L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles

Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mercredi 2 octobre 2013 - Vol. 43 N° 30

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l’acquisition de terres agricoles par des non-résidents


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. François Gendron

M. Stéphane Billette

M. Donald Martel

Auditions

Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ)

Solidarité rurale du Québec (SRQ)

Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA)

Autres intervenants

Mme Marie Bouillé, présidente

M. Pierre Paradis, vice-président

M. Norbert Morin

*          M. Alain Audet, FRAQ

*          Mme Yourianne Plante, idem

*          Mme Claire Bolduc, SRQ

*          M. Jacques Cartier, CEA

*          M. Gilles Brouillard, idem

*          M. Mario Isabelle, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures douze minutes)

La Présidente (Mme Bouillé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie cet après-midi afin de procéder aux consultations particulières sur le projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente, aucun remplacement.

La Présidente (Mme Bouillé) : Ça va bien. Cet après-midi, nous allons débuter par les remarques préliminaires. Par la suite, nous entendrons les représentants de la Fédération de la relève agricole, de Solidarité rurale du Québec et, enfin, du Conseil des entrepreneurs agricoles.

Remarques préliminaires

Donc, nous débuterons sans plus tarder avec les remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez d'un maximum de six minutes pour vos remarques préliminaires.

M. François Gendron

M. Gendron : Alors, bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, les collègues parlementaires. On saluera les invités tantôt. Alors, j'ai déposé en juin dernier le projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents. C'est un sujet qui a suscité des inquiétudes légitimes dans le monde agricole, et c'est pourquoi je crois qu'il faut agir dès maintenant pour faire en sorte que notre législation soit modernisée, adaptée à cette réalité. On est réunis en commission pour entendre d'abord les acteurs du Québec agricole, qui ont leur mot à dire sur cette démarche. Je crois que c'est toujours une démarche requise, importante afin de valider le contenu du projet de loi qui suivra suite aux audiences.

Je remercie les groupes qui ont décidé de répondre positivement à la demande de nous transmettre leurs commentaires et qui viendront s'exprimer. Il y a des gens qui ne viendront pas s'exprimer, ils nous ont envoyé des commentaires. Alors, soyez assurés que — en tous cas, en ce qui me concerne — nous sommes dans un esprit d'ouverture, mais que toutes les suggestions seront analysées, appréciées. Pas nécessairement toutes retenues, mais analysées et appréciées.

On veut que le projet de loi réponde aux attentes du milieu agricole et qu'il contribue à assurer la pérennité du territoire agricole. On ne peut pas se permettre de demeurer inactifs devant l'intérêt manifesté par les investisseurs étrangers par nos terres agricoles. C'est normal, compte tenu de la hausse de la valeur foncière, que ça puisse créer de l'engouement, des appétits, et il est normal que nous fassions comme d'autres l'ont fait. On n'est pas les seuls, plusieurs États américains et de nombreux pays interdisent… Même, il y a des pays qui vont plus loin que nous autres, alors ils interdisent fermement que des intérêts étrangers soient propriétaires de nos terres agricoles ou de notre patrimoine foncier. Les provinces canadiennes, eux autres, différemment, imposent des contraintes.

La crise alimentaire de 2008 a amplifié le phénomène en bonne partie parce que des investisseurs voyaient les terres agricoles comme une valeur refuge. Ce contexte a ouvert la porte à toutes sortes d'histoires et de spéculations qui ont semé l'inquiétude dans le monde agricole avec raison. En termes d'inquiétude, à certains moments j'ai même entendu dans les médias que les Chinois étaient en train de prendre le contrôle du Québec agricole. Évidemment, ce n'est pas ça, la réalité. Mais on a à gérer deux affaires, nous autres, les élus, là, c'est la réalité puis les apparences. Mais alors, heureusement, on était très loin, on est toujours très loin de la réalité.

Mais ce n'est pas parce qu'on est loin de la réalité qu'on n'a pas parfois à prendre des orientations puis des décisions sur quelque chose qui apparaît, pour d'aucuns, comme étant un problème réel. C'est pourquoi, même si le rapport déposé par CIRANO en février conclut que le phénomène d'accaparement des terres est plutôt marginal au Québec — je ne sais pas si vous allez être d'accord avec moi, mais, en tout cas, c'est ce qui va me guider —je pense qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Il n'est pas question, pour notre gouvernement, de rester les bras croisés puis dire : Bon, bien, regarde, il n'y a rien là. Concrètement, le projet de loi n° 46, il propose trois mesures. Donc, ce n'est pas bien, bien compliqué pour l'ensemble des parlementaires. On veut d'abord renforcer le statut de résident prévu à la loi pour éviter qu'un investisseur étranger puisse utiliser artificiellement ou autrement ce statut afin d'acquérir des terres agricoles sans avoir passé par le processus d'autorisation sous l'égide de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, qu'on appelle la CPTAQ dans notre langage.

On entend également mettre à jour les critères d'évaluation d'une demande pour tenir compte, en plus des critères actuels, des conséquences de l'acquisition sur l'occupation du territoire et considérer l'impact positif d'une acquisition lorsque cette dernière vise à mettre en valeur les terres agricoles sous-exploitées. Ça, on est pour ça à mort. Tout le monde est bienvenu pour mettre des terres un peu sous-exploitées… les mettre en bonne exploitation parce que ça génère des activités économiques, puis on est pour ça. Nous voulons fixer une limite annuelle de 1 000 hectares, mais 1 000 hectares pour le Québec par année, pas 1 000 hectares par citoyen qui veut se porter acquéreur, là. Parce qu'il y avait l'air à y avoir une confusion là-dedans, là. Il n'y a pas de confusion, c'est 1 000 hectares par année comme banque disponible pour les acquisitions d'étrangers.

Je crois que ces mesures auront pour effet de rassurer un certain nombre d'agriculteurs et intervenants dans plusieurs régions du Québec, et c'est surtout… l'idée du ministre, là, c'est d'envoyer un message clair que nous prenons les moyens nécessaires pour nous assurer de demeurer propriétaires de nos terres. On veut davantage de propriétaires de fermes, puis on veut augmenter le nombre de fermes, puis on n'a rien contre les locataires, mais on pense que c'est plus important d'avoir le plus grand nombre de propriétaires possible qui cultivent les terres, qui paient leurs taxes dans le milieu, puis qui vivent avec la réalité ambiante.

Est-ce que notre seule solution, c'est de demeurer propriétaires de nos terres? La réponse, c'est non. Je travaille actuellement sur un outil, tel que stipulé au point 2.2 de la Politique de souveraineté alimentaire, mais ce n'est pas le bon forum aujourd'hui. Parce qu'il y a des gens qui vont me parler de la SADAQ, puis de ci, puis de ça, puis ainsi de suite, vous êtes les bienvenus, puis c'est pour ça qu'on fait des audiences. Mais le projet de loi, là, ce n'est pas la SADAQ ou l'instance chapeau que… Donc, l'objectif, j'y adhère. Est-ce qu'on aura le temps d'apprécier davantage quel sera le meilleur outil possible pour s'assurer de l'efficacité de ce projet de loi là? On verra.

Parlant de la Politique de la souveraineté alimentaire, permettez-moi, d'ailleurs, de faire une phrase, de vous rappeler les trois grands objectifs, parce que vous la connaissez, qui a été initiée en mai. Un premier temps, assurer à l'ensemble des Québécois un approvisionnement en aliments de qualité, à juste prix et bons pour leur santé; accroître l'apport d'aliments dans les assiettes du Québec, dans les tablettes du Québec, dans les restaurants du Québec; troisième objectif, c'est d'avoir un secteur bio qui est prospère, rémunérateur, générateur d'emplois, respectueux de l'environnement et contribuant à l'occupation dynamique du territoire québécois.

En résumé, la Politique québécoise de souveraineté alimentaire, ça vise à mettre en place des conditions qui permettront à nos entreprises de croître et d'occuper la place qui leur revient sur les marchés. Je ne pense pas que j'aie à vous convaincre de l'importance du secteur bioalimentaire, mais c'est peut-être bon de vous le rappeler parce qu'on l'oublie trop souvent, qui que nous soyons. Et, comme il y a peut-être des gens qui écoutent ça puis que nos paroles s'envolent, mais les écrits demeurent, le produit intérieur brut, presque 22 milliards, 7 % du produit intérieur brut total du Québec, presque un demi-million d'emplois — c'est un des secteurs les plus importants en termes d'emplois manufacturiers, je parle du secteur de la transformation alimentaire — puis 12 % de l'emploi total au Québec, puis alors c'est l'équivalent de la population de la ville de Québec.

Alors, si on parle maintenant de l'agriculture en 2012, les recettes monétaires provenant de ce secteur ont dépassé le palier des 7 milliards, et, si on inclut… Conclusion? Si on inclut… Voilà pourquoi il faut prendre soin de notre Québec bioalimentaire, et c'est sûr que cette mesure-là, c'est pour sécuriser davantage le grenier du Québec afin d'augmenter sa croissance, son développement. Merci beaucoup. C'est les remarques préliminaires que je voulais faire.

• (15 h 20) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture et de pêcheries et député de Huntingdon à faire ses remarques préliminaires pour une période maximale de six minutes.

M. Stéphane Billette

M. Billette : Six minutes. Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est un plaisir de vous retrouver. Je pense que c'est rare qu'on doit légiférer au niveau agricole, c'est très réglementé, mais je pense qu'un ajustement de loi a toujours lieu d'être tenu. À ce moment-là, c'est la raison pour laquelle M. le ministre a déposé un ajustement à la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents. Et je pense qu'il faut reculer dans l'histoire un petit peu, bien connaître le milieu, le pourquoi de cette loi-là qui a été déposée, comme j'ai dit, en 1979. M. le ministre était présent à ce moment-là, voilà quelques années.

Et je pense que l'immigration des gens, des acquéreurs de terres, ça a commencé suite à la Deuxième Guerre mondiale, où on a vu des familles hollandaises, italiennes arriver beaucoup dans nos milieux. Ils sont arrivés également avec un savoir-faire qui était intéressant pour le développement du Québec, qui leur a permis de développer des fermes et une région qu'on connaît bien, qui est à proximité de chez nous, les terres noires des Jardins-de-Napierville. Je pense, c'est un exemple… C'est des Van Winden, des Hollandais qui sont arrivés avec des technologies de drainage qui ont permis ce qu'on appelait — excusez-moi le terme — des «swamps» auparavant… On faisait brûler ces terres noires là dans la région de Sainte-Barbe, Saint-Anicet, et ils les ont toutes brûlées. Eux sont arrivés avec une technologie. Donc, c'est un savoir-faire qu'ils nous ont amené ici, au Québec, on doit leur être reconnaissants à ce niveau-là… et qui auront permis de développer des terres probablement les plus productrices au niveau des légumes ici, dans la région, dans un des plus beaux comtés… le plus beau comté du Québec qui est le comté de Huntingdon. Et c'est pour ça qu'on retrouve beaucoup de familles de maraîchers qui sont des Van Winden, des Notaro, des Forino, donc c'est des noms que vous connaissez bien, Mme la Présidente, également. Donc, on voit que les connaissances de l'étranger nous auront permis de développer notre Québec.

On a eu une deuxième vague où, là, beaucoup… des Suisses, des Belges, des Allemands, au début des années 70, se sont portés acquéreurs de troupeaux laitiers, de fermes de grandes cultures, d'où la venue d'une loi en 1979 qui aura permis, jumelée avec la Loi de la protection du territoire agricole… Ces deux lois-là ont permis de préserver un patrimoine propre au Québec, pour les Québécois à ce moment-là et pour, surtout, les consommateurs québécois de pouvoir se procurer des produits faits ici, transformés ici et consommés ici. Et les résultats de ces deux lois-là jumelées ensemble auront un impact important au niveau du Québec. On n'a qu'à penser… ici, au Québec, on parle souvent des propriétaires exploiteurs, c'est près de 84 % des fermes ici, au Québec, qui sont exploitées par les propriétaires eux-mêmes comparativement — on aime souvent ça, des comparaisons — à l'Ontario où c'est 64 % des fermes seulement qui sont des exploitants propriétaires.

Et, tantôt, M. le ministre parlait de la SADAQ, il y a un modèle de la SADAQ qui est le SAFER. Et malheureusement, depuis la mise en place du SAFER, les fermes, en France, sont passées de 50 % propriétaires à 30 % de propriétaires exploitants. Donc, il faut faire attention lorsqu'on avance des choses. Donc, en France, c'est seulement que 30 % des producteurs qui sont propriétaires de leurs terres. Donc, il y en a beaucoup qui sont en location. Quand on parle de 70 % qui ne sont pas propriétaires, c'est complètement la réalité contraire de ce qu'on retrouve au niveau du Québec.

C'est très important de ne pas mélanger le dossier également au niveau des — on peut dire le mot — accaparements ou acquisitions de terres par des fonds d'investissement, qui ont fait couler beaucoup d'encre également, et l'appropriation par des investisseurs étrangers. Je pense qu'il faut faire la distinction, le projet de loi en fait mention. M. le ministre en a parlé dans son allocution, je pense qu'il est important de ne pas mélanger les deux dossiers. Je lisais les mémoires. Des fois, souvent, on déborde sur une track, mais je pense que c'est un projet de loi qui est conforme, qui a besoin d'être revisé. Et comment bien le réviser? C'est le questionnement que je me pose parce que la plupart des gens, que ça soit Desjardins, l'IREC, AGECO, CIRANO… Il y a plusieurs études qui démontrent à ce moment-là… Je ne vous citerai pas les bouts où ils disent que la problématique est marginale, où mon questionnement comme élu, c'est de légiférer sur une allégation de problématique. Est-ce qu'on a vu des cas? Comment ça s'est fait? Est-ce qu'on est en mesure de bien cerner le problème? Le ministre a utilisé les mots : Vaut mieux prévenir que guérir. Mais, avant de guérir, il faut savoir où guérir pour être sûr que le patient ne tombe pas malade à un autre membre de son corps.

Donc, ce que je déplore, c'est que oui, on fait une modification, mais c'est à savoir sur quels faits qu'on peut légiférer à ce moment-là. C'est un questionnement que j'ai. On va rencontrer les gens, ils pourront nous éclaircir. À ce moment-là, M. le ministre pourra nous apporter des précisions. Et on va être heureux, je pense, d'entendre les groupes, qui sont quand même assez nombreux. Malheureusement, plusieurs ont décliné. J'aurais bien aimé entendre la Commission de protection du territoire agricole, qui met en application les deux principales lois, qui sont la loi de la protection du territoire agricole et la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents, mais je pense qu'on pourra voir après avec M. le ministre pour voir s'il n'y a pas une possibilité, suite au retour au salon bleu, à l'Assemblée nationale, du projet en tant que tel… s'il n'y a pas lieu de rencontrer ces gens-là. Je pense que ça pourrait être pertinent et intéressant pour bien comprendre la mise en application de ces deux lois-là et l'interprétation qu'eux en font à ce moment-là. Donc, je pense que ça va être intéressant, on va en apprendre beaucoup. Et, les consultations, je pense que c'est un bénéfice pour chacun des parlementaires ici de pouvoir s'enrichir. Et encore plus intéressant qu'on commence avec la relève agricole, eux qui auront à vivre avec la législation qu'on mettra en application pour les prochaines années. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'agriculture, pêcheries et alimentation et député de Nicolet-Bécancour à faire ses remarques préliminaires pour une période maximale de trois minutes.

M. Donald Martel

M. Martel : Merci, Mme la Présidente. Bon après-midi, M. le ministre, chers collègues députés. En premier, je voudrais remercier les légistes pour le projet de loi, de la façon qu'ils l'ont écrit. Il faut se rappeler qu'il y a toujours un travail dans l'ombre qui se fait, qui est important pour les parlementaires, puis je tenais à le souligner. Je veux remercier aussi le ministre pour le projet de loi. Je pense qu'il répond vraiment à quelques vertus. Je pense, entre autres, à… Il faut se préoccuper du phénomène de l'évaluation des terres, de l'augmentation foncière des terres agricoles. Je partage ce que vous avez mentionné aussi, que c'est important qu'on mette des mécanismes en place pour que les Québécois demeurent propriétaires des terres agricoles. Puis je pense que, quand on fouille ça… Parce que, je me rappelle, on avait entendu parler de ça quand j'étais directeur de la MRC Nicolet-Yamaska, on était inquiets de ce phénomène-là. Ça ne s'avère pas nécessairement, mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas face à un problème, qu'il ne faut pas le prévoir puis qu'il ne faut pas réagir avant de vivre ce problème-là, puis ça, je le reconnais complètement.

Cependant, la seule chose… Je ne parlerais pas de déception, mais peut-être que ce que j'aurais souhaité ou, s'il y a moyen de le bonifier, ce que je souhaiterais… Parce que ça ne règle pas tout le problème de l'augmentation de la valeur foncière des terres agricoles, puis ça, c'est un problème, à mon avis, qu'il faut se préoccuper. Pourquoi qu'il faut s'en préoccuper? Bien, c'est important que ceux qui exploitent le fonds agricole, autant que possible… J'entendais 84 %, c'est une bonne nouvelle, mais il ne faut pas aller en bas de ça, à mon avis. C'est important que ceux qui exploitent la terre, autant que possible, ils en soient les propriétaires. Il faut aussi qu'on se préoccupe du prix parce que, si on veut une relève agricole, il faut que les jeunes soient en mesure d'être capables de se payer les terres agricoles. Puis, quand on perd le contrôle sur l'augmentation, ça devient extrêmement difficile pour la relève agricole de pouvoir devenir des propriétaires d'entreprises.

Puis une autre préoccupation aussi, c'est que plus l'augmentation des terres agricoles évolue, bien, c'est toute une partie du budget afféré au ministère de l'Agriculture, au niveau agricole, qui s'en va parallèlement au niveau municipal, puis je pense qu'il faut s'en occuper parce que… Je ne veux pas enlever des sous au niveau du municipal, mais, si on veut faire une agriculture prospère, bien, c'est important que les budgets qu'on vote au niveau de l'agriculture servent à l'agriculture.

La Présidente (Mme Bouillé) : En conclusion, M. le député.

M. Martel : En conclusion, je veux remercier aussi le ministre pour le processus de consultation. Je suis très intéressé d'entendre tous les intervenants qui vont se présenter devant nous. Merci beaucoup.

• (15 h 30) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. le député. La séance ayant débuté plus tard que prévu, je dois vérifier le consentement des partis, des membres de la commission, à l'effet de terminer à 18 h 30 plutôt que 18 h 15, puisqu'on a commencé plus tard. Je comprends qu'il y a consentement de la part de tous les partis. Merci.

Auditions

Donc, j'invite maintenant les représentants de la Fédération de la relève agricole à faire leur exposé. Bienvenue, M. Audet, Mme Plante. Donc, vous disposez d'une période de 10 minutes, qui sera suivie d'un échange avec les groupes formant le gouvernement et l'opposition. La parole est à vous.

Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ)

M. Audet (Alain) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Ça nous fait plaisir d'être ici. Merci de l'invitation à cette commission. Pour se présenter, bien, moi, c'est Alain Audet, président de la fédération, puis je suis accompagné de Yourianne Plante, qui est coordonnatrice à la Fédération de la relève.

La question des terres, c'est quelque chose qui nous préoccupe grandement à la Fédération de la relève. C'est un sujet d'actualité puis un sujet chaud, disons, dans nos rangs, au sein de nos membres. On a l'honneur de débuter les auditions, on va commencer en douceur. On ne vous fera pas une analyse, disons, notre analyse bien technique du projet de loi en tant que tel. On n'axera pas sur les aspects légaux, les aspects techniques, on va y aller plus avec, disons, nos attentes puis nos préoccupations à l'égard du sujet, la question des terres agricoles. Ça fait que je laisserais la parole à Yourianne, qui va vous faire la présentation.

Mme Plante (Yourianne) : Mme la Présidente, M. le ministre, bonjour. Bonjour, Mmes, MM. les députés. Donc, laissez-moi, tout d'abord, vous présenter brièvement la Fédération de la relève agricole du Québec. C'est une fédération qui regroupe des jeunes de 16 à 39 ans qui sont passionnés d'agriculture. Ils sont soit en formation, en processus d'établissement ou déjà établis, et ce sont des jeunes de toutes les productions.

On a 2 000 membres qui sont répartis dans l'ensemble du Québec, et, depuis plus de 30 ans, la FRAQ travaille à améliorer les conditions d'établissement des jeunes, à les attirer dans le secteur, mais aussi à améliorer leur niveau de formation et d'information. C'est un grand réseau qui permet à la relève de se rencontrer, mais surtout de faire entendre sa voix. Et c'est ce que vous nous permettez aujourd'hui, donc on vous en remercie beaucoup.

On va parler un petit peu des défis pour prendre la relève, les défis d'aujourd'hui. Les défis de la jeune génération, ils ne sont pas forcément ceux de la génération précédente. Aujourd'hui, l'accès aux biens de production est le défi majeur auquel la relève fait face. Une ferme, vous le savez, là, peut valoir jusqu'à 2 millions de dollars, et même parfois plus. Pour la relève, c'est financièrement inaccessible. Et, pour le cédant, bien, on le place dans un dilemme tout à fait malsain : soit qu'il transfère sa ferme à une valeur bien moindre — on parle, là, jusqu'à 80 % de don parfois — ou il se voit dans l'obligation de démanteler sa ferme afin d'en obtenir la valeur marchande.

L'actif agricole qui a évolué le plus ces dernières années, ce sont les terres agricoles, avec des augmentations de prix fulgurantes. Dans certaines régions — on parle surtout au sud du Québec — selon la Financière agricole du Québec, la valeur des terres en culture transigées a augmenté de 34 % en moyenne en 2012.

Donc, si on regarde vraiment au niveau de la problématique des terres, on en vient vraiment à la problématique de financiarisation des terres agricoles. La valeur refuge que représentent les terres en fait un actif financier intéressant et sécuritaire pour les acteurs financiers, mais aussi pour ceux qui la détiennent. Puis ici, bien, on pense aux agriculteurs, évidemment.

La vente des terres ne se base alors non plus sur leur valeur productive, mais sur leur valeur marchande. On assiste à un véritable phénomène de spéculation. Face à ce phénomène, vous comprenez aisément que la relève agricole ne fait pas le poids et que, de ce fait, des établissements agricoles sont compromis. Donc, je vous pose la question : Une relève sans terres compromet-elle notre modèle agricole québécois basé sur des fermes familiales?

