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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Bonjour, mesdames et messieurs. La commission des affaires
sociales se réunit ce matin afin de procéder à des
consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le
cadre de l'étude du projet de loi 21, c'est-à-dire la Loi
concernant l'adoption et modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le
Code civil du Québec et le Code de procédure civile, et du projet
de règlement sur l'adoption internationale tel qu'il a été
publié à la Gazette officielle du Québec du 11 mars
1987. lMmea secrétaire, est-ce qu'il y a quorum? Oui.
La Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a des
remplacements ce matin?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier
(Roberval) sera remplacé par Mme Harel (Maisonneuve).
Le Président (M. Bélanger): Bien. II n'y a pas
d'autres remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, ce matin,
nous procédons à l'audition des organismes suivants: le Conseil
des communautés culturelles et de l'immigration du Québec,
ensuite, le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec
à Chicoutimi et M. Didier Operatti Badan.
Une voix: Opertti.
Le Président (M. Bélanger): Opertti. Excusez-moi.
J'espère qu'il n'est pas dans la salle.
Ensuite, cet après-midi, après les affaires courantes, ce
sera la Fédération des parents adoptants du Québec et Me
Clément Massé. Il y a eu, pour dépôt seulement,
l'Association des parents adoptifs du Québec Inc.
Donc, nous commençons ce matin avec le Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration du Québec. Mme la
présidente, je ne voudrais pas faire un impair et mal dire votre nom. Je
souhaiterais que vous nous le disiez vous-même et que vous nous
présentiez les gens de votre équipe qui participent au
mémoire, d'une part. Auparavant, si vous me le permettez, je prendrai
quelques secondes pour vous donner un peu les rèqles de
procédure.
Les règles de procédure sont les suivantes: il y a une
enveloppe d'une heure qui est impartie à chacun des groupes. Cette heure
est une enveloppe globale qui comprend questions et réponses et
présentation du mémoire. Elle est donc divisée de la
façon suivante. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre
mémoire ou son résumé. Chacun des partis,
ministériel et Opposition, a 20 minutes pour vous poser des questions et
ces 20 minutes, c'est une enveloppe globale, c'est-à-dire que cela
comprend aussi vos réponses. Je vous suggère donc des
réponses qui donnent tout votre contenu, mais le plus courtes possible
pour qu'on puisse le plus passible vous interroqer quant è vos positions
et en connaître davantage.
Si c'est toujours la même procédure qu'on adopte ce matin,
on devra diviser ces 20 minutes en deux sections de dix minutes: alors, dix
minutes aux ministériels, dix minutes à l'Opposition, dix minutes
aux ministériels, dix minutes à l'Opposition, les remerciements
de Mme la ministre et de Mme la députée de l'Opposition.
On s'adresse toujours au président, c'est une règle de la
commission. C'est, semble-t-il, pour éviter les qrands débats,
mais on est assez souple là-dessus. Si, en cours de route, il y a des
choses qui vous embêtent concernant la procédure, ne vous
gênez pas, intervenez. Les qens de votre équipe peuvent aussi
répondre aux questions et vous pouvez les impliquer dans la
présentation du mémoire. Allez-y selon votre bon vouloir et selon
ce que vous jugez le plus efficace.
Donc, la parole vous appartient, Mme la présidente. Si vous nous
présentez vos gens et votre mémoire, nous serons les gens les
plus heureux.
Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration du Québec
Mme Westmoreland-Traore (Juanita): Merci beaucoup, M. le
Président. Je salue les membres de cette commission parlementaire ainsi
que Mme la ministre Lavoie-Roux. Nous sommes vraiment honorés de
l'invitation qui nous a été faite. Je m'appelle Juanita
Westmoreland-Traore. Je suis présidente du Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration du Québec. Ce matin,
c'est le vice-président à l'immigration, M, Raymond Paquin, qui
m'accompagne. Il est à ma gauche. Un peu plus loin, il y a M. Jacques
Johnson; il est secrétaire de notre conseil. À ma droite, il y a
Mme Phuong Trinh, qui est membre de notre conseil et, immédiatement
derrière moi, il y a M. Kofi Sordzi, également membre de notre
conseil. J'apprécie le fait que ces personnes puissent intervenir parce
qu'elles peuvent m'aider è illustrer certains de nos propos.
Je vais commencer et je vais présenter essentiellement le
document qui est devant vous, tout en soulignant le fait que nous avons mis un
temps limité pour préparer ce document. Mais nous avons cru qu'il
était important que nous vous fassions part des intérêts
des membres des communautés culturelles et des autres secteurs de la
société qui s'intéressent à l'immigration parce
que, évidemment, il y a des questions qui sont très pertinentes
pour ces dossiers.
Le conseil est un organisme consultatif qui conseille la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, Mme Louise Robic, sur
toutes les questions qui concernent son mandat. Dans ce sens, nous vous
indiquons que l'objectif principal recherché, lors de la
création, en décembre 1984, du Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration, était la formation d'un organisme
autonome pouvant apporter conseil à Mme la ministre dans la
planification de politiques gouvernementales concernant les communautés
culturelles et l'immigration au Québec.
C'est en vertu de cet objectif et à votre demande que le conseil
aimerait, par le biais de ce mémoire, contribuer par ses
réflexions au projet de loi 21 et à son règlement sur
l'adoption internationale.
Le présent mémoire du conseil, élaboré par
un groupe de travail composé de membres du conseil, a été
entériné par le conseil, par une résolution en date du 7
mai 1987. Le mémoire s'appuie sur les témoignages et les
consultations donnés par des personnes-ressources de différents
milieux ayant bien voulu à si brève échéance
répondre aux invitations et apporter leur collaboration. La
documentation de recherches et les différents témoignages ont su
apporter un éclairage sur la problématique de l'adoption
internationale au Québec. Je peux ajouter aussi que nous avons fait part
de notre mémoire à notre ministre.
Il nous semblait important, au début de notre
présentation, de souligner que le conseil entend respecter et endosser
les principes de droit international. Il a été mondialement
reconnu par le biais des conventions internationales, telles la
Déclaration universelle des droits de l'enfant de 1959, la Convention de
La Haye de 1965, la Convention de Strasbourg de 1967 et la Déclaration
sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et
au bien-être des enfants, envisagés surtout sous l'angle des
pratiques en matière d'adoption et de placement familial sur les plans
national et international de 1986, que les principes internationaux de base en
rapport avec l'adoption, qu'elle soit nationale ou internationale, cherchent
plus particulièrement à orienter la politique en fonction de
l'intérêt de l'enfant, du respect de ses droits et du respect de
la volonté du pays de décider de l'avenir de leurs enfants.
Pour être plus précis, en matière d'adoption
internationale, l'intervention d'organismes internationaux se veut conforme
à certains principes bien établis qui recherchent: 1. la
reconnaissance de la primauté du principe de l'unité familiale
pour le bien-être et le développement de l'enfant; 2. la
reconnaissance du droit de l'enfant à une qualité de vie dans son
pays d'origine; 3. la reconnaissance du principe du respect des parents
biologiques de l'enfant qui pourrait être adopté; 4. la
reconnaissance du principe que l'adoption internationale ne doit pas être
préférée à la vie dans un milieu familial stable et
uni du pays d'oriqine de l'enfant, même si ces conditions de vie
s'avèrent difficiles; 5. la reconnaissance du principe que l'adoption
internationale peut offrir à l'enfant orphelin ou abandonné un
milieu familial susceptible de lui apporter l'amour, la compréhension et
l'éducation nécessaires à son développement
physique, mental et social.
Le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration
entérine et reconnaît l'importance d'établir de tels
principes en vue de: protéger les droits de l'enfant étant
donné son incapacité évidente de se défendre, tant
sur le plan légal que sur le plan physique; promouvoir par la même
occasion l'adoption internationale à titre de recours palliatif aux
mesures respectivement établies dans chaque pays; se conformer aux
principes de notre Code civil qui stipule que toute décision relative
à un enfant doit être fondée sur les meilleurs
intérêts de celui-ci. Finalement, l'adoption devrait constituer un
acte d'humanisme respectueux des diversités culturelles et raciales.
Sans doute devrait-on renforcer chez les parents potentiels, par des
mesures de sensibilisation ou de l'information qui seraient en quelque sorte
complémentaires de la loi, une attitude d'ouverture qui permettrait une
meilleure acceptation des différences culturelles, religieuses,
ethniques ou raciales et les inciterait à dispenser une éducation
de nature à donner à l'enfant la fierté de ses
oriqines.
Nous voyons donc que, pour le conseil, le recours à l'adoption
internationale ne peut
être qu'un recours de dernière instance lorsque les autres
instances nationales et familiales ne peuvent répondre aux besoins de
l'enfant.
Il nous est apparu important de situer aussi notre démarche dans
le cadre des pouvoirs du ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration du Québec. Donc, la relation entre le projet de loi 21
et son règlement et le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration du Québec. Le 11 mars 1987, la ministre
de la Santé et des Services sociaux du Québec publiait à
la Gazette officielle le projet de loi qui fait l'objet de cette
consultation. En vertu de l'article 3 de la Loi sur le ministère de la
Santé et des Services sociaux et plus spécifiquement en ce qui
concerne les communautés culturelles et l'immigration, à son
paragraphe k, il est indiqué que le ministre de la Santé et des
Services sociaux "doit plus particulièrement déterminer les
possibilités d'adoption des enfants domiciliés hors du
Québec en tenant compte des objectifs définis par le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec".
Je voudrais à ce moment vous citer certains des objectifs
déjà définis par la Loi sur le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration qui se retrouvent à
l'article 3 de cette loi. À l'article 3, on prévoit que la
ministre, en exerçant ses fonctions, doit établir des politiques
ayant pour objectif notamment - je vais immédiatement au sous-paragraphe
b) - de "faciliter la réunion au Québec des citoyens canadiens et
résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger".
Cet article est important lorsqu'on considère que plusieurs membres de
communautés culturelles ou plusieurs immigrants ont de3 parents à
l'étranger et qu'on pourrait, dans certaines instances,
préconiser l'adoption internationale comme moyen pour permettre la
réunification des familles. Le sous-paragraphe c) du même article
stipule que le ministre a pour objectif de "permettre au Québec
d'assumer sa part de responsabilités dans l'accueil des
réfugiés et d'autres personnes qui se trouvent dans des
situations particulières de détresse". Ceci répond
également aux objectifs de l'adoption internationale. Le sous-paragraphe
d) a comme objectif de "favoriser, parmi les ressortissants étrangers
qui en font la demande, la venue de ceux qui pourront s'intégrer avec
succès au Québec". Étant donné leur jeune âge
et étant donné l'encadrement de l'enfant adopté, ces
jeunes peuvent - on peut le présumer - facilement s'intégrer avec
succès au Québec.
Donc, en l'occurrence, il est bien évident, sans
répéter la généralité des différentes
lois pouvant le concerner, que le processus d'adoption d'enfants non
domiciliés au Québec est intimement lié de par sa nature
au domaine de la santé et des services sociaux, de l'immigration et des
communautés culturelles du Québec. C'est à cause de cette
diversité des facettes que le problème de l'adoption
internationale est si complexe dans sa solution et sa réalisation
même. Nous en sommes très conscients.
Maintenant, nos recommandations. Ayant établi certains principes,
le conseil a conclu que le Québec d'aujourd'hui se compose de gens de
cultures, de religions, de races et d'origines ethniques différentes et
c'est dans cette diversité que le Québec puise une bonne part de
sa force, son dynamisme et son originalité. Le Québec a
affirmé au cours des années sa volonté d'être une
terre d'accueil et d'assurer un traitement équitable à tous les
Québécois et à toutes les Québécoises,
quelles que soient leur origine ethnique ou nationale, leur langue, leur race
ou leur religion.
Le conseil, en vertu de ces principes de base et notamment en vertu des
politiques gouvernementales relatives à l'immigration et aux
communautés culturelles, reconnaît que l'adoption internationale
représente, à bien des points de vue, une "migration"
privilégiée parce que l'intégration de l'enfant et sa
prise en charge sont assurées par des parents adoptifs. Le conseil
aimerait, par le biais de ce mémoire et faisant suite à la
synthèse des témoignages et réflexions recueillis
auprès des participants, faire certaines mises au point.
Le conseil voudrait avancer quelques recommandations qui sont de trois
natures: des observations et recommandations relatives aux aspects limitatifs
du projet de loi 21, d'autres relatives aux aspects discriminatoires ou
susceptibles d'être discriminatoires du projet de loi 21 et d'autres
concernant les aspects opérationnels du projet de loi.
En ce qui concerne les aspects limitatifs, le conseil considère
que le projet de loi et le règlement tels que rédigés
auraient pour effet de limiter et de restreindre l'adoption internationale. Le
projet de loi 21 permet de plein droit l'adoption plénière et il
ne permet l'adoption simple que lorsqu'il y a eu, au préalable, une
entente signée entre le Québec et le pays d'origine de l'enfant.
S'agit-il d'une mesure désirable et réaliste d'exiger d'un pays
de légiférer ou de signer une entente par laquelle il admet,
d'une certaine façon, qu'il permet l'adoption de ses enfants parce qu'il
n'a pas la capacité de s'occuper d'eux? II ne s'agit même pas pour
nous de nous mettre à leur place, mais simplement de retourner quinze
ans en arrière, è une époque où le Québec
disposait d'un grand nombre d'enfants à adopter et à une
époque pas si lointaine où on considérait qu'il
était préférable pour un enfant de grandir au sein d'une
famille,
même étrangère, que d'être abandonné.
Aurions-nous, à cette époque, accepté de signer une telle
entente?
Au niveau pratique, le parent potentiel, à l'heure actuelle,
aurait le choix entre des enfants venant de pays à adoption
plénière ou des enfants venant de pays ayant signé une
entente, c'est-à-dire, pour le moment, avec la Corée du Sud.
En ajoutant une procédure judiciaire au processus, on limitera
ainsi l'adoption internationale pour les raisons suivantes, à notre
avis:
II est bien entendu qu'une procédure judiciaire pourrait
occasionner des délais additionnels qui seraient d'un minimum de six
mois.
Le processus d'adoption est présentement critiqué parce
qu'il demande des délais déjà exorbitants d'environ deux
à cinq ans.
Le projet de loi oblige un parent potentiel à déposer sa
requête auprès d'un tribunal même si l'enfant est issu d'un
pays à adoption plénière ou d'un pays ayant
déjà signé une entente avec le Québec.
En augmentant ainsi les délais, on diminue, par
conséquent, le nombre d'enfants adoptables venant de pays ayant
signé une entente avec le Québec. Les délais trop longs
sont perçus par ce3 pays comme un manque d'intérêt de la
part des pays adoptifs, ce qui peut être néfaste pour leurs
enfants.
Une surjudiciarisation du processus d'adoption n'aurait-elle pas pour
effet d'engendrer les mêmes conséquences que l'absence d'une loi
d'adoption, c'est-à-dire d'empêcher l'adoption?
Le conseil considère le projet de loi 21 limitatif quand on le
compare au droit établi dans les provinces anglophones du Canada, ainsi
que dans les différents États des États-Unis, de
même qu'avec les pays d'Europe occidentale ayant à faire face aux
problèmes engendrés par les adoptions internationales. Le conseil
considère que le projet de loi 21 devrait permettre aux parents
potentiels d'adopter un enfant de sa famille vivant à l'étranger
de la même façon qu'un parent peut faire un placement
spécial en droit interne québécois.
Quant aux aspects du projet de loi 21 susceptibles d'être
discriminatoires, le conseil considère que le projet de loi, tel que
rédigé à l'heure actuelle, aurait des effets
discriminatoires, et ceci pour les raisons suivantes: 1° II est bien
évident que le conseil ne pourrait admettre que le Québec signe
une entente avec un pays concernant l'adoption internationale qui aurait pour
effet, même si ce n'est pas écrit dans le texte, de discriminer en
vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec - de discriminer pour des motifs prohibés par la charte -
en empêchant un Québécois ou une
Québécoise d'adopter un ressortissant du pays signataire,
pour des raisons d'origine ethnique ou nationale, de langue, de race ou de
religion. Cela est un souci qui a été avancé par plusieurs
intervenants. 2° La pratique actuelle, ainsi que le projet de loi 21 ne
permettent pas à un parent potentiel du Québec qui le
désire d'adopter un enfant étranger possédant un handicap
mental ou physique qui aurait été accepté en vertu de la
Loi sur l'immigration canadienne, après entente avec l'Immigration du
Québec, ce qui, selon le conseil, va à l'encontre de la Charte
des droits et libertés de la personne et des principes humanitaires.
3° Le projet de loi 21 serait discriminatoire pour des raisons
économiques, puisqu'il ajouterait des frais, notamment des frais
légaux, qui seront certainement nécessaires lors du
dépôt du projet d'adoption auprès du tribunal. Ceci
pourrait désavantager ou défavoriser certains parents moins bien
nantis. (10 h 30) 4° En limitant le nombre de pays permettant l'adoption de
leurs enfants, on augmente l'incidence de la discrimination contre les membres
de certaines communautés culturelles du Québec qui ne
rempliraient pas les exigences raciales ou religieuses des quelques pays
permettant l'adoption de leurs enfants et acceptés par le Québec.
La loi devrait permettre l'entrée des enfants au Canada et au
Québec aux fins d'adoption lorsqu'une condition jugée
discriminatoire au Canada ou au Québec fait obstacle à l'adoption
de l'enfant dans son pays d'origine.
Au chapitre des aspects opérationnels, le conseil
considère qu'il y a, heureusement, de par cette initiative, une
délimitation des pouvoirs et des obligations des intervenants à
chacun des niveaux, soit au niveau du Secrétariat à l'adoption
internationale, au niveau du directeur de la protection de la jeunesse et au
niveau des organismes reconnus. Cependant, le conseil souhaiterait qu'on
élargisse le champ des pouvoirs des organismes reconnus pour faciliter
leur objectif d'aide aux enfants abandonnés. Le conseil souhaiterait que
le projet de loi 21 et les lois actuelles soient amendés pour permettre
aux organismes reconnus de procéder à l'adoption d'enfants
abandonnés ou d'orphelins dans les camps de réfugiés. Cet
amendement fera prévaloir l'objectif humanitaire poursuivi par le
gouvernement.
Quant aux suggestions et aux considérations, à part celles
qui sont déjà renfermées dans le texte, le conseil, tout
en voulant respecter les principes internationaux des droits de l'enfant, doit
reconnaître que l'adoption internationale rejoint les objectifs
fondamentaux des communautés culturelles et de l'immigration par son
caractère humanitaire et par la diversité culturelle
qu'elle apporte au Québec. Il est bien évident que le
conseil ne voudrait en aucun cas l'abolition de toute législation
concernant l'adoption internationale, ouvrant ainsi les portes à des
démarches parallèles que le conseil voudrait, en fait,
éliminer. Mais, faut-il nécessairement limiter et...
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez,
Mme la présidente, en conclusion.
Mme Westmoreland-Traore: Oui. En conclusion, nous
préconisons l'acceptation des jugements étrangers d'adoption
simple et aussi la possibilité d'informer les parents potentiels et, au
besoin, de les sensibiliser aux différences culturelles. Le
secrétariat pourrait indiquer l'existence de ressources disponibles aux
parents après l'adoption.
Finalement, le conseil espère que la commission pourra tenir
compte de ces quelques recommandations, compte tenu des préoccupations
de3 membres des communautés culturelles et, tout
particulièrement, de celles dont les pays d'origine font ou feront
l'objet d'ententes pour l'adoption d'enfants par des
Québécois.
La ligne maîtresse de notre présentation est la suivante.
Normalement, il devrait y avoir harmonisation entre les politiques
préconisées par le ministère des Communautés
culturelles et les politiques poursuivies par le ministère de la
Santé et des Services sociaux dans un dossier t internationale, va
causer des délais indus et va réduire le nombre d'enfants
disponibles. Je pense qu'il y a peut-être une confusion entre ce qui avel
l'adoption internationale. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
madame. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants du Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration du Québec d'avoir accepté notre invitation et de
s'être présentés devant la commission qui examine le projet
de loi 21 touchant l'adoption internationale. Évidemment, cela ne nous
étonne pas parce que je pense que vous apportez certaines dimensions
auxquelles nous pourrions être moins sensibilisés,
peut-être. J'en veux pour exemple les principes que vous énoncez
au point de départ, aux pages 7 et 8, principes qui, selon vous, doivent
présider à l'adoption internationale. Je pense qu'il est bon de
les rappeler. Vous dites: L'adoption internationale, en ce qui concerne les
pays où nous allons adopter des enfants, doit être une mesure
ultime quand tous les autres moyens possibles de permettre à un enfant
de vivre et de grandir dans son pays d'origine, dans son milieu culturel... Ce
sont d'abord ces choix qui doivent être faits et, ensuite, la
possibilité d'assurer un foyer stable à l'extérieur du
pays d'origine.
Parfois, dans notre désir d'adopter des enfants au plan
international, on perd peut-être de vue ce désir qu'ont les pays
d'origine d'assurer quand même les services ordinaires,
c'est-à-dire d'assurer une vie normale à leurs enfants. Je dois
vous dire qu'à cet égard j'ai été
agréablement surprise, par exemple, de constater, lors de la
présentation des mémoires, qu'au moins deux qroupes d'organismes
bénévoles d'adoption internationale reconnus, au-delà du
travail qu'ils font en matière d'adoption internationale pour faciliter
la disponibilité des enfants et accompagner tes parents dans leurs
démarches, ont eu aussi ou ont des initiatives à
l'intérieur des pays mêmes à la mesure de leurs moyens,
évidemment, pour supporter des familles ou permettre des projets,
d'ordre matériel ou autres, ce qui est un appui aux communautés
ou aux peuples localement pour tenter de ne pas voir la solution de leurs
problèmes uniquement en termes d'adoption internationale, mais aussi en
termes d'un appui, qu'il soit technique, financier ou d'un autre ordre, pour
ces pays. Vous nous le rappelez et je pense que c'est extrêmement
important. Il ne faut pas perdre cela de vue.
Vous soulevez plusieurs inquiétudes dans votre mémoire et
je voudrais peut-être en reprendre quelques-unes. Ainsi, vous dites: Le
fait de signer des ententes va retarder le processus de l'adoptionait
été prévu comme signature d'ententes d'adoption simple
avec des pays au moment du dépôt du décret en
décembre 1986 et ce qui est présentement dans le projet de loi
21. L'entente peut être une forme privilégiée pour obtenir
le consentement du pays d'origine, mais ce n'est pas nécessairement une
entente. Cela peut prendre d'autres formes. On en a discuté avec le
Barreau. Est-ce que cela peut être une personne autorisée, une
personne désignée? II y a des organismes reconnus par les
États eux-mêmes, dans différents pays, qui ont cette
autorisation de leur gouvernement pour procéder ou servir
d'intermédiaire, si on veut, dans ces pays, dans le domaine de
l'adoptîon internationale. Alors, les modalités administratives
peuvent être différentes et non pas être
nécessairement une entente en bonne et due forme, ce qu'on pourrait
appeler une entente bilatérale entre deux pays. Si on les a, bon, cela
peut être une forme, mais ce n'est pas nécessairement ce qu'on
privilégie et différentes autres modalités peuvent
être privilégiées.
Je voudrais dire à cet égard que nous ne fermons aucun
pays à l'adoption, sauf, évidemment, que des pays eux-mêmes
pourraient ne pas... C'est-à-dire que déjà des pays
n'acceptent pas, pour des raisons, je pense, religieuses ou culturelles, comme
le
Maroc, que leurs enfants partent pour l'adoption. Alors, il peut y avoir
des pays comme cela où il n'y a pas de possibilité d'entrer.
Mais, théoriquement, le projet de loi 21 veut, d'une part, poursuivre
l'adoption plénière, mais également ouvrir une porte
à l'adoption simple à la condition qu'il y ait un consentement de
l'État sous une forme ou sous une autre, comme je l'ai signalé
tout à l'heure. Alors, il ne s'agit pas de rétrécir, il
s'agit d'élargir.
Actuellement, ce que prévoit notre Code civil a été
discuté et il y a eu des opinions divergentes sur cela, mais c'est
l'adoption plénière telle que prévue dans le Code civil
à l'heure actuelle puisque cela doit rompre tout lien de filiation avec
les parents d'origine et créer de nouveaux liens. En retenant ce
principe de l'adoption simple avec le consentement d'une personne
autorisée dans le pays d'origine, je pense que nous élargissons
et qu'en principe tous tes pays pourraient, sauf ceux dont je parlais tout
à l'heure, rendre des enfants disponibles pour le Québec.
Vous avez fait une remarque également sur l'alourdissement du
processus judiciaire à la suite d'une référence au
Tribunal de la jeunesse pour une approbation du projet d'adoption. La raison
pour laquelle nous avons mis cette mesure qui, je pense, ne causera pas les
délais indus de trois ou six mois dont vous parlez... C'est une
procédure qui existe dans le cas de placement d'un enfant et qui peut
prendre deux ou trois jours. Nous en avons discuté avec le Barreau, qui
disait: Au maximum, quinze jours. C'est simplement, d'une part, pour
sécuriser les parents qui, au moment où ils partiront, sauront
que leur projet d'adoption est valable. D'autre part, cela a été
fait pour enlever le pouvoir discrétionnaire du ministre qu'on a remis
en question; à ce moment-là, cela ne relève plus du
ministre, mais d'un tribunal, le Tribunal de la jeunesse, qui nous
apparaît le tribunal normal pour le faire.
Vous avez fait certaines suggestions, par exemple, pourquoi ne pas aller
adopter des enfants dans les camps de réfugiés? Notre
inquiétude ou notre préoccupation à cet égard -
vous parlez d'orphelins de ces camps - est celle-ci: Comment pourrions-nous
déterminer que ces enfants sont orphelins d'une façon certaine?
L'expérience a démontré qu'il y avait souvent, par la
suite -heureusement - des regroupements de familles qui avaient
été séparées momentanément dans des camps.
Probablement qu'il serait diffile d'avoir une preuve; c'est notre
préoccupation. Ce n'est pas que nous rejetions votre formule au point de
départ, mais c'est quand même une préoccupation que nous
avons.
Vous faites également la suggestion que la loi devrait permettre
aux parents potentiels d'adopter... Si la députée...
Le Président (M. Joly): Sur le temps de dix minutes.
Mme Lavoie-Roux: ...n'a pas d'objection, il se peut que je sois
obligée...
Le Président (M. Joly): De déborder.
Mme Lavoie-Roux: ...d'aller faire un discours à
l'Assemblée nationale, alors, cela vous permettra de continuer. Je ne
prendrai pas plus de temps...
Mme Vermettes Non, non.
Mme Lavoie-Roux: ...je vais prendre le même temps. Vous
demandiez que la loi permette aux parents d'aller adopter à
l'étranger un enfant de sa famille. On peut s'interroger, je pense, s'il
est possible d'adopter cette règle de droit interne en droit
international privé. Nous allons l'étudier. Je pense qu'on n'a
pas la réponse sur-le-champ pour vous la donner. Ensuite, je pense qu'il
ne faut pas perdre de vue que l'adoption internationale n'a pas pour objectif -
en tout cas, comme objectif premier - la réunion des familles. Je pense
que c'est une responsabilité du ministère de l'Immigration qui a
ses propres politiques à cet égard, que ce soit l'Immigration
québécoise ou l'Immigration canadienne.
Rapidement, vous dites en page 16: "II est bien évident que le
conseil ne pourrait admettre que le Québec signe une entente avec un
pays concernant l'adoption internationale et qui aurait pour effet de
discriminer en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne
du Québec, en empêchant un Québécois ou une
Québécoise d'adopter un ressortissant du pays signataire pour des
raisons d'origine ethnique ou nationale, de langue, de race ou de religion." Je
pense que je dois l'interpréter comme une mise en garde. Si, dans
certains cas, nous devions signer des ententes, il est évident qu'on ne
voudrait pas signer des ententes qui aient des effets discriminatoires. Enfin,
vous pourrez peut-être expliquer davantage; je n'ai peut-être pas
saisi exactement ce que vous disiez.
Deuxièmement, vous dites: La pratique actuelle, ainsi que le
projet de loi 21 ne permettent pas à un parent potentiel d'adopter un
enfant handicapé. Je dois vous dire, à cet égard, que,
même au moment où nous nous parlons et pour l'avenir, il y a
toujours des possibilités d'adopter des enfants handicapés. Je
dois vous dire que le Secrétariat à l'adoption internationale a
piloté l'adoption de deux ou trois enfants handicapés
déjà. Alors, je pense qu'il s'agit peut-être d'une crainte
qui n'est pas tout à fait fondée. (10 h 45)
Est-ce qu'on devrait en adopter
davantage? On a eu de longues discussions avant que vous ne veniez ici.
Il y a eu des représentations faites par des parents. Je pense que je
pourrais personnellement le souhaiter, mais on a au Québec aussi des
enfants handicapés qui ne se font pas adopter facilement; on a 1500 ou
1600 enfants, soit qu'ils soient handicapés ou qu'ils soient
abandonnés ou qu'ils soient plus vieux. Les parents qui vont en adoption
internationale, du moins selon ce qu'on a entendu ici, favorisent de beaucoup
un jeune enfant de zéro à un an non handicapé. Sur le plan
des principes, je suis d'accord avec vous, il n'y a rien dans la loi qui
empêcherait que ceci ne se fasse.
Vous parlez des frais judiciaires qui seront encourus par le processus
de la requête au Tribunal de la jeunesse pour faire reconnaître ou
apprécier un projet d'adoption. Je dois vous dire que là-dessus
il y a toujours l'aide juridique qui est accessible aux personnes dont les
revenus sont trop faibles. Évidemment, l'aide juridique n'est pas un
programme universel auquel tout le monde a accès. Je dois vous dire ici
que l'aspect qui a été davantage soulevé par les
intervenants était plutôt relié à la
possibilité de délai qu'à la possibilité de
difficultés au plan financier. Je pense qu'il faudra se pencher sur ce
problème également.
Vous faites des recommandations pour que les parents potentiels soient
sensibilisés aux différences culturelles et qu'on leur permettre
d'obtenir, si nécessaire, des services d'aide à la suite de
l'adoption. Je pense c'est le rôle des trois intervenants. Il y a un
rôle général à cet égard, celui du
secrétariat à l'adoption, mais c'est également un
rôle des centres de services sociaux qui font l'évaluation, le
jumelage et qui suivent les parents à travers ce processus d'adoption.
Les organismes d'adoption internationale également ont aussi
indiqué cette nécessité de sensibiliser les parents. Ils
disaient, et je le crois bien volontiers, qu'ils se trouvent dans une situation
privilégiée compte tenu de leurs contacts à
l'intérieur des pays, des expériences qu'ils ont eues dans les
fonctions qu'ils ont remplies à cet égard. Ils ont indiqué
cette préoccupation que les parents adoptifs ou potentiellement adoptifs
soient sensibilités d'abord aux différences culturelles, mais
également aux problèmes que peut créer l'adaptation au
plan culturel d'enfants, surtout s'ils sont un peu plus vieux, qui sont
adoptés ici au pays.
Je vais être obligée, M. le Président, de m'excuser.
On m'appelle pour faire une intervention de dix minutes en haut.
Mme Westmoreland-Traore: Le conseil est très honoré
par la présence de la ministre et nous vous remercions. On va beaucoup
tenir compte de vos observations.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant céder la
parole à Mme la députée de Marie-Victorin qui a
certainement des questions à poser.
Mme Vermette: Oui. Il me fait plaisir, au nom de ma formation
politique, de vous accueillir, d'autant plus qu'il nous a semblé
très pertinent de pouvoir vous entendre ici en commission parlementaire.
C'est une des facettes de votre vie parce que vous avez vécu
l'immigration et que l'adoption internationale est un volet de l'immigration et
des communautés culturelles. Je suis convaincue que vous vous penchez
régulièrement sur le sujet et que vous avez sûrement des
opinions et des informations fort intéressantes et pertinentes sur le
domaine. Ceci m'amène à dire que, à cette commission
parlementaire, il est plus important d'entendre ce que vous avez à nous
dire que ce que nous pensons du projet de loi. Je suis convaincue que dans sa
forme actuelle le projet de loi ne répond pas aux attentes de l'adoption
internationale qui favoriseraient une démarche, autant pour le
mieux-être d'un enfant que pour le mieux-être des parents. On l'a
dit et vous l'avez fait très bien ressortir dans votre mémoire,
tout ce qui doit être fait pour l'adoption internationale doit
l'être dans l'intérêt de l'enfant, tout en tenant compte du
respect des pays.
En page 9 de votre mémoire, justement, vous dites que "l'adoption
devrait constituer un acte d'humanisme respectueux des diversités
culturelles et raciales". Un peu plus loin, vous parlez d'une attitude
d'ouverture. J'aimerais que vous vous expliquiez davantage
là-dessus.
Mme Westmoreland-Traore: Merci. M, le Président, je peux
répondre à la question qui est posée relativement à
la page 9, soit que "l'adoption devrait constituer un acte d'humanisme
respectueux des diversités culturelles et raciales." Nous avons
pensé que c'était important quant aux principes de souligner
aussi que, de par cette institution qu'est l'adoption internationale, nous
venons, dans une certaine mesure, même si ce n'est qu'une partie
marginale, renforcer le caractère multiethnique, multiracial,
multiculturel de la société québécoise. Nous
pensons, comme nous l'avons déjà dit, que ceci constitue une des
forces de notre société.
De plus, nous pensons que l'adoption internationale est, presque par
définition, surtout lorsqu'on pense que c'est le recours ultime, un acte
d'humanisme qui est encore un des objectifs établis dans les principes
de la Loi sur l'immigration.
Dans les représentations qui nous ont
été faites, nous voyons que souvent les parents ont
exprimé ce désir de pouvoir, de par leur propre situation, venir
en aide à des enfants qui sont vraiment dans une situation de
détresse et démunis. Nous avons pensé qu'il était
nécessaire de le souligner. Je ne sais pas si cela rejoint la
question.
Si je le peux, je voudrais apporter certaines réflexions sur les
observations qui ont été faites par la ministre, Mme Lavoie-Roux.
Il est sûr que nous avons peut-être présumé que
l'accord requis par une autorité gouvernementale dans le cas de
l'adoption simple serait donné dans le cadre d'une entente. Je pense que
la précision de Mme la ministre est très utile, soit que ce n'est
pas toujours nécessaire que cet accord soit fait dans le cadre d'une
entente, mais que cela peut aussi être une procédure individuelle
ou qui intervient cas par cas.
