L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 13 mai 1987 - Vol. 29 N° 34

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, mesdames et messieurs. La commission des affaires sociales se réunit ce matin afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 21, c'est-à-dire la Loi concernant l'adoption et modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le Code civil du Québec et le Code de procédure civile, et du projet de règlement sur l'adoption internationale tel qu'il a été publié à la Gazette officielle du Québec du 11 mars 1987. lMmea secrétaire, est-ce qu'il y a quorum? Oui.

La Secrétaire: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier (Roberval) sera remplacé par Mme Harel (Maisonneuve).

Le Président (M. Bélanger): Bien. II n'y a pas d'autres remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, ce matin, nous procédons à l'audition des organismes suivants: le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec, ensuite, le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi et M. Didier Operatti Badan.

Une voix: Opertti.

Le Président (M. Bélanger): Opertti. Excusez-moi. J'espère qu'il n'est pas dans la salle.

Ensuite, cet après-midi, après les affaires courantes, ce sera la Fédération des parents adoptants du Québec et Me Clément Massé. Il y a eu, pour dépôt seulement, l'Association des parents adoptifs du Québec Inc.

Donc, nous commençons ce matin avec le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec. Mme la présidente, je ne voudrais pas faire un impair et mal dire votre nom. Je souhaiterais que vous nous le disiez vous-même et que vous nous présentiez les gens de votre équipe qui participent au mémoire, d'une part. Auparavant, si vous me le permettez, je prendrai quelques secondes pour vous donner un peu les rèqles de procédure.

Les règles de procédure sont les suivantes: il y a une enveloppe d'une heure qui est impartie à chacun des groupes. Cette heure est une enveloppe globale qui comprend questions et réponses et présentation du mémoire. Elle est donc divisée de la façon suivante. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire ou son résumé. Chacun des partis, ministériel et Opposition, a 20 minutes pour vous poser des questions et ces 20 minutes, c'est une enveloppe globale, c'est-à-dire que cela comprend aussi vos réponses. Je vous suggère donc des réponses qui donnent tout votre contenu, mais le plus courtes possible pour qu'on puisse le plus passible vous interroqer quant è vos positions et en connaître davantage.

Si c'est toujours la même procédure qu'on adopte ce matin, on devra diviser ces 20 minutes en deux sections de dix minutes: alors, dix minutes aux ministériels, dix minutes à l'Opposition, dix minutes aux ministériels, dix minutes à l'Opposition, les remerciements de Mme la ministre et de Mme la députée de l'Opposition.

On s'adresse toujours au président, c'est une règle de la commission. C'est, semble-t-il, pour éviter les qrands débats, mais on est assez souple là-dessus. Si, en cours de route, il y a des choses qui vous embêtent concernant la procédure, ne vous gênez pas, intervenez. Les qens de votre équipe peuvent aussi répondre aux questions et vous pouvez les impliquer dans la présentation du mémoire. Allez-y selon votre bon vouloir et selon ce que vous jugez le plus efficace.

Donc, la parole vous appartient, Mme la présidente. Si vous nous présentez vos gens et votre mémoire, nous serons les gens les plus heureux.

Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec

Mme Westmoreland-Traore (Juanita): Merci beaucoup, M. le Président. Je salue les membres de cette commission parlementaire ainsi que Mme la ministre Lavoie-Roux. Nous sommes vraiment honorés de l'invitation qui nous a été faite. Je m'appelle Juanita

Westmoreland-Traore. Je suis présidente du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec. Ce matin, c'est le vice-président à l'immigration, M, Raymond Paquin, qui m'accompagne. Il est à ma gauche. Un peu plus loin, il y a M. Jacques Johnson; il est secrétaire de notre conseil. À ma droite, il y a Mme Phuong Trinh, qui est membre de notre conseil et, immédiatement derrière moi, il y a M. Kofi Sordzi, également membre de notre conseil. J'apprécie le fait que ces personnes puissent intervenir parce qu'elles peuvent m'aider è illustrer certains de nos propos.

Je vais commencer et je vais présenter essentiellement le document qui est devant vous, tout en soulignant le fait que nous avons mis un temps limité pour préparer ce document. Mais nous avons cru qu'il était important que nous vous fassions part des intérêts des membres des communautés culturelles et des autres secteurs de la société qui s'intéressent à l'immigration parce que, évidemment, il y a des questions qui sont très pertinentes pour ces dossiers.

Le conseil est un organisme consultatif qui conseille la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, Mme Louise Robic, sur toutes les questions qui concernent son mandat. Dans ce sens, nous vous indiquons que l'objectif principal recherché, lors de la création, en décembre 1984, du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, était la formation d'un organisme autonome pouvant apporter conseil à Mme la ministre dans la planification de politiques gouvernementales concernant les communautés culturelles et l'immigration au Québec.

C'est en vertu de cet objectif et à votre demande que le conseil aimerait, par le biais de ce mémoire, contribuer par ses réflexions au projet de loi 21 et à son règlement sur l'adoption internationale.

Le présent mémoire du conseil, élaboré par un groupe de travail composé de membres du conseil, a été entériné par le conseil, par une résolution en date du 7 mai 1987. Le mémoire s'appuie sur les témoignages et les consultations donnés par des personnes-ressources de différents milieux ayant bien voulu à si brève échéance répondre aux invitations et apporter leur collaboration. La documentation de recherches et les différents témoignages ont su apporter un éclairage sur la problématique de l'adoption internationale au Québec. Je peux ajouter aussi que nous avons fait part de notre mémoire à notre ministre.

Il nous semblait important, au début de notre présentation, de souligner que le conseil entend respecter et endosser les principes de droit international. Il a été mondialement reconnu par le biais des conventions internationales, telles la Déclaration universelle des droits de l'enfant de 1959, la Convention de La Haye de 1965, la Convention de Strasbourg de 1967 et la Déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des enfants, envisagés surtout sous l'angle des pratiques en matière d'adoption et de placement familial sur les plans national et international de 1986, que les principes internationaux de base en rapport avec l'adoption, qu'elle soit nationale ou internationale, cherchent plus particulièrement à orienter la politique en fonction de l'intérêt de l'enfant, du respect de ses droits et du respect de la volonté du pays de décider de l'avenir de leurs enfants.

Pour être plus précis, en matière d'adoption internationale, l'intervention d'organismes internationaux se veut conforme à certains principes bien établis qui recherchent: 1. la reconnaissance de la primauté du principe de l'unité familiale pour le bien-être et le développement de l'enfant; 2. la reconnaissance du droit de l'enfant à une qualité de vie dans son pays d'origine; 3. la reconnaissance du principe du respect des parents biologiques de l'enfant qui pourrait être adopté; 4. la reconnaissance du principe que l'adoption internationale ne doit pas être préférée à la vie dans un milieu familial stable et uni du pays d'oriqine de l'enfant, même si ces conditions de vie s'avèrent difficiles; 5. la reconnaissance du principe que l'adoption internationale peut offrir à l'enfant orphelin ou abandonné un milieu familial susceptible de lui apporter l'amour, la compréhension et l'éducation nécessaires à son développement physique, mental et social.

Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration entérine et reconnaît l'importance d'établir de tels principes en vue de: protéger les droits de l'enfant étant donné son incapacité évidente de se défendre, tant sur le plan légal que sur le plan physique; promouvoir par la même occasion l'adoption internationale à titre de recours palliatif aux mesures respectivement établies dans chaque pays; se conformer aux principes de notre Code civil qui stipule que toute décision relative à un enfant doit être fondée sur les meilleurs intérêts de celui-ci. Finalement, l'adoption devrait constituer un acte d'humanisme respectueux des diversités culturelles et raciales.

Sans doute devrait-on renforcer chez les parents potentiels, par des mesures de sensibilisation ou de l'information qui seraient en quelque sorte complémentaires de la loi, une attitude d'ouverture qui permettrait une meilleure acceptation des différences culturelles, religieuses, ethniques ou raciales et les inciterait à dispenser une éducation de nature à donner à l'enfant la fierté de ses oriqines.

Nous voyons donc que, pour le conseil, le recours à l'adoption internationale ne peut

être qu'un recours de dernière instance lorsque les autres instances nationales et familiales ne peuvent répondre aux besoins de l'enfant.

Il nous est apparu important de situer aussi notre démarche dans le cadre des pouvoirs du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec. Donc, la relation entre le projet de loi 21 et son règlement et le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec. Le 11 mars 1987, la ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec publiait à la Gazette officielle le projet de loi qui fait l'objet de cette consultation. En vertu de l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et plus spécifiquement en ce qui concerne les communautés culturelles et l'immigration, à son paragraphe k, il est indiqué que le ministre de la Santé et des Services sociaux "doit plus particulièrement déterminer les possibilités d'adoption des enfants domiciliés hors du Québec en tenant compte des objectifs définis par le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec".

Je voudrais à ce moment vous citer certains des objectifs déjà définis par la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration qui se retrouvent à l'article 3 de cette loi. À l'article 3, on prévoit que la ministre, en exerçant ses fonctions, doit établir des politiques ayant pour objectif notamment - je vais immédiatement au sous-paragraphe b) - de "faciliter la réunion au Québec des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger". Cet article est important lorsqu'on considère que plusieurs membres de communautés culturelles ou plusieurs immigrants ont de3 parents à l'étranger et qu'on pourrait, dans certaines instances, préconiser l'adoption internationale comme moyen pour permettre la réunification des familles. Le sous-paragraphe c) du même article stipule que le ministre a pour objectif de "permettre au Québec d'assumer sa part de responsabilités dans l'accueil des réfugiés et d'autres personnes qui se trouvent dans des situations particulières de détresse". Ceci répond également aux objectifs de l'adoption internationale. Le sous-paragraphe d) a comme objectif de "favoriser, parmi les ressortissants étrangers qui en font la demande, la venue de ceux qui pourront s'intégrer avec succès au Québec". Étant donné leur jeune âge et étant donné l'encadrement de l'enfant adopté, ces jeunes peuvent - on peut le présumer - facilement s'intégrer avec succès au Québec.

Donc, en l'occurrence, il est bien évident, sans répéter la généralité des différentes lois pouvant le concerner, que le processus d'adoption d'enfants non domiciliés au Québec est intimement lié de par sa nature au domaine de la santé et des services sociaux, de l'immigration et des communautés culturelles du Québec. C'est à cause de cette diversité des facettes que le problème de l'adoption internationale est si complexe dans sa solution et sa réalisation même. Nous en sommes très conscients.

Maintenant, nos recommandations. Ayant établi certains principes, le conseil a conclu que le Québec d'aujourd'hui se compose de gens de cultures, de religions, de races et d'origines ethniques différentes et c'est dans cette diversité que le Québec puise une bonne part de sa force, son dynamisme et son originalité. Le Québec a affirmé au cours des années sa volonté d'être une terre d'accueil et d'assurer un traitement équitable à tous les Québécois et à toutes les Québécoises, quelles que soient leur origine ethnique ou nationale, leur langue, leur race ou leur religion.

Le conseil, en vertu de ces principes de base et notamment en vertu des politiques gouvernementales relatives à l'immigration et aux communautés culturelles, reconnaît que l'adoption internationale représente, à bien des points de vue, une "migration" privilégiée parce que l'intégration de l'enfant et sa prise en charge sont assurées par des parents adoptifs. Le conseil aimerait, par le biais de ce mémoire et faisant suite à la synthèse des témoignages et réflexions recueillis auprès des participants, faire certaines mises au point.

Le conseil voudrait avancer quelques recommandations qui sont de trois natures: des observations et recommandations relatives aux aspects limitatifs du projet de loi 21, d'autres relatives aux aspects discriminatoires ou susceptibles d'être discriminatoires du projet de loi 21 et d'autres concernant les aspects opérationnels du projet de loi.

En ce qui concerne les aspects limitatifs, le conseil considère que le projet de loi et le règlement tels que rédigés auraient pour effet de limiter et de restreindre l'adoption internationale. Le projet de loi 21 permet de plein droit l'adoption plénière et il ne permet l'adoption simple que lorsqu'il y a eu, au préalable, une entente signée entre le Québec et le pays d'origine de l'enfant. S'agit-il d'une mesure désirable et réaliste d'exiger d'un pays de légiférer ou de signer une entente par laquelle il admet, d'une certaine façon, qu'il permet l'adoption de ses enfants parce qu'il n'a pas la capacité de s'occuper d'eux? II ne s'agit même pas pour nous de nous mettre à leur place, mais simplement de retourner quinze ans en arrière, è une époque où le Québec disposait d'un grand nombre d'enfants à adopter et à une époque pas si lointaine où on considérait qu'il était préférable pour un enfant de grandir au sein d'une famille,

même étrangère, que d'être abandonné. Aurions-nous, à cette époque, accepté de signer une telle entente?

Au niveau pratique, le parent potentiel, à l'heure actuelle, aurait le choix entre des enfants venant de pays à adoption plénière ou des enfants venant de pays ayant signé une entente, c'est-à-dire, pour le moment, avec la Corée du Sud.

En ajoutant une procédure judiciaire au processus, on limitera ainsi l'adoption internationale pour les raisons suivantes, à notre avis:

II est bien entendu qu'une procédure judiciaire pourrait occasionner des délais additionnels qui seraient d'un minimum de six mois.

Le processus d'adoption est présentement critiqué parce qu'il demande des délais déjà exorbitants d'environ deux à cinq ans.

Le projet de loi oblige un parent potentiel à déposer sa requête auprès d'un tribunal même si l'enfant est issu d'un pays à adoption plénière ou d'un pays ayant déjà signé une entente avec le Québec.

En augmentant ainsi les délais, on diminue, par conséquent, le nombre d'enfants adoptables venant de pays ayant signé une entente avec le Québec. Les délais trop longs sont perçus par ce3 pays comme un manque d'intérêt de la part des pays adoptifs, ce qui peut être néfaste pour leurs enfants.

Une surjudiciarisation du processus d'adoption n'aurait-elle pas pour effet d'engendrer les mêmes conséquences que l'absence d'une loi d'adoption, c'est-à-dire d'empêcher l'adoption?

Le conseil considère le projet de loi 21 limitatif quand on le compare au droit établi dans les provinces anglophones du Canada, ainsi que dans les différents États des États-Unis, de même qu'avec les pays d'Europe occidentale ayant à faire face aux problèmes engendrés par les adoptions internationales. Le conseil considère que le projet de loi 21 devrait permettre aux parents potentiels d'adopter un enfant de sa famille vivant à l'étranger de la même façon qu'un parent peut faire un placement spécial en droit interne québécois.

Quant aux aspects du projet de loi 21 susceptibles d'être discriminatoires, le conseil considère que le projet de loi, tel que rédigé à l'heure actuelle, aurait des effets discriminatoires, et ceci pour les raisons suivantes: 1° II est bien évident que le conseil ne pourrait admettre que le Québec signe une entente avec un pays concernant l'adoption internationale qui aurait pour effet, même si ce n'est pas écrit dans le texte, de discriminer en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec - de discriminer pour des motifs prohibés par la charte - en empêchant un Québécois ou une

Québécoise d'adopter un ressortissant du pays signataire, pour des raisons d'origine ethnique ou nationale, de langue, de race ou de religion. Cela est un souci qui a été avancé par plusieurs intervenants. 2° La pratique actuelle, ainsi que le projet de loi 21 ne permettent pas à un parent potentiel du Québec qui le désire d'adopter un enfant étranger possédant un handicap mental ou physique qui aurait été accepté en vertu de la Loi sur l'immigration canadienne, après entente avec l'Immigration du Québec, ce qui, selon le conseil, va à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne et des principes humanitaires. 3° Le projet de loi 21 serait discriminatoire pour des raisons économiques, puisqu'il ajouterait des frais, notamment des frais légaux, qui seront certainement nécessaires lors du dépôt du projet d'adoption auprès du tribunal. Ceci pourrait désavantager ou défavoriser certains parents moins bien nantis. (10 h 30) 4° En limitant le nombre de pays permettant l'adoption de leurs enfants, on augmente l'incidence de la discrimination contre les membres de certaines communautés culturelles du Québec qui ne rempliraient pas les exigences raciales ou religieuses des quelques pays permettant l'adoption de leurs enfants et acceptés par le Québec. La loi devrait permettre l'entrée des enfants au Canada et au Québec aux fins d'adoption lorsqu'une condition jugée discriminatoire au Canada ou au Québec fait obstacle à l'adoption de l'enfant dans son pays d'origine.

Au chapitre des aspects opérationnels, le conseil considère qu'il y a, heureusement, de par cette initiative, une délimitation des pouvoirs et des obligations des intervenants à chacun des niveaux, soit au niveau du Secrétariat à l'adoption internationale, au niveau du directeur de la protection de la jeunesse et au niveau des organismes reconnus. Cependant, le conseil souhaiterait qu'on élargisse le champ des pouvoirs des organismes reconnus pour faciliter leur objectif d'aide aux enfants abandonnés. Le conseil souhaiterait que le projet de loi 21 et les lois actuelles soient amendés pour permettre aux organismes reconnus de procéder à l'adoption d'enfants abandonnés ou d'orphelins dans les camps de réfugiés. Cet amendement fera prévaloir l'objectif humanitaire poursuivi par le gouvernement.

Quant aux suggestions et aux considérations, à part celles qui sont déjà renfermées dans le texte, le conseil, tout en voulant respecter les principes internationaux des droits de l'enfant, doit reconnaître que l'adoption internationale rejoint les objectifs fondamentaux des communautés culturelles et de l'immigration par son caractère humanitaire et par la diversité culturelle

qu'elle apporte au Québec. Il est bien évident que le conseil ne voudrait en aucun cas l'abolition de toute législation concernant l'adoption internationale, ouvrant ainsi les portes à des démarches parallèles que le conseil voudrait, en fait, éliminer. Mais, faut-il nécessairement limiter et...

Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez, Mme la présidente, en conclusion.

Mme Westmoreland-Traore: Oui. En conclusion, nous préconisons l'acceptation des jugements étrangers d'adoption simple et aussi la possibilité d'informer les parents potentiels et, au besoin, de les sensibiliser aux différences culturelles. Le secrétariat pourrait indiquer l'existence de ressources disponibles aux parents après l'adoption.

Finalement, le conseil espère que la commission pourra tenir compte de ces quelques recommandations, compte tenu des préoccupations de3 membres des communautés culturelles et, tout particulièrement, de celles dont les pays d'origine font ou feront l'objet d'ententes pour l'adoption d'enfants par des Québécois.

La ligne maîtresse de notre présentation est la suivante. Normalement, il devrait y avoir harmonisation entre les politiques préconisées par le ministère des Communautés culturelles et les politiques poursuivies par le ministère de la Santé et des Services sociaux dans un dossier t internationale, va causer des délais indus et va réduire le nombre d'enfants disponibles. Je pense qu'il y a peut-être une confusion entre ce qui avel l'adoption internationale. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec d'avoir accepté notre invitation et de s'être présentés devant la commission qui examine le projet de loi 21 touchant l'adoption internationale. Évidemment, cela ne nous étonne pas parce que je pense que vous apportez certaines dimensions auxquelles nous pourrions être moins sensibilisés, peut-être. J'en veux pour exemple les principes que vous énoncez au point de départ, aux pages 7 et 8, principes qui, selon vous, doivent présider à l'adoption internationale. Je pense qu'il est bon de les rappeler. Vous dites: L'adoption internationale, en ce qui concerne les pays où nous allons adopter des enfants, doit être une mesure ultime quand tous les autres moyens possibles de permettre à un enfant de vivre et de grandir dans son pays d'origine, dans son milieu culturel... Ce sont d'abord ces choix qui doivent être faits et, ensuite, la possibilité d'assurer un foyer stable à l'extérieur du pays d'origine.

Parfois, dans notre désir d'adopter des enfants au plan international, on perd peut-être de vue ce désir qu'ont les pays d'origine d'assurer quand même les services ordinaires, c'est-à-dire d'assurer une vie normale à leurs enfants. Je dois vous dire qu'à cet égard j'ai été agréablement surprise, par exemple, de constater, lors de la présentation des mémoires, qu'au moins deux qroupes d'organismes bénévoles d'adoption internationale reconnus, au-delà du travail qu'ils font en matière d'adoption internationale pour faciliter la disponibilité des enfants et accompagner tes parents dans leurs démarches, ont eu aussi ou ont des initiatives à l'intérieur des pays mêmes à la mesure de leurs moyens, évidemment, pour supporter des familles ou permettre des projets, d'ordre matériel ou autres, ce qui est un appui aux communautés ou aux peuples localement pour tenter de ne pas voir la solution de leurs problèmes uniquement en termes d'adoption internationale, mais aussi en termes d'un appui, qu'il soit technique, financier ou d'un autre ordre, pour ces pays. Vous nous le rappelez et je pense que c'est extrêmement important. Il ne faut pas perdre cela de vue.

Vous soulevez plusieurs inquiétudes dans votre mémoire et je voudrais peut-être en reprendre quelques-unes. Ainsi, vous dites: Le fait de signer des ententes va retarder le processus de l'adoptionait été prévu comme signature d'ententes d'adoption simple avec des pays au moment du dépôt du décret en décembre 1986 et ce qui est présentement dans le projet de loi 21. L'entente peut être une forme privilégiée pour obtenir le consentement du pays d'origine, mais ce n'est pas nécessairement une entente. Cela peut prendre d'autres formes. On en a discuté avec le Barreau. Est-ce que cela peut être une personne autorisée, une personne désignée? II y a des organismes reconnus par les États eux-mêmes, dans différents pays, qui ont cette autorisation de leur gouvernement pour procéder ou servir d'intermédiaire, si on veut, dans ces pays, dans le domaine de l'adoptîon internationale. Alors, les modalités administratives peuvent être différentes et non pas être nécessairement une entente en bonne et due forme, ce qu'on pourrait appeler une entente bilatérale entre deux pays. Si on les a, bon, cela peut être une forme, mais ce n'est pas nécessairement ce qu'on privilégie et différentes autres modalités peuvent être privilégiées.

Je voudrais dire à cet égard que nous ne fermons aucun pays à l'adoption, sauf, évidemment, que des pays eux-mêmes pourraient ne pas... C'est-à-dire que déjà des pays n'acceptent pas, pour des raisons, je pense, religieuses ou culturelles, comme le

Maroc, que leurs enfants partent pour l'adoption. Alors, il peut y avoir des pays comme cela où il n'y a pas de possibilité d'entrer. Mais, théoriquement, le projet de loi 21 veut, d'une part, poursuivre l'adoption plénière, mais également ouvrir une porte à l'adoption simple à la condition qu'il y ait un consentement de l'État sous une forme ou sous une autre, comme je l'ai signalé tout à l'heure. Alors, il ne s'agit pas de rétrécir, il s'agit d'élargir.

Actuellement, ce que prévoit notre Code civil a été discuté et il y a eu des opinions divergentes sur cela, mais c'est l'adoption plénière telle que prévue dans le Code civil à l'heure actuelle puisque cela doit rompre tout lien de filiation avec les parents d'origine et créer de nouveaux liens. En retenant ce principe de l'adoption simple avec le consentement d'une personne autorisée dans le pays d'origine, je pense que nous élargissons et qu'en principe tous tes pays pourraient, sauf ceux dont je parlais tout à l'heure, rendre des enfants disponibles pour le Québec.

Vous avez fait une remarque également sur l'alourdissement du processus judiciaire à la suite d'une référence au Tribunal de la jeunesse pour une approbation du projet d'adoption. La raison pour laquelle nous avons mis cette mesure qui, je pense, ne causera pas les délais indus de trois ou six mois dont vous parlez... C'est une procédure qui existe dans le cas de placement d'un enfant et qui peut prendre deux ou trois jours. Nous en avons discuté avec le Barreau, qui disait: Au maximum, quinze jours. C'est simplement, d'une part, pour sécuriser les parents qui, au moment où ils partiront, sauront que leur projet d'adoption est valable. D'autre part, cela a été fait pour enlever le pouvoir discrétionnaire du ministre qu'on a remis en question; à ce moment-là, cela ne relève plus du ministre, mais d'un tribunal, le Tribunal de la jeunesse, qui nous apparaît le tribunal normal pour le faire.

Vous avez fait certaines suggestions, par exemple, pourquoi ne pas aller adopter des enfants dans les camps de réfugiés? Notre inquiétude ou notre préoccupation à cet égard - vous parlez d'orphelins de ces camps - est celle-ci: Comment pourrions-nous déterminer que ces enfants sont orphelins d'une façon certaine? L'expérience a démontré qu'il y avait souvent, par la suite -heureusement - des regroupements de familles qui avaient été séparées momentanément dans des camps. Probablement qu'il serait diffile d'avoir une preuve; c'est notre préoccupation. Ce n'est pas que nous rejetions votre formule au point de départ, mais c'est quand même une préoccupation que nous avons.

Vous faites également la suggestion que la loi devrait permettre aux parents potentiels d'adopter... Si la députée...

Le Président (M. Joly): Sur le temps de dix minutes.

Mme Lavoie-Roux: ...n'a pas d'objection, il se peut que je sois obligée...

Le Président (M. Joly): De déborder.

Mme Lavoie-Roux: ...d'aller faire un discours à l'Assemblée nationale, alors, cela vous permettra de continuer. Je ne prendrai pas plus de temps...

Mme Vermettes Non, non.

Mme Lavoie-Roux: ...je vais prendre le même temps. Vous demandiez que la loi permette aux parents d'aller adopter à l'étranger un enfant de sa famille. On peut s'interroger, je pense, s'il est possible d'adopter cette règle de droit interne en droit international privé. Nous allons l'étudier. Je pense qu'on n'a pas la réponse sur-le-champ pour vous la donner. Ensuite, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue que l'adoption internationale n'a pas pour objectif - en tout cas, comme objectif premier - la réunion des familles. Je pense que c'est une responsabilité du ministère de l'Immigration qui a ses propres politiques à cet égard, que ce soit l'Immigration québécoise ou l'Immigration canadienne.

Rapidement, vous dites en page 16: "II est bien évident que le conseil ne pourrait admettre que le Québec signe une entente avec un pays concernant l'adoption internationale et qui aurait pour effet de discriminer en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, en empêchant un Québécois ou une Québécoise d'adopter un ressortissant du pays signataire pour des raisons d'origine ethnique ou nationale, de langue, de race ou de religion." Je pense que je dois l'interpréter comme une mise en garde. Si, dans certains cas, nous devions signer des ententes, il est évident qu'on ne voudrait pas signer des ententes qui aient des effets discriminatoires. Enfin, vous pourrez peut-être expliquer davantage; je n'ai peut-être pas saisi exactement ce que vous disiez.

Deuxièmement, vous dites: La pratique actuelle, ainsi que le projet de loi 21 ne permettent pas à un parent potentiel d'adopter un enfant handicapé. Je dois vous dire, à cet égard, que, même au moment où nous nous parlons et pour l'avenir, il y a toujours des possibilités d'adopter des enfants handicapés. Je dois vous dire que le Secrétariat à l'adoption internationale a piloté l'adoption de deux ou trois enfants handicapés déjà. Alors, je pense qu'il s'agit peut-être d'une crainte qui n'est pas tout à fait fondée. (10 h 45)

Est-ce qu'on devrait en adopter

davantage? On a eu de longues discussions avant que vous ne veniez ici. Il y a eu des représentations faites par des parents. Je pense que je pourrais personnellement le souhaiter, mais on a au Québec aussi des enfants handicapés qui ne se font pas adopter facilement; on a 1500 ou 1600 enfants, soit qu'ils soient handicapés ou qu'ils soient abandonnés ou qu'ils soient plus vieux. Les parents qui vont en adoption internationale, du moins selon ce qu'on a entendu ici, favorisent de beaucoup un jeune enfant de zéro à un an non handicapé. Sur le plan des principes, je suis d'accord avec vous, il n'y a rien dans la loi qui empêcherait que ceci ne se fasse.

Vous parlez des frais judiciaires qui seront encourus par le processus de la requête au Tribunal de la jeunesse pour faire reconnaître ou apprécier un projet d'adoption. Je dois vous dire que là-dessus il y a toujours l'aide juridique qui est accessible aux personnes dont les revenus sont trop faibles. Évidemment, l'aide juridique n'est pas un programme universel auquel tout le monde a accès. Je dois vous dire ici que l'aspect qui a été davantage soulevé par les intervenants était plutôt relié à la possibilité de délai qu'à la possibilité de difficultés au plan financier. Je pense qu'il faudra se pencher sur ce problème également.

Vous faites des recommandations pour que les parents potentiels soient sensibilisés aux différences culturelles et qu'on leur permettre d'obtenir, si nécessaire, des services d'aide à la suite de l'adoption. Je pense c'est le rôle des trois intervenants. Il y a un rôle général à cet égard, celui du secrétariat à l'adoption, mais c'est également un rôle des centres de services sociaux qui font l'évaluation, le jumelage et qui suivent les parents à travers ce processus d'adoption. Les organismes d'adoption internationale également ont aussi indiqué cette nécessité de sensibiliser les parents. Ils disaient, et je le crois bien volontiers, qu'ils se trouvent dans une situation privilégiée compte tenu de leurs contacts à l'intérieur des pays, des expériences qu'ils ont eues dans les fonctions qu'ils ont remplies à cet égard. Ils ont indiqué cette préoccupation que les parents adoptifs ou potentiellement adoptifs soient sensibilités d'abord aux différences culturelles, mais également aux problèmes que peut créer l'adaptation au plan culturel d'enfants, surtout s'ils sont un peu plus vieux, qui sont adoptés ici au pays.

Je vais être obligée, M. le Président, de m'excuser. On m'appelle pour faire une intervention de dix minutes en haut.

Mme Westmoreland-Traore: Le conseil est très honoré par la présence de la ministre et nous vous remercions. On va beaucoup tenir compte de vos observations.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.

Le Président (M. Joly): Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marie-Victorin qui a certainement des questions à poser.

Mme Vermette: Oui. Il me fait plaisir, au nom de ma formation politique, de vous accueillir, d'autant plus qu'il nous a semblé très pertinent de pouvoir vous entendre ici en commission parlementaire. C'est une des facettes de votre vie parce que vous avez vécu l'immigration et que l'adoption internationale est un volet de l'immigration et des communautés culturelles. Je suis convaincue que vous vous penchez régulièrement sur le sujet et que vous avez sûrement des opinions et des informations fort intéressantes et pertinentes sur le domaine. Ceci m'amène à dire que, à cette commission parlementaire, il est plus important d'entendre ce que vous avez à nous dire que ce que nous pensons du projet de loi. Je suis convaincue que dans sa forme actuelle le projet de loi ne répond pas aux attentes de l'adoption internationale qui favoriseraient une démarche, autant pour le mieux-être d'un enfant que pour le mieux-être des parents. On l'a dit et vous l'avez fait très bien ressortir dans votre mémoire, tout ce qui doit être fait pour l'adoption internationale doit l'être dans l'intérêt de l'enfant, tout en tenant compte du respect des pays.

En page 9 de votre mémoire, justement, vous dites que "l'adoption devrait constituer un acte d'humanisme respectueux des diversités culturelles et raciales". Un peu plus loin, vous parlez d'une attitude d'ouverture. J'aimerais que vous vous expliquiez davantage là-dessus.

Mme Westmoreland-Traore: Merci. M, le Président, je peux répondre à la question qui est posée relativement à la page 9, soit que "l'adoption devrait constituer un acte d'humanisme respectueux des diversités culturelles et raciales." Nous avons pensé que c'était important quant aux principes de souligner aussi que, de par cette institution qu'est l'adoption internationale, nous venons, dans une certaine mesure, même si ce n'est qu'une partie marginale, renforcer le caractère multiethnique, multiracial, multiculturel de la société québécoise. Nous pensons, comme nous l'avons déjà dit, que ceci constitue une des forces de notre société.

De plus, nous pensons que l'adoption internationale est, presque par définition, surtout lorsqu'on pense que c'est le recours ultime, un acte d'humanisme qui est encore un des objectifs établis dans les principes de la Loi sur l'immigration.

Dans les représentations qui nous ont

été faites, nous voyons que souvent les parents ont exprimé ce désir de pouvoir, de par leur propre situation, venir en aide à des enfants qui sont vraiment dans une situation de détresse et démunis. Nous avons pensé qu'il était nécessaire de le souligner. Je ne sais pas si cela rejoint la question.

Si je le peux, je voudrais apporter certaines réflexions sur les observations qui ont été faites par la ministre, Mme Lavoie-Roux. Il est sûr que nous avons peut-être présumé que l'accord requis par une autorité gouvernementale dans le cas de l'adoption simple serait donné dans le cadre d'une entente. Je pense que la précision de Mme la ministre est très utile, soit que ce n'est pas toujours nécessaire que cet accord soit fait dans le cadre d'une entente, mais que cela peut aussi être une procédure individuelle ou qui intervient cas par cas.