Ce n'est pas tant le type d'acheteur que les valeurs des transactions qui bloquent la relève. On en vient au projet de loi n° 46. C'est en cela que nous pensons que la modification de la Loi sur l'acquisition des terres agricoles ne vient pas vraiment répondre au coeur du problème, surtout en ce qui a trait à la relève agricole, que nous représentons ici. L'achat des terres par des non-résidents doit être surveillé et resserré, c'est indéniable. En ce sens, nous pensons que la proposition de modification au projet de loi n'est pas une mauvaise chose... pardon, la loi, en fait. C'est une réponse, par contre, incomplète au problème. Quand on regarde plus en détail les propositions de modification et ce que nous en avons compris, donc, premièrement, le fait de resserrer les critères de non-résidence de l'acheteur et d'ajouter un seuil maximal de 1 000 hectares au total par année est pertinent et vient réellement limiter l'achat à des fins spéculatives ou de refuge financier par des non-résidents.

Ensuite, il y a, par contre, un élément qui nous semble important en ce qui concerne les autorisations d'achat par des non-résidents, ce sont les nouveaux critères qui sont prévus dans le projet de loi pour l'évaluation de la demande à la CPTAQ. Il y a cinq critères importants, dont un que nous trouvons essentiel, c'est l'incidence de l'acquisition sur le prix des terres agricoles de la région. Il est indéniable que toute autorisation doit absolument se faire au regard de ce critère. Nous pensons donc que, dans son analyse, il faut que la CPTAQ prenne en compte l'ensemble des critères proposés par la loi sans en écarter un plus qu'un autre. Mais encore, pour réellement répondre au problème de l'acquisition des terres, nous pensons qu'il faut aller bien plus loin et vite. Il faut d'abord mieux connaître les transactions actuelles en ayant un observatoire public des transactions pour savoir ce qui se passe en temps réel. Il faut une approche régionale. Vous le savez, les réalités sont bien différentes d'une région à l'autre. Et il faut forcément contrer la spéculation. On ne parle pas ici de contrer l'évolution du marché, mais bien de contrer la spéculation, dont la relève se passerait bien. Il faut un processus priorisant la relève agricole et les projets de consolidation d'entreprises. Comment? La meilleure réponse, à nos yeux, est ce que propose l'UPA au travers de l'implantation d'une société d'aménagement et de développement agricole, la fameuse SADAQ, un véritable encadrement public des transactions des terres agricoles au Québec. C'est un outil fort.

Nous pensons également que la venue de la location des terres est une autre possibilité qui viendrait pallier à l'accès impossible à la propriété des terres par la relève. Il faudrait un certain changement de mentalité, soit, mais aussi un encadrement légal de la location, avec des conditions avantageuses pour le locataire, et, pour ça, on pourrait s'inspirer de ce qui se fait en France. Cet encadrement pourrait être assuré par une SADAQ.

En conclusion, nous pensons que ce projet de modification de loi est un petit premier pas vers un meilleur encadrement de l'acquisition des terres, mais largement insuffisant pour répondre à l'urgence du problème et à son caractère interne. Le vrai problème pour la relève agricole, eh bien, ce sont les transactions québécoises, et il va falloir un certain courage politique pour légiférer en ce sens. Ce n'est ni plus ni moins que l'avenir de notre agriculture qui est en jeu. Merci de votre écoute.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Donc, nous allons débuter la période d'échange avec nos invités. M. le ministre.

M. Gendron : Bien, merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Audet, Mme Plante, merci beaucoup. Je sais que votre D.G. ne pouvait pas être présente, mais vous l'avez très adéquatement remplacée comme intervenante principale. Moi, j'ai juste quelques commentaires. C'est toujours plaisant pour des parlementaires de constater que des jeunes ont des opinions. Et, je vous reprends, là, vous dites : On tenait à s'exprimer sur les défis que nous avons comme relève, et vous prétendez — puis vous avez le droit, là — que ce qui est sur la table n'est pas nécessairement… ça ne répond pas au coeur principal de votre réalité. Et je suis pas mal d'accord avec vous parce que, dans la réalité des jeunes, par rapport à cette crainte de ne pas pouvoir permettre aux membres de votre fédération… Parce que, quand même, ça commence à être assez significatif, là, je veux dire, les membres de votre fédération, là, c'est pas mal de monde qui sont présents. Compte tenu de la hausse très, très significative… Le 34 %, on ne l'a pas inventé. Alors, une hausse de 34 % par rapport au coût des terres, c'est peut-être un frein pour des jeunes d'envisager d'y aller.

Vous trouvez que les critères sont relativement adéquats s'ils sont pris en compte et non exclus par la CPTA, vous avez mentionné ça. Moi, j'aurais quelques questions pour éclairer davantage, tout en reconnaissant que c'est un début, ce n'est pas la perfection. Mais vous avez des jugements très déterminés, il faudrait aller beaucoup plus loin, ça presse. Vous avez dit : Plus vite. Ah! plus loin, plus vite. Certains pensent qu'il n'y a rien là, que ça ne presse pas. Donc, j'aime ça vous entendre, mais, en même temps, j'aimerais ça avoir quelques phrases un peu plus marquées, là, sur le «plus vite». Pourquoi, selon vous?

• (15 h 40) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Représentants de la Fédération de la relève agricole.

M. Audet (Alain) : Bon, vous abordez plusieurs points, là. Disons, le projet de loi, oui, on l'accorde, c'est un très bon début. Mais, comme vous avez pu le constater, on trouve que c'est très timide, là, comme début.

Vous avez parlé un peu du prix des terres. Il y a réellement une problématique, là, dans le… Le MAPAQ publie une petite publication, le BioClips que ça s'appelle, là. Le dernier qui est sorti parlait de l'augmentation du prix des terres aux États-Unis. Il parlait de 13 % en moyenne puis d'un 16 % pour les régions productrices de maïs. Ça fait que, quand on compare avec notre 34 % au Québec, là, on peut dire qu'il y a réellement un problème, là. Du côté des États-Unis, il y a eu la sécheresse l'an dernier qui a propulsé le maïs à la hausse, puis les terres ont suivi. Mais, au Québec, on peut constater qu'il y a réellement une problématique, là.

Ensuite de ça, ça presse. Pourquoi ça presse? Quand on a commencé à parler de la question des terres, il y a certains qui vous reprochaient, là, de vouloir légiférer pour rien, qu'il n'y en avait pas, de problème. Mais vous aviez dit que vous aimiez mieux prévenir que guérir. Bien, pourquoi que ça presse, c'est pour prévenir.

M. Gendron : Je trouve que c'est une bonne réponse puis, justement, j'espère qu'on ne reprochera pas à un ministre d'être préventif. Et j'entendais des remarques l'autre côté : Oui, mais il faut savoir le mal. Il n'est pas nécessaire d'avoir un mal. Moi, est-ce que ça me prend un mal pour savoir que l'exercice physique est intéressant pour une meilleure santé générale du physique de l'être humain? La réponse, c'est non, je n'ai pas besoin d'être malade à quelque part. Si tu as des bonnes conditions d'hygiène de vie et que tu mets ce qu'on appelle l'activité physique au coeur de ta vie, je suis sûr que, globalement, la personne, quelle qu'elle soit, elle est plus en mesure de faire face à toutes sortes de situations liées à la maladie, aux inconvénients.

Donc, je suis très heureux de votre réponse. Je voudrais également vous poser la question : Vous autres, là, les jeunes, là — parce qu'on sent que vous êtes préoccupés, puis c'est légitime de l'être, là — un nombre d'investisseurs étrangers, c'est quoi, l'impact que ça pose, leur présence sur nos terres, selon votre analyse? Comment vous voyez ça? Supposons qu'il en arriverait plus qu'on pense dans les prochaines années, comment vous évalueriez l'impact?

La Présidente (Mme Bouillé) : Madame, monsieur.

M. Audet (Alain) : Ce n'est pas tant… Disons, l'impact des investisseurs étrangers, on pense qu'il est quand même relativement minime. Tantôt, on parlait d'où est-ce que tout a parti, là, l'histoire du projet de loi, c'était quand on disait que les Chinois allaient venir tout acheter les terres. Mais ça n'a pas pris bien, bien de temps qu'on s'est aperçus que les Chinois n'étaient pas bien, bien dangereux, là, que le danger, il était beaucoup plus près qu'on le pensait, par des gens vraiment... des gens et des organisations très près de nous. Ça fait qu'en là… c'est pour ça que je vous dis que les acheteurs étrangers, ce n'est pas… oui, il y a une menace, mais il y a une menace beaucoup plus importante beaucoup plus près de nous autres.

À terme aussi — je reviens sur la question du pourquoi ça presse aussi — il y a 40 % des agriculteurs qui vont prendre leur retraite au cours des 10 prochaines années. C'est quand même majeur, là, puis, ces fermes-là, bien, il va bien falloir qu'il y ait quelqu'un qui les achète, là. Oui, peut-être qu'il y en a qui ne sont pas transférables, mais il y en a une très, très grande proportion là-dedans qui mériteraient de survivre, qui mériteraient d'avoir une relève. Puis ce n'est pas l'intérêt qui manque de la part de la relève, là, il y a, bon an, mal an, environ 1 000 finissants qui sortent des écoles d'agriculture, puis ce ne sont pas tous ces gens-là qui réussissent à obtenir, là, une ferme.

Ensuite de ça, des données du MAPAQ, Recensement de la relève établie 2006-2011, on compare un à l'autre, le nombre de transferts non apparentés est en nette diminution. Le pourquoi : une bonne partie de la réponse, c'est parce que la valeur marchande des terres, justement, puis des actifs agricoles dans leur ensemble a monté plus vite que la valeur économique, la valeur de ce que ça peut générer comme revenus, puis ça a monté plus vite aussi que les avoirs propres des propriétaires. Donc, ce que ça implique, c'est que, lors de transferts, ça demande un don encore plus important à faire. Ça fait que le dilemme, là, il est encore plus déchirant, là, pour celui-là qui est sur le bord de prendre sa retraite, là. Il vend à fort prix ou il est obligé de presque tout donner. Donc, moi, je fais un lien direct entre le prix des terres puis le nombre de transferts. Ça fait que, si les terres sont trop chères, il va y avoir moins de transferts.

M. Gendron : Merci de votre point de vue. J'aurai une autre question... deux autres. Rapidement, parce que le temps file. Selon vous, là, dans vos clientèles, dans vos membres, est-ce que vous croyez que ça aurait brimé une éventuelle acquisition par la relève — là, je ne parle pas du prix pour le moment — le fait que vous aviez été informés qu'un certain nombre de terres auraient été acquéries par des résidents étrangers? Est-ce que, juste en termes d'infos, de connaissances, est-ce que vous avez des cas d'espèce à nous soumettre de votre groupe, qui s'appelle la Fédération de la jeune relève du Québec? J'aimerais ça, savoir ça, si vous avez déjà entendu parler de ça, quelqu'un, membre de la FRAQ, qui aurait dit : Bien, regarde, moi, là, j'ai deux jeunes qui auraient voulu se lancer, puis ils avaient visualisé telle acquisition, puis ils n'ont pas pu la compléter parce qu'entre-temps cette acquisition-là qu'ils visaient a été acquérie par des résidents étrangers.

M. Audet (Alain) : Donc, votre question, c'est que vous voulez avoir des cas spécifiques, là, de…

M. Gendron : Si, à votre connaissance, il y a des membres de votre fédération qui vous ont informés que la situation qu'on discute a constitué pour eux un problème de non-acquisition.

M. Audet (Alain) : Il faudrait revérifier plus en profondeur, mais, à ma connaissance, de mémoire, je dirais que, par des étrangers, non, par des locaux, oui.

M. Gendron : Merci. Oui, bien, ça, on l'a entendu. J'aimerais savoir aussi… Parce que vous avez parlé, je crois, que le 1 000 hectares annuellement, c'est quand même un frein limitatif qui est intéressant pour vous. Alors là, je vous pose directement la question : Est-ce qu'une superficie de 1 000 hectares annuellement, c'est une limite raisonnable, acceptable? Et, si vous aviez des suggestions à nous faire, c'est quoi, le rationnel qui le soutient pour d'autres chiffres, autres que celui qu'on voudrait adopter?

M. Audet (Alain) : Concernant le 1 000 hectares, je pense qu'il est raisonnable, là. Disons qu'au début on n'était pas trop sûrs, vous l'aviez mentionné tantôt. Certains peuvent avoir interprété que c'était 1 000 hectares par demandeur, mais ce qui n'est pas le cas, là, c'est 1 000 hectares au total à se partager entre tous les demandeurs. Puis, d'après ce que j'ai pu comprendre, c'est premier arrivé, premier servi. Donc, là-dessus, je ne pense pas que le 1 000 hectares soit nécessairement problématique, là.

M. Gendron : Là, peut-être la dernière : Est-ce que vous avez vraiment laissé voir que vous aviez une crainte que les critères… Parce que je m'en rappelle très bien, là, vous avez parlé de cinq critères, puis là vous dites : Il y en a une couple qu'on aime beaucoup, mais, dans le fond, on les aime tous, puis il faudrait avoir la garantie que la CPTAQ les prenne globalement et qu'elle n'exclue aucun de ces critères-là si on veut que ça ait l'effet souhaité. Mais, pour dire ça, c'est que vous avez une certaine inquiétude par rapport au jugement de la CPTAQ, qui aura l'occasion et la responsabilité d'assumer la continuité de l'application de la loi. Est-ce que vous pourriez me donner quelques exemples? C'est-u dû à des inquiétudes ou si, dans votre tête, c'est clair que ces cinq critères-là sont intimement liés, et il faut absolument qu'ils restent imbriqués les uns dans les autres pour être certain d'avoir une décision plus équitable?

M. Audet (Alain) : Je pense que oui, qu'ils devraient être… il faut que les cinq critères soient considérés, puis ils sont un peu interdépendants les uns des autres, là. C'est sûr qu'il y en a qui ont plus d'impact que d'autres, il y en a qui sont plus importants que d'autres. L'incidence sur les prix des terres dans la région concernée, là, ça, c'est le critère majeur. Puis même, pour aller plus loin que ça, il faudrait que la CPTAQ utilise ce critère-là pour des demandes pour des résidents, même.

M. Gendron : O.K. Bien, moi, je vous remercie beaucoup. Je fais juste vous indiquer que, si jamais vous avez le goût de nous envoyer… Parce que j'ai bien compris, là, c'est largement insuffisant. Puis là, à un moment donné, les qualificatifs, des fois, variaient, puis c'est légitime. Des fois, ils étaient un peu moins durs, là, il y avait quand même un bon début. Alors, entre largement insuffisant puis un très bon début, la démarcation n'est pas simple. Vous dites : Il faudrait aller beaucoup plus loin pour… Le problème est à l'interne, les résidents. Alors, si vous avez des suggestions pour aller plus loin, j'aimerais ça les entendre. Mais rappelez-vous que la loi qu'on va étudier, là, c'est pour, effectivement, freiner les appétits des résidents étrangers sur nos terres. C'est ça, le projet de loi. Donc, est-ce qu'il y aura lieu, à un moment donné, d'envisager d'avoir des dispositions différentes pour notre vécu à l'intérieur du Québec? C'est clair que oui. Mais là il va falloir que je fasse un autre projet de loi, ce n'est pas celui-là. Merci beaucoup.

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, M. le ministre. Si vous avez des documents à envoyer ou des commentaires, je vous invite à les transmettre à la secrétaire de la commission, qui verra à les transmettre au ministre et aux membres de la commission. D'accord?

Nous allons maintenant débuter l'échange avec les députés de l'opposition en commençant par l'opposition officielle. M. le député de... Huntingdon.

M. Billette : Vous avez eu un moment d'hésitation, Mme la Présidente, mais...

La Présidente (Mme Bouillé) : C'est un petit moment de...

M. Billette : Oui, j'ai vu ça. Bien, merci beaucoup, M. Audet et Mme Plante. Je pense, très intéressant… C'est toujours, je veux dire, valorisant pour les gens ici de pouvoir voir notre relève, nos jeunes s'exprimer. Je pense, c'est important. Malheureusement, j'ai fait partie de votre groupe, mais j'ai été exclu en raison de critères sélectifs il y a maintenant deux ans. Donc, vous avez un critère d'âge qui m'a auto-exclu à ce moment-là de votre relève agricole. Mais je trouve ça très intéressant, votre présentation.

C'est sûr et certain qu'on parle de l'acquisition des terres par des étrangers ici, en commission parlementaire. Le projet de loi n° 46 le stipule en ce sens. Mais je pense que votre problématique, votre vision est beaucoup plus large qu'un projet de loi, lequel est étudié aujourd'hui, puis c'est intéressant de pouvoir profiter de la tribune qui nous est offerte ici, à l'Assemblée nationale, pour échanger sur d'autres sujets également. Je pense que votre vision est très claire au niveau du projet de loi n° 46.

Le ministre a parlé tantôt de cinq critères qui sont reliés à la loi, là, que ça soit au niveau du terme, du temps de résidence, des choses comme ça. Selon votre connaissance — vous avez dit «oui, c'est cinq critères très importants» — est-ce qu'il y a des cas pour des investisseurs étrangers où il y aurait lieu, à ce moment-là, de dire : Des critères, on peut en laisser tomber, ou la CPTAQ aurait une certaine marge à ce moment-là, ou dire: Vraiment, il faut que ces cinq critères-là soient appliqués à la lettre et de façon très importante, ou… Parce que c'est quand même un tribunal administratif, là, une commission de protection du territoire agricole, je pense que le mandat, c'est de protéger notre milieu agricole, nos productions, et est-ce que, selon vous, ces cinq critères-là doivent absolument, sans aucune raison valable, être implantés dans les décisions au niveau des investisseurs étrangers?

M. Audet (Alain) : Moi, je pense que oui, que les cinq devraient être considérés. Là, ce que vous parlez, ça semble être plus des cas d'exception. Des cas d'exception, ça le dit, c'est des exceptions. Ça fait qu'il faut qu'il y ait vraiment une maudite bonne raison puis une très bonne justification pour déroger à ces critères-là, selon moi. Ça fait que oui, je pense que les cinq vont ensemble, puis ils sont indissociables.

M. Billette : O.K. Je n'ai pas d'information, ça s'est-u déjà… Excusez, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bouillé) : Allez-y.

M. Billette : …ça s'est-u déjà fait à ce moment-là, tu sais, dans la loi passée ou il y aurait peut-être lieu d'ajouter dans la loi : Il faut vraiment que les cinq critères, sans discrimination à l'égard de l'un, soient appliqués à la lettre, de façon rigoureuse de la part du tribunal en tant que tel, qui est la CPTAQ?

M. Audet (Alain) : Vous demandez s'il y a des... Je n'ai pas trop saisi votre question.

M. Billette : Avez-vous eu des exemples où ça n'a pas été impliqué dans la loi...

M. Audet (Alain) : Ah! pour, peut-être, de même, je n'ai pas d'exemple vite comme ça, là, par coeur, là, mais... Je ne sais pas où est-ce que vous voulez en venir avec votre question, mais…

M. Billette : Non, non, non, je vous pose juste la question si ça a toujours été appliqué parce que, des fois... On est des législateurs et on veut améliorer la loi. Je veux dire, il faut-u vraiment que ça soit... ou il y a des fois, pour certaines raisons...Parce qu'il faut voir également… avoir une perspective d'avenir lorsqu'on fait une législation pour s'assurer, à ce moment-là, que la loi soit conforme et qu'elle soit appliquée de la manière que les législateurs le déterminent à ce moment-là. Puis je pense que, votre réponse, c'était clair, c'était oui, effectivement, ils devraient être appliqués de façon conforme. Au niveau de la...

M. Audet (Alain) : Sur les...

M. Billette : Oui. O.K. Au…

M. Audet (Alain) : Juste sur les critères, même, en passant, ils sont quand même assez... Disons, il y a certains critères qui mériteraient peut-être d'être précisés, là. Il y a certains critères qui sont peut-être un peu plus flous que les autres, là, mais ça, on rentre plus dans le technique, là. Mais ils sont quand même assez larges, les critères, ils ne sont pas... Disons, je ne pense pas qu'ils limitent tant que ça, là... Oui, les critères sont là pour assurer une limitation, mais ils ne sont pas, comment... contraignants, je veux dire, ils ne sont pas... tu sais, ils sont quand même assez larges, là, pour habiller tout le monde, là.

M. Billette : O.K. Avez-vous un exemple — je ne le sais pas, là, dans les cinq critères, vous m'avez dit : Il y en a peut-être qui sont plus larges que d'autres — juste pour m'éclairer parce que... pour être plus précis, s'il vous plaît?

M. Audet (Alain) : Bien, le troisième, les effets sur le développement économique, tu sais, qu'est-ce que ça veut dire, ça, au juste, tu sais, c'est... Est-ce qu'on va favoriser une entreprise, mettons, qui veut s'implanter en zone agricole puis qui n'est pas du domaine agricole, vu qu'il y a des retombées économiques, là? Parce que c'est dangereux, là, au détriment... puis ça va se faire au détriment de l'agriculture, là. C'est un peu un exemple comme ça, là, que je vous donne, là.

M. Billette : O.K. Si j'ai bien compris, la relève — et je l'ai vécu également — il y a deux secteurs : il y a la transition qu'on peut appeler familiale, ce qui est communément appelé lorsque la vente d'une mère ou d'un père à sa fille ou à son garçon... et il y a le transfert de ferme non apparenté, donc quelqu'un qui n'a pas de culture familiale en agriculture qui dit : Demain matin, je me lance en agriculture. Et vous avez perdu… vous avez parlé, là, c'est environ 80 % de la valeur lorsqu'on parle du familial. Y aurait-u lieu, dans une autre étude, de parler peut-être d'outils fiscaux, à ce moment-là, qui favoriseraient ce transfert-là ou d'outils-conseils?

Mais je veux revenir sur la relève non apparentée. Vous avez mentionné que le nombre est en diminution de façon très importante. Vous avez parlé également, juxtaposé à une augmentation de l'actif, qui est de 34 % pour cette année, l'augmentation du niveau des terres... Et il y a un outil actuellement qui est en place qui permettrait à nos jeunes peut-être d'avoir une vision d'agriculture émergente, de nouvelles façons de faire de l'agriculture, de nouvelles cultures qui s'appellent les plans de développement de la zone agricole. Est-ce que vous ne pensez pas que ces outils-là pourraient devenir une source de référence, s'ils étaient bien documentés, pour nos jeunes qui disent : Demain matin, je veux me lancer en agriculture, qu'est-ce que vous avez à m'offrir? Exemple, je veux me lancer en acériculture. Est-ce que vous pensez que ça ne pourrait pas devenir un outil essentiel, incontournable pour les jeunes qui sont non apparentés au niveau de l'agriculture?

