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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le jeudi 14 mars 1985 - Vol. 28 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la relève, le financement et l'endettement agricoles au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Le mandat de la commission consiste à procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur les aspects de la relève, du financement et de l'endettement agricoles au Québec.

Les membres de la commission pour cette séance sont les suivants: MM. Baril (Arthabaska), Beaumier (Nicolet), Beauséjour (Iberville), Dubois (Huntingdon), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Houde (Berthier), Lévesque (Kamouraska- Témiscouata), Maltais (Saguenay), Picotte (Maskinongé), Proulx (Saint-Jean), Vallières (Richmond). M. Mathieu (Beauce-Sud) est remplacé par M. Assad (Papineau).

Je voudrais inviter immédiatement le premier groupe à se présenter. Il s'agit du Comité provincial des femmes en agriculture. Je veux, à ce moment-ci, vous souhaiter la plus cordiale bienvenue à ces audiences. Je vous remercie à l'avance pour le témoignage que vous rendrez. Je souhaite également la bienvenue à cet imposant groupe de représentantes des agricultrices du Québec. Soyez assurées que tous les parlementaires autour de cette table sont très heureux de votre très forte participation et ont hâte de pouvoir échanger avec vous des propos sur vos diverses revendications. Là-dessus, je demanderais à la présidente, Mme Ferron, de bien vouloir présenter l'équipe qui l'accompagne.

Comité provincial des femmes en agriculture

Mme Ferron (Luce): Bonjour! Le Comité provincial des femmes en agriculture désire remercier la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour le temps mis à sa disposition. Notre comité représente les femmes travaillant en agriculture, soit comme productrices ou comme collaboratrices. Nous sommes heureuses de vous présenter ce mémoire qui constitue une étude fondée sur les besoins spécifiques des femmes et non sur les principes économiques. Égalité et légalité, voilà notre principal objectif.

Je salue chaleureusement toutes les femmes qui se sont déplacées pour venir ici. Leur présence vient confirmer leurs besoins et leurs intérêts. C'est un appui très précieux aux demandes citées dans ce mémoire.

Permettez-moi de vous présenter deux personnes qui ont travaillé avec acharnement à la rédaction du document. J'ai nommé, à ma droite, Mme Lise Sarrazin, vice-présidente du comité, et Mme Hélène Robert, membre de l'exécutif. Toutes deux, responsables du dossier, sont disponibles pour répondre à vos questions après la lecture du mémoire. Je demanderai donc à Mme Sarrazin d'orienter la discussion.

En terminant, M. le Président, permettez-moi de vous demander... Vous avez présenté les membres de la commission, mais je crois que les dames ici présentes ont manifesté le désir de vous connaître. Je ne sais pas si c'est possible, mais on aimerait bien que chacun puisse se présenter.

Le Président (M. Vallières): Oui, avec plaisir. On pourrait commencer à mon extrême droite avec le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Bonjour, madame. Jacques Baril, député d'Arthabaska.

M. Beauséjour: Jacques Beauséjour, député d'Iberville.

M. Gagnon (Champlain): Marcel Gagnon, député de Champlain.

M. Picotte: Yvon Picotte, Maskinongé.

M. Houde: Albert Houde, Berthier.

M. Vallières: Yvon Vallières, Richmond.

Mme Ferron: Merci. Je cède donc la parole à Lise.

Mme Sarrazin (Lise): Je pense bien qu'il serait bien, dans un temps... Ce matin, nous avons une présentation pour notre mémoire. Si M. Arsenault voulait remettre à chacun des membres de cette commission notre présentation officielle de ce matin.

Le Président (M. Vallières): Je peux peut-être vous indiquer que, pour vous situer un peu dans l'horaire, nous devrions, aux

environs de midi, terminer avec votre groupe puisque pour treize heures, il faut avoir terminé avec un autre groupe. Donc, présentez votre mémoire dans les plus brefs délais permettant le plus possible d'échanges de vues avec les membres de la commission. Mme Sarrazin, est-ce que le document que vous nous présentez, ce matin, comporte des modifications par rapport à l'original que la commission avait reçu?

Mme Sarrazin: Le texte reste le même. C'est une présentation plus soignée que nous vous présentons.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Très bonne présentation d'ailleurs.

Mme Sarrazin: Merci.

Le Président (M. Vallières): Alors, il faut y aller.

Mme Sarrazin: D'emblée, il nous semble important de préciser que nous ne sommes pas venues ici en tant qu'épouses d'agriculteurs ou mères de la relève. Non. Nous sommes devant vous aujourd'hui comme professionnelles de l'agriculture trop souvent non reconnues. C'est à ce titre que nous exposerons nos positions prises par les femmes qui travaillent en agriculture.

La société et les pouvoirs publics ont trop souvent négligé ou minimisé l'importance du travail des femmes. Pour notre part, nous n'hésitons pas à dire que c'est au travail gratuit de la famille et principalement des femmes que nous devons l'alimentation bon marché dont le Québec a joui depuis longtemps, ainsi que l'agriculture modernisée qui fait votre et notre fierté.

Déjà nos grands-mères et celles qui étaient là avant elles étaient impliquées dans une agriculture qu'on qualifie de traditionnelle. Le travail agricole était alors peu séparé du travail domestique. Il en était de même des travaux de la femme et de l'homme. L'élaboration et la transformation des produits de la ferme complétaient les activités de culture et d'élevage. La femme et l'homme y occupaient des fonctions complémentaires. Les produits vendus étaient peu importants et ne pouvaient être identifiés à l'un ou l'autre des conjoints. Tous et toutes travaillaient sans attendre de rémunération en assurant ensemble leur survie.

Lorsque la transformation des produits agricoles quitta la ferme et que la machinerie vint augmenter le niveau de la production que l'on vendait, quelques-uns se firent une fierté de dire qu'ils pouvaient se passer de leur femme sur la ferme et la renvoyèrent à ses chaudrons. Les tâches avaient en réalité changé et, bien vite, ils durent s'apercevoir que les femmes demeuraient encore indispensables. On disait encore, dans les années cinquante et soixante, qu'une ferme ne pouvait pas arriver sans une "bonne femme d'agriculteur".

Alors que les hommes devenaient des agriculteurs et, bientôt, des producteurs agricoles, leurs compagnes de travail devenaient de plus en plus des femmes de... et des épouses de...

Nous nous occupions alors des tâches nouvelles et tout à fait secondaires, direz-vous: la comptabilité, les rapports avec les vendeurs, la mise en marché, toutes les fonctions qui ne sont pas occupées par le premier venu dans toute entreprise bien organisée. Il faut enfin dire que l'on reconnaissait nos compétences dans l'élevage, l'horticulture, l'entretien de l'équipement, de même que notre disponibilité durant les périodes de pointe, le soir, la fin de semaine, lorsqu'il y a des réunions et quand ça va mal.

Mme Robert (Hélène): Il a fallu qu'une enquête écrive noir sur blanc ce que tout le monde savait pour qu'on commence à tenir compte de notre apport. Après avoir aidé nos conjoints à s'organiser depuis 60 ans, nous avons repris le collier pour se réunir, se structurer et revendiquer au nom des femmes qui travaillent en agriculture au Québec. Nous représentons, ici aujourd'hui, le Comité provincial des femmes en agriculture regroupant les quatorze comités régionaux et représentant des milliers de femmes de tout le Québec. Parmi nos grands dossiers, nous sommes heureuses de venir vous présenter la position exprimée par les femmes sur le financement, l'endettement et la relève.

Le financement. Nous déplorons que les taux d'intérêt qui nous sont imposés soient toujours supérieurs au taux de rentabilité de l'agriculture. L'écart entre ces deux taux est comblé par une réduction de la qualité de vie des familles agricoles et, en particulier, des jeunes familles qui ont à faire face en même temps à de très gros emprunts et aux responsabilités de jeunes enfants.

Nous souhaitons vivement une amélioration de cette situation générale et voudrions vous entretenir aussi de trois situations particulières, soit la • subvention initiale de 8000 $ actuellement, le prêt de 50 000 $ et l'attitude des officiers du crédit.

Une subvention discriminatoire. Si vous êtes deux frères et que vous vous établissez en agriculture, vous avez tous les deux droit aux 8000 $ de subvention d'établissement. Si vous êtes mari et femme ou simplement en union de fait, eh bien, n'y comptez pas, vous n'en aurez qu'une. Cette situation a déjà été reconnue comme discriminatoire, mais on ne peut, semble-t-il, rien y faire. De toute façon, dit-on, la politique sera révisée pour le 31 décembre 1985. Vous nous direz

qu'étant donné que nous avons déjà beaucoup attendu nous pouvons attendre encore une année de plus. Nous ne sommes pas d'accord. Nous pensons que nous avons suffisamment attendu. Les droits et la reconnaissance des femmes sont en jeu de même que leur participation égale et légale dans l'entreprise agricole. Quelle est cette soi-disant politique en faveur de l'entreprise agricole qui fait intervenir dans son application les liens matrimoniaux ou de fait?

La subvention de 8000 $ aux femmes est primordiale pour la somme obtenue, mais plus encore. Dans notre société où on fait encore des dons d'homme à homme, ces 8000 $ sont souvent pour la jeune femme le capital qui lui permettra d'avoir accès à une part de la propriété de l'entreprise. Et, de là, c'est l'accès à la reconnaissance, au statut.

Le prêt de 50 000 $. Le prêt de 50 000 $ offre des avantages certains aux jeunes femmes qui s'établissent en agriculture. Cependant, il peut être moins avantageux pour les femmes qui décident de former une société avec leur mari. Il oblige souvent la liquidation des anciens emprunts de la ferme, contractés à un taux avantageux. La subvention de 8000 $ permet, d'autre part, à la femme d'avoir un capital propre comme l'a souvent l'homme grâce à un don père-fils. S'il y a révision de cette politique, les femmes en agriculture veulent, premièrement, le maintien des deux possibilités, le prêt sans intérêt ou la subvention et, dans ce cas, une rétroactivité pour celles et ceux qui n'y ont pas eu droit; deuxièmement, une politique égalitaire qui, au lieu de se fier sur la présence ou non de liens matrimoniaux, traitera également celles et ceux qui veulent travailler en agriculture.

Ceux qui appliquent les politiques. Mais à quoi bon avoir des politiques ou des règlements justes, pour nous, si ceux qui les appliquent sont remplis de préjugés sexistes? Un travail énorme est à faire auprès de la profession d'officiers du crédit, comptables et autres fonctionnaires du gouvernement pour leur apprendre à travailler avec les femmes. Bien que ces professionnels soient à même, de par leur travail, de savoir que c'est souvent nous qui remplissons les tâches reliées à la gestion de nos entreprises, ils se conduisent souvent comme si nous n'étions que des "helpers". La liste des tracasseries, mesquineries, des mauvaises volontés, des propos déplacés, incrédules, sexistes est longue au crédit agricole envers les femmes. Un très grand nombre de femmes qui y ont eu affaire peuvent en témoigner.

Changer les mentalités est un processus long quand on s'en occupe. Et quand on ne s'en occupe pas... L'éducation, les règlements clairs, les procédures standard sont des éléments de solution à introduire ou à améliorer, mais une autre solution consiste à accroître la présence des femmes à tous les niveaux. Répondez-nous: combien y a-t-il d'officières du crédit à l'Office du crédit agricole? Combien y a-t-il de femmes aux postes de responsabilité et d'autorité au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec? Espérons que le MAPAQ n'est pas à l'image de votre commission en ce qui concerne la représentation féminine. La présence des femmes ne règle pas tout, mais elle fait voir au moins que les femmes ont leur place à tous les niveaux dans l'agriculture.

En attendant que tous les officiers de l'Office du crédit agricole soient débarrassés de tout sexisme, nous demandons pour toute emprunteuse la possibilité de choisir l'officier ou l'officière avec lequel ou laquelle elle veut travailler.

Mme Sarrazin: L'endettement. Comme l'a encore démontré récemment l'enquête de la Société du crédit agricole, l'endettement agricole est devenu massif, et encore ne voyons-nous que la pointe de l'iceberg. L'endettement pour les femmes signifie la détérioration des conditions de vie et de travail. Les charges financières nécessaires viennent entraver un budget familial déjà maigre, augmenter le stress, les dépressions nerveuses sont de plus en plus fréquentes, et détériorer l'ensemble des conditions de vie des agricultrices et de leur famille.

De plus, l'endettement signifie l'augmentation de la tâche de travail, du temps de travail gratuit. On ne sera pas alors surpris de voir augmenter les accidents du travail et les décès qui font aujourd'hui de l'agriculture l'une des professions les plus dangereuses au Québec. Nous participons au travail et nous participons aux risques. Nous voulons protéger notre vie, notre santé mentale et physique, celle de nos partenaires, ainsi que celle des enfants que l'on porte et que l'on élève. En étirant la journée de travail bien au-delà de la semaine de 40 heures, l'endettement porte atteinte à notre intégrité. (10 h 30)

La remise en cause de l'endettement implique aussi la remise en cause du genre d'agriculture que les politiques gouvernementales ont favorisé depuis quelques décennies. Nous sommes de plus en plus sceptiques sur le modèle de ferme basé sur une expansion rapide et un surinvestissement en terres, bâtiments, animaux, quotas que nous avons vu. On a voulu développer l'agriculture plus vite que les marchés. Pour pénétrer ce marché, il aurait peut-être mieux valu améliorer l'utilisation du capital que l'on avait déjà, utiliser les capacités excédentaires, améliorer l'organisation du travail plutôt que de penser à du plus neuf, du plus gros, du plus cher. Ne vient-on pas, aux États-Unis, de conclure que

l'investissement le plus rentable en agriculture reste toujours la formation?

Les femmes, nous sommes maintenant prêtes à nous endetter beaucoup plus auprès du ministère de l'Éducation qu'auprès de l'Office du crédit agricole. Cela nous paraît drôlement plus rentable.

L'endettement des fermes a aussi une autre conséquence grave pour les femmes. Lorsque notre surtravail gratuit ne suffit plus pour rejoindre les deux bouts, c'est au travail hors-ferme que nous devons avoir recours. Selon notre information, c'est à cette limite que sont rendus beaucoup de nos collègues, environ 15%, selon une étude de 1981. Nous devons quitter notre profession en agriculture pour un travail extérieur ou bien ajouter à notre travail domestique et agricole une autre journée de travail.

De plus, le travail extérieur, c'est la négation de notre travail agricole, de notre participation dans l'entreprise, de notre reconnaissance. Alors que l'on part travailler à l'extérieur pour parer au manque de rentabilité de l'entreprise pour vaincre son endettement, notre apport pécuniaire est ignoré sinon dans l'esprit, dans les faits, dans la propriété et dans le statut. Notre apport extérieur ne participe pas au capital de l'entreprise bien qu'il serve à remplacer le salaire et le profit que l'entreprise ne génère pas.

Beaucoup d'agricultrices secrétaires, d'agricultrices enseignantes, d'agricultrices infirmières font vivre l'agriculture québécoise. Qu'en retirent-elles? Parfois très peu financièrement. De plus, leur surcharge de travail les éloigne de la gestion des entreprises qu'elles se démènent à sauver. C'est ainsi que l'agriculture québécoise se prive d'une partie très importante de ses ressources.

Nous savons aussi que l'amélioration de la rentabilité n'est pas chose facile à réaliser. C'est pourquoi nous souhaitons que l'ensemble du milieu agricole, et non pas seulement sa moitié, participe à la recherche de solutions.

En conséquence, nous demandons au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec de mettre en place un conseil consultatif permanent où siégeraient des agricultrices en nombre majoritaire, naturellement, devant servir à analyser les impacts des politiques agricoles et à en définir de nouvelles.

Mme Robert: La relève. Sur le thème de la relève, nous appuyons les démarches de la Fédération de la relève agricole, mais nous ne sommes pas venues ici comme mères, bien que nous soyons préoccupées par les possibilités d'établissement de nos enfants. Avant de penser à la prochaine génération, nous voulons nous attarder à la génération actuelle de femmes travaillant en agriculture et le premier établissement qui nous intéresse aujourd'hui, c'est l'établissement tardif dans leurs droits et leur statut des femmes qui pratiquent l'agriculture depuis cinq, dix ou quinze ans et plus. Tant que la relève sera une affaire père-fils, les femmes devront faire leur place après coup. Actuellement, les discussions sur la relève tiennent peu en ligne de compte la spécificité des femmes. Les lois, les règlements, les politiques, les mentalités et les professionnels pensent à la tradition du père-fils, comme nous l'avons vu avec les 8000 $.

On se fait dire souvent que, financièrement, c'est plus avantageux que l'homme agisse seul. Quand aurons-nous des politiques agricoles et une diffusion de celles-ci qui correspondent à la réalité de l'agriculture où les femmes et les hommes travaillent en complémentarité? Il n'est jamais avantageux pour une équipe que l'un des membres soit désavantagé. Il faut dès maintenant renverser les situations et corriger les injustices pour des milliers de femmes en agriculture. Il faut favoriser la relève, c'est-à-dire donner accès à la propriété et aux décisions, reconnaître l'apport du travail des femmes.

Rendons-nous bien compte que les conditions d'établissement des femmes en agriculture sont différentes de celles des hommes. Elles sont spécifiques.

Contrairement aux hommes, elles bénéficient rarement de dons significatifs. Ainsi, lorsqu'elles achètent une ferme, elles sont reléguées aux productions les moins rentables. C'est tout ce qui est possible. Autrement, les femmes s'établissent avec un conjoint. Comment alors espérer une solution égalitaire sans contrepartie au don père-fils que reçoit le conjoint? Comment participer a la propriété sans avoir un statut et une reconnaissance de son apport antérieur? C'est ici qu'une politique non discriminatoire, qui tient compte de la situation réelle des femmes, peut être utile.

Deux règles saines devraient présider à toute élaboration de politique. Quand vous ferez une politique, il faudrait que toujours ces deux règles soient très bien tenues. Premièrement, cette politique permet-elle qu'un homme et une femme qui agissent conjointement soient dans la situation la plus avantageuse à tous les points de vue? Deuxièmement, étant donné les conditions spécifiques où se trouvent les femmes qui travaillent en agriculture, cette politique leur est-elle autant accessible qu'aux hommes?

Mme Sarrazin: En conclusion, que l'on parle de crédit, de relève ou de conséquences de l'endettement pour les femmes travaillant en agriculture, on se bute constamment sur le même problème, celui de leur place difficile dans l'agriculture et dans

l'entreprise. La jeune femme qui s'installe en agriculture, souvent, ne reçoit pas de dons ni de subventions; donc, pas de capital, pas de part à la propriété. Si elle travaille à l'extérieur, on ne la considère pas en agriculture, même si ce travail pare à un manque de revenus et à l'endettement massif de la ferme. Elle est acculée au statut de travailleuse agricole non rémunérée qui est loin, mais vraiment loin de correspondre à la réalité.

Quel homme accepterait pareille situation si la loi et les politiques faisaient obligatoirement les femmes propriétaires? Aucun, et avec raison. Alors, pourquoi le demander aux femmes? Imaginons plutôt des femmes vivant leur égalité dans la légalité au sein d'une grandiose politique agro-alimentaire.

Le Président (M. Vallières): Merci, mesdames.

Mme Sarrazin: En terminant, M. le Président...

Le Président (M. Vallières): Oui.

Mme Sarrazin:... j'aurais une petite chose à ajouter. Je pense qu'il y a deux préoccupations qui sont fondamentales pour nous, les femmes en agriculture, et que nous désirons voir devenir vôtres: c'est l'égalité des femmes face au crédit agricole et deux points retiennent notre attention, parce que ce sont des besoins très profonds: les 8000 $ de subvention à l'établissement et l'attitude des fonctionnaires.

Le Président (M. Vallières): Merci beaucoup. Pour répondre à votre demande initiale, je voudrais vous présenter deux nouveaux collègues qui se sont joints au groupe: M. Dupré, vice-président de la commission et député de Saint-Hyacinthe, et M. Beaumier, du comté de Nicolet. Là-dessus, la parole est maintenant au député de Champlain.

M. Gagnon (Champlain): Merci, M. Je Président. Au nom de ma formation politique, je voudrais vous remercier sincèrement pour le mémoire extraordinaire que vous venez de nous présenter. M. le président m'a fait peur tantôt lorsque, plutôt que de me donner la parole, il a dit: Pour répondre à vos préoccupations ou à vos questions... J'ai alors pensé qu'il me donnait la parole tout de suite pour répondre et trouver la solution à tous vos problèmes. Je pense que j'aurais eu de la difficulté à le faire.

J'ai la certitude que votre mémoire... D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que j'entends des mémoires de votre groupe et ils sont toujours fondés sur des faits extrêmement concrets, des faits qui font peut-être mal, mais il faut être capable de réaliser que ce que vous dites est parfaitement vrai, et ce, dans toutes les pages de votre mémoire.

Il est bien évident que vous avez terminé en disant: Nous voudrions changer les mentalités, nous voudrions avoir accès, par exemple, aux subventions, au même titre que les hommes, et nous voudrions voir plus de femmes - si j'ai bien compris - au sein de l'Office du crédit agricole pour pouvoir choisir ceux avec qui on transige au sein de cet organisme.

J'ai quand même l'impression qu'on a fait un bout de chemin. C'est clair que ce n'est pas suffisant et, à lire votre mémoire, il est évident qu'il reste un bon bout de chemin à faire. Dans l'immédiat, je voudrais vous assurer que ce mémoire va être transmis à notre collègue, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, et j'ai l'impression qu'il y a là beaucoup de travail non pas à amorcer, parce qu'à mon point de vue c'est déjà fait, mais au moins une réflexion à poursuivre rapidement.

Lorsque vous parlez du traitement que vous avez auprès de l'Office du crédit agricole, d'après ce que je peux voir, vous avez un traitement qui vous discrimine constamment. J'aimerais vous poser la question si tout de même, au cours des dernières années, il y a eu amélioration. On reçoit ici des gens de l'Office du crédit agricole qui nous assurent qu'il n'y a pas de discrimination. On entend et on a entendu aussi hier des représentantes de la gent féminine, des travailleuses en agriculture, nous dire qu'effectivement non seulement c'est faux qu'il n'y a pas de discrimination, mais qu'il n'y a pas de grosses corrections qui sont apportées jusqu'à maintenant. Est-ce que récemment, au cours des derniers mois ou des dernières années, vous avez vu une amélioration de ce côté?

Mme Sarrazin: J'aimerais que vous précisiez votre question.

M. Gagnon (Champlain): Par rapport à la discrimination qui existe à l'Office du crédit agricole, lorsqu'une femme s'établit en agriculture, par exemple.

Mme Sarrazin: La discrimination qui est là présentement, qui nous touche le plus, c'est la discrimination au sujet de la subvention des 8000 $, la prime à l'établissement, lorsqu'un mari et une femme forment une société. À ce moment, il y en a seulement un qui peut avoir droit à la subvention, alors que, si vous étiez, comme on le dit dans notre mémoire, deux frères ou le frère et la soeur, et ainsi de suite, vous avez tous les deux droit à cette subvention. C'est là une discrimination qui est très

présente par rapport è cette subvention.

M. Gagnon (Champlain): En ce qui concerne les officiers. Plusieurs groupes nous ont parlé du choix des officiers, de la difficulté de s'entendre avec les officiers à l'Office du crédit agricole. Je ne sais pas si c'est vous, mais vous demandiez s'il y avait un nombre d'officiers ou d'officières, ou d'inspecteurs féminins à l'Office du crédit agricole. Je sais qu'il y en a quelques-unes. Vous trouvez que cela ne va pas assez vite. Est-ce que vous avez eu des contacts? Est-ce que, parmi vous, il y a des gens qui ont eu la chance de traiter avec l'Office du crédit agricole, mais partant de personnes féminines pour étudier les dossiers des femmes?

Mme Sarrazin: Mme Robert va répondre à la question.

Mme Robert: Non, je ne connais pas de cas de femmes qui auraient traité directement avec des officières. Est-ce là votre question, si je connais des cas de femmes qui ont traité avec des officières?

M. Gagnon (Champlain): Oui.

Mme Robert: Non, je n'en connais pas.

M. Gagnon (Champlain): Je sais qu'au niveau de la Mauricie, entre autres, il y a maintenant des femmes qui travaillent à l'Office du crédit agricole. Il doit y en avoir aussi au niveau des autres régions du Québec. J'ai moi-même eu l'occasion de rencontrer ces femmes. Vous n'avez pas vu d'amélioration par rapport à cela. Donc, il n'y en a pas assez ou vous n'avez pas eu l'occasion de les rencontrer. (10 h 45)

Mme Robert: Comme on l'a dit dans notre mémoire, la présence des femmes ne règle pas nécessairement tout. On dît que la présence des femmes pourrait améliorer des choses, mais il reste que la formation des conseillers ou des conseillères reste quelque chose à perfectionner. Je pense qu'à l'heure actuelle nos conseillers ont développé des compétences au niveau juridique, au niveau des chiffres, au niveau de l'organisation, mais, au niveau des relations humaines, les compétences n'ont peut-être pas été développées. Je ne crois pas que la formation là-dessus soit très accentuée à l'heure actuelle. Je me demande même s'il en existe une. C'est plutôt une compétence de bien remplir les paperasses et de bien répondre aux normes, ce qui fait qu'au niveau des relations humaines c'est assez faible.

M. Gagnon (Champlain): En fait, c'est un changement de mentalité, c'est un changement de relations humaines que vous demandez. Vous avez raison de dire que, même si des femmes occupent un poste, tant que les mentalités au niveau du ministère et les lois ne favoriseront pas davantage la femme ou discrimineront la femme, cela n'amènera pas un gros changement.

Mme Sarrazin: Pour nous autres. Il me paraît très important de préciser une choset pour nous autres, que ce soit un homme ou une femme, cela n'a pas d'importance. Tout ce que nous voulons, c'est que les conseillers et les conseillères qui nous répondront aient la compétence voulue et la formation pour bien nous comprendre, surtout qu'ils jouent bien leur rôle, c'est-à-dire que nous sommes des clientes. C'est en ce sens que, nous autres, les femmes en agriculture, nous nous adressons à l'Office du crédit agricole. Nous sommes des clientes et nous voulons être perçues comme cela. Que ce soit un homme ou une femme, l'important, c'est qu'on joue bien son rôle. C'est ce que nous voulons des officiers de l'Office du crédit agricole.

M. Gagnon (Champlain): Je vais passer la parole à quelqu'un d'autre, parce que votre mémoire est clair et assez limpide, je pense, pour qu'on puisse savoir exactement quelle est votre situation et ce que vous voulez. Je reviendrai peut-être tantôt avec d'autres questions, mais je vous remercie infiniment de cette présentation et je peux vous assurer que non seulement votre mémoire sera bien enregistré à la commission et qu'on va en tirer des conclusions, mais que Mme la ministre déléguée à la Condition féminine aura aussi copie de cette réflexion.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je vais vous présenter deux nouveaux collègues qui sont maintenant parmi nous: le député de Papineau, M. Assad, à ma gauche, de même que le député de Kamouraska-Témiscouata, M. Lévesque, à ma droite. Là-dessus, la parole est au député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion à quelques reprises de rencontrer des représentantes de votre groupe afin de discuter de façon plus détaillée encore de certains de vos problèmes. J'ai aussi l'avantage de compter, parmi mes électrices, votre présidente, Mme Ferron. Nous avons eu aussi plusieurs discussions. Entre autres, je me rappelle une exposition à Saint-Barnabé, une exposition de district, où vous aviez organisé des rencontres avec des professionnels dans le but de mieux sensibiliser les gens à ce problème bien précis. C'est la raison pour laquelle je suis heureux ce matin de constater que, finalement, lorsqu'on lit bien

votre mémoire et qu'on l'examine, cela fait référence à plusieurs problèmes qui existent depuis déjà trop longtemps et depuis fort longtemps.

J'aimerais poser une question d'ordre général, au départ. Hier, un groupe est venu nous rencontrer, l'Association des femmes collaboratrices. Quelles sont vos relations avec d'autres groupes? Existe-t-il d'autres groupes que celui de l'Association des femmes collaboratrices et le vôtre? Avez-vous aussi certaines relations avec des groupes pouvant exister dans d'autres provinces? Je ne sais pas si vous êtes allées jusque-là ou si vous avez remarqué qu'un peu partout c'est le même genre de problèmes qui existe. J'aimerais vous entendre parler davantage de ce point de vue.

Mme Ferron: Pour ce qui est des relations avec l'Association des femmes collaboratrices, parce que vous le mentionnez, comme je vous le disais, les femmes collaboratrices, c'est un groupe. La définition de la femme collaboratrice, c'est la femme qui travaille dans l'entreprise avec son mari, mais ce ne sont pas nécessairement toutes les femmes en agriculture. On s'occupe de législation, si on peut dire, parce que vous avez les femmes des petites et moyennes entreprises qui sont des collaboratrices aussi, ou de sociétés ou compagnies dans d'autres entreprises. Tandis que nous, du comité des femmes en agriculture, nos problèmes sont spécifiques à l'agriculture.

Pour ce qui est des autres provinces, je peux vous dire que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas de comité de femmes en agriculture au niveau du pays. Par contre, nous avons participé l'année dernière à la conférence agro-alimentaire à Guelph où nous avons pu échanger avec d'autres femmes.

M. Picotte: Vous avez dû remarquer, j'imagine, que ce sont sensiblement les mêmes problèmes un peu partout.

Mme Ferron: II y a des problèmes chez les femmes au niveau mondial, mais il y a un désir des femmes de se prendre en main et de demander des changements.

M. Picotte: D'accord. Tantôt, vous avez fait référence - je pense que le député de Champlain en a parlé aussi - à la façon dont vous étiez reçues en certaines occasions par des officiers, et même de certains propos, et tout cela. Je ne voudrais pas revenir là-dessus. On sait que cela existe, d'autant plus que de la façon dont vous l'avez dit ce matin, c'est tellement précis votre affaire que, finalement, c'est une situation à corriger.

D'autre part, quelles sont les revendications? D'abord, y en a-t-il eu? Si oui, quelle sorte de réception avez-vous eue du côté du MAPAQ? J'imagine que les revendications que vous nous faites ce matin en commission parlementaire ont dû être faites à d'autres paliers, c'est-à-dire au niveau du ministère. D'abord, y a-t-il eu effectivement des revendications? Depuis combien de temps avez-vous reçu... Avez-vous corrigé, d'abord, certaines situations depuis le temps que vous faites des revendications au niveau du ministère? Vos relations avec le ministère?

Mme Sarrazin: Présentement, on peut dire que nous sommes un jeune groupe. Cela fait un an et demi environ que le comité provincial existe. Les revendications par rapport au crédit agricole qui ont été faites au MAPAQ viennent plutôt des régions, dans le sens que nous avons des assemblées générales et que nous avons maintes fois dit et répété les problèmes que nous avions face au crédit agricole, notamment face aux 8000 $, face à l'attitude des officiers, et ainsi de suite.

Maintenant, l'approche très directe avec le ministère de l'Agriculture a commencé au mois de décembre. Il y avait notamment une chose que l'on demandait depuis deux ans et qui a été obtenue au début de janvier, c'était une répondante au minis'tère de l'Agriculture pour travailler avec les femmes au sujet de la condition féminine dans ce ministère-là. Cela est un acquis depuis janvier.

M. Picotte: Y a-t-il d'autres recommandations qui ont été faites depuis ce temps-là? Est-ce qu'il y a eu d'autres revendications?

Mme Sarrazin: Nous les faisons aujourd'hui et nous espérons que vous influencerez le ministère de l'Agriculture.

M. Picotte: Dans un autre ordre d'idées, on s'est beaucoup questionné - je comprends que certaines questions vont déborder votre rapport, mais, comme on est en train d'examiner un ensemble de rapports depuis déjà quatre, cinq jours et qu'on a eu beaucoup d'organismes qui sont venus nous rencontrer, peut-être êtes-vous en mesure de nous préciser davantage certains points - on s'interroge beaucoup sur le genre de fermes qui devrait exister éventuellement au Québec. Moi, je suis l'un de ceux qui prétendent qu'on doit tendre de plus en plus à garder le type de la ferme familiale. Il est possible que vous ayez d'autres idées là-dessus.

Vers quel genre de fermes les femmes collaboratrices qui oeuvrent dans ce milieu et qui s'y connaissent beaucoup pensent-elles qu'on devrait s'orienter pour les années futures, pour vous permettre de réaliser ce

que vous demandez et pour que cela ne devienne pas de grosses compagnies, parce qu'à ce moment-là certaines de vos recommandations n'ont plus lieu d'être si cela devient de grosses compagnies et si vous faites partie à part entière de compagnies avec des parts et tout cela? Quel genre de fermes privilégie votre groupe? Vous êtes-vous penchées là-dessus? Avez-vous effectivement des réflexions à nous faire?

Mme Sarrazin: Le type de fermes que nous privilégions, si vous remarquez... Premièrement, j'aimerais faire une remarque. Les femmes en agriculture, ce n'est pas la même chose que les femmes collaboratrices. D'accord? J'aimerais faire une autre remarque. À la première page de notre mémoire, nous disons très bien que nous en avons notre soupe de travailler pour une agriculture à bon marché. Donc, l'agriculture de type familial que nous connaissons à l'heure actuelle, nous la remettons en question très profondément. Ce que nous privilégions, nous ne voulons pas la définir la ferme familiale, mais il y a une chose qui nous préoccupe là-dedans, c'est que nous voulons qu'à l'avenir les femmes et les enfants qui travaillent à juste titre sur une ferme soient rétribués pour le travail qu'ils font et qu'il y ait une rentabilité au bout de cela, parce que nous avons des besoins, parce qu'il y a des conséquences quand il n'y a pas de rétribution au travail et une reconnaissance de la part que les femmes font en agriculture. Or, la gratuité, comme cela se passe à l'heure actuelle, non, nous n'en voulons plus. Donc, une agriculture de ce type, nous la remettons en question, oui.

M. Picotte: Et vous privilégiez quoi, comme type d'agriculture, à ce moment-là?

Mme Sarrazin: Mme Robert.

M. Picotte: Un État plus interventionniste ou moins interventionniste?

Mme Robert: Votre question, c'est cela, si l'État devrait plus intervenir en agriculture ou moins, ou quel type d'organisation?

M. Picotte: C'est cela.

Mme Robert: En fait, ce qu'on privilégie avant tout, partant du problème qui a été soulevé par Lise quand elle disait que la ferme familiale qu'on a beaucoup galvaudée voulait dire que c'était une entreprise souple qui pouvait se relever souvent, je comprends, parce qu'il y avait un propriétaire et le reste qui travaillait pour rien. C'est souple et c'est de la main-d'oeuvre à bon marché. Le type d'entreprise, l'organisation qu'on privilégie, c'est l'entreprise, d'abord et avant tout, mari-femme. Qu'on trouve des politiques qui privilégient ce type d'entreprise. Rien n'empêchera, après coup, de parler d'association de deux entreprises mari-femme, etc., mais, avant tout, qu'on commence par cela, mari-femme.

L'intervention de l'État. Comme agricultrice, c'est certain qu'on veut vivre de l'agriculture, c'est-à-dire qu'on puisse opérer durant une année et, à la fin de l'année, dire: Nous avons vendu nos produits à un prix suffisamment élevé pour que, tout calculé, on puisse vivre sans travailler 90 heures par semaine et sans toujours être dans une insécurité épouvantable. C'est certain que, sans l'intervention de l'État, à l'heure actuelle, c'est utopique d'y penser.

Est-ce que les femmes favoriseraient une intervention accrue de l'État? Je pense qu'avec tout ce que vous avez entendu depuis le temps que vous siégez à la commission, on ne peut pas dire que la rentabilité de l'agriculture à l'heure actuelle est en bonne santé.

