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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le vendredi 16 mai 1986 - Vol. 29 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation: L'administration de l'aide sociale


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales siège ce matin sur une question soulevée par le député de Verchères au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sur l'administration de l'aide sociale.

Nous rappelons que la règle du quorum n'est pas nécessaire pour cette interpellation et que le principe de l'alternance sera respecté dans la répartition du temps qui devra se faire comme suit: le député qui a donné l'avis d'interpellation, en l'occurrence, M. Charbonneau, aura droit à dix minutes de présentation. Le ministre aura droit à dix minutes de réplique à cette première interpellation et, par la suite, on répartira le temps ainsi: cinq minutes par intervention, selon la règle de l'alternance. Â la fin, soit vingt minutes avant midi, è 11 h 40, je vous informerai que vous avez chacun dix minutes, c'est-à-dire que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu aura droit à dix minutes pour terminer son intervention et M. Charbonneau, qui est l'interpellateur, aura droit à dix minutes pour faire un dernier survol de toute l'affaire et de ses idées.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Rochefort, député de Gouin, est remplacé par M. Charbonneau, député de Verchères, et Mme Vermette, députée de Marie-Victorin, est remplacée par Mme Harel, députée de Maisonneuve.

Le Président (M. Bélanger): Bien. De l'autre côté, il n'y a pas de remplacement? D'accord.

Je rappelle que seuls les membres de la commission ou ceux qui sont mandatés comme remplaçants ont le droit de parole; les autres personnes n'ont pas le droit d'intervenir à une interpellation. On est prêt à procéder? M. le député de Verchères.

Exposé du sujet M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, la raison pour laquelle nous avons, du côté de l'Opposition, décidé d'interpeller ce matin le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécu- rité du revenu à l'égard du programme de l'aide sociale, c'est qu'à notre avis un certain nombre d'actions menées par le gouvernement ou d'intentions annoncées par le gouvernement suscitent, sinon l'inquiétude, tout au moins la désillusion et des problèmes réels pour les personnes qui sont contraintes d'avoir recours à l'assistance publique, à l'aide sociale, pour subvenir è leurs besoins essentiels.

En fait, ce matin, je voudrais avec le ministre insister sur trois problèmes particuliers. D'abord, le problème de la protection du revenu des plus démunis eu égard aux promesses et aux discours politiques que le ministre et ses collègues ont tenus au cours des dernières années et des derniers mois.

Deuxièmement, la réforme déjà proposée, qui nous a été annoncée par le gouvernement, mais qui avait été amorcée non pas intégralement mais dans ses grandes lignes par le livre blanc sur la fiscalité des particuliers, il y a maintenant un peu plus d'un an, sur le problème de faisabilité, par ailleurs, assez difficile que représente cette réforme et sur les conséquences particulièrement lourdes pour certaines catégories de personnes que pourrait représenter cette réforme et, finalement, aussi, sur le problème de l'absence de consultations publiques ou de non-consultation a ce moment.

Le troisième dossier que je voudrais aborder et qui a motivé cette interpellation, c'est toute l'opération de contrôle accru que le gouvernement a annoncée en engageant, entre autres, 150 fonctionnaires additionnels et en les affectant à des mesures de contrôle particulières. Ce qu'on voudrait aborder avec le ministre, c'est à la fois le caractère de certaines mesures qui vont être utilisées pour ces contrôles accrus, le problème de l'absence de mécanismes de contrôle des abus qui pourraient survenir ou du zèle intempestif qui pourrait s'exercer ou se manifester, et, finalement, toute la question de la rentabilité incertaine de cette opération de contrôle eu égard à l'objectif que le gouvernement s'est fixé, c'est-à-dire aller chercher 68 000 000 $ au cours de l'année financière.

M. le Président, je vais essayer de ramasser un certain nombre d'idées autour de ces trois grandes questions dans le temps initial qui m'est imparti en espérant que si jamais il y avait un problème... Comme on

n'est pas nombreux, je pense que le climat... En tout cas, on est bien parti. Cela permettra de faire le tour des questions.

D'abord, il faut se rappeler que le nombre de personnes qui reçoivent de l'aide sociale est considérable dans notre société, c'est presque 700 000 personnes. L'autre jour, le ministre parlait de 683 000 personnes. Moi, j'avais des chiffres pour mars qui donnaient 694 000 personnes. En fait, c'est bien du monde, c'est presque 420 000 ménages qui sont contraints de vivre de prestations d'aide sociale, sans compter toutes les autres catégories de personnes de notre société qui, finalement, vivent en dessous du seuil de pauvreté ou autour du seuil de pauvreté, que ce soient des personnes qui sont au salaire minimum, que ce soient des personnes ou des familles qui vivent de prestations de sécurité du revenu, que ce soient des personnes qui bénéficient de l'assurance-chômage et dont les prestations ne sont que le seul revenu disponible au point de vue familial.

Donc, ce sont des personnes vulnérables et c'est important de ne pas raconter d'histoires à ces gens, de ne pas leur faire miroiter des paradis artificiels. Or, le problème, c'est que le gouvernement, lorsqu'il était dans l'Opposition, a promis de s'occuper des plus démunis de notre société d'une façon encore plus adéquate qu'avait tenté de le faire le précédent gouvernement qui avait agi. On pourrait faire référence à une multitude d'engagements, mais je veux simplement exhiber ici - probablement que le ministre l'a déjà vue - une annonce publicitaire de son parti, lors des dernières élections, qui disait qu'en votant pour l'équipe libérale, non seulement on maintient l'aide sociale mais on en a plus et on vote pour mieux vivre également. Ce discours a été repris récemment par le ministre des Finances dans son discours sur le budget à la page 12. Lorsqu'il a parlé des coupures de dépenses il a clairement dit que l'objectif était de contenir les dépenses de manière ordonnée sans pénaliser les clientèles sociales les plus démunies. Jusqu'à maintenant, je l'ai indiqué à une autre occasion cette semaine au ministre, il n'y a pas de problème; on s'entend sur ce discours. Qu'un parti prétende pouvoir faire mieux qu'un autre et une fois rendu au pouvoir qu'il dise qu'il fait mieux, s'il le fait effectivement, on ne pourra que l'en féliciter. Ce qui est important, c'est de regarder si l'action libérale correspond à la parole libérale. Quand on regarde cela, on se rend compte que les désillusions apparaissent, M. le Président.

On a d'abord abandonné l'indexation trimestrielle de l'aide sociale qui a occasionné une perte du pouvoir d'achat pour l'ensemble de la clientèle de l'aide sociale de 31 000 000 $. On en a fait la démonstration en commission parlementaire et à l'Assemblée nationale à plus d'une reprise. J'ai déposé un tableau qui indiquait pour chacune des catégories comment la perte était réellement intervenue. Un bénéficiaire de moins de 30 ans perd 33 $ et à mesure que l'on monte dans les catégories, on se rend jusqu'à une perte annuelle de 153 $ par année. C'est beaucoup pour des gens qui vivent de l'aide sociale- 153 $ par année c'est peut-être le coût de l'épicerie pour presque deux semaines pour une famille. Donc, il ne faut pas négliger l'importance de cette perte pour les assistés sociaux.

Cette démonstration que j'ai faite au ministre à plus d'une reprise a été qualifiée dans le Devoir par M. Jean Francoeur, le 28 avril dernier, qui disait: "Le gouvernement, en renonçant à l'indexation trimestrielle de l'aide sociale, se trouve à décréter une baisse, légère mais non moins réelle, de la somme annuelle des prestations touchée par les assistés sociaux. M. Jean-Pierre Charbonneau - votre humble serviteur -porte-parole de l'opposition péquiste, en a fait une démonstration irréfutable la semaine dernière en commission parlementaire." Donc, finalement, l'éditorialiste du Devoir constate que la démonstration que j'ai faite était irréfutable. D'ailleurs, le ministre ne l'avait pas réfutée en commission parlementaire.

D'autres mesures ont également affecté le pouvoir d'achat et la situation de revenu des gens sur l'aide sociale comme la taxe sur l'huile à chauffage et le gaz qu'a décrétée le ministre des Finances avec une compensation de 15 $ par adulte ou de 6 $ par enfant par année. On se rend compte que cette compensation est insuffisante.

À l'occasion de la commission parlementaire sur le budget cette semaine, le ministre des Finances a lui-même parlé d'un coût annuel moyen de 875 $ pour le chauffage. Quand on applique la taxe de 9 %, on se rend bien compte que les 15 $ par adulte par année ne compensent pas le coût de la taxe. Quand on pense aussi à la situation du logement des gens qui sont contraints de vivre de l'aide sociale, ce ne sont pas les logements les plus isolés et qui coûtent le moins cher en chauffage. Donc, finalement, on doit reconnaître qu'il y a là également une perte directe.

La tarification des services gouvernementaux qui nous a été annoncée pour 75 000 000 $, M. le Président, aucune compensation n'a été prévue pour les gens qui vivent de l'aide sociale. Dans le cas de la taxe sur l'huile à chauffage, on a prévu une compensation, comme je viens de le dire, qui n'est pas suffisante, mais, dans le cas des tarifs gouvernementaux accrus, il n'y a pas de compensation.

Augmentation des tarifs d'électricité, compensation insuffisante non ajustée à cette hausse. La compensation qui est déjà prévue

dans les barèmes de l'aide sociale est en fonction de l'inflation. Or, la hausse des tarifs d'électricité est plus élevée que l'inflation, hausse que le gouvernement a décrétée cette année. Il n'y a pas d'ajustement, à moins que le ministre nous annonce une bonne nouvelle aujourd'hui, pour les tarifs d'électricité en fonction du coût réel de l'augmentation de l'électricité décrétée par le gouvernement.

Il n'y a pas eu non plus d'augmentation de la prime scolaire de 35 $ à 100 $ promise pour les assistés sociaux dans le programme libéral, lors de la campagne électorale. Quand on fait le calcul de ce que cela coûte pour envoyer un adolescent à l'école, le Front commun des assistés sociaux a fait toute une série de calculs qui indiquaient qu'annuellement c'est peut-être près de 400 $ que cela coûte. Cela peut varier d'une année è l'autre, d'une famille à l'autre, mais ce sont des sommes considérables, et tous les parents qui nous écoutent aujourd'hui sont conscients de cette situation.

Il y a également le non-ajustement à la hausse des revenus de travail, M. le Président. Il y a également toute la question du niveau d'endettement des étudiants des familles d'assistés sociaux à cause des coupures aux prêts-bourses et le non-ajustement à la hausse des prestations de l'aide sociale pour les 18-30 ans, qui avait été compris comme cela par les gens, même si le ministre nous a annoncé que la réforme viendrait. On pourrait penser à la non-indexation des fonds accordés aux organismes bénévoles. Tout cela pour dire que, finalement, quand on regarde la situation réelle vécue par les gens, on se rend compte que les mesures que le gouvernement a prises ont affecté très durement leur situation.

M. le Président, le seuil de la pauvreté établi par le Conseil national du bien-être social en 1984 était de 20 800 $ annuellement pour une famille de quatre personnes, alors que le montant de l'aide sociale en 1986, après la coupure de l'indexation trimestrielle, sera de 9780 $. On ne peut pas penser que ce sont des sommes exorbitantes.

M. le Président, vous me faites signe qu'il ne me reste presque plus de temps. Est-ce que le ministre consentirait à ce que je finisse d'aborder rapidement les autres questions.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Consentement, M. le Président.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je pense que cela va nous permettre d'avoir un échange un peu plus élaboré et cela va permettre au ministre également d'avoir une idée précise de ce que je veux finalement l'amener à discuter ce matin. Je pense qu'à cet égard il pourra en profiter également.

Je vous parlais de ce seuil de pauvreté qui a été établi. On voit bien que ce que les gens reçoivent de l'aide sociale c'est environ la moitié moins. Déjà, on se rend compte que c'est un écart considérable. Quand on pense à l'impact des mesures que le gouvernement a prises, on ne peut pas faire autrement que de penser que cela les affecte durement et plus que n'importe quel autre groupe de citoyens dans notre société.

On a seulement à se rappeler que le dernier sondage Gallup du début de la semaine nous indiquait que les gens au Canada et au Québec pensent que ce qu'il faut en moyenne pour une semaine c'est 400 $. Quand on fait le total, on se rend compte que c'est exactement 20 800 $, c'est-à-dire ce qu'on considère comme le seuil de la pauvreté en 1984 par un organisme pancanadien.

Donc, il y a lieu de s'inquiéter et il y a lieu, M. le Président, de penser que la parole libérale est différente de l'action libérale. À cet égard, je crois que les gens auront à porter un jugement en temps et lieu. Pour le moment, notre devoir, au niveau de l'Opposition, c'est de rappeler à l'ordre le gouvernement et lui dire: Ce n'est pas ce que vous nous avez dit que vous feriez. Et ce n'est pas ce que vous nous dites à chaque fois que vous ouvrez la bouche que vous faites quotidiennement.

Par ailleurs, au niveau de la réforme proposée, j'ai déjà dit au ministre que cette réforme a d'abord été précédée par trois discours différents. On a laissé entendre pendant très longtemps que la réforme qu'on annonçait donnerait la parité inconditionnelle de l'aide sociale pour le 18-30 ans. En campagne électorale on a ajusté notre tir. On a introduit le caractère de conditionnel faisant en sorte que ce qu'on promettait c'était, à toutes fins utiles, ce que le gouvernement du Parti québécois avait mis en place depuis déjà plusieurs mois, c'est-à-dire pour les 18-30 ans une aide sociale conditionnelle à la participation à des activités. Jamais, durant la campagne électorale, les gens de plus de 30 ans n'avaient pensé qu'ils seraient touchés à la baisse éventuellement, qu'ils seraient affectés. Leurs prestations étaient inconditionnelles. Le troisième discours, c'est qu'aujourd'hui ils se rendent compte que leurs prestations seront conditionnelles dans la mesure où ils seraient considérés comme aptes au travail.

En soi, cette distinction de apte et inapte n'est pas nouvelle. Je l'ai indiqué au début, elle a été introduite par le livre blanc sur la fiscalité du gouvernement. Ce qu'on disait sur cette distinction et sur la réforme qui devait être faite à partir de cette distinction, est à peu près ce que le gouvernement nous annonce. Sauf, que le

gouvernement nous a indiqué qu'il n'aurait pas une approche catégorisée, mais une approche plus particularisée, plus humaine.

Dans les faits, M. le Président, il y a une contradiction. Si on veut avoir une approche plus particularisée, plus humaine, il faut catégoriser. Dans ce sens, on ne peut pas simplement dire qu'il y aura une catégorie apte et une catégorie inapte. Il y a plusieurs types d'assistés sociaux, plusieurs catégories parmi les gens qui sont considérés comme aptes au travail. On y reviendra plus en détail tantôt.