M. Audet (Alain) : Oui, les PDZA, je pense qu'ils sont appelés à jouer un rôle, là, dans le développement de l'agriculture. C'est quelque chose qui est vraiment local, régional, là, c'est ancré, là, dans les régions. Mais le PDZA, c'est sûr, ça reste un plan, là, ça n'a pas... Je ne connais pas par coeur toutes les structures des PDZA, là, je ne suis pas ferré sur ce bout-là, mais ça reste que c'est un plan de développement, ça n'a pas de moyens en soi, là. Je veux dire, c'est un outil, mais c'est... disons que ça prend peut-être un peu plus que ça, là. Disons que ça... Comment je dirais ça? C'est… Bien, c'est ça, il n'y a pas de moyens de rattachés à ça, là. C'est beaucoup de la volonté, de la bonne volonté, mais il n'y a rien de tangible, là. C'est dur de...

M. Billette : O.K. Ce serait de le rendre tangible à ce moment-là, et d'offrir, à ce moment-là, ce qu'on retrouve, des opportunités d'affaires agricoles à ces jeunes-là via les PDZA. C'est pour ça, des fois... Parce que vous avez parlé d'une SADAQ, peut-être que c'est quelque chose... un organisme pourrait faire la promotion. Exemple, telle région, on a des boisés où il y aurait une possibilité d'acériculture, et, malheureusement, ils ne sont pas exploités. C'est le but de maximiser, d'utiliser la capacité agricole de nos sols à ce moment-là, le PDZA. C'est pour ça, je voyais un petit peu... Vous avez parlé tantôt d'un organisme pour soutenir ça. Et, si on veut avoir une opportunité en agriculture, il faut connaître notre capacité. Et c'était le but de ça, puis je pense que c'est un outil qui pourrait aider éventuellement la relève agricole.

Vous avez parlé tantôt, aux États-Unis, le prix des terres a augmenté de façon beaucoup moins importante. Vous avez parlé, si ma mémoire est bonne, de 11 % versus environ 35 % ici. La plupart des achats sont financés, et, au Québec, on ne se fera pas de cachette, il y a deux principales institutions qui supportent. Il y a — excusez le terme anglais — Farm Credit, société du crédit agricole, le fédéral, comme on appelle, et il y a également La Financière agricole du Québec. Si on regarde l'augmentation des fermes qu'on a eue ici versus ce qu'on a eu aux États-Unis, il y a des financiers, quand même... Je n'en connais pas beaucoup qui vont acheter leur ferme sans emprunter ou qui arrivent, qui la paient avec des liquidités propres, à même leur compte épargne de leur institution financière. Est-ce que — puis ça, c'est une question que je n'ai pas la réponse, je vous la demande — vous pensez que le crédit est trop facile pour avoir une augmentation? Parce que, veux veux pas, si les terres augmentent, là, à un coût excessif de 34 %, ces fermes-là sont financées quand même, puis on voit, aux États-Unis, qu'il y a une augmentation beaucoup moins importante. Est-ce que c'est un questionnement sur le financement, l'accessibilité au crédit ou c'est d'autres critères qui pourraient intervenir à ce moment-là pour créer cette inflation-là si importante qu'on a ici?

M. Audet (Alain) : Là-dessus, évidemment, ça, les taux d'intérêt bas, puis tout ça, on est dans un contexte que c'est beaucoup plus facile. Oui, l'accès au crédit est quand même facile, peut-être trop facile. Je ne suis pas là pour en juger ou pas, là, mais je pense qu'il y a une problématique, là, du côté du crédit. Puis, la valeur des terres, disons, si on pose la question : Qui a intérêt à ce que les terres continuent de prendre de la valeur?, il y a deux réponses possibles, là, les vendeurs puis le milieu financier. Ça fait que c'est ça qui est ça, là.

• (16 heures) •

M. Billette : Ce qu'on appelle en finance le ROI, c'est le retour sur l'investissement. Donc, quand on a des prix, à savoir, qui sont trop élevés, le banquier, en principe, devrait savoir que tu n'auras pas de retour sur ton investissement à un pourcentage de rentabilité. Donc, il y a souvent des questionnements à ce niveau-là.

Une autre question également pour les jeunes, on parle des terres, de l'achat des fermes, de la disponibilité des outils. C'est votre outil de production, veux veux pas, une terre, là, en tant que telle, et on parle du renouvellement d'une loi ici, il y a une autre loi. On a parlé de deux lois. Il y a celle-ci, sur l'acquisition des terres par des non-résidents, qui aura… Je pense que — on regarde les chiffres — les deux lois ont été bénéfiques, la Loi de la protection du territoire agricole et également cette loi-là qu'on est en train de réviser à l'heure actuelle. Et il y a un article de loi de la Loi de la protection du territoire agricole que beaucoup de jeunes me parlent, surtout au niveau de la relève non apparentée, qui est le morcellement des terres, il y a des propositions. On sait qu'au-dessus de 100 hectares... Il y a quand même un nombre qui est mis, qui est situé à 100 hectares à ce moment-là. Est-ce que cela représente un frein pour la relève non apparentée qui dit : Moi, j'ai un voisin ou une connaissance dans un milieu rural, je veux me porter acquéreur d'une ferme? C'est sûr qu'acheter 100 hectares en partant, au prix que sont rendues les fermes à l'hectare, on oublie le rêve, à moins d'avoir une mise de fonds qui est exceptionnelle, mais est-ce que le morcellement des terres en tant que tel, avec un seuil à 100 hectares, devient un frein important au niveau de la relève non apparentée? Ou même apparentée, des fois, quelqu'un qui veut acheter un lopin de terre de son voisin ou quelque chose de ce style-là.

M. Audet (Alain) : Au niveau du morcellement, on ne se cachera pas que oui, pour certains, ça... Il y a des cas même précis, là, que ça a été un obstacle, mais qu'ils ont réussi à passer au travers. À la CPTAQ, là, ils ne sont pas tous... ce n'est pas nécessairement du monde sans génie qu'il y a là, là, c'est du monde qui ont une tête sur les épaules. Ils sont capables de voir aussi le projet, si c'est un projet agricole ou si c'est, disons, de l'agriculture, mais que c'est maquillé, c'est autre chose qui est maquillé en agricole, là, c'est du résidentiel ou autre chose qui est maquillé.

Quant au morcellement, moi, je pense qu'il faut être très, très prudent sur ça, justement pour éviter les abus et éviter les faux cas, les fausses relèves agricoles puis les faux démarrages. Ça, c'est à faire bien attention. Mais, à ma connaissance, là, la grande majorité des demandes de morcellement à la CPTAQ ont été acceptées.

M. Billette : Merci beaucoup. Je veux compléter, Mme la Présidente. Je pense que vous avez ouvert une porte. C'est sûr et certain que ça ne touche pas le projet de loi, mais je pense qu'il faut faire le tour de la question avec vous des différents sujets. Vous avez abordé ici, en commission parlementaire… vous avez parlé d'une SADAQ. C'est, une SADAQ, un organisme qui est beaucoup calqué sur ce qu'on retrouve en France, qui s'appelle une SAFER. J'ai donné des chiffres tantôt d'entrée de jeu. Vous avez dit : Nous, on veut avoir une agriculture de propriétaires agriculteurs exploitants de la ferme. Et, lorsqu'on regarde les chiffres au niveau de la France, qui sont actuellement à 30 % de fermes exploitants propriétaires et... C'est un questionnement, je n'ai pas d'idée de faite sur une SADAQ. C'est-u bon? On ne le sait pas. On explore quand même les modèles puis les résultats qui ont été donnés à l'extérieur, et ça ne vous fait pas peur quand vous voyez ça, les résultats qui ont été... à partir du SAFER, quand on voit qu'il y a seulement que 30 % maintenant en France? C'était 50 % lorsque le SAFER s'est mis en place, et, quelques années plus tard, on est rendu seulement qu'à 30 % de propriétaires exploitants.

M. Audet (Alain) : Bien, disons, oui, la SADAQ, là, ce que proposait l'IREC et puis ce que l'UPA endossait aussi, oui, c'est inspiré des SAFER en France, mais on n'est pas obligés de calquer intégralement, là, ce qui se fait. Bon, première des choses. Ensuite, en France, le contexte français... Tu sais, on a beau dire nos cousins français, mais ils sont très différents de nous autres. Le contexte, disons, social est très différent. Premièrement, par la loi, la loi sur les successions, en France, on ne peut pas déshériter un enfant, c'est un principe, là, de... pas d'équité, d'égalité. Au Québec, on est sur un principe d'équité, en France, un principe d'égalité. Ça fait qu'au décès, sur la succession, bien, ce que tu as, il est divisé également entre les enfants. Au Québec, bien, ce n'est pas tout à fait comme ça. Bon, première des choses.

Puis ils ont une culture aussi… ils sont très attachés au patrimoine. Il y a beaucoup de petits lots, puis, quand il arrive des choses comme ça, quand il y a des décès, des successions, les terres sont redivisées. Ça fait que les enfants, ils ont chacun un petit lopin de terre, puis ils ne sont pas nécessairement intéressés à le vendre, mettons, à soit leur frère ou quelqu'un d'autre, là, qui est agriculteur. C'est leur patrimoine familial, c'est une partie d'eux-mêmes, ils veulent… C'est émotif au boutte, là, ils veulent garder ça, c'est le patrimoine familial. Ça fait qu'ils sont très attachés à ça. Ça fait que c'est pour ça qu'en France il y a beaucoup, beaucoup de très petits lots propriétés de gens, de gens de la ville, là, ou de gens qui ne sont pas agriculteurs, là. Ça fait que c'est ça, le contexte est quand même très différent du Québec, là. Ça fait qu'il faut faire attention un peu avec les chiffres, là.

M. Billette : Questionnement également au niveau… On va parler des SAFER parce que je pense que c'est le modèle qui nous a été référé. Il y a le droit de préemption qui va décider à ce moment-là souvent. Là-bas, c'est des élus locaux et régionaux associés à des syndicats qui déterminent à qui va aller la ferme à ce moment-là. C'est sûr et certain que, si M. Audet a sa ferme à vendre, celle du voisin est à vendre, puis c'est un élu qui est dans une MRC ou à quelque part qui détermine, mais il n'a pas la ferme, bien, je pense que ça va faire des frictions. Ils ont cette situation-là en France qu'ils doivent vivre.

Mais il y a surtout le SIM — c'est la superficie d'implantation minimale — qu'ils ont dans le SAFER en tant que tel, qui porte des terres… Là-bas, la plus grosse ferme qu'on peut avoir, tu peux avoir trois fois le modèle. Ils ont passé de 40 hectares à 25 hectares. Ça veut dire que les plus grosses fermes qu'on aurait au Québec, ça serait 75 hectares. 75 % de nos produits… pas 75 %, un bon pourcentage de nos produits sont exportés, que ça soit des produits primaires... Je vois, il y a des maraîchers ici qui exportent beaucoup aux États-Unis. Et, lorsqu'on arrive à 75 hectares, il faut quand même voir à une répartition d'un actif ou des frais fixes, à ce moment-là, de la ferme. Pensez-vous qu'on va pouvoir continuer à être compétitifs avec un modèle qui se compare à la France, où c'est 25 hectares sur la répartition, à moins de créer des CUMA puis des CUMO un peu partout, là, qui est un autre modèle peut-être à améliorer? Mais vous ne voyez pas ça un petit peu comme un danger au niveau de la SIM?

M. Audet (Alain) : Comme je vous dis, c'est inspiré des SAFER, mais ce n'est pas les SAFER, là, disons, la SADAQ. Il n'y a rien qui empêche de prendre ce qui se fait de bon ailleurs puis de l'implanter ici. Mais, ce qui ne fait pas notre affaire, on ne le prend pas, là. Si c'est quelque chose, le plafonnement du nombre de superficies qu'on peut avoir en propriété… si, vraiment, ça ne passe pas au Québec, bien, on ne le prend pas, là. C'est aussi simple que ça, là.

Si vous me parlez d'un aspect vraiment très précis, très technique, là, des SAFER, là, bien, on n'est pas obligés de l'appliquer intégralement, là. On peut s'en inspirer grandement pour mettre quelque chose en place, mais…

M. Billette : Au niveau des SADAQ, est-ce que vous pensez… Si on regarde le modèle, qui est le sujet qui a sûrement été le plus discuté lorsque les gens ont évalué le SAFER, c'est le droit de préemption. C'est quoi, votre position à ce niveau-là?

M. Audet (Alain) : Bien, au niveau de la relève, le droit de préemption, je pense qu'il est nécessaire parce que, si on met quelque chose en place, ça lui prend une poignée, ça lui prend des dents, ça lui prend des moyens. On met une structure en place, mais on ne lui donne pas de moyens, on ne lui donne pas de pouvoirs. Ça fait que ça lui prend le droit de préemption.

Puis, le modèle français, bien, la SAFER, quand la SAFER achète une terre… Bon, la SAFER, premièrement, elle n'est pas obligée d'acheter toutes les terres, là, première des choses. Quand ils achètent une terre, sa mission première, c'est d'établir un jeune dessus. Ça, c'est son premier objectif. Si elle n'en trouve pas ou si ça ne marche pas, là, c'est des producteurs existants, consolider des entreprises ou... Là, il y a une gradation, il y a un processus à suivre. Ça fait que, là-dessus, ça, à notre avis, là, c'est indispensable, là, d'avoir ça au Québec. Si on aurait une structure de ce genre-là… La priorité relève, là, c'est quelque chose qui doit être dans cette structure.

Mme Plante (Yourianne) :

M. Audet (Alain) : Oui. Quant à ça, c'est ça. Ma collègue me chuchote à l'oreille, elle dit : Sinon, c'est le privé qui va s'en occuper. Bien, c'est ça qui risque d'arriver, là. Parce que le but de la SADAQ, c'est… Là, on le voit, il apparaît différents fonds d'investissement privés. Le but de la SADAQ, c'est d'avoir une organisation publique transparente. Puis le but de ça, c'est de canaliser les capitaux, les capitaux à être investis dans l'agriculture. On voit qu'il y a un intérêt pour certains investisseurs pour l'agricole. Bien, s'il y aurait moyen de canaliser ces capitaux-là au même endroit, une sorte, disons, une sorte de caisse de dépôt agricole ou une sorte de fonds fiscalisé agricole, quelque chose pour… Quelqu'un veut investir en agriculture, bien, ça passe par là, ça passe par ce… Appelons-le SADAQ, mais on peut lui donner le nom qu'on veut. Mais ça passe par ce fonds-là. Ça prend, disons, un canal pour emmener ces capitaux-là pour le développement de toute la filière, là. Pas seulement les agriculteurs, on parle aussi de toute la filière bioalimentaire, en fin de compte, là. Ça fait que ce qu'on vous propose là, c'est un véritable projet de société, là. Il faut avoir une certaine vision, là, de ça, là. Mais ça prend...

• (16 h 10) •

M. Billette : ...

M. Audet (Alain) : Juste pour terminer, ça prend un certain courage ou volonté politique, là, pour aller là-dedans.

M. Billette : C'est-u un outil qu'on pourrait appeler, genre, SOQUIA, FIRA ou… Au lieu d'avoir les investissements directement qui deviennent… Les menaces que vous entrevoyez pourraient devenir un outil, un petit peu comme Desjardins a fait, qui ont investi dans un fonds avec le Fonds de solidarité et la Financière agricole, qui ont créé un fonds de 75 millions qui s'appelle le FIRA. Est-ce que c'est le genre d'outil que vous avez besoin, dire : Oui, ceux qui ont des capitaux à développer en agriculture pourraient passer par une porte qui permettrait aux jeunes, à ce moment-là, de prendre une relève aux exploitants agricoles, ce qu'on appelle... Il peut s'appeler le nom qu'on veut, mais ça serait un modèle calqué comme ce qu'on avait au niveau de la transformation sur la SOQUIA auparavant avec la SGF ou FIRA, tel que vous connaissez, puis je pense qu'il avait été proposé même par votre fédération à l'époque.

La Présidente (Mme Bouillé) : M. Audet, en 10 secondes, c'est oui ou c'est non.

M. Audet (Alain) : Oui, le FIRA pourrait jouer un très grand rôle dans cette structure-là. Puis, pas juste le FIRA, il y a aussi la CPTAQ, même le registre foncier du Québec aussi. Toutes les données des transactions, là, c'est tout perdu dans le registre foncier, il n'y a rien de... les données ne sont pas extraites. Ça fait que c'est de mailler tout ça ensemble pour arriver à faire de quoi de service, en fin de compte.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer la parole au député de Nicolet-Yamaska.

M. Martel : Bécancour.

La Présidente (Mme Bouillé) : Bécancour. Aïe, vraiment, là!

M. Martel : Vous êtes pardonnée.

La Présidente (Mme Bouillé) : Je vais prendre un autre… Oui, oui, c'est correct.

M. Martel : Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Premièrement, bravo pour la présentation de votre mémoire, mais bravo de profiter de la tribune pour exprimer tout ce que vous… les besoins que vous avez. Je pense que c'est un bon endroit pour le faire. Puis je n'ai pas beaucoup de temps pour vous poser des questions, je vais essayer de regrouper tout ça dans la même. Mais j'aimerais ça passer beaucoup plus que cinq minutes avec vous parce que, sincèrement, la relève agricole, c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup. Il y a des fermes chez nous, c'est la sixième, la septième génération, puis je suis inquiet, là, pour la suite des choses.

Juste un petit correctif de ce que vous avez mentionné tantôt. Quand vous avez répondu à une question, là : Ça fait l'affaire de qui, l'évaluation haute des terres agricoles?, vous avez dit le vendeur puis les services financiers. Moi, je vous rajouterais : Ça fait l'affaire des municipalités aussi et ça fait l'affaire des commissions scolaires aussi. Ça fait l'affaire des commissions scolaires aussi.

Moi, je veux vous demander, qu'est-ce qui vous brime le plus dans le fait de vous partir en agriculture? J'aimerais savoir si c'est le prix, premièrement, qui est le plus important, puis est-ce qu'on vous donne suffisamment de moyens, est-ce qu'il y a suffisamment d'outils. Le ministre, dans sa politique de souveraineté alimentaire, il a rajouté des éléments pour la relève agricole. Je voudrais savoir si ça vous convient aussi parce que — puis je vais terminer là-dessus — moi, quand j'étais au niveau du CLD, on avait des programmes pour la relève. Mais, tu sais, dans un cadre financier des entreprises, je dirais, à part l'agriculture, des fois, c'est des projets de 100 000 $, 150 000 $, on va donner 5 000 $ de subvention puis 25 000 $ de prêt, puis on va être capable de faire un bon montage financier. Mais, par rapport aux fermes, je pense qu'on est beaucoup plus que ça, là. Ça fait que je voulais savoir principalement si le prix des terres, c'était un des plus grands obstacles pour vous autres.

M. Audet (Alain) : Oui, effectivement. La réponse courte, c'est oui, là. Mais ce qui brime, c'est le prix des terres puis des actifs en général, là. Dans l'agriculture, là, ça prend environ 5, 6 $ d'actif pour générer 1 $ de revenus, tandis que, dans bien d'autres domaines de… dans d'autres business, c'est l'inverse, là, avec un dollar d'actif, tu peux générer cinq, 10 $, 15 $ de revenus. Ça fait que, déjà là, l'agriculture, ça demande une très, très forte capitalisation.

Puis ce qui brime, ce n'est pas nécessairement le prix. Question des terres... Que les terres augmentent raisonnablement, c'est correct puis c'est une bonne chose en soi. C'est quand l'augmentation est déraisonnable puis qu'elle est due à la spéculation, là ça devient un problème. Puis ce n'est pas nécessairement ce que ça coûte, mais plutôt ce que ça rapporte. Le prix des terres augmente, l'endettement des fermes augmente, mais le prix des produits augmente, mais légèrement. Les courbes ne se suivent pas. Ça fait que l'écart entre la valeur des actifs puis ce que ça génère, entre la valeur marchande puis la valeur économique, est toujours de plus en plus grand, puis ça, ça cause un réel problème.

Ensuite, vous parliez d'outils. Oui, il y a des outils, il existe des programmes, mais je pense qu'on pourrait en faire encore plus. Puis il existait même… auparavant, il existait au MAPAQ une… il y avait une politique jeunesse qui n'avait pas été renouvelée et qui avait un volet financier, le Plan en faveur de la relève, que ça s'appelait. Il y avait quand même des bons outils là-dedans, puis il y a des jeunes, là… des beaux cas d'entreprises qui ont démarré, puis qu'il n'y a personne qui y croyait, mais ils sont encore en business à matin, là. Puis ça a eu des effets très structurants, ce plan en faveur de la relève là. Puis il y avait même là-dedans, si je me rappelle bien, il y avait un volet qui touchait les terres remises en culture, là, de terres en friche, des choses comme ça, il y avait un volet là-dedans qui touchait ça. Ça fait que ça, c'est un outil qui, à notre avis… des outils qu'on a perdus, là. Reste à voir s'il y aurait une volonté de reconduire ces outils.

La Présidente (Mme Bouillé) : Il vous reste du temps, monsieur…

M. Martel : Oui? Je voulais savoir si… Par rapport à l'ensemble du Québec, là, est-ce qu'il y a des différences entre la capacité de pouvoir lancer une entreprise agricole dépendamment des régions où on habite? Si je pense, chez nous, Nicolet-Bécancour, le prix des terres était beaucoup plus élevé qu'à d'autres endroits. Est-ce que ça a une importance, ça, quand vous regardez la composante de votre groupe?

M. Audet (Alain) : Oui, énormément. Disons que, qu'on soit en Montérégie, ou qu'on soit en Abitibi, ou qu'on soit au Bas-Saint-Laurent, c'est sûr, les rendements de culture puis le type de culture ne seront pas nécessairement les mêmes. Mais le prix des terres, ce que ça demande à supporter financièrement, disons, en Montérégie, c'est pratiquement intenable, là. Quelqu'un qui part de rien, là, c'est impossible, là. Il faut qu'il s'expatrie en région plus éloignée, là.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. C'est tout. Donc, je vous remercie beaucoup, monsieur, madame de la relève agricole, de la Fédération de la relève agricole.

