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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le lundi 9 janvier 1989 - Vol. 30 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 100 - Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole


Journal des débats

 

(Quinze heures trente minutes)

Le Président(M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs, si vous le permettez, je déclare la séance ouverte. Je vous rappelle le mandat de notre commission: procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le cadra de l'étude détaillée du projet de loi 100, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole. M. le secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Forget (Prévost) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata) .

Le Président (M. Richard): Merci. Les groupes que nous rencontrerons cet après-midi sont: l'Union des producteurs agricoles du Québec et l'Union des municipalités du Québec. Selon les ententes, nous disposerons d'une heure trente par groupe. La présentation devrait prendre vingt minutes environ. Il n'y a peut-être pas nécessairement de rigidité à cet égard, mais une vingtaine de minutes environ pour !a présentation du représentant ou du porte-parole du groupe. Par la suite, 35 minutes réparties en deux enveloppes égales entre le parti ministériel et l'Opposition. Maintenant, si vous avez des remarques préliminaires, M. le représentant ou M. le ministre, vous avez la parole. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Seulement quelques mots pour vous indiquer ma satisfaction qu'on puisse se retrouver autour de cette table, même si nous sommes très tôt en début d'année. L'objectif qui m'animait quand j'ai demandé au leader du gouvernement, M. Gratton, de convoquer cette commission très tôt en début de janvier, c'est que nous puissions obtenir de l'Assemblée nationale l'étude du projet de loi, non seulement en deuxième lecture mais article par article dans les meilleurs délais, compte tenu de l'importance de ce projet de loi pour que, dès la reprise de nos travaux, le 14 mars prochain, nous puissions prendre en considération le rapport qui sera déposé à ce moment-là, je l'espère bien, par le rapporteur de la commission, et procéder à sa troisième lecture le 15 ou le 16 mars prochain.

Pourquoi une motivation animée par autant de détermination pour que le projet de loi s'applique dans les meilleurs délais? C'est très simple. Le projet de loi 100, comme j'ai eu l'occasion de l'Indiquer dans mes commentaires, autant en deuxième lecture qu'ici même en commission parlementaire, vient ajouter, vient préciser, vient aussi modifier la loi qui a été adoptée par l'Assamblée nationale en 1978, la loi 90 à l'époque. Dans un premier temps, ce projet de loi vient établir très clairement, très fermement un engagement du gouvernement du Québec pour le développement de l'agriculture au Québec, c'est donc là notre objectif, en arriver à une véritable mise en valeur des sois zonés agricoles. On sait que la loi adoptée en 1978 s'appuyait plutôt sur un zonage d'espace, un zonage spatial, que sur un zonage qui devait avoir ou qui avait comme résultat la mise en valeur des sois ainsi affectés à l'agriculture.

Or, la loi 100 vient garantir une protection rigoureuse, une protection forte des sols agricoles au Québec. Par surcroît, le projet de loi doit être lu en fonction d'un pian qui sera déposé, qui sera élaboré aussi, cela va de soi, avec les représentants des producteurs et des productrices agricoles, un plan qui visera à mettre en valeur les sols ainsi zonés. Un projet de loi qui prévoit des modifications visant à préciser les critères sur lesquels la Commission de protection du territoire agricole ou, encore, le tribunal d'appel en matière de protection agricole pourra s'appuyer pour prendre des décisions, des critères qui sont refondus, des critères qui, de par leurs dispositions, établissent l'obligation, autant à la commission qu'au tribunal, de tenir compte, de prendre en considération certains éléments et aussi l'obligation pour ces deux organismes de ne pas prendre en considération certains critères ou certains éléments du dossier. L'implantation d'un secteur exclusif, c'est-à-dire que près du tiers des sols zonés agricoles au Québec seront réservés exclusivement à des fins agricoles. Ces terres sont identifiées non seulement dans ta région de Montréal mais aussi le long du fleuve Saint-Laurent, une superficie très . importante au Saguenay-Lac-Saint-Jean, etc. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion précédemment, au cours de ces travaux, d'y référer tout comme j'aurai l'occasion, lorsque les articles seront appelés, d'y référer encore une fois.

Ce projet de loi était attendu par nos productrices et nos producteurs agricoles en ce qui concerne, entre autres, le droit de produire des dispositions très claires qui viennent, encore une fois, témoigner de la volonté du gouvernement de protéger les activités agricoles et de modifier des règles du jeu pour établir très clairement qu'un producteur agricole qui cultive sa terre, qui se convie à des pratiques agricoles qui répondent aux critères de l'art et du métier, aux usages en semblable matière, si je peux utiliser ce terme, soit protégé contre les agressions, trop souvent nombreuses, de la part de voisins ou de la part de personnes qui s'opposent à de telles pratiques agricoles. L'implantation, la

mise en oeuvre ou la mise en place d'un fonds de défense professionnel vient donc aider nos producteurs agricoles qui sont l'objet de poursuites. Bien souvent et plus souvent qu'autrement, ce sont des poursuites non fondées et ça c'est entendu. Il y a aussi l'introduction d'une norme de réciprocité pour établir, encore plus clairement, les règles du jeu en ce qui concerne les constructions admissibles, qui s'appuie sur les normes de l'environnement, c'est-à-dire que ça concerne toute la question des normes de distances auxquelles un producteur ou une productrice agricole doit se soumettre avant de pouvoir agrandir une porcherie, construire une grange-étable pour élever du veau de lait, du veau de grain, etc.

Ces normes de réciprocité... C'est-à-dire qu'antérieurement, avant que cette loi ne soit déposée et adoptée, les normes s'appliquaient toujours à rencontre des producteurs et des productrices agricoles. Ce projet de loi, a d'ailleurs déjà reçu un accueil très positif de la part des gens directement concernés par l'agriculture, mais un accueil mitigé de la part du milieu municipal. Nous aurons l'occasion d'échanger des avis avec l'Union des municipalités du Québec, tout à l'heure, et avec l'Union des municipalités régionale de comté, demain matin. Je suis persuadé que, globalement, l'agriculture qui représente un emploi sur sept au Québec, l'agriculture qui représente la texture... parce que la texture socio-économique des régions du Québec s'appuie en grande partie, dans chacune de nos régions, sur l'agriculture et l'agro-alimentaire. Alors j'ai la conviction qu'une fois que ce projet de loi sera adopté, ce sera un autre élément positif s'inscrivant dans la perspective d'un Québec encore plus fort, animé par beaucoup de vitalité dans un secteur aussi important que celui de l'alimentation.

C'est donc avec beaucoup de plaisir que je suis avec vous, qu'on se retrouve tous ensemble cet après-midi, et je suis persuadé que cet échange avec l'Union des producteurs agricoles et avec l'Union des municipalités du Québec sera très intéressant.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre. M. le porte-parole de l'Opposition, M. Brassard, député de Lac-Saint-Jean, vous avez la parole.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je suis très heureux de voir que le ministre est heureux lui aussi qu'on se retrouve en consultations particulières. Vous vous rappellerez que ces consultations particulières auraient pu et auraient dû se tenir avant les fêtes parce que plusieurs organismes Importants du Québec l'avaient réclamé et avaient insisté pour être entendus par la commission parlementaire. Ou côté de l'Opposition, nous avions également réclamé des consultations particulières pour permettre aux groupes et aux Intervenants majeurs du Québec qui l'exigeaient et qui le demandaient de se faire entendre et de témoigner devant cette commission parlementaire.

M. le Président, notre opposition, comme formation politique, à l'endroit du projet de loi 100 s'explique d'abord parce qu'un projet de loi de cette importance ne peut pas être adopté à la vapeur, à toute vitesse, à la dernière minute, dans la bousculade de la fin de session. Un projet de loi de cette importance exige d'être étudié, examiné attentivement, sérieusement, en profondeur et surtout que les intervenants, les organisations, au Québec, qui ont des points de vue à exprimer sur un projet de loi de cette importance soient entendues. Ce sont là des traditions démocratiques qui sont des coutumes, dans ce Parlement, et qu'il est normal de respecter. Dans le cas présent, nous devons constater malheureusement - même s'il y a eu un changement d'opinion de la part du ministre - que, jusqu'à l'ajournement des fêtes, il y avait un entêtement buté, de la part du ministre, un refus systématique de ces traditions et de ces coutumes parlementaires qui s'appuient, je pense, sur la plus saine des démocraties, qui consistent à permettre aux groupes et aux intervenants de se faire entendre.

Nous y sommes maintenant. Ces consultations particulières, on aurait dû, à mon avis, les faire avant I'ajournement des fêtes, comme le réclamaient les groupes et comme nous le réclamions nous-mêmes. C'est une des explications de notre opposition au projet de loi 100. Je pense que c'est important de le signaler. D'autant plus que le ministre n'a pas jugé utile et bon d'utiliser, avant !es êtes. tout te temps qui lui était disponible pour étudier le projet de loi 100. On a été une semaine entière, en fin de session, une semaine au grand complet sans que le leader n'appelle le projet de loi 100 pour étude en commission parlementaire. On a donc perdu beaucoup de temps, avant l'ajournement, qu'on aurait pu consacrer à l'étude du projet de loi et qu'on aurait pu consacrer à ces auditions particulières que nous tenons aujourd'hui.

En d'autres termes, et pour résumer sur ce point, M. le Président, le ministre a mal fonctionné en matière d'adoption de ce projet de loi. Il a mai légiféré. il était de notre devoir, comme Opposition, de le lui rappeler et de s'opposer à pareille façon de procéder et de fonctionner. Quand il s'agit d'adopter un projet de loi de cette Importance, on ne bouscule pas l'Opposition, on ne bouscule pas le Parlement et on ne bouscule pas les intervenants majeurs dans la société québécoise. Cela nous apparaissait essentiel et primordial.

Deuxièmement, nous nous opposons à ce projet de loi parce que nous ne sommes pas d'accord avec plusieurs de ses dispositions essentielles. Là-dessus, je tiens à être bien clair, M. le Président. Cela ne signifie en aucune façon

que !e Parti québécois a changé ses convictions en matière de protection du territoire agricole. Nous sommes toujours très fiers d'avoir été Ie parti politique au Québec qui a fait adopter, pour la première fois, une loi de protection du territoire agricole en 1978. Le député de Lévis, qui est à mes côtés, a été le ministre qui a parrainé cette loi et qui !'a fait adopter par le Parlement.

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que l'Opposition libérale, à l'époque, avait voté contre à toutes les étapes, y compris l'actuel député de Portneuf. L'histoire est là pour le démontrer. On n'a qu'à fouiller dans le Journal des débats. Nous n'avons pas modifié, nous n'avons en aucune façon changé nos convictions en matière de protection du territoire agricole. Je me refuse, je refuse à quiconque de prétendre que nous avons renié nos convictions. Nous sommes toujours aussi persuadés, quant à nous, de ce côté-ci, qu'il faut une loi rigoureuse de protection du territoire agricole. Ce n'était pas le cas depuis quelques mois ou depuis quelques années. La rigueur s'était émoussée, atténuée. Nous pensons que c'est à cause même des directives du ministre que cette rigueur s'est atténuée et nous sommes toujours persuadés, de ce côté-ci, qu'il faut, de façon rigoureuse, protéger le territoire agricole. On n'a pas changé nos opinions. On n'a pas changé nos convictions à ce sujet. (15 h 45)

Ce n'est pas parce qu'on s'opposa au projet de loi 100 que ça signifie qu'on a changé nos convictions, en aucune façon. Je reconnais cependant qu'on n'a pas la même vision du projet de loi 100 que certains groupes. Certains intervenants sont convaincus que le projet de loi 1OO, s'il est adopté et s'il s'applique, aura pour effet de renforcer !a protection du territoire agricole. Nous pensons le contraire. Je l'ai dit longuement à l'occasion du débat en deuxième lecture, je te redis, ce n'est pas la vision que nous avons du projet de loi. En créant deux secteurs dans !e territoire agricole, un secteur vert pâle et un secteur vert foncé, ce dernier appelé secteur exclusif, nous pensons que, dans le secteur vert pâle, la pression au dézonage va s'accentuer, s'aggraver, que les demandes de dézonage dans ce même secteur vont être plus facilement acceptées et que, par conséquent, on va assister, en fin de compte, à un ratatinement et à un rapetissement du territoire agricole protégé eu Québec. C'est la façon dont on voit le projet de loi. Est-ce qu'on a tort? Est-ce qu'on a raison? D'autres ont d'autres visions du projet de loi, nous l'admettons. On est en démocratie, on peut avoir des opinions contraires, mais ce n'est pas parce qu'on a cette vision du projet de loi, cette opinion du projet de loi, que cela signifie que nos convictions en matière de protection du territoire agricole ont changé et ont été modifiées, que nous avons renié nos convictions et que nous avons fait un virage comme formation politique an matière de protection du territoire agricole. C'est complètement faux. Mais il est vrai qu'on n'a pas du tout la même vision du projet de loi 100 que d'autres intervenants.

Nous pensons qu'en fin de compte, l'application du projet de loi 100 aura pour effet d'affaiblir la protection du territoire agricole, de réduire le territoire agricole protégé au Québec. Compte tenu de sa faible superficie, on pense que c'est dangereux, que c'est risqué et que c'est une mauvaise orientation. On s'appuie sur l'expérience depuis trois ans, en matière de négociations de la révision des zones agricoles des MRC, on a assisté à des dézonages massifs, allant même au-delà des demandes des MRC. Plusieurs intervenants, dont l'UPÂ en particulier, se sont élevés contre cette pratique et contre ces orientations avec raison et à juste titre; nous aussi d'ailleurs, on s'est élevés et on s'est indignés de cette pratique et on est d'autant plus inquiets et préoccupés que sur la base de ce qui s'est passé depuis deux ans en matière de révision des zones agricoles des MRC, on craint qu'avec les dispositions du projet de loi 100, cota s'accentue, que le dézonage s'accentue, que la zone vert pâle devienne un véritable fromage gruyère, pleine de trous, parce qu'on va accéder aux demandes de dézonage en zone vert pâle. Cela nous apparat dangereux et risqué et on ne veut pas prendre ce risque, on ne veut pas courir ce danger. C'est pour cette raison fondamentale qu'on s'oppose au projet de loi 100; ce n'est pas parce qu'on a changé nos convictions en matière de protection du territoire agricole.

M. le Président, je tenais à faire cette mise au point pour ne pas qu'il y art d'ambiguïté ou d'équivoque sur le comportement de l'Opposition envers ce projet de loi. On s'y est farouchement opposés avant les fêtes, ll est vrai, et je l'admets, nous avons empêché son adoption finale. On s'y est opposés pour deux raisons qu'on juge, nous, fondamentales: la première, c'est qu'il s'agissait d'une façon inacceptable de légiférer, de la part du ministre, sur un projet de loi de cette nature et, la deuxième, c'est qu'on a plus que des réserves, mais des oppositions sur un certain nombre de dispositions du projet de loi. Cela ne doit surtout pas être interprété comme un virage de la part du Parti québécois en matière de protection du territoire agricole. Cela ne doit surtout pas être interprété comme un reniement. Bien au contraire, nos convictions demeurent les mêmes, tout aussi fermes, tout aussi fortes, tout aussi solides, et nous sommes toujours persuadés qu'il faut une loi de protection rigoureuse du territoire agricole.

Notre position - je termine là-dessus, M. le Président - c'est qu'on pensait qu'on avait déjà une loi de cette nature, soit celle qui avait été adoptée en 1978 et on ne voyait pas du tout l'utilité de la modifier, comme on le fait avec le projet de loi 100. On voyait cependant l'utilité, la nécessité de l'appliquer dans toute sa rigueur, ce qui n'était plus le cas depuis trois ans, cela

oui, mais on ne voyait pas la nécessité de modifier cette loi. C'était cela, notre position. Donc, on n'a certainement pas changé nos convictions en matière de protection du territoire agricole.

Voilà, M. le Président, je suis très heureux qu'on se retrouve enfin en auditions particulières. Avant l'ajournement des travaux de la Chambre, nous les avons réclamées durant un mois, sans succès. Il y a même eu des motions qui ont été rejetées à la majorité, comme certains de mes collègues libéraux me le faisaient remarquer tantôt, des motions qui demandaient à l'UPA de venir témoigner, des motions qui demandaient à l'UMQ de venir témoigner, des motions qui demandaient à l'UMRCQ de venir témoigner. Elles ont toutes été rejetées par cette commission. Mais nous constatons, aujourd'hui, que nous avions raison de les présenter, ces motions, parce qu'on se retrouve maintenant en audiences particulières avec les groupes mêmes que nous avions désignés à l'époque. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le représentant de l'Opposition. Maintenant, M. le député de Lévis, si vous avez un commentaire il dort être court puisque les remarques préliminaires ont déjà été faites au début de l'étude article par article. Il avait été convenu, de part et d'autre, que seulement deux intervenants devaient prendre la parole. Est-ce que c'est pour des remarques préliminaires?

M. Garon: II s'agit de remarques préliminaires qui précèdent la commission - de remarques préliminaires qu'on fait à d'autres moments - qui va entendre des gens. C'est pour répondre aux propos du ministre.

Le Président (M. Richard): C'est parce qu'il avait été convenu tout à l'heure, de part et d'autre...

M. Pagé: J'ai compris de la discussion que j'ai eue avec mon vis-à-vis, M. le député de Lac-Saint-Jean, qu'aujourd'hui, nous nous réunissions pour entendre l'Union des producteurs agricoles et l'Union des municipalités du Québec. Demain, nous devons reprendre avec l'Union des municipalités régionale de comté, à 9 heures, pour compléter à 10 h 30, de façon qu'à compter de 10 h 30, demain, nous puissions reprendre nos travaux de l'étude article par article. Je présume qu'à ce moment-là, si le député de Lévis veut venir à cette séance, demain matin, il pourra toujours faire des remarques sur l'article 4 que nous sommes en train d'étudier.

Vous savez que cet après-midi, il est déjà au-delà de 15 heures et s) chacun des députés requiert le droit d'intervenir pendant vingt minutes, nos distingués Invités vont devoir attendre, et je ne pense pas que ce soit là le désir du député de Lévis.

La Préskiant (M. Richard): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: II y a eu une entente pour qu'on tienne des audiences particulières, heureusement, mais, pour ce qui est des remarques préliminaires, la tradition veut que les porte-parole en fassent de façon un peu plus substantielle, mais il n'est pas de coutume de refuser à d'autres membres de la commission, quelle qu'elle soit, de faire quelques brefs commentaires, avant de passer à l'audience particulière comme telle.

La Président (M. Richard): Je n'ai fondamentalement pas d'objection, si vous êtes le plus bref possible parce qu'il y a déjà eu, sur le même projet de loi, des remarques préliminaires qui sont, d'une façon globale, sensiblement le même type de remarques préliminaires puisqu'il s'agit du même projet de loi. On Insère une consultation au moment où l'étude du projet de loi est déjà en marche, alors que nous avons déjà étudié quelques articles.

Alors, vous avez la parole, mais soyez le plus bref possible, s'il vous plaît, M. le député.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, il ne s'agit pas de remarques préliminaires au début de l'étude d'un projet de loi, mais au début d'une commission qui entend les parties. Je veux dire, essentiellement, que c'est normal, comme l'a dit le député de Lac-Saint-Jean, qu'on entende des gens dans une société démocratique. On n'est pas dans un régime fasciste ou hitlérien; c'est normal, au Parlement, qu'on entende les gens. Je vous ferai remarquer qu'en ce qui concerne le projet de loi de 1978 le Conseil des ministres m'avait demandé de parcourir toutes les régions du Québec pour entendre tous les intervenants qui le voulaient, dans toutes les régions du Québec. Pas seulement au Parlement, pendant une journée, mais dans toutes tas régions du Québec, et tous ceux qui le voulaient. Ensuite, on a entendu encore d'autres Intervenants lorsque nous avons fait le dépôt du projet de loi, qui sont venus se prononcer sur le projet de loi lui-même.

Je vous ferai remarquer que pour les amendement" qui ont été apportés en juin 1985, il y a eu deux ans de consultation auprès des organismes et que, sauf l'UPA qui ne nous félicite jamais, tous les autres organismes mont félicité pour les consultations. L'UPA avait seulement deux points en demande et, comme iIs avaient été accordés, j'imagine qu'elle était contente. Mais l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionale de comté, le Barreau du Québec et la Chambre des notaires ont tous été satisfaits des consultations qui ont été faites pendant ces deux ans, à plusieurs reprises d'ailleurs. Tandis qu'ici, II

n'est pas normal de faire des amendements de cette importance sans consulter les gens. Et ce n'est même pas bon pour les agriculteurs, de légiférer alors que sont à couteaux tirés Ses municipalités régionales de comté, les représentants des agriculteurs et le gouvernement. Je pense qu'au contraire, cela ne veut pas dire, parce qu'on consulte les gens, qu'on est d'accord ou pas avec leur opinion. C'est très différent.

Mais je ferai remarquer que lorsque j'ai administré la Loi sur la protection du territoire agricole comme ministre, j'ai même été invité à l'assemblée annuelle de l'Union des municipalités du Québec et j'y ai été très bien reçu, même si à l'Union des municipalités, dans la direction, il y avait des changements qu'on voulait me voir faire dans la loi. J'ai été très bien reçu, j'ai même eu l'occasion de parler pendant plus d'une heure et j'ai été assez applaudi. Pourquoi? Parce que dans une société civilisée, il est normal que l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionale de comté et l'Union des producteurs agricoles soient entendues concernant un projet de loi comme celui-là et d'autres aussi.

Le ministre, dans ses exposés, a dit que l'ancien projet de loi, en 1978, n'avait pas fait de mise en valeur. Je regrette. Tout le monde qui est conscient sait à quel point, à partir de 1978, il y a eu un changement, au Québec, en termes de développement agricole à l'aide des politiques de développement agricole. Tout le monde avait convenu, à ce moment-là, que c'était ça qui l'accompagnerait et qu'on aurait des politiques de développement agricole si on protégeait les terres agricoles. Sauf que celui qui les a mises de côté depuis quil est arrivé au gouvernement, c'est le ministre actuel. Qu'il s'agisse des politiques de développement où, actuellement, on accepte d'agrandir des fermes existantes mais sans nouveaux projets de développement, ou encore de la réduction des montants pour les programmes de développement agricole, pour lesquels ii y avait autour de 130 000 000 $ de subventions, pour le développement de la production. Ils sont aujourd'hui en bas de 100 000 000 $, malgré l'inflation, malgré tout ça. Cela a apporté des changements.

La production céréalière qui était de 800 000 tonnes, en 1978, grâce à ces politiques de développement, était rendue à 2 600 000 tonnes, en 1985, c'est-à-dire plus que trois fois plus. Cela a pris de l'acréage pour le faire. Cela a pris l'utilisation de sois zonés agricoles. Une politique d'élevage du veau de grain, il n'y en avait pas en 1976. Elle a commencé en 1978. On était rendus à 58 000 veaux lourds élevés, en 1984, et à 100 000, en 1985: de zéro, en 1977 ou 1978, à 100 000, en 1985. Cela a pris de I'acréage aussi. Cela a pris de l'alimentation pour faire ça. L'autosuffisance qui était - globalement, parce que je n'ai pas le temps, le Président m'a demandé d'être le plus bref possible - seulement de 47 %, en 1976, était rendue à 75 %, en 1985.

Vous irez dans n'importe quel pays au monde et vous passerez, entr8 1977 et 1985, de 47 % d'autosuffisance à 75 %; on vous dira partout que c'est un miracle économique. C'est ça qui s'est passé au Québec.

M. Houde: Pas dans le porc. Cela ne dérange pas ça.

M. Garon: Et je vais vous dire - parce que le ministre...

M. Houde: Le député de Berthier.

M. Garon: ...le député de Berthier me parie du porc - qu'on a eu une politique dans le domaine du porc. Mais on n'a pas dit aux gens, comprenez-vous, qu'on monterait les minimums pour ne pas assurer les petits, pour économiser et, après ça, qu'on enlèverait les maximums pour assurer les gros au maximum. J'ai remarqué que, même si I'UPA, dans le temps, avait donné son appui, dans le journal, par après, j'ai vu que l'appui a été retiré, il n'y a pas eu beaucoup de brassage, mais j'ai remarqué que l'appui avait été retiré. Peut-être que l'appui avait été donné trop rapidement parce qu'il n'est pas normal non plus, là-dedans, de ne pas avoir de politique pour les petits, de moins en moins pour les petits et d'en avoir une totale pour les plus gros, sans limite pour l'assurance. On aura des questions à poser éventuellement là-dessus, à savoir comment est-ce que va coûter, l'assurance, pour tel et tel producteur par rapport à tel petit producteur? Comment ça va coûter d'assurance?