M. Picotte: Chose certaine, c'est qu'il faudrait arrêter de dire ou, en tout cas, de laisser comprendre aux citoyens que, lorsque l'État intervient en agriculture, ce sont des subventions qu'on donne aux agriculteurs. À mon avis, ce sont beaucoup plus des subventions aux consommateurs, parce que, finalement, si on n'intervenait pas en agriculture et si on ne donnait pas l'aide nécessaire, c'est le consommateur qui paierait à l'autre bout de la ligne. On n'intervient pas en agriculture pour défrayer l'agriculteur, mais on intervient pour défrayer le consommateur, pour qu'il y ait des prix raisonnables pour ses produits, en principe. Je pense que cette mentalité, il faudrait essayer de l'implanter de plus en plus, parce que c'est exactement ce qui existe. C'est cela, la réalité et non pas le contraire. (11 heures)

Vous faites aussi allusion, dans votre mémoire - je ne me souviens plus à quelle page, mais cela me revient à l'idée - au nombre de femmes qui sont agricultrices, c'est-à-dire qui collaborent amplement, avec de nombreuses heures dans la semaine, à l'agriculture, mais qui sont obligées de travailler à l'extérieur. Évidemment, cela se vérifie à plusieurs exemplaires, si je peux m'exprimer ainsi. Moi qui suis issu d'un comté rural et qui regarde de quelle façon fonctionnent les gens, il est vrai qu'il y a des agricultrices infirmières, professeurs, etc. Cela vous cause sans doute de nombreux problèmes, sûrement du côté du gardiennage, entre autres. Est-ce que vous avez pu faire une étude là-dessus? D'abord, à combien de personnes cela s'adresse-t-il? Quelle est la

proportion des femmes qui doivent aller travailler à l'extérieur pour tâcher d'aider à faire vivre la ferme, ce qui est tout à fait normal à mon point de vue? Finalement, quels sont les coûts inhérents au gardiennage ou à quoi que ce soit? Pourriez-vous expliciter cela davantage?

Mme Sarrazin: Les chiffres que nous avons sont ceux d'une enquête de 1981 qui a été publiée dans la Terre de chez nous, par Mme Dion. Ils donnaient le pourcentage de 15% comme indication. Mais, depuis 1981, je pense que je n'ai pas besoin de vous convaincre que la rentabilité de plusieurs productions en agriculture est drôlement à la baisse. Donc, c'est un phénomène que l'on voit de plus en plus et qu'on peut observer chez les jeunes couples.

Ce qui nous intéresse, nous les femmes en agriculture - c'est sûr qu'il y en a de plus en plus - c'est de dire qu'on ne veut plus faire cela, que cela cause des problèmes. Nous avons des besoins. Cela nous oblige à faire des triples journées de travail, le fait de travailler à l'extérieur.

M. Picotte: Est-ce que vous projetez de faire une enquête sur ces points? Est-ce que vous avez des projets d'enquête concernant des points particuliers et sur lesquels vous aimeriez avoir un peu plus de détails? Si oui, est-ce que c'est déjà en marche ou est-ce que vous avez l'intention d'en avoir?

Mme Sarrazin: Nous avons une enquête, dont les résultats seront publiés vers le mois de mai, sur le gardiennage et sur les besoins du gardiennage. Mais les besoins de gardiennage seront autant pour travailler à l'entreprise que lorsque vous êtes obligé d'aller à l'extérieur, etc. Les chiffres ne sont pas disponibles à l'heure actuelle. Cela vient tout juste de paraître.

M. Picotte: Une question en dehors de cela, puisqu'on parle d'enquête: j'aimerais savoir quelles sont vos sources de financement comme mouvement ou comme groupement. Ce sont sûrement les membres pour une bonne part, j'imagine. Est-ce que vous avez de l'aide du MAPAQ ou d'autres organismes?

Mme Sarrazin: Hélène.

Mme Robert: C'est que la question m'embête un peu.

M. Picotte: Ah! Si vous aimez mieux ne pas y répondre, ce n'est pas grave. Mais c'est parce qu'on aurait pu faire des pressions, si le MAPAQ ne s'implique pas assez, pour qu'il vous en donne plus, si jamais il vous en donne.

Mme Robert: C'est parce qu'ici on est sur le financement agricole. Le financement du comité...

M. Picotte: Oui, mais je vous demandais cela uniquement en comparaison, par exemple. Si votre organisme veut connaître certains points importants, à un moment donné, on est obligé de procéder par enquête. Quand on parle d'enquête, on parle forcément d'argent. Cela coûte des sous. Cela ne peut pas toujours être nécessairement des enquêtes maison, mais, de toute façon, c'était une question d'intérêt que je posais. On essaiera de savoir, lors de l'étude des crédits, si le ministre vous fournit quelque chose. Si jamais il ne vous en fournit pas, on essaiera de le convaincre de vous en donner ou on essaiera de le convaincre de vous en donner plus.

Vous avez aussi dit dans votre mémoire, et le député de Champlain semble d'accord avec moi, que les femmes seraient prêtes à s'endetter auprès du ministère de l'Éducation. Quelle formation vous conviendrait le mieux? Vous avez sans doute fait une évaluation de cette question. Quelle formation conviendrait le mieux? On a beaucoup parlé de la formation de notre relève, mais il y a aussi tout cet aspect de formation de la femme agricultrice, de ce que vous représentez. Pourriez-vous expliciter davantage votre pensée?

Mme Sarrazin: Si vous remarquez, nous faisons le lien entre formation et endettement. Endettement veut dire utiliser au maximum nos capacités de gestion. Or, selon l'enquête qui a été publiée en 1981, nous savons que, dans une proportion très importante, elles tiennent la comptabilité. Or, à partir de ce moment, nous pensons que les personnes les plus aptes à être formées et, si vous voulez, à répondre le mieux possible à un endettement moindre, plus petit, si on veut, et plus rentable, ce sont quand même les femmes. Je pense qu'il faut miser sur les ressources qui ont déjà une compétence, qui ont déjà une certaine formation et des acquis; je pense que ce sont les femmes en agriculture. Nous l'avons démontrée, notre compétence, et nous voulons continuer.

C'est dans ce sens que nous disons que la formation, il faut miser là-dessus, puisque l'endettement est aussi très souvent, il faut le reconnaître, un train dans lequel, comme agricultrices et agriculteurs, on accepte d'embarquer, mais il y a aussi toute l'influence de l'appareillage autour de nous qui nous incite à embarquer dans le train. Nous acceptons quand même comme agricultrices et agriculteurs, et la capacité de gestion nous paraît plus qu'importante. Cette capacité de gestion, on la développe avec de la formation.

M. Picotte: Vous avez fait allusion dans votre mémoire - je suis resté un peu surpris quand j'ai lu cela - aux tâches nouvelles tout à fait secondaires. C'est peut-être un point où je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, quand vous dites que c'est tout à fait secondaire. Je trouve qu'il y a certaines tâches là-dedans qui ne sont pas secondaires, mais qui sont d'une importance capitale. Exemple: la comptabilité. Je pense que la gestion de la ferme, c'est la femme qui la fait dans la majorité des cas au Québec. S'il y a une saine gestion du côté de ta ferme, forcément, la ferme va aller un peu mieux et cela va aller beaucoup mieux du côté de la comptabilité. Dans les relations avec les vendeurs, c'est la même chose, quand on achète quoi que ce sait.

 mon point de vue, et j'imagine que c'est aussi ce que vous avez voulu dire sans doute, ce sont des tâches primordiales et c'est probablement dans ce sens que vous vous dites prêtes à investir du côté du MEQ, du ministère de l'Éducation, pour vous perfectionner davantage et rendre chaque ferme encore plus rentable.

Je voudrais parler aussi de la subvention initiale de 8000 $. Je vous dirai pour ma part que je trouve votre remarque fort pertinente. Si on enlevait cette discrimination afin que la femme puisse bénéficier du montant de 8000 $, je pense qu'il est fort pertinent de dire que ce serait un point de départ vers l'accès, la reconnaissance du statut de la femme, de l'agricultrice. Il a déjà été question qu'on puisse abandonner ces 8000 $. Vous recommandez quoi? Vous recommandez que ces 8000 $ soient bel et bien reportés au 31 décembre. D'ailleurs, il y en a d'autres qui l'ont fait. Pourquoi n'est-ce pas suffisant, pourquoi ne pas vous contenter des 50 000 $ sans intérêt? Le choix doit rester; pourquoi doit-il rester? On nous l'a dit à quelques reprises sauf que, l'an passé, il était question que ce choix disparaisse, c'est-à-dire qu'on laisse uniquement les 50 000 $. Pourquoi est-il important que ce choix demeure?

Mme Sarrazin: Mme Robert.

Mme Robert: Je pense que les femmes ont été très claires dans leur mémoire là-dessus. Je tiens quand même à préciser que les 8000 $, c'est une façon de parler, ce n'est pas un chiffre fixe, cela ne veut pas dire qu'on veut 8000 $: 8000 $, c'est un point de repère. Quand on se parle entre nous, au lieu de parler de prime d'établissement ou de quelque chose du genre, on sort le chiffre de 8000 $. Cela pourrait être 50 000 $, 100 000 $, 125 000 $, je ne sais pas. On pourrait parler d'autres chiffres.

C'est très clair, les 50 000 $ ne constituent pas un capital de départ, tandis que la prime d'établissement pourrait, pour les femmes en agriculture, constituer un capital de départ. Pour nous, c'est très important que cette prime existe. Pour nous, ce serait une ouverture à l'accès à la propriété. C'est dans ce sens qu'il faut avoir une entrée. La prime d'établissement, accessible aux femmes comme telles, est très importante, primordiale.

M. Picotte: Vous parlez aussi d'une rétroactivité pour celles et ceux qui n'y ont pas eu droit. Cela veut dire quoi, une rétroactivité, dans votre esprit? Combien de temps en arrière? Cela pourrait s'appliquer pour combien de personnes, si effectivement vous l'avez fait en termes de recul de temps? Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus, ou si vous demandez une rétroactivité parce que vous voulez corriger une injustice qui existe depuis déjà longtemps? Qu'est-ce que cela veut dire "rétroactivité", finalement? Pour en revenir à quand?

Mme Sarrazin: Bon! Je pense qu'on a dit au début que, étant donné qu'on est un groupe qui décollait, il nous importait peu de mettre des chiffres. Nous ne les avons pas, mais l'office sait combien il y a de fermes au Québec qui sont en société. Je pense que l'office pourrait répondre à cette question-là. Ce n'est pas ce qui nous importe, nous autres, les femmes en agriculture. J'aimerais quand même signaler une chose et en profiter pour déposer un document d'un cas où cette subvention a été refusée, compte tenu du contexte mari et femme. Il y a des copies ici, si vous voulez en prendre connaissance.

M. Picotte: Sur la discrimination...

Le Président (M. Vallières): Juste une secondel Je voudrais vérifier avec Mme Sarrazin et m'assurer d'abord que la personne dont le nom apparaît sur la lettre est consentante à ce qu'il y ait dépôt officiel, parce que cela devient un document public à partir du moment où on en fait le dépôt officiellement.

Mme Sarrazin: Mme Potvin est ici dans la salle.

Le Président (M. Vallières): Mme Potvin est consentante à ce que cette lettre devienne une publication? Très bien. Le document est considéré comme étant déposé officiellement devant la commission.

M. le député de Maskinongé.

Mme Sarrazin: J'aimerais retenir votre attention sur la page 2, là où on parle de l'article 23 comme tel, où on fait mention de la raison pour laquelle cette subvention n'est pas accordée à l'heure actuelle dans la

loi. Si nous demandons la rétroactivité, nous la demandons depuis le début où il y a des sociétés, c'est-à-dire environ - comme je l'ai dit, je n'ai pas les chiffres - six ou sept ans au maximum.

Si on constate qu'actuellement il y a environ 2000 femmes productrices agricoles au Québec, cela veut dire qu'il n'y a quand même pas plus de 2000 fermes qui sont en société. À ce moment-là, il y a quand même des compagnies et des propriétaires uniques au sein de ces 2000 femmes productrices agricoles. Donc, cela vous donne une indication, mais je n'ai pas les chiffres plus que vous et l'office est capable de vous les remettre.

M. Picotte: Oui, je sais aussi que l'office est capable de me les remettre. Je ne mets en doute l'office d'aucune façon, mais vous me permettrez d'avoir certaines réticences quand je pose des questions à des offices ou des commissions quelconques du gouvernement. C'est trop facile de venir nous dire... C'est pour cela que je vous demandais cela. Je me dis que, si c'est possible pour vous d'avoir une enquête, même si c'est une enquête maison, pour nous donner un ordre de grandeur... C'est trop facile pour l'office de venir nous dire que cela touche X personnes, que cela va coûter X millions ou X centaines de mille dollars et qu'à partir de ce moment-là il ne peut pas défrayer cela. Quand on arrive avec des chiffres astronomiques comme cela, bien souvent les politiciens disent: II y a aussi une question de budget. Finalement, cela nous permet aussi de vérifier si les chiffres qui nous sont donnés sont dans un ordre de grandeur proportionnel et assez exacts. C'est dans ce sens-là que je vous demandais cela. Si c'est possible pour vous, à un moment donné, d'avoir certaines statistiques là-dessus, cela nous orienterait drôlement, plutôt que de se fier uniquement aux statistiques d'un seul groupe ou d'une seule personne.

Mme Sarrazin: Lorsque nous aurons ces statistiques, nous vous les ferons parvenir. Probablement que ce sera très bientôt. (11 h 15)

M. Picotte: Très bien. Je terminerai, pour laisser la chance à d'autres collègues -en me permettant peut-être d'y revenir, M. le Président, si besoin il y a - en faisant un commentaire. À la page 12, entre autres, vous dites: Je crois qu'être représentées à un comité permanent du MAPAQ où on analyserait les impacts des politiques agricoles et où on définirait les nouvelles politiques... Je pense que c'est très légitime et je souscris entièrement à cette demande de votre part. Non seulement j'y souscris, mais, à la fin de la commission, lorsque nous nous réunirons pour présenter un rapport global de nos travaux, j'essaierai de convaincre mes collègues d'en faire une recommandation lors de la préparation du rapport qui sera présenté à l'Assemblée nationale et, par le fait même, acheminé au ministre de l'Agriculture. Alors, je souscris entièrement à cette demande. Je vous remercie pour l'instant, quitte à revenir un peu plus tard avec d'autres questions, s'il y a Heu.

Le Président (M. Vallières): Merci. J'ai reçu une demande d'intervention du député d'Iberville.

M. Beauséjour: Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier pour les interrogations que pose votre mémoire. Dans un sens, cela vient s'ajouter à ce que nous avons entendu hier, dans le mémoire présenté par les femmes collaboratrices. Pour mieux comprendre votre action... Vous dites que vous existez comme groupe depuis un an et demi. Je crois que le groupe des femmes collaboratrices existe depuis environ un an et demi également. C'est cela?

Mme Sarrazin: Non. Le groupe des femmes collaboratrices existe depuis cinq ans, soit depuis 1980. Le Comité provincial des femmes en agriculture existe depuis janvier 1984.

M. Beauséjour: Est-ce que votre comité est décentralisé au niveau de groupes en région ou de groupes plus locaux, au niveau municipal, par exemple?

Mme Sarrazin: Mme Ferron.

Mme Ferron: Le comité provincial, comme on vous l'a dit au tout début du mémoire, est formé de quatorze représentantes, une pour chacune des régions, au niveau de I'UPA. Dans chaque région, il y a un comité régional qui existe actuellement.

M. Beauséjour: Merci. Je ne reviendrai pas en détail sur la question des fameux 8000 $, laquelle nous apportera certainement des réflexions pour aboutir à certaines conclusions. Il me semble qu'il y a tout un problème au niveau des statuts juridiques qui existent entre des sociétés - c'est possible, c'est un statut juridique reconnu - des compagnies. Je ne sais pas, l'autre a un statut qu'on pourrait peut-être appeler "femmes collaboratrices" ou "femmes en agriculture" qui ne me semble pas un statut juridique reconnu. Est-ce que cela voudrait dire que vous voudriez qu'il y ait un statut reconnu juridiquement?

Mme Robert: À l'intérieur du mémoire, comme vous avez pu le constater, nous n'avons pas abordé la question d'un statut juridique. Ce qu'on demande, c'est un accès

à la propriété qui entre à l'intérieur des statuts juridiques actuels. Ce qu'on demande, c'est une politique qui favorise l'accès à la propriété, qui favorise la reconnaissance du statut de travailleuse, lequel existe actuellement mais n'est pas reconnu. C'est ce qu'on demande: une politique qui favoriserait cela. Nous savons que c'est un héritage avec lequel on aà vivre actuellement. Cet héritage, on le reconnaît comme n'étant pas très bon. Les femmes l'ont reconnu, ont eu à vivre avec et ont constaté que cela pose énormément de problèmes. Vous le reconnaissez, vous nous l'avez dit: c'est discriminatoire. Il y a des gens qui travaillent et qui ne sont pas payés. Non seulement ils ne sont pas payés, mais ils ne sont pas reconnus et n'ont leur place nulle part. Quand on se rend compte que, dans notre histoire et notre tradition, on se ramasse avec des choses pas correctes, je pense qu'il faut s'organiser pour qu'elles soient correctes. C'est dans ce sens qu'on demande des politiques qui favoriseraient l'accès à la propriété, l'accès à la reconnaissance de la part que les femmes prennent dans notre société agricole.

M. Beauséjour: Seulement un exemple. Si toutes les fermes étaient obligatoirement formées en société, est-ce qu'à ce moment vous considéreriez que beaucoup de ces problèmes disparaîtraient? J'ai l'impression qu'il y en a encore qui resteraient, mais est-ce qu'il y en a beaucoup qui disparaîtraient, si c'était obligatoire?

Mme Robert: Au départ, si on obligeait toutes les fermes à se former en société, je serais la première à dire: Non, je ne veux pas. Je pense qu'il y a une liberté individuelle d'accès à la propriété qu'il faut sauvegarder dans une société, peu importe le sexe. Je pense que là où c'est la volonté des gens de se former en société et où c'est la volonté des gens de se former en société mari-femme, il faut le favoriser. C'est dans ce sens que je parle d'une politique qui favorise, qui rend la chose alléchante.

M. Beauséjour: Je voyais aussi à la page 7, en rapport avec cela, qu'au deuxième paragraphe c'est écrit: "Changer les mentalités est un processus long quand on s'en occupe. " Qu'on s'en occupe ou non, il semble que c'est quand même toujours long. J'imagine que vous vous en occupez. C'est pour cela que vous trouvez que c'est long. Ce processus de changement, en termes de vouloir avoir plus de pouvoirs, considérez-vous que le mari et la femme sur la ferme... Est-ce qu'il y a encore beaucoup de travail ou si c'est assez compris maintenant? Le couple, est-ce qu'ils le comprennent ou si vous considérez qu'il y a encore là du travail à faire?

Mme Sarrazin: De la façon dont c'est inscrit dans le mémoire, on parle de changer les mentalités au niveau de ceux et celles avec qui on intervient. C'est notamment par rapport aux officiers du crédit agricole, tel que c'est inscrit là. Ce que nous disons, c'est qu'à l'heure actuelle, quand une femme en agriculture va rencontrer un officier pour obtenir un prêt, pour demander simplement les formulaires en vue de demander un prêt, il y a toutes sortes de questions qui se posent et qui ne devraient pas êtres posées. Même plus que cela, lorsque tu y vas avec un conseiller en gestion, on peut même aller jusqu'à ne pas te parler et à parler au conseiller en gestion, alors que c'est toi la cliente. C'est ainsi que cela se passe à l'heure actuelle, dans bien des cas. Ce qu'il faut dire, c'est que ce n'est pas une situation générale. Ce ne sont pas tous les conseillers du crédit agricole qui font cela, sauf qu'il y a des mentalités auprès de plusieurs conseillers qui sont vraiment très négatives lorsqu'une femme arrive pour demander un prêt.

Ce que nous disons là-dessus, c'est qu'il va devoir y avoir de l'éducation auprès de ces gens pour qu'ils comprennent que, femme ou homme, c'est un client qui vient faire affaires tout simplement et qui veut investir en agriculture, point à la ligne, sans aucune différence; et que les questions qui sont posées aux hommes doivent être les mêmes que celles qui sont posées aux femmes, et non pas un peu plus pour les femmes dans le style: Es-tu capable de conduire un tracteur? Que vas-tu faire si ton moteur fait défaut? Bien, je vais faire la même affaire que mon mari. Je vais l'envoyer au garage pour le faire réparer. Je vais faire la même chose que lut. Alors, pourquoi poser ces sortes de questions? Ce qu'on dit, c'est que c'est le même genre de questions qui doivent être posées aux femmes et aux hommes. Il n'est plus question de regarder l'histoire du sexe ou de regarder la grosseur des muscles et ainsi de suite. Ce n'est pas cela. Ce qui compte aujourd'hui, c'est la capacité de gestion. Les questions devront être les mêmes pour les femmes que pour les hommes, et pour cela il faut de la formation.

M. Beauséjour: II y a un aspect que j'aimerais mieux saisir. Vous dites l'éducation, un règlement clair, des procédures standard. Que voulez-vous dire par des procédures standard?

Mme Sarrazin: C'est précisément ce que je disais. D'après moi, il y a des questions qui devraient être posées à tout le monde, mais il y en a d'autres qu'on n'a pas du tout besoin de poser, dans le style un peu de ce que je vous ai dit.

M. Beauséjour: Ah bon! Je vous remercie.

Mme Sarrazin: Je vais m'arrêter parce que je pourrais en parler longtemps.

M. Beauséjour: Vous apportez un autre point qui n'a pas été touché par votre rapport; vous ne l'avez effleuré que légèrement. En partie dans mon comté - cela déborde un peu mon comté - j'ai eu des discussions à ce sujet, concernant la garde des enfants en milieu agricole. On sait qu'autrefois les équipements étaient moins sophistiqués, que c'était moins dangereux d'amener les enfants sur le lieu de travail de la ferme, dans l'étable ou ces choses-là. Aujourd'hui, c'est compliqué de surveiller les enfants dans l'étable à cause de tous les équipements qui sont même parfois dangereux. Cela pose un problème. Il y a des femmes, en partie dans mon comté, qui ont commencé à travailler là-dessus il y a deux ou trois ans. Hier, en dernier, j'ai posé la question et vous l'avez effleurée. Je voudrais savoir où en sont rendues les démarches pour trouver une solution à ce problème. Cela me paraît un problème qui touche beaucoup les couples qui ont de jeunes enfants.

Mme Sarrazin: Mme Ferron.

Mme Ferron: Disons qu'actuellement, comme on l'a mentionné tantôt, il y a une enquête questionnaire qui a été faite dans La Terre de chez nous. Les dames sont à y répondre. On reçoit des réponses et on en attend encore. C'est par ces réponses qu'on va pouvoir découvrir les besoins, parce qu'ils ne sont peut-être pas tous les mêmes dans chacune des régions. Vous voulez peut-être faire allusion au fait que, dans Wotton, il y a déjà un projet en marche, un projet pilote où on travaille à une expérience, si on peut dire, sur le gardiennage en milieu rural.

M. Beauséjour: À quel endroit?

Mme Ferron: C'est un groupe de Wotton.

M. Beauséjour: Ah! Je n'étais pas au courant de celui-là.

Mme Ferron: Ah bon! Cela veut dire qu'actuellement il a présenté...

M. Beauséjour: J'étais au courant que, dans la région de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, et celle de Saint-Damase...

Mme Ferron: Ah bon!

M. Beauséjour:... il y avait des interrogations.

Mme Ferron: Peut-être qu'on le saura à la suite du questionnaire enquête qui a déjà paru dans certaines régions. On a déjà fait du travail aussi dans la région de Saint-Hyacinthe. C'est un dossier sur lequel on travaille actuellement. On ne peut pas vous mentionner de chiffres. Le besoins ne sont pas clairement définis. C'est par les réponses qu'on va pouvoir le savoir.

M. Beauséjour: On n'en est pas encore rendu à l'évaluation de la façon de régler ce problème?

Mme Ferron: C'est cela. C'est justement, parce que le questionnaire enquête vient de paraître. Il a paru le 14 février. On pourra peut-être y donner suite une peu plus tard, avec ce qu'on aura.

M. Beauséjour: Le résultat va-t-il aussi paraître dans...

Mme Ferron: Dans La Terre de chez nous?

M. Beauséjour:... La Terre de chez nous?

Mme Ferron: II va certainement paraître dans La Terre de chez nous. Au niveau du comité provincial, on va communiquer avec les comités régionaux. On va essayer de sortir un document sur cela.

M. Beauséjour: Pour nous, députés, étant donné que je suis abonné à La Terre de chez nous, je pourrai au moins voir les résultats et...

Mme Ferron: On peut quand même en prendre note et vous donner les résultats.

M. Beauséjour: Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député d'Iberville. Avant de passer la parole au député de Berthier, j'ai une ou deux questions à poser au groupe devant nous. Je veux d'abord vous indiquer que le projet Agri-Garde dans Wotton est dans le comté de Richmond. J'ose espérer que le dynamisme de ce groupe aura inspiré un paquet d'autres projets dans tout le Québec. Ce projet d'ailleurs a été confirmé lors du dernier sommet socio-économique en Estrie.

Voici l'objet de ma première question. Vous avez sûrement entendu dire que notre commission avait recommandé au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de former une commission d'appel des décisions que rendait l'office dans le cas de prêts qui étaient refusés à des individus. Voici ma première question: Jugez-vous cette commission pertinente, nécessaire? Si oui, comment en verriez-vous

la composition? Qui devrait faire partie de cette commission d'appel? (11 h 30)

Mme Sarrazin: Si nous n'en avons pas parlé dans notre mémoire, c'est que nous laissions le soin à l'UPA de pousser cette option, mais nous sommes totalement en accord avec cette commission d'appel. Ce que j'aimerais dire là-dessus, c'est que les personnes qui vont y avoir affaire le plus vite, ce seront justement les femmes en agriculture.

Puis, concernant la composition, il y a une chose que je sais, c'est qu'il faut qu'il y ait suffisamment de femmes, d'agricultrices, au même titre que les agriculteurs à cette commission. Nous n'avons pas fait d'études et nous n'avons pas discuté à savoir qui pourrait la composer, sauf que nous savons que c'est un besoin. Nous sommes totalement en accord avec cette commission d'appel et pour qu'il y ait des agricultrices qui en fassent partie, naturellement.

Le Président (M. Vallières): Je tenais à vous le faire souligner parce que, jusqu'à maintenant, on avait demandé que ce soient les agriculteurs en général qui en fassent partie, majoritairement. Le genre de mémoire que vous nous présentez aujourd'hui est de nature à nous inciter à préciser notre recommandation quant à la composition de cette commission. Une dernière question...

Mme Sarrazin: On est assuré que vous ne nous oublierez pas.

Le Président (M. Vallières): Je pense que vous pouvez y compter. Concernant un point de votre mémoire, en page 8, vous dites: "Nous demandons pour toute emprunteuse la possibilité de choisir l'officier (ère) avec lequel (laquelle) elle veut travailler. " Pourriez-vous m'indiquer comment cela se passe présentement, quand vous arrivez en région et que vous voulez avoir la possibilité de rencontrer un conseiller? On vous en attribue un et vous n'avez pas de choix possible?

Mme Sarrazin: Dans une région agricole désignée, il y a plusieurs conseillers de crédit. Chacun de ces conseillers - je peux parler par expérience personnelle - a un territoire donné sur lequel il travaille. Or, quand vous avez le malheur de frapper des mentalités comme celle dont vient de discuter quant aux officiers du crédit agricole et que vous n'avez pas le choix du conseiller, alors, il arrive des discriminations flagrantes. C'est pour cela qu'il faut avoir le choix du conseiller. C'est la même chose lorsqu'on s'adresse à une banque ou à une caisse. Si le bonhomme qui est en avant ne fait pas ton affaire, tu vas en trouver un autre et tu négocies ton prêt quand même.

Mais, actuellement, on ne peut pas faire cela à l'office. Ce qu'il faut faire, actuellement, c'est sauter des échelons hiérarchiques, si tu veux avoir le choix, si tu veux ne pas faire affaires avec un conseiller. Cela arrive, des gens dont la face ne te revient pas; ces choses-là arrivent aussi en agriculture. Ce besoin n'est pas seulement pour les femmes, c'est aussi pour les hommes.

Le Président (M. Vallières): Là-dessus, je ne voudrais pas priver mon collègue de Berthier de poser d'autres questions, mais j'espère que le député d'Arthabaska va revenir tantôt auprès de vous avec une question qu'il a posée à d'autres groupes hier, sur la possibilité que les gens qui s'adressent aux officiers évaluent le travail qu'ils ont fait. C'est peut-être une incitation à le faire avec le maximum de respect des deux sexes.

M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord, mes premières paroles seraient pour vous féliciter et vous remercier d'être venues en aussi grand nombre ce matin. C'est l'une des meilleures délégations que nous ayons eues depuis le tout début de l'audition des mémoires entendus soit à Montréal, à Saint-Hyacinthe et ici à Québec. En même temps, je voudrais souligner particulièrement la présence de la vice-présidente qui est de mon comté, Mme Sarrazin, et de tous les gens qui sont de mon comté parce que je crois que près de la moitié des gens ici ce matin sont du comté de Berthier. C'est tout un honneur de vous recevoir devant tout le monde.

En plus, je voudrais attirer l'attention de mes collègues sur la façon dont vous avez présenté votre mémoire. Vous l'avez très bien présenté mais, en plus, quelquefois, c'est non seulement par la parole qu'il faut faire comprendre quelque chose à des gens, mais par des images. Ce qu'on voit sur votre cahier ce matin, c'est une balance montrant la même importance de l'homme et de la femme ou de la femme et de l'homme. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on devrait le reconnaître, mais depuis bien longtemps. Par le travail que vous avez fait depuis plusieurs mois - je suis au courant parce que j'ai eu l'occasion de vous rencontrer à plusieurs reprises et d'échanger des propos avec vous autres - je sais que vous êtes convaincantes dans ce que vous avancez et dans toutes les démarches que vous avez faites depuis le début.

Étant donné que je suis probablement le dernier à prendre la parole, je vais vous poser seulement une question pour savoir vos idées là-dessus. À la suite du mémoire qui nous a été présenté hier, mémoire sur la formation de la relève agricole, venant des cégeps d'Alma, Champlain, Lennoxville,

Joliette, Lévis-Lauzon, Matane, Saint-Jean-Richelieu et Victoriaville, qui disait ceci: En France, par exemple, l'accès à un prêt agricole est conditionné par un minimum de 200 heures de formation... Il apparaît, en effet, moins risqué de prêter à des gens qualifiés. J'aimerais savoir de vous, mesdames, ce matin, si vous êtes prêtes à faire - il faut le dire - des sacrifices parce que cela en demande autant aux hommes qu'aux femmes. Est-ce que vous êtes prêtes à faire les mêmes sacrifices, donner le même temps pour aller chercher toute l'information qu'il vous faudra pour être capables de faire aussi bien - et même plus, dans certains domaines - pour obtenir un prêt agricole?

Je vais citer encore trois lignes dans le mémoire qui a été présenté: "On considère que, parmi les intervenants du milieu agricole, le taux de succès d'une entreprise agricole est lié au niveau de la formation de son gestionnaire. " Ce que je veux dire par là, c'est que, dans plusieurs métiers, cela prend une carte pour aller travailler, cela prend une carte pour avoir tant d'heures; cela prend une carte pour être capable d'ouvrir un bureau pour faire quoi que ce soit. Dans l'agriculture, si cela prenait une carte pour être capable d'avoir des choses comme les autres, je pense que vous êtes capables de le faire, vous aussi, comme nous, les hommes, avoir une carte pour être capables d'aller chercher le maximum et peut-être risquer moins dans les prêts qui sont faits autant aux hommes qu'aux femmes par le gouvernement ou les gouvernements, si vous voulez - soit fédéral ou provincial, parce que nous avons eu la visite du fédéral hier matin - pour qu'il y ait moins de pertes, pour que les gens soient plus au courant, plus à la fine pointe de tout ce qui se passe actuellement. J'aimerais savoir ce que vous êtes prêtes à faire en tant que femmes agricultrices.

Mme Robert: Je pense que ce qui ressort de toutes nos tournées régionales, provinciales, c'est que la première chose que les femmes demandent au niveau des comités, c'est de la formation. Je ne pense pas que ce soit une question de sacrifices. C'est un plaisir. Il reste qu'il faut quand même tenir compte, dans tout programme de formation qui sera mis en place, que, souvent, c'est une véritable révolution pour que la femme sorte de la maison. Je pense que les femmes qui sont ici ce matin et celles qui sont chez elles, parce qu'il n'y avait personne pour amener les enfants à l'autobus le matin, pourront le dire. Si on veut de la formation - et c'est ce qu'on demande, la formation - je pense qu'il faudra y mettre tout ce qu'il faut, tous les soutiens qu'il faut. C'est beau, ouvrir des cours, les rendre disponibles, mettre de belles listes de cours, mais si les gens, pour toutes sortes de questions, soit financières, soit de temps, d'organisation, etc., ne peuvent y aller, ne peuvent prendre le temps de le faire, c'est inutile de le faire. On peut créer de belles structures, mais, si les gens ne sont pas là, on n'aura pas de formation. Je pense que ce n'est pas un problème. C'est très clair. Les femmes en veulent. Elles ont un besoin de formation. Elles vont le faire avec plaisir, mais il faut vraiment mettre en place quelque chose pour que les femmes puissent y aller.

M. Houde: M. le Président, je prends la parole des dames qui sont ici devant moi et je pense qu'elles sont capables de faire quelque chose de bien. Encore une fois, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Vallières): M. le député d'Arthabaska, suivi du député de Nicolet.

M. Baril (Arthabaska): Oui, mesdames, on parle beaucoup d'implication, de reconnaissance du rôle de la femme dans le milieu agricole. Pouvez-vous nous dire quel pourcentage de reconnaissance ou de quelle façon vous avez réussi à vous impliquer, pour ne pas dire vous imposer dans ce même milieu agricole au sein de l'Union des producteurs agricoles? Quelle est la reconnaissance que l'Union des producteurs agricoles donne à votre groupe?

Mme Sarrazin: La reconnaissance, je ne voudrais pas m'étendre énormément là-dessus, vu que... En tout cas, au niveau du mémoire, il y a beaucoup de choses à dire encore. La reconnaissance comme telle, ce sont des comités. C'est un soutien technique et financier que l'UPA nous accorde à l'heure actuelle pour le comité des femmes, mais c'est quand même un soutien - il faut le dire - minime.

M. Baril (Arthabaska): J'ai presque envie de vous demander - parce que, tout à l'heure, je vais répondre à une des questions que vous avez posées dans le mémoire -combien il y a de femmes qui sont directrices de leur syndicat de secteur. Est-ce qu'il y en a au Québec et combien peut-il y en avoir?

Mme Sarrazin: Il y en a de plus en plus. Nous n'avons pas les chiffres aujourd'hui. Nous pouvons les avoir éventuellement, étant donné que nous faisons partie de la structure syndicale et que la structure syndicale a ces chiffres, mais il y en a de plus en plus et plus vous allez, par votre influence, par les mesures, par les recommandations que vous allez apporter, favoriser une accessibilité à la propriété,

plus nous aurons de femmes qui seront productrices et qui seront dans le mouvement syndical.

M. Baril (Arthabaska): Il y a une personne qui travaille avec moi et qui a suivi son cours à l'ITA de Saint-Hyacinthe. Elle me disait que, lorsqu'elle a suivi son cours à Saint-Hyacinthe, il y avait 3 filles pour 90 garçons qui ont suivi le même cours. Pourquoi pensez-vous qu'il n'y a pas plus de filles qui recherchent une formation soit en gestion agricole ou en agronomie, etc. ?

Mme Sarrazin: Cela fait référence à toute la question des mentalités. Vous savez, il y a dix ans, au Québec, il y avait très peu de femmes productrices agricoles. Cela a commencé par une et cela a fait des petits, si je puis dire. Il y en a maintenant de plus en plus. Ce qu'il faut retenir et qui est très important, c'est qu'aujourd'hui les femmes qui sont productrices agricoles et qui sont reconnues, c'est parce qu'elles l'ont voulu. Cela a été un choix. Ce n'est pas parce que le mari est décédé et qu'elles le sont devenues. C'est un choix. Mais ce modèle, que nous n'avions jamais vu il y a quinze ans et qui n'existait pas, devient aujourd'hui de plus en plus fréquent. À ce sujet, je ne sais pas si vous avez vu l'émission des Beaux Dimanches il y a deux semaines, mais nous avons vu des femmes productrices agricoles. Cette publicité des modèles que nous voyons va permettre d'avoir de plus en plus de ces femmes.