Je vais demander maintenant au Conseil des entrepreneurs agricoles de prendre place à la table des invités et je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

(Reprise à 16 h 20)

La Présidente (Mme Bouillé) : Nous reprenons donc nos travaux. Nous allons inverser, donc, l'ordre des présentations et accueillir les représentants de Solidarité rurale du Québec. Bienvenue. Et je souhaite que vous vous présentiez, et faire votre exposé pour une durée maximale de 10 minutes, qui sera suivi d'un échange. La parole est à vous.

Solidarité rurale du Québec (SRQ)

Mme Bolduc (Claire): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, MM. les membres de la commission, merci d'accueillir Solidarité rurale. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Christian Thivierge, qui est le secrétaire général à Solidarité rurale du Québec, et de Caroline Jacob, qui est conseillère à la recherche dans notre organisme.

Vous avez reçu probablement un document qui résume nos propos, alors je passerai sous silence dans ces 10 minutes qui est Solidarité rurale du Québec. Simplement vous rappeler qu'on milite pour le fait rural, pour le droit des ruraux à la différence, pour leur droit à la prospérité inscrite à même ces différences-là qui les caractérisent.

J'aimerais rappeler à la commission que l'espace rural est multifonctionnel, c'est-à-dire qu'il recoupe puis qu'il regroupe une multitude d'usages sur le territoire que sont l'agriculture, la foresterie, le tourisme, les activités manufacturières, les pêches et des activités de villégiature. Les territoires sont multifonctionnels, mais l'agriculture reste. Elle est, elle a été et elle restera toujours un pilier essentiel de l'économie rurale. Et, en ce sens, elle représente également un pilier essentiel de l'occupation et de l'habitation des territoires. Elle permet d'habiter les territoires, de les développer par les activités qu'elle génère. Elle permet aussi de s'assurer qu'ils soient desservis et que les gens qui les habitent puissent se les approprier.

Alors, je vais vous raconter une histoire, celle du Témiscamingue, où j'habite, celle du Témiscamingue où, au moment où on est en tournée à Solidarité rurale, on est interpellés par des producteurs agricoles qui sont inquiets de l'avenir de leur territoire, de l'avenir de leur milieu parce qu'un acheteur souhaite acquérir... On parle à l'époque de 3 000 hectares de terres. Et, de fait, près de 2 000 hectares de ces terres-là ont déjà été acquis. C'est un producteur agricole qui ne vit pas au Témiscamingue qui a acquis des terres dans plusieurs villages. C'est un producteur agricole qui a acquis des terres non seulement au Témiscamingue québécois, mais également dans une portion importante du Témiscamingue ontarien. De fait, ce producteur-là, maintenant il peut produire, s'assurer de biens de production et de facilité de production sans passer par les commerçants locaux, par les coopératives, les concessionnaires de machinerie qu'on retrouve dans nos milieux, en embauchant des employés saisonniers qu'il peut recruter un peu partout dans le sud de l'Ontario, dans son milieu à lui. Des personnes qui ne vivent plus dans les villages et une entreprise qui ne fait plus vivre les services du village. On est dans une situation où les terres agricoles vont continuer d'être utilisées à des fins agricoles, et pourtant la contribution des activités sur l'occupation et la vitalité des territoires, zéro.

Mais, dans ce même territoire là qu'est le Témiscamingue, il y a 20 ans, il y a 30 ans ou il y a 10 ans, sont arrivées des familles qui s'appelaient Schorderet, Gachet, Baumberger, des familles qui venaient de l'extérieur et qui acquéraient des terres pour pratiquer l'activité agricole, des gens qui se sont installés chez nous, qui ont pratiqué l'agriculture, qui ont constitué et élevé des familles, des gens qui se sont impliqués dans les milieux, des gens qui ont continué d'habiter et de développer les territoires. Cette histoire-là, c'est pour vous situer relativement à la vision qu'on a, Solidarité rurale, de l'importance de maintenir les activités à hauteur de dimension humaine.

On est, à cet égard-là, tout à fait en accord avec le projet de loi n° 46. Il nous interpelle grandement, et on est d'accord avec le projet de loi en ce sens qu'il permettra de protéger le territoire agricole et les activités agricoles qu'on y pratique. Mais on souhaite également y introduire une notion qui permette d'assurer la pleine mise en valeur non seulement du territoire agricole, mais des milieux de vie qui l'entourent. C'est, pour nous, essentiel. La vitalité du monde agricole, la vitalité du milieu rural sont étroitement associées, pour tout dire, indissociables, et c'est par l'activité agricole locale des gens qui habitent, qui vivent des territoires qu'ils exploitent qu'on va pouvoir vraiment mettre en lumière tous les différents potentiels du terroir québécois.

On l'appuie, le projet de loi qui est sur la table actuellement, on l'appuie pleinement, mais on mentionne aussi que le diable est dans les détails. En conséquence, et pour qu'il soit pleinement porteur, on souhaite que la loi sur la protection du territoire et des activités agricoles constitue… — et remarquez que j'ai nommé la loi au complet, pas seulement la Loi sur la protection du territoire agricole, mais la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles — elle soit totalement interpellée par la mise en oeuvre du projet de loi sur la table. C'est la première loi, elle est là depuis longtemps, mais c'est la principale assise de la souveraineté alimentaire des Québécois. Sans une mise en application importante de cette loi-là, on n'a pas de souveraineté alimentaire.

En resserrant les règles d'acquisition des terres, le message est clair, le gouvernement croit que c'est en habitant un territoire qu'on peut participer à son développement. On veut ainsi contrer l'accaparement des terres par des non-résidents, par des personnes qui misent sur des exercices de spéculation. Mais on attire votre attention sur le fait que des gens qui n'auront pas peut-être vécu les 1 095 jours dans la période de 48 mois auront peut-être des projets agricoles importants et qu'ils peuvent grandement contribuer à la richesse des communautés, à leur vitalité et à l'usage de tous les services que ces communautés-là offrent. On sait qu'il faut faire preuve de vigilance et de précaution dans ces mesures-là, et c'est pour cette raison-là qu'on pense vraiment qu'on doit s'assurer de la mise en place de mécanismes efficaces à même la Loi sur la protection du territoire agricole pour valider non seulement qui est l'acquéreur, mais sur quel projet repose cette acquisition de terres agricoles, de mécanismes efficaces pour discerner un projet d'acquisition basé sur la simple spéculation ou la logique marchande ou un projet agricole basé sur le désir de se réaliser en tant qu'agriculteur — magnifique métier s'il en est un — et de contribuer au développement de la ruralité.

C'est donc, à notre avis, par la Commission de protection du territoire et des activités agricoles qu'on peut vraiment faire jouer pleinement le rôle non seulement de protection, mais de mise en valeur des activités agricoles, qui est porté par l'actuelle Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, qu'on va pouvoir aller de l'avant, et pas seulement... bien qu'on soit pleinement d'accord au resserrement de règles pour l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents, mais c'est à travers le projet agricole qui sera soumis qu'on doit pouvoir vraiment l'évaluer, c'est à travers les activités agricoles qu'on pourra vraiment comprendre la nature des projets qui sont sur place et leur impact sur la vitalité des territoires.

La Commission de protection du territoire agricole a le mandat de protéger le territoire — un territoire collectif, il faut le rappeler, un territoire agricole, bien collectif — mais la commission a également — et on a tendance à l'oublier — le mandat d'assurer la pérennité de l'activité agricole au bénéfice des Québécois. Alors, nous, on attire vraiment l'attention… On est d'accord avec le principe de restreindre la possibilité d'acquisition des terres, mais on attire l'attention sur le fait que des projets agricoles porteurs pourront être amenés par des gens qui ne répondent pas strictement aux critères.

C'est aussi, comme je le disais, dans les petites choses qu'on verra la capacité de cette loi-là à vraiment remplir son office et c'est en appui à la présentation précédente que nous estimons que le gouvernement doit donner des outils à la relève agricole québécoise. Quand on a fait la tournée en 2011 et 2012, sur les 31 rencontres publiques qu'on a tenues, il n'y a pas un endroit — puis je dis bien pas un endroit — où n'a pas entendu parler des difficultés d'établissement de la relève agricole. Et la principale difficulté était l'accès à des terres agricoles, l'accès au territoire agricole de la part des personnes qui ont manifesté de vive voix ou par des mémoires leurs difficultés. Alors, faciliter le rachat des terres agricoles par la relève devient donc une priorité, une priorité que le gouvernement devrait se donner dans une optique de souveraineté alimentaire.

Et cette priorité-là, elle ne doit pas, à notre avis, se faire en marge de ce qui se fait déjà pour la protection du territoire agricole, elle devrait être incluse dans la structure qu'on a déjà, qu'on possède déjà comme Québécois pour protéger notre garde-manger. Nous croyons donc que le rôle de protection du territoire et des activités agricoles doit aussi se traduire par des mécanismes qui vont faciliter le passage de projets à la réalité dans les établissements agricoles.

• (16 h 30) •

La Présidente (Mme Bouillé) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Bolduc (Claire) : Plusieurs initiatives — et vous avez évoqué tout à l'heure les SAFER, nous, on évoque aussi les banques de terres, les fiducies foncières agricoles, les fermes, les… comme la plateforme agricole de L'Ange-Gardien, des plateformes qui permettent le démarrage d'entreprises — devraient trouver un écho au sein de la Commission de protection du territoire agricole et des activités agricoles et nourrir les réflexions et les travaux de l'organisme qui est chargé de veiller au patrimoine agricole collectif. Merci.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci, Mme Bolduc. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange. M. le ministre.

M. Gendron : Bien, écoutez, merci, Mme la Présidente. Ça me fait énormément plaisir d'accueillir la présidente de Solidarité rurale, directrice générale et... secrétaire générale, vous avez dit, ainsi que la chargée de projet. C'est toujours intéressant de nous rappeler le rôle que vous jouez au Québec, surtout avec l'intensité que vous y mettez dans cette réalité, en tout cas, moi, que je partage depuis plusieurs années, là, de promouvoir la condition de vie qui s'appelle la ruralité. Vous avez, d'ailleurs, un mandat spécial par loi, je ne le rappellerai pas. Vous êtes une instance-conseil du gouvernement du Québec en matière de ruralité, alors c'est dans votre mémoire. Moi, je tiens à ce que cet élément-là soit constamment rappelé. C'est toujours important de le rappeler parce que, pour le gouvernement, vous êtes un organisme et une instance utile, qui a une bonne connaissance du territoire. Et, au chapitre des valeurs que vous véhiculez, il me semble que c'est facile d'y adhérer parce que l'espace rural doit demeurer multifonctionnel, doit demeurer dynamique, occupé.

Et j'étais très, très sensible à l'histoire que vous avez racontée. Puis ça s'adonne que, pour des raisons que vous connaissez, je connais bien l'histoire, et j'aimais particulièrement les effets négatifs que vous racontiez dans l'histoire qu'était la vôtre. On n'a rien contre des étrangers, on n'a rien contre des gens qui peuvent avoir des velléités de venir contribuer à notre développement. Parfois, c'était l'immigration. Mon collègue mentionnait tantôt que oui, le Québec a profité de l'arrivée de gens d'ailleurs qui sont venus nous donner de l'expertise utile qui nous a permis de développer des segments ou des secteurs qui l'étaient moins, compte tenu de notre culture historique, puis ainsi de suite, et on n'a rien contre ça. Mais ce que vous décriviez avec énormément de précision et d'exactitude, il y a des propriétaires qui, par leurs projets ou par leurs activités agricoles, peuvent, effectivement, n'être pas très, très significatifs pour l'apport à la communauté, l'apport au milieu, les retombées, le vécu, la présence, la masse critique, et je pourrais continuer pendant des heures. Vous avez dit une phrase… vous en avez dit plusieurs, mais c'est en habitant un territoire qu'on réussit… puis ainsi de suite. Là, je ne le reprends pas parce que vous l'avez bien fait.

J'aurais quelques questions, une première, mais il me semble que… Et je m'y attendais en lisant votre mémoire — c'est tellement légitime — que vous mettiez l'accent dans les critères. Vous êtes au courant qu'à l'article 16 de la loi qu'on veut modifier — à l'article 16, c'est bien ça — «lorsqu'elle évalue une demande, la commission prend en considération», tatata, tatata, là, bon, des affaires. Et là, à un moment donné, vous, vous avez dit : Moi, j'aimerais bien ça, là, qu'elle mette pas mal plus l'accent sur l'impact sur l'occupation du territoire. Sans mettre le mot «dynamique», là. Est-ce que vous ne croyez pas que, par l'expertise que la commission de protection a développée au fil du temps, si elle regarde le projet comme tel et qu'on veut maximiser tout l'impact que ça peut avoir dans le milieu où il y a le projet puis les activités agricoles qu'il veut faire, que c'est préférable pour le législateur de l'obliger à ce que les cinq critères soient regardés dans leur ensemble puis qu'ils restent imbriqués plutôt que… Et je comprends pourquoi que vous, vous suggérez que le facteur 5 ou l'élément 5 prenne plus de place, comment on ferait ça pour donner cette indication dans la loi qu'un critère prenne plus de place que les autres? Et est-ce que c'est une bonne affaire dans le vécu plus national du Québec? Nous autres, on dit : Il y a cinq critères, tu as l'expertise, essaie d'être rigoureux dans l'analyse des cinq paramètres pour être certain que les retombées soient maximales. Alors, comment vous réagissez à ce que je vous pose comme question?

Mme Bolduc (Claire) : On pense que le critère sur l'impact sur l'occupation des territoires doit être considéré, et vous avez… En prédominant, vous avez une loi qui s'appelle la Loi sur l'occupation et la vitalité des territoires, et cette loi-là, elle est... Parmi les critères qui sont sur la table, nous, on dit : L'impact sur l'occupation des territoires devrait être une préoccupation qui englobe toutes les autres, mais une préoccupation prédominante dans le sens où on se donne comme société une loi sur l'occupation et la vitalité des territoires, dans le sens où on en a fait une prémisse assez importante pour la traduire sous forme législative. Et c'est une loi-cadre, cette loi-là. C'est une loi qui vient insuffler des orientations à d'autres lois, à d'autres règlements, à d'autres mécanismes de fonctionnement de l'État. On estime donc que la commission qui devra faire l'analyse de dossiers doive avoir une préoccupation particulièrement attentive sur cet aspect-là des choses. La commission, dans le passé, dans son histoire, qui est tout de même riche, a eu peu de regard sur l'impact sur la vitalité des communautés, sur l'occupation des territoires et sur une perspective de moyen et long terme de l'avenir des territoires. La loi-cadre qui a été adoptée, elle amène ça. D'avoir un principe d'impact sur l'occupation des territoires maintenant, c'est confirmer l'importance de la loi, et on pense que ça doit vraiment imprégner les mécanismes d'analyse de la commission maintenant. Les autres critères sont, pour nous, aussi importants, mais ils ne sont pas soutenus par une loi-cadre et ils ne sont pas non plus requis sous le même angle que celui sur l'occupation et la vitalité des territoires, clairement.

M. Gendron : Mais à peu près sur le même sujet puis pour... Parce que je connais votre expertise, votre expérience de bien des recommandations liées à des éléments très pertinents que l'on discute, là, alors je vais essayer d'être très précis. Est-ce que vous croyez que, dépendamment du type d'activité que l'acquéreur veut faire comme activité agricole ou, carrément, appelons ça le projet qu'il a de venir que ce soit en Abitibi, au Lac-Saint-Jean, en Gaspésie, ou dans la vallée du Saint-Laurent, ou ailleurs, qu'il se peut que les critères demeurent un peu variables dépendamment ou dépendant de la nature du projet qu'il a en tête ou du type d'activité agricole qu'il veut faire par l'acquisition? Je voudrais juste que vous ayez des commentaires là-dessus. C'est quoi, votre point de vue? Est-ce que, dans certains cas, ça serait une mosusse de bonne idée de les laisser interpréter, en termes de prédominance ou de prépondérance, par des officiers de la CPTA plutôt que le déterminer dans la loi?

• (16 h 40) •

Mme Bolduc (Claire) : M. le ministre, la commission a travaillé depuis son existence au cas par cas, dossier par dossier. On n'a jamais interpellé la commission pour qu'elle fasse une analyse transversale des différents dossiers dans un milieu et des impacts des transactions dans un milieu. Les propositions de Solidarité rurale dans le dernier avis qu'on a déposé, Ensemble, façonnons une nouvelle phase du développement des communautés rurales, on parle de réfléchir à une gouvernance inclusive, une gouvernance territoriale inclusive et, en conséquence, d'être en mesure, dans les territoires, de moduler les interventions.

Je réponds à votre question directement, il pourrait être possible qu'on ait des réponses sur des projets similaires… des réponses différentes à partir du moment où on a une capacité de faire une lecture transversale et, sur le moyen, long terme, des échanges et des transactions qui se passent dans le milieu agricole. Actuellement, la commission n'a pas ce mandat-là prescrit et ne le fait pas non plus, elle fait des analyses dossier par dossier, demande par demande. C'est ponctuel et c'est un par un, il n'y a pas de lecture transversale. Peut-être qu'on est arrivés à une étape charnière des travaux de cette commission-là et des besoins de la société québécoise pour être en mesure de pousser un peu plus loin les créneaux d'analyse.

M. Gendron : On a eu l'occasion d'en jaser un peu. Vous, là, puisqu'on a la chance de vous avoir, c'est quoi, votre opinion sur les PDZA?

Mme Bolduc (Claire) : C'est un excellent outil non seulement de planification, mais de promotion des caractéristiques d'un territoire agricole, quels sont ses potentiels, et ce qu'on peut en faire, et comment on peut en faire la promotion pour attirer la relève. Mais le PDZA tout seul… Puis, on parle de territoires multifonctionnels, le PDZA doit aussi faire partie d'un regard plus large, d'une planification plus inclusive, plus territoriale d'un ensemble d'activités.

Je vous l'ai dit, je viens du Témiscamingue, mais, pas loin de chez nous, en Abitibi — peut-être que vous connaissez ça — en Abitibi, il y a des mines puis il y a des projets de mines à ciel ouvert, des mines où tu as un kilomètre de long par deux kilomètres de large, par un kilomètre de profond. Un trou de mine comme ça, ça déplace toute l'hydrographie du paysage sur 200 kilomètres de rayon autour du trou de la mine, et ça, ça vient compromettre la culture forestière, le potentiel agricole et même le potentiel naturel de certaines régions. Le PDZA tout seul peut déterminer que certaines terres agricoles seront extrêmement bonnes, qu'il y a des potentiels marquants. Si le PDZA reste un outil et qu'il n'est pas intégré aux autres dans un cadre de planification, on ne saura pas qu'il y a du potentiel et qu'on peut contrevenir au potentiel avec d'autres activités et on ne saura pas qu'il y a des capacités de mettre en valeur un territoire avec d'autres types d'activités. Le PDZA est un excellent outil pour connaître le territoire, mais aussi et surtout pour en promouvoir les potentiels, vraiment.

L'autre aspect des choses, c'est qu'avec les PDZA on est en moyen de mieux diriger certaines relèves agricoles. Puis l'élément peut-être complémentaire à ça, c'est que les PDZA, ils se bâtissent sur des consensus locaux. Inscrits dans un autre exercice qui interpelle les consensus locaux, on peut aller énormément plus loin sur tous nos territoires.

M. Gendron : Rapidement, puisqu'on a encore la chance d'avoir M. Audet avec nous, il laissait voir tantôt… Puis il n'y a pas de jugement négatif, mais je pense que vous venez d'illustrer par vos propos et votre expertise d'une façon on ne peut plus claire que le PDZA, il peut être pas mal plus qu'un outil puis il peut devenir un élément très important si on décide, par la concertation puis l'ensemble des gens qui sont concernés, d'en faire un outil promotionnel fort. Et, si un milieu décide de faire vivre et de déployer davantage son plan de développement de la zone agricole active, est-ce qu'il peut le soutenir par toutes sortes de moyens financiers? Bien sûr. Est-ce qu'il peut le soutenir par des aides plus directes, plus fonctionnelles? Bien sûr.

Donc, moi... c'est parce que j'en profite pour mentionner que ce n'est pas juste théorique, et l'engouement envers les plans de développement de la zone, c'est, effectivement, pour générer un paquet d'activités, y incluant les retombées, y incluant tous les aspects que, dans votre histoire du début, vous avez décrits, qu'il y aurait lieu de contrer pour ne pas que ça ait d'effet négatif et néfaste, l'arrivée d'un exploitant étranger. On est complètement d'accord qu'il soit des nôtres, à condition qu'il habite le territoire, à condition qu'il fasse tous les gestes conséquents avec cette logique d'une occupation dynamique du territoire. Alors, je tenais à me servir de votre expérience pour assurer, là, à M. Audet qu'on peut faire pas mal plus que ce que vous avez mentionné avec des PDZA.

Sur la limitation, je ne veux pas une longue histoire, mais nous, on a pensé, dans la loi, dire : Dorénavant, on va envisager de mettre un seuil de 1 000 hectares maximal pour l'acquisition sur une base annuelle. Avez-vous de quoi à nous dire là-dessus? C'est-u un seuil légitime de démarrage? Y aura-t-il lieu d'envisager d'être plus généreux? Parce qu'il y a des gens qui pensent qu'il faudrait le réduire, moi, j'aimerais avoir votre avis là-dessus. Nous, on pense, avec l'analyse qu'on en a faite puis les documents qu'on a consultés... On n'est pas arrivés avec ce chiffre-là un matin parce qu'on a décidé que c'était 1 000, là, on est capables de le justifier. Mais là ce n'est pas notre justification que je voudrais entendre, c'est : D'après vous, c'est quoi, vos commentaires par rapport à ce seuil-là de 1 000 hectares annuel? Est-ce que vous avez des choses à nous dire là-dessus?

Mme Bolduc (Claire) : Quelqu'un, un acquéreur qui veut acquérir une terre en Montérégie, il peut facilement tomber sur des propriétés qui font plus que 1 000 hectares. Quelqu'un qui arrive au Témiscamingue va peut-être avoir de la difficulté à tomber sur une terre de 1 000 hectares. La question n'est pas 1 000 hectares, bloqué, moins, plus, la question est : L'ensemble du territoire, c'est quoi, sa dynamique? C'est quoi, la planification que les gens s'en donnent, le regard qu'ils ont là-dessus, la planification incluant tous les outils? C'est comment on fait pour être cohérent avec un milieu plutôt qu'avec une norme?

