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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le jeudi 8 décembre 1988 - Vol. 30 N° 10

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 98 - Loi modifiant la Loi sur les courses de chevaux


Étude détaillée du projet de loi 100 - Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole


Journal des débats

 

(Onze heures cinquante-huit minutes)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare ouverte la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Je vous rappelle le mandat de la commission: procéder à l'étude détaillée du projet de loi 98, Loi modifiant la Loi sur les courses de chevaux. M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, on m'a informé de trois remplacements. M. Desbiens (Dubuc) par M. Godin (Mercier), M. Dufour (Jonquière) par M. Blais (Terrebonne), M. Houde (Berthier) par M. Vallières (Richmond).

Projet de loi 98

Le Président (M. Baril): Merci. M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques préliminaires avant de commencer l'étude du projet?

Remarques préliminaires M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Très brièvement. Ce projet de loi, tel que je l'indiquais hier à l'Assemblée nationale, fait suite à la décision du ministre des Finances et du gouvernement, le 30 juin dernier, dans le cadre et comme suite du règlement du dossier de Blue Bonnets. Le gouvernement faisait sienne une des recommandations du rapport Mireault selon laquelle il était préférable d'intervenir au chapitre de la taxation plutôt que d'intervenir par le biais d'autres mesures de subventionne-ment pour régler définitivement l'avenir du principal hippodrome du Québec, soit Blue Bonnets. On se rappellera que le règlement de ce dossier, que j'ai annoncé le 30 juin dernier, réfère à une diminution du taux moyen de taxation de 3 %. En ce faisant, que cela impli-que-t-il concrètement? Cela implique, donc, un retour additionnel aux parieurs. Ce retour additionnel aux parieurs, selon les prévisions que nous avons évaluées ou formulées à ce moment-là, cette augmentation du montant retourné aux parieurs était susceptible finalement - c'est maintenant démontré - d'augmenter les montants pariés à l'hippodrome Blue Bonnets et sur les autres hippodromes, évidemment, qui bénéficient d'une semblable mesure. Cette augmentation du pari augmente, par conséquent, les revenus des hippodromes et aussi les revenus des propriétaires de chevaux de course. Comme on le sait, il y a une négociation qui est menée entre chaque hippodrome du Québec et l'Association trot et amble du Québec pour un partage de la commission ainsi prélevée par les hippodromes. Par exemple, c'est ainsi qu'à Blue Bonnets le partage se fait 50-50 entre l'ATAQ et l'hippodrome. Si ma mémoire est fidèle, à Québec, c'est 52-48; sensiblement la même chose à l'hippodrome de Trois-Rivières, sensiblement aussi la même chose à Aylmer et à la piste Connaught Park et la même chose aussi à l'hippodrome de Jonquière.

Le but du projet de loi est de s'assurer que le taux moyen de prélèvement d'un hippodrome sur le montant parié demeure diminué des 3 % effectivement annoncés par le ministre des Finances. En vertu des lois, l'hippodrome peut modifier son taux de prélèvement. Alors, ce faisant, qu'est-ce que cela donnerait comme résultat? Remarquez qu'il n'est pas du tout dans les intentions manifestées par les hippodromes jusqu'à maintenant de ramasser, si je peux utiliser le terme, ou de prendre ces 3 % de diminution. Cependant, si jamais un hippodrome décidait, peu importe pour quel motif, de s'approprier ce pourcentage de 3 %, cela remettrait en cause l'objectif poursuivi par le gouvernement, qui est de faire en sorte que cette diminution de la taxation aille bel et bien aux parieurs qui visitent les hippodromes du Québec.

Alors, essentiellement, le projet de loi a pour but de donner à la Commission des courses de chevaux le pouvoir de prendre une règle pour s'assurer qu'à compter du 1er juillet 1988 le taux moyen de commission levé, sur l'ensemble des montants pariés, par le titulaire d'une licence de courses - donc par un hippodrome - et d'un certificat d'immatriculation pour un appareil utilisé pour la vente, l'enregistrement ou la compilation automatique des paris mutuels, pour s'assurer, dis-je, que ce taux n'excède pas le taux moyen de commission qu'elle y indique. Une telle règle prise par la commission doit être approuvée par le ministre des Finances, cela va de soi, mais dans le cas qui nous occupe actuellement il s'agit de faire en sorte que, si besoin en était, la commission approuve un règlement ou établisse une règle qui viendrait ratifier la décision annoncée le jour même de l'entente de Blue Bonnets par le ministre des Finances, le député de Bonaventure. C'est uniquement cela; c'est un projet de loi qui est donc très succinct. C'est un projet de loi qui vient confirmer la volonté du gouvernement du Québec de s'associer à l'industrie des courses de chevaux au Québec dans une perspective de développement, de renforcement, de rentabilité accrue, d'augmentation des sommes retournées aux parieurs, avec comme objectif d'augmenter, de ramener le niveau de performance ou le niveau d'activité à ce qu'il était en 1980 et ce, dans les meilleurs délais.

Le Président (M. Baril): Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président. On connaît la teneur ou la nature du projet de loi. il reste peut-être à se poser certaines questions et à espérer avoir des réponses à ces questions au cours de l'étude du projet de loi. On sait que le plan de relance du gouvernement pour l'industrie des courses de chevaux repose pour l'essentiel justement sur une réduction de la taxation sur les paris mutuels, en visant comme objectif, évidemment, en en diminuant le coût unitaire, d'accroître le volume global des paris mutuels. C'est cela l'objectif. On réduit la taxation, donc on espère ainsi un accroissement du volume global des paris mutuels comme résultat de cette baisse de la taxation et aussi évidemment de cette baisse de la commission perçue par les hippodromes, parce que les deux peuvent se faire simultanément.

Si je comprends bien, puisqu'on parle du 1er juillet 1988 dans le projet de loi, les réductions sont déjà en vigueur: réduction de la taxe et, conséquemment, diminution de la commission perçue par les hippodromes, de sorte que, comme le prévoyait le discours sur le budget de mai 1987, l'ensemble des prélèvements est passé de 24,6 % qu'il était auparavant à 19,6 %. Est-ce que l'ensemble des réductions est complété ou si cela va se faire en certaines phases?

Une voix: C'est complété.

M. Brassard: Déjà le 2 % et le 3 % sont complétés. C'est maintenant 19,6 % de prélèvements plutôt que 24,6 %. Évidemment, c'est lune des caractéristiques essentielles du plan de relance de l'industrie des courses de chevaux. C'est en vigueur depuis le 1er juillet 1988. Je ne sais pas si le ministre a des chiffres à ce sujet. Je ne sais pas si la période de temps est suffisamment longue, depuis que ces mesures sont entrées en vigueur, pour permettre d'en mesurer l'impact. Ce serait peut-être intéressant de savoir quel effet déjà, au moment où on se parle, ces mesures ont eu sur le volume global des paris mutuels dans les divers hippodromes du Québec. Cela nous permettrait d'évaluer déjà, sûrement pas de façon définitive, l'efficacité de ces mesures.

M. Pagé: On peut faire valoir que l'effet de la diminution du taux de taxation, annoncée le 30 juin 1988, se fait déjà très sentir dans l'ensemble de l'industrie des courses de chevaux au Québec. Sans se référer aux statistiques officielles, si on prend les pages sportives du journal Le Soleil de ce matin, on y voit que, hier soir, mercredi soir, il y avait un programme de courses à Blue Bonnets. À la fin du détail des résultats, on y lit toujours: assistance - 4414 personnes hier - et paris mutuels. La moyenne de paris à Blue Bonnets était près de 750 000 $ par programme par soir. Ce qui voulait dire, pour 212 programmes environ, un volume de paris d'environ 186 000 000 $. Si on regarde le pari d'hier, et ce n'était pas un beau soir d'été, ce n'était pas un beau soir d'automne, c'était un mercredi soir où, par surcroît, les vaillants Canadiens de Montréal étaient à la télévision, ce sont 907 000 $ qui ont été gagés. On sait que le lundi soir est reconnu à l'hippodrome Blue Bonnets comme étant un des soirs où il y a le plus de spectateurs, où il se parie le plus d'argent. C'est maintenant constant et régulier; c'est au-delà de 1 000 000 $ qui sont pariés le lundi soir.

Globalement, on retient que depuis juillet 1988, donc, depuis l'annonce du 30 juin dernier, le pari mutuel a augmenté de 9 % par rapport à la période correspondante l'an dernier.

M. Brassard: À Blue Bonnets ou dans tous les hippodromes?

M. Pagé: Globalement, sur l'ensemble des hippodromes au Québec. On a observé des augmentations de l'ordre de 40 % à Blue Bonnets et des hausses considérables de paris dans les autres hippodromes à certains moments. Certains avaient augmenté le pari mutuel de 17 % ou 20 %, voire même de 50 % pour certains événements.

Si la tendance actuelle se poursuit - et on a tous les motifs de croire qu'elle se poursuivra, d'autant plus que, comme on le sait, les mois de novembre et décembre sont des mois où il y a beaucoup d'autres activités susceptibles d'attirer ou de convier la personne qui, autrement, se rendrait à l'hippodrome - si la tendance se poursuit, on évalue à 30 000 000 $ les paris additionnels de cette année par rapport à la période de janvier à décembre 1987. Cela voudrait donc dire que notre objectif - l'augmentation substantielle du pari - serait haussé avant même la terminaison ou encore la mise en place du programme d'amélioration des infrastructures qui a été annoncé en septembre 1987 et qui vise non seulement un rafraîchissement, mais une modernisation complète des installations offertes au public sur les hippodromes du Québec où on investit 25 000 000 $, comme vous le savez, par l'injection de 5 000 000 $ par année pendant cinq ans.

M. Brassard: Est-ce qu'on peut avoir des chiffres pour chacun des hippodromes? Jonquière, par exemple, est-ce que ça s'est traduit par une augmentation significative du pari mutuel?

M. Pagé: Je pourrais tenter de vous les obtenir - je ne ferai peut-être pas de recherche, si je peux utiliser le terme - dans les meilleurs délais. J'ai été en contact avec les gens de Jonquière, plus particulièrement avec l'ancienne

administration qui s'interrogeait sur l'avenir de l'hippodrome. L'hippodrome a été vendu à de nouveaux propriétaires et ceux-ci y ont augmenté le nombre de programmes de courses, ce qui risque de changer les termes de référence dans l'évaluation des volumes d'argent qui est gagé.

Mais une chose est certaine. Cet hippodrome, comme les autres du Québec, semble être bien engagé dans une perspective de consolidation et de développement par la suite. Jonquière sera aussi admissible, tel que je l'ai indiqué en septembre 1987, à participer au plan de modernisation.

Étude détaillée

Le Président (M. Baril): Merci. Est-ce qu'on est prêt à prendre l'article 1?

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Baril): M. le ministre, l'article 1 du projet de loi 98.

Réglementation

M. Pagé: L'article 1 parle de lui-même. On vise à modifier la Loi sur les courses de chevaux et particulièrement l'article 103 par l'ajout d'un autre alinéa, après le paragraphe 20°, qui vient stipuler que la commission doit "s'assurer, suivant les modalités qu'elle y prévoit, qu'à compter du 1er juillet 1988, le taux moyen de commission levé, sur l'ensemble des montants pariés, par le titulaire d'une licence de courses - etc. - n'excède pas le taux moyen de commission qu'elle y indique".

C'est le droit, c'est le pouvoir qui est ainsi accordé par cette mesure à la commission d'établir une règle qui, elle, doit être prise en vertu de l'article 20.1°. Cette règle, pour avoir force d'application, doit être approuvée par le ministre des Finances. Cela va de soi.

M. Brassard: M. le Président, cette disposition va être introduite dans la Loi sur les courses de chevaux. Est-ce que c'est parce que, à la suite des mesures prises à la fin de juin 1988, il y a certains hippodromes qui n'ont pas, de façon simultanée, comme c'était prévu dans le discours sur le budget, emboité le pas en réduisant leur commission sur les paris mutuels? C'est-à-dire, pas nécessairement en les augmentant, mais, comme le taux moyen de commission des hippodromes devait passer de 13,5 % à 10,5 %, est-ce que c'est parce qu'il y a des commissions qui ont continué de prélever 13,5 % que l'on introduit cette disposition ou si c'est pour s'assurer qu'on a une disposition dans le projet de loi qui permettrait à la Commission des courses de chevaux, si ça arrivait, si ça se produisait, d'avoir entre les mains un instrument juridique pour agir? (12 h 15)

M. Pagé: D'abord, il faut bien se comprendre. On se réfère, pour fins de compréhension, à un taux moyen de prélèvement qui s'applique sur un dollar qui est parié. Et pourquoi est-ce qu'on réfère à un taux moyen? C'est très simple, c'est que le taux peut varier d'une course à l'autre, selon le type de pari. Exemple concret: Quand une personne va gager qu'un cheval va l'emporter, qu'il va arriver premier, deuxième ou troisième, et qu'elle va faire un pari gagnant, le taux de prélèvement est plus faible que lorsqu'elle va gager, par exemple, pour une exacta, c'est-à-dire que les deux chevaux qui vont arriver en premier vont arriver dans l'ordre choisi. Par exemple, vous gagez 3 et 4, c'est une exacta. Si vous gagez 4 et 3 et que c'est 3 et 4, vous perdez. Si vous avez gagé pour une quinel-la, par exemple, et que c'est inversé, vous avez plus de chances de gagner, mais vous recueillez un montant qui est moins élevé parce que le risque était moins élevé. Même chose pour les paris trifecta: le parieur doit prédire exactement quels chevaux vont arriver les trois premiers et dans quel ordre. Le taux de prélèvement est alors évidemment plus élevé. Voilà pourquoi on parle d'un taux moyen. Le taux moyen approuvé pour chaque titulaire en date du 30 juin était de 12,6 % pour Blue Bonnets - on parle de taux moyen - 16,1 % à Québec, 17 % à Trois-Rivières, 17 % à Connaught Park et 16,6 % à Jonquière. C'est donc dire qu'avec la structure de paris de chacun de ces hippodromes, en partant du nombre de courses qui y ont lieu et, en se référant aussi aux types de paris pour chacune des courses, la ligne se trace.

La situation est la suivante. En diminuant cette taxe, notre prélèvement, c'est donc dire qu'au lendemain du 30 juin les hippodromes auraient pu ou pourraient augmenter leur taux moyen de prélèvement de 17 % à 20 % dans le cas de Trois-Rivières et de Connaught Park; Québec aurait pu monter son taux de prélèvement à 19,1 %; Blue Bonnets aurait pu augmenter son taux de prélèvement à 15,6 %. Ce qui veut dire que les 3 %, finalement, de diminution ne seraient pas retournés dans les poches de l'honorable Jacques Brassard qui peut gager à Jonquière. Ils seraient retournés dans les coffres de l'hippodrome, avec l'obligation pour celui-ci de partager, selon les contrats, les pourcentages auxquels je faisais référence tantôt.

Vous savez comment la bourse s'établit? Disons une bourse de 2000 $, par exemple, pour une catégorie de courses à réclamer de 4000 $ ou de 5000 $, cela s'établit à partir du volume de paris et à partir de la commission que prélève l'hippodrome. Par exemple, à Montréal, c'est 50-50. Quand il rentre un dollar de revenu du pari à l'hippodrome Blue Bonnets, Blue Bonnets en garde 0,50 $ pour son administration, sa gestion, etc., et les autres 0,50 $ s'en vont dans les bourses pour les propriétaires, les conducteurs, etc..

Parce que la modification n'a pas été

apportée à la loi, et vous comprenez que le règlement du dossier de Blue Bonnets est intervenu le 30 Juin dernier, j'ai pensé qu'il n'était pas opportun de convoquer l'Assemblée nationale du Québec le 3 ou le 4 juillet pour les motifs suivants: premièrement, en aucun moment les hippodromes ne nous ont manifesté leur intention de contourner la mesure pour s'approprier les 3 %; deuxièmement, non seulement ils ne nous ont pas manifesté cette intention, mais la mesure annoncée par le gouvernement et le règlement de ce dossier ont été accueillis de façon très positive. On peut convenir, sans fausse prétention, que l'industrie a davantage d'air dans les poumons, que l'industrie se sent appuyée, qu'elle est beaucoup plus solidaire qu'elle ne l'était dans le passé et que cela va bien. Mais au cas où, pour être conformes et pour s'assurer de l'étanchéité de la mesure, on présente le projet de loi.

Le Président (M. Baril): Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Pagé: ...pour s'assurer de l'étanchéité de la mesure, finalement, on présente notre projet de loi.

Le Président (M. Baril): Est-ce que l'article 1 est adopté?

La situation des pistes de courses

M. Brassard: Est-ce qu'il serait possible, M. le ministre, de nous faire un petit état de situation pour ce qui est de Blue Bonnets, après les péripéties multiples qu'on a connues?

M. Pagé: Blue Bonnets va bien. Le dossier s'est réglé de la façon suivante. On se rappellera qu'il y avait eu différents scénarios étudiés pour le règlement de ce dossier.

Le scénario original était que Blue Bonnets passait aux mains d'une corporation devant être créée, une société en commandite, ce que votre collègue, le député de Laviolette, avait d'ailleurs déjà appuyé. Cette solution donnait ceci comme lecture. Premièrement, le coût évalué pour le gouvernement du Québec était au-delà de 50 000 000 $ pour maintenir la piste ouverte pendant dix ans. Et après dix ans, dans le cas de ce premier scénario de gestion de la piste par une société en commandite, la corporation Campeau demeurait toujours propriétaire des permis et licences, du nom, du "goodwill", etc. Comme vous le savez, ce qui est important dans le dossier du monde des courses, pour le détenteur, c'est l'octroi d'une licence au bénéfice d'une entreprise ou d'une personne. En vertu de la règle fédérale, on ne peut pas avoir deux permis dans un même rayon de 80 kilomètres. Alors, cette solution coûtait au-delà de 50 000 000 $.

La solution du club Standardbred de Mont- réal référait à un montant de 62 000 000 $. Cela aurait coûté 62 000 000 $ au trésor public du Québec pour maintenir l'hippodrome ouvert avec le club Standardbred. La solution retenue est la suivante: Blue Bonnets demeure ouvert le 1er juillet. La corporation Campeau conserve la gestion de la piste, la propriété des terrains. La corporation Campeau s'engage à maintenir l'activité pour un nombre de programmes établi au contrat. Si ma mémoire est fidèle, c'est entre 212 et... Ce n'est pas un nombre de programmes, c'est un nombre de courses par année, à partir de la moyenne des années précédentes. En contrepartie, le gouvernement s'engage 1° à diminuer le taux de taxation de 3 %; 2° le gouvernement, tel que je l'indiquais le 30 juin, garantit à la corporation Campeau que cette diminution de la taxe va générer 3 000 000 $ de revenus additionnels bruts à Blue Bonnets. Jusqu'à présent, selon toutes les informations qu'on a sur les paris des mois de juillet, août, septembre, octobre et novembre, si le rythme de croisière demeure ce qu'il est, le gouvernement du Québec n'aurait pas à débourser un sou pour garantir le revenu additionnel en question. Et, autre élément, Campeau s'engageait à rénover les écuries pour 1 000 000 $ au cours de la présente année. Comme on le sait, les écuries étaient tout à fait inacceptables: des toits qui coulaient, des toiles pour recueillir l'eau quand il pleuvait, etc. Blue Bonnets s'est engagé à investir 1 000 000 $ dans le cadre du programme de développement et d'amélioration des infrastructures qu'on avait annoncé.

Autre élément, la corporation Campeau a jusqu'au 30 juin 1989 pour signifier au gouvernement du Québec son intention de demeurer à Montréal, de garder l'activité de courses sur ses terrains ou d'y mettre fin. Si la corporation Campeau décidait, à la suite d'une mésentente par exemple avec la ville de Montréal, d'utiliser à d'autres fins que des fins de courses de chevaux les terrains qui lui appartiennent près du boulevard Décarie, elle devrait nous signifier avant le 10 juillet 1989 un avis à l'effet qu'on doit quitter les lieux. Si tel était le cas, on aurait deux ans pour ce faire, on quitterait avec tous les permis, les licences, le nom, le "goodwill", etc.

Si la corporation Campeau décidait, avant le 30 juin 1989, mais toujours en le signifiant avant le 10 juillet 1989, de maintenir son activité, elle devrait nous en aviser, auquel cas elle devra maintenir son activité jusqu'à l'échéance du terme qui est le 1er juillet 1998, et, à l'échéance du terme, le gouvernement du Québec deviendrait propriétaire des permis, des licences, etc. C'est ça l'entente. C'est bon et ce n'est pas cher.

Ah! oui, dernier élément, si la corporation Campeau demeurait à Décarie, à Montréal, immédiatement après que l'avis serait formulé s'enclencherait le processus de modernisation de ses équipements pour lequel le gouvernement a prévu 13 800 000 $. Nous sommes justifiés de le

faire, d'autant plus que, dans l'analyse et dans le programme, la condition pour laquelle un hippodrome peut recevoir de l'aide substantielle... À Trois-Rivières, par exemple, je pense que c'est 2 000 000 $ et quelques ou 1 800 000 $; à Québec, c'est près de 3 000 000 $ ou 4 000 000 $. Trois-Rivières c'est au-delà de 2 000 000 $. Bien, la condition pour recevoir un tel montant est de s'engager à maintenir l'hippodrome ouvert pendant dix ans et, pour nous, ces équipements sont amortissables sur une période de dix ans.

Une voix: Aylmer.

M. Pagé: Aylmer s'est vu offrir un montant de 2 700 000 $ et on doit dire, pour le bénéfice de M. le dé...

Une voix: Lac-Saint-Jean aussi.

M. Pagé: Jonquière, 1 300 000 $; Québec, près de 3 000 000 $. D'ailleurs, l'hippodrome d'Aylmer est, selon nos analyses, l'hippodrome du Québec qui est susceptible de connaître le plus grand développement, pour le motif qu'ils ont un bassin de population très appréciable avec la région d'Ottawa. Comme on le sait, il y a deux hippodromes: il y a l'hippodrome de Rideau-Carleton, du côté de l'Ontario, qui a les permis et licences du fédéral pour être en activité du 1er juin au 30 novembre, et la piste d'Aylmer qui est en activité du 1er décembre au 30 juin. Ils ont un bassin de population très appréciable.

Une voix:...

M. Pagé: Non, parce que, encore une fois, en vertu de la règle fédérale, on ne peut pas avoir deux licences dans le même rayon de 80 kilomètres, et les licences sont octroyées pour les jours de courses. Alors, le programme de courses déposé par Rideau-Carleton s'applique de juin à décembre, et le programme de courses déposé par Aylmer s'applique de décembre à juin. Il faut convenir que l'hippodrome de Connaught Park à Aylmer avait des installations pour le public mais des installations minimales. Donc, ce qui est prévu dans le plan de développement, là-bas, c'est l'amélioration des infrastructures pour le paddock, les écuries et des installations nettement améliorées pour la restauration, le logement, etc.

On prévoit une augmentation substantielle du nombre de visiteurs et, par conséquent, du pari; donc, des revenus additionnels pour l'industrie, l'hippodrome et le gouvernement du Québec. Et, pour nous, c'est quoi? C'est, grosso modo, 20 000 000 $ de revenus par année qu'on retire de cette industrie; on prévoit que ça va augmenter substantiellement avec l'augmentation des paris. Alors, concrètement, cela veut dire davantage d'argent dans nos coffres qui sera redistribué à ceux qui en ont le plus besoin dans notre société.

Le Président (M. Baril): Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: II y avait mon collègue de Terrebonne qui...

Le Président (M. Baril): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Juste une question de renseignement. C'est 80 kilomètres à la ronde?

M. Pagé: C'est 50 milles. (12 h 30)

M. Blais: Oui. Est-ce qu'il y a quand même des discussions avec le gouvernement fédéral pour scinder ça ou améliorer la situation d'Aylmer sous cette loi qui est un peu négative pour Aylmer?

M. Pagé: II y a plusieurs discussions qui ont cours actuellement à l'égard de la fameuse norme du 50 kilomètres. La première...

M. Brassard: Le meilleur temps pour les courses c'est l'été, j'imagine, non?

M. Blais: L'automne est bon aussi.

M. Pagé: Pas nécessairement. C'est bon l'été quand la piste est en bonne condition, les chevaux vont normalement plus vite que lorsqu'ils courent dans la boue. Lorsque le temps est humide, c'est très sain aussi. L'hiver, ce n'est pas le même spectacle. Cependant, il y a encore des milliers de visiteurs qui se rendent aux hippodromes. Comme je vous l'indiquais hier, l'activité sportive professionnelle au Québec qui reçoit le plus grand nombre de visiteurs c'est les courses de chevaux, au-delà du hockey professionnel et au-delà du baseball professionnel. Dans les hippodromes du Québec, on reçoit 1 825 000 personnes chaque année, alors que dans le hockey professionnel c'est 1 500 000 ou 1 600 000 qui vont au Forum et au Cotisée de Québec. Au baseball, c'est 1 200 000 ou 1 300 000. Au baseball, c'est quoi? C'est 92 parties qui sont jouées localement; au hockey professionnel c'est 80 à Québec et à Montréal, 40 dans chacun des amphithéâtres.

M. Brassard: Cela m'a un peu étonné, d'ailleurs, dans votre discours de deuxième lecture, que l'assistance dans les hippodromes du Québec soit supérieure à l'assistance du hockey professionnel; il y a pourtant deux équipes, et du baseball également.

M. Blais: II y a cinq pistes de courses, c'est peut-être cela qui fait qu'il y a plus de monde dans ce sport.

M. Pagé: II faut dire que l'hippodrome de Connaught Park fonctionne seulement six mois par année à Aylmer; à l'hippodrome de Trois-Rivières, le programme annuel de rencontres va se terminer vers le 10 ou le 15 décembre. Ils ont repris des jours parce qu'il y avait eu une grève de l'ATAQ en début de saison. Cela, c'est donc à peu près seulement huit mois par année. L'hippodrome de Québec est ouvert sur une base annuelle et l'hippodrome Blue Bonnets aussi, sauf qu'en hiver le nombre de programmes par semaine est réduit de cinq à quatre et il n'y a pas de courses les mardi et jeudi. L'hippodrome de Jonquière a présenté une demande à la commission pour augmenter son nombre de programmes et maintenir ses activités en hiver.

Pour répondre à votre question, cela se discute. Il y a d'ailleurs eu un jugement. Il y a eu une poursuite où a été mis en cause, cela va de soi, Agriculture Canada par un hippodrome du sud de l'Ontario. C'est actuellement revu par les autorités fédérales. Tout va dépendre de...

M. Brassard: Une poursuite, pourquoi?

M. Pagé: C'était une poursuite d'un hippodrome à l'égard du gouvernement fédéral pour obtenir le droit d'exploiter deux permis en même temps à l'intérieur d'une région de 80 kilomètres. C'est le premier élément. Il faut prendre en compte aussi que le gouvernement canadien est sur le point... On prévoit qu'en l'année 1989 le gouvernement canadien va autoriser ce qu'on appelle les téléthéâtres. Actuellement, le pari interpiste est permis. Cela veut dire quoi concrètement? Cela veut dire que si... Ce qui se vit actuellement à Montréal, à Montréal le samedi après-midi, II y a des courses qui sont présentées sur écran géant. Il y a des paris qui se font à partir de ces courses-là.

M. Brassard: Des courses qui ont lieu ailleurs?

M. Pagé: Elles ont lieu à Woodbine, en Ontario. Les hippodromes de Mohawk et Woodbine, ce sont des courses au galop. C'est du Thoroughbred, ce n'est pas du Standardbred. Cela, entre parenthèses, attire des parieurs qui ne sont pas nécessairement les même parieurs que ceux qui vont voir les courses de chevaux attelés. C'est le samedi après-midi. Il se gage 350 000 $ à 400 000 $ le samedi après-midi, alors qu'il n'y a pas un cheval à l'extérieur. C'est sur écran géant, cela vient de Woodbine. C'est permis, c'est légal actuellement, le pari interpiste. Pour cela, il faut un permis de piste et il faut que tu opères ton pari dans un rayon de 900 mètres de ton hippodrome. Donc, il faut que tu sois localisé. Cela se fait. C'est seulement Montréal qui le fait.

M. Brassard: Est ce que Québec a des intentions d'aller de l'avant?

M. Pagé: Québec non, sauf que, exemple concret, Jonquière pourrait être intéressée, comme Québec pourrait l'être, de faire du pari interpiste.

M. Brassard: À partir des courses de Blue Bonnets, par exemple?

M. Pagé: De Blue Bonnets ou de Québec. C'est donc un premier volet qui est en développement.

Un autre volet, c'est que le fédéral s'apprête à légaliser ce qu'on appelle les téiéthéâ-tres. Que sera un téléthéâtre si jamais cela se concrétisait et que c'était accepté par l'industrie du Québec et le gouvernement du Québec? C'est un salon de paris, qui pourrait être à Sherbrooke...

M. Brassard: Pas de piste?

M. Pagé: ...qui pourrait être à l'aéroport de Mirabel.

M. Brassard: Aucune piste?

M. Pagé: Aucune piste

M. Brassard: Ce n'est qu'un lieu de paris.

M. Pagé: Mais relié directement à un hippodrome où tu as la présentation des courses, des guichets de paris, des facilités, des repas qui sont offerts au public, etc. Ces expériences sont conduites depuis longtemps dans certains États américains, notamment dans l'État de New York, et cela permet à une personne, plutôt que de se rendre à l'hippodrome, de se rendre dans un salon, qui est peut-être plus accessible, dans un endroit au centre-ville, etc. Sauf qu'ici...

M. Brassard: Ce qui implique pas mal moins d'investissements que de créer une piste.

M. Pagé: Moins d'investissements, sauf que...

M. Biais: II pourrait même être international.

M. Pagé: Nous sommes à mesurer...

M. Blais: Le salon de paris pourrait venir de Paris!

M. Pagé: C'est largement répandu en Europe, avec les PMU, les paris mutuels urbains.

M. Blais: Les PMU. oui.

M. Pagé: D'ailleurs, c'est un des mandats confiés au comité consultatif Vous savez qu'en vertu de la loi 89 qui a été adoptée l'année dernière le comité consultatif a été formé et un

de ses premiers mandats c'est de formuler à la commission des recommandations sur la politique à adopter au Québec pour tout ce qui s'appelle les téléthéâtres. Faisons l'hypothèse que demain matin il y a un téléthéâtre à Montréal au centre-ville, près de Berri-Demontigny, pas loin de la bouche de métro. Il ne serait pas surprenant qu'il y ait moins de gens à Blue Bonnets. Mais cela a des effets sur l'industrie, sur la rentabilité des infrastructures qui y sont.

Tout cela devra être jaugé, mesuré et bien analysé, et la position que nous avons adoptée entre autres celle que j'ai adoptée, une position préliminairement formulée auprès du gouvernement fédéral, c'est que la structure de mise en place de tels téléthéâtres, si jamais c'était accepté au Québec, devrait passer par une association avec les hippodromes qui, eux, ont à supporter des actifs, des inventaires, et qui doivent retourner une partie de leur recette aux propriétaires. Et je termine là-dessus, parce que ce qui s'est vécu, par exemple dans l'État de New York ou dans certains états américains - je n'ai pas à nommer New York, je m'excuse M. le Président, mais certains États américains - les paris hors piste ont été légalisés, dans certains États les revenus générés ou les prélèvements gouvernementaux sur ces paris ont été uniquement pour l'organisation des équipements sur place, ou encore pour le gouvernement. C'est donc dire que les propriétaires d'une piste à 15 ou 30 milles d'un pari hors piste n'avaient pas de commission, même si les courses venaient de leurs hippodromes. Donc cela voulait dire pas de commission pour les chevaux, pas de commission sur les bourses. Et notre objectif c'est d'être structurant pour l'industrie parce que, comme vous le savez, de la ferme au fil de départ, c'est 10 000 jobs au Québec, et c'est beaucoup de millions d'investissements.

M. Blais: Si on revient sur les conversations, pardon...

M. Brassard: Seulement sur les salons ou les téléthéâtres, comme vous dites, est-ce qu'à ce moment cela pourrait être sous la juridiction exclusive du Québec? Est-ce que des permis et des licences provenant du fédéral seraient également requis?

M. Pagé: Oui.

M. Brassard: Étant donné qu'il n'y a pas de piste comme telle, ce serait...

M. Pagé: Oui, parce qu'en vertu du code... 11 faut une modification au Code criminel. Et c'est certain que le fédéral aurait juridiction sauf...

M. Brassard: II faudrait que la loi fédérale soit amendée.

M. Pagé: II faut que la loi fédérale soit amendée. Deuxièmement, la position qu'on a adoptée, le gouvernement du Québec, le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement de la Colombie britannique, c'est que la mise en oeuvre de cette nouvelle formule de pari ne peut avoir cours dans une province à moins qu'on signe une entente formelle établissant les juridictions partagées et établissant surtout le mode d'opération et de redistribution des revenus générés par une telle activité. Parce que chez nous, et je vous le dis même s'il n'y a absolument rien de fait à cet égard - ce sont seulement des discussions qui ont eu cours, parce que la loi n'est pas adoptée - en ce qui me concerne comme ministre responsable de l'industrie, les propriétaires d'hippodromes, les entreprises, les hippodromes devront être associés à cette démarche. Merci.

M. Blais: À Ottawa, de toute façon, ils ont... Je vais laisser le ministre finir sa conversation.

M. Pagé: Un dernier élément que je veux porter à l'attention des membres de la commission c'est ceci. Nous avons l'intention de tenir des expériences à l'été 1989. Vous savez que les courses de chevaux proviennent des activités dans le cadre des expositions agricoles. Si on parle du début du siècle, les courses de chevaux c'étaient les expositions agricoles. Au Lac-Saint-Jean, il devait y avoir trois ou quatre places où les chevaux couraient et c'était dans le cadre d'une exposition agricole. On veut tenter une expérience l'été prochain, et il faut dire aussi que c'est à partir de l'intérêt suscité sur le plan des expositions agricoles que l'attachement aux courses de chevaux au Québec s'est développé au cours des années. Les courses de chevaux étant devenues presque essentiellement un phénomène urbain dans les villes que vous connaissez, on a l'intention de conduire des expériences dans le cadre d'expositions agricoles qui se tiendront à l'été 1989. On ne partira pas en peur, évidemment - à bride abattue, c'est le cas de le dire - mais on a l'intention de conduire deux ou trois expériences sur des hippodromes, parce qu'il y a des hippodromes amateurs dans plusieurs régions du Québec, et de conduire des expériences avec des paris qui seront administrés selon les règles actuelles de la Commission des courses de chevaux du Québec pendant trois ou quatre jours, puis un "meeting" et...

M. Brassard: II y a des expositions agricoles au Québec qui possèdent également des pistes.

M. Pagé: Oui, c'est-à-dire qu'il y a plusieurs villes...

M. Brassard: L'exposition a lieu dans un endroit où il y a également une piste.

M. Pagé: Par exemple, je regarde la piste

de Monchâteau dans Vaudreuil, Brome, Ayer's Cliff. Il y en a aussi dans l'Est du Québec, en Gaspésie, il y en a à New Richmond, Pabos, et je suis allé cet automne, dans le cadre du sommet économique, voir cela, et l'hippodrome de Pabos, c'est une piste d'un demi-mille avec un record de piste de deux minutes et deux secondes. Il y a deux hippodromes aux Îles-de-la-Madeleine aussi.

Le Président (M. Baril): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: J'aurais une petite question. Je ne connais pas l'inventaire, mais je sais qu'il y en a quelques-uns au Québec, des petits hippodromes pour les courses dites de poneys.

M. Pagé: Oui.

M. Blais: Le moins qu'on puisse dire c'est que les paris ne sont pas tout à fait permis dans ces pistes.

M. Pagé: II n'y a pas de permis autorisés.

M. Blais: Le moins qu'on puisse dire c'est cela, mais on sait que c'est censé être des courses récréatives. Il ne faut tout de même pas avoir les yeux fermés devant cela, c'est sûr que c'est récréatif, mais ce qui attire les gens, et je le sais parce que j'ai un hippodrome dans mon comté à la ville de Lachenaie, bien organisé d'ailleurs, mais, les paris étant défendus, on sait que ce sont les gens qui parient qui viennent à ces courses... J'ai l'impression que le ministre est certainement sensibilisé à cela. Est-ce qu'il y a une ouverture éventuelle à ce qu'il y ait des paris, ils pourraient être minimes, ils pourraient être organisés, mais pour essayer de légaliser ce qui se fait de fait?

Une voix: Prélever une taxe aussi.

M. Blais: II y aurait aussi une taxe pour le fonds consolidé.

M. Pagé: C'est un des objectifs qui nous animent dans l'expérience qu'on va conduire cet été avec par exemple, parce que cela va nous prendre des machines, on appelle cela des "totes", les équipements qui établissent les montants pariés, la cote, les "odds", etc. On va conduire cette expérience et notre objectif c'est, si c'est concluant, d'étendre de telles expériences à d'autres hippodromes. (12 h 45)

M. Blais: Donc, ce n'est pas rejeté dans votre étude qu'il y aurait durant l'été. Cela veut dire qu'au début de l'automne...

M. Pagé: C'est-à-dire qu'on pourrait, d'ici quelques années, à Lachenaie avoir des paris légaux, autorisés, encadrés, régis par des lois, pour des courses de poneys chez vous, si c'était le choix des gens de la région et du secteur.

M. Blais: D'accord, mais l'étude que vous allez faire durant l'été, c'est vers le début de l'automne qu'on va en avoir un peu le résultat ou si cela peu prendre un plus de temps?

M. Pagé: Oui, d'ici la fin de... Cela ne prend pas de temps, j'espère qu'on ne dérangera personne quand nous arriverons avec nos systèmes.

M. Blais: En fait je n'ai aucune objection personnelle à ce que ces pistes de poneys où il se fait des paris sous la table...

M. Pagé: C'est-à-dire des paris sous la table, je crois qu'il est très difficile, et cela n'a jamais été l'intention d'un gouvernement d'aller contrôler les gestes posés entre deux personnes adultes et librement consentantes. Vous savez, un exemple concret, quand en fin de saison...

M. Blais: Je suis seulement dans les courses de poneys...

M. Pagé: ...les députés du Parti québécois perdront peut-être 2 $, 5 $ de gageure avec le député de Portneuf et ministre de l'Agriculture, parce que les Nordiques vont finir par battre les Canadiens en fin d'année de façon très éclatante...

M. Brassard: La vraie saison n'est pas commencée.

M. Pagé: ...ce ne sera pas illégal.

M. Brassard: La vraie saison n'est pas commencée.

M. Pagé: La vraie saison, je pense, d'ailleurs, que le député du Lac-Saint-Jean a les mêmes orientations politico-sportives au Québec...

M. Brassard: Absolument.

M. Pagé: ...que le ministre de l'Agriculture. Si le député de Lac-Saint-Jean et moi, unissons nos deniers pour vous gager 10 $ sur la prochaine série Canadiens-Nordiques, ce n'est pas illégal. Si deux personnes gagent entre elles...

M. Blais: Oui, on sait bien. Non, on sait que c'est illégal ce qui se fait aux petits hippodromes, parce que c'est fait sur une plus grande échelle que d'un individu à l'autre, parce que sur le même principe on pourrait l'étendre à Blue Bonnets. Vous savez bien que ce n'est pas dans cette direction que je veux engager la conversation. Mais, vu que vous dites que vous prenez cette étude au sérieux, j'aimerais vous demander si vers le début de l'automne on pourrait avoir... Le rapport serait déposé au

début de l'automne et on pourrait s'attendre à au moins des tendances qui se dégageraient.