Je vais vous donner le résultat net, depuis que le nouveau gouvernement est !à, alors qu'il n'y a pas de politique de développement. Le résultat apparaît, par exemple. Il va apparaître de plus en plus. En 1985, 'à y avait en moyenne, au Québec, par année, 85 100 emplois. On sait que la production se fait par deux formes: le travail et le capital. Tous les économistes reconnaîtront qu'il y a deux grands facteurs de production: le capital et le travail. Voyons ce que ça donne, maintenant, sous le nouveau gouvernement, alors qu'on a enlevé les politiques de développement: 85 100, en 1985; 2900 emplois de moins, en moyenne, en 1986; 5900 de moins, en moyenne, en 1987. Je viens justement de recevoir la revue de l'emploi au Québec de décembre 1988, je l'ai reçue aujourd'hui môme à mon bureau, il y en a 7000 de moins, en 1988. Ce sont des chiffres encore tout chauds. Donc, de décembre 1987 à décembre 1988, il y a 13 000 de moins dans l'agriculture, au Québec. Vous savez, je prendrais mon temps avant de féliciter le gouvernement devant ces résultats. En termes d'emploi, ça veut dire exactement 15 800 emplois de moins, en moyenne, par année, entre 1985 et 1988. (16 heures)

En 1985, il y avait 85 100 emplois au Québec en moyenne; en 1988, 69 300. Quand le

ministre parle des chiffres de l'emploi, il est mieux de ne pas trop parler des chiffres récents parce qu'il va s'apercevoir que l'emploi est beaucoup moins occupé dans l'agriculture. Selon les chiffres du gouvernement publiés aujourd'hui, il y en a maintenant 69 300, au gouvernement du Québec, ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, direction de la recherche.

Si vous regardez dans le domaine des Investissements, côté capital, vous voyez qu'avant 1980-1985, bon an mal an, c'était autour de 600 000 000 $ . On a môme vu 664 000 000 $, en 1984. Les investissements cette année, c'est 425 000 000 $; l'an dernier, 475 000 000 $. On est rendus, actuellement, en moyenne, pour les deux dernières années, 1987 et 1988, à 450 000 000 $. On est loin des 600 000 000 $ des dernières années, du gouvernement du Parti québécois. Qu'on ne vienne pas dire qu'il n'y avait pas de politique de développement parce que ça paraît dans l'Investissement aussi. Quand un secteur Investit moins, c'est parce que les perspectives sont moins bonnes.

Si on regarde dans les écoles aujourd'hui, dans les cégeps, le nombre de jeunes qui vont étudier dans l'agriculture, on se rend compte que les jeunes vont de moins en moins étudier dans le domaine agricole. J'en parlais justement à quelqu'un, la semaine dernière, qui me disait: Aujourd'hui, les jeunes ne veulent plus étudier l'agriculture. Pourquoi? Parce que les perspectives du gouvernement actuel ne sont pas bonnes. Qu'on ne vienne pas nous dire, actuellement, qu'on vient rétablir la sécurité quand il y a de moins en moins d'emplois, de moins en moins d'investissements et de moins en moins de perspectives.

Que l'UPA soit satisfaite ou non, c'est à elle de le dire. C'est une autre affaire. Mais, quand on regarde les données de développement du secteur économique, actuellement, avec les baisses de revenus qu'il y a eues cette années, en 1988, et celles qui sont anticipées en 1989, je pense bien que les cultivateurs, à moins d'être masochistes, ne peuvent pas être très heureux. C'est pourquoi on ne peut prétendre donner de leçons au gouvernement du Parti québécois ou au gouvernement qui était là entre 1976 et 1985; je pense que le bilan est facilement comparable en termes de développement et en termes de changements dans le domaine agricole au Québec. Tout le monde convient qu'il y a eu des changements, mais ça a d'abord été basé sur une Loi sur la protection du territoire agricole et un secteur qui devait être développé.

Cette loi, le député de Lac-Saint-Jean l'a dit, pose beaucoup plus d'inquiétudes qu'elle ne donne de réponses. Elle pose autant d'Inquiétudes au secteur municipal qu'au secteur agricole. Dans le secteur agricole, nous avons aussi déploré qu'il y ait eu, dans le journal, un appui à cette loi de la part de l'UPA, alors qu'elle n'était même pas publique. Je vais vous le dire franchement - je n'ai jamais parlé dans le dos de l'UPA, j'ai toujours parlé franchement - on a trouvé ça anormal. On ne l'avait pas étudiée, elle n'était pas encore publique, l'UPA ne l'avait donc sûrement pas étudiée non plus, elle ne l'avait certainement pas eue comme telle, comme loi. Or, on sait ce qu'est une loi quand on l'a vue, quand on l'a regardée et étudiée. On ne peut pas la trouver bonne avant de l'avoir vue. Ce n'est pas possible. Il faut la regarder, il faut l'étudier parce que, dans une loi, les mots comptent, les virgules comptent, l'expression compte, le fonctionnement compte et la mise en vigueur de la loi compte. Cela prend au moins quelques jours d'étude. C'est pourquoi on a été un peu surpris, du côté de l'Opposition, de voir que l'appui de l'UPA est venu aussi rapidement, comme dans le secteur de la stabilisation du porc lorsqu'on a augmenté les minimums et qu'on a fait disparaître les maximums, quelques semaines après. On n'était pas habitués à ce comportement. Il nous semble donc que l'UPA a changé sa philosophie, mais, quant à nous, nous n'avons pas changé nos principes Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Lévis. M. le député de Jonquière, vous avez quelques courts commentaires?

M. Francis Dufour

M. Dufour: Juste quelques mots, en fait, pour dire aussi, avec mes collègues, qu'on est heureux, mais pas nécessairement pour les mômes raisons que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, que ces consultations aient lieu C'est le sens de notre opposition, au départ, à ce projet de loi. Je pense que le fait qu'on ait obtenu satisfaction et surtout que les groupes aient obtenu satisfaction, nous prouve, d'abord, le bien-fondé de notre argumentation, mais surtout qu'en démocratie, il faut faire respecter ses droits. À mon point de vue, c'était une façon de le faire puisque aujourd'hui, on aura l'occasion et la chance d'échanger des avis avec ces groupes très Importants de notre société.

Mon collègue de Lévis qui a été l'instigateur, le père fondateur ou le créateur de la loi 90 concernant la protection du territoire agricole a pu s'exprimer. Je peux vous dire que celui qui vous parle a travaillé énormément aussi dans la loi 125. Les principes qui entrent en ligne de compte et qu'on a à étudier aujourd'hui, ou qu'on aura à étudier dans ce projet de loi, sont ces deux oppositions qu'on sent bien. D'abord, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, et la Loi sur la protection du territoire agricole. Dans l'argumentation qu'on a présentée avant les fêtes, on a eu l'occasion d'Insister très fortement pour que les groupes viennent parler de cela. C'était l'une des raisons fondamentales, pour lesquelles on devait entendre ces groupes. Cela nous permettra peut-être d'harmoniser quelque peu ces deux lois qui peuvent être en opposition,

à première vue. D'une part, si les municipalités ont l'aménagement du territoire, on comprendra, d'autre part, que la protection du territoire agricole a pour fonction fondamentale de protéger l'agriculture, les agriculteurs dans !eur vécu.

C'est une occasion, à mon avis, importante qui se présente à nous, par ce projet de loi, qui pourrait peut-être rapprocher tes parties. Mais, il y a aussi des oppositions fondamentales. Je veux juste vous rappeler le projet de loi 82 où on avait dit, à ce moment-là, que tout le monde était heureux et que tout le monde était content. Le temps nous a donné raison, car cette loi 82 a été très contestée au fii du temps et même inapplicable la plupart du temps. Ce qui nous amène à d'autres projets de Soi. Je pense, qu'en ce qui concerne les lois, on gagne parfois à vouloir retarder l'adoption des projets de loi parce qu'on les rend meilleurs et à la satisfaction des parties. On serait d'autant plus contents si on amenait des rapprochements ou une meilleure coordination dans l'aménagement du territoire, parce qu'on ne peut subordonner les uns aux autres.

Je ne pense pas que l'agriculture doit être au-dessus de tout, ni que les municipalités doivent être au-dessus de tout le monde. Mais il doit y avoir un moyen de coordonner et d'amener les différents Intervenants à mieux s'accepter ou à mieux vivre ensemble. Je pense que c'est le travail des législateurs. Si cette commission parlementaire pouvait nous amener dans ce sens, j'en serais très satisfait, en dehors des choses que je pourrais ajouter.

Auditions

Le Présiderai (M. Richard): Merci, M. te député de Jonquière. Je demanderais à l'Union des producteurs agricoles de prendre place, s'il vous plaît. M. le président, M. Jacques Proulx, s'il vous plaît, vous présenterez les gens qui vous accompagnent pour le bénéfice des membres de la commission.

UPA

M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président. Je pourrais vous présenter immédiatement le premier vice-président, M. Pierre Gaudet, à ma droite; M. Jean-Claude Blanchet, directeur générai de l'UPA; M. Michel Lord, conseiller juridique, et Mme Suzanne Cloutier, qui travaille au service de l'aménagement à I'UPA.

M. le Président, je voudrais remercier la commission, dans un premier temps, de nous recevoir pour nous permettre d'exprimer notre point de vue relativement au projet de loi 100. Comme vous le savez tous, j'espère, Î'UPA est l'organisme officiel qui représente les 47 000 producteurs et productrices agricoles du Québec.

L'agriculture et la forêt contribuent à 60 % du produit intérieur brut du secteur primaire de l'économie québécoise, ainsi qu'à 72 % des emplois créés dans ce secteur. L'agriculture emploie directement 76 000 personnes, et l'exploitation forestière, près de 10 000 personnes. L'agriculture constitue certes une activité essentielle qui a pour objet d'assurer l'alimentation des hommes, et son dynamisme s'exerce au bénéfice de toute Sa collectivité. L'UPA et ses organismes affiliés ont pour but de défendre et de promouvoir les intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres. On comprendra donc que la protection du sol agricole et les conditions d'exercice de l'agriculture constituent une préoccupation tout à fait centrale de l'UPA.

Depuis longtemps, les producteurs et productrices agricoles du Québec sont conscients de la nécessité de protéger les sols contre leur utilisation à des fins non agricoles. La rareté relative des sois agricoles québécois et les pressions immenses auxquelles ils sont soumis font en sorte qu'ils sont sérieusement menacés. Loin de diminuer, les pressions de développement, souvent anarchiques, ne cessent d'augmenter. On observe même depuis quelques années une intensification des pressions, non seulement dans les régions très urbanisées mais également dans les régions de plus en plus éloignées des grandes concentrations urbaines, en raison notamment des besoins de villégiature sans cesse grandissants.

C'est pourquoi la protection accordée aux 6 800 000 hectares de sols québécois est aujourd'hui plus que jamais nécessaire et essentielle. Faisons une parenthèse pour rappeler que les sois potentiellement aptes à l'agriculture comptent pour 7 800 000 hectares et qu'ils représentent à peine 5 % du territoire québécois. Les sois agricoles zones correspondent donc, à peu de choses près, aux seuls sois agricoles cultivables du Québec. En ce sens, l'UPA croit donc qu'il n'y a pas surzonage au Québec et que le zonage agricole, tel qu'il existe, favorise un développement rationnel qui contribue à protéger nos sois agricoles en tant que ressource collective.

Par ailleurs, ces pressions croissantes et maintenant disséminées sur tout le territoire québécois font en sorte que les producteurs et productrices agricoles sont de plus en plus sujets à des situations conflictuelles en raison d'une augmentation des usages peu ou pas compatibles avec l'agriculture, il est donc impératif, à l'heure actuelle, d'ajuster les instruments à notre disposition aux réalités présentes.

Lors de son 63e congrès générai en 1987, l'UPA a adopté certaines orientations en matière de protection et d'utilisation du territoire.

Premièrement, que l'ensemble du territoire agricole du Québec doit être protégé par une loi qui protège non seulement les terres cultivées mais également les terres cultivables de même que les boisés et les érablières.

Deuxièmement, que l'application de cette loi doit continuer d'être faite par un organisme provincial décisionnel, relevant du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et responsable d'émettre les autorisations et de

délivrer des permis, et que cet organisme se préoccupe de travailler en consultation avec l'UPA. Troisièmement, que le gouvernement doit maintenir et continuer à adopter des programmes et des mesures en vue d'assurer le développement et la rentabilisation de l'agriculture, l'assainissement et l'amélioration des sols et la mise en valeur des terres en friche.

Ce même congrès a également adopté certains éléments de politiques en matière d'aménagement du territoire et de développement de l'agriculture. Le congrès de 1988 a, quant à lui, adopté une résolution visant à accorder clairement la priorité absolue à l'agriculture en zone verte et que ce droit ait préséance sur toute réglementation municipale, régionale, provinciale ou autre.

C'est donc en faisant référence au contexte actuel québécois de pressions sur les sois et en fonction des orientations et politiques de l'UPA que sera effectuée notre étude du projet de loi 100. Le projet de loi 100 contient une série d'amendements à la Loi sur la protection du territoire agricole. À des fins d'analyse, ces amendements seront regroupés en trois volets principaux, c'est-à-dire le droit de produire, les secteurs exclusifs et les changements administratifs.

Le droit de produire. C'est sous ce titre que l'on peut désigner le volet le plus innovateur du projet de loi et sûrement le plus attendu des producteurs et productrices agricoles du Québec. Toutes les dispositions relatives à ce droit de produire auraient pu faire l'objet d'une loi-cadre, d'une loi spécialement créée à cette fin, à l'exemple du "Right to farm" ontarien et d'autres lois du genre qu'on retrouve un peu partout en Amérique du Nord, notamment dans 40 États américains et, plus près de nous, au Nouveau-Brunswick. Mais le législateur québécois a choisi d'inclure ces dispositions dans une loi déjà existante, qui contenait déjà, à ses articles 98 et 100, d'importantes dispositions à cet effet. Bien que les demandes du 63e congrès général à ce sujet fassent plutôt mention d'une législation spécifique, nous croyons que la formule proposée répond bien aux attentes des producteurs.

Avant d'examiner les principaux éléments de ce droit de produire, nous tenons à préciser que la définition d"activités agricoles', Introduite dans ce volet, devrait être formulée de telle sorte qu'il soit évident qu'elle ne couvre aucunement les usines de transformation des produits agricoles.

Le principe de réciprocité. Ce principe de réciprocité à l'égard des normes environnementales a été réclamé par les producteurs et productrices agricoles du Québec. En le rattachant ainsi à un chapitre sur les activités agricoles plutôt qu'à un règlement éventuel du MENVIQ, II permet d'assurer une protection uniforme à toutes les exploitations agricoles, animales ou autres. Ce principe était en fait nécessaire à la survie des entreprises agricoles et à un voisinage harmonieux. La solution proposée devrait permettre l'atteinte de ces objectifs, sans brimer les droits de qui que ce soit. Ainsi, dans la mesure où cette disposition n'affectera pas le développement Futur des exploitations déjà établies, l'UPA est donc satisfaite de retrouver cet élément du droit de produire dans le projet de loi 100.

Le principe d'immunité. Ce principe répond également à une demande des producteurs et productrices agricoles et était rendu nécessaire pour contrer les poursuites judiciaires auxquelles faisaient ou auraient pu faire face certains producteurs exerçant pourtant leurs activités dans les règles de l'art.

L'UPA tient à préciser qu'elle ne voit pas dans ces articles une immunité absolue qui exempterait totalement ses membres du respect de toute loi ou réglementation en vigueur. Il s'agit plutôt d'une mesure visant à s'assurer que les poursuites contre des agriculteurs ne puissent s'exercer inconsidérément, sans fondement réel, comme trop souvent on l'a vu dans le passé.

Il importe de rappeler encore ici qu'une telle Immunité existe déjà un peu partout en Amérique du Nord. À l'examen, l'UPA constate que la protection offerte est disponible pour tous les agriculteurs et qu'elle s'applique indépendamment de qui - agriculteur ou résident - était là le premier. L'UPA croit que, sans assurer une immunité totale, ces articles complètent les articles 98 et 100 de la môme loi. L'UPA est donc favorable à ces amendements, tels que proposés.

Le commissaire aviseur. Les producteurs et productrices agricoles avaient aussi réclamé que les municipalités ne puissent pas, dans leurs plans et règlements d'urbanisme, interdire des pratiques, usages ou constructions agricoles en zone agricole. Les pouvoirs qui leur sont conférés en la matière sont demeurés intacts. Jusqu'à maintenant, et d'ores et déjà, on retrouve des réglementations municipales contraignantes pour l'agriculture.

L'UPA considère que la nomination d'un commissaire aviseur pourrait avoir en effet dissuasif intéressant pour limiter dans l'avenir les réglementations municipales qui gênent la pratique des activités agricoles. Quant aux règlements déjà adoptés, leur examen par un Intervenant neutre et impartial saura sûrement mener à des solutions satisfaisantes pour l'ensemble des Intervenants concernés.

Ainsi, malgré les pouvoirs de réglementation très vastes qui demeurent attribués aux municipalités locales ou régionales, l'UPA est satisfaite de l'amendement proposé, qui devrait permettre l'élimination des contraintes Indues dans la poursuite des activités agricoles normales en zone agricole.

Le fonds de défense. Cet élément est très associé au principe d'Immunité et permet son "opérationalisation". Pour l'UPA, si un producteur exerçant ses activités selon les règles de l'art

n'encourt pas de responsabilité face à un tiers, il en découle que, lors des procédures contre lui, il n'ait pas à défrayer seul les coûts de sa défense.

L'UPA croit que les cas visés ne présentent aucune analogie avec ta situation d'un pollueur payé pour polluer ou pour assumer sa défense, tel que certains groupes ou organismes le soutiennent. D'autre part, ce sont essentiellement des individus qui seront poursuivis, avec des revenus et des ressources limités et non des corporations ou compagnies aux ressources juridiques et financières importantes.

D'autre part, il s'agira d'individus exerçant leurs activités agricoles selon les règles de l'art, ce qui est bien loin de la notion de pollueur, à moins qu'en soi, les odeurs, bruits et poussières générés par l'activité agricole ne constituent, aux yeux de certains, des sources de pollution de l'air par leur simple existence, môme en concentrations infimes.

Il faut admettre qu'il s'agit ici d'une question de perception et que s'il est relativement facile de mesurer les atteintes à la santé ou à la sécurité, les notions de bien-être et de confort qui sont ici en cause sont beaucoup plus subjectives. Où faudra-t-il tirer la ligne? Nous croyons que ce fonds spécial constitue un complément essentiel à la mesure d'immunité qui apparaît également au projet de loi. Nous sommes favorables à une telle mesure, mais nous aurions souhaité que ce fonds puisse être utilisé pour remettre en cause certaines réglementations municipales, dans certains cas particuliers, comme, par exemple, lorsque le commissaire aviseur aura rendu un avis défavorable contre une réglementation d'une municipalité et que cette dernière devra être traduite devant les tribunaux pour l'obliger à modifier ladite réglementation.

Les secteurs exclusifs. Nous sommes Ici en présence d'une modification importante du concept de zonage, tel qu'il a toujours existé. Par-dessus un zonage fondamental qui préserve le sol agricole, une ressource rare et inextensible au Québec, selon les termes même du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, se rajoute aujourd'hui une notion de protection accrue pour les sols à hauts potentiels. L'UPA croit qu'il est primordial que les meilleurs sols agricoles du Québec fassent l'objet d'une protection supplémentaire, car on a vu récemment qu'ils suscitent beaucoup la convoitise. L'UPA considère qu'il est légitime que l'application des secteurs exclusifs prévus ne survienne qu'une fois terminée la révision des zones agricoles présentement en cours et ce pour une question d'équité autant pour les producteurs agricoles que pour les MRC engagées dans la démarche. Nous souhaitons cependant que la notion même de secteurs exclusifs ne soit pas utilisée par anticipation dans la révision en cours, autant par la CPTAQ que par les MRC concernées, car ceci pourrait avoir un impact très Important en termes de superficies protégées.

Las changements administratifs. Nous regrouperons sous un même volet diverses modifications qui ont en commun de modifier le fonctionnement administratif de la CPTAQ. L'UPA reconnaît la difficulté d'évaluer avec précision l'effet de ces modifications. En effet, tout dépendra de l'application qui sera faite des nouvelles dispositions, dont le caractère plutôt générai permet une grande latitude d'interprétation ou une diversité de résultats. C'est à ses fruits qu'on reconnaît l'arbre, comme on le dit si justement chez nous. L'UPA est confiante que les modifications proposées Iront dans le sens de l'objectif de la loi, tel qu'il apparaît à l'article 3, et qui spécifie que la loi a pour fonction d'assurer la protection du territoire agricole. L'UPA surveillera avec le plus grand intérêt l'application de la portée réelle des nouvelles dispositions et sera alors en mesure de faire une évaluation plus précise des changements apportés et, s'il y a lieu, des actions à entreprendre pour compléter ou remanier les modifications actuelles.

Nous aimerions apporter toutefois ici certains commentaires ou interrogations relatives à quelques-uns de ces changements. La refonte des critères de décision. Deux critères en particulier nous semblent problématiques: l'utilisation actuelle du lot et le type et l'intensité d'agriculture. Il faudra avant tout éviter que cet article ne soit utilisé pour dézoner des terres en friche. Il est évident qu'il s'agit ici d'une question d'application plutôt que de rédaction de la loi, mais nous soumettons cet élément à votre attention et sommes confiants que les objectifs bien différents des deux démarches, protection fondamentale ou protection accrue, ne seront pas confondus par les commissaires ayant à juger de ces questions. Nous espérons que la protection accrue des meilleurs sols se s'obtiendra pas au détriment des sols agricoles de moindre potentiel ou encore par la perte actuelle de très bons sols, en prévision du jour où lis pourraient devenir exclusifs.

Par ailleurs, au moment de l'élaboration des critères précis de délimitation des secteurs exclusifs, l'UPA souhaite être associée de près à tout processus afin de mettre en place un outil, un instrument qui soit, d'une part, très bien adapté aux réalités des sols et des producteurs québécois et qui, d'autre part, assure la protection des très bons sois, partout où elle est nécessaire. À cet égard, le fait d'utiliser un critère unique, fondé sur une classification ancienne et ne tenant pas compte des réalités et techniques actuelles nous apparaît plutôt restrictif et nous considérons plutôt ce critère comme une base de discussion à adopter aux contextes régionaux. Quant à la délimitation même, municipalité par municipalité, l'UPA entend s'associer de près à la démarche par le biais de ses fédérations régionales et de ses syndicats de base. L'UPA aborde donc l'application éventuelle de ces articles avec ouverture, disposée à

s'impliquer activement à toutes les étapes de leur réalisation.

Deuxièmement, les conséquences d'un refus pour le demandeur. Il est Impératif que ce critère demeure facultatif. De plus, il faudra s'assurer, puisqu'il va à l'encontre de l'objectif même de la loi, qu'il revête un poids relatif moindre dans l'évaluation au mérite, comparativement aux motifs agricoles.

La notion de conformité par la municipalité. L'UPA craint que cet article puisse conduire à refuser l'inclusion d'un producteur qui, par exemple, aurait été exclu par décret d'une zone agricole, sous prétexte qu'il se situe dans une zone d'affectation municipale qui prévoit une autre affectation. En ce sens, la réglementation municipale deviendrait prépondérante par rapport à la loi provinciale. Nous souhaitons que cet article soit interprété favorablement à l'agriculture dans de tels cas d'Inclusion.

En conclusion, M. le Président, l'UPA est satisfaite des principes du projet de loi 100 qui raffermissent la protection du territoire agricole comme ressource collective, mais elle considère que ses effets seront grandement conditionnés par l'application qui en sera faite. Nous considérons qu'il y a urgence à sécuriser les producteurs et productrices agricoles, surtout à ce moment précis où les plans ou règlements d'urbanisme sont en cours d'élaboration. À cet égard, nous tenons à préciser que l'UPA est tout à fait favorable à la démarche de planification de l'aménagement du territoire présentement amorcée car elle devrait amener un développement contrôlé de l'urbanisation et éviter les développements anarchiques et en sauts-de-mouton, extrêmement préjudiciables au maintien et au développement de l'agriculture. Nous entendons, d'ailleurs, participer activement à l'aménagement et au développement de nos régions, de concert avec les partenaires concernés. Mais il demeure que certaines étapes de cette planification peuvent Introduire des contraintes indues et qu'il convient d'en limiter les effets le plus possible.