À Solidarité rurale, on appelle ça la modulation. D'ailleurs, Solidarité rurale n'est pas seul là-dedans, c'est aussi une question de la Politique nationale de la ruralité, mais être capable de réfléchir en fonction du milieu où la norme va s'appliquer plutôt qu'en fonction d'une facilité pour un mécanisme administratif. Alors, à certains égards, la norme de 1 000 hectares va peut-être être limitante pour certains acheteurs. À d'autres égards, c'est très, très largement dépasser les besoins de l'acheteur. La question est : Sur le territoire, c'est quoi, la dynamique, c'est quoi, la planification, et c'est quoi, la vision que les gens ont? De quelle façon, ça se dessine, ça s'occupe, ça se diversifie? Et c'est là-dessus qu'il faut se pencher plutôt que sur un chiffre précis.

M. Gendron : Je n'en disconviens pas, mais il me semble que, là, je ne suis pas sûr qu'on est sur les mêmes picots. Moi, quand je vous laissais savoir… le 1 000 hectares, c'est total, annuel, maximum d'acquisition pour l'ensemble des résidents étrangers qui voudraient se porter acquéreurs. Alors, ce n'est pas pareil, et là le 1 000 hectares, moi, c'est juste pour avoir une réflexion. Pensez-vous que je ne le sais pas que c'est clair qu'il faut regarder davantage le projet puis le genre d'activité? Mais je voulais avoir vos commentaires sur cette limite parce qu'il y a des gens qui voudraient la réduire plus que ça en disant : C'est bon d'avoir de l'acquisition par des résidents étrangers, donc réduisez le 1 000 hectares annuels total pour l'ensemble de ceux qui auraient des appétits. Moi, ça ne me tente pas parce que je trouve que 1 000 hectares, ça commence à faire de l'espace significatif pour des résidents annuellement, et j'aimerais, un bout de temps, comme société, progresser pas trop vite dans ce domaine-là pour les raisons qu'on mentionnait tantôt, rester davantage plus certains d'avoir la ferme familiale, des propriétaires. C'est toutes les incidences qui sont liées à cette limitation-là que j'aurais voulu votre point de vue parce qu'il me semble que, si on est trop généreux sur un volume beaucoup plus large, bien on réduit la possibilité d'avoir plus de propriétaires fonciers, plus de fermes familiales, plus d'acquisitions par la relève, ainsi de suite.

Mme Bolduc (Claire) : Je m'excuse de ne pas avoir saisi votre question d'emblée, effectivement… Mais on revient quand même au projet. Dans l'histoire que je vous ai racontée, il est arrivé une année trois familles en même temps au Témiscamingue, trois immigrants suisses, et ces trois familles-là achetaient des entreprises laitières, agricoles laitières, et faisaient l'acquisition… Déjà, seulement ces trois familles-là faisaient une acquisition qui dépassait 1 000 hectares, ces trois familles-là ensemble. Alors, 1 000 hectares, tout dépendant des projets, ça peut être très limitatif. Alors, vous l'avez ciblé, mais vous avez également ciblé dans le projet de loi que la commission pourra évaluer d'autres types de projets qui dépasseront le 1 000 hectares.

Moi, je reviens au travail de la commission à cet égard-là, c'est… Si on refuse absolument que des établissements agricoles de personnes immigrantes se fassent sur… Ça représente sur une ferme… La ferme moyenne étant la ferme qui n'existe pas, là, mais on pense que ça représenterait entre deux et peut-être six entreprises agricoles, ce 1 000 hectares là, c'est…C'est le projet qui va faire foi de tout. Pour nous, un citoyen rural, c'est quelqu'un qui habite le territoire, qui y travaille puis qui anime par sa présence le milieu de vie où il s'installe, et c'est son projet agricole qui va faire foi de la validité de son intervention. On revient à l'essence. La norme est une indication, pas une fin en soi.

• (16 h 50) •

M. Gendron : Merci beaucoup. Moi, encore là, une référence aux notes de votre mémoire, j'ai particulièrement apprécié quand vous avez mentionné…Vous-même, vous portez le jugement d'être conscient que l'accaparement, présentement, là, présentement, là, ce n'est pas un phénomène qui est répandu dans tout le Québec, puis tout ça, mais il me semble que vous avez eu la sagesse… Parce qu'il faut se servir de gens qui ont de l'expertise, qui ont un vécu sur tout le territoire québécois pour, parfois, corriger des prétentions, et vous avez quand même affirmé d'une façon très claire : Il faut faire preuve de vigilance et de précaution. On est d'accord avec votre projet de loi. On trouve ça sage de, tout de suite, avoir des mesures de renforcement pour réduire cette possibilité-là d'acquisition. Mais est-ce que vous avez un point de vue par rapport à l'inquiétude que ça pourrait contribuer à une spéculation également accrue? Et, s'il y a plus d'étrangers, non seulement il y a les effets néfastes que vous mentionniez tantôt, parfois de louer, de ne pas être de proximité, l'acquisition des biens, en termes de roulement économique du milieu, est-ce que vous croyez que, si on laissait faire, le danger qu'ils contribuent, eux aussi, à ce qu'on appelle accroître la spéculation foncière est réel? J'aimerais vous entendre, quelques mots là-dessus.

Mme Bolduc (Claire) : Je pense que le danger, c'est un danger réel. Il faut vraiment se projeter dans… il faut avoir une perspective temporelle dans ce contexte-là. C'est les gestes qu'on pose aujourd'hui qui vont permettre de garantir l'intégrité du territoire agricole dans les 20, 30 prochaines années. On est face à des changements climatiques majeurs actuellement, puis le GIEC, qui vient de déposer son rapport, nous le rappelle. Où, sur la planète — puis réfléchissez-y bien — où, sur la planète, dans les 20 à 30 prochaines années, on va trouver des terres agricoles de bonne qualité et de l'eau? Le Québec, sa plus grande richesse, ce n'est pas seulement son territoire agricole, c'est l'eau qui l'alimente et qui le nourrit. Où, sur la planète, on va trouver cette richesse-là? Alors, faire preuve de prudence aujourd'hui, ce n'est pas seulement nécessaire, c'est absolument essentiel si on veut maintenir l'intégrité de notre territoire agricole. Puis, c'est une question de vision des territoires et de notre capacité à nourrir notre propre monde, où, sur la planète, il y aura des bonnes terres et de l'eau? Puis c'est une question de se projeter dans le temps pas très loin pour comprendre qu'on a tout intérêt à poser des gestes maintenant.

M. Gendron : Moi, madame, je vous remercie beaucoup, Mme la présidente, puis je remercie votre équipe. Je suis convaincu que c'était éclairant de vous recevoir. Je vous remercie que vous ayez pris le temps de venir nous partager votre point de vue sur la nécessité… Et ce n'est pas parce que, des fois, un phénomène ne nous touche pas en statistique d'une façon très importante qu'il ne faut pas avoir la sagesse de prévoir des mécanismes, surtout quand c'est une législation qui n'a pas été vraiment retouchée depuis fort longtemps. Et, dans l'imagerie populaire, il me semble — et c'est ce que vous venez corroborer — qu'il y avait lieu d'être plus proactifs avec cette réalité-là. C'est ce qui m'a convaincu de poser des gestes pour, effectivement, avoir un outil plus performant qui nous permet d'atteindre les objectifs d'une occupation dynamique, une capacité d'avoir un meilleur contrôle de ce qu'on veut faire avec le foncier, qui est le grenier du Québec, qui est très important. Et, dans ce sens-là, merci beaucoup de votre contribution.

La Présidente (Mme Bouillé) : Merci. À cette étape-ci, donc on va entamer l'échange avec les députés de l'opposition. Cependant, je dois vous informer qu'il y aura un vote dans quelques minutes. Donc, la cloche va sonner, les députés devront quitter. Je vais suspendre les travaux à ce moment-là pour le temps du vote. J'en suis désolée, mais ça fait partie du travail de parlementaire. Donc, voilà.

Une voix : …déduire du temps de l'opposition.

La Présidente (Mme Bouillé) : Bien non, ça ne sera pas déduit sur aucun temps. Je veux juste en informer les invités et les personnes qui assistent, ce sera donc le temps d'un vote, et nous reviendrons...

M. Gendron : Est-ce qu'il aurait moyen de l'accommoder puis rapidement parce que...

La Présidente (Mme Bouillé) : L'accommoder?

M. Gendron : Bien, à cause de son avion.

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, mais...

M. Gendron : Non, non, si on peut, si on peut.

La Présidente (Mme Bouillé) : Il y a un échange. Je suis désolée, là.

M. Gendron : Non, non, mais si on peut.

La Présidente (Mme Bouillé) : Je peux-tu le faire?

M. Gendron : Bien oui, qu'on peut le faire. On peut faire tout ce qu'on veut si on en décide de le…

La Présidente (Mme Bouillé) : Mais la motion...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Bouillé) : O.K. C'est l'échange avec la partie...

M. Billette : Parfait, on va commencer.

La Présidente (Mme Bouillé) : Oui, tout à fait.

M. Billette : Il ne faut pas fonctionner sur des hypothèses de l'heure d'appel d'un vote.

La Présidente (Mme Bouillé) : Non, non, c'est ça.

M. Billette : Donc, merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la présidente, également, Mme Bolduc, c'est un plaisir de vous recevoir ici. Également, M. Thivierge et Mme Jacob, c'est un privilège parce qu'on connaît votre dynamisme dans les milieux ruraux. Puis, je vais dire, l'occupation du territoire, j'en avais amplement parlé. La dynamisation également du territoire, je pense, c'est quelque chose de très important, surtout lorsqu'on voit nos petits villages québécois qui perdent leurs écoles, qui perdent leurs églises, qui perdent également leurs bureaux de poste, qui perdent leurs institutions financières. Je vais dire, c'est toujours un drame lorsqu'on voit disparaître des emplois. Et la meilleure manière de pouvoir s'assurer de la pérennité de ces noyaux villageois là, c'est l'occupation du territoire, la présence de personnes, et je crois que c'est la plus grande richesse. On parle beaucoup de la richesse de notre eau et de nos terres, mais la plus grande richesse de nos régions, je crois, ce sont les gens qui occupent le territoire, qui consomment du territoire, à ce moment-là, dans le milieu rural. Et je vous transmets le plus sincèrement mes félicitations pour le bon travail que vous faites. Je pense que c'est important, et on est avec vous. Je pense que c'est important de dynamiser notre territoire en l'occupant et en consommant des biens auprès des gens qui nous offrent ces services à ce moment-là.

Vous avez parlé beaucoup d'agriculture à dimension humaine, de petites fermes. Il y a deux lois qui nous amènent beaucoup au niveau de la protection du territoire agricole, dont la principale qui est la loi en tant que telle de la protection du territoire agricole, il y a la loi également sur les non-résidents, et je... Vous parlez, dans votre mémoire, à la page 3 principalement, au premier paragraphe, et j'aimerais vous entretenir… j'ai une question pour vous, vous mentionnez : «L'important, à nos yeux, est de protéger la zone agricole, et il devient impératif de se doter d'un cadre assurant la pleine mise en valeur afin de donner à l'occupation et l'habitation dynamique du territoire toute sa portée.» J'aimerais savoir, lorsque vous parlez d'un cadre assurant la pleine mise en valeur afin de donner à l'occupation et l'habitation du territoire… est-ce que vous demandez à ce moment-là… est-ce qu'il y a lieu d'avoir une modernisation de la loi sur la protection agricole ou c'est des mécanismes qui feraient en sorte de faciliter l'occupation de ce territoire-là? Je vais vous donner un...

La Présidente (Mme Bouillé) : Je suis désolée, M. le député...

M. Billette : Vous avez le temps d'y réfléchir.

La Présidente (Mme Bouillé) : ...mais les cloches sonnent pour le vote, donc on doit...

Je vais suspendre les travaux, et nous allons reprendre après le vote. Donc, je ne le sais pas, là, mais...

Des voix :

La Présidente (Mme Bouillé) : ...et nous reprendrons après le vote. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16  h 58)

(Reprise à 17 h 14)

Le Président (M. Paradis) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et, au moment de la suspension, la parole était au député de Huntingdon.

M. Billette : Tout à fait. On débutait, et j'avais posé la question à ce moment-là en regard au premier paragraphe de la page 3 de votre mémoire. Avec l'énoncé qu'il y avait là, c'est une question à savoir si la loi actuelle de la protection du territoire agricole avait également… était suffisante ou devait absolument être actualisée pour pouvoir bien répondre à votre citation ou vos écrits de votre mémoire.

Mme Bolduc (Claire) : La loi actuelle fait le travail. L'intérêt, c'est dans ce qu'on fait faire, dans les mandats qu'on confie à la commission. Se donner un cadre, c'est vraiment d'être capable de regarder justement la… d'avoir la vision transversale de ce qui se passe sur les territoires agricoles, de se donner aussi… À l'intérieur de la loi, on parle du développement… de la protection du territoire et des activités agricoles. Il y a des transactions en ce moment même — puis on ne parle même pas de non-résidents, là — où quelqu'un peut acquérir une ferme au complet, puis ça passe totalement en dessous du radar de la loi, ça se fait dans la plus grande légalité, et la terre arrête d'être cultivée. C'est des gens qui veulent avoir un terrain de chasse puis qui veulent se donner un domaine pour pratiquer d'autres types d'activités, et ça se passe actuellement.

Dans ce contexte-là, ce n'est pas la loi qu'il faut changer, c'est la capacité d'agir à l'intérieur de la commission, c'est le regard qu'on porte sur les transactions. Puis, s'il faut le traduire formellement dans la loi, d'avoir une lecture transversale, bien, mon Dieu, faisons-le. Mais, actuellement, la loi est appropriée. Établissons des mandats à même les travaux de la commission qui permettent de mettre tout le potentiel que ça peut avoir de connaissances sur… Puis, j'entendais la Relève agricole, qui nous précédait, parler de l'information qu'il y a dans les transactions foncières, de ce qui se passe au niveau des échanges, la loi, actuellement, permet d'avoir un ensemble d'informations qu'on ne s'est jamais donné la peine de requérir ou de mettre en action. Alors, c'est dans les commandes qu'on passe, c'est dans la perspective qu'on donne aux travaux d'une commission qu'on peut amener, justement, cette lecture-là, ce regard-là sur la transversalité des transactions. Si, vraiment, il faut la modifier, la loi, la renforcir, bien, allons-y. Mais, actuellement, la loi, elle est très porteuse déjà pour permettre ça.

M. Billette : Si je comprends bien ce que vous nous dites à ce moment-ci, c'est de bien connaître le territoire, je pense. Je pense, c'est important, et on regarde les PDZA, qui sont un outil, je pense, qui vont nous amener à cet objectif qui est, premièrement, connaître le territoire actuel, connaître également ce qui est le plus intéressant pour l'avenir, le potentiel des différents territoires. Parce qu'un territoire tu vas l'occuper, tu vas le protéger si tu y résides, si tu le cultives à ce moment-là. Et je pense que le PDZA, c'est un excellent exercice. Et j'écoute vos commentaires, à savoir il faut les mettre en valeur, il faut l'avancer, et je pense que c'était loin de la pensée des décideurs, lorsqu'il y a eu la mise en place des PDZA, que ça soit des rapports qui demeurent tablette. Je pense que c'est important de dire : Il y a un potentiel aussi bien agricole que de développement puis d'occupation du territoire, d'émergence de nouvelles cultures, de diversification de notre agriculture qu'on va retrouver dans les différents PDZA, et j'aimerais savoir votre vision. Tantôt, vous avez parlé, je pense, que vous étiez tout à fait en accord avec les PDZA, j'aimerais connaître votre vision sur la suite des PDZA, lorsque les MRC vont avoir fini de terminer. Vous m'avez ouvert la porte quand même à cet effet, et j'aimerais savoir comment vous voyez la suite, comment on doit gérer, en tant que gouvernement, la mise en application et l'outil qu'on va se donner au niveau du potentiel agricole et d'occupation de notre territoire.

Mme Bolduc (Claire) : Je ne peux pas assez vous remercier de cette question-là. Dans une vie antérieure, j'étais présidente de l'Ordre des agronomes du Québec, et il y a eu des expertises, des bancs d'essai, des laboratoires sur, justement… On appelait déjà ça la… on appelait ça les plans de développement de la zone agricole, c'est devenu la planification des… Puis c'était en 1997-1998 qu'il y a eu un projet pilote dans la MRC des Etchemins, et c'était fait en concertation avec le ministère des Affaires municipales à l'époque, l'Ordre des agronomes et la MRC des Etchemins pour déterminer de quelle façon on pouvait aller chercher le maximum d'un exercice de planification. C'est par la suite, dans les années 2000, qu'on a parlé de planification consensuelle et concertée dans les PDZA, qu'on a interpellé aussi les gens sur le terrain.

• (17 h 20) •

On avait des outils, on avait des enseignements, et la façon dont on le voit à Solidarité rurale… Et j'évoquais l'avis qu'on a émis au mois de mars, qui a été rendu public au mois de mars dernier, où on parle d'ensemble façonnons une nouvelle phase du développement des communautés rurales, le PDZA est en lien direct avec tout ce qu'on a appelé la gouvernance territoriale inclusive. On fait un ensemble de planifications dans nos territoires. Et là nous parlons de territoires de MRC, bien que les territoires peuvent avoir aussi d'autres dimensions. Mais il y a un ensemble de planifications qui se dessinent dans les territoires sans qu'aucune de ces planifications n'ait de lien les unes avec les autres. Alors, dans la vision de l'avenir du PDZA, ça devient une partie importante d'une planification territoriale qui tient compte des activités agricoles, des autres activités reliées aux ressources naturelles, des activités halieutiques, tout ce qui concerne l'environnement, le milieu naturel, tout ce qui concerne le développement des municipalités, tout ce qui concerne le développement des secteurs de services de proximité. Tout le monde fait une planification, puis personne ne se parle.

Le PDZA, c'est un levier, si c'est utilisé par les gens du milieu, pour structurer, pour planifier, pour développer, pour organiser, pour propulser le milieu en soi. C'est un outil de développement, c'est un outil de connaissance du territoire, c'est un outil de promotion du potentiel du territoire puis c'est un outil pour se donner une vision de ce que peuvent être les territoires. On parle de plan territorial intégré, on parle de mesures qui nous amènent à réfléchir pas juste le territoire agricole, le territoire agricole à côté du territoire forestier puis à côté des activités minières, puis les impacts des unes sur les autres. Alors, c'est là où ça nous mène. Mais, si on ne connaît pas notre territoire agricole, on ne peut pas participer à un exercice où on va avoir à prendre notre juste place comme territoire agricole. C'est là où ça va. Les PDZA, c'est ce levier-là que ça permet d'avoir quand on réfléchit à comment on regarde un territoire donné. Puis, c'est assis sur quelque chose de puissant, c'est assis sur de la concertation locale, comme une planification territoriale intégrée devra l'être également. Est-ce que c'est clair? C'est… Oui?

M. Billette : C'est très, très clair. Je veux revenir plus principalement sur les articles du projet de loi. Vous avez mentionné tantôt au niveau de l'évaluation… vous avez parlé beaucoup du 1 000 hectares qui était dédié, à ce moment-là, pour l'acquisition par des étrangers de terres. On sait que la moyenne... dans l'ancien projet de loi, c'était 2 500 hectares. La moyenne annuelle se situe autour de 2 000 hectares annuellement. Vous avez parlé également de peut-être... on évaluait peut-être un petit peu trop au niveau entrepreneur, au niveau de l'individu, plus qu'au niveau du projet en tant que tel qu'il pouvait apporter parce que vous avez dit : On y va beaucoup, puis on n'évalue pas, malheureusement, le potentiel, que ça soit au niveau de la diversification de notre agriculture, d'occupation d'un certain territoire. J'aimerais vous entendre là-dessus et savoir, le 1 000 hectares, est-ce que vous trouvez que c'est beaucoup trop restrictif, ou ce ne l'est pas assez, ou c'est une mesure quantitative qui devrait être abolie complètement du projet de loi.

Mme Bolduc (Claire) : Je ne dirais pas qu'on abolit la mesure quantitative de façon absolue. Mais, comme j'ai répondu tout à l'heure, qu'est-ce qui est le plus important? Est-ce que c'est le chiffre, est-ce que c'est la norme ou c'est la valeur des projets qui sont mis de l'avant? Et, là-dedans, on ne met pas en contradiction l'entrepreneur et le projet, l'entrepreneur fait partie... sa connaissance, sa compétence et ses capacités font partie du projet. Puis, à certains égards, il y a des projets qui vont être de toute petite dimension — on peut parler de 50, 100 hectares — et qui seront, à toutes fins utiles, irrecevables, puis on peut parler de projets de beaucoup plus grande dimension qui vont être tout à fait porteurs. C'est la valeur du projet sur laquelle il faut se baser.

Nous, on a mentionné que, pour nous, la ligne, il faut en établir une, mais on a vu également dans le projet de loi, dans les articles de loi qu'il y avait une mesure qui permettait de dépasser cette ligne-là s'il y avait des... et la commission pouvait se prononcer sur des projets qui dépassaient le cadre du 1 000 hectares. Alors, avec des mesures comme celle-là, nous, on ramène la réflexion non pas sur un chiffre, non pas sur une donnée très, très factuelle et administrative, mais sur une réflexion, et sur la valeur des projets, et surtout sur leur intégration dans les territoires où ils vont prendre forme.

M. Billette : D'entrée de jeu, ce que vous avez parlé, c'est de l'agriculture à dimension humaine — j'ai posé la question également à la relève agricole — d'avoir de petites fermes, de petits projets. On a parlé de la Loi de la protection du territoire agricole. Parce que vous avez abordé le sujet, peut-être… un petit peu. Est-ce que vous trouvez que la loi actuelle… Je vous l'ai demandé tantôt, non, pas besoin de modification. Au niveau des lots contigus, parce qu'on voit que les fermes ont pris de l'expansion au cours des dernières années, on veut avoir… faire revivre nos municipalités avec des petits projets, vous avez parlé d'agriculture à dimension humaine. Est-ce que l'article de loi au niveau des lots contigus serait contraignant à obtenir cette agriculture à dimension humaine, selon vous?

Mme Bolduc (Claire) : Effectivement, et là on parle… Vous interpellez le morcellement des terres, c'est de ça dont il est question. En ce moment, puis on sait que la Commission de protection du territoire agricole a quand même eu un regard assez… elle en a accordé, et c'est une majorité de demandes qui sont acceptées. Mais la question est que le message n'est pas axé sur les projets, il est axé sur des dimensions, les normes sont axées sur des dimensions, sur des superficies en culture. On ramène toujours la notion du projet, et, oui, c'est dans toutes nos recommandations, et depuis fort longtemps, qu'on doit avoir cette possibilité-là de permettre à des projets de plus petite dimension que les terres disponibles en ce moment de prendre vie.

