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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Le mandat de la commission consiste
à procéder à des auditions publiques dans le cadre de la
consultation générale sur les aspects de la relève, du
financement et de l'endettement agricoles au Québec.
Les membres de la commission pour cette séance sont les suivants:
MM. Baril (Arthabaska), Beaumier (Nicolet), Beauséjour (Iberville),
Dubois (Huntingdon), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Houde
(Berthier), Lévesque (Kamouraska- Témiscouata), Maltais
(Saguenay), Picotte (Maskinongé), Proulx (Saint-Jean), Vallières
(Richmond). M. Mathieu (Beauce-Sud) est remplacé par M. Assad
(Papineau).
Je voudrais inviter immédiatement le premier groupe à se
présenter. Il s'agit du Comité provincial des femmes en
agriculture. Je veux, à ce moment-ci, vous souhaiter la plus cordiale
bienvenue à ces audiences. Je vous remercie à l'avance pour le
témoignage que vous rendrez. Je souhaite également la bienvenue
à cet imposant groupe de représentantes des agricultrices du
Québec. Soyez assurées que tous les parlementaires autour de
cette table sont très heureux de votre très forte participation
et ont hâte de pouvoir échanger avec vous des propos sur vos
diverses revendications. Là-dessus, je demanderais à la
présidente, Mme Ferron, de bien vouloir présenter l'équipe
qui l'accompagne.
Comité provincial des femmes en
agriculture
Mme Ferron (Luce): Bonjour! Le Comité provincial des
femmes en agriculture désire remercier la commission de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation pour le temps mis à sa
disposition. Notre comité représente les femmes travaillant en
agriculture, soit comme productrices ou comme collaboratrices. Nous sommes
heureuses de vous présenter ce mémoire qui constitue une
étude fondée sur les besoins spécifiques des femmes et non
sur les principes économiques. Égalité et
légalité, voilà notre principal objectif.
Je salue chaleureusement toutes les femmes qui se sont
déplacées pour venir ici. Leur présence vient confirmer
leurs besoins et leurs intérêts. C'est un appui très
précieux aux demandes citées dans ce mémoire.
Permettez-moi de vous présenter deux personnes qui ont
travaillé avec acharnement à la rédaction du document.
J'ai nommé, à ma droite, Mme Lise Sarrazin,
vice-présidente du comité, et Mme Hélène Robert,
membre de l'exécutif. Toutes deux, responsables du dossier, sont
disponibles pour répondre à vos questions après la lecture
du mémoire. Je demanderai donc à Mme Sarrazin d'orienter la
discussion.
En terminant, M. le Président, permettez-moi de vous demander...
Vous avez présenté les membres de la commission, mais je crois
que les dames ici présentes ont manifesté le désir de vous
connaître. Je ne sais pas si c'est possible, mais on aimerait bien que
chacun puisse se présenter.
Le Président (M. Vallières): Oui, avec plaisir. On
pourrait commencer à mon extrême droite avec le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Bonjour, madame. Jacques Baril,
député d'Arthabaska.
M. Beauséjour: Jacques Beauséjour,
député d'Iberville.
M. Gagnon (Champlain): Marcel Gagnon, député de
Champlain.
M. Picotte: Yvon Picotte, Maskinongé.
M. Houde: Albert Houde, Berthier.
M. Vallières: Yvon Vallières, Richmond.
Mme Ferron: Merci. Je cède donc la parole à
Lise.
Mme Sarrazin (Lise): Je pense bien qu'il serait bien, dans un
temps... Ce matin, nous avons une présentation pour notre
mémoire. Si M. Arsenault voulait remettre à chacun des membres de
cette commission notre présentation officielle de ce matin.
Le Président (M. Vallières): Je peux
peut-être vous indiquer que, pour vous situer un peu dans l'horaire, nous
devrions, aux
environs de midi, terminer avec votre groupe puisque pour treize heures,
il faut avoir terminé avec un autre groupe. Donc, présentez votre
mémoire dans les plus brefs délais permettant le plus possible
d'échanges de vues avec les membres de la commission. Mme Sarrazin,
est-ce que le document que vous nous présentez, ce matin, comporte des
modifications par rapport à l'original que la commission avait
reçu?
Mme Sarrazin: Le texte reste le même. C'est une
présentation plus soignée que nous vous présentons.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Très bonne présentation d'ailleurs.
Mme Sarrazin: Merci.
Le Président (M. Vallières): Alors, il faut y
aller.
Mme Sarrazin: D'emblée, il nous semble important de
préciser que nous ne sommes pas venues ici en tant qu'épouses
d'agriculteurs ou mères de la relève. Non. Nous sommes devant
vous aujourd'hui comme professionnelles de l'agriculture trop souvent non
reconnues. C'est à ce titre que nous exposerons nos positions prises par
les femmes qui travaillent en agriculture.
La société et les pouvoirs publics ont trop souvent
négligé ou minimisé l'importance du travail des femmes.
Pour notre part, nous n'hésitons pas à dire que c'est au travail
gratuit de la famille et principalement des femmes que nous devons
l'alimentation bon marché dont le Québec a joui depuis longtemps,
ainsi que l'agriculture modernisée qui fait votre et notre
fierté.
Déjà nos grands-mères et celles qui étaient
là avant elles étaient impliquées dans une agriculture
qu'on qualifie de traditionnelle. Le travail agricole était alors peu
séparé du travail domestique. Il en était de même
des travaux de la femme et de l'homme. L'élaboration et la
transformation des produits de la ferme complétaient les
activités de culture et d'élevage. La femme et l'homme y
occupaient des fonctions complémentaires. Les produits vendus
étaient peu importants et ne pouvaient être identifiés
à l'un ou l'autre des conjoints. Tous et toutes travaillaient sans
attendre de rémunération en assurant ensemble leur survie.
Lorsque la transformation des produits agricoles quitta la ferme et que
la machinerie vint augmenter le niveau de la production que l'on vendait,
quelques-uns se firent une fierté de dire qu'ils pouvaient se passer de
leur femme sur la ferme et la renvoyèrent à ses chaudrons. Les
tâches avaient en réalité changé et, bien vite, ils
durent s'apercevoir que les femmes demeuraient encore indispensables. On disait
encore, dans les années cinquante et soixante, qu'une ferme ne pouvait
pas arriver sans une "bonne femme d'agriculteur".
Alors que les hommes devenaient des agriculteurs et, bientôt, des
producteurs agricoles, leurs compagnes de travail devenaient de plus en plus
des femmes de... et des épouses de...
Nous nous occupions alors des tâches nouvelles et tout à
fait secondaires, direz-vous: la comptabilité, les rapports avec les
vendeurs, la mise en marché, toutes les fonctions qui ne sont pas
occupées par le premier venu dans toute entreprise bien
organisée. Il faut enfin dire que l'on reconnaissait nos
compétences dans l'élevage, l'horticulture, l'entretien de
l'équipement, de même que notre disponibilité durant les
périodes de pointe, le soir, la fin de semaine, lorsqu'il y a des
réunions et quand ça va mal.
Mme Robert (Hélène): Il a fallu qu'une
enquête écrive noir sur blanc ce que tout le monde savait pour
qu'on commence à tenir compte de notre apport. Après avoir
aidé nos conjoints à s'organiser depuis 60 ans, nous avons repris
le collier pour se réunir, se structurer et revendiquer au nom des
femmes qui travaillent en agriculture au Québec. Nous
représentons, ici aujourd'hui, le Comité provincial des femmes en
agriculture regroupant les quatorze comités régionaux et
représentant des milliers de femmes de tout le Québec. Parmi nos
grands dossiers, nous sommes heureuses de venir vous présenter la
position exprimée par les femmes sur le financement, l'endettement et la
relève.
Le financement. Nous déplorons que les taux
d'intérêt qui nous sont imposés soient toujours
supérieurs au taux de rentabilité de l'agriculture.
L'écart entre ces deux taux est comblé par une réduction
de la qualité de vie des familles agricoles et, en particulier, des
jeunes familles qui ont à faire face en même temps à de
très gros emprunts et aux responsabilités de jeunes enfants.
Nous souhaitons vivement une amélioration de cette situation
générale et voudrions vous entretenir aussi de trois situations
particulières, soit la subvention initiale de 8000 $
actuellement, le prêt de 50 000 $ et l'attitude des officiers du
crédit.
Une subvention discriminatoire. Si vous êtes deux frères et
que vous vous établissez en agriculture, vous avez tous les deux droit
aux 8000 $ de subvention d'établissement. Si vous êtes mari et
femme ou simplement en union de fait, eh bien, n'y comptez pas, vous n'en aurez
qu'une. Cette situation a déjà été reconnue comme
discriminatoire, mais on ne peut, semble-t-il, rien y faire. De toute
façon, dit-on, la politique sera révisée pour le 31
décembre 1985. Vous nous direz
qu'étant donné que nous avons déjà beaucoup
attendu nous pouvons attendre encore une année de plus. Nous ne sommes
pas d'accord. Nous pensons que nous avons suffisamment attendu. Les droits et
la reconnaissance des femmes sont en jeu de même que leur participation
égale et légale dans l'entreprise agricole. Quelle est cette
soi-disant politique en faveur de l'entreprise agricole qui fait intervenir
dans son application les liens matrimoniaux ou de fait?
La subvention de 8000 $ aux femmes est primordiale pour la somme
obtenue, mais plus encore. Dans notre société où on fait
encore des dons d'homme à homme, ces 8000 $ sont souvent pour la jeune
femme le capital qui lui permettra d'avoir accès à une part de la
propriété de l'entreprise. Et, de là, c'est l'accès
à la reconnaissance, au statut.
Le prêt de 50 000 $. Le prêt de 50 000 $ offre des avantages
certains aux jeunes femmes qui s'établissent en agriculture. Cependant,
il peut être moins avantageux pour les femmes qui décident de
former une société avec leur mari. Il oblige souvent la
liquidation des anciens emprunts de la ferme, contractés à un
taux avantageux. La subvention de 8000 $ permet, d'autre part, à la
femme d'avoir un capital propre comme l'a souvent l'homme grâce à
un don père-fils. S'il y a révision de cette politique, les
femmes en agriculture veulent, premièrement, le maintien des deux
possibilités, le prêt sans intérêt ou la subvention
et, dans ce cas, une rétroactivité pour celles et ceux qui n'y
ont pas eu droit; deuxièmement, une politique égalitaire qui, au
lieu de se fier sur la présence ou non de liens matrimoniaux, traitera
également celles et ceux qui veulent travailler en agriculture.
Ceux qui appliquent les politiques. Mais à quoi bon avoir des
politiques ou des règlements justes, pour nous, si ceux qui les
appliquent sont remplis de préjugés sexistes? Un travail
énorme est à faire auprès de la profession d'officiers du
crédit, comptables et autres fonctionnaires du gouvernement pour leur
apprendre à travailler avec les femmes. Bien que ces professionnels
soient à même, de par leur travail, de savoir que c'est souvent
nous qui remplissons les tâches reliées à la gestion de nos
entreprises, ils se conduisent souvent comme si nous n'étions que des
"helpers". La liste des tracasseries, mesquineries, des mauvaises
volontés, des propos déplacés, incrédules, sexistes
est longue au crédit agricole envers les femmes. Un très grand
nombre de femmes qui y ont eu affaire peuvent en témoigner.
Changer les mentalités est un processus long quand on s'en
occupe. Et quand on ne s'en occupe pas... L'éducation, les
règlements clairs, les procédures standard sont des
éléments de solution à introduire ou à
améliorer, mais une autre solution consiste à accroître la
présence des femmes à tous les niveaux. Répondez-nous:
combien y a-t-il d'officières du crédit à l'Office du
crédit agricole? Combien y a-t-il de femmes aux postes de
responsabilité et d'autorité au ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec?
Espérons que le MAPAQ n'est pas à l'image de votre commission en
ce qui concerne la représentation féminine. La présence
des femmes ne règle pas tout, mais elle fait voir au moins que les
femmes ont leur place à tous les niveaux dans l'agriculture.
En attendant que tous les officiers de l'Office du crédit
agricole soient débarrassés de tout sexisme, nous demandons pour
toute emprunteuse la possibilité de choisir l'officier ou
l'officière avec lequel ou laquelle elle veut travailler.
Mme Sarrazin: L'endettement. Comme l'a encore
démontré récemment l'enquête de la
Société du crédit agricole, l'endettement agricole est
devenu massif, et encore ne voyons-nous que la pointe de l'iceberg.
L'endettement pour les femmes signifie la détérioration des
conditions de vie et de travail. Les charges financières
nécessaires viennent entraver un budget familial déjà
maigre, augmenter le stress, les dépressions nerveuses sont de plus en
plus fréquentes, et détériorer l'ensemble des conditions
de vie des agricultrices et de leur famille.
De plus, l'endettement signifie l'augmentation de la tâche de
travail, du temps de travail gratuit. On ne sera pas alors surpris de voir
augmenter les accidents du travail et les décès qui font
aujourd'hui de l'agriculture l'une des professions les plus dangereuses au
Québec. Nous participons au travail et nous participons aux risques.
Nous voulons protéger notre vie, notre santé mentale et physique,
celle de nos partenaires, ainsi que celle des enfants que l'on porte et que
l'on élève. En étirant la journée de travail bien
au-delà de la semaine de 40 heures, l'endettement porte atteinte
à notre intégrité. (10 h 30)
La remise en cause de l'endettement implique aussi la remise en cause du
genre d'agriculture que les politiques gouvernementales ont favorisé
depuis quelques décennies. Nous sommes de plus en plus sceptiques sur le
modèle de ferme basé sur une expansion rapide et un
surinvestissement en terres, bâtiments, animaux, quotas que nous avons
vu. On a voulu développer l'agriculture plus vite que les
marchés. Pour pénétrer ce marché, il aurait
peut-être mieux valu améliorer l'utilisation du capital que l'on
avait déjà, utiliser les capacités excédentaires,
améliorer l'organisation du travail plutôt que de penser à
du plus neuf, du plus gros, du plus cher. Ne vient-on pas, aux
États-Unis, de conclure que
l'investissement le plus rentable en agriculture reste toujours la
formation?
Les femmes, nous sommes maintenant prêtes à nous endetter
beaucoup plus auprès du ministère de l'Éducation
qu'auprès de l'Office du crédit agricole. Cela nous paraît
drôlement plus rentable.
L'endettement des fermes a aussi une autre conséquence grave pour
les femmes. Lorsque notre surtravail gratuit ne suffit plus pour rejoindre les
deux bouts, c'est au travail hors-ferme que nous devons avoir recours. Selon
notre information, c'est à cette limite que sont rendus beaucoup de nos
collègues, environ 15%, selon une étude de 1981. Nous devons
quitter notre profession en agriculture pour un travail extérieur ou
bien ajouter à notre travail domestique et agricole une autre
journée de travail.
De plus, le travail extérieur, c'est la négation de notre
travail agricole, de notre participation dans l'entreprise, de notre
reconnaissance. Alors que l'on part travailler à l'extérieur pour
parer au manque de rentabilité de l'entreprise pour vaincre son
endettement, notre apport pécuniaire est ignoré sinon dans
l'esprit, dans les faits, dans la propriété et dans le statut.
Notre apport extérieur ne participe pas au capital de l'entreprise bien
qu'il serve à remplacer le salaire et le profit que l'entreprise ne
génère pas.
Beaucoup d'agricultrices secrétaires, d'agricultrices
enseignantes, d'agricultrices infirmières font vivre l'agriculture
québécoise. Qu'en retirent-elles? Parfois très peu
financièrement. De plus, leur surcharge de travail les éloigne de
la gestion des entreprises qu'elles se démènent à sauver.
C'est ainsi que l'agriculture québécoise se prive d'une partie
très importante de ses ressources.
Nous savons aussi que l'amélioration de la rentabilité
n'est pas chose facile à réaliser. C'est pourquoi nous souhaitons
que l'ensemble du milieu agricole, et non pas seulement sa moitié,
participe à la recherche de solutions.
En conséquence, nous demandons au ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec de
mettre en place un conseil consultatif permanent où siégeraient
des agricultrices en nombre majoritaire, naturellement, devant servir à
analyser les impacts des politiques agricoles et à en définir de
nouvelles.
Mme Robert: La relève. Sur le thème de la
relève, nous appuyons les démarches de la
Fédération de la relève agricole, mais nous ne sommes pas
venues ici comme mères, bien que nous soyons préoccupées
par les possibilités d'établissement de nos enfants. Avant de
penser à la prochaine génération, nous voulons nous
attarder à la génération actuelle de femmes travaillant en
agriculture et le premier établissement qui nous intéresse
aujourd'hui, c'est l'établissement tardif dans leurs droits et leur
statut des femmes qui pratiquent l'agriculture depuis cinq, dix ou quinze ans
et plus. Tant que la relève sera une affaire père-fils, les
femmes devront faire leur place après coup. Actuellement, les
discussions sur la relève tiennent peu en ligne de compte la
spécificité des femmes. Les lois, les règlements, les
politiques, les mentalités et les professionnels pensent à la
tradition du père-fils, comme nous l'avons vu avec les 8000 $.
On se fait dire souvent que, financièrement, c'est plus
avantageux que l'homme agisse seul. Quand aurons-nous des politiques agricoles
et une diffusion de celles-ci qui correspondent à la
réalité de l'agriculture où les femmes et les hommes
travaillent en complémentarité? Il n'est jamais avantageux pour
une équipe que l'un des membres soit désavantagé. Il faut
dès maintenant renverser les situations et corriger les injustices pour
des milliers de femmes en agriculture. Il faut favoriser la relève,
c'est-à-dire donner accès à la propriété et
aux décisions, reconnaître l'apport du travail des femmes.
Rendons-nous bien compte que les conditions d'établissement des
femmes en agriculture sont différentes de celles des hommes. Elles sont
spécifiques.
Contrairement aux hommes, elles bénéficient rarement de
dons significatifs. Ainsi, lorsqu'elles achètent une ferme, elles sont
reléguées aux productions les moins rentables. C'est tout ce qui
est possible. Autrement, les femmes s'établissent avec un conjoint.
Comment alors espérer une solution égalitaire sans contrepartie
au don père-fils que reçoit le conjoint? Comment participer a la
propriété sans avoir un statut et une reconnaissance de son
apport antérieur? C'est ici qu'une politique non discriminatoire, qui
tient compte de la situation réelle des femmes, peut être
utile.
Deux règles saines devraient présider à toute
élaboration de politique. Quand vous ferez une politique, il faudrait
que toujours ces deux règles soient très bien tenues.
Premièrement, cette politique permet-elle qu'un homme et une femme qui
agissent conjointement soient dans la situation la plus avantageuse à
tous les points de vue? Deuxièmement, étant donné les
conditions spécifiques où se trouvent les femmes qui travaillent
en agriculture, cette politique leur est-elle autant accessible qu'aux
hommes?
Mme Sarrazin: En conclusion, que l'on parle de crédit, de
relève ou de conséquences de l'endettement pour les femmes
travaillant en agriculture, on se bute constamment sur le même
problème, celui de leur place difficile dans l'agriculture et dans
l'entreprise. La jeune femme qui s'installe en agriculture, souvent, ne
reçoit pas de dons ni de subventions; donc, pas de capital, pas de part
à la propriété. Si elle travaille à
l'extérieur, on ne la considère pas en agriculture, même si
ce travail pare à un manque de revenus et à l'endettement massif
de la ferme. Elle est acculée au statut de travailleuse agricole non
rémunérée qui est loin, mais vraiment loin de correspondre
à la réalité.
Quel homme accepterait pareille situation si la loi et les politiques
faisaient obligatoirement les femmes propriétaires? Aucun, et avec
raison. Alors, pourquoi le demander aux femmes? Imaginons plutôt des
femmes vivant leur égalité dans la légalité au sein
d'une grandiose politique agro-alimentaire.
Le Président (M. Vallières): Merci, mesdames.
Mme Sarrazin: En terminant, M. le Président...
Le Président (M. Vallières): Oui.
Mme Sarrazin:... j'aurais une petite chose à ajouter. Je
pense qu'il y a deux préoccupations qui sont fondamentales pour nous,
les femmes en agriculture, et que nous désirons voir devenir
vôtres: c'est l'égalité des femmes face au crédit
agricole et deux points retiennent notre attention, parce que ce sont des
besoins très profonds: les 8000 $ de subvention à
l'établissement et l'attitude des fonctionnaires.
Le Président (M. Vallières): Merci beaucoup. Pour
répondre à votre demande initiale, je voudrais vous
présenter deux nouveaux collègues qui se sont joints au groupe:
M. Dupré, vice-président de la commission et député
de Saint-Hyacinthe, et M. Beaumier, du comté de Nicolet.
Là-dessus, la parole est maintenant au député de
Champlain.
M. Gagnon (Champlain): Merci, M. Je Président. Au nom de
ma formation politique, je voudrais vous remercier sincèrement pour le
mémoire extraordinaire que vous venez de nous présenter. M. le
président m'a fait peur tantôt lorsque, plutôt que de me
donner la parole, il a dit: Pour répondre à vos
préoccupations ou à vos questions... J'ai alors pensé
qu'il me donnait la parole tout de suite pour répondre et trouver la
solution à tous vos problèmes. Je pense que j'aurais eu de la
difficulté à le faire.
J'ai la certitude que votre mémoire... D'ailleurs, ce n'est pas
la première fois que j'entends des mémoires de votre groupe et
ils sont toujours fondés sur des faits extrêmement concrets, des
faits qui font peut-être mal, mais il faut être capable de
réaliser que ce que vous dites est parfaitement vrai, et ce, dans toutes
les pages de votre mémoire.
Il est bien évident que vous avez terminé en disant: Nous
voudrions changer les mentalités, nous voudrions avoir accès, par
exemple, aux subventions, au même titre que les hommes, et nous voudrions
voir plus de femmes - si j'ai bien compris - au sein de l'Office du
crédit agricole pour pouvoir choisir ceux avec qui on transige au sein
de cet organisme.
J'ai quand même l'impression qu'on a fait un bout de chemin. C'est
clair que ce n'est pas suffisant et, à lire votre mémoire, il est
évident qu'il reste un bon bout de chemin à faire. Dans
l'immédiat, je voudrais vous assurer que ce mémoire va être
transmis à notre collègue, Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine, et j'ai
l'impression qu'il y a là beaucoup de travail non pas à amorcer,
parce qu'à mon point de vue c'est déjà fait, mais au moins
une réflexion à poursuivre rapidement.
Lorsque vous parlez du traitement que vous avez auprès de
l'Office du crédit agricole, d'après ce que je peux voir, vous
avez un traitement qui vous discrimine constamment. J'aimerais vous poser la
question si tout de même, au cours des dernières années, il
y a eu amélioration. On reçoit ici des gens de l'Office du
crédit agricole qui nous assurent qu'il n'y a pas de discrimination. On
entend et on a entendu aussi hier des représentantes de la gent
féminine, des travailleuses en agriculture, nous dire qu'effectivement
non seulement c'est faux qu'il n'y a pas de discrimination, mais qu'il n'y a
pas de grosses corrections qui sont apportées jusqu'à maintenant.
Est-ce que récemment, au cours des derniers mois ou des dernières
années, vous avez vu une amélioration de ce
côté?
Mme Sarrazin: J'aimerais que vous précisiez votre
question.
M. Gagnon (Champlain): Par rapport à la discrimination qui
existe à l'Office du crédit agricole, lorsqu'une femme
s'établit en agriculture, par exemple.
Mme Sarrazin: La discrimination qui est là
présentement, qui nous touche le plus, c'est la discrimination au sujet
de la subvention des 8000 $, la prime à l'établissement,
lorsqu'un mari et une femme forment une société. À ce
moment, il y en a seulement un qui peut avoir droit à la subvention,
alors que, si vous étiez, comme on le dit dans notre mémoire,
deux frères ou le frère et la soeur, et ainsi de suite, vous avez
tous les deux droit à cette subvention. C'est là une
discrimination qui est très
présente par rapport è cette subvention.
M. Gagnon (Champlain): En ce qui concerne les officiers.
Plusieurs groupes nous ont parlé du choix des officiers, de la
difficulté de s'entendre avec les officiers à l'Office du
crédit agricole. Je ne sais pas si c'est vous, mais vous demandiez s'il
y avait un nombre d'officiers ou d'officières, ou d'inspecteurs
féminins à l'Office du crédit agricole. Je sais qu'il y en
a quelques-unes. Vous trouvez que cela ne va pas assez vite. Est-ce que vous
avez eu des contacts? Est-ce que, parmi vous, il y a des gens qui ont eu
la chance de traiter avec l'Office du crédit agricole, mais partant de
personnes féminines pour étudier les dossiers des femmes?
Mme Sarrazin: Mme Robert va répondre à la
question.
Mme Robert: Non, je ne connais pas de cas de femmes qui auraient
traité directement avec des officières. Est-ce là votre
question, si je connais des cas de femmes qui ont traité avec des
officières?
M. Gagnon (Champlain): Oui.
Mme Robert: Non, je n'en connais pas.
M. Gagnon (Champlain): Je sais qu'au niveau de la Mauricie, entre
autres, il y a maintenant des femmes qui travaillent à l'Office du
crédit agricole. Il doit y en avoir aussi au niveau des autres
régions du Québec. J'ai moi-même eu l'occasion de
rencontrer ces femmes. Vous n'avez pas vu d'amélioration par rapport
à cela. Donc, il n'y en a pas assez ou vous n'avez pas eu
l'occasion de les rencontrer. (10 h 45)
Mme Robert: Comme on l'a dit dans notre mémoire, la
présence des femmes ne règle pas nécessairement tout. On
dît que la présence des femmes pourrait améliorer des
choses, mais il reste que la formation des conseillers ou des
conseillères reste quelque chose à perfectionner. Je pense
qu'à l'heure actuelle nos conseillers ont développé des
compétences au niveau juridique, au niveau des chiffres, au niveau de
l'organisation, mais, au niveau des relations humaines, les compétences
n'ont peut-être pas été développées. Je ne
crois pas que la formation là-dessus soit très accentuée
à l'heure actuelle. Je me demande même s'il en existe une. C'est
plutôt une compétence de bien remplir les paperasses et de bien
répondre aux normes, ce qui fait qu'au niveau des relations humaines
c'est assez faible.
M. Gagnon (Champlain): En fait, c'est un changement de
mentalité, c'est un changement de relations humaines que vous demandez.
Vous avez raison de dire que, même si des femmes occupent un poste, tant
que les mentalités au niveau du ministère et les lois ne
favoriseront pas davantage la femme ou discrimineront la femme, cela
n'amènera pas un gros changement.
Mme Sarrazin: Pour nous autres. Il me paraît très
important de préciser une choset pour nous autres, que ce soit un homme
ou une femme, cela n'a pas d'importance. Tout ce que nous voulons, c'est que
les conseillers et les conseillères qui nous répondront aient la
compétence voulue et la formation pour bien nous comprendre, surtout
qu'ils jouent bien leur rôle, c'est-à-dire que nous sommes des
clientes. C'est en ce sens que, nous autres, les femmes en agriculture, nous
nous adressons à l'Office du crédit agricole. Nous sommes des
clientes et nous voulons être perçues comme cela. Que ce soit un
homme ou une femme, l'important, c'est qu'on joue bien son rôle. C'est ce
que nous voulons des officiers de l'Office du crédit agricole.
M. Gagnon (Champlain): Je vais passer la parole à
quelqu'un d'autre, parce que votre mémoire est clair et assez limpide,
je pense, pour qu'on puisse savoir exactement quelle est votre situation et ce
que vous voulez. Je reviendrai peut-être tantôt avec d'autres
questions, mais je vous remercie infiniment de cette présentation et je
peux vous assurer que non seulement votre mémoire sera bien
enregistré à la commission et qu'on va en tirer des conclusions,
mais que Mme la ministre déléguée à la Condition
féminine aura aussi copie de cette réflexion.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Je
vais vous présenter deux nouveaux collègues qui sont maintenant
parmi nous: le député de Papineau, M. Assad, à ma gauche,
de même que le député de Kamouraska-Témiscouata, M.
Lévesque, à ma droite. Là-dessus, la parole est au
député de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion
à quelques reprises de rencontrer des représentantes de votre
groupe afin de discuter de façon plus détaillée encore de
certains de vos problèmes. J'ai aussi l'avantage de compter, parmi mes
électrices, votre présidente, Mme Ferron. Nous avons eu aussi
plusieurs discussions. Entre autres, je me rappelle une exposition à
Saint-Barnabé, une exposition de district, où vous aviez
organisé des rencontres avec des professionnels dans le but de mieux
sensibiliser les gens à ce problème bien précis. C'est la
raison pour laquelle je suis heureux ce matin de constater que, finalement,
lorsqu'on lit bien
votre mémoire et qu'on l'examine, cela fait
référence à plusieurs problèmes qui existent depuis
déjà trop longtemps et depuis fort longtemps.
J'aimerais poser une question d'ordre général, au
départ. Hier, un groupe est venu nous rencontrer, l'Association des
femmes collaboratrices. Quelles sont vos relations avec d'autres groupes?
Existe-t-il d'autres groupes que celui de l'Association des femmes
collaboratrices et le vôtre? Avez-vous aussi certaines relations avec des
groupes pouvant exister dans d'autres provinces? Je ne sais pas si vous
êtes allées jusque-là ou si vous avez remarqué qu'un
peu partout c'est le même genre de problèmes qui existe.
J'aimerais vous entendre parler davantage de ce point de vue.
Mme Ferron: Pour ce qui est des relations avec l'Association des
femmes collaboratrices, parce que vous le mentionnez, comme je vous le disais,
les femmes collaboratrices, c'est un groupe. La définition de la femme
collaboratrice, c'est la femme qui travaille dans l'entreprise avec son mari,
mais ce ne sont pas nécessairement toutes les femmes en agriculture. On
s'occupe de législation, si on peut dire, parce que vous avez les femmes
des petites et moyennes entreprises qui sont des collaboratrices aussi, ou de
sociétés ou compagnies dans d'autres entreprises. Tandis que
nous, du comité des femmes en agriculture, nos problèmes sont
spécifiques à l'agriculture.
Pour ce qui est des autres provinces, je peux vous dire que,
jusqu'à maintenant, il n'y a pas de comité de femmes en
agriculture au niveau du pays. Par contre, nous avons participé
l'année dernière à la conférence agro-alimentaire
à Guelph où nous avons pu échanger avec d'autres
femmes.
M. Picotte: Vous avez dû remarquer, j'imagine, que ce sont
sensiblement les mêmes problèmes un peu partout.
Mme Ferron: II y a des problèmes chez les femmes au niveau
mondial, mais il y a un désir des femmes de se prendre en main et de
demander des changements.
M. Picotte: D'accord. Tantôt, vous avez fait
référence - je pense que le député de Champlain en
a parlé aussi - à la façon dont vous étiez
reçues en certaines occasions par des officiers, et même de
certains propos, et tout cela. Je ne voudrais pas revenir là-dessus. On
sait que cela existe, d'autant plus que de la façon dont vous l'avez dit
ce matin, c'est tellement précis votre affaire que, finalement, c'est
une situation à corriger.
D'autre part, quelles sont les revendications? D'abord, y en a-t-il eu?
Si oui, quelle sorte de réception avez-vous eue du côté du
MAPAQ? J'imagine que les revendications que vous nous faites ce matin en
commission parlementaire ont dû être faites à d'autres
paliers, c'est-à-dire au niveau du ministère. D'abord, y a-t-il
eu effectivement des revendications? Depuis combien de temps avez-vous
reçu... Avez-vous corrigé, d'abord, certaines situations depuis
le temps que vous faites des revendications au niveau du ministère? Vos
relations avec le ministère?
Mme Sarrazin: Présentement, on peut dire que nous sommes
un jeune groupe. Cela fait un an et demi environ que le comité
provincial existe. Les revendications par rapport au crédit agricole qui
ont été faites au MAPAQ viennent plutôt des régions,
dans le sens que nous avons des assemblées générales et
que nous avons maintes fois dit et répété les
problèmes que nous avions face au crédit agricole, notamment face
aux 8000 $, face à l'attitude des officiers, et ainsi de suite.
Maintenant, l'approche très directe avec le ministère de
l'Agriculture a commencé au mois de décembre. Il y avait
notamment une chose que l'on demandait depuis deux ans et qui a
été obtenue au début de janvier, c'était une
répondante au minis'tère de l'Agriculture pour travailler avec
les femmes au sujet de la condition féminine dans ce
ministère-là. Cela est un acquis depuis janvier.
M. Picotte: Y a-t-il d'autres recommandations qui ont
été faites depuis ce temps-là? Est-ce qu'il y a eu
d'autres revendications?
Mme Sarrazin: Nous les faisons aujourd'hui et nous
espérons que vous influencerez le ministère de l'Agriculture.
M. Picotte: Dans un autre ordre d'idées, on s'est beaucoup
questionné - je comprends que certaines questions vont déborder
votre rapport, mais, comme on est en train d'examiner un ensemble de rapports
depuis déjà quatre, cinq jours et qu'on a eu beaucoup
d'organismes qui sont venus nous rencontrer, peut-être êtes-vous en
mesure de nous préciser davantage certains points - on s'interroge
beaucoup sur le genre de fermes qui devrait exister éventuellement au
Québec. Moi, je suis l'un de ceux qui prétendent qu'on doit
tendre de plus en plus à garder le type de la ferme familiale. Il est
possible que vous ayez d'autres idées là-dessus.
Vers quel genre de fermes les femmes collaboratrices qui oeuvrent dans
ce milieu et qui s'y connaissent beaucoup pensent-elles qu'on devrait
s'orienter pour les années futures, pour vous permettre de
réaliser ce
que vous demandez et pour que cela ne devienne pas de grosses
compagnies, parce qu'à ce moment-là certaines de vos
recommandations n'ont plus lieu d'être si cela devient de grosses
compagnies et si vous faites partie à part entière de compagnies
avec des parts et tout cela? Quel genre de fermes privilégie votre
groupe? Vous êtes-vous penchées là-dessus? Avez-vous
effectivement des réflexions à nous faire?
Mme Sarrazin: Le type de fermes que nous privilégions, si
vous remarquez... Premièrement, j'aimerais faire une remarque. Les
femmes en agriculture, ce n'est pas la même chose que les femmes
collaboratrices. D'accord? J'aimerais faire une autre remarque. À la
première page de notre mémoire, nous disons très bien que
nous en avons notre soupe de travailler pour une agriculture à bon
marché. Donc, l'agriculture de type familial que nous connaissons
à l'heure actuelle, nous la remettons en question très
profondément. Ce que nous privilégions, nous ne voulons pas la
définir la ferme familiale, mais il y a une chose qui nous
préoccupe là-dedans, c'est que nous voulons qu'à l'avenir
les femmes et les enfants qui travaillent à juste titre sur une ferme
soient rétribués pour le travail qu'ils font et qu'il y ait une
rentabilité au bout de cela, parce que nous avons des besoins, parce
qu'il y a des conséquences quand il n'y a pas de rétribution au
travail et une reconnaissance de la part que les femmes font en agriculture.
Or, la gratuité, comme cela se passe à l'heure actuelle, non,
nous n'en voulons plus. Donc, une agriculture de ce type, nous la remettons en
question, oui.
M. Picotte: Et vous privilégiez quoi, comme type
d'agriculture, à ce moment-là?
Mme Sarrazin: Mme Robert.
M. Picotte: Un État plus interventionniste ou moins
interventionniste?
Mme Robert: Votre question, c'est cela, si l'État devrait
plus intervenir en agriculture ou moins, ou quel type d'organisation?
M. Picotte: C'est cela.
Mme Robert: En fait, ce qu'on privilégie avant tout,
partant du problème qui a été soulevé par Lise
quand elle disait que la ferme familiale qu'on a beaucoup galvaudée
voulait dire que c'était une entreprise souple qui pouvait se relever
souvent, je comprends, parce qu'il y avait un propriétaire et le reste
qui travaillait pour rien. C'est souple et c'est de la main-d'oeuvre à
bon marché. Le type d'entreprise, l'organisation qu'on
privilégie, c'est l'entreprise, d'abord et avant tout, mari-femme. Qu'on
trouve des politiques qui privilégient ce type d'entreprise. Rien
n'empêchera, après coup, de parler d'association de deux
entreprises mari-femme, etc., mais, avant tout, qu'on commence par cela,
mari-femme.
L'intervention de l'État. Comme agricultrice, c'est certain qu'on
veut vivre de l'agriculture, c'est-à-dire qu'on puisse opérer
durant une année et, à la fin de l'année, dire: Nous avons
vendu nos produits à un prix suffisamment élevé pour que,
tout calculé, on puisse vivre sans travailler 90 heures par semaine et
sans toujours être dans une insécurité épouvantable.
C'est certain que, sans l'intervention de l'État, à l'heure
actuelle, c'est utopique d'y penser.
Est-ce que les femmes favoriseraient une intervention accrue de
l'État? Je pense qu'avec tout ce que vous avez entendu depuis le temps
que vous siégez à la commission, on ne peut pas dire que la
rentabilité de l'agriculture à l'heure actuelle est en bonne
santé.
M. Picotte: Chose certaine, c'est qu'il faudrait arrêter de
dire ou, en tout cas, de laisser comprendre aux citoyens que, lorsque
l'État intervient en agriculture, ce sont des subventions qu'on donne
aux agriculteurs. À mon avis, ce sont beaucoup plus des subventions aux
consommateurs, parce que, finalement, si on n'intervenait pas en agriculture et
si on ne donnait pas l'aide nécessaire, c'est le consommateur qui
paierait à l'autre bout de la ligne. On n'intervient pas en agriculture
pour défrayer l'agriculteur, mais on intervient pour défrayer le
consommateur, pour qu'il y ait des prix raisonnables pour ses produits, en
principe. Je pense que cette mentalité, il faudrait essayer de
l'implanter de plus en plus, parce que c'est exactement ce qui existe. C'est
cela, la réalité et non pas le contraire. (11 heures)
Vous faites aussi allusion, dans votre mémoire - je ne me
souviens plus à quelle page, mais cela me revient à l'idée
- au nombre de femmes qui sont agricultrices, c'est-à-dire qui
collaborent amplement, avec de nombreuses heures dans la semaine, à
l'agriculture, mais qui sont obligées de travailler à
l'extérieur. Évidemment, cela se vérifie à
plusieurs exemplaires, si je peux m'exprimer ainsi. Moi qui suis issu d'un
comté rural et qui regarde de quelle façon fonctionnent les gens,
il est vrai qu'il y a des agricultrices infirmières, professeurs, etc.