On se demande toujours, cependant, pourquoi, dans ce processus d'adoption simple, il faudrait ajouter une exigence, c'est-à-dire l'exigence de l'approbation de l'État, alors que, dans plusieurs pays, il existe un processus judiciaire d'adoption. On pourrait normalement faire confiance au processus de ces pays, quitte à avoir, ici au Québec, le processus de reconnaissance, de l'adoption qui est intervenue internationalement à l'extérieur. Nous pensons que c'est quand même une exigence additionnelle qui alourdit le processus.

En ce qui concerne l'obligation d'obtenir une approbation préalable d'un projet d'adoption internationale, avec tout le respect, même si cela peut sécuriser certains parents, ce processus nous semble trop lourd pour l'objectif recherché. Au fond, il est sûr que les premiers cas d'adoption dans certains pays peuvent être problématiques mais, du moment qu'il y a eu deux ou trois adoptions dans un pays étranger, on n'a pas besoin d'aller, chaque fois qu'il y a une adoption, devant le tribunal pour confirmer la validité au préalable de ce projet d'adoption. On pense que cela va entraîner non seulement des frais supplémentaires pour les parents, mais aussi que cela peut encombrer les tribunaux de façon indue.

Dans certains cas où il y a véritablement litige, on peut toujours avoir recours à d'autres procédures de droit commun, comme une requête en jugement déclaratoire ou autres.

J'ai pensé que ce serait peut-être intéressant pour un des membres de notre conseil, Mme Trinh, d'apporter un complément d'information sur la question des orphelins et la reconnaissance des orphelins dans les camps de réfugiés.

Mme Trinh (Phuong): M. le Président, c'est en regard de la question de la ministre qui a soulevé le fait qu'on ne pouvait pas déterminer le statut d'orphelin des enfants dans les camps. Si j'ose apporter une précision, c'est que, d'après nos informations, nous pouvons quand même avoir des précisions quant au statut d'orphelin des enfants au camp, parce qu'en principe tous les enfants ou toutes les familles ou toutes les personnes qui entrent dans un camp de réfugiés ont une histoire sociale relevée par le Haut-Commissariat des réfugiés posté, dans le camp par l'ONU. L'histoire de perte de famille ou de famille dispersée ou de famille tuée, c'est tout enregistré. Donc, à partir de ce point, on peut, quand même, déterminer le statut d'orphelin de l'enfant.

Mme Westmoreland-Traore: Merci. Je vais aussi demander à M. Paquin de faire une observation sur la question de l'adoption internationale et la réunification de certaines familles d'immigrants au Québec.

M. Paquin (Raymond): M. le Président, il nous a semblé, aux membres du conseil, important de tenir compte des objectifs qui sont définis par la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration en regard des lois et des règlements qui doivent être faits par la ministre de la Santé et des Services sociaux. Donc, je pense que la présidente avait cité l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. Lorsqu'on a parlé de réunification des familles, on semblait sous-entendre que ce n'était pas l'un des principaux buts qu'on poursuivait. Mais un des objectifs, l'objectif principal qu'a l'immigration, c'est la réunification des familles. En ce sens, on a cherché une certaine concordance entre la loi de l'immigration et la loi des affaires sociales. Il nous apparaît important que les membres des communautés culturelles - et je pense que c'est bien naturel, instinctif pour eux - considèrent l'adoption d'un enfant dans leur pays d'origine. Donc, en même temps que c'est un objectif poursuivi par la ministre des Communautés culturelles, ce devrait être aussi un objectif très important à considérer dans l'adoption internationale.

Nul doute que ces enfants qui seraient adoptés par des gens de la même origine culturelle... On parlait au tout début du bien de l'enfant. Je pense que cela atteint encore plus les objectifs qu'on poursuit quand c'est un membre de la même communauté.

Mme Westmoreland-Traore: Merci.

Mme Vermette: Parce que Mme la ministre tantôt a soulevé beaucoup de points, en fin de compte, a réfuté beaucoup de points de votre document, peut-être que vous pourriez, justement, donner des précisions sur cela.

Mme Westmoreland-Traore: Je pense qu'un des points importants pour nous, c'est

le fait qu'au Québec les tribunaux ont reconnu l'adoption simple comme l'adoption qui crée un lien de filiation sans nécessairement en rompre un autre. Nous ne voyons pas pourquoi le secrétariat à l'adoption et maintenant ce projet de loi veulent créer une distinction entre ces deux catégories d'adoption. Les tribunaux au Québec ont déjà dit que, dans le cas d'une adoption simple, même si l'enfant conserve certains liens dans son pays d'origine, du moment que le jugement d'adoption est reconnu au Québec, il a les mêmes droits qu'un enfant qui est adopté au Québec. H n'y a pas d'inconvénient pour l'enfant quand il est au Québec. Il est logique, dans certains cas, qu'il y ait une adoption simple parce que cette adoption simple est un moyen de protection que garde, que conserve le pays d'origine pour le cas où, justement, il y aurait des difficultés dans l'adoption, si l'adoption n'est pas prononcée dans l'autre pays ou si, pour une raison ou une autre, le placement n'a pas lieu et que l'enfant est obligé de retourner dans son pays. Donc, c'est presque un cas de responsabilité pour certains pays de maintenir certains Iiens au moins pour les fins de nationalité de leurs propres enfants. (11 heures)

II nous semble important de souligner les aspects discriminatoires, parce qu'il est parvenu à notre connaissance que, dans la pratique, au moins un pays aurait signé une entente, et, à l'examen, il semble qu'il y ait une condition précisant que les enfants provenant de ces pays ne soient pas placés chez des familles de certaines races. Étant donné la législation antidiscriminatoire au Canada, c'est sûr que cette pratique constitue une certaine injustice envers les membres de ces communautés culturelles qui sont exclus. La façon dont cette chose est apparue, c'est qu'en voyant systématiquement le placement pour adoption, on a vu qu'on ne tenait aucun compte de certaines personnes et que les enfants étaient plutôt placés chez d'autres. Il est important pour nous de souligner cette pratique parce qu'au fond, parfois, on ne la considère pas ouvertement et nous pensons qu'elle peut être corrigée.

Nous sommes heureux de savoir que les enfants handicapés peuvent toujours être adoptés. II nous semblait qu'il y avait une certaine ambiguïté dans ce domaine. Si la ministre dit que c'est toujours possible, cela rejoint un de nos objectifs.

Sur la question de la sensibilisation aux différences culturelles, nous sommes d'avis aussi que c'est la responsabilité des différents intervenants. Nous pensons parfois que c'est un aspect qui est négligé et qu'il pourrait y avoir un effort plus conscient, plus organisé pour informer et sensibiliser les parents à ces réalités. On a appris qu'au fond, dans certains cas, ces difficultés sont aggravées. S'il y avait des services de soutien formés, s'il y avait une formation adéquate pour les intervenants, on pourrait éviter certains cas où les enfants sont obligés de suivre des thérapies en raison d'une mauvaise adaptation. C'est donc une recommandation que nous faisons. Nous espérons que des mécanismes concrets seront mis en place pour assurer que cette sensibilisation aura lieu.

Mme Vermette: II y a deux volets très importants qui ressortent de votre mémoire. D'une part, vous voulez une concordance et si, comme la ministre se plaît à le dire, il y avait beaucoup d'échanges de vues et de concertation entre la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration et le ministère de la Santé et des Services sociaux, je pense qu'on pourrait établir, dans une politique claire d'adoption internationale, les aspects que vous venez de formuler. On pourrait avoir beaucoup plus de concordance, j'imagine, entre les objectifs du ministère de l'Immigration, qui pourrait, justement, émettre son opinion par rapport à l'adoption internationale dans les différents aspects de l'immigration que vous venez de soulever. En tout cas, nous souhaitons que cela ira au-delà des paroles de la ministre et qu'on pourra revoir cela dans les textes de loi. Je pense que ce sera plus conforme à la réalité et aux souhaits exprimés.

Il y a deux volets qui ressortent beaucoup. C'est la limitation; vous trouvez que le projet de loi est très limitatif, d'une part. D'autre part, il y a le volet discriminatoire que vous avez soulevé. J'aimerais que vous nous parliez un peu de l'aspect limitatif du projet de loi.

Mme Westmoreland-Traore: Oui. Sur les aspects limitatifs, nous avons pensé, surtout dans le cas de l'adoption simple, que si, par cette loi, on ajoute une autre exigence pour que ces adoptions prononcées à l'étranger soient reconnues, cela équivaut, en fait, à rendre le projet d'adoption internationale plus compliqué, plus limitatif. Est-ce que les pays vont vouloir instaurer à la demande du Québec un processus spécial selon lequel le gouvernement, par son représentant autorisé, va consentir dans chacune des procédures d'adoption à ce que cet enfant soit adopté par une autre personne? Nous pensons aussi que, dans certains cas, il y a des limitations qui sont imposées par les lois nationales. Par exemple, dans certains pays, on ne permet pas à une personne d'une autre religion d'adopter un enfant. L'État ne pourrait pas intervenir pour approuver une telle adoption. Cependant, s'il y a un processus permettant à l'enfant de quitter le pays et si, selon la loi sur l'adoption ici au Canada, cet enfant est adopté, si l'enfant peut venir ici et être adopté ici légalement, selon le processus des tribunaux, le Tribunal de la jeunesse au

Québec, à ce moment ces personnes qui sont des citoyens canadiens, des Québécois à part entière, pourraient aussi trouver des enfants à adopter. C'est un cas réel. Actuellement, par exemple, les enfants qui sont acceptés par le Secrétariat à l'adoption internationale sont des enfants, pour qui il y a un processus d'adoption plénière, de certains pays de l'Amérique latine et les membres de la communauté juive, par exemple, ne peuvent pas adopter ces enfants parce que ces pays demandent que ce soient des catholiques qui adoptent ces enfants. C'est une limitation qui affecte des membres des communautés culturelles. C'est un exemple.

Je voulais aussi revenir sur la question de la réunification des familles, parce que la réunification des familles, comme M. Paquin l'a souligné, est un aspect important et c'est un aspect qui facilite aussi une certaine immigration au pays. Pour les membres des communautés culturelles - ceci a été un avis assez général - souvent, il y a une notion plus étendue de la famille. Dans la loi sur l'immigration, nous avons une définition de la famille qui répond, si je puis dire, aux critères du droit canadien et québécois. Dans les autres pays, souvent, il y a une notion de famille élargie et, pour concilier ces deux notions de famille, les membres des communautés culturelles ou les immigrants adoptent des jeunes neveux, des jeunes frères, légalement; de cette façon, ces enfants peuvent être parrainés. Si, en vertu de la loi sur l'adoption, on rend plus difficile l'adoption de ces enfants dans les pays d'origine, parce que ce sont des pays d'adoption simple et que cela prendrait un autre processus d'intervention de l'État, à ce moment ces personnes subissent une certaine limitation du processus d'immigration parce qu'elles ne peuvent plus faire ce qu'elles faisaient auparavant. De plus, ces personnes-là, c'est-à-dire les membres des communautés culturelles et certains immigrants, se sentiraient désavantagées par rapport au processus qui existe dans d'autres endroits, là où ne se pose pas ce problème, où il n'y a pa3 ces exigences supplémentaires. Cela peut même favoriser le cas de personnes qui iraient dans d'autres provinces pour faire l'adoption pour qu'ensuite l'enfant vienne au Québec. Ce sont des choses qu'on voudrait éviter. C'est pour cela qu'on pense que la loi devrait rejoindre les objectifs sans qu'on soit obligé de faire des détours.

Mme Vermette: Est-ce pour cela qu'à la page 17 de votre mémoire vous écrivez que "la loi devrait permettre l'entrée des enfants au Canada et au Québec aux fins d'adoption, lorsqu'une condition jugée discriminatoire au Canada ou au Québec fait obstacle à l'adoption de l'enfant dans son pays d'origine"?

Mme Westmoreland-Traore: Justement. Il nous a été signalé par un membre, par exemple, de la communauté indienne, qu'en Inde on ne permet pas l'adoption par des chrétiens. Il y a 2 % de la population indienne qui est chrétienne, dont certains sont au Québec. Ces personnes, dans le temps, pouvaient faire adopter des enfants ici au Québec ou au Canada. Maintenant, elles ne peuvent pas faire adopter les enfants en Inde parce qu'il n'y a pas d'adoption par des chrétiens. Si l'enfant pouvait être admis ici, adopté légalement ici selon le processus devant le Tribunal de la jeunesse, ceci éliminerait un obstacle qui, d'après nous, est discriminatoire.

Une voix: C'est fini.

Mme Vermette: Je pensais qu'il me restait encore un certain temps. Je pense que vous avez apporté un volet très important. J'aurais aimé vous poser davantage de questions parce que je pense qu'il reste encore beaucoup d'interrogations. Il aurait été intéressant de vous entendre beaucoup plus longuement parce que vous êtes directement impliqués, vous êtes au fait des préoccupations et des us et coutumes des différentes communautés culturelles. C'est un volet qu'on n'a pas du tout abordé parce qu'on a été beaucoup plus préoccupés par la démarche que les parents font ici au pays, mais je pense que ce que vous apportez à l'heure actuelle porte, finalement, sur les us et coutumes, sur les implications et sur la façon, lorsqu'on fait une loi, dont on devrait s'y attarder, car, au-delà des considérations d'ordre légal et judiciaire, il y a aussi les considérations d'ordre humanitaire et les us et coutumes des pays avec lesquels on transige.

Je vous remercie beaucoup et j'ose espérer qu'on fera une nouvelle rédaction du projet de loi parce que je pense, tel qu'il est libellé, il met beaucoup plus d'obstacles et vous l'avez fait bien ressortir. Tel qu'il est libellé, malgré les paroles réconfortantes et optimistes de la ministre, si on ne chanqe pas le projet de loi dans sa forme actuelle, nous allons avoir beaucoup plus de tracasseries administratives et des pays seront fermés à l'adoption internationale. Je pense qu'il est important qu'on travaille en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles, celui de l'Immigration et celui de la Santé et de3 Services sociaux. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Fabre.

M. Joly: Merci, M. le Président. Comme il reste encore quelques petites minutes à notre formation, j'aimerais demander ceci à Mme la présidente; Ne

croyez-vous pas que le Québec comme tel doit respecter les lois et le consentement des autres pays, des parents biologiques qui, après tout, procurent des enfants pour les Québécois?

Mme Westmoreland-Traore: Oui. Je pense qu'il y a là, fondamentalement, un devoir. Je pense que le conseil est d'accord et que c'est pour ça que nous avons établi ces principes au tout début. Je pense que c'est la façon dont on obtient ce consentement ou cet accord des pays. Actuellement, dans les différents pays, il existe des mécanismes, il y a des secrétariats à l'adoption, il y a des sociétés d'aide à l'enfance. Je pense que, lorsque ces institutions existent, le Québec devrait respecter ces procédures.

Pour nous, il y a une différence entre respecter les procédures internes, légales qui existent maintenant et qui protègent les enfants et exiger une autre procédure, une procédure formelle qui demande à l'État d'intervenir et d'approuver formellement une adoption internationale. Je pense que c'est demander à l'État de reconnaître formellement qu'il n'a pas les moyens de subvenir aux besoins de cet enfant. Cela peut être délicat.

Nous sommes ici dans une situation de spéculation parce que, depuis que le secrétariat à l'adoption a eu le pouvoir de conclure les ententes, je pense qu'une entente a été conclue. Je comprends que ce n'est pas nécessairement la négociation d'autres ententes, mais, au moins, avec une entente, les parents sauront comment procéder. Ils ne seront pas obligés, dans chaque cas, de chercher eux-mêmes comment faire preuve de cette autorisation de l'État.

M. Joly: Je vais revenir sur vos commentaires, Mme la présidente, mais, avant de quitter, Mme Trinh a fait tantôt état des orphelins. Ce qui nous dérangeait, un peu, c'est peut-être la façon de vérifier si ce sont véritablement des orphelins. Je pense qu'on n'a pas tellement mis l'emphase sur ça. On ne peut pas arriver là-bas, avoir la certitude et créer un autre problème, à savoir que l'enfant s'en vient dans la province chez nous et qu'ensuite on lui retrouve un parent et, à ce moment-là, des attentes ont été créées qui restent en suspens des deux côtés.

J'aimerais que Mme Trinh revienne un peu à la charge sur ça et nous dise davantage de quelle façon vous avez vraiment la certitude que ce sont des orphelins. Hier, à l'émission "Le Point", on a fait mention d'un jeune réfugié dans un camp de réfugiés qui avait réussi à se sauver pour aboutir ici au Québec. Actuellement, il ne semble pas avoir de statut comme tel, mais lui-même pleurait souvent en pensant à ses parents. Dans sa tête à lui, est-ce que ses parents sont encore vivants ou si dans la tête des gens qui sont chargés de ces genres de camps de réfugiés, ils ont la certitude absolue qu'ils sont vraiment décédés?

Mme Trinh: Pour répondre à votre question, il y a deux volets de ce que j'entends de votre question. Premièrement, la certitude. Vous pouvez obtenir cette certitude officiellement par écrit par l'officier du camp, à savoir que l'enfant, d'après son histoire, est orphelin. C'est une preuve que vous pouvez croire ou ne pas croire; cela est une preuve réelle. Est-ce qu'on va dire que le rapport de l'officier est une incertitude ou non? C'est à nous de penser si c'est certain ou non.

Maintenant, la deuxième certitude que l'on peut vous donner quant à l'enfant, à savoir s'il est orphelin ou non, un enfant, orphelin ou non, pleure ses parents. Si ses parents sont vivants ou morts, il pleure toujours ses parents. L'expérience qu'on a eue des enfants adoptés à un âge assez avancé, c'est qu'ils réfèrent souvent à leur origine. On ne peut pas vous certifier que l'enfant a coupé les liens, qu'il ne pense pas à son origine, surtout un enfant d'un autre pays. On ne peut pas couper ce lien, lui dire qu'il est orphelin et qu'il est coupé de son origine, on ne peut pas le faire. Même si c'est un enfant d'ici, un enfant du Québec, qui est adopté à un âqe un peu plus avancé, il pense toujours à son origine, que ce soit d'un autre pays ou d'ici.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que....

Le Président (M. Bélanger): Oui, elle l'a fait. Il vous reste à...

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, je suis heureuse d'être revenue pour vous remercier encore une fois. Je veux vous dire, comme j'aurais pu le dire à ceux qui vous ont précédés et à ceux qui vont vous suivre, même si tous les aspects des mémoires ne sont pas abordés au cours de l'échange compte tenu du temps qui nous est imparti, que nous les examinons très sérieusement; s'il y a lieu d'obtenir d'autres éclaircissements, nous n'hésiterons pas à communiquer avec qui de droit. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme Traore, si je ne me trompe, MM. Paquin et Johnson, Mme Trinh et M. Kofi Sordzi nous vous remercions infiniment de votre présentation au nom du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration

du Québec.

J'invite le prochain groupe, le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi. Nous allons suspendre les travaux pour deux minutes, histoire de faire le changement, et nous recommencerons. Dans deux minutes, pas plusl

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 21)

Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de gagner sa place. Nous allons reprendre les travaux dans quelques instants.

Donc, nous recevons ce matin les représentants du Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi. Je m'excuse, je cherche mon petit papier pour avoir les noms; je ne les ai pas. Oui. Alors, c'est M. André Leblond qui en est le président. Si M. Leblond veut bien s'identifier. Vous êtes M. Leblond. Si vous aviez l'obligeance de nous présenter votre équipe et de procéder à la présentation de votre mémoire. Vous connaissez un peu les règles ou si...

M. Leblond (André): Nous sommes familiers avec la commission sur le financement des universités. On revient assez périodiquement.

Le Président (M. Bélanger): Ce sont sensiblement les mêmes choses. Alors, je vous en prie, allez-y!

M. Leblond: Nous remercions la commission des affaires sociales, de même que Mme Thérèse Lavoie-Roux et Mme Cécile Vermette, de nous permettre d'exposer notre point de vue sur l'adoption internationale. Permettez-moi de présenter mes collègues, ce matin: à l'extrême gauche, M. Marc Roberge, secrétaire de notre syndicat, Mme Germaine Preston, à ma gauche, et M. Jean-Pierre Gagnon, vice-président de notre syndicat également. Je pense qu'on devrait ajouter à la fin du document Mme Preston comme collaboratrice. Mme Preston a été élue très récemment et a collaboré à ce mémoire.

En guise de préambule, le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi aimerait préciser quelques-unes des balises qui ont encadré sa démarche dans la préparation de ce mémoire. Notre syndicat s'est intéressé au problème de l'adoption internationale en vertu d'un intérêt particulier de nos membres à ce sujet. En effet, malgré notre situation en périphérie, nos membres qui, pour plusieurs sont d'oriqines diverses, ont vécu des expériences internationales qui les ont sensibilisés à ce problème. De plus, il nous paraît évident que certains principes fondamentaux sont en cause et qu'en tant qu'universitaires nous nous devons d'intervenir pour les défendre.

Notre mémoire n'aborde donc pas la question de l'aide internationale et des notions corrélatives de développement et de sous-développement. Nous reconnaissons cependant que l'adoption internationale se situe dans un contexte d'échanges et de collaboration entre pays riches et pauvres, mais aussi dans un cadre juridique et constitutionnel que nous jugeons hors de notre compétence.

Notre démarche vise à mieux faire ressortir les droits des parents à concrétiser une adoption internationale dans les meilleurs délais et à des coûts raisonnables, tout en sauvegardant le droit des enfants.

De plus, si notre syndicat a voulu produire un mémoire à cette commission, c'est en raison de l'inacceptabilité de l'ensemble du projet de loi et des projets de règlements présentés par Mme la ministre Thérèse Lavoie-Roux. Ainsi, sous le couvert d'une supposée protection des droits de l'enfant, ce projet amplifie et instaure un bureaucratisme conduisant à la violation, à la fois des droits individuels d'un ou des parents d'avoir un enfant, des droits de la famille de pouvoir jouir de la présence d'un nouveau membre librement et dans les plus brefs délais et des droits de l'enfant lui-même qui, à cause des délais de plusieurs années et d'une procédure de sélection décidée par l'État, ne pourra pas retrouver en quelques semaines ou quelques mois le parent qui l'a choisi.

Ce mémoire présentera donc notre vision des droits des parents, de la famille et de l'enfant ainsi que le principe de la primauté de ces droits sur l'interventionnisme abusif de l'État. De plus, nous proposons un rôle accessoire de l'État dans l'assistance à apporter aux parents et aux groupes privés associés à l'adoption internationale; il s'agit du principe selon lequel l'État est un associé plutôt qu'un régent.

Les droits individuels des parents, de la famille et de l'enfant. Il nous semble primordial d'établir les principes fondamentaux devant guider toute politique du gouvernement québécois relativement à l'adoption internationale. Comme premier principe, il y a la primauté des droits des parents, de la famille et de l'enfant sur l'interventionnisme de l'État. Les droits individuels des parents, les droits de la famille et les droits de l'enfant doivent inspirer au plus haut point toute loi ou tout règlement que le gouvernement voudrait établir pour encadrer l'adoption. D'abord, tout parent ou tout couple de parents doit

avoir un droit égal et inaliénable de pouvoir adopter un enfant au même titre qu'il est reconnu à tout individu de pouvoir concevoir naturellement un enfant. De plus, comme il est normal d'attendre la venue d'un enfant au bout d'une gestation de neuf mois, pourquoi ne serait-il pas aussi normal que l'adoption ne se prolonge pas au-delà de ce délai? Aussi, pourquoi ce délai ne serait-il pas considérablement écourté compte tenu du fait que l'enfant est déjà conçu et attend un parent?

L'adoption internationale est, à bien des égards, préférable à la fécondation par des moyens scientifiques nouveaux. Sans priver les parents du droit d'opter pour ces méthodes parfois longues, frustrantes et coûteuses, les parents n'ont-ils pas te droit également d'opter pour une adoption internationale libre, rapide et peu coûteuse?

La famille peut être monoparentale, nucléaire ou avoir un prolongement qui, traditionnellement, peut regrouper d'autres personnes comme les grands-parents, des cousins, des cousines, etc. Comme entité ou cellule fondamentale de notre société, la famille a des droits fondamentaux que lui valent bien les devoirs que la société lui confie. Selon nous, les droits de la famille sont de ceux qui permettent à celle-ci de s'épanouir, de se réaliser comme groupe et comme individu dans le bonheur et la sécurité ainsi que de pouvoir s'intégrer efficacement à l'environnement social qui entoure la famille. Le désir d'un couple d'adopter un enfant nous apparaît un droit aussi fondamental que la décision de concevoir un enfant. La finalité est la même. Le manque évident d'enfants québécois à adopter au Québec oblige les parents à envisager l'adoption internationale. Il nous apparaît que les familles ont le droit d'obtenir l'adoption d'un enfant étranger dans les plus brefs délais, à partir du moment de la décision des parents.

Un sondage réalisé pour Le Devoir par Les études de marché Créatec Plus a été publié dans ce journal le 14 avril 1987. Le résumé de Paule des Rivières montre que: "...les Québécois, hommes et femmes, désirent une vie affective heureuse et paisible à l'intérieur d'un couple, dans un environnement sans violence ni pollution. Possiblement avec des enfants..." L'aspiration première des Québécois est "d'avoir une vie de couple heureuse..." puis en deuxième lieu "...donner et recevoir de l'affection... En troisième lieu vient le désir d'avoir des enfants". Elle ajoute que "les Québécois tiennent à la famille, mais moins au mariage". Puis: "près de la moitié des Québécois (46 %) consentirait à une augmentation des impôts pour que l'État encourage les couples qui veulent des enfants..." (11 h 30)

La commission des affaires sociales peut-elle ignorer le droit des couples et de la famille d'adopter librement et efficacement un enfant étranger? N'y a-t-il pas là un devoir d'assistance de l'État envers les familles? Le dépôt du présent projet de loi n'est-il pas l'antithèse de cet objectif?

Par ailleurs, nous croyons que tout enfant québécois ou étranger a le droit de vivre en sécurité affective et matérielle dans une famille qui lui permettra d'acquérir et de bénéficier des acquis d'une société libre, progressiste et démocratique. Tout enfant a un droit inaliénable à un développement complet et harmonieux de ses potentialités en conformité avec les droits fondamentaux de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

En pays étranger, souvent sous-développé au plan matériel, les enfants naissants ou en jeune âge sont souvent plus ou moins délaissés ou abandonnés, ou tout simplement orphelins. Une intervention rapide, et même parfois urgente, s'impose. • Ces enfants ont le droit de recevoir l'attention de parents et d'une famille pour les prendre en charge dans les plus brefs délais.

Le présent projet de loi, même s'il prétend protéger l'enfant, nie les droits de l'enfant par la "procédurite" qu'il engendre et les délais qu'il crée. L'enfant, si on parle d'un individu réel et non pas d'une abstraction juridique, pourra, selon ce projet de loi, être adopté une fois devenu enfant scolarisable, s'il était naissant, ou adolescent, s'il était à l'âge scolaire lors de la demande d'adoption. Nous croyons que la Loi sur la protection de la jeunesse actuelle est suffisante pour protéger tout enfant adopté à l'étranger et que l'intervention supplémentaire et directe des fonctionnaires administrant cette loi lors du processus est abusive et inutile. Ces enfants, souvent tarés et traumatisés, ont le droit de recevoir réconfort et aide des services spécialisés de l'État par la seule intervention des parents. De plus, ces enfants ont le droit de connaître leurs origines et de pouvoir identifier leurs parents naturels.

Enfin, le rôle de l'État. Nous croyons que l'État doit limiter au strict minimum ses interventions dans le champ de l'adoption internationale. Son rôle doit en être un d'associé plutôt que celui d'un gestionnaire à divers tentacules, comme le propose le projet de loi 21 de Mme la ministre Lavoie-Roux.

Voici l'énoncé d'un deuxième principe: Le gouvernement du Québec doit faciliter l'exercice des droits des parents et de la famille en établissant, lorsque nécessaire, des ententes-cadres avec les pays étrangers d'où proviendront les enfants, en accréditant et en aidant financièrement les organismes québécois et étrangers pour en faciliter l'identification des enfants adoptables et les procédures d'adoption pour les parents et en

mettant sur pied une assistance financière et fiscale pour aider ou non les parents selon l'importance des revenus de ceux-ci.

Considérant que l'adoption internationale est à la fois complexe et fragile en raison de l'éloignement géographique et culturel, nous jugeons essentiel qu'aucune entente internationale entre les États ne vienne compliquer indûment la libre adoption en conformité avec les lois existantes dans chacun des pays. Il faut éviter que de telles ententes n'entraînent des ' négociations de quota d'enfants en contrepartie d'autres avantages ou en des complications telles que les parents en arrivent à contourner les lois et les ententes et à procéder à l'adoption avec l'aide d'aventuriers et d'exploiteurs sans scrupules. La nécessité de passer des ententes spécifiques avec des pays étrangers doit procéder de demandes des associations de parents s'occupant d'adoption internationale.

En conclusion, la lecture du projet de loi 21 et des projets de règlements s'y rattachant nous démontre que l'État québécois s'apprête à adopter une démarche tout à fait contraire aux principes et aux définitions succinctes des droits des parents, de la famille et de l'enfant énoncés dans ce mémoire. Comme professeurs d'université, nous croyons en la primauté de ces droits sur toute emprise bureaucratique de l'État. L'État doit plutôt jouer un rôle effacé mais utile en s'associant positivement à la démarche d'adoption, en aidant financièrement les intervenants et en gérant d'éventuelles ententes internationales minimisant les délais et facilitant les procédures autant à l'étranger qu'au Québec.

Voici quelques recommandations de notre syndicat: 1° , que l'État québécois reconnaisse le droit de tout parent québécois, de tout couple ou de toute famille à procéder librement à l'adoption internationale. 2°, que la seule procédure exigée par l'État soit l'enregistrement civil de l'enfant en conformité avec les dispositions du Code civil et ce, dans le délai prévu à partir du moment de l'arrivée de l'enfant au Canada; 3 , que, pour ce faire, le ministère de la Santé et des Services sociaux, dans un bureau régional, fournisse le formulaire nécessaire de même que la documentation complète (liste des pays, liste des organismes québécois et étrangers pouvant aider le projet des parents, les formes d'aide matérielle, financière et fiscale que l'État fournit, la liste des procédures légales à suivre à l'étranger et au Québec); 4 , que le ou les parents soient entièrement responsables de l'ensemble du processus d'adoption à l'étranger comme au Québec; 5 , qu'on reconnaisse les mêmes droits aux enfants adoptés que ceux reconnus aux enfants naturels; que, conséquemment, les parents adoptants aient les mêmes droits que les parents naturels et qu'ils ne soient assujettis à aucune entrave ou obligation supplémentaire particulière des fonctionnaires du ministère ou de ceux appliquant la Loi sur la protection de la jeunesse; 6 , que d'éventuelles ententes avec les pays étrangers facilitent les procédures légales d'adoption ou de consentement d'adoption par des représentants autorisés de ces gouvernements dans les cas où ces ententes sont nécessaires et souhaitées par les associations de parents s'occupant d'adoption internationale; que ces procédures puissent être rapides, simples et selon des coûts connus à l'avance; 7°, que l'État québécois fournisse une aide financière couvrant une partie ou la totalité des frais encourus pour l'adoption internationale; cette aide pourrait être fournie de façon alternative via le régime fiscal en permettant la déduction de tous les frais encourus par une telle adoption; 8°, que l'État québécois accorde une assistance financière accrue aux organismes aidant l'adoption internationale; 9°, que les délais d'adoption soient de l'ordre de quelques mois à un an au maximum; 10°, finalement,, nous demandons à la ministre Lavoie-Roux de retirer son projet de loi 21.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai lu le mémoire du Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi et je dois vous dire tout de suite, au point de départ, que votre approche m'étonne un peu pour des professeurs d'université.

Ce qui ressort de votre rapport, c'est que le droit des parents est plus important que le droit des enfants. Même si vous parlez des parents et des enfants, etc., vous prenez la peine de nous citer à la paqe - il faudrait que je la retrouve - le sondage de Créatec pour en conclure que, dès que les parents désirent adopter des enfants, c'est leur droit le plus strict et qu'ils adoptent des enfants. L'État doit intervenir au minimum, ne serait-ce que pour enregistrer l'enfant selon les dispositions du Code civil.

Je vous le dis, pour des professeurs d'université, avoir une vue aussi étroite de l'adoption internationale, comme étant un moyen de combler des désirs légitimes des parents - je reconnais cela fort bien et je peux l'apprécier - sans plus de nuances, je dois vous dire que cela m'étonne un peu.

J'aimerais que vous me disiez comment... Je peux répondre à votre dizième recommandation. La ministre Lavoie-Roux, comme vous l'appelez tout au long du mémoire, n'a pas l'intention de retirer le projet de loi 21. Nous savons que, depuis

plusieurs années, l'adoption internationale ne se fait pas dans les meilleures conditions au Québec et qu'elle est difficile, je le reconnais. C'est d'ailleurs l'objet du projet de loi 21 et du projet de règlement qui, comme je l'ai dit hier, devra être révisé en fonction des modifications apportées à la loi 21 et également la convention devrait être signée avec les organismes d'adoption internationale. L'objet de la commission est justement de faire le tour de ces questions pour tenter de réduire les difficultés que les parents ont vécues.