M. Pagé: C'est-à-dire que la commission va faire rapport...

M. Brassard: La Commission des courses de chevaux...

M. Pagé: ...sur les conclusions retenues à la suite de l'expérience qu'on vivra l'année prochaine et, à partir de cela, on pourra en parler ici, cela me fera plaisir.

M. Blais: D'accord. Avec plaisir, je trouve beau que vous ayez une ouverture. Vous n'avez pas de fermeture. Cela veut dire que cela ouvrira, il n'y a pas de fermeture.

M. Pagé: Rien n'exclut la possibilité qu'éventuellement il y ait des paris encadrés dans la belle ville de Lachenaie, pour des courses de poneys du dimanche après-midi. Si tel était le cas, on ira couper le ruban ensemble.

Le Président (M. Baril): À la suite de ces belles discussions...

M. Pagé: Si vous et moi sommes encore députés.

M. Biais: Si nous sommes réélus.

M. Brassard: M. le Président, est-ce qu'on pourrait débuter l'article 1?

Le Président (M. Baril): Oui. M. Blais: II reste douze minutes.

M. Brassard: On est toujours à l'article 1, on va donner la loi avant une heure de toute façon.

M. Blais: II n'y a pas de problème.

M. Brassard: Mais j'aimerais...

M. Pagé: On va donner la loi avant l'heure.

M. Brassard: J'aimerais poser une question sur l'élevage des chevaux. Évidemment, ce n'est pas tout à fait une mission de la commission, mais vous avez quand même des programmes au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation visant à encourager et à soutenir l'élevage des chevaux au Québec. Est-ce qu'à ce chapitre il y a des progrès notables, est-ce que la situation est satisfaisante?

M. Pagé: II faut dire que la commission n'a pas juridiction sur l'élevage, mais elle a juridiction sur la réglementation qui a des incidences sur l'élevage.

M. Brassard: Mais le ministère a quand même des programmes d'aide.

M. Pagé: Le meilleur véhicule pour promouvoir l'élevage, c'est d'adresser et de garantir des bourses pour le produit de l'élevage. Par exemple, le fait d'avoir reconduit nos programmes circuit Québec, d'avoir augmenté les budgets pour la coupe des éleveurs, qui s'adresse aux ambleurs de deux et trois ans du Québec, a eu comme résultat d'augmenter le prix payé aux poulains et pouliches vendus aux encans du Québec. On doit dire que nos prévisions pour le programme d'aide aux courses régulières, ce sur quoi nous travaillons - je vais être très clair, ce n'est pas une annonce que je fais ce matin, c'est ce sur quoi nous travaillons - nous prévoyons pour les programmes d'aide aux courses régulières... C'est ce qu'on appelle dans le jargon de l'activité les bourses "overnight". Cela, c'est le cheval, la jument qui a quatre ans - pas le poulin, la pouliche - le mâle ou la femelle qui a cinq ans, six ans ou sept ans, comme on le sait, un cheval peut courir jusqu'à l'âge de quatorze ans dans des courses régulières. Cela, c'est la majorité des courses dans un programme de courses.

Comment une personne va devenir propriétaire de chevaux de course? Souventefois, pas tout le temps mais souventefois la personne va prendre contact avec l'activité; cela lui plaît, elle aime les chevaux, etc. Souvent, elle va acheter un cheval qu'on appelle un cheval "âgé" qui ne part plus dans les courses de poulins et de pouliches. Soit qu'elle va l'acheter de gré à gré, soit qu'elle va le réclamer, parce qu'il y a des courses à réclamer qui donnent le droit à toute personne de se porter acquéreur à un prix donné. Le prix est établi d'avance. Il est écrit sur le programme d'un cheval qui part dans ces courses.

Souventefois, le premier contact va être d'acheter un cheval, qu'on appelle un cheval fait, et les revenus générés par ce cheval vont conduire à l'achat par la même personne d'un poulin ou d'une pouliche à l'encan suivant. Donc, les bourses "overnight" sont importantes. Notre prévision, c'est d'augmenter, pour la prochaine année, de 3 000 000 $ à près de 4 000 000 $, pour environ 30 %, le montant alloué aux bourses "overnight". Dans le cadre du circuit Québec qui s'adresse aux jeunes chevaux, aux poulins de deux ou de trois ans, mâles et femelles, on prévoit l'augmenter d'environ 12 %, en passant de 3 200 000 $ à près de 3 700 000 $. Pour les séries Perfecta qui s'adressent aux pouliches étrangères, mais qui sont de propriété québécoise... Si on regarde la génétique des chevaux du Québec ou du cheptel chevalin du Québec dans les courses de type Standardbred, on constate qu'on a une faiblesse pour ce qui est des pouliches, parce que l'accent a été mis, au cours des années, sur les poulins. Alors, on a une série qui est la série Perfecta qui vise à inciter des

éleveurs québécois à acheter des pouliches performantes de qualité qui nécessairement prennent le réseau de la reproduction au Québec et, éventuellement, on aura une qualité d'amélioration génétique aussi bonne, aussi concluante chez les pouliches que chez les poulins. La série Perfecta, cette année, c'était 675 000 $ qu'on y consacrait. La prochaine année, on prévoit - sous toute réserve que ces montants soient acceptés, mais on est déjà en discussions avec les organismes centraux et surtout avec l'industrie - on prévoit y dépenser près de 800 000 $.

La coupe des éleveurs, on prévoit l'augmenter substantiellement. La coupe des éleveurs s'adresse... C'est la course qui se tient généralement en septembre, après le prix d'été, et on prévoit que cette course devrait augmenter les montants affectés par le gouvernement, passant de 400 000 $ à près de 700 000 $, si possible, un peu plus de 700 000 $. Dans le circuit C, on prévoit... Ce sont des courses d'exposition, parce qu'il se donne des bourses dans le circuit C, même s'il n'y a pas de pari. L'année dernière, on donnait 60 000 $. On prévoit près de 100 000 $ l'année prochaine. Recherche en médecine équine, c'est assumé chez nous. Les programmes d'aide aux clubs de courses amateurs, c'est chez nous aussi. On prévoit différents paiements de transfert comme ça sur le plan des services à donner à l'éleveur.

Le Président (M. Baril): Merci. Est-ce que vous avez d'autres commentaires?

M. Brassard: Cela va. On peut adopter l'article 1.

Le Président (M. Baril): Est-ce que l'article 1 est adopté? Adopté. L'article 2.

Sanctions

M. Brassard: À l'article 2, il s'agit de sanctions. Est-ce que le ministre pourrait nous les rappeler, en cas de manquement par un hippodrome à la règle?

M. Pagé: C'est une mesure qui prévoit de modifier l'article 134 du projet de loi pour permettre que l'amende chargée à un hippodrome qui dérogerait à cette norme soit deux fois le montant prélevé illégalement. Exemple: Un hippodrome décide de ne pas respecter l'article 1; s'il prélève, dans le 3 %, 500 000 $ illégalement, l'amende pourrait être de 1 000 000 $.

M. Brassard: Cela double? M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Baril): Est-ce que l'article 2est adopté?

M. Brassard: Oui, adopté

Le Président (M. Baril): L'article 3?

M. Pagé: L'article 3, la date d'entrée en vigueur de l'article 2.

Le Président (M. Baril): C'est ça. M. Pagé: Alors c'est pour s'assurer... Une voix: Donc c'est rétroactif.

M. Pagé: C'est rétroactif au 18 décembre 1987, date d'entrée en vigueur de ta loi 89.

Il fallait qu'elle entre en vigueur, pour cette mesure-là, au 1er juillet 1988, mais c'est la loi du 18 décembre 1987 qui doit habiliter l'entrée en vigueur du 30 juin ou du 1er juillet 1988.

Le Président (M. Baril): Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Brassard: C'est l'article 2 qui avait fait... Est-ce que ça signifie quand même que, de façon rétroactive, il y a des hippodromes qui vont se voir imposer des amendes?

M. Pagé: Non, du tout. Du tout, du tout. M. Brassard: Non.

M. Pagé: Je le dis et je veux que ce soit bien inscrit au Journal des débats, non. Sauf que si jamais il était découvert que le 1er juillet... Disons que, le 30 juin et le 1er juillet au soir, des montants n'ont pas été prélevés et que là il y a une dualité d'opinions entre la commission des courses et l'hippodrome en question; le pouvoir permettant à la commission d'agir sur cette question lui aurait été accordé en décembre 1987.

M. Brassard: C'est pour s'assurer que les assises juridiques sont solides.

M. Pagé: C'est ça. Elles sont solides.

Le Président (M. Baril): Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Brassard: Oui.

Le Président (M. Baril): L'article 4?

M. Pagé: Date d'entrée en vigueur.

Le Président (M. Baril): La date d'entrée en vigueur.

M. Brassard: Adopté.

Le Président (M. Baril): Est-ce que le titre,

Loi modifiant la Loi sur les courses de chevaux, est adopté?

M. Brassard: Adopté.

Le Président (M. Baril): Est-ce que le projet de loi 98 est adopté?

M. Brassard: Adopté.

M. Pagé: Deux choses avant, M. le Président, si vous le permettez.

Le Président (M. Baril): Oui.

M. Pagé: Est-ce que le député de Lac-Saint-Jean accepterait que je lui fasse parvenir les données concernant l'hippodrome de Jonquière par voie privée, par le courrier ou je lui remettrai...

M. Brassard: Oui.

Le Président (M. Baril): Je vais vous les donner pour tous les hippodromes.

M. Brassard: Parfait.

M. Pagé: Autre chose. Avec la permission de la commission, M. le Président, est-ce que ce serait possible de recommencer nos travaux à 15 h 30?

M. Brassard: Pas de problème, quant à nous.

Le Président (M. Baril): La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 - h - 58)

(Reprise à 15 h 53)

Projet de loi 100

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, je déclare la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à l'étude détaillée, je dis bien détaillée, du projet de loi 100, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole du Québec. M. le secrétaire, je pense qu'il y a eu l'annonce de certains remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. On m'a informé des remplacements...

M. Pagé: Vous avez été remplacé ce matin, M. le Président, par l'honorable député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

Le Président (M. Richard): Oui, vous savez, j'étais sur un dossier agricole dans ma propre région.

M. Pagé: Nous sommes honorés de vous recevoir. C'est gentil que vous soyez de passage à notre commission.

Le Président (M. Richard): Ha, ha, ha!

M. Blais: Est-ce que vous avez fait des améliorations sur une grande ferme ou quelque chose dans votre comté, M. le député de Nicolet?

Le Président (M. Richard): Non, non, c'était notre préoccupation de protéger une exposition agricole régionale, qui est la seule exposition agricole interrégionale au Québec d'ailleurs, l'exposition de Trois-Rivières, où il y avait une problématique en fonction des agriculteurs exposants et du propriétaire des bâtisses et du site, qui est la ville de Trois-Rivières.

M. Pagé: M. le Président, il ne serait cependant pas opportun d'annoncer le règlement du dossier tant et aussi longtemps...

M. Blais: Demandez-le-lui donc.

M. Pagé: ...que le ministère n'aura pas ratifié... Le Président (M. Richard): Vous avez tout à fait raison, M. le ministre. On est en train de se "filibuster" tout seuls, M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Non, mais un instant! M. le Président, avant les remplacements, pour rester dans la même note, est-ce que le ministre veut dire qu'il a une annonce à faire au sujet de cette exposition-là, qu'il la fera ce soir ou demain et qu'il est prématuré de le dire ici cet après-midi?

M. Pagé: C'est que la compétence, la détermination, le dynamisme, la prise de conscience des intérêts locaux des agriculteurs et des agricultrices, tout cela par l'honorable député de Nicolet, qui est en voie de devenir un véritable "rocket" dans les questions agricoles au Québec comme président de la commission. Il porte très bien le nom de son illustre...

M. Blais: Numéro 9.

M. Pagé: Comment dit-on? Homonyme. Alors, il a tracé la voie à un règlement utile et intéressant de la problématique de l'avenir du volet agricole à l'exposition de Trois-Rivières. Nous sommes...

M. Blais: Quel volet?

M. Pagé: Le volet agricole.

M. Blais: Mais dans quel volet de l'agriculture?

M. Pagé: II y avait beaucoup d'agriculture là bas, M. le député.

M. Blais: Non, vous dites un volet agricole. L'agriculture a plusieurs volets.

M. Pagé: Vous n'êtes certainement pas sans savoir, M. le député, que la ville de Trois-Rivières avait indiqué, il y a quelques semaines, son intention de mettre de côté purement et simplement toute la section, le volet agricole de l'exposition commerciale de Trois-Rivières. Il reste certains paramètres à définir et, lorsque tout sera défini, il me fera plaisir, en compagnie du président de la commission et député de Nicolet, compte tenu du rôle éminemment utile qu'il a joué dans ce dossier, comme dans beaucoup d'autres d'ailleurs, d'en faire l'annonce publique avec lui.

M. Blais: J'espère que vous inviterez aussi le député de Laviolette, parce que c'est sa région, à participer à cette ouverture.

M. Pagé: Certainement.

M. Blais: Vous êtes d'une extrême gentillesse comme d'habitude, M. le ministre.

M. Pagé: Merci de vos bons mots. Ils reflètent exactement le parlementaire que je veux être.

Le Président (M. Richard): Donc, M. le secrétaire, vous avez retenu depuis quelques minutes, j'imagine, les remplacements.

Le Secrétaire: Au nombre de trois, M. le Président: M. Desbiens (Dubuc) par M. Godin (Mercier); M. Dufour (Jonquière) par M. Blais (Terrebonne); et M. Houde (Berthier) par M. Vallières (Richmond).

Le Président (M. Richard): Merci. Maintenant, nous passons à l'étape des remarques préliminaires. J'inviterais donc M. le ministre. Vous avez des remarques particulières, M. le ministre?

M. Pagé: M. le Président, vous avez suivi les débats avec beaucoup d'intérêt et d'attention, comme mes collègues de la majorité d'ailleurs. Je pense que tout a été dit et je suis prêt à aborder l'étude de l'article 1 du projet de loi.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous avez des remarques préliminaires, M. le député...

M. Brassard: Pas nous, pas nous.

Le Président (M. Richard): de Lac-Saint-Jean, M. Brassard?

M. Brassard: Certainement, j'ai des remarques préliminaires et je suis persuadé - je ne veux pas parler à sa place - mais que mon collègue de Terrebonne a aussi des remarques préliminaires.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: J'ai droit à 20 minutes, M. le Président?

M. Pagé: Vous me permettrez, M. le Président.

Le Président (M. Richard): M le ministre.

M. Pagé: J'allais faire un impair. Vous me permettrez de présenter les deux personnes qui m'accompagnent aujourd'hui et qui ont été intimement, étroitement associées à la révision de la loi pour en arriver à la présentation du projet de loi 100. Je veux parler évidemment de Me Pierre Luc Blain, qui est président de la Commission de protection du territoire agricole et dont la crédibilité, la force, la connaissance, la compétence en regard de ces questions n'est plus à faire, de Me Robert Cavanagh, qui est avocat au contentieux du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, et d'autres, évidemment, qui sont avec nous aujourd'hui.

M. Brassard: M. le Président, il nous fait plaisir, quant à nous également, d'accueillir les personnes que vient de nous présenter le ministre, entre autres, le président de la Commission de protection du territoire agricole, qui préside cette instance, comme on le sait, depuis les tout débuts, depuis l'origine même de la commission, et qui, il faut le reconnaître, accomplit une immense besogne à la tête de cet organisme voué à la protection du territoire agricole depuis l'adoption de la loi en 1978.

Nous sommes heureux, quant à nous - je ne parle pas pour mon collègue, il pourra s'exprimer tout à l'heure - de l'accueillir parmi nous. Nous sommes persuadés que nous allons entreprendre et compléter des travaux parlementaires fructueux, et, je l'espère, bénéfiques pour l'ensemble de la classe agricole du Québec, à l'occasion de l'étude et de l'adoption de ce projet de loi.

M. Blais: Moi aussi, je voudrais dire ma satisfaction de voir M. le juge parmi nous, parce que, grâce à cette loi créée par le Parti québécois, cela vous vaut votre poste aujourd'hui. Si les libéraux avaient voté contre et si on les avait suivis à l'époque, alors que le poste que vous occupez n'existait pas.. Alors, je suis

persuadé que vous savez que nous sommes très heureux que vous soyez là, surtout que vous êtes devenu...

M. Pagé: Une façon habile de dire que, si vous avez une job, c'est grâce à nous.

M. Blais: ...un expert en la matière et que, que je sache, vous n'avez jamais été, ni par les agriculteurs ni par les législateurs, contesté dans votre fonction. M. le ministre vient de vous rendre un vibrant hommage et je fais miens les mots qu'il a dits: vous êtes un travailleur, un homme compétent, qui a toujours su bien remplir le rôle qu'on lui a confié. Je suis très heureux que vous soyez là pour entendre les côtés positifs que l'Opposition a à apporter pour améliorer cette loi qui améliore la loi que nous avons créée. (16 heures)

Le Président (M. Richard): C'est tout pour les remarques préliminaires?

M. Brassard: Ce n'étaient pas des remarques préliminaires.

M. Blais: C'étaient des salutations.

M. Brassard: C'étaient des salutations pour accompagner la présentation que venait de nous faire le ministre. Là, on peut passer aux remarques préliminaires. Je vous demande la parole, M. le Président.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M. le député de Lac-Saint-Jean. Vous m'aviez honnêtement surpris, je trouvais que c'était un peu court comme remarques prélimi- . naires.

M. Brassard: Ah bon.

Le Président (M. Richard): J'aurais été déçu, honnêtement.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Ma foi, je vous avoue que j'aurais été déçu aussi de vous décevoir.

M. le Président, nous abordons l'étude d'un projet de loi majeur qui, comme on le sait, modifie une grande loi qui a été adoptée lors du premier mandat du Parti québécois, et je pense que c'est à signaler. Je m'en souviens, d'ailleurs, puisque j'étais déjà député à cette époque. Cette grande loi sur la protection du territoire agricole a été adoptée sur division, en 1978, par l'Assemblée nationale comme mon collègue le signalait tout à l'heure. Ce fut adopté sur division en ce sens qu'à l'époque, le Parti libéral, qui constituait alors l'Opposition officielle, s'est élevé contre ce projet de loi, a parlé contre ce projet de loi, a voté contre ce projet de loi à toutes les étapes: en première lecture et en commission parlementaire, à l'étude article par article. Ils ont d'ailleurs fait tous les efforts pour que cela dure le plus longtemps possible et ils ont finalement voté contre en troisième lecture également, il n'est peut-être pas inutile de mentionner qu'au sein de l'Opposition officielle d'alors, qui était constituée par le Parti libéral, il y avait le député de Portneuf, qui occupe, aujourd'hui, le poste de ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Alors, le député de Portneuf - je pense que c'est important de le signaler - s'est assigné une mission de protection du territoire agricole qui est quand même relativement récente. C'est une conversion, ma foi, intéressante, mais c'est quand même une conversion parce qu'à l'époque où il était dans l'Opposition, comme député de l'Opposition, il a parlé contre la Loi sur la protection du territoire agricole et il a voté contre.

Mais, malgré l'opposition de l'Opposition officielle à l'époque, le gouvernement du Parti québécois est allé de l'avant et a fait adopter cette grande loi sur la protection du territoire agricole parce que c'était devenu urgent, nécessaire et impérieux, compte tenu de ce qui se produisait depuis des années sur le territoire du Québec: spéculations et développement sauvage. On voyait ainsi des centaines et des centaines d'hectares de bonne terre être carrément accaparés pour faire du développement urbain. Ces bonnes terres étaient, de façon définitive et sans retour possible, enlevées à l'agriculture. Le gouvernement libéral, de 1970 à 1976, avait refusé de prendre le taureau par les cornes et d'agir promptement, pour que cesse cette spéculation effrénée sur les bonnes terres agricoles du Québec et que cessent également ces développements urbains anarchiques un peu partout au Québec. Il a fallu que le Parti québécois... Merci...

M. Blais: ...M. le Président.

M. Brassard: II a fallu que le Parti québécois accède au pouvoir, en 1976, pour qu'il respecte finalement, dans un délai relativement court, un engagement formel qu'il avait pris à l'occasion de la campagne électorale de 1976, soit celui, s'il était porté au pouvoir, de faire adopter une loi protégeant efficacement le territoire agricole. Je pense que c'est important de le signaler et de faire référence à cette période, à cette époque et, évidemment, de mentionner aussi que le Parti libéral, à l'époque, s'est opposé à cette loi et a voté contre celle-ci.

Nous voilà maintenant avec un projet de loi qui modifie cette Loi sur la protection du territoire agricole.

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que, depuis quelques mois, au Québec, il y a beaucoup d'inquiétude, il y a beaucoup d'appréhension, souventefois bien fondées, concernant

la protection du territoire agricole. Pourquoi? Parce qu'on sait qu'à la suite des amendements qui ont été apportés en 1985 par le député de Lévis, lesquels prévoient un mécanisme de révision des territoires agricoles dans les municipalités régionales de comté, la commission a entrepris des discussions, des négociations avec les MRC, dans le cadre du schéma d'aménagement qu'elles avaient adopté, pour en arriver, quand cela s'avérait utile et nécessaire, à une révision du territoire agricole protégé.

C'est à partir de ce moment-là qu'on a vu des protestations surgir, qu'on a vu du mécontentement apparaître, je dirais, sur le terrain, dans le milieu. Et, particulièrement dans le milieu agricole, ce mécontentement ou cette inquétude s'exprimait, la plupart du temps, par le canal des instances de l'UPA. On s'inquiétait et, parfois même, on s'indignait du fait que les territoires dézonés étaient beaucoup trop vastes et que, dans beaucoup de cas, Ns allaient au-delà des demandes formulées, exprimées par les MRC.

J'ai eu l'occasion de dire et de répéter - et je continue d'en être convaincu - que ce qui s'est produit trouve son origine dans les directives que le ministre a rendues publiques en 1986, directives qu'il a, en quelque sorte, imposées à la commission pour qu'elle puisse entreprendre des négociations avec les MRC. Ces directives - nous le pensons et nous continuons à le dire - n'étaient pas fondées sur la loi. Le député de Lévis l'avait dit, d'ailleurs, au moment où ces directives ont été rendues publiques. Il avait déclaré - à juste titre, à mon avis - qu'il n'y avait aucune disposition dans la loi qui permettait au ministre de rendre ainsi publiques des directives, de donner des directives à la commission. Aucune disposition légale ne le lui permettait, mais, malgré cela, le ministre l'a fait.

Ces directives allaient dans le sens d'un relâchement et d'une souplesse qui permettaient de dézoner davantage et elles confiaient en quelque sorte, à la commission, une espèce de mission d'aménagement. Elles ajoutaient donc à sa dimension de protection de territoire agricole une espèce de dimension d'aménagement, ce qui, évidemment, est contraire à sa vocation première. La Commission de protection du territoire agricole est une instance dont la vocation est de protéger le territoire agricole et non pas de faire de l'aménagement. Ce n'est pas sa fonction, ce n'est pas sa mission en vertu de la loi. A partir des directives du ministre, on peut dire que la mission ou que la vocation de la commission a été élargie, diversifiée. Le résultat, c'est qu'il y a eu des dézonages massifs qui ont mécontenté bien des producteurs agricoles, qui ont mécontenté plusieurs syndicats de base de l'UPA ou des fédérations régionales de l'UPA qui trouvaient que la commission allait beaucoup trop loin et qu'elle dézonait des terres qu'eux jugeaient propices à l'agriculture. Il y a même des producteurs agricoles actifs qui se retrouvaient en zone blanche.

Nous pensons toujours que le problème qui a surgi il y a quelques mois et qui a suscité du mécontentement, de l'inquiétude et de l'appréhension chez les producteurs agricoles est issu des directives. C'est le ministre qui est responsable de tout cela. Il a essayé de s'en décharger publiquement et cela n'a pas été très élégant de sa part à l'endroit du président de la commission qu'on vient de saluer tantôt, parce qui) avait plutôt l'air de le prendre comme une espèce de bouc émissaire.. Vous aurez droit à vos vingt minutes tout à l'heure, M. le ministre. Si vous voulez les prendre, on consentirait à ce que vous les preniez...

M. Blais: De bon gré.

M. Brassard: ...de bon gré. Alors, il sert de bouc émissaire dans le sens que le ministre a dit: Non, non, ce n'est pas ma faute, je ne suis pas responsable de cela. C'est la faute de la commission; il va falloir corriger les devoirs de la commission Alors, je vais prendre mes responsabilités, et là il a imposé son moratoire sur l'adoption des décrets, soyez tranquilles! Alors, il s'est présenté en sauveur auprès de la classe agricole en disant: Attention! Je suis là, comptez sur moi. Vous allez voir, je vais vous défendre. D'abord, c'est le moratoire, ensuite, vous allez voir je vais vous présenter un projet de loi qui va vous garantir le droit de produire. Je vais vous présenter des mesures fiscales qui vont contraindre les propriétaires de terres en friche à les mettre en valeur. Fiez-vous à moi! Si la commission a plus ou moins bien fait ses devoirs, ne vous inquiétez pas, je suis là. Le rempart de l'agriculture, le sauveur des producteurs agricoles, c'est moi. Ne vous inquiétez pas.

Pourtant, quand on creuse et quand on examine, on se rend compte que c'est lui qui est vraiment le responsable parce que c'est lui qui a émis les directives qui allaient dans le sens d'une souplesse, d'un relâchement de la protection du territoire agricole. C'est le ministre qui a rendu publiques et qui a imposé ses directives à la commission. Donc, c'est lui le responsable. S'H y a des choses qui se sont produites par la suite, c'est sur la base de ses directives que cela s'est fait. Il a adopté, évidemment, une attitude un peu curieuse, mais il a changé aussi son attitude. En juin dernier, quand mon collègue de Laviolet-te l'interrogeait sur les inquiétudes des producteurs agricoles concernant le dézonage de certaines terres, la réponse du ministre en Chambre - je m'en souviens très bien - fut de dire: Écoutez, la Commission de protection du territoire agricole est un tribunal administratif. Vous ne voulez tout de même pas que Je me mêle de son travail, vous ne voulez tout de même que je m'ingère dans ses fonctions et dans le travail qu'elle accomplit? Il faut respecter la neutralité et l'indépendance d'un tribunal administratif comme la CPTA. À ce moment-là, y

avait l'air de dire: Écoutez, si la commission dézone, si la commission fait des choses qui ne vous paraissent pas correctes sur le plan de la protection du territoire agricole, je n'y peux rien. C'est un tribunal administratif, autonome, indépendant. Je ne peux pas m'ingérer dans ses affaires.

Puis, quand cela a commencé à bouger, quand le mécontement a commencé à grandir, quand l'indignation a commencé à monter dans le milieu, sur le terrain, là, il a eu un changement d'attitude: Écoutez, soyez sans crainte. Je vais refaire les devoirs de la commission s'ils sont mal faits. Fiez-vous à moi. Il n'y a pas de problème. Donc, là, par exemple, c'était tout le contraire. Là, le ministre avait le pouvoir et même la volonté de s'ingérer dans le travail de la Commission de protection du territoire agricole. Mais, dans le fond, c'était lui le véritable responsable. Il a non seulement émis des directives plus souples qui donnaient une plus grande marge de manoeuvre en termes de dézonage, mais il a également nommé des commissaires et, curieusement, des commissaires amis du régime, amis du parti, des commissaires gagnés, forcément, on le comprendra, à la philosophie du Parti libéral, qui est toujours la même, il ne faut pas se le cacher. (16 h 15)

Le Parti libéral, ce n'est pas pour rien qu'il a voté contre la Loi sur la protection du territoire agricole en 1978. Le ministre le disait lui-même, d'ailleurs, dans son discours. Il disait: Le gouvernement devrait y songer avant de mettre de côté des droits aussi importants que le droit à la propriété, que le droit à la libre disposition de ses biens. C'est le député de Portneuf qui parlait ainsi le 4 décembre 1978. C'est toujours la même philosophie du Parti libéral, c'est-à-dire les sacro-saints droits individuels qui sont au-dessus, toujours, des droits collectifs. C'est cela la philosophie du Parti libéral. On l'a vu aussi encore en Chambre à propos de la langue. Le premier ministre, encore une fois, pas plus tard qu'aujourd'hui, a invoqué les droits individuels pour justifier de ne pas recourir à la clause nonobstant sur la question linguistique. Les droits collectifs sont subordonnés aux droits individuels. C'est évident dans la philosophie du Parti libéral.

Les nouveaux commissaires nommés, qui en plus sont issus du Parti libéral, dont les allégeances sont bien connues, c'est évident qu'ils étaient et qu'ils demeurent gagnés à la philosophie du Parti libéral selon laquelle il faut que les droits individuels priment les droits collectifs. Le Parti libéral a toujours été très réticent à l'égard de la Loi sur la protection du territoire agricole, à l'égard du caractère contraignant de la Loi sur la protection du territoire agricole. Le Parti libéral a toujours été réticent, pour ne pas dire résistant à l'endroit des orientations de fond de cette loi. Évidemment, si vous nommez des libéraux à des postes de commissaires, ils ne vont pas se départir, d'un coup de baguette magique, de la vision libérale qu'ils ont toujours eue en matière de protection du territoire agricole. Ils ont conservé cette vision. Comme par hasard, ces nouveaux commissaires se retrouvent au sein du comité issu de la commission qui a pour fonction de négocier la révision des territoires agricoles avec les MRC. Quand vous additionnez tout cela, les directives du ministre, d'une part, les nouveaux commissaires issus du Parti libéral d'autre part et, par conséquent, imbus de la vision libérale en cette matière, vous ne vous étonnez pas de voir ce qui s'est produit sur le terrain. Des dézonages qui ont provoqué de l'indignation, de l'insatisfaction et du mécontentement dans le milieu, un peu partout au Québec.

Le ministre, devant tout cela, a dit: J'impose un moratoire, sauf que c'est un moratoire bidon, parce que, maintenant qu'il est levé, les négociations se poursuivent, mais les négociations se poursuivent toujours sur la même base, c'est-à-dire sur la base de ses directives. Ses directives n'ont pas été rappelées. Elles n'ont pas été annulées. Elles sont toujours là. C'est toujours sur la base de ses directives que les négociations se font.

M. le Président, j'aurais bien d'autres points à traiter, entre autres - on aura l'occasion d'y revenir - le fait de créer des secteurs exclusifs. J'en ai parié longuement dans mon intervention à l'occasion de l'adoption du principe, mais j'aurai l'occasion d'y revenir, sans aucun doute, car cela nous paraît être un concept dont les effets risquent d'être loin de ceux qu'on recherche véritablement.

J'aurais pu également aborder la question du tribunal d'appel qu'on crée évidemment avec des juges, qu'on va nommer toujours selon le même principe de nomination, c'est-à-dire par le Conseil des ministres. On devine d'où vont venir ces membres du tribunal d'appel, sachant comment ils seront nommés. On s'en doute. Cela va ressembler un peu à la nomination des nouveaux commissaires. Le ministre va en profiter pour nommer des membres très proches de son parti, parce que cela ne les a jamais gênés d'agir ainsi. C'est regrettable. J'aurais beaucoup d'autres choses à dire. Malheureusement, mes 20 minutes sont terminées, mais je suis persuadé que mes collègues vont utiliser d'autres...

M. Pagé: Est-ce que c'est un cadran? M. Brassard: Non. M. Blais: Quelle sorte?

M. Brassard: C'est un "quartz electronic timer".

M. Pagé: Pour le bénéfice du Journal des débats, M. le Président, il faut convenir que le député de Lac-Saint-Jean a actionné un équipe-

ment technique et mécanique ressemblant à un cadran, probablement avec comme objectif de réveiller ses deux collègues, le député de Terrebonne et le député de Mercier.

M. Brassard: Non, pas du tout. Le ministre se trompe.

M. Godin: ...il peut parler, lui.

M. Brassard: C'est peut-être parce que je suis extrêmement respectueux du règlement, M. le Président, vous le savez très bien. Je n'avais droit qu'à 20 minutes malheureusement; alors j'avais minuté 20 minutes et je m'en tiens à mes 20 minutes. C'est mon respect scrupuleux du règlement qui m'incite à utiliser cette petite pièce.

M. Blais: Je ne veux pas prendre la parole tout de suite mais, vu que le ministre a dit que les paroles de mon confrère étaient chloroformiques à notre endroit, je tiens à dire que je ne me suis pas senti du tout attiré par Morphée pendant qu'il parlait. J'ai bu ses paroles avec toute la saveur qu'elles avaient.

M. Pagé: Cela peut être dangereux pour l'ivresse de boire ses paroles comme ça.

Le Président (M. Richard): M. le député de Terrebonne?

M. Pagé: Alors, faites-vous aller sur le pilote automatique, parce que, pour le bénéfice de ceux qui nous lisent...

Le Président (M. Richard): Est-ce que c'est vous qui prenez la parole?

M. Pagé: ...je soupçonne mes collègues, M. le Président, d'avoir amorcé, depuis l'ouverture de nos travaux, ce qu'on appelle dans notre système parlementaire un "filibuster" ou tout au moins une façon particulière de retarder systématiquement les travaux de l'assemblée. Nous nous en portons fort aise. Nous savons que c'est une technique qui est habituellement pratiquée par l'Opposition, en fin de session. J'ai eu l'occasion d'y être convié à quelques reprises. Je vous souhaite donc beaucoup d'endurance et de persévérance et je vous inviterais, M. le Président, à inviter le député de Terrebonne à placer son vocable sur le pilote automatique et à réciter pendant 20 minutes.

M. Brassard: M. le Président, quand même, je tiens à rectifier les choses, à rectifier les faits. Le ministre nous accuse à tort. Je pense que c'est un procès d'intention.

M. Pagé: Ce n'est pas une accusation. J'ai du respect pour les "filibusters".

M. Brassard: Le ministre nous accuse de faire un "filibuster". Nous en sommes aux remarques préliminaires.

M. Pagé: Donc, l'Opposition n'a pas l'intention...

M. Brassard: Nous avons droit, en vertu de nos règlements, de parler, en remarques préliminaires, pendant 20 minutes sur un projet de loi d'importance, tel que celui que nous avons devant nous. Alors, je ne pense pas qu'on puisse nous accuser de faire de l'obstruction systématique. Le ministre en a trop fait justement du temps qu'il était dans l'Opposition. Il en voit partout, et je pense qu'il a tort de nous accuser de procéder de cette façon. Après 20 minutes, c'est quand même curieux. Cela fait à peine 20 minutes qu'on a commencé nos travaux et, déjà, on est accusé de "filibuster". Imaginez! C'est pour le moins étonnant. Le ministre est pressé.

M. Pagé: Non, patient.

M. Blais: Sur une question de règlement, M. le Président.

M. Brassard: Vous appelez ça de la patience? Déjà, vous nous accusez après 20 minutes.

Le Président (M. Richard): M. le député de Terrebonne, avez-vous un problème au sujet du règlement?

M. Blais: Sur la question du règlement soulevée par le ministre, M. le Président. J'ai vu après cinq heures, sept heures, dix heures...

M. Pagé: Je n'ai jamais soulevé de question de règlement.

M. Blais: ...dire qu'on faisait du folie-buster".

M. Pagé: Pas folie", "fili".

M. Blais: C'est un précédent dans ce Parlement d'être accusé de "folie-buster" après 20 minutes. Je trouve cela aberrant. Mais je vais prendre les minutes qui me sont...

Le Président (M. Richard): Vous avez droit à 20 minutes, mais vous n'y êtes pas obligé.

M. Yves Blais

M. Blais: Je vais essayer de m'en tenir à 20 minutes. J'ai tellement de choses... M. le Président, j'ai écouté, comme je le disais tantôt, j'ai savouré intellectuellement l'exposé de mon confrère de Lac-Saint-Jean. Je tiens à dire que je vais essayer de poursuivre dans la même veine. Vous savez que nous parlons ici de la loi sur le zonage agricole établie par le Parti

québécois en 1978. Nous avons eu le courage politique d'amener cette loi et d'en faire une bible, comme la loi 101 des agriculteurs, en fait. La loi du zonage agricole est à la culture ce que la loi 101 est... Excusez-moi. C'est un lapsus.

Une voix: Votre nom? Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: La loi du zonage agricole est à l'agriculture ce que . la foi 101 est à la culture et je crois que cela se défend très bien. Dans les deux cas, autant la loi 90 de l'époque que la loi 101, ce sont deux lois majeures qui ont marqué le premier mandat du Parti québécois à cette Assemblée nationale, et tout le monde aujourd'hui dit que ces lois ont été des lois bénéfiques. Elles ont amené la paix aux agriculteurs dans leur zone et elles ont amené à la culture la paix linguistique dans les autres zones. Dès qu'on leur touche, c'est bien sûr que l'ensemble des Québécois, soit dans l'une ou l'autre zone, frémit très facilement. Nous sommes épidermiques quand on parle de protection du territoire agricole autant que nous sommes épidermiques et que nous sommes à fleur de lis et à fleur de peau lorsqu'on parle de la loi 101 et de toutes les conséquences que cela peut avoir si des gens de l'extérieur de nos frontières québécoises viennent y toucher.

Alors, je dis que cela prenait à l'époque une volonté et un courage politiques. Nous l'avons fait. Même dans l'Opposition, on l'a dit tantôt, le Parti libéral a voté en faveur des trois étapes; il a même voté contre le principe de la loi 90. Vous savez, c'est sérieux. Lorsqu'on vote contre le principe d'une loi, c'est qu'on est contre l'établissement de zonages agricoles. Nous étions en faveur parce que, premièrement, durant le mandat de 1970 à 1976, il y avait un M. Kevin Drummond qui a marqué dans un document extraordinaire les balises principales d'un zonage agricole, mais ce document a été laissé sur les tablettes, c'est malheureux. Nous l'avons repris, nous l'avons amélioré et nous l'avons adopté en 1978. Pourquoi avons-nous eu ce courage politique? Je n'étais malheureusement pas à l'Assemblée nationale à cette époque, et je suis peiné de ne pas avoir été de ceux qui ont voté cette loi qui reconnaît d'abord et qui a comme base la valorisation des agriculteurs et des agricultrices. En les revalorisant, en leur donnant des territoires, ils peuvent de façon décente et assurée faire de la terre nourricière leur principal revenu et le faire de façon constante parce que protégés par une loi. Tout cela est inspiré par la noblesse du métier de cultivateur que le Parti québécois a défendu, et ce qui a été motivant là-dedans, c'est qu'il faisait sienne la valeur de la terre, la valeur aussi de ceux qui exerçaient le métier d'agriculteurs et d'agricultrices.

Il y avait bien sûr, je dis là-dedans, un grand courage politique. Pourquoi? Parce qu'il est très facile de se laisser influencer par ceux qui ont l'appât du gain et du développement. Et, lorsque l'on brime les développeurs, les entrepreneurs, ceux qui ont l'appât du gain... Et on sait qu'avant 1978 il y avait dans tout le territoire québécois des développements sauvages. On faisait de l'étalement urbain sans planification. La population québécoise n'a jamais augmenté d'un demi-million par année. Cependant, on a fait un étalement urbain énorme et cela, c'est presque irrespectueux pour les Québécois eux-mêmes. Pourquoi? Parce que cela a été tellement lent. Il y a au Québec actuellement encore 1 400 000 lots qui sont dézonés, sans compter le moratoire. Il y en a là-dessus plus de 410 000 qui sont viabilisés. Cela veut donc dire - disons trois personnes par maison qui serait construite, nous avons 1 400 000 lots à trois personnes, cela fait 4 200 000 - qu'il y a de la place pour 4 200 000 personnes sans toucher un iota du zonage agricole actuel. Dans les viabilisés, il y en a plus de 400 000. Supposons trois personnes par lot. Il y a de la place au Québec sur des lots viabilisés pour 1 200 000 personnes.