Il y a aussi autre chose à retenir. Encore aujourd'hui, il y a toute la tradition ou la mentalité du don des fermes des parents aux fils. Veux, veux pas, même les femmes embarquent bien souvent dans cette histoire. Mais comment voulez-vous que la femme cède quelque chose à sa fille quand elle n'a rien? Moi, je céderai quelque chose à ma fille. Je vais pouvoir lui céder quelque chose parce que j'ai quelque chose. Mais si je ne suis pas reconnue et que je n'ai rien, qu'est-ce que je peux céder? Très peu. II y a des modèles, il y a de l'éducation à faire. C'est bien sûr qu'il y a des mentalités à modifier. C'est notre responsabilité, mais c'est aussi la vôtre en favorisant des moyens incitateurs et des politiques égalitaires pour que les femmes soient de plus en plus proches de l'influence et des pouvoirs décisionnels, en leur donnant une place. Les femmes seront alors de plus en plus partout. C'est comme une balle de neige qui s'amasse.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez sans doute entièrement raison. Au sujet des programmes incitateurs, précisément, pour essayer d'encourager ou d'inciter très fortement les propriétaires, les agriculteurs à vendre à leur fils ou à leur fille, est-ce qu'il y a seulement des moyens financiers pour cela? Selon vous, est-ce qu'il y aurait d'autres moyens pour encourager les parents à vendre à leur fille ou à leur fils, au lieu de dire: Si tu n'arrêtes pas tout de suite d'aller à l'école, moi, je vends? Il y en a d'autres qui sont venus nous dire cela, à savoir que les jeunes qui sont aux études sont stressés parce qu'à l'âge de 19, 20 ou 21 ans, souvent, ils ne sont pas prêts à acheter la ferme. Le père dit: Si tu n'achètes pas aujourd'hui et si tu continues d'aller à l'école, moi, je suis tanné, je ne suis plus capable ou, pour toutes sortes de raisons, je vends. Est-ce que vous avez d'autres moyens à nous suggérer et qu'on pourrait implanter ensemble? D'autres moyens, que ce soient des avantages fiscaux ou je ne sais trop?

Mme Sarrazin: Mme Robert.

Mme Robert: Dans votre question, je pense que vous avez déjà posé le problème en disant, par exemple: Tu ne vas plus à l'école parce que j'ai besoin de main-d'oeuvre bon marché, comme on dit, d'une main-d'oeuvre non salariée et, plus tard, comme je te vends la ferme à rabais, tu auras ton salaire, etc. Cette situation est une roue sans fin. C'est pourquoi nous disons que c'est d'énurnérer des moyens. C'est un ensemble de moyens, finalement. Je pense que, si on a déjà dans la tête qu'à l'heure actuelle, par la commission... On a beaucoup parlé de formation, c'est très important. Mais là, on dit qu'ils ne vont pas chercher leur formation. C'est ce qu'on se demande. Est-ce qu'à l'heure actuelle on peut véritablement vivre de l'agriculture, dans tous les sens du mot? Cela ne veut pas dire survivre. À l'heure actuelle, j'ai l'impression qu'on survit en agriculture. (11 h 45)

Pour y arriver, il faut y mettre plusieurs heures. Il faut cumuler trois ou quatre emplois à la fois. J'ai l'impression que, du côté de la rentabilité, de l'organisation et de la gestion, présentement, il y a plusieurs aspects qu'il faut regarder de très près à l'heure actuelle pour voir comment les gens pourraient y vivre mieux. Je pense que la gloire de l'agriculteur qui disait: "Moi, je fais 90 heures par semaine, je suis un bon agriculteur", c'est fini, cela. L'agriculteur qui prenait des vacances, c'était quasiment mal vu et c'est fini, cela aussi. Si on prend la peine de vivre en agriculture, l'agriculture va se porter beaucoup mieux.

M. Baril (Arthabaska): Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais, selon une étude qui a été faite, on disait, entre autres, qu'aux États-Unis, quand on investit dans la formation, on augmente la rentabilité de

l'entreprise d'à peu près 45%, il me semble, ou 48%. J'ai trouvé cela énorme. Vous parlez justement de rentabiliser nos entreprises, de rentabiliser le domaine agricole et pas nécessairement en travaillant 100 heures par semaine. Il faudrait travailler également sur les coûts de production dans le milieu agricole. Comment arriver à produire pour faire face à nos coûts de production? Est-ce que l'État doit s'impliquer davantage dans les assurances agricoles? Est-ce le prix de vente de nos produits qui est en cause? Est-ce qu'il faudrait l'augmenter ou, comme quelqu'un nous l'a dit, subventionner la consommation, le consommateur comme tel? Est-ce que vous vous êtes penchées sur ces choses-là?

Mme Sarrazin: Comme groupe qui commence, nous ne nous sommes pas penchées plus que cela là-dessus; cependant, il y a peut-être des choses, des petits points de repère que d'ores et déjà on peut retenir dans le sens suivant. Pourquoi, quant aux coûts de production actuels véhiculés par le ministère de l'Agriculture et la Régie des assurances agricoles, l'homme est-il comptabilisé au salaire de l'ouvrier spécialisé, à 12 $ l'heure, et la femme au salaire de l'ouvrier agricole, à 4, 50 $? C'est une façon de reconnaître les femmes; posons-nous la question sérieusement. Déjà là, il y a quelque chose à faire.

M. Baril (Arthabaska): Dans l'évaluation que l'Office du crédit agricole pourrait faire, dans les critères qu'il pourrait établir pour juger à qui on doit accorder un prêt, à un homme ou à une femme, quels sont, selon vous, les critères sur lesquels l'office devrait surtout appuyer? Je ne parle pas plus pour les hommes que pour les femmes, mais, en général, pour une politique future de financement agricole.

Mme Sarrazin:...

M. Baril (Arthabaska): Excusez, je vais finir pour être clair. Est-ce qu'on devrait exiger une formation ou si on devrait faire comme au préalable, en disant "ou expérience équivalente"? On disait qu'un gars ou une fille qui travaille chez ses parents, sur la terre depuis quatre ou cinq ans, cela équivaut à tant d'années de cours.

Mme Sarrazin: Nous pensons qu'à l'heure actuelle, de la façon que fonctionne l'Office du crédit agricole, c'est plutôt au niveau des garanties qu'il insiste. Il se privilégie en demandant toutes les garanties qu'il faut et même beaucoup plus que les besoins. À l'heure actuelle, le principal critère est celui-là et nous ne sommes pas d'accord. Le critère qui devrait guider l'Office du crédit agricole devrait être beaucoup plus la capacité de remboursement de l'entreprise.

Il y a un autre point très important: la capacité de gestion de cette agricultrice et de cet agriculteur dont on devrait tenir compte, ce qui n'est pas le cas, à l'heure actuelle. Comme cela, nous éviterions d'avoir de très belles faillites et ainsi de suite, tout ce qu'on peut voir à l'heure actuelle au Québec. Je pense que ce sont les deux points primordiaux: la capacité de gestion de la personne et sa capacité de remboursement comme entreprise, compte tenu de la rentabilité de l'agriculture. Ce sont les deux critères auxquels on doit s'attacher présentement.

M. Baril {Arthabaska): Seriez-vous pour ou contre, après l'acceptation du prêt, qu'il y ait une sorte de suivi par l'office?

Mme Sarrazin: Mme Robert.

Mme Robert: C'est certain que, d'après le mémoire, de la façon dont nous avons travaillé ce mémoire, nous ne nous sommes pas attachées à ces détails. Comme représentations ici, je ne voudrais quand même pas poser des prémisses ou des jalons qui ne représentent pas véritablement... C'est un fait qu'un suivi, à première vue, ne pourrait pas être mauvais, il pourrait sûrement être bon dans n'importe quelle action que l'on pose. Normalement, on doit suivre, surtout avec les sommes d'argent qui y sont investies.

M. Baril (Arthabaska): Pour améliorer davantage la situation, pensez-vous que l'application de la loi de la banque de terres, d'une façon plus large qu'on ne l'applique aujourd'hui... Si l'État achète une ferme pour la relouer, pour autant qu'il y ait un ou une locataire sur cette même entreprise, croyez-vous que cela avantagerait l'achat de fermes par des agricultrices?

Mme Sarrazin: Comme je le disais au début, pour ce qui est de la question de la banque de terres et ainsi de suite, nous avons laissé ces données, nous avons donné le soin à l'UPA de faire les représentations. Pour ce qui nous concerne, les femmes dans l'agriculture, ce sont nos problèmes et nos besoins que nous vivons actuellement. C'est ce que nous voulons vous présenter et nous n'avons pas réfléchi à cette question.

M. Baril (Arthabaska): D'accord. Pour ce que mon collègue de Richmond vous a dit tout à l'heure, il vous a posé la question, mais il ne vous a pas laissé répondre. Je vais vous la reposer. Est-ce que vous seriez d'accord pour faire une sorte d'évaluation du conseiller financier, après qu'il y a eu un refus ou une

acceptation? Le ministère, l'office, c'est-à-dire - cela pourrait être le ministère -pourrait faire parvenir une fiche qui ne serait pas numérotée, où personne n'aurait à signer, ceci pour faire une évaluation du conseiller financier qui vous a contactée ou qui a étudié votre dossier; pensez-vous que les gens seraient réticents à une telle formule?

Mme Sarrazin: Mme Robert.

Mme Robert: Je pense qu'il va de soi que, lorsqu'il y a une analyse qui est faite par l'officier sur les personnes ou la personne qui veut emprunter, cela fait partie du dossier. Je pense qu'il serait légitime que l'analyse de l'emprunteur ou de l'emprunteuse puisse être faite aussi, il y aurait vraiment les facettes des intervenants sur le travail qui se fait dans ce dossier. Alors, à l'heure actuelle, c'est une facette unilatérale, très souvent, qu'il y a là-dedans.

M. Baril (Arthabaska): Je vais répondre à la question que vous posiez, je ne sais pas à quelle page de votre mémoire. Vous vous demandiez combien il pouvait y avoir de conseillères financières à l'Office du crédit agricole. Vous disiez: "Répondez-nous: combien y a-t-il - ah, je l'ai ici d'officières du crédit à l'Office du crédit agricole?" J'ai obtenu les chiffres; sur 103 conseillers financiers, il y a 19 femmes conseillères. Et c'est seulement depuis trois ou quatre ans qu'il y a des femmes qui sont là. La raison qu'on me donne, c'est que, évidemment, il y a de plus en plus de filles qui suivent des cours dans les instituts d'agronomie; elles ont certaines connaissances et elles répondent à certaines exigences de l'office pour devenir conseillères. La politique de l'office est celle-ci. Au fur et à mesure qu'il engage des personnes comme conseillers financiers, il veut appliquer la politique de 50-50, autant de femmes que d'hommes conseillers en gestion. Évidemment, sî on en engage des nouveaux, il faut qu'on l'applique; mais, pour les autres, il faut attendre qu'il y en ait qui prennent leur retraite. Il semble, en tout cas, y avoir une volonté de l'office de répondre à ce besoin. Plus il y aura de femmes qui suivront une certaine formation, plus elles pourront répondre aux exigences et aux critères de n'importe quel concours de recrutement.

Mme Sarrazin: Combien y en a-t-il au siège social?

M. Baril (Arthabaska): Je n'ai pas la réponse, madame.

Mme Sarrazin: II y en a très peu, très peu. Là aussi, il faudrait...

M. Baril (Arthabaska): Oui, vous avez bien raison, mais vous savez - ce n'est pas une excuse que je veux donner - avec la politique de restrictions budgétaires des gouvernements de ne pas augmenter le personnel de la fonction publique, c'est plus difficile d'appliquer une politique favorisant l'insertion de plus de femmes dans l'administration, dans l'appareil de l'État.

Mme Sarrazin: Y a-t-il...

M. Baril (Arthabaska): Mais...

M. Gagnon (Champlain): M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Gagnon (Champlain):... juste 30 secondes. Ce qu'on peut dire, par exemple, c'est que, depuis quelques années, au cabinet du ministre de l'Agriculture, au sein du personnel politique et des postes importants, on retrouve maintenant plusieurs femmes. Je ne connais pas le nombre, mais...

M. Baril (Arthabaska): Oui. En tout cas, personnellement, je vous remercie beaucoup de votre mémoire. Nous essaierons, dans les recommandations de la commission, de dégager les suggestions appropriées que vous nous avez faites pour proposer certaines recommandations au ministre de l'Agriculture ainsi qu'à l'Office du crédit agricole.

Le Président (M. Vailières): Très bien. M. le député de Nicolet, en trois minutes.

M. Beaumier: M. le Président, vous êtes terrible...

Le Président (M. Vailières): II fallait en parler à vos collègues. Nous avons une enveloppe de temps qu'il faut respecter.

M. Beaumier:... parce que j'avais beaucoup de choses à dire. En ce qui concerne l'information, on a eu beaucoup de représentations de différents groupes qui ont noté qu'il y avait des problèmes au niveau de la formation: elle est inexistante ou pas tout à fait adéquate. Cela se donne à divers niveaux, dans les polyvalentes, dans les cégeps ou dans les instituts de technologie. Est-ce que vous avez fait une réflexion sur ce que vous vaudriez avoir, sur les grandes lignes de ce que serait une bonne formation? Sous quelle forme voudriez-vous l'avoir? Est-ce qu'elle serait différente de celle des hommes, complémentaire ou égale? Si vous voulez - là-dessus, on est tous d'accord -avoir le même statut qu'un agriculteur, est-ce que cela exigerait une formation différente? Pourquoi ne serait-ce pas la même? Quelles en seraient les grandes

lignes? Il n'est pas nécessaire de tout dire, parce que nous n'avons que trois minutes, mais j'aimerais savoir si vous êtes allée un peu plus loin que de dire que vous avez besoin d'une bonne formation. J'aimerais que vous nous disiez de quel genre de formation vous auriez besoin.

Mme Sarrazin: Je pense que nous n'avons pas encore beaucoup de précisions sur le style de formation qui nous serait plus nécessaire. Il est sûr qu'au niveau de la capacité de gestion il va toujours falloir aller dans ce sens. Mais ce qu'on peut dire, c'est qu'il y a des cours qui sont donnés actuellement aux femmes en agriculture et qui sont de très bons modules. Ces cours sont préparés, tout est là, mais il n'y a pas un suivi ou un appareillage pour en faire la promotion ou pour en donner les conditions pour que la clientèle puisse les suivre. Comme on vous le disait tout à l'heure, même s'il y avait 50 cours offerts aux agricultrices et aux agriculteurs, s'il n'y a pas une rentabilité de la ferme pour que les agricultrices aient une automobile, aient l'argent pour défrayer les cours, pour les remplacer à la ferme et pour garder les enfants, comment vont-elles s'y rendre? C'est le problème fondamental.

M. Beaumier: Donc, ce n'est pas une question de formation, puisque vous dites que les programmes sont là. C'est une question d'accès à la formation. C'est ce que vous voulez dire?

Mme Sarrazin: Ce sont les deux... M. Beaumier: Les deux.

Mme Sarrazin:... sauf que, pour se prévaloir de cette formation, il faut y avoir accès. Pour y avoir accès, cela prend de l'argent.

M. Beaumier: Est-ce que, par exemple, si la formation était donnée chez vous... Cela existe. Il y a toutes sortes de cours dispensés par la télé-université, etc. Est-ce que cela pourrait être une bonne avenue? Cela se fait dans d'autres secteurs. C'est une simple suggestion. (12 heures)

Mme Sarrazin: Ce que nous avons essayé de dire dans notre mémoire, c'est que l'agriculture est tellement peu rentable actuellement dans plusieurs secteurs que, ce qu'il faut, c'est de faire des triples journées de travail. Même si la formation était donnée à la télévision, si tu n'as pas le temps, parce que ton entreprise est presque au bord de la faillite et que la femme est obligée d'aller chercher un revenu hors ferme, où va-t-on trouver le temps de suivre les cours à la télévision? C'est là le problème à l'heure actuelle. La rentabilité nous oblige à prendre tout le temps que nous avons, tout notre travail pour faire vivre l'entreprise. Ce n'est pas l'entreprise qui nous fait vivre, c'est nous qui faisons vivre l'entreprise.

M. Beaumier: D'accord. Mais pour être plus clair, quand je parlais de télé-université, ce n'est pas nécessairement à la télévision. Cela veut dire que ce sont des cours qui se donnent par des conseillers et des documents, etc. C'est beaucoup moins lourd que d'avoir à telle heure à être devant la télévision, mais vous me dites que beaucoup de vos gens n'ont pas le temps parce qu'ils doivent aller au plus pressant.

Deuxième point pour qu'on se comprenne bien. Quand vous parliez tantôt de l'assurance-stabilisation qui reconnaissait deux niveaux de salaire selon que c'était le propriétaire ou le conjoint qui, statistiquement, est la conjointe, est-ce que vous seriez d'accord si je disais la chose suivante? Au fond, ce n'est pas cette politique d'assurance-stabilisation qui est discriminatoire vis-à-vis des femmes. C'est parce qu'il y a, au niveau de la propriété... Les propriétaires, malheureusement, statistiquement, ce sont majoritairement des hommes, mais c'est pour une raison de propriétaire et d'ouvriers et non pas discriminatoire par rapport à ce que ce soit un homme ou une femme... Au fond, c'est la mentalité et l'existence des structures actuelles de propriété qui rendent les politiques discriminatoires et non l'inverse.

Mme Robert: Vous avez peut-être raison. C'est peut-être au niveau de l'interprétation, mais il reste que, sur une ferme, on dit: L'exploitant, 13 $; la collaboratrice, 4, 50 $; pourquoi?

M. Beaumier: Cela doit exister, je m'en excuse, des entreprises agricoles dont les propriétaires sont des femmes et dont le conjoint... À ce moment, c'est inversé. Ce n'est donc pas lié à la discrimination homme-femme, mais à la discrimination du statut de propriété ou de la structure de la propriété.

Mme Robert: La structure de la propriété et à la façon de l'interpréter. Pourquoi, dans une enterprise où il y a un seul propriétaire, la personne qui travaille en collaboration te même nombre d'heures que l'autre personne aurait-elle un salaire horaire moindre que la personne qui a les titres de propriété, alors que la valeur du travail des deux personnes est souvent égale? Il n'est peut-être pas le même, mais il est égal.

Le Président (M. Vallières): Je dois intervenir à ce moment-ci. J'ai déjà dépassé

l'enveloppe de cinq minutes. Je vais peut-être demander à Mme Sarrazin ou à Mme Ferron quelques mots en conclusion.

M. Beaumier: Est-ce que je peux conclure, s'il vous plaît?

Le Président (M. Vallières): Vous allez poser votre question et Mme Sarrazin ou Mme Ferron va conclure en répondant.

M. Beaumier: Je n'avais pas de question. Puisque je n'ai plus de temps, je voulais tout simplement, au nom de ma formation vous remercier et vous dire que j'avais au moins encore cinq ou six questions. Intéressantes? Je ne le sais pas, mais en tout cas du même type. Merci bien.

Le Président (M. Vallières): Très bien.

Mme Ferron: Au nom du comité, j'aimerais remercier les membres pour leur attention. Nous espérons que nous ne serons pas oubliées lors de vos recommandations. Notre désir serait peut-être d'être consultées et de prendre part aux décisions.

Le Président (M. Vallières): Je tiens également à vous remercier de votre contribution à nos travaux et de la qualité tant de votre mémoire que des réponses apportées à nos questions. Je pense bien que la qualité de vos représentations me semble une garantie de succès dans notre consultation et les suites qui seront données aux recommandations que nous ferons à l'Assemblée nationale du Québec. Merci beaucoup et souhaitons que nous pourrons vous revoir avec une contribution aussi positive à nos travaux. Merci.

Mme Sarrazin: Vous nous reverrez. Le Président (M. Vallières): Très bien. Une voix: Au revoir.

Le Président (M. Vallières): Je demanderais maintenant au groupe du Conseil des productions animales du Québec de prendre place à la table.

M. Picotte: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Pendant que nos invités vont s'attabler, j'aimerais soulever un point de règlement pour les élus du peuple ici autour de la table. ' Je remarque qu'à l'horaire nous avons encore, pour aujourd'hui, trois organismes à entendre: le Conseil des productions animales du Québec, la Confédération des caisses populaires et d'économie

Desjardins, de même que la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval.

Nous devrions normalement entendre le Conseil des productions animates jusqu'à 13 heures, ce qui veut dire que ce rapport sera terminé; à 15 heures, après la période des questions, vers 15 h 10, nous entendrons la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec pour une période de deux heures. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu, autour de 17 heures, 17 h 10, 17 h 15 au maximum, d'entendre la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, ce qui ferait que, vers 18 h 15 ou 18 h 20, nos audiences seraient terminées. Cela permettra à ceux qui, parmi le personnel de soutien, veulent aller à Sherbrooke de s'y rendre en soirée, plutôt que d'attendre à la dernière minute. On aurait assez de temps de consacré à ce mémoire et on terminerait vers 18 h 15, au maximum.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: On n'a aucune objection. M. Picotte: Aucune objection.

Le Président (M. Vallières): II n'y a pas d'objection.

M. Picotte: M. le Président, le secrétaire va en prendre avis et prendre les dispositions pour que la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval soit avec nous vers 17 heures. Merci.

Le Président (M. Vallières): J'inviterais le Conseil des productions animales du Québec à prendre place. À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation continue ses travaux. Je vais immédiatement, auprès du groupe qui est devant nous, soit le Conseil des productions animales du Québec, m'excuser, au nom de la commission, pour les divers délais qu'on lui a imposés. On vous a même remis à plusieurs reprises; on a changé l'horaire à plusieurs reprises. On vous remercie beaucoup de votre souplesse et de votre compréhension à l'endroit des parlementaires qui ont à vivre parfois des exigences qui font en sorte que l'horaire doit s'ajuster en fonction de leurs travaux.

S'il vous plaît! Je demanderais aux gens qui sont dans la salle, compte tenu que nous procédons immédiatement à l'audition d'un autre groupe, d'écouter ou encore, s'ils désirent jaser, de quitter la salle.

Je demanderais à M. Bernatchez, qui

est président du comité cheval, de nous présenter l'équipe qui accompagne le Conseil des productions animales du Québec.

Conseil des productions animales du Québec

M. Bernatchez (Yves): Messieurs les membres de la commission, nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez de vous rencontrer. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Réal Sorel, producteur agricole, impliqué dans les chevaux depuis aussi longtemps que je le connais, c'est-à-dire une vingtaine d'années certainement; le Dr Anicet Brault, immédiatement à ma gauche, médecin vétérinaire, qui est la sommité en santé animale chevaline au Québec; M. Pierre Lévesque, propriétaire de ferme de chevaux de course, très connu sur les pistes de courses et dans tout le monde des affaires, et M. Jacques Thériault, économiste au ministère de l'Agriculture qui nous a abondamment servis dans la préparation du présent dossier. Je suis Yves Bernatchez. Je suis avocat et intéressé dans l'élevage des chevaux depuis aussi assez longtemps.

J'ai remis à quelqu'un d'entre vous le texte que j'avais l'intention de lire. Je n'ai pas envie de relire, si cela vous convient, le petit texte qui avait été présenté aux gens qui étudiaient le dossier il y a quelques mois.

Je voudrais aussi vous faire comprendre un peu ce qu'est notre organisme. Le ministère de l'Agriculture a un conseil des productions animales. En fait, c'est un organisme consultatif qui donne son avis au ministre et au sous-ministre, sur les questions qui peuvent l'intéresser, lorsqu'on le lui demande. Le Conseil des productions animales est composé de différents comités. Vous avez devant vous certains membres du comité cheval comme il y a des membres du comité chèvre et bovins laitiers. C'est à ce titre-là qu'on s'exprime.

Pour enchaîner, je vais vous faire la lecture de ce qu'on avait envie de vous présenter aujourd'hui. En 1981, Statistique Canada a recensé 48 144 fermes dont la valeur des ventes des produits agricoles dépassait 250 $. Plus de 55% de ces fermes, soit 26 684, sont des fermes à temps partiel, c'est-à-dire qu'elles vendent pour moins de 25 000 $ de produits agricoles. Les autres 45%, soit 21 470 fermes, regroupent des exploitations où l'agriculture est l'occupation principale et qui vendent pour plus de 25 000 $ en produits agricoles. Je m'excuse des petites fautes d'orthographe qui peuvent apparaître dans le texte, mais on avait préparé cela et on n'a pas eu le temps de le relire, et je vois une faute là.

Une telle ligne de démarcation sur la valeur des produits agricoles vendus nous amène à penser qu'il existe deux types d'agriculture au Québec, soit l'agriculture comme occupation principale et l'agriculture comme occupation secondaire. Jusqu'à maintenant, les politiques du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec ou de l'Office du crédit agricole du Québec ont toujours été orientées vers le développement de l'agriculture comme occupation principale, c'est-à-dire vers la formation des fermes modernes: hautement mécanisées et utilisant les plus récentes technologies; hautement intensives et à rendement élevé; demandant beaucoup de capital et produisant de gros volumes dont une bonne partie est souvent destinée à l'exportation.

À côté de ce premier type d'agriculture où la production en grande quantité constitue une caractéristique prépondérante s'ajoute un deuxième type d'agriculture dont on entend peu parler, mais qui possède néanmoins une importance capitale dans l'économie agricole du Québec parce qu'elle procure des revenus secondaires à des gens dont l'agriculture n'est pas l'occupation principale. Ce deuxième type d'agriculture produit surtout en petites quantités, mais exige beaucoup moins de capitaux. L'élevage et l'utilisation des chevaux font généralement partie de ce deuxième type d'agriculture.

Pour des raisons différentes, ces deux types d'agriculture méritent d'être maintenus. Le premier, parce qu'il constitue l'une des bases de notre développement économique; l'autre, parce qu'il procure du travail et des revenus additionnels à ceux qui en ont besoin. Ce deuxième type d'agriculture a besoin d'être soutenu et orienté tout autant que l'agriculture qui produit de gros volumes et qui exige beaucoup de capitaux.

Dans certaines paroisses, le maintien de certaines activités agricoles comme les chevaux ne peut se faire qu'en complémentarité avec d'autres activités économiques ou d'autres sources de revenus. Aussi, il serait maintenant opportun d'ajuster les politiques agricoles existantes aux nouvelles conditions économiques qui prévaudront désormais au Québec. Un tel réajustement de politiques agricoles présuppose qu'il faudra considérer la diversification au sens large du terme, c'est-à-dire non seulement dans le sens de la diversification des produits agricoles, mais aussi dans le sens de la diversification des revenus. Une telle approche serait plus susceptible de maintenir et de renforcer l'agriculture de certaines paroisses plutôt que d'en accentuer l'affaiblissement qui débouche obligatoirement sur l'assistance sociale. En d'autres termes, il vaut mieux susciter l'intérêt de l'agriculture en complémentarité avec d'autres activités économiques que de ne rien susciter du tout. À ce titre, le domaine des chevaux constitue une bonne

source de revenus complémentaires et un bon pourvoyeur d'emplois, tant permanents qu'occasionnels.

L'évolution des conditions du marché du travail laissent aussi entrevoir que, dans l'avenir, un nombre croissant d'emplois seront à temps partiel. L'élevage et l'utilisation des chevaux pourront alors constituer un bon complément à quelqu'un qui occupe un emploi principal. (12 h 15)

Présentement, la grande majorité des agriculteurs qui font de l'agriculture leur occupation principale sont des producteurs de lait, Cette production occupe une place privilégiée au niveau de l'agriculture, du crédit agricole et de l'ensemble des politiques et programmes du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Toutefois, il existe un grand nombre d'autres activités agricoles qui ont aussi leur importance économique et qui souhaiteraient obtenir une égale accessibilité au crédit agricole. La production et l'utilisation de chevaux sous toutes ses formes constituent justement une de ces productions.

Depuis longtemps déjà, les éleveurs et les utilisateurs de chevaux se heurtent aux conditions d'admissibilité de l'Office du crédit agricole. On devrait peut-être dire "inadmissibilité". Pourtant, l'élevage et l'utilisation des chevaux possèdent des retombées économiques importantes au Québec.

En effet, la population chevaline actuelle estimée est à plus de 33 500 chevaux et est répartie parmi 7047 des 48 144 fermes qui vendent pour plus de 250 $ de produits agricoles. La valeur des immobilisations reliées à cette population chevaline atteint presque les 360 000 000 $. On estime que la valeur des revenus est égale à la valeur des frais d'exploitation et totalise plus de 150 000 000 $. Cette estimation des revenus ne tient pas compte des retours aux parieurs qui dépassent les 250 000 000 $.

Les trois types de chevaux présents au Québec, soit les chevaux de trait, les chevaux d'équitation et les chevaux de course, procurent actuellement 3000 emplois permanents et 10 000 emplois occasionnels, pour un total de 13 000 emplois. Ce sont les chevaux de course qui procurent le plus d'emplois et le plus de retombées économiques. Ces derniers, au nombre de 8800, ramènent à eux seuls plus de 30 000 000 $ annuellement dans les coffres du gouvernement du Québec. Depuis dix ans, le ministère du Revenu du Québec a encaissé plus de 262 000 000 $ en revenu de taxes directes sur les sommes totales pariées, soit plus d'un quart de milliard de dollars.

L'utilisation et l'élevage des chevaux possèdent donc une importance capitale au sein de l'économie agricole du Québec. À ce titre, les hommes à chevaux aimeraient avoir leur mot à dire au niveau de l'orientation des politiques et programmes du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et de l'Office du crédit agricole du Québec. Là, j'ai sauté le tableau de graphiques qui aurait été plutôt harassant à écouter. Mais il est là et vous pourrez vous y référer.

Le Président (M. Vallières): Vous avez terminé?

M. Bematchez: Oui.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie, M. Bernatchez. Nous allons maintenant procéder à un échange avec les membres de la commission. J'ai des demandes d'intervention des députés d'Arthabaska et de Huntingdon.

M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président. Je remercie, au nom de ma formation politique, votre organisme d'avoir présenté ce mémoire qui, je l'avoue, est peut-être un peu nouveau. II concerne un secteur où, personnellement, je m'y connais moins. Je vous pose la première question. Je me souviens, il y a deux ou trois ans, me semble-t-il, que l'Office du crédit agricole avait reconnu la production chevaline. Est-ce que vous savez dans quel secteur?

M. Bernatchez: La production chevaline est reconnue comme une production agricole. D'ailleurs, si vous vous référez au rapport qu'on vous a remis, au fond, quand on en arrive à la définition de l'élevage de chevaux ou de la production chevaline, c'est qu'on l'a qualifié, au sens étroit du terme, dans le sens d'élever des chevaux. Mais nous voudrions que ce sens soit élargi parce que les fermes d'élevage de chevaux sont un peu différentes des autres fermes.

Je veux dire que, lorsque quelqu'un utilise le sol agricole du Québec et produit des revenus pour faire vivre sa famille, à un moment donné, il peut choisir de louer des chevaux, par exemple, ou de les faire courir à la piste de courses, etc. C'est de l'exploitation. On voudrait que l'agriculture comprenne tout cela au même titre que quelqu'un qui transformerait son fromage sur sa ferme, si les revenus du fromage faisaient partie des revenus agricoles. Lorsqu'on calcule la rentabilité d'une exploitation agricole aux fins de l'octroi éventuel d'un crédit agricole ou de prêts, il faudrait tenir compte de tous les revenus de l'exploitation. C'est un peu le problème.

Les gens qui sont dans l'élevage ou dans la production chevaline sont des gens qui, non seulement ont des chevaux naisseurs ou quelque chose comme cela, mais qui

éventuellement vont avoir une certaine forme d'utilisation du cheval, parce que c'est comme cela qu'on rentabilise une chose. Cela peut être en agrotourisme, cela peut être de toutes sortes de façons. Mais nous pensons que l'exploitation agricole doit être considérée dans son ensemble, ce qui semble avoir été un problème jusqu'à maintenant dans l'étude des dossiers sur les chevaux.

M. Brault (Anicet): Je voudrais ajouter un autre point de vue.

M. Baril (Arthabaska): Oui.

M. Brault: C'est que les chevaux sont reconnus partiellement par l'Office du crédit agricole à Québec. Mais, dans les régions, ils ne sont pratiquement pas reconnus. C'est l'application de la loi qui semble être déficiente.

M. Baril (Arthabaska): Au niveau de l'Office du crédit agricole, si j'ai bien compris, on va reconnaître quelqu'un dans la production chevaline s'il élève des chevaux pour les revendre à d'autres; n'est-ce pas? Bien- Mais ils ne reconnaissent pas un éleveur qui, lui, va - je vais utiliser votre terme - faire courir ses chevaux.

M. Brault: C'est cela.

M. Bernatchez: Qui va faire courir ses chevaux sur les pistes de courses ou va les louer ou, en tout cas, va en faire quelque utilisation. Par exemple, il y a une dame qui n'est pas ici, mais qui est membre de notre comité; elle a une ferme et ce qu'elle fait comme activité, elle entraîne des chevaux. Autrement dît, sa ferme se trouve du côté ouest de Montréal et les gens viennent de partout au Canada parce que c'est une ferme d'une grande renommée viennent confier à cette dame l'entraînement de leurs chevaux de course, les "thoroughbred", pour éventuellement les faire courir sur les pistes de Toronto, New York, etc.

Cette personne - ce n'est pas un problème nouveau - lorsqu'elle s'est adressée au crédit agricole, il y a une dizaine d'années, cela lui a été refusé. On lui a dit: Madame, vous ne faites pas d'agriculture. Elle ne fait pas d'agriculture, mais, dans le fond, è mon avis, c'est une définition trop étroite. Cette madame utilise des produits du Québec, sa ferme produit, les chevaux sont en pâturage sur cette ferme et elle est dans une activité agricole, elle répond à des besoins que l'activité économique demande. Finalement, elle s'est organisée autrement. La plus belle preuve, c'est qu'elle est encore en affaires. À mon avis, c'est injuste et discriminatoire d'une certaine façon de refuser aux gens qui font de l'agriculture... C'est qu'il y a deux sortes ou deux classes d'agriculteurs.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce que vous êtes reconnu par l'UPA comme producteur agricole?

M. Bernatchez: Oui. D'ailleurs, je fais partie du bureau de direction du Syndicat des producteurs de chevaux affilié à l'UPA, lequel est présidé par Henri Couture de Saint-Prosper de Champlain, le frère de Paul Couture qui a été président de l'UPA. Les Couture ont été pendant des années les plus gros producteurs de chevaux à l'est des Rocheuses. Ils avaient, à un moment donné, jusqu'à 600 chevaux sur leur ferme dans le comté de Champlain. Cela a diminué parce que l'élevage du cheval demande de plus petites exploitations, mais il y a encore certainement plus d'une centaine de chevaux sur la ferme des Couture, à Saint-Prosper. C'est le président du syndicat, d'ailleurs.

M. Baril (Arthabaska): Je vais poser ma question d'une façon peut-être plus claire. Est-ce que tous les éleveurs de chevaux, même ceux qui font courir leurs chevaux sur la piste, sont reconnus par l'UPA, ou si l'UPA fait une distinction là-dedans.

M. Bernatchez: Non, l'UPA ne fait pas de distinction. On doit vous avouer, par contre, que les membres du syndicat sont parfois des gens un peu plus dirigés vers le cheval de trait ou les chevaux de valeur moins grande que le cheval de course. Souvent, il y a une espèce de confrontation, probablement un affrontement de culture, mais il reste que l'UPA ne fait pas de différence. Il y a des éleveurs de chevaux de course, il y a des éleveurs de chevaux d'équitation et des éleveurs de chevaux de trait qui sont membres de l'UPA.

M. Baril (Arthabaska): Comme cela, l'Office du crédit agricole ne reconnaît pas l'élevage des chevaux de course comme une production agricole.

M. Lévesque (Pierre): C'est cela. Depuis 1940, on a restreint le crédit agricole: les abeilles et les chevaux ne sont pas admissibles au crédit agricole. Or, je pense que la province de Québec jouit d'une expansion de l'élevage de chevaux. Les chevaux, au point de vue économique, c'est très important; il n'y a aucun surplus de production. Je pense que c'est un élevage... Ici, on dit: Non pas que le sol ne soit pas rentable, mais celui-ci est dispendieux; il faut avoir des animaux de moyenne valeur pour rentabiliser cette entreprise. Si on est obligé de mettre de l'argent dans du sol, cela devient difficile de faire cette production animale. Mais c'est une production animale - avec les chiffres qu'on donne - qui

est très importante; on n'a pas pu en bénéficier parce que les gens ont été lésés, n'ont pu avoir l'argent disponible. Dans le crédit agricole pour les jeunes, on vient de connaître des taux d'intérêt de quelque 20%. Je pense que, pour tout le crédit agricole, on devrait avoir des taux d'intérêt minimaux ou un maximum de plafond dans tous les taux d'intérêt. Parce que, si l'on dit qu'ils peuvent bénéficier d'un bon avantage, 39 ans, dans le crédit agricole, il est reconnu que c'est long à payer, un fonds de terre, quand il faut s'équiper et avoir un inventaire animal important en chiffres.

