agriculteurs possédant un calibre de gestion supérieur, etc. " À quelle place situez-vous la formation académique versus la rentabilité ou le succès d'un agriculteur, soit par des cours d'exploitation ou de gestion?

M. Langlois: Je vais permettre à M. Doran de répondre à votre question.

M. Doran (Jacques): Pour arriver avec une réponse précise à votre question, je ne pourrais pas délimiter exactement l'impact du niveau d'études ou de formation ou de choses comme cela. Au cours de notre dernier sondage, il aurait été très facile d'inclure une question, si cela avait été soulevé, sur la formation des agriculteurs tenant compte de leur classe d'avoir net. On aurait pu faire des relations très intéressantes. Il reste qu'on a fait des études nous-mêmes à l'intérieur de la société concernant le niveau d'éducation moyen. C'est certain que cela n'inclut pas tous les cours de formation spéciaux qu'un agriculteur peut suivre, mais on a trouvé que des agriculteurs qui ont une plus haute formation ont moins de difficultés financières. Cette relation a été aussi poursuivie dans une étude spéciale de l'Université de Guelph, en Ontario, qui est arrivée exactement à la même conclusion: des agriculteurs qui ont une douzième année ou un niveau supérieur d'éducation ont moins de difficultés financières.

M. Dupré: Lorsque vous octroyez vos prêts, surtout ceux à long terme, est-ce que vous avez un minimum de critères qui sont touchés du côté de la formation ou de l'expérience pertinente ou bien si quelqu'un de la ville peut arriver et avoir un prêt de même du moment qu'il a de l'argent à mettre dans cela?

M. Langlois: M. Laflamme va répondre à votre question.

M. Laflamme: Chaque cas est analysé de façon très particulière. Il est certain que, si vous prenez l'exemple d'un type de la ville qui veut s'établir, nous allons analyser

ses capacités, ce qu'il a fait dans d'autres secteurs, s'il n'a pas eu à travailler dans le domaine agricole. On va mesurer ou tenter de mesurer le plus exactement possible ses succès dans d'autres secteurs d'activités. On va mesurer également la capacité de remboursement de l'entreprise qu'il veut exploiter. On va tenter également de mesurer ce qu'il sera en mesure d'être comme exploitant. Ce n'est pas deux plus deux égale quatre, ce n'est pas aussi clair que cela. On marche avec un jugement sur tous ces points et, à la fin de tout cela, tenant compte de l'investissement qu'il veut faire dans l'entreprise, on aura à prendre la décision, oui ou non, si on approuve ou on refuse le prêt.

M. Dupré: À la page 16, en bas, vous dites que "l'accès au crédit ne semble pas être un problème". Ce n'est pas cela qu'on nous a dit, à nous, dernièrement. Cela ne l'était pas il y a quelques années, mais là il y en a plusieurs qui commencent à trouver que c'est un problème. Même s'il y a de l'argent dans le décor, ils ont de plus en plus de difficulté auprès des banques. C'est presque impossible. Les banquiers nous ont dit qu'ils prêtent, dans un premier temps, à ceux qui ont de l'argent. Les autres, c'est à l'État de s'en occuper. Lorsque vous dites que ça ne semble pas être un problème, il me semble que ce n'est plus le cas aujourd'hui.

M. Doran: Quand on dit, à un moment donné, que "l'accès au crédit ne semble pas être un problème", cela veut dire qu'emprunter, en tant que tel, cela ne semble pas être le problème. Il reste qu'il faut que ce soit une décision mature dans le sens qu'on n'emprunte pas juste pour emprunter. Il y a une capacité de remboursement qui doit être équivalente aux emprunts et cela semble être beaucoup plus déficient que la capacité d'avoir accès au crédit.

On a démontré à l'intérieur du mémoire que la société a toujours, dans le passé comme actuellement cette année, dirigé ses fonds vers les agriculteurs qui avaient de la difficulté ou qui pouvaient, dans certains cas, avoir de la difficulté à obtenir du crédit de prêteurs commerciaux. Il reste que c'est vraiment le secteur vers lequel la société dirige son crédit.

M. Dupré: Au pourcentage, vous faites moins de prêts au Québec que dans les autres provinces, à cause probablement du rôle que l'Office du crédit agricole joue. Mais lorsque vous prêtez, est-ce que vous prenez les maisons aussi en garantie, l'habitation même?

M. Laflamme: Oui. De façon générale, la maison est toujours incluse dans la garantie. Cela fait partie de l'entité de ta ferme et on sait qu'en agriculture l'exploitation comprend la ferme, les bâtiments, la terre et tout. Alors, c'est inclus dans la garantie.

M. Dupré: Vous faites, je présume aussi, l'évaluation des quotas? Est-ce que vous prenez les quotas en garantie?

M. Laflamme: Les quotas, vous savez qu'ils ne sont pas définis comme biens meubles, ni immeubles. Ils ne peuvent donc pas être pris en garantie comme tels. Nous les incluons dans nos garanties comme garantie accessoire afin de protéger d'avantage, si vous voulez, la garantie de base de la ferme face à l'hypothèque que nous enregistrons.

M. Dupré: Est-ce que vous pouvez même aller jusqu'à prendre des dations sur les quotas?

M. Laflamme: Quoi?

M. Dupré: Des dations en paiement, certains liens.

M. Laflamme: C'est toujours un lien sur le produit de la vente du quota. Ce n'est pas un lien sur le quota comme tel; c'est un lien sur le produit éventuel de la vente du quota.

M. Dupré: Je voudrais aller à la page 37, dans vos conclusions. Je voudrais vous parler de la suspension que vous avez faite le 15 janvier. Est-ce que cela s'apparente, ni plus ni moins, à un moratoire?

M. Langlois: Oui.

M. Dupré: En tout cas, cela en a l'air, en ce qui me concerne. Est-ce que cela a eu des répercussions sur la restriction des autres agents prêteurs?

M. Langlois: Je vais demander à M. Lagacé s'il veut apporter une réponse à votre question.

M. Lagacé (Jacques): Votre question est surtout orientée vers les autres agents prêteurs, vous dites?

M. Dupré: Vous dites que vous avez arrêté les procédures dans ces cas-là. Les autres agents prêteurs, est-ce que cela ne les a pas un peu énervés de voir que vous n'allez pas vers vos garanties? En somme, ce n'est pas un certain encouragement ou un certain laisser-aller vers les garanties que soit les banques, les caisses populaires ou les autres donnent? En somme, vous autres, vous suspendez, mais il y en a d'autres. Vous

n'êtes pas toujours les seuls prêteurs sur une ferme, il y en a d'autres aussi. Souvent, c'est vous autres qui avez, probablement, en tout cas, dans certains cas, les plus gros montants. Si vous gelez complètement les saisies - il y a les expulsions, mais, en tout cas, on va s'arrêter aux saisies - cela n'a pas eu d'impacts?

M. Lagacé: Premièrement, il faut préciser que les suspensions de procédure ont été pour les cas où la société avait entrepris elle-même des procédures en repossession de ses garanties. Deuxièmement, cette suspension ou ce moratoire ne s'appliquait pas dans les dossiers pour lesquels les clients avaient déjà pris une décision de cesser leurs opérations. A titre d'exemple, on peut mentionner tous les cas où les personnes avaient fait une remise de leurs biens par la voie de la Loi sur la faillite ou encore les clients qui nous avaient signé une dation, ce qu'on appelle, en termes de métier, une dation volontaire. C'est une autorisation donnée à ta société de poursuivre ses procédures intentées, parce que le client lui-même voyait qu'il n'y avait pas d'issue au bout du tunnel. (11 h 15)

Dans ce contexte, la suspension s'adressait aux clients qui exploitaient encore leur entreprise. Donc, les biens meubles et les biens immeubles, ainsi que la productivité de l'entreprise relevaient encore de notre client durant la période de suspension. La suspension a été aussi du mois d'octobre au 15 janvier dernier. Dans les faits, nous avons suspendu les procédures entreprises contre 47 dossiers. Lors de la levée de la suspension, nous avons autorisé le droit d'appel à 26 de ces clients.

M. Dupré: À la société, vous avec eu combien de faillites en 1983-1984?

M. Lagacé: En 1983-1984, 37 de nos clients ont déclaré faillite au Québec.

M. Dupré: Au Canada, vous ne l'avez pas?

M. Lagacé: Au Canada, malheureusement, je n'ai pas l'information.

M. Dupré: C'est dans quelles productions? Est-ce qu'il y a une production plus spécifique?

M. Lagacé: Oui, sur 37 clients, il y a 22 clients qui étaient dans la production porcine, soit 60%. Globalement, pour renchérir un peu sur votre question, depuis 1979, il y a eu 113 de nos clients qui auraient fait cession de leurs biens et 16 dans le porc. Donc, en moyenne, 67% des faillites au cours des six dernières années sont dans la production porcine.

M. Dupré: Merci bien, monsieur.

M. Langlois: Pour votre information, on pourrait obtenir, à l'intérieur de quelques jours, le nombre de faillites agricoles au Canada. Si ça vous intéresse, aussi, on peut vous faire parvenir l'information.

M. Dupré: Quand vous allez plus vers l'ouest, pour nous autres, ça va être plus difficile. Si on pouvait les avoir aussi par production.

M. Lagacé: J'ai des chiffres au niveau du Canada par production, mais pour une certaine période, l'année 1984-1985, et votre question était plus orientée vers l'an dernier, je crois. Pour la dernière année, je pourrais vous donner, tout à l'heure, des chiffres au niveau canadien.

M. Dupré: Très bien, merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président, et merci à messieurs de l'équipe de la société pour l'excellent mémoire qu'ils nous ont présenté, de même que pour les pages subséquentes, vers la fin, où il est question de tableaux. Je pense qu'on a des tableaux fort intéressants qu'il ne nous est pas permis de scruter immédiatement, mais qu'on pourra scruter avec beaucoup de plaisir dans l'avenir.

Une première question qui me vient à l'esprit, parce que vous avez dit tantôt que la société reconnaît le statut de demandeur admissible au conjoint. Quelle importance donnez-vous aux femmes dans l'élaboration, par exemple, de vos politiques de crédit? Est-ce une importance particulière? Aussi, de quelle façon voyez vous, par exemple, le rôle des femmes en agriculture? Est-ce que la société s'est penchée là-dessus, a examiné ça? D'autant plus que c'est un phénomène qui est beaucoup plus répandu et qui a tendance à s'accélérer. Mais faute, évidemment, de ressources et faute, aussi, de statut particulier un peu spécial, les femmes sont brimées un peu du côté de l'agriculture ou pour se lancer en agriculture. Alors, j'aimerais que vous me dressiez un tableau, de ce côté-là, de votre pensée.

M. Laflamme: Votre question, c'est une question assez large concernant notre perception!

M. Picotte: Prenez tout le temps voulu pour me répondre.

M. Laflamme: Lorsqu'on a, par exemple, pris la décision d'inclure le conjoint - parce que ça peut être autant l'homme que l'épouse; on parle bien du conjoint - même si cette personne travaille à temps plein à l'extérieur, on la reconnaît comme étant un demandeur admissible, justement, dans le sens que ces deux personnes, les deux conjoints, travaillent à bâtir une entreprise agricole. Connaissant les difficultés de s'établir, il faut bien accepter que, si l'un des conjoints doit travailler à l'extérieur, c'est un apport qu'il fournit à l'entreprise agricole pour avoir des bases plus solides pour son établissement et pour toute la carrière que la ferme aura durant les années à venir. C'est dans cette perspective que nous avons élargi, il y a quelques années, l'admissibilité au conjoint, même s'il travaillait à plein temps è l'extérieur, pour autant qu'il a un intérêt réel dans la propriété.

Nous n'avons aucune discrimination, d'autre part, concernant la femme en agriculture comme propriétaire. Nous avons consenti des prêts à des femmes propriétaires d'entreprises agricoles. C'est bien sûr que, dans le contexte qu'on vit encore au Québec, le nombre de femmes propriétaires exploitant des entreprises est très peu élevé, mais elles sont considérées au même niveau que les hommes qui font une demande de prêt.

M. Picotte: Est-ce que vous avez le pourcentage du nombre d'exploitantes dans ce domaine depuis les cinq dernières années?

M. Laflamme: Comme propriétaires, uniques propriétaires et exploitantes, je pense que nous en avons très peu, ça pourrait être un très petit nombre; nous n'avons pas de statistiques précises là-dessus. Mais nous avons quand même, au cours des dernières années, fait des prêts aux deux conjoints, un prêt conjoint, qu'on appelle, pour les deux conjoints, l'homme et l'épouse. Cela s'est appliqué dans plusieurs cas.

M. Picotte: M. le Président, est-ce que je pourrais vous faire une suggestion? Je ne sais pas si c'est parce qu'on parle d'agriculture ou qu'on parle de femmes en agriculture, mais on a beaucoup de difficulté à se comprendre. Je ne sais pas s'il y aurait moyen qu'on aille travailler dans un autre coin de l'Hôtel du Parlement.

Le Président (M. Vallières): On s'en occupe, c'est déjà fait.

M. Picotte: Merci.

M. Langlois: Si vous me le permettez, je voudrais rajouter un commentaire sur ce que M. Laflamme mentionne. L'importance qu'on accorde aux femmes en particulier, parce que c'est une partie de votre question, est énorme. Lors de l'entrevue ou de l'évaluation sur la ferme, on va chercher à toujours rencontrer les deux conjoints pour savoir si le projet d'expansion en particulier, par exemple, est bien accepté par les deux conjoints. Si le gars veut grossir, mais que la femme ne veut pas grossir la ferme, ne veut pas augmenter le troupeau parce que c'est elle qui va donner un coup de main supplémentaire au mari et que ça transpire au moment des discussions, c'est important pour nous de le savoir.

Souvent, aussi, la femme, c'est la comptable chez l'agriculteur. C'est important de savoir quelle est sa contribution. C'est souvent très important pour nous pour compléter l'évaluation, pour connaître l'état d'esprit de l'équipe qui va diriger l'entreprise, soit les deux conjoints. C'est important pour nous de connaître la contribution positive des deux conjoints, en particulier de la femme.

M. Picotte: Vous avez dû sans doute avoir passablement de réactions au fait que, lorsque le conjoint fait une demande d'emprunt ou quoi que ce soit, le salaire de l'autre conjoint est comptabilisé dans tout ça. Je trouve que c'est drôlement une façon d'attacher la personne. Il y a là une obligation qui est forte, à mon avis. Est-ce que vous avez eu des remarques là-dessus? Est-ce que vous envisagez, dans les années à venir, de modifier cela, car ça ne devrait peut-être pas être la totalité du salaire du conjoint, mais, au moins, seulement une partie du salaire?

M. Laflamme: Tout cela est rattaché aux objectifs du couple lui-même. Il s'agit d'établir un très bon dialogue avec les personnes en cause. C'est leur entreprise. Si on estime qu'il faut tenir compte de la totalité du revenu du conjoint qui travaille à l'extérieur pour qu'il y ait une rentabilité sur la propriété, ces chiffres sont discutés avec les deux conjoints. Si ça ne le prend pas, tant mieux pour eux, le reste pourra servir à différentes fins, pour des fins d'expansion. L'une ou l'autre des personnes qui travaille à l'extérieur pourra se bâtir un REER, faire des investissements dans d'autres entreprises. Tout cela est rattaché à leur objectif. Est-ce que leur objectif ultime est le développement de leur entreprise agricole ou pas?

Il est arrivé dans certains cas qu'on n'a pas tenu compte du salaire du conjoint parce que cette personne-là estimait ne pas vouloir investir dans la propriété agricole. C'est son choix. Alors, il faut tenir compte des situations telles qu'elles sont avec les personnes impliquées.

M. Picotte: Dans un autre ordre

d'idées, on a parlé des quotas tantôt qui ne sont pas une valeur comptabilisable, non plus, dans l'avoir. Est-ce qu'il y a des études qui se font a la société pour tâcher de trouver une solution à ce problème-là des quotas, qui est un problème chez les agriculteurs lorsqu'arrive le temps d'emprunter? C'est un montant important à cause de sa valeur dans tout l'avoir et, par contre, il n'est pas reconnu par les emprunteurs comme tels.

M. Langlois: On est bien conscients des problèmes qui résultent de la valeur marchande qui s'est développée autour des quotas. Je pense que même l'UPA reconnaît ce problème-là. Évidemment, l'objectif initial était de contrôler l'offre d'un produit en mettant sur pied un système de quotas. Je pense que les organismes agricoles, l'UPA entre autres, n'avaient pas prévu à l'origine le développement d'une valeur marchande aussi élevée que ce qu'on connaît depuis quelques années. On a eu des rencontres avec l'Office du crédit agricole et avec les différentes fédérations spécialisées: producteurs de volaille, producteurs d'oeufs et producteurs de lait, de façon à explorer les possibilités d'apporter des modifications à tout ce système-là. Cela nous préoccupe et cela préoccupe l'UPA. Cela préoccupe, en particulier, les jeunes qui veulent s'introduire en agriculture parce que cela augmente de beaucoup les besoins d'argent pour s'implanter dans l'agriculture. C'est sûr que le résultat, il ne faut pas le sous-évaluer; le contrôle de la gestion évite des surplus dans ces productions, apporte une stabilité de revenu. Il reste qu'à la longue, avec les variations de taux d'intérêt qu'on a connues depuis 1981, cela a pesé lourd sur les bilans.

Vous avez mentionné, au tout début de votre question, que ce n'était pas comptabilisé, mais la valeur marchande du quota est comptabilisée et apparaît au bilan. Elle ne constitue pas une valeur sur laquelle on va consentir un prêt, mais la valeur apparaît au bilan avec les fluctuations que cela implique. D'une année à l'autre cela varie. Les quotas ne valent pas les mêmes montants d'argent d'une année à l'autre.

M. Picotte: Quelle est maintenant la formation des conseillers en financement à la société?

M. Laflamme: La plupart de nos conseillers ont une formation de base en agronomie. Un certain nombre sont également technologistes agricoles. Ce sont les prérequis lors de l'engagement. Par la suite, il y a toute une série de formations données à tous nos conseillers et cela commence dès le début par un entraînement très spécifique dans le secteur des prêts avec un suivi très serré pour au moins les six premiers mois et même un an. Au bout de quelques mois également, nous donnons un entraînement très particulier dans l'administration des prêts également avec un autre suivi très serré pour les mois suivants. On inclut à ce moment-là une formation particulière afin de fournir ou de bien dispenser nos services consultatifs. La formation continue au cours de la première et deuxième année par des cours en évaluation qui sont sous l'égide de l'Institut canadien des évaluateurs du Canada. Tous nos conseillers ont suivi ces cours en évaluation.

Par la suite, je pourrais dire dans les deux ou trois premières années, nos conseillers suivent également des cours en gestion agricole et en gestion financière. Nos employés sont tous passés par des cours à l'Université Laval dans ce secteur-là. Tous nos conseillers également ont suivi des cours en techniques d'entrevue, des cours de motivation dans l'entreprise. Un autre volet qui s'ajoute également à cela, c'est celui de leur perfectionnement personnel pour lequel la société contribue. (11 h 30)

Chaque année, nous avons un certain budget d'alloué au perfectionnement des employés, perfectionnement qui est discuté entre l'employé et son superviseur au moment d'un examen de rendement annuel. La plupart du temps, il y a deux options: soit que le conseiller désire lui-même poursuivre certains cours de perfectionnement qui vont être appuyés par son superviseur, soit que le superviseur indique à un employé qu'il serait souhaitable de suivre tel cours de perfectionnement. C'est un souci constant de la société de donner certains outils à tous ses employés pour qu'ils continuent à se perfectionner. Vous voyez actuellement l'arrivée de l'informatique. La société veut être sensible également à ces besoins et, présentement, plusieurs employés suivent des cours de perfectionnement concernant les ordinateurs et toute l'informatique.

M. Langlois: Si vous me le permettez, je demanderais à M. Doran de mentionner quelques détails additionnels.

M. Doran: Actuellement, la société est à développer, basé sur le profil d'un conseiller de ce que seront les fermes dans l'avenir, une série de cours par lesquels on voudrait rendre disponible aux agriculteurs la même qualité de services de gestion financière qui sont accessibles à de très grosses entreprises. Je parle des entreprises ayant un chiffre d'affaires autour de 1 000 000 $. Nous souhaitons fournir aux agriculteurs le même genre de qualité de gestion et de prise de décision existant dans ces entreprises. On passe de la gestion financière à l'analyse financière où on utilise la simulation et où on mesure le risque dans

des investissements, que ce soit pour un établissement, une expansion, etc.

M. Picotte: M. le Président, tout à l'heure, on a fait allusion dans une réponse à l'Office du crédit agricole et il m'est venu une question à l'esprit. Quelles sont les relations qui existent entre, d'une part, vos conseillers, te MAPAQ et l'Office du crédit agricole, d'autre part? On s'adresse aux mêmes agriculteurs.

M. Langlois: Je les qualifierais d'excellentes au niveau - on peut les prendre rapidement, à différents paliers - du champ. Nos évaluateurs ont à travailler, à consulter fréquemment, hebdomadairement je crois, les évaluateurs de l'Office du crédit agricole avec lesquels, par exemple, on va faire des échanges de ventes comparables pour être capables de bien connaître le marché de la vente de fermes dans un milieu donné. On va s'échanger de l'information. Quand on va procéder à des partages de garantie, par exemple, à libérer une partie de notre garantie pour permettre à l'office de consentir un prêt ou vice versa, nos conseillera vont travailler en étroite collaboration avec les évaluateurs de l'Office du crédit agricole.

Avec les employés du ministère de l'Agriculture, c'est le même phénomène. Notre service consultatif aux clients, notre service de gestion, se veut un service de gestion financière. Il s'agit souvent d'établir des ponts de communication entre les spécialistes du ministère et l'agriculteur. Si l'agriculteur a une faiblesse dans la qualité de son troupeau, ce n'est pas à mes évaluateurs d'aller faire la sélection des vaches, d'enseigner à l'agriculteur comment faire une meilleure régie de son troupeau, faire une sélection, éliminer les sujets les moins 'bons. On va essayer d'expliquer à l'agriculteur qu'au niveau de la gestion financière il a des lacunes de revenu qui sont dues à un manque de productivité du troupeau laitier ou des chèvres et on va tout de suite mettre cet agriculteur en contact avec les spécialistes du milieu, du ministère de l'Agriculture. À ce niveau, il faut absolument - c'est une nécessité pour nous -que nos hommes travaillent en étroite collaboration, en équipe avec les employés de l'office et ceux du ministère de l'Agriculture.

Aux échelons supérieurs, c'est le même phénomène. Au niveau des directeurs régionaux de l'office et de nos superviseurs régionaux, le même contexte de collaboration et d'équipe existe. Au niveau plus supérieur, j'ai à communiquer régulièrement avec le président de l'Office du crédit agricole pour discuter de certaines situations. On a fait référence tout à l'heure aux études sur les quotas, à toute autre étude qu'on peut vouloir faire: des dossiers marginaux, par exemple, qu'on peut avoir à discuter au niveau des partages de garantie, d'échanges d'information, des difficultés financières des agriculteurs. Les préoccupations de M. Moreau, on les a également chez nous. On se parle régulièrement entre hauts fonctionnaires de l'office et hauts fonctionnaires de notre région. Le travail se fait en communication, je dirais constante, peut-être pas tous les jours, mais au moins hebdomadaire ou mensuelle selon les périodes de l'année.

M. Picotte: Pourriez-vous m'expliquer les étapes à franchir dans un dossier à la société en comparaison ou en parallèle avec ce qui existe à l'Office du crédit agricole?

M. Langlois: Pour l'obtention d'un prêt...

M. Picotte: Pour l'obtention d'un prêt, dans les dossiers.

M. Langlois:... au moment de la démarche?

M. Picotte: Du début jusqu'à sa réalisation.

M. Laflamme: Je ne ferai peut-être pas le parallèle, parce que vous allez probablement poser cette question à l'office et il sera certainement mieux placé que moi pour répondre à cette partie de la question, mais chez nous te cheminement est le suivant. L'agriculteur se présente à l'un des 17 bureaux que nous avons dans la province pour une entrevue avec l'un de nos conseillers. Lors de cette entrevue, l'agriculteur explique son projet, ses plans et les investissements qu'il veut faire ainsi que les objectifs qu'il poursuit dans son entreprise. Après discussion avec notre conseiller, ce dernier va décider après différents échanges de lui remettre les formules de demande de crédit. L'agriculteur retourne chez lui, complète ces formules, fournit la description légale de la propriété qu'il désire offrir en garantie et le tout est acheminé à notre bureau. Sur réception de cette demande, nous prenons les dispositions les plus rapides pour aller faire l'évaluation de la propriété directement sur place. Sur la ferme, il s'agit d'un travail qui, en général, va durer presque une journée et qui consiste en la visite ou l'inspection de tous les biens meubles et immeubles, en la préparation du plan d'opération de l'agriculteur, en la vérification de toutes les données, incluant l'actif et le passif, en la vérification du passif, s'il y a lieu, en la discussion, un peu comme M. Langlois le mentionnait tout à l'heure, avec les deux conjoints du plan réel d'opération, de la prévision du revenu

disponible pour les prochaines années en rapport avec la demande de crédit.

Ensuite, le conseiller complète son rapport et fait parvenir sa recommandation à notre bureau régional qui prend une décision finale, à savoir si le prêt est approuvé ou rejeté. Comme M. Langlois le mentionnait, pour certaines catégories de prêts, il sera possibte à compter du 1er avril 1985 de faire l'approbation directement à la ferme. Lorsque le conseiller aura terminé son inspection, il pourra dire à l'agriculteur si cela fonctionne ou non et lui expliquer exactement pourquoi. Dès que l'approbation est faite, nous émettons immédiatement les instructions au notaire instrumentant qui prépare le dossier juridique. Nous indiquons dans nos commentaires à l'agriculteur que les chèques lui parviendront d'ici quinze jours si nous n'avons pas reçu d'avis contraire de sa part. C'est ainsi qu'un déboursement rapide s'exécute généralement.

M. Picotte: D'après le tableau inclus dans votre mémoire, on a pu constater la rapidité de l'étude, du point de départ jusqu'à son acceptation et au chèque qui est émis. On s'est fait dire, à tort ou à raison -on interrogera l'Office du crédit agricole dans quelques jours ou dans quelques semaines - que cela prenait un peu plus de temps à l'office qu'à la société. Est-ce qu'à votre connaissance il y a beaucoup de demandes qui sont acheminées chez vous sous prétexte de la lenteur de l'organisme qui s'appelle l'Office du crédit agricole? Beaucoup de gens ont fait allusion à cela.

M. Laflamme: Les gens ne nous le disent pas toujours, il y en a certains qui nous le disent. C'est sûr que certains demandeurs ont des besoins très pressants. Lorsqu'ils ont à investir des montants importants afin de développer leur entreprise, je pense que ces gens ont, avec raison, espoir de voir le déboursement de leur prêt fait le plus rapidement possible. C'est un souci que nous avons depuis de très très nombreuses années de fournir un service qui s'améliore dans les faits chaque année à ce point de vue. Comme M. Langlois le disait tout à l'heure, la décentralisation chez nous est un point extrêmement important qui va de plus en plus répondre aux besoins immédiats des agriculteurs.

M. Langlois: Je pourrais même rajouter que, même si pour 46% des dossiers, il y a eu des déboursements dans moins de 30 jours, cela ne nous satisfait pas encore. D'ailleurs, la nouvelle procédure qui va nous permettre d'approuver certaines catégories de prêts sur la ferme est un signe qu'on veut encore accélérer ce processus.

Deuxièmement, il y a aussi, de la part de3 agriculteurs, des démarches à faire pour accélérer ces déboursements. Malheureusement, il y a des dossiers dans lesquels on doit attendre des décisions parce que l'agriculteur a pu manquer de prévision. Nous devons attendre des décisions de la Commission de protection du territoire agricole, par exemple, avant de consentir le prêt. Ou encore l'agriculteur vient faire sa demande et il n'a pas en main les permis de l'Environnement pour opérer une porcherie, par exemple. C'est surtout dans les productions animales. Il y a des délais qui nous sont imposés par d'autres organismes extérieurs et c'est là-dessus qu'on veut aussi travailler pour essayer d'accélérer encore et de raccourcir ces délais.

M. Picotte: Quelques brèves questions sur la commission d'appel. Depuis combien de temps fonctionne votre commission d'appel?

M. Laflamme: Depuis 20 ans. Elle a été formée en 1965.

M. Picotte: Est-ce uniquement des agriculteurs qui sont à cette commission d'appel?

M. Laflamme: Uniquement des agriculteurs et...

M. Picotte: Par qui sont-ils nommés? Comment se fait la sélection?

M. Laflamme: Comme le mémoire le mentionne, les noms des agriculteurs nous sont fournis par l'UPA et la Quebec Farmers' Association. À partir d'une liste de noms qui nous est fournie par ces deux organisations, nous faisons notre propre enquête sur les activités de ces personnes et nous faisons une recommandation qui est approuvée par le conseil de la société, par le président et le vice-président. Ces nominations sont pour des périodes de trois ans et, la plupart du temps, sont renouvelabtes pour deux mandats.

Maintenant, ce sont tous des agriculteurs et lorsque l'un ou l'autre des membres de la commission d'appel abandonne l'agriculture pour une raison ou l'autre, soit pour retraite ou réorientation, ces membres sont remerciés et sont remplacés, dès ce moment, par d'autres membres dont les noms nous ont été suggérés par les organismes mentionnés il y a quelques instants.

