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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Mme la greffière, nous avons le quorum et je vous informe que Mme
la ministre de la Santé et des Services sociaux est membre de la
commission pour la durée de ce mandat.
Le mandat de la commission est le suivant. La commission des affaires
sociales se réunit afin de procéder à des consultations
particulières et tenir des auditions publiques dans le cadre de
l'étude du projet de loi 21, Loi concernant l'adoption et modifiant la
Loi sur la protection de la jeunesse, le Code civil du Québec et le Code
de procédure civile, et du projet de règlement sur l'adoption
internationale tel qu'il a été publié à La
Gazette officielle du Québec le 11 mars 1987.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier
(Roberval) sera remplacé par Mme Harel (Maisonneuve).
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce que
d'autres remplacements ont été signifiés?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien! Notre ordre du
jour pour aujourd'hui sera de procéder à l'audition, dans un
premier temps, de l'Association des centres de services sociaux du
Québec - est-ce qu'on nomme les représentants? - et, par la
suite, du Secrétariat à l'adoption internationale. Cet
après-midi, après la période des affaires courantes,
c'est-à-dire vers 16 heures, ce sera l'organisme Accueillons un enfant
et, en fin d'après-midi, l'Association des parents pour l'adoption
internationale.
Je vais vous rappeler les ententes qui sont survenues entre les deux
formations pour le meilleur déroulement des travaux et afin que tout le
monde fonctionne avec les mêmes règles du jeu. Les ententes
intervenues concernant le déroulement des travaux sont les suivantes: le
temps alloué pour les déclarations d'ouverture sera de 40
minutes, réparti de la façon suivante: 20 minutes pour Mme la
ministre et 20 minutes pour le porte-parole de l'Opposition. Par la suite, 20
minutes pour le groupe ministériel et 20 minutes pour le groupe de
l'Opposition, lorsqu'il s'agira de poser des questions ou d'avoir des
informations supplémentaires sur les textes qui nous seront
présentés. Quant au temps de parole, sous réserve de
l'alternance, chaque député peut parler aussi souvent qu'il le
désire sans excéder dix minutes consécutives, selon
l'article 173 du règlement de l'Assemblée nationale.
Maintenant, lorsqu'on parle de 20 minutes, c'est une enveloppe globale
qui comprend aussi les temps de réponses. On devra donc demander aux
gens qui nous présentent les mémoires d'avoir des réponses
précises et les plus brèves possible. Donc, la durée de
chaque audition sera d'une heure, c'est-à-dire 20 minutes pour la
présentation du mémoire, 20 minutes pour le groupe
ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition et toujours
selon la règle de l'alternance. Est-ce que les règles et
procédures sont claires pour tout le monde? On s'entend bien?
Pour débuter, je demanderais donc à Mme la ministre de
faire sa déclaration d'ouverture. Mme la ministre de la Santé et
des Services sociaux.
Remarques préliminaires Mme
Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. M. le
Président, le gouvernement a convoqué cette commission
parlementaire pour que tous les principaux intéressés puissent se
pencher à la fois sur le projet de loi 21, sur le règlement
touchant l'adoption internationale et sur toute autre question reliée
à l'adoption internationale.
Au point de départ, je voudrais dire que le gouvernement est
favorable à l'adoption internationale et, s'il subsistait quelque doute
que ce soit dans l'esprit de quiconque, je veux les rassurer. Pour le
gouvernement, l'adoption internationale, dans le contexte où nous
vivons, et déjà depuis plusieurs années d'ailleurs, est
une mesure qui doit être encouragée, favorisée, mais elle
doit être bien faite. Elle doit se faire dans des conditions qui
respectent, à la fois, l'enfant, les parents adoptifs, les parents
biologiques et, évidemment, les pays qui, somme toute, nous confient des
enfants pour adoption.
J'aimerais rappeler que c'est ta première fois qu'une commission
parlementaire est appelée à se pencher sur l'ensemble du dossier
de l'adoption internationale, même si, depuis 1979, c'est la
quatrième occasion où le gouvernement, de façon
législative, finalement, touche à l'adoption internationale.
C'est la première fois que nous avons l'occasion de nous pencher
ensemble sur cette problématique de l'adoption internationale.
Personne n'ignore toutes les difficultés soulevées ces
derniers mois. C'est pourquoi le gouvernement propose des solutions qui sont
contenues dans le projet de loi 21, dans le projet de règlement sur
l'adoption internationale publié à La Gazette officielle le 11
mars 1987, et dans une convention type avec les organismes qui sont reconnus
comme des organismes d'adoption internationale. Ces propositions sont le
résultat des travaux d'un comité interministériel
reqroupant les représentants du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, du ministère de la Justice, du
ministère des Relations internationales et de mon ministère.
Certains de ces représentants sont d'ailleurs présents à
cette commission parlementaire. Je vaudrais, en passant, remercier mes
collègues et les gens des autres ministères pour le travail qui a
été fait et pour l'appui qu'ils nous ont donné dans la
préparation de ce projet de loi.
Des consultations ont aussi été effectuées sur
diverses hypothèses de solution avec des intervenants qui sont
impliqués directement ou indirectement dans l'adoption internationale.
Un certain consensus semble se dégager de ces diverses consultations. La
présente commission parlementaire constitue une étape essentielle
dans ce processus de consultation. L'étude des divers mémoires
démontre le sérieux et la qualité du travail accompli par
les divers organismes, et je les en remercie. De plus, une expertise s'est
développée et les acquis, de même que les
difficultés, servent aujourd'hui à proposer les solutions les
plus justes et les plus adéquates possible.
L'adoption internationale, comme l'adoption interne, a pour but premier
de procurer, sur une base stable, une famille à l'enfant qui en est
privé. L'adoption doit être considérée
prioritairement en faveur de l'enfant. Ce n'est pratiquement que comme
conséquence heureuse de ce premier objectif qu'elle permet de donner un
enfant au foyer qui n'en a pas. Parce qu'elle est internationale, elle met en
cause des systèmes de droit, des organisations de société
et des conceptions de la famille qui sont différentes et posent,
conséquemment, des problèmes particuliers. . L'adoption
internationale est un phénomène complexe qui soulève
souvent des dilemmes où s'affrontent divers courants d'idées.
Ainsi, il est risqué d'évaluer les conditions matérielles
de la vie d'un enfant par comparaison avec les standards de notre
société nord-américaine et d'en conclure que l'enfant doit
être retiré de son milieu.
Comment assurer au premier chef le respect des droits et de
l'intérêt de l'enfant et les droits des parents d'origine et des
parents adoptifs par des garanties administratives et juridiques, tout en
simplifiant le processus et en agissant dans les meilleurs délais?
Comment concilier que l'adoption internationale commande l'implication de
l'État à titre de protecteur de l'enfant et le fait que la
décision d'adopter un enfant constitue un engagement essentiellement
personnel de la part des adoptants, sans pour autant en faire un acte
privé. L'expérience de ces dernières années
suggère qu'il n'y a pas de solution miracle à ces
problèmes et que plusieurs États cherchent encore la façon
de vivre le plus sereinement possible le phénomène.
Au Québec, les premières dispositions législatives
importantes concernant l'adoption internationale sont adoptées en 1979.
Elles visent surtout à mettre fin aux adoptions privées et
à contrer certaines pratiques abusives en circonstanciant le rôle
des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux. Il y est prévu
qu'une société d'adoption procède à
l'évaluation de l'adoptant, que le ministre peut conclure une entente
avec un autre gouvernement et qu'il peut signer une convention avec un
organisme reconnu.
 l'hiver 1981, s'est produit l'incident de quatre
Québécoises emprisonnées pendant quatre jours au Guatemala
où elles étaient allées adopter un enfant. Elles ont
été acquittées par le tribunal
guatémaltèque, mais des questions se sont posées afin
d'éviter la répétition de telles situations, et un constat
de l'insuffisance des dispositions législatives a été
fait.
C'est pourquoi en 1983 des modifications sont faites de nouveau en
matière d'adoption internationale pour éviter que les gens, en
toute bonne foi, se mettent dans des situations extrêmement
délicates pour les enfants et pour eux-mêmes. Ces dispositions
avaient pour objectif majeur d'édicter des rèqles sur l'adoption
d'enfants domiciliés hors du Québec. Ainsi, les amendements
visent notamment à soumettre l'adoption au Québec d'enfants
domiciliés hors du Québec aux règles de la loi du domicile
de l'enfant quant au consentement des parents biologiques et à
l'adoptabilité de l'enfant. Une règle était
également édictée quant à la portée et aux
effets des jugements rendus hors du Québec. En outre, une clause
d'amnistie générale était prévue pour les personnes
qui avaient obtenu un jugement d'adoption rendu hors du Québec avant le
21 décembre 1983.
Cependant, de sérieuses difficultés
d'interprétation se sont soulevées quant aux dispositions du Code
civil du Québec, plus précisément l'article 622.1 relatif
à la reconnaissance des jugements étrangers. Cette
ambiguïté a donné lieu à des opinions juridiques et
à des jugements divergents. Cette situation a placé les adoptants
et les intervenants dans une position difficile et des problèmes de
cohérence au niveau des décisions administratives se sont
posés.
L'évaluation de la situation au Québec nous fait conclure
que l'approche de la législation actuelle est un peu rigide et laisse
peu de place aux ajustements nécessaires dans chaque cas particulier.
Les propositions de modifications au projet de loi 21 visent à plus de
souplesse. Pour certains, il n'y en a pas suffisamment, mais je veux rappeler
que c'est justement l'objet de cette commission parlementaire qu'on s'ouvre
à des suggestions qui pourraient ajouter de la souplesse, tout en ne
renonçant pas aux principes qui doivent guider l'adoption, qu'il
s'agisse d'adoptions même internes au Québec et encore plus
d'adoptions au plan international.
Pour ce faire, il donne ouverture à la reconnaissance de
jugements étrangers dits adoptions simples en leur conférant les
effets de jugements rendus au Québec, dans la mesure où
l'État du domicile de l'enfant a donné son consentement à
l'adoption de ce dernier par l'adoptant. Sont visés les enfants qui
pourraient ou devraient, dans leur intérêt, être
adoptés: ceux dont les parents sont décédés ou
inconnus et ceux qui sont abandonnés à la responsabilité
de l'État par Ieurs parents. Par ailleurs, il existe dans la
majorité des pays des services ou organismes d'État responsables
de ces enfants. Les autorités des pays étrangers souhaitent
être impliquées au premier chef dans l'identification des enfants
qui peuvent être confiés pour adoption dans un autre pays. Le
consentement de l'État a pour avantage de répondre à ce
voeu tout en assurant le maximum de garanties quant à l'adoption de
l'enfant.
Le dernier projet de convention des droits de l'enfant de
décembre 19B6, en son article 20, prévoit que les placements
doivent être effectués par l'intermédiaire
d'autorités ou d'organismes compétents et que des garanties
équivalant à celles en usage pour le droit interne devraient
être appliquées.
Le projet de loi vise cet objectif et garantit le respect des droits des
personnes impliquées, soit les parents biologiques, les parents adoptifs
et, au premier chef, évidemment les enfants. Cette solution devrait
avoir aussi l'avantage d'augmenter le nombre d'enfants étrangers qui
pourraient être adoptés par des Québécois et avoir
comme conséquence prévisible de réduire les délais
d'attente.
Le projet de loi prévoit un contrôle gouvernemental et
judiciaire plus précis sur les démarches des adoptants. Chacun de
ces projets d'adoption sera vérifié par le Tribunal de la
jeunesse quant à sa régularité. Cette procédure
s'inspire fortement de la procédure relative à l'adoption
d'enfants québécois introduite en 1983, qui s'est
révélée rapide, efficace et satisfaisante pour tous. Cette
mesure sera de nature à assurer une meilleure sécurité aux
adoptants, car ils sauront, dès le départ, si l'adoption pourra
être reconnue au Québec. Cette procédure
complétée, les adoptants pourront aller chercher l'enfant,
obtenir un jugement dans le pays étranger et, de retour au
Québec, être assurés d'obtenir une reconnaissance de ce
jugement avec tous les effets d'un jugement québécois.
D'autre part, ma responsabilité première ou la
responsabilité du ministre serait de coordonner tout le processus de
l'adoption internationale, d'en être le pivot central. Il faut non
seulement voir à l'application des règles, mais surtout assister
les adoptants dans leurs démarches visant à donner un foyer
à des enfants qui n'en ont pas et les informer adéquatement. Plus
de temps sera ainsi consacré à l'établissement et au
maintien des liens et contacts avec les parents adoptifs, les intervenants, les
organismes reconnus et les États étrangers assurant plus de
souplesse et d'efficacité au processus.
En outre, le projet de loi 21 et le règlement sur l'adoption
internationale auront l'effet de distinguer et de préciser les
responsabilités des intervenants appelés à rendre possible
un projet d'adoption. Ils remédient à la situation actuelle
où les rôles de chacun ne sont pas très
précisément déterminés.
Il est clair pour nous que l'adoption internationale est une affaire
d'État, mais il est aussi évident que ce dernier a besoin de
collaborateurs privilégiés, tels le directeur de la protection de
la jeunesse et l'organisme reconnu. Le directeur de la protection de la
jeunesse exerce les responsabilités qui lui sont attribuées par
le Code civil du Québec et la Loi sur la protection de la jeunesse.
C'est lui qui a la tâche fort délicate et importante
d'évaluer les adoptants pour déterminer leur capacité
d'adopter. Le directeur de la protection de la jeunesse assume la
responsabilité d'assurer que la rencontre de l'adoptant et de l'enfant
comportera les meilleures chances de succès. En outre, le
règlement sur l'adoption internationale précise leur intervention
en matière d'adoption d'un enfant domicilié hors du
Québec.
Par ailleurs, l'organisme reconnu est, à toutes fins utiles, un
prolonqement de la ministre dans le pays étranger. C'est
pourquoi il est à l'avantage de tous que ses devoirs, pouvoirs et
responsabilités soient balisés dans une convention type
approuvée par le gouvernement. Il est primordial que des liens de
confiance s'établissent avec l'organisme reconnu qui a un rôle
essentiel et important en matière d'adoption internationale. Cet
organisme reconnu, cautionné par le gouvernement, pourra compter sur
notre disponibilité et obtenir tout renseignement utile.
D'autre part, la convention peut aussi contenir des clauses
particulières qui pourront tenir compte des particularités des
pays où ils agissent et du champ d'intervention de chacun.
Conséquemment, interlocuteur privilégié de la ministre
dans ses rapports avec l'étranger, il agira dans les limites du mandat
défini à la convention. Si le projet de loi ou la convention
laissent subsister des ambiguïtés quant au rôle de
l'organisme reconnu, elles seront clarifiées. Il n'est aucunement
question de lui enlever des responsabilités qu'il exerce
actuellement.
Finalement, le projet de loi contient une clause d'amnistie et une
disposition transitoire. La clause d'amnistie permet aux adoptants qui ont
obtenu un jugement d'adoption simple avant le 2 avril 1986 de faire
reconnaître ce jugement au Québec. Leurs enfants auront ainsi les
mêmes droits que les enfants québécois. Cette mesure est
nécessaire pour permettre d'accorder à un certain nombre
d'enfants actuellement bien intégrés à la
société québécoise les pleins
bénéfices de cette intégration. Est-il nécessaire
de souligner que les nouvelles dispositions législatives visent à
lever toute ambiguïté afin d'éviter dans l'avenir la
nécessité d'une nouvelle clause visant à
régulariser la situation des enfants, comme nous avons connu, plus d'une
fois, dans le passé. À ce titre, l'intervention préalable
du tribunal constitue une sérieuse garantie, car les parents sauront,
par une autorité judiciaire, si le projet d'adoption est
réalisable ou non.
La clause transitoire, quant à elle, vise les adoptants qui ont
respecté toutes les étapes prévues dans nos lois
actuelles, mais qui n'ont pas obtenu de jugement étranger avant
l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Ce jugement pourra
être reconnu au Québec. Ces nouvelles dispositions
établissent clairement l'assise juridique de l'adoption internationale
en précisant les responsabilités de chacun dans cette
intervention délicate: les parents adoptifs, le tribunal, le directeur
de la protection de la jeunesse, les organismes reconnus, le ministre et le
pays d'origine de l'enfant.
Nous savons qu'il s'avère difficile d'évaluer ce que peut
être le modèle adéquat. L'étude et l'analyse de
différents systèmes étrangers nous amènent à
la conclusion qu'aucun n'a, à ce jour, trouvé un système
idéal. D'autre part, en considérant la question sous l'angle de
l'enfant, nous percevons et acceptons que son pays d'origine et son pays
d'accueil entourent son adoption de certaines garanties et exigent des
conditions qui assurent qu'il peut être réellement adopté
et que ses parents ont donné un consentement libre et
éclairé.
L'étude en commission parlementaire nous indiquera certainement
des ajustements qui permettent l'adoption internationale avec toute la
sécurité nécessaire, tout en laissant place à une
certaine souplesse. C'est l'objectif du projet de loi 21. Dans le cadre des
principes fondamentaux qui régissent notre action en adoption
internationale, nous demeurons réceptifs à toute modification
visant à modifier le projet de loi, à l'améliorer, et
à apporter les modifications au règlement sur l'adoption
internationale ou la convention type. Les dernières réflexions
que je me faisais avant de descendre ici ce matin, c'était de dire que
véritablement c'est une situation que, comme collectivité, nous
devons tenter de régler ensemble le mieux possible, dans le respect des
principes que j'ai énoncés. Nous jouons avec la vie des enfants,
avec les familles, avec même des objectifs qui peuvent rejoindre les
objectifs du Québec. Tout ceci dans !e respect des uns et des autres. Je
veux assurer tous ceux qui ont accepté de sérieusement faire ce
devoir et de se présenter devant nous que c'est avec le plus grand
accueil que nous recevrons les suggestions qu'ils peuvent nous faire. Je
voudrais, en terminant, rappeler que le gouvernement du Québec est
très favorable à l'adoption internationale, veut permettre des
conditions plus faciles, plus adéquates pour l'adoption internationale,
mais qu'il ne doit pas néanmoins renoncer au respect de certains
principes qui doivent entourer le processus de l'adoption internationale. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, je
vous remercie. Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. En tout premier
lieu, je voudrais remercier tous les participants qui se présentent
aujourd'hui en commission parlementaire et qui devront se présenter les
jours subséquents pour présenter leur mémoire et faire un
peu la lumière sur toutes les préoccupations que doivent vivre
d'une part les parents adoptants et d'autre part tous les différents
intervenants et les intermédiaires dans le processus de l'adoption
internationale. Au cours des derniers mois, l'adoption internationale a fait la
manchette des principaux quotidiens, qu'il s'agisse des
médias électroniques, radiophoniques et même de la
plupart des grands quotidiens. Pas une semaine ne s'est passée sans que
finalement les parents dénoncent les attitudes du gouvernement
présentement en ce qui concerne les projets de loi qu'il mettait de
l'avant, parce qu'ils ne répondaient pas aux besoins et aux
préoccupations des parents adoptants et à toute la
problématique qui se dégageait lorsqu'on entamait un processus
d'adoption sur le plan international. (10 h 30)
Effectivement, une commission parlementaire voit enfin le jour et
permettra à plus d'un parent et d'un groupe de parents de pouvoir se
faire entendre puisque depuis longtemps, ils demandent à se faire
entendre. Pourquoi, au Québec, de nombreux parents se plaignent-ils du
Secrétariat à l'adoption internationale? Je pense que l'occasion
nous sera donnée de faire le point et une fois pour toutes de regarder
en profondeur la problématique et toutes les conséquences qui se
dégagent des attitudes des différents intervenants en
présence. Nous devrons faire cette expérience avec une grande
ouverture d'esprit et avec un regard humanitaire, parce que les parents, en
choisissant l'adoption internationale, le font dans un geste d'engagement
social et ils répondent, à leur manière, à une
façon de soulager les misères que certains pays du tiers monde
doivent affronter tous les jours.
La commission parlementaire devrait être entreprise avec l'esprit
de vouloir aider et de trouver des moyens à ces parents qui veulent
aider et aimer un enfant. Je pense que l'adoption internationale, comme on le
voit dans les journaux, devient de plus en plus difficile au Québec. Si
nous devons faire face à une réalité qui nous semble
alarmante, donnons-nous le courage d'apporter les changements essentiels afin
que les citoyens du Québec puissent jouir équitablement de tous
leurs droits fondamentaux, comme tous les citoyens des autres provinces,
notamment d'adopter légalement un enfant dans un pays de leur choix.
Il serait malheureux qu'on doive continuer à vivre et à
faire subir aux parents des fermetures de pays à cause de directives
gouvernementales et parce que nos lois ne sont pas compatibles avec les leurs.
Des soixante-neuf pays avec lesquels nous pouvions faire affaire, actuellement
il n'en reste que quatre ou cinq. La ministre dit que, présentement, il
y en aura neuf qui s'ajouteront, mais il ne faut pas oublier que si les pays se
sont fermés, c'est à la suite d'un décret
ministériel du mois de novembre et que, antérieurement,
l'adoption internationale était possible avec au moins 69 pays.
Je pense que c'est cette réouverture des pays et cette
disponibilité que les parents souhaitent actuellement. J'ose
espérer que les solutions qu'on trouvera et qu'on tentera de libeller
dans un texte de loi favoriseront l'ouverture des différents pays avec
lesquels les parents avaient l'habitude de faire affaire.
La majorité des couples, lorsqu'ils choisissent d'adopter un
enfant, ont vraiment mûri, pendant plusieurs mois et même plusieurs
années, leur décision de vouloir un enfant. À mesure que
les années passent, leur désir de partager la joie de la famille
se renforce. Je pense qu'il est de notre devoir d'aider ces parents à
trouver les moyens, encore une fois, de fonder une famille. L'adoption
internationale devrait être abordée par le biais d'un volet, d'une
politique familiale, alors qu'actuellement au Québec le taux de
natalité est en chute; il périclite, il est rendu à 1,4 %.
On devrait faire des efforts substantiels pour encourager ces parents qui, pour
une raison ou pour une autre, ne peuvent avoir d'enfants - tout le monde
aimerait bien pouvoir en avoir, mais à cause de circonstances, cela leur
est impossible - mais qui pensent à adopter un enfant. Au Québec,
la problématique est de taille: il n'y a plus d'enfants à
adopter. Les parents songent à se tourner vers d'autres pays pour, en
même temps, soulager ces pays qui ont à faire face à une
détresse sociale des plus grandes.
Si nous devons dénoncer des comportements au cours de cette
commission parlementaire, qu'on contribue aussi, de façon positive,
à l'épanouissement du mouvement pour l'adoption internationale.
Il ne faut pas penser que, par l'adoption internationale et par le projet de
loi que nous allons étudier, nous pouvons régler l'ensemble de la
problématique des pays du tiers monde. Je pense que l'adoption
internationale, c'est du cas par cas. C'est chaque parent. C'est un parent,
c'est un couple qui veut adopter un enfant. Je ne pense pas que les parents,
dans leur tête, lorsqu'ils font une démarche dans le but d'adopter
un enfant sur le plan international, même si c'est pour des raisons
humanitaires, même si c'est pour favoriser l'entraide internationale, je
ne crois que, dans leur tête, ils soient convaincus qu'ils vont
répondre à l'ensemble de la problématique des pays du
tiers monde. Je pense qu'il y aura toujours place pour que les gouvernements,
eux aussi, jouent leur rôle en ce qui concerne les échanges
internationaux pour favoriser l'entraide sur le plan international.
L'adoption ne fait pas qu'alléger les souffrances d'un enfant
d'un pays donné. Elle fait beaucoup plus. Par ce geste, on peut redonner
un second souffle de vie à un enfant. C'est vraiment le début de
l'entraide internationale.
Chez nous, de plus en plus, notre société devient
cosmopolite. Dans un tel
contexte, ne devrions-nous pas considérer l'adoption
internationale comme une forme naturelle d'immigration? Je pense que l'enfant
est beaucoup plus facilement maniable et apprend davantage à
s'intégrer à une culture dans la chaleur d'un foyer bien
québécois.
En plus d'en faire un bon citoyen québécois, à
l'heure où le taux de natalité est de plus en plus bas,
probablement que l'adoption deviendra un des volets qui pourra solutionner, en
partie, notre problème de natalité. Donc, nous devons nous
réjouir lorsque des familles ont le courage de se lancer dans cette
voie.
On serait en droit de s'attendre à ce que le gouvernement
développe une attitude positive quant aux préoccupations des
parents et des intervenants dans leurs démarches d'adoption. Il est
important qu'on cesse de prendre les parents pour des voleurs d'enfants, des
intermédiaires pour des trafiquants, et qu'on cesse aussi de limiter le
rôle des tribunaux â un rôle bureaucratique. Le gouvernement
devrait avoir un regard beaucoup plus humain sur l'adoption internationale*
J'ose espérer qu'après avoir entendu les différents
mémoires, nous verrons un effort significatif et une volonté
ferme de la part de la ministre à faire une loi conforme aux
intérêts de l'enfant.
Il ne faut pas rêver à des solutions impossibles ou
à des solutions qui ne font qu'accentuer les délais, qui
demandent de plus en plus de temps et qui révèlent de plus en
plus de lourdeur administrative et bureaucratique. Il faut garder en tête
l'avenir des enfants en attendant que les grandes personnes décident de
leur sort. Quel est l'intérêt de l'enfant dans un pays où
la triste réalité ne permet aucun appui à la famille et
aux enfants? Dans de telles circonstances, nous devons orienter nos efforts
à réduire les délais ou simplifier la procédure.
C'est une question de vie.
Les parents s'attendaient à une loi simple, claire et limpide,
une loi qui permette de raccourcir les délais et qui réponde
à leurs aspirations, et ce, dans l'intérêt de l'enfant.
Un dernier avertissement à la lecture du projet de loi. On a
l'impression que l'enfant appartient à l'État une fois que
l'enfant est laissé en adoption internationale. Je me permets une mise
en garde, car il deviendrait dangereux que les enfants deviennent une monnaie
d'échange dans les ententes entre États. Je pense que les enfants
appartiennent à la planète et c'est dans cette orientation, dans
cette optique que l'intérêt de l'enfant nous demande d'être
prudents dans nos engagements et dans nos orientations sur le plan
juridique.
En terminant, je voudrais souligner, étant donné l'urgence
de la situation, étant donné également l'angoisse que
doivent vivre les enfants dans une démarche d'adoption internationale,
mêlée d'espoir et mêlée souvent d'angoisse, que
j'aurais préféré une commission parlementaire entre le
premier projet de loi qui a été présenté au mois de
décembre et le dernier projet de loi présenté
actuellement. Je pense qu'il aurait été logique que la commission
parlementaire se tienne avant la rédaction d'un deuxième projet
de loi sur le même sujet. De mémoire parlementaire, c'est la
première fois que je vois en si peu de temps, en six mois, autant de
démarches juridiques pour une même orientation.
À l'intérieur de six mois, l'adoption internationale avait
fait l'objet d'un décret le 9 novembre 1986, d'un projet de loi, en
décembre 1986, d'un projet de rèqlement, le 11 mars 1987 et
à nouveau, nous voilà devant le projet de loi 21. Les parents ont
demandé à être entendus depuis bien longtemps, au moins
depuis le mois d'août 1986, alors qu'il devenait de plus en plus
difficile d'adopter des enfants dans des pays étrangers. Le cri d'alarme
n'est pas d'aujourd'hui. Depuis longtemps, les parents demandent d'être
entendus. Ils demandent de collaborer avec les personnes en place et avec le
gouvernement. Je pense que ces parents ont le goût du respect. Ils
veulent collaborer et travailler à l'intérieur des règles
et des normes de notre gouvernement et de nos lois. Ils sont respectueux de nos
tribunaux. Plus nous ferons des lois rigides -et comme on dit souvent chez
nous, en bon langage: Une loi avec une ceinture et des bretelles - plus nous
risquons tout simplement de faire en sorte que des mouvements parallèles
ou, finalement, le marché noir d'enfants se dessine ou se pointe
à l'horizon, parce que personne ne pourra empêcher
légitimement des parents de vouloir fonder une famille et de partager
l'amour avec un enfant.
Dans ces circonstances, au lieu d'invoquer la rigidité, il faut
au contraire apporter le soutien nécessaire pour faire en sorte que ces
parents puissent, dans la joie, fonder leur famille et favoriser en même
temps leur apport dans notre société. C'est ce qui fait le noyau
central d'une société basée sur la famille. Dans le projet
de loi et dans les règlements, lorsqu'on abordera les rôles des
principaux intervenants et, notamment, lorsqu'on abordera le rôle de la
DPJ, nous apporterons, je l'espère, des définitions de
tâches, mais - j'en conviens et je pense que les gens de la DPJ sont
très conscients de leur rôle - nous aurons aussi la volonté
de leur donner le financement nécessaire pour qu'ils puissent mettre en
branle tout le mécanisme qu'il faut pour favoriser l'adoption
Internationale et faire en sorte que les délais d'attente soient de
moins en moins longs et pour qu'un plus grand nombre de parents en arrivent
à réaliser leur
rêve.
Sur ce, je voudrais conclure en espérant qu'à la suite des
recommandations que nous pourrons entendre des différents intervenants,
nous n'aurons pas è consacrer un projet de loi qui transpire les
volontés de la ministre, mais qui reflétera les
préoccupations de l'ensemble des parents et des intervenants sur
l'adoption internationale. Je vous remercie. (10 h 45)
Auditions
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée. J'inviterais maintenant les représentants de
l'Association des centres de services sociaux du Québec à se
présenter. M. le président, si vous voulez bien d'abord nous
présenter votre équipe et nous pourrons procéder par la
suite, je vous en prie.
Association des centres de services sociaux du
Québec
M. Lapointe (Miville): M. le Président, Mme la ministre,
mesdames et messieurs les députés, mon nom est Mivilie Lapointe.
Je suis président de l'Association des centres de services sociaux du
Québec. À ma droite, Mme Lise Denis, directrice
générale de l'association; à mon extrême droite, M.
Florian Gaudreault, directeur de la protection de la jeunesse au CSS de
Richelieu dans la région de la Montérégie; à ma
gauche, M. Laurier Boucher, coordonnateur des directeurs de la protection de la
jeunesse à l'association, et à mon extrême gauche, Me Paule
Gaumont, avocate au CSS de Québec.
M. le Président, depuis quelques années, le recours
à l'adoption d'ici ou d'ailleurs a été choisi par beaucoup
de couples québécois. Cependant, la rareté des
bébés à adopter et la longueur des délais à
surmonter ont fait surgir un certain nombre de plaintes, quand ce n'est pas un
réseau parallèle d'adoption. Aussi, les centres de services
sociaux du Québec, soucieux en premier lieu du bien de l'enfant, surtout
par leur secteur de la protection de la jeunesse, se réjouissent de
l'initiative du ministère de la Santé et des Services sociaux, de
faciliter et de réglementer l'adoption d'enfants nés hors
Québec. L'Association des centres de services sociaux du Québec
souscrit entièrement à ce projet d'élargir les
possibilités d'adoption, de clarifier les procédures, de
préciser les rôles des divers agents, de sauvegarder surtout les
droits des parents et d'assurer le respect des enfants.