Quand on sait que la population du Québec ne croît que très peu depuis quelque temps et qu'on fait de l'étalement urbain et qu'on faisait à l'époque de l'étalement urbain encore plus qu'aujourd'hui et qu'on a peur qu'if y ait un retour, cela veut dire que les mêmes personnes ont des lots viabilisés, donc, que les Impôts fonciers sont payés, en fait, sur les structures et les services. On fait un étalement urbain pour projeter ces gens-là à l'extérieur des endroits où il y a déjà des lots qui sont prêts à recevoir des maisons mais qu'est-ce qui arrive? Il arrive qu'on se bute à un problème de transport. On se bute à un problème d'immobilisations dans tous les services gouvernementaux, autant du côté des soins de santé, autant du côté de la scolarité que de tous les services: CSST, etc. Nommons-les. (16 h 30)

Ces gens-là, sortant des endroits où il y a de la place viabilisée et des lots qui sont déjà dézonés, qu'est-ce qu'ils font? Ils se reconstruisent d'autres rues, mettent d'autres services en place, autant les égouts que l'alimentation en eau potable. On se repaie en tant que Québécois, malgré la population qui ne grandit pas, des services en double. Je ne crois pas, et nous ne le croyions pas non plus à l'époque, que les Québécois peuvent se payer ce luxe d'avoir des lots où les services sont déjà installés et déjà viabilisés et d'aller s'en payer d'autres ailleurs, toujours avec le même nombre de personnes. Donc, au prorata de la population, si on permet un étalement urbain, automatiquement, c'est une hausse d'impôt déguisée pour la population. Cela frôle à ce moment-là une sorte d'irrespect envers les habitants autant urbains que ruraux du Québec. C'est sur cela que le courage s'avérait nécessaire, pour que la loi du zonage soit

adoptée en Chambre en 1978. On sait que cela prenait un courage très fort, d'autant plus que nous n'avions pas à l'époque, en aucun moment, l'appui de l'Opposition. Alors, cela prenait doublement un courage politique. Nous avions contre nous les développeurs, les entrepreneurs et l'Opposition.

M. Brassard: Du Parti libéral.

M. Blais: L'Opposition du Parti libéral à l'époque, bien sûr, où nous étions au pouvoir; c'étaient les époques glorieuses du Québec. Examinons cela. Je vais citer seulement un exemple. J'ai dans mon comté de Terrebonne une ville qui s'appelle Mascouche. Le territoire de cette ville est plus grand que celui de la ville de Montréal. Cependant, au lieu d'avoir... Je ne vous dérange pas trop, Mme la députée de Matane? Vous m'entendez bien?

Mme Hovington: Je vous entends très bien.

M. Blais: Moi aussi, moi aussi. Sur ce territoire qui est plus grand que celui de la ville de Montréal - merci, M. le ministre - il n'y a que 21 000 habitants. À l'époque, avant 1978, il y a eu ce qu'on appelait des développements sauvages; alors, cela s'appelle Mascouche.

Une voix: Par qui?

M. Blais: Par tout le monde, jusqu'à ce que nous adoptions la loi en 1978. Il y a eu des développements sauvages de faits. Donc, au lieu de s'appeler Mascouche, cela devrait s'appeler "Mastouffe", parce que ce sont des masses de touffes de monde sur un grand territoire. Imaginez le coût pour faire la liaison entre ces touffes de monde distribuées dans une ville aussi grande que la ville de Montréal, mais qui ne compte que 21 000 habitants. On demande à 21 000 personnes de payer les impôts fonciers des structures et des services qui sont nécessaires à une population, et on les étale sur un territoire qui est plus grand que celui de Montréal. Alors, on voit que le développement sauvage ne peut trouver sa justification que dans la démence négative d'un législateur imberbe et invertébré qui n'ose pas adopter la loi agricole. Nous l'avons adoptée en 1978. Nous sommes frileux quand on regarde... Dès qu'il voit les mots "zonage agricole", le Parti québécois devient frileux parce qu'il a eu le courage politique de le faire. On avait à l'époque des remarques très acerbes venant de l'autre côté de la Chambre, du Parti libéral; ils ont pris le pouvoir le 2 décembre 1985 et, à l'époque, on disait qu'ils enlèveraient le zonage, et ils ne l'ont pas supprimée, la loi. Quand on les voit venir folâtrer avec cette loi, on sent à l'intérieur de nous une certaine réticence à accorder de façon aveugle notre aval à un projet de loi de cette nature. Je vois mon confrère de Lac- Saint-Jean qui en a parlé avant et qui...

Une voix: ...opine du bonnet.

M. Blais: Oui, il opine du bonnet et sa cravate en joue, d'ailleurs. Alors, M. le Président, dès que je vois cela, ça m'horripile. Donc, la base de la venue du zonage agricole en 1978 relevait du courage politique, d'abord, parce que nous avions contre nous, entrepreneurs et développeurs, ceux qui avaient l'appât du gain et le Parti libéral, à tous les échelons de ce projet de loi. Nous l'avons fait. Aujourd'hui, les agriculteurs en sont ravis et les urbains aussi parce que la densification urbaine est plus facile. Je ne dis pas qu'elle se fait facilement, mais qu'elle est plus facile. Je tiens à dire qu'il y a encore tellement de lots dézonés blancs au Québec: 1 400 000, ce sont des lots!

Et on irait dire dans un autre pays: Dans ce pays du Québec, il y a 6 750 000 habitants; ils ont une zone verte et une zone blanche et, sur ce territoire, il y a en zone blanche,1 400 000 lots prêts à être bâtis, sans que nous ne touchions un iota du territoire vert; donc, il y a de la place pour près de 5 000 000 d'habitants. Il y aurait des gens qui viendraient essayer, peut-être pas directement devant la Commission de protection du territoire agricole, mais par ricochet, par MRC interposée, de dézoner? Pourquoi, en fait? Il n'y a pas de justification. Il n'y a aucune justification de dézoner 100 pieds carrés de terrain. Je ne dis pas qu'il ne peut pas y avoir une petite exception dans des zones, par exemple, où il reste trois ou quatre lots sur le bord d'une route, ici ou là. Il peut y avoir quelques exceptions, ça peut arriver, et l'homogénéité du territoire demande aussi que nous comprenions certains agissements de la sorte.

Une ville comme Westmount, par exemple, ne peut plus se développer sur l'île de Montréal! Pourquoi? Parce que partout autour il y a des villes qui l'empêchent de se développer. Alors, si quelqu'un veut se bâtir à Westmount, on ne demandera pas au gouvernement de venir exproprier les gens d'à côté, d'Outremont, de raser, pour permettre à la ville de Westmount d'agrandir son territoire. Cela ne nous viendrait même pas à l'esprit.

Dès qu'on parle de territoire agricole, si on arrive dans une ville de 15 000, 18 000 ou 20 000 habitants et qu'on leur dit: Votre territoire est complet, ils nous disent: II faut se développer. Bien, pourquoi se développer automatiquement dans cette ville quand on sait qu'il y a 1 400 000 places où les gens peuvent s'installer? C'est donc dire - et vous le voyez bien, M. le Président - que je suis contre tout dézonage de quelque façon que ce soit; il nuit aux agriculteurs et II nuit aux gens qui demeurent en ville.

II nuit et aux urbains et aux ruraux, aux deux. Aux urbains, parce que les taxes de services et les taxes foncières décuplent si on vide les

villes; et à ceux qui vont s'installer en campagne, parce qu'ils prennent du territoire nourricier pour installer des maisons et, en plus, parce qu'ils sont obligés de se repayer, dans ces nouveaux lieux où ils ont élu domicile, tous les grands services qu'ils avaient en ville. Tôt ou tard, ils se les paient.

Alors, je suis contre tout dézonage, de quelque façon que ce soit. Je tiens à le souligner - et je regrette de ne pas avoir été en Chambre, à ce moment-là, en 1978 - quel beau moment la Chambre a vécu lorsque ce fleuron de l'agriculture a été voté par le Parti québécois en 1978! C'est l'un de nos beaux fleurons avec la loi 101, un de nos beaux fleurons. Ceci, pourquoi? Pour la valorisation de l'agriculteur et le respect intégral de la noblesse du métier d'agriculteur et d'agricultrice. C'est pour ça que le Parti québécois a eu ce courage reconnu par tous et aujourd'hui reconnu par le Parti libéral qui est au pouvoir, mais pas reconnu par eux lorsqu'ils étaient dans l'Opposition. Voter contre le principe, c'est très grave et ça ne peut pas faire autrement que de miner la crédibilité du Parti libéral du Québec lorsqu'on parle de zonage agricole. Parce qu'un parti qui vote contre un principe de loi... On trouverait curieux - en tout cas, tant mieux si le revirement est complet - que le revirement soit assez spectaculaire pour qu'ils s'en fassent aujourd'hui les défenseurs. Si jamais on en arrivait à cette borne, que le Parti libéral du Québec veuille se faire le grand défenseur de l'agriculteur et de l'agricultrice, j'en serais fort aise et j'en serais heureux aussi.

Permettez-moi de dire que je suis Québécois à fleur de lys, à fleur de peau et à fleur de bataille quand je parle de zonage agricole. Quand je parle de zonage agricole, c'est à fleur de bataille et en fleur d'espoir que ce zonage agricole ne soit jamais touché par quelque cep que ce soit. Je ne le veux pas. Alors, dans ce projet de loi, en remarques préliminaires, tout en ayant dit que, en parlant au gouvernement qui a voté contre un principe de loi, j'ai peur que les paroles que nous disons, aussi convaincantes soient-elles, risquent de ne pas ébranler le législateur qui a voté contre un principe de loi... Cela risque; je ne dis pas que cela ne l'ébranlera pas, mais cela risque de ne pas l'ébranler sur le socle de la vérité dont il se croit imbu.

Cependant, dans ce projet de loi, il n'y a que trois points principaux. Le premier, c'est l'institution d'un tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole. Bon. Deuxièmement, le projet de loi instaure un principe d'immunité pour les producteurs agricoles dans le but de protéger leur droit de produire face aux poursuites de citadins se plaignant des bruits, odeurs et poussières résultant de la pratique agricole en zone verte. Troisièmement, il introduit le concept de secteur exclusif à l'intérieur de la zone agricole. Autrement dit, on introduit des secteurs vert foncé et des secteurs vert pâle, deux sortes de zonages. Je disais en Chambre qu'on dirait que le gouvernement veut installer des zones pour les adultes et des zones pour les enfants. Ironiquement, pour qu'on se le rappelle, je disais "des adultes zones et des bébés zones", pour qu'on se rappelle qu'il y a deux sortes de zonages. On dirait qu'il y a des zones d'adultes et des zones d'enfants et c'est inacceptable.

J'accepte le principe que le zonage lui-même, lorsqu'il est vert, demeure vert sans exception, sauf... Mais, lorsqu'on classifie un zonage 1, 2 et 3 comme valeur du sol et qu'on les met là, on dit: Cela, c'est du vrai zonage vert foncé sapin de Noël, un beau vert foncé et à côté un autre genre de terre agricole chartreuse, vert opale, vert pâle. Eh bien, les agriculteurs qui sont dans ces zones vert pâle savent qu'ils pourraient être menacés. Ils peuvent être menacés, ce sont des zones, on dirait, entredeux, je le comprends ainsi en tout cas, des zones d'entre-deux. Entre le territoire blanc et le territoire réellement vert, il y aurait une zone vert pâle. Les agriculteurs qui exploitent depuis des années des fermes sur ces territoires vert pâle voient, dans cette nouvelle façon de voir, cette appréciation du gouvernement actuel du zonage agricole, qu'on va faire des zones un peu moins vertes, donc, un petit peu moins reconnues comme telles. Ils ont une ferme qu'ils développent depuis des années, cela peut être une terre ancestrale qu'on exploite depuis des années et on leur dit: II y a la possibilité maintenant que cette terre vert pâle devienne à ce point pâle comme vert que cela devienne blanc. Comment voulez-vous que l'agriculteur qui est sur ces terres-là, en zone ambiguë, en ambivalence, en porte-à-faux dans un entre-deux, dans l'eau tiède de la loi ne se sente pas un peu menacé dans son développement et qu'on ne lui enlève pas, à lui, tout esprit d'initiative et de développement à cause de la crainte d'être un jour tellement "déverdi" qu'il en devienne blanc?

M. le Président, vous me faites signe que cela se termine. C'est malheureux, c'est tellement court, 20 minutes, lorsqu'on a d'énormes choses à dire sur un projet de loi aussi important. J'ai à peine effleuré le bout de mon argumentation. Je vous promets que dans les jours qui viennent je vous livrerai d'autres panneaux de mon argumentation et j'espère que vous les trouverez valables, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Terrebonne. M. Godin, député de Mercier, vous avez la parole, si vous avez des remarques préliminaires.

M. Gérald Godin

M. Godin: Oui, j'en ai, dans la mesure où il faut souligner, M. le Président, qu'à l'époque où on était journaliste, je me souviens qu'on fouillait dans les arrondissements urbains autour de

Montréal et qu'on constatait qu'il y avait des capitaux mouillés dans la terre du Québec qui attendaient que les villes de Longueutl, Chambly et Saint-Hubert se développent. Même M. Aristote Onassis avait des terres en grand nombre dans ces surfaces-là. Je suis sûr qu'il n'était pas très content de la loi sur le zonage adoptée en 1978 et qu'H se réjouit maintenant de voir que peut-être un jour il va pouvoir remettre la main sur des terres qui sont de vraies mines d'or pour les spéculateurs fonciers qui abondent dans le monde et qui cherchent des places où placer leur fric en attendant que la terre prenne de la valeur et ainsi leur rapporte, avec le temps, quelques millions.

L'autre aspect de la question qui me préoccupait beaucoup à l'époque, c'était... (16 h 45)

M. Pagé: Pour le bénéfice du député, je crois que M. Onassis est décédé.

M. Godin: II a des héritiers, en tout cas, des héritières, mon cher monsieur le ministre. M. le Président, je ne vois pas du tout la pertinence des propos du ministre dans la mesure où un holding financier appartenant à une personne morte ou vivante existe toujours et où l'intérêt des capitaux d'Onassis existe toujours. D'ailleurs, la preuve, c'est que la jeune Athèna a maintenant 3 000 000 $ de capitaux à sa disposition et je suis sûr que ses gérants, ceux qui gèrent sa fortune, ses managers comme on dit à Westmount, seraient contents de voir qu'il y a encore des chances de placer de l'argent dans les terres québécoises.

Je pense qu'un autre aspect de cette dimension de la question est qu'il y avait un étalement urbain extrêmement coûteux pour le Québec dans son ensemble, dans la mesure où les villes se vidaient vers les régions périphériques, autour de Montréal. J'ai vu combien de ces villes, Saint-Hubert, Chambly, Longueuil s'en aller en toute liberté vers les régions loin de Montréal non pas pour favoriser la santé des citoyens dans les régions de plein air, mais bien pour s'assurer que les capitaux placés rapportaient du fric au millionnaire qui avait songe au Québec comme étant un lieu paisible où placer de l'argent et attendre que ça mûrisse. Je pense que c'était une politique extrêmement négative et néfaste pour l'ensemble du développement du Québec et également pour les villes elles-mêmes. Évidemment, les villes y voyaient des taxes supplémentaires et il n'y avait pas de frein au développement urbain n'importe où au Québec.

Est arrivé au pouvoir un parti qui ne croyait pas au règne des spéculateurs et qui croyait, au contraire, que les terres du Québec étaient des choses précieuses qu'il fallait préserver et que l'agriculture devait être mise au premier plan comme une occupation digne de ce nom et noble dans un territoire comme le Québec. Cela me frappe toujours quand je circule sur la route 20, je vois de plus en plus non pas des terres en friche le long de la route, mais des terres cultivées, des terres labourées et plantées de maïs-grain et d'autres produits qui visent l'alimentation animale ou humaine. Je pense que le vrai rôle de la terre, c'est ça, M. le Président. C'est peut-être une vision un peu bucolique ou virgilienne, comme dirait mon collègue de Lac-Saint-Jean, mais je souhaite que le député de Portneuf, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries ou de l'Alimentation, soit aussi familier avec ces auteurs que mon collègue, de manière à être plus sensible aux beautés du métier qu'est celui de l'agriculture et surtout à la nécessité que ce métier soit exercé sur des terres dignes de ce nom.

Donc, je vous disais, M. le Président, que je voyais dans le passé la route 20 entourée de terres en friche et, maintenant, de terres cultivées et cultivables. Je pense que c'était un hommage rendu au beau métier d'agriculteur et surtout un hommage rendu à la sagesse de ceux qui, à l'époque, ont adopté la loi qui protégeait ce territoire en 1978. Je constate que, tôt ou tard, nous reviendrons à l'ancien système et que nous aurons un développement qu'on appelle sauvage, urbanistiquement, M. le Président, ce qui fera peut-être le bonheur des spéculateurs et des gens qui viennent ici pour faire de l'argent, non pas pour faire du blé, du grain, des légumes ou de l'alimentation pour les citoyens du Québec, mais pour faire une piastre sur le dos de l'étalement urbain et sur le dos des contribuables québécois. C'est ce qui va revenir, M. le Président, j'en suis convaincu, et c'est pour ça que cette loi me semble condamnable.

Maintenant, il y a un autre aspect de la loi que je voudrais aborder, M. le Président, qui est le mécanisme de décision de la commission. À l'époque, deux ou trois commissaires siégeaient et entendaient une demande. Aujourd'hui, la loi va réduire à une seule personne l'audition d'une plainte et je pense que ce système est injuste pour le demandeur, dans la mesure où il y aura moins de sagesse dans une tête qu'il n'y en avait dans deux et plus important encore, où la cohérence d'une décision à l'autre ne sera plus du tout apparente et n'importe quel citoyen pourra invoquer un précédent commis par un des commissaires qui aura entendu seul une cause et ainsi faire apparaître des jurisprudences tout à fait contradictoires dans les décisions de la CPTA. Donc, je pense que, à cet égard, cette loi doit être tout à fait rejetée par l'Opposition.

Quant au tribunal d'appel, on n'est guère mieux servi, M. le Président. On a un tribunal d'appel qui n'est plus intégré à la commission, mais qui est composé de quatre personnes qui viennent tout droit des cabinets politiques des ministres libéraux, donc, des gens qui, comme le disait mon collègue, sont des porte parole et des Incarnations, je dirais, de la pensée libérale la plus classique qui est que le profit passe avant tout et que de l'argent bien placé, c'est un bon placement, sauf qu'en général on se rend compte

que ce sont des visions à très court terme du développement d'une région, d'une province ou d'un État.

C'est contre ça qu'on en avait à l'époque et je pense qu'on avait raison. Je me souviens très, à l'époque, qu'il y avait des oppositions...

Une voix: Profondes.

M. Godin: ...profondes de la part des libéraux, entre autres, de l'actuel député de Portneuf qui était le principal critique de cette loi et qui a eu des propos en Chambre qui étaient tout à fait délirants assimilant la loi du zonage à la loi 101, dans la mesure où la loi du zonage brimait, disait-il, les droits des personnes. Mais je pense qu'il y a plus important que ça. Ce qu'il ne disait pas et ce qu'il n'osait pas dire, c'est que la loi du zonage agricole mettait un terme à l'étalement urbain et, surtout, qu'elle envoyait un message aux spéculateurs du monde entier qui étaient au Québec. Il y avait des Allemands, des Hollandais, des Grecs, des gens de tous les pays du monde. Ces spéculateurs recevaient le message par la loi adoptée par le Parti québécois que c'était fini, la belle époque où on pouvait venir au Québec et acheter des terres via des compagnies à numéros qui faisaient la joie des avocats, des notaires de Montréal et des spéculateurs, mais pas du tout celle des contribuables qui voyaient leur ville s'étendre à Saint-Hubert, Chambly, Longueuil, dans toutes les directions et, surtout, avec des menaces que des hausses de taxtes se fassent sentir.

J'ai même vu des villes comme Saint-Hubert, avec, à la frontière, un immense terrain vacant et, passé ce terrain vacant, un territoire qui se développait, une zone résidentielle qui se développait et qui forçait les contribuables de la ville à fournir des services à ces gens, trottoirs, égouts, etc., autobus même, éventuellement, et qui voyaient monter leur compte de taxes de façon faramineuse et inacceptable.

Au fond, il y avait beaucoup de services avant la décision de l'époque du Parti québécois, parce que nous voulions freiner cet étalement urbain. Les libéraux disaient: Ils freinent les droits de la personne. On freinait l'étalement urbain et on freinait les hausses de taxes inconsidérées pour les contribuables de ces villes qui n'exerçaient plus aucun contrôle sur le développement de leur ville, sauf sous forme de complaintes, de plaintes et de pleurs en voyant que leur compte de taxes augmentait et que les villes se développaient au détriment et aux dépens de la zone verte du Québec qui était si essentielle à ce qu'on appelait à l'époque l'auto-suffisance agricole.

On voulait que le Québec nourrisse son propre monde et vende ses surplus aux provinces et aux États américains avoisinants, ce qui a été réalisé dans une période assez courte grâce, entre autres, au zonage agricole. Je vois que le Parti libéral retourne à ses anciennes amours, c'est-à-dire l'amour des spéculateurs et va rouvrir la canne de vers", la boîte de Pandore, comme on dit en français, la botte de Pandore de la spéculation sur les plus belles terres du Québec.

Le ministre a beau promettre qu'il ne touchera pas aux belles terres du Québec, les zones classées 1, 2 et 3, on aimerait voir l'avenir parce qu'en général les promesses libérales ne se réalisent pas. Qu'on le demande aux femmes qui veulent la Régie des rentes, elles ne l'ont pas eue, qu'on demande aux jeunes qui voulaient la parité, ils ne l'ont pas eue. Donc, toute promesse libérale, en ce qui me concerne, ne sent pas très bon.

Le ministre a aussi promis dans ses discours à l'emporte-pièce à la défense de son nouveau projet de loi qu'il remettrait en valeur les terres en friche, sauf que nous sommes dans l'attente, comme la pièce "En attendant Godot" de Samuel Beckett. On attend toujours que le ministre dépose le début de la queue d'une étincelle de politique dans ce domaine. Nous en sommes encore restés au stade des paroles verbales, comme on les appelle, et des promesses probablement non tenues.

Donc, faute d'avoir cette politique de remise en valeur des terres en friche, M. le Président, on doit se méfier de ce gouvernement qui, on le sait, est beaucoup plus sensible aux charmes des spéculateurs qu'aux charmes d'une terre bien développée et bien cultivée. Pour cela, M. le Président, nous sommes contre ce projet de loi parce qu'il défait ce qui a été bien fait et ce qui donne au Québec des résultats spectulaires dans le domaine du développement agricole. M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Mercier. M. le député de Lévis, M. Garon, est-ce que vous ayez des remarques préliminaires?

M. Garon: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Vous avez donc droit à vingt minutes.

M. Jean Garon

M. Garon: Merci, M. le Président. Je me rappelle, lorsqu'on avait fait les travaux sur le projet de loi sur la protection des terres en 1978, on avait été voir ce qui se faisait en Colombie britannique et on avait constaté à ce moment-là, avec le changement de gouvernement - le gouvernement du Nouveau Parti démocratique avait été remplacé par le gouvernement créditiste - que lorsqu'il s'est agi de faire disparaître la protection des terres agricoles qui avait été instituée par le gouvernement du Nouveau Parti démocratique, c'est évident que tout le monde a parlé en faveur de la vertu, en faveur de la protection des terres et qu'on a

fait, à toutes fins utiles, disparaître la protection des terres en en vantant les mérites. De la même façon, lorsque nous avons fait la tournée avant l'adoption de la loi, il n'y a personne qui était contre la protection des terres, tout le monde était en faveur, môme quand il s'agissait de spéculateurs, à la condition de ne pas être zoné soi-même. On était pour la protection des terres, mais ailleurs, chez les voisins. En Colombie britannique, on a commencé par décaper les terres et, lorsqu'une terre était protégée, après l'avoir décapée on disait: On vous demande de la dézoner parce qu'elle n'est pas bonne. On disait alors: Comme la terre n'est pas bonne, on va la dézoner parce qu'elle avait été décapée, c'est-à-dire que la surface supérieure du sol qui était cultivable avait été enlevée. Après cela, il était permis de dézoner la terre.

Je pense que la nouvelle formule vise la même chose, c'est-à-dire qu'on va commencer par dire: II y aura deux genres de terres: des terres vraiment bonnes et des terres pas bonnes. Le ministre a dit: Les terres bonnes sont les sols 1, 2 et 3. Cela adonne bien au Québec. On n'a pas de terre 1 au Québec, à toutes fins utiles, parce que l'inventaire des terres du Canada a été fait en fonction de la production céréalière, principalement du maïs-grain, et même dans des endroits où on a du sol de première qualité et qui serait du numéro 1, les conditions climatiques plus sévères vont déclasser un sol qui est, en soi, un bon sol. J'avais été surpris de constater, lorsqu'on avait permis de développer la production, de favoriser le développement de la production du grain au Québec, que, par exemple, dans des territoires que les gens croyaient de mauvaise qualité, comme la vallée de la Matapédia, il s'y était établi trois centres de grains et que les rapports pour justifier l'établissement de ces centres de grains disaient que les terres de la vallée de la Matapédia étaient des sols de qualité 1. Même en Gaspésie, on me disait que les sols de la Gaspésie étaient de première qualité, sauf qu'il y avait des conditions climatiques plus sévères qui faisaient que le sol était déclassé. De sorte que, lorsqu'on regarde l'inventaire des terres du Canada, celui-ci n'est pas fondé seulement sur la qualité du sol, mais aussi sur une combinaison de la qualité du sol et des conditions climatiques. À ce moment-là, à toutes fins utiles, on n'a pas de sol 1 au Québec, peut-être un peu de sol 2 et un peu plus de sol 3. En grande partie, on a du soi 4 et 5, les sols 4 étant des pâturages qui sont principalement utilisés, comme dans votre comté, M. le Président, pour la production du lait. Essentiellement, la production du lait au Québec se fait sur du sol 4 et 5, au fond, c'est un soi 4 côteux, qui n'est pas aussi...

Des voix: Planche. M. Garon: ...planche...

Une voix: Homogène.

M. Garon: ...et qui peut être côteux...

Une voix: Accidenté.

M. Garon: ...accidenté. C'est un meilleur terme, un sol accidenté. Du sol 6, on n'en a pratiquement pas et 7, c'est de la roche.

Cela veut dire, à toutes fins utiles, quand on dit qu'on va protéger les sols 1, 2 et 3 comme nos meilleurs sols, qu'on vient d'une claque d'effacer de la protection des terres agricoles, comme zone vraiment bonne, une bonne partie de nos sols. À toutes fins utiles, si on disait, par exemple, que sur les sols 4 et 5, il ne se fera plus de production agricole, on diminuerait - je ne sais pas de quel pourcentage-la production laitière considérablement; elle serait en bonne partie éliminée. Là, on dit: On va faire un zonage plus exclusif et moins exclusif. Mais, même dans le plus exclusif, si on examine l'article de la loi - je pense bien qu'on l'étudiera article par article - ce n'est pas un sol exclusif non plus, car pour les sols que les gens commencent à appeler vert foncé et vert pâle, le vert pâle deviendra, à toutes fins utiles, les anciens zonages RX. Avant le zonage agricole, RX était un territoire à développement différé. Cela veut dire qu'éventuellement, si on a besoin de territoire pour faire telle ou telle chose, c'est mûr pour le développement. (17 heures)

C'est évident que quelqu'un qui tue son chien - vous l'avez remarqué, M. le Président, vous qui venez d'un territoire agricole et qui avez sûrement des gens qui ont des chiens de garde - avant de le tuer on ne dit jamais: Mon chien, c'est le meilleur chien de chasse qui soit. Il a un nez incroyable, c'est un chien de garde incroyable.

Une voix: II marche sur l'eau.

M. Garon: Si quelqu'un apparaît au bout de la terre, même à 1000 pieds, il commence à "fortiller" et il avertit. Donc, vous commencez à dire: II y a un tremblement de terre, il n'a pas grouillé. Vous commencez à dire que c'est un chien qui ne sent plus rien; même l'ail, il ne sent plus cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: II a peur de l'eau.

M. Garon: Quand il entend quelqu'un qui arrive au bout de la terre, il s'en va "se sacrer" en dessous du poêle pour que personne ne sache qu'y est là. Vous commencez à dire que votre chien est fini.

Une voix: II a la rage.

M. Garon: La deuxième étape, c'est de lui mettre une balle dans la tête.

Alors, pour les terres agricoles, c'est la même chose. Ne nous trompons pas; au fond, le ministre n'a pas commencé par dire cela, il a dit: Non, on va protéger d'une façon incroyable nos meilleures terres, tant en disant: Nos meilleures terres, vous savez, on n'en a pas beaucoup. C'est la deuxième étape en vue d'en mettre de côté éventuellement. C'est cela, le raisonnement. Ne nous cassons pas la tête, cela va être cela. Les gens vont prendre le même raisonnement quand ils vont arriver devant la commission. Ils vont dire: Ce n'est pas bon, c'est du 4, c'est du 5, cela n'a pas de bon sens, on ne peut pas garder cela. Ce sera dézoné, parce qu'il y aura deux territoires, alors que c'est une mauvaise façon de faire les choses.

Vous avez remarqué, quand vous examinez toutes les directives qu'a données le ministre, qu'il a pu s'en tirer en donnant des directives comme cela à la commission sans devoir démissionner, parce qu'ici on a une presse, comme le disait M. Lévesque, qui produit à peu près de la nourriture pour bébé. Elle n'est pas très alerte. Si un ministre d'Ottawa avait donné des directives comme cela à une commission, il ne serait pas demeuré 48 heures en fonction. Mais ici, comprenez-vous, on a une presse qui n'a pas le même souci de ce qu'est un tribunal. Vous savez, il est interdit de donner des directives à un tribunal, de quelque façon que ce soit. On n'a pas le droit, à moins d'avoir un article de loi qui dise quoi faire. Mais, en l'absence d'un article, on n'a pas le droit de donner une directive à un tribunal. Le ministre n'a pas le droit de donner des directives. À un moment donné, dans sa conférence de presse du mois de septembre 1986, intitulée "Les éléments de la politique gouvernementale en matière de révision des zones agricoles, il dit: "Lors de la révision d'une zone agricole, la CPTA devra se conformer à la présente, compte tenu de son mandat de protection du territoire agricole." Et il énonce des principes que je vais commenter rapidement.

Si le ministre veut que la commission fonctionne de cette façon-là, il faut amender la loi, pas donner des directives. Vous n'avez pas le droit de donner des directives à un tribunal. La première qualité d'un tribunal est, justement, d'être libre de rendre ses décisions, qu'on soit d'accord ou non. Dans un tribunal, le juge va rendre une décision à un moment donné sur un mariage, une séparation ou un accident. Vous pouvez ne pas être d'accord, sauf qu'il a le droit fondamental de rendre sa décision librement. Il ne faut pas qu'il soit "achalé" par des gens qui font des pressions sur lui. Vous savez qu'un ministre à Ottawa, M. André Ouellet, a dû démissionner parce qu'il a appelé le juge après le jugement pour l'engueuler, pour lui dire qu'il avait rendu un mauvais jugement. Il a été obligé de démissionner parce que cela ne se fait pas. On peut commenter le jugement, on peut dire qu'on ne trouve pas que c'est la meilleure décision. Vous avez même des professeurs d'université, je me le rappelle, qui disent: Dans telle décision, le juge a erré; on pense qu'il a fait une erreur. Mais, lorsqu'il prend sa décision, vous n'avez pas le droit de l'influencer, essentiellement. Autrement, on se retrouverait devant les anciens tribunaux anglais où celui qui faisait rendre la justice payait le juge pour la rendre. Habituellement, le juge avait tendance à pencher plus du bord de celui qui avait l'argent pour payer que de celui qui n'en avait pas, parce que les plus grands utilisateurs de la justice, c'était ceux qui payaient. Aujourd'hui, il faut faire en sorte que nos tribunaux soient impartiaux et qu'ils puissent rendre la justice, rendre une décision de façon judiciaire ou quasi judiciaire avec la plus grande impartialité. Si on trouve que leurs décisions ne vont pas dans (e sens souhaité par le législateur, alors il faut essayer de modifier les lois. Alors on dit: "Les principes de base de la révision de la zone agricole sont: 1) le maintien de la protection des territoires agricoles en production ou qui présentent des possibilités d'utilisation à des fins d'activités agricoles ou acéricoles." Ce principe-là, au fond, fait plaisir aux spéculateurs, car lorsqu'on a institué la protection des terres en 1978, il y avait uniquement dans la plaine de Montréal, 1 000 000 d'acres sous spéculation. C'est évident que les spéculateurs n'ont pas tous été découragés d'un coup sec, il y en a qui ont gardé leurs terres. À Ilie Bizard, par exemple, tout le monde sait que les terres en spéculation n'ont pas été revendues. Elles sont restées entre les mains des spéculateurs qui éventuellement voulaient faire quelque chose avec elles, pas dans le domaine agricole. "Le maintien de la protection des territoires agricoles en production". Ils ne sont pas en production, parce que les spéculateurs les ont conservés et, après un certain nombre d'années, dire que certaines terres n'ont pas été utilisées à des fins agricoles et qu'on doit donc maintenant les dézoner, c'est donner raison aux spéculateurs les plus tenaces.

L'Université de Montréal a fait faire une enquête par M. Thibodeau cinq ans après la loi sur la protection des terres, en 1983. Cette étude démontrait que plus de - je ne me rappelle pas le pourcentage, c'était autour de 30 % ou 35 % - 30 % des terres dans le territoire étudié dans la région de Montréal avaient été mis en culture dans les cinq ans qui ont suivi l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, parce qu'il y a des spéculateurs qui se sont découragés, qui ont mis les terres en vente et celles-ci ont été remises en valeur. Il y en a qui ont dit: Non, nous les gardons. Il y en a qui, pour d'autres raisons, n'ont pas été mises en valeur immédiatement.

Le ministre lui-même a été le premier à abandonner le programme de développement des terres en friche, parce qu'il a dit: On peut mettre en culture d'autres terres que les terres

en friche. Les terres qui n'ont pas été mises en production pendant un certain nombre d'années sont redevenues en friche. Dans l'Ouest, les terres ne redeviennent pas en friche, parce que c'est une ancienne mer d'eau salée et c'étaient des prairies. Même quand La Vérendrye est arrivé là, il n'a eu besoin de rien défricher; c'étaient des plaines, c'était comme cela. C'étaient des prairies avec 60 000 000 de bisons qui se promenaient. Ici, une terre qui n'est pas en production pendant un certain nombre d'années redevient en friche. Il y en a un certain nombre qui n'avaient pas été mises encore en production parce que les spéculateurs les avaient gardées.

Je continue: "2) la continuité et le développement des activités agricoles, acéricoles ainsi que du secteur agroalimentaire." Il n'y a pas grand-chose à dire là-dessus. "3) le retrait de la zone agricole des territoires déjà utilisés à d'autres fins que l'agriculture ou dont le potentiel biophysique présente peu ou pas de possibilités de mise en valeur agricole ou acéricole." C'est un principe qui n'est pas utile parce que, d'abord, les territoires déjà utilisés à d'autres fins que l'agriculture ne sont pas zonés agricole parce qu'ils bénéficient de droits acquis en vertu de la loi. Il y a déjà des droits acquis qui sont prévus. Il y en a qui ont dit qu'on était dans le zonage agricole des cimetières. Vous avez remarqué qu'actuellement il n'y a pas beaucoup de cimetières qui ont été mis en culture, parce qu'ils bénéficiaient de droits acquis et personne n'a eu l'idée d'aller faire de la culture à travers les tombes.

M. Blais: Ils n'ont pas protesté, non plus.

M. Garon: La parenté n'a pas protesté, non plus.

M. Blais: Non, les morts.

M. Garon: Pourquoi? Parce que c'était prévu dans la loi. C'était de l'ergotage et du "placotage" à ce moment-là de laisser entendre qu'on avait zone agricoles des cimetières. "4) la conciliation des objectifs de conservation de protection des territoires et des activités agricoles avec les objectifs du schéma d'aménagement des municipalités régionales de comté, des communautés urbaines et régionales." Là, on commence à détourner la commission de son rôle qui est la protection des terres. On dit: "Le principe de base de la révision des zones agricoles est la conciliation des objectifs de conservation de protection des territoires et des activités agricoles avec les objectifs du schéma d'aménagement...

M. Blais: C'est grave.

M. Garon: ...des municipalités régionales de comté, des communautés urbaines et régionales," alors que le rôle essentiel de la commission, c'est de protéger les terres, non pas d'aménager. Ce n'est pas de faire un partage de l'aménagement entre les vocations possibles. C'est de protéger les terres qui sont bonnes pour l'agriculture. C'est cela au fond, en tenant compte aussi d'autres critères qui sont importants, comme les facteurs qui influencent l'environnement ou les règles de l'environnement concernant la protection des terres agricoles.

Les directives du ministre, de septembre 1986, continuent en disant: "Lors de la révision de la zone agricole, la CPTA devra, tout en protégeant le territoire agricole, rechercher l'atteinte des objectifs particuliers suivants: 1. retrancher de la zone agricole les territoires qui sont déstructurés, irrécupérables ou utilisés à d'autres fins que l'agriculture."

Cela équivaut un peu à commencer à faire du "spot zoning", parce que, dans une zone agricole, il n'y a pas 100 milles carrés de sol 1 et 100 milles carrés de sol 2. En effet si l'on regarde une terre agricole, on se rend compte qu'il s'agit de sortes de veines, de différents types de sols. Sur la même terre, il peut y avoir toutes les sortes de sols: il peut y avoir des sois 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7. D'ailleurs, on le voit dans les terres agricoles, on le voit sur plusieurs terres. On peut constater, en regardant le soi, qu'il y a différents types de sois sur la même terre. Alors, on voudrait commencer à retirer de la zone agricole les territoires qui sont déstructurés, comme s'ils ne pouvaient jamais être restructurés, remembrés.