M. Picotte: Vous faites allusion, à la page 20 de votre mémoire, de "la possibilité qui pourrait être incluse dans un programme d'épagne ferme". Je trouve qu'il s'agit là d'une suggestion fort intéressante, sauf que je me dis que, habituellement dans nos milieux ruraux quand on regarde cela, souventefois celui qui est appelé à prendre la relève du père, c'est le fils qui travaille déjà

sur cette ferme et qui n'a pas un salaire toujours régulier, et qui ne fait pas, non plus, un salaire au même taux horaire qu'on peut rencontrer ailleurs dans des domaines comparables. Est-ce que la société, en lançant ou en regardant cette possibilité de l'épargne ferme, a fait des évaluations quelconques sur le montant d'argent qu'un jeune pourrait mettre de côté compte tenu de ses obligations de travailler à la ferme avec le peu de rémunération qu'il y a dans certains cas ou a évalué à quel endroit il pourrait se trouver un travail rémunérateur pour cela? Quelle mise de côté pourrait-il avoir après un certain temps et dans quel laps de temps? (11 h 45)

M. Langlois: Je vais permettre à M. Doran d'apporter une réponse à votre question.

M. Doran: Je ne peux pas parler d'une application canadienne parce que cela n'existe pas. Il reste tout de même que le système est en place; un des pays qui l'ont actuellement est la Nouvelle-Zélande où la production agricole est très importante. L'épargne ne se limite pas seulement à la personne qui veut s'établir en agriculture, mais elle peut s'appliquer aux parents de la personne. Cela veut dire que, si c'est le père qui est propriétaire de ta ferme, dans le cas d'un agriculteur débutant qui veut s'établir prochainement, il pourra tout simplement mettre de l'argent dans un programme d'épargne qui serait semblable à une régime de retraite. L'argent s'accumule avec les intérêts, c'est déductible d'impôt, C'est le système actuellement qu'ils ont en place pour générer des mises de fonds. Ce qu'il y a d'intéressant et qu'on fait ressortir dans le mémoire, c'est qu'une personne qui commence à mettre de l'argent de côté en vue d'un établissement, en même temps, commence à développer la formation qui va avec sa mise de fonds. Au lieu d'arriver tout simplement à une période où, si, pour une raison économique quelconque, te prix du porc augmente, la personne décide: J'entre en agriculture, c'est payant, les établissements sont prévus plus à long terme et normalement une personne commence à développer la formation qui va avec.

M. Picotte: Dans un autre ordre d'idées, est-ce que vous avez perdu beaucoup de garanties parce que vous étiez, justement, en deuxième ou troisième hypothèque ces dernières années?

M. Lagacé: Le nombre de dossiers exact n'a pas été inventorié en tant que tel, mais il est sûr que, si un créancier se retrouve en deuxième ou troisième hypothèque ou même à des rangs subséquents, son risque est considérablement augmenté. Il y a certains de nos dossiers dans lesquels on est en second rang, mais derrière une hypothèque prioritaire sur un prêt antérieur qui a été consenti par la société. Donc, il s'agit d'un même risque dans la globalité du dossier. Effectivement, étant donné qu'on consent des partages de garantie surtout depuis 1981, les dossiers dans cette catégorie sont à venir et commencent à arriver au moins en difficultés financières. C'est sûr qu'en consentant un partage de garantie ou encore en accordant une priorité d'hypothèque on augmente notre risque. À titre d'exemple, depuis 1981, on a consenti de tels partages dans 700 dossiers et on a libéré près de 60 000 000 $ de garanties qu'on avait sur le prêt original. En termes de pourcentage, le prêt correspondait à 40% des garanties qu'on avait à l'origine et notre ratio prêt-garantie a été reporté en moyenne à 70%. Donc, c'est sûr qu'après une certaine période de difficultés financières où des arrérages se sont accumulés il y a un danger de perte évident.

M. Picotte: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Il y a plusieurs questions que je voulais poser, mais quand on arrive le troisième il y en a qui ont déjà été posées. En ce qui concerne la commission d'appel qui est formée de douze membres, je voulais vous poser la question: Sur la recommandation de qui? mais vous avez répondu tantôt. Vous avez mentionné le rôle de la femme dans l'administration de la ferme. À cette commission d'appel de douze membres, est-ce seulement des hommes ou si l'on retrouve aussi des femmes qui vont faire la réévaluation des dossiers ou faire des recommandations?

M. Laflamme: Présentement, les douze membres sont de sexe masculin. Nous avons le renouvellement de quelques membres cette année qui vient à échéance en juin et nous avons formellement demandé aux deux organismes de nous proposer le nom de quelques femmes pour être membres de la commission d'appel. C'est un autre secteur qui nous a préoccupés et qui devrait s'améliorer dès cette année, nous l'espérons du moins.

M. Gagnon: J'en suis très heureux. Pour avoir travaillé dans un domaine un peu connexe et avoir rencontré certains d'entre vous dans le financement agricole, je me suis rendu compte aussi que, dans les grandes fermes et dans la plupart des fermes, souvent le résultat, c'est l'administration et souvent une bonne partie de l'administration,

c'est la femme. Afin de donner un autre aspect au domaine de la révision, ce serait important d'avoir des femmes à la commission.

Quand la commission révise et vous fait des recommandations, évidemment vous êtes libres de les accepter ou de les refuser. Lorsque vous les acceptez - c'est dans environ 30% des cas, je pense, que vous avez mentionné que vous acceptiez les recommandations - cela veut dire qu'il y a eu révision du dossier par la visite à la ferme et ainsi de suite. En plus, est-ce que ça devient un prêt qui est plus surveillé? Est-ce que vous accordez plus d'importance au suivi de ce prêt par la suite?

M. Laflamme: Oui, le suivi est accentué dans la majorité de ces cas. D'ailleurs, les membres de la commission d'appel ont discuté de ce point avec le client lors de l'entrevue pour bien lui faire saisir l'importance de sa situation et l'importance de recourir à toutes les ressources possibles dans la gestion de son entreprise. Cela va inclure généralement un suivi plus accentué dans ce genre de situation.

M. Gagnon: Vous avez mentionné que, suivant vos sondages - j'ai les chiffres ronds que vous avez donnés, pas les chiffres exacts - la situation au Québec, c'est qu'environ 4200 fermes seraient dans une situation précaire, 3300 et quelque chose aussi - j'ai mis juste 3300 - dans une situation difficile et autour de 25 100 dans une situation normale. Je ne sais pas si vos sondages ou vos informations sont allés jusqu'à savoir dans quels domaines, dans quelles spécialités agricoles on retrouve ceux qui sont dans une situation précaire. Je présume qu'entre autres c'est dans le porc, parce qu'aussi vous mentionnez le taux de liquidations ou de faillites qui est de 60% environ dans le domaine du porc.

Je vous pose la question parce qu'on rencontre souvent à nos bureaux des gens qui se trouvent dans des situations précaires, qui font l'objet de poursuites et qui ont quelques jours ou quelques mois pour régulariser leur situation. Cela arrive souvent qu'on voit que ce ne sont pas nécessairement des débutants, mais des gens qui ont un certain temps de fait en agriculture et qui administraient une ferme de grosseur qu'on pourrait appeler normale si on recule de 7, 8 ou 10 ans et qui, aujourd'hui, se retrouvent avec une ferme qui a un beaucoup plus gros chiffre d'affaires, enfin, ils ont changé d'entreprise complètement.

J'ai pu vérifier et cela s'est fait aussi dans un mémoire qu'on a reçu de l'ITAA, à Saint-Hyacinthe, où on a mentionné le stress. L'élément humain, on n'y avait peut-être pas touché assez, mais on a mentionné qu'il y a un genre de stress ou, enfin, un genre de trouble qui arrive au moment où l'agriculteur, après avoir passé une vingtaine d'années dans une ferme d'une valeur de moins de 100 000 $ peut-être, 10 ou 12 ans plus tard, se retrouve dans une ferme d'une valeur de 250 000 $ ou de 200 000 $, ainsi de suite. Est-ce qu'on peut voir qui il y a plusieurs de ces agriculteurs dans des situations précaires qui n'ont pas pu passer l'étape de la spécialisation, si vous voulez, en agriculture?

M. Doran: Pour répondre au premier volet de votre question: Est-ce qu'on pourrait avoir la distribution des agriculteurs selon leur production? il serait possible d'avoir cela. Il reste un point que je veux mentionner, c'est que les chiffres ne seraient pas tellement fiables parce que l'échantillon deviendrait très petit. Cela regroupe des agriculteurs en production porcine ou en toutes sortes d'autres productions spécialisées, que ce soit le vison, l'élevage de lapins, etc; aussi parmi les agriculteurs dans une situation précaire, il y a des agriculteurs en milieu laitier, etc. Il y a sûrement la possibilité de le faire, excepté que les chiffres ne pourraient pas être utilisés. Ils pourraient donner une indication, mais ne pourraient pas être utilisés sur une base scientifique.

La deuxième partie de votre question, si vous voulez me la répéter, je vais y répondre.

M. Gagnon: Je parle de cas que j'ai eus à mon bureau et que vous avez sûrement eus aussi, de gens qui ont, pendant un certain nombre d'années, administré une ferme d'une grosseur normale, si on recule. Mais avec la spécialisation, avec la diversification, ils ont décidé à un moment donné, d'augmenter le volume, d'augmenter la rentabilité de la ferme, de se réendetter. Je pense à un cas bien particulier où je lui ai dit: Je ne peux rien faire pour t'aider. Je me rends compte très honnêtement que tu ne peux pas. L'erreur que tu as faite, c'est peut-être de grossir. D'ailleurs, on le voit dans la PME en général; parfois, des petites entreprises vont très bien jusqu'à ce qu'elles prennent de l'expansion, là, elles ont des problèmes. Dans ce cas-là, j'ai été obligé de l'aider et de lui recommander de trouver un acheteur pour sa ferme, au plus vite.

Je voulais savoir si, dans ceux qui sont dans une situation précaire, on retrouvait de ce genre de cas, assez souvent.

M. Doran: Oui. Vous touchez un point que la société a tellement bien identifié qu'on veut faire quelque chose, actuellement, pour le corriger avant que la situation arrive. Là, on sait que l'agriculteur passe par une situation de stress, après qu'il a pris la

décision, après qu'il a pris de l'expansion. Vous mentionnez le parallèle qu'il y a avec les petites et moyennes entreprises. Dans les deux cas, que ce soit au niveau d'une ferme ou au niveau d'une petite ou moyenne entreprise, on retrouve le même problème.

C'est beau de calculer les revenus moyens d'une ferme, mais un revenu moyen, ça s'applique à qui? Qui va être juste dans la moyenne? II va être en bas ou en dessus de la moyenne. Alors, si on part avec un budget et des revenus moyens, sur dix on va être près de la réalité et les neuf autres années, on va être en haut ou en bas.

Alors, si on commence à mesurer le risque dans toute décision, que ce soit une décision d'expansion ou d'établissement où on calcule les variations, la probabilité et tout ça, c'est ce genre d'expertise qui est actuellement accessible aux grandes entreprises, parce qu'elles ont des ordinateurs, elles ont la technologie et tout ça. C'est une des choses que la société veut faire. Lorsqu'un agriculteur va venir à notre bureau, on va discuter sa situation financière, mais on voudrait faire un pas de plus en lui disant: D'accord, cette décision te met dans ce genre de risque. À ce moment-là, tu peux prendre une décision qui sera beaucoup plus éclairée.

M. Gagnon: Je sais qu'il y en a d'autres qui ont des questions à poser, mais j'en aurais une autre - je ne sais pas combien de temps il nous reste - en ce qui concerne la location avec ou sans option d'achat. C'est sur des fermes que vous avec dû reprendre, que vous possédez et que vous offrez en location, je présume, surtout à ceux qui veulent s'établir en agriculture, à des jeunes, à ce moment-là. Votre expérience, à ce jour, cela a donné quoi? Parce que, ici, on a la banque de terres agricoles qui devrait fonctionner, en principe, de cette façon-là. Est-ce que l'expérience est concluante? Pour éliminer le stress et ainsi de suite du début, est-ce que pour un jeune à qui vous permettez de louer une ferme, disons, avec option d'achat - je ne sais pas exactement comment ça fonctionne - c'est une expérience qu'il vaut la peine de pousser beaucoup plus loin? Est-ce que ce ne serait pas une formule pour aider à l'établissement en agriculture?

M. Langlois: C'est, d'ailleurs, dans cette perspective que, dans les conclusions, on mentionne qu'on veut explorer ça davantage. Ce n'est pas en application présentement avec les jeunes. On loue, à l'occasion, des fermes, présentement, qu'on a reprises. C'est justement dans votre région que je suis allé, au début de décembre, rencontrer un groupe de jeunes agriculteurs. On a pu échanger et c'est de là, un peu, qu'est démarrée l'étude de cette possibilité.

Mais c'est encore un projet à l'étude pour voir s'il n'y aurait pas possibilité de ne pas nécessairement limiter ça uniquement aux fermes qu'on repossède, mais aussi peut-être, dans l'avenir, d'acheter des fermes d'agriculteurs en difficulté, qui auraient été consentants à nous les revendre, pour être capables de les louer à de jeunes agriculteurs.

L'avantage qu'on y voit - mais il y a aussi des inconvénients - c'est que ça permet aux jeunes d'acquérir de l'expérience en louant une ferme sans être obligés de l'acheter, donc d'investir. Maintenant, il y a le capital de production. Il faudrait explorer pour savoir qui va fournir le capital d'opération, si cela va être nous autres ou si ça va être lui.

J'ai parlé du projet à quelques grosses meuneries qui sont intéressées à participer au projet. Elles seraient prêtes à mettre à la disposition de ces jeunes du personnel technique pour les aider dans la production porcine, par exemple, si on pense à cette production. Elles seraient prêtes évidemment, à condition de vendre de la moulée, mats ça en prend, de la moulée, de toute façon - à mettre à la disposition de ces jeunes du personnel technique pour les suivre de façon très intensive pour s'assurer qu'ils vont apprendre correctement à bien alimenter, à bien régir un troupeau de truies ou à faire l'engraissement. Mais cela reste actuellement à l'étape de projet. (12 heures)

M. Gagnon: Vous avez mentionné, dans une réponse au député de Maskinongé, que la collaboration avec l'Office du crédit agricole était très bonne. Etant donné qu'on a la banque de terres, on pourrait peut-être poursuivre cette expérience en commun. On est rendu à peu près à cette étape, aussi, avec la banque de terres. Je vous remercie beaucoup pour les réponses que j'ai obtenues.

M. Langlois: II n'y a pas de doute qu'à l'intérieur de ce que vous suggérez le voeu qu'on a émis dans nos conclusions, c'est de pouvoir collaborer, coopérer de façon beaucoup plus rapprochée avec l'office et avec le gouvernement du Québec, de façon à pouvoir contribuer comme partenaire dans une équipe. Ce qu'on recherche à la fin de tout, c'est le succès de l'agriculteur. Que la gloriole nous appartienne ou appartienne au gouvernement du Québec, au MAPAQ ou à l'office, dans notre esprit, en tout cas, ça devient secondaire; ce qui est prioritaire, c'est de former une équipe cohérente qui va apporter le plus de chances de succès aux agriculteurs.

M. Gagnon: Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Berthier, en quatre minutes, au

total, la question et la réponse.

M. Houde: D'abord, j'ai été très heureux de vous entendre parler, tantôt, du dialogue qui existe et des échanges entre les fonctionnaires fédéraux et provinciaux. Si te dialogue existait aussi bien entre les deux ministres, bien entendu, peut-être que les agriculteurs pourraient toucher leur argent plus vite pour être capables de faire des projets à plus long terme.

Ma question est la suivante. Tantôt, vous disiez que vous n'avanciez pas d'argent pour les quotas. Est-ce que vous êtes au courant que certaines institutions prêtent de l'argent pour une partie des quotas, peut-être pas 50%, mais 25% ou 30%? Est-ce que vous êtes au courant de cela?

M. Laflamme: II faut bien faire la distinction. Lorsque vous mentionnez qu'on n'avance pas d'argent, ce n'est pas tout à fait la réalité. Sur la garantie de sa ferme, de son immeuble, de ses animaux ou de sa machinerie, l'agriculteur peut emprunter chez nous de l'argent pour l'achat de quotas. On peut débourser de l'argent pour acheter un quota, mais on ne peut pas prendre le quota en garantie comme tel parce qu'il n'est pas défini comme étant un bien meuble ou un bien immeuble.

M. Houde: D'accord, merci. À présent, du côté de l'aide technique que vous apportez au cultivateur dans les bureaux, mais surtout dans le champ, est-ce que le personnel que vous avez à votre disposition a été diminué ou s'il a été augmenté? Je parle des cultivateurs qui font affaires avec vous, avec le gouvernement fédéral, pour qu'on leur offre de3 services pour les aider à se prendre en main ou à continuer de se prendre en main. Est-ce que vous avez des gens attitrés à cela régulièrement ou seulement à l'occasion?

M. Langlois: Au niveau de la tâche de conseiller en financement, c'est le même conseiller, dans un territoire donné, qui s'occupe de consentir des prêts, des services à la clientèle et de la gestion des prêts. Pour s'occuper des mainlevées, des partages de garantie, de la perception, de la perception, des réalisation de garantie partiellement, c'est le même conseiller. On n'a pas d'employé spécialisé dans différentes tâches; c'est le conseiller en financement dans un territoire donné qui fait toute la gamme des fonctions.

Nous avons dû réduire nos effectifs de conseillers en financement depuis quatre ans - on l'a mentionné tantôt dans le tableau no 2, je crois - à cause de la décroissance ou de la diminution du volume de prêts. La diminution des effectifs n'est pas proportionnelle à la diminution du volume de prêts parce que, justement, il y a beaucoup plus d'activités dans le secteur de la perception, de la réalisation de garantie, des services à la clientèle. Si on se réfère aux périodes où on consentait mille prêts par année, on avait peut-être une équipe - je vous donne ça de mémoire - de 45 à 50 conseillers en financement. On consent, cette année, environ 100, 125 prêts et on a, quand même, encore 29 conseillers en financement. On n'a pas diminué dans la même proportion que le volume de prêts a diminué parce que, justement, il y a beaucoup plus de travail à faire dans les services consultatifs ou les services de consultation à donner au client, les services de gestion de prêt, de perception, ainsi de suite.

M. Houde: Merci beaucoup. J'aurais aimé avoir plus de temps, mais le temps est limité. Merci beaucoup de nous avoir répondu.

Le Président (M. Vallières): Je remercie beaucoup les gens de la Société du crédit agricole de s'être présentés et de nous avoir indiqué leur point de vue sur les divers sujets sur lesquels on a attiré leur attention. Nous espérons pouvoir vous revoir à l'occasion dans d'autres travaux de notre commission.

M. Langlois: Cela nous a fait extrêmement plaisir de pouvoir contribuer à votre travail, comme je l'ai mentionné au début. Si, toutefois, par la suite, nous pouvions vous être de quelque utilité que ce soit, soyez bien à l'aise de nous recontacter, cela nous fera plaisir de vous donner des informations additionnelles ou de vous rencontrer, à votre choix.

Cégeps offrant de la formation agricole

Le Président (M. Vallières): Merci. Je demanderais maintenant aux représentants des cégeps d'Alma, Champlain (Lennoxville), Joliette, Lévis-Lauzon, Matane, Saint-Jean-sur-Richelieu et Victoriaville de prendre place, s'il vous plaît.

Très bien. Alors, je demanderais aux représentants des différents collèges de bien vouloir s'identifier et de tenter de présenter leur mémoire à l'intérieur d'un bloc de 20 minutes. Une quinzaine de minutes seraient préférables; ce qui permettrait d'avoir cinq minutes d'échanges de plus avec les parlementaires.

M. Bouchard (Rémy): Parfait, M. le Président, Je me présente, Rémy Bouchard, directeur général du cégep d'Alma. J'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Alors, à ma gauche, le directeur général du cégep de Joliette, M.

Marcel Montreuil, accompagné de Serge Lebeau, professeur à ce même cégep. À ma droite, Gaétan Pelletier, directeur des services pédagogiques du cégep de Lévis-Lauzon, accompagné de M. Denis Messier, professeur au cégep de Lévis-Lauzon. Je tiens à souligner que les enseignants qui nous accompagnent sont ici à titre de consultants auprès des institutions concernées et non de représentants de leur association syndicale.

Les collèges d'enseignement général et professionnel qui offrent de la formation agricole sont heureux de soumettre à la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation leur point de vue sur le problème crucial de la relève agricole au Québec. C'est une question qui préoccupe au premier chef les sept cégeps qui offrent le programme de gestion et d'exploitation d'entreprise agricole et c'est par un mémoire commun que leurs analyses et leurs suggestions sont soumises à l'attention de la commission.

Ces cégeps sont les suivants: Alma, Champlain (Lennoxville), Joliette, Lévis-Lauzon, Matane, Saint-Jean-sur-Richelieu et Victoriaville.

La formation constitue la contribution spécifique des institutions d'enseignement. C'est donc en tant qu'institutions de formation que nous aborderons le problème de la relève agricole. Contrairement aux exposés qui ont été présentés jusqu'à maintenant, nous nous attarderons surtout à la formation plutôt qu'aux aspects financiers de la relève agricole.

Les études récentes sur les facteurs de productivité agricole démontrent que la formation serait l'élément susceptible d'améliorer le plus rapidement le rendement des exploitations agricoles. Mme Suzanne Dion, dans le journal Le Devoir du lundi 26 novembre dernier, le soulignait d'une façon fort éloquente: Et l'on répète les conclusions de plusieurs études américaines dont celle de Griliches partant sur les différents facteurs influençant l'augmentation de la productivité de l'agriculture aux USA. "Si on doublait les dépenses gouvernementales à des fins de recherche et de vulgarisation en agriculture, on n'accroîtrait la production américaine que d'environ 5%; si on doublait l'emploi des fertilisants, ceci entraînerait un accroissement de la production variant entre 10% et 14%; si on multipliait par deux la superficie des terres et le nombre des bâtiments agricoles, ceci aurait pour effet d'augmenter la production d'environ 15%; enfin, si on augmentait du double le degré de scolarité des agriculteurs, ceci entraînerait une augmentation d'environ 40%".

Même si, à l'occasion, nous toucherons aux dimensions financières pour mieux en comprendre les divers éléments, notre mémoire, comme je le disais tout à l'heure, s'intéressera surtout au capital humain, c'est-à-dire à la formation de la relève agricole.

Parlons d'abord de la situation de la formation de la relève. Plus de 80% des nouveaux exploitants agricoles s'établissent sans formation académique dans le domaine. De plus, en 1982, les deux collèges alors impliqués dans la formation et les ITA ne comptaient que 73 finissants dans les programmes reliés à la gestion d'une exploitation agricole, alors que plus de 1200 nouveaux agriculteurs s'établissaient.

Aujourd'hui, en 1985, la situation n'a guère changé si ce n'est qu'il y a plus de collèges qui dispensent ce programme. La clientèle est sensiblement demeurée la même; elle est tout simplement dispersée dans plus d'institutions.

Le programme offert au niveau collégial est pourtant pertinent. À la suite de plusieurs consultations auprès du milieu agricole, ce programme vient tout juste d'être révisé. C'est un programme axé sur la gestion et l'exploitation des entreprises agricoles, un programme appliqué en lien avec le milieu, faisant intervenir des notions de gestion et de comptabilité nécessaires à la bonne marche d'une entreprise agricole d'aujourd'hui.

Par ailleurs, l'observation de la situation dans le milieu agricole fait ressortir les éléments suivants comme constituant les obstacles les plus courants à la fréquentation des programmes de formation agricole. Ces obstacles sont: le besoin immédiat de main-d'oeuvre sur la ferme; la faible motivation pour des études dont on ne voit pas bien le profit; une plus grande confiance aux praticiens de l'agriculture qu'aux théoriciens des collèges et des instituts et le peu d'incitation du milieu familial.

Pour peu que l'on croie à l'utilité de la formation scolaire pour préparer le jeune à une occupation qui demande autant de connaissances techniques, d'habiletés professionnelles, de jugement et de capacité de décision, il faut reconnaître l'existence d'un problème sérieux dans l'enseignement agricole, problème qui n'est sûrement pas sans conséquence sur la gestion des entreprises elles-mêmes.

Bien sûr, il y a d'autres moyens que l'école pour acquérir une formation. Toutefois, compte tenu de l'évolution technologique et de la complexité "manageriale" qui caractérisent aujourd'hui la profession d'exploitant agricole, on peut penser que le système scolaire, par sa capacité à regrouper les compétences diverses, doit contribuer davantage à cette formation qu'il le fait actuellement,

À notre avis, le problème majeur en est plutôt un de motivation de la clientèle. Il origine de la faiblesse de promotion, d'information, de mise en place et de consolidation du programme de formation en

agriculture et, enfin, de la faible concertation du milieu. Dans une deuxième partie, nous repasserons en revue chacun de ces problèmes en essayant par la suite de leur trouver des solutions. (12 h 15)

En second lieu, nous avons voulu traiter dans notre mémoire de l'incitation, de la promotion et de l'information, comme je vous le disais tout à l'heure, de la formation agricole. Les données quantitatives régionales sur les besoins, c'est-à-dire entre 31 et 180 candidats, en relève agricole ont déjà été établies et nous démontrent, comme nous le soulignions précédemment, qu'il existe un écart entre le nombre de personnes qui se donnent une formation et le nombre de nouveaux exploitants et ceci, même dans les régions où la formation est disponible. Le problème nous apparaît alors comme étant relié à la perception que se font les futurs exploitants des programmes de formation agricole. Ce problème de perception ou d'image de la formation collégiale en agriculture n'est pas exclusif au milieu agricole. En effet, on le retrouve aussi chez les candidats de la relève agricole provenant du milieu urbain.

C'est une conjoncture d'ensemble qui fait qu'il en est ainsi. Par exemple, contrairement à la majorité des champs de formation de niveau collégial, le diplôme en gestion et en exploitation d'entreprise agricole ne confère aucun avantage forme! au moment de l'accès à l'occupation à laquelle il prépare. Ni le MAPAQ ni les organismes de crédit agricole, dont l'office, ne reconnaissent à ce diplôme une valeur monnayable au moment de l'établissement du jeune.

Quant au MESST (ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie), alors qu'il instaurait un programme de bourses d'incitation pour les étudiants de certaines options professionnelles qui manquent de main-d'oeuvre, il n'a pas jugé bon d'inclure la gestion et l'exploitation d'entreprise agricole au nombre de ces options. Les statistiques concernant l'agriculture sont pourtant éloquentes au sujet de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.

Le problème de la perception des programmes collégiaux de formation professionnelle agricole est une affaire de promotion en plus d'être le fait que certaines orientations politiques et certaines décisions administratives n'ont pas été prises, comme on vient de le voir.

En troisième lieu, nous désirons parler de la mise en place et de la consolidation des programmes mêmes de l'ordre collégial. Si on regarde le problème de la fréquentation des programmes de formation agricole dans la perspective de l'accessibilité géographique, on peut dire que la couverture régionale du programme de gestion et d'exploitation d'entreprise agricole est maintenant suffisante. De plus, la capacité d'accueil des collèges au sein de ce programme n'est pas utilisée à son maximum. Il n'est donc pas question pour l'instant de multiplier cette option dans d'autres collèges. Il s'agit davantage de donner à ceux qui dispensent cette option les moyens d'offrir l'excellence dans ce programme.

Malgré le fait que les collèges ont été les maîtres d'oeuvre dans la formation des futurs exploitants agricoles et malgré leurs demandes répétées, le gouvernement, plus particulièrement le MESST, n'a pas véritablement fourni les moyens matériels de dispenser ce programme. Comme pour les autres options techniques - je cite comme exemple la fabrication mécanique, l'aérotechnique, l'informatique, l'électrotech-nique, etc. - le collège offrant la technique agricole aurait dû pouvoir compter sur des installations analogues à celles que possédaient à l'époque les écoles moyennes d'agriculture pour réaliser les objectifs du programme, c'est-à-dire les fonds de terre, l'animalerie, les machineries, les serres, les ateliers de mécanique et de menuiserie, etc. Or, il n'en est pas ainsi; le peu de moyens accordés nous rend la tâche difficile notamment au niveau des déplacements des clientèles et du personnel et au niveau de notre dépendance d'installations agricoles dont les impératifs de production divergent de nos objectifs de formation.

Au moment où la population québécoise a besoin plus que jamais d'une agriculture prospère, génératrice d'emplois et surtout qui lui assure une alimentation saine et diversifiée, au moment où nos établissements implantent un nouveau programme, les décideurs du monde de la formation agricole ne peuvent plus se permettre de telles distances par rapport aux besoins du milieu agricole. L'autosuffisance du Québec en matière agro-alimentaire le commande. Il est temps, selon nous, que le gouvernement assure une mise en place adéquate du programme de formation professionnelle agricole.

Une dernière préoccupation dont nous désirons souligner l'importance c'est la concertation elle-même. Dans l'histoire récente de la formation agricole, les prétentions respectives du MESST et du MAPAQ ont souvent amené des concurrences stériles et des indécisions, des hésitations et des susceptibilités dont finalement la population agricole du Québec a fait les frais. À notre avis, c'est dans un climat de concertation que doivent s'articuler les différents éléments d'une politique de relève agricole. Concertation gouvernementale, certes, entre le MAPAQ et le MESST, mais aussi concertation entre les différents intervenants régionaux et nationaux.

Pour la suite de la présentation du mémoire, je demanderais à M. Montreuil de continuer.

M. Montreuil (Marcel): Je voudrais vous entretenir des solutions que nous voyons. Nous en envisageons de quatre types, soit la promotion du programme, les moyens incitatifs, les ressources physiques et humaines et la concertation.

Concernant la promotion, à ce chapitre de la formation professionnelle agricole, nous souhaitons vivement la mise en place d'une stratégie globale et diversifiée d'information sur les programmes d'études existant dans ce domaine. Tous les milieux concernés reconnaissent le besoin de sensibiliser les futurs exploitants agricoles è la nécessité de la formation. On en a parlé, on a écrit beaucoup de choses sur cette question. On a posé un certain nombre de gestes isolés, ponctuels qui s'avèrent insuffisants pour renverser la tendance. Ce qu'il faut, c'est une stratégie de promotion, c'est-à-dire un ensemble de moyens utilisés de façon orchestrée sur une période de temps suffisante pour produire des résultats.