Les CSS, bien sûr, s'ajusteront aux différentes
modifications législatives nécessitées par le projet de
loi, soit les amendements au Code civil, au Code de procédure civile et
à la Loi sur la protection de la jeunesse elle-même. L'association
compte enfin, par son mémoire, sensibiliser le gouvernement aux
meilleures conditions d'application de la loi et à l'aide qu'il peut
attendre de nous.
Trois idées maîtresses vont sous-tendre l'ensemble de nos
orientations incluses dans le mémoire qui vous a déjà
été transmis. D'abord, l'adoption doit être
envisagée avant tout sous l'angle de l'enfant dont les
intérêts doivent toujours primés. Deuxièmement, en
adoption internationale, ne pas oublier que si nous avons beaucoup à
offrir à ces enfants dits démunis, ces enfants n'en constituent
pas moins la richesse et la relève de ces pays pauvres ou en voie de
développement. Troisième élément: L'adoption
internationale ne doit pas occulter notre réalité
québécoise. Nous avons ici au Québec des enfants
abandonnés ou en voie d'abandon, des enfants plus âgés et
des enfants handicapés. Pour eux aussi, les possiblités
d'adoption doivent être plus nombreuses et plus
généreuses.
Nos accords ou ce qui nous apparaît être à souscrire
entièrement: tout en souscrivant au principe de l'adoption
plénière, l'Association des centres de services sociaux du
Québec se réjouit de l'ouverture vers l'adoption simple avec les
conditions que pose le projet de loi, à savoir qu'il s'agisse d'enfants
adoptables et que le pays étranger donne son aval au projet d'adoption
de l'enfant. L'association donne aussi son appui au projet de loi et au projet
de règlement en ce qui a trait au rôle de chacun des intervenants
impliqués dans l'adoption internationale, c'est-à-dire au
rôle de la ministre, du directeur de la protection de la jeunesse,
à celui confié au Tribunal de la jeunesse et aux organismes.
Cette meilleure définition, des rôles de chacun assure à
notre avis, plus d'efficacité dans l'action et privilégie la
responsabilisation de chacun.
L'Association des centres de services sociaux du Québec se
réjouit que le projet de loi fasse des enfants adoptés en
provenance d'autres pays des enfants vraiment québécois, avec
tous les droits que ce titre leur confère. Pour les enfants, c'est une
question de droit et d'équité, mais aussi pour les parents
adoptifs, une plus grande sécurité psychologique.
Enfin, l'Association des centres de services sociaux du Québec se
rallie à la déclaration d'amnistie proposée à
l'article 12 du projet de loi, malgré les imperfections de telles
clauses et les dangers qui y sont inhérents, c'est évident.
L'association croit qu'il y va du meilleur intérêt des enfants qui
ont fait les frais des illégalités du passé. Nous nous
interrogeons, toutefois, sur le nombre de cas à amnistier, la somme de
travail qu'il faudra consacrer à ces amnisties et les délais que
l'on se donnera pour ce faire. C'est une interrogation.
D'un autre côté, nos préoccupations
relatives au rôle du directeur de la protection de la jeunesse.
Pour bien souligner son rôle dans la gestion des listes d'attente des
requérants en adoption internationale, nous recommandons que l'article 2
du Règlement sur l'adoption internationale soit reformulé comme
suit: "Le directeur intervient en procédant à l'évaluation
de l'adoptant et en informe le ministre de la Santé et des Services
sociaux."
Il nous apparaît urgent que le ministère, le nouveau grand
responsable de tout le processus d'adoption, élargisse le bassin des
pays susceptibles d'offrir des enfants en adoption. Cela nous apparaît
important. En outre, nous croyons qu'il faut faire connaître avec le plus
de diligence et le plus de clarté possible l'ensemble des ententes
signées avec les pays et y joindre la liste des organismes au
Québec susceptibles d'être parties prenantes dans cette
politique.
Relativement aux ententes interpro-vinciales, l'association recommande
vivement que, si de telles ententes doivent exister, elles doivent être,
à notre avis, souples et simples. L'association insiste pour que les
nouvelles dispositions mises en place, loin de ralentir et d'enrayer le
mécanisme d'adoption internationale, le rendent plus clair, plus
accessible, plus sain et aussi plus facile.
L'Association des centres de services sociaux demande que le
ministère prévoie les crédits budgétaires requis
afin de garantir l'accessibilité à des services
d'évaluation pour tous les requérants en adoption internationale.
En effet, les CSS ne pourront remplir convenablement leurs rôles et
assumer leurs responsabilités que s'ils disposent des ressources
techniques et humaines pour procéder notamment à
l'évaluation des requérants.
L'Association des centres de services sociaux s'inquiète des
frais accrus engendrés pour les requérants en adoption
internationale, par la nouvelle procédure d'adoption, notamment en ce
qui a trait aux requêtes à présenter au tribunal. Enfin,
tout en nous disant prêts à explorer le principe de la
tarification pour certains services, nous désirons quand même
attirer l'attention des membres de la commission parlementaire, M. le
Président, sur le fait qu'il ne serait, à notre avis, nullement
question de faire quelque brèche que ce soit dans la gratuité et
l'universalité des services tant et aussi longtemps que cette question
et que tout le débat sur cette question n'aura pas été
fait en entier.
En terminant, j'aimerais vous présenter peut-être un
mini-portrait de l'état de la situation, quelques données qui
peuvent être, en termes d'images, intéressantes à conserver
à l'esprit lorsqu'on aborde cette question. Cela touche à la fois
les ressources et le nombre d'adoptions réalisées. Oisons qu'au
total, dans l'ensemble des centres de services sociaux du Québec, il y a
52 professionnels qui interviennent en adoption, en retrouvailles et aussi en
adoption Internationale. Parmi ces 52 personnes, il y en a dix dans tout le
Québec qui interviennent en adoption internationale. Je souligne que ces
dix personnes de l'adoption internationale s'occupent autant de
l'évaluation des requérants que de l'activité de jumelage
entre les parents adoptifs et les enfants adoptés, et du suivi, une fois
l'adoption démarrée.
Deuxième donnée, M. le Président, durant
l'année budgétaire 1985-1986, dans l'ensemble du Québec,
il s'est réalisé environ - il peut y avoir un écart d'un
ou de deux cas - 200 adoptions d'enfants dans le cadre de l'adoption
internationale, pour la période du 1er avril 1985 au 31 mars 1986. Nous
avons également réalisé 476 adoptions
régulières au Québec. On dénombre, au moment
où l'on se parle, selon nos relevés faits hier, dans l'ensemble
des régions du Québec, environ 1800 enfants abandonnés en
date d'hier et près de 400 enfants directement adoptables dans
l'ensemble du Québec.
Voilà essentiellement les faits saillants ou les
éléments que nous voulions mettre en lumière dans notre
mémoire et dans notre présentation initiale.
Le Président (M. Bélanger): La période des
questions, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais d'abord remercier l'Association des
centres de services sociaux du Québec pour la présentation de
leur mémoire. Il faut, je pense, rappeler que les centres de services
sociaux, qui autrefois étaient, dans le cas de l'adoption, des
sociétés d'adoption, ont probablement au Québec la plus
longue expérience dans tout le processus d'adoption, dans les contacts
avec les parents adoptants ou biologiques, etc., et aussi dans le suivi des
familles qui ont adopté des enfants.
Compte tenu de cette longue expérience que vous avez - et je
voudrais, pour le moment, m'en tenir strictement à l'adoption
internationale - les plaintes qu'on a entendues d'une façon plus
véhémente récemment, mais qui remontent déjà
à plusieurs années, à la suite du rodage qu'on devait
faire avec l'adoption internationale ou encore à la suite
d'interprétations juridiques différentes qui ont
été obtenues, enfin tous les problèmes qui ont
nécessité une amnistie en 1983 qui, à l'heure actuelle, en
nécessitent une autre, me portent à vous demander quelles sont,
d'après vous, les difficultés que vous rencontrez - mettons de
côté pour le moment le manque de personnel, on pourra y revenir
par la suite -dans le domaine de l'adoption internationale,
quelles sont celles qui sont plus caractéristiques à
l'adoption internationale comparativement à l'adoption interne?
M. Gaudreault (Florian): Je vais tenter de m'attarder quelque peu
sur la question qu'a posée Mme la ministre. Les plaintes reçues
et les difficultés rencontrées au cours des dernières
années portent principalement sur les délais que nous sommes
appelés à subir dans le cadre de nos établissements. Je
veux principalement souligner, par rapport à cela, la situation de ce
qu'on appelle l'adoption internationale privée. Alors que, par exemple,
des gens acceptent de suivre le processus de l'adoption et de se placer sur une
liste d'attente, d'autres vont décider d'aller directement dans le pays
d'origine sans intermédiaire, de se faire identifier un enfant, de nous
arriver avec un projet qui est relativement concrétisé pour eux
et de nous demander si on procède à l'évaluation.
Ces gens peuvent se trouver sur notre liste d'attente beaucoup plus tard
que ceux qui normalement auraient dû être évalués.
Donc, il faut procéder dans un certain nombre de cas avec beaucoup de
rapidité vu que cet enfant est gardé dans le pays d'origine, que
les parents paient des frais, etc. On doit laisser de côté la
liste d'attente ou le processus normal d'adoption pour d'autres, et donner
priorité à ceux-là. Je pense qu'il y a là une
question d'équité et de justice particulièrement
contraignante dans notre travail.
Il y a bien sûr aussi des difficultés qu'on rencontre dans
le processus de l'adoption. On constate que les communications, par exemple,
entre le Secrétariat à l'adoption internationale et les
directeurs de la protection de la jeunesse ne sont pas toujours
particulièrement articulées entre les organismes privés,
et l'inverse existe également. Il y a là toute une série
de difficultés qui sont davantage de l'ordre de la communication, de la
collaboration et de la concertation qui devraient être très bien
coordonnées sur le plan provincial. (11 heures)
Mme Lavoie-Roux: Oui, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Boucher (Laurier): Je pourrais ajouter qu'il y a aussi tout le
problème général de la pénurie d'enfants. J'ai vu,
dans mon expérience comme DPJ, des gens qui, dans un premier temps,
voulaient probablement s'inscrire en adoption sans préciser que
c'était en adoption internationale. Ces gens voulaient vraiment
accueillir un enfant, d'où qu'il vienne. Mais souvent, des gens font le
choix de l'adoption internationale en pensant que ce sera plus court parce que,
peut-être, les listes d'attente sont un peu moins longues, ou ils
s'imaginent que, ayant plus de pays d'où l'on peut faire venir un
enfant, cela peut accélérer le processus. Cependant, dans les
dernières années, pour diverses raisons, c'est clair que la
pénurie d'enfants, même en adoption internationale, s'est fait
sentir aussi. C'est certainement un grave problème, cette pénurie
d'enfants. C'est pour cela que, dans notre mémoire, nous disons
espérer que le développement d'ententes souples et efficaces
ouvrira vraiment le bassin de pays, en tenant compte évidemment de tous
les principes de base qu'on a mis en sourdine dans nos recommandations et dans
notre mémoire.
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je pense qu'on peut
déjà reconnaître que l'assouplissement vers l'adoption
simple pouvant être reconnue comme adoption plénière, dans
la mesure où l'enfant a été abandonné pour adoption
et où le pays y consent, devrait élargir le bassin. J'aimerais
tout de suite corriger ce qu'on a dit, à savoir qu'il n'y a plus que
neuf ou six pays où l'on peut adopter un enfant. Je pense que, dans la
mesure où les pays sont consentants, on peut adopter des enfants dans
tous les pays. Normalement, cela devrait nous amener un plus grand nombre
d'enfants pour adoption.
Vous mentionniez tout à l'heure qu'il y aurait 400 enfants
adoptables au Québec. Est-ce que, dans votre travail avec les parents
qui veulent une adoption, vous sentez une espèce de tendance à
favoriser davantage l'adoption d'enfants sur le plan international que sur le
plan local? Si oui, quelles en sont les raisons? Deuxièmement, cet
après-midi, nous entendrons un mémoire rédigé par
un groupe de parents qui nous dit: II s'exerce, de la part des centres de
services sociaux ou des travailleurs sociaux, des pressions voulant que nous
adoptions sur le plan local plutôt que sur le plan international. Je me
demande si vous pourriez commenter ces deux points.
Mme Denis (Lise); En premier lieu, je voudrais dire que, quand on
indique 400 enfants adoptables, c'est une donnée réelle.
Cependant, il y a environ ici 1800 enfants abandonnés dont une partie
d'entre eux pourrait devenir éventuellement adoptable. D'accord? Donc,
ce n'est pas un nombre ferme de 400, dans ce sens; cela pourrait augmenter. Ce
ne sont pas nécessairement des jeunes enfants non plus et ce sont des
enfants qui peuvent présenter un certain nombre de difficultés.
II est certain qu'il y a - je dirais - une tendance ou une volonté, de
la part des centres de services sociaux, de développer des projets de
famille et de vie pour les enfants qui sont chez nous et pour lesquels il n'y a
pas encore eu de ce type de projet à long terme. Dans notre
mémoire, on en parle un peu en disant: Oui à l'adoption
internationale, mais il ne faudrait pas oublier qu'il y a, au Québec,
des enfants adoptables
pour lesquels il est important que des projets se fassent. J'aimerais
demander à M. Gaudreault de compléter à partir de
l'expérience des DPJ sur le terrain.
M. Gaudreault: Le nombre de jeunes qui, annuellement, nous sont
amenés pour des fins d'adoption, à la suite de consentements ou
de déclarations judiciaires d'adoptabilité au sens de notre Code
civil et de notre Loi sur la protection de la jeunesse, est quand même
minime, non seulement dans notre région, mais aussi, je pense, dans tout
le Québec. Par ailleurs, quant à la population des enfants
adoptables pour lesquels il y a des projets à faire, à mesure que
les mois et les années passent, ces enfants deviennent plus
difficilement adoptables parce qu'ils sont plus âgés. C'est pour
cela que, dans les centres de services sociaux, on travaille de plus en plus,
avec des postulants en adoption, à concevoir des projets pour faire
adopter des enfants plus âgés, qui parfois présentent des
carences affectives ou des handicaps de type intellectuel ou de type physique.
Je pense par exemple à des enfants qui peuvent souffrir de trisomie 21.
Il y a beaucoup d'efforts qui sont faits dans les centres de services sociaux
par rapport à cette jeune population et, d'ailleurs, la majorité
des effectifs que l'on peut avoir en adoption régulière au
Québec et internationale, est consacrée justement à ce
type d'enfants. Mais on n'est plus à l'époque des petits
bébés roses et je pense qu'il faut se dire que c'est
terminé. Il en arrive un certain nombre chaque année, mais cette
population, je ne dirais pas, se réduit, mais n'a pas tendance à
augmenter.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci. Je pense que je vais laisser la
chance à mes collègues. Je reviendrai s'il reste du temps.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin, en vertu de la règle de
l'alternance.
Mme Vermette: Alors, quand on parle de la DPJ à I'ensemble
des parents, il y a généralement deux volets qui ressortent
très régulièrement dans leurs préoccupations. D'une
part, c'est l'évaluation et d'autre part, ce sont les listes d'attente.
En ce qui regarde les listes d'attente, il y a des délais de plus en
plus considérables et les parents attendent énormément
pour avoir une réponse, pour savoir si oui ou non ils peuvent faire une
démarche d'adoption internationale. De plus, il y a des délais
aussi, une fois que le feu vert est donné et qu'on leur dit que, oui, ce
sont des parents aptes, et il y a toute l'évaluation qui entre en ligne
de compte. À partir de là, on ne parle plus des délais
parce que là ce sont des véritables délais.
Ma première question est la suivante: Est-ce que vous souhaitez
une clarification en ce qui concerne les règles et est-ce qu'il n'est
pas souhaitable aussi qu'on limite les délais pour qu'on puisse au moins
avoir un service correspondant à ce qui se fait dans d'autres provinces
ici au Canada?
M. Boucher: Quand vous dites "des règles", voulez-vous
parler de règles de temps seulement?
Mme Vermette: Des critères d'admission qui feraient en
sorte qu'on pourrait faire cela à l'intérieur d'un délai
de trois mois, en tout cas, pour que les parents puissent savoir si oui ou non
ils sont sujets à être évalués et que finalement le
processus se mette en branle. Une fois tout cela fait, qu'on ait aussi des
critères d'évaluation des parents faits d'une façon
très objective.
M. Boucher: Je vais répondre à votre question en
deux volets parce que j'y décèle effectivement deux volets. En
matière d'évaluation de projets des adoptants, donc en ce qui
concerne les critères dont nous nous servons pour faire les
démarches d'évaluation auprès des requérants en
adoption, nous avons effectivement contrairement à ce que certains ont
peut-être été portés à penser, on ne nage pas
ici dans l'arbitraire - préparé à l'Association des
centres de services sociaux, de concert avec tous les centres de services
sociaux et les professionnels qui oeuvrent en adoption, un guide de pratique en
matière d'évaluation des projets des postulants en adoption, qui
touchent aussi bien à l'adoption régulière qu'à
l'adoption internationale. Ce guide de pratique est en application, en usage,
dans nos CSS, certainement depuis mai 1985. À ce moment-là, quand
on l'a préparé, on ne l'a pas inventé de toutes
pièces, on l'a mis ensemble... c'est un compendium, pour ainsi dire, de
la pratique qui existait déjà. Je pense que ce critère est
public. Ce n'est pas quelque chose de caché et il sert essentiellement
à évaluer la capacité parentale des gens qui se
présentent à nous en faisant état du fait qu'ils pensent
adopter un enfant.
La démarche d'évaluation est vraiment une démarche
- je parle de démarche plutôt que d'une évaluation du type
où on penserait à quelqu'un qui porterait un jugement sur
quelqu'un d'autre - une démarche, dis-je, dans laquelle on invite les
postulants en adoption à s'engager avec un ou des professionnels, seuls
ou en groupe. Je pense que la plupart de nos établissements
considèrent vraiment l'évaluation comme une démarche
à l'intérieur de laquelle les gens s'inscrivent. Quand il y a des
gens qui choisissent au cours de cette démarche ou qui réalisent
que l'adoption régulière ou
internationale n'est pas pour eux - ce qui arrive le plus souvent - ce
sont les gens eux-mêmes qui se retirent du processus d'adoption. Je pense
qu'à l'usage ou à la pratique il est très rare que ce soit
nous, à la fin du processus d'évaluation, qui présentons
la conclusion suivante: Monsieur, madame, vous n'êtes pas aptes à
adopter. Je ne dis pas que cela ne se peut pas, mais cela arrive rarement.
Quand cela arrive - je pense qu'il y a eu un jugement récemment d'un
tribunal de Montréal qui est venu nous mettre la puce à l'oreille
- il faut faire en sorte - déjà on le fait et on va le faire
mieux à l'avenir - que les gens auxquels on dit en conclusion qu'ils ne
sont pas aptes à l'adoption de leur donner la chance aussi de nous
redonner, et peut-être de faire valoir d'autres faits ou d'autres
réalités pour infirmer ou nous faire changer d'avis. Ce que je
peux vous dire, à notre avis, c'est quand même un processus assez
transparent, basé sur la pratique qui a cours certainement en
Amérique du Nord.
Pour ce qui est de l'autre point de votre question concernant les
délais, nous disons qu'à partir du moment où on commence
l'évaluation d'un couple qui fait une requête en adoption, en
général, le tout peut se faire à l'intérieur de
trois mois. C'est clair, cependant, qu'à partir de la date où les
gens s'inscrivent et à partir du moment où l'adoption a
réellement lieu, les délais sont immensément plus longs
que cela. C'est peut-être à cela qu'il faudrait s'attaquer. Je
pense qu'on a fait ressortir quelques-unes des causes tantôt, la
principale étant, à notre avis, la pénurie d'enfants.
Quand on sait, par exemple, que, à travers le processus qui est
engagé avec le secrétariat à l'adoption, on est en train
de répondre aux demandes qui ont eu lieu il y a trois ou quatre ans, on
ne voit pas l'urgence de procéder immédiatement à
l'évaluation de la personne qui fait une requête en adoption
internationale, même à l'intérieur d'un délai de
trois mois. Dans trois ou quatre ans, quand l'enfant sera disponible,
peut-être qu'il faudra à ce moment-là procéder
à nouveau à une autre évaluation, parce qu'il peut
s'être passé diverses choses pendant cette période. Souvent
les délais tiennent à cela.
Mme Vermette: Ce qui m'amène à poser d'autres
questions. Je vais commencer avec la dernière partie de votre
intervention. Vous avez parlé de pénurie d'enfants et c'est pour
cela que les délais sont si longs. D'une part, depuis un certain temps
et surtout depuis neuf ans, disons depuis le mois d'août, des pays se
sont fermés. Il y a effectivement moins de pays, cela fait moins
d'enfants à adopter, c'est plus difficile. Antérieurement il y
avait une moyenne, à peu près, de 250 enfants qu'on pouvait
adopter. Ce sont vos chiffres, jusqu'à un certain point. Actuellement,
faute de pays et à cause de l'incompatibilité de nos lois, il
arrive qu'il n'y a presque plus d'enfants à adopter dans
différents pays. Voilà pour le manque d'enfants, une des
premières questions que je me pose. L'autre aspect, ce que je voudrais
aussi demander: Quelles ressources avez-vous pour répondre à tous
ces besoins, ces demandes des parents? Si vous voulez faire votre
évaluation telle que vous venez de me le dire, j'imagine que cela prend
pas mal de ressources et que chaque ressource alloue un temps assez important
à chaque cas pour apporter toute l'attention nécessaire.
M. Boucher: Le nombre de ressources, le président en
faisait état tout à l'heure. On a 52 professionnels qui oeuvrent
à l'évaluation des adoptants, que ce soit en adoption
régulière ou en adoption internationale et qui font aussi tout le
travail requis dans ce qu'on appelle les retrouvailles, la recherche des
antécédents et le suivi des adoptions. De ce nombre, 52, il y en
peut-être 10 qui oeuvrent en adoption internationale.
Mme Vermette: D'ailleurs, il y en a 52 justement qui font de
l'adoption au mouvement "retrouvailles", mais il y en 10 autres en adoption
internationale, qui, à mon avis, devient un volet important. Est-ce que
10 personnes suffisent à répondre à l'ensemble des
demandes dans tout le Québec?
M. Boucher: Je ne pense pas pouvoir dire que c'est suffisant. (11
h 15)
M. Lapointe: II est évident que 10 personnes ne suffisent
pas. Il y a même des centres de services sociaux qui donnaient le service
autrefois, qui ne le donnent plus, parce qu'ils ont dû aussi tenir compte
d'autres listes d'attente en matière de protection de la jeunesse et
d'autres réalités aussi qui sont présentes. Je
soulignerais toutefois que les 10 personnes dont on parle, ce ne sont pas
nécessairement, non plus dans tous les centres de services sociaux, des
gens qui sont uniquement spécialisés en adoption internationale.
Cela peut être une partie de leur temps qui est en adoption
internationale et une autre partie de leur temps en adoption
régulière.
Alors, je souligne toutefois que - je sais que cette question a
été abordée antérieurement - en ce qui concerne les
qualifications professionnelles des intervenants on retrouve au-delà de
90 % de ces personnes qui ont au moins une formation universitaire, soit en
service social ou en psychologie, et les autres 10 % sont des gens
d'expérience, qui sont en adoption depuis plusieurs années.
Le Président (M. Bélanger): Vous aviez une autre
question. Non, allez-y.
Mme Vermette: Non, c'est parce que je voulais juste...
C'était juste pour savoir si c'était possible qu'on...
Le Président (M. Bélanger): Oui, c'est
réglé.
Mme Vermette: D'accord. L'autre question que cela m'amène:
vu qu'il y a des délais que tout le monde ne conteste pas, vu aussi
qu'il vous manque des ressources, est-ce que vous seriez d'accord pour
permettre aux parents de faire appel à des travailleurs sociaux
privés pour faire leur évaluation?
Le Président (M. Bélanger): M,
Gaudreault.
M. Gaudreault: Cette question de recours à la pratique
privée peut comporter des avantages, mais aussi des
inconvénients. Peut-être que l'avantage, c'est
d'accélérer le processus ou de raccourcir les délais. Par
ailleurs, comme inconvénient sur le plan de la pratique clinique en
cette matière, ça veut dire que les gens seraient appelés
à être évalués par un praticien de pratique
privée et que lorsque, par exemple, l'enfant est arrivé au
Québec et qu'il faut assurer un suivi de cet enfant dans la famille, lui
apporter aide, conseil, assistance, etc., ce serait un travailleur social du
CSS qui le ferait.
On constate, dans la pratique, que si nos gens sont devenus de bons et
de compétents évaluateurs, c'est parce qu'ils ont
été à appelés à suivre les enfants dans les
familles qu'ils ont d'abord évaluées. En constatant donc les
capacités parentales des gens, en constatant également tes
besoins des enfants et en faisant un jumelage, ces gens-là ont
été appelés à être meilleurs dans leur
pratique. À mon avis, l'inconvénient de recourir à la
pratique privée se trouve sur le plan du suivi et d'une bonne et
meilleure expertise dans le domaine de l'évaluation.
Le Président (M. Bélanger): Avant de passer
à M. le député de Fabre, je voudrais juste faire une
intervention en ce qui concerne la procédure et rappeler que l'enveloppe
de temps qui est dévolue à chacune des formations peut être
partagée. Elle n'est pas à des porte-parole fixes, mais vous
pouvez la séparer ou chaque parlementaire peut se prévaloir de
son droit de parole, ici, à la commission. II n'est pas question
d'empêcher qui que ce soit de parler. Dans ce sens, il n'y a pas de
problème.
Je reconnais M. le député de Fabre et, par la suite, Mme
la députée de Johnson. Sur une question de règlement, je
vous en prie.
Mme Juneau: Une précision, une question de
règlement, s'il vous plaît, M. le Président. Est-ce que
ça veut dire - vous m'avez répondu tout à l'heure quand
j'allais vous le demander - que c'est 20 minutes par formation politique?
Le Président (M. Bélanger): Oui, par formation.
Mme Juneau: Mais 20 minutes une fois pour chaque mémoire
ou 20 minutes répétées'
Le Président (M. Bélanger): Non, pour chaque
mémoire. C'est parce que vous étiez absente au début. II y
a une heure de dévolue: 20 minutes à l'organisme qui
présente le mémoire, 20 minutes aux ministériels, vingt
minutes à l'Opposition pour les questions. C'est une enveloppe
renouvelable. M. le député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président, J'aimerais avoir de M.
Lapointe ou de quelqu'un de son équipe, des commentaires sur un point.
À la lecture de certains journaux, on ne semble pas retrouver un
consensus sur le fait que nous, en tant que gouvernement, pouvons parfois nous
ingérer -parce que c'est souvent des titres qu'on lit ou qu'on retrouve
- dans le processus d'adoption internationale. Est-ce que, d'après vous,
M, Lapointe, en tant que gouvernement, on doit avoir un droit de regard sur
ça?
M. Lapointe: Je vais débuter. Je demanderai à mes
collègues de continuer. Je pense qu'au moment où on se parle, au
Québec, on entend aussi parler de politique de population, de taux de
natalité. Je pense qu'on ne peut pas séparer une partie de
l'ensemble du Québec, en parlant de l'enfant de l'avenir, qui peut
être un enfant adopté, du tout québécois.
Alors, je pense que sur cette question, le gouvernement, me semble-t-il,
a la responsabilité de planifier l'avenir, de faire en sorte que les
règles du jeu soient mieux connues, que l'on puisse également
être en accord avec les autres pays et en accord surtout avec les
règles de droit normalement reconnues au Québec, simplifier et
faciliter ces choses. Cela me paraît être une responsabilité
gouvernementale. Je ne sais pas s'il y a de mes collègues qui veulent
compléter.
M. Gaudreault: J'aimerais peut-être ajouter qu'il est clair
que l'adoption est un geste d'amour. Je pense que cela se voit quotidiennement.
Que l'on regarde dans notre histoire du Québec, dans l'histoire du
Canada, que l'on regarde les législations de tous les pays du monde,
c'est toujours un
geste qui a été sanctionné par un organisme
d'État ou encore pour lequel l'État a établi des
règles facilitant l'adoption.
M. Joly: M. le Président, avec votre permission, j'aurais
peut-être une ou deux petites questions.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Joly: J'ai quand même été fasciné
tantôt d'apprendre qu'au Québec, nous avons, toute proportion
gardée, un grand nombre d'enfants qui seraient considérés
comme actuellement adoptables et que plusieurs autres le seraient
éventuellement, à l'intérieur du nombre des 1800 que vous
mentionniez tantôt. Le volet que j'aimerais aborder est celui-ci: Vous
avez dit tantôt que vous avez ou que vous êtes peut-être sur
le point de préparer des programmes qui faciliteraient cette adoption
par des Québécois, par des gens du Québec.
Au fond, je me dis que c'est une forme d'illogisme que d'essayer d'aller
sur le marché international si, déjà, on a notre
pépinière chez nous qui pourrait facilement, si vous le voulez,
être adoptable. Tantôt, vous avez souligné un point.
Peut-être que ce que les parents recherchent du côté
national, c'est encore le bébé rose, pendant que nos jeunes
adoptables sont peut-être un petit peu plus âgés. Pour ce
qui est des programmes dont vous avez parlé tantôt, est-ce que
c'est déjà en branle ou est-ce que c'est un projet que vous
voulez mettre de l'avant?
Mme Denis: Juste une précision peut-être avant que
M. Laurier Boucher complète la réponse. Sur le nombre d'enfants
adoptables, les 2/3 ont plus de cinq ans. Le groupe des zéro à
cinq ans est de 136 enfants. Ce n'est pas un grand nombre. Ce n'est que le 1/3.
De fait, l'âge des enfants d'ici vieillit et les enfants adoptables sont
donc de plus en plus vieux.
La réflexion que l'on se faisait hier en préparant cette
rencontre-ci est la suivante: on se rendait compte qu'il y a au plan
international et qu'il y aura vraisemblablement un vieillissement des
bébés qui pourront être adoptés au plan
international. La question se pose pour nous ici, mais je pense que,
progressivement, on s'en va vers une situation où les
bébés de deux ou de trois mois seront de moins en moins
disponibles. M. Boucher, sur l'autre aspect.
M. Boucher: Oui, ce sont des programmes déjà en
marche ou en vigueur, si vous voulez, à l'intérieur du grand
programme de la protection de la jeunesse. La plupart ou la totalité de
ces 1800 et 400 enfants dont on parle, ce sont des enfants qui sont
placés, des enfants dont les parents sont décédés
ou dont les parents, s'ils ne sont pas décédés, cherchent
à se défaire, des enfants aussi pour lesquels, avant qu'ils
soient vraiment adoptables, il faudra ou obtenir un consentement des parents,
ce qui est loin d'être facile et loin d'être limpide, ou obtenir du
tribunal, après tout un processus qui est souvent très long, une
déclaration judiciaire d'adoptabilité.
