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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Nous allons procéder à l'ouverture des travaux de la
commission. La commission des affaires sociales se réunit ce matin afin
de procéder à une interpellation, à savoir, une question
soulevée par la députée de Maisonneuve à la
ministre déléguée à la Condition féminine
sur les politiques libérales à l'égard de la condition
féminine.
Mme la Secrétaire, pouvez-vous nous annoncer les remplacements,
s'il vous plaît?
La Secrétaire: Oui. Voici, M. le Président: Mme
Cardinal (Châteauguay) sera remplacée par Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), M. Chevrette (Joliette) par Mme Harel
(Maisonneuve), M. Gervais (L'Assomption) par M. Trudel (Bourget), M. Joly
(Fabre) par M. Bélisle (Mille-îles), M. Rochefort (Gouin) par Mme
Blackburn (Chicoutimî).
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce que, Mme
la ministre, vous voudriez nous présenter les gens de votre
équipe?
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je vous présente Mme Nicole
Brodeur, qui est la secrétaire générale associée au
Secrétariat à la condition féminine; mon chef de cabinet,
Marc Lacroix; Elizabeth Power, Secrétariat è la condition
féminine, de même que Ghislaine Morin, Secrétariat à
la condition féminine.
Le Président (M. Bélanger): Bonjour. Mme Harel,
vous voulez nous présenter vos collaborateurs?
Mme Harel: Alors, j'ai, à mes côtés, Mme
Lahaie, qui est attachée politique, de même que
Marie-Hélène qui s'occupe du dossier de la condition
féminine. Je souhaite que nous puissions commencer le plus rapidement
possible, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, il faut
simplement se rappeler les règles de procédure: On sait que, lors
d'une interpellation, le député interpellant a d'abord dix
minutes pour présenter le dossier; le ministre a dix minutes de
réplique; ensuite, c'est la règle de l'alternance,
c'est-à-dire député de l'Opposition, ministre,
député ministériel, député de l'Opposition,
ministre, pour des périodes de cinq minutes. Alors, une question ne doit
pas excéder cinq minutes, sinon on devra agir assez
sévèrement pour un meilleur contrôle de l'enveloppe de
temps, puisque nous n'avons, pour l'interpellation, que deux heures. Vingt
minutes avant la fin de la séance, je vous aviserai; à ce
moment-là, Mme la ministre aura dix minutes pour faire un
résumé ou terminer son intervention et Mme la
députée de Maisonneuve aura aussi dix minutes pour, à son
tour, terminer et conclure son intervention.
Alors, cela veut donc dire que les travaux de la commission se
termineront à 12 h 5, puisque nous avons commencé à 10 h
5. Mme la députée de Maisonneuve, la parole est à
vous.
Exposé du sujet Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je remercie mes
collègues, la députée de Marie-Victorin et la
députée de Chicoutimi, qui participeront avec moi, ce matin,
à cette interpellation.
M. le Président et Mme la ministre, je crois que ne n'ai pas
à vous rappeler l'intérêt constant que le Parti
québécois a toujours manifesté et démontré
à l'égard de la promotion d'égalité des droits des
femmes. Le bilan du gouvernement des neuf dernières années a
coïncidé avec la décennie des femmes qui a donné
lieu, pour les femmes du Québec, à un formidable bond en avant et
à des progrès spectaculaires que le ministre canadien, M. McLean
lui-même, reconnaissait à la conférence officielle de l'ONU
qui se tenait en Nairobi l'été dernier, lorsque du haut de la
tribune, il disait considérer que le Québec avait
été, durant cette décennie, le chef de file au Canada en
matière de promotion et d'égalité des droits des
femmes.
Mme la ministre, je dois vous dire que nous entendons continuer à
faire progresser dans toute la mesure de nos moyens ce dossier de promotion de
l'égalité pour les femmes et nous ne sommes pas les seuls. La
presse et les médias font écho abondamment de commentaires des
différents porte-parole des groupes de femmes et de leurs
déceptions. Les actions concrètes titrent les
médias, il faut les chercher. C'est donc sous le signe de la
déception que sont les porte-parole, qu'ils soient du Conseil
d'intervention pour l'accès des femmes au travail qui déclare ne
plus avoir besoin d'études pour croire à l'urgence d'agir, que
sont n'importe quel des porte-parole de groupes de femmes
représentatifs, compte tenu du dépôt et de la publication
du plan d'action que la ministre nous a fait connaître hier.
M. le Président, je crois qu'il est à ce moment-ci
important de constater qu'essentiellement ce plan d'action, qui avait
suscité une attente légitime en raison particulièrement de
l'annulation de la deuxième partie de la conférence nationale,
déçoit parce qu'il consiste essentiellement à l'engagement
de faire des études sur les engagements électoraux du parti
ministériel durant la campagne électorale. Ce qui
déçoit sans doute beaucoup plus, c'est la modestie des
engagements. Je crois que la ministre elle-même a reconnu avec raison
qu'il s'agissait d'engagements modestes mais réalistes. Mais ce qui
étonne et ce qui est paradoxal c'est que la modestie des engagements a
été inversement proportionnelle à l'ampleur de la mise en
scène. Il faut vous dire que la mise en scène hier était
tout à fait différente de celle è laquelle on assiste ce
matin. On aurait bien souhaité que les collègues qui
accompagnaient Mme la ministre hier soient è ses côtés,
puisque c'est là une des décisions collégiales concernant
ce plan d'action, pour répondre aux questions de l'Opposition. Je pense
que la sobriété des propos aurait été beaucoup plus
ajustée au niveau des engagements qui ont été pris.
Qu'en est-il de ce plan d'action rendu public à grand renfort de
déclarations de bonnes intentions, d'attentions spéciales, de
garanties de cohésion, de collaboration exceptionnelle et de
transparence?
D'abord, de cette première affirmation pressante dans le sens
qu'il s'agirait de la publication d'un plan d'action mis pour la
première fois à la disposition du public en général
et des femmes en particulier pour leur permettre de suivre de plus près
le dossier de la condition féminine. Je pense, M. le Président,
qu'il faut rappeler rapidement que, dès 1979, un gouvernement du Parti
québécois se dotait d'un plan d'action, d'une politique
d'ensemble en matière de condition féminine intitulée, et
les Québécoises se le rappelleront: Pour les
Québécoises, égalité et indépendance,
laquelle comprenait au-delà de 300 recommandations. Cette politique
d'ensemble a permis de servir de feuille de route au gouvernement durant toutes
ces années et a surtout permis aux groupes de femmes du Québec et
à l'ensemble de la société de situer chacune des actions
du gouvernement dans cette politique d'ensemble qui était
recherchée. Il faut reconnaître que le plan d'action annuel qui
nous est maintenant présenté n'a aucune commune mesure avec cette
politique d'ensemble que les Québécoises et les
Québécois recherchent en matière de condition
féminine.
Ceci dit, une analyse même sommaire du présent document
oblige à conclure que -et nous y reviendrons, M. te Président
-presque toutes les initiatives concrètes retenues ont fait l'objet de
mises en oeuvre ou d'engagements précis par le précédent
gouvernement. Abordons d'abord le secteur de la formation des filles et des
femmes, un des quatre secteurs d'intervention retenu comme prioritaire par le
plan d'action pour reconnaître que, déjà, dans les
engagements pris au moment de la première partie de Décisions 85,
le gouvernement précédent s'engageait à poursuivre et a
développer l'approche non sexiste et féministe en milieu scolaire
qu'il avait d'abord amorcée à l'instigation de Mme Payette.
M. le Président, il nous faut simplement, et c'est un exercice
qu'on pourrait faire dans à peu près tous les chapitres que nous
aurons à aborder ce matin, prendre le document daté du 13
septembre 1985, du précédent gouvernement, et celui daté
du 26 mai 1986, et je vous en fais tout de suite la démonstration en ce
qui concerne le premier secteur d'intervention retenu. Nous pouvons lire de
l'un à l'autre: "élaborer une politique stricte de
révision des manuels utilisés en salle de classe et en
bibliothèque, ainsi que des nouveaux manuels soumis pour approbation,
afin d'éliminer les stéréotypes sexistes
véhiculés par ces outils pédagogiques". (10 h 15)
C'est le cas d'un des premiers dossiers, mais cet exercice, nos
collègues de l'Opposition comme nos collègues ministériels
pourraient le faire pour presque chacun des engagements qu'on retrouve dans ce
plan d'action. Nous pouvons passer d'un document à l'autre simplement
parce que l'un reprend l'autre.
En matière de conditions de travail et de reconnaissance du
statut des travailleuses au foyer. Là, M. le Président, je vais
insister sur ces deux questions parce que, en matière de conditions de
travail et en matière de reconnaissance du statut des travailleuses au
foyer, comme en matière de financement des services de garde, il
s'agissait là des trois dossiers qui devaient faire l'attention et
l'objet de l'étude de la deuxième session de la conférence
qui a été annulée.
M. le Président, on pouvait s'attendre -et c'était attendu
d'ailleurs - qu'il y ait des interventions innovatrices, compte tenu que ces
questions n'avaient pas été traitées à la
première partie de la conférence, qu'elles devaient l'être
à la deuxième et donc n'avaient pas fait l'objet d'engagements
gou-
vernementaux. Également, compte tenu de la publication des
recommandations du rapport Beaudry et des engagements électoraux du
Parti libéral dans ces domaines en matière de conditions de
travail et de reconnaissance du statut des travailleuses au foyer, on pouvait
donc s'attendre à des interventions innovatrices, vu cet ensemble. Je
vous lirai simplement un des engagements fermes, selon le communiqué de
presse publié par le Parti libéral, visant è
améliorer la condition de vie des femmes québécoises et
qui s'intitulait "Les femmes sur le marché du travail" et qui disait
ceci: "Amender la loi touchant les conditions minimales de travail afin
d'accorder aux travailleuses à temps partiel, tout en tenant compte des
heures travaillées, des avantages sociaux équivalant à
ceux des travailleuses à temps plein, notamment le congé de
maternité et l'assurance-chômage. Le Québec, lit-on dans
cet engagement libéral, doit prendre le leadership pour s'assurer de la
collaboration du gouvernement fédéral sur cette question."
Qu'en est-il dans le plan d'action? Ce qui est décidé en
matière de conditions de travail et en matière de reconnaissance
du statut des travailleuses au foyer c'est, au plus, deux études de
faisabilité sur des questions déjà longuement
étudiées, soit la hausse du salaire minimum et la protection des
travailleuses è temps partiel, essentiellement des engagements
d'étudier des promesses électorales.
Pourtant, la réalité québécoise commanderait
une intervention dans ce domaine, quand on pense, et c'est là l'objet
des recommandations du rapport de la commission sur la politique familiale,
rapport récemment déposé et publié, quand on sait
que 47 % de la population active, c'est-à-dire de la force de travail,
sont constitués par de la main-d'oeuvre féminine. Encore
là, il faut voir que, parmi les femmes en âge de procréer,
62 % qui ont entre 25 à 34 ans, occupent un emploi et, plus encore, 45 %
des mères d'enfants de moins de 6 ans travaillent à
l'extérieur du foyer. C'est donc dire que ce chapitre des conditions de
travail essentiel en matière de condition féminine n'aura pour
tout règlement que des études que la ministre entend entreprendre
sur les engagements que son parti avait pris durant la campagne
électorale.
Nous aurons l'occasion, durant cette interpellation, de revenir sur les
programmes d'accès è l'égalité, sur le financement
des services de garde, sur les priorités qui n'ont pas été
retenues concernant les femmes immigrées et les femmes collaboratrices,
priorités qui bénéficieront d'une étude dite
très attentive en regard des recommandations d'un comité que le
précédent gouvernement avait mis sur pied. M. le
Président, un plan d'action sans décisions, truffé de 44
recherches, études, enquêtes ou analyses.
Nous aurons l'occasion avec mes collègues de revenir sur chacune
de ces études qui doivent être entreprises.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine, votre
droit de réplique.
Réponse de la ministre Mme Monique
Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je tiens à
remercier également mes collègues qui assistent à cette
interpellation. Je dois vous dire que je suis très heureuse que la
députée de Maisonneuve ait choisi de m'interpeller sur les
politiques libérales en matière de condition féminine au
lendemain du dévoilement du plan d'action gouvernemental pour
l'année 1986-1987.
Compte tenu du sérieux et de l'intérêt des mesures
qui sont proposées pour améliorer la situation économique
des femmes, je me suis demandé si les représentants de
l'Opposition chercheraient à taire l'événement. L'ensemble
de la population et tout particulièrement les femmes ainsi que les
membres de l'Opposition auront donc le loisir d'être mieux
informés sur les actions projetées par notre gouvernement pour
cette année afin d'améliorer la situation économique des
femmes.
Ces actions sont toutes contenues dans ce document et ce nouveau plan
d'action qui a reçu l'aval du Conseil des ministres et qui constitue un
engagement ferme traduisant la volonté de notre gouvernement d'agir
véritablement afin d'assurer aux femmes du Québec leur autonomie
financière, laquelle autonomie, la députée de Maisonneuve
sera d'accord avec moi, constitue le préalable essentiel à
l'existence de rapports vraiment égalitaires entre les femmes et les
hommes dans notre société.
Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner à maintes reprises
hier, à Montréal, aux représentants des groupes de femmes,
ce plan d'action gouvernemental constitue l'amorce essentielle d'une action
ferme et concrète de ce gouvernement à l'égard des femmes
du Québec. En faisant de la sécurité économique des
femmes l'une de ses grandes priorités, notre gouvernement prouve sa
détermination à réaliser certains engagements
électoraux que nous avons contractés envers les femmes lors de la
campagne électorale de l'hiver dernier. En ce sens, nous avons
décidé d'agir de façon prudente afin de nous distinguer de
l'ancien gouvernement dont l'action était caractérisée,
nous nous en souvenons, par une attitude où l'on créait de
nombreuses attentes sans s'interroger sur les moyens qu'on avait à sa
disposition pour les
satisfaire.
Le gouvernement libéral a décidé d'adopter une tout
autre attitude. Nous avons décidé d'agir avec prudence et
réflexion. En fait, notre gouvernement préfère parler
moins tout en réalisant plus. C'est là, a mon sens, l'attitude
d'un gouvernement responsable. C'est donc dans cet esprit que nous avons
choisi, dans un premier temps, de procéder à un inventaire
exhaustif de toutes les actions gouvernementales en matière de condition
féminine et ceci afin de mesurer l'efficacité des
activités déjà en cours et de nous assurer de la
cohérence et de la pertinence de notre action en regard de notre
objectif fondamental. Par la suite, toujours en maintenant notre attitude de
gouvernement responsable, nous avons dû choisir. Choisir dans un contexte
budgétaire de rareté des ressources les mesures les plus
appropriées pour satisfaire les besoins des femmes. À la lecture
de notre plan d'action, la députée de Maisonneuve et ses
collègues de l'Opposition devront convenir que notre gouvernement -
même si cela peut paraître modeste à certains égards
- relève avec succès ce défi.
Je tiens aussi è rappeler à la députée de
Maisonneuve que c'est la première fois que le gouvernement met à
la disposition de la population un plan d'action. Le gouvernement procure ainsi
au public en général et aux femmes en particulier un outil de
référence sur les productions gouvernementales ainsi que sur les
orientations et mesures qui marqueront l'année en matière de
condition féminine. Nous avons articulé notre plan d'action en
fonction de l'amélioration des conditions économiques des femmes
et en conséquence nous interviendrons à quatre niveaux au cours
de l'année qui vient.
Notre intervention portera donc sur la formation des filles et des
femmes, la situation des Québécoises sur le marché du
travail, dont celle plus particulière des femmes immigrées, des
femmes entre-preneures et collaboratrices et des agricultrices, la
sécurité économique des travailleuses au foyer et enfin la
disponibilité des services collectifs,
Dans le secteur de la formation des filles et des femmes, le
gouvernement poursuivra ses activités de développement et de
soutien et du côté des jeunes filles cela se traduira par
l'élimination des stéréotypes sexistes dans le
matériel scolaire et les pratiques pédagogiques et par la
production d'outils à l'usage des parents et des intervenants.
Également cela se concrétisera par des actions de sensibilisation
et d'incitation à la diversification des choix de carrière. Du
côté des femmes, l'activité gouvernementale visera à
offrir un éventail de programmes de formation et de recyclage
adaptés à leurs besoins. Par exemple des programmes qui procurent
les indispensables prérequis à la formation technologique, qui
fournissent de l'information sur les mutations du marché du travail et
sur les domaines d'emplois les plus prometteurs et enfin des programmes qui
permettent l'exploration de domaines traditionnellement masculins.
Au chapitre des conditions de travail, le gouvernement, dans son analyse
du rapport de la commission Beaudry, portera une attention spéciale
à la réalité des travailleuses à temps partiel et
au peu d'avantages sociaux que leur assure la législation actuelle.
Également, il évaluera l'opportunité d'une hausse du
salaire minimum, facteur important pour les femmes, puisque 70 % des personnes
gagnant ce minimum sont des femmes. Avec un budget de quelque 6 000 000 $ sur
trois ans, le gouvernement favorisera la mise en oeuvre de programmes
d'accès à l'égalité dans tous les secteurs,
parapublic, municipal, public et privé.
Dans le secteur parapublic et dans le monde municipal, ces sommes
permettront è 36 commissions scolaires, 30 collèges, 12
universités, 30 établissements du réseau de la
santé et des services sociaux et quelques municipalités de se
doter d'un programme d'accès à l'égalité.
Dans le secteur privé, le budget consenti permettra de soutenir
financièrement et techniquement plus de 25 entreprises qui accepteront
de mettre en oeuvre, sur une base volontaire, des programmes d'accès
à l'égalité. Enfin, dans le secteur public, le Conseil du
trésor, après avoir fait l'analyse de l'effectif de ses quelque
250 corps d'emploi ainsi que des mouvements de personnel, fixera des objectifs
accompagnés de mesures et d'échéanciers de
réalisation à l'ensemble des ministères et des
organismes.
En ce qui concerne les travailleuses au foyer, soit 50 % des
Québécoises de quinze ans et plus, le gouvernement
présentera des mesures susceptibles d'accroître leur
sécurité économique. En 1986-1987, le rapport du
comité sur le partage de la richesse familiale et la reconnaissance du
travail au foyer permettra de dégager des pistes d'intervention. De
plus, conformément à notre engagement électoral, nous
analyserons les différents scénarios quant à la forme que
pourrait prendre la participation de ces travailleuses au Régime de
rentes du Québec. Nous entreprendrons des consultations
nécessaires et, au besoin, nous convoquerons une commission
parlementaire. Enfin, nous déposerons un projet de loi introduisant la
notion de réserve héréditaire dans la partie du Code civil
traitant des successions.
En matière de services collectifs, le gouvernement maintiendra
son effort financier pour procurer aux femmes les services collectifs dont
elles ont besoin au chapitre de la garde des enfants, de la
santé, de la violence familiale et conjugale, des loisirs et de
la perception des pensions alimentaires.
En ce qui touche plus particulièrement les services de garde dont
je suis responsable, j'ai maintes fois souligné la
nécessité de doter le Québec d'une politique des services
de garde. En 1986-1987, nous passerons en revue les orientations et les
modalités de financement des services de garde et, le cas
échéant, nous renégocierons le partage des coûts
fédéral-provincial.
En regard, maintenant, de clientèles spécifiques telles
les femmes immigrées, les femmes entrepreneures, les femmes
collaboratrices et les agricultrices, notre gouvernement mettra en oeuvre des
mesures qui faciliteront l'exercice d'un métier ou d'une profession et
assureront une meilleure reconnaissance de leur spécificité.
J'aurai l'occasion, au cours de ce débat, de revenir sur ce thème
particulier.
Comme la députée de Maisonneuve peut le constater, le
gouvernement libéral possède une véritable politique
à l'égard des femmes du Québec, une politique qui loge
à l'enseigne de la cohésion et qui désire s'attaquer aux
racines du problème, soit l'absence de sécurité
économique pour les femmes.
Je suis convaincue que tous, celles et ceux qui s'intéressent
véritablement à l'avancement et au progrès des femmes dans
notre société, ne pourront que féliciter l'initiative de
notre gouvernement. Je serai donc heureuse d'en discuter au cours des deux
prochaines heures prévues à ce débat, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, cela
termine-t-il votre intervention? D'accord. Mme la députée de
Maisonneuve, c'est à votre formation.
Argumentation Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Mme la ministre, vous
avez jugé bon de nous relire le communiqué de presse
résultat de votre conférence d'hier. Évidemment, comme
nous sommes à une interpellation où le parti ministériel
doit répondre aux questions de l'Opposition, j'imagine qu'à
partir de maintenant, vous serez en mesure de répondre aux questions que
nous allons vous formuler.
D'une certaine façon, concernant vos propos que nous avons,
d'ailleurs, très attentivement écoutés sur perroquet,
hier, au moment de votre conférence de presse, nous avons pensé
que ce n'était pas en répétant, même de façon
incantatoire, de bonnes intentions que cela aurait comme résultat de
donner lieu à des réalisations. Même
répétées à satiété, il n'y aura pas
pour autant de réalisations, s'il n'y a pas des engagements en ce
sens.
Mme la ministre, j'aimerais donc revenir avec vous à la question
que vous venez de traiter concernant la participation des travailleuses au
foyer au Régime de rentes du Québec. Je vous faisais part plus
tôt de l'absence totale, en regard des chiffres que l'on connaît et
des préoccupations que l'on sait dans la société
québécoise, de décisions à l'égard des
problèmes démographiques que vit la société
québécoise et de la nécessité de soutenir par des
politiques énergiques le désir d'enfants qui est beaucoup plus
élevé maintenant, selon les sondages qui sont
réalisés, compte tenu de l'absence de moyens adéquats des
familles. (10 h 30)
Je note l'absence totale d'engagements - même d'études -
à l'égard de l'instauration d'un congé de maternité
et même d'une caisse de congés de maternité. À
l'égard de la travailleuse au foyer, nous retrouvons dans le document,
cette phrase qui nous laisse songeurs, très songeuses, en ce sens qu'au
besoin - vous venez de répéter cette phrase - il pourrait y avoir
convocation d'une commission parlementaire.
Je vous rappelle, Mme la ministre, que l'engagement de tenir une
commission parlementaire a été pris par votre chef, M. Bou-rassa,
lors de la campagne électorale. Je cite: "M. Bourassa n'a cependant
donné aucune précision sur la façon dont pourrait
être financée cette réforme permettant l'accès des
travailleuses au foyer au Régime de rentes du Québec. Il a dit
qu'un éventuel gouvernement libéral - c'est le cas maintenant -
convoquerait une commission parlementaire pour étudier la question, dans
les premiers mois de son arrivée au pouvoir". Nous en sommes six mois
maintenant après l'arrivée au pouvoir du Parti libéral.
Cet engagement de tenir une commission parlementaire, vous l'avez
réitéré dès votre nomination. Je veux obtenir de
vous, ce matin, la confirmation qu'une telle commission aura lieu et savoir si
elle aura lieu, comme il était prévu, cet été ou
l'automne prochain. À quel moment les groupes de femmes du Québec
doivent-ils prévoir être invités à discuter
publiquement de cette question?
Également, Mme la ministre, je dois vous rappeler que lors de
l'étude des crédits de votre ministère, au mois d'avril
dernier, vous-même avez dit: "Nous sommes en train de discuter d'une date
possible concernant la convocation de la commission parlementaire sur
l'accès des travailleuses au foyer au Régime de rentes et cela
fait partie du plan d'action qui sera dévoilé à la fin de
mai." Alors, nous sommes tout à fait légitimées de vouloir
savoir de vous, d'être informées sur
la date de cette commission parlementaire.
En matière de programmes d'accès à
l'égalité, le plan d'action vient, à bon droit, confirmer
et reconduire les programmes et mesures adoptés par la première
partie de la conférence nationale en matière de programmes
d'action pour les secteurs public et parapublic. Il faut rappeler que,
déjà, dans les engagements de mai dernier, un budget avait
été alloué pour la préparation à l'automne
d'un programme d'action dans les secteurs public et parapublic.
Ce qui est certainement plus décevant et ce que, à juste
titre, les groupes de femmes.,. Ils sont nombreux, parce qu'il faut rappeler
une coalition de 170 organismes qui réclament l'application, le plus
rapidement possible, de ce programme d'accès à
l'égalité. Ces groupes de femmes s'attendaient que l'engagement
libéral en matière d'obligation contractuelle, cet engagement
pris durant la campagne électorale, celui d'établir les
mêmes exigences pour les entreprises privées qui transigent avec
le gouvernement que pour les secteurs public et parapublic, se réalise
dans le cadre de ce programme d'accès à
l'égalité.
Alors, Mme la ministre, ce à quoi on assiste, c'est donc à
une étude, dites-vous, sur cet engagement. Il y aurait actuellement un
comité qui étudierait l'obligation contractuelle que vous vous
étiez engagés à réaliser durant la campagne
électorale. Est-ce bien le cas?
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, à la suite
des remarques de Mme la députée de Maisonneuve, je dois lui dire
qu'en ce qui concerne la participation de la travailleuse au foyer au
Régime de rentes du Québec, il est toujours de notre intention de
respecter cet engagement; il n'est nullement question de le mettre de
côté. Comme vous le savez, il s'agit d'un dossier qui est fort
complexe. C'est un dossier qu'on ne peut pas traiter en quelques mois.
Actuellement, nous sommes à vérifier certains scénarios
qui permettraient, justement, une consultation. Compte tenu de ce dossier fort
complexe, j'ai tout lieu de croire qu'il y aura effectivement une commission
parlementaire sur le sujet. Si vous regardez a l'intérieur du plan
d'action qui a été produit hier, vous retrouvez
l'échéancier à la page 37; on y mentionne, pour les
travailleuses au foyer, que seront analysés les différents
scénarios quant à la forme que pourrait prendre leur
participation au Régime de rentes du Québec pour l'automne 19B6,
que seront entreprises les consultations nécessaires et qu'au besoin
sera convoquée une commission parlementaire pour le printemps 1987. Ce
qui veut dire que le tout sera fait à l'intérieur des
consultations ou, s'il y a lieu, d'une commission parlementaire au plus tard,
au printemps 1987.