Par ailleurs, l'UPA constate que les mesures de remise en valeur des terres en friche, réclamées par les producteurs et productrices agricoles comme mesures complémentaires aux mesures de protection des sols, sont absentes des modifications apportées à la loi. Ces mesures sont toutefois annoncées par le ministre de I'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour les mois à venir et nous espérons qu'elles sauront répondre aux objectifs recherchés, c'est-àdire contribuer au développement agricole tout en réduisant la spéculation Intensive qui existe encore aujourd'hui. Nous comptons donc sur la collaboration de tous pour adopter ce projet de loi le plus rapidement possible afin de procurer à la classe agricole les outils nécessaires à l'exercice de ses activités. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le président de l'UPA. Maintenant, M. le ministre, avez vous des questions?

M. Pagé: Certainement, M. le Président, je vous remercie. Je voudrais remercier M. Proulx, M. Gaudet, M. Blanchette, M. Lord et Mme Cloutier qui sont avec nous, cet après-midi. L'Union des producteurs agricoles est avec nous parce que j'ai accepté la demande formulée par mes collègues, par mon leader et aussi par l'Opposition d'entendre en particulier le milieu municipal qui demandait d'être entendu ici. J'apprécie le mémoire qui est présenté par l'Union des producteurs agricoles et l'expression de satisfaction à l'égard du projet de loi 100. Vous comprendrez, M. le Président, que ce n'est pas le premier échange de points de vue que j'ai sur cette question avec l'Union des producteurs agricoles, parce que, tel que M. le président le disait au nom des membres de l'UPA, il est très clair dans mon esprit que la ressource sol est une ressource non renouvelable et que, par surcroît, cette ressource propice à l'agriculture représente un pourcentage très faible de la superficie totale du territoire du Québec et représente aussi un territoire qui est sujet, comme on en convient... Tous les observateurs sont unanimes à le constater, les sois agricoles sont régulièrement regardés avec un oeil très intéressé, qui n'est pas nécessairement en conciliation avec le développement de l'agriculture au Québec.

Vous Indiquez dans votre mémoire votre satisfaction à l'égard du droit de produire, par les notions très claires qui apparaissent à la page 5 de votre document et qui viennent, somme toute, confirmer la pertinence de la décision gouvernementale d'adopter de telles mesures. Pour nous, il devenait impérieux et nécessaire d'établir des règles du jeu modifiées, des régies du jeu qui sont Interprétées par certains, notamment par mes amis du monde municipal, comme étant un droit qui peut leur sembler exorbitant. Mats, je demeure convaincu que ces dispositions établiront, lorsque la loi sera adoptée, des règles du jeu qui conduiront très certainement à de meilleures conditions d'harmonie et à de meilleures relations entre le milieu agricole et le milieu municipal. Cette norme de réciprocité, tel que je l'indiquais dans mes commentaires préliminaires, tout à l'heure, qu'est-ce que c'est? C'est très simple. C'est que jusqu'à maintenant, les normes édictées par le ministère de l'Environnement, soit dans le cadre de règlements, soit dans le cadre de directives, viennent toujours contraindre le producteur agricole. (16 h 30)

Si un producteur agricole décide de produire, par exemple, dans une production animale donnée, il doit s'éloigner d'une résidence, d'un milieu d'habitation le plus près, de tant de mètres ou de tant de pieds, selon le nombre

d'unités animales. Et ces normes, finalement, se sont toujours appliquées à l'encontre du producteur ou de la productrice agricole. Une fois que !a loi sera adoptée - l'espère, dès le 16 mars prochain - les règles du jeu qui s'appliqueront, une fois que la loi entrera ers vigueur, sont très simples: toute personne désirant se construire, en vertu d'un droit, en zone agricole, devra respecter les mêmes distances.

C'est donc dire des règles qui s'appliqueront réciproquement à un producteur ou à un propriétaire, des règles qui ne seront plus unilatéralement dirigées à rencontre du producteur mais qui s'appliqueront de façon bilatérale. J'apprécie évidemment, et je ne suis pas surpris, ça va de soi, l'appui que vous nous donnez en ce sens.

Le fonds de défense. On sait qu'une personne peut, en vertu d'un droit qu'elle a, construire en zone agricole, implanter un immeuble. Et j'ai vu, moi, souventefois, depuis 1985, des gens qui sont venus s'installer en zone agricole, et une fois installés, porter plainte contre l'activité même, le gagne-pain, le vécu quotidien de celui ou de celle qui est son voisin et pour qui c'est son investissement, pour qui c'est l'œuvre de sa vie, avec des déboursés très appréciables, avec des contraintes, des inquiétudes, des frais judiciaires, etc. Et il va de soi que la mise en place d'un fonds de défense est tout à fait légitime et il faut, bien convenir que le rendement sur le capital investi en agriculture, est bien en deçà du rendement normalement prévisible ou attendu que l'investissement qui est fait, soit dans le secteur manufacturier ou dans d'autres secteurs de notre économie.

D'autant plus que cette norme d'immunité - et là, je veux être très clair - n'implique pas, ni de près ni de loin, si je peux utiliser le terme, une caution du gouvernement pour voir à la défense de personnes, de producteurs ou de productrices agricoles qui ne respectent pas les règles de l'art et qui ne respectent pas les règles de l'environnement.

Sauf qu'il faut appeler les choses par ce qu'elles sont. Tout comme on le sait, l'article 20 de la Loi sur l'environnement prévoit, accorde le droit à toute personne, dès le moment où elle se sent affectée dans son confort, de porter plainte pour demander aux tribunaux que l'activité qui fait l'objet de la plainte cesse automatiquement. Cela va de soi, M. le Président, qu'en zone agricole, il y a parfois un peu de poussière, ii y a parfois un peu de bruit lorsqu'on fait fonctionner un séchoir à foin à 7 heures le matin. C'est sûr que ça cause un peu de bruit, c'est sûr que ça peut déranger des gens qui sont venus s'Installer dans le voisinage.

Mais pour notre gouvernement, et je pense, pour une très grande majorité de citoyens, l'agriculture doit être considérée, non seulement comme importante, mais aussi comme authentique, c'est-à-dire qu'elle doit se poursuivre, être conduite dans certaines zones. Et autant les gens ne sont pas légitimés, je pense, de vouloir se construire, d'implanter leur résidence dans un parc industriel, autant ils doivent s'interroger une, deux et trois fois, avant d'aspirer à aller se construire ou à implanter leur résidence en milieu agricole. Et c'est d'ailleurs ce qui a créé les problèmes vécus par plusieurs producteurs.

Dans votre mémoire, vous vous interrogez à certains égards, M. le président, au nom de vos membres, de vos adjoints qui sont avec vous. Vous dites souhaiter qu'il ne faudrait pas que la protection accrue qui sera conférée aux secteurs exclusifs, une fois que la loi sera en vigueur, soit faite et réalisée au détriment des autres sols zonés agricoles. Je veux vous réitérer ce que je vous ai déjà indiqué et formuler à nouveau ce que j'ai déjà formulé ici à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire: pour nous, M devenait impérieux de revoir les critères - et un des éléments précis sur lequel vous vous interrogiez tantôt et pour lequel je vais vous répondre, je ferme la parenthèse - lesquels se retrouvaient antérieurement dans trois articles différents de la loi. Le projet prévoit très clairement la refonte de ces critères dans un seul article où la loi dira que la commission, non pas "peut", mais "doit" prendre en considération des critères bien identifiés et que la commission, à d'autres égards, pour d'autres critères, sera limitée uniquement à pouvoir les prendre en considération tout comme dans le texte original ii y a des dispositions très claires qui prévoient que la commission ne pourra pas tenir compte ou prendre en considération tel autre critère. Nous sommes persuadés, de ce côté-ci de la Chambre, que ces précisions conduiront à davantage de régularité dans l'appréciation qui sera faite par les commissaires de la CPTAQ et, par surcroît, par le tribunal qui siégera en appel en matière de protection agricole. Nous sommes persuadés que ces critères révisés par le projet de loi amèneront davantage de constance et de régularité dans l'appréciation des instances chargées de voir à i'application de la loi et ce, au grand bénéfice de l'agriculture et de l'agro-alimentaire en général.

Je voudrais vous rassurer encore aujourd'hui en vous disant qu'il n'est pas du tout question, en ce qui nous concerne, d'apprécier des sols, qui ne seront pas dans !e secteur exclusif, comme étant des sois de seconde catégorie ou de seconde appréciation. Au contraire, l'ensemble des sols zonés agricoles sont importants et d'ailleurs, c'est dans ce sens-là que le projet doit être lu, comme je l'indiquais, en fonction d'une véritable politique de mise en valeur, non pas seulement quelques dollars ou quelques voeux pieux dans un programme de terre en friche mais bien plus, avec des cibles et des objectifs bien particuliers qui devront nous conduire à une augmentation substantielle de notre production de céréales pour consommation humaine, de nos productions horticoles, de la production de produits biologiques et de produits susceptibles

de fournir toutes les médecines douces, aliments naturels, etc. C'est ce qui sera recherché dans le pian de développement qui sera déposé par le gouvernement du Québec.

Autre élément, donc sur ce point-là, je veux vous sécuriser. Vous formulez un commentaire à la page 11. A la page 10 vous indiquez que deux critères en particulier nous semblent problématiques, l'utilisation du lot et le type de l'intensité d'agriculture. "Il faudra avant tout éviter que cet article ne soit utilisé pour dézoner des terres en friche." Je ne veux pas porter de jugement sur les commentaires du député de Lévis. Je l'ai trouvé très sévère à l'endroit de ceux avec qui il a eu le privilège de travailler pendant neuf ans. Depuis que le projet de loi a été déposé, vous avez eu l'occasion, M. le président, de me faire part de certaines inquiétudes au sujet de l'interprétation qui pourrait être donnée a ce texte. Je peux vous indiquer tout de suite que votre demande est reçue. D'ailleurs, elle avait été endossée aussi par la ville de Montréal au moment du comité technique. Quand mon honorable collègue, député du comté de Lac-Saint-Jean, indiquait qu'on avait été une semaine sans siéger en décembre, on n'a pas été une semaine à regarder par les fenêtres. On n'a pas dormi sur la "switch" pendant cette semaine-là. Mes adjoints et moi avons passé la semaine à échanger des opinions avec les gens de l'Union des municipalités régionale de comté, avec les gens de l'Union des municipalités du Québec pour tenter de voir s'il était possible d'en arriver à certains rapprochements, à davantage de consensus. Dans le cadre de ce comité technique qui a siégé et qui a débouché sur plusieurs échanges avec le monde municipal, la ville de Montréal s'est inscrite en semblable matière et a demandé que cet article soit modifié. Je vous annonce que cet article sera modifié pour établir très clairement que l'utilisation actuelle du lot sera bien encadrée.

À la page 11 de votre document, vous demandez que les conséquences d'un refus pour le demandeur, comme critère, ne soit que facultatif par la commission. C'est certain que ça demeurera uniquement, purement et simplement facultatif. Cela ne sera pas obligatoirement pris en considération. La notion de conformité, avec les municipalités, en ce qui concerne le cas où un producteur aurait été exclus et qu'il veuille être réinclus, je m'engage à regarder ce qui peut être fait pour renforcir ces dispositions, avant l'étude du projet de loi article par article qui viendra demain.

Donc, ces questions, ces Interrogations que vous avez, j'y réponds de cette façon-ci. Si vous avez d'autres questions plus particulières à me formuler, il va me faire plaisir d'y répondre mais, avant de terminer mon commentaire sur le mémoire de l'UPA, je voudrais remercier ses porte-parole de leur présence Ici, même s) ce qui a été formulé aujourd'hui l'avait déjà été dans les échanges constants, soutenus et continuels que nous avons, comme gouvernement, avec l'UPA. Merci d'être tel. Merci de l'appréciation que vous faites parce que, somme toute, ce projet de loi n'a pas été élaboré sur le coin de la table. Il a été élaboré à partir d'expériences que vous avez vécues, qu'on a vécues dans le monde agricole. Je pense que la meilleure sécurité et la plus probante des garanties de respect complet et Intégral de cette volonté de protéger nos sols agricoles s'appuient sur le fait que l'UPA demeurera très vigilante dans l'application de !a loi, C'est tout à fait souhaitable qu'il en soit ainsi.

C'est le commentaire que j'avais à faire, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le porte-parole officiel de l'Opposition, M. Brassard, député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, après avoir eu droit à un bal exercice d'autoglorification...

M. Pagé: Je suis gentil en début d'année. Ce n'est pas le cas...

M. Brassard: Je ne sais pas si la ministre a déjà été enfant de choeur. Je l'ai été pendant plusieurs années. En tout cas, s'il l'a été, il a sûrement été longtemps thuriféraire. Le thuriféraire, c'est celui qui maniait l'encensoir, n'est-ce pas? Sûrement.

Alors, on va passer aux échanges puisqu'il n'y en a pas eu du côté du pouvoir. Moi aussi, je remercie l'UPA, son président, les membres de l'exécutif, d'avoir accepté l'invitation de venir se faire entendre devant la commission. On les a réclamés pendant plusieurs semaines avant les fêtes sans succès. Maintenant, c'est chose faite.

J'aborderai d'abord la question du secteur exclusif. Dans votre mémoire, en page 8, on peut lire ce qui suit, vous l'avez lu tantôt mais j'y reviens, je le répète. Le dernier paragraphe: "Nous souhaitons cependant que la notion même de secteur exclusif ne soit pas utilisée par anticipation dans la révision en cours autant par la CPTA que par les MRC concernées, car ceci pourrait avoir un impact très important en termes de superficie protégée."

Donc, c'est un voeu que vous exprimez, que vous manifestez. C'est qu'il ne faudrait surtout pas que le concept de secteur exclusif soft pris en compte dans le processus de révision des zones agricoles actuelles. Pourquoi? Parce que, dites-vous, ça pourrait avoir un Impact Important en termes de superficie protégée. Je comprends ça de la façon suivante: à partir du moment où dans une MRC vous avez une bonne idée de ce que pourrait être le secteur exclusif, donc le vert foncé, et une bonne idée par conséquent aussi en contrepartie de ce que pourrait être le vert pâle, vous laissez entendre que les MRC pourraient être tentées, dans le processus de révision, de réclamer du territoire dézoné dans le

vert pâle. Cela aurait un effet négatif, évidemment, en termes de superficie protégée. C'est comme ça que je comprends les choses. (16 h 45)

Plus loin, vous dites, à la page 9: "Nous espérons que la protection accrue des meilleurs sols ne s'obtiendra pas au détriment des sois agricoles de moindre potentiel.* Au paragraphe suivant, vous dites qu'à ces égard, le fait d'utiliser un critère unique basé sur une classification ancienne et ne tenant pas compte des réalités et techniques actuelles, ça paraît plutôt restrictif. Classification ancienne, je suppose que vous faites référence à la classification des terres en vertu de l'inventaire des terres du Canada.

Je vous rappelle nos réserves et nos réticences. Nous pensons - peut-être que nous avons tort, c'est une question d'opinion et nous l'admettons volontiers - qu'en créant deux secteurs à l'intérieur du territoire agricole, un secteur dit exclusif où, selon la loi, la protection serait, paraît-il, renforcée et le reste, ce qui est douteux, du territoire agricole qu'on a pris l'habitude depuis que le projet de loi est connu, d'appeler la zone vert pâle, la zone vert foncé, le secteur exclusif, le reste du territoire agricole, la zone vert pâle... Nous pensons qu'en créant deux secteurs dans le territoire agricole, ça va avoir pour effet, peut-être qu'on se trompe, mais on le verra à l'avenir, à l'usage, de créer une dynamique de dézonage dans la zone vert pâle, que le message qui est lancé, en quoique sorte, c'est de dire: Écoutez, si vous êtes en vert foncé, vous êtes bien protégés, si vous êtes en vert pâle, faites votre demande, on va la prendre en considération et, sous-entendu, les chances sont nettement meilleures de vous donner satisfaction à l'occasion d'une demande de dézonage.

Ma foi, si la commission refuse, i! y aura toujours le tribunal d'appel, vous Irez en appel et vous aurez là une bonne chance d'obtenir un dézonage. Donc, une espère de dynamique, de mouvement de dézonage qui risque de se créer en territoire vert pâle. C'est d'autant plus risqué et dangereux que, comme vous le dites, le secteur exclusif va être déterminé et délimité à partir de ce que vous appelez un outil plutôt restrictif, une classification ancienne. C'est l'inventaire des terres du Canada, c'est la loi qui le dit. Le projet de loi 100, c'est ça qu'il dit. On va se baser sur la classification de l'inventaire des terres du Canada pour créer le secteur exclusif. Vous nous dites: Ce n'est pas un outil de travail tout à fait adéquat, il est ancien d'abord et il est restrictif, effectivement, parce qu'il est fondé sur à peu près un seul critère qui est la production céréalière. li arrive que dans certaines régions du Québec vous avez d'excellentes terres, de très bonnes terres, mais en vertu de cet outil, cet instrument, elles sont classées 4, 5 ou 8. Ce sont de très bonnes terres, mais pour des raisons climatiques ou d'autres raisons, elles ne sont pas classées 1, 2, 3. Donc, vous dites d'une part que c'est un mauvais outil, ni adéquat, ni convenable, mais c'est celui-là qu'on retrouve dans la loi. L'article 59.01, c'est cet outil qu'on va utiliser pour délimiter le secteur exclusif et vous dites que ce n'est pas un bon outil, ce n'est pas un outil trop restrictif. SI vous ne demandez pas des changements à la loi, vous aurez beau dire que ce n'est pas très bon comme outil pour délimiter le secteur exclusif, c'est cet outil qu'on va utiliser. C'est cet instrument qu'on va utiliser.

Donc, au fond, ma question est la suivante, M. Proulx. Ne craignez-vous pas qu'en introduisant ce nouveau concept de secteur exclusif et en divisant, autrement dit, le territoire agricole en deux zones, que la zone moins protégée soit l'objet de convoitise, de demandes nombreuses de dézonage, auxquelles on donnera satisfaction et que, finalement cela aura pour effet de rapetisser le territoire agricole, de le ratatiner et qu'en fin de compte cette introduction d'un nouveau concept qui s'appelle secteur exclusif va se traduire par une réduction considérable du territoire agricole, que vous jugez déjà dans votre mémoire, comme étant exigu et qu'il ne faudrait surtout pas le réduire davantage? J'ai l'impression, en tout cas, que certaines de vos affirmations, en page 9 en particulier, quand vous dites, ne tenez surtout pas compte de cela dans la révision des territoires agricoles actuels, dans les négociations avec les MRC, j'ai l'impression dis-je - Je ne sais pas si je me trompe - que vous sentez qu'il y a là un danger d'enclencher une dynamique de dézonage et de réduction considérable du territoire agricole. Est-ce que vous ne craignez pas cela? Nous, c'est notre crainte. Peut-être que ce n'est pas le cas chez vous, peut-être que vous n'avez pas cette crainte-là, mais est-ce que vous ne craignez pas cela? Si, ma foi, c'est non, bien, on constatera qu'on n'a pas la même opinion et qu'on n'a pas la même vision des choses, ce qui ne signifiera pas évidemment que, de part et d'autre, on n'est pas persuadés qu'il faut protéger le territoire agricole. Ne croyez-vous pas aussi que l'outil ou l'instrument, qu'on compte utiliser pour déterminer les secteurs exclusifs, n'est pas le bon, n'est pas adéquat, ne convient pas au Québec, comme vous le mentionnez, mais il faut reconnaître pourtant que c'est cet outil-là qu'on compte utiliser dans la loi?

Le Président (M. Richard): M. Proulx, vous avez la parole.

M. Proulx: Écoutez, vous venez de le dire et je pense qu'on l'a exprimé, c'est évident que dans n'importe quel projet de loi, il y a toujours un certain nombre d'inquiétudes. Nous avons été très clairs, à la fin, aussi en disant qu'on va être en mesure de juger correctement de la loi, à sa mise en oeuvre, de voir si c'est correct, selon l'interprétation, que les gens qui auront à

l'appliquer quotidiennement vont le faire. Dans n'importe quelle loi, il y a toujours une partie d'interrogation, parce qu'il y a de l'Inconnu dans cela. C'est évident que dans le projet de loi 100, I y a certaines inconnues, on se pose des questions: II est tout à fait normal et bon de le faire. Tout dépend, si on regarde cela d'une façon positive ou négative. Je rappellerai qu'en 1978 j'étais là, on se posait des questions aussi. Cela a donné des résultats concrets parce qu'on a appliqué cela, dans le temps, de la façon qu'on devait l'appliquer et je pense que cela a donné des résultats positifs. Alors, soyons positifs, regardons le côté positif. Nous autres, on n'a pas été portés à l'Interpréter de façon qu'il y a une zone moins protégée. Nous autres, on ne parle pas du jaune pâle ou du vert foncé, on part avec le principe qu'il y a une partie de ce vert foncé qui est plus protégée. C'est notre interprétation à nous, bonne ou mauvaise, je vais prendre vos mots, M. le député, mais c'est la nôtre. Que voulez-vous qu'on fasse? C'est évident qu'il peut y avoir un certain nombre d'inquiétudes et on les soulève en disant: Faisons attention dans l'application parce que certains pourraient avoir envie de gruger ou avoir l'espoir qu'il va être plus facile de dézoner dans les sols 3, 4, 5 etc. Il faut vivre avec une certaine réalité et, à l'heure actuelle, il n'y a pas d'autres mesures connues pour délimiter les sols, selon ce qu'on nous a dit. S'il y en a d'autres, faisons-les connaître et appliquons-ies. Cela ne se fait pas instantanément, cela ne se fait pas du jour au lendemain. On est obligés de vivre avec celles qu'on connaît mais c'est évident qu'on insiste très fortement afin qu'on puisse en connaître d'autres, en sortir d'autres au fur et à mesure qu'on pourra être en mesure d'être capable de déterminer plus clairement, de tenir compte davantage des modifications survenues au cours des années, des changements dans les cultures, dans la production agricole et ainsi de suite, mais qu'on sera en mesure de rattacher ça pour être à même de donner la véritable valeur aux sols ou de les catégoriser à nouveau Mais ça ne l'est pas à l'heure actuelle et on a dos problèmes majeurs. Je pense que tout le monde l'a constaté au cours de l'année. On a eu à crier très fort pour arrêter l'empiètement qui se faisait.

Alors, pour nous, encore une fois, il n'y a pas une zone sous-protégée. En tout cas, on ne veut pas que ce soit ça. Si jamais c'était ça, vous pouvez être sûr qu'on va être les premiers et on va prendre tous les moyens a notre disposition pour contrer ça parce que, pour nous, il doit y avoir du zonage agricole au Québec qui est équitable partout, partout où il se fait de l'agriculture, qu'il y ait une infrastructure importante et qu'il faut protéger le sol agricole qu'on ait à ajouter peut-être pour amortir un peu les impressions qu'on peut avoir ou les idées qu'on pourrait avoir de continuer à dézoner encore davantage dans les parties urbaines, les parties importantes... et on sait que c'est mal- heureusement là que sont les meilleures terres agricoles.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président (M. Richard): Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Vous avez raison, M. Proulx, quand vous dites que c'est à l'application qu'on juge une loi. Cela, j'en conviens, d'autant plus que si on regarde ce qui s'est passé au Québec depuis 1979, depuis l'adoption du projet de loi 90, on se rend compte de ceci: Sur le plan de l'application Jusqu'à tout récemment... Cela coïncide pas mal avec l'arrivée au pouvoir des libéraux, comme par hasard, coïncidence étrange! Mais Jusqu'à ce moment-là, la loi a connu une application rigoureuse. La preuve en est que, pendant toute cette période, je n'ai pas, à ma connaissance, entendu l'UPA s'élever, s'Indigner ou protester contre la façon dont la loi était appliquée.