Nous voulons que cette stratégie soit globale, qu'elle s'adresse à l'ensemble de la clientèle potentielle, c'est-à-dire garçons et filles, d'origine rurale ou non, de toutes les régions du Québec et qui se destinent à la direction d'une exploitation agricole au en dirigent déjà une.

Pour être véritablement efficace, une telle stratégie de promotion devra tenir compte de la recherche en cours actuellement à l'Université Laval, par MM. Cormier et Arseneault. L'objet de cette recherche est de cerner qualitativement et quantitativement les obstacles à la formation agricole que nous avons évoqués antérieurement.

Nous pensons que cette promotion doit être diversifiée, c'est-à-dire qu'elle utilise plusieurs arguments et plusieurs moyens pour changer les attitudes prédominant jusqu'ici et les mentalités. Parmi ces arguments, on pourrait retrouver ceux que nous mentionnions précédemment, à savoir l'utilité de cette formation pour assumer adéquatement les tâches de gestion d'une exploitation agricole; deuxièmement, son caractère pratique appuyé sur une solide base théorique et, troisièmement, la qualité des équipes pédagogiques responsables de cet enseignement dans les collèges.

Quant au deuxième élément de solution, les moyens incitatifs, il y en aurait deux. L'option gestion et exploitation d'entreprise agricole devrait être admise au programme de bourses spéciales du ministère de l'Enseignement supérieur, des Sciences et de la Technologie. Entre parenthèses, c'est notre nouveau ministère à nous. Quand on a rédigé notre texte, cela s'écrivait encore MEQ.

Donc, nous souhaitons que l'option gestion d'entreprise agricole soit admise au programme de bourses spéciales du ministère pour les domaines où il y a pénurie de diplômés. De même, l'obtention d'un diplôme en gestion et exploitation agricole devrait donner accès à certains privilèges au moment de l'établissement du jeune, en particulier dans les conditions de financement faites par l'Office du crédit agricole du Québec. Nous considérons, en effet, nous, que le taux de succès d'une entreprise agricole est lié directement au niveau de formation de son gestionnaire. Cette suggestion n'est pas nouvelle puisqu'elle a déjà été formulée à plusieurs reprises, entre autres lors du colloque sur la formation de la relève agricole tenu à Lévis en mars 1983. En France, par exemple, l'accès à un prêt agricole est conditionné par un minimum de 200 heures de formation.

Comme troisième moyen, nous voulons parler des ressources physiques et humaines. La mise en place du nouveau programme de gestion et d'exploitation d'entreprise agricole implique que le gouvernement devra prévoir un plan d'investissements pour doter les collèges titulaires de cette option des équipements et des ressources humaines nécessaires pour dispenser un tel enseignement. À cet égard, nous devons mentionner qu'il y a du rattrapage à faire tant au niveau des budgets d'immobilisation qu'au niveau des budgets de fonctionnement des collèges dispensant actuellement le programme. Il s'agit là d'impératifs pédagogiques de toute première importance. La présence de ces installations, d'équipements complets et de personnes ressources en nombre suffisant permettraient de mieux affirmer la qualité de la formation.

Le gouvernement et les ministères concernés devraient aussi prévoir la mise en place de centres spécialisés en agriculture qui seraient particulièrement chargés de la recherche, du transfert technologique, du perfectionnement, de la mise à jour des programmes, de la diffusion scientifique, etc.

Le dernier élément de solution dont nous voulons parler, qui n'est pas !e moindre, c'est celui de la concertation. Pour qu'un climat de concertation s'installe définitivement et à long terme, nous recommandons la création d'un lien formel entre les établissements offrant le programme de gestion et d'exploitation d'entreprise agricole, les bureaux du MAPAQ, de l'UPA et les syndicats de gestion de façon que l'information disponible sur la formation agricole de l'un à l'autre de ces milieux circule plus efficacement. Si l'on vise à l'amélioration de la relève agricole, chacun est appelé à contribuer selon ses moyens propres.

Par ailleurs, si à l'occasion des diverses concertations régionales on nous révélait

qu'un nombre important de candidats de la relève agricole voient des aménagements du calendrier scolaire comme une condition essentielle pour entreprendre des études collégiales, nous pourrions envisager, avec nos partenaires gouvernementaux et syndicaux, de procéder à des aménagements.

Par ailleurs, cette concertation pourra nous amener à faire bénéficier les clientèles d'une variété de programmes que nous autorise te nouveau règlement des études collégiales. Une petite parenthèse, ce nouveau règlement nous autorise à donner, évidemment, des DEC, des diplômes d'enseignement collégial, mais aussi des diplômes plus circonscrits et plus courts, comme le certificat d'études collégiales ou l'attestation d'études collégiales et nous devons adapter ces divers programmes à la clientèle.

Quant à cette concertation régionale nécessaire, on peut dire qu'elle existe à des degrés divers dans l'enseignement agricole collégial. Que l'on songe seulement que, pour l'organisation d'un programme de formation professionnelle agricole pour adultes, les collèges ont à se concerter, entre autres, avec les instances locales du MAPAQ et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration du Canada. Ces programmes existent déjà et cette concertation est en cours.

La concertation n'a pas toujours cette couleur bureaucratique. Elle existe aussi dans l'organisation des stages dans des exploitations agricoles de nos régions. Elle existe pour la réalisation de certains projets pédagogiques d'étudiants et de professeurs. Elle prend parfois la forme d'utilisation, par le collège, des compétences des agriculteurs chevronnés et des conseillers agricoles de l'UPA, du MAPAQ et des syndicats de gestion. Ces modes de concertation sont souvent de nature à donner à la formation professionnelle la dimension pratique et concrète qui lui est nécessaire. En plus, elle concourt à corriger l'image, malheureusement trop répandue, que l'enseignement dans les collèges est trop théorique.

En guise de conclusion et avant de répondre à vos questions, permettez-moi de vous dire que, quand notre société est confrontée à un problème de l'importance qu'a celui de la relève agricole, quand, de plus, la formation apparaît comme une donnée centrale de ce problème, il est normal que les cégeps répondent présents pour partager le défi, les risques et tes efforts que la situation ne manquera pas de susciter.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie. J'ai une demande d'intervention du député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président.

J'aimerais, d'abord, au nom de notre formation politique, féliciter et remercier le groupe ici présent du mémoire positif, qui apporte des solutions que vous avez préparé ensemble.

Au cours de cette commission, nous avons entendu de multiples intervenants et très majoritairement, que ce soit l'UPA, que ce soit les jeunes par la Fédération de la relève agricole, que ce soit les banquiers, que ce soient d'autres intervenants là-dedans, tous sont arrivés à la même conclusion: manque de formation, formation inadéquate, qui est la cause de l'insuccès constant qu'on retrouve dans le domaine de la relève agricole.

Vous explorez plusieurs avenues et vous nous dites aussi pourquoi ce manque de formation existe. Première question, avant d'englober le sujet. Moi, j'aimerais savoir de vous autres, qui êtes des professionnels et des spécialistes de l'enseignement agricole, qui, au Québec, devrait chapeauter l'enseignement agricole.

M. Pelletier (Gaétan): Une première réponse: il m'apparaîtrait que le MESST, le ministère dans lequel nous travaillons, est le premier ministère qui devrait dispenser cette formation, pour une simple raison. On vous parle de concertation. On l'indique à l'intérieur, c'est un élément de concertation de pouvoir dispenser des programmes qui sont adaptés. Quand les forces, d'après moi, sont dispersées entre deux, trois ou quatre ministères, c'est plus complexe. Je ne dis pas que c'est impossible. Je dis que c'est plus complexe.

Je vous réponds à l'intérieur de l'économie générale de notre mémoire, que la concertation, ça peut se faire. Mais, quand on parle de formation, je crois qu'il est plus facile qu'un seul ministère ait la régie de la formation, si vous voulez.

M. Maltais: Est-ce que, dans votre esprit, le ministère de la Science et de la Technologie chapeauterait aussi, par exemple, l'enseignement agricole qui se donne au niveau secondaire? (12 h 30)

M. Pelletier: Non, parce que c'est un autre ordre d'enseignement. Je peux vous donner une réponse peut-être un peu plus précise. Au niveau collégial, on forme des technologues, tandis qu'au niveau secondaire la formation donnée est beaucoup plus -j'emploie le mot, ce n'est pas péjoratif - de l'ordre du manoeuvre, de l'ouvrier. Dans ce sens-là, on donne deux distinctions. C'est ce qui fait que je vous réponds non.

M. Maltais: Est-ce que, dans la clientèle que vous accueillez dans vos cégeps, il y a en beaucoup qui proviennent du terminal secondaire V en section agricole?

M. Pelletier: Oui, la majorité. Une voix: Une partie.

M. Pelletier: Une partie, pas la majorité. Une partie provient du secteur agricole, effectivement.

M. Maltais: Comment les évaluez-vous quand ils entrent chez vous?

M. Pelletier: Pour chaque programme de niveau collégial, il y a ce qu'on appelle des prérequis qui doivent être faits au niveau secondaire: mathématiques, chimie, biologie. Il y a certains prérequis qu'on exige. Donc, le jeune de niveau secondaire est prévenu, par l'information qu'on lui donne, des prérequis qu'il doit faire.

M. Maltais: D'où vous vient le plus fort pourcentage de ces jeunes? De quel milieu?

M. Montreuil: Du milieu rural.

M. Maltais: Agricole?

M. Montreuil: Agricole, oui.

M. Bouchard: J'ajouterais qu'on a constaté dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean - on est dans le programme depuis 1972 - au cours des premières années, que beaucoup d'étudiants nous venaient du milieu urbain, de façon très importante. Je ne sais pas ce que les autres institutions ont observé à ce sujet, mais les étudiants n'étaient pas nécessairement des fils d'exploitants agricoles, n'étaient pas nécessairement des gens du milieu rural.

M. Maltais: Maintenant, l'encadrement que vous donnez à ces jeunes pendant les trente mois qu'ils doivent étudier pour avoir leur diplôme, vous nous dites dans votre mémoire que ça ne compte pas beaucoup dans la balance au niveau, par exemple, du MAPAQ et au niveau de la possibilité pour ces jeunes de s'installer sur des fermes. En fait, ce n'est pas une garantie de succès; là-dessus, je vous comprends très bien parce qu'il n'y a pas une institution qui émet un diplôme avec une garantie de job au bout.

Il y a une question que je veux vous poser. Vous êtes des spécialistes de l'enseignement, vous provenez des cégeps. On demande à cette catégorie de citoyens, qui est la relève agricole, à l'âge de 22, 23 ans, 20 ans, 21 ans, avec un DEC en main, d'administrer une entreprise qui varie entre 350 000 $ et 1 000 000 $. Connaissez-vous bien des jeunes diplômés de cégep, par exemple, en administration, à qui une compagnie va faire confiance pour administrer une "business" de 1 000 000 $? En connaissez-vous beaucoup? Est-ce que, par exemple, l'encadrement qu'on donne au cégep ne devrait pas se prolonger par des cours post je ne sais pas trop quoi?

Le petit gars ou la jeune fille a son diplôme, d'accord, mais n'a quand même pas des garanties de succès. Lorsque, à 21 ans ou 20 ans, on le voit administrateur d'une entreprise qui vaut 1 000 000 $ ou 500 000 $, on devrait être drôlement inquiet pour ce jeune. Je suis convaincu que la formation que vous lui accordez, c'est une excellente formation, mais ce n'est pas possible que ce jeune puisse prendre toutes les bonnes et sages décisions, parce que le domaine de l'agriculture est beaucoup trop complexe au Québec. Les agriculteurs ont une formation de père en fils ancestrale et, depuis très peu d'années, en dehors des écoles traditionnelles d'agriculture qu'il y avait après la septième année, le gars allait faire un an, deux ans et il avait un diplôme d'agriculteur, bonjour. Mais c'était quand même la minorité, ici au Québec. Le transfert des connaissances agricoles se faisait beaucoup plus de père en fils, ainsi de suite, qu'il se faisait au niveau des institutions d'enseignement.

Pour les jeunes qui sont venus nous rencontrer, les jeunes diplômés de vos institutions, un des problèmes majeurs, c'est que les conseillers du MAPAQ étaient complètement inutiles pour eux, en ce sens que les conseillers du MAPAQ, qui avaient le devoir de les conseiller, leur donnaient de mauvais conseils. Finalement, à la source, c'est que les jeunes avaient et on sait très bien que ce sont les cinq premières années qui sont terriblement difficiles lors du transfert d'une ferme de père en fils. C'est à ce moment-là que les jeunes ont le plus besoin d'encadrement, comme on en donne dans un cours à l'université ou au cégep. Ils n'ont pas cet encadrement; ils vont le chercher dans les services professionnels gouvernementaux. Là, on arrive avec une plainte: ils ne connaissent rien, ils nous donnent des mauvais conseils et ils nous ont fait faire des mauvais investissements. C'est la règle générale, d'après qu'on est venu nous dire ici. Comment voyez-vous cela?

M. Bouchard: M. le Président, M. Lebeau va répondre à votre question.

M. Lebeau (Serge): D'accord. L'âge moyen d'établissement, c'est environ 26 ans. C'est-à-dire que quelqu'un qui entre à 18 ans, trois ans plus tard il est sorti; cela veut dire qu'il a 21 ans. Cela veut dire qu'il y a cinq ans où il peut travailler sur l'entreprise paternelle ou peut-être dans une meunerie ou à l'extérieur de la ferme. Donc, il y a quand même cinq ans de délai entre le moment où il quitte l'école, puis l'établissement. Actuellement, on n'a pas de mécanisme qui nous permet de donner une formation au

niveau de l'extension; par contre c'est quelque chose qu'on envisage très sérieusement, d'essayer de garder un contact avec nos finissants. Par ailleurs, cette constatation-là nous amène à penser qu'un niveau collégial pour quelqu'un qui s'en va en agriculture, c'est un niveau minimum, parce que évidemment on touche à l'aspect gestion beaucoup plus qu'au niveau secondaire et aussi on se rapproche beaucoup de l'âge de l'établissement. Cela veut dire qu'il n'aura quand même pas désappris tout ce qu'il a appris dans les trois ans qu'il a passés chez nous. Alors, il faudrait développer un service d'extension qui permettrait de garder un lien avec le jeune qui quitte. Maintenant, ce service-là n'existe pas encore, bien qu'à la fin du cours on a des cours qui prévoient un travail sur un dossier d'établissement. Alors, il faudrait créer un lien par la suite.

M. Maltais: Un des problèmes principaux, selon ce que sont venus nous dire les jeunes les banquiers en particulier et certains offices de l'UPA, ce n'est pas nécessairement le manque de connaissances agricoles parce que, comme vous l'avez dit, le petit gars va sortir à 20 ans avec un diplôme et, puisque la majorité - au-delà de 80% - provient du domaine agricole, ce sont des jeunes qui ont été élevés sur une ferme et c'est la meilleure expérience qu'on peut avoir. On a des connaissances du père et de la mère et des grands frères souvent et on a vécu pendant 26 ans sur une ferme, de notre naissance jusqu'à l'âge où on prend le transfert. Mais là où il y a un problème, c'est que tu peux être un excellent agriculteur, mais un très mauvais administrateur. Vous savez qu'en agriculture aujourd'hui - je vais vous donner un exemple bien rapide - au prix où sont les équipements agricoles, si tu es mal conseillé pour l'achat d'équipement, la modernisation d'une étable ou d'une écurie quelconque, tu peux te fourvoyer pour quelques centaines de milliers de dollars. C'est à ce niveau-là qu'on a rencontré de la difficulté.

Sur la Côte-Nord, il n'y en a pas de fermes, mais les gens qui sont venus ici en commission parlementaire nous ont surtout dit que c'était cela qui manquait.

M. Lebeau: Si vous me le permettez, vous remarquerez que le titre de notre programme est gestion et exploitation d'entreprise agricole.

M. Maltais: Excusez-moi. Quel est le pourcentage de temps que vous consacrez à l'administration de la ferme comme telle versus les branches de zootechnie et ainsi de suite?

M. Lebeau: C'est environ, je dirais, la moitié du programme.

M. Maltais: La moitié du programme en administration?

M. Lebeau: Qui porte sur la gestion, la comptabilité.

M. Maltais: La gestion et l'administration. D'accord. Maintenant, je m'adresserais peut-être à M. Bouchard, du cégep d'Alma. Vous dispensez des cours depuis 1972. Avez-vous fait un petit "feedback" pour savoir quel est le résultat, ce que cela a donné, le pourcentage, par exemple, de ceux qui ont fini en 1974 qui se sont établis, qui ont réussi et ainsi de suite?

M. Bouchard: Je n'ai pas les résultats de la relance comme telle.

M. Maltais: Mais verbalement, de mémoire?

M. Bouchard: Il est évident qu'il y a des études de relance qui se font régulièrement chaque année, mais, de mémoire, c'est très faible. C'est évident.

M. Maltais: C'est très faible.

M. Bouchard: Il y a des jeunes qui ont vraiment sauté de l'institution d'enseignement à l'établissement direct.

M. Maltais: À la ferme, il y en a.

M. Bouchard: Il y a des éléments qui doivent les favoriser dans ces cas-là et qui sont très extérieurs à l'enseignement comme tel. Je ne le sais pas, la possibilité d'emprunt par exemple.

M. Maltais: Je sais qu'il y a un gros bureau agricole chez vous à Alma. D'où viennent les gens qui travaillent et qui conseillent les jeunes agriculteurs et les agriculteurs les plus âgés de ces bureaux? Est-ce que ce sont des gens qui ont un DEC ou d'autres formations?

M. Bouchard: Non, ce sont des gens qui ont une formation universitaire.

M. Maltais: En agronomie? M. Bouchard: Oui.

M. Maltais: Un certain directeur de la faculté des sciences de l'agronomie à l'Université Laval est venu nous dire en pleine commission que ces gens étaient mal formés. Écoutez, c'était un mémoire. Il est venu nous dire carré, ici, que ces gens étaient mal formés. Je ne le sais pas; je ne suis pas un spécialiste en agriculture, mais lui en était un. Il nous a dit que ces gens n'étaient pas en mesure de conseiller le

jeune agriculteur. Quel genre de formation faudrait-il avoir pour devenir un bon conseiller agricole, d'après vous?

M. Messier (Denis): J'aurais peut-être une partie de la réponse à cette question. Pour avoir fait mon cours à l'Université Laval, moi-même, après le bacc., je ne me sentais pas en mesure d'aller conseiller des agriculteurs pour une bonne raison, c'est que, dans le cours, au moment où je l'ai fait, il n'y avait pas de stage pratique dans des entreprises, de telle sorte que, venant moi-même d'un milieu agricole, je n'étais pas en mesure de véritablement comparer une façon de penser avec d'autres façons que j'aurais pu voir dans d'autres entreprises. Ce que j'ai acquis, finalement, c'est quand même une formation en gestion parce que j'ai fini en gestion. J'ai appris des techniques, mais ce qui me manquait dans un premier temps, c'était l'expérience. Ce que je peux dire, par contre, c'est que, avec le temps, on est en mesure, je pense, de répondre adéquatement aux besoins des agriculteurs.

J'aimerais quand même revenir à une partie de la question qui a été posée tantôt.

M. Maltais: Je m'excuse. Vous venez de nous dire que vous êtes en mesure de répondre adéquatement aux besoins des agriculteurs.

M. Messier: Actuellement.

M. Maltais: Actuellement. Je m'excuse mais je vais vous envoyer tous les mémoires des agriculteurs et ils nous font tous le même reproche. De deux choses l'une, soit que les agriculteurs nous chantent des chansons, soit que vous nous chantez des chansons. Il faut quand même avoir une espèce de vérité quelque part, une espèce de consensus. Il n'y en a pas un qui a dit que ces gens-là pouvaient les conseiller comme il faut. Je suis bien d'accord avec eux, mais vous me dites que vous êtes en mesure de les conseiller comme il faut. Il y a un joint qui ne se fait pas quelque part.

M. Messier: Justement. Après mes études universitaires, j'ai travaillé pendant cinq ans dans un syndicat de gestion et là, avec les techniques que j'avais et avec l'expérience que j'ai acquise avec les producteurs et les productrices, j'ai été en mesure de développer des instruments de travail pour répondre à leurs besoins.

M. Maltais: Est-ce que tous les conseillers sont comme vous?

M. Messier: Malheureusement, non, et c'est la partie du lien qui manquait.

M. Maltais: Allez-y pour la deuxième partie.

M. Messier: J'aimerais répondre à une partie de la question au niveau de la pertinence du programme et, peut-être, des facultés de gestion de nos jeunes. À comparer avec l'ancien programme, actuellement, il y a six stages. Dans ces stages, on leur demande d'accorder énormément d'importance à l'observation et à l'expérience comme telle, de voir comment le producteur et la productrice gèrent leur entreprise. Ils n'ont pas un stage seulement dans une entreprise, ils en ont dans plusieurs entreprises. On leur demande d'observer et d'aller chercher du vécu au niveau de l'administration de l'entreprise et, ensuite, dans les cours qu'on dispense dans le programme de techniques de gestion et d'exploitation agricoles, on part de ce vécu pour les amener progressivement à une façon de gérer l'entreprise. On leur apporte des techniques et un comportement, une attitude, une façon d'être gestionnaires.

M. Maltais: En deux minutes, pourriez-vous nous donner une petite idée de l'équipement que vous avez à votre disposition, en tant que cégep, pour enseigner l'agriculture?

M. Bouchard: On a les laboratoires requis par les cours théoriques du programme. Entre autres, s'il y a un programme, de sols et végétaux, il est évident qu'on a le laboratoire pour faire les analyses de sols. En ce qui concerne les productions horticoles, on a les serres nécessaires. En ce qui concerne les stages, cela peut varier d'un collège à l'autre. Pour ce qui est d'Alma, on a ce qu'on appelle une ferme pratique d'expérimentation où les stages terminaux sont faits. Il y a aussi tous les mini-stages dont on parlait tout à l'heure que sont les fermes elles-mêmes, les gros producteurs. Ces stages, donc, sont faits chez les producteurs agricoles en fonctionnement. Ce sont des investissements énormes qu'on ne peut pas se payer, c'est évident, mais qu'on loue. Alors, il y a peut-être des choses que j'ai oubliées. (12 h 45)

M. Montreuil: Moi, je pourrais parler d'un jeune collège. Vous représentez le plus vieux des collèges et je représenterais le plus jeune. Nous commençons à dispenser l'enseignement de ce programme-là cette année. Nous n'avons pas encore les installations. Nous louons les serres à L'Assomption etc., actuellement, mais on a un projet de construction pour l'été prochain de serres, d'ateliers de menuiserie et de mécanique. Nous avons les laboratoires dans le cégep. Nous voudrions construire une animalerie en même temps que le projet dont je vous parle, mais on n'en aura pas les

moyens. II faut que vous sachiez cela. Alors, à ce moment-là, on va s'organiser avec une installation !e plus près possible de chez nous. Ce que je peux vous dire sur cela, c'est que depuis un an et demi nous travaillons à notre projet de construction et chaque fois c'est trop cher, chaque fois notre projet est trop coûteux par rapport à ce qu'on veut nous accorder. On négocie avec le ministère. Disons que c'est assez difficile, mais je crois qu'on va arriver à se doter du minimum.

M. Maltais: D'accord. Je sais qu'il ne me reste que quelques secondes seulement, mais, n'en déplaise à mon honorable collègue de Saint-Hyacinthe, il y a une petite question que je voudrais vous poser. Le syndicat des enseignants de l'Institut de Technologie agricole et alimentaire est venu nous rencontrer et ses représentants nous ont dit carrément, eux, que c'est de l'Institut de technologie de Saint-Hyacinthe que tous les programmes agricoles devaient sortir pour se refléter dans les différents cégeps; le programme-cadre devrait relever du MAPAQ et ce serait un genre d'université agricole, si on peut appeler cela ainsi. Est-ce que vous pensez que c'est une chose réalisable? Est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose, aussi, étant donné l'infrastructure qu'ils ont actuellement?

M. Bouchard: Ce que le réseau collégial a voulu faire, c'est rendre accessible l'enseignement de niveau agricole, le plus près possible de la population. Le réseau a donc mis en place plusieurs institutions qui peuvent répondre à ce besoin. Je crois, comme on le dit d'ailleurs dans le mémoire, que le nombre d'endroits de formation est suffisant, maintenant. C'est un début et il s'agit maintenant de le consolider avec les investissements requis. Je ne crois pas que ce serait une bonne chose, nécessairement, de revenir à la première formule et de superspécialiser des endroits précis dans la province où les conditions ne sont pas nécessairement plus faciles pour le jeune qui vient de très loin de ces institutions.

Je pense que le problème organisationnel, de structures, peut se régler quand même assez facilement. Il ne s'agit pas pour nous, le réseau collégial, d'affirmer ici que les instituts de technologie n'ont pas leur raison d'être. Je ne le crois pas et je n'irais pas jusqu'à dire cela. Absolument pas. Mais, il ne faudrait dire le contraire, non plus. Je ne crois pas que le fait de vouloir nécessairement coiffer les deux réseaux, si on peut dire, serait souhaitable. Il faut bien dire que le réseau collégial, ce qu'il poursuit, c'est une formation de gestionnaire d'exploitation agricole. Ce n'est pas la même mission du tout que les instituts techniques qui poursuivent une superspécialisation dans des domaines très précis de l'exploitation agricole.

M. Maltais: En fait, d'après vous autres, la dualité doit exister.

M. Bouchard: À mon sens, oui.

M. Maltais: Cela devient, en fait, une certaine compétitivité.

M. Bouchard: Une complémentarité.

M. Maltais: Une complémentarité, d'accord. Je vous remercie beaucoup.

M. Bouchard: J'ajouterais que ce que les instituts, les ITA ont comme investissement et comme programme aussi, il n'est pas question pour les collèges de vouloir copier cela. Cela serait vraiment ridicule.

M. Maltais: D'accord.

Le Président (M. Vallières): Merci beaucoup. M. le député de Saint-Hyacinthe, suivi du député d'Arthabaska.

M. Dupré: C'est juste une remarque. Je diffère d'opinion avec le député de Saguenay quand il parle de la formation des conseillers. En somme, il y en a quelques-uns qui sont venus nous dire qu'il y avait des problèmes dans certaines productions comme le veau de grain, mais dans la production laitière, les conseillers, je pense, sont très bien qualifiés. Lorsque j'ai posé la question à l'UPA provinciale, ils m'ont dit: C'est sûr qu'il y en a de très bons, il y en a des moins bons, il y en a des pas bons. Mais cela, c'est dans tous les sphères de la société, dans toutes les professions.

Qu'on dise globalement qu'ils sont mal préparés et que ce sont tous des pas bons, excusez, mais je dois différer largement d'opinion avec vous, M. le député de Saguenay. Comme je le répète, dans certaines productions nouvelles, dans les nouveaux essais qu'on a faits dans les dernières années, c'est certain qu'ils apprennent ensemble. C'est nouveau pour tout le monde. Je voulais simplement relever ce point. Je vais céder la parole à mon collègue.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Bonjour, messieurs. Au nom de ma formation politique, j'aimerais vous remercier d'être venus nous présenter ce mémoire. Une chose que les représentants de l'ITAA de Saint-Hyacinthe ont suggérée et ils y tenaient fortement aussi, c'était que les ITA ne

voulaient pas concentrer toute la formation en gestion agricole ou autre à Saint-Hyacinthe ou à La Pocatière. Ce qu'ils préconisaient surtout, c'était - je ne me souviens plus du terme - un centre de concertation ou de coordination. C'était, ni plus ni moins, qu'un organisme chapeaute l'ensemble des institutions ou des collèges pour redistribuer une information afin que l'enseignement soit uniforme à peu près partout au Québec. J'aimerais savoir si cela répondrait à vos besoins, à vos attentes.

Le Président (M. Vallières): M.

Montreuil.

M. Montreuil: S'il s'agit de la concertation, dont on a parlé tout à l'heure, de tous les intervenants, je pense que j'abonderais dans ce sens. Je vais prendre un exemple: le programme d'études dont on parle maintenant - on devrait vous en distribuer la description, elle manque dans votre annexe - c'est le programme de gestion et d'exploitation d'entreprise agricole. Ce programme a été conçu - il est tout nouveau, il est appliqué depuis septembre seulement - par un comité ad hoc du ministère de l'Éducation qui réunissait les sept collèges et les ITA. C'est ce groupe qui a construit ce programme de gestion d'entreprise agricole; c'est ce programme qui est répandu, qui est donné actuellement par deux ITA et sept collèges. Quant aux autres programmes de l'ITA, il lui appartiennent.

Tout à l'heure, on a parlé d'une concertation nécessaire. C'est un défi d'amener les agriculteurs à se donner une formation au niveau collégial et cette concertation est nécessaire. Je ne crois pas que ce comité devrait être coiffé par le MAPAQ. Peut-être que le modèle, ce serait le comité ad hoc qui a pondu ce programme; c'est lui qui devrait le suivre et voir à sa mise en oeuvre. Ce comité réunit tous les intervenants au niveau collégial, c'est-à-dire neuf intervenants. Je pense que c'est peut-être cela, la structure souhaitée.

M. Baril (Arthabaska): Dans l'élaboration du cours dont vous venez de parler en gestion d'entreprise agricole, est-ce que le milieu agricole, que ce soit l'UPA, que soit directement des agriculteurs, a été impliqué?

M. Pelletier: Pour compléter la réponse qu'on a faite tantôt - je suis directeur des services pédagogiques - nous nous sommes concertés, tous les directeurs des services pédagogiques et des collèges et des ITA concernant le nouveau programme dont on vous parle. La concertation se fait à tous les programmes de cet ordre. Je me dis: Pourquoi mettre une autre structure? C'est une question. Tantôt, vous disiez que l'ITAA parlait peut-être d'une université ou d'être un lieu de coordination ou de concertation, mais c'est déjà existant. Pourquoi ne pas l'utiliser?