Lorsqu'on pense aux programmes d'activités et d'employabilité, on se rend compte que ces programmes ont été conçus sur une base expérimentale pour une catégorie particulière de personnes, c'est-à-dire les 18-30 ans dont les deux tiers manquent de formation scalaire et professionnelle et dont l'employabilité est plus ou moins faible. Ce n'est pas le cas, par exemple, des 30-44 ans. Les situations diffèrent pour d'autres catégories d'assistés sociaux de plus de 30 ans. Le gouvernement n'est pas capable d'accueillir les 300 000 ou 400 000 personnes bénéficiaires de l'aide sociale qui sont aptes au travail. La seule façon dont il devra s'en sortir, c'est de faire plusieurs catégories qui vont permettre à plusieurs personnes d'échapper à l'obligation. À l'égard de cette notion d'obligation que le gouvernement a introduite ou va introduire pour qu'on ait une aide maximale à la condition d'être apte au travail, cette notion d'obligation selon laquelle si on est apte on doit participer pour avoir l'aide maximale, il faudrait peut-être demander au ministre si le gouvernement fédéral est revenu sur sa décision, parce que les programmes étaient expérimentaux. L'une des conditions que le gouvernement fédéral avait fixée à sa participation, c'est que la participation à ces programmes se fasse sur une base volontaire et non obligatoire. Qu'est-ce qui va arriver, finalement? Est-ce qu'il y a eu des décisions de prises? On a par ailleurs...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Verchères, puis-je vous rappeler qu'on est rendu à quinze minutes?

M. Charbonneau: J'achève, M. le Président. Je comprends à la fois...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. On avait consentement...

M. Charbonneau: ...l'abus que je fais ce matin et l'indulgence du ministre que j'apprécie. Je lui rendrai, vous pouvez en être certain, la pareille.

Finalement, on a devant nous une réforme importante, mais qui, jusqu'à maintenant, est faite en vase clos. Ce que les gens revendiquent actuellement, c'est de pouvoir rencontrer le ministre. Ce qu'ils revendiquent aussi, c'est qu'il y ait une consultation publique à l'égard de cette réforme et que, dans les faits, le gouvernement reconnaisse que ce qu'il se propose de faire est passablement différent de ce qu'il a laissé entendre lorsqu'il était dans l'Opposition et durant la campagne électorale.

À l'égard du dernier point que j'ai déjà abordé devant le ministre à l'occasion de la motion sur la Semaine des assistés sociaux, je le rappelle brièvement au ministre et aux gens qui nous écoutent: le gouvernement a mis en place des mesures de contrôle. Ces mesures de contrôle avaient été lancées par le précédent gouvernement, on ne s'en cache pas. Ce qui est important, quel que soit le gouvernement, c'est de faire une bonne évaluation des tests de contrôle qui ont pu être faits et de s'assurer qu'on ait des balises claires pour éviter les abus. Le gouvernement, en commission parlementaire, à l'étude des crédits, et jusqu'à maintenant ne nous a pas indiqué s'il avait décrété ou émis des directives claires pour éviter les abus. Car ces abus affectent directement la dignité et la réputation des personnes. Je ne mentionnerai qu'un exemple rapide. Le ministre sait très bien qu'en certaines occasions on a annoncé à des milliers d'assistés sociaux que leurs prestations étaient coupées sans explication. On les a convoqués, en groupes, dans des salles publiques à venir défiler pour expliquer et justifier leur honnêteté et leur bonne foi. Je crois que le ministre conviendra que c'est humiliant et dégradant pour ces gens-là, bien que cela puisse être performant en termes de dissuasion pour ceux qui sont fraudeurs et qui décident de ne pas se présenter à cause de cela. On demande au ministre d'émettre des directives claires pour éviter tout abus, de faire en sorte également que la Commission des droits de ta personne puisse être mise dans le coup et participer a l'élaboration de critères ou de balises qui feraient en sorte que les mesures de contrôle ne se feront pas sur le dos des bénéficiaires de l'aide sociale.

À cet égard, je termine en disant au ministre que nous nous posons de sérieuses questions sur la rentabilité de toute l'opération. On nous a annoncé que ce serait 68 000 000 $ et le président du Conseil du trésor avait l'air ferme. En commission parlementaire, le ministre avait l'air plus prudent. Je le comprends, quand on regarde le rapport de la commission Macdonald, le rapport Nielsen à Ottawa, les déclarations de Claude Castonguay, que le ministre connaît bien. Même les résultats des tests préliminaires qui ont été faits au ministère de la Main-d'Oeuvre, nous indiquent qu'il faut être prudents, que, finalement, il n'y a pas plus de fraudes à l'aide sociale qu'il n'y en a dans le domaine fiscal ou dans d'autres

secteurs de notre société. Tout compte fait, on se demande même si, l'un dans l'autre, les coûts du contrôle produiront autant de bénéfices.

Ce qui est intrigant pour nous, M. le Président, je conclus vraiment sur cette question, c'est que le gouvernement a budgétisé 68 000 000 $ de bénéfices dans cette opération de contrôle. Si le ministre des Finances nous annonce son intention de couper encore l'année prochaine 400 000 000 $ dans l'appareil gouvernemental et de se diriger vers un déficit moindre, si le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu n'est pas capable alors de livrer la marchandise que ses fonctionnaires pensaient qu'il pourrait livrer à un moment donné, ce qui lui avait permis de dire à son collègue du Trésor: Je pourrai peut-être vous donner 68 000 000 $... S'il ne lui donne que 15 000 000 $ ou 20 000 000 $, est-ce que la perte que le gouvernement encourrait serait affectée à l'intérieur du budget global de l'aide sociale, est-ce qu'on récupérerait la différence et qu'on ferait d'autres coupures, qu'on modifierait d'autres critères pour, finalement, permettre au président du Conseil du trésor et au ministre des Finances d'avoir 68 000 000 $ d'économies dans leurs goussets, à la fin de l'année budgétaire du gouvernement?

C'étaient les remarques que je voulais faire en guise de présentation. J'apprécie votre collaboration et votre indulgence, M. le Président, et en particulier celles du ministre qui m'a permis de faire cette introduction. Je suis également convaincu que les gens qui vont nous écouter ce matin, malgré cet accroc à la procédure, trouveront néanmoins leur compte, parce que j'ai l'impression que la discussion sera plus claire et qu'ils pourront mieux suivre les échanges qui vont s'engager à partir de maintenant. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le député de Verchères.

Je cède la parole au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Réponse du ministre M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je salue le député de Verchères ainsi que Mme la députée de Maisonneuve. Je salue particulièrement mon collègue de L'Assomption. Je vous salue, ainsi que le personnel qui nous accompagne. Je vous présente ceux et celles qui, de ce côté-ci, m'ont aidé à la préparation de ce débat: M. Jean Larivière, de mon cabinet, chargé des affaires législatives; Me Nicole Dussault, spécialement chargée du dossier de l'aide sociale et M. Pierre Sarault, sous-ministre en titre au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. (10 h 30)

L'Opposition nous a convoqués à cette interpellation sur l'administration de l'aide sociale. À cet effet, je peux dire au député qu'aujourd'hui, ce 16 mai 1986, les administrateurs qui sont en place sont les mêmes qu'avant le 2 décembre 1985. Ce qui a changé, c'est l'autorité politique. Quelle est la meilleure façon de tracer un portrait de l'administration de l'aide sociale? C'est sans doute celle qui est historique, celle qui identifie les principales étapes d'application de la Loi sur l'aide sociale. Est-it utile de rappeler que cette loi fut sanctionnée le 12 décembre 1969 et qu'elle est entrée en vigueur quelque temps après, soit le 1er novembre 1970? Pour bien situer cette interpellation, il y a lieu de prendre en considération certaines données de base importantes, les données de base concernant l'évolution de la clientèle et le nombre de bénéficiaires.

Voici quelques chiffres fort éloquents en ce qui concerne le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale. Les faits sont historiquement les suivants. En 1971, on en comptait quelque 512 630. C'était la première année d'application de la nouvelle Loi sur l'aide sociale. En 1976, quand le Parti québécois a pris le pouvoir, on en dénombrait 433 824. Donc, sous un gouvernement libéral, le nombre de bénéficiaires avait diminué de tout près de 16 %. En 1985, quand les libéraux ont repris le pouvoir au gouvernement péquiste, il y avait 701 861 bénéficiaires. Cela signifie que le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale a augmenté, sous le régime péquiste, de 62 %. C'est un fait indéniable.

Si l'on examine maintenant la clientèle sous l'angle du nombre de ménages recevant des prestations d'aide sociale, la situation est la suivante. En 1971, 207 016 ménages; en 1976, 220 159, une augmentation de 6 %. Le règne péquiste nous a légué en 1985 le nombre astronomique de 418 884 ménages qui vivent de l'aide sociale, ce qui correspond, sous le règne péquiste, à une augmentation de 90 % du nombre de ménages.

Quant au type de bénéficiaires, une autre donnée importante à retenir, c'est qu'en 1971, un ménage bénéficiant des prestations d'aide sociale sur trois était considéré apte au travail. En 1985, après l'administration péquiste, la situation était complètement renversée. Deux ménages sur trois étaient aptes au travail. Une augmentation donc de 100 %.

Quant à l'âge des bénéficiaires, il faut signaler que l'âge moyen au moment de la première demande de prestations d'aide sociale était, en 1976, de 34 ans alors qu'en

1984 l'âge moyen s'établissait à 29 ans. Une augmentation dans l'abaissement de l'âge de 17,2 %. Comment expliquer cette situation? J'entends déjà mes amis d'en face me dire que c'est dû à la crise économique. Vérifions cette affirmation en analysant - c'est pour cela que nous sommes ici ce matin -l'évolution du contexte administratif.

L'évolution des mesures de gestion. Une autre façon de scruter l'administration de l'aide sociale est d'examiner les mesures de gestion que l'État s'est données au fil des années pour s'assurer d'une saine administration des fonds publics, c'est-à-dire du respect de la loi et des règlements qui ont été adoptés par les différentes législatures et par les différents gouvernements.

Examinons très précisément ce qui s'est passé à ce niveau. En 1971, une opération administrative spéciale est mise sur pied, impliquant approximativement 50 personnes sur une période de six mois, pour visiter la majorité des domiciles des bénéficiaires afin d'évaluer leur situation. En 1972, formation de trois équipes permanentes de vérification, approximativement 20 personnes ayant pour mandat de rencontrer des bénéficiaires dans le cadre de convocations au bureau local et de visites à domicile. 1975-1976, accentuation des activités de comparaison des données contenues dans le fichier de la sécurité du revenu avec les fichiers des autres organismes gouvernementaux. C'est un gouvernement libéral gérant sainement les impôts des Québécois qui a adopté ces mesures.

Le Parti québécois se fait élire le 15 novembre 1976. Que fait-il à ce chapitre? Voici les mesures administratives péquistes. 1977, sous prétexte que la majorité des bureaux locaux ont effectué leur travail de vérification dans le passé, le Parti québécois réduit à une équipe de sept personnes celle affectée à la vérification. 1978, amorce de la réduction de l'utilisation de la visite à domicile. Trois ans plus tard, après avoir diminué les contrôles jusqu'à leur quasi-abolition, le Parti québécois se réveille.

Ainsi, en 1982, implantation graduelle des équipes régionales de vérification qui avaient le mandat suivant: Détecter des cas douteux, enquêter sur les cas douteux référés par les centres Travail-Québec, s'assurer de la conformité des opérations par des suivis administratifs. Cette implantation était conséquente à la réduction graduelle du contrôle des visites à domicile par le réseau.

En 1984, décision d'entreprendre un sondage sur la conformité des sommes versées afin, premièrement, de mesurer les effets de l'abandon des visites à domicile par les centres Travail-Québec au cours des quatre à cinq dernières années et deuxièmement, d'établir des comparaisons avec les données antérieures, afin d'identifier les écarts entre la situation de 1980 et celle de 1985.

En 1985-1986, addition de 50 postes supplémentaires pour des enquêtes à l'intérieur du budget 1985-1986, compte tenu - j'insiste sur ce qui nous a été rapporté dans les documents dont nous avons hérité -de la rentabilité des postes créés en 1982 et de l'augmentation importante des cas douteux référés par les centres Travail-Québec.

Puis vint l'élection du 2 décembre 1985. À cette occasion, la population confiait à l'équipe libérale de Robert Bourassa le mandat de mettre de l'ordre dans les finances publiques et de gérer sainement leurs impôts, tout en s'assurant d'une application humaine des lois et des règlements relatifs aux plus démunis.

Assumant nos responsabilités, nous avons procédé à la révision administrative des dossiers de l'aide sociale. Cet exercice nous a permis, en examinant les comptes à recevoir, de constater que le total desdits comptes a connu de 1977 à 1985 une progression sous l'administration péquiste de 224 %, passant de 51 100 000 $ à 167 300 000 $. Pour la seule année 1985- 1986, 74 000... Je peux répéter les chiffres? Je vais reprendre. L'exercice de révision administrative des dossiers nous a permis, en examinant les comptes à recevoir et l'argent versé en trop, en-dessus de la loi et des règlements, de constater que le total desdits comptes a connu de 1977 à 1985 une progression de 224 %, passant de 51 100 000 $ à 167 300 000 $. Pour la seule année 1985-1986, 74 389 dossiers erronés, volontaires ou non, ont été découverts à l'occasion d'un échantillonnage de vérification, ce qui constitue 17,75 % de l'ensemble des dossiers de l'aide sociale. On m'indique qu'il me reste trente secondes.

Le Président (M. Bélanger): II reste trente secondes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En deux minutes, je peux compléter.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on prolonge aussi du côté du ministre, pour établir comme il faut les positions? M. le ministre, procédez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, pour 1985-1986, 74 389 dossiers erronés, soit 17,75 %. C'est ce qu'on a découvert, à la suite d'un échantillonnage. C'est bien cela. La dernière année du régime péquiste a produit des dossiers erronés dans une proportion frisant un dossier sur cinq. Est-ce le de la saine gestion que de permettre un nombre aussi important de dossiers erronés alors qu'on savait très bien, du côté du Parti québécois, qu'en 1984-1985, 12,75 % de l'ensemble des déclarations était erroné. De

plus, nous avons demandé aux bénéficiaires de l'aide sociale en état de le faire de se présenter aux bureaux des centres Travail-Québec pour recevoir de main à main leur chèque. Ce geste, je vous l'assure s'est fait dans le respect de la dignité des bénéficiaires. Ainsi les personnes malades, les personnes âgées, les bénéficiaires handicapés ou toute autre personne qui était dans l'impossibilité de se présenter ont été exemptés de l'obligation de se rendre au bureau de l'aide sociale.

Enfin, nous avons revitalisé l'utilisation des visites à domicile afin de corroborer la situation du bénéficiaire avec les données inscrites à son dossier.