Ce que je voudrais dire, c'est que depuis des années, par des
incitatifs comme l'aide financière à l'adoption, c'est une des
mesures qui a été mise en place au Québec, pour faciliter
l'adoption d'enfants peut-être plus âgés, d'enfants qui
étaient déjà placés en famille d'accueil, d'enfants
qui souvent ont été placés, déplacés,
replacés. Ce sont donc souvent, il faut bien le dire, des enfants
carencés, des enfants difficiles, des enfants souvent
détériorés et pas faciles à adopter. L'aide
financière a été une façon de le faire. Mais il est
clair aussi que, de plus en plus, à l'intérieur des directions de
la protection de la jeunesse, on essaie de minimiser les temps de placements,
les fréquences de placements et de déplacements, d'en arriver le
plus rapidement possible à un plan global pour l'enfant, et souvent,
quand on voit finalement que cela conduit à l'abandon de l'enfant, de
s'orienter le plus rapidement possible vers l'adoption de cet enfant.
Je répète que ce ne sont pas des enfants faciles à
adopter. Souvent, je comprends les couples qui ne sont pas toujours prêts
à relever ce défi, parce que c'est vraiment un défi
difficile.
M. Joly: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si
c'est parce que c'est la semaine de l'arbre, mais c'est la première fois
que j'entends traiter des enfants de pépiniéristes. En tout
cas!
J'aimerais poser certaines questions. Mme Denis, vous avez
répondu, tout à l'heure, à Mme la ministre qu'il y avait
400 enfants adoptables, mais est-ce que vous pouvez nous préciser, vous
qui avez une expérience certaine dans le domaine, le nombre d'enfants,
dans les 1800, qui deviennent par le fait même adoptables par la
suite?
Mme Denis: Je pense que, malgré mon expérience,
comme vous le dites, je préférerais demander à un de nos
praticiens de la protection de la jeunesse de répondre à cette
question.
M, Gaudreault: Vous donner un
pourcentage relativement précis, cela me paraîtrait
difficile et peut-être pas nécessairement conforme à la
réalité, étant donné ce qu'on vient de dire tout
à l'heure.
Vous savez, il y a là-dedans des enfants qui ne seront
peut-être jamais adoptables et adoptés en raison de leur âge
ou d'un handicap très important. Il y en a d'autres pour lesquels on est
en processus avec, par exemple, les parents d'origine ou les parents naturels
en vue d'un consentement; avec d'autres, on peut être en processus par
rapport à une déclaration judiciaire d'adoptabilité.
Derrière ce chiffre-là, il y a toute une série de
situations extrêmement particulières les unes par rapport aux
autres.
Mme Juneau: Est-ce que la demande des parents est de beaucoup
supérieure au nombre d'enfants adoptables?
M. Gaudreault: Si on regarde, à vol d'oiseau, la situation
ou le nombre de parents qui ont demandé une adoption interne au
Québec, cela peut être de l'ordre de plusieurs milliers. Si je
pense à notre région, c'est de l'ordre de 450, à peu
près.
Mme Juneau: Demandes? M. Gaudreault: Demandes. Mme
Juneau: Annuelles?
M. Gaudreault: Non, c'est une liste d'attente.
Mme Juneau: Une liste d'attente de 400...
M. Gaudreault: D'année en année, elles s'accumulent
et augmentent, parce que le nombre d'enfants disponibles pour adoption de
façon immédiate et en fonction aussi de la demande des gens ne
correspond pas toujours è ce que l'on a comme disponibilités.
Mme Juneau: D'accord. Vous êtes toujours, j'imagine, en
présence constante de parents qui souhaitent adopter un enfant. Quels
sont, d'après vous, les irritants qui reviennent le plus
fréquemment par rapport à ce que vous vivez dans le moment? Je
voudrais que vous me disiez si le projet de loi présenté par la
ministre va enrayer les carences qui existent aujourd'hui, d'après vos
rencontres quotidiennes avec ces parents?
M. Gaudreault: Je pense qu'un des irritants importants pour les
parents, c'est le fait, bien sûr, qu'il n'y ait pas d'enfants disponibles
et qu'ils voudraient pouvoir procéder dans les semaines et dans les mois
suivant leur demande, c'est-à-dire voir se concrétiser leur
projet, ce qui n'est pas le cas.
Deuxièmement, je pense que, consé-quemment à cela
ou en corollaire à cela, ce sont les délais importants qui
interviennent. Donc, ils se voient inscrits sur une liste d'attente,
délai pour l'évaluation et délai dans tout le processus
qui peut intervenir.
Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, même
si je rencontre régulièrement des parents, il est rare que j'aie
à discuter avec un couple en particulier - en tout cas, ce n'est pas
arrivé - à savoir si le projet de loi actuellement sur la table
et en discussion les satisferait ou simplifierait les démarches qu'ils
ont à faire? Mais je peux vous dire que le projet de loi, dans mon
esprit et tel qu'on le dit dans notre mémoire, devrait permettre de
régulariser un certain nombre de situations, d'accélérer
le processus d'intervention et de faire en sorte que les enfants d'autres pays
ne se retrouvent pas au Québec dans une situation dite
irrégulière et sans statut.
Mme Juneau: Mais vous ne pensez pas que le fait que vous ayez un
délai, comme vous l'avez dit tout à l'heure, dans
l'évaluation des cas, que cette obligation de votre part - parce que
vous n'avez pas d'enfants disponibles - de reculer dans le temps
l'évaluation... ne pensez-vous pas que, si l'évaluation
était faite, les enfants qui seraient adoptables, mais non compatibles
avec certains couples le seraient peut-être avec d'autres dont vous
n'avez pas pu faire l'évaluation? (11 h 30)
M. Gaudreault: C'est toujours le même processus, celui que
vous illustrez, qui est suivi. Par exemple, les parents qui veulent adopter un
enfant plus âgé, à partir de quatre ou cinq ans, sont
considérés prioritairement dans notre liste d'attente, par
exemple, d'adoption interne au Québec. Les parents qui veulent adopter
un enfant handicapé, que ce soit au plan intellectuel ou au plan
physique, reçoivent une considération particulière. Je
peux vous dire que chez nous, dans notre région, je n'ai pas
actuellement, en attente, des parents qui se sont offerts pour adopter des
enfants plus âgés ou des enfants handicapés. Ceux qui sont
sur ma liste d'attente de 350 dont je vous parlais tantôt, ce sont des
parents qui voudraient adopter un très jeune enfant, donc dans leur
esprit, un enfant de quelques mois, au maximum 18, 24 mois.
Mme Juneau: Si je comprends bien, ce n'est pas possible, parce
que vous dites que cela prend trois ou quatre ans.
M. Gaudreault: C'est cela.
Une voix: Plus que cela: cela peut être de huit à
onze ans.
Mme Juneau: Cela n'a pas d'allure. Je ne comprends pas. On a
l'offre et la demande, je m'excuse du terme que j'utilise...
Une voix: ...
Mme Juneau: Non, vraiment pas. Je pense que si nous avons, d'une
part, des parents engagés qui le souhaitent et que, d'autre part, vous
ne pouvez permettre à ces parents de réaliser leur rêve ou
leur désir, n'y aurait-il pas lieu, à ce moment-là,
d'avoir une amélioration de ce côté? Est-ce que ce ne
serait pas préférable à toute autre chose qu'on pourrait
instituer?
M. Gaudreault: II n'y a pas d'enfants de disponibles pour
répondre au projet de ces parents.
Mme Juneau: Des 69 pays?
M. Gaudreault: Vous parlez de l'adoption internationale en ce
moment?
Mme Juneau: Les deux. On ne pourrait pas, à ce
moment-là, si nous n'avons pas d'enfants disponibles ici au
Québec...
M. Gaudreault: Cela m'amène, madame, à vous dire
que la disponibilité dans les pays n'est pas ouverte et infinie; il y a
des limites. Il y a des règles aussi dans des pays, qu'on pense à
la Corée, qu'on pense au Brésil et à d'autres, il y a des
règles dans ces pays qui font en sorte que n'importe quel enfant ne soit
pas rendu disponible parce que des Québécois, des Suisses, des
Belges ou des Français veulent l'adopter.
Mme Juneau: Je connais quelques parents qui ont attendu un
certain nombre d'années pour avoir le privilège d'avoir des
enfants à l'adoption internationale et, ne voyant pas le dossier aller
de l'avant, ils ont pris les devants, ils sont ailés rencontrer un
prêtre là-bas et ils sont revenus avec des enfants. Je n'ai rien
contre cela, qu'un enfant reçoive de l'amour, une bonne maison et tout,
quand celui-ci est peut-être voué à la mort. Je n'ai pas
disputé ces parents, je vous en passe un papier.
Mme Denis: Je pense qu'il ne faut pas non plus se faire une
fausse image de la disponibilité des enfants là-bas. Qu'on
imagine s'il y avait beaucoup trop d'enfants ici et que des pays souhaitaient
venir adopter nos enfants, quel genre de comportement on aurait? Je pense que,
en ce sens, l'idée d'arriver à faire des ententes avec les pays
va faciliter une disponibilité plus grande d'enfants d'autres pays pour
adoption ici. Cependant, je ne pense pas qu'il y ait là-bas un bassin
infini non plus, car les pays vont souhaiter qu'il y ait des règles du
jeu et que cela se fasse dans le cadre d'ententes. Quand une personne va
elle-même chercher, par exemple, un enfant et le ramène,
peut-être qu'elle réalise un projet d'amour; cependant, je ne suis
pas certaine qu'elle donne à cet enfant ses pleins droits lorsqu'il
habite ici.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Papineau.
M. Assad: Madame, dans votre préambule, vous avez
mentionné qu'il y a trois principes qui vous guident. Le deuxième
c'est qu'en adoption internationale, il ne faut pas oublier que nous avons
beaucoup à offrir à ces enfants, mais que ces enfants n'en
constituent pas moins la richesse et la relève de ces pays où on
voudrait aller les adopter.
Si je comprends bien, une des restrictions que vous voyez, c'est que, au
fond, dans ces pays, c'est la relève et c'est leur richesse. Donc, on ne
devrait pas aller piger dans leur richesse. C'est un des principes que vous
maintenez.
Mme Denis: Je pense que le sens de ce qui est
énoncé, c'est vraiment qu'il faut être respectueux de ce
que les autres pays ont comme intention aussi par rapport à leurs
enfants. Je pense qu'essentiellement cela veut dire qu'il faut y aller par des
ententes claires avec ces pays et non pas de façon très
anarchique. Je pense qu'on doit être respectueux de ce que les pays
souhaitent pour leurs enfants. Beaucoup de pays ont aussi des exigences
très précises par rapport aux enfants qu'ils offrent en adoption
internationale.
M. Assad: D'accord. Donc, s'il y a un accord, que ce soit avec 69
pays ou je ne sais pas lequel, c'est évident que c'est parce qu'ils sont
prêts à faire des ententes avec nous sur cette question. II faut
dire que ces pays sont la relève et la richesse, mais il y en a
très peu, dans l'ensemble, qui auront la chance d'avoir des conditions
favorables pour une vie agréable.
M. Boucher: Là aussi, on peut verser dans des jugements de
valeur; je pense qu'on y a fait un peu allusion. On cite le cas suivant. On
dit: Pour un petit haïtien, la relation enfant-parent, même dans un
contexte qui, à nos yeux, est peut-être très pauvre et
très précaire, cela ne se remplace pas, même par des
conditions matérielles qui nous apparaissent beaucoup plus favorables au
développement d'un enfant.
Il y a autre chose aussi, à la suite de votre question. Avec le
temps, et je pense que ce ne sera pas long, les pays avec lesquels on va
transiger vont mettre comme condition qu'on s'occupe peut-être
prioritairement de leurs enfants qui sont dans
des orphelinats, qui ont été abandonnés, qui ont
peut-être été déplacés et replacés
plusieurs fois, plutôt que de continuer à permettre - et je ne
suis pas sûr d'ailleurs qu'ils le permettent - que des gens d'autres pays
viennent hypothéquer, pour ainsi dire, les ventres des mères de
leur propre pays. Je pense qu'eux aussi vont mettre des priorités. Avec
le temps, ce seront les mêmes enfants pour lesquels il est difficile ici
de trouver des couples d'adoptants qu'ils vont nous proposer comme enfants
à adopter.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste 30
secondes, alors, très rapidement.
Mme Vermette: C'est difficile de tout cerner en 30 secondes et de
conclure en même temps. Comme je sais que ce sera impossible, je voudrais
que vous m'expliquiez, en tout cas, le fait que vous mentionnez dans votre
mémoire, à la page 12, qu'il n'est pas question de toucher
à la gratuité et à l'universalité des services.
Vous vous opposez à une tarification en ce sens. J'aimerais savoir
pourquoi vous faites mention de cela dans votre mémoire?
Mme Denis: On a mentionné cela dans notre mémoire
parce qu'on veut être conséquents avec l'ensemble des propos qu'on
a tenus sur cette question à ce jour. Dans le cadre des travaux qu'on a
effectués, notamment pour la commission Rochon, et à la suite des
positions qu'on a prises à ce moment, on a indiqué que, s'il ne
pouvait être passible d'assurer la gratuité dans l'ensemble de la
gamme des services, il y avait peut-être certains services pour lesquels
on pouvait envisager une tarification. On citait notamment en exemple
l'adoption internationale. C'est pour cela qu'on a ramené ce point dans
notre mémoire en indiquant toutefois que l'ensemble du débat ne
semble pas être fait et qu'il nous apparaîtrait difficile de
cheminer à très court terme avec une tarification pour ce
service, tant qu'il n'y aura pas vraiment une politique d'ensemble
là-dessus.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Il n'y a plus de
temps, malheureusement. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Très brièvement, M. le
Président. II y a tout un volet qu'on n'a pas véritablement
abordé et que vous avez touché dans votre présentation ou
dans une de vos réponses, c'est toute la question de la communication
entre - d'après ce que j'ai cru comprendre - le Secrétariat
à l'adoption internationale, les organismes d'adoption internationale et
les centres de services sociaux. En tout cas, je me propose certainement, et
peut-être avec d'autres, d'examiner cela davantage parce que c'est une
partie de la clé. On établit très bien que la
pénurie d'enfants est un facteur, mais si l'on veut vraiment
alléger les choses, il va falloir examiner l'autre facteur de plus
près. Vous faites des suggestions, par exemple, une modification
à l'article 2, justement pour accélérer peut-être ce
processus puisque vous interviendriez directement plutôt que la ministre
ou, enfin, son délégué. Sauf que, là, cela pourrait
peut-être créer des inégalités. C'est
séduisant au premier abord, mais cela pourrait peut-être
créer des inégalités sur le plan régional. Il y a
aussi le désir des parents qu'il y ait une liste provinciale et qu'ils
puissent se situer dans cette liste provinciale.
On dit que les pays sont fermés, mais on sait que
dernièrement Haïti a fermé ses frontières parce que,
justement, l'adoption se faisait un peu trop à la va-comme-je-te-pousse.
La Bolivie s'est fermée et il y a un autre pays qu'on mentionnait qui
s'est aussi fermé à l'adoption. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a
pas moyen de retourner dans ces pays et de faire, une entente avec eux, pas
nécessairement une entente entre gouvernements. Il ne faudrait pas
s'imaginer que partout cela va être des ententes de gouvernement. Cela
peut être des ententes administratives, comme d'ailleurs c'est le cas
avec la Corée. Ce n'est pas une entente entre gouvernements. Il faudra
comme condition fondamentale que le pays consente à l'adoption et qu'il
y ait un geste du gouvernement du pays pour respecter ce que Mme Denis
mentionnait tout à l'heure, ce qu'eux veulent pour leurs enfants et pas
nécessairement ce que nous nous voulons pour les enfants, ce qui est
peut-être souhaitable en soi pour les enfants des pays
étrangers.
Si vous avez une seconde pour m'expliquer d'une façon un peu plus
détaillée, ce que vous vouliez dire exactement sur la
communication, et comme je n'aurai pas le droit de revenir, je veux vous
remercier de votre présentation. S'il y a lieu, je pense que nous
pourrons revenir avec vous pour clarifier certaines choses.
M. Gaudreault: Je pense, si je peux me permettre d'expliciter ma
pensée, que l'adoption internationale est un rouage complexe. Du
début du processus jusqu'à la fin, y compris l'intervention du
Tribunal de la jeunesse, il y a des politiques et des procédures
administratives qui doivent être établies, qui doivent constituer
les règles d'action, que chacun des intervenants devrait être
appelé à suivre, et j'oserais même dire obligé de
suivre. En d'autres mots, on ne peut pas tout régler par la loi ni par
un règlement; il nous faudrait, en outre, une politique qui
détermine, par exemple, où le secrétariat intervient et
comment cela va se passer avec le secrétariat, comment cela va
se passer aussi avec le directeur de la protection de la jeunesse et
ainsi de suite. Tout cela avec une détermination et une clarté
dans ces rouages-là. Par delà cela, il faudra aussi que le monde
se parle et puisse avoir les moyens de se rencontrer et de discuter entre
eux.
Mme Denis: Je veux juste ajouter que des communications de plus
en plus grandes entre les différents intervenants, notamment entre les
CSS et le secrétariat, sont amorcées. Je crois que c'est porteur
d'espoir pour une amélioration de ce qui passe. On a parlé de
l'article 2 et de l'ajustement qu'on propose. Il me semble qu'il serait
possible, tout en faisant cet amendement, de maintenir un objectif de gestion
d'une liste d'attente sur le plan provincial. Je pense que le fait que les gens
se parlent pourrait nous amener à concilier des objectifs comme
ceux-là.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin, si vous désirez exprimer
des...
Mme Vermette: Oui, je voulais remercier, en fin de compte, tous
les gens qui se sont présentés, qui nous ont donné des
explications de leur mémoire. J'ose espérer qu'on pourra cerner
ceux qui devront se parler et dans quelle proportion ils devront se parler et
quels seront les résultats. J'espère qu'on aura de bons
résultats. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre ayant déjà exprimé ses remerciements, je me
permets, au nom de la commission, de vous remercier de votre présence,
de la qualité de votre intervention et de tous les efforts que vous avez
consentis autour de ce thème. Je vous remercie donc et j'invite le
prochain groupe, le Secrétariat à l'adoption internationale. Pour
qu'il puisse s'installer, nous allons suspendre les travaux pour cinq minutes.
D'accord? Alors, nous recommençons à 11 h 50.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 11 heures 53)
Secrétariat à l'adoption
internationale
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plattï Je demanderais à chacun de reprendre sa place. Nous
allons reprendre nos travaux. Si vous le permettez, nous allons reprendre les
travaux de la commission, cette fois-ci pour entendre le Secrétariat
à l'adoption internationale, dont la directrice est Mme Huguette
Bisaillon.
Mme Bisaillon, auriez-vous l'obligeance, s'il vous plaît, de nous
présenter votre table? Nous vous souhaitons, évidemment, la
bienvenue à la commission.
Mme Bisaillon (Huguette): Merci, M. le Président.
J'aimerais vous présenter, à ma droite, notre conseiller
juridique, M. Lucien Le Blanc.
Le Président (M. Bélanger): M. Le Blanc,
bonjour!
Mme Bisaillon: Et à ma gauche, M. André Soucy,
responsable, au secrétariat, des relations internationales.
Le Président (M. Bélanger): M. Soucy, soyez aussi
le bienvenu. Alors, madame, je vous répète les règles.
Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire
et chaque parti, ministériel ou de l'Opposition, aura 20 minutes de
questions pour vous. D'accord? Je vous prie de procéder à la
lecture de votre mémoire.
Mme Bisaillon: M. le Président, Mme la ministre, mesdames
et messieurs, le Secrétariat à l'adoption internationale est
heureux de pouvoir présenter aux membres de la commission des affaires
sociales son point de vue quant à la manière dont il envisage son
mandat, compte tenu du projet de règlement sur l'adoption internationale
et du projet de loi 21 présentement à l'étude.
Il est peut-être bon de préciser au départ que le
Secrétariat à l'adoption internationale n'est pas un organisme,
comme plusieurs personnes semblent le croire, mais bien un service du
ministère de la Santé et des Services sociaux, qui agit au nom de
la ministre et qui relève au plan administratif du sous-ministre en
titre.
Par cet exposé, le secrétariat se propose de faire le
point sur le phénomène de l'adoption internationale, de vous
présenter les principes qui guident son action, les règles
juridiques sur lesquelles il s'appuie, de même que les
responsabilités qu'il exerce à l'intérieur du processus
d'adoption d'un enfant domicilié hors du Québec.
Tout d'abord, pour l'état de la question, on peut dire qu'au
Québec, comme partout dans le monde, le phénomène de
l'adoption internationale est une réalité relativement
récente. De fait, depuis les années 1970, on constate du
côté des pays industrialisés une baisse
générale du taux de natalité, alors que du
côté des pays en voie de développement,
l'amélioration relative mais certaine des conditions de vie fait que la
population ne cesse de croître. Dans ce contexte, il est un peu normal de
constater que des couples, surtout des couples occidentaux, se tournent
vers l'adoption transfrontalière pour combler leurs espoirs.
Il est intéressant de noter que, toute proportion gardée,
le Québec se trouve à l'intérieur des mêmes
paramètres que le Canada et certains pays industrialisés pour ce
qui est du nombre d'adoptions qui sont réalisées d'une
année à l'autre, surtout si on regarde ce qui s'est passé
au cours des dernières années. Comme les statistiques
l'indiquent, au Québec, l'expérience nous démontre que
depuis la création du Secrétariat à l'adoption
internationale, environ 250 adoptions sont autorisées chaque
année pour une liste d'attente de 1200 à 1500 personnes. Pour ce
qui est des délais, ils sont de trois à cinq ans. Quand on
regarde ce qui se fait ailleurs, et particulièrement en Suisse et en
République fédérale d'Allemagne, on nous dit que, pour
compléter un projet d'adoption, les délais sont similaires. Nous
nous sommes renseignés également auprès du reste du
Canada. Lorsqu'il s'agit d'adoptions gouvernementales, les délais sont
d'au moins trois ans et je pense qu'on peut ajouter aussi quelques mois. En ce
sens, on se compare favorablement à ce qui se fait ailleurs. Maintenant,
au Québec, les délais sont dus en grande partie au manque de
propositions d'enfants.
On peut définir l'adoption comme un processus juridique et social
qui crée un lien de filiation entre des personnes, l'adoptant et
l'adopté, qui généralement n'étaient pas ainsi
liés par le sang. Ce lien peut être plus ou moins complet, surtout
au point de vue juridique, selon la forme d'adoption impliquée. Il
existe, principalement, deux types d'adoption, l'adoption simple et l'adoption
plénière. Pour décrire l'adoption plénière
de façon succincte, on peut dire que c'est celle qui rompt tous les
liens de filiation avec la famille d'origine et qui intègre de
façon totale et inconditionnelle l'adopté à la famille de
l'adoptant. Quant à l'adoption simple, elle maintient certains liens
avec la famille biologique de l'adopté et apporte certaines restrictions
à l'intégration de celui-ci à la famille de
l'adoptant.
En termes clairs, cela veut dire que, si une famille d'adoptants a des
enfants biologiques, ces enfants biologiques sont, au point de vue social, les
frères et soeurs de l'enfant adopté sous la forme simple mais sur
le plan juridique, ce ne sont pas ses frères et soeurs. De la même
façon que les parents de l'adoptant sont ses grands-parents sur le plan
social, mais non sur le plan juridique. Alors, évidemment, si on
continue à se poser des questions pour savoir quel type de liens les
enfants de ces enfants adoptés de cette façon auront avec leurs
grands-parents, vous savez, au plan juridique cela devient un peu
compliqué pour une société.
Quant aux principes qui guident le gouvernement en matière
d'adoption internationale, ils sont d'ordre juridique et social, ils reposent
sur des critères éthiques et moraux et s'inspirent des valeurs
véhiculées par notre société, les conventions
internationales et, donc, de la volonté généralement
exprimée par les pays qui ont des enfants à être
confiés en adoption. Alors, on peut résumer ces principes de la
manière suivante. Tous les enfants qui vivent au Québec - nous
l'avons vu - quelle que soit leur origine, doivent être éqaux
devant la loi. C'est ainsi que les effets d'une adoption prononcée ou
reconnue au Québec sont de conférer à l'enfant et à
ses parents adoptifs les mêmes droits et les mêmes obligations
qu'une filiation par le sang.
La politique du Québec est orientée en fonction de
l'intérêt de l'enfant, du respect de ses droits et du respect de
la volonté légitime des pays de décider de l'avenir de
leurs enfants. Dans cette optique, l'adoption internationale est d'abord
conçue comme un moyen de protection en vue de donner une famille
à l'enfant qui n'en a pas, mais permet également aux adoptants de
réaliser leur désir d'avoir un enfant.
En cela, on peut dire que le Québec adhère aux grands
principes qui sont contenus dans la déclaration universelle des droits
de l'enfant de 1959 et qui sont en partie repris pas ta résolution de
l'ONU qui a été adoptée en décembre dernier.
Tout à l'heure, on a parlé des types d'adoption simple et
plénière. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'au Québec le
choix du législateur s'est porté sur l'adoption
plénière et que son choix a été motivé par
une volonté de faire en sorte que l'enfant n'ait qu'une seule filiation
et qu'ainsi, nous l'avons vu, tous les enfants puissent être éqaux
devant la loi, bénéficient des mêmes droits et soient
assujettis aux mêmes obligations.
Dans ce contexte, la rigueur de la règle de droit liée aux
liens de filiation et le pouvoir discrétionnaire du ministre ont
été remis en cause. Quant au rôle d'intermédiaire
prévu dans la loi, il devenait essentiel de le clarifier. En fait,
l'expérience vécue par l'ensemble des intervenants dans ce
dossier au cours des derniers mois démontre clairement que la loi
actuelle peut donner lieu à des interprétations divergentes et
rendre possibles certaines situations qui auraient avantage à être
évitées. Comme l'adoption internationale est un
phénomène relativement récent, mais évidemment en
constante évolution, il est tout à fait normal de constater qu'il
faut faire, en cours de route, des ajustements de façon
régulière.
Les problèmes reliés au déracinement culturel des
enfants qui sont déplacés par l'adoption transfrontalière,
comme les possibilités de trafic d'enfants, les pressions
exercées par les parents adoptants anxieux
de voir leur projet se réaliser et l'inquiétude des pays
face au départ de leurs enfants sont autant de réalités
auxquelles sont confrontées les sociétés modernes qui ont
à se pencher sur le phénomène de l'adoption internationale
et, dans ce contexte, il faut convenir qu'il n'y a pas de
société, à notre avis, qui a trouvé la solution
miracle qui pourrait concilier les intérêts de tout le monde. Ce
qui semble faire consensus au plan international, ce sont les ententes
intergouvernementales.
Quant aux orientations du Québec dans le dossier, bien sûr,
l'intervention gouvernementale en matière d'adoption internationale vise
à favoriser l'adoption internationale tout en respectant les droits des
enfants, des parents biologiques comme des parents adoptifs et aussi en
respectant les principes qu'on vient d'énoncer. Et c'est dans cette
optique qu'il faut considérer le projet de règlement, comme le
projet de loi 21, avec ce qu'il apporte d'éléments nouveaux. On
peut résumer ces éléments nouveaux en trois points: une
ouverture à l'adoption simple, une intervention accrue du Tribunal de la
jeunesse et un nouveau rôle confié, si l'on veut, à la
ministre, celui d'être l'unique intermédiaire pour les projets
d'adoption.
Pour ce qui est de l'ouverture à l'adoption simple, les jugements
étrangers d'adoption simple pourront être reconnus au
Québec et ils auront les mêmes effets qu'un jugement rendu au
Québec dans la mesure où l'Etat d'origine de l'enfant aura
donné son consentement à l'adoption. Cette mesure vise à
assouplir la règle de droit et elle ouvre la porte à tous les
orphelinats publics de ces pays à adoption simple.
Pour ce qui est de l'intervention accrue du Tribunal de la jeunesse,
dans les cas d'adoption à l'étranger, les requérants
devront faire vérifier leur projet par le Tribunal de la jeunesse. Cela
aura pour conséquence de sécuriser les adoptants avant qu'ils ne
partent à l'étranger chercher leur enfant, parce qu'à ce
moment-là, ils seront sûrs que leur projet est valide. Cela
permettra au Secrétariat à l'adoption internationale de se
consacrer davantage à ses tâches puisqu'il n'aura pas à
s'interposer à cette étape précise du processus et, en ce
sens-là, cela lui permettra également de mettre plus de temps au
profit de ses relations avec la clientèle et de l'efficacité du
système.
Quant au nouveau rôle de la ministre comme unique
intermédiaire dans le dossier, les modifications proposent que la
ministre ait pour mandat d'élaborer la politique concernant l'adoption
d'un enfant domicilié hors du Québec, de voir à sa mise en
oeuvre, d'en surveiller l'application et d'en coordonner l'exécution.
Cette mesure a été rendue nécessaire par la
complexité du dossier et par la multiplicité des intervenants. Il
nous fallait absolument trouver un moyen de mieux coordonner les
activités et l'apport de ces différentes personnes.
Cela signifie qu'un adoptant domicilié au Québec ne pourra
désormais adopter un enfant domicilié hors du Québec que
par l'intermédiaire du ministre, par l'entremise du Secrétariat
à l'adoption internationale. Le ministre, par son secrétariat,
devra établir et maintenir des liens avec ses collaborateurs les plus
immédiats, c'est-à-dire avec les directeurs de la protection de
la jeunesse et les organismes reconnus. Dans ce dernier cas, ces organismes
pourront intervenir selon une convention qui sera signée avec ta
ministre et qui déterminera les conditions et les modalités selon
lesquelles ils peuvent agir dans les différents pays où ils
oeuvrent.
Si on tient compte de ce qui précède, le Québec
s'est engagé au cours des derniers mois dans une approche assez
systématique de tous les pays qui sont intéressés par
l'adoption internationale, en commençant bien sûr par ceux avec
qui il avait déjà créé des liens. Quant à
nous, seuls des rapports de confiance qu'on pourrait établir sur une
base continue avec ces pays sont susceptibles de nous conduire à des
résultats positifs dans un dossier comme celui-là.
Les gouvernements étrangers, eux, voient dans la conclusion
d'accords un moyen de mieux contrôler l'adoption internationale, de
diminuer le rôle et l'influence des réseaux parallèles,
d'assurer le respect des lois en cause et de mieux suivre l'évolution
des enfants dans leur foyer respectif. Jusqu'à maintenant, on peut dire
que le Québec a reçu un accueil extrêmement favorable par
rapport à sa politique d'adoption internationale quand il s'est
présenté auprès d'un certain nombre de pays des
Caraïbes et d'Amérique latine au cours des derniers mois.