Donc, pour les jeunes qui veulent se lancer plus avant dans l'élevage de chevaux, on doit peut-être, sur 39 ans - tout peut arriver aujourd'hui - fixer un maximum de taux d'intérêt, si on veut les intéresser.

M. Baril (Arthabaska): II semble que, actuellement, l'office prêterait pour l'élevage de chevaux de selle, pour ceux qui servent pour la récréation; l'office prête pour l'élevage de chevaux de trait, les chevaux élevés pour la viande. Dans ces trois catégories que je viens de décrire, est-ce que vous avez de ces éleveurs qui font partie de votre association?

M. Bernatchez: De notre association... Nous ne sommes pas une association d'éleveurs, nous sommes le comité cheval du Conseil des productions animales du Québec. Ils font partie du Syndicat des producteurs de chevaux, oui.

M. Baril (Arthabaska): Bon.

M. Bernatchez: C'est parce que j'ai deux chapeaux.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce que ces membres sont satisfaits, actuellement...

M. Bernatchez: Non, d'aucune façon.

M. Baril (Arthabaska):... de ce prêt, de cette...

M. Bernatchez: D'aucune façon. D'ailleurs...

M. Baril (Arthabaska): Pourquoi? Parce qu'il n'est pas accessible, il n'est pas...

M. Bernatchez: D'abord, parce que... Il est accessible! Les gens qui sont dans les régions, qui analysent les dossiers, n'ont aucune directive qui vient de la tête ou d'en haut, qui leur dit que l'élevage du cheval est important et qu'il faut s'en occuper. Alors, on pense qu'il y a une espèce de discrimination. Les éleveurs de chevaux passent souvent pour des rêveurs, des aventuriers, etc. Ils ont tous les défauts sauf celui d'être des producteurs agricoles. C'est vrai que c'est une production différente de celle du bovin de boucherie ou du bovin laitier. C'est une chose.

La deuxième chose, c'est ce qu'on vous disait tantôt: dans l'évaluation des revenus, on ne tient pas compte des revenus entiers de l'exploitation. On va la sectoriser pour analyser le dossier alors que ce n'est pas comme cela qu'il faut faire. Par exemple, on va dire à des gens... J'ai eu connaissance du cas d'un individu qui voulait emprunter quelque 15 000 $ pour construire une grange. On le lui a refusé. On lui a dit - il n'a pas eu de lettre officielle - Si vous nous demandiez 50 000 $ ou 60 000 $, autrement dit, si vous bâtissiez une grosse entreprise, on vous prêterait peut-être, mais, si vous nous demandez 10 000 $ ou 15 000 $, cela ne nous intéresse pas. De fait, ce gars-là est encore en affaires et il en vit encore, mais il vivote et mange de la misère. C'est presque une vocation. Cela me rappelle mon temps de collège quand les pères nous parlaient des vocations. Les éleveurs de chevaux, c'est un peu cela. Ils sont dévoués à leur tâche.

M. Baril (Arthabaska): On parle de plus en plus de reconnaître, éventuellement, l'agriculture à temps partiel. Si, un jour, le gouvernement reconnaissait cela et l'incluait ou l'ajoutait aux trois secteurs dont j'ai parlé tout à l'heure - ce serait peut-être mieux de l'appliquer dans les régions - en ajoutant également les chevaux de course... Pensez-vous que, si on rend le crédit plus facile - d'abord, si on l'implante, parce que, actuellement, il n'y en a pas - la capacité ou le besoin... Est-ce qu'il y a de l'espace suffisant au niveau de ce qu'on produit actuellement pour dire que le besoin est là? (12 h 30)

M. Lévesque (Pierre): II n'y a pas de surplus présentement dans les chevaux. Quand on les complète avec l'entraînement de chevaux de course, je pense que c'est de l'intégration para-agricole. C'est l'utilisation des produits, le surplus de foin ou quoi que ce soit, qui peuvent être sur de plus grandes fermes; ils sont utilisés. Donc, c'est un secteur agricole. À part cela, les unités thermiques ne sont pas une considération très importante pour l'élevage des chevaux. Donc, l'élevage des chevaux peut se pratiquer partout en province. Je pense que ce sont des développements potentiels non réalisés aujourd'hui par le manque de fonds.

M. Baril (Arthabaska): Je vais reprendre ma question pour être plus clair parce que je pense que c'est un point important. Si on implante un crédit et qu'il y a plusieurs producteurs qui, demain matin, commencent à élever des chevaux de course, entre autres, est-ce que, tout à l'heure, il va y avoir trop

de chevaux? Va-t-il en arriver trop sur le marché, selon le besoin?

M. Lévesque (Pierre): II n'y a pas -de surplus de chevaux.

M. Baril (Arthabaska): II n'y a pas de surplus, mais actuellement il n'y a pas de crédit.

M. Bernatchez: II faudrait doser cela au fur et à mesure des problèmes. On réglera les problèmes quand on les aura. Présentement, c'est le problème contraire qu'on a.

M. Lévesque (Pierre): On est très loin de l'autosuffisanee.

M. Bernatchez: De fait, si le crédit est plus accessible, cela va structurer un élevage qui aura du bon sens. Cela va permettre aussi de faire un peu plus de surveillance. Parce que les programmes, on pourrait peut-être demander à M. Thériault, qui est un expert dans le domaine, mais l'intervention ou les investissements du gouvernement du Québec, dans le domaine de l'élevage des chevaux, c'est minime. On vous a parlé tantôt de revenus considérables pour le gouvernement du Québec, mais qui sont générés par une intervention du gouvernement qui ne peut pas être plus faible.

Mais il y a beaucoup de problèmes dans l'élevage des chevaux et c'est vrai qu'il y a beaucoup d'aventuriers et il y a beaucoup de gens. Mais, le jour où le gouvernement va s'en mêler et qu'il va surveiller, il va être capable d'effectuer son contrôle parce qu'il va intervenir à différents niveaux; à ce moment, on va régler beaucoup de problèmes. C'est vrai que, dans des fermes de location de chevaux, des fois il y a des chevaux qui sont de plus ou moins bonne qualité, il y a toutes sortes de problèmes qui sont là-dedans. Il y a des gens qui sont dans l'entraînement des chevaux et qui ne devraient pas être là-dedans, ou il y a des professeurs d'équitation qui ne devraient pas être là-dedans. Tout cela fait partie d'un vaste problème auquel le gouvernement devrait porter attention. Pour cela, il faudrait qu'il intervienne.

Malgré tout, sans aide gouvernementale, jusqu'à maintenant, on a réussi par le bénévolat, devrais-je dire, à construire une industrie qui est la quatrième plus importante dans les industries animales du Québec. À mon avis, c'est important. Là-dessus, M. Thériault pourrait peut-être vous donner des chiffres qui vous intéresseraient.

M. Thériault (Jacques): En fait, ce que je me rappelle - j'ai oublié le chiffre exact - je pense qu'au cours des dernières années ou annuellement on importait environ 5000 chevaux au Québec, c'est-à-dire des chevaux d'équitation, des chevaux de course et aussi des chevaux qui sont destinés au marché de la viande, aux abattoirs chevalins. C'est pour une partie de la question. Autrement dit, le marché des chevaux à l'heure actuelle au Québec est déficitaire. Il y a de la place pour la production et aussi de la place pour une meilleure qualité dans la production. C'est surtout là qu'il faut viser.

Maintenant, il y a une chose que je voudrais ajouter ici. Vous sembliez demander tout à l'heure, si j'ai bien compris votre question, ce que le crédit agricole pouvait apporter de meilleur ou de bénéfique au niveau de la production chevaline au Québec. Actuellement, prenez un éleveur de chevaux, un type qui élève des chevaux, il les élève jusqu'à l'âge d'un an et demi, deux ans. Jusqu'à ce moment, le produit est considéré comme étant un produit agricole. Mais, lorsque le cheval est vendu au centre d'équitation, ou à la piste de courses, il devient, s'il est vendu au centre d'équitation, un produit récréatif. C'est pour cela que les centres d'équitation, n'ont pas accès au crédit agricole à l'heure actuelle. C'est pour cela aussi que ces mêmes centres d'équitation qui constituent au Québec une activité économique importante, ont beaucoup de misère et ils sont dans une situation de concurrence un peu difficile par rapport à d'autres producteurs agricoles. C'était une mise au point que je voulais faire.

M. Baril (Arthabaska): Actuellement, le crédit qui se fait, est-ce au niveau des institutions financières privées ou si c'est au niveau des prêts personnels?

M. Lévesque (Pierre): Pour l'élevage de chevaux, il n'y a pas de crédit agricole d'alloué.

M. Bernatchez: À peu près pas.

M. Lévesque (Pierre): C'est seulement qu'il va y avoir quelqu'un qui va avoir déguisé, qui va avoir acheté quelque dix animaux à boeuf, il va passer sur cela et, trois ans après, il vend les animaux à boeuf et il continue. C'est la formule pratique qui se fait.

M. Bernatchez: J'ai le plaisir de rester dans le beau et grand comté de Portneuf et j'ai vu un monsieur qui a commencé avec des moutons pour essayer d'avoir des chevaux et finalement, pour rentabiliser tout cela, il était rendu avec des méchouis, avec un bar "topless" et tout cela c'était... Il a réussi à obtenir du crédit agricole, lui. Là, l'Office du crédit agricole a décidé de le lui enlever et...

M. Baril (Arthabaska): Ne commencez pas des scandales ici!

M. Bernatchez: Non.

M. Baril (Arthabaska): Pour ce qui est de ma part, je vous remercie, on va prendre note de vos suggestions et on verra les recommandations qu'on pourra faire.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Au nom de l'Opposition je voudrais vous remercier pour avoir bien voulu présenter ce mémoire devant la commission. Vous avez indiqué comme principale préoccupation l'admissibilité auprès de l'Office du crédit agricole. Le problème est majeur chez vous, c'est apparent parce que c'est le point principal que vous avez soulevé. Étant donné qu'on parle aussi de relève agricole dans cette commission - en fait, c'est un des principaux éléments qu'on touche, la relève agricole - est-ce qu'il y a un potentiel pour la relève dans cette industrie, si on parle d'élevage de chevaux?

M. Lévesque (Pierre): II y a beaucoup de gens que cela intéresse. Actuellement, dans les chevaux de course, on fournit, depuis 75 ans peut-être - on n'a pas favorisé le produit québécois - seulement 37% du produit. Présentement, dans les 37% du produit qu'on utilise avec les courses commanditées par SODICC, à l'âge de quatre ans, on a beaucoup de ces produits qui sont même vendus comme chevaux de qualité aux États-Unis et qui servent à l'exploitation.

M. Dubois: Avez-vous disloqué, disons, cette production par catégories? Par exemple, ceux qui élèvent les chevaux pour la viande, ceux qui élèvent le cheval de trait, ceux qui élèvent pour fins d'équitation, fins de loisirs, etc. ?

M. Lévesque (Pierre): À la page précédente, vous avez tout le schéma, chevaux de trait et chevaux de course.

M. Dubois: Je pose la question parce qu'on sait que certains "gentlemen farmer" font l'élevage par loisir. Quand on parle de crédits, peut-être des fois qu'il faut être prudent pour voir où se dirige le crédit aussi.

M. Lévesque (Pierre): Ils le font pour le plaisir, mais tout de même c'est une intégration à l'élevage direct et à l'élevage économique de la province. Si un cultivateur qui a 60 ou 70 arpents est près d'une ferme de 300 arpents où le type fait la culture et achète le foin ou n'importe quoi, c'est un élevage qui est économiquement très important. Je pense que M. Thériault peut renchérir sur cela.

M. Thériault: Concernant l'élevage du cheval pour la viande, il y avait au Québec, il y a quelques années, trois abattoirs chevalins; maintenant, il en reste seulement un. Cet abattoir à l'heure actuelle achète -encore là, j'arrondis les chiffres - environ 10 000 chevaux annuellement. Ces 10 000 chevaux proviennent majoritairement des États-Unis, c'est-à-dire que le type se rend deux fois par semaine dans l'Ouest américain et dans le Sud américain pour s'approvisionner en viande. Le reste est acheté au Québec; si je me souviens bien, c'est un tiers de ta production de viande de cheval qui provient du Québec. On n'a pas au Québec de fermes de viande chevaline comme telle. Ce qu'on envoie à l'abattoir chevalin, c'est le cheval de course qui n'a pas de performance, c'est le cheval d'équitation qui est trop dangereux pour les jeunes, c'est le cheval de trait qui est trop vieux, etc.; c'est le genre de cheval qui est destiné aux abattoirs chevalins. Comme je vous dis, il y a peut-être de 3000 à 4000 chevaux annuellement au Québec qui prennent le chemin des abattoirs chevalins. Au niveau des centres d'équitation, il y en a un peu de moins de 200 au Québec. Je parle de centres d'équitation qui ont dix chevaux et plus.

Dans un des tableaux, c'est-à-dire le tableau du résumé du rapport que vous avez en main, vous avez un peu le portrait de la situation économique sur les chevaux au Québec, divisé - comme vous le voyez - en chevaux d'équitation, en chevaux de trait et en chevaux de course. Par exemple, on remarque qu'au niveau des éleveurs il y en a entre 400 et 500 au niveau des chevaux de course, etc. Je pense que cela ne vaut pas la peine de faire la lecture de tout ce tableau. On y donne tout de même une bonne idée du portrait économique de la situation des chevaux répartis par groupes d'utilisation.

M. Dubois: On dit qu'il y a une demande importante pour fins d'exportation de viande chevaline vers l'Europe, particulièrement la France. Est-ce que c'est un domaine qu'on pourrait exploiter davantage au Québec?

M. Lévesque (Pierre): Oui. Le Québec jouit d'une très mauvaise mise en marché de ce produit. On dit que, pour la santé, c'est un bon produit, mais quand vous voulez l'acheter dans une boucherie, c'est identifié: viande chevaline. Quand Mme Unetelle voit passer Mme Unetelle à la viande chevaline... Je pense qu'on a fait une mauvaise mise en marché et les gens, on ne les a pas. Tout de même, en France, c'est un bon produit de

consommation. Je crois que c'est un produit, à très longue échéance, où il y a un potentiel, mais la mise en marché au Québec - ce n'est pas notre rôle aujourd'hui - a faussé la vente.

M. Bernatchez: Remarquez que ce n'est pas le propos d'aujourd'hui, sauf peut-être qu'en passant sur ce sujet-là il serait intéressant de noter que c'est vrai qu'il y a seulement la viande chevaline qui est discriminée dans les boucheries. Autrement dit, je ne peux pas vendre de la viande chevaline dans la même boucherie que les autres viandes. Il faut avoir une bâtisse différente. À mon avis, c'est illogique parce qu'on n'est pas capable de différencier la viande de poulet de la viande de dinde, etc. Pourtant, tout cela est dans les mêmes boucheries. On pense que c'est une discrimination qui devrait disparaître. De toute façon, c'est une viande qui est meilleure pour la santé que celle du boeuf, à ce qu'on dit. À ce moment-là, qu'on laisse au moins le choix au consommateur de s'approvisionner dans la même boucherie parce que ce n'est pas drôle d'être obligé de se lever un matin et de se dire: Moi, je veux m'acheter du cheval, y penser une semaine d'avance et aller dans la bonne boucherie. Les gens, habituellement, font leur choix devant le comptoir.

M. Dubois: Ce n'était pas tout à fait le but de ma question, remarquez bien. C'est parce qu'on est très préoccupé par la relève agricole. Il s'agit de trouver des secteurs intéressants sur le plan financier, sur le plan économique, pour la relève. S'il y avait une demande persistante de viande chevaline pour fins d'exportation, est-ce que ce serait un domaine où il serait intéressant de diriger un certain nombre de jeunes agriculteurs? Enfin, pour autant qu'il y a un potentiel, qu'il y a une continuité, qu'il y a une demande. On dit que la France demande beaucoup plus qu'on peut exporter. Vrai ou faux?

M. Bernatchez: Si vous voulez, je vais mettre un autre chapeau. Je suis membre du conseil d'administration de l'École d'agriculture de Sainte-Croix de Lotbinière. Mon expérience avec les jeunes, c'est que finalement le cheval c'est probablement l'animal qui les intéresse le plus, même dans le milieu agricole, parce qu'ils sont en très grande partie des fils d'agriculteurs. C'est probablement le cheval qui est le plus intéressant pour ces gens et c'est vers le cheval qu'ils voudraient le plus se diriger. Mais, pour se lancer dans la production chevaline, on fait face à une série d'obstacles. C'est sûr. Comme on vous le disait tantôt, on ne satisfait qu'une très petite portion de nos besoins en chevaux sous quelque forme que ce soit, en chevaux d'équitation, en viande, en chevaux de course, en chevaux de trait. Il y a une très petite portion de ce dont on a besoin qui est produite au Québec. Je pense que, dans la production agricole, il y a des centaines d'emplois à créer pour la relève agricole, l'utilisation de terres, etc.

Vous dites que vous êtes préoccupés par la relève agricole; j'en suis. C'est vrai que cela ne réglerait pas tout le problème, mais cela aiderait beaucoup à régler le problème des débouchés potentiels.

M. Dubois: En pourcentage d'auto-approvisionnement, est-ce que vous avez une idée où on en est actuellement au Québec, en fait, pour tous les domaines?

M. Lévesque (Pierre): Dans les chevaux de course, je vous disais tout à l'heure qu'on fournit 37% des chevaux. Même si on ne fait pas quelque chose dans l'élevage et avec les échanges d'argent américain où on a été chercher des millions tous les ans pour des chevaux, où en serons-nous... Je crois que les petites fermes, c'est la garantie de l'industrie parce qu'un petit éleveur ou une ferme de moyenne taille sont bien plus appelés à rester en circulation des fois que de très grandes fermes.

M. Dubois: Selon votre mémoire, le revenu qu'on peut retirer de la production chevaline, c'est quand même un revenu d'appoint qui ne serait pas perçu actuellement ou peut-être plus tard comme un revenu principal. C'est ça?

M. Bernatchez: Oui et non. C'est vrai dans le sens que, dans le moment, c'est la situation. C'est la situation en grande partie parce que des gens qui vivent, comme M. Sorel, uniquement des chevaux, ne sont pas en très grande quantité au Québec. II y en a, mais pas en grande quantité, parce qu'il n'y a pas d'aide, ni de structure. Par contre, si c'était bien développé, il pourrait y en avoir beaucoup plus. A ce moment-là, il y aurait probablement moins d'appoint et plus de gens à temps plein. Je ne peux pas vous donner de chiffres là-dessus. (12 h 45)

M. Lévesque (Pierre): L'intégration récréative bien financée est rentable et c'est très bon au point de vue des loisirs. Vous avez de très bons campus là-dedans.

M. Dubois: On pourrait envisager cet élevage comme source de revenu pour un producteur à temps plein?

M. Lévesque (Pierre): Ce que ça résume, c'est que c'est de l'intégration, un terrain de course, un manège ou quoi que ce soit, à l'élevage de chevaux.

M. Dubois: Il faudrait que le producteur, pour en vivre à temps plein, touche aux quatre aspects de cette production, que ce soit un cheval de trait, un cheval pour la viande, un cheval pour fins d'équitation ou de loisir, et de course, également.

M. Bernatchez: Il faudrait que l'Office du crédit agricole réponde à ces quatre aspects. M. Thériault a peut-être des choses è vous dire là-dessus.

M. Thériault: C'est sûr que ça peut devenir un élevage rentable, que ce soit un éleveur de chevaux de trait, du percheron ou du belge. À la minute où un éleveur est reconnu comme bon éleveur, même les Américains vont venir acheter son produit, ici au Québec. Il n'y a aucun problème là-dessus. Même chose pour les chevaux d'équitation. Quelqu'un qui a un centre d'équitation bien géré, bien entretenu et propre autour d'une ville, c'est garanti qu'il va faire ses frais. Les chevaux de course, c'est la même chose.

C'est pour dire que, considéré comme une production agricole, l'élevage peut être aussi rentable - l'élevage, je l'entends au sens large - que n'importe quelle autre production agricole.

M. Dubois: II s'agit de faire reconnaître par l'office... Enfin, ça débute quand même par une volonté politique. C'est le ministre de l'Agriculture qui est le ministre titulaire de l'Office du crédit agricole, mais il s'agit de faire reconnaître cette production comme une vraie production agricole. L'Office du crédit agricole est là pour fins agricoles. Si on veut avoir des subventions, par exemple, au niveau du loisir, ça touche à l'autre ministre. Mais, si on dit demain matin que la production chevaline est agricole principalement, il faut qu'elle soit reconnue comme telle; il faut que la réglementation puisse être à la disponibilité de l'office pour pouvoir dispenser des services.

Croyez-vous que, actuellement, c'est une volonté politique qui manque, c'est une volonté de réglementation ou une certaine réticence de la part de l'office?

M. Bernatchez: Une ignorance du produit. Il y a une espèce de discrimination -j'en ai parlé à plusieurs reprises - il y a des préjugés qui courent dans le champ, qui font que les chevaux ne sont pas considérés à juste titre, parce qu'on ne veut pas les considérer comme de l'agriculture, parce qu'on les considère comme marginaux, alors que c'est la quatrième plus grosse production agricole du Québec.

D'autre part, probablement que l'Union des producteurs agricoles, jusqu'ici, n'a pas tellement considéré l'élevage des chevaux. Mais, cela a changé et, depuis deux ans, il y a un Syndicat des producteurs de chevaux qui est là. Je pense qu'on est sur le point de changer quelque chose, mais on espère que vous allez nous aider dans ce sens-là. M. Sorel, qui est un producteur à temps plein et qui en a plusieurs dizaines, voulait intervenir à ce stade-ci.

M. Sorel (Réal): Je le fais à titre de producteur de chevaux, mais je ne suis pas simplement producteur de chevaux, je suis producteur de bovins laitiers. Si je fais une révision de la discussion ici, cet avant-midi, je dis que l'Office du crédit agricole, au bureau central, accepte, dans sa politique, le crédit agricole sur l'élevage chevalin. Par contre, au niveau régional, en pratique, il l'accepte aussi, pour autant qu'on a comme garantie une autre production agricole, comme le produit laitier.

Alors, chez moi, je suis producteur laitier et de sirop d'érable pour élever des chevaux canadiens. C'est simple. Alors, dans notre comptabilité, pour avoir un crédit agricole, la première chose qu'ils étudient, c'est si on a assez de vaches laitières dans l'étable pour faire les paiements sur l'élevage chevalin. Dans ma ferme actuelle, le revenu brut sur la ferme, le tiers provient du cheval canadien; dans les revenus nets, 40% proviennent du cheval canadien.

Aussi, pour accentuer l'expansion de la ferme, on devrait avoir des crédits agricoles sur la construction d'écuries et de manèges pour en faire un produit fini pour le cheval. À l'heure actuelle, mon élevage est en pleine liberté 365 jours par année. Alors, le seul dressage que je peux mettre sur mes chevaux, c'est en été entre les coupes de foin. Si on pouvait avoir les crédits disponibles pour la construction d'écuries et de manèges et l'engagement d'instructeurs pour le dressage de nos chevaux, on pourrait mettre un produit fini sur le marché, on aurait un meilleur prix sans que cela en coûte beaucoup plus cher. Alors, le crédit agricole est très important pour le cheval.

Ensuite, il y a l'utilité du cheval. On a parlé des chevaux de course tantôt, parlons du cheval de trait ou du canadien, qui est un cheval versatile autant pour le trait, la voiture que pour l'agrotourisme. J'ai commencé l'année dernière l'agrotourisme sur la ferme, mais je n'ai pas commencé avec les chevaux parce qu'ils ne sont pas disponibles pour faire de l'agrotourisme 365 jours par année, parce que l'hiver ils sont en hivernement dehors; alors, il ne faut pas les toucher.

Il y a un potentiel dans l'élevage du cheval canadien et du cheval en général, pour autant qu'on aura les crédits agricoles pour mener notre exploitation. C'est beau lancer un projet d'élevage chevalin, mais, si

on n'est pas capable d'amener un produit fini sur le marché, c'est officiel que ce sera beaucoup plus dur aussi d'avoir du, crédit agricole. Mais, si on a un bon crédit agricole et que le crédit agricole exige un produit fini, tant mieux pour tout le monde de l'élevage chevalin.

M. Dubois: Dans les faits, c'est une reconnaissance que cette production aurait un aspect économique aussi important que n'importe quelle autre production et que l'office reconnaisse une demande financièrement viable et accorde des crédits au même titre que pour n'importe quelle autre production. C'est cela?

M. Gagnon (Henri-Louis): C'est cela et, si un jour je veux continuer dans l'élevage chevalin et si je veux faire seulement de l'élevage chevalin, que je ne sois pas obligé d'être producteur laitier ou producteur de porcs ou producteur de sirop d'érable ou autre chose.

M. Dubois: Je vous remercie. Vous m'avez pas mal convaincu de la nécessité d'une ouverture d'esprit dans ce sens-là. Personnellement, je suis très ouvert à certaines suggestions que vous avez faites; il y aura des recommandations de notre groupe parlementaire aussi bien que des ministériels à l'endroit du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Nous espérons bien que cela répondra tout de même à une partie de vos aspirations. Je vous remercie.

M. Gagnon (Henri-Louis): Merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): En résumé, en faisant la lecture de votre mémoire, il se situe un problème au niveau du crédit agricole pour l'alimentation animale ou la reproduction de chevaux de trait; cela devrait être reconnu et financé par l'Office du crédit agricole. Cela pourrait aider certains éleveurs à prendre de l'expansion et vous dites qu'il y a un marché présentement à tous les niveaux.

Je voudrais vous demander ce que vous pensez des institutions. Vous savez qu'à l'Institut de technologie agricole de La Pocatière il y a un centre équestre et qu'il se donne des cours de formation: comment faire de l'équitation, se tenir en selle, le soin des animaux et l'alimentation des animaux. Pensez-vous que ces genres de cours soient utiles ou si c'est seulement pour les gens les mieux nantis afin de se divertir un peu le dimanche après-midi en allant suivre des cours? Qu'est-ce que vous pensez d'une école ou de ce genre de cours qui se donnent à l'institut et qu'est-ce que cela pourrait apporter comme formation dans votre domaine?

M. Bernatchez: Je vais laisser le soin au Dr Brault de répondre à cela. Il est d'ailleurs professeur à l'ITAA de La Pocatière et je pense que cela va lui faire plaisir de répondre à cela.

M. Brault: D'abord, il faudrait dire que nos étudiants - contrairement à ce que l'on pense, on prend une vingtaine d'étudiants par année, la majorité sont des jeunes filles -viennent de tous les coins du Québec. Ils ne sont pas de parents les mieux nantis. Alors, il y en a de toutes les couches de la société. Ils suivent un cours de trois ans, deviennent instructeurs d'équitation, entraîneurs de chevaux et peuvent s'occuper d'alimentation et de soins aux chevaux. Ils ont une influence dans le milieu pour relever le monde du cheval au Québec. Ce sont des techniciens bien qualifiés. Tantôt on parlait de la production des chevaux. Pour la production des chevaux, il n'y a pas à s'inquiéter tant qu'on produira de la qualité. D'abord, on va s'autosuffire. Dans le moment, on ne s'autosuffit pas. Ensuite, quand on sera autosuffisant, on pourra exporter de la qualité. La qualité, c'est toujours demandé partout.

Je pense que les diplômés de La Pocatière vont aider à améliorer le monde du cheval, aider à améliorer la qualité et à faire un meilleur produit qui, d'abord, donnera satisfaction au Québec et qui pourra être une source de revenu en exportant à l'extérieur après.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Qu'est-ce que vous faites à La Pocatière?

M. Brault: Je suis un vétérinaire et j'enseigne les matières médicales, et je fais les soins aux chevaux.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est ce que vous faites, je veux dire, dans le sens large du mot, au niveau de... Faites-vous aussi l'élevage?

M. Brault: On a un cours d'élevage, on fait un peu d'élevage et on accouple dix ou douze juments par année pour illustrer le cours d'élevage, et ensuite on a le poulinage. On se sert de nos poulains comme animaux de remplacement.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est aussi un peu pour avoir la théorie et la pratique au niveau des cours...

M. Brault: Oui.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... quand vous pouvez faire l'élevage. C'est

plus facile.

M. Brault: Je n'ai pas compris la question.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce n'est pas une question, c'était juste un commentaire.

M. Brault: C'est théorique et pratique.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Oui, c'est cela, théorie et pratique. Au niveau des chevaux d'équitation, je ne sais pas si vous connaissez le ranch des Montagnards...

M. Brault: Oui, très bien.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... qui est situé, je pense, avec une quarantaine... Est-ce qu'il y en a beaucoup, dans le Québec, des genres comme on voit dans le JAL?

M. Bernatchez: Oui, il y en a plusieurs.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Des clubs de randonnée, il y en a plusieurs.

M. Bernatchez: Il y en a certainement une vingtaine.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Oui, il y en a plusieurs.

M. Brault: Il y a des clubs qui sont des associations de randonneurs, qui comptent une douzaine de mille randonneurs au Québec, qui font de la randonnée plus ou moins fréquemment, mais il y a des clubs comme le club des Montagnards qui reçoivent des gens pour une semaine ou plus en randonnée.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Cela, c'est au niveau de l'économie touristique, en fin de compte, ces associations de clubs. C'est plutôt au niveau touristique quand on parle de clubs de randonnée.

M. Brault: Justement, pour vous donner un exemple, un club de randonnée important que vous connaissez a fait une demande de crédit agricole et il a été refusé. C'est un peu aberrant qu'un club qui marche très bien demande de prendre de l'expansion et qu'on le refuse.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est pour cela que je reconnaissais, dans votre mémoire, que l'office devrait s'impliquer au niveau de ces associations et que l'office ne les reconnaît pas nécessairement. Par contre, quand vous dites qu'ils ont été refusés, je suis très au courant aussi qu'on a pu financer par d'autres moyens, soit par l'OPDQ ou au niveau du tourisme. Ils ont quand même eu de l'aide gouvernementale.

M. Brault: Oui, ils ont de l'aide, mais ils ont de moins bonnes conditions qu'avec le crédit agricole; alors, cela coûte plus cher d'avoir de l'aide. C'est en ce sens que c'est difficile.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est officiel.

M. Sorel: L'Office du crédit agricole devrait aller plus loin dans le domaine - vous allez ouvrir la porte, à un moment donné -des écuries, fonder, autrement dit, donner des crédits à des écuries qui seraient spécialisées dans la performance du cheval, c'est-à-dire qu'il devrait y en avoir une par zone agricole. Donc, après avoir, sur la ferme du producteur agricole, un produit fini, que le cheval soit envoyé à l'écurie pour une performance et, à la suite de cette performance, le cheval sera envoyé à une école perfectionnée dans la province de Québec. Par exemple, si on prend Bromont, il y a là 20 ou 25 sujets de choix par année dans le but de les pousser à fond, dans le but d'en faire des chevaux olympiques. Quand on parle de chevaux olympiques, ce n'est pas nécessairement un cheval d'obstacles, cela peut être aussi à l'attelage, etc. Pour les autres chevaux qui ont passé avec une performance, il devrait y avoir à chaque année un encan annuel de poulains de deux, trois ou quatre ans qui seraient vendus avec un certificat de performance pour le cheval. C'est tout cela qui amène de l'argent chez le producteur et cela devient une rentabilité dans l'élevage du cheval au Québec.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Ceci met fin à l'enveloppe qui est mise à notre disposition. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire, je vous invite à continuer à suivre les travaux de notre commission et à voir les suites que nous donnerons à cette présentation de mémoire que vous nous avez faite et aux réponses aux questions que vous nous avez posées.

M. Bernatchez: Je voudrais aussi vous remercier de l'attention que vous nous avez accordée. Je voudrais finir en vous disant que c'est vrai que le monde du cheval est important au Québec et c'est depuis la toute première histoire. Les Québécois ont toujours été très impliqués dans l'élevage du cheval. C'est le cheval qui nous a ouvert ce pays d'un bout à l'autre. Aujourd'hui, en 1984, si tout le monde connaît les exploits de Hervé Fillion, de Lachance, de Deslauriers, je veux vous dire qu'il y a un cheval canadien, de

Québec, qui est allé gagner le championnat d'attelage à l'exposition de Toronto, cet automne.

On reçoit des demandes de gens qui sont très intéressés par ce qu'on produit, mais on n'est pas capable de répondre à la demande. Je pense que c'est un domaine auquel vous devriez... Danielle Duquet aussi...

M. Lévesque (Pierre): On peut renchérir avec les femmes et dire que, récemment, sur le canal Rideau, à Ottawa, elle a battu l'Australien et les meilleurs conducteurs en Amérique du Nord, Danielle Duquet. Cela s'est fait au mois de février, sur le canal, à Ottawa.

Le Président (M. Vallières): Bravo!

M. Lévesque (Pierre): Donc, on n'est pas... Dans l'élevage des chevaux, on n'est pas discriminatoire envers les dames.

Le Président (M. Vallières): Je veux indiquer aux membres de la commission que nous commencerons nos travaux, cet après-midi, en recevant la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins. Nos travaux sont suspendus à cet après-midi, après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 20)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Nous recevons, cet après-midi, comme premier intervenant, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Je vais demander immédiatement à M. Blais, qui agit à titre de président, de nous présenter son équipe et de procéder à la lecture de son mémoire. M. Blais.

Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

M. Blais (Raymond): Merci, M. le Président. Si vous voulez, je pourrais me permettre de présenter les gens qui m'accompagnent. En commençant à droite, vous avez M. Gilles Lemelin, qui est gérant de la Caisse populaire Sainte-Martine, une caisse qui est impliquée dans le financement agricole, qui est aussi membre du conseil d'administration de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec; M. Yvon Daneau, adjoint au président et secrétaire général; M. André Morin, conseiller aux affaires gouvernementales; de l'autre côté, il y a Claude Deslandes, qui est premier vice- président et directeur général de la Fédération Richelieu-Yamaska, une fédération, bien sûr, dont les caisses affiliées sont encore très impliquées dans le développement de l'agriculture; Mme Diane Parent, agronome, qui est au service de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.

Maintenant, M. le Président, nous avions pensé, compte tenu que vous avez reçu le mémoire assez longtemps à l'avance, qu'il serait plutôt pénible pour les membres de la commission de refaire une lecture, même partielle. Et, à moins que vous n'ayez un inconvénient à cette procédure, nous préférerions faire certains commentaires très généraux portant plus sur l'économie de ce qu'on avait proposé; ceci, bien sûr, pour vous empêcher de subir une lecture que vous avez déjà eue. Deuxièmement, pour laisser plus de place aux questions, nous serions très intéressés peut-être à vous donner des commentaires à la suite de vos questions.

Est-ce que cette façon de procéder vous irait?

Le Président (M. Vallières): On peut vérifier de chaque côté de la table. Par ailleurs, je pense bien que plus on peut disposer de temps pour vous questionner, mieux cela vaut. Est-ce qu'il y ' a des commentaires de ce côté-ci sur la procédure?

M. Picotte: Je pense, M. le Président, que, si on le prend par parties, par chapitres et qu'on nous donne un bref résumé, on pourra, par la suite, facilement procéder à la période de questions.

M. Blais (Raymond): Alors, vous nous permettrez, à ce moment-là, de faire certaines remarques de façon plus globale. Je demanderai peut-être à Mme Parent de prendre le mémoire, chapitre par chapitre, et d'en donner les éléments un peu plus synthétisés.

Mes remarques globales sont que, premièrement, vu par le Mouvement Desjardins, le gouvernement, n'importe quel gouvernement devra toujours regarder l'agriculture avec un oeil très privilégié: D'abord, pour ce que ces gens sont véritablement; deuxièmement, pour leur force dans l'emploi, leur importance économique. Pour ces raisons, nous sommes favorables à ce que le gouvernement continue et mette de l'emphase sur cette partie de la population.