Regardons seulement ce qui s'est fait. Je me rappelle qu'il y a un certain nombre d'années nous étions allés faire un tour en autobus et les gens nous expliquaient toute la restructuration du sol qui avait été faite dans la Vallée du Richelieu: paroisse de Saint-Denis et dans ces coins. Les clôtures avaient même été enlevées parce qu'on développait une production céréalière dans tout ce territoire; un territoire déjà déstructuré avait été restructuré. Un territoire déstructuré n'a pas toujours été déstructuré. La plupart du temps même, ils l'ont été après la guerre 1939-1945 par la spéculation qui est venue après ce temps-là. Alors, ce n'est pas un territoire qui a nécessairement été longtemps déstructure. Ce n'est pas parce qu'un territoire a été déstructuré pendant un certain nombre d'années qu'il ne peut pas être restructuré. 'Récupérables ou utilisé à d'autres fins que l'agriculture". Qu'est-ce que c'est ça? Cela veut dire quoi, "utilisés à d'autres fins que l'agriculture*? Pour un territoire agricole, c'est de savoir s'il est bon ou non pour l'agriculture et non pas faire du "spot zoning". "2) retrancher de la zone agricole les territoires sans potentiel ou dont le potentiel biophysique n'est pas susceptible de servir au développement des activités agricoles dans un avenir prévisible." Pourquoi ajouter "dans un

avenir prévisible"? Il est possible qu'une terre soit en friche actuellement et qu'elle puisse être mise en valeur. La preuve, c'est qu'un grand nombre l'ont été après le zonage, mais elles ne l'ont pas toutes été. C'est quoi, "les territoires sans potentiel"? Une terre en friche, est-ce que c'est avec ou sans potentiel? Le ministre lui-même a aboli le programme qui était là pour mettre en valeur les terres en friche et, après ça, il se plaignait que les terres en friche n'étaient pas mises en valeur. Puis, il a essayé de faire croire aux gens que les taxes pouvaient être remboursées sur des territoires en friche, alors qu'il est bien spécifié dans la loi que les remboursements de taxe ne se font que pour les terres en culture, les terres cultivées. C'est pour les terres qui sont en culture qu'il y a des remboursements de taxes foncières, pas pour les terres qui ne sont pas cultivées. "3) retrancher de la zone agricole les érablières non exploitées présentant peu ou pas de possibilités à des fins acéricoles". "4) répondre aux objectifs de développement exprimés par les municipalités - voilà les zones RX! - régionales de comté et les communautés urbaines et régionales dans leur schéma d'aménagement et identifiés, notamment, dans leur périmètre d'urbanisation, dans la mesure où ces objectifs ne compromettent pas de façon significative le maintien et le développement des territoires et des activités agricoles." Alors, là encore, on parle de façon significative; c'est un ensemble de considérations pour faire des zones RX, des zones à développement éventuel, alors qu'on sait que la population du Québec est en plein vieillissement. Il s'agit de voir les projections de la Régie des rentes du Québec qui prévoit que, dans une trentaine d'années, les personnes de plus de 65 ans seront dans une proportion de une sur deux comparativement aux gens qui auront entre 20 et 65 ans. Je dois vous dire que, habituellement, un si grand nombre de personnes de plus de 65 ans ne s'éparpillent pas dans le territoire; elles ne font pas d'éparpille-ment urbain ni de spéculation. Au contraire, elles vivent habituellement dans des centres d'accueil ou dans des maisons qui ne sont pas loin du centre de la municipalité, parce qu'elles ne font normalement pas de spéculation à des fins d'étalement urbain. (17 h 15)

Dans les autres directives, on dit: "Lors de la préparation d'un plan revisé de la zone agricole, la CPTA doit tenir compte, notamment, des critères suivants: 1) les conditions biophysiques du sol et du milieu; 2) l'utilisation actuelle et potentielle du sol et du milieu à des fins agricoles; 3) les perspectives de développement économique du milieu à des fins agricoles; 4) le potentiel et les possibilités économiques d'utilisation des érablières; 5) les conséquences et les contraintes sur le maintien et le développement des activités agricoles découlant de l'application des lois, des règlements, des normes et des directives, notamment en matière d'environnement; 6) les perspectives et les orientations d'aménagement et de développement identifiées dans le schéma d'aménagement."

Le Président (M. Richard): M. le député de Lévis, en conclusion.

M. Garon: Je termine, oui. "7) les conditions socio-économiques régionales; 8) la disponibilité d'emplacements alternatifs pour répondre aux besoins de développement exprimés par les MRC et les municipalités locales."

On voit, dès ce moment-là, - je vous fais grâce du reste des stipulations qui avaient été faites, parce que le temps est écoulé; on aura l'occasion d'y revenir - qu'il s'agit essentiellement d'une philosophie qui était la philosophie pré-1978, soit de ne jamais dire qu'on veut faire de la spéculation, mais de favoriser l'étalement urbain sous toutes sortes de formes. Je pense que, dans ce projet de loi, essentiellement, on fait cela. Qu'on dise qu'on a l'appui de l'UPA, cela me fait penser un peu à l'UPA qui, récemment, a appuyé la hausse des minima de production dans le porc pour les fins de l'assurance-stabilisation pour économiser de l'argent, et qui, quelques semaines plus tard, enlevait les maxima alors que cela coûtait pas mal plus cher. J'avais dit, à ce moment-là, que c'était une erreur, que l'UPA ne pouvait pas maintenir cette position très longtemps. D'ailleurs, quelques semaines plus tard, la Fédération des producteurs de porc, de même que l'UPA ont dû reculer là-dessus et dire qu'elles ne favorisaient plus ce qu'elles avaient favorisé parce qu'elles avaient fait une erreur.

Je pense que, dans la protection des terres agricoles actuellement, il y a trop de mollesse même de la part du président de l'UPA qui avait déjà donné son appui alors qu'il n'avait pas eu le texte de loi. Le texte de loi était à peine déposé à l'Assemblée nationale qu'il avait déjà donné son appui dans le journal du lendemain en disant: Par exemple, après, on étudiera le texte de loi. J'ai rarement vu cela, des gens qui appuient des . textes de loi sans les avoir lus et sans les avoir vus. Il semble que le président actuel de l'UPA ait senti cette volonté.

Une voix: L'amour est aveugle.

M. Garon: Comme dit mon collègue, l'amour est aveugle.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Lévis. En douceur, est-ce que j'appelle l'article 1?

M. Brassard: Non, même pas en force.

Le Président (M. Richard): Même pas en force.

M. Brassard: Non parce qu'en vertu de nos règles, M. le Président...

M. Blais: Peut-être que M. le ministre aurait quelques commentaires.

M. Brassard: Peut-être.

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, avez-vous terminé?

M. Brassard: Si vous avez des remarques préliminaires. Vous n'en avez pas fait tout à l'heure. Vous êtes le parrain du projet de loi. Quant à nous, nous n'aurions pas d'objection à vous laisser vos 20 minutes pour faire quelques remarques préliminaires sur votre projet de loi. Sinon, évidemment, on a un certain nombre de motions qui intéresseraient sans doute la commission. Mais, ma foi, à la suite de mes commentaires, bien modestement, et de ceux de mes collègues, y compris ceux de l'ancien ministre de l'Agriculture, le député de Lévis, qui a été le parrain de cette grande Loi sur la protection du territoire agricole, cela m'apparaîtrait opportun et pertinent que le parrain du projet de loi qui amende cette grande loi nous livre ses commentaires, le fond de sa pensée. Je trouverais cela curieux, pour ne pas dire bizarre, que le ministre n'ait pas de remarques préliminaires à faire sur son projet de loi, à moins qu'il ne se prépare à le retirer ou à en nier la paternité ou à le reléguer aux oubliettes ou à faire en sorte qu'il meure au feuilleton. Je pense qu'il serait opportun qu'on l'entende nous livrer ses commentaires et ses remarques sur son projet de loi, sur un projet de loi dont il est le parrain. Sinon, évidemment, on va poursuivre. J'ai des motions à faire, mais je veux bien les retarder et écouter religieusement le ministre nous faire part de ses remarques dont la profondeur n'aura d'égal que la pertinence du projet de loi 100.

M. Pagé: M. le Président, je retiens du propos du porte-parole du Parti québécois en matière d'agriculture que l'Opposition me désire.

M. Blais: On désire vous entendre plutôt. M. Brassard: On désire vous entendre. Une voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: On désire vous entendre, c'est sûr.

M. Michel Pagé

M. Pagé: C'est, évidemment, ce que je voulais dire. Comment refuser une invitation aussi aimablement formulée par le député de Lac-Saint-Jean de prendre quelques minutes du temps précieux de cette commission qui est utilisé jusqu'à maintenant de façon pleine et entière par les députés de l'Opposition? M. le Président, je m'arrête tout de suite Le député de Lac-Saint-Jean avait promis de m'écouter religieusement.

M. Brassard: Et je vous écoute.

M. Pagé: Je vous en prie, continuez. Cela étant dit, M. le Président, très brièvement, je voudrais reprendre certains des arguments qui ont été invoqués par mes collègues, l'honorable député de Lévis, l'honorable député de Mercier, l'honorable député de Terrebonne et l'honorable député de Lac-Saint-Jean, lesquels se sont tour à tour inquiétés, interrogés sur certaines dispositions du projet de loi.

Tout d'abord, je veux établir très clairement qu'il n'est pas question, ni directement ni indirectement, ni de près ni de loin, d'établir au Québec une protection des terres agricoles qui s'adresserait à des sols à haut potentiel et aussi à des sols que nous pourrions juger ou que vous qualifiez, selon votre perception, de sols de second ordre. Au contraire. Pour nous, les terres agricoles du Québec, peu importe leur classification en vertu de l'inventaire des terres du Canada, et même, au-delà de ça, les terres qui sont en zone agricole, dont certaines superficies, d'ailleurs, n'ont pas de potentiel agricole identifié, doivent y demeurer pour conserver, raffermir et maintenir le caractère important qui sous-tend la loi 90 et qui sous-tendra, évidemment, la loi 100, soit l'homogénéité du territoire qui est zone agricole.

Pourquoi? Qu'est-ce qui est mieux? Vous le savez, par la loi 100 - je pense, d'ailleurs, que le numéro est très évocateur; on passe la première génération de la Loi sur la protection du territoire agricole, c'est la loi 90; la Loi sur la protection du territoire agricole, renforcée et améliorée, c'est le projet de loi 100 - notre objectif, c'est de renforcer ces dispositions, c est de donner davantage d'étanchéité aux territoires zonés agricoles. C'est de préciser, à l'avantage de la protection du territoire agricole, les critères sur lesquels la Commission de protection du territoire agricole et le tribunal d'appel en matière de protection agricole auront à juger des requêtes qui leur seront présentées.

Je veux donc indiquer très clairement que les nombreux sols, qui sont classifiés dans les catégories 1, 2 et 3, non seulement dans la région de Montréal, mais presque dans la totalité du Saguenay-Lac-Saint-Jean, entre autres, en Gaspésie, dans la Baie des Chaleurs, en Abitibi, ces sols de catégories 1, 2 et 3 qui couvrent l'ensemble des régions du Québec, vont recevoir une protection très forte, très rigoureuse et, j'en conviens, très contraignante, mais c'est là l'obligation à laquelle nous sommes conviés

comme société, parce qu'il faut bien comprendre que la pression urbaine, la pression pour du développement, la pression pour des affectations de sols à d'autres fins que l'agriculture s'exercent plus particulièrement dans ces superficies représentant quelques milles de chaque côté du fleuve Saint-Laurent, dans la région de Montréal, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en Abitibi, etc.

Ces dispositions doivent être lues très clairement. Je veux répondre, face à ces inquiétudes manifestées par les députés, qu'il n'est pas question d'affaiblir la portée de la protection des sols zones agricoles sur ce que vous appelez, en voulant tenter, je présume, de ridiculiser un peu la démarche, le vert pâle. Non! Ce n'est pas cela. Ni de près ni de loin, les mesures ayant comme objet de protéger l'affectation d'un sol zone agricole sur l'ensemble du territoire agricole du Québec, peu importe sa catégorie, ne seront affaiblies. Non seulement, elles ne seront pas affaiblies, mais les mesures visant la régie, la gestion du territoire qui a un potentiel agricole de catégorie 1, 2 et 3 dans plus de 600 municipalités du Québec, seront inspirées non seulement par de la rigueur au niveau de l'interprétation, mais aussi noir sur blanc par la loi, puisqu'il sera complètement interdit à la Commission de protection du territoire agricole d'autoriser l'utilisation de ces sols à des fins autres que l'agriculture. Elles n'ont même pas le pouvoir d'autoriser.

Les seules constructions qui seront permises... On ne parle pas seulement d'un petit lopin de terre près de Montréal; on parle, évidemment, de la grande région de Montréal, on parle de la très grande majorité des comtés le long du fleuve Saint-Laurent, on parle de superficies importantes au Saguenay - Lac-Saint-Jean, on parle de superficies aussi qui ne sont pas négligeables dans le Bas-du-Fleuve, en Gaspésie, dans la Baie des Chaleurs. Aucune autorisation sur ces sols pour des fins autres que l'agriculture ne pourra être donnée. Les seules qui pourront l'être, c'est pour des aménagements qui seront profitables - c'est bel et bien identifié comme cela dans la loi - à l'agriculture, par exemple, un centre de grains, un centre de distribution pour l'épandage des surplus de fumier, des choses comme cela. Même lorsqu'un requérant ou une entité publique, ministère des Transports, Hydro-Québec, ministère de l'Énergie et des Ressources, etc. prévoira construire, aménager un équipement public, par exemple des bassins d'assainissement dans le cadre du programme d'épuration des eaux au Québec, par exemple, des sites d'enfouissement, avant de pouvoir installer un équipement public sur de tels sols, il faudra démontrer qu'il est impossible de les aménager ailleurs.

Alors, à moins que l'Opposition ne se borne et ne se limite à bien vouloir donner l'interprétation qu'elle perçoit, même si elle sait qu'elle est non fondée, ou encore que l'Opposition officielle ne comprenne pas la portée et l'inter- prétation donnée aux mesures législatives, j'ai la conviction - d'ailleurs, je ne suis pas le seul à l'avoir l'Union des producteurs agricoles, chacune des fédérations spécialisées, les membres du congrès de l'Union des producteurs agricoles, qui ont siégé les 30 novembre, 1er et 2 décembre dernier, l'ont manifesté très clairement et les contacts que j'ai eue avec ces gens me permettent d'en arriver à la même conclusion - que ce projet de loi est très bien reçu.

Il est reçu avec beaucoup de satisfaction, parce que, premièrement, il renforce le niveau de protection d'un sol zone agricole. Deuxièmement, il établit très clairement un engagement du gouvernement envers l'agriculture au Québec. Troisièmement, ce projet de loi vient aussi régler des problèmes qui étaient demeurés nombreux malgré la qualité de la loi 90 adoptée en 1978. Je me réfère, entre autres, à ces problèmes vécus par des producteurs ou des productrices agricoles qui sont affectés ou dérangés dans leur droit de pratiquer l'agriculture sur un sol zone agricole et selon des méthodes, selon l'art du métier en semblable production, si je peux utiliser le terme. Les normes de réciprocité qu'on introduit font en sorte qu'à l'avenir les normes ne s'appliqueront plus uniquement à rencontre du producteur ou de la productrice.

J'ai un exemple concret et je vous référais à l'Assemblée. Souventefois, un producteur ou une productrice construisait un aménagement, une écurie, une porcherie, etc., une étable dans le respect des normes édictées par les règlements ou les directives du ministère de l'Environnement. Donc, c'était le producteur qui devait vivre la contrainte. Le producteur respectait ces normes et, au lendemain de l'installation de cet équipement immobilier, une autre personne, en vertu d'un droit, venait se construire et se rapprochait de cet équipement agricole, de cette porcherie, par exemple. Par la suite, les plaintes fusaient contre le producteur agricole. Avec l'introduction du principe de la réciprocité dans l'usage des droits respectifs de ces gens qui vivent en voisinage, le projet de loi va garantir des règles du jeu plus claires à l'avantage du producteur. (17 h 30)

Le concept d'un fonds de défense professionnelle versé au bénéfice des agriculteurs qui sont ainsi affectés est susceptible, lui aussi, de démontrer très clairement notre engagement pour que le producteur puisse produire en paix sur une terre dont il est propriétaire, dont il est l'occupant et qui est zonée agricole et cela, pour quelque catégorie de sol que ce soit: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.

Oui, monsieur, très certainement. Je vois que le député de Terrebonne semble douter de l'interprétation que je donne à ces dispositions. Je l'invite à relire sa loi et on aura l'occasion d'en venir...

M. Blais: C'est à moi que...

M. Pagé: Si on peut finalement commencer l'étude du projet de loi article par article, j'aurai l'occasion de le préciser, cela va de soi. Un autre élément, ce projet de loi établit très clairement la volonté du gouvernement du Québec de protéger la ressource sol, une ressource qui est non renouvelable, j'en conviens. C'est une ressource qui a été sérieusement agressée dans le passé, qui est agressée quotidiennement par la nature, le phénomème de l'érosion par les cours d'eau, de l'érosion éolienne, par le compactage des sols, etc. On doit la protéger tout comme on doit protéger l'homogénéité du territoire. C'est ce qui me permet de soutenir, même si on a, quoi, près de 3 000 000 d'hectares de terres zones agricoles effectivement cultivés sur 6 800 000 hectares de terres effectivement zones, que ce sont des superficies très importantes qui vont demeurer zonées agricoles. Ce sont des millions d'hectares qui vont demeurer zones agricoles, même si, dans certains cas, ils n'ont pas de potentiel.

C'est un exemple concret lorsque je vous disais que cette loi doit être lue avec une volonté de mettre en valeur le sol agricole. La loi 90 avait des qualités et elle avait aussi des défauts. Un de ces défauts, c'était le manque de préoccupation du gouvernement de l'époque de mettre en valeur les sols ainsi zones. Cette Loi sur la protection du territoire agricole actualisée, améliorée, cette loi de deuxième génération, qui porte le numéro 100, doit être lue en fonction d'une volonté très claire de mettre en valeur ces sols.

Alors, je veux sécuriser les députés. Je sais qu'ils auront des motions. Je présume qu'on va aborder l'étude du projet de loi article par article bientôt. Je voudrais d'ores et déjà vous donner un préavis comme quoi je n'ai pas l'intention de proposer l'adoption de l'article 17 de la loi ce soir. L'article 17 de la loi réfère, comme on le sait, aux critères. J'ai accepté de rencontrer demain après-midi la table Québec-municipalités à la suite des demandes qu'on m'a formulées via l'Union des municipalités régionales de comté et l'Union des municipalités du Québec. Elles m'ont prié de retarder l'adoption de cet article jusqu'à ce qu'elles aient le plaisir et que moi, j'aie le privilège de les rencontrer demain.

Autre élément. Peut-être que. dans vos motions préliminaires, vous vous référerez à la possibilité de la tenue d'une commission parlementaire. Je vous dirai ceci, mes chers collègues, et je suis persuadé que vous abonderez dans le même sens que moi. Ce projet de loi est le résultat d'échanges, d'études, de rapports, d'analyses, de discussions, d'hypothèses étudiées, de scénarios élaborés, de validation d'informations, bon, etc., et tout cela depuis deux ans. Vous m'avez reproché de ne pas avoir déposé le projet de loi dans les délais que je m'étais fixés comme jeune ministre qui arrivait en 1985, début 1986.

Ce projet de loi aura pris deux ans. Ce projet de loi a été conçu dans la maturité, la prudence et avec des avis judicieux qui ont été recueillis non seulement par des membres de comités que j'ai pu former, mais aussi, cela va de soi et je tiens à en témoigner aujourd'hui, par le président de la Commission de protection du territoire agricole, M. Pierre-Luc Blain, qui est avec moi. Je suis honoré qu'il soit avec moi aujourd'hui. D'ailleurs, vous avez vanté tout à l'heure sa contribution professionnelle et je l'ai apprécié, je vous le dis très sincèrement.

Ce projet de loi, donc, a été élaboré aussi avec des fonctionnaires de mon ministère. Si cela a pris du temps, c'est qu'on a déchiré des feuilles de papier et qu'on a recommencé notre travail. On a repris certains volets et, aujourd'hui, le projet de loi qu'on dépose, on peut le qualifier certainement de très bon. C'est un bon projet de loi et cette loi va démontrer à l'usage qu'elle permet d'atteindre l'objectif d'une protection très très rigoureuse des sols zonés agricoles, qu'elle va permettre la cessation de cette dualité et de ces affrontements stériles entre le monde agricole et le monde municipal.

L'objectif qui nous anime, c'est que les agriculteurs, les agricultrices, le monde agricole du Québec aient la paix et puissent produire tranquillement et en paix, selon des règles, dans la zone agricole et qu'en contrepartie les élus municipaux, qui ont des responsabilités très importantes quant à la qualité de la vie des citoyens du Québec, puissent avoir autant de latitude dans la responsabilité et le devoir qu'ils ont de voir à la définition de l'aménagement et à la gestion du territoire qui est situé en zone blanche.

Ce projet de loi a donc fait l'objet de discussions nombreuses, intenses, soutenues et continuelles entre le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, le ministre de l'Environnement, le ministre des Affaires municipales et le ministre responsable du Développement régional, ainsi que le ministre délégué aux Forêts. Ce projet de loi a fait l'objet, par ailleurs, de consensus exprimés en deux étapes. Dans une première étape, en novembre 1987, lors d'une conférence de presse, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, le ministre de l'Environnement, le ministre des Transports et moi annoncions qu'on s'était entendus sur certaines choses.

Par exemple, on s'était entendus depuis novembre 1987 sur le fait qu'il n'était pas dans l'intention, ni du gouvernement ni du législateur, de conférer aux municipalités régionales de comté ou encore aux municipalités du Québec le droit de faire ce qu'on appelle du zonage de production, le droit de définir et de déterminer que, dans la belle municipalité X du beau grand comté de Terrebonne, il n'y aurait pas, par exemple, de production de veaux de lait, le droit de déterminer pour la municipalité d'Alma que,

aux limites de son territoire municipal, il n'y aurait pas de porcherie, par exemple. Ce droit-là, il a été très clairement établi par les quatre ministres et, à ce moment-là, il n'était pas dans l'intention des ministres concernés, dans la recommandation à être faite au Conseil des ministres, de retenir cette volonté du milieu municipal de se voir doté de pouvoirs aussi exorbitants - le terme n'est pas exagéré - pour l'agriculture au Québec.

Il a également été établi à ce moment-là qu'il n'était pas question de permettre, dans les schémas d'aménagement, l'établissement de ce que les municipalités voulaient avoir, ce qu'elles appelaient des zones tampons, des zones qui, elles, auraient été vert pâle. Ces zones auraient été véritablement vert pâle, des zones tampons, un peu comme une cible et l'agriculture aurait été continuellement repoussée vers l'extérieur de la cible dans une perspective d'éloignement du centre urbain de la municipalité. Cela a été établi en novembre 1987. C'est clair, c'est net, c'est précis, c'est définitif.

Cependant, j'ai quand même eu des contacts avec le milieu municipal. Je suis député comme vous. J'ai, dans mes fonctions de ministre, rencontré plusieurs préfets. J'ai rencontré plusieurs maires du Québec, entre autres dans ma tournée des expositions agricoles, qui m'ont continuellement témoigné leur solidarité à l'égard de l'agriculture et de l'agriculture de demain, de son devenir et surtout de son importance pour l'économie des régions du Québec. La très grande majorité des maires du Québec reconnaît qu'il reste des superficies très appréciables en zone blanche à développer; d'où l'obligation, comme je l'ai exprimé de bonne foi cet été, d'être rigoureux dans la révision des zones agricoles et urbaines.

Je voudrais répondre à l'affirmation de mon honorable collègue, le député de Lévis, pour qui j'ai beaucoup de sympathie, vous savez. Il est un peu seul dans la région de Québec avec nous et il est toujours tout à fait approprié et opportun de répondre à ses interrogations. Jamais, ni de loin, ni de près, ni directement, ni indirectement, je n'ai tenté de donner des directives à la Commission de protection du territoire agricole. J'ai toujours été bien conscient, à la suite de la loi adoptée en 1985... En 1985, mon prédécesseur, le député de Lévis, a présenté une modification à la Loi sur la protection du territoire agricole - si ma mémoire est fidèle, aux articles 69 et suivants - qui prévoyait que la Commission de protection du territoire agricole était obligée, avec toute MRC qui en faisait la demande une fois que la rédaction de son schéma d'aménagement était avancée, de renégocier la zone blanche et la zone verte, de renégocier l'étendue, si je peux utiliser le terme, du gâteau blanc et du gâteau vert, de renégocier non pas pour le plaisir de renégocier, mais pour voir jusqu'à quel point l'établissement de ces zones devait être revu en fonction de la volonté d'aménagement exprimée par la municipalité ou la MRC dans le cadre du schéma d'aménagement qu'elle avait confectionné, dans une perspective de conciliation, si possibilité il y avait, des dispositions contenues dans la Loi sur la protection du territoire agricole et dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, premièrement. Deuxièmement, la démarche visait aussi à revoir l'évolution de l'aménagement au Québec, parce que, malgré la loi 90 adoptée en 1978, le Québec a quand même continué à se développer. 142 000 dossiers ont été adressés à la Commission de protection du territoire agricole depuis 1978. Dans certains cas, ce sont des demandes d'autorisation à des fins autres que l'agriculture, dans d'autres cas, des demandes de reconnaissance de droits acquis; dans d'autres cas, jusqu'en juillet 1987, l'utilisation de privilèges en vertu de l'article 31 de la loi; déclarations à la commission par des personnes qui se sont prévalues d'autres dispositions, par exemple, de l'article 40 de la loi; révision de la zone en fonction de l'utilisation de sols à des fins autres que l'agriculture, mais qui étaient demeurés en zone verte. Un exemple concret: la piste Sanair, dans la région de Granby, où il y a des courses d'automobiles. Ici, à Drummondville, le parc des Voltigeurs est en zone verte. Je ne pense pas que quiconque serait légitimé et surtout applaudi demain matin s'il allait prétendre que le parc des Voltigeurs devrait être complètement rasé pour être labouré, etc. Donc, c'était normal et je fais mienne finalement cette volonté du législateur en 1985. À cet égard, je m'inscris pleinement et totalement dans le sillon tracé par le député de Lévis, par la loi qu'il a adoptée ici en 1985, pour que cette négociation soit conduite. Sauf que le député de Lévis s'inquiète. Je conviens que j'ai peut-être prêté flanc à la critique ou à l'interprétation. Que voulez-vous, nous, on est transparents et on veut l'être le plus possible. En vertu de la loi, un, il suffit que la MRC en fasse la demande et la commission doit négocier. Deuxièmement, la négociation s'amorce et, lorsqu'une entente est signée, il y a un projet de décret qui est acheminé au ministre titulaire de la loi et ce projet de décret doit être adressé par le ministre au Conseil des ministres. Le Conseil des ministres a le droit de modifier ce décret. C'est très clair, c'est précis, c'est dans la loi.

J'ai indiqué, j'ai rendu public ce sur quoi je m'appuierais comme ministre pour recommander au Conseil des ministres de modifier ou non des décrets, des projets de décrets faisant l'objet d'une entente entre la Commission de protection du territoire agricole et les MRC du Québec. Les négociations ont eu cours et 18 schémas d'aménagement, c'est-à-dire 18 décrets adoptés à la suite d'une entente entre les MRC du Québec et la Commission de protection du territoire agricole, ont franchi l'étape du ministre et du Conseil des ministres. Ces décrets ne donnaient aucune inquiétude aux intervenants, au monde agricole et ne donnaient aucune inquiétude à

l'Union des producteurs agricoles, par exemple. Cependant, 19 autres projets ont fait l'objet d'inquiétudes. (17 h 45)

Alors, j'ai décrété un moratoire, mais pas un moratoire à la commission, parce que je n'ai pas à lui donner de directives. J'ai décrété un moratoire sur la signature, cependant, que je pouvais exercer. J'ai dit très clairement qu'il n'était pas question que je présente quoi que ce soit au Conseil des ministres tant et aussi longtemps que, premièrement, l'Union des producteurs agricoles ne serait pas associée à la démarche et, deuxièmement, tant et aussi longtemps que le projet de loi que vous étudiez actuellement n'aurait pas traversé l'étape du Conseil des ministres. C'est ce qui est arrivé cet été.

Or, je veux sécuriser le député de Lévis. Il n'a pas besoin de qualifier le Québec de république de bananes. Il n'a pas besoin d'adresser des propos sévères non fondés aux honorables membres de la Tribune de la presse qui font leur travail avec beaucoup de dévouement et beaucoup d'acharnement pour la cause d'une information pleine, complète et entière. C'est ce qui est arrivé.

Entre-temps, on a eu des rencontres avec l'Union des producteurs agricoles. J'ai eu des rencontres avec les représentants de l'UMRCQ et de l'Union des municipalités du Québec. J'ai eu des rencontres avec la Commission de protection du territoire agricole. J'ai constaté une chose. J'ai constaté que ce qui a contribué à inquiéter et beaucoup les agriculteurs, c'est qu'ils n'étaient pas associés entièrement et totalement au processus de négociation entre les MRC et la Commission de protection du territoire agricole. L'Union des producteurs agricoles était avisée des demandes formulées par la MRC dans le document original déposé à la Commission de protection du territoire agricole, mais elle n'était pas associée par la suite à la renégociation de ces zones. Je pense que tout le monde tirera la leçon que l'Union des producteurs agricoles devra être associée à cette démarche. Là où les producteurs ont été associés à la démarche de révision des zones agricoles et urbaines, il n'y a pas eu de problème.

Par surcroît, les rencontres qui ont eu lieu entre M. Proulx et M. Nicolet, de l'Union des municipalités régionales de comté, et les rapports qu'on en a faits me permettent d'être relativement optimiste pour l'avenir et pour l'adoption de tels décrets dans les délais, j'espère, les plus brefs. J'ai rencontré - une seule fois, j'en conviens - le président de l'UMRCQ. Je l'ai rencontré en privé et on a convenu que la meilleure des façons d'avoir un échange très intéressant était dans le cadre d'une rencontre à la table Québec-municipalités. Il était impossible de le rencontrer le vendredi 2 décembre dernier. Je le rencontre donc demain. Je suis persuadé qu'on aura un échange inspiré par la civilité et le respect commun. Je suis persuadé qu'on sera en mesure d'avoir un échange très intéressant et qui, je l'espère, pourra être utile de part et d'autre.

Alors, voilà pour ce qui en est des inquiétudes formulées par le député de Lévis. Je veux le rassurer que les sols de catégories 4, 5 et 6 vont être très bien protégés et les sois de catégorie 7 aussi, même s'ils n'ont pas de potentiel agricole. Par exemple, notre intention est de mettre en valeur les sols de catégorie 7 via la forestation. Vous avez pris connaissance comme moi du rapport du comité qui a siégé sur les boisés privés au Québec et qui a formulé des recommandations. C'est important, vous savez. La principale industrie manufacturière au Québec, ce sont les pâtes et papiers, le bois d'oeuvre, la transformation des produits du bois chez nous. Pour la première fois, en 1987, on a planté plus d'arbres au Québec qu'on n'en a coupé. Notre objectif est de faire en sorte que des lots zones agricoles, qui doivent demeurer zones agricoles parce qu'ils sont dans le territoire et qu'il n'est pas question de briser l'homogénéité, que ces lots, dis-je, qui n'ont pas de potentiel pour l'agriculture soient reboisés. Pour ceux qui ont du potentiel pour l'agriculture, nous sommes à préparer tout un plan d'intervention, de mise en valeur qui se réfère à plus de production de céréales pour consommation humaine, qui se réfère à plus de produits horticoles, notamment, les petits fruits, les légumes et qui se réfère à encore plus d'agriculture biologique. C'est important pour le consommateur et la consommatrice. On a tout un pan, si je peux utiliser le terme, de la consommation qu'on doit développer en fonction des attentes et des besoins des consommateurs. Les gens veulent de moins en moins de produits chimiques. Les gens sont très préoccupés par la façon dont les aliments sont conditionnés et la façon dont les aliments ont été préparés. J'étais, à midi, à une conférence de presse concernant une nouvelle façon de mettre en marché les oeufs au Québec. Encore là, on sentait chez les journalistes très clairement que la préoccupation doit porter au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sur l'aliment comme tel, sur la façon dont il est conditionné, dont il a été préparé, dont S est conservé, s'il y a des additifs chimiques, etc.

C'est dans cet esprit qu'on entend profiter de cette politique de mise en valeur pour développer l'agriculture biologique au Québec. Comme avenue de développement de la production, on voit toutes ces plantes médicinales, toutes ces cultures qui doivent servir aux médecines douces au Québec et cela est en plein développement. Tout comme aussi on veut développer des productions qui soient susceptibles de nous renforcer. Vous savez qu'on a - je vois que l'honorable député de Mercier, l'ex-ministre responsable des Communautés culturelles est avec nous - des milliers et des milliers de personnes qui sont venues enrichir notre communauté

québécoise depuis une ou deux générations. On a quand même tout un marché de l'alimentation à développer pour les ethnies qui s'approvisionnent aux marchés extérieurs et on pourrait produire cela chez nous. La politique de mise en valeur des sols, la Loi sur la protection du territoire agricole, ce ne sont pas des slogans, ce ne sont pas des voeux pieux. C'est une expression très clairement formulée de mettre en valeur ces sols et de les protéger.

J'ai apprécié le commentaire aussi de l'honorable député de Terrebonne qui était, à plusieurs égards, pertinent. Il s'est référé à mon intervention du 4 décembre 1978. Le 4 décembre 1978, c'était mon anniversaire. Cette journée-là, j'étais jeune député, j'avais 29 ans, je suis intervenu. Cependant, je dois vous indiquer aujourd'hui, comme très probablement vous aussi vous pouvez l'indiquer, que les années au Parlement, le contact plus étroit avec le monde agricole et le contact plus étroit avec certaines clientèles nous auront très certainement permis de revoir certaines politiques. Je me rappelle, par exemple, que mon collègue, mon ami d'en face à l'époque - parce que lui, c'était un véritable ami d'en face, il était de Lotbinière - M. Biron, avait évoqué un processus de révision du cadre d'intervention à la Société des alcools du Québec. Peu de temps après, il l'avait révisé. Il l'avait révisé pourquoi? Pourquoi était-il revenu sur sa position? C'était une démonstration très claire de maturité politique.

Combien de fois avons-nous vu le gouvernement du Parti québécois revoir des choses? Le plus bel exemple de cela, c'est que, si aujourd'hui les députés du Parti québécois - et je me réfère au message qu'ils ont exprimé en décembre 1985 - avaient à revoir, à décider à nouveau s'il était opportun en 1982-1983 de couper les salaires des fonctionnaires de 20 % pendant trois mois, je suis persuadé que plusieurs d'entre vous se raviseraient. C'est cela, la maturité politique. C'est cela, le cheminement. C'est cela, l'évolution chez les parlementaires.

Alors, vous devriez exprimer de la satisfaction plutôt que de tenter d'adresser des reproches parfois agressifs, teintés d'un peu de "je me complais" et de "cela me fait plaisir" à l'égard de l'humble député de Portneuf que je suis et qui est intervenu le 4 décembre 1978.

Cela étant dit, M. le Président, c'est avec fierté aujourd'hui que je présente ce projet de loi qui vient ajouter à la loi 90. La loi 90, on s'en souviendra comme étant de première génération; la loi 100, on l'appréciera comme étant la Loi sur la protection du territoire agricole de deuxième génération et en aucun cas on n'aura affaibli les dispositions visant la protection.

Pour le député de Lac-Saint-Jean, je présume que ces commentaires sont trop brefs, M. le Président, et je suis persuadé que, si le temps nous l'avait permis, mes collègues de l'Opposition m'auraient autorisé à continuer encore pendant peut-être une quinzaine de minutes. Ces commentaires trop brefs, j'en suis persuadé, auront réussi à convaincre mes collègues de la pertinence du projet de loi. Ainsi, ils pourront amorcer l'étude du premier article avec sérénité et ouverture d'esprit, animés par une volonté de collaborer à une discussion qui ne peut être que fructueuse entre nous, honorables collègues.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je voudrais quand même dire que je suis très heureux, et je suis convaincu que mes collègues aussi le sont, de voir que le ministre a changé sa façon de voir les choses. Au début de nos travaux, après seulement 20 minutes, c'est-à-dire après mon intervention qui était la première, le ministre nous a carrément accusés d'enclencher, d'amorcer un lilibuster" sur la loi 100 et il s'est refusé à utiliser son droit de parole légitime, tel que le lui permet le règlement. Je suis heureux de voir qu'il est revenu sur sa décision et qu'il a utilisé, comme c'est son droit, son droit de parole pour nous livrer le fond de sa pensée sur le projet de loi. Je pense que c'est important que le parrain du projet de loi le fasse. Il nous semblait incongru que le parrain du projet de loi 100 ne dise pas un mot sur ce projet de loi.

Alors, je suis heureux de voir que nos interventions, celles de mes collègues et la mienne, ont eu pour effet d'inciter le ministre à exercer son droit de parole et à nous livrer le fond de sa pensée sur le projet de loi 100. Je prends acte aussi du fait que le ministre nous révèle que, en décembre 1978, il avait fait preuve, dans son intervention sur le projet de loi 90, d'immaturité politique, oui, puisque...

M. Pagé: Vous savez, un grand premier ministre du Québec, M. Lévesque, a déjà dit qu'il n'y avait que les idiots qui ne changeaient pas d'idée.

M. Brassard: Oui, d'accord. M. Pagé: Boni

M. Brassard: Je prends acte de votre changement d'attitude.

M. Pagé: Alors, dans quelques années, vous le direz, la loi 100 sera une bonne loi, elle aura renforcé la loi 90.

M. Brassard: On verra.

M. Pagé: Je ne vous qualifie pas d'idiot,

cela va de soi.

M. Brassard: On verra. Moi, non plus, je ne vous qualifie pas d'Idiot, sauf que vous avez dit que vous aviez changé d'opinion sur le sens de la Loi sur ta protection du territoire agricole. Vous avez changé d'opinion par rapport au discours que vous teniez en 1978 et vous avez indiqué - ce sont vos propres mots - que vous aviez acquis de la maturité politique. C'est donc dire qu'il faut conclure que vous en manquiez à l'époque.

Cela étant dit, M. le Président, il nous fait plaisir de voir que le ministre a changé d'idée et que maintenant, pour lui, la Loi sur la protection du territoire agricole est un fleuron exemplaire de notre système de droit dans la société québécoise.

M. le Président, compte tenu du temps, j'aurais une motion importante à faire, mais je pense qu'on pourra la reporter à 20 heures. Est-ce que je pourrais poser une question au ministre concernant les amendements possibles qu'il entend apporter au projet de loi 100? Est-ce qu'il entend apporter des amendements au projet de loi 100? Est-ce qu'il a des amendements? Est-ce qu'il pourrait les déposer?

M. Pagé: Ce sont seulement quelques amendements de forme, il n'y a rien sur le fond. Ce sont quelques papillons...

M. Blais: Vous n'avez pas d'objection à les déposer?

M. Pagé: ...qui seront déposés au moment de l'étude de l'article 1 du projet de loi.

M. Brassard: M. le Président, je pense qu'on peut se quitter pour revenir à 20 heures? J'aurai une motion, je pense, qui fera l'unanimité de cette commission.

M. Pagé: Vous pourriez la déposer tout de suite, si vous le voulez, M. le Président. Ce serait généreux de la part du député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je vais faire un "deal" avec le ministre: vous déposez vos amendements et je dépose ma motion.

M. Pagé: Je n'ai pas à les déposer, je ne les ai pas encore devant moi.

M. Brassard: Je présumais qu'on n'en viendrait pas là...

Le Président (M. Richard): Je vais vous arrêter dans votre échange de bons voeux. Je suspends les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 24)

Le Président (M. Richard): Je suis certain que vous aviez des échanges intéressants, mais, si vous me permettez, nous allons déclarer la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte. Je vous rappelle que nous sommes là particulièrement pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi 100. Nous en étions aux remarques préliminaires qui étaient terminées. J'ai l'impression qu'il y avait...

M. Brassard: M. le Président, avant de passer à l'étude article par article, j'aurais une motion à soumettre aux membres de cette commission. Cette motion se lirait comme suit: "Que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation souhaite procéder, au besoin, à des consultations particulières et à l'étude détaillée du projet de loi 100. Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, conjointement avec la commission de l'aménagement et des équipements plutôt que selon la manière choisie par le leader du gouvernement et qu'à cet effet, dans le but de formuler une demande conjointe en vertu de l'article 153 de nos règles de procédure, elle Informe le président de la commission de l'aménagement et des équipements et ses membres de son intention en ce sens."

Le Président (M. Richard): Vous pensez que cela ne dérangera pas mon collègue, le président de la commission de l'aménagement et des équipements, n'est-ce pas?

M. Brassard: Pardon?

Le Président (M. Richard): Vous pensez que cela ne dérangera pas mon collègue?

M. Brassard: Je suis sûr que non. On peut plaider la recevabilité si vous voulez, mais...

Le Président (M. Richard): Un instant! Nous allons vérifier s'il y a recevabilité. Là, J'ai un problème technique majeur. Il y a un article qui dérange peut-être ici, qui est l'article 153 qui se lit comme suit: "Avec l'approbation de la commission de l'Assemblée nationale, sur demande conjointe, plusieurs commissions ou sous-commissions peuvent respectivement former une commission ou une sous-commission mixte pour l'examen d'une affaire."