Cela vous cause sans doute de nombreux problèmes, sûrement du
côté du gardiennage, entre autres. Est-ce que vous avez pu faire
une étude là-dessus? D'abord, à combien de personnes cela
s'adresse-t-il? Quelle est la
proportion des femmes qui doivent aller travailler à
l'extérieur pour tâcher d'aider à faire vivre la ferme, ce
qui est tout à fait normal à mon point de vue? Finalement, quels
sont les coûts inhérents au gardiennage ou à quoi que ce
soit? Pourriez-vous expliciter cela davantage?
Mme Sarrazin: Les chiffres que nous avons sont ceux d'une
enquête de 1981 qui a été publiée dans la Terre de
chez nous, par Mme Dion. Ils donnaient le pourcentage de 15% comme indication.
Mais, depuis 1981, je pense que je n'ai pas besoin de vous convaincre que la
rentabilité de plusieurs productions en agriculture est drôlement
à la baisse. Donc, c'est un phénomène que l'on voit de
plus en plus et qu'on peut observer chez les jeunes couples.
Ce qui nous intéresse, nous les femmes en agriculture - c'est
sûr qu'il y en a de plus en plus - c'est de dire qu'on ne veut plus faire
cela, que cela cause des problèmes. Nous avons des besoins. Cela nous
oblige à faire des triples journées de travail, le fait de
travailler à l'extérieur.
M. Picotte: Est-ce que vous projetez de faire une enquête
sur ces points? Est-ce que vous avez des projets d'enquête concernant des
points particuliers et sur lesquels vous aimeriez avoir un peu plus de
détails? Si oui, est-ce que c'est déjà en marche ou est-ce
que vous avez l'intention d'en avoir?
Mme Sarrazin: Nous avons une enquête, dont les
résultats seront publiés vers le mois de mai, sur le gardiennage
et sur les besoins du gardiennage. Mais les besoins de gardiennage seront
autant pour travailler à l'entreprise que lorsque vous êtes
obligé d'aller à l'extérieur, etc. Les chiffres ne sont
pas disponibles à l'heure actuelle. Cela vient tout juste de
paraître.
M. Picotte: Une question en dehors de cela, puisqu'on parle
d'enquête: j'aimerais savoir quelles sont vos sources de financement
comme mouvement ou comme groupement. Ce sont sûrement les membres pour
une bonne part, j'imagine. Est-ce que vous avez de l'aide du MAPAQ ou d'autres
organismes?
Mme Sarrazin: Hélène.
Mme Robert: C'est que la question m'embête un peu.
M. Picotte: Ah! Si vous aimez mieux ne pas y répondre, ce
n'est pas grave. Mais c'est parce qu'on aurait pu faire des pressions, si le
MAPAQ ne s'implique pas assez, pour qu'il vous en donne plus, si jamais il vous
en donne.
Mme Robert: C'est parce qu'ici on est sur le financement
agricole. Le financement du comité...
M. Picotte: Oui, mais je vous demandais cela uniquement en
comparaison, par exemple. Si votre organisme veut connaître certains
points importants, à un moment donné, on est obligé de
procéder par enquête. Quand on parle d'enquête, on parle
forcément d'argent. Cela coûte des sous. Cela ne peut pas toujours
être nécessairement des enquêtes maison, mais, de toute
façon, c'était une question d'intérêt que je posais.
On essaiera de savoir, lors de l'étude des crédits, si le
ministre vous fournit quelque chose. Si jamais il ne vous en fournit pas, on
essaiera de le convaincre de vous en donner ou on essaiera de le convaincre de
vous en donner plus.
Vous avez aussi dit dans votre mémoire, et le
député de Champlain semble d'accord avec moi, que les femmes
seraient prêtes à s'endetter auprès du ministère de
l'Éducation. Quelle formation vous conviendrait le mieux? Vous avez sans
doute fait une évaluation de cette question. Quelle formation
conviendrait le mieux? On a beaucoup parlé de la formation de notre
relève, mais il y a aussi tout cet aspect de formation de la femme
agricultrice, de ce que vous représentez. Pourriez-vous expliciter
davantage votre pensée?
Mme Sarrazin: Si vous remarquez, nous faisons le lien entre
formation et endettement. Endettement veut dire utiliser au maximum nos
capacités de gestion. Or, selon l'enquête qui a été
publiée en 1981, nous savons que, dans une proportion très
importante, elles tiennent la comptabilité. Or, à partir de ce
moment, nous pensons que les personnes les plus aptes à être
formées et, si vous voulez, à répondre le mieux possible
à un endettement moindre, plus petit, si on veut, et plus rentable, ce
sont quand même les femmes. Je pense qu'il faut miser sur les ressources
qui ont déjà une compétence, qui ont déjà
une certaine formation et des acquis; je pense que ce sont les femmes en
agriculture. Nous l'avons démontrée, notre compétence, et
nous voulons continuer.
C'est dans ce sens que nous disons que la formation, il faut miser
là-dessus, puisque l'endettement est aussi très souvent, il faut
le reconnaître, un train dans lequel, comme agricultrices et
agriculteurs, on accepte d'embarquer, mais il y a aussi toute l'influence de
l'appareillage autour de nous qui nous incite à embarquer dans le train.
Nous acceptons quand même comme agricultrices et agriculteurs, et la
capacité de gestion nous paraît plus qu'importante. Cette
capacité de gestion, on la développe avec de la formation.
M. Picotte: Vous avez fait allusion dans votre mémoire -
je suis resté un peu surpris quand j'ai lu cela - aux tâches
nouvelles tout à fait secondaires. C'est peut-être un point
où je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, quand vous
dites que c'est tout à fait secondaire. Je trouve qu'il y a certaines
tâches là-dedans qui ne sont pas secondaires, mais qui sont d'une
importance capitale. Exemple: la comptabilité. Je pense que la gestion
de la ferme, c'est la femme qui la fait dans la majorité des cas au
Québec. S'il y a une saine gestion du côté de ta ferme,
forcément, la ferme va aller un peu mieux et cela va aller beaucoup
mieux du côté de la comptabilité. Dans les relations avec
les vendeurs, c'est la même chose, quand on achète quoi que ce
sait.
 mon point de vue, et j'imagine que c'est aussi ce que vous avez
voulu dire sans doute, ce sont des tâches primordiales et c'est
probablement dans ce sens que vous vous dites prêtes à investir du
côté du MEQ, du ministère de l'Éducation, pour vous
perfectionner davantage et rendre chaque ferme encore plus rentable.
Je voudrais parler aussi de la subvention initiale de 8000 $. Je vous
dirai pour ma part que je trouve votre remarque fort pertinente. Si on enlevait
cette discrimination afin que la femme puisse bénéficier du
montant de 8000 $, je pense qu'il est fort pertinent de dire que ce serait un
point de départ vers l'accès, la reconnaissance du statut de la
femme, de l'agricultrice. Il a déjà été question
qu'on puisse abandonner ces 8000 $. Vous recommandez quoi? Vous recommandez que
ces 8000 $ soient bel et bien reportés au 31 décembre.
D'ailleurs, il y en a d'autres qui l'ont fait. Pourquoi n'est-ce pas suffisant,
pourquoi ne pas vous contenter des 50 000 $ sans intérêt? Le choix
doit rester; pourquoi doit-il rester? On nous l'a dit à quelques
reprises sauf que, l'an passé, il était question que ce choix
disparaisse, c'est-à-dire qu'on laisse uniquement les 50 000 $. Pourquoi
est-il important que ce choix demeure?
Mme Sarrazin: Mme Robert.
Mme Robert: Je pense que les femmes ont été
très claires dans leur mémoire là-dessus. Je tiens quand
même à préciser que les 8000 $, c'est une façon de
parler, ce n'est pas un chiffre fixe, cela ne veut pas dire qu'on veut 8000 $:
8000 $, c'est un point de repère. Quand on se parle entre nous, au lieu
de parler de prime d'établissement ou de quelque chose du genre, on sort
le chiffre de 8000 $. Cela pourrait être 50 000 $, 100 000 $, 125 000 $,
je ne sais pas. On pourrait parler d'autres chiffres.
C'est très clair, les 50 000 $ ne constituent pas un capital de
départ, tandis que la prime d'établissement pourrait, pour les
femmes en agriculture, constituer un capital de départ. Pour nous, c'est
très important que cette prime existe. Pour nous, ce serait une
ouverture à l'accès à la propriété. C'est
dans ce sens qu'il faut avoir une entrée. La prime
d'établissement, accessible aux femmes comme telles, est très
importante, primordiale.
M. Picotte: Vous parlez aussi d'une rétroactivité
pour celles et ceux qui n'y ont pas eu droit. Cela veut dire quoi, une
rétroactivité, dans votre esprit? Combien de temps en
arrière? Cela pourrait s'appliquer pour combien de personnes, si
effectivement vous l'avez fait en termes de recul de temps? Est-ce que vous
avez des chiffres là-dessus, ou si vous demandez une
rétroactivité parce que vous voulez corriger une injustice qui
existe depuis déjà longtemps? Qu'est-ce que cela veut dire
"rétroactivité", finalement? Pour en revenir à quand?
Mme Sarrazin: Bon! Je pense qu'on a dit au début que,
étant donné qu'on est un groupe qui décollait, il nous
importait peu de mettre des chiffres. Nous ne les avons pas, mais l'office sait
combien il y a de fermes au Québec qui sont en société. Je
pense que l'office pourrait répondre à cette question-là.
Ce n'est pas ce qui nous importe, nous autres, les femmes en agriculture.
J'aimerais quand même signaler une chose et en profiter pour
déposer un document d'un cas où cette subvention a
été refusée, compte tenu du contexte mari et femme. Il y a
des copies ici, si vous voulez en prendre connaissance.
M. Picotte: Sur la discrimination...
Le Président (M. Vallières): Juste une secondel Je
voudrais vérifier avec Mme Sarrazin et m'assurer d'abord que la personne
dont le nom apparaît sur la lettre est consentante à ce qu'il y
ait dépôt officiel, parce que cela devient un document public
à partir du moment où on en fait le dépôt
officiellement.
Mme Sarrazin: Mme Potvin est ici dans la salle.
Le Président (M. Vallières): Mme Potvin est
consentante à ce que cette lettre devienne une publication? Très
bien. Le document est considéré comme étant
déposé officiellement devant la commission.
M. le député de Maskinongé.
Mme Sarrazin: J'aimerais retenir votre attention sur la page 2,
là où on parle de l'article 23 comme tel, où on fait
mention de la raison pour laquelle cette subvention n'est pas accordée
à l'heure actuelle dans la
loi. Si nous demandons la rétroactivité, nous la demandons
depuis le début où il y a des sociétés,
c'est-à-dire environ - comme je l'ai dit, je n'ai pas les chiffres - six
ou sept ans au maximum.
Si on constate qu'actuellement il y a environ 2000 femmes productrices
agricoles au Québec, cela veut dire qu'il n'y a quand même pas
plus de 2000 fermes qui sont en société. À ce
moment-là, il y a quand même des compagnies et des
propriétaires uniques au sein de ces 2000 femmes productrices agricoles.
Donc, cela vous donne une indication, mais je n'ai pas les chiffres plus que
vous et l'office est capable de vous les remettre.
M. Picotte: Oui, je sais aussi que l'office est capable de me les
remettre. Je ne mets en doute l'office d'aucune façon, mais vous me
permettrez d'avoir certaines réticences quand je pose des questions
à des offices ou des commissions quelconques du gouvernement. C'est trop
facile de venir nous dire... C'est pour cela que je vous demandais cela. Je me
dis que, si c'est possible pour vous d'avoir une enquête, même si
c'est une enquête maison, pour nous donner un ordre de grandeur... C'est
trop facile pour l'office de venir nous dire que cela touche X personnes, que
cela va coûter X millions ou X centaines de mille dollars et qu'à
partir de ce moment-là il ne peut pas défrayer cela. Quand on
arrive avec des chiffres astronomiques comme cela, bien souvent les politiciens
disent: II y a aussi une question de budget. Finalement, cela nous permet aussi
de vérifier si les chiffres qui nous sont donnés sont dans un
ordre de grandeur proportionnel et assez exacts. C'est dans ce sens-là
que je vous demandais cela. Si c'est possible pour vous, à un moment
donné, d'avoir certaines statistiques là-dessus, cela nous
orienterait drôlement, plutôt que de se fier uniquement aux
statistiques d'un seul groupe ou d'une seule personne.
Mme Sarrazin: Lorsque nous aurons ces statistiques, nous vous les
ferons parvenir. Probablement que ce sera très bientôt. (11 h
15)
M. Picotte: Très bien. Je terminerai, pour laisser la
chance à d'autres collègues -en me permettant peut-être d'y
revenir, M. le Président, si besoin il y a - en faisant un commentaire.
À la page 12, entre autres, vous dites: Je crois qu'être
représentées à un comité permanent du MAPAQ
où on analyserait les impacts des politiques agricoles et où on
définirait les nouvelles politiques... Je pense que c'est très
légitime et je souscris entièrement à cette demande de
votre part. Non seulement j'y souscris, mais, à la fin de la commission,
lorsque nous nous réunirons pour présenter un rapport global de
nos travaux, j'essaierai de convaincre mes collègues d'en faire une
recommandation lors de la préparation du rapport qui sera
présenté à l'Assemblée nationale et, par le fait
même, acheminé au ministre de l'Agriculture. Alors, je souscris
entièrement à cette demande. Je vous remercie pour l'instant,
quitte à revenir un peu plus tard avec d'autres questions, s'il y a
Heu.
Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai
reçu une demande d'intervention du député
d'Iberville.
M. Beauséjour: Merci, M. le Président. Je voudrais
vous remercier pour les interrogations que pose votre mémoire. Dans un
sens, cela vient s'ajouter à ce que nous avons entendu hier, dans le
mémoire présenté par les femmes collaboratrices. Pour
mieux comprendre votre action... Vous dites que vous existez comme groupe
depuis un an et demi. Je crois que le groupe des femmes collaboratrices existe
depuis environ un an et demi également. C'est cela?
Mme Sarrazin: Non. Le groupe des femmes collaboratrices existe
depuis cinq ans, soit depuis 1980. Le Comité provincial des femmes en
agriculture existe depuis janvier 1984.
M. Beauséjour: Est-ce que votre comité est
décentralisé au niveau de groupes en région ou de groupes
plus locaux, au niveau municipal, par exemple?
Mme Sarrazin: Mme Ferron.
Mme Ferron: Le comité provincial, comme on vous l'a dit au
tout début du mémoire, est formé de quatorze
représentantes, une pour chacune des régions, au niveau de I'UPA.
Dans chaque région, il y a un comité régional qui existe
actuellement.
M. Beauséjour: Merci. Je ne reviendrai pas en
détail sur la question des fameux 8000 $, laquelle nous apportera
certainement des réflexions pour aboutir à certaines conclusions.
Il me semble qu'il y a tout un problème au niveau des statuts juridiques
qui existent entre des sociétés - c'est possible, c'est un statut
juridique reconnu - des compagnies. Je ne sais pas, l'autre a un statut qu'on
pourrait peut-être appeler "femmes collaboratrices" ou "femmes en
agriculture" qui ne me semble pas un statut juridique reconnu. Est-ce que cela
voudrait dire que vous voudriez qu'il y ait un statut reconnu
juridiquement?
Mme Robert: À l'intérieur du mémoire, comme
vous avez pu le constater, nous n'avons pas abordé la question d'un
statut juridique. Ce qu'on demande, c'est un accès
à la propriété qui entre à
l'intérieur des statuts juridiques actuels. Ce qu'on demande, c'est une
politique qui favorise l'accès à la propriété, qui
favorise la reconnaissance du statut de travailleuse, lequel existe
actuellement mais n'est pas reconnu. C'est ce qu'on demande: une politique qui
favoriserait cela. Nous savons que c'est un héritage avec lequel on aà vivre actuellement. Cet héritage, on le reconnaît
comme n'étant pas très bon. Les femmes l'ont reconnu, ont eu
à vivre avec et ont constaté que cela pose
énormément de problèmes. Vous le reconnaissez, vous nous
l'avez dit: c'est discriminatoire. Il y a des gens qui travaillent et qui ne
sont pas payés. Non seulement ils ne sont pas payés, mais ils ne
sont pas reconnus et n'ont leur place nulle part. Quand on se rend compte que,
dans notre histoire et notre tradition, on se ramasse avec des choses pas
correctes, je pense qu'il faut s'organiser pour qu'elles soient correctes.
C'est dans ce sens qu'on demande des politiques qui favoriseraient
l'accès à la propriété, l'accès à la
reconnaissance de la part que les femmes prennent dans notre
société agricole.
M. Beauséjour: Seulement un exemple. Si toutes les fermes
étaient obligatoirement formées en société, est-ce
qu'à ce moment vous considéreriez que beaucoup de ces
problèmes disparaîtraient? J'ai l'impression qu'il y en a encore
qui resteraient, mais est-ce qu'il y en a beaucoup qui disparaîtraient,
si c'était obligatoire?
Mme Robert: Au départ, si on obligeait toutes les fermes
à se former en société, je serais la première
à dire: Non, je ne veux pas. Je pense qu'il y a une liberté
individuelle d'accès à la propriété qu'il faut
sauvegarder dans une société, peu importe le sexe. Je pense que
là où c'est la volonté des gens de se former en
société et où c'est la volonté des gens de se
former en société mari-femme, il faut le favoriser. C'est dans ce
sens que je parle d'une politique qui favorise, qui rend la chose
alléchante.
M. Beauséjour: Je voyais aussi à la page 7, en
rapport avec cela, qu'au deuxième paragraphe c'est écrit:
"Changer les mentalités est un processus long quand on s'en occupe. "
Qu'on s'en occupe ou non, il semble que c'est quand même toujours long.
J'imagine que vous vous en occupez. C'est pour cela que vous trouvez que c'est
long. Ce processus de changement, en termes de vouloir avoir plus de pouvoirs,
considérez-vous que le mari et la femme sur la ferme... Est-ce qu'il y a
encore beaucoup de travail ou si c'est assez compris maintenant? Le couple,
est-ce qu'ils le comprennent ou si vous considérez qu'il y a encore
là du travail à faire?
Mme Sarrazin: De la façon dont c'est inscrit dans le
mémoire, on parle de changer les mentalités au niveau de ceux et
celles avec qui on intervient. C'est notamment par rapport aux officiers du
crédit agricole, tel que c'est inscrit là. Ce que nous disons,
c'est qu'à l'heure actuelle, quand une femme en agriculture va
rencontrer un officier pour obtenir un prêt, pour demander simplement les
formulaires en vue de demander un prêt, il y a toutes sortes de questions
qui se posent et qui ne devraient pas êtres posées. Même
plus que cela, lorsque tu y vas avec un conseiller en gestion, on peut
même aller jusqu'à ne pas te parler et à parler au
conseiller en gestion, alors que c'est toi la cliente. C'est ainsi que cela se
passe à l'heure actuelle, dans bien des cas. Ce qu'il faut dire, c'est
que ce n'est pas une situation générale. Ce ne sont pas tous les
conseillers du crédit agricole qui font cela, sauf qu'il y a des
mentalités auprès de plusieurs conseillers qui sont vraiment
très négatives lorsqu'une femme arrive pour demander un
prêt.
Ce que nous disons là-dessus, c'est qu'il va devoir y avoir de
l'éducation auprès de ces gens pour qu'ils comprennent que, femme
ou homme, c'est un client qui vient faire affaires tout simplement et qui veut
investir en agriculture, point à la ligne, sans aucune
différence; et que les questions qui sont posées aux hommes
doivent être les mêmes que celles qui sont posées aux
femmes, et non pas un peu plus pour les femmes dans le style: Es-tu capable de
conduire un tracteur? Que vas-tu faire si ton moteur fait défaut? Bien,
je vais faire la même affaire que mon mari. Je vais l'envoyer au garage
pour le faire réparer. Je vais faire la même chose que lut. Alors,
pourquoi poser ces sortes de questions? Ce qu'on dit, c'est que c'est le
même genre de questions qui doivent être posées aux femmes
et aux hommes. Il n'est plus question de regarder l'histoire du sexe ou de
regarder la grosseur des muscles et ainsi de suite. Ce n'est pas cela. Ce qui
compte aujourd'hui, c'est la capacité de gestion. Les questions devront
être les mêmes pour les femmes que pour les hommes, et pour cela il
faut de la formation.
M. Beauséjour: II y a un aspect que j'aimerais mieux
saisir. Vous dites l'éducation, un règlement clair, des
procédures standard. Que voulez-vous dire par des procédures
standard?
Mme Sarrazin: C'est précisément ce que je disais.
D'après moi, il y a des questions qui devraient être posées
à tout le monde, mais il y en a d'autres qu'on n'a pas du tout besoin de
poser, dans le style un peu de ce que je vous ai dit.
M. Beauséjour: Ah bon! Je vous remercie.
Mme Sarrazin: Je vais m'arrêter parce que je pourrais en
parler longtemps.
M. Beauséjour: Vous apportez un autre point qui n'a pas
été touché par votre rapport; vous ne l'avez
effleuré que légèrement. En partie dans mon comté -
cela déborde un peu mon comté - j'ai eu des discussions à
ce sujet, concernant la garde des enfants en milieu agricole. On sait
qu'autrefois les équipements étaient moins sophistiqués,
que c'était moins dangereux d'amener les enfants sur le lieu de travail
de la ferme, dans l'étable ou ces choses-là. Aujourd'hui, c'est
compliqué de surveiller les enfants dans l'étable à cause
de tous les équipements qui sont même parfois dangereux. Cela pose
un problème. Il y a des femmes, en partie dans mon comté, qui ont
commencé à travailler là-dessus il y a deux ou trois ans.
Hier, en dernier, j'ai posé la question et vous l'avez effleurée.
Je voudrais savoir où en sont rendues les démarches pour trouver
une solution à ce problème. Cela me paraît un
problème qui touche beaucoup les couples qui ont de jeunes enfants.
Mme Sarrazin: Mme Ferron.
Mme Ferron: Disons qu'actuellement, comme on l'a mentionné
tantôt, il y a une enquête questionnaire qui a été
faite dans La Terre de chez nous. Les dames sont à y répondre. On
reçoit des réponses et on en attend encore. C'est par ces
réponses qu'on va pouvoir découvrir les besoins, parce qu'ils ne
sont peut-être pas tous les mêmes dans chacune des régions.
Vous voulez peut-être faire allusion au fait que, dans Wotton, il y a
déjà un projet en marche, un projet pilote où on travaille
à une expérience, si on peut dire, sur le gardiennage en milieu
rural.
M. Beauséjour: À quel endroit?
Mme Ferron: C'est un groupe de Wotton.
M. Beauséjour: Ah! Je n'étais pas au courant de
celui-là.
Mme Ferron: Ah bon! Cela veut dire qu'actuellement il a
présenté...
M. Beauséjour: J'étais au courant que, dans la
région de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, et celle de
Saint-Damase...
Mme Ferron: Ah bon!
M. Beauséjour:... il y avait des interrogations.
Mme Ferron: Peut-être qu'on le saura à la suite du
questionnaire enquête qui a déjà paru dans certaines
régions. On a déjà fait du travail aussi dans la
région de Saint-Hyacinthe. C'est un dossier sur lequel on travaille
actuellement. On ne peut pas vous mentionner de chiffres. Le besoins ne sont
pas clairement définis. C'est par les réponses qu'on va pouvoir
le savoir.
M. Beauséjour: On n'en est pas encore rendu à
l'évaluation de la façon de régler ce problème?
Mme Ferron: C'est cela. C'est justement, parce que le
questionnaire enquête vient de paraître. Il a paru le 14
février. On pourra peut-être y donner suite une peu plus tard,
avec ce qu'on aura.
M. Beauséjour: Le résultat va-t-il aussi
paraître dans...
Mme Ferron: Dans La Terre de chez nous?
M. Beauséjour:... La Terre de chez nous?
Mme Ferron: II va certainement paraître dans La Terre de
chez nous. Au niveau du comité provincial, on va communiquer avec les
comités régionaux. On va essayer de sortir un document sur
cela.
M. Beauséjour: Pour nous, députés,
étant donné que je suis abonné à La Terre de chez
nous, je pourrai au moins voir les résultats et...
Mme Ferron: On peut quand même en prendre note et vous
donner les résultats.
M. Beauséjour: Je vous remercie.
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député d'Iberville. Avant de passer la parole au
député de Berthier, j'ai une ou deux questions à poser au
groupe devant nous. Je veux d'abord vous indiquer que le projet Agri-Garde dans
Wotton est dans le comté de Richmond. J'ose espérer que le
dynamisme de ce groupe aura inspiré un paquet d'autres projets dans tout
le Québec. Ce projet d'ailleurs a été confirmé lors
du dernier sommet socio-économique en Estrie.
Voici l'objet de ma première question. Vous avez sûrement
entendu dire que notre commission avait recommandé au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de former une
commission d'appel des décisions que rendait l'office dans le cas de
prêts qui étaient refusés à des individus. Voici ma
première question: Jugez-vous cette commission pertinente,
nécessaire? Si oui, comment en verriez-vous
la composition? Qui devrait faire partie de cette commission d'appel?
(11 h 30)
Mme Sarrazin: Si nous n'en avons pas parlé dans notre
mémoire, c'est que nous laissions le soin à l'UPA de pousser
cette option, mais nous sommes totalement en accord avec cette commission
d'appel. Ce que j'aimerais dire là-dessus, c'est que les personnes qui
vont y avoir affaire le plus vite, ce seront justement les femmes en
agriculture.
Puis, concernant la composition, il y a une chose que je sais, c'est
qu'il faut qu'il y ait suffisamment de femmes, d'agricultrices, au même
titre que les agriculteurs à cette commission. Nous n'avons pas fait
d'études et nous n'avons pas discuté à savoir qui pourrait
la composer, sauf que nous savons que c'est un besoin. Nous sommes totalement
en accord avec cette commission d'appel et pour qu'il y ait des agricultrices
qui en fassent partie, naturellement.
Le Président (M. Vallières): Je tenais à
vous le faire souligner parce que, jusqu'à maintenant, on avait
demandé que ce soient les agriculteurs en général qui en
fassent partie, majoritairement. Le genre de mémoire que vous nous
présentez aujourd'hui est de nature à nous inciter à
préciser notre recommandation quant à la composition de cette
commission. Une dernière question...
Mme Sarrazin: On est assuré que vous ne nous oublierez
pas.
Le Président (M. Vallières): Je pense que vous
pouvez y compter. Concernant un point de votre mémoire, en page 8, vous
dites: "Nous demandons pour toute emprunteuse la possibilité de choisir
l'officier (ère) avec lequel (laquelle) elle veut travailler. "
Pourriez-vous m'indiquer comment cela se passe présentement, quand vous
arrivez en région et que vous voulez avoir la possibilité de
rencontrer un conseiller? On vous en attribue un et vous n'avez pas de choix
possible?
Mme Sarrazin: Dans une région agricole
désignée, il y a plusieurs conseillers de crédit. Chacun
de ces conseillers - je peux parler par expérience personnelle - a un
territoire donné sur lequel il travaille. Or, quand vous avez le malheur
de frapper des mentalités comme celle dont vient de discuter quant aux
officiers du crédit agricole et que vous n'avez pas le choix du
conseiller, alors, il arrive des discriminations flagrantes. C'est pour cela
qu'il faut avoir le choix du conseiller. C'est la même chose lorsqu'on
s'adresse à une banque ou à une caisse. Si le bonhomme qui est en
avant ne fait pas ton affaire, tu vas en trouver un autre et tu négocies
ton prêt quand même.
Mais, actuellement, on ne peut pas faire cela à l'office. Ce
qu'il faut faire, actuellement, c'est sauter des échelons
hiérarchiques, si tu veux avoir le choix, si tu veux ne pas faire
affaires avec un conseiller. Cela arrive, des gens dont la face ne te revient
pas; ces choses-là arrivent aussi en agriculture. Ce besoin n'est pas
seulement pour les femmes, c'est aussi pour les hommes.
Le Président (M. Vallières): Là-dessus, je
ne voudrais pas priver mon collègue de Berthier de poser d'autres
questions, mais j'espère que le député d'Arthabaska va
revenir tantôt auprès de vous avec une question qu'il a
posée à d'autres groupes hier, sur la possibilité que les
gens qui s'adressent aux officiers évaluent le travail qu'ils ont fait.
C'est peut-être une incitation à le faire avec le maximum de
respect des deux sexes.
M. le député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord, mes
premières paroles seraient pour vous féliciter et vous remercier
d'être venues en aussi grand nombre ce matin. C'est l'une des meilleures
délégations que nous ayons eues depuis le tout début de
l'audition des mémoires entendus soit à Montréal, à
Saint-Hyacinthe et ici à Québec. En même temps, je voudrais
souligner particulièrement la présence de la
vice-présidente qui est de mon comté, Mme Sarrazin, et de tous
les gens qui sont de mon comté parce que je crois que près de la
moitié des gens ici ce matin sont du comté de Berthier. C'est
tout un honneur de vous recevoir devant tout le monde.
En plus, je voudrais attirer l'attention de mes collègues sur la
façon dont vous avez présenté votre mémoire. Vous
l'avez très bien présenté mais, en plus, quelquefois,
c'est non seulement par la parole qu'il faut faire comprendre quelque chose
à des gens, mais par des images. Ce qu'on voit sur votre cahier ce
matin, c'est une balance montrant la même importance de l'homme et de la
femme ou de la femme et de l'homme. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on devrait le
reconnaître, mais depuis bien longtemps. Par le travail que vous avez
fait depuis plusieurs mois - je suis au courant parce que j'ai eu l'occasion de
vous rencontrer à plusieurs reprises et d'échanger des propos
avec vous autres - je sais que vous êtes convaincantes dans ce que vous
avancez et dans toutes les démarches que vous avez faites depuis le
début.
Étant donné que je suis probablement le dernier à
prendre la parole, je vais vous poser seulement une question pour savoir vos
idées là-dessus. À la suite du mémoire qui nous a
été présenté hier, mémoire sur la formation
de la relève agricole, venant des cégeps d'Alma, Champlain,
Lennoxville,
Joliette, Lévis-Lauzon, Matane, Saint-Jean-Richelieu et
Victoriaville, qui disait ceci: En France, par exemple, l'accès à
un prêt agricole est conditionné par un minimum de 200 heures de
formation... Il apparaît, en effet, moins risqué de prêter
à des gens qualifiés. J'aimerais savoir de vous, mesdames, ce
matin, si vous êtes prêtes à faire - il faut le dire - des
sacrifices parce que cela en demande autant aux hommes qu'aux femmes. Est-ce
que vous êtes prêtes à faire les mêmes sacrifices,
donner le même temps pour aller chercher toute l'information qu'il vous
faudra pour être capables de faire aussi bien - et même plus, dans
certains domaines - pour obtenir un prêt agricole?
Je vais citer encore trois lignes dans le mémoire qui a
été présenté: "On considère que, parmi les
intervenants du milieu agricole, le taux de succès d'une entreprise
agricole est lié au niveau de la formation de son gestionnaire. " Ce que
je veux dire par là, c'est que, dans plusieurs métiers, cela
prend une carte pour aller travailler, cela prend une carte pour avoir tant
d'heures; cela prend une carte pour être capable d'ouvrir un bureau pour
faire quoi que ce soit. Dans l'agriculture, si cela prenait une carte pour
être capable d'avoir des choses comme les autres, je pense que vous
êtes capables de le faire, vous aussi, comme nous, les hommes, avoir une
carte pour être capables d'aller chercher le maximum et peut-être
risquer moins dans les prêts qui sont faits autant aux hommes qu'aux
femmes par le gouvernement ou les gouvernements, si vous voulez - soit
fédéral ou provincial, parce que nous avons eu la visite du
fédéral hier matin - pour qu'il y ait moins de pertes, pour que
les gens soient plus au courant, plus à la fine pointe de tout ce qui se
passe actuellement. J'aimerais savoir ce que vous êtes prêtes
à faire en tant que femmes agricultrices.
Mme Robert: Je pense que ce qui ressort de toutes nos
tournées régionales, provinciales, c'est que la première
chose que les femmes demandent au niveau des comités, c'est de la
formation. Je ne pense pas que ce soit une question de sacrifices. C'est un
plaisir. Il reste qu'il faut quand même tenir compte, dans tout programme
de formation qui sera mis en place, que, souvent, c'est une véritable
révolution pour que la femme sorte de la maison. Je pense que les femmes
qui sont ici ce matin et celles qui sont chez elles, parce qu'il n'y avait
personne pour amener les enfants à l'autobus le matin, pourront le dire.
Si on veut de la formation - et c'est ce qu'on demande, la formation - je pense
qu'il faudra y mettre tout ce qu'il faut, tous les soutiens qu'il faut. C'est
beau, ouvrir des cours, les rendre disponibles, mettre de belles listes de
cours, mais si les gens, pour toutes sortes de questions, soit
financières, soit de temps, d'organisation, etc., ne peuvent y aller, ne
peuvent prendre le temps de le faire, c'est inutile de le faire. On peut
créer de belles structures, mais, si les gens ne sont pas là, on
n'aura pas de formation. Je pense que ce n'est pas un problème. C'est
très clair. Les femmes en veulent. Elles ont un besoin de formation.
Elles vont le faire avec plaisir, mais il faut vraiment mettre en place quelque
chose pour que les femmes puissent y aller.
M. Houde: M. le Président, je prends la parole des dames
qui sont ici devant moi et je pense qu'elles sont capables de faire quelque
chose de bien. Encore une fois, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Vallières): M. le
député d'Arthabaska, suivi du député de
Nicolet.
M. Baril (Arthabaska): Oui, mesdames, on parle beaucoup
d'implication, de reconnaissance du rôle de la femme dans le milieu
agricole. Pouvez-vous nous dire quel pourcentage de reconnaissance ou de quelle
façon vous avez réussi à vous impliquer, pour ne pas dire
vous imposer dans ce même milieu agricole au sein de l'Union des
producteurs agricoles? Quelle est la reconnaissance que l'Union des producteurs
agricoles donne à votre groupe?
Mme Sarrazin: La reconnaissance, je ne voudrais pas
m'étendre énormément là-dessus, vu que... En tout
cas, au niveau du mémoire, il y a beaucoup de choses à dire
encore. La reconnaissance comme telle, ce sont des comités. C'est un
soutien technique et financier que l'UPA nous accorde à l'heure actuelle
pour le comité des femmes, mais c'est quand même un soutien - il
faut le dire - minime.
M. Baril (Arthabaska): J'ai presque envie de vous demander -
parce que, tout à l'heure, je vais répondre à une des
questions que vous avez posées dans le mémoire -combien il y a de
femmes qui sont directrices de leur syndicat de secteur. Est-ce qu'il y en a au
Québec et combien peut-il y en avoir?
Mme Sarrazin: Il y en a de plus en plus. Nous n'avons pas les
chiffres aujourd'hui. Nous pouvons les avoir éventuellement,
étant donné que nous faisons partie de la structure syndicale et
que la structure syndicale a ces chiffres, mais il y en a de plus en plus et
plus vous allez, par votre influence, par les mesures, par les recommandations
que vous allez apporter, favoriser une accessibilité à la
propriété,
plus nous aurons de femmes qui seront productrices et qui seront dans le
mouvement syndical.
M. Baril (Arthabaska): Il y a une personne qui travaille avec moi
et qui a suivi son cours à l'ITA de Saint-Hyacinthe. Elle me disait que,
lorsqu'elle a suivi son cours à Saint-Hyacinthe, il y avait 3 filles
pour 90 garçons qui ont suivi le même cours. Pourquoi pensez-vous
qu'il n'y a pas plus de filles qui recherchent une formation soit en gestion
agricole ou en agronomie, etc. ?
Mme Sarrazin: Cela fait référence à toute la
question des mentalités. Vous savez, il y a dix ans, au Québec,
il y avait très peu de femmes productrices agricoles. Cela a
commencé par une et cela a fait des petits, si je puis dire. Il y en a
maintenant de plus en plus. Ce qu'il faut retenir et qui est très
important, c'est qu'aujourd'hui les femmes qui sont productrices agricoles et
qui sont reconnues, c'est parce qu'elles l'ont voulu. Cela a été
un choix. Ce n'est pas parce que le mari est décédé et
qu'elles le sont devenues. C'est un choix. Mais ce modèle, que nous
n'avions jamais vu il y a quinze ans et qui n'existait pas, devient aujourd'hui
de plus en plus fréquent. À ce sujet, je ne sais pas si vous avez
vu l'émission des Beaux Dimanches il y a deux semaines, mais nous avons
vu des femmes productrices agricoles. Cette publicité des modèles
que nous voyons va permettre d'avoir de plus en plus de ces femmes.