On se demande toujours, cependant, pourquoi, dans ce processus
d'adoption simple, il faudrait ajouter une exigence, c'est-à-dire
l'exigence de l'approbation de l'État, alors que, dans plusieurs pays,
il existe un processus judiciaire d'adoption. On pourrait normalement faire
confiance au processus de ces pays, quitte à avoir, ici au
Québec, le processus de reconnaissance, de l'adoption qui est intervenue
internationalement à l'extérieur. Nous pensons que c'est quand
même une exigence additionnelle qui alourdit le processus.
En ce qui concerne l'obligation d'obtenir une approbation
préalable d'un projet d'adoption internationale, avec tout le respect,
même si cela peut sécuriser certains parents, ce processus nous
semble trop lourd pour l'objectif recherché. Au fond, il est sûr
que les premiers cas d'adoption dans certains pays peuvent être
problématiques mais, du moment qu'il y a eu deux ou trois adoptions dans
un pays étranger, on n'a pas besoin d'aller, chaque fois qu'il y a une
adoption, devant le tribunal pour confirmer la validité au
préalable de ce projet d'adoption. On pense que cela va entraîner
non seulement des frais supplémentaires pour les parents, mais aussi que
cela peut encombrer les tribunaux de façon indue.
Dans certains cas où il y a véritablement litige, on peut
toujours avoir recours à d'autres procédures de droit commun,
comme une requête en jugement déclaratoire ou autres.
J'ai pensé que ce serait peut-être intéressant pour
un des membres de notre conseil, Mme Trinh, d'apporter un complément
d'information sur la question des orphelins et la reconnaissance des orphelins
dans les camps de réfugiés.
Mme Trinh (Phuong): M. le Président, c'est en regard de la
question de la ministre qui a soulevé le fait qu'on ne pouvait pas
déterminer le statut d'orphelin des enfants dans les camps. Si j'ose
apporter une précision, c'est que, d'après nos informations, nous
pouvons quand même avoir des précisions quant au statut d'orphelin
des enfants au camp, parce qu'en principe tous les enfants ou toutes les
familles ou toutes les personnes qui entrent dans un camp de
réfugiés ont une histoire sociale relevée par le
Haut-Commissariat des réfugiés posté, dans le camp par
l'ONU. L'histoire de perte de famille ou de famille dispersée ou de
famille tuée, c'est tout enregistré. Donc, à partir de ce
point, on peut, quand même, déterminer le statut d'orphelin de
l'enfant.
Mme Westmoreland-Traore: Merci. Je vais aussi demander à
M. Paquin de faire une observation sur la question de l'adoption internationale
et la réunification de certaines familles d'immigrants au
Québec.
M. Paquin (Raymond): M. le Président, il nous a
semblé, aux membres du conseil, important de tenir compte des objectifs
qui sont définis par la ministre des Communautés culturelles et
de l'Immigration en regard des lois et des règlements qui doivent
être faits par la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Donc, je pense que la présidente avait cité l'article 3 de la Loi
sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. Lorsqu'on a
parlé de réunification des familles, on semblait sous-entendre
que ce n'était pas l'un des principaux buts qu'on poursuivait. Mais un
des objectifs, l'objectif principal qu'a l'immigration, c'est la
réunification des familles. En ce sens, on a cherché une certaine
concordance entre la loi de l'immigration et la loi des affaires sociales. Il
nous apparaît important que les membres des communautés
culturelles - et je pense que c'est bien naturel, instinctif pour eux -
considèrent l'adoption d'un enfant dans leur pays d'origine. Donc, en
même temps que c'est un objectif poursuivi par la ministre des
Communautés culturelles, ce devrait être aussi un objectif
très important à considérer dans l'adoption
internationale.
Nul doute que ces enfants qui seraient adoptés par des gens de la
même origine culturelle... On parlait au tout début du bien de
l'enfant. Je pense que cela atteint encore plus les objectifs qu'on poursuit
quand c'est un membre de la même communauté.
Mme Westmoreland-Traore: Merci.
Mme Vermette: Parce que Mme la ministre tantôt a
soulevé beaucoup de points, en fin de compte, a réfuté
beaucoup de points de votre document, peut-être que vous pourriez,
justement, donner des précisions sur cela.
Mme Westmoreland-Traore: Je pense qu'un des points importants
pour nous, c'est
le fait qu'au Québec les tribunaux ont reconnu l'adoption simple
comme l'adoption qui crée un lien de filiation sans
nécessairement en rompre un autre. Nous ne voyons pas pourquoi le
secrétariat à l'adoption et maintenant ce projet de loi veulent
créer une distinction entre ces deux catégories d'adoption. Les
tribunaux au Québec ont déjà dit que, dans le cas d'une
adoption simple, même si l'enfant conserve certains liens dans son pays
d'origine, du moment que le jugement d'adoption est reconnu au Québec,
il a les mêmes droits qu'un enfant qui est adopté au
Québec. H n'y a pas d'inconvénient pour l'enfant quand il est au
Québec. Il est logique, dans certains cas, qu'il y ait une adoption
simple parce que cette adoption simple est un moyen de protection que garde,
que conserve le pays d'origine pour le cas où, justement, il y aurait
des difficultés dans l'adoption, si l'adoption n'est pas
prononcée dans l'autre pays ou si, pour une raison ou une autre, le
placement n'a pas lieu et que l'enfant est obligé de retourner dans son
pays. Donc, c'est presque un cas de responsabilité pour certains pays de
maintenir certains Iiens au moins pour les fins de nationalité de leurs
propres enfants. (11 heures)
II nous semble important de souligner les aspects discriminatoires,
parce qu'il est parvenu à notre connaissance que, dans la pratique, au
moins un pays aurait signé une entente, et, à l'examen, il semble
qu'il y ait une condition précisant que les enfants provenant de ces
pays ne soient pas placés chez des familles de certaines races.
Étant donné la législation antidiscriminatoire au Canada,
c'est sûr que cette pratique constitue une certaine injustice envers les
membres de ces communautés culturelles qui sont exclus. La façon
dont cette chose est apparue, c'est qu'en voyant systématiquement le
placement pour adoption, on a vu qu'on ne tenait aucun compte de certaines
personnes et que les enfants étaient plutôt placés chez
d'autres. Il est important pour nous de souligner cette pratique parce qu'au
fond, parfois, on ne la considère pas ouvertement et nous pensons
qu'elle peut être corrigée.
Nous sommes heureux de savoir que les enfants handicapés peuvent
toujours être adoptés. II nous semblait qu'il y avait une certaine
ambiguïté dans ce domaine. Si la ministre dit que c'est toujours
possible, cela rejoint un de nos objectifs.
Sur la question de la sensibilisation aux différences
culturelles, nous sommes d'avis aussi que c'est la responsabilité des
différents intervenants. Nous pensons parfois que c'est un aspect qui
est négligé et qu'il pourrait y avoir un effort plus conscient,
plus organisé pour informer et sensibiliser les parents à ces
réalités. On a appris qu'au fond, dans certains cas, ces
difficultés sont aggravées. S'il y avait des services de soutien
formés, s'il y avait une formation adéquate pour les
intervenants, on pourrait éviter certains cas où les enfants sont
obligés de suivre des thérapies en raison d'une mauvaise
adaptation. C'est donc une recommandation que nous faisons. Nous
espérons que des mécanismes concrets seront mis en place pour
assurer que cette sensibilisation aura lieu.
Mme Vermette: II y a deux volets très importants qui
ressortent de votre mémoire. D'une part, vous voulez une concordance et
si, comme la ministre se plaît à le dire, il y avait beaucoup
d'échanges de vues et de concertation entre la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration et le ministère de la
Santé et des Services sociaux, je pense qu'on pourrait établir,
dans une politique claire d'adoption internationale, les aspects que vous venez
de formuler. On pourrait avoir beaucoup plus de concordance, j'imagine, entre
les objectifs du ministère de l'Immigration, qui pourrait, justement,
émettre son opinion par rapport à l'adoption internationale dans
les différents aspects de l'immigration que vous venez de soulever. En
tout cas, nous souhaitons que cela ira au-delà des paroles de la
ministre et qu'on pourra revoir cela dans les textes de loi. Je pense que ce
sera plus conforme à la réalité et aux souhaits
exprimés.
Il y a deux volets qui ressortent beaucoup. C'est la limitation; vous
trouvez que le projet de loi est très limitatif, d'une part. D'autre
part, il y a le volet discriminatoire que vous avez soulevé. J'aimerais
que vous nous parliez un peu de l'aspect limitatif du projet de loi.
Mme Westmoreland-Traore: Oui. Sur les aspects limitatifs, nous
avons pensé, surtout dans le cas de l'adoption simple, que si, par cette
loi, on ajoute une autre exigence pour que ces adoptions prononcées
à l'étranger soient reconnues, cela équivaut, en fait,
à rendre le projet d'adoption internationale plus compliqué, plus
limitatif. Est-ce que les pays vont vouloir instaurer à la demande du
Québec un processus spécial selon lequel le gouvernement, par son
représentant autorisé, va consentir dans chacune des
procédures d'adoption à ce que cet enfant soit adopté par
une autre personne? Nous pensons aussi que, dans certains cas, il y a des
limitations qui sont imposées par les lois nationales. Par exemple, dans
certains pays, on ne permet pas à une personne d'une autre religion
d'adopter un enfant. L'État ne pourrait pas intervenir pour approuver
une telle adoption. Cependant, s'il y a un processus permettant à
l'enfant de quitter le pays et si, selon la loi sur l'adoption ici au Canada,
cet enfant est adopté, si l'enfant peut venir ici et être
adopté ici légalement, selon le processus des tribunaux, le
Tribunal de la jeunesse au
Québec, à ce moment ces personnes qui sont des citoyens
canadiens, des Québécois à part entière, pourraient
aussi trouver des enfants à adopter. C'est un cas réel.
Actuellement, par exemple, les enfants qui sont acceptés par le
Secrétariat à l'adoption internationale sont des enfants, pour
qui il y a un processus d'adoption plénière, de certains pays de
l'Amérique latine et les membres de la communauté juive, par
exemple, ne peuvent pas adopter ces enfants parce que ces pays demandent que ce
soient des catholiques qui adoptent ces enfants. C'est une limitation qui
affecte des membres des communautés culturelles. C'est un exemple.
Je voulais aussi revenir sur la question de la réunification des
familles, parce que la réunification des familles, comme M. Paquin l'a
souligné, est un aspect important et c'est un aspect qui facilite aussi
une certaine immigration au pays. Pour les membres des communautés
culturelles - ceci a été un avis assez général -
souvent, il y a une notion plus étendue de la famille. Dans la loi sur
l'immigration, nous avons une définition de la famille qui
répond, si je puis dire, aux critères du droit canadien et
québécois. Dans les autres pays, souvent, il y a une notion de
famille élargie et, pour concilier ces deux notions de famille, les
membres des communautés culturelles ou les immigrants adoptent des
jeunes neveux, des jeunes frères, légalement; de cette
façon, ces enfants peuvent être parrainés. Si, en vertu de
la loi sur l'adoption, on rend plus difficile l'adoption de ces enfants dans
les pays d'origine, parce que ce sont des pays d'adoption simple et que cela
prendrait un autre processus d'intervention de l'État, à ce
moment ces personnes subissent une certaine limitation du processus
d'immigration parce qu'elles ne peuvent plus faire ce qu'elles faisaient
auparavant. De plus, ces personnes-là, c'est-à-dire les membres
des communautés culturelles et certains immigrants, se sentiraient
désavantagées par rapport au processus qui existe dans d'autres
endroits, là où ne se pose pas ce problème, où il
n'y a pa3 ces exigences supplémentaires. Cela peut même favoriser
le cas de personnes qui iraient dans d'autres provinces pour faire l'adoption
pour qu'ensuite l'enfant vienne au Québec. Ce sont des choses qu'on
voudrait éviter. C'est pour cela qu'on pense que la loi devrait
rejoindre les objectifs sans qu'on soit obligé de faire des
détours.
Mme Vermette: Est-ce pour cela qu'à la page 17 de votre
mémoire vous écrivez que "la loi devrait permettre
l'entrée des enfants au Canada et au Québec aux fins d'adoption,
lorsqu'une condition jugée discriminatoire au Canada ou au Québec
fait obstacle à l'adoption de l'enfant dans son pays d'origine"?
Mme Westmoreland-Traore: Justement. Il nous a été
signalé par un membre, par exemple, de la communauté indienne,
qu'en Inde on ne permet pas l'adoption par des chrétiens. Il y a 2 % de
la population indienne qui est chrétienne, dont certains sont au
Québec. Ces personnes, dans le temps, pouvaient faire adopter des
enfants ici au Québec ou au Canada. Maintenant, elles ne peuvent pas
faire adopter les enfants en Inde parce qu'il n'y a pas d'adoption par des
chrétiens. Si l'enfant pouvait être admis ici, adopté
légalement ici selon le processus devant le Tribunal de la jeunesse,
ceci éliminerait un obstacle qui, d'après nous, est
discriminatoire.
Une voix: C'est fini.
Mme Vermette: Je pensais qu'il me restait encore un certain
temps. Je pense que vous avez apporté un volet très important.
J'aurais aimé vous poser davantage de questions parce que je pense qu'il
reste encore beaucoup d'interrogations. Il aurait été
intéressant de vous entendre beaucoup plus longuement parce que vous
êtes directement impliqués, vous êtes au fait des
préoccupations et des us et coutumes des différentes
communautés culturelles. C'est un volet qu'on n'a pas du tout
abordé parce qu'on a été beaucoup plus
préoccupés par la démarche que les parents font ici au
pays, mais je pense que ce que vous apportez à l'heure actuelle porte,
finalement, sur les us et coutumes, sur les implications et sur la
façon, lorsqu'on fait une loi, dont on devrait s'y attarder, car,
au-delà des considérations d'ordre légal et judiciaire, il
y a aussi les considérations d'ordre humanitaire et les us et coutumes
des pays avec lesquels on transige.
Je vous remercie beaucoup et j'ose espérer qu'on fera une
nouvelle rédaction du projet de loi parce que je pense, tel qu'il est
libellé, il met beaucoup plus d'obstacles et vous l'avez fait bien
ressortir. Tel qu'il est libellé, malgré les paroles
réconfortantes et optimistes de la ministre, si on ne chanqe pas le
projet de loi dans sa forme actuelle, nous allons avoir beaucoup plus de
tracasseries administratives et des pays seront fermés à
l'adoption internationale. Je pense qu'il est important qu'on travaille en
collaboration avec le ministère des Affaires culturelles, celui de
l'Immigration et celui de la Santé et de3 Services sociaux. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président. Comme il reste encore
quelques petites minutes à notre formation, j'aimerais demander ceci
à Mme la présidente; Ne
croyez-vous pas que le Québec comme tel doit respecter les lois
et le consentement des autres pays, des parents biologiques qui, après
tout, procurent des enfants pour les Québécois?
Mme Westmoreland-Traore: Oui. Je pense qu'il y a là,
fondamentalement, un devoir. Je pense que le conseil est d'accord et que c'est
pour ça que nous avons établi ces principes au tout début.
Je pense que c'est la façon dont on obtient ce consentement ou cet
accord des pays. Actuellement, dans les différents pays, il existe des
mécanismes, il y a des secrétariats à l'adoption, il y a
des sociétés d'aide à l'enfance. Je pense que, lorsque ces
institutions existent, le Québec devrait respecter ces
procédures.
Pour nous, il y a une différence entre respecter les
procédures internes, légales qui existent maintenant et qui
protègent les enfants et exiger une autre procédure, une
procédure formelle qui demande à l'État d'intervenir et
d'approuver formellement une adoption internationale. Je pense que c'est
demander à l'État de reconnaître formellement qu'il n'a
pas les moyens de subvenir aux besoins de cet enfant. Cela peut être
délicat.
Nous sommes ici dans une situation de spéculation parce que,
depuis que le secrétariat à l'adoption a eu le pouvoir de
conclure les ententes, je pense qu'une entente a été conclue. Je
comprends que ce n'est pas nécessairement la négociation d'autres
ententes, mais, au moins, avec une entente, les parents sauront comment
procéder. Ils ne seront pas obligés, dans chaque cas, de chercher
eux-mêmes comment faire preuve de cette autorisation de
l'État.
M. Joly: Je vais revenir sur vos commentaires, Mme la
présidente, mais, avant de quitter, Mme Trinh a fait tantôt
état des orphelins. Ce qui nous dérangeait, un peu, c'est
peut-être la façon de vérifier si ce sont
véritablement des orphelins. Je pense qu'on n'a pas tellement mis
l'emphase sur ça. On ne peut pas arriver là-bas, avoir la
certitude et créer un autre problème, à savoir que
l'enfant s'en vient dans la province chez nous et qu'ensuite on lui retrouve un
parent et, à ce moment-là, des attentes ont été
créées qui restent en suspens des deux côtés.
J'aimerais que Mme Trinh revienne un peu à la charge sur
ça et nous dise davantage de quelle façon vous avez vraiment la
certitude que ce sont des orphelins. Hier, à l'émission "Le
Point", on a fait mention d'un jeune réfugié dans un camp de
réfugiés qui avait réussi à se sauver pour aboutir
ici au Québec. Actuellement, il ne semble pas avoir de statut comme tel,
mais lui-même pleurait souvent en pensant à ses parents. Dans sa
tête à lui, est-ce que ses parents sont encore vivants ou si dans
la tête des gens qui sont chargés de ces genres de camps de
réfugiés, ils ont la certitude absolue qu'ils sont vraiment
décédés?
Mme Trinh: Pour répondre à votre question, il y a
deux volets de ce que j'entends de votre question. Premièrement, la
certitude. Vous pouvez obtenir cette certitude officiellement par écrit
par l'officier du camp, à savoir que l'enfant, d'après son
histoire, est orphelin. C'est une preuve que vous pouvez croire ou ne pas
croire; cela est une preuve réelle. Est-ce qu'on va dire que le rapport
de l'officier est une incertitude ou non? C'est à nous de penser si
c'est certain ou non.
Maintenant, la deuxième certitude que l'on peut vous donner quant
à l'enfant, à savoir s'il est orphelin ou non, un enfant,
orphelin ou non, pleure ses parents. Si ses parents sont vivants ou morts, il
pleure toujours ses parents. L'expérience qu'on a eue des enfants
adoptés à un âge assez avancé, c'est qu'ils
réfèrent souvent à leur origine. On ne peut pas vous
certifier que l'enfant a coupé les liens, qu'il ne pense pas à
son origine, surtout un enfant d'un autre pays. On ne peut pas couper ce lien,
lui dire qu'il est orphelin et qu'il est coupé de son origine, on ne
peut pas le faire. Même si c'est un enfant d'ici, un enfant du
Québec, qui est adopté à un âqe un peu plus
avancé, il pense toujours à son origine, que ce soit d'un autre
pays ou d'ici.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
madame. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que....
Le Président (M. Bélanger): Oui, elle l'a fait. Il
vous reste à...
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, je suis heureuse d'être
revenue pour vous remercier encore une fois. Je veux vous dire, comme j'aurais
pu le dire à ceux qui vous ont précédés et à
ceux qui vont vous suivre, même si tous les aspects des mémoires
ne sont pas abordés au cours de l'échange compte tenu du temps
qui nous est imparti, que nous les examinons très sérieusement;
s'il y a lieu d'obtenir d'autres éclaircissements, nous
n'hésiterons pas à communiquer avec qui de droit. Je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme Traore, si
je ne me trompe, MM. Paquin et Johnson, Mme Trinh et M. Kofi Sordzi nous vous
remercions infiniment de votre présentation au nom du Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration
du Québec.
J'invite le prochain groupe, le Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Chicoutimi. Nous allons suspendre
les travaux pour deux minutes, histoire de faire le changement, et nous
recommencerons. Dans deux minutes, pas plusl
(Suspension de la séance à 11 h 18)
(Reprise à 11 h 21)
Syndicat des professeurs de l'Université du
Québec à Chicoutimi
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à chacun de gagner sa place. Nous
allons reprendre les travaux dans quelques instants.
Donc, nous recevons ce matin les représentants du Syndicat des
professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi. Je
m'excuse, je cherche mon petit papier pour avoir les noms; je ne les ai pas.
Oui. Alors, c'est M. André Leblond qui en est le président. Si M.
Leblond veut bien s'identifier. Vous êtes M. Leblond. Si vous aviez
l'obligeance de nous présenter votre équipe et de procéder
à la présentation de votre mémoire. Vous connaissez un peu
les règles ou si...
M. Leblond (André): Nous sommes familiers avec la
commission sur le financement des universités. On revient assez
périodiquement.
Le Président (M. Bélanger): Ce sont sensiblement
les mêmes choses. Alors, je vous en prie, allez-y!
M. Leblond: Nous remercions la commission des affaires sociales,
de même que Mme Thérèse Lavoie-Roux et Mme Cécile
Vermette, de nous permettre d'exposer notre point de vue sur l'adoption
internationale. Permettez-moi de présenter mes collègues, ce
matin: à l'extrême gauche, M. Marc Roberge, secrétaire de
notre syndicat, Mme Germaine Preston, à ma gauche, et M. Jean-Pierre
Gagnon, vice-président de notre syndicat également. Je pense
qu'on devrait ajouter à la fin du document Mme Preston comme
collaboratrice. Mme Preston a été élue très
récemment et a collaboré à ce mémoire.
En guise de préambule, le Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Chicoutimi aimerait
préciser quelques-unes des balises qui ont encadré sa
démarche dans la préparation de ce mémoire. Notre syndicat
s'est intéressé au problème de l'adoption internationale
en vertu d'un intérêt particulier de nos membres à ce
sujet. En effet, malgré notre situation en périphérie, nos
membres qui, pour plusieurs sont d'oriqines diverses, ont vécu des
expériences internationales qui les ont sensibilisés à ce
problème. De plus, il nous paraît évident que certains
principes fondamentaux sont en cause et qu'en tant qu'universitaires nous nous
devons d'intervenir pour les défendre.
Notre mémoire n'aborde donc pas la question de l'aide
internationale et des notions corrélatives de développement et de
sous-développement. Nous reconnaissons cependant que l'adoption
internationale se situe dans un contexte d'échanges et de collaboration
entre pays riches et pauvres, mais aussi dans un cadre juridique et
constitutionnel que nous jugeons hors de notre compétence.
Notre démarche vise à mieux faire ressortir les droits des
parents à concrétiser une adoption internationale dans les
meilleurs délais et à des coûts raisonnables, tout en
sauvegardant le droit des enfants.
De plus, si notre syndicat a voulu produire un mémoire à
cette commission, c'est en raison de l'inacceptabilité de l'ensemble du
projet de loi et des projets de règlements présentés par
Mme la ministre Thérèse Lavoie-Roux. Ainsi, sous le couvert d'une
supposée protection des droits de l'enfant, ce projet amplifie et
instaure un bureaucratisme conduisant à la violation, à la fois
des droits individuels d'un ou des parents d'avoir un enfant, des droits de la
famille de pouvoir jouir de la présence d'un nouveau membre librement et
dans les plus brefs délais et des droits de l'enfant lui-même qui,
à cause des délais de plusieurs années et d'une
procédure de sélection décidée par l'État,
ne pourra pas retrouver en quelques semaines ou quelques mois le parent qui l'a
choisi.
Ce mémoire présentera donc notre vision des droits des
parents, de la famille et de l'enfant ainsi que le principe de la
primauté de ces droits sur l'interventionnisme abusif de l'État.
De plus, nous proposons un rôle accessoire de l'État dans
l'assistance à apporter aux parents et aux groupes privés
associés à l'adoption internationale; il s'agit du principe selon
lequel l'État est un associé plutôt qu'un
régent.
Les droits individuels des parents, de la famille et de l'enfant. Il
nous semble primordial d'établir les principes fondamentaux devant
guider toute politique du gouvernement québécois relativement
à l'adoption internationale. Comme premier principe, il y a la
primauté des droits des parents, de la famille et de l'enfant sur
l'interventionnisme de l'État. Les droits individuels des parents, les
droits de la famille et les droits de l'enfant doivent inspirer au plus haut
point toute loi ou tout règlement que le gouvernement voudrait
établir pour encadrer l'adoption. D'abord, tout parent ou tout couple de
parents doit
avoir un droit égal et inaliénable de pouvoir adopter un
enfant au même titre qu'il est reconnu à tout individu de pouvoir
concevoir naturellement un enfant. De plus, comme il est normal d'attendre la
venue d'un enfant au bout d'une gestation de neuf mois, pourquoi ne serait-il
pas aussi normal que l'adoption ne se prolonge pas au-delà de ce
délai? Aussi, pourquoi ce délai ne serait-il pas
considérablement écourté compte tenu du fait que l'enfant
est déjà conçu et attend un parent?
L'adoption internationale est, à bien des égards,
préférable à la fécondation par des moyens
scientifiques nouveaux. Sans priver les parents du droit d'opter pour ces
méthodes parfois longues, frustrantes et coûteuses, les parents
n'ont-ils pas te droit également d'opter pour une adoption
internationale libre, rapide et peu coûteuse?
La famille peut être monoparentale, nucléaire ou avoir un
prolongement qui, traditionnellement, peut regrouper d'autres personnes comme
les grands-parents, des cousins, des cousines, etc. Comme entité ou
cellule fondamentale de notre société, la famille a des droits
fondamentaux que lui valent bien les devoirs que la société lui
confie. Selon nous, les droits de la famille sont de ceux qui permettent
à celle-ci de s'épanouir, de se réaliser comme groupe et
comme individu dans le bonheur et la sécurité ainsi que de
pouvoir s'intégrer efficacement à l'environnement social qui
entoure la famille. Le désir d'un couple d'adopter un enfant nous
apparaît un droit aussi fondamental que la décision de concevoir
un enfant. La finalité est la même. Le manque évident
d'enfants québécois à adopter au Québec oblige les
parents à envisager l'adoption internationale. Il nous apparaît
que les familles ont le droit d'obtenir l'adoption d'un enfant étranger
dans les plus brefs délais, à partir du moment de la
décision des parents.
Un sondage réalisé pour Le Devoir par Les études de
marché Créatec Plus a été publié dans ce
journal le 14 avril 1987. Le résumé de Paule des Rivières
montre que: "...les Québécois, hommes et femmes, désirent
une vie affective heureuse et paisible à l'intérieur d'un couple,
dans un environnement sans violence ni pollution. Possiblement avec des
enfants..." L'aspiration première des Québécois est
"d'avoir une vie de couple heureuse..." puis en deuxième lieu "...donner
et recevoir de l'affection... En troisième lieu vient le désir
d'avoir des enfants". Elle ajoute que "les Québécois tiennent
à la famille, mais moins au mariage". Puis: "près de la
moitié des Québécois (46 %) consentirait à une
augmentation des impôts pour que l'État encourage les couples qui
veulent des enfants..." (11 h 30)
La commission des affaires sociales peut-elle ignorer le droit des
couples et de la famille d'adopter librement et efficacement un enfant
étranger? N'y a-t-il pas là un devoir d'assistance de
l'État envers les familles? Le dépôt du présent
projet de loi n'est-il pas l'antithèse de cet objectif?
Par ailleurs, nous croyons que tout enfant québécois ou
étranger a le droit de vivre en sécurité affective et
matérielle dans une famille qui lui permettra d'acquérir et de
bénéficier des acquis d'une société libre,
progressiste et démocratique. Tout enfant a un droit inaliénable
à un développement complet et harmonieux de ses
potentialités en conformité avec les droits fondamentaux de la
liberté, de l'égalité et de la fraternité.
En pays étranger, souvent sous-développé au plan
matériel, les enfants naissants ou en jeune âge sont souvent plus
ou moins délaissés ou abandonnés, ou tout simplement
orphelins. Une intervention rapide, et même parfois urgente, s'impose.
Ces enfants ont le droit de recevoir l'attention de parents et d'une
famille pour les prendre en charge dans les plus brefs délais.
Le présent projet de loi, même s'il prétend
protéger l'enfant, nie les droits de l'enfant par la
"procédurite" qu'il engendre et les délais qu'il crée.
L'enfant, si on parle d'un individu réel et non pas d'une abstraction
juridique, pourra, selon ce projet de loi, être adopté une fois
devenu enfant scolarisable, s'il était naissant, ou adolescent, s'il
était à l'âge scolaire lors de la demande d'adoption. Nous
croyons que la Loi sur la protection de la jeunesse actuelle est suffisante
pour protéger tout enfant adopté à l'étranger et
que l'intervention supplémentaire et directe des fonctionnaires
administrant cette loi lors du processus est abusive et inutile. Ces enfants,
souvent tarés et traumatisés, ont le droit de recevoir
réconfort et aide des services spécialisés de
l'État par la seule intervention des parents. De plus, ces enfants ont
le droit de connaître leurs origines et de pouvoir identifier leurs
parents naturels.
Enfin, le rôle de l'État. Nous croyons que l'État
doit limiter au strict minimum ses interventions dans le champ de l'adoption
internationale. Son rôle doit en être un d'associé
plutôt que celui d'un gestionnaire à divers tentacules, comme le
propose le projet de loi 21 de Mme la ministre Lavoie-Roux.
Voici l'énoncé d'un deuxième principe: Le
gouvernement du Québec doit faciliter l'exercice des droits des parents
et de la famille en établissant, lorsque nécessaire, des
ententes-cadres avec les pays étrangers d'où proviendront les
enfants, en accréditant et en aidant financièrement les
organismes québécois et étrangers pour en faciliter
l'identification des enfants adoptables et les procédures d'adoption
pour les parents et en
mettant sur pied une assistance financière et fiscale pour aider
ou non les parents selon l'importance des revenus de ceux-ci.
Considérant que l'adoption internationale est à la fois
complexe et fragile en raison de l'éloignement géographique et
culturel, nous jugeons essentiel qu'aucune entente internationale entre les
États ne vienne compliquer indûment la libre adoption en
conformité avec les lois existantes dans chacun des pays. Il faut
éviter que de telles ententes n'entraînent des '
négociations de quota d'enfants en contrepartie d'autres avantages ou en
des complications telles que les parents en arrivent à contourner les
lois et les ententes et à procéder à l'adoption avec
l'aide d'aventuriers et d'exploiteurs sans scrupules. La
nécessité de passer des ententes spécifiques avec des pays
étrangers doit procéder de demandes des associations de parents
s'occupant d'adoption internationale.
En conclusion, la lecture du projet de loi 21 et des projets de
règlements s'y rattachant nous démontre que l'État
québécois s'apprête à adopter une démarche
tout à fait contraire aux principes et aux définitions succinctes
des droits des parents, de la famille et de l'enfant énoncés dans
ce mémoire. Comme professeurs d'université, nous croyons en la
primauté de ces droits sur toute emprise bureaucratique de
l'État. L'État doit plutôt jouer un rôle
effacé mais utile en s'associant positivement à la
démarche d'adoption, en aidant financièrement les intervenants et
en gérant d'éventuelles ententes internationales minimisant les
délais et facilitant les procédures autant à
l'étranger qu'au Québec.
Voici quelques recommandations de notre syndicat: 1° , que
l'État québécois reconnaisse le droit de tout parent
québécois, de tout couple ou de toute famille à
procéder librement à l'adoption internationale. 2°, que la
seule procédure exigée par l'État soit l'enregistrement
civil de l'enfant en conformité avec les dispositions du Code civil et
ce, dans le délai prévu à partir du moment de
l'arrivée de l'enfant au Canada; 3 , que, pour ce faire, le
ministère de la Santé et des Services sociaux, dans un bureau
régional, fournisse le formulaire nécessaire de même que la
documentation complète (liste des pays, liste des organismes
québécois et étrangers pouvant aider le projet des
parents, les formes d'aide matérielle, financière et fiscale que
l'État fournit, la liste des procédures légales à
suivre à l'étranger et au Québec); 4 , que le ou les
parents soient entièrement responsables de l'ensemble du processus
d'adoption à l'étranger comme au Québec; 5 , qu'on
reconnaisse les mêmes droits aux enfants adoptés que ceux reconnus
aux enfants naturels; que, conséquemment, les parents adoptants aient
les mêmes droits que les parents naturels et qu'ils ne soient assujettis
à aucune entrave ou obligation supplémentaire particulière
des fonctionnaires du ministère ou de ceux appliquant la Loi sur la
protection de la jeunesse; 6 , que d'éventuelles ententes avec les pays
étrangers facilitent les procédures légales d'adoption ou
de consentement d'adoption par des représentants autorisés de ces
gouvernements dans les cas où ces ententes sont nécessaires et
souhaitées par les associations de parents s'occupant d'adoption
internationale; que ces procédures puissent être rapides, simples
et selon des coûts connus à l'avance; 7°, que l'État
québécois fournisse une aide financière couvrant une
partie ou la totalité des frais encourus pour l'adoption internationale;
cette aide pourrait être fournie de façon alternative via le
régime fiscal en permettant la déduction de tous les frais
encourus par une telle adoption; 8°, que l'État
québécois accorde une assistance financière accrue aux
organismes aidant l'adoption internationale; 9°, que les délais
d'adoption soient de l'ordre de quelques mois à un an au maximum;
10°, finalement,, nous demandons à la ministre Lavoie-Roux de
retirer son projet de loi 21.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la ministre
de la Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai lu le
mémoire du Syndicat des professeurs de l'Université du
Québec à Chicoutimi et je dois vous dire tout de suite, au point
de départ, que votre approche m'étonne un peu pour des
professeurs d'université.
Ce qui ressort de votre rapport, c'est que le droit des parents est plus
important que le droit des enfants. Même si vous parlez des parents et
des enfants, etc., vous prenez la peine de nous citer à la paqe - il
faudrait que je la retrouve - le sondage de Créatec pour en conclure
que, dès que les parents désirent adopter des enfants, c'est leur
droit le plus strict et qu'ils adoptent des enfants. L'État doit
intervenir au minimum, ne serait-ce que pour enregistrer l'enfant selon les
dispositions du Code civil.
Je vous le dis, pour des professeurs d'université, avoir une vue
aussi étroite de l'adoption internationale, comme étant un moyen
de combler des désirs légitimes des parents - je reconnais cela
fort bien et je peux l'apprécier - sans plus de nuances, je dois vous
dire que cela m'étonne un peu.