Quant aux programmes d'accès à l'égalité, le
gouvernement a fait énormément, surtout cette année. Je
dois vous rappeler que je suis allée chercher 1 333 000 $ cette
année en crédits additionnels, ce qui n'a pas été
le cas des autres... Quand on sait que, dans le contexte budgétaire
actuel, il est très difficile d'aller chercher des crédits
additionnels, je suis allée chercher 1 333 000 $ pour permettre le
démarrage des programmes d'accès à l'égalité
dans le secteur de l'éducation, le secteur des services sociaux, de
même que dans le secteur du monde municipal. Ce programme
s'établit sur une base de trois ans et j'ai justement obtenu l'assurance
du gouvernement que nous pourrons poursuivre ce programme sur une base de trois
ans, au coût total de 6 000 000 $, incluant le secteur privé
aussi, parce que pour le secteur privé, nous avons l'Intention
d'accorder non seulement l'aide technique, mais aussi l'aide financière
pour lui permettre, sur une base incitative et volontaire, d'implanter des
programmes d'accès è l'égalité.
Quant à l'obligation contractuelle, cela a été fait
sous votre gouvernement. II y a eu formation de comité et effectivement
le comité devrait déposer son rapport sur l'obligation
contractuelle, c'est-à-dire pour les compagnies qui contractent avec le
gouvernement, dans le courant du mois de juin. À ce moment-là, ce
sera au gouvernement à prendre ses responsabilités face à
ce comité. Je dois aussi vous mentionner qu'à la suite du rapport
déposé par la commission des institutions sur les programmes
d'accès à l'égalité - il y aura aussi le ministre
Marx, cela fait également partie de notre plan d'action - il y aura le
dépôt d'un projet de règlement qui se fera dans le courant
du mois de juin. Cela fait également partie de notre document.
Quant au congé de maternité, il va sans dire qu'on vient
aussi de recevoir le dépôt du rapport sur la politique familiale.
Naturellement, c'est un dossier qui concerne ma collègue, ministre de la
Santé et des Services sociaux, et il y a tout lieu de croire que l'on
pourra commencer l'étude du rapport sur la politique familiale ou revoir
les recommandations de ce rapport fort possiblement au début de
l'automne.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre.
C'est maintenant au tour d'un député ministériel, M. le
député de Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je veux tout d'abord
féliciter la ministre déléguée à la
Condition féminine d'avoir tenu son engagement de présenter aux
femmes un plan d'action gouvernemental en matière de condition
féminine le 29 mai. Cette initiative, qui a reçu l'aval du
gouvernement, démontre la volonté de celui-ci d'adopter des
mesures favorisant les besoins d'une majorité de femmes.
Je suis heureux de constater que des mécanismes d'information, de
consultation et de concertation ont été prévus dans ce
plan d'action gouvernemental. Jusqu'à maintenant, les relations
gouvernement-groupes de femmes se sont caractérisées par de
nombreux mécanismes de participation ponctuelle qui ont parfois
donné lieu à d'amères déceptions. Notre
gouvernement a, encore une fois, fait preuve de pragmatisme et de
réalisme en officialisant et en donnant un caractère permanent
à ces mécanismes d'information, de consultation et de
concertation.
Les femmes ne pourront que se réjouir de l'accès à
l'information gouvernementale en matière de condition féminine.
En effet, la création d'un bulletin de liaison bimestriel concernant les
développements intervenus en regard des dossiers de condition
féminine permettra aux femmes de suivre à la trace les
engagements gouvernementaux.
Voilà, M. le Président, un bel exemple de transparence et
voilà aussi la preuve que ces engagements n'ont pas été
pris à la légère. Enfin, au titre de l'information,
l'inscription des groupes provinciaux de femmes sur la liste d'envoi des
ministères et les rencontres systématiques de la ministre
déléguée à la Condition féminine avec les
groupes de femmes donnent des outils indispensables à l'activité
des groupes. En regard des mécanismes de consultation, rappelons-nous
qu'avant le dévoilement du plan d'action gouvernemental rien
n'était prévu pour assurer un échange entre les groupes de
femmes et les responsables de dossiers gouvernementaux.
Les groupes de femmes n'avaient comme seule possibilité que des
rencontres avec chaque ministre, selon les besoins et les dossiers
d'actualité. Cet état de fait rendait le suivi et la
continuité des dossiers fragile et ne favorisait d'aucune façon
l'analyse globale de la situation. Pour corriger cette situation, les
politiques du gouvernement libéral en matière de condition
féminine s'inscrivent sous le signe de la cohérence
ministérielle. Je ne peux donc que me réjouir que le plan
d'action prévoie une rencontre annuelle entre les ministres
concernés par la condition féminine et les groupes provinciaux de
femmes. Ainsi, les femmes pourront discuter avec les ministres du suivi des
activités gouvernementales et identifier les priorités qu'elles
souhaitent voir inscrites dans le plan d'action en matière de condition
féminine pour le prochain exercice financier. Les groupes de femmes
pourront de plus faire profiter les différentes commissions
parlementaires de leur expertise et de leur analyse lorsqu'il y sera
traité d'enjeux importants pour eux, puisqu'ils seront invités de
façon systématique à y présenter des
mémoires. Enfin, le gouvernement invitera les groupes de femmes à
siéger à des groupes de travail ad hoc traitant de dossiers qui
les intéressent. Il faut souligner l'engagement du gouvernement à
assurer la participation des représentantes des groupes de femmes dans
tout mécanisme de concertation qu'il établira et où il
sera prévu la présence des partenaires du milieu.
Je termine en vous signalant, M. le Président, ma conviction
profonde que le gouvernement vient de doter les femmes d'outils essentiels qui
leur permettront plus que jamais de se faire entendre là où elles
doivent être entendues. De plus, la rencontre annuelle des groupes de
femmes avec les ministres et la représentation statutaire qui leur est
assurée dans tous les mécanismes de concertation - gouvernement
et milieu - qui seront développés au cours de l'année
témoignent de la reconnaissance effective par le gouvernement
libéral de l'importance de la contribution socio-économique des
femmes du Québec au développement de notre
société.
Je voudrais, en terminant, simplement répondre à Mme la
députée de Maisonneuve qui déplorait l'absence de
ministres, outre Mme la ministre déléguée à la
Condition féminine. Je pense que, de notre côté, on peut
déplorer l'absence de députés masculins de l'Opposition.
De notre côté, la condition féminine intéresse tous
les députés. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je crois que c'est ma
collègue, la députée de Chicoutimi ou de Marie-Victorin,
qui interviendra à ce moment-ci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: M. le Président, il me fait plaisir de
m'adresser ici à cette assemblée et de prendre la parole sur un
dossier qui, pour moi, est très important parce que, femme, je le vis de
l'intérieur. C'est un dossier d'autant plus important qu'il touche plus
de la moitié de la population du Québec à l'heure
actuelle.
Mme la ministre, j'ai bien écouté vos propos et on disait
tantôt que ce qui ressort du discours que vous avez prononcé,
c'est
que, parmi les grandes priorités prioritaires, il faut croire
qu'il y a certaines priorités prioritaires plus modestes que d'autres et
que certains défis sont bien modestes. Surtout lorsqu'on parle de la
condition féminine, nous faisons toujours appel à la bonne
compréhension et au bon vouloir des femmes.
En ce qui me concerne davantage, tout ce qui touche aux services de
garderie en milieu scolaire, ce qu'on peut déceler dans votre discours,
c'est qu'au niveau du ministère de l'Éducation ce dossier occupe
une place bien mince. Vous aviez dit aussi, si ma mémoire est bonne,
qu'au besoin vous tiendriez une commission parlementaire. Je pense qu'il y a
beaucoup de mémoires qui vous ont été
présentés en ce qui concerne le besoin de garderies en milieu
scolaire et que ces mémoires soulèvent le besoin pressant de
services de garderie en milieu scolaire.
Dans votre allocution, vous faites mention de consolider les acquis et,
à mon avis, on ne peut pas parler, dans ce cas-ci, d'une amorce de
politique, mais bien plutôt d'une consolidation de politique. Vous
maintenez exactement le nombre de places que nous avions mis de l'avant,
c'est-à-dire 5000 places par année. Donc, on peut constater qu'au
niveau du ministère de l'Éducation ce dossier occupe une bien
mince place. (10 h 45)
Selon les données obtenues, 197 459 enfants d'âge scalaire
ont besoin d'Être gardés au Québec. Cela signifie que nos
services actuels ne répondent qu'à 9,4 % des besoins. Il est
prouvé aussi que 145 000 enfants ont des clés dans le cou. Ce
sont des enfants qui sont laissés à eux en dehors des heures
scolaires. N'est-il pas important que l'école réponde aux besoins
criants des enfants qui sont laissés à eux-mêmes?
Prévenir, cela commence justement sur les bancs de l'école. La
délinquance, ce n'est pas un problème des 15-16 ans, c'est bien
avant que cela commence. C'est à ce niveau qu'il est important justement
d'encadrer nos enfants.
Actuellement, l'évolution de la structure familiale demande
justement qu'on s'intéresse davantage au problème des services de
garde. Selon Statistique Canada, 49,2 % des femmes retournent sur le
marché du travail. Donc, il y a un problème accru, ponctuel et
immédiat. Au rythme où vont les choses, Mme la ministre, avec vos
politiques, nous ne pourrons résoudre le problème qu'en 1993. Je
pense que cela va prendre une bonne période de temps avant que nous ne
puissions donner le service auquel la population, surtout les enfants, est en
droit de s'attendre et qu'elle est en droit de recevoir.
Je voudrais savoir, Mme la ministre, si vous avez, avec le ministre de
l'Éducation, entamé des pourparlers en ce qui concerne les
besoins en services de garde en milieu scolaire et si vous avez l'intention de
réunir les principaux intéressés sur ce dossier pour
développer une politique cohérente au niveau des services de
garde en milieu scolaire. Déjà, vous avez reçu un
mémoire en ce qui concerne la politique et les besoins, Allez-vous
donner suite à ces recommandations et à ce mémoire? Dans
combien de temps? Est-ce que, encore une fois, on pourra dire qu'avoir
l'intention de faire pour votre gouvernement c'est de l'action?
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre,
c'est votre droit de réplique.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Je remercie la députée de
Marie-Victorin pour ses questions concernant les garderies. Vous savez, Mme la
députée, que tous les problèmes qui existent actuellement
au sujet des garderies, que ce soit dans les milieux scolaires, que ce soient
des problèmes de salaires des travailleurs en garderies, que ce soient
des problèmes de consolidation, que ce soient des problèmes de
manque de fonds de roulement, ce sont des problèmes qui existaient avant
qu'on me remette ce dossier. Ce sont des problèmes qui existent
déjà depuis fort longtemps.
C'est justement la raison pour laquelle, lorsque j'ai été
nommée à cette fonction de ministre responsable du Service des
garderies, après avoir pris connaissance de l'ensemble des
problèmes et de leur ampleur, je me suis dit qu'il ne fallait pas
traiter à la pièce les dossiers des garderies mais qu'il fallait
au Québec, une fois pour toutes, se doter d'une véritable
politique des services de garde, ce que j'ai toujours l'intention de faire.
Si vous regardez dans le plan d'action, à la page 43, il est bien
mentionné qu'en vue de doter le Québec d'une politique des
services de garde, seront revues les orientations et les modalités de
financement des services de garde et, le cas échéant, sera
renégocié le partage fédéral-provincial des
coûts.
En passant, je n'ai jamais fait mention d'une commission parlementaire
sur le sujet comme tel. Ce que je fais actuellement, c'est que je suis en train
de préparer différents scénarios que je soumettrai
prochainement au Conseil des ministres dans le but de nous donner les
mécanismes qui permettront l'élaboration d'une véritable
politique des services de garde à l'enfance. Je tiens à vous
souligner, par contre, que cette année, compte tenu du contexte
budgétaire difficile, je pense que notre gouvernement a fait un effort
incroyable au niveau des services de garde. Nous avons obtenu 4 500 000 $, ce
qui veut dire 14 % d'augmentation du budget dans notre ministère
comparativement à une augmen-
tation de 4 % dans tous les autres services.
Nous avons essayé pour cette année -et j'avoue que c'est
quand même très modeste, compte tenu des besoins - au moins de
faire un peu de consolidation et un peu de développement. Nous avons
augmenté également l'aide financière aux parents, qui
passera de 10 $ à 10,50 $ en octobre 1986. Il y a aussi la
déduction pour les frais de garde; elle passera à un maximum de
3500 $ pour un enfant de moins de six ans et à 1755 $ pour un enfant de
six à onze ans.
En somme nous avons essayé de régler les problèmes
à court terme. Ce que j'ai dit justement aux groupes de femmes et aux
groupes représentatifs des garderies encore hier lorsque je les
rencontrais, c'est que s'il s'avérait que nous n'ayons pas le temps de
mettre en application cette politique des services de garde pour le printemps
prochain, à ce moment-là nous prendrons nos
responsabilités et nous trouverons des solutions à court
terme.
Vous savez aussi que le gouvernement antérieur avait promis,
justement à Décisions 85, 12 000 places de développement
en garderie alors que vous connaissiez tous les problèmes qui existaient
en garderie. Vous n'aviez pas voté les budgets pour ces 12 000 places en
garderie. Je dois actuellement fonctionner avec cela et je dois
également subir les contrecoups de tout cela parce que, justement, les
personnes à qui on avait promis ces 12 000 places croyaient que cela
était acquis.
Vous comprendrez que pour cette année, avec les 4 500 000 $ que
nous sommes allés chercher, je pense que c'est relativement un effort
incroyable et j'ai toujours l'intention de travailler à
l'élaboration d'une véritable politique des garderies. Nous,
comme je le mentionnais tout à l'heure, notre action est
déjà commencée et nous serons en mesure au cours de
l'été de connaître les mécanismes qui nous
permettront d'arriver à cette fin.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre-
Nous passons à Mme la députée de
Témiscouata-Kamouraska, c'est ça?