Il y a aussi autre chose à retenir. Encore aujourd'hui, il y a
toute la tradition ou la mentalité du don des fermes des parents aux
fils. Veux, veux pas, même les femmes embarquent bien souvent dans cette
histoire. Mais comment voulez-vous que la femme cède quelque chose
à sa fille quand elle n'a rien? Moi, je céderai quelque chose
à ma fille. Je vais pouvoir lui céder quelque chose parce que
j'ai quelque chose. Mais si je ne suis pas reconnue et que je n'ai rien,
qu'est-ce que je peux céder? Très peu. II y a des modèles,
il y a de l'éducation à faire. C'est bien sûr qu'il y a des
mentalités à modifier. C'est notre responsabilité, mais
c'est aussi la vôtre en favorisant des moyens incitateurs et des
politiques égalitaires pour que les femmes soient de plus en plus
proches de l'influence et des pouvoirs décisionnels, en leur donnant une
place. Les femmes seront alors de plus en plus partout. C'est comme une balle
de neige qui s'amasse.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez sans doute entièrement
raison. Au sujet des programmes incitateurs, précisément, pour
essayer d'encourager ou d'inciter très fortement les
propriétaires, les agriculteurs à vendre à leur fils ou
à leur fille, est-ce qu'il y a seulement des moyens financiers pour
cela? Selon vous, est-ce qu'il y aurait d'autres moyens pour encourager les
parents à vendre à leur fille ou à leur fils, au lieu de
dire: Si tu n'arrêtes pas tout de suite d'aller à l'école,
moi, je vends? Il y en a d'autres qui sont venus nous dire cela, à
savoir que les jeunes qui sont aux études sont stressés parce
qu'à l'âge de 19, 20 ou 21 ans, souvent, ils ne sont pas
prêts à acheter la ferme. Le père dit: Si tu
n'achètes pas aujourd'hui et si tu continues d'aller à
l'école, moi, je suis tanné, je ne suis plus capable ou, pour
toutes sortes de raisons, je vends. Est-ce que vous avez d'autres moyens
à nous suggérer et qu'on pourrait implanter ensemble? D'autres
moyens, que ce soient des avantages fiscaux ou je ne sais trop?
Mme Sarrazin: Mme Robert.
Mme Robert: Dans votre question, je pense que vous avez
déjà posé le problème en disant, par exemple: Tu ne
vas plus à l'école parce que j'ai besoin de main-d'oeuvre bon
marché, comme on dit, d'une main-d'oeuvre non salariée et, plus
tard, comme je te vends la ferme à rabais, tu auras ton salaire, etc.
Cette situation est une roue sans fin. C'est pourquoi nous disons que c'est
d'énurnérer des moyens. C'est un ensemble de moyens, finalement.
Je pense que, si on a déjà dans la tête qu'à l'heure
actuelle, par la commission... On a beaucoup parlé de formation, c'est
très important. Mais là, on dit qu'ils ne vont pas chercher leur
formation. C'est ce qu'on se demande. Est-ce qu'à l'heure actuelle on
peut véritablement vivre de l'agriculture, dans tous les sens du mot?
Cela ne veut pas dire survivre. À l'heure actuelle, j'ai l'impression
qu'on survit en agriculture. (11 h 45)
Pour y arriver, il faut y mettre plusieurs heures. Il faut cumuler trois
ou quatre emplois à la fois. J'ai l'impression que, du côté
de la rentabilité, de l'organisation et de la gestion,
présentement, il y a plusieurs aspects qu'il faut regarder de
très près à l'heure actuelle pour voir comment les gens
pourraient y vivre mieux. Je pense que la gloire de l'agriculteur qui disait:
"Moi, je fais 90 heures par semaine, je suis un bon agriculteur", c'est fini,
cela. L'agriculteur qui prenait des vacances, c'était quasiment mal vu
et c'est fini, cela aussi. Si on prend la peine de vivre en agriculture,
l'agriculture va se porter beaucoup mieux.
M. Baril (Arthabaska): Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais,
selon une étude qui a été faite, on disait, entre autres,
qu'aux États-Unis, quand on investit dans la formation, on augmente la
rentabilité de
l'entreprise d'à peu près 45%, il me semble, ou 48%. J'ai
trouvé cela énorme. Vous parlez justement de rentabiliser nos
entreprises, de rentabiliser le domaine agricole et pas nécessairement
en travaillant 100 heures par semaine. Il faudrait travailler également
sur les coûts de production dans le milieu agricole. Comment arriver
à produire pour faire face à nos coûts de production?
Est-ce que l'État doit s'impliquer davantage dans les assurances
agricoles? Est-ce le prix de vente de nos produits qui est en cause? Est-ce
qu'il faudrait l'augmenter ou, comme quelqu'un nous l'a dit, subventionner la
consommation, le consommateur comme tel? Est-ce que vous vous êtes
penchées sur ces choses-là?
Mme Sarrazin: Comme groupe qui commence, nous ne nous sommes pas
penchées plus que cela là-dessus; cependant, il y a
peut-être des choses, des petits points de repère que d'ores et
déjà on peut retenir dans le sens suivant. Pourquoi, quant aux
coûts de production actuels véhiculés par le
ministère de l'Agriculture et la Régie des assurances agricoles,
l'homme est-il comptabilisé au salaire de l'ouvrier
spécialisé, à 12 $ l'heure, et la femme au salaire de
l'ouvrier agricole, à 4, 50 $? C'est une façon de
reconnaître les femmes; posons-nous la question sérieusement.
Déjà là, il y a quelque chose à faire.
M. Baril (Arthabaska): Dans l'évaluation que l'Office du
crédit agricole pourrait faire, dans les critères qu'il pourrait
établir pour juger à qui on doit accorder un prêt, à
un homme ou à une femme, quels sont, selon vous, les critères sur
lesquels l'office devrait surtout appuyer? Je ne parle pas plus pour les hommes
que pour les femmes, mais, en général, pour une politique future
de financement agricole.
Mme Sarrazin:...
M. Baril (Arthabaska): Excusez, je vais finir pour être
clair. Est-ce qu'on devrait exiger une formation ou si on devrait faire comme
au préalable, en disant "ou expérience équivalente"? On
disait qu'un gars ou une fille qui travaille chez ses parents, sur la terre
depuis quatre ou cinq ans, cela équivaut à tant d'années
de cours.
Mme Sarrazin: Nous pensons qu'à l'heure actuelle, de la
façon que fonctionne l'Office du crédit agricole, c'est
plutôt au niveau des garanties qu'il insiste. Il se privilégie en
demandant toutes les garanties qu'il faut et même beaucoup plus que les
besoins. À l'heure actuelle, le principal critère est
celui-là et nous ne sommes pas d'accord. Le critère qui devrait
guider l'Office du crédit agricole devrait être beaucoup plus la
capacité de remboursement de l'entreprise.
Il y a un autre point très important: la capacité de
gestion de cette agricultrice et de cet agriculteur dont on devrait tenir
compte, ce qui n'est pas le cas, à l'heure actuelle. Comme cela, nous
éviterions d'avoir de très belles faillites et ainsi de suite,
tout ce qu'on peut voir à l'heure actuelle au Québec. Je pense
que ce sont les deux points primordiaux: la capacité de gestion de la
personne et sa capacité de remboursement comme entreprise, compte tenu
de la rentabilité de l'agriculture. Ce sont les deux critères
auxquels on doit s'attacher présentement.
M. Baril {Arthabaska): Seriez-vous pour ou contre, après
l'acceptation du prêt, qu'il y ait une sorte de suivi par l'office?
Mme Sarrazin: Mme Robert.
Mme Robert: C'est certain que, d'après le mémoire,
de la façon dont nous avons travaillé ce mémoire, nous ne
nous sommes pas attachées à ces détails. Comme
représentations ici, je ne voudrais quand même pas poser des
prémisses ou des jalons qui ne représentent pas
véritablement... C'est un fait qu'un suivi, à première
vue, ne pourrait pas être mauvais, il pourrait sûrement être
bon dans n'importe quelle action que l'on pose. Normalement, on doit suivre,
surtout avec les sommes d'argent qui y sont investies.
M. Baril (Arthabaska): Pour améliorer davantage la
situation, pensez-vous que l'application de la loi de la banque de terres,
d'une façon plus large qu'on ne l'applique aujourd'hui... Si
l'État achète une ferme pour la relouer, pour autant qu'il y ait
un ou une locataire sur cette même entreprise, croyez-vous que cela
avantagerait l'achat de fermes par des agricultrices?
Mme Sarrazin: Comme je le disais au début, pour ce qui est
de la question de la banque de terres et ainsi de suite, nous avons
laissé ces données, nous avons donné le soin à
l'UPA de faire les représentations. Pour ce qui nous concerne, les
femmes dans l'agriculture, ce sont nos problèmes et nos besoins que nous
vivons actuellement. C'est ce que nous voulons vous présenter et nous
n'avons pas réfléchi à cette question.
M. Baril (Arthabaska): D'accord. Pour ce que mon collègue
de Richmond vous a dit tout à l'heure, il vous a posé la
question, mais il ne vous a pas laissé répondre. Je vais vous la
reposer. Est-ce que vous seriez d'accord pour faire une sorte
d'évaluation du conseiller financier, après qu'il y a eu un refus
ou une
acceptation? Le ministère, l'office, c'est-à-dire - cela
pourrait être le ministère -pourrait faire parvenir une fiche qui
ne serait pas numérotée, où personne n'aurait à
signer, ceci pour faire une évaluation du conseiller financier qui vous
a contactée ou qui a étudié votre dossier; pensez-vous que
les gens seraient réticents à une telle formule?
Mme Sarrazin: Mme Robert.
Mme Robert: Je pense qu'il va de soi que, lorsqu'il y a une
analyse qui est faite par l'officier sur les personnes ou la personne qui veut
emprunter, cela fait partie du dossier. Je pense qu'il serait légitime
que l'analyse de l'emprunteur ou de l'emprunteuse puisse être faite
aussi, il y aurait vraiment les facettes des intervenants sur le travail qui se
fait dans ce dossier. Alors, à l'heure actuelle, c'est une facette
unilatérale, très souvent, qu'il y a là-dedans.
M. Baril (Arthabaska): Je vais répondre à la
question que vous posiez, je ne sais pas à quelle page de votre
mémoire. Vous vous demandiez combien il pouvait y avoir de
conseillères financières à l'Office du crédit
agricole. Vous disiez: "Répondez-nous: combien y a-t-il - ah, je l'ai
ici d'officières du crédit à l'Office du crédit
agricole?" J'ai obtenu les chiffres; sur 103 conseillers financiers, il y a 19
femmes conseillères. Et c'est seulement depuis trois ou quatre ans qu'il
y a des femmes qui sont là. La raison qu'on me donne, c'est que,
évidemment, il y a de plus en plus de filles qui suivent des cours dans
les instituts d'agronomie; elles ont certaines connaissances et elles
répondent à certaines exigences de l'office pour devenir
conseillères. La politique de l'office est celle-ci. Au fur et à
mesure qu'il engage des personnes comme conseillers financiers, il veut
appliquer la politique de 50-50, autant de femmes que d'hommes conseillers en
gestion. Évidemment, sî on en engage des nouveaux, il faut qu'on
l'applique; mais, pour les autres, il faut attendre qu'il y en ait qui prennent
leur retraite. Il semble, en tout cas, y avoir une volonté de l'office
de répondre à ce besoin. Plus il y aura de femmes qui suivront
une certaine formation, plus elles pourront répondre aux exigences et
aux critères de n'importe quel concours de recrutement.
Mme Sarrazin: Combien y en a-t-il au siège social?
M. Baril (Arthabaska): Je n'ai pas la réponse, madame.
Mme Sarrazin: II y en a très peu, très peu.
Là aussi, il faudrait...
M. Baril (Arthabaska): Oui, vous avez bien raison, mais vous
savez - ce n'est pas une excuse que je veux donner - avec la politique de
restrictions budgétaires des gouvernements de ne pas augmenter le
personnel de la fonction publique, c'est plus difficile d'appliquer une
politique favorisant l'insertion de plus de femmes dans l'administration, dans
l'appareil de l'État.
Mme Sarrazin: Y a-t-il...
M. Baril (Arthabaska): Mais...
M. Gagnon (Champlain): M. le Président, si vous me
permettez...
Le Président (M. Vallières): Oui.
M. Gagnon (Champlain):... juste 30 secondes. Ce qu'on peut dire,
par exemple, c'est que, depuis quelques années, au cabinet du ministre
de l'Agriculture, au sein du personnel politique et des postes importants, on
retrouve maintenant plusieurs femmes. Je ne connais pas le nombre, mais...
M. Baril (Arthabaska): Oui. En tout cas, personnellement, je vous
remercie beaucoup de votre mémoire. Nous essaierons, dans les
recommandations de la commission, de dégager les suggestions
appropriées que vous nous avez faites pour proposer certaines
recommandations au ministre de l'Agriculture ainsi qu'à l'Office du
crédit agricole.
Le Président (M. Vailières): Très bien. M.
le député de Nicolet, en trois minutes.
M. Beaumier: M. le Président, vous êtes
terrible...
Le Président (M. Vailières): II fallait en parler
à vos collègues. Nous avons une enveloppe de temps qu'il faut
respecter.
M. Beaumier:... parce que j'avais beaucoup de choses à
dire. En ce qui concerne l'information, on a eu beaucoup de
représentations de différents groupes qui ont noté qu'il y
avait des problèmes au niveau de la formation: elle est inexistante ou
pas tout à fait adéquate. Cela se donne à divers niveaux,
dans les polyvalentes, dans les cégeps ou dans les instituts de
technologie. Est-ce que vous avez fait une réflexion sur ce que vous
vaudriez avoir, sur les grandes lignes de ce que serait une bonne formation?
Sous quelle forme voudriez-vous l'avoir? Est-ce qu'elle serait
différente de celle des hommes, complémentaire ou égale?
Si vous voulez - là-dessus, on est tous d'accord -avoir le même
statut qu'un agriculteur, est-ce que cela exigerait une formation
différente? Pourquoi ne serait-ce pas la même? Quelles en seraient
les grandes
lignes? Il n'est pas nécessaire de tout dire, parce que nous
n'avons que trois minutes, mais j'aimerais savoir si vous êtes
allée un peu plus loin que de dire que vous avez besoin d'une bonne
formation. J'aimerais que vous nous disiez de quel genre de formation vous
auriez besoin.
Mme Sarrazin: Je pense que nous n'avons pas encore beaucoup de
précisions sur le style de formation qui nous serait plus
nécessaire. Il est sûr qu'au niveau de la capacité de
gestion il va toujours falloir aller dans ce sens. Mais ce qu'on peut dire,
c'est qu'il y a des cours qui sont donnés actuellement aux femmes en
agriculture et qui sont de très bons modules. Ces cours sont
préparés, tout est là, mais il n'y a pas un suivi ou un
appareillage pour en faire la promotion ou pour en donner les conditions pour
que la clientèle puisse les suivre. Comme on vous le disait tout
à l'heure, même s'il y avait 50 cours offerts aux agricultrices et
aux agriculteurs, s'il n'y a pas une rentabilité de la ferme pour que
les agricultrices aient une automobile, aient l'argent pour défrayer les
cours, pour les remplacer à la ferme et pour garder les enfants, comment
vont-elles s'y rendre? C'est le problème fondamental.
M. Beaumier: Donc, ce n'est pas une question de formation,
puisque vous dites que les programmes sont là. C'est une question
d'accès à la formation. C'est ce que vous voulez dire?
Mme Sarrazin: Ce sont les deux... M. Beaumier: Les
deux.
Mme Sarrazin:... sauf que, pour se prévaloir de cette
formation, il faut y avoir accès. Pour y avoir accès, cela prend
de l'argent.
M. Beaumier: Est-ce que, par exemple, si la formation
était donnée chez vous... Cela existe. Il y a toutes sortes de
cours dispensés par la télé-université, etc. Est-ce
que cela pourrait être une bonne avenue? Cela se fait dans d'autres
secteurs. C'est une simple suggestion. (12 heures)
Mme Sarrazin: Ce que nous avons essayé de dire dans notre
mémoire, c'est que l'agriculture est tellement peu rentable actuellement
dans plusieurs secteurs que, ce qu'il faut, c'est de faire des triples
journées de travail. Même si la formation était
donnée à la télévision, si tu n'as pas le temps,
parce que ton entreprise est presque au bord de la faillite et que la femme est
obligée d'aller chercher un revenu hors ferme, où va-t-on trouver
le temps de suivre les cours à la télévision? C'est
là le problème à l'heure actuelle. La rentabilité
nous oblige à prendre tout le temps que nous avons, tout notre travail
pour faire vivre l'entreprise. Ce n'est pas l'entreprise qui nous fait vivre,
c'est nous qui faisons vivre l'entreprise.
M. Beaumier: D'accord. Mais pour être plus clair, quand je
parlais de télé-université, ce n'est pas
nécessairement à la télévision. Cela veut dire que
ce sont des cours qui se donnent par des conseillers et des documents, etc.
C'est beaucoup moins lourd que d'avoir à telle heure à être
devant la télévision, mais vous me dites que beaucoup de vos gens
n'ont pas le temps parce qu'ils doivent aller au plus pressant.
Deuxième point pour qu'on se comprenne bien. Quand vous parliez
tantôt de l'assurance-stabilisation qui reconnaissait deux niveaux de
salaire selon que c'était le propriétaire ou le conjoint qui,
statistiquement, est la conjointe, est-ce que vous seriez d'accord si je disais
la chose suivante? Au fond, ce n'est pas cette politique
d'assurance-stabilisation qui est discriminatoire vis-à-vis des femmes.
C'est parce qu'il y a, au niveau de la propriété... Les
propriétaires, malheureusement, statistiquement, ce sont majoritairement
des hommes, mais c'est pour une raison de propriétaire et d'ouvriers et
non pas discriminatoire par rapport à ce que ce soit un homme ou une
femme... Au fond, c'est la mentalité et l'existence des structures
actuelles de propriété qui rendent les politiques
discriminatoires et non l'inverse.
Mme Robert: Vous avez peut-être raison. C'est
peut-être au niveau de l'interprétation, mais il reste que, sur
une ferme, on dit: L'exploitant, 13 $; la collaboratrice, 4, 50 $;
pourquoi?
M. Beaumier: Cela doit exister, je m'en excuse, des entreprises
agricoles dont les propriétaires sont des femmes et dont le conjoint...
À ce moment, c'est inversé. Ce n'est donc pas lié à
la discrimination homme-femme, mais à la discrimination du statut de
propriété ou de la structure de la propriété.
Mme Robert: La structure de la propriété et
à la façon de l'interpréter. Pourquoi, dans une enterprise
où il y a un seul propriétaire, la personne qui travaille en
collaboration te même nombre d'heures que l'autre personne aurait-elle un
salaire horaire moindre que la personne qui a les titres de
propriété, alors que la valeur du travail des deux personnes est
souvent égale? Il n'est peut-être pas le même, mais il est
égal.
Le Président (M. Vallières): Je dois intervenir
à ce moment-ci. J'ai déjà dépassé
l'enveloppe de cinq minutes. Je vais peut-être demander à
Mme Sarrazin ou à Mme Ferron quelques mots en conclusion.
M. Beaumier: Est-ce que je peux conclure, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Vallières): Vous allez poser votre
question et Mme Sarrazin ou Mme Ferron va conclure en répondant.
M. Beaumier: Je n'avais pas de question. Puisque je n'ai plus de
temps, je voulais tout simplement, au nom de ma formation vous remercier et
vous dire que j'avais au moins encore cinq ou six questions.
Intéressantes? Je ne le sais pas, mais en tout cas du même type.
Merci bien.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Mme Ferron: Au nom du comité, j'aimerais remercier les
membres pour leur attention. Nous espérons que nous ne serons pas
oubliées lors de vos recommandations. Notre désir serait
peut-être d'être consultées et de prendre part aux
décisions.
Le Président (M. Vallières): Je tiens
également à vous remercier de votre contribution à nos
travaux et de la qualité tant de votre mémoire que des
réponses apportées à nos questions. Je pense bien que la
qualité de vos représentations me semble une garantie de
succès dans notre consultation et les suites qui seront données
aux recommandations que nous ferons à l'Assemblée nationale du
Québec. Merci beaucoup et souhaitons que nous pourrons vous revoir avec
une contribution aussi positive à nos travaux. Merci.
Mme Sarrazin: Vous nous reverrez. Le Président (M.
Vallières): Très bien. Une voix: Au revoir.
Le Président (M. Vallières): Je demanderais
maintenant au groupe du Conseil des productions animales du Québec de
prendre place à la table.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Pendant que nos invités vont s'attabler,
j'aimerais soulever un point de règlement pour les élus du peuple
ici autour de la table. ' Je remarque qu'à l'horaire nous avons encore,
pour aujourd'hui, trois organismes à entendre: le Conseil des
productions animales du Québec, la Confédération des
caisses populaires et d'économie
Desjardins, de même que la Faculté des sciences de
l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval.
Nous devrions normalement entendre le Conseil des productions animates
jusqu'à 13 heures, ce qui veut dire que ce rapport sera terminé;
à 15 heures, après la période des questions, vers 15 h 10,
nous entendrons la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec pour une période de deux
heures. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu, autour de 17 heures, 17 h 10,
17 h 15 au maximum, d'entendre la Faculté des sciences de l'agriculture
et de l'alimentation de l'Université Laval, ce qui ferait que, vers 18 h
15 ou 18 h 20, nos audiences seraient terminées. Cela permettra à
ceux qui, parmi le personnel de soutien, veulent aller à Sherbrooke de
s'y rendre en soirée, plutôt que d'attendre à la
dernière minute. On aurait assez de temps de consacré à ce
mémoire et on terminerait vers 18 h 15, au maximum.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: On n'a aucune objection. M. Picotte:
Aucune objection.
Le Président (M. Vallières): II n'y a pas
d'objection.
M. Picotte: M. le Président, le secrétaire va en
prendre avis et prendre les dispositions pour que la Faculté des
sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval
soit avec nous vers 17 heures. Merci.
Le Président (M. Vallières): J'inviterais le
Conseil des productions animales du Québec à prendre place.
À l'ordre, s'il vous plaît!
La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation continue ses travaux. Je vais immédiatement,
auprès du groupe qui est devant nous, soit le Conseil des productions
animales du Québec, m'excuser, au nom de la commission, pour les divers
délais qu'on lui a imposés. On vous a même remis à
plusieurs reprises; on a changé l'horaire à plusieurs reprises.
On vous remercie beaucoup de votre souplesse et de votre compréhension
à l'endroit des parlementaires qui ont à vivre parfois des
exigences qui font en sorte que l'horaire doit s'ajuster en fonction de leurs
travaux.
S'il vous plaît! Je demanderais aux gens qui sont dans la salle,
compte tenu que nous procédons immédiatement à l'audition
d'un autre groupe, d'écouter ou encore, s'ils désirent jaser, de
quitter la salle.
Je demanderais à M. Bernatchez, qui
est président du comité cheval, de nous présenter
l'équipe qui accompagne le Conseil des productions animales du
Québec.
Conseil des productions animales du
Québec
M. Bernatchez (Yves): Messieurs les membres de la commission,
nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez de vous rencontrer. Je
vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M.
Réal Sorel, producteur agricole, impliqué dans les chevaux depuis
aussi longtemps que je le connais, c'est-à-dire une vingtaine
d'années certainement; le Dr Anicet Brault, immédiatement
à ma gauche, médecin vétérinaire, qui est la
sommité en santé animale chevaline au Québec; M. Pierre
Lévesque, propriétaire de ferme de chevaux de course, très
connu sur les pistes de courses et dans tout le monde des affaires, et M.
Jacques Thériault, économiste au ministère de
l'Agriculture qui nous a abondamment servis dans la préparation du
présent dossier. Je suis Yves Bernatchez. Je suis avocat et
intéressé dans l'élevage des chevaux depuis aussi assez
longtemps.
J'ai remis à quelqu'un d'entre vous le texte que j'avais
l'intention de lire. Je n'ai pas envie de relire, si cela vous convient, le
petit texte qui avait été présenté aux gens qui
étudiaient le dossier il y a quelques mois.
Je voudrais aussi vous faire comprendre un peu ce qu'est notre
organisme. Le ministère de l'Agriculture a un conseil des productions
animales. En fait, c'est un organisme consultatif qui donne son avis au
ministre et au sous-ministre, sur les questions qui peuvent
l'intéresser, lorsqu'on le lui demande. Le Conseil des productions
animales est composé de différents comités. Vous avez
devant vous certains membres du comité cheval comme il y a des membres
du comité chèvre et bovins laitiers. C'est à ce
titre-là qu'on s'exprime.
Pour enchaîner, je vais vous faire la lecture de ce qu'on avait
envie de vous présenter aujourd'hui. En 1981, Statistique Canada a
recensé 48 144 fermes dont la valeur des ventes des produits agricoles
dépassait 250 $. Plus de 55% de ces fermes, soit 26 684, sont des fermes
à temps partiel, c'est-à-dire qu'elles vendent pour moins de 25
000 $ de produits agricoles. Les autres 45%, soit 21 470 fermes, regroupent des
exploitations où l'agriculture est l'occupation principale et qui
vendent pour plus de 25 000 $ en produits agricoles. Je m'excuse des petites
fautes d'orthographe qui peuvent apparaître dans le texte, mais on avait
préparé cela et on n'a pas eu le temps de le relire, et je vois
une faute là.
Une telle ligne de démarcation sur la valeur des produits
agricoles vendus nous amène à penser qu'il existe deux types
d'agriculture au Québec, soit l'agriculture comme occupation principale
et l'agriculture comme occupation secondaire. Jusqu'à maintenant, les
politiques du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec ou de l'Office du crédit agricole du
Québec ont toujours été orientées vers le
développement de l'agriculture comme occupation principale,
c'est-à-dire vers la formation des fermes modernes: hautement
mécanisées et utilisant les plus récentes technologies;
hautement intensives et à rendement élevé; demandant
beaucoup de capital et produisant de gros volumes dont une bonne partie est
souvent destinée à l'exportation.
À côté de ce premier type d'agriculture où la
production en grande quantité constitue une caractéristique
prépondérante s'ajoute un deuxième type d'agriculture dont
on entend peu parler, mais qui possède néanmoins une importance
capitale dans l'économie agricole du Québec parce qu'elle procure
des revenus secondaires à des gens dont l'agriculture n'est pas
l'occupation principale. Ce deuxième type d'agriculture produit surtout
en petites quantités, mais exige beaucoup moins de capitaux.
L'élevage et l'utilisation des chevaux font généralement
partie de ce deuxième type d'agriculture.
Pour des raisons différentes, ces deux types d'agriculture
méritent d'être maintenus. Le premier, parce qu'il constitue l'une
des bases de notre développement économique; l'autre, parce qu'il
procure du travail et des revenus additionnels à ceux qui en ont besoin.
Ce deuxième type d'agriculture a besoin d'être soutenu et
orienté tout autant que l'agriculture qui produit de gros volumes et qui
exige beaucoup de capitaux.
Dans certaines paroisses, le maintien de certaines activités
agricoles comme les chevaux ne peut se faire qu'en
complémentarité avec d'autres activités économiques
ou d'autres sources de revenus. Aussi, il serait maintenant opportun d'ajuster
les politiques agricoles existantes aux nouvelles conditions économiques
qui prévaudront désormais au Québec. Un tel
réajustement de politiques agricoles présuppose qu'il faudra
considérer la diversification au sens large du terme,
c'est-à-dire non seulement dans le sens de la diversification des
produits agricoles, mais aussi dans le sens de la diversification des revenus.
Une telle approche serait plus susceptible de maintenir et de renforcer
l'agriculture de certaines paroisses plutôt que d'en accentuer
l'affaiblissement qui débouche obligatoirement sur l'assistance sociale.
En d'autres termes, il vaut mieux susciter l'intérêt de
l'agriculture en complémentarité avec d'autres activités
économiques que de ne rien susciter du tout. À ce titre, le
domaine des chevaux constitue une bonne
source de revenus complémentaires et un bon pourvoyeur d'emplois,
tant permanents qu'occasionnels.
L'évolution des conditions du marché du travail laissent
aussi entrevoir que, dans l'avenir, un nombre croissant d'emplois seront
à temps partiel. L'élevage et l'utilisation des chevaux pourront
alors constituer un bon complément à quelqu'un qui occupe un
emploi principal. (12 h 15)
Présentement, la grande majorité des agriculteurs qui font
de l'agriculture leur occupation principale sont des producteurs de lait, Cette
production occupe une place privilégiée au niveau de
l'agriculture, du crédit agricole et de l'ensemble des politiques et
programmes du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
Toutefois, il existe un grand nombre d'autres activités agricoles
qui ont aussi leur importance économique et qui souhaiteraient obtenir
une égale accessibilité au crédit agricole. La production
et l'utilisation de chevaux sous toutes ses formes constituent justement une de
ces productions.
Depuis longtemps déjà, les éleveurs et les
utilisateurs de chevaux se heurtent aux conditions d'admissibilité de
l'Office du crédit agricole. On devrait peut-être dire
"inadmissibilité". Pourtant, l'élevage et l'utilisation des
chevaux possèdent des retombées économiques importantes au
Québec.
En effet, la population chevaline actuelle estimée est à
plus de 33 500 chevaux et est répartie parmi 7047 des 48 144 fermes qui
vendent pour plus de 250 $ de produits agricoles. La valeur des immobilisations
reliées à cette population chevaline atteint presque les 360 000
000 $. On estime que la valeur des revenus est égale à la valeur
des frais d'exploitation et totalise plus de 150 000 000 $. Cette estimation
des revenus ne tient pas compte des retours aux parieurs qui dépassent
les 250 000 000 $.
Les trois types de chevaux présents au Québec, soit les
chevaux de trait, les chevaux d'équitation et les chevaux de course,
procurent actuellement 3000 emplois permanents et 10 000 emplois occasionnels,
pour un total de 13 000 emplois. Ce sont les chevaux de course qui procurent le
plus d'emplois et le plus de retombées économiques. Ces derniers,
au nombre de 8800, ramènent à eux seuls plus de 30 000 000 $
annuellement dans les coffres du gouvernement du Québec. Depuis dix ans,
le ministère du Revenu du Québec a encaissé plus de 262
000 000 $ en revenu de taxes directes sur les sommes totales pariées,
soit plus d'un quart de milliard de dollars.
L'utilisation et l'élevage des chevaux possèdent donc une
importance capitale au sein de l'économie agricole du Québec.
À ce titre, les hommes à chevaux aimeraient avoir leur mot
à dire au niveau de l'orientation des politiques et programmes du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et
de l'Office du crédit agricole du Québec. Là, j'ai
sauté le tableau de graphiques qui aurait été plutôt
harassant à écouter. Mais il est là et vous pourrez vous y
référer.
Le Président (M. Vallières): Vous avez
terminé?
M. Bematchez: Oui.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie, M.
Bernatchez. Nous allons maintenant procéder à un échange
avec les membres de la commission. J'ai des demandes d'intervention des
députés d'Arthabaska et de Huntingdon.
M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président. Je remercie,
au nom de ma formation politique, votre organisme d'avoir
présenté ce mémoire qui, je l'avoue, est peut-être
un peu nouveau. II concerne un secteur où, personnellement, je m'y
connais moins. Je vous pose la première question. Je me souviens, il y a
deux ou trois ans, me semble-t-il, que l'Office du crédit agricole avait
reconnu la production chevaline. Est-ce que vous savez dans quel secteur?
M. Bernatchez: La production chevaline est reconnue comme une
production agricole. D'ailleurs, si vous vous référez au rapport
qu'on vous a remis, au fond, quand on en arrive à la définition
de l'élevage de chevaux ou de la production chevaline, c'est qu'on l'a
qualifié, au sens étroit du terme, dans le sens d'élever
des chevaux. Mais nous voudrions que ce sens soit élargi parce que les
fermes d'élevage de chevaux sont un peu différentes des autres
fermes.
Je veux dire que, lorsque quelqu'un utilise le sol agricole du
Québec et produit des revenus pour faire vivre sa famille, à un
moment donné, il peut choisir de louer des chevaux, par exemple, ou de
les faire courir à la piste de courses, etc. C'est de l'exploitation. On
voudrait que l'agriculture comprenne tout cela au même titre que
quelqu'un qui transformerait son fromage sur sa ferme, si les revenus du
fromage faisaient partie des revenus agricoles. Lorsqu'on calcule la
rentabilité d'une exploitation agricole aux fins de l'octroi
éventuel d'un crédit agricole ou de prêts, il faudrait
tenir compte de tous les revenus de l'exploitation. C'est un peu le
problème.
Les gens qui sont dans l'élevage ou dans la production chevaline
sont des gens qui, non seulement ont des chevaux naisseurs ou quelque chose
comme cela, mais qui
éventuellement vont avoir une certaine forme d'utilisation du
cheval, parce que c'est comme cela qu'on rentabilise une chose. Cela peut
être en agrotourisme, cela peut être de toutes sortes de
façons. Mais nous pensons que l'exploitation agricole doit être
considérée dans son ensemble, ce qui semble avoir
été un problème jusqu'à maintenant dans
l'étude des dossiers sur les chevaux.
M. Brault (Anicet): Je voudrais ajouter un autre point de
vue.
M. Baril (Arthabaska): Oui.
M. Brault: C'est que les chevaux sont reconnus partiellement par
l'Office du crédit agricole à Québec. Mais, dans les
régions, ils ne sont pratiquement pas reconnus. C'est l'application de
la loi qui semble être déficiente.
M. Baril (Arthabaska): Au niveau de l'Office du crédit
agricole, si j'ai bien compris, on va reconnaître quelqu'un dans la
production chevaline s'il élève des chevaux pour les revendre
à d'autres; n'est-ce pas? Bien- Mais ils ne reconnaissent pas un
éleveur qui, lui, va - je vais utiliser votre terme - faire courir ses
chevaux.
M. Brault: C'est cela.
M. Bernatchez: Qui va faire courir ses chevaux sur les pistes de
courses ou va les louer ou, en tout cas, va en faire quelque utilisation. Par
exemple, il y a une dame qui n'est pas ici, mais qui est membre de notre
comité; elle a une ferme et ce qu'elle fait comme activité, elle
entraîne des chevaux. Autrement dît, sa ferme se trouve du
côté ouest de Montréal et les gens viennent de partout au
Canada parce que c'est une ferme d'une grande renommée viennent confier
à cette dame l'entraînement de leurs chevaux de course, les
"thoroughbred", pour éventuellement les faire courir sur les pistes de
Toronto, New York, etc.
Cette personne - ce n'est pas un problème nouveau - lorsqu'elle
s'est adressée au crédit agricole, il y a une dizaine
d'années, cela lui a été refusé. On lui a dit:
Madame, vous ne faites pas d'agriculture. Elle ne fait pas d'agriculture, mais,
dans le fond, è mon avis, c'est une définition trop
étroite. Cette madame utilise des produits du Québec, sa ferme
produit, les chevaux sont en pâturage sur cette ferme et elle est dans
une activité agricole, elle répond à des besoins que
l'activité économique demande. Finalement, elle s'est
organisée autrement. La plus belle preuve, c'est qu'elle est encore en
affaires. À mon avis, c'est injuste et discriminatoire d'une certaine
façon de refuser aux gens qui font de l'agriculture... C'est qu'il y a
deux sortes ou deux classes d'agriculteurs.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que vous êtes reconnu par
l'UPA comme producteur agricole?
M. Bernatchez: Oui. D'ailleurs, je fais partie du bureau de
direction du Syndicat des producteurs de chevaux affilié à l'UPA,
lequel est présidé par Henri Couture de Saint-Prosper de
Champlain, le frère de Paul Couture qui a été
président de l'UPA. Les Couture ont été pendant des
années les plus gros producteurs de chevaux à l'est des
Rocheuses. Ils avaient, à un moment donné, jusqu'à 600
chevaux sur leur ferme dans le comté de Champlain. Cela a diminué
parce que l'élevage du cheval demande de plus petites exploitations,
mais il y a encore certainement plus d'une centaine de chevaux sur la ferme des
Couture, à Saint-Prosper. C'est le président du syndicat,
d'ailleurs.
M. Baril (Arthabaska): Je vais poser ma question d'une
façon peut-être plus claire. Est-ce que tous les éleveurs
de chevaux, même ceux qui font courir leurs chevaux sur la piste, sont
reconnus par l'UPA, ou si l'UPA fait une distinction là-dedans.
M. Bernatchez: Non, l'UPA ne fait pas de distinction. On doit
vous avouer, par contre, que les membres du syndicat sont parfois des gens un
peu plus dirigés vers le cheval de trait ou les chevaux de valeur moins
grande que le cheval de course. Souvent, il y a une espèce de
confrontation, probablement un affrontement de culture, mais il reste que l'UPA
ne fait pas de différence. Il y a des éleveurs de chevaux de
course, il y a des éleveurs de chevaux d'équitation et des
éleveurs de chevaux de trait qui sont membres de l'UPA.
M. Baril (Arthabaska): Comme cela, l'Office du crédit
agricole ne reconnaît pas l'élevage des chevaux de course comme
une production agricole.
M. Lévesque (Pierre): C'est cela. Depuis 1940, on a
restreint le crédit agricole: les abeilles et les chevaux ne sont pas
admissibles au crédit agricole. Or, je pense que la province de
Québec jouit d'une expansion de l'élevage de chevaux. Les
chevaux, au point de vue économique, c'est très important; il n'y
a aucun surplus de production. Je pense que c'est un élevage... Ici, on
dit: Non pas que le sol ne soit pas rentable, mais celui-ci est dispendieux; il
faut avoir des animaux de moyenne valeur pour rentabiliser cette entreprise. Si
on est obligé de mettre de l'argent dans du sol, cela devient difficile
de faire cette production animale. Mais c'est une production animale - avec les
chiffres qu'on donne - qui
est très importante; on n'a pas pu en bénéficier
parce que les gens ont été lésés, n'ont pu avoir
l'argent disponible. Dans le crédit agricole pour les jeunes, on vient
de connaître des taux d'intérêt de quelque 20%. Je pense
que, pour tout le crédit agricole, on devrait avoir des taux
d'intérêt minimaux ou un maximum de plafond dans tous les taux
d'intérêt. Parce que, si l'on dit qu'ils peuvent
bénéficier d'un bon avantage, 39 ans, dans le crédit
agricole, il est reconnu que c'est long à payer, un fonds de terre,
quand il faut s'équiper et avoir un inventaire animal important
en chiffres.
Donc, pour les jeunes qui veulent se lancer plus avant dans
l'élevage de chevaux, on doit peut-être, sur 39 ans - tout peut
arriver aujourd'hui - fixer un maximum de taux d'intérêt, si on
veut les intéresser.