Le deuxième commentaire que je voudrais soumettre, c'est que, vu par un prêteur ou une institution financière coopérative, le problème de l'agriculture comme tel n'est pas un problème simpliste de financement; du moins, ce n'est pas un problème de liquidité. Les prêteurs, quels

qu'ils soient, ont énormément de liquidité, ils peuvent prêter dans chacune des régions du Québec. Le problème pour nous est plus un problème de rentabilité. Ce problème de rentabilité peut provenir, bien sûr, du problème d'une ferme en particulier, soit du côté de la capitalisation, soit du côté de la gestion, mais peut aussi provenir de causes qui n'ont rien à voir avec l'agriculteur, de causes sur lesquelles il n'a absolument pas de contrôle. Je pense à l'environnement nord-américain. Je pense même aux conditions climatiques. Alors, selon nous, rapidement, le gouvernement devrait continuer à avoir une forme de ce qu'on appelle aujourd'hui le prêt tandem, c'est-à-dire que nous ne remettons pas en question, loin de là, toute la philosophie du prêt tandem. Nous disons humblement que, dans l'application de ce prêt tandem, il pourrait y avoir des corrections relativement importantes. Par exemple, il nous plairait de nous poser des questions sur le genre de risques que subit le gouvernement ou le prêteur. Les fermes ne sont pas différentes, sous cet aspect, de l'ensemble des entreprises. Il y en a qui ont déjà atteint une rentabilité certaine; il y en a qui sont plus marginales dans le sens qu'elles sont tout près de passer au niveau de la rentabilité et il y en a une autre catégorie qui, malheureusement, est beaucoup plus loin d'être rentable. Il me semble que le gouvernement devrait au moins regarder... Je me demande si, un jour, il ne devrait pas faire une distinction entre, d'un côté, la subvention qui pourrait, en théorie, rester universelle et l'appareil de garantie.

Deuxièmement, il nous semble aussi qu'il y de l'ordre à mettre dans toute la série de lois que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation administre.

Troisièmement, il me semble que le gouvernement pourrait aussi un peu mieux gérer l'agriculture, aider l'agriculteur qui se lance, par exemple, dans une production alors que la demande ne suit pas, alors qu'il n'y a pas eu assez de planification de ce côté. Cela reste, pour nous, des mesures importantes, mais des mesures à court terme. Nous souhaiterions qu'en même temps que ces mesures à court terme sont regardées on attache autant, sinon plus, d'importance aux mesures à plus long terme.

Je veux parler ici fondamentalement de toute la question de formation, de toute la question de management. Je n'invente rien en disant que l'agriculture, aujourd'hui, est devenue une forme d'entreprise qui réagit aux mêmes gestions et l'investissement que le Québec pourrait faire dans la formation des agriculteurs serait, en tout cas, à moyen terme, selon nous, beaucoup plus rentable que les mesures à court terme.

Dans une mesure plus à long terme, serait-il possible de regarder une forme de crédit qui serait en quelque sorte indexée à l'inflation? Je pense à un produit qui ressemblerait au produit que nous venons d'offrir pour les habitations qu'on appelle "hypothèque à l'abri", où le versement ne peut pas bouger plus rapidement que l'inflation. En termes de formation, en termes de management, nous sommes particulièrement impressionnés, sans les connaître en détail, par le phénomène des syndicats de gestion. Peut-être que, si nous sommes aussi impressionnés par ce genre d'organisme, c'est que cela ressemble beaucoup à la formule de décentralisation de Desjardins; au lieu de piloter des conseils savants d'un endroit provincial, voici une formule qui permet aux agriculteurs, par petits groupes, d'essayer de régler leurs problèmes et, selon moi, on risque beaucoup plus d'être proche de nos besoins que n'importe quel expert que nous pourrions établir de façon centralisée. (15 h 30)

Et, là-dessus, sans avoir malheureusement de formule précise, je voudrais annoncer que le Mouvement Desjardins serait disponible à collaborer avec ce genre d'organisme. Quelle est la formule? Je l'ignore, mais il me semble qu'avec le réseau décentralisé des caisses qui couvre l'ensemble du Québec, s'il y a une aide, nous pouvons, comme tous les prêteurs, mettre notre argent au service des agriculteurs. Ce n'est pas un problème. Nous avons de plus en plus de spécialistes pour étudier les problèmes un par un. Ce n'est pas encore là un problème, mais nous aimerions aussi travailler sur des mesures à long terme et celle qui nous apparaît la plus naturelle, en tout cas, dans un premier temps, ce serait d'essayer d'établir une forme de collaboration entre ces syndicats de gestion et le Mouvement Desjardins.

M. le Président, en terminant, presque le mot du commanditaire. Si nous sommes ici cet après-midi, c'est que nous avons cru que l'agriculture et Desjardins, c'étaient presque des naturels pour ne pas dire des ressources naturelles. M. Desjardins, en 1900, dans ses premiers écrits, a dit combattre le fléau du prêt usurier, premièrement, et les difficultés économiques de la classe agricole. Les caisses et l'agriculture ont beaucoup changé depuis 1900, mais le Mouvement Desjardins a encore 50% du portefeuille des prêts consentis par les institutions financières.

Une statistique peut-être encore plus intéressante et que je relie à ce phénomène de syndicat de gestion: 25% de nos 19 000 administrateurs bénévoles de caisses sont aussi des agriculteurs partout au Québec et ce n'est pas surprenant quand on sait qu'il y a encore au Québec à peu près 500 endroits où la seule institution financière est la caisse populaire.

M. le Président, c'étaient les quelques

commentaires que je voulais faire. Si vous voulez, Mme Parent lira le mémoire, chapitre par chapitre.

Le Président (M. Vallières): Très bien, Mme Parent.

Mme Parent (Diane): M. le Président, comme entrée en matière, je pense que M. Blais a fait pas mal le tour pour souligner que l'apport des agriculteurs n'est pas seulement au niveau financier, mais au niveau de la participation aussi dans l'orientation du Mouvement Desjardins. Donc, notre mémoire fait l'état de la situation, au départ, et souligne l'importance du Mouvement Desjardins dans le portefeuille du financement agricole.

La première partie, bien sûr, s'intéresse au financement agricole. Une des constatations est le fait que l'intervenant majeur au Québec qui est l'Office du crédit agricole, présentement, administre dix lois.

À notre avis, il nous semble qu'il devrait y avoir un réaménagement ou une simplification des lois afin d'en arriver, par la suite, à une meilleure efficacité au niveau du travail, au niveau de la gestion des prêts aussi. Comme l'a souligné notre président, la formule tandem nous est apparue une formule intéressante. Cependant, nous voudrions porter à votre attention qu'elle mériterait certains ajustements.

Au départ, avant de parler plus spécifiquement du financement agricole, on veut bien mettre le point sur le fait que l'agriculture est un secteur économique qui a des caractéristiques propres. C'est un secteur où le rapport entre le capital nécessaire à la production et la valeur ajoutée est très élevé. C'est un secteur à très haute intensité "capitalistique". Deuxièmement, c'est un secteur où on ne peut avoir recours au marché des valeurs mobilières, actions, obligations. Les sources de financement sont les institutions d'épargne et de crédit et, en plus, les particuliers, les propriétaires d'entreprises.

Deuxièmement, il y a certains facteurs, tel le risque, en agriculture dont divers secteurs ne sont pas à l'abri. On parle, bien sûr, de climat, mais on parle aussi d'impact des politiques américaines puisqu'on vit dans un contexte nord-américain et que les États-Unis influencent une très grande partie des prix à la ferme au Québec.

On voudrait dire aussi, en passant, que l'agriculture, c'est une fondation qui soutient un complexe agro-alimentaire très important et qui emploie au-delà de 400 000 personnes. Donc, si on regarde cela, une des premières propositions du mouvement serait qu'il y ait un nécessaire soutien de l'État mais, cependant, il devrait y avoir une coordination des moyens qui doivent être pris.

En ce sens, on s'explique par le fait que, s'il il y a des politiques de financement, des politiques d'aide technique à la production, tout cela devrait être coordonné avec des politiques de commercialisation. On donne pour exemple les ouvertures qu'il y eu dans le financement agricole au niveau du porc, dans les années 1978 et 1979, où les organismes de financement ont peut-être ouvert trop grandes les portes sans tenir compte vraiment du risque ou des caractéristiques propres à cet élevage. Il y a aussi un exemple, dans le domaine des érablières, où on a procédé à une très grande modernisation sans avoir vraiment de politique de commercialisation pour écouler les produits.

Si on revient à la formule tandem, le programme tandem, disions-nous, caractérisé entre la jonction, l'expertise du personnel de l'office et le réseau Desjardins, nous permet de dire qu'on peut combler la demande de capitaux du secteur agricole. Cependant, nous devons prévoir certains ajustements. Je l'ai souligné au départ, il devrait y avoir une simplification des lois en une seule Loi sur le crédit agricole.

Deuxièmement, lorsque l'octroi d'un prêt tandem est conditionnel à l'obtention d'un crédit supplémentaire, il devrait y avoir une meilleure concertation entre les institutions financières et le personnel de l'Office du crédit agricole. Lorsqu'une entreprise est impliquée dans sa fonction de prêteur, il semble y avoir un manque au niveau de la concertation.

Troisièmement, dans l'administration des prêts agricoles et, par voie de conséquence, si on parle du domaine de la réalisation des garanties, il devrait y avoir certains ajustements et l'établissement de procédures claires entre les deux parties afin de savoir qui doit fait quoi.

En résumé, nos trois propositions dans le domaine du financement seraient de chercher à atteindre une plus grande cohérence entre les divers programmes mis en oeuvre pour assurer le développement du secteur agricole, deuxièmement, viser à intégrer les différentes lois et, troisièmement, prévoir des mécanismes permanents de concertation entre l'office et les institutions financières participantes afin d'établir conjointement les modalités d'ensemble dans le plan du financement et afin de résoudre de la façon la plus efficace possible les problèmes de gestion de prêts.

La deuxième partie traite de l'endettement des agriculteurs. Nous avons fait le point sur les principaux problèmes en agriculture qui sont avant tout des problèmes de revenus, niveaux de revenus qui semblent faibles et instabilité de prix, donc de revenus, dans certains secteurs de production.

À partir de ce que nous avons dégagé, nous avons élaboré un certain nombre de constatations et nous ne pensons pas avoir la

solution unique. Nous pensons que c'est l'intervention de tous les agents économiques et, principalement, l'orientation des politiques agricoles ou l'orientation des structures - à savoir si on doit favoriser la ferme familiale ou non - qui devraient relever, de prime abord, des organismes gouvernementaux et surtout des organismes de producteurs impliqués.

Pour ce qui est du domaine de la relève agricole, nous avons là aussi formulé certains constats et on rejoint en ce sens les propos du président en ce qui a trait à la formation professionnelle de la relève agricole. On constate qu'il n'y a que 20% des jeunes qui s'établissent en agriculture qui ont une formation professionnelle adéquate. Le reste, c'est encore là la ferme qui est la seule école de formation. Donc, est-ce que ce sont les applications des programmes qui sont inadéquates? Est-ce que l'horaire des cours ne convient pas aux travaux de la ferme? Il y aurait peut-être des questions à se poser là-dessus.

Nous avons posé un autre constat en ce qui a trait aux productions contingentées. On perçoit des problèmes de transfert de fermes dans les productions, notamment, de la volaille et du lait. Sans remettre en question le principe des quotas de production, les organismes et les agents économiques impliqués devraient se pencher afin de trouver des moyens pour faciliter les transferts de quotas aux jeunes agriculteurs.

On a souligné l'importance de la gestion dans les entreprises agricoles. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir des voies à encourager? Est-ce que, par exemple, on ne devrait pas favoriser l'acquisition de l'expérience, que ce soit sous forme de temps partiel? Les formules, comme le syndicat de gestion, nous semblent très appropriées. On se questionne. Même dans ce que vient de dire le président on a une volonté très ferme d'aller dans le même sens.

C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Il y a des demandes d'intervention de la part du député d'Arthabaska, suivi du député de Maskinongé.

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier le Mouvement Desjardins de nous avoir présenté ce mémoire très étoffé et aussi profiter de l'occasion, à la suite de l'ouverture que M. Blais nous a faite, tout à l'heure, au sujet des caisses populaires, en disant que la fédération serait prête à s'impliquer au niveau des syndicats de gestion. Je pense que cela démontre une autre fois ce que les caisses populaires ont fait dans leur milieu, en participant au développement régional. Je sais que, dans mon coin, les Bois-Francs, les caisses populaires s'impliquent grandement, depuis plusieurs années, dans le développement de notre région sous toutes sortes de formes. Je pense que cela est très avantageux. Cette ouverture que vous venez de faire ne tombera sans doute pas dans l'oreille d'un sourd. On va transmettre le message. On pourra regarder ensemble comment on pourrait intégrer toute cette initiative que vous nous offrez.

Vous avez fait un tour assez exact de la situation au niveau du problème de la relève agricole. J'aimerais vous entendre, puisque vous dites que ce n'est pas uniquement le financement qui nuit à la relève agricole. Vous avez fait mention du problème de formation, du problème de mise en marché, du problème de faire face aux coûts de production. J'aimerais vous entendre préciser ceci: Comment faire pour avoir un meilleur coût de production? Est-ce qu'il faut hausser les prix, subventionner davantage? Qu'est-ce que vous pourriez dire?

M. Blais (Raymond): Je vais vous donner un premier commentaire qui touche moins l'expertise agricole et je vais peut-être demander à Mme Parent de compléter.

J'ai un faible pour essayer de regarder les problèmes un par un et, quand je les mêle, je ne suis pas capable de les étudier. Si on isole les problèmes, il y a le problème de "management". Celui-là peut être réglé par la formation à moyen terme et à long terme. Je vous rappellerai, là-dessus, les travaux de la commission Saucier sur la capitalisation de la petite et de la moyenne entreprise. Il y a bien des choses qui ne sont pas pareilles, mais il y a une série de choses qui sont pareilles. On en est venu à une conclusion à cette commission. Si tu prends le problème global d'une PME, tu dis: II y a peut-être un manque de capitalisation, mais quand tu grattes, des fois, ce n'est pas cela et des fois ce n'est pas juste cela. Alors, le problème de "management", il faut le mettre sur une tablette à part, il faut essayer de le régler parce que, surtout en agriculture, alors qu'il y a tellement de causes qui sont en dehors de la volonté de l'agriculteur, s'il n'y a pas de management, il y a plusieurs excuses: On dit que c'est à cause de la température, que c'est à cause du manque d'argent, que c'est à cause des États-Unis. Des fois cela risque d'être vrai, souvent.

Alors, si j'isole ce problème, je dis qu'il y a un besoin de management en agriculture, comme il y a un besoin de management dans la PME. Celui-là - je raccroche toujours les syndicats de gestion -ce n'est pas vrai qu'on peut bâtir une université centrale de management de l'agriculture, à mon avis. Il faut travailler près des besoins. Je ne suis pas un expert, mais je suis porté à dire que les problèmes peuvent être très différents d'une région à

l'autre en agriculture. C'est le modèle. (15 h 45)

Au niveau du crédit, j'ai dit que ce n'était pas un problème de liquidité. Si le gouvernement veut garantir à 100% tous les prêts dans tous les cas, il va y avoir une ligne à la porte pour prêter aux agriculteurs, il n'y a rien là. Ce n'est pas un problème de liquidité. C'est un problème, à mon humble avis, de donner le coup de pouce aux jeunes, par exemple, et c'est pour cela que je pose la question: Est-ce qu'un gouvernement a besoin d'offrir toujours la même garantie dans toutes les situations? Là, je distingue cela de la subvention. La subvention, c'est un autre problème. J'aimerais qu'on puisse regarder cela.

Au niveau des coûts de production, je pense que Mme Parent aurait des commentaires. Là-dessus, je me sens plus démuni.

Mme Parent (Diane): Pour répondre à votre question, à savoir s'il y avait des solutions pour augmenter la rentabilité en agriculture, avant de penser à augmenter à un certain niveau, il y a un point intéressant à combattre, c'est l'instabilité, qu'on parle d'instabilité des coûts d'intérêt ou qu'on parle d'instabilité de prix ou de revenus. En ce sens, l'instabilité des coûts d'intérêt rejoint directement l'exemple qu'a donné M. Blais tout à l'heure en ce qui a trait à l'hypothèque à l'abri chez les particuliers. Je pense que, pour beaucoup d'agriculteurs, ce qui a fait mal, c'est lorsque les coûts d'intérêt, même pour les marges de crédit, ont monté jusqu'à 20%, 22%. Cela a fait très mal.

Deuxième question. De là à savoir si le consommateur ne paie pas assez cher ses produits, je ne pense pas qu'on puisse trancher la question comme cela. De toute façon, cela n'apporterait rien dans le portefeuille de l'agriculteur à court terme. On ne peut pas tous décider...

Un point qu'on voulait aussi souligner, puisque M. Blais parlait de relève, c'est qu'on devrait peut-être aussi repenser les formules d'établissement en agriculture. On ne semble pas favoriser les formules d'établissement graduel ou d'établissement, si on veut, à temps partiel dans certains secteurs fondamentaux au Québec. On sait qu'on a surtout une industrie animale qui est obligée de se nourrir d'intrants produits ici, mais aussi grandement exportés. Donc, dans certains secteurs, notamment le secteur des céréales, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir certains incitatifs pour favoriser l'établissement graduel? Là aussi, les risques sont moins grands lorsque les incitatifs permettent d'entrer graduellement ou sur une plus petite échelle que d'être obligé d'y aller à fond de train sur de grandes unités. Je pense que c'est un problème d'ensemble qui ne peut pas être réglé seulement par une réponse. Il y a différents points. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, M. Baril.

M. Baril (Arthabaska): Puisque vous parlez d'établissement graduel, selon les gens que vous côtoyez, vos clients, pensez-vous que le vendeur qui est souvent le parent, le père ou la mère qui vend à son fils ou à sa fille, pensez-vous, actuellement, que ces gens sont prêts, qu'ils sont assez informés, si la mentalité est rendue au point de dire: Je vais planifier l'établissement graduel de mon garçon ou de ma fille sur la terre, ou s'il manque quelque chose au niveau de la formation, peut-être, des vendeurs?

M. Blais (Raymond): J'entrerais cela dans le grand champ du management, dans le fond.

M. Baril (Arthabaska): Oui. Ce n'est pas le manque d'information parce qu'à un moment donné on est enraciné dans notre sol et on pense qu'on est éternel un peu. À un moment donné, tu te décides, tu es rendu à 45, 50 ans et plus, et tu te dis: II faut que je vende demain matin. Il n'a jamais planifié cela lui non plus, bien souvent.

M. Blais (Raymond): Voici un problème exact qu'on va retrouver dans l'étude de la PME et qui cause de graves problèmes: le propriétaire unique d'une PME voulant aller jusqu'au bout de la ligne avant d'impliquer des partenaires, que ce soit ses enfants ou que ce soit des gens de l'extérieur. Là, vous arrivez avec un problème qui est beaucoup plus grave. Cela, c'est québécois. Je ne dis pas que cela n'existe pas ailleurs, mais on a particulièrement un problème de cette... Dans ce dossier, quand on faisait des comparaisons avec le comportement des PME en Ontario, c'était déjà différent. Je ne porte pas un jugement de valeur, je dis que c'était différent.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez parlé aussi du plan tandem; c'est bien, cela devrait continuer, mats il devrait être modifié, il pourrait être amélioré. Est-ce que vous avez quelques suggestions à nous faire?

Une voix: Claude, aurais-tu des commentaires à nous faire là-dessus?

M. Deslandes (Claude): Je n'ai peut-être pas de suggestions très précises et très bien articulées à ce moment-ci. Je me permets, dans un premier temps, de répéter ce que le président Blais a mentionné tantôt, c'est-à-dire que le prêt tandem au Québec, pour les caisses populaires et sûrement pour l'agriculteur, est une initiative qui nous a bien servis, je veux dire qui a bien servi ces

deux communautés. Comme toute bonne chose qui est installée, il faut une période de rodage, mais je pense que cette période de rodage est à terme et l'expérience qu'on a vécue dans les différents cycles économiques nous invite à la remettre à jour. Ce n'est pas qu'on la met en doute, c'est tout simplement qu'on dit que ce serait peut-être le bon temps pour repréciser les responsabilités de chacun des intervenants dans ce mode de financement.

M. Morin (André): Est-ce que je peux... M. Baril (Arthabaska): Oui, oui.

M. Morin:... intervenir sur le même sujet? Je me suis donné la peine d'apporter la brique que vous connaissez bien. Ce sont les lois agricoles, mais une des choses qui est fatigante... Évidemment, vous êtes habitués aux lois, cela ne vous impressionne pas, mais, pour un agriculteur, c'est quelque chose à avaler; pour nos directeurs de caisse, c'est aussi quelque chose à avaler. Souvent même, pour nos conseillers juridiques, c'est de l'ouvrage pour se retourner de bord et trouver exactement ce que dit la loi tandem, ce que dit la Loi favorisant l'amélioration des fermes, celle sur le crédit à la production, etc. Il y a une synthèse à faire de cela, il y a une simplification. Il y a des répétitions, mais si, pour le même sujet, du genre des garanties, c'était exactement la même chose partout, ce serait un moindre mal. Mais nos conseillers juridiques disent qu'il faut toujours aller voir jusqu'au bout, parce qu'il peut aussi bien y avoir une petite nuance à la dernière ligne. Il y a cela, une espèce de simplification pour que l'on puisse se retrouver plus facilement.

Il faut réaliser aussi une autre chose. C'est qu'on a pensé que la loi tandem, c'est l'erre d'aller du crédit agricole de 1936 avec le financement à long terme par le gouvernement, avec une garantie gouvernementale. On a ajouté la Loi favorisant l'amélioration des fermes. On a fait une série de pièces bout à bout. On a pensé ces pièces une par une, mais ce qui se passe aujourd'hui, c'est qu'on a des agriculteurs qui ont un pied à peu près dans chaque loi et on a des institutions financières qui font des prêts complémentaires à cela, qui ne sont pas garantis par ces lois. Là, on commence à avoir des problèmes avec les coins de cette affaire-là, la charnière entre tout cela. Cela devient compliqué et c'est là-dessus qu'il faut travailler.

Quand on fait un prêt qui est garanti par la loi tandem, qu'on ajoute quelque chose avec la Loi favorisant l'amélioration des fermes, qu'on accorde une marge de crédit sans garantie gouvernementale au bout, quand on arrive à une situation difficile où il faut réaliser les garanties, il n'y en a pas un qui peut tirer tout seul sans ébranler l'autre. On est tous dans le même bateau, on travaille tous avec le même agriculteur.

L'Office du crédit agricole a d'excellentes orientations là-dessus. Il pense précisément à réviser cette loi, il y a matière à le faire. Son approche du dossier unique nous paraît aussi exceptionnelle. Il faudrait trouver le tour d'additionner nos forces pour avoir des dossiers uniques, même au niveau des institutions financières et de l'office.

M. Baril (Arthabaska): Quand vous avez dit tout à l'heure que les lois ne nous font pas peur parce qu'on y est habitué, ce serait sous toutes réserves parce qu'il y a bien des lois. Si on fait toute la nomenclature des lois qui existent au niveau d'un gouvernement, même nous qui les adoptons, on ne les connaît pas toutes à fond, parce qu'il y a bien des changements qui se font en cours de route. Mais là-dessus, vous avez raison de dire qu'il faut absolument retoucher à cette brique. Encore là, ma crainte, c'est qu'on se retrouve... Au lieu d'avoir huit, neuf, dix lois, je ne sais pas combien il y en a, avec peut-être 20 ou 25 articles chacune, qu'on en retrouve une avec 300 articles... Où ce sera? En tout cas, on ne se dirige peut-être pas là, mais il va falloir essayer de condenser cela.

Au niveau de la loi sur la banque de terres, je ne sais pas si vous la connaissez, si vous êtes au courant du fonctionnement...

Une voix: Une nouvelle loi.

M. Baril (Arthabaska): La loi sur la banque de terres, c'est une loi que le gouvernement a mise en place pour acheter des terres. Évidemment, s'il y a un agriculteur qui veut la prendre, le gouvernement va la lui louer pour une certaine période. J'aimerais avoir vos commentaires. Est-ce que cette formule, si elle était amplifiée et appliquée sur plus grande échelle, pourrait aider la relève agricole?

M. Morin: Les yeux fermés, on peut dire oui. Si le gouvernement a à reprendre des terres, il me semble que c'est une excellente idée de constituer une banque de terres qu'on pourrait louer à des jeunes qui, progressivement, pourraient acquérir ces terres. Jusqu'ici, au Québec, on n'a pas assez pensé à la location. Si le prix des terres est pour continuer à subir une inflation forte... Je sais que l'inflation a décru et est même négative, au cours de la dernière année, mais, si on regarde l'année 1970, s'il fallait que cela se répète à tous les dix ans, ce serait fantastique, le prix des terres et, à ce moment-là, il faudrait penser à des options

du genre de la location pour permettre à des jeunes de commencer.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez parlé également de devoir trouver des formules sur le transfert des quotas. C'est vrai que les quotas, dans toutes les productions, c'est un paquet de problèmes. Les institutions financières les prennent en garantie, mais ne les évaluent pas, et cela crée un problème aussi au producteur qui, à un moment donné, voudrait donner son quota en garantie pour autre chose. L'office le prend en garantie, mais ne l'évalue pas. On nous a proposé - je pense que c'est la Chambre des notaires, quand on est passé à Montréal - la formation d'une sorte de - je ne me rappelle pas le terme exact - caisse de quotas. L'agriculteur pourrait vendre son quota à cet organisme qui le revendrait, mais le financerait sur une période de dix ans. On est censé nous fournir plus de détails sur leur projet. Je trouve quand même intéressante cette formule. Est-ce que vous avez d'autres formules semblables? Est-ce que vous avez pensé à d'autres formules comme celle-là ou si vous faites comme nous, vous cherchez encore?

M. Blais (Raymond): On pense que, de ce côté, ce serait plus aux agriculteurs à avoir cette chose-là. C'est une réserve que je n'ai pas faite au début, mais, tout en étant très sympathique, en disant de regarder l'agriculture avec un oeil privilégié, on veut quand même garder notre rôle d'institution financière et je pense qu'on va mêler le débat si on essaie de régler les problèmes que les agriculteurs devraient régler eux-mêmes. Bien sûr, on va regarder cela. Comme institution financière, c'est sûr que, pour le problème des quotas, sans être un expert, je dis: Cela a causé des problèmes. Est-ce que ce modèle pourrait simplifier le problème, non pas des institutions financières, mais, finalement, le problème des agriculteurs? Malheureusement, je...

M. Baril (Arthabaska): Je voudrais peut-être revenir sur une question que j'ai déjà posée en complémentaire. Que penseriez-vous d'une formule de prêt avec taux croissant pour le jeune qui commence? Plus il atteint la rentabilité de la ferme, plus il s'approche du taux d'intérêt, disons, courant.

M. Blais (Raymond): C'est le genre de choses auxquelles je pensais quand je disais que les garanties n'ont pas besoin d'être les mêmes pour toutes les situations. André, si tu veux commenter. C'est dans le domaine des choses qui nous plaisent au départ.

M. Morin: C'est dans le mille, celai C'est le style du prêt hypothécaire à paiement progressif. Je pense que vous avez tout à fait raison d'attirer notre attention là-dessus. On fait trop de drame avec une situation exceptionnelle, la flambée des taux d'intérêt de 1981, par exemple, qui a donné la chienne à' tout le monde. Il y a des gens qui pensaient qu'ils allaient perdre leur maison et le reste. L'attitude du Mouvement Desjardins a été de dire: Un instant, si l'engrenage des tables d'amortissement, tenant compte du taux d'intérêt qui est rendu à 21%, veut dire que votre paiement doit passer de 500 $ à 900 $ et que vous n'êtes pas capable de le donner... Un instant! Qu'est-ce que vous pouvez donner? 750 $, 800 $? On va capitaliser ce qui n'est pas versé là-dessus et, demain, quand les taux d'intérêt baisseront à 15% ou à 12%, si vous pouvez continuer à donner ce même montant... (16 heures)

Je pense que les institutions financières ont une responsabilité, pourraient en discuter avec vous autres et accepter de temporiser sur la capitalisation ou le remboursement pour tenir compte d'une situation donnée. C'est ce qu'on a fait. L'hypothèque à l'abri, c'est un système un peu automatique là-dessus. Mais il y a quelque chose à faire là-dedans. Il faut éviter qu'à chaque fois qu'il y a une crise, une flambée de taux d'intérêt, par exemple, on repose tout le problème de l'agriculture comme si cette flambée était pour être pour des siècles à venir et tout remettre en cause.

M. Blais (Raymond): Un élément important, c'est que ce genre de choses ne s'installe pas en temps de crise. Il faut y penser quand il n'y a pas de crise pour l'avoir quand il y a une crise, car, quand la crise "pogne", l'émotivité est là. Il y a des cas particuliers, on ne peut pas régler cela. Alors, l'hypothèque à l'abri - je n'en parle pas pour en faire la promotion, on n'est pas dans la bonne salle - quand on a installé l'hypothèque à l'abri, il y a des gens qui nous ont dit: Vous êtes en retard, la crise est finie. On a dit: C'est la prochaine qu'on guette. C'est bien sûr qu'on était en retard pour la crise de 1981, mais si, par exemple, demain, il y avait une autre flambée de taux, les gens savent... Et surtout dans l'habitation, c'est presque mathématique; s'il y a une flambée de taux, s'il y a de l'inflation, en même temps que votre versement augmente, la valeur de votre maison augmente aussi. Vous étiez pris dans des situations aberrantes où les gens n'avaient pas les moyens de se payer une maison aussi chère que celle qu'ils avaient sans le savoir, à cause de l'inflation.

Alors, l'instabilité dont parlait Mme Parent tout à l'heure, celle des revenus, là-dessus je n'ai pas d'idée parce que je ne suis pas un expert; mais celle des dépenses, toutes les PME vont vous dire que ce n'est pas le haut taux d'intérêt qui est un

problème, ce sont les "swings". Si vous faites votre budget à 18% et que cela balance, il n'y a pas de problème. C'est quand vous faites votre budget à 12% et que cela monte à 18%. C'est là que vous êtes en danger.

Alors, il y a probablement des moyens, pour ne pas dire certainement des moyens, et on pourrait développer des formules avec le crédit agricole comme on en a développé dans d'autres sortes de crédit. Mais il y a un truc là-dedans. C'est qu'il ne faut pas aborder cela par le bout de la lorgnette de l'institution financière. Il faut aborder cela par le bout de la lorgnette de celui qui a le crédit. L'hypothèque à l'abri, c'est l'établissement de façon statutaire de ce que les caisses avaient fait cas par cas pendant la crise. On l'a fait cas par cas et cela marche. Pourquoi alors n'en ferait-on pas un produit? Il s'agit, comme M. Morin disait, de laisser tomber la table de versements; la table de versements dit que tu nous dois 1234, 42 $ ce mois-ci, qu'est-ce que tu es capable de donner et quelles sont tes garanties additionnelles et qu'est-ce qu'on peut faire? Parce que, si on peut prendre une période de trois ans, de quatre ans, de cinq ans, les gens vont vous dire: On passe au travers. Là-dessus, je fais une réserve additionnelle et je bute toujours sur le premier élément que j'ai donné. Cela est possible pour autant qu'on tienne pour acquis que la gestion est bonne. Vous n'installez pas de formule comme cela pour financer la mauvaise administration, je m'excuse. Cela est fondamental.

M. Baril (Arthabaska): On est orienté de plus en plus vers des critères d'admissibilité à un prêt qui tiennent compte de la formation, de la capacité de gestion de l'entreprise de la part du client, du demandeur.

M. Blais (Raymond): On n'a pas le choix.

M. Baril (Arthabaska): Une dernière question. Sur les taux d'hypothèque à l'abri, pour utiliser votre expression, est-ce que vous voyez un plafond, dans le domaine agricole? L'Union des producteurs agricoles nous proposait une formule qui était, je pense, 3% plus 0, 5% par année, mais jusqu'à un maximum de 10%. Cela ne devait pas dépasser le taux d'intérêt de 10%. L'agriculteur qui est capable, qui, depuis 15 ans, est en agriculture selon moi, est plus en mesure de payer un taux d'intérêt que celui qui commence. Lui fixeriez-vous un plafond ou si vous laisseriez approcher le taux d'intérêt le plus... Je ne veux pas mettre de chicane entre vous et l'UPA.

M. Blais (Raymond): Mon problème, c'est que j'ai des idées là-dessus, mais je pense que cela ne me regarde pas. C'est pour cela que j'ai de la misère à... C'est que, nous, après avoir dit que le gouvernement devrait regarder cela d'un oeil privilégié, le genre de subvention qu'il a le goût de donner aux agriculteurs, je ne pense pas que ce sont aux institutions financières à discuter même là-dessus.

M. Baril (Arthabaska): Nous, on ramasse les idées de tout le monde, vous savez!

M. Blais (Raymond): Si vous parlez à Raymond Blais comme citoyen du Québec, là...

M. Baril (Arthabaska): Je vous remercie beaucoup, M. Blais. Je vais laisser la chance aux autres. Peut-être que je reviendrai tout à l'heure sur d'autres questions.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Là-dessus la parole est au député de Maskinongé.

M. Picatte: Merci, mesdames et messieurs, d'être présents parmi nous et d'avoir accepté de nous soumettre ce mémoire qui est intéressant à plusieurs égards. J'ai presque le goût de commencer avec la dernière question de mon collègue. Raymond Blais, comme citoyen, c'est quoi? Qu'est-ce qu'il a à l'idée de nous proposer?

Mes collègues m'ont fait part, de chaque côté, qu'ils avaient des questions eux aussi; alors, on va essayer de s'en tenir au domaine général afin de laisser du temps pour les autres.

Nous avons reçu deux associations féminines qui nous ont fait part de certains problèmes ou de plusieurs problèmes, en tout cas, de certains problèmes en particulier. Par exemple, des femmes en agriculture demandaient de ne pas avoir à renoncer à leur droit de résidence familiale. Trop souvent elles sont appelées à renoncer à leur droit de résidence familiale parce que, évidemment, la résidence familiale fait partie du nantissement comme tel. J'aimerais savoir quelle incidence cette demande peut avoir sur les demandes de prêts. Si, demain matin, par exemple, le gouvernement disait: D'accord, la résidence familiale est à part et la femme a justement les droits qu'on lui a consacrés par une autre législation, quelle incidence cela pourrait-il avoir du côté des institutions prêteuses comme la vôtre?

M. Blais (Raymond): Le commentaire, en général, que je peux faire là-dessus, c'est que les institutions financières ne changent pas. Elles ont une série de critères. Si les lois changeaient, elles ajouteraient ce critère pour dire quel est l'impact sur nos crédits. Mais mon commentaire, c'est que, dans ce domaine comme dans tous les autres, on a

tellement de retard qu'on devrait faire l'impossible pour avancer dans ce sens-là.

Je vous ferai remarquer qu'à la confédération, 100 % des agronomes sont des femmes.

M. Picotte: Je vais ajouter à cela que celle qui m'assiste pour travailler est une agronome et que c'est une femme.

Mme Parent (Diane): Je voulais juste dire, M. le député de Maskinongé, pour renchérir sur les propos de M. Blais, que, dans le domaine du financement agricole, la première préoccupation n'est pas la garantie. Je pense qu'on l'a souligné. C'est avant tout la capacité de remboursement. Ce n'est peut-être pas la première préoccupation, le fait de savoir si on doit ou non prendre la résidence familiale. Je pense qu'il y a une préoccupation avant tout de rentabilité ou de capacité de remboursement. C'est ce que je voulais ajouter.

M. Picotte: Écoutez, je sens une nette différence entre vous et un autre groupe de prêteurs qui sont venus nous rencontrer. Il y a quand même une divergence d'opinions du côté de certaines prises de position. Mais je pense que c'est vous qu'on questionne présentement. Vous trouveriez que, de ce côté, il ne semble pas y avoir de problème comme tel. Il s'agit tout simplement de permettre que d'autres lois qui sont existantes viennent s'appliquer...

M. Blais (Raymond):... voir un problème.

M. Picotte: On vous a parlé tantôt du gouvernement. Est-ce que le gouvernement devrait prêter à des taux d'intérêt plafonnés, ou bas, ou maintenir cela à un taux d'intérêt... vu que les agriculteurs ont peut être un peu plus de difficulté? Parce qu'il y a toujours trois dilemmes possibles, vous savez! Si l'État intervient souvent avec des subventions, finalement on fait peut-être passer la classe agricole pour des gens qui sont à la merci des subventions ou qui sont des espèces d'assistés sociaux. C'est souvent ce que les agriculteurs nous ont dit: Arrêtez de nous donner des subventions uniquement pour donner des subventions. On a l'impression d'être des quêteux de subventions. Il y a ce dilemme-là. Il y a l'autre dilemme qui veut que, si on ne donne pas de subventions ou si on n'apporte pas de politique spéciale de soutien de ce côté-là, c'est le consommateur, en bout de piste, qui va payer, et à quel prix. Il y a l'autre côté aussi: Est-ce que l'État doit intervenir du côté d'un taux d'intérêt peut-être plus plafonné? Vous avez répondu en partie à cela tantôt, mais en ramenant cela quelque peu à la gestion. Dans les prêts que vous avez présentement avec les agriculteurs et tout cela, la qualité de gestion, vous la placez où? Est-ce que c'est un point qui devrait être amélioré à un pourcentage X ou si, finalement, compte tenu de tout ce qui se passe, c'est acceptable?