Le 2 décembre 1985, la population a exprimé sa volonté de changement. Une nouvelle équipe déterminée par une volonté politique a décidé de remettre le Québec sur la voie de la prospérité. Cette volonté politique se traduit au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu par l'atteinte de trois objectifs: établir une saine gestion; abolir la discrimination basée sur l'âge dans les chèques émis aux bénéficiaires de l'aide sociale et enfin accentuer la formation et le développement de l'employabilité. Cette volonté politique trouvera une voie concrète dans la réforme de l'aide sociale que nous sommes à élaborer et que nous espérons bien faire adopter cette année par l'Assemblée nationale.

Nous sommes fermement convaincus de ce côté-ci de la Chambre que les gestes que nous posons contribueront è établir les principes de justice et d'équité sociale. Ainsi, nous désirons que le gouvernement aide ceux et celles qu'il se doit d'aider; qu'il établisse les correctifs permettant à ceux et à celles qui ont subi certaines injustices d'obtenir la part a laquelle ils ont droit et enfin, que les lois et règlements de l'aide sociale soient respectés par l'ensemble des bénéficiaires.

Merci de votre attention.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, vous avez utilisé douze minutes quarante-deux et M. le député de Verchères, dix-neuf minutes. C'est juste pour établir les proportions de temps. Alors, c'est au député de l'Opposition.

Argumentation M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Ce que je constate, c'est que dans son exposé - c'est peut-être normal: chacun prépare son exposé initialement sans tenir compte de ce que l'autre va dire, j'espère que plus tard cela sera corrigé - le ministre ne nous a pas dit un mot sur l'appauvrissement réel que les gens qui touchent l'aide sociale vivent depuis qu'il est ministre de la

Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, pas plus qu'il n'a dit un mot sur la faisabilité de la réforme qu'il nous a promise. Il nous a plutôt dit qu'il n'y aurait pas trop de problèmes, que cela va se faire, qu'il a de bons objectifs.

Je voudrais d'abord, parce qu'il veut m'amener sur le terrain des mesures de contrôle - comme c'est le dernier des trois sujets, que je n'en avais pas pris quinze mais trois, donc que l'on commence par celui-là, cela me convient très bien - je voudrais lui rappeler qu'habilement, comme c'est son habitude - il est reconnu pour un bon jouteur dans cette enceinte - il a tenté finalement de faire une correspondance entre l'augmentation des prestataires des bénéficiaires d'aide sociale et la responsabilité administrative et politique du dernier gouvernement.

Mais, M. le Président, toutes les études sérieuses qui ont été publiées au cours des dernières années à Québec, à Ottawa et dans d'autres provinces et même dans d'autres pays, indiquent que l'augmentation considérable des prestataires bénéficiaires de systèmes de sécurité publique, comme le système québécois d'aide sociale, est fondamentalement due aux impacts de la crise économique. Le ministre nous a servi cela souvent: sans doute, l'Opposition va-t-elle nous parler de la crise économique. Bien sûr! parce que c'est la cause principale, M. le Président! Il faut vraiment, je n'utiliserai pas des termes antiparlementaires, mais il faut vraiment tirer l'élastique au bout en ne pensant pas qu'il va nous rebondir dans le visage, pour penser que l'on va passer sous silence l'impact de la crise économique et penser que les gens qui nous écoutent, journalistes ou bien concitoyens et concitoyennes, vont s'imaginer que la crise économique n'a pas eu d'impact et que c'est la faute au Parti québécois. (10 h 45)

Je voudrais inviter le ministre à faire les comparaisons entre ce qui s'est passé à l'assurance-chômage à Ottawa sous un gouvernement libéral et l'aide sociale ou les autres systèmes de sécurité publique sous des gouvernements ou libéraux, ou conservateurs, ou démocrates, ou républicains, ou socialistes, ou de droite en France. Il va se rendre compte que le même phénomène, qu'il attribue au Parti québécois, s'est produit curieusement dans toutes les sociétés comparables et qui ont vécu la crise économique comme on l'a vécue.

M. le Président, ce qui est dangereux dans ce que le ministre a fait par la suite, c'est d'indiquer qu'il y a eu une baisse de contrôle sous le gouvernement du Parti québécois, que cela a donné en fait plus de latitude et a eu comme résultat qu'il y a eu bien plus de fraudeurs qui se sont introduits dans le système. Tout compte fait, quand on

regarde cela, il y a beaucoup de fraudeurs à l'aide sociale. Il y a beaucoup de gens qui font de fausses déclarations. Je voudrais dire au ministre qu'il ne nous a pas donné d'études, mais que nous, nous avons des études.

Le rapport Nielsen et le rapport Macdonald qui ont été rendus publics indiquent très clairement le chemin qui a été suivi. Je voudrais simplement lire, ici, au ministre le rapport Nielsen, le rapport du gouvernement conservateur sur les dépenses publiques, qui dit: Rien n'indique que le nombre de prestations perçues illégalement atteignent des proportions alarmantes; affirme-t-on, ajoutant que ce sont surtout les fluctuations du taux de chômage qui font monter le coût de l'aide sociale. Ceci contredit ce que le ministre a indiqué tantôt. Quant au rapport Macdonald, il disait à peu près essentiellement la même chose et je cite: Le pourcentage d'abus à l'aide sociale est de 5 % à peine et même pas. Ce taux n'est pas supérieur à celui des fautes commises par les particuliers et par les sociétés à l'endroit du régime fiscal. Selon le rapport de la commission, déceler la faute coûte aussi cher à l'État que les abus eux-mêmes. Le ministre ne nous en a pas fait la démonstration. Il nous a cité des études, mais il ne les a pas déposées publiquement. Il n'a pas fait la démonstration que, finalement, la répression des abus rapporte plus ' que ce qu'elle ne coûte.

Un point encore sur cette réplique on me fait signe que le temps file, il file tellement vite, M. le Président - quand le ministre disait: Sous le gouvernement du Parti québécois les comptes à recevoir ont augmenté. Moi, je me rappelle que j'ai fait dire cela au ministre en commission parlementaire à l'étude des crédits. Savez-vous quelle est la réponse qu'il m'a donnée? Il m'a dit: Écoutez, plus les mesures de contrôle augmentent, plus les comptes à recevoir augmentent. Je me dis, si les mesures de contrôle ont augmenté sous le gouvernement du Parti québécois, c'est normal que les comptes à recevoir aient augmenté aussi. Le ministre nous a dit: Les mesures de contrôle sous le gouvernement du PQ ont diminué. Il vient nous dire, après, que les compensations, les comptes à recevoir ont augmenté. Il y a une contradiction qu'il faudrait qu'il explique un peu plus, parce que, là, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, j'étais tellement convaincu que mon collègue de Verchères était, encore une fois, pour blâmer la crise économique que je vais tenter d'attirer son attention, à moins qu'il ne m'indique que la crise économique était simplement au Québec et qu'elle n'a pas eu lieu dans l'ensemble du reste du Canada, que c'était simplement ici qu'on a vécu cela. Je lui ferai tout simplement remarquer - je pense que c'est de connaissance publique - qu'alors que le Québec comprend à peu près 26 % de la population canadienne - nous comptons pour 26 %, nous, Ies Québécois et les Québécoises, de la population canadienne -on a ici, au Québec, 40 % des bénéficiaires de l'aide sociale. Donc, en tenant pour acquis qu'il y a eu une crise économique -ne disons pas partout dans le monde mais juste au Canada - supposons qu'il y ait eu une crise économique juste au Canada, normalement avec 26 % de population, une administration égale aux autres administrations, nous nous serions retrouvés avec un pourcentage de 26 % des bénéficiaires de l'aide sociale sur le total de notre population. Ce n'est pas le cas, c'est 40 %. Donc, il y a quelque chose qui est en sus de la crise économique et qui nous démarque de cette crise économique.

Le député m'a parlé de fraudes, etc. Dans mon exposé du début, je n'ai pas parlé de fraudes. J'ai parlé de mauvaise administration et d'erreurs dans des dossiers. Je vous ai indiqué qu'en 1984-19B5, au Québec, 12,75 % de l'ensemble des déclarations dans les dossiers étaient erronées. Je vous ai également indiqué qu'en 1985-1986, 17,75 % de l'ensemble des déclarations, soit 74 389 dossiers, contenaient des déclarations erronées. Cela peut être par négligence, cela peut être pour un ensemble de raisons, mais c'est simplement à la suite des échantillonnages. On ne se prend pas pour d'autres, on ne vous dit pas que ces chiffres sont exacts, on dit que ce sont des chiffres minimums. Ces pourcentages d'erreurs, sur le plan administratif, ne peuvent pas être tolérés. On ne peut pas avoir une telle marge d'erreur.

Je vous indiquerais également concernant la question de la rentablité - cela semble vous inquiéter - que les prestations de l'aide sociale représentent grosso modo des coûts de - on l'a vu aux crédits qu'on vient d'adopter - 2 000 000 000 $ par année. Je vous dirai qu'une marge d'erreur de 1 % coûte 20 000 000 $, si on considère que c'est 2 000 000 000 $ qui sortent en chèques. Ce sont des chiffres astronomiques, M. le député. Nous allons nous assurer que ceux et celles qui y ont droit en vertu de la loi et des règlements qui existent présentement, comme en vertu de la nouvelle loi et des règlements qui en découleront que nous voulons présenter à l'automne, l'obtiennent. Mais nous allons faire

l'impossible pour appliquer une saine gestion.

Vous m'indiquez que "je vous indiquais" à l'occasion des crédits que plus on effectuait de mesures de contrôle, finalement, plus nos comptes à recevoir augmentaient. C'est vrai ce que je vous ai dit è ce moment-là et je pense que vous le comprenez facilement. Mais pourquoi effectue-t-on des mesures de contrôle? Lorsqu'on en arrive à de telles aberrations administratives, on se dit: II faut faire de la prévention, parce qu'il est certain que si on a des trop-payés en fonction de nos lois et de nos règlements, c'est très difficile à récupérer chez les gens qui n'ont pas beaucoup d'actifs, si on peut utiliser ce terme-là, dans la société. Moins on gère bien nos dossiers, plus les comptes à recevoir augmentent parce qu'on verse des montants non autorisés. L'Assemblée nationale ne nous autorise pas à payer au-delà de la loi, au-delà des règlements et, là, on se place, parce qu'on ne sait pas comment administrer, dans des situations impossibles où on va réclamer 15 000 $ ou 20 000 $ à un individu dans la société à qui on verse quelques milliers de dollars par année. On se place nous autres mêmes dans des situations impossibles et on punit vraiment des gens qui, eux, ont agi en toute bonne foi, parce qu'on n'a pas su au ministère prendre nos responsabilités et effectuer une saine gestion. Donc, une saine gestion, cela commence par de la saine adminstration, par la prévention des erreurs.

Est-ce qu'on s'entend pour dire qu'un taux d'erreur de 17,75 %, ce n'est pas tellement tolérable sur le plan administratif? Même que 12,75 %, c'est un peu haut. Il faut au moins avoir la volonté politique de prendre les mesures pour corriger de telles erreurs administratives. Je sais que, dans ce sens-là, vous allez nous appuyer. Est-ce qu'on s'entend pour être un peu plus vigilants dans l'application des lois et règlements de façon à éviter des trop-payés, pour ne pas placer des gens dans des situations intenables? C'est l'attitude qu'on prend de ce côté-ci en assurant les bénéficiaires qui y ont droit et qui sont en conformité avec la loi et les règlements, que nous allons les traiter en leur donnant le maximum en vertu de ces lois et de ces règlements.

Le Président (M. Bélanger): M. le député du côté ministériel.

M. Jean-Guy Gervais

M. Gervais: Comme membre de la commission des affaires sociales, il existe plusieurs sujets d'intérêt qui se rapportent plus spécifiquement au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Entre autres, M. le Président, toute cette notion de l'employabtlité. Il est certes important de noter ici le nombre impressionnant de personnes, d'individus, qui s'adressent à nous pour obtenir des mesures concrètes, même à titre de bénéficiaires, qui leur permettraient soit d'acquérir une expérience de travail pertinente soit de s'intégrer ou de réintégrer le marché du travail, non pas par périodes intermittentes, mais d'une façon permanente pour obtenir les qualifications appropriées, la formation adéquate adoptée et visant le marché réel du travail.

D'ailleurs, beaucoup de questions restent en suspens concernant l'utilisation du mot "employabilité". Le ministre peut-il nous renseigner du souffle qu'il entend donner è l'employabilité, la philosophie qui l'anime à l'intérieur de cela? Dans le contexte de l'importance, je crois, comme plusieurs d'entre nous dans nos comtés l'ont souligné, dynamisme à instaurer dans sa politique d'employabilité; il analysera toutes les avenues nécessaires pour rendre compétitifs et attrayants aux yeux de la population les différents programmes, entre autres et non limitativement, tant la structure d'encadrement que le degré de salaire faisant partie de l'analyse pourraient servir de préceptes.

Voilà M. le Président, la question et les réflexions dont je voulais m'entretenir avec vous ce matin. J'aimerais que le ministre me réponde là-dessus et m'entretienne à ce sujet.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Le ministre ne répond pas immédiatement, c'est bien cela, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): C'est bien cela.

Mme Harel: C'est cela.

Le Président (M. Bélanger): C'est l'ordre de l'alternance.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Rapidement, parce qu'on n'a finalement peu de temps à notre disposition.

Le Président (M. Bélanger): Vous avez cinq minutes pour votre question.

Mme Harel: Évidemment, le ministre a repris un peu cette sorte de psalmodie incantatoire: C'est la faute aux péquistes. Il nous fait le reproche et nous fait constater que la crise économique a eu des séquelles. En tant que ministre de la Main-d'Oeuvre, si ce n'est déjè fait, il va avoir à constater

lui-même que l'évolution de la structure de l'emploi a considérablement modifié la structure de l'aide sociale et que maintenant croissance économique n'est plus synonyme de croissance de l'emploi.

J'espère que, comme ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, il n'est pas seulement le ministre responsable de la Loi sur l'aide sociale, mais aussi, je le souhaite, ministre responsable de l'emploi. 11 a dû constater, depuis qu'il assume ses nouvelles fonctions, que souvent la croissance économique est inversement proportionnelle à la croissance de l'emploi. Dans bien des secteurs, je pense notamment au secteur du textile, la modernisation a eu comme conséquence nette une réduction de l'emploi dans ce secteur, et cela vaut pour le secteur du textile comme pour bien d'autres secteurs.