Je dois vous dire qu'au point de départ - ceci n'est pas une idée fixe de la ministre, c'est fondé sur notre Loi sur la protection de la jeunesse, sur l'esprit de la Loi sur ta protection de la jeunesse - l'intérêt de l'enfant doit d'abord primer. Si nous exerçons mal cette façon de protéger le droit de l'enfant, je pense qu'il faut examiner ce qui fait que... Je pense que ce n'est pas cela qui a été mis en question, de toute façon. Ce qui est mis en question, ce sont les procédures administratives et bureaucratiques qui peuvent être trop lourdes. Je voudrais quand même vous demander de quelle façon le projet de loi 21 est plus lourd que ce qui existait antérieurement. Je pense que le projet de loi 21, au contraire, veut, au plan juridique, corriger une interprétation, du ministère de la Justice et du Code civil, selon laquelle ce ne sont plus uniquement les adoptions plénières qui puissent être reconnues au Québec, mais qu'on permette aussi la reconnaissance d'adoptions simples là où il y a un consentement autorisé de l'État, soit à partir d'ententes, soit à partir de toute autre modalité administrative qui s'avérerait plus pratique, plus fonctionnelle, plus rapide, soit à partir des organismes que les États reconnaissent eux-mêmes comme des porte-parole autorisés, comme cela existe déjà dans plusieurs pays.

Ma première question - je vais vous poser la deuxième immédiatement - estï Comment pouvez-vous dire - vous ne le dites pas dans ces termes - que c'est pire que ce qui existait avant? Évidemment, la présentation ou la requête présentée au tribunal pour faire apprécier un projet d'adoption - je l'ai expliqué à maintes reprises, vous n'y étiez peut-être pas - cela a été dans le but d'enlever au ministre le pouvoir que certains jugeaient discrétionnaire. Je pense que cela ne sert à rien de s'obstiner là-dessus, on a dit: II y a un pouvoir discrétionnaire, d'accord, on le fait disparaître et on le remet au Tribunal de la jeunesse. En plus de faire disparaître ce pouvoir discrétionnaire, cette démarche devant le Tribunal de la jeunesse a aussi pour effet de sécuriser les parents qui sauront que, lorsqu'ils reviendront avec un enfant, ce sera à toutes fins utiles une formalité pour que l'adoption soit complétée, sauf s'il y avait raison grave. Il a été discuté à d'autres reprises que, des parents pourraient être vus comme ayant négligé leurs enfants. D'une façon presque totale -en tout cas, on le souhaite - cela facilerait les choses. Nous avons discuté assez longuement ici la question des délais.

Deuxièmement, vous dites à une page: II ne faut pas faire d'ententes avec les pays - si je peux retrouver l'endroit... À la page 7: "Considérant que l'adoption internationale est à la fois complexe et fragile en raison de l'éloignement géographique et culturel -la, je pense qu'on s'entend fort bien - nous jugeons essentiel qu'aucune entente internationale entre les États ne vienne compliquer indûment la libre adoption en conformité avec les lois existantes dans chacun des pays." Et en page 9, recommandation 6: "Que d'éventuelles ententes avec les pays étrangers facilitent les procédures légales d'adoption ou de consentement d'adoption par des représentants autorisés de ces gouvernements..." Là, vous ajoutez qu'il faudrait que, si elles se font, elles se fassent par des associations de parents. C'est la deuxième question que je voudrais poser. La première, c'est relativement à la lourdeur qui est ajoutée selon vous, ce que vous appelez l'antithèse d'une procédure d'adoption qui pourrait favoriser à la fois le parent et les enfants; la deuxième, m'expliquer ce qui m'apparaît peut-être une contradiction dans votre mémoire. (11 h 45)

M. Leblond: Merci, Mme la ministre. J'avoue être surpris moi-même de votre surprise face à des professeurs d'université. Les professeurs d'université, dans leur travail de tous les jours, sont pour la liberté pédagogique et pour la libre expression. Un peu tout le monde peut vivre ces époques de libéralisation, de libéralisme. Dans ce sujet, peut-être contrairement à d'autres, parfois, nous croyons que le droit des parents, le droit de la famille et celui de l'enfant doit primer l'autoritarisme de l'État. Dans votre préambule, vous nous avez reproché de mettre de l'avant le droit des parents d'abord plutôt que celui des enfants. C'est en vertu justement de la provocation de votre projet de loi, parce que nous sommes d'accord que les droits des enfants sont extrêmement importants et nous le disons dans le mémoire. Nous ne disons pas que les droits des enfants ne sont pas importants, nous disons que, sous prétexte de protéqer les droits des enfants, on ne doit pas exagérer en brimant à la fois celui des parents et celui des enfants, finalement.

En ce qui concerne votre première question, le projet de loi 21, à notre sens, doit être retiré. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas actuellement, par rapport au passé, certaines petites améliorations théoriques.

Nous ne sommes pas en mesure d'évaluer présentement, sur le plan juridique et sur le plan des longueurs de procédures, le nombre de mois, le nombre d'années que cela va épargner aux parents. Cependant, ce que nous remettons en cause, c'est également... Nous crayons que, si on demande à la ministre de retirer son projet de loi, c'est probablement pour lui en demander un autre qui respecterait beaucoup plus les droits des parents à obtenir l'adoption libre d'enfants et à minimiser les interventions de l'État. Nous demandons aussi que l'État soit un associé et aide les parents, non seulement les parents riches qui peuvent se le permettre, mais les parents à revenus moyens pour qu'ils puissent eux aussi envisager l'adoption internationale sans que cela hypothèque tous les revenus de la famille pour plusieurs années.

Je n'ai pas très bien compris votre deuxième question en ce qui concerne les ententes. En ce qui concerne les ententes...

Mme Lavoie-Roux: Je peux la répéter. À la page 7, d'une part, vous dites: "nous jugeons essentiel qu'aucune entente internationale entre les États ne vienne compliquer indûment la libre adoption" et, à votre recommandation 6, vous dites: "Que d'éventuelles ententes avec les pays étrangers facilitent les procédures légales d'adoption ou de consentement d'adoption par des représentants autorisés..."

M. Leblond: Je pense qu'il n'y a aucune contradiction dans cela. Dans le principe, à la page 7, on disait: Que l'État puisse établir des ententes lorsque nécessaire., Nous croyons qu'il n'est pas toujours nécessaire d'établir des ententes. Les lois du pays sont souvent suffisantes et lorsque les ententes sont nécessaires, ce sont souvent les associations de parents ou les pays concernés qui les demandent. Les représentants précédents ont très bien expliqué qu'il y avait un avantage, d'ailleurs, à garder un lien entre les parents naturels et les parents adoptifs, ne serait-ce que pour assurer une certaine sécurité dans le cas de retour de l'enfant dans le pays étranger. Nous ne disons pas que nous sommes contre les ententes, mais que ces ententes doivent exister lorsque nécessaire, lorsque absolument nécessaire. Nous croyons que des ententes formelles vont ajouter dans le pays d'accueil toute une série d'étapes à accomplir et on sait ce que cela veut dire dans certains pays: des complications, des fonctionnaires à rencontrer et souvent des délais très très longs. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Mme Lavoie-Roux: Oui, je pense que je saisis la différence. Vous avez fait une différence entre les ententes d'État à État d'une part, et des ententes entre des organismes - c'est ce que je crois comprendre - d'autre part.

M. Leblond: Ce n'est pas tout à fait cela. Nous disons qu'il peut y avoir des ententes entre les États, mais nous disons que ce n'est pas toujours nécessaire. Nous croyons que ce n'est pas toujours nécessaire, parce que les lois du pays nous semblent suffisantes. Lorsqu'un pays accorde l'adoption simple, nous croyons que c'est suffisant, à moins que l'État en question n'exiqe d'autres formalités. Nous croyons que, peut-être, les ententes pourraient être nécessaires pour faciliter aux parents tout un processus, pour ne pas qu'ils soient perdus une fois rendus sur place dans un dédale de procédures qui pourraient être très longues et coûteuses. Alors, si des ententes sont souhaitées par les associations de parents, soit au pays, soit là-bas, par ceux qui ont des pied-à-terre dans ces pays-là, et si ces ententes peuvent accélérer le processus et aider les parents à se retrouver à travers les lois du pays, à ce moment-là, nous croyons qu'il serait peut-être nécessaire et souhaitable que l'État du Québec passe une entente avec le pays en question, mais uniquement dans un but d'aider le parent à se diriger rapidement dans le système là-bas.

Mme Lavoie-Roux: Ce que je veux vous dire, c'est qu'il n'est pas prévu dans le projet de loi, ni autrement, que des ententes formelles d'État à État soient la règle générale. Je pense que là où c'est possible, cela peut accélérer le processus le rendre plus facile, mais nous croyons aussi qu'il y a d'autres modalités d'entente avec des organismes reconnus. Je l'ai mentionné tout à l'heure, il peut s'agir... Je pourrais vous les nommer. Hier, on m'en avait donné une liste: ils existent déjà et nous fonctionnons avec eux ou encore des organismes d'adoption internationale fonctionnent avec eux et par leur intermédiaire. Alors, cela peut prendre différentes formes, on n'est peut-être pas si loin que cela, mais cela me semblait un peu contradictoire. Je vais laisser la parole à ma collègue, la députée de Marie-Victorin. Je reviendrai avec des questions supplémentaires.

Mme Vermette: Oui. Il me fait plaisir de vous accueillir au nom de notre formation politique. Effectivement, votre mémoire se base beaucoup sur la notion des droits et notamment sur le droit de la famille. C'est un volet important, puisque l'adoption internationale fait partie d'une politique familiale ou devrait être comprise à l'intérieur d'une telle politique.

Je suis heureuse d'entendre la ministre actuellement quand elle parle des ententes, parce qu'au tout début de la commission ce n'était pas clair. En fin de compte, on parlait beaucoup plus d'ententes d'État à

État et actuellement on tente de modifier la notion d'entente. On commence à assouplir la notion et c'est un grand progrès. Il faudrait aller beaucoup plus en profondeur pour vérifier qui devra signer ces ententes et dans quel respect, parce que, très souvent, certains États sont réticents à signer de telles ententes.

Effectivement, le secrétariat à l'adoption a essayé de signer des ententes et à l'heure actuelle, il n'y en a pas. On a demandé à différents organismes si ces pays avaient signé des ententes et à leur connaissance, il y en avait très peu. II semblait que cela pouvait même fermer certains pays à l'adoption internationale.

Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites que le projet de loi nie les droits de l'enfant par la "procédurite". J'aimerais que vous nous expliquiez davantage, parce que la ministre a dit que vous ne faisiez pas tellement état des droits de l'enfant, alors qu'à ce moment-ci vous dites dans cette section que la "procédurite" pourrait nier les droits de l'enfant. De quelle façon?

M. Leblond: Par expérience, dans notre milieu universitaire et régional. On sait très bien qu'il y a eu même des causes types dans notre région. Nous croyons que les délais imposés par la procédure existante ne seront pas complètement éliminés à l'avenir. On ne sait pas ce que cela va donner. Nous sommes sceptiques. Dans plusieurs cas, lorsque cela prend cinq ans, vous vous imaginez que l'enfant qui avait un an est rendu à l'âge scolaire et je pense qu'au point de vue de l'intégration... C'est peut-être pousser loin l'idée, mais il reste que, si on regarde un enfant en particulier, si systématiquement les parents sont toujours "décalés", l'enfant a le temps de vieillir avant d'être intégré à une famille. Et là, cela cause des problèmes. Il n'y a pas de psychologue. On a Mme Preston qui est une spécialiste de la santé. M. Saintonge n'est pas venu avec nous aujourd'hui. Il aurait peut-être pu donner un peu plus de précisions là-dessus. Ce n'est pas à titre de spécialistes universitaires que nous sommes là, mais à titre de syndicat des professeurs qui a consulté ses professeurs spécialistes sur beaucoup de sujets. Le développement de l'enfant est conditionné par une série d'étapes - et je pense qu'on ne commencera pas à faire ici l'historique du complexe d'Oedipe et de ces choses-là - et ceux qui s'y connaissent un peu savent qu'il y a des étapes dans la vie et que, si ces étapes sont escamotées, c'est un risque pour le développement équilibré de l'enfant. Donc, on a intérêt à accélérer les principes... II y a même eu des cas extrêmes où des enfants sont décédés ou dont la santé a été affectée par des délais indus. Nous croyons qu'on se doit d'éliminer ces choses-là et d'enlever tout le stress que les parents vivent, les inquiétudes qui sont causées par ces délais. Nous croyons que l'adoption devrait être complètement libre dans le respect des lois du pays en question. Je pense que le Québec n'a pas à se mêler de ces choses-là. C'est une question qui ne nous regarde pas.

Mme Vermette! Vous mentionniez justement, parce que vous vous attardez beaucoup à la notion du droit des parents... Cela m'amène à vous demander si vous seriez en faveur d'un projet d'adoption privée. Quand je parle d'un projet d'adoption privée, je ne parle pas d'un projet par les voies d'évitement, mais vraiment par les voies officielles du pays ici et du pays étranger et finalement, ce projet pourrait être révisé par le Tribunal de la jeunesse. Est-ce que vous seriez en faveur d'une telle démarche?

M. Leblond: Ce que nous proposons, c'est l'enregistrement directement dans les municipalités, comme cela se fait pour un autre enfant, selon les dispositions du Code civil. Nous ne croyons pas qu'il y a lieu d'aller plus loin que l'enregistrement de l'enfant une fois que les procédures juridiques sont entreprises dans l'autre pays... Nous croyons que, dès l'arrivée de l'enfant de l'autre pays, selon les dispositions du Code civil - je crois que c'est 30 jours si je ne me trompe pas, on a une trentaine de jours pour enregistrer l'enfant - cela devrait se faire avec le même formulaire, peut-être avec des considérants ou des parties spéciales sur le formulaire concernant cette adoption et les papiers nécessaires démontrant que le pays en question, le pays étranger a bien approuvé le projet d'adoption.

Mme Vermette: Vous dites aussi que le problème de l'adoption internationale est beaucoup plus un problème bureaucratique qu'un problème judiciaire et qu'il y a une lourdeur administrative qui aboutît à une insatisfaction de plus en plus grandissante des parents adoptants.

M. Leblond: Oui, je pense. Nous pensons que c'est véritablement le problème à la base et que c'est dû au fait que, parmi les procédures actuelles et celles qui vont être imposées, d'une part, on va peut-être simplifier et, d'autre part, on va peut-être compliquer. On ne sait pas ce que cela va donner. Nous croyons qu'on doit éviter toutes ces choses, parce qu'elles sont très coûteuses sur le plan financier, très coûteuses sur le plan du stress pour les parents et pour la santé des enfants.

Mme Vermette: Est-ce que vous considérez que le maintien du lien de filiation est une sécurité pour l'enfant du

pays étranger?

M. Leblond: Oui. Nous ne l'avons pas mis dans une recommandation spécifiquement, mais nous aurions pu le faire. À la page 6, au milieu, nous disons que nous croyons que les enfants doivent connaître leurs origines et devraient pouvoir garder de ce fait un certain lien. Nous avons vu ce qui s'est passé pour l'adoption ici au Québec: On prenait les enfants de Montréal, on les emmenait à Chicoutimi et inversement. On sait ce que cela donne 20 ou 30 ans plus tard, les gens veulent retrouver leurs origines. Nous croyons que l'enfant adopté devrait avoir les mêmes droits que tout enfant québécois, celui de connaître ses origines. L'enfant de pays étranger. Si le pays étranger souhaite que ce soit un lien d'adoption simple, nous acceptons l'argument du groupe qui nous a précédés, à savoir que cela garde une certaine sécurité à l'enfant parce que le pays étranger peut récupérer l'enfant éventuellement, s'il y a un problème, et cela permet à l'enfant... Nous croyons qu'on devrait laisser à l'enfant la possibilité de pouvoir identifier ses parents naturels. (12 heures)

Mme Vermette: À la recommandation 3, vous dites que, pour ce faire, le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait fournir le formulaire, surtout en régions. Est-ce qu'au niveau régional vous avez des problèmes d'information, des problèmes d'évaluation parce que vous faites partie d'une région?

M. Leblond: C'est toujours le même problème. Si nous ajoutons "dans les régions", c'est parce qu'il y a déjà des bureaux régionaux. Je crois que ce ne serait pas difficile, si ce n'est pas déjà fait. Nous n'avons pas autant d'expérience qu'une association de parents, mais nous croyons que tous les services devraient être donnés en régions, dans les bureaux régionaux, et qu'on pourrait donner aux parents toute une série de renseignements. Cela pourrait être la concertation de tous les renseignements, et les organismes privés qui sont affiliés au gouvernement dans ce projet pourraient être associés, pourraient contribuer à les centraliser et ainsi permettre une diffusion efficace auprès des parents, peu importe la région. Vous comprendrez que quand on est à Montréal, où il y a beaucoup de minorités ou d'associations ethniques, etc., il y a là beaucoup de contacts qu'on n'a pas en régions, normalement. Â l'université, nous avons l'avantage de pouvoir bénéficier de beaucoup de contacts, un peu plus que le citoyen ordinaire, parce que beaucoup de nos professeurs viennent d'Amérique du Sud, d'Europe et d'un peu partout, d'Afrique, de même que les étudiants. Beaucoup de gradués viennent du Maroc, du Maghreb, de l'Afrique noire, d'Asie. Nous vivons quand même dans un contexte international à l'université, ce qu'on ne retrouve pas nécessairement dans la population, dans les quartiers ordinaires.

Mme Vermette: Quand vous pensez au niveau régional et que vous dites: On pourrait peut-être, les bureaux régionaux, assumer une plus grande responsabilité au plan de l'information, ou en tout cas du processus, comment voyez-vous le rôle du secrétariat à l'adoption? Est-ce que vous vous êtes penchés aussi sur cette question-là? Est-ce que ce serait un rôle de coordination ou un rôle comme celui que l'on a décrit un peu aujourd'hui dans les journaux, où on disait que le secrétariat devrait seulement informer? Est-ce que vous voyez son rôle un peu comme ca?

M. Leblond: Oui. Je pense que cela découle de notre deuxième principe. Lorsqu'on dit que l'État doit être un associé plutôt qu'un gestionnaire de l'adoption, nous croyons que cela découle naturellement du secrétariat à l'adoption. Si on veut le garder et si on veut que cela continue d'être un organisme pour l'État, je ne pense pas que ce soit la ministre qui va faire cela. Cela lui prend des fonctionnaires pour l'aider. Je pense que le secrétariat à l'adoption pourrait être cet organisme qui informe les gens et qui collabore avec les associations de parents et tes associations d'adoption internationale. Nous voyons cet organisme comme un associé, comme un informateur, beaucoup plus qu'un régent.

Mme Vermette: Cela a été soulevé à plusieurs reprises, la lourdeur et les attitudes du secrétariat. On disait que cela pouvait, dans certains cas, prolonqer les délais ou, dans d'autres cas, décourager des projets d'adoption parce que, souvent, il y avait un accueil qui semblait un peu déshumanisant par rapport au projet d'adoption internationale, et les parents - excusez l'expression; on me l'a sortie hier, je pense -se sentent très souvent comme des chiens dans un jeu de quilles, dans une démarche. Avez-vous entendu parler chez vous de certains problèmes qui auraient pu être soulevés face à de telles attitudes?

M. Leblond: On entend parler de diverses expériences. Je ne sais pas si mes collègues auraient des expériences précises. Il y a peut-être...

Mme Vermette: Vous avez un cas célèbre chez vous, en tout cas, dans votre région.

M. Leblond: II y a des cas célèbres; oui, bien sûr. Peut-être que Jean-Pierre pourrait en citer. Ce n'est pas le but de

notre rencontre, mais...

M. Gagnon (Jean-Pierre): J'aimerais apporter une information personnelle. J'ai une belle-soeur qui a adopté un enfant selon les procédures normales, qui ont été extrêmement longues. D'ailleurs, il lui a fallu entre sept et huit ans avant d'adopter un enfant d'origine guatémaltèque. Je sais qu'elle s'est heurtée dans toutes ses tractations à une foule de difficultés avec les différents bureaux gouvernementaux et également avec toutes sortes d'associations comme Les Enfants du soleil, Los ninos det sol, etc., etc., et également avec toutes sortes de difficultés juridiques au pays d'origine, le Guatémala. Je pense que le projet de loi 21 devrait avoir, parmi ses objectifs les plus importants, au moins de raccourcir les délais et de diminuer les procédures afin de faciliter une adoption simple, rapide et efficace.

M. Leblond: Je pense que j'en suis un qui a vécu l'expérience à un moment donné. Mon épouse, comme beaucoup de femmes qui se marient aujourd'hui à 3Q ans, avait demandé l'adoption d'un enfant. Je pense que c'est peut-être un cas. Lorsqu'on lui a dit qu'un enfant était disponible, c'était six ans plus tard. Sans avoir débuté les procédures, lorsque l'appel est venu finalement des fonctionnaires, mon épouse était devenue enceinte presque par accident, presque miraculeusement, si je peux dire. Quatre mois plus tard, alors qu'elle avait à peu près six à sept mois de grossesse de réalisés, on lui a dit qu'elle était trop vieille, à 35 ans, pour adopter. C'est un cas personnel, mais il y a de nombreux cas qui se sont produits dans le passé. D'autres membres d'autres organismes ont sûrement fait état de ces exemples-là.

M. Gagnon: Si vous me permettez quelques secondes, quant à la question que Mme la ministre a posée tout à l'heure concernant les droits de l'enfant, les droits de la famille et les droits des parents, le point de vue de notre syndicat n'est pas de faire valoir la priorité ou la hiérarchisation des droits des parents ou de la famille sur ceux des enfants. Pour nous, ce bloc de droits prime, par contre, sur les droits de l'État. Je pense que c'est tout à fait conforme à l'un des éléments de la politique de votre gouvernement qui concerne la privatisation. Je pense que les droits enfants-parents-famille priment sur ceux de l'État comme tel.

Une voix: Et vlan!

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que la politique de privatisation du gouvernement touche davantage les entreprises, mais enfin, si vous voulez lui donner l'extension que vous venez de lui donner, libre à vous. Je pense qu'hier on en a longuement discuté: l'adoption est de droit public et non pas de droit privé. Ce n'est pas moi qui l'ai établi, il y a eu des jugements dans ce sens-là. C'était l'expression du Barreau et de plusieurs groupes qui sont venus devant nous.

Tout à l'heure, en répondant à la députée de Marie-Victorin, vous avez dit: Écoutez! j'ai une belle-soeur à qui cela a pris sept ou huit ans. C'était en réponse à une question où Mme la députée vous interroqeait sur les lourdeurs administratives du Secrétariat à l'adoption internationale. Je voudrais simplement vous rappeler que le Secrétariat à l'adoption internationale a à peine cinq ans d'existence. Il ne faudrait quand même pas l'accabler de tous les maux si vous parlez d'un processus qui a commencé il y a sept ou huit ans. C'était déjà là à ce moment-là, de toute évidence. C'e3t simplement une remarque en passant. Pour ma part, je me rends compte qu'il y a des lourdeurs et c'est le but, comme je le disais tout à l'heure, de l'exercice que nous faisons. Il ne faudrait pas non plus que tous les maux d'Israël, comme on dit, soient déversés sur le Secrétariat à l'adoption internationale, même s'il n'était pas dans le paysage à un moment donné.

Vous dites, en page 6: "Nous croyons que la Loi sur la protection de la jeunesse actuelle est suffisante pour protéger tout enfant adopté à l'étranger..." Je suis d'accord avec vous pour dire que la Loi sur la protection de ta jeunesse actuelle est suffisante pour protéqer les enfants sur le territoire du Québec mais, quand nous entrons dans un processus d'adoption internationale, est-ce que l'enfant, de la même façon qu'il peut se trouver sur le territoire du Québec dans une situation vulnérable, ne peut pas aussi se trouver dans le territoire étranger ou dans tout le processus qui l'amènera finalement au Québec et être dans une situation vulnérable? À ce moment-là, dans le domaine de l'adoption internationale, il faut peut-être étendre ce rôle de la Loi sur la protection de la jeunesse pour couvrir justement ces situations où nous entrons en interaction avec un enfant dans un pays étranger.

M. Leblond: Pour être consistant, je pense qu'on a très bien exposé que les parents doivent être responsables de l'adoption d'un hout à l'autre. On doit respecter les lois des pays étrangers. Je ne pense pas que la Loi sur la protection de la jeunesse puisse s'étendre à d'autres pays. Je pense que c'est une question de respect des lois de chacun des pays.

Nous croyons que, à partir du moment où l'enfant rentre au Québec et qu'il doit être enregistré, les lois du Québec s'appliquent, à partir du moment où l'enfant entre au Canada. Je pense qu'on ne doit pas étendre et compliquer le processus au point où le parent doit rencontrer les responsables de ce service préalablement qui voient si c'est un bon parent, s'il n'a pas trop de problèmes intellectuels ou psychotiques, etc. Je ne sais pas ce qu'on vise par cela, mais il nous semble qu'on veut compliquer, on veut traiter les parents adoptants de façon différente des parents naturels au Québec par cette méthode.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Écoutez, lorsque vous remettez tout en question -j'aimerais que vous me corrigiez si j'interprète mal - pour vous, l'adoption internationale doit se faire d'une façon absolument libre sauf qu'il y a une reconnaissance, à un moment donné, par un juqement ici au Québec de l'adoption de l'enfant. Â part cela, vous voulez que tout parent, sans être contraint à quelque disposition que ce soit par nos lois, puisse aller dans un pays étranger. Tant mieux s'il y a là-bas quelqu'un qui a fait des ententes parce que cela va faciliter les choses et faciliter la démarche du parent là-bas! Selon vous, ceci doit être fait d'une façon totalement indépendante et la seule reconnaissance, comme je le dis, c'est quand vous voulez avoir un jugement d'adoption au Québec et que l'État doit limiter au strict minimum ses interventions dans le sens de l'adoption et que l'enfant soit enregistré ici au Québec quand il arrive.

Les dispositions de notre Loi sur la protection de la jeunesse pour l'adoption interne prévoient une évaluation par le directeur de la protection de la jeunesse, un suivi du processus d'adoption, je crois comprendre que vous niez cela aussi.

M. Leblond: Absolument.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est véritablement l'adoption privée dans sa totalité que vous préconisez.

Me Leblond: Privée et libre, oui.

Mme Lavoie-Roux: Ah bon! Alors, c'est clair. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Ce n'est pas tout à fait terminé, mais j'aurai certains commentaires. Vous venez de finir sur ce qui constitue le plus le fond du problème, à savoir si effectivement on peut, ici au Québec, tolérer un projet d'adoption privée.

Quand j'ai en tête un projet d'adoption privée, cela fait un peu appel et référence aux groupes qui vous ont précédés tantôt, comme le Conseil des communautés culturelles, qui nous ont dit: Nous, on a le sens de la famille élargie. Il se pourrait que nous fassions une démarche, parce que c'est un neveu ou un enfant d'une autre famille, d'un cousin, et que nous puissions vouloir adopter un enfant sans passer inévitablement par un intermédiaire. A ce moment, on pourrait faire authentifier notre démarche par les tribunaux et la faire approuver.

À ce moment, je ne pense pas qu'un jumelage soit nécessaire. Mais, en tout cas, peut-être que ce serait nécessaire et qu'on respecte les règles du gouvernement d'un autre pays et qu'à ce moment les pouvoirs judiciaires ou la personne reconnue par l'État puisse approuver ce projet d'adoption. Ceci fait que, plutôt que de passer par un intermédiaire, on passe tout de suite par le tribunal, qui devrait utiliser son pouvoir discrétionnaire et approuver ce projet d'adoption privée. (12 h 15)

Dans ce sens, je pense qu'il faut faire preuve d'ouverture. Il faut faire preuve aussi de la responsabilité de nos citoyens, du respect des États parce que, finalement, il ne faudrait pas faire outrage aux tribunaux des pays étrangers. Je pense qu'on ne peut pas non plus se permettre d'aller faire la loi dans les pays étrangers et mettre en cause leurs tribunaux. Je ne crois pas que ce soit le rôle du Québec, à moins de vouloir partir comme missionnaires, et que ce soit la nouvelle vocation du gouvernement. Je pense que tout cela doit se faire dans le respect des us et coutumes des pays. On a vu tantôt chez le groupe qui vous a précédés, le Conseil des communautés culturelles, qu'il n'a pas tout à fait les mêmes us et coutumes que chez nous. L'adoption n'est pas toujours vue de la même façon que nous. C'est l'autre côté de la médaille qu'ils nous ont fait voir et qu'ils nous ont fait entendre.

On nous a dit aussi que souvent l'adoption est faite dans un geste humanitaire, que jamais au Québec nous n'avons été accusés de voleurs d'enfants et que jamais au Québec il n'y a eu des procédures pour enlever des enfants à d'autres pays. Cela n'a pas été la situation au Québec. Ce que les parents ont demandé, c'est une loi claire et précise, respectueuse des us et coutumes de3 pays étranqers, des lois étrangères et aussi respectueuse de l'intérêt de l'enfant et, finalement, du droit aux parents de vouloir fonder une famille. Je pense que votre mémoire, c'est un peu cela qu'il a voulu faire ressortir. C'est un volet important et il faut le prendre en considération. Vous avez parlé d'une notion tout à fait inusitée dans une de vos recommandations, à la page 10, la

recommandation 7°. Je pense que cela pourrait être intéressant dans le volet d'une politique familiale, dans le volet d'une politique d'adoption internationale parce qu'on n'a pas encore de politique d'adoption internationale. Donc, peut-être qu'on pourrait se pencher là-dessus.

J'aimerais que vous m'expliquiez davantage d'où vous est venue cette idée d'incorporer cette recommandation dans votre mémoire.

M. Leblond: II y a toutes sortes de raisons. D'abord, simplement une question de justice sociale. Il nous apparaît important, comme syndicat, comme professeurs d'université, qu'on accorde aux parents un droit égal. Quand on parle d'égalité, je pense que, lorsque les coûts vont jusqu'à 10 000 $ et 20 000 $ pour l'adoption d'un enfant - et parfois plus que cela - l'État devrait compenser jusqu'à un certain point les gens à revenus plus modestes. L'État y retrouve son bénéfice dans tout cela parce que le nouveau citoyen deviendra un citoyen productif dans la société, un nouveau citoyen, de sorte qu'on devrait permettre à plus d'enfants, et naturellement à plus de parents, de pouvoir bénéficier de l'adoption internationale.

Nous croyons qu'il n'est pas nécessaire d'être riche pour élever des enfants correctement. Dans les familles modestes, très souvent l'enfant reçoit une formation presque aussi valable et parfois même meilleure dans certains cas. Ça dépend des personnalités. Il reste que ce n'est pas parce qu'on est moins riche dans la société québécoise qu'on donnera un enseignement, une éducation moins bonne. Nous croyons qu'on devrait aider en modifiant le régime fiscal, soit par des déductions - on ne l'a pas mis ici, mais ça pourrait être par un crédit d'impôt dans certains cas - pour une partie, peut-être. Je pense que cette question devrait être examinée. Ce n'est pa3 à nous d'en définir tous les paramètres, mais nous croyons que les gens qui gagnent moins de 50 000 $, par exemple, pourraient en gros être admissibles à des mesures de compensation fiscale ou à des subventions payant en totalité ou en partie les frais encourus par l'adoption.

Je ne sais pas si j'ai répondu à ta question. Selon une enquête parue dans Le Devoir, les Québécois seraient favorables dans une proportion assez élevée à ce que le gouvernement s'implique financièrement - pas dans l'adoption - et aide les parents pour avoir des enfants. On ne le précise pas dans l'enquête, mais cela peut s'adresser à l'adoption internationale.

Mme Vermette: On m'indique que mon temps de parole est terminé. Je voudrais vous remercier de vous être prêté de bonne grâce à nos questions. Je voulais tout simplement souligner que, quant à nous, nous ne sommes pas pour l'adoption libre sans aucun contrôle. Je pense qu'il est nécessaire d'établir des contrôles. Finalement, nous demandons, si un projet d'adoption libre est conforme aux règles et aux procédures du Québec et à celles d'un pays, et s'il a la reconnaissance des deux pays...

Le Président (M. Bélanger): Rapidement, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Vermette: ...qu'il fasse l'objet d'une attention particulière dans le débat à l'heure actuelle.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, il vous reste trente secondes de votre temps de parole.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je n'ai pas le temps de poser d'autres questions, sauf de dire que je suis un peu intriguée quand on avance des montants aussi élevés que 20 000 $. On peut se demander qui, à ce moment-là, a servi d'intermédiaire. Je ne le croi3 pas, car la plupart des gens qui ont suivi le processus habituel de la toi sur l'adoption internationale du Québec... Certes, ils ont eu des sommes importantes à dépenser qui peuvent varier entre 5000 $ et 10 000 $.