C'est aussi indiqué ceci: "Les commissions décident en séance de travail de la possibilité de former une commission ou une sous-commission mixte."

M. Brassard: M. le Président, je comprends bien ce que vous me dites, sauf que la motion ne va pas dans le sens de former, dès ce soir, une

commission mixte. Si vous la lisez correctement, c'est un souhait que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation exprime à l'endroit de la commission de l'aménagement et des équipements de façon qu'on puisse en arriver à la mise en place d'une commission mixte. En d'autres termes, ce n'est pas une motion qui dit: Nous formons une commission mixte avec la commission de l'aménagement et des équipements. C'est plutôt une motion qui souhaite aviser la commission de l'aménagement et des équipements que nous considérions comme intéressant et bénéfique, pour tous ceux qui sont concernés par le projet de loi 100, de former une commission mixte.

Le Président (M. Richard): M. le député de Lac-Saint-Jean, on est là, nous, évidemment, pour décider si on le fait ou si on ne le fait pas. S'il y a besoin, nous le faisons, tandis que là, dans votre formulation, il est indiqué: "souhaitons procéder, au besoin". Je pense qu'il faudrait que ce soit plus précis. Si nous le faisons...

M. Brassard: Non, c'est-à-dire que... Écoutez, M. le Président, la commission mixte pourrait, si elle est formée, procéder à des consultations particulières, si elle le juge approprié. Mais elle procéderait aussi, évidemment, à l'étude détaillée du projet de loi 100. C'est évident qu'elle ferait l'étude détaillée du projet de loi 100, mais, préalablement, elle pourra juger important ou utile de procéder à des consultations particulières - c'est pourquoi on dit: "au besoin". Ce sera à elle, la commission mixte, une fois formée - si on agrée à notre demande, évidemment - de juger bon de tenir des consultations particulières.

Le Président (M. Richard): C'est donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, une demande qui concerne la possibilité de former une commission mixte.

M. Brassard: Oui. C'est un souhait qu'on exprime, à savoir qu'on pourrait entamer des consultations avec la commission de l'aménagement et des équipements pour envisager la possibilité de mettre sur pied une commission mixte qui étudierait le projet de loi 100, mais qui, préalablement, pourrait aussi juger utile de procéder à des consultations particulières.

Le Président (M. Richard): À ce moment-là, dès l'instant où vous spécifiez cela - d'ailleurs, lorsqu'on revoit votre texte, on constate que cela concerne la possibilité de former une commission mixte - selon l'article 153 du code, if faut absolument que ce soit fait en séance de travail et non en commission parlementaire.

M. Brassard: C'est cela. C'est dans le but de formuler une demande conjointe en vertu de l'article 153. Mais ma motion ne consiste pas à créer une commission mixte en vertu de l'article 153; elle consiste à émettre un souhait visant à enclencher le processus pouvant nous conduire à la mise en place d'une commission mixte. Évidemment, si les deux commissions en arrivent à la conclusion que oui ce serait intéressant de mettre en place une commission mixte, à ce moment-là, l'article 153 s'appliquera.

Le Président (M. Richard): M. le député de Lac-Saint-Jean, si je comprends bien la teneur de l'article 153, cela veut dire qu'il faut s'adresser à eux lorsque nous sommes nous-mêmes en séance de travail, et, actuellement, nous sommes en commission parlementaire. À partir de là...

M. Brassard: II s'agit d'un souhait, c'est bien important de le préciser.

M. Pagé: M. le Président, dois-je comprendre qu'en vertu des dispositions de notre règlement, si l'honorable député de Lac-Saint-Jean se limitait à demander que soient entendus, devant notre commission, les représentants auxquels il se réfère, la motion serait re-cevable et qu'on pourrait la débattre tout de suite?

M. Brassard: Non, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Cela devient une hypothèse.

M. Brassard: Cela n'a rien à voir avec une consultation particulière; on y viendra en temps et lieu. Pour le moment, ce qu'on dit, nous, c'est qu'il y aurait lieu d'en arriver, ultimement, à mettre sur pied une commission mixte pour étudier le projet de loi 100. On argumentera quand ce sera le temps pour étayer cette affirmation. Mais le souhait qu'on exprime, c'est qu'on puisse enclencher un processus qui nous conduise à la mise en place d'une commission mixte. Après ça, si ça réussit, une fois que la commission mixte aura été constituée selon les dispositions de notre règlement, elle pourra décider s'il y a lieu de tenir ou pas des consultation particulières.

Le Président (M. Richard): Je comprends très bien le sens de votre demande, sauf que je dois vous spécifier qu'elle est irrecevable en fonction de l'article 153 qui est très précis et qui dit qu'une commission peut décider, uniquement en séance de travail, de la formation d'une commission mixte.

Vous êtes très honnête de me dire que c'est effectivement dans ce but-là que vous présentez cette motion, c'est-à-dire dans l'éventualité de former une commission mixte.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président (M. Richard): Oui.

M. Brassard: Je m'excuse, mais l'article 153 dit: "Avec l'approbation de la commission de l'Assemblée nationale, sur demande conjointe, plusieurs commissions ou sous-commissions peuvent respectivement former une commission ou une sous-commission mixte pour l'examen d'une affaire." Mais, pour qu'il y ait demande conjointe, il faut que les deux commissions expriment un voeu ou un souhait au départ. C'est ce que nous enclenchons par notre motion qui constitue un souhait, de façon, d'abord, à sensibiliser le leader du gouvernement pour qu'il accède à cette demande et à ce voeu, parce que le leader du gouvernement, évidemment, selon l'ordre qu'il a donné en Chambre, indique que c'est la commission de l'agriculture qui doit se réunir pour étudier le projet de loi 100. Donc, il faut sensibiliser le leader, il faut lui exprimer un voeu et un souhait pour qu'il puisse, lui aussi, de son côté, en arriver à modifier l'ordre qu'il a donné en Chambre et le mandat qu'il a confié à la commission de l'agriculture, c'est-à-dire celui d'étudier le projet de loi 100.

En somme, c'est une motion, je dirais, de sensibilisation. Il faut, d'une part, sensibiliser le leader pour qu'en Chambre il modifie son ordre et accepte la formation d'une commission mixte et, d'autre part, il faut, évidemment, sensibiliser l'autre commission à la possibilité de mettre sur pied une commission mixte.

Le Président (M. Richard): Je me permettrai d'interpréter, comme président, l'article 153. De la façon qu'il est rédigé, je le conçois comme ceci: lorsque nous sommes en séance de travail, nous pouvons, nous, décider de demander à la commission de l'Assemblée nationale, conjointement dans certains cas, de préparer et d'avoir une commission mixte, sauf qu'il faut que cela vienne d'une séance de travail, ce que nous ne sommes pas ici ce soir selon l'article 153.

Lorsqu'on lit l'article 153, il est écrit: "Avec l'approbation de la commission de l'Assemblée nationale, sur demande conjointe, plusieurs commissions ou sous-commissions peuvent respectivement former une commission ou une sous-commission mixte pour l'examen d'une affaire." Et le paragraphe suivant dit: "Les commissions décident en séance de travail de la possibilité de former une commission ou une sous-commission mixte."

Donc, dès l'instant où nous sommes en séance de travail et que nous décidons, d'un commun accord, d'aller vers une commission mixte ou de demander à la commission de l'Assemblée nationale la possibilité de former une commission mixte, je pense qu'inévitablement le texte est clair en disant...

M. Pagé: C'est difficile de faire quelque chose...

Le Président (M. Richard): ..qu'il faut que cela vienne d'une séance de travail.

M. Brassard: M. le Président, s'il s'agissait d'une motion visant à créer une commission mixte, je comprendrais qu'à ce moment-là le deuxième alinéa de l'article 153 nous en empêche. Il faut que cela se fasse, il faut que cela se décide en séance de travail. Mais ce n'est pas une motion visant à prendre la décision de former une commission mixte; c'est une motion constituant un voeu ou un souhait visant à sensibiliser, à la fois le leader et la commission, c'est-à-dire l'autre commission qui pourrait être concernée, à envisager de mettre en place une commission mixte.

Il ne s'agit pas d'une motion visant à créer une commission mixte. À ce moment-là, il faudrait - et vous avez raison - être en séance de travail. Il s'agit d'une motion constituant un souhait, c'est ta manifestation d'un souhait, d'une préférence pour une autre méthode de travail, une autre façon d'étudier le projet de loi 100. L'adopter ne créerait pas pour autant la commission mixte. Par contre, le leader serait sensibilisé à notre souhait, de même que le président de l'autre commission, celle de l'aménagement et des équipements.

On me signale qu'il y a deux décisions similaires, en ce qui concerne la capacité d'une commission d'adopter une motion pour exprimer un souhait, qui ont été rendues. Tout récemment, le président Bélanger de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi 37, et le président Marcil de la commission des institutions, sur le projet de loi 86 ont indiqué et jugé qu'une commission avait le droit d'adopter des motions exprimant ou manifestant un souhait, une préférence.

Le Président (M. Richard): Si vous permettez, nous suspendrons les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 39)

(Reprise à 20 h 43)

Le Président (M. Richard): Je vais porter mon jugement en fonction de la demande de motion. Une demande de création d'une commission mixte relève du pouvoir de notre commission, c'est exact, saut que la commission, par motion, décide d'agir, elle n'exprime pas et elle ne souhaite pas agir. Ici, en fait, on ne peut pas souhaiter agir, nous avons le devoir d'agir. En me référant à l'article 153, je maintiens que la motion est irrecevable.

M. Pagé: Je vous remercie, M. le Président. Nous sommes donc prêts à passer à l'article 1.

Motion proposant d'entendre la

Confédération de l'union des

producteurs agricoles

Le Président (M. Richard): Voici la motion que M. le député de Lac-Saint-Jean dépose: "II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 100, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Confédération de l'union des producteurs agricoles. C'est recevable. M. le ministre.

M. Pagé: M. le Président, si vous le permettez, sans être paternaliste, je me permettrai de faire un commentaire à l'honorable député de Lac-Saint-Jean. Il apparaît très clair, très évident, depuis, notamment, cet après-midi, alors que les députés de Mercier et de Terrebonne ont ajouté leur voix à celle du porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'agriculture, que la procédure qui est actuellement conduite vise à vouloir gagner du temps, ce qu'on appelle dans le jargon parlementaire - et ce n'est pas une insulte, évidemment, adressée aux parlementaires - un "filibuster". Vous me permettrez de lui dire, sans vouloir attiser le feu ou quoi que ce soit, que, s'il voulait faire un vrai "filibuster" - je me le rappelle parce que j'en ai fait normalement, après la décision que le président vient de rendre, il avait le droit d'en appeler à l'assemblée, à la commission pour renverser la décision du président. Cela lui aurait donné le droit d'intervenir pendant 20 minutes avec un vote. Je ferme la parenthèse, M. le Président, et je me réfère à la deuxième motion de l'honorable député. Apprenez cela. Lors de votre prochain "filibuster", vous ferez cela.

M. Brassard: Je rouvre la parenthèse pour dire justement au ministre qu'il n'a...

M. Pagé: Que vous ne faites pas de "filibuster".

M. Brassard: Bien voilà.

M. Pagé: Ne me faites pas rire! Pour le bénéfice du Journal des débats, je ris à gorge déployée.

M. Brassard: Nous ne faisons pas un "filibuster" et, justement, la meilleure preuve que nous n'en faisons pas un, c'est que nous n'avons pas utilisé la procédure et les motions dilatoires qu'il vient de mentionner.

M. Pagé: Bon, alors, continuez, vous êtes bien partis.

M. Brassard: ...et qui sont contenues dans notre règlement. Ce que nous voulions, c'est la mise en place d'une commission mixte; malheureusement, vous n'avez pas accédé à notre demande. Mais là, nous revenons avec une motion, disons, plus traditionnelle sur des consultations particulières.

M. Pagé: Au cas où, dans votre carrière dans l'Opposition, qui, je l'espère, vous permettra d'acquérir une bonne expérience pendant plusieurs années, vous vous décideriez à faire un véritable "filibuster", gardez-la en note celle-là.

M. Brassard: Nous la connaissions déjà, mon cher député de Portneuf.

M. Pagé: Ah! Grand bien vous fasse, je m'excuse donc.

M. Brassard: Parce qu'en ce qui concerne les "filibusters", nous en avons déjà conduit quelques-uns depuis trois ans, et des vrais.

M. Pagé: Ah oui?

M. Brassard: Mais ils se terminent toujours par une méprisante motion de guillotine, ou de bâillon, ou de clôture imposée...

M. Pagé: Que vous utilisiez allègrement lorsque vous y étiez.

M. Brassard: ...par le gouvernement, au mépris de la démocratie...

M. Pagé: La plus élémentaire.

M. Brassard: ...et des droits fondamentaux du Parlement. Avec la différence que - et on le verra dans le cas du projet de loi 34 - la commission, maintenant, n'a même plus à siéger pour se faire imposer le bâillon. Elle se fait imposer une clôture alors même qu'elle ne siège pas sur le projet de loi concerné; ce sera le cas pour le projet de loi 34. C'est une méthode de travail expéditive, mais...

Alors, je pense que nous connaissons fort bien les tenants et aboutissants de ce qu'on appelle un "filibuster", puisque nous en avons conduit quelques-uns, mais, dans le cas du projet de loi 100, je pense que nos intentions sont louables, que notre bonne foi ne peut être mise en doute. Il ne s'agit pas d'un "filibuster"; il s'agit tout simplement d'exprimer, avant d'aborder l'article 1, des exigences raisonnables et, je dirais, minimales, quand il s'agit d'étudier un projet de loi de cette importance.

Le Président (M. Richard): Votre motion, M. le député de Lac-Saint-Jean, est tout à fait recevable. Vous avez donc la parole pour les 30 prochaines minutes.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Bien. M. le Président, nous aurions souhaité, je me permets de l'exprimer d'entrée de jeu, faire preuve, à l'occasion du projet de loi 100, d'un peu plus d'originalité et, à tout le moins, envisager de recourir à l'une des possibilités que nous offre le règlement, soit celle de mettre sur pied une commission mixte. L'idée nous vient d'ailleurs des unions du monde municipal, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec de même que l'Union des municipalités du Québec suggéraient au ministre, dans une lettre qui lui était adressée, en date du 21 novembre 1988, de mettre sur pied une commission mixte, regroupant les membres de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et les membres de la commission de aménagement et des équipements, qui aurait entrepris l'analyse et l'étude du projet de loi 100 à cause des effets et des impacts de la loi 100, non seulement en matière de protection du territoire agricole, mais également en matière d'aménagement du territoire.

Je vous lis un extrait de la lettre de ÏUMRCQ et de l'UMQ qui était adressée au ministre. Je cite: "La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a confié aux instances municipales un mandat d'aménagement du territoire québécois, fonction qui a prêté à divers malentendus, compte tenu des imprécisions de la législation. Dans cette perspective de longue date, les porte-parole du monde municipal revendiquent l'harmonisation de cette loi et de la Loi sur la protection du territoire agricole. Le projet de loi 100 ne répond pas à cette attente." On continue en disant: "En fait, les propositions du texte viennent cumuler les difficultés puisque la constitution de secteurs exclusifs regroupant essentiellement les meilleures terres agricoles est confiée à la Commission de protection du territoire agricole du Québec sans consultation des instances municipales et sans référence aucune au schéma d'aménagement que le gouvernement vient pourtant de sanctionner comme base de la planification du territoire."

Je ne vous dis pas que je suis pleinement d'accord - ce n'est pas ce que je veux dire - avec les arguments avancés par les deux unions du monde municipal, mais il me semble qu'il y a, de toute évidence, concernant ce projet de loi, des dimensions de protection du territoire agricole, bien sûr, mais aussi des dimensions d'aménagement, et on pourrait même ajouter des dimensions environnementales. Par conséquent, partant de là, l'idée de constituer une commission mixte réapparaissait une piste intéressante et on aurait dû à tout le moins envisager de s'y engager. C'était le sens de ma première motion. J'accepte la décision du président qui la refuse en se fondant sur le règlement. Je ne remets pas en question cette décision, j'exprime simplement le fait que nous aurions pu nous engager dans cette voie et que cela aurait permis une étude peut-être plus approfondie du projet de loi 100. Puisque c'est mis de côté, il faut maintenant en venir à l'idée fort simple de consultation particulière.

Le ministre lui-même et nous aussi de notre côté, je pense qu'on s'entend au moins sur une chose. Il y a au moins un consensus sur une chose. On s'entend pour dire que le projet de loi 100 est une loi importante, une loi majeure qui apporte des modifications à une grande loi, la Loi sur la protection du territoire agricole. Puisque c'est une loi importante, puisque c'est une loi qui apporte des modifications substantielles à la Loi sur la protection du territoire agricole, il m'apparaît plus que souhaitable, je dirais nécessaire et impérieux, qu'avant d'aborder l'étude détaillée du projet de loi, on puisse procéder à une consultation particulière et consacrer quelques heures à entendre des groupes concernés directement par cette loi, des intervenants directement touchés par cette loi et, au premier chef, bien sûr, la Confédération de l'union des producteurs agricoles, l'UPA.

Comment peut-on sérieusement adopter un projet de loi de cette nature et de cette ampleur sans le faire précéder d'une consultation, sans entendre le témoignage d'un intervenant aussi concerné que l'UPA? D'ailleurs, le ministre le reconnaît lui-même d'une certaine façon parce qu'il a dit cet après-midi, dans son intervention, à propos du mécanisme de révision des zones agricoles: Écoutez, j'ai décrété un moratoire sur l'adoption des décrets et, lorsque je l'ai levé, j'ai pris soin de faire en sorte qu'à toutes les étapes de la négociation, à toutes les étapes des discussions entre la Commission de protection du territoire agricole et les MRC, pour en arriver à la détermination ou à la révision de la zone agricole, on consulte l'UPA. Il faudra que l'UPA soit consultée, N faudra que l'UPA soit partie prenante des négociations, il faudra que l'UPA ne soit pas mise à l'écart, écartée des négociations pour en arriver à la révision du territoire agricole. Je trouve ça tout à fait raisonnable, sage que, à l'occasion de la révision du territoire agricole d'un territoire de MRC, on consulte l'UPA et on implique l'UPA dans le processus de négociation. Je suis d'accord avec ça. Je dis bravo, c'est très bien, M. le ministre, vous avez raison, ce serait anormal que l'UPA ne soit pas impliquée parce qu'elle est directement concernée. Je vous donne raison là-dessus.

L'UPA est consultée en matière de révision et de négociation pour en arriver à la révision du territoire agricole. Pourquoi l'UPA ne serait-elle pas consultée quand il s'agit de modifier de façon substantielle la Loi sur la protection du territoire agricole? Il me semble que la sagesse devrait vous inciter là aussi, comme elle vous a inspiré dans le cas du processus de révision du territoire agricole, et vous devriez convenir que, oui, B faudrait procéder à une consultation particulière et, oui, il faudrait entendre à tout le moins l'Union des producteurs agricoles.

Quand on regarde ce qui s'est passé au cours des derniers mois, j'en parlais tout à l'heure, on a vu que ce sont des producteurs agricoles qui ont manifesté du mécontentement ou de l'insatisfaction à l'égard de certaines décisions de la Commission de protection du territoire agricole ou à l'égard du résultat ou du fruit de la négociation entre la CPTA ou telle et telle MRC. L'UPA a manifesté du mécontentement. Par conséquent, l'UPA, avec raison, se sent touchée, directement concernée par tout ce qui concerne la protection du territoire agricole.

Voilà qu'il y a une loi, le projet de loi 100, qui a pour objet d'amender, de modifier - pas par des amendements de forme, ce sont des modifications substantielles - la Loi sur la protection du territoire agricole, et on ne jugerait pas utile d'entendre l'UPA, on ne jugerait pas utile de l'inviter - pas de la convoquer, j'allais dire de la convoquer - à venir ici s'asseoir à la table des témoins et dire ce qu'elle pense de ce projet de loi, nous exprimer ses accords ou ses désaccords, ses réticences, ses réserves sur l'ensemble des dispositions du projet de loi 100? il me semble que ce serait là quelque chose de tout à fait normal et raisonnable. Je n'arrive pas à imaginer qu'on va rejeter cette motion. Je suis persuadé qu'elle sera adoptée unanimement, d'autant plus qu'elle est raisonnable. (21 heures)

Vous m'excuserez, j'aurais pu, comme c'a été le souhait exprimé dans plusieurs régions du Québec, ajouter à la Confédération de l'union des producteurs agricoles les fédérations régionales et cela aurait été intéressant d'entendre les fédérations régionales, parce que les fédérations régionales, ce sont elles qui ont davantage vécu les problèmes de dézonage. Elles ont vécu cela sur le terrain, elles sont en liaison plus étroite avec les syndicats de base. Donc, elles ont vécu vraiment des problèmes concrets dans plusieurs régions du Québec. Mais non, je me contente d'inviter la Confédération de l'union des producteurs agricoles qui, évidemment, est en mesure de s'exprimer au nom de toutes les fédérations régionales.

Je sais bien que le ministre me dira sans doute: Écoutez, l'UPA a manifesté son accord avec le projet de loi. Il l'a indiqué en Chambre. Je pense qu'il l'a indiqué aussi cet après-midi. L'UPA, me dira-t-il, pas besoin de la convoquer, je connais son opinion, je sais que l'UPA est d'accord avec l'essentiel du projet de loi. Je ne veux pas mettre la parole du ministre en doute, je ne veux pas mettre non plus la parole de M. Proulx, le président de l'UPA, en doute, mais je ne détesterais pas que M. Proulx et ses collègues de l'exécutif de l'UPA viennent nous indiquer de façon plus explicite, plus détaillée leur position sur le projet de loi 100. Peut-être qu'ils vont exprimer leur accord général, mais peut-être aussi qu'ils ont sur un certain nombre de dispositions du projet de loi plusieurs réserves, plusieurs réticences et peut-être aussi certaines recommandations à exprimer concernant les dispositions du projet de loi 100. Je donne deux exemples: le Tribunal d'appel. Est-ce que l'UPA est d'accord avec la mise en place d'un tribunal administratif nouveau, autonome, distinct de la commission? Il serait peut-être intéressant de le savoir. Quelle est son appréciation du mécanisme d'appel qui a été mis en place en 1985 à l'intérieur même de la commission? Quelle est leur appréciation sur ce mécanisme? Est-ce qu'ils jugent utile de créer un nouveau tribunal administratif complètement distinct et autonome par rapport à la commission? Cela m'apparaîtrait intéressant de l'interroger là-dessus et d'échanger quelque temps sur cette question-là.

Il y a une autre question importante sur laquelle j'aimerais qu'elle se prononce dans le projet de loi 100. On sait que désormais un commissaire seul va examiner les demandes et en disposer contrairement aux mécanismes de la procédure de la loi actuelle qui prévoient au moins deux commissaires pour examiner et décider d'une plainte, et même parfois trois commissaires, quand il s'agit d'un dossier important. Là, dans la loi actuelle, ce ne sera plus désormais qu'un seul commissaire qui examinera les demandes et qui prendra une décision, tout seul. Je ne suis pas certain que l'UPA soit d'accord avec une disposition comme celle-là. Je trouverais utile que l'UPA nous exprime son point de vue sur les dispositions du projet de loi 100 concernant la prise de décision par un seul commissaire plutôt que par deux.

Il y a bien d'autres dispositions. C'est un projet de loi quand même très substantiel. Que pense l'UPA du "commissaire aviseur"? Elle a déjà exprimé son point de vue, elle semble d'accord avec cela. Est-ce qu'elle juge que le "commissaire aviseur" dispose des pouvoirs suffisants? Est-ce qu'elle a des recommandations à faire à ce sujet? Il y a également toute la question de l'immunité. Il semble que cela donne satisfaction à l'UPA, mais ce ne serait pas sans intérêt de lui demander ce qu'elle en pense.

En d'autres termes, je pense que l'UPA a eu des commentaires très brefs sur le projet de loi 100. On a évidemment décodé ces brefs commentaires en disant qu'elle était d'accord avec l'essentiel du projet de loi 100. Mais, à cause de la brièveté de ces commentaires, il me semble qu'on ne peut pas entamer l'étude détaillée d'un projet de loi de cette importance sans avoir un échange, sans entamer, pendant quelque temps, un dialogue avec l'organisme représentatif des producteurs agricoles, en l'occurrence, l'UPA. Ce sont là, je pense, des raisons difficiles à contester.

Sur des projets de loi beaucoup moins importants que celui-là, le gouvernement ou d'autres ministres ont jugé bon de tenir des consultations particulières, mais aussi, sur d'autres projets de loi importants, plusieurs ministres du même gouvernement ont jugé utile de tenir

des consultations particulières. Je pense, par exemple, au ministre de l'Éducation, avec les projets de loi 107 et 106 concernant l'instruction publique. On n'a pas eu besoin de faire une bataille tous azimuts pour convaincre le ministre Ryan que c'était absolument essentiel, avant de procéder à l'étude détaillée, d'entendre les grands intervenants scolaires qui sont peu nombreux. C'est un monde organisé et cela s'est fart d'un commun accord. On n'a pas eu besoin de beaucoup d'efforts pour convaincre le ministre de l'Éducation. Il a jugé essentiel que, pour un projet de loi de cette envergure, 700 articles, un projet de loi qui portait sur l'ensemble de l'éducation au Québec, c'était important d'entendre les commissions scolaires, c'était important d'entendre les directeurs généraux des commissions scolaires, la CEQ, etc. Et cela s'est fait. Il y a eu des consultations particulières et, une fois les consultations particulières terminées, la commission s'est engagée dans la voie de l'étude détaillée du projet de loi. Cela s'est fait normalement. Je pense qu'ils ont adopté au-dessus de 300 articles et ils ont eu le point de vue des grands intervenants scolaires. C'est comme cela que cela s'est passé et je pense que c'est comme cela que cela doit se passer quand on est en face d'un projet de loi important. On doit préalablement entendre les grands intervenants concernés, c'est la moindre des choses. Je dirais que c'est un minimum de respect qu'on doit avoir à l'égard des intervenants concernés. Je pense que cela fait partie de nos traditions et de nos comportements démocratiques. On ne peut pas légiférer en vase clos. On ne peut pas légiférer en coulisse sans permettre aux intervenants de se faire entendre, sans qu'on puisse les écouter et connaître leur point de vue. Cela ne veut pas dire qu'on va accéder à toutes leurs demandes, à toutes leurs revendications. Ce n'est pas cela que cela signifie. D'ailleurs, cela ne s'est jamais soldé de cette façon, une consultation particulière, mais cela permet parfois de donner un meilleur éclairage aux membres de la commission. Cela permet parfois de mieux faire comprendre certaines dispositions du projet de loi. Et cela permet aussi parfois de corriger, d'amender, de modifier et d'améliorer le projet de loi qui est devant nous.

Je pense que ce serait important que l'Union des producteurs agricoles se fasse entendre. On pourrait lui accorder une heure, une heure et demie; ça pourrait être demain ou au début de la semaine prochaine, et on en aurait le coeur net. D'autant plus, M. le Président, qu'on sait que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation devait, à la suite d'un mandat qu'elle s'était elle-même donné, examiner toute la question du zonage agricole, toute la question de la protection du territoire agricole, et nous avions déjà, dans une séance à huis clos, reçu et entendu le président, M. Blais, de même que plusieurs des commissaires de la commission, et ça avait été très utile et très instructif, mais ça devait être suivi également de séances publiques de la commission, comme c'est normal qu'elle le fasse. Les séances à huis clos, je ne pense pas qu'on doive les multiplier; c'est une façon très particulière de fonctionner. Normalement, une commission parlementaire doit fonctionner publiquement. Cela devait être suivi de séances publiques de la commission où, là, on aurait entendu les intervenants intéressés par la question du zonage agricole, y compris l'UPA, les fédérations régionales, les unions municipales, sans aucun doute Cela devait se faire. Ça va devoir se faire à un moment donné parce que c'est un mandat que la commission s'est donné unanimement. À moins qu'on ne change ce mandat, il faudra qu'on le respecte à un moment ou à un autre.

On n'a pas pu le faire. Si on avait pu remplir ce mandat, on aurait au moins entendu la plupart des intervenants concernés. On n'a pas pu le faire, de sorte qu'on se retrouve maintenant avec un projet de loi important, modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, et on n'a pas eu l'occasion, à aucun moment, d'entendre les intervenants et, au premier chef, l'Union des producteurs agricoles.

Le ministre pourra me dire: Écoutez, je les ai consultés. Je ne mets pas sa parole en doute, il les a sans doute consultés, il a sans doute discuté avec la direction de l'UPA dans son bureau ou ailleurs, mais ça s'est fait, comment dire, à huis clos, ça ne s'est pas fait publiquement. Ce n'est pas connu, ce sont des discussions normales qui se font quand on prépare un projet de loi de cette importance, mais il ne faut pas que ce soit considéré par la commission parlementaire comme étant une véritable consultation. Le ministre a consulté, je veux bien, mais la commission parlementaire n'a pas consulté, c'est différent. Le ministre est détenteur du pouvoir exécutif. C'est l'exécutif qui a consulté; le législatif, lui, en l'occurrence la commission parlementaire, n'a pas consulté. On n'a entendu personne, sauf, à l'occasion d'une séance à huis clos, des membres de la Commission de protection du territoire agricole, mais on n'a entendu personne, aucun des intervenants sur cette question.

Donc, on ne doit pas confondre les choses. Les consultations à huis clos du pouvoir exécutif en regard d'une loi ou d'un projet de loi, c'est une chose; les consultations publiques d'une commission parlementaire intéressée par un projet de loi, c'est une autre chose, et cette consultation publique n'a pas eu lieu. (21 h 15)

Je trouverais indécent, inconvenant, irraisonnable que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation étudie et adopte le projet de loi 100 sans avoir entendu les grands intervenants concernés par cette question. Je trouverais ça Inconvenant et cela m'apoaraîtrart être une entorse grave à une procédure régulière et normale en matière d'adoption et d'étude de

projet de loi. Par conséquent, j'espère et je souhaite que les membres de cette commission accèdent à cette demande raisonnable et en arrivent à appuyer unanimement cette motion pour qu'on puisse, après cela, s'entendre sur un moment où il conviendrait de les entendre. Cela pourrait se faire très rapidement en début de semaine. Je pense que, comme c'est une consultation particulière, il n'est pas nécessaire de respecter les délais de 30 jours, d'autant plus que ce sont là des organismes familiers avec le projet de loi, avec la question; ils sont habitués à traiter de cette question-là presque quotidiennement; alors, ils n'ont pas besoin d'un long temps de préparation. On pourrait même les convoquer dès ce soir et ils seraient en mesure de nous dire ce qu'ils en pensent et d'exprimer leur opinion sur la question. Donc, on n'a pas besoin d'un long délai entre le moment où on décide de les inviter et le moment où on pourrait les entendre. On pourrait donc, dès le début de la semaine prochaine, dès lundi, commencer à échanger avec l'Union des producteurs agricoles pendant quelque temps et, ensuite, je pense qu'on serait davantage en mesure d'aborder l'étude détaillée du projet de loi. On serait mieux éclairés ou, en tout cas, on connaîtrait davantage l'opinion de l'UPA.

Je vous avoue que les quelques commentaires très brefs que M. Proulx a exprimés sur le projet de loi 100, je vous le dis tout net, ne me donnent pas satisfaction. C'est trop bref, c'est trop court. Je pense que je l'ai entendu à la télévision déclarer: Oui, c'est un projet intéressant qui répond à plusieurs de nos attentes. Je pense que c'était à peu près le commentaire de M. Proulx. Je le dis, c'est un peu court. C'est un signal, c'est un message. On a une idée de ce qu'il pense du projet de loi 100, mais je pense qu'il faut aller plus loin avec l'Union des producteurs agricoles; il faut approfondir, il faut en savoir davantage. Il faut qu'elle nous exprime une opinion plus étoffée, plus articulée, ce dont elle est évidemment capable, mais encore faut-il qu'on lui donne l'occasion de le faire. Comment peut-elle avoir l'occasion de le faire si la commission parlementaire ne lui fournit pas cette occasion lors d'une consultation particulière? C'est prévu dans nos règles, c'est prévu dans nos règlements et je ne vois pas pourquoi, par conséquent, M. le Président, on n'adopterait pas cette motion fort raisonnable afin d'entendre la Confédération de l'union des producteurs agricoles. Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je cède la parole à M. le député de Duplessis. Vous avez dix minutes pour vous exprimer, s'il vous plaît.

M. Denis Perron

M. Perron: M. le Président, il est extrêmement dommage de voir que les ministériels n'interviennent pas plus qu'il ne le faut face aux motions que nous déposons au cours de cette commission parlementaire. Je conviens qu'il semble effectivement y avoir un consensus établi au Parti libéral quant au projet de loi que nous avons devant nous et que nous devons éventuellement étudier en commission parlementaire.

M. le Président, cette motion du député de Lac-Saint-Jean propose que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 100, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et, à cette fin, qu'elle entende la Confédération de l'union des producteurs agricoles.

M. le Président, je dois d'abord vous avouer que le comté de Duplessis n'est pas un comté extrêmement agricole et, si Mme la députée veut intervenir, elle n'a qu'à s'asseoir, je lui donne mon droit de parole et elle peut intervenir de la façon qu'elle voudra. Je demande qu'elle me laisse parler puisque c'est moi qui ai le droit de parole actuellement.

M. Pagé: Et qu'elle vous écoute religieusement.

M. Perron: Et qu'elle m'écoute religieusement, comme dit le ministre de l'Agriculture. Comme je le disais tout à l'heure, il est vrai que le comté de Duplessis n'est pas un comté extrêmement agricole parce qu'on a surtout des zones blanches dans le comté de Duplessis, mis à part quelques petits secteurs qui sont identifiés comme étant des zones vertes.

Mais il reste quand même que, pour nous, dans le comté de Duplessis, et face aux électeurs et aux électrices que je représente, qui sont extrêmement bien informés de la situation dans l'ensemble du Québec, je crois que ces personnes voient avec beaucoup d'intérêt, dirais-je, que le député de Duplessis intervienne pour que l'Union des producteurs agricoles soit amenée devant cette commission parlementaire. Bien sûr, M. le Président, si nous voulons que l'Union des producteurs agricoles vienne devant cette commission parlementaire, il faut absolument ouvrir la porte pour permettre d'entendre certains intervenants et certaines associations afin que ces associations et ces intervenants puissent faire valoir leurs points de vue durant la commission parlementaire et qu'on puisse définitivement entendre ces personnes face au projet de loi qui modifie substantiellement la Loi sur la protection du territoire agricole.

M. le Président, lorsqu'on regarde ce qui se passe actuellement à l'Assemblée nationale, et ce depuis trois ans - peut-être que de l'autre côté ça va rire un peu moins - et dans cet édifice du parlement, on s'aperçoit qu'à plusieurs reprises, lorsque nous avons demandé en tant que membres

de l'Opposition, lorsque des associations qui sont de l'extérieur du parlement ont demandé de se faire entendre lors de commissions parlementaires face à des projets de loi qui sont extrêmement importants pour la collectivité du Québec, on se rend compte que, de ta part de ce gouvernement libéral la transparence n'existe pas. On se rend compte que de la part de ce gouvernement libéral, non seulement la transparence n'existe pas, mais la démocratie en prend pour un coup.

Lorsque la démocratie en prend pour un coup, on se doit, en tant que représentants élus dans certains comtés du Québec, en tant que membres de cette collectivité québécoise, de se poser de sérieuses questions quant à certaines attitudes qui sont mises en place, et ce systématiquement, par le gouvernement. Lorsqu'on parle de l'Union des producteurs agricoles, par exemple, qui représente plus de 40 000 personnes au Québec, qui représente plus de 90 % des quelque 47 000 ou 48 000 entreprises du Québec, je crois qu'on n'a pas le droit de les mettre de côté, même si l'Union des producteurs agricoles est d'accord en principe avec le projet de loi et, là-dessus, je peux vous dire que l'Union des producteurs agricoles en étant favorable se dit satisfaite du projet de loi communément appelé le projet de loi Pagé.

Par contre, l'Union des producteurs agricoles mentionne dans un article du journal du jeudi 17 novembre 1988: Nous sommes à scruter le projet de loi. La loi nous apparaît renforcée, mais c'est évidemment dans son application qu'on verra la volonté politique. C'est une déclaration qui a été faite par le président de l'UPA, M. Jacques Proulx. Moi, M. le Président, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de rencontrer le président de l'UPA, M. Proulx, et je peux vous dire que lorsque je l'ai rencontré, il n'était pas nécessairement d'accord avec l'ensemble des politiques gouvernementales. Il a son propre point de vue en tant que président de l'UPA. Cependant, cela ne veut pas dire que les quelque 40 000 membres et plus qu'il représente sont parfaitement d'accord avec le président lui-même. Je voudrais bien entendre aussi certains représentants et représentantes de l'UPA de différentes régions du Québec qui pourraient nous donner leur point de vue face à la position du président. Pour moi, comme il est extrêmement important de voir que l'Union des producteurs agricoles regroupe un si grand nombre de petites entreprises qu'on appelle communément des PME, qui ont démontré au cours des quinze dernières années la capacité de l'autosuffisance du Québec dans certains domaines de l'agriculture, soit pour le lait, les légumes ou les fruits qu'on retrouve dans certaines régions du Québec, lorsqu'on regarde aussi le fait que ce sont des entreprises dites familiales, je ne vois pas pourquoi le gouvernement libéral, en particulier le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ne permettrait pas que l'on puisse entendre l'Union des producteurs agricoles lors de cette commission parlementaire.

Si on veut s'en sortir avec un projet de loi extrêmement potable, un projet de loi qui va faire l'affaire de l'ensemble de la collectivité du Québec et, bien sûr, de l'ensemble des producteurs et productrices, M faut que ces personnes soient entendues et qu'on en arrive à avoir un projet de loi qui fait l'affaire d'à peu près tout le monde, donc, avec un consensus extrêmement généralisé. Je ne crois pas que ce soit avec l'attitude du gouvernement actuel qu'on va y arriver, parce que ce gouvernement, et ce en l'espace de deux jours, nous a organisés, ce qu'on appelle dans le jargon parlementaire, avec la guillotine sur deux projets de loi. On en a eu un hier et on en a un autre demain. Même, je ne suis pas sûr que les ministériels, les gens qui sont en face et qui, actuellement, font du placotage face à ce que je dis, soient d'accord avec ce qui se passe, mais ils marchent dans le dessein du gouvernement.

Compte tenu du fait qu'y est extrêmement important que cette commission entende différentes instances qui... Compte tenu du fait qu'il est nécessaire que nous entendions, lors de cette commission parlementaire, plusieurs associations et plusieurs personnes, je suis assuré que certains collègues du côté de l'Opposition vont enchaîner avec moi et donner suite aux propos qui ont été tenus par le critique de l'Opposition officielle en matière d'agriculture, le député de Lac-Saint-Jean. C'est pourquoi je donne la parole à M. le Président pour que vous puissiez la donner à une autre personne de notre côté, parce que les libéraux ne veulent pas parler.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Duplessis. Je donne donc la parole au député de Mercier. Vous avez dix minutes, M. Godin, pour vous exprimer.

M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, je vous en remercie profondément. Maintenant, tout à l'heure, j'ai entendu le ministre de l'Agriculture faire état de ses nombreuses rencontres. Il me fait penser un peu au jeune Werther dans les poèmes - est-il Goethe ou Schiller, chers collègues - rencontrant son amoureuse...