Mme Dionne: Kamouraska-Témiscouata.
Le Président (M. Bélanger): L'inverse, je m'en
excuse.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Ce n'est pas grave. M. le Président,
j'aimerais rappeler aujourd'hui certains engagements du Parti libéral
qui touchent plus particulièrement les services collectifs aux femmes et
ceci afin d'évaluer le cheminement accompli à ce jour et les
réalisations à venir pour les prochains mois.
D'abord, en ce qui concerne les femmes victimes d'actes de violence, un
engagement avait été pris pour établir par le biais du
ministère de la Justice, une politique d'arrestation et de poursuite
judiciaire plus énergique dans les cas de la violence conjugale.
C'est le 17 mars dernier, un peu plus de trois mois après notre
arrivée au pouvoir que la politique d'intervention en matière de
violence conjugale fut rendue publique par le ministre de la Justice, M. Marx,
et le Solliciteur général, M. Latulippe en présence de la
ministre déléguée à la Condition féminine,
Mme Monique Gagnon-Tremblay. Cette politique prévoit la mise enplace de mesures préventives et curatives destinées à
aider et à protéger les victimes de violence conjugale, notamment
par la mise en forme judiciaire des cas, lorsque cela s'impose.
Conséquences directes de l'application de cette politique: Les
policiers devront tenir une enquête complète chaque fois qu'ils
interviendront sur les lieux d'une violence conjugale, qu'il y ait eu
commission d'une infraction criminelle ou simplement crainte fondée de
la victime. Ils devront également mettre en marche un processus
judiciaire au moyen d'une dénonciation lorsqu'il y aura lieu de le faire
et procéder par ailleurs à un dépistage
systématique des cas et référer les victimes aux
ressources d'hébergement et de "counseling" appropriées.
Dans un autre ordre d'idée, le Parti libéral s'est
engagé à continuer le développement des services de garde
tout en le rendant plus diversifié, plus flexible et plus accessible
afin de permettre aux femmes de choisir le service de garde qui convient le
mieux à leur statut de travailleuses soit à temps plein, soit
à temps partiel.
Côté développement, tel que mentionné il y a
quelques instants par Mme la ministre, des fonds additionnels de l'ordre de 4
500 000 $ furent injectés dans le budget de l'Office des services de
garde à l'enfance qui est passé globalement à 81 700 000 $
pour l'année 1986-1987. Il s'agit donc d'une augmentation de 14 % pour
l'Office des services de garde à l'enfance comparativement aux autres
ministères et organismes qui n'ont reçu en moyenne que 4 %
d'augmentation.
D'autre part, en vue de diversifier les services de garde, Mme
Gagnon-Tremblay annonce dans son plan d'action que la première phase du
projet expérimental de gardiennage en milieu agricole sera
évaluée et que des mesures seront prises afin d'assurer la
diffusion de l'information.
Je relève également que pour les femmes immigrées
inscrites à des cours de français à temps partiel, les
démarches en vue de structurer une approche qui permette de leur offrir
des services de halte-garderie se poursuivront. De plus, pour les haltes-
garderies et les jardins d'enfants en général, des mesures
seront prises afin de leur assurer un support technique et professionnel.
Je tiens également à noter l'effort particulier en ce qui
concerne l'intégration des enfants handicapés dans les milieux de
services de garde, Pour l'année 1986-1987, un poste sera
créé en vue d'assurer un encadrement accru au suivi de ce dossier
tout en s'inscrivant dans le cadre de la politique à part égale.
Mais ce qu'il faut retenir de plus essentiel, c'est la volonté politique
de notre gouvernement de doter le Québec d'une politique de services de
garde et c'est dans ce but que s'impose la révision des orientations et
des modalités de financement des services de garde.
Nous avons été portés au pouvoir pour assurer,
entre autres, une rationalisation et une saine gestion des fonds publics. Il me
semble que les mesures prises à ce jour ainsi que celles à venir
convergent vers cet objectif.
En dernier lieu j'aimerais féliciter la ministre
déléguée a la Condition féminine pour la
présentation de son plan d'action qui informe tous les intervenants et
intervenantes intéressés non seulement des objectifs et des
mesures qui seront entreprises par le gouvernement mais aussi de
l'échéancier de chaque ministère concerné afin que
la population puisse surveiller étroitement l'action du gouvernement.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Chicoutimi, je vous en prie.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
peut-être, avant de faire mes quelques commentaires et de poser quelques
questions à la ministre sur son plan d'action, de commenter un peu les
remarques que faisait tout à l'heure le député de
Taschereau, lorsqu'il déplorait le manque d'intérêt de nos
collègues masculins à l'endroit de la condition féminine.
Je ferai remarquer que dès qu'il eut fait sa présentation il a
quitté cette Chambre. On pourrait peut-être s'interroger quant
à son intérêt par rapport au débat de ce matin.
Mme la ministre, je n'aurais pas le goût de faire une longue
démonstration, à savoir que le plan d'action qui a
été déposé par la ministre finalement contient peu
de choses. Il s'agirait de voir la revue de presse de ce matin qui fait assez
bien, je pense, le tour de cette question et qui illustre l'insatisfaction
généralisée des milieux de femmes à l'endroit de la
politique annoncée hier. Je me permettrais une petite remarque dans le
sens où l'a fait la députée de Maisonneuve tout à
l'heure. La politique qui a été déposée reprend -
c'est la constatation d'ailleurs de la plupart des journalistes -pour ainsi
dire essentiellement ce qui était déjà en voie de
réalisation.
Je m'étonne lorsque la ministre nous dit: C'est vraiment la
première fois qu'il y a un plan d'action de cette nature. Il y a eu
quand même ce qu'on appelé le document "Égalité et
indépendance" et il y a eu également le plan d'action qui a fait
suite aux tables de concertation des femmes. Le mérite, je dirais, qu'on
peut reconnaître à ce plan c'est de colliger l'ensemble des
actions déjà mises en place. Pour se convaincre que ce n'est en
effet qu'un catalogue - comme disait un journaliste, je pense que c'est M.
Groulx - des actions déjà mises en place, on n'a qu'à
examiner et à tourner les pages de ce plan d'action et on voit
"continue", "continue", "continue" et "se poursuit" ou "il y a des
études". Alors, somme toute, on retrouve peu de choses dans cela.
Lorsque la ministre parle de plan d'action modeste je dois lui
reconnaître le mérite d'être très franche. Cependant,
ce plan d'action modeste, comme elle le dit, s'accorde mal avec l'ampleur de la
démonstration qu'on a voulu faire hier avec pas moins de sept ministres
pour annoncer des choses qui étaient presque en voie de
réalisation pour la plupart. (11 heures)
Je me permets quand même de rappeler brièvement les
réactions des femmes. Le communiqué commun - il y avait treize
groupes de femmes qui ont tenu une conférence de presse à la
suite du dépôt du plan d'action de la ministre - dit: Dans son
plan, le gouvernement ignore totalement certains dossiers majeurs comme la
fiscalité, la politique familiale, le financement des groupes de
ressources et le plein emploi. Pour l'AFEAS, le concept d'homme pourvoyeur, de
femme a charge, en négligeant le dossier des travailleuses au foyer de
même que la déclaration de résidence familiale, ne fait que
perpétuer ce concept d'homme pourvoyeur et de femme à charge.
Pour ce qui est du groupe d'intervention de l'accès des femmes au
travail, il dit à la ministre: On n'a plus besoin d'études pour
croire à l'urgence d'agir en ce domaine. Le regroupement des centres
d'aide aux femmes victimes d'agression à caractère sexuel: Le gel
du financement des centres présente un recul alors que
l'accessibilité des services est loin d'être atteinte dans
l'ensemble du Québec.
On pourrait poursuivre. Les treize groupes entendus hier reprennent
presque essentiellement la même chose sur les dossiers les concernant.
J'aimerais savoir de la ministre ce qu'il y a vraiment de neuf quant à
l'accès des filles aux programmes traditionnellement
réservés aux gars ou moins fréquentés par les
filles, dans les universités
et dans les collèges. Une mesure qui avait été
envisagée, un engagement qui avait été pris par le
précédent gouvernement, c'était de mettre en place ce
qu'on appelle des bourses d'incitation qui inviteraient les filles à
s'inscrire à des programmes auxquels elles ne s'inscrivent
généralement pas.
On sait ce qui est advenu de l'aide financière aux
étudiants et aux étudiantes. Là-dessus, je voudrais
connaître l'intention de la ministre, Deuxième question, en
conclusion...
Le Président (M. Bélanger): ...Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Vous allez me permettre deux autres questions
parce que j'aimerais, là-dessus, avoir des réponses.
Le Président (M. Bélanger): C'est que nous avons
convenu...
Mme Blackburn: Un groupe extrêmement...
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez.
Nous avons convenu que les interventions étaient limitées
à cinq minutes pour permettre l'alternance et le respect de l'enveloppe
globale.
Mme Blackburn: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Très
brièvement.
Mme Blackburn: Très brièvement. Un groupe
oublié et extrêmement important: les femmes chefs de famille,
bénéficiaires de l'aide sociale envers lesquelles on n'a pas tenu
la promesse d'augmenter, pour leurs enfants, l'allocation scolaire qui devait
passer de 35 $ à 100 $. Je voudrais avoir l'avis de la ministre
là-dessus. J'aurai peut-être l'occasion de revenir tantôt
avec quelques autres questions. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la ministre,
c'est votre droit de réplique.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Pour répondre à Mme la
députée de Chicoutimi, je dois vous dire au tout début Mme
la députée que votre document "Égalité,
indépendance" est un énoncé de politiques suivi de
recommandations et dont l'ensemble n'a pas été
nécessairement réalisé. Quant à l'autre document
dont vous faisiez mention, il s'agit d'une liste de demandes des femmes,
contrairement au plan d'action que j'ai déposé hier. Le plan
d'action, ce sont des engagements gouvernementaux, approuvés par le
Conseil des ministres, que nous avons l'intention de réaliser. Ce ne
sont pas uniquement des promesses en l'air, ce sont des véritables
engagements gouvernementaux, approuvés par des collègues et un
Conseil des ministres.
Il est certain que les réactions ne peuvent pas toujours
satisfaire tout le monde. Dans les dossiers des femmes, les attentes sont
nombreuses et les réactions sont différentes. Je dois aussi vous
faire mention que, lorsque vous avez tenu, entre autres, Décisions 85,
les réactions ont été aussi très mitigées.
J'ai devant moi certains articles où l'on commentait: Les femmes
ignorées par le gouvernement; Les femmes sont déçues du
sommet; On ne retrouve que des miettes; La déception est
générale chez les femmes et les syndiqués; Les femmes
dénoncent Décisions 85; Groupes de femmes du Québec en
désaccord avec Décisions 85; Réactions. On retrouvait
justement ici dans un article, et je vous en fais mention: Une organisation
déficiente des interlocuteurs gouvernementaux et patronaux peu
préparés, pour ne pas dire, désintéressés
font qu'en lieu et place d'engagements fermes et de projets concrets, on n'a
recueilli que de bonnes intentions, des campagnes de sensibilisation, la
formation de comités de travail, des études plus poussées
reportées en décembre.
Lorsque vous parliez du spectacle d'hier en annonçant ce plan
d'action, avec l'appui et la présence de mes collègues ministres,
je dois vous faire part que lorsque, justement, vos ministres avaient
participé à Décisions 85, on leur avait justement
reproché de quitter la table avant la fin de l'étude des dossiers
qui les concernaient pour participer, semble-t-il, à des réunions
plus importantes. Au moins, les ministres qui m'ont assistée hier ont
été du début jusqu'à la fin à cette
rencontre, pour être à la rencontre des femmes.
Je dois également vous rappeler qu'il s'agit d'un plan d'action
d'un an. Il ne s'agît pas d'un plan d'action de trois, quatre ou de cinq
ans. Lorsque je suis arrivée au Secrétariat à la condition
féminine, je me devais, en premier lieu, de faire un inventaire de ce
qu'il y avait et d'apprendre et de connaître les priorités des
groupes de femmes. C'est le premier exercice que j'ai fait.
Après six mois de pouvoir, nous pouvons et nous sommes en mesure
de remettre cet outil indispensable aux femmes du Québec concernant
toutes les activités gouvernementales avec des échéanciers
très précis, afin qu'elles puissent nous suivre à la
trace, qu'elles puissent être en mesure de voir ce qui est fait au
gouvernement. Ce document a également - comme je vous le mentionnais
plus tôt - fait l'accord et a été appuyé par
l'ensemble du Conseil des ministres dans le but de le réaliser.
Ce n'est point mon intention de faire de grands spectacles. Au moment
où on parlait de Décisions 85, on a également
commenté cette opération de séduction et ce n'est point
mon intention de faire un grand forum ou un spectacle au cours de neuf ans.
J'ai préféré plutôt mettre des mécanismes en
place, des mécanismes permanents.
Je vous mentionnais que l'outil nécessaire pour moi, c'est, entre
autres, la formation d'un comité sous-ministériel permettant de
poursuivre les activités de ce plan d'action. Il y a d'autres
mécanismes de consultation et de concertation: il y a la rencontre
annuelle avec tous les groupes de femmes et les ministres et il y a
également un bulletin que le Secrétariat à la condition
féminine fera parvenir aux autres groupes de femmes a tous les deux
mois. Je pense que l'effort est très louable. C'est une première
et nous pourrons, au cours des années prochaines, continuer
d'élaborer d'autres plans d'action que nous pourrons
réaliser.