Ceci dit, je voudrais remercier le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi. Nous allons continuer notre travail pour tenter de résoudre le mieux possible les difficultés que présentent, à l'heure actuelle, nos dispositions touchant l'adoption internationale. Merci bien.

Le Président (M. Bélanqer): M. le président, nous vous remercions, ainsi que votre groupe, pour votre participation à nos travaux.

J'invite le prochain intervenant, le Dr Didier Opertti Badan, expert de l'Institut interaméricain de l'enfant, à présenter son mémoire. Nous n'ajournerons pas puisque M. Badan, je pense, peut s'installer. Je vous en prie, prenez place, docteur. Je veux simplement préciser aux membres de la commission, si vous me le permettez un instant, que M. Opertti parle bien français, mais qu'il faut quand même faire attention. Nous avons parfois cette habitude de parler très rapidement. Il peut arriver que des mots lui échappent. Par respect pour son effort à parler notre langue, je pense que nous devrions poser nos questions lentement pour être sûrs de bien se faire comprendre. Dr Opertti Badan, vous êtes le bienvenu. Mme la ministre, excusez-moi, j'allais dire: On passe aux questions.

Si vous voulez bien d'abord nous présenter votre mémoire, ensuite, nous passerons aux questions.

Or Didier Opertti Badan

M. Opertti Badan (Didier): Merci. M. le Président, Mme la ministre, je voudrais d'abord faire une précision. Je ne parle pas bien français. Je suis très conscient de mes limites et je ferai l'effort de vous transmettre mes principales idées au sujet de cette institution qui vous préoccupe.

Je voudrais commencer en disant que l'adoption internationale est en grande partie ta conséquence de l'internationalisation des rapports privés entre ressortissants de pays différents, que ce soit du fait de leur nationalité, de leur domicile ou du lieu de leur résidence. Ce phénomène a été analysé du point de vue démographique et du point de vue juridique. Naturellement, le seul point de vue que je tenterai de vous donner sera le point de vue juridique, en particulier le point de vue juridique du droit international privé.

L'adoption, c'est une institution du droit des mineurs, branche du droit où la notion d'ordre public des règles d'application nécessaire ou preceptive est très importante. Nous pouvons mentionner ici la Convention européenne de 1967 en matière d'adoption des enfants, loi modèle pour les Etats membres, qui établit, à l'article 4, que l'adoption n'est valable que si elle est prononcée par une autorité judiciaire ou administrative, ci-après appelée l'autorité compétente.

Nous pouvons aussi mentionner la convention interaméricaine sur les conflits de lois en matière d'adoption de mineurs approuvée à la troisième Conférence interaméricaine du droit international privé tenue à La Paz en 1984, dont l'article 15 prévoit: Sont compétentes pour statuer sur les adoptions visées dans la présente convention les autorités de l'État de la résidence habituelle de l'adopté. L'adoption a aussi été considérée par les Nattons Unies. L'adoption et le placement en foyer sur les plans national et international ont fait l'objet de travaux d'experts par les Nations Unies à Genève, en 1978, et, par la suite, la résolution du conseil économique et social intitulée "Adoption et placement de mineurs à l'étranger" fut adoptée.

Je voudrais lire quelques aspects de cette réglementation juridique de l'adoption donnée par les Nations Unies, car vous pourrez voir l'importance de ces recommandations. Les gouvernements doivent évaluer la capacité de leurs services nationaux et prendre en considération les enfants dont les besoins ne sont pas satisfaits par les services existants. L'adoption étrangère doit être considérée comme l'un des moyens de procurer une famille è un certain nombre de ces enfants. Quand la possibilité d'adoption étrangère aura été envisagée, on devra instituer une politique et les mesures législatives nécessaires a la protection des enfants.

Dans chaque pays, le placement devra être effectué par le biais d'organismes autorisés et compétents en ce qui est de traiter avec les services d'adoption entre États et d'appliquer les mesures de sauvegarde et les normes applicables relativement à l'adoption dans les pays d'origine. En considération de la sécurité juridique et sociale de l'enfant, les adoptions par procuration ne sont pas admises. Aucun plan d'adoption ne sera pris en considération sans qu'il ait été préalablement établi que l'enfant possède la capacité d'être adopté et que les documents spécifiques nécessaires à l'accomplissement des formalités requises par l'adoption ont été établis. Les consentements nécessaires doivent être des instruments juridiques valables dans les deux pays. Il devra être établi de façon très nette que l'enfant pourra immigrer dans le pays de ses parents adoptifs éventuels et qu'il pourra, par la suite, obtenir la nationalité de ceux-ci.

Dans les cas d'adoption étranqère, on doit s'assurer que la validation légale de l'adoption pourra être obtenue dans les deux pays concernés. L'enfant doit, dans tous et chacun des cas, posséder un nom, une nationalité et un tuteur légal.

L'adoption, dans le droit international privé, pose un problème méthodologique. Les adoptions internationales se sont multipliées dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, le nombre d'orphelins étant monté, ce à quoi s'ajoute une cause nouvelle accroissant l'adoption internationale, la baisse, dans les pays industrialisés, du nombre d'enfants susceptibles d'être adaptés, etc. Ces causes ont généré l'internationalisation de l'adoption.

Deux solutions peuvent être envisagées: tenter de régler les conflits de lois ou adopter des lois uniformes. L'Europe a adopté les deux systèmes. Nous avons une loi uniforme signée à Strasbourg en 1967 et une convention sur les conflits de lois de 1964. (12 h 30)

Une troisième solution pourrait être aussi considérée, soit limiter les accords internationaux en matière d'adoption internationale à faire . obligation aux États de reconnaître mutuellement l'adoption. D'un point de vue formel, les accords pourraient être multilatéraux ou bilatéraux. Ils devraient garantir la reconnaissance de l'adoption de leurs ressortissants.

Je voudrais passer immédiatement à la considération de la situation actuelle du droit international privé interaméricain au sujet de l'adoption internationale. Nous devons commencer par mentionner le quatrième Congrès panaméricain en 1924, tenu à Santiago, Chili. On a invité les gouvernements américains, à ce congrès, à incorporer

dans chacune de leurs lois respectives l'adoption des mineurs dans tous les cas où un bénéfice réel en résulterait pour l'adopté.

De notre côté, nous devons voir la codification latino-américaine depuis le code Bustamante de 1928, encore en vigueur dans quinze États d'Amérique latine. Élaboré par un juriste cubain, Bustamante, disciple de Mancini et Pillet, ce code considérait qu'en adoption Internationale les conditions de celle-ci sont sujettes à la Loi personnelle de chacun des intéressés, article 73. "Le traité de Montevideo en 1940, toujours en vigueur entre l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay, prévoit "L'adoption est régie, en ce qui a trait à la capacité des personnes et pour ce qui est des conditions, de sa portée et de ses effets, par les lois respectives du domicile des parties dans la mesure où elles sont concordantes, a condition que l'acte soit attesté par un document public."

La codification interaméricaine la plus récente, c'est la convention de La Paz déjà citée approuvée à La Paz en 1984 et signée par neuf pays sud-américains, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l'Equateur, Haïti, la République dominicaine, l'Uruguay et le Venezuela. Cette convention prendra effet le 30e jour à compter de la date du dépôt du second instrument de ratification conformément à l'article 26 de la convention.

Quels sont les points essentiels de cette convention signée à La Paz? Premièrement, la convention peut être appliquée à toutes les formes d'adoption d'enfants lorsque l'adoptant a son domicile dans un État membre et l'adopté a sa résidence habituelle dans un autre. Nous devons voir que le point de rattachement à l'égard de l'enfant n'est pas le domicile, car le domicile est un concept légal. La convention de La Paz a adopté la résidence habituelle comme un point de rattachement plus réel. Il y a une différence très importante entre les deux concepts parce que le domicile, le vieux concept du droit romain, c'est un concept purement juridique et qui n'est habituellement pas un concept réel.

Deuxièmement, la convention propose en matière de législation applicable la solution distributive. Nous avons déjà mentionné le traité de Montevideo de 1940 qui utilise un type de solution cumulative. Ce sont les deux lois sur le domicile des parties qui interviennent dans la régulation de l'adoption. Ici, à La Paz, on a adopté les critères de la solution distributive. La loi de la résidence habituelle de l'adopté régit la capacité, le consentement et les autres conditions pour être adopté - l'adoptabilité; c'est une expression qu'utilise la loi - ainsi que les procédures et les formalités nécessaires à la constitution du lien d'adoption. C'est l'article 3 de la convention.

La loi de l'adoptant régit la capacité d'adopter, les conditions d'âge et d'état civil qu'il doit remplir, le consentement de son conjoint, le cas échéant, et les autres conditions requises dudit adoptant.

Troisièmement, les conditions de base sont régies par les lois du for, sans qu'il soit besoin d'exequatur. La convention de La Paz a éliminé la nécessité de l'exequatur, de la procédure pour la reconnaissance. C'est une reconnaissance de plein droit.

Quatrièmement, la révocation et l'annulation de l'adoption sont rigoureusement très limitées parce que l'adoption internationale a besoin d'une stabilité, d'une permanence.

Cinquièmement, l'adoption plénière, la légitimation adoptive et toutes les autres institutions concernées qui donnent à l'enfant le statut d'enfant dont la filiation est légalement établie sont irrévocables. La convention a reçu le critère de l'irrévocabilité de l'adoption: article 12.

Sixièmement, sont compétentes pour statuer sur les adoptions les autorités de l'État de la résidence habituelle de l'adopté: article 15.

Septièmement, on prévoit la conversion de Padoption simple en adoption plénière: article 13.

M. le Président, je voudrais lire l'article 13 parce que je pense que c'est un article décisif pour comprendre l'esprit de la convention de La Paz. L'article 13 dit: Lorsqu'elle est permise, ta conversion de l'adoption simple en adoption plénière, ou légitimation de l'adoption ou de toute autre institution concernée, est régie au choix du demandeur, soit par la loi qui est celle de la résidence habituelle de l'adopté au jour de la demande d'adoption, soit par la loi qui est celle de l'État du domicile de l'adoptant (ou des adoptants) au jour de la présentation de la demande de conversion. Si l'adopté a plus de quatorze ans, son consentement sera requis.

Cette règle démontre une préférence très marquée de la convention en faveur des diverses formes d'adoption plénière. Elle vise à faciliter l'accession à ces formes par diverses autres modalités, dans le cas, bien entendu, où ladite conversion est possible, c'est-à-dire lorsque celle-ci sera compatible avec la loi applicable correspondante.

Nous considérons que la conversion constitue un moyen de parfaire l'adoption dans un esprit favorable au mineur et qui, à ce titre, se situe dans le désir du "favor negotii", de l'harmonie des solutions, laquelle caractérise l'institution juridique dans son ensemble.

Le type de norme alternative à laquelle fait appel la convention en matière de conversion - article 16.2 - est une autre preuve dudit esprit qui conduit à une autorisation de la conversion dans le cas

même où elle n'aurait pas été envisagée par la loi de résidence du mineur. Je répète: Dans les cas mêmes où elle n'aurait pas été envisagée par la loi de résidence du mineur. À ce moment, se poserait le problème du consentement. Le consentement fait partie de l'étape constitutive de l'adoption. Si le consentement a été donné pour une adoption simple, l'adoption plénière réalisée dans le pays et selon la loi de l'adoption aura des effets dans le pays de l'adoptant et dans tous les autres pays du monde, exception faite du pays d'origine.

Cette solution, c'est celle qui tient compte de la validité de l'adoption et est faite en vertu de bénéficier à l'adopté, selon l'article 19 de la même convention de La Paz qui dit: "Les lois applicables aux termes de la présente convention ainsi que les clauses de celle-ci doivent être interprétées harmonieusement, et en faveur de la validité de l'adoption et au profit de l'adopté."

Je voudrais, M. le Président, lire aussi l'article 25 de la convention signée à la La Paz, parce que celui-ci prévoit une situation très importante: Les adoptions constituées conformément à la législation nationale, lorsque l'adoptant (ou les adaptants) et l'adopté ont leur domicile ou résidence habituelle dans le même État partie, produisent leur effet de plein droit dans tous les autres États parties sans préjudice de ce que lesdits effets soient régis par la loi du nouveau domicile de l'adoptant. Il faut dire qu'une adoption simple devenue une adoption plénière produira les effets d'une adoption plénière dans l'État du nouveau domicile de l'adoptant.

Un autre aspect à considérer de façon particulière est le rôle d'institutions publiques ou privées dans le cadre de l'adoption internationale. L'article 8 prévoit: "Dans le cas des adoptions constituées aux termes de la présente convention, les autorités qui statuent sur l'adoption peuvent exiger que l'adoptant (ou les adoptants) certifie ses aptitudes physiques, morales, psychologiques, économiques par le truchement d'institutions publiques ou privées dont le but spécifique touche à la protection du mineur. De telles institutions doivent être précédemment autorisées à fonctionner par un État ou un organisme international. L'institution qui certifie les aptitudes mentionnées ci-dessus doit informer l'autorité qui intervient dans la constitution de l'adoption de l'évolution des conditions se rapportant à celle-ci pendant un an. À cet effet, l'autorité qui statue sur l'adoption notifie à l'institution en question la constitution de l'adoption." Nous avons ici un rôle très important pour les institutions publiques ou privées: avant et après l'adoption.

Quelles seraient les questions primordiales à poser devant l'institution de l'adoption internationale? Je ferai un résumé, naturellement, parce que je n'ai pas le temps d'aborder tous les problèmes reliés è cette question. (12 h 45)

La première: Que pensent les États étrangers de l'adoption internationale? Les États étrangers, à mon avis, n'ont pas une position identique. Cela dépend de la situation particulière de chacun d'entre eux. La position des États américains dépend de leur population, du taux d'accroissement de la population, des problèmes économiques, des niveaux socioculturels, y compris la constitution raciale de la population. Il n'existe pas une forme de pensée unique. On retrouve cependant le besoin de distinguer très clairement entre l'adoption internationale et d'autres situations tel le placement d'enfants à l'étranger par des voies illicites: le trafic d'enfants, "el contrabando de bebes", en espagnol. Je ne sais pas si madame la traductrice pourrait le dire en français.

Une voix: La contrebande des bébés.

M. Opertti Badan: Des bébés. On voit clairement, à la réunion d'experts tenue à Quito, en 1983 - et c'est avant la réunion tenue à La Paz - ou à la convention de La Paz même, la différence très nette entre l'adoption internationale comme une figure, comme une institution juridique et le trafic illégal de mineurs comme une figure de droit criminel. La conférence de La Paz prévoit une recommandation selon laquelle les États se font obligation d'incorporer à leur propre législation une loi consacrant comme délit le trafic illégal d'enfants.

Deuxièmement, quelles sont les attentes des États offrant des enfants en adoption internationale des gouvernements des ressortissants qui souhaitent adopter? Ils sont en droit d'espérer que les État3 ne se convertissent pas en de véritables paradis pour les enfants adoptés illégalement. Ils attendent qu'ils ne collaborent pas en vue de favoriser le trafic illégal et lucratif d'enfants sur le plan international ou même qu'ils permettent l'adoption internationale sur la base d'une solution distributive conférant aux lois concernées, les lois du pays de l'adopté et les lois du pays de l'adoptant, le râle qui leur est dévolu sans générer de contradictions aux règles du droit international.

Troisièmement, quel serait le meilleur moyen pour établir un lien de confiance avec les gouvernements étranqers de telle façon que le nombre d'enfants susceptibles d'adoption pour les requérants soit augmenté? Évidemment, il faut bien connaître la convention de La Paz qui est la synthèse du consensus d'un groupe d'États américains sur le sujet. Il faut tenir compte de la réalité

de chaque pays et chercher une approche cas par cas avec chacun d'entre eux eu égard à leurs caractéristiques propres. Ne pas viser à mettre en place une seule voie, une seule approche, une seule formule. Sur ce point, il importe de savoir que tous les pays américains n'ont pas la même réalité.

Quatrièmement, quelles sont les recommandations que font les organisations internationales intéressées par cette question? Je promets, M. le Président, de finir dans quelques minutes.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Opertti Badan: Du point de vue mondial, il faut tenir compte des recommandations de l'Organisation des Nations Unies déjè citées, où on établit la possibilité de l'adoption étrangère et la nécessité d'établir une politique et des mesures nécessaires visant à donner une plus grande protection aux enfants. C'est une façon d'envisager l'adoption comme une solution sérieuse et légale.

Il faudrait cependant tenir compte des résolutions de La Paz auxquelles j'ai déjà fait référence ainsi que, sur le plan interaméricain - j'ai mis l'accent sur le plan interaméricain tous les pays membres de l'Organisation des États américains; ils sont actuellement 32 pays - de la résolution adoptée par le bureau de direction de l'Institut interaméricain de l'enfant au sujet du rôle des institutions à la réunion tenue à Buenos Aires, du 8 au 25 mai 1985, à laquelle furent formulées certaines conditions au sujet de la situation des organismes oeuvrant dans le champ de l'adoption internationale. Sur ce point, le bureau de direction de l'Institut interaméricain de l'enfant formule certains commentaires et mises en garde ou conditions minimales au sujet de la situation des organismes qui oeuvrent dans le champ de l'adoption internationale. Ces points précis sont les suivants: Personnalité juridique acquise dans les pays où ils sont formés. Autorisation gouvernementale pour oeuvrer en matière d'adoption dans un ou plusieurs pays américains octroyée par les autorités de l'État où ils ont été constitués. Intégrité démontrée et ne pas poursuivre des fins lucratives. Avoir une reconnaissance ou recommandation pour travailler dans le secteur de l'adoption, octroyée par des institutions publiques ou les autorités d'un État américain. Être économiquement appuyés ou avoir des facilités à cet effet par l'État d'où ils proviennent. Finalement, l'Institut interaméricain de l'enfant se réserve, en toute circonstance, la possibilité d'évaluer les conditions d'accréditation de ladite institution et d'agir en conséquence.

Finalement, M. le Président, quels sont les moyens qu'a le gouvernement du Québec pour ne pas favoriser le trafic d'enfants?L'occasion d'approuver un projet de loi sur l'adoption internationale, tel que celui qui est déposé, qui vise à contrôler l'adoption internationale, qui tend è lui donner un caractère officiel et judiciaire, l'interrelation des diverses lois en jeu, les lois de l'adopté et celles de l'adoptant, et le respect, finalement, du droit étranger dans le fond et dans la forme constituent la meilleure qarantie, à mon avis, de ne pas faire du Québec un paradis du trafic d'enfants.

Je ne voudrais pas faire l'analyse des éléments complets du projet de loi parce que mon point de vue est un point de vue de droit international privé et la loi québécoise, c'est une loi interne sur l'adoption internationale et n'est pas une source de droit international conventionnel. Je voudrais également dire que l'analyse du projet de loi 21 permet - c'est un point de vue personnel, évidemment - d'observer qu'il est basé à la fois sur la loi de l'adopté et celle de l'adoptant, aspect fondamental du point de vue du droit international privé interaméricain actuel.

En terminant, M. le Président, je pourrais dire que le projet de loi s'inscrit dans l'orientation qénérale de la convention signée à La Paz. Il y a des différences, évidemment, parce que le projet de loi 21 modifie certaines dispositions de droit interne et n'a pas les caractéristiques d'une convention internationale, mais je pourrais dire, pour conclure, que la liqne générale de ce projet favorise l'adoption plénière. C'est une règle générale de l'adoption internationale de favoriser l'adoption plénière. Il n'utilise pas le concept de conversion, mais utilise une manière qui pourrait être développée pour donner à l'enfant le statut d'un enfant adopté sous la forme plénière au Québec et dans tous les autres pays du monde, sauf le pays d'oriqine de l'enfant. Je crois, M. le Président, que, de cette manière, vous aurez la possibilité de tenter une approche aux pays sud-américains pour coordonner la politique en matière d'adoption et ne pas faire de cette institution une institution qui est présentée devant les populations de chaque pays comme une nouvelle manière de différencier pays du Nord et pays du Sud. Je crois qu'il y a une chose juridique importante, c'est l'équilibre entre les deux droits et une chose politique importante aussi, c'est de montrer que cet équilibre est réel. C'est tout pour le moment. Je suis à votre disposition, Mme la ministre, M. le Président et mesdames et messieurs les députés.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Opertti Badan, je vous remercie de votre présentation. Compte tenu de l'heure, nous souhaiterions ajourner les travaux jusqu'à 16

heures et nous pourrions reprendre la partie des questions avec vous, si vous êtes toutefois disponible pour 16 heures cet après-midi. Cela vous conviendrait-il?

M. Opertti-Badan: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous en remercie infiniment. Alors, compte tenu de l'heure, nous ajournons les travaux sine die, puisque les ordres de la Chambre nous donnaient jusqu'à ce midi et que celle-ci nous donnera d'autres ordres après les affaires courantes. Alors, je vous remercie beaucoup. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise à 16 h 26)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux pour procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude du projet de loi 21, soit la Loi concernant l'adoption et modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le Code civil du Québec et le Code de procédure civile, et du projet de règlement sur l'adoption internationale tel qu'il a été publié à la Gazette officielle du Québec du 11 mars 1987.

Les remplacements sont les mêmes. Mme Harel (Maisonneuve) remplace M. Gauthier (Roberval).

Alors, nous en étions à l'audition de M. Opertti Badan. Nous en étions rendus à la période des questions. Je cède donc la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier le Dr Opertti Badan d'avoir consenti à venir devant la commission parlementaire du gouvernement du Québec qui examine un projet de loi sur l'adoption internationale. Je pense que vous êtes déjà à Québec depuis une couple de jours. Vous avez sans aucun doute réalisé le contexte dans lequel se fait cette discussion. Nous avions au Québec, depuis 1979, des mesures législatives touchant l'adoption internationale vu le fait que c'est une pratique qui est allée en augmentant au Québec depuis le début des années soixante-dix, pour situer cela dans le temps un peu.

Nous étions intéressés à vous entendre parce qu'on sait fort bien que l'adoption internationale dépasse, de toute évidence, les lois internes qui touchent le Québec. Nous avions déjà légiféré, depuis un bon bout de temps, dans le domaine de l'adoption interne. Le domaine de l'adoption internationale devient beaucoup plus complexe pour nous vu qu'il nous faut tenir compte de la législation des autres pays et la respecter. Nous faisons aussi des efforts comme société pour tenter d'établir des règles qui, tout en répondant aux besoins et aux désirs de parents éventuels au Québec et aussi du Québec en général, puissent faciliter l'adoption internationale. Nous savons que, d'autre part aussi, nous devons tenter de saisir et de comprendre le mieux possible, non seulement les implications juridiques dans les autres pays, mais également le plan culturel, le plan des valeurs de sociétés qui sont différentes, à certains égards du moins, de la nôtre et ce que ceci peut représenter pour elles. En fait, c'est presque un débat "philosophique" quand on en examine tous les aspects. C'est probablement ce qui explique pourquoi la législation dans ce domaine est une chose très complexe et que c'est maintenant probablement la quatrième fois qu'à un titre ou à un autre nous retouchons la léqislation qui touche l'adoption internationale des enfants.

Dans ce sens-là, nous sommes très heureux que vous soyez ici parce que nous pensons que c'est, d'une certaine façon, la voix des autres pays et, en particulier, des pays de l'Amérique du Sud et même de l'Amérique centrale, qui sont des pays qui ont accepté de nous confier de leurs enfants en adoption et aussi des pays chez lesquels la population du Québec désire adopter. Je ne sais pas si on a des affinités latines ou autres, c'est peut-être aussi parce que la proximité relative est plus grande avec les pays de l'Amérique du Sud que certains pays de l'Asie, mais il y a certainement une tendance dans l'adoption internationale au Québec à s'adresser aux pays de l'Amérique du Sud au moment où on se parle.

Je vous remercie d'être venu. Je voudrais d'abord vous remercier pour la présentation que vous nous avez faite ce matin où vous avez tenté de situer tout le contexte juridique de l'adoption internationale sur un plan international justement. Dans la deuxième partie de votre présentation - je tiens à le dire à ce moment-ci, évidemment elle est publique dans le sens où vous êtes dans une commission parlementaire, mais vous nous avez demandé que le texte que vous nous avez remis ne soit pas publié; je veux simplement en toucher un mot pour les gens qui sont ici - vous abordez des questions primordiales, comme vous les appelez, et qui le sont pour nous. Ce sont des questions que nous nous posons. Par exemple, que pensent les États étrangers de l'adoption internationale? Quelles sont les attentes des États offrant des enfants à l'adoption internationale, des qouvernements, des ressortissants qui sont adoptés, etc.? Je pense que ce sont là des questions importantes et je ne reviendrai pas là-dessus. Peut-être que certains de mes collègues

pourront y revenir.

J'aimerais, en première question, vous demander ceci: Vous avez insisté sur l'article 13 de la convention de La Paz. Si vous pouviez revenir sur cet article-là et nous indiquer dans quel esprit il nous faut le comprendre.

M. Opertti Badan: Merci, Mme la ministre, pour vos paroles. Je voudrais vous donner, ainsi qu'aux autres membres de la commission, l'interprétation de cet article. Nous avons discuté d'abord à Quito et ensuite è La Paz de la possibilité d'améliorer le statut juridique de l'enfant. Nous avons vu dans certains cas que l'enfant obtient un régime de protection limitée, restrictive dans les pays d'origine, dans les pays où l'adoption est décidée et après les parents adoptifs changent de domicile, changent leur résidence, changent le lieu réel où ils habitent avec l'enfant.

L'idée a été de lier très profondément l'enfant avec l'ordre Juridique où il habite, où il a sa résidence habituelle. À cet éqard, nous avons approuvé une règle selon laquelle il est possible de convertir une adoption simple en une adoption plénière par le choix donné à l'adoptant entre la loi de la résidence habituelle de l'enfant au moment où se produit l'adoption ou la loi du domicile de l'adoptant au moment où se demande la conversion. C'est une règle révolutionnaire parce que habituellement on pense à l'adoption en termes purement locaux. De cette manière, l'adoption est pensée sur le plan international comme une institution qui ne peut pas se maintenir congelée dans le temps parce que c'est une institution au service de l'enfant. Ce n'est pas une institution au service des parents. C'est la première chose dont nous devons tenir compte. L'adoption n'est pas faite pour satisfaire seulement le désir des parents. L'institution de l'adoption s'adresse à l'enfant qui a besoin d'une protection familiale substitutive.

Si nous ne pouvons pas être d'accord sur le point de départ, naturellement, les buts seront différents. Si vous considérez l'adoption comme une institution substitutive de la paternité frustrée, les buts seront différents, les résultats seront différents que si vous partez d'un concept de l'adoption comme une institution de protection. Si vous considérez l'adoption comme une institution de protection, vous verrez immédiatement que tous les mécanismes juridiques mis au service de l'augmentation de la protection seront bienvenus. Et la conversion est une manière pratique de poser les problèmes dans ces termes.

À côté de la conversion, je pourrais dire, se pose le problème du consentement. La jurisprudence, surtout la jurisprudence française, s'occupe très soigneusement du problème du consentement. On dit que les parents par le sang ont donné leur consentement pour faire une adoption simple, sans la rupture des liens d'origine, une adoption révocable, etc. Il leur sera possible de donner à l'enfant une autre forme d'adoption plénière qui aura comme résultat la perte de tout type de lien avec les parents par le sang et, en définitive, un divorce absolu entre les parents par le sang, les parents naturels et l'enfant.

Mais si vous prenez les pays qui ont adopté une loi sur l'adoption, ils ont pensé seulement à l'adoption interne et non à l'adoption internationale. Prenez les pays de l'Amérique du Sud: l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, le Chili, l'Equateur, le Salvador, le Guatemala, Haïti, le Honduras, le Mexique, le Nicaragua, Panama, le Paraguay, le Pérou, la République dominicaine, l'Uruguay, le Venezuela, ils n'ont pas considéré, dans aucune de leurs lois, l'adoption internationale. On réglementait seulement l'adoption interne et, dans quelques cas, l'adoption des enfants... Par exemple, la loi argentine prévoit l'adoption d'enfants à l'étranger mais pas l'adoption comme une combinaison entre la loi argentine et la loi étrangère. Pour dire ces choses d'une autre manière, pour simplifier l'idée, toutes les lois en matière d'adoption dans les pays d'Amérique du Sud ont été pensées sur le plan interne et non sur le plan international. Nous ne devons pas oublier ces choses parce que quand un pays a, dans son ordre juridique, seulement l'adoption simple... Je pourrais mentionner ici le Mexique ou l'Equateur, qui ont seulement l'adoption simple. Mais l'adoption simple se fait en termes... Quand un couple mexicain veut adopter un enfant mexicain, il utilise la loi mexicaine qui dit qu'il y a seulement l'adoption-simple. Mais, à la réunion tenue à La Paz, le délégué du Mexique, M. Avarca a dit - et vous pouvez le trouver dans le matériel que j'ai apporté à la commission -que, de cette manière, si le Mexique était membre de la convention, il pourrait accepter que les enfants mexicains soient adoptés sous la forme plénière de l'adoption dans d'autres pays.

Pourquoi? Parce que les Mexicains acceptent que les autres pays peuvent avoir différentes formes d'adoption. Les lois internationales privées, c'est, en droit, un conflit de lois. Pour résoudre les conflits de lois, vous avez besoin de méthodes pour mettre en harmonie les différentes lois. L'harmonisation ne s'obtient pas par la domination d'une loi sur l'autre, sinon par une combinaison, une harmonie et une adaptation. C'est la philosophie même du droit international privé.

Les raisons pour lesquelles, dans la matière précise de l'adoption internationale, les problèmes se posent de manière très dure

ou très polémique, ce sont des raisons de différents types, J'ai à peine suqgéré, ce matin, les problèmes quand j'ai dit que l'adoption pose un problème démographique, un problème de population, un problème de différences économiques, etc. Mais, quand nous arrivons au point précis de la réglementation juridique, nous ne devons pas oublier que nous serons dans l'enceinte où les propos de la loi conventionnelle ou la loi nationale devraient être mises en harmonie avec les différentes lois. Je me demande si, pour mettre en harmonie les différentes lois, vous devez oublier votre loi. La loi québécoise, c'est une toi qui donne l'adoption plénière. Est-ce possible d'adopter des enfants qui viennent de pays qui connaissent seulement l'adoption simple? Vous oubliez votre loi? Non. Vous n'oubliez pas votre loi.

Si le moment arrive où les parents par le sang disent: Écoutez, j'ai besoin de retrouver mes enfants. Situation pas très normale, pas très fréquente, mais qui pourrait se poser. À ce moment-là, les problèmes doivent être résolus pas seulement à travers le jeu...

Une voix: D'échec.

M. Opertti Badan: ...d'échec. Ils devraient être résolus à travers un équilibre entre la situation de l'enfant dans son pays d'origine et la situation actuelle de l'enfant parce qu'en définitive le problème n'est pas seulement un problème de conflit de lois. C'est aussi un problème de conflit de situations réelles, de situations de protection réelles. Nous ne devons pas oublier que nous parlons ici de personnes. Nous ne parlons pas ici de marchandise. Nous ne parlons pas ici de la vente. Nous ne parlons pas ici de contrats. Nous parlons ici d'une institution de protection. Nous devons toujours tenir compte de la caractéristique particulière de cette institution.

Je ne sais pas, Mme la ministre, si la réponse que je vous donne situe le problème seulement dans le cadre de la convention ou plus avant de la convention. Mais en définitive l'idée qui inspire l'article 13 est favorable au statut de l'adoption plénière parce que tous les participants à la discussion de la convention de La Paz sont convaincus que le statut idéal pour un enfant sur le plan de l'adoption internationale, c'est l'adoption plénière où toute institution similaire. (16 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Le président me dit que, pour le moment, je dois céder mon droit de parole. Alors, je reviendrai si j'en ai la chance.

Le Président (M. Bélanger); Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: II me fait plaisir de vous accueillir. Il ne fait aucun doute que vous êtes une sommité dans le domaine, votre curriculum vitae nous a drôlement impressionnés. Vous vous êtes penché sur le sujet et votre expertise pourra nous être d'une grande utilité.

Cela m'amène à vous poser une question. À la page 5 de l'exposé que vous nous avez remis tantôt, on dit: "Si le consentement a été donné pour une adoption simple, l'adoption plénière réalisée dans le pays et selon la loi de l'adoption aura des effets dans le pays de l'adoptant et dans tous les autres pays du monde, exception faite du pays d'origine. "Cette solution c'est celle qui tient compte de la validité de l'adoption et est faite en vue de bénéficier à l'adopté." Est-ce que le projet de loi, tel que vous l'avez lu, prévoit ce mécanisme de conversion? En même temps, est-ce que cet autre mécanisme prévu dans notre loi a les mêmes effets que le mécanisme de conversion?