Une voix: Goethe. (21 h 30)

M. Godin: C'est Goethe. Rencontrant donc des préfets de comté, un tas de personnes dans le paysage, mais il aurait fallu les convoquer ici au parlement, là où la politique au Québec se déroule. Là, nous sommes en face d'un droit nouveau, un droit nouveau consistant à tenir des commissions parlementaires privées. J'aimerais que vous me disiez si ça vaut autant qu'une commission parlementaire réelle, avec l'Opposition qui s'exprime et les deux partis au Parlement, posant des questions et interrogeant les

conseillers de ces groupes. L'UMRCQ, nous venons de voir M. Nicolet qui nous avouait, dans l'entrée du parlement tout à l'heure, avoir demandé au ministre une commission parlementaire. Et le ministre a dit: Non, une rencontre privée, ça va suffire puisque je suis assez brillant pour couvrir les questions des deux parties. Il y a une règle en droit, Me Pagé... M. le Président, il y a une règle en droit...

Une voix: Vous n'avez pas le droit. M. le ministre...

M. Godin: ...qui dit: Audi alteram partem, entends l'autre partie. Je pense qu'en l'occurrence nous sommes la deuxième partie et on devrait nous permettre de s'exprimer, nous aussi, face à l'UMRCQ, face à l'UPA, face aux groupes que le ministre rencontre privément dans des conditions et dans des lieux inconnus de nous, et où le ministre a tout le loisir de couvrir tout le paysage qu'il veut sans que personne puisse le contester, ni poser les questions qui intéressent peut-être les gens du Québec. Dans ce sens-là, c'est non seulement du droit nouveau, mais c'est du droit antiparlementaire, M. le Président. C'est du droit qui met en péril l'avenir du Parlement du Québec, à mon avis, parce que ça donne aux gens l'impression qu'au Québec tout se règle entre le ministre et les groupes, en dehors de l'Opposition.

Nous, si on avait fait ça à l'époque... J'ai déjà été ministre, M. le Président, et je me souviens qu'on avait fait une commission sur la loi 101, le projet de loi 57, et on avait rencontré pendant des mois avant que la loi soit déposée les groupes, Alliance Québec, et tutti quanti, nommez-les, ils étaient tous là. Mais ça n'a pas empêché que, le jour venu, nous convoquions une commission parlementaire digne de ce nom avec, en face de nous, les députés et les ministres que vous connaissez qui vont peut-être démissionner bientôt si la Cour suprême ne leur donne pas satisfaction. Ces gens-là ont pu s'exprimer pendant des mois face à nos invités, comme porte-parole des groupes menacés ou qui voulaient des changements ou pas de changement. Donc, la démocratie s'est exercée totalement au Québec là-dessus et je pense qu'un Parlement, c'est ça, M. le Président. Et toute autre pratique qui consisterait en ce que le ministre rencontre privément, dans son bureau, les gens avec lui seul comme porte-parole, loin de l'Opposition, en cachette, je dirais, laisse prévoir le pire pour ces groupes-là et leurs objectifs face à une loi semblable et surtout je crains le pire par rapport au parlementarisme québécois.

Donc, je dis que cette motion a au moins l'avantage de rappeler au ministre que nous voudrions nous aussi entendre ce que les invités de leur côté voudraient lui dire parce qu'on a des questions à leur poser nous aussi. Nous voulons savoir, nous aussi, s'ils sont satisfaits du fait qu'un seul commissaire peut maintenant entendre les causes ou leur demander si le tribunal d'appel les satisfait, le tribunal qu'on appelle "rouge" dans mon comté de Mercier, parce qu'il est composé d'anciens chefs de cabinet des ministres libéraux du passé, M. Lévesque, M. Ryan, et tutti quanti encore une fois. Donc, je me demande si un tel tribunal d'appel peut être sensible à la réalité vécue par les fermiers du Québec, et nous sommes sûrs que cette procédure mènera à des impasses.

Pour avoir été ici pendant treize ans, M. le Président, je vous dis que l'Opposition, face à toute loi, a un rôle à jouer et le député de Portneuf le sait très bien, il a joué ce rôle-là pendant des années et il a aidé le gouvernement, souvent, à améliorer ses lois. Je lui dis en toute modestie qu'il serait peut-être temps qu'il s'ouvre les yeux. J'ai entendu cet après-midi son cantique, regret éternel, sur sa position il y a six ans sur la loi 90. Regret éternel, c'est bien beau, mais je dis: Comme il est encore député aussi, il devrait se souvenir qu'il y a des règles parlementaires qui disent que l'Opposition a un rôle à jouer et que ce qui sort d'ici n'est pas nécessairement des bêtises et que les questions qu'on veut poser aux groupes convoqués par le ministre seront peut-être utiles au gouvernement et surtout au Québec. "God bless you", M. le Président, comme on dit à la Cour suprême.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin: Donc, M. le Président, je pense que cette motion-là est fondée dans la tradition la plus profonde du parlementarisme québécois. Et moi, j'ai appris ici, en arrivant comme député, jeune député, moi aussi, M. le député de Port-neuf; il y a quelques années, il y a déjà treize ans, j'avais des préjugés, j'avais des clichés dans la tête, j'avais toutes sortes d'idées farfelues, comme disent certains de vos collègues, ou saugrenues, et aujourd'hui je me rends compte que l'Opposition a un rôle essentiel à jouer. Et je m'étonne...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...les agriculteurs...

M. Godin: Et je m'étonne... Le député prend la parole sans votre permission, M. le Président, et ça m'étonne beaucoup de sa part parce qu'avec le nom qu'il porte je sais qu'il a beaucoup d'avenir. Je peux vous dire que, dans mon comté de Mercier, on consomme les produits de la terre, M. le Président, en grande partie, et qu'il y a deux abattoirs dans mon comté de Mercier où vient se faire débiter en morceaux, pour la consommation du ministre et de ses collègues, la viande qui est produite dans les terres 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 que le ministre veut rendre aux spéculateurs grecs, hollandais et allemands qu'on a connus dans le passé. Et, pour toutes ces raisons-là, M. le Président, je pense

qu'H est temps que nous entendions, pas seulement le ministre... Pas du tout, madame. Je fais un constat économique parce que je l'ai vu dans mon comté de Mercier et autour de Saint-Hubert, Saint-Lambert et LongueuN... Vous, à l'époque, je ne sais pas où vous étiez, mais... Ce n'est pas nécessaire de dire qu'il y a des spéculateurs qui achètent des terres qui viennent de Grèce, de Hollande et d'Allemagne. Ce sont des faits connus par le ministre lui-même. N'Importe qui qui ne sait pas ça, à mon avis, ne sait pas ce qui se passe au Québec.

Donc, je poursuis, M. le Président, sans me laisser interrompre par aucun membre du poulailler libéral d'en face... C'est encore Ti-Gilles qui s'agite! Pourriez-vous, M. le Président, le ramener à la dignité d'un Parlement parce qu'ici ce n'est pas une place où on rote et où on pète. C'est une place où on s'exprime. Et, s'il n'est pas sérieux, mettez-le dehors de cette salle-ci parce que je veux travailler sérieusement.

M. Pagé: Qu'est-ce qui arrive? Tout est calme.

M. Godin: Non.

Le Président (M. Richard): II y a eu un petit problème d'isolation. Vous avez la parole, M. le député de Mercier.

M. Pagé: Je ne vois personne faire du trouble.

M. Godin: Le ministre est non seulement aveugle mais sourd en plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: M. le Président, est-ce que je peux lui demander ce qu'il nous dit?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Godin: Je comprends que dans sa position il a intérêt à être sourd et aveugle, mais enfin la vérité a ses droits. Je continuerai à faire ma part pour tenter d'amener le ministre à un comportement démocratique dans ce Parlement. Le passé a démontré que l'Opposition à l'époque où il était dedans avait un rôle à jouer et qu'on les a respectés comme Opposition officielle, M. le Président. On les a même écoutés. On a fait des amendements à la suite de leurs propositions quand elles étaient valables. Et tout ce que nous souhaitons, c'est qu'à notre tour nous soyons aussi respectés qu'ils le furent à l'époque et que, quand nous disons que l'UPA doit être entendue ici, mais pas en privé dans les cabinets de ministres ni dans les antichambres de ministres sur lesquels certains poèmes furent écrits il y a quelques années... M. le député de Lac-Saint-Jean, vous vous en souvenez? Je ne les citerai pas ici pour ne pas déplaire aux oreilles fragiles de mon collègue de Nicoiet, ancien maire de Bécancour. Je ne me souviens pas. M. le Président.

Tout ce que nous souhaitons c'est que le Parlement recouvre ses droits, c'est-à-dire entende, comme commission parlementaire, avec les droits des uns et des autres et dans les règles généralement admises dans un Parlement, les principaux intervenants dans ce dossier, M. le Président, dans le respect de leurs droits, mais surtout à la recherche des solutions les meilleures pour le peuple du Québec, agriculteurs, producteurs agricoles, productrices et autres, également l'UMRCQ, l'UMQ et autres intervenants dans le domaine de la zone d'aménagement.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, nous insistons pour que l'UPA puisse être entendue en commission parlementaire, dans les règles parlementaires qui, pour moi, sont aussi sacrées que n'importe quelles règles des droits de la personne comme on dit dans ce parti en face de nous. Les droits de fa personne passent aussi par un Parlement démocratique, passent aussi par des commissions parlementaires et passent aussi par le règlement de la commission parlementaire et du Parlement du Québec. Donc, M. le Président, si on est sérieux, il faut cesser de rencontrer des groupes privément, en dehors de l'interrogation que l'Opposition se pose sur certaines lois et que nous puissions enfin faire valoir ce que nous croyons être l'intérêt supérieur du Québec, c'est-à-dire la protection du territoire qui permet au Québec d'être autant que possible autosuffisant et de pouvoir disposer de ses surplus sur les marchés où ils peuvent être vendus. C'est aussi simple que ça

Par conséquent, je rappelle au ministre actuel, qui fut député dans l'Opposition lui aussi, qu'un Parlement fonctionne mieux quand tout le monde y est respecté. M. le Président, je passe la parole a un collègue. Je ne sais lequel.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): Merci. M. le député de Mercier....

Une voix: Très bien, Gérald.

M. Perron: C'est quoi le tocsin qu'on entend, M. le Président. C'est le vôtre ça?

Le Président (M. Richard): C'est le nôtre. On a deux, trois appareils...

Une voix: On est même contrôlés.

Le Président (M. Richard): Vous ne faites pas une motion dans ce sens-là, M. le député de Lac-Saint Jean? Ha, ha, ha!

M. Brassard: Non, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Je donne donc la

parole à M. le député de Lévis. Vous avez dix minutes, M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Merci, M. le Président. Quand nous sommes arrivés au Parlement, comme le disait le député de Mercier, nous sommes arrivés en même temps que le président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, M. Nicolet et son épouse. Je lui ai dit qu'on souhaiterait l'entendre en commission parlementaire et entendre les intervenants importants au sujet de la révision de la loi que le ministre veut faire actuellement avec sa Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, qui est aussi appelée An Act to amend the Act to préserve agricultural land. M. Nicolet nous a dit, à ce moment-là, que lui-même aurait souhaité être entendu en commission parlementaire et si possible à une commission parlementaire conjointe avec un autre ministère pour que le débat soit complet.

Une voix: Une commission mixte.

M. Garon: Une commission mixte. J'ai été content d'apprendre que c'était le voeu également de M. Nicolet, président de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. J'aurai l'occasion d'en reparler tout à l'heure.

Maintenant, je vais dire un mot sur la motion qui est actuellement débattue et qui dit que, en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure, la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 100, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, des consultations particulières quant à tous les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Confédération de l'union des producteurs agricoles. Il serait très intéressant de connaître les motifs qui font que le président de l'UPA a donné son appui au projet de loi, alors qu'il ne l'avait pas encore vu. Dans le journal, on a vu que le président de l'UPA était d'accord, mais quitte à ce qu'il étudie éventuellement le projet de loi. Je me suis dit qu'il avait sûrement une connaissance particulière du projet de loi et qu'il serait bon qu'il nous en fasse part, parce que j'ai rarement vu quelqu'un appuyer un projet sans l'avoir vu, alors que, nous-mêmes, on venait de le recevoir à l'Assemblée nationale, on venait d'avoir le dépôt, on ne l'avait pas vu et, normalement, un projet de loi est présenté pour la première fois devant l'Assemblée nationale avant d'être présenté à qui que ce soit. Il serait bon que le président de l'UPA vienne nous expliquer à quel point, pour quelles raisons et dans quel cadre il appuie le projet de loi en présence. J'aimerais savoir s'il l'appuie d'une façon aussi spontannée qu'il a appuyé, par exemple, l'augmentation des minima sur l'assurance-stabilisation dans le porc.

Le ministre voulait économiser de l'argent et l'UPA comprenait et était satisfaite du fait qu'on augmente les minima, même si on se trouvait à désassurer les petits producteurs. Quelques semaines plus tard, avec la même satisfaction, le président de l'UPA exprimait qu'on enlevait les maxima là où cela ne faisait plus économiser de l'argent, quand cela coûtait une fortune; il était toujours aussi satisfait. Je recherche la cohérence dans tout cela. J'ai eu quasiment le sentiment que le président de l'UPA était l'otage du ministre.

M. Pagé: Je ne suis pas assez gros pour cela.

M. Garon: Je me suis dit...

Une voix: C'est l'amour, M. le Président.

M. Garon: L'amour rend aveugle et cela serait bon que le président de l'UPA vienne nous expliquer toute la motivation profonde qui explique cet appui soudain, rapide, incandescent

Une voix: Total.

M. Garon: ...et total, mais qui fait qu'après, par ailleurs, il faut bien le dire, l'exécutif de l'association des producteurs de porc a dû modérer son appui. Le président de l'UPA aussi, parce que la ferme familiale en mangeait un moyen coup, et que toutes les raisons fondamentales qui motivent l'assurance-stabilisation, c'est-à-dire la ferme familiale, trouveraient difficilement justification quant aux appuis donnés. Mais, je me suis dit, il y a un vieux proverbe américain qui dit "When you pay peanuts, you get monkeys"... (21 h 45)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: ...ou encore cet autre proverbe américain qui dit "He who pays the fiddler calls the tune". Alors, je me suis dit qu'il faudrait bien à un moment donné avoir la recette. C'est pourquoi il est important à ce moment que les appuis soient débattus publiquement. Pourquoi l'UPA appuie-t-elle le projet, comme l'a mentionné le président de l'UPA? Ce serait bon de le savoir, de savoir pourquoi, dans quelles conditions, etc. Et, si tous les articles qui sont dans ce projet sont bien connus, comment sont-il connus? Pourquoi l'Union des producteurs agricoles? Le ministre disait tout à l'heure: En 1978, il y a eu protection du territoire agricole phase I et, en 1988, il y a protection du territoire agricole phase II. Je vous ferai remarquer qu'à la phase I il y a eu une tournée dans tout le territoire du Québec, dans les différentes régions du Québec et tous les gens ont pu se faire entendre et dire comment ils voyaient cela. Quand le projet de loi a été déposé, tous les organismes qui ont voulu venir donner leur opinion à la phase I ont pu le faire. Tous les

gens ont pu dire publiquement, enregistré en commission parlementaire, ce qu'ils en pensaient et il n'y a pas eu de cachette, il n'y a pas eu de discussions de fond de corridor ou de chambre d'hôtel. Cela s'est fait publiquement devant tout le monde, pas dans une commission privée mais dans une commission publique. C'est pourquoi nous pensons qu'il est absolument essentiel que tout ce débat-là se fasse pour la plus grande sécurité du public, la connaissance du public et la confiance du public. Le public a le droit de savoir ce qui se passe.

Je peux vous dire que, quand on a fait la révision en 1985, je n'ai pas honte de le dire, on a rencontré tous les groupes et il y a eu un appui de tous les groupes pour la révision de 1985. Pourquoi? Parce qu'on a établi les règles du jeu en rencontrant l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, les membres de la commission. Il y a eu plus d'une rencontre, il y a eu des discussions. Vous avez une expérience de tant d'années maintenant, comment voyez-vous cela, l'UPA? Je dois dire d'une façon générale que les commissaires n'avaient pas d'affaire à vous faire de compliments d'aucune façon. L'UPA n'en fait jamais habituellement. Je suis étonné un peu de cette nouvelle formule, le président félicite beaucoup. Habituellement, il ne félicitait pas, mais il y avait deux demandes et elles avaient été satisfaites. C'était une révision, je pense, à ce moment-là, dans le temps en tout cas, qui répondait à la plupart des débats qui avaient cours alors. Aujourd'hui, le ministre veut faire une nouvelle étape, mais je pense qu'il ne serait pas sain qu'on fasse une nouvelle étape en divisant davantage le monde rural principalement et en divisant même le monde urbain, parce que si on regarde tout cela, actuellement, les gens ont l'air plus divisés que jamais.

C'est pourquoi il est bon d'entendre l'Union des producteurs agricoles, mais pas seulement l'Union des producteurs agricoles. Vous aurez remarqué que dans la loi il y a un rôle important qui est joué par l'Union des municipalités régionales de comté, dans le cadre des schémas d'aménagement, et la révision avait été prévue justement dans le cadre des schémas d'aménagement avec une révision des zones agricoles.

Motion d'amendement proposant d'entendre aussi l'UMRCQ

C'est pourquoi je voudrais présenter, M. le Président, un amendement à la motion qui pourrait se lire de la façon suivante: La motion est amendée par l'addition, à la fin, des mots "et de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec".

Le Président (M. Richard): C'est recevable, M. le député de Lévis. Vous avez donc 20 minutes pour expliciter votre...

Une voix: 30 minutes.

Le Président (M. Richard): C'est un amendement à la motion, donc c'est 20 minutes.

Une voix: Vous arrivez juste à temps, M. Nicolet.

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M. le député de Lévis, sur votre amendement.

M. Garon: Je peux vous dire que ce n'est pas arrangé avec le gars des vues. C'est le hasard le plus complet.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): Cela nous fait plaisir de vous saluer, M. Nicolet, président de l'UMRCQ.

M. Jean Garon

M. Garon: Pourquoi l'Union des municipalités régionales de comté du Québec7 Autant la commission a la responsabilité de protéger les terres agricoles, autant l'Union des municipalités régionales de comté du Québec a le rôle de faire l'aménagement du Québec. Je pense que, dans les orientations qui ont été prises au cours des dernières années - nous l'avons mentionné et le député de Lac-Saint-Jean qui est critique officiel de l'Opposition en matière agricole l'a exprimé - il y a un mélange dans les rôles, une confusion dans les rôles, actuellement, et que chacun ne joue pas le rôle qu'il devrait jouer. Le rôle de l'aménagement dans le territoire, c'est le rôle des municipalités régionales de comté. C'est leur rôle fondamental. C'est pour cela qu'elles ont été constituées et on pense qu'elles doivent jouer ce rôle. On pense que le rôle de la Commission de protection du territoire agricole est de protéger les terres; ce n'est pas de faire de l'aménagement. On l'a dit à plusieurs reprises On a été constants dans cette opinion depuis qu'on évalue la situation actuelle et depuis qu'il y a un changement d'orientation dans toute la question des lois de protection des terres agricoles et d'aménagement du territoire. On pense qu'il n'est pas bon qu'il y ait confusion dans les rôles parce que, s'il y a confusion dans les rôles, les choses ne seront pas bien faites.

Nous pensons que l'Union des municipalités régionales de comté doit s'occuper d'aménagement. Cela ne veut pas dire qu'elle a la liberté totale de le faire, mais on pense que c'est son rôle de s'occuper d'aménagement et qu'une des contraintes dans le cadre de l'aménagement... Je dirais qu'il y a deux grandes contraintes. Il y en a peut-être d'autres, mais il y en a deux grandes, en tout cas, à mon avis: une, c'est la protection des terres agricoles et l'autre, c'est la protection de l'environnement. Ce sont deux

contraintes et, même en faisant de l'aménagement, les municipalités régionales de comté ne peuvent pas ignorer ces deux contraintes qui ont été voulues par des lois particulières du gouvernement pour des fins nationales. Le gouvernement a estimé que la protection des terres agricoles était nécessaire parce qu'elles sont limitées et que la protection de l'environnement était nécessaire parce que, si on ne s'en occupe pas, on va se trouver à peu près dans la même situation que celui qui est propriétaire d'une maison et qui ne s'occupe pas d'aller bûcher son bois l'hiver ou d'acheter de l'huile, mais qu'au cours de l'hiver, commence à débiter sa galerie pour chauffer la fournaise. À un moment donné, il va se retrouver tout seul avec la fournaise et il n'aura plus de maison. On dit qu'on ne peut pas fonctionner de cette façon et qu'il faut que chacun joue le rôle qu'il doit jouer.

Dans les amendements que le ministre présente comme la phase II de la protection des terres agricoles, je pense qu'il doit y avoir la même ouverture d'esprit qu'il y a eu lors de la phase I, afin que chacun vienne discuter de l'ensemble de la question parce que c'est le ministre lui-même qui l'a présentée. Le ministre n'a pas dit: II s'agit d'amendements mineurs; on veut juste faire quelques amendements de concordance, ce n'est pas important. Mais ce n'est pas cela qu'il a dit. Il a dit - je reprends ses paroles - : II y a eu la phase I en 1978 et il y a la phase II en 1988. La phase II en 1988, c'est la deuxième génération. Il a dit: La protection des territoires agricoles, c'est la deuxième génération. En connaissant la capacité génétique du ministre...

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Jaloux!

M. Garon: Ha, ha, ha! Je me dis...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: ...que s'il s'agit vraiment de la deuxième génération - et, comme c'est lui qui en parle, cela doit être vrai - à ce moment-là, je pense qu'il serait important, raison de plus, qu'il y ait un véritable débat avec les principaux intervenants. On n'a pas besoin de se conter d'histoires, au fond, quand on se parle. L'Union des producteurs agricoles est un intervenant important, l'UMRCQ est un intervenant important et je suis persuadé que le critique officiel a d'autres intervenants qu'il considère importants, aussi, afin que les débats se fassent dans toute la dimension qu'ils doivent avoir à ce moment-ci dans le temps. Cela ne serait pas correct de vouloir limiter le débat parce que, si le ministre nous dit qu'il veut seulement faire une commission parlementaire privée à toutes fins utiles, où il va être le seul intervenant avec son cabinet, donc ses conseillers particuliers - il n'y aura pas de débat - je pense bien que tout le monde va sortir de cette expérience insatisfait. Il y a des problèmes importants qui se posent actuellement. Il y a des problèmes importants qui se posent. Vous savez, quand on est dans la phase II trois ans après un changement de gouvernement et qu'on se rend compte qu'en 1985, par exemple, il y avait 85 100 employés en moyenne dans l'agriculture au Québec, qu'il y en a 2900 de moins en 1986, 5900 de moins en 1987... J'ai les chiffres des emplois au Québec. Les onze premiers mois de l'année 1988, il y en a 6500 de moins. Le ministre bat son propre record. Son propre record de 2900 en 1986, il l'a battu avec 5900 de moins en 1987 et il est capable de le battre encore en 1988 avec 6500 de moins, ce qui veut dire, en trois ans, 15 300 employés de moins dans l'agriculture qu'en 1985. Il ne pourra pas me dire que c'est parce qu'il y a le même niveau de sécurité.

Qu'on regarde les investissements. Grosso modo, les investissements ont baissé autour de 425 000 000 $ à 450 000 000 $, alors que bon an mal an, dans les années quatre-vingt, les investissements se situaient autour de 600 000 000 $; actuellement, ils sont rendus, d'après les prévisions faites pour 1988, à 425 000 000 $. L'an dernier, ils étaient un peu en dessus, un peu plus que 450 000 000 $. Dans les années quatre-vingt, c'était autour de 600 000 000 $ et, en 1984, de 664 000 000 $ alors qu'on était dans une crise économique. Il y a sûrement un malaise important pour que les investissements soient aussi bas et que l'emploi baisse d'une façon aussi constante et accélérée depuis trois ans. Si vous regardez cela, c'est le secteur où les emplois baissent le plus, parmi tous les secteurs de l'économie du Québec. J'ai les chiffres devant moi. L'administration publique, même avec les volontés gouvernementales, a baissé de 6,2 %. L'agriculture a baissé d'un pourcentage de 6,5 % par rapport à l'an dernier dans les onze premiers mois. Le commerce a baissé de 1,4 %. Vous voyez, c'est l'agriculture qui est en avant. Les autres industries primaires: 0,6 %. C'est le secteur qui baisse le plus en termes de développement économique. Pourquoi? Moi, je l'ai dit au début, quand le ministre a été nommé et qu'il a commencé à générer ses états d'âme sur la place publique en commençant par dire: Moi, je ne suis pas sûr que le Québec a de l'avenir dans le boeuf, je me suis dit: Oh! bonne mère, il ne sait pas ce qu'il vient de générer là parce que les gens qui sont dans le boeuf, qui savent qu'ils ont besoin de l'appui du gouvernement, ils vont y penser deux fois avant d'investir. Après cela, il a dit: Dans le mouton, je ne suis pas sûr si on a de l'avenir là-dedans. Après cela, dans les fruits et légumes - il a commencé à changer son fusil d'épaule depuis quelques mois - il n'est pas sûr non plus si on est capables de compétitionner avec la Californie ou la Floride. Après cela, les céréales; à un moment donné, il avait même amené les discours de l'ancien ministre de l'industrie et du

Commerce, Guy Saint-Pierre, qui pensait qu'on avait une vocation pour acheter les céréales de l'Ouest, mais il s'est rendu compte qu'on était presque autosuffisants dans les céréales. Alors, voyez-vous, quand on génère l'insécurité, l'incertitude, le manque de confiance, ce qu'on récolte? La baisse d'emplois, la baisse des investissements et le manque de confiance. Je vais vous dire une chose, je vais vous dire qu'on n'a pas vu souvent sous le gouvernement antérieur comme on l'a vu l'an dernier dans le temps des Fêtes les gens faire leurs cretons et leurs tourtières avec du porc importé du Danemark. Provigo, l'an dernier... Les gens m'ont appelé au bureau. Les bouchers leur disaient ouvertement: Notre porc, cette année, il vient du Danemark. Les gens ont dit: On trouve cela drôle que nous, qui avons un surplus de porc au Québec, on fasse venir le porc du Danemark. J'ai vérifié, mais c'était vrai.

M. Pagé: ...maximum.

M. Garon: Le porc venait du Danemark, l'an dernier, peut-être pas à 100 %, mais une quantité très importante de porc venait du Danemark. Vous remarquerez que les porcs qu'on avait chez Provigo, on ne les a pas vendus. J'ai refusé, avant les élections. Ce nouveau gouvernement les a vendus et on se rend compte qu'avec Sobeys, tranquillement, ce n'est pas le Québec qui envahit la Nouvelle-Ecosse ou le Nouveau-Bruns-wick, c'est plutôt Sobeys, une entreprise des Maritimes, qui est en train d'envahir le Québec. Elle monte à Rimouski, à Rivière-du-Loup, tantôt ce sera un peu plus haut, mais elle envahit tranquillement le Québec, après avoir pénétré la Gaspésie. (22 heures)

On se rend compte, actuellement, que la solidarité qu'il y avait sur le plan des affaires agro-alimentaires n'existe plus. Elle a été brisée parce que le président de Provigo ne croit pas beaucoup à cela, il faut le dire. Pour ce qui est des heures d'affaires le dimanche, les employés des magasins d'alimentation sont contre l'ouverture le dimanche à peu près à 100 %; 75 % à 80 % des Provigo sont contre, mais le président est pour, donc, officiellement, Provigo est pour. Le gouvernement va écouter qui? Le président de Provigo qui parle en son nom personnel? Lui, le dimanche, il ne travaillera pas; il s'en ira au club de golf, sans doute. Mais est-ce que c'est lui qui parle au nom de Provigo ou si ce sont les employés ou encore les propriétaires d'épicerie qui nous supplient de combattre l'ouverture des Provigo le dimanche? À un moment donné, il va falloir se parler en face et se dire la vérité. Qui parle au nom de Provigo? Le président de Provigo, M. Lortie, ou les propriétaires des épiceries indépendantes qui à 75 % ou 80 % disent non et les employés, à 100 %? Je peux vous dire que j'ai passe dans des épiceries et des gens me l'ont dit. Quand il a été question de faire la journée d'ouverture, il y a des employés qui m'ont dit: M. Garon, chez nous, il nous ont offert double salaire et cela a été unanime: Non On pense qu'on a le droit à une journée avec notre femme et nos enfants. Chez les employés, c'est unanime: Non.

Je me rappelle quand on avait des surplus de pommes de terre et qu'on demandait aux magasins d'alimentation d'avoir une certaine solidarité, d'acheter d'abord les produits du Québec avant d'acheter ceux d'ailleurs On savait, de toute façon, qu'on ne produisait pas à 100 %, mais, à ce moment-là, on avait besoin de cette solidarité d'autant plus qu'H y avait des surplus épouvantables et que les gens auraient maintenu des entrepôts pendant une partie de l'hiver, à des coûts importants, alors qu'on pouvait d'abord vider nos entrepôts. Cette solidarité, où est-elle rendue? Je vais vous le dire bien franchement. La solidarité, plus personne ne sait où elle est rendue là-dedans. Aujourd'hui, il va y avoir des effets et des conséquences à cela. C'est pour cela qu'une question comme celle de la protection des terres agricoles repose essentiellement sur une volonté gouvernementale, sur une volonté politique qui ne peut être autre chose que le reflet de la population, de consensus socio-économiques importants en vue d'une politique qui dit: Cela, c'est important ou ce n'est pas important. Il est évident que si on dit: Ce n'est pas important que notre porc vienne du Danemark, ce n'est pas important que notre boeuf vienne de l'Ouest, ce n'est pas important que nos céréales viennent de l'Ouest, de la grosse Saskatchewan... Tout le monde a parlé de l'efficacité de la Saskatchewan. Je dois vous dire qu'en Saskatchewan, actuellement, il serait bien plus rentable d'organiser des safaris au bison, à 5000 $ le bison, que de produire des céréales dans des conditions de sécheresse où il y a plus de cactus que de blé dans certains espaces du sud de la Saskatchewan.

Actuellement, on ne se donne pas l'heure juste dans le domaine agricole. Ne nous racontons pas d'histoire. Il y a 20 ans, c'était un monde de famine; aujourd'hui, c'est un monde de surplus. Et l'agriculture dans l'Ouest, dont on a vanté la capacité et la productivité extraordinaires, je serais prêt à gager n'importe quand sur l'efficacité de la Saskatchewan et l'efficacité du Québec, sur la diversité de l'agriculture du Québec et sur celle de la Saskatchewan. Et Roy Romanow peut toujours aller se rhabiller quand il vient nous parler de ceux qui sont dépendants des autres. C'est cela, la réalité. Aujourd'hui, il y a des gens qui vont devoir se poser les véritables questions sur l'orientation éventuelle de l'agriculture au Québec et au Canada aussi. Qu'est-ce que c'est l'orientation pour les années à venir? Faire des céréales sans limitation, avec une loi discriminatoire comme celle qu'il y a dans le domaine des céréales au Canada, alors que le ministre pense embarquer dans une entente tripartite où il y a carrément deux régimes, un régime pour l'Ouest et un régime

pour le Québec, le régime pour l'Ouest ayant été établi à une période où il manquait d'aliments dans le monde, alors qu'aujourd'hui les grains et le blé nous sortent par les oreilles?

Alors que la Chine importait, aujourd'hui elle exporte. Les États-Unis, l'Amérique du Sud et l'Europe exportent. La Russie est la seule qui importe à cause d'un régime de production qui n'est pas efficace. Dans les kolkhozes, les gens ne travaillent pas fort. Mais, quand ils travaillent sur l'arpent qui leur appartient, leur profit est plus personnel. La nature étant ce qu'elle est, quand les gens travaillent pour leur poche, ils travaillent plus fort que les gens qui travaillent pour le bien commun. C'est malheureux à dire...

Une voix: C'est la réalité.

M. Garon: ...mais les missionnaires sont moins nombreux que ceux qui doivent être convertis.

Comment l'agriculture va-t-elle s'orienter en fonction de cela dans les années à venir? La vocation du Canada, c'est de nourrir qui, quand il est en concurrence avec d'autres qui veulent exporter et qui sont aussi et même plus efficaces que lui? L'agriculture des prairies de l'Ouest du Canada au XIXe siècle et ce qu'elle est aujourd'hui, ce n'est pas la même chose. Aujourd'hui, les gens sont obligés de labourer, et, quand ils labourent, le sel sort de la terre parce qu'il y avait une mer d'eau salée, avant, dans l'Ouest. Ce n'est pas pour rien que même les arbres ne poussaient pas; c'étaient des prairies. Aujourd'hui, quand on va regarder l'avenir, déterminer l'avenir, on va le faire en fonction de quoi? En disant qu'on a des terres improductives? La situation change très rapidement là-dedans, il y a une vérité de base. La vérité de base, c'est qu'un peuple doit viser à se nourrir. Il y a un vieux principe qui disait qu'un peuple doit avoir le goût de se nourrir et la volonté de se nourrir, d'abord. Le Québec, dans les choix qu'il aura à faire, va devoir, dans la phase II dont on parle actuellement, faire ces choix.

Ce n'est pas mauvais de renouveler une profession de foi. Autrefois, l'Église catholique a trouvé une formule pas pire; on commençait par le baptême, le jeune ne savait pas ce qu'il voulait, mais ses parents décidaient pour lui. Quand il commençait à connaître un peu ça, il faisait une première communion. Il le faisait un peu en son nom, mais il était encore jeune un peu. Après ça, il y avait la confirmation, il renouvelait encore. Après ça, on a inventé la formule de la profession de foi, un peu plus vieux où, encore là, il renouvelait.

Dans la phase I, il a dû y avoir, entre tous les intervenants, un consensus en vue de la protection des terres agricoles. Je pense qu'il ne serait pas mauvais - le ministre dit qu'on est à la phase II actuellement - dans la phase II, qu'il y ait la confirmation ou la profession de foi solennelle. On pourrait, à ce moment-là, dire: On va réunir tous les intervenants et on va établir comment on voit la protection des terres agricoles à partir de 1988. il est possible qu'en 1988 les gens disent: C'est important, mais les mécanismes peuvent être différents. Même dans l'Église catholique, qui est très solide, les indulgences, on en parle moins aujourd'hui qu'autrefois. Il y a certaines choses qui ont évolué et qui ont changé, mais, pourtant, on est dans des domaines de vérités très fortes.

Une voix: Des vérités de base.

M. Garon: Des vérités fondamentales. Qu'on fasse ce consensus, qu'on le renouvelle, mais après un dialogue, après un débat, dans des commissions parlementaires ouvertes, à la face de la population. C'est une question fondamentale. La protection du territoire agricole et la protection de l'environnement, ce sont des choses qui sont très fondamentales, on le voit aujourd'hui. Le ministre de l'Environnement a voulu "fligne-flagner" et faire du slalom politique dans l'environnement. Actuellement, on regarde aller les dépotoirs; il faudrait quasiment avoir une liste permanente des dépotoirs en opération. Une journée, ils opèrent et, le lendemain, ils n'opèrent plus. Pourquoi? Parce que l'opinion publique veut qu'il y ait une protection; les gens sont craintifs, sont inquiets de ce qui se passe par rapport à l'environnement. Ce sont des piliers actuellement vis-à-vis de la nécessité d'établir comment fonctionner.

M. le Président, vous avez dirigé le comité d'étude sur les heures d'affaires le dimanche. C'est très important, c'est la conception d'une société. Les heures d'affaires le dimanche, les gens ont dit... Évidemment, ce n'est pas un débat qui est très compliqué, on n'est pas dans le cinquième niveau d'abstraction, excepté qu'on est capable de discuter ensemble sur la conception de la vie en société. La vie en société, est-ce que c'est comme aux États-Unis, dans les endroits "rough" où la police travaille jour et nuit? Les magasins sont ouverts jour et nuit, mais, quand vous allez à une épicerie la nuit, je dois vous dire que c'est triste. J'en ai visité des épiceries aux États-Unis, la nuit, cet été, j'ai fait un grand bout aux États-Unis. Je dois vous dire que les lumières sont plutôt fermées aux États-Unis, la nuit, parce qu'on veut ménager l'électricité et que les achats ne sont pas nombreux. La police n'est pas loin, non plus, pour ne pas que trop de gens prennent l'épicerie pour une banque. Les caissières ne sont pas nombreuses. C'est ouvert, mais la grosse épicerie joue le rôle de dépanneur, un peu.

Ici, on a établi une formule qui est différente: des dépanneurs et des épiceries fermées le dimanche. C'est une conception de la société, sauf qu'il n'est pas mauvais que la société, à un moment donné, établisse comment elle voit les choses dans le temps. Je pense que l'occasion

privilégiée, c'est à ce moment-ci. Si le ministre nous avait dit - II ne peut pas l'avoir dit, et il a raison de ne pas le dire - on pense à des changements fondamentaux très importants dans la loi actuellement... Parce qu'il veut faire ces changements-là, je trouve que les gens de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec ont raison de dire: On veut être entendus en commission parlementaire...

M. Blais: C'est normal.

M. Garon: ...on veut pouvoir s'exprimer au nom des gens qu'on représente. Et c'est sain à part cela. Je serais plutôt craintif à la place de l'Union des producteurs agricoles que tout cela se fasse en catimini sans savoir comment tout le monde a fonctionné là-dedans. C'est sain. C'est ça une société ouverte, une société démocratique. Les gens peuvent parler. On a souvent participé ensemble à des débats. On n'était pas toujours d'accord. Mais il y avait un débat qui était correct. Il y avait un débat qui était sain. Les gens pouvaient s'exprimer. Je ne fais pas partie de ceux qui croient que quelqu'un qui pense différemment est un nono. Je pense, au contraire, que dans une société démocratique il y a des gens qui privilégient des valeurs, qui défendent des valeurs et qui défendent les gens qu'ils représentent. Mais ce qui est important dans une société, ce sont les consensus socio-économiques qu'on peut réussir à établir. Et la meilleure façon de les établir, c'est que le débat se fasse entre tous les intervenants ensemble: les ruraux et les citadins, les jeunes et les vieux, les cultivateurs et les non-agriculteurs et ceux qui aiment le bruit et ceux qui n'aiment pas le bruit.

Je vais vous dire que je ne crois pas qu'on va réussir à établir longtemps certaines exclusions totales par rapport à l'environnement et dire aux agriculteurs que cela ne s'applique pas à eux. Cela ne pourra pas fonctionner longtemps. J'ai toujours dit aux agriculteurs: Les plus grands défenseurs de l'environnement, ça devrait être vous. Cela doit être vous. Il faut éventuellement que les gens dans la société disent: Les plus grands protecteurs de l'environnement, ceux qui ne peuvent pas vivre sans un environnement sain, ce sont les agriculteurs. Qui vit plus dans l'environnement qu'un cultivateur? Il n'y en a pas qui vivent plus dans l'environnement qu'un cultivateur et qui nous disent...

Une voix: Vous avez raison.

M. Garon: ...qu'ils ont besoin d'un environnement sain. L'agriculteur ne veut pas une réserve. J'ai l'impression que si les Indiens avaient à choisir aujourd'hui ils ne choisiraient pas une réserve. Demandez aux Hurons s'ils sont contents d'avoir une réserve. Demandez-leur s'ils sont contents de vivre comme Hurons dans une réserve. Demandez à tous les Indiens. Au con- traire! On entend parier constamment des populations indiennes qui veulent sortir de la réserve. Pensez-vous que les agriculteurs, en 1988, veulent avoir une réserve pour qu'éventuellement les gens passent en automobile et disent: Vous voyez, regardez-les, ce sont des cultivateurs, et qu'ils continuent leur chemin après?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Ils ne sont pas intéressés à ça Ils sont intéressés à vivre dans une société comme des citoyens à part entière. Mais comme citoyens à part entière, ça veut dire qu'il y a un débat. Il y a des contraintes, il y a des valeurs qu'il faut respecter qui sont les valeurs qu'ils représentent. J'ai déjà dit que si, demain matin, quelqu'un venait établir un poulailler, par exemple, au coin de Saint-Denis et de Sainte-Catherine, il y a des gens à Montréal qui diraient: On n'est pas certains que vous êtes à la bonne place.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: On n'est pas certains. Quand quelqu'un, par exemple, va s'établir à côté d'un élevage de porcs pour son terrain de camping, je dis que je ne suis pas certain qu'il fait un bon choix.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Je ne suis pas certain de ça.