Le fait est dorénavant admis. Pensons simplement aux milliards en investissements d'Alcan dans la région du Saguenay--Lac-Saint-Jean, en sachant que cet investissement a amené la direction d'Alcan à devoir expliquer à la population que cela n'allait créer aucun emploi, mais elle a, au moins, essayé de plaider que cela n'allait pas en faire perdre. Cette structure de l'emploi suppose que le ministre coordonne les énergies de manière qu'il y ait des mesures pour l'emploi. Ces mesures sont notamment la réduction des heures de travail. J'aimerais savoir si le ministre entend légiférer, notamment, sur les dispositions de temps supplémentaire qui permettent de légiférer sur les heures de travail. Cela suppose également que le ministre assume, auprès de tous ses collègues en matière économique, un leadership pour qu'il y ait des politiques subventionnaires auprès des entreprises créatrices d'emploi. Cela suppose également qu'il y ait de la part du ministre un leadership en matière de travail partagé.

Le ministre nous annonce une réforme, mais il ne donne pas les objectifs. S'il était sérieux, s'il voulait véritablement réduire le volume des bénéficiaires d'aide sociale, non pas le réduire simplement en tentant de les harceler, mais s'il voulait le réduire sensiblement, il mettrait en place des mesures qui auraient des effets incitatifs sur l'emploi et, conséquemment, il verrait a coordonner ces programmes d'employabilité avec de véritables politiques assurant des emplois accessibles, donc assurant des débouchés accessibles et des salaires décents. Évidemment, ces salaires décents se réfèrent à une hause nécessaire, en 1986, du salaire minimum.

Mais, à ce moment-ci, je veux savoir du ministre - je pense que les bénéficiaires d'aide sociale et l'ensemble de la population sont en droit de savoir - concernant la réforme qu'il entend mener, s'il s'agit d'offrir aux bénéficiaires d'aide sociale de plus de 30 ans une participation obligatoire au programme d'employabilité ou si le ministre envisage d'autres mesures pour les amener à assumer un emploi.

Est-ce que j'ai terminé mon temps de cinq minutes, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Non.

Mme Harel: Cela va me permettre peut-être de rappeler au ministre qu'il y a, à ce moment-ci, une difficulté qui a certainement été portée à sa connaissance par ses fonctionnaires et qui vient d'un phénomène de l'après-crise de 1982: celui de l'entrée croissante des 30-44 ans à l'aide sociale. Avec cette entrée croissante, il faut voir que le Québec, après une accalmie en 1984, vient de gagner le peloton de tête des provinces qui ont des faillites croissantes. Cela, c'est sous un gouvernement libéral, ce sont là des statistiques récentes depuis janvier, donc les trois derniers mois. C'est donc dire qu'il y a de plus en plus, chez les 30-44 ans, des bénéficiaires - et les chiffres tendent à le démontrer - qui ont une éducation collégiale professionnelle. Il y a donc un taux de croissance annuelle moyen de 28 % des ménages dont le chef de famille a quatorze ans de scolarité ou plus. C'est donc dire que le ministre ne peut pas envisager des retours aux études pour compléter un secondaire, comme c'était le cas pour les moins de 30 ans, pour ces bénéficiaires de plus de 30 ans, que le ministre ne peut pas non plus envisager des mesures d'employabilité, puisque ce sont souvent des personnes dont l'employabilité est aquise, mais qui ont dû recourir à l'aide sociale à la suite de la fermeture de leur entreprise. Quelles sont les mesures que le ministre envisage pour ces bénéficiaires? (11 heures)

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avec les cinq minutes qui me sont accordées, M. le Président, vous comprendrez que, dans un premier temps, je vais tenter de répondre à la première question qui m'a été adressée. S'il me reste du temps - je m'en excuse, ce sont les règles du jeu parlementaire qui sont ainsi - je tenterai de répondre è quelques-unes des allégations, plus ou moins fondées, de la députée de Maisonneuve qui dit que la croissance économique n'équivaut pas à la croissance de l'emploi. Elle doit avoir un doctorat en économie pour dire cela,

Mme Harel: Vous allez être obligé de l'apprendre bientôt,

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous

avez parlé de l'employabilité, M. le député, j'ai indiqué qu'il s'agissait de 'quelque chose de très important. Il s'agit, pour le ministre de la Main-d'Oeuvre qui est responsable de l'ensemble de l'emploi, de s'assurer que ceux et celles qui ont déjà des emplois, continuent à améliorer leur employabilité en vue de faire face aux changements technologiques, de façon à s'assurer que ces gens puissent conserver ces emplois.

Plus directement, quant au sujet qui nous concerne ce matin, quant aux bénéficiaires de l'aide sociale, il s'agit de s'assurer qu'ils puissent devenir plus employables qu'ils ne le sont présentement. Les mesures qui étaient appliquées dans le passé avaient une incidence sur les chèques qui étaient émis. C'était basé sur de la discrimination: si vous étiez âgé de 29 ans, vous aviez droit à tel traitement par le gouvernement antérieur; si vous étiez âgé de 31 ans, vous aviez droit à tel autre traitement.

M. le Président, les mesures d'employabilité que nous allons mettre de l'avant dans la réforme de l'aide sociale ne seront plus basées sur cette discrimination en raison de l'âge. Je ferai simplement remarquer à ceux et a celles qui affirment qu'il y a aujourd'hui plus de bénéficiaires de l'aide sociale qui sont âgés de plus de 30 ans, qu'on ne fait pas ces mesures pour eux, mais pour ceux et celles qui, à 31 ans aujourd'hui, sont les mêmes que ceux et celles, dans plusieurs cas, malheureusement, qui, il y a deux ans, avaient 29 ans et qui sont encore des bénéficiaires de l'aide sociale et qu'on a négligé d'aider par le passé. Nous allons faire le maximum pour aider ces gens à se retrouver de l'emploi.

Je répondrai maintenant, dans peut-être les deux minutes qui me restent, aux interventions de Mme la ministre... Mme l'ex-ministre - elle l'a déjà été, si peu de temps qu'elle me dit - Mme la députée de Maisonneuve, à, entre autres, un élément important qu'elle m'a souligné: la question du temps partagé. Celle qui m'a précédé comme ministre titulaire de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu avait décidé de mettre sur pied, pour l'an passé, un programme expérimental de temps partagé en entreprise. Le gouvernement du Parti québécois avait décidé d'octroyer des sommes dans le but d'inciter les entreprises à effectuer du temps partagé.

L'expérience nous a malheureusement démontré ou heureusement démontré, mais l'expérience nous a démontré que cela n'a pas connu tellement de fruits, les centrales syndicales ainsi que la partie patronale, pour des raisons qui leurs sont propres, s'opposant à une telle approche. Les moyens incitatifs n'ayant pas fonctionné, est-ce qu'ils étaient suffisants? Nous en sommes à analyser la pertinence du programme. On s'est rendu compte que les sommes qui avaient été allouées à cet effet par l'Assemblée nationale n'ont pas été dépensées. On ne s'est pas prévalu, dans le monde, à un rythme suffisant. Cela est dû à la volonté des centrales syndicales et des parties patronales dans la société.

Mais il faut que je revienne là-dessus: La croissance économique n'égale pas la croissance de l'emploi. Si vous isolez dans une micro-économie une usine en particulier comme vous l'avez fait, vous pouvez en arriver à cette conclusion. Si vous prenez l'ensemble d'une économie, vous verrez que la croissance économique égale la croissance de l'emploi. Concernant l'automatisation, la robotisation, je vais vous donner l'exemple, peut-être, du Japon; un exemple que le monde comprend bien en économie. Ils ont robotisé la construction des automobiles. Est-ce que cela a fait en sorte qu'ils ont perdu des travailleurs dans le secteur de l'automobile? Non. Ils sont devenus très importants dans ce secteur manufacturier. Ils ont créé, en robotisant, des milliers et des milliers d'emplois dans le secteur de l'automobile. Qu'est-ce qui est arrivé avec ceux qui, dans le même secteur, ont oublié de robotiser? Ils ont perdu des emplois. Pourquoi ont-ils perdu des emplois? Parce que, ayant oublié de robotiser, ils ont perdu le marché. Il faut toujours penser en termes de marché. Si on n'a pas d'investissement au Québec, si on fait comme le Parti québécois a fait dans le passé, maintenir des taxes qui font en sorte qu'on ne soit pas compétitif, qu'on ait une société qui ne soit pas compétitive, on a moins d'investissements. Moins d'investissements, cela fait quoi? Cela égale moins d'emplois parce que, sans investissements, on ne peut pas créer des emplois pour ceux et celles qui ont besoin de se maintenir dans certains emplois qui sont déjà fragiles et pour ceux et celles qui réclament des emplois. De l'autre côté, on a une théorie différente. On l'a essayée, de l'autre côté, la théorie différente. Qu'est-ce qui est arrivé? On s'est retrouvé au Québec avec 1 250 000 bénéficiaires de l'aide sociale. Après dix ans de la théorie qui disait: Cela ne prend pas d'investissements, cela ne prend pas de croissance économique: Allez-vous-en! les sièges sociaux, allez-vous-en! les investisseurs, allez-vous-en ailleurs! on n'a pas besoin de vous au Québec! On a le résultat net: 1 250 000 individus dans une société de 6 500 000 qui dépendent des programmes d'assurance-chômage et d'aide sociale. C'est votre bilan. Maintenant, nous, on dit: On veut de l'investissement, on veut de la croissance économique, on veut de l'emploi et on veut améliorer, M. le député de L'Assomption, l'employabilité de notre main-d'oeuvre, parce que c'est notre plus importante richesse, notre richesse humaine, au Québec.

Le Président (M. Bélanger): M. le Président, j'aurais une question à vous poser. On sait qu'à peu près 20 %...

Mme Harel: Vous ne posez pas une question au président, c'est vous le président.

Le Président (M. Bélanger): Ah oui! Excusez-moi. M. le ministre.

Des voix: Hal Ha! Ha!

M. Charbonneau: M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Pardon?

M. Charbonneau: À qui le droit de parole?

Le Président (M. Bélanger): Du côté ministériel.

M. Charbonneau: Ah oui?

Le Président (M. Bélanger): En fait, le droit de parole va de la façon suivante: député de l'Opposition, ministre, député ministériel, député de l'Opposition, ministre, député ministériel. J'ai toute la séquence ici. Soyez sans crainte, cela va être bien respecté.

M. le ministre, dans la réforme que vous voulez faire, on sait qu'à peu près 20 % de la clientèle de l'aide sociale représente des familles monoparentales, en grande partie composées de femmes qui ont des enfants, ce qui pose des problèmes. On sait que les normes ou les directives administratives ont souvent un caractère inhumain. Elles tranchent et, règle générale, laissent peu de place à l'interprétation. J'ai une inquiétude que je veux vous soumettre. Prenons le cas d'une mère de famille qui a un enfant en bas âge qui ne va pas encore à l'école ni en prématernelle - cela veut dire un enfant d'environ trois ou quatre ans - et qui demeure dans un endroit où les services de garde sont insuffisants ou inexistants. À cause de cela, elle ne peut pas participer aux différents programmes d'employabilité, de formation ou autre qu'on veut mettre sur pied pour l'aider à retourner sur le marché du travail. Mon inquiétude, c'est que ces gens-là soient pénalisés alors qu'ils n'ont pas de moyens de soutien pour faire face à la situation. J'aimerais savoir ce que votre ministère entend faire vis-à-vis de ces cas d'exception, face à une clientèle qui est déjà une clientèle d'exception.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, comme le ministre, je regrette la formule.

Je ne suis pas de ceux qui ont concocté cette réforme parlementaire dans les détails et je trouve que la méthode d'interpellation n'est peut-être pas... En tout cas, je préfère les face-à-face. Néanmoins, je voudrais reprendre une des paroles du ministre. Cela va lui prendre un cours d'économie par son chef pour qu'il se rende compte de ce qui se passe un peu dans le monde. Ce n'est pas vrai... Il y a des tonnes d'études, y compris une effectuée par votre ministère sur l'évolution de la clientèle de l'aide sociale des 30 à 40 ans, un diagnostic dans le cahier technique 85-01, série sécurité du revenu, à la page 14: "Cependant, lorsque ces personnes - les 30-44 ans - perdent leur emploi, on remarque que leur mise à pied coïncide souvent avec une fermeture d'entreprise et leur embauche n'est donc pas assurée lors de la reprise économique." Le ministre disait: La reprise libérale, ce ne sera pas la reprise péquiste. C'est peut-être pour cela que, dans le budget, il annonce moins d'emplois au cours des prochaines années que le Parti québécois n'en a créé annuellement au cours des trois dernières années.

La faisabilité de la réforme n'est pas démontrée. Le ministre n'est pas capable de nous donner des chiffres et je voudrais qu'il nous en donne aujourd'hui: Combien de personnes sont considérées aptes au travail selon les statistiques du ministère? Nous, dans des programmes expérimentaux qui s'adressaient à une partie de la clientèle, les 18-30 ans, nous avions mis un objectif, soit 50 000 personnes en deux ans. Le résultat a été 80 000 en deux ans. Si on pense à ceux qui ont bénéficié plus d'une fois de ces programmes, cela représente peut-être 68 000 ou 70 000. Mais nous avions un objectif, nous avions des programmes expérimentaux. Vous n'avez pas d'objectif. On ne sait pas précisément combien il y a de personnes aptes au travail. Le député de Laval-des-Rapides, président de la commission, a ouvert la porte à la catégorisation alors que le ministre nous avait dit à l'Assemblée nationale, en réponse à une question, qu'il ne veut pas faire de catégories comme nous avions fait.

Le président de la commission a parlé des chefs de familles monoparentales ayant des enfants... Est-ce qu'on leur donnera le droit au choix de rester ou non à la maison pour élever leurs enfants? Jusqu'à quel âge les enfants pourront-ils ainsi soustraire les parents de l'obligation de travailler, de participer à une activité ou de se rendre disponibles?

Pour les personnes ayant des enfants ou des conjoints qui ont des problèmes de santé ou des difficultés psychosociales qui exigent une présence continue, pour les personnes à employabilité faible, théoriquement aptes à travailler mais ayant un handicap physique ou

mental, un historique personnel ou une adaptation aux exigences du marché du travail, est-ce que ce seront uniquement les médecins qui statueront sur leur niveau de capacité et d'aptitude au travail?

Pour les personnes aptes au travail mais faiblement employables à cause de déficiences de formation, par exemple des femmes d'un certain âge qui ont passé leur vie à travailler à la maison mais qui ne sont pas capables d'intégrer du jour au lendemain le marché du travail; pour les personnes aptes au travail moyennement ou fortement employables, celles dont la députée de Maisonneuve parlait tantôt et d'autres facteurs... Il y a des catégories. J'en ai cinq et j'aurais pu en mettre six. Pour chacune de ces catégories, d'autres catégories pourraient s'ajouter, si on divise en fonction de l'âge, de l'éloignement du lieu de résidence, de la capacité aussi des milieux de vie à fournir des occasions d'activités diverses.