M. Opertti Badan: Votre question est très intéressante. Je ferai l'effort d'y répondre. Madame, je pense que le projet de loi 21 ne mentionne pas la conversion. La portée du projet est plus limitée. Le projet parle de la reconnaissance de l'adoption à l'étranger et, en même temps, du consentement pour établir une nouvelle adoption. Si vous voulez, je pourrais dire que l'esprit de la solution est un esprit similaire à l'article 13. Pourquoi? Parce qu'en définitive la loi du domicile de l'adoptant donnerait à t'adoptant la possibilité d'utiliser la protection de l'adoption plénière pour adopter sous la forme du type de l'adoption simple.

Quand je dis, à la page 5 que vous avez lue: "A ce moment se poserait le problème du consentement. Le consentement forme partie de l'étape constitutive de l'adoption", je veux dire que sur le plan des effets de l'adoption, non pas sur le plan de la constitution, les effets de l'adoption simple ici, à Québec, seraient les effets de l'adoption plénière. C'est la raison pour laquelle je pense que le projet de loi n'utilise pas la conversion, il n'utilise pas les mécanismes juridiques de la conversion. Je voudrais ajouter que les mécanismes de la conversion ne sont pas une invention de la convention de La Paz. C'est un mécanisme utilisé surtout par la jurisprudence française en relation avec les adoptions obtenues à l'étranger, au Vietnam, en Thaïlande, etc. Ce sont des pays de l'Asie qui connaissent seulement l'adoption simple. Les couples qui adoptent ces enfants arrivent en France et demandent l'adoption plénière selon la loi française. Les effets de l'adoption sont normalement liés à la loi de l'adoptant parce qu'ils se produisent dans l'ordre juridique du pays où l'enfant vit, où l'enfant habite.

L'enfant adopté habite avec la famille adoptante à un endroit où les effets ne peuvent être autres que ceux de ce lieu. Le point précis, c'est le point des effets. Si je donne le consentement pour une adoption simple et les effets sont ceux de l'adoption plénière, je sais qu'au moment où je donne le consentement pour une adoption, je ne peux fixer quels seront les effets selon une loi étrangère. Je peux dire que je vais m'en tenir à la possibilité de reprendre l'enfant, que je vais maintenir le lien original, mais je ne peux refuser les effets qu'aura une autre loi sur cette adoption. Ma loi ne peut entrer dans le champ d'application d'une autre loi étrangère. C'est très clair. C'est la raison pour laquelle je pense que ce type de problème n'aura une solution idéale qu'au moment où les pays trouveront un accord international, multilatéral ou bilatéral, mais, en définitive, un accord. C'est la raison de la recherche d'un accord d'abord à Quito et, après, à La Paz. C'est une matière très sensible où les gouvernements de l'Amérique du Sud sont très préoccupés, parce qu'aucun gouvernement ne donnerait au public, aux électeurs, l'impression claire d'être en faveur de l'adoption internationale. Mais ils savent qu'ils doivent réglementer l'adoption internationale, parce que, d'une autre façon, le trafic illégal serait la manière habituelle de communication entre les parents d'un pays et les enfants d'un autre pays.

Nous devons être réalistes devant ces problèmes. Nous pouvons adopter une position et dire: Non, nous ne faisons aucune loi sur l'adoption internationale, parce que l'adoption internationale montre les différences entre les pays. 11 y a des pays qui demandent et il y a des pays qui offrent. Les règles du commerce appliquées aux personnes. Nous pouvons adopter un position réthorique et dire ces choses, mais nous ne devons pas fermer les yeux. Le trafic se produit et nous devons intervenir dans le trafic pour le réglementer, pour lui fixer des règles. Je crois que les pays peuvent déterminer les règles sur le plan interne d'un côté et le plan international d'un autre. C'est la raison pour laquelle il s'agirait, sans vouloir prétendre intervenir dans les affaires domestiques de la province de Québec, d'étudier la possibilité de sonder les possibilités d'accord et de coopération sur le plan de l'information, surtout à travers les institutions. Je crois que le rôle assigné aux institutions selon l'article 8 est un point très très important dans l'ensemble de la convention de La Paz.

C'est la première fois qu'une convention en Amérique latine reconnaît la possibilité d'une intervention des institutions privées dans le champ de l'état civil. Normalement, l'état civil c'est un problème purement officiel: les mariages, Ies divorces, les requêtes de parenté, etc.; ce sont des activités publiques. Ici, vous avez la possibilité d'institutions déléquées par la voie de l'autorisation; ce sont des institutions déléguées mais de nature privée, qui pourraient agir dans le champ des adoptions, faisant, en premier lieu, l'oeuvre de l'identification de l'enfant, comme une manière d'éviter la relation directe, par intermédiaire, des parents avec la famille de l'enfant, car cette relation est entourée de certaines choses pas très acceptables, normalement. Il y a une personne en situation d'inégalité, en situation de dépendance, dans une situation subordonnée, si vous voulez, et une autre personne qui se trouve dans une situation supérieure.

L'institution en Amérique a la possibilité de faire un contact essentiellement de type économique et c'est l'élément que nous devons refuser. Je suis très clair quand je dis que le sentiment, pas seulement l'idée, mais le sentiment des pays de l'Amérique du Sud est absolument contre le trafic. Il peut exister quelques personnes qui sont en faveur, il est très facile de penser que ce type de personnes existe, mais, si vous voyez le problème du point de vue du gouvernement, du point de vue d'une organisation liée au problème, vous verrez qu'il n'existe pas un sentiment de refus, il existe un sentiment de rechercher une solution possible, parce qu'il y aura le problème d'avoir à la fin de ce siècle 30 000 000 d'enfants abandonnés. J'ai vu les chiffres à la CEPAL. La Commission économique pour l'Amérique latine des Nations Unies vient de dire qu'à la fin de ce siècle il y aura en Amérique latine 30 000 000 d'enfants abandonnés ou dans un état de pauvreté chronique.

Naturellement, l'adoption ne sera pas le remède, la solution. Nous ne pouvons pas penser à ces choses, mais nous savons aussi que chaque fois que vous permettez de faire une adoption léqale, légitime, avec le jeu de deux lois: la loi de l'adopté et la loi de l'adoptant, dans une sorte d'harmonie, vous ferez une contribution réelle pour solutionner les problèmes concrets d'une personne, d'un enfant. Ce sera une manière de diminuer en quelque sorte les problèmes, pas de les résoudre, naturellement.

Mme Vermette: J'ai bien compris que finalement le problème de l'adoption internationale peut devenir un problème de taille, compte tenu des problèmes que doivent vivre certains pays en voie de développement et des situations socio-économiques où doivent vivre ces enfants. L'urgence est beaucoup plus au niveau de l'entente internationale de l'ensemble des pays, je pense. Les Nations Unies qui se sont déjà penchées là-dessus devraient arriver peut-être à trouver une loi qui réussirait à harmoniser justement, à maintenir le respect

des lois internes de chaque pays tout en tenant compte aussi du problème des relations internationales.

M. Opertti Badan: Si vous me le permettez, madame, je voudrais ajouter une chose que j'ai oublié de mentionner...

Mme Vermette: Oui.

M. Opertti Badan: ...dans ma première intervention, ce matin. La convention de La Paz est une convention ouverte à l'adhésion de quelques pays. Ce n'est pas une convention fermée aux États membres de l'Orqani-sation des États américains. L'article 22 dit: La présente convention est sujette à ratification. Les instruments de ratification, etc., seront déposés. L'article 23 dit: Tout autre État peut adhérer à la présente convention.

Naturellement, je n'ignore pas les problèmes de l'État fédéral, etc., et les problèmes de l'organisation interne de chaque pays, de sa relation avec le droit international, etc. Mais, je n'ai pas encore étudié les problèmes de droit public, de droit des traités sur cette matière spécifique, à savoir si la province de Québec était en condition d'adhérer ou de donner son adhésion à la convention de La Paz. J'ai seulement dit que c'est une convention ouverte à tous les pays et que, par la voie de l'adhésion, d'autres pays pourront assumer le compromis de respecter le jeu harmonieux de deux droits comme une forme d'ensemble pour éviter le trafic illégal. (17 heures)

Mme Vermette: Vous avez aussi mentionné, lors de votre exposé, que vous étiez en accord pour une forme d'adoption qui respecte justement les ententes des pays, parce qu'il y a un nombre d'enfants qui sont abandonnés. Dans les discussions, très souvent, quand on fait le jumelage des projets, cela implique finalement une démarche d'adoption privée. Quand on parle d'une démarche d'adoption privée, cela ne veut pas dire, j'espère que je me fais bien entendre, un trafic d'enfants. Quand je parle d'une démarche privée, cela se fait dans le respect des procédures d'un pays et en suivant la procédure du pays étranger via ses institutions officielles. A ce moment-là, un pays, par les personnes autorisées qu'il reconnaît aptes à rendre jugement, pourrait faire l'objet d'un projet d'adoption qui serait conforme à une démarche respectueuse de3 lois internes et des lois étrangères.

M. Opertti Badan: Le problème de la nature privée ou publique de l'adoption comme institution, c'est un problème qui, actuellement, est résolu très clairement en faveur du caractère public de l'adoption comme institution. L'institution de l'adoption, c'est une institution de nature publique, d'ordre public; c'est une institution seulement privée dans le champ des sujets de la relation. Les sujets de la relation sont privés. Mais la nature de la relation, c'est une nature publique.

La convention de La Paz, signée à La Paz, à son article 15, établît: "Sont compétentes pour statuer sur l'adoption visée dans la présente convention les autorités -on ne dit pas si elles sont administratives ou judiciaires - de l'État de la résidence habituelle de l'adopté." Il faut dire que les adoptions privées, purement privées, ne sont pas envisagées dans le champ de la convention; elles sont hors de la convention. Pour la convention, c'est l'équivalent du trafic. Pour la convention de La Paz, les adoptions purement privées ne méritent même pas la protection internationale.

Mme Vermette: Est-ce que je peux vous demander votre définition d'adoption purement privée, à ce moment-ci?

M. Opertti Badan: Donner une définition matérielle de l'adoption privée, pour ma part, c'est redire que nous aurons de l'adoption privée quand ce sera avec le seul consentement des parties, avec l'intervention d'un notaire ou de quelques professionnels privés qui arrangeraient les termes de l'accord. Ce serait privé. L'adoption privée, c'est quand n'intervient pas l'autorité, si vous voulez une définition par la négative; ce serait quand n'intervient aucune autorité, administrative ou judiciaire. Â un moment donné, il doit intervenir une autorité officielle pour donner à l'adoption la possibilité d'avoir une protection internationale. Sans l'intervention de l'autorité, l'adoption sera un phénomène patholoqique, selon les termes de la convention et la position générale du pays. Naturellement, je sais qu'il existe des différences entre les différents pays, etc., mais je parle en général. Je ne voudrais pas ici faire des références concrètes quant aux différents pays. Ce serait hors de la question. Mais je voudrais vous dire pour finir ce point qu'il existe une adoption privée quand il n'existe aucune intervention des autorités, de la nature que vous pouvez penser.

Mme Vermette: Comme il ne nous reste pas beaucoup de temps et que je dois terminer...

Une voix: ...

Mme Vermette: ...je vous remercie. Cela a l'air un peu incongru ce que je vous pose mais j'ai une minute pour vous poser ces questions. Il me reste deux choses en tête. Premièrement, est-ce que le lien de filiation est un avantage pour l'enfant? Ma

deuxième question: Est-ce qu'il ne serait pas préférable de laisser aux tribunaux étrangers de juger de l'adoptabilité de l'enfant?

M. Opertti Badan: Excusez-moi, madame, mais à ce moment je demande votre collaboration pour bien comprendre la question et pour bien y répondre. Est-ce que vous pouvez répéter?

Mme Vermette: La première question que j'ai posée: Est-ce que maintenir le lien de filiation est un avantage pour l'enfant? La deuxième question: Est-ce qu'il ne serait pas préférable de laisser les tribunaux étrangers juger de l'adoptabilité de l'enfant?

M. Opertti Badan: Sur la première question, je pourrais dire que laisser les liens étrangers en vigueur, les liens de parenté originaux en vigueur serait la conséquence du jeu de différentes lois. Si vous acceptez la loi de l'adopté comme une loi applicable au consentement, vous devez résoudre le problème d'une manière logique et maintenir les liens avec seulement ce pays. Pas avec les autres pays. Seulement en relation avec ce pays. L'autre point, le point de l'adoptabilité, ce sont les conditions exigées par la convention de La Paz qui stipulent que les conditions pour l'adopté pour être adopté sont fixées par la loi; je pourrais ajouter par le juge parce que l'article 15 que je viens de lire dit que les autorités compétentes sont les autorités de l'État de la résidence habituelle de l'adopté. De cette manière, je réponds: La loi applicable quant à l'adoptabilité et le juge compétent pour décider de l'adoptabilité, c'est la loi et le juge du pays d'origine de l'adopté.

Le Président (M. Bélanger): Votre temps est écoulé. Il reste deux minutes à Mme la ministre. M. le député de Fabre.

M. Joly: Merci. M. Opertti, j'aimerais vous suggérer une situation. Disons que des adoptants québécois sont en contact avec une mère dans un pays étranger et qu'à la suite de la rencontre avec les adoptants potentiels québécois, en accord privé avec la mère qui donne l'enfant, le notaire public prépare tous les actes qui sont endossés, validés, si vous voulez, par le tribunal du pays en question...

M. Opertti Badan: Du pays d'origine.

M. Joly: Du pays d'origine, du pays en question. À la suite de cela, à la suite de cette situation qui semble nous causer un problème de danger de trafic d'enfant comme tel, est-ce qu'on a vraiment raison de craindre cette situation? Si oui, comment pourrait-on, tout en respectant les droits internes, faire en sorte que ces pays, à un moment donné, ne reviennent pas là-dessus?

M. Opertti Badan: Évidemment, du point de vue du droit international privé, cette adoption serait léqitime parce que l'autorité du pays de l'adopté a donné l'homologation de l'accord fait par les parties devant le notaire. Vous avez l'intervention de l'autorité du pays d'oriqine. Vous pouvez dire ici, à Québec, que cette adoption n'est pas valide pour raison d'ordre public. La seule raison pour laquelle vous pouvez refuser les effets, au Québec, d'une adoption étrangère décidée à travers les mécanismes que vous avez exposés, ce serait l'invocation de l'ordre public. L'ordre public est un concept défensif, un concept que les autorités de quelques pays utilisent quand elles ne veulent pas consacrer une chose contraire aux principes, ou au sentiment généra! de la population. Mais, d'un point de vue formel, le cas que vous soulignez serait léqitime.

Le Président (M. Bélanger): Le temps est écoulé. Si vous voulez remercier M. Badan.

Mme Vermette: Je n'ai qu'à vous remercier pour votre brillant exposé, Je pense que tout ce que vous avez avancé sur l'adoption nous a grandement éclairés. À partir de cela, nous aurons des réflexions beaucoup plus harmonieuses et j'ose espérer que nos lois pourront tendre vers cette harmonisation. Je vous remercie.

M. Opertti Badan: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si on peut me donner une demi-minute pour demander une précision à M. Opertti. Quand vous avez parlé tout à l'heure d'institutions privées ou publiques qui, à la demande des autorités locales, peuvent intervenir dans l'adoption, est-ce que ce sont... Il ne faut pas confondre ici privées et publiques. Est-ce que "privées" veut dire que ces institutions doivent être reconnues par les autorités compétentes même si elles sont privées en titre?

M. Opertti Badan: Quand j'ai mentionné la nature privée ou publique des institutions, j'ai fait mention de l'article 8 de la convention de La Paz qui permet l'activité des institutions publiques ou privées avec l'autorisation des gouvernements ou des organismes internationaux. Je pourrais vous donner, Mme la ministre, une information complémentaire. Le conseil pour l'adoption des enfants de la Suède avait demandé, en se basant sur les précédents de l'article 8, la reconnaissance au conseil de l'Institut interaméricain de l'enfant, qui est l'organisme

public international spécialement compétent dans le champ de l'enfant, et l'organisme lui a donné cette reconnaissance en se basant sur les principes que j'ai lus ce matin, aidé de la traduction de M. Vézina.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. En terminant, je voudrais vous remercier encore une fois. Je pense que votre collaboration nous sera très utile. Nous nous posons encore beaucoup de questions. Nous allons tenter de trouver des réponses tout en réalisant les objectifs que le Québec recherche dans le domaine de l'adoption internationale, que ce soient les parents ou les membres de l'Assemblée nationale. J'espère que vous ferez un bon voyage de retour chez vous et nous vous sommes très reconnaissants de ce déplacement, M. Opertti.

M. Opertti Badan: Je vous remercie, M. le Président, Mme la ministre et les autres membres de la commission de nous avoir permis d'être ici pour pousser ces idées qui, pour l'Amérique du Sud, sont très importantes.

Le Président (M. Bélanger): M. Opertti, je vous remercie infiniment. Â l'instar de Mme la ministre, je voudrais souligner que vous êtes venu de l'Uruguay et que c'est vraiment un voyage éclair pour nous apporter vos éclairages, vos compétences et toutes les lumières possibles sur ce mandat que la commission a actuellement de faire des représentations et de faire valoir des points de vue qui permettront d'améliorer le projet de loi 21. Nous vous en remercions Infiniment.

Nous allons ajourner quelques secondes. M. Opertti, si voua pouviez venir nous voir, Mme la ministre et moi, nous aurions un petit quelque chose pour vous.

Je demanderais au prochain groupe, la Fédération des parents adoptants du Québec, de bien vouloir prendre place et nous reprendrons les travaux dans deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 19)

Le Président (M. Bélanger): Â l'ordre, s'il vous plaît!

Nous accueillons la Fédération des parents adoptants du Québec, représentée par M. Philippe Godin qui en est le président, et Me Claude Baillargeon qui en est le conseiller juridique.

Je demanderais à M. Godin de s'identifier. Vous connaissez un peu les règles de fonctionnement?

Fédération des parents adoptants du Québec

M. Godin (Philippe): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Aucun problème. Je vous cède la parole pour la présentation de votre mémoire.

M. Godin.

M. Godin (Philippe): Merci, M. le Président. Philippe Godin, président de la Fédération des parents adoptants du Québec. À ma gauche, Me Claude Baillarqeon, conseiller juridique de la fédération, et, à ma droite, Suzanne Belley-Godin, conseillère à la fédération aussi.

M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, la Fédération des parents adoptants du Québec est heureuse de vous présenter ses commentaires au sujet du contenu du projet de loi 21 et des lois annexes portant sur l'adoption hors Québec.

La Fédération des parents adoptants du Québec a été formée en décembre 1986 pour regrouper tes personnes intéressées par la question de l'adoption internationale au Québec, au Canada et dans les pays étrangers. Elle cherche à promouvoir les droits des personnes désirant adopter un enfant. Ce mémoire se veut donc une présentation du point de vue des parents domiciliés au Québec ayant formulé un projet d'adoption d'enfants domiciliés à l'étranqer*

Depuis sa création, la fédération s'est fixé et défini certains éléments d'un code de conduite et certains objectifs à atteindre en ce qui a trait à l'acte d'adoption. C'est avec plaisir que la fédération remarque que ses objectifs rejoignent bien ceux qu'a énoncés Mme la ministre lors de son allocution du 2 avril 1987 et de sa déclaration d'ouverture à la commission parlementaire le 6 mai. F.n voici le relevé. 1. La fédération voudrait de la part du gouvernement un énoncé de politiques actives, claires, visant à favoriser et à faciliter l'adoption hors Québec. 2. La fédération veut assurer la protection de l'enfant des parents adoptants québécois et des droits des parents biologiques. 3. La fédération veut assurer que tous les enfants adoptés à l'étranger jouissent des mêmes droits et libertés dont jouissent les enfants nés au Québec et au Canada. 4. Nous voulons assurer le respect de la règle de droit d'adoption hors Québec ainsi que la protection des éléments fondateurs de notre société démocratique. 5. Nous voulons assurer que des réseaux parallèles d'adoption et le trafic d'enfants continuent de ne pas voir le jour au Québec. 6. Nous voulons que les délais auxquels sont confrontés les couples québécois en attente d'adoption soient réduits à quelques

mois. 7. Nous voulons que les Québécois puissent jouir des mêmes droits et libertés dont jouissent tous les autres Canadiens en matière d'adoption hors province et, finalement, nous voulons que l'État québécois puisse jouer un rôle voué à la relation d'aide, à l'établissement et à la diffusion de ressources, et offrir les services sociaux requis.

Compte tenu des ressemblances entre les objectifs avoués de la fédération et ceux du gouvernement du Québec, il ne reste qu'à élaborer un moyen susceptible d'atteindre ces buts. La fédération soutient que le projet de loi 21 ne saurait atteindre ces objectifs, mais plutôt dirigerait dans le sens contraire l'orientation des efforts de tous les intéressés.

Ce que représente le projet de loi 21 pour nous. Nous soutenons qu'après une étude éclairée et approfondie, tant au niveau humain que par le biais d' experts-conseils en matière juridique, les effets du projet de loi 21 seraient les suivants: Le projet de loi 21 fait abstraction de l'aspect humain du processus d'adoption, aspect qui, sans contredit, est la pierre angulaire même de cet acte de droit privé.

Nous maintenons que l'adoption est un moyen privilégié de répondre tant aux besoins des enfants dépourvus de foyer et d'amour que des besoins inhérents chez tant de couples de se créer une famille. Le taux de dénatalité que connaît le Québec à l'heure actuelle nous incite non seulement à considérer l'adoption en tant que moyen d'action à être favorisé, mais aussi en tant que politique active qui veut encourager la création de familles heureuses au Québec.

Il ne faut pas perdre de vue que le Québec s'est édifié sur la famille québécoise et qu'on y puisera notre force. De plus, au Québec, on dénombre plus de 250 000 adoptés et autant de familles heureuses créées par cette forme d'union. Malheureusement, on ne peut plus compter strictement sur la population québécoise pour combler les couples en pénurie d'enfants. C'est dans cette veine que la Fédération des parents adoptants du Québec soutient que le Québec se doit d'ouvrir ses portes aux millions d'enfants adoptables en attente d'adoption à travers le Canada, les États-Unis, l'Europe, bref, partout où se trouvent de tels enfants identifiés comme étant adoptables par leur État d'origine.

Nous trouvons que le projet de loi 21 allongerait les délais d'adoption. La fédération ne peut accepter que l'application du projet de loi 21 ait comme effet d'écourter les délais déjà inacceptables auxquels font face les couples québécois en attente d'adoption. Plutôt, nous prévoyons que ces délais soient allongés pour les raisons suivantes: Le projet de loi 21 restreint le nombre de pays et de juridictions étrangères avec lesquels les couples québécois pourraient envisaqer l'adoption. Le projet de loi 21 impose aux États étrangers des conditions inusitées et extraordinaires avant de permettre aux Québécois d'y adopter en toute légalité. Il serait vraisemblablement impossible pour les fonctionnaires du Québec de faire le tour des quelque 300 juridictions étrangères pour tenter de conclure des ententes avec ces pays-là. D'après ce que nous disaient des représentants du Secrétariat à l'adoption internationale le 6 mai, depuis cinq ans, on n'a pas encore conclu d'entente à cette échelle. Cela confirme d'ailleurs ce que le secrétariat à l'adoption nous déclarait, et je cite: "Par ailleurs, la législation en vigueur et les principes sur lesquels elle repose ne permettent pas de favoriser l'adoption dans les pays à adoption simple, ce qui limite d'une certaine façon le nombre de pays avec lesquels il serait possible de s'entendre. Cette situation explique en grande partie les délais qui sont actuellement de trois à cinq ans pour compléter un projet d'adoption au plan international."

Le projet de loi 21 multiplie les intervenants dans le processus d'adoption et multiplie les étapes que devront franchir les couples désireux d'adopter à l'étanger. Le projet de loi 21 met en péril la santé et la sécurité de l'enfant en rendant inaccessible à l'adoption québécoise la grande majorité de ces enfants abandonnés, délaissés ou orphelins, et en imposant des délais d'attente d'adoption extrêmement longs à ceux et celles qui pourraient l'être. En effet, selon un rapport qu'ont fourni à la fédération deux médecins spécialisés en pédiatrie, je cite: "Plus la période d'hébergement en attente d'adoption est longue, plus grande est la chute du quotient développemental... Les cas sévères de déprivation maternelle ont des conséquences dramatiques et tragiques. En ce qui concerne l'adoption, les législations récentes prolongeant des délais déjà désastreux vont à l'encontre de la santé physique et mentale des jeunes enfants..."

Nous rejetons de plus les allégations qui vous ont été avancées le 6 mai portant sur une pénurie d'enfants à travers le monde. Personne ne pourrait accepter une telle proposition lorsqu'on sait qu'il y a des millions d'enfants adoptables qui périssent chaque année à travers le monde, et que plusieurs sont adoptés rapidement par des couples avant entrepris des démarches personnelles en toute légalité dans les pays étrangers. A l'échelle mondiale, on compte annuellement plusieurs milliers d'adoptions d'enfants nés hors frontières.

Ce qui devrait plutôt être énoncé, c'est que l'interprétation législative que se permet le secrétariat à l'adoption, selon ses politiques administratives, la quasi-totalité

des enfants du monde leur paraissent non adoptables. Cette question de pénurie d'enfants est non seulement illusoire, mais aussi une sérieuse déformation de la réalité. Comme l'effet du projet de loi 21, s'il est adopté, sera d'allonger les délais d'attente, une de ses conséquences inévitables constituera une invitation pour les couples québécois à contourner la loi québécoise et à adopter à l'étranger selon les lois de ce pays.

La fédération trouve que le projet de loi modifie un acte de droit privé pour en faire un acte de droit public, en citant Mme la ministre qui a dit: "II est clair pour nous que l'adoption internationale est une affaire d'État." Il est malheureux d'entendre Mme la ministre affirmer qu'elle veut ainsi s'approprier un droit privé qui a toujours été assuré à l'individu et qui continue de l'être à travers l'ensemble des législations que nous connaissons.

En effet, ce droit nous est réservé selon l'article 7 du Code civil du Bas-Canada, lequel dit: "Les actes faits ou passés hors du Bas-Canada sont valables, si on y a suivi les formalités requises par les lois du lieu où ils sont faits ou passés." Le projet de loi 21 donne force de loi aux politiques administratives appliquées par les fonctionnaires du secrétariat à l'adoption et modifie la règle de droit dans cette matière en n'admettant à toutes fins utiles que l'adoption dite plénière et en dotant la Direction de la protection de la jeunesse de pouvoirs qui vont au-delà des limites qui lui sont imposées par la loi.

Il est impératif de bien reconnaître qu'à l'heure actuelle toute forme d'adoption simple, plénière ou autre peut être reconnue par un tribunal du Québec dans la mesure où il y a eu création de liens de filiation entre l'adoptant et l'adopté. Le projet de loi 21 vise à accorder au ministre entière discrétion en ce qui a trait à la gestion de l'adoption, lui conférant des pouvoirs énormes quant à la formulation d'éventuelles directives, règlements, critères d'admissibilité aux frais de la ministre de la Santé et des Services sociaux, vraisemblablement, comme vous l'a dit le représentant de l'Association des centres de services sociaux, le nouveau grand responsable de tout le processus d'adoption. II s'agit donc de l'étatisation d'un droit privé.

L'adoption plénière et l'adoption simple. Il est essentiel de souligner que les termes adoption simple et adoption plénière ne sont pas définis en droit québécois. Il s'agit plutôt de concepts utilisés pour différencier entre plusieurs types d'adoption pratiqués dans tout le monde. Il est faux d'alléguer, comme l'a fait le représentant du Secrétariat à l'adoption internationale le 6 mai, et je le cite: "En fait, depuis 1983, cela a toujours été la règle de l'adoption plénière". Cette prétention appliquée en tant que politique gouvernementale a contribué à créer un imbroglio dans lequel nous sommes tous impliqués.

Il nous apparaît évident que l'ambiguïté ne provenait pas des dispositions du Code civil, mais du fait que des politiques du gouvernement étaient inconciliables avec les dispositions du Code civil. La meilleure preuve en est que les prétentions du gouvernement ont été régulièrement et systématiquement rejetées par les tribunaux. L'une des grandes causes de cet imbroglio juridique provient du fait que le gouvernement insiste pour maintenir sa prétention que la création d'un lien de filiation nécessite nécessairement la rupture du lien précédent. (17 h 30)

Les tribunaux du Québec ont à de multiples reprises reconnu le droit des résidents du Québec de procéder à une adoption à l'étranger, dans la mesure où les tribunaux étrangers accordaient à cette adoption une filiation entre l'enfant adopté et les parents adoptants, tel que le prévoit actuellement le Code civil du Québec. Dans la grande majorité de ces cas, les tribunaux du Québec ont reconnu que les parents adoptants s'étaient conformés à la loi du Québec. Néanmoins, les fonctionnaires du gouvernement persistent à limiter les adoptions étrangères aux pays pouvant répondre aux exigences de ces derniers, soit l'adoption plénière. L'article 622.1 du Code civil ne contient aucunement une telle exigence. L'article 622.1: Le tribunal appelé à reconnaître un jugement d'adoption rendu hors du Québec s'assure que ce jugement hors cour a pour effet, en vertu de la loi étrangère, de créer un lien de filiation. De plus, l'article 630 du Code civil du Québec permet l'adoption au Québec dans certaines circonstances où le lien de filiation initial n'est pas rompu. Je cite l'article 630: "Malgré l'article 629, l'adoption par un époux de l'enfant de son conjoint n'aura pas le lien de filiation établi entre ce conjoint et son enfant". C'est d'ailleurs dans cet esprit que le Barreau du Québec proposa, en mars 1986, que l'article 622.1 du Code civil du Québec soit modifié afin de sauveqarder les droits de l'enfant adopté à l'étranger. L'article 622.1 devrait se lire: "La reconnaissance d'un jugement d'adoption confère à l'adopté une filiation avec l'adoptant et lui accorde les mêmes droits et les mêmes obligations que ceux des enfants dont la filiation est établis."

L'esprit de l'article 622.1 du Code civil du Québec répond bien aux règles établies en droit international privé, lesquelles prévoient que toute adoption sur laquelle a statué une autorité compétente est reconnue de plein droit dans les autres États. C'est d'ailleurs dans le respect de cette règle de droit que

s'est prononcé l'Office de révision du Code civil dans son rapport sur le droit international privé: 1° les conditions de l'adoption sont régies par les lois de l'État où elle a eu lieu; 2° une adoption hors du Québec est valable si elle a été faite par une autorité compétente selon ses propres règles.

La proposition du gouvernement est particulièrement peu réaliste. Tout d'abord, elle met sur le même pied l'établissement d'un lien de filiation avec la famille adoptive et la rupture du lien de filiation avec la famille d'origine. Cette exigence est mutile et nuisible, Le décret 172B-86 démontre que, contrairement à ce que dit la ministre, le lien de filiation doit nécessairement s'entendre au sens du droit québécois. Cela est normal, mais il est illusoire de s'attendre que les lois étrangères ressemblent en tout point au droit québécois. En effet, dans un grand nombre de pays, l'adoption, même simple, établit un lien de filiation entre les parents adoptifs et l'enfant puisqu'elle leur donne tous les attributs de la qualité de parents, c'est-à-dire les devoirs d'autorité parentale, l'obligation alimentaire, la transmission du nom, les droits de succession, etc. De plus, la reconnaissance du jugement étranger au Québec met l'enfant sur le même pied que tous les autres enfants québécois. Donc, l'enfant a tous les droits qu'aurait un enfant québécois.

La nécessité imposée par le gouvernement que l'adoption étrangère soit plénière cherche à éliminer l'adoption d'enfants étrangers provenant de tout pays où il est possible que l'enfant puisse garder un droit de succession, un droit aux aliments de son pays d'origine. Nous soumettons que ceci ne devrait pas faire obstacle à une adoption étrangère; de plus, la possibilité extrêmement faible que le parent d'origine revienne sur son consentement devrait, à notre avis, être négligée.

Le Québec vis-à-vis du Canada. La Fédération des parents adoptants du Québec a non seulement établi des communications étroites auprès de certaines provinces canadiennes, mais elle possède les textes de loi de l'ensemble de celles-ci. À la lumière de données que nous avons recueillies, nous alléguons que les autres provinces offrent aux couples québécois désireux d'adopter à l'étranger les éléments suivants qui ne sont pas accessibles aux Québécois: 1° l'État n'intervient pas quant aux actes légaux que peut poser le résident lorsque celui-ci se retrouve en sol étranger; 2° l'État ne restreint aucunement l'accès à tout pays étranger incluant les autres provinces canadiennes pour les couples québécois désireux d'adopter; 3° tout résident a libre cours aux services offerts sans frais par le Bureau de l'adoption fédéral du ministère de la Santé et du Bien-Être Canada; 4 ° les effets d'une adoption entreprise à l'étranger deviennent identiques à ceux qu'aurait donnés une adoption domestique dès l'arrivée d'un enfant en sol canadien; 5° le rôle dévolu à l'État est limité à offrir un service d'information, d'évaluation, d'aiguillonnage et de soutien; 6° le temps requis à l'État pour terminer le traitement de la documentation et l'évaluation du foyer adoptant se limite à moins de six mois. Au Québec, la situation est vraisemblablement à l'opposé. Aucun de ces avantages ne peut être retrouvé dans le contenu du projet de loi 21.