Nous passons à un autre gouvernement et, comme par hasard, les plaintes, le mécontentement grandit un peu partout. L'insatisfaction apparaît quant à l'application de la loi, particulièrement dans le cadre de la révision des zones agricoles avec les MRC. Là, à juste titre, des syndicats locaux de l'UPA, des fédérations régionales s'indignent, protestent parce qu'ils assistent à du dézonage massif de terres jugées bonnes sur le plan de l'agriculture. Là, évidemment, la liste est longue. Il suffisait, entre autres, de lire La Terre de chez nous pour s'en rendre compte. (17 heures)

Donc, l'application, c'est Important. Mais ne pensez-vous pas, M. Proulx, que la loi, telle qu'elle existe en matière de protection du territoire agricole, était suffisamment claire, précise, rigoureuse et sévère comme il a été démontré pendant plusieurs années, mais que, à la suite, entre autres, de la mise en vigueur de certaines directives ministérielles, l'application s'est assouplie, la rigueur s'est - je dirais - émoussée, avec les protestations qu'on a connues? Ne trouvez-vous pas que ce qu'il faudrait réclamer ou ce qu'il aurait fallu réclamer avec insistance, c'est le retour à la rigueur de la loi, à son application rigoureuse comme ça s'est fait pendant plusieurs années plutôt que d'accepter - en tout cas, c'est comme ça que je le vols - avec les risques et les dangers que ça comporte l'introduction de concepts nouveaux, celui du secteur exclusif? Et nous avons non seulement des Inquiétudes, mais des réserves et des réticences. Vous venez de dire qu'il y a peut-être des inquiétudes légitimes. Ne pensez-vous pas, au fond, qu'en matière de protection du territoire agricole au Québec, ce qu'il faudrait réclamer, ce ne sont pas des amendements comme le ministre le propose dans la loi 100, créer deux zones, deux secteurs, secteur exclusif à partir

d'un outil pas tellement convenable? Il aurait plutôt fallu réclamer l'application rigoureuse de la loi telle qu'elle existe parce que, au fond, la loi telle qu'elle existe est suffisante, suffisamment précise, suffisamment rigoureuse, suffisamment sévère. Ses orientations sont suffisamment claires pour assurer pleinement, convenablement et efficacement la protection du territoire agricole. Je fais une distinction dans vos propos.

Il y a tout ce qui concerne l'Immunité, tout ce qui concerne le droit de produire, toute cette partie-là, on y reviendra, et il y a la protection du territoire agricole. En ce qui concerne précisément la protection du territoire agricole, est-ce que vous ne pensez pas que ce qui aurait été préférable, c'est un retour à une application rigoureuse de la loi, telle qu'elle est?

M. Proulx: II est évident que c'est ce qui aurait été l'idéal, sauf qu'on est en 1989. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Après la loi de 1978, on a passé la loi 125. Quand on a mis en application la loi 125, c'est là qu'on s'est aperçu, c'est là qu'on a commencé à être "pogné" avec et qu'on a vu qu'il y avait des trous dans la loi. On ne peut pas vivre éternellement avec le passé. C'est bien beau le passé mais, à un moment donné, dix ans après, tu réalises des choses et les choses les plus parfaites dix ans avant, parce qu'il est arrivé un tas de circonstances, ne sont plus complètement adéquates. La loi 125, à ma connaissance, et je ne veux pas faire de petite politique, mais c'est votre gouvernement qui l'a passée. Tant qu'elle n'a pas été mise en application, ça n'allait pas si mal mais le matin qu'on l'a mise...

Deuxièmement, ce que je veux dire et je ne veux pas défendre, c'est vrai, tout le monde est conscient qu'il s'est créé beaucoup d'espoir ces dernières années et je ne rappellerai pas pourquoi, pour des raisons probablement que j'imagine que c'est Important en politique... Il s'est créé certains espoirs et il y a peut-être eu un certain relâchement, je vais vous le donner, sauf que je vous ai rappelé la loi 125, je vous ai rappelé aussi que lorsque vous avez révisé la loi, chose que M. le député de Lévis a soulevée tout à l'heure, vous y avez inclus l'obligation de réviser tous les cinq ans. C'est ça qu'on vit jusqu'à un certain point.

Je veux vous rappeler aussi qu'il y a eu certains problèmes avant, tel Bell Helicopter et telle la voie de contour de Shawinigan. On a empiété sur du zonage agricole, de bonnes terres agricoles. Alors, si vous voulez me la ramener à 1978, sans la loi 125, je suis d'accord avec vous. On va acheter ça tout de suite demain matin et on va sortir dans la rue pour dire: Bravo! On appuie ça. Mais ce n'est pas ça aujourd'hui. On est en 1989 et on a... entretemps, il s'est passé un tas de choses. Mais, encore une fois, vous allez avoir notre appui si vous voulez nous ramener la loi de 1978, telle qu'elle était, sans la loi 125 encore une fois.

M. Brassard: M. le Président, peut-être quelques rappels. Là, on ne s'entend peut-être pas mais, d'abord, en matière de protection du territoire agricole, c'est la loi 90 qui a préséance sur la loi 125.

M. Garon: En droit.

M. Brassard: Pour ce qui est de la protection du territoire agricole, à ce point de vue-là, la loi 125 n'a pas chambardé je dirais l'économie générale de la loi 90, d'une part. D'autre part, oui, on a apporté des amendements. C'est le député de Lévis qui a apporté des amendements pour prévoir un processus ou un mécanisme de révision de la zone agricole dans les MRC, mais la loi 90, malgré ce mécanisme de négociation, continue toujours d'avoir préséance en matière de protection du territoire agricole. Et le problème ne vient pas de là, M. le président de l'UPA, vous le savez très bien. Le problème, vous l'avez signalé vous-même, est venu des directives ministérielles qui ont eu un effet d'assouplissement de l'application de la Loi sur la protection du territoire agricole; c'est de là qu'est venu le problème. Le ministre, par ses directives, a en quelque sorte assoupit, amendé, modifié la loi sans passer par l'Assemblée nationale, avec tous les problèmes que cela a provoqués. Moi, je veux bien que... je ne suis pas un nostalgique du passé comme tel, sauf que ce que Je recherche, c'est la protection du territoire agricole et, quand je regarde les faits et les lois, je me dis que la loi telle qu'elle existe comporte toutes les dispositions requises, nécessaires, utiles pour protéger efficacement le territoire agricole, à condition que le ministre n'interfère pas avec des directives assouplissantes comme cela a été le cas, et détourne en quelque sorte la loi de ses objectifs, transforme la Commission de protection du territoire agricole en commission d'aménagement du territoire, ce qui n'est pas sa vocation du tout. À condition que cela ne se produise pas, cela aurait pu se dérouler pas mal mieux que depuis deux ans. Moi, je continue de maintenir qu'en matière de protection du territoire agricole, la loi actuelle est suffisante et elle convient parfaitement. Il suffit cependant de l'appliquer avec toute la rigueur qu'on y retrouve, sans plus, sans l'accompagner de directives ministérielles qu'on juge, de notre côté, illégales, parce que la loi ne prévoit pas ça du tout et n'a jamais prévu que le ministre donne des directives à la commission.

On pense que l'introduction du concept de... La zone vert pâle, vous avez raison de dire qu'elle comporte les mêmes protections que celles contenues dans la loi actuelle. Mais notre crainte vient de la dynamique qui risque de s'enclencher. À partir du moment où vous créez deux zones, un secteur davantage protégé, du moins le prétend-on, et l'autre, le reste, on pense que ça risque de créer une dynamique de dézonage et

que, quand vous vous retrouverez en zone vert pâle, la tentation soit très forte de faire des demandes de dézonage en ayant quasiment à l'esprit qu'il n'y a pas de raison qu'on refuse ça, parce qu'on est dans le vert pâle. On n'est pas dans le vert foncé, on est dans le vert pâle, iI n'y a pas de raison qu'on nous refuse notre demande. C'est cette mentalité qui risque de se créer et c'est ça, la crainte qu'on a. J'espère qu'on aura tort, M. Proulx. Si on n'a pas tort et que c'est ce qui se produit, on risque au bout de quelques années de se retrouver avec un territoire agricole protégé drôlement réduit, ratatiné, un phénomène de peau de chagrin et cela risque d'être drôlement néfaste pour l'ensemble de l'agriculture au Québec.

Le Président (M. Richard): M. le ministre, vous aviez un commentaire?

M. Pagé: Certainement, M. le Président. Vous savez, nous sommes Ici pour échanger des points de vue avec nos hôtes qui ont accepté de venir se faire entendre. Je ne crois pas que ce soit le moment choisi ou privilégié pour nos amis de l'Opposition qui, j'en conviens, doivent s'opposer, cela fait partie des règles du jeu...

M. Brassard: M. le Président, je regrette.

M. Pagé: Vous savez, tantôt, quand on a dit...

M. Brassard: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Question de règlement, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Tantôt, le ministre a pris je ne sais combien de temps, un quart d'heure, pour défendre ses positions et son projet de loi et s'autoglorifler. Je ne vols pas en quoi, moi, je n'aurais pas le droit d'exprimer les positions de l'Opposition. Vraiment!

M. Pagé: Non, non, vous avez le droit..

M. Brassard: Alors, pourquoi me le reprochez-vous?

M. Pagé: ...mais vous me permettrez très certainement, M. le Président, en vertu de nos règles de fonctionnement, de rétablir certains faits.

M. Brassard: Ils n'ont môme pas eu l'occasion de parler quand vous avez parlé tantôt.

M. Pagé: Je vous ai laissé parler.

M. Brassard: Moi, je les ai laissés parler, en tout cas.

M. Pagé: Bon, faites-en donc autant par politesse, par délicatesse. Vous savez, on commence l'année, iI faudrait l'amorcer du bon pied. Il ne faudrait pas vous laisser trop Influencer par le député de Lévis qui agit un peu comme un souffleur dans une pièce de théâtre et qui souffle les mots au député.

M. Brassard: Non, non, je n'ai pas besoin de quiconque.

M. Garon: ...n'a pas besoin.

M. Pagé: Cela dit, vous avez dit - et c'est là où c'est inquiétant - que la loi 90 avait primauté sur la loi 125. Je l'ai toujours soutenu, mais c'est à partir de cette dualité législative, de cette Interprétation donnée à chacune des lois que les municipalités, en référence à la responsabilité qu'elles se sont vues accorder par le même législateur en 1979, d'aménagement sur l'ensemble du territoire, c'est à partir de cette loi que certaines municipalités du Québec se sont vues le droit, ont pensé qu'elles avaient le droit de procéder à du zonage de production et de dicter, par exemple, que dans telle municipalité, telle production serait purement et simplement défendue.

C'est à partir de cette loi 125 et une responsabilité des municipalités sur l'aménagement du territoire que certaines municipalités ont voulu établir, autour du milieu urbanise, ce qu'on appelle des zones tampons, reculant de distance à distance certaines productions et reculant à d'autres distances certaines autres productions. Et parce que cette démarcation n'a jamais été établie très clairement, autant entre la loi 125 qu'avec la loi 90, autant par M. le député de Lévis que par M. le député de Labelle, à ce moment-là qui était ministre des Affaires municipales, nous avons dit au gouvernement du Québec, par une déclaration du ministre responsable de l'aménagement et du développement régional, le ministre de l'Environnement, le ministre des Affaires municipales et moi, comme ministre de l'Agriculture... nous avons déclaré en novembre 1987 ou octobre 1987 qu'en ce qui nous concerne, il n'était pas question d'adopter, dans aucun schéma d'aménagement, le droit pour une municipalité ou une MRC de procéder à du zonage de production, ou encore à l'établissement de zones tampons.

Je comprends que vous êtes animés par une certaine nostalgie s'inspirant de la béatification. Mais vous savez, il faut quand même regarder les choses comme elles sont. On avait à vivre avec un problème. Ce problème, c'était une dualité législative parce que la ligne n'avait jamais été tracée et tous les observateurs qui ont été associés à cette démarche savent pertinemment qu'en aucun temps, l'affrontement entre le milieu municipal et le milieu agricole n'a pu se régler, alors que mon prédécesseur était l'honorable député de Lévis.

Aujourd'hui, c'est maintenant réglé, mais malheureusement, cela a créé des pressions, cela a créé des problèmes et ces problèmes sont maintenant solutionnés. Et si... Un dernier commentaire pour répliquer, notamment au député du comté de Lac-Saint-Jean. Vous avez indiqué tout à l'heure, d'une façon qu'on connaît bien, vous avez dit: Ah, la coïncidence a voulu qu'au moment du changement de gouvernement, etc. Je m'excuse. En vertu de cette loi 125, les MRC se sont vues confier, par l'Assemblée nationale et le gouvernement, l'obligation de confectionner des schémas d'aménagement. Et la rédaction de ces schémas d'aménagement devait conduire, après dix ans, à une révision des zones agricoles et urbaines qui a impliqué ta révision d'affectation de certains lots au Québec...

Une voix: Sans directive.

M. Pagé: ...dans une perspective d'actualisation. Il s'en fait, de l'aménagement, depuis dix ans. Ce sont 142 000 dossiers qui ont été présentés à la Commission de protection du territoire agricole. Et ce débat, de toute façon, on l'a conduit, on l'a tenu. Et je suis confiant qu'avec des règles maintenant précises et une démarcation très nette entra la loi 90 qui sera renforcée par la loi 100, et la loi 125, je suis persuadé que ça va bien aller. Il faut avoir confiance en l'avenir, M. le député.

M. Brassard: En l'avenir, j'ai confiance. C'est en vous que je n'ai pas confiance.

M. Pagé: Soyez confiant, soyez confiant puis... Vous savez... Ah ça, je ne vous on tiens pas grief, c'est votre rôle dans l'Opposition. Et je suis persuadé que vous atteindrez un degré de maturité auquel j'ai eu à être convié. Je me suis opposé à loi 90. Aujourd'hui, je vous dis que c'est une bonne loi. Dans quelques années, si les électeurs vous prêtent mandat et si le premier ministre vous prête fonction et que vous êtes ministre de I'Agricuiture, peut-être direz-vous: La loi 100 est une très bonne loi.

M. Brassard: Le ministre admet que c'est lui qui renie ses anciennes convictions. Alors, le cas de reniement, c'est le cas du ministre.

M. Pagé: Alors, dans quelques années, vous direz: C'est une bonne loi.

Le Président (M. Richard): Après ces bons voeux, est-ce que vous avez d'autres questions? M. le député de Lévis.

M. Garon: Oui, j'aurais une question à poser au président de l'UPA parce que.. Vous savez, les termes... Il faut aller en arrière des mots. Ce n'est pas écrit "vert pâle" ou "vert foncé", mais c'est écrit "protection accrue". Mais si vous regardez vraiment la loi, vous la regardez comme il faut, il n'y a pas de protection accrue, ce n'est pas vrai. Mais on parie de sois meilleurs et de sois mollis bons, par exemple. Vous me trouverez dans ce projet de loi-là, quelque chose qui protège la production laitière. Quand on parle des sols de classe 1, 2 et 3 ça ne fait pas énormément de sols au Québec. L'inventaire des sols du Canada, comme l'a dit le député de Lac-Saint-Jean, c'est l'inventaire basé sur la production céréalière. Mais la production herbagère, qui est une production aussi importante au Québec, n'est pas protégée par cette nouvelle loi-là parce qu'on parie des meilleurs sols et on parle dans la loi des sois 1, 2 et 3. Et ça ce n'est pas rien qu'une... (17 h 15)

Le président de I'UPA regarde ça un peu. Bah! Sauf que c'est la loi, c'est ça qui va être le fondement. C'est en fonction de ça que les décisions vont se prendre et avec un tribunal d'appel qui va établir maintenant sa jurisprudence, il va se baser sur la loi. Alors, qu'est-ce que dit la loi à l'article 69.01? Elle dit: "La commission identifie comme secteur exclusif, sur le plan de la zone agricole, toute partie de celle-ci qu'elle détermine à partir de l'identification des sols possédant un potentiel agricole de classe 1, 2 ou 3 et des sols organiques tel qu'inventorié..." Et on dit que les sols organiques ce sont seulement ceux qui ont plus de 2500 unités thermiques. Par exemple, les sols organiques de Barachois, en Gaspésie, ne pourront pas être classés parce qu'Us ne sont pas dans 2500 unités thermiques même si ce sont d'excellents territoires où... Encore môme Ses aboiteaux de Kamouraska sont dans des unités thermiques en bas de 2500 même si ce sont de bons sols organiques. Alors elle dit donc: "...1, 2, 3 et les sols organiques de 2500 et plus." Mais si vous allez voir l'article qui parle de l'exclusivité... On va le lire comme il le faut. Qu'est-ce qu'y dit? "À compter de l'entrée en vigueur d'un décret approuvant un plan de zone agricole comprenant un secteur exclusif, la commission ne peut autoriser, dans ce secteur, l'utilisation à des fins autres que l'agriculture, le lotissement ou l'aliénation d'un lot, la coupe des érables ou émettre un permis d'enlèvement du soi arable, à moins qu'il lui soit démontré qu'il n'y a pas, ailleurs dans la région, d'espace approprié disponible aux fins visées par la demande et que celle-ci est compatible avec l'agriculture ou sans effet sur la protection du territoire agricole compte tenu des dispositions de l'article 62." Et quand vous allez à l'article 62, qu'est-ce que vous avez? Ce n'est pas l'article 62 pour les zones exclusives, c'est pour n'importe quelle zone.

Cela veut dire, au fond, que tout ça c'est un aménagement verbal mais où il n'y a pas de zone exclusive, il n'y a pas de territoire exclusif. Cela ne veut strictement rien dire. Et si vous allez à l'article 62, vous avez l'article 62 avec les dispositions dont vous parlez dans votre

mémoire à la page 10, 1, 2 et 3, qui sont: "L'utilisation actuelle du lot et le type et l'intensité d'agriculture', vous dites: "II faudrait avant tout éviter que cet article ne soit utilisé pour "dézoner" des terres en friche. Les conséquences d'un refus pour le demandeur et la notion de conformité par la municipalité." Je vous ferai remarquer que la notion de conformité, encore là, on retrouvait ces dispositions-là dans les directives du ministre du 24 ou 26 septembre 1986. La loi s'ajuste actuellement avec les directives de septembre 1986. Et là, on n'est pas dans le placotage. On est dans le domaine légal. Et quand vous retombez à l'article 62 où on aura, d'abord à l'article 3, je parle de l'article 3, éliminé les critères de l'article 12, puisque l'article 3 est remplacé par le suivant, il y avait un article 12 avant dans la loi qui établissait des critères, des facteurs de décisions pour la commission et là ces facteurs-là seront éliminés totalement. "Pour rendre une décision ou émettre un avis dans une affaire qui lui est..." Facteurs à considérer, là c'est éliminé.

On dit, en somme, que va-ton mettre à la place des facteurs? "Pour exercer sa juridiction, la commission tient compte de l'Intérêt générai de protéger le territoire et les activités agricoles. Elle prend en considération tous les faits qui sont à sa connaissance." Ce ne sont plus des facteurs. Elle prend des faits en considération. Imaginez-vous comme principe que c'est fort! Cela ne serait pas marqué et ça ferait pareil. Cela s'appliquerait de toute façon parce qu'elle prend en considération des faits, les facteurs éliminés de l'article 12. Et là on vous ramène à l'article 62 où on établit d'autres conditions. Mais là, vous remarquerez qu'à la fin, toutes les dispositions qu'on trouve là-dedans concernant les restrictions dont vous parlez dans votre mémoire... Si vous pensez qu'on va faire de la protection du territoire avec ça, je vais vous dire une chose. En Colombie britannique, les gens n'ont pas changé la loi. Ils ont changé les commissaires et il n'y a plus eu de protection des terres agricoles. Si vous pensez qu'on va faire la protection des terres agricoles avec ça, |e vous souhaite bonne chance. Parce que, actuellement, il y a tous les facteurs pour faire n'importe quoi avec ça mais avec aucune sécurité juridique pour personne. De sorte qu'on va se retrouver sans doute dans quelques années où tout le monde sera mécontent parce que personne ne saura où il s'en va avec ça.

Alors, j'aimerais savoir sur le plan légal, pas sur le plan des impressions, sur le plan légal sur quoi s'appuient les secteurs exclusifs dans la loi, d'après vous. Après, sur quels facteurs la commission va-t-elle vraiment s'appuyer pour établir les zones agricoles permanentes? Sur quoi va-t-elle s'appuyer?

Une voix: Michel. On nous demande de parler de l'aspect légal. On va laisser ça à notre légaliste.

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M. Lord.

M. Lord (Michel): Notre compréhension, évidemment, il faut faire lecture de l'article 69.08 que vous lisiez. C'est là, en fin de compte, qu'on retrouve le sens de la protection accordée au secteur exclusif. On dit dans le premier alinéa dans "un secteur exclusif, la commission ne peut autoriser dans ce secteur l'utilisation, etc., à moins qu'il lui soit démontré qu'il n'y a pas, ailleurs dans fa région, d'espace approprié disponible aux fins visées par la demande et - deuxièmement, et là il faut que les deux conditions se rencontrent - que celle-ci est compatible avec l'agriculture ou sans effet sur la protection du territoire agricole."

Au deuxième alinéa, la discrétion accordée à la commission est un peu plus grande mais c'est pour des fins d'utilité publique. Lorsque je fais lecture de l'article 69.08, il me semble qu'il y a une assez bonne protection accordée aux sols sis en secteur exclusif. Tantôt, M. Garon, j'essayais de comprendre, et manifestement on ne lit pas l'article de la môme façon.

M. Garon: Non, on ne lit sûrement pas de la même façon. II faut que vous lisiez l'article 62.

M. Lord: Bien oui.

M. Garon: Et l'article 62, c'est un paquet de portes de grange qui viennent d'être ouvertes pour dézoner n'importe quoi. Lisez-le, l'article 62.

M. Lord: Ah oui! L'article 62 c'est l'ensemble des critères élaborés.

M. Garon: il ne reste plus rien.

M. Lord: Mais les critères de l'article 62 ne visent qu'à déterminer si la demande est..

M. Garon: C'est pour dézoner. Ce n'est pas pour établir les zones. Pour établir les zones, les facteurs sont disparus à toutes fins utiles.

M. Lord: Pour établir les secteurs exclusifs? M. Garon: Oui. Il reste...

M. Lord: Vous l'avez dit tantôt, ce sont les blocs de sols 1, 2, 3.

M. Garon: Oui.

M. Lord: Et les sols organiques.

M. Garon: Mais après ça, pour dézoner il vous faut... dans des cas individuels, des demandes, vous vous retrouvez avec l'article 62. Bien voyons!

M. Lord: Mais c'est complémentaire. Pour obtenir une permission en vertu de l'article 6908, vous devrez faire différentes preuves. Vous devrez d'abord prouver qu'il n'y a pas ailleurs dans la région d'espace disponible aux fins que vous visez. Deuxièmement, même après avoir prouvé ça, vous devrez prouver que votre demande est compatible avec l'agriculture ou sans effet...

M. Garon: Oui. Vous avez ça dans votre article 69.03.

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, M. !e député de Lévis. Une question de règlement.

M. Garon: Une question de règlement en vertu de quel article?

M. Pagé: C'est pour inviter le député à lire l'article 17 qui se réfère à l'article 62 qui commence et qui sa lit comme suit, à la pays 7 du projet de loi: Sous réserve des articles 69.07 et 69.08...

M. Garon: Oui.

M. Pagé: Bien, ça dit tout. Voyons!

M. Garon: Et qu'est-ce que ça donne? C'est ce que je viens de lire, l'article 69.08. Il se réfère à l'article 62. Votre article 69.08 se réfère à l'article 62 et, à l'article 62, regardez bien, à tel point qu'à l'article 69.08 on dit: "...qu'il soit démontré qu'il n'y a pas ailleurs dans la région d'espace approprié aux fins visées par la demande."

Quand vous arrivez à l'article 62, on dit: Elle prend en considération l'effet sur le développement économique de la région. Si vous pensez qu'il n'y aura pas toute la marge de manoeuvre pour faire n'importa quoi avec ça, il n'y aura plus de critères. Il n'y aura pas de critères à toutes fins utiles.

Ce n'est plus la commission qui va Interpréter, ce sera le tribunal d'appel qui fera la jurisprudence. La jurisprudence ira an tribunal d'appel maintenant. Alors, bonne chance!

Une voix: "Good luck"!

M. Garon: Je vais vous dire une chose. Je considère que quelques avocats pourraient se spécialiser dans le droit agricole. Cela va être payant.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Lévis. Maintenant, est-ce que vous avez des commentaires avant de...

M. Brassard: C'est terminé, oui?

Le Président (M. Richard): En ce qui con- cerne l'Opposition le temps est terminé. Il resterait une quinzaine de minutes au parti ministériel. Il n'est pas obligé de le prendre.

M. Brassard: D'accord. C'est tout simplement pour remercier de nouveau l'UPA. J'aurais évidemment aimé aborder d'autres sujets avec elle, entre autres tout ce qui concerne le droit de produire, le commissaire-aviseur, mais le temps nous manque. En tout cas, dans son mémoire, sa position est clairement exprimée. Je remercie l'UPA d'avoir accepté l'invitation de la commission et d'être venue témoigner devant nous aujourd'hui.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Pagé: M. le Président, avant de remercier nos visiteurs, l'Union des producteurs agricoles qui est comparue devant nous aujourd'hui, je m'en voudrais de ne pas rétablir certains éléments dans leur juste perspective, en référence, entre autres, à l'établissement du secteur exclusif. il est très clair, et je veux l'indiquer, je veux le réitérer, que la protection conférée, accordée aux terres qui seront dans le secteur exclusif est très Importante, parce qu'en vertu des dispositions de l'article 69 A sera pratiquement Impossible d'utiliser à des fins autres que l'agriculture de tels sols à moins qu'il ne soit démontré, tel que cela a été Indiqué, qu'il est impossible de procéder, par exemple, à la construction d'une utilité publique ailleurs dans la municipalité ou encore dans la région, dans certains cas.