C'est existant et on l'a déjà utilisé pour se concerter, sur un des programmes, à savoir le 152 qui est celui qui est dispensé par tous les collèges. Quant aux autres programmes que nous, on ne dispense pas, qui sont beaucoup plus de l'ordre de l'exploitation ou plus spécialisés, à ce moment les ITA se concertent. Donc, il y a déjà des structures existantes. C'est pour cela que je suis un peu surpris de voir qu'on veut proposer autre chose, peut-être une université agricole, mais cela, c'est peut-être une bonne idée, il faudrait la regarder plus avant.

M. Baril (Arthabaska): Cette concertation dont vous parlez, qui se fait actuellement, est-ce qu'elle se fait pour l'ensemble des cours qui sont dispensés ou si c'est juste pour un secteur précis?

M. Pelletier: Pour l'ensemble des cours qui sont dispensés ici, pour le programme au complet.

M. Baril (Arthabaska): Ah bon! M. Pelletier: Est-ce que cela va?

M. Baril (Arthabaska): Oui. Je reviens à ma question de tout à l'heure. Dans l'élaboration de ces cours, est-ce que les agriculteurs, directement, sont consultés ou sont impliqués?

M. Pelletier: Oui. Lorsqu'on élabore tout programme - je dis bien tout programme, que ce soit agricole ou autre -les milieux sont consultés, soit le milieu industriel quand ce sont des programmes d'ordre industriel. Les agriculteurs ont été effectivement consultés. En plus, une fois que cela est fait, parce que c'est un début, en ce qui nous concerne chez nous et dans les autres collèges aussi, il y a des concertations régionales. Actuellement, nous sommes à mettre en plan des comités réguliers et constants de concertation. Il faut dire que chez nous on est un jeune collège. Par ailleurs, les anciens collèges aussi l'ont fait.

Donc, il y a des comités, au moment de la conception du programme, au moment de la révision du programme, qui proviennent du milieu agricole, soit des syndicats, de l'UPA ou autres. Actuellement, c'est existant.

M. Baril (Arthabaska): Les cours qui sont dispensés là sont-ils assez flexibles, je vais dire, pour répondre à l'évolution, quand même, assez accentuée de l'agriculture

d'aujourd'hui ou de la nouvelle technologie agricole?

M. Pelletier: Oui. Actuellement, la structure d'un programme collégial est la suivante: il y a les cours obligatoires: philosophie, français, éducation physique. Mais il y a un maximum de 25% et un minimum de 10% du programme qui sont laissés au collège et qui permettent au collège, justement, d'actualiser et de répondre aux besoins qui sont signifiés par le milieu immédiat. Cela est l'économie générale du nouveau règlement des études collégiales, qui concerne tous les programmes dans les collèges. Donc, cela s'applique forcément au niveau du milieu agricole.

M. Baril (Arthabaska): Avez-vous eu la chance de consulter les étudiants et les étudiantes qui profitent de vos cours? C'est quoi les principales préoccupations de ces jeunes, est-ce le financement? C'est quoi?

M. Pelletier: Là, vous me posez une question... Moi, j'ai rencontré le groupe d'étudiants chez moi; c'était la première année, donc c'était à l'automne. Je laisserais peut-être la réponse à d'autres qui enseignent depuis déjà quelque temps à des étudiants. Je sais que ces jeunes ont une préoccupation effective... On a eu des rencontres avec des gestionnaires ou avec des gens du crédit agricole. J'étais présent, je donne non pas une anecdote, mais un fait. On leur a bien indiqué que ce n'est pas avant cinq à dix ans qu'ils seraient responsables et gestionnaires de l'entreprise agricole. C'est d'autant plus difficile pour quelqu'un qui vient de la ville, difficile en termes de coût. Là, ce n'est pas la succession qu'il va avoir; c'est autre chose. Il faut qu'il aille chercher le capital nécessaire. Mais sur cela, c'est M. Lebeau qui va compléter, peut-être.

M. Bouchard: M. le Président, j'aimerais ajouter qu'en ce qui concerne l'expérience d'Alma la première réponse qui vient d'un étudiant, c'est le financement, c'est bien évident; c'est son problème majeur. L'étudiant se dit prêt même à entreprendre une exploitation agricole dès la fin de ses études. Il considère qu'à bien des égards il a la formation requise pour tenter l'expérience - il y en a qui l'ont fait - mais ce qu'il aimerait encore davantage, c'est évident, c'est d'avoir la possibilité de s'installer chez un exploitant. Cela est moins possible.

M. Baril (Arthabaska): Quelqu'un qui provient du milieu urbain a plus de difficulté à s'installer chez un exploitant. C'est cela que vous voulez dire?

M. Pelletier: Exactement. Cet étudiant, lui, n'a aucune possibilité, c'est-à-dire qu'il doit attendre six ans, sept ans, huit ans ou même il doit bifurquer vers un autre secteur du travail. Ce n'est pas la compétence qui manque, M. le Président, c'est cela que je voudrais signaler. L'étudiant se dit compétent à la fin de ses études. Je suis à peu près certain que ce n'est pas le point majeur que les étudiants font ressortir de leurs problèmes à la fin de leurs études.

M. Baril (Arthabaska): Si je vous pose la question, c'est parce que c'est différent un peu de ce que les enseignants de l'ITAA de Saint-Hyacinthe nous ont dit. Eux, ils nous disaient que la principale préoccupation des étudiants, ce n'était pas tellement le financement; c'était qu'on les forçait un peu à acheter une ferme ou une entreprise qu'en réalité ils ne sont pas prêts à acheter tout de suite. C'était le résultat d'un sondage qu'ils avaient fait à l'ITAA. C'est pour cela que je vous demandais si, chez vous, cela semble être à peu près la même chose. On disait que les jeunes vivaient un peu une sorte de stress parce qu'ils voulaient acheter la ferme de leur père. Là, le père disait: Si tu continues tes cours, moi, l'an prochain, si tu ne t'en viens pas, je la vends. C'est clair, je vais la vendre à un autre. Il était poigné un peu avec cela. Je voulais voir si au niveau des collèges c'était à peu près la même situation.

Dans les cours que vous dispensez, il y a des gens qui proviennent du milieu rural et d'autres qui proviennent du milieu urbain. Selon vous, est-ce que l'idéal serait que des cours seraient dispensés à des jeunes - je n'aime pas faire des distinctions - qui proviennent du milieu urbain et d'autres à ceux du milieu rural? Est-ce que les cours qui sont dispensés à l'ensemble peuvent retarder la capacité de compréhension des gens qui proviennent du milieu rural? Eux, ils ont plus d'expérience en soi - ce n'est pas parce qu'ils sont plus intelligents - que ceux qui proviennent du milieu urbain. (13 heures)

M. Pelletier: Personnellement, je ne le crois pas. Je dirais même qu'il y avait plus d'étudiants du milieu urbain qui étaient intéressés au programme, il y a dix ans. L'image du programme s'est propagée vers les fils de producteurs. Mais, les premières années, ce n'était pas le cas à Alma. M. Montreuil.

M. Montreuil: Pour répondre à votre question, je trouve souhaitable de mêler les étudiants qui viennent du milieu urbain avec les gens qui viennent du milieu rural. D'ailleurs, on fait beaucoup d'efforts pour qu'ils se mêlent. Au premier semestre, ils ont un stage. Ils sont jumelés deux par deux et ils doivent aller dans des entreprises. Ils vont séjourner deux semaines dans deux types

d'entreprises différentes. Il y en a un qui vient de la ville et l'autre qui vient de la campagne, justement, pour permettre qu'il y ait, dès le début, des échanges qui soient profitables, pour les mettre à l'aise. Il y a aussi d'autres cours, dont un d'introduction, qui leur permettent d'échanger un peu leurs points de vue. Parce que, dans le fond, le jeune qui vient de la ville peut peut-être avoir des perceptions intéressantes à communiquer à celui qui vient de la campagne. Il a peut-être une ouverture, je dirais, sur le monde que l'autre n'a pas et je pense que c'est important qu'il la lui communiqué. Je souhaite que ça se poursuive encore comme ça.

M. Baril (Arthabaska): On nous a fait part à plusieurs reprises que les cours se donnent dans des périodes où il y a beaucoup d'ouvrage sur la ferme. Selon vous autres, est-ce que les étudiants seraient plus portés à suivre les cours s'ils étaient échelonnés sur trois, quatre ou cinq ans, mais dans les périodes hivernales au lieu des périodes saisonnières?

M. Pelletier; Je crois que vous avez raison de dire ça. L'organisation du programme, en tout cas, la prestation des cours devrait, effectivement, tenir compte de cette réalité. D'ailleurs, on en tient compte au niveau des enseignants du cours en techniques infirmières. On en tient compte au niveau de stages particuliers en informatique, comprenez-vous?

On est à regarder ça et on le constaste, parce qu'il y a sept collèges qui dispensent le programme et, dans sept collèges, il y a une gestion légèrement différente d'un collège à l'autre. On tient compte de cette réalité et on veut en tenir compte plus, parce que c'est une des variables, je pense, qui freine ou qui va augmenter, si on peut l'ajuster à cette réalité qui est différente d'une autre. Là, on parle d'un programme fondamental, mais il reste que le règlement des études collégiales permet d'ajuster des diplômes après, parce qu'on a parlé des jeunes, mais il y a toute la formation complémentaire à donner aux agriculteurs en exercice

L'économie générale du règlement et du programme de formation nous permet de faire des aménagements sur mesure aux clientèles. Comme le programme est nouveau, il vient tout juste de nous arriver, comme le règlement des études collégiales aussi est tout neuf, il s'agit, pour nous, d'être - on l'est et on va l'être avec le milieu - très inventifs pour gérer cette formation, en tenant compte de ce que vous avec dit tantôt, à savoir la réalité agricole qui, elle, fait que les saisons sont très importantes.

M. Baril (Arthabaska): Une dernière question. Dans votre mémoire, vous dites que l'Office du crédit agricole devrait accorder certains privilèges à des jeunes qui ont suivi un cours de formation. Pourriez-vous nous en suggérer quelques-uns? Quels pourraient être ces privilèges?

M. Bouchard: L'idée générale, c'est de tenter de monnayer, si on peut dire, le diplôme, c'est-à-dire que, pour l'étudiant, c'est évident que c'est une motivation certainement plus grande s'il a des possibilités plus grandes d'installation ou d'établissement, à partir du moment où il a un diplôme ou à partir du moment où il a fait des études. Ce n'est pas le diplôme comme tel, mais, s'il a fait des études dans un secteur donné qui est en pénurie de main-d'oeuvre, on se dit, nous autres, que l'office - c'est un organisme qui est bien important -devrait, par un moyen ou l'autre, favoriser l'établissement du jeune qui a contribué à sa formation ou a une formation plus grande.

M. Lebeau: J'ai une suggestion à vous faire là-dessus. Par exemple, la subvention à l'établissement, de même que le taux d'intérêt subventionné devraient être accordés à quelqu'un qui a un minimum de formation, qui aurait, par exemple, un diplôme d'études collégiales ou qui aurait une formation de niveau collégial en gestion et en exploitation d'entreprise agricole. Ce serait un moyen, ça.

D'ailleurs, il est souligné dans le mémoire que, dans les pays européens, particulièrement en France, un jeune qui s'établit a besoin d'un minimum de 200 heures de formation pour avoir droit aux subventions à l'établissement. On le voit dans les pays Scandinaves aussi. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait un moyen incitatif de la part de l'Office du crédit agricole pour que les jeunes se donnent une formation. Je pense que ça aiderait sûrement.

M. Baril (Arthabaska): Selon vous, des mesures pour encourager les jeunes à suivre une certaine formation, ça faciliterait l'achat de terres ou l'acquisition de propriétés. Selon vous, est-ce que ce privilège qu'on accorderait à ces personnes ferait en sorte que le vendeur les verrait venir et demanderait plus cher, ce qui veut dire que ça augmenterait le prix des terres?

M. Lebeau: Je n'ai pas cette impression parce que, si on regarde le jeune qui s'établit aujourd'hui, même avec les subventions à l'établissement, même avec un taux d'intérêt bonifié, il a de la difficulté à s'établir, il a de la difficulté à arriver. Alors, je n'ai pas l'impression, si on reste avec le même taux d'intérêt et avec les mêmes subventions à l'établissement, que ça

ferait augmenter Le prix des terres. Je n'ai pas cette impression.

Par exemple, celui qui n'a pas de formation, qui est obligé de payer un taux d'intérêt qui s'éloigne du taux de rentabilité de son entreprise aura beaucoup de difficulté à s'établir, c'est bien sûr, même que ce sera impossible.

M. Bouchard: M. le Président, on souligne dans le mémoire, justement, à cet égard, une petite phrase où on dit: Il apparaît, en effet, moins risqué de prêter à des gens qualifiés. C'est un peu ça qu'on voudrait laisser comme...

M. Baril (Arthabaska): Ce n'est pas parce que je suis contre ça, mais si on se souvient, des gens de différentes ethnies sont arrivés au Québec avec plus de comptant que nous et ça a fait augmenter le prix des terres. Ma question était dans ce sens: le jeune qui va arriver avec plus de connaissances aura plus d'avantages que l'autre; est-ce que ça fera augmenter le prix des terres aussi? Je ne veux pas être négatif, je vous en assure.

M. Pelletier; Je pense qu'il y a quand même tout le contexte où beaucoup de fermes qui sont vendues à des jeunes sont des fermes des parents. À ce niveau, cette incitation pourrait permettre, lorsque la ferme se vend, qu'elle se vende peut-être plus rapidement à l'enfant, que le transfert se fasse mieux, plus rapidement et, en même temps, que le jeune puisse avoir plus de possibilité de rester longtemps en agriculture, et les parents de moins se saigner à blanc au moment de la vente de la ferme.

Actuellement, ce qu'on remarque souvent, c'est qu'au moment où les parents vendent la ferme, parfois, c'est parce qu'ils sont rendus à une limite où le physique ne peut supporter le travail. Donc, le jeune va acheter à 27, 28, 29 ans dans certains cas. Cela pourrait peut-être inciter plus rapidement à la vente de la ferme. C'est un élément important.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, votre temps est écoulé, mais, dans notre tradition de bon fonctionnement, je pense qu'on pourrait permettre une dernière courte question au député de Champlain, avec une courte réponse, et une courte question au député de Berthier suivie d'une courte réponse. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Une question à deux volets. Monsieur du cégep de Jonquière a mentionné que, depuis 1972, vous avez une expérience dans la formation des jeunes dans le domaine agricole et que très peu, si j'ai bien compris, s'établissent, finalement. Une première question que je voulais poser, c'est à savoir où vont les autres, selon vous. Est-ce que le fait d'avoir eu une formation agricole les aide à se trouver de l'emploi, souvent, dans un domaine connexe à l'agriculture?

Dans la même question, mais à M. Montreuil, vous avez mentionné que vous étiez en train de vous équiper pour être capables de donner un meilleur cours comme cégep et que vous étiez nouveau. II y a plusieurs cégeps dans la même condition que vous. Vous avez mentionné que vous aviez des laboratoires, ainsi de suite, mais que vous espériez pouvoir construire des serres, peut-être une animalerie, et qu'en attendant vous preniez des ententes avec, je présume, des fermes qui entourent votre institution.

Je me souviens que lorsque j'ai fait mon cours agricole, on avait une école d'agriculture où on avait tout ce qu'il faut sur la ferme. Par la suite, ça a changé un peu. On s'est rendu compte qu'étudier à une école d'agriculture où on avait tout ce qu'il faut pour être capable de faire la pratique, c'était peut-être, jusqu'à un certain point, plus ou moins réaliste. Les écoles aimaient mieux faire des stages, justement, dans les fermes plutôt que de s'équiper, prendre des ententes avec des entreprises agricoles pour éviter de s'équiper. Alors, c'est la question que je vous posais: Si vous avez fait une analyse, lequel est le mieux?

Le Président (M. Vallières): Tentez de répondre le plus rapidement, de la même façon que la question a été posée.

M. Gagnon: C'est une question à deux volets, M. le Président.

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je voudrais corriger. On a utilisé l'expression "collège de Jonquière". On ne dit jamais des choses comme cela à des gens d'Alma.

Je répondrais que les étudiants finissants qui ne travaillent pas sur des fermes trouvent quand même du travail dans des secteurs connexes, en très grand nombre. Ils sont très appréciés. Ce sont des gens spécialisés. Avec la formation de base qu'ils ont, ils font le transfert, quand même, assez rapidement de la spécîfité pour laquelle ils ont été formés vers une autre spécifité, mais dans le même secteur. En ce qui concerne la deuxième question, on loue actuellement la plupart des équipements qui sont nécessaires même si on a des immobilisations de faîtes. Ce qu'on projette actuellement, c'est, avec les mêmes fonds, d'acheter. En fait, si on loue pendant cinq ans, six ans ou sept ans, peut-être qu'avec un petit peu d'argent de plus on pourrait acheter et avoir des équipements qui correspondraient davantage à nos besoins. Alors, cette question est actuellement étudiée avec le ministère de la Science et de la Technologie.

M. Montreuil: J'ai une réponse très courte. Les équipements dont on parle, il faut les assimiler à des équipements de laboratoire. Ce ne sont pas des fermes expérimentales qu'on veut se faire ou des fermes modèles, du tout. Ce sont des laboratoires. Les stages et le fait que les étudiants vont patrouiller la région et aller voir de vrais agriculteurs, cela va continuer.

Le Président (M. Vallières): Très bien. M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci beaucoup. Bonjour. Des gens que je connais plus les uns que les autres. J'aimerais savoir comment cela va au cégep de Joliette avec les jeunes qui sont se inscrits l'automne dernier. Comment cela va, comment est la participation et quels sont vos commentaires actuellement sur votre groupe de jeunes qui suivent des cours?

M. Montreuil: Sur les jeunes, j'aimerais que M. Serge Lebeau réponde à cela. Il les côtoie quotidiennement.

M. Lebeau: Alors, pour vous parler brièvement de la clientèle, on a eu 46 inscriptions. On en a accepté 36. Il y avait 36 personnes qui étaient admissibles. Pour une première année, c'était pas mal. Cela va bien dans l'ensemble. Maintenant, le fait qu'on n'ait pas encore d'installations, cela nous amène certains problèmes parce qu'on est obligé de se déplacer beaucoup sur des installations à l'extérieur.

M. Houde: Les installations, quand pensez-vous les avoir?

M. Lebeau: En principe, en janvier 1986, on devrait avoir nos installations.

M. Houde: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Je remercie les représentants des différents cégeps de nous avoir présenté leur mémoire. Je veux indiquer aux membres de la commission que cet après-midi, nous reprendrons nos travaux avec l'Association des femmes collaboratrices et que cela devrait se dérouler aux environs de 16 heures, soit après les affaires courantes à l'Assemblée nationale. Donc, je ne peux pas vous donner l'heure précise de la reprise, mais après les affaires courantes nous recommencerons nos travaux. Alors, la commission ajourne ses travaux...

M. Dupré: M. le Président, avant d'ajourner...

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le vice-président.

M. Dupré:... est-ce qu'il y a des changements à l'horaire cet après-midi?

Le Président (M. Vallières): II y aura peut-être des changements à l'horaire. C'est ce qu'on est en train de vérifier avec le dernier groupe, en particulier, qui doit se présenter devant nous, soit le Conseil des productions animales du Québec. On essaie de le rejoindre présentement pour voir s'il ne serait pas possible de l'entendre jeudi plutôt qu'aujourd'hui.

M. Dupré: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): La commission ajourne ses travaux à cet après-midi, après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

(Reprise à 16 h 27)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Nous commencerons notre après-midi en recevant l'Association des femmes collaboratrices. Je leur demanderais de bien vouloir s'avancer.

Je veux également vous indiquer, au départ, une modification à l'horaire tel que prévu originellement. Nous entendrons, après l'Association des femmes collaboratrices, soit aux environs de 17 h 15, la Coopérative des travailleurs agro-forestiers de la Mitis. Pour ce qui est du groupe que nous devions entendre à 18 heures, le Conseil des productions animales du Québec, ce dernier sera entendu demain à midi. Pour ce qui est du groupe qui devait être entendu demain à midi, soit la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, nous les entendrons plutôt demain, à 20 heures.

Ceci étant dit, c'est assez rare qu'on a l'occasion de commencer comme cela, mais je pense que c'est un bon précédent, mesdames, la parole est à vous.

Association des femmes collaboratrices

Mme Laberge (Marie-Reine): On vous remercie beaucoup de nous la donner de cette façon. Je me présente, je suis Marie-Reine Laberge, présidente de l'Association des femmes collaboratrices. J'ai, aujourd'hui, à mes côtés, pour m'accompagner, les deux vice-présidentes du conseil d'administration, Mme Yolande Bédard, à ma droite, Mme Brigitte Carpentier, à ma gauche; aux deux extrêmes, deux membres du comité de travail en agriculture de l'association, à ma droite, Mme Denise Daudelin, à ma gauche, Mme Monique Bernard.

Nous sommes heureuses de nous

intégrer aux travaux de la commission, aujourd'hui; cependant, je voudrais vous faire part d'une petite déception que nous avons, à savoir que nous avions été préalablement convoquées pour demain. Ensuite, la convocation a été changée pour aujourd'hui. Ce que nous avons constaté, cet après-midi, en nous promenant un petit peu dans l'endroit, c'est que tous les communiqués officiels, d'hier et d'aujourd'hui, mentionnent que la commission ne siégeait que jusqu'à 13 heures. Cela nous donne un peu l'impression que notre mémoire sera peut-être entendu par moins de monde qu'il aurait pu l'être, effectivement. On se demande un peu comment cela se fait. En plus, la période des questions s'est prolongée beaucoup et elle était particulièrement enlevante. Alors, je déplore que cela apportera peut-être un peu moins d'attention sur notre mémoire que nous considérons, quand même, comme ayant une valeur importante pour la commission.

Le Président (M. Vallières): Mme la représentante du groupe, je veux maintenant vous indiquer que, selon cette coutume parlementaire, les communiqués qui sont émis le sont par le biais de l'Assemblée nationale. Par ailleurs, que cela n'enlève rien à la valeur comme telle et à la couverture qui sera faite, je pense, de votre mémoire. Vous me permettrez de vous indiquer que ce qui m'apparaît comme étant très important, c'est que les parlementaires aient l'occasion de vous entendre sur les questions que vous avez à nous soumettre, en vous souvenant que c'est cette même commission, ce sont les membres qui sont ici aujourd'hui qui auront à préparer un rapport qui sera déposé à l'Assemblée nationale et largement diffusé. Si on s'est permis de lancer l'appel à tous et à toutes afin de connaître votre point de vue, soyez assurée qu'en autant que les parlementaires autour de cette table y sont votre mémoire aura toute l'importance qu'il mérite.

Mme Laberge: Je vous remercie beaucoup. Je vous précise au départ que notre association compte près de 800 membres, que cette association poursuit l'objectif de faire reconnaître la valeur économique du travail de toute femme travaillant avec son mari dans l'entreprise et que nous avons 60% de nos membres qui proviennent du secteur agricole. Donc, notre intervention est d'autant plus légitime.

Notre mémoire portera strictement sur le crédit agricole, non pas que la question de la relève ne nous préoccupe pas, mais nous nous en sommes tenues à un thème. Je pense que vous aurez l'occasion d'entendre d'autres personnes qui se sont préoccupées de tous les éléments dont ta commission fait l'objet.

Dans un premier temps, nous aborderons le crédit agricole avec, disons, ce qu'on appelle, nous, son 60% discriminant, l'occupation principale des femmes collaboratrices. En préambule, j'aborderai un peu la question: les femmes collaboratrices et la propriété.

A travers tous les continents, les femmes assument et supportent par leur travail une grande partie de l'économie mondiale. Cependant, les sociétés reconnaissent difficilement par des gestes concrets l'apport socio-économique des femmes. La réalité nous démontre que "les femmes à la grandeur de la terre fournissent les deux tiers des heures de travail, mais elles ne retirent que 10% des revenus et ne jouissent que de 1% de la propriété". 80% de cette population féminine qui ne détient que 1% de la propriété sont des agricultrices. En 1982, au Québec, on dénombrait 53 338 producteurs agricoles reconnus officiellement dont 2205 étaient des femmes. L'Association des femmes collaboratrices évaluait pourtant à plus de 30 000 le nombre de femmes collaboratrices qui travaillaient en agriculture. Selon l'enquête de Mme Suzanne Dion, peu d'agricultrices sont propriétaires puisque "3, 5% des femmes agricultrices sont propriétaires uniques de leur entreprise; 17, 7% sont sociétaires ou actionnaires, la plupart du temps avec leur mari; 5, 3% sont salariées, dans la plupart des cas, d'une entreprise qui appartient à leur mari et 73, 2% sont des collaboratrices".

Le statut de collaboratrice est donc prédominant dans ce secteur d'activité. Tout en accomplissant en moyenne 23 heures de travail par semaine et ne retirant un salaire que dans une proportion de 12, 5%, elles ne sont des partenaires légales que dans 7% des cas. Très peu d'entre elles ont donc accès à la propriété. Elles n'ont pratiquement rien à donner en garantie lors d'une demande de crédit et se voient prises au piège d'un cercle vicieux: sans propriété pas de crédit et pas de crédit, pas de propriété.

Face à cette situation, nul ne peut contester ou mettre en doute notre intérêt pour le crédit agricole.

Le crédit agricole et les femmes collaboratrices. Il semble que dans notre société l'équation femme, argent et crédit repose sur certaines discordances qui ont pour effet d'annuler toute possibilité de résultat positif de cette équation. La difficulté, voire même dans bien des cas l'impossibilité pour les femmes collaboratrices d'obtenir du crédit repose, à notre avis, sur des pratiques discriminatoires quant au contenu de certains règlements.

Un règlement sur lequel nous aimerions attirer votre attention est celui qui stipule "qu'au moins 60% des actions ordinaires émises ou des parts sociales, selon le cas, soient la propriété d'exploitants agricoles dont la majorité a pour principale occupation l'exploitation de cette ferme. " Nous

articulerons nos propos en fonction de ce règlement qui détermine l'accessibilité à l'ensemble des subventions et des programmes qui sont aussi offerts par l'Office du crédit agricole.

Le critère qui exige que 60% des parts ou des actions appartiennent à des exploitants agricoles pénalise les femmes collaboratrices quant à leur accès à ce crédit. Selon nous, trois raisons expliquent cette difficulté. Premièrement, ce critère ne tient pas compte de la réalité économique des collaboratrices puisque celles-ci ne sont pas propriétaires. La seconde raison, c'est que les femmes collaboratrices ne détiennent pas à leur nom une partie des bâtiments, de la machinerie et de la maison. Cela se complète. Enfin, troisièmement, nous croyons qu'il y a interprétation au niveau de l'application de ce 60%. C'est-à-dire qu'on exige pour un couple marié que l'un des deux conjoints possède 60% des parts et/ou des actions. Plusieurs cas nous ont été signalés à ce sujet. Les femmes ne peuvent donc pas demander en leur nom un prêt agricole, n'ayant pas le statut de propriétaire qui semble nécessaire à l'obtention d'une telle forme de crédit, bien que leur principale occupation soit l'exploitation de la ferme. C'est peut-être, justement, autour de cette question de l'occupation principale que tourne tout le problème.

Pour avoir accès au crédit agricole, les personnes doivent démontrer que leur occupation principale, c'est l'agriculture. Mais travailler dans une entreprise qui est située à proximité de la maison sème parfois la confusion entre travail et famille. Subordonnées à la définition même d'entreprise familiale, de nombreuses tâches sont effectuées à différents moments et en alternance selon les exigences de la production et selon les besoins familiaux. De là, toute la difficulté de définir l'occupation principale précise qui est celle de la collaboration, puisque c'est le travail de collaboration défini globalement qui sert à la fois à ta mise sur pied et au maintien de l'entreprise familiale.

Nous considérons donc que la principale occupation des femmes collaboratrices dans l'entreprise agricole, c'est l'exploitation de la ferme. Dans notre société, on semble vouloir déterminer l'occupation principale en agriculture à partir de l'exclusion d'une partie du travail, soit celui qui est accompli par les femmes. Autrement dit, une agricultrice ne peut être reconnue au même titre qu'un agriculteur tant que le foyer, l'éducation des enfants, les tâches ménagères lui sont attribués comme fonction naturelle spécifique. Si elle est épouse d'agriculteur, elle se trouve encore plus directement renvoyée à sa fonction familiale parce qu'elle est sur place.

Alors, je cède la parole à Mme Bédard qui enchaînera avec les autres thèmes du mémoire.

Mme Bédard (Yolande): Alors, je vais parler des primes d'établissement et des prêts qui favorisent la mise en valeur des exploitations agricoles avec les critères d'admissibilité et l'alternative pour éviter toute discrimination. Je parlerai aussi de la ferme familiale et de son financement. Enfin, je vais parler de ce problème qui consiste à renoncer à un droit pour permettre à quelqu'un d'autre d'en acquérir un.

Le processus d'introduction dans le secteur agricole pour les aspirantes agricultrices et aspirants agriculteurs est généralement la famille. Il n'y a pas de passage dans la vie active comme chez les autres métiers ou professions puisque la famille est le catalyseur entre travail et entreprise. Cette manière de s'inscrire dans le mode de production est particulière au monde agricole. Le transfert d'entreprise se faisant dans plus de 90% des cas de père en fils démontre la régularité et la continuité de ce processus d'introduction.

Cependant, pour les femmes collaboratrices, le processus d'introduction semble plus difficile à réaliser et à se concrétiser même si elles sont des filles d'agriculteurs et ce, dans une proportion de 58% pour le groupe d'âge 25-39 ans et de 83% pour les 40 ans et plus. Celles-ci se voient obligées d'entrer dans le monde agricole par la porte d'en arrière, soit à titre d'épouse de l'agriculteur, soit à titre de fille d'agriculteur. Dans les deux situations, il y a toujours référence à un homme.