En conclusion, on peut dire que les délais qu'implique
actuellement un projet d'adoption pourraient être considérablement
réduits dans la mesure où les efforts du secrétariat pour
augmenter le nombre de propositions d'enfants pourront s'avérer
fructueux. En ce sens, on peut aussi dire que la conclusion d'entente - et
entendons-nous par le terme "entente", Mme la ministre le soulignait
tantôt, il ne s'agit pas nécessairement toujours d'ententes
formelles entre gouvernements, cela pourrait être des ententes plus
souples au niveau d'arrangements administratifs possibles - il n'en demeure pas
moins un outil essentiel pour en arriver à augmenter le nombre de
propositions d'enfants. Si on se fie au résultat obtenu auprès
des neuf pays des Caraïbes et d'Amérique latine que nous sommes
allés rencontrer, je pense qu'il y a lieu d'envisager l'avenir avec
optimisme. Et surtout que le projet de loi 21 ouvre aussi la possibilité
de pouvoir compléter des projets d'adoption avec
des pays à adoption simple, ce qui élargit le bassin
potentiel de pays avec lesquels on pourrait s'asseoir pour pouvoir discuter
d'ententes possibles.
Enfin ce qui est prévu dans le projet de loi 21 comme dans le
règlement, c'est-à-dire une meilleure coordination de tous les
intervenants, une clarification de leur râle et aussi des
mécanismes de concertation et de consultation plus structurés,
devrait permettre une amélioration sensible du système, et aussi
amener plus de Québécois et de Québécoises à
pouvoir adopter à l'étranger.
Voilà, en substance, ce que le secrétariat souhaitait vous
soumettre. Bien sûr, nous sommes venus ici avec une très grande
ouverture et nous sommes tout à fait disponibles pour répondre
à vos questions.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup, madame. La parole est maintenant à Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier les porte-parole du
Secrétariat à l'adoption internationale. On sait qu'ils ont
été sous les feux durant les derniers mois, et même durant
les dernières années. Le Secrétariat à l'adoption
internationale a été créé en 1979 à partir
de principes auxquels on concourt toujours et dont l'application n'a pas
toujours été facile. Évidemment pour des parents qui
attendaient avec anxiété et voulaient adopter un enfant sur le
plan international, les tensions ont été créées par
les délais qui, depuis le début, semblent avoir été
le lot d'un bon nombre de ces parents, comme d'ailleurs c'est le lot de parents
aussi qui attendent pour adopter des enfants au Québec, comme on nous le
disait tout à l'heure.
Ceci étant dit, je pense que, quant à votre fonctionnement
qui a souvent été remis en question, je vais laisser cela a
d'autres qu'à moi-même de vous poser des questions
là-dessus, parce qu'on a quand même l'occasion d'échanger
des propos là-dessus. On l'a fait et on va continuer de le faire avec
intensité pour essayer de corriger ce qui a besoin d'être
corrigé.
En ce qui concerne la pénurie d'enfants, c'est une pénurie
qui existe aussi pour d'autres pays. Là où l'on veut formaliser
les choses, il semble que cela rend les choses plus difficiles.
Évidemment, avec l'interprétation qui a été
donnée de l'adoption plénière, une restriction plus grande
s'est appliquée; même si elle devait être là depuis
au moins 198Q; elle avait été appliquée d'une façon
sporadique, des fois oui, des fois non.
Mais là, avec l'ouverture vers l'adoption plénière,
est-ce que, théoriquement, il y a des pays qui pourraient être
exclus d'une entente administrative, ou des pays où on ne pourrait pas
aller chercher des enfants? Évidemment, on ne peut pas aller dans tous
les pays du monde; je pense que peut-être, physiquement, cela devient une
chose impossible. Mais, théoriquement, le fait que l'on permet
maintenant l'adoption simple avec le consentement du pays, est-ce qu'il y a des
pays que cela exclut?
Mme Bisaillon: Enfin, j'ai entendu parler d'un pays de
l'Amérique latine, je crois que c'est l'Uruguay ou le Panama - je ne
voudrais pas me prononcer d'une façon décisive là-dessus -
où on exige, par exemple, que l'adoptant puisse résider
là-bas deux ou trois ans. Alors, il est évident qu'une exigence
comme celle-là bloque l'entrée d'un pays comme celui-là.
Ce sont vraiment quelques rares exceptions. Pour le reste, il est
évident que cela ouvre à l'ensemble des pays l'adoption simple,
surtout, comme je le mentionnais, pour ce qui est des orphelinats publics, tous
les enfants qui sont sous la tutelle de l'État. À ce
moment-là, cela est susceptible de nous amener... Si on pense, par
exemple, au Guatemala, à Haïti - si toutefois le moratoire prend
fin - et il y a d'autres pays, on peut facilement penser qu'à moyen
terme on pourrait augmenter très sensiblement le nombre d'entrées
d'enfants au Québec, à cause de cette ouverture.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, une question que je voudrais vous
poser, c'est par rapport aux organismes reconnus d'adoption internationale.
Devant le projet de loi et le règlement, une certaine inquiétude
s'est manifestée; d'ailleurs, on la retrouve dans certains
mémoires des groupes ou des organismes reconnus en adoption
internationale.
Est-ce que les relations entre le Secrétariat à l'adoption
internationale et les organismes reconnus pourraient être
améliorées? Quels sont les points, s'il y a des problèmes,
où les difficultés surgissent?
Mme Bisaillon: Les organismes reconnus sont certainement vus
comme des collaborateurs par le secrétariat. De toute manière,
ils effectuent un travail que le secrétariat ne serait pas en mesure de
faire, compte tenu de l'organisation actuelle, par exemple en ce qui concerne
la préparation des dossiers et celle des parents, et en ce qui concerne
leur intervention dans les pays. Nous ne sommes pas un pays, nous n'avons pas
d'ambassade; à certains endroits, on a des délégations,
mais ce n'est pas un râle qui leur revient. Alors, assurément, ils
jouent un rôle extrêmement précieux.
Ce qu'il y a d'intéressant avec le projet de loi 21 et la
convention type qui devra être approuvée par le gouvernement et
qui devra faire partie de la convention que
les organismes signeront avec vous-mêmes, c'est que les liens de
collaboration devront être intensifiés. Une des modifications
majeures, c'est que le ministre ou le secrétariat, selon les cas, devra
présenter, d'une façon officielle, ses organismes et le
représentant auprès des autorités officielles des pays et
dire: Voilà, dans votre pays, ce sont ces organismes qui travailleront
de concert avec nous pour l'adoption d'enfants en provenance de votre pays.
À ce moment-là, il y a des liens nécessaires qui devront
s'établir dans le quotidien, ce qui n'existait pas nécessairement
avant. On se rencontrait d'une façon sporadique, aussi souvent que
nécessaire, mais je pense que la convention type à laquelle ils
devront s'engager va assurément nous amener à travailler
peut-être même plus que comme des collaborateurs. On va devoir
avoir besoin les uns des autres, en d'autres termes.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin. (12 h 15)
Mme Vermette: Cela me fait plaisir, au nom de ma formation
politique, de vous recevoir à cette commission parlementaire et de vous
remercier de vous prêter si facilement à nos questions.
Je commence tout de suite par un exercice mathématique. À
la page 2 de votre mémoire, vous parliez du nombre, d'une moyenne
annuelle de 250 autorisations, en fin de compte, dans les quatre
dernières années. Un peu plus loin, on dit qu'il y a eu 2000
adoptions d'enfants au total, dans 69 pays. Dans 69 pays, c'est avant le
décret. Donc, je voudrais savoir, toute proportion gardée, les
statistiques depuis 1979 en adoption internationale par année, et si
vous avez des chiffres qui font qu'on peut arriver à cette
moyenne-là.
Mme Bisaillon: Les 2000 adoptions indiquées reposent en
partie sur une étude qui s'intitule "Le vécu en adoption
internationale" et qui a été faite en décembre 1982 ou
janvier 1983. À ça, on a ajouté les statistiques qu'au
ministère, comme au secrétariat, nous avons pour la
réalisation des projets d'adoption. J'ai ici, par année de
calendrier, le nombre d'adoptions qu'on a pu faire depuis...
Mme Vermette: 1979?
Mme Bisaillon: Depuis 1982. 1979, je l'ai dans ma serviette. Je
pourrai vous le donner. En 1983, disons qu'on a donné des autorisations
pour 331 dossiers. Je vais m'expliquer tantôt sur ce que veut dire le
terme "autorisation". En 1984, 252; en 1985, 264 et en 1986, 205. Depuis le 1er
janvier 1987 jusqu'au 1er mai, 46.
Alors, je sais que des journaux, des gens ont avancé des chiffres
moindres que ceux-là. C'est que, à ce moment-là, eux se
basent sur des statistiques relatives à des adoptions
complétées, c'est-à-dire qui ont reçu une
reconnaissance de jugement, ici, au Québec. Nous, nous parlons
d'autorisations que nous émettons auprès des deux services
d'immigration avant que le parent aille chercher l'enfant, de sorte que le
parent n'entre pas toujours dans l'année avec son enfant, d'une part.
D'autre part, ce qu'on pense, c'est qu'il y a beaucoup de parents qui ne
demandent pas une reconnaissance de jugement. Cela pourrait expliquer
l'écart qui existe entre nos chiffres et ceux qui ont paru
publiquement.
Mme Vermette: Je ne voudrais pas être tout à fait
méchante, mais plusieurs parents ont eu énormément de
difficulté à faire entrer leur enfant. Ils ont été
obligés même d'aller devant certains tribunaux. Mais
indépendamment de cela, je voulais vous dire qu'en 1979, avant votre
entrée en fonction... J'aimerais avoir des statistiques à partir
de 1979, pour savoir exactement le nombre d'enfants adoptés depuis 1979
à 1983. Finalement, on pourrait peut-être aussi vérifier le
nombre d'enfants à partir de 1983 jusqu'à aujourd'hui.
Mme Bisaillon: Une fois de plus, nos statistiques reposent sur
des autorisations que nous avons données. Nous n'avons pas de
statistiques relatives aux dossiers dont les projets sont totalement
complétés.
M. Le Blanc (Lucien): Lorsqu'on a parlé des autorisations
qui étaient données et de la différence entre le nombre
d'autorisations et le nombre qui a été indiqué parfois
comme étant des adoptions réalisées, on a dit que
ça pouvait signifier que des parents avaient de la difficulté
à revenir avec leurs enfants. J'ai cru alors comprendre que vous aviez
dit que vous le compreniez, parce que des gens avaient dû se rendre
devant les tribunaux. Ce que je veux dire à ce propos, c'est que, quand
l'autorisation est donnée par le secrétariat, s'il y a des
problèmes à revenir avec un enfant par la suite, les
problèmes ne relèvent pas du secrétariat, ne
relèvent pas du Québec, car, quand l'autorisation est
donnée, c'est que - je pense que le terme le dit - on a autorisé
la démarche; on a fait la vérification; on a donné
l'accord.
Alors, on ne revient pas par la suite sur les accords qui ont
été donnés. Les cas qui se sont retrouvés devant
les tribunaux sont des cas où l'autorisation n'avait pas
été donnée. Donc, la différence entre les deux...
Quand on dit qu'on peut avoir des problèmes à revenir avec des
enfants, ce ne sont pas des problèmes causés par le
Québec, à ce
moment-là.
Mme Vermette: On pourra en discuter à un autre moment. Je
voudrais vraiment arriver à faire sortir certaines statistiques qui
pourraient nous montrer exactement l'état du dossier à l'heure
actuelle. II me semble en tout cas qu'auparavant, c'était sûrement
plus facile, puisque bon nombre de pays étaient ouverts. Alors,
j'imagine qu'il y a une pondération qui a dû être faite
à ce moment-là et que les moyennes doivent en tenir compte
aussi.
Mme Bisaillon: Par année civile, je ne les ai pas depuis
1979. Je les ai par année comptable. Si vous le permettez, je vais vous
donner celles-ci. Alors, d'avril 1979 à janvier 1980, j'ai le nombre 94.
De 1980 à 1981, c'est 150; de 1981 à 1982, 250; de 1982 à
1983, 123; de 1983 à 1984, 330; de 1984 à 1985, 228 et de 1985
à 1986, 276.
Mme Vermette: Est-ce qu'on peut connaître la provenance de
vos statistiques, s'il vous plaît?
Mme Bisaillon: Du Secrétariat à l'adoption
internationale.
Mme Vermette: Du Secrétariat à l'adoption
internationale''
Mme Bisaillon: Oui. Chaque fois qu'un projet est validé,
nous émettons des autorisations auprès des deux services
d'immigration, Canada et Québec. C'est à partir du calcul de ce
nombre d'autorisations que nous en sommes venus à ces chiffres.
Mme Vermette: Vous en aviez combien en 1984?
Mme Bisaillon: Pour 1983 à 1984, c'est 330.
Mme Vermette: C'est 330. Et... Mme Bisaillon: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est dû à l'amnistie
qui a été donnée?
Mme Bisaillon: Je ne croirais pas parce que d'après les
données que nous avons par rapport à l'amnistie, on est intervenu
dans une quinzaine de dossiers seulement. Pour les autres dossiers, il
semblerait que les gens se soient présentés directement au
greffier pour faire enregistrer l'enfant. À cause de ce qu'on entend ici
et là, on peut imaginer qu'il y a peut-être eu une centaine de
cas. Mais officiellement, nous sommes intervenus seulement pour quinze
personnes.
Mme Vermette: De 1983 à 1984, c'est 330?
Mme Bisaillon: C'est cela, oui. Mme Vermette: De 1984 à
1985? Mme Bisaillon: C'est 228.
Mme Vermette: C'est 228. Et de 1985 à 1986?
Mme Bisaillon: C'est 276.
Mme Vermette: C'est 776. Et de 1986 à aujourd'hui,
avez-vous une moyenne?
Mme Bisaillon: Là, on retombe dans les années
civiles. Cela devrait tourner autour de 190. J'ai la donnée ici. C'est
cela.
Mme Vermette: Maintenant, quant au projet de loi 21, est-ce que
vous pensez que cela va favoriser ou augmenter le nombre d'adoptions ici au
Québec?
Mme Bisaillon: Certainement.
Mme Vermette: Est-ce que cela va favoriser aussi l'ouverture de
différents pays? On va arriver à notre moyenne de 69. Combien de
pays seront ouverts en plus avec le projet de loi 21? Est-ce qu'on va
dépasser 69 ou si on va se maintenir à 69?
Mme Bisaillon: Non, je ne pense pas qu'on puisse dépasser
69 à moins qu'on n'aille vers de nouveaux pays où on n'est jamais
allé. Mais à l'intérieur de ces 69... Et nous, c'est
surtout à l'intérieur de 35, parce que depuis 1982, on a
dénombré environ 30 à 35 pays d'où provenaient les
enfants. Ce qui est sûr, c'est qu'à moyen terme, on va vraiment
augmenter très sensiblement ce nombre et dès qu'on va le pouvoir,
on va pressentir les pays en question et voir comment on peut obtenir le
consentement de l'État.
M. Le Blanc: Madame... Une voix: M. Le Blanc.
M. Le Blanc: En fait, en théorie en tout cas, et selon le
projet de loi 21, le seul empêchement ou la seule limite, c'est le
consentement du pays. Enfin, la loi québécoise ne pose plus de
limite à ce moment-ci, sauf évidemment dans le cas d'adoption
simple, pour obtenir le consentement du pays. Cela veut dire que tous les pays,
en réalité, qui ont des enfants à faire adopter sont
ouverts dans la mesure d'une seule restriction, devrais-je dire, c'est que si
c'est un pays d'adoption simple, il devrait y avoir consentement de
l'État. À part cela, il n'y a aucune limite.
Mme Vermette: Est-ce que dans le projet de loi, c'est inscrit
qu'il n'y a aucune limite de pays? Est-ce que c'est clair dans le projet de
loi?
M. Le Blanc: II n'y est pas inscrit qu'il y a des limites. Il n'y
a absolument aucune limite imposée dans la loi, sauf celle que je viens
d'indiquer.
Mme Vermette: Je veux toujours rester dans mes statistiques. Je
reviendrai en ce qui concerne les ententes. Pour ce qui est des statistiques,
est-ce que le décret n'a pas eu un impact en ce qui concerne les
demandes d'adoption? Est-ce que, finalement, il s'est fait autant d'adoptions
qu'antérieurement, aux mêmes moments, dans les mêmes
périodes données?
Mme Bisaillon: On peut penser que, certainement, le décret
a pu avoir un impact, dans la mesure où on fermait les pays à
adoption simple quand on n'avait pas d'entente avec eux. Comme le décret
est venu le 19 novembre, immédiatement à la fin de novembre, au
début de décembre, on est allé vers ces pays à
adoption simple pour voir s'il y avait la possibilité de négocier
une entente. Il est évident que, durant ces quelques mois, si vous
voulez, qui se sont écoulés après le décret et
même avant, on n'a pas pu faire d'adoption dans ces pays. Dans ce sens,
dès qu'on pourra le faire, cela va faire augmenter le nombre
d'adoptions.
Mme Vermette: Finalement, la raison majeure est qu'il y avait de
l'adoption simple dans ces pays.
Mme Bisaillon: C'est cela, oui.
Mme Vermette: Dans certaines circonstances, il y a même eu
des cas où il y avait, bien sûr, l'autorisation des tribunaux et
aussi l'autorisation du gouvernement pour qu'un enfant puisse entrer au
Québec et cela a été refusé par le
secrétariat à l'adoption. Oui, il y a certains cas...
Mme Bisaillon: L'autorisation du gouvernement?
Mme Vermette: Dans le cas des Brassard, si ma mémoire est
bonne, ou des gens de la rive sud... Non, pas les Brassard... Dans un cas,
d'ailleurs, j'avais envoyé une lettre à la ministre pour lui
demander d'intervenir dans ce dossier. Tout avait été fait
conformément aux normes et aux règles du pays. On respectait
exactement les procédures du pays. De plus, il y avait le sceau,
justement. C'est dans le cas de Marie-Sol, si ma mémoire est bonne. On
demandait que l'enfant soit intégré au pays, ici, au
Québec* De la part d'Emploi et
Immigration Canada, il n'y a eu aucun problème. Le seul endroit
où il y a eu un problème pour que l'enfant puisse entrer au pays
a été ici, au Québec. À ce moment-là,
justement, il y avait une reconnaissance par le pays de l'adoption simple. Ici,
en ce qui concerne la concordance de nos lois, il s'agit de passer devant le
Tribunal de la jeunesse pour que l'article 622.1 du code s'applique, tel que
reconnu par nos tribunaux. Pourquoi dites-vous: Maintenant, avec la loi 21, ce
sera beaucoup plus facile de travailler avec les pays alors
qu'antérieurement ce n'était pas facile et, déjà,
les pays s'y prêtaient, sans avoir besoin de la loi 21?
Mme Bisaillon: Je ne sais pas si je comprends tout à fait
votre question. M. le Président, dans ce sens, je
préférerais ne pas entrer dans des cas individuels. Pour
généraliser la chose, disons que, depuis le 19 novembre, il est
évident que nous n'avons autorisé aucun dossier d'adoption
simple, si ce n'est la levée sur les 40 cas en question, dont les
dossiers étaient déjà rendus dans les pays depuis fort
longtemps.
Mme Vermette: Encore là, tout cela n'est pas tout à
fait clair, en tout cas, dans la procédure qui a été
suivie. Quelques fois, effectivement, on a amnistié certains cas;
d'autres fois, non. Par contre, dans tous ces mêmes pays, que je sache,
c'était de l'adoption simple. Quelle était votre argumentation
pour choisir les cas qui devaient entrer au pays à ce moment-là?
Est-ce que cela faisait partie de procédures arbitraires? Est-ce que,
maintenant, la loi 21 va corriger ces procédures arbitraires?
M. Le Blanc: Je peux essayer de répondre. Dans un premier
temps, par le passé et malgré qu'il y ait eu - et je pense que
Mme la ministre l'indiquait tout à l'heure - de temps à autre des
applications différentes de la loi, c'est basé non sur
l'arbitraire mais parfois sur certaines difficultés à
interpréter la loi québécoise et la loi
étrangère. Donc, il y a eu cette première partie. Quand on
a autorisé des projets d'adoption, c'était parce qu'à
l'évaluation et à l'analyse du dossier, cela nous paraissait
répondre à l'interprétation et à la
compréhension qu'on avait à ce moment-là de la loi
étrangère et de la loi québécoise; c'était
le seul critère. Quand on a refusé, évidemment,
c'était exactement pour l'inverse, parce que cela ne nous semblait pas
satisfaire aux prescriptions des lois étrangères et de la loi
québécoise. (12 h 30)
Le problème que l'on avait ou la difficulté ou en tout
cas, devrais-je peut-être le mettre en comparaison avec le changement qui
se prépare maintenant, c'est qu'on avait de la difficulté avec
l'adoption simple.
Lorsque l'enfant était adopté dans un pays d'adoption
simple, c'est-à-dire où il reste des liens de filiation,
l'interprétation que l'on faisait de la loi québécoise,
c'est que cela ne pouvait pas être reconnu ici. Donc, il ne pouvait pas y
avoir d'adoption simple.
La loi 21 vient changer cela et vient reconnaître qu'il sera
possible d'adopter dans les pays d'adoption simple, et c'est très clair
dans la loi, je pense - comme je l'ai dit tout à l'heure, la seule
condition étant que ce pays d'adoption simple consente è
l'adoption de cet enfant. Comme vous l'avez fait remarquer, la plupart de ces
pays expriment maintenant d'une façon ou d'une autre un consentement
à l'adoption des enfants dans la mesure où ils étaient
prêts à les laisser partir.
L'obtention de l'approbation ou du consentement du pays devrait
être relativement facile et, dans ce sens-là, devrait ouvrir,
comme je l'ai dit tout à l'heure, tous les pays où il y aurait
des enfants disponibles pour adoption. Je ne sais pas si j'ai
répondu...
Mme Vermette: Oui. Cela n'a pas enlevé toutes les
interrogations.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée, je vais permettre au député de Fabre de
poser une question.
M. Joly: Merci, M. le Président. On vient de parler du
décret comme ayant fermé certains pays. J'aimerais savoir autant
de Mme Bisaillon que de son équipe quelle était la règle
de droit avant le décret relativement à l'adoption simple aussi
bien que plénière.
Mme Bisaillon: En fait, depuis 1983, cela a toujours
été la règle de l'adoption plénière, sauf
que, compte tenu de la volonté du législateur, en d'autres
termes, on ne pouvait pas autoriser des dossiers d'adoption simple. Ce qui
était en cause, c'était la question de lien de filiation, tant et
si bien qu'il s'est avéré que, dans un certain nombre de
dossiers, quand il s'agissait d'enfants orphelins ou nés de parents
inconnus ou, en d'autres termes, dans des dossiers où il n'y avait pas
de parents identifiés, comme la règle de la filiation, il ne
pouvait pas y avoir de conflit puisqu'il n'y avait pas de parents à
l'origine. C'est un fait que le secrétariat, même dans sa grande
prudence, a accepté d'agir comme intermédiaire dans ces dossiers.
Je prends l'exemple du Guatémala. Les autorités nous avaient dit
et nous confirment encore que ce type d'enfants, parce qu'ils étaient
sans parents, pouvaient être réadaptés au Québec au
terme d'une adoption plénière. Lorsque la nouvelle administration
est entrée au secrétariat à l'adoption et qu'elle a pris
connaissance de trois jugements importants des tribunaux de la jeunesse qui se
prononçaient sur cette question de liens de filiation, on s'est
aperçu qu'il y avait quand même des divergences è
l'intérieur de ces trois jugements qui nous ont amenés à
dire que jusqu'à maintenant on avait été prudents et que
la règle de prudence absolue voulait qu'on n'accepte plus de nouveaux
dossiers d'adoption plénière, sauf qu'on a accepté de
conduire jusqu'à leur terme - puisqu'on avait commencé à
agir comme intermédiaires - les dossiers où on avait
accepté de travailler avec le parent. Il ne s'agissait pas
évidemment de pénaliser les parents pour une règle qui
devenait plus rigoureuse de la part du gouvernement dans son application de la
loi.
M. Joly: Y a-t-il eu plusieurs cas d'exception?
Mme Bisaillon: Vous voulez dire après?
M. Joly: Des cas qui ont été acceptés sous
le principe de l'adoption simple, même si de par la loi on n'était
pas censés les accepter.
Mme Bisaillon: Avec le Guatémala et Haïti, il y a eu
plusieurs dossiers.
M. Joly: Merci, madame.
Mme Vermette: On dit que l'on veut corriger les lacunes
actuellement et que, finalement, il est préférable que les
ententes se fassent entre gouvernements. Est-ce à dire que les tribunaux
de justice des autres pays ne peuvent pas remplir adéquatement leur
rôle et qu'on remet en question les jugements que pouvaient rendre
antérieurement les tribunaux? Pourquoi maintenant la
nécessité d'une entente entre États, alors que si nous
étions sur des listes d'"adoptabilité" dans les pays
concernés, on suivrait la procédure normale? On n'aurait
probablement pas besoin d'entente entre pays, mais tout simplement de suivre la
procédure normale des tribunaux des différents pays.
M. Le Blanc: II n'est pas question évidemment de remettre
en cause une décision d'un tribunal étranger. Je pense que ce
serait la dernière chose qu'on voudrait faire au Québec. Quand on
parle du consentement de l'état, c'est le consentement de l'Etat comme
responsable de l'enfant dans la mesure et parce que c'est un pays - il faut
toujours revenir à cela -d'adoption simple, c'est-à-dire
où il reste un lien de filiation. Comme on veut respecter le
consentement donné et comme le consentement qui pourrait être
donné par d'autres ne serait qu'un consentement d'adoption simple, on
demande le consentement de l'État à ce
que l'enfant soit adopté au Québec par l'adoption
plénière. Ce n'est pas un rejet ou ce n'est pas un refus
d'acceptation du jugement étranger. Le jugement étranger, comme
tout jugement, prononce une situation de droit, mais le tribunal ne peut pas
donner de consentement. Ce qu'on va chercher de l'État étranger,
ce n'est pas le jugement, c'est le consentement à ce que l'enfant qui
est sous sa responsabilité soit adopté au Québec en vertu
de l'adoption plénière. C'est cela qu'on va chercher. Le jugement
reste le même, on ne va pas le modifier et on n'a jamais cherché
à le modifier évidemment.
Mme Vermette: En fin de compte, j'avais l'impression que les
tribunaux représentaient leur pays aussi et que le jugement d'un
tribunal ne faisait pas de jugement ou ne rendait pas de jugement sans
l'interprétation des lois d'un pays qui devaient être conformes
justement aux lois et aux règlements de son pays. Cela m'amène
à vous poser une question. Comment un enfant adopté dans un pays
qui ne reconnaît que l'adoption simple et dont le jugement d'adoption a
été reconnu par le Québec a-t-il moins de droit qu'un
enfant québécois adopté au Québec?
M. Le Blanc: Ce n'est peut-être pas tellement une question
de droits, parce qu'il est certain que le Québec pourrait, comme
d'autres pays le font, décider de rendre un nouveau jugement ici, en ne
se préoccupant pas du jugement rendu à l'étranger, en ne
se préoccupant pas de la loi étrangère, et en ne se
préoccupant pas du consentement donné à l'étranger
et faire du jugement québécois ou faire de l'adoption
québécoise - c'est la seule chose qu'il pourrait faire - une
adoption plénière. Quand on va chercher un consentement à
l'étranger, c'est-à-dire quand il se pose une question de respect
ou quand cette question se pose plutôt, c'est une question de respect du
consentement tel que donné. C'est là la difficulté, c'est
que le Québec veut respecter le consentement donné à
l'étranger; c'est dans ce sens. Il peut très bien donner aux
enfants adoptés ici au Québec tous les droits. L'enfant est ici,
il est admis ici, il est sujet québécois à ce moment, il
peut agir à son égard comme il l'entend. Mais parce qu'il a
choisi, et c'est le Code civil du Québec qui le prévoit, de
respecter les règles de consentement et d'adoptabilité rendues
à l'étranger, à ce moment, il doit être conforme au
choix qu'il a fait et qui est indiqué dans le Code civil, et ne pas
transformer le consentement donné à l'étranger sans un
nouveau consentement, si on veut, pour permettre cette transformation.
Le Président (M. Bélanger): Je passe la parole, en
vertu de la règle de l'alternance, d'abord au député de
Fabre, je pense.
M. Joly: Oui, en fait, moi, j'aimerais savoir une chose. On dit
que le secrétariat existe quand même depuis quelques
années, mais est-ce que le secrétariat a visité plusieurs
pays comme tels - et non pas simplement s'entretenir au téléphone
- pour savoir ce qu'ils avaient à offrir là-bas comme
structures?
Mme Bisaillon: Oisons que depuis l'arrivée de la nouvelle
administration au mois d'août dernier, on s'est rendu dans au moins neuf
pays et j'aimerais, en ce sens, passer la parole peut-être à la
personne qui est responsable chez nous des relations internationales.
M. Soucy (André): Alors, on s'est rendu effectivement dans
neuf pays des Caraïbes, d'Amérique centrale et d'Amérique du
Sud. Dans tous les cas, on a eu des entretiens avec les autorités
compétentes de ces pays en matière d'adoption internationale. Peu
importe le niveau de développement d'un pays, que ce soit le moins
développé ou le plus développé, il y a toujours un
organisme local qui s'occupe d'adoption internationale et qui se
préoccupe des enfants qui sont abandonnés, qui sont
adoptés localement ou qui sont adoptés à
l'étranger. Alors, en ce sens, effectivement, et dans tous les cas, on a
rencontré les organismes gouvernementaux, oui.
M. Joly: Quelle est la perception de ces pays à
l'égard de l'adoption internationale par rapport au Québec, je ne
parle pas "at large"?
M. Soucy: "At large", en général.
M. Joly: J'entends toujours comparativement au Québec.
M. Soucy: Oui. Il y a deux éléments à cette
réponse. Le premier, c'est que le Québec, partout où on
est allé, est très bien perçu. Dans tous les pays
où on est allé, tous les gens à qui on a parlé de
la politique d'adoption internationale du Québec ont toujours fait
état de leur satisfaction à l'égard de la façon
dont cela se faisait au Québec. On a comparé avec certains autres
États et la comparaison nous était nettement favorable en ce
sens. Cela va pour le Québec.
Maintenant, pour la perception de l'adoption internationale en
général, les pays en voie de développement ont un
problème sérieux avec cet aspect. Si dans les pays
industrialisés il y a une baisse du taux de natalité et un manque
d'enfants, dans les pays en voie de développement, c'est l'inverse qui
se passe. Dans plusieurs pays, il
y a un taux de natalité très élevé,
II est évident aussi que les pays en voie de développement
n'ont pas toujours peut-être les ressources nécessaires pour
assurer à tous les enfants des conditions de vie comparables à
celles qu'on pourrait retrouver au Québec. Donc, il y a effectivement un
certain nombre d'enfants abandonnés dans les pays.
Là où les pays ont certains problèmes, c'est sur la
manière que l'adoption internationale doit se faire dans l'optique du
meilleur intérêt de l'enfant. Si on ne peut pas offrir dans le
pays un foyer à l'enfant, confions-le à l'adoption
internationale, si cela lui assure un foyer. Je pense que les pays sont tous
conscients de cela. Ce qu'ils veulent s'assurer, c'est que cela se fasse selon
les règles, selon les lois des pays et selon les lois du pays d'accueil
de l'enfant.