M. Baril (Arthabaska): II semble que, actuellement, l'office
prêterait pour l'élevage de chevaux de selle, pour ceux qui
servent pour la récréation; l'office prête pour
l'élevage de chevaux de trait, les chevaux élevés pour la
viande. Dans ces trois catégories que je viens de décrire, est-ce
que vous avez de ces éleveurs qui font partie de votre association?
M. Bernatchez: De notre association... Nous ne sommes pas une
association d'éleveurs, nous sommes le comité cheval du Conseil
des productions animales du Québec. Ils font partie du Syndicat des
producteurs de chevaux, oui.
M. Baril (Arthabaska): Bon.
M. Bernatchez: C'est parce que j'ai deux chapeaux.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que ces membres sont satisfaits,
actuellement...
M. Bernatchez: Non, d'aucune façon.
M. Baril (Arthabaska):... de ce prêt, de cette...
M. Bernatchez: D'aucune façon. D'ailleurs...
M. Baril (Arthabaska): Pourquoi? Parce qu'il n'est pas
accessible, il n'est pas...
M. Bernatchez: D'abord, parce que... Il est accessible! Les gens
qui sont dans les régions, qui analysent les dossiers, n'ont aucune
directive qui vient de la tête ou d'en haut, qui leur dit que
l'élevage du cheval est important et qu'il faut s'en occuper. Alors, on
pense qu'il y a une espèce de discrimination. Les éleveurs de
chevaux passent souvent pour des rêveurs, des aventuriers, etc. Ils ont
tous les défauts sauf celui d'être des producteurs agricoles.
C'est vrai que c'est une production différente de celle du bovin de
boucherie ou du bovin laitier. C'est une chose.
La deuxième chose, c'est ce qu'on vous disait tantôt: dans
l'évaluation des revenus, on ne tient pas compte des revenus entiers de
l'exploitation. On va la sectoriser pour analyser le dossier alors que ce n'est
pas comme cela qu'il faut faire. Par exemple, on va dire à des gens...
J'ai eu connaissance du cas d'un individu qui voulait emprunter quelque 15 000
$ pour construire une grange. On le lui a refusé. On lui a dit - il n'a
pas eu de lettre officielle - Si vous nous demandiez 50 000 $ ou 60 000 $,
autrement dit, si vous bâtissiez une grosse entreprise, on vous
prêterait peut-être, mais, si vous nous demandez 10 000 $ ou 15 000
$, cela ne nous intéresse pas. De fait, ce gars-là est encore en
affaires et il en vit encore, mais il vivote et mange de la misère.
C'est presque une vocation. Cela me rappelle mon temps de collège quand
les pères nous parlaient des vocations. Les éleveurs de chevaux,
c'est un peu cela. Ils sont dévoués à leur
tâche.
M. Baril (Arthabaska): On parle de plus en plus de
reconnaître, éventuellement, l'agriculture à temps partiel.
Si, un jour, le gouvernement reconnaissait cela et l'incluait ou l'ajoutait aux
trois secteurs dont j'ai parlé tout à l'heure - ce serait
peut-être mieux de l'appliquer dans les régions - en ajoutant
également les chevaux de course... Pensez-vous que, si on rend le
crédit plus facile - d'abord, si on l'implante, parce que, actuellement,
il n'y en a pas - la capacité ou le besoin... Est-ce qu'il y a de
l'espace suffisant au niveau de ce qu'on produit actuellement pour dire que le
besoin est là? (12 h 30)
M. Lévesque (Pierre): II n'y a pas de surplus
présentement dans les chevaux. Quand on les complète avec
l'entraînement de chevaux de course, je pense que c'est de
l'intégration para-agricole. C'est l'utilisation des produits, le
surplus de foin ou quoi que ce soit, qui peuvent être sur de plus grandes
fermes; ils sont utilisés. Donc, c'est un secteur agricole. À
part cela, les unités thermiques ne sont pas une considération
très importante pour l'élevage des chevaux. Donc,
l'élevage des chevaux peut se pratiquer partout en province. Je pense
que ce sont des développements potentiels non réalisés
aujourd'hui par le manque de fonds.
M. Baril (Arthabaska): Je vais reprendre ma question pour
être plus clair parce que je pense que c'est un point important. Si on
implante un crédit et qu'il y a plusieurs producteurs qui, demain matin,
commencent à élever des chevaux de course, entre autres, est-ce
que, tout à l'heure, il va y avoir trop
de chevaux? Va-t-il en arriver trop sur le marché, selon le
besoin?
M. Lévesque (Pierre): II n'y a pas -de surplus de
chevaux.
M. Baril (Arthabaska): II n'y a pas de surplus, mais actuellement
il n'y a pas de crédit.
M. Bernatchez: II faudrait doser cela au fur et à mesure
des problèmes. On réglera les problèmes quand on les aura.
Présentement, c'est le problème contraire qu'on a.
M. Lévesque (Pierre): On est très loin de
l'autosuffisanee.
M. Bernatchez: De fait, si le crédit est plus accessible,
cela va structurer un élevage qui aura du bon sens. Cela va permettre
aussi de faire un peu plus de surveillance. Parce que les programmes, on
pourrait peut-être demander à M. Thériault, qui est un
expert dans le domaine, mais l'intervention ou les investissements du
gouvernement du Québec, dans le domaine de l'élevage des chevaux,
c'est minime. On vous a parlé tantôt de revenus
considérables pour le gouvernement du Québec, mais qui sont
générés par une intervention du gouvernement qui ne peut
pas être plus faible.
Mais il y a beaucoup de problèmes dans l'élevage des
chevaux et c'est vrai qu'il y a beaucoup d'aventuriers et il y a beaucoup de
gens. Mais, le jour où le gouvernement va s'en mêler et qu'il va
surveiller, il va être capable d'effectuer son contrôle parce qu'il
va intervenir à différents niveaux; à ce moment, on va
régler beaucoup de problèmes. C'est vrai que, dans des fermes de
location de chevaux, des fois il y a des chevaux qui sont de plus ou moins
bonne qualité, il y a toutes sortes de problèmes qui sont
là-dedans. Il y a des gens qui sont dans l'entraînement des
chevaux et qui ne devraient pas être là-dedans, ou il y a des
professeurs d'équitation qui ne devraient pas être
là-dedans. Tout cela fait partie d'un vaste problème auquel le
gouvernement devrait porter attention. Pour cela, il faudrait qu'il
intervienne.
Malgré tout, sans aide gouvernementale, jusqu'à
maintenant, on a réussi par le bénévolat, devrais-je dire,
à construire une industrie qui est la quatrième plus importante
dans les industries animales du Québec. À mon avis, c'est
important. Là-dessus, M. Thériault pourrait peut-être vous
donner des chiffres qui vous intéresseraient.
M. Thériault (Jacques): En fait, ce que je me rappelle -
j'ai oublié le chiffre exact - je pense qu'au cours des dernières
années ou annuellement on importait environ 5000 chevaux au
Québec, c'est-à-dire des chevaux d'équitation, des chevaux
de course et aussi des chevaux qui sont destinés au marché de la
viande, aux abattoirs chevalins. C'est pour une partie de la question.
Autrement dit, le marché des chevaux à l'heure actuelle au
Québec est déficitaire. Il y a de la place pour la production et
aussi de la place pour une meilleure qualité dans la production. C'est
surtout là qu'il faut viser.
Maintenant, il y a une chose que je voudrais ajouter ici. Vous sembliez
demander tout à l'heure, si j'ai bien compris votre question, ce que le
crédit agricole pouvait apporter de meilleur ou de
bénéfique au niveau de la production chevaline au Québec.
Actuellement, prenez un éleveur de chevaux, un type qui
élève des chevaux, il les élève jusqu'à
l'âge d'un an et demi, deux ans. Jusqu'à ce moment, le produit est
considéré comme étant un produit agricole. Mais, lorsque
le cheval est vendu au centre d'équitation, ou à la piste de
courses, il devient, s'il est vendu au centre d'équitation, un produit
récréatif. C'est pour cela que les centres d'équitation,
n'ont pas accès au crédit agricole à l'heure actuelle.
C'est pour cela aussi que ces mêmes centres d'équitation qui
constituent au Québec une activité économique importante,
ont beaucoup de misère et ils sont dans une situation de concurrence un
peu difficile par rapport à d'autres producteurs agricoles.
C'était une mise au point que je voulais faire.
M. Baril (Arthabaska): Actuellement, le crédit qui se
fait, est-ce au niveau des institutions financières privées ou si
c'est au niveau des prêts personnels?
M. Lévesque (Pierre): Pour l'élevage de chevaux, il
n'y a pas de crédit agricole d'alloué.
M. Bernatchez: À peu près pas.
M. Lévesque (Pierre): C'est seulement qu'il va y avoir
quelqu'un qui va avoir déguisé, qui va avoir acheté
quelque dix animaux à boeuf, il va passer sur cela et, trois ans
après, il vend les animaux à boeuf et il continue. C'est la
formule pratique qui se fait.
M. Bernatchez: J'ai le plaisir de rester dans le beau et grand
comté de Portneuf et j'ai vu un monsieur qui a commencé avec des
moutons pour essayer d'avoir des chevaux et finalement, pour rentabiliser tout
cela, il était rendu avec des méchouis, avec un bar "topless" et
tout cela c'était... Il a réussi à obtenir du
crédit agricole, lui. Là, l'Office du crédit agricole a
décidé de le lui enlever et...
M. Baril (Arthabaska): Ne commencez pas des scandales ici!
M. Bernatchez: Non.
M. Baril (Arthabaska): Pour ce qui est de ma part, je vous
remercie, on va prendre note de vos suggestions et on verra les recommandations
qu'on pourra faire.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: Au nom de l'Opposition je voudrais vous remercier pour
avoir bien voulu présenter ce mémoire devant la commission. Vous
avez indiqué comme principale préoccupation
l'admissibilité auprès de l'Office du crédit agricole. Le
problème est majeur chez vous, c'est apparent parce que c'est le point
principal que vous avez soulevé. Étant donné qu'on parle
aussi de relève agricole dans cette commission - en fait, c'est un des
principaux éléments qu'on touche, la relève agricole -
est-ce qu'il y a un potentiel pour la relève dans cette industrie, si on
parle d'élevage de chevaux?
M. Lévesque (Pierre): II y a beaucoup de gens que cela
intéresse. Actuellement, dans les chevaux de course, on fournit, depuis
75 ans peut-être - on n'a pas favorisé le produit
québécois - seulement 37% du produit. Présentement, dans
les 37% du produit qu'on utilise avec les courses commanditées par
SODICC, à l'âge de quatre ans, on a beaucoup de ces produits qui
sont même vendus comme chevaux de qualité aux États-Unis et
qui servent à l'exploitation.
M. Dubois: Avez-vous disloqué, disons, cette production
par catégories? Par exemple, ceux qui élèvent les chevaux
pour la viande, ceux qui élèvent le cheval de trait, ceux qui
élèvent pour fins d'équitation, fins de loisirs, etc.
?
M. Lévesque (Pierre): À la page
précédente, vous avez tout le schéma, chevaux de trait et
chevaux de course.
M. Dubois: Je pose la question parce qu'on sait que certains
"gentlemen farmer" font l'élevage par loisir. Quand on parle de
crédits, peut-être des fois qu'il faut être prudent pour
voir où se dirige le crédit aussi.
M. Lévesque (Pierre): Ils le font pour le plaisir, mais
tout de même c'est une intégration à l'élevage
direct et à l'élevage économique de la province. Si un
cultivateur qui a 60 ou 70 arpents est près d'une ferme de 300 arpents
où le type fait la culture et achète le foin ou n'importe quoi,
c'est un élevage qui est économiquement très important. Je
pense que M. Thériault peut renchérir sur cela.
M. Thériault: Concernant l'élevage du cheval pour
la viande, il y avait au Québec, il y a quelques années, trois
abattoirs chevalins; maintenant, il en reste seulement un. Cet abattoir
à l'heure actuelle achète -encore là, j'arrondis les
chiffres - environ 10 000 chevaux annuellement. Ces 10 000 chevaux proviennent
majoritairement des États-Unis, c'est-à-dire que le type se rend
deux fois par semaine dans l'Ouest américain et dans le Sud
américain pour s'approvisionner en viande. Le reste est acheté au
Québec; si je me souviens bien, c'est un tiers de ta production de
viande de cheval qui provient du Québec. On n'a pas au Québec de
fermes de viande chevaline comme telle. Ce qu'on envoie à l'abattoir
chevalin, c'est le cheval de course qui n'a pas de performance, c'est le cheval
d'équitation qui est trop dangereux pour les jeunes, c'est le cheval de
trait qui est trop vieux, etc.; c'est le genre de cheval qui est destiné
aux abattoirs chevalins. Comme je vous dis, il y a peut-être de 3000
à 4000 chevaux annuellement au Québec qui prennent le chemin des
abattoirs chevalins. Au niveau des centres d'équitation, il y en a un
peu de moins de 200 au Québec. Je parle de centres d'équitation
qui ont dix chevaux et plus.
Dans un des tableaux, c'est-à-dire le tableau du
résumé du rapport que vous avez en main, vous avez un peu le
portrait de la situation économique sur les chevaux au Québec,
divisé - comme vous le voyez - en chevaux d'équitation, en
chevaux de trait et en chevaux de course. Par exemple, on remarque qu'au niveau
des éleveurs il y en a entre 400 et 500 au niveau des chevaux de course,
etc. Je pense que cela ne vaut pas la peine de faire la lecture de tout ce
tableau. On y donne tout de même une bonne idée du portrait
économique de la situation des chevaux répartis par groupes
d'utilisation.
M. Dubois: On dit qu'il y a une demande importante pour fins
d'exportation de viande chevaline vers l'Europe, particulièrement la
France. Est-ce que c'est un domaine qu'on pourrait exploiter davantage au
Québec?
M. Lévesque (Pierre): Oui. Le Québec jouit d'une
très mauvaise mise en marché de ce produit. On dit que, pour la
santé, c'est un bon produit, mais quand vous voulez l'acheter dans une
boucherie, c'est identifié: viande chevaline. Quand Mme Unetelle voit
passer Mme Unetelle à la viande chevaline... Je pense qu'on a fait une
mauvaise mise en marché et les gens, on ne les a pas. Tout de
même, en France, c'est un bon produit de
consommation. Je crois que c'est un produit, à très longue
échéance, où il y a un potentiel, mais la mise en
marché au Québec - ce n'est pas notre rôle aujourd'hui - a
faussé la vente.
M. Bernatchez: Remarquez que ce n'est pas le propos
d'aujourd'hui, sauf peut-être qu'en passant sur ce sujet-là il
serait intéressant de noter que c'est vrai qu'il y a seulement la viande
chevaline qui est discriminée dans les boucheries. Autrement dit, je ne
peux pas vendre de la viande chevaline dans la même boucherie que les
autres viandes. Il faut avoir une bâtisse différente. À mon
avis, c'est illogique parce qu'on n'est pas capable de différencier la
viande de poulet de la viande de dinde, etc. Pourtant, tout cela est dans les
mêmes boucheries. On pense que c'est une discrimination qui devrait
disparaître. De toute façon, c'est une viande qui est meilleure
pour la santé que celle du boeuf, à ce qu'on dit. À ce
moment-là, qu'on laisse au moins le choix au consommateur de
s'approvisionner dans la même boucherie parce que ce n'est pas
drôle d'être obligé de se lever un matin et de se dire: Moi,
je veux m'acheter du cheval, y penser une semaine d'avance et aller dans la
bonne boucherie. Les gens, habituellement, font leur choix devant le
comptoir.
M. Dubois: Ce n'était pas tout à fait le but de ma
question, remarquez bien. C'est parce qu'on est très
préoccupé par la relève agricole. Il s'agit de trouver des
secteurs intéressants sur le plan financier, sur le plan
économique, pour la relève. S'il y avait une demande persistante
de viande chevaline pour fins d'exportation, est-ce que ce serait un domaine
où il serait intéressant de diriger un certain nombre de jeunes
agriculteurs? Enfin, pour autant qu'il y a un potentiel, qu'il y a une
continuité, qu'il y a une demande. On dit que la France demande beaucoup
plus qu'on peut exporter. Vrai ou faux?
M. Bernatchez: Si vous voulez, je vais mettre un autre chapeau.
Je suis membre du conseil d'administration de l'École d'agriculture de
Sainte-Croix de Lotbinière. Mon expérience avec les jeunes, c'est
que finalement le cheval c'est probablement l'animal qui les intéresse
le plus, même dans le milieu agricole, parce qu'ils sont en très
grande partie des fils d'agriculteurs. C'est probablement le cheval qui est le
plus intéressant pour ces gens et c'est vers le cheval qu'ils voudraient
le plus se diriger. Mais, pour se lancer dans la production chevaline, on fait
face à une série d'obstacles. C'est sûr. Comme on vous le
disait tantôt, on ne satisfait qu'une très petite portion de nos
besoins en chevaux sous quelque forme que ce soit, en chevaux
d'équitation, en viande, en chevaux de course, en chevaux de trait. Il y
a une très petite portion de ce dont on a besoin qui est produite au
Québec. Je pense que, dans la production agricole, il y a des centaines
d'emplois à créer pour la relève agricole, l'utilisation
de terres, etc.
Vous dites que vous êtes préoccupés par la
relève agricole; j'en suis. C'est vrai que cela ne réglerait pas
tout le problème, mais cela aiderait beaucoup à régler le
problème des débouchés potentiels.
M. Dubois: En pourcentage d'auto-approvisionnement, est-ce que
vous avez une idée où on en est actuellement au Québec, en
fait, pour tous les domaines?
M. Lévesque (Pierre): Dans les chevaux de course, je vous
disais tout à l'heure qu'on fournit 37% des chevaux. Même si on ne
fait pas quelque chose dans l'élevage et avec les échanges
d'argent américain où on a été chercher des
millions tous les ans pour des chevaux, où en serons-nous... Je crois
que les petites fermes, c'est la garantie de l'industrie parce qu'un petit
éleveur ou une ferme de moyenne taille sont bien plus appelés
à rester en circulation des fois que de très grandes fermes.
M. Dubois: Selon votre mémoire, le revenu qu'on peut
retirer de la production chevaline, c'est quand même un revenu d'appoint
qui ne serait pas perçu actuellement ou peut-être plus tard comme
un revenu principal. C'est ça?
M. Bernatchez: Oui et non. C'est vrai dans le sens que, dans le
moment, c'est la situation. C'est la situation en grande partie parce que des
gens qui vivent, comme M. Sorel, uniquement des chevaux, ne sont pas en
très grande quantité au Québec. II y en a, mais pas en
grande quantité, parce qu'il n'y a pas d'aide, ni de structure. Par
contre, si c'était bien développé, il pourrait y en avoir
beaucoup plus. A ce moment-là, il y aurait probablement moins d'appoint
et plus de gens à temps plein. Je ne peux pas vous donner de chiffres
là-dessus. (12 h 45)
M. Lévesque (Pierre): L'intégration
récréative bien financée est rentable et c'est très
bon au point de vue des loisirs. Vous avez de très bons campus
là-dedans.
M. Dubois: On pourrait envisager cet élevage comme source
de revenu pour un producteur à temps plein?
M. Lévesque (Pierre): Ce que ça résume,
c'est que c'est de l'intégration, un terrain de course, un manège
ou quoi que ce soit, à l'élevage de chevaux.
M. Dubois: Il faudrait que le producteur, pour en vivre à
temps plein, touche aux quatre aspects de cette production, que ce soit un
cheval de trait, un cheval pour la viande, un cheval pour fins
d'équitation ou de loisir, et de course, également.
M. Bernatchez: Il faudrait que l'Office du crédit agricole
réponde à ces quatre aspects. M. Thériault a
peut-être des choses è vous dire là-dessus.
M. Thériault: C'est sûr que ça peut devenir
un élevage rentable, que ce soit un éleveur de chevaux de trait,
du percheron ou du belge. À la minute où un éleveur est
reconnu comme bon éleveur, même les Américains vont venir
acheter son produit, ici au Québec. Il n'y a aucun problème
là-dessus. Même chose pour les chevaux d'équitation.
Quelqu'un qui a un centre d'équitation bien géré, bien
entretenu et propre autour d'une ville, c'est garanti qu'il va faire ses frais.
Les chevaux de course, c'est la même chose.
C'est pour dire que, considéré comme une production
agricole, l'élevage peut être aussi rentable - l'élevage,
je l'entends au sens large - que n'importe quelle autre production
agricole.
M. Dubois: II s'agit de faire reconnaître par l'office...
Enfin, ça débute quand même par une volonté
politique. C'est le ministre de l'Agriculture qui est le ministre titulaire de
l'Office du crédit agricole, mais il s'agit de faire reconnaître
cette production comme une vraie production agricole. L'Office du crédit
agricole est là pour fins agricoles. Si on veut avoir des subventions,
par exemple, au niveau du loisir, ça touche à l'autre ministre.
Mais, si on dit demain matin que la production chevaline est agricole
principalement, il faut qu'elle soit reconnue comme telle; il faut que la
réglementation puisse être à la disponibilité de
l'office pour pouvoir dispenser des services.
Croyez-vous que, actuellement, c'est une volonté politique qui
manque, c'est une volonté de réglementation ou une certaine
réticence de la part de l'office?
M. Bernatchez: Une ignorance du produit. Il y a une espèce
de discrimination -j'en ai parlé à plusieurs reprises - il y a
des préjugés qui courent dans le champ, qui font que les chevaux
ne sont pas considérés à juste titre, parce qu'on ne veut
pas les considérer comme de l'agriculture, parce qu'on les
considère comme marginaux, alors que c'est la quatrième plus
grosse production agricole du Québec.
D'autre part, probablement que l'Union des producteurs agricoles,
jusqu'ici, n'a pas tellement considéré l'élevage des
chevaux. Mais, cela a changé et, depuis deux ans, il y a un Syndicat des
producteurs de chevaux qui est là. Je pense qu'on est sur le point de
changer quelque chose, mais on espère que vous allez nous aider dans ce
sens-là. M. Sorel, qui est un producteur à temps plein et qui en
a plusieurs dizaines, voulait intervenir à ce stade-ci.
M. Sorel (Réal): Je le fais à titre de producteur
de chevaux, mais je ne suis pas simplement producteur de chevaux, je suis
producteur de bovins laitiers. Si je fais une révision de la discussion
ici, cet avant-midi, je dis que l'Office du crédit agricole, au bureau
central, accepte, dans sa politique, le crédit agricole sur
l'élevage chevalin. Par contre, au niveau régional, en pratique,
il l'accepte aussi, pour autant qu'on a comme garantie une autre production
agricole, comme le produit laitier.
Alors, chez moi, je suis producteur laitier et de sirop d'érable
pour élever des chevaux canadiens. C'est simple. Alors, dans notre
comptabilité, pour avoir un crédit agricole, la première
chose qu'ils étudient, c'est si on a assez de vaches laitières
dans l'étable pour faire les paiements sur l'élevage chevalin.
Dans ma ferme actuelle, le revenu brut sur la ferme, le tiers provient du
cheval canadien; dans les revenus nets, 40% proviennent du cheval canadien.
Aussi, pour accentuer l'expansion de la ferme, on devrait avoir des
crédits agricoles sur la construction d'écuries et de
manèges pour en faire un produit fini pour le cheval. À l'heure
actuelle, mon élevage est en pleine liberté 365 jours par
année. Alors, le seul dressage que je peux mettre sur mes chevaux, c'est
en été entre les coupes de foin. Si on pouvait avoir les
crédits disponibles pour la construction d'écuries et de
manèges et l'engagement d'instructeurs pour le dressage de nos chevaux,
on pourrait mettre un produit fini sur le marché, on aurait un meilleur
prix sans que cela en coûte beaucoup plus cher. Alors, le crédit
agricole est très important pour le cheval.
Ensuite, il y a l'utilité du cheval. On a parlé des
chevaux de course tantôt, parlons du cheval de trait ou du canadien, qui
est un cheval versatile autant pour le trait, la voiture que pour
l'agrotourisme. J'ai commencé l'année dernière
l'agrotourisme sur la ferme, mais je n'ai pas commencé avec les chevaux
parce qu'ils ne sont pas disponibles pour faire de l'agrotourisme 365 jours par
année, parce que l'hiver ils sont en hivernement dehors; alors, il ne
faut pas les toucher.
Il y a un potentiel dans l'élevage du cheval canadien et du
cheval en général, pour autant qu'on aura les crédits
agricoles pour mener notre exploitation. C'est beau lancer un projet
d'élevage chevalin, mais, si
on n'est pas capable d'amener un produit fini sur le marché,
c'est officiel que ce sera beaucoup plus dur aussi d'avoir du, crédit
agricole. Mais, si on a un bon crédit agricole et que le crédit
agricole exige un produit fini, tant mieux pour tout le monde de
l'élevage chevalin.
M. Dubois: Dans les faits, c'est une reconnaissance que cette
production aurait un aspect économique aussi important que n'importe
quelle autre production et que l'office reconnaisse une demande
financièrement viable et accorde des crédits au même titre
que pour n'importe quelle autre production. C'est cela?
M. Gagnon (Henri-Louis): C'est cela et, si un jour je veux
continuer dans l'élevage chevalin et si je veux faire seulement de
l'élevage chevalin, que je ne sois pas obligé d'être
producteur laitier ou producteur de porcs ou producteur de sirop
d'érable ou autre chose.
M. Dubois: Je vous remercie. Vous m'avez pas mal convaincu de la
nécessité d'une ouverture d'esprit dans ce sens-là.
Personnellement, je suis très ouvert à certaines suggestions que
vous avez faites; il y aura des recommandations de notre groupe parlementaire
aussi bien que des ministériels à l'endroit du ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Nous espérons
bien que cela répondra tout de même à une partie de vos
aspirations. Je vous remercie.
M. Gagnon (Henri-Louis): Merci.
Le Président (M. Vallières): M. le
député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): En
résumé, en faisant la lecture de votre mémoire, il se
situe un problème au niveau du crédit agricole pour
l'alimentation animale ou la reproduction de chevaux de trait; cela devrait
être reconnu et financé par l'Office du crédit agricole.
Cela pourrait aider certains éleveurs à prendre de l'expansion et
vous dites qu'il y a un marché présentement à tous les
niveaux.
Je voudrais vous demander ce que vous pensez des institutions. Vous
savez qu'à l'Institut de technologie agricole de La Pocatière il
y a un centre équestre et qu'il se donne des cours de formation: comment
faire de l'équitation, se tenir en selle, le soin des animaux et
l'alimentation des animaux. Pensez-vous que ces genres de cours soient utiles
ou si c'est seulement pour les gens les mieux nantis afin de se divertir un peu
le dimanche après-midi en allant suivre des cours? Qu'est-ce que vous
pensez d'une école ou de ce genre de cours qui se donnent à
l'institut et qu'est-ce que cela pourrait apporter comme formation dans votre
domaine?
M. Bernatchez: Je vais laisser le soin au Dr Brault de
répondre à cela. Il est d'ailleurs professeur à l'ITAA de
La Pocatière et je pense que cela va lui faire plaisir de
répondre à cela.
M. Brault: D'abord, il faudrait dire que nos étudiants -
contrairement à ce que l'on pense, on prend une vingtaine
d'étudiants par année, la majorité sont des jeunes filles
-viennent de tous les coins du Québec. Ils ne sont pas de parents les
mieux nantis. Alors, il y en a de toutes les couches de la
société. Ils suivent un cours de trois ans, deviennent
instructeurs d'équitation, entraîneurs de chevaux et peuvent
s'occuper d'alimentation et de soins aux chevaux. Ils ont une influence dans le
milieu pour relever le monde du cheval au Québec. Ce sont des
techniciens bien qualifiés. Tantôt on parlait de la production des
chevaux. Pour la production des chevaux, il n'y a pas à
s'inquiéter tant qu'on produira de la qualité. D'abord, on va
s'autosuffire. Dans le moment, on ne s'autosuffit pas. Ensuite, quand on sera
autosuffisant, on pourra exporter de la qualité. La qualité,
c'est toujours demandé partout.
Je pense que les diplômés de La Pocatière vont aider
à améliorer le monde du cheval, aider à améliorer
la qualité et à faire un meilleur produit qui, d'abord, donnera
satisfaction au Québec et qui pourra être une source de revenu en
exportant à l'extérieur après.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Qu'est-ce que
vous faites à La Pocatière?
M. Brault: Je suis un vétérinaire et j'enseigne les
matières médicales, et je fais les soins aux chevaux.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est ce que
vous faites, je veux dire, dans le sens large du mot, au niveau de...
Faites-vous aussi l'élevage?
M. Brault: On a un cours d'élevage, on fait un peu
d'élevage et on accouple dix ou douze juments par année pour
illustrer le cours d'élevage, et ensuite on a le poulinage. On se sert
de nos poulains comme animaux de remplacement.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est aussi
un peu pour avoir la théorie et la pratique au niveau des cours...
M. Brault: Oui.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... quand
vous pouvez faire l'élevage. C'est
plus facile.
M. Brault: Je n'ai pas compris la question.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce n'est pas
une question, c'était juste un commentaire.
M. Brault: C'est théorique et pratique.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Oui, c'est
cela, théorie et pratique. Au niveau des chevaux d'équitation, je
ne sais pas si vous connaissez le ranch des Montagnards...
M. Brault: Oui, très bien.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... qui est
situé, je pense, avec une quarantaine... Est-ce qu'il y en a beaucoup,
dans le Québec, des genres comme on voit dans le JAL?
M. Bernatchez: Oui, il y en a plusieurs.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Des clubs de
randonnée, il y en a plusieurs.
M. Bernatchez: Il y en a certainement une vingtaine.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Oui, il y en
a plusieurs.
M. Brault: Il y a des clubs qui sont des associations de
randonneurs, qui comptent une douzaine de mille randonneurs au Québec,
qui font de la randonnée plus ou moins fréquemment, mais il y a
des clubs comme le club des Montagnards qui reçoivent des gens pour une
semaine ou plus en randonnée.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Cela, c'est
au niveau de l'économie touristique, en fin de compte, ces associations
de clubs. C'est plutôt au niveau touristique quand on parle de clubs de
randonnée.
M. Brault: Justement, pour vous donner un exemple, un club de
randonnée important que vous connaissez a fait une demande de
crédit agricole et il a été refusé. C'est un peu
aberrant qu'un club qui marche très bien demande de prendre de
l'expansion et qu'on le refuse.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est pour
cela que je reconnaissais, dans votre mémoire, que l'office devrait
s'impliquer au niveau de ces associations et que l'office ne les
reconnaît pas nécessairement. Par contre, quand vous dites qu'ils
ont été refusés, je suis très au courant aussi
qu'on a pu financer par d'autres moyens, soit par l'OPDQ ou au niveau du
tourisme. Ils ont quand même eu de l'aide gouvernementale.
M. Brault: Oui, ils ont de l'aide, mais ils ont de moins bonnes
conditions qu'avec le crédit agricole; alors, cela coûte plus cher
d'avoir de l'aide. C'est en ce sens que c'est difficile.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est
officiel.
M. Sorel: L'Office du crédit agricole devrait aller plus
loin dans le domaine - vous allez ouvrir la porte, à un moment
donné -des écuries, fonder, autrement dit, donner des
crédits à des écuries qui seraient
spécialisées dans la performance du cheval, c'est-à-dire
qu'il devrait y en avoir une par zone agricole. Donc, après avoir, sur
la ferme du producteur agricole, un produit fini, que le cheval soit
envoyé à l'écurie pour une performance et, à la
suite de cette performance, le cheval sera envoyé à une
école perfectionnée dans la province de Québec. Par
exemple, si on prend Bromont, il y a là 20 ou 25 sujets de choix par
année dans le but de les pousser à fond, dans le but d'en faire
des chevaux olympiques. Quand on parle de chevaux olympiques, ce n'est pas
nécessairement un cheval d'obstacles, cela peut être aussi
à l'attelage, etc. Pour les autres chevaux qui ont passé avec une
performance, il devrait y avoir à chaque année un encan annuel de
poulains de deux, trois ou quatre ans qui seraient vendus avec un certificat de
performance pour le cheval. C'est tout cela qui amène de l'argent chez
le producteur et cela devient une rentabilité dans l'élevage du
cheval au Québec.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Ceci
met fin à l'enveloppe qui est mise à notre disposition. Je vous
remercie pour la présentation de votre mémoire, je vous invite
à continuer à suivre les travaux de notre commission et à
voir les suites que nous donnerons à cette présentation de
mémoire que vous nous avez faite et aux réponses aux questions
que vous nous avez posées.
M. Bernatchez: Je voudrais aussi vous remercier de l'attention
que vous nous avez accordée. Je voudrais finir en vous disant que c'est
vrai que le monde du cheval est important au Québec et c'est depuis la
toute première histoire. Les Québécois ont toujours
été très impliqués dans l'élevage du cheval.
C'est le cheval qui nous a ouvert ce pays d'un bout à l'autre.
Aujourd'hui, en 1984, si tout le monde connaît les exploits de
Hervé Fillion, de Lachance, de Deslauriers, je veux vous dire qu'il y a
un cheval canadien, de
Québec, qui est allé gagner le championnat d'attelage
à l'exposition de Toronto, cet automne.
On reçoit des demandes de gens qui sont très
intéressés par ce qu'on produit, mais on n'est pas capable de
répondre à la demande. Je pense que c'est un domaine auquel vous
devriez... Danielle Duquet aussi...
M. Lévesque (Pierre): On peut renchérir avec les
femmes et dire que, récemment, sur le canal Rideau, à Ottawa,
elle a battu l'Australien et les meilleurs conducteurs en Amérique du
Nord, Danielle Duquet. Cela s'est fait au mois de février, sur le canal,
à Ottawa.
Le Président (M. Vallières): Bravo!
M. Lévesque (Pierre): Donc, on n'est pas... Dans
l'élevage des chevaux, on n'est pas discriminatoire envers les
dames.
Le Président (M. Vallières): Je veux indiquer aux
membres de la commission que nous commencerons nos travaux, cet
après-midi, en recevant la Confédération des caisses
populaires et d'économie Desjardins. Nos travaux sont suspendus à
cet après-midi, après la période des affaires
courantes.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 15 h 20)
Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Nous recevons, cet après-midi, comme
premier intervenant, la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec. Je vais demander
immédiatement à M. Blais, qui agit à titre de
président, de nous présenter son équipe et de
procéder à la lecture de son mémoire. M. Blais.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec
M. Blais (Raymond): Merci, M. le Président. Si vous
voulez, je pourrais me permettre de présenter les gens qui
m'accompagnent. En commençant à droite, vous avez M. Gilles
Lemelin, qui est gérant de la Caisse populaire Sainte-Martine, une
caisse qui est impliquée dans le financement agricole, qui est aussi
membre du conseil d'administration de la Confédération des
caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec; M. Yvon
Daneau, adjoint au président et secrétaire général;
M. André Morin, conseiller aux affaires gouvernementales; de l'autre
côté, il y a Claude Deslandes, qui est premier vice-
président et directeur général de la
Fédération Richelieu-Yamaska, une fédération, bien
sûr, dont les caisses affiliées sont encore très
impliquées dans le développement de l'agriculture; Mme Diane
Parent, agronome, qui est au service de la Confédération des
caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.
Maintenant, M. le Président, nous avions pensé, compte
tenu que vous avez reçu le mémoire assez longtemps à
l'avance, qu'il serait plutôt pénible pour les membres de la
commission de refaire une lecture, même partielle. Et, à moins que
vous n'ayez un inconvénient à cette procédure, nous
préférerions faire certains commentaires très
généraux portant plus sur l'économie de ce qu'on avait
proposé; ceci, bien sûr, pour vous empêcher de subir une
lecture que vous avez déjà eue. Deuxièmement, pour laisser
plus de place aux questions, nous serions très intéressés
peut-être à vous donner des commentaires à la suite de vos
questions.
Est-ce que cette façon de procéder vous irait?
Le Président (M. Vallières): On peut
vérifier de chaque côté de la table. Par ailleurs, je pense
bien que plus on peut disposer de temps pour vous questionner, mieux cela vaut.
Est-ce qu'il y ' a des commentaires de ce côté-ci sur la
procédure?
M. Picotte: Je pense, M. le Président, que, si on le prend
par parties, par chapitres et qu'on nous donne un bref résumé, on
pourra, par la suite, facilement procéder à la période de
questions.
M. Blais (Raymond): Alors, vous nous permettrez, à ce
moment-là, de faire certaines remarques de façon plus globale. Je
demanderai peut-être à Mme Parent de prendre le mémoire,
chapitre par chapitre, et d'en donner les éléments un peu plus
synthétisés.
Mes remarques globales sont que, premièrement, vu par le
Mouvement Desjardins, le gouvernement, n'importe quel gouvernement devra
toujours regarder l'agriculture avec un oeil très
privilégié: D'abord, pour ce que ces gens sont
véritablement; deuxièmement, pour leur force dans l'emploi, leur
importance économique. Pour ces raisons, nous sommes favorables à
ce que le gouvernement continue et mette de l'emphase sur cette partie de la
population.