Les critères d'admissibilité. Pour être admissibles aux primes d'établissement et aux prêts favorisant la mise en valeur des exploitations, les femmes collaboratrices doivent, en principe, ne pas avoir ce statut de collaboratrices puisque ces prêts ne sont accordés qu'une seule fois à une entreprise agricole. Si nous suivons la logique linéaire du transfert d'entreprise, il apparaît que ce sont presque toujours les hommes qui sont admissibles à ces programmes. Les femmes sont peu privilégiées par cette pratique socioculturelle car, en choisissant de vivre avec un agriculteur et de s'impliquer financièrement dans l'entreprise, elles ne peuvent bénéficier de ces programmes à titre individuel.

De plus, nous croyons qu'il est discriminatoire de privilégier uniquement les personnes n'ayant aucun lien conjugal entre elles, puisque, si deux personnes n'ayant aucun lien conjugal se rendent acquéreurs d'une ferme, ces dernières auront droit individuellement à l'un ou l'autre de ces programmes. Ces pratiques nous apparaissent comme une négation de l'intérêt que portent les femmes collaboratrices à l'agriculture et

une action discriminatoire sexiste à l'accès à la propriété et au statut civil.

Nous croyons que, pour éviter toute forme de discrimination et toute forme d'arbitraire, les critères d'accessibilité doivent reposer sur des bases objectives, À cet effet, nous considérons que l'Office du crédit agricole doit inclure dans ses critères les capacités de gestion des exploitantes et des exploitants. À la lumière de l'expérience française, un des critères d'accessibilité peut être la capacité de gestion qui serait vérifiée par des examens. Un deuxième critère pourrait mesurer l'expérience et la compétence acquises soit par la pratique, soit par la formation. Ainsi, les femmes collaboratrices pourraient se voir faciliter l'accès au crédit puisqu'elles pourraient démontrer leur expérience et leur compétence, 50% des femmes collaboratrices travaillent dans des entreprises qui n'engagent pas d'employé. 48% des femmes collaboratrices travaillent dans des entreprises qui engagent, soit occasionnellement ou régulièrement, des employés, mais jamais plus de cinq.

La perspective de développer des fermes de dimension industrielle ne sourit pas aux femmes collaboratrices. Elles considèrent que la forme d'entreprise qui correspond le plus à leurs besoins et à leurs objectifs, c'est la ferme familiale. Pour que ce genre d'entreprise puisse survivre, il faut donc qu'il y ait un financement adéquat. Selon nous, ces entreprises doivent être financées en raison de la capacité réelle de production. De plus, elles doivent être considérées comme des entreprises familiales et non comme des entreprises appartenant à une personne. Pour l'ADFC, une femme en agriculture, c'est une femme impliquée dans une unité familiale de production agricole qui assure le capital nécessaire à l'entreprise et/ou ta gestion et/ou le travail.

Nous déplorons te fait qu'il y ait confusion entre biens familiaux et biens commerciaux. La résultante de cette confusion est que certaines femmes collaboratrices doivent renoncer à l'enregistrement d'une déclaration de résidence familiale afin que les banques ou les caisses consentent un prêt. Nous considérons que ce genre de pratique entrave le processus protectionnel mis en place dans le nouveau droit de la famille.

Certes, nous sommes conscientes de la complexité de la loi sur le zonage agricole, ainsi que de celle sur le crédit agricole, mais nous nous demandons dans quelle mesure les femmes collaboratrices peuvent exercer les droits pour une protection quand certaines pratiques leur demandent d'y renoncer. Nous espérons que de tels états de fait disparaissent dans un avenir rapproché et nous souhaitons participer à l'élaboration d'autres moyens pour offrir des garanties financières qui ne briment pas les femmes collaboratrices.

Mme Laberge: Conclusion. Comme nous venons de le voir, les femmes collaboratrices sont presque toujours exclues des subventions et des programmes offerts par l'office. À moins que vous ne veniez nous apporter la preuve du contraire, c'est l'opinion que nous en avons. La raison expliquant cette exclusion, c'est que seul un statut de base des propriétaires est strictement considéré tandis que leur statut de partenaire au travail est totalement oublié. Nous estimons que les femmes collaboratrices, dans l'application actuelle de la Loi sur le crédit agricole, sont discriminées et que leur apport n'est pas considéré à sa juste valeur. (16 h 45)

Donc, afin d'améliorer l'accès au crédit pour les femmes collaboratrices, nous proposons: que l'Office du crédit agricole reconnaisse le statut des femmes collaboratrices et facilite leur accès au crédit agricole; que le critère du 60% s'applique sans discrimination envers les couples mariés; que l'office établisse de nouveaux critères d'admissibilité au crédit qui tiennent compte de la capacité de gestion, de la formation, de l'expérience et de la compétence acquises; que les primes d'établissement et les primes pour la mise en valeur des exploitations soient accordées aux femmes et aux hommes mariés exploitant une même entreprise agricole; que la garantie financière exigée pour des emprunts ne vienne pas annuler, pour l'épouse, sa capacité d'exercer son droit à la protection accordée par la déclaration de résidence familiale; que les politiques de financement favorisent la ferme dite familiale; que les services de l'Office du crédit agricole permettent aux candidates et aux candidats le choix d'un conseiller.

Nous croyons que ces propositions pourraient améliorer la situation des femmes en regard de l'accessibilité au crédit qui est offert spécialement par l'Office du crédit agricole. De plus, nous tenons absolument à vous souligner notre intérêt à participer è d'autres consultations que l'Office du crédit agricole se propose de faire dans les prochains mois. Notre disponibilité est grande, vous allez me dire, mais c'est un fait.

Je remercie beaucoup tous et chacun des membres de la commission de nous avoir écoutées avec attention et nous pourrons, ensemble, répondre à vos questions.

Le Président (M. Vallières): Très bien, je vous remercie. Le premier intervenant sera le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Merci bien,

mesdames, de nous avoir présenté ce mémoire. Je suis certain qu'il soulève plusieurs interrogations. Nous en connaissons certaines, mais elles ne sont pas faciles à changer rapidement. Sur d'autres, après les quelques questions que je vais vous poser, peut-être qu'on pourra davantage connaître votre impression. Ma première question. À la page 1, vous dites que c'est plus difficile pour une jeune fille d'avoir - je traduis, je ne lis pas le texte - une certaine somme d'argent pour investir que pour un jeune garçon. J'aimerais savoir, dans le contexte qu'on vit présentement, parce que je connais quand même des jeunes filles qui sont très déterminées, sur quoi vous vous basez pour dire qu'un jeune homme de 20 ans et moins a plus d'argent liquide qu'une jeune fille. Est-ce que c'est par expérience?

Mme Laberge: Je voudrais répondre à cette question. D'abord, je ne pense pas que cela ait été établi de cette façon. Vous me parlez de la page 1.

M. Baril (Arthabaska): Oui.

Mme Laberge: On parle des statistiques peut-être; les statistiques, qui ne mentent pas, font que, effectivement, les filles détiennent moins de propriétés jusqu'à présent. Maintenant, si vous parlez de l'accès au crédit...

M. Baril (Arthabaska): Non. Regardez, madame, c'est qu'à la dernière ligne de la page 1 il est dit: "Elles n'ont pratiquement rien à donner en garantie lors d'une demande de crédit et se voient prises au piège d'un cercle vicieux. "

Mme Laberge: Nous parlons des femmes collaboratrices. Nous ne parlons pas d'une fille comparativement à un garçon.

M. Baril (Arthabaska): Excusez-moi, c'est parce que je pensais que vous parliez, ici, de la relève agricole.

Mme Laberge: C'est une situation de fait sur laquelle nous ne manquons pas une occasion de sensibiliser tous ceux qui ont intérêt à être sensibilisés. Pourquoi les femmes n'ont rien à donner en garantie? C'est parce qu'elles n'ont pas de propriété. Pourquoi n'ont-elles pas de propriété? Ce n'est pas parce qu'elles ne travaillent pas; c'est parce que, quand elles travaillent, dans 85% des cas, en tout cas, pour les femmes collaboratrices, la propriété qu'elles contribuent à acquérir appartient au mari. C'est tout cela, le cercle vicieux et on ne vous dit pas que vous allez pouvoir régler le problème cet après-midi, il date depuis longtemps, mais toutes les occasions sont bonnes, je pense, de sensibiliser l'ensemble des gens qui peuvent être concernés par une telle question pour prendre le problème à la base et pouvoir le régler par toutes les facettes qu'il comporte.

M. Baril (Arthabaska): Vous faites mention dans votre mémoire, également, de la ferme familiale ou de l'entreprise familiale. Vous en avez discuté. Est-ce que vous êtes arrivées à une définition de la ferme familiale? On sait qu'il y a bien des gens qui ont essayé de définir la ferme familiale et j'aimerais connaître, de votre part, si vous êtes arrivées à la définition de la ferme familiale?

Mme Laberge: Un membre du comité agricole.

Mme Bernard (Monique): Je dois vous avouer bien humblement que nous non plus, nous ne sommes pas arrivées à la définition d'une ferme familiale parce que tout le monde a sa ferme familiale et tout le monde a sa définition propre. On n'est pas plus fines et on n'est pas plus avancées que d'autres qui ont commencé à travailler depuis plusieurs années. Quand on pense, entre autres, au syndicalisme agricole, cela fait déjà un bout de temps que ces gens s'interrogent.

Par contre, la préoccupation des femmes, actuellement, c'est qu'il faut faire attention à la concentration toujours abusive, en tout cas excessive, de nos entreprises agricoles, qui fait qu'à un moment donné, il n'y a plus personne qui est capable... En tout cas, cela devient difficile de transférer par des biais autres que des compagnies ou des sociétés. De toute façon, la femme n'a pas, non plus, à ce moment-là les reconnaissances qui lui reviennent. Parce que lorsqu'on établit un enfant, que ce soit une fille ou un garçon, on considère qu'on a besoin de toute la liquidité ou de toute la force des deux, de tout ce qu'il y a de valable pour le mettre à la disponibilité des enfants. Donc, on a quand même une préoccupation en tant que femmes, parce que, si la ferme familiale est plus grosse, on n'est pas nécessairement mieux reconnues en tant que collaboratrices.

M. Baril (Arthabaska): Vous nous avez fait part de la discrimination qui existe, et vous avez entièrement raison, au sujet des 8000 $ à l'établissement; si vous êtes mari et femme, la femme n'y a pas droit. Si j'achète une ferme avec ma soeur, probablement qu'elle y aurait droit, que les deux y auraient droit. Si je suis capable de prouver à l'office que j'achète une entreprise avec une partenaire, mais qu'on ne reste pas ensemble - je ne sais pas où on peut rester - on y aurait droit. Êtes-vous au courant si la même situation existe au niveau des 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans?

Mme Laberge: J'imagine bien. M. Baril (Arthabaska): Comment?

Mme Laberge: J'imagine bien. À plus forte raison s'il est question de 50 000 $.

M. Baril (Arthabaska): C'est cela que j'aimerais vérifier. Remarquez bien qu'il nous en échappe, mais, selon une information que je détiens, au niveau des 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans, la femme, peu importe son statut marital, comme on appelle cela, je crois, aurait droit aux 50 000 $ ou à une partie des 50 000 $, selon les actions qu'elle a dans l'entreprise. Je voulais voir si mon information était bonne.

Mme Laberge: Évidemment, si elle est sociétaire en bonne et due forme, la situation est peut-être différente. Mais nous, remarquez que nous intervenons ici pour les femmes collaboratrices...

M. Baril (Arthabaska): Oui.

Mme Laberge:... ce qu'on appelle communément les femmes qui aident à leur mari, mais qui s'impliquent bien souvent à 50% dans le travail et dans tout.

M. Baril (Arthabaska): Également, vous faites mention dans votre mémoire que le demandeur devrait avoir droit au choix du conseiller. Pourquoi demandez-vous cela?

Mme Laberge: Je pense qu'il y en a qui sont plus en mesure que moi de vous répondre là-dessus, monsieur.

Mme Bédard: Entre un conseiller et quelqu'un qui a besoin d'être conseillé, celui qui reçoit les conseils, si vous voulez, il y a un rapport qui s'établit, Ce ne sont pas toujours des rapports qui sont faciles. Là, on tombe sur le plan strictement humain, de rapports entre deux personnes. Peut-être qu'il y a des conseillers qui seraient meilleurs que d'autres, des fois!

Mme Daudelin (Denise): Je rajouterais ceci: Juste savoir que c'est une femme, il y en a déjà qui ne sont pas d'accord d'avoir affaire à une femme; déjà, les démarches ne se poursuivent pas dans de bonnes conditions parce qu'il a affaires à une femme. Des fois, entre deux personnes, disons que c'est difficile, les abords ne sont pas faciles.

M. Baril (Arthabaska): D'ailleurs... Oui, excusez.

Mme Laberge: Je pense qu'on peut aller jusqu'à dire que des témoignages nous ont été apportés, à savoir que du personnel à la société était très réfractaire à discuter avec des femmes. Du seul fait de savoir que c'était une femme, certains membres du personnel ne voulaient pas entreprendre d'échanges...

M. Baril (Arthabaska): De pourparlers, oui.

Mme Laberge:... à ce niveau.

M. Baril (Arthabaska): De toute façon, cette demande nous revient dans plusieurs mémoires. C'est la même chose pour deux hommes face à face. Il y a des gens qui disent: Ce conseiller, pour toutes sortes de raisons... Ils aimeraient mieux avoir le choix du conseiller.

Mme Bernard: On a un bon filon.

Mme Bédard: Simplement le fait, pour une personne timide, par exemple, d'être en face de quelqu'un qui est extrêmement dominateur - si ce sont deux dominateurs ensemble, ils vont s'organiser - lui, son problème vient de commencer.

M. Baril (Arthabaska): Vous savez, que ce soit l'office ou un autre organisme, souvent, ils essaient de structurer leur organisation pour une meilleure administration. Mais, quand tu veux trop bien faire, des fois, tu fais des choses moins bien aussi. Si l'Office du crédit agricole et le ministère de l'Agriculture dans ses programmes reconnaissaient l'agriculteur ou l'agricultrice à temps partiel, est-ce que cela aiderait à améliorer la situation de la femme collaboratrice?

Mme Laberge: C'est une façon peut-être d'approcher le problème.

Mme Carpentier (Brigitte): Il y a deux parties dans cela. Si tout le monde se dit agriculteur demain matin, à temps partiel ou à temps plein, c'est dangereux. Mais, la problématique des femmes collaboratrices, c'est quand même une entreprise qui fait vivre. Cela ne veut pas dire que moi, je peux être avocat et avoir mon agriculture de fin de semaine, tandis que je peux être travailleuse à temps partiel sur l'entreprise de mon mari ou sur l'entreprise qui pourrait m'appartenir autant qu'à lui. Nuance.

M. Baril (Arthabaska): Importante. À la page 7, à juste titre, vous dites: "Certes, nous sommes conscientes de la complexité de la loi sur le zonage agricole, ainsi que de celle sur le crédit agricole. " Ici, est-ce que vous faites allusion au fait que soit l'office ou la société ou une institution prêteuse ne puisse pas prendre en garantie la maison familiale sur un prêt pour la totalité de la ferme? Est-ce à cela que vous faites

allusion?

Mme Bédard: Out, je comprends. C'est un peu effrayant que le gouvernement passe une loi pour protéger la résidence familiale et que le même gouvernement puisse tolérer que n'importe quelle institution financière vienne demander à la femme de renoncer à cette protection qu'on lui a accordée parce qu'on pensait que c'était essentiel pour sa protection et celle de ses enfants, qu'on lui demande d'y renoncer pour pouvoir garantir un prêt au mari. De toute façon, si madame dit oui, elle n'est plus protégée, il y a un problème de réglé ou de pas réglé. Mais, si elle dit non, avez-vous pensé dans quelle situation vous la mettez vis-à-vis de son mari?

Une voix: Non.

Mme Bédard: C'est épouvantable. Je ne peux pas comprendre qu'une chose comme cela soit tolérée.

M. Baril (Arthabaska): C'est la complexité de nos lois, ma chère madame. Remarquez bien, je suis un agriculteur, pas un avocat. Et c'est toute une différence aussi. Si on regarde l'application de ta Loi sur la protection du territoire agricole, advenant qu'un couple se sépare, parce que la femme - et vous avez raison - à juste titre se doit de garder la maison vu que cela lui est réservé, donc elle n'est pas donnée en garantie, nulle part, elle garde la maison et cela peut être le mari qui se reconstruit une maison à côté pour lui, pour continuer à exploiter son entreprise agricole ou il peut la revendre à un autre. C'est parce qu'on peut arriver avec la multiplication des maisons aussi sur la même entreprise familiale. C'est pour cela que je vous parle de la complexité des lois. Je voudrais bien que vous sachiez que ce n'est pas parce que je ne veux pas vous donner raison, mais nous, on a à appliquer différentes lois et on veut empêcher la construction de maisons dans les campagnes.

Mme Laberge: Je vois cela d'une certaine façon. Je pense qu'on revient encore à notre principe de base du début. Si la maison faisait partie de ce qui est accordé en titre de propriété à l'épouse à cause de ce qu'elle a fait sur ce bien et qui lui revient par la somme de travail qu'elle a investie, il n'y en aurait plus, de problème. Elle aurait, quand même, à consentir, disons, pour l'hypothéquer, mais au moins ce serait sa propriété, à elle. Elle le ferait de bon gré en disant: J'ai à coeur l'entreprise. (17 heures)

Mais, c'est toujours le fait qu'elle est chez elle d'une certaine façon parce qu'elle a participé à acquérir tous ces biens et on la traite d'une façon humiliante. Pour accommoder le propriétaire de l'entreprise -c'est bien sûr que c'est justifié - qui veut avoir le plus gros prêt possible pour que cela soit avantageux pour l'entreprise, la maison doit être hypothéquée. Madame a toujours l'air de jouer un rôle de second plan là-dedans. On a toujours l'air de lui dire: On a besoin de ta signature. Mais elle pourrait argumenter: L'hypothèque à laquelle je dois consentir, j'en ai des biens qui foncièrement devraient m'appartenir là-dedans parce que j'ai collaboré à les acquérir.

C'est toujours le problème de fond. Tout ce à quoi on se bute continuellement, c'est à des questions de modalités. On vous dit: Même si on a une association qui travaille depuis cinq ans, on ne les réglera pas toutes seules, tous ces problèmes. Dans la mentalité de chacun de ceux qui ont à réfléchir, il faut qu'il y ait du chemin qui se fasse. C'est à la lumière d'exemples qu'on apporte à la faveur de circonstances comme aujourd'hui qu'on doit cheminer tous ensemble.

M. Baril (Arthabaska): C'est bien. Pour ma part, je vous remercie beaucoup, madame. Je pense que tout le monde essaie de comprendre et veut améliorer la situation de la femme. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que comprendre et agir, cela peut se faire en même temps ou cela peut aller aussi vite. Il faut également ajouter - vous venez de le dire, d'ailleurs -que la mentalité de l'ensemble des gens ne se change pas par une loi, peu importe le gouvernement en place. Donc, je vous encourage à continuer à débattre, à faire valoir votre point de vue.

De notre part, je sais que nous avons un grand effort à fournir afin d'obtenir non seulement une oreille attentive, mais pour être en mesure de poser des gestes concrets.

Mme Laberge: Je suis d'accord que les lois ne font pas changer subito presto, comme avec une baguette magique, les mentalités, mais il y a quand même de la réglementation, des modalités qui peuvent venir donner un coup de pouce à l'évolution des mentalités, par exemple.

M. Baril (Arthabaska): Oui, mais ceux qui font les règlements, on ne peut pas changer leur mentalité par une loi, non plus. Ce sont des humains qui font les règlements aussi. On dit que c'est le gouvernement, c'est sûr; une loi, c'est une chose et un règlement, c'est autre chose.

Mme Carpentier: Mais, si vous me le permettez, il faut vivre avec les lois quand même. Quand nous arrivons pour nous faire reconnaître au sein même de notre entreprise et que le comptable se tourne

vers la loi, que le notaire se tourne vers la loi, à quoi, à qui avons-nous recours, nous, en tant que travailleuses non reconnues? Qu'est-ce que vous feriez à notre place?

Mme Laberge: C'est un cercle vicieux.

M. Baril (Arthabaska): À ce qui reste dans la loi pour vous, malheureusement.

Mme Carpentier: Ce n'est pas encourageant.

M. Baril (Arthabaska): Bien non, mais...

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé, suivi par le député de Champlain.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Merci aux femmes collaboratrices d'avoir accepté l'invitation qui leur a été lancée de venir nous rencontrer pour essayer d'éclairer davantage la lanterne des élus du peuple afin d'améliorer cette situation qui a grandement besoin de l'être.

Vous nous retrouvez un peu en face -c'est un peu ce que mon collègue d'Arthabaska disait à la fin de son exposé -de dilemmes comme parlementaires et comme législateurs. Trop souvent, nous votons des lois, nous en discutons et, si on relève ce qui s'est dit dans nos discours pour faire la comparaison avec les règlements adoptés, on se rend compte bien souvent que la façon dont ils sont appliqués n'est pas du tout la façon dont on voulait qu'ils le soient. On se dit: Mon Dieu Seigneur, on n'a pas voté de lois comme celai Cela n'a pas de bon sens! Il me semble qu'il n'aurait pas dû y avoir tel genre d'injustice. Mais, en tout cas, souvent parce qu'il y a un manque d'harmonie entre la réglementation et les lois que les gens sont lésés. Il faut essayer de corriger cela le plus possible.

Vous dites, à la page 1 de votre mémoire, qu'il n'y a pas beaucoup de femmes qui sont agricultrices. Avez-vous senti vraiment, depuis trois ou quatre ans, qu'il y a une évolution, dans le sens qu'il y aurait de plus en plus de femmes qui sont acceptées? Est-ce que réellement il y a eu une évolution ou si c'est une impression qu'il y a une évolution? Avez-vous des données qui vous permettent de le déterminer?

Mme Bernard: Je regrette, mais je ne suis pas en mesure de vous dire s'il y a eu effectivement une évolution. J'ai eu, à un moment donné, dans des recherches à vérifier certains chiffres et on aurait dit qu'il y avait une régression. Je ne suis pas plus en mesure que cela de vous dire s'il y a eu vraiment une évolution pour que les femmes obtiennent un statut de productrices agricoles ou un droit quelconque de propriété, soit de production ou de ferme. Malheureusement, je ne suis pas capable de vous le dire.

M. Picotte: Quand on questionne les spécialistes ou même l'office - on a eu l'occasion de les questionner encore tout dernièrement et on va les questionner à nouveau - il nous semble - en tout cas, on nous le dit - que de la discrimination, il y en a de moins en moins qu'il y a beaucoup plus d'efforts de faits de ce côté-là et qu'il y a beaucoup plus de femmes qui ont accès à du crédit possible. Évidemment, cela nous donne l'impression d'une situation autre, même si elle n'est pas parfaite.

Mme Bernard: Non. Je pense que ce qui est différent actuellement, c'est que l'approche des officiers est différente, dans le sens qu'on va plus facilement vers l'association, vers la possibilité d'être une association au lieu de ne donner le crédit agricole qu'au mari qui serait le seul propriétaire. Donc, en constituant des sociétés, on intègre la femme, mais on a aussi l'impression que c'est là que joue l'histoire des 60% et 40%. On peut dire qu'il n'y a pas de discrimination, qu'il y a quelques femmes qui ont les 60%. Mais je vous avouerai que, d'après les différents témoignages qu'on a eus, la plupart du temps, c'est évidemment le mari qui a les 60% et la femme qui a les 40%. Il y a, à ce moment-là, un certain dilemme, parce qu'il y a des couples qui avaient déjà reconnu être en copropriété au moment de leurs achats et, au moment des emprunts, ils sont devenus différents au point de vue de la société. Ce sont des témoignages qu'on a eus dans cette ligne-là, mais jusqu'à quel point...

M. Pîcotte: Vous avez drôlement l'impression, en tout cas, qu'il y a encore des empêchements majeurs, même s'il y a déjà une mentalité qui est peut-être un peu plus ouverte.

Mme Bernard: Là, je pense qu'on déborde, par exemple, un peu du dossier des femmes collaboratrices, parce que les collaboratrices, nous, on travaille à l'intérieur des entreprises sans rémunération ou reconnaissance et là, on s'en vient dans le dossier des agricultrices. Je pense que demain les agricultrices sont ferrées pour être capables de répondre. De deux, je pense qu'au niveau des jeunes couples qui partent en affaires il y a une différence.

M. Picotte: Oui. Dans un autre ordre d'idées, quand vous parlez du crédit agricole, vous parlez sans doute des programmes provinciaux comme tels, mais, à d'autres paliers, il y a d'autres institutions, par exemple, qui prêtent. On a eu la Société du

crédit agricole ce matin. On a des institutions bancaires qui prêtent. Sentez-vous les mêmes réticences et les mêmes problèmes avec d'autres institutions prêteuses que l'office? Ce n'est pas plus ouvert ailleurs, j'imagine. On a ies mêmes craintes à votre endroit.

Mme Laberge: Cela se répète. C'est bien sûr qu'on n'aurait pas à être ici si toutes les femmes étaient des sociétaires et c'est notre rêve aussi. C'est vers cela qu'on tend. Par contre, je pense que l'ensemble de la société, avec tous ses intervenants, toutes ses lois et toutes ses règles, a quelque chose à faire aussi pour forcer un peu l'évolution vers cela, parce que la tendance naturelle n'était pas vers cela depuis longtemps. Compte tenu du nombre, de la proportion des collaboratrices par rapport à celles qui sont devenues sociétaires ou qui sont franchement des productrices à leur compte, il vaut la peine qu'on s'arrête à cette problématique pour que l'ensemble de la réglementation nous favorise. Nous, ce que nous préconisons, c'est qu'un statut particulier, un statut spécial vienne faire que les couples soient plus enclins à s'organiser de façon à reconnaître l'apport des deux.

C'est certain que vous avez tendance à nous dire: Oui, mais pourquoi ne deviennent-elles pas des sociétaires? Pourquoi ne deviennent-elles pas des actionnaires? C'est certain que si, dès le moment où une femme pense à se faire reconnaître, elle disait à son mari: Si tu veux, on va devenir sociétaires et cela se ferait du jour au lendemain, d'ici à la fin de la semaine, on n'aurait pas besoin d'être là pour défendre leur cause. Mais on considère que ces femmes-là contribuent suffisamment à l'ensemble de l'économie pour qu'on les aide à avancer dans cette cause-là. Un des moyens, ce serait, justement, d'obtenir pour elles un statut qui colle vraiment à leur vécu. Surtout les gens dans les entreprises de dimension moyenne, familiale, comme on le disait tantôt, ont une certaine forme de vécu qui leur fait craindre des procédures, des choses trop embarrassantes. Nous, on a une proposition qui simplifierait les choses, mais qui viendrait reconnaître ce que les deux font. On n'est pas ici pour défendre cela aujourd'hui, mais cela serait un moyen d'en venir à cela.

M. Picotte: Votre organisme a quand même un passé assez éloquent dans ce domaine, du côté de la recherche de certaines solutions. Je fais allusion un peu à Mme Perron qui est dans la salle et qui est de mon comté. On en a parlé depuis déjà fort longtemps.

Mme Laberge: On a une bonne défenderesse, là.

M. Picotte: Une bonne représentante. Est-ce que vous avez pu proposer déjà comme organisme au gouvernement ou à d'autres instances une formule ou des formules de statut particulier? Quel serait le statut particulier - je ne sais pas si je peux l'appeler ainsi - idéal, en tout cas, le statut particulier que vous favoriseriez? Si cela a déjà été présenté à d'autres instances, quelle sorte de réception avez-vous reçue, si vous en avez eu une? Quelle sorte d'attention?

Mme Laberge: C'est certain que les gens aiment mieux aller à une solution plus directe et dire: Bien oui, les formes traditionnelles d'entreprise existent. Pourquoi est-ce que les couples n'y adhèrent pas? C'est la solution facile. Mais nous, on retourne la question à l'envers et on dit: Si cela ne s'est pas fait plus, adhérer à ces formules traditionnelles, est-ce que cela ne serait pas parce que ces formules ne collent pas aux besoins, par exemple? Vous savez, l'ensemble des entreprises, mais aussi la société tout entière a toujours profité fortuitement de la situation dans laquelle les collaboratrices accomplissaient leur travail. Pourquoi n'y aurait-il pas un effort de fait même si cela demande une solution particulière? Est-ce que l'ensemble de la société ne pourrait pas faire un effort pour accepter cette solution particulière qu'on préconise?

Pour répondre plus directement à votre question - on n'aurait peut-être pas le temps d'entreprendre une discussion sur le statut comme tel - lors du sommet avec les partenaires sociaux au mois de mai, c'est la proposition que nous ferons à l'ensemble des partenaires sociaux. On compte bien sur ceux qui peuvent être déjà sensibilisés à la justification de notre cause pour la regarder de près, étudier les composantes de ce statut et la défendre.

Si vous voulez avoir plus de détails, Mme Bédard peut vous répondre.

Mme Bédard: Le statut, en effet, a déjà été dans un projet de loi. Il ne faudrait peut-être pas l'appeler comme cela étant donné qu'il n'a pas encore été présenté au gouvernement. Mais, en tout cas, le projet sur le statut a été présenté. C'est le ministère de la Condition féminine qui nous a parrainées et il a été étudié par un représentant du ministère des Finances, le ministère de la Justice et le ministère de l'Agriculture.