En commission parlementaire sur les crédits, le ministre nous a dit: On ne met pas 15 000 stages en entreprise, on n'en met que 10 000 cette année parce que les entreprises n'arrivent pas. Récemment, le Conseil du patronat a mis en garde le gouvernement en disant: Nos entreprises ne sont pas capables de fournir et ne sont peut-être pas si intéressées que cela. Combien y a-t-il exactement d'aptes au travail? Qu'arrivera-t-il aussi quant à la durée de leur activité? Par exemple, les gens qui sont en stage en entreprise, que leur arrive-t-il quand le stage est terminé? Est-ce qu'ils retournent à une aide sociale réduite? Qu'est-ce qui arrive, par exemple, si le stage devient finalement permanent parce qu'il peut se répéter de six mois en six mois? Qu'est-ce qui arrivera quant à l'attrait que cela occasionnera chez les entreprises à l'égard du "cheap labor" si vous me passez cette expression? Plus on généralisera, plus ce sera attrayant pour les entreprises, plus cela deviendra permanent, plus les entreprises se diront: On n'a pas besoin d'employés permanents, on peut avoir des stagiaires en permanence qui coûtent moins cher. Qu'est-ce qui arrive aussi des conséquences sur le niveau de salaire des gens qui sont déjà au travail? On avait mis en place des programmes expérimentaux et on devait les évaluer en fonction de ces critères. Qu'est-ce qui arrive?

Je pense qu'à ce moment-ci le ministre devrait nous donner ses objectifs, nous dire combien de personnes sont aptes au travail, combien de catégories on fera et quels sont les objectifs concernant la réduction, finalement, des bénéficiaires. Est-ce que le ministre pense qu'il mettra 300 000 personnes aptes au travail demain matin en stages en entreprise, en travaux communautaires et en retour aux études?

Qu'arrivera-t-il des autres, de ceux qui ne pourront pas s'intégrer parce que le ministre ne sera pas capable de suffire à la demande dans les premières années? Sans compter les programmes qui ne répondent pas aux besoins, parce que c'étaient des programmes expérimentaux pour une catégorie, les 18-30 ans. Comme le signalait ma collègue de Maisonneuve, les besoins des 30-44 ans ne sont pas les mêmes. Ce sont des gens formés, scolarisés et aptes au travail alors que dans le cas des plus jeunes, c'est différent. Il faudra qu'on adapte à un moment donné ces programmes-la. On n'a fait aucune expérience pour la clientèle la plus âgée et déjà on nous annonce qu'on se lancera comme cela.

Je pense que le ministre a déjà, dans ce que je viens de dire, plusieurs questions. Il pourrait prendre une demi-heure, si le temps le lui permettait, pour détailler et je pense que nous n'aurions pas assez de ce temps-là pour avoir des précisions sur chacun de ces éléments.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, malgré tout le respect qui vous est dû, je vais peut-être profiter de l'occasion immédiatement pour répondre au député de Verchères parce que la contradiction de son exposé sera encore plus apparente si je le fais immédiatement. Je m'excuse, je vous répondrai par la suite, s'il me reste du temps.

Mme la députée de Maisonneuve ainsi que le député de Verchères nous disent, dans leurs notes introductives: Les gens de 30 à 40 ans ont une meilleure employabilité. En tout cas ils ont une bonne employabilité. Le député de Verchères cite une étude du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui dit: Si une personne de 30 à 40 ans perd son emploi, il est loin d'être certain qu'elle se retrouvera un emploi; un autre travailleur peut lui être préféré. Je vais vous indiquer pourquoi et vous avez raison quand vous dites cela, c'est une étude du ministère. C'est une question d'employabilité également, parce que si c'est la personne la plus employable, c'est cette personne qui sera employée. C'est pour cela qu'on dit que les programmes d'employabilité du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu s'appliquent également et ce, en collaboration avec le gouvernement fédéral qui va dans le même sens. Ils s'appliquent également aux gens qui ont déjà un emploi dans une entreprise de façon à améliorer leur employabilité pour qu'au cas où ils travaillent dans un secteur dit plus fragile de l'économie québécoise, s'ils

perdent leur emploi et s'ils sont âgés entre 30 et 40 ans, ils aient plus de facilité à se retrouver un emploi, parce qu'on aura maintenu pour ces gens-là un niveau d'employabilité qui sera intéressant pour l'employeur. C'est pour cela que, comme ministre, j'ai de la difficulté a comprendre pourquoi vous voulez négliger ou faites de la discrimination d'une clientèle à une autre. Notre objectif au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est de rendre l'ensemble des Québécois et des Québécoises plus employables, quel que soit le domaine d'activité dans lequel ils oeuvrent. S'il y avait moyen de rendre les députés de l'Opposition plus employables, nous le ferions. (11 h 15)

Combien de bénéficiaires? J'ai donné les chiffres. Cela ne me fait rien de les répéter de façon précise, M. le Président, mais cela devient un dialogue de sourds ou un monologue. J'ai indiqué, dans mes notes introductives - j'avais l'impression que le député de Verchères prenait des notes; je ne sais pas s'il les a égarées depuis ce temps-là - que la proportion des bénéficiaires aptes et inaptes au travail était modifiée. Aujourd'hui, c'est deux aptes pour un inapte selon les statistiques que l'on a. J'ai donné le nombre de ménages qui étaient considérés admissibles à l'aide sociale en décembre 1985. Vous faites la règle: il y a deux personnes ou deux ménages qui sont aptes pour un qui est inapte. Qu'est-ce que cela donne? Je vais vous donner le chiffre très précis; vous l'avez d'ailleurs cité vous-même dans une question additionnelle que vous m'avez adressée. Le nombre total de ménages en décembre 1985: 411 691; les aptes: 301 691. Vous avez vous-même dit 300 000. On n'est pas pour se faire une guerre de chiffres. Ce sont les chiffres de décembre. Je pourrais peut-être demander à mes fonctionnaires, si je décidais d'investir davantage dans l'administration, d'aller chercher davantage de chiffres. Je vous donne ces chiffres-là. On s'entend sur les proportions.

Quant aux méthodes, de quelle façon on va s'y prendre, vous avez dit: Les entreprises ont signifié qu'elles ne pouvaient pas absorber, malgré toute leur bonne volonté, l'ensemble des personnes qui seraient aptes. Vous avez raison, le Conseil du patronat l'a dit publiquement et je pense qu'il a raison également. Mais vous avez également indiqué qu'il y avait d'autres mesures qui étaient possibles. Vous avez parlé de travaux communautaires. C'est à la limite de votre imagination, les travaux communautaires. Vous avez également parlé pour chacun d'améliorer sa scolarité, sa formation comme telle. Cela aussi, c'est à la limite de ce qu'une personne veut atteindre comme formation, comme employabilité.

M. le Président, j'en viens à la question sérieuse que vous m'avez adressée concernant 20 % de la clientèle actuelle et, peut-être, une partie de cette clientèle qui a des besoins particuliers. Sans catégoriser, vous avez parlé des familles monoparentales qui se composent essentiellement... Il faut le dire, ce sont des femmes qui sont à la tête de familles monoparentales. Mme la ministre déléguée à la Condition féminine suit de très près la réforme de l'aide sociale. Quant aux besoins spéciaux, il est certain que si on donne des incitatifs à s'améliorer personnellement, à travailler pour sa communauté ou à faire des stages en entreprise et que, d'un autre côté, on paie pour des frais de garderie, on va équilibrer, dans la mesure du possible, pour donner le maximum de choix possibles à cette personne qui est chef de famille monoparentale, les options et les incitations nécessaires, pour faire en sorte que ce n'est pas parce qu'elle a la charge d'un enfant qu'elle doit être pénalisée. La réforme de l'aide sociale fera en sorte que la personne qui aura décidé de mettre au monde des enfants et de s'en occuper, ne sera pas pénalisée. M. le Président, je tiens à vous en assurer.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. C'est maintenant au tour d'un député ministériel.

M. Jean-Guy Gervais

M. Gervais; M. le Président, comme l'a souligné tantôt le député de Verchères, il est vrai que le ministre aurait peut-être besoin d'une demi-heure pour répondre à toutes nos questions en profondeur. Au début de son introduction, je me suis rendu compte que la loi est vieille de seize ans. Elle est entrée en vigueur le 1er novembre 1970. Concernant cette réforme en profondeur, ma question est très simple, j'aimerais que le ministre nous assure qu'on ne va quand même pas faire de cette loi un paquet d'éléments, un "patchage" en fin de compte, mais qu'elle va coller vraiment à la réalité: Une loi en profondeur, une loi par laquelle nous allons pouvoir assurer, si on veut, le mieux-être de tous les bénéficiaires de l'aide sociale, en fait de ceux qui sont vraiment dans le besoin.

Je sens déjà, dans les réponses que le ministre nous a fournies des éléments positifs qui nous permettent d'avoir une certaine assurance à ce sujet. Quand on regarde les familles monoparentales, le ministre nous assure de tenir compte également des problèmes de ces gens. Alors il y a une certaine assurance. J'aimerais quand même que le ministre nous fasse part de cette réforme en profondeur, de quelle façon il entend la mettre sur pied, les consultations qu'il entend faire d'ici là.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, le problème c'est que le ministre n'a pas répondu à la question. Pour les aptes au travail il a donné une indication, on s'entend sur l'ordre de grandeur. Le problème c'est qu'il ne nous a pas donné ses objectifs à lui. Dans combien de temps pense-t-il qu'il va tous les remettre en stage en entreprise, en travaux communautaires et au retour aux études? Le problème c'est... A part les femmes chefs de familles monoparentales, on n'a pas l'impression que le ministre se rend compte qu'il y a plusieurs catégories, beaucoup de catégories.

Dans le fond, je soupçonne le ministre de préparer toute une série de catégories pour pouvoir bien s'en sortir, pour pouvoir dire regardez, on a mis beaucoup de gens, on a fait une réforme où les aptes au travail sont maintenant obligés de faire quelque chose. Mais il va tellement y avoir d'exceptionsl On se rend compte qu'il va falloir qu'on procède graduellement, on ne peut pas faire autrement. On ne peut pas mettre du jour au lendemain... Les programmes gouvernementaux en absorbent par année actuellement - et la machine du ministère fonctionne à plein régime - à peu près de 30 000 à 40 000 au maximum. Et le ministre, cette année, n'a même pas été capable d'aller plus loin au niveau des stages en entreprise. Les budgets ne lui permettent pas non plus d'aller plus loin.

La réalité c'est que le ministre ne sera pas capable de mettre annuellement, 300 000 personnes en stage en entreprise, en travaux communautaires ou en retour aux études. C'est évident. Il va falloir qu'il y ait toutes sortes de catégories pour pouvoir permettre à des gens d'être exclus. Il va faire, dans le fond, ce qu'il nous a dit qu'il ne ferait pas: il va catégoriser au maximum. Par exemple, quand on parlait de la formation tantôt, ce qu'on dit c'est que les jeunes de 18 à 30 ans ont moins de formation et moins d'expérience que les plus vieux. Vous ne pouvez pas considérer un travailleur spécialisé qui est devenu en chômage puis bénéficiaire de l'aide sociale de la même façon qu'un jeune qui n'a jamais travaillé, qui n'a même pas son secondaire V, alors que l'autre qui a peut-être son secondaire et plus est un travailleur spécialisé dans une usine d'acier ou dans une technologie avancée.

Je crois qu'il va falloir que le ministre se rende compte qu'il n'y a pas d'expériences qui ont été menées par le gouvernement sur des clientèles particulières autres que celle qui est la plus facile d'une certaine façon à traiter, parce qu'on peut beaucoup mettre l'accent sur la formation et le retour aux études. Mais cela n'est pas le cas pour toutes les catégories dont il a été question.

Je vous prie de me croire qu'avant qu'on mette 60 000, 80 000, 100 000 personnes en travaux communautaires dans tout le Québec, le ministre est mieux de se lever de bonne heure. Il va falloir qu'il en fasse des catégories pour permettre à des gens de ne pas être obligés d'aller en entreprise ou en travaux communautaires pour avoir les moyens de recevoir l'aide sociale maximale.

Il faut que le ministre reconnaisse que dans les faits ce qu'il va faire, c'est qu'il va graduellement ouvrir les programmes qui existent déjà. Les programmes dont on parle ne sont pas une innovation libérale. Le ministre les présente comme si c'était la trouvaille libérale du siècle alors que ce sont des programmes qui existent, qu'il sait d'ailleurs tellement intéressants qu'il a accepté - et je pense qu'on doit l'en féliciter, il reconnaît leur valeur - de les conserver. Il changera peut-être le nom en cours de route, on s'attend à cela. C'est dans la logique des choses. À un moment donné, on voudra mettre une étiquette plus partisane ou plus libérale, un "look" plus libéral. On fera un peu de changement mais la logique sera que ces trames de fond qui sont travaux communautaires, stages en entreprise et retour aux études seront maintenus.

Pour le reste, M. le Président, nous voulons des objectifs et nous voulons aussi des garanties pour les personnes qui sont dans ces différentes catégories. Est-ce qu'on va en tenir compte? Et comment va-t-on fonctionner à propos des exceptions? Quels sont les mécanismes qu'on va prévoir pour mettre en place toutes ces catégories? Qui aura la responsabilité d'établir toutes ces catégories? À qui va-t-on donner le pouvoir de catégoriser comme cela?

M. le Président, les questions concernant la faisabilité sont importantes. Je ne pense pas qu'on puisse comme cela, du revers de la main, négliger l'importance de ces problèmes et faire accroire aux gens que nous au gouvernement libéral, pour le problème des aptes au travail et de l'incitation au travail, nous avons trouvé la solution. La solution n'est pas magique. À cet égard, je crois qu'il va être important qu'on se fixe des objectifs clairs, qu'on les rende publics, qu'on indique les catégories, qu'on indique comment on va procéder et qu'on consulte la population. Il me semble que ce n'est pas exagéré ce que demande le front commun des assistés sociaux d'être consultés, d'avoir l'occasion de tester cette réforme. Si le ministre voulait être prudent il nous dirait aujourd'hui: Écoutez, je vais revenir un peu sur mes élans d'enthousiasme et on va mettre en place un certain nombre de programmes expérimentaux pour des catégories particulières et on verra, dans un an ou deux, si c'était de la saine prudence

ce que le gouvernement précédent a fait. On va faire des expériences, les tester, les évaluer et voir si maintenant elles doivent être maintenues.