Le deuxième commentaire que je voudrais soumettre, c'est que, vu
par un prêteur ou une institution financière coopérative,
le problème de l'agriculture comme tel n'est pas un problème
simpliste de financement; du moins, ce n'est pas un problème de
liquidité. Les prêteurs, quels
qu'ils soient, ont énormément de liquidité, ils
peuvent prêter dans chacune des régions du Québec. Le
problème pour nous est plus un problème de rentabilité. Ce
problème de rentabilité peut provenir, bien sûr, du
problème d'une ferme en particulier, soit du côté de la
capitalisation, soit du côté de la gestion, mais peut aussi
provenir de causes qui n'ont rien à voir avec l'agriculteur, de causes
sur lesquelles il n'a absolument pas de contrôle. Je pense à
l'environnement nord-américain. Je pense même aux conditions
climatiques. Alors, selon nous, rapidement, le gouvernement devrait continuer
à avoir une forme de ce qu'on appelle aujourd'hui le prêt tandem,
c'est-à-dire que nous ne remettons pas en question, loin de là,
toute la philosophie du prêt tandem. Nous disons humblement que, dans
l'application de ce prêt tandem, il pourrait y avoir des corrections
relativement importantes. Par exemple, il nous plairait de nous poser des
questions sur le genre de risques que subit le gouvernement ou le
prêteur. Les fermes ne sont pas différentes, sous cet aspect, de
l'ensemble des entreprises. Il y en a qui ont déjà atteint une
rentabilité certaine; il y en a qui sont plus marginales dans le sens
qu'elles sont tout près de passer au niveau de la rentabilité et
il y en a une autre catégorie qui, malheureusement, est beaucoup plus
loin d'être rentable. Il me semble que le gouvernement devrait au moins
regarder... Je me demande si, un jour, il ne devrait pas faire une distinction
entre, d'un côté, la subvention qui pourrait, en théorie,
rester universelle et l'appareil de garantie.
Deuxièmement, il nous semble aussi qu'il y de l'ordre à
mettre dans toute la série de lois que le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation administre.
Troisièmement, il me semble que le gouvernement pourrait aussi un
peu mieux gérer l'agriculture, aider l'agriculteur qui se lance, par
exemple, dans une production alors que la demande ne suit pas, alors qu'il n'y
a pas eu assez de planification de ce côté. Cela reste, pour nous,
des mesures importantes, mais des mesures à court terme. Nous
souhaiterions qu'en même temps que ces mesures à court terme sont
regardées on attache autant, sinon plus, d'importance aux mesures
à plus long terme.
Je veux parler ici fondamentalement de toute la question de formation,
de toute la question de management. Je n'invente rien en disant que
l'agriculture, aujourd'hui, est devenue une forme d'entreprise qui
réagit aux mêmes gestions et l'investissement que le Québec
pourrait faire dans la formation des agriculteurs serait, en tout cas, à
moyen terme, selon nous, beaucoup plus rentable que les mesures à court
terme.
Dans une mesure plus à long terme, serait-il possible de regarder
une forme de crédit qui serait en quelque sorte indexée à
l'inflation? Je pense à un produit qui ressemblerait au produit que nous
venons d'offrir pour les habitations qu'on appelle "hypothèque à
l'abri", où le versement ne peut pas bouger plus rapidement que
l'inflation. En termes de formation, en termes de management, nous sommes
particulièrement impressionnés, sans les connaître en
détail, par le phénomène des syndicats de gestion.
Peut-être que, si nous sommes aussi impressionnés par ce genre
d'organisme, c'est que cela ressemble beaucoup à la formule de
décentralisation de Desjardins; au lieu de piloter des conseils savants
d'un endroit provincial, voici une formule qui permet aux agriculteurs, par
petits groupes, d'essayer de régler leurs problèmes et, selon
moi, on risque beaucoup plus d'être proche de nos besoins que n'importe
quel expert que nous pourrions établir de façon
centralisée. (15 h 30)
Et, là-dessus, sans avoir malheureusement de formule
précise, je voudrais annoncer que le Mouvement Desjardins serait
disponible à collaborer avec ce genre d'organisme. Quelle est la
formule? Je l'ignore, mais il me semble qu'avec le réseau
décentralisé des caisses qui couvre l'ensemble du Québec,
s'il y a une aide, nous pouvons, comme tous les prêteurs, mettre notre
argent au service des agriculteurs. Ce n'est pas un problème. Nous avons
de plus en plus de spécialistes pour étudier les problèmes
un par un. Ce n'est pas encore là un problème, mais nous
aimerions aussi travailler sur des mesures à long terme et celle qui
nous apparaît la plus naturelle, en tout cas, dans un premier temps, ce
serait d'essayer d'établir une forme de collaboration entre ces
syndicats de gestion et le Mouvement Desjardins.
M. le Président, en terminant, presque le mot du commanditaire.
Si nous sommes ici cet après-midi, c'est que nous avons cru que
l'agriculture et Desjardins, c'étaient presque des naturels pour ne pas
dire des ressources naturelles. M. Desjardins, en 1900, dans ses premiers
écrits, a dit combattre le fléau du prêt usurier,
premièrement, et les difficultés économiques de la classe
agricole. Les caisses et l'agriculture ont beaucoup changé depuis 1900,
mais le Mouvement Desjardins a encore 50% du portefeuille des prêts
consentis par les institutions financières.
Une statistique peut-être encore plus intéressante et que
je relie à ce phénomène de syndicat de gestion: 25% de nos
19 000 administrateurs bénévoles de caisses sont aussi des
agriculteurs partout au Québec et ce n'est pas surprenant quand on sait
qu'il y a encore au Québec à peu près 500 endroits
où la seule institution financière est la caisse populaire.
M. le Président, c'étaient les quelques
commentaires que je voulais faire. Si vous voulez, Mme Parent lira le
mémoire, chapitre par chapitre.
Le Président (M. Vallières): Très bien, Mme
Parent.
Mme Parent (Diane): M. le Président, comme entrée
en matière, je pense que M. Blais a fait pas mal le tour pour souligner
que l'apport des agriculteurs n'est pas seulement au niveau financier, mais au
niveau de la participation aussi dans l'orientation du Mouvement Desjardins.
Donc, notre mémoire fait l'état de la situation, au
départ, et souligne l'importance du Mouvement Desjardins dans le
portefeuille du financement agricole.
La première partie, bien sûr, s'intéresse au
financement agricole. Une des constatations est le fait que l'intervenant
majeur au Québec qui est l'Office du crédit agricole,
présentement, administre dix lois.
À notre avis, il nous semble qu'il devrait y avoir un
réaménagement ou une simplification des lois afin d'en arriver,
par la suite, à une meilleure efficacité au niveau du travail, au
niveau de la gestion des prêts aussi. Comme l'a souligné notre
président, la formule tandem nous est apparue une formule
intéressante. Cependant, nous voudrions porter à votre attention
qu'elle mériterait certains ajustements.
Au départ, avant de parler plus spécifiquement du
financement agricole, on veut bien mettre le point sur le fait que
l'agriculture est un secteur économique qui a des
caractéristiques propres. C'est un secteur où le rapport entre le
capital nécessaire à la production et la valeur ajoutée
est très élevé. C'est un secteur à très
haute intensité "capitalistique". Deuxièmement, c'est un secteur
où on ne peut avoir recours au marché des valeurs
mobilières, actions, obligations. Les sources de financement sont les
institutions d'épargne et de crédit et, en plus, les
particuliers, les propriétaires d'entreprises.
Deuxièmement, il y a certains facteurs, tel le risque, en
agriculture dont divers secteurs ne sont pas à l'abri. On parle, bien
sûr, de climat, mais on parle aussi d'impact des politiques
américaines puisqu'on vit dans un contexte nord-américain et que
les États-Unis influencent une très grande partie des prix
à la ferme au Québec.
On voudrait dire aussi, en passant, que l'agriculture, c'est une
fondation qui soutient un complexe agro-alimentaire très important et
qui emploie au-delà de 400 000 personnes. Donc, si on regarde cela, une
des premières propositions du mouvement serait qu'il y ait un
nécessaire soutien de l'État mais, cependant, il devrait y avoir
une coordination des moyens qui doivent être pris.
En ce sens, on s'explique par le fait que, s'il il y a des politiques de
financement, des politiques d'aide technique à la production, tout cela
devrait être coordonné avec des politiques de commercialisation.
On donne pour exemple les ouvertures qu'il y eu dans le financement agricole au
niveau du porc, dans les années 1978 et 1979, où les organismes
de financement ont peut-être ouvert trop grandes les portes sans tenir
compte vraiment du risque ou des caractéristiques propres à cet
élevage. Il y a aussi un exemple, dans le domaine des
érablières, où on a procédé à une
très grande modernisation sans avoir vraiment de politique de
commercialisation pour écouler les produits.
Si on revient à la formule tandem, le programme tandem,
disions-nous, caractérisé entre la jonction, l'expertise du
personnel de l'office et le réseau Desjardins, nous permet de dire qu'on
peut combler la demande de capitaux du secteur agricole. Cependant, nous devons
prévoir certains ajustements. Je l'ai souligné au départ,
il devrait y avoir une simplification des lois en une seule Loi sur le
crédit agricole.
Deuxièmement, lorsque l'octroi d'un prêt tandem est
conditionnel à l'obtention d'un crédit supplémentaire, il
devrait y avoir une meilleure concertation entre les institutions
financières et le personnel de l'Office du crédit agricole.
Lorsqu'une entreprise est impliquée dans sa fonction de prêteur,
il semble y avoir un manque au niveau de la concertation.
Troisièmement, dans l'administration des prêts agricoles
et, par voie de conséquence, si on parle du domaine de la
réalisation des garanties, il devrait y avoir certains ajustements et
l'établissement de procédures claires entre les deux parties afin
de savoir qui doit fait quoi.
En résumé, nos trois propositions dans le domaine du
financement seraient de chercher à atteindre une plus grande
cohérence entre les divers programmes mis en oeuvre pour assurer le
développement du secteur agricole, deuxièmement, viser à
intégrer les différentes lois et, troisièmement,
prévoir des mécanismes permanents de concertation entre l'office
et les institutions financières participantes afin d'établir
conjointement les modalités d'ensemble dans le plan du financement et
afin de résoudre de la façon la plus efficace possible les
problèmes de gestion de prêts.
La deuxième partie traite de l'endettement des agriculteurs. Nous
avons fait le point sur les principaux problèmes en agriculture qui sont
avant tout des problèmes de revenus, niveaux de revenus qui semblent
faibles et instabilité de prix, donc de revenus, dans certains secteurs
de production.
À partir de ce que nous avons dégagé, nous avons
élaboré un certain nombre de constatations et nous ne pensons pas
avoir la
solution unique. Nous pensons que c'est l'intervention de tous les
agents économiques et, principalement, l'orientation des politiques
agricoles ou l'orientation des structures - à savoir si on doit
favoriser la ferme familiale ou non - qui devraient relever, de prime abord,
des organismes gouvernementaux et surtout des organismes de producteurs
impliqués.
Pour ce qui est du domaine de la relève agricole, nous avons
là aussi formulé certains constats et on rejoint en ce sens les
propos du président en ce qui a trait à la formation
professionnelle de la relève agricole. On constate qu'il n'y a que 20%
des jeunes qui s'établissent en agriculture qui ont une formation
professionnelle adéquate. Le reste, c'est encore là la ferme qui
est la seule école de formation. Donc, est-ce que ce sont les
applications des programmes qui sont inadéquates? Est-ce que l'horaire
des cours ne convient pas aux travaux de la ferme? Il y aurait peut-être
des questions à se poser là-dessus.
Nous avons posé un autre constat en ce qui a trait aux
productions contingentées. On perçoit des problèmes de
transfert de fermes dans les productions, notamment, de la volaille et du lait.
Sans remettre en question le principe des quotas de production, les organismes
et les agents économiques impliqués devraient se pencher afin de
trouver des moyens pour faciliter les transferts de quotas aux jeunes
agriculteurs.
On a souligné l'importance de la gestion dans les entreprises
agricoles. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir des voies à encourager?
Est-ce que, par exemple, on ne devrait pas favoriser l'acquisition de
l'expérience, que ce soit sous forme de temps partiel? Les formules,
comme le syndicat de gestion, nous semblent très appropriées. On
se questionne. Même dans ce que vient de dire le président on a
une volonté très ferme d'aller dans le même sens.
C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Il y
a des demandes d'intervention de la part du député d'Arthabaska,
suivi du député de Maskinongé.
M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier le Mouvement Desjardins de nous avoir présenté
ce mémoire très étoffé et aussi profiter de
l'occasion, à la suite de l'ouverture que M. Blais nous a faite, tout
à l'heure, au sujet des caisses populaires, en disant que la
fédération serait prête à s'impliquer au niveau des
syndicats de gestion. Je pense que cela démontre une autre fois ce que
les caisses populaires ont fait dans leur milieu, en participant au
développement régional. Je sais que, dans mon coin, les
Bois-Francs, les caisses populaires s'impliquent grandement, depuis plusieurs
années, dans le développement de notre région sous toutes
sortes de formes. Je pense que cela est très avantageux. Cette ouverture
que vous venez de faire ne tombera sans doute pas dans l'oreille d'un sourd. On
va transmettre le message. On pourra regarder ensemble comment on pourrait
intégrer toute cette initiative que vous nous offrez.
Vous avez fait un tour assez exact de la situation au niveau du
problème de la relève agricole. J'aimerais vous entendre, puisque
vous dites que ce n'est pas uniquement le financement qui nuit à la
relève agricole. Vous avez fait mention du problème de formation,
du problème de mise en marché, du problème de faire face
aux coûts de production. J'aimerais vous entendre préciser ceci:
Comment faire pour avoir un meilleur coût de production? Est-ce qu'il
faut hausser les prix, subventionner davantage? Qu'est-ce que vous pourriez
dire?
M. Blais (Raymond): Je vais vous donner un premier commentaire
qui touche moins l'expertise agricole et je vais peut-être demander
à Mme Parent de compléter.
J'ai un faible pour essayer de regarder les problèmes un par un
et, quand je les mêle, je ne suis pas capable de les étudier. Si
on isole les problèmes, il y a le problème de "management".
Celui-là peut être réglé par la formation à
moyen terme et à long terme. Je vous rappellerai, là-dessus, les
travaux de la commission Saucier sur la capitalisation de la petite et de la
moyenne entreprise. Il y a bien des choses qui ne sont pas pareilles, mais il y
a une série de choses qui sont pareilles. On en est venu à une
conclusion à cette commission. Si tu prends le problème global
d'une PME, tu dis: II y a peut-être un manque de capitalisation, mais
quand tu grattes, des fois, ce n'est pas cela et des fois ce n'est pas juste
cela. Alors, le problème de "management", il faut le mettre sur une
tablette à part, il faut essayer de le régler parce que, surtout
en agriculture, alors qu'il y a tellement de causes qui sont en dehors de la
volonté de l'agriculteur, s'il n'y a pas de management, il y a plusieurs
excuses: On dit que c'est à cause de la température, que c'est
à cause du manque d'argent, que c'est à cause des
États-Unis. Des fois cela risque d'être vrai, souvent.
Alors, si j'isole ce problème, je dis qu'il y a un besoin de
management en agriculture, comme il y a un besoin de management dans la PME.
Celui-là - je raccroche toujours les syndicats de gestion -ce n'est pas
vrai qu'on peut bâtir une université centrale de management de
l'agriculture, à mon avis. Il faut travailler près des besoins.
Je ne suis pas un expert, mais je suis porté à dire que les
problèmes peuvent être très différents d'une
région à
l'autre en agriculture. C'est le modèle. (15 h 45)
Au niveau du crédit, j'ai dit que ce n'était pas un
problème de liquidité. Si le gouvernement veut garantir à
100% tous les prêts dans tous les cas, il va y avoir une ligne à
la porte pour prêter aux agriculteurs, il n'y a rien là. Ce n'est
pas un problème de liquidité. C'est un problème, à
mon humble avis, de donner le coup de pouce aux jeunes, par exemple, et c'est
pour cela que je pose la question: Est-ce qu'un gouvernement a besoin d'offrir
toujours la même garantie dans toutes les situations? Là, je
distingue cela de la subvention. La subvention, c'est un autre problème.
J'aimerais qu'on puisse regarder cela.
Au niveau des coûts de production, je pense que Mme Parent aurait
des commentaires. Là-dessus, je me sens plus démuni.
Mme Parent (Diane): Pour répondre à votre question,
à savoir s'il y avait des solutions pour augmenter la rentabilité
en agriculture, avant de penser à augmenter à un certain niveau,
il y a un point intéressant à combattre, c'est
l'instabilité, qu'on parle d'instabilité des coûts
d'intérêt ou qu'on parle d'instabilité de prix ou de
revenus. En ce sens, l'instabilité des coûts
d'intérêt rejoint directement l'exemple qu'a donné M. Blais
tout à l'heure en ce qui a trait à l'hypothèque à
l'abri chez les particuliers. Je pense que, pour beaucoup d'agriculteurs, ce
qui a fait mal, c'est lorsque les coûts d'intérêt,
même pour les marges de crédit, ont monté jusqu'à
20%, 22%. Cela a fait très mal.
Deuxième question. De là à savoir si le
consommateur ne paie pas assez cher ses produits, je ne pense pas qu'on puisse
trancher la question comme cela. De toute façon, cela n'apporterait rien
dans le portefeuille de l'agriculteur à court terme. On ne peut pas tous
décider...
Un point qu'on voulait aussi souligner, puisque M. Blais parlait de
relève, c'est qu'on devrait peut-être aussi repenser les formules
d'établissement en agriculture. On ne semble pas favoriser les formules
d'établissement graduel ou d'établissement, si on veut, à
temps partiel dans certains secteurs fondamentaux au Québec. On sait
qu'on a surtout une industrie animale qui est obligée de se nourrir
d'intrants produits ici, mais aussi grandement exportés. Donc, dans
certains secteurs, notamment le secteur des céréales, est-ce
qu'il ne devrait pas y avoir certains incitatifs pour favoriser
l'établissement graduel? Là aussi, les risques sont moins grands
lorsque les incitatifs permettent d'entrer graduellement ou sur une plus petite
échelle que d'être obligé d'y aller à fond de train
sur de grandes unités. Je pense que c'est un problème d'ensemble
qui ne peut pas être réglé seulement par une
réponse. Il y a différents points. Je ne sais pas si j'ai bien
répondu à votre question, M. Baril.
M. Baril (Arthabaska): Puisque vous parlez d'établissement
graduel, selon les gens que vous côtoyez, vos clients, pensez-vous que le
vendeur qui est souvent le parent, le père ou la mère qui vend
à son fils ou à sa fille, pensez-vous, actuellement, que ces gens
sont prêts, qu'ils sont assez informés, si la mentalité est
rendue au point de dire: Je vais planifier l'établissement graduel de
mon garçon ou de ma fille sur la terre, ou s'il manque quelque chose au
niveau de la formation, peut-être, des vendeurs?
M. Blais (Raymond): J'entrerais cela dans le grand champ du
management, dans le fond.
M. Baril (Arthabaska): Oui. Ce n'est pas le manque d'information
parce qu'à un moment donné on est enraciné dans notre sol
et on pense qu'on est éternel un peu. À un moment donné,
tu te décides, tu es rendu à 45, 50 ans et plus, et tu te dis: II
faut que je vende demain matin. Il n'a jamais planifié cela lui non
plus, bien souvent.
M. Blais (Raymond): Voici un problème exact qu'on va
retrouver dans l'étude de la PME et qui cause de graves
problèmes: le propriétaire unique d'une PME voulant aller
jusqu'au bout de la ligne avant d'impliquer des partenaires, que ce soit ses
enfants ou que ce soit des gens de l'extérieur. Là, vous arrivez
avec un problème qui est beaucoup plus grave. Cela, c'est
québécois. Je ne dis pas que cela n'existe pas ailleurs, mais on
a particulièrement un problème de cette... Dans ce dossier, quand
on faisait des comparaisons avec le comportement des PME en Ontario,
c'était déjà différent. Je ne porte pas un jugement
de valeur, je dis que c'était différent.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez parlé aussi du plan
tandem; c'est bien, cela devrait continuer, mats il devrait être
modifié, il pourrait être amélioré. Est-ce que vous
avez quelques suggestions à nous faire?
Une voix: Claude, aurais-tu des commentaires à nous faire
là-dessus?
M. Deslandes (Claude): Je n'ai peut-être pas de suggestions
très précises et très bien articulées à ce
moment-ci. Je me permets, dans un premier temps, de répéter ce
que le président Blais a mentionné tantôt,
c'est-à-dire que le prêt tandem au Québec, pour les caisses
populaires et sûrement pour l'agriculteur, est une initiative qui nous a
bien servis, je veux dire qui a bien servi ces
deux communautés. Comme toute bonne chose qui est
installée, il faut une période de rodage, mais je pense que cette
période de rodage est à terme et l'expérience qu'on a
vécue dans les différents cycles économiques nous invite
à la remettre à jour. Ce n'est pas qu'on la met en doute, c'est
tout simplement qu'on dit que ce serait peut-être le bon temps pour
repréciser les responsabilités de chacun des intervenants dans ce
mode de financement.
M. Morin (André): Est-ce que je peux... M. Baril
(Arthabaska): Oui, oui.
M. Morin:... intervenir sur le même sujet? Je me suis
donné la peine d'apporter la brique que vous connaissez bien. Ce sont
les lois agricoles, mais une des choses qui est fatigante... Évidemment,
vous êtes habitués aux lois, cela ne vous impressionne pas, mais,
pour un agriculteur, c'est quelque chose à avaler; pour nos directeurs
de caisse, c'est aussi quelque chose à avaler. Souvent même, pour
nos conseillers juridiques, c'est de l'ouvrage pour se retourner de bord et
trouver exactement ce que dit la loi tandem, ce que dit la Loi favorisant
l'amélioration des fermes, celle sur le crédit à la
production, etc. Il y a une synthèse à faire de cela, il y a une
simplification. Il y a des répétitions, mais si, pour le
même sujet, du genre des garanties, c'était exactement la
même chose partout, ce serait un moindre mal. Mais nos conseillers
juridiques disent qu'il faut toujours aller voir jusqu'au bout, parce qu'il
peut aussi bien y avoir une petite nuance à la dernière ligne. Il
y a cela, une espèce de simplification pour que l'on puisse se retrouver
plus facilement.
Il faut réaliser aussi une autre chose. C'est qu'on a
pensé que la loi tandem, c'est l'erre d'aller du crédit agricole
de 1936 avec le financement à long terme par le gouvernement, avec une
garantie gouvernementale. On a ajouté la Loi favorisant
l'amélioration des fermes. On a fait une série de pièces
bout à bout. On a pensé ces pièces une par une, mais ce
qui se passe aujourd'hui, c'est qu'on a des agriculteurs qui ont un pied
à peu près dans chaque loi et on a des institutions
financières qui font des prêts complémentaires à
cela, qui ne sont pas garantis par ces lois. Là, on commence à
avoir des problèmes avec les coins de cette affaire-là, la
charnière entre tout cela. Cela devient compliqué et c'est
là-dessus qu'il faut travailler.
Quand on fait un prêt qui est garanti par la loi tandem, qu'on
ajoute quelque chose avec la Loi favorisant l'amélioration des fermes,
qu'on accorde une marge de crédit sans garantie gouvernementale au bout,
quand on arrive à une situation difficile où il faut
réaliser les garanties, il n'y en a pas un qui peut tirer tout seul sans
ébranler l'autre. On est tous dans le même bateau, on travaille
tous avec le même agriculteur.
L'Office du crédit agricole a d'excellentes orientations
là-dessus. Il pense précisément à réviser
cette loi, il y a matière à le faire. Son approche du dossier
unique nous paraît aussi exceptionnelle. Il faudrait trouver le tour
d'additionner nos forces pour avoir des dossiers uniques, même au niveau
des institutions financières et de l'office.
M. Baril (Arthabaska): Quand vous avez dit tout à l'heure
que les lois ne nous font pas peur parce qu'on y est habitué, ce serait
sous toutes réserves parce qu'il y a bien des lois. Si on fait toute la
nomenclature des lois qui existent au niveau d'un gouvernement, même nous
qui les adoptons, on ne les connaît pas toutes à fond, parce qu'il
y a bien des changements qui se font en cours de route. Mais là-dessus,
vous avez raison de dire qu'il faut absolument retoucher à cette brique.
Encore là, ma crainte, c'est qu'on se retrouve... Au lieu d'avoir huit,
neuf, dix lois, je ne sais pas combien il y en a, avec peut-être 20 ou 25
articles chacune, qu'on en retrouve une avec 300 articles... Où ce sera?
En tout cas, on ne se dirige peut-être pas là, mais il va falloir
essayer de condenser cela.
Au niveau de la loi sur la banque de terres, je ne sais pas si vous la
connaissez, si vous êtes au courant du fonctionnement...
Une voix: Une nouvelle loi.
M. Baril (Arthabaska): La loi sur la banque de terres, c'est une
loi que le gouvernement a mise en place pour acheter des terres.
Évidemment, s'il y a un agriculteur qui veut la prendre, le gouvernement
va la lui louer pour une certaine période. J'aimerais avoir vos
commentaires. Est-ce que cette formule, si elle était amplifiée
et appliquée sur plus grande échelle, pourrait aider la
relève agricole?
M. Morin: Les yeux fermés, on peut dire oui. Si le
gouvernement a à reprendre des terres, il me semble que c'est une
excellente idée de constituer une banque de terres qu'on pourrait louer
à des jeunes qui, progressivement, pourraient acquérir ces
terres. Jusqu'ici, au Québec, on n'a pas assez pensé à la
location. Si le prix des terres est pour continuer à subir une inflation
forte... Je sais que l'inflation a décru et est même
négative, au cours de la dernière année, mais, si on
regarde l'année 1970, s'il fallait que cela se répète
à tous les dix ans, ce serait fantastique, le prix des terres et,
à ce moment-là, il faudrait penser à des options
du genre de la location pour permettre à des jeunes de
commencer.
M. Baril (Arthabaska): Vous avez parlé également de
devoir trouver des formules sur le transfert des quotas. C'est vrai que les
quotas, dans toutes les productions, c'est un paquet de problèmes. Les
institutions financières les prennent en garantie, mais ne les
évaluent pas, et cela crée un problème aussi au producteur
qui, à un moment donné, voudrait donner son quota en garantie
pour autre chose. L'office le prend en garantie, mais ne l'évalue pas.
On nous a proposé - je pense que c'est la Chambre des notaires, quand on
est passé à Montréal - la formation d'une sorte de - je ne
me rappelle pas le terme exact - caisse de quotas. L'agriculteur pourrait
vendre son quota à cet organisme qui le revendrait, mais le financerait
sur une période de dix ans. On est censé nous fournir plus de
détails sur leur projet. Je trouve quand même intéressante
cette formule. Est-ce que vous avez d'autres formules semblables? Est-ce que
vous avez pensé à d'autres formules comme celle-là ou si
vous faites comme nous, vous cherchez encore?
M. Blais (Raymond): On pense que, de ce côté, ce
serait plus aux agriculteurs à avoir cette chose-là. C'est une
réserve que je n'ai pas faite au début, mais, tout en
étant très sympathique, en disant de regarder l'agriculture avec
un oeil privilégié, on veut quand même garder notre
rôle d'institution financière et je pense qu'on va mêler le
débat si on essaie de régler les problèmes que les
agriculteurs devraient régler eux-mêmes. Bien sûr, on va
regarder cela. Comme institution financière, c'est sûr que, pour
le problème des quotas, sans être un expert, je dis: Cela a
causé des problèmes. Est-ce que ce modèle pourrait
simplifier le problème, non pas des institutions financières,
mais, finalement, le problème des agriculteurs? Malheureusement,
je...
M. Baril (Arthabaska): Je voudrais peut-être revenir sur
une question que j'ai déjà posée en complémentaire.
Que penseriez-vous d'une formule de prêt avec taux croissant pour le
jeune qui commence? Plus il atteint la rentabilité de la ferme, plus il
s'approche du taux d'intérêt, disons, courant.
M. Blais (Raymond): C'est le genre de choses auxquelles je
pensais quand je disais que les garanties n'ont pas besoin d'être les
mêmes pour toutes les situations. André, si tu veux commenter.
C'est dans le domaine des choses qui nous plaisent au départ.
M. Morin: C'est dans le mille, celai C'est le style du prêt
hypothécaire à paiement progressif. Je pense que vous avez tout
à fait raison d'attirer notre attention là-dessus. On fait trop
de drame avec une situation exceptionnelle, la flambée des taux
d'intérêt de 1981, par exemple, qui a donné la chienne
à' tout le monde. Il y a des gens qui pensaient qu'ils allaient perdre
leur maison et le reste. L'attitude du Mouvement Desjardins a été
de dire: Un instant, si l'engrenage des tables d'amortissement, tenant compte
du taux d'intérêt qui est rendu à 21%, veut dire que votre
paiement doit passer de 500 $ à 900 $ et que vous n'êtes pas
capable de le donner... Un instant! Qu'est-ce que vous pouvez donner? 750 $,
800 $? On va capitaliser ce qui n'est pas versé là-dessus et,
demain, quand les taux d'intérêt baisseront à 15% ou
à 12%, si vous pouvez continuer à donner ce même montant...
(16 heures)
Je pense que les institutions financières ont une
responsabilité, pourraient en discuter avec vous autres et accepter de
temporiser sur la capitalisation ou le remboursement pour tenir compte d'une
situation donnée. C'est ce qu'on a fait. L'hypothèque à
l'abri, c'est un système un peu automatique là-dessus. Mais il y
a quelque chose à faire là-dedans. Il faut éviter
qu'à chaque fois qu'il y a une crise, une flambée de taux
d'intérêt, par exemple, on repose tout le problème de
l'agriculture comme si cette flambée était pour être pour
des siècles à venir et tout remettre en cause.
M. Blais (Raymond): Un élément important, c'est que
ce genre de choses ne s'installe pas en temps de crise. Il faut y penser quand
il n'y a pas de crise pour l'avoir quand il y a une crise, car, quand la crise
"pogne", l'émotivité est là. Il y a des cas particuliers,
on ne peut pas régler cela. Alors, l'hypothèque à l'abri -
je n'en parle pas pour en faire la promotion, on n'est pas dans la bonne salle
- quand on a installé l'hypothèque à l'abri, il y a des
gens qui nous ont dit: Vous êtes en retard, la crise est finie. On a dit:
C'est la prochaine qu'on guette. C'est bien sûr qu'on était en
retard pour la crise de 1981, mais si, par exemple, demain, il y avait une
autre flambée de taux, les gens savent... Et surtout dans l'habitation,
c'est presque mathématique; s'il y a une flambée de taux, s'il y
a de l'inflation, en même temps que votre versement augmente, la valeur
de votre maison augmente aussi. Vous étiez pris dans des situations
aberrantes où les gens n'avaient pas les moyens de se payer une maison
aussi chère que celle qu'ils avaient sans le savoir, à cause de
l'inflation.
Alors, l'instabilité dont parlait Mme Parent tout à
l'heure, celle des revenus, là-dessus je n'ai pas d'idée parce
que je ne suis pas un expert; mais celle des dépenses, toutes les PME
vont vous dire que ce n'est pas le haut taux d'intérêt qui est
un
problème, ce sont les "swings". Si vous faites votre budget
à 18% et que cela balance, il n'y a pas de problème. C'est quand
vous faites votre budget à 12% et que cela monte à 18%. C'est
là que vous êtes en danger.
Alors, il y a probablement des moyens, pour ne pas dire certainement des
moyens, et on pourrait développer des formules avec le crédit
agricole comme on en a développé dans d'autres sortes de
crédit. Mais il y a un truc là-dedans. C'est qu'il ne faut
pas aborder cela par le bout de la lorgnette de l'institution
financière. Il faut aborder cela par le bout de la lorgnette de celui
qui a le crédit. L'hypothèque à l'abri, c'est
l'établissement de façon statutaire de ce que les caisses avaient
fait cas par cas pendant la crise. On l'a fait cas par cas et cela marche.
Pourquoi alors n'en ferait-on pas un produit? Il s'agit, comme M. Morin disait,
de laisser tomber la table de versements; la table de versements dit que tu
nous dois 1234, 42 $ ce mois-ci, qu'est-ce que tu es capable de donner et
quelles sont tes garanties additionnelles et qu'est-ce qu'on peut faire? Parce
que, si on peut prendre une période de trois ans, de quatre ans, de cinq
ans, les gens vont vous dire: On passe au travers. Là-dessus, je fais
une réserve additionnelle et je bute toujours sur le premier
élément que j'ai donné. Cela est possible pour autant
qu'on tienne pour acquis que la gestion est bonne. Vous n'installez pas de
formule comme cela pour financer la mauvaise administration, je m'excuse. Cela
est fondamental.
M. Baril (Arthabaska): On est orienté de plus en plus vers
des critères d'admissibilité à un prêt qui tiennent
compte de la formation, de la capacité de gestion de l'entreprise de la
part du client, du demandeur.
M. Blais (Raymond): On n'a pas le choix.
M. Baril (Arthabaska): Une dernière question. Sur les taux
d'hypothèque à l'abri, pour utiliser votre expression, est-ce que
vous voyez un plafond, dans le domaine agricole? L'Union des producteurs
agricoles nous proposait une formule qui était, je pense, 3% plus 0, 5%
par année, mais jusqu'à un maximum de 10%. Cela ne devait pas
dépasser le taux d'intérêt de 10%. L'agriculteur qui est
capable, qui, depuis 15 ans, est en agriculture selon moi, est plus en mesure
de payer un taux d'intérêt que celui qui commence. Lui
fixeriez-vous un plafond ou si vous laisseriez approcher le taux
d'intérêt le plus... Je ne veux pas mettre de chicane entre vous
et l'UPA.
M. Blais (Raymond): Mon problème, c'est que j'ai des
idées là-dessus, mais je pense que cela ne me regarde pas. C'est
pour cela que j'ai de la misère à... C'est que, nous,
après avoir dit que le gouvernement devrait regarder cela d'un oeil
privilégié, le genre de subvention qu'il a le goût de
donner aux agriculteurs, je ne pense pas que ce sont aux institutions
financières à discuter même là-dessus.
M. Baril (Arthabaska): Nous, on ramasse les idées de tout
le monde, vous savez!
M. Blais (Raymond): Si vous parlez à Raymond Blais comme
citoyen du Québec, là...
M. Baril (Arthabaska): Je vous remercie beaucoup, M. Blais. Je
vais laisser la chance aux autres. Peut-être que je reviendrai tout
à l'heure sur d'autres questions.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Là-dessus la parole est au député de
Maskinongé.
M. Picatte: Merci, mesdames et messieurs, d'être
présents parmi nous et d'avoir accepté de nous soumettre ce
mémoire qui est intéressant à plusieurs égards.
J'ai presque le goût de commencer avec la dernière question de mon
collègue. Raymond Blais, comme citoyen, c'est quoi? Qu'est-ce qu'il a
à l'idée de nous proposer?
Mes collègues m'ont fait part, de chaque côté,
qu'ils avaient des questions eux aussi; alors, on va essayer de s'en tenir au
domaine général afin de laisser du temps pour les autres.
Nous avons reçu deux associations féminines qui nous ont
fait part de certains problèmes ou de plusieurs problèmes, en
tout cas, de certains problèmes en particulier. Par exemple, des femmes
en agriculture demandaient de ne pas avoir à renoncer à leur
droit de résidence familiale. Trop souvent elles sont appelées
à renoncer à leur droit de résidence familiale parce que,
évidemment, la résidence familiale fait partie du nantissement
comme tel. J'aimerais savoir quelle incidence cette demande peut avoir sur les
demandes de prêts. Si, demain matin, par exemple, le gouvernement disait:
D'accord, la résidence familiale est à part et la femme a
justement les droits qu'on lui a consacrés par une autre
législation, quelle incidence cela pourrait-il avoir du
côté des institutions prêteuses comme la vôtre?
M. Blais (Raymond): Le commentaire, en général, que
je peux faire là-dessus, c'est que les institutions financières
ne changent pas. Elles ont une série de critères. Si les lois
changeaient, elles ajouteraient ce critère pour dire quel est l'impact
sur nos crédits. Mais mon commentaire, c'est que, dans ce domaine comme
dans tous les autres, on a
tellement de retard qu'on devrait faire l'impossible pour avancer dans
ce sens-là.
Je vous ferai remarquer qu'à la confédération, 100
% des agronomes sont des femmes.
M. Picotte: Je vais ajouter à cela que celle qui m'assiste
pour travailler est une agronome et que c'est une femme.
Mme Parent (Diane): Je voulais juste dire, M. le
député de Maskinongé, pour renchérir sur les propos
de M. Blais, que, dans le domaine du financement agricole, la première
préoccupation n'est pas la garantie. Je pense qu'on l'a souligné.
C'est avant tout la capacité de remboursement. Ce n'est peut-être
pas la première préoccupation, le fait de savoir si on doit ou
non prendre la résidence familiale. Je pense qu'il y a une
préoccupation avant tout de rentabilité ou de capacité de
remboursement. C'est ce que je voulais ajouter.
M. Picotte: Écoutez, je sens une nette différence
entre vous et un autre groupe de prêteurs qui sont venus nous rencontrer.
Il y a quand même une divergence d'opinions du côté de
certaines prises de position. Mais je pense que c'est vous qu'on questionne
présentement. Vous trouveriez que, de ce côté, il ne semble
pas y avoir de problème comme tel. Il s'agit tout simplement de
permettre que d'autres lois qui sont existantes viennent s'appliquer...
M. Blais (Raymond):... voir un problème.
M. Picotte: On vous a parlé tantôt du gouvernement.
Est-ce que le gouvernement devrait prêter à des taux
d'intérêt plafonnés, ou bas, ou maintenir cela à un
taux d'intérêt... vu que les agriculteurs ont peut être un
peu plus de difficulté? Parce qu'il y a toujours trois dilemmes
possibles, vous savez! Si l'État intervient souvent avec des
subventions, finalement on fait peut-être passer la classe agricole pour
des gens qui sont à la merci des subventions ou qui sont des
espèces d'assistés sociaux. C'est souvent ce que les agriculteurs
nous ont dit: Arrêtez de nous donner des subventions uniquement pour
donner des subventions. On a l'impression d'être des quêteux de
subventions. Il y a ce dilemme-là. Il y a l'autre dilemme qui veut que,
si on ne donne pas de subventions ou si on n'apporte pas de politique
spéciale de soutien de ce côté-là, c'est le
consommateur, en bout de piste, qui va payer, et à quel prix. Il y a
l'autre côté aussi: Est-ce que l'État doit intervenir du
côté d'un taux d'intérêt peut-être plus
plafonné? Vous avez répondu en partie à cela tantôt,
mais en ramenant cela quelque peu à la gestion. Dans les prêts que
vous avez présentement avec les agriculteurs et tout cela, la
qualité de gestion, vous la placez où? Est-ce que c'est un point
qui devrait être amélioré à un pourcentage X ou si,
finalement, compte tenu de tout ce qui se passe, c'est acceptable?