Alors, ils ont tous trouvé que c'était bien intéressant et que c'était pertinent aussi. Évidemment, il s'agit de l'appliquer, ce projet, et cela ce n'est pas encore fait. On est tombé, à un moment donné, dans le temps où tout le monde a changé de ministère. C'était Mme Marois qui, au début, s'était occupée de parrainer ce projet. Mme

Marois a changé de ministère. On avait rendez-vous avec elle, à une moment donné. C'est Mme Le Blanc-Bantey qui est arrivée et, ensuite, Mme Le Blanc-Bantey est partie et là c'est une autre. À chaque fois, tout le monde a à réétudier le dossier et pas seulement celui-là, comme de raison. Alors, notre dossier est sur les tablettes pour le moment.

M. Picotte: Avez-vous une représentante de l'Association des femmes collaboratrices qui fait partie du comité comme tel ou si c'est à titre consultatif?

Mme Bédard: C'est encore à titre consultatif.

M. Picotte: À la page...

Mme Bédard: Est-ce que je peux ajouter juste un mot? C'est qu'actuellement, dans les différentes régions de la province, les femmes font des pressions pour que, justement, le projet de loi - nous autres, on l'appelle le projet de loi, excusez-moi de l'appeler comme cela - soit poussé plus loin et qu'on insiste là-dessus parce qu'il me semble que, quand on en parle à des femmes qui sont vraiment dans leur ferme ou dans leur entreprise, cela répondrait beaucoup à leurs besoins. Elles voient cela comme une solution à leurs problèmes. Elles disent: Oui, mon mari, l'association, cela ne le tente pas. Il veut bien que je travaille à temps plein, mais s'associer, cela ne le tente pas. Mais, par contre, si cela passait, ce serait donc ce que ça nous prend! (17 h 15)

Mme Laberge: Concernant, par exemple, toute la question d'accès à une chose comme le crédit agricole, au départ, à partir du moment où une femme collaboratrice détient un statut, elle a déjà répondu légalement à un certain nombre de critères. C'est utile quand on vient pour réclamer une admissibilité à quelque chose, c'est cela avoir un statut. Cela correspond à un certain nombre de choses, à un certain nombre de critères qui peuvent permettre une admissibilité. Vous n'avez pas besoin d'une enquête personnelle chaque fois. Si vous avez eu votre déclaration de statut, cela correspond à un certain nombre de choses qui vous permettent une admissibilité à d'autres choses. Cela simplifie le fonctionnement, cela simplifie toutes les questions inhérentes à cela.

M. Picotte: Merci. À la page 2, vous dites, en ce qui concerne le crédit agricole: "L'impossibilité pour les femmes collaboratrices d'obtenir du crédit repose, à notre avis, sur des pratiques discriminatoires. " Mis à part le 60% discriminant, quelles sortes d'autres pratiques discriminatoires existent?

Mme Bédard: C'est bien difficile. Vous comprenez que les gens qui...

M. Picotte: Que vous rencontrez?

Mme Bédard: Oui. J'ai rencontré quelqu'un qui avait un exemple flagrant, à l'automne, le cas d'une dame à qui on a refusé le crédit agricole pour acheter un morceau de terre qui était près de chez elle en disant: Cela ne convient pas, ce n'est pas rentable et ainsi de suite. On a accepté, par contre, que ce soit son garçon qui l'achète. Quand elle s'est adressée à un autre officier - quand on parlait tantôt du choix des conseillers - il arrivait, lui, à Saint-Hyacinthe, il est allé vérifier les dossiers et il a été obligé de dire: Madame, je ne suis absolument pas capable de comprendre pourquoi cela vous a été refusé. Il n'y avait rien pour que ce soit refusé. Ce n'est peut-être pas de la discrimination, remarquez, mais, en tout cas, cela en a l'air.

M. Picotte: À la page 5, entre autres, vous dites: "À la lumière de l'expérience française, un des critères d'accessibilité peut être la capacité de gestion qui serait vérifiée par des examens. " D'après vous, est-ce que l'Office du crédit agricole évalue les capacités de gestion du client avant de procéder à un prêt? Est-ce qu'on fait cela déjà, à l'Office du crédit agricole? Si on le fait déjà - parce qu'on nous a dit qu'on le faisait - dans votre esprit, cela n'est pas allé assez loin. Qu'est-ce qu'il faudrait ajouter à cela pour que vraiment...

Mme Bédard: II y aurait peut-être certains critères qui devraient être ajoutés.

Mme Laberge: En fonction de l'épouse, en fonction de la femme à ce moment-là. Les critères s'appliquent, j'imagine, au niveau de celui qui emprunte. Je veux dire que, si l'épouse est capable de venir prouver qu'elle a une capacité de gestion et tout cela, à ce moment-là, elle pourrait avoir une partie du crédit qui lui soit propre. Tout se fait toujours au nom du conjoint sans tenir compte de la compétence et de la participation de la deuxième personne qui est l'épouse.

M. Picotte: D'autant plus que...

Mme Laberge: Je pense que, quand on parle de critères d'accessibilité, c'est en fonction de l'épouse collaboratrice elle-même.

M. Picotte:... comme on l'a souligné cet avant-midi à une ou deux reprises, je pense, celle qui gère vraiment l'entreprise,

dans bien des cas, c'est la femme collaboratrice.

Mme Daudelin: La comptabilité est toujours faite en grande partie par la femme. Je pense que, s'il y en a une qui connaît les dossiers et qui remplit bien sauvent tous les dossiers, c'est la femme et, quand il s'agit d'avoir du crédit, elle n'est plus accessible.

Mme Laberge: Je voudrais porter un point à votre attention. J'ai travaillé cette semaine sur un document qui a été publié par l'Inspecteur des institutions financières au mois de septembre 1984 et qui s'intitule "Les différentes formes de l'entreprise au Québec". On y décrit avec beaucoup de clarté - c'est un document très bien fait -toutes les formes d'entreprises, la société civile, la société en commandite, il y en a six. On en décrit la nature, la constitution, les caractéristiques, la dissolution, enfin tout. C'est très bien fait. Je lisais attentivement la description de ce qu'est une entreprise individuelle à laquelle 85% de nos femmes collaboratrices participent. Je souhaite que ce document vous tombe sous les yeux afin que vous le lisiez attentivement.

Je me demandais, dans la définition qui y est faite, quelle place il pouvait y avoir pour une partenaire au travail qui s'implique à 50% avec son mari. On disait: II détient tous les actifs, il effectue l'administration et il a la responsabilité de toute l'administration, quand on sait que dans je ne sais pas combien de cas toute la question de la gestion est assumée par les femmes. Évidemment, dans une entreprise à propriétaire unique, celui qui semble répondre de tout cela, c'est celui qui détient les titres de propriété. Mais, dans les faits, c'est bien souvent conséquemment à la bonne gestion de son épouse. Ce sont toutes des contradictions comme cela.

M. Picotte: Entièrement d'accord avec vous. Maintenant, le choix du conseiller, je ne reviendrai pas là-dessus, sauf pour vous souligner que, depuis le début des mémoires, on entend cela régulièrement. Tout le monde qui vient nous rencontrer nous parle d'avoir le choix du conseiller. J'ai l'impression qu'il y a de drôles de questions à se poser, comme législateurs, quand tous les intervenants s'entendent pour nous dire que le choix du conseiller est primordial. Vous ne devez sûrement pas avoir des femmes à l'intérieur des conseillers qui...

Mme Bédard: Non.

M. Picotte:... vous rencontrent.

Mme Bédard: II va y avoir des conseillers qui vont avoir plus de travail.

M. Picotte: On n'est pas encore rendu là, j'imagine. Mais cela ne fait rien, cela va venir probablement un jour.

Un commentaire seulement avant de terminer, pour laisser la parole à d'autres. Moi, je serais bien heureux si, à un moment donné, votre organisme pouvait se pencher davantage - je sais que vous le faites - sur ta définition de la ferme familiale. Je pense qu'il n'y a pas de meilleur organisme que le vôtre, comme femmes collaboratrices qui vivez aux confins des problèmes de famille à l'intérieur de tout ce qu'on appelle le secteur agro-alimentaire. Je pense que ce serait un point qui pourrait être fort apprécié de tout le monde, de tous les législateurs. Je comprends que c'est complexe, que c'est difficile. On se demande même si on ne devrait pas orienter cela du côté d'un type de ferme plutôt que du mot "familiale" tel qu'on l'entend, malgré que cela ne viendrait pas exclure cela non plus. En tout cas, je serais extrêmement redevable à un organisme comme le vôtre qui s'y pencherait et qui essaierait de baliser davantage cette définition de ferme familiale.

Merci, au nom de ma formation politique, pour votre apport et votre collaboration. Sûrement qu'on va à nouveau faire appel à vos services.

Le Président (M. Vallières): Très bien. J'ai une demande d'intervention du député de Champlain; je ne sais pas si vous avez pris entente avec votre collègue de Saint-Hyacinthe qui a également demandé la parole. Il reste un bloc de cinq minutes.

M. Gagnon: Cinq minutes?

M. Dupré: Je vais essayer de faire un tour de force et de poser mes trois questions en une minute, parce que lui, des fois, cela lui prend cinq minutes comme préambule. Je vais essayer de faire le contraire, de poser mes trois questions en une minute.

M. Gagnon: Alors, je donne une chance, M. le Président, au député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Alors, il a quatre minutes.

M. Gagnon: Mais vous avez besoin de me réserver au moins trois minutes.

M. Dupré: Le député d'Arthabaska disait tantôt qu'il n'était pas juriste. Tout de même, lorsqu'on travaille avec un code qui date de 100 ans, il faut admettre que le Parti québécois a fait une foule de changements que je n'énumérerai pas ici parce que je sais que vous allez me rappeler très durement à l'ordre, mais ne serait-ce que la récupération et le droit de donner un

salaire à l'épouse sur la ferme lorsque c'est une compagnie.

Il y a des conseillers et des conseillères. À Saint-Hyacinthe, en tout cas, il y en a au moins deux. Il y en a une à Valleyfield. Il y en a d'autres. Je voudrais vous poser la question: Est-ce que vous avez eu connaissance - en tout cas, vous répondrez juste à la fin, je vais vous poser mes trois questions, s'il vous plaît! - que certaines femmes ont refusé de faire affaires avec la conseillère? Je pense que déjà ce serait un début de vous faire confiance à vous-mêmes, parce que, même si ce sont des jeunes, elles sont bien souvent aussi compétentes que des personnes dans certaines productions.

L'autre chose sur laquelle je voudrais attirer votre attention, c'est lorsque vous parlez de la déclaration de résidence familiale. On sait que c'est une demande de l'AFEAS, que ce soit d'office. C'est sûr que c'est déjà un pas en avant. Pour toutes les autres femmes et toutes les autres épouses, elles ont le droit de le faire enregistrer. Pour ma part, je pense que cela aurait dû être d'office. Là-dessus, dans les temps qui vont venir, peut-être plus vite qu'on pense, je pense que cela devrait être reconnu d'office, pas besoin d'aller faire enregistrer ta résidence, tu restes là. C'est un point que j'ai retenu et qui est très important. Je vais essayer de vous défendre lorsque ce sera le temps.

Mon troisième petit point, c'est: Est-ce que vous avez des moyens concrets d'accentuer les transferts de ferme père-fille, dans un premier temps et, dans un deuxième temps, aussitôt que possible, mère-fille? Je ne sais pas s'il y a des moyens que vous connaissez qui seraient peut-être un peu plus radicaux pour accélérer cela.

Mme Bédard: À savoir si on a eu des exemples où certaines femmes ont refusé la conseillère, je n'en ai pas. Je n'ai jamais entendu dire qu'une femme ait refusé la conseillère. Je ne sais pas si les autres en ont.

Mme Laberge: Remarquez que cela peut s'être produit, mais cela n'a pas été porté à notre connaissance.

Mme Bédard: Les moyens concrets d'accentuer les transferts de ferme, bien là...

Mme Carpentier: Moi, de toute façon, dans mon cas pratique et personnel - je m'excuse de me citer en exemple, mais je suis certaine que, si cela se passe chez moi, cela doit se passer ailleurs - le matin où j'ai demandé à mon mari - on était pour acheter une nouvelle partie de terre, une nouvelle terre, comme on appelle cela communément chez nous, un agrandissement - s'il allait la mettre à mon nom, bien, il a dit: Si tu veux la mettre à ton nom, il va falloir que tu la paies. J'ai dit: Avec quel argent? Depuis X années je travaillais avec lui. Mais, quand tu regardes la loi, on n'a pas le choix. Le crédit est à un seul.

M. Dupré: Là-dessus, il y aurait des changements, certainement.

Mme Carpentier: Alors, il faut changer quelque chose pour avoir accès à la propriété.

Le Président (M. Vallières): J'ai deux demandes d'intervention à ma gauche. Il reste deux minutes à ma gauche; le député de Berthier, suivi du député de Huntingdon.

M. Houde: J'écourte la question parce que les autres questions ont été posées; je ne les répéterai pas. Vous dites, à la page 5 de votre mémoire, en bas: "À la lumière de l'expérience française, un des critères d'accessibilité peut être la capacité de gestion qui serait "véritablement par des examens. " Est-ce que vous voulez expliciter cela un peu?

Mme Laberge: "Vérifiée par des examens. "

M. Houde: Cela serait vérifié par des examens?

Mme Laberge: C'est cela.

M. Houde: Que vous demanderiez par quoi?

Mme Laberge: Que le crédit, pour une question d'accessibilité...

M. Houde: Oui.

Mme Laberge: "À cet effet nous considérons qu'il doit inclure dans ses critères les capacités de gestion des exploitantes. " Elles se font refuser cela malgré que, comparativement à des exploitants, parfois, elles ont beaucoup de capacités de gestion. C'est là-dessus que devraient porter certains critères.

Évidemment, pour les vérifier, cela pourrait être une question d'examens à partir du moment où une femme demanderait, par exemple, d'avoir accès à certains crédits qui lui seraient refusés. Si on accepte qu'elle vienne démontrer sa capacité de gérer des montants d'argent et une exploitation, cela pourrait être un critère dont on tiendrait compte.

M. Houde: Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Merci. M.

le député de Champlain, suivi du député de Huntingdon. M. le député de Champlain, vous avez deux minutes.

M. Gagnon: Je vais essayer d'être très court parce que toutes les questions que je voulais vous poser ont pas mal été posées. J'abonde dans le même sens; pour une fois, je vais être d'accord avec le député de Maskinongé. Tout le monde vous a parlé d'entreprises, de fermes familiales et je me souviens, quand j'étais moi-même dans le syndicalisme agricole, qu'on tentait d'essayer de savoir ce que c'était qu'une ferme familiale. Je me rends compte qu'encore aujourd'hui on n'a pas réussi à définir cela. Vous mentionnez que le choix de la femme collaboratrice va plutôt vers la ferme familiale par rapport à la très grosse entreprise et cela vous permettrait peut-être aussi d'avoir accès à votre propriété, c'est-à-dire de faire la déclaration de votre propriété. Ce qui arrive, c'est que, je présume, lorsqu'on grossit l'entreprise on est obligé de donner tout en garantie et on est obligé de vous faire signer que vous allez renoncer à ce droit. Je voudrais juste vous dire que le projet de loi dont vous parlez, que vous croyez être sur la tablette parce qu'il y a eu des changements de ministres et que vous dites qu'à chaque fois il faut recommencer... Je ne pense pas qu'on ait besoin de recommencer à chaque fois, même s'il y a un changement de ministre, c'est qu'il y a du travail qui est fait et du travail qui se poursuit. On va très certainement s'informer pour savoir où cela en est rendu parce que vous semblez voir là la solution à votre problème et je peux vous assurer que cela nous intéresserait de connaître cette solution. C'est cela; moi aussi, je pense qu'on devrait faire des efforts ensemble pour définir l'entreprise familiale. À court terme, tant qu'on n'aura pas cette loi dont vous rêvez, je ne vois pas d'autres solutions pour régler votre problème que les sociétés où réellement la femme a une quantité de parts dans l'entreprise, pour le moment, à court terme. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. Mme Bernard: Une contre 99. Une voix: Cela ne marche plus.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Huntingdon, en une minute.

M. Dubois: Je voudrais vous remercier, mesdames, pour votre mémoire très intéressant et aussi très révélateur de la situation qui prévaut chez la femme collaboratrice. Je suis certain que votre mémoire ne tombera pas dans les oreilles de sourds et que nous donnerons suite à certaines de vos questions et suggestions. (17 h 30)

Je voudrais revenir particulièrement sur un point, à la page 8, où vous indiquez "que la garantie financière exigée pour des emprunts ne vienne pas annuler pour l'épouse sa capacité d'exercer son droit à la protection accordée par la déclaration de résidence familiale".

La question que je me pose, c'est que quand on donne une unité familiale totale en garantie, si on retirait la valeur de la résidence et du terrain, sur lequel elle est située, on limiterait le montant de crédit qu'on peut obtenir. Il y a quand même un effet à enlever de l'unité familiale la résidence et son terrain, et les dépendances, parce qu'on limiterait aussi la capacité d'emprunt. Souvent, le problème majeur, c'est qu'on veut un plus gros emprunt. Si on le limite, on se cause à nous-mêmes des problèmes. La question n'est pas réglée, remarquez bien, mais il y a quand même de quoi travailler sur ce problème particulier. Je pense que cela pourrait entraîner une réduction du crédit alloué lors d'une demande et à ce moment-là, cela pourrait ne pas permettre que le désir de l'agriculteur ou de la famille puisse s'exercer dans le sens d'avoir une entreprise viable et rentable.

Je ne sais pas, il y aurait peut-être des façons de régler le problème, mais je ne vois pas cela si facile sur le plan du crédit global que l'on veut obtenir.

M. Dupré: M. le Président, sur la même question...

Le Président (M. Vallières): Un instant, à moins que madame ait déjà des commentaires.

Mme Laberge: Non, cela va. Vous pouvez y aller.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: La deuxième partie de la maison qui serait réservée comme résidence de l'épouse, la différence du prêt pourrait être attribuée à l'épouse. Justement, ce serait un début, un commencement.

Mme Laberge: C'est ce que je mentionnais tantôt, effectivement. La frustration vient du fait... Bien sûr, je suis d'accord avec M. Dubois, c'est de là que vient le hic. La femme est justement coincée entre le fait qu'elle ne veut pas priver son mari d'un accès plus grand à du crédit; par contre, elle est frustrée du fait qu'en principe, cela devrait lui appartenir aussi. C'est tout cela, le noeud du problème.

Moi, sur tout cela, je suis un peu confiante parce qu'il me semble, pour utiliser

un terme anglophone, que le "timing" est peut-être assez bon. Nous sommes à l'heure où il se tient une consultation populaire en vue d'établir une politique familiale. Le résultat des consultations, justement, démontre qu'il y a un peu un consensus pour que l'ensemble des lois, la réglementation et les services gouvernementaux intègrent cette dimension familiale qui sied davantage aux couples, aux projets-familles, etc. Je pense que, sans revenir à mille neuf cent leu leu -ce n'est pas cela - on se plaît à dire que la famille est la base de la société, que c'est la société de demain, etc. Il faut être conséquent avec tout ce qu'on déclare aussi. Je pense qu'on est peut-être en train de perdre un peu cela, surtout dans le domaine de l'agriculture. Le gigantisme des fermes est venu nous donner l'impression qu'une ferme de dimension un peu réduite nous complexait un peu.

Il reste que dans toute société bien organisée, qui répond à des besoins pour un ensemble de gens et de goûts, qui ont des goûts différents, je pense que cela doit être maintenu. À cet égard, je répète que le temps est peut-être bon actuellement.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je m'excuse immédiatement auprès des députés d'Iberville et de Nicolet qui m'ont demandé la parole. Si on veut terminer nos travaux...

M. Beauséjour: II y a un point qui n'a pas été soulevé mais que j'aimerais quand même que l'on sache...

Le Président (M. Vallières): Il y a plusieurs points, M. le député, qui n'ont pas été soulevés, j'en suis persuadé.

M. Beauséjour: La garde des enfants en milieu agricole. Cela n'a pas été soulevé et je voudrais savoir si on travaille sur ce sujet.

Mme Laberge: Vous allez voir, vous allez entendre parler de cela demain.

M. Beauséjour: Bon, d'accord. Mme Laberge: Consolez-vous. M. Dupré: M. le Président...

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe, en terminant.

M. Dupré:... au nom de ma formation politique, je vous remercie de vous être présentées, d'avoir répondu à l'appel et je suis persuadé que mes confrères, comme moi, ont trouvé le dialogue très intéressant et constructif. Soyez assurées que nous prenons bonne note de vos remarques et doléances.

Mme Laberge: Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Mesdames, nous vous remercions beaucoup de votre contribution à nos travaux et nous espérons que vous récidiverez et viendrez à nouveau nous rencontrer.

Je demande maintenant à la Coopérative des travailleurs agro-forestiers de la Mitis de bien vouloir s'approcher.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant entendre M. Denis Stevenson qui agit à titre de président de la coopérative que nous recevons. M. Stevenson.

Coopérative des travailleurs agro-forestiers de la Mitis

M. Stevenson (Denis): M. le Président, MM. les commissaires, tout d'abord, je désirerais vous présenter Mme Cécile Hammond qui est agronome et aussi membre de notre coopérative. Le mémoire qu'on a soumis, même après l'avoir tronqué un peu, a encore 40 pages. J'aimerais le présenter d'une manière plus courante sans nécessairement m'en tenir au mot à mot.

Donc, présentement, nous travaillons à la création d'emplois par le développement de l'agriculture et nous avons pu remarquer qu'au Québec, en matière de développement de nouvelles productions, de financement agricole et d'établissement des jeunes, il y a bien loin des voeux pieux du MAPAQ à la réalité de ceux qui doivent négocier avec l'Office du crédit agricole. Nous profitons de l'occasion fournie par la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour dénoncer les lacunes décelées dans notre système de financement agricole et aussi pour dénoncer l'impossibilité pour les jeunes de prendre la relève à cause d'un manque de souplesse du système de financement.

Le mémoire est constitué à partir d'expériences que nous avons connues lors du cheminement du dossier que nous avons piloté pour la Coopérative des travailleurs agro-forestiers de la Mitis ainsi que de faits que d'autres producteurs nous ont apportés.

Brièvement, notre groupe a pris naissance en 1980 et nous travaillons au développement de l'agriculture dans notre région. Je pourrais vous dire tout de suite qu'au niveau de la Mitis, d'après les derniers chiffres disponibles, il y a 76% de la population qui vit sur des paiements de transfert. Donc, on n'est pas tout à fait ce qu'on pourrait appeler une région riche. On est riche en capital humain, mais pour le reste, c'est assez délicat. Présentement, il y a au-dessus de 26% de chômeurs dans notre région et autant d'assistés sociaux. C'est pour cela qu'on avait décidé de développer la seule richesse naturelle qui était disponible à ce moment-là, parce que pour nous aussi, la

forêt est complètement ravagée. Cela va prendre au moins 50 ans avant que cela puisse rapporter. Pour ce faire, on s'était adressé au programme PAC, au programme d'aide à la création locale d'emplois du ministère fédéral de l'Emploi et de l'Immigration. À partir d'une subvention que nous avons reçue du programme PAC, nous avons durant un an - une équipe de quatre personnes qui comprenait un agronome, un économiste rural, des recherchistes constitué un dossier qui a été présenté à l'Office du crédit agricole. Le dossier avait 96 pages. Cela représentait un an de travail. Cela nous a coûté 100 000 $ pour le monter. Il avait été vérifié par une firme comptable sérieuse. Donc, cela devait être quelque chose supposément sérieux.

Une des questions qu'on se pose aujourd'hui, c'est: Comment se fait-il qu'un projet d'une aussi grande importance pour l'économie régionale chez nous ait été aussi facilement saboté par les fonctionnaires de l'OCAQ qui l'a envoyé sur les tablettes, alors qu'il était on ne peut plus conforme aux politiques d'autosuffisance agroalimentaire prônées par le ministre Garon et qu'il devait se réaliser dans une région où le chômage a depuis longtemps dépassé un seuil critique.

Notre projet était absolument conforme aux normes et aux politiques mises de l'avant par le MAPAQ à ce moment-là. Je vais vous faire grâce des détails. Durant un an, on a travaillé avec l'équipe du ministère au bureau régional et au bureau local. Notre dossier leur a été soumis pour approbation avant et on s'est lancé dam l'aventure avec des lettres d'appui du coordonnateur de même que les principaux responsables tant en production animale qu'en économie.

En fin de compte, nous avons eu l'occasion, justement en cours de cheminement du dossier qui a duré huit mois, de rencontrer certains problèmes avec l'Office du crédit agricole. Ce sont surtout des problèmes causés par l'attitude des fonctionnaires de l'office, une attitude méprisante et des manières assez grossières. Je peux vous dire que personnellement j'ai été menacé et ce n'est pas tellement agréable. On l'a dénoncé et, de toute façon, cela n'a absolument rien donné. J'ai reçu une lettre du président de l'office, il y a deux ans, dans laquelle il me disait qu'il y avait une enquête en cours et j'attends encore la réponse.

Nous ne sommes pas les seuls à penser comme cela, nous avons fait le tour de la région. Ici, je voudrais vous citer un article qui est paru dans La terre de chez nous et qui s'appelait "L'Office du crédit agricole". Je ne le lirai pas au complet, le ton dit à peu près ce que le milieu pense d'eux. Je parle toujours de notre région, étant donné que je ne connais pas tellement les autres régions du Québec. Je vous parle d'une région de l'est qui est réellement sous-développée: "L'Office du crédit agricole, l'inefficacité régie en système. " On dit que "l'Office du crédit agricole est un organisme sans âme, trop souvent inefficace, hyper-bureaucratisé, technocratisé, sans aucune vision politique de développement ni de planification économique où le patronage et le paternalisme sont monnaie courante par définition et pas absence de mécanismes publics d'appel. Ses différents rapports annuels ne sont qu'un ramassis de clichés visant à promouvoir la carrière des individus qui se sont enfermés dans cette tour d'ivoire et de statistiques incomplètes servant à masquer la réalité. "L'OCAQ est un État dans l'État, complètement anachronique, dépassé et qui n'a réussi ces dernières années qu'à alourdir la bureaucratie, augmenter l'inutilité d'un personnel souvent inutile avec conséquence qu'une très grande partie des prêts a été à des employés d'intégrateurs. "

Il y a quand même quelque chose qui nous a surpris dans la région. Des études ont été faites et probablement que dans l'Est du Québec, nous sommes les champions en ce qui regarde les études, les projets. Cela ne débouche jamais sur rien, mais il y a quand même des documents qui existent.

L'UPA a fait aussi des recherches et, en 1981, il y avait au-delà de 50% des agriculteurs qui avaient dépassé 50 ans. Donc, ils ont vieilli. Eux aussi ont suivi la tendance. On a donc un problème de vieillissement; en même temps, la situation s'aggrave d'un problème: le fait que les jeunes de la relève agricole ne peuvent pas prendre leur place pour différentes choses. Le principal facteur est justement le fait que le crédit agricole chez nous n'est pas accessible aux jeunes. C'est très difficile d'avoir des chiffres de l'Office du crédit agricole. J'ai essayé car cela fait quand même cinq ans que nous travaillons sur ce dossier dont trois ans et demi de façon bénévole, on commence à le connaître. On a réussi à avoir des chiffres de l'Office du crédit agricole lors du sommet économique de Rimouski. Cela nous a donné un peu une idée de ce que le problème pouvait avoir comme ampleur.

De 1977 à 1981, la majorité des prêts aux environs de Rimouski ont été faits dans le secteur laitier. La très grande majorité des prêts ont simplement servi à refinancer d'autres prêts. D'après les chiffres mêmes de l'office, on a constaté qu'en 1981, 81 prêts à l'industrie laitière ont été faits sur les 90 enregistrés au total, ce qui veut dire que 90% des prêts ont été accordés au seul développement du secteur laitier en agriculture. De plus, si on regarde d'un peu plus près les chiffres, on peut déceler que 32, 7% du montant prêté dans ce secteur a

tout simplement servi à refinancer les entreprises, soit 2 073 244 $ sur 5 940 500 $.

Dans le secteur bovin, c'est encore pire. Ils ont prêté 149 000 $ à trois entreprises. Ce n'est pa3 nous qui l'affirmons, pour une fois qu'on avait des documents qui émanaient directement de l'office. Sur ces 149 000 $ prêtés à trois entreprises, 114 278 $, soit 76, 67%, ont servi à refinancer; donc, pas question de développement. Même si le MAPAQ a des politiques de développement assez expansionnistes, chez nous, quand vous voulez vous faire financer, ça ne marche pas. Cela veut dire que la main gauche ignore la main droite. (17 h 45)

L'OCQ devrait être le maître d'oeuvre du développement agricole dans notre région. Or, comment parler de développement quand on ne fait que refinancer dans ses prêts? Comment peut-on développer de nouveaux secteurs quand la très grande majorité des prêts sont effectués dans le secteur laitier et que celui-ci a une expansion limitée?

À la lumière des chiffres publiés par l'office et à travers les expériences vécues dans notre milieu, on peut affirmer que l'office se conduit de plus en plus comme un État dans un État, ses membres et ses politiques primant celles de l'État québécois. Sa mission n'est plus de sauver l'agriculture du Québec, mais de financer l'agriculture familiale rentable, entre parenthèses, et la ferme familiale, comme il a été dit tantôt, cela n'a jamais été définie. La rentabilité, c'est entendu qu'on peut faire dire ce qu'on veut à des chiffres, surtout quand on parle de rentabilité, mais intrinsèquement, l'agriculture n'est pas rentable, où que ce soit dans le monde. Donc, bien souvent, ce n'est qu'une question de niveau de subventions ou d'avantages accordés.

La définition que nous vous proposons de la ferme familiale est peut-être simpliste, mais elle serait celle-ci: C'est une ferme où la majorité du travail serait effectué par le père, la mère et les enfants non mariés. Il me semble qu'à partir de cela, on pourrait voir ce que c'est et définir une ferme familiale, une fois pour toutes, pour que tout le monde parle de la même chose et même l'office, pour qu'on puisse arriver è se comprendre dans cela.