J'aimerais que vous me disiez comment... Je peux répondre
à votre dizième recommandation. La ministre Lavoie-Roux, comme
vous l'appelez tout au long du mémoire, n'a pas l'intention de retirer
le projet de loi 21. Nous savons que, depuis
plusieurs années, l'adoption internationale ne se fait pas dans
les meilleures conditions au Québec et qu'elle est difficile, je le
reconnais. C'est d'ailleurs l'objet du projet de loi 21 et du projet de
règlement qui, comme je l'ai dit hier, devra être
révisé en fonction des modifications apportées à la
loi 21 et également la convention devrait être signée avec
les organismes d'adoption internationale. L'objet de la commission est
justement de faire le tour de ces questions pour tenter de réduire les
difficultés que les parents ont vécues.
Je dois vous dire qu'au point de départ - ceci n'est pas une
idée fixe de la ministre, c'est fondé sur notre Loi sur la
protection de la jeunesse, sur l'esprit de la Loi sur ta protection de la
jeunesse - l'intérêt de l'enfant doit d'abord primer. Si nous
exerçons mal cette façon de protéger le droit de l'enfant,
je pense qu'il faut examiner ce qui fait que... Je pense que ce n'est pas cela
qui a été mis en question, de toute façon. Ce qui est mis
en question, ce sont les procédures administratives et bureaucratiques
qui peuvent être trop lourdes. Je voudrais quand même vous demander
de quelle façon le projet de loi 21 est plus lourd que ce qui existait
antérieurement. Je pense que le projet de loi 21, au contraire, veut, au
plan juridique, corriger une interprétation, du ministère de la
Justice et du Code civil, selon laquelle ce ne sont plus uniquement les
adoptions plénières qui puissent être reconnues au
Québec, mais qu'on permette aussi la reconnaissance d'adoptions simples
là où il y a un consentement autorisé de l'État,
soit à partir d'ententes, soit à partir de toute autre
modalité administrative qui s'avérerait plus pratique, plus
fonctionnelle, plus rapide, soit à partir des organismes que les
États reconnaissent eux-mêmes comme des porte-parole
autorisés, comme cela existe déjà dans plusieurs pays.
Ma première question - je vais vous poser la deuxième
immédiatement - estï Comment pouvez-vous dire - vous ne le dites
pas dans ces termes - que c'est pire que ce qui existait avant?
Évidemment, la présentation ou la requête
présentée au tribunal pour faire apprécier un projet
d'adoption - je l'ai expliqué à maintes reprises, vous n'y
étiez peut-être pas - cela a été dans le but
d'enlever au ministre le pouvoir que certains jugeaient discrétionnaire.
Je pense que cela ne sert à rien de s'obstiner là-dessus, on a
dit: II y a un pouvoir discrétionnaire, d'accord, on le fait
disparaître et on le remet au Tribunal de la jeunesse. En plus de faire
disparaître ce pouvoir discrétionnaire, cette démarche
devant le Tribunal de la jeunesse a aussi pour effet de sécuriser les
parents qui sauront que, lorsqu'ils reviendront avec un enfant, ce sera
à toutes fins utiles une formalité pour que l'adoption soit
complétée, sauf s'il y avait raison grave. Il a été
discuté à d'autres reprises que, des parents pourraient
être vus comme ayant négligé leurs enfants. D'une
façon presque totale -en tout cas, on le souhaite - cela facilerait les
choses. Nous avons discuté assez longuement ici la question des
délais.
Deuxièmement, vous dites à une page: II ne faut pas faire
d'ententes avec les pays - si je peux retrouver l'endroit... À la page
7: "Considérant que l'adoption internationale est à la fois
complexe et fragile en raison de l'éloignement géographique et
culturel -la, je pense qu'on s'entend fort bien - nous jugeons essentiel
qu'aucune entente internationale entre les États ne vienne compliquer
indûment la libre adoption en conformité avec les lois existantes
dans chacun des pays." Et en page 9, recommandation 6: "Que
d'éventuelles ententes avec les pays étrangers facilitent les
procédures légales d'adoption ou de consentement d'adoption par
des représentants autorisés de ces gouvernements..." Là,
vous ajoutez qu'il faudrait que, si elles se font, elles se fassent par des
associations de parents. C'est la deuxième question que je voudrais
poser. La première, c'est relativement à la lourdeur qui est
ajoutée selon vous, ce que vous appelez l'antithèse d'une
procédure d'adoption qui pourrait favoriser à la fois le parent
et les enfants; la deuxième, m'expliquer ce qui m'apparaît
peut-être une contradiction dans votre mémoire. (11 h 45)
M. Leblond: Merci, Mme la ministre. J'avoue être surpris
moi-même de votre surprise face à des professeurs
d'université. Les professeurs d'université, dans leur travail de
tous les jours, sont pour la liberté pédagogique et pour la libre
expression. Un peu tout le monde peut vivre ces époques de
libéralisation, de libéralisme. Dans ce sujet, peut-être
contrairement à d'autres, parfois, nous croyons que le droit des
parents, le droit de la famille et celui de l'enfant doit primer
l'autoritarisme de l'État. Dans votre préambule, vous nous avez
reproché de mettre de l'avant le droit des parents d'abord plutôt
que celui des enfants. C'est en vertu justement de la provocation de votre
projet de loi, parce que nous sommes d'accord que les droits des enfants sont
extrêmement importants et nous le disons dans le mémoire. Nous ne
disons pas que les droits des enfants ne sont pas importants, nous disons que,
sous prétexte de protéqer les droits des enfants, on ne doit pas
exagérer en brimant à la fois celui des parents et celui des
enfants, finalement.
En ce qui concerne votre première question, le projet de loi 21,
à notre sens, doit être retiré. Cela ne veut pas dire qu'il
n'y a pas actuellement, par rapport au passé, certaines petites
améliorations théoriques.
Nous ne sommes pas en mesure d'évaluer présentement, sur
le plan juridique et sur le plan des longueurs de procédures, le nombre
de mois, le nombre d'années que cela va épargner aux parents.
Cependant, ce que nous remettons en cause, c'est également... Nous
crayons que, si on demande à la ministre de retirer son projet de loi,
c'est probablement pour lui en demander un autre qui respecterait beaucoup plus
les droits des parents à obtenir l'adoption libre d'enfants et à
minimiser les interventions de l'État. Nous demandons aussi que
l'État soit un associé et aide les parents, non seulement les
parents riches qui peuvent se le permettre, mais les parents à revenus
moyens pour qu'ils puissent eux aussi envisager l'adoption internationale sans
que cela hypothèque tous les revenus de la famille pour plusieurs
années.
Je n'ai pas très bien compris votre deuxième question en
ce qui concerne les ententes. En ce qui concerne les ententes...
Mme Lavoie-Roux: Je peux la répéter. À la
page 7, d'une part, vous dites: "nous jugeons essentiel qu'aucune entente
internationale entre les États ne vienne compliquer indûment la
libre adoption" et, à votre recommandation 6, vous dites: "Que
d'éventuelles ententes avec les pays étrangers facilitent les
procédures légales d'adoption ou de consentement d'adoption par
des représentants autorisés..."
M. Leblond: Je pense qu'il n'y a aucune contradiction dans cela.
Dans le principe, à la page 7, on disait: Que l'État puisse
établir des ententes lorsque nécessaire., Nous croyons qu'il
n'est pas toujours nécessaire d'établir des ententes. Les lois du
pays sont souvent suffisantes et lorsque les ententes sont nécessaires,
ce sont souvent les associations de parents ou les pays concernés qui
les demandent. Les représentants précédents ont
très bien expliqué qu'il y avait un avantage, d'ailleurs,
à garder un lien entre les parents naturels et les parents adoptifs, ne
serait-ce que pour assurer une certaine sécurité dans le cas de
retour de l'enfant dans le pays étranger. Nous ne disons pas que nous
sommes contre les ententes, mais que ces ententes doivent exister lorsque
nécessaire, lorsque absolument nécessaire. Nous croyons que des
ententes formelles vont ajouter dans le pays d'accueil toute une série
d'étapes à accomplir et on sait ce que cela veut dire dans
certains pays: des complications, des fonctionnaires à rencontrer et
souvent des délais très très longs. Je ne sais pas si j'ai
répondu à votre question.
Mme Lavoie-Roux: Oui, je pense que je saisis la
différence. Vous avez fait une différence entre les ententes
d'État à État d'une part, et des ententes entre des
organismes - c'est ce que je crois comprendre - d'autre part.
M. Leblond: Ce n'est pas tout à fait cela. Nous disons
qu'il peut y avoir des ententes entre les États, mais nous disons que ce
n'est pas toujours nécessaire. Nous croyons que ce n'est pas toujours
nécessaire, parce que les lois du pays nous semblent suffisantes.
Lorsqu'un pays accorde l'adoption simple, nous croyons que c'est suffisant,
à moins que l'État en question n'exiqe d'autres
formalités. Nous croyons que, peut-être, les ententes pourraient
être nécessaires pour faciliter aux parents tout un processus,
pour ne pas qu'ils soient perdus une fois rendus sur place dans un
dédale de procédures qui pourraient être très
longues et coûteuses. Alors, si des ententes sont souhaitées par
les associations de parents, soit au pays, soit là-bas, par ceux qui ont
des pied-à-terre dans ces pays-là, et si ces ententes peuvent
accélérer le processus et aider les parents à se retrouver
à travers les lois du pays, à ce moment-là, nous croyons
qu'il serait peut-être nécessaire et souhaitable que l'État
du Québec passe une entente avec le pays en question, mais uniquement
dans un but d'aider le parent à se diriger rapidement dans le
système là-bas.
Mme Lavoie-Roux: Ce que je veux vous dire, c'est qu'il n'est pas
prévu dans le projet de loi, ni autrement, que des ententes formelles
d'État à État soient la règle
générale. Je pense que là où c'est possible, cela
peut accélérer le processus le rendre plus facile, mais nous
croyons aussi qu'il y a d'autres modalités d'entente avec des organismes
reconnus. Je l'ai mentionné tout à l'heure, il peut s'agir... Je
pourrais vous les nommer. Hier, on m'en avait donné une liste: ils
existent déjà et nous fonctionnons avec eux ou encore des
organismes d'adoption internationale fonctionnent avec eux et par leur
intermédiaire. Alors, cela peut prendre différentes formes, on
n'est peut-être pas si loin que cela, mais cela me semblait un peu
contradictoire. Je vais laisser la parole à ma collègue, la
députée de Marie-Victorin. Je reviendrai avec des questions
supplémentaires.
Mme Vermette: Oui. Il me fait plaisir de vous accueillir au nom
de notre formation politique. Effectivement, votre mémoire se base
beaucoup sur la notion des droits et notamment sur le droit de la famille.
C'est un volet important, puisque l'adoption internationale fait partie d'une
politique familiale ou devrait être comprise à l'intérieur
d'une telle politique.
Je suis heureuse d'entendre la ministre actuellement quand elle parle
des ententes, parce qu'au tout début de la commission ce n'était
pas clair. En fin de compte, on parlait beaucoup plus d'ententes d'État
à
État et actuellement on tente de modifier la notion d'entente. On
commence à assouplir la notion et c'est un grand progrès. Il
faudrait aller beaucoup plus en profondeur pour vérifier qui devra
signer ces ententes et dans quel respect, parce que, très souvent,
certains États sont réticents à signer de telles
ententes.
Effectivement, le secrétariat à l'adoption a essayé
de signer des ententes et à l'heure actuelle, il n'y en a pas. On a
demandé à différents organismes si ces pays avaient
signé des ententes et à leur connaissance, il y en avait
très peu. II semblait que cela pouvait même fermer certains pays
à l'adoption internationale.
Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites que le projet
de loi nie les droits de l'enfant par la "procédurite". J'aimerais que
vous nous expliquiez davantage, parce que la ministre a dit que vous ne faisiez
pas tellement état des droits de l'enfant, alors qu'à ce
moment-ci vous dites dans cette section que la "procédurite" pourrait
nier les droits de l'enfant. De quelle façon?
M. Leblond: Par expérience, dans notre milieu
universitaire et régional. On sait très bien qu'il y a eu
même des causes types dans notre région. Nous croyons que les
délais imposés par la procédure existante ne seront pas
complètement éliminés à l'avenir. On ne sait pas ce
que cela va donner. Nous sommes sceptiques. Dans plusieurs cas, lorsque cela
prend cinq ans, vous vous imaginez que l'enfant qui avait un an est rendu
à l'âge scolaire et je pense qu'au point de vue de
l'intégration... C'est peut-être pousser loin l'idée, mais
il reste que, si on regarde un enfant en particulier, si
systématiquement les parents sont toujours "décalés",
l'enfant a le temps de vieillir avant d'être intégré
à une famille. Et là, cela cause des problèmes. Il n'y a
pas de psychologue. On a Mme Preston qui est une spécialiste de la
santé. M. Saintonge n'est pas venu avec nous aujourd'hui. Il aurait
peut-être pu donner un peu plus de précisions là-dessus. Ce
n'est pas à titre de spécialistes universitaires que nous sommes
là, mais à titre de syndicat des professeurs qui a
consulté ses professeurs spécialistes sur beaucoup de sujets. Le
développement de l'enfant est conditionné par une série
d'étapes - et je pense qu'on ne commencera pas à faire ici
l'historique du complexe d'Oedipe et de ces choses-là - et ceux qui s'y
connaissent un peu savent qu'il y a des étapes dans la vie et que, si
ces étapes sont escamotées, c'est un risque pour le
développement équilibré de l'enfant. Donc, on a
intérêt à accélérer les principes... II y a
même eu des cas extrêmes où des enfants sont
décédés ou dont la santé a été
affectée par des délais indus. Nous croyons qu'on se doit
d'éliminer ces choses-là et d'enlever tout le stress que les
parents vivent, les inquiétudes qui sont causées par ces
délais. Nous croyons que l'adoption devrait être
complètement libre dans le respect des lois du pays en question. Je
pense que le Québec n'a pas à se mêler de ces
choses-là. C'est une question qui ne nous regarde pas.
Mme Vermette! Vous mentionniez justement, parce que vous vous
attardez beaucoup à la notion du droit des parents... Cela
m'amène à vous demander si vous seriez en faveur d'un projet
d'adoption privée. Quand je parle d'un projet d'adoption privée,
je ne parle pas d'un projet par les voies d'évitement, mais vraiment par
les voies officielles du pays ici et du pays étranger et finalement, ce
projet pourrait être révisé par le Tribunal de la jeunesse.
Est-ce que vous seriez en faveur d'une telle démarche?
M. Leblond: Ce que nous proposons, c'est l'enregistrement
directement dans les municipalités, comme cela se fait pour un autre
enfant, selon les dispositions du Code civil. Nous ne croyons pas qu'il y a
lieu d'aller plus loin que l'enregistrement de l'enfant une fois que les
procédures juridiques sont entreprises dans l'autre pays... Nous croyons
que, dès l'arrivée de l'enfant de l'autre pays, selon les
dispositions du Code civil - je crois que c'est 30 jours si je ne me trompe
pas, on a une trentaine de jours pour enregistrer l'enfant - cela devrait se
faire avec le même formulaire, peut-être avec des
considérants ou des parties spéciales sur le formulaire
concernant cette adoption et les papiers nécessaires démontrant
que le pays en question, le pays étranger a bien approuvé le
projet d'adoption.
Mme Vermette: Vous dites aussi que le problème de
l'adoption internationale est beaucoup plus un problème bureaucratique
qu'un problème judiciaire et qu'il y a une lourdeur administrative qui
aboutît à une insatisfaction de plus en plus grandissante des
parents adoptants.
M. Leblond: Oui, je pense. Nous pensons que c'est
véritablement le problème à la base et que c'est dû
au fait que, parmi les procédures actuelles et celles qui vont
être imposées, d'une part, on va peut-être simplifier et,
d'autre part, on va peut-être compliquer. On ne sait pas ce que cela va
donner. Nous croyons qu'on doit éviter toutes ces choses, parce qu'elles
sont très coûteuses sur le plan financier, très
coûteuses sur le plan du stress pour les parents et pour la santé
des enfants.
Mme Vermette: Est-ce que vous considérez que le maintien
du lien de filiation est une sécurité pour l'enfant du
pays étranger?
M. Leblond: Oui. Nous ne l'avons pas mis dans une recommandation
spécifiquement, mais nous aurions pu le faire. À la page 6, au
milieu, nous disons que nous croyons que les enfants doivent connaître
leurs origines et devraient pouvoir garder de ce fait un certain lien. Nous
avons vu ce qui s'est passé pour l'adoption ici au Québec: On
prenait les enfants de Montréal, on les emmenait à Chicoutimi et
inversement. On sait ce que cela donne 20 ou 30 ans plus tard, les gens veulent
retrouver leurs origines. Nous croyons que l'enfant adopté devrait avoir
les mêmes droits que tout enfant québécois, celui de
connaître ses origines. L'enfant de pays étranger. Si le pays
étranger souhaite que ce soit un lien d'adoption simple, nous acceptons
l'argument du groupe qui nous a précédés, à savoir
que cela garde une certaine sécurité à l'enfant parce que
le pays étranger peut récupérer l'enfant
éventuellement, s'il y a un problème, et cela permet à
l'enfant... Nous croyons qu'on devrait laisser à l'enfant la
possibilité de pouvoir identifier ses parents naturels. (12 heures)
Mme Vermette: À la recommandation 3, vous dites que, pour
ce faire, le ministère de la Santé et des Services sociaux
devrait fournir le formulaire, surtout en régions. Est-ce qu'au niveau
régional vous avez des problèmes d'information, des
problèmes d'évaluation parce que vous faites partie d'une
région?
M. Leblond: C'est toujours le même problème. Si nous
ajoutons "dans les régions", c'est parce qu'il y a déjà
des bureaux régionaux. Je crois que ce ne serait pas difficile, si ce
n'est pas déjà fait. Nous n'avons pas autant d'expérience
qu'une association de parents, mais nous croyons que tous les services
devraient être donnés en régions, dans les bureaux
régionaux, et qu'on pourrait donner aux parents toute une série
de renseignements. Cela pourrait être la concertation de tous les
renseignements, et les organismes privés qui sont affiliés au
gouvernement dans ce projet pourraient être associés, pourraient
contribuer à les centraliser et ainsi permettre une diffusion efficace
auprès des parents, peu importe la région. Vous comprendrez que
quand on est à Montréal, où il y a beaucoup de
minorités ou d'associations ethniques, etc., il y a là beaucoup
de contacts qu'on n'a pas en régions, normalement. Â
l'université, nous avons l'avantage de pouvoir bénéficier
de beaucoup de contacts, un peu plus que le citoyen ordinaire, parce que
beaucoup de nos professeurs viennent d'Amérique du Sud, d'Europe et d'un
peu partout, d'Afrique, de même que les étudiants. Beaucoup de
gradués viennent du Maroc, du Maghreb, de l'Afrique noire, d'Asie. Nous
vivons quand même dans un contexte international à
l'université, ce qu'on ne retrouve pas nécessairement dans la
population, dans les quartiers ordinaires.
Mme Vermette: Quand vous pensez au niveau régional et que
vous dites: On pourrait peut-être, les bureaux régionaux, assumer
une plus grande responsabilité au plan de l'information, ou en tout cas
du processus, comment voyez-vous le rôle du secrétariat à
l'adoption? Est-ce que vous vous êtes penchés aussi sur cette
question-là? Est-ce que ce serait un rôle de coordination ou un
rôle comme celui que l'on a décrit un peu aujourd'hui dans les
journaux, où on disait que le secrétariat devrait seulement
informer? Est-ce que vous voyez son rôle un peu comme ca?
M. Leblond: Oui. Je pense que cela découle de notre
deuxième principe. Lorsqu'on dit que l'État doit être un
associé plutôt qu'un gestionnaire de l'adoption, nous croyons que
cela découle naturellement du secrétariat à l'adoption. Si
on veut le garder et si on veut que cela continue d'être un organisme
pour l'État, je ne pense pas que ce soit la ministre qui va faire cela.
Cela lui prend des fonctionnaires pour l'aider. Je pense que le
secrétariat à l'adoption pourrait être cet organisme qui
informe les gens et qui collabore avec les associations de parents et tes
associations d'adoption internationale. Nous voyons cet organisme comme un
associé, comme un informateur, beaucoup plus qu'un régent.
Mme Vermette: Cela a été soulevé à
plusieurs reprises, la lourdeur et les attitudes du secrétariat. On
disait que cela pouvait, dans certains cas, prolonqer les délais ou,
dans d'autres cas, décourager des projets d'adoption parce que, souvent,
il y avait un accueil qui semblait un peu déshumanisant par rapport au
projet d'adoption internationale, et les parents - excusez l'expression; on me
l'a sortie hier, je pense -se sentent très souvent comme des chiens dans
un jeu de quilles, dans une démarche. Avez-vous entendu parler chez vous
de certains problèmes qui auraient pu être soulevés face
à de telles attitudes?
M. Leblond: On entend parler de diverses expériences. Je
ne sais pas si mes collègues auraient des expériences
précises. Il y a peut-être...
Mme Vermette: Vous avez un cas célèbre chez vous,
en tout cas, dans votre région.
M. Leblond: II y a des cas célèbres; oui, bien
sûr. Peut-être que Jean-Pierre pourrait en citer. Ce n'est pas le
but de
notre rencontre, mais...
M. Gagnon (Jean-Pierre): J'aimerais apporter une information
personnelle. J'ai une belle-soeur qui a adopté un enfant selon les
procédures normales, qui ont été extrêmement
longues. D'ailleurs, il lui a fallu entre sept et huit ans avant d'adopter un
enfant d'origine guatémaltèque. Je sais qu'elle s'est
heurtée dans toutes ses tractations à une foule de
difficultés avec les différents bureaux gouvernementaux et
également avec toutes sortes d'associations comme Les Enfants du soleil,
Los ninos det sol, etc., etc., et également avec toutes sortes de
difficultés juridiques au pays d'origine, le Guatémala. Je pense
que le projet de loi 21 devrait avoir, parmi ses objectifs les plus importants,
au moins de raccourcir les délais et de diminuer les procédures
afin de faciliter une adoption simple, rapide et efficace.
M. Leblond: Je pense que j'en suis un qui a vécu
l'expérience à un moment donné. Mon épouse, comme
beaucoup de femmes qui se marient aujourd'hui à 3Q ans, avait
demandé l'adoption d'un enfant. Je pense que c'est peut-être un
cas. Lorsqu'on lui a dit qu'un enfant était disponible, c'était
six ans plus tard. Sans avoir débuté les procédures,
lorsque l'appel est venu finalement des fonctionnaires, mon épouse
était devenue enceinte presque par accident, presque miraculeusement, si
je peux dire. Quatre mois plus tard, alors qu'elle avait à peu
près six à sept mois de grossesse de réalisés, on
lui a dit qu'elle était trop vieille, à 35 ans, pour adopter.
C'est un cas personnel, mais il y a de nombreux cas qui se sont produits dans
le passé. D'autres membres d'autres organismes ont sûrement fait
état de ces exemples-là.
M. Gagnon: Si vous me permettez quelques secondes, quant à
la question que Mme la ministre a posée tout à l'heure concernant
les droits de l'enfant, les droits de la famille et les droits des parents, le
point de vue de notre syndicat n'est pas de faire valoir la priorité ou
la hiérarchisation des droits des parents ou de la famille sur ceux des
enfants. Pour nous, ce bloc de droits prime, par contre, sur les droits de
l'État. Je pense que c'est tout à fait conforme à l'un des
éléments de la politique de votre gouvernement qui concerne la
privatisation. Je pense que les droits enfants-parents-famille priment sur ceux
de l'État comme tel.
Une voix: Et vlan!
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que la politique de privatisation du
gouvernement touche davantage les entreprises, mais enfin, si vous voulez lui
donner l'extension que vous venez de lui donner, libre à vous. Je pense
qu'hier on en a longuement discuté: l'adoption est de droit public et
non pas de droit privé. Ce n'est pas moi qui l'ai établi, il y a
eu des jugements dans ce sens-là. C'était l'expression du Barreau
et de plusieurs groupes qui sont venus devant nous.
Tout à l'heure, en répondant à la
députée de Marie-Victorin, vous avez dit: Écoutez! j'ai
une belle-soeur à qui cela a pris sept ou huit ans. C'était en
réponse à une question où Mme la députée
vous interroqeait sur les lourdeurs administratives du Secrétariat
à l'adoption internationale. Je voudrais simplement vous rappeler que le
Secrétariat à l'adoption internationale a à peine cinq ans
d'existence. Il ne faudrait quand même pas l'accabler de tous les maux si
vous parlez d'un processus qui a commencé il y a sept ou huit ans.
C'était déjà là à ce moment-là, de
toute évidence. C'e3t simplement une remarque en passant. Pour ma part,
je me rends compte qu'il y a des lourdeurs et c'est le but, comme je le disais
tout à l'heure, de l'exercice que nous faisons. Il ne faudrait pas non
plus que tous les maux d'Israël, comme on dit, soient
déversés sur le Secrétariat à l'adoption
internationale, même s'il n'était pas dans le paysage à un
moment donné.
Vous dites, en page 6: "Nous croyons que la Loi sur la protection de la
jeunesse actuelle est suffisante pour protéger tout enfant adopté
à l'étranger..." Je suis d'accord avec vous pour dire que la Loi
sur la protection de ta jeunesse actuelle est suffisante pour protéqer
les enfants sur le territoire du Québec mais, quand nous entrons dans un
processus d'adoption internationale, est-ce que l'enfant, de la même
façon qu'il peut se trouver sur le territoire du Québec dans une
situation vulnérable, ne peut pas aussi se trouver dans le territoire
étranger ou dans tout le processus qui l'amènera finalement au
Québec et être dans une situation vulnérable? À ce
moment-là, dans le domaine de l'adoption internationale, il faut
peut-être étendre ce rôle de la Loi sur la protection de la
jeunesse pour couvrir justement ces situations où nous entrons en
interaction avec un enfant dans un pays étranger.
M. Leblond: Pour être consistant, je pense qu'on a
très bien exposé que les parents doivent être responsables
de l'adoption d'un hout à l'autre. On doit respecter les lois des pays
étrangers. Je ne pense pas que la Loi sur la protection de la jeunesse
puisse s'étendre à d'autres pays. Je pense que c'est une question
de respect des lois de chacun des pays.
Nous croyons que, à partir du moment où l'enfant rentre au
Québec et qu'il doit être enregistré, les lois du
Québec s'appliquent, à partir du moment où l'enfant entre
au Canada. Je pense qu'on ne doit pas étendre et compliquer le processus
au point où le parent doit rencontrer les responsables de ce service
préalablement qui voient si c'est un bon parent, s'il n'a pas trop de
problèmes intellectuels ou psychotiques, etc. Je ne sais pas ce qu'on
vise par cela, mais il nous semble qu'on veut compliquer, on veut traiter les
parents adoptants de façon différente des parents naturels au
Québec par cette méthode.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Écoutez, lorsque vous remettez tout
en question -j'aimerais que vous me corrigiez si j'interprète mal - pour
vous, l'adoption internationale doit se faire d'une façon absolument
libre sauf qu'il y a une reconnaissance, à un moment donné, par
un juqement ici au Québec de l'adoption de l'enfant. Â part cela,
vous voulez que tout parent, sans être contraint à quelque
disposition que ce soit par nos lois, puisse aller dans un pays
étranger. Tant mieux s'il y a là-bas quelqu'un qui a fait des
ententes parce que cela va faciliter les choses et faciliter la démarche
du parent là-bas! Selon vous, ceci doit être fait d'une
façon totalement indépendante et la seule reconnaissance, comme
je le dis, c'est quand vous voulez avoir un jugement d'adoption au
Québec et que l'État doit limiter au strict minimum ses
interventions dans le sens de l'adoption et que l'enfant soit enregistré
ici au Québec quand il arrive.
Les dispositions de notre Loi sur la protection de la jeunesse pour
l'adoption interne prévoient une évaluation par le directeur de
la protection de la jeunesse, un suivi du processus d'adoption, je crois
comprendre que vous niez cela aussi.
M. Leblond: Absolument.
Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est véritablement l'adoption
privée dans sa totalité que vous préconisez.
Me Leblond: Privée et libre, oui.
Mme Lavoie-Roux: Ah bon! Alors, c'est clair. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui. Ce n'est pas tout à fait
terminé, mais j'aurai certains commentaires. Vous venez de finir sur ce
qui constitue le plus le fond du problème, à savoir si
effectivement on peut, ici au Québec, tolérer un projet
d'adoption privée.
Quand j'ai en tête un projet d'adoption privée, cela fait
un peu appel et référence aux groupes qui vous ont
précédés tantôt, comme le Conseil des
communautés culturelles, qui nous ont dit: Nous, on a le sens de la
famille élargie. Il se pourrait que nous fassions une démarche,
parce que c'est un neveu ou un enfant d'une autre famille, d'un cousin, et que
nous puissions vouloir adopter un enfant sans passer inévitablement par
un intermédiaire. A ce moment, on pourrait faire authentifier notre
démarche par les tribunaux et la faire approuver.
À ce moment, je ne pense pas qu'un jumelage soit
nécessaire. Mais, en tout cas, peut-être que ce serait
nécessaire et qu'on respecte les règles du gouvernement d'un
autre pays et qu'à ce moment les pouvoirs judiciaires ou la personne
reconnue par l'État puisse approuver ce projet d'adoption. Ceci fait
que, plutôt que de passer par un intermédiaire, on passe tout de
suite par le tribunal, qui devrait utiliser son pouvoir discrétionnaire
et approuver ce projet d'adoption privée. (12 h 15)
Dans ce sens, je pense qu'il faut faire preuve d'ouverture. Il faut
faire preuve aussi de la responsabilité de nos citoyens, du respect des
États parce que, finalement, il ne faudrait pas faire outrage aux
tribunaux des pays étrangers. Je pense qu'on ne peut pas non plus se
permettre d'aller faire la loi dans les pays étrangers et mettre en
cause leurs tribunaux. Je ne crois pas que ce soit le rôle du
Québec, à moins de vouloir partir comme missionnaires, et que ce
soit la nouvelle vocation du gouvernement. Je pense que tout cela doit se faire
dans le respect des us et coutumes des pays. On a vu tantôt chez le
groupe qui vous a précédés, le Conseil des
communautés culturelles, qu'il n'a pas tout à fait les
mêmes us et coutumes que chez nous. L'adoption n'est pas toujours vue de
la même façon que nous. C'est l'autre côté de la
médaille qu'ils nous ont fait voir et qu'ils nous ont fait entendre.
On nous a dit aussi que souvent l'adoption est faite dans un geste
humanitaire, que jamais au Québec nous n'avons été
accusés de voleurs d'enfants et que jamais au Québec il n'y a eu
des procédures pour enlever des enfants à d'autres pays. Cela n'a
pas été la situation au Québec. Ce que les parents ont
demandé, c'est une loi claire et précise, respectueuse des us et
coutumes de3 pays étranqers, des lois étrangères et aussi
respectueuse de l'intérêt de l'enfant et, finalement, du droit aux
parents de vouloir fonder une famille. Je pense que votre mémoire, c'est
un peu cela qu'il a voulu faire ressortir. C'est un volet important et il faut
le prendre en considération. Vous avez parlé d'une notion tout
à fait inusitée dans une de vos recommandations, à la page
10, la
recommandation 7°. Je pense que cela pourrait être
intéressant dans le volet d'une politique familiale, dans le volet d'une
politique d'adoption internationale parce qu'on n'a pas encore de politique
d'adoption internationale. Donc, peut-être qu'on pourrait se pencher
là-dessus.
J'aimerais que vous m'expliquiez davantage d'où vous est venue
cette idée d'incorporer cette recommandation dans votre
mémoire.
M. Leblond: II y a toutes sortes de raisons. D'abord, simplement
une question de justice sociale. Il nous apparaît important, comme
syndicat, comme professeurs d'université, qu'on accorde aux parents un
droit égal. Quand on parle d'égalité, je pense que,
lorsque les coûts vont jusqu'à 10 000 $ et 20 000 $ pour
l'adoption d'un enfant - et parfois plus que cela - l'État devrait
compenser jusqu'à un certain point les gens à revenus plus
modestes. L'État y retrouve son bénéfice dans tout cela
parce que le nouveau citoyen deviendra un citoyen productif dans la
société, un nouveau citoyen, de sorte qu'on devrait permettre
à plus d'enfants, et naturellement à plus de parents, de pouvoir
bénéficier de l'adoption internationale.
Nous croyons qu'il n'est pas nécessaire d'être riche pour
élever des enfants correctement. Dans les familles modestes, très
souvent l'enfant reçoit une formation presque aussi valable et parfois
même meilleure dans certains cas. Ça dépend des
personnalités. Il reste que ce n'est pas parce qu'on est moins riche
dans la société québécoise qu'on donnera un
enseignement, une éducation moins bonne. Nous croyons qu'on devrait
aider en modifiant le régime fiscal, soit par des déductions - on
ne l'a pas mis ici, mais ça pourrait être par un crédit
d'impôt dans certains cas - pour une partie, peut-être. Je pense
que cette question devrait être examinée. Ce n'est pa3 à
nous d'en définir tous les paramètres, mais nous croyons que les
gens qui gagnent moins de 50 000 $, par exemple, pourraient en gros être
admissibles à des mesures de compensation fiscale ou à des
subventions payant en totalité ou en partie les frais encourus par
l'adoption.
Je ne sais pas si j'ai répondu à ta question. Selon une
enquête parue dans Le Devoir, les Québécois seraient
favorables dans une proportion assez élevée à ce que le
gouvernement s'implique financièrement - pas dans l'adoption - et aide
les parents pour avoir des enfants. On ne le précise pas dans
l'enquête, mais cela peut s'adresser à l'adoption
internationale.
Mme Vermette: On m'indique que mon temps de parole est
terminé. Je voudrais vous remercier de vous être
prêté de bonne grâce à nos questions. Je voulais tout
simplement souligner que, quant à nous, nous ne sommes pas pour
l'adoption libre sans aucun contrôle. Je pense qu'il est
nécessaire d'établir des contrôles. Finalement, nous
demandons, si un projet d'adoption libre est conforme aux règles et aux
procédures du Québec et à celles d'un pays, et s'il a la
reconnaissance des deux pays...