Et l'article 70 s'applique et comporte une réserve. La réserve, c'est que l'article 62 n'est pas de portée générale pour l'ensemble des sols zonés agricoles au Québec et il est très clairement indiqué que les articles 69.07 et 69.08 doivent être, c'est-à-dire que la disposition à l'article 62 comporte une restriction à savoir sous réserve de 69.07 et 69.08. En fait, toutes les dispositions relatives au secteur exclusif s'appliquent par priorité par rapport à 62. Cela n'a pas été lu ainsi par le député de Lévis. Je présume qu'une analyse exhaustive de la loi lui permettra d'avoir une compréhension plus exacte ou plus complète.

Autre élément, je l'ai indiqué ici en commission et je n'en al jamais ou de nouvelles. J'ai mentionné au moment de l'étude du projet de loi, au début de l'étude article par article du projet de loi, que nous étions disponibles pour indiquer, à titre d'exemple, comment les terres, les superficies qui apparaîtront dans le territoire exclusif, comment ce territoire exclusif sera établi. J'ai indiqué que notre objectif est de négocier, de discuter avec chacune des municipalités du Québec, en présence de l'Union des producteurs agricoles, l'établissement d'une cartographie qui viendra définir un secteur exclusif

à partir de certains paramètres qui auront dû faire consensus, cela va de soi.

Je m'étais montré disponible pour que les dirigeants de la commission puissent faire une démonstration du tableau, de l'Image que cela pourrait donner pour une municipalité ou encore pour une MRC et jamais l'Opposition ne m'a formulé quelque demande en ce sens. Mais, pour être certain, M. le Président, d'une compréhension pleine, complète et entière de la démarche à laquelle on sera convié auprès de ces 600, 650 municipalités au moment où le projet de loi sera adopté, je propose encore une fois, peut-être à la fin de nos travaux, à la fin de l'étude du projet de loi article par article, d'inviter le président de la Commission de la protection du territoire agricole - je ne sais pas si c'est normal dans nos règles, mais je présume que cela l'est s'il y a consentement - pour pouvoir prendre quelques minutes et Indiquer comment la commission entend fonctionner, comment elle entend gérer cette question.

Je suis persuadé qu'une fois que vous aurez pris connaissance de la configuration, de la délimitation des superficies, par exemple pour la région du Lac-Saint-Jean que le député de Lac-Saint-Jean a le privilège de représenter ici. . Il pourra voir exactement ce que ça va donner dans sa région, comme le député de la région de Saint-Hyacinthe, de la région de Berthier, si ma mémoire est fidèle. Il y a trois ou quatre régions du Québec qui ont fait l'objet d'une telle préparation de documents qui pourront vous être soumis. Je dis bien à titre d'Indication seulement, parce que ça restera à être établi sur une base définitive avec les gens de l'Union des producteurs agricoles. Évidemment, on aura des échanges avec les municipalités, cela va de soi.

En terminant, je veux remercier l'Union des producteurs agricoles, saluer surtout et particulièrement la satisfaction que l'Union des producteurs agricoles a à l'égard de cette loi qui a été adoptée ici en 1978 - je faisais référence à la loi de 1978, M. le député, vous avez levé les mains trop vite - et la confiance que les gens de l'Union des producteurs agricoles ont dans l'avenir du Québec. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre. Merci, M. Proulx, à vous et à vos collègues. Nous allons suspendre trois minutes pour les changements d'huile.

(Suspension de la séance à 17 h 30)

(Reprise à 17 h 36)

Le Président (M. Richard): À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, la commission reprend ses travaux. Nous recevons le deuxième groupe, l'Union des municipalités du Québec. Au préalable, M. le porte-parole de l'Opposition et M. le ministre, il faudrait sûrement que vous ayez d'un commun accord l'Intention de dépasser 18 heures puisque notre mandat allait jusqu'à 18 heures. Vous n'avez pas d'objection?

M. Pagé: Consentement, M. le Président. M. Brassard: Consentement, M. le Président. Union des municipalités du Québec

Le Président (M. Richard): Sur ce, M.

Jean-Louis Desrosiers, vice-président de l'Union des municipalités du Québec, je vous cède la parole. Je vous demande dans un premier temps, de présenter les gens qui vous accompagnent.

M. Desrosiers (Jean-Louis): Merci, M. le Président. À ma droite, M. Marc Laperrière, directeur de la recherche à l'Union des municipalités du Québec, Jean-Louis Desrosiers, maire de Mont-Joli et vice-président de l'Union des municipalités du Québec; à ma gauche, M. Raymond L'Italien, directeur général et MM. Serge Belley, permanent et Massimo - enlevez Serge Belley - et M. Massimo lezonni, permanent.

Même s'il est un peu tard, vous me permettrez en ce début d'année de vous présenter, au nom de l'ensemble des municipalités du Québec, non seulement à vous mais à tous ceux qui vous accompagnent aujourd'hui, nos meilleurs voeux de nouvelle année. Que celle qui commence soit aussi productive que celle qui a si bien fini. Je pense que tout le monde a compris que, lorsque le monde municipal exprime sa satisfaction, c'est que le gouvernement a donné suite à des choses qu'il considérait importantes. Pour cela, nous tenons à le dire au début de l'année 1989, merci à ceux qui ont dit oui. Cela s'adresse à l'ensemble du gouvernement du Québec, non seulement au pouvoir mais aussi à l'Opposition.

Ces préambules étant faits, l'Union des municipalités du Québec regroupe au-delà de 250 municipalités qui sont les plus importantes pour ce qui a trait à la population, au point que plus des quatre cinquièmes de la population québécoise s'y trouvent représentés. Vous le saviez, mais il est bon de le redire, puisque de part et d'autre de cette table nous sommes des élus démocratiques qui représentons la population et pour laquelle nous tenons les travaux aujourd'hui, des travaux qui doivent permettre à la population d'avoir plus de succès, plus de sécurité et plus de plaisir à vivre dans nos municipalités.

Notre "membership" est composé de municipalités de tailles variées allant de moins de 5000 habitants à 1 000 000 d'habitants. La mienne n'a que 7000 habitants et j'en remercie ceux qui m'entourent, c'est une zone verte. Je ne sais pas si elle est vert foncé ou vert pâle mais elle est totalement verte. Nous en sommes fort aises. Toutes les communautés font partie de l'Union des municipalités du Québec ainsi qu'un grand nombre de municipalités régionales de comté.

Sur le pian financier, les municipalités membres de l'UMQ géraient en 1987 des budgets totaux de 5 000 000 000 $, employaient plus de 75 000 travailleurs, représentaient le tiers du secteur public provincial et investissaient 1 000 000 000 $ en Immobilisations, il est sûr qu'à les entendre vous vous demandez pourquoi je vous ai lu ces choses, c'est que plus tard nous vous demanderons de prendre en considération les critères économiques quant au jugement que nous aurons à poser sur l'application de cette loi. Nous qui sommes - et vous voyez pourquoi - si sensibles à cet aspect économique, nous pensons qu'il est de notre devoir, premièrement, de vous rappeler ce que nous sommes pour vous faire les propositions souhaitables en temps et lieu.

En tant que porte-parole du monde municipal, l'union entretient un dialogue constant avec tous les paliers de gouvernement et organismes qui jouent un rôle sur la scène locale et supra-locale. Au cours des dernières années, i'UMQ est intervenue, notamment, sur les dossiers du partage des pouvoirs entre l'État, les MRC et les municipalités locales, de la fiscalité municipale, des relations du travail, de l'aménagement et de l'urbanisme, et de l'environnement.

Le conseil d'administration de Î'UMQ est formé de maires représentant la totalité du territoire québécois. Il comprend aussi des représentants des communautés et des MRC membres, etc. Tout cela pour vous dire, M. le Président, que quand on a, d'un commun accord, notre organisme et le gouvernement ou d'autres organismes à caractère gouvernemental, travaillé ensemble, et nous vous proposons encore aujourd'hui de continuer dans le môme sens, nous avons obtenu des succès inégaux.

Certains derniers succès méritent que j'attire votre attention. Nous avons, lors du différend qui gouverne ce projet de loi qui est devant nous, demandé à M. le ministre des affaires agricoles - ce n'est pas le bon litre, mais il s'est bien reconnu - trois choses. D'abord de le rencontrer à la table Québec municipales et il est venu. Deuxièmement, dans nos différends, d'avoir un comité technique qui pourrait siéger sur les questions, cela a été accordé. Troisièmement, une commission mixte qu'il a réduit à une commission restreinte, mais qui là aussi a été accordée. Voilà trois bons points de consensus que je ne peux passer sous silence et pour lesquels nous remercions hautement M. le ministre.

En avant-propos, l'Union des municipalités du Québec veut tout d'abord remercier le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de tenir des consultations particulières sur le projet de loi 100. Comme vous le savez, l'union a demandé à plusieurs reprises la tenue de telles consultations, parce qu'au début, ce n'était pas accordé. Nous maintenons toujours que tous les groupes intéressés devraient se faire entendre dans le cadre d'une commission mixte de l'aménagement et de l'agriculture, mais noue acceptons volontiers de présenter notre point de vue aux parlementaires de cette commission.

C'est dans un esprit de collaboration et de concertation que l'union vous lit aujourd'hui son opinion sur le projet de loi 100. Nous tenons d'ailleurs à souligner que cette collaboration s'est déjà matérialisée lors du passage du ministre à la table Québec-municipalités et lors des travaux du comité technique dans la recherche de modifications acceptables. Nous espérons que ces propos, ceux d'aujourd'hui, seront reçus favorablement par les membres de cette commission et que le ministre de l'Agriculture tiendra compte de nos commentaires dans le cadre de l'étude article par article de cet important projet de loi qui concerne non seulement - cela, c'est une erreur qu'il ne faudrait pas faire - le monde agricole, mais tout le monde: le monde municipal et l'environnement. Cette question préoccupe, au premier chef, l'ensemble de la communauté québécoise.

Quant au projet de loi, lorsqu'il a été déposé à l'Assemblée nationale le 15 décembre dernier, l'union avait mentionné publiquement qu'elle n'avait jamais été consultée sur ce dossier - tel était le cas. Pourtant, dès le mois de juillet 1988, le président de l'UMQ avait suggéré à l'Union des producteurs agricoles de rassembler les principaux intervenants afin d'élaborer une solution favorisant la concertation municipale agricole. Nous nous retrouvons maintenant avec un projet de loi qui comporte plusieurs dispositions remettant en question les pouvoirs des municipalités en matière d'aménagement et qui va créer des tensions entre les citoyens. Nous trouvons cette situation regrettable.

L'Union des municipalités du Québec est pourtant reconnue comme un organisme qui vise la concertation et non la confrontation. Comme je l'ai mentionné dans i'avant-propos, j'espère que cuite audience nous permettra d'apporter un point de vue constructif afin que le projet de loi 100 soit une loi qui permette le rapprochement des mondes municipal et agricole.

Une bonne question, quels sont les objectifs de ce projet de loi? On pourrait être ou non d'accord avec les objectifs et, dans un cas comme dans l'autre, si on était d'accord avec les objectifs, on pourrait être ou non d'accord avec les moyens. Je pense que c'est une bonne façon de vous présenter la question pour que, tout à l'heure, nous puissions échanger des idées sur le sujet, mais j'espère que ce n'est pas cela qu'on a écrit, ce que je viens de dire.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais tout d'abord circonscrire les objectifs du projet. Ils visent, jusqu'à preuve du contraire, à mieux protéger les terres agricoles et à faciliter les activités qui s'y exercent. D'ailleurs, l'Union des producteurs agricoles partage ces objectifs, puisque selon son président, M. Proulx, le projet

de loi 100 permet de répondre à un grand nombre d'attentes de son organisme en Introduisant des dispositions visant un territoire généralement mieux protégé, un blindage supplémentaire pour les sols de meilleure qualité, des structures juridiques plus difficiles à traverser pour les dézoneurs, certaines mesures sur le droit de produire. Telle est la parlure de M. Proulx.

Par ailleurs, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation indiquait, lors de l'adoption du principe du projet de loi 100 que l'un des objets de ce projet de loi est d'assurer aux agriculteurs que les règles d'aménagement du territoire soient justes et équitables, et ce, afin d'offrir aux entreprises agricoles des conditions stables et similaires de production.

L'UMQ a indiqué, à plusieurs reprises, qu'elle était et est toujours en faveur de la protection des terres agricoles - première déclaration et donc pas de changements - et que toutes mesures visant à assurer une protection supplémentaire devraient être mises en oeuvre, sauf pour certains équipements publics comme, on l'a déjà cité, les réseaux d'aqueduc et dégoût, les lieux d'élimination des déchets domestiques et les sites d'élimination des neiges usées. Par contre, même si nous sommes d'accord avec l'objectif du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation d'avoir des régies équitables d'aménagement du territoire, nous ne pouvons souscrire aux mesures sur le droit de produire qui sont introduites dans le nouveau projet de loi et nous vous dirons pourquoi. (17 h 45)

Autrement dit, l'union est d'accord avec les objectifs que vise le projet de loi 100 quant à une protection accrue des terres agricoles sauf pour certaines exceptions, mais les dispositions touchant le droit de ' produire sont des moyens qui visent à diminuer les pouvoirs des municipalités en matière d'aménagement. Cette situation fait en sorte que les droits des citoyens sont brimés, puisque l'aménagement constitue au plan local l'organisation des activités de la population. Dans ce sens, l'UMQ considère qu'ils ne sont pas acceptables tels que rédigés.

Le véritable objectif: la protection des terres. L'union a toujours cru que le problème était un problème de dézonage. Nous avons peut-être erré. On se souviendra tous du débat public de cet été sur la révision des zones agricoles des municipalités régionales de comté. Beaucoup d'encre a coulé sur cette question qui se heurte à deux philosophies, comme l'a si bien dit M. Proulx: l'une prône le dézonage Immédiat de tout ce qui n'est pas requis pour l'agriculture, l'autre soutient, au contraire, que tout ce qui n'est pas nécessaire pour le développement urbain planifié actuellement doit demeurer en zone verte.

À cet effet, nous avons mentionne que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme oblige les municipalités à rationaliser davantage l'aménage- ment du territoire et que la Loi sur la protection du territoire agricole les oblige à respecter les terres agricoles dans leur schéma. Toutefois, la Commission de protection du territoire agricole doit rendre des décisions très rigoureuses et elle ne doit pas fléchir sous les pressions du milieu. Il s'agit donc d'une question d'équité, d'une question de rigueur et de respect du mandat Inscrit dans la Loi sur la protection du territoire agricole. Si ces trois conditions sont respectées, il est faux d'affirmer ou de croire que l'urbanisation menace de façon Indue l'agriculture. En ce sens, l'union considère que le problème majeur auquel doit se limiter le projet de loi est de protéger efficacement les bonnes terres agricoles du Québec. C'est très clair dans notre esprit et cela, c'est acheté tout de suite.

Quant au droit de produire, c'est une question beaucoup plus complexe, parce que c'est une question porteuse d'avenir, une question porteuse de précédents et une question sur laquelle toute la réflexion devra, doit se faire pour que ce qu'on va décider ensemble aujourd'hui - et j'ai l'impression que nous sommes avec vous pour essayer de prendre une décision dans le bon sens - soit fait avec toute la lumière possible. Qu'on prenne donc le temps de bien y réfléchir.

Vous êtes bien au fait des arguments pour et contre le droit de produire des agriculteurs. Je vais essayer d'être bref et de ne pas trop sortir du texte. Les principaux exemples auxquels on fait référence fréquemment sont ceux qui portent sur les citoyens qui vont se construire à la campagne et qui vont imposer des contraintes aux cultivateurs, puisque les citoyens font souvent des plaintes contre le bruit, les odeurs et la pollution agricole. Selon l'Union des producteurs agricoles, on ne peut pas mêler développement domiciliaire et agriculture sans nuire à cette dernière, comme on le constate à Repentigny, à Laval ou sur la rive sud. Quand on sait bien que la réalité est tout autre, je ne comprends pas qu'on puisse faire une affirmation en ce sens. Je pense que, jusqu'à preuve du contraire, la ville de Laval en particulier a trouvé sans avoir de projet de loi une mécanique qui permet de réunir tout ce beau monde et de le faire s'entendre afin que la coexistence pacifique puisse exister entre le monde urbain et le monde rural.

D'autres prétendent, au contraire, que dans certaines municipalités - je dis bien "certaines", je ne voudrais pas que ab uno dice omnes, M. le Président, qu'à partir d'un exemple on fasse une règle générale.. Nous connaissons le nombre des municipalités au Québec, nous connaissons celles qui ont peut-être, semble-t-il, fait des abus de pouvoir à partir de réglementations qu'elles avaient la capacité de faire, mais ce n'est pas l'ensemble du territoire du Québec. Alors, je demande qu'on lise bien le texte de la façon dont il est écrit: Dans "certaines", les élus municipaux abusent de leur pouvoir d'aménagé-

ment en limitant les activités des agriculteurs, ce avec quoi on ne peut pas être d'accord. Vous comprenez bien qu'on ne peut pas approuver des choses semblables.

Bien entendu, il y a aussi la question environnementale touchant les pratiques en agriculture. Pour chacun de ces points, on a introduit différentes dispositions qui sont, à notre avis, des mesures qui vont diminuer considérablement les pouvoirs des élus municipaux ainsi que les droits des citoyens. Et plus nous consultons d'avocats - peut-être qu'on ne devrait pas parler aux avocats - sur cette question, tout le monde y trouve à redire, tout le monde y trouve matière à interprétation. Je ne sais pas qui a fait la boutade tantôt: cela fera un beau nouveau champ de pratique pour les avocats, peut-être, mais je pense que ce n'est pas le point de vue de l'État.

Le point de vue municipal. Ce que je veux faire ici maintenant, c'est de vous indiquer dans un premier temps que, dans le milieu municipal, nous ne croyons pas que les problèmes soulevés ci-haut doivent être résolus par voie législative. Je tiens à mentionner que nous n'avons pas procédé à une analyse exhaustive de ces problèmes dans chacune de nos municipalités membres - je serais un fieffé menteur - mais que ce sont plutôt des observations et des questions que je soumets aux membres de cette commission afin que nous puissions bien circonscrire la nature des problèmes à résoudre.

Est-ce qu'on sait aujourd'hui, est-ce qu'on a indiqué à cette commission les municipalités qui sont en conflit avec les agriculteurs sur leur territoire? Y en a-t-il beaucoup? Pouvons-nous aujourd'hui indiquer à cette commission les types de conflit entre les municipalités et les agriculteurs? Je ne sais pas, mais ce sont des Informations qui sont joliment bonnes. Pouvons-nous aujourd'hui Indiquer à cette commission le nombre de poursuites par des agriculteurs contre les municipalités?

Avons-nous vraiment bien circonscrit la nature du problème, avant de présenter les mesures sur le droit de produire qui sont dans le projet de loi 100? Voilà, à notre point de vue, M. le Président, des questions joliment importantes, qui vont nous permettre d'avoir toute la lumière pour nous indiquer la direction dans laquelle on doit écrire ce projet de loi, parce que nous sommes toujours d'accord qu'il faut protéger les terres agricoles. Les seuls cas connus et publicisés sont, bien entendu, ceux de la ville de Pintendre et de Sainte-Anne-de-Sabrevois. Mais peut-on se baser sur deux municipalités pour légiférer?

Nous croyons donc qu'il doit y avoir un dialogue constant entre le monde municipal et le monde agricole et qu'il faut le dire. Le ministre nous l'a souvent dit aussi. Pourtant, ce dialogue ne doit pas être contraint dans un cadre législatif. C'est plutôt la voie de la concertation qui doit primer avant tout. Une concertation qu'on établit, pas une concertation qu'on impose, il me paraît évident que la solution pour éviter les affrontements entre l'agriculture et Ie monde municipal résulte dans une concertation mieux organisée provenant d'une volonté locale. Déjà, certaines municipalités comme Lavai, La Baie, Aylmer, se sont dotées de comités de concertation municipale agricole et préparent ensemble les solutions pertinentes à leurs problèmes.

Par ailleurs, il faut constater que, dans le cadre de la révision des zones agricoles, là où il y a une concertation entre les élus municipaux et les agriculteurs, les décisions sont prises beaucoup plus rapidement. Dans le cadre de cette concertation, on pourrait éventuellement penser à des règlements municipaux particuliers à la zone verte, qui seraient basé sur les caractéristiques de son usage, alors qu'on pourrait en créer d'autres plus adaptés au secteur urbain non agricole d'une municipalité, comme on le fait en zone commerciale ou résidentielle. Nous, nous pensons que c'est possible.

Ce qu'on doit retenir ici, c'est que le palier local initie cette concertation et, justement parce qu'il y a une volonté du milieu, les chances de succès de celle-ci seraient excellentes. L'Union des municipalités du Québec est prête à continuer dans cette voie en sensibilisant son "membership" à la concertation municipale agricole si certains moyens prévus dans le projet de loi sont différents. Nous pensons, M. le Président, que nous avons un rôle à jouer le et nous tenons à vous le dire. Officiellement, nous sommes prêts à le jouer. Nous pensons que les municipalités, au Québec, ont un rôle Important dans cette concertation nécessaire, dans cette nécessaire concertation et non pas légale concertation, et nous sommes prêts à y mettre le temps et les efforts qu'il faut.

La question de l'environnement. Pour ce qui est de la question de l'environnement, vous n'êtes pas sans savoir que, depuis l'incident de Saint-Basile-Ie-Grand, ce dossier est d'une extrême importance non seulement pour la population québécoise, mais aussi pour l'ensemble du Canada. Comme le soulignait la revue MacLean's de janvier dans son analyse annuelle de l'opinion publique canadienne, les Canadiens sont de plus en plus Inquiets des impacts négatifs sur l'environnement. Le sondage démontre que la population désire de plus en plus une meilleure qualité de vie et qu'elle n'acceptera pas de voir sa santé, sa sécurité et la planète être mises en danger.

Pour l'union, la question de l'environnement est avant tout sociétale. Elle n'est pas uniquement limitée à l'agriculture. Elle s'adresse aussi aux municipalités et aux Industries. Il nous apparaît Important de ne pas dissocier tout ce beau monde. Sauf que, dans le projet de loi 100, on introduit de nouvelles dispositions élargissant le champ de l'Immunité des agriculteurs en matière d'environnement qui font en sorte qu'ils ne pourront pas être poursuivis à cause du bruit,

des poussières ou des odeurs découlant de leur production.

Selon l'UMQ, l'immunité ainsi accordée porte atteinte aux droits de tout citoyen d'être entendu devant les tribunaux pour les dommages qu'entraîne une activité agricole exercée en toute conformité avec la Loi sur la qualité de l'environnement et de ses règlements. Cela nous apparaît fondamental. On va écrire du droit nouveau si on fait des choses semblables. Si c'est ce qu'on faisait avant, pourquoi aller changer des choses qui fonctionnent? Parce que c'est l'agriculture? Pas sûr. M. le Président. Nos conseillers, de toute nature, nous disent: Faites attention à cet aspect-là. Alors, ce faisant, on va aller à l'encontre de la tendance actuelle de protéger davantage l'environnement.

La solution, à notre avis, est plutôt d'expérimenter, comme le souligne à juste titre l'Union québécoise pour la conservation de la nature, de meilleures techniques de traitement du fumier, de trouver des pratiques culturales hypothéquant moins les sots et de favoriser une utilisation moindre des pesticides, par exemple. Ce sont des choses qu'elle citait dans son mémoire, et nous avons senti le besoin de les rappeler.

Quels sont les droits des citoyens? Au cours de ce débat, plusieurs intervenants dont l'UMQ ont indiqué que le projet de loi 100 remettait en question les droits des citoyens. Vous vous souviendrez qu'en 1978 l'actuel ministre de l'Agriculture... Je ne lirai pas ce qu'il a dit, I en a suffisamment parlé, mais pas parce que ce n'était pas bien dit. C'était fort joliment dit. M. le Président, nous voulons réitérer ces mômes arguments lorsqu'on aborde la question du droit de produire. Ainsi, le Barreau du Québec indiquait, en correspondant avec le ministre de l'Agriculture le 12 décembre dernier, que certaines dispositions du projet de loi portent de dangereuses atteintes au droit civil. Ce n'est pas possible, M. le Président, que tant de gens vous fassent des observations et vous disent attention, attention, sans qu'il n'y ait de résultante de votre côté à l'effet que vous preniez les moyens, via le ministre de l'Agriculture, afin que cette attention-là soit apportée dans ce projet de loi, alors qu'une telle limitation du droit civil nous semble inacceptable. Cela commence à être des organismes importants, M. le Président.