Les officiers de l'OCAQ se présentent souvent comme des banquiers et exigent toutefois tous les avantages du fonctionnariat ce qui leur évite, entre autres choses, de prendre la responsabilité des décisions. Dans notre cas, en huit mois de discussions assez viriles parfois, on n'a jamais pu réussir à pincer et à savoir qui disait non. C'était toujours "mon collègue, mon collègue". C'est cela. Il n'y a pas moyen de rien savoir. De plus, il réclame de plus en plus d'indépendance face au gouvernement. Or, il est temps que l'OCAQ rende des comptes. Il y a plusieurs questions qui nous viennent à l'esprit. Combien y a-t-il eu de faillites agricoles ou de faillites qui ont été comptabilisées comme faillites personnelles, mais qui sont reliées à l'agriculture? Combien y a-t-il eu de producteurs qui ont été littéralement forcés de liquider leur entreprise? Chez nous, c'est arrivé souvent qu'ils aient pris des producteurs marginaux, mais qui réussissaient à survivre et les aient transformés en assistés sociaux. Là, c'est vrai qu'ils sont à 100% à la charge de l'État.

Le fonctionnement interne de l'office doit être revu et corrigé. Il est inadmissible qu'un organisme gouvernemental puisse rendre des décisions sans appel. Il est encore moins acceptable que des fonctionnaires de l'État québécois se comportent comme des malappris et qu'ils se permettent de menacer des citoyens contribuables, quand ils ne répandent pas sur eux leur venin. Cela, on n'a qu'à se rappeler l'affaire des grévistes de la faim, mais ce n'était pas tellement...

L'OCAQ étant le principal bailleur de l'agriculture québécoise a, à ce titre, un pouvoir énorme sur son orientation et sur son développement. Ce qui est plus inquiétant pour nous, c'est quand on constate les préjugés que certains de ses dirigeants semblent entretenir à l'endroit de l'agriculture dans les régions périphériques. Quand on se fait assommer par des taux de désuétude économique de 40% en partant, c'est assez dur d'être rentable, c'est-à-dire qu'on exige qu'on soit au moins 40% meilleurs que les autres.

Comment espérer un changement quand le personnel de l'office prétend être prisonnier des lois? Pourtant, ce sont eux, les experts en financement agricole. S'ils se sont rendu compte de problèmes, il aurait été de leur devoir de suggérer des améliorations au système. Ils auraient dû recevoir une oreille attentive de la part des politiciens. Quand on a rencontré justement les fonctionnaires de l'office, on avait quand même un dossier qui était préparé par des professionnels de l'agriculture, approuvé par le MAPAQ et cela n'a absolument rien donné. Alors imaginez-vous le pauvre petit producteur qui se présente pour la première fois là-bas. Il a à peu près idée de ce qu'il veut avoir, mais il ne sait pas trop comment. Même s'il avait le titre de conseiller en financement agricole, le type à qui on a présenté notre demande la première fois, en aucune circonstance il n'a accepté de nous conseiller préférant refiler le tout à son directeur. Il nous a été impossible de savoir de quelle manière ce dossier serait traité. À maintes reprises, nous avons demandé des explications en manifestant notre surprise de voir un dossier qui avait

été approuvé par des experts du bureau du MAPAQ et enfin, auditionné par une firme comptable sérieuse qui jugeait qu'il était rentable, rendu à l'office, il était non rentable. C'est la seule réponse qu'on a eue: Non rentable, les premiers temps. En dernier, ils ne répondaient plus.

Notre coopérative a dépensé plus de 100 000 $ pour l'élaboration de l'étude de faisabilité. Il n'était pas question d'en rester là. Nous avons donc demandé une révision du dossier et encore là, nous avons été jugés in abstentia. Pas moyen de savoir quel était le comparateur. Pas moyen de discuter de la manière dont le dossier serait traité. Il nous fallait croire sur parole. En fin de compte, après huit mois de tergiversations, la ferme sur laquelle on avait une option d'achat, sur laquelle on avait 19 000 balles de foin entreposées et données en garantie a été vendue à d'autres et notre coopérative a perdu 20 000 $. À la suite de tout ceci, nous nous sommes posé des questions, par exemple: Comment se fait-il qu'un gouvernement qui a défendu la création d'emplois et l'autosuffisance alimentaire se soit désintéressé d'un projet comme celui-là? Le fait que notre projet ait reçu des subventions fédérales - on est en 1981, 1982 pour se replacer dans le contexte politique de l'époque - a-t-il pesé dans la balance? Est-ce parce que c'était la preuve que, sans subvention, on ne peut pas démarrer ni rentabiliser une industrie bovine au Québec? À ce moment là, le programme PACLE nous offrait de verser 750 000 $ pour démarrer l'entreprise. Si on n'était pas capable, je me demande ce qu'un particulier fera. Ce ne sont pas tous les particuliers qui ont les moyens de se payer une étude de faisabilité de 100 000 $. Encore aujourd'hui, je me pose des questions. Pouvez-vous accepter que des projets soient analysés par des personnes qui, confrontées avec nous, ayant les mêmes manuels que nous et utilisant les mêmes sources de renseignement que nous en arrivent à des conclusions autres que les nôtres parce qu'ils prétendent que ce n'est qu'une question d'être optimiste ou pessimiste face aux chiffres. C'est la réponse que le directeur du financement de l'office nous a rendue. Cela vaut quasiment la peine d'expliquer dans quelle situation cela est arrivé.

On avait résussi à avoir un rendez-vous à l'office, il était 19 heures, on avait discuté toute la journée et il y avait Cécile et moi qui représentions la coopérative et les autres étaient tous des agronomes -j'étais le seul qui n'était pas agronome. On avait les mêmes livres, les mêmes manuels, les mêmes documents de référence et tout ce beau monde a argumenté pendant sept heures pour se retrouver avec les experts de l'office d'un côté qui prétendaient que ce n'était pas rentable et nous qui prétendions que c'était rentable. Ils ont dit: Ce n'est qu'une question d'être optimiste ou pessimiste.

Je vous ai parlé tantôt de la désuétude économique. Disons que c'est avec cette trouvaille qu'ils ont réussi à paralyser le développement de l'agriculture chez nous. On doit reconnaître que c'est un moyen assez pernicieux parce que son influence et son effet sur le développement de l'économie régionale s'accroissent d'année en année, principalement dans les paroisses d'arrière-pays, celles qui avaient été menacées de fermeture il y a quelques années. On peut croire que le plan est encore là.

La désuétude économique, c'est quand on utilise le prétexte de la faible activité économique d'une région pour ne reconnaître qu'une fraction de la valeur marchande d'une propriété. Ainsi, en diminuant artificiellement la valeur marchande des propriétés, on réduit alors le volume de l'activité économique dans la région. Comme le volume est réduit, on vous affiche d'un taux de désuétude économique encore plus haut, ce qui fait que, d'année en année, tout descend. Vous avez, à la page 16, un tableau qui visualise à peu près ce que c'est. Il reste quand même que sur une bâtisse qui vaudrait 100 000 $ neuve, sans désuétude économique, en suivant les normes de l'office, on se retrouverait avec un prêt possible de 76 000 $ et quand vous faites jouer la désuétude économique, on se retrouve avec une offre de 45 600 $ de prêt. La différence, il y a quelqu'un qui doit la combler; c'est soit le producteur qui achète et qui, à ce moment là, doit donner plus de "cash", soit le vendeur qui sacrifie ce montant c'est-à-dire qui accepte de vendre en bas du prix de valeur de sa propriété.

Il y a aussi le fameux cas des normes de production. Dans le plupart des cas, les dossiers - à ce qu'il nous a semblé - ont été examinés à travers de normes et de références économiques colligées à partir de données recueillies chez les producteurs du secteur ailleurs dans la province. On établit ainsi des moyennes provinciales. Or, dans les dossiers régionaux, à cause de la nature même de l'agriculture de chez nous, ces normes sont tout à fait inapplicables. On peut constater ce fait en consultant le budget publié par le comité de référence économique (Agdex 420/821) sur le boeuf et quand ils nous parlent de terres à 1700 $ et à 3400 $ l'hectare, à ce prix, la plupart des producteurs, chez nous sont vendeurs tout de suite. C'est simple, on se présente à l'office et ils nous reconnaissent à peine 100 $, 150 $ l'acre de valeur des terres mais, dans les budgets, ils parlent de 1700 $ à 3400 $. C'est rêver en couleur, complètement. Je ne sais pas où ils ont pris cela mais...

Dans notre dossier, c'est sûr qu'on faisait un peu figure de pionniers. On parlait

d'engraissement à base d'ensilage d'herbe et d'orge, C'est un modèle qui a été mis au point à la ferme expérimentale de Kapuskasing en Ontario et au Québec il n'y avait absolument rien de comparable. Donc, ils nous jugeaient sur le maïs etc. Il n'était absolument pas question qu'ils puissent penser autrement. Ce sont les normes et si vous n'êtes pas sur le modèle standard, cela ne fonctionne pas. N'aurait-il pas été normal que notre dossier soit analysé sur sa valeur propre et non pas à travers de normes étrangères à la réalité locale?

J'aimerais aussi parler du cheminement d'un dossier. Voici, à partir de nos expériences et de celles d'autres producteurs, ce qu'on considère comme le cheminement typique d'un dossier à l'OCAQ. Dès la première entrevue, il semble que le rôle du conseiller en financement soit de faire en sorte que l'aspirant agriculteur se décourage et ne remplisse pas les formules de demande de prêts. Et cela vous permet de publier, à chaque année, un beau rapport en disant: La plupart des demandes de prêt ont été acceptées. Je comprendsl II faudrait plutôt comprendre que la plupart de ceux qui ne se sont pas découragés, qui sont allés un peu plus loin... En ne mettant pas les noms dans la boîte, cela ne paraît pas dans les rapports et cela permet de mieux faire passer.

Tous les moyens sont employés et on ne craint pas de manier le sarcasme et le mépris afin que l'aspirant emprunteur se cantonne dans une position d'infériorité. C'est un peu ce que les dames collaboratrices ont dit tantôt. Vous savez, le gars qui est en avant, il écrase; ils sont détenteurs de la vérité.

Si après des manoeuvres préliminaires notre emprunteur ne s'est pas découragé, on passe alors à la seconde étape, soit le déluge de formulaires, de questionnaires, de demandes de toutes sortes. Dans le cas de projet d'achat de ferme, on demande une promesse de vente, mais on oublie de spécifier qu'elle doit s'étendre sur une très longue période. Le manque de personnel -toujours la même rengaine - entraîne des retards dans l'étude des dossiers. Pauvres eux, ils ne sont jamais assez.

La deuxième étape est celle de l'étude du dossier par le conseiller en financement après la visite des lieux. Dans la plupart des cas, ce ne sera qu'une comparaison sommaire avec des normes et des références économiques auxquelles l'emprunteur n'aura jamais accès. Si par chance votre dossier rencontre les normes et que votre tête ne déplaît pas trop ou que vous n'insistez pas trop, il y a des chances qu'il reçoive une recommandation favorable. Dans le cas contraire...

Poursuivons maintenant le cheminement d'un dossier refusé en première instance et qui se retrouve en révision sur le bureau du directeur régional. Franchement, là on est chanceux. C'est l'étape la plus rapide; elle n'est pas longue celle-là. Il commence par vérifier les fautes d'ortographe dans notre dossier et avec une calculette il a vérifié les calculs. Naturellement, il n'est pas question de renverser une décision prise par un subalterne. On refile le dossier à Québec où se prennent supposément les décisions. C'est exactement ce qui nous est arrivé. Allez à Québec, eux vont peut-être faire de quoi, nous on n'a aucun pouvoir.

Maintenant, le dossier arrive à Québec. C'est ici, semble-t-il, que l'on peut prendre des décisions, que l'on peut recevoir des réponses claires, nettes et précises, mais le problème c'est qu'à Québec on refuse de changer quoi que ce soit dans un dossier. Leurs yeux, prétendent-ils, sont dans les régions et ils n'ont pas les moyens techniques de se renseigner. Alors, on vous invite bien sérieusement à retourner au bureau du directeur régional si vous voulez changer quelque chose au dossier. Dans le cas contraire, on examinera votre cas à travers les mêmes normes et préjugés que lors de la première étude et il y a fort à parier que le résultat sera le même.

On a des questions qui nous viennent à l'esprit. Est-ii normal qu'un organisme de l'État rende des décisions sans aucun moyen d'appel? Est-il normal que notre région soit affectée d'un taux de désuétude économique aussi élevé? Est-il normal que des fonctionnaires payés à même les budgets de la province aient une vision aussi étroite de leur rôle dans l'économie et le développement de nos régions? Plus souvent qu'autrement, on s'est fait dire que ce qu'on faisait c'était du bien-être social déguisé. En tout cas...

L'OCAQ prétend avoir comme mission de financer la ferme familiale rentable. La notion ferme familiale n'a jamais été clairement définie et, partout dans le monde, l'agriculture est intrinsèquement non rentable. Est-ce normal qu'on demande des remboursements deux fois par année quand certaines productions ne paient qu'une fois comme dans le cas de la production ovine ou de la production bovine? Est-ce normal que des taux d'intérêt égaux soient chargés sur toutes les productions alors que certaines ne rapportent pas autant que d'autres? Cela incite les gens dans le porc... Même si les taux d'intérêt n'étaient qu'à 8%, ils ne sont pas capables d'arriver. Cela ne sert à rien d'augmenter les taux d'intérêt, ils mangent leur chemise. Ce sont des choses qu'on trouve bizarres.

Est-il normal que des dossiers soient examinés au travers des normes auxquelles nous ne pouvons avoir accès? Souvent, ils vont se défendre en disant: Les producteurs, vous savez, ce n'est pas de leur faute, ils ne

sont pas assez instruits, ils ne sont pas assez renseignés. Quand même on sait lire! Il y a de plus en plus de compétences techniques. Il y a assez d'agronomes en chômage qu'il y en a qui peuvent se retrouver sur des projets, justement. Est-il normal que la vérification des dossiers soit faite à Québec? Vous savez quand un dossier... Dans le bas du fleuve, ce ne sont pas tous les producteurs qui ont les moyens d'être ici à toutes les semaines pour aller voir à l'office et essayer de pousser. Est-il normal qu'on ne tienne pas compte des programmes du MAPAQ lors de la confection des budgets pro forma à l'OCAQ? Eux, ils nous ont répondu: Si M. Garon change d'avis et coupe tous les budgets... Quant à cela, il y a un programme qui est là. Quand vous faites vos budgets, vous devez en tenir compte.

Est-ce normal qu'on demande à des jeunes de fournir 50 000 $ à 70 000 $ lors de leur établissement sur une ferme? Est-ce qu'on peut parler d'établissement quand on ne fait que refinancer à même la plus-value gagnée par l'inflation? (18 heures)

La solution que nous proposons c'est la création d'un mécanisme d'appel des décisions rendues par le conseiller en financement de l'OCAQ, y compris la déposition par écrit d'un dossier que le conseiller devra remettre à l'emprunteur. Ce dossier devra contenir la justification écrite de toutes les décisions prises, y compris les normes et autres renseignements qui ont contribué à la prise des décisions. De même, le dossier devra comprendre des mesures concrètes que le conseiller en financement suggère afin de voir se réaliser le ou les projets soumis. On devra aussi y retrouver le nom de celui qui a fait l'analyse, de même que ses qualifications, ainsi que le temps mis à l'examen du dossier. Je me souviens du cas d'un fonctionnaire, qui était à la Société du crédit agricole; il avait mis 45 minutes. Il était tout fier de nous dire qu'il avait mis 45 minutes pour étudier notre dossier. Nous avons travaillé un an, à quatre personnes, pour le monter. C'est frustrant dans ce temps-là. Il sera ainsi possible de mesurer le sérieux mis à l'étude d'un dossier.

Puis, s'il n'y a pas d'accord au niveau du conseiller en financement, qu'un comité de révision soit institué au niveau du bureau du directeur régional. Il est trè9 important que les dossiers soient réglés au niveau régional et à ce niveau seulement. Il n'y a aucune raison qu'un dossier se retrouve à Québec, alors que tous les intervenants sont dans la région.

À cette commission de révision, les producteurs agricoles seraient représentés, de même que le MAPAQ et l'OCAQ. Un producteur pourrait être représenté ou assisté par un professionnel de son choix, par un agronome et, je ne sais pas, avec l'expérience qu'on a eue, peut-être par un avocat. Ce serait peut-être de mise.

Avant de procéder à la liquidation d'une entreprise agricole, on devra examiner le cas devant cette même commission. Si la décision est prise de mettre l'entreprise en faillite, la commission surveillera la liquidation des actifs, de manière que le producteur et les créanciers soient protégés. On éviterait, de cette manière, les dangers du favoritisme et on protégerait le trésor public des pertes indues, comme, par exemple, dans le cas de prêts consentis par les institutions privées et garantis par l'OCAQ, alors que des biens sont liquidés à des prix dérisoires. L'OCAQ doit combler la perte que la banque subît.

Les normes et les références économiques qui servent à l'analyse du dossier devraient être revues et corrigées, de manière qu'elles soient régionales et non plus une moyenne provinciale. Il n'y a aucune raison qu'un dossier de l'Abitibi ou du Bas-Saint-Laurent soit jugé au travers de normes recueillies au centre de la province. On devrait aussi clairement définir et rendre public le rôle de l'Office du crédit agricole, ainsi que ce qu'on entend par "ferme familiale". Il y aurait aussi intérêt à ce que les employés de l'OCAQ suivent et réussissent - j'insiste sur le mot "réussir" -des cours de relations humaines, de manière que le public soit traité de façon courtoise lors de ses contacts avec l'office.

Tout ceci peut très bien être corrigé rapidement et dans le cadre de l'office. Il n'est pas nécessaire d'attendre la création d'une banque de financement ou d'autre chose. Ce sont des choses qui peuvent être faites maintenant. Nous croyons que l'agriculture, une richesse renouvelable, a un rôle important à jouer dans le développement économique des régions périphériques et que le système de financement agricole devra favoriser la présence d'une agriculture forte et à la fine pointe de la technologie moderne.

Le reste, vous pourrez le retrouver; ce sont des photocopies de documents de l'office, de même que de la correspondance qu'on a échangée avec l'office durant les huit mois qu'a duré notre dossier, de même que des lettres d'appui du coordonnateur. C'était signé par le coordonnateur adjoint de Rimouski et d'autres experts du ministère.

Le Président (M. Dupré): Merci, monsieur. Le député d'Arthabaska a demandé la parole.

M. Baril (Arthabaska): Oui.

Le Président (M. Dupré): On vous fera part du temps que vous avez, M. le député, dans quelques minutes.

M. Baril (Arthabaska): Merci bien. Je vous remercie d'abord d'avoir bien voulu travailler pour nous présenter ce mémoire, qui, à vous entendre et à première vue, ne semble pas avoir une vision trop glorifiante de l'Office du crédit agricole, dans votre coin.

Sur ce sujet, j'aimerais savoir: Est-ce que l'ensemble des conseillers financiers de l'office sont tous pareils ou si, sur le groupe, il y en a quelques-uns qui sont "parlables"?

M. Stevenson: C'est-à-dire que c'est toujours dangereux de généraliser. Notre rôle...

M. Baril (Arthabaska): Pardon?

M. Stevenson: C'est toujours dangereux de généraliser.

M. Baril (Arthabaska): Oui.

M. Stevenson: Notre rôle, c'était de faire ressortir les mauvais points. Si je vous parle de nos expériences personnelles, on a quand même connu, dans le cheminement du dossier, du monde qui était "parlable". Mais au niveau de l'office - là, c'est mon opinion personnelle, vous pouvez la prendre, cela vaut ce que cela vaut - j'ai l'impression que l'étroitesse d'esprit, cela doit être l'un des points sur lesquels ils jugent leurs candidats quand ils les engagent. Ce n'est pas possible de voir comment un groupe de personnes puisse avoir une vision aussi étroite, aussi restrictive, aussi négative de leur mission. Donc, c'est cela...

Je comprends que quelqu'un qui prête de l'argent, il faut toujours être prudent, je suis capable de comprendre cela. Mais à partir du moment où le problème, pour eux, c'est de dire "non", de faire comprendre et de faire accepter que c'est "non", que ce n'est pas rentable, que ce n'est pas faisable, blabla blabla, c'est cela. Donc, vous arrivez là-bas et c'est toujours de la défensive. Je comprends les femmes collaboratrices qui parlaient tantôt. Le gros problème de l'Office du crédit agricole, c'en est un d'ouverture d'esprit. L'esprit, c'est comme un parachute, pour que cela marche, il faut que ce soit ouvert. Et à l'office, c'est bien de valeur... Il n'y a pas que les jeunes qui en subissent les conséquences, les femmes aussi, ainsi que les producteurs.

M. Baril (Arthabaska): Comment y a-t-il de conseillers au bureau local?

M. Stevenson: Avoir au bureau de Rimouski. Je sais que le nombre a augmenté dernièrement, mais pour la région, il doit y en avoir environ quatre ou cinq, peut-être six.

M. Baril (Arthabaska): Peut-être que je vais trop dans les détails, est-ce que ces conseillers, selon vous, proviennent de la région ou s'ils proviennent de Québec, de Montréal ou...

M. Stevenson: Malheureusement, c'est cela qui est pénible. La plupart du temps, ils viennent de la région. Je veux dire, il me semble que c'est moins dur de recevoir une claque de quelqu'un qui vient d'en dehors. Tu dis: Écoute, au moins, il ne connaît pas cela. Il n'est pas au courant. Mais, quand c'est du monde de la place, c'est encore plus pénible.

M. Baril (Arthabaska): Évidemment, vous n'avez le droit du choix du conseiller. Vous êtes obligé de prendre celui qu'il y a.

M. Stevenson: Absolument pas. Même pire que cela. Quand on est allé en révision, j'avais pris la liberté d'appeler une personne qui fait des révisions. Son nom m'avait été conseillé par un des experts du MAPAQ qui nous appuyait réellement. J'appelle le gars. J'ai dit: On ne parlera pas du dossier, je comprends que tu ne peux pas parler de quelque chose que tu n'as pas dans les mains, mais on va parler de la manière dont vous traitez les dossiers. En fin de compte, on en avait trouvé un qui avait du bon sens, qui était assez ouvert. Naturellement, il a été écarté et envoyé ailleurs quand notre dossier est arrivé. Ce n'est pas lui qui l'a eu. C'était le seul qui avait du bon sens sur la "gang".

M. Baril (Arthabaska): Dans le refus de la demande, les raisons, je suppose, c'est la lettre typique qui dit que c'est non rentable.

M. Stevenson: Oui, c'est cela. Le gars me dit: Je ne peux pas recommander cela. -Comment cela? - Bof! Je n'y crois pas. En tout cas, le directeur régional va le voir. Il faut voir aussi que pendant ce temps-là, ce qui arrive bien souvent, c'est que le temps s'écoule. Nous autres, cela a pris huit mois. Naturellement, au bout de huit mois, la ferme était vendue. On avait tout perdu. Là, ils nous disent: Bien, vous savez, vous êtes les malheureuses victimes d'un malheureux concours de circonstances: les vacances, les compressions, la coupure de personnel. Les prétextes sont tous là. Mais, nous autres, dans cela. Ce qu'on a perdu, est-ce qu'il y a quelqu'un qui a déjà pensé... Écoutez...

M. Baril (Arthabaska): Est-ce que c'était une ferme que la coopérative voulait acheter?

M. Stevenson: C'est cela. On avait une offre d'achat dessus.

M. Baril (Arthabaska): C'était pour quelle production?

M. Stevenson: C'était pour établir un parc d'engraisssement et puis, bon... Ils nous ont dit: Ce n'est pas de notre faute. Vous savez, ce sont les vacances d'été. En fin de compte, le temps s'est écoulé et rendu au mois de mars, on a reçu une lettre nous disant - la lettre est d'ailleurs annexée au dossier - que notre dossier n'était pas sérieux. Ils ont dit: Vous déclarez des revenus dans vos pro forma de 60 000 $ supérieurs à ceux d'un producteur moyen, vous autres. Mais, c'est normal. Écoutez, on recevait 250 000 $ de subvention du fédéral, par année. J'espère qu'on était un petit peu différent des autres. Même si c'en est quasiment gênant, ce n'était pas plus rentable. Mais, eux, de toute façon, ce dossier, ils n'ont jamais travaillé dans l'optique de dire! D'accord, il n'est peut-être pas parfait, on va travailler pour l'améliorer et le mettre passable. Il me semble que ce serait le rôle de quelqu'un qui est payé par l'État. Eux, leur idée, c'était un peu comme des gardiens de but. C'était de bloquer les rondelles. Tous les moyens sont bons. Il en passe quelques unes de temps en temps. C'est la "bad luck". Mais, tu bloques parce que tout simplement, il n'y croit pas.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce que c'est dans ce dossier ce dont vous partez, le fait qu'on ait voulu vous imposer une production?

M. Stevenson: C'est-à-dire, que ce n'est pas qu'on veuille nous imposer une production, mais on veut nous imposer des normes de production dans l'établissement des pro forma, des budgets pour calculer la rentabilité. Bon, si on est assis à la table et qu'on décide de faire un budget pro forma, il faut au moins parler de la même chose. La première chose qu'on a faite dans les pro forma, on disait au gars: Il me semble que tes chiffres sont trop loin des nôtres. On allait voir un petit peu plus loin et son comparateur c'était un parquet d'engraissement dans le bout de Drummondville qui utilisait du maïs. Chez nous, qu'est-ce que vous voulez, il en pousse du maïs, mais quatre ans sur cinq, il ne mûrit pas.

Mme Hammond (Cécile): Il n'y avait pas de normes de référence économique sur le fait qu'on alimentait les animaux avec de l'ensilage d'herbe.

M. Baril (Arthabaska): Justement dans cette production, vous disiez, vous me direz si je me trompe, je pense que c'est à base d'orge, de l'ensilage d'orge?

M. Stevenson: L'ensilage d'herbes et d'orge.

Mme Hammond: L'ensilage de bonne qualité.

M. Stevenson: Ce sont les produits qui poussent chez nous.

M. Baril (Arthabaska): Vous aviez dit que cela venait de je ne sais pas quoi, de quelle province, en tout cas.

M. Stevenson: La ferme expérimentale, c'est celle de Kapuskasing.

M. Baril (Arthabaska): C'est cela. M. Stevenson: C'est assez renommé. M. Baril (Arthabaska): Dans l'Ontario.

M. Stevenson: Dans le nord de l'Ontario.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce que vous aviez l'expertise ou la certitude que ce mode de production était adapté au climat, chez vous, à la région, qu'il y avait des réussites?

M. Stevenson: Premièrement, on a visité la ferme de Kapuskasing. On y a séjourné. On a pris connaissance des résultats d'expériences. C'est sûr que si vous comparez les climats, ils ont un climat continental donc extrêmement froid et sec l'hiver et l'été, c'est pluvieux. Nous, nous avons plutôt un climat maritime... C'est peut-être plus le secteur de l'agronome.

Mme Hammond: Les conditions climatiques se ressemblent quand même beaucoup dans l'ensemble. D'ailleurs ces techniques ont été expérimentées dans l'Abitibi auparavant avant que nous fassions la demande. On a d'ailleurs visité d'autres fermes là-bas.

M. Stevenson: Ce qui est surprenant c'est de voir que, justement, en Abitibi, l'équipe régionale du MAPAQ fait la promotion de ce type d'agriculture. Ils sont chanceux, ils ont une équipe dynamique, cela fonctionne. Nous, dans le Bas-Saint-Laurent, le directeur de l'Office du crédit agricole n'y croit pas alors que par une drôlerie administrative, il se retrouve aussi directeur en Abitibi. Ce sont deux régions jumelées par l'Office du crédit agricole, l'Abitibi et le Bas-Saint-Laurent.

M. Baril (Arthabaska): Les représentants du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, quelle est leur façon de voir? Est-ce qu'ils sont positifs ou négatifs comme les gars de l'office?

M. Stevenson: Non, il y a une plus grande ouverture d'esprit, du moins de la part de certains. Ce qui arrive, c'est que, au niveau du MAPAQ, on a toujours été appuyé. Tant que cela allait bien, on a eu des lettres d'appui du MAPAQ. Quand on a commencé à se battre un peu fort dans les coins, ils ont reculé un peu.

Mme Hammond: Ils ont toujours été positifs face au projet en tant que tel mais, par contre, lorsqu'est venu le temps de s'impliquer, de se contrarier d'un côté et de l'autre, cela n'a pas été le cas. On a refusé de s'impliquer et on s'est tout simplement retiré plutôt. On a fait la sourde oreille.

M. Stevenson: C'est assez drôle de voir dans quels termes, par exemple, un directeur régional du MAPAQ vous écrit une lettre d'appui et, deux mois après, quand cela chauffe avec l'office, il vous envoie une deuxième lettre pour nuancer la première et en demandant presque de ne pas trop se servir de la première. Il ne veut pas être mis au centre de la bagarre.

M. Baril (Arthabaska): Avant de l'oublier et de passer à un autre sujet, c'est une question que je pose à différents organismes, pensez-vous que les agriculteurs chez vous seraient prêts, lorsqu'ils font une demande d'emprunt à l'office, s'ils recevaient un formulaire après, ce formulaire n'est pas numéroté mais il permet à l'emprunteur d'évaluer le travail effectué par le conseiller financier par bon, moins bon, pourquoi il n'est pas bon, qu'est-ce qu'il n'a pas aimé du conseiller financier et il retourne cela, sans signature pour ne pas qu'il y ait de représailles possibles après, quelles seraient leurs idées là-dessus? Y a-t-il une ouverture là-dessus? C'est pour améliorer le service.