Dans plusieurs pays, il y a une réalité qu'il faut
vraiment saisir, c'est que quand on est dans un pays en voie de
développement ou dans n'importe quel pays étranger, on ne peut
pas nécessairement comparer ce qui se fait dans ces pays avec ce qui se
fait au Québec. C'est important de saisir cela. Quand on dit qu'il y a
des réseaux parallèles, qu'il y a du trafic d'enfants, etc.,
c'est une réalité. Si on lit les journaux, si on regarde certains
reportages et si vous regardez ce que des organismes internationaux disent sur
la question, pensez aux Nations unies, pensez à certaines conventions
internationales, à certains séminaires, c'est une
réalité de la vie.
La question est de savoir pour les pays: Comment réussir à
contrôler cela, sans l'éliminer. Ils sont réalistes aussi,
ils savent bien qu'ils ne peuvent pas, du jour au lendemain, éliminer
tous ces réseaux parallèles, tout le trafic d'enfants, mais au
moins ils voient dans la conclusion d'ententes - et c'est là que se fait
le joint pour les pays avec nous - intergouvemementales un moyen de mieux
contrôler cela, d'assurer certaines garanties sur l'origine des enfants
qui sont placés en adoption. Est-ce que cela va?
M. Joly: Merci, M. Soucy.
Mme Bisaillon: Si vous le permettez pour compléter, M. le
Président, la réponse à votre question, entre 1982 et
1986, donc avant l'arrivée de la nouvelle administration, le
secrétariat s'est rendu en Colombie, au Guatemala, à Honduras,
à Costa Rica, au Pérou, en Bolivie, en Corée, en
république Dominicaine et en Haïti.
M. Joly: Merci, Madame.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci beaucoup. Je vais poser ma question en deux
volets, étant donné que j'ai juste une minute, je vais essayer de
vous jouer un petit tour avec cela.
Le Président (M. Bélanger): Allez, allez,
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Mme Bisaillon, tout
à l'heure vous avez fait état du fait que d'après la loi
21 la ministre devenait l'unique responsable des dossiers d'adoption. Il me
semble avoir perçu dans votre intervention l'inquiétude suivante.
Vous avez dit: II faudrait qu'il y ait une convention type avec un lien entre
les intervenants. Qu'est-ce qui vous inquiète? Je ne sais pas, j'imagine
que c'est la convention elle-même qui devra être mise sur pied de
par la loi 21, donc par la ministre. Comment vous, les gens du
secrétariat, souhaiteriez que cette convention soit mise de l'avant ou
préparée?
Mme Bisaillon: Je ne sais pas pourquoi vous avez perçu de
l'inquiétude. À vrai dire, je ne suis nullement inquiète
de ce qui s'en vient. Au contraire, je pense que cela va préciser et
cela va clarifier des choses, ce qui n'était pas nécessairement
le cas dans le cadre de la loi actuelle.
Actuellement, tes organismes signent des conventions avec le ministre en
ce qui a trait à leur façon de faire, à leur agir,
à leur manière d'oeuvrer en pays étrangers et aussi au
Québec auprès des adoptants. Alors, ce que la loi 21 et le
règlement sur l'adoption internationale prévoient de
différent, c'est ceci: C'est qu'on précise dans quels pays les
organismes pourront travailler, à l'avenir, donc les pays à
adoption plénière et les pays à adoption simple pour
autant que, pour l'adoption X par M. Y, si vous voulez, on pourra obtenir le
consentement de l'État; ce sont les endroits où ils pourront
travailler. (12 h 45)
Quant à leur manière de faire, ils vont continuer à
signer une convention avec le ministre, sauf qu'à l'intérieur de
celle-ci, vous allez avoir, d'une part, tous les articles de la convention type
comme tels et, d'autre part, des clauses particulières selon le pays
où ils travaillent, parce que, dans chaque pays, il y a des politiques
et des législations différentes et parce qu'il peut y avoir ou
non une entente gouvernementale entre ce pays et le Québec. C'est pour
cela qu'il faudrait être assez souple et voir à s'ajuster avec les
organismes au fur et à mesure des événements.
Mme Juneau: Jusqu'à présent, avec les pays dont
vous avez fait mention, est-ce que des conventions sont déjà
signées?
M. Soucy: Je peux vous répondre là-dessus, si vous
le permettez.
Mme Juneau: Et combien?
M. Soucy: II y en a une sur le point d'être signée,
il ne reste que quelques détails à régler; elle sera
signée très bientôt. Il y en a au moins deux autres en
très bonne marche. Il faut aussi comprendre que la signature d'une
entente ou, enfin, d'un document avec un pays étranger est une
démarche qui demande un certain temps et certaines négociations.
Oui?
Mme Juneau: Vous n'avez pas nommé le pays. J'aimerais
savoir...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse d'interrompre Mme la
députée de Johnson, mais je pense qu'on est dans le domaine
d'ententes au plan international. Il serait peut-être plus prudent,
à ce moment-ci, avant que ces ententes ne soient officiellement
formalisées, de ne pas identifier ces pays.
Mme Juneau: Je retire ma question dans ce cas-là.
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, j'aurais pu faire la même chose,
remarquez bien.
Mme Bisaiilon: J'aimerais peut-être -excusez-moi -
préciser que les conventions se signent entre les organismes et la
ministre; cela couvre l'activité des organismes comme tels. Mais, les
ententes ou les accords se signent entre le Québec et les pays. Est-ce
que cela va? J'ai cru comprendre que votre question portait sur les conventions
avec les organismes.
Mme Juneau: Mais si...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à Me Le Blanc. J'aimerais savoir, avec l'avènement de la loi 21,
quel est maintenant le pouvoir de Mme la ministre là-dessus?
Mme Lavoie-Roux: Ou ministre. M. Joly: Ou du ministre.
M. Le Blanc: En fait, le pouvoir sera celui de coordonner. Je
pense que la façon la plus courte et la plus réaliste de le
définir, c'est que ce sera celui de coordonner l'adoption internationale
au Québec. Évidemment, à cet égard, la ministre
aqira, si l'on veut, pratiquement à deux niveaux: d'abord,
généralement parlant, c'est elle qui sera responsable, si l'on
veut, de la définition de la politique? c'est elle qui sera responsable
de voir à ce que les lois, si elles doivent être changées,
le soient, etc., c'est donc la politique globale de l'adoption au
Québec.
Plus particulièrement, puisqu'on est dans le projet de loi 21, je
pense qu'il appartiendra à la ministre et au Secrétariat à
l'adoption internationale, ou autres organismes pouvant agir en son nom
à cet égard, de voir à ce que les dossiers ou les projets
particuliers d'adoption se réalisent. Elle le fera en maintenant des
contacts et de la collaboration avec les autres intervenants du milieu, si l'on
veut, c'est-à-dire le directeur de la protection de la jeunesse, le
Tribunal de la jeunesse et les organismes, et en amorçant - ce dont on
vient de discuter depuis quelques minutes -et en maintenant des contacts avec
les pays étrangers, de façon à rendre plus facile
l'adoption et à mieux répondre aux désirs des parents
québécois d'adopter des enfants qui ont besoin d'être
adoptés à l'extérieur.
En gros, je pense que c'est la définition de la
responsabilité de la ministre.
M. Joly: Vous m'avez, en fait, parlé un peu du rôle
de coordination et de tout cela. Mais, qu'est-ce qui arrive de son pouvoir
discrétionnaire?
M. Le Blanc: Le pouvoir discrétionnaire dans le sens qu'il
a fait des problèmes devant Ies tribunaux, il n'y en aura plus. Je pense
qu'à ce niveau, c'est la réponse qu'il faut donner.
C'est-à-dire qu'en ce sens-là, il n'appartiendra plus à la
ministre de décider si un projet d'adoption est acceptable ou non, cela
appartiendra maintenant au Tribunal de la jeunesse. Quand on parle de la
vérification d'un projet d'adoption, c'est cela; il appartiendra au
Tribunal de la jeunesse de prendre cette décision, donc de faire
disparaître toute inquiétude d'arbitraire qu'il pourrait y avoir
à cet égard.
M. Joly: Dernière question. Je ne veux pas abuser de mon
droit de parole, tout de même. Pourquoi Haïti a-t-il fermé
ses portes à l'adoption internationale?
Mme Bisaillon: Je pense que Mme la ministre le soulignait
tantôt, il y a un moratoire à l'heure actuelle car on a tout
simplement découvert un trafic d'enfants avec certains pays
étrangers. C'est la raison pour laquelle ils ont décidé,
à l'interne, de fermer pour l'ensemble des pays, d'ailleurs.
M. Joly: Avec une possibilité de réouverture,
éventuellement.
Mme Bisaillon: Certainement.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, avant
terminer, est-ce que vous voulez remercier les...
Mme Vermette: Intervenants? Je voudrais justement vous remercier
pour les réponses que vous nous avez données avec tant de
diligence. J'ose espérer qu'au-delà des problèmes de droit
international et de droit, nous pourrons faire, au Québec, de
façon civilisée, de l'adoption internationale, que les parents
pourront trouver des réponses et une oreille attentive à leurs
problèmes et qu'ainsi, les différents intermédiaires
pourront travailler à l'oeuvre qu'ils ont toujours suivie depuis les
débuts. J'ose espérer que jusqu'à ce jour, des ententes
existaient entre les pays pour faire de l'adoption internationale. Autrement,
je pense que cela aurait été très difficile et très
irrespectueux à l'égard des pays.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier les
représentants du Secrétariat à l'adoption internationale
de s'être présentés à cette commission
parlementaire. Je pense que cela a permis de clarifier certaines choses. Je
voudrais juste corriger un terme qui a certainement dépassé la
pensée de la députée de Marie-Victorin qui a dit que
désormais, on pourrait faire de l'adoption civilisée au
Québec. Je pense qu'on a toujours fait de l'adoption civilisée au
Québec. Qu'on ait rencontré des problèmes et des
écueils dans l'interprétation des lois, c'est une chose. Comme je
l'ai dit, je pense que cela a dépassé sa pensée. Quoi
qu'il en soit, je pense que c'est le début d'un processus qui, je
l'espère, débouchera sur des résultats positifs pour les
enfants et les parents. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je voudrais à
mon tour remercier les représentants du Secrétariat à
.l'adoption internationale, Mme la directrice, Mme Bisaillon, M. Le Blanc et M.
Soucy.
La commission ajourne ses travaux sine die, puisque Tordre de la Chambre
nous donnait du travail jusqu'à 13 heures. Aux affaires courantes, cet
après-midi, le leader du gouvernement nous donnera l'ordre pour les
prochains travaux. Je vous informe quand même, parce qu'on peut anticiper
déjà quel sera l'ordre, que nous reprendrons nos travaux
après les affaires courantes, c'est-à-dire vers 15 heures.
Une voix: 16 heures.
Le Président (M. Bélanger): Oui, je veux dire 16
heures. Je traduisais 4 heures mais cela ne fonctionnait pas.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
(Reprise à 16 h 20)
Accueillons un enfant
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à chacun de reprendre sa place pour que
nous puissions commencer les travaux de la commission. La commission reprend
ses travaux, cette fois-ci pour entendre le groupement Accueillons un enfant
qui est représenté par le Dr Michel Demers, président, M.
Jean-Louis Gagnon, conseiller, Mme Andrée Gilbert, coordonnatrice du
centre de transit et d'adoption Cayepanou. M. Demers, si vous voulez nous
présenter votre équipe d'abord.
Les règles de procédures Vous avez 20 minutes pour faire
votre présentation, ensuite, chaque groupement politique,
c'est-à-dire les ministériels et l'Opposition ont chacun une
période de 20 minutes, questions et réponses comprises pour
l'interrogation. C'est donc une enveloppe globale d'une heure que nous avons
pour disposer de votre mémoire.
Dr Demers, je vous en prie. Vous pouvez rester assis.
M. Demers (Michel): Merci. M. le Président de la
commission parlementaire des affaires sociales, Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux, M. le vice-président et Mme la
Secrétaire de ladite commission, enfin messieurs et mesdames les
députés membres de cette commission. Permettez-moi de me
présenter, je suis Michel Demers, médecin, président de la
corporation Accueillons un enfant et père de deux enfants adoptés
hors Québec. Avec moi, ce soir se joignent tout d'abord Mme
Andrée Gilbert, infirmière autorisée et
ex-directrîce du centre de transît et d'adoption Cayepanou en
Haïti et M. Jean-Louis Gagnon technicien en anatomo-pathologie, conseiller
de notre corporation et père adoptif de deux enfants nés et
adoptés hors Québec.
La corporation Accueillons un enfant est une corporation sans but
lucratif, incorporée selon la troisième partie de la Loi sur les
compagnies et oeuvre en matière d'adoption internationale depuis le
début des années soixante-dix où elle portait alors le
vocable de Welcome a Child. En février 1981, le ministère de la
Santé et des Services sociaux signait avec nous un protocole d'entente
nous permettant d'agir en matière d'adoption internationale. Notre
organisme compte 300 membres. Il a réalisé environ 400
adoptions de 1970 à 1981 et autant depuis 1981 jusqu'à
maintenant.
En plus de ces activités d'adoption, notre organisme est
impliqué au niveau de l'aide internationale. Il va sans dire que
l'adoption est la mesure ultime dans tout un processus d'aide à
l'enfance dans le besoin. Accueillons un enfant croit fermement qu'il vaut
mieux permettre à un enfant de demeurer avec sa famille immédiate
plutôt que d'être adopté. Nous savons fort bien que de
nombreux enfants abandonnés, sans père et mère connus,
nécessitent une intervention biopsychosociale urgente, donc, un foyer
d'adoption. Il est fort immoral de retirer de leur famille des enfants dans le
besoin dont les pères et mères sont connus. Notre organisme a
donc mis sur pied un système d'aide sous forme de parrainage pour ces
enfants. De plus, nous collaborons actuellement, pour la mise sur pied d'une
école spécialisée pour les enfants de la rue, avec des
organismes non gouvernementaux hautement reconnus de notre pays.
Avant de discuter du projet de loi 21 et du projet de règlement
sur l'adoption internationale, permettez-moi de vous exprimer la pensée
de notre conseil d'administration. Malgré le contenu des projets de loi
et de règlement en matière d'adoption internationale, Accueillons
un enfant aurait davantage apprécié soit une commission
d'enquête ou encore soit une commission parlementaire vraiment
élargie sur tout le dossier de l'adoption internationale en
général. Accueillons un enfant ne remet nullement en question ici
la nécessité d'un contrôle législatif en
matière d'adoption internationale. En effet, il est souhaitable qu'un
tel contrôle existe afin d'éviter les situations opportunistes de
gens dépourvus de toute morale.
Cependant, il faut se souvenir que le rôle d'une loi en
matière d'adoption internationale doit avoir pour but de freiner les
abus, mais aussi de favoriser l'atteinte des objectifs. À cet
égard, plus le cadre légal sera rigide, complexe et restreint,
plus les réseaux d'adoption illégale se développeront.
Aussi, nous croyons que plus la législation sera large, simple et
efficace, plus les justiciables se conformeront à la
légalité.
En outre, notre corporation reconnaît la nécessité
aux adoptants d'agir par l'intermédiaire du ministère de
là Santé et des Services sociaux ou d'organismes reconnus,
à cet effet, par ce dernier.
À la lecture du projet de loi numéro 21, nous constatons
deux éléments positifs, à savoir:
Premièrement, l'approbation d'un projet d'adoption se fera,
désormais, par le tribunal plutôt que d'être laissée
à l'arbitraire des fonctionnaires et deuxièmement, une ouverture
relative à l'adoption simple, c'est-à-dire l'adoption qui laisse
subsister un lien de filiation autre que celui qui doit exister entre les
adoptants et l'adopté. Cependant, tout au long de notre étude,
nous avons songé au tort qui peut survenir aux enfants abandonnés
et criant d'espérance, et aux parents angoissés dans l'attente
toujours et toujours prolongée d'un être cher. Les délais,
plaintes de tous les parents inscrits sur une liste d'attente et/ou en
procédure d'adoption, semblent encore plus marqués par ces
projets de loi et de règlement, sans compter les coûts
supplémentaires qui devront être ajoutés à la note
finale.
De plus, l'omniprésence du ministre de la Santé et des
Services sociaux en tant que seul intermédiaire exprime clairement le
voeu d'exclure les organismes du tableau de l'adoption internationale. Inutile
de vous rappeler ici qu'Accueillons un enfant oeuvrait sainement et
honnêtement en matière d'adoption internationale bien avant la
création de l'actuel Secrétariat à l'adoption
internationale.
Nous nous posons de plus de questions quant à la cohérence
de notre gouvernement lorsqu'il entérine les recommandations du rapport
Scowen sur la politique de déréglementation et que, d'un autre
côté, il crée un règlement hautement restrictif en
matière d'adoption internationale.
L'un des amendements proposés par la loi 21, comme je viens de le
citer, est la disparition des organismes d'adoption. Il est évident que
tout le processus sera voué à l'échec puisque le
ministère de la Santé et des Services sociaux, par le biais du
Secrétariat à l'adoption internationale, n'a ni les ressources
financières ni les ressources humaines surtout pour répondre aux
besoins des parents et des enfants, et pour répondre aux
problèmes vécus à l'étranger. Le
bénévolat est la pierre angulaire du travail des organismes. Il
est paradoxal, à notre sens, de permettre au ministre d'édicter
les procédures, de contrôler les procédures et d'appliquer
les procédures. Est-ce que c'est cela, l'infaillibilité? Comment
peut-on être son propre juge? Évidemment, les organismes seraient,
comme présentement, la solution aux problèmes du ministre.
De plus, le ministre se permettra-t-il d'édicter des normes qui
ne seront pas universelles? Nous nous expliquons. Les exigences des
différents pays devraient permettre à chaque organisme
d'établir des procédures particulières et non au ministre.
Il est évident que la loi devrait préciser davantage le
rôle et les pouvoirs du ministre et de son Secrétariat à
l'adoption internationale. Pour une saine mobilité du processus de
l'adoption, il faudrait également préciser le rôle de tous
les intervenants à partir du directeur de la protection de la jeunesse
jusqu'aux organismes.
Quant à l'article 1, paragraphe 614.2 du projet de loi 21, notre
organisme, dans le but ultime de diminuer les délais et les coûts,
croit que le pouvoir de vérifier la régularité d'un projet
d'adoption et, par conséquent, d'autoriser l'entrée d'un enfant
au Canada, peut demeurer entre les mains du ministère de la Santé
et des Services sociaux, mais avec une possibilité pour l'adoptant d'en
appeler de cette décision ou d'une non-réponse dans les dix jours
suivant la demande devant le tribunal.
Quant à l'article 614.3 de ce même projet de loi, notre
corporation est consciente que cela entravera le processus d'adoption dans de
nombreux pays, malgré le fait que c'est le mécanisme actuel
qu'Accueillons un enfant a mis sur pied en Haïti et qui fonctionne. Nous
réitérons ici la position de notre organisme au regard de
l'adoption simple. Lorsque l'enfant est adopté dans un pays d'adoption
simple, mais que ledit enfant est orphelin ou de parents inconnus, le lien de
filiation est purement théorique, puisque les parents n'existent plus ou
sont inconnus. Comment peut-on rompre ce qui n'existe pas? Ainsi, le
mécanisme exprimé au deuxième alinéa de l'article
614.3 du projet de loi 21 ne devrait pas s'appliquer dans le cas d'enfants
orphelins ou abandonnés, à savoir l'approbation par un
représentant autorisé du pays étranger. De plus, hormis
Haïti, il sera probablement hasardeux de formuler une telle exigence
auprès des pays dont l'histoire, les us et coutumes permettent
l'adoption dite simple.
Lorsque à l'article 7 du projet de loi 21, il est stipulé
que "Le ministre de la Santé et des Services sociaux doit, afin
d'assurer le respect des droits de l'enfant, coordonner les démarches
des adoptants et les activités des personnes qui interviennent è
l'adoption des enfants domiciliés hors du Québec", Accueillons un
enfant exprime ses craintes et son incertitude, puisque depuis le mois
d'août 1986, de nombreux problèmes de communication
sûrement, et d'autres peut-être, existent entre les bureaux
d'immigration québécoise et canadienne, la
délégation du Québec, l'ambassade du Canada et,
naturellement, le Secrétariat à l'adoption internationale. En
effet, tous les enfants adoptés en Haïti depuis cette date ont
dû demeurer quelques semaines supplémentaires, voire plus d'un
mois à la crèche, puisque le secrétariat n'avait pas fait
son travail en temps opportun ou a changé son mode de fonctionnement
sans l'expliciter aux divers intervenants. Je puis vous citer l'exemple de
trois enfants, passeport en main, qui attendent toujours en Haïti le
parachèvement indûment prolongé des procédures
administratives. Une mission de deux membres de notre conseil d'administration
est présentement Ià-bas et attend fébrilement lesdites
autorisations pour amener les enfants. Et cela continue.
Quant au projet de règlement sur l'adoption internationale
publié à La Gazette officielle du Québec, en date
du 11 mars 1987, notre organisme critiquera l'article 10 qui se
réfère aux articles 2, 4, 5 et 6 et ainsi qu'à l'article
11. Plusieurs centres des services sociaux du Québec mettent un temps
très considérable pour procéder aux évaluations
nécessaires à l'adoption. Ces délais de plusieurs
années sont causés par un manque de ressources et de personnel.
Pour pallier ce problème, notre organisme recommande que le
règlement permette aux adoptants de faire appel à des
professionnels privés capables de faire des évaluations selon les
normes de leurs corporations dans des délais raisonnables.
Quant aux articles 4 et 5, Accueillons un enfant ne voit nullement la
pertinence de faire procéder au jumelage de l'adopté et de
l'adoptant par le directeur de la protection de la jeunesse. En effet, il est
absurde de croire que le directeur pourra connaître les
antécédents sociaux et médicaux de l'enfant,
abandonné dans la majorité des cas. De plus, il est
évident que les délais s'allongeront encore de quelques semaines,
que l'arbitraire pourra encore intervenir ici et qu'enfin, on demande à
l'organisme de se départir du seul élément de valorisation
dans ce processus hautement institutionnalisé. Il est un petit peu
aberrant de confier cette tâche au directeur de la protection de la
jeunesse et de forcer Ies organismes à se suicider.
Quant à l'article 11, nous ne voyons pas sa
nécessité puisque les organismes reconnus en matière
d'adoption internationale agiront selon la loi tout en se
référant à la convention qui les lie au ministre.
Revenons effectivement maintenant sur ce projet de convention. Il est
impératif d'en discuter puisque le règlement nous y
réfère. Le mode de reconnaissance d'un organisme non
gouvernemental ne se retrouve pas seulement en matière d'adoption
internationale. En effet, le Canada et/ou le Québec se sont toujours
associés et s'associent toujours aux ONG dans une foule
d'activités relevant de l'aide Internationale, dont peut facilement
faire partie l'adoption internationale. Cette intervention de l'État,
après que l'organisme ait abattu un travail de longue haleine dans le
pays où il oeuvre, travail qui ne saurait être la vocation du
ministère, devrait se solder par une assistance technique, mais
particulièrement financière. Aussi l'article 4 du projet de
convention est une négation totale d'une partie très importante
du rôle des organismes non gouvernementaux en matière d'adoption
internationale. Nous croyons que le ministère ne doit intervenir qu'en
concertation avec l'organisme qui aura préalablement mis sur pied une
structure quelconque apte à l'adoption internationale en pays
étranger.
Nous croyons que l'organisme doit continuer à travailler de
concert avec le DPJ. Par contre, le rôle de l'organisme auprès des
parents ayant formulé une demande ' devrait être actif, surtout
à compter du moment où le ministère lui transmet le
dossier des adoptants. Nous n'avons pas è nous substituer au directeur
de la protection de la jeunesse.
Quant à l'article 27, il amène une paralysie
complète de l'activité d'adoption de l'organisme. En effet,
comment un organisme pourra-t-il faire vivre un enfant à
l'étranger et procéder tant aux formalités
préliminaires qu'au processus de l'adoption sans pouvoir compter sur un
apport financier? Le ministère aura-t-ii un budget aussi
considérable pour en faire autant?
Notre organisme fonctionne depuis plusieurs années et il a
toujours administré è bon escient des sommes considérables
provenant des adoptants, et la façon dont cette administration s'est
faite est garante de la confiance que notre organisme peut mériter.
En conclusion, Accueillons un enfant réitère sa position
quant à la nécessité d'un débat public
élargi sur tout l'ensemble de la problématique de l'adoption
internationale et ce, avant même d'adopter soit une toi, soit un
règlement. En outre, nous nous inquiétons grandement des
conséquences directes qu'auront le projet de loi 21 et le projet de
règlement sur l'adoption internationale, soit le prolongement inutile
des délais et les coûts qui deviendront de plus en plus
exorbitants. De plus, nous répétons que l'omniprésence du
ministre de la 5anté et des Services sociaux dans le domaine de
l'adoption internationale en tant que seul intermédiaire aura pour effet
néfaste la disparition des organismes. Bien au contraire, nous
recommandons que les organismes soient reconnus comme des intermédiaires
autonomes en matière d'adoption internationale.
Nous demandons au gouvernement de préciser le rôle et les
pouvoirs du ministre de la Santé et des Services sociaux, donc du
Secrétariat à l'adoption internationale, du directeur de la
protection de la jeunesse et de tous les autres intervenants, notamment les
organismes reconnus en matière d'adoption internationale. Accueillons un
enfant remercie cette commission d'avoir bien voulu l'entendre dans le cadre de
l'étude du projet de loi 21 et du projet de règlement sur
l'adoption internationale tel que publié à La Gazette officielle
du Québec en date du 11 mars 1987. Nous espérons que la
commission reconnaîtra nos recommandations.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
M. Deniers: Je vous remercie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir d'accueillir la corporation Accueillons un enfant. Je les remercie pour
la présentation de leur mémoire qui vraiment a touché
à tous les aspects, peut-être pas tous, mais un bon nombre
d'aspects du projet de loi, du règlement et de la convention à
être signée entre les organismes d'adoption internationale et le
ministère.
Je voudrais également profiter de l'occasion pour vous
féliciter pour l'élargissement, si je peux dire, que vous avez
donné à la vocation de votre corporation. Je dois vous dire qu'au
point de départ, on est certainement sur la même longueur d'onde
quand vous dites que l'adoption, oui, c'est bon, etc., mais que là
où il y a des parents, où les gens peuvent continuer de demeurer,
ce ne sont pas certains types de considérations que nous pouvons avoir
parce qu'on est d'un milieu différent, qui doivent nous inciter à
faire la promotion de l'adoption de ces enfants. Je pense que c'est en ce sens
que votre corporation a pris des initiatives sur place pour essayer de
permettre que des parents continuent d'assumer les responsabilités qui
sont les leurs comme parents naturels des enfants. Je pense que ceci est
déjà un témoignage de la façon dont vous concevez
votre rôle dans un pays étranger et surtout dans un pays quand
même aussi pauvre qu'Haïti où, je pense, que la
majorité de vos activités se retrouvent, si je ne m'abuse.
M. Demers: Uniquement en Haïti, présentement.
Mme Lavoie-Roux: Uniquement en Haïti. Bon! Cela étant
dit, si vous me le permettez, il y a plusieurs de vos inquiétudes qui
ont trait au rôle des organismes d'adoption internationale. Je dirais
presque que cela m'apparaît quasiment central dans votre mémoire,
vous qui aviez une expérience même avant que le Secrétariat
à l'adoption internationale n'existe. Si bien qu'en 1979, dans les
quelques articles de la loi 13, déjà on vous reconnaissait comme
des intermédiaires non gouvernementaux qui agissaient dans le domaine de
l'adoption internationale.
Je suis d'accord avec vous que certains articles de la convention,
peut-être l'article 4 entre autres que vous signalez, créent une
ambiguïté quant au rôle futur qui, selon vous, pourrait
être modifié. Je ne sais pas, si vous étiez ici ce
matin?
M. Demers: Non, je n'ai pas pu assister, ce matin.
Mme Lavoie-Roux: Non. Je pense que si
mes collègues me le permettent, je vaudrais simplement relire,
dans mes notes d'introduction, une mise au point que j'ai faite
là-dessus. Avant de vous tire ce passage, je voudrais vous dire qu'il
est vrai que le ou la ministre apparaît et est le pivot de la
coordination de l'adoption internationale quant aux politiques et à la
mise en oeuvre des responsabilités, et à la clarification des
activités de chacun des intervenants; mais, ce n'est pas dans le but de
tout faire par lui-même, ou encore par son délégué,
le secrétariat, mais dans le but de mieux clarifier les
responsabilités et de déléguer cesdites
responsabilités, si certaines sont déléguées au
Secrétariat à l'adoption internationale pour certains gestes
lorsque quelqu'un veut adopter un enfant et fait appel à des pays
où il n'y a pas d'organisme d'adoption internationale reconnu qui
fonctionne. Mais là où il y a des organismes d'adoption
Internationale reconnus et qui sont prêts à signer une convention,
je pense que c'est vous qui allez continuer de fonctionner, même si,
à ce moment-là, le fait qu'on ait une convention nous permet,
auprès des autorités en place, de vous faire reconnaître
ou, comme gouvernement, de cautionner votre action justement dans ces pays.
Je voudrais juste lire ces deux paragraphes, maintenant: "Par ailleurs,
l'organisme reconnu est, à toutes fins utiles, un prolongement de la
ministre dans le pays étranger. C'est pourquoi il est à
l'avantage de tous que ses devoirs, pouvoirs et responsabilités soient
balisés dans une convention type approuvée par le gouvernement.
Il est primordial que des liens de confiance s'établissent avec
l'organisme reconnu qui a un rôle essentiel et important en
matière d'adoption internationale. Cet organisme reconnu,
cautionné par nous, pourra compter sur notre disponibilité et
obtenir tout renseignement utile. "D'autre part, la convention peut aussi
contenir des clauses particulières qui pourront tenir compte des
particularités des pays où ils agissent et du champ
d'intervention de chacun. - II se pourrait peut-être que dans certains
cas, il faille des clauses particulières. - Conséquemment,
interlocuteur privilégié du ministre dans ses rapports avec
l'étranger, il agira dans les limites du mandat défini à
la convention. Si le projet de loi ou la convention laissent subsister des
ambiguïtés - et je suis d'accord avec vous qu'il en demeure au
moment où nous nous parlons - quant au rôle de l'organisme
reconnu, elles seront clarifiées. Il n'est aucunement question de lui
enlever des responsabilités qu'il exerce actuellement."