Ce que vise plutôt le projet de loi 21 est la volonté manifeste du ministre de retirer aux parents le droit qu'ils avaient auparavant d'entreprendre des démarches personnelles pour obtenir l'identification d'un enfant à l'étranger avant d'obtenir l'accord du secrétariat à l'adoption précédant l'entrée d'un enfant au Québec. Nous alléguons que cette procédure est injustifiée et aurait pour effet de faire en sorte que, alors qu'auparavant il était possible d'éviter des délais d'attente de cinq à sept ans, à l'avenir, nous devrons tous nous conformer à ce délai ou à un délai encore plus long, compte tenu de toutes les mesures bureaucratiques créées par le projet de loi.

En ce qui a trait aux recommandations de la Fédération des parents adoptants du Québec, je vous réfère à la page 36 de notre mémoire. Il serait important de comprendre que la Fédération des parents adoptants du Québec favorise plutôt le maintien de la législation actuelle portant sur l'adoption internationale, soit l'article 622.1 et les autres annexes du Code civil, mais qu'on modifie l'administration et la gestion du processus d'adoption à l'étranger de la façon qu'il se fait actuellement pour une façon qui respecte mieux ce qui est défini en termes de loi.

La Fédération des parents adoptants du Québec, étant aussi membre du Regroupement des organismes et des associations de parents pour l'adoption internationale, recommande la mise en place d'un orqanisme parapublic qéré par un conseil d'administration formé de représentants du ministère, du Directeur de la protection de la jeunesse, des organismes reconnus et des associations de parents, car il est envisagé qu'un tel organisme serait mieux en mesure d'orienter et de concerter plus adéquatement les efforts de tous les collaborateurs à l'adoption hors Québec. De plus, nous alléguons que le gouvernement devrait laisser tomber ses exigences concernant l'adoption pleine versus l'adoption simple. C'est tout.

Le Président (M. Lederc): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les

représentants de la Fédération des parents adoptants du Québec pour leur mémoire qui est volumineux, important et qui, je pense, traduit assez bien les inquiétudes que vous avez exprimées publiquement dans les derniers mois. Il soulève beaucoup de questions et je pense bien que nous ne pourrons pas passer à travers toutes les questions ou certaines affirmations que vous faites et qui auraient peut-être besoin de clarification.

Il y a quand même certains points que je voudrais tenter d'éclaircir avec vous au point de départ parce que, bien que... Je reviendrai avec une question là-dessus. En ce qui a trait à la loi 21, il y a certaines affirmations que vous faites qui ne (n'apparaissent pas fondées ou qui résultent d'une incompréhension que vous avez de la loi 21. La loi 21 a voulu, au premier chef, clarifier au plan juridique les ambiguïtés qu'il y avait dans la loi actuelle et qui avaient donné lieu à des opinions diverqentes. Je pense qu'il n'était pas tout à fait exact de dire que les tribunaux ont toujours donné tort à l'interprétation que le ministère de la Justice ici, par exemple, a donnée au Code civil en ce qui a trait à l'adoption plénière ou l'opinion que les règles d'adoption, ici, au plan international, étaient des règles d'adoption plénière.

De toute façon, nous croyons que ceci va permettre de lever ces ambiguïtés qui ont donné lieu à des difficultés juridiques, qu'elles aient été subies par les uns et les autres. Je vous concéderai que c'est peut-être plus grave quand elles sont subies par les parents parce qu'ils sont plus démunis devant ce genre de querelles juridiques. Alors, cela nous apparaissait important de le faire.

Deuxièmement, vous nous dites que nous allons diminuer le nombre de pays où vous allez pouvoir adopter. Je voudrais vraiment que vous m'expliquiez davantage comment nous allons pouvoir faire cela, avec la possibilité de reconnaître toujours comme principe les effets d'une adoption plénière, mais le fait aussi que nous nous ouvrons à la possibilité d'une conversion d'adoption simple en adoption plénière si le consentement a été obtenu par une personne autorisée dans le pays d'adoption simple. Je pense que, justement, nous nous ouvrons à un grand nombre de pays qui, si nous nous en étions tenus strictement à l'interprétation du Code civil tel qu'il est, ou, enfin à l'interprétation qu'on doit donner au Code civil tel qu'il est, aurait continué de diminuer, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, à moins que des pays, pour des raisons qui seraient les leurs -on peut en imaginer au plan religieux ou d'autres - ne laissent pas aller leurs enfants en adoption. De toute façon, au point de départ, si les règles du Québec sont plus claires, si cela est élargi dans le sens de reconnaître des adoptions simples ou de donner à des adoptions simples des effets d'adoption plénière dans le cas d'enfants adoptés où ce sont des jugements d'adoption simple, je pense que nous allons améliorer la situation.

Je voudrais à ce moment-ci, parce qu'il y a eu plusieurs discussions là-dessus, clarifier la question ou tenter de clarifier la question du consentement par personne autorisée. Certains ont laissé entendre qu'il s'agirait strictement d'ententes formelles entre États ou entre gouvernements. Nous avons dit que ces consentements pouvaient avoir différentes modalités et que les personnes autorisées pouvaient être des institutions reconnues par l'autorité compétente comme pouvant agir dans le domaine de l'adoption internationale. Nous savons que, déjà, dans cinq ou six pays ou peut-être davantage... Mais j'ai des pays en tête. Entre autres, en république Dominicaine et Haïti, il existe déjà des institutions qui sont formellement reconnues par le gouvernement et qui s'intéressent à l'adoption internationale. Sur ce point, je pense que... En tout cas, c'est un éclairage que je veux bien tenter de vous donner.

Quand vous dites que vous souscrivez au principe de la convention, la convention à laquelle vous faites référence dans votre mémoire, je pense qu'il s'aqit des divers principes des chartes des droits de l'enfant.

M. Godin (Philippe): À quelle page vous référez-vous, Mme Lavoie-Roux?

M. Baillargeon (Claude): Est-ce que je peux intervenir, Mme la ministre?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Baillargeon: Je pense que, quand vous faites allusion à cette convention, la fédération n'a aucune objection à ce que le gouvernement du Québec conclue des accords ou des conventions avec des États étrangers pour favoriser l'adoption internationale. Nous n'avons aucune objection à cette démarche, mais qu'elle ne soit pas la seule possible pour permettre une adoption.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Est-ce que l'explication que j'ai donnée tout à l'heure, à savoir que... Par convention, est-ce que vous voulez dire une entente d'État à État ou si...

M, Baillargeon: C'est exact.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Je pense qu'il peut y avoir, dans un pays, une entente d'État à État ou de gouvernement à gouvernement, mais il peut y avoir aussi d'autres modalités administratives qui permettent d'obtenir ce consentement par une personne autorisée ou une personne désignée. Je pense

que cela élargit strictement cette notion de convention entre gouvernements qui apparaît à plusieurs et qui nous apparaît aussi, si elle est appliquée strictement de cette façon, comme étant trop stricte. Cependant, on veut quand même que ce soit par des organismes autorisés ou des modalités administratives étanches du point de vue du consentement de l'État par personne déléguée. (17 h 45)

M. Baillargeon: Nos craintes, Mme la ministre, à cet égard, c'est que du fait d'ajouter un nouveau niveau de consentement à chaque démarche d'adoption dans les différents pays, à ce moment-ci, nous n'avons aucune indication que cela va pouvoir être répété dans plusieurs pays. En ce moment, malheureusement, l'information statistique est quand même relativement limitée pour des groupes comme les nôtres, mais on se fie beaucoup, entre autres, au document de Le vécu en adoption internationale au Québec. On nous relate que 69 pays sont ouverts pour fins de... Bien, ouverts, entendons-nous. Des adoptions sont pratiquées dans 69 pays. On nous dit, aujourd'hui, que le projet de loi, s'il est adopté, aura pour effet de permettre au gouvernement d'ouvrir plusieurs pays qui n'étaient autrefois pratiquement pas ouverts, entre autres, Haïti et le Guatemala. Dans Le vécu en adoption internationale, on note qu'Haïti et le Guatemala sont les deux pays avec lesquels le plus grand nombre d'adoptions ont été complétées dans le passé.

Alors, on se pose une question. Il y avait 69 pays avant. Aujourd'hui, on nous dit qu'on va ouvrir sept, huit, neuf pays. On va ouvrir également les deux pays avec lesquels on a déjà le plus d'adoptions. Comment se fait-il que... Il me semble qu'il y a quelque chose qui cloche.

Mme Lavoie-Roux: Si on prend votre exemple, celui d'Haïti en particulier et même celui de la république Dominicaine -je n'ai pas de données pour le Guatemala -on sait que, déjà, dans un bon nombre de pays à adoption simple, dont Haïti, il existe des organismes d'État ou des organismes autorisés par l'État à donner pareil consentement. Par exemple, celui d'Haïti, l'Institut de bien-être social et de recherche en Haïti, pour reprendre votre exemple d'Haïti. Il y a également la Fondation nationale du bien-être des mineurs au Brésil, le Secrétariat d'État à l'assistance sociale en république Dominicaine, un grand nom espagnol pour le Mexique, et, également, le Honduras et quelques autres pays. Déjà, on sait que de tels organismes sont autorisés par l'État à donner un consentement.

M. Baillargeon; Je ne conteste pas du tout votre affirmation, Mme la ministre, sauf que, de là à dire que le projet de loi ouvre ces pays à l'adoption internationale alors qu'on sait que ces pays sont les pays avec lesquels il se fait le plus d'adoptions internationales au Québec ou qu'il s'en est fait dans le passé, on se demande quelle explication on peut donner en disant que cela ouvre alors que c'était déjà ouvert auparavant.

M. Godin (Philippe): Si je peux ajouter, Mme la ministre, à ce niveau. Lorsqu'on dit que le gouvernement du Québec va restreindre l'accès aux autres juridictions étranqères, si on demeure n'importe où au Canada, si on demeure aux États-Unis ou n'importe où à travers le monde, on a accès à un nombre illimité de pays étrangers qui pourraient me rendre adoptables des enfants selon leurs lois étrangères. Au Québec, on tente de mettre en vigueur, et c'est un projet de loi et non pas une loi, un règlement qui dirait que non, contrairement à ce qui se pratique presque d'une façon courante à travers le monde, nous, au Québec, on va restreindre à un groupe sélectionné de cinq, sept, ou peut-être huit, dix ou douze pays et non pas considérer les quelque 300 juridictions à travers le monde auxquelles on pourrait avoir accès. C'est dans ce sens qu'on dit qu'on restreint l'adoption internationale. Les Québécois n'auront pas accès aux adoptions dans les autres provinces canadiennes, aux États-Unis, en Europe, à travers le monde, sauf que dans quelques pays qui, pour des raisons particulières, auront pris des ententes particulières avec le gouvernement du Québec, on pourra aller chercher des enfants.

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, ce n'est pas le fait que vous dites qu'on aura pris des ententes. On veut - et cela a été aussi les recommandations des organismes d'adoption internationale - transiger par l'intermédiaire d'organismes officiels qui ont des autorisations de l'État ou qui sont reconnus par l'État comme pouvant agir dans le domaine de l'adoption internationale.

Je voudrais vous poser une question à ce sujet. Est-ce que je comprends bien en pensant... Quand vous faites la comparaison avec le reste du Canada, je fais juste une parenthèse pour vous dire que c'est vrai que notre législation est différente de celle du Canada, mais il faut bien dire que les provinces ont aussi compétence en matière d'adoption internationale et que, dans le fond, les principes qui ont fondé les démarches en adoption internationale depuis le temps où le gouvernement a commencé à agir là-dedans sont les principes de l'intérêt de l'enfant, qui est le principe fondamental de notre Loi sur la protection de la jeunesse. Dans ce sens, non seulement il est fort possible... Je sais que c'est différent dans les

autres provinces; celles-ci n'ont pas pris les mêmes mesures et elles fonctionnent par agences privées et on laisse peut-être... Je ne voudrais pas trop m'avancer sur ce qui se fait dans les autres provinces, mais je sais que c'est plus large qu'ici dans le sens où vous l'entendez.

La question que je veux vous poser est la suivante: Est-ce que je dois comprendre que ce que vous privilégiez - je ne veux pas entrer dans le débat du droit public ou du droit privé, plusieurs experts étant venus nous dire que l'adoption est de droit public -la démarche qu'on devrait autoriser ici comme gouvernement est que le parent X puisse partir dans le pays Y, de bonne foi, j'entends bien, et non pas avec de mauvaises intentions, pour aller chercher un enfant et que, quelle que soit la façon - et je n'entends rien de péjoratif par cela - quel que soit le résultat de sa démarche, s'il revient avec un enfant, il demande au Tribunal de la jeunesse de lui accorder un jugement d'adoption pour cet enfant? Cette démarche est-elle essentiellement privée, même si, à certains endroits dans votre mémoire, vous dites: On ne nie pas que l'État doive intervenir de quelque façon? Évidemment, il va devoir intervenir au chapitre du jugement du tribunal, mais est-ce votre vision des chose3? Dans le fond, c'est une démarche... Elle peut être publique, vous n'y avez pas d'objection, mais si c'est plus facile, plus rapide et plus commode qu'elle soit essentiellement privée, sauf pour le jugement d'adoption, est-ce la vue des choses que vous favorisez?

M. Baillargeon: Mme la ministre, quand vous parlez de jugement d'adoption, est-ce que vous parlez de jugement d'adoption prononcé au Québec au retour ou du jugement d'adoption prononcé à l'étranger?

Mme Lavoie-Roux: Les deux. Au Québec et à l'étranger.

M. Baillargeon: Alors, on présuppose de toute façon qu'il y a un jugement d'adoption à l'étranger conformément aux lois étrangères.

Mme Lavoie-Roux: Je suppose que... Je vous demande comment vous le prévoyez.

M. Baillargeon: Non, non, mais dans votre question... Nous privilégions certainement cette possibilité d'entreprendre cette démarche tout en concédant parfaitement que le gouvernement puisse conserver toutes ses prérogatives pour lui-même contrôler un certain aspect, en fait, pour continuer les mêmes démarches qu'en ce moment, mais laisser le choix au citoyen de procéder par la filière gouvernementale ou par une filière plus personnelle qui impliquerait, de toute façon, un certain contrôle du gouvernement.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous accepteriez quand même les dispositions préalables ou les conditions requises, à savoir être évalués par un directeur de la protection de la jeunesse, aller jusqu'à présenter votre projet d'adoption au Tribunal de la jeunesse pour le faire apprécier peut-être comme...

M. Bailiargeon: C'est d'ailleurs dans nos recommandations, Mme la ministre, à cet effet.

Mme Lavoie-Roux: Et vous seriez prêts à remplir ces conditions.

M. Baillargeon: Bien sûr. D'ailleurs...

Mme Lavoie-Roux: C'est seulement au plan international, dans le pays étranger que vous voudriez que votre démarche soit exempte des exigences de la loi.

M. Baillargeon: C'est exact. Nous favorisons cette démarche parce que, jusqu'à maintenant, depuis les dix dernières années, cela a été la seule façon de réduire les délais pour une adoption internationale. Avec la filière gouvernementale, il y a quelque chose qui ne va pas et je pense que vous en êtes consciente; de toute façon, un délai de cinq ans est anormal. La démarche personnelle, tout en demeurant parfaitement légale - la loi telle qu'elle existe présentement, quant à nous, pourrait nous satisfaire à bien des égards - c'est une démarche qui fonctionne et qui a pour effet de réduire considérablement les délais. Pourquoi le gouvernement, par le projet de loi 21, cherche-t-il à abolir complètement cette démarche? Je vous reconnais cette volonté et ce droit, et j'endosse votre volonté d'empêcher le trafic des enfants et les abus, et ainsi de suite, mais il y a des moyens pour que le gouvernement conserve un certain contrôle tout en permettant des initiatives personnelles qui vont raccourcir beaucoup les délais sans attendre un délai infini.

Mme Lavoie-Roux: Ce que je comprends, c'est que votre objectif est de réduire les délais. Vous dites que c'est probablement la manière la plus fonctionnelle et la plus pratique de réduire des délais en ayant, dans le fond deux démarches possibles, c'est-à-dire celle qui se ferait par l'entremise d'un organisme d'adoption internationale reconnu au Québec oeuvrant dans certains pays et, s'ils n'oeuvrent pas à l'intérieur de certains pays, que ce soit le Secrétariat à l'adoption internationale qui puisse remplir cette fonction ou l'autre démarche qui dit: On remplit toutes les

conditions préalables, même celle d'obtenir -même si vous le critiquez un peu - le jugement a priori du Tribunal de la jeunesse. La démarche à l'intérieur du pays, vous la voyez comme une façon d'accélérer les choses,

M. Baillargeon: C'est exact.

Mme Lavoie-Roux: C'est exact. Bon.

M. Godin (Philippe): On prône fortement le fait que tout citoyen du Québec a le droit d'entreprendre des démarches légales dans les pays étrangers. On ne peut pas, comme État du gouvernement, envisager d'appliquer des lois qui vont restreindre ce qu'une personne québécoise peut faire dans un pays étranger. Donc, si quelqu'un va dans un pays étranger et procède à une adoption légale devant les juges dudit pays, on peut ramener l'enfant au Québec, comme cela se fait partout ailleurs; on ramène l'enfant dans le pays de l'adoptant et, immédiatement, tous les droits et effets du jugement sont automatiquement conférés è l'enfant. Il n'y a pas de situation double là-dedans. La raison pour laquelle on serait même prêts à aller jusqu'à accepter que les couples soient forcés, ici, au Québec, d'aller chercher un jugement avant de procéder...

Mme Lavoie-Roux: Pour cela, il faudrait qu'ils le veuillent.

M. Godin (Philippe): ...ou avant de faire un acte légitime et légal... c'est que c'est un bon remplacement pour le système qui existe actuellement où il faut aller chercher le jugement gouvernemental pour le faire. C'est cela qui fait que le système prend autant de temps et qu'il est tellement complexe. En fait, on ne prône pas plus l'accès à des enfants de façon légale dans les autres pays, comme cela s'est déjà fait dans le passé et comme il y a des gens que vous connaissez très bien qui ont procédé de cette façon.

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, cela est votre point de vue, il y en a d'autres qui l'ont exprimé. Il y en a même un - c'est celui qui est allé plus loin - qui a dit? C'est une affaire totalement libre; on part, on y va, on adopte et on revient. Il y a aussi les autres points de vue qu'on a entendus de la part du Barreau - je ne veux pas revenir là-dessus - qui pense que ce genre de démarche privée peut ouvrir la porte à des pressions sur des parents dans les pays étrangers et il dit qu'on devrait fonctionner par l'intermédiaire d'un organisme reconnu d'adoption internationale. Il y en a d'autres aussi qui voient cette ouverture, par le privé - je ne veux pas mettre en doute la démarche que peut-être un très grand nombre de parents du Québec ont faite comme cela - mais il reste qu'il y a plus de risques. Est-ce que vous pensez qu'il n'y a pas au moins un peu plus de risques quand des consentements sont obtenus par des parents qui peuvent être...

M. Godin (Philippe): On prône fortement, à la fédération, que les pays étrangers soient laissés à eux-mêmes pour régler leurs problèmes et pour contrôler les abus. Le Québec ne peut pas se faire législateur pour protéger les enfants des autres pays, c'est absurde. Le Québec peut protéger ses enfants; on n'est pas pour commencer à protéger et à défendre les droits des parents des autres pays. Si la loi d'un autre pays accepte qu'il y ait eu un jugement d'adoption et qu'un juge se prononce dessus, on tient pour acquis que l'on doit respecter le jugement de la cour d'un pays étranger et non pas en plus demander que l'État se prononce par-dessus le marché.

Mme Lavoie-Roux: On a entendu, à quelques reprises, le fait qu'on pouvait obtenir un jugement dans certains pays avec la signature d'un notaire ou d'un avocat, ou d'autres qui pouvaient... Enfin, on a mis en doute la qualité de ce genre de jugement qu'on pouvait obtenir. Je pense que cela...

M. Godin (Philippe): Le Québec... Oui?

M. Baillarqeon: Mme la ministre, ce n'est pas uniquement... Même par la filière gouvernementale, de tels abus peuvent exister. C'est évident que, si on veut prévenir, à l'origine, le trafic d'enfants, on peut employer des moyens draconiens qui rendent le système non fonctionnel. Est-ce que vous pouvez affirmer que, par la filière gouvernementale, le trafic d'enfants peut être évité en entier? Je ne pense pas que vous puissiez donner cette assurance. (18 heures)

Mme Lavoie-Roux: Écoutez, je pense qu'il n'y a personne dans aucun pays qui peut donner ce qenre de garantie, parce qu'il y a des individus qui circulent de part et d'autre. Je ne m'avancerais pas jusqu'à dire que c'est un... Mais je pense que le gouvernement a la responsabilité, en adoption internationale, de privilégier tous les moyens qui vont le rendre le plus étanche passible face à cette possibilité de trafic d'enfants. Si on considère que l'adoption internationale se fait entre deux pays, au moins, de notre côté, il faudrait mettre des garanties. Quand M. Philippe Godin dit: Préoccupez-vous des enfants au Québec - ce n'est pas exactement comme cela que vous l'avez dit - il ne faut pas se mêler de ce qui se passe dans les autres... On a quand même une responsabilité, celle que l'adoption internationale se fasse toujours en respectant l'intérêt de l'enfant, du parent adoptant et

du parent biologique qui donne son enfant. On ne peut pas dire que cela nous importe peu, pour autant qu'on soit très vertueux au Québec. C'est un peu plus compliqué que cela, ce n'est pas seulement, à mon point de vue, un acte interne du Québec. C'est là justement la complexité de la chose. Je pense que, là-dessus, on va s'entendre et on marche avec les autres pays.

Mon temps est écoulé. Je veux m'excuser, M. le Président, je dois aller au Conseil des ministres. Je voudrais vous remercier avant de partir. Je veux vous dire qu'on est en réflexion sur toutes ces choses; on est conscient des attentes des parents et on va essayer quand même, en respectant les principes fondamentaux sur lesquels, je pense, on ne peut pas changer d'idée ou qu'on ne peut remettre en question et qui sont les fondements mêmes de nos lois au Québec, de satisfaire le plus possible aux attentes des parents. C'est un projet de loi à l'étude, c'est un règlement à l'étude qui, de toute façon, devrait être révisé. Je vous remercie encore une fois de votre présence.

M. Baillargeon: Merci de l'occasion qui nous a été donnée de vous faire part de nos commentaires également.

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, à ce moment-ci, je dois avoir le consentement des deux côtés de l'Assemblée pour pouvoir continuer les travaux au-delà de 18 heures. Est-ce que j'ai ce consentement?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Je cède la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Au nom de ma formation politique, il me fait plaisir de vous accueillir ici, à cette commission parlementaire, et de pouvoir justement faire la lumière sur les préoccupations des parents adoptants, toujours pour le mieux-être et dans le meilleur intérêt de l'enfant.

Ceci m'amène à vous poser des questions. L'intervenant qui vous a précédé a fait grand état du respect des pays étrangers et aussi du respect des tribunaux étrangers. Finalement, c'est très difficile pour un pays de s'immiscer dans les procédures internes et dans les lois des autres pays, parce que cela pourrait être considéré comme de l'ingérence étrangère. Vous en avez fait état aussi dans votre document. Je ne sais pas si c'est faire preuve de clairvoyance ou de prudence, parce que vous avez étudié davantage le projet de loi, mais je pense que cela va exactement dans le sens de cet éminent juriste qui connaît très bien l'adoption internationale.

L'autre aspect, et je pense qu'on a beaucoup fait état de tout cet aspect, concerne le jumelage du projet et sa reconnaissance. J'aimerais plus m'y attarder, parce qu'on a souvent fait ressortir que le projet d'une adoption internationale avait deux volets: un volet judiciaire et un volet administratif. Finalement, ce n'est pas en changeant le volet judiciaire que le volet administratif s'en portera mieux.

J'aimerais que vous m'expliquiez, si vous abondez dans ce sens, si le projet de loi 21, tel qu'il est écrit, va corriger les problèmes que peuvent vivre actuellement les parents. Sinon, de quelle façon devrait-il être amélioré et de quelle façon ne respecte-t-il pas ou ne convient-il pas à un projet de démarche de parents adoptants?

M. Godin (Philippe): On reconnaît facilement tous les problèmes et tous les objectifs que le gouvernement du Québec se donne à atteindre. Les problèmes inhérents à l'adoption internationale, on les connaît, on voit les mêmes. Pour répondre succinctement à votre question, le projet de loi • 21 ne contribue aucunement à corriger les problèmes qui existent actuellement ou à satisfaire aux besoins imminents qui sont devant nous.

Nous recommandons d'une façon claire le retrait du projet de loi 21 et le respect de la toi qui existe actuellement avec quelques modifications, lesquelles sont purement administratives. Qu'on respecte le fondement en droit qui dit que l'adoption plénière n'est pas requise présentement au Québec. Ce n'est pas la règle de droit qui existe au Québec. Deuxièmement, qu'on permette aux Québécois d'avoir accès aux juridictions étrangères qui permettent l'adoption d'une façon légale devant les tribunaux étrangers. Un autre aspect fondamental serait que le rôle de l'état soit limité à une relation d'aide plutôt qu'à une relation de surveillance, d'autorisation et de contrôle. C'est dans le respect des lois étrangères et des pays étrangers que nous voulons que l'adoption s'effectue. On veut, finalement, doter d'enfants les couples québécois qui n'en ont pas, mais, d'une façon primordiale, on veut protéqer les enfants aussi. Le projet de loi 21 rend la situation tellement complexe, tellement lonque et tellement coûteuse sur le plan émotionnel que, à toutes fins utiles, il y a plusieurs enfants qui ne viendront jamais au Québec, qui, heureusement, iront dans les autres provinces canadiennes ou ailleurs à travers le monde On va ouvrir la porte à des moyens alternatifs pour que les qens puissent adopter des enfants. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, certains couples québécois ont le désir d'avoir une famille, d'avoir un enfant -c'est un besoin inhérent à la survie, la reproduction - d'avoir une famille. Ce sont des besoins fondamentaux chez l'individu. Un texte de loi qui stipule les critères d'admissibilité et les conditions d'adoption,

tels qu'on les voit dans le projet de loi 21, va rendre tellement difficile le processus que, à toutes fins utiles, plusieurs personnes vont complètement laisser faire le processus d'adoption. Ça va être une situation très alarmante.

Mme Vermette: Je pense que vous avez fait état que, finalement, le projet de loi 21 ne vous satisfait pas et qu'il faudra peut-être le reprendre complètement ou, en tout cas, lui apporter énormément de corrections, surtout si on veut l'harmoniser à la suite des propos qu'a tenus M. Opertti Badan dans son exposé tantôt. Je pense que ce sera très important de voir à tous ces aspects.

L'autre aspect que j'aimerais aussi aborder, c'est que pour les parents, pour la plupart des parents adoptants, l'identité culturelle de l'enfant est importante. Est-ce que le maintien du lien de filiation pourrait être un problème pour la majorité des parents adoptants?

M. Baillargeon: Je ne pense pas du tout. Le maintien d'un lien de filiation, il faut bien s'entendre... Premièrement, il varie de pays en pays. Ce n'est pas le même genre de lien de filiation qui peut être maintenu... Vous parlez, évidemment, d'adoption simple, je présume?

Mme Vermette: Toujours dans le cas d'une adoption simple.

M. Baillargeon: Parlons de façon très concrète. Les parents adoptants sont tellement heureux d'adopter un enfant que, lorsqu'ils l'ont, ils ne se demandent pas s'il s'agit d'une adoption simple ou d'une adoption plénière. La majorité des parents n'en ont même pas conscience. Il s'agit, évidemment, d'un phénomène nouveau, parce que ce n'est que très récemment que la distinction a été formulée par le gouvernement, parce qu'elle n'existe pas dans la loi en ce moment, nulle part, dans aucune loi ou aucun règlement, sauf, évidemment, dans le décret de décembre dernier.

Alors, de savoir s'il subsiste un certain lien de filiation, il est probable que la plupart des parents qui ont déjà adopté n'en connaissent même pas l'existence. Mais, sur un plan parfaitement pratique, trè3 souvent, le lien de filiation qui subsiste ne permet pas aux parents biologiques, de toute façon, de revenir en arrière, de changer d'idée et de reprendre l'enfant. Je pense que c'est ce qui serait théoriquement la principale crainte des parents adoptants. À partir du moment où la seule façon de défaire l'adoption, si vous voulez - en fait, c'est ça qui fait que c'est une adoption simple - à partir du moment où la seule façon de le faire provient du parent adoptant lui-même, comment est-ce que le parent adoptant peut avoir une insécurité psychologique lorsque ça dépend uniquement de lui de défaire ce lien-là'' II existe certains cas relativement rares où l'adopté lui-même peut le faire, mais c'est toujours avec le consentement du parent adoptant. Alors, en définitive, ce n'est pas une crainte qui existe vraiment.

Mme Vermette: II est arrivé souvent que le secrétariat ait utilisé l'arqument que l'adoption simple était une raison pour refuser d'agir dans un projet d'adoption. Il y a eu le décret et, finalement, c'est devenu tout ambigu, parce qu'on me disait que, dans certains cas, il y a eu des cas d'adoption simple qui ont été amnistiés et, dans d'autres cas, on a été obligé de passer devant les tribunaux. Est-ce que c'a eu des conséquences, le décret, en ce qui concerne la facilité et est-ce que l'attitude du secrétariat était claire pour vous par rapport à ces exigences''

M. Godin (Philippe): Le décret ne clarifiait aucunement le contenu du Code civil du Québec. Le décret clarifiait la position qu'avait adoptée le secrétariat à l'adoption visant à contrôler les adoptions à l'étranger. L'existence d'un lien de filiation entre un adopté et une autre personne, ce n'est pas une nouvelle question dans l'esprit de la loi québécoise. Comme on l'a dit dans notre mémoire, parmi le quart de million de Québécois qui sont présentement en situation d'adoption au Québec - il y a un quart de million de personnes à adopter - il y en a plusieurs milliers qui ont aussi des liens de filiation avec d'autres personnes dans la province de Québec même.

Que l'on tente de léqiférer pour appliquer une condition dans les pays étrangers et qu'on ne la requiert même pas pour l'adoption au Québec, premièrement, on trouve cela très malencontreux. D'autre part, que le secrétariat à l'adoption s'improvise législateur pour déterminer si, au Québec, la loi voulait dire telle chose ou telle autre chose et qu'en plus il se permette d'analyser les lois étrangères pour voir si, effectivement, c'est de l'adoption plénière ou simple, on trouvait cela fastidieux et onéreux, autant qu'on peut trouver la tâche fastidieuse et onéreuse de demander au secrétariat à l'adoption ou aux autres organismes gouvernementaux de faire le tour des 330 juridictions internationales pour voir si un consentement étatique pourrait être conclu. On n'est pas du tout à notre place.

On devrait fonctionner comme on fonctionne ailleurs dans le monde, une politique d'adoption très simple: aller chercher un jugement léqal dans le pays étranger, revenir dans le pays de façon légale avec l'enfant, inscrire l'enfant dans les registres d'État de la province en question. Les effets de l'adoption deviennent

automatiquement ceux qui se retrouvent dans le pays ou l'État d'où proviennent les parents adoptants. La question est simple. Pourquoi se compliquer les choses avec les règlements et les conditions que l'on retrouve dans le projet de loi 21? On ne trouve pas cela dans les lois, nulle part ailleurs. C'est seulement au Québec où on impose des restrictions aussi importantes et aussi complexes que cela. Veut-on, à toutes fins utiles, contrôler à 100 % ce qui se passe dans l'adoption et ainsi maîtriser le processus pour savoir qui va faire des adoptions ou non? Est-ce qu'on vise plutôt à anéantir l'adoption internationale d'une façon claire? Ce sont les questions qu'on se pose.

Mme Vermette: Ceci m'amène à vous poser une autre question. Au chapitre des délais et de l'évaluation des parents, il y a eu plusieurs délais. Je pense que plusieurs parents se sont plaints des délais parce que, très souvent, il y a un manque de ressources à différents niveaux, que ce soit un manque de ressources dans les CSS, que ce soit pour faire l'évaluation, que ce soit un manque d'information ou un manque de la part du secrétariat à l'adoption. Cela fait que, finalement, il n'y a pas toujours de correspondance ou de coordination entre certains intermédiaires dans les démarches des parents avec les CSS. Est-ce que vous avez fait le même constat chez vous aussi? Est-ce que c'est différent?

M. Baillargeon: Ah non! C'est exactement le même constat. Il n'y a pas de doute. Mais, de là à vous dire quelle est la cause originale du délai... C'est que rien ne se fait. Vous dire pourquoi rien ne se fait...