Le Président (M. Bélanger): Rapidement, Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme Vermette: ...qu'il fasse l'objet d'une attention
particulière dans le débat à l'heure actuelle.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, il
vous reste trente secondes de votre temps de parole.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je n'ai pas le temps de poser d'autres
questions, sauf de dire que je suis un peu intriguée quand on avance des
montants aussi élevés que 20 000 $. On peut se demander qui,
à ce moment-là, a servi d'intermédiaire. Je ne le croi3
pas, car la plupart des gens qui ont suivi le processus habituel de la toi sur
l'adoption internationale du Québec... Certes, ils ont eu des sommes
importantes à dépenser qui peuvent varier entre 5000 $ et 10 000
$.
Ceci dit, je voudrais remercier le Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Chicoutimi. Nous allons continuer
notre travail pour tenter de résoudre le mieux possible les
difficultés que présentent, à l'heure actuelle, nos
dispositions touchant l'adoption internationale. Merci bien.
Le Président (M. Bélanqer): M. le président,
nous vous remercions, ainsi que votre groupe, pour votre participation à
nos travaux.
J'invite le prochain intervenant, le Dr Didier Opertti Badan, expert de
l'Institut interaméricain de l'enfant, à présenter son
mémoire. Nous n'ajournerons pas puisque M. Badan, je pense, peut
s'installer. Je vous en prie, prenez place, docteur. Je veux simplement
préciser aux membres de la commission, si vous me le permettez un
instant, que M. Opertti parle bien français, mais qu'il faut quand
même faire attention. Nous avons parfois cette habitude de parler
très rapidement. Il peut arriver que des mots lui échappent. Par
respect pour son effort à parler notre langue, je pense que nous
devrions poser nos questions lentement pour être sûrs de bien se
faire comprendre. Dr Opertti Badan, vous êtes le bienvenu. Mme la
ministre, excusez-moi, j'allais dire: On passe aux questions.
Si vous voulez bien d'abord nous présenter votre mémoire,
ensuite, nous passerons aux questions.
Or Didier Opertti Badan
M. Opertti Badan (Didier): Merci. M. le Président, Mme la
ministre, je voudrais d'abord faire une précision. Je ne parle pas bien
français. Je suis très conscient de mes limites et je ferai
l'effort de vous transmettre mes principales idées au sujet de cette
institution qui vous préoccupe.
Je voudrais commencer en disant que l'adoption internationale est en
grande partie ta conséquence de l'internationalisation des rapports
privés entre ressortissants de pays différents, que ce soit du
fait de leur nationalité, de leur domicile ou du lieu de leur
résidence. Ce phénomène a été analysé
du point de vue démographique et du point de vue juridique.
Naturellement, le seul point de vue que je tenterai de vous donner sera le
point de vue juridique, en particulier le point de vue juridique du droit
international privé.
L'adoption, c'est une institution du droit des mineurs, branche du droit
où la notion d'ordre public des règles d'application
nécessaire ou preceptive est très importante. Nous pouvons
mentionner ici la Convention européenne de 1967 en matière
d'adoption des enfants, loi modèle pour les Etats membres, qui
établit, à l'article 4, que l'adoption n'est valable que si elle
est prononcée par une autorité judiciaire ou administrative,
ci-après appelée l'autorité compétente.
Nous pouvons aussi mentionner la convention interaméricaine sur
les conflits de lois en matière d'adoption de mineurs approuvée
à la troisième Conférence interaméricaine du droit
international privé tenue à La Paz en 1984, dont l'article 15
prévoit: Sont compétentes pour statuer sur les adoptions
visées dans la présente convention les autorités de
l'État de la résidence habituelle de l'adopté. L'adoption
a aussi été considérée par les Nattons Unies.
L'adoption et le placement en foyer sur les plans national et international ont
fait l'objet de travaux d'experts par les Nations Unies à Genève,
en 1978, et, par la suite, la résolution du conseil économique et
social intitulée "Adoption et placement de mineurs à
l'étranger" fut adoptée.
Je voudrais lire quelques aspects de cette réglementation
juridique de l'adoption donnée par les Nations Unies, car vous pourrez
voir l'importance de ces recommandations. Les gouvernements doivent
évaluer la capacité de leurs services nationaux et prendre en
considération les enfants dont les besoins ne sont pas satisfaits par
les services existants. L'adoption étrangère doit être
considérée comme l'un des moyens de procurer une famille è
un certain nombre de ces enfants. Quand la possibilité d'adoption
étrangère aura été envisagée, on devra
instituer une politique et les mesures législatives nécessaires a
la protection des enfants.
Dans chaque pays, le placement devra être effectué par le
biais d'organismes autorisés et compétents en ce qui est de
traiter avec les services d'adoption entre États et d'appliquer les
mesures de sauvegarde et les normes applicables relativement à
l'adoption dans les pays d'origine. En considération de la
sécurité juridique et sociale de l'enfant, les adoptions par
procuration ne sont pas admises. Aucun plan d'adoption ne sera pris en
considération sans qu'il ait été préalablement
établi que l'enfant possède la capacité d'être
adopté et que les documents spécifiques nécessaires
à l'accomplissement des formalités requises par l'adoption ont
été établis. Les consentements nécessaires doivent
être des instruments juridiques valables dans les deux pays. Il devra
être établi de façon très nette que l'enfant pourra
immigrer dans le pays de ses parents adoptifs éventuels et qu'il pourra,
par la suite, obtenir la nationalité de ceux-ci.
Dans les cas d'adoption étranqère, on doit s'assurer que
la validation légale de l'adoption pourra être obtenue dans les
deux pays concernés. L'enfant doit, dans tous et chacun des cas,
posséder un nom, une nationalité et un tuteur légal.
L'adoption, dans le droit international privé, pose un
problème méthodologique. Les adoptions internationales se sont
multipliées dans les années qui ont suivi la deuxième
guerre mondiale, le nombre d'orphelins étant monté, ce à
quoi s'ajoute une cause nouvelle accroissant l'adoption internationale, la
baisse, dans les pays industrialisés, du nombre d'enfants susceptibles
d'être adaptés, etc. Ces causes ont généré
l'internationalisation de l'adoption.
Deux solutions peuvent être envisagées: tenter de
régler les conflits de lois ou adopter des lois uniformes. L'Europe a
adopté les deux systèmes. Nous avons une loi uniforme
signée à Strasbourg en 1967 et une convention sur les conflits de
lois de 1964. (12 h 30)
Une troisième solution pourrait être aussi
considérée, soit limiter les accords internationaux en
matière d'adoption internationale à faire . obligation aux
États de reconnaître mutuellement l'adoption. D'un point de vue
formel, les accords pourraient être multilatéraux ou
bilatéraux. Ils devraient garantir la reconnaissance de l'adoption de
leurs ressortissants.
Je voudrais passer immédiatement à la considération
de la situation actuelle du droit international privé
interaméricain au sujet de l'adoption internationale. Nous devons
commencer par mentionner le quatrième Congrès panaméricain
en 1924, tenu à Santiago, Chili. On a invité les gouvernements
américains, à ce congrès, à incorporer
dans chacune de leurs lois respectives l'adoption des mineurs dans tous
les cas où un bénéfice réel en résulterait
pour l'adopté.
De notre côté, nous devons voir la codification
latino-américaine depuis le code Bustamante de 1928, encore en vigueur
dans quinze États d'Amérique latine. Élaboré par un
juriste cubain, Bustamante, disciple de Mancini et Pillet, ce code
considérait qu'en adoption Internationale les conditions de celle-ci
sont sujettes à la Loi personnelle de chacun des
intéressés, article 73. "Le traité de Montevideo en 1940,
toujours en vigueur entre l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay, prévoit
"L'adoption est régie, en ce qui a trait à la capacité des
personnes et pour ce qui est des conditions, de sa portée et de ses
effets, par les lois respectives du domicile des parties dans la mesure
où elles sont concordantes, a condition que l'acte soit attesté
par un document public."
La codification interaméricaine la plus récente, c'est la
convention de La Paz déjà citée approuvée à
La Paz en 1984 et signée par neuf pays sud-américains, la
Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l'Equateur, Haïti, la
République dominicaine, l'Uruguay et le Venezuela. Cette convention
prendra effet le 30e jour à compter de la date du dépôt du
second instrument de ratification conformément à l'article 26 de
la convention.
Quels sont les points essentiels de cette convention signée
à La Paz? Premièrement, la convention peut être
appliquée à toutes les formes d'adoption d'enfants lorsque
l'adoptant a son domicile dans un État membre et l'adopté a sa
résidence habituelle dans un autre. Nous devons voir que le point de
rattachement à l'égard de l'enfant n'est pas le domicile, car le
domicile est un concept légal. La convention de La Paz a adopté
la résidence habituelle comme un point de rattachement plus réel.
Il y a une différence très importante entre les deux concepts
parce que le domicile, le vieux concept du droit romain, c'est un concept
purement juridique et qui n'est habituellement pas un concept réel.
Deuxièmement, la convention propose en matière de
législation applicable la solution distributive. Nous avons
déjà mentionné le traité de Montevideo de 1940 qui
utilise un type de solution cumulative. Ce sont les deux lois sur le domicile
des parties qui interviennent dans la régulation de l'adoption. Ici,
à La Paz, on a adopté les critères de la solution
distributive. La loi de la résidence habituelle de l'adopté
régit la capacité, le consentement et les autres conditions pour
être adopté - l'adoptabilité; c'est une expression
qu'utilise la loi - ainsi que les procédures et les formalités
nécessaires à la constitution du lien d'adoption. C'est l'article
3 de la convention.
La loi de l'adoptant régit la capacité d'adopter, les
conditions d'âge et d'état civil qu'il doit remplir, le
consentement de son conjoint, le cas échéant, et les autres
conditions requises dudit adoptant.
Troisièmement, les conditions de base sont régies par les
lois du for, sans qu'il soit besoin d'exequatur. La convention de La Paz a
éliminé la nécessité de l'exequatur, de la
procédure pour la reconnaissance. C'est une reconnaissance de plein
droit.
Quatrièmement, la révocation et l'annulation de l'adoption
sont rigoureusement très limitées parce que l'adoption
internationale a besoin d'une stabilité, d'une permanence.
Cinquièmement, l'adoption plénière, la
légitimation adoptive et toutes les autres institutions
concernées qui donnent à l'enfant le statut d'enfant dont la
filiation est légalement établie sont irrévocables. La
convention a reçu le critère de l'irrévocabilité de
l'adoption: article 12.
Sixièmement, sont compétentes pour statuer sur les
adoptions les autorités de l'État de la résidence
habituelle de l'adopté: article 15.
Septièmement, on prévoit la conversion de Padoption simple
en adoption plénière: article 13.
M. le Président, je voudrais lire l'article 13 parce que je pense
que c'est un article décisif pour comprendre l'esprit de la convention
de La Paz. L'article 13 dit: Lorsqu'elle est permise, ta conversion de
l'adoption simple en adoption plénière, ou légitimation de
l'adoption ou de toute autre institution concernée, est régie au
choix du demandeur, soit par la loi qui est celle de la résidence
habituelle de l'adopté au jour de la demande d'adoption, soit par la loi
qui est celle de l'État du domicile de l'adoptant (ou des adoptants) au
jour de la présentation de la demande de conversion. Si l'adopté
a plus de quatorze ans, son consentement sera requis.
Cette règle démontre une préférence
très marquée de la convention en faveur des diverses formes
d'adoption plénière. Elle vise à faciliter l'accession
à ces formes par diverses autres modalités, dans le cas, bien
entendu, où ladite conversion est possible, c'est-à-dire lorsque
celle-ci sera compatible avec la loi applicable correspondante.
Nous considérons que la conversion constitue un moyen de parfaire
l'adoption dans un esprit favorable au mineur et qui, à ce titre, se
situe dans le désir du "favor negotii", de l'harmonie des solutions,
laquelle caractérise l'institution juridique dans son ensemble.
Le type de norme alternative à laquelle fait appel la convention
en matière de conversion - article 16.2 - est une autre preuve dudit
esprit qui conduit à une autorisation de la conversion dans le cas
même où elle n'aurait pas été
envisagée par la loi de résidence du mineur. Je
répète: Dans les cas mêmes où elle n'aurait pas
été envisagée par la loi de résidence du mineur.
À ce moment, se poserait le problème du consentement. Le
consentement fait partie de l'étape constitutive de l'adoption. Si le
consentement a été donné pour une adoption simple,
l'adoption plénière réalisée dans le pays et selon
la loi de l'adoption aura des effets dans le pays de l'adoptant et dans tous
les autres pays du monde, exception faite du pays d'origine.
Cette solution, c'est celle qui tient compte de la validité de
l'adoption et est faite en vertu de bénéficier à
l'adopté, selon l'article 19 de la même convention de La Paz qui
dit: "Les lois applicables aux termes de la présente convention ainsi
que les clauses de celle-ci doivent être interprétées
harmonieusement, et en faveur de la validité de l'adoption et au profit
de l'adopté."
Je voudrais, M. le Président, lire aussi l'article 25 de la
convention signée à la La Paz, parce que celui-ci prévoit
une situation très importante: Les adoptions constituées
conformément à la législation nationale, lorsque
l'adoptant (ou les adaptants) et l'adopté ont leur domicile ou
résidence habituelle dans le même État partie, produisent
leur effet de plein droit dans tous les autres États parties sans
préjudice de ce que lesdits effets soient régis par la loi du
nouveau domicile de l'adoptant. Il faut dire qu'une adoption simple devenue une
adoption plénière produira les effets d'une adoption
plénière dans l'État du nouveau domicile de
l'adoptant.
Un autre aspect à considérer de façon
particulière est le rôle d'institutions publiques ou
privées dans le cadre de l'adoption internationale. L'article 8
prévoit: "Dans le cas des adoptions constituées aux termes de la
présente convention, les autorités qui statuent sur l'adoption
peuvent exiger que l'adoptant (ou les adoptants) certifie ses aptitudes
physiques, morales, psychologiques, économiques par le truchement
d'institutions publiques ou privées dont le but spécifique touche
à la protection du mineur. De telles institutions doivent être
précédemment autorisées à fonctionner par un
État ou un organisme international. L'institution qui certifie les
aptitudes mentionnées ci-dessus doit informer l'autorité qui
intervient dans la constitution de l'adoption de l'évolution des
conditions se rapportant à celle-ci pendant un an. À cet effet,
l'autorité qui statue sur l'adoption notifie à l'institution en
question la constitution de l'adoption." Nous avons ici un rôle
très important pour les institutions publiques ou privées: avant
et après l'adoption.
Quelles seraient les questions primordiales à poser devant
l'institution de l'adoption internationale? Je ferai un résumé,
naturellement, parce que je n'ai pas le temps d'aborder tous les
problèmes reliés è cette question. (12 h 45)
La première: Que pensent les États étrangers de
l'adoption internationale? Les États étrangers, à mon
avis, n'ont pas une position identique. Cela dépend de la situation
particulière de chacun d'entre eux. La position des États
américains dépend de leur population, du taux d'accroissement de
la population, des problèmes économiques, des niveaux
socioculturels, y compris la constitution raciale de la population. Il n'existe
pas une forme de pensée unique. On retrouve cependant le besoin de
distinguer très clairement entre l'adoption internationale et d'autres
situations tel le placement d'enfants à l'étranger par des voies
illicites: le trafic d'enfants, "el contrabando de bebes", en espagnol. Je ne
sais pas si madame la traductrice pourrait le dire en français.
Une voix: La contrebande des bébés.
M. Opertti Badan: Des bébés. On voit clairement,
à la réunion d'experts tenue à Quito, en 1983 - et c'est
avant la réunion tenue à La Paz - ou à la convention de La
Paz même, la différence très nette entre l'adoption
internationale comme une figure, comme une institution juridique et le trafic
illégal de mineurs comme une figure de droit criminel. La
conférence de La Paz prévoit une recommandation selon laquelle
les États se font obligation d'incorporer à leur propre
législation une loi consacrant comme délit le trafic
illégal d'enfants.
Deuxièmement, quelles sont les attentes des États offrant
des enfants en adoption internationale des gouvernements des ressortissants qui
souhaitent adopter? Ils sont en droit d'espérer que les État3 ne
se convertissent pas en de véritables paradis pour les enfants
adoptés illégalement. Ils attendent qu'ils ne collaborent pas en
vue de favoriser le trafic illégal et lucratif d'enfants sur le plan
international ou même qu'ils permettent l'adoption internationale sur la
base d'une solution distributive conférant aux lois concernées,
les lois du pays de l'adopté et les lois du pays de l'adoptant, le
râle qui leur est dévolu sans générer de
contradictions aux règles du droit international.
Troisièmement, quel serait le meilleur moyen pour établir
un lien de confiance avec les gouvernements étranqers de telle
façon que le nombre d'enfants susceptibles d'adoption pour les
requérants soit augmenté? Évidemment, il faut bien
connaître la convention de La Paz qui est la synthèse du consensus
d'un groupe d'États américains sur le sujet. Il faut tenir compte
de la réalité
de chaque pays et chercher une approche cas par cas avec chacun d'entre
eux eu égard à leurs caractéristiques propres. Ne pas
viser à mettre en place une seule voie, une seule approche, une seule
formule. Sur ce point, il importe de savoir que tous les pays américains
n'ont pas la même réalité.
Quatrièmement, quelles sont les recommandations que font les
organisations internationales intéressées par cette question? Je
promets, M. le Président, de finir dans quelques minutes.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Opertti Badan: Du point de vue mondial, il faut tenir compte
des recommandations de l'Organisation des Nations Unies déjè
citées, où on établit la possibilité de l'adoption
étrangère et la nécessité d'établir une
politique et des mesures nécessaires visant à donner une plus
grande protection aux enfants. C'est une façon d'envisager l'adoption
comme une solution sérieuse et légale.
Il faudrait cependant tenir compte des résolutions de La Paz
auxquelles j'ai déjà fait référence ainsi que, sur
le plan interaméricain - j'ai mis l'accent sur le plan
interaméricain tous les pays membres de l'Organisation des États
américains; ils sont actuellement 32 pays - de la résolution
adoptée par le bureau de direction de l'Institut interaméricain
de l'enfant au sujet du rôle des institutions à la réunion
tenue à Buenos Aires, du 8 au 25 mai 1985, à laquelle furent
formulées certaines conditions au sujet de la situation des organismes
oeuvrant dans le champ de l'adoption internationale. Sur ce point, le bureau de
direction de l'Institut interaméricain de l'enfant formule certains
commentaires et mises en garde ou conditions minimales au sujet de la situation
des organismes qui oeuvrent dans le champ de l'adoption internationale. Ces
points précis sont les suivants: Personnalité juridique acquise
dans les pays où ils sont formés. Autorisation gouvernementale
pour oeuvrer en matière d'adoption dans un ou plusieurs pays
américains octroyée par les autorités de l'État
où ils ont été constitués. Intégrité
démontrée et ne pas poursuivre des fins lucratives. Avoir une
reconnaissance ou recommandation pour travailler dans le secteur de l'adoption,
octroyée par des institutions publiques ou les autorités d'un
État américain. Être économiquement appuyés
ou avoir des facilités à cet effet par l'État d'où
ils proviennent. Finalement, l'Institut interaméricain de l'enfant se
réserve, en toute circonstance, la possibilité d'évaluer
les conditions d'accréditation de ladite institution et d'agir en
conséquence.
Finalement, M. le Président, quels sont les moyens qu'a le
gouvernement du Québec pour ne pas favoriser le trafic d'enfants?L'occasion d'approuver un projet de loi sur l'adoption internationale,
tel que celui qui est déposé, qui vise à contrôler
l'adoption internationale, qui tend è lui donner un caractère
officiel et judiciaire, l'interrelation des diverses lois en jeu, les lois de
l'adopté et celles de l'adoptant, et le respect, finalement, du droit
étranger dans le fond et dans la forme constituent la meilleure
qarantie, à mon avis, de ne pas faire du Québec un paradis du
trafic d'enfants.
Je ne voudrais pas faire l'analyse des éléments complets
du projet de loi parce que mon point de vue est un point de vue de droit
international privé et la loi québécoise, c'est une loi
interne sur l'adoption internationale et n'est pas une source de droit
international conventionnel. Je voudrais également dire que l'analyse du
projet de loi 21 permet - c'est un point de vue personnel, évidemment -
d'observer qu'il est basé à la fois sur la loi de l'adopté
et celle de l'adoptant, aspect fondamental du point de vue du droit
international privé interaméricain actuel.
En terminant, M. le Président, je pourrais dire que le projet de
loi s'inscrit dans l'orientation qénérale de la convention
signée à La Paz. Il y a des différences,
évidemment, parce que le projet de loi 21 modifie certaines dispositions
de droit interne et n'a pas les caractéristiques d'une convention
internationale, mais je pourrais dire, pour conclure, que la liqne
générale de ce projet favorise l'adoption plénière.
C'est une règle générale de l'adoption internationale de
favoriser l'adoption plénière. Il n'utilise pas le concept de
conversion, mais utilise une manière qui pourrait être
développée pour donner à l'enfant le statut d'un enfant
adopté sous la forme plénière au Québec et dans
tous les autres pays du monde, sauf le pays d'oriqine de l'enfant. Je crois, M.
le Président, que, de cette manière, vous aurez la
possibilité de tenter une approche aux pays sud-américains pour
coordonner la politique en matière d'adoption et ne pas faire de cette
institution une institution qui est présentée devant les
populations de chaque pays comme une nouvelle manière de
différencier pays du Nord et pays du Sud. Je crois qu'il y a une chose
juridique importante, c'est l'équilibre entre les deux droits et une
chose politique importante aussi, c'est de montrer que cet équilibre est
réel. C'est tout pour le moment. Je suis à votre disposition, Mme
la ministre, M. le Président et mesdames et messieurs les
députés.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Opertti
Badan, je vous remercie de votre présentation. Compte tenu de l'heure,
nous souhaiterions ajourner les travaux jusqu'à 16
heures et nous pourrions reprendre la partie des questions avec vous, si
vous êtes toutefois disponible pour 16 heures cet après-midi. Cela
vous conviendrait-il?
M. Opertti-Badan: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous en
remercie infiniment. Alors, compte tenu de l'heure, nous ajournons les travaux
sine die, puisque les ordres de la Chambre nous donnaient jusqu'à ce
midi et que celle-ci nous donnera d'autres ordres après les affaires
courantes. Alors, je vous remercie beaucoup. Bon appétit!
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 16 h 26)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission reprend ses travaux pour procéder à des
consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le
cadre de l'étude du projet de loi 21, soit la Loi concernant l'adoption
et modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, le Code civil du
Québec et le Code de procédure civile, et du projet de
règlement sur l'adoption internationale tel qu'il a été
publié à la Gazette officielle du Québec du 11 mars
1987.
Les remplacements sont les mêmes. Mme Harel (Maisonneuve) remplace
M. Gauthier (Roberval).
Alors, nous en étions à l'audition de M. Opertti Badan.
Nous en étions rendus à la période des questions. Je
cède donc la parole à Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
remercier le Dr Opertti Badan d'avoir consenti à venir devant la
commission parlementaire du gouvernement du Québec qui examine un projet
de loi sur l'adoption internationale. Je pense que vous êtes
déjà à Québec depuis une couple de jours. Vous avez
sans aucun doute réalisé le contexte dans lequel se fait cette
discussion. Nous avions au Québec, depuis 1979, des mesures
législatives touchant l'adoption internationale vu le fait que c'est une
pratique qui est allée en augmentant au Québec depuis le
début des années soixante-dix, pour situer cela dans le temps un
peu.
Nous étions intéressés à vous entendre parce
qu'on sait fort bien que l'adoption internationale dépasse, de toute
évidence, les lois internes qui touchent le Québec. Nous avions
déjà légiféré, depuis un bon bout de temps,
dans le domaine de l'adoption interne. Le domaine de l'adoption internationale
devient beaucoup plus complexe pour nous vu qu'il nous faut tenir compte de la
législation des autres pays et la respecter. Nous faisons aussi des
efforts comme société pour tenter d'établir des
règles qui, tout en répondant aux besoins et aux désirs de
parents éventuels au Québec et aussi du Québec en
général, puissent faciliter l'adoption internationale. Nous
savons que, d'autre part aussi, nous devons tenter de saisir et de comprendre
le mieux possible, non seulement les implications juridiques dans les autres
pays, mais également le plan culturel, le plan des valeurs de
sociétés qui sont différentes, à certains
égards du moins, de la nôtre et ce que ceci peut
représenter pour elles. En fait, c'est presque un débat
"philosophique" quand on en examine tous les aspects. C'est probablement ce qui
explique pourquoi la législation dans ce domaine est une chose
très complexe et que c'est maintenant probablement la quatrième
fois qu'à un titre ou à un autre nous retouchons la
léqislation qui touche l'adoption internationale des enfants.
Dans ce sens-là, nous sommes très heureux que vous soyez
ici parce que nous pensons que c'est, d'une certaine façon, la voix des
autres pays et, en particulier, des pays de l'Amérique du Sud et
même de l'Amérique centrale, qui sont des pays qui ont
accepté de nous confier de leurs enfants en adoption et aussi des pays
chez lesquels la population du Québec désire adopter. Je ne sais
pas si on a des affinités latines ou autres, c'est peut-être aussi
parce que la proximité relative est plus grande avec les pays de
l'Amérique du Sud que certains pays de l'Asie, mais il y a certainement
une tendance dans l'adoption internationale au Québec à
s'adresser aux pays de l'Amérique du Sud au moment où on se
parle.
Je vous remercie d'être venu. Je voudrais d'abord vous remercier
pour la présentation que vous nous avez faite ce matin où vous
avez tenté de situer tout le contexte juridique de l'adoption
internationale sur un plan international justement. Dans la deuxième
partie de votre présentation - je tiens à le dire à ce
moment-ci, évidemment elle est publique dans le sens où vous
êtes dans une commission parlementaire, mais vous nous avez
demandé que le texte que vous nous avez remis ne soit pas publié;
je veux simplement en toucher un mot pour les gens qui sont ici - vous abordez
des questions primordiales, comme vous les appelez, et qui le sont pour nous.
Ce sont des questions que nous nous posons. Par exemple, que pensent les
États étrangers de l'adoption internationale? Quelles sont les
attentes des États offrant des enfants à l'adoption
internationale, des qouvernements, des ressortissants qui sont adoptés,
etc.? Je pense que ce sont là des questions importantes et je ne
reviendrai pas là-dessus. Peut-être que certains de mes
collègues
pourront y revenir.
J'aimerais, en première question, vous demander ceci: Vous avez
insisté sur l'article 13 de la convention de La Paz. Si vous pouviez
revenir sur cet article-là et nous indiquer dans quel esprit il nous
faut le comprendre.
M. Opertti Badan: Merci, Mme la ministre, pour vos paroles. Je
voudrais vous donner, ainsi qu'aux autres membres de la commission,
l'interprétation de cet article. Nous avons discuté d'abord
à Quito et ensuite è La Paz de la possibilité
d'améliorer le statut juridique de l'enfant. Nous avons vu dans certains
cas que l'enfant obtient un régime de protection limitée,
restrictive dans les pays d'origine, dans les pays où l'adoption est
décidée et après les parents adoptifs changent de
domicile, changent leur résidence, changent le lieu réel
où ils habitent avec l'enfant.
L'idée a été de lier très
profondément l'enfant avec l'ordre Juridique où il habite,
où il a sa résidence habituelle. À cet éqard, nous
avons approuvé une règle selon laquelle il est possible de
convertir une adoption simple en une adoption plénière par le
choix donné à l'adoptant entre la loi de la résidence
habituelle de l'enfant au moment où se produit l'adoption ou la loi du
domicile de l'adoptant au moment où se demande la conversion. C'est une
règle révolutionnaire parce que habituellement on pense à
l'adoption en termes purement locaux. De cette manière, l'adoption est
pensée sur le plan international comme une institution qui ne peut pas
se maintenir congelée dans le temps parce que c'est une institution au
service de l'enfant. Ce n'est pas une institution au service des parents. C'est
la première chose dont nous devons tenir compte. L'adoption n'est pas
faite pour satisfaire seulement le désir des parents. L'institution de
l'adoption s'adresse à l'enfant qui a besoin d'une protection familiale
substitutive.
Si nous ne pouvons pas être d'accord sur le point de
départ, naturellement, les buts seront différents. Si vous
considérez l'adoption comme une institution substitutive de la
paternité frustrée, les buts seront différents, les
résultats seront différents que si vous partez d'un concept de
l'adoption comme une institution de protection. Si vous considérez
l'adoption comme une institution de protection, vous verrez
immédiatement que tous les mécanismes juridiques mis au service
de l'augmentation de la protection seront bienvenus. Et la conversion est une
manière pratique de poser les problèmes dans ces termes.
À côté de la conversion, je pourrais dire, se pose
le problème du consentement. La jurisprudence, surtout la jurisprudence
française, s'occupe très soigneusement du problème du
consentement. On dit que les parents par le sang ont donné leur
consentement pour faire une adoption simple, sans la rupture des liens
d'origine, une adoption révocable, etc. Il leur sera possible de donner
à l'enfant une autre forme d'adoption plénière qui aura
comme résultat la perte de tout type de lien avec les parents par le
sang et, en définitive, un divorce absolu entre les parents par le sang,
les parents naturels et l'enfant.
Mais si vous prenez les pays qui ont adopté une loi sur
l'adoption, ils ont pensé seulement à l'adoption interne et non
à l'adoption internationale. Prenez les pays de l'Amérique du
Sud: l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, le
Chili, l'Equateur, le Salvador, le Guatemala, Haïti, le Honduras, le
Mexique, le Nicaragua, Panama, le Paraguay, le Pérou, la
République dominicaine, l'Uruguay, le Venezuela, ils n'ont pas
considéré, dans aucune de leurs lois, l'adoption internationale.
On réglementait seulement l'adoption interne et, dans quelques cas,
l'adoption des enfants... Par exemple, la loi argentine prévoit
l'adoption d'enfants à l'étranger mais pas l'adoption comme une
combinaison entre la loi argentine et la loi étrangère. Pour dire
ces choses d'une autre manière, pour simplifier l'idée, toutes
les lois en matière d'adoption dans les pays d'Amérique du Sud
ont été pensées sur le plan interne et non sur le plan
international. Nous ne devons pas oublier ces choses parce que quand un pays a,
dans son ordre juridique, seulement l'adoption simple... Je pourrais mentionner
ici le Mexique ou l'Equateur, qui ont seulement l'adoption simple. Mais
l'adoption simple se fait en termes... Quand un couple mexicain veut adopter un
enfant mexicain, il utilise la loi mexicaine qui dit qu'il y a seulement
l'adoption-simple. Mais, à la réunion tenue à La Paz, le
délégué du Mexique, M. Avarca a dit - et vous pouvez le
trouver dans le matériel que j'ai apporté à la commission
-que, de cette manière, si le Mexique était membre de la
convention, il pourrait accepter que les enfants mexicains soient
adoptés sous la forme plénière de l'adoption dans d'autres
pays.
Pourquoi? Parce que les Mexicains acceptent que les autres pays peuvent
avoir différentes formes d'adoption. Les lois internationales
privées, c'est, en droit, un conflit de lois. Pour résoudre les
conflits de lois, vous avez besoin de méthodes pour mettre en harmonie
les différentes lois. L'harmonisation ne s'obtient pas par la domination
d'une loi sur l'autre, sinon par une combinaison, une harmonie et une
adaptation. C'est la philosophie même du droit international
privé.
Les raisons pour lesquelles, dans la matière précise de
l'adoption internationale, les problèmes se posent de manière
très dure
ou très polémique, ce sont des raisons de
différents types, J'ai à peine suqgéré, ce matin,
les problèmes quand j'ai dit que l'adoption pose un problème
démographique, un problème de population, un problème de
différences économiques, etc. Mais, quand nous arrivons au point
précis de la réglementation juridique, nous ne devons pas oublier
que nous serons dans l'enceinte où les propos de la loi conventionnelle
ou la loi nationale devraient être mises en harmonie avec les
différentes lois. Je me demande si, pour mettre en harmonie les
différentes lois, vous devez oublier votre loi. La loi
québécoise, c'est une toi qui donne l'adoption
plénière. Est-ce possible d'adopter des enfants qui viennent de
pays qui connaissent seulement l'adoption simple? Vous oubliez votre
loi? Non. Vous n'oubliez pas votre loi.
Si le moment arrive où les parents par le sang disent:
Écoutez, j'ai besoin de retrouver mes enfants. Situation pas très
normale, pas très fréquente, mais qui pourrait se poser. À
ce moment-là, les problèmes doivent être résolus pas
seulement à travers le jeu...
Une voix: D'échec.
M. Opertti Badan: ...d'échec. Ils devraient être
résolus à travers un équilibre entre la situation de
l'enfant dans son pays d'origine et la situation actuelle de l'enfant parce
qu'en définitive le problème n'est pas seulement un
problème de conflit de lois. C'est aussi un problème de conflit
de situations réelles, de situations de protection réelles. Nous
ne devons pas oublier que nous parlons ici de personnes. Nous ne parlons pas
ici de marchandise. Nous ne parlons pas ici de la vente. Nous ne parlons pas
ici de contrats. Nous parlons ici d'une institution de protection. Nous devons
toujours tenir compte de la caractéristique particulière de cette
institution.
Je ne sais pas, Mme la ministre, si la réponse que je vous donne
situe le problème seulement dans le cadre de la convention ou plus avant
de la convention. Mais en définitive l'idée qui inspire l'article
13 est favorable au statut de l'adoption plénière parce que tous
les participants à la discussion de la convention de La Paz sont
convaincus que le statut idéal pour un enfant sur le plan de l'adoption
internationale, c'est l'adoption plénière où toute
institution similaire. (16 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Le président me dit
que, pour le moment, je dois céder mon droit de parole. Alors, je
reviendrai si j'en ai la chance.
Le Président (M. Bélanger); Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: II me fait plaisir de vous accueillir. Il ne fait
aucun doute que vous êtes une sommité dans le domaine, votre
curriculum vitae nous a drôlement impressionnés. Vous vous
êtes penché sur le sujet et votre expertise pourra nous être
d'une grande utilité.