Le Président (M. Bélanger): M. le député de
Bourget.
M. Claude Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. Il est bon de retrouver
- vous devez en savoir quelque chose, vous qui êtes également un
président de commission - le droit de parole à l'occasion. C'est
une des raisons pour lesquelles il me fait plaisir de participer à ce
débat ou à cette interpellation. Quel mot horrible que ce
mot!
Je rappellerai en début d'intervention que Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine
était la responsable de l'élaboration du programme du Parti
libéral à l'occasion de la dernière campagne
électorale. J'aimerais vous rappeler le préambule - une partie -
parce que le préambule était quand même plus long que la
partie que j'aimerais vous rappeler.
Mme la ministre, qui n'était pas ministre à ce moment et
qui était candidate, nous rappelait que l'obstacle majeur à toute
amélioration de leur situation, en parlant évidemment des femmes,
c'est la pauvreté, lot de nombreuses femmes au Québec et qui les
maintient dépendantes de leurs conjoints ou de l'État.
En 1982, écrivait-elle, 80 % des personnes âgées,
seules, à faible revenu, étaient des femmes, 62 % des familles
dont le chef était une femme avaient un revenu total inférieur de
10 000 $ et 6 % étaient prestataires de l'aide sociale ou
bénéficiaires de pension d'invalidité.
J'aimerais aborder une question dont a peu discuté tantôt;
on en a parlé, mais on ne l'a pas discutée. C'est la question de
la formation des jeunes filles et des femmes. À mon avis, un des moyens
de faire sortir les femmes de la pauvreté est d'assurer aux jeunes
filles et aux femmes une meilleure formation académique, d'une part, et
de les inciter à s'orienter dans des secteurs de formation non
traditionnelle, d'autre part.
Quant aux femmes déjà sur le marché du travail, M.
le Président, et qui seront affectées par les changements
technologiques que nous connaissons tous, il me semble que des programmes de
formation et de recyclage adaptés à leurs besoins
spécifiques seraient une réponse adéquate à cette
question. J'y reviendrai quelques secondes tantôt.
C'est Aline Saint-Amand, l'ex-députée de Jonquière,
dont je ne comprends toujours pas la défaite du 2 décembre
dernier, qui disait, le 13 novembre 1985, que le grand défi de notre
gouvernement - déjà, on prévoyait l'élection de ce
gouvernement, vous le savez - est d'offrir aux femmes du Québec les
outils nécessaires à la réalisation pleine et
entière de leur autonomie, tant sur le plan financier que sur le plan
social. C'est là, à mon avis, la base du plan d'action que Mme la
ministre a rendu public hier.
Nous savons déjà - je pense que ce n'est pas une nouvelle
pour personne - que les femmes ont une espérance de vie plus grande que
celle des hommes. On sait aussi, d'autre part, c'est un fait de
société maintenant, que le taux de divorce augmentant rapidement,
on peut s'attendre que la majorité des jeunes filles d'aujourd'hui
devront assurer elles-mêmes leur propre autonomie.
Je rappelle une étude du Conseil supérieur de
l'éducation, intitulée "La situation des femmes dans le
système d'enseignement, une double perspective", mai 1984, qui rappelait
la persistance des choix traditionnels dans l'orientation des filles,
c'est-à-dire des emplois de bureau, dans la coiffure, etc., et leur
faible orientation dans le domaine des sciences, des mathématiques et de
la technologie. Cette situation nous porte à croire que les filles se
préparent un avenir incertain, puisque nous savons tous et toutes que
les changements technologiques affecteront particulièrement les emplois
de bureau et créeront une exigence professionnelle hautement
spécialisée.
C'est dans cette problématique que j'aimerais traiter,
très rapidement, puisque je me rends compte que les cinq minutes
disparaissent rapidement, des grands axes du plan dévoilé hier
sur l'orientation professionnelle des jeunes filles, notamment pour ce qui est
des manuels scolaires. C'est un sujet que je me targue de connaître
légèrement puisque je suis un ancien éditeur de manuels
scolaires, toujours un éditeur dans l'âme, la
"désexisation" - on avait de la misère à le prononcer
à l'époque et j'ai encore de la difficulté à le
prononcer - du matériel scolaire et l'élimination de
pratiques
pédagogiques sexistes, tant au primaire qu'au secondaire. On me
fait signe qu'il me reste à peine une minute. Je voudrais simplement
insister sur le fait que c'est déjà une mesure - le plan en parle
- qui est en vigueur au ministère de l'Éducation. Je pense qu'il
y a d'importants changements qui ont été faits. Il y a un
progrès qui a été accompli de ce côté,
grâce à mes anciens collègues et au travail que,
collectivement, les éditeurs et le ministère ont fait. Je pense
que c'est un grand pas qui a été fait dans ce sens.
Cinq minutes, c'est vraiment une période très courte.
Alors, je dirai simplement que voilà, M. le Président, une
série de mesures annoncées hier, qui sont concrètes et qui
démontrent toute l'importance et l'intérêt que notre
gouvernement attache à l'un des aspects essentiels à
l'amélioration de la condition de la femme. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Mme la ministre, vous avez fait part des
réactions mitigées à la suite de la tenue de la
première partie de Décisions 85. Mais, il faut sans doute
constater que, s'il y a eu réactions mitigées, il y a eu
certainement réalisations nombreuses, puisque votre gouvernement
s'inspire essentiellement des engagements adoptés lors de la
première partie de la conférence pour présenter son plan
d'action.
Je pense que ce qui est étonnant, ce n'est pas, d'une certaine
façon, qu'un gouvernement reconduise ce qu'un précédent a
fait, mais que vous repreniez souvent en moins. Je vais revenir sur un certain
nombre de questions. Surtout, ce qui est étonnant pour nous, c'est que
vous ne donniez pas suite à vos engagements électoraux. Quand je
dis que ces engagements de la première partie de la conférence du
gouvernement précédent vous ont largement inspirés,
j'aimerais presque déposer, M. le Président, le texte que Mme
Francine Lalonde, à l'époque ministre
déléguée à la Condition féminine, a
présenté à la clôture de la première partie
de la conférence et qui faisait la synthèse des travaux. Dans ce
texte elle reprend essentiellement sur tous les plans, "femmes collaboratrices,
femmes en agriculture", ce bilan que vous avez déposé hier des
six premiers mois et dont vous faisiez grand état concernant les mesures
à l'égard des femmes en agriculture; elles sont essentiellement
ici même retenues dans cette synthèse des travaux de la
première partie de la conférence. (11 h 15)
Qu'en est-il de la politique d'intervention en matière de
violence conjugale? Mme la députée de Kamouraska, avec raison, en
avait parlé. C'est intéressant de voir que le document
déposé en matière de politique d'intervention sur la
violence conjugale, le 8 mai dernier, le même document a
été déposé par le ministre de la Justice actuel,
avec cette fois un couvert qui a été modifié, mais ce sont
les mêmes éléments de politique d'intervention en
matière de violence conjugale, cette fois en 1986.
Comme je vous le dis, il est heureux que l'on reconduise des politiques.
Ce qui est étonnant, c'est qu'on le fasse sans identifier les auteurs,
d'une part, mais également ce qui l'est, c'est qu'on ne les reconduise
pas toujours intégralement. Je pense, entre autres, au programme
d'accès à l'égalité.
Dans cette synthèse des travaux de la première partie de
la conférence, la ministre déléguée à la
Condition féminine disait ceci: "Des engagements gouvernementaux ont
été annoncés: Obligation pour les entreprises de 100
employés et plus qui ont des contrats gouvernementaux supérieurs
à 200 000 $ de mettre sur pied des programmes d'accès à
l'égalité pour les femmes." Il s'agit donc de cette
synthèse des travaux de la première partie de la
conférence.
Sur cette question d'obligation contractuelle, Mme la ministre, je veux
obtenir de vous un réponse précise à cette question:
N'est-ce pas là un engagement ferme? Votre parti a pris des engagements
fermes au cours de la campagne électorale, dont celui d'obliger les
entreprises qui transigent avec l'Etat d'arrêter les mêmes
programmes obligatoires. Vous aviez fait une entrevue dans le journal Le
Droit d'Ottawa. Tantôt vous nous avez dit qu'il y a un comité
sur l'obligation contractuelle qui remettrait son rapport en juin,
comité que le précédent gouvernement avait mis sur pied.
Dans cette entrevue, dans Le Droit d'Ottawa du mois de février
dernier, vous indiquiez que le comité ayant pour mandat d'établir
les modalités de fonctionnement d'un tel lien contractuel était
présentement inactif et que ce dossier n'aboutirait pas à court
terme. J'imagine que vous avez rectifié cette déclaration ou que
vous avez changé d'idée, mais qu'en est-il de votre intention,
comme ministre déléguée à la Condition
féminine, en matière d'obligation contractuelle? Qu'en est-il en
matière de réserve héréditaire?
Dans le journal La Gazette des femmes, dans le numéro
récent de mai-juin 1986, qui est publié à 50 000 copies
par le Conseil du statut de la femme, dans une entrevue que vous faisiez, vous
disiez ceci et je vous cite: "Je ne suis pas contre la réserve
héréditaire, mais on doit lui apporter certains
aménagements. Je ne suis pas tout à fait en faveur." Vous nous
dites déposer dans votre plan d'action un projet sur la réserve
héréditaire. De quelle sorte de réserve
héréditaire sera-t-il question? Vous nous avez
dit que c'était un contexte budgétaire difficile qui
"amène mon gouvernement, avez-vous dit et je vous cite, à faire
un effort incroyable en matière de services de garde puisqu'il y aura
là une augmentation de 14 %." Alors, comment qualifier l'effort des
années précédentes - et pourtant c'étaient
là des années difficiles; tous les pays industrialisés ont
connu et considèrent que la crise de 1982 a été la
période la plus difficile -puisque la moyenne d'augmentation des budgets
en termes de services de garde au Québec des neuf dernières
années est de 31 %, et en 1982-1983, l'année difficile, elle a
été de 23 %? 1981-1982: 14 %, le même effort que vous dites
faire maintenant dans un contexte qui est certainement moins difficile que
celui que l'on avait vécu en 1981-1982.
Je reviendrai sur d'autres questions, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): D'accord. Alors» Mme la
ministre.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Mme la députée de
Maisonneuve, concernant, entre autres, ma déclaration dans le journal
laquelle concerne l'accès à l'égalité, c'est vrai
que j'avais mentionné que le comité était inactif, mais
vous comprendrez qu'à cause de la complexité de tout ce dossier
des programmes à l'accès à l'égalité, avec
ma venue toute récente à ce moment-là, il y avait eu
confusion entre ce comité sur l'obligation contractuelle et le
comité-conseil aviseur qui sera justement formé dans le courant
du mois de juin.
Alors quant à l'obligation contractuelle, le comité
était toujours actif. Même au moment où j'avais fait ma
déclaration, ce comité se rencontrait la journée
même. Quand vous mentionnez que nous ne donnons pas suite au rapport, je
dois vous dire que nous ne pouvons pas y donner suite immédiatement,
étant donné que le rapport sera déposé dans le
courant du mois de juin. Nous formerons, d'ici la mi-juin, le
comité-conseil pour le secteur privé. Ce comité-conseil a
un mandat de trois ans et devait être composé au départ de
dix-sept personnes. Nous avons ajouté tout récemment une personne
pour représenter les personnes handicapées. Alors, ce
comité sera composé de dix-huit membres et l'élimination
se fera incessamment.
Pour la réserve héréditaire, effectivement j'avais
certaines réserves et je Ies ai toujours d'ailleurs. Le ministre de la
Justice connaît mon opinion à cet effet. Il doit proposer au
Conseil des ministres prochainement un projet sur la réserve
héréditaire et vous conviendrez que, lorsque le projet sera
déposé, on sera en mesure de vous en faire part.
Lorsque vous parliez de Décisions 85 et du plan d'action, il faut
vous dire, Mme la députée de Maisonneuve, que les besoins des
femmes ne changent pas tous les jours; ils sont les mêmes. C'est tout
à fait correct de voir qu'il y a une continuité dans notre plan
d'action. J'ai déjà rencontré, depuis ma nomination, tout
près de 35 groupes de femmes et j'ai constaté que les
priorités ne sont pas modifiées, elles étaient les
mêmes.
Ce n'était pas mon intention non plus de créer des
attentes sans m'interroger sur les moyens que notre gouvernement pouvait avoir
pour les satisfaire. II était bien entendu, entre les groupes de femmes
et moi, que ce plan d'action en serait un qui comporterait uniquement des
réalisations, des choses qu'on pouvait réaliser au cours de cette
année et qu'on reviendrait, avec cette rencontre annuelle prévue
à l'automne avec les ministres pour coïncider avec le cycle
budgétaire dans le but, avant la revue des programmes de chacun des
ministères, de pouvoir rencontrer les femmes et connaître leurs
priorités afin que le gouvernement puisse faire des choix par la suite,
compte tenu des coûts rattachés à ces choix. II avait
été convenu que nous aurions par la suite un nouveau plan
d'action chaque année - comme je vous le mentionnais - outil essentiel
pour les femmes pour pouvoir suivre les activités du gouvernement.