M. Blais (Raymond): J'aimerais peut-être avoir la
réaction de gens qui sont dans l'action, qui sont dans le prêt
même.
M. Lemelin (Gilles): Je pense que, dans la qualité de
gestion, c'est sûr que c'est important au niveau de la relève, le
transfert de parent à enfant. Je pense qu'elle doit s'accentuer en ce
sens aujourd'hui parce que c'est sûr que transférer une ferme au
niveau de la famille, au niveau de la formation de base, cela se respecte, mais
au niveau de l'information ou des techniques de base, cela devient de plus en
plus important.
C'est sûr que, par rapport aux agriculteurs qui sont en
agriculture depuis un an ou depuis dix ans, ils ont certaines
difficultés, entre autres, autant que pour une PME, ils peuvent
contrôler leurs revenus et contrôler leurs dépenses. Par
rapport au cultivateur, au niveau technique, plus il va être
avancé, plus il va avoir une meilleure gestion dans ses dépenses
ou dans son contrôle, mais, dans son revenu, il n'a pas
nécessairement un contrôle, soit interne ou soit externe, parce
qu'il peut devenir étatique ou étranger. Je pense qu'en ce sens
cela peut être important aussi.
On a parlé tantôt des subventions. Il ne faudrait pas y
aller à outrance parce que les cultivateurs ne veulent pas passer pour
des gens subventionnés à outrance. Il ne faut pas oublier qu'il y
a eu quand même l'inflation dans les prix, il y a eu l'inflation dans les
taux d'intérêt, il y a eu l'inflation dans les terres ou
même dans l'équipement, mais il n'y a pas nécessairement eu
l'inflation dans les subventions. Je me demande si cela a suivi le même
rythme d'inflation, les subventions, les prix ou les taux
d'intérêt.
Il y a peut-être moyen de regarder un certain ajustement en ce
sens sans penser que le cultivateur a besoin d'être prescrit ou
contrôlé par ce genre de subvention. Pour moi, c'est le
commentaire que j'avais à émettre.
M. Picotte: Maintenant, si on parle de la dernière crise
qui est passée et qu'on parle surtout du domaine du porc où il y
a eu de sérieux problèmes de la part des agriculteurs qui
étaient dans ce domaine, vous avez quand même, évidemment,
dû voir un paquet d'agriculteurs en difficulté. Quelles sortes de
services votre institution offrait-elle, par exemple, aux agriculteurs, parce
que vous avez vu venir cela en cours de route que tel agriculteur allait
être en difficulté et, forcément, vous aviez un
rôle
social à jouer aussi, dans le sens d'aider ce gars à
traverser la crise? Vous l'avez fait, peut-être, en le finançant.
Quelles sortes de mesures les caisses populaires pouvaient-elles offrir
à l'agriculteur en difficulté, surtout du côté de la
gestion? Est-ce que vous aviez, d'abord, des gens qui étaient
placés à certains points stratégiques, certains niveaux
stratégiques pour porter assistance à ces gens? Est-ce que vous
avez organisé certains cours ou certaines sessions d'études?
M. Deslandes: Les cours n'ont pas été
distribués, en soi, auprès des agriculteurs, c'est-à-dire
que nos directeurs de caisse ou notre personnel responsable de ce secteur de
crédit ont été habilités à traiter des cas
particuliers. Sans faire l'inventaire de ce type de problèmes, ce qu'on
a constaté, c'est que ceux qui étaient vraiment en
difficulté n'étaient pas nécessairement de vrais
agriculteurs. Les vrais agriculteurs ont vécu un degré de
difficulté qui était surmontable comme d'autres entreprises
vivent des périodes plus difficiles quand la conjoncture
économique est différente.
Ce qui nous achale le plus, c'est qu'on n'a pas mainmise et on n'a pas
d'autorité sur le type d'agriculteur qui est plus ou moins
compétent ou l'agriculteur qui s'est déguisé en
agriculteur, le nouvel individu qui, pour toutes sortes de raisons, a
décidé de se lancer dans l'élevage du porc qui est une
industrie, comme on le sait, historiquement très cyclique et aujourd'hui
le cycle est encore plus grand. (16 h 15)
Au risque de me répéter, ce n'est pas l'agriculteur de
qualité qui a une organisation bien structurée, même si
elle est récente, et qui a vécu des difficultés qui nous
aurait invités à aller jusqu'à le conseiller dans sa
gestion.
M. Picotte; Certains intervenants qui sont venus nous rencontrer - je
pense que c'est à Montréal - nous ont proposé quelque
chose d'à peu près semblable à ce que je vais vous dire.
On nous a dit: Nous, les institutions prêteuses, sommes prêtes,
toutes seules, sans l'aide de l'Office du crédit agricole et du
gouvernement, à prendre tous les cas qui sont assurés de
réussite. Pas de problème là-dessus, on va prendre les cas
qui peuvent réussir. Laissez-nous cela entre les mains, cela va nous
permettre d'intervenir, cela va vous donner peut-être un peu plus de
liberté pour que vous, l'État, vous occupiez des cas qui sont
plus en difficulté ou des productions qui ont moins de gages de
réussite.
Pour ma part, je vais vous dire bien franchement... Je ne ferai pas de
commentaires, je vais vous laisser faire les vôtres avant, pour ne pas
vous influencer, mais trouvez-vous que ce serait une solution acceptable?
M. Blais (Raymond): Je suis encore obligé de vous demander
de faire une distinction fondamentale entre la subvention et la garantie. Ce
que j'ai soumis, c'est que... Tenons pour acquis que l'agriculture va toujours
être un secteur d'intervention pour le gouvernement. Je pense que cela
est fait.
Évidemment, comme citoyen du Québec, si je reviens comme
cela, je suis tiraillé, parce que, d'un côté, je gueule
contre les gouvernements qui ont des déficits trop élevés;
d'un autre côté, je leur demande des subventions. Je suis un peu
poigné. Il faut que je fasse de l'ordre dans mes propres idées
là-dessus. Idéalement, je dis au gouvernement: Le moins de
subventions possible et diminuez votre déficit.
Je considère que l'agriculture est un domaine où il y aura
un besoin de subventions. Ce que je signalais, c'est qu'il devrait y avoir une
différence entre ceux qui en ont le moins besoin, ceux qui sont bien
gérés, et ceux qui partent l'établissement, les
jeunes.
Au niveau des garanties, il y a une tradition d'établie depuis
plusieurs années. Je ne pense pas que cela bouleverserait le
Québec si le gouvernement voulait changer totalement son attitude en
disant: Ceux qui sont corrects, ce sont les institutions financières et
ceux qui ne sont pas corrects, c'est nous. La question va être: Qui est
correct et qui ne l'est pas? Ce n'est peut-être pas si facile que cela de
trancher au couteau.
M. Picotte: En fait, le système est bon, sauf qu'il
demande une amélioration, c'est sûr, parce qu'il y a du
ménage à faire dans les lois. Je ne vous cacherai pas que je suis
comme certains de mes collègues, je n'ai pas tellement peur qu'on
refonde les lois et qu'on fasse une nouvelle loi là-dessus, même
s'il y avait beaucoup d'articles. Ce qui m'impressionne toujours plus, ce qui
me fait toujours plus peur, ce sont les règlements qui découlent
de cela. Ces maudits règlements, ce ne sont pas les élus du
peuple autour de la table qui ont quelque chose à dire là-dessus;
on est obligés de vivre avec des règlements qui, bien souvent, ne
sont même pas collés à la réalité. Alors,
cela ne m'impressionne pas tellement d'avoir des lois, ou plusieurs, ou une
seule. Ce sont les règlements qui, je pense, en fin de compte, peuvent
être néfastes et prohibitifs dans te cas de plusieurs.
À la page 7 de votre résumé, vous dites: "Lorsque
l'octroi d'un prêt tandem est conditionnel à l'obtention d'un
crédit supplémentaire, il nous apparaît souhaitable que,
dès l'étude du dossier, il y ait concertation entre les
conseillers de l'OCAQ et ceux des institutions financières. " Est-ce
que par là vous voulez nous dire que l'étude des dossiers
se fait chacun de son côté, c'est-à-dire que, chez vous,
vous faites une étude de votre dossier, parce que vous avez des gens,
que, de l'autre côté, du côté de l'Office du
crédit agricole, on fait aussi une étude du dossier et que,
finalement, il y a là une perte de temps et un dédoublement de
travail?
M. Deslandes: II ne faut pas lire cela dans le sens de
dédoublement de travail; il faut plus le lire dans le sens du
réalisme du consentement du crédit et de la nature des
intervenants. Si l'office intervient, parce que l'institution financière
reçoit une demande additionnelle de crédit, il faudrait que ce
soit en donnant à l'institution financière suffisamment de
garanties et d'aisance auprès du prêteur pour lui permettre de
fonctionner pendant le temps nécessaire.
M. Blais (Raymond): De façon peut-être un peu plus
directe, on peut avoir l'impression que, dans certains cas, l'office nous
transfère l'odieux de dire non. Cela ne peut pas être plus clair
que ça.
M. Picotte: Oui, bon.
M. Blais (Raymond): 5i vous allez voir quelqu'un qui vous demande
- je ne sais pas - un prêt de 100 000 $, il va dire: Oui, j'accepte,
à la condition que tu trouves 300 000 $ de capital ailleurs. Cela
devient une condition qui est un refus. Je pense que le dossier est bon ou
n'est pas bon. On devrait le regarder ensemble, et les caisses et l'office, et
décider si on peut poser le geste ou non.
M. Picotte: D'autant plus que, dans ces cas-là, ce sont
des cas qui sont chez vous depuis fort longtemps à toutes sortes
d'égards. Même, quelqu'un qui arrive sur le marché de
l'agriculture, c'est quelqu'un qui est chez vous depuis déjà un
temps X et vous en avez un certain portrait financier, de toute
façon.
Dans le même ordre d'idées, vous dites: "De plus, nous
croyons qu'il est important qu'une distinction claire soit établie entre
le rôle de bailleur de fonds de l'institution financière dans le
cas des prêts garantis et son rôle de prêteur dans le cadre
des prêts non garantis. " J'aimerais que vous explicitiez cela davantage.
Finalement, c'est le bien de l'agriculteur qui doit primer dans tout cela. Que
voulez-vous nous dire par là?
Mme Parent (Diane): Si je peux ajouter un commentaire à la
suite de cette question, c'est que, bien entendu, lorsqu'un agriculteur se
présente avec son certificat de prêt et qu'il vient chercher des
fonds auprès d'une caisse populaire - il vient tout simplement chercher
des fonds parce qu'ils sont déjà garantis - cela ne pose pas le
même problème que lorsqu'il nous arrive avec un certificat de
prêt au bas duquel il est mentionné: Ce prêt est
conditionnel à une marge de crédit ou à un crédit
supplémentaire de tel montant. On veut bien mettre une distinction parce
que, d'un côté, il y a un pouvoir décisionnel de la part de
l'institution financière - je pense qu'il y a une juste part à la
décision - et, d'un autre côté, il y a une nette
différence à faire entre le fait d'être bailleur de fonds
et le fait d'être dans une fonction de prêteur. C'est cette
distinction qui est mentionnée.
M. Picotte: C'est à cela que vous faites allusion.
Mme Parent (Diane): Oui.
M. Picotte: À la page 24, non pas du résumé,
mais de votre mémoire, vous parlez des intérêts sur les
arrérages. Qu'est-ce que cela peut représenter par année,
les intérêts sur les arrérages?
M. Morin: Je vais intervenir là-dessus, si vous le
permettez. C'est un problème que l'on avait avec l'office et que l'on
est en train de solutionner par dialogue. Je pense que c'est tout simplement
une mauvaise compréhension de la part de l'office. Quand un agriculteur
ne peut plus continuer à faire ses paiements, l'article 16, je pense, de
la loi nous permet de capitaliser les intérêts. Capitaliser les
intérêts, pour nous, c'est tout simplement additionner les
intérêts au solde du prêt et les intérêts
courent au taux du prêt, ce qui fait que, à la fin de
l'année, que l'agriculteur ait fait ses versements ou ne les ait pas
faits, l'institution financière reçoit le même rendement.
C'est notre compréhension du phénomène. Du
côté de l'office, il y a quelqu'un qui s'était
imaginé que, si on mettait les intérêts par-dessus le
capital, on sortirait de là avec un intérêt composé
et un rendement beaucoup plus élevé. On a travaillé cela
jusqu'à trois décimales après le point et on a dit: Ce
n'est pas le cas. C'est tout simplement une question de compréhension.
J'espère que l'interprétation de l'office va pouvoir être
modifiée là-dessus.
M. Picotte: Sur les modalités de versement dans les
subventions d'intérêt, au bas de la page 24, vous dites: Dans les
cas d'arrérages, le versement des subventions d'intérêt ne
devrait pas être interrompu. Est-ce que cette mesure de l'Office du
crédit agricole a pu amener des agriculteurs plus facilement à la
faillite, selon vous, dans les nombreux dossiers que vous avez, ou, si on avait
continué, si on n'avait pas interrompu les intérêts et si
on les avait versés à
l'institution, est-ce qu'on aurait pu sauver plus d'agriculteurs au
moment de la crise?
M. Morin: Est-ce qu'on aurait pu sauver plus d'agriculteurs?
C'est difficile de répondre à cette question, mais, certainement,
c'est une goutte d'eau de plus dans un vase qui est déjà en train
de déborder. Je comprends l'orientation originale de l'office
là-dessus, c'est-à-dire que l'on veut, en accordant cette
subvention d'intérêt, encourager les agriculteurs qui maintiennent
bien leurs dossiers, leur administration et qui font leurs versements à
temps. Mais, ce qui se passe, c'est précisément quand... Cela est
peut-être excellent pour éviter que les gens ne se traînent
les pieds. Mais, lorsqu'un agriculteur est pris avec un coup dur, qu'il est en
retard, c'est là qu'il entre dans un problème. Aussi, on vous
suggère un raccourci, c'est que l'intérêt ne devrait pas
être versé directement à l'institution financière
pour éviter un délai qui peut arriver. Là aussi
l'agriculteur perd quelque peu parce que les intérêts continuent
toujours à courir. Ce sont de petites technicités. Je comprends
dans quel esprit cela a été posé. Mais, à la suite
de la série de cas compliqués qu'on a eus avec la
récession de 1982-1983, c'est à se demander si ceci ne pourrait
pas être révisé.
M. Picotte: M. le Président, merci. Il y a de mes
collègues qui vont voir à vous poser des questions tantôt
au nom de la formation politique que je représente. Je tiens à
vous remercier de votre collaboration.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie.
Avant de passer la parole au député de Champlain, j'aurais une
question pour M. Blais. Elle est un peu délicate. Je veux quand
même qu'on ait votre point de vue là-dessus puisque, tout au long
de nos auditions, entre autres, les représentants de producteurs
agricoles ont attiré notre attention sur, peut-être, un mode de
financement un peu nouveau où on a dit: Afin d'assurer une retraite
viable au producteur agricole quand il se retire de sa ferme, pourquoi est-ce
que l'État ne se permettrait pas de garantir le prêt de cet
individu à celui qui s'installe sur la ferme, qui prend la
relève? Si vous comprenez l'idée, plutôt que de garantir un
prêt qui serait consenti par une banque ou une caisse populaire ou une
autre institution bancaire, le prêt serait garanti directement
auprès de l'agriculteur qui réinvestirait dans le secteur
agricole, automatiquement. Cela lui donnerait une revenu, évidemment,
intéressant. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée et est-ce
que vous y voyez des avantages pour le producteur et pour encourager la
relève en même temps?
M. Blais (Raymond): Je n'ai pas saisi la différence.
Quelqu'un, par exemple, qui est à la retraite et qui veux vendre
à son fils?
Le Président (M. Vallières): C'est cela. Alors,
l'État garantirait à cette personne, à l'intérieur
des programmes qui sont existants, quand même... Au lieu de garantir le
prêt à une banque, on dirait: C'est le producteur qui quitte la
ferme qui finance celui qui s'y installe et le prêt est garanti par
l'État.
M. Blais (Raymond): Le père prête à son
fils...
Le Président (M. Vallières): Et on garantit le
père. L'État répond du prêt auprès du
producteur qui prête.
M. Blais (Raymond): Bien, comme institution financière, je
n'ai pas d'idée, mais en général je trouve que cela peut
être une idée qui peut être intéressante. Je n'ai pas
d'opposition à cela.
Le Président (M. Vallières): Je voyais
peut-être un problème. Je vous pose une sous-question. Est-ce que,
à partir de ce moment-là, ce seraient plutôt les
prêts de risque qui reviendraient aux institutions financières
puisque, si plusieurs producteurs se prévalaient de ce
procédé, il y aurait peut-être un danger que les
institutions bancaires soient aux prises avec seulement les prêts qui
représentent des risques plus élevés?
M. Blais (Raymond): Oui, mais ce ne sont pas les institutions
financières qui vont être pénalisées. Ce sont les
agriculteurs qui n'auront pas de prêt. Ils vont évaluer cela. Je
ne peux pas évaluer la contrepartie de ce côté. Si, par
exemple, le père prêtait à son fils avec une garantie du
gouvernement... Cela dépend de ce que le gouvernement fait car, si le
gouvernement va chercher toutes les garanties pour donner sa garantie au
père, il ne reste plus rien pour acheter son pain et son beurre. Et
c'est là, dans le fond... J'arrive toujours avec la forme de garantie.
En théorie, et brutalement, quand le gouvernement donne une garantie que
n'importe quelle institution financière donnerait, il n'a pas trop de
mérite. Si le gouvernement fait cela, il faut qu'il convienne que la
garantie qu'il exige pour garantir le prêt est différente de celle
que l'institution financière exigerait. Sans cela, on change quatre
trente sous pour une piastre. Mais si le gouvernement veut réellement
aider les gens, il pourrait prendre, entre guillemets, plus de "risques" et
exiger moins pour laisser au fils qui veut aller chercher d'autres
séries de crédit ailleurs une couple de tablettes qu'il peut
nantir. Est-ce que c'est clair?
(16 h 30)
Le Président (M. Vallières): Oui, je vous remercie.
M. le député de Champlain.
M. Gagnon (Champlain): Merci, M. le Président. A mon tour,
je voudrais vous remercier pour l'excellent mémoire. Je pense qu'il
suscite beaucoup de questions. Vous avez touché, à mon point de
vue, très certainement le point sensible du problème du
financement et de la relève. Je voudrais vous poser des questions sur
ces points. Vous avez mentionné, par exemple, que 20% des agriculteurs,
actuellement - si j'ai bien compris - avaient la formation adéquate.
Vous avez mentionné aussi l'importance... Pour souligner cette
importance, vous avez dit qu'une formule qui vous plaisait beaucoup,
c'étaient les syndicats de gestion et que même les caisses
étaient prêtes à faire l'ouverture pour s'impliquer dans le
domaine des syndicats de gestion. Est-ce que vous avez l'impression... En fait,
il y a peut-être 20% des producteurs qui sont préparés,
mais, souvent, il y a des gens qui sont préparés au début,
mais, à cause de l'évolution de l'agriculture, au bout d'un
certain temps, on dirait qu'on se perd, c'est-à-dire que la
préparation qu'on avait n'a pas suivi à cause du travail qu'on a
eu à faire, et ainsi de suite. Je me souviens d'avoir déjà
suggéré qu'on ait des prêts plus surveillés ou qu'on
assiste davantage l'agriculteur, comme on assiste, d'ailleurs, n'importe quelle
autre entreprise. Dans la PME, je me souviens d'avoir travaillé pour une
industrie assez grosse et c'était chaque année qu'on voyait venir
les banquiers; en fait, les financiers de l'entreprise venaient voir où
on en était rendu dans la situation. Est-ce qu'il y aurait des formules
ou si ce serait le syndicat de gestion qui pourrait le faire? Est-ce qu'il y
aurait des formules pour suivre davantage l'agriculteur, une fois que le
prêt est fait?
M. Blais (Raymond): Si je comprends bien, c'est le rôle
fondamental des syndicats de gestion.
M. Gagnon (Champlain): Oui.
M. Blais (Raymond): Le rôle des syndicats de gestion, si je
comprends bien, ce n'est même pas de leur faire avoir des prêts,
c'est de dire: Une fois que tu as le prêt, comment tu te compares avec
les fermes de ton secteur, comment va telle production, où est ton point
mort? C'est ce genre de choses sur lesquelles... Vous avez parfaitement raison,
dans le sens qu'il faut que ce soit un processus totalement continu, comme dans
toutes les PME ou comme dans toutes les entreprises. Si vous ne bougez pas,
vous êtes déphasés, vous êtes dépassés
parce que cela va vite au niveau de la technologie. J'attache
énormément d'importance à ce phénomène des
syndicats de gestion et, pour moi, ce sont eux qui sont le mieux capables de
garder à jour le petit groupe d'agriculteurs qu'ils ont sous leur
gouverne.
M. Gagnon (Champlain): Même si les syndicats de gestion ont
augmenté - je n'ai pas le nombre de syndicats de gestion, mais je sais
que cela a augmenté rapidement au cours des dernières
années et on sait que ce n'est pas répandu chez la
totalité des agriculteurs - en attendant que se forment des syndicats de
gestion pour au moins une grosse partie des agriculteurs, est-ce que les
institutions prêteuses pourraient jouer un rôle de plus près
en ce qui concerne la surveillance des prêts? Je vous dis cela parce que
j'ai vécu moi-même une expérience. Comme fermier, je me
souviens d'avoir eu à prendre des décisions et même j'avais
consulté mon comptable, j'avais appelé soit l'office ou la
société, l'organisme prêteur, pour lui dire: J'aimerais que
vous veniez faire un tour avant que je prenne ma décision ou j'aimerais
avoir votre éclairage, et ainsi de suite. Si, moi, je l'ai vécu,
je présume qu'il y en a d'autres aussi qui vivent la même
situation. En attendant qu'il y ait assez de syndicats de gestions de
formés, même si on veut en préconiser davantage, est-ce
qu'il n'y aurait pas une formule à trouver pour que l'agriculteur qui se
lance en agriculture se sente de plus près surveillé ou de plus
près conseillé?
M. Blais (Raymond): Gilles, as-tu un commentaire
là-dessus?
M. Lemelin: Je pense que l'expérience qu'on vit chez nous
depuis quelque temps... On s'est quand même attaché chez nous,
à la caisse, un agronome qui travaille, d'abord, spécialement
pour la caisse et, ensuite, à développer le crédit
agricole dans notre milieu ou dans notre région. Cela se fait
actuellement à travers la province, dans cinq ou six succursales de la
caisse. Il est bien entendu que le mandat de l'agronome, chez nous, c'est de
développer l'agriculture, le milieu des affaires en agriculture. C'est
sûr que son mandat, c'est-à-dire le contact entre l'institution
financière qu'est la caisse populaire et l'agriculteur, pour lui, c'est
de le diriger, d'abord, dans ses investissements, dans ses achats ou dans la
planification de ses investissements. Il vient un temps où certains
dossiers - il y en a chez nous -demandent un peu plus d'attention. Je pense que
le mandat de l'agronome, chez nous, ce n'est pas de le poursuivre quand il en a
besoin un peu plus, mais de le diriger là où il a besoin
d'être suivi par un syndicat de gestion. Je pense qu'on sert de lien,
peut-être, entre la transaction, l'investissement et le suivi dans son
paiement.
M. Gagnon (Champlain): À la page 8 de votre
résumé, vous faites des propositions et la troisième,
c'est de prévoir un mécanisme permanent de concertation entre
l'Office du crédit agricole et les institutions financières
participantes. Cela n'existe pas, actuellement, cet organisme qui fait que vous
avez des rencontres régulièrement et qu'on peut parler des
problèmes, non pas des problèmes qu'on vit, mais peut-être
des problèmes à prévoir éventuellement?
M. Blais (Raymond): C'est-à-dire que notre collaboration
avec l'office est excellente, c'est un peu ce que je disais tout à
l'heure, mais on se rencontre quand on a des problèmes. Peut-être
que des mécanismes plus permanents, comme vous le dites très
bien, permettraient de voir venir plus les problèmes. Déjà
là, on a parlé de définir des rôles, tout cela.
Déjà, vous êtes dans une situation où l'institution
financière et le gouvernement travaillent pour le même agriculteur
et ils ont des rôles qui se retouchent, les mêmes objectifs.
Quand l'institution financière transige uniquement avec un client
ou un membre, elle ne se pose pas de questions, elle n'a de questions à
poser à personne, mais, dès que vous partagez cette fonction - et
je ne pose pas de questions là-dessus - vous devez souvent
redéfinir vos rôles et dire: Est-ce que c'est toi qui avais dit
que tu ferais cela ou si c'est moi? Ce n'est pas une question
idéologique. C'est bêtement une question de se comprendre sur ce
que chacun... Il n'y a rien d'idéologique là-dedans.
M. Gagnon (Champlain): Je vous remercie. Souvent, au cours des
mémoires qu'on a entendus, on nous a parlé du choix du
consultant. Plusieurs groupes qui sont venus ici voulaient avoir un choix en ce
qui concerne la personne avec qui on transige avant d'avoir un prêt
agricole. Je ne sais pas comment ce problème peut se régler,
parce qu'il ne peut pas y avoir un consultant par entreprise qui fait des
transactions. Je me demande si, selon vous, on ne pourrait pas
décentraliser davantage. Quand je parle de décentraliser
davantage, je parle de décentraliser le travail préparatoire
à l'acceptation d'un prêt. Actuellement, c'est l'office qui fait
ce travail et, une fois qu'on a accepté un prêt, on donne un
permis d'emprunter à la caisse ou à l'institution de son choix.
Est-ce que cela serait, selon vous, une bonne façon d'offrir un meilleur
éventail, si vous voulez, aux agriculteurs en disant: Le prêt va
plutôt être analysé au niveau plus local, au niveau plus
régional? Est-ce qu'on pourrait améliorer en faisant cela?
M. Blais (Raymond): Est-ce que cela cause réellement des
problèmes?
M. Deslandes: Je ne suis pas certain que cela cause des
problèmes en ce qui nous concerne. Peut-être que le
problème, c'est la façon dont on analyse le dossier.
Présentement, c'est analysé à distance avec l'institution
prêteuse. L'institution prêteuse reçoit le certificat et
intervient comme bailleur de fonds, comme l'a dit madame tantôt.
Peut-être que ce serait plus rationnel et, après
l'expérience vécue, plus raisonnable pour toutes les parties,
aussi pour que tout le monde parle le même langage, que les officiers de
l'OCAQ, l'emprunteur et l'institution financière fassent partie de cette
même analyse. Je ne sais pas si, dans votre décentralisation, dans
votre expression, c'est ce que vous sous-entendez, mais, pour nous, ce serait
quelque chose qui serait très recevable.
M. Gagnon (Champlain): Qui pourrait en même temps
peut-être accélérer et faire en sorte...
M. Deslandes: Par le fait même, cela
accélère.
M. Gagnon (Champlain): Parce que M. Blais a mentionné
tantôt que ce n'est peut-être pas dans toutes les régions
qu'on transige exactement de la même façon, c'est suivant la
région, suivant les municipalités. Je vous remercie beaucoup. Je
vais laisser la chance aux autres de vous poser des questions. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Vallières): Oui, M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
rassurer, M. Blais ainsi que les autres membres, je ne connais rien en
agriculture. Alors, il n'y a pas de question piégée
là-dessus puisque, sur la Côte-Nord, vous le savez comme moi, ce
n'est pas là que l'agriculture est la plus forte. Cependant, il y s
beaucoup de choses intéressantes que vous avez dites dans votre
mémoire, ce sont aussi certaines revendications d'autres groupes qui
sont venus avant vous - je ne sais pas à combien on en est rendu,
peut-être 25 ou 30 groupes sont venus se faire entendre. J'essaie de
regarder l'agriculture un peu comme un homme d'affaires. Vous avez dit une
chose au début, dans votre premier chapitre de mémoire: Ce n'est
pas rentable l'agriculture, au Québec, comme c'est "amanché"
là! Parlons-nous comme du monde, il n'y a pas beaucoup de monde ici,
entre nous. Est-ce que présentement, comme institution
financière, l'agriculture pour vous au Québec est rentable? On ne
parle pas de vos clients personnels, parce que vous avez des clients personnels
en agriculture, mais de la façon dont vous voyez l'agriculture en
général au
Québec. Enlevez toutes les subventions ou aides, autant
fédérales que provinciales, est-ce que c'est rentable?
M. Morin: On pourrait peut-être généraliser
et vous dire tout de suite, M. Maltais, que c'est l'impression que
l'agriculture n'est pas rentable à travers le monde. L'agriculture a
été subventionnée un peu partout, c'est un problème
international et tous les gens se disent qu'il faudrait baisser ce niveau. Mais
il n'y a pas un pays qui veut commencer à le baisser le premier. Je suis
très conscient qu'il y a de très grandes fermes
américaines et de très grandes fermes au Québec qui sont
rentables et qui pourraient se faire financer, n'importe où sur le
marché, sans aucune garantie gouvernentale. C'est la vue d'ensemble qui
laisse à désirer. Je pense qu'on a une catégorie
d'agriculteurs très dynamiques qui sont rentables et qui pourraient se
financer par eux autres mêmes. S'ils reçoivent une subvention du
gouvernement, à ce moment-là, cela accroît leur
rentabilité, et cela doit être un "incentive" pour d'autres pour
essayer de rejoindre le club. Dans le milieu, il y a une série
d'agriculteurs qui sont en difficulté et qui essaient de remonter la
côte et il y en a d'autres, en bas, qui sont des agriculteurs marginaux.
Maintenant, ce n'est pas eux qui sont les plus endettés et ce n'est
certainement pas eux qui coûtent le plus cher non plus au gouvernement.
C'est une politique d'ensemble, je pense, qu'il s'agit de prendre
là-dessus. Nous, cela nous a frappés et on s'est demandé
dès le départ: Est-ce qu'on doit appuyer pendant des
années les réclamations des agriculteurs qui vont toujours
demander plus de subventions?
M. Maltais: Vous avez parlé aussi d'un problème
majeur dans l'agriculture, la sous- capitalisation. Jusqu'à quel point
est-elle présente d'après vous?
M. Blais (Raymond): Bien, l'entreprise agricole demande beaucoup
d'équipement et de capital mobilier. Si on voulait la comparer avec
d'autres entreprises, la capitalisation devrait être très grande.
C'est un peu comme toute la PME. C'est difficile de dire: II en manque 12 % ou
14 %. Je ne l'aborde pas par cela par ce genre de pourcentage. Je l'aborde par
un principe général d'homme d'affaires en disant que c'est
difficile de faire marcher une entreprise dans laquelle il n'y a pas
d'équité, parce qu'elle est à la merci du moindre
soubresaut. Il n'y a pas de réserve, il n'y a pas de marge de manoeuvre.
C'est ce qui s'est passé en agriculture. Quand on parlait, tout à
l'heure, de l'action des gouvernements, on peut se poser la question. Par
exemple, dans la question du porc, est-ce qu'il n'y a pas eu un emballement, un
bout de temps, et est-ce que certains qui sont partis avec beaucoup de dettes
et aucune capitalisation auraient dû avoir la possibilité de
partir? Cela se pose comme question. Dans l'avenir, l'agriculteur doit, je
pense, avoir l'aile protectrice du gouvernement, mais il doit aussi être
un homme d'affaires et il doit aussi y mettre du sien, dans le sens qu'il ne
peut pas faire marcher une "business" qui appartient aux autres totalement.
Graduellement, il faut qu'il se bâtisse une équité.
Ce qui m'intéresse, ce sont les questions qu'on a eues tout
à l'heure, parce que l'agriculteur qui est là depuis 25 ou 30 ans
et qui s'est bâti un capital n'a pas de problème, mais c'est le
jeune qui veut s'installer. Le jeune qui veut s'installer, pour moi - c'est un
peu simpliste et théorique -je ne peux pas lui demander d'avoir son
capital au départ parce que c'est rêver en couleur. Mats je peux
lui dire: Je t'inscris dans un programme où, dans cinq ans, dans sept
ans ou dans dix ans, tu vas avoir ton capital. Sans cela, allons sur une base
de location. Là, attention, cela va dépendre de qui je loue parce
que je suis "pogné" avec une intervention trop grande du gouvernement;
alors, je ne serais pas totalement favorable à ce que tous les
agriculteurs soient des locataires de l'État. On aura peut-être
d'autres problèmes, (16 h 45)
M. Maltais: Merci. Entre vous et moi, lorsque vous parlez de
prêt tandem, l'agriculteur arrive à votre institution avec un
certificat selon lequel le dossier est accepté. Vous n'avez qu'à
lui prêter. Somme toute, il va chez vous pour encaisser un
chèque.
M. Blais (Raymond): C'est cela.
M. Maltais: Vous lui donnez ce chèque parce qu'il a la
garantie gouvernementale au pied du certificat. Pas de problème pour
vous. Est-ce que, d'après votre expérience, vous traiteriez de la
même façon votre sociétaire qui, lui, ne passe pas par un
prêt tandem, qui va vous voir pour avoir un prêt sur sa ferme?
Est-ce que vous allez prendre les mêmes méthodes que les
fonctionnaires et le gouvernement prennent pour accorder un prêt tandem
ou est-ce que vous allez avoir des critères plus difficiles? Ou vous
allez faire une évaluation plus juste des biens, vous allez prendre des
garanties à long terme, peut-être allez-vous regarder l'avenir
à plus long terme qu'on ne le regarde présentement, parce qu'on
s'aperçoit qu'il y a bien des prêts tandem où, même
s'ils sont garantis par le gouvernement et que vous encaissez les
chèques à tous les six mois ou tous les ans, les agriculteurs qui
ont contracté ces prêts ne sont plus là. Alors, est-ce que
vous allez procéder de la même
façon que le gouvernement procède?
M. Blais (Raymond): J'aimerais que M. Lemelin, peut-être,
dise un mot parce qu'il a ces deux genres de prêts. Il a des prêts
garantis par le gouvernement. Vu par moi, je pense bien qu'il ne peut pas y
avoir énormément de différence dans les analyses. Le
dossier, il est bon ou pas bon et les analystes du gouvernement doivent avoir
exactement la même formation que nous autres, les mêmes ratios, la
même capacité de remboursement. Je suis content que Mme Parent ait
mentionné cela. On parle toujours de garantie, mais je pense que les
institutions financières vont vous dire que la garantie, c'est une
espèce de garantie de dernier ressort. En théorie, l'institution
financière, même si elle dit qu'elle est totalement garantie,
n'est pas encline à prêter si la capacité de remboursement
n'est pas là parce que la "game" des institutions financières, ce
n'est pas de transiger des terres ou des commerces ou des PME. C'est de
prêter de l'argent et en recouvrer. M. Lemelin, est-ce que vous avez des
commentaires là-dessus?
M. Lemelin: Je pense que M. Blais a très bien
répondu à la question. C'est sûr que, si un agriculteur se
présente chez nous demain matin et qu'il est dans le domaine du porc en
particulier, on va regarder le dossier sur une base de rentabilité.
C'est sûr que, si pour le gouvernement il veut être autosuffisant
dans le porc, il ne faudrait pas transporter le problème à
l'institution financière qui regarde le dossier d'une autre
façon.
M. Maltais: Ce qui m'amène à un deuxième
volet de votre mémoire, un volet très intéressant, la
formation. Vous n'êtes pas les seuls à mettre du poids sur cet
élément. Tout le monde en a parlé. On a posé
beaucoup de questions aussi aux différents groupes et les jeunes, la
relève, sont venus nous dire qu'ils n'étaient pas satisfaits non
plus. Ils nous ont dit qu'ils n'étaient pas bien formés, qu'ils
étaient mal conseillés une fois qu'ils étaient dans le
champ et que l'expérience qu'ils vivaient les premières
années était beaucoup trop difficile parce qu'on demandait
à des jeunes sans expérience de "management", de direction,
d'administrateur d'être un bon agriculteur, d'être un bon notaire,
d'être un bon mécanicien, d'être un bon
météorologue, d'être un bon ci, un bon ça, à
24, 25, 26 ou 28 ans, je ne sais plus l'âge moyen. Il me semble que c'est
26 ans qu'on nous a dit. Et l'encadrement qu'ils avaient après avoir
reçu leur formation était tout à fait inadéquat. Il
n'y avait pas de suivi, même si une certaine école est venue nous
dire qu'elle en a appelé un qui avait eu son diplôme en 1972, elle
l'a appelé en 1978. Premièrement, elle a su qu'il n'était
pas mort; deuxièmement, qu'il n'était plus sur sa terre. Mais,
cela n'est pas un suivi adéquat, à mon avis. Le gars avait eu une
aventure qui lui avait coûté, grosso modo, 600 000 $. C'est quand
même important.
D'après vous, la formation agricole au Québec et
l'encadrement suivant la formation, comment cela devrait-il se faire et par
qui? Ce ne sont pas les institutions qui manquent, remarquez bien, il y en a
partout.
M. Blais (Raymond): C'est peut-être... D'abord, ce n'est
pas dans les institutions financières.
M. Maltais: Parce que vous avez quand même à
investir des sommes phénoménales sur ces gens de l'avenir.
M. Blais (Raymond): Absolument.
M. Maltais: Vous avez grand intérêt à ce
qu'ils soient bien formés.
M. Blais (Raymond): Absolument. Et nous disons... On s'est mis la
tête sur la bûche pour dire qu'on est prêt à jouer un
rôle avec ces syndicats de gestion. Mais, encore là...
M. Maltais: Somme toute, ce que j'ai compris, c'est que vous
donneriez une aide accrue ou vous pourriez travailler en commun accord avec les
syndicats de gestion pour la formation, le "management" et ainsi de suite.