Le ministre ne pourra pas faire autrement que de faire des expériences, même si éventuellement il ne voudra pas les appeler expériences. Le résultat, c'est qu'il ne peut pas mettre 300 000 personnes aptes au travail du jour au lendemain et sur une base annuelle - pas une année, mais annuellement - même s'il désire limiter le nombre. Je crois que les conjonctures économiques ne nous permettent pas d'être optimistes et de penser que demain matin le nombre d'assistés sociaux aptes au travail va être réduit de telle sorte que cela ne sera plus un problème pour notre société et pour le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans un premier temps, pour répondre de façon assez précise à la question que m'a posée le député de L'Assomption. Je la résume parce qu'à cause de nos règles du jeu, comme le mentionnait le député de Verchères, il y a intercalation d'autres sujets entre la question et la réponse du ministre. Vous m'avez demandé: Après plus de quinze ans, finalement, d'une Loi sur l'aide sociale est-ce que vous allez, dans le but d'atteindre vos objectifs, procéder à du "patchage" ou est-ce que vous allez vraiment revoir le tout en profondeur? Je vous dirai que je vais revoir le tout en profondeur.

Tantôt, j'ai indiqué des chiffres qui ont eu l'air de faire sursauter l'Opposition quand j'ai dit qu'en 1984-1985 il y avait tout près de 13 % de l'ensemble des déclarations dans les dossiers qui étaient erronées et qu'en 1985-1986 il y en avait tout près de 18 % qui étaient erronées. On ne peut quand même pas, à un moment donné, blâmer nos fonctionnaires pour de telles erreurs. C'est qu'il y a des difficultés d'application législative. Ils sont pris dans le carcan législatif comme tel, mais il y a des volontés politiques également qui font cela et, à un moment donné, ont dit: On ne vous donne pas les ressources, soit mécanisées, soit humaines nécessaires pour que ces taux d'erreur diminuent. L'objectif de la loi sera de faire en sorte que cela sera ajusté aux besoins - j'ose le croire - de 1990, si possible, si on peut un peu anticiper sur la situation parce qu'on va arriver rapidement à 1990.

J'ai décidé de procéder par réforme en profondeur plutôt que par "patchage", finalement, parce qu'il y a eu tellement de changements de la clientèle, je l'indiquais au début. Au début, c'était une loi qui s'appliquait à un petit nombre d'individus dans la société, qui s'appliquait à des gens qui en majorité étaient inaptes au travail et à des gens qui étaient dans le créneau d'à peu près tous les âges. La clientèle ayant changé, je pense que c'est notre responsabilité comme législateurs - en tout cas, c'est la nôtre comme gouvernement également - de changer cette réalité en changeant complètement la loi. Ce ne sera pas une approche de "patchage", c'est une approche globale pour permettre aux bénéficiaires inaptes, comme je l'ai indiqué l'autre jour aux crédits, qui ont ce que cela prend pour exister présentement, de n'avoir pas simplement ce que ça prend pour exister. Ces gens qui sont affligés d'un handicap physique ou mental qui fait en sorte qu'ils ne sont pas capables de travailler comme tel, il faut qu'ils aient pas simplement ce que cela prend pour exister, mais un peu plus que cela. Je pense qu'on est une société qui est capable d'offrir à ces gens un peu plus que cela. Que ces gens qui sont aptes au travail, on fasse le maximum pour les inciter, soit è s'améliorer eux-mêmes en améliorant leur employabilité, soit à s'améliorer eux-mêmes et à participer à la collectivité en se prêtant ou en s'offrant pour effectuer des travaux communautaires dont plusieurs autres strates de citoyens dans la société ont besoin ou en allant effectuer des stages en entreprises ou toute autre mesure. Là-dessus, nous sommes ouverts. Ce sera vraiment, M. le député, je tiens à vous le dire, non pas un "patchage" comme certains de nos prédécesseurs ont effectués, mais une réforme en profondeur. (11 h 30)

Maintenant - on m'indique qu'il ne me reste plus beaucoup de temps - pour quand même tenter de répondre à quelques-uns des arguments ou pseudo-arguments avancés par le député de Verchères, moi, je lui dirai que sa base de calcul m'inquiète. Il me demande - je tente d'être le plus textuel ou le plus mot à mot possible - : Comment allez-vous faire, année après année, pour trouver dans du rattrapage scolaire, dans des stages en entreprise ou dans des travaux communautaires, ce qu'il faut pour occuper ou motiver 300 000 bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail? Bien, je lui dirai que cela n'est pas mon objectif, en tout cas, ce n'est pas l'objectif du gouvernement libéral qui a été élu le 2 décembre.

L'objectif du gouvernement libéral, c'est de faire en sorte qu'il y ait de moins en moins de bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail, dans la société. Cela fait partie d'une stratégie d'ensemble d'un gouvernement. Vous avez oublié cela, de l'autre côté. Vous étiez trop préoccupés, quand vous étiez au pouvoir, par vos chicanes interministérielles. Les deux

budgets, le mini-budget de décembre et celui qui vient d'être déposé par le ministre des Finances, vont dans une voie de création d'emplois, d'attrait à l'investissement. Je souhaite que des 300 000 bénéficiaires, on passe dans les meilleurs délais - expression consacrée - au moins possible de bénéficiaires de l'aide sociale. On ne planifie pas le ministère en fonction de 1 000 000 de bénéficiaires de l'aide sociale d'ici à deux ou trois ans pour se faire accroire qu'on est important comme gouvernement, mais on agit en fonction du mieux-être de celui ou de celle qui, présentement, malgré lui, est bénéficiaire de l'aide sociale et qui est encore apte au travail. Merci, M. le Président.

Le Président

Le Président (M. Bélanger): J'aurais peut-être une autre question. Dans une réforme comme celle-là, cela suscite certaines inquiétudes. En tout cas, je pense à un certain nombre d'assistés sociaux qui sont en vraie situation de besoin et qui correspondent à tous les critères. Cela soulève quand même un certain nombre d'inquiétudes. Pourquoi? C'est parce qu'on a peur que des normes administratives soient appliquées rigidement ou maladroitement ou dans des contextes qui ne s'appliquent pas toujours à ta situation particulière des personnes. Autrement dit, on a toujours peur qu'il y ait un manque de souplesse là-dedans et cela insécurise.

J'entends vos propos, vous dites que cela ne va pas se faire dans l'esprit de vider le plus possible de gens de l'aide sociale ou de les sortir de là pour dire: On a un meilleur record, on a diminué cela. J'espère, en tout cas, que vous chercherez, dans cette démarche-là, le meilleur intérêt de la personne qui est visée et qui reçoit cette aide. Sans tenir des propos rassurants, il y a quand même une réforme qui s'en vient et une réforme, cela change des choses, je l'espère.

J'espère qu'on profitera des expériences passées pour éviter de bousculer et je ne dirais pas de malmener, mais mettre encore plus sous tension des gens qui vivent passablement de stress, je pense, par leur situation de bénéficiaire de l'aide sociale.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, compte tenu de l'alternance dans nos travaux, cela sera ma dernière intervention. Je pense, compte tenu des propos que le ministre a tenus depuis le début de cette commission, qu'il ne peut pas y avoir de réforme en profondeur. Pour qu'il y ait véritablement une réforme en profondeur, il faudrait que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu soit disposé à prendre des mesures concernant l'emploi et celles-ci ne seront possibles et efficaces que dans la mesure où les milieux syndicaux et patronaux les concerteront avec le ministre et dans la mesure où le ministre prendra le leadership pour élargir leur sens des responsabilités à l'égard de l'emploi. Parce que le ministre n'est pas seulement responsable des bénéficiaires de l'aide sociale et de la Loi sur l'aide sociale, mais il est responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu dans la société québécoise. Cela supposerait notamment qu'il puisse replacer toute cette réforme dans un contexte de création d'emplois où, entre autres choses, il prendrait en considération ce que l'OCDE a analysé pour toutes les sociétés industrielles européennes et qui a donné lieu à une espèce de rapport où il était démontré, certainement, qu'il fallait qu'il y ait automatisation, que cela était indispensable, mais que l'investissement n'était pas une solution au problème de l'emploi, que 100 000 000 $ investis dans l'équipement industriel créaient 2 000 000 d'emplois entre 1955 et 1960, qu'entre 1960 et 1965 le même montant de 100 000 000 $ créait plus que 400 000 emplois, qu'entre 1965 et 1970 il supprimait 100 000 emplois et qu'entre 1970 et 1975 le même montant de 100 000 000 $ supprimait 500 000 emplois. C'est une réalité à laquelle le ministre va devoir faire face. L'automatisation est indispensable. C'est indispensable. On ne peut pas renoncer à investir, mais l'investissement n'est pas synonyme de création d'emplois. À ce titre, le ministre a des responsabilités. Tout ce dont il nous a parlé aujourd'hui c'est qu'il allait rendre obligatoire aux plus de 30 ans les mesures que le Parti québécois avait offertes aux moins de 30 ans pour augmenter leur employabilité. Il ne nous a pas parlé d'emplois. Il nous a parlé de l'ernployabilité. J'aimerais bien savoir du ministre comment et qu'est-ce qu'il va offrir aux 30-44 ans dont les propres études de son ministère démontrent que plusieurs d'entre eux ont une scolarité accrue, collégiale ou professionnelle? Alors, il n'y aura pas de retour aux études pour compléter un secondaire pour ces personnes. Il y aura un stage en entreprise. Pour le stage en entreprise il fallait voir qu'il s'agissait des moins de 30 ans qui n'avaient pas eu d'expérience de travail. Le ministre est en train de dévoyer l'expression "employabilité". L'employabilité, c'était une acquisition pour des moins de 30 ans qui n'avaient pas eu l'occasion d'avoir une expérience de travail. Le ministre nous parle maintenant d'acquisition pour des travailleurs ou des travailleuses mais les 30-44 ans sont majoritairement des hommes qui ont déjà eu des expériences de travail. Le ministre ne nous parle absolument

pas d'une réforme en profondeur où seraient associées et coordonnées des politiques de réduction des heures de travail, des politiques de subventions aux entreprises créatrices d'emplois, d'avantages fiscaux pour les entreprises qui créent de l'emploi de travail partagé. Comment le ministre entend-il répondre aux problèmes des femmes de plus de 40 ans? Je pense à ce mémoire extrêmement important qui est appuyé par 70 groupes dans le domaine du travail social. Il faisait valoir notamment que pour beaucoup de femmes de 40 ans et plus le marché du travail est un monde où leur habileté de ménagère n'est pas reconnue, où ce n'est pas recyclable. Très souvent elles ne peuvent trouver que des emplois où règnent le plus d'exploitation. Souvent ces femmes de plus de 40 ans ont l'impression de trahir même le rôle des femmes à la maison, qui s'occupent de l'éducation des enfants et qui entretiennent la maison, pour lequel elles se sont préparées et pour lequel elles ont investi toutes leurs énergies et leur savoir-faire et évidemment sans qu'on puisse leur reprocher d'avoir été modelées è ces rôles par un système social et éducatif qui était celui qu'on connaissait il y a 20 ou 30 ans. Le ministre entend offrir quoi à ces femmes qui sont aptes et qui sont disponibles au sens où elles n'ont pas d'enfants qui ont moins de six ans ou qui sont è l'école primaire? Pour ces femmes aptes et disponibles mais qui ont plus de 40 ans et qui n'ont pas été préparées qu'est-ce que le ministre entend offrir?

En terminant, M. le Président, j'aimerais demander au ministre s'il est exact qu'il a demandé au personnel de son ministère de travailler sur des critères restreignant l'octroi d'aide pour les besoins spéciaux de manière à faire réaliser des économies rapidement?

Le Président (M, Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce dans ma période de dix minutes? J'aimerais qu'on précise en vertu du règlement. Est-ce en dehors de ma période de dix minutes?

Le Président (M. Bélanger): C'est en dehors de votre période de dix minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour tenter de répondre.

Le Président (M. Bélanger): Pour préciser: les travaux de la commission ayant commencé environ sept minutes en retard, c'est à 11 h 47 au lieu de 11 h 40 que nous procéderons aux dix minutes du ministre. Est-ce que cela vous convient?

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme cela convient à la présidence. Je suis à la disposition et de la présidence et de l'Opposition ce matin, M. le Président.

Je tenterai de répondre à Mme la députée de Maisonneuve. Elle m'indique qu'il faut que le ministre n'oublie pas qu'il n'est pas simplement ministre responsable de la sécurité du revenu mais qu'il est également ministre de la Main-d'Oeuvre. Autour de cette dimension elle me dit: II faut, que le ministre comprenne bien qu'il ne pourra réussir sa réforme ou que le gouvernement ne pourra pas réussir sans qu'on ait la collaboration maximale et absolue des parties syndicales et des parties patronales.

Je vous indiquerai que je suis également ministre du Travail, ce qui fait en sorte que j'ai des contacts fréquents et réguliers avec ces parties, mais je suis également responsable face à l'ensemble de la société. J'ai donc besoin de la collaboration, pour réussir dans mon travail, des parties patronale et syndicale et également de la collaboration des parties non organisées dans la société québécoise. Dans les secteurs public et parapublic, les travailleurs et travailleuses sont organisés sous forme syndicale dans une proportion de plus de 80 %. On peut dire que, de son côté, la partie patronale, qui est le gouvernement, est assez structurée et organisée, merci. Mais dans le secteur privé c'est là-dessus que j'insiste et c'est pourquoi j'ai besoin de la collaboration de tout le monde - il y a à peine 23 % des travailleurs et travailleuses qui oeuvrent dans le secteur privé au Québec et qui sont organisés sous forme de syndicat. Et sur le plan de l'entreprise comme telle, notre structure d'entreprises étant composée essentiellement ou principalement de petites et moyennes entreprises, les employeurs eux-mêmes de leur côté ne sont pas très organisés et structurés. Donc, l'appel que vous avez lancé à la collaboration, dont j'aurais besoin pour réussir comme ministre, et de la partie patronale organisée et de la partie syndicale organisée, je le réitère à ces parties, mais je l'étends également à l'ensemble de la population québécoise. Si on parle de travaux communautaires, entre autres, il faut bien s'entendre qu'il ne faut pas se limiter à ce que vous m'avez demandé, mais avoir un peu moins une vision à oeillères de la société québécoise et l'élargir sur l'ensemble de la société.

Vous êtes revenue sur quelque chose à quoi vous semblez tenir. Vous dites que l'investissement, cela ne veut pas dire de l'emploi, etc. et vous avez cité des chiffres de l'OCDE. Tantôt, je vous avais parlé d'investissements vis-à-vis de la proportion du marché. Je pense que je peux utiliser ici

un exemple qui est bien de chez nous, qui est dans l'actualité, pour qu'on se comprenne bien: Présentement, les travailleurs de GM à Sainte-Thérèse sont inquiets de leurs emplois. Pourquoi sont-ils inquiets de leurs emplois? Parce qu'ils voient que la compagnie General Motors a décidé d'investir des sommes considérables dans la modernisation et dans la construction d'autres usines et que ces travailleurs-là et leurs représentants syndicaux se disent: Sans investissement à Sainte-Thérèse, sans modernisation de notre équipement de production, ce sont nos emplois qui sont menacés. Là, tout le monde s'entend: la partie syndicale, la partie patronale, la partie gouvernementale. Mais, aujourd'hui, on est obligé de constater que Mme la députée nous dit: Pas d'investissement, s'il vous plaît! Cela menace les emplois, c'est dangereux; si vous investissez au Québec, on va perdre des emplois et elle nous cite des études économiques. Je veux bien suivre son raisonnement, mais ne pas l'appliquer, par exemple; seulement sur le plan théorique.