Nos conseillers juridiques nous indiquent aussi que certains articles peuvent aller à rencontre de la Charte des droits et libertés de la personne, autant la canadienne que la québécoise. Cela aussi est important. On ne peut pas passer cela sous silence. Ces affirmations nous portent à réfléchir sur les conséquences que pourrait avoir l'adoption du projet de loi sur notre société. Peut-on accorder un statut particulier à un groupe de citoyens? Est-il raisonnable qu'un groupe de citoyens sort au-dessus de la loi, des règlements, de l'autorité des tribunaux? Je n'en veux pas aux cultivateurs. Je n'en veux pas aux agriculteurs. Si on commence par eux, après cela, les Industriels pourront venir, les tireurs à l'arc pourront venir et les dames de Sainte-Anne pourront venir. Pourquoi pas pour tout le monde? Je ne sais pas. C'est un précédent qu'on est en train de créer. Je ne sais pas quand vous allez arrêter. Cela nous apparaît dangereux, M. le Président.

Ces questions sont vraiment liées à un choix de société, vous en conviendrez. Vivons-nous dans une société dominée par les groupes d'intérêts particuliers ou dans une société qui répond à l'intérêt général de la population? À cet égard, on ne peut répondre dans l'affirmative aux deux questions soulevées ci-haut. L'intérêt générai de tous les citoyens prime avant tout. Il faut rechercher d'autres formules qui ne remettent pas en question les droits des citoyens.

Je ne vous apprendrai rien de nouveau quant à l'autonomie municipale en disant que la municipalité est le palier de gouvernement le plus près des citoyens, y compris les agriculteurs. C'est aussi, comme pour vous, M. le Président, une de nos considérations de tous les jours: comment allons-nous harmoniser ces lois avec lesquelles nous sommes en accord, mais avec lesquelles nous avons aussi des mandats d'exécution? (18 heures)

La municipalité répond aussi aux besoins reliés au cadre de vie des citoyens. La municipalité a des responsabilités qui s'adressent à l'ensemble de la collectivité et non à un groupe particulier. Comme vous le savez, elle est redevable à ses commettants à tous les quatre ans comme le veut la démocratie représentative. Nous, c'est à périodes fixes, mais c'est quand même la même méthode: il faut rendre compte.

Dans le cadre du projet de loi 100, certaines dispositions s'attaquent au principe même de l'autonomie municipale en remettant en question le pouvoir de réglementer des élus ainsi que les pouvoirs d'aménagement. Ce sont des questions fondamentales. Le législateur a déjà parlé. Il ne parle pas pour rien dire. Il a déjà promulgué une loi, la loi 125. Dans sa loi, il nous demandait de faire des choses, nous habilitait à faire des choses et M nous surveille quand nous faisons ces choses. Il ne faudrait pas nous donner un pouvoir d'une main et, de l'autre, nous le retirer. Il faudrait quand même qu'on puisse fonctionner normalement.

Je conclus cette partie, M. le Président, en réitérant que le monde municipal est conscient des problèmes que le ministre veut résoudre mais, dans notre esprit, les moyens utilisés vont à l'encontre de l'autonomie municipale.

M. L'Italien va me permettre de me reposer ta gorge et ça va vous reposer les oreilles.

M. L'Italien (Raymond): M. le Président, avant de procéder à l'analyse détaillée du projet de loi, il est important de souligner aux membres de la commission que l'UMQ et l'Union des municipalités régionale de comté ont rencontré

des représentants du ministère de ('Agriculture dans le cadre d'un comité technique afin d'apporter certaines modifications au projet de loi 100. À cet égard, nous tenons à réitérer les mêmes commentaires que ceux que nous avions formulés à ce comité, puisque nos positions demeurent inchangées.

Comme nous l'avions mentionné au comité technique, l'UMQ est d'accord avec la plupart des articles de 1 à 21 du projet de loi 100 sous réserve de certaines modifications. Comme il s'agit de modifications techniques, j'aimerais référer les membres de cette commission à l'annexe I des présentes qui regroupe les recommandations de l'Union des municipalités concernant la section sur la protection des terres agricoles.

À l'article 17, paragraphe 2 du deuxième alinéa...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, M. L'Italien, seulement un instant. Votre temps de présentation est terminé, sauf commun accord, il peut y avoir une...

M. Pagé: Oui.

M. Dufour: Cela va enlever du temps pour les questions.

Le Président (M. Richard): Évidemment, c'est votre choix. Alors, vous avez la parole, M. L'Italien.

M. L'Italien: M. le Président, j'aimerais attirer l'attention des parlementaires sur l'article 17 du projet de loi, paragraphe 2 du deuxième alinéa de I'article 62, qui mentionne "l'utilisation actuelle du lot, plus particulièrement le type et l'intensité d'agriculture qui s'y pratique et les possibilités d'utilisation du lot à dos fins d'agriculture". L'UMQ considère que ce critère pourrait permettre à la Commission de protection du territoire agricole d'autoriser d'autres utilisations que l'agriculture dans le cas des lots laissés en friche. Il serait donc pertinent de restreindre ce critère afin que de telles situations ne se produisent pas.

Article 17, paragraphe 3. Comme vous pouvez le constater, l'article 17 introduit une série de critères obligatoires ou facultatifs afin que la commission puisse rendre ses décisions. Les critères obligatoires portent sur l'incidence agricole de l'utilisation d'un lot, tandis que lorsqu'on aborde les critères à caractère économique ceux-ci sont facultatifs. La commission n'est pas obligée de tenir compte de ces derniers pour rendre ses décisions. Nous croyons que ces critères devraient être obligatoires puisque, de toute façon, le projet de loi 100 introduit déjà à l'article 12 la notion d'intérêt général de protéger le territoire et les activités agricoles. En rendant obligatoires les critères économiques, on peut aussi s'assurer d'une certaine rigueur dans les décisions que prendront Ses commissaires, puisque les critères seront uniformes pour chaque dossier, ce qui ne laissera pas place à l'interprétation.

À I'article 21 introduisant I'article 69.08, tout en étant d'accord avec l'esprit de l'article 69 08, l'UMQ considère que certains équipements d'utilité publique ne devraient pas être visés par le deuxième alinéa de l'article 69.08, il s'agit des réseaux d'aqueduc et d'égout de même que des usines de traitement et d'épuration des eaux, des lieux d'élimination des déchets domestiques et des sites d'élimination des neiges usées. Nous croyons que ces équipements sont des services pour toute la collectivité qui visent avant tout la protection de l'environnement. Le régime ordinaire de la loi devrait s'appliquer.

Concernant les activités agricoles, à l'article 22 Introduisant les articles 79.02 et 79.12, le projet de loi 100 introduit la possibilité pour les producteurs agricoles de recourir à un commissaire-aviseur qui pourra entendre leurs plaintes quant à une réglementation municipale leur imposant des contraintes indues dans la poursuite de leurs activités en zone agricole. L'introduction d'une telle mesure remet en question le pouvoir des municipalités de gérer leur territoire. On propose une personne nommée par le gouvernement pour donner une opinion sur les règlements qui ont été adoptés par des personnes élues démocratiquement. On accorde un pouvoir et un statut particulier à un commissaire qui serait, à toutes fins utiles, le représentant gouvernemental défendant un groupe d'intérêts particuliers devant un conseil municipal élu par la population et qui doit défendre l'intérêt de tous les citoyens.

Le commissaire-aviseur aurait même le pouvoir de publier son rapport dans un journal de la municipalité, ce qui mettrait !a municipalité dans une position pour le moins délicate face à l'opinion publique, ayant alors à s© défendre de ses interventions en zone agricole. Cette personne nommée est ni plus ni moins une entrave au pouvoir municipal. Elle vient créer un échelon administratif supplémentaire entre la population et la municipalité.

L'UMQ demande le retrait de cette section. Nous croyons que c'est par la voie de la concertation que nous atteindrons l'objectif d'élaborer une réglementation adéquate en zone agricole et non en contrôlant les élus municipaux.

Nous croyons que le gouvernement municipal doit offrir aux citoyens une administration transparente. À cet effet, le rapport Parizeau avait d'ailleurs recommandé qu'un poste de protecteur du citoyen soit créé pour l'administration municipale. Cette alternative s'applique à toute la population de ta municipalité et non à un groupe d'intérêts particuliers, soit-il celui des agriculteurs ou d'autres. Par ailleurs, nous serions curieux de savoir combien de plaintes formelles ont été formulées par des agriculteurs auprès de leur municipalité.

Article 79 13 et 79.14 concernant les Immunités. Le projet de loi 100 Introduit de nouvelles dispositions élargissant le champ de l'immunité d'un producteur agricole au chapitre des normes environnementales. Ainsi, un producteur agricole peut exercer ses activités en toute quiétude pour autant qu'il respecte la loi et les règlements sur la qualité de l'environnement. Même si ses activités agricoles dégagent des poussières, des odeurs ou des bruits, l'agriculteur ne peut alors être empêché d'exercer celles-ci et ne peut même pas être poursuivi. Pourtant, il n'existe pas, à l'heure actuelle, de règlement sur la qualité de l'environnement régissant les poussières, les odeurs et les bruits résultant d'activités agricoles.

L'argument souvent énoncé à l'appui de cette disposition est d'éliminer les plaintes, qui pourraient être abusives, logées contre des agriculteurs. Nous croyons qu'en tentant de limiter ainsi la poursuite, le gouvernement se permet de balayer du revers de la main toute une catégorie de recours jugés d'avance abusifs ou irrecevables, retirant ainsi aux citoyens le droit reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne d'être entendus devant les tribunaux. C'est d'ailleurs le rôle des tribunaux de juger de la validité d'un recours et de déterminer si celui-ci est abusif ou non. Les arguments administratifs ne doivent pas avoir préséance sur les droits fondamentaux des citoyens. Dans ce sens, l'UMQ s'oppose à ces articles.

Article 79.15 en matière de réciprocité, afin de permettre aux agriculteurs d'exercer leurs activités en toute quiétude, le projet de loi 100 indique qu'une personne désirant ériger un bâtiment en zone agricole devra respecter de façon réciproque la distance imposée aux exploitations agricoles. SI la personne ne veut pas respecter cette réciprocité, la municipalité ne pourra pas émettre de permis de construction sauf si le propriétaire renonce au recours qu'il aurait pu utiliser pour se défendre.

Du point de vue du citoyen, cette disposition remet carrément en question ses droits de propriété ainsi que son droit de jouir paisiblement de ses biens. Le projet de loi 100 énonce que, si vous possédez un lot en zone agricole ou à proximité d'une exploitation agricole et que vous prévoyez y bâtir votre maison, vous devrez respecter les exigences de votre voisin sur votre propre terrain. Autrement dit, tous les citoyens du Québec ayant un lot en zone agricole et désirant y ériger un bâtiment seront brimés quant au droit de propriété que d'autres citoyens auraient dans la zone résidentielle d'une municipalité, et ce pour qu'un agriculteur ne soit pas dérangé dans ses activités. C'est l'Intérêt d'un groupe particulier de la société qui prime sur l'intérêt général.

Il est absolument inconcevable qu'on fasse subir à un citoyen les mêmes règles qu'à un agriculteur en zone agricole. Le citoyen ordinaire n'exploite pas comme l'agriculteur une entreprise qui peut créer des nuisances, comme les odeurs, la fumée qui se dégage de son exploitation, à son voisinage. Il est inconcevable aussi qu'on lui indique qu'il doive renoncer à l'avance à ses droits Le projet de loi 100 protège l'agriculteur du reste de la société. Nous osons croire que le législateur n'avait pas comme objectif d'immuniser les agriculteurs qui ne prenaient pas les précautions nécessaires pour éviter à leurs voisins des nuisances

Du point de vue du municipal, cette disposition remet carrément en question son pouvoir en matière de zonage et plus particulièrement celui de déterminer les espaces libres entre les usagers. En appliquant le projet de loi 100, la municipalité devra tenir compte en particulier des exigences des agriculteurs avant d'être en mesure de satisfaire le reste de la population.

La sous-section 4, fonds spécial, M. le Président, l'UMQ considère que l'objectif de doter les agriculteurs d'un fonds d'appel pour entreprendre des recours Judiciaires est fort louable en soi. Nous sommes conscients qu'un certain nombre d'agriculteurs n'ont pas les moyens de se payer les services juridiques convenables sauf, encore une fois, que ie moyen suggéré dans le projet de loi donne à un groupe de citoyens un statut particulier. Nous estimons qu'un tel fonds devrait être soutenu par l'Union des producteurs agricoles, comme le fait d'ailleurs l'Union des municipalités du Québec par l'entremise de son propre fonds d'aide juridique. La responsabilité première d'un tel fonds ne relève pas, à notre avis, du gouvernement, mais bien d'un organisme représentant ses membres et dont l'objectif est justement d'assurer leur défense et leur promotion. Par ailleurs, pour initier ce fonds, ie ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pourrait juger à propos d'aider financièrement l'UPA par l'entremise, par exemple, d'une subvention de démarrage. Il y aurait donc lieu de revoir les articles concernant le fonds d'appel à la lumière de nos commentaires.

En conclusion, M. le Président, l'ensemble des dispositions qui concrétisent le droit de produire des agriculteurs, que ce soit l'immunité en matière d'environnement, la réciprocité, le fonds d'appel, le commissaire-aviseur, bouleverse la fragile hiérarchie des valeurs sociales difficilement acquise en donnant prépondérance à ce droit sur les droits et libertés du citoyen et sur la protection de l'environnement. Pourtant, ces deux dernières valeurs sont présentement prioritaires au sein de l'opinion publique québécoise. Peut-on vraiment, à notre époque, placer d'autres valeurs au-dessus de la protection de l'environnement et des droits fondamentaux des citoyens? M. le Président. l'UMQ a répondu non à cette question. Nous osons croire que les membres de cette commission arriveront à la même conclusion.

Le Président (M. Richard). Merci, M. L'Italien. M. le ministre?

M. Pagé: Merci, M. le Président. Combien nous reste-t-il de temps? Et pour mon collègue? 25 minutes.

Le Président (M. Richard): Un instant, on va vous répondre avec plaisir.

M. Pagé: 25 minutes chacun?

Le Président (M. Richard): Cela va, 25 minutes chacun. 30 minutes chacun, c'est magnifique. Vous venez de gagner chacun cinq minutes. Allons-y. (18 h 15)

M. Pagé: Je voudrais remercier MM. Desrosiers, Laperrière, L'Italien, Belley et lezonni de leur présentation d'aujourd'hui au nom de l'Union des municipalités du Québec. Le mémoire que vous formulez aujourd'hui et les représentations que vous faites vont, on doit en convenir exactement, dans le sens des représentations que vous m'aviez formulées autant à la table Québec-municipalités qu'au comité technique qui se sont réunis pour voir les possibilités de rapprochement entre ce qui apparaisssait au début et ce qui apparaît encore aujourd'hui à certains égards comme étant une divergence d'appréciations ou d'opinions à l'égard de certains éléments du projet de loi. Je comprends, M. le maire, je comprends les maires du Québec et les représentants des municipalités, de manifester à la fois un peu d'inquiétude et aussi certains appétits, dans le cadre du projet de loi. Les inquiétudes pour les articles 17 et suivants et un peu d'appétit pour les motifs suivants.

Vous représentez les municipalités qui ont un territoire donné. Il y a longtemps que Je suis bien conscient, comme ministre, que pour les municipalités, la situation idéale commanderait d'avoir juridiction sur l'ensemble du territoire et de pouvoir appliquer des réglementations sur l'ensemble du territoire, en incluant évidemment le territoire zoné agricole. Cependant, le problème qu'on a, M. le maire et messieurs de l'Union des municipalités, c'est un problème qui est à la fois compliqué et très simple. Il est compliqué, en raison de l'obligation que nous avons comme législateurs et que j'ai, comme ministre, de formuler des propositions et d'adopter des mesures, ici, à l'Assemblée nationale, visant à protéger l'agriculture.

Il faut toujours avoir à l'esprit que la ressource soi est une ressource non renouvelable, une ressource limitée. Et dès qu'un sol est affecté à d'autres fins que l'agriculture, dans la presque totalité des cas, sauf quelques exceptions de réaffectation ou de réhabilitation de sol. Dans la très grande majorité des cas, dis-je, ce sol est complètement perdu pour tout le temps, pour des fins agricoles.

Il est compliqué donc, mais simple aussi d'un autre côté, car vous conviendrez que, dans le passé et encore aujourd'hui pour plusieurs municipalités, le considération ou l'appréciation pour un sol agricole n'était pas toujours à la dimension d'un protection adéquate des sols agricoles. Et je m'explique. Souventefois, vous savez, et ça, je suis obligé de !e dire, un sol zoné agricole est un sol qui l'est en attendant d'être dézoné, purement et simplement.

N'allez pas croire que c'est le même niveau d'appréciation pour un sol qui est zoné agricole que pour un sol qui est zoné industriel, dans nos municipalités du Québec. D'ailleurs, si tes municipalités du Québec - et ça, Je pense que tout le monde est unanime à le reconnaître -avaient été conscientes de l'importance de la valeur des sols agricoles pour une société, peut-être qu'en 1978, le législateur n'aurait pas été obligé d'adopter une Loi sur la protection du territoire agricole. Peut-être qu'aujourd'hui, on ne serait pas ici, en ce 9 janvier, si les municipalités du Québec avaient pris leurs responsabilités à l'égard de cette protection à donner aux sols agricoles. Mais non! Encore aujourd'hui, vous savez. Combien de lettres ai-je reçues, depuis que je suis ministre de l'Agriculture, m'indiquant la situation, entre guillemets, "malheureuse" que vivent certaines municipalités qui pourraient recevoir, tantôt une petite entreprise, tantôt un projet, et qui ne le peuvent pas parce qu'elles ont un sol zoné agricole.

Mais cela fait référence à ce concept traditionnel dans l'esprit de plusieurs élus municipaux au Québec, comme quoi un sol zoné agricole l'est en attendant qu'on décide d'en faire quelque chose d'autre. Et vous comprendrez qu'un principe comme celui-là, le ministre de l'Agriculture et nous, au gouvernement, nous ne le partageons pas, parce que nos sois agricoles sont importants.

À la page 11 de votre mémoire, vous posez plusieurs questions. Pouvons-nous, aujourd'hui, indiquer à cette commission les municipalités qui sont en conflit avec les agriculteurs sur leur territoire? On a eu des cas que vous avez cités, le cas de Pintendre, ici, le cas de Sabrevois. Mais je dois vous dire que n'eût été de l'intervention du ministre de l'Agriculture au comité ministériel permanent du développement régional, chargé d'adopter les schémas d'aménagement des MRC, ce sont de très nombreux cas qui existeraient aujourd'hui. Des cas où certaines municipalités voulaient appliquer des contraintes significatives au monde agricole, des contraintes qui débordaient le cadre strict d'un aménagement normal ou rationnel dans une société.

Pouvons-nous aujourd'hui indiquer à cette commission les types de cas de conflits entre les municipalités et les agriculteurs? Mais ces cas de conflits sont très clairs. Des municipalités au Québec voudraient, par exemple, éliminer totalement la production du porc sur leur territoire. Elles n'en veulent pas, ou encore elles voudraient la limiter à un point tel que ça changerait

complètement les régles du jeu de la rentabilité économique d'une entreprise.

Pouvons-nous aujourd'hui Indiquer à cette commission le nombre de poursuites des agriculteurs contre les municipalités? On pourrait faire référence évidemment aux obligations qui ont été imparties à plusieurs agriculteurs de déposer des procédures pour se défendre à l'égard de certains règlements municipaux. Vous dites que les seuls cas connus et publicisés sont, bien entendu, Pintendre et Sainte-Anne-de-Sabrevois. Mais peut-on se baser sur deux municipalités pour légiférer? Écoutez, si nous n'étions pas intervenus dans le schéma d'aménagement de la MRC de l'Assomption, c'est l'ensemble de la production porcine qui aurait été éliminée dans cette région-là, malgré la mise en oeuvre, depuis quelques mois, d'un programme qui vise à donner une meilleure protection de l'environnement et à doter le monde agricole d'Infrastructures adéquates pour protéger l'environnement.

A la page 12, vous faites référence au comité de concertation. Et là, j'ai été surpris, M. le maire. Vous dites que c'est la voie de la concertation qui doit primer avant tout. C'est ma première question. Comment concilier ce commentaire ou ce voeu que vous formulez avec ta position adoptée par les organismes municipaux du Québec, lorsque mon collègue, M. le ministre des Affaires municipales, en 1987, a modifié la loi 125 pour y prévoir une section portant sur les comités de concertation? Et une fois que cette section a été présentée ici, mon collègue, le ministre des Affaires municipales, le président du COMPADR et moi-même étions convaincus que ces comités de concertation pouvaient voir le jour et que, s'ils voyaient le jour, ils pourraient jouer un rôle utile. Mais non, les municipalités se sont opposées, tant et si bien que, dans la loi - le député de Jonquière y était - tout le volet du mandat du comité de concertation n'a pas pu être adopté ici, en commission parlementaire. Et je dois vous dire que c'est à partir de cette expérience d'impossibilité - de cette expérience qui nous a permis de conclure qu'il était impossible de mettre en place des comités de concertation - qu'est née la notion du commissaire aviseur pour régler les différends qui pourraient exister entre une municipalité et un citoyen, un producteur ou une productrice agricole. Je dois dire que je suis surpris. Dois-je comprendre que vous souhaiteriez voir renaître ces comités de concertation auxquels les représentants des municipalités se sont opposés en 1987? Oui, oui, je vous en prie, M. le maire. Allez.

M. Desrosiers: Une première remarque sur l'intervention que vous avez faite quant à la page 11. Je ne sais pas si mon entendement est bon. Pour Pintendre et Sabrevois, c'est une question de règlement; ce n'est pas une question de schéma.

M. Pagé: La question de règlement...

M. Desrosiers: Dans ces cas-là, on a passé des règlements de nuisance...

M. Pagé: C'est ça.

M. Desrosiers: ...qui venaient Interférer. Alors, il n'était pas question de schéma. Cela n'avait pas de rapport avec le COMPADR.

M. Pagé: Non, mais l'un n'exclut pas l'autre.

M. Desrosiers: Je comprends bien, mais de la façon dont vous l'avez verbalisé, ça m'a dérangé un peu parce que j'avais l'Impression qu'on avait mis dans le même plat des choses qui sont de caractère différent.

M. Pagé: Je m'excuse. Il a été très clairement établi par les quatre ministres concernés au COMPADR, en conférence de presse, que le gouvernement du Québec n'allait pas accepter que des municipalités se donnent le droit d'établir des zones tampons ou, encore, se donnent le droit de légiférer ou de réglementer on matière de zonage de production.

M. Desrosiers: Bon. Comme ça, on dit la même chose. J'avais l'Impression qu'il y avait une ambiguïté de ce côté.

A la page 12, vous avez fait référence à la fameuse concertation. Pour ceux qui ne sont pas informés, qui ne sont pas initiés quant à la question, le bât blesse, parce qu'en autre temps, il semblerait qu'on aurait tenu un autre langage. Pourtant, telle n'est pas la réponse.

Lorsque la loi 125, dans sa nouvelle formulation, nous avait proposé la possibilité d'un comité de concertation agricole, premièrement, c'était une Imposition par la loi et non pas un vouloir d'en bas. Deuxièmement, non seulement c'était une Imposition de par la loi, mais ça donnait au monde agricole la possibilité de contrôler les règlements municipaux, il avait le haut du pavé. C'est pour cette raison qu'on n'a pas pu accepter un comité à propos duquel on a aujourd'hui l'impression de revenir en arrière. Bien oui, on revient en arrière, mais pour faire de façon différente. Je le répète. Je pense que c'était une bonne voie. Je pense que la façon de le faire a peut-être besoin d'amendements. C'est peut être ce qu'on est en train de faire aujourd'hui. S'il est imposé et si la nouvelle proposition est encore une imposition à l'effet que MM. les agriculteurs auront le contrôle parfait sur la réglementation municipale, on va vous répondre encore non, M. le ministre. Mais si la question est posée autrement, la porte est alors ouverte. Cela (n'apparaissait Important de faire ces commentaires.