Alors, j'ai pris la peine d'ajouter ces paragraphes à ma
présentation, parce qu'on avait senti, non seulement dans le cas de
votre organisme mais dans le cas d'autres organismes, des inquiétudes,
à savoir: Bon! bien, finalement, est-ce qu'on nous met gentiment ou
moins gentiment de côté? Ou enfin, que devient l'action qu'on a
jouée, maintenant dans votre cas, depuis une quinzaine d'années
au moins, je pense? Alors, je ne sais pas si cela peut être une certaine
assurance, mais, en tout cas, je tente de vous la donner. C'est d'une
façon très ouverte, comme je le disais ce matin, que nous
accueillons les recommandations qui peuvent nous être faites et qui
peuvent améliorer finalement tant le règlement que la convention
et le projet de loi.
Une question reste quand même ambiguë et sur laquelle je
voudrais vous demander des explications supplémentaires. C'est la
question de la proposition d'enfants en regard du jumelage. Il est
évident pour nous que, par exemple si le moratoire sur Haïti est
levé - je pense qu'on a bon espoir que ceci survienne, j'espère,
à assez brève échéance - vous pourrez aller comme
délégué du ministre établir les contacts et faire
des propositions d'enfants. Je pense que c'est ce que vous avez fait dans le
passé également. Maintenant ce que vous demandez me semble
être quelque chose de supplémentaire par rapport à ce que
vous avez exercé jusqu'à maintenant comme responsabilité,
c'est - si je comprends bien - une fois rendus ici, de procéder
également au jumelage des enfants. Est-ce que je comprends bien? Non,
j'ai mal compris. Bien tant mieux! Cela va être plus simple.
M. Demers: Enfin, ce qu'on veut exprimer ou enfin peut-être
qu'on a mal interprété aussi la...
Mme Lavoie-Roux; C'est peut-être moi qui ai mal compris.
M. Demers: On a peut-être mal compris le projet de
règlement. Enfin, ce qu'on voudrait, c'est lorsqu'on reçoit le
dossier d'un parent, qui est en attente et qui, à un moment
donné, devient premier sur la liste d'attente pour un enfant de tel
âge, par exemple de zéro à deux ans, de tel sexe, lorsqu'il
nous arrive un enfant à notre crèche en Haïti, que les
procédures préliminaires sont faites et que l'enfant est
adoptable, que nous puissions dire au parent: Voici, on a un enfant à
vous proposer et c'est cet enfant. C'est ce qu'on appelle le jumelage. C'est ce
qu'on faisait avant. C'est ce qu'on a toujours fait.
Mme Lavoie-Roux; C'est correct, il n'y a pas de problème.
M. Demers: Sauf que dans le projet de loi on dit que le jumelage
devrait être fait par le directeur de la protection de la jeunesse,
où on a mal interprété le règlement. En fait, c'est
ce palier qui nous
inquiétait un petit peu.
Mme Lavoie-Roux: Oui et je pense qu'il faut faire une
différence entre la proposition de l'enfant qui, elle, se fait dans le
pays d'adoption, tandis que le jumelage se fait ici au Québec.
Écoutez, est-ce qu'on l'appelle le pays d'adoption? En tout cas, le pays
d'où originent les enfants par opposition au Québec, au pays, ou
aux parents qui sont au Québec. Je pense qu'il y apeut-être une ambiguïté dans la compréhension,
mais cette responsabilité que vous aviez de faire une proposition
d'enfants pour un parent donné dans le pays d'où origine
l'enfant, vous pouvez continuer de l'exercer, il n'y a pas de problème
avec cela.
M. Demers: La question qu'on se pose c'est: Est-ce que ce sera
l'organisme qui va aviser les parents qu'on a une proposition pour eux? (16 h
45)
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il faudra indiquer dans la
convention justement cette responsabilité qui est la vôtre,
là où il y a un organisme qui peut l'assumer.
Il y aurait quelques petites questions que je voudrais vous poser. Vous
dites à l'article... Ah oui! Je voudrais revenir - c'est quand
même fondamental et c'est un des objectifs principaux de la commission -
dans votre exposé général en page 7: "Nous nous
inquiétons cependant de certaines conséquences que peut avoir ce
projet de loi sur les procédures d'adoption. En effet nous constatons
que les nouvelles procédures qu'on y propose peuvent occasionner des
délais supplémentaires et parfois très longs pour les
adoptants."
J'ai un objectif et si les gens peuvent m'aider à le
réaliser, je suis prête à aller de l'avant, car justement,
il y a eu beaucoup de plaintes à propos des délais, etc.
Là, vous nous dites: Écoutez, faites attention parce qu'il nous
semble que, d'après ce que vous présentez, vous allez ajouter de
la lourdeur et vous prétendez que c'est ce que vous voulez
éliminer. Ce matin, on a rencontré seulement deux organismes. Il
semble qu'une grande partie des délais et, probablement, la plus grande
partie, soit occasionnée par la pénurie d'enfants. Je pense
qu'une certaine correction devrait être faite, si on est plus ouvert
vis-à-vis de la reconnaissance de l'adoption simple.
L'autre facteur est, sans doute, une complexité trop grande des
démarches, appelons-les démarches administratives ou
procédures administratives. J'aimerais que vous me précisiez, par
rapport à ce qui existe présentement, là où vous
voyez de3 délais supplémentaires. C'est vrai qu'il y a une
démarche supplémentaire qui est la reconnaissance par le Tribunal
de la jeunesse que toutes les procédures ont été suivies
et que les gens peuvent aller en toute confiance chercher leur enfant. Enfin,
c'est déjà une première reconnaissance d'adoption,
à toutes fins utiles. C'est une démarche supplémentaire,
mais c'est pour éviter, comme vous le signaliez fort à propos
vous-même, que ce qu'on a appelé le pouvoir discrétionnaire
de la ministre elle-même ou de son délégué s'exerce
de façon indue. Il y a cela et on me dit que c'est actuellement ce qui
existe dans la Loi sur la protection de la jeunesse pour les demandes
d'adoption au Québec et que cela ne s'est pas
révélé une procédure qui allonge les choses. Cela
s'obtient à l'intérieur d'un délai - m'a-t-on dit - de
deux à trois jours. Mais il pourrait y avoir là un
élément supplémentaire. Je voudrais que vous me signaliez
les autres endroits où vous voyez que des délais
supplémentaires pourraient être occasionnés.
M. Demers: Tout ce que je peux répondre à votre
première question ou à votre première inquiétude,
c'est que, de décembre 1985 à février 1986, nous avions
huit enfants proposés, mais aucun parent. On n'avait aucun dossier du
secrétariat. Pendant presque au-delà de deux mois, on a dû
garder des enfants sans parents au centre; c'étaient huit
garçons. Le 7 février 1986, c'était le
départ...
Mme Lavoie-Roux: Ces garçons avaient quel âge? Juste
par curiosité.
M. Démers: De zéro à un an.
Mme Lavoie-Roux: De zéro à un an.
M. Demers: On avait huit enfants. On a poussé beaucoup. On
a poussé sur les CSS pour qu'ils puissent faire rapidement les
évaluations. Vu qu'Haïti était à ce moment-là
un peu en période de crise puisqu'en février M. Duvalier avait
quitté, c'est dans les deux ou trois mois qui ont
précédé son départ que l'on avait beaucoup
d'enfants. On avait 60 enfants dans notre crèche et on manquait de
parents.
Mme Lavoie-Roux: De quelle date à quelle date, m'avez-vous
dit?
M. Demers: C'était de décembre 1985 à
février 1986. Cela fait quand même près d'un an et
demi.
Mme Lavoie-Roux: C'était avant le décret. Alors,
cela ne pouvait pas être occasionné par le décret.
M. Demers: Non, mais c'était occasionné par le
manque de parents évalués par les CSS.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela, mais
je voulais juste Être bien sûre.
M. Demers: D'accord? Pour ce qui est des délais, en fait,
la procédure de se rendre au tribunal, de passer, de faire
reconnaître la procédure d'adoption et de faire approuver notre
projet d'adoption au tribunal, on voyait que, pour certains, ce serait
peut-être une démarche un peu plus longue. On se disait qu'une
semaine, ce n'est pas beaucoup, mais on se demandait si, dans des
régions éloignées où le Tribunal de la jeunesse ne
siège pas nécessairement toutes les semaines, c'était un
élément supplémentaire d'attente. C'est la question qu'on
s'est posée à propos de la procédure. C'est pour cela
qu'on se demandait... Étant donné que la ministre pourrait quand
même continuer à vérifier la validité du projet
d'adoption, si cela n'est pas conforme à ce que les parents attendent,
à ce moment-là, elle pourrait avoir recours au tribunal. On
voyait là une façon pondérée de faire la part des
choses.
Mme Lavoie-Roux: Votre remarque quant à une prolongation
peut-être plus longue - excusez la répétition - plus
accentuée du côté des régions
éloignées est fondée. À ce moment-là, nous
allons devoir, avec le Tribunal de la jeunesse, faire certains
réaménagements - comme vous te dites, même si cela peut
juste signifier cinq jours de plus, en tout cas au lieu de trois, cela ferait
huit ou neuf - et voir à ce que les personnes ne soient pas
pénalisées - sûrement pas du simple au double - parce
qu'elles sont de régions éloignées. Cela pourrait vouloir
dire une journée de plus ou quelque chose comme cela. Nous en prenons
note.
M. Demers: Merci madame.
Mme Lavoie-Roux: C'était vraiment le point le plus
important; quant à l'autre, il semble que de toute façon il y a
quelque chose qui n'a pas fonctionné quelque part dans
l'évaluation des enfants.
M. Demers: Des parents.
Mme Lavoie-Roux: Oui, l'évaluation des parents, pardon.
C'est une question de fonctionnement de la protection de la jeunesse. Je ne
peux pas vous donner de réponse sur le champ. L'autre, c'était
vraiment relié à la demande au Tribunal de la jeunesse.
M. Demers: C'est cela. Oui, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Bon! d'accord. Une voix: II vous reste
cinq minutes.
Mme Lavoie-Roux: II me reste cinq minutes? Je pense que je vais
laisser la parole à mes collègues. On va peut-être passer
à l'Opposition et revenir.
Le Président (M. Bélanger): Oui, en vertu de la
règle d'alternance, Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: À mon tour, il me plaisir de vous accueillir
au nom de ma formation politique. Effectivement à la lecture de votre
mémoire, c'est une présentation de qualité que nous avons
fort appréciée. En ce qui concerne votre convention type
où vous avez fait des recommandations en fin de compte, notamment en ce
qui concerne l'article 27, vous demandez tout simplement que cet article soit
éliminé. Est-ce que vous pouvez nous dire exactement sur quoi
vous vous basez pour considérer cet article comme étant de
trop?
M. Demers: En fait on se base un peu sur l'interprétation
des sommes qu'on doit mettre en fidéicommis et sur la façon dont
on peut retirer ces sommes. On se demande si, lorsque les parents versent le
montant pour l'adoption, on peut utiliser ces sommes seulement lorsque l'enfant
est arrivé. C'est la question qui était plus ou moins bien
expliquée au sujet de l'article, quant au mécanisme de la saisie
de ces sommes pour les envoyer dans le pays, et poursuivre l'adoption ou les
procédures. Il faut dire qu'avant de proposer un enfant en adoption, il
faut qu'on garde l'enfant au centre, à la crèche. Je laisserais
la parole à Mme Andrée Gilbert qui pourra peut-être vous
répondre sur ce qui arrive à un enfant lorsqu'il arrive à
notre crèche.
Mme Gilbert (Andrée): Quand les enfants arrivent à
la crèche, vous imaginez tous dans quel état ils sont. Ils ne
sont pas proposables à l'adoption quand ils arrivent. Les enfants sont
pour la plupart abandonnés dans les hôpitaux, quelques-uns dans
des ravins et c'est l'Institut du bien-être social et de recherches qui
nous les amène. Les enfants, qu'ils aient un mois ou un an, sont
toujours dans des états déplorables. J'ai déjà eu
un enfant de quatre mois qui pesait quatre livres. Je pourrais vous donner des
exemples comme cela. Avant d'être proposés, ils ont besoin de
soins. En partant, cela nous prend les fonds nécessaires là-bas
pour garder les enfants, les nourrir, puis tes examens médicaux, pour
les médicaments, enfin tout. Ensuite, cela nous prend un
préliminaire médical de base pour pouvoir proposer l'enfant.
Donc, cela nous prend des fonds en partant pour pouvoir avoir un enfant
à la crèche.
Mme Vermette: On a entendu dire que parfois cela coûtait
très cher pour adopter un enfant et qu'il fallait toujours
dépenser des sommes additionnelles pour différentes raisons. Que
ce soit par le biais d'un organisme privé ou par le biais d'un
intermédiaire reconnu par le secrétariat, cela revenait à
peu près aux mêmes problèmes tout compte fait, parce qu'on
est soumis à la mécanique des pays avec lesquels on a à
transiger.
M. Demers: Je peux vous répondre là-dessus que
même lorsqu'on perçoit le montant de l'adoption des parents, on
calcule que cela prend environ six mois pour la pension de l'enfant au centre,
et tout cela. Si pour des raisons hors de notre contrôle, soit ici par
des retards indus, soit à l'immigration, soit qu'on ait des
problèmes politiques dans le pays, comme on a vécu
dernièrement, et que l'enfant doit séjourner plus de six mois
dans le pays, à ce moment-là on demande aux parents de payer la
pension hebdomadaire de l'enfant, tout simplement. Il n'y a pas d'autres frais
que la pension de l'enfant. Si l'enfant était ici au pays et qu'on le
mettait en garderie, cela nous coûterait plus cher au Québec que
de le garder en Haïti, à l'exception du lait "maternisé" qui
coûte excessivement cher en Haïti. Pour une caisse de lait, c'est au
moins 150 $ U.S. Ceci veut donc dire que cela coûte, quand même,
assez cher pour donner une bonne qualité de vie à nos enfants et,
surtout, préserver en fait, leur santé, en leur procurant les
soins pour qu'ils puissent demeurer en santé. Le coût est à
ce niveau-là. Cela peut représenter, présentement pour un
parent, de 40 $ U.S. à 60 $ U.S. par semaine, pour la pension d'un
enfant en Haïti.
Mme Vermette: Lorsque vous avez donné un projet de
convention type, est-ce qu'on pourrait inclure les montants approximatifs parce
que justement on dit qu'on n'a pas de garantie en tant que parents. Est-ce que
ce sont vraiment les sommes ou est-ce qu'on est exploité? Cela fait
effectivement partie des préoccupations, des parents.
M. Demers: On a parlé de la convention type entre le
ministère et l'organisme. Mais, lorsque l'organisme fait une proposition
d'enfant à un couple ou à un requérant, on a aussi une
convention qui lie les deux parties et les coûts sont clairement
indiqués. Si les parents nous demandent combien cela coûte
exactement pour leur enfant, on peut leur dires C'est 8 $ pour les prises de
sang, pour le laboratoire c'est tant, tant, tant. Et, on garde un 100 $ de
réserve au cas où il arriverait qu'un enfant soit malade et qu'on
doive le faire hospitaliser, ce qui nécessite des soins encore plus que
ce qu'on peut donner, nous, à notre crèche.
C'est, quand même, clairement expliqué. En tout cas, avec
Haïti Accueillons un enfant n'a jamais eu de problème. Cela n'a
jamais été aussi exorbitant qu'on le dit un peu partout. Les
parents sont, quand même, toujours d'accord avec ce principe.
Mme Vermette: C'est difficile pour vous de me parler des autres
associations. Effectivement, vous connaissez bien la vôtre, mais, en
général, vous devez sûrement avoir des échanges de
vues à un moment donné entre les différents
intermédiaires. Est-ce que vous travaillez à peu près tous
sur les mêmes bases ou si c'est variable?
M. Demers: Je pense que c'est variable d'un organisme à
l'autre.
Mme Vermette: Est-ce qu'à ce moment-là, même
si je sais que la convention type se fait entre l'organisme et l'État,
pour le gouvernement, ne serait pas intéressant d'exploiter cet aspect
de sorte qu'avec toutes ces garanties - parce que votre convention type, c'est
une garantie finalement - les parents auraient le choix entre un organisme
privé et un intermédiaire reconnu par le secrétariat?
M. Demers: Oui, je pense que ce serait, peut-être, une
excellente suggestion. Je me demande même s'il ne serait pas possible
pour nous d'inclure la convention qu'on signe avec les parents à
l'intérieur de notre protocole d'entente et avec le ministère
aussi. Cela serait aussi une garantie supplémentaire pour les parents,
enfin, pour le ministère. II faut dire que tous les ans on envoie le
rapport annuel de la corporation et on envoie également notre rapport
financier au secrétariat, comme cela existait déjà dans
notre ancienne convention.
Mme Vermette: C'est un aspect d'ailleurs qui a été
mis en évidence: le contrôle au niveau des organismes. On dit que
c'est assez aléatoire actuellement, que cela fait partie du rôle
du secrétariat qui devrait voir à ce que les organismes
travaillent d'une façon conforme aux conventions établies.
Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas et cela ne s'est pas toujours
produit ainsi, ce qui a causé certains malaises.
Tantôt dans votre mémoire, au début, vous disiez
que, d'après la situation actuelle, il est nécessaire d'avoir les
deux formules. Vous disiez aussi, c'est à la page 7: Nous constatons que
le cadre légal de l'adoption internationale est encore trop restreint
pour éviter complètement l'adoption privée.
M. Demers: Oui, oui.
Mme Vermette: Qu'est-ce que vous vouliez dire à ce
moment-là?
M. Demers: Ce qu'on entend par adoption privée, en fait,
c'est un peu l'adoption illégale, c'est lorsqu'on passe par des
réseaux à côté du réseau officiel ou à
côté de la loi. C'est un peu ce qu'on entend par adoption
privée ou illégale, lorsque l'enfant rentre illégalement
au pays, sans avoir passé par aucune formalité auparavant, comme
on a eu le cas l'an dernier en Haïti avec deux enfants qui sont
entrés de façon spectaculaire au Québec et, en même
temps, cela était diffusé sur les ondes de Radio-Canada en
Haïti.
Mme Vermette: Oui, mais ce ne sont pas les raisons du moratoire
en Haïti?
M. Demers: Oui, je ne peux pas m'avancer sur ce sujet.
Mme Vermette: D'accord. (17 heures)
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, enfin, si l'information que
j'ai est juste, je la donne sous toute réserve, et je pense qu'on l'a
d'ailleurs mentionné ce matin, ce ne sont pas des problèmes avec
le Québec, mais ce serait peut-être davantage des problèmes
avec d'autres pays que le Québec qui expliqueraient la raison de ce
moratoire. Il y a évidemment eu cet incident regrettable, je suis
d'accord avec vous, mais il ne semble pas que cela soit? selon les
informations*..
M. Demers: Pour Haïti, oui, il y a eu un ensemble de
problèmes, mais ce que je peux vous dire pour vous rassurer, c'est qu'en
Haïti, à moins que le secrétariat n'ait dit des choses
contraires ce matin, Accueillons un enfant et le Québec sont très
bien vus en matière d'adoption internationale et on nous a
réaffirmé encore lundi, par le biais du ministre des Affaires
sociales, que le Québec et Accueillons un enfant étaient des gens
modèles et exemplaires à Haïti en matière d'adoption
internationale et on voudrait que tout le monde fonctionne comme nous ou
à peu près.
Mme Vermette: Vous avez parlé, en page 7 de votre
mémoire, des délais énormes. D'après vous, un
délai raisonnable, cela représente combien de mois? Est-ce qu'on
pourrait parler de semaines? Finalement, est-ce possible et envisageable que
l'ensemble des organismes puisse prendre à peu près trois mois
pour répondre aux besoins? Est-ce que c'est faisable? Parce qu'on
demande souvent des délais de trois mois.
Mme Gilbert: Quand vous parlez de délais de trois mois,
c'est à partir...
Mme Vermette: Le processus a déjà été
enclenché, une reconnaissance a été faite. Dès que
tout cela est fait et qu'ils sont reconnus parents capables d'adopter un
enfant, bon! ça y est.
Mme Gilbert: D'accord. Cela peut être assez long, ce
délai. Nous nous faisions une moyenne de six mois comme délai.
Parfois, c'était quatre, parfois, c'était six et parfois,
c'était sept, selon les pays. On ne peut jamais fixer un délai.
Comme en Haïti, avec la politique, le ministre change aux trois mois, les
directeurs généraux changent également aux deux, trois ou
quatre mois, et chaque fois qu'une personne part, elle part avec toute sa
documentation. Donc, on recommence. Selon les changements, c'est difficile pour
nous de fixer un délai. Par contre, on s'est toujours tenu dans une
moyenne de six à sept mois et on ne considère pas cela
très long, si on le compare avec les délais qu'il y a au
Québec à partir du moment où le couple fait la demande et
le moment où le dossier est acheminé à notre bureau.
À notre avis, c'est là que le délai est immense. C'est
là que c'est très long.
M. Demers: Le délai aussi est augmenté - et ce sera
peut-être des ententes à négocier avec le ministère,
en fait - en ce qui concerne l'examen médical d'immigration. Auparavant,
l'entente qu'on avait avec le secrétariat était que, dès
qu'on faisait une proposition d'un enfant à des parents, on
émettait immédiatement une instruction médicale et la
réception pour l'instruction médicale, l'examen fait de l'enfant
en Haïti. Vous savez, cet examen médical doit être
expédié à Kingston en Jamaïque, être
approuvé par le médecin s'il n'est pas parti en congé ou
s'il n'est pas parti dans les îles pour faire une tournée de ses
bureaux de santé, une tournée médicale et cela doit
revenir en Haïti et là, on dit: Oui, l'enfant peut entrer au pays
au point de vue médical. Cela peut prendre trois mois, cela peut prendre
un mois. Et c'est un délai important. Mais nous disons que, si les
instructions médicales sont émises lorsque l'enfant est
prêt à entrer, cela pénalise l'enfant d'au moins deux
à trois mois dans le pays. Et on l'a vécu encore
dernièrement.
Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, M. le Président,
à ce sujet, nous sommes conscients de cette espèce de double
délai parce que, ici, on exige de nouveau l'examen médical et il
y aurait peut-être moyen que le même examen médical serve
pour les deux, ce qui éviterait...
M. Demers: Non. On exige seulement un examen médical, Mme
la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Oui?
M. Demers: Seulement celui de l'ambassade du Canada en Haïti
par un médecin autorisé par le ministère canadien de la
Santé nationale et du Bien-être social. Et c'est cet examen qu'on
doit expédier en Jamaïque pour être approuvé par le
médecin. Si on me l'envoyait, je l'approuverais, c'est bien sûr,
mais enfin...
Mme Vermette: Tantôt, puisqu'on parle toujours des
délais, j'aimerais que vous m'entreteniez de vos rapports avec le
Secrétariat à l'adoption internationale. Il serait
peut-être intéressant de savoir pourquoi, alors que vous avez des
enfants, ici, tous les parents se plaignent de ne pas avoir d'enfants. Vous
nous éclaireriez un petit peu là-dessus.
M. Demers: À cette période-là, si on parle
de décembre 1985 au moment où on manquait d'enfants, les rapports
avec le secrétariat étaient excellents, on a toujours de bons
rapports avec celui-ci et je pense qu'on en a encore et c'étaient
d'excellents rapports. Cependant, on nous disait que c'était dans les
CSS que l'évaluation ne se faisait pas assez vite. C'est sûr qu'on
essayait de respecter une liste provinciale mais il y avait des CSS qui
travaillaient plus vite que d'autres ou qui avaient plus de ressources. C'est
toujours dans les CSS où il se faisait le moins d'évaluations que
cela traînait un petit peu la patte et que cela retardait un peu
indûment tout le monde. On a quand même fait des pressions avec le
secrétariat sur les CSS pour pouvoir sortir le plus rapidement des
évaluations. On sait que dans un CSS si la travailleuse sociale est
à demi-temps et qu'elle en a plusieurs... Il est sûr qu'on ne veut
pas adopter seulement en Haïti, mais à ce moment-là
c'était pour nous une situation d'urgence. Ce n'était pas parce
que les rapports n'étaient pas bons avec le secrétariat. On a eu
à un moment donné beaucoup d'enfants qui sont entrés
ensemble. C'est ce qu'on appelle en fait le "boom du carnaval"; au mois de
novembre, ce sont les enfants de février. C'est un peu cela.
Mme Vermette: Finalement, on débouche sur le rôle
que les CSS doivent jouer en ce qui concerne l'évaluation. On dit que
là aussi le délai est excessivement long le délai est
déjà long pour avoir l'autorisation d'entreprendre une
démarche -mais une fois que c'est fait, il y a un autre délai qui
s'ajoute, c'est l'évaluation des parents. Souvent, les CSS manquent de
personnel, mais ce n'est pas le plus gros problème. Le plus gros
problème, c'est le manque d'enfants. S'ils ne font pas
d'évaluation, c'est parce qu'il n'y a pas d'enfants disponibles. Je ne
le sais plus, j'en perds mon latin.
M. Demers: Je peux vous dire qu'actuellement c'est
peut-être vrai pour Haïti parce que c'est un peu en suspens
là-bas pour des raisons politiques. Là-bas on est en train de
refaire la loi un peu comme ici. C'est à ce moment-là qu'a eu
lieu le départ de M. Duvalier. Cette dernière année, on a
eu un peu plus de problèmes à cause de ce qui s'est vécu
dans le pays. Auparavant, on n'avait pas vraiment de problèmes et les
enfants entraient et sortaient, mais on n'avait pas assez de dossiers en
attente à ce moment-là. Si un parent veut avoir une fille de deux
à quatre ans, si on n'a que des garçons et qu'ils ne veulent pas
avoir de fille, il est sûr qu'ils vont attendre plus longtemps. Ce qui va
faire que des parents vont attendre plus longtemps, c'est le type d'enfants
qu'ils veulent avoir, c'est-à-dire l'âge et le sexe.
Mme Vermette: Oui et surtout des bébés jeunes.
M. Demers: Présentement, nous, ce qu'on a en Haïti,
en majorité, ce 3ont des enfants de zéro à un an et je
dirais à 70 % des garçons.
Mme Vermette: II y a un autre aspect. Vous avez parlé de
l'évaluation, mais il y a une problématique particulière
avec Haïti à cause de la coloration des enfants. Lorsque vous
faites des rencontres d'information auprès des parents qui contactent
votre association parce qu'ils en ont entendu parler, est-ce qu'il vous arrive
aussi par votre rôle, parce que vous avez une expertise et que vous avez
peut-être vécu l'expérience en tant que parents, est-ce que
vous faites des mises en garde aux parents pour qu'ils soient au courant du
fait que l'enfant - ce n'est pas comme au Guatémala où la peau
est beaucoup plus pâle - risque d'avoir une peau plus foncée?
M. Demers: C'est cela. Effectivement, nous mettons les parents au
courant de ce que c'est, de ce qu'est une adoption, de ce que c'est l'adoption
d'un enfant étranger, d'un enfant de couleur et spécialement d'un
enfant de race noire. Je pense qu'on les met bien en garde là-dessus. On
a même produit un document il y a deux ans en collaboration avec le CSS
de Québec parce qu'on est tout près. D'ailleurs, on a une
très bonne collaboration du CSS de Québec. On a rassemblé
comme organisme ou comme parents qui ont déjà adopté,
comme organisme qui va souvent dans le pays, un peu ce qu'on devrait demander
aux parents ou ce sur quoi on devrait faire réfléchir les parents
lorsqu'on fait l'évaluation d'un couple
ou des requérants. Ce sont des éléments qu'on a
ressortis effectivement et qu'on a soumis au CSS. On en tient compte.
D'ailleurs une fois qu'un enfant est arrivé, le rôle de notre
organisme ne s'arrête pas là. On a aussi la postadoption comme
vous avez pu le voir dans notre mémoire, on fait de la postadoption,
c'est-à-dire qu'on s'assure avec les parents ou avec nos familles
ressources que tout va bien dans la famille. On fait des rencontres de groupes
et on donne un service aux parents qui ont adopté.
Mme Vermette: Je voulais aussi vous poser une autre question.
Dans votre mémoire, vous faites référence, justement,
à l'évaluation des parents. Je pense que c'est un volet important
et qu'on devrait mettre l'accent là. On en parle souvent. Les parents se
sont beaucoup plaints. Au lieu de faire l'évaluation pour savoir si le
parent est capable d'assumer la différence d'avec son enfant, on met
souvent l'accent sur d'autres problématiques comme la capacité
affective des parents dans leur relation de couple et on va beaucoup dans
l'intimité du couple.
À cet égard, vous avez aussi fait une recommandation
à savoir que l'évaluation, pour gagner du temps, pourrait aussi
être faite en cabinet privé, parce qu'il y a un manque de
ressources dans les CSS. Ne voyez-vous pas là un certain danger?
Finalement, est-ce que vous pensez que l'on touche un peu à
l'accessibilité?
M. Demers: Enfin, si on a recours au secteur privé, on
croit que ce devrait être des gens reconnus par le ministère ou
par les CSS. Certains CSS l'ont fait pour gagner du temps. C'est
peut-être un petit peu dans ce sens... Lorsque l'on a dit "une
évaluation qui est quand même selon les normes de leur
corporation", je pense, si on se fie à leur corporation, que cela
devrait être important. Enfin, je n'ai pas de données
statistiques, mais je ne crois pas que le refus des parents se fasse sur leur
capacité parentale. II faut amener les parents à prendre
conscience du geste qu'ils vont poser et de ce qu'il va arriver dans leur vie
après. Je pense que c'est plus à ce niveau que doit se jouer
l'évaluation. Il faut s'assurer que les parents sont stables; une fois
que c'est prouvé, il faut quand même être capable de faire
mûrir le projet des parents. Peut-être qu'il faudra le faire
mûrir avant de faire immédiatement une évaluation; avant de
faire l'évaluation finale, il y aura peut-être une certaine
transition pendant les quelques mois d'attente. Quand tu t'inscris, on te place
sur une liste d'attente, et un an après, tu reçois une lettre qui
dit: Si tu ne réponds pas, on t'enlève. C'est tout ce que l'on te
demande. Cela peut prendre deux ou trois ans avant que l'on t'évalue.
Pendant tout ce temps, rien ne se passe. C'est là qu'est, en partie, la
première angoisse des parents. Pendant deux ou trois ans, tu ne sais pas
ce qui va arriver, tu n'es au courant de rien. Je pense qu'il faudrait qu'on
entretienne ces parents. C'est à partir de ce moment-là qu'on
peut au moins faire mûrir leur projet d'adoption.
Mme Vermette: Avant de terminer, j'espère qu'on va me
laisser poser ma question, j'ai une minute pour vous la poser. Elle me
brûle les lèvres et je la trouve assez importante. Est-ce qu'il y
a eu beaucoup de parents qui ont eu affaire avec votre organisme et qui, une
fois l'enfant arrivé au pays, n'ont pas été capables
d'assumer cette responsabilité? qui ont remis l'enfant et vous avez
été obligés de le replacer ailleurs.
M. Demers: La première chose que je vais vous
répondre là-dessus, c'est que nous n'avons aucun contrôle
sur la capacité parentale. On nous donne un dossier et on le fait
procéder en Haïti. À la première question, je peux
vous dire que le gouvernement d'Haïti a refusé des dossiers du
Québec parce que la travailleuse sociale avait fait certaines
recommandations. On a quand même soumis le dossier à l'adoption,
alors que la travailleuse sociale avait écrit, par exemple: On ne croit
pas que ces parents vont être capables de garder un enfant de couleur.