Je vous donne l'exemple de la ferme de la grelinette, qui est… C'est Jean-Martin Fortier, et il a une entreprise agricole sur moins d'un hectare, son revenu net est de 60 000 $ par année. Et, quand il raconte son projet, les principales embûches, les principaux freins qu'il a rencontrés, c'est La Financière agricole puis la Commission de la protection du territoire agricole. C'est la valeur du projet et la valeur de l'entrepreneur, qui fait partie de la valeur du projet, qu'il faut considérer. Et, sans modifier la loi, on est capables de donner une impulsion de cette nature-là à la protection du territoire agricole et des activités agricoles pour mettre en oeuvre cette vision-là. C'est une question de vision, c'est une question de regarder un territoire dans son ensemble, et pas seulement projet par projet.

M. Billette : Merci beaucoup. Une dernière question parce que…

Le Président (M. Paradis) : Écoutez, juste sur cette question-là, j'ai recommandé dernièrement à certains commissaires de la CPTAQ la lecture du livre de Jean-Martin. M. le député de Huntingdon.

M. Billette : Merci beaucoup, M. le Président. Dernière question, je ne veux pas abuser de votre temps non plus. Demain matin, on adopte ce projet de loi là. Pour vous, quels changements que ça va apporter dans la dynamique agricole du Québec? Et quels problèmes que ça va corriger, selon vous?

Mme Bolduc (Claire) : Demain matin, tout de suite demain? Je ne suis pas certaine qu'il y avait des problèmes à ce point immenses. Et, d'ailleurs, on le dit dans notre mémoire que les transactions de terres agricoles ne sont pas à ce point importantes au Québec. Demain matin, est-ce que ça règle un problème dramatique? Non. Mais, sur les cinq, 10 prochaines années, je peux vous dire, je peux vous garantir qu'on vient de donner un signal clair sur certaines formes de spéculation qui vont être rendues beaucoup plus difficiles par un projet de loi comme celui-là. Et, sur un horizon de 20, 30 ans, ce qui est une loi sur la protection du territoire agricole, quand on se donne ça comme patrimoine collectif, quand on se donne ça comme société, ça protège notre capacité à nourrir les Québécois.

Le Président (M. Paradis) : Oui, M. le député de Côte-du-Sud.

M. Morin : Merci, M. le Président. Madame, bonjour. J'ai un petit bogue, là, juste pour voir si… Au niveau de la valeur du projet, quand vous parlez d'une valeur du projet, j'ai une… Admettons, je suis un non-résident puis j'ai la chance d'acheter une terre de 75, 100 hectares. Là-dessus, il y a 3 000 érables, il y a des mûres, il y a un verger, puis il y a une partie de terre cultivable. Est-ce que l'article 15.2 vient m'empêcher, comme non-résident, d'acquérir cette terre?

Mme Bolduc (Claire) :

M. Morin : C'est qu'il faut qu'il soit au moins 1 095 jours au cours des 48 mois suivant la date de l'acquisition.

• (17 h 30) •

Mme Bolduc (Claire) : Quand j'ai raconté mon histoire, c'est ce que j'ai dit, on a reçu des immigrants non-résidents qui n'avaient pas vécu 1 095 jours au cours des 48 derniers mois et qui avaient vraiment des projets agricoles performants, qui achetaient des entreprises agricoles qui étaient déjà en opération, des gens qui sont venus vivre chez nous, qui sont venus habiter, qui ont eu des enfants, qui ont utilisé les services et qui ont fait vivre le territoire. En conséquence, c'est toujours là où on est, et j'aurai la même réponse : On se donne des balises, on se donne des règles de conduite, des règles de conduite qu'on doit rendre fermes.

Quand je dis : Le diable est dans les détails, il faut pouvoir se donner les moyens de valider que la personne qui dit : Moi, je viens acheter cette terre-là de 100 hectares avec les érables, les mûres, et les arbres fruitiers, et tout ça, qu'elle va vraiment habiter sur cette ferme-là et que son projet sera un projet où elle sera là, elle sera présente et elle participera, de fait, à la vie de la collectivité. Il n'est pas là depuis presque trois ans dans les 48 derniers mois, mais c'est quelqu'un qui est vraiment intéressé, et qui vient s'établir, et qui vient y vivre, alors donnons-nous les moyens de vraiment analyser le projet, non seulement le projet d'affaires, mais le projet de vie des gens plutôt que de se baser... Et la balise, elle est nécessaire pour donner un signal clair à des spéculateurs, mais donnons-nous les moyens d'analyser les projets à la valeur de ce qu'ils sont. Et, je ne parle pas de valeur monétaire, je parle autant de valeurs humaines, de valeurs de vie que de valeur économique dans ces analyses-là.

M. Morin : …tantôt, vous avez été un peu dure pour les gens qui achetaient des terres simplement pour leur territoire de chasse, mais il y en a qui le font et qui relouent l'eau d'érable aux voisins, qui louent la partie de terre cultivable. Il y en a, des gens comme ça, qui font ça aussi.

Mme Bolduc (Claire) : O.K. Mais les producteurs qui exploitent les ressources n'investissent que très peu dans la pérennité. Ils utilisent la ressource, ils l'utilisent… Parce que les baux de location… ou les facilités de location ne sont pas celles qu'on peut voir dans d'autres pays, dans d'autres États, par exemple. Ce sont des ententes à court terme, alors qu'en France, on le disait, c'est 32 % des terres qui sont de la propriété des exploitants. Mais ceux qui ne sont pas propriétaires des terres les exploitent, et ils ont des baux de location sur 100 ans. Et, toute la dimension culturelle que M. Audet a évoquée, on est exactement dans cette connotation-là. Alors, bon, on va te la louer, la terre, mais, deux ans plus tard, ça ne fait plus notre affaire, tasse-toi, on reprend nos biens, et c'est... Toute la dimension est là, toute la dynamique est là. C'est une culture à changer, je le pense, mais c'est aussi une question de vision des territoires.

M. Morin : Mais, M. le Président, normalement, quand...

Le Président (M. Paradis) : Je m'excuse, M. le député de Côte-du-Sud, le temps est expiré.

M. Morin : Déjà?

Le Président (M. Paradis) : Déjà.

Mme Bolduc (Claire) : Désolée.

Le Président (M. Paradis) : M. le député de Nicolet-Bécancour.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bien, bonjour à vous trois. Très content de vous voir. Très pertinent, toujours aussi sage comme réflexion. Je soupçonne un petit peu l'air de Nicolet, peut-être, d'influencer cette sagesse-là. Mais je veux revenir...

Une voix : ...

M. Martel : Mais je passe beaucoup de temps à Nicolet, quand même. Je voulais revenir, M. le ministre vous a questionné tantôt par rapport à l'article 16, là, 5°, versus la loi-cadre. Loin de moi l'idée de soustraire le cinquième paragraphe, mais, à votre avis, admettons que le cinquième paragraphe n'était pas là, avec la portée de la loi-cadre, est-ce que vous pensez que ça ne pourrait pas s'appliquer dans une situation comme ça?

Mme Bolduc (Claire) : Effectivement, avec la portée de la loi-cadre, ça pourrait s'appliquer. Toutefois, c'est important de le rappeler, ce principe-là, et c'est important de le marteler parce que, déjà, la loi-cadre, on l'oublie assez vite, on évacue assez vite la portée de cette loi-là. Alors, c'est important de le rappeler, et ce n'est pas inutile. Nous, on trouve que c'est même... c'est un rappel qui est englobant, qui permet une structure, puis, non, ce n'est pas inutile de le rappeler. Mais, effectivement, la loi-cadre devrait avoir cette portée-là. On souhaite qu'elle prenne de l'ampleur, la portée de cette loi-cadre-là, oui.

M. Martel : Je suis d'accord avec vous parce que, peut-être, on retient beaucoup des pactes ruraux, là, tout l'aspect du pacte rural, mais l'adoption de la loi-cadre, c'est probablement la chose la plus importante puis celle qu'on oublie peut-être le plus rapidement, puis c'est dans ce sens-là que vous souhaiteriez qu'on donne une espèce de prépondérance pour dire : Effectivement, cette loi-là existe, réaffirmez-le pour être sûr qu'on ne l'oublie pas. C'est ce que je comprends.

Mme Bolduc (Claire) : C'est, effectivement, ça. Et j'ajouterai qu'on a d'autres lois-cadres, dont une loi-cadre sur le développement durable, et il faut encore le marteler constamment que ce type de développement là, c'est un développement de société durable qu'on veut. Alors, ce n'est pas inutile. On a une loi-cadre qui oblige à certains résultats, mais, le rappeler et le marteler dans les autres activités, je pense que c'est nécessaire. D'autant qu'elle est récente, cette loi-là, alors c'est nécessaire.

M. Martel : Dernière question. Un des objectifs qui était visé — en tout cas, à mon avis — par rapport à l'adoption de cette loi-là, c'était un peu pour contrer l'effet d'augmentation des terres agricoles, la spéculation, etc. Moi, j'aimerais ça, savoir... Puis, en même temps, on dit que cette mesure-là est importante, mais elle ne peut pas contrer toute la spéculation qu'il peut y avoir puis l'augmentation. Moi, j'aimerais ça, connaître votre point de vue. De quelle façon vous analysez ça, l'espèce de montée assez importante, là, de l'évaluation des terres agricoles qu'on connaît partout au Québec, mais peut-être particulièrement à d'autres endroits, là? Mais, avec quelle sorte de lunettes, vous regardez ça quand vous réfléchissez à ce phénomène-là?

Mme Bolduc (Claire) : Puis je ne suis pas une spécialiste en financement et en économie, mais on regarde quelles sont les transactions qui sont retenues pour évaluer l'augmentation de la valeur foncière des terres agricoles, et toutes les transactions de fermes à l'endroit de la relève ou des fermes dans la famille ou… toutes ces transactions-là, qui sont souvent des transactions où la valeur est moins… On fait un prix global, par exemple, sur la ferme. Ce n'est pas la valeur de l'hectare, ce n'est pas un prix à l'hectare qui est vendu, mais c'est une entreprise qu'on transmet. Toutes ces transactions-là sont exclues des calculs qui servent à établir l'augmentation de valeur et qui servent à établir les comparables pour les transactions foncières. Alors, si on les incluait, l'augmentation de la valeur foncière du territoire agricole, des terres agricoles, elle serait probablement pas mal moins fulgurante, et ça aurait aussi un impact sur les acquisitions de terres pour la relève agricole.

M. Martel : Est-ce qu'il reste du temps ou, non, c'est terminé?

Le Président (M. Paradis) : Il vous en reste à peine.

M. Martel : Bon, bien, merci beaucoup. Merci. C'est toujours un plaisir de vous rencontrer.

Le Président (M. Paradis) : Très bien. Merci beaucoup à Solidarité rurale. Merci, Mme Bolduc. On vous avait reçue dans une autre vie, on vous reçoit dans cette vie-là. Vous avez combien de vies?

Mme Bolduc (Claire) : Bien là, c'est la quatrième.

Le Président (M. Paradis) : Merci.

Mme Bolduc (Claire) : Mais un chat en a neuf.

Le Président (M. Paradis) : La commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 37)

(Reprise à 17 h 39)

Le Président (M. Paradis) : La commission reprend ses travaux et accueille maintenant le Conseil des entrepreneurs agricoles du Québec. S'il vous plaît, veuillez vous présenter et présenter votre mémoire.

Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA)

M. Cartier (Jacques) : Alors, merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, MM. les députés, mesdames, messieurs. Alors, je me présente, mon nom est Jacques Cartier. Je suis le président du Conseil des entrepreneurs agricoles. Je suis producteur céréalier et de légumes à Saint-Émile, dans le comté de Richelieu. Et je suis accompagné de deux administrateurs du conseil, soit M. Mario Isabelle, producteur maraîcher de pommes de terre à Saint-Michel-de-Napierville, ainsi que M. Gilles Brouillard, producteur céréalier et de gazon à Saint-Marcel-sur-Richelieu.

Alors, premièrement, merci de recevoir le Conseil des entrepreneurs agricoles à cette commission parlementaire pour discuter du projet de loi n° 46, portant sur un renforcement de la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents. Nous espérons que nos propos vous permettront d'avoir un meilleur éclairage des préoccupations des quelque 2 500 producteurs agricoles que nous représentons et pourront orienter vos réflexions.

• (17 h 40) •

Notre présence est d'autant plus pertinente que, parmi les organismes que vous entendrez à cette commission, nous sommes le seul qui n'est pas lié de quelque façon que ce soit à l'Union des producteurs agricoles du Québec. L'UPA porte depuis déjà plusieurs mois tout le débat sur l'accaparement des terres au Québec et vise la mise en place d'une nouvelle structure pour contrer encore plus les producteurs via les ventes de terres par une société d'aménagement et de développement agricole du Québec, la SADAQ, une structure qui n'a jamais, d'ailleurs, été demandée par les producteurs à la base.

Nous avons déjà transmis un document qui explique la position du conseil sur le projet de loi n° 46. Dans les prochaines minutes, nous allons vous en résumer le contenu. Par la suite, nous pourrons aller plus loin dans le cadre des échanges avec vous. Globalement, le conseil est favorable aux modifications proposées à la loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents, dont l'adoption initiale remonte à 1979, soit il y a plus de 30 ans. Après plus de 30 ans, il semble tout indiqué de vouloir l'ajuster aux réalités et aux besoins d'aujourd'hui. Il s'agit d'une démarche que nous souhaitons d'ailleurs pour l'ensemble des lois agricoles du Québec, incluant, bien entendu, la Loi sur les producteurs agricoles.

La loi sur l'acquisition des terres par des non-résidents repose sur un consensus partagé depuis plusieurs années, et ce, sur une démonstration de l'impact de l'acquisition des terres québécoises par des intérêts étrangers. Grâce aux deux outils que sont la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles ainsi que la Loi sur l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents, le Québec possède un modèle unique qui a démontré son efficacité à se protéger de l'accaparement des terres. Ceci justifie donc la volonté de procéder à son resserrement par le biais du projet de loi n° 46.

Pour de meilleurs résultats encore, le CEA recommande trois modifications au projet de loi n° 46. Je comprends qu'un des sujets que je vais amener tantôt, là, le ministre a éclairci, mais je vais quand même le répéter parce que, je pense, c'est important.

Premièrement, lorsque le sol est propice à la culture ou à l'élevage, on devrait introduire dans la loi l'obligation, pour un acquéreur non résident, de mettre en valeur et d'exploiter les terres agricoles ou de les faire exploiter par des producteurs actifs. D'ailleurs, au sens de l'article 1 de la loi de protection du territoire agricole, maintenir une terre en friche ou en jachère est considéré comme une activité agricole. Alors, on considère que ce positionnement-là devrait être éclairci.

Deuxièmement, abaisser le seuil maximal de 1 000 hectares — comme je l'ai mentionné tantôt, là, je pense que ça a été éclairci par le ministre — prévu à l'article 15.3 du projet de loi. Ce seuil nous apparaît trop élevé, puisqu'à titre d'exemple l'acquisition d'une telle superficie dans la région de Montréal nécessiterait un investissement de plusieurs dizaines de millions de dollars. Alors, ça, ça a été considéré par individu ou par entité juridique. Nous proposons d'abaisser ce seuil à 200 hectares, d'autant plus qu'il est prévu que la commission puisse analyser toute demande excédant ce seuil.

Finalement, nous proposons de resserrer également les critères pour les personnes morales afin d'éviter de permettre de façon détournée ce que l'on veut empêcher en resserrant les critères pour les individus. Nous proposons donc de faire passer le seuil de propriété de 50 % plus un à plus de 80 % par des intérêts québécois, justement pour empêcher, par un effet détourné, que des étrangers, des investisseurs étrangers, puissent posséder 49,9 % des actions d'une entreprise et faire l'acquisition de blocs de terres au Québec.

Alors, tel que je l'ai mentionné en introduction, la modification de la Loi sur l'acquisition des terres agricoles par des non-résidents s'effectue dans un contexte où le Québec agricole est plongé dans un débat sur l'accaparement des terres. Et je vais laisser M. Brouillard continuer la lecture du texte.

M. Brouillard (Gilles) : Alors, comme vous le savez, trois rapports de recherche ont récemment été publiés sur le sujet : ceux de l'IREC pour le compte de l'UPA en mars 2012 et novembre 2012; celui d'AGECO pour La Coop fédérée en octobre 2012; et celui de CIRANO réalisé pour le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec en février 2013.

Ces rapports offrent une lecture de la situation actuelle au Québec et de la réalité québécoise en matière d'accaparement des terres. Ils en arrivent tous à une même conclusion. Bien qu'il existe relativement peu de données substantielles sur le phénomène d'accaparement des terres au Québec, les données disponibles démontrent clairement qu'il n'y a pas de phénomène d'accaparement des terres agricoles québécoises. Les données compilées indiquent, en effet, qu'au Québec 84 % des terres agricoles sont possédées par des agriculteurs d'ici. Ce pourcentage tombe à 64,6 % au Canada et avoisine seulement les 30 % en France. Nous trouvons donc déplorables les tentatives de confusion qui sont faites afin de lier accaparement des terres, spéculation foncière et hausse de la valeur des terres agricoles, accaparement et frein à la relève agricole via l'accès aux terres ou encore accaparement et perte de contrôle des producteurs via la fin du modèle de propriétaire exploitant.

Cette stratégie ne vise, à notre avis, qu'à tenter de justifier de nouvelles mesures de contrôle des producteurs agricoles québécois par la mise en place d'une SADAQ, comme le souhaite l'Union des producteurs agricoles. C'est pourquoi nous avons soulevé dans le document différentes interrogations quant aux impacts potentiels de l'accaparement sur la spéculation, la valeur des terres, la relève et le modèle de propriétaire exploitant. Nous questionnons ces éléments, puisque le Conseil des entrepreneurs agricoles souhaite que les choix gouvernementaux s'appuient sur un réel état des connaissances plutôt que sur des craintes et des perceptions. Il s'agit de l'unique façon de s'assurer que les choix qui seront faits ne viendront pas pénaliser les producteurs agricoles québécois qui nourrissent la population. Il est présentement démontré que l'urgence en matière d'accaparement des terres au Québec n'existe pas. Prenons le temps de bien documenter la réalité et les enjeux réels, ainsi que de bien évaluer puis améliorer les outils existants, comme on le fait présentement avec la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents, avant de penser intervenir de nouveau.

En conclusion, évitons de brimer l'entrepreneuriat et le dynamisme des producteurs en imposant toutes sortes d'exigences et de nouvelles structures lourdes et coûteuses comme, par exemple, une SADAQ. Investissons plutôt directement dans l'avenir de nos fermes auprès de la relève et soutenons les producteurs-entrepreneurs qui croient au développement agroalimentaire du Québec. Oui, il faut se questionner sur l'accaparement des terres. C'est notre devoir de documenter et de mesurer adéquatement ce phénomène avant d'en débattre et, par la suite d'agir, si requis. Nous avons surtout la responsabilité collective de ne pas spéculer sur des perceptions. Sur la base des connaissances actuelles, nous croyons justifié de mettre à jour la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents au moyen du projet de loi n° 46, que nous souhaitons voir bonifié de nos recommandations afin de renforcer substantiellement la protection de notre capital foncier agricole.

En terminant, je vous invite donc à prendre connaissance, si ce n'est déjà fait, de notre document intégral que nous avons déposé à la commission.

Le Président (M. Paradis) : Merci beaucoup. M. le ministre.

• (17 h 50) •

M. Gendron : Bien, d'abord, bonjour à vous trois. Je vous remercie très sérieusement. Et je pense que vous aviez quelques mentions de départ qui sont légitimes, là, d'indiquer que vous êtes la seule instance, même ce ne sont pas des consultations générales, c'est des consultations restreintes et réduites qui n'avaient pas de lien de quelque façon que ce soit avec l'Union des producteurs agricoles. Si vous prenez la peine de faire cette mention-là, c'est parce que ça signifie quelque chose. Alors, vous y tenez, puis vous avez le droit. Vous avez le droit également d'indiquer que vous représentez des gens qui, effectivement, sont en agriculture depuis fort longtemps, mais davantage, là, liés à un modèle autre que le modèle traditionnel des grandes productions ou des filières historiques. Alors, vous avez mentionné ça.

Que vous dites, comme producteurs, vous, ceux que vous représentez, là, les 2 500 agriculteurs de diverses productions, vous n'avez pas réclamé ce qui est promu, si vous permettez l'expression, par l'UPA, c'est-à-dire la SADAQ, vous n'avez pas demandé ça, ça n'a pas été sollicité, le veux juste vous dire que je suis au courant de ces réalités-là. Je veux juste vous rassurer, là. Il me semble que c'est mon devoir, comme ministre, de vous dire que je suis au courant de ces réalités-là. Et je me rappelle de l'avoir dit publiquement — c'est pour ça que ça ne me fait rien de le rappeler — moi, j'ai dit envisager une espèce d'outil pour atteindre l'objectif de disponibiliser, par une fiscalisation ou autre, une banque de terres avec une instance chapeau. J'appelais ça de même dans mes mots à moi, là. Ça, j'ai dit que je n'ai pas de trouble avec ça, mais je n'ai pas dit que c'était la SADAQ.

Est-ce que ça pourrait être un autre instrument? Est-ce qu'on pourrait passer par La Financière, qui existe déjà? Est-ce que ça pourrait être d'autres outils? J'ai dit : Ma tête n'est pas faite. C'est pour ça que je suis content que vous en parliez, même si ce n'est pas spécifiquement… la SADAQ, ce n'est pas le projet de loi — puis vous le savez très bien — sur lequel on étudie. Donc, merci d'être là. Je suis content d'avoir votre point de vue.

Première question — parce que, si on a la chance de vous avoir, bien, vaut mieux essayer d'échanger puis mieux le saisir— j'ai trouvé que, par contre, vous y alliez pas mal fort, là, en disant : Nous, là, on voudrait avoir une connaissance beaucoup plus fine de la réalité du sujet qu'on traite, c'est-à-dire contrer l'accaparement des terres par des étrangers, des investisseurs étrangers ou toute la question de la spéculation, puis là je n'ai pas envie de tout vous reprendre, là : Le Québec ne dispose que très peu d'outils, très peu de moyens, il y a eu des rapports qui l'ont confirmé, l'analyse nous amène à conclure qu'il n'y a pas, à l'heure actuelle, d'enjeu d'accaparement. J'aimerais juste vous demander : Comment se fait-il, s'il n'y a pas d'enjeu, que ce phénomène-là… Il ne peut pas être juste poussé par l'UPA ou d'autres qui veulent promouvoir une instance qui va superviser la réalité.