M. Pagé: Dois-je comprendre qu'à défaut pour vous de voir des comités de concertation

constitués selon vos critères, vous* préférez le commissaire aviseur?

M. Desrosier»: J'aimerais avoir votre habileté, parce que vous m'avez posé une question que je trouve très pertinente. Vous me faites choisir entre deux maux. Je devrais choisir le moindre, mais je vous ferai remarquer que ce sont deux maux.

Ma position est toujours la même. Nous faisons une affirmation sur laquelle tout le monde est d'accord. Il y a nécessité de concertation agricole-urbaine. Sans ça, c'est le monde à l'envers, n'en parlons plus, on est tous d'accord.

M. Pagé: Cela, c'est la vertu.

M. Desrosiers: Bon. Comment allons nous faire les choses? Il y a eu une proposition, dans le passé, qu'on a refusée. Je vous al dit pourquoi. Vous en faites une nouvelle aujourd'hui, qui nous agace un peu, et on vous a dit pourquoi. On ne connaît pas la solution. Il en faut une. On est d'accord pour en trouver une ensemble. Vous nous proposez le commissaire aviseur. On a fait un certain nombre de commentaires sur le commissaire aviseur. On a dit: Non seulement on propose un commissaire aviseur, mais on propose aussi un fonds de défense et on propose aussi une immunité, on propose aussi la réciprocité. M. le ministre, je ne peux pas accepter uniquement le commissaire aviseur sans savoir ce qui va arriver après avec les autres. Vous comprenez bien que ça se tient. C'est là le droit de produire.

Alors, concernant la protection des terres agricoles, il y a une certaine problématique, une certaine façon de voir avec laquelle nous sommes d'accord. Il est sûr que l'on a, de façon spatiale, peinturé le Québec en partie vert et en partie blanc, et aujourd'hui on a une partie vert pâle. Peut-être que les gens qui sont dans l'agriculture disent: C'est encore chez nous, et que les gens qui sont dans le monde urbain disent: C'est à la veille d'être chez nous. Vous avez dit: C'est en attendant. C'est peut-être ça le vert pâle, le vert foncé.

Pour nous, ce n'est pas notre point de vue. Notre point de vue est le suivant: N'allons pas sortir le bazooka pour tuer une mouche et profiter du boum-boum pour passer le droit de produire. Le droit de produire est un droit neuf qui comporte des éléments que vous avez bien identifiés, sur lequel nous avons attiré l'attention, sur lequel le Barreau a attiré l'attention, sur lequel beaucoup de gens attirent l'attention, parce qu'ils disent que, dans sa facture même, on ne connaît pas ce qu'il sera demain J'ai envie de reprendre les paroles que vous avez dites, lors du témoignage précédent. Faites confiance un peu plus. Je veux bien faite confiance mais peut-on ensemble avancer un pas de plus pour clarifier, de façon telle qu'on soit sécurisés?

C'est dans ce sens.

Je reviens à ce que vous m'avez demandé. Lequel des deux voulez-vous, le commissaire aviseur au le comité de concertation?

M. Pagé: Voulez-vous? (18 h 30)

M. Desrosiers: M. le ministre, je prends le comité de concertation qu'on va faire ensemble mais qui ne sera pas imposé et qui ne sera pas nécessairement édicté avec les règles que l'union va vous proposer. Il sera édicté avec les règles que nous allons faire ensemble - ce n'est pas pareil - que nous allons faire avec le monde agricole, que nous allons faire avec le monde législatif et avec le monde municipal, parce que ce sont les trois parties qui ont un rôle à jouer dans cela. Nous sommes ouverts à cela de façon très officielle.

M. Pagé: Je note votre ouverture. Toujours à la page 12, vous dites: "Dans le cadre de cette concertation, on pourrait éventuellement penser à des règlements municipaux spécifiques à la zone verte, qui seraient basés sur les caractéristiques de son usage, alors qu'on pourrait en créer d'autres plus adaptés aux secteurs urbains... etc.* Le problème fondamental se situe à ce niveau. Vous savez que l'agriculture au Québec ne peut pas se développer au rythme de réglementations ou de règles du jeu variables d'une municipalité à l'autre. Vous savez que, lorsqu'on parle d'agriculture aujourd'hui, on doit parler d'entreprises économiques. On doit parler de grosses entreprises. Et ce qui a fait que l'agriculture ou l'entreprise agricole est devenue ce qu'elle est aujourd'hui, c'est l'application de normes universelles ou des programmes, des politiques qui étaient universellement adressés à certaines productions, peu Importe où elles sont situées sur le territoire du Québec.

D'abord, dans chaque cas et dans chaque province, dans chaque cas au Québec, dans chaque province au Canada et dans tout le Canada, dans tous les pays industrialisés, les programmes de développement, les programmes de consolidation d'entreprises, les programmes de structuration, vraiment structurants quoi, c'est-à-dire qu'ils partent de la production jusqu'au développement industriel et à la transformation des produits, ces programmes font toujours référence à des modèles économiques donnés. Un exemple concret. Une ferme laitière aujourd'hui qui aurait neuf vaches, je pense qu'elle aurait des difficultés économiques à assumer les coûts. Le coût de production serait tel que l'entreprise ne pourrait probablement pas survivre longtemps. C'est donc dire qu'on ne peut pas se permettre, ici comme ailleurs, qu'une entreprise porcine voit sa possibilité de développement ou sa capacité de production modifiée d'une municipalité à l'autre. C'est pourquoi les normes doivent demeurer sous une juridiction de nature provinciale.

C'est le pourquoi des règlements voulant

limiter ta production, voulant faire du zonage de production, voulant régir le nombre d'unités animales si elles sont trop près de la zone blanche. Voilà pourquoi ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas parce que le législateur va dire: Je considère les élus municipaux au Québec comme des gens de second ordre. Non. Ce n'est pas cela. C'est qu'il faut bien être conscient que le développement de l'agriculture doit passer par des mesures applicables à chacune des productions pour l'ensemble du territoire. C'est ce qui nous distingue. C'est ce qui va toujours constituer le fossé, si je peux utiliser le terme, entre la perception agricole, la position du monde de l'agriculture et du ministre de l'Agriculture - et ça traditionnellement - et le monde municipal.

Je voudrais maintenant répondre plus spécifiquement à certaines de vos interrogations. Vous avez beaucoup parlé de l'environnement. On est préoccupé par l'environnement. Vous semblez croire que la notion d'Immunité serait une autorisation de la part du gouvernement du Québec à une pollution agricole légalisée et cautionnée. Est-ce que je me trompe?

M. Desrosiers: À un certain niveau, je suis tenté de répondre oui. Il y a un vide qui existe quand môme présentement dans la loi qui gouverne la qualité de l'environnement. Il n'y a pas de prévision concernant la pollution par les odeurs, etc. Ce n'est pas couvert. C'est une zone grise. Il y a un vide là.

M. Pagé: C'est-à-dire qu'il y a des directives. Il y aura bientôt des règlements.

M. Desrosiers: C'est justement. Je suis obligé de considérer, M. le ministre, une chose que j'ai devant moi, et vous, vous savez ce que vous allez faire demain. Vous êtes plus sûr que moi. Je vous comprends, mais vous comprenez bien que je ne peux pas l'être aujourd'hui. J'ai l'impression qu'il me manque un élément pour m'asseoir correctement.

M. Pagé: À cet égard, je vais vous dire ceci. La notion d'immunité s'adresse à l'activité agricole selon les règles de l'art et selon les normes qui seront édictées dans la réglementation. Et cela, même l'Union des producteurs agricoles le dit dans son mémoire. Ces gens-là sont conscients des enjeux de notre société, ils sont solidaires d'une société qui veut être de plus en plus propre, de moins en moins polluée, etc., et l'immunité vise à protéger le producteur et la productrice qui suivent chez eux, les règles d'usage dans cette production, qui sont universellement reconnues. Cette immunité a pour objet de faire en sorte que ce producteur ne soit pas obligé d'aller se promener devant les tribunaux tous les lundis matins, parce quelqu'un dans le voisinage est venu s'Installer légalement et dit qu'en vertu de l'article 20 de la Loi sur l'environnement, vous dérangez sa quiétude. Vous dérangez son confort. C'est définitif qu'en zone agricole, il y a des activités, et ces activités-là, c'est de maîtriser le sol, de travailler le sol, c'est d'utiliser des engrais. Soit dit en passant - vous parliez d'utilisation des pesticides - on a adopté une politique sur l'utilisation des pesticides et l'objectif des agriculteurs, comme le nôtre, est de réduire l'utilisation des pesticides. Donc, cette mesure ne vise pas à légaliser la pollution. Elle vise à donner un droit à des gens qui doivent avoir cette Immunité, parce qu'ils sont régulièrement l'objet d'agressions. Je vais vous retourner une question. Demain matin, je laisse la politique et je décide d'aller m'installer à Mont-Joli, votre municipalité. Je suis certain que vous allez dire que je suis le bienvenu chez vous, que vous êtes bien heureux que j'aie choisi Mont-Joli. Mais si Je vous dis: M. Desrosiers, j'aimerais installer ma résidence dans le parc Industriel. Vous allez me dire: Je vous aime beaucoup, mais vous n'Irez pas là parce que vous n'avez pas d'affaire là.

C'est un peu cela qui arrive en zone agricole. Au nom d'un concept de retour vers la terre, au nom d'un concept de milieu environnemental un peu plus vert, dos gens, conscients du geste qu'ils posent, vont s'installer en zone agricole et peu de temps après qu'ils sont arrivés - l'expérience nous enseigne que c'est généralement après le mois de juillet, quand c'est un peu humide - ils se plaignent des odeurs. La personne veille un peu tard le vendredi soir - ce qui n'est pas un mal en sol - mais le samedi matin, le séchoir à foin ta dérange. Alors, on porte plainte à l'environnement. C'est cela le droit de produire et c'est cela le problème de fond.

M. Desrosiers: Cela me semble malheureux, M. le ministre, parce qu'il me semble qu'on peut atteindre l'objectif que vous visez, et nous le partageons, c'est-à-dire qu'on doit, d'une façon ou d'une autre, avoir une capacité de zoner les activités qu'on veut y faire, que ce soit des activités à caractère industriel ou agricole. Pourquoi ne pourrait-on pas Se faire? Je ne sais pas pourquoi. Dans la ville de Mont-Joli, on est entouré d'une zone verte. La municipalité qui nous entoure est totalement verte. Bravo!

M. Pagé: C'est de l'or.

M. Desrosiers: C'est une ville à la campagne.

M. Pagé: Vous êtes entouré d'or.

M. Desrosiers: Sauf qu'il y a quatre propriétaires pour la bande verte qui nous entoure, pour la municipalité voisine. C'est à ces quatre propriétaires, que vous considérez des agriculteurs - mol aussi. Je les considère comme des industriels agricoles parce qu'ils ne résident même pas dans la municipalité, mais iIs sont

propriétaires des terres et Ils les cultivent. Bravol - que vous fournissez l'Immunité, vous fournissez le commissaire aviseur, vous fournissez les quatre choses qu'on a mentionnées tantôt, la réciprocité et l'autre, je ne m'en rappelle pas.

M. Pagé: Le fonds de défense.

M. Desrosier*-. Cela fait pas mal de choses. Il est pas mal protégé, ce beau monde. On pense que ce n'est pas par cette protection... Revenons à la base. La base est qu'il y a cohabitation de deux mondes. Chez moi, le cultivateur qui est mon voisin a payé pour faire réparer ma pelouse parce que ses vaches ont passé à travers la barrière. Je demeure justement près de la zone agricole. Je n'en fais pas un drame, c'est cela. Je veux bien accepter cela. C'est le jeu de l'un et de l'autre, mais je ne vols pas pourquoi on ne ne se ferait pas des concessions l'un et l'autre, mais pas l'un qui impose à l'autre. C'est cela un peu qu'on a l'impression d'avoir. Présentement, il y a une imposition par un groupe au détriment de l'autre groupe.

Quand vous me demandez si je vous laisserais vous installer dans le parc industriel, je vous dis non, parce qu'il y a un zonage qui le prévoit. Mais pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose? Il ne s'agit pas de zoner la production. Il s'agit de zoner l'urbanisation. Mais si je zone bien mon urbanisation, je pense bien qu'on devrait être capable, de l'autre côté, de bien zoner la partie verte aussi. Si on avait le comité de concertation agricole non imposé par l'État mais, par exemple, auquel on souscrirait entièrement et à l'intérieur duquel on pourrait élaborer les matières qu'on devrait édicter, les règlements qu'on entendrait suivre, je pense qu'on marquerait des points.

Tantôt, quand vous avez souligné le fait que l'agriculture n'est pas comme les autres, comme l'industrie, que l'agriculture doit être protégée par l'État, vous avez affirmé que l'agriculture devait avoir des règles uniformes dans l'ensemble du Québec. Je pense que l'agriculture n'est pas tellement différente de l'industrie ou du commerce, laquelle s'accommode aussi de réalités différentes dans l'ensemble du Québec et sait très bien tirer son épingle du jeu. Je ne pense pas qu'on doive, et je vous retourne encore la même chose, édicter des règles générales uniquement pour l'agriculture. C'est un passe-droit que vous faites à ces gens.

Je pense qu'ils sont assujettis aux mêmes règles, aux mêmes normes et aux mêmes désirs de la population que les industries et que les commerces. C'est absolument la même chose. Et on trouve que c'est normal que ce soit comme ça. On ne pense pas qu'on n'est pas corrects de vous le dire de cette façon. Nous sommes d'accord pour protéger le potentiel agricole, nous sommes d'accord pour mettre en place des mécanismes pour le protéger et nous sommes d'accord pour que la partie urbaine et la partie rurale cohabitent, mais nous voulons le faire ensemble. On n'a pas l'impression d'être appelés à faire cela. On a l'impression qu'on est "câlés" pour la "shot" et que c'est par là qu'il faut passer. Je m'excuse, mais c'est comme ça qu'on le ressent. On a peut-être tort mais c'est ça notre réalité, notre perception, je devrais dire; c'est plus juste.

M. Pagé: Avant de conclure - il me reste deux minutes? - à l'article 17, vous recommandiez certaines propositions. D'ailleurs, l'Union des producteurs agricoles demandait aussi de telles modifications ici. Au paragraphe 2 du deuxième alinéa de l'article 62 qui stipule que l'utilisation actuelle du lot plus particulièrement le type et l'intensité d'agriculture qui s'y pratique et les possibilités d'utilisation du lot à des fins d'agriculture", vous demandez de restreindre ce critère afin que de telles situations ne se produisent pas. C'est accepté. On apportera les modifications dans ce sens.

À l'article 17, paragraphe 3. On va voir s'il est possible d'aller dans le sens de vos représentations.

Article 21 qui introduit l'article 69.08. Vous dites: Tout en étant d'accord avec l'esprit de l'article 69.08, l'UMQ considère que certains équipements d'utilité publique ne devraient pas être visés par le deuxième alinéa de l'article 69.08. Il s'agit des réseaux d'aqueduc et dégoût, y compris les usines de traitement et d'épuration des eaux, les lieux d'élimination des déchets domestiques et les sites d'élimination des neiges usées. On verra. Il y aura peut-être des modifications, mais ce ne seront pas des modifications allant dans le sens de l'ensemble.

Enfin, la norme de réciprocité. Vous évoquez à la page 24 que le rapport de M. Parizeau avait recommandé qu'un poste de protecteur du citoyen soit créé pour l'administration municipale. Mon collègue, le ministre des Affaires municipales, a été saisi de ça.

Vous dites ensuite qu'en matière de réciprocité... Ici, vous semblez assez farouchement contre. Je note cependant que l'UMRCQ est d'accord.

Vous dites à la page 26: "Du point de vue du citoyen, cette disposition remet carrément en question ses droits de propriété ainsi que son droit de jouir paisiblement de ses biens (Charte des droits, article 6). Le projet de loi énonce que si vous possédez un lot en zone agricole et à proximité d'une exploitation agricole et que vous prévoyez bâtir votre maison, vous devez respecter les exigences de votre voisin sur votre terrain." Oui, à moins de renoncer au droit de poursuivre le producteur pour les activités qu'il conduit, toujours selon la réglementation et les règles de l'art.

Un exemple concret. Supposons que la norme pour une production animale donnée est de 700 mètres. Cet établissement de production animale doit être à 700 mètres de la résidence la

plus proche.

Une voix: À 600 mètres. (18 h 45)

M. Pagé: Bon. À 600 mètres. Prenons l'exemple de 600 mètres. Peut-être qu'avec la révision... J'installe mon entreprise agricole à 600 mètres de la résidence la plus proche. Six mois après ou l'année suivante, une personne, en vertu d'un droit, vient Installer sa résidence à 400 mètres. Qu'arrivait-il dans le passé? Des plaintes. Des démarches auprès du conseil municipal pour que le conseil municipal adopte un règlement pour limiter le producteur dans l'augmentation de sa production et c'est ça qui fait des problèmes et du contentieux. Alors qu'à l'avenir, la personne, si elle le veut, si des senteurs, quelques odeurs, quelques poussières volatiles à l'occasion, cela ne la dérange pas, un peu de bruit, cela ne la dérange pas, elle pourra venir s'y construire sauf qu'elle devra renoncer, elle devra, via l'inscription d'un droit réel sur sa propriété, renoncer très clairement - je termine là-dessus - elle, son successeur ou la personne qui achètera, à porter plainte contre le producteur visant à limiter sa production ou à limiter ses activités, etc. On n'annule pas un droit. Ce droit sera encadré.

M. Desrosiers: M. le Président, avant de demander à Me Laperrière de faire un commentaire sur cet aspect légal, parce qu'on en a parlé longuement de ça, j'ai attiré votre attention lorsque j'ai fait la lecture du mémoire sur le fait que beaucoup de conseillers juridiques nous ont dit: Faites attention, ça touche aux droits de la personne, etc. Je voudrais que la verbalisation soit faite par Me Laperrière. Mais avant de lui donner la parole, je voudrais dire à M. le ministre que j'étais farouchement opposé à la réciprocité; peut-être que je serais un peu moins farouche si j'avais une monnaie d'échange. Si vous me dites que vous me donnez la réciprocité et que le commissaire aviseur, l'immunité et le fonds de défense, on enlève ça, là je suis prêt à vous concéder beaucoup de choses, mon cher ami.

M. Pagé: Je comprends, M. le vice-président, de l'UMQ...

M. Desrosiers: ...qu'on est vraiment ouvert, je vous l'avais dit.

M. Pagé: Non seulement vous semblez ouvert à la négociation, vous voulez la conduire ici. Je vous remercie beaucoup de vos représentations.

Le Président (M. Richard): M. Laperrière.

M. Laperrière (Marc): Merci, M. le Président. Simplement un commentaire relativement à la réciprocité. Légalement, ça nous apparaît tout à fait Inutile parce que la référence à la réci- procité fait toujours appel à un terrain qui est non bâti pour ainsi dire puisque c'est un propriétaire qui, un jour, aura à se construire, iI va y avoir un immeuble qui va se construire. On sait très bien que les tribunaux, lorsque quelqu'un veut poursuivre un agriculteur, par exemple, pour des odeurs ou quoi que ce soft, et qu'il s'installe après que l'agriculteur eut construit son bâtiment à l'intérieur des 600 pieds et qu'il l'empêche lui-même de construire, d'accord, il peut signer une renonciation à poursuivre, mais, cette renonciation nous apparaît inutile parce que, de toute façon, même s'il ne signait pas une telle renonciation et construisait à l'intérieur de la distance prévue ou ta réciprocité, un tribunal, dans sa sagesse, va examiner les faits et va dire: Oui, mais monsieur, vous êtes venu vous Installer après la porcherie. Donc, vous vous êtes installé en connaissance de cause. On ne vous accorde pas de dommages à cet égard. Le tribunal va tenir compte de ces faits.

Cela m'amène à un deuxième point relativement à l'immunité. On sait que la disposition de la loi ou du projet de loi dit: Nui n'encourt de responsabilité. Cela n'empêche pas un tiers d'aller devant les tribunaux pour se faire entendre, mais ce qui est malheureux, c'est que le tiers qui va devant les tribunaux, qui prend le temps d'aller devant les tribunaux pour permettre au tribunal d'évaluer les dommages qu'il pourrait encourir résultant des poussières, des odeurs et du bruit, conformément aux lois et règlements de l'environnement, la seule chose, le tribunal va l'entendre, mais va dire: Je ne peux pas me prononcer sur ces dommages. Je ne peux pas accorder de dommages pour cela, la loi me l'interdit. Pourtant, on enlève au tribunal cette appréciation alors qu'on sait que tout probablement, si les règlements sont faits adéquatement, les dommages vont être minimes. Donc, finalement, pour quelque chose de mineur, on enlève ce droit Le tribunal va entendre la personne, et, de toute façon, va prendre en considération les faits. La seule chose, c'est qu'il ne pourra pas se prononcer et tout probablement que les dommages seraient mineurs. C'est pour cela que ça nous apparaît une entrave aux droits des citoyens pour pas grand-chose. Administrativement, l'agriculteur va aller de toute façon devant les tribunaux.

M. Pagé: Me Laperrière, je ne veux pas enlever de temps à l'Opposition, mais la référence que vous faites au fait que le tribunal va statuer, va dire: Vous répondez à la norme, ce n'est pas toujours le cas Me Laperrière. Il y a des cas de jurisprudence où le tribunal a Indiqué: Vous êtes construit selon une norme, vous êtes producteur agricole, vous êtes arrivé le premier, cependant, le voisin a le droit de prétendre, en vertu de certaines dispositions, à une limite de vos activités, à des dommages-Intérêts à lui payer parce que, exemple, dans la loi sur l'environnement, II y a l'article 20 et il y a eu des

cas de jurisprudence devant les tribunaux différents de ce que vous venez d'évoquer. Alors, ce que va faire cette disposition, c'est de clarifier la situation. Cela va établir des règles du jeu plus précises et cela va éviter des recours devant les tribunaux autant pour ces citoyens que vous voulez défendre, et vous en avez le droit, et les citoyens que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et le gouvernement veulent défendre.

M. Laperrière: M. le Président, est-ce que les recours qui ont été portés devant les tribunaux, auxquels vous faites référence, ont été abusifs? S'ils l'étaient, les tribunaux vont certainement les avoir balayés du revers de la main. S'ils ont donné des dommages, sans doute qu'ils ne l'étaient pas. Et là, avec de telles mesures, on empêche les citoyens d'avoir leur journée en cour tout simplement.

Le Président (M. Richard): M. le représentant de l'Opposition.

M. Pagé: On n'a pas la môme appréciation. Alors, en terminant, avant de passer à l'Opposition, je voudrais remercier bien sincèrement M. Desrosiers. Je suis persuadé que, de toute façon, il y a plusieurs des amendements qui vont aller dans le sens des représentations que le monde municipal a faites au comité technique. Vous ne serez peut-être pas entièrement et totalement satisfait, mais je suis persuadé que S'échange d'idées aura été à tout le moins utile en ce qui me concerne.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le député de Lac-Saint-Jean?

M. Brassard: Une première question pour être bien clair. Lors de la réunion du comité technique, j'ai bien compris que le ministre vous a donné l'assurance qu'un amendement serait introduit à l'article 17, paragraphe 3, de façon que les critères économiques qui sont facultatifs actuellement dans le projet de loi deviennent obligatoires et que le "peut" soit remplacé par "doit".

M. Desrosiers: Est-ce que Je comprends bien la question? Vous me demandez si, à l'occasion du comité technique, le ministre a donné son assentiment à cette affirmation.

M. Brassard: À l'occasion des échanges d'opinions que vous avez eus au sein du comité technique, est-ce que vous avez eu l'assurance que ce qu'on appelle les critères économiques, qui sont actuellement facultatifs quand ii s'agit, pour la commission, de prendre une décision ou d'émettre un avis... Il y a un certain nombre de critères qui sont obligatoires mais les critères qu'on peut qualifier d'économiques sont facultatifs dans le sens que le projet de loi dit: Elle peut prendre en considération, alors que votre revendication était de les rendre également obligatoires, donc do remplacer le verbe "peut" par "doit*. Elle doit prendre en considération l'effet sur le développement économique de !a région. Si j'ai bien compris. Est-ce que vous avez eu une assurance du ministre à l'effet que cet amendement serait introduit?

M. Desrosiers: M. le Président, je ne saisis pas pourquoi on a pu comprendre ce genre d'affirmation, parce j'ai dit que l'Union des municipalités, c'est un paquet de monde. Cela emploie 75 000 personnes. Cela a une activité économique de 2 000 000 000 $. Et j'ai dit: Remarquez bien ce que je vous dis parce que, plus tard, je vais vous demander de mettre des critères économiques obligatoires en place. Vous me demandez si le ministre l'a dit. Non, je lui demande aujourd'hui de le dire.