Cela m'amène à vous poser une question. À la page 5
de l'exposé que vous nous avez remis tantôt, on dit: "Si le
consentement a été donné pour une adoption simple,
l'adoption plénière réalisée dans le pays et selon
la loi de l'adoption aura des effets dans le pays de l'adoptant et dans tous
les autres pays du monde, exception faite du pays d'origine. "Cette solution
c'est celle qui tient compte de la validité de l'adoption et est faite
en vue de bénéficier à l'adopté." Est-ce que le
projet de loi, tel que vous l'avez lu, prévoit ce mécanisme de
conversion? En même temps, est-ce que cet autre mécanisme
prévu dans notre loi a les mêmes effets que le mécanisme de
conversion?
M. Opertti Badan: Votre question est très
intéressante. Je ferai l'effort d'y répondre. Madame, je pense
que le projet de loi 21 ne mentionne pas la conversion. La portée du
projet est plus limitée. Le projet parle de la reconnaissance de
l'adoption à l'étranger et, en même temps, du consentement
pour établir une nouvelle adoption. Si vous voulez, je pourrais dire que
l'esprit de la solution est un esprit similaire à l'article 13.
Pourquoi? Parce qu'en définitive la loi du domicile de l'adoptant
donnerait à t'adoptant la possibilité d'utiliser la protection de
l'adoption plénière pour adopter sous la forme du type de
l'adoption simple.
Quand je dis, à la page 5 que vous avez lue: "A ce moment se
poserait le problème du consentement. Le consentement forme partie de
l'étape constitutive de l'adoption", je veux dire que sur le plan des
effets de l'adoption, non pas sur le plan de la constitution, les effets de
l'adoption simple ici, à Québec, seraient les effets de
l'adoption plénière. C'est la raison pour laquelle je pense que
le projet de loi n'utilise pas la conversion, il n'utilise pas les
mécanismes juridiques de la conversion. Je voudrais ajouter que les
mécanismes de la conversion ne sont pas une invention de la convention
de La Paz. C'est un mécanisme utilisé surtout par la
jurisprudence française en relation avec les adoptions obtenues à
l'étranger, au Vietnam, en Thaïlande, etc. Ce sont des pays de
l'Asie qui connaissent seulement l'adoption simple. Les couples qui adoptent
ces enfants arrivent en France et demandent l'adoption plénière
selon la loi française. Les effets de l'adoption sont normalement
liés à la loi de l'adoptant parce qu'ils se produisent dans
l'ordre juridique du pays où l'enfant vit, où l'enfant
habite.
L'enfant adopté habite avec la famille adoptante à un
endroit où les effets ne peuvent être autres que ceux de ce lieu.
Le point précis, c'est le point des effets. Si je donne le consentement
pour une adoption simple et les effets sont ceux de l'adoption
plénière, je sais qu'au moment où je donne le consentement
pour une adoption, je ne peux fixer quels seront les effets selon une loi
étrangère. Je peux dire que je vais m'en tenir à la
possibilité de reprendre l'enfant, que je vais maintenir le lien
original, mais je ne peux refuser les effets qu'aura une autre loi sur cette
adoption. Ma loi ne peut entrer dans le champ d'application d'une autre loi
étrangère. C'est très clair. C'est la raison pour laquelle
je pense que ce type de problème n'aura une solution idéale qu'au
moment où les pays trouveront un accord international,
multilatéral ou bilatéral, mais, en définitive, un accord.
C'est la raison de la recherche d'un accord d'abord à Quito et,
après, à La Paz. C'est une matière très sensible
où les gouvernements de l'Amérique du Sud sont très
préoccupés, parce qu'aucun gouvernement ne donnerait au public,
aux électeurs, l'impression claire d'être en faveur de l'adoption
internationale. Mais ils savent qu'ils doivent réglementer l'adoption
internationale, parce que, d'une autre façon, le trafic illégal
serait la manière habituelle de communication entre les parents d'un
pays et les enfants d'un autre pays.
Nous devons être réalistes devant ces problèmes.
Nous pouvons adopter une position et dire: Non, nous ne faisons aucune loi sur
l'adoption internationale, parce que l'adoption internationale montre les
différences entre les pays. 11 y a des pays qui demandent et il y a des
pays qui offrent. Les règles du commerce appliquées aux
personnes. Nous pouvons adopter un position réthorique et dire ces
choses, mais nous ne devons pas fermer les yeux. Le trafic se produit et nous
devons intervenir dans le trafic pour le réglementer, pour lui fixer des
règles. Je crois que les pays peuvent déterminer les
règles sur le plan interne d'un côté et le plan
international d'un autre. C'est la raison pour laquelle il s'agirait, sans
vouloir prétendre intervenir dans les affaires domestiques de la
province de Québec, d'étudier la possibilité de sonder les
possibilités d'accord et de coopération sur le plan de
l'information, surtout à travers les institutions. Je crois que le
rôle assigné aux institutions selon l'article 8 est un point
très très important dans l'ensemble de la convention de La
Paz.
C'est la première fois qu'une convention en Amérique
latine reconnaît la possibilité d'une intervention des
institutions privées dans le champ de l'état civil. Normalement,
l'état civil c'est un problème purement officiel: les mariages,
Ies divorces, les requêtes de parenté, etc.; ce sont des
activités publiques. Ici, vous avez la possibilité d'institutions
déléquées par la voie de l'autorisation; ce sont des
institutions déléguées mais de nature privée, qui
pourraient agir dans le champ des adoptions, faisant, en premier lieu, l'oeuvre
de l'identification de l'enfant, comme une manière d'éviter la
relation directe, par intermédiaire, des parents avec la famille de
l'enfant, car cette relation est entourée de certaines choses pas
très acceptables, normalement. Il y a une personne en situation
d'inégalité, en situation de dépendance, dans une
situation subordonnée, si vous voulez, et une autre personne qui se
trouve dans une situation supérieure.
L'institution en Amérique a la possibilité de faire un
contact essentiellement de type économique et c'est
l'élément que nous devons refuser. Je suis très clair
quand je dis que le sentiment, pas seulement l'idée, mais le sentiment
des pays de l'Amérique du Sud est absolument contre le trafic. Il peut
exister quelques personnes qui sont en faveur, il est très facile de
penser que ce type de personnes existe, mais, si vous voyez le problème
du point de vue du gouvernement, du point de vue d'une organisation liée
au problème, vous verrez qu'il n'existe pas un sentiment de refus, il
existe un sentiment de rechercher une solution possible, parce qu'il y aura le
problème d'avoir à la fin de ce siècle 30 000 000
d'enfants abandonnés. J'ai vu les chiffres à la CEPAL. La
Commission économique pour l'Amérique latine des Nations Unies
vient de dire qu'à la fin de ce siècle il y aura en
Amérique latine 30 000 000 d'enfants abandonnés ou dans un
état de pauvreté chronique.
Naturellement, l'adoption ne sera pas le remède, la solution.
Nous ne pouvons pas penser à ces choses, mais nous savons aussi que
chaque fois que vous permettez de faire une adoption léqale,
légitime, avec le jeu de deux lois: la loi de l'adopté et la loi
de l'adoptant, dans une sorte d'harmonie, vous ferez une contribution
réelle pour solutionner les problèmes concrets d'une personne,
d'un enfant. Ce sera une manière de diminuer en quelque sorte les
problèmes, pas de les résoudre, naturellement.
Mme Vermette: J'ai bien compris que finalement le problème
de l'adoption internationale peut devenir un problème de taille, compte
tenu des problèmes que doivent vivre certains pays en voie de
développement et des situations socio-économiques où
doivent vivre ces enfants. L'urgence est beaucoup plus au niveau de l'entente
internationale de l'ensemble des pays, je pense. Les Nations Unies qui se sont
déjà penchées là-dessus devraient arriver
peut-être à trouver une loi qui réussirait à
harmoniser justement, à maintenir le respect
des lois internes de chaque pays tout en tenant compte aussi du
problème des relations internationales.
M. Opertti Badan: Si vous me le permettez, madame, je voudrais
ajouter une chose que j'ai oublié de mentionner...
Mme Vermette: Oui.
M. Opertti Badan: ...dans ma première intervention, ce
matin. La convention de La Paz est une convention ouverte à
l'adhésion de quelques pays. Ce n'est pas une convention fermée
aux États membres de l'Orqani-sation des États américains.
L'article 22 dit: La présente convention est sujette à
ratification. Les instruments de ratification, etc., seront
déposés. L'article 23 dit: Tout autre État peut
adhérer à la présente convention.
Naturellement, je n'ignore pas les problèmes de l'État
fédéral, etc., et les problèmes de l'organisation interne
de chaque pays, de sa relation avec le droit international, etc. Mais, je n'ai
pas encore étudié les problèmes de droit public, de droit
des traités sur cette matière spécifique, à savoir
si la province de Québec était en condition d'adhérer ou
de donner son adhésion à la convention de La Paz. J'ai seulement
dit que c'est une convention ouverte à tous les pays et que, par la voie
de l'adhésion, d'autres pays pourront assumer le compromis de respecter
le jeu harmonieux de deux droits comme une forme d'ensemble pour éviter
le trafic illégal. (17 heures)
Mme Vermette: Vous avez aussi mentionné, lors de votre
exposé, que vous étiez en accord pour une forme d'adoption qui
respecte justement les ententes des pays, parce qu'il y a un nombre d'enfants
qui sont abandonnés. Dans les discussions, très souvent, quand on
fait le jumelage des projets, cela implique finalement une démarche
d'adoption privée. Quand on parle d'une démarche d'adoption
privée, cela ne veut pas dire, j'espère que je me fais bien
entendre, un trafic d'enfants. Quand je parle d'une démarche
privée, cela se fait dans le respect des procédures d'un pays et
en suivant la procédure du pays étranger via ses institutions
officielles. A ce moment-là, un pays, par les personnes
autorisées qu'il reconnaît aptes à rendre jugement,
pourrait faire l'objet d'un projet d'adoption qui serait conforme à une
démarche respectueuse de3 lois internes et des lois
étrangères.
M. Opertti Badan: Le problème de la nature privée
ou publique de l'adoption comme institution, c'est un problème qui,
actuellement, est résolu très clairement en faveur du
caractère public de l'adoption comme institution. L'institution de
l'adoption, c'est une institution de nature publique, d'ordre public; c'est une
institution seulement privée dans le champ des sujets de la relation.
Les sujets de la relation sont privés. Mais la nature de la relation,
c'est une nature publique.
La convention de La Paz, signée à La Paz, à son
article 15, établît: "Sont compétentes pour statuer sur
l'adoption visée dans la présente convention les autorités
-on ne dit pas si elles sont administratives ou judiciaires - de l'État
de la résidence habituelle de l'adopté." Il faut dire que les
adoptions privées, purement privées, ne sont pas
envisagées dans le champ de la convention; elles sont hors de la
convention. Pour la convention, c'est l'équivalent du trafic. Pour la
convention de La Paz, les adoptions purement privées ne méritent
même pas la protection internationale.
Mme Vermette: Est-ce que je peux vous demander votre
définition d'adoption purement privée, à ce moment-ci?
M. Opertti Badan: Donner une définition matérielle
de l'adoption privée, pour ma part, c'est redire que nous aurons de
l'adoption privée quand ce sera avec le seul consentement des parties,
avec l'intervention d'un notaire ou de quelques professionnels privés
qui arrangeraient les termes de l'accord. Ce serait privé. L'adoption
privée, c'est quand n'intervient pas l'autorité, si vous voulez
une définition par la négative; ce serait quand n'intervient
aucune autorité, administrative ou judiciaire. Â un moment
donné, il doit intervenir une autorité officielle pour donner
à l'adoption la possibilité d'avoir une protection
internationale. Sans l'intervention de l'autorité, l'adoption sera un
phénomène patholoqique, selon les termes de la convention et la
position générale du pays. Naturellement, je sais qu'il existe
des différences entre les différents pays, etc., mais je parle en
général. Je ne voudrais pas ici faire des
références concrètes quant aux différents pays. Ce
serait hors de la question. Mais je voudrais vous dire pour finir ce point
qu'il existe une adoption privée quand il n'existe aucune intervention
des autorités, de la nature que vous pouvez penser.
Mme Vermette: Comme il ne nous reste pas beaucoup de temps et que
je dois terminer...
Une voix: ...
Mme Vermette: ...je vous remercie. Cela a l'air un peu incongru
ce que je vous pose mais j'ai une minute pour vous poser ces questions. Il me
reste deux choses en tête. Premièrement, est-ce que le lien de
filiation est un avantage pour l'enfant? Ma
deuxième question: Est-ce qu'il ne serait pas
préférable de laisser aux tribunaux étrangers de juger de
l'adoptabilité de l'enfant?
M. Opertti Badan: Excusez-moi, madame, mais à ce moment je
demande votre collaboration pour bien comprendre la question et pour bien y
répondre. Est-ce que vous pouvez répéter?
Mme Vermette: La première question que j'ai posée:
Est-ce que maintenir le lien de filiation est un avantage pour l'enfant? La
deuxième question: Est-ce qu'il ne serait pas préférable
de laisser les tribunaux étrangers juger de l'adoptabilité de
l'enfant?
M. Opertti Badan: Sur la première question, je pourrais
dire que laisser les liens étrangers en vigueur, les liens de
parenté originaux en vigueur serait la conséquence du jeu de
différentes lois. Si vous acceptez la loi de l'adopté comme une
loi applicable au consentement, vous devez résoudre le problème
d'une manière logique et maintenir les liens avec seulement ce pays. Pas
avec les autres pays. Seulement en relation avec ce pays. L'autre point, le
point de l'adoptabilité, ce sont les conditions exigées par la
convention de La Paz qui stipulent que les conditions pour l'adopté pour
être adopté sont fixées par la loi; je pourrais ajouter par
le juge parce que l'article 15 que je viens de lire dit que les
autorités compétentes sont les autorités de l'État
de la résidence habituelle de l'adopté. De cette manière,
je réponds: La loi applicable quant à l'adoptabilité et le
juge compétent pour décider de l'adoptabilité, c'est la
loi et le juge du pays d'origine de l'adopté.
Le Président (M. Bélanger): Votre temps est
écoulé. Il reste deux minutes à Mme la ministre. M. le
député de Fabre.
M. Joly: Merci. M. Opertti, j'aimerais vous suggérer une
situation. Disons que des adoptants québécois sont en contact
avec une mère dans un pays étranger et qu'à la suite de la
rencontre avec les adoptants potentiels québécois, en accord
privé avec la mère qui donne l'enfant, le notaire public
prépare tous les actes qui sont endossés, validés, si vous
voulez, par le tribunal du pays en question...
M. Opertti Badan: Du pays d'origine.
M. Joly: Du pays d'origine, du pays en question. À la
suite de cela, à la suite de cette situation qui semble nous causer un
problème de danger de trafic d'enfant comme tel, est-ce qu'on a vraiment
raison de craindre cette situation? Si oui, comment pourrait-on, tout en
respectant les droits internes, faire en sorte que ces pays, à un moment
donné, ne reviennent pas là-dessus?
M. Opertti Badan: Évidemment, du point de vue du droit
international privé, cette adoption serait léqitime parce que
l'autorité du pays de l'adopté a donné l'homologation de
l'accord fait par les parties devant le notaire. Vous avez l'intervention de
l'autorité du pays d'oriqine. Vous pouvez dire ici, à
Québec, que cette adoption n'est pas valide pour raison d'ordre public.
La seule raison pour laquelle vous pouvez refuser les effets, au Québec,
d'une adoption étrangère décidée à travers
les mécanismes que vous avez exposés, ce serait l'invocation de
l'ordre public. L'ordre public est un concept défensif, un concept que
les autorités de quelques pays utilisent quand elles ne veulent pas
consacrer une chose contraire aux principes, ou au sentiment
généra! de la population. Mais, d'un point de vue formel, le cas
que vous soulignez serait léqitime.
Le Président (M. Bélanger): Le temps est
écoulé. Si vous voulez remercier M. Badan.
Mme Vermette: Je n'ai qu'à vous remercier pour votre
brillant exposé, Je pense que tout ce que vous avez avancé sur
l'adoption nous a grandement éclairés. À partir de cela,
nous aurons des réflexions beaucoup plus harmonieuses et j'ose
espérer que nos lois pourront tendre vers cette harmonisation. Je vous
remercie.
M. Opertti Badan: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais pas si on
peut me donner une demi-minute pour demander une précision à M.
Opertti. Quand vous avez parlé tout à l'heure d'institutions
privées ou publiques qui, à la demande des autorités
locales, peuvent intervenir dans l'adoption, est-ce que ce sont... Il ne faut
pas confondre ici privées et publiques. Est-ce que "privées" veut
dire que ces institutions doivent être reconnues par les autorités
compétentes même si elles sont privées en titre?
M. Opertti Badan: Quand j'ai mentionné la nature
privée ou publique des institutions, j'ai fait mention de l'article 8 de
la convention de La Paz qui permet l'activité des institutions publiques
ou privées avec l'autorisation des gouvernements ou des organismes
internationaux. Je pourrais vous donner, Mme la ministre, une information
complémentaire. Le conseil pour l'adoption des enfants de la
Suède avait demandé, en se basant sur les
précédents de l'article 8, la reconnaissance au conseil de
l'Institut interaméricain de l'enfant, qui est l'organisme
public international spécialement compétent dans le champ
de l'enfant, et l'organisme lui a donné cette reconnaissance en se
basant sur les principes que j'ai lus ce matin, aidé de la traduction de
M. Vézina.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. En terminant, je voudrais vous
remercier encore une fois. Je pense que votre collaboration nous sera
très utile. Nous nous posons encore beaucoup de questions. Nous allons
tenter de trouver des réponses tout en réalisant les objectifs
que le Québec recherche dans le domaine de l'adoption internationale,
que ce soient les parents ou les membres de l'Assemblée nationale.
J'espère que vous ferez un bon voyage de retour chez vous et nous vous
sommes très reconnaissants de ce déplacement, M. Opertti.
M. Opertti Badan: Je vous remercie, M. le Président, Mme
la ministre et les autres membres de la commission de nous avoir permis
d'être ici pour pousser ces idées qui, pour l'Amérique du
Sud, sont très importantes.
Le Président (M. Bélanger): M. Opertti, je vous
remercie infiniment. Â l'instar de Mme la ministre, je voudrais souligner
que vous êtes venu de l'Uruguay et que c'est vraiment un voyage
éclair pour nous apporter vos éclairages, vos compétences
et toutes les lumières possibles sur ce mandat que la commission a
actuellement de faire des représentations et de faire valoir des points
de vue qui permettront d'améliorer le projet de loi 21. Nous vous en
remercions Infiniment.
Nous allons ajourner quelques secondes. M. Opertti, si voua pouviez
venir nous voir, Mme la ministre et moi, nous aurions un petit quelque chose
pour vous.
Je demanderais au prochain groupe, la Fédération des
parents adoptants du Québec, de bien vouloir prendre place et nous
reprendrons les travaux dans deux minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprise à 17 h 19)
Le Président (M. Bélanger): Â l'ordre, s'il
vous plaît!
Nous accueillons la Fédération des parents adoptants du
Québec, représentée par M. Philippe Godin qui en est le
président, et Me Claude Baillargeon qui en est le conseiller
juridique.
Je demanderais à M. Godin de s'identifier. Vous connaissez un peu
les règles de fonctionnement?
Fédération des parents adoptants du
Québec
M. Godin (Philippe): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Aucun problème.
Je vous cède la parole pour la présentation de votre
mémoire.
M. Godin.
M. Godin (Philippe): Merci, M. le Président. Philippe
Godin, président de la Fédération des parents adoptants du
Québec. À ma gauche, Me Claude Baillarqeon, conseiller juridique
de la fédération, et, à ma droite, Suzanne Belley-Godin,
conseillère à la fédération aussi.
M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, la
Fédération des parents adoptants du Québec est heureuse de
vous présenter ses commentaires au sujet du contenu du projet de loi 21
et des lois annexes portant sur l'adoption hors Québec.
La Fédération des parents adoptants du Québec a
été formée en décembre 1986 pour regrouper tes
personnes intéressées par la question de l'adoption
internationale au Québec, au Canada et dans les pays étrangers.
Elle cherche à promouvoir les droits des personnes désirant
adopter un enfant. Ce mémoire se veut donc une présentation du
point de vue des parents domiciliés au Québec ayant
formulé un projet d'adoption d'enfants domiciliés à
l'étranqer*
Depuis sa création, la fédération s'est fixé
et défini certains éléments d'un code de conduite et
certains objectifs à atteindre en ce qui a trait à l'acte
d'adoption. C'est avec plaisir que la fédération remarque que ses
objectifs rejoignent bien ceux qu'a énoncés Mme la ministre lors
de son allocution du 2 avril 1987 et de sa déclaration d'ouverture
à la commission parlementaire le 6 mai. F.n voici le relevé. 1.
La fédération voudrait de la part du gouvernement un
énoncé de politiques actives, claires, visant à favoriser
et à faciliter l'adoption hors Québec. 2. La
fédération veut assurer la protection de l'enfant des parents
adoptants québécois et des droits des parents biologiques. 3. La
fédération veut assurer que tous les enfants adoptés
à l'étranger jouissent des mêmes droits et libertés
dont jouissent les enfants nés au Québec et au Canada. 4. Nous
voulons assurer le respect de la règle de droit d'adoption hors
Québec ainsi que la protection des éléments fondateurs de
notre société démocratique. 5. Nous voulons assurer que
des réseaux parallèles d'adoption et le trafic d'enfants
continuent de ne pas voir le jour au Québec. 6. Nous voulons que les
délais auxquels sont confrontés les couples
québécois en attente d'adoption soient réduits à
quelques
mois. 7. Nous voulons que les Québécois puissent jouir des
mêmes droits et libertés dont jouissent tous les autres Canadiens
en matière d'adoption hors province et, finalement, nous voulons que
l'État québécois puisse jouer un rôle voué
à la relation d'aide, à l'établissement et à la
diffusion de ressources, et offrir les services sociaux requis.
Compte tenu des ressemblances entre les objectifs avoués de la
fédération et ceux du gouvernement du Québec, il ne reste
qu'à élaborer un moyen susceptible d'atteindre ces buts. La
fédération soutient que le projet de loi 21 ne saurait atteindre
ces objectifs, mais plutôt dirigerait dans le sens contraire
l'orientation des efforts de tous les intéressés.
Ce que représente le projet de loi 21 pour nous. Nous soutenons
qu'après une étude éclairée et approfondie, tant au
niveau humain que par le biais d' experts-conseils en matière juridique,
les effets du projet de loi 21 seraient les suivants: Le projet de loi 21 fait
abstraction de l'aspect humain du processus d'adoption, aspect qui, sans
contredit, est la pierre angulaire même de cet acte de droit
privé.
Nous maintenons que l'adoption est un moyen privilégié de
répondre tant aux besoins des enfants dépourvus de foyer et
d'amour que des besoins inhérents chez tant de couples de se
créer une famille. Le taux de dénatalité que connaît
le Québec à l'heure actuelle nous incite non seulement à
considérer l'adoption en tant que moyen d'action à être
favorisé, mais aussi en tant que politique active qui veut encourager la
création de familles heureuses au Québec.
Il ne faut pas perdre de vue que le Québec s'est
édifié sur la famille québécoise et qu'on y puisera
notre force. De plus, au Québec, on dénombre plus de 250 000
adoptés et autant de familles heureuses créées par cette
forme d'union. Malheureusement, on ne peut plus compter strictement sur la
population québécoise pour combler les couples en pénurie
d'enfants. C'est dans cette veine que la Fédération des parents
adoptants du Québec soutient que le Québec se doit d'ouvrir ses
portes aux millions d'enfants adoptables en attente d'adoption à travers
le Canada, les États-Unis, l'Europe, bref, partout où se trouvent
de tels enfants identifiés comme étant adoptables par leur
État d'origine.
Nous trouvons que le projet de loi 21 allongerait les délais
d'adoption. La fédération ne peut accepter que l'application du
projet de loi 21 ait comme effet d'écourter les délais
déjà inacceptables auxquels font face les couples
québécois en attente d'adoption. Plutôt, nous
prévoyons que ces délais soient allongés pour les raisons
suivantes: Le projet de loi 21 restreint le nombre de pays et de juridictions
étrangères avec lesquels les couples québécois
pourraient envisaqer l'adoption. Le projet de loi 21 impose aux États
étrangers des conditions inusitées et extraordinaires avant de
permettre aux Québécois d'y adopter en toute
légalité. Il serait vraisemblablement impossible pour les
fonctionnaires du Québec de faire le tour des quelque 300 juridictions
étrangères pour tenter de conclure des ententes avec ces
pays-là. D'après ce que nous disaient des représentants du
Secrétariat à l'adoption internationale le 6 mai, depuis cinq
ans, on n'a pas encore conclu d'entente à cette échelle. Cela
confirme d'ailleurs ce que le secrétariat à l'adoption nous
déclarait, et je cite: "Par ailleurs, la législation en vigueur
et les principes sur lesquels elle repose ne permettent pas de favoriser
l'adoption dans les pays à adoption simple, ce qui limite d'une certaine
façon le nombre de pays avec lesquels il serait possible de s'entendre.
Cette situation explique en grande partie les délais qui sont
actuellement de trois à cinq ans pour compléter un projet
d'adoption au plan international."
Le projet de loi 21 multiplie les intervenants dans le processus
d'adoption et multiplie les étapes que devront franchir les couples
désireux d'adopter à l'étanger. Le projet de loi 21 met en
péril la santé et la sécurité de l'enfant en
rendant inaccessible à l'adoption québécoise la grande
majorité de ces enfants abandonnés, délaissés ou
orphelins, et en imposant des délais d'attente d'adoption
extrêmement longs à ceux et celles qui pourraient l'être. En
effet, selon un rapport qu'ont fourni à la fédération deux
médecins spécialisés en pédiatrie, je cite: "Plus
la période d'hébergement en attente d'adoption est longue, plus
grande est la chute du quotient développemental... Les cas
sévères de déprivation maternelle ont des
conséquences dramatiques et tragiques. En ce qui concerne l'adoption,
les législations récentes prolongeant des délais
déjà désastreux vont à l'encontre de la
santé physique et mentale des jeunes enfants..."
Nous rejetons de plus les allégations qui vous ont
été avancées le 6 mai portant sur une pénurie
d'enfants à travers le monde. Personne ne pourrait accepter une telle
proposition lorsqu'on sait qu'il y a des millions d'enfants adoptables qui
périssent chaque année à travers le monde, et que
plusieurs sont adoptés rapidement par des couples avant entrepris des
démarches personnelles en toute légalité dans les pays
étrangers. A l'échelle mondiale, on compte annuellement plusieurs
milliers d'adoptions d'enfants nés hors frontières.
Ce qui devrait plutôt être énoncé, c'est que
l'interprétation législative que se permet le secrétariat
à l'adoption, selon ses politiques administratives, la
quasi-totalité
des enfants du monde leur paraissent non adoptables. Cette question de
pénurie d'enfants est non seulement illusoire, mais aussi une
sérieuse déformation de la réalité. Comme l'effet
du projet de loi 21, s'il est adopté, sera d'allonger les délais
d'attente, une de ses conséquences inévitables constituera une
invitation pour les couples québécois à contourner la loi
québécoise et à adopter à l'étranger selon
les lois de ce pays.
La fédération trouve que le projet de loi modifie un acte
de droit privé pour en faire un acte de droit public, en citant Mme la
ministre qui a dit: "II est clair pour nous que l'adoption internationale est
une affaire d'État." Il est malheureux d'entendre Mme la ministre
affirmer qu'elle veut ainsi s'approprier un droit privé qui a toujours
été assuré à l'individu et qui continue de
l'être à travers l'ensemble des législations que nous
connaissons.
En effet, ce droit nous est réservé selon l'article 7 du
Code civil du Bas-Canada, lequel dit: "Les actes faits ou passés hors du
Bas-Canada sont valables, si on y a suivi les formalités requises par
les lois du lieu où ils sont faits ou passés." Le projet de loi
21 donne force de loi aux politiques administratives appliquées par les
fonctionnaires du secrétariat à l'adoption et modifie la
règle de droit dans cette matière en n'admettant à toutes
fins utiles que l'adoption dite plénière et en dotant la
Direction de la protection de la jeunesse de pouvoirs qui vont au-delà
des limites qui lui sont imposées par la loi.
Il est impératif de bien reconnaître qu'à l'heure
actuelle toute forme d'adoption simple, plénière ou autre peut
être reconnue par un tribunal du Québec dans la mesure où
il y a eu création de liens de filiation entre l'adoptant et
l'adopté. Le projet de loi 21 vise à accorder au ministre
entière discrétion en ce qui a trait à la gestion de
l'adoption, lui conférant des pouvoirs énormes quant à la
formulation d'éventuelles directives, règlements, critères
d'admissibilité aux frais de la ministre de la Santé et des
Services sociaux, vraisemblablement, comme vous l'a dit le représentant
de l'Association des centres de services sociaux, le nouveau grand responsable
de tout le processus d'adoption. II s'agit donc de l'étatisation d'un
droit privé.
L'adoption plénière et l'adoption simple. Il est essentiel
de souligner que les termes adoption simple et adoption plénière
ne sont pas définis en droit québécois. Il s'agit
plutôt de concepts utilisés pour différencier entre
plusieurs types d'adoption pratiqués dans tout le monde. Il est faux
d'alléguer, comme l'a fait le représentant du Secrétariat
à l'adoption internationale le 6 mai, et je le cite: "En fait, depuis
1983, cela a toujours été la règle de l'adoption
plénière". Cette prétention appliquée en tant que
politique gouvernementale a contribué à créer un imbroglio
dans lequel nous sommes tous impliqués.
Il nous apparaît évident que l'ambiguïté ne
provenait pas des dispositions du Code civil, mais du fait que des politiques
du gouvernement étaient inconciliables avec les dispositions du Code
civil. La meilleure preuve en est que les prétentions du gouvernement
ont été régulièrement et systématiquement
rejetées par les tribunaux. L'une des grandes causes de cet imbroglio
juridique provient du fait que le gouvernement insiste pour maintenir sa
prétention que la création d'un lien de filiation
nécessite nécessairement la rupture du lien
précédent. (17 h 30)
Les tribunaux du Québec ont à de multiples reprises
reconnu le droit des résidents du Québec de procéder
à une adoption à l'étranger, dans la mesure où les
tribunaux étrangers accordaient à cette adoption une filiation
entre l'enfant adopté et les parents adoptants, tel que le
prévoit actuellement le Code civil du Québec. Dans la grande
majorité de ces cas, les tribunaux du Québec ont reconnu que les
parents adoptants s'étaient conformés à la loi du
Québec. Néanmoins, les fonctionnaires du gouvernement persistent
à limiter les adoptions étrangères aux pays pouvant
répondre aux exigences de ces derniers, soit l'adoption
plénière. L'article 622.1 du Code civil ne contient aucunement
une telle exigence. L'article 622.1: Le tribunal appelé à
reconnaître un jugement d'adoption rendu hors du Québec s'assure
que ce jugement hors cour a pour effet, en vertu de la loi
étrangère, de créer un lien de filiation. De plus,
l'article 630 du Code civil du Québec permet l'adoption au Québec
dans certaines circonstances où le lien de filiation initial n'est pas
rompu. Je cite l'article 630: "Malgré l'article 629, l'adoption par un
époux de l'enfant de son conjoint n'aura pas le lien de filiation
établi entre ce conjoint et son enfant". C'est d'ailleurs dans cet
esprit que le Barreau du Québec proposa, en mars 1986, que l'article
622.1 du Code civil du Québec soit modifié afin de sauveqarder
les droits de l'enfant adopté à l'étranger. L'article
622.1 devrait se lire: "La reconnaissance d'un jugement d'adoption
confère à l'adopté une filiation avec l'adoptant et lui
accorde les mêmes droits et les mêmes obligations que ceux des
enfants dont la filiation est établis."
L'esprit de l'article 622.1 du Code civil du Québec répond
bien aux règles établies en droit international privé,
lesquelles prévoient que toute adoption sur laquelle a statué une
autorité compétente est reconnue de plein droit dans les autres
États. C'est d'ailleurs dans le respect de cette règle de droit
que
s'est prononcé l'Office de révision du Code civil dans son
rapport sur le droit international privé: 1° les conditions de
l'adoption sont régies par les lois de l'État où elle a eu
lieu; 2° une adoption hors du Québec est valable si elle a
été faite par une autorité compétente selon ses
propres règles.
La proposition du gouvernement est particulièrement peu
réaliste. Tout d'abord, elle met sur le même pied
l'établissement d'un lien de filiation avec la famille adoptive et la
rupture du lien de filiation avec la famille d'origine. Cette exigence est
mutile et nuisible, Le décret 172B-86 démontre que, contrairement
à ce que dit la ministre, le lien de filiation doit
nécessairement s'entendre au sens du droit québécois. Cela
est normal, mais il est illusoire de s'attendre que les lois
étrangères ressemblent en tout point au droit
québécois. En effet, dans un grand nombre de pays, l'adoption,
même simple, établit un lien de filiation entre les parents
adoptifs et l'enfant puisqu'elle leur donne tous les attributs de la
qualité de parents, c'est-à-dire les devoirs d'autorité
parentale, l'obligation alimentaire, la transmission du nom, les droits de
succession, etc. De plus, la reconnaissance du jugement étranger au
Québec met l'enfant sur le même pied que tous les autres enfants
québécois. Donc, l'enfant a tous les droits qu'aurait un enfant
québécois.
La nécessité imposée par le gouvernement que
l'adoption étrangère soit plénière cherche à
éliminer l'adoption d'enfants étrangers provenant de tout pays
où il est possible que l'enfant puisse garder un droit de succession, un
droit aux aliments de son pays d'origine. Nous soumettons que ceci ne devrait
pas faire obstacle à une adoption étrangère; de plus, la
possibilité extrêmement faible que le parent d'origine revienne
sur son consentement devrait, à notre avis, être
négligée.
Le Québec vis-à-vis du Canada. La Fédération
des parents adoptants du Québec a non seulement établi des
communications étroites auprès de certaines provinces
canadiennes, mais elle possède les textes de loi de l'ensemble de
celles-ci. À la lumière de données que nous avons
recueillies, nous alléguons que les autres provinces offrent aux couples
québécois désireux d'adopter à l'étranger
les éléments suivants qui ne sont pas accessibles aux
Québécois: 1° l'État n'intervient pas quant aux actes
légaux que peut poser le résident lorsque celui-ci se retrouve en
sol étranger; 2° l'État ne restreint aucunement
l'accès à tout pays étranger incluant les autres provinces
canadiennes pour les couples québécois désireux d'adopter;
3° tout résident a libre cours aux services offerts sans frais par
le Bureau de l'adoption fédéral du ministère de la
Santé et du Bien-Être Canada; 4 ° les effets d'une adoption
entreprise à l'étranger deviennent identiques à ceux
qu'aurait donnés une adoption domestique dès l'arrivée
d'un enfant en sol canadien; 5° le rôle dévolu à
l'État est limité à offrir un service d'information,
d'évaluation, d'aiguillonnage et de soutien; 6° le temps requis
à l'État pour terminer le traitement de la documentation et
l'évaluation du foyer adoptant se limite à moins de six mois. Au
Québec, la situation est vraisemblablement à l'opposé.