Maintenant, la formation de base de ce bonhomme ou de cette jeune fille
qui va devenir propriétaire d'une ferme, qui va se retrouver
administrateur d'une entreprise... Dans l'entreprise privée, on ne
demande jamais cela à quelqu'un de 25 ans.
M. Morin: C'est ici, je pense, que les syndicats de gestion
m'apparaissent être une charnière qui pourrait être
très intéressante. Il se fait de la recherche dans les
universités. Le ministère a aussi une série de
données sur la rentabilité des fermes et le reste. Les
institutions financières en ont. Il s'agirait d'additionner tout cela
ensemble. Les syndicats de gestion sont, habituellement, dirigés par des
jeunes qui ont précisément fait des études pour assimiler
ces choses, qui ont peut-être besoin d'un support de temps à autre
pour se maintenir continuellement à jour, pour poser des défis
nouveaux et des questions aux universités ou au ministère, pour
essayer de ramasser tout cela et d'en faire la synthèse avec les
agriculteurs. Tant mieux s'ils sont jeunes, s'ils sont dynamiques et s'ils sont
capables d'attraper de nouvelles idées.
M. Maltais: Je m'excuse, mais je veux aller un petit peu plus
loin que ce que vous me dites. D'accord, vous apportez une formule nouvelle
aujourd'hui, dont pas trop d'intervenants ont parlé, le mouvement des
institutions financières par rapport à la gestion des syndicats
de gestion, les UPA. Vous êtes quand même les premiers, on n'en a
pas beaucoup qui en ont parlé jusqu'à présent.
Mais je vais vous parler de ce que les autres nous ont dit. Les jeunes
ont dit: On est mal formés à l'école. On n'a pas
d'encadrement, on n'a pas de suivi. Les banques sont venues nous dire: On ne
peut pas leur prêter, ce ne sont pas des hommes d'affaires. On va
prêter aux agriculteurs qu'on considère comme "businessmen". Les
gens des différentes UPA sont venus nous dire: Pour la relève, il
n'en est pas question; on demande à des petits gars ou à des
femmes de 25 ans d'être des administrateurs professionnels, alors qu'on
ne confie de pareilles responsabilités que lorsqu'ils ont 40 ans.
On a rencontré différents propriétaires
d'institutions. Les cégeps ont dit: Cela devrait être le
ministère de la Science et de la Technologie. L'ITAA, l'Institut de
technologie agricole et alimentaire de Saint-Hyacinthe, a dit: Cela devrait
être le MAPAQ et nous que devrions gérer tout cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saguenay...
M. Maltais: Oui?
Le Président (M. Gagnon):... je m'excuse, je ne veux pas
vous couper la parole, mais vous m'avez demandé de vous avertir
après quinze minutes parce que vous vouliez laisser du temps à
vos collègues. Cela fait quinze minutes.
M. Maltais: Je ne pensais jamais que cela faisait quinze minutes.
Mais, étant donné qu'on doit se soumettre à la lecture...
Je m'excuse, mais ma question, un jour ou l'autre, on y reviendra parce qu'elle
est très importante. Vous êtes la dernière institution
financière qu'on va rencontrer. J'aurais bien aimé aller plus
loin, je regrette qu'on manque de temps. Je dois céder la parole
à mon collègue de Huntingdon pour le reste du temps.
Le Président (M. Gagnon): II reste deux minutes. Oui?
M. Daneau (Yvon): Est-ce qu'on peut au moins clarifier notre
position sur ce plan? Évidemment, ce n'est pas à nous, comme
institution financière, de juger de la qualité de la formation
dans les différentes institutions; c'est un premier plan.
Ce qu'on a voulu exprimer ici, c'est une ouverture et l'identification
d'un besoin auquel, comme institution véritablement enracinée
dans le milieu, on ne se sent pas étranger.
M. Maltais: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): M. le
Président, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que le
député de Saguenay a voulu soulever tout à l'heure - en
tout cas, il y a certains mémoires qui en ont fait mention, suivant les
rapports qu'on a eus - à savoir que les jeunes ne sont pas bien
formés. Ayant une institution chez nous, l'Institut de technologie
agricole de La Pocatière, je pense que les gens qui sont passés
par là... D'ailleurs, il y a un mémoire qui nous disait que, en
ce qui concerne le taux de réussite et le taux de capacité de ces
jeunes, c'étaient des gens qui avaient été formés
dans des institutions, soit à Saint-Hyacinthe ou ailleurs. Je ne suis
pas d'accord pour dire qu'ils ont été mal formés. Ma
question s'adresserait à M. Blais. Au départ, vous avez fait une
ouverture - le député d'Arthabaska y a fait allusion un peu,
également un peu le député de Champlain... Mais je
voudrais saisir un peu plus quand vous dites: On est prêt à
embarquer ou à participer, éventuellement, à de l'aide
supplémentaire. Je voudrais que vous alliez un peu plus loin. Il y a
plusieurs intervenants qui nous ont dit: C'est de valeur, on voudrait avoir le
directeur ou l'administrateur en région, on voudrait pouvoir choisir
notre interlocuteur, avoir le droit... Vous savez qu'au niveau de l'office cela
ne pleut pas. L'agriculteur ou l'agricultrice qui se présente soi-disant
pour avoir un prêt ou quelque chose du genre... Bien souvent, dans des
régions, au niveau de l'office, il y a un, deux ou trois
représentants par région. Ils n'ont pas le choix. Il n'y en a pas
dix qui passent devant eux. Ils ne peuvent pas dire: J'aime celui-là, je
n'aime pas celui-là. Je ne sais pas si, quand vous faites cette
ouverture, vous êtes prêts à aider, surtout au niveau des
syndicats de gestion, à mettre du personnel - la
fédération - à la disposition des syndicats d'abord et
aussi à la disposition des agriculteurs, pour qu'il y ait un dialogue
entre eux qui pourrait éventuellement s'établir en agriculture.
Je le prends dans ce sens. Je ne sais pas si c'est cela que vous vouliez dire.
Vous vouliez mettre des effectifs, du personnel, en collaboration avec
l'office. Surtout, vous avez parlé de concertation, ce qui
m'intéressait beaucoup. Le député de Champlain vous en a
parlé et vous avez dit: Oui, on se rencontre déjà.
Quand on se rencontre, parfois il est tard. Je ne sais pas. L'ouverture
que vous avez faite est dans quel sens exactement?
M. Blais (Raymond): Je répète qu'on n'a pas de
formule faite d'avance. C'est plutôt dans le genre que vous venez de
mentionner que notre première piste semble intéressante. On a
parlé tout è l'heure d'institutions financières qui
suivent leurs prêts, qui peuvent aider l'agriculteur. On ne peut pas
aller bien loin là-dedans. L'institution financière qui va suivre
son prêt est en conflit d'intérêts jusque par-dessus la
tête. On ne peut pas bâtir un système où les caisses,
par exemple, auraient des gens qui se promèneraient sur la route pour
savoir comment vont les prêts. On le fait déjà dans une
gestion prudente. On aimerait mieux donner un coup de main, par personne
interposée, à ces syndicats. On ne pense pas que la façon,
ce soit de donner de l'argent parce que ce n'est pas notre rôle de
subventionner. On pourrait, par exemple, impliquer plus peut-être
certaines de nos ressources dans ces comités de gestion qui
amèneraient la dimension financière de la gestion. Je sais que
les syndicats de gestion ne sont pas dépourvus de cette dimension, mais
cela pourrait se renforcer aussi. Par exemple, si les syndicats de gestion
connaissaient mieux comment réagit une institution financière
quand cela va bien et quand cela va mal, ce serait certainement un plus pour le
syndicat de gestion. On regarderait en tout cas avec beaucoup
d'intérêt toute possiblité de collaboration par l'office,
par l'UPA, par n'importe qui, avec les syndicats de gestion. Je
répète que, pour nous... On parlait de gestion tout à
l'heure, on parlait de "management". À mon avis, ce n'est pas un
problème physique de formation. Il y a des gens qui sortent et qui sont
très bien formés. Ce n'est pas ce problème. Il s'agit de
ramasser tous les éléments qui existent, à mon avis, mais
les jeunes agriculteurs n'ont pas le temps ou ce n'est pas ramassé dans
un format où cela peut servir. C'est dans ce sens qu'on peut faire
oeuvre utile.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce qui
s'ajoute au phénomène de concertation que vous souleviez
après en disant: II faudrait se concerter pour ramasser tout cela et
essayer de le compléter. Vous êtes disposés à
embarquer dans un genre de consensus ou de procédé où
l'office, les institutions financières, les caisses populaires, etc.,
participent même à la formation.
M. Blais (Raymond): Ils sont trop riches là-dedans...
C'est la décentralisation. Au lieu de bâtir un monstre qui va
régler tout le problème en même temps au niveau de la
province, on dit: II y a plus de chances de réussite si un petit groupe
d'agriculteurs se prend en main.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Région
par région, comté par comté, s'il le faut.
M. Blais (Raymond): Absolument.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): D'accord,
merci. (17 heures)
Le Président (M. Vallières): Merci, M. le
député de Huntingdon. On terminera avec une intervention du
député d'Arthabaska.
M. Dubois: Mesdames et messieurs, je voudrais parler d'un point
bien particulier du financement qui est ce que vous appelez la
réalisation des garanties, particulièrement la gérance de
ces réalisations. Je pense que, parfois, on mandate les institutions
financières pour agir au nom de l'office et, parfois, l'office y va
directement à l'effet de récupérer ces prêts. J'ai
pu déceler dans le passé, et il n'y a pas longtemps, beaucoup de
lacunes bien précises à ce niveau. Je pense que cela manque
vraiment de gérance. Ce ne sont pas des accusations que je porte, c'est
une constatation de fait. - Par exemple, il y a des équipements qui se
vendent à 10% de leur valeur, même j'ai vu jusqu'à 3% de
leur valeur. Il m'apparaît qu'il manquerait de publicité lors
d'une vente par shérif, ou il y a un manque de volonté de la part
de l'office de récupérer le maximum de son argent placé.
J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que je pense que vous devez
être conscient de certains problèmes qui existent à ce
chapitre. Par exemple, j'ai vu une pièce d'équipement, il y a
deux ans, vendue à 2000 $ et elle avait été achetée
l'année précédente à 90 000 $. Un autre producteur
agricole a enlevé son moteur de tracteur, le voisin l'a acheté
à l'encan pour un montant ridicule, l'agriculteur a repris le moteur et
l'a remis dans le tracteur et tout est réglé. J'ai vu trois ou
quatre choses comme cela. Alors, je constate qu'il y a quelque chose qui manque
quelque part. J'aimerais vous entendre sur une façon d'en arriver
à réaliser des garanties d'une façon convenable. Je ne
sais pas si vous avez des suggestions à apporter à ce
sujet-là, mais j'aimerais vous entendre.
M. Deslandes: J'aurais juste le commentaire suivant:
réaliser des garanties dans une entreprise qui est en liquidation, que
ce soit une entreprise agricole, commerciale ou industrielle, c'est toujours le
même problème. Je crois que c'est pire dans le monde agricole
parce que, actuellement, ce n'est pas un monde d'acheteurs, c'est un monde de
vendeurs.
M. Dubois: Mats c'est un monde de vendeurs pour une raison
précise.
M. Deslandes: Pour une raison précise et, à cause
de cette raison, je ne pense pas qu'il existe de formule qui rationaliserait
l'action. On peut l'améliorer, mais de là à la rendre
rationnelle vis-à-vis des valeurs intrinsèques, je ne croîs
pas à cela.
M. Dubois: J'ai constaté, à des encans, à
des ventes par shérif, qu'il y avait dix ou quinze acheteurs au lieu
d'en avoir 200, 300 ou 500. Il n'y a pas de publicité qui se fait sur
les ventes, à maintes reprises, en tout cas. Je ne dis pas que c'est un
cas qui est perpétuel et constant, mais, à maintes reprises, il
n'y a pas d'acheteur. Il n'y a pas d'acheteur, parce qu'il n'y a pas eu de
publicité pour ia vente. On dit que l'équipement se donne, ce
sont des remarques qui ont été apportées à deux ou
trois reprises depuis le début des audiences, c'est-à-dire que la
récupération financière, à la suite d'une
réalisation de garantie, est tellement minime que cela ne paie
même pas le déplacement de certains officiers pour aller constater
sur place combien cela se vend. Ce n'est pas normal que cela se fasse comme
cela. J'imagine qu'il devrait y avoir une solution quelconque à ce
problème. Je pensais qu'on pourrait vous entendre dans le sens de dire
qu'il y aurait une action précise à entreprendre pour nous
à l'effet de suggérer au ministre de l'Agriculture une
façon de procéder qui serait, disons, plus équitable pour
les contribuables du Québec, parce que ce sont quand même des
fonds publics, en majeure partie - certaines fois, ce sont vos sommes qui sont
en cause -majoritairement, c'est l'argent qui provient du public. Alors, ce
secteur-là me préoccupe énormément.
M. Blais (Raymond): Écoutez, ma réaction, comme
celle de Claude, c'est une constatation des faits. Mais vous avez parfaitement
raison. Si on faisait quelque chose dans ce domaine, j'aimerais cela qu'on
l'étende à toutes les prises de possession qu'il peut y avoir,
même dans toutes les PME. Mais c'est probablement pire en agriculture,
parce que vous avez là des choses qui sont plus
spécialisées et qui trouvent probablement moins d'acheteurs. Sans
vouloir renvoyer la balle à d'autres, c'est probablement plus un
organisme comme l'UPA qui devrait se pencher sur ce genre de choses et,
après, demander, par exemple, la collaboration des institutions
financières et de l'office et dire à l'office qu'on va
établir des mécanismes. Cela veut dire, je ne sais pas, que, s'il
n'y a pas eu assez de publicité, s'il n'y a pas suffisamment
d'acheteurs, on va essayer de trouver des mécanismes pour régler
le problème. Tout ce qu'on peut dire, c'est que, sans penser que c'est
nous qui devrions entreprendre ce genre de choses, on serait prêts
à collaborer à un genre de mécanisme comme cela.
M. Dubois: J'aurais pensé que, du fait que vous soyez mis
en cause financièrement, assez souvent, cela vous porterait à
suggérer à l'office, lors de rencontres, des façons
techniques d'en arriver à...
M. Blais (Raymond): Malheureusement, au moment où on se
parle, on n'en a pas.
M. Dubois: D'accord.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, si je
dépasse un peu le délai, je souhaite que mes collègues
seront tolérants. Merci beaucoup.
On disait tout à l'heure et dans chacun des mémoires que
le problème de la relève, c'est un manque de capital, un manque
d'avoir net aussi. Si on établissait au Québec une sorte de
régime d'épargne qui forcerait le jeune à s'ouvrir d'abord
un compte d'épargne et l'argent qu'il placerait dans ce compte
d'épargne serait déductible d'impôt, évidemment, ce
serait un incitatif. Au bout de cinq ans, admettons, si la personne a
accumulé dans ce fonds 20 000 $, le gouvernement du Québec
dirait: Puisque vous avez accumulé pendant un temps X 20 000 $, on va
vous donner en plus soit 5%, 10%, 20% de cette somme, on va l'ajouter. Donc,
cela encouragerait - ce serait un incitatif - le jeune à s'ouvrir un
compte d'épargne, ce qui pourrait lui fournir justement ce manque de
capital. Voici ma première question. Pensez-vous que cela
répondrait à un certain besoin? Deuxièmement, est-ce que
vous - le Mouvement Desjardins - seriez intéressé à
participer à un genre de régime d'épargne pour encourager
davantage les jeunes à investir ou à créer ce fonds?
M. Blais (Raymond): C'est la question que j'allais vous poser:
Où ouvrent-ils leur compte d'épargne? Est-ce que c'est dans une
caisse?
M. Baril (Arthabaska): Tout dépend de ceux qui veulent
participer avec nous.
M. Blais (Raymond): Je redeviens sérieux. On a
parlé tout à l'heure de subventionner, mais de responsabiliser.
Tout ce qui va dans ce sens, au départ, on y est favorable, non pas pour
accumuler de l'épargne dans les caisses, mais à cause de notre
conviction qu'il ne faut pas mélanger les choses. Vous pouvez appuyer
les gens,
mais ils doivent de plus en plus être autonomes et se
responsabiliser et l'État ne peut pas toujours les prendre à sa
charge continuellement. Une espèce
d'épargne-jeunesse-agriculture, vous allez trouver des partisans au
Mouvement Desjardins, sans aucun doute. Je n'ai pas de formule. Vous avez
là, comme vous le dites bien, une incitation à se bâtir une
partie de la capitalisation dont ils ont besoin. On a été, par
exemple, très favorables à l'épargne-logement parce que,
dans un autre domaine, c'est une incitation, pour les gens, à
épargner.
M. Baril (Arthabaska): Et cela répondrait
évidemment à un besoin, à un manque.
M. Blais (Raymond): Bien sûr parce que, en termes de
capitalisation, il y a de grands besoins ces temps-ci.
M. Baril (Arthabaska): Je vais revenir un peu dans le
passé. Disons que cela, c'est pour l'avenir, ce genre de régimes
d'épargne et espérons que cela pourrait arriver dans les plus
brefs délais. Au sujet des prêts tandem qui existent aujourd'hui,
on sait que le gouvernement garantit jusqu'à 150 000 $ pour un individu
et 300 000 $ pour un groupe ou une compagnie. Selon vous, est-ce que ces
montants sont suffisants ou s'ils devraient être augmentés?
Le Président (M. Vallières): M. Blais, ce serait en
conclusion.
M. Blais (Raymond): Ce serait la conclusion, je vais la laisser
à des gens qui sont dans l'action, chaque jour. Claude et Gilles, est-ce
qu'ils sont suffisants, ces montants?
M. Lemelin: Actuellement, dans un certain pourcentage, il arrive
qu'on doive le dépasser et on devrait aussi le dépasser. Comme je
le disais tantôt, il y a eu inflation dans les prix, dans les taux
d'intérêt, mais il n'y en a pas nécessairement eu dans ces
offres ou dans ces produits, ou dans ces subventions. Ce serait peut-être
à réviser dans ce sens.
M. Baril (Arthabaska): Est-ce que les institutions
financières seraient prêtes à partager un pourcentage du
risque de l'ajout à ce montant?
M. Lemelin: Je laisse la question à M. Blais ou...
Une voix:...
M. Blais (Raymond): Ah, si peu, si peu! De toute façon, au
niveau de la confédération, je n'ai pas un cent, alors je peux
parler.
Oui, sans aucun doute, on ne peut pas dire non avant de partir, bien
sûr. Mais alors, des limites en chiffres absolus, en
général, ce n'est pas brillant. Des gens qui font du
crédit vont vous dire: S'il y a un prêt qui est dangereux, c'est
1000 $. Alors, ce n'est pas en soi des montants de 200 000 $ ou 300 000 $,
c'est l'étude de chaque dossier, l'étude de rentabilité,
l'étude du management. Dans le fond, l'agriculture, ce n'est plus comme
il y a quinze ou vingt ans, où quelqu'un avait besoin de 2000 $, 3000 $
ou 4000 $. Ils ont besoin de montants différents.
Ce dont j'ai peur, ce sont des espèces d'incitations
automatiques. Exemple: Je ne connais pas le détail mais on me dit que,
dans le porc, pour se qualifier, il fallait sauter déjà à
ce niveau. C'était presque l'incitation à lancer une grosse
patente. J'ai bien plus peur de cela que de mettre un plafond. Si le dossier
est bon pour 200 000 $, il peut être bon pour 300 000 $. Si la garantie
gouvernementale a du sens, elle a autant de sens à 200 000 $ qu'à
450 000 $.
M. Baril (Arthabaska): Merci.
Le Président (M. Vallières): Je vous remercie. Je
remercie également la Confédération des caisses populaires
et d'économie Desjardins du Québec de sa participation à
nos travaux. Ce fut très enrichissant et nous espérons vous
revoir à nouveau pour ce genre d'échange de vues avec les
parlementaires en particulier.
M. Blais (Raymond): M. le Président, je voudrais vous
remercier ainsi que vos collègues de nous avoir si bien accueillis et
nous sommes toujours prêts à collaborer. Merci.
Faculté des sciences de l'agriculture et de
l'alimentation de l'Université Laval
Le Président (M. Vallières): Très bien. Je
demanderais maintenant aux. gens de !a Faculté des sciences de
l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval de bien vouloir
prendre place, s'il vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous souhaitons la bienvenue
aux représentants de la Faculté des sciences de l'agriculture et
de l'alimentation de l'Université Laval. J'aimerais, à ce
moment-ci, peut-être faire appel à votre collaboration, afin de
limiter au maximum le temps de présentation. Nous aimerions terminer nos
travaux sans dépasser les 18 heures, 18 h 5 tout au plus; ce qui veut
dire que plus nous économiserons du temps dans la présentation,
plus les parlementaires auront du temps pour vous
questionner. La parole est à vous. (17 h 15)
M. Romain (Robert): Je viens de passer la copie de l'allocution
que nous voulons présenter. On va se séparer la
présentation en deux. Pierre va commencer par lire la première
partie et je reviendrai à la fin pour conclure la
présentation.
Le Président (M. Vallières): Pourriez-vous vous
identifier, s'il vous plaît.
M. Romain: D'accord. Mon nom est Robert Romain. Je suis
professeur à la Faculté des sciences de l'agriculture et de
l'alimentation de l'Université Laval, département
d'économie rurale, et M. Pierre Marcotte, étudiant
gradué.
M. Marcotte (Pierre): Nos propos d'aujourd'hui seront axés
sur les problèmes et les solutions à apporter au système
actuel de financement à long terme du secteur agricole
québécois.
D'abord, il faudrait peut-être préciser ici ce que nous
entendons par financement à long terme du secteur agricole.
Premièrement, il faudrait souligner que pour un développement
optimum d'un secteur économique, et peu importe ce secteur, nous pensons
qu'il est primordial que toute action intentée en ce sens le soit dans
une optique de longue période, que ce soit au niveau de la
planification, du financement ou de tout autre moyen d'obtenir les
résultats escomptés.
En ce qui concerne le financement d'un secteur, par exemple, la
durée de vie de ce dernier ne devrait-elle pas, premièrement,
être perçue comme sans limite comparativement à celle des
individus et des entreprises qui le composent et, deuxièmement,
nécessiter en tout temps une source sûre et adéquate de
fonds pour sa rentabilité et son expansion? Nous tous savons que
l'utilisation du financement en agriculture est devenue un
élément essentiel à la rentabilité et à
l'expansion des entreprises d'aujourd'hui. D'ailleurs, les résultats du
dernier sondage de la 5ociété du crédit agricole le
montrent fort bien puisque l'on peut constater que l'endettement agricole au
Québec progressait de 33% entre janvier 1981 et janvier 1984, soit de 1
085 000 000 $ à 2 046 000 000 $. De plus, l'agriculture est l'un des
secteurs économiques où l'utilisation relative du capital est des
plus intenses. La mise de fonds initiale requise pour l'établissement
des nouveaux exploitants et/ou pour le développement et
l'amélioration des entreprises existantes est substantielle. Les
caractéristiques intrinsèques au secteur impliquent aussi que les
décisions rattachées aux investissements doivent être
faites avant certaines périodes critiques et les fonds requis doivent
être également disponibles dans les plus brefs délais pour
ne pas mettre en danger la rentabilité de l'investissement.
Au cours des dernières années, les bailleurs de fonds en
agriculture furent nombreux. Ils peuvent se regrouper en deux catégories
principales, les intermédiaires privés, les intermédiaires
publics. La participation au financement du secteur et le degré
d'implication de ces deux types d'intermédiaire ne furent cependant pas
constants au fil des ans. Pour illustrer ce dernier propos, mentionnons
brièvement quelques exemples de cette instabilité
périodique des sources de financement en agriculture. Prenons le cas,
par exemple, des institutions privées. On remonte un peu dans le temps,
mais cela peut donner un bon aperçu des institutions qui se sont
retirées du secteur.
Le premier cas. À la suite de la Loi fédérale sur
les arrangements entre cultivateurs et créanciers de 1934, les
établissements de prêts hypothécaires, entre autres les
compagnies d'assurances et les sociétés de fiducie, se
retirèrent du secteur agricole et cette situation prévaut encore
aujourd'hui. En gros, il s'agissait d'un moratoire dont le but était
d'offrir aux agriculteurs les avantages d'une loi sur les faillites
dégageant le débiteur de ses obligations, c'est-à-dire
sans que ses biens soient liquidés. Cette loi a permis de réduire
en moyenne la dette globale de plus de 31%. Les prêteurs privés
prirent donc vraiment conscience dès cette époque du risque
additionnel de voir l'État intervenir dans leurs relations avec le
secteur agricole. C'est une crainte qui est toujours présente è
leurs yeux.
Le deuxième exemple. Au niveau des banques à charte,
celles-ci interviennent dans le secteur du crédit agricole au gré
de la situation économique. Récemment, les banques à
charte menacèrent à deux reprises de ne plus consentir de
prêt aux agriculteurs. Premièrement, elles s'opposèrent
à consentir tout prêt agricole de moyen ou long terme à un
taux d'intérêt maximum égal au taux
préférentiel, même si le gouvernement du Québec
garantissait les emprunts et, par le fait même, enlevait tout le risque
rattaché à ces derniers. Seules les caisses populaires
acceptèrent, non sans regret, de poursuivre leur activité.
Après quelque temps, l'État québécois a dû
revenir sur ses positions et accepter que les institutions prêteuses
puissent exiger un taux d'intérêt supérieur, soit le taux
préférentiel majoré de 0, 5%. Bien qu'il soit difficile
d'évaluer de façon empirique l'impact de ce retrait temporaire du
financement agricole de la part des banques, il est certain que ce ne fut pas
bénéfique au secteur.
Un autre exemple remonte au début de l'année 1983.
À la suite du projet de loi
fédéral C-653 proposant la remise en vigueur de la Loi sur
les arrangements entre cultivateurs et créanciers par suite de
difficultés financières de nombreux agriculteurs canadiens,
à la suite de cette intention gouvernementale, le "lobbying" bancaire
auprès d'Ottawa fit valoir que "la remise en vigueur de cette loi aurait
des conséquences qui pousseraient une fois encore les prêteurs
privés à restreindre de façon spectaculaire leurs
engagements vis-à-vis du secteur agricole. "
Finalement, pour illustrer davantage cette variabilité du
degré d'intervention bancaire dans le financement agricole, tous sont
à même de constater les efforts récents des banques
à charte pour promouvoir leur gamme de services financiers auprès
des producteurs. On veut surtout mentionner au niveau des prêts.
La figure 1 à la page 10 du mémoire fournit une
explication partielle puisqu'elle montre que les banques ont un excédent
de liquidité sans précédent. Ainsi donc, il ne faut pas se
surprendre de voir ces institutions courtiser le milieu agricole pour se
départir d'une partie de ces fonds excédentaires
considérés comme un bas rendement.
Nous ne blâmons pas les agissements de ces institutions face au
financement agricole. De par leur nature, elles se doivent d'agir ainsi,
c'est-à-dire obtenir le maximum de rendement de leurs placements pour
leurs déposants et leurs actionnaires. D'ailleurs, les mêmes
exigences de rentabilité priment dans toutes leurs interventions
auprès des autres secteurs de l'économie. Cependant, nous sommes
sensibles aux conséquences de ces actions sporadiques sur le
mieux-être du secteur agricole québécois.
Un exemple dans le cas des intermédiaires publics. Prenons le cas
de la Société du crédit agricole. En 1975, cette
dernière fournissait 62% du crédit à long terme consenti
aux agriculteurs canadiens comparativement à 21% en 1981. Au
Québec, en 1983, la société n'a prêté que la
mince somme de 31 000 000 $, soit 4% du total des 770 000 000 $
prêtés dans tout le Canada. Cette diminution continuelle du
rôle de la société résulte principalement du fait
que depuis plusieurs années cet organisme affiche un taux
d'intérêt de beaucoup supérieur à la concurrence. Un
autre point non négligeable est le fait que la société ne
possède pas en tout temps les ressources financières suffisantes
pour répondre è cette demande, ce qui occasionne des
délais et, par le fait même, un mécontentement de la part
des producteurs.
En 1983, par exemple, la Société du crédit agricole
avait épuisé les fonds disponibles dès le mois de juin.
Même si en vertu d'une loi adoptée en 1982 la
société peut dorénavant transiger elle-même sur les
marchés financiers, elle n'est jamais parvenue à faire approuver
l'ensemble de ses demandes auprès du gouvernement
fédéral.
Par exemple, en 1983, elle se proposait d'emprunter de cette
façon plus de 600 000 000 $, mais fut contrainte, par décret
gouvernemental, è se limiter a 250 000 000 $. De plus, il faut noter que
la Société du crédit agricole est tenue d'obtenir ses
fonds sur les marchés monétaires internationaux. En empruntant de
telles sources, il lui incombe de se protéger contre les risques des
taux de change. Les mécanismes de protection ou autres utilisés
à cette fin ont pour effet d'ajouter 1% ou plus au loyer d'argent obtenu
par la société au détriment des emprunteurs agricoles. Il
n'est donc pas surprenant qu'elle soit devenue, au fil des ans, un
prêteur de dernière instance au Québec.
Ce ne sont là que quelques exemples de la variabilité du
degré d'intervention des sources de financement agricole dans le temps.
Cette instabilité nous semble inquiétante pour le plein
développement du secteur et rien n'indique, à l'heure actuelle,
que ces périodes de sur ou de sous-approvisionnement en fonds
occasionnées par les contextes économique et politique du moment
ne se feront pas sentir dans l'avenir avec plus d'acuité et à
intervalles plus rapprochés.
Examinons, maintenant, l'importance et l'évolution du rôle
des sources d'approvisionnement en capitaux de l'agriculture
québécoise en se référant à la figure 2,
à la page 16 du mémoire. Il ressort que le total du crédit
agricole à percevoir au Québec à la fin de janvier 1984
était estimé à plus de 2 400 000 000 $ répartis de
la façon suivante: les caisses populaires avec la plus grande part, soit
31, 7%; suivent, dans l'ordre, les banques à charte, 29%; la
Société du crédit agricole, 18%; les gouvernements, plus
de 10%; les fournisseurs, 4, 7%; les particuliers, 3, 9%, et une importance
minime pour les autres qui sont les sociétés de fiducie et
compagnies d'assurances avec 1, 3%.
Mentionnons aussi que, des 2 400 000 000 $ à percevoir, 68%
étaient rattachés au crédit à long terme tandis que
le moyen et le court termes représentaient respectivement 19% et 12%. On
voit aussi que les caisses populaires apparaissent comme le principal
fournisseur de crédit agricole à long terme et à moyen
terme, tandis que les banques occupent le premier rang au niveau du
crédit agricole è court terme.
Pour ce qui est de l'évolution des parts du marché
détenues par les intervenants que nous venons de mentionner, elles ont
beaucoup changé en peu de temps. Voyons, à titre d'exemple,
l'évolution de la structure du marché du crédit agricole
à long terme.
Cette dernière est représentée à la figure
3, page 18. On y remarque, principalement, que la part détenue par
l'Office du crédit agricole est passée de 50% à 13% entre
1981 et 1984. Une des causes de cette diminution qui semble drastique, c'est
que les prêts tandems sont maintenant comptabilisés au nom des
institutions financières qui avancent les fonds. Cette nouvelle
comptabilisation implique également que, de près de 7% en janvier
1981, les banques et caisses populaires ont vu leur rôle
s'accroître considérablement et accaparer plus de 54% de tout
l'encours du crédit agricole à percevoir à long terme
à la fin de janvier 1984. La participation directe du gouvernement
fédéral par l'entremise de la Société du
crédit agricole a vu fléchir sa part de marché de 40% en
1981 à moins de 27% en 1984.
À la suite de cette évolution récente, il est assez
difficile de prédire l'avenir du financement de l'agriculture
québécoise. Cependant, l'évolution du rôle des
différents fournisseurs de crédit agricole à long terme
permet d'ores et déjà de constater le mouvement de privatisation
qui s'y est effectué. Selon nous, ce mouvement ne peut que s'accentuer
davantage au cours des années à venir, compte tenu des intentions
gouvernementales, tant fédérales que provinciales, de restreindre
dorénavant leurs interventions directes dans la plupart des secteurs de
l'économie.
Dans la mesure où nous voulions tenter d'émettre quelques
éléments de solution aux problèmes dont nous venons de
faire état, il nous apparaissait capital de voir la pratique du
financement de l'agriculture dans d'autres pays et d'en effectuer une analyse
comparative. Ces deux sections vous sont présentées
brièvement dans le mémoire, aux pages 20 à 37
inclusivement. Par manque de temps, elles ne seront pas
présentées ici. Mentionnons toutefois qu'elles ont servi de base
aux solutions possibles que nous vous proposons maintenant.
Les éléments de solution qui vont suivre pourraient
être considérés dans le but de mettre au point un
mécanisme d'approvisionnement en fonds adapté à
l'agriculture québécoise. À cet effet, nous proposons
entre autres qu'il faille, premièrement, donner aux agriculteurs un
mécanisme de crédit adapté à leurs besoins par le
biais d'une banque agricole structurée en conséquence.
Deuxièmement, permettre à cette institution de mettre sur le
marché des instruments d'investissement comme les obligations agricoles,
par exemple. Une telle institution pourrait également être
utilisée dans le but d'aider la relève agricole en proposant des
comptes d'épargne pour l'investissement agricole, par exemple.
Reprenons un peu plus en détail chacun des points que nous venons
d'énumérer.
Une banque agricole. L'implantation d'une nouvelle institution à
caractère spécifiquement agricole pourrait, d'une part,
répondre aux besoins financiers spécifiques des agriculteurs et,
d'autre part, servir d'intermédiaire dans l'application de certains
programmes de la politique agricole des deux niveaux de gouvernement. Les
moyens financiers d'une telle institution pourraient être
constitués, en bonne partie, d'argent circulant dans le monde de
l'agriculture, notamment, la concession de certains avantages fiscaux è
ceux qui vendraient leur entreprise et qui déposeraient leur avoir dans
cette institution via des REER agricoles, par exemple; de même
l'émission d'obligations agricoles, tel que discuté
ci-après. Ce pourraient être des solutions de rechange à
considérer. Ces actions permettraient d'engager des sommes importantes
qui seraient par la suite mises à la disposition des agriculteurs, et
surtout des jeunes, pour faciliter leur installation.
À l'heure actuelle, le Québec possède à la
fois les ressources humaines, physiques ou financières pour mettre de
l'avant un tel projet. Pourquoi ne pas mettre à contribution l'expertise
en financement agricole que possède le personnel de l'Office du
crédit agricole en l'intégrant à certaines caisses
populaires les plus stratégiquement situées, pour former ce qui
pourrait être approprié d'appeler les "caisses populaires
agricoles"? Les caisses populaires ne sont-elles pas déjà
implantées dans tout le Québec, et cela depuis fort longtemps?
N'ont-elles pas la meilleure connaissance du milieu et n'appartiennent-elles
pas, pour une large part, à leurs sociétaires provenant des
milieux agricole et rural? De même, le statut coopératif des
caisses populaires ne rejoint-il pas une formule bien connue du monde agricole?
Une réponse affirmative à toutes ces questions laisse entrevoir
qu'une telle formule serait la plus économique à mettre en place,
tout en favorisant la croissance et le développement à la fois de
l'agriculture québécoise et de la déjà grande
réussite collective que sont les caisses populaires. Il ne s'agit plus,
comme certains l'ont précédemment proposé, de créer
une nouvelle institution financière agricole, mais plutôt de
donner tous les pouvoirs nécessaires à une institution
déjà en place et naturellement vouée au service du monde
rural.
La rationalisation du secteur du crédit agricole au Québec
par la mise en place des caisses populaires agricoles, en plus d'être
l'unique canal pour l'application de la politique agricole aux deux niveaux de
gouvernement, permettrait une diminution de l'implication gouvernementale
directe dans le financement agricole, but actuellement avoué par les
gouvernements dans presque tous les secteurs d'activité; de plus, les
points de
service seraient désormais plus près de la
clientèle visée et la diminution des intermédiaires
accélérerait le processus d'étude des dossiers et
éliminerait les longs délais reliés au système
actuel. (17 h 30)
Finalement, l'instauration des caisses populaires agricoles favoriserait
la participation directe des agriculteurs à la prise de décision
en regard des questions propres au financement agricole, les agriculteurs
étant particulièrement actifs dans les conseils d'administration
des caisses populaires situées en milieu rural. Pour ceux qui
douteraient de la puissance financière de l'agriculture, l'histoire
permet de constater que ce sont les agriculteurs qui ont créé la
majorité des caisses populaires au Québec, il y a une
cinquantaine d'années. Par ailleurs, l'expérience du
crédit agricole en France souligne le pouvoir du dollar vert dans
l'économie d'un pays. En effet, le Crédit agricole mutuel est
devenu l'une des institutions financières les plus prestigieuses
d'Europe.
Les obligations agricoles. Certains pourraient craindre que le secteur
agricole québécois ne puisse s'auto-approvisionner
entièrement sur une base régulière en capitaux
d'investissement à partir de l'épargne agricole. Nous sommes
également de cet avis. Une étude récente sur la structure
économique et les besoins de capitaux du secteur, effectuée par
Ashmead, arrive aux mêmes conclusions. L'auteur montre que des flux
d'avoir net négatif furent enregistrés au Canada en 1969, 1971 et
1980 et que depuis 1982 la conjoncture économique n'a cessé de se
détériorer entraînant l'augmentation des flux d'avoir net
négatif. Bien que cette analyse ait été faite pour
l'ensemble du Canada, il n'est pas trop risqué d'extrapoler que la
situation n'est guère plus reluisante au Québec. C'est ici
qu'entrent en jeu les obligations agricoles pour agrandir le bassin où
l'agriculture québécoise pourrait puiser l'argent additionnel
nécessaire à son financement.