M. Blais (Raymond): J'aimerais peut-être avoir la réaction de gens qui sont dans l'action, qui sont dans le prêt même.

M. Lemelin (Gilles): Je pense que, dans la qualité de gestion, c'est sûr que c'est important au niveau de la relève, le transfert de parent à enfant. Je pense qu'elle doit s'accentuer en ce sens aujourd'hui parce que c'est sûr que transférer une ferme au niveau de la famille, au niveau de la formation de base, cela se respecte, mais au niveau de l'information ou des techniques de base, cela devient de plus en plus important.

C'est sûr que, par rapport aux agriculteurs qui sont en agriculture depuis un an ou depuis dix ans, ils ont certaines difficultés, entre autres, autant que pour une PME, ils peuvent contrôler leurs revenus et contrôler leurs dépenses. Par rapport au cultivateur, au niveau technique, plus il va être avancé, plus il va avoir une meilleure gestion dans ses dépenses ou dans son contrôle, mais, dans son revenu, il n'a pas nécessairement un contrôle, soit interne ou soit externe, parce qu'il peut devenir étatique ou étranger. Je pense qu'en ce sens cela peut être important aussi.

On a parlé tantôt des subventions. Il ne faudrait pas y aller à outrance parce que les cultivateurs ne veulent pas passer pour des gens subventionnés à outrance. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu quand même l'inflation dans les prix, il y a eu l'inflation dans les taux d'intérêt, il y a eu l'inflation dans les terres ou même dans l'équipement, mais il n'y a pas nécessairement eu l'inflation dans les subventions. Je me demande si cela a suivi le même rythme d'inflation, les subventions, les prix ou les taux d'intérêt.

Il y a peut-être moyen de regarder un certain ajustement en ce sens sans penser que le cultivateur a besoin d'être prescrit ou contrôlé par ce genre de subvention. Pour moi, c'est le commentaire que j'avais à émettre.

M. Picotte: Maintenant, si on parle de la dernière crise qui est passée et qu'on parle surtout du domaine du porc où il y a eu de sérieux problèmes de la part des agriculteurs qui étaient dans ce domaine, vous avez quand même, évidemment, dû voir un paquet d'agriculteurs en difficulté. Quelles sortes de services votre institution offrait-elle, par exemple, aux agriculteurs, parce que vous avez vu venir cela en cours de route que tel agriculteur allait être en difficulté et, forcément, vous aviez un rôle

social à jouer aussi, dans le sens d'aider ce gars à traverser la crise? Vous l'avez fait, peut-être, en le finançant. Quelles sortes de mesures les caisses populaires pouvaient-elles offrir à l'agriculteur en difficulté, surtout du côté de la gestion? Est-ce que vous aviez, d'abord, des gens qui étaient placés à certains points stratégiques, certains niveaux stratégiques pour porter assistance à ces gens? Est-ce que vous avez organisé certains cours ou certaines sessions d'études?

M. Deslandes: Les cours n'ont pas été distribués, en soi, auprès des agriculteurs, c'est-à-dire que nos directeurs de caisse ou notre personnel responsable de ce secteur de crédit ont été habilités à traiter des cas particuliers. Sans faire l'inventaire de ce type de problèmes, ce qu'on a constaté, c'est que ceux qui étaient vraiment en difficulté n'étaient pas nécessairement de vrais agriculteurs. Les vrais agriculteurs ont vécu un degré de difficulté qui était surmontable comme d'autres entreprises vivent des périodes plus difficiles quand la conjoncture économique est différente.

Ce qui nous achale le plus, c'est qu'on n'a pas mainmise et on n'a pas d'autorité sur le type d'agriculteur qui est plus ou moins compétent ou l'agriculteur qui s'est déguisé en agriculteur, le nouvel individu qui, pour toutes sortes de raisons, a décidé de se lancer dans l'élevage du porc qui est une industrie, comme on le sait, historiquement très cyclique et aujourd'hui le cycle est encore plus grand. (16 h 15)

Au risque de me répéter, ce n'est pas l'agriculteur de qualité qui a une organisation bien structurée, même si elle est récente, et qui a vécu des difficultés qui nous aurait invités à aller jusqu'à le conseiller dans sa gestion.

M. Picotte; Certains intervenants qui sont venus nous rencontrer - je pense que c'est à Montréal - nous ont proposé quelque chose d'à peu près semblable à ce que je vais vous dire. On nous a dit: Nous, les institutions prêteuses, sommes prêtes, toutes seules, sans l'aide de l'Office du crédit agricole et du gouvernement, à prendre tous les cas qui sont assurés de réussite. Pas de problème là-dessus, on va prendre les cas qui peuvent réussir. Laissez-nous cela entre les mains, cela va nous permettre d'intervenir, cela va vous donner peut-être un peu plus de liberté pour que vous, l'État, vous occupiez des cas qui sont plus en difficulté ou des productions qui ont moins de gages de réussite.

Pour ma part, je vais vous dire bien franchement... Je ne ferai pas de commentaires, je vais vous laisser faire les vôtres avant, pour ne pas vous influencer, mais trouvez-vous que ce serait une solution acceptable?

M. Blais (Raymond): Je suis encore obligé de vous demander de faire une distinction fondamentale entre la subvention et la garantie. Ce que j'ai soumis, c'est que... Tenons pour acquis que l'agriculture va toujours être un secteur d'intervention pour le gouvernement. Je pense que cela est fait.

Évidemment, comme citoyen du Québec, si je reviens comme cela, je suis tiraillé, parce que, d'un côté, je gueule contre les gouvernements qui ont des déficits trop élevés; d'un autre côté, je leur demande des subventions. Je suis un peu poigné. Il faut que je fasse de l'ordre dans mes propres idées là-dessus. Idéalement, je dis au gouvernement: Le moins de subventions possible et diminuez votre déficit.

Je considère que l'agriculture est un domaine où il y aura un besoin de subventions. Ce que je signalais, c'est qu'il devrait y avoir une différence entre ceux qui en ont le moins besoin, ceux qui sont bien gérés, et ceux qui partent l'établissement, les jeunes.

Au niveau des garanties, il y a une tradition d'établie depuis plusieurs années. Je ne pense pas que cela bouleverserait le Québec si le gouvernement voulait changer totalement son attitude en disant: Ceux qui sont corrects, ce sont les institutions financières et ceux qui ne sont pas corrects, c'est nous. La question va être: Qui est correct et qui ne l'est pas? Ce n'est peut-être pas si facile que cela de trancher au couteau.

M. Picotte: En fait, le système est bon, sauf qu'il demande une amélioration, c'est sûr, parce qu'il y a du ménage à faire dans les lois. Je ne vous cacherai pas que je suis comme certains de mes collègues, je n'ai pas tellement peur qu'on refonde les lois et qu'on fasse une nouvelle loi là-dessus, même s'il y avait beaucoup d'articles. Ce qui m'impressionne toujours plus, ce qui me fait toujours plus peur, ce sont les règlements qui découlent de cela. Ces maudits règlements, ce ne sont pas les élus du peuple autour de la table qui ont quelque chose à dire là-dessus; on est obligés de vivre avec des règlements qui, bien souvent, ne sont même pas collés à la réalité. Alors, cela ne m'impressionne pas tellement d'avoir des lois, ou plusieurs, ou une seule. Ce sont les règlements qui, je pense, en fin de compte, peuvent être néfastes et prohibitifs dans te cas de plusieurs.

À la page 7 de votre résumé, vous dites: "Lorsque l'octroi d'un prêt tandem est conditionnel à l'obtention d'un crédit supplémentaire, il nous apparaît souhaitable que, dès l'étude du dossier, il y ait concertation entre les conseillers de l'OCAQ et ceux des institutions financières. " Est-ce

que par là vous voulez nous dire que l'étude des dossiers se fait chacun de son côté, c'est-à-dire que, chez vous, vous faites une étude de votre dossier, parce que vous avez des gens, que, de l'autre côté, du côté de l'Office du crédit agricole, on fait aussi une étude du dossier et que, finalement, il y a là une perte de temps et un dédoublement de travail?

M. Deslandes: II ne faut pas lire cela dans le sens de dédoublement de travail; il faut plus le lire dans le sens du réalisme du consentement du crédit et de la nature des intervenants. Si l'office intervient, parce que l'institution financière reçoit une demande additionnelle de crédit, il faudrait que ce soit en donnant à l'institution financière suffisamment de garanties et d'aisance auprès du prêteur pour lui permettre de fonctionner pendant le temps nécessaire.

M. Blais (Raymond): De façon peut-être un peu plus directe, on peut avoir l'impression que, dans certains cas, l'office nous transfère l'odieux de dire non. Cela ne peut pas être plus clair que ça.

M. Picotte: Oui, bon.

M. Blais (Raymond): 5i vous allez voir quelqu'un qui vous demande - je ne sais pas - un prêt de 100 000 $, il va dire: Oui, j'accepte, à la condition que tu trouves 300 000 $ de capital ailleurs. Cela devient une condition qui est un refus. Je pense que le dossier est bon ou n'est pas bon. On devrait le regarder ensemble, et les caisses et l'office, et décider si on peut poser le geste ou non.

M. Picotte: D'autant plus que, dans ces cas-là, ce sont des cas qui sont chez vous depuis fort longtemps à toutes sortes d'égards. Même, quelqu'un qui arrive sur le marché de l'agriculture, c'est quelqu'un qui est chez vous depuis déjà un temps X et vous en avez un certain portrait financier, de toute façon.

Dans le même ordre d'idées, vous dites: "De plus, nous croyons qu'il est important qu'une distinction claire soit établie entre le rôle de bailleur de fonds de l'institution financière dans le cas des prêts garantis et son rôle de prêteur dans le cadre des prêts non garantis. " J'aimerais que vous explicitiez cela davantage. Finalement, c'est le bien de l'agriculteur qui doit primer dans tout cela. Que voulez-vous nous dire par là?

Mme Parent (Diane): Si je peux ajouter un commentaire à la suite de cette question, c'est que, bien entendu, lorsqu'un agriculteur se présente avec son certificat de prêt et qu'il vient chercher des fonds auprès d'une caisse populaire - il vient tout simplement chercher des fonds parce qu'ils sont déjà garantis - cela ne pose pas le même problème que lorsqu'il nous arrive avec un certificat de prêt au bas duquel il est mentionné: Ce prêt est conditionnel à une marge de crédit ou à un crédit supplémentaire de tel montant. On veut bien mettre une distinction parce que, d'un côté, il y a un pouvoir décisionnel de la part de l'institution financière - je pense qu'il y a une juste part à la décision - et, d'un autre côté, il y a une nette différence à faire entre le fait d'être bailleur de fonds et le fait d'être dans une fonction de prêteur. C'est cette distinction qui est mentionnée.

M. Picotte: C'est à cela que vous faites allusion.

Mme Parent (Diane): Oui.

M. Picotte: À la page 24, non pas du résumé, mais de votre mémoire, vous parlez des intérêts sur les arrérages. Qu'est-ce que cela peut représenter par année, les intérêts sur les arrérages?

M. Morin: Je vais intervenir là-dessus, si vous le permettez. C'est un problème que l'on avait avec l'office et que l'on est en train de solutionner par dialogue. Je pense que c'est tout simplement une mauvaise compréhension de la part de l'office. Quand un agriculteur ne peut plus continuer à faire ses paiements, l'article 16, je pense, de la loi nous permet de capitaliser les intérêts. Capitaliser les intérêts, pour nous, c'est tout simplement additionner les intérêts au solde du prêt et les intérêts courent au taux du prêt, ce qui fait que, à la fin de l'année, que l'agriculteur ait fait ses versements ou ne les ait pas faits, l'institution financière reçoit le même rendement. C'est notre compréhension du phénomène. Du côté de l'office, il y a quelqu'un qui s'était imaginé que, si on mettait les intérêts par-dessus le capital, on sortirait de là avec un intérêt composé et un rendement beaucoup plus élevé. On a travaillé cela jusqu'à trois décimales après le point et on a dit: Ce n'est pas le cas. C'est tout simplement une question de compréhension. J'espère que l'interprétation de l'office va pouvoir être modifiée là-dessus.

M. Picotte: Sur les modalités de versement dans les subventions d'intérêt, au bas de la page 24, vous dites: Dans les cas d'arrérages, le versement des subventions d'intérêt ne devrait pas être interrompu. Est-ce que cette mesure de l'Office du crédit agricole a pu amener des agriculteurs plus facilement à la faillite, selon vous, dans les nombreux dossiers que vous avez, ou, si on avait continué, si on n'avait pas interrompu les intérêts et si on les avait versés à

l'institution, est-ce qu'on aurait pu sauver plus d'agriculteurs au moment de la crise?

M. Morin: Est-ce qu'on aurait pu sauver plus d'agriculteurs? C'est difficile de répondre à cette question, mais, certainement, c'est une goutte d'eau de plus dans un vase qui est déjà en train de déborder. Je comprends l'orientation originale de l'office là-dessus, c'est-à-dire que l'on veut, en accordant cette subvention d'intérêt, encourager les agriculteurs qui maintiennent bien leurs dossiers, leur administration et qui font leurs versements à temps. Mais, ce qui se passe, c'est précisément quand... Cela est peut-être excellent pour éviter que les gens ne se traînent les pieds. Mais, lorsqu'un agriculteur est pris avec un coup dur, qu'il est en retard, c'est là qu'il entre dans un problème. Aussi, on vous suggère un raccourci, c'est que l'intérêt ne devrait pas être versé directement à l'institution financière pour éviter un délai qui peut arriver. Là aussi l'agriculteur perd quelque peu parce que les intérêts continuent toujours à courir. Ce sont de petites technicités. Je comprends dans quel esprit cela a été posé. Mais, à la suite de la série de cas compliqués qu'on a eus avec la récession de 1982-1983, c'est à se demander si ceci ne pourrait pas être révisé.

M. Picotte: M. le Président, merci. Il y a de mes collègues qui vont voir à vous poser des questions tantôt au nom de la formation politique que je représente. Je tiens à vous remercier de votre collaboration.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie. Avant de passer la parole au député de Champlain, j'aurais une question pour M. Blais. Elle est un peu délicate. Je veux quand même qu'on ait votre point de vue là-dessus puisque, tout au long de nos auditions, entre autres, les représentants de producteurs agricoles ont attiré notre attention sur, peut-être, un mode de financement un peu nouveau où on a dit: Afin d'assurer une retraite viable au producteur agricole quand il se retire de sa ferme, pourquoi est-ce que l'État ne se permettrait pas de garantir le prêt de cet individu à celui qui s'installe sur la ferme, qui prend la relève? Si vous comprenez l'idée, plutôt que de garantir un prêt qui serait consenti par une banque ou une caisse populaire ou une autre institution bancaire, le prêt serait garanti directement auprès de l'agriculteur qui réinvestirait dans le secteur agricole, automatiquement. Cela lui donnerait une revenu, évidemment, intéressant. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée et est-ce que vous y voyez des avantages pour le producteur et pour encourager la relève en même temps?

M. Blais (Raymond): Je n'ai pas saisi la différence. Quelqu'un, par exemple, qui est à la retraite et qui veux vendre à son fils?

Le Président (M. Vallières): C'est cela. Alors, l'État garantirait à cette personne, à l'intérieur des programmes qui sont existants, quand même... Au lieu de garantir le prêt à une banque, on dirait: C'est le producteur qui quitte la ferme qui finance celui qui s'y installe et le prêt est garanti par l'État.

M. Blais (Raymond): Le père prête à son fils...

Le Président (M. Vallières): Et on garantit le père. L'État répond du prêt auprès du producteur qui prête.

M. Blais (Raymond): Bien, comme institution financière, je n'ai pas d'idée, mais en général je trouve que cela peut être une idée qui peut être intéressante. Je n'ai pas d'opposition à cela.

Le Président (M. Vallières): Je voyais peut-être un problème. Je vous pose une sous-question. Est-ce que, à partir de ce moment-là, ce seraient plutôt les prêts de risque qui reviendraient aux institutions financières puisque, si plusieurs producteurs se prévalaient de ce procédé, il y aurait peut-être un danger que les institutions bancaires soient aux prises avec seulement les prêts qui représentent des risques plus élevés?

M. Blais (Raymond): Oui, mais ce ne sont pas les institutions financières qui vont être pénalisées. Ce sont les agriculteurs qui n'auront pas de prêt. Ils vont évaluer cela. Je ne peux pas évaluer la contrepartie de ce côté. Si, par exemple, le père prêtait à son fils avec une garantie du gouvernement... Cela dépend de ce que le gouvernement fait car, si le gouvernement va chercher toutes les garanties pour donner sa garantie au père, il ne reste plus rien pour acheter son pain et son beurre. Et c'est là, dans le fond... J'arrive toujours avec la forme de garantie. En théorie, et brutalement, quand le gouvernement donne une garantie que n'importe quelle institution financière donnerait, il n'a pas trop de mérite. Si le gouvernement fait cela, il faut qu'il convienne que la garantie qu'il exige pour garantir le prêt est différente de celle que l'institution financière exigerait. Sans cela, on change quatre trente sous pour une piastre. Mais si le gouvernement veut réellement aider les gens, il pourrait prendre, entre guillemets, plus de "risques" et exiger moins pour laisser au fils qui veut aller chercher d'autres séries de crédit ailleurs une couple de tablettes qu'il peut nantir. Est-ce que c'est clair?

(16 h 30)

Le Président (M. Vallières): Oui, je vous remercie. M. le député de Champlain.

M. Gagnon (Champlain): Merci, M. le Président. A mon tour, je voudrais vous remercier pour l'excellent mémoire. Je pense qu'il suscite beaucoup de questions. Vous avez touché, à mon point de vue, très certainement le point sensible du problème du financement et de la relève. Je voudrais vous poser des questions sur ces points. Vous avez mentionné, par exemple, que 20% des agriculteurs, actuellement - si j'ai bien compris - avaient la formation adéquate. Vous avez mentionné aussi l'importance... Pour souligner cette importance, vous avez dit qu'une formule qui vous plaisait beaucoup, c'étaient les syndicats de gestion et que même les caisses étaient prêtes à faire l'ouverture pour s'impliquer dans le domaine des syndicats de gestion. Est-ce que vous avez l'impression... En fait, il y a peut-être 20% des producteurs qui sont préparés, mais, souvent, il y a des gens qui sont préparés au début, mais, à cause de l'évolution de l'agriculture, au bout d'un certain temps, on dirait qu'on se perd, c'est-à-dire que la préparation qu'on avait n'a pas suivi à cause du travail qu'on a eu à faire, et ainsi de suite. Je me souviens d'avoir déjà suggéré qu'on ait des prêts plus surveillés ou qu'on assiste davantage l'agriculteur, comme on assiste, d'ailleurs, n'importe quelle autre entreprise. Dans la PME, je me souviens d'avoir travaillé pour une industrie assez grosse et c'était chaque année qu'on voyait venir les banquiers; en fait, les financiers de l'entreprise venaient voir où on en était rendu dans la situation. Est-ce qu'il y aurait des formules ou si ce serait le syndicat de gestion qui pourrait le faire? Est-ce qu'il y aurait des formules pour suivre davantage l'agriculteur, une fois que le prêt est fait?

M. Blais (Raymond): Si je comprends bien, c'est le rôle fondamental des syndicats de gestion.

M. Gagnon (Champlain): Oui.

M. Blais (Raymond): Le rôle des syndicats de gestion, si je comprends bien, ce n'est même pas de leur faire avoir des prêts, c'est de dire: Une fois que tu as le prêt, comment tu te compares avec les fermes de ton secteur, comment va telle production, où est ton point mort? C'est ce genre de choses sur lesquelles... Vous avez parfaitement raison, dans le sens qu'il faut que ce soit un processus totalement continu, comme dans toutes les PME ou comme dans toutes les entreprises. Si vous ne bougez pas, vous êtes déphasés, vous êtes dépassés parce que cela va vite au niveau de la technologie. J'attache énormément d'importance à ce phénomène des syndicats de gestion et, pour moi, ce sont eux qui sont le mieux capables de garder à jour le petit groupe d'agriculteurs qu'ils ont sous leur gouverne.

M. Gagnon (Champlain): Même si les syndicats de gestion ont augmenté - je n'ai pas le nombre de syndicats de gestion, mais je sais que cela a augmenté rapidement au cours des dernières années et on sait que ce n'est pas répandu chez la totalité des agriculteurs - en attendant que se forment des syndicats de gestion pour au moins une grosse partie des agriculteurs, est-ce que les institutions prêteuses pourraient jouer un rôle de plus près en ce qui concerne la surveillance des prêts? Je vous dis cela parce que j'ai vécu moi-même une expérience. Comme fermier, je me souviens d'avoir eu à prendre des décisions et même j'avais consulté mon comptable, j'avais appelé soit l'office ou la société, l'organisme prêteur, pour lui dire: J'aimerais que vous veniez faire un tour avant que je prenne ma décision ou j'aimerais avoir votre éclairage, et ainsi de suite. Si, moi, je l'ai vécu, je présume qu'il y en a d'autres aussi qui vivent la même situation. En attendant qu'il y ait assez de syndicats de gestions de formés, même si on veut en préconiser davantage, est-ce qu'il n'y aurait pas une formule à trouver pour que l'agriculteur qui se lance en agriculture se sente de plus près surveillé ou de plus près conseillé?

M. Blais (Raymond): Gilles, as-tu un commentaire là-dessus?

M. Lemelin: Je pense que l'expérience qu'on vit chez nous depuis quelque temps... On s'est quand même attaché chez nous, à la caisse, un agronome qui travaille, d'abord, spécialement pour la caisse et, ensuite, à développer le crédit agricole dans notre milieu ou dans notre région. Cela se fait actuellement à travers la province, dans cinq ou six succursales de la caisse. Il est bien entendu que le mandat de l'agronome, chez nous, c'est de développer l'agriculture, le milieu des affaires en agriculture. C'est sûr que son mandat, c'est-à-dire le contact entre l'institution financière qu'est la caisse populaire et l'agriculteur, pour lui, c'est de le diriger, d'abord, dans ses investissements, dans ses achats ou dans la planification de ses investissements. Il vient un temps où certains dossiers - il y en a chez nous -demandent un peu plus d'attention. Je pense que le mandat de l'agronome, chez nous, ce n'est pas de le poursuivre quand il en a besoin un peu plus, mais de le diriger là où il a besoin d'être suivi par un syndicat de gestion. Je pense qu'on sert de lien, peut-être, entre la transaction, l'investissement et le suivi dans son paiement.

M. Gagnon (Champlain): À la page 8 de votre résumé, vous faites des propositions et la troisième, c'est de prévoir un mécanisme permanent de concertation entre l'Office du crédit agricole et les institutions financières participantes. Cela n'existe pas, actuellement, cet organisme qui fait que vous avez des rencontres régulièrement et qu'on peut parler des problèmes, non pas des problèmes qu'on vit, mais peut-être des problèmes à prévoir éventuellement?

M. Blais (Raymond): C'est-à-dire que notre collaboration avec l'office est excellente, c'est un peu ce que je disais tout à l'heure, mais on se rencontre quand on a des problèmes. Peut-être que des mécanismes plus permanents, comme vous le dites très bien, permettraient de voir venir plus les problèmes. Déjà là, on a parlé de définir des rôles, tout cela. Déjà, vous êtes dans une situation où l'institution financière et le gouvernement travaillent pour le même agriculteur et ils ont des rôles qui se retouchent, les mêmes objectifs.

Quand l'institution financière transige uniquement avec un client ou un membre, elle ne se pose pas de questions, elle n'a de questions à poser à personne, mais, dès que vous partagez cette fonction - et je ne pose pas de questions là-dessus - vous devez souvent redéfinir vos rôles et dire: Est-ce que c'est toi qui avais dit que tu ferais cela ou si c'est moi? Ce n'est pas une question idéologique. C'est bêtement une question de se comprendre sur ce que chacun... Il n'y a rien d'idéologique là-dedans.

M. Gagnon (Champlain): Je vous remercie. Souvent, au cours des mémoires qu'on a entendus, on nous a parlé du choix du consultant. Plusieurs groupes qui sont venus ici voulaient avoir un choix en ce qui concerne la personne avec qui on transige avant d'avoir un prêt agricole. Je ne sais pas comment ce problème peut se régler, parce qu'il ne peut pas y avoir un consultant par entreprise qui fait des transactions. Je me demande si, selon vous, on ne pourrait pas décentraliser davantage. Quand je parle de décentraliser davantage, je parle de décentraliser le travail préparatoire à l'acceptation d'un prêt. Actuellement, c'est l'office qui fait ce travail et, une fois qu'on a accepté un prêt, on donne un permis d'emprunter à la caisse ou à l'institution de son choix. Est-ce que cela serait, selon vous, une bonne façon d'offrir un meilleur éventail, si vous voulez, aux agriculteurs en disant: Le prêt va plutôt être analysé au niveau plus local, au niveau plus régional? Est-ce qu'on pourrait améliorer en faisant cela?

M. Blais (Raymond): Est-ce que cela cause réellement des problèmes?

M. Deslandes: Je ne suis pas certain que cela cause des problèmes en ce qui nous concerne. Peut-être que le problème, c'est la façon dont on analyse le dossier. Présentement, c'est analysé à distance avec l'institution prêteuse. L'institution prêteuse reçoit le certificat et intervient comme bailleur de fonds, comme l'a dit madame tantôt. Peut-être que ce serait plus rationnel et, après l'expérience vécue, plus raisonnable pour toutes les parties, aussi pour que tout le monde parle le même langage, que les officiers de l'OCAQ, l'emprunteur et l'institution financière fassent partie de cette même analyse. Je ne sais pas si, dans votre décentralisation, dans votre expression, c'est ce que vous sous-entendez, mais, pour nous, ce serait quelque chose qui serait très recevable.

M. Gagnon (Champlain): Qui pourrait en même temps peut-être accélérer et faire en sorte...

M. Deslandes: Par le fait même, cela accélère.

M. Gagnon (Champlain): Parce que M. Blais a mentionné tantôt que ce n'est peut-être pas dans toutes les régions qu'on transige exactement de la même façon, c'est suivant la région, suivant les municipalités. Je vous remercie beaucoup. Je vais laisser la chance aux autres de vous poser des questions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Je voudrais vous rassurer, M. Blais ainsi que les autres membres, je ne connais rien en agriculture. Alors, il n'y a pas de question piégée là-dessus puisque, sur la Côte-Nord, vous le savez comme moi, ce n'est pas là que l'agriculture est la plus forte. Cependant, il y s beaucoup de choses intéressantes que vous avez dites dans votre mémoire, ce sont aussi certaines revendications d'autres groupes qui sont venus avant vous - je ne sais pas à combien on en est rendu, peut-être 25 ou 30 groupes sont venus se faire entendre. J'essaie de regarder l'agriculture un peu comme un homme d'affaires. Vous avez dit une chose au début, dans votre premier chapitre de mémoire: Ce n'est pas rentable l'agriculture, au Québec, comme c'est "amanché" là! Parlons-nous comme du monde, il n'y a pas beaucoup de monde ici, entre nous. Est-ce que présentement, comme institution financière, l'agriculture pour vous au Québec est rentable? On ne parle pas de vos clients personnels, parce que vous avez des clients personnels en agriculture, mais de la façon dont vous voyez l'agriculture en général au

Québec. Enlevez toutes les subventions ou aides, autant fédérales que provinciales, est-ce que c'est rentable?

M. Morin: On pourrait peut-être généraliser et vous dire tout de suite, M. Maltais, que c'est l'impression que l'agriculture n'est pas rentable à travers le monde. L'agriculture a été subventionnée un peu partout, c'est un problème international et tous les gens se disent qu'il faudrait baisser ce niveau. Mais il n'y a pas un pays qui veut commencer à le baisser le premier. Je suis très conscient qu'il y a de très grandes fermes américaines et de très grandes fermes au Québec qui sont rentables et qui pourraient se faire financer, n'importe où sur le marché, sans aucune garantie gouvernentale. C'est la vue d'ensemble qui laisse à désirer. Je pense qu'on a une catégorie d'agriculteurs très dynamiques qui sont rentables et qui pourraient se financer par eux autres mêmes. S'ils reçoivent une subvention du gouvernement, à ce moment-là, cela accroît leur rentabilité, et cela doit être un "incentive" pour d'autres pour essayer de rejoindre le club. Dans le milieu, il y a une série d'agriculteurs qui sont en difficulté et qui essaient de remonter la côte et il y en a d'autres, en bas, qui sont des agriculteurs marginaux. Maintenant, ce n'est pas eux qui sont les plus endettés et ce n'est certainement pas eux qui coûtent le plus cher non plus au gouvernement. C'est une politique d'ensemble, je pense, qu'il s'agit de prendre là-dessus. Nous, cela nous a frappés et on s'est demandé dès le départ: Est-ce qu'on doit appuyer pendant des années les réclamations des agriculteurs qui vont toujours demander plus de subventions?

M. Maltais: Vous avez parlé aussi d'un problème majeur dans l'agriculture, la sous- capitalisation. Jusqu'à quel point est-elle présente d'après vous?

M. Blais (Raymond): Bien, l'entreprise agricole demande beaucoup d'équipement et de capital mobilier. Si on voulait la comparer avec d'autres entreprises, la capitalisation devrait être très grande. C'est un peu comme toute la PME. C'est difficile de dire: II en manque 12 % ou 14 %. Je ne l'aborde pas par cela par ce genre de pourcentage. Je l'aborde par un principe général d'homme d'affaires en disant que c'est difficile de faire marcher une entreprise dans laquelle il n'y a pas d'équité, parce qu'elle est à la merci du moindre soubresaut. Il n'y a pas de réserve, il n'y a pas de marge de manoeuvre. C'est ce qui s'est passé en agriculture. Quand on parlait, tout à l'heure, de l'action des gouvernements, on peut se poser la question. Par exemple, dans la question du porc, est-ce qu'il n'y a pas eu un emballement, un bout de temps, et est-ce que certains qui sont partis avec beaucoup de dettes et aucune capitalisation auraient dû avoir la possibilité de partir? Cela se pose comme question. Dans l'avenir, l'agriculteur doit, je pense, avoir l'aile protectrice du gouvernement, mais il doit aussi être un homme d'affaires et il doit aussi y mettre du sien, dans le sens qu'il ne peut pas faire marcher une "business" qui appartient aux autres totalement. Graduellement, il faut qu'il se bâtisse une équité.

Ce qui m'intéresse, ce sont les questions qu'on a eues tout à l'heure, parce que l'agriculteur qui est là depuis 25 ou 30 ans et qui s'est bâti un capital n'a pas de problème, mais c'est le jeune qui veut s'installer. Le jeune qui veut s'installer, pour moi - c'est un peu simpliste et théorique -je ne peux pas lui demander d'avoir son capital au départ parce que c'est rêver en couleur. Mats je peux lui dire: Je t'inscris dans un programme où, dans cinq ans, dans sept ans ou dans dix ans, tu vas avoir ton capital. Sans cela, allons sur une base de location. Là, attention, cela va dépendre de qui je loue parce que je suis "pogné" avec une intervention trop grande du gouvernement; alors, je ne serais pas totalement favorable à ce que tous les agriculteurs soient des locataires de l'État. On aura peut-être d'autres problèmes, (16 h 45)

M. Maltais: Merci. Entre vous et moi, lorsque vous parlez de prêt tandem, l'agriculteur arrive à votre institution avec un certificat selon lequel le dossier est accepté. Vous n'avez qu'à lui prêter. Somme toute, il va chez vous pour encaisser un chèque.

M. Blais (Raymond): C'est cela.

M. Maltais: Vous lui donnez ce chèque parce qu'il a la garantie gouvernementale au pied du certificat. Pas de problème pour vous. Est-ce que, d'après votre expérience, vous traiteriez de la même façon votre sociétaire qui, lui, ne passe pas par un prêt tandem, qui va vous voir pour avoir un prêt sur sa ferme? Est-ce que vous allez prendre les mêmes méthodes que les fonctionnaires et le gouvernement prennent pour accorder un prêt tandem ou est-ce que vous allez avoir des critères plus difficiles? Ou vous allez faire une évaluation plus juste des biens, vous allez prendre des garanties à long terme, peut-être allez-vous regarder l'avenir à plus long terme qu'on ne le regarde présentement, parce qu'on s'aperçoit qu'il y a bien des prêts tandem où, même s'ils sont garantis par le gouvernement et que vous encaissez les chèques à tous les six mois ou tous les ans, les agriculteurs qui ont contracté ces prêts ne sont plus là. Alors, est-ce que vous allez procéder de la même

façon que le gouvernement procède?

M. Blais (Raymond): J'aimerais que M. Lemelin, peut-être, dise un mot parce qu'il a ces deux genres de prêts. Il a des prêts garantis par le gouvernement. Vu par moi, je pense bien qu'il ne peut pas y avoir énormément de différence dans les analyses. Le dossier, il est bon ou pas bon et les analystes du gouvernement doivent avoir exactement la même formation que nous autres, les mêmes ratios, la même capacité de remboursement. Je suis content que Mme Parent ait mentionné cela. On parle toujours de garantie, mais je pense que les institutions financières vont vous dire que la garantie, c'est une espèce de garantie de dernier ressort. En théorie, l'institution financière, même si elle dit qu'elle est totalement garantie, n'est pas encline à prêter si la capacité de remboursement n'est pas là parce que la "game" des institutions financières, ce n'est pas de transiger des terres ou des commerces ou des PME. C'est de prêter de l'argent et en recouvrer. M. Lemelin, est-ce que vous avez des commentaires là-dessus?

M. Lemelin: Je pense que M. Blais a très bien répondu à la question. C'est sûr que, si un agriculteur se présente chez nous demain matin et qu'il est dans le domaine du porc en particulier, on va regarder le dossier sur une base de rentabilité. C'est sûr que, si pour le gouvernement il veut être autosuffisant dans le porc, il ne faudrait pas transporter le problème à l'institution financière qui regarde le dossier d'une autre façon.

M. Maltais: Ce qui m'amène à un deuxième volet de votre mémoire, un volet très intéressant, la formation. Vous n'êtes pas les seuls à mettre du poids sur cet élément. Tout le monde en a parlé. On a posé beaucoup de questions aussi aux différents groupes et les jeunes, la relève, sont venus nous dire qu'ils n'étaient pas satisfaits non plus. Ils nous ont dit qu'ils n'étaient pas bien formés, qu'ils étaient mal conseillés une fois qu'ils étaient dans le champ et que l'expérience qu'ils vivaient les premières années était beaucoup trop difficile parce qu'on demandait à des jeunes sans expérience de "management", de direction, d'administrateur d'être un bon agriculteur, d'être un bon notaire, d'être un bon mécanicien, d'être un bon météorologue, d'être un bon ci, un bon ça, à 24, 25, 26 ou 28 ans, je ne sais plus l'âge moyen. Il me semble que c'est 26 ans qu'on nous a dit. Et l'encadrement qu'ils avaient après avoir reçu leur formation était tout à fait inadéquat. Il n'y avait pas de suivi, même si une certaine école est venue nous dire qu'elle en a appelé un qui avait eu son diplôme en 1972, elle l'a appelé en 1978. Premièrement, elle a su qu'il n'était pas mort; deuxièmement, qu'il n'était plus sur sa terre. Mais, cela n'est pas un suivi adéquat, à mon avis. Le gars avait eu une aventure qui lui avait coûté, grosso modo, 600 000 $. C'est quand même important.

D'après vous, la formation agricole au Québec et l'encadrement suivant la formation, comment cela devrait-il se faire et par qui? Ce ne sont pas les institutions qui manquent, remarquez bien, il y en a partout.

M. Blais (Raymond): C'est peut-être... D'abord, ce n'est pas dans les institutions financières.

M. Maltais: Parce que vous avez quand même à investir des sommes phénoménales sur ces gens de l'avenir.

M. Blais (Raymond): Absolument.

M. Maltais: Vous avez grand intérêt à ce qu'ils soient bien formés.

M. Blais (Raymond): Absolument. Et nous disons... On s'est mis la tête sur la bûche pour dire qu'on est prêt à jouer un rôle avec ces syndicats de gestion. Mais, encore là...