Quand même, on nous a transmis le dossier pour l'envoyer en Haïti.
C'est sûr que là-bas, ils lisent les dossiers et la travailleuse
sociale a dit: Non, on bloque ces couples. C'est le seul cas où les
parents ont été bloqués là-bas. Maintenant,
où les parents ont rejeté l'enfant...
Une voix: Carrément.
M. Demers: ...il y en a au moins un ici que je connais, il y en a
même un deuxième. L'enfant est arrivé, il a
été placé dans un hôpital et le médecin a dit
que l'enfant était malade mental. Les parents n'ont pas pris l'enfant,
tout simplement, mais le diagnostic n'était pas juste, l'enfant va
très bien présentement. On a travaillé avec le CSS pour
qu'il soit dans une famille et il a été adopté par une
autre famille; cet enfant se développe très bien. Enfin, il y a
eu deux cas et ils se sont présentés dans le même CSS. On
se demande si...
Une voix: Le même médecin et le même
hôpital.
M. Demers: Oui, c'est le même médecin au même
hôpital qui a porté de faux diagnostics pour les deux enfants;
c'était le même CSS. Ce sont les deux seuls cas qu'on a eus sur
800.
Mme Vermette: Écoutez, il ne me reste
plus qu'à vous remercier de vous être si bien
prêtés à la série de questions qu'on vous a
posées. Je vous en remercie beaucoup. Je pense que vous allez apporter
un grand éclairage pour nos décisions.
M. Demers: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laurier.
M, Sirros: Merci, M. le Président. J'aurais une question
très brève. À un moment donné, vous dites dans
votre mémoire que, dans les pays d'adoption simple où les enfants
sont des orphelins ou de parents inconnus, cela ne devrait pas être
nécessaire d'avoir un représentant du pays qui entre dans le
processus. Qui pourrait, à ce moment-là, vous certifier ou
prouver qu'ils sont véritablement de parents inconnus? (17 h 15)
M. Demers: Bien, nous, pour Haïti, c'est l'hôpital
d'où vient l'enfant. En ce qui concerne Haïti, pour nous, le
problème ne se pose pas parce que de, toute façon, on a mis en
place une mécanique avec Haïti de telle sorte qu'on a toujours
l'autorisation de l'Institut du bien-être social et de recherches
d'Haïti. Pour nous, le projet de loi tel quel ne cause aucun
problème. On nous aurait dit: Qu'est-ce que vous faites en Haïti,
on va l'écrire dans le projet de loi et cela aurait été
cela. Mais on pense aux autres organismes. Enfin, je pense que c'est
l'organisme et c'est la personne, l'officier d'État civil ou celui qui
dit que l'enfant est abandonné, celui qui signe l'acte de naissance, je
pense, qui devient un petit peu la personne qui mandate, d'autant plus que
l'organisme aussi est là.
Mme Gilbert: Si l'enfant est abandonné dans un
hôpital, c'est le directeur général de l'hôpital qui
signe le certificat d'abandon, attestant que l'enfant a vraiment
été abandonné ou est orphelin. Si l'enfant est
abandonné dans la rue, il peut être placé à la
crèche pendant X temps et si personne n'est venu le réclamer
après un mois ou deux, c'est le juge de paix qui signe le certificat
d'abandon. En tout cas, c'est cela pour Haïti. Donc, dans plusieurs pays,
cela devrait être similaire.
M. Demers: Parce que cela évite des délais pour ces
enfants.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais juste revenir très
brièvement sur trois points, et ce pour l'information
générale. On me transmettait l'information que, sur 100 demandes
de parents pour des enfants, il n'y en a que cinq ou six qui vont accepter des
enfants noirs, les autres préfèrent des enfants de
l'Amérique latine ou d'Asie. Cela veut dire qu'il y en a qui doivent
être plus longtemps sur la liste d'attente.
La deuxième chose que vous avez dite dans vos remarques tout
à l'heure, c'est: Ecoutez, on aurait aimé avoir une commission
beaucoup plus large et même, une commission d'enquête sur
l'adoption...
M. Demers: Ce ne sont peut-être pas les bons termes que
nous avons employés. Enfin, c'est une commission élargie
ou...
Mme Lavoie-Roux: Mais pas une commission d'enquête?
M. Demers: Non, une commission parlementaire.
Mme Lavoie-Roux: Je me demandais si derrière cela il y
avait des préoccupations qui peut-être même
dépassaient les nôtres. Ce n'était pas dans ce sens?
M. Demers: Ah non! excusez. C'est une commission parlementaire
élargie en fait.
Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord. Je voudrais juste revenir une
dernière minute sur les montants mis en fidéicommis que vous
recevez des parents. En tout cas, on va réexaminer cela dans la
perspective où vous dites que c'est la façon dont vous
fonctionnez. Mais il semble que déjà, un certaine nombre
d'organismes reconnus le font. La seule garantie, c'est que l'argent est
versé par des parents, par le parent A, et est utilisé pour
l'enfant qui est réservé au parent A. Ce n'est pas du tout pour
multiplier des consentements ou faire un contrôle; c'est simplement une
garantie. Je ne sais pas si, à ce sujet, vous avez véritablement
des objections?
M. Demers: Non, enfin, pour autant qu'on puisse s'assurer d'un
mécanisme qui va nous permettre de retirer ces sommes...
Mme Lavoie-Roux: Ah! que vous puissiez l'utiliser.
M. Demers: ...au fur et à mesure que... Mme Lavoie-Roux:
C'est cela.
M. Demers: ...le dossier des parents progresse dans le pays.
C'est à ce niveau surtout que notre...
Mme Lavoie-Roux: Non, sur cela, je pense qu'il n'y aura pas de
problème du tout. C'est vraiment juste une assurance aux parents que
l'argent va pour l'enfant qu'ils -enfin, je ne sais pas si on peut parler de
"patronner", mais en tout cas - parrainent dans le pays.
M. Demers: Ce que je pourrais vous dire, Mme la ministre, c'est
un petit peu ce qu'on fait déjà. Lorsqu'on a l'argent des
parents, en fait, on l'envoie au fur et à mesure en Haïti, au fur
et à mesure du développement, de l'évolution du dossier.
Mais il faut dire aussi qu'on profite de nos... Ce n'est pas facile d'envoyer
quelque chose comme un dossier confidentiel ou des sommes d'argent en
Haïti. Il faut avoir quand même des personnes fiables et il faut
profiter des occasions où quelqu'un se rend dans le pays,
habituellement, pour pouvoir transmettre soit des dossiers ou des sommes
d'argent, des traites bancaires, en fait, pour les enfants.
Mme Lavoie-Roux: Alors, écoutez, je veux vous remercier et
on va tenir compte de vos remarques. Je pense que déjà on a
peut-être apaisé certaines de vos inquiétudes.
Évidemment, il va y avoir des corrections apportées aux trois, au
projet de loi, au règlement et au... Le règlement, de toute
façon, n'était plus en concordance avec le projet de loi.
M. Demers: Avec la loi, oui, c'est cela.
Mme Lavoie-Roux: II avait été déposé
et on ne voulait pas retarder les choses. La raison pour laquelle on n'a pas eu
de commission élargie, c'est qu'il existait, avec
l'interprétation de la loi, la nécessité d'intervenir le
plus rapidement possible, au plan législatif, pour modifier d'abord dans
le Code civil les dispositions qui avaient donné lieu à des
interprétations diverses et qui nous avaient amenés dans un
cul-de-sac ou, enfin, nous y serions arrivés à plus ou moins long
terme. Cela aurait pu vouloir dire un processus qui nous aurait menés
à l'automne prochain. Alors, c'a été la raison principale.
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Demers, Mme
Gilbert et M. Gagnon, nous vous remercions infiniment de votre apport à
la commission.
J'appelle la prochaine association, soit l'Association des parents pour
l'adoption internationale. Si vous le voulez, on va suspendre les travaux pour
cinq minutes, le temps de changer de groupe et de bouger un petit peu, en ce
qui nous concerne.
(Suspension de la séance à 17 h 20)
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de reprendre sa place. À l'ordre,
s'il vous plaît!
Nous allons entendre maintenant l'Association des parents pour
l'adoption internationale représentée par le président, M.
Edmond Venne, M. Bertrand Ahier et M. André Perreault qui sera le
porte-parole. M. Perreault, si vous voulez avoir l'obligeance de nous
présenter votre équipe, d'abord.
Association des parents pour l'adoption
internationale
M. Perreault (André): D'accord. M. le Président,
Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, mesdames et messieurs,
d'abord, j'aimerais vous présenter, immédiatement à ma
droite, M. Edmond Venne, qui est le président de l'Association des
parents pour l'adoption internationale, qui a déjà adopté
un enfant de république Dominicaine en ]985 et qui est également
parent naturel d'un autre enfant. J'aimerais aussi vous présenter,
à mon extrême droite, Jean-Jacques Gauthier, qui est
administrateur de l'APPAI et également qui est en attente
d'évaluation depuis un an et deux mois exactement. À ma gauche,
vous retrouvez Bertrand Ahier, secrétaire trésorier de
l'association, ayant adopté un enfant de république Dominicaine
en 1985. Je suis André Perreault, président du comité du
mémoire, également en attente d'évaluation depuis deux ans
et trois mois et je tiens à signaler que c'est pour n'importe quel pays,
pour n'importe quel sexe et que j'étais en attente, à ce
moment-là, entre décembre 1985 et février 1986.
Si vos règlements me le permettent, j'aimerais produire aux
personnes qui sont autour de cette table ce dont on se servira pour la
présentation de nos points saillants durant cette brève
allocution de 20 minutes.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
secrétaire va vérifier. Est-ce qu'il y aurait consentement des
deux côtés pour le dépôt de documents' Oui.
M. Perreault: Je m'excuse, je dois signaler que c'est un document
de deux pages. Il n'y a rien d'ajouté, c'est du...
Le Président (M. Bélanger): II n'y a pas de
problème. Le document est donc considéré comme
déposé à la commission.
M» Perreault: Merci. L'Association des parents pour
l'adoption internationale recommande la formulation de règles claires
favorisant l'adoption internationale. Plus spécifiquement, l'APPAI
suggère l'adoption des mesures suivantes. La première, c'est la
préparation d'un préambule à la loi dans lequel est
indiqué, et ce, dans l'intérêt de l'enfant, l'intention de
favoriser l'adoption internationale en l'absence d'un milieu familial stable en
pays d'origine. On a été habitué à l'ancienne - ce
qui est encore, aujourd'hui, le processus - philosophie du
secrétariat qui ne s'affichait en faveur de l'adoption
internationale que lorsque tous les recours avaient été
épuisés. Cette philosophie ne nous semble pas refléter le
désir autant du gouvernement que de la société
québécoise d'aujourd'hui. À ce sujet, le projet de loi
tombe dans le mutisme complet et je pense que les règles
d'interprétation de la loi font qu'une telle indication pourrait faire
pencher l'interprétation des tribunaux en faveur de l'adoption
internationale dans les cas où il y a mésentente entre les
intervenants. Je pense également que ce préambule saurait
valoriser la responsabilité sociale méritoire des parents qui
décident d'adopter un enfant hors frontière.
Quant au deuxième point, l'APPAI suggère la
considération de l'adoption internationale comme une mesure de choix
dans le cadre d'une politique familiale efficace et de la lutte à la
dénatalité. On a récemment pris connaissance de
statistiques indiquant que le taux de croissance au Québec était
de 1,6 %, un des taux les plus bas au Canada, et on croit qu'on peut retrouver
dans l'adoption internationale une mesure efficace.
Le troisième point, c'est la reconnaissance des jugements
d'adoption simple et plénière. Nous sommes heureux de voir que le
projet de loi reconnaît maintenant l'adoption simple. Cependant, nos
inquiétudes ne se limitent pas à cette simple déclaration.
Il est indiqué dans le projet de loi que l'on reconnaîtra
l'adoption simple lorsqu'un représentant de l'État pourra
conclure à l'adoptabilité de l'enfant. Pour nous, il y a un
problème. Il y a un problème parce qu'on n'arrive pas à
identifier qui sera la personne, selon notre propre loi, autorisée dans
l'État à décider de l'adoptabilité d'un enfant. Il
n'y a rien qui prévoit que telle ou telle personne de l'État en
particulier puisse donner cette autorisation et, en fonction de la connaissance
qu'on a de l'appareil administratif de certains pays, on peut se demander dans
quelle mesure quelqu'un pourrait brandir une autorisation donnée
effectivement par écrit par un représentant ordinaire de
l'État, mais qui ne serait pas nécessairement autorisé
à donner une telle autorisation en matière d'adoption
internationale précisément. On pense donc qu'il y a là une
lacune. On pense également que la loi manque en ce qu'elle n'arrive pas
à établir à quel moment l'État doit donner son
consentement. Est-ce avant ou après le jugement a intervenir en pays
étranger? Est-ce que je dois m'adresser au tribunal en pays
étranger et ensuite m'adresser à l'État ou est-ce que je
dois m'adresser à l'État et, suite à cela, m'adresser au
tribunal pour obtenir un jugement d'adoption?
Le quatrième point est la supervision effective, par le
secrétariat, des intervenants plutôt que la simple coordination de
ceux-ci.
Le terme "coordination" a été puisé directement
dans le projet de loi et dans les articles suggérés. Il ne
faudrait pas croire que l'on voit là une tâche répressive
à l'endroit des intervenants. Au contraire. Selon nous, cela va mettre
fin à l'anarchie qui fait actuellement que le manque de discipline et de
règles établies mène à un chaos complet. Il est
important que l'on retrace, parmi tous les intervenants, quelqu'un qui soit en
mesure de mettre un point final à des directives, à des
décisions... Les parents sont trop souvent confrontés aux
opinions des intervenants, alors qu'ils n'arrivent pas à distinguer
à qui ils doivent se référer. Je peux avoir une opinion du
secrétariat qui va différer de celle de mon travailleur social
relativement à un certain point et je ne sais plus qui croire. Je traite
avec mon travailleur social, mais je sais que le secrétariat est
l'organisme mandaté par le gouvernement.
Le cinquième point est la création d'une liste d'attente
provinciale gérée par le secrétariat, permettant que
chacun d'eux puisse en tout temps consulter son rang. Il est important que l'on
puisse établir cette liste et que cette liste soit publique, non pas
dans le sens de la connaissance de tous les noms qui s'y retrouvent, mais il
est important que quelqu'un puisse s'assurer qu'il n'y a pas de passe-droit,
que son dossier évolue normalement et qu'à chaque adoption qui se
fait il gagne un rang sur l'échelle. Ce qui n'est pas le cas
actuellement. On n'arrive pas, avec les listes locales, à savoir
où on se retrouve, si effectivement on est la prochaine personne
à être traitée ou après combien de personnes on va
être traité.
Il faut également qu'il y ait de l'encouragement et qu'on
respecte les contacts privés. J'aimerais apporter une distinction
à ce qu'on a dit ce matin lorsqu'on a parlé de l'adoption
privée. Il y a une différence entre les contacts privés et
l'adoption privée. Nous ne recommandons pas l'adoption privée
parce que, selon nous, elle peut mener aux filières mercantiles, mais
nous recommandons les contacts privés. Lorsqu'une personne peut avoir un
lien avec une personne en autorité dans un pays et qu'elle peut par la
suite passer par le gouvernement et remplir le processus qui est prévu
pour tout adoptant, cette personne devrait pouvoir adopter cet enfant qui lui
est réservé dans un autre pays.
Nous aimerions également qu'on observe rigoureusement le
délai maximum de trois mois entre l'inscription et l'évaluation
des parents, selon une grille commune, connue, des critères
appliqués par les travailleurs sociaux. On en a déjà
parlé. Je vais passer rapidement, sauf qu'il me semble que les trois
mois ont été acceptés, ou presque, ce matin par les
centres de services sociaux. Cela semblait être quelque chose de
faisable.
On se retranche derrière l'impossibilité pour les
organismes de suffire à la demande pour dire que cela prend trois ans ou
à peu près. La grille connue des critères est importante
en ce qu'elle permet aux adoptants d'avoir un contrôle sur l'approbation
ou le refus de leur demande, bien que les refus, on l'admet, soient très
rares à notre connaissance.
Il y a un point important. L'article 72.3.1 envisagé dans la Loi
sur la protection de la jeunesse traite du mot "besoins". II est important pour
nous que les besoins ne soient pas ceux déterminés par les
capacités des centres de services sociaux, mais ceux
déterminés par la demande des parents adoptants et par le respect
du délai prévu et demandé de trois mois.
Au septième point, nous demandons la fin heureuse, dans
l'année qui suit, des dossiers ouverts depuis deux, trois ou quatre ans.
Il y a des gens qui, après quatre ans, attendent encore aujourd'hui une
adoption. À notre avis, c'est inacceptable. Je pense qu'il est de
règle de dire qu'en 1980, une adoption prenait de neuf mois à un
an. En 1985, quelqu'un qui allait s'inscrire se faisait dire par le travailleur
social qu'il en avait pour deux ans à attendre une évaluation. Au
bout de ces deux ans, en 1987, cette même personne, inscrite en 1985, se
fait dire par le travailleur social qu'il y a déjà un an de plus
à ajouter au délai. En 1987, quelqu'un qui s'inscrit se fait dire
qu'il doit attendre trois ans avant une évaluation. Cela nous fait
penser que ce sera probablement dans le temps cinq ans à cause des
délais qui se seront ajoutés et que ce sera probablement, en
réalité, sept ans, si on ajoute le délai que cela prendra
à l'organisme pour trouver un enfant.
Il faut également qu'il y ait implantation du recours au Tribunal
de la jeunesse - et on est fier que ce soit reconnu - en simplifiant la
procédure, en affichant les sanctions de non-respect de la
procédure et en permettant aux parents de prendre connaissance des
rapports les concernant et de présenter leur projet au tribunal,
même si le DPJ n'approuve pas le projet.
Quand on dit simplifier la procédure, actuellement, le projet de
loi prévoit deux étapes au Tribunal de la jeunesse: une
première, avant de partir et une deuxième, au retour. Il y en a
une qui doit sauter. Si on dit que l'étape préliminaire est
très importante, à ce moment-là, pourquoi revenir et
retourner devant le tribunal? Si l'on dit: Non, je regrette, mais la
deuxième étape est la plus importante parce que c'est là
que c'est complété, à quoi sert-il de se présenter
une première fois devant le tribunal pour se faire dire que c'est
correct?
Également, il est important, quand on parle de simplification de
la procédure, de vous reporter à des exemples où l'on a
simplifié la procédure dans le but de favoriser certaines
mesures. Par exemple, aux petites créances, le rôle du greffier
est élargi. On emploie des formulaires faciles à remplir. Sinon,
les coûts augmentent et, quand les coûts augmentent, ce sont
toujours les parents qui paient la note au bout. En prévoyant
l'utilisation du tribunal, si on n'arrive pas à en faire un tribunal
administratif favorable à l'intervention populaire, les coûts
augmenteront parce que les parents devront avoir recours à des avocats
pour se présenter devant le tribunal.
Le neuvième point: la disponibilité des services
d'adoption internationale dans tous les CSS du Québec, avec recours au
travailleur social privé, lorsque cela s'impose pour le respect des
délais. Je pense qu'on en a déjà parlé. D'autres
intervenants avant nous ont fait valoir ce point et nous endossons le recours
au travailleur social privé, avec supervision des CSS, dans les cas
où c'est nécessaire pour respecter les délais.
Le dixième point: l'obligation de la convention type pour les
organismes reconnus d'agir sans but lucratif, ce qui n'est pas prévu
actuellement. À notre connaissance, ils agissent tous sans but lucratif,
mais la possibilité qu'une personne morale se présente et
obtienne une charte pour faire de l'adoption internationale avec but lucratif,
ce n'est pas interdit actuellement, que l'on sache.
Fournir des renseignements écrits et les documents dont la liste
fait mention à ladite convention type, pour faire en sorte que les
parents puissent se préparer dès le début à leur
projet d'adoption.
Un traitement juste et équitable de tous les parents en attente.
J'aimerais apporter une mention quant à l'amnistie qui a
été accordée. Plusieurs de nos membres ont
sursauté. Quant à nous, on avait toujours encouragé nos
membres à suivre le processus pour qu'ils aient une adoption claire et
de qualité. Ce dont on s'est aperçu, c'est que ceux qui
attendaient depuis deux, trois ou quatre ans dans la légalité
attendent aujourd'hui, alors que ceux qui se sont prévalu d'une
inscription dans l'illégalité il y a un an se trouveraient
amnistiés. Je vous dirai que la pilule ne passe pas auprès des
parents adoptants et que si on n'arrive pas à trouver un autre moyen, il
est évident qu'on se retrouvera avec de plus en plus de cas où on
aura à penser à des sanctions ou à l'amnistie.
On y indique également la disparition de pratiques
discriminatoires quant à ceux qui entendent se prévaloir de
l'adoption internationale. Cela implique certains aspects. On a refusé
à des parents d'être famille d'accueil en attente d'adoption
internationale, alors qu'on ne le refuse pas à des parents en attente
d'adoption au Québec. On a invité des parents à adopter au
Québec et on leur a fait des incitations à adopter au
Québec, alors que ces personnes étaient
intéressées, au début, à adopter hors
frontières. S'il est dit qu'il y a une banque où il y a une
pépinière d'enfants au Québec, je vous dirai qu'il n'est
sûrement pas dans les capacités de tout le monde de s'occuper,
dès l'entrée d'un enfant dans la maison, d'un adolescent. Il
n'est sûrement pas non plus dans les capacités de tout le monde de
s'occuper de mésadaptés sociaux affectifs ou de
handicapés. Il faut également que l'appui technique, juridique et
financier soit reconnu aux adoptants. Un simple exemple au point de vue d'appui
technique, c'est un service de traduction. La traduction des documents dont on
demande la production en français ou en anglais cause des
problèmes énormes aux parents. Également l'appui juridique
rendu obligatoire à notre avis par l'intervention bienvenue du Tribunal
de la jeunesse et l'appui financier. Je pense que le gouvernement doit se
pencher sur des mesures fiscales permettant d'encourager les parents à
recourir à l'adoption internationale.
Le quatorzième point touche la reconnaissance des associations de
parents comme intervenants faisant partie d'un comité consultatif
permanent à être créé. C'est presque historique pour
nous de pouvoir nous adresser aux personnes qui ont un pouvoir
décisionnel, aujourd'hui, et on espérerait être beaucoup
plus souvent plus prêts de ces pouvoirs décisionnels et de pouvoir
faire valoir les expériences qui sont vécues chez nous.
J'aimerais signaler un petit calcul que j'ai effectué tantôt lors
de l'audition des intervenants qui nous ont précédés. On
nous a dit au centre des services sociaux qu'un délai de trois mois
était suffisant pour régler le cas d'une évaluation et
qu'on attendait les organismes, parce que cela ne peut pas aller plus vite de
toute façon dans les pays. C'est pour cela que cela prend trois ans. On
nous a dit d'un autre côté chez les organismes que cela prend
à peu près six mois à débloquer un dossier à
l'extérieur du pays lorsque le dossier leur est acheminé. Je dois
conclure que trois mois plus six mois, cela donne quatre ou cinq ans. Il me
manque trois ans et trois mois ou quatre ans et trois mois quelque part. Je ne
pense pas que le projet de loi réponde à ce manque de quatre ans
et trois ans. On ne l'explique pas, et on n'entend pas y pallier
définitivement. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le président,
nous vous remercions. Mme la ministre. (17 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les porte-parole de l'Association des parents pour l'adoption internationale.
Je pense que vous avez préparé un mémoire fouillé
et vous avez essayé de couvrir de nombreux aspects, non seulement du
projet de loi, mais également des préoccupations qui sont les
vôtres comme parents. Vous semblez - si j'interprète mal, vous me
corrigerez - reconnaître ces principes de base à savoir que
l'adoption internationale doit être encadrée. On ne peut pas la
laisser aller à la va-comme-je-te-pousse. C'est quand même
encourageant parce qu'il faut comprendre que toute cette discussion qui a eu
lieu, et vous l'avez signalé, c'est peut-être parce que nous
sommes des optimistes de part et d'autre, mais elle a, au moins, amené
sur la place publique un sujet qui, probablement, aurait dû l'être
déjà depuis longtemps. Si cela n'avait pas abouti à
l'occasion du décret et de sa publication à La Gazette
officielle du Québec, je pense que cela aurait été
simplement partie remise et cela aurait éclaté à un autre
moment avec ce qu'on sent aussi être des modifications dans le
comportement des pays qui laissent aller leurs enfants pour adoption. Ils
commencent à être plus sensibilisés aux problèmes et
ils se posent, peut-être, plus de questions qu'ils s'en posaient à
l'origine quant à ce qu'il arrivait aux enfants qui partaient pour
adoption dans d'autres pays.
Vous soulevez beaucoup de questions. Je vais essayer d'en reprendre
quelques-unes. Ce ne seront peut-être pas nécessairement celles
qui vous touchent le plus.
D'abord, je voudrais commencer par le début. Vous parlez d'un
préambule à la loi qui indiquerait les intentions
véritables de l'État quant à l'adoption internationale. Ce
matin, j'ai eu l'occasion de dire que nous favorisons l'adoption
internationale, mais dans des conditions qui soient acceptables. La raison pour
laquelle il est pratiquement impossible d'introduire ce préambule dans
un projet de loi comme celui-ci, c'est que c'est un projet de loi qui vient
modifier le Code civil. Alors, le Code civil ne contient pas ce genre de
formulation. Par contre, je pense qu'on pourrait le retrouver dans ce qui
serait un énoncé de principes à l'intérieur d'une
politique qui n'a peut-être pas besoin d'avoir 300 pages, mais qui
pourrait être une politique officielle du ministère de la
Santé et des Services sociaux. Je pense que c'est encore une suggestion
qui pourrait être retenue pour que vraiment il n'y ait pas
d'ambiguïté ou de confusion, à savoir si l'État veut
de l'adoption internationale, si il y accède comme un pis-aller;
où il se situe. En tout cas, je retiens votre suggestion.
Vous voulez l'inscrire dans le cadre d'une politique familiale de la
lutte à la dénalité. Ce sont des aspects qu'on pourrait
examiner. À la page 4, vous parlez de la supervision effective par le
secrétariat des intervenants plutôt que de la simple coordination
de ceux-ci. L'impression que vous m'avez donnée, c'est qu'il y a
confusion... Vous avez dit: Je suis un peu partagé entre ce que
mon travailleur social peut dire de mon côté, certaines
représentations qui peuvent être faites par le secrétariat
à l'adoption de l'autre côté, et peut-être par
l'organisme reconnu en troisième lieu. Je pense que l'objet du
règlement, l'objet de la convention type - et évidemment de la
loi pour clarifier l'Interprétation juridique qu'on fait de l'adoption -
c'est de clarifier les responsabilités de chacun et c'était, au
point de départ, l'objectif du règlement - qui lui aussi va
devoir être corrigé en fonction du projet de loi qui a suivi au
lieu de précéder justement de mieux clarifier les
responsabilités de chacun pour permettre aux gens - et c'est le cas des
parents - qui font appel aux différentes instances de s'y
reconnaître et de ne pas se retrouver dans des situations de confusion
parce que, peut-être, la main gauche ignore un peu ce que fait la main
droite ou encore qu'il y a chevauchement entre les deux.
En tout cas, je pense que l'un des objectifs principaux du travail qu'on
tente de faire, c'est de clarifier ces choses. Concernant la création
d'une liste d'attente provinciale gérée par le
secrétariat, je pense que c'est une bonne suggestion et qu'il y aurait
moyen d'établir cette liste provinciale. Je vous assure que cela
faciliterait peut-être même... C'est plutôt à
l'état d'accident, mais les pressions mêmes qui s'exercent sur la
ministre pour qu'elle exerce des pressions sur tel CSS ou tel autre endroit
pour qu'eux aient préséance sur un autre, je peux vous dire,
à ce moment-ci, que je n'y succombe pas, mais je pense que, s'il y avait
cette liste plus officielle à laquelle on pourrait se
référer d'une façon anonyme, mais quand même avec un
code quelconque, cela permettrait justement de contrer... Et s'il se fait des
pressions auprès de la ministre, j'imagine qu'il peut s'en faire
ailleurs aussi.
Alors, je pense qu'à ce moment-là, ce que vous trouvez
inéquitable, pourrait être facilement, à mon point de vue,
corrigé. Ce n'est pas par pessimisme ou parce que je ne le souhaiterais
pas, mais quand vous dites "l'observance rigoureuse d'un délai maximum
de trois mois entre l'inscription et l'évaluation des parents" - je
voudrais bien que ce soit comme cela. Ce matin, on a parlé assez
longuement de la pénurie d'enfants. On pense que la loi va permettre
d'ouvrir, d'avoir un plus grand nombre de propositions d'enfants et, d'une
certaine façon, d'accélérer le processus. Je me demande,
d'une façon réaliste.... On peut les évaluer en trois
mois: je pense qu'il y aurait possibilité de faire cela. Mais si,
après cela, le délai d'attente est de - parce qu'il y a
pénurie d'enfants ou il n'y a pas suffisamment de propositions d'enfants
- 18 mois, je me dis: Est-ce que la frustration ne sera pas encore plus grande
à ce moment-là? En tout cas, je vous pose la question.
M. Perreault: Mme la ministre, ce qu'on ne comprend pas, quant
à nous, c'est justement que l'on affirme qu'après ce délai
de trois mois, un délai de six mois devrait être suffisant pour
que les organismes puissent trouver un enfant aux parents qui ont
déjà été évalués. À ce
moment-là, on se dit: II semble y avoir double emploi ou on semble se
renvoyer la balle. Le délai existe du fait que chacun croit que l'autre
ne peut pas fournir à la demande plus rapidement, alors que les deux
intervenants nous disent qu'ils le peuvent. Je mentionnais un délai
maximum de trois mois. Évidemment, on peut se demander l'utilité
que cela a, lorsque l'on sait que le délai peut être beaucoup plus
long avant que la proposition d'enfant arrive. Mais, je pense que les parents
ont à coeur de savoir rapidement, lorsqu'ils s'inscrivent s'ils sont un
couple admissible et acceptable pour l'adoption internationale. Pourquoi
dois-je attendre trois ans avant de savoir que les travailleurs sociaux ne
m'estiment pas acceptable pour l'adoption internationale? On aurait pu me le
dire...
Mme Lavoie-Roux: Au bout de trois mois.