Aucun de ces avantages ne peut être retrouvé dans le contenu du
projet de loi 21.
Ce que vise plutôt le projet de loi 21 est la volonté
manifeste du ministre de retirer aux parents le droit qu'ils avaient auparavant
d'entreprendre des démarches personnelles pour obtenir l'identification
d'un enfant à l'étranger avant d'obtenir l'accord du
secrétariat à l'adoption précédant l'entrée
d'un enfant au Québec. Nous alléguons que cette procédure
est injustifiée et aurait pour effet de faire en sorte que, alors
qu'auparavant il était possible d'éviter des délais
d'attente de cinq à sept ans, à l'avenir, nous devrons tous nous
conformer à ce délai ou à un délai encore plus
long, compte tenu de toutes les mesures bureaucratiques créées
par le projet de loi.
En ce qui a trait aux recommandations de la Fédération des
parents adoptants du Québec, je vous réfère à la
page 36 de notre mémoire. Il serait important de comprendre que la
Fédération des parents adoptants du Québec favorise
plutôt le maintien de la législation actuelle portant sur
l'adoption internationale, soit l'article 622.1 et les autres annexes du Code
civil, mais qu'on modifie l'administration et la gestion du processus
d'adoption à l'étranger de la façon qu'il se fait
actuellement pour une façon qui respecte mieux ce qui est défini
en termes de loi.
La Fédération des parents adoptants du Québec,
étant aussi membre du Regroupement des organismes et des associations de
parents pour l'adoption internationale, recommande la mise en place d'un
orqanisme parapublic qéré par un conseil d'administration
formé de représentants du ministère, du Directeur de la
protection de la jeunesse, des organismes reconnus et des associations de
parents, car il est envisagé qu'un tel organisme serait mieux en mesure
d'orienter et de concerter plus adéquatement les efforts de tous les
collaborateurs à l'adoption hors Québec. De plus, nous
alléguons que le gouvernement devrait laisser tomber ses exigences
concernant l'adoption pleine versus l'adoption simple. C'est tout.
Le Président (M. Lederc): Je vous remercie. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les
représentants de la Fédération des parents
adoptants du Québec pour leur mémoire qui est volumineux,
important et qui, je pense, traduit assez bien les inquiétudes que vous
avez exprimées publiquement dans les derniers mois. Il soulève
beaucoup de questions et je pense bien que nous ne pourrons pas passer à
travers toutes les questions ou certaines affirmations que vous faites et qui
auraient peut-être besoin de clarification.
Il y a quand même certains points que je voudrais tenter
d'éclaircir avec vous au point de départ parce que, bien que...
Je reviendrai avec une question là-dessus. En ce qui a trait à la
loi 21, il y a certaines affirmations que vous faites qui ne (n'apparaissent
pas fondées ou qui résultent d'une incompréhension que
vous avez de la loi 21. La loi 21 a voulu, au premier chef, clarifier au plan
juridique les ambiguïtés qu'il y avait dans la loi actuelle et qui
avaient donné lieu à des opinions diverqentes. Je pense qu'il
n'était pas tout à fait exact de dire que les tribunaux ont
toujours donné tort à l'interprétation que le
ministère de la Justice ici, par exemple, a donnée au Code civil
en ce qui a trait à l'adoption plénière ou l'opinion que
les règles d'adoption, ici, au plan international, étaient des
règles d'adoption plénière.
De toute façon, nous croyons que ceci va permettre de lever ces
ambiguïtés qui ont donné lieu à des
difficultés juridiques, qu'elles aient été subies par les
uns et les autres. Je vous concéderai que c'est peut-être plus
grave quand elles sont subies par les parents parce qu'ils sont plus
démunis devant ce genre de querelles juridiques. Alors, cela nous
apparaissait important de le faire.
Deuxièmement, vous nous dites que nous allons diminuer le nombre
de pays où vous allez pouvoir adopter. Je voudrais vraiment que vous
m'expliquiez davantage comment nous allons pouvoir faire cela, avec la
possibilité de reconnaître toujours comme principe les effets
d'une adoption plénière, mais le fait aussi que nous nous ouvrons
à la possibilité d'une conversion d'adoption simple en adoption
plénière si le consentement a été obtenu par une
personne autorisée dans le pays d'adoption simple. Je pense que,
justement, nous nous ouvrons à un grand nombre de pays qui, si nous nous
en étions tenus strictement à l'interprétation du Code
civil tel qu'il est, ou, enfin à l'interprétation qu'on doit
donner au Code civil tel qu'il est, aurait continué de diminuer, comme
je l'ai dit à plusieurs reprises, à moins que des pays, pour des
raisons qui seraient les leurs -on peut en imaginer au plan religieux ou
d'autres - ne laissent pas aller leurs enfants en adoption. De toute
façon, au point de départ, si les règles du Québec
sont plus claires, si cela est élargi dans le sens de reconnaître
des adoptions simples ou de donner à des adoptions simples des effets
d'adoption plénière dans le cas d'enfants adoptés
où ce sont des jugements d'adoption simple, je pense que nous allons
améliorer la situation.
Je voudrais à ce moment-ci, parce qu'il y a eu plusieurs
discussions là-dessus, clarifier la question ou tenter de clarifier la
question du consentement par personne autorisée. Certains ont
laissé entendre qu'il s'agirait strictement d'ententes formelles entre
États ou entre gouvernements. Nous avons dit que ces consentements
pouvaient avoir différentes modalités et que les personnes
autorisées pouvaient être des institutions reconnues par
l'autorité compétente comme pouvant agir dans le domaine de
l'adoption internationale. Nous savons que, déjà, dans cinq ou
six pays ou peut-être davantage... Mais j'ai des pays en tête.
Entre autres, en république Dominicaine et Haïti, il existe
déjà des institutions qui sont formellement reconnues par le
gouvernement et qui s'intéressent à l'adoption internationale.
Sur ce point, je pense que... En tout cas, c'est un éclairage que je
veux bien tenter de vous donner.
Quand vous dites que vous souscrivez au principe de la convention, la
convention à laquelle vous faites référence dans votre
mémoire, je pense qu'il s'aqit des divers principes des chartes des
droits de l'enfant.
M. Godin (Philippe): À quelle page vous
référez-vous, Mme Lavoie-Roux?
M. Baillargeon (Claude): Est-ce que je peux intervenir, Mme la
ministre?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Baillargeon: Je pense que, quand vous faites allusion à
cette convention, la fédération n'a aucune objection à ce
que le gouvernement du Québec conclue des accords ou des conventions
avec des États étrangers pour favoriser l'adoption
internationale. Nous n'avons aucune objection à cette démarche,
mais qu'elle ne soit pas la seule possible pour permettre une adoption.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Est-ce que l'explication que j'ai
donnée tout à l'heure, à savoir que... Par convention,
est-ce que vous voulez dire une entente d'État à État ou
si...
M, Baillargeon: C'est exact.
Mme Lavoie-Roux: Bon. Je pense qu'il peut y avoir, dans un pays,
une entente d'État à État ou de gouvernement à
gouvernement, mais il peut y avoir aussi d'autres modalités
administratives qui permettent d'obtenir ce consentement par une personne
autorisée ou une personne désignée. Je pense
que cela élargit strictement cette notion de convention entre
gouvernements qui apparaît à plusieurs et qui nous apparaît
aussi, si elle est appliquée strictement de cette façon, comme
étant trop stricte. Cependant, on veut quand même que ce soit par
des organismes autorisés ou des modalités administratives
étanches du point de vue du consentement de l'État par personne
déléguée. (17 h 45)
M. Baillargeon: Nos craintes, Mme la ministre, à cet
égard, c'est que du fait d'ajouter un nouveau niveau de consentement
à chaque démarche d'adoption dans les différents pays,
à ce moment-ci, nous n'avons aucune indication que cela va pouvoir
être répété dans plusieurs pays. En ce moment,
malheureusement, l'information statistique est quand même relativement
limitée pour des groupes comme les nôtres, mais on se fie
beaucoup, entre autres, au document de Le vécu en adoption
internationale au Québec. On nous relate que 69 pays sont ouverts
pour fins de... Bien, ouverts, entendons-nous. Des adoptions sont
pratiquées dans 69 pays. On nous dit, aujourd'hui, que le projet de loi,
s'il est adopté, aura pour effet de permettre au gouvernement d'ouvrir
plusieurs pays qui n'étaient autrefois pratiquement pas ouverts, entre
autres, Haïti et le Guatemala. Dans Le vécu en adoption
internationale, on note qu'Haïti et le Guatemala sont les deux pays
avec lesquels le plus grand nombre d'adoptions ont été
complétées dans le passé.
Alors, on se pose une question. Il y avait 69 pays avant. Aujourd'hui,
on nous dit qu'on va ouvrir sept, huit, neuf pays. On va ouvrir
également les deux pays avec lesquels on a déjà le plus
d'adoptions. Comment se fait-il que... Il me semble qu'il y a quelque chose qui
cloche.
Mme Lavoie-Roux: Si on prend votre exemple, celui d'Haïti en
particulier et même celui de la république Dominicaine -je n'ai
pas de données pour le Guatemala -on sait que, déjà, dans
un bon nombre de pays à adoption simple, dont Haïti, il existe des
organismes d'État ou des organismes autorisés par l'État
à donner pareil consentement. Par exemple, celui d'Haïti,
l'Institut de bien-être social et de recherche en Haïti, pour
reprendre votre exemple d'Haïti. Il y a également la Fondation
nationale du bien-être des mineurs au Brésil, le
Secrétariat d'État à l'assistance sociale en
république Dominicaine, un grand nom espagnol pour le Mexique, et,
également, le Honduras et quelques autres pays. Déjà, on
sait que de tels organismes sont autorisés par l'État à
donner un consentement.
M. Baillargeon; Je ne conteste pas du tout votre affirmation, Mme
la ministre, sauf que, de là à dire que le projet de loi ouvre
ces pays à l'adoption internationale alors qu'on sait que ces pays sont
les pays avec lesquels il se fait le plus d'adoptions internationales au
Québec ou qu'il s'en est fait dans le passé, on se demande quelle
explication on peut donner en disant que cela ouvre alors que c'était
déjà ouvert auparavant.
M. Godin (Philippe): Si je peux ajouter, Mme la ministre,
à ce niveau. Lorsqu'on dit que le gouvernement du Québec va
restreindre l'accès aux autres juridictions étranqères, si
on demeure n'importe où au Canada, si on demeure aux États-Unis
ou n'importe où à travers le monde, on a accès à un
nombre illimité de pays étrangers qui pourraient me rendre
adoptables des enfants selon leurs lois étrangères. Au
Québec, on tente de mettre en vigueur, et c'est un projet de loi et non
pas une loi, un règlement qui dirait que non, contrairement à ce
qui se pratique presque d'une façon courante à travers le monde,
nous, au Québec, on va restreindre à un groupe
sélectionné de cinq, sept, ou peut-être huit, dix ou douze
pays et non pas considérer les quelque 300 juridictions à travers
le monde auxquelles on pourrait avoir accès. C'est dans ce sens qu'on
dit qu'on restreint l'adoption internationale. Les Québécois
n'auront pas accès aux adoptions dans les autres provinces canadiennes,
aux États-Unis, en Europe, à travers le monde, sauf que dans
quelques pays qui, pour des raisons particulières, auront pris des
ententes particulières avec le gouvernement du Québec, on pourra
aller chercher des enfants.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, ce n'est pas le fait que vous
dites qu'on aura pris des ententes. On veut - et cela a été aussi
les recommandations des organismes d'adoption internationale - transiger par
l'intermédiaire d'organismes officiels qui ont des autorisations de
l'État ou qui sont reconnus par l'État comme pouvant agir dans le
domaine de l'adoption internationale.
Je voudrais vous poser une question à ce sujet. Est-ce que je
comprends bien en pensant... Quand vous faites la comparaison avec le reste du
Canada, je fais juste une parenthèse pour vous dire que c'est vrai que
notre législation est différente de celle du Canada, mais il faut
bien dire que les provinces ont aussi compétence en matière
d'adoption internationale et que, dans le fond, les principes qui ont
fondé les démarches en adoption internationale depuis le temps
où le gouvernement a commencé à agir là-dedans sont
les principes de l'intérêt de l'enfant, qui est le principe
fondamental de notre Loi sur la protection de la jeunesse. Dans ce sens, non
seulement il est fort possible... Je sais que c'est différent dans
les
autres provinces; celles-ci n'ont pas pris les mêmes mesures et
elles fonctionnent par agences privées et on laisse peut-être...
Je ne voudrais pas trop m'avancer sur ce qui se fait dans les autres provinces,
mais je sais que c'est plus large qu'ici dans le sens où vous
l'entendez.
La question que je veux vous poser est la suivante: Est-ce que je dois
comprendre que ce que vous privilégiez - je ne veux pas entrer dans le
débat du droit public ou du droit privé, plusieurs experts
étant venus nous dire que l'adoption est de droit public -la
démarche qu'on devrait autoriser ici comme gouvernement est que le
parent X puisse partir dans le pays Y, de bonne foi, j'entends bien, et non pas
avec de mauvaises intentions, pour aller chercher un enfant et que, quelle que
soit la façon - et je n'entends rien de péjoratif par cela - quel
que soit le résultat de sa démarche, s'il revient avec un enfant,
il demande au Tribunal de la jeunesse de lui accorder un jugement d'adoption
pour cet enfant? Cette démarche est-elle essentiellement privée,
même si, à certains endroits dans votre mémoire, vous
dites: On ne nie pas que l'État doive intervenir de quelque
façon? Évidemment, il va devoir intervenir au chapitre du
jugement du tribunal, mais est-ce votre vision des chose3? Dans le fond, c'est
une démarche... Elle peut être publique, vous n'y avez pas
d'objection, mais si c'est plus facile, plus rapide et plus commode qu'elle
soit essentiellement privée, sauf pour le jugement d'adoption, est-ce la
vue des choses que vous favorisez?
M. Baillargeon: Mme la ministre, quand vous parlez de jugement
d'adoption, est-ce que vous parlez de jugement d'adoption prononcé au
Québec au retour ou du jugement d'adoption prononcé à
l'étranger?
Mme Lavoie-Roux: Les deux. Au Québec et à
l'étranger.
M. Baillargeon: Alors, on présuppose de toute façon
qu'il y a un jugement d'adoption à l'étranger conformément
aux lois étrangères.
Mme Lavoie-Roux: Je suppose que... Je vous demande comment vous
le prévoyez.
M. Baillargeon: Non, non, mais dans votre question... Nous
privilégions certainement cette possibilité d'entreprendre cette
démarche tout en concédant parfaitement que le gouvernement
puisse conserver toutes ses prérogatives pour lui-même
contrôler un certain aspect, en fait, pour continuer les mêmes
démarches qu'en ce moment, mais laisser le choix au citoyen de
procéder par la filière gouvernementale ou par une filière
plus personnelle qui impliquerait, de toute façon, un certain
contrôle du gouvernement.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous accepteriez quand même les
dispositions préalables ou les conditions requises, à savoir
être évalués par un directeur de la protection de la
jeunesse, aller jusqu'à présenter votre projet d'adoption au
Tribunal de la jeunesse pour le faire apprécier peut-être
comme...
M. Bailiargeon: C'est d'ailleurs dans nos recommandations, Mme la
ministre, à cet effet.
Mme Lavoie-Roux: Et vous seriez prêts à remplir ces
conditions.
M. Baillargeon: Bien sûr. D'ailleurs...
Mme Lavoie-Roux: C'est seulement au plan international, dans le
pays étranger que vous voudriez que votre démarche soit exempte
des exigences de la loi.
M. Baillargeon: C'est exact. Nous favorisons cette
démarche parce que, jusqu'à maintenant, depuis les dix
dernières années, cela a été la seule façon
de réduire les délais pour une adoption internationale. Avec la
filière gouvernementale, il y a quelque chose qui ne va pas et je pense
que vous en êtes consciente; de toute façon, un délai de
cinq ans est anormal. La démarche personnelle, tout en demeurant
parfaitement légale - la loi telle qu'elle existe présentement,
quant à nous, pourrait nous satisfaire à bien des égards -
c'est une démarche qui fonctionne et qui a pour effet de réduire
considérablement les délais. Pourquoi le gouvernement, par le
projet de loi 21, cherche-t-il à abolir complètement cette
démarche? Je vous reconnais cette volonté et ce droit, et
j'endosse votre volonté d'empêcher le trafic des enfants et les
abus, et ainsi de suite, mais il y a des moyens pour que le gouvernement
conserve un certain contrôle tout en permettant des initiatives
personnelles qui vont raccourcir beaucoup les délais sans attendre un
délai infini.
Mme Lavoie-Roux: Ce que je comprends, c'est que votre objectif
est de réduire les délais. Vous dites que c'est probablement la
manière la plus fonctionnelle et la plus pratique de réduire des
délais en ayant, dans le fond deux démarches possibles,
c'est-à-dire celle qui se ferait par l'entremise d'un organisme
d'adoption internationale reconnu au Québec oeuvrant dans certains pays
et, s'ils n'oeuvrent pas à l'intérieur de certains pays, que ce
soit le Secrétariat à l'adoption internationale qui puisse
remplir cette fonction ou l'autre démarche qui dit: On remplit toutes
les
conditions préalables, même celle d'obtenir -même si
vous le critiquez un peu - le jugement a priori du Tribunal de la jeunesse. La
démarche à l'intérieur du pays, vous la voyez comme une
façon d'accélérer les choses,
M. Baillargeon: C'est exact.
Mme Lavoie-Roux: C'est exact. Bon.
M. Godin (Philippe): On prône fortement le fait que tout
citoyen du Québec a le droit d'entreprendre des démarches
légales dans les pays étrangers. On ne peut pas, comme
État du gouvernement, envisager d'appliquer des lois qui vont
restreindre ce qu'une personne québécoise peut faire dans un pays
étranger. Donc, si quelqu'un va dans un pays étranger et
procède à une adoption légale devant les juges dudit pays,
on peut ramener l'enfant au Québec, comme cela se fait partout ailleurs;
on ramène l'enfant dans le pays de l'adoptant et, immédiatement,
tous les droits et effets du jugement sont automatiquement
conférés è l'enfant. Il n'y a pas de situation double
là-dedans. La raison pour laquelle on serait même prêts
à aller jusqu'à accepter que les couples soient forcés,
ici, au Québec, d'aller chercher un jugement avant de
procéder...
Mme Lavoie-Roux: Pour cela, il faudrait qu'ils le veuillent.
M. Godin (Philippe): ...ou avant de faire un acte légitime
et légal... c'est que c'est un bon remplacement pour le système
qui existe actuellement où il faut aller chercher le jugement
gouvernemental pour le faire. C'est cela qui fait que le système prend
autant de temps et qu'il est tellement complexe. En fait, on ne prône pas
plus l'accès à des enfants de façon légale dans les
autres pays, comme cela s'est déjà fait dans le passé et
comme il y a des gens que vous connaissez très bien qui ont
procédé de cette façon.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, cela est votre point de vue, il
y en a d'autres qui l'ont exprimé. Il y en a même un - c'est celui
qui est allé plus loin - qui a dit? C'est une affaire totalement libre;
on part, on y va, on adopte et on revient. Il y a aussi les autres points de
vue qu'on a entendus de la part du Barreau - je ne veux pas revenir
là-dessus - qui pense que ce genre de démarche privée peut
ouvrir la porte à des pressions sur des parents dans les pays
étrangers et il dit qu'on devrait fonctionner par l'intermédiaire
d'un organisme reconnu d'adoption internationale. Il y en a d'autres aussi qui
voient cette ouverture, par le privé - je ne veux pas mettre en doute la
démarche que peut-être un très grand nombre de parents du
Québec ont faite comme cela - mais il reste qu'il y a plus de risques.
Est-ce que vous pensez qu'il n'y a pas au moins un peu plus de risques quand
des consentements sont obtenus par des parents qui peuvent être...
M. Godin (Philippe): On prône fortement, à la
fédération, que les pays étrangers soient laissés
à eux-mêmes pour régler leurs problèmes et pour
contrôler les abus. Le Québec ne peut pas se faire
législateur pour protéger les enfants des autres pays, c'est
absurde. Le Québec peut protéger ses enfants; on n'est pas pour
commencer à protéger et à défendre les droits des
parents des autres pays. Si la loi d'un autre pays accepte qu'il y ait eu un
jugement d'adoption et qu'un juge se prononce dessus, on tient pour acquis que
l'on doit respecter le jugement de la cour d'un pays étranger et non pas
en plus demander que l'État se prononce par-dessus le marché.
Mme Lavoie-Roux: On a entendu, à quelques reprises, le
fait qu'on pouvait obtenir un jugement dans certains pays avec la signature
d'un notaire ou d'un avocat, ou d'autres qui pouvaient... Enfin, on a mis en
doute la qualité de ce genre de jugement qu'on pouvait obtenir. Je pense
que cela...
M. Godin (Philippe): Le Québec... Oui?
M. Baillarqeon: Mme la ministre, ce n'est pas uniquement...
Même par la filière gouvernementale, de tels abus peuvent exister.
C'est évident que, si on veut prévenir, à l'origine, le
trafic d'enfants, on peut employer des moyens draconiens qui rendent le
système non fonctionnel. Est-ce que vous pouvez affirmer que, par la
filière gouvernementale, le trafic d'enfants peut être
évité en entier? Je ne pense pas que vous puissiez donner cette
assurance. (18 heures)
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, je pense qu'il n'y a personne
dans aucun pays qui peut donner ce qenre de garantie, parce qu'il y a des
individus qui circulent de part et d'autre. Je ne m'avancerais pas
jusqu'à dire que c'est un... Mais je pense que le gouvernement a la
responsabilité, en adoption internationale, de privilégier tous
les moyens qui vont le rendre le plus étanche passible face à
cette possibilité de trafic d'enfants. Si on considère que
l'adoption internationale se fait entre deux pays, au moins, de notre
côté, il faudrait mettre des garanties. Quand M. Philippe Godin
dit: Préoccupez-vous des enfants au Québec - ce n'est pas
exactement comme cela que vous l'avez dit - il ne faut pas se mêler de ce
qui se passe dans les autres... On a quand même une
responsabilité, celle que l'adoption internationale se fasse toujours en
respectant l'intérêt de l'enfant, du parent adoptant et
du parent biologique qui donne son enfant. On ne peut pas dire que cela
nous importe peu, pour autant qu'on soit très vertueux au Québec.
C'est un peu plus compliqué que cela, ce n'est pas seulement, à
mon point de vue, un acte interne du Québec. C'est là justement
la complexité de la chose. Je pense que, là-dessus, on va
s'entendre et on marche avec les autres pays.
Mon temps est écoulé. Je veux m'excuser, M. le
Président, je dois aller au Conseil des ministres. Je voudrais vous
remercier avant de partir. Je veux vous dire qu'on est en réflexion sur
toutes ces choses; on est conscient des attentes des parents et on va essayer
quand même, en respectant les principes fondamentaux sur lesquels, je
pense, on ne peut pas changer d'idée ou qu'on ne peut remettre en
question et qui sont les fondements mêmes de nos lois au Québec,
de satisfaire le plus possible aux attentes des parents. C'est un projet de loi
à l'étude, c'est un règlement à l'étude qui,
de toute façon, devrait être révisé. Je vous
remercie encore une fois de votre présence.
M. Baillargeon: Merci de l'occasion qui nous a été
donnée de vous faire part de nos commentaires également.
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez,
à ce moment-ci, je dois avoir le consentement des deux
côtés de l'Assemblée pour pouvoir continuer les travaux
au-delà de 18 heures. Est-ce que j'ai ce consentement?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Je cède la
parole à Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui. Au nom de ma formation politique, il me fait
plaisir de vous accueillir ici, à cette commission parlementaire, et de
pouvoir justement faire la lumière sur les préoccupations des
parents adoptants, toujours pour le mieux-être et dans le meilleur
intérêt de l'enfant.
Ceci m'amène à vous poser des questions. L'intervenant qui
vous a précédé a fait grand état du respect des
pays étrangers et aussi du respect des tribunaux étrangers.
Finalement, c'est très difficile pour un pays de s'immiscer dans les
procédures internes et dans les lois des autres pays, parce que cela
pourrait être considéré comme de l'ingérence
étrangère. Vous en avez fait état aussi dans votre
document. Je ne sais pas si c'est faire preuve de clairvoyance ou de prudence,
parce que vous avez étudié davantage le projet de loi, mais je
pense que cela va exactement dans le sens de cet éminent juriste qui
connaît très bien l'adoption internationale.
L'autre aspect, et je pense qu'on a beaucoup fait état de tout
cet aspect, concerne le jumelage du projet et sa reconnaissance. J'aimerais
plus m'y attarder, parce qu'on a souvent fait ressortir que le projet d'une
adoption internationale avait deux volets: un volet judiciaire et un volet
administratif. Finalement, ce n'est pas en changeant le volet judiciaire que le
volet administratif s'en portera mieux.
J'aimerais que vous m'expliquiez, si vous abondez dans ce sens, si le
projet de loi 21, tel qu'il est écrit, va corriger les problèmes
que peuvent vivre actuellement les parents. Sinon, de quelle façon
devrait-il être amélioré et de quelle façon ne
respecte-t-il pas ou ne convient-il pas à un projet de démarche
de parents adoptants?
M. Godin (Philippe): On reconnaît facilement tous les
problèmes et tous les objectifs que le gouvernement du Québec se
donne à atteindre. Les problèmes inhérents à
l'adoption internationale, on les connaît, on voit les mêmes. Pour
répondre succinctement à votre question, le projet de loi
21 ne contribue aucunement à corriger les problèmes qui existent
actuellement ou à satisfaire aux besoins imminents qui sont devant
nous.
Nous recommandons d'une façon claire le retrait du projet de loi
21 et le respect de la toi qui existe actuellement avec quelques modifications,
lesquelles sont purement administratives. Qu'on respecte le fondement en droit
qui dit que l'adoption plénière n'est pas requise
présentement au Québec. Ce n'est pas la règle de droit qui
existe au Québec. Deuxièmement, qu'on permette aux
Québécois d'avoir accès aux juridictions
étrangères qui permettent l'adoption d'une façon
légale devant les tribunaux étrangers. Un autre aspect
fondamental serait que le rôle de l'état soit limité
à une relation d'aide plutôt qu'à une relation de
surveillance, d'autorisation et de contrôle. C'est dans le respect des
lois étrangères et des pays étrangers que nous voulons que
l'adoption s'effectue. On veut, finalement, doter d'enfants les couples
québécois qui n'en ont pas, mais, d'une façon primordiale,
on veut protéqer les enfants aussi. Le projet de loi 21 rend la
situation tellement complexe, tellement lonque et tellement coûteuse sur
le plan émotionnel que, à toutes fins utiles, il y a plusieurs
enfants qui ne viendront jamais au Québec, qui, heureusement, iront dans
les autres provinces canadiennes ou ailleurs à travers le monde On va
ouvrir la porte à des moyens alternatifs pour que les qens puissent
adopter des enfants. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, certains couples
québécois ont le désir d'avoir une famille, d'avoir un
enfant -c'est un besoin inhérent à la survie, la reproduction -
d'avoir une famille. Ce sont des besoins fondamentaux chez l'individu. Un texte
de loi qui stipule les critères d'admissibilité et les conditions
d'adoption,
tels qu'on les voit dans le projet de loi 21, va rendre tellement
difficile le processus que, à toutes fins utiles, plusieurs personnes
vont complètement laisser faire le processus d'adoption. Ça va
être une situation très alarmante.
Mme Vermette: Je pense que vous avez fait état que,
finalement, le projet de loi 21 ne vous satisfait pas et qu'il faudra
peut-être le reprendre complètement ou, en tout cas, lui apporter
énormément de corrections, surtout si on veut l'harmoniser
à la suite des propos qu'a tenus M. Opertti Badan dans son exposé
tantôt. Je pense que ce sera très important de voir à tous
ces aspects.
L'autre aspect que j'aimerais aussi aborder, c'est que pour les parents,
pour la plupart des parents adoptants, l'identité culturelle de l'enfant
est importante. Est-ce que le maintien du lien de filiation pourrait être
un problème pour la majorité des parents adoptants?
M. Baillargeon: Je ne pense pas du tout. Le maintien d'un lien de
filiation, il faut bien s'entendre... Premièrement, il varie de pays en
pays. Ce n'est pas le même genre de lien de filiation qui peut être
maintenu... Vous parlez, évidemment, d'adoption simple, je
présume?
Mme Vermette: Toujours dans le cas d'une adoption simple.
M. Baillargeon: Parlons de façon très
concrète. Les parents adoptants sont tellement heureux d'adopter un
enfant que, lorsqu'ils l'ont, ils ne se demandent pas s'il s'agit d'une
adoption simple ou d'une adoption plénière. La majorité
des parents n'en ont même pas conscience. Il s'agit, évidemment,
d'un phénomène nouveau, parce que ce n'est que très
récemment que la distinction a été formulée par le
gouvernement, parce qu'elle n'existe pas dans la loi en ce moment, nulle part,
dans aucune loi ou aucun règlement, sauf, évidemment, dans le
décret de décembre dernier.
Alors, de savoir s'il subsiste un certain lien de filiation, il est
probable que la plupart des parents qui ont déjà adopté
n'en connaissent même pas l'existence. Mais, sur un plan parfaitement
pratique, trè3 souvent, le lien de filiation qui subsiste ne permet pas
aux parents biologiques, de toute façon, de revenir en arrière,
de changer d'idée et de reprendre l'enfant. Je pense que c'est ce qui
serait théoriquement la principale crainte des parents adoptants.
À partir du moment où la seule façon de défaire
l'adoption, si vous voulez - en fait, c'est ça qui fait que c'est une
adoption simple - à partir du moment où la seule façon de
le faire provient du parent adoptant lui-même, comment est-ce que le
parent adoptant peut avoir une insécurité psychologique lorsque
ça dépend uniquement de lui de défaire ce lien-là''
II existe certains cas relativement rares où l'adopté
lui-même peut le faire, mais c'est toujours avec le consentement du
parent adoptant. Alors, en définitive, ce n'est pas une crainte qui
existe vraiment.
Mme Vermette: II est arrivé souvent que le
secrétariat ait utilisé l'arqument que l'adoption simple
était une raison pour refuser d'agir dans un projet d'adoption. Il y a
eu le décret et, finalement, c'est devenu tout ambigu, parce qu'on me
disait que, dans certains cas, il y a eu des cas d'adoption simple qui ont
été amnistiés et, dans d'autres cas, on a
été obligé de passer devant les tribunaux. Est-ce que c'a
eu des conséquences, le décret, en ce qui concerne la
facilité et est-ce que l'attitude du secrétariat était
claire pour vous par rapport à ces exigences''
M. Godin (Philippe): Le décret ne clarifiait aucunement le
contenu du Code civil du Québec. Le décret clarifiait la position
qu'avait adoptée le secrétariat à l'adoption visant
à contrôler les adoptions à l'étranger. L'existence
d'un lien de filiation entre un adopté et une autre personne, ce n'est
pas une nouvelle question dans l'esprit de la loi québécoise.
Comme on l'a dit dans notre mémoire, parmi le quart de million de
Québécois qui sont présentement en situation d'adoption au
Québec - il y a un quart de million de personnes à adopter - il y
en a plusieurs milliers qui ont aussi des liens de filiation avec d'autres
personnes dans la province de Québec même.
Que l'on tente de léqiférer pour appliquer une condition
dans les pays étrangers et qu'on ne la requiert même pas pour
l'adoption au Québec, premièrement, on trouve cela très
malencontreux. D'autre part, que le secrétariat à l'adoption
s'improvise législateur pour déterminer si, au Québec, la
loi voulait dire telle chose ou telle autre chose et qu'en plus il se permette
d'analyser les lois étrangères pour voir si, effectivement, c'est
de l'adoption plénière ou simple, on trouvait cela fastidieux et
onéreux, autant qu'on peut trouver la tâche fastidieuse et
onéreuse de demander au secrétariat à l'adoption ou aux
autres organismes gouvernementaux de faire le tour des 330 juridictions
internationales pour voir si un consentement étatique pourrait
être conclu. On n'est pas du tout à notre place.
On devrait fonctionner comme on fonctionne ailleurs dans le monde, une
politique d'adoption très simple: aller chercher un jugement
léqal dans le pays étranger, revenir dans le pays de façon
légale avec l'enfant, inscrire l'enfant dans les registres d'État
de la province en question. Les effets de l'adoption deviennent
automatiquement ceux qui se retrouvent dans le pays ou l'État
d'où proviennent les parents adoptants. La question est simple. Pourquoi
se compliquer les choses avec les règlements et les conditions que l'on
retrouve dans le projet de loi 21? On ne trouve pas cela dans les lois, nulle
part ailleurs. C'est seulement au Québec où on impose des
restrictions aussi importantes et aussi complexes que cela. Veut-on, à
toutes fins utiles, contrôler à 100 % ce qui se passe dans
l'adoption et ainsi maîtriser le processus pour savoir qui va faire des
adoptions ou non? Est-ce qu'on vise plutôt à anéantir
l'adoption internationale d'une façon claire? Ce sont les questions
qu'on se pose.
Mme Vermette: Ceci m'amène à vous poser une autre
question. Au chapitre des délais et de l'évaluation des parents,
il y a eu plusieurs délais. Je pense que plusieurs parents se sont
plaints des délais parce que, très souvent, il y a un manque de
ressources à différents niveaux, que ce soit un manque de
ressources dans les CSS, que ce soit pour faire l'évaluation, que ce
soit un manque d'information ou un manque de la part du secrétariat
à l'adoption. Cela fait que, finalement, il n'y a pas toujours de
correspondance ou de coordination entre certains intermédiaires dans les
démarches des parents avec les CSS. Est-ce que vous avez fait le
même constat chez vous aussi? Est-ce que c'est différent?