M. Maltais: Somme toute, ce que j'ai compris, c'est que vous donneriez une aide accrue ou vous pourriez travailler en commun accord avec les syndicats de gestion pour la formation, le "management" et ainsi de suite.

Maintenant, la formation de base de ce bonhomme ou de cette jeune fille qui va devenir propriétaire d'une ferme, qui va se retrouver administrateur d'une entreprise... Dans l'entreprise privée, on ne demande jamais cela à quelqu'un de 25 ans.

M. Morin: C'est ici, je pense, que les syndicats de gestion m'apparaissent être une charnière qui pourrait être très intéressante. Il se fait de la recherche dans les universités. Le ministère a aussi une série de données sur la rentabilité des fermes et le reste. Les institutions financières en ont. Il s'agirait d'additionner tout cela ensemble. Les syndicats de gestion sont, habituellement, dirigés par des jeunes qui ont précisément fait des études pour assimiler ces choses, qui ont peut-être besoin d'un support de temps à autre pour se maintenir continuellement à jour, pour poser des défis nouveaux et des questions aux universités ou au ministère, pour essayer de ramasser tout cela et d'en faire la synthèse avec les agriculteurs. Tant mieux s'ils sont jeunes, s'ils sont dynamiques et s'ils sont capables d'attraper de nouvelles idées.

M. Maltais: Je m'excuse, mais je veux aller un petit peu plus loin que ce que vous me dites. D'accord, vous apportez une formule nouvelle aujourd'hui, dont pas trop d'intervenants ont parlé, le mouvement des institutions financières par rapport à la gestion des syndicats de gestion, les UPA. Vous êtes quand même les premiers, on n'en a pas beaucoup qui en ont parlé jusqu'à présent.

Mais je vais vous parler de ce que les autres nous ont dit. Les jeunes ont dit: On est mal formés à l'école. On n'a pas d'encadrement, on n'a pas de suivi. Les banques sont venues nous dire: On ne peut pas leur prêter, ce ne sont pas des hommes d'affaires. On va prêter aux agriculteurs qu'on considère comme "businessmen". Les gens des différentes UPA sont venus nous dire: Pour la relève, il n'en est pas question; on demande à des petits gars ou à des femmes de 25 ans d'être des administrateurs professionnels, alors qu'on ne confie de pareilles responsabilités que lorsqu'ils ont 40 ans.

On a rencontré différents propriétaires d'institutions. Les cégeps ont dit: Cela devrait être le ministère de la Science et de la Technologie. L'ITAA, l'Institut de technologie agricole et alimentaire de Saint-Hyacinthe, a dit: Cela devrait être le MAPAQ et nous que devrions gérer tout cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saguenay...

M. Maltais: Oui?

Le Président (M. Gagnon):... je m'excuse, je ne veux pas vous couper la parole, mais vous m'avez demandé de vous avertir après quinze minutes parce que vous vouliez laisser du temps à vos collègues. Cela fait quinze minutes.

M. Maltais: Je ne pensais jamais que cela faisait quinze minutes. Mais, étant donné qu'on doit se soumettre à la lecture... Je m'excuse, mais ma question, un jour ou l'autre, on y reviendra parce qu'elle est très importante. Vous êtes la dernière institution financière qu'on va rencontrer. J'aurais bien aimé aller plus loin, je regrette qu'on manque de temps. Je dois céder la parole à mon collègue de Huntingdon pour le reste du temps.

Le Président (M. Gagnon): II reste deux minutes. Oui?

M. Daneau (Yvon): Est-ce qu'on peut au moins clarifier notre position sur ce plan? Évidemment, ce n'est pas à nous, comme institution financière, de juger de la qualité de la formation dans les différentes institutions; c'est un premier plan.

Ce qu'on a voulu exprimer ici, c'est une ouverture et l'identification d'un besoin auquel, comme institution véritablement enracinée dans le milieu, on ne se sent pas étranger.

M. Maltais: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): M. le Président, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que le député de Saguenay a voulu soulever tout à l'heure - en tout cas, il y a certains mémoires qui en ont fait mention, suivant les rapports qu'on a eus - à savoir que les jeunes ne sont pas bien formés. Ayant une institution chez nous, l'Institut de technologie agricole de La Pocatière, je pense que les gens qui sont passés par là... D'ailleurs, il y a un mémoire qui nous disait que, en ce qui concerne le taux de réussite et le taux de capacité de ces jeunes, c'étaient des gens qui avaient été formés dans des institutions, soit à Saint-Hyacinthe ou ailleurs. Je ne suis pas d'accord pour dire qu'ils ont été mal formés. Ma question s'adresserait à M. Blais. Au départ, vous avez fait une ouverture - le député d'Arthabaska y a fait allusion un peu, également un peu le député de Champlain... Mais je voudrais saisir un peu plus quand vous dites: On est prêt à embarquer ou à participer, éventuellement, à de l'aide supplémentaire. Je voudrais que vous alliez un peu plus loin. Il y a plusieurs intervenants qui nous ont dit: C'est de valeur, on voudrait avoir le directeur ou l'administrateur en région, on voudrait pouvoir choisir notre interlocuteur, avoir le droit... Vous savez qu'au niveau de l'office cela ne pleut pas. L'agriculteur ou l'agricultrice qui se présente soi-disant pour avoir un prêt ou quelque chose du genre... Bien souvent, dans des régions, au niveau de l'office, il y a un, deux ou trois représentants par région. Ils n'ont pas le choix. Il n'y en a pas dix qui passent devant eux. Ils ne peuvent pas dire: J'aime celui-là, je n'aime pas celui-là. Je ne sais pas si, quand vous faites cette ouverture, vous êtes prêts à aider, surtout au niveau des syndicats de gestion, à mettre du personnel - la fédération - à la disposition des syndicats d'abord et aussi à la disposition des agriculteurs, pour qu'il y ait un dialogue entre eux qui pourrait éventuellement s'établir en agriculture. Je le prends dans ce sens. Je ne sais pas si c'est cela que vous vouliez dire. Vous vouliez mettre des effectifs, du personnel, en collaboration avec l'office. Surtout, vous avez parlé de concertation, ce qui m'intéressait beaucoup. Le député de Champlain vous en a parlé et vous avez dit: Oui, on se rencontre déjà.

Quand on se rencontre, parfois il est tard. Je ne sais pas. L'ouverture que vous avez faite est dans quel sens exactement?

M. Blais (Raymond): Je répète qu'on n'a pas de formule faite d'avance. C'est plutôt dans le genre que vous venez de mentionner que notre première piste semble intéressante. On a parlé tout è l'heure d'institutions financières qui suivent leurs prêts, qui peuvent aider l'agriculteur. On ne peut pas aller bien loin là-dedans. L'institution financière qui va suivre son prêt est en conflit d'intérêts jusque par-dessus la tête. On ne peut pas bâtir un système où les caisses, par exemple, auraient des gens qui se promèneraient sur la route pour savoir comment vont les prêts. On le fait déjà dans une gestion prudente. On aimerait mieux donner un coup de main, par personne interposée, à ces syndicats. On ne pense pas que la façon, ce soit de donner de l'argent parce que ce n'est pas notre rôle de subventionner. On pourrait, par exemple, impliquer plus peut-être certaines de nos ressources dans ces comités de gestion qui amèneraient la dimension financière de la gestion. Je sais que les syndicats de gestion ne sont pas dépourvus de cette dimension, mais cela pourrait se renforcer aussi. Par exemple, si les syndicats de gestion connaissaient mieux comment réagit une institution financière quand cela va bien et quand cela va mal, ce serait certainement un plus pour le syndicat de gestion. On regarderait en tout cas avec beaucoup d'intérêt toute possiblité de collaboration par l'office, par l'UPA, par n'importe qui, avec les syndicats de gestion. Je répète que, pour nous... On parlait de gestion tout à l'heure, on parlait de "management". À mon avis, ce n'est pas un problème physique de formation. Il y a des gens qui sortent et qui sont très bien formés. Ce n'est pas ce problème. Il s'agit de ramasser tous les éléments qui existent, à mon avis, mais les jeunes agriculteurs n'ont pas le temps ou ce n'est pas ramassé dans un format où cela peut servir. C'est dans ce sens qu'on peut faire oeuvre utile.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce qui s'ajoute au phénomène de concertation que vous souleviez après en disant: II faudrait se concerter pour ramasser tout cela et essayer de le compléter. Vous êtes disposés à embarquer dans un genre de consensus ou de procédé où l'office, les institutions financières, les caisses populaires, etc., participent même à la formation.

M. Blais (Raymond): Ils sont trop riches là-dedans... C'est la décentralisation. Au lieu de bâtir un monstre qui va régler tout le problème en même temps au niveau de la province, on dit: II y a plus de chances de réussite si un petit groupe d'agriculteurs se prend en main.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Région par région, comté par comté, s'il le faut.

M. Blais (Raymond): Absolument.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): D'accord, merci. (17 heures)

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Huntingdon. On terminera avec une intervention du député d'Arthabaska.

M. Dubois: Mesdames et messieurs, je voudrais parler d'un point bien particulier du financement qui est ce que vous appelez la réalisation des garanties, particulièrement la gérance de ces réalisations. Je pense que, parfois, on mandate les institutions financières pour agir au nom de l'office et, parfois, l'office y va directement à l'effet de récupérer ces prêts. J'ai pu déceler dans le passé, et il n'y a pas longtemps, beaucoup de lacunes bien précises à ce niveau. Je pense que cela manque vraiment de gérance. Ce ne sont pas des accusations que je porte, c'est une constatation de fait. - Par exemple, il y a des équipements qui se vendent à 10% de leur valeur, même j'ai vu jusqu'à 3% de leur valeur. Il m'apparaît qu'il manquerait de publicité lors d'une vente par shérif, ou il y a un manque de volonté de la part de l'office de récupérer le maximum de son argent placé. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que je pense que vous devez être conscient de certains problèmes qui existent à ce chapitre. Par exemple, j'ai vu une pièce d'équipement, il y a deux ans, vendue à 2000 $ et elle avait été achetée l'année précédente à 90 000 $. Un autre producteur agricole a enlevé son moteur de tracteur, le voisin l'a acheté à l'encan pour un montant ridicule, l'agriculteur a repris le moteur et l'a remis dans le tracteur et tout est réglé. J'ai vu trois ou quatre choses comme cela. Alors, je constate qu'il y a quelque chose qui manque quelque part. J'aimerais vous entendre sur une façon d'en arriver à réaliser des garanties d'une façon convenable. Je ne sais pas si vous avez des suggestions à apporter à ce sujet-là, mais j'aimerais vous entendre.

M. Deslandes: J'aurais juste le commentaire suivant: réaliser des garanties dans une entreprise qui est en liquidation, que ce soit une entreprise agricole, commerciale ou industrielle, c'est toujours le même problème. Je crois que c'est pire dans le monde agricole parce que, actuellement, ce n'est pas un monde d'acheteurs, c'est un monde de vendeurs.

M. Dubois: Mats c'est un monde de vendeurs pour une raison précise.

M. Deslandes: Pour une raison précise et, à cause de cette raison, je ne pense pas qu'il existe de formule qui rationaliserait l'action. On peut l'améliorer, mais de là à la rendre rationnelle vis-à-vis des valeurs intrinsèques, je ne croîs pas à cela.

M. Dubois: J'ai constaté, à des encans, à des ventes par shérif, qu'il y avait dix ou quinze acheteurs au lieu d'en avoir 200, 300 ou 500. Il n'y a pas de publicité qui se fait sur les ventes, à maintes reprises, en tout cas. Je ne dis pas que c'est un cas qui est perpétuel et constant, mais, à maintes reprises, il n'y a pas d'acheteur. Il n'y a pas d'acheteur, parce qu'il n'y a pas eu de publicité pour ia vente. On dit que l'équipement se donne, ce sont des remarques qui ont été apportées à deux ou trois reprises depuis le début des audiences, c'est-à-dire que la récupération financière, à la suite d'une réalisation de garantie, est tellement minime que cela ne paie même pas le déplacement de certains officiers pour aller constater sur place combien cela se vend. Ce n'est pas normal que cela se fasse comme cela. J'imagine qu'il devrait y avoir une solution quelconque à ce problème. Je pensais qu'on pourrait vous entendre dans le sens de dire qu'il y aurait une action précise à entreprendre pour nous à l'effet de suggérer au ministre de l'Agriculture une façon de procéder qui serait, disons, plus équitable pour les contribuables du Québec, parce que ce sont quand même des fonds publics, en majeure partie - certaines fois, ce sont vos sommes qui sont en cause -majoritairement, c'est l'argent qui provient du public. Alors, ce secteur-là me préoccupe énormément.

M. Blais (Raymond): Écoutez, ma réaction, comme celle de Claude, c'est une constatation des faits. Mais vous avez parfaitement raison. Si on faisait quelque chose dans ce domaine, j'aimerais cela qu'on l'étende à toutes les prises de possession qu'il peut y avoir, même dans toutes les PME. Mais c'est probablement pire en agriculture, parce que vous avez là des choses qui sont plus spécialisées et qui trouvent probablement moins d'acheteurs. Sans vouloir renvoyer la balle à d'autres, c'est probablement plus un organisme comme l'UPA qui devrait se pencher sur ce genre de choses et, après, demander, par exemple, la collaboration des institutions financières et de l'office et dire à l'office qu'on va établir des mécanismes. Cela veut dire, je ne sais pas, que, s'il n'y a pas eu assez de publicité, s'il n'y a pas suffisamment d'acheteurs, on va essayer de trouver des mécanismes pour régler le problème. Tout ce qu'on peut dire, c'est que, sans penser que c'est nous qui devrions entreprendre ce genre de choses, on serait prêts à collaborer à un genre de mécanisme comme cela.

M. Dubois: J'aurais pensé que, du fait que vous soyez mis en cause financièrement, assez souvent, cela vous porterait à suggérer à l'office, lors de rencontres, des façons techniques d'en arriver à...

M. Blais (Raymond): Malheureusement, au moment où on se parle, on n'en a pas.

M. Dubois: D'accord.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, si je dépasse un peu le délai, je souhaite que mes collègues seront tolérants. Merci beaucoup.

On disait tout à l'heure et dans chacun des mémoires que le problème de la relève, c'est un manque de capital, un manque d'avoir net aussi. Si on établissait au Québec une sorte de régime d'épargne qui forcerait le jeune à s'ouvrir d'abord un compte d'épargne et l'argent qu'il placerait dans ce compte d'épargne serait déductible d'impôt, évidemment, ce serait un incitatif. Au bout de cinq ans, admettons, si la personne a accumulé dans ce fonds 20 000 $, le gouvernement du Québec dirait: Puisque vous avez accumulé pendant un temps X 20 000 $, on va vous donner en plus soit 5%, 10%, 20% de cette somme, on va l'ajouter. Donc, cela encouragerait - ce serait un incitatif - le jeune à s'ouvrir un compte d'épargne, ce qui pourrait lui fournir justement ce manque de capital. Voici ma première question. Pensez-vous que cela répondrait à un certain besoin? Deuxièmement, est-ce que vous - le Mouvement Desjardins - seriez intéressé à participer à un genre de régime d'épargne pour encourager davantage les jeunes à investir ou à créer ce fonds?

M. Blais (Raymond): C'est la question que j'allais vous poser: Où ouvrent-ils leur compte d'épargne? Est-ce que c'est dans une caisse?

M. Baril (Arthabaska): Tout dépend de ceux qui veulent participer avec nous.

M. Blais (Raymond): Je redeviens sérieux. On a parlé tout à l'heure de subventionner, mais de responsabiliser. Tout ce qui va dans ce sens, au départ, on y est favorable, non pas pour accumuler de l'épargne dans les caisses, mais à cause de notre conviction qu'il ne faut pas mélanger les choses. Vous pouvez appuyer les gens,

mais ils doivent de plus en plus être autonomes et se responsabiliser et l'État ne peut pas toujours les prendre à sa charge continuellement. Une espèce d'épargne-jeunesse-agriculture, vous allez trouver des partisans au Mouvement Desjardins, sans aucun doute. Je n'ai pas de formule. Vous avez là, comme vous le dites bien, une incitation à se bâtir une partie de la capitalisation dont ils ont besoin. On a été, par exemple, très favorables à l'épargne-logement parce que, dans un autre domaine, c'est une incitation, pour les gens, à épargner.

M. Baril (Arthabaska): Et cela répondrait évidemment à un besoin, à un manque.

M. Blais (Raymond): Bien sûr parce que, en termes de capitalisation, il y a de grands besoins ces temps-ci.

M. Baril (Arthabaska): Je vais revenir un peu dans le passé. Disons que cela, c'est pour l'avenir, ce genre de régimes d'épargne et espérons que cela pourrait arriver dans les plus brefs délais. Au sujet des prêts tandem qui existent aujourd'hui, on sait que le gouvernement garantit jusqu'à 150 000 $ pour un individu et 300 000 $ pour un groupe ou une compagnie. Selon vous, est-ce que ces montants sont suffisants ou s'ils devraient être augmentés?

Le Président (M. Vallières): M. Blais, ce serait en conclusion.

M. Blais (Raymond): Ce serait la conclusion, je vais la laisser à des gens qui sont dans l'action, chaque jour. Claude et Gilles, est-ce qu'ils sont suffisants, ces montants?

M. Lemelin: Actuellement, dans un certain pourcentage, il arrive qu'on doive le dépasser et on devrait aussi le dépasser. Comme je le disais tantôt, il y a eu inflation dans les prix, dans les taux d'intérêt, mais il n'y en a pas nécessairement eu dans ces offres ou dans ces produits, ou dans ces subventions. Ce serait peut-être à réviser dans ce sens.

M. Baril (Arthabaska): Est-ce que les institutions financières seraient prêtes à partager un pourcentage du risque de l'ajout à ce montant?

M. Lemelin: Je laisse la question à M. Blais ou...

Une voix:...

M. Blais (Raymond): Ah, si peu, si peu! De toute façon, au niveau de la confédération, je n'ai pas un cent, alors je peux parler.

Oui, sans aucun doute, on ne peut pas dire non avant de partir, bien sûr. Mais alors, des limites en chiffres absolus, en général, ce n'est pas brillant. Des gens qui font du crédit vont vous dire: S'il y a un prêt qui est dangereux, c'est 1000 $. Alors, ce n'est pas en soi des montants de 200 000 $ ou 300 000 $, c'est l'étude de chaque dossier, l'étude de rentabilité, l'étude du management. Dans le fond, l'agriculture, ce n'est plus comme il y a quinze ou vingt ans, où quelqu'un avait besoin de 2000 $, 3000 $ ou 4000 $. Ils ont besoin de montants différents.

Ce dont j'ai peur, ce sont des espèces d'incitations automatiques. Exemple: Je ne connais pas le détail mais on me dit que, dans le porc, pour se qualifier, il fallait sauter déjà à ce niveau. C'était presque l'incitation à lancer une grosse patente. J'ai bien plus peur de cela que de mettre un plafond. Si le dossier est bon pour 200 000 $, il peut être bon pour 300 000 $. Si la garantie gouvernementale a du sens, elle a autant de sens à 200 000 $ qu'à 450 000 $.

M. Baril (Arthabaska): Merci.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie. Je remercie également la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec de sa participation à nos travaux. Ce fut très enrichissant et nous espérons vous revoir à nouveau pour ce genre d'échange de vues avec les parlementaires en particulier.

M. Blais (Raymond): M. le Président, je voudrais vous remercier ainsi que vos collègues de nous avoir si bien accueillis et nous sommes toujours prêts à collaborer. Merci.

Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je demanderais maintenant aux. gens de !a Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous souhaitons la bienvenue aux représentants de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval. J'aimerais, à ce moment-ci, peut-être faire appel à votre collaboration, afin de limiter au maximum le temps de présentation. Nous aimerions terminer nos travaux sans dépasser les 18 heures, 18 h 5 tout au plus; ce qui veut dire que plus nous économiserons du temps dans la présentation, plus les parlementaires auront du temps pour vous

questionner. La parole est à vous. (17 h 15)

M. Romain (Robert): Je viens de passer la copie de l'allocution que nous voulons présenter. On va se séparer la présentation en deux. Pierre va commencer par lire la première partie et je reviendrai à la fin pour conclure la présentation.

Le Président (M. Vallières): Pourriez-vous vous identifier, s'il vous plaît.

M. Romain: D'accord. Mon nom est Robert Romain. Je suis professeur à la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval, département d'économie rurale, et M. Pierre Marcotte, étudiant gradué.

M. Marcotte (Pierre): Nos propos d'aujourd'hui seront axés sur les problèmes et les solutions à apporter au système actuel de financement à long terme du secteur agricole québécois.

D'abord, il faudrait peut-être préciser ici ce que nous entendons par financement à long terme du secteur agricole. Premièrement, il faudrait souligner que pour un développement optimum d'un secteur économique, et peu importe ce secteur, nous pensons qu'il est primordial que toute action intentée en ce sens le soit dans une optique de longue période, que ce soit au niveau de la planification, du financement ou de tout autre moyen d'obtenir les résultats escomptés.

En ce qui concerne le financement d'un secteur, par exemple, la durée de vie de ce dernier ne devrait-elle pas, premièrement, être perçue comme sans limite comparativement à celle des individus et des entreprises qui le composent et, deuxièmement, nécessiter en tout temps une source sûre et adéquate de fonds pour sa rentabilité et son expansion? Nous tous savons que l'utilisation du financement en agriculture est devenue un élément essentiel à la rentabilité et à l'expansion des entreprises d'aujourd'hui. D'ailleurs, les résultats du dernier sondage de la 5ociété du crédit agricole le montrent fort bien puisque l'on peut constater que l'endettement agricole au Québec progressait de 33% entre janvier 1981 et janvier 1984, soit de 1 085 000 000 $ à 2 046 000 000 $. De plus, l'agriculture est l'un des secteurs économiques où l'utilisation relative du capital est des plus intenses. La mise de fonds initiale requise pour l'établissement des nouveaux exploitants et/ou pour le développement et l'amélioration des entreprises existantes est substantielle. Les caractéristiques intrinsèques au secteur impliquent aussi que les décisions rattachées aux investissements doivent être faites avant certaines périodes critiques et les fonds requis doivent être également disponibles dans les plus brefs délais pour ne pas mettre en danger la rentabilité de l'investissement.

Au cours des dernières années, les bailleurs de fonds en agriculture furent nombreux. Ils peuvent se regrouper en deux catégories principales, les intermédiaires privés, les intermédiaires publics. La participation au financement du secteur et le degré d'implication de ces deux types d'intermédiaire ne furent cependant pas constants au fil des ans. Pour illustrer ce dernier propos, mentionnons brièvement quelques exemples de cette instabilité périodique des sources de financement en agriculture. Prenons le cas, par exemple, des institutions privées. On remonte un peu dans le temps, mais cela peut donner un bon aperçu des institutions qui se sont retirées du secteur.

Le premier cas. À la suite de la Loi fédérale sur les arrangements entre cultivateurs et créanciers de 1934, les établissements de prêts hypothécaires, entre autres les compagnies d'assurances et les sociétés de fiducie, se retirèrent du secteur agricole et cette situation prévaut encore aujourd'hui. En gros, il s'agissait d'un moratoire dont le but était d'offrir aux agriculteurs les avantages d'une loi sur les faillites dégageant le débiteur de ses obligations, c'est-à-dire sans que ses biens soient liquidés. Cette loi a permis de réduire en moyenne la dette globale de plus de 31%. Les prêteurs privés prirent donc vraiment conscience dès cette époque du risque additionnel de voir l'État intervenir dans leurs relations avec le secteur agricole. C'est une crainte qui est toujours présente è leurs yeux.

Le deuxième exemple. Au niveau des banques à charte, celles-ci interviennent dans le secteur du crédit agricole au gré de la situation économique. Récemment, les banques à charte menacèrent à deux reprises de ne plus consentir de prêt aux agriculteurs. Premièrement, elles s'opposèrent à consentir tout prêt agricole de moyen ou long terme à un taux d'intérêt maximum égal au taux préférentiel, même si le gouvernement du Québec garantissait les emprunts et, par le fait même, enlevait tout le risque rattaché à ces derniers. Seules les caisses populaires acceptèrent, non sans regret, de poursuivre leur activité. Après quelque temps, l'État québécois a dû revenir sur ses positions et accepter que les institutions prêteuses puissent exiger un taux d'intérêt supérieur, soit le taux préférentiel majoré de 0, 5%. Bien qu'il soit difficile d'évaluer de façon empirique l'impact de ce retrait temporaire du financement agricole de la part des banques, il est certain que ce ne fut pas bénéfique au secteur.

Un autre exemple remonte au début de l'année 1983. À la suite du projet de loi

fédéral C-653 proposant la remise en vigueur de la Loi sur les arrangements entre cultivateurs et créanciers par suite de difficultés financières de nombreux agriculteurs canadiens, à la suite de cette intention gouvernementale, le "lobbying" bancaire auprès d'Ottawa fit valoir que "la remise en vigueur de cette loi aurait des conséquences qui pousseraient une fois encore les prêteurs privés à restreindre de façon spectaculaire leurs engagements vis-à-vis du secteur agricole. "

Finalement, pour illustrer davantage cette variabilité du degré d'intervention bancaire dans le financement agricole, tous sont à même de constater les efforts récents des banques à charte pour promouvoir leur gamme de services financiers auprès des producteurs. On veut surtout mentionner au niveau des prêts.

La figure 1 à la page 10 du mémoire fournit une explication partielle puisqu'elle montre que les banques ont un excédent de liquidité sans précédent. Ainsi donc, il ne faut pas se surprendre de voir ces institutions courtiser le milieu agricole pour se départir d'une partie de ces fonds excédentaires considérés comme un bas rendement.

Nous ne blâmons pas les agissements de ces institutions face au financement agricole. De par leur nature, elles se doivent d'agir ainsi, c'est-à-dire obtenir le maximum de rendement de leurs placements pour leurs déposants et leurs actionnaires. D'ailleurs, les mêmes exigences de rentabilité priment dans toutes leurs interventions auprès des autres secteurs de l'économie. Cependant, nous sommes sensibles aux conséquences de ces actions sporadiques sur le mieux-être du secteur agricole québécois.

Un exemple dans le cas des intermédiaires publics. Prenons le cas de la Société du crédit agricole. En 1975, cette dernière fournissait 62% du crédit à long terme consenti aux agriculteurs canadiens comparativement à 21% en 1981. Au Québec, en 1983, la société n'a prêté que la mince somme de 31 000 000 $, soit 4% du total des 770 000 000 $ prêtés dans tout le Canada. Cette diminution continuelle du rôle de la société résulte principalement du fait que depuis plusieurs années cet organisme affiche un taux d'intérêt de beaucoup supérieur à la concurrence. Un autre point non négligeable est le fait que la société ne possède pas en tout temps les ressources financières suffisantes pour répondre è cette demande, ce qui occasionne des délais et, par le fait même, un mécontentement de la part des producteurs.

En 1983, par exemple, la Société du crédit agricole avait épuisé les fonds disponibles dès le mois de juin. Même si en vertu d'une loi adoptée en 1982 la société peut dorénavant transiger elle-même sur les marchés financiers, elle n'est jamais parvenue à faire approuver l'ensemble de ses demandes auprès du gouvernement fédéral.

Par exemple, en 1983, elle se proposait d'emprunter de cette façon plus de 600 000 000 $, mais fut contrainte, par décret gouvernemental, è se limiter a 250 000 000 $. De plus, il faut noter que la Société du crédit agricole est tenue d'obtenir ses fonds sur les marchés monétaires internationaux. En empruntant de telles sources, il lui incombe de se protéger contre les risques des taux de change. Les mécanismes de protection ou autres utilisés à cette fin ont pour effet d'ajouter 1% ou plus au loyer d'argent obtenu par la société au détriment des emprunteurs agricoles. Il n'est donc pas surprenant qu'elle soit devenue, au fil des ans, un prêteur de dernière instance au Québec.

Ce ne sont là que quelques exemples de la variabilité du degré d'intervention des sources de financement agricole dans le temps. Cette instabilité nous semble inquiétante pour le plein développement du secteur et rien n'indique, à l'heure actuelle, que ces périodes de sur ou de sous-approvisionnement en fonds occasionnées par les contextes économique et politique du moment ne se feront pas sentir dans l'avenir avec plus d'acuité et à intervalles plus rapprochés.

Examinons, maintenant, l'importance et l'évolution du rôle des sources d'approvisionnement en capitaux de l'agriculture québécoise en se référant à la figure 2, à la page 16 du mémoire. Il ressort que le total du crédit agricole à percevoir au Québec à la fin de janvier 1984 était estimé à plus de 2 400 000 000 $ répartis de la façon suivante: les caisses populaires avec la plus grande part, soit 31, 7%; suivent, dans l'ordre, les banques à charte, 29%; la Société du crédit agricole, 18%; les gouvernements, plus de 10%; les fournisseurs, 4, 7%; les particuliers, 3, 9%, et une importance minime pour les autres qui sont les sociétés de fiducie et compagnies d'assurances avec 1, 3%.

Mentionnons aussi que, des 2 400 000 000 $ à percevoir, 68% étaient rattachés au crédit à long terme tandis que le moyen et le court termes représentaient respectivement 19% et 12%. On voit aussi que les caisses populaires apparaissent comme le principal fournisseur de crédit agricole à long terme et à moyen terme, tandis que les banques occupent le premier rang au niveau du crédit agricole è court terme.

Pour ce qui est de l'évolution des parts du marché détenues par les intervenants que nous venons de mentionner, elles ont beaucoup changé en peu de temps. Voyons, à titre d'exemple, l'évolution de la structure du marché du crédit agricole à long terme.

Cette dernière est représentée à la figure 3, page 18. On y remarque, principalement, que la part détenue par l'Office du crédit agricole est passée de 50% à 13% entre 1981 et 1984. Une des causes de cette diminution qui semble drastique, c'est que les prêts tandems sont maintenant comptabilisés au nom des institutions financières qui avancent les fonds. Cette nouvelle comptabilisation implique également que, de près de 7% en janvier 1981, les banques et caisses populaires ont vu leur rôle s'accroître considérablement et accaparer plus de 54% de tout l'encours du crédit agricole à percevoir à long terme à la fin de janvier 1984. La participation directe du gouvernement fédéral par l'entremise de la Société du crédit agricole a vu fléchir sa part de marché de 40% en 1981 à moins de 27% en 1984.

À la suite de cette évolution récente, il est assez difficile de prédire l'avenir du financement de l'agriculture québécoise. Cependant, l'évolution du rôle des différents fournisseurs de crédit agricole à long terme permet d'ores et déjà de constater le mouvement de privatisation qui s'y est effectué. Selon nous, ce mouvement ne peut que s'accentuer davantage au cours des années à venir, compte tenu des intentions gouvernementales, tant fédérales que provinciales, de restreindre dorénavant leurs interventions directes dans la plupart des secteurs de l'économie.

Dans la mesure où nous voulions tenter d'émettre quelques éléments de solution aux problèmes dont nous venons de faire état, il nous apparaissait capital de voir la pratique du financement de l'agriculture dans d'autres pays et d'en effectuer une analyse comparative. Ces deux sections vous sont présentées brièvement dans le mémoire, aux pages 20 à 37 inclusivement. Par manque de temps, elles ne seront pas présentées ici. Mentionnons toutefois qu'elles ont servi de base aux solutions possibles que nous vous proposons maintenant.

Les éléments de solution qui vont suivre pourraient être considérés dans le but de mettre au point un mécanisme d'approvisionnement en fonds adapté à l'agriculture québécoise. À cet effet, nous proposons entre autres qu'il faille, premièrement, donner aux agriculteurs un mécanisme de crédit adapté à leurs besoins par le biais d'une banque agricole structurée en conséquence. Deuxièmement, permettre à cette institution de mettre sur le marché des instruments d'investissement comme les obligations agricoles, par exemple. Une telle institution pourrait également être utilisée dans le but d'aider la relève agricole en proposant des comptes d'épargne pour l'investissement agricole, par exemple.

Reprenons un peu plus en détail chacun des points que nous venons d'énumérer.

Une banque agricole. L'implantation d'une nouvelle institution à caractère spécifiquement agricole pourrait, d'une part, répondre aux besoins financiers spécifiques des agriculteurs et, d'autre part, servir d'intermédiaire dans l'application de certains programmes de la politique agricole des deux niveaux de gouvernement. Les moyens financiers d'une telle institution pourraient être constitués, en bonne partie, d'argent circulant dans le monde de l'agriculture, notamment, la concession de certains avantages fiscaux è ceux qui vendraient leur entreprise et qui déposeraient leur avoir dans cette institution via des REER agricoles, par exemple; de même l'émission d'obligations agricoles, tel que discuté ci-après. Ce pourraient être des solutions de rechange à considérer. Ces actions permettraient d'engager des sommes importantes qui seraient par la suite mises à la disposition des agriculteurs, et surtout des jeunes, pour faciliter leur installation.

À l'heure actuelle, le Québec possède à la fois les ressources humaines, physiques ou financières pour mettre de l'avant un tel projet. Pourquoi ne pas mettre à contribution l'expertise en financement agricole que possède le personnel de l'Office du crédit agricole en l'intégrant à certaines caisses populaires les plus stratégiquement situées, pour former ce qui pourrait être approprié d'appeler les "caisses populaires agricoles"? Les caisses populaires ne sont-elles pas déjà implantées dans tout le Québec, et cela depuis fort longtemps? N'ont-elles pas la meilleure connaissance du milieu et n'appartiennent-elles pas, pour une large part, à leurs sociétaires provenant des milieux agricole et rural? De même, le statut coopératif des caisses populaires ne rejoint-il pas une formule bien connue du monde agricole? Une réponse affirmative à toutes ces questions laisse entrevoir qu'une telle formule serait la plus économique à mettre en place, tout en favorisant la croissance et le développement à la fois de l'agriculture québécoise et de la déjà grande réussite collective que sont les caisses populaires. Il ne s'agit plus, comme certains l'ont précédemment proposé, de créer une nouvelle institution financière agricole, mais plutôt de donner tous les pouvoirs nécessaires à une institution déjà en place et naturellement vouée au service du monde rural.

La rationalisation du secteur du crédit agricole au Québec par la mise en place des caisses populaires agricoles, en plus d'être l'unique canal pour l'application de la politique agricole aux deux niveaux de gouvernement, permettrait une diminution de l'implication gouvernementale directe dans le financement agricole, but actuellement avoué par les gouvernements dans presque tous les secteurs d'activité; de plus, les points de

service seraient désormais plus près de la clientèle visée et la diminution des intermédiaires accélérerait le processus d'étude des dossiers et éliminerait les longs délais reliés au système actuel. (17 h 30)

Finalement, l'instauration des caisses populaires agricoles favoriserait la participation directe des agriculteurs à la prise de décision en regard des questions propres au financement agricole, les agriculteurs étant particulièrement actifs dans les conseils d'administration des caisses populaires situées en milieu rural. Pour ceux qui douteraient de la puissance financière de l'agriculture, l'histoire permet de constater que ce sont les agriculteurs qui ont créé la majorité des caisses populaires au Québec, il y a une cinquantaine d'années. Par ailleurs, l'expérience du crédit agricole en France souligne le pouvoir du dollar vert dans l'économie d'un pays. En effet, le Crédit agricole mutuel est devenu l'une des institutions financières les plus prestigieuses d'Europe.

Les obligations agricoles. Certains pourraient craindre que le secteur agricole québécois ne puisse s'auto-approvisionner entièrement sur une base régulière en capitaux d'investissement à partir de l'épargne agricole. Nous sommes également de cet avis. Une étude récente sur la structure économique et les besoins de capitaux du secteur, effectuée par Ashmead, arrive aux mêmes conclusions. L'auteur montre que des flux d'avoir net négatif furent enregistrés au Canada en 1969, 1971 et 1980 et que depuis 1982 la conjoncture économique n'a cessé de se détériorer entraînant l'augmentation des flux d'avoir net négatif. Bien que cette analyse ait été faite pour l'ensemble du Canada, il n'est pas trop risqué d'extrapoler que la situation n'est guère plus reluisante au Québec. C'est ici qu'entrent en jeu les obligations agricoles pour agrandir le bassin où l'agriculture québécoise pourrait puiser l'argent additionnel nécessaire à son financement.