M. Stevenson: Je ne les ai jamais consultés quoique je connaisse quand même assez bien mes concitoyens. Vous posez là la question de la confiance. C'est une confiance, chez nous, qui existe malheureusement de moins en moins et quand on ne fait pas confiance, on ne parle pas; c'est trop dangereux que cela revienne. Le cas de gens qui se sont fait serrer les bras en disant: Tu te tiens tranquille, c'est arrivé chez nous. Je suis peut-être méfiant mais, dans mon cas, j'ai téléphoné à l'office un jour où je suis venu à Québec. Cela pressait, j'étais payé par le gouvernement fédéral pour ces dossiers, je faisais mon ouvrage et je voulais discuter de quelle manière ils seraient traités. Il y a un avocat de l'office qui m'a dit: Tu m'as fait perdre quatre heures hier, toi, si on met le nez dans ton dossier... En tout cas, il a prononcé des paroles plus que cela. Je suis méfiant et en arrivant chez nous, une semaine après, je me fais couper ma marge de crédit à la banque, garantie par l'Office du crédit agricole. J'ai dit: À mon avis, il y a un lien. Après cela, j'ai écrit au ministre Garon et je me suis plaint. Un an, jour pour jour - cela en est remarquable, je ne peux pas l'oublier - la banque, qui m'avait consenti un prêt d'amélioration de ferme pour lequel j'étais en retard - il faut le dire - me l'a retiré; en dedans de 48 heures, ils m'ont demandé de rembourser 85 000 $. Je ne dis pas qu'il y a un lien en dessous de cela mais n'empêche que quand je suis tout seul, parfois je pense qu'il y en a un.

M. Baril (Arthabaska): C'est ce que j'allais vous demander, dans l'ensemble, les institutions financières privées, quelle est l'ouverture qu'elles ont face à l'agriculture de votre région?

M. Stevenson: Un banquier m'a dit: Pour autant que l'office nous "back", on ne peut pas perdre un cent.

M. Baril (Arthabaska): C'est bien évident.

M. Stevenson: Notre problème, c'est que quand on est arrivé à la Fédération des caisses populaires de Rimouski et qu'on se débattait comme des diables dans l'eau bénite, les gars disaient: Pour moi, il n'y a pas de problème, téléphone à l'office et si on te donne un "go" je te sors l'argent tout de suite, cet après-midi.

M. Baril (Arthabaska): C'est bien évident, cela. Moi-même, je vais vous prêter - si j'en avais remarquez bien - tel montant si le gouvernement me le garantit en arrière.

Mme Hammond: Toutes les institutions financières se réfèrent à l'office.

M. Baril (Arthabaska): C'est un manque de responsabilité de leur part.

Mme Hammond: Si on a été refusé à l'office une fois, on est refusé partout.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce qu'il y a un bureau de la Société du crédit agricole chez vous? (18 h 15)

M. Stevenson: Oui. D'ailleurs, je l'ai sauté dans le texte mais, quant à mot, à la Société du crédit agricole, chez nous, ils ont pratiqué des taux usuraires et maintenant ils n'ont que des conseils d'experts à nous offrir. Cela fait qu'ils peuvent les garder quant à moi pour qu'ils ne soient pas dans le décor. Je m'excuse. Ce qui arrive c'est qu'à force de rencontrer une attitude bornée comme cela, il vient que nous aussi on devient bornés et on ne veut rien savoir.

M. Baril (Arthabaska): Remarquez bien, sur les taux usuraires de la société, je pense...

M. Stevenson: Quand elle prêtait à 16%, je vous dis que...

M. Baril (Arthabaska): Je pense que nous, le gouvernement du Québec, on a fait notre part pour essayer de les faire baisser, mais ce n'est pas nous qui menons de ce côté. On a fait notre part auprès de l'office. Ma question était: Un jour ils ont dû prêter eux, les gars de la société, il y a trois ou quatre ans quand les taux d'intérêt étaient pas pires, c'était quoi leur attitude? Est-ce qu'ils avaient une attitude aussi négative que les gars de l'office, pire ou moins pire?

M. Stevenson: C'est cela. En réalité, nous autres on ne s'est jamais chicané avec les bâtisses ou les meubles, c'est avec les fonctionnaires qu'il y a là. Quelque chose à remarquer c'est que ce groupe de personnes avaient quand même une formation qui était commune. C'est là, le problème, il est au niveau des individus, il n'est pas au niveau des... Si vous faites les plus belles lois et que vos fonctionnaires ne les font pas appliquer ou les appliquent d'une manière restrictive, le résultat est le même.

M. Baril (Arthabaska): Donc, si je résume - remarquez bien que je ne veux pas vous interpréter et vous me direz si ce n'est pas vrai - tant au niveau des fonctionnaires de la société que des fonctionnaires de l'office, ils semblent avoir la même attitude.

M. Stevenson: La même attitude, oui.

M. Baril (Arthabaska): Je vais revenir. Vous avez fait mention à une place, aussi, dans votre mémoire, c'est à la page 9, je crois. On dit que la relève n'est pas suffisante dans votre coin, dans votre région. Est-ce parce que les jeunes sortent de la région? C'est quoi?

M. Stevenson: C'est cela. Le jeune qui vit sur une terre, la plupart du temps ce n'est pas tellement payant, cela fait qu'il a un petit salaire et tout cela. Il ne peut jamais ramasser assez de comptant pour rencontrer les normes de l'office. Vous savez, c'est un peu comme dans l'émission qui passe à Radio-Canada. C'est le grand-père qui est possesseur de la ferme, le père a travaillé toute sa vie, le petit-fils est en âge, lui aussi, cela fait qu'il sacre son camp. Écoutez! Quand il n'y a plus rien à faire...

M. Baril (Arthabaska): Quelles sont les possibilités de formation pour les jeunes? Est-ce qu'il y a un cégep ou un collège à

Rimouski qui dispense...

M. Stevenson: Oui, sur cela on est quand même assez bien...

M. Baril (Arthabaska):... la formation agricole?

M. Stevenson: C'est cela.

Mme Hammond: II y a la polyvalente de Rimouski qui donne le cours d'agro-technique et il y a le cégep de Matane qui donne le cours d'exploitant agricole, en tout cas, gestion de fermes...

Une voix: II y a l'ITA.

Mme Hammond:... et il y a l'ITA de La Pocatière un peu plus loin.

M. Stevenson: C'est sûr que de la formation on n'en a jamais assez, mais je trouve que ceux qui ont essayé de faire biaiser le débat en disant que ce n'était qu'un manque de formation, ce n'est pas vrai. C'est un des problèmes de la relève agricole, mais cela c'est corrigible. Il y a assez d'agronomes en chômage pour leur donner des jours. Donc, ce n'est pas cela le problème, c'est l'accessibilité au crédit. J'ai un ami, cela fait quatre ans que je le connais; quand je l'ai connu il avait 21 ans, il venait de se marier, il avait un enfant. Ils l'ont endetté de 215 000 $, d'accord. À chaque mois, il lui reste à peu près 1600 $ par mois, très exactement, pour vivre et faire ses paiements, une fois qu'il a fait son paiement à la Société du crédit agricole... Au mois de février, ce n'est pas trop pire, il y a quatre semaines, mais quand il poigne des mois de cinq semaines, quand il poigne des imprévisibles, ce n'est pas drôle dans ce temps-là.

M. Baril (Arthabaska): Une dernière question parce que c'est comme une partie de hockey, ici, on est limité nous. Au niveau du crédit, peut-être que vous allez me dire que cela ne s'applique pas chez nous parce qu'ils ne prêtent pas du tout, pensez-vous qu'une politique de crédit trop expansionniste, trop ouverte soit auprès de l'office ou au niveau des banques, peu importe, que cela pourrait participer à faire augmenter le prix des terres?

M. Stevenson: C'est-à-dire qu'il faudrait que l'office accepte de reconnaître une valeur à nos terres. II n'en donne même pas. C'est sûr qu'il y a des dangers à être trop libéral, de ce côté cela pourrait amener des problèmes. Cela c'est sans référence...

M. Baril (Arthabaska): II n'y a pas juste dans cela que c'est dangereux d'être libéral.

M. Stevenson: Non, mais je veux dire que si vous prêtez à outrance... Il me semble qu'il y a le gros bon sens, ce qu'on appelle le "GBS" chez nous, cela serait censé... C'est entendu que si vous prenez quelqu'un qui n'a pas un cent et que vous l'endettez de 215 000 $, qu'il n'a pas de comptant à donner, peut-être que deux ans après il va dételer, il va dire: Je suis écoeuré. Tandis que quelqu'un qui met une certaine partie, mais pas de là à exiger 70 000 $ d'un jeune. J'approche de 40 ans et je n'ai jamais eu 70 000 $ et j'ai travaillé toute ma vie. Ce n'est pas un jeune de 20 ou 22 ans qui va pouvoir se promener avec 70 000 $, sauf si son père lui donne 70 000 $. Cela c'est le problème.

M. Baril (Arthabaska): Je vous remercie. Il y a quand même quelques points qui sont positifs. Je ne veux pas dire que les autres ne le sont pas, mais qui retiennent mon attention, entre autres quand vous avez parlé d'une demande de remboursement deux fois par année pour une production qui a un revenu une fois par année.

M. Stevenson: Oui,

M. Baril (Arthabaska): Je pense qu'il y a peut-être quelque chose à regarder à ce niveau. En tout cas, ensemble, lorsqu'on fera le bilan de la commission, on essaiera de ramasser le tout et de faire des suggestions en conséquence.

Le Président (M. Vallières): Merci. Si le député de Huntingdon me le permet, j'aurais une question à l'endroit des gens qui sont ici. Vous nous avez parlé du manque de possibilité de faire appel des décisions de l'office. Vous avez dû être informés que notre commission a recommandé au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de former une pareille commission. L'objet de ma question, ce serait de savoir: Dans votre optique, quelle devrait être la composition d'une pareille commission d'appel des décisions de l'office?

M. Stevenson: C'est un peu ce qu'on a décrit tantôt. Un mécanisme d'appel devrait, quant à moi, obligatoirement comprendre du personnel qui viendrait d'en dehors de l'Office du crédit agricole, qui viendrait du MAPAQ, du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qu'il y ait au moins un représentant de ce dernier. Elle devrait comprendre aussi au moins un représentant du monde agricole. Je me dis que, en plus - parce que, quand même, cela devient de plus en plus complexe, technique, technocratique, des papiers et tout... Pour le producteur qui passe devant cette commission de révision, il faudrait qu'il ait la possibilité d'être défendu par un professionnel, que ce soit un agronome ou un avocat. C'est d'ailleurs ce qu'on nous a dît à l'Office du crédit agricole: Si cela continue, vous allez arriver ici avec des avocats. Dans certains cas, cela prendrait peut-être des avocats, pour être sûr qu'il n'y aura pas de piège ou que les droits de tout le monde vont être défendus.

Mais quand votre dossier passe en révision devant un collègue du gars qui vous a refusé et qu'il n'y a pas personne pour lui demander des comptes, qu'est-ce que vous pensez qui va arriver? La solidarité, cela existe. Ils lisent le dossier et... Il n'y a pas de mécanisme d'appel.

Le Président (M. Vallières): Ce matin, la Société du crédit agricole nous disait qu'il y a déjà une commission d'appel.

M. Stevenson: Oui, à ce niveau-là.

Le Président (M. Vallières): On nous indique que ce sont seulement des producteurs agricoles qui font partie de la commission et que dans beaucoup de cas, cela semble donner des résultats assez intéressants.

M. Stevenson: Oui, dans le cas de la société, cela va donner de bons résultats pour les anciens prêts; comme je vous dis...

Le Président (M. Vallières): Les anciens prêts.

M. Stevenson:... des nouveaux, il n'y en a plus. C'est sûr que leurs problèmes vont se régler avec le temps, ils vont débarquer du marché. Ce serait peut-être un modèle. Quand même, j'ai connu des cas de producteurs qui ont vu des décisions renversées.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais indiquer, monsieur, que sur le dossier particulier, il nous est assez difficile de porter un jugement de valeur parce qu'on n'a pas toutes...

M. Stevenson: Vous n'avez pas le dossier.

M. Dubois:... les informations nécessaires pour dire "vous auriez dû être accepté ou non", vous savez. Vous avez mentionné avoir dépensé 100 000 $ pour monter le dossier...

M. Stevenson: Oui.

M. Dubois:... de l'élevage de bovins.

M. Stevenson: Oui.

M. Dubois: Est-ce que cela a été financé par une subvention fédérale?

M. Stevenson: C'est cela. On a eu une subvention du programme PACLE pour faire une étude de faisabilité. Ce qui devait s'avérer facile a été plus dur que prévu. Donc, on a même dépassé les 100 000 $, nos membres ont fait du travail bénévole. On a vendu le fruit de ce travail et on se finançait à même cela. Dans notre cas, cela fait trois ans et demi qu'on est quasiment à temps plein sur ce dossier.

M. Dubois: Combien y aurait-il eu de personnes d'impliquées dans le dossier de l'élevage de bovins?

M. Stevenson: Pour la confection du dossier?

M. Dubois: Non, non. En fait, supposons que cela aurait été accepté à l'office...

M. Stevenson: Ah, on prévoyait...

M. Dubois:... cela amenait la création de combien d'emplois.

M. Stevenson: D'accord. On prévoyait fournir de l'ouvrage, durant la phase d'expansion de l'entreprise, au moment où elle était pleinement subventionnée par le programme PACLE, à une quinzaine d'emplois à l'année, autant de saisonniers. Quand le programme PACLE aurait été retiré, le cadre même, c'était six personnes.

Maintenant, cela a fait l'objet d'une méchante discussion à l'office. C'est là qu'on pouvait voir l'ouverture d'esprit. Voyez-vous, quand vous en êtes rendu à chicaner sur le fait de dire "trois couples ou six personnes"... C'est sûr que trois couples, c'était plus acceptable que six personnes. Je comprendsl C'est parce qu'ils ne reconnaissaient pas la valeur du travail fourni par les femmes. Comprenez-vous? Donc, pour eux, trois couples, c'était acceptable; six individus, c'était non acceptable. En fin de compte, quand on charrie sur des affaires comme cela...

M. Dubois: Sans vouloir défendre l'office du tout, seulement une remarque en passant, j'imagine que les critères d'admissibilité pour un prêt seraient les mêmes dans votre région qu'ils le sont ailleurs au Québec. J'imagine qu'il n'y a pas deux genres de critères à l'Office du crédit agricole. Alors, ils doivent étudier votre dossier, j'imagine...

M. Stevenson: Oui, vous avez...

M. Dubois:... de la même façon qu'il pourrait être étudié dans la région de Saint-Hyacinthe, par exemple.

M. Stevenson: Pas tout à fait. M. Dubois: Disons que...

M. Stevenson: Parce qu'ils font intervenir d'autres facteurs.

M. Dubois: Je comprends qu'il y a un facteur climat, un facteur productivité...

M. Stevenson: Un facteur de désuétude économique, des choses comme cela.

M. Dubois:... un facteur socio-économique, cela est sûr. Mais dans la réglementation, qui assujettit quand même les officiers de l'office pour prêter, la variation n'est pas grande.

M. Stevenson: Non, probablement qu'à ce niveau, c'est sûr.

M. Dubois: Mais il reste une chose, c'est que l'Office du crédit agricole est un mandataire du gouvernement du Québec. De par la voix du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, des amendements s'apportent à des lois. D'accord? Une réglementation s'apporte sur l'opération. de l'Office du crédit agricole. Cela est une volonté ministérielle.

M. Stevenson: Oui.

M. Dubois: Si l'office est pris dans un carcan de réglementation qui l'empêche d'être flexible, qui l'empêche d'étudier à sa valeur, dans une région donnée, selon les conditions données, un dossier, s'il est limité dans la réglementation, c'est assez difficile, je pense - je me mets à la place de l'officier... Là, je ne veux pas entrer dans les détails parce que le comportement, c'est autre chose...

M. Stevenson: D'accord. Je comprends cela. D'ailleurs, M. Moreau s'était défendu comme cela, en disant qu'il était prisonnier des lois. Sauf que même le gouvernement, comme je vous dirais, avec plus de poigne, même un gouvernement qui gouvernerait par décret, il ne peut pas décréter une ouverture d'esprit. C'est cela, le problème.

M. Dubois: Je suis d'accord, c'est pour cela que je fais cette nuance.

Mais il reste que la volonté politique qu'il pourrait y avoir, d'aider particulièrement une région à se développer, de prendre en considération le sous-emploi, le sous-développement, le besoin d'arriver avec des projets, sans être rémunérateurs

pour personne, mais au moins qui feraient vivre le monde, sans que cela crée une richesse supplémentaire énorme, je pense qu'il y a des critères. Mais ces critères d'admissibilité, ce n'est pas l'office qui décide...

M. Stevenson: Ah non!

M. Dubois:... c'est le ministre. Enfin, le gouvernement décide, son ministre est le porte-parole. Le ministre décide de l'ouverture, si l'on veut, par ses règlements à l'endroit de l'office.

Je pense que la responsabilité n'est pas, d'un seul bloc, à l'office. Ils peuvent avoir, enfin, comme vous avez dit, un comportement, cela est autre chose. Je parle strictement des critères d'admissibilité. Avez-vous l'impression que les officiers du MAPAO parlent avec ceux de l'office, qu'ils se comprennent et qu'ils se transmettent des informations, qu'il y a, sans faire des recommandations... Parce que ce n'est peut-être facile, même ce n'est pas jugé à propos de faire des recommandations à l'office par d'autres intervenants qui ne sont pas dans cette boîte. Mais est-ce que vous avez l'impression que ces gens-là se parlent, se comprennent?

M. Stevenson: Ils se parlent, mais je me demande s'ils parlent le même langage. C'est peut-être cela, le problème.

M. Dubois: Étiez-vous mieux supporté par le MAPAQ que vous ne l'étiez par l'office?

M. Stevenson: Oui, oui. Au MAPAQ, on a eu une collaboration entière, totale durant un an, tant que cela allait bien. Quand on s'est présenté à l'office et que cela a commencé à brasser, là, comme je vous le dis, ils sont devenus plus prudents. Écoutez...

M. Dubois: Je dis cela parce que je pourrais peut-être recommander n'importe quoi, me montrer bon gars, je suis du MAPAQ. Ce n'est pas moi qui accorde les prêts.

M. Stevenson: C'est sûr.

M. Dubois: C'est facile, à ce moment-là, de montrer une ouverture d'esprit énorme. Quand vous arrivez à l'office, qui est te seul corps responsable d'un prêt, là, c'est une autre affaire, vous savez. Même si les officiers du MAPAQ se sont montrés très ouverts, il reste qu'ils savent très bien et pertinemment que ce n'est pas eux qui vont décider du consentement d'un prêt ou non.

M. Stevenson: C'est une chose que j'ai remarquée. Peut-être qu'en politique comme en musique, une main peut jouer une chose et l'autre jouer d'autre chose. C'est vrai! On peut jouer... En tout cas!

M. Dubois: À présent, vous avez parlé de menaces. Jusqu'à quel point est-ce que cela peut aller?

M. Stevenson: Écoutez, les grossièretés et les menaces, tous ceux qui ont passé à l'Office du crédit agricole ont su la technique de dire: Écoute le cave, tu ne connais rien, je suis agronome, je te dis que c'est cela. Le gars s'aligne. Cela est sûr. Ils ont toujours agi d'une manière agressive de ce côté. Comme je vous dis, j'ai comme l'impression que même leurs critères de sélection, lorsqu'ils engagent du personnel, c'est peut-être justement l'étroitesse d'esprit. Je regrette. Mais, personnellement, ceux que j'ai connus, qui étaient assez ouverts d'esprit, n'ont pas fait longue carrière dans cela.

M. Dubois: Si on va dans d'autres dossiers que celui que vous nous avez indiqué dans votre mémoire, qui touche l'élevage du bovin de boucherie, les producteurs de la région, est-ce qu'ils ont du ressentiment envers l'office, en majorité, ou si...

M. Stevenson: Oui, oui, je pense que c'est... C'est que c'est de valeur parce que, bien souvent, le fonctionnaire de l'office est assimilé au fonctionnaire du MAPAQ. Quant à moi, le MAPAQ, ce sont des missionnaires, ils font bien souvent du développement, parce qu'il y en a dans cela qui prennent leur travail à coeur. Voyez-vous? Le gars développe... C'est sûr qu'à force de se confronter à une attitude comme cela, il y a une attitude de défense qui se fait chez les producteurs. Donc, ils deviennent un peu moins ouverts aux changements: Méfie-toi, ce qu'ils disent, ce n'est pas eux qui paient quand cela va mal. Tout de suite, on se met dans une condition qui n'est pas propice à recevoir des enseignements ou de nouvelles techniques. Cela explique peut-être comment il se fait que l'agriculture, chez nous, s'est peut-être un peu éloignée de ce qui devrait être la fine pointe. Ils vont rester beaucoup plus traditionnels. Quand il arrive quelque chose de nouveau, ils se méfient. Cela, c'est normal, c'est tout simplement le résultat d'un état d'esprit qu'ils ont rencontré trop souvent. Cela a peut-être déteint sur les fonctionnaires du MAPAQ. Je me dis que ce n'est que normal quand un producteur a été frustré plusieurs fois ou qu'il a été malmené, ne lui demandez pas de faire confiance au premier venu. Cela explique d'ailleurs pourquoi plusieurs agronomes qui sont soit dans la pratique privée, soit à l'emploi de coop ou qui sont dans l'enseignement vont avoir une bien plus grande crédibilité parce

qu'il dit: Lui, il est plus indépendant, il ne cherchera pas à t'embarquer, ce qu'il dit c'est que c'est plus réel.

M. Dubois: Dans le projet spécifique que vous avez présenté à l'office, est-ce que vous avez ressenti un certain dirigisme de leur part aux fins de vous faire consentir à quelque chose d'autre que vous vouliez avoir ou de vous suggérer... Par exemple, il y a un modèle de 400 têtes qui existe...

M. Stevenson: Oui.

M. Dubois:... si le producteur se présente pour 200 têtes, on a entendu ce commentaire qu'il dirait: Le modèle, c'est 400 têtes et on vous paie des 400 têtes. Est-ce que c'est arrivé chez vous?

M. Stevenson: C'est cela que j'appelle une application trop rigide des normes ou des normes qui n'ont pas de bon sens, comprenez-vous. Le modèle standard c'est cela. Des fois vous regardez le modèle et tout à coup... Cela n'a pas de maudit bon sens. Il y avait un modèle dans la production de boeuf de boucherie et quand on le regardait... Le raisonnement était bon sauf que les bases n'étaient peut-être pas bonnes. La personne qui avait fait le modèle décidait que son producteur c'était un ancien producteur laitier qui avait vendu, échangé son quota, vendu sa machinerie et tout cela et il gardait quelques têtes de bétail. C'est sûr que le gars n'était pas endetté; il avait même de l'argent à la banque. Lui il pouvait "runner" avec beaucoup moins de profits et passer tandis qu'un jeune qui s'établit, lui, il doit tout. II doit sa machinerie, il doit ses animaux, il a une femme et des enfants, bien souvent, en bas âge qui coûtent cher. C'est à ce moment qu'il a le plus besoin d'argent. Comment voulez-vous entrer cela dans des normes aussi rigides et aussi inflexibles? Est-ce que ce sont des ordres qui sont arrivés directement du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Est-ce quelqu'un, une bonne fois, un technocrate qui a décidé que ce serait cela et qui a imposé son modèle? Je ne le sais pas. Jamais les producteurs n'ont été consultés sur cela, par exemple.

M. Dubois: Un dernier commentaire et je termine là-dessus. Après avoir entendu tous les rapports, les mémoires qui nous seront présentés - cela finit vendredi soir -nous aurons à recommander au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation certaines dispositions à prendre. C'est sûr que l'administration, peut-être, de l'office, la façon dont il administre, il va certainement y avoir des points qui vont être soulevés là-dessus. Mais il reste que cela va être toujours une décision ministérielle parce que si le ministre décide que cela ne compte pas, si le ministre décide qu'on limite les intérêts qu'on rembourse sur les prêts globaux au Québec, cela n'ira pas plus loin que cela va là. Cela dépend s'il y a une volonté ministérielle ou une volonté gouvernementale là-dedans bien plus qu'autre chose, je pense. L'office doit répondre quand même à un gouvernement et si le gouvernement dit: Limite tes dépenses, il faut qu'il limite ses dépenses et il faut qu'il prenne les moyens pour limiter ses dépenses. En ce sens, c'est sûr que nous aurons des recommandations à faire et quand on aura étudié à leur juste valeur tous les mémoires qui auront été présentés jusqu'à vendredi soir, on sera certainement en mesure de recommander des choses. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Je vais être bref. Je vais citer la page 12 de votre mémoire, en bas, les deux dernières lignes et la ligne suivante: "Même s'il avait le titre de conseiller en financement agricole, en aucune circonstance il n'a accepté de nous conseiller préférant refiler le tout à son directeur. Il nous a été impossible de savoir de quelle manière ce dossier avait été traité. " Est-ce que vous êtes sous l'impression ou si vous avez déjà posé la question à savoir que les fonctionnaires qui sont dans le champ comme ceux qui sont dans les bureaux, auraient une directive d'en haut afin de prêter le moins possible, de donner le moins de chance possible pour décourager le plus possible pour qu'on ne sorte pas d'argent ou qu'on n'endosse pas, cela revient au même, endosser ou en sortir. Moi, si j'endosse je perds de l'argent, cela revient au même. Si cela va mal je vais en perdre de toute façon. Est-ce que vous êtes sous cette impression ou est-ce que vous en avez entendu parler? Est-ce que vous avez déjà posé la question à un fonctionnaire?

M. Stevenson: Non, je n'ai jamais eu de réponse sur cela, quoique la situation économique, il y a deux ou trois ans, était assez désastreuse. C'est sûr - je prends mon cas personnel - qu'il y a eu des programmes qui nous ont incités à sortir l'argent qu'on avait dans nos poches. Si vous embarquez sur un programme comme le boeuf de boucherie ou une affaire comme cela, le MAPAQ vous disait: Allez-y les gars, on va même vous donner des subventions sauf que jamais il n'a promis de faire du financement, comprenez-vous. Je peux vous citer plusieurs gars chez nous, des gars qui y sont allés à coup de centaines de mille, qui ont sorti du bel argent gagné depuis des années. Vas-y! Fais-

tes preuves! Sois sérieux! Cela fait que le gars pour montrer qu'il était sérieux il dépensait. Le MAPAQ remboursait 50% de ces investissements, d'accord, mais le reste, le gars se retrouvait avec un compte. II se présentait pour se faire financer et personne ne finançait. C'est cela, c'est deux poids, deux mesures. Si on met d'avant des programmes, il faudra mettre le financement qui va avec.

M. Houde: Oui, mettre le tout, pas seulement la clé. Merci beaucoup pour moi.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Papineau.

M. Assad: M. le Président, après avoir écouté ce monsieur, je comprends, parce que j'ai assisté dans ma région, à maintes reprises, à des réunions où les gens présentaient leur bilan pour obtenir un prêt de crédit agricole. Évidemment, j'ai noté que c'était très difficile parce qu'on ne parlait pas des mêmes chiffres.

Une voix: C'est cela.

M. Assad: II y avait plusieurs cas, mais il y en avait un en particulier qui était frappant. C'était un gars qui oeuvrait dans le domaine de la culture des champignons. On sait que les banques à charte sont très rigides. Il avait donné une évaluation de l'équipement, des bâtisses et le reste, et l'Office du crédit agricole avait décidé que c'était la moitié de cela. Donc, vous avez raison, et s'il y a des députés qui n'ont jamais assisté à des réunions de crédit agricole avec des agriculteurs de leur région, cela vaudrait la peine. Ce serait une bonne expérience.

M. Stevenson: C'est frustrant parce que même si vous vous servez des mêmes livres - on parle d'un modèle économique. On sait lire nous autres aussi et on peut les avoir; il faut payer. Eux autres sont chanceux; ils ne paient pas pour les avoir - c'est l'état d'esprit dans lequel c'est accueilli. De plus, au Québec, on est spécialisé dans la production laitière, mais on n'a pas de tradition dans d'autres productions. Par exemple, vous allez à Calgary, vous vous présentez dans une banque et vous dites au gérant de banque: J'ai besoin d'une marge de crédit de 500 000 $. Il va vous dire: "The mill is here". Là-bas, c'est la grosse industrie. Pas besoin de niaiser, le gars sait à peu près ce que cela coûte. Ici, en plus - il faut déjà défricher; ce n'est pas payant défricher, d'ailleurs - il faut déjà combattre tous les préjugés, amener quelque chose de nouveau. Le gars est assis sur sa chaise, il se berce et il dit: Ce n'est pas rentable, ce n'est pas rentable, ce n'est pas rentable. Normalement, comment dire, avec ses connaissances - après tout, il va étudier tout - il devrait plutôt travailler pour réaliser ce projet. Il est payé pour cela, et ils sont assez bien payés, merci. Ce n'est pas cela. Ce que cela prend, ce n'est pas une banque de financement et ce n'est pas de tout changer et de "bulldozer" toutes les bâtisses. Ce que cela prend, c'est simplement des petits correctifs, une petite goutte d'huile quelque part pour que cela arrête de frotter et que la machine se remette en mouvement. Tant que vous allez avoir des gens qui vont "runner" comme cela, écoutezl Cela fait penser à un char qui vient pour tourner dans une courbe et les deux roues tournent chacune dans leur sens. Cela va mal.

Une voix: Ça ne va pas loin.

Le Président (M. Vallières): Ceci met fin au bloc qu'on s'était donné concernant la Coopérative des travaileurs agro-forestiers de la Mitis. Je vous remercie au nom de tous les parlementaires de votre contribution à nos travaux.

J'indique aux membres de la commission que, demain, nous reprendrons nos travaux à 10 heures et leur demande de faire le maximum pour être là à l'heure. Là-dessus, nous vous remercions et la commission, ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 38)

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