M. Perreault: ...au tout début. Peut-être que
j'aurais fait d'autres démarches à d'autres niveaux, par exemple
aux niveaux des foyers d'accueil. Souvent, il faut se placer dans la
perspective des parents, qui ont recours à l'adoption internationale et
qui ont connu des problèmes d'infertilité et qui ont souvent
tenté, par tous les moyens, d'avoir naturellement un enfant. Ils se sont
souvent rendus à des délais extrêmes, de sorte qu'ils se
retrouvent dans le processus de l'adoption internationale à un âge
où ce projet est sur la ligne: ou on a une adoption internationale ou on
ne pense plus du tout à avoir un enfant. Malheureusement,
évidemment, les gens retardent. Il peut y avoir des tentatives pendant
quelques années dans les centres de fertilisation, etc., pour essayer
d'en arriver à une solution; finalement, quand on passe à
l'adoption internationale, c'est la mesure ultime qui se présente et il
est tard pour penser à des délais de deux, trois, quatre et cinq
ans.
Mme Lavoie-Roux: En fait, il y a deux volets que vous invoquez
dans votre réponse. Le premier: Il y aurait moins de frustrations
à se faire dire tout de suite: Oui, vous êtes admissibles, vous
êtes des parents capables d'assumer les responsabilités, etc.,
quitte à ce que l'attente soit dans la deuxième phase, si l'on
veut. Je regarde les statistiques - si je me trompe, tant mieux - qui m'ont
été données pour l'Allemagne fédérale, la
Suisse,
la France. On y fait quand même de l'adoption selon les
règles internationales et on parle de délais de trois à
cinq ans. Je veux bien que les délais tombent à neuf mois, ou
même à un an. Je pense qu'on serait tous contents si cela allait
entre un an et dix-huit mois.
M. Perreault: C'est exact.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est déjà un
progrès énorme.
M. Perreault: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que l'on doit faire tous les efforts
pour en arriver à cela. En tout cas, je comprends votre désir; je
comprends que, pour vous autres, cela arrive à une époque de la
vie où, finalement, vous avez fait ce choix parce qu'il y a eu une foule
d'autres circonstances qui ont fait que vous en arrivez à ce choix. D'un
autre côté, je ne voudrais pas non plus vous promettre que,
désormais, c'est douze mois, que tout le monde est heureux. Je pense
qu'il faut aussi être prudent. Notre responsabilité, c'est de tout
mettre en oeuvre pour que les propositions d'enfants soient beaucoup plus
nombreuses et les faciliter.
Vous parlez - je vais arrêter après cela, M. le
Président - de l'implantation du recours au Tribunal de la jeunesse.
Vous avez exprimé une crainte à ce sujet. Si vous y allez dans un
premier temps, vous craignez qu'on vous dise oui, que tout est correct et que
normalement cela devrait se faire. Mais, dans un deuxième temps, vous
craiqnez, en y retournant une deuxième fois, que là, on vous dise
que votre affaire ne marche plus. Je pense que ce qu'il faut se dire, c'est
que, au fond, le premier jugement favorable serait rendu dans le sens que oui,
que tout est en règle, que vous allez chercher votre enfant, etc., ce
serait une confirmation officielle à 99,8 %. Je vois cela comme raison.
Si dans un deuxième jugement, on contredit le premier jugement en raison
de causes importantes tel, par exemple, qu'entre-temps, il y aurait un rapport
fait comme quoi les parents qui ont reçu cet enfant en abusent ou...
Enfin, je pense que ce serait vraiment très, très occasionnel et
l'idée de le faire dans un premier temps, c'est justement pour donner
cette sécurité aux parents. Ils ne reviendront pas pour se mettre
à poser des questions pour savoir si les choses sont faites en bonne et
due forme et si elles sont correctes ou non. C'est vraiment l'objectif.
Maintenant, la question de voir le rapport du DPJ qui pourrait
être un rapport contradictoire, je pense que c'est déjà
dans les règles de la Loi sur la protection de la jeunesse. Justement,
ces rapports doivent être disponibles pour les personnes qui sont mises
en cause au moment où le tribunal doit rendre un jugement.
Je vais arrêter ici pour laisser la chance aux autres. Si je le
peux, je reviendrai plus tard.
M. Perreault: Si vous me le permettez, M. le Président, je
voudrais revenir sur un point que vous avez mentionné.
Le Président (M. Bélanger): Juste auparavant, deux
petites secondes.
M. Perreault: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Étant
donné qu'il sera bientôt 18 heures et que l'ordre de la Chambre
nous dit que nous siégeons jusqu'à 18 heures, j'aurais besoin du
consentement unanime des deux côtés pour que l'on puisse prolonger
d'au moins une quinzaine de minutes, avec votre accord évidemment, comme
intervenant. Cela vous évitera de revenir demain. Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Cela dépend du temps qu'il nous
reste.
Le Président (M. Bélanger): Cela dépend de
nos besoins. Jusqu'à 18 h 24, disons? Alors, on s'entend pour ne pas...
Je sais qu'on aura un problème de quorum si on fait cela, car il y a
quelque chose d'organisé après*
Mme Lavoie-Roux: Mettez donc 18 h 25, M. le Président,
cela sera plus facile.
Le Président (M. Bélanger): On va s'entendre;
disons qu'à 18 h 25, on ajourne les travaux, finis ou non. D'accord?
M. Perreault: J'aimerais, si vous me le permettez, M. le
Président, revenir sur un point que vous avez soulevé, Mme la
ministre. Vous avez parlé du fameux trois mois. Pour nous, c'est quelque
chose qui est quand même très important. Il y a une lacune qu'on a
soulevée dans le projet de loi. Un des articles du projet de loi,
l'article 622.1 projeté au Code civil prévoit que lors du
retour... Je m'excuse, je ne suis pas certain que ce soit cet article. Bon,
c'est l'article 622.1.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela.
M. Perreault: On dit que le tribunal s'assure que les conditions
ont été respectées. Cela n'en dit pas beaucoup sur les
pouvoirs du tribunal. J'expose un cas qui me semble évident et
j'espère que vous ne verrez pas là celui d'un membre de l'APPAl:
un individu se fait autoriser par le tribunal
l'adoption d'un enfant X avant son départ, iI s'en va mais quand
il revient, il a dans ses bras quatre enfants lorsqu'il se présente au
tribunal à son retour, dont l'enfant X. Un problème se pose pour
les trois autres enfants et le tribunal ne veut pas accepter les jugements
d'adoption qu'il a pourtant obtenus à l'extérieur du pays pour
ces quatre enfants. Qu'est-ce que le tribunal va pouvoir faire à
l'égard de ces trois enfants? La question peut sembler théorique,
mais s'il n'y a pas de sanction effective, on va retomber dans le même
débat dans lequel on était auparavant et tes gens vont se
défendre en disant: Vous n'avez pas le pouvoir de renvoyer l'enfant. Et
on va vivre avec cet enfant qui va être refusé par le tribunal
jusqu'à ce qu'il y ait un amendement à la loi et qu'on
procède à une amnistie. (18 heures)
Mme Lavoie-Roux: Je vais maintenant répondre à
votre question ou tenter d'y répondre. Normalement les trois autres
enfants ne seraient pas reçus à l'immigration et les accords ou
les arrangements faits avec le ministère de l'Immigration sont que les
personnes qui ne reviennent pas avec le jugement du Tribunal de la jeunesse
comme quoi leur démarche pour l'enfant X a été
adopté et qui ne reviennent pas avec le consentement du pays d'où
origine l'enfant, normalement, ne devraient pas être capables de passer
avec quatre enfants aux frontières. S'ils en passent quatre, comme vous
le dites, cela peut être une question théorique. Cela peut
être une question qui devienne aussi réelle. Je ne peux pas en
juger. Normalement les trois autres ne devraient pas passer à
l'immigration.
Cela m'amène, si vous le permettez, même si j'avais
cédé mon droit de parole, à la question de l'amnistie.
Vous l'avez mentionné tout à l'heure. Remarquez bien que vous
avez raison quand vous soulevez ce qui est certainement une part
d'inéquité par rapport à une amnistie qu'on doit
décréter. C'est la troisième fois qu'on le fait.
J'espère qu'un autre ministre n'aura pas à le faire une
quatrième fois, mais dans les circonstances où nous nous
trouvions, il fallait balancer cela d'un côté contre, de l'autre
côté, des enfants. On a fait allusion tout à l'heure
à deux enfants qui sont entrés d'Haïti dans des
circonstances spectaculaires sans la bénédiction ni d'ici ni du
pays d'origine et pourtant les enfants sont restés. Il est
évident que c'était un encouragement à passer à
côté des canaux réguliers et des canaux qu'on essaie de
privilégier, sur lesquels je pense, en dehors de certains
détails, on peut être en désaccord mais au moins sur les
principes de fond les gens sont en accord. Je le regrette, mais dans les
circonstances où nous nous trouvions je n'avais pas le choix de faire
autre chose, comme mes prédécesseurs n'ont pas eu le choix de
faire autre chose au moment où des amnisties ont été
données. On essaie avec la loi, d'une certaine façon en la
rendant plus souple, d'une autre façon en clarifiait les rôles et
les responsabilités de chacun, d'éviter qu'on s'achemine dans
trois, quatre ou cinq ans vers une autre amnistie. La question est ouverte et
elle n'est pas sans fondement, M. Perreault, malheureusement.
Le Président (M. Bélanger): Bien! Nous passons
à Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: II me fait plaisir au nom de la formation politique
que je représente, le Parti québécois, de vous accueillir
ici et de vous souhaiter la bienvenue. Effectivement, j'ai eu plaisir à
lire votre document parce qu'il représente les préoccupations des
principaux concernés, c'est-à-dire les parents. Ce sont vraiment
les parents adoptants qui doivent subir les tracasseries administratives et
juridiques, et malheureusement comme on vit dans un monde où on ne peut
pas vivre sans encadrement, vous en subissez les coups et les
conséquences. Par ailleurs, je pense qu'il est important de prendre en
considération vos préoccupations parce que vous le vivez de
l'intérieur et vous y donner beaucoup d'énergie, beaucoup de
temps. J'imagine que ce n'est pas facile à vivre, le cheminement que
vous avez démontré en ce qui concerne l'adoption
internationale.
M. Perreault: C'est une longue grossesse.
Mme Vermette: C'est une longue réflexion, à mon
avis, très mûrie. On a vraiment envisagé différentes
alternatives, mais celle-ci semblait être l'ultime, étant
donné les circonstances. C'est pourquoi il est important que nous nous
penchions sur vos problèmes et que nous nous y attardions d'une
façon particulière. C'est dans votre quotidien que vous le vivez
et je pense que c'est ce que vous avez voulu faire ressortir. Il y a tout le
côté administratif et juridique qui est sujet à
interprétation d'une part par les tribunaux, d'autre part, par tout le
monde administratif. Par contre, ce que vous devez vivre, vous le subissez
à différentes étapes du processus de l'adoption. D'une
part, la première angoisse est au moment où vous déposez
votre demande, à savoir si, oui ou non, vous pouvez faire le cheminement
en vue d'une adoption internationale. D'autre part, votre plus grosse
préoccupation, une fois que cela est fait, ce sont les délais que
vous devez subir et qui provoquent de t'angoisse, bien souvent, chez les
parents. Et, comme vous l'avez dit, c'est surtout que vous êtes en pleine
incertitude. Ce qui est important à retenir actuellement, c'est cette
partie-là. En ce qui concerne le juridique, il
sera toujours passible par l'entremise des tribunaux ou par des projets
de loi de répondre à ces attentes d'une façon plus
adéquate, c'est la capacité juridique de l'État. Mais en
ce qui concerne vos préoccupations, si nous ne sommes pas capables de
nous laisser sensibiliser par vos préoccupations, je pense que nous
passons à côté du débat et peu importe le reste,
nous aurons toujours à recommencer le même débat.
C'est pourquoi cela m'amène à vous poser une question.
Tantôt, la ministre parlait de certaines statistiques. Elle parlait de
l'Allemagne, je pense. Cela me semble bizarre parce que, normalement, du
côté du gouvernement, on se compare toujours à l'Ontario.
En Ontario, pour une fois, mondou, il paraît qu'ils font de l'adoption et
que cela ne prend vraiment pas beaucoup de temps. Alors, peut-être qu'on
pourrait regarder de ce côté-là encore une fois et
peut-être arriver à prendre cette province comme modèle et
d'essayer, ici aussi, d'abréger les délais.
D'autre part, vous avez démontré que pour une
reconnaissance d'adoption filiale ou toute reconnaissance, vous devez vous
soumettre au jugement des tribunaux et, finalement, vous n'avez pas grand-chose
à faire à l'intérieur de ce processus. Mais, par contre,
en ce qui concerne les délais d'attente, oui, vous êtes
directement concernés. Quels sont les moyens qu'on va mettre à
votre disposition pour qu'on fasse le plus humainement possible votre
évaluation? Cela fait partie de vos préoccupations et on l'a bien
ressenti à l'intérieur de votre mémoire. Notre
première préoccupation est de trouver un encadrement humain qui
fasse que l'adoption internationale soit reconnue chez nous comme un processus
humain qui répond à la volonté des parents de partager de
l'amour et d'aider les autres aussi. Dans ce sens, je me demande si vous croyez
qu'une augmentation des ressources dans les CSS pourrait répondre
davantage aux listes d'attente qui risquent de s'allonger parce qu'on va passer
devant les tribunaux, car j'estime que les tribunaux vont rendre des
décisions sur le banc, cela ne prendra pas des
délibérations indues. Finalement, on risque d'avoir de plus en
plus de demandes d'adoption et des listes d'attente qui vont s'allonger de plus
en plus. Est-ce que vous considérez que l'augmentation des ressources ou
simplement une liste telle que vous la demandez - une liste provinciale
d'attente -serait suffisante pour répondre aux besoins des parents
adoptants?
M. Perreault: J'aimerais que M. Venne, le président,
réponde à cette question.
M. Venne (Edmond): Effectivement, on demande une liste, mais cela
n'a pas d'impact pour nous, en tout cas. On fait une demande, techniquement, au
CSS de la région. Si on a un travailleur social efficace, il n'y a pas
de problème, l'évaluation va se faire plus rapidement. Dans
certaines autres régions du Québec, il peut y avoir des
délais vraiment importants. Mais à la suite de cette
évaluation, qu'on retrouve la liste provinciale, pour nous, s'il y a des
enfants, cela ne pose pas de problème. S'il n'y en pas, tu risques
d'attendre fort longtemps. Donc, les mesures à envisager pour diminuer
les délais... Bien sûr, quand je fais une demande au centre des
services sociaux, je me dis que si l'évaluation vient dans les trois
mois, parfait!, si on a des enfants, parfaitî, maïs techniquement,
ce qui pourrait nous permettre, comme parents, justement en termes
d'efficacité, d'alléger au maximum les exigences...
Une voix: Les délais.
M. Venne: Les délais? Je n'ai pas saisi clairement votre
question. Vous nous demandez...
Mme Vermette: Je peux peut-être la reformuler. Finalement,
on dit qu'actuellement il y a seulement dix travailleurs sociaux qui couvrent
l'ensemble des demandes. On risque, en passant devant les tribunaux, que les
juges rendent des décisions sur le banc et qu'il y ait une accumulation
de demandes et aussi une accumulation de la liste d'attente. Est-ce que vous
croyez que dix travailleurs sociaux vont suffire à répondre
à ces demandes? Est-ce que ça va être suffisant? Ou tout
simplement, pensez-vous que le fait de créer la liste d'attente
provinciale va répondre justement à cette accumulation et si
ça va changer quelque chose finalement dans les délais des listes
d'attente?
M. Venne: Les listes, non. Mais au niveau des travailleurs
sociaux, il faut qu'on augmente les effectifs, c'est pour ça que dans le
mémoire on demande même d'avoir recours à des travailleurs
sociaux privés. Quand on parle de la liste provinciale, ce qu'on a aussi
envisagé, c'est qu'actuellement, quand on fait une demande au centre de
services sociaux, dans l'évaluation, on nous demande, en tout cas, chez
nous, de choisir un pays. De cette façon, on prive des parents.
Ça fausse un peu la liste d'attente provinciale, de demander à un
parent, tout de suite après son évaluation: Tu choisis un pays.
Concrètement, bon! on demande ça. On dit: Pour différentes
raisons, je veux aller en Corée. Entre-temps, ça s'en va au
secrétariat. C'est pour la Corée. Si la Corée ferme pour
une raison ou une autre, quel contrôle a le parent sur une liste qui
pourrait être provinciale? Il faut qu'il
retombe quasiment à zéro. Donc, les délais
fluctuent considérablement. Je me dis: Que l'évaluation soit
faite et, quand on fait comme tantôt on l'exprimait Accueillons un
enfant... En tout cas, nous, dans la région, au niveau de l'association,
on a 125 parents en attente et je suis persuadé qu'on aurait
trouvé des parents pour les enfants haïtiens qui ont
été mentionnés tantôt. Mais les parents
n'étaient pas évalués. On ne pouvait pas leur accorder ces
enfants. Je suis persuadé qu'ils ne seraient pas restés en
Haïti.
Mme Vermette: Maintenant, au niveau de l'évaluation, il
manque, à un moment donné, des communications quelque part,
finalement. Vous allez me dire: Bon, c'est sûr, eux disent qu'on avait
des enfants; d'autres disent, surtout aux CSS, très souvent... J'ai
même entendu, une fois, une personne du secrétariat dire: II
manque des enfants. Même Mme la ministre dit qu'il n'y a plus d'enfants
ou que pratiquement c'est très difficile d'avoir des enfants pour
adopter sur le plan international. On dit: Si on était au courant, si on
était évalué rapidement, je vous garantis qu'on aurait les
familles, qu'on aurait les parents, les couples nécessaires pour
répondre aux besoins des enfants qui sont là - je m'excuse de
l'expression - mis en disponibilité.
Moi, je me pose la question: Est-ce que c'est voulu qu'on ait moins de
ressources au niveau de l'évaluation dans les CSS parce que finalement
ça diminue le processus d'adoption? Ou simplement, ce qui est important,
au fond, est-ce de mettre l'accent sur l'augmentation des ressources ou des CSS
pour permettre à beaucoup plus de parents de pouvoir accéder au
processus de l'adoption internationale?
M. Venne: Une chose est certaine, si on calcule que, sur le
nombre de travailleurs sociaux, une dizaine font de l'adoption internationale,
et si on estime qu'ils ne font que de l'adoption internationale et qu'il y a
200 cas qui sont étudiés ou complétés par
année pour l'évaluation, on arrive à la conclusion qu'il y
a 20 personnes qui sont évaluées par année par travailleur
social. Ce qui veut dire deux semaines et demie de travail-homme pour une
évaluation. Cela mène à 100 heures d'évaluation
d'un couple. Cent heures, c'est beaucoup de travail pour l'évaluation
d'un couple. Quand on sait que devant le même Tribunal de la jeunesse,
devant lequel on nous propose de nous présenter maintenant, dans le cas
où quelqu'un est accusé d'avoir abusé ou violenté
ses enfants, on va peut-être lui accorder une audition de trois heures.
Lui est déjà accusé de ça.
Nous, simplement pour savoir si on est des parents, pas
nécessairement de bons parents, mais si on est des parents acceptables,
on demande 100 heures à un travailleur social. Je suis convaincu qu'en
recourant au service de travailleurs sociaux privés, j'arriverais
probablement, en-dessous de 100 heures, à faire en sorte qu'il y ait une
évaluation produite, et à un coût moindre que les 100
heures de travail de ce travailleur.
Le Président (M, Bélanger): Ce que j'aimerais
préciser là-dessus, connaissant un peu le domaine,
celui-là particulièrement...
M. Venne: Oui, je le sais, M. le Président, vous
êtes bien impliqué. (18 h 15)
Le Président (M. Bélanger): ...et aussi parce que
cela a été bien expliqué ce matin. Le travailleur social
qui fait l'évaluation, ne fait pas que l'évaluation, il fait
aussi le suivi des familles une fois qu'elles ont les enfants. Cela explique
que, lorsqu'il y a un poste, par exemple, la personne est souvent
débordée.
Mme Vermette: M. le Président, je trouve cela un
peu...
Le Président (M. Bélanger): Bien quoi?
Mme Vermette: Je sais que vous avez le droit, en termes
d'alternance, mais en tout cas.
Le Président (M. Bélanger): Madame, je suis un
parlementaire au même titre que vous. Je ne vois pas pourquoi...
Mme Vermette: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Je ne vois pas
pourquoi, je m'excuse.
Mme Vermette: Non, d'accord.
Le Président (M. Bélanger): Je trouve cela
même inacceptable de votre part. Je m'excuse. Vous avez le droit de
parole, vous pouvez y aller, Mme la députée.
Mme Vermette: Merci. Si on en revient à la question
où on en était effectivement, on parlait du travailleur social et
du nombre d'heures qu'il pouvait passer à évaluer un cas.
Finalement, on prend tel nombre d'heures pour l'évaluation. C'est 100
heures pour nous évaluer. Est-ce que c'est avant et vous y incluez le
suivi ou si c'est tout simplement le temps et les délais
nécessaires que prend un travailleur social pour faire strictement
l'évaluation pour dire que vous êtes un parent apte à
adopter un enfant?
M. Perreault: Le manque de communication entre les intervenants
m'oblige à vous répondre que je ne le sais
pas. Je ne sais pas ce que le travailleur social fait de ses heures de
travail. En cela, je n'attaque pas sa compétence et son assiduité
au travail. Je comprends facilement qu'il n'a pas qu'à faire
l'évaluation des couples. Si l'on considère que, lorsqu'on parle
de l'évaluation d'un couple, cela comprend tout le processus, on peut
arriver à ce calcul. Je comprends facilement qu'il ne peut pas se
consacrer pendant deux semaines et demie à un couple, et, au bout de ce
temps, tirer la ligne et recommencer deux semaines et demie avec un autre
couple. Sauf qu'il faut en arriver à la conclusion que, pour une
adoption, le processus complet suivi par le travailleur social, mènerait
à - je ne sais pas une centaine d'heures et c'est très
approximatif.
Mme Vermette: Quand vous dites que ce serait
préférable que, tout compte fait, ce soit fait par des
travailleurs sociaux privés ou par un cabinet privé, à la
rigueur, des psychologues pourraient faire l'évaluation en cabinet
privé, - n'y voyez-vous pas certains dangers puisque, si vous payez
votre consultation, vous aurez probablement un rapport favorable?
M. Perreault: Si on en arrive à cette solution, on
aimerait que, pour éviter ce problème, on puisse ne pas payer. Si
on veut en arriver à cette solution, il est important qu'on passe par
les centres de services sociaux. Si cette mesure n'est pas disponible en ne
payant pas et en ne défrayant pas les coûts, et qu'on doit avoir
recours à des frais pour ce faire, je pense qu'il est important que le
montant soit fixe et qu'il soit payé aux centres de services sociaux,
quitte a ce que les centres de services sociaux s'acquittent de la tâche
de trouver le travailleur social privé compétent pour mener ce
travail au taux horaire qu'ils auront déterminé entre eux, mais,
que l'intervenant soit hors du processus de paiement entre le travailleur
social privé et lui, que le parent n'ait pas de lien de paiement entre
le travailleur social privé et lui. Évidemment, on peut dire:
Bien, écoutez, il va peut-être pouvoir payer le travailleur social
en-dessous de la table. Sauf qu'on n'est pas à l'abri de cela,
même à l'intérieur de la machine gouvernementale. Cela
pourrait arriver aussi si c'était un travailleur social du gouvernement.
Je pense qu'il y a moyen de prendre les précautions qui s'imposent et
qui peuvent respecter certains principes de sauvegarde des droits et des
intérêts de l'enfant autant que des parents.
Mme Vermette: En ce qui concerne les critères
d'évaluation, on en parle beaucoup, et je pense que cela dépend
souvent de la personne qui vous évalue. Est-ce qu'il y a certains
aspects qui vous sembleraient importants, dans l'évaluation, pour que
l'on fasse ressortir - je ne sais pas - vos capacités d'adoptants? Cela
revient souvent dans les doléances des parents.
M. Perreault: J'irais peut-être a contrario de votre question pour
dire qu'il y a certains sujets qu'on aimerait ne pas mettre en relief. Les
conditions économiques d'un couple, la fréquence de ses relations
sexuelles, je ne pense pas que ce soient des éléments très
importants dans l'évaluation psychosociale d'un couple et dans ses
aptitudes à être parent. Je comprends que si cela en vient
à soulever le problème de la mésentente dans un couple,
cela peut avoir de l'importance. Je veux être prudent parce que je me
vois avec un travailleur social devant moi qui surgirait en disant: Bien,
voyons donc! Qu'est-ce qu'il avance là? Mais on a eu des cas
exceptionnels où on s'est aperçu que des questions posées,
selon nous, n'avaient pas affaire dans le décor et elles
n'étaient pas du tout compatibles avec d'autres évaluations qui
avaient été faites. Donc, on se dit qu'on n'a pas d'objection
à ce que le travailleur social exerce sa compétence et sa
discrétion à l'intérieur de sa profession et des
règles de l'art, de la façon dont il l'entend. Mais je pense
qu'on doit tendre à ce que le travailleur social, dans son
évaluation, puisse se prononcer sur des points déterminés.
S'il survient un élément qui n'est pas sur cette grille,je pense qu'il est du devoir du travailleur social de le mentionner et de
mentionner la raison de son intrusion dans la vie privée sur un aspect
particulier, dans chaque cas, in concreto.
Mme Vermette: Vous avez dit aussi assez
régulièrement qu'on devrait vous donner du soutien au moment
où vous faites votre démarche comme parent adoptant et que,
malheureusement, c'est très difficile de retrouver cela si vous ne
faites pas partie d'un organisme. Vous avez demandé des appuis
techniques, juridiques et financiers dans ce domaine-là. À quel
niveau?
M. Perreault: Pour nous, il est évident, dans un premier
temps, que l'appui technique doit provenir des centres de services sociaux et
du secrétariat à l'adoption. Quand je dis "et du
secrétariat à l'adoption", on comprend facilement que les
directives puissent émaner du secrétariat à l'adoption et
que des informations juridiques puissent émaner du secrétariat
à l'adoption à l'intention des centres des services sociaux pour
que tout le monde puisse en bénéficier localement.
D'un autre côté, quant à l'aspect juridique, je
pense qu'il est important que l'appareil judiciaire puisse fournir
lui-même cette aide. J'ai mentionné tantôt les cas des
petites créances et les cas de recouvrement
des pensions alimentaires. Dans ce genre d'organismes où on a
voulu favoriser l'accès social à ces mesures, on a prévu
des mécanismes simples. On a dévolu au greffier de la Cour des
petites créances un rôle important, celui de rencontrer la
personne qui a l'intention de poursuivre quelqu'un. C'est lui qui le conseille,
c'est lui qui lui dit de quelle façon instituer sa procédure,
quelle procédure il doit remplir et c'est lut qui l'assiste. À
notre avis, si on ne veut pas que l'adoption se fasse à un coût
exhorbitant, ce qui est presque déjà le cas, si on oblige en plus
les parents à obtenir et à requérir les services d'un
avocat, je pense que plusieurs parents devront abandonner l'idée
simplement à cause de l'aspect financier, alors que l'État
pourrait facilement dispenser l'aide nécessaire à cette
personne.
Mme Vermette: En terminant, j'aurais une dernière petite
question. Combien représentent les frais d'une adoption...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame, le
temps est écoulé. Est-ce que vous pouvez faire rapidement?
Mme Vermette: Oui. Une dernière. Combien cela
représente-t-il, en termes monétaires, adopter un enfant
actuellement au Québec?
M. Perreault: Je vais laisser la parole au président.
Brièvement, M. Venne.
M. Venne: Personnellement, ce n'est pas complété.
Cela fait sept ans et il reste le cordon à couper, étant en
attente d'un jugement de la république Dominicaine. Mais, jusqu'à
maintenant, on est rendu à 5700 $. Cela peut aller jusqu'à 15 000
$ ou 20 000 $. C'est illimité, selon les démarches ou le
processus qu'on a entrepris, s'il est légal ou non, si on passe par un
organisme privé ou par un organisme reconnu par le ministère de
la Santé et des Services sociaux; cela varie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, un
dernier commentaire.
Mme Lavoie-Roux: Très brièvement. Il y a plusieurs
suggestions que vous avez faites et sur lesquelles je n'ai pas eu le temps de
revenir, entre autres toute la question de votre analogie avec les petites
créances dans d'autres domaines. On va essayer, de notre
côté, de trouver un processus qui faciliterait peut-être...
On a déjà, pour l'adoption interne, certaines formules de
requête ou autres. En tout cas, je pense qu'on la retient, car cette
préoccupation a son importance et il ne faudrait pas que les gens
s'engagent dans des coûts importants.
Vous avez fait plusieurs remarques aussi quant aux pressions qu'on
faisait pour vous pour l'adoption locale, que vous ne pouviez pas être
utilisé comme famille d'accueil dans une période d'attente. Ce
sont des points sur lesquels on va obtenir plus d'informations. Quant à
votre liste, j'aimerais savoir si cette liste serait établie par le
secrétariat, si ce serait une liste unique, ou si on dresserait une
liste selon les pays? En tout cas, je ne voudrais pas que cela devienne trop
compliqué, mais je pense qu'on va s'y pencher davantage.
Il y a une seule question à laquelle j'aimerais que vous
répondiez avant qu'on se quitte. Peu importe la page, c'est: "Les
contacts prévus avec les personnes qui détiennent
l'autorité dans d'autres pays doivent être encouragés. Il y
a espoir de nouveaux débouchés, ces contacts ne
préjudicient à personne, car il sont très personnels et on
ne peut ainsi y substituer des parents éventuels". Je comprends le sens
de votre intervention. Le problème que cela me cause, c'est du point de
vue de l'équité parce que vous dites que ces personnes-là
devront se soumettre aux mêmes exigences que les autres parents. Vous ne
voulez pas qu'ils passent à côté, mais vous dites: Ils
auront une évaluation, ils iront devant le tribunal, etc. Mais il y a
l'aspect d'inéquité ou d'équité, si on veut, que
cela soulève. J'aimerais que vous commentiez très
brièvement.
M. Perreault: II n'y a aucun de nos membres - cela a
été vérifié en assemblée -qui aurait
objection à ce que celui qui est membre avec lui, qui est un parent en
attente, puisse bénéficier d'un contact privé, alors que
lui-même ne pourrait pas de toute façon avoir cet enfant. Dans le
cas de contacts privés, c'est tellement intimement lié aux
personnes impliquées - par exemple te parent et la bonne soeur qui est
de la famille et qui se trouve dans un orphelinat dans un autre pays - que, si
cela ne se produit pas entre ces personnes, entre cet enfant et ce parent, cela
ne se produira avec personne d'autre. II n'y a donc pas de préjudice et
cela ne cause aucun préjudice aux autres qui sont en attente. Au
contraire, cela en enlève un de la liste et, de toute façon, si
lui ne réussit pas, personne d'autre en avant sur la liste ne profitera
de cet enfant.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. On va y réfléchir plus
longuement. Je voudrais en terminant vous remercier, on aurait pu discuter plus
longuement sur les nombreux points que vous avez soulevés. Au besoin, on
peut vous contacter à nouveau.
M. Perreault: Mme la ministre, merci M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le président,
la commission vous remercie de votre participation à ses travaux et elle
ajourne ses travaux au jeudi 7 mai 1987, à 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 27)