Essentiellement, l'émission d'obligations agricoles permettrait aux caisses populaires agricoles d'obtenir du capital de l'ensemble des citoyens du Québec par l'entremise d'un titre de créance à l'exemple des municipalités et des commsisions scolaires. Une incitation fiscale quelconque pourrait être attachée à ce véhicule de placement, ce qui en fait serait leur principale caractéristique. De ce fait, l'intérêt sur ces obligations pourrait être moindre que celui versé sur les autres modes de placement, permettant à l'émetteur d'obtenir des fonds à des taux inférieurs à ceux du marché pour ensuite transmettre cette économie aux agriculteurs. Le crédit d'impôt accordé pour les obligations agricoles serait donc semblable au dégrèvement pour dividendes accordé aux actionnaires de sociétés canadiennes imposables. Il y a d'autres ressemblances: le dégrèvement pour dividendes ayant pour but d'encourager les Canadiens à investir dans les sociétés canadiennes, les obligations agricoles permettraient d'encourager les Québécois, surtout les producteurs à leur retraite, à investir dans leur agriculture. On procurerait de ce fait aux caisses populaires agricoles une source de fonds stable à un coût avantageux pour le plus grand bénéfice du monde agricole.

Un autre outil qu'on préconiser les comptes d'épargne pour l'investissement agricole. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les caisses populaires agricoles pourraient être les promoteurs d'autres programmes dont pourrait bénéficier le secteur, et notamment la relève, tels les comptes d'épargne pour investissements agricoles. Essentiellement, il s'agirait de la mise sur pied d'un régime enregistré d'épargne agricole à l'intention des personnes, surtout les jeunes, désirant s'établir en agriculture. Un tel outil ressemblerait par sa nature à l'ancien régime d'épargne-logement. Concrètement, les futurs exploitants pourraient ouvrir un "compte d'épargne pour l'acquisition d'une ferme" dans les institutions d'épargne approuvées à cet effet, entre autres les caisses populaires agricoles et les caisses populaires. Des retraits pourraient être effectués après un minimum de trois ans, et cela sans pénalité, si le but du retrait ou la fermeture du compte est, bien entendu, l'achat d'une ferme.

Un programme semblable fut développé en Nouvelle-Zélande il y a quelques années et s'avéra un franc succès. Au 31 mars 1983, près de 10 000 comptes de cette nature étaient en opération pour un montant total en dépôt de plus de 46 000 000 $. En 1982-1983, 456 futurs exploitants retiraient leurs épargnes pour une forme quelconque d'établissement.

Alors, je repasse la parole à Robert pour la conclusion.

M. Romain: En résumé, ce que nous avons tenté de souligner à cette commission, aujourd'hui, se rattache à la non-pérennité du degré d'implication des intermédiaires financiers servant l'agriculture ainsi que des institutions elles-mêmes. On a souligné que certaines d'entre elles s'étaient même retirées du secteur et que d'autres avaient, dernièrement, repris leurs activités, quoique certaines mésententes avec le gouvernement en place ont temporairement aggravé te niveau d'insécurité des participants et probablement affecté sérieusement certains emprunteurs. De façon à stabiliser la source de financement de l'agriculture québécoise tout en tenant compte d'un vouloir politique

général de privatisation de certains organismes gouvernementaux, nous avons discuté de la possibilité de créer une institution de financement spécifique à l'agriculture. Cette dernière pourrait être intégrée aux caisses populaires actuelles puisqu'elle possède déjà certaines caractéristiques essentielles à de telles institutions. De plus, ces caisses populaires agricoles pourraient être le véhicule par excellence pour administrer et promouvoir de façon rapide les politiques agricoles instaurées par les autorités politiques.

Nous avons également mentionné que la principale caractéristique des moyens utilisés pour conserver et/ou accaparer l'épargne agricole provenant de la vente des fermes ou des revenus imposables via les REER ou obligations agricoles serait les avantages fiscaux rattachés è ces derniers. Ces instruments d'investissement pourraient donc engendrer des rendements plus faibles que ceux du marché et cette économie pourrait être transférée aux agriculteurs de façon que les taux d'intérêt payés ne soient pas supérieurs à ceux en vigueur actuellement. Il faut mentionner que cette pratique pourrait même s'avérer bénéfique pour le gouvernement puisque, de toute façon, les agriculteurs qui vendent leur ferme et ceux qui ont un revenu imposable important se prévalent déjà des différents outils d'évasion fiscale disponibles. L'avantage pour le gouvernement serait donc l'épargne réalisée sur la bonification des taux d'intérêt, telle que pratiquée actuellement.

En terminant, on doit mentionner que les institutions qui serviront ce secteur du marché au cours des années à venir devront être en mesure de tenir compte des caractéristiques uniques de l'industrie agricole. La fluctuation des revenus demeure une réalité dont elles devront tenir compte en dépit des programmes de stabilisation et d'assurance-revenu et de nombreux offices de commercialisation.

De plus, si l'on tient vraiment compte des traits caractéristiques de ce secteur, il faudrait éventuellement créer des politiques financières et des instruments de crédit propres à chaque spéculation agricole. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, je pense qu'on a à peu près une douzaine de minutes chacun. Somme toute, dans votre mémoire, vous proposez la création d'une caisse agricole avec certains avantages fiscaux et certains incitatifs pour que l'argent qui circule dans le monde agricole demeure à l'intérieur du cercle agricole. En faisant l'inverse, est-ce que vous êtes d'accord avec l'énoncé de vos prédécesseurs qu'une ferme est une entreprise et que, avant tout, elle doit être rentable?

M. Romain: Certainement.

M. Maltais: Est-ce que le fait d'avoir une ferme rentable, une ferme qui est capable d'emprunter, qui est capable de se gérer, un bon administrateur comme on nous dit, à ce moment-là, il n'est pas lié par une institution prêteuse, il la choisit... Le gars qui a des garanties et dont l'affaire va bien choisit son institution prêteuse. J'imagine que, dans votre esprit, lorsque vous parlez de caisse agricole, c'est surtout pour les fermes qui ont de la difficulté, présentement, sur le marché du financement à long terme.

M. Romain: Pas nécessairement.

M. Maltais: Vous parlez aussi des fermes qui vont bien et qui sont rentables?

M. Romain: Exactement, oui.

M. Maltais: D'accord. Je veux être bien sûr de mon affaire. À partir du moment où cette caisse agricole est créée - le Mouvement Desjardins a même dit qu'il était prêt à collaborer d'une façon tout à fait spéciale au niveau de la gestion, vous avez parlé d'un REER agricole, eux aussi en parlent et ainsi de suite - est-ce que, è ce moment-là, on ne fait pas un précédent en disant: L'agriculture, au Québec, c'est tellement important qu'on a besoin d'une caisse pour eux? Les pêcheurs, par exemple, pourraient inévitablement, avec les expériences qu'ils ont vécues depuis les dix dernières années, avoir la même idée. Est-ce que, par l'autosuffisance des fonds que l'agriculture génère, on est capable de convaincre les gens de réinvestir, même avec les incitations financières que vous préconisez? D'après vous, est-ce que dans l'expérience présente que l'on vit au Québec, dans la conjoncture actuelle, on est capable, par exemple, de convaincre les agriculteurs qui vont vendre les fermes et qui vont en tirer des produits de 200 000 $, 300 000 $, 400 000 $ d'en laisser 200 000 $ là? Est-ce que vous pensez que c'est réalisable?

M. Romain: Je ne vois pas pourquoi ce ne le serait pas puisque, de toute façon, ils ne le dépensent certainement pas à très court terme; ils se cherchent de toute façon des évasions fiscales pour pouvoir retirer des revenus sur une longue période et être imposés sur une longue période. Je ne vois pourquoi... Même je crois que les cultivateurs ou les agriculteurs qui vendent leur ferme seraient plus intéressés à investir dans un REER agricole ou à investir dans certains autres comptes d'épargne où il y aurait des incitations fiscales dans une banque agricole où ils savent que leur argent va aider les

jeunes agriculteurs.

Il faut être spécifique là-dessus: ces instruments ne seraient pas seulement pour les agriculteurs, d'accord? Ce serait ouvert à toute la population. On a mentionné que l'agriculture, pendant plusieurs années et peut-être plus encore - si elle utilise encore plus le crédit - ne serait pas capable de s'autofinancer de ses propres fonds. Donc, en essayant de prévoir, si l'on peut dire, la demande pour la prochaine année, les caisses populaires pourraient émettre un certain montant en obligations agricoles qui aurait des avantages fiscaux et qui serait disponible à tout le monde, tous ceux qui veulent investir là-dedans, pas nécessairement seulement les agriculteurs.

M. Maltais: À moins d'erreur, et peut-être que les collègues me corrigeront, je ne sais pas si ce sont les banques ou si c'est l'UPA qui ont suggéré - je pense que c'est l'UPA - que, pour le transfert d'une ferme -on parle de la relève agricole... Supposons que le père vend à son fils 400 000 $, il pourrait exiger un certain montant comptant et le gouvernement garantirait le prêt comme il le fait auprès des institutions financières. Tout à l'heure, je sais que mon collègue le président l'a souligné. Que pensez-vous de cela, vous?

M. Romain: On a peut-être souri en arrière, on a dit que ce n'est peut-être pas la question à poser à des banquiers ou à une caisse populaire parce que cela leur enlève la possibilité de faire des emprunts garantis.

M. Maltais: Eux viennent de perdre un client, mais vous, vous n'êtes pas banquiers, vous êtes professeurs d'université.

M. Romain: C'est cela. Je croirais que c'est probablement une bonne idée.

M. Maltais: Avec toutes les garanties qu'on donne à tandem à l'institution prêteuse.

M. Romain: Je vais pratiquement être obligé de répéter ce que M. Blais a dit, c'est que, si c'est le gouvernement qui prend les garanties, cela ne donnera pas plus de flexibilité au jeune qui vient de s'établir pour aller emprunter s'il veut agrandir ou acheter de nouvelles technologies ou faire des changements. Je ne vois pas trop où serait l'avantage pour le jeune agriculteur.

M. Maltais: Deuxième facteur: On sait que l'agriculteur, rendu à un certain âge, mon collègue d'Arthabaska le disait tout à l'heure, à 45 ans ou à 50 ans il prend sa retraite. Sa plus-value sur sa ferme, c'est son régime de retraite. Je pense que Jacques veut la prendre à 45 ans. M. Lévesque l'a pris dernièrement, le député de Kamouraska. Son régime de retraite, c'est ce qu'il a acquis pour vivre le reste de ses jours.

M. Romain: D'accord, oui.

M. Maltais: C'est X milliers de dollars. Par exemple, si on n'avait pas des avantages à l'heure actuelle, dans le système actuel... Ces sommes, s'il vend à son fils, comme tout à l'heure, et qu'il a une garantie, c'est sûr qu'il n'a pas besoin de tout cela comptant. Il peut avoir la même chose d'un parfait étranger pour autant qu'il a des garanties qu'il va conserver son argent. Si on lui donnait présentement les mêmes avantages fiscaux que ceux que vous voyez dans votre programme d'incitation au crédit agricole, à votre caisse agricole, est-ce que vous ne pensez pas que le gars embarquerait drôlement là-dedans?

M. Romain: Vous voulez dire pour prêter directement à son fils?

M. Maltais: À son fils ou à un pur étranger qui va aller acheter sa ferme, pour autant qu'on lui donne une garantie qu'il ne perdra pas son fric et que, deuxièmement -il n'a pas besoin de l'avoir comptant - sous la forme d'une rente viagère qu'il retirera, on lui donne les avantages fiscaux qu'on va donner normalement ou qu'on va donner dans votre future caisse populaire agricole.

M. Romain: Je pense qu'avec sécurité comparable avec d'autres véhicules de placement cela pourrait s'avérer sûrement intéressant.

M. Maltais: Parce qu'à ce moment on parle de transfert de ferme, on parle de ferme équipée; quand on parle de 300 000 $, 400 000 $ ou 500 000 $, on parie de fermes qui n'ont pas besoin d'investir 150 000 $, 200 000 $ demain matin. Je ne pense pas, en tout cas, à moins d'erreur. Or, la masse d'argent, qu'on la donne mensuellement ou annuellement, finalement, cette masse d'argent ne sort pas du monde agricole, elle reste là. L'acheteur rembourse tant par année ou par mois, je ne sais pas trop comment cela fonctionne, mais de toute façon il rembourse. Donc, il rembourse à même les revenus générés de sa ferme annuellement, il n'a pas de charge fiscale, il n'est pas endetté jusqu'au cou et le vendeur, cela fait son bonheur. Il en a assez pour vivre.

M. Romain: II est endetté pour le montant de l'hypothèque qu'il a prise avec la personne. Quand arrivera le temps d'aller...

M. Maltais: Sauf que l'argent, il ne l'a pas sorti.

M. Romain: C'est la même chose.

M. Maltais: II l'a immobilisé, mais il ne l'a pas sorti.

M. Romain: Quelle est la différence? Que vous l'empruntiez à la banque, à la caisse, que vous le donniez à celui de qui vous avez acheté la ferme...

M. Maltais: Cela fait une différence dans votre mémoire. Je ne sais pas à quelle page vous dites que le fédéral, à partir du mois de juin, n'avait plus un cent è investir, tout l'argent avait été sorti.

M. Romain: D'accord. Cela enlèverait des... (17 h 45)

M. Maltais: Alors, à ce moment, il y a une légère différence entre celui qui accepte de vendre, qui endosse l'hypothèque et qui retire tant par mois et le banquier qui est obligé de sortir 350 000 $ ou 400 000 $ comptant.

M. Romain: D'accord, mais je partais pour l'agriculteur. Supposons qu'il l'emprunte, il a l'argent, il vient de l'avoir de la banque ou il vient de signer un papier avec l'ancien propriétaire de lui remettre X montant par année ou par six mois. Pour lui, je ne vois pas beaucoup la différence. C'est certain que, pour le secteur...

M. Maltais: II y a une énorme différence pour le monde agricole. Ces 500 000 $ qui normalement iraient dans une institution privée ou prêteuse restent dans le monde agricole; il y a une énorme différence à mes yeux.

M. Marcotte: D'accord, mais, pour celui qui s'installe, la dette qu'il a contractée avec une autre personne demeure dans son dossier quand il aura besoin d'aller à la banque ou à la caisse pour emprunter pour des fins additionnelles, pour l'amélioration de la ferme.

M. Maltais: Bien sûr, une hypothèque, c'est une hypothèque.

M. Marcotte: Elle est là, sa dette.

M. Maltais: Qu'il l'ait chez vous ou à votre caisse agricole, il aura une hypothèque. Qu'il ait l'hypothèque de l'ancien propriétaire ou è votre caisse populaire agricole, il aura la même hypothèque. Il ne pourra pas l'hypothéquer plus qu'elle ne vaut, sa ferme, en soi.

M. Marcotte: Lorsqu'on parle de caisse agricole on parle d'un service global, c'est-à-dire non pas juste au niveau de prêts à long terme, ce n'est pas dans ce sens qu'on a voulu le dire; c'est au niveau de tout le financement, soit le court, le moyen et le long terme.

M. Maltais: Vous parlez de financement à long terme, de marge de crédit tout de suite. En somme, est-ce que vous avez consulté les institutions bancaires autres que les caisses populaires dans votre conception de mémoire?

M. Marcotte: Oui, l'été dernier, quand on a fait une conférence de thèse en rapport à cela on avait invité des banques.

M. Maltais: Qu'est-ce qu'elles vous ont dit, les banques, dans cela?

M. Marcotte: Probablement un peu ce qu'elles ont dit è votre commission, c'est-à-dire que, pour elles, il n'y a aucun problème et il n'y a jamais eu de problème dans le financement agricole, qu'elles sont là et qu'elles sont prêtes à en prêter à peu près n'importe quand. Elles ne voient pas les problèmes que nous, on a sortis.

M. Maltais: Quelle a été l'attitude du Mouvement Desjardins?

M. Romain: Je ne sais pas si vous posez cette question parce qu'on propose une caisse populaire agricole affiliée aux caisses populaires actuelles.

M. Maltais: Je vais être bien franc avec vous, c'est le trentième mémoire qu'on écoute, tout le monde a apporté des solutions et je pense que vous êtes ici pour que l'on explore vos solutions. On en a entendu, des choses, vous n'êtes pas les premiers qui nous présentez un mémoire et qui nous dites des solutions bien écrites et bien concrètes, cela va très bien. S'il faut mettre les 30 mémoires à exécution demain matin, je ne sais pas comment le ministre va se retrouver avec cela. Ce qu'on essaie de dégager, c'est quelle est la meilleure solution et c'est pour cela qu'il faut aller au fond. Vous, lorsque vous avez contacté, je l'imagine, le Mouvement Desjardins, quelle était son attitude dans cela?

M. Marcotte: Je pense que, sans y aller à fond, ces gens trouvaient cela acceptable et très intéressant plutôt peut-être au niveau des instruments qu'on proposait en plus de la banque agricole. Je pense qu'ils étaient mal placés au niveau de la banque agricole même pour dire quelque chose en rapport avec cela.

M. Maltais: Dans votre rapport ce sont les gros prêteurs. Avec le prêt tandem...

M. Marcotte: Oui.

M. Maltais:... Desjardins est devenu le plus gros prêteur dans le monde agricole.

M. Marcotte: Exactement.

M. Maltais: Alors, ces gens ont certainement un mot à dire parce qu'ils ont des attachements à long terme et pour encore quelques mois à venir, 56%, je crois, du marché que vous dites dans votre mémoire. Ils sont attachés peut-être pour 25, 30 ou 40 ans encore. C'est sûr qu'eux ils ont avantage à aller plus dans une ouverture comme cela que dans une autre option. Ils y vont par attachement financier.

M. Marcotte: Oui et peut-être aussi...

M. Maltais: Par exemple, quelle était leur attitude lorsque vous avez parlé d'une caisse agricole à laquelle tout le monde pourrait aller moyennant certains dégrèvements fiscaux? Ils le font, je pense, déjà dans l'épargne-logement ou ils l'ont fait déjà, les gens du Mouvement Desjardins. Ils se sont prévalus d'une section de la loi sur les banques. Pour eux, est-ce que c'est un service? Ils nous ont même dit tout à l'heure qu'ils pourraient le donner en région, qu'ils pourraient le décentraliser. Est-ce que vous le voyez uniquement dans votre caisse agricole ou si vous le voyez par une décentralisation accrue des services que Desjardins offre actuellement?

M. Marcotte: Ce que nous avons pensé, c'est, au niveau du Québec, de sélectionner les caisses populaires les plus stratégiquement situées et celles-ci seraient pointées pour offrir tous les services à la classe agricole, c'est-à-dire tout le financement sur le court, le moyen et le long terme et tous les autres outils, aussi, au niveau des prêts.

M. Maltais: Vous voyez l'implication du gouvernement comment? Soit juste par des dégrèvements fiscaux qu'il se retire complètement du champ des prêts à long terme?

M. Marcotte: Qu'il se retire carrément du financement agricole, point. Son rôle serait simplement de compenser au niveau des abris fiscaux.

M. Maltais: Cela veut dire que les subventions seraient terminées aussi.

M. Marcotte: Cela n'existe plus.

M. Maltais: Ah bon! c'est bien, cela. Alors, plus de subvention, plus de prêt à long terme, ni à court terme, ni d'endossement de prêts. L'État aura un rôle à jouer, il donnera les abris fiscaux à l'ensemble de la population qui voudra investir dans le monde agricole.

M. Marcotte: Bien sûr, en gardant toujours la politique agricole; ce serait déterminé au niveau du gouvernement.

M. Maltais: L'État aurait un management, un marketing à faire...

M. Marcotte: Au niveau de la politique agricole.

M. Maltais:... au niveau de la politique agricole.

M. Marcotte: Il canaliserait cela via les caisses populaires.

M. Maltais: D'accord. Est-ce que vous touchez à l'assurance-stabilisation pour ces choses-là? Vous n'avez pas touché à cela?

M. Marcotte: Non. On parle de financement, point.

M. Maltais: Point. D'accord, ça va.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Merci, M. le Président. À la page 28 du rapport le plus Imposant, vous faites mention, à l'avant-dernier paragraphe, du programme encourageant le vendeur d'une ferme à financer entièrement ou partiellement celui qui s'y établit. Est-ce que vous avez poussé cela un peu plus à fond?

M. Marcotte: Non.

M. Dupré: Est-ce que vous avez gratté cela un peu plus?

M. Marcotte: Non, on a proposé la caisse populaire agricole avec, entre autres, deux instruments particuliers. On a parlé des obligations agricoles, des comptes d'investissement. Ça, c'est en rapport avec ce qui se fait en Nouvelle-Zélande. Cela a été rapporté juste comme expérience là-bas. Nous autres, on n'a pas poussé à fond ce côté-là.

M. Dupré: Je voudrais revenir sur la discussion que vous avez eue tantôt concernant les montants garantis par tandem par le vendeur. C'est qu'il y en a, une différence. Si c'est le vendeur, le propriétaire qui prend l'hypothèque, cela se peut qu'il prenne l'hypothèque au complet. Cela peut être 400 000 $, cela peut être 500 000 $, tandis que si vous allez à la caisse, aussi bien à la caisse agricole, on va

avoir un montant limité, cela va être 250 000 $, cela va être 300 000 $, 400 000 $ dans certains cas. On va prendre l'hypothèque au complet comme les autres font, alors on va se retrouver avec le même problème qu'on a, on va manquer de financement, tandis que le vendeur, même avec le plan tandem, s'il en manque une partie, il peut rester actionnaire pour la dernière partie.

Pour les caisses populaires, en somme, on a rencontré les banquiers dernièrement. Il y en a un, entre autres, qui a été voir ce qui se passait en France. Au début, la vocation était différente. Là, présentement, les gens en sont venus à faire à peu près les mêmes opérations que dans les banques. Serait-ce utopique - en tout cas, le mot n'est peut-être pas... - serait-il possible d'avoir une banque sans but lucratif? Il ne faudrait peut-être pas appeler cela une banque, mais il reste qu'il faudrait que ce soit un organisme semblable, que les fonds qui rentrent là-dedans soient au service de l'agriculture. Les caisses populaires, c'est bien louable mais elles sont comme les banques, elles font des profits. Toutes les caisses populaires, à chaque coin de rue, elles cherchent quoi? C'est d'augmenter leurs capitaux et faire de l'argent, même si elles ont joué un grand rôle social; cela, on ne le nie pas. Si on se rembarque dans une structure similaire ou parallèle et qu'à un moment donné...

Une voix:... des ristournes...

M. Dupré: Oui, quelque peu, des ristournes. Il reste que, si on se rembarque dans un système similaire, moi, je ne vois pas les avantages qu'on a à créer une structure pour créer une structure.

M. Marcotte: Nous autres, on pense que cette chose-là pourrait être préservée au niveau des conseils d'administration des caisses populaires de la place, c'est-à-dire - on l'a mentionné à un moment donné - que la majorité a des agriculteurs au conseil.

M. Romain: Un autre point pour commenter ce que vous avez dit. Je ne vois pas pourquoi on n'essaie pas de faire des profits parce que, de toute façon, dans les caisses populaires cela revient un peu en ristournes et puis ceux qui demandent des prêts, cela impliquerait peut-être plus le milieu agricole de voir où va son développement lui-même. Si tu fais évaluer des demandes d'emprunt par des pairs, au lieu de dire: On va tous aller contester avec toi parce que le gouvernement ne veut pas payer, là, c'est à eux autres de prendre la décision et de voir si vraiment le gars n'est pas capable de le faire, s'il n'a pas la capacité de gestion.

M. Dupré: Je pense que les moyens, les seuls pour aller chercher de l'argent -d'ailleurs, vous le mentionniez vous aussi dans votre rapport, on l'a entendu plusieurs fois - c'est comme dans les REER, si vous ouvrez ça à des taux avantageux, il n'y a pas de limite, vous allez ramasser 1 000 000 000 $ au Québec. Mais c'est la seule condition; ce sont les taux avantageux, aussi bien pour le vendeur qui veut poursuivre, peut-être... Même, il y en a qui sont prêts à garder les garanties, parce qu'ils aiment voir comment ça va continuer à fonctionner. Les fermes, ce n'est pas comme un commerce ordinaire pour ceux qui les ont bâties et y ont vécu. Ce sont des patrimoines et c'est de génération en génération. Ordinairement, les gens, une fois qu'ils ont vendu, aiment voir - il faut le demander aux producteurs - ici la continuité de leur ferme. Mais, ça, c'est une petite partie, en somme,

M. Romain: Oui, mais ce serait comme les autres REER, j'imagine. Vous pourriez avoir des maximums légaux. Si vous en manquez, si vous manquez vraiment de fonds avec ça, ça pourrait être repensé, ces outils-là. C'est juste pour permettre à ceux qui vendent leur ferme d'investir dans ce genre de REER. L'argent manquant sera obtenu avec des obligations agricoles. Là, la caisse populaire serait capable de délimiter un montant, en ayant certaines projections. Après ça, ils iraient chercher tant. S'il en manque un petit peu, l'année d'après, ils se replacent et c'est eux qui s'administrent.

M. Dupré: Déjà, à peu près dans tous les villages du Québec, il y a des caisses populaires. Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir, à l'intérieur, je ne sais pas, un guichet unique pour la classe agricole ou quelque chose de semblable? Parce que les structures pour les structures, ça m'agace un peu dans votre... Vous avez l'air de dire, vous autres: Cela prend une banque séparée, avec un conseil d'administration séparé. On n'est pas pour aller faire une autre caisse populaire dans chaque petit village de la province.

M. Marcotte:... utiliser celles qui sont déjà en place, en sélectionnant celles qui sont stratégiquement situées. Par exemple...

M. Romain: C'est parce que ça va demander...

M. Dupré: Des caisses, dans certains coins, qui seraient dans un milieu agricole, quelques-unes d'entre elles deviendraient des caisses populaires agricoles?

M. Romain: En transférant certaines

compétences, à l'heure actuelle, qui sont à l'Office du crédit agricole, par exemple, parce qu'avant de se lancer dans le financement - les banques ont commencé, les caisses populaires le font - elles engagent des spécialistes pour analyser les états financiers des agriculteurs.

Donc, ça prendrait quand même des personnes, une, deux ou trois, selon la grosseur de la banque, pour analyser ça. Cela utiliserait les personnes de l'office, à l'heure actuelle. Cela ne les mettrait pas à pied; ça serait juste les transférer, les ramener dans le coin où se font les prêts et où se prennent les décisions au niveau du conseil d'administration. Les agriculteurs sont là.

À bien noter, c'est un exemple de caisses populaires agricoles rattachées aux caisses populaires. Mais c'est certain que, depuis déjà quelques années, la Banque Royale, par exemple, est forcée d'entrer beaucoup en agriculture. Nous autres, on parle des caisses populaires, mais ça pourrait être un genre de formule de décentralisation de l'office: par exemple, la Banque Royale ou la Banque Toronto-Dominion, qui sont déjà très implantées dans le milieu pourraient demander de faire partie du réseau d'administration au niveau des politiques agricoles.

Ce n'est pas de dire: On forme une nouvelle banque, mais plutôt qu'on utilise les structures en place et qu'on transfère les politiques. On mentionnait tantôt: Pas de subvention. Il faudrait peut-être avoir des nuances. Si on veut lancer des nouvelles spéculations ou des nouvelles productions qui sont plus risquées, là, ce serait subventionné. Cela pourrait être quand même administré par le réseau en place, où il y a des spécialistes dans chaque coin de la province.

M. Dupré: Vous démontrez, dans votre rapport - je ne me rappelle pas quelle page - que dans les banques les montants ont monté d'une façon draconienne. Mais, au moment où on se parle, c'est parce que ces prêts-là sont garantis, en somme.

M. Romain: Certainement.

M. Dupré: Parce qu'ils nous ont dit, la semaine dernière, qu'ils prêtaient à ceux qui avaient de l'argent. Les autres, ils ne sont pas intéressés. Il faut que ce soit le gouvernement qui les garantisse. Alors, peut-être que tous ceux-là pourraient retourner dans les caisses dont vous parlez.

M. Romain: Mais je ne sais pas. Moi...

M. Dupré: Parce que, si vous avez juste les canards boiteux et que les autres restent aux banques privées, vous allez avoir des problèmes, vous aussi. (18 heures)

M. Romain: S'il y a de meilleurs taux d'intérêt dans les caisses populaires affiliées - comment pourrait-on dire cela? - qui transmettent des politiques, tout le monde va aller emprunter là. Quelqu'un, s'il est rationnel un peu, s'il est capable de l'avoir à 8% quand le taux de la banque est de 10%, il va aller à 8%.

M. Dupré: Si ces taux-là étaient appliqués à tout le monde, si tous ceux qui voulaient investir dans l'agriculture avaient les mêmes privilèges, les mêmes baisses d'intérêt, c'est là que je me demande pourquoi créer une autre structure. Si j'ai 300 000 $ et qu'on donne de bons rabais si mon argent va en agriculture, je vais prendre ces rabais. Je ne suis pas dans l'agriculture, mais je vais y placer mon argent parce que c'est là que cela va me rapporter le plus.

M. Romain: À l'heure actuelle, vous le placez où?

M. Dupré: Dans les...

M. Romain: Vous allez essayer de vous trouver des abris fiscaux, quand même. D'accord?

M. Dupré: Oui. Présentement, je suis dans une compagnie.

M. Romain: Mais c'est ce que l'on dît: Cela ne coûtera pas plus cher; cela sera seulement un transfert au niveau macroéconomique. D'accord? C'est de l'argent. Par exemple, il y a moins de personnes qui vont acheter des actions de l'Alcan, surtout les producteurs ou les personnes qui ont des revenus imposables et qui veulent se trouver des abris fiscaux ou les agriculteurs qui vendent leur ferme. Ils vont rester automatiquement dans le monde agricole.

M. Marcotte: Si je peux ajouter que, de toute façon, les gens à la retraite ou qui vendent leur ferme actuellement en cherchent, des abris fiscaux. Ils en trouvent au niveau des REER et des REA; ils vont acheter des actions de l'Alcan, de Bell Canada et ainsi de suite. S'il y a des obligations agricoles à des taux comparables, je pense que, par goût, par sympathie et avec des rendements comparables, ils vont aller dans l'agriculture.

M. Romain: C'est seulement réallouer les fonds au niveau macro-économique que cela changerait et cela éviterait la bonification que le gouvernement est obligé de payer à l'heure actuelle.

M. Dupré: Je vous remercie beaucoup. Il reste une couple de minutes; je vais passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Vallières): Oui. Il reste une question au député de Huntingdon, suivi du député de Champlain, qui conclura.

M. Dubois: Je vous remercie pour votre très intéressant mémoire. Je pense que votre suggestion mérite d'être étudiée plus à fond, mais il n'en reste pas moins que pour le contribuable québécois - le "payeur" de taxes et d'impôt - cela ne change rien, parce que, si l'on favorise certaines modalités de dégrèvement d'impôt pour que votre propre formule s'applique, cela vient des fonds publics. Alors, qu'on donne l'argent d'une façon ou d'une autre, je pense que cela ne change rien sur le plan fiscal, sur le plan de l'impôt au niveau du contribuable qui paie des taxes. Absolument pas, n'est-ce pas? Vous êtes d'accord avec cela?

Alors, tout ce que l'on fait, c'est créer un nouveau bébé. On bâtit des nouvelles structures - et il en existe pourtant tellement - parce que toutes les petites municipalités ont quand même une banque, deux banques, des fois trois banques et une caisse. Ce n'est pas ce qui manque, des institutions financières, je pense. Prendre nos fonds publics pour les appliquer d'une façon ou d'une autre, je ne pense pas que cela règle le problème fondamental de l'agriculteur aujourd'hui parce que, des fonds, il y en a de disponibles.

Cela dépend toujours des politiques du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et, finalement, du gouvernement. Si on veut favoriser, par exemple, l'intégration des jeunes sur Ja ferme, on doit quand même arriver avec une formule de financement adéquate, avec intérêts très bas peut-être. Si cette banque-là doit offrir des prêts à 2%, 3% ou 5% ou des taux d'intérêt qui s'accentuent à tous les ans, ce sont les fonds publics qui vont quand même les payer. Alors, cette banque-là ne fonctionne certainement pas à perte, il faut qu'elle soit financée par quelqu'un; alors, ce sont les fonds publics qui la financent.

Je ne vois pas comment on règle le problème fondamental de l'agriculteur ou de la relève agricole par la création de cette nouvelle entité. Je soumets respectueusement que cela mérite d'être étudié à fond, mais je ne vois pas qu'on règle le problème du tout, et on crée une structure nouvelle. En tout cas, c'est ma réflexion, de prime abord, mais je laisse quand même la porte ouverte à de plus mûres réflexions dans ce domaine.

M. Marcotte: On a parlé un peu, à la page 13 de ce qu'on vous a lu tout à l'heure, des avantages que cela pourrait comporter. Cela diminuerait le nombre d'intermédiaires, par exemple, d'où les délais que les agriculteurs connaissent actuellement lorsqu'ils effectuent des demandes auprès de l'office ou de la société, surtout au niveau de l'Office du crédit agricole.

Ce serait l'unique canal aussi par lequel le gouvernement pourrait faire passer ses politiques, au lieu d'avoir à contacter un peu tout le monde. C'est contenu dans ce que l'on a dit tout à l'heure, mais je voudrais revenir au début de votre question. Je ne suis pas tout à fait d'accord dans le sens que vous avez dit qu'on prend de l'argent, qu'on le met de côté et que cela ne change absolument rien. On pense que cela changerait des choses au niveau de la bonification des taux d'intérêt; avec le système qu'on propose, cela serait éliminé. Le gouvernement, actuellement, donne des bonifications au niveau des taux d'intérêt et perd de l'argent au niveau des abris fiscaux. Lorsqu'un agriculteur, par exemple, vend sa ferme, il achète des abris fiscaux. Le gouvernement perd un certain revenu à partir de cela. En plus, il bonifie les taux d'intérêt aux agriculteurs. Si, avec la banque agricole, il n'y a plus aucune bonification des taux d'intérêt, les abris fiscaux demeurent, mais, là, les abris fiscaux pour les agriculteurs qui se retirent, ce serait de l'argent économisé, mais pour l'agriculture et non pas pour Alcan, parce que les agriculteurs investissent dans l'Alcan ou autre chose.

Le Président (M. Vallières): Très bien. La parole est maintenant au député de Champlain.

M. Gagnon (Champlain): Je voudrais, au nom de ma formation politique, vous remercier de votre mémoire. Je le trouve très intéressant, parce que j'ai eu l'occasion de travailler dans quelque chose de semblable. Lorsqu'on dit que cela ne changera rien, effectivement, vous venez de souligner certains points qui valent la peine d'être approfondis. Si on regarde le système français, par exemple, l'intérêt qu'il a créé entre les gens des villes et de la communauté agricole, les agriculteurs, le fait qu'il y ait une incitation pour que les gens viennent déposer à cette caisse, cela crée un certain lien, à mon point de vue, qui manque peut-être actuellement.

Je pense que je n'ai pas grand temps à ma disposition, mais je trouve intéressantes les questions... Je pense que plusieurs ont trouvé cela intéressant. L'idée a déjà été lancée. J'ai eu l'occasion, à une couple de reprises, d'entendre le ministre de l'Agriculture dire: Ce sera peut-être une solution et, à ce moment-là, il pensait, entre autres, aux pêcheries dans un coin où les pêcheurs avaient de la difficulté à moderniser leurs usines, à trouver les fonds nécessaires, alors qu'une caisse semblable pourrait permettre au milieu d'y investir de l'argent, de trouver l'argent nécessaire.

Je vous remercie infiniment et je vous jure que ce mémoire va être approfondi très

certainement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Merci, M. le député de Champlain. Je veux également remercier les gens qui nous ont présenté ce mémoire, les gens de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval. Je veux vous indiquer que vous pourrez suivre maintenant l'évolution de nos travaux, afin de savoir ce que nous aurons fait du travail que vous avez accompli. Nous vous remercions. C'est grâce à la collaboration d'organismes comme le vôtre qu'on va réussir à approfondir certaines solutions à certains problèmes qu'on a présentement dans le secteur agricole. Je pense que c'est un voeu qu'on a généralement. Alors, nous vous remercions beaucoup de votre contribution à nos travaux et nous espérons vous rencontrer à une autre moment pour vous entendre à nouveau. C'est très instructif.

M. Marcotte: Alors, on veut remercier tous les membres qui sont venus nous entendre, cet après-midi. Merci.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Je veux indiquer aux membres de la commission que nous nous revoyons demain, à 10 heures, à l'hôtel Le Président, à Sherbrooke.

Alors, la commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures, à Sherbrooke. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 9)

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