Une voix: II y a des poules au coin!

M. Garon: Cet été, j'étais sur un quai en Gaspésie et il y a un pêcheur qui me demande: Connaissez-vous la nouvelle règle du fédéral dans la pêche? J'ai dit: Non. Il dit: On a le droit de pêcher seulement le vendredi, le samedi et le dimanche. J'ai dit: Ouais, pis? Il dit: Bien, ça ne vous paraît pas drôle? J'ai dit: Moi je ne pêche pas, c'est vous qui péchez. Aimez-vous ça pêcher rien que le vendredi, le samedi et le dimanche? Aimeriez-vous mieux pêcher les lundi, mardi, mercredi, jeudi? Bien, & dit: II me semble que ça n'a pas de bon sens. Bien, j'ai dit: Si vous pensez que ça n'a pas de bon sens, dites-le. Parce que, si vous ne dites rien, les gens à un moment donné vont dire: II aime mieux pêcher le vendredi, le samedi et le dimanche. Pourquoi? Parce que c'est comme ça que les règles s'établissent dans une société, par des débats démocratiques. Avant il n'y avait personne qui avait le droit de parier. Il y avait des autorités. Des gens qui décidaient.

M. Blais: Les Anglais.

M. Garon: Dans des domaines, c'étaient des Anglais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: ...dans d'autres domaines, c'en étaient d'autres. Dans certains domaines, c'étaient les habits noirs. Dans d'autres, c'étaient des habits rouges. Il y avait toutes sortes de gens qui décidaient et nous étions des gens qui disaient: Bon, tout est décidé. Pas de problème. Ce n'était pas inquiétant de vivre dans notre société. Tout était décidé. Et, si vous faisiez selon ce qui était décidé, c'était correct. (22 h 15)

En 1988, ça ne fonctionne pas comme cela. Celui qui ne dit pas un mot passe au bout du pont. Dans cette société-là, je pense qu'il est important que les gens puissent dire ce qu'ils ont à dire. C'est ça notre société moderne. Et c'est pourquoi j'ai présenté cette proposition pour demander d'entendre l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, parce que c'est un intervenant important, auquel le gouvernement a confié la responsabilité de l'aménagement du territoire, qui est fondamental. Il y a les cultivateurs, il y a la Commission de protection du territoire agricole qui a aussi un rôle important à jouer. Il y a d'autres intervenants et ce n'est pas à moi à l'annoncer, mais le critique officiel en matière agricole, le député de Lac-Saint-Jean...

Une voix: II l'annoncera en temps et lieu.

M. Garon: II le dira en temps et lieu, mais j'ai l'impression...

M. Brassard: J'y pense. M. Garon: Pardon? M. Brassard: J'y pense.

M. Garon: ...que les gens qui sont autour de nous s'en doutent. Si je demandais au député de Rouyn-Noranda: Pourriez-vous me nommer des intervenants importants qui ont droit au débat dans cette affaire-là? Je suis persuadé qu'il pourrait en nommer.

M, Baril: Cela a été fait.

M. Garon: Je suis persuadé que la députée de Kamouraska-Témiscouata - plus Témiscouata que Kamouraska - pourrait en nommer également.

Mme Dionne: Au Témiscouata...

M. Garon: Même le député de Saint-Hyacinthe...

M. Blais: Même lui. M. Garon: Même lui. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Lui qui avait donné un chien au président de la France.

Une voix: Au premier ministre. M. Garon: Au premier ministre. M. Baril: Quelle sorte c'était, donc? M. Blais: II s'appelait Mirabel.

M. Garon: C'était un chien Labrador. C'était un chien noir.

M. Baril: C'était un chihuahua avec un derrière de Labrador.

M. Garon: II voyage souvent. Il est venu avec le chien et le vétérinaire pour soigner le chien. Je trouvais que c'était un manque de confiance envers le chien, en tout cas. Mais le député de Saint-Hyacinthe, lui...

M. Blais: C'est un petit chien qui est monté sur...

M. Garon: ...doit comprendre ces problèmes-là dans son territoire. Le député de Gaspé, moins, parce que le député de Gaspé...

M. Baril: Les poissons.

M. Garon: ...ne parle pas beaucoup de ces questions-là. Je ne sais pas quelle est sa conception de la protection des terres agricoles parce que je ne l'ai jamais entendu beaucoup s'exprimer sur ce sujet, non plus que le député des Îles-de-la-Madeleine. Je suis content de le voir parce que je ne savais pas qu'il faisait partie de cette commission-là. Je suis content de le voir et j'aimerais qu'il donne son opinion parce que je ne connais pas son opinion, a lui non plus. Il n'a pas eu l'occasion de la faire connaître ou on ne l'a pas laissé s'exprimer souvent. Ce serait une occasion pour lui, par exemple, dans un débat comme celui-là, de dire, en même temps que les autres intervenants, quelle est sa conception de la protection des terres agricoles, de l'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et des règles du jeu qui devraient être établies dans l'avenir. Le projet que présente le ministre est un projet important, en français et en anglais: Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole. "An Act to amend the Act to preserve agricultural land".

Une voix: Loi 101.

Une voix: You speak English.

M. Garon: Hein? I try.

Une voix: It's beautiful.

M. Garon: C'est un projet de loi qui n'a pas seulement trois ou quatre pages. C'est un projet de loi de 17 pages et 31 articles, et on sait à quel point il y a des articles importants là-dedans.

Une voix: Fondamentaux.

M. Garon: II y a toute la question de l'appel, par exemple. Il y a toute la question d'avoir un seul commissaire.

M. Blais: La pelle, c'est pour l'hiver.

M. Garon: II y a toute la question, par exemple... Cela doit être important puisque le ministre nous a dit qu'il ne voulait pas se rendre à l'article 17 ce soir. Il nous a dit: Si on dépasse l'article 17. Je ne veux pas qu'on l'adopte ce soir, parce que j'ai promis aux gens de l'Union des municipalités régionales de comté qu'on n'adoptera pas cet article sans que je leur aie parlé. Ils doivent considérer que l'article est important.

Donc, il y a des modifications importantes dans la loi, des changements importants qui sont prévus dans cette loi. Je ne les mentionne pas tous. Il y a toute la question des zones exclusives, la question des zones vert pâle. Il y a aussi la question des activités agricoles, comment on conçoit ces activités. Il y a la question des plaintes qui est traitée d'une façon particulière, qui est nouvelle. Il y a les mesures relatives aux activités agricoles et le fonds spécial de défense des producteurs contre une action, une procédure ou une ordonnance en raison des poussières, des odeurs ou des bruits qui résultent d'activité agricole en zone agricole. En tout cas, il y a un ensemble de dispositions qui sont considérables.

Je sais, M. le Président, j'ai le compteur devant moi qui m'indique qu'il me reste 30 secondes, que je ne pourrai pas aller plus loin à ce moment-ci de cette intervention, mais je pense que cet amendement est très important parce que l'UMRCQ est un intervenant majeur qui a été prévu dans la loi dès - non pas en 1978, elle n'existait pas - mais, dès les révisions de la loi en juin 1985, l'UMRCQ a été prévue comme intervenant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: L'Union des municipalités régionales de comté est un...

Une voix: Conclusion. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: ...intervenant majeur qui doit être entendu et non seulement par le ministre parce que, dans le fond, le ministre n'est pas le législateur. Ce sont les députés de l'Assemblée nationale qui sont les législateurs. C'est une loi présentée par le gouvernement, mais les législateurs sont essentiellement les députés. Ce sont les députes qui sont les législateurs et ils devraient avoir l'occasion de rencontrer, en commission parlementaire, cet intervenant majeur au plan de l'aménagement du territoire au Québec.

M. Baril: Un rappel.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le député de Lévis. Vous étiez, M. le député, l'auteur de la motion d'amendement, donc, vous avez eu 30 minutes, ce qui va être décevant pour vos collègues qui n'ont chacun que dix minutes pour intervenir s'ils le désirent.

Des voix: Ah!

M. Blais: Est-ce qu'on peut, sur le temps d'un autre qui n'est pas là, prendre 20 minutes?

Le Président (M. Richard): Non. mais vous avez sûrement d'autres trucs aussi pratiques que ça, de toute façon.

M. Perron: Est-ce que je peux vous demander une directive, M. le Président?

Le Président (M. Richard): Oui, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Compte tenu du fait que pas un seul libéral ne s'est impliqué dans ce dossier jusqu'à maintenant, est-ce qu'on pourrait utiliser leur temps pour aller de l'avant et leur expliquer ce qu'on a devant nous actuellement et de quelle façon on voit que les choses devraient éventuellement se faire?

Le Président (M. Richard): II ne peut y avoir de transfert de temps. Toutefois, M. le ministre est effectivement intervenu tout à l'heure, à la mi-temps.

M. Blais: Cinquante minutes.

M. Pagé: J'ai hâte. J'anticipe d'avoir l'occasion d'intervenir de façon à rétablir certains faits et à répondre aux inquiétudes de plusieurs de mes honorables collègues qui nous ont dit s'inquiéter. Nous nous sommes d'ailleurs réunis dans ce sens-là, mes collègues et moi, entre 18 heures et 20 heures. On m'a prié avec insistance, chaleur et conviction de formuler en leur nom les commentaires en réplique à ces honorables collègues. J'aurai l'occasion de le faire tout à l'heure en anticipant qu'on puisse passer à l'article 1, je présume, M. le Président, dans les meilleurs délais, sinon je vais en faire mon deuil.

M. Brassard: Qui sait? Qui sait?

M. Pagé: Je suis animé par beaucoup de modestie et par un sens de la démocratie qui est inné chez moi.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre.

M. Pagé: Causez.

Le Président (M. Richard): Est-ce qu'il y a des commentaires?

M. Perron: II prend bien ça.

Le Président (M. Richard): M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: M. le Président, je trouve extrêmement déplorable de voir que les membres du gouvernement n'interviennent en aucune façon face aux demandes que nous faisons concernant des associations que nous voulons entendre à cette commission parlementaire avant de procéder à l'étude article par article du projet de loi.

Ce que je trouve aussi déplorable, c'est de voir que les gens d'en face ne sont non seulement aucunement intéressés à entendre les associations très importantes au Québec dans un domaine tout aussi important que le territoire agricole, mais on remarque aussi que leur intérêt fondamental est de faire en sorte que le projet de loi 100 soit adopté à la vapeur, sans pour autant apporter de véritables amendements substantiels qui pourraient faire l'affaire de certaines personnes et de certains groupes.

M. le Président, une chose est remarquable dans le débat que nous avons actuellement, c'est de voir que, pour une fois - en tous les cas, dans le domaine agricole, je crois que c'est la première fois, à moins que je ne me trompe - deux associations, l'Union des municipalités du Québec ainsi que l'Union des municipalités régionales de comté, sur un sujet aussi important que la question du territoire agricole, se sont jointes pour en arriver à un consensus afin de faire des représentations auprès des membres de la commission parlementaire pour que ces deux organismes se fassent entendre conjointement.

Vous me permettrez sûrement, M. le Président, de faire ici lecture d'une partie de la lettre qui a été signée par les deux présidents, M. Camille Rouillard et M. Roger Nicolet, pour faire une demande expresse aux membres de la commission - non seulement aux membres de la commission, mais également au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation - afin de se faire entendre. Au deuxième paragraphe, toujours en rapport avec le projet de loi et les diverses dispositions contenues dans ce projet de loi, les deux présidents écrivent ceci au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Et on en a reçu une copie parce qu'ils ont eu la politesse de nous en envoyer une. Ils écrivent: "A cet effet, comme vous nous l'avez suggéré récemment - donc, le ministre l'a suggéré - nous croyons opportun que le gouvernement convoque une commission parlementaire mixte, comme le permettent les règles de l'Assemblée nationale, et qui donnera l'occasion d'analyser l'impact des différentes dispositions du projet de loi 100 sur l'agriculture, mais aussi sur l'aménagement et l'environnement. Cet exercice doit se faire dans la plus grande transparence puisqu'il s'agit de choix de société. "Nous devons nous y pencher avec sérieux et avec tout l'éclairage nécessaire à une bonne compréhension des intérêts en jeu - M. le Président, ça continue - les élus municipaux ont largement souscrit aux objectifs de protection des bonnes terres agricoles, auxquelles s'adresse le projet de loi. D'autres alternatives plus souples et plus respectueuses des particularités régionales auraient pu être envisagées pour déterminer les meilleures terres autrement que par la création de secteurs exclusifs, assujettis à des dispositions qui, à plusieurs égards, sont contraires aux intérêts des collectivités visées."

Lorsqu'on regarde les amendements qui sont apportés à la loi-cadre, c'est-à-dire la loi 90, cette loi 100 sur la protection du territoire agricole nous amène différentes catégories de terres au Québec et on est en droit d'entendre vraiment et ce, sur le fond, ce que pensent les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté ainsi que de l'Union des municipalités du Québec.

On remarque qu'il y a la zone verte, il y a la zone blanche, que tout le monde connaît, mais il y a aussi ce que nous on qualifie la zone pâle. On est en droit de se poser de sérieuses questions sur cette question de zone pâle. Quelle est l'opinion de l'Union des municipalités régionales de comté par rapport à cette zone? Quelle est l'opinion de l'Union des municipalités régionales de comté par rapport à la zone verte qui est actuellement substantiellement modifiée à la suite de décisions qui ont déjà été prises par les membres de la commission et à la suite de décisions qui pourraient être prises face à ce projet de loi dans l'avenir? Je considère que, contrairement...

M. Garon: M. le Président, j'aimerais ça qu'on entende M. le député de Duplessis, sacrifice!

M. Pagé: J'ajoute ma voix à celle du député de Lévis pour témoigner de mon inquiétude car il est difficile d'entendre mon collègue et très bon ami, le député de Duplessis.

M. Garon: II y a trop de conversations en même temps.

M. Blais: II parle du haut du perron et on ne comprend pas.

Le Président (M. Richard): M. le député de Duplessis, vous avez la parole.

M. Perron: Je remercie mes deux collègues d'intervenir en ma faveur, M. le Président, parce que c'est vrai que c'était pas mal bruyant d'un côté comme de l'autre. Je parle aussi de la part de mon collègue de gauche, le député de Terrebonne, qui a l'habitude, non seulement ici mais ailleurs, M. le Président, de faire des siennes lorsqu'il le juge à propos.

M. le Président, comme je le mentionnais, lorsqu'on parte de modifications substantielles qui pourraient venir dans le décor à la suite de l'application des amendements de la loi-cadre, c'est-à-dire la loi 90 par rapport à celle que nous avons en face de nous, je pense qu'il serait extrêmement intéressant d'entendre ce qu'ont à dire certains intervenants, certains représentants et certaines représentantes d'associations, en particulier, l'UMRCQ. Lorsqu'on parle de plan d'aménagement, d'une municipalité régionale de comté, peu importe où cette municipalité régionale de comté se trouve au Québec, comme, par exemple, sur la Côte-Nord, que ce soit la MRC de Manicouagan, que ce soit la MRC de Minganie, de Sept-Rivières, c'est entendu que ces gens, qui sont actuellement impliqués dans différents domaines, ne sont pas nécessairement touchés par le domaine de l'agriculture.

Cependant, il y a une chose qui est extrêmement intéressante, c'est que, de plus en plus, au cours des douze ou quinze dernières années, ces représentants élus et ces représentantes élues ont fait valoir certains points pour attirer certaines activités agricoles comme, par exemple, dans le domaine de l'acériculture, de l'horticulture, etc. C'est entendu que, dans le territoire que nous avons sur la Côte-Nord, et en particulier dans la région de Sept-îles et plus à l'est, on ne peut pas avoir du jour au lendemain des terres agricoles à cause du terrain lui-même. Cependant, il y a des intérêts qui sont démontrés. Non seulement des intérêts y sont démontrés par rapport à la question locale et à la question régionale ou sous-régionale, mais il y a aussi des intérêts qui sont démontrés par les électeurs et les électrices de cette Côte-Nord par rapport au reste du Québec. Qu'on le veuille ou non, actuellement, il y a à peu près 95 % de tous les produits agricoles achetés sur la Côte-Nord qui proviennent de l'extérieur de la Côte-Nord pour la simple raison que les territoires agricoles, qu'il serait possible d'exploiter, ne le sont pas. (22 h 30)

II reste quand même une chose: Même si on n'a pas beaucoup de territoires agricoles, je serais intéressé à entendre l'Union des municipalités régionales de comté qui représente aussi des municipalités régionales de comté de la Côte-

Nord et du comté de Duplessis. Il y a des représentations qui ont été faites antérieurement et qui sont toujours faites de la part de ces secteurs, de ces régions et de ces sous-régions auprès de l'Union des municipalités régionales de comté pour faire valoir certains points de vue que nous avons au niveau régional. Je peux vous assurer que, si on avait la chance, lors de cette commission parlementaire, d'entendre des représentants et des représentantes de diverses associations, cela nous permettrait d'abord de mieux comprendre les situations régionales. Cela nous permettrait aussi de mieux comprendre la position de ces représentants et représentantes d'associations et, bien sûr, d'apporter les amendements et les corrections nécessaires au projet de loi 100, qui amende la loi 90, ce qui non seulement amenderait, mais aussi bonifierait le projet de loi.

Ce n'est pas en adoptant des projets de loi à la vapeur, comme on le fait actuellement, en "bulldozant" tout le système parlementaire pour passer certains projets de loi qui sont prioritaires pour le gouvernement et où, en commission parlementaire, on est aussi "bulldozé"... À cause du processus parlementaire qui nous est imposé, on empêche tout apport nécessaire pour permettre qu'un projet de loi ait son étude complétée lorsqu'il est rendu au dernier processus parlementaire, c'est-à-dire les première, deuxième et troisième lectures, et, par la suite, la sanction; ainsi on arrive à la sanction avec un projet de loi qui est fou raide au lieu d'être un projet de loi potable sur lequel l'ensemble de la collectivité du Québec soit d'accord, au moins dans l'ordre de 80 % à 90 %, afin que le consensus soit le plus large possible.

Ce n'est pas en faisant comme on le fait actuellement, en catimini, en commission parlementaire, ou encore comme le fait le gouvernement au plan du Conseil des ministres et de son caucus des députés libéraux qu'on va arriver à avoir quelque chose de potable. On est membres de l'Opposition, on a des droits dans le système parlementaire, même si c'est le système britannique. Ces droits doivent être respectés. Ces droits, on doit assurément, au cours des prochaines semaines ou des prochains jours, les mettre en marche et en vigueur pour qu'on puisse s'exprimer d'une façon correcte et avoir - en terminant, en conclusion, M. le Président - un projet de loi qui se tienne, qui rencontre les objectifs non seulement d'un groupe ou de l'autre groupe politique, mais aussi de l'ensemble de la collectivité du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le député de Duplessis. M. le député de Mercier, vous avez dix minutes pour donner votre opinion.

M. Gérald Godin M. Godin: M. le Président, j'en saurai faire

le meilleur usage possible. Je pense que quiconque a visité le Québec a vu que c'était un beau territoire. Pourquoi beau? Parce qu'il y a une espèce d'équilibre entre diverses fonctions territoriales. Quiconque a visité le Québec, comme je l'ai fait au cours des mois passés, a constaté que le Québec, en fait, est comme une courtepointe - vu d'en haut - avec un champ de lin bleu de toute beauté, un champ de blé tout doré, un village tout blanc, son église sur un cap ou sur un button, une industrie locale, un magasin général doté de tout ce qui convient à la population, en fin de compte, une économie d'une microsociété, une micro-économie qui correspond aux besoins locaux de la région, comme il y a chez vous, d'ailleurs, M. le Président, dans la belle région de Nicolet-Bécancour, qui est un modèle, à mon avis, de développement équilibré, harmonieux, et qui est un lieu où les gens sont heureux parce que c'est à l'échelle humaine et qu'ils y vivent bien. Nul mieux que les MRC ne connaissent l'importance d'un tel équilibre. D'ailleurs, les géographes les plus célèbres, dont Pierre Deffontaines, l'auteur de L'homme et l'hiver au Canada, un classique de la géographie mondiale, même lui et ses collègues se sont extasiés devant la beauté du territoire québécois. Je vois que le voisin de droite du ministre me suit de très près dans mes propos.

Donc, pour que l'équilibre soit maintenu, M. le Président, et pour que les microsociétés et les micro-économies continuent à s'associer en village, en ensemble, il faut que l'UMRCQ soit entendue de manière que nous nous assurions que la loi 100 qui est devant nous - et non pas 101 - que la loi 100 soit la meilleure possible, M. le Président. Nous visons la perfection. Pour avoir été, comme je l'ai dit tout à l'heure, membre d'un gouvernement et avoir constaté que l'Opposition a un rôle à jouer dans l'amélioration des lois, je souhaite que le ministre s'ouvre enfin les yeux, les oreilles et le coeur, et consente à recevoir devant une commission parlementaire, à la demande, d'ailleurs, de l'Union des municipalités régionales de comté, ces gens-là, pour qu'ils nous disent en quoi la loi les inquiète, en quoi elle pourrait être améliorée, en quoi nous pourrions maintenir la beauté du Québec comme territoire aménagé dans l'avenir. On ne peut y parvenir, M. le Président, qu'en étant modeste face aux réalités, aux groupes sociaux, face surtout aux institutions, comme les MRC ou les municipalités elles-mêmes. Je m'adresse à un ancien maire qui connaît mieux la question que moi. Les maires des municipalités et des MRC savent mieux que personne ce qu'il faut à leur région pour qu'elle se maintienne en santé et qu'elle se développe harmonieusement et surtout que les lois ne viennent pas, émanant du centre qui est à Québec, bouleverser des traditions anciennes et surtout un équilibre fort ancien. Les Québécois ont bâti ici un pays qui, à mon avis, est très beau, si on le compare à d'autres parties du continent nord-américain. Il ne faut pas, donc, que cet équilibre soit gâché, cette harmonie soit gâchée par une intervention intempestive du gouvernement central qui est à Québec. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit entendue notre demande et celle de l'UMRCQ elle-même de recevoir ici des groupes de personnes qui ont un mot à dire sur cette loi. Cette loi concerne l'avenir de la beauté du paysage au Québec et l'avenir de la beauté urbanistique du Québec.

J'espère me faire le plus éloquent possible pour convaincre le ministre de convoquer ici en commission parlementaire l'UMQ et l'UMRCQ. Ces groupes sont des intervenants majeurs dans l'équilibre et l'harmonie du paysage québécois. Sait-on jamais ce que cette loi peut donner dans l'avenir. On ne le sait pas. Il y a un point d'interrogation. Pour mieux savoir de quoi il retourne précisément, pour mieux connaître les tenants et aboutissants de cette loi, seuls les gens des MRC et des municipalités de comté, des municipalités comme telles, peuvent nous dire comment on peut changer la loi 90 pour en faire une meilleure qui corresponde mieux aux intérêts profonds des micro-économies que sont les régions du Québec, M. le Président. Pour toutes ces raisons, nous sommes convaincus, optimistes toujours, probablement, que le ministre va nous écouter et va . convoquer sans restriction aucune les groupes qui veulent être entendus par une commission parlementaire officielle digne de ce nom et conforme aux règles de fonctionnement d'un Parlement moderne et qui respecte la démocratie.

Pour toutes ces raisons, je me permets de suggérer à nouveau au ministre de relire la lettre très éloquente adressée à lui, dont nous avons eu copie, par M. Roger Nicolet et M. Camille Rouillard, qui démontre clairement qu'eux ont un intérêt à se faire entendre en commission parlementaire et qu'eux tiennent et se battent pour cela. À mon avis, nous serions des députés de piètre qualité si nous n'étions pas derrière ces demandes, si nous ne demandions pas au ministre, dans la foulée des demandes des présidents de ces groupes, de les entendre publiquement et surtout de leur permettre de nous faire connaître à nous de l'Opposition et au public en général pourquoi ils ont des réserves et, s'ils n'en ont pas, qu'ils le disent pour que nous sachions, s'ils sont pour, à quel point ils le sont et, s'ils sont contre, à quel point ils le sont et pourquoi.

Au fond, ce que nous voulons, c'est tout simplement une loi 90 améliorée, M. le Président. Le ministre a raison de dire que les lois évoluent. Moi, pour avoir passé une loi qui a évolué, je peux vous dire qu'effectivement, avec le temps, avec l'expérience, les lois doivent être ie théâtre d'une évolution certaine. Il y a une évolution qui peut se faire, mais elle ne peut se faire qu'en pleine lumière, elle ne peut se faire qu'en consultant les intervenants majeurs du

milieu, I'UMRCQ et l'UMQ, MM. Rouillard et Nicolet étant les porte-parole.

Je crois que le ministre, s'il veut être à la hauteur de ses propos d'il y a une heure en réplique à nos discours contre la loi, doit céder sur ce point-là et les convoquer non pas privément, mais publiquement pour que le paysage du Québec soit protégé, préservé, et que son développement harmonieux soit garanti pour l'avenir. Il ne peut l'être, M. le Président, que si les intervenants majeurs dans le paysage sont entendus, écoutés et peuvent faire connaître publiquement leur opinion sur cette loi-là. M. le Président, c'est mon opinion et je souhaite que le ministre y soit enfin sensible et cesse de se boucher les yeux et les oreilles. M. le Président, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Richard): M. le député de Mercier, je vous remercie. M. le député de Terrebonne, vous semblez avoir hâte de parier. Je vous donne donc la parole pour les dix prochaines minutes.

M. Yves Blais

M. Blais: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Lorsqu'on vient en commission parlementaire pour étudier article par article une loi, c'est à ce moment-là que les députés en général sentent toute la valeur du législateur. C'est excessivement valorisant pour un député de participer à la création et à la naissance d'une nouvelle loi. La naissance d'une nouvelle loi porte dans son essence tout ce que nous avons d'expérience en nous et nous nous efforçons autour d'une table, devant une présidence neutre, d'essayer d'utiliser nos expériences pour améliorer l'essence même du projet de loi que nous discutons. Nous avons l'insigne honneur ici de discuter d'une loi agricole. Nous avons aussi la chance d'avoir le ministre de l'Agriculture avec nous et Me Blain, qui est le commissaire en chef de la CEPAQ, de la CAPAQ, de la CPAQ, de la CPTAQ, excusez-moi, de la CPTAQ, je m'excuse, je me suis mêlé dans mes sigles. C'est la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Eh bien, à travers votre personne, M. le Président, je veux prendre à témoin ce noble juge qui est tout ouïe devant nous depuis plusieurs heures et qui est ici pour que nous l'ébahissions de nos connaissances et de nos expériences.

M. Pagé: Êtes-vous sûr de cela? Des voix: Ha, ha, ha! M. Blais: Je suis persuadé qu'il est là... M. Pagé: Cela, c'était clair!

M. Blais: ...pour écouter ce qu'on a à dire. Qui d'autre au Québec que le législateur peut jeter de la lumière sur un projet de loi? Ce n'est certainement pas Hydro-Québec ces temps-ci, elle est continuellement en panne. C'est le législateur qui doit jeter de la lumière sur ce projet de loi. Je reviens directement sur ce que nous discutons. Nous demandons que l'UMRCQ soit des nôtres pour qu'elle écoute et qu'on l'écoute surtout. Il est regrettable, de façon intrinsèque, que les législateurs, qui sont les créateurs des MRC au Québec...

Une voix: Ce sont les législateurs.

M. Blais: C'est nous les législateurs qui avons créé de toutes pièces les MRC. Ce sont, comme dirait le père Gédéon, nos créatures. Nous les avons faites comme nous pensions qu'elles devaient l'être et nous leur avons dit: Nous vous créons, nous vous respecterons et nous vous donnerons les pouvoirs nécessaires pour bien agir sur le territoire québécois. C'est presqu'un blasphème aujourd'hui, M. le Président, de voir qu'une simple demande d'être ouï par notre commission reçoit un non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Et les préfets, c'est ainsi que l'on nomme ceux qui sont à la tête de nos MRC, doivent se dire: Mais qu'entends-je, "qu'audiès-je"? Lorsqu'ils ont écrit, ris savaient qu'on les refuserait. Ils disaient à leurs secrétaires: Mais que "télétype-je"?

Des voix: Ha, ha, ha! (22 h 45)

M. Blais: Je sais pertinemment que nous y allons de la frappe de la dactylo mais que, même en noir sur blanc, cette commission ne nous recevra probablement pas. Quel manque de respect pour les créatures que nous avons faites. Je m'en sens éberlué. Je rentre dans mon siège.

M. le Président, nous avons fait des créatures qui s'appellent les MRC en leur disant: Sur le territoire québécois, le gouvernement central du Québec est moins près de la population qu'il ne désirerait l'être. Vu que nous avons cette force d'éloignement qui fait aussi notre faiblesse, nous allons vous créer de toutes pièces. Comme vous allez être plus près de la population, vous viendrez nous dire, à nous les législateurs du Québec, les choses que I'on se doit d'entendre puisqu'on est souvent coupés de la population.

Aujourd'hui, elles nous demandent avec une insistance presque puérile, parce que cela ne devrait pas leur être nécessaire de le demander, d'être reçues et on les considère presque comme des persona non grata à la commission. Presque. Ce n'est pas la bonne façon de faire pour avoir la paix entre les différents intervenants. On leur dit: Vous des MRC, vous allez nous préparer un schéma d'aménagement. Nous vous demandons d'essayer d'harmoniser l'agriculture, l'urbain, mais, lorsque l'on pariera, en commission par-

lementaire, d'agriculture, nous allons vous tenir à distance. Nous allons vous dire: Vous êtes nos créatures, mais nous ne voulons pas savoir ce que vous pensez, même si vous nous écrivez en nous disant qu'en ce qui concerne le projet de loi que nous avons vous n'êtes pas d'accord sur certains articles. Il est possible que les MRC aient tort, mais qui nous le dira et qui dira aux MRC si elles ont tort si nous ne les recevons pas?

M. le Président, avez-vous déjà vu un homme qui refuse de recevoir ses créatures? M. le Président, je m'adresse à vous de façon particulière, avez-vous déjà vu un homme qui refuse de recevoir ses créatures? Comment se fait-il que pour un individu l'axiome serait vrai mais que, lorsque l'on tombe dans le domaine collectif, on serait rébarbatif à être positif? C'est incroyable, mais, à moins qu'à la suite de notre argumentation le législateur ne change d'avis, pour le moment, on est rébarbatif; il n'y a pas de positif.

Le législateur en chef, c'est toujours le gouvernement. Nous sommes là, nous de l'Opposition, pour améliorer les premiers jets gouvernementaux des lois. Le gouvernement fait le texte et nous sommes là comme prétexte. Nous essayons d'améliorer le contexte. C'est ce que nous essayons de faire; c'est notre devoir. Alors ici, on intervient parce qu'on dit à ceux qui sont chargés de faire l'aménagement territorial, le schéma d'aménagement: Tenez-vous loin. Vous n'avez pas grand-chose à dire sur le territoire québécois. Vous n'avez que l'aménagement complet du territoire à faire. Ce n'est pas grand-chose. Au Québec, il n'y a pas grand-chose à part des villes et des milieux ruraux.

Alors, si j'étais un préfet, je me sentirais vexé, diminué et je ne sais pas de quelle façon j'agirais, mais j'agirais peut-être comme eux, c'est-à-dire en nous écrivant une lettre pour nous demander s'ils peuvent être reçus. Ils nous disent aussi: À défaut d'être reçus, nous demandons tout simplement au ministre de retirer son projet de loi.

En conclusion, M. le Président, pour votre gouverne, j'aimerais que vous transmettiez au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation le message des MRC et je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Terrebonne, pour votre exposé. M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez dix minutes pour vous exprimer.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, voilà une motion tout à fait sensée que celle que mon collègue de Lévis vient d'apporter à cette commission, qui consiste à inviter l'Union des municipalités régionales de comté à venir témoigner devant nous sur le projet de loi 100. On l'a déjà dit, mais je pense qu'il convient de le répéter, les municipalités régionales de comté, au Québec, se sont vu confier la responsabilité extrêmement importante de faire l'aménagement du territoire via la loi 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Les MRC ont donc la responsabilité d'élaborer et d'adopter un schéma d'aménagement à l'intérieur duquel se retrouve le territoire agricole, la zone agricole protégée. Il me semble que cela tombe sous le sens que nous devrions entendre l'UMRCQ sur ce projet de loi, laquelle regroupe les instances, au Québec, qui sont habilitées à faire de l'aménagement du territoire, afin qu'elle nous fasse part de ses opinions et de ses remarques sur le projet de loi 100. Elle en a des opinions et certaines sont déjà connues. Elle a ainsi fait parvenir une lettre très étoffée au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de concert avec l'autre union municipale qui est l'Union des municipalités du Québec, lettre dans laquelle elle exprime des inquiétudes, à mon avis, qui apparaissent fondées ou, en tout cas, des inquiétudes que nous devrions prendre en considération.

Nous devrions permettre à l'Union des municipalités régionales de comté de se faire entendre. Cela me semble aller de soi. Je trouve anormal, ce soir, que tous mes collègues défilent les uns après les autres et utilisent leur temps de parole afin d'essayer de convaincre le ministre et les autres membres de la commission d'une chose qui va de soi. C'est le contraire qui est anormal, c'est-à-dire qu'on ne reçoive pas l'Union des municipalités régionales de comté sur le projet de loi 100; ça c'est anormal, irraisonnable, insensé. Comment peut-on étudier et adopter un projet de loi qui porte sur la protection du territoire agricole, qui crée un secteur exclusif à l'intérieur de la zone agricole, qui crée un poste de "commissaire aviseur", qui a des dispositions sur l'immunité du producteur agricole, qui crée un fonds d'indemnisation pour venir en aide aux producteurs agricoles qui sont l'objet de poursuites - et cela, c'est tout à fait unique, c'est vraiment une innovation juridique que ce fonds d'indemnisation qu'on est en train de créer... Donc, il s'agit d'un projet de loi qui introduit des nouveautés et des changements majeurs au chapitre de la façon de protéger le territoire agricole depuis que la loi existe, en 1978, et on conviendrait, nous, la commission parlementaire, que ce n'est pas utile d'entendre l'Union des municipalités régionales de comté? Je ne comprends pas, M. le Président, je trouve cela anormal, irraisonnable, insensé.

Le ministre va me dire: Écoutez, demain, j'ai une rencontre avec la table de concertation Québec-municipalités. Il sera probablement accompagné de son collègue des Affaires municipales, je ne le sais pas, je le suppose, peut-être en tout cas. Je le sais que c'est une instance importante, la table de concertation Québec-municipalités est une instance importante. Elle a été créée au moment où on était au pouvoir.

Cela a fait suite à la réforme de la fiscalité municipale. On a créé cette table pour permettre aux intervenants intéressés par la réforme de la fiscalité municipale et toutes les questions touchant les municipalités de se parler, de s'entendre, de se concerter. Mais cela va se dérouler en vase clos. Cela va se dérouler derrière des portes closes et il y a juste le ministre qui va rencontrer les Intervenants municipaux. C'est le pouvoir exécutif, c'est le gouvernement qui va rencontrer les intervenants municipaux. Ce n'est pas le pouvoir législatif. Ce n'est pas les députés, les élus de l'Assemblée nationale, c'est le ministre, c'est le gouvernement. Il a le droit de le faire et je ne trouve pas anormal qu'il le fasse. Je trouve même curieux qu'il n'ait songé à le faire qu'à ce moment-là, que demain. Il aurait dû le faire bien avant. Il aurait dû entrer en consultation bien avant avec les unions municipales. Mais, enfin, qu'il le fasse, je n'ai rien contre. Je trouve cela tout à fait légitime et normal que le gouvernement, que le pouvoir exécutif ait des pourparlers et des relations avec le monde municipal dans le cadre d'une instance appropriée qui existe depuis plusieurs années et qui s'appelle la table de concertation Québec-municipalités. Mais, ce faisant, cela ne dispense pas la commission parlementaire d'entendre l'Union des municipalités régionales de comté de même que l'UPA. Ce sont deux choses bien distinctes. Le ministre fait ses consultations, fait ses rencontres, très bien. Mais, la commission parlementaire, elle, doit, de son côté, faire les consultations qui s'imposent, les consultations nécessaires et entendre les intervenants publiquement, en pleine lumière, comme le mentionnaient mes collègues, de façon transparente, en toute limpidité. Cela doit se faire publiquement.

Ils sont là en plus, M. le ministre. Le président de l'Union des municipalités régionales de comté est ici présent; il est au parlement. On pourrait, dès maintenant, aussitôt mon temps de parole écoulé, si vous étiez d'accord, l'inviter à la table des témoins et on pourrait, immédiatement, prendre la dernière heure pour entendre l'UMRCQ.

M. Garon: Commencer. M. Brassard: Pardon? M. Garon: Commencer.

M. Brassard: On pourrait commencer tout de suite. Ils sont là. Ils sont en place. Ils sont ici au parlement. Ils s'intéressent, évidemment, à la fois au projet de loi 90 qui est à l'étude dans l'autre salle où se tient une commission et au projet de loi 100 que l'on étudie ici dans cette salle. Cela ne serait pas compliqué. Comment peut-on refuser à un Intervenant majeur comme l'UMRCQ de se faire entendre, d'exprimer son opinion sur cette question? Je le dis, M. le Président: La table de concertation que va rencontrer le ministre demain, c'est une chose; la commission parlementaire en est une autre. Nous, nous devrions inviter l'UMRCQ, comme l'UPA d'ailleurs, afin de les entendre et de discuter avec eux sur le projet de loi 100.

Cela m'inquiète beaucoup parce que je pense que depuis plusieurs mois nous sommes en face, de la part du gouvernement, d'une attitude méprisante à l'égard des institutions parlementaires, à l'égard des institutions démocratiques, une attitude méprisante qui se traduit par l'utilisation intempestive du bâillon, de la clôture sur des projets de loi importants, comme le projet de loi 37 sur l'aide sociale et le projet de loi 34 sur le transport ambulancier. Ce dernier, cela fait même trois semaines qu'il n'est pas étudié. On nous a imposé le bâillon et la clôture. Il y a actuellement une attitude méprisante, malsaine et inquiétante de la part du gouvernement à l'égard des institutions démocratiques, à l'égard du Parlement, à l'égard de l'Assemblée nationale qui est, à mon avis, et qui doit être l'institution démocratique par excellence dans une société, dans une démocratie comme la nôtre. Or, le gouvernement manifeste, de façon régulière et constante, une attitude hautaine, méprisante, arrogante à l'égard, non seulement de l'Opposition, mais à l'égard des institutions parlementaires elles-mêmes, non seulement de l'Assemblée nationale, mais des commissions parlementaires aussi, et, ce faisant, une attitude méprisante et arrogante à l'égard des intervenants socio-économiques de la société québécoise. (23 heures)

Nous avons été neuf ans au pouvoir, M. le Président. Nous avons toujours, en toutes circonstances, pris tout le temps qu'il fallait pour entendre les intervenants, à l'occasion de consultations générales, la plupart du temps. Ce n'était pas des consultations particulières; la plupart du temps, c'était des consultations générales. Même si on savait que cela prenait plus de temps à adopter et à étudier les projets de loi, on considérait comme étant essentiel, si on voulait respecter la démocratie, de ne pas refuser à un intervenant qui veut se faire entendre la possibilité d'être entendu. Cela m'apparaît être un principe fondamental que toute commission parlementaire à l'Assemblée nationale devrait scrupuleusement respecter. On ne devrait en aucune circonstance et en aucune occasion refuser d'entendre un intervenant, quel qu'il soit, qui souhaite se faire entendre sur un projet de loi. Cela m'apparaît être un principe fondamental. Il faudrait vraiment que les circonstances soient exceptionnelles pour qu'on ne respecte pas ce principe.