Mme la députée nous a parlé également des gens de 30 à 40 ans. Elle a dit: Vous n'êtes quand même pas pour offrir des programmes d'amélioration de scolarisation aux gens de 30 à 40 ans. Elle catégorise les gens de 30 à 40 ans comme étant des individus, hommes ou femmes, qui ont tous le même niveau d'instruction, comme on l'appelle. Ce n'est pas vrai. 11 y a des individus dans une société et vous allez retrouver chez vos bénéficiaires de l'aide sociale qui ont en bas de 30 ans des gens très scolarisés, comme des gens à peu près pas scolarisés. Vous allez retrouver chez des gens de 30 ans et plus des gens qui sont très scolarisés, comme des gens qui ne le sont pas. C'est pourquoi nous vous avons blâmés, dans l'Opposition, c'est pourquoi nous voulons corriger, comme gouvernement, cette espèce de barrière de 30 ans que vous avez fixée, qui est artificielle et qui contrevient, selon les avis juridiques dont on dispose, aux chartes des droits et libertés des individus, chartes auxquelles vous ne vouliez pas tellement adhérer parce que cela venait du gouvernement fédéral, en ce qui concerne la charte canadienne, entre autres.

M. le Président, ce sont à peu près les répliques. Si je comprends bien notre règlement, il me resterait une dizaine de minutes pour conclure.

Le Président (M. Bélanger): Pas tout de suite. Il nous reste trois minutes. Alors on peut peut-être diviser à la Salomon. Est-ce que M. le ministre avait écoulé ses cinq minutes?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que j'ai un déficit, M. le Président. Si on veut jouer à Salomon, je vais insister pour...

Le Président (M. Bélanger): II reste trois minutes; on peut dire une minute aux ministériels, une minute à l'Opposition et une minute au ministre. Est-ce que cela convient à tout le monde?

M. Charbonneau: D'accord.

Mme Harel: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez, Mme la députée de Maisonneuve, on va d'abord... (11 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel article?

M. Gervais: Le ministre avait déjà quelques minutes en perte, au départ, dans l'intervention, lorsqu'il a accordé un certain temps au député de Verchères. Cela a été acquis. Tout le monde est en plan.

Le Président (M. Bélanger): C'est perdu.

Mme Harel: M. le Président, j'ai une question de règlement. Je pense qu'elle est prioritaire...

Le Président (M. Bélanger): J'ai reconnu le député de Verchères. On vous reconnaîtra par la suite. C'est dans la séquence de l'alternance prévue.

Mme Harel: Vous l'avez reconnu sur quelle question? C'est une question de règlement qui est prioritaire, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Une question de règlement? Oui, madame. Sur quel article?

Mme Harel: Alors, je vais vous demander de me référer à l'article qui permet à un député, dans cette Chambre ou en commission, d'intervenir lorsqu'il a été mal cité. Cette intervention doit se faire immédiatement après les propos qui ont donné...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je passe outre au numéro de l'article. Si vous avez été mal citée, allez-y. Je passe outre au numéro de l'article, Mme la députée.

Mme Harel: Je retrouverai le numéro de l'article; cela pourrait vous être utile, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je le cherche.

Mme Harel: M. le Président, je veux simplement signaler que j'ai tenu des propos tout à fait contraires à ceux qui me sont

attribués par le ministre, à savoir que l'investissement est absolument indispensable, qu'il ne faut pas y renoncer, bien au contraire, mais que l'investissement n'est plus synonyme de création d'emplois et l'exemple, évidemment, c'est Sainte-Thérèse. Les travailleurs savent très bien que cet investissement est indispensable pour maintenir leurs emplois, mais il ne va pas en créer de nouveaux.

Merci, M. le Président.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas parlé de Sainte-Thérèse.

Le Président (M. Bélanger): Je cède donc la parole au député de...

M. Gervais: L'Assomption, M. le Président, et non de Verchères, comme vous l'avez souligné auparavant.

Le Président (M. Bélanger): ...L'Assomption. Je m'en excuse.

M. Gervais: Je voudrais très brièvement, puisque le temps est restreint, remercier le ministre de ses bonnes paroles et je me rends compte, à la lumière des propos qu'il nous a tenus ce matin, que nous sommes quand même dans la bonne voie et qu'il s'agira, dans le futur, d'une réforme en profondeur de la loi déjà vieille de tout près de seize ans et non de "patchage", comme on l'a connu avec le gouvernement précédent.

Alors, je voudrais encore une fois remercier le ministre et je dois, j'imagine, selon le temps qui nous est accordé, céder le droit de parole à qui de droit, M. le Président, puisque cela revient à vous de déterminer...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Verchères, pour une minute.

M. Charbonneau: M. le Président, des questions brèves, dans cette minute, permettront peut-être au ministre de combler ou d'utiliser une partie de ses dix minutes. On n'a pas eu de réponse à la question de la députée de Maisonneuve qui demandait: Est-ce que vous allez restreindre les critères d'octroi de l'aide pour les besoins spéciaux? Des rumeurs circulent que vous irez chercher beaucoup d'argent comme cela, en réduisant la facilité d'invoquer des besoins spéciaux.

Deuxièmement, est-ce que vous n'auriez pas demandé aussi qu'on réduise l'aide sociale pour les nouveaux bénéficiaires? En fait, faire deux catégories: ceux qui seraient là depuis six mois et moins, ou depuis un certain temps et moins, et ceux qui y seraient depuis plus longtemps? Si le ministre nous dit que ce sont des rumeurs et que ce n'est pas fondé, tant mieux.

Troisièmement, le ministre n'a pas répondu à la question du début: L'allocation scolaire que vous aviez promise, quand allez-vous la donner? L'ajustement du revenu de travail, quand les gens vont-ils l'avoir? Le lait maternisé, qui a été demandé par plusieurs groupes, je sais que ma collègue de Maisonneuve en a parlé aussi en commission parlementaire, à l'étude des crédits, quand le ministre a-t-il l'intention de donner suite à cette demande, M. le Président? Il me reste ma conclusion après le ministre, très bien.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, vous avez une minute pour ces réponses.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je vais essayer de regrouper. Quant aux informations...

Le Président (M. Bélanger): Un instant! Nous en sommes à la partie où, M. le ministre, vous avez dix minutes pour les conclusions. Vous pouvez exercer votre droit de réplique de dix minutes. Ensuite, M. le député de Verchères aura dix minutes pour son droit de réplique. M. le ministre.

Conclusions M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi); Je vais tenter, au début de ces dix minutes, de répondre assez spécifiquement aux questions que m'a posées le député de Verchères dans sa minute qui lui restait.

Lorsqu'on a parlé d'abolition, je ne sais pas si j'ai bien saisi, de création de deux catégories, les nouveaux bénéficiaires et les anciens bénéficiaires, des besoins spéciaux, etc., je vous dis qu'il n'y a pas de commande qui a été placée par le bureau du ministre à ce sujet. Je peux vous dire que les fonctionnaires travaillent présentement sur des hypothèses et qu'il n'y a aucune hypothèse d'exclue. Je leur ai demandé d'être très large dans leur approche parce que je leur ai dit: C'est une réforme en profondeur qu'on fait, si vous pouvez réorienter...

Je leur ai indiqué de grands principes, par exemple. Je leur ai dit; Comme ministre, ce qu'on souhaiterait avoir dans la loi, sur le plan des grands principes, c'est de faire un peu plus pour les inaptes. Je leur ai dit: Ces gens, dans notre société, qui ne sont pas aptes au travail, ne font qu'exister présentement avec ce qu'on leur donne comme argent. Est-ce que vous êtes capables, dans la mesure des budgets qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale ou qui seront adoptés, de nous proposer des budgets qui feront en sorte que les inaptes reçoivent davantage?

Je leur ai demandé: Y a-t-il moyen d'avoir pour les gens qui sont aptes au travail le maximum d'incitation, ce que Mme la députée de Maisonneuve a appelé la légalité dans la malchance, l'autre jour? Le maximum d'incitation pour que les gens améliorent leur employabilité, participent à leur communauté, participent à la richesse collective du Québec et d'éliminer - excusez-moi, c'est la première dont j'ai parlé - toute discrimination fondée sur l'âge, qui est intolérable dans notre société. Ce sont les grands paramètres.

À partir de ces paramètres, je suis prêt à recevoir toutes les hypothèses possibles. Comme ministre, je prendrai mes responsabilités lorsque ces hypothèses me parviendront chiffrées. Je ferai l'impossible pour que les grands principes, que je viens de vous énumérer, soient respectés. Cela inclut, cette partie de réponse, les autres besoins. On peut parler de l'ensemble des besoins. La réforme vise l'ensemble des besoins.

Ce qui me permet d'entrer dans mes dix minutes et de vous parler d'un sujet que vous avez soulevé au début, dont je n'ai pas reparlé, de la pauvreté au Québec. Vous m'avez indiqué que, et nous en sommes conscients au ministère, à la suite d'un sondage, on établissait la pauvreté à un revenu, pour une famille, inférieur à 20 800 $ par année, si je me souviens du chiffre exact. Cela voulait dire environ 400 $ par semaine. Cela n'a pas été établi scientifiquement; vous l'avez dit et je pense que vous avez été honnête. C'est la perception que la population a de ce que sont les besoins d'une famille normale au Québec.

Je vous dirai que, au moment où on se parle, j'en tiens compte dans ma réflexion, mais que j'ai à juxtaposer les allocations qui sont mises à la disposition des gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale avec d'autres contraintes économiques, sur lesquelles je travaille présentement - je l'ai indiqué assez clairement - et sur lesquelles on pourrait peut-être avoir des nouvelles d'ici à la fin de la session.

Je vais vous lire, pour vous illustrer ma réflexion, une lettre que j'ai reçue à la toute fin du mois dernier d'une jeune fille de Sherbrooke: "Bonjour, M. le député. Je suis une jeune fille de 19 ans et j'aimerais savoir si c'est normal que quelqu'un sur le bien-être social gagne plus d'argent que quelqu'un qui travaille? Je sais que certaines personnes ont droit au bien-être mais beaucoup trop en abusent. Moi, je travaille 24 heures par semaine à 5 $ l'heure. Avec cela, je dois me nourrir, me loger, dentiste, médicaments, mon transport, mes loisirs. Mon amie est sur le bien-être dans un projet de gardiennage. Elle reçoit 450 $ par mois non imposable (autant que moi qui travaille). Elle, son dentiste, ses médicaments, ses transports sont payés. J'aimerais savoir quel intérêt j'ai à travailler et aussi quelle solution me suggérez-vous? Continuer à travailler pour faire vivre ces gens et moi-même ou faire comme eux? J'en ai beaucoup d'autres a vous dire mais ce serait trop long sur lettre. J'aimerais une réponse au plus vite et, si c'est possible de vous rencontrer, je le ferais volontiers. En vous remerciant...". C'est signé. On reçoit ce type de lettres.

Cela m'amène à vous parler de la pauvreté, de la corrélation qu'on doit ou qu'on est forcé d'établir entre les gens qui travaillent, comme vous l'avez indiqué au début, soit au salaire minimum soit en deçà du salaire minimum - parce que là aussi il y a discrimination à cause de l'âge pour ceux qui ont moins de 18 ans - parce qu'on travaille dans un secteur spécialisé. Cela vise, encore une fois, plus de femmes dans le secteur de la restauration. Je vais vous donner des chiffres avec lesquels je suis pris, dont j'ai hérité dans le contexte économique actuel à la suite de la crise et, peut-être, à la suite du précédent gouvernement, mais je ne veux pas l'accuser là-dessus. Quelqu'un qui travaille au salaire minimum a un revenu annuel, au moment où on se parle, d'environ 8320 $. L'aide familiale moyenne donnée au moyen de l'aide sociale est de 9700 $. Moi aussi, je voudrais que tout le monde vive bien au Québec, pas en bas du seuil de pauvreté mais en haut du seuil de pauvreté. Octroyer un montant de 20 000 $ - je l'ai arrondi à 20 000 $, pas 20 800 $ - pour satisfaire à ces demandes en aide sociale qu'on a dans la société équivaut, si je veux être équitable envers ceux qui travaillent, pour les garder au moins à un niveau comparable, à hausser le salaire minimum de 4 $ à 9,50 $ l'heure.

Là, je joue avec mes mesures d'aide sociale et je joue, mais pas pour m'amuser, avec mes données de salaire minimum et je me rends compte qu'aux deux places il faut accomplir des progrès. Mais dans quelle mesure sommes-nous capables de nous payer ces progrès comme société? Ce sont des choix que nous avons à faire comme gouvernement et comme société. Tout ce que je peux vous dire c'est que, comme ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et du Travail, comme membre de l'équipe libérale, je reçois de la part de mes collaborateurs, des députés, des ministres, du premier ministre, beaucoup d'appuis pour faire en sorte qu'on ait de moins en moins de gens au Québec qui vivent en deçà de ce qu'on perçoit tous comme étant un seuil relativement pauvre.

Je vous dirai également que nos belles paroles se retrouvent dans les écrits et qu'on retrouve une application concrète à nos belles paroles. Vous avez cité tantôt, et je vous en félicite, un passage du budget que

l'on retrouvait à la page 12. C'était dans vos notes d'introduction. Vous disiez que le ministre des Finances en cette Chambre, dans un discours très solennel - le discours sur le budget comme tel - avait indiqué que l'objectif était de contenir les dépenses de manière ordonnée, sans pénaliser les clientèles sociales les plus démunies. C'était dans les énoncés de principes. Lorsque nous nous sommes retrouvés dans l'application pratique du budget, il y a eu des applications qui visaient à faire en sorte qu'on ne passe pas aux plus jeunes et à nos enfants des dettes qu'on aurait faites pour acheter l'épicerie comme cela s'est fait dans les années passées. De nouvelles taxes ont été imposées dans le budget et il y a une nouvelle forme d'imposition. Les déductions pour revenus et dividendes, les revenus à la retraite qui étaient de 1000 $ avant et ont été abaissées à 500 $. Les gens ne pourront pas déduire plus de 500 $. Plus tu es riche et plus cela t'affecte. On a même pris soin, c'est à la page I8 du budget, d'annuler les effets d'une telle mesure sur les gens qui, à notre avis, étaient les plus démunis dans la société. On disait ce qui suit: "Que les personnes âgées soient rassurées: - je cite à partir de la page 18 du budget - "elles ne seront pas pénalisées par cette mesure si elles sont à la retraite et ne reçoivent pas de revenu de travail. Elles continueront d'avoir droit aux mêmes montants de déduction qu'actuellement."