Mme Vermette: Quand vous dites que rien ne se fait, c'est assez gros comme affirmation. Qu'est-ce que cela veut dire? Pour moi, rien, c'est rien. On est vis-à-vis de rien.

M. Baillargeon: D'accord. Je vais vous donner l'exemple typique. Je suis moi-même un parent en attente d'adoption. Vous déposez votre demande auprès d'un centre de services sociaux et vous attendez. Vous pouvez attendre jusqu'à trois, quatre ou cinq ans avant d'avoir un signe de vie, sinon une lettre annuelle vous donnant dix jours pour répondre que vous êtes toujours intéressé à adopter, sans quoi votre nom sera biffé de la liste d'attente. On vous dit également le nombre d'adoptions qui ont été faites l'année précédente.

Au premier anniversaire de ma propre demande, on m'a fait état du fait que je devais répondre dans les dix jours et que 25 enfants avaient été adoptés sur le plan international, l'année précédente. C'est le Centre de services sociaux du Montréal métropolitain. L'année suivante, au deuxième anniversaire, j'ai reçu une autre lettre de même nature. On me disait qu'il y avait eu 30 adoptions internationales l'année précédente. On dit que les délais sont lonqs. Êtes-vous toujours intéressé? Dites-le-nous dans les dix jours, sinon votre nom est enlevé de la liste. C'est le genre de communications que nous avons. Par la suite, éventuellement, il y a une communication lorsque votre nom arrive au haut de la liste. À ce moment-là, le processus est en marche, mais c'est très long avant d'avoir des nouvelles. (18 h 15)

M, Godin (Philippe): Si je peux renchérir à ce chapitre. Simplement en termes de comparaison, le temps qui s'écoule entre la date de la demande d'une adoption étrangère et la fin de l'étude familiale dans les autres provinces est de deux à quatre mois, parfois cinq mois. Quand ils sont très occupés, cela peut prendre six mois pour que toute la documentation soit expédiée dans le pays étranger. Ici, au Québec, avec le même procédé, une étude sociale peut prendre cinq ans. Il y a quelque chose qui ne marche pas quelque part là-dedans, c'est sûr. On peut pointer du doigt soit le Secrétariat à l'adoption internationale qui ne remplit pas ses fonctions, le CSS qui ne remplit pas ses fonctions, le DPJ qui ne remplit pas ses fonctions, le manque de ressources humaines physiques, matérielles et économiques ou quoi que ce soit. Mais trouver les causes de cela, ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on ait une politique d'adoption claire et un moyen de le faire qui soit facile, qui favorise l'adoption. Qu'on nous accueille dans les centres de services sociaux, ici, au Québec, comme des gens qui amènent un problème, soit l'adoption internationale, je trouve qu'on part du mauvais pied. Si, dans les autres provinces, on accueille les qens, on leur donne l'information nécessaire pour qu'ils sachent à quoi s'attendre de l'enfant qui entre, quoi dire à nos familles, comment on va réagir au fait que peut-être on va avoir un enfant d'une autre race, c'est une information qu'il serait intéressant d'avoir ici au Québec, et non pas seulement une structure administrative et bureaucratique qui, à toutes fins utiles, va étouffer le système.

Mme Vermette: Est-ce que... Oui?

M. Baillargeon: Si on regarde les listes d'attente, 1500 personnes, ce n'est pas grand monde, finalement, et administrer cela semble être une montaqne extraordinaire. Mais, si on regarde juste le nombre de réfugiés qui sont entrés au Québec l'année dernière - je pense que c'est 6000 ou 7000 -on administre bien ce flux de nouvelles personnes. Et 1500 personnes accumulées au

cours des années, ce n'est pas énorme. Il y a certainement des façons d'améliorer le système à ce niveau-là.

Mme Vermette: Qu'est-ce que vous entendez quand vous dites que l'on fait abstraction de l'aspect humain? J'aimerais bien savoir c'est quoi, finalement, dans un projet d'adoption.

M. Godin (Philippe): C'est clair que pour les parents qui se retrouvent dans une situation où ils ne peuvent pas avoir d'enfants naturels, c'est une situation très déplaisante et émotionnellement très difficile à vivre. Il y a plusieurs de nos membres qui vivent cette situation. On fait face à cela, on tente le chemin médical, on tente des interventions chirurgicales, on fait des tests, on prend des mesures, tout le "kit". C'est une batterie de tests qui sont déjà assez épuisants. À la suite de cela, on procède à l'évaluation personnelle, à savoir si on est apte à faire de l'adoption, parce que juste le concept de l'adoption ce n'est pas tout le monde qui l'accepterait. Donc, quelques mois s'écoulent, on remet en question notre capacité d'être des parents adoptants, notre capacité d'accueillir un enfant qui n'est pas biologiquement le nôtre, etc. Une fois ce processus fait, on se retrouve devant le fait où il n'y a pas d'enfants pour l'adoption, ou presque pas. Cela prendrait une quinzaine d'années ou une douzaine d'années. On recommence le processus d'introspection qui veut définir si on est capable d'aller chercher un enfant dans un autre pays sachant qu'il y a des chances que ce soit un pays d'une minorité visuelle, que ce soit un enfant d'un autre pays, en tout cas, une série de choses pour lesquelles on se demande si on est capable de les faire.

Une fois qu'on a intégré cela dans notre vie personnelle de couple et qu'on a passé à travers toutes les autres étapes, on arrive à cette question: Comment doit-on procéder pour adopter un enfant? Dans notre tête, on sait qu'il y a plusieurs millions d'enfants qui meurent chaque année dans le monde et qu'il devrait y en avoir quelques-uns qui sont adoptables. Cela ne peut pas prendre cinq ans ou sept ans. Le processus inhumain commence lorsqu'on regarde le projet de loi 21 où c'est écrit qu'il faut dès le départ faire une demande dans les CSS, demander l'approbation d'un juge avant de procéder à un acte complètement légal - ce qui est un peu inusité - et qu'il faut après cela avoir notifié le Procureur général du Québec qui s'occupe des enquêtes criminelles et des poursuites; après cela, il faut vérifier avec le Directeur de la protection de la jeunesse, la seule personne responsable au Québec des personnes qui abusent des enfants. C'est un processus qui manque d'humanité. Là-dedans, on ne retrouve rien ou presque rien en termes d'information, d'appui, d'aide, de formation ou d'information qui pourrait être donné aux parents. Le côté humain disparaît complètement. On prend un acte d'amour et on en fait un acte tellement difficile et contraignant que la plupart des gens vont laisser faire; cela ne se peut pas. L'adoption devrait être un acte humain. On devrait penser aux enfants et pas seulement à la possibilité, aussi abstraite soit-elle, que d'ici 50 ans quelqu'un d'un autre pays ou d'une autre province revienne réclamer l'enfant. Cela n'a jamais eu lieu au Québec. Cela ne s'est jamais passé en Amérique du Nord. Dans l'abstraite possibilité qu'il y aurait du trafic d'enfants à l'avenir avec la loi qu'on a, eh bien, il n'y en a pas de trafic d'enfants au Québec avec la loi qu'on a. Il n'y en a pas eu de cela. Il n'y a personne qui a déjà soulevé cela ici. On est en train de se battre contre des moulins avec la bureaucratie et on perd l'intérêt des personnes et on perd l'humanité.

Mme Vermette: Il y a l'aspect humain qui est très important. Vous avez surtout parlé de l'aspect humain dans l'ensemble, dans la globalité du projet et aussi d'un geste humanitaire. À votre façon, cela répond à de l'entraide internationale.

II y avait aussi l'aspect humain en ce qui concerne l'évaluation des parents. Est-ce que vous croyez que l'évaluation devrait être faite par des professionnels en cabinet privé et, si c'était le cas, que les coûts devraient être défrayés par le gouvernement ou une partie, du genre des petites créances ou...

M. Godin (Philippe): Les exigences d'adoption sont posées la plupart du temps par l'État étranger. Si l'État étranger veut absolument que ce soit un psychiatre, un médecin, un psycholoque et un travailleur social, qu'on réponde à ce besoin. Lorsqu'il n'y a pas de besoin spécifique, à savoir quel praticien devrait faire l'étude sociale, on pourrait demander à l'État du Québec de le faire pour autant que c'est fait dans les délais raisonnables, peut-être un mois ou deux au maximum. Il faudrait que les critères d'évaluation de cette enquête sociale soient bien définis et régis, soit par la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux, des psychologues du Québec ou quelqu'un dans le genre afin d'éviter qu'on pose des questions d'une section de la province à l'autre. Les questions qu'on pose aux parents désirant adopter sont tellement diverses et il y a tellement d'injustice là-dedans qu'il faudrait que ce soit homogénéisé et que ce soit régi par la corporation professionnelle des gens qui sont demandés pour faire l'évaluation.

Le Président (M. Bélanger): Le temps est écoulé.

Mme Vermette: Je veux juste vous remercier et vous dire que, j'imagine, il y aura beaucoup d'autres choses qui seront prises en considération, qu'on devra s'arrêter sur les recommandations des différents mémoires qui nous ont été présentés. Il y a une partie de vos recommandations qui est très importante. Ce que j'ai en mémoire c'est, lorsqu'on se penche sur ce projet, qu'il faut rester humain et avoir une approche très humaine toujours dans l'intérêt de l'enfant. Je vous remercie bien.

Le Président (M. Bélanger): Je remercie M. Philippe Godin et Me Claude Baillargeon, de la Fédération des parents adoptants du Québec, pour leur contribution à notre commission.

Mémoire déposé

Auparavant, je voudrais demander à la commission si elle est d'accord pour une dérogation à l'ordre du jour, ce qui nous permettrait de procéder tout de suite au dépôt d'un mémoire fait par l'Association des parents adoptifs du Québec inc. Je ne sais pas s'il y a des représentants de l'Association des parents adoptifs ici. Non. C'est tout simplement pour m'autoriser à faire le dépôt immédiatement. Est-ce que j'ai le consentement?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Donc, j'autorise le dépôt du mémoire de l'Association des parents adoptifs du Québec inc. J'appelle Me Clément Massé.

Me Clément Massé

Si vous permettez, Me Massé, connaissez-vous un peu les procédures des travaux de la commission?

M. Massé (Clément): Oui.

Le Président (M. Bélanger): Vous bénéficiez d'une période de 20 minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, chaque parti a une enveloppe globale de 20 minutes, qui comprend questions et réponses, pour procéder à l'étude de votre mémoire.

Je vous invite à nous présenter votre mémoire dès maintenant. Merci.

M. Massé: Je ne sais pas si ce sera une période de 20 minutes d'avocat ou une période de 20 minutes de politicien, mais étant donné...

Le Président (M. Bélanger): C'est la même durée, c'est chronométré.

M. Massé: C'est chronométré. De toute façon, je vais essayer d'être bref en tenant compte d'un aspect humain pour commencer sur le même ton sur lequel on a fini tout à l'heure parce qu'il est 18 h 20 et je ne voudrais pas abuser de votre patience. Je voudrais aussi éviter de répéter des choses que j'ai entendues et que vous avez comprises, je pense.

J'aborde l'aspect humain, qui semblait préoccuper Mme la députée tout à l'heure, en disant que les besoins des parents en matière d'adoption internationale sont de cinq ordres. D'abord, ils ont besoin d'information pour connaître la loi du pays où ils veulent s'adresser, connaître quels pays offrent de l'adoption internationale lorsqu'ils n'en sont pas au courant, connaître la loi, connaître les accords avec ces pays lorsqu'il en existe, connaître les intermédiaires qui sont reconnus et qui peuvent aider à favoriser une adoption dans ces pays. Alors, cela est une attente des parents.

Ils ont ensuite besoin d'appui en cours de route dans la réalisation de chacune des étapes. Ils ont besoin, par exemple, d'évaluation. Ils peuvent avoir besoin de services juridiques. Ils peuvent avoir besoin de différents autres services. Je pense qu'il faut répondre à cette attente aussi.

Troisièmement, il faut s'assurer qu'il y ait une certaine cohésion dans les politiques d'immigration de la province de Québec en regard de l'adoption internationale. Je ne vois pas pourquoi on devrait éliminer l'adoption internationale lorsqu'on se déclare et qu'on se revendique le statut de pays ouvert en matière d'immigration. Il s'agit tout simplement de le réglementer. Il faut évidemment empêcher le commerce des enfants et finalement respecter les lois des pays étrangers.

Ce sont cinq aspects qui me paraissent importants et qui doivent être abordés lorsque l'on traite de l'adoption internationale.

J'ai recommandé dans ma démarche, dans le document que je vous ai remis, l'abolition du secrétariat à l'adoption. Vous avez pu constater que je ne l'ai pas fait avec une très grande conviction bien que j'y croie encore. Si j'ai immédiatement, et de façon plus élaborée, passé à l'autre aspect, c'est que j'ai présumé, par le texte du projet de loi, que cela n'était pas l'orientation politique actuelle. Mais je vais quand même vous exprimer pourquoi, d'après moi, c'est un intermédiaire supplémentaire et inutile. Je vais le faire parallèlement en valorisant te rôle des autres organismes qui ont démontré beaucoup plus d'humanité et qui se sont montrés beaucoup plus à point pour répondre aux attentes des parents au cours des dernières années, et je parle des divers organismes d'adoption internationale qui sont reconnus par le gouvernement, dont certains sont venus témoigner devant vous.

Je ne vois pas pourquoi on multiplierait les intervenants et pourquoi on garderait le secrétariat à l'adoption alors que ces organismes peuvent donner toute l'information, peuvent recevoir l'appui du ministère des Affaires extérieures du Canada, des Affaires intergouvernementales du Québec et du ministère de la Santé et des Services sociaux, peuvent recevoir la documentation. Supposons qu'ils signent un accord avec un pays, on le transmet è ces organismes pour qu'ils le diffusent aux gens qui le demandent.

Ils peuvent très bien jouer ce rôle d'information. Ils peuvent très bien jouer le rôle d'appui moral, psychologique, aussi, en cours d'exécution. Et on n'a pas besoin d'une grosse boîte pour aller négocier dans les pays étrangers. Je pense que cela pourrait relever directement du bureau du ministre. Il pourrait y avoir au bureau du ministre une personne chargée de coordonner, d'évaluer les organismes, de les reconnaître, de superviser leur travail, de négocier avec les pays étrangers lorsque cela s'impose, et de faire la diffusion.

Que le ministre, lui, pour ses besoins, ait une équipe, qu'il l'appelle le secrétariat à l'adoption, cela ne me dérange pas, mais le public, le parent adoptant ne devrait pas avoir autant d'intermédiaires. II a déjà dans sa région le directeur de la protection de la jeunesse - et cela me paraît suffisant - qui surveille, si vous voulez pour le Tribunal de la jeunesse, l'évaluation, et qui joue le rôle de protecteur de l'intérêt public. Dans la démarche vers le pays étranger nous aurions alors l'organisme reconnu par le gouvernement. (18 h 30)

C'est la raison pour laquelle je trouve que cet organisme n'a pas réussi au cours de ces années d'existence à démontrer qu'il était utile, à part que d'entraver l'activité des parents en adoption. J'en témoigne, j'ai déposé cela à la toute dernière minute tellement je ne veux rien savoir de cet organisme, et je vais vous dire pourquoi je l'ai fait.

J'ai adressé à Mme Thérèse Lavoie-Roux, au premier ministre, M. Robert Bourassa, et à Mme Huguette Bisailion, avant les fêtes, un document dans lequel on s'est révolté. Vous savez, on est un groupe de parents en adoption internationale, entre Montmagny et Rimouski, qui se réunit deux fois par année. On est 70 familles et, deux fois par année - on fête Noël et on fête l'été -... Et on est toujours 125 ou 150 personnes. On collabore avec le CSS et on invite aussi les parents qui sont en projet d'adoption. On était à Saint-Michel-du-Squatec. On a appris l'histoire du fameux arrêté en conseil et qu'une série de personnes perdaient leur démarche d'adoption internationale parce qu'il y avait eu cette trouvaille. On a demandé la tenue d'une commission parlementaire et j'en suis content. Pour être conséquent avec moi-même, comme ''j'avais acheminé cette revendication, je suis ici.

Une autre raison. Parmi les gens qui étaient là, ceux qui avaient un projet en marche et ceux dont les démarches n'étaient pas encore terminées n'ont pas signé le document. Pourquoi? Parce qu'ils avaient peur. Ces gens, depuis deux ou trois ans, faisaient l'objet de chantage de la part du secrétariat à l'adoption et se faisaient conter des histoires. Ils avaient peur d'être pointés du doigt si leur nom apparaissait là-dessus, et d'être mis de côté. C'est la relation de confiance actuelle des gens. Ce ne sont peut-être que des préjugés. En tout cas, si vous voulez évaluer l'utilité de cet organisme et la vision des parents d'adoption sur le territoire, je peux vous dire que c'est très négatif. Je pense qu'il fallait qu'on le dise et c'est pour cela, entre autres, que je suis ici.

On m'a confirmé hier soir... Nous avons adopté, en 1982... On a chevauché entre l'ancien système et le nouveau. On entend toujours des choses. À un moment donné, hier soir, j'ai été à même de vérifier encore que ce que les gens me disaient était exact et que ce sur quoi ils témoignaient était exact. Par exemple, à la télévision, à l'émission Le Point, j'entendais la directrice nous dire, encore une fois, qu'au Québec le législateur, en 1982 ou en 1983, avait voulu l'adoption plénière, alors que depuis que c'est soutenu... Je m'excuse auprès de Mme Lavoie-Roux; elle est partie, mais tout à l'heure elle disait: Ce n'est pas vrai; tous les jugements ne sont pas unanimes. Je m'excuse, mais je ne connais pas de jugement qui ait soutenu la position du secrétariat à l'adoption là-dessus.

C'est un peu comme si je vous disais que ce mur est noir, que vous étiez 50 à me dire qu'il est blanc, mais que je continuais à dire qu'il est noir. Je pense qu'un jugement est là. Cette chose a été établie et on continue encore à nous faire valoir des positions contraires à ce que l'autorité autorisée a décidé, a déterminé, à savoir que cette notion d'adoption plénière était une création qui n'existait pas dans le Code civil. À partir du moment où cet organisme me paraît avoir joué un rôle de trouble-fête, j'aimerais mieux que ce soit le ministre, avec du personnel plus proche relevant directement du ministre, qui soit responsable de ce secteur de l'adoption internationale et qui soit responsable du choix des orqanismes qui oeuvreraient dans les pays.

Pour répondre à une question qu'on posait tout à l'heure, je pense que ces organismes pourraient oeuvrer dans des pays où l'on trouve des volontaires prêts à y oeuvrer, mais dans les pays où il n'y a pas

de tels organismes. On ne devrait pas empêcher l'adoption internationale. Il s'agirait tout simplement à ce moment-là que l'on respecte les voies diplomatiques ou juridiques normales pour faire reconnaître la validité des jugements rendus dans les pays étrangers où le gouvernement du Québec n'aurait pas d'organisme reconnu et accrédité.

En somme, le régime que je voi3 à cela est le suivant: Le parent s'adresse à son directeur de la protection de la jeunesse et il se fait évaluer. On le réfère à un organisme d'adoption internationale s'il s'adresse à un pays où il y en a un; sinon, il a la propre responsabilité et la propre charge d'aller s'informer dans le pays où il veut faire l'adoption, de faire ses contacts, de s'adresser au tribunal de ce pays, de faire une adoption légale selon le pays et, ensuite, de la faire reconnaître au Québec. Autrement dit, je pense que l'État n'a pas à s'élever en superprotecteur des parents qui adoptent. Ce sont les enfants qu'il faut protéger. L'obligation que l'on a pour protéger les enfants, c'est d'évaluer les parents pour nous assurer que ces parents sont capables et responsables pour s'occuper d'enfants.

Mais, en ce qui concerne l'enfant lui-même, comme il est encore citoyen du pays étranger, il faut s'en remettre à la loi de ce pays étranger et, à partir du moment où on fait l'adoption conformément à cette loi, on doit respecter le jugement. Je suis heureux car, tout à l'heure, j'ai entendu le représentant de l'Uruguay, spécialiste en droit international, je pense. Un de vos collègues lui a posé une hypothèse qui est à peu près l'hypothèse générale que l'on retrouve, et il a dit: Oui, c'est un jugement légitime. Alors, cela fait des années qu'au chapitre de ceux impliqués dans l'adoption internationale on dit que c'est justement ce qui devrait se faire.

Le projet de loi tel que présenté ne répond pas à cette entente et on devrait l'adapter pour favoriser l'adoption internationale en respectant la loi du pays où l'enfant est adopté.

Ce que je soupçonne de plus malheureux dans le projet de loi, c'est qu'il ne répond pas à la question principale: Est-ce que l'on veut de l'adoption internationale ou est-ce qu'on n'en veut pas? On crée tellement de complications et de mécanismes qu'on fait finalement comme si on n'en voulait pas. Par contre, on est supposé être une province et un pays ouverts aux étrangers, à l'immigration. Cela me paraît contradictoire. C'est pour cela que j'espérais que le projet de loi dirait plutôt ou poserait comme principe: On est pour l'adoption internationale. Qu'on la régisse et qu'on passe par le respect de la loi du pays étranger, je suis tout à fait d'accord avec cela et je serais surpris que les gens contestent une telle approche.

En gros, c'est mon approche, mon témoignage. Je préférerais qu'on aille plutôt sous forme d'échanges pour compléter.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Me Clément Massé. Je cède la parole au député de...

M. Leclerc: Taschereau.

Le Président (M. Bélanger): ...Taschereau. Excusez-moi; j'avais un trou de mémoire.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Merci, M. Massé.

D'abord, je crois que vous étiez là tout à l'heure lorsque la ministre a dû s'excuser pour se rendre au Conseil des ministres. Elle me prie de vous transmettre ses excuses de ne pouvoir assister à votre exposé. Elle a, bien sûr, pris connaissance du document et elle sera mise au fait des questions et réponses des 40 prochaines minutes.

Je voudrais vous féliciter pour votre travail. Si j'ai bien compris, vous regroupez en quelque sorte, quelques fois par année, des parents qui ont soit déjà adopté ou qui sont...

Une voix: En voie d'adoption.

M. Leclerc: ...en voie d'adoption. Je retiens surtout de ce que vous avez dit que vous avez parlé de témoignages. Vous êtes passé par là et je comprends que vous puissiez avoir certains commentaires relativement durs, compte tenu que vous avez vécu des périodes difficiles. Cependant, vous me permettrez de vous demander de préciser certains passaqes.

Mais, avant cela, il y a juste une petite irrégularité, si vous me permettez l'expression. Vous avez semblé dire à un moment donné que Mme la ministre, avant son départ, avait dit qu'il y avait des jugements, que l'interprétation différait d'un jugement à l'autre de la loi actuelle.

M. Massé: Ce n'est pas cela. J'ai cru... En tout cas, allez-y.

M. Leclerc: Je vais juste terminer. Vous sembliez dire qu'à votre connaissance il n'y en avait pas. Est-ce qu'on s'est bien compris? Quand on parle d'adoption simple versus adoption plénière.

M. Massé: Je prétends que les jugements du Québec vont dans le sens que, même dans le cas des adoptions simples dans les pays étrangers, les tribunaux du Québec ont reconnu qu'il s'agissait d'adoptions légales, au sens de la loi du Québec, alors

que j'ai cru comprendre tout à l'heure de Mme Lavoie-Roux qu'elle disait qu'il y avait des jugements à l'effet contraire. S'il y en a, en tout cas, ils n'ont jamais été diffusés, disons pas à ma connaissance.

M. Leclerc: On va arrêter la discussion là-dessus; on me dit que ce n'était pas tout à fait cela; il faudrait relire les galées et on n'en sortirait pas. Comme elle n'est pas là pour se défendre elle-même, c'est un petit peu...

M. Massé: D'accord. Ce n'est pas une accusation que je voulais lui faire. Je voulais simplement lui préciser que, s'il existait des jugements à savoir que l'adoption simple n'était pas reconnue au Québec, moi, je n'en connaissais pas et j'aurais aimé qu'on m'en donne.

M. Leclerc: À notre connaissance, il y aurait effectivement trois jugements. Disons qu'on pourrait vous en fournir copie.

M. Massé: Ah! Je l'apprécierais énormément.

M. Leclerc: Bien. C'est noté, Mme... J'ai bien lu votre document et, à la page 3... Vous parlez souvent du secrétariat et je sens que vous avez un peu, le moins qu'on puisse dire...

M. Massé: J'avais un message à faire de ce côté-là.

M. Leclerc: Oui, bien enfin, c'est votre droit le plus strict et c'est sans doute l'une des motivations qui fait que vous êtes ici parmi nous. Vous parlez, en termes relativement durs, de discrimination, de passe-droit ou de démotivation. Quant à la démotivation, je suis capable de concevoir qu'un moment donné, si cela dure trop longtemps, cela démotive les parents qui veulent adopter. Mais lorsque vous parlez de discrimination, encore là, je peux essayer de comprendre parce que vous avez dit: Les gens ont refusé de signer craignant d'être discriminés. Là, je continue à comprendre. Mais quand je voi3 "passe-droit", là, je comprends moins.

M. Massé: Cela pourrait aller plus loin que cela.

M. Leclerc: Là, je vous dis que je suis capable de comprendre le mot "discrimination"; je suis capable de comprendre le mot "démotivation", mais "passe-droit", qu'est-ce que cela veut dire?

M. Massé: Les passe-droits, je vous donne un exemple, c'est ceci: Ma collègue, Me Estelle Tremblay de Chicoutimi a obtenu récemment un jugement qui concernait un cas du Brésil; d'accord? Or, pendant que ce cas était en attente, il y a eu d'autres adoptions du Brésil qui sont rentrées. Alors, c'est cela que j'appelle un passe-droit. Comment se fait-il que tout le monde ne soit pas traité de la même façon?

M. Leclerc: Je pense que c'était le Guatemala, mais enfin...

M. Massé: Non, non. Est-ce que c'est du Guatemala? En tout cas, peu importe le pays. Je veux dire...

M. Leclerc: Oui, enfin c'est un détail. Une voix: Ce sont les Brassard...

M. Massé: Oui, ce sont les Brassard, c'est cela; cela se peut que ce soit le Guatemala.

Voulez-vous que je vous parle d'un autre passe-droit? Je suis allé pour adopter dans un pays et j'ai passé près de faire de la prison, au Guatemala justement, parce que je n'étais pas traité de la même façon que tout le monde, parce que je faisais affaire avec l'avocat Jean Francoeur et que, à cette époque, au ministère des Affaires sociales, on avait décidé de boycotter Jean Francoeur. Comprenez-vous? Alors, je devais prendre l'avion avec les quatre femmes qui ont été emprisonnées, qui se sont fait accuser d'avoir fait l'achat d'enfants, mais qui ont été acquittées. Mais, au Québec, on a continué à les discriminer. Quand on faisait affaire avec Jean Francoeur, le dossier était mis de côté. Le meilleur service que je peux rendre à mes clients, c'est de leur dire qu'ils ne m'ont pas comme avocat. Alors, à ce moment-là, je travaille en arrière; je leur aide à préparer les documents et puis, c'est cela, de la discrimination, c'est que les qens ne sont pas reçus de la même façon, selon les personnes avec qui ils font affaire.

M. Leclerc: D'accord. Cela était en 1982? Enfin dans les années 1981-1982.

M. Massé: J'ai chevauché entre le temps de Roland Guérin et le début du secrétariat à l'adoption. Mon enfant est entré au pays au mois d'octobre 198?. D'après moi, le secrétariat à l'adoption a commencé vers le mois de juillet 1982, sauf que, à cette époque, un peu comme on l'a fait ici, on a commencé à appliquer d'avance les nouvelles règles sur lequelles on voulait légiférer en 1982. C'est pour cela que j'ai eu des problèmes.

M. Leclerc: Sauf qu'en vous écoutant tout à l'heure parler du secrétariat à l'adoption et parler de certaines personnes qui ont refusé de signer, etc., vous avez aussi dit un certain moment donné: Peut-être

s'agit-il de préjugés? (18 h 45)

M. Massé: Ah oui! C'est possible.

M. Leclerc: C'est possible. Donc, si je comprends bien, et j'aimerais que vous confirmiez si je comprends un petit peu le contexte - c'est que d'une part vous dites: II y a de la discrimination, des passe-droits, de la démotivation, etc., mais à un moment donné, vou3 dites: Peut-être que ce sont des préjugés. Peut-être qu'une partie de ces supposés discriminations, passe-droits et démotivations seraient des préjugés.

M. Massé: Oui, et je vais vous expliquer pourquoi. C'est que si le secrétariat è l'adoption remplissait sa fonction adéquatement vis-à-vis des gens et qu'il avait une attitude d'accueil envers eux, au lieu de susciter de la suspicion - prêtez-moi l'expression - et si on s'attardait à donner les explications aux gens, à communiquer avec eux et si, au lieu d'entraver leurs démarches, on les aidait à réaliser le projet d'adoption, à ce moment-là, premièrement, ce climat de suspicion n'existerait pas. Deuxièmement, dépendamment de la réaction que l'on a sur une telle attitude, on peut devenir ou sympathique ou antipathique à nos interlocuteurs.

Alors, c'est pourquoi je suis prêt à laisser une marge dans la perception que les gens peuvent avoir du secrétariat à l'adoption. Par contre, il y a des faits concrets. Eh bien! les faits concrets sont que, si j'adopte un enfant dans un pays, qu'un autre en adopte un aussi, qu'un troisième arrive et ne le peut pas, là, l'explication que l'on donne, c'est une notion tout è fait abstraite qui n'existait pas auparavant, mais que l'on a créée au cours des derniers mois pour essayer de bloquer tous les projets. Comme on n'était pas trop sûr où on allait, on a fait un décret pour essayer de se justifier.

M. Leclerc: D'accord. Mais au lieu d'appeler cela des passe-droits, ce seraient peut-être des concours de circonstances qui font que des gens sont traités différemment. Parce que "passe-droit", c'est très négatif. Cela a toutes sortes de connotations.

M. Massé: Oui. D'accord.

M. Leclerc: Une dernière question.

M. Massé: Mais je dois vous rassurer sur une chose: je n'accuse pas le secrétariat de fraude, si c'est ce qui vous préoccupe.

M. Leclerc: Non, mais des passe-droits, cela veut dire que des gens ne sont pas traités de façon égale.

M. Massé: Ce n'est pas cela du tout. Il s'agit plutôt de la mauvaise relation avec les parents adoptants. Dans mon esprit, il n'y a pas de connotation, d'intention malhonnête, si vous voulez, de la part des gens du secrétariat. Je considère cela beaucoup plus comme un manque de leadership et un manque d'orientation, de vision sur la mission qu'ils ont envers les parents en adoption.

M. Leclerc: Bien. Je vous remercie. Comme je pense que mon temps est écoulé, vous avez la parole.

Le Président (M. Baril): Mme la députée de Marie-Victorin, vous avez la parole.

Mme Vermette: Je vous remercie, M. le Président. Au nom de notre formation politique, il me fait plaisir de vous accueillir ici. Effectivement, je pense qu'on note beaucoup d'émotivité parce que vous l'avez vécu... Je pense que c'est à partir du vécu que l'on s'engage dans une cause.

M. Massé: Absolument.

Mme Vermette: Je pense qu'on peut vouloir remédier à certaines lacunes que l'on peut retrouver en cours de route pour que, finalement, les autres parents n'aient pas à subir le même sort.

Je comprends très bien vos motifs. J'aimerais bien qu'on puisse en venir à une plus grande objectivité en ce qui concerne cette problématique. J'aimerais vous demander si vous croyez que le Code civil, tel qu'il existe présentement, contient toutes les dispositions nécessaires pour protéger les intérêts de l'enfant et des parents adoptifs.

M. Massé: Oui. C'était une de mes grandes préoccupations. Je pense que j'ai été amené sur le terrain du secrétariat alors que j'y mettais une page sur douze dans mon rapport. Ce n'est pas ma principale préoccupation. Quel que soit le nom que l'on donne à l'organisme qui agit comme intermédiaire pour le ministère, je vous réitère que cela ne me dérange pas. Ce qui me préoccupe, c'est que je pense qu'on doit laisser, qu'on doit adopter un principe, qu'on doit ajouter un article 1 au projet de loi qui dirait: Que le gouvernement du Québec est favorable à l'adoption internationale. Quant à la réalisation, qu'il apporte un soutien, par le mécanisme qu'il voudra, à ces adoptions, cela me va aussi. Quant à la préoccupation juridique du statut de l'enfant, il m'apparaît que nous avons déjà les dispositions de droit international. Â partir du moment où on pose un acte, dans le pays étranger, qui respecte la loi étrangère et que l'on revient au Québec, qu'on le fait exemplifier devant le tribunal compétent, on a la protection, on

a l'adoption légale, légitime. Là, je pensais que j'étais marginal en affirmant cela en voyant le projet de loi, mais il y a un grand spécialiste international qui est venu dire cela tantôt.