Quand on parle d'études et d'analyses et ainsi de suite, il faut
dire que -reportons-nous aux rapports des trois comités qui ont
été déposés hier: Travail au foyer, Femmes
collaboratrices, Femmes et crédit -lorsque des groupes nous produisent
des rapports, je veux bien croire qu'il y a une étude en profondeur de
faite, mais ce sont des recommandations. Il est tout à fait normal que,
une fois qu'on reçoit ces rapports, le gouvernement - par la suite,
étant donné que cela a des impacts dans tous les
ministères ou dans plusieurs ministères, cela a des impacts
également sur d'autres cibles, d'autres clientèles de la
population - fasse, à son tour, ses propres études pour mettre en
application ces politiques. Cela ne veut pas dire pour autant qu'on devra
recommencer a faire ces études avec ces groupes de femmes pour voir s'il
y a nécessité ou non de mettre en application les
recommandations.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre.
Je cède la parole au député de Mille-Îles.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: M. le Président, vous me permettrez de
me lever debout parce que mon savant collègue de Bourget est en avant de
moi et peut-être que les gens n'auront pas la chance de me voir.
Il me fait plaisir aujourd'hui
d'intervenir lors de cette interpellation à la suite de la
publication du document: Le plan d'action gouvernemental en matière de
condition féminine 1986-1987, déposé hier par le
gouvernement du Parti libéral du Québec.
J'aimerais m'attaquer immédiatement aux commentaires de la
députée de Chîcoutimi qui a fait une revue très
rapide, mais sans mentionner les références aux articles de
journaux, des commentaires de certains éditorialistes. Je vais me faire
un tantinet plus précis.
Dans le journal Le Devoir, sous la signature de M. Jean-Claude
Leclerc, article "Le féminisme libéral", je cite, entre
guillemets, M. le Président: "Certes en publiant pour la condition
féminine, sinon encore un budget - ce qui sera fait sous peu et, je suis
assuré, è la satisfaction des femmes du Québec - à
tout le moins un catalogue détaillé de ses engagements, le
gouvernement de M. Robert Bourassa permet à l'ensemble des citoyens et
en particulier aux citoyennes de voir quelles sont les priorités en
marche. De la sorte, le public peut juger des orientations de Québec,
qu'elles plaisent ou pas." Déjà un pas en avant. Un document
très bien fait. Je l'ai consulté ce matin, très bien
documenté, très bien étoffé, facile de lecture pour
permettre aux gens de se faire au moins une opinion. Finie l'époque
où nous cachions le problème relié à la condition
féminine.
Je continue un peu plus bas dans l'article de M. Leclerc où il
fait référence aux mécanismes mis en place par la ministre
déléguée à la Condition féminine et
reliés aux autres ministères du gouvernement: "Si ces
mécanismes réussissent à sortir la revendication
féministe de la marginalisation qui la menace, on pourra espérer
des progrès substantiels pour l'avenir."
D'autre part, un autre passage assez intéressant: "De plus, il
faudra attendre encore quelque temps avant de connaître l'orientation qui
prévaudra dans les services de garde ainsi que la politique familiale
confiée à un autre ministère. C'est dire le retard qui
s'est accumulé et l'hésitation qui demeure dans un domaine
où, pourtant, une action d'envergure s'impose de toute évidence
depuis longtemps." Je souligne très respectueusement, M. le
Président, aux députés de l'Opposition que ce retard n'est
nullement la cause du Parti libéral du Québec.
Enfin, dans le même article de M. Leclerc, encore une partie de
citation: "Enfin, Québec va proposer aux écolières des
modèles de femmes qui ont réussi dans les métiers et
professions traditionnellement masculins. On va aussi leur indiquer les portes
des emplois porteurs d'avenir, fort bien. Mais le féminisme
libéral ne piège-t-il pas les femmes en mettant si fortement
l'accent sur une sécurité économique qu'il n'a
peut-être ni les moyens ni le courage de leur donner?"
Je pense que c'est là poser le véritable problème
parce que, au cours des années, quand on fait la revue historique du
problème de la condition féminine, on a tenté par
certaines déclarations fracassantes dans le passé d'éviter
cette marginalisation des femmes. On a tenté de donner un statut
politique égal à la femme. Au cours des années, on a
tenté de donner également un statut juridique égal
à la femme. Mais que constatons-nous aujourd'hui? C'est que dans les
faits de la réalité économique de chaque jour dans notre
société et dans tous les secteurs d'activité cette
égalité n'existe pas. Alors, ne vaut-il pas mieux prendre
l'approche pragmatique du gouvernement du Parti libéral du
Québec? Cette approche pragmatique est sous le thème de la
sécurité économique et de l'égalité
économique dans les faits.
Je dois vous dire que l'approche du document, le plan d'action
gouvernemental en matière de condition féminine 1986-1987,
s'attaque spécifiquement à cet aspect et à ce thème
de la sécurité économique. Contrairement à ce que
la députée de Chicoutimi a souligné tantôt, M. le
Président, il existe des mesures... Je n'aurai pas le temps, vu les
quelques secondes qu'il me reste, de noter les volets de recherche,
d'information, que ce soit dans la conception des outils d'information, que ce
soit quant à la transmission des outils d'information et quant à
l'élaboration des stratégies d'intervention qui sont contenues
à l'intérieur de cet excellent document.
En terminant, vous me permettrez, et je déplore, comme le
député de Bourget, que ce soit seulement cinq minutes, de dire
que ce document est placé sous le sceau de l'aspect concret et du
pragmatisme, d'une vision unifiée et intégrée des
politiques et des actions gouvernementales réunissant tous les
ministères et surtout de la réalité des faits où,
si nous adoptons des mesures concrètes, nous pourrons réaliser
l'égalité des femmes du Québec par une voie qui est la
sécurité économique. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je suis fort heureuse
d'intervenir après l'intervention de mon collègue de
l'Assemblée nationale. Je constate qu'à défaut de bien
connaître le dossier, au moins, il y semble intéressé. Je
vais lui rappeler ce qu'il semblait ignorer lorsqu'il a fait son intervention,
que le thème retenu pour la conférence économique des
femmes, Décisions 85, l'année passée était celui de
la sécurité
économique des Québécoises. S'il s'agit là
d'une approche pragmatique, elle a été le fait du
précédent gouvernement.
Également, les propos enregistrés à la fois par mon
collègue qui m'a précédée et par la ministre se
caractérisent à peu près comme ceci: Si nous ne pouvons
réaliser un certain nombre de mesures essentielles dans le cadre du plan
d'action d'une année, il vaut mieux ne pas en parler. C'est à peu
près è cela que cette approche dite pragmatique et
réaliste se résume. Si nous ne pouvons la réaliser dans le
cadre du plan d'action annuel, vaut mieux à ce moment ne pas en parler
pour ne pas créer de faux espoirs. (11 h 30)
Et je vous dis que c'est là essentiellement que le bât
blesse, dans ce qui va apparaître de plus en plus comme une sorte de
capitulation à l'égard du dossier des femmes pour la raison
suivante: C'est qu'il faut une telle vitesse de croisière qu'elle
suppose une politique d'ensemble qui ne cadre pas nécessairement,
uniquement et exclusivement dans un programme d'action dit annuel, une
politique d'ensemble pour tous les secteurs de la vie humaine qui confrontent
les femmes dans cette recherche d'égalité. C'est cette politique
d'ensemble que ce gouvernement ne veut pas se donner et qui serait la feuille
de route en regard de laquelle on pourrait ensuite examiner ces plans d'action
annuels.
J'aimerais plus concrètement revenir au plan de financement des
services de garde. Mme la ministre, je crois qu'il est extrêmement
important, puisque vous nous avez annoncé la revue des orientations et
des modalités de financement des services de garde... Et, à ce
sujet, je vous rappelle encore une fois que cela devait faire l'objet de la
seconde partie de la conférence. Il nous faut remarquer que sur les
trois thèmes qui devaient faire l'objet de la deuxième partie de
la conférence: conditions de travail des femmes, reconnaissance du
statut de la travailleuse au foyer et financement des services de garde, qui en
conséquence n'avait pas fait l'objet d'engagement du
précédent gouvernement dans le cadre de la première
partie, il n'y a rien d'autre que des études d'opportunité ou des
bonnes intentions. En ce qui regarde la revue du financement des services de
garde, je veux vérifier avec vous si votre engagement à titre de
ministre déléguée à la Condition féminine
est le suivant: tenir un débat public sur cette question.
Je vous faisais part tantôt de notre appui dans ce qui n'a pas
dû être facile dans le contexte budgétaire, certainement,
d'aller chercher 14 % d'augmentation pour l'Office des services de garde. Je
vous faisais part également que vos prédécesseures avaient
obtenu la même performance durant les neuf dernières années
et que c'est important qu'il en soit ainsi parce qu'il y a un immense
rattrapage à faire dans ce domaine, quand on sait qu'à peine 15 %
des besoins de garde sont comblés en services de garde familiale ou en
garderie. Mme la ministre, je crois que nous devons en faire un projet de
société parce que c'est un enjeu de société.
Un colloque, dernièrement, au Palais des congrès de
Montréal s'intitulait: "Les besoins des petits sont grands." Plusieurs
des participants ont dit: Oui, mais le besoin de petits est grand! D'une
certaine façon, c'est dans une combinaison de différentes
ressources, notamment en matière de services de garde, que nous pourrons
venir soutenir le désir d'enfants dans notre société.
À ce sujet, je veux obtenir de vous une réponse ferme quant
à la tenue d'une commission parlementaire sur cette question parce que
vous dites donner aux femmes une garantie de transparence. Sur cette question,
s'il y a une nécessité de transparence, c'est bien
celle-là parce qu'il faut engager la collaboration des gouvernements
municipaux, des intervenants syndicaux, des intervenants patronaux. Il faut que
cette collaboration soit une réussite pour qu'une véritable
politique de services de garde prenne place au Québec.
Mme la ministre - vous qui êtes responsable, vous ne pouvez pas
confier cela à un autre de vos collègues, vous êtes
responsable, à titre de ministre déléguée, de
l'Office des services de garde - y aura-t-il commission parlementaire sur le
financement des services de garde?
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, c'est votre
temps de réplique.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Mme la députée de Maisonneuve,
comme je vous le mentionnais, il y a quelques instants, je suis effectivement
responsable du dossier des services de garde et j'ai l'intention de prendre mes
responsabilités.
Jusqu'à maintenant, je me devais de faire les consultations
nécessaires à savoir où étaient les
véritables problèmes. J'ai maintenant ces analyses des
véritables problèmes et j'ai l'intention, oui, de consulter la
population sur le projet de politique des services de garde. Quelle forme cette
consultation prendra-t-elle? Il est trop tôt pour moi pour vous le dire
exactement. Mais j'ai déjà promis aux personnes qui s'occupent
des services de garde, qui travaillent en milieu des garderies qu'ils ou
qu'elles seraient consultés en temps et lieu et qu'il y aurait
consultation populaire à ce niveau.
Vous savez aussi qu'il était très difficile de s'attaquer
immédiatement au
dossier, compte tenu du fait que le rapport de la politique famitiale
vient, d'être déposé. Vous êtes sûrement au
courant qu'il y a tout un chapitre dans ce rapport qui parle des services de
garde. Il est très difficile de parler de services de garde et de ne pas
parler de politique familiale. Il m'apparaissait que l'année
était déjà avancée et que, compte tenu des vacances
estivales qui s'en viennent, le moment approprié était justement
la période de l'automne pour pouvoir discuter de l'ensemble du sujet.
Soyez assurés qu'à ce sujet je prendrai mes
responsabilités et qu'on sera en mesure d'établir de
véritables politiques. Ce sera finalement au gouvernement et à
l'ensemble de la population de décider quels choix on fait. Il me semble
que c'est un choix de société puisque cela touche l'ensemble de
la population, aussi bien les hommes que les femmes. On sait très bien
que les garderies sont un outil essentiel pour les femmes sur le marché
du travail.
Pour revenir maintenant à Décisions 85 et à
l'efficacité du plan d'action, je dois vous mentionner que
Décisions 85 était un événement ponctuel, alors que
le plan d'action que nous avons dévoilé hier et les
mécanismes de consultation et de concertation que nous avons
prévus sont des mécanismes permanents. Lorsque nous parlons de
sécurité économique des femmes, nous croyons qu'il est
important d'assurer à toutes les femmes du Québec leur autonomie
financière. Le plan d'action 1986-1987 s'articule autour de cet axe qui
est l'amélioration des situations économiques. C'est un axe qui
intervient à quatre niveaux. Il faut quand même commencer par le
commencement: la formation des filles et des femmes, la situation des
Québécoises sur le marché du travail, la
sécurité économique des travailleuses au foyer et la
disponibilité des services collectifs. Ce sont des réformes
majeures. On ne peut pas faire cela dans un mois ou dans deux mois. La preuve,
c'est que tous les gouvernements ont fait des gains à ce niveau. Il est
sûr aussi qu'il y aura toujours de la continuité dans le dossier
des femmes. Ce n'est pas parce qu'un nouveau gouvernement arrive qu'on va
devoir abandonner tous les projets qui sont déjà en cours. Ce
plan d'action maintient l'élan dans une année de transition et de
compressions. C'est un plan de continuité. C'est un plan où on
protège les acquis et où on prépare le terrain en vue de
réformes majeures. C'est la raison pour laquelle aussi ce plan d'action
est un plan d'un an. Nous avons des perspectives à longue
échéance puisque nous pensons que la meilleure façon pour
les femmes d'atteindre leur autonomie, c'est justement en passant par
l'autonomie financière. Alors, cette perspective fait déjà
partie des préoccupations de notre gouvernement. Le plan d'action
s'articule justement autour de ces axes d'intervention principaux.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre.