M. Baillargeon: Ah non! C'est exactement le même constat.
Il n'y a pas de doute. Mais, de là à vous dire quelle est la
cause originale du délai... C'est que rien ne se fait. Vous dire
pourquoi rien ne se fait...
Mme Vermette: Quand vous dites que rien ne se fait, c'est assez
gros comme affirmation. Qu'est-ce que cela veut dire? Pour moi, rien, c'est
rien. On est vis-à-vis de rien.
M. Baillargeon: D'accord. Je vais vous donner l'exemple typique.
Je suis moi-même un parent en attente d'adoption. Vous déposez
votre demande auprès d'un centre de services sociaux et vous attendez.
Vous pouvez attendre jusqu'à trois, quatre ou cinq ans avant d'avoir un
signe de vie, sinon une lettre annuelle vous donnant dix jours pour
répondre que vous êtes toujours intéressé à
adopter, sans quoi votre nom sera biffé de la liste d'attente. On vous
dit également le nombre d'adoptions qui ont été faites
l'année précédente.
Au premier anniversaire de ma propre demande, on m'a fait état du
fait que je devais répondre dans les dix jours et que 25 enfants avaient
été adoptés sur le plan international, l'année
précédente. C'est le Centre de services sociaux du
Montréal métropolitain. L'année suivante, au
deuxième anniversaire, j'ai reçu une autre lettre de même
nature. On me disait qu'il y avait eu 30 adoptions internationales
l'année précédente. On dit que les délais sont
lonqs. Êtes-vous toujours intéressé? Dites-le-nous dans les
dix jours, sinon votre nom est enlevé de la liste. C'est le genre de
communications que nous avons. Par la suite, éventuellement, il y a une
communication lorsque votre nom arrive au haut de la liste. À ce
moment-là, le processus est en marche, mais c'est très long avant
d'avoir des nouvelles. (18 h 15)
M, Godin (Philippe): Si je peux renchérir à ce
chapitre. Simplement en termes de comparaison, le temps qui s'écoule
entre la date de la demande d'une adoption étrangère et la fin de
l'étude familiale dans les autres provinces est de deux à quatre
mois, parfois cinq mois. Quand ils sont très occupés, cela peut
prendre six mois pour que toute la documentation soit expédiée
dans le pays étranger. Ici, au Québec, avec le même
procédé, une étude sociale peut prendre cinq ans. Il y a
quelque chose qui ne marche pas quelque part là-dedans, c'est sûr.
On peut pointer du doigt soit le Secrétariat à l'adoption
internationale qui ne remplit pas ses fonctions, le CSS qui ne remplit pas ses
fonctions, le DPJ qui ne remplit pas ses fonctions, le manque de ressources
humaines physiques, matérielles et économiques ou quoi que ce
soit. Mais trouver les causes de cela, ce n'est pas ce qui m'intéresse
le plus. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on ait une politique d'adoption
claire et un moyen de le faire qui soit facile, qui favorise l'adoption. Qu'on
nous accueille dans les centres de services sociaux, ici, au Québec,
comme des gens qui amènent un problème, soit l'adoption
internationale, je trouve qu'on part du mauvais pied. Si, dans les autres
provinces, on accueille les qens, on leur donne l'information nécessaire
pour qu'ils sachent à quoi s'attendre de l'enfant qui entre, quoi dire
à nos familles, comment on va réagir au fait que peut-être
on va avoir un enfant d'une autre race, c'est une information qu'il serait
intéressant d'avoir ici au Québec, et non pas seulement une
structure administrative et bureaucratique qui, à toutes fins utiles, va
étouffer le système.
Mme Vermette: Est-ce que... Oui?
M. Baillargeon: Si on regarde les listes d'attente, 1500
personnes, ce n'est pas grand monde, finalement, et administrer cela semble
être une montaqne extraordinaire. Mais, si on regarde juste le nombre de
réfugiés qui sont entrés au Québec l'année
dernière - je pense que c'est 6000 ou 7000 -on administre bien ce flux
de nouvelles personnes. Et 1500 personnes accumulées au
cours des années, ce n'est pas énorme. Il y a certainement
des façons d'améliorer le système à ce
niveau-là.
Mme Vermette: Qu'est-ce que vous entendez quand vous dites que
l'on fait abstraction de l'aspect humain? J'aimerais bien savoir c'est quoi,
finalement, dans un projet d'adoption.
M. Godin (Philippe): C'est clair que pour les parents qui se
retrouvent dans une situation où ils ne peuvent pas avoir d'enfants
naturels, c'est une situation très déplaisante et
émotionnellement très difficile à vivre. Il y a plusieurs
de nos membres qui vivent cette situation. On fait face à cela, on tente
le chemin médical, on tente des interventions chirurgicales, on fait des
tests, on prend des mesures, tout le "kit". C'est une batterie de tests qui
sont déjà assez épuisants. À la suite de cela, on
procède à l'évaluation personnelle, à savoir si on
est apte à faire de l'adoption, parce que juste le concept de l'adoption
ce n'est pas tout le monde qui l'accepterait. Donc, quelques mois
s'écoulent, on remet en question notre capacité d'être des
parents adoptants, notre capacité d'accueillir un enfant qui n'est pas
biologiquement le nôtre, etc. Une fois ce processus fait, on se retrouve
devant le fait où il n'y a pas d'enfants pour l'adoption, ou presque
pas. Cela prendrait une quinzaine d'années ou une douzaine
d'années. On recommence le processus d'introspection qui veut
définir si on est capable d'aller chercher un enfant dans un autre pays
sachant qu'il y a des chances que ce soit un pays d'une minorité
visuelle, que ce soit un enfant d'un autre pays, en tout cas, une série
de choses pour lesquelles on se demande si on est capable de les faire.
Une fois qu'on a intégré cela dans notre vie personnelle
de couple et qu'on a passé à travers toutes les autres
étapes, on arrive à cette question: Comment doit-on
procéder pour adopter un enfant? Dans notre tête, on sait qu'il y
a plusieurs millions d'enfants qui meurent chaque année dans le monde et
qu'il devrait y en avoir quelques-uns qui sont adoptables. Cela ne peut pas
prendre cinq ans ou sept ans. Le processus inhumain commence lorsqu'on regarde
le projet de loi 21 où c'est écrit qu'il faut dès le
départ faire une demande dans les CSS, demander l'approbation d'un juge
avant de procéder à un acte complètement légal - ce
qui est un peu inusité - et qu'il faut après cela avoir
notifié le Procureur général du Québec qui s'occupe
des enquêtes criminelles et des poursuites; après cela, il faut
vérifier avec le Directeur de la protection de la jeunesse, la seule
personne responsable au Québec des personnes qui abusent des enfants.
C'est un processus qui manque d'humanité. Là-dedans, on ne
retrouve rien ou presque rien en termes d'information, d'appui, d'aide, de
formation ou d'information qui pourrait être donné aux parents. Le
côté humain disparaît complètement. On prend un acte
d'amour et on en fait un acte tellement difficile et contraignant que la
plupart des gens vont laisser faire; cela ne se peut pas. L'adoption devrait
être un acte humain. On devrait penser aux enfants et pas seulement
à la possibilité, aussi abstraite soit-elle, que d'ici 50 ans
quelqu'un d'un autre pays ou d'une autre province revienne réclamer
l'enfant. Cela n'a jamais eu lieu au Québec. Cela ne s'est jamais
passé en Amérique du Nord. Dans l'abstraite possibilité
qu'il y aurait du trafic d'enfants à l'avenir avec la loi qu'on a, eh
bien, il n'y en a pas de trafic d'enfants au Québec avec la loi qu'on a.
Il n'y en a pas eu de cela. Il n'y a personne qui a déjà
soulevé cela ici. On est en train de se battre contre des moulins avec
la bureaucratie et on perd l'intérêt des personnes et on perd
l'humanité.
Mme Vermette: Il y a l'aspect humain qui est très
important. Vous avez surtout parlé de l'aspect humain dans l'ensemble,
dans la globalité du projet et aussi d'un geste humanitaire. À
votre façon, cela répond à de l'entraide
internationale.
II y avait aussi l'aspect humain en ce qui concerne l'évaluation
des parents. Est-ce que vous croyez que l'évaluation devrait être
faite par des professionnels en cabinet privé et, si c'était le
cas, que les coûts devraient être défrayés par le
gouvernement ou une partie, du genre des petites créances ou...
M. Godin (Philippe): Les exigences d'adoption sont posées
la plupart du temps par l'État étranger. Si l'État
étranger veut absolument que ce soit un psychiatre, un médecin,
un psycholoque et un travailleur social, qu'on réponde à ce
besoin. Lorsqu'il n'y a pas de besoin spécifique, à savoir quel
praticien devrait faire l'étude sociale, on pourrait demander à
l'État du Québec de le faire pour autant que c'est fait dans les
délais raisonnables, peut-être un mois ou deux au maximum. Il
faudrait que les critères d'évaluation de cette enquête
sociale soient bien définis et régis, soit par la Corporation
professionnelle des travailleurs sociaux, des psychologues du Québec ou
quelqu'un dans le genre afin d'éviter qu'on pose des questions d'une
section de la province à l'autre. Les questions qu'on pose aux parents
désirant adopter sont tellement diverses et il y a tellement d'injustice
là-dedans qu'il faudrait que ce soit homogénéisé et
que ce soit régi par la corporation professionnelle des gens qui sont
demandés pour faire l'évaluation.
Le Président (M. Bélanger): Le temps est
écoulé.
Mme Vermette: Je veux juste vous remercier et vous dire que,
j'imagine, il y aura beaucoup d'autres choses qui seront prises en
considération, qu'on devra s'arrêter sur les recommandations des
différents mémoires qui nous ont été
présentés. Il y a une partie de vos recommandations qui est
très importante. Ce que j'ai en mémoire c'est, lorsqu'on se
penche sur ce projet, qu'il faut rester humain et avoir une approche
très humaine toujours dans l'intérêt de l'enfant. Je vous
remercie bien.
Le Président (M. Bélanger): Je remercie M. Philippe
Godin et Me Claude Baillargeon, de la Fédération des parents
adoptants du Québec, pour leur contribution à notre
commission.
Mémoire déposé
Auparavant, je voudrais demander à la commission si elle est
d'accord pour une dérogation à l'ordre du jour, ce qui nous
permettrait de procéder tout de suite au dépôt d'un
mémoire fait par l'Association des parents adoptifs du Québec
inc. Je ne sais pas s'il y a des représentants de l'Association des
parents adoptifs ici. Non. C'est tout simplement pour m'autoriser à
faire le dépôt immédiatement. Est-ce que j'ai le
consentement?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Donc, j'autorise le
dépôt du mémoire de l'Association des parents adoptifs du
Québec inc. J'appelle Me Clément Massé.
Me Clément Massé
Si vous permettez, Me Massé, connaissez-vous un peu les
procédures des travaux de la commission?
M. Massé (Clément): Oui.
Le Président (M. Bélanger): Vous
bénéficiez d'une période de 20 minutes pour
présenter votre mémoire et, par la suite, chaque parti a une
enveloppe globale de 20 minutes, qui comprend questions et réponses,
pour procéder à l'étude de votre mémoire.
Je vous invite à nous présenter votre mémoire
dès maintenant. Merci.
M. Massé: Je ne sais pas si ce sera une période de
20 minutes d'avocat ou une période de 20 minutes de politicien, mais
étant donné...
Le Président (M. Bélanger): C'est la même
durée, c'est chronométré.
M. Massé: C'est chronométré. De toute
façon, je vais essayer d'être bref en tenant compte d'un aspect
humain pour commencer sur le même ton sur lequel on a fini tout à
l'heure parce qu'il est 18 h 20 et je ne voudrais pas abuser de votre patience.
Je voudrais aussi éviter de répéter des choses que j'ai
entendues et que vous avez comprises, je pense.
J'aborde l'aspect humain, qui semblait préoccuper Mme la
députée tout à l'heure, en disant que les besoins des
parents en matière d'adoption internationale sont de cinq ordres.
D'abord, ils ont besoin d'information pour connaître la loi du pays
où ils veulent s'adresser, connaître quels pays offrent de
l'adoption internationale lorsqu'ils n'en sont pas au courant, connaître
la loi, connaître les accords avec ces pays lorsqu'il en existe,
connaître les intermédiaires qui sont reconnus et qui peuvent
aider à favoriser une adoption dans ces pays. Alors, cela est une
attente des parents.
Ils ont ensuite besoin d'appui en cours de route dans la
réalisation de chacune des étapes. Ils ont besoin, par exemple,
d'évaluation. Ils peuvent avoir besoin de services juridiques. Ils
peuvent avoir besoin de différents autres services. Je pense qu'il faut
répondre à cette attente aussi.
Troisièmement, il faut s'assurer qu'il y ait une certaine
cohésion dans les politiques d'immigration de la province de
Québec en regard de l'adoption internationale. Je ne vois pas pourquoi
on devrait éliminer l'adoption internationale lorsqu'on se
déclare et qu'on se revendique le statut de pays ouvert en
matière d'immigration. Il s'agit tout simplement de le
réglementer. Il faut évidemment empêcher le commerce des
enfants et finalement respecter les lois des pays étrangers.
Ce sont cinq aspects qui me paraissent importants et qui doivent
être abordés lorsque l'on traite de l'adoption internationale.
J'ai recommandé dans ma démarche, dans le document que je
vous ai remis, l'abolition du secrétariat à l'adoption. Vous avez
pu constater que je ne l'ai pas fait avec une très grande conviction
bien que j'y croie encore. Si j'ai immédiatement, et de façon
plus élaborée, passé à l'autre aspect, c'est que
j'ai présumé, par le texte du projet de loi, que cela
n'était pas l'orientation politique actuelle. Mais je vais quand
même vous exprimer pourquoi, d'après moi, c'est un
intermédiaire supplémentaire et inutile. Je vais le faire
parallèlement en valorisant te rôle des autres organismes qui ont
démontré beaucoup plus d'humanité et qui se sont
montrés beaucoup plus à point pour répondre aux attentes
des parents au cours des dernières années, et je parle des divers
organismes d'adoption internationale qui sont reconnus par le gouvernement,
dont certains sont venus témoigner devant vous.
Je ne vois pas pourquoi on multiplierait les intervenants et pourquoi on
garderait le secrétariat à l'adoption alors que ces organismes
peuvent donner toute l'information, peuvent recevoir l'appui du
ministère des Affaires extérieures du Canada, des Affaires
intergouvernementales du Québec et du ministère de la
Santé et des Services sociaux, peuvent recevoir la documentation.
Supposons qu'ils signent un accord avec un pays, on le transmet è ces
organismes pour qu'ils le diffusent aux gens qui le demandent.
Ils peuvent très bien jouer ce rôle d'information. Ils
peuvent très bien jouer le rôle d'appui moral, psychologique,
aussi, en cours d'exécution. Et on n'a pas besoin d'une grosse
boîte pour aller négocier dans les pays étrangers. Je pense
que cela pourrait relever directement du bureau du ministre. Il pourrait y
avoir au bureau du ministre une personne chargée de coordonner,
d'évaluer les organismes, de les reconnaître, de superviser leur
travail, de négocier avec les pays étrangers lorsque cela
s'impose, et de faire la diffusion.
Que le ministre, lui, pour ses besoins, ait une équipe, qu'il
l'appelle le secrétariat à l'adoption, cela ne me dérange
pas, mais le public, le parent adoptant ne devrait pas avoir autant
d'intermédiaires. II a déjà dans sa région le
directeur de la protection de la jeunesse - et cela me paraît suffisant -
qui surveille, si vous voulez pour le Tribunal de la jeunesse,
l'évaluation, et qui joue le rôle de protecteur de
l'intérêt public. Dans la démarche vers le pays
étranger nous aurions alors l'organisme reconnu par le gouvernement. (18
h 30)
C'est la raison pour laquelle je trouve que cet organisme n'a pas
réussi au cours de ces années d'existence à
démontrer qu'il était utile, à part que d'entraver
l'activité des parents en adoption. J'en témoigne, j'ai
déposé cela à la toute dernière minute tellement je
ne veux rien savoir de cet organisme, et je vais vous dire pourquoi je l'ai
fait.
J'ai adressé à Mme Thérèse Lavoie-Roux, au
premier ministre, M. Robert Bourassa, et à Mme Huguette Bisailion, avant
les fêtes, un document dans lequel on s'est révolté. Vous
savez, on est un groupe de parents en adoption internationale, entre Montmagny
et Rimouski, qui se réunit deux fois par année. On est 70
familles et, deux fois par année - on fête Noël et on
fête l'été -... Et on est toujours 125 ou 150 personnes. On
collabore avec le CSS et on invite aussi les parents qui sont en projet
d'adoption. On était à Saint-Michel-du-Squatec. On a appris
l'histoire du fameux arrêté en conseil et qu'une série de
personnes perdaient leur démarche d'adoption internationale parce qu'il
y avait eu cette trouvaille. On a demandé la tenue d'une commission
parlementaire et j'en suis content. Pour être conséquent avec
moi-même, comme ''j'avais acheminé cette revendication, je suis
ici.
Une autre raison. Parmi les gens qui étaient là, ceux qui
avaient un projet en marche et ceux dont les démarches n'étaient
pas encore terminées n'ont pas signé le document. Pourquoi? Parce
qu'ils avaient peur. Ces gens, depuis deux ou trois ans, faisaient l'objet de
chantage de la part du secrétariat à l'adoption et se faisaient
conter des histoires. Ils avaient peur d'être pointés du doigt si
leur nom apparaissait là-dessus, et d'être mis de
côté. C'est la relation de confiance actuelle des gens. Ce ne sont
peut-être que des préjugés. En tout cas, si vous voulez
évaluer l'utilité de cet organisme et la vision des parents
d'adoption sur le territoire, je peux vous dire que c'est très
négatif. Je pense qu'il fallait qu'on le dise et c'est pour cela, entre
autres, que je suis ici.
On m'a confirmé hier soir... Nous avons adopté, en 1982...
On a chevauché entre l'ancien système et le nouveau. On entend
toujours des choses. À un moment donné, hier soir, j'ai
été à même de vérifier encore que ce que les
gens me disaient était exact et que ce sur quoi ils témoignaient
était exact. Par exemple, à la télévision, à
l'émission Le Point, j'entendais la directrice nous dire, encore une
fois, qu'au Québec le législateur, en 1982 ou en 1983, avait
voulu l'adoption plénière, alors que depuis que c'est soutenu...
Je m'excuse auprès de Mme Lavoie-Roux; elle est partie, mais tout
à l'heure elle disait: Ce n'est pas vrai; tous les jugements ne sont pas
unanimes. Je m'excuse, mais je ne connais pas de jugement qui ait soutenu la
position du secrétariat à l'adoption là-dessus.
C'est un peu comme si je vous disais que ce mur est noir, que vous
étiez 50 à me dire qu'il est blanc, mais que je continuais
à dire qu'il est noir. Je pense qu'un jugement est là. Cette
chose a été établie et on continue encore à nous
faire valoir des positions contraires à ce que l'autorité
autorisée a décidé, a déterminé, à
savoir que cette notion d'adoption plénière était une
création qui n'existait pas dans le Code civil. À partir du
moment où cet organisme me paraît avoir joué un rôle
de trouble-fête, j'aimerais mieux que ce soit le ministre, avec du
personnel plus proche relevant directement du ministre, qui soit responsable de
ce secteur de l'adoption internationale et qui soit responsable du choix des
orqanismes qui oeuvreraient dans les pays.
Pour répondre à une question qu'on posait tout à
l'heure, je pense que ces organismes pourraient oeuvrer dans des pays où
l'on trouve des volontaires prêts à y oeuvrer, mais dans les pays
où il n'y a pas
de tels organismes. On ne devrait pas empêcher l'adoption
internationale. Il s'agirait tout simplement à ce moment-là que
l'on respecte les voies diplomatiques ou juridiques normales pour faire
reconnaître la validité des jugements rendus dans les pays
étrangers où le gouvernement du Québec n'aurait pas
d'organisme reconnu et accrédité.
En somme, le régime que je voi3 à cela est le suivant: Le
parent s'adresse à son directeur de la protection de la jeunesse et il
se fait évaluer. On le réfère à un organisme
d'adoption internationale s'il s'adresse à un pays où il y en a
un; sinon, il a la propre responsabilité et la propre charge d'aller
s'informer dans le pays où il veut faire l'adoption, de faire ses
contacts, de s'adresser au tribunal de ce pays, de faire une adoption
légale selon le pays et, ensuite, de la faire reconnaître au
Québec. Autrement dit, je pense que l'État n'a pas à
s'élever en superprotecteur des parents qui adoptent. Ce sont les
enfants qu'il faut protéger. L'obligation que l'on a pour
protéger les enfants, c'est d'évaluer les parents pour nous
assurer que ces parents sont capables et responsables pour s'occuper
d'enfants.
Mais, en ce qui concerne l'enfant lui-même, comme il est encore
citoyen du pays étranger, il faut s'en remettre à la loi de ce
pays étranger et, à partir du moment où on fait l'adoption
conformément à cette loi, on doit respecter le jugement. Je suis
heureux car, tout à l'heure, j'ai entendu le représentant de
l'Uruguay, spécialiste en droit international, je pense. Un de vos
collègues lui a posé une hypothèse qui est à peu
près l'hypothèse générale que l'on retrouve, et il
a dit: Oui, c'est un jugement légitime. Alors, cela fait des
années qu'au chapitre de ceux impliqués dans l'adoption
internationale on dit que c'est justement ce qui devrait se faire.
Le projet de loi tel que présenté ne répond pas
à cette entente et on devrait l'adapter pour favoriser l'adoption
internationale en respectant la loi du pays où l'enfant est
adopté.
Ce que je soupçonne de plus malheureux dans le projet de loi,
c'est qu'il ne répond pas à la question principale: Est-ce que
l'on veut de l'adoption internationale ou est-ce qu'on n'en veut pas? On
crée tellement de complications et de mécanismes qu'on fait
finalement comme si on n'en voulait pas. Par contre, on est supposé
être une province et un pays ouverts aux étrangers, à
l'immigration. Cela me paraît contradictoire. C'est pour cela que
j'espérais que le projet de loi dirait plutôt ou poserait comme
principe: On est pour l'adoption internationale. Qu'on la régisse et
qu'on passe par le respect de la loi du pays étranger, je suis tout
à fait d'accord avec cela et je serais surpris que les gens contestent
une telle approche.
En gros, c'est mon approche, mon témoignage. Je
préférerais qu'on aille plutôt sous forme d'échanges
pour compléter.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Me
Clément Massé. Je cède la parole au député
de...
M. Leclerc: Taschereau.
Le Président (M. Bélanger): ...Taschereau.
Excusez-moi; j'avais un trou de mémoire.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Merci, M.
Massé.
D'abord, je crois que vous étiez là tout à l'heure
lorsque la ministre a dû s'excuser pour se rendre au Conseil des
ministres. Elle me prie de vous transmettre ses excuses de ne pouvoir assister
à votre exposé. Elle a, bien sûr, pris connaissance du
document et elle sera mise au fait des questions et réponses des 40
prochaines minutes.
Je voudrais vous féliciter pour votre travail. Si j'ai bien
compris, vous regroupez en quelque sorte, quelques fois par année, des
parents qui ont soit déjà adopté ou qui sont...
Une voix: En voie d'adoption.
M. Leclerc: ...en voie d'adoption. Je retiens surtout de ce que
vous avez dit que vous avez parlé de témoignages. Vous êtes
passé par là et je comprends que vous puissiez avoir certains
commentaires relativement durs, compte tenu que vous avez vécu des
périodes difficiles. Cependant, vous me permettrez de vous demander de
préciser certains passaqes.
Mais, avant cela, il y a juste une petite irrégularité, si
vous me permettez l'expression. Vous avez semblé dire à un moment
donné que Mme la ministre, avant son départ, avait dit qu'il y
avait des jugements, que l'interprétation différait d'un jugement
à l'autre de la loi actuelle.
M. Massé: Ce n'est pas cela. J'ai cru... En tout cas,
allez-y.
M. Leclerc: Je vais juste terminer. Vous sembliez dire
qu'à votre connaissance il n'y en avait pas. Est-ce qu'on s'est bien
compris? Quand on parle d'adoption simple versus adoption
plénière.
M. Massé: Je prétends que les jugements du
Québec vont dans le sens que, même dans le cas des adoptions
simples dans les pays étrangers, les tribunaux du Québec ont
reconnu qu'il s'agissait d'adoptions légales, au sens de la loi du
Québec, alors
que j'ai cru comprendre tout à l'heure de Mme Lavoie-Roux qu'elle
disait qu'il y avait des jugements à l'effet contraire. S'il y en a, en
tout cas, ils n'ont jamais été diffusés, disons pas
à ma connaissance.
M. Leclerc: On va arrêter la discussion là-dessus;
on me dit que ce n'était pas tout à fait cela; il faudrait relire
les galées et on n'en sortirait pas. Comme elle n'est pas là pour
se défendre elle-même, c'est un petit peu...
M. Massé: D'accord. Ce n'est pas une accusation que je
voulais lui faire. Je voulais simplement lui préciser que, s'il existait
des jugements à savoir que l'adoption simple n'était pas reconnue
au Québec, moi, je n'en connaissais pas et j'aurais aimé qu'on
m'en donne.
M. Leclerc: À notre connaissance, il y aurait
effectivement trois jugements. Disons qu'on pourrait vous en fournir copie.
M. Massé: Ah! Je l'apprécierais
énormément.
M. Leclerc: Bien. C'est noté, Mme... J'ai bien lu votre
document et, à la page 3... Vous parlez souvent du secrétariat et
je sens que vous avez un peu, le moins qu'on puisse dire...
M. Massé: J'avais un message à faire de ce
côté-là.
M. Leclerc: Oui, bien enfin, c'est votre droit le plus strict et
c'est sans doute l'une des motivations qui fait que vous êtes ici parmi
nous. Vous parlez, en termes relativement durs, de discrimination, de
passe-droit ou de démotivation. Quant à la démotivation,
je suis capable de concevoir qu'un moment donné, si cela dure trop
longtemps, cela démotive les parents qui veulent adopter. Mais lorsque
vous parlez de discrimination, encore là, je peux essayer de comprendre
parce que vous avez dit: Les gens ont refusé de signer craignant
d'être discriminés. Là, je continue à comprendre.
Mais quand je voi3 "passe-droit", là, je comprends moins.
M. Massé: Cela pourrait aller plus loin que cela.
M. Leclerc: Là, je vous dis que je suis capable de
comprendre le mot "discrimination"; je suis capable de comprendre le mot
"démotivation", mais "passe-droit", qu'est-ce que cela veut dire?
M. Massé: Les passe-droits, je vous donne un exemple,
c'est ceci: Ma collègue, Me Estelle Tremblay de Chicoutimi a obtenu
récemment un jugement qui concernait un cas du Brésil; d'accord?
Or, pendant que ce cas était en attente, il y a eu d'autres adoptions du
Brésil qui sont rentrées. Alors, c'est cela que j'appelle un
passe-droit. Comment se fait-il que tout le monde ne soit pas traité de
la même façon?
M. Leclerc: Je pense que c'était le Guatemala, mais
enfin...
M. Massé: Non, non. Est-ce que c'est du Guatemala? En tout
cas, peu importe le pays. Je veux dire...
M. Leclerc: Oui, enfin c'est un détail. Une voix:
Ce sont les Brassard...
M. Massé: Oui, ce sont les Brassard, c'est cela; cela se
peut que ce soit le Guatemala.
Voulez-vous que je vous parle d'un autre passe-droit? Je suis
allé pour adopter dans un pays et j'ai passé près de faire
de la prison, au Guatemala justement, parce que je n'étais pas
traité de la même façon que tout le monde, parce que je
faisais affaire avec l'avocat Jean Francoeur et que, à cette
époque, au ministère des Affaires sociales, on avait
décidé de boycotter Jean Francoeur. Comprenez-vous? Alors, je
devais prendre l'avion avec les quatre femmes qui ont été
emprisonnées, qui se sont fait accuser d'avoir fait l'achat d'enfants,
mais qui ont été acquittées. Mais, au Québec, on a
continué à les discriminer. Quand on faisait affaire avec Jean
Francoeur, le dossier était mis de côté. Le meilleur
service que je peux rendre à mes clients, c'est de leur dire qu'ils ne
m'ont pas comme avocat. Alors, à ce moment-là, je travaille en
arrière; je leur aide à préparer les documents et puis,
c'est cela, de la discrimination, c'est que les qens ne sont pas reçus
de la même façon, selon les personnes avec qui ils font
affaire.
M. Leclerc: D'accord. Cela était en 1982? Enfin dans les
années 1981-1982.
M. Massé: J'ai chevauché entre le temps de Roland
Guérin et le début du secrétariat à l'adoption. Mon
enfant est entré au pays au mois d'octobre 198?. D'après moi, le
secrétariat à l'adoption a commencé vers le mois de
juillet 1982, sauf que, à cette époque, un peu comme on l'a fait
ici, on a commencé à appliquer d'avance les nouvelles
règles sur lequelles on voulait légiférer en 1982. C'est
pour cela que j'ai eu des problèmes.
M. Leclerc: Sauf qu'en vous écoutant tout à l'heure
parler du secrétariat à l'adoption et parler de certaines
personnes qui ont refusé de signer, etc., vous avez aussi dit un certain
moment donné: Peut-être
s'agit-il de préjugés? (18 h 45)
M. Massé: Ah oui! C'est possible.
M. Leclerc: C'est possible. Donc, si je comprends bien, et
j'aimerais que vous confirmiez si je comprends un petit peu le contexte - c'est
que d'une part vous dites: II y a de la discrimination, des passe-droits, de la
démotivation, etc., mais à un moment donné, vou3 dites:
Peut-être que ce sont des préjugés. Peut-être qu'une
partie de ces supposés discriminations, passe-droits et
démotivations seraient des préjugés.
M. Massé: Oui, et je vais vous expliquer pourquoi. C'est
que si le secrétariat è l'adoption remplissait sa fonction
adéquatement vis-à-vis des gens et qu'il avait une attitude
d'accueil envers eux, au lieu de susciter de la suspicion - prêtez-moi
l'expression - et si on s'attardait à donner les explications aux gens,
à communiquer avec eux et si, au lieu d'entraver leurs démarches,
on les aidait à réaliser le projet d'adoption, à ce
moment-là, premièrement, ce climat de suspicion n'existerait pas.
Deuxièmement, dépendamment de la réaction que l'on a sur
une telle attitude, on peut devenir ou sympathique ou antipathique à nos
interlocuteurs.
Alors, c'est pourquoi je suis prêt à laisser une marge dans
la perception que les gens peuvent avoir du secrétariat à
l'adoption. Par contre, il y a des faits concrets. Eh bien! les faits concrets
sont que, si j'adopte un enfant dans un pays, qu'un autre en adopte un aussi,
qu'un troisième arrive et ne le peut pas, là, l'explication que
l'on donne, c'est une notion tout è fait abstraite qui n'existait pas
auparavant, mais que l'on a créée au cours des derniers mois pour
essayer de bloquer tous les projets. Comme on n'était pas trop sûr
où on allait, on a fait un décret pour essayer de se
justifier.
M. Leclerc: D'accord. Mais au lieu d'appeler cela des
passe-droits, ce seraient peut-être des concours de circonstances qui
font que des gens sont traités différemment. Parce que
"passe-droit", c'est très négatif. Cela a toutes sortes de
connotations.
M. Massé: Oui. D'accord.
M. Leclerc: Une dernière question.
M. Massé: Mais je dois vous rassurer sur une chose: je
n'accuse pas le secrétariat de fraude, si c'est ce qui vous
préoccupe.
M. Leclerc: Non, mais des passe-droits, cela veut dire que des
gens ne sont pas traités de façon égale.
M. Massé: Ce n'est pas cela du tout. Il s'agit
plutôt de la mauvaise relation avec les parents adoptants. Dans mon
esprit, il n'y a pas de connotation, d'intention malhonnête, si vous
voulez, de la part des gens du secrétariat. Je considère cela
beaucoup plus comme un manque de leadership et un manque d'orientation, de
vision sur la mission qu'ils ont envers les parents en adoption.
M. Leclerc: Bien. Je vous remercie. Comme je pense que mon temps
est écoulé, vous avez la parole.
Le Président (M. Baril): Mme la députée de
Marie-Victorin, vous avez la parole.
Mme Vermette: Je vous remercie, M. le Président. Au nom de
notre formation politique, il me fait plaisir de vous accueillir ici.
Effectivement, je pense qu'on note beaucoup d'émotivité parce que
vous l'avez vécu... Je pense que c'est à partir du vécu
que l'on s'engage dans une cause.
M. Massé: Absolument.
Mme Vermette: Je pense qu'on peut vouloir remédier
à certaines lacunes que l'on peut retrouver en cours de route pour que,
finalement, les autres parents n'aient pas à subir le même
sort.
Je comprends très bien vos motifs. J'aimerais bien qu'on puisse
en venir à une plus grande objectivité en ce qui concerne cette
problématique. J'aimerais vous demander si vous croyez que le Code
civil, tel qu'il existe présentement, contient toutes les dispositions
nécessaires pour protéger les intérêts de l'enfant
et des parents adoptifs.
M. Massé: Oui. C'était une de mes grandes
préoccupations. Je pense que j'ai été amené sur le
terrain du secrétariat alors que j'y mettais une page sur douze dans mon
rapport. Ce n'est pas ma principale préoccupation. Quel que soit le nom
que l'on donne à l'organisme qui agit comme intermédiaire pour le
ministère, je vous réitère que cela ne me dérange
pas. Ce qui me préoccupe, c'est que je pense qu'on doit laisser, qu'on
doit adopter un principe, qu'on doit ajouter un article 1 au projet de loi qui
dirait: Que le gouvernement du Québec est favorable à l'adoption
internationale. Quant à la réalisation, qu'il apporte un soutien,
par le mécanisme qu'il voudra, à ces adoptions, cela me va aussi.
Quant à la préoccupation juridique du statut de l'enfant, il
m'apparaît que nous avons déjà les dispositions de droit
international. Â partir du moment où on pose un acte, dans le pays
étranger, qui respecte la loi étrangère et que l'on
revient au Québec, qu'on le fait exemplifier devant le tribunal
compétent, on a la protection, on
a l'adoption légale, légitime. Là, je pensais que
j'étais marginal en affirmant cela en voyant le projet de loi, mais il y
a un grand spécialiste international qui est venu dire cela
tantôt.