Alors, M. le Président, dans ces conditions, j'implore le ministre, j'implore les députés ministériels de revenir à ce principe fondamental qui consiste à entendre et à accepter d'entendre tout intervenant qui le demande en commission

parlementaire et que cela se fasse publiquement, au vu et au su de tout le monde, en toute limpidité et en toute transparence. Cela peut se faire immédiatement. Les intervenants sont à l'écoute, lis sont là. Ils sont présents, ici, physiquement, au parlement. Il suffit de leur dire: Venez. On vous invite. Assoyez-vous à la table des témoins. Entamons le dialogue. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. S'il n'y a pas d'autre intervenant sur l'amendement du député de Lévis, je vais disposer, à ce moment-ci, de l'amendement.

M. Brassard: Par appel nominal, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Par appel nominal. Alors, quels sont ceux...

M. Pagé: M. le Président?

Le Président (M. Richard): M. le ministre.

M. Pagé: Je m'excuse. J'étais un peu occupé à adresser des cartes de bons souhaits à la MRC Mékinac, aux MRC de la région chez nous, aux corporations municipales de mon milieu. Je peux, évidemment, pour le bénéfice du Journal des débats, car pour ceux qui nous lisent - et ils sont nombreux - il peut sembler...

M. Brassard: M. le Président, sans vouloir interrompre le ministre, en ce qui concerne la carte de bons souhaits qu'il va, évidemment, adresser au président de l'UMRCQ, on peut lui faire économiser un timbre. Il peut la lui remettre en main propre; il suffit de l'inviter à venir témoigner.

M. Pagé: Je me proposais de la lui remettre en main propre demain. Ceci étant dit...

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M. le ministre, indépendamment des voeux de Noël.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Pour le bénéfice de ceux qui nous lisent, vous savez, cette journée en aura été une où l'Opposition s'est conviée à une stratégie de mesures dilatoires selon laquelle chacun des députés disponibles vient faire son tour de piste, se branche directement sur le pilote automatique de la parole et occupe le temps. Occupe tellement le temps que - et même le Journal des débats, à cet égard, ne peut y référer - on a fonctionné, aujourd'hui, avec des cadrans pour être bien certains que tout le temps soit utilisé au maximum, que la réglementation soit utilisée au maximum, de façon à gagner du temps. Ce que l'Opposition officielle recherche, ce n'est pas à mener un débat de fond sur ce projet de loi important qui est déposé devant l'Assemblée nationale actuellement, mais plutôt à pérorer, à causer. Parfois, c'est agréable. Je dois convenir, ce soir, que le député de Terrebone est de commerce agréable; que le député de Lévis est égal à lui-même et à sa réputation, en référence au caractère pittoresque qui l'identifie, et que le député de Lac-Saint-Jean s'est laissé aller à dépasser un peu les limites qu'il s'impose quotidiennement. Il nous a fait une présentation qui, à la fin, était théâtrale. Cette argumentation ne contenait pas plus de fondement, cependant, mais, au moins, elle avait le mérite d'être enrubannée ou présentée de façon agréable, ce qui lui est propre et qui va dans le sens des activités parascolaires qu'il avait lorsqu'il étudiait au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Ceci étant dit, il y a cependant des choses très intéressantes qui ont été dites ce soir qui demeureront. Tout d'abord, il y a la déclaration du député de Lévis, formelle, officielle, très claire, très évidente, comme quoi, dans son esprit, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme doit avoir priorité sur la Loi sur la protection du territoire agricole. Je suis persuadé que le profond respect que les clientèles agricoles ont gardé pour lui sera diminué d'au moins un cran, parce que c'est faire preuve, en disant ça, de faiblesse en référence aux principes qu'il défendait, "supposément", lorsqu'il avait le privilège et l'honneur, comme moi aujourd'hui, d'administrer le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

En déposant de telles motions, l'Opposition officielle témoigne et exprime de façon très éloquente le fait qu'elle est complètement, mais complètement coupée des groupes comme l'Union des producteurs agricoles, l'Union des municipalités régionales de comté et l'Union des municipalités du Québec. Le Parti québécois a coupé tout contact avec ces organismes représentatifs, j'en conviens. Les contacts ont été tellement coupés qu'ils se sentent aujourd'hui obligés, en fin de course, au moment de l'étude du projet de loi en deuxième lecture, article par article, par acquit de conscience probablement, dans un geste qui est tout aussi fallacieux qu'évocateur, de venir nous dire: On aurait du temps; on pourrait même les entendre à 23 heures, à 23 h 55, en quelque sorte. Faut-il être coupe de la réalité? C'est donc dire que vous n'avez entretenu aucun contact avec un organisme aussi représentatif, aussi important dans la vie économique du Québec que l'Union des producteurs agricoles.

Non seulement, vous n'avez pas maintenu de contacts, vous n'avez pas entretenu de relations avec ce groupe très important pour les régions, pour les productions, etc., mais vous témoignez de méfiance à l'égard des agriculteurs du Québec. Oui, de méfiance. Quand j'entends le député de Lévis et d'autres remettre en cause la représen-

tativité du président de l'Union des producteurs agricoles du Québec, un homme qui a à coeur l'avenir de l'agriculture au Québec, un homme qui est représentatif et qui a une assise très solide en termes d'appui dans son groupe - et par surcroît cela vient du député de Lévis, l'ex-ministre de l'Agriculture - et remettre en cause la légitimité de l'appui donné, par le président de l'Union des producteurs agricoles, au projet de loi que j'ai déposé Ici, cela témoigne, encore une fois, de deux choses. Premièrement, que c'est un comportement qui, là aussi, réfère à de l'improvisation, réfère... Je l'ai dit tantôt, le député de Lévis a l'air un peu comme un de mes garçons qui se fâche parfois. Il a l'air un peu jaloux de voir cette relation étroite, intime entre le ministre de l'Agriculture, le gouvernement du Québec et l'Union des producteurs agricoles du Québec. Comme je l'ai dit souvent, vous savez, M. le Président, le problème de mon ami Jean, l'honorable député de Lévis, pour qui on a beaucoup d'attention, parce qu'il est complètement isolé ici, dans la région de Québec, alors on a beaucoup de sympathie pour lui, beaucoup de considération... Mais, pauvre député de Lévis, il a l'impression que l'agriculture est née avec lui et il a l'impression que l'agriculture est morte avec lui, avec son départ. Imaginez-vous donc!

J'ai bien apprécié son propos. Il était intéressant. Il était drôle à certains égards et c'est tout à fait indiqué pour les parlementaires que nous sommes, qui sommes obligés et conviés à écouter ses collègues pendant autant de temps, pour des motifs purement et simplement dilatoires. C'est là la première chose que vous avez démontrée.

La deuxième chose que le député de Lévis a démontrée ce soir... Et, si j'étais à sa place, je serais réservé et même un peu gêné de venir m'inscrire en faux contre ce projet de loi qui consacre des principes, des droits, des pouvoirs, une considération et une appréciation très nette à l'égard de l'agriculture. Ce projet de loi est un engagement pour l'agriculture au Québec. Jamais, jamais - et l'ensemble des observateurs est unanime à le reconnaître, des observateurs objectifs; ça ne vient pas de moi, c'est une perception qu'on a bien voulu porter à mon attention, ce sont des réactions qu'on a bien voulu porter à mon attention - mon prédécesseur au ministère n'aura eu assez d'autorité, assez de "leadership" - excusez le terme, messieurs - assez d'autorité politique au sein du cabinet, assez de sens de la négociation, de la discussion, mais surtout assez de persuasion pour convaincre son collègue, l'ex-ministre des Affaires municipales, M. Léonard, d'en venir à une entente véritablement à l'amiable entre les deux ministres, celui des Affaires municipales et celui de l'Agriculture, auxquels s'est ajouté la voix du ministre de l'Environnement, évidemment. Les agriculteurs le savent. Vous serez jugé par les actes que vous posez.

Nous comprenons que, lorsqu'on siège dans l'Opposition, c'est difficile. C'est difficile: j'y ai siégé pendant neuf ans. Le premier mandat peut, à certains égards, être emballant. Lorsqu'on y arrive, on sent l'obligation de se ressourcer, de revenir au message fondamental. Il arrive parfois à certains membres de l'Opposition, et ce, quels que soient les partis, d'être tentés de contester le chef. Il arrive souventefois des conventions à la chefferie, une fois que les partis se retrouvent dans l'Opposition. Jusque-là, I peut y avoir une certaine "ambiance", entre guillemets, sauf que, lorsque tout ça est passé et, par surcroit, lorsqu'on voit, au fur et à mesure qu'on avance dans ce premier mandat comme Opposition, qu'on y sera pour au moins deux mandats, si ce n'est trois, dans le cas qui vous concerne, là, ça devient moins drôle, parce que vous devez toujours vous inscrire en réaction.

Une voix: C'est arrogant.

M. Pagé: Non, ce n'est pas de l'arrogance, c'est un constat.

M. Blais: On est juste au premier. Cela va bien.

M. Pagé: Vous devez toujours vous inscrire en réaction.

Une voix: Attendez le 15, M. le ministre.

M. Pagé: Vous n'avez pas le pouvoir de prendre l'initiative en quoi que ce soit. Vous devez toujours vous inscrire en critique, de façon parfois un peu acerbe - aujourd'hui, c'était agréable, il faut en convenir et je suis persuadé que mes collègues en conviennent et que mes honorables adjoints ou professionnels qui sont autour de moi pourraient en convenir eux aussi, s'ils avaient l'occasion d'intervenir ici; au moins, cela a eu le mérite d'être agréable. Mais je comprends votre frustration et cette frustration doit être encore plus grande pour certains d'entre vous qui, de bonne foi, légitimement, recherchaient, lorsque vous assumiez la responsabilité de la gestion de l'État québécois, des solutions qui passaient par ce qui est dans le projet de loi 100 aujourd'hui. Vous devez reconnaître que l'absence d'une volonté politique visant à régler le problème de la dualité entre la Loi sur la protection du territoire agricole et la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, cette absence d'autorité et de volonté politiques aura créé des situations délicates, des situations de tension durement ressenties, tant par le milieu municipal que par le milieu agricole. (23 h 15)

Le projet de loi 100 vient apporter des solutions à l'ensemble de cette problématique qui, nous en avons la conviction profonde, conduira à une cohabitation beaucoup plus pacifique, beaucoup plus motivante, sous l'égide d'un meilleur

"voisinage", entre guillemets, entre le monde agricole et le monde municipal du Québec.

Vous me demandez donc à la course, à la dernière minute, d'organiser à la va comme on pourrait l'organiser des consultations privées, des consultations restreintes plutôt. J'ai eu des contacts. D'abord, la position du milieu municipal est connue; elle a été débattue longuement, de façon même répétitive pour presque la moitié, sinon un peu plus, des schémas d'aménagement qui ont été adoptés par le Comité ministériel permanent du développement régional et le cabinet. L'ensemble de cette "problématique", entre guillemets, a été l'objet de discussions nombreuses entre le ministre de l'Agriculture, le ministre des Affaires municipales et le ministre de l'Environnement, avec les nombreuses municipalités régionales de comté qui ont été invitées par le Comité ministériel permanent du développement régional. Une rencontre formelle est intervenue avec l'Union des municipalités régionales de comté, un beau mercredi matin, à 8 heures du matin, où, là aussi, on a eu l'occasion de discuter. J'ai eu une rencontre avec la table Québec-municipalités un peu plus tôt dans mon mandat, avec mon collègue, l'honorable ministre des Affaires municipales, M. Bourbeau, à ce moment-là. Je me suis personnellement rendu rencontrer, discuter et répondre aux questions de mes amis les préfets des MRC du Québec; j'ai donné tout le temps nécessaire à chacun de me poser des questions dans le cadre d'une réunion qu'ils avaient organisée ici à Québec. J'ai rencontré encore tout récemment le président de l'UMRCQ, M. Nicolet, qui reçoit tout mon respect, toute mon appréciation, pour une cause que, lui, défend, et que je ne partage pas à certains égards, mais dont plusieurs des objectifs que j'ai à faire valoir et qu'il fait valoir avec beaucoup de vigueur et de conviction se rejoignent.

Alors, nous avons regardé tout ça, nous avons analysé tout ça, nous en sommes venus à un consensus très large, très clair au Conseil des ministres et, aujourd'hui, il ne serait pas opportun ni pour le milieu municipal ni pour le milieu agricole de nous convier à nouveau à des échanges sur les principes fondamentaux du projet de loi 100, compte tenu qu'on a déjà eu à plusieurs reprises l'occasion d'en discuter. C'est d'ailleurs en ce sens que M. Nicolet et moi avons évoqué, lors de notre dernière rencontre, le fait qu'il pourrait très certainement être utile, je dis bien utile, d'échanger ensemble, de discuter ensemble autour de cette table qui est la table Québec-municipalités.

Le député de Lac-Saint-Jean va très certainement répliquer: Oui, mais, M. le ministre, vous êtes de l'Exécutif, mais nous, mais nous? Je vous en prie. Vous vous faisiez "suppHcatifs", tout à /'heure, je me limiterai à dire: Je vous en prie. Nous, de notre côté, nous avons fait notre travail. Nous, de notre côté, nous sommes près du milieu municipal. Nous, de notre côté, nous sommes près du milieu agricole. Si vous avez été absents, si, pendant tous ces mois, vous avez investi votre capital humain, investi votre intelligence dans la façon de remplacer votre chef, dans la façon de bâtir une espèce de politique qui veuille dire quelque chose sans vouloir nécessairement dire ce qu'on voudrait que ça veuille dire au moment électoral, par rapport a votre volonté politique d'en arriver à une indépendance avant le référendum, à la suite d'une élection qui portera peut-être là-dessus... Écoutez! vous avez investi tellement de temps là-dessus, mes chers amis, que vous ne vous êtes pas préoccupés de garder ce contact étroit et constant qu'on doit avoir en démocratie. Même si vous n'êtes pas le pouvoir, vous êtes l'accessoire du pouvoir, tout au moins. Aujourd'hui, on ne peut pas, parce que vous n'avez pas fait votre job, retarder systématiquement l'appareil législatif. Pour ces motifs, M. le Président, et pour d'autres que j'aimerais soutenir...

Une voix: Consentement.

M. Pagé: ...vous comprendrez que notre groupe parlementaire ne pourra souscrire à la motion présentée par le député de Lévis. Je ne voudrais pas que le député de Lévis y voie des motifs d'opposition à sa motion parce que c'est lui qui l'a présentée. Au contraire, il a tout notre respect, notre sympathie et notre appréciation. Mais nous voterons quand même contre sa motion.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: C'est une vraie honte. Appelez le vote.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. Puisque je dois disposer de l'amendement du député de Lévis et que M. le député de Lac-Saint-Jean a demandé l'appel nominal, M. le secrétaire, si vous voulez vous exécuter.

M. Pagé: Pas dans le sens: avec un pistolet.

Le Secrétaire: Bien. Sur l'amendement proposé par le député de Lévis afin d'ajouter l'Union des municipalités régionales de comté, voulez-vous vous prononcer? M. Beaudin (Gaspé)?

M. Beaudin: Contre.

Le Secrétaire: Mme Dionne (Kamouraska-Témicouata)?

Mme Dionne: Contre.

Le Secrétaire: M. Dubois (Huntingdon)?

M. Dubois: Contre.

Le Secrétaire: M. Farrah (îles-de-la-Made-

leine)?

M. Farrah: Contre.

Le Secrétaire: M. Messier (Saint-Hyacinthe)?

M. Messier: Contre.

Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf)?

M. Pagé: Contre.

Le Secrétaire: M. Brassard (Lac-Saint-Jean)?

M. Brassard: Pour.

Le Secrétaire: M. Godin (Mercier)?

M. Godin: Pour.

Le Secrétaire: M. Biais (Terrebonne)?

M. Blais: Pour.

Le Secrétaire: M. Garon (Lévis)?

M. Garon: Pour.

Le Président (M. Richard): Je sais que vous allez donner le décompte, mais on peut facilement, sans avoir de grosses notions de comptabilité...

Le Secrétaire: Six contre, quatre pour, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Nous revenons donc à la motion principale. M. le député de Terrebonne, vous avez donc droit à dix minutes.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. La motion principale qui dit que nous devrions recevoir ici l'UPA, qui est directement concernée par ce projet de loi, pour venir nous éclairer et pour bonifier ce projet de loi, mes confrères en ont parlé très largement. Je souhaiterais personnellement que l'UPA vienne, mais je sais qu'on va refuser probablement.

Motion d'amendement proposant d'entendre aussi l'UMQ

Alors, j'y vais immédiatement d'un amendement. "La motion est amendée par l'addition, à la fin, des mots "l'Union des municipalités du Québec."

M. Pagé: M. le Président, sur la recevabilité, je suis persuadé que la motion est rece-vable, quoique je voudrais Indiquer à mon honorable collègue de Terrebonne que le résultat sera très certainement le même que pour le vote précédent, à moins que vous ne changiez d'idée.

M. Brassard: À moins qu'on ne réussisse à vous convaincre.

M. Garon: C'est cela. N'oubliez jamais que le succès est le fruit du dernier essai.

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Je vous remercie beaucoup. Il va de soi que je demande que l'Union des municipalités du Québec vienne. Pourquoi? M. le ministre vient de faire une longue diatribe. Il a parlé de notre manque de contacts avec les élus municipaux. Je tiens à dire que je ne veux pas mettre sa parole en jeu. Je ne veux pas douter de sa parole parce qu'on n'en a pas le droit. Cependant, je pourrais dire que je ne crois pas que nous manquions de contacts avec les élus municipaux. Nous les contactons très souvent. D'ailleurs, personnellement, comme député, je suis à peu près le seul dans ce Parlement qui ai reçu 1258 lettres des 1553 municipalités du Québec sur une cause environnementale, avec des résolutions dûment signées. Il n'y a pas beaucoup de députés dans cette Chambre qui peuvent le dire. Et c'était il y a un an. Donc, on a des contacts.

Je ne doute pas de sa parole, mais je suis persuadé qu'il ne peut pas mettre sur la table des preuves que nous n'avons pas de contacts avec eux. Cependant, nous pouvons mettre sur la table une preuve comme quoi, si contacts il y a eu, ils ont été infructueux, parce que les municipalités demandent, dans une lettre: "Devant la loi 100, nous croyons opportun que le gouvernement convoque une commission parlementaire mixte, comme le permettent les règles de l'Assemblée nationale, qui donnera l'occasion d'analyser l'impact des différentes dispositions du projet de loi 100 sur l'agriculture, mais aussi sur l'aménagement et l'environnement."

Je ne doute pas que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui est lui aussi d'agréable compagnie, a certainement des contacts avec les élus à travers le Québec. Mais par cette demande de l'Union des municipalités et de toutes les municipalités du Québec, si celles-ci demandent à la commission et au ministre d'être reçues de façon officielle, il nous est au moins loisible de croire que les contacts particuliers ont été infructueux et que ces gens aimeraient que leurs demandes se fassent en plein jour, ou en pleine soirée, selon les heures, mais se fassent au moins de façon officielle. C'est pour aider le ministre que nous demandons que ces différentes associations viennent nous rencontrer, pour éclairer les législateurs sur le projet de loi, parce que si les rencontres qu'il a eues précédemment avec les municipalités et les unions des municipalités avaient donné les fruits attendus, il aurait été prêt, ce soir, à commencer l'étude de l'article 1.

Mais vu que nous nous sommes rendu compte, par les échanges de correspondance et les contacts que nous avons avec les municipalités, que les rencontres que le ministre a eues n'ont pas donné les fruits attendus et que les municipalités demandent à être officiellement reçues pour dire publiquement ce qu'elles ont à dire sur le projet de loi pour l'améliorer, et vu que le ministre lui-même nous dit qu'il les rencontrera, et encore en privé, demain après-midi, tout ça, je crois, plaide que, si contacts il y a, s'il y a semence, le fruit n'a pas l'air très très...

Une voix: Mûr.

M. Blais: ...mûr ou juteux.

Notre demande de recevoir les municipalités du Québec se justifie dans son essence, à la face même de la présentation, du discours que le ministre nous a tenu et par le fait qu'il rencontre les municipalités demain encore, et en privé, ce qu'elles ne veulent pas, je crois, parce que, si elles voulaient se contenter d'une rencontre privée avec le ministre, cela irait de soi. De façon générale, à ce que je sache, si d'autres élus de gouvernements urbains ou de gouvernements régionaux de villes demandent à être reçus par les élus provinciaux, la réponse, de façon générale, est toujours oui. Ils savent qu'ils vous rencontrent demain. Nous le savons et eux aussi le savent, mais ce n'est pas ça qu'ils veulent. Ils veulent être entendus publiquement pour que leurs revendications soient enregistrées et rendues publiques.

Je ne dis pas qu'ils ont raison, je ne dis pas qu'ils ont tort dans leurs revendications, on n'en est pas là, on n'en est pas rendus à l'étude article par article, mais je tiens à dire: S'ils veulent se faire entendre - j'ai assez de respect pour eux - je voudrais que vous leur donnassiez l'opportunité de venir à cette commission parlementaire.

Autre chose. Il y a tout un autre aspect de l'exposé du ministre qui me laisse pantois. Il a dit: Nous, de notre côté - en parlant du Parti libéral, du gouvernement en place - nous avons fait nos contacts et nous savons de quoi nous parlons. Si vous - en parlant de nous, l'Opposition - de votre côté, ne les avez pas faits et ne savez pas de quoi vous parlez, ce n'est pas notre faute à nous, les libéraux qui sommes au pouvoir. (23 h 30)

Si on s'en tient au strict libellé de l'exposé du ministre, ça voudrait, dire qu'en tout temps, quel que soit l'organisme qui demanderait à être reçu en commission parlementaire, on pourrait dire: Mon Dieu, le parti au pouvoir, quel qu'il soit, a rencontré cette association. Le parti de l'Opposition n'a qu'à la rencontrer et les auditions et rencontres publiques ne sont pas nécessaires. Je ne crois pas que ça soit ce que le ministre pense, mais je tiens à dire: C'est ça qu'il a dit.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: II ne pense peut-être pas que c'est ainsi que ça devrait se dérouler, mais c'est ce qu'il a dit. Il a dit: Nous, de notre côté, nous avons des contacts étroits, fréquents, amiables, aimables, chaleureux avec le monde municipal. Et je n'en doute pas! Il a même rajouté: civilisés. Et je le crois. Il vous a rencontrés à travers le Québec, sur différents sites, de là vient le mot "citoyen".

M. Pagé: Ce n'est pas trop drôle.

M. Blais: Je ne dis pas ça pour vous faire rire. Je dis ça pour essayer de vous faire comprendre. Il s'est promené. Les contacts ont été bons, fructueux, civilisés. Et il nous dit: Vous n'aviez qu'à faire comme nous. Eh bien, si les contacts avaient eu les fruits que les gens contactés s'attendaient à avoir, ils n'auraient pas écrit une lettre de supplique. C'est presque une supplique municipale que cet exposé épistolaire. Et je vais citer quelques phrases de M. Roger Nicolet, phrases assez lourdes de sens pour qu'un de nos grands analystes du Québec, Gilles Lesage, les reprenne en éditorial. Cela voulait donc dire que les paroles étaient lourdes de sens. M. Lesage intitule: "Le tapage autour du zonage agricole. Démagogie! s'écrient les MRC. Et Bourassa, lui, jure qu'il sera vigilant." Le titre est assez accrocheur.

Une voix: La date?

M. Blais: La date, c'est avant que vous ne les rencontriez demain. Vous ne les avez pas vus encore. Donc, la date importe peu. Vous les voyez demain. La date? Le 15 juillet. Je ne crois pas que la date soit importante parce que, quels que soient les problèmes qu'il y avait au milieu de l'été, au temps de la canicule, on voit que la chaleur n'a pas porté fruit dans les relations parce que vous sentez vous-même le besoin de les revoir demain et encore en privé.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Donc, je ne crois pas que la chaleur a fait mûrir les relations entre le ministre et les municipalités. Alors, la date importe peu, mais, pour le bien de la cause, je vous dis que c'est le 15 juillet et l'année c'est 1988, M. le ministre. Tandis que le premier ministre promet plus de vigilance, l'UMRCQ estime que seule la démagogie doit perdre du terrain - ce ne sont pas les agriculteurs qui doivent perdre du terrain ni les municipalités, mais la démagogie - dans le dossier du zonage agricole et du dézonage de bonnes terres arables." Au cours d'une entrevue hier avec Le Devoir - un compte rendu détaillé en sera fait demain - il dit qu'il en parlera encore.

Je lis le texte, mais je vais me contenter

de ce résumé succinct ici parce qu'il parle par lui-même. Dans son texte, le président de l'Union des municipalités régionales de comté dit qu'il y aura toujours des situations ponctuelles de conflit, soit des équipements publics à localiser en milieu agricole, des concessions pour le respect de l'environnement, parfois môme des erreurs comme des zonages trop expéditifs. Il admet qu'il est humain... Et moi, je comprends ça. Je ne plaide pas ici pour la perfection. Elle n'est pas de ce monde. Tout le monde peut se tromper. Et on a tous dans notre bagage, dans notre curriculum vitae, qui que l'on soit, quoi que l'on ait fait, toute une série d'erreurs dans des choses qu'on n'a pas prévues. Ce qu'on veut éviter ici, c'est qu'il n'y ait une erreur dans ce pro|et de loi - il n'y en a peut-être pas - et que, sciemment, on refuse un éclairage d'une personne en poste, d'une personne responsable, d'une personne qui a de l'expérience et qui supplie, comme un pauvre gueux devant saint Antoine, pour être reçu.

Le véritable défi, dit M. Nicolet, est de rétablir le dialogue régional au-delà de ces difficultés. "Il est appuyé dans cet énoncé par le maire d'Austin, près de Magog, et préfet de la MRC de Memphrémagog." Devant de tels choix, confrontée à une problématique qui remet en cause ses propriétés, la société n'a que faire d'une dialectique que d'aucuns ont voulu rabaisser au plan de la démagogie." Je ne pousserai pas ici l'arrogance, même si je crois que je sais ce que ça veut dire, jusqu'à définir qui, ici, est visé par la démagogie. Je ne pousserai pas l'arrogance jusque-là, parce que je trouverais ça arrogant. "Seule la démagogie doit perdre du terrain, estime l'union qui représente 75 % des municipalités et presque toutes les MRC du Québec. Elle rappelle qu'il y a eu, en 1985, une première série de modifications à la loi 90 - le ministre en parlait tantôt - pour permettre la conciliation entre les objectifs nationaux de protection de l'agriculture et une perception décentralisée de l'aménagement du territoire et que le même gouvernement, celui du PQ, avait concrétisée par la loi de 1979 sur l'aménagement et l'urbanisme.

Cela veut dire qu'en 1985 on avait tenté. Il est peut-être resté des zones grises et c'est ça que la loi 100 devrait éclairer aujourd'hui. S'il y a des coins encore brumeux, s'il y a encore dans la loi des coins marécageux, s'il y a encore une course à obstacles pour observer la loi sans brimer qui que ce soit, c'est la loi 100 ici qui est censée rétablir les faits, concrétiser et aplanir le plus de difficultés possible. Ce ne sera pas encore parfait, mais il faut que ce soit le plus parfait possible. "L'enjeu des négociations entre la commission et les MRC (pour la définition du périmètre agricole protégé) doit être le souci de définir la véritable vocation des vastes étendues inaptes à l'exploitation agricole, dit l'union, à tous ceux qui se préoccupent du développement du 'Québec des régions". M. Lesage, qui n'est pas beaucoup de notre côté, 1 n'a pas encore sa carte de membre, dit que "c'est un thème cher au Parti québécois*. C'est indiqué dans l'éditorial, à part ça. "Seul un vice de procédure administrative une situation rendue possible par une erreur de concept quant à la définition du territoire agricole à protéger dans le texte de la loi, écrit M. Nicolet, explique une situation qui, sous plusieurs aspects, constitue une expropriation déguisée."

M. le Président, je crois Important et je crois qu'il relève de la démocratie primaire, lorsque beaucoup d'élus. 75 % des municipalités du Québec, demandent à être entendus, de dire oui. Nous avons la chance au Québec et en Amérique du Nord de façon générale d'avoir un système de développement agricole très différent de celui de l'Europe. À cause des vastes territoires que nous avons et de la petite densité de la population, on a choisi des systèmes différents de l'Europe. En Europe, il y a un hameau ou un village, tout est concentré là, tout le monde y demeure, les cultivateurs aussi, autour d'un clocher, d'un petit hôpital, d'un service de soins, d'une petite église. Tout est concentré dans un petit périmètre et les cultivateurs n'habitent pas leur ferme; ils voyagent du village à leur ferme. Nous, en Amérique du Nord, c'est un système extraordinaire qui regroupe beaucoup de services: le système de transport, le transport des élèves pour aller à l'école. Tous les gens sont ensemble. Ils ont un village de deux milles, ils sont tous ensemble. Un village de deux milles au Québec, c'est une grande étendue, il y a du monde un peu partout. On a le territoire pour le faire.

Il y a un prix à payer pour ça, parce qu'on aime mieux ça; ça répond plus à nos aspirations, ça répond plus à notre mentalité, ça répond plus a notre culture et ça répond plus au pays que nous habitons. J'en conviens et je suis complètement d'accord. Mais, s'il en est ainsi, cette étendue entraîne aussi des Inconvénients; cela entraîne qu'il y a des villages qui se forment, des hameaux qui se forment, des petites viles et qu'à travers tout ça il y a des cultivateurs. Contrairement à l'Europe qui a juste un rayon autour d'un village qui peut porter ombrage à la vie agricole devant la vie urbaine, nous, nous multiplions les contacts à cause de notre forme de développement agricole et de la forme de notre développement urbain.

Qui de mieux que les maires ou les préfets pour venir nous dire quelles seraient les meilleures façons de concilier les deux sortes de vie: la vie rurale et la vie urbaine? Je croirais normal, M. le ministre, que vous acceptiez que les municipalités du Québec viennent à cette commission nous dire ce qu'elles pensent de cette loi, ce qui, selon elles, dans ce projet de loi, devrait être réécrit, réaménagé, amendé ou bonifié. Nous prêtons bonne foi aux élus municipaux et nous voulons répondre à leurs demandes. C'est la raison pour laquelle nous faisons cette motion. Nous encourageons le ministre à les

recevoir parce que nous respectons ces gens-là.

M. le Président, sur tout projet de loi sur le zonage agricole, quel que soit le parti au pouvoir, quel que soit le ministre qui détienne le portefeuille, quel que soit l'être humain qui reçoive du cabinet l'autorité de gérer la chose agricole, il y aura toujours des discussions, des gens qui ne seront pas d'accord avec les décisions prises. Jamais on ne pourra faire une loi dans le domaine agricole qui satisfera l'ensemble. Il y aura toujours des accrocs, il y aura toujours des choses qui grincent. C'est pour ça qu'il est important que tous ceux qui sont en autorité sur ie territoire québécois - combien me reste-t-il de temps? - soient de la partie pour que le projet de loi que l'on fait - le parti au pouvoir amène un projet de loi et l'Opposition travaille main dans la main avec lui pour le bonifier - soit le meilleur possible. Il faut que les intervenants de l'extérieur puissent venir nous éclairer. La science infuse n'existe pas. "L'État, c'est moi", ça n'existe plus en 1988. On ne peut plus dire: "L'État, c'est moi", comme on le disait au temps de Louis XIV ou comme le disait celui qui a dirigé - et je n'ai pas peur de le dire - le meilleur gouvernement que le Québec ait connu, soit Jean Lesage, de 1960 à 1966. Vous allez dire: Mais c'est épouvantable pour un péquiste de dire ça. Il n'y avait pas de PQ dans ce temps-là. Ce n'est pas compromettant, c'était le meilleur gouvernement.

Une voix: Et René Lévesque.

M. Blais: René Lévesque a fait mieux après, mais, jusque-là, c'était le meilleur gouvernement que le Québec avait connu. C'est vrai. C'est vrai à beaucoup d'égards. Mais il a eu l'audace de dire "les non-instruits", en parlant du peuple québécois. C'était presque synonyme de dire: "L'État, c'est moi". Et ce qui est arrivé, c'est que les cultivateurs, non pas les urbains, lui ont dit: On est des non-instruits? Tu vas voir qu'on est trop instruits; tu vas t'en aller chez vous. Et il a perdu son élection en 1966. Le meilleur gouvernement que le Québec ait connu. il faut faire attention à la classe agricole. Il ne faut pas se prétendre en possession tranquille de la vérité. Il ne faut pas que nous pensions, qui que l'on soit, avoir la science infuse; cela n'existe pas. Même si on a un doctorat en sillons, un doctorat en microsillons ou un doctorat en n'importe quoi, il y a toujours quelqu'un qui peut nous aider à mieux faire ce que nous avons à faire. C'est pour ça qu'on n'a pas le droit de refuser quelque compétence que ce soit. (23 h 45)

Ce premier ministre, M. Lesage, dans le temps, qui a été le meilleur premier ministre, jusqu'à ce qu'on arrive, que le Québec ait connu, nous a donné, à nous les Québécois, et a donné aussi aux cultivateurs beaucoup de choses. La loi 100 est censée leur apporter quelque chose de mieux encore. Ce que M. Lesage a fait d'extraordinaire, c'est qu'à cette époque nous n'étions pas individuellement en position d'avoir beaucoup de richesses, nous, les francophones. Il a institué toutes sortes de sociétés d'État pour que nous possédions collectivement ce que la situation ne pouvait pas nous faire posséder individuellement. C'est important, une société d'État. Il y en a beaucoup. La Caisse de dépôt: extraordinaire. Une force qui peut servir à tous les cultivateurs aujourd'hui, à tous les grands projets ruraux. La SOQUEM, la SOQUIP, etc.

Bien sûr, il en est arrivé d'autres après au gouvernement, qui ont essayé d'améliorer les richesses collectives. Nous sommes rendus à un point où nous avons une grosse richesse collective. La Caisse de dépôt est plus riche en milliards que le Héritage Fund de l'Alberta. Ce n'est pas peu dire. Hydro-Québec, par sa nationalisation en 1962, grâce à M. Lévesque du gouvernement de M. Lesage, grâce à René Lévesque, est devenue une grande richesse naturelle, une richesse convoitée par tout le monde. Nous sommes plus riches en énergie qui se renouvelle sans cesse que tous les pays arabes réunis avec leur pétrole, et de beaucoup. C'est une richesse collective qui doit faire notre fierté. C'est une richesse collective que nous, les élus, devons respecter. Une très grande richesse collective a été la loi 90, loi sur le zonage agricole. Cette loi 100 vient la modifier et je dis et j'aime à dire que la loi 90 est à l'agriculture ce que la loi 101 est à la culture. C'est une loi à ne pas toucher, sinon en l'améliorant.

Quoi que l'on dise, les difficultés qu'on a eues, nous, comme le disait le ministre, avec nos chefs, ils les ont eues aussi avec leur chef. On sort tout de même d'un congrès extrêmement unis et nous avons actuellement, depuis l'arrivée du nouveau chef, doublé notre membership. Nous avons plus de 100 000 membres en règle et faites attention, c'est exactement le même nombre qu'on avait en novembre 1976. Attention, 100 000 membres en règle, c'est du monde qui grignote sur un territoire. C'est important. Encore là, je ne prétends pas qu'on va tout laver sur notre passage quand arrivera la prochaine élection, mais il ne faut pas que les gens qui nous parlent pensent qu'ils ne sont pas lavables non plus, parce que tout est lavable. C'est 100 000 membres. Le Parti libéral n'a pas ça. M. le Président, de Nicoiet, je tiens à vous dire que votre homonyme devrait être reçu pour nous éclairer.

En conclusion, M. le Président, je tiens à dire qu'il y a au Québec des choses sacrées, des choses qu'on palpe avec des gants, des projets de loi ou des choses importantes qu'on ne peut toucher qu'avec ie bout d'un pinceau législatif. La loi 90 est en soi un de ces bijoux ciselés pour le bien-être des cultivateurs et ciselés par la noblesse du métier qu'ils ont. À cause de la valeur de cette loi - les changements qu'on veut y apporter, je ne dis pas qu'ils ne sont pas bons - parce que c'est un joyau, je veux qu'on y

touche avec beaucoup beaucoup de précautions. Une voix: C'est un bijou de famille.

M. Blais: Oui, c'est un bijou collectif. Il y a des bijoux de famille que l'on garde précieusement sur soi parfois ou dans des coffres de réserve, mais la loi 90 est un bijou de la collectivité québécoise et c'est le plus grand joyau de la classe agricole québécoise. Y toucher sans vergogne, de façon, j'oserais presque dire cavalière, cavalière si on ne reçoit pas les gens concernés... Les gens concernés ne sont pas seulement les gens du milieu agricole, ce sont aussi des Québécois. Tous les élus doivent participer à rendre ce bijou encore plus attrayant, plus reluisant, à lui donner encore, si possibilité y y a, une plus grande valeur. Ce serait "de valeur" qu'on ne reçoive pas les élus municipaux pour qu'avec nous ils viennent fignoler ce bijou qui nous tient à coeur

M. le Président vous avez vu par mon intervention que je tiens énormément à ce que les élus municipaux viennent nous parler sur le projet de loi et viennent nous empêcher, si jamais il y en a, de faire des erreurs, ce que je ne crois pas. Je donne le bénéfice du doute au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mais je tiens à vous dire, M. le Président. Même si ce projet de loi était excellent, qu'est-ce qu'on a à perdre que les gens concernés viennent nous dire sa valeur? Cela ne ferait que nous confirmer dans ce que nous croyons être vrai et le législateur, le ministre actuel, devrait être heureux que l'on permette, si ce projet est aussi bon, que les gens de l'extérieur viennent lui dire jusqu'à quel point il a bien fait son travail. S'il en était autrement, si parfois il pouvait être bonifié, nous nous refuserions des choses que nous n'avons pas le droit de nous refuser. Sur ce, M. le Président, je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté avec autant d'attention.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Terrebonne. M. le député de Lévis, vous avez un maximum de dix minutes.

M. Pagé: M. le Président, je proposerais qu'on ajourne nos travaux à ce moment-ci.

Une voix: Très bien, on serait mieux d'ajourner.

Le Président (M. Richard): On s'excuse, M. le député de Lévis, ils donnent l'impression de vouloir arrêter.

M. Garon: M. le Président, je pourrai prendre la parole demain, mais entre-temps, comme la nuit porte conseil, le ministre pourra peut-être nous arriver avec une proposition demain lorsque le leader du gouvernement dira quels sont les travaux du jour. On pourra peut-être, à ce moment-là, inviter les gens des deux partis politiques à dresser une liste commune des intervenants qui pourraient être entendus par la commission. Je pense que c'est cela qui serait souhaitable. Or, peut-être que le ministre souhaite qu'on ajourne immédiatement, peut-être qu'il a été touché par les interventions qui ont été faites. Je ne veux pas être plus long Demain, s'il le faut, j'interviendrai pour le convaincre. J'espère que cela ne sera pas nécessaire.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Lévis. Bonne nuit à chacun d'entre vous. Les travaux sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 23 h 54)

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