M. Brassard: D'accord, c'est ce que je voulais savoir pour bien se comprendre. M. le Président, avant de passer la parole à mon collègue de Jonquière qui a beaucoup de questions à poser, je voulais signaler que relativement à toute cette question de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le droit de produire, les questions que vous posez à Sa page 11 sont on ne peut plus pertinentes dans le sens que, avant, à mon avis, d'introduire des dispositions nouvelles et dans bien des cas de créer du droit nouveau, il faut prendre la mesure du problème. Il faut évaluer l'ampleur du problème. Il faut avoir une idée exacte de la problématique et de problèmes vécus. Les questions que vous posez sont pertinentes sauf que je n'ai pas de réponse. Pouvons-nous aujourd'hui, par exemple, je les reprends, indiquer à cette commission les municipalités qui sont en conflit avec les agriculteurs sur leur territoire? Il y a 1200 municipalités au Québec. Combien ont des conflits devant les tribunaux avec les producteurs agricoles? Pouvons-nous aujourd'hui indiquer à cette commission les types de cas de conflits entre les municipalités et les agriculteurs? Les conflits réels, non pas hypothétiques. Tantôt le ministre en a parlé dans une intervention, il disait: Prenons l'hypothèse, supposons que. Ce sont des conflits hypothétiques, des exemples. Mais réellement, combien y en a-t-il? Pouvons-nous aujourd'hui indiquer à cette commission le nombre de poursuites des agriculteurs contre les municipalités? il m'apparait important de le savoir avant d'adopter des dispositions relatives à un problème de cette nature. Combien y a-t-il de producteurs actuellement qui sont poursuivis devant les tribunaux par des individus qui les accusent ou qui ont porté plainte pour odeurs, poussières, etc., reliées aux activités agricoles? Combien y en a-t-il? Combien y a-t-il de municipalités qui sont en conflit?

Je pense que ce sont des questions importantes, des questions pertinentes que vous posez

là. Le problème, c'est que la commission n'a pas de réponse. Je suppose, j'espère et je souhaite ardemment que quand on abordera ces articles le ministre aura des réponses et qu'H sera en mesure de déposer un bilan précis pour qu'on connaisse l'ampleur du problème. Peut-être que le problème n'est pas si grave que ça et peut-être qu'il n'y a pas tant de conflits que ça entre agriculteurs et municipalités ou entre agriculteurs et tierces personnes qui ont porté plainte sur des questions d'environnement. Ce sont des problèmes qui sont évoqués souvent. On invente des exemples à l'exception de quelques cas bien précis mais, dans la plupart des cas, on invente des exemples, on imagine des exemples. Mais concrètement, quel est le bilan de problèmes de cette nature, en termes de quantité? Je pense que ça va nous Indiquer, à partir de ce moment, si on a un bilan exact de ce que ça veut dire, les moyens qu'on doit prendre pour essayer de résoudre des problèmes.

On parle beaucoup de Pintendre et de Sabrevois, mais je n'ai jamais entendu parler d'autres municipalités que ces deux là sur 1200 et quelques municipalités. Ce sont toujours ces deux-là qui reviennent: Pintendre, Sabrevois. Mais est-ce qu'il y en a d'autres? Deux sur 1200.

Une voix: Sur 1500. (19 heures)

M. Brassard: On me dit 1500. Deux sur 1500. Si c'est juste ça, je vous dis que ce n'est pas un gros problème. Jusqu'à maintenant, on n'a pas réussi à nous fournir une réponse. On cite toujours ces deux exemples mais ça se limite à ça. On sait qu'il y a 1500 municipalités au Québec. Cela fait pas mal de monde et pas mal d'organismes et d'instances municipales. Je ne sais pas si vous avez des réponses à nous donner là-dessus, je ne sais pas si vous avez des bilans, une évaluation que vous avez pu faire de votre côté, mais en tout cas, je pense que, comme législateur, avant d'adopter toute une série de dispositions dont certaines sont tout à fait nouvelles, ça me semble aller de sol qu'on devrait avoir une connaissance la plus exacte possible de la problématique.

C'est un peu ça ma première question. Je ne sais pas si vous avez des réponses mais II me semble que ce serait important qu'on en ait.

M. Desrosiers: Je n'ai peut-être pas une grande réponse mais j'ai un commentaire, M. le Président, que j'aimerais faire.

Justement, vous avez repris les questions de la page 11 auxquelles M. le ministre a répondu tantôt d'une certaine façon. Je pense que les réponses devraient être encore plus grandes, plus exhaustives mais tel n'est pas l'objet de mon propos. Dans notre cas, on a cité ces questions parce qu'elles sont les Interrogations fondamentales qui font que, devant un projet de loi, on apparaît très réticents et pas beaucoup coopérants, alors que ce n'est pas là notre point de vue. Nous ne sommes pas des gens qui voulons tourner en rond. Nous sommes d'accord pour protéger le territoire agricole. Nous sommes d'accord pour prendre des moyens qui conviennent aux parties sauf qui ne faudrait pas se servir du bazooka alors que... Est-ce que c'est juste Pintendre et Sabrevois? Je ne sais pas la réponse moi non plus. C'est ça qui nous apparaît important et c'est dans ce sens que je réponds à votre question. Nous n'avons pas les réponses. Si nous les avions, nous vous les aurions données.

M. Brassard: M. le Président, avant de passer la parole à mon collègue de Jonquière, il y a juste un autre commentaire que je ferais. Je vous dis tout de suite que j'ai de la difficulté à accepter, à adhérer à votre argumentation relativement à la réciprocité. Je comprends mal votre argumentation. J'ai de la misère à y adhérer. Il me semble à moi aussi là-dessus... Cela n'arrive pas trop souvent, mais je rejoins le ministre. Il me semble, moi aussi - notez-le, notez-le - normal, légitime, régulier, allant de soi qu'on impose les mêmes normes et les mêmes règles à tout le monde. SI un producteur de porc est obligé de construire sa porcherie à 600 mètres de toute habitation et que, par la suite, quelqu'un vient établir sa résidence dans le même secteur, il devrait normalement respecter les mêmes normes que le producteur de porc, c'est-à-dire ne pas s'établir à moins de 600 mètres de la porcherie qui est là.

Je vous dis juste ça en passant. J'ai de la difficulté à adhérer à votre argumentation relativement à la réciprocité.

Le Président (M. Richard): M. le député de

Jonquière.

M. Dufour: J'avais juste quelques points à soulever. C'est évident que le mémoire ne me surprend pas dans sa teneur pour avoir vécu longtemps parmi ces gens. Je ne pense pas que cela ait ouvert des appétits, par exemple, tel que le disait le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il a dit que votre mémoire semble susciter de nouveaux appétits par rapport au vécu ou aux volontés des municipalités. À mes yeux, ce qui ouvre des perspectives différentes ou des prises de position plus directes, c'est justement la nature du projet de loi qu'on a devant nous qui fait que les municipalités se sentent possiblement plus agressées par rapport à ce qui se passait auparavant. Elles parlent d'un monde connu pour aller à un monde quelque peu inconnu.

Le sens de mes questions, c'est quand on parlait tout à l'heure de comité de concertation. Je pense aussi que la loi 82 voulait former des commissions d'urbanisme agricole, c'est un peu ça qu'on voulait faire dans le temps. À mes yeux, ce n'était pas de la concertation, c'était vraiment obligatoire, à caractère obligatoire. C'est

dans ce sens que j'ai compris que les municipalités se sont opposées par rapport à cette commission d'urbanisme agricole qu'on voulait introduire dans les municipalités.

Croyez-vous, M. le vice-président, que les expériences qui ont été vécues d'une façon volontaire à Aylmer... Est-ce que vous pouvez nous faire part de plus de détails sur ces commissions qui ont été mises sur pied à Laval. Aylmer et La Baie? De quelle façon est-ce que ça fonctionne? Quelles sont les possibilités pour d'autres municipalités de s'appauvrir?

M. Desrosiers: M. le Président, la réponse est en deux temps. D'abord, parce que votre "pré-opinant" a dit qu'il ne comprenait pas notre argumentation face a la réciprocité, je voudrais clarifier la situation avant de répondre à votre question. Premièrement, on a dit; La coexistence devra se faire; deuxièmement, la coexistence pacifique devra s'écrire dans les faits; troisièmement, comment allons-nous arriver à réaliser cette coexistence? Le ministre a dit: Vous êtes en train de négocier directement. Nous, on disait: Si on crée une nouvelle classe de citoyens par l'immunité, par le commissaire aviseur, par le fonds de défense, par la réciprocité, c'est trop. Est-ce que c'est clair? Nous pensons que s'il faut vivre ensemble, allons-y pour la réciprocité, mais n'allons pas remettre toutes les autres choses. Alors, ça permettra à votre voisin, le député de Lac-Saint-Jean, de savoir pourquoi on est pour telle chose.

Deuxième question. Dans le vécu actuel, nous nous sommes opposés au premier comité de concertation parce qu'il était imposé et parce qu'il faisait des agriculteurs les rois et maîtres de la législation municipale, ce qui nous paraissait aberrant. On est d'accord pour des comités volontaires et on est d'accord pour que l'union fasse les efforts nécessaires pour les mettre en place. Sur quoi se base-ton pour faire une telle affirmation? On se base sur La Baie, Aylmer et sur la ville de Lavai qui ont des problèmes semblables à ceux dont on discute présentement et qui ont mis en place des comités agricoles et urbains. Depuis ce temps-là, la coexistence est une réalité, la coexistence pacifique est vécue et tout le monde ne s'en porte que mieux. Alors, pourquoi voulons-nous enferrer dans un projet de loi une chose qu'on peut faire si facilement quand on y met un peu de bon sens?

M. Dufour: ici, je vous donne une perception que j'ai eue tout à l'heure lorsque j'ai écouté le président de l'UPA qui est venu s'exprimer. J'ai cru comprendre qu'il y avait un commencement ou une continuité de concertation ou de discussion entre le monde municipal et le monde agricole. La venue de la loi semble vouloir cristalliser les positions les unes par rapport aux autres. Ma question est directe: Est-ce que vous pensez que cette loi-là qu'on apporte va être de nature à améliorer les relations et, comme vous le dites, la coexistence pacifique qui semble vouloir s'établir entre les deux mondes?

M, Desrosiers: On va gagner du temps, M. le Président, la réponse est non. Est-ce assez clair? C'est parcs qu'on va braquer au départ des gens qui auraient avantage à mettre leurs intérêts ensemble. On va les braquer de telle façon que chacun va mesurer son pouvoir et, quand on aura mesuré nos armements, on décidera si on fait une guerre chimique ou une guerre atomique. C'est ce qu'on veut. On a le bon moyen, prenons-le. Quant à nous, notre prétention est tout à fait contraire. Si je n'avais pas de preuve à l'appui, je pourrais être tenu sous caution et me faire dire: Vous parlez haut et fort. Mais ce n'est pas si sûr que cela, mais on a les preuves.

M. Dufour: En ce qui concerne la venue d'un commissaire aviseur sur le terrain -je ne sais trop son titre - comment les pouvoirs qui pourraient lui être accordés et les décisions qu'il pourrait prendre vont-ils s'interférer par rapport aux municipalités? Vous comprenez un peu le système. La personne va se promener sur le terrain, va y aller sur des plaintes et on sait que cela va être sous la responsabilité du ministre de la Justice, mais i! y a un paquet d'inconnus qui, à travers lesquelles fonctions, peuvent faire des recommandations sur le territoire. Vous en pariez un peu dans votre mémoire, mais comment voyez-vous la venue de cette personne?

M. Desrosiers: Sur plaintes, sur hypothèses de plaintes, sur "peut-être que je devrais faire une plainte", parce que tout es! possible. Ces messieurs qu'on traite au-dessus de la loi pourront avoir leur commissaire aviseur qui, lui, pourra convoquer tout le monde, tous ceux qu'il veut. Il les entendra et, après, il fera rapport aux parties mais aussi au public. Cela veut dire que le commissaire aviseur vient dans la municipalité, convoque tous ceux qu'il pense avoir besoin de consulter. Après avoir analysé la question, il rédige son rapport et i le rend public. Alors, il dit que la personne qui a porté plainte a été entendue, que le commissaire a pris en délibération les questions, il fait son rapport public dans le journal local et dit que la municipalité X a erré dans ses règlements et que cela devrait être fait autrement. Une personne nommée viendra chez nous dire à des élus, élus démocratiquement, que les autres ont édicté des règlements qui sont aussi assujettis aux règles et aux lois provinciales.

M. le commissaire aviseur viendra nous dire que non seulement nous avons erré mais, politiquement, il fera son "splash* dans le journal et là on n'aura seulement qu'à remettre nos démissions et cela permettra de changer les visages plus rapidement. Les édiles municipaux sont-ils des débiles légers en liberté surveillée? Telle est la question que notre ancien président posait

souvent. Nous, on a envie de la reposer encore. Nous pensons que le commissaire aviseur, même si ce peut être une bonne chose d'avoir quelqu'un qui se penche sur les problèmes que peut subir un citoyen, non pas seulement un citoyen agriculteur, mais un citoyen qui est assujetti à des règles et à des règlements municipaux, à ce compte, l'idée de la commission Parizeau était meilleure, qu'on lui donne un ombudsman municipal et n'importe quel citoyen à l'égal de l'agriculteur pourra y faire appel s'il se sent lésé dans ses droits. Là, on aura une formulation avec laquelle on est habitué à vivre, mais dans laquelle tout le monde va se reconnaître et personne ne se sentira lésé l'un par rapport à l'autre.

M. Dufour: Vous êtes sûrement au courant que la ville de Québec, l'avant-veille de Noël, le 23 décembre, justement par sa charte spéciale, s'est assujettie à l'ombudsman du Québec, selon une entente. Cela veut dire que ça pourrait peut-être se faire d'autre façon. La suggestion que vous faites n'est pas dépourvue de bon sens. Est-ce que vous croyez, M. le vice-président... parce que j'ai laissé le monde municipal depuis quelques années, je ne suis plus sur le terrain autant que je l'étais, malgré que, parfois, mes collègues pensent le contraire...

M. Garon: II a laissé le monde municipal, mais le monde municipal ne l'a pas laissé.

M. Dufour: Est-ce que vous pensez que la venue du commissaire aviseur sur le terrain pourrait donner prise à d'autres groupes de citoyens qui, eux aussi, pourraient vouloir avoir leur propre commissaire aviseur?

M. Desrosiers: Vous avez parfaitement raison de poser la question, parce que si on édicté, de la façon qu'on est en train de vouloir le faire, immunité, commissaire aviseur, fonds de défense, réciprocité, que je suis prêt à réexaminer, moyennant certains accords, surtout les trois premiers, on donne accès à une catégorie de citoyens à des mécanismes, à des moyens qui ne sont pas accessibles aux autres. En vertu de quel principe pourra-ton prétendre que les autres n'auront pas ces mômes droits?

Les industriels vont pouvoir venir vous demander la môme chose, d'avoir leur commissaire, d'avoir leur fonds de défense, d'avoir une certaine forme d'immunité et non seulement les Industriels, mais aussi d'autres catégories de citoyens, parce que, à moins qu'on ait changé les règles dans cette province, nous sommes tous égaux devant la loi et les lois qu'on édicté ont toujours cette préoccupation de ne pas créer d'iniquité. On a une rigueur Intellectuelle à laquelle on s'astreint, de telle façon que tout le monde soit traité sur le môme pied et que si on est susceptible de se sentir outragé par des règles, des règlements ou des directives qui viennent d'en haut, là, on pourrait faire appel à quelqu'un d'en haut pour se défendre. On peut faire appel au tribunal et que le tribunal dise: Tu as toujours le droit d'être entendu. On ne veut pas que ces règles soient changées, c'est aussi simple que ça. C'est ça, parce que c'est ça notre façon de vivre.

M. Dufour: J'aurais suffisamment d'autres questions pour vous retenir plusieurs minutes encore, mais je ne vous retiendrai pas indûment, à moins que mon collègue de Lévis ait une ou deux questions à poser avant de conclure.

M. Garon: Je ne sais pas si vous avez lu la revue Time du 2 janvier. La personnalité de l'année, c'est la terre en danger de pollution. Ce n'est pas une personne mais la planète qui a été choisie cette année. Là-dedans, on parle beaucoup des sites d'enfouissement, des milliers de sites d'enfouissement qui ont contaminé la nappe phréatique. Dans votre mémoire, vous parlez de lieux d'élimination des déchets domestiques ou des sites d'élimination des neiges usées. Les agriculteurs ne sont pas intéressés à avoir des terres agricoles comme dépotoir des municipalités. Mais je pense bien qu'il faudrait regarder ça. L'enfouissement est dépassé et que les neiges usées.. Je pense bien que les bélugas ne sont pas apparemment amateurs de calcium et il va falloir penser davantage en termes d'élimination plutôt qu'en termes d'enfouissement ou en termes de déversement dans la nature de produits contaminés qui, en trop forte dose, deviennent des contaminants. La solution, ce n'est pas d'aller dans les terres agricoles, ni d'aller ailleurs, mais d'éliminer les déchets sans les enfouir.

Je pense que la revue Time est très révélatrice quand elle indique à quel point la nappe phréatique a été contaminée, à quel point, dans plusieurs pays, les problèmes, on les crée de toutes pièces, en disant: Cela doit être bon pendant tant d'années. De toute façon, le problème va revenir après tant d'années, parce que., ou les barils. On peut bien mettre certaines choses dans des barils mais, à un moment donné, les barils vont rouiller et tout ça va aller dans la nature.

Il faut penser autrement. Je pose la question. Le Parti libéral avait comme slogan 'Maîtriser l'avenir", mais on a le sentiment qu'il a pris comme devise, une fois élu, 'Gérer le passé*. Si on regarde vraiment en termes d'avenir, les solutions du passé ne sont pas les solutions de l'avenir et il faudrait que les municipalités et le gouvernement trouvent ensemble des moyens d'éliminer les déchets sans emmerder personne avec ces déchets-là. J'emploie volontairement ce mot qui n'est peut-être pas complètement parlementaire, mais qui décrit vraiment la réalité.

M. Desrosiers: M. le Président, cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd parce que le hasard veut qu'au dernier sommet économique

qu'on vient de vivre, il y a des MRC au Québec qui ont des problèmes particuliers concernant le développement. Certaines ont des problèmes plus graves que cela, elles sont carrément mal foutues. Je ne veux pas donner l'Impression de faire pitié, mais la mienne est mal foutue. Nous avons des fichus problèmes concernant le développement. Je veux bien qu'on se préoccupe aussi de l'environnement en môme temps, mais on a des problèmes à la base même. On n'a pas de site d'enfouissement sanitaire; on en cherche et on n'en trouve pas. On en trouve, mais c'est en zone verte et en zone verte, on ne peut pas temporairement faire un trou, les mettre dedans, les enterrer et après, continuer à cultiver, c'est défendu. C'est ce qu'on nous a dit: ce n'est pas possible. Cela va coûter 400 000 $ à la MRC La Mitis pour aller porter ses déchets à Matane, mais cela n'a pas d'Importance, les critères économiques ne sont pas Importants. Les critères économiques sont Importants, M. le Président, II faut les mettre sinon, cela n'a pas d'allure, vous allez faire monter la pression du Québec et cela va faire que le couvercle va sauter.

Je vais redevenir calme parce que M. le ministre va me demander de redevenir calme. On vit cela tous les Jours, cela coûte 100 000 $ de plus à la ville de Mont-Joli pour aller porter ses déchets à Matane, 40 milles plus loin. On est complètement tombé sur la tête. Pendant ce temps, on est sur le chômage, sur le bien-être social, on est aussi handicapé et quand on a le temps, on est vice-président de l'Union des municipalités. C'est à peu près cela, le décor.

Quand vous me parlez des municipalités de concert avec le gouvernement, je soupçonne, M. le député de Lévis, que le gouvernement veuille nous amener aussi dans cet espace, à savoir qu'à l'avenir on envisage davantage le recyclage. D'ailleurs, il y a des gens chez nous qui essaient de travailler dans ce sens-là. Mais vous comprenez, quand on est aussi peu nombreux que nous le sommes dans l'Est du Québec, quand on veut cueillir, trier, recycler des déchets, on n'a pas assez de gens, on n'en fait pas assez. On en fait trop parce que là, on ennuie les voisins avec cela, mais on n'en fait pas assez pour les recycler, c'est presque un cercle vicieux.

Vous me demandez quelle est l'opinion de l'Union des municipalités présentement concernant les déchets, qu'au lieu de les éliminer en les mettant quelque part, on les élimine en les transformant. La réponse est oui, on est d'accord pour travailler là-dessus et on pense que c'est une voie d'avenir, surtout qu'on paie drôlement cher pour ce qui se passe présentement. Et cela veut dire, M. le Président, que les critères économiques, ce n'est pas "peut", c'est "doit".

M. Dufour: En terminant, je voudrais remercier les représentants de l'Union des municipalités pour la qualité de leur mémoire. Je pense que, de ce côté-là, il faut s'attendre que cet organisme nous présente des mémoires toujours musclés, avec du contenu. Il faut l'apprécier. Un certain nombre de questions importantes ont été soulevées et, je vous dis honnêtement, des questions que l'Opposition s'était aussi posées auparavant, ce qui justifie votre présence Ici et notre présence pour pouvoir bien vous entendre.

J'avais envie, en terminant tout à l'heure de vous poser cette question, et je terminerai mon commentaire par cette question que j'aurais pu vous poser et pour laquelle je n'aurais pas exigé de réponse: Dans votre propre opinion, vous qui avez déjà eu des contacts privilégiés avec le ministre à la table Québec-municipalités, donc qui avez eu connaissance de ses prises de position par rapport à celles de l'union - j'espère que vous êtes venus ici avec l'idée que ceia pourrait faire évoluer ou changer le ministre selon la valeur des arguments qui ont été apportés - pensez-vous que votre mémoire a pu faire évoluer le ministre dans ce sens-là? Je vous le souhaite et je nous le souhaite. Je pense que le ministre a une chance en or d'approcher ou de rapprocher le monde municipal et le monde agricole. Cela fait trois ans que je le prêche, je le prêchais sur d'autres tribunes auparavant. Et je souhaite qu'il saute sur cette occasion. On n'a aucune raison d'opposer les deux mondes. Je pense que l'agriculture a sa place, le monde municipal a sa place. Mon collègue de Lévis me soufflait tout à l'heure, au début: N'y aurait-il pas moyen d'avoir des voies parallèles qui fassent que chacun occupe son espace et chacun dans son milieu? Et quand il y a des arbitrages de temps en temps, qu'on puisse regarder ce qui se passe. Je pense qu'on l'a fait jusqu'à maintenant, ça a évolué dans ce sens. Peut-être que la loi telle qu'elle nous est présentée est prématurée dans le sens qu'il y avait déjà ces discussions obligatoires qui étaient en train de se faire, de l'arbitrage qui était en train de se faire, et cette loi va peut-être faire, justement, comme vous l'avez dit tout à l'heure en réponse à cette question, que les deux mondes vont se braquer de nouveau, ce qu'on n'a aucun intérêt à rechercher, ni vous, ni nous. Je vous remercie, encore une fois, pour votre mémoire.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Jonquière. M. le ministre, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Pagé: Je veux remercier les membres de la commission, l'Union des municipalités du Québec, qui nous a présenté un mémoire bien préparé, avec une argumentation assez exhaustive, des représentations, des demandes qui, pour certaines, ne peuvent être partagées par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mais qui, pour d'autres, ont un intérêt certain. Je suis persuadé que les discussions qu'on a eues, entre autres, à la table Québec-municipalités, au comité technique, vous permettront d'améliorer d'un cran ou deux peut-

être votre acceptation au projet de loi. Je suis persuadé qu'on va se revoir et je suis persuadé que l'expérience va nous enseigner que les dispositions du projet de loi veulent établir non pas deux catégories de citoyens, mais des règles du jeu plus claires, les hors-jeux à la bonne place, etc. Je suis persuadé que cela va favoriser l'harmonie entre le monde agricole et le monde municipal et que cela va développer un respect mutuel qui va conduire, j'en suis persuadé, à davantage de concertation, comme vous le souhaitez. Merci de votre présence.

Le Président (M. Richard): Merci. Sur ce, je tiens à aviser les gens de la commission que nous reprendrons nos travaux demain matin, à 9 heures, au môme endroit, alors que nous recevrons l'UMRCQ, l'Union des municipalités régionale de comté du Québec. Sur ce. nous ajournons les travaux à 9 heures précises.

(Fin de la séance à 19 h 22)

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