Finalement, cette préoccupation, là où je suis le
plus agacé de la voir susciter une législation répressive,
c'est que nous n'avons pas de précédent au Québec qui le
justifie. Qu'on nous désigne combien de cas - j'ai posé la
question dans mon mémoire, je ne sais pas si vous avez une note avec la
réponse de la part de Mme Lavoie-Roux à ce sujet - avons-nous de
parents de pays étrangers qui sont venus chez nous revendiquer leur
enfant. À ma connaissance, il n'y en a pas. Je ne prétends pas
tout savoir, mais j'étais préoccupé par cela et il me
semble qu'on n'en a pas. Donc, c'est une question théorique pour
moi.
Il y a un autre facteur, aussi, beaucoup plus fondamental. On semble
traiter l'enfant comme un objet, une possession. Je vais vous dire une chose:
l'enfant qu'on a adopté... On avait une autre fille à nous avant
- mon épouse est avec moi - et il n'est pas du tout sûr que dans
dix ans ce ne sera pas notre fille qui dira: Moi, je vais vivre au Japon ou en
Thaïlande ou en Afrique du Sud. Que voulez-vous que je dise
là-dessus? On était dix chez nous, il y en a une qui a
décidé d'aller en Allemagne, il y en a un autre qui est
allé au Pérou, mes parents n'ont rien eu à dire. Ils ne
sont pas adoptés.
Que notre fils adoptif décide à 20 ans d'aller en
République dominicaine, ce n'est pas notre objet, c'est une personne
humaine. Il ira faire sa vie où il voudra. Alors, que l'on cesse de
traiter cela comme étant: Est-ce que je suis entièrement
propriétaire de mon enfant ou pas? Cela me paraît
complètement à côté du problème. Si on veut y
aller sur l'aspect humain que vous souligniez tout à l'heure, ce n'est
pas cela. Je vais vous dire une chose, j'en ai, des contacts avec les parents
naturels de l'enfant. Mon enfant n'apprendra pas par le journal Le Soleil
dans la page du lecteur d'où il vient. Il a son dossier et il va
tout avoir. S'il y a possibilité qu'il voie ses parents naturels, s'il
le désire, il va les voir aussi. Cet enfant ne m'appartient pas.
C'est dans ce sens que cette préoccupation, surtout dans un
contexte québécois où de plus en plus d'enfants
adoptés font des démarches, par le mouvement Retrouvailles, pour
retrouver leurs parents naturels, et tout, c'est dans nos moeurs aujourd'hui.
Pourquoi irait-on se préoccuper d'autant de liens, de certitude dans le
lien de relation à la suite d'une adoption internationale? Je comprends
mal. C'est pour cela que j'ai peut-être des mots excessifs. Mettez-le de
côté et grugez ce qui est objectif et ce qui est plus rationnel
là-dedans, mais en ayant à l'idée que les enfants ne nous
appartiennent pas; même vos enfants naturels, ils ne vous appartiennent
pas.
Mme Vermette: Je pense que j'ai tout à fait compris.
J'avais justement fait la nuance lorsque j'ai commencé à vous
poser des questions. Je ne vous en tiens pas rigueur parce que je pense qu'on
ne peut pas, quand on vit un problème et qu'on a été
l'objet ou qu'on s'est senti l'objet de discrimination, passer à
côté. C'est très difficile.
Ce qui m'amène à vous poser une autre question. Je pense
que vous avez démontré que, tel qu'inscrit dans te Code civil, il
n'y avait pas matière à remettre en question les droits et les
obligations des parents adoptants envers l'enfant et l'enfant ne pouvait pour
autant, en maintenant un lien de filiation simple, être une cause qui
pourrait être considérée comme inapte à l'adoption
internationale.
M. Massé: Je crois que cela ne pose aucun problème
dans la mesure où on respecte la loi du pays. J'adhère à
l'opinion du monsieur qui est venu dire tout à l'heure: C'est bien
sûr que, si on fait des conventions internationales, il faudra se
soumettre aux conventions internationales. Mais il faut vivre ce
phénomène-là dans une attitude d'évolution. Je
pense bien que le gouvernement canadien et même le gouvernement
québécois qui s'en est mêlé n'avaient pas
planifié de recevoir X milliers de Chiliens au début de
l'année 1987 en quelques semaines. C'est la conjoncture qui l'a
fait.
Alors, si je me reporte au domaine de l'adoption internationale, prenons
comme base que tous les pays sont ouverts, à ce moment-là, s'il y
a des règles particulières, parce qu'on veut faire des adoptions
léqales dans ces pays-là, on va se soumettre à ces
pays-là. Si entre-temps le pays décide que l'adoption
internationale ce n'est plus permis - par exemple, un pays décide qu'il
pose un moratoire et le Mexique pense qu'il est capable de s'occuper de tous
ses enfants, puisqu'il n'y aura plus de sortie d'enfants pour fins d'adoption -
son tribunal sera chargé par une loi du pays autonome de décider
qu'il ne sort plus d'enfants pour fins -d'adoption. Cela répond
parfaitement, à ce moment-là, au raisonnement que faisait ce
témoin tout à l'heure, ce spécialiste étranqer qui
disait: L'adoption internationale n'est pas la solution aux 30 000 000
d'enfants qui meurent de faim dans le monde, mais c'est une approche. Puis si
un pays décide que cette approche n'est plus acceptable chez lui, il le
décidera et on devra respecter cette loi.
Dans les pays où on a le plus d'activités, qu'on
désigne des organismes pour aider à l'adoption, soit, mais dans
les pays
où il y a une adoption isolée, ne dépensons pas de
l'argent à aller négocier des accords puis à essayer de
compliquer les choses. Que l'on oblige le parent ou les parents à
utiliser les voies juridiques et diplomatiques avec ce pays-là pour
faire reconnaître la validité de son jugement et c'est tout.
Mme Vermette: J'allais dans ce sens-là parce qu'à
la page 4 de votre mémoire, dans le troisième paragraphe vers la
fin, vous dites que le Québec n'a pas à aller
légiférer dans les autres pays d'origine. Vous considérez
que, finalement, la reconnaissance d'un tribunal d'un pays étranger
serait suffisante pour reconnaître l'adoptabilité de l'enfant?
M. Massé: Le respect de l'État étranger me
paraît aller dans ce sens-là, absolument.
Mme Vermette: En ce qui concerne aussi les ententes, parce qu'on
en a beaucoup parlé et cela a été très confus
depuis le début de la commission parlementaire, parce qu'au tout
début, dans le projet de loi, le secrétariat devait
négocier... Au tout début, dans le décret on disait que le
secrétariat négociait des ententes entre les pays, au nom du
gouvernement et, actuellement, on ne sait plus à quoi s'attendre des
ententes, qui doit faire quoi et après la démonstration de M.
Opertti, on a compris que les ententes étaient conclues et devaient
nécessairement passer par les différents organismes ou les
intermédiaires ou par une reconnaissance d'un pays et non par une voie
officielle parce que cela risquerait finalement de fermer certains pays
à l'adoption.
Croyez-vous que les ententes entre États pourraient aboutir
à des négociations de quotas d'enfants et, en contrepartie,
à d'autres avantages où ce serait tellement compliqué que
les parents en arrivant à les contourner pourraient en adopter?
M. Massé: Je vais vous répondre dans le même
sens que la remarque que je faisais précédemment: Qu'en cours de
route le gouvernement du Québec négocie de nouvelles conditions
pour des adoptions par des citoyens d'ici chez eux, soit, mais ce qui est
absolument inacceptable et qui crée le climat que l'on connaît
chez les parents d'adoption vis-à-vis du secrétariat
actuellement, c'est que l'on essaie d'imposer des approches que l'on voudrait
négocier. Alors, voici l'approche que je vois et qui m'apparaît
logique: actuellement, il y a une loi d'adoption dans ces pays-là, on
laisse aller l'adoption conformément aux lois de ces pays, ce qui
n'empêche pas ces pays-là, entre-temps, de dire au gouvernement du
Québec: En République dominicaine, on trouve qu'il sort trop
d'enfants» Ce n'est pas au Québec à décider cela;
à moins que le
Québec ne décide que lui a trop d'entrées
d'enfants. Là encore, il pourra intervenir et c'est pour cela que je dis
que l'article 1 doit être la politique du Québec, d'abord. Est-ce
qu'on en veut, des entrées d'enfants, oui ou non? À partir du
moment où on veut des entrées d'enfants à l'adoption
internationale, on respecte la loi du pays. (19 heures)
Si la République dominicaine trouve qu'il sort trop d'enfants du
pays vers le Québec et qu'elle décide d'entrer en contact par les
voies diplomatiques, à ce moment-là, je ne peux nier le pouvoir
et le droit, comme protecteur de l'intérêt et de l'ordre publics,
du gouvernement de discuter de ces choses avec un gouvernement étranger.
Sauf que le critère ou la norme qui serait imposé, soit de couper
l'adoption vers le Québec, soit de la limiter, ce n'est pas au
Québec de l'appliquer. C'est carrément du ressort du pays. Si la
République dominicaine dit qu'il va sortir seulement 2 ou 25 enfants par
année de son pays vers le Québec, ce n'est pas à un
organisme québécois ou à l'État
québécois de payer du monde pour aller régir cette chose.
C'est à nous de respecter sa norme. Si c'est carrément ouvert,
bien, tout simplement, c'est selon les règles du pays et, si le pays
dit: Non, il n'y en aura plus, eh bien, non, il n'y en aura plus. Ce n'est pas
à nous de décider de cela.
Si on est trop répressifs et si on met trop de sanctions et de
conditions, le résultat de cela - actuellement, je vous le dis, je
demeure à Rivière-du-Loup - j'ouvre une maison à
Edmundston et je vais la louer trois ou quatre mois par année à
des parents qui iront faire leur adoption. Je vous donne cela comme image, je
n'ai pas l'intention de le faire. Je vais aller ouvrir une maison de location
à Edmundston. Les parents vont aller se déclarer résidents
à Edmundston; ils vont aller y vivre les fins de semaine ou durant leurs
vacances et, pendant ce temps-là, en tant que résidents
d'Edmundston, ils iront faire leur adoption et, trois ou quatre mois ensuite,
il arrivera un nouveau citoyen au Québec qui sera citoyen canadien parce
qu'il sera résident enregistré au Nouveau-Brunswick et il
deviendra citoyen du Québec. C'est ce que vous allez faire dans le
contexte actuel: vous aller ouvrir la porte à
l'illégalité.
Un dernier point. J'espère que vous allez vous préoccuper
des coûts. Cela m'a coûté 1200 $ pour adopter mon enfant.
Mon avocat au Québec - car je ne connaissais pas cela, j'ai pris un
avocat au Québec, j'ai pris un avocat en République dominicaine -
et la personne qui a accompagné l'enfant, tout cela m'a
coûté 1200 $. Trois ans plus tard, une de mes proches adopte dans
le même village. Cela lui a coûté 8000 $. Elle est
passée par le secrétariat à l'adoption. Le
problème, c'est qu'on nous demande à quoi
sert cet argent. Je ne le sais pas. Je n'accuse personne de quoi que ce
soit, mais informez donc le monde! C'est pour cela que, lorsque je vous disais
tout à l'heure en partant: Le point no 1, l'information. C'en est un
point. On ne joue pas à la cachette. Dites donc aux gens ce que cela
coûte; oui, c'est cela qui coûte tant. C'est pour un orphelinat?
Très bien, c'est pour un orphelinat. C'est pour le déplacement
des gens qui vont faire des ententes ou des choses comme cela'? Dites-le donc.
Quand on a quelque chose d'honnête, on n'a pas peur de le dire. C'est
important et cela ne créera pas de frustration dans l'esprit des gens
à ce moment-là et ils vont décider s'ils paient cela ou
pas.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie, Me
Massé. Je vais maintenant céder la parole au député
de Sainte-Marie.
M. Laporte: Merci, M. le Président. C'était
justement l'objet d'une de mes interrogations à la suite de la lecture
du mémoire que vous avez présenté. On retrouve à la
fois, aux pages 2 et 9, certaines phrases faisant allusion soit à la
hausse incroyable des coûts pour l'adoption internationale et, d'une
façon plus précise, probablement l'exemple que vous venez de
citer dans la dernière partie de votre intervention, à savoir
qu'il vous en a coûté 1200 $, que vous avez été
escorté par une travailleuse sociale et que, aujourd'hui, les
mêmes démarches coûtent de 7000 $ à 10 000 $. Je me
pose certaines questions puisque, à la fois, les services du
Secrétariat à l'adoption internationale et ceux du Directeur de
la protection de la jeunesse sont effectivement des services gratuits.
J'aimerais vous entendre concernant l'amorce que vous avez faite en ce sens.
Mais, étant donné que ces divers services sociaux sont faits
à titre gratuit, ce que vous venez de nous affirmer m'étonne un
peu.
M. Massé: Cela m'étonne, moi aussi, que ce soit le
prix que cela leur coûte. Je ne suis pas le seul à affirmer - j'ai
vu des reportages dans les journaux et j'ai vu des copies de rapports - qu'il
en coûte au moins 5000 $ ett souvent, jusqu'à 10 000 $
pour une adoption internationale. Je pose la même question. Je n'ai pas
la réponse; c'est pour cela que je pose la question. Et je ne comprends
absolument pas. Mais je sais que ça coûte cela, par exemple.
M. Laporte: De cette affirmation, vous évoquez... On
pourrait, sans porter de jugement, voir un système public par rapport
à un système privé. Ce que vous évoquez là
pour l'adoption internationale s'apprente plus à un système
parallèle et privé, j'imagine, en termes de coûts.
M. Massé: Non. L'impression que j'ai, c'est que les gens
sont obligés de verser cela au nom de l'organisme vers qui ils sont
diriqés. Par exemple, s'ils font affaire dans le pays... Je m'excuse,
madame, je pourrais, à tout le moins, répondre à monsieur;
après cela, vous pourrez intervenir. Mettons qu'ils veulent adopter
à Haïti, on leur dit: À Haïti, l'organisme que le
gouvernement du Québec a accrédité, c'est tel organisme.
Alors, le parent est référé à cet organisme.
À un moment donné, on dit: Tu dois envoyer tant d'argent et, au
bout d'un an, tu envoies tant d'argent. Et ce n'est pas des pinottes, c'est
à coups de 1000 $ et de 3000 $. À un moment donné, ils
s'aperçoivent que cela a coûté... J'ai des cas. Il y en a
un - je ne nommerai pas la place, en tout cas - qui, récemment, a
été obligé de faire un chèque de 3000 $. À
l'époque où le fameux arrêté en conseil a
été adopté avant les fêtes et où son dossier
était bloqué dans le pays parce que, semblait-il, c'était
une adoption simple, on a dit: Là, pour continuer ton dossier, si tu es
intéressé, il faut que tu verses 3000 $.
M. Laporte: Qui cela, "ils"?
M. Massé: Les gens de l'organisme à qui le
secrétariat à l'adoption les réfère.
M. Laporte: Ah! Vous voulez dire, ce qu'on appelle habituellement
les organismes...
M. Massé: Les organismes reconnus.
M. Laporte: ...bénévoles volontaires de ces
endroits-là.
M. Massé: De ces endroits-là. Alors, l'objet de mon
intervention, c'est de dire: Écoutez, j'ai eu connaissance que plusieurs
de ces parents ont essayé de savoir le pourquoi de ces sommes d'argent
et ils n'ont jamais eu de réponse. Ce que j'aimerais, c'est que soit le
secrétariat à l'adoption, soit le bureau du ministre, soit
l'organisme accrédité par le ministre rende compte des sommes
d'arqent. Si j'envoie un compte d'honoraires à mon client, il
reçoit un compte détaillé montrant que j'ai fait telle
chose à telle date et telle autre chose et cela coûte tant.
M. Laporte: Afin d'obtenir peut-être plus de
précisions ou, en tout cas, une "meilleure image, j'aimerais savoir...
Ces différents organismes, je pense qu'ils sont reconnus comme des
organismes volontaires d'adoption.
M. Massé: Oui.
M. Laporte: Est-ce que ce sont des frais qui peuvent être
inhérents? Je ne sais pas, je pose la question pour...
M. Massé: Oui.
M. Laporte: ...savoir un peu...
M. Massé: À leurs opérations internes?
M. Laporte: ...comment cela procède. Est-ce que ce sont
des montants versés pour défrayer certains coûts
inhérents, soit, à titre d'exemple, un passage en avion ou afin
de garder l'enfant dans un endroit avant que l'adoption puisse se faire? Est-ce
que ce sont des frais reliés directement à des coûts de ce
type ou si cela va, comme vous le dites pratiquement, dans certaines autres
affirmations...
M. Massé: Le montant est versé à
l'organisme. L'objet de mon intervention, c'est de dire: Dites donc aux parents
à quoi cela sert. C'est cela qui circule. Écoutez, ce n'est pas
en l'air, ce que je vous dis la, je rencontre 60, 70 parents deux fois par
année et on passe une journée à discuter de ces
choses-là. La même interrogation revient tout le temps. Il me
semble que ce ne serait pas compliqué de dire à la personne: Vous
versez 3000 $ aujourd'hui, pourquoi 3000 $? Voici. Peut-être qu'il n'y a
rien le.
M. Laporte: La suggestion ou, à tout le moins,
l'énoncé que vous faites, ce n'est pas de dire que,
effectivement, on doit payer ces frais, mais simplement d'informer. C'est ce
que vous nous soumettez comme donnée.
M. Massé: Oui. Je pense que les parents ont le droit de
savoir où cet argent-là va quand on compare ce que cela
coûtait avant par rapport à ce que cela coûte aujourd'hui,
pour au moins essayer de comprendre pourquoi cela coûte cela. Il y a une
autre chose qu'il faut voir là-dessous, c'est que, à partir du
moment où cela coûte ces prix-là, on vient de créer
un mécanisme d'adoption pour les riches. Je vous assure qu'aller mettre
10 000 $ pour une adoption, c'est de l'argent. C'est pris après
l'impôt, cela.
M. Laporte: Est-ce que, selon les connaissances que vous avez,
vous personnellement, il y a déjà eu une demande ou, à
tout le moins, une interrogation pour savoir à quoi servaient ces
montants, ne serait-ce qu'une demande à ces divers types d'organismes
que vous avez mentionnés tantôt? Est-ce que cela a
déjà été fait?
M. Massé: Oui. En tout cas, selon les témoignages
que j'ai, des demandes ont été faites et ils n'ont jamais eu de
réponses là-dessus, si ce n'est de dire que c'est pour les fins
des activités de l'organisme. Mais quelles sont Ies activités de
l'organisme? Je ne connais pas le mandat qu'ils ont du gou- vernement. Par
exemple, est-ce qu'ils entretiennent un orphelinat? Est-ce pour payer des frais
de déplacement des représentants d'orqanismes dans ces pays?C'est ce que j'aimerais qu'on analyse. Finalement, si on
s'aperçoit, par exemple, que ces organismes jouent un rôle de
représentation du gouvernement du Québec dans ces pays,
peut-être que cela devrait être à l'État de
défrayer une partie de ces déplacements. Ce serait autant que
l'on pourrait soustraire de la facture de chaque parent et on rendrait
l'adoption encore plus accessible.
M. Laporte: Cela répond à une partie de
l'interrogation, mais j'aimerais peut-être vous amener...
M. Massé: Mais je ne vous cache pas, monsieur, que je
m'interroge autant que vous là-dessus. Je ne fais qu'un constat. Je fais
le constat que cela coûte cher et que les gens n'ont pas de
réponse satisfaisante lorsqu'ils paient. Il faut toujours se placer dans
le contexte psycholoqique que ces gens n'osent pas aller trop loin, non plus,
parce qu'ils ont peur de devenir agaçants et, comme leur
priorité, c'est d'aller chercher un enfant, ils essaient de plaire
à tout le monde et ils posent le moins de questions possible. Je joue le
mouton noir, aujourd'hui.
M. Laporte: On voit d'entrée de jeu, à tout le
moins dans ce que vous avez remis à la commission - vous avez dit de
façon très claire tantôt - que vous préconisez
l'abolition du secrétariat. Vous dites que vous le souligniez...
M. Massé: C'est une boîte de trop.
M. Laporte: ...dans votre premier texte, mais on le retrouve un
peu partout à l'intérieur du document.
M. Massé: Peut-être, oui.
M. Laporte: Cela semble aussi être
omniprésent...
M. Massé: C'est peut-être une obsession,
remarquez.
M. Laporte: ...dans vos discussions. Justement, par rapport
à cette proposition d'entrée de jeu, que l'on voit au premier
paragraphe, de substituer la discrétion du bureau du ministère
à cette forme qui existe actuellement, j'aimerais vous entendre un peu
là-dessus.
M. Massé: Je vais vous expliquer pourquoi. C'est que,
depuis que le secrétariat est formé, ces problèmes
existent, malgré que plusieurs ministres des Affaires sociales
soient passés depuis ce temps-là. Je suis convaincu que
ces ministres n'étaient pas au courant de tous tes problèmes
vécus par les parents adoptants. Or, pourquoi? Je pense que c'est parce
que le secrétariat est un organisme qui a quand même une certaine
autonomie. Je préférerais, en ce qui me concerne, que ce soit
à l'intérieur du ministère parce que le ministre a
à répondre politiquement de son administration
générale et de ce qui relève du ministère de la
Santé et des Services sociaux. Il me semble que le ministre serait plus
sensible aux attentes des gens concernés par l'adoption internationale
si les personnes chargées d'harmoniser, si vous voulez, l'intervention
de l'État en matière d'adoption internationale relevaient
directement de son bureau ou des CSS, mais pas de quelqu'un trop autonome.
Le Président (M. Baril): D'accord. Je vous remercie. Selon
la règle de l'alternance, je vais maintenant passer la parole à
Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui. Alors, on continue. Il y a des choses que je
voudrais vous demander. D'une part, on a parlé d'une
réglementation très claire pour en arriver, justement, à
définir les rôles de tous et chacun.
M. Massé: Oui.
Mme Vermette: De quelle façon voyez-vous personnellement
le rôle du secrétariat? Quel rôle devrait-il jouer? Est-ce
qu'il devrait exister?
M. Massé: Oui.
Mme Vermette: Parce que, finalement, vous en faites une remise en
question assez sévère. Vous n'êtes pas le seul, remarquez.
Il y a eu plusieurs organismes qui ont été entendus, même
des groupes de parents adoptants qui ont remis en cause les attitudes actuelles
du secrétariat.
M. Massé: Oui.
Mme Vermette: Qu'est-ce que cela remet en cause, d'une part?
D'autre part, ce que je voulais vous dire, c'est qu'en fait il n'est pas
possible d'avoir les états financiers du secrétariat parce que
c'est un service à l'intérieur du ministère de la
Santé et des Services sociaux. Il s'en rapporte donc directement
à la ministre au plan de ses activités. Il est difficile de le
savoir exactement. C'est la ministre elle-même qui répond pour le
secrétariat.
M. Massé: D'accord. Mais pour répondre à
votre question sur la façon dont je vois la réglementation...
C'est bien ce que vou3 voulez savoir, comment je vois la
réglementation?
Mme Vermette: Oui.
(19 h 15)
M. Massé: Premièrement, è partir du moment
où on adopte le principe qu'on est ouvert à l'adoption
internationale et, deuxièmement, à partir du moment où on
définit l'intervention du législateur pour protéger les
enfants, donc s'assurer qu'ils ont des parents en mesure de s'en occuper, et
qu'au niveau de l'étranger on se limite à demander que la loi
étrangère soit respectée, à ce moment-là le
rôle de l'organisme, qui pourrait être le secrétariat
à l'adoption, est un rôle d'abord d'information auprès des
parents. Ensuite, c'est un rôle d'interlocuteur. Le ministre pourrait
confier le mandat au secrétariat à l'adoption d'aller
négocier des ententes là où ils veulent négocier
des ententes, si c'est opportun de le faire ou si le pays étranger
demande d'avoir un interlocuteur au Québec pour discuter d'adoption
internationale. Mais je ne suis pas d'accord qu'on coure après les
coups.
Là où l'adoption internationale se fait légalement,
puis sans problème, je ne vois pas pourquoi on commencerait à se
monter tout un système et à courir les 300 pays du monde pour
essayer de le faire. Mais là où il y a un problème qui se
pose, s'il y a un problème de marchandage, si quelqu'un intervient
incorrectement, puis tout cela, cela pourrait être l'interlocuteur du
ministre à ce moment-là. Mais je crois que cet
organisme-là ne doit pas avoir de pouvoir décisionnel sur les
droits des parents adoptants. Seul le Tribunal de la jeunesse devrait avoir ce
pouvoir. Pour se prononcer sur la qualité des parents, seul le Directeur
de la protection de la jeunesse et son personnel qualifié pourraient
l'avoir. Le secrétariat à l'adoption ne devrait pas intervenir
à ce niveau-là.
Mme Vermette: Alors, je vais enchaîner et je vais vous
poser une autre question qui a l'air rétrograde un peu. Devant les
tribunaux, actuellement il n'y a pas de droit de recours en ce qui concerne une
évaluation ou un refus, finalement, parce que c'est vers le
secrétariat qu'en dernière instance sont acheminés les
dossiers et c'est lui qui fait l'étude au complet du dossier. De la
façon dont la loi est libellée, en tout cas, on ne retrouve pas
qu'il y aura un droit de recours devant les tribunaux, parce qu'on dit que les
tribunaux doivent s'assurer uniquement que l'adoptant a satisfait à ses
obligations et, d'autre part, lorsqu'on dit que le tribunal doit aussi
vérifier. Le rôle du tribunal est très
déterminé actuellement par la loi; on ne lui donne pas de pouvoir
discrétionnaire, tel que c'est libellé.
M. Massé: Oui.
Mme Vermette: Est-ce que vous considérez que ce serait
important, le droit de recours pour les parents?
M. Massé: Je n'avais pas du tout pensé à
cela, puis je trouve cela très important. Effectivement, que le Tribunal
de la jeunesse ait la possibilité d'entendre les parents adoptants
à l'égard d'une conclusion sur l'évaluation du couple, ce
serait un recours tout à fait raisonnable. Cela devrait être le
Tribunal de la jeunesse qui devrait le faire, sauf que je n'y ai pas
pensé parce que le problème ne m'était pas apparu
jusqu'à maintenant» C'est peut-être arrivé une fois
qu'il y a eu un refus, mais je trouverais logique que le Tribunal de la
jeunesse puisse intervenir à cet égard.
Le Président (M. Baril): Alors, je vous remercie.
Aimeriez-vous conclure, Mme la députée de Marie-Victorin?
Conclusions Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: On s'est entendu pour avoir à peu
près cinq minutes pour conclure. Finalement, pendant ces quatre jours
d'auditions... Je voudrais vous remercier, tout en faisant mes remerciements
à M. Massé de s'être si bien prêté à
nos questions et de nous avoir prêté son concours. J'aimerais
aussi apporter mes conclusions par rapport à la commission parlementaire
que nous avons eue au cours de ces quatre dernières journées.
Certains éléments ont ressorti, notamment le mauvais
fonctionnement du secrétariat à l'adoption où on parlait
des délais trop longs, l'évaluation des parents, le manque
d'information et de coordination entre les différents ministères
qui pouvaient exister, notamment, avec l'Immigration et les Affaires
culturelles. On parle aussi beaucoup d'augmentation de coûts pour les
parents parce qu'il y aura aussi davantage de frais à encourir. On dit,
finalement, que le projet de loi tel qu'il est actuellement restreint ou ferme
certains pays, parce qu'ils deviennent un peu trop abusifs par rapport à
des ententes négociées d'une façon officielle.
Dans sa forme actuelle, certains demandent même le retrait pur et
simple du projet de loi puisqu'il y a encore beaucoup d'incertitude. On croit
que cela deviendra de plus en plus difficile de poser un geste d'adoption, que
ce soit un geste d'adoption par la voie du secrétariat, par la voie d'un
organisme reconnu ou par une forme peut-être plus personnelle, tout en
ayant aussi les balises ou les mêmes exigences qu'on demande à
l'ensemble des parents qui veulent adopter un enfant.
Je pense que le Barreau du Québec, les spécialistes en
droit de l'adoption internationale ont émis d'énormes
réserves par rapport au projet de loi 21. Au niveau des dispositions
concernant le consentement de l'État à l'adoption simple, loin
d'ouvrir les pays à l'adoption, cette exigence restreint davantage le
nombre de pays. Je pense qu'on a fait état de cela plus d'une fois.
Antérieurement, on a déjà eu 69 pays; maintenant, on est
limité à sept ou huit pays et, avec le décret, il n'en
reste plus beaucoup.
Le Tribunal de la jeunesse sera appelé à jouer un
rôle lors de l'approbation du projet d'adoption et de la reconnaissance
du jugement prononcé à l'étranger. Là encore, on a
demandé qu'on ne s'immisce pas dans les pays étrangers et qu'on
puisse considérer l'approbation du tribunal sur un projet d'adoption
pour reconnaître l'adoptabilité suffisante, pour accepter une
démarche d'adoption dans un pays étranger.
Des réserves ont été émises sur les ententes
avec les pays étrangers, sur le rôle de la ministre en tant que
coordonnatrice du processus d'adoption et en tant qu'unique
intermédiaire.
Quant à la question de l'adoption simple, certains groupes ont
souligné que ce mode d'adoption apporte à l'enfant une
sécurité accrue.
Des amendements au projet de loi 21 ont été
proposés. Nous espérons que Mme la ministre en tiendra compte et
reviendra à l'Assemblée nationale en juin ou l'automne prochain,
avec un projet de loi nouveau qui répondra aux désirs
exprimés, en harmonisation avec les lois étrangères et
toujours dans l'intérêt de l'enfant.
Certains groupes ont déploré l'absence de politique et de
cohérence du gouvernement à l'égard de l'adoption
internationale. En effet, en cinq mois, nous avons eu un décret, deux
projets de loi et un projet de règlement et, de surcroît, une
consultation particulière alors que la ministre avait promis en Chambre
de faire une consultation générale.
Certains aussi ont exprimé le désir que l'adoption
internationale se fasse à l'intérieur d'une politique familiale,
estimant que la baisse du taux de natalité est un facteur à
considérer en matière d'adoption inter-natinale. Le Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration a souligné que
l'adoption était une forme d'immigration priviléqiée et a
sensibilisé la commission à la possibilité de favoriser la
réunification des familles, l'adoption d'enfants abandonnés ou
orphelins dans des camps de réfuqiés.
Je pense que nous avons beaucoup à faire d'ici l'adoption du
projet de loi au mois de juin. Je pense que toutes ces considérations
seront repensées et qu'on arrivera à trouver un projet de loi qui
ira
dans le sens du respect des droits et libertés. Je vous
remercie.
Le Président (M. Baril): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. J'aimerais avoir les remarques finales
du député de Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Juste avant de
remercier le dernier intervenant, ce serait pour éviter tout imbroglio,
puisque Mme la députée de Marie-Victorin a parlé, à
un moment, du projet de loi à l'automne et, à un autre moment, en
juin.
Mme Vermette: C'est parce que vous en avez fait plusieurs. Il y a
eu un décret, il y a eu deux projets de loi et un projet de
règlement.
M. Leclerc: Non. C'est moi qui ai la parole. Ne trichez pas. Que
le projet serait ramené à l'Assemblée nationale à
l'automne et, ensuite, vous avez dit en juin. Je veux rassurer tout le monde:
c'est effectivement en juin.
Cela étant dit, M. Massé, je voudrais vous remercier de
vous être prêté, d'abord, à ce travail très
fouillé, ensuite aux questions des membres de cette Assemblée.
C'est intéressant parce que c'est à la fois un témoignage
et une expertise professionnelle, puisque vous avez vécu cela comme
parent et également comme avocat. Vous avez sûrement, devrais-je
dire, développé une expertise dans ce domaine. Je voudrais vous
remercier d'avoir fait profiter la commission de cet éclairage.
Cela étant dit, pour des conclusions plus globales, comme il a
été convenu entre les partis, je pense que, comme parlementaires,
on a été amenés à écouter au cours des
derniers jours, il faut bien le concéder, un certain nombre
d'insatisfactions -je devrais surtout dire des insatisfactions face à
certains organismes ou à certaines façons de procéder - et
aussi à écouter la souffrance humaine, de la souffrance
psychologique et émotive que beaucoup d'intervenants qui venaient
représenter des groupes avaient vécue personnellement.
Evidemment, on n'a pas été surpris que certains mots aient
été drus et que certains commentaires aient été
secs. Je pense que c'est tout a fait compréhensible dans le
contexte.
Ni comme député, ni comme individu, je ne peux demeurer
insensible à ce que ces gens ont eu à subir au cours des
années. Je pense que c'est notre devoir de parlementaires de tenter
d'améliorer la situation, car ces gens, en plus de rencontrer des
problèmes ne pouvant souvent avoir d'enfants, sont obligés de
passer par toutes sortes d'étapes très stressantes et, pour le
moins, longues. Je puis vous dire que, personnellement, je ne suis pas
demeuré insensible à tout ce que j'ai entendu au cours des
derniers jours.
Le gouvernement est ouvert à faire des modifications.
C'était l'objet de cette commission, puisqu'elle tire à sa fin,
d'entendre les différents experts dans ce dossier et cette commission
était par elle-même une marque d'ouverture du gouvernement
à faire des changements dans son projet de loi. Par conséquent,
le gouvernement s'engage à étudier tout ce qui a
été déposé et tout ce qui s'est dit au cours des
quatre ou cinq jours qu'a duré la commission et j'ai bon espoir que nous
puissions ramener devant l'Assemblée nationale un projet de loi
bonifié qui, tôt ou tard, permettra au gouvernement, à la
ministre et aux législateurs de faire leur travail et qui rendra les
démarches des parents adoptants potentiels moins difficiles et moins
longues, nous l'espérons. M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie, Me
Massé, de vous être présenté. Vous étiez le
dernier, mais vos remarques étaient certainement pertinentes.
M. Massé: Bien qu'intempestives, peut-être.
Des voix: Ha! Ha!
Le Président (M. Baril): C'est de là que
jaillissent les idées.
La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne Ies travaux sine die et
je vous remercie.
(Fin de la séance à 19 h 29)