Moi, je peux vous dire qu'en dernière campagne électorale… Est-ce que je me suis fait parler de ça plus souvent que j'aurais souhaité? Oui. Et j'ai constaté la même chose que vous, je ne trouvais pas qu'en statistiques… Et là je n'avais pas accès aux données que j'ai aujourd'hui au ministère, je trouvais, tout comme vous, qu'on m'en parlait trop pour ce que j'observais comme réalité. Mais vous avez entendu Québec rural, ils étaient ici… Solidarité rurale, pardon, et, d'une façon on ne peut plus claire, ils ont dit : Nous, on est très heureux de ce projet de loi là parce que ce n'est pas quand le bobo va être plus gros que les réalités par rapport à la nécessité d'être, ce que j'appelle, prudent, attentif, plutôt qu'attendre que le problème s'amplifie… À assez court terme, il me semble qu'on va atteindre deux objectifs. Et là ma question va être précise : Qu'est-ce que vous avez contre deux objectifs, qu'il y ait plus de propriétaires que de locataires au Québec et qu'une des meilleures façons d'y arriver, c'est de viser, effectivement, à ce que ça soit les Québécois qui se portent acquéreurs parce qu'ils ont l'habitude de vivre dans notre milieu, ils ont l'habitude de composer avec nos objectifs, la masse critique, la politique de souveraineté alimentaire, alors qu'avec tout le respect que je dois avoir pour quelqu'un qui vient s'établir de l'étranger, il se peut qu'il ne partage pas toutes ces réalités-là et qu'il ait le droit, lui, d'avoir un objectif d'acquisition sans trop être clair sur les motifs de l'acquisition?

Donc, il y a lieu de resserrer… pour des questions de notion de résidence, comment ça fait de temps que tu es ici pour être certain que c'est un vrai résident du Québec qui veut s'établir, y vivre, contribuer à la masse critique et générer de l'activité économique dans son milieu. Je ne vois pas en quoi que j'ai besoin d'en avoir une connaissance beaucoup plus fine pour prétendre que le moment est venu pareil de poser… Si c'était une législation très, très imposante avec toutes sortes de mécanismes à ne plus finir, j'aurais des doutes, moi aussi, mais il me semble que c'est assez sommaire, c'est précis, ça veut contrer quelques aspects simplement. Alors, j'aimerais ça, vous entendre davantage sur qu'est-ce que j'ai lu.

Le Président (M. Paradis) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Il y a une chose qui est claire, c'est que l'accaparement, il faut faire la distinction entre l'acquisition par les non-résidents et l'acquisition par des producteurs ou des gens du Québec.

M. Gendron : C'est clair.

M. Cartier (Jacques) : Dans le cas des non-résidents, un des phénomènes qu'il est important de mentionner — puis on l'exprime assez clairement — c'est qu'à l'heure actuelle un non-résident peut acheter une terre dans un secteur agricole dynamique au Québec, que ce soit sur le bord d'un lac, sur le bord d'une rivière ou d'un fleuve, et ne jamais avoir l'obligation de la mettre en culture selon la loi actuelle. Ce qu'on vous dit, nous, non seulement ça devrait être le rôle de la commission, mais on dit que, dans la loi, dans tout le secteur agricole où il y a une possibilité d'agriculture et de production animale, un peu comme on retrouve à l'article 15 de la loi sur les non-résidents, ça devrait être une condition sine qua non que, dans le secteur où il y a un potentiel agricole, que les étrangers, lorsqu'ils veulent acheter une terre, devraient les remettre en culture, les cultiver ou les mettre à la disposition d'agriculteurs pour les cultiver. Le problème qu'on a à l'heure actuelle, c'est que vous avez des beaux domaines agricoles qui sont laissés en jachère ou en friche parce qu'il n'y a aucune obligation à l'heure actuelle de les mettre en production. Alors, ça, je pense que c'est un des éléments qui est important.

L'autre élément qu'il ne faut jamais oublier aussi — puis ça, on l'a mentionné dans notre mémoire — le Québec agricole a évolué avec l'arrivée des immigrants aussi. Je prends l'exemple de mon voisin, M. Isabelle, beaucoup de producteurs dans son secteur… Quand on parle des Van Winden ou autres, là… Puis je ne veux pas commencer à nommer des individus, là, mais la production maraîchère, la production des terres noires s'est développée grâce à ces gens-là. Moi-même, je ne suis pas dans ce secteur-là, je suis… Mon beau-père était un Européen, et, n'eût été de l'arrivée de mon beau-père au Québec, je ne serais pas agriculteur. Alors, de penser que les immigrants… Et ça a apporté, je pense, au cours des années… Que ce soit après la guerre ou dans les années 70, où il y a eu un apport important d'immigrants au Québec, ces gens-là ont amené des nouvelles technologies, ont amené des nouvelles productions, ont amené une nouvelle dynamique, et ça doit être encouragé, mais ça doit être encouragé en autant que ces gens-là valorisent notre bien foncier agricole, notre patrimoine agricole. Et ça, pour moi, c'est une nécessité, ce qu'on ne retrouve pas à l'heure actuelle. Et ça devrait être dans la loi, et non pas dans les conditions, tel qu'il a été mentionné tantôt, parce que je pense que c'est un élément important. On dit aux gens : Oui, vous voulez venir au Québec, vous voulez venir acheter une terre agricole qui est propice à l'agriculture, vous êtes dans la zone agricole, bien, faites les éléments pour que ça nous génère un actif, un plus agricole au Québec, venez valoriser ces terres-là ou permettez à des producteurs de les valoriser.

M. Gendron : Bien, c'est on ne peut plus clair. Merci beaucoup. À un moment donné, dans la page 7 de votre mémoire, vous dites : Nous… Alors, vous savez qui vous êtes. «…souhaite que les choix gouvernementaux s'appuient sur un [état réel] des connaissances plutôt que sur des craintes et des perceptions.» On vient de le toucher un peu, puis ça me suffit comme commentaire. Mais vous avez ajouté : «Il s'agit de l'unique façon de s'assurer que les choix qui seront faits ne viendront pas pénaliser les producteurs agricoles québécois qui nourrissent la...» Là, je vous avoue que je ne comprends pas la deuxième partie de la phrase, viennent... C'est la seule façon pour ne pas pénaliser les producteurs. Comment vous pensez que ça nuirait aux producteurs agricoles, ce qu'on fait comme geste? Là, je ne saisis vraiment pas la deuxième partie de votre phrase.

Le Président (M. Paradis) : M. Cartier.

M. Cartier (Jacques) : Dans le mémoire, il faut comprendre qu'on traite des deux thèmes. Et ça, je pense que les deux intervenants précédents l'ont fait, ont parlé et des non-résidents et du renforcement de la Loi de protection du territoire agricole. Ou appelez-le SADAQ ou appelez-le autrement, je pense que les deux termes sont intervenus ou on en a entendu parler par les deux intervenants précédents. Alors, cet élément-là s'ajoute aussi au niveau québécois.

Pour moi, c'est aussi important, au niveau du Québec, d'offrir la possibilité à tous les producteurs agricoles, quels qu'ils soient… Parce qu'au niveau du conseil ce qui est curieux, c'est qu'on a des grandes entreprises, mais on a aussi des petits producteurs, des producteurs biologiques et des gens qui ont des petites fermes qui sont membres chez nous, et on pense que n'importe quel agriculteur québécois qui veut prendre de l'expansion et qui veut faire son développement agricole… ait la possibilité de le faire et ne soit pas obligé de subir une autre contrainte, ou un autre contrôle, ou être compétiteur de d'autres intervenants pour pouvoir faire l'acquisition et le développement de son entreprise.

On entend souvent, puis c'est pour ça… J'ai entendu les deux intervenants précédents, je n'ai pas les mêmes chiffres qui ont été cités, mais, à quelques nuances, c'est pas mal semblable. L'étude de Financement agricole Canada, le rapport des valeurs des terres au printemps 2013, le Québec, au cours de la dernière année, on parle, selon Financement agricole Canada, on parle d'environ 26,1 %. L'Ontario, durant la même période, était à 28,2 %. Dans l'année précédente, le Québec était à 8,7 % d'augmentation, et l'Ontario était à 13,8 %. Le cumul des trois dernières années, l'Ontario… l'augmentation de la valeur des terres en Ontario était de 50 %; au Québec, on était 38 %.

C'est vrai que la valeur des terres augmente au Québec, comme elle augmente en Ontario puis comme elle augmente aux États-Unis, mais on nous cite toujours les États-Unis comme étant un gros village. Il y a tellement d'États américains, il y a tellement de différences, puis c'est vrai en Europe aussi… Je vous ai dit que mon épouse est européenne, je vais régulièrement en Europe, et vous avez des disparités régionales aussi.

Si la valeur des terres augmente, c'est parce qu'il y a des gens qui ont été chercher une plus-value dans leur production. Il y a 30 ans, on était en production de pâturage, production de foin. On a évolué vers des productions céréalières. On a développé par la suite vers la production de maïs, de soya, et il y a des gens qui sont encore plus avancés que nous, qui sont des producteurs exclusivement maraîchers, où la production et le revenu de la production à l'hectare, ou à l'acre, ou à l'arpent, dépendamment où est-ce qu'on se situe au Québec, s'est grandement appréciée, et, ces gens-là, ce qu'ils veulent… Parce que, la plupart du temps, lorsque les fermes sont rentables au Québec, curieusement on n'a pas de problème de relève dans le cas des apparentés.

Et je vous dirai que, dans le comté de Richelieu, mon comté, il y a une soirée d'excellence pour la relève agricole à chaque année, et on se ramasse avec des jeunes qui ont des projets de production en serre, production de fines herbes, production de champignons, une multitude de jeunes entrepreneurs qui ont parti, mais c'est des superficies plus réduites. On ne peut pas compétitionner M. Isabelle demain matin dans le maraîcher, mais on peut partir à petite échelle puis développer, puis je pense que Mme Bolduc vous a donné un exemple très clair d'un producteur, avec un hectare de terre, qui réussit à bien vivre.

• (18 heures) •

M. Gendron : Merci beaucoup. Merci beaucoup. À la page 9 — puis là, tantôt, vous l'avez exposé, et c'est on ne peut plus clair, là — la recommandation 1, vous souhaitez que, dans la loi, qu'on touche, qu'on modifie… «introduire [...] l'obligation pour un acquéreur non résident de mettre en valeur, d'exploiter ses terres ou de les faire exploiter par des producteurs actifs».

Vous souhaiteriez qu'on aille plus loin dans la précision de l'article, et je voulais juste savoir si vous êtes au courant qu'avec les cinq critères qui étaient mentionnés à l'article 16, lorsqu'elle avait une demande, la commission prend en considération l'usage projeté, l'incidence de l'acquisition sur le prix, les effets de l'acquisition... Est-ce que ces cinq critères-là ne risqueraient pas d'arriver au même résultat que vous souhaitez, que c'est certain que, si on tient compte globalement des cinq paramètres mentionnés, bien, ça suppose que la CPTA arriverait à peu près au même objectif, là, de s'assurer qu'il faut non seulement actualiser le projet, mais il faut que la production puisse avoir un impact réel sur le milieu? Autrement dit, les cinq paramètres ou les cinq critères, est-ce que ce n'est pas préférable de laisser ça à l'interprétation des gens qui ont l'expertise, qui ont une certaine jurisprudence puis qui ont développé une capacité d'évaluer plutôt que le mettre dans la loi?

M. Cartier (Jacques) : Bon. Il y a une chose qui est claire — et puis, tantôt, je vais demander à mes confrères d'intervenir, je ne veux pas être le seul intervenant — il y a une chose qui est importante, regardez, votre article 1°, vous dites : «L'usage projeté, notamment l'intention du requérant de cultiver...». Et, pour nous, c'est pour ça que c'est important de le mettre dans la loi, et non pas de dire : La commission va décider. Il y a une différence majeure entre l'intention de cultiver et l'obligation de le faire, de le mettre en valeur. Et ça, pour moi, c'est important parce que quel pouvoir aurait la commission après trois, quatre ou cinq ans si l'intention ne s'est pas matérialisée? Si vous l'avez dans la loi, vous obligez le producteur à mettre ses terres en valeur lorsqu'il y a un potentiel agricole, là vous venez de changer complètement la perspective.

Deuxième élément que vous mentionnez, l'incidence de l'acquisition sur le prix des terres agricoles de la région. Je vous dirais que, pour faire une évaluation de terre, il y a autant d'évaluations qu'il y a de fermes à l'heure actuelle au Québec, que la terre soit drainée, qu'elle soit nivelée, qu'il y ait une partie boisée, qu'il y ait des bâtiments agricoles, des résidences. Je vois mal la commission jouer le rôle d'évaluateur puis commencer à estimer la valeur des fermes au Québec parce que, là, on va rentrer dans un créneau, et cette expertise-là, à l'heure actuelle, existe seulement par quelques entreprises privées et les firmes d'évaluation dans les MRC pour faire l'évaluation des terres, mais qui se fait de façon très générale, sans tenir compte des particularités de chaque ferme.

Alors, déjà, ces deux éléments-là sont assez difficiles d'application. Et, sur le développement économique de la région, bien, je ne pense pas que la Commission de protection du territoire agricole ait le pouvoir de voir le développement économique de la région se substituer au rôle des MRC et des intervenants régionaux, que ce soient les CLD ou autres.

Alors, ce sont tous des éléments, là, si vous voulez, que, quand on les regarde, là, c'est bien — et on peut continuer pour les deux autres aussi — mais, dans la réalité des faits, la commission, lorsqu'elle a rendu une décision ou lorsqu'elle rendra une décision, la décision, elle est permanente et elle est acceptée. La seule obligation que l'individu a, c'est de rester pendant 1 095 jours sur les quatre années à venir. Puis ça, je trouve que c'est merveilleux qu'il y ait eu cette amélioration-là parce qu'antérieurement on disait 365 jours sur deux ans, là on exige trois ans sur quatre. Je pense que c'est déjà une grande amélioration, mais ça doit être plus loin que ça. Et c'est pour ça que je vous dis : Lorsqu'une autorisation est accordée, c'est difficile de la rendre caduque parce que vous savez très bien que les tribunaux peuvent la contester, et les gens vont se faire un plaisir. Puis il existe… au-dessus de la Commission de protection du territoire agricole, il y a le Tribunal administratif du Québec qui, des fois, peut jouer ce rôle, qui va limiter aussi les possibilités d'intervention de la commission dans ce domaine-là.

M. Gendron : Merci beaucoup. Sur le nombre…

Le Président (M. Paradis) : Très, très brièvement, M. le ministre, il reste deux minutes. Bien, à moins que j'aie un consentement pour déborder, là, j'ai…

M. Gendron : Non, non, on va suivre les règles. Sur le nombre d'hectares, simplement, là, j'aimerais avoir, parce que c'est marqué… Vous, vous dites : On recommande de l'abaisser à 200 parce que, là, ce serait un seuil plus réaliste. J'aurais aimé une phrase ou deux de plus parce que moi, je trouvais qu'à 1 000 c'était très réaliste. 200, je ne trouve pas que ça indique beaucoup de volonté de réduire. Alors, vos critères pour arriver à 200, c'est quoi? Moi, je peux vous parler des miens, mais là, vu qu'on a la chance de vous avoir, c'est quoi, votre critère pour dire 200?

Le Président (M. Paradis) : Brièvement.

M. Cartier (Jacques) : Oui. Il faut comprendre que ce qu'on avait comme information, c'était 1 000 hectares, mais on parlait d'individus dans le projet. Si vous le prenez de façon individuelle, on considérait que 200 hectares, c'est énorme pour un individu qui veut agrandir. Par contre, regardez, Mme Bolduc vous a parlé de trois producteurs avec au-delà de 1 000 hectares.

L'autre phénomène, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'on a des producteurs québécois qui font l'acquisition de terres en Ontario, puis je ne parle pas du Témis, là. Prenez dans la région de Hawkesbury, Gatineau, Pontiac, alors il y a des producteurs ontariens qui viennent prendre de l'expansion au Québec sur certaines superficies, tout comme des Québécois le font en Ontario. Alors, si vous limitez globalement votre 1 000 hectares, ça veut dire que vous limitez l'expertise des Européens qui pourraient venir ici. Je ne parle pas spécifiquement de certains producteurs ontariens, là. Parce qu'on a donné l'exemple au début d'un phénomène au Témis qui est spécial, mais ça existe partout, puis on a des producteurs ontariens qui sont à la frontière, comme des gens du Québec qui vont acheter des terres aussi en Ontario, alors de dire… C'est pour ça que nous, on l'avait conçu sur un projet individuel, on disait que 2 200 hectares déjà… Dans la région de Montréal, je prends l'exemple de M. Isabelle. Il peut vous parler du prix des terres dans la région, vous allez voir que 200 hectares à Saint-Michel-de-Napierville, là, on parle…

M. Isabelle (Mario): Dans ma région, à l'hectare, ça se joue à 50 000 $ l'hectare. Ça fait que, si quelqu'un va en acheter 200, il faut qu'il soit attelé solide, là. C'est bien sûr qu'au Témiscamingue ce n'est pas tout à fait le même prix. Mais, comme je disais tantôt, dans notre région, c'est des terres qui sont à valeur ajoutée. On est dans les terres noires, on est dans la proximité des marchés, on a tout pour nous autres. C'est pour ça que 200 hectares, ça commence à être déjà pas mal grand, là. Puis, en plus de ça, il faut mettre… Comme l'intervenante qui est passée avant nous, je trouve qu'elle a très bien parlé en mettant une limitation à 200 hectares. Si quelqu'un en veut plus, bien là ce sera du cas par cas qui va être à étudier. Si on met à 1 000 hectares, qu'il n'est pas étudié, bien là ça va vite, là. 1 000 hectares, ça commence… Dans les terres agricoles, quand on sait qu'on a seulement 4 % de nos superficies, si vous commencez à éliminer du 1 000 hectares ici, 1 000 hectares là, ça va vite, ça va trop vite.

Le Président (M. Paradis) : Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Billette : Merci beaucoup, M. le Président. Je veux vous souhaiter la bienvenue. Des gens de mon comté également, c'est encore plus important. Mais c'est tout aussi important de recevoir M. Cartier par son expérience professionnelle d'auparavant, également M. Brouillard…

Petite question. Vous avez parlé de 2 500 membres dans votre organisation. C'est-u des membres volontaires? Ça provient de quels milieux précisément, juste pour bien vous situer?

M. Cartier (Jacques) : On a des gens de toutes les régions du Québec. Vous comprendrez que, dans le secteur... Ce qui a été mentionné tantôt, on a d'abord des producteurs maraîchers, dont M. Isabelle est le représentant. On a des producteurs de gazon, dont M. Brouillard est le représentant. On a aussi, curieusement, beaucoup de producteurs laitiers qui sont membres chez nous et qui sont membres… Le membership s'est développé à la suite de la fameuse histoire de l'Abattoir Colbex. Alors, ça, c'est un des groupes qui est important. On a aussi l'Association des érablières-transformateurs, qui regroupe, là, plusieurs grosses érablières dans la région de Portneuf, entre autres, là, dans ce secteur-là. Je ne sais pas si…

Une voix : Les céréaliers.

M. Cartier (Jacques) : Et, enfin, ce dont je suis, et M. Brouillard aussi, les Céréaliers du Québec. Et, les Céréaliers du Québec, on a des producteurs dans toutes les régions du Québec, non seulement dans Saint-Hyacinthe, mais dans diverses régions du Québec.

M. Billette : Bien, merci beaucoup. Je pense que ça nous situe exactement pour nos auditeurs puis également les membres de la commission aussi. Je pense que c'est très important de faire le point, qui vous êtes, également qui vous représentez. Je pense que c'est la prémisse au bon déroulement de nos travaux.

Vous avez parlé beaucoup d'études. Vous avez parlé de celle de l'IREC, également AGECO. Il y en a trois principalement. J'aimerais porter votre attention également, juste pour votre information, que Desjardins également a fait une étude — on en a entendu très peu parler — le 11 mai 2010, et je pense qu'ils reprennent le point de vue que vous avez avancé, à ce moment-là, de problèmes réels, un questionnement face à la vraie problématique, est-ce que c'est un phénomène qui existe vraiment. Je pense qu'ils ont la même conclusion, et je vais citer : «...il semblerait que les intentions d'achat de fermes au Québec ne sont pas fondées...»

Vous avez parlé tantôt de… pas le mot «allégations», mais des tentatives de confusion, et, j'aimerais savoir de votre part, avez-vous une idée de l'objectif qui était derrière ces tentatives de confusion là? Est-ce que c'était un marché spéculatif? Est-ce que c'était… Avez-vous une idée d'où ça peut provenir?

• (18 h 10) •

M. Cartier (Jacques) : Bien, je pense que l'histoire agricole du Québec nous prouve une chose. On nous cite souvent l'histoire des SAFER en France. Ce qu'on oublie de nous citer dans le cas des SAFER en France, c'est que, dans tous les pôles régionaux, vous lisez clairement le document de l'IREC, on dit qu'il y a toujours la présence de plusieurs syndicats agricoles. Au Québec, il existe un monopole syndical. Alors, à partir de la minute où vous allez mettre une structure régionale d'appréciation, qui est-ce qui va contrôler? Un organisme unique qui va choisir qui va pouvoir acheter les terres, qui va avoir une obligation de préemption? Alors, c'est un phénomène, je pense, qui est assez difficile, puis c'est un phénomène qui est dangereux aussi. On a seulement qu'à entendre, au cours des semaines qui sont passées, ce qu'on entend, différentes préoccupations par rapport au monde syndical et d'avoir un syndicat unique au Québec qui aurait le pouvoir de recommander et de décider qui seront les acquéreurs, quelles terres seront mises en vente et qui aura à subir le droit de préemption.

Et, que ce soient les gens de la relève ou autres… Je prends l'exemple dans ma municipalité, dans mon rang, il y a sept producteurs agricoles en place, puis les sept ont de la relève. Ce sont des entreprises dynamiques dans des productions diverses, porcin, laitier, céréales, et tout le monde s'est bien établi, et on n'a aucun problème de relève. Le seul problème que les gens de la relève ont — on est tous les mêmes — c'est qu'on veut faire l'acquisition de plus de terres pour justement… On a les outils, on a la technologie, on a le personnel. Ce qu'il nous reste, c'est d'augmenter ces entreprises-là, et on vit tous le même phénomène et le même problème.