Il nous reste deux interventions: une des ministériels et une de
l'Opposition. Par souci d'équité, si vous me permettez, ces deux
interventions pourraient être de trois minutes et demi à peu
près afin de respecter l'enveloppe de temps et se la répartir
également. Je me prévaudrai donc à ce stade de ma
prérogative de député ministériel et moi aussi je
poserai des questions à Mme la ministre.
D'abord, je suis heureux de voir votre désir d'agir de
façon concrète et assez ferme dans le dossier de la
sécurité économique des femmes. C'est le volet que je
voudrais explorer dans ma question. Je suis aussi heureux qu'il y ait une
certaine continuité dans l'action. Il serait assez indéfendable
de dire que la condition féminine, la vraie préoccupation,
commence aujourd'hui. Je pense que dans les années passées il y a
eu des actions intéressantes de posées et des actions qui
méritent d'être soulignées et d'être
continuées. Le débat gagne beaucoup à ne pas être
partisan mais à être un débat qui s'inscrit dans une
continuité vers une plus grande accessibilité à une forme
d'égalité ou à l'égalité qui est
souhaitée.
Ce qui est intéressant, c'est que c'est peut-être une des
premières fois, si je mets les nuances que Mme la députée
de Maisonneuve nous faisait tout à l'heure, qu'un ministre nous ouvre
ses livres et nous fait part de son plan d'action et de ses projets de travail
pour l'année qui s'en vient. Cela suppose qu'il y a une volonté
d'action, mais cela a aussi des exigences très grandes et sur cela, Mme
la ministre, je pense que les femmes vous en seront reconnaissantes. Est-ce
que, dans ce plan d'action, c'est trop peu, pas assez vigoureux, etc.? J'ai lu
les critiques des journaux ce matin. J'ai lu le plan d'action hier soir et ce
matin et je l'ai terminé. C'est une lecture assez rapide.
Personnellement, il me semble très satisfaisant et extrêmement
intéressant. Les critiques des journaux sont assez nuancées; il y
en a qui sont très favorables, d'autres sont mitigées. Je pense
que c'est peut-être attribuable au fait qu'il y a tellement d'attentes
vis-à-vis de ce dossier, depuis tellement d'années, il y a
tellement de besoins à combler qu'on voudrait voir tout se
réaliser d'un coup. Je pense que ce ne serait pas réaliste. Il
faut aller le plus vite possible, il ne faut souffrir aucun délai
inutile, mais il faut procéder par étapes si on veut arriver
à être efficace et ne pas mêler les choses au point
où, finalement, cela deviendra incohérent et improductif.
II y a des mesures en particulier que j'aimerais vous entendre
commenter, Mme la
ministre, en ce qui concerne les femmes immigrantes. Par exemple, vous
dites que les acquis expérientiels ou les acquis de formation qu'elles
avaient dans leur pays d'origine pourraient être reconnus ici. En ce qui
a trait aux COFI, il y aurait expansion des programmes, pour les femmes
immigrantes, relativement au français, afin qu'elles puissent
s'intégrer à la communauté plus rapidement,
indépendamment de leur désir de s'intégrer au milieu du
travail par la suite ou non.
Il y a aussi votre plan d'action pour les femmes en agriculture. Vous
éliminez là une discrimination qui se faisait depuis quelques
années en faisant passer de 8000 $ à 15 000 $ les primes
d'établissement.
Le dernier volet concerne les femmes entrepreneurs. Le plan d'action que
vous avez déposé vous engage concrètement à mieux
faire connaître l'apport des femmes au développement
économique de notre société, ce qui est déjà
une entreprise très louable, mais qui aussi incite plus de femmes
à devenir des entrepreneurs, dans le sens large. Je dois m'arrêter
là, le temps est écoulé. Mme la députée de
Chicoutimi, je pense.
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Bélanger): C'est bien cela?
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'aimerais poser
quelques questions rapidement en souhaitant avoir quelques réponses.
Vous allez comprendre que ma préoccupation va du côté des
plus démunis, des assistés sociaux, donc, et des enfants qui sont
dans ces familles. Les assistés sociaux, la ministre le sait, ce sont
majoritairement des femmes, lorsqu'on parle de personnes seules. Quand on parle
de familles monoparentales, c'est 95 % des femmes qui sont chefs de familles
monoparentales bénéficiaires de l'aide sociale. Cela donne
environ 82 000 foyers, au Québec. Les enfants qui sont d'âge
scolaire - couples avec enfants, familles monoparentales ou non - c'est plus de
200 000 enfants. Quand on parle d'accès aux études, il faut
absolument se préoccuper de ces enfants, de ces femmes
bénéficiaires de l'aide sociale, de ces femmes seules ou de ces
femmes chefs de famille.
Le dernier budget, les dernières décisions
gouvernementales ont eu comme effet de détériorer les conditions
de vie de ces personnes. Que ce soit la non-indexation trimestrielle, que ce
soit la nouvelle taxe sur l'essence ou sur l'huile à chauffage, la
faible compensation qu'on accorde, dans ces cas, ne vient pas combler le manque
à gagner de la non-indexation.
Une mesure qui nous permettrait au Québec - je le dis toujours -
de faire décrocher ce milieu des assistés sociaux, de leur donner
des conditions qui leur permettent effectivement de poursuivre des
études, ce serait de les encourager par une allocation scolaire un peu
plus élevée. Là-dessus, je voudrais voir si la ministre a
fait, auprès de sa collègue, des représentations à
cet effet. L'augmentation du taux d'endettement pour les étudiants
touche, encore là, les plus démunis, parce que ceux qui ont droit
au maximum d'aide financière sont vraiment ceux qui sont en dessous du
seuil de la pauvreté. Cela est établi selon Statistique Canada.
C'est encore cette population que l'on touche. Alors, je demande à la
ministre quelles sont les recommandations qu'elle a faites au sujet de ces
femmes, parce que je constate que c'est absent de sa politique.
Une autre question où je voudrais juste un complément
d'information sur les propos tenus par le président, concernant les
femmes immigrantes. On sait également qu'elles sont parmi les plus
défavorisées et on n'a pas pris de mesures concrètes
touchant l'accès de ces femmes à des cours de français. On
a demandé au gouvernement fédéral d'élargir ses
conditions d'accès à COFI, mais ce n'est pas une solution. La
solution serait de trouver moyen, ici, au Québec, de leur offrir
l'équivalent. Alors, ce sont ces deux questions sur la condition des
femmes immigrantes qui veulent avoir accès à des cours de
français, de même que sur les revendications touchant les femmes
ayant des enfants bénéficaires d'aide sociale. Merci, M. le
Président. (11 h 45)
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Cela
complète donc les interventions. Nous en sommes à la conclusion
de nos travaux. Mme la ministre, vous avez une période de dix minutes
pour faire une synthèse de vos énoncés et de vos
réponses de ce matin.
Conclusions Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: Avant d'entrer dans la synthèse comme
telle, j'aimerais donner quelques petites précisions à la
députée de Jonquière. Pour tout ce qui touche les
assistés sociaux et, entre autres, les familles monoparentales, c'est un
groupe de femmes que j'ai déjà rencontré. Concernant les
enfants d'âge scolaire, la sécurité économique, vous
êtes sûrement au
courant que ce dossier appartient au ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu et ministre du Travail. J'en ai
discuté avec lui. Il connaît mon opinion sur le sujet et vous
savez qu'il a parlé d'une réforme majeure de l'aide sociale,
prévue possiblement pour l'automne. Je pense qu'on devrait avoir
là des politiques intéressantes et le ministre sera en mesure de
vous donner de plus amples détails.
Concernant la synthèse que je dois faire, M. le Président,
vous me permettrez de mentionner que la population, à mon avis, aura
été à même de constater, tout au long de ce
débat, que l'Opposition a bien peu à reprocher à ce
gouvernement ou à ses politiques en matière de condition
féminine. Ceci s'explique aisément, puisque notre gouvernement
fait preuve d'une très grande sensibilité à l'égard
des femmes et qu'il n'a pas craint d'assortir son action d'un certain nombre
d'assurances à l'égard de la volonté d'agir, dans le sens
d'une plus grande sécurité économique.
Ainsi voilà pourquoi j'ai pu hier, à Montréal,
offrir aux groupes de femmes que je rencontrais, avec plusieurs de mes
collègues, trois garanties quant aux engagements gouvernementaux
à l'égard de la condition féminine pour l'année qui
vient. En effet, sous le présent gouvernement, le domaine de la
condition féminine et les mesures qui s'y rattachent ne sont pas la
responsabilité exclusive d'une ministre. Bien au contraire, c'est une
responsabilité que nous partageons toutes et tous et que nous avons
assumée jusqu'au plus haut lieu décisionnel du gouvernement, soit
le Conseil des ministres. Issu de la collaboration de toutes les instances
gouvernementales, c'est avec fierté que j'affirme que ce plan d'action
loge véritablement à l'enseigne de la cohésion
gouvernementale. C'est là la première garantie que j'ai offerte
aux femmes, hier, et je réitère aujourd'hui l'implication et la
collaboration exceptionnelle de l'ensemble du Conseil des ministres à la
réalisation de ce plan d'action.
En second lieu, sauf erreur, je peux affirmer que c'est la
première fois qu'un gouvernement ouvre tout grands ses livres aux femmes
du Québec. Ainsi, le dépôt d'un plan d'action, hier,
comprenant l'ensemble des mesures gouvernementales projetées pour
l'année, le ministère responsable et l'échéancier
retenu, permettra aux femmes ainsi qu'à l'ensemble de la population de
suivre à la trace l'action du gouvernement en matière de
condition féminine. Cette transparence traduit la volonté ferme
de notre gouvernement d'agir efficacement pour assurer aux
Québécoises une meilleure sécurité
économique. C'est là la seconde garantie que j'offre aux femmes,
la transparence assortie d'un outil leur permettant de surveiller
étroitement l'action gouvernementale en matière de condition
féminine.
Si la tâche de mes collègues est de mettre en oeuvre les
mesures annoncées, mon rôle en qualité de ministre
déléguée à la Condition féminine est de
veiller à la réalisation des divers éléments du
plan d'action gouvernemental. Pour mener à bien cette tâche, j'ai
demandé, comme je vous l'ai mentionné, qu'on m'adjoigne un
comité de coordination sous-ministériel. Cette
imputabilité de la plus haute direction des ministères est une
bonne assurance que la condition féminine sera un secteur de
résultats importants pour l'année à venir et les autres.
C'est là la troisième garantie que je désire offrir aux
femmes du Québec. Ma vigilance se joint aux moyens mis à ma
disposition pour rendre efficaces les mesures annoncées hier. Bref, le
plan d'action en matière de condition féminine pour
l'année 1986-1987 se particularise, d'abord et avant tout, par la
cohérence gouvernementale, l'implication totale et entière du
Conseil des ministres à sa réalisation, par la création
d'un outil de référence permettant aux femmes de suivre notre
gouvernement à la trace et par la mise en place de moyens concrets
permettant à la ministre déléguée à la
Condition féminine d'exercer son rôle de vigile.
Un peu plus tôt, je vous ai affirmé que ce dernier logeait
à l'enseigne de la cohésion gouvernementale. Ce trait distinctif
du plan d'action se trouve incarné à travers l'ensemble des
mesures issues de l'initiative des ministères. Ces mesures forment, avec
les actions découlant des engagements de Décisions 85 et des
engagements électoraux du Parti libéral, la trame du
présent document. Ces trois éléments
complémentaires font bien ressortir que le plan d'action s'inscrit dans
une continuité. Cette continuité ressort plus
précisément du bilan des réalisations découlant des
engagements pris lors de la conférence de mai, dont plusieurs actions se
poursuivent en 1986-1987, notamment l'analyse des rapports des trois
comités dont je vous ai fait mention: accès égalitaire au
crédit, partage de la richesse familiale et reconnaissance du travail au
foyer, ainsi que la déclaration de statut pour les femmes
collaboratrices. Continuité, donc, mais aussi perspectives, comme en
témoignent les recherches et les études qui annoncent la
réalisation de réformes majeures au cours de mandat.
Sous un autre aspect, je suis aussi fière de souligner la grande
place que fait ce plan d'action à la consultation et à
l'expertise des groupes de femmes. Non seulement celui-ci tire-t-il son contenu
des demandes et priorités établies par les femmes lors de
consultations et rencontres régionales et nationales, mais,
également, il sanctionne l'établissement de mécanismes
permanents et
structurés de liaison groupes de femmes gouvernement. Ces
mécanismes permettront au gouvernement de se définir des
priorités autour desquelles s'articuleront les prochains plans d'action
gouvernementaux.
Enfin, je suis fière parce que ce plan consacre publiquement la
volonté politique de notre gouvernement de poursuivre et de
développer le volet condition féminine dans toutes ses
interventions et ce, malgré un contexte où l'ensemble des
ministères et organismes du gouvernement subissent des compressions
budgétaires et des réductions d'effectifs importantes. Maintenir
l'élan dans une année de transition et de compressions,
voilà l'expression sans équivoque de la volonté du
gouvernement du Parti libéral de protéger des acquis durement
gagnés par les femmes et de préparer le terrain en vue d'assurer
une plus grande sécurité économique aux
Québécoises.