Quant à un élément que vous avez mentionné... Il me fait plaisir de le reprendre parce que vous l'avez mentionné, mais je pense que vous ne lui avez pas donné la bonne valeur économique. Un chiffre vous a peut-être échappé. Vous avez parlé de l'imposition d'une taxe sur l'huile à chauffage et le gaz naturel. Vous avez dit: On a dit que les gens qui recevraient de l'aide sociale recevraient 15 $ par adulte et 6 $ par enfant. Je vais vous lire exactement ce que dit le budget et on essaiera de calculer ensemble ce que cela donne: "Les baisses de prix de l'huile à chauffage et du gaz naturel qui feront suite à la récente chute des prix du pétrole contribueront à atténuer l'impact de cette mesure fiscale sur les consommateurs." Au ministère de l'Énergie et des Ressources et au ministère des Finances, on a des tableaux. On peut se tromper, mais pas dans les marges d'erreur qu'on a citées au début du précédent gouvernement. "De plus, nous prendrons des dispositions pour annuler l'effet de la taxe sur les bénéficiaires de l'aide sociale, les travailleurs à faible revenu et les personnes de 60 ans et plus. Ainsi, lors de la prochaine révision des barèmes d'aide sociale en janvier 1987, il sera tenu compte d'un montant annuel de 15 $ par adulte et 6 $ par enfant. De même, le crédit de taxe à la consommation pour travailleurs à faible revenu et des crédits de taxes foncières pour personnes âgées seront tous deux relevés des mêmes montants." C'est le ministre des Finances qui parle au nom du gouvernement du Québec. 15 $ par adulte et 6 $ par enfant, une famille moyenne de quatre, deux adultes et deux enfants, 2 X 15 = 30, 2 X 6 = 12, 30 + 12 = 42. Les estimations du gouvernement, quant à l'augmentation, soit de 42 $. Encore là, le gouvernement vise - on n'atteint pas toujours notre objectif dans le milieu de la cible - pour la famille de quatre, la famille moyenne québécoise qui vit de l'aide sociale, à couvrir pleinement les augmentations qui sont dues. (12 heures)

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. En conclusion, ce seront des mots de remerciements. J'étais censé rencontrer, ce matin, des gens que vous m'avez suggéré de rencontrer dans nos consultations. Je pense que le fait de nous avoir amenés ici n'a privé personne. Cela a peut-être donné place à un débat qui est plus large et cela nous amènera à en rencontrer davantage. Les gens auront, à la suite du débat que nous avons eu ce matin, encore un peu plus d'éclairage sur quelque chose qui est très important au Québec, la réforme en profondeur de l'aide sociale. Je vous remercie de votre collaboration.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, merci.

Je reconnais le député de Verchères, en réplique.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbormeau: M. le Président, le ministre nous a dit qu'il y avait beaucoup de progrès è accomplir quant au problème de la pauvreté. Il a fait allusion à un certain nombre de mesures et, par la suite, il a tenté d'expliquer que certains gestes du gouvernement n'avaient pas appauvri les gens comme nous le prétendons. Entre autres, il a terminé son intervention en parlant de la compensation pour les familles, en fait la compensation pour la taxe sur l'huile à chauffage et le gaz. Je ferai remarquer au ministre que les estimations que le ministre des Finances lui-même nous a données en commission parlementaire, quant au coût annuel du chauffage, sont plus élevées que celles qu'il nous a lui-même données tantôt. Je le réfère au Journal des débats de la commission parlementaire sur le budget et il va se rendre compte que c'est plus élevé. Le logement, que vous soyez quatre ou deux, il coûte plus cher. Le ministre a pris l'exemple qui était le plus avantageux, celui où il y

avait le plus de personnes, et où la compensation serait la plus grande. Mais pour le même logement avec deux personnes, la compensation est moins forte et le ministre est en déficit énorme, en fait crée un déficit énorme. Le ministre ne nous a pas parlé non plus de l'abandon de l'indexation trimestrielle parce qu'il sait que sur cela c'est maintenant trois à zéro pour notre côté. Je pense que le ministre a été incapable, depuis que cette question a été soulevée et mise sur la place publique, de démontrer que le pouvoir d'achat avait été protégé et respecté.

Je crois que le ministre reconnaîtra, en privé tout au moins, que, sur cette question, le pouvoir d'achat a été affecté, que dans les faits, si le ministre se dit préoccupé des progrès à accomplir quant au problème de la pauvreté, depuis qu'il est ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, les décisions que lui et ses collègues du gouvernement ont prises ont appauvri considérablement les plus démunis. Que voulez-vous, je pourrais reprendre un à un tous les exemples que j'ai cités au début pour faire cette démonstration. Je pense que c'est maintenant consigné au Journal des débats. Ceux qui ont suivi nos échanges de propos depuis le début se rappellent un certain nombre de ces mesures. J'ai rappelé la plus importante, celle qui était la plus visible, ce montant de 31 000 000 $ qu'on est allé chercher dans la poche des assistés sociaux.

Ce qui est le plus odieux, le plus choquant, c'est que vous avez, vous, votre chef, le ministre des Finances et tous ceux qui ont eu à s'exprimer sur cette question, prétendu chaque fois que ce n'était pas une coupure sur le pouvoir d'achat mais que c'était une coupure administrative, bureaucratique uniquement, comme si on pouvait penser que cela coûtait 31 000 000 $ annuellement pour indexer tous les trois mois les chèques de l'aide sociale.

M. le Président, la réforme qui nous est proposée est une réforme qui, dans le fond, si elle arrive à terme, devra être mise en place graduellement. Je vous citerai à cet égard ce que le livre blanc péquiste sur la fiscalité disait: "II faut comprendre que l'objectif de retour au travail des assistés sociaux représente non seulement un défi de taille pour l'administration des programmes de transfert, mais aussi un objectif dont l'atteinte est conditionnée par la conjoncture économique et l'état du marché du travail. Une approche graduelle s'impose donc en ce domaine. Cela exige que l'on introduise, petit à petit, les mesures suggérées, mais sans pénaliser ceux qui, étant déjà inscrits à l'aide sociale, ne peuvent décrocher un emploi."

Ce qu'on doit comprendre du ministre par ses demi-réponses et par ses explications parfois un peu nébuleuses, c'est que dans les faits il se rend compte maintenant que le programme libéral - aptes et inaptes - n'est pas applicable comme on l'a présenté aux gens et comme on l'a présenté à l'opinion publique et à tous ceux qui se réjouissent facilement et un peu rapidement de ce que maintenant les aptes au travail vont aller travailler pour gagner leur pitance et leur aide sociale, alors que dans les faits ce ne sont pas d'abord des emplois qu'on crée. On n'oblige pas les gens à aller travailler, on ne leur donne pas des emplois, on les place dans des mesures d'employabilité ou de réinsertion sociale qui, malheureusement, ne sont pas toutes adaptées à toutes les catégories.

Le problème du ministre, c'est qu'il n'a pas en main les expériences pour les diverses catégories qu'il devra créer. Le ministre nous a dit a plusieurs reprises: Moi, vous savez, je ne ferai pas comme vous autres. Je ne ferai pas de catégories. Je vais faire cela plus particulièrement, je vais être plus particulier, plus humain. Pour être plus humain, plus particulier, il va devoir faire ce que le gouvernement du Parti québécois a entrepris de faire et qu'il devait continuer de faire, c'est-à-dire de catégoriser. On ne peut pas traiter tout le monde sur le même pied, tout le monde de la même façon. Vous-même M. le Président, vous avez à juste titre invoqué à quelques reprises le problème des mères de familles, des familles monoparentales.

J'ai cité plusieurs exemples, plusieurs catégories que le ministre va devoir faire. Dans les faits, chaque fois qu'il va créer des catégories, il va faire en sorte que son problème devienne moins lourd tout en gardant une façade qui va faire plaisir aux plus conservateurs de notre société. On dira: Le gouvernement a mis en place des mesures qui vont faire en sorte que maintenant ils vont gagner leur pitance. Dans les faits, on fera ce qu'on fait déjà et qu'on se proposait de faire, c'est-à-dire graduellement, maintenant voir ce qu'on peut faire pour améliorer la situation en termes de réinsertion des gens qui sont aptes au travail, qui ont plus de 30 ans, mais en tenant compte de toute une situation, de toute une série de cas particuliers. Le ministre ne nous a pas parlé non plus de la parité et du problème qu'il aura à résoudre avec les prêts et bourses. On n'en a pas parlé longuement. Avec quoi fera-t-on l'arrimage? On a coupé le programme des prêts et bourses alors qu'il devrait être augmenté pour faire face à la musique. Actuellement c'est plus intéressant et plus payant de bénéficier de l'aide sociale que d'être bénéficiaire du régime des prêts et bourses.

Il va falloir qu'il y ait des ajustements et cela va en contradiction avec les mesures que le gouvernement a prises jusqu'à maintenant dans le programme des prêts et bourses. Ce que le livre blanc disait sur la

fiscalité - Jean Francoeur dans le Devoir du 30 avril dernier disait que c'était un jeu de miroirs, que dans l'état actuel du dossier le débat n'est guère qu'un jeu de miroirs et un peu moins net à chaque réflexion. Il rappelait ce que le livre blanc indiquait, soit que cette réforme devait être "contextée", qu'elle devait s'inscrire dans un processus de réforme fiscale, de réforme de l'ensemble des programmes de sécurité du revenu et -ma collègue l'a mentionné également - dans une approche de politique de concertation, d'emploi et de main-d'oeuvre. C'est un tout. On ne peut pas dissocier les programmes de sécurité du revenu, d'aide sociale, de l'ensemble des autres mesures.

Le ministre le sait bien. Il a ouvert la porte tantôt quand il parlait du problème du salaire minimum, quand il nous citait la lettre, parue dans les journaux, d'une dame ou d'une jeune fille de Sherbrooke qui se disait pas très bien incitée à travailler parce que c'était plus payant d'être bénéficiaire de l'aide sociale. Quelles sont les mesures fiscales que le gouvernement va prendre pour faire en sorte que ce soit plus payant? Quand est-ce que la hausse du salaire minimum sur laquelle les deux partis s'entendent va intervenir? Le ministre nous a annoncé cela. Sans doute que ce sera le cadeau pour la fête nationale. Espérons-le pour l'ensemble des Québécois. Ce sera au moins un beau cadeau. Je pense qu'il est temps que cette situation arrive.

J'achève et je voudrais terminer sur les mesures de contrôle. Le ministre ne nous a pas fait de démonstration, ne nous a pas établi clairement la preuve de ce qu'il a avancé. Nous, nous lui avons cité des études qui sont publiques et accessibles à tous les intéressés, a tous ceux qui veulent les regarder de près. Lui, il nous a cité des études qu'il n'a pas déposées publiquement et qu'il ne veut pas déposer publiquement, à savoir si c'est rentable, les mesures de contrôle. On attend toujours pour voir si cela va être effectivement rentable.

Mais ce qu'il ne nous a pas dit non plus, c'est sa volonté de mettre en place des mesures pour éviter les abus et le zèle intempestif. J'aurais voulu que le ministre nous réponde à ceci, comme je le lui ai demandé la semaine dernière, comme je le lui ai demandé ce matin: Est-ce qu'il peut rendre publiques des directives qui vont faire en sorte qu'on va baliser l'action des agents de l'aide sociale? Ce sont des fonctionnaires qui, j'imagine, dans la majorité des cas sont des gens de bonne foi qui font leur travail honnêtement, mais il y a des abus et ces abus vont affecter les personnes les plus démunies de notre société, ceux et celles qui ont déjà été suffisamment marqués par la vie. M. le ministre, il va être important que ces garanties soient connues. Pourquoi ne pas demander un avis public et précis à la

Commission des droits de la personne?

M. le Président, en terminant, il y a eu une revendication qui est liée, finalement, à plusieurs discussions qu'on a eues aujourd'hui. Dans la mesure où le ministre admet que c'est une réforme en profondeur et il a répété à plusieurs reprises: Nous allons faire une réforme en profondeur... Bien, les réformes en profondeur dans une société, M. le Président, elles se font ouvertement, elles se font avec des débats publics, elles se font avec des consultations publiques avant la prise de décision.

À plusieurs reprises, à la commission parlementaire sur les crédits, à l'Assemblée nationale et maintenant encore aujourd'hui, nous avons demandé au ministre: Est-ce que vous avez l'intention de faire une consultation publique? Est-ce que vous allez convoquer une commission parlementaire pour faire en sorte que non seulement les premiers intéressés, c'est-à-dire les groupes d'assistés sociaux, puissent venir se faire entendre... Il y a toute une série de personnes, de catégorie d'individus dans notre société qui sont intéressés par le débat sur la réforme de l'aide sociale, l'Église, entre autres. Ma collègue la députée de Maisonneuve me signale, entre autres, qu'on peut rappeler au ministre ce que certains groupes de l'Église ont encore dit, il y a quelques jours, à l'égard de ce que le gouvernement fait. Ce qu'on veut, c'est une réforme qui va être discutée publiquement, où on va consulter les gens avant de prendre les décisions. Finalement, on veut que la réforme soit abordée dans un esprit qui doit être l'esprit d'un gouvernement qui agit de façon responsable, de façon globale, en tenant compte de l'ensemble des éléments qui sont liés à la sécurité du revenu des personnes et à la volonté affichée dans les discours de réduire la pauvreté. L'objectif qu'on a comme législateurs, comme membres de l'Assemblée nationale, comme dirigeants politiques, c'est de faire en sorte que nos concitoyens et nos concitoyennes, M. le Président, soient heureux et aient les moyens de l'être. Ce ne sont pas des cadeaux de l'État qu'ils veulent. Ils veulent que les gens se rendent compte qu'il y a une responsabilité collective à l'égard de l'ensemble de la société par rapport aux besoins essentiels qui doivent être comblés. Les gens qui ont de l'aide sociale n'ont pas choisi de recevoir de l'aide sociale.

Je termine en disant; S'ils n'ont pas choisi de recevoir de l'aide sociale, ce qu'ils attendent du gouvernement, c'est d'être traités dignement. Pour être traités dignement, les gens demandent de ne pas être appauvris à chaque fois que le gouvernement met en place une mesure. Ils demandent d'être traités comme des citoyens à part entière, c'est-à-dire d'être consultés et valorisés aussi bien que le gouvernement

valorise, de ce temps-ci, le Conseil du patronat et la Chambre de' commerce du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Je remercie tous les gens qui ont participé aux travaux de la commission ce matin. La commission ayant rempli son mandat, elle ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 15)

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