Finalement, cette préoccupation, là où je suis le plus agacé de la voir susciter une législation répressive, c'est que nous n'avons pas de précédent au Québec qui le justifie. Qu'on nous désigne combien de cas - j'ai posé la question dans mon mémoire, je ne sais pas si vous avez une note avec la réponse de la part de Mme Lavoie-Roux à ce sujet - avons-nous de parents de pays étrangers qui sont venus chez nous revendiquer leur enfant. À ma connaissance, il n'y en a pas. Je ne prétends pas tout savoir, mais j'étais préoccupé par cela et il me semble qu'on n'en a pas. Donc, c'est une question théorique pour moi.

Il y a un autre facteur, aussi, beaucoup plus fondamental. On semble traiter l'enfant comme un objet, une possession. Je vais vous dire une chose: l'enfant qu'on a adopté... On avait une autre fille à nous avant - mon épouse est avec moi - et il n'est pas du tout sûr que dans dix ans ce ne sera pas notre fille qui dira: Moi, je vais vivre au Japon ou en Thaïlande ou en Afrique du Sud. Que voulez-vous que je dise là-dessus? On était dix chez nous, il y en a une qui a décidé d'aller en Allemagne, il y en a un autre qui est allé au Pérou, mes parents n'ont rien eu à dire. Ils ne sont pas adoptés.

Que notre fils adoptif décide à 20 ans d'aller en République dominicaine, ce n'est pas notre objet, c'est une personne humaine. Il ira faire sa vie où il voudra. Alors, que l'on cesse de traiter cela comme étant: Est-ce que je suis entièrement propriétaire de mon enfant ou pas? Cela me paraît complètement à côté du problème. Si on veut y aller sur l'aspect humain que vous souligniez tout à l'heure, ce n'est pas cela. Je vais vous dire une chose, j'en ai, des contacts avec les parents naturels de l'enfant. Mon enfant n'apprendra pas par le journal Le Soleil dans la page du lecteur d'où il vient. Il a son dossier et il va tout avoir. S'il y a possibilité qu'il voie ses parents naturels, s'il le désire, il va les voir aussi. Cet enfant ne m'appartient pas.

C'est dans ce sens que cette préoccupation, surtout dans un contexte québécois où de plus en plus d'enfants adoptés font des démarches, par le mouvement Retrouvailles, pour retrouver leurs parents naturels, et tout, c'est dans nos moeurs aujourd'hui. Pourquoi irait-on se préoccuper d'autant de liens, de certitude dans le lien de relation à la suite d'une adoption internationale? Je comprends mal. C'est pour cela que j'ai peut-être des mots excessifs. Mettez-le de côté et grugez ce qui est objectif et ce qui est plus rationnel là-dedans, mais en ayant à l'idée que les enfants ne nous appartiennent pas; même vos enfants naturels, ils ne vous appartiennent pas.

Mme Vermette: Je pense que j'ai tout à fait compris. J'avais justement fait la nuance lorsque j'ai commencé à vous poser des questions. Je ne vous en tiens pas rigueur parce que je pense qu'on ne peut pas, quand on vit un problème et qu'on a été l'objet ou qu'on s'est senti l'objet de discrimination, passer à côté. C'est très difficile.

Ce qui m'amène à vous poser une autre question. Je pense que vous avez démontré que, tel qu'inscrit dans te Code civil, il n'y avait pas matière à remettre en question les droits et les obligations des parents adoptants envers l'enfant et l'enfant ne pouvait pour autant, en maintenant un lien de filiation simple, être une cause qui pourrait être considérée comme inapte à l'adoption internationale.

M. Massé: Je crois que cela ne pose aucun problème dans la mesure où on respecte la loi du pays. J'adhère à l'opinion du monsieur qui est venu dire tout à l'heure: C'est bien sûr que, si on fait des conventions internationales, il faudra se soumettre aux conventions internationales. Mais il faut vivre ce phénomène-là dans une attitude d'évolution. Je pense bien que le gouvernement canadien et même le gouvernement québécois qui s'en est mêlé n'avaient pas planifié de recevoir X milliers de Chiliens au début de l'année 1987 en quelques semaines. C'est la conjoncture qui l'a fait.

Alors, si je me reporte au domaine de l'adoption internationale, prenons comme base que tous les pays sont ouverts, à ce moment-là, s'il y a des règles particulières, parce qu'on veut faire des adoptions léqales dans ces pays-là, on va se soumettre à ces pays-là. Si entre-temps le pays décide que l'adoption internationale ce n'est plus permis - par exemple, un pays décide qu'il pose un moratoire et le Mexique pense qu'il est capable de s'occuper de tous ses enfants, puisqu'il n'y aura plus de sortie d'enfants pour fins d'adoption - son tribunal sera chargé par une loi du pays autonome de décider qu'il ne sort plus d'enfants pour fins -d'adoption. Cela répond parfaitement, à ce moment-là, au raisonnement que faisait ce témoin tout à l'heure, ce spécialiste étranqer qui disait: L'adoption internationale n'est pas la solution aux 30 000 000 d'enfants qui meurent de faim dans le monde, mais c'est une approche. Puis si un pays décide que cette approche n'est plus acceptable chez lui, il le décidera et on devra respecter cette loi.

Dans les pays où on a le plus d'activités, qu'on désigne des organismes pour aider à l'adoption, soit, mais dans les pays

où il y a une adoption isolée, ne dépensons pas de l'argent à aller négocier des accords puis à essayer de compliquer les choses. Que l'on oblige le parent ou les parents à utiliser les voies juridiques et diplomatiques avec ce pays-là pour faire reconnaître la validité de son jugement et c'est tout.

Mme Vermette: J'allais dans ce sens-là parce qu'à la page 4 de votre mémoire, dans le troisième paragraphe vers la fin, vous dites que le Québec n'a pas à aller légiférer dans les autres pays d'origine. Vous considérez que, finalement, la reconnaissance d'un tribunal d'un pays étranger serait suffisante pour reconnaître l'adoptabilité de l'enfant?

M. Massé: Le respect de l'État étranger me paraît aller dans ce sens-là, absolument.

Mme Vermette: En ce qui concerne aussi les ententes, parce qu'on en a beaucoup parlé et cela a été très confus depuis le début de la commission parlementaire, parce qu'au tout début, dans le projet de loi, le secrétariat devait négocier... Au tout début, dans le décret on disait que le secrétariat négociait des ententes entre les pays, au nom du gouvernement et, actuellement, on ne sait plus à quoi s'attendre des ententes, qui doit faire quoi et après la démonstration de M. Opertti, on a compris que les ententes étaient conclues et devaient nécessairement passer par les différents organismes ou les intermédiaires ou par une reconnaissance d'un pays et non par une voie officielle parce que cela risquerait finalement de fermer certains pays à l'adoption.

Croyez-vous que les ententes entre États pourraient aboutir à des négociations de quotas d'enfants et, en contrepartie, à d'autres avantages où ce serait tellement compliqué que les parents en arrivant à les contourner pourraient en adopter?

M. Massé: Je vais vous répondre dans le même sens que la remarque que je faisais précédemment: Qu'en cours de route le gouvernement du Québec négocie de nouvelles conditions pour des adoptions par des citoyens d'ici chez eux, soit, mais ce qui est absolument inacceptable et qui crée le climat que l'on connaît chez les parents d'adoption vis-à-vis du secrétariat actuellement, c'est que l'on essaie d'imposer des approches que l'on voudrait négocier. Alors, voici l'approche que je vois et qui m'apparaît logique: actuellement, il y a une loi d'adoption dans ces pays-là, on laisse aller l'adoption conformément aux lois de ces pays, ce qui n'empêche pas ces pays-là, entre-temps, de dire au gouvernement du Québec: En République dominicaine, on trouve qu'il sort trop d'enfants» Ce n'est pas au Québec à décider cela; à moins que le

Québec ne décide que lui a trop d'entrées d'enfants. Là encore, il pourra intervenir et c'est pour cela que je dis que l'article 1 doit être la politique du Québec, d'abord. Est-ce qu'on en veut, des entrées d'enfants, oui ou non? À partir du moment où on veut des entrées d'enfants à l'adoption internationale, on respecte la loi du pays. (19 heures)

Si la République dominicaine trouve qu'il sort trop d'enfants du pays vers le Québec et qu'elle décide d'entrer en contact par les voies diplomatiques, à ce moment-là, je ne peux nier le pouvoir et le droit, comme protecteur de l'intérêt et de l'ordre publics, du gouvernement de discuter de ces choses avec un gouvernement étranger. Sauf que le critère ou la norme qui serait imposé, soit de couper l'adoption vers le Québec, soit de la limiter, ce n'est pas au Québec de l'appliquer. C'est carrément du ressort du pays. Si la République dominicaine dit qu'il va sortir seulement 2 ou 25 enfants par année de son pays vers le Québec, ce n'est pas à un organisme québécois ou à l'État québécois de payer du monde pour aller régir cette chose. C'est à nous de respecter sa norme. Si c'est carrément ouvert, bien, tout simplement, c'est selon les règles du pays et, si le pays dit: Non, il n'y en aura plus, eh bien, non, il n'y en aura plus. Ce n'est pas à nous de décider de cela.

Si on est trop répressifs et si on met trop de sanctions et de conditions, le résultat de cela - actuellement, je vous le dis, je demeure à Rivière-du-Loup - j'ouvre une maison à Edmundston et je vais la louer trois ou quatre mois par année à des parents qui iront faire leur adoption. Je vous donne cela comme image, je n'ai pas l'intention de le faire. Je vais aller ouvrir une maison de location à Edmundston. Les parents vont aller se déclarer résidents à Edmundston; ils vont aller y vivre les fins de semaine ou durant leurs vacances et, pendant ce temps-là, en tant que résidents d'Edmundston, ils iront faire leur adoption et, trois ou quatre mois ensuite, il arrivera un nouveau citoyen au Québec qui sera citoyen canadien parce qu'il sera résident enregistré au Nouveau-Brunswick et il deviendra citoyen du Québec. C'est ce que vous allez faire dans le contexte actuel: vous aller ouvrir la porte à l'illégalité.

Un dernier point. J'espère que vous allez vous préoccuper des coûts. Cela m'a coûté 1200 $ pour adopter mon enfant. Mon avocat au Québec - car je ne connaissais pas cela, j'ai pris un avocat au Québec, j'ai pris un avocat en République dominicaine - et la personne qui a accompagné l'enfant, tout cela m'a coûté 1200 $. Trois ans plus tard, une de mes proches adopte dans le même village. Cela lui a coûté 8000 $. Elle est passée par le secrétariat à l'adoption. Le problème, c'est qu'on nous demande à quoi

sert cet argent. Je ne le sais pas. Je n'accuse personne de quoi que ce soit, mais informez donc le monde! C'est pour cela que, lorsque je vous disais tout à l'heure en partant: Le point no 1, l'information. C'en est un point. On ne joue pas à la cachette. Dites donc aux gens ce que cela coûte; oui, c'est cela qui coûte tant. C'est pour un orphelinat? Très bien, c'est pour un orphelinat. C'est pour le déplacement des gens qui vont faire des ententes ou des choses comme cela'? Dites-le donc. Quand on a quelque chose d'honnête, on n'a pas peur de le dire. C'est important et cela ne créera pas de frustration dans l'esprit des gens à ce moment-là et ils vont décider s'ils paient cela ou pas.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie, Me Massé. Je vais maintenant céder la parole au député de Sainte-Marie.

M. Laporte: Merci, M. le Président. C'était justement l'objet d'une de mes interrogations à la suite de la lecture du mémoire que vous avez présenté. On retrouve à la fois, aux pages 2 et 9, certaines phrases faisant allusion soit à la hausse incroyable des coûts pour l'adoption internationale et, d'une façon plus précise, probablement l'exemple que vous venez de citer dans la dernière partie de votre intervention, à savoir qu'il vous en a coûté 1200 $, que vous avez été escorté par une travailleuse sociale et que, aujourd'hui, les mêmes démarches coûtent de 7000 $ à 10 000 $. Je me pose certaines questions puisque, à la fois, les services du Secrétariat à l'adoption internationale et ceux du Directeur de la protection de la jeunesse sont effectivement des services gratuits. J'aimerais vous entendre concernant l'amorce que vous avez faite en ce sens. Mais, étant donné que ces divers services sociaux sont faits à titre gratuit, ce que vous venez de nous affirmer m'étonne un peu.

M. Massé: Cela m'étonne, moi aussi, que ce soit le prix que cela leur coûte. Je ne suis pas le seul à affirmer - j'ai vu des reportages dans les journaux et j'ai vu des copies de rapports - qu'il en coûte au moins 5000 $ ett souvent, jusqu'à 10 000 $ pour une adoption internationale. Je pose la même question. Je n'ai pas la réponse; c'est pour cela que je pose la question. Et je ne comprends absolument pas. Mais je sais que ça coûte cela, par exemple.

M. Laporte: De cette affirmation, vous évoquez... On pourrait, sans porter de jugement, voir un système public par rapport à un système privé. Ce que vous évoquez là pour l'adoption internationale s'apprente plus à un système parallèle et privé, j'imagine, en termes de coûts.

M. Massé: Non. L'impression que j'ai, c'est que les gens sont obligés de verser cela au nom de l'organisme vers qui ils sont diriqés. Par exemple, s'ils font affaire dans le pays... Je m'excuse, madame, je pourrais, à tout le moins, répondre à monsieur; après cela, vous pourrez intervenir. Mettons qu'ils veulent adopter à Haïti, on leur dit: À Haïti, l'organisme que le gouvernement du Québec a accrédité, c'est tel organisme. Alors, le parent est référé à cet organisme. À un moment donné, on dit: Tu dois envoyer tant d'argent et, au bout d'un an, tu envoies tant d'argent. Et ce n'est pas des pinottes, c'est à coups de 1000 $ et de 3000 $. À un moment donné, ils s'aperçoivent que cela a coûté... J'ai des cas. Il y en a un - je ne nommerai pas la place, en tout cas - qui, récemment, a été obligé de faire un chèque de 3000 $. À l'époque où le fameux arrêté en conseil a été adopté avant les fêtes et où son dossier était bloqué dans le pays parce que, semblait-il, c'était une adoption simple, on a dit: Là, pour continuer ton dossier, si tu es intéressé, il faut que tu verses 3000 $.

M. Laporte: Qui cela, "ils"?

M. Massé: Les gens de l'organisme à qui le secrétariat à l'adoption les réfère.

M. Laporte: Ah! Vous voulez dire, ce qu'on appelle habituellement les organismes...

M. Massé: Les organismes reconnus.

M. Laporte: ...bénévoles volontaires de ces endroits-là.

M. Massé: De ces endroits-là. Alors, l'objet de mon intervention, c'est de dire: Écoutez, j'ai eu connaissance que plusieurs de ces parents ont essayé de savoir le pourquoi de ces sommes d'argent et ils n'ont jamais eu de réponse. Ce que j'aimerais, c'est que soit le secrétariat à l'adoption, soit le bureau du ministre, soit l'organisme accrédité par le ministre rende compte des sommes d'arqent. Si j'envoie un compte d'honoraires à mon client, il reçoit un compte détaillé montrant que j'ai fait telle chose à telle date et telle autre chose et cela coûte tant.

M. Laporte: Afin d'obtenir peut-être plus de précisions ou, en tout cas, une "meilleure image, j'aimerais savoir... Ces différents organismes, je pense qu'ils sont reconnus comme des organismes volontaires d'adoption.

M. Massé: Oui.

M. Laporte: Est-ce que ce sont des frais qui peuvent être inhérents? Je ne sais pas, je pose la question pour...

M. Massé: Oui.

M. Laporte: ...savoir un peu...

M. Massé: À leurs opérations internes?

M. Laporte: ...comment cela procède. Est-ce que ce sont des montants versés pour défrayer certains coûts inhérents, soit, à titre d'exemple, un passage en avion ou afin de garder l'enfant dans un endroit avant que l'adoption puisse se faire? Est-ce que ce sont des frais reliés directement à des coûts de ce type ou si cela va, comme vous le dites pratiquement, dans certaines autres affirmations...

M. Massé: Le montant est versé à l'organisme. L'objet de mon intervention, c'est de dire: Dites donc aux parents à quoi cela sert. C'est cela qui circule. Écoutez, ce n'est pas en l'air, ce que je vous dis la, je rencontre 60, 70 parents deux fois par année et on passe une journée à discuter de ces choses-là. La même interrogation revient tout le temps. Il me semble que ce ne serait pas compliqué de dire à la personne: Vous versez 3000 $ aujourd'hui, pourquoi 3000 $? Voici. Peut-être qu'il n'y a rien le.

M. Laporte: La suggestion ou, à tout le moins, l'énoncé que vous faites, ce n'est pas de dire que, effectivement, on doit payer ces frais, mais simplement d'informer. C'est ce que vous nous soumettez comme donnée.

M. Massé: Oui. Je pense que les parents ont le droit de savoir où cet argent-là va quand on compare ce que cela coûtait avant par rapport à ce que cela coûte aujourd'hui, pour au moins essayer de comprendre pourquoi cela coûte cela. Il y a une autre chose qu'il faut voir là-dessous, c'est que, à partir du moment où cela coûte ces prix-là, on vient de créer un mécanisme d'adoption pour les riches. Je vous assure qu'aller mettre 10 000 $ pour une adoption, c'est de l'argent. C'est pris après l'impôt, cela.

M. Laporte: Est-ce que, selon les connaissances que vous avez, vous personnellement, il y a déjà eu une demande ou, à tout le moins, une interrogation pour savoir à quoi servaient ces montants, ne serait-ce qu'une demande à ces divers types d'organismes que vous avez mentionnés tantôt? Est-ce que cela a déjà été fait?

M. Massé: Oui. En tout cas, selon les témoignages que j'ai, des demandes ont été faites et ils n'ont jamais eu de réponses là-dessus, si ce n'est de dire que c'est pour les fins des activités de l'organisme. Mais quelles sont Ies activités de l'organisme? Je ne connais pas le mandat qu'ils ont du gou- vernement. Par exemple, est-ce qu'ils entretiennent un orphelinat? Est-ce pour payer des frais de déplacement des représentants d'orqanismes dans ces pays?C'est ce que j'aimerais qu'on analyse. Finalement, si on s'aperçoit, par exemple, que ces organismes jouent un rôle de représentation du gouvernement du Québec dans ces pays, peut-être que cela devrait être à l'État de défrayer une partie de ces déplacements. Ce serait autant que l'on pourrait soustraire de la facture de chaque parent et on rendrait l'adoption encore plus accessible.

M. Laporte: Cela répond à une partie de l'interrogation, mais j'aimerais peut-être vous amener...

M. Massé: Mais je ne vous cache pas, monsieur, que je m'interroge autant que vous là-dessus. Je ne fais qu'un constat. Je fais le constat que cela coûte cher et que les gens n'ont pas de réponse satisfaisante lorsqu'ils paient. Il faut toujours se placer dans le contexte psycholoqique que ces gens n'osent pas aller trop loin, non plus, parce qu'ils ont peur de devenir agaçants et, comme leur priorité, c'est d'aller chercher un enfant, ils essaient de plaire à tout le monde et ils posent le moins de questions possible. Je joue le mouton noir, aujourd'hui.

M. Laporte: On voit d'entrée de jeu, à tout le moins dans ce que vous avez remis à la commission - vous avez dit de façon très claire tantôt - que vous préconisez l'abolition du secrétariat. Vous dites que vous le souligniez...

M. Massé: C'est une boîte de trop.

M. Laporte: ...dans votre premier texte, mais on le retrouve un peu partout à l'intérieur du document.

M. Massé: Peut-être, oui.

M. Laporte: Cela semble aussi être omniprésent...

M. Massé: C'est peut-être une obsession, remarquez.

M. Laporte: ...dans vos discussions. Justement, par rapport à cette proposition d'entrée de jeu, que l'on voit au premier paragraphe, de substituer la discrétion du bureau du ministère à cette forme qui existe actuellement, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

M. Massé: Je vais vous expliquer pourquoi. C'est que, depuis que le secrétariat est formé, ces problèmes existent, malgré que plusieurs ministres des Affaires sociales

soient passés depuis ce temps-là. Je suis convaincu que ces ministres n'étaient pas au courant de tous tes problèmes vécus par les parents adoptants. Or, pourquoi? Je pense que c'est parce que le secrétariat est un organisme qui a quand même une certaine autonomie. Je préférerais, en ce qui me concerne, que ce soit à l'intérieur du ministère parce que le ministre a à répondre politiquement de son administration générale et de ce qui relève du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il me semble que le ministre serait plus sensible aux attentes des gens concernés par l'adoption internationale si les personnes chargées d'harmoniser, si vous voulez, l'intervention de l'État en matière d'adoption internationale relevaient directement de son bureau ou des CSS, mais pas de quelqu'un trop autonome.

Le Président (M. Baril): D'accord. Je vous remercie. Selon la règle de l'alternance, je vais maintenant passer la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Alors, on continue. Il y a des choses que je voudrais vous demander. D'une part, on a parlé d'une réglementation très claire pour en arriver, justement, à définir les rôles de tous et chacun.

M. Massé: Oui.

Mme Vermette: De quelle façon voyez-vous personnellement le rôle du secrétariat? Quel rôle devrait-il jouer? Est-ce qu'il devrait exister?

M. Massé: Oui.

Mme Vermette: Parce que, finalement, vous en faites une remise en question assez sévère. Vous n'êtes pas le seul, remarquez. Il y a eu plusieurs organismes qui ont été entendus, même des groupes de parents adoptants qui ont remis en cause les attitudes actuelles du secrétariat.

M. Massé: Oui.

Mme Vermette: Qu'est-ce que cela remet en cause, d'une part? D'autre part, ce que je voulais vous dire, c'est qu'en fait il n'est pas possible d'avoir les états financiers du secrétariat parce que c'est un service à l'intérieur du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il s'en rapporte donc directement à la ministre au plan de ses activités. Il est difficile de le savoir exactement. C'est la ministre elle-même qui répond pour le secrétariat.

M. Massé: D'accord. Mais pour répondre à votre question sur la façon dont je vois la réglementation... C'est bien ce que vou3 voulez savoir, comment je vois la réglementation?

Mme Vermette: Oui.

(19 h 15)

M. Massé: Premièrement, è partir du moment où on adopte le principe qu'on est ouvert à l'adoption internationale et, deuxièmement, à partir du moment où on définit l'intervention du législateur pour protéger les enfants, donc s'assurer qu'ils ont des parents en mesure de s'en occuper, et qu'au niveau de l'étranger on se limite à demander que la loi étrangère soit respectée, à ce moment-là le rôle de l'organisme, qui pourrait être le secrétariat à l'adoption, est un rôle d'abord d'information auprès des parents. Ensuite, c'est un rôle d'interlocuteur. Le ministre pourrait confier le mandat au secrétariat à l'adoption d'aller négocier des ententes là où ils veulent négocier des ententes, si c'est opportun de le faire ou si le pays étranger demande d'avoir un interlocuteur au Québec pour discuter d'adoption internationale. Mais je ne suis pas d'accord qu'on coure après les coups.

Là où l'adoption internationale se fait légalement, puis sans problème, je ne vois pas pourquoi on commencerait à se monter tout un système et à courir les 300 pays du monde pour essayer de le faire. Mais là où il y a un problème qui se pose, s'il y a un problème de marchandage, si quelqu'un intervient incorrectement, puis tout cela, cela pourrait être l'interlocuteur du ministre à ce moment-là. Mais je crois que cet organisme-là ne doit pas avoir de pouvoir décisionnel sur les droits des parents adoptants. Seul le Tribunal de la jeunesse devrait avoir ce pouvoir. Pour se prononcer sur la qualité des parents, seul le Directeur de la protection de la jeunesse et son personnel qualifié pourraient l'avoir. Le secrétariat à l'adoption ne devrait pas intervenir à ce niveau-là.

Mme Vermette: Alors, je vais enchaîner et je vais vous poser une autre question qui a l'air rétrograde un peu. Devant les tribunaux, actuellement il n'y a pas de droit de recours en ce qui concerne une évaluation ou un refus, finalement, parce que c'est vers le secrétariat qu'en dernière instance sont acheminés les dossiers et c'est lui qui fait l'étude au complet du dossier. De la façon dont la loi est libellée, en tout cas, on ne retrouve pas qu'il y aura un droit de recours devant les tribunaux, parce qu'on dit que les tribunaux doivent s'assurer uniquement que l'adoptant a satisfait à ses obligations et, d'autre part, lorsqu'on dit que le tribunal doit aussi vérifier. Le rôle du tribunal est très déterminé actuellement par la loi; on ne lui donne pas de pouvoir discrétionnaire, tel que c'est libellé.

M. Massé: Oui.

Mme Vermette: Est-ce que vous considérez que ce serait important, le droit de recours pour les parents?

M. Massé: Je n'avais pas du tout pensé à cela, puis je trouve cela très important. Effectivement, que le Tribunal de la jeunesse ait la possibilité d'entendre les parents adoptants à l'égard d'une conclusion sur l'évaluation du couple, ce serait un recours tout à fait raisonnable. Cela devrait être le Tribunal de la jeunesse qui devrait le faire, sauf que je n'y ai pas pensé parce que le problème ne m'était pas apparu jusqu'à maintenant» C'est peut-être arrivé une fois qu'il y a eu un refus, mais je trouverais logique que le Tribunal de la jeunesse puisse intervenir à cet égard.

Le Président (M. Baril): Alors, je vous remercie. Aimeriez-vous conclure, Mme la députée de Marie-Victorin?

Conclusions Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: On s'est entendu pour avoir à peu près cinq minutes pour conclure. Finalement, pendant ces quatre jours d'auditions... Je voudrais vous remercier, tout en faisant mes remerciements à M. Massé de s'être si bien prêté à nos questions et de nous avoir prêté son concours. J'aimerais aussi apporter mes conclusions par rapport à la commission parlementaire que nous avons eue au cours de ces quatre dernières journées. Certains éléments ont ressorti, notamment le mauvais fonctionnement du secrétariat à l'adoption où on parlait des délais trop longs, l'évaluation des parents, le manque d'information et de coordination entre les différents ministères qui pouvaient exister, notamment, avec l'Immigration et les Affaires culturelles. On parle aussi beaucoup d'augmentation de coûts pour les parents parce qu'il y aura aussi davantage de frais à encourir. On dit, finalement, que le projet de loi tel qu'il est actuellement restreint ou ferme certains pays, parce qu'ils deviennent un peu trop abusifs par rapport à des ententes négociées d'une façon officielle.

Dans sa forme actuelle, certains demandent même le retrait pur et simple du projet de loi puisqu'il y a encore beaucoup d'incertitude. On croit que cela deviendra de plus en plus difficile de poser un geste d'adoption, que ce soit un geste d'adoption par la voie du secrétariat, par la voie d'un organisme reconnu ou par une forme peut-être plus personnelle, tout en ayant aussi les balises ou les mêmes exigences qu'on demande à l'ensemble des parents qui veulent adopter un enfant.

Je pense que le Barreau du Québec, les spécialistes en droit de l'adoption internationale ont émis d'énormes réserves par rapport au projet de loi 21. Au niveau des dispositions concernant le consentement de l'État à l'adoption simple, loin d'ouvrir les pays à l'adoption, cette exigence restreint davantage le nombre de pays. Je pense qu'on a fait état de cela plus d'une fois. Antérieurement, on a déjà eu 69 pays; maintenant, on est limité à sept ou huit pays et, avec le décret, il n'en reste plus beaucoup.

Le Tribunal de la jeunesse sera appelé à jouer un rôle lors de l'approbation du projet d'adoption et de la reconnaissance du jugement prononcé à l'étranger. Là encore, on a demandé qu'on ne s'immisce pas dans les pays étrangers et qu'on puisse considérer l'approbation du tribunal sur un projet d'adoption pour reconnaître l'adoptabilité suffisante, pour accepter une démarche d'adoption dans un pays étranger.

Des réserves ont été émises sur les ententes avec les pays étrangers, sur le rôle de la ministre en tant que coordonnatrice du processus d'adoption et en tant qu'unique intermédiaire.

Quant à la question de l'adoption simple, certains groupes ont souligné que ce mode d'adoption apporte à l'enfant une sécurité accrue.

Des amendements au projet de loi 21 ont été proposés. Nous espérons que Mme la ministre en tiendra compte et reviendra à l'Assemblée nationale en juin ou l'automne prochain, avec un projet de loi nouveau qui répondra aux désirs exprimés, en harmonisation avec les lois étrangères et toujours dans l'intérêt de l'enfant.

Certains groupes ont déploré l'absence de politique et de cohérence du gouvernement à l'égard de l'adoption internationale. En effet, en cinq mois, nous avons eu un décret, deux projets de loi et un projet de règlement et, de surcroît, une consultation particulière alors que la ministre avait promis en Chambre de faire une consultation générale.

Certains aussi ont exprimé le désir que l'adoption internationale se fasse à l'intérieur d'une politique familiale, estimant que la baisse du taux de natalité est un facteur à considérer en matière d'adoption inter-natinale. Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration a souligné que l'adoption était une forme d'immigration priviléqiée et a sensibilisé la commission à la possibilité de favoriser la réunification des familles, l'adoption d'enfants abandonnés ou orphelins dans des camps de réfuqiés.

Je pense que nous avons beaucoup à faire d'ici l'adoption du projet de loi au mois de juin. Je pense que toutes ces considérations seront repensées et qu'on arrivera à trouver un projet de loi qui ira

dans le sens du respect des droits et libertés. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. J'aimerais avoir les remarques finales du député de Taschereau.

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Juste avant de remercier le dernier intervenant, ce serait pour éviter tout imbroglio, puisque Mme la députée de Marie-Victorin a parlé, à un moment, du projet de loi à l'automne et, à un autre moment, en juin.

Mme Vermette: C'est parce que vous en avez fait plusieurs. Il y a eu un décret, il y a eu deux projets de loi et un projet de règlement.

M. Leclerc: Non. C'est moi qui ai la parole. Ne trichez pas. Que le projet serait ramené à l'Assemblée nationale à l'automne et, ensuite, vous avez dit en juin. Je veux rassurer tout le monde: c'est effectivement en juin.

Cela étant dit, M. Massé, je voudrais vous remercier de vous être prêté, d'abord, à ce travail très fouillé, ensuite aux questions des membres de cette Assemblée. C'est intéressant parce que c'est à la fois un témoignage et une expertise professionnelle, puisque vous avez vécu cela comme parent et également comme avocat. Vous avez sûrement, devrais-je dire, développé une expertise dans ce domaine. Je voudrais vous remercier d'avoir fait profiter la commission de cet éclairage.

Cela étant dit, pour des conclusions plus globales, comme il a été convenu entre les partis, je pense que, comme parlementaires, on a été amenés à écouter au cours des derniers jours, il faut bien le concéder, un certain nombre d'insatisfactions -je devrais surtout dire des insatisfactions face à certains organismes ou à certaines façons de procéder - et aussi à écouter la souffrance humaine, de la souffrance psychologique et émotive que beaucoup d'intervenants qui venaient représenter des groupes avaient vécue personnellement. Evidemment, on n'a pas été surpris que certains mots aient été drus et que certains commentaires aient été secs. Je pense que c'est tout a fait compréhensible dans le contexte.

Ni comme député, ni comme individu, je ne peux demeurer insensible à ce que ces gens ont eu à subir au cours des années. Je pense que c'est notre devoir de parlementaires de tenter d'améliorer la situation, car ces gens, en plus de rencontrer des problèmes ne pouvant souvent avoir d'enfants, sont obligés de passer par toutes sortes d'étapes très stressantes et, pour le moins, longues. Je puis vous dire que, personnellement, je ne suis pas demeuré insensible à tout ce que j'ai entendu au cours des derniers jours.

Le gouvernement est ouvert à faire des modifications. C'était l'objet de cette commission, puisqu'elle tire à sa fin, d'entendre les différents experts dans ce dossier et cette commission était par elle-même une marque d'ouverture du gouvernement à faire des changements dans son projet de loi. Par conséquent, le gouvernement s'engage à étudier tout ce qui a été déposé et tout ce qui s'est dit au cours des quatre ou cinq jours qu'a duré la commission et j'ai bon espoir que nous puissions ramener devant l'Assemblée nationale un projet de loi bonifié qui, tôt ou tard, permettra au gouvernement, à la ministre et aux législateurs de faire leur travail et qui rendra les démarches des parents adoptants potentiels moins difficiles et moins longues, nous l'espérons. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie, Me Massé, de vous être présenté. Vous étiez le dernier, mais vos remarques étaient certainement pertinentes.

M. Massé: Bien qu'intempestives, peut-être.

Des voix: Ha! Ha!

Le Président (M. Baril): C'est de là que jaillissent les idées.

La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne Ies travaux sine die et je vous remercie.

(Fin de la séance à 19 h 29)

Document(s) associé(s) à la séance