Essentiellement, l'émission d'obligations agricoles permettrait
aux caisses populaires agricoles d'obtenir du capital de l'ensemble des
citoyens du Québec par l'entremise d'un titre de créance à
l'exemple des municipalités et des commsisions scolaires. Une incitation
fiscale quelconque pourrait être attachée à ce
véhicule de placement, ce qui en fait serait leur principale
caractéristique. De ce fait, l'intérêt sur ces obligations
pourrait être moindre que celui versé sur les autres modes de
placement, permettant à l'émetteur d'obtenir des fonds à
des taux inférieurs à ceux du marché pour ensuite
transmettre cette économie aux agriculteurs. Le crédit
d'impôt accordé pour les obligations agricoles serait donc
semblable au dégrèvement pour dividendes accordé aux
actionnaires de sociétés canadiennes imposables. Il y a d'autres
ressemblances: le dégrèvement pour dividendes ayant pour but
d'encourager les Canadiens à investir dans les sociétés
canadiennes, les obligations agricoles permettraient d'encourager les
Québécois, surtout les producteurs à leur retraite,
à investir dans leur agriculture. On procurerait de ce fait aux caisses
populaires agricoles une source de fonds stable à un coût
avantageux pour le plus grand bénéfice du monde agricole.
Un autre outil qu'on préconiser les comptes d'épargne pour
l'investissement agricole. Comme nous l'avons mentionné
précédemment, les caisses populaires agricoles pourraient
être les promoteurs d'autres programmes dont pourrait
bénéficier le secteur, et notamment la relève, tels les
comptes d'épargne pour investissements agricoles. Essentiellement, il
s'agirait de la mise sur pied d'un régime enregistré
d'épargne agricole à l'intention des personnes, surtout les
jeunes, désirant s'établir en agriculture. Un tel outil
ressemblerait par sa nature à l'ancien régime
d'épargne-logement. Concrètement, les futurs exploitants
pourraient ouvrir un "compte d'épargne pour l'acquisition d'une ferme"
dans les institutions d'épargne approuvées à cet effet,
entre autres les caisses populaires agricoles et les caisses populaires. Des
retraits pourraient être effectués après un minimum de
trois ans, et cela sans pénalité, si le but du retrait ou la
fermeture du compte est, bien entendu, l'achat d'une ferme.
Un programme semblable fut développé en
Nouvelle-Zélande il y a quelques années et s'avéra un
franc succès. Au 31 mars 1983, près de 10 000 comptes de cette
nature étaient en opération pour un montant total en
dépôt de plus de 46 000 000 $. En 1982-1983, 456 futurs
exploitants retiraient leurs épargnes pour une forme quelconque
d'établissement.
Alors, je repasse la parole à Robert pour la conclusion.
M. Romain: En résumé, ce que nous avons
tenté de souligner à cette commission, aujourd'hui, se rattache
à la non-pérennité du degré d'implication des
intermédiaires financiers servant l'agriculture ainsi que des
institutions elles-mêmes. On a souligné que certaines d'entre
elles s'étaient même retirées du secteur et que d'autres
avaient, dernièrement, repris leurs activités, quoique certaines
mésententes avec le gouvernement en place ont temporairement
aggravé te niveau d'insécurité des participants et
probablement affecté sérieusement certains emprunteurs. De
façon à stabiliser la source de financement de l'agriculture
québécoise tout en tenant compte d'un vouloir politique
général de privatisation de certains organismes
gouvernementaux, nous avons discuté de la possibilité de
créer une institution de financement spécifique à
l'agriculture. Cette dernière pourrait être intégrée
aux caisses populaires actuelles puisqu'elle possède déjà
certaines caractéristiques essentielles à de telles institutions.
De plus, ces caisses populaires agricoles pourraient être le
véhicule par excellence pour administrer et promouvoir de façon
rapide les politiques agricoles instaurées par les autorités
politiques.
Nous avons également mentionné que la principale
caractéristique des moyens utilisés pour conserver et/ou
accaparer l'épargne agricole provenant de la vente des fermes ou des
revenus imposables via les REER ou obligations agricoles serait les avantages
fiscaux rattachés è ces derniers. Ces instruments
d'investissement pourraient donc engendrer des rendements plus faibles que ceux
du marché et cette économie pourrait être
transférée aux agriculteurs de façon que les taux
d'intérêt payés ne soient pas supérieurs à
ceux en vigueur actuellement. Il faut mentionner que cette pratique pourrait
même s'avérer bénéfique pour le gouvernement
puisque, de toute façon, les agriculteurs qui vendent leur ferme et ceux
qui ont un revenu imposable important se prévalent déjà
des différents outils d'évasion fiscale disponibles. L'avantage
pour le gouvernement serait donc l'épargne réalisée sur la
bonification des taux d'intérêt, telle que pratiquée
actuellement.
En terminant, on doit mentionner que les institutions qui serviront ce
secteur du marché au cours des années à venir devront
être en mesure de tenir compte des caractéristiques uniques de
l'industrie agricole. La fluctuation des revenus demeure une
réalité dont elles devront tenir compte en dépit des
programmes de stabilisation et d'assurance-revenu et de nombreux offices de
commercialisation.
De plus, si l'on tient vraiment compte des traits
caractéristiques de ce secteur, il faudrait éventuellement
créer des politiques financières et des instruments de
crédit propres à chaque spéculation agricole. Merci.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, je pense qu'on a à peu
près une douzaine de minutes chacun. Somme toute, dans votre
mémoire, vous proposez la création d'une caisse agricole avec
certains avantages fiscaux et certains incitatifs pour que l'argent qui circule
dans le monde agricole demeure à l'intérieur du cercle agricole.
En faisant l'inverse, est-ce que vous êtes d'accord avec
l'énoncé de vos prédécesseurs qu'une ferme est une
entreprise et que, avant tout, elle doit être rentable?
M. Romain: Certainement.
M. Maltais: Est-ce que le fait d'avoir une ferme rentable, une
ferme qui est capable d'emprunter, qui est capable de se gérer, un bon
administrateur comme on nous dit, à ce moment-là, il n'est pas
lié par une institution prêteuse, il la choisit... Le gars qui a
des garanties et dont l'affaire va bien choisit son institution prêteuse.
J'imagine que, dans votre esprit, lorsque vous parlez de caisse agricole, c'est
surtout pour les fermes qui ont de la difficulté, présentement,
sur le marché du financement à long terme.
M. Romain: Pas nécessairement.
M. Maltais: Vous parlez aussi des fermes qui vont bien et qui
sont rentables?
M. Romain: Exactement, oui.
M. Maltais: D'accord. Je veux être bien sûr de mon
affaire. À partir du moment où cette caisse agricole est
créée - le Mouvement Desjardins a même dit qu'il
était prêt à collaborer d'une façon tout à
fait spéciale au niveau de la gestion, vous avez parlé d'un REER
agricole, eux aussi en parlent et ainsi de suite - est-ce que, è ce
moment-là, on ne fait pas un précédent en disant:
L'agriculture, au Québec, c'est tellement important qu'on a besoin d'une
caisse pour eux? Les pêcheurs, par exemple, pourraient
inévitablement, avec les expériences qu'ils ont vécues
depuis les dix dernières années, avoir la même idée.
Est-ce que, par l'autosuffisance des fonds que l'agriculture
génère, on est capable de convaincre les gens de
réinvestir, même avec les incitations financières que vous
préconisez? D'après vous, est-ce que dans l'expérience
présente que l'on vit au Québec, dans la conjoncture actuelle, on
est capable, par exemple, de convaincre les agriculteurs qui vont vendre les
fermes et qui vont en tirer des produits de 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $
d'en laisser 200 000 $ là? Est-ce que vous pensez que c'est
réalisable?
M. Romain: Je ne vois pas pourquoi ce ne le serait pas puisque,
de toute façon, ils ne le dépensent certainement pas à
très court terme; ils se cherchent de toute façon des
évasions fiscales pour pouvoir retirer des revenus sur une longue
période et être imposés sur une longue période. Je
ne vois pourquoi... Même je crois que les cultivateurs ou les
agriculteurs qui vendent leur ferme seraient plus intéressés
à investir dans un REER agricole ou à investir dans certains
autres comptes d'épargne où il y aurait des incitations fiscales
dans une banque agricole où ils savent que leur argent va aider les
jeunes agriculteurs.
Il faut être spécifique là-dessus: ces instruments
ne seraient pas seulement pour les agriculteurs, d'accord? Ce serait ouvert
à toute la population. On a mentionné que l'agriculture, pendant
plusieurs années et peut-être plus encore - si elle utilise encore
plus le crédit - ne serait pas capable de s'autofinancer de ses propres
fonds. Donc, en essayant de prévoir, si l'on peut dire, la demande pour
la prochaine année, les caisses populaires pourraient émettre un
certain montant en obligations agricoles qui aurait des avantages fiscaux et
qui serait disponible à tout le monde, tous ceux qui veulent investir
là-dedans, pas nécessairement seulement les agriculteurs.
M. Maltais: À moins d'erreur, et peut-être que les
collègues me corrigeront, je ne sais pas si ce sont les banques ou si
c'est l'UPA qui ont suggéré - je pense que c'est l'UPA - que,
pour le transfert d'une ferme -on parle de la relève agricole...
Supposons que le père vend à son fils 400 000 $, il pourrait
exiger un certain montant comptant et le gouvernement garantirait le prêt
comme il le fait auprès des institutions financières. Tout
à l'heure, je sais que mon collègue le président l'a
souligné. Que pensez-vous de cela, vous?
M. Romain: On a peut-être souri en arrière, on a dit
que ce n'est peut-être pas la question à poser à des
banquiers ou à une caisse populaire parce que cela leur enlève la
possibilité de faire des emprunts garantis.
M. Maltais: Eux viennent de perdre un client, mais vous, vous
n'êtes pas banquiers, vous êtes professeurs
d'université.
M. Romain: C'est cela. Je croirais que c'est probablement une
bonne idée.
M. Maltais: Avec toutes les garanties qu'on donne à tandem
à l'institution prêteuse.
M. Romain: Je vais pratiquement être obligé de
répéter ce que M. Blais a dit, c'est que, si c'est le
gouvernement qui prend les garanties, cela ne donnera pas plus de
flexibilité au jeune qui vient de s'établir pour aller emprunter
s'il veut agrandir ou acheter de nouvelles technologies ou faire des
changements. Je ne vois pas trop où serait l'avantage pour le jeune
agriculteur.
M. Maltais: Deuxième facteur: On sait que l'agriculteur,
rendu à un certain âge, mon collègue d'Arthabaska le disait
tout à l'heure, à 45 ans ou à 50 ans il prend sa retraite.
Sa plus-value sur sa ferme, c'est son régime de retraite. Je pense que
Jacques veut la prendre à 45 ans. M. Lévesque l'a pris
dernièrement, le député de Kamouraska. Son régime
de retraite, c'est ce qu'il a acquis pour vivre le reste de ses jours.
M. Romain: D'accord, oui.
M. Maltais: C'est X milliers de dollars. Par exemple, si on
n'avait pas des avantages à l'heure actuelle, dans le système
actuel... Ces sommes, s'il vend à son fils, comme tout à l'heure,
et qu'il a une garantie, c'est sûr qu'il n'a pas besoin de tout cela
comptant. Il peut avoir la même chose d'un parfait étranger pour
autant qu'il a des garanties qu'il va conserver son argent. Si on lui donnait
présentement les mêmes avantages fiscaux que ceux que vous voyez
dans votre programme d'incitation au crédit agricole, à votre
caisse agricole, est-ce que vous ne pensez pas que le gars embarquerait
drôlement là-dedans?
M. Romain: Vous voulez dire pour prêter directement
à son fils?
M. Maltais: À son fils ou à un pur étranger
qui va aller acheter sa ferme, pour autant qu'on lui donne une garantie qu'il
ne perdra pas son fric et que, deuxièmement -il n'a pas besoin de
l'avoir comptant - sous la forme d'une rente viagère qu'il retirera, on
lui donne les avantages fiscaux qu'on va donner normalement ou qu'on va donner
dans votre future caisse populaire agricole.
M. Romain: Je pense qu'avec sécurité comparable
avec d'autres véhicules de placement cela pourrait s'avérer
sûrement intéressant.
M. Maltais: Parce qu'à ce moment on parle de transfert de
ferme, on parle de ferme équipée; quand on parle de 300 000 $,
400 000 $ ou 500 000 $, on parie de fermes qui n'ont pas besoin d'investir 150
000 $, 200 000 $ demain matin. Je ne pense pas, en tout cas, à moins
d'erreur. Or, la masse d'argent, qu'on la donne mensuellement ou annuellement,
finalement, cette masse d'argent ne sort pas du monde agricole, elle reste
là. L'acheteur rembourse tant par année ou par mois, je ne sais
pas trop comment cela fonctionne, mais de toute façon il rembourse.
Donc, il rembourse à même les revenus générés
de sa ferme annuellement, il n'a pas de charge fiscale, il n'est pas
endetté jusqu'au cou et le vendeur, cela fait son bonheur. Il en a assez
pour vivre.
M. Romain: II est endetté pour le montant de
l'hypothèque qu'il a prise avec la personne. Quand arrivera le temps
d'aller...
M. Maltais: Sauf que l'argent, il ne l'a pas sorti.
M. Romain: C'est la même chose.
M. Maltais: II l'a immobilisé, mais il ne l'a pas
sorti.
M. Romain: Quelle est la différence? Que vous l'empruntiez
à la banque, à la caisse, que vous le donniez à celui de
qui vous avez acheté la ferme...
M. Maltais: Cela fait une différence dans votre
mémoire. Je ne sais pas à quelle page vous dites que le
fédéral, à partir du mois de juin, n'avait plus un cent
è investir, tout l'argent avait été sorti.
M. Romain: D'accord. Cela enlèverait des... (17 h 45)
M. Maltais: Alors, à ce moment, il y a une
légère différence entre celui qui accepte de vendre, qui
endosse l'hypothèque et qui retire tant par mois et le banquier qui est
obligé de sortir 350 000 $ ou 400 000 $ comptant.
M. Romain: D'accord, mais je partais pour l'agriculteur.
Supposons qu'il l'emprunte, il a l'argent, il vient de l'avoir de la banque ou
il vient de signer un papier avec l'ancien propriétaire de lui remettre
X montant par année ou par six mois. Pour lui, je ne vois pas beaucoup
la différence. C'est certain que, pour le secteur...
M. Maltais: II y a une énorme différence pour le
monde agricole. Ces 500 000 $ qui normalement iraient dans une institution
privée ou prêteuse restent dans le monde agricole; il y a une
énorme différence à mes yeux.
M. Marcotte: D'accord, mais, pour celui qui s'installe, la dette
qu'il a contractée avec une autre personne demeure dans son dossier
quand il aura besoin d'aller à la banque ou à la caisse pour
emprunter pour des fins additionnelles, pour l'amélioration de la
ferme.
M. Maltais: Bien sûr, une hypothèque, c'est une
hypothèque.
M. Marcotte: Elle est là, sa dette.
M. Maltais: Qu'il l'ait chez vous ou à votre caisse
agricole, il aura une hypothèque. Qu'il ait l'hypothèque de
l'ancien propriétaire ou è votre caisse populaire agricole, il
aura la même hypothèque. Il ne pourra pas l'hypothéquer
plus qu'elle ne vaut, sa ferme, en soi.
M. Marcotte: Lorsqu'on parle de caisse agricole on parle d'un
service global, c'est-à-dire non pas juste au niveau de prêts
à long terme, ce n'est pas dans ce sens qu'on a voulu le dire; c'est au
niveau de tout le financement, soit le court, le moyen et le long terme.
M. Maltais: Vous parlez de financement à long terme, de
marge de crédit tout de suite. En somme, est-ce que vous avez
consulté les institutions bancaires autres que les caisses populaires
dans votre conception de mémoire?
M. Marcotte: Oui, l'été dernier, quand on a fait
une conférence de thèse en rapport à cela on avait
invité des banques.
M. Maltais: Qu'est-ce qu'elles vous ont dit, les banques, dans
cela?
M. Marcotte: Probablement un peu ce qu'elles ont dit è
votre commission, c'est-à-dire que, pour elles, il n'y a aucun
problème et il n'y a jamais eu de problème dans le financement
agricole, qu'elles sont là et qu'elles sont prêtes à en
prêter à peu près n'importe quand. Elles ne voient pas les
problèmes que nous, on a sortis.
M. Maltais: Quelle a été l'attitude du Mouvement
Desjardins?
M. Romain: Je ne sais pas si vous posez cette question parce
qu'on propose une caisse populaire agricole affiliée aux caisses
populaires actuelles.
M. Maltais: Je vais être bien franc avec vous, c'est le
trentième mémoire qu'on écoute, tout le monde a
apporté des solutions et je pense que vous êtes ici pour que l'on
explore vos solutions. On en a entendu, des choses, vous n'êtes pas les
premiers qui nous présentez un mémoire et qui nous dites des
solutions bien écrites et bien concrètes, cela va très
bien. S'il faut mettre les 30 mémoires à exécution demain
matin, je ne sais pas comment le ministre va se retrouver avec cela. Ce qu'on
essaie de dégager, c'est quelle est la meilleure solution et c'est pour
cela qu'il faut aller au fond. Vous, lorsque vous avez contacté, je
l'imagine, le Mouvement Desjardins, quelle était son attitude dans
cela?
M. Marcotte: Je pense que, sans y aller à fond, ces gens
trouvaient cela acceptable et très intéressant plutôt
peut-être au niveau des instruments qu'on proposait en plus de la banque
agricole. Je pense qu'ils étaient mal placés au niveau de la
banque agricole même pour dire quelque chose en rapport avec cela.
M. Maltais: Dans votre rapport ce sont les gros prêteurs.
Avec le prêt tandem...
M. Marcotte: Oui.
M. Maltais:... Desjardins est devenu le plus gros prêteur
dans le monde agricole.
M. Marcotte: Exactement.
M. Maltais: Alors, ces gens ont certainement un mot à dire
parce qu'ils ont des attachements à long terme et pour encore quelques
mois à venir, 56%, je crois, du marché que vous dites dans votre
mémoire. Ils sont attachés peut-être pour 25, 30 ou 40 ans
encore. C'est sûr qu'eux ils ont avantage à aller plus dans une
ouverture comme cela que dans une autre option. Ils y vont par attachement
financier.
M. Marcotte: Oui et peut-être aussi...
M. Maltais: Par exemple, quelle était leur attitude
lorsque vous avez parlé d'une caisse agricole à laquelle tout le
monde pourrait aller moyennant certains dégrèvements fiscaux? Ils
le font, je pense, déjà dans l'épargne-logement ou ils
l'ont fait déjà, les gens du Mouvement Desjardins. Ils se sont
prévalus d'une section de la loi sur les banques. Pour eux, est-ce que
c'est un service? Ils nous ont même dit tout à l'heure qu'ils
pourraient le donner en région, qu'ils pourraient le
décentraliser. Est-ce que vous le voyez uniquement dans votre caisse
agricole ou si vous le voyez par une décentralisation accrue des
services que Desjardins offre actuellement?
M. Marcotte: Ce que nous avons pensé, c'est, au niveau du
Québec, de sélectionner les caisses populaires les plus
stratégiquement situées et celles-ci seraient pointées
pour offrir tous les services à la classe agricole, c'est-à-dire
tout le financement sur le court, le moyen et le long terme et tous les autres
outils, aussi, au niveau des prêts.
M. Maltais: Vous voyez l'implication du gouvernement comment?
Soit juste par des dégrèvements fiscaux qu'il se retire
complètement du champ des prêts à long terme?
M. Marcotte: Qu'il se retire carrément du financement
agricole, point. Son rôle serait simplement de compenser au niveau des
abris fiscaux.
M. Maltais: Cela veut dire que les subventions seraient
terminées aussi.
M. Marcotte: Cela n'existe plus.
M. Maltais: Ah bon! c'est bien, cela. Alors, plus de subvention,
plus de prêt à long terme, ni à court terme, ni
d'endossement de prêts. L'État aura un rôle à jouer,
il donnera les abris fiscaux à l'ensemble de la population qui voudra
investir dans le monde agricole.
M. Marcotte: Bien sûr, en gardant toujours la politique
agricole; ce serait déterminé au niveau du gouvernement.
M. Maltais: L'État aurait un management, un marketing
à faire...
M. Marcotte: Au niveau de la politique agricole.
M. Maltais:... au niveau de la politique agricole.
M. Marcotte: Il canaliserait cela via les caisses populaires.
M. Maltais: D'accord. Est-ce que vous touchez à
l'assurance-stabilisation pour ces choses-là? Vous n'avez pas
touché à cela?
M. Marcotte: Non. On parle de financement, point.
M. Maltais: Point. D'accord, ça va.
Le Président (M. Vallières): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Merci, M. le Président. À la page
28 du rapport le plus Imposant, vous faites mention, à l'avant-dernier
paragraphe, du programme encourageant le vendeur d'une ferme à financer
entièrement ou partiellement celui qui s'y établit. Est-ce que
vous avez poussé cela un peu plus à fond?
M. Marcotte: Non.
M. Dupré: Est-ce que vous avez gratté cela un peu
plus?
M. Marcotte: Non, on a proposé la caisse populaire
agricole avec, entre autres, deux instruments particuliers. On a parlé
des obligations agricoles, des comptes d'investissement. Ça, c'est en
rapport avec ce qui se fait en Nouvelle-Zélande. Cela a
été rapporté juste comme expérience là-bas.
Nous autres, on n'a pas poussé à fond ce
côté-là.
M. Dupré: Je voudrais revenir sur la discussion que vous
avez eue tantôt concernant les montants garantis par tandem par le
vendeur. C'est qu'il y en a, une différence. Si c'est le vendeur, le
propriétaire qui prend l'hypothèque, cela se peut qu'il prenne
l'hypothèque au complet. Cela peut être 400 000 $, cela peut
être 500 000 $, tandis que si vous allez à la caisse, aussi bien
à la caisse agricole, on va
avoir un montant limité, cela va être 250 000 $, cela va
être 300 000 $, 400 000 $ dans certains cas. On va prendre
l'hypothèque au complet comme les autres font, alors on va se retrouver
avec le même problème qu'on a, on va manquer de financement,
tandis que le vendeur, même avec le plan tandem, s'il en manque une
partie, il peut rester actionnaire pour la dernière partie.
Pour les caisses populaires, en somme, on a rencontré les
banquiers dernièrement. Il y en a un, entre autres, qui a
été voir ce qui se passait en France. Au début, la
vocation était différente. Là, présentement, les
gens en sont venus à faire à peu près les mêmes
opérations que dans les banques. Serait-ce utopique - en tout cas, le
mot n'est peut-être pas... - serait-il possible d'avoir une banque sans
but lucratif? Il ne faudrait peut-être pas appeler cela une banque, mais
il reste qu'il faudrait que ce soit un organisme semblable, que les fonds qui
rentrent là-dedans soient au service de l'agriculture. Les caisses
populaires, c'est bien louable mais elles sont comme les banques, elles font
des profits. Toutes les caisses populaires, à chaque coin de rue, elles
cherchent quoi? C'est d'augmenter leurs capitaux et faire de l'argent,
même si elles ont joué un grand rôle social; cela, on ne le
nie pas. Si on se rembarque dans une structure similaire ou parallèle et
qu'à un moment donné...
Une voix:... des ristournes...
M. Dupré: Oui, quelque peu, des ristournes. Il reste que,
si on se rembarque dans un système similaire, moi, je ne vois pas les
avantages qu'on a à créer une structure pour créer une
structure.
M. Marcotte: Nous autres, on pense que cette chose-là
pourrait être préservée au niveau des conseils
d'administration des caisses populaires de la place, c'est-à-dire - on
l'a mentionné à un moment donné - que la majorité a
des agriculteurs au conseil.
M. Romain: Un autre point pour commenter ce que vous avez dit. Je
ne vois pas pourquoi on n'essaie pas de faire des profits parce que, de toute
façon, dans les caisses populaires cela revient un peu en ristournes et
puis ceux qui demandent des prêts, cela impliquerait peut-être plus
le milieu agricole de voir où va son développement
lui-même. Si tu fais évaluer des demandes d'emprunt par des pairs,
au lieu de dire: On va tous aller contester avec toi parce que le gouvernement
ne veut pas payer, là, c'est à eux autres de prendre la
décision et de voir si vraiment le gars n'est pas capable de le faire,
s'il n'a pas la capacité de gestion.
M. Dupré: Je pense que les moyens, les seuls pour aller
chercher de l'argent -d'ailleurs, vous le mentionniez vous aussi dans votre
rapport, on l'a entendu plusieurs fois - c'est comme dans les REER, si vous
ouvrez ça à des taux avantageux, il n'y a pas de limite, vous
allez ramasser 1 000 000 000 $ au Québec. Mais c'est la seule condition;
ce sont les taux avantageux, aussi bien pour le vendeur qui veut poursuivre,
peut-être... Même, il y en a qui sont prêts à garder
les garanties, parce qu'ils aiment voir comment ça va continuer à
fonctionner. Les fermes, ce n'est pas comme un commerce ordinaire pour ceux qui
les ont bâties et y ont vécu. Ce sont des patrimoines et c'est de
génération en génération. Ordinairement, les gens,
une fois qu'ils ont vendu, aiment voir - il faut le demander aux producteurs -
ici la continuité de leur ferme. Mais, ça, c'est une petite
partie, en somme,
M. Romain: Oui, mais ce serait comme les autres REER, j'imagine.
Vous pourriez avoir des maximums légaux. Si vous en manquez, si vous
manquez vraiment de fonds avec ça, ça pourrait être
repensé, ces outils-là. C'est juste pour permettre à ceux
qui vendent leur ferme d'investir dans ce genre de REER. L'argent manquant sera
obtenu avec des obligations agricoles. Là, la caisse populaire serait
capable de délimiter un montant, en ayant certaines projections.
Après ça, ils iraient chercher tant. S'il en manque un petit peu,
l'année d'après, ils se replacent et c'est eux qui
s'administrent.
M. Dupré: Déjà, à peu près
dans tous les villages du Québec, il y a des caisses populaires. Est-ce
qu'il ne pourrait pas y avoir, à l'intérieur, je ne sais pas, un
guichet unique pour la classe agricole ou quelque chose de semblable? Parce que
les structures pour les structures, ça m'agace un peu dans votre... Vous
avez l'air de dire, vous autres: Cela prend une banque séparée,
avec un conseil d'administration séparé. On n'est pas pour aller
faire une autre caisse populaire dans chaque petit village de la province.
M. Marcotte:... utiliser celles qui sont déjà en
place, en sélectionnant celles qui sont stratégiquement
situées. Par exemple...
M. Romain: C'est parce que ça va demander...
M. Dupré: Des caisses, dans certains coins, qui seraient
dans un milieu agricole, quelques-unes d'entre elles deviendraient des caisses
populaires agricoles?
M. Romain: En transférant certaines
compétences, à l'heure actuelle, qui sont à
l'Office du crédit agricole, par exemple, parce qu'avant de se lancer
dans le financement - les banques ont commencé, les caisses populaires
le font - elles engagent des spécialistes pour analyser les états
financiers des agriculteurs.
Donc, ça prendrait quand même des personnes, une, deux ou
trois, selon la grosseur de la banque, pour analyser ça. Cela
utiliserait les personnes de l'office, à l'heure actuelle. Cela ne les
mettrait pas à pied; ça serait juste les transférer, les
ramener dans le coin où se font les prêts et où se prennent
les décisions au niveau du conseil d'administration. Les agriculteurs
sont là.
À bien noter, c'est un exemple de caisses populaires agricoles
rattachées aux caisses populaires. Mais c'est certain que, depuis
déjà quelques années, la Banque Royale, par exemple, est
forcée d'entrer beaucoup en agriculture. Nous autres, on parle des
caisses populaires, mais ça pourrait être un genre de formule de
décentralisation de l'office: par exemple, la Banque Royale ou la Banque
Toronto-Dominion, qui sont déjà très implantées
dans le milieu pourraient demander de faire partie du réseau
d'administration au niveau des politiques agricoles.
Ce n'est pas de dire: On forme une nouvelle banque, mais plutôt
qu'on utilise les structures en place et qu'on transfère les politiques.
On mentionnait tantôt: Pas de subvention. Il faudrait peut-être
avoir des nuances. Si on veut lancer des nouvelles spéculations ou des
nouvelles productions qui sont plus risquées, là, ce serait
subventionné. Cela pourrait être quand même
administré par le réseau en place, où il y a des
spécialistes dans chaque coin de la province.
M. Dupré: Vous démontrez, dans votre rapport - je
ne me rappelle pas quelle page - que dans les banques les montants ont
monté d'une façon draconienne. Mais, au moment où on se
parle, c'est parce que ces prêts-là sont garantis, en somme.
M. Romain: Certainement.
M. Dupré: Parce qu'ils nous ont dit, la semaine
dernière, qu'ils prêtaient à ceux qui avaient de l'argent.
Les autres, ils ne sont pas intéressés. Il faut que ce soit le
gouvernement qui les garantisse. Alors, peut-être que tous ceux-là
pourraient retourner dans les caisses dont vous parlez.
M. Romain: Mais je ne sais pas. Moi...
M. Dupré: Parce que, si vous avez juste les canards
boiteux et que les autres restent aux banques privées, vous allez avoir
des problèmes, vous aussi. (18 heures)
M. Romain: S'il y a de meilleurs taux d'intérêt dans
les caisses populaires affiliées - comment pourrait-on dire cela? - qui
transmettent des politiques, tout le monde va aller emprunter là.
Quelqu'un, s'il est rationnel un peu, s'il est capable de l'avoir à 8%
quand le taux de la banque est de 10%, il va aller à 8%.
M. Dupré: Si ces taux-là étaient
appliqués à tout le monde, si tous ceux qui voulaient investir
dans l'agriculture avaient les mêmes privilèges, les mêmes
baisses d'intérêt, c'est là que je me demande pourquoi
créer une autre structure. Si j'ai 300 000 $ et qu'on donne de bons
rabais si mon argent va en agriculture, je vais prendre ces rabais. Je ne suis
pas dans l'agriculture, mais je vais y placer mon argent parce que c'est
là que cela va me rapporter le plus.
M. Romain: À l'heure actuelle, vous le placez
où?
M. Dupré: Dans les...
M. Romain: Vous allez essayer de vous trouver des abris fiscaux,
quand même. D'accord?
M. Dupré: Oui. Présentement, je suis dans une
compagnie.
M. Romain: Mais c'est ce que l'on dît: Cela ne
coûtera pas plus cher; cela sera seulement un transfert au niveau
macroéconomique. D'accord? C'est de l'argent. Par exemple, il y a moins
de personnes qui vont acheter des actions de l'Alcan, surtout les producteurs
ou les personnes qui ont des revenus imposables et qui veulent se trouver des
abris fiscaux ou les agriculteurs qui vendent leur ferme. Ils vont rester
automatiquement dans le monde agricole.
M. Marcotte: Si je peux ajouter que, de toute façon, les
gens à la retraite ou qui vendent leur ferme actuellement en cherchent,
des abris fiscaux. Ils en trouvent au niveau des REER et des REA; ils vont
acheter des actions de l'Alcan, de Bell Canada et ainsi de suite. S'il y a des
obligations agricoles à des taux comparables, je pense que, par
goût, par sympathie et avec des rendements comparables, ils vont aller
dans l'agriculture.
M. Romain: C'est seulement réallouer les fonds au niveau
macro-économique que cela changerait et cela éviterait la
bonification que le gouvernement est obligé de payer à l'heure
actuelle.
M. Dupré: Je vous remercie beaucoup. Il reste une couple
de minutes; je vais passer la parole à mon collègue.
Le Président (M. Vallières): Oui. Il reste une
question au député de Huntingdon, suivi du député
de Champlain, qui conclura.
M. Dubois: Je vous remercie pour votre très
intéressant mémoire. Je pense que votre suggestion mérite
d'être étudiée plus à fond, mais il n'en reste pas
moins que pour le contribuable québécois - le "payeur" de taxes
et d'impôt - cela ne change rien, parce que, si l'on favorise certaines
modalités de dégrèvement d'impôt pour que votre
propre formule s'applique, cela vient des fonds publics. Alors, qu'on donne
l'argent d'une façon ou d'une autre, je pense que cela ne change rien
sur le plan fiscal, sur le plan de l'impôt au niveau du contribuable qui
paie des taxes. Absolument pas, n'est-ce pas? Vous êtes d'accord avec
cela?
Alors, tout ce que l'on fait, c'est créer un nouveau
bébé. On bâtit des nouvelles structures - et il en existe
pourtant tellement - parce que toutes les petites municipalités ont
quand même une banque, deux banques, des fois trois banques et une
caisse. Ce n'est pas ce qui manque, des institutions financières, je
pense. Prendre nos fonds publics pour les appliquer d'une façon ou d'une
autre, je ne pense pas que cela règle le problème fondamental de
l'agriculteur aujourd'hui parce que, des fonds, il y en a de disponibles.
Cela dépend toujours des politiques du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et, finalement, du
gouvernement. Si on veut favoriser, par exemple, l'intégration des
jeunes sur Ja ferme, on doit quand même arriver avec une formule de
financement adéquate, avec intérêts très bas
peut-être. Si cette banque-là doit offrir des prêts à
2%, 3% ou 5% ou des taux d'intérêt qui s'accentuent à tous
les ans, ce sont les fonds publics qui vont quand même les payer. Alors,
cette banque-là ne fonctionne certainement pas à perte, il faut
qu'elle soit financée par quelqu'un; alors, ce sont les fonds publics
qui la financent.
Je ne vois pas comment on règle le problème fondamental de
l'agriculteur ou de la relève agricole par la création de cette
nouvelle entité. Je soumets respectueusement que cela mérite
d'être étudié à fond, mais je ne vois pas qu'on
règle le problème du tout, et on crée une structure
nouvelle. En tout cas, c'est ma réflexion, de prime abord, mais je
laisse quand même la porte ouverte à de plus mûres
réflexions dans ce domaine.
M. Marcotte: On a parlé un peu, à la page 13 de ce
qu'on vous a lu tout à l'heure, des avantages que cela pourrait
comporter. Cela diminuerait le nombre d'intermédiaires, par exemple,
d'où les délais que les agriculteurs connaissent actuellement
lorsqu'ils effectuent des demandes auprès de l'office ou de la
société, surtout au niveau de l'Office du crédit
agricole.
Ce serait l'unique canal aussi par lequel le gouvernement pourrait faire
passer ses politiques, au lieu d'avoir à contacter un peu tout le monde.
C'est contenu dans ce que l'on a dit tout à l'heure, mais je voudrais
revenir au début de votre question. Je ne suis pas tout à fait
d'accord dans le sens que vous avez dit qu'on prend de l'argent, qu'on le met
de côté et que cela ne change absolument rien. On pense que cela
changerait des choses au niveau de la bonification des taux
d'intérêt; avec le système qu'on propose, cela serait
éliminé. Le gouvernement, actuellement, donne des bonifications
au niveau des taux d'intérêt et perd de l'argent au niveau des
abris fiscaux. Lorsqu'un agriculteur, par exemple, vend sa ferme, il
achète des abris fiscaux. Le gouvernement perd un certain revenu
à partir de cela. En plus, il bonifie les taux d'intérêt
aux agriculteurs. Si, avec la banque agricole, il n'y a plus aucune
bonification des taux d'intérêt, les abris fiscaux demeurent,
mais, là, les abris fiscaux pour les agriculteurs qui se retirent, ce
serait de l'argent économisé, mais pour l'agriculture et non pas
pour Alcan, parce que les agriculteurs investissent dans l'Alcan ou autre
chose.
Le Président (M. Vallières): Très bien. La
parole est maintenant au député de Champlain.
M. Gagnon (Champlain): Je voudrais, au nom de ma formation
politique, vous remercier de votre mémoire. Je le trouve très
intéressant, parce que j'ai eu l'occasion de travailler dans quelque
chose de semblable. Lorsqu'on dit que cela ne changera rien, effectivement,
vous venez de souligner certains points qui valent la peine d'être
approfondis. Si on regarde le système français, par exemple,
l'intérêt qu'il a créé entre les gens des villes et
de la communauté agricole, les agriculteurs, le fait qu'il y ait une
incitation pour que les gens viennent déposer à cette caisse,
cela crée un certain lien, à mon point de vue, qui manque
peut-être actuellement.
Je pense que je n'ai pas grand temps à ma disposition, mais je
trouve intéressantes les questions... Je pense que plusieurs ont
trouvé cela intéressant. L'idée a déjà
été lancée. J'ai eu l'occasion, à une couple de
reprises, d'entendre le ministre de l'Agriculture dire: Ce sera peut-être
une solution et, à ce moment-là, il pensait, entre autres, aux
pêcheries dans un coin où les pêcheurs avaient de la
difficulté à moderniser leurs usines, à trouver les fonds
nécessaires, alors qu'une caisse semblable pourrait permettre au milieu
d'y investir de l'argent, de trouver l'argent nécessaire.
Je vous remercie infiniment et je vous jure que ce mémoire va
être approfondi très
certainement. Merci beaucoup.
Le Président (M. Vallières): Très bien.
Merci, M. le député de Champlain. Je veux également
remercier les gens qui nous ont présenté ce mémoire, les
gens de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de
l'Université Laval. Je veux vous indiquer que vous pourrez suivre
maintenant l'évolution de nos travaux, afin de savoir ce que nous aurons
fait du travail que vous avez accompli. Nous vous remercions. C'est grâce
à la collaboration d'organismes comme le vôtre qu'on va
réussir à approfondir certaines solutions à certains
problèmes qu'on a présentement dans le secteur agricole. Je pense
que c'est un voeu qu'on a généralement. Alors, nous vous
remercions beaucoup de votre contribution à nos travaux et nous
espérons vous rencontrer à une autre moment pour vous entendre
à nouveau. C'est très instructif.
M. Marcotte: Alors, on veut remercier tous les membres qui sont
venus nous entendre, cet après-midi. Merci.
Le Président (M. Vallières): Très bien. Je
veux indiquer aux membres de la commission que nous nous revoyons demain,
à 10 heures, à l'hôtel Le Président, à
Sherbrooke.
Alors, la commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures,
à Sherbrooke. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 9)