Alors, ce que nous, on craint, c'est d'établir, de mettre en place un organisme, quel qu'il soit, qui devienne un organisme de contrôle additionnel, et vous allez vous ramasser avec le phénomène… On a parlé tantôt de l'augmentation de la valeur des terres au cours de la dernière année. Signez une promesse d'achat avec un propriétaire, et vous aurez à passer à un organisme, quel qu'il soit, ça va prendre six mois, un an, deux ans avant d'avoir une réponse définitive. Quelle sera la réponse du propriétaire quand vous allez lui dire : Bien, écoute, là, c'est réglé, on a l'autorisation, mais les terres ont augmenté de 20 %, 30 %, 40 %? Pensez-vous qu'il va être encore intéressé à nous vendre la propriété? Vous avez la réponse. Juste à poser la question, vous avez tout de suite la réponse, alors qu'à l'heure actuelle, si on veut acheter, le marché est libre à tous, et on fait une entente de gré à gré, et, dans le mois qui suit, normalement la transaction est complétée.

M. Billette : Si je vous comprends bien, M. Cartier, je pense que vous avez très bien expliqué la raison des SAFER… où le taux d'occupation de propriétaires agriculteurs, en France, est descendu à 30 %. Donc, lorsque le prix est trop bas, la personne demeure propriétaire de sa ferme, mais préfère la louer au lieu de la laisser à un prix qui ne serait pas… qui ne justifierait pas à ce moment-là… Je pense que ça vient m'éclaircir beaucoup au niveau de la problématique de propriétaires exploitants en France, où on voit que c'est maintenant que 30 %, et, au Québec, on est à 84 %.

M. Cartier (Jacques) : Un des autres phénomènes — écoutez, je m'excuse, là — qu'on oublie en Europe, c'est vrai en France, c'est vrai en Belgique, il y avait aussi une obligation de remembrement des terres. Pour ceux qui ont visité la Beauce en France ou certaines régions de la Belgique, souvent les gens avaient des petites propriétés d'un hectare et moins d'un hectare. Et une des obligations qu'il y a eu au cours des années, c'est d'essayer de regrouper puis de faire des entités qui avaient des dimensions décentes pour pouvoir cultiver.

Je prends l'exemple... Ceux qui visitent la région d'Orléans, vous voyez des superficies de blé extraordinaires. Mais des gens voulaient avoir la possibilité, justement, de cultiver sur des superficies, et non pas avoir des parcelles d'un hectare. Quand vous déplacez des moissonneuses-batteuses et des équipements agricoles sur des parcelles comme ça, il n'y a plus aucune justification et aucune rentabilité. Et, quand on sait comment que les gens peuvent être perfectionnistes dans certaines productions spécialisées, entre autres dans le blé, dans la betterave, et autres, alors, ça, ça a été un des phénomènes aussi, d'essayer de regrouper des entités pour en faire des unités agricoles décentes.

M. Billette : On va revenir sur le nombre d'hectares que vous avez mentionné, au niveau de 200 hectares. Vous avez parlé au niveau… Je pense, c'était au niveau d'un individu, un étranger qui arrive et qui se porte acquéreur d'un lot de terre, d'une ferme à ce moment-là. Vous nous avez dit : Ça devrait une limite de 200 hectares, et je comprends très bien le point de M. Isabelle au niveau de coût d'acquisition des fermes. Je veux dire, si on arrive avec 200 hectares, oui, ça prend beaucoup d'investissement, mais vous parlez beaucoup par projet. Est-ce que vous avez une position au niveau de l'enveloppe totale qui devrait être déterminée? On parle de 1 000 hectares dans le projet de loi. Est-ce que c'est suffisant? Est-ce que c'est contraignant à ce moment-là? Parce qu'on se souvient très bien, les frères Van Winden, lorsqu'ils sont arrivés puis ils ont fait des réalisations de drainage au niveau des terres noires dans les Jardins-de-Napierville, peut-être que, s'ils étaient arrivés avant, on n'aurait pas vu les terres noires de Sainte-Barbe brûler, malheureusement. C'étaient des swompes — excusez-moi le terme, là — et les gens voulaient s'en débarrasser. Et on ne se priverait pas, à ce moment-là, en étant trop restreignants au niveau d'hectares disponibles à de nouvelles technologies, à de nouvelles manières de produire que des pays étrangers pourraient nous apporter ou nous inculquer dans nos valeurs ou nos manières de cultiver?

M. Cartier (Jacques) : L'arrivée des immigrants… Tantôt, je vous ai parlé de l'après-guerre, le début des années 70. Ils sont toujours un phénomène d'activité soit politique ou économique en Europe. Ça a été soit la peur de la guerre, les récessions et les changements au niveau socioéconomique qui ont fait que les Européens sont venus, entre autres, dans les années 70. Les Suisses, les Allemands, il y en a eu beaucoup qui sont arrivés, puis dans toutes les régions du Québec, en production laitière, en maraîcher, dans tous les secteurs. Et de dire : On va limiter… Est-ce qu'on va dire demain matin : On a un quota, attends à l'an prochain parce que, là, notre quota est atteint, puis on ne pourra pas permettre à ces gens-là de venir s'établir au Québec puis de venir vivre les expériences que vous venez de mentionner? C'est pour ça que j'ai certaines réserves.

Et, M. Gendron le mentionnait tantôt aussi, c'est que le Québec est grand, et on a une diversité de productions aussi dépendamment des régions. Et il faut comprendre, comme Mme Bolduc aussi l'a mentionné, un projet de 1 000 hectares en Abitibi n'a pas le même sens qu'un projet de 1 000 hectares en Montérégie. Et ce qui est aussi malheureux, c'est qu'on a des milliers d'hectares dans le Bas-Saint-Laurent qui sont retournés en friche et qui auraient un potentiel agricole. Est-ce que, s'il y aurait des projets pour des gens qui seraient intéressés à investir dans ces régions-là, pour développer des productions comme le blé, entre autres, des productions animales comme l'agneau ou d'autres types de production... Il y a un potentiel pour le Québec, il y a des belles terres agricoles. Quand on parle des sols de classe 2 et de classe 3 qui sont, à l'heure actuelle, retournés en friche, c'est impensable. Et, ça a été mentionné, au cours des prochaines années on va avoir des besoins de plus en plus grands d'alimentation. On a l'avantage d'avoir des bons sols, d'avoir de l'eau, mais on est dans une région nordique, et il faut se donner les outils pour pouvoir les développer, et non pas les laisser à l'abandon, les laisser en friche ou les retourner en production forestière sans contrôle.

M. Billette : J'écoute vos propos, ils sont fort intéressants. Et, si on regarde, on a présentement les plans de développement de la zone agricole, où, finalement, on va pouvoir bien connaître notre milieu et le potentiel de notre milieu agricole. Je pense, c'est un outil qui est indispensable. En vous écoutant, il me vient des idées, puis c'est pour ça qu'on fait des consultations. Est-ce qu'il y aurait lieu de dire : Un certain nombre pour des catégories de terres de classe 1 et d'autres de classe 2 où on pourrait augmenter la superficie pour de nouvelles cultures émergentes, pour des gens qui pourraient venir de l'étranger, des fois, avec des nouvelles cultures? Est-ce que vous verriez ça comme une opportunité de développement des zones qui ne sont pas exploitées à l'heure actuelle, faute de connaissances ou de techniques de production qui sont propres à certains pays nordiques ou scandinaves, d'outre-mer?

M. Isabelle (Mario) : J'aime bien ta dernière phrase, Stéphane, quand tu dis notre manque de connaissances. Si on revient aux Van Winden et d'autres nationalités qui sont venues développer les terres noires, si on prend... Nous autres, on dit : On a des sols de type 1, de type 2, de type 3, mais notre type 3, qui est peut-être moins bon pour nous autres, pour peut-être des Hollandais, peut-être des Suisses, peut-être des Norvégiens, pour eux autres, c'est peut-être leurs meilleurs sols pour faire tel type de culture.

Puis il ne faut pas oublier qu'au Québec on est un pays de proximité des États-Unis. Ça veut dire qu'il y a des cultures qu'on ne fait pas présentement parce qu'on a un manque de connaissances que beaucoup de de jardiniers ou des cultivateurs étrangers pourraient venir développer au Québec. Moi, je trouve ça aberrant de dire qu'on va les refuser. Ce qu'il faut penser dans la loi que vous voulez faire, c'est plutôt d'avoir quelqu'un qui va surveiller pour ne pas que ça soit un Dole de ce monde qui s'en vient ici pour faire une exploitation, une méga-exploitation qui va nous nuire dans nos régions. Mais laisser venir des étranges qui vont développer nos régions, même développer notre culture dans n'importe quelle région… Je pense que ça serait aberrant de leur fermer la porte parce qu'ils ont des connaissances qu'on n'a pas, puis c'est fou de refuser des connaissances.

M. Billette : Ça, je trouve ça fort intéressant, M. le Président. Je pense que c'est une piste qu'on n'avait pas explorée, puis je pense que le ministre est à l'écoute également du potentiel du développement. Parce qu'on parle beaucoup de diversification de notre agriculture. Lorsqu'on parle de développer de nouveaux produits, que ce soit pour notre consommation domestique ici ou à l'exportation, je pense que vous avez une proposition qui est très, très importante.

Autre point. À la page 5 — je vais vous le lire — vous dites : Bref, le Québec possède présentement un modèle unique au monde par la combinaison de sa loi sur la protection du territoire agricole et la loi des non-résidents. «Selon l'état[...], il semble [...] que ces deux lois ont offert un [...] niveau de protection...» Je vais revenir sur le «ont offert». Selon vous, est-ce que ces deux lois sont toujours d'actualité avec le mode de production et d'acquisition des fermes qu'on a actuellement au Québec si on prend les deux lois? Parce que vous avez dit : Si on prend le passé comme s'ils ont offert… mais est-ce qu'elles sont toujours à jour ou on doit faire une modification importante de ces lois-là?

• (18 h 20) •

M. Cartier (Jacques) : Je pense que déjà on a répondu au niveau du projet de loi n° 46, où on est grandement... très favorables, puis on demande aussi de le bonifier. De la même façon, tantôt, je vous ai parlé de l'article 1 de la Loi de protection du territoire agricole. Ça aussi, ça devrait être bonifié.

Il faut comprendre que, lorsque la loi a été mise en place en 1978, j'étais déjà producteur agricole, et certains de ceux qui étaient très réticents à la loi, c'étaient les producteurs parce qu'eux se voyaient déjà privés au niveau de la valeur de leur acquis, et c'est pour ça qu'on a mis en place les droits acquis résidentiels, entre autres, pour permettre à ces gens-là d'avoir une résidence qui était détachée au niveau de la loi.

Alors, il y a certains phénomènes… Il ne faut pas penser que cette loi-là… Elle a été demandée par les producteurs, mais les producteurs avaient aussi certaines réserves au niveau de la loi. Reculez en 1978, on parle de 35 ans, à peu près. Depuis 1978, l'agriculture a évolué, puis vous êtes dans une région où vous en avez connaissance. Tantôt, M. Isabelle me citait la même chose, puis je veux qu'il revienne là-dessus, au niveau du développement de l'agriculture. Ce qu'il me disait au niveau de la compétition, je pense que c'est important qu'il puisse le mentionner.

M. Isabelle (Mario) : La compétition… Nous autres, qu'est-ce qui fait notre force dans notre coin puis dans tous les coins, c'est la compétition qu'on a entre les agriculteurs puis la compétition des Américains. Mais je pense que ce qu'il veut me dire, c'est avec les jeunes. Les jeunes... Puis, nous autres, il faut se rappeler, quand les jeunes… les jeunes ruraux qui disent : On a de la misère à acheter des terres, puis acheter ci, puis acheter ça… Mais il ne faut pas oublier que, nous autres, dans le maraîcher, les jeunes n'ont pas de problème à se partir parce qu'un jeune peut partir… Moi, c'est sûr, je suis rendu à 1 400, mais un jeune, il peut partir dans le maraîcher avec 25 acres, 10 acres, cinq acres. Mais quelqu'un qui s'en va dans le poulet, c'est impossible, quelqu'un qui s'en va dans les fermes laitières, c'est impossible de se partir à cause... il y a trop de restrictions, déjà, de faites.

Pour amener une bonne compétition, pour que les terres se développent, il faut laisser la chance à tout le monde d'être capable d'en acheter, mais tu ne peux pas arriver, dire à un jeune d'arriver... Quand ils viennent visiter ma ferme, puis ils voudraient être, demain matin, comme moi, c'est impossible, là. Tu sais, c'est pour ça que la valeur des terres, quand vous dites… Quand j'entendais les jeunes, elles sont rendues trop cher, ça profite juste à ceux qui veulent vendre ou… C'est vrai que quelqu'un qui veut vendre, c'est le fun quand la terre augmente. Mais quelqu'un comme moi que les terres augmentent, puis j'en achète encore… Puis c'est la compétition qui m'amène à vouloir en acheter parce que, comme il a dit tantôt, mon principal compétiteur dans mon coin, c'est mon voisin parce que sa terre, elle m'intéresse parce que je suis dans un coin qui est bien fertile. Puis quelqu'un... Si on fait rentrer des étrangers, qu'il va développer, mettons, son coin à lui, puis que sa terre, au lieu de valoir 3 000 $, ça vaut 5 000 $ demain matin parce que l'étranger est capable d'emmener une culture qui va fitter dans ce sol-là, qui va être à valeur ajoutée, tout le monde va être bien content. C'est ça qu'il faut penser, là.

M. Cartier (Jacques) : La meilleure façon de limiter la valeur ou l'augmentation du prix des terres, c'est tout simplement de nous arrêter de produire. Je pense qu'il y a un élément qui est très, très fort dans ce que monsieur vient de mentionner. Pourquoi que les terres ont cette valeur-là dans la région de Napierville, Sherrington? Parce que ces gens-là ont développé de la production et du droit de produire. Alors, arrêtez-les demain matin de produire, bien, la terre, elle ne sera pas à 50 000 $ l'hectare, elle va revenir à 12 000 $, 15 000 $, peut-être 5 000 $ l'hectare. Ils ont passé de la production herbagère à une production maraîchère à haute valeur ajoutée. Collés sur la frontière américaine, quand on sait que les gens du Vermont… dans plusieurs États américains du nord des États-Unis qu'ils ne peuvent pas produire parce qu'ils n'ont pas la qualité de sol de ces gens-là, eux ont le marché de Boston, de New York à portée de main. Alors, à partir de la minute où vous avez permis à ces gens-là de valoriser la production agricole, vous avez automatiquement permis qu'il y ait de la spéculation ou de la plus-value sur les terres. J'aime mal le terme «spéculation» parce que «spéculation» comprend quand même tirer un profit des unités qu'on exploite, mais j'appellerais ça donner de la plus-value à ses terres.

Le Président (M. Paradis) : Ça va. Merci beaucoup. À ce moment-ci, votre temps est expiré, M. le député de Huntingdon. Je vais reconnaître M. le député de Bécancour-Nicolet.

M. Martel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci de votre présence cet après-midi. Moi, je voulais aller à votre recommandation 1, que je trouve fort pertinente. Vous la présentez dans le cadre du projet qu'on étudie aussi, mais je pense qu'on sous-estime les effets négatifs des terres qui ne sont pas exploitées au Québec. Je trouve que vous faites bien de le relever là, puis je trouve qu'on devrait aussi s'en rappeler pour éventuellement d'autres projets de loi.

Tantôt, vous avez mentionné pourquoi vous l'avez mis là. Entre autres, là, c'est par rapport au projet de loi. Vous avez mentionné qu'à l'article 16, premier alinéa… Je veux juste m'assurer que j'ai bien compris, là, vous avez dit que, si on changeait le mot «intention» par «obligation», ça vous irait. C'est ça que j'ai…

M. Cartier (Jacques) : Bien, pour moi, ce qui est important, ce que j'ai mentionné, c'est de ne pas le mettre dans l'item 1°, mais de le mettre dans la loi comme telle. Déjà, au départ, l'immigrant qui va vouloir acheter une terre au Québec, il va connaître l'article 16 de la loi des non-résidents et il va avoir, si la terre a un potentiel agricole, il va avoir l'obligation de la cultiver. Si vous la mettez dans une référence ultérieure par un tribunal administratif, vous avez une intention… Même si vous mettez l'obligation, ça va être le tribunal administratif qui va établir les recours, ça va être lui qui va permettre ou rendre la décision caduque. Vous allez voir qu'on va être longtemps dans la procédure judiciaire. Tandis qu'au niveau de la loi, si vous le mettez au niveau de la loi, clairement l'étranger qui va vouloir acheter une terre au Québec, qui va s'engager à y demeurer pendant les trois ans subséquents, il va savoir que l'article… la première raison de son acquisition, c'est qu'il va avoir l'obligation de la cultiver et que ça ne sera pas juste un domaine qu'il va avoir acheté sur le bord d'un lac, ou sur le bord d'une montagne, ou sur le bord du fleuve Saint-Laurent.

M. Martel : Juste pour m'assurer que j'ai bien compris, là, ce que vous dites, autrement dit, c'est qu'on devrait insérer un nouvel article carrément par rapport à ça. C'est ça?

M. Cartier (Jacques) : Bien, le mettre définitivement dans la loi, et non pas dans les critères de décision de la commission.

M. Martel : L'autre chose que je voulais vous mentionner, c'est que, tantôt, vous avez parlé, en vous présentant, que vous étiez la seule organisation qu'on rencontrait qui n'avait pas de lien direct ou indirect avec l'UPA. J'avais fait aussi cette observation-là, puis là j'avoue que je ne sais pas trop, le processus de consultation, je ne sais pas si c'est les gens qui demandaient à être entendus. J'aurais aimé ça qu'on entende Québec solidaire, mais ce que je voulais… pas Québec solidaire…

Des voix :

Le Président (M. Paradis) : Je peux vous arranger ça assez rapidement si vous le souhaitez.

M. Martel : Il est tard. Il est tard. Il est tard. L'Union paysanne. Bien, je voudrais les entendre, Québec solidaire aussi, mais l'Union paysanne. Moi, je voulais savoir… j'essayais de comprendre le…

Le Président (M. Paradis) : M. le député, strictement, là, pour votre information, l'Union paysanne était invitée, et ils se sont désistés.

M. Martel : O.K.

Le Président (M. Paradis) : Ça va? Vous pouvez continuer.

M. Martel : O.K. Mais je n'ai pas porté d'accusation, j'ai…

Le Président (M. Paradis) : Non, non, c'est juste…

M. Gendron : …l'information est importante.

M. Martel : Oui, absolument. Pour revenir à… Moi, j'essayais de comprendre le lien que vous faisiez avec les organisations qui ont un lien avec l'UPA, puis la crainte, peut-être, là, de parler ou de mousser la SADAQ. Je voudrais connaître votre opinion par rapport à ça, est-ce que vous êtes vraiment opposés à ce fonds-là ou...

M. Cartier (Jacques) : Bien, je pense qu'on a exprimé clairement dans notre mémoire qu'on était opposés, mais il y a une chose qu'il faut comprendre. Regardez, par les ramifications — puis c'est pour ça, je pense, que ça va peut-être être bon pour l'éclaircissement — le président de l'UPA siège d'office comme administrateur à Solidarité rurale. La relève agricole fait partie de l'UPA. L'IREC, ce sont deux études qui ont été commandées par l'UPA. Et, la première étude n'était pas concluante, on en a demandé une deuxième. Et ces études-là, curieusement, ont été demandées… Parce qu'on cite souvent l'histoire d'acquisition des terres par la Banque Nationale, mais ces études-là ont été demandées même avant ces acquisitions-là, c'est en 2011 que ça a été demandé. La Banque Nationale a fait ses acquisitions en 2012, les a revendues en 2013. Alors, c'était même avant tous les projets, quels qu'ils soient.

Ce qu'on a voulu faire passer comme message, c'est que ça nous prenait un organisme de contrôle. C'est tout simplement ce qui a été demandé, mais ça n'a jamais été demandé… Moi, je ne connais pas d'agriculteurs à la base, dans le champ… Bien, je peux vous dire que le taux de participation était environ 5 %, au maximum, peut-être, 10 % dans certaines régions, mais je ne connais pas d'agriculteurs dans le champ qui ont demandé un organisme de contrôle sur l'acquisition des terres. Comme M. Isabelle a mentionné tantôt, son compétiteur, c'est son voisin, et lui, il ne demandera pas un contrôle pour l'acquisition des terres. Oui, M. Brouillard.

M. Brouillard (Gilles) : Il faut comprendre également que la SADAQ proposée, puis c'est vraiment un projet... C'est assez détaillé. Si vous avez l'opportunité, allez lire ça, ça amène des changements profonds et un bouleversement grave dans la façon que les entrepreneurs agricoles québécois vont devoir subir… C'est extrêmement… c'est très, très inconfortable, là.

Le Président (M. Paradis) : Merci beaucoup. Le temps est…

M. Isabelle (Mario) :

Le Président (M. Paradis) : Oui, M. Isabelle, dernier commentaire.

M. Isabelle (Mario) : Il ne faut pas oublier qu'on est dans une agriculture... qu'il y a l'agriculteur industriel, puis il y a l'agriculteur que j'appelle de proximité. Moi, je me rappelle, j'ai acheté une terre, une petite terre de 25 arpents — ça veut dire 10 acres… 10 hectares — puis on se battait l'un, l'autre. Mais là, si la SADAQ serait venue puis aurait dit : On va laisser profiter le petit… Mais moi, dans mon agriculture à moi, c'était comme une petite serre, c'était un coin qui était très important pour moi, ça me permettait de partir plus vite que tous les autres. Vu que j'ai une grosse ferme, ils m'auraient-u tassé par rapport à l'autre qui est plus petit? C'est ça qu'il faut penser. La SADAQ, là, ça va-tu aider l'industrie agricole ou si ça va aider l'agriculteur de proximité, le gentleman-farmer? C'est ça que j'ai peur. C'est ma peur du SADAQ, là, moi, où ça va… où qu'ils vont justifier ça va à qui, puis à quel prix, puis pourquoi? C'est mon commentaire.

Le Président (M. Paradis) : Merci de votre intervention.

À ce moment-ci, je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux au jeudi 3 octobre, à 15 heures. Merci.

(Fin de la séance à 18  h 30)

Document(s) associé(s) à la séance