Après seulement six mois au pouvoir, nombreux sont les gestes
posés qui confirment cette volonté d'agir avec
célérité et pragmatisme è l'avancement de la cause
des femmes. Citons seulement les initiatives telles que l'annonce en
février dernier d'un programme triennal d'activités à
l'intention des femmes en agriculture; le dévoilement en mars, par le
ministère de la Justice et le Solliciteur général, d'une
politique d'intervention en matière de violence conjugale, dont
l'objectif est d'humaniser le processus d'intervention policière et de
fournir un support et une attention accrue aux victimes et aux contrevenants;
l'augmentation de 14 % des crédits de l'Office des services de garde
à l'enfance, alors que la hausse moyenne du budget des autres
ministères et organismes en 1986-1987 s'élève à 4
%; le dépôt récent par le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du projet de loi 71 qui prévoit,
entre autres, le maintien de la prime d'établissement, son indexation
puisqu'elle passera de 8000 $ à 15 000 $ et l'abolition de sa clause
discriminatoire à l'égard des couples mariés; l'attention
particulière que l'on a portée à l'amélioration de
la situation des femmes itinérantes: un budget de 600 000 $ a
été dégagé pour le centre Préfontaine de
Montréal, dans le cadre du développement des urgences. Enfin, le
Conseil des ministres donnait son aval, le 21 mai dernier, au démarrage
de programmes d'accès à l'égalité dans les
réseaux de la santé et de l'éducation, ainsi que dans le
monde municipal, et mandatait la ministre déléguée
à la Condition féminine pour coordonner l'ensemble des
interventions prévues dans les plans d'action des ministères
concernés. Un montant supplémentaire de 1 333 000 $ a
été réservé au budget 1986-1987 pour cette
intervention qui s'échelonnera sur trois ans au coût total de 4
600 000 $, entreprise que notre gouvernement juge essentielle dans sa lutte
contre la discrimination systémique dont sont victimes des femmes
qualifiées et compétentes.
Si le Québec est aujourd'hui un chef de file en matière de
condition féminine, il le doit en grande partie au travail et aux
pressions exercées par les groupes de femmes depuis de longues
années. Notre gouvernement croit à ce rapprochement des groupes
de femmes et des décideurs gouvernementaux et il reconnaît que
cela a permis d'adopter, au cours des années, des politiques qui soient
toujours plus respectueuses des besoins d'une majorité de femmes. C'est
pourquoi il annonce aujourd'hui la nature des mécanismes de liaison
officiels et permanents qu'il mettra sur pied au cours de l'année. Ces
mécanismes sont de trois ordres: échanges, consultation et
concertation.
Par un bulletin bimestriel d'information, par une inscription sur les
listes des ministères et des rencontres statutaires avec la ministre
déléguée à la Condition féminine, les
groupes de femmes seront assurés d'une information à jour et
soutenue de l'activité gouvernementale, de même que par une
rencontre annuelle avec les ministres concernés et par la garantie d'une
représentation statutaire des groupes de femmes dans tous les
mécanismes de concertation.
Nous devons agir pour améliorer les conditions de vie de femmes
et c'est l'invitation sincère que mes collègues et moi
lançons à la population afin qu'ensemble nous atteignions cet
objectif avec les moyens que nous avons dévoilés hier pour
l'année à venir.
J'espère que l'Opposition saura collaborer d'une façon
constructive avec l'actuel gouvernement afin de l'aider è assurer aux
femmes du Québec leur sécurité économique,
préalable, essentielle et nécessaire à l'existence de
rapports vraiment égalitaires entre les hommes et les femmes du
Québec.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, on
vous remercie. C'est maintenant le droit de réplique de
l'interpellatrice, la députée de Maisonneuve. Madame.
Mme Louise Harel
Mme Harel Merci, M. le Président. Je pense que nous
pouvons souhaiter collaborer dans l'avenir comme nous l'avons fait dans le
passé, puisque, à entendre le bilan des six premiers mois du
gouvernement, nous devons constater que nous avons servi de modèle et
d'inspiration pour lui permettre de mener à bien ce qui maintenant
permet à la ministre de faire ce bilan. Que ce soit pour les femmes
agricultrices, que ce soit en matière de violence conjugale, en
matière de programmes d'accès è l'égalité,
en matière
de réserve héréditaire, M. le Président,
c'étaient là déjà des réformes
élaborées par le précédent gouvernement. Nous
n'avons qu'à féliciter l'actuel gouvernement de s'en être
inspiré largement et, parfois, d'avoir simplement reconduit ce que nous
avions élaboré.
M. le Président, je pense qu'il y a une exception, et je veux en
féliciter la ministre et la ministre responsable des Affaires sociales,
c'est, je crois, le centre pour femmes itinérantes à
Montréal, le centre Préfontaine. Il faut reconnaître
l'utilité qu'a un tel centre d'accueil à l'endroit de ces femmes
itinérantes qui ne trouvaient pas de lieu de séjour et
d'accueil.
M. le Président, la ministre a choisi de faire une
deuxième fois une lecture textuelle du communiqué de presse. Elle
annonçait même, comme si c'était aujourd'hui, certaines
choses qui l'ont été hier plutôt que de répondre
à certaines questions. J'aurai donc à revenir
nécessairement sur la question des femmes immigrantes et sur la question
des femmes collaboratrices puisque la ministre a choisi de ne pas
répondre à la question qui lui avait été
posée préalablement par le député de
Laval-des-Rapides et par la députée de Chicoutimi.
La ministre nous dit avoir ouvert tout grands ses livres aux femmes du
Québec par ce plan d'action. Il faut se rendre compte que les chapitres
sont plutôt minces. Si le livre est tout grand ouvert, il ne contient pas
beaucoup. Ce à quoi les femmes du Québec s'attendaient, c'est
sans doute à faire cette surveillance du suivi des réalisations
du gouvernement, une surveillance du suivi des réalisations du
gouvernement libéral par rapport à ses propres engagements
électoraux. Vous savez, quand il y a des engagements électoraux
comme ceux qui ont laissé croire à l'ensemble des femmes du
Québec qu'elles trouveraient matière à satisfaction avec
l'actuel gouvernement, c'est évident que le suivi que les groupes
entendent faire est en fonction de ces engagements qui ont été
pris. Ce qu'il faut constater c'est que le plan d'action est totalement en
deçà de ce que les engagements avaient laissé entendre et
croire aux femmes du Québec.
En matière de priorités pour les femmes immigrantes je
voudrais simplement rappeler l'engagement électoral du Parti
libéral. Je crois que la porte-parole du Collectif des femmes
immigrantes a été très arrière lorsqu'elle a eu
à commenter le plan d'action en disant ceci: Au nom du Collectif des
femmes immigrantes, Mme Aoura Bizzarri en veut à la ministre d'oublier
les promesses libérales sur l'élargissement de l'accès des
femmes immigrantes aux cours de français. Mme Gagnon-Tremblay
déplore la difficulté pour son ministère de rejoindre les
femmes immigrantes, dit-elle. Élargissez les critères
d'admissibilité des femmes immigrantes aux cours de français, Mme
la ministre, et vous n'aurez plus besoin de nous rejoindre. C'est nous qui vous
rejoindrons, disent les femmes immigrantes.
Et quel était cet engagement libéral? Le suivant: Assurer
l'accès aux cours de français à toutes les femmes
immigrantes, qu'elles soient destinées ou non au marché du
travail; voir à ce que toutes les femmes obtiennent la pleine allocation
de formation; revoir les services offerts par les COFI afin de mieux les
adapter aux besoins et aux disponibilités des femmes immigrantes,
notamment le contenu des horaires, la quantité des équipements et
les services de garderie. Et qu'y a-t-il dans le plan d'action sur cette
question, M. le Président? Mais absolument rien.
Pourtant, certainement que le Secrétariat d'Etat avait transmis
à la ministre quelle priorité "prioritaire" les femmes
immigrantes font de cette admissibilité à des cours de
français, étant donné qu'elles en sont, pour la plupart,
exclues, soit à cause de leur statut de femmes parrainées par un
conjoint ou un membre de leur famille, soit parce qu'elles ne sont pas
admissibles à cause des critères les obligeant à
être à la recherche active d'un emploi sur le marché du
travail. Donc, les femmes qui sont au foyer ne parlent parfois ni le
français et ni l'anglais et n'ont certainement pas accès à
la langue officielle qui est en usage au Québec. Étant
donné ce qu'on connaît être la fragilité linguistique
au Québec et la nécessité d'avoir une approche
généreuse et accueillante à l'égard de
l'immigration, je pense que c'est inconséquent de la part de ce
gouvernement de ne pas donner suite à cette priorité. Il en va de
même pour l'ensemble des dossiers qui ont fait l'objet
d'études.
Mme la ministre, étonnamment, on retrouve dans le
communiqué publié sur le rapport du comité mis en place
par le précédent gouvernement concernant les femmes
collaboratrices que celui-ci avait été déposé
à la fin d'avril. Dans le communiqué de presse que Mme la
ministre a lu hier, il était question de demain ou d'aujourd'hui. Un
mois passé sur des revendications des femmes collaboratrices connues
depuis une décennie ou presque, qu'elles ont acheminées et fait
retenir comme attention principale lors de la première partie de la
conférence nationale. Qu'est-ce que la ministre dit de ces
recommandations? Je cite: "Qu'elle se penchera avec beaucoup d'attention sur
les recommandations".
Quant aux recommandations concernant le statut des travailleuses au
foyer, je crois que l'engagement est celui d'examiner cela plus attentivement.
Je crois que ce sont les propos mêmes sur cet engagement, d'examiner
très attentivement les
recommandations à l'égard de la reconnaissance du statut
des travailleuses au foyer.
Je crois, M, le Président, que nous avons certainement, en
conclusion, à nous interroger sur les mécanismes de concertation
que la ministre dit avoir déjà mis en place, notamment en
référant au comité sous-ministériel. Elle attend,
semble-t-il, beaucoup de ce comité sous-ministériel qui,
ironiquement, vient remplacer un comité ministériel qui
était en fonction sous le précédent gouvernement. Quand on
veut évaluer la volonté politique, je crois qu'il est de loin
plus utile d'évaluer la volonté politique ministérielle
que la volonté politique sous-ministérielle.
Quand on examine les mécanismes de concertation qui sont
proposés, un bulletin bimestriel, j'imagine qu'il y aura peut-être
une entente à faire avec la Gazette des femmes qui est
publiée à 50 000 exemplaires par le Conseil du statut de la
femme, qui rejoint l'ensemble des groupes de femmes du Québec et qui
vient les mettre au fait des progressions dans les dossiers qui concernent la
promotion de l'égalité des femmes. La ministre, dans ses
mécanismes de concertation, prévoit une rencontre annuelle entre
les groupes et les ministres concernés de même qu'une garantie de
représentation statutaire dans des mécanismes de concertation que
l'on ne connaît pas encore, qui sont non arrêtés. Compte
tenu de ce qu'on doit constater comme annulation des mécanismes de
concertation jusqu'à maintenant existants, que ce soit en matière
de condition féminine ou dans d'autres secteurs de la part du
présent gouvernement - je pense en particulier à la table
nationale de l'emploi - cela laisse très songeur sur les
résultats que des mécanismes semblables pourraient donner.
Le fait est que, dans bien des domaines je crois que les associations
qui représentent plus de 100 000 femmes au Québec l'ont
noté qui sont pourtant vitaux, et on pense à toute la question de
la réforme de la fiscalité, à l'ensemble de la politique
familiale, à cette réflexion sur l'allocation de
disponibilité au sujet de laquelle le ministre des Finances,
Gérard D. Levesque, dit avoir engagé son gouvernement...
Qu'est-ce que la ministre déléguée à la Condition
féminine a transmis comme recommandations à son gouvernement sur
la question de l'allocation de disponibilité, c'est-à-dire sur
les 246 000 000 $ qui sont actuellement distribués aux femmes du
Québec qui ont des enfants de moins de six ans? Sur ces questions, c'est
un plan d'action complètement muet et complètement silencieux.
Sur la question du financement des groupes, sur la question de l'avortement,
des services qui ne sont pas nécessairement accessibles dans les
régions, sur la question de l'emploi, le plan est complètement
muet. Je constate à nouveau que, lorsqu'une question ne peut pas
être examinée par la ministre, quand elle ne peut pas - dit la
ministre - être résolue, celle-ci préfère
l'écarter en considérant qu'il vaut mieux ne pas en parler.
M. le Président, pour terminer je pense que les femmes du
Québec doivent certainement, pour l'année qui vient et sans doute
pour les deux, trois ou quatre prochaines années, devoir surtout compter
sur leurs propres associations, sur la vigilance de leur pression pour
maintenir de façon irréversible ce qu'elles ont acquis durant la
dernière décennie et pour continuer à faire progresser la
cause de l'égalité des femmes. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la députée
de Maisonneuve, je vous remercie. Ceci met un terme à nos travaux.
Avant de conclure je voudrais remercier tous les participantes et les
participants pour la qualité des débats et surtout l'esprit de
discipline dans le débat qui nous a permis de terminer pile à
l'heure comme prévu et .. surtout, par ce vendredi matin, d'avoir
accepté de débattre d'un dossier aussi important que celui de la
condition féminine. Alors, la commission, ayant terminé son
mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 6)