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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 5 janvier 1988 - Vol. 29 N° 54

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois


Journal des débats

 

(Quatorze heures dix minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demande à chacun de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs dames, si chacun veut bien prendre place afin que nous puissions commencer les travaux.

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Nous avons quorum. Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier (Roberval) sera remplacé par M. Jolivet (Lavlolette).

Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a d'autres remplacements? Non.

Organisation des travaux

Les ententes. On sait qu'une heure est consacrée à l'audition du mémoire présenté par chaque organisme. Cette heure se répartit de la façon suivante: 20 minutes pour l'exposé de l'organisme et 40 minutes pour les discussions, ainsi partagées: 18 minutes pour le groupe ministériel, 18 minutes pour le groupe de l'Opposition et 4 minutes pour le député indépendant Lorsque c'est 30 minutes, on divise par deux.

J'invite, donc, Mme la ministre à procéder aux déclarations d'ouverture, s'il y a lieu.

M. Rochefort: M. le Président, juste une seconde.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: J'avoue que c'est la première nouvelle que j'ai de cette répartition du temps. C'est la première fois que j'entends cela. Je n'ai pas vu cela dans l'ordre de la Chambre. Non pas que je veuille abuser de cela, mais...

Le Président (M. Bélanger): On m'avait dit qu'il y avait eu entente là-dessus.

M. Rochefort: Non.

Le Président (M. Bélanger): Alors, j'ai procédé sur cette base.

M. Rochefort: Non. Je vous indique immédiatement qu'il n'y a pas eu de dtscussion ni d'entente là-dessus. Il y en avait eu sur tout le reste et cela s'était, d'ailleurs, conclu unanimement. Je vous avoue qu'il n'est pas de mon Intention d'intervenir sur les propos de tous les groupes, mais je pense que cette règle ne peut tenir parce qu'il n'y a pas eu d'entente.

Le Président (M. Bélanger): Écoutez, on peut s'entendre sur une base de bonne foi. On verra, si jamais un problème se pose, comment on en disposera. D'accord?

Mme Lavoie-Roux: Je trouve cela trop vague, M. le Président, des ententes de bonne foi.

M. Rochefort: Cela vous a causé des problèmes lors de l'étude du projet de loi 97?

Mme Lavoie-Roux: Non, parce que vous n'êtes pas revenu à la fin, mais...

M. Rochefort: Voyons, donc! J'étais là durant toute la consultation, madame. J'imagine que vous en avez manqué des bouts si vous ne m'avez pas vu.

Le Président (M. Bélanger): II s'engage à ne pas être malcommode.

M. Chevrette: Moi, je vais vous laisser vous chicaner.

Mme Lavoie-Roux: Comme vous l'avez fait la dernière fois.

Une voix: Ce que l'Opposition a fait concernait les galeries.

M. Chevrette: Je ne suis pas prêt à faire une invitation.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je crois qu'on aurait dû s'informer avant de...

Le Président (M. Bélanger): On m'avait dit qu'il y avait entente avec te bureau du leader. Comme, habituellement, on procède de cette façon-là, je me suis fié sur cette base-là. Règle générale, on a des ententes; il semblerait qu'il n'y en a pas eu.

M. Chevrette: Je ne suis pas assez au courant pour vous répondre. Je ne sais pas si cela s'est discuté entre les leaders. Il y a une heure par groupe, vous dites?

Le Président (M. Bélanger): II y a une heure par organisme, c'est exact.

Mme Lavoie-Roux: D'ordinaire, c'est

20-20-20, it semblerait qu'il y a eu une entente... M. Chevrette: C'est 18.

Mme Lavoie-Roux: Ou 17 pour donner cinq ou six minutes.

M. Rochefort: M. le Président, je le répète, à l'occasion de la commission...

Mme Lavoie-Roux: C'est coupé à 17 des deux côtés.

M. Rochefort: ... sur le projet de loi 97, à laquelle j'ai participé jusqu'au bout, contrairement à ce que la ministre disait, il n'y a pas eu de problème d'aucune façon. C'est vous qui présidiez. Je pense que tout te monde a eu le temps de parole qu'il souhaitait avoir. Les organismes ont eu l'occasion de se faire entendre et de répondre aux questions des parlementaires à l'Intérieur des enveloppes de temps et dans un cadre qui nous a permis, tous ensemble, d'améliorer de beaucoup la législation.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Je propose que l'on procède et, à la suspension des travaux à 18 heures, on fera des vérifications et des réaménagements d'horaires s'il y a lieu pour la répartition du temps. D'accord?

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis d'accord que l'on procède, mais sous réserve, quand même, de réviser. Je suis prête à ce que l'on fonctionne comme on a fonctionné au moment des auditions sur te projet de loi 97, mais je ne veux pas que ce soit une règle établie et que la façon dont les choses vont fonctionner cause un préjudice pour l'avenir.

M. Rochefort: M. le Président, là-dessus, je veux bien qu'on se comprenne: la seute règle établie qui existe dans le Parlement, c'est qu'il y a 122 députés avec des droits. C'est une règle établie et on va la respecter dans tous les sens.

Mme Lavoie-Roux: Le temps est normalement réparti moitié-moitié entre l'Opposition et le parti ministériel. Cela aussi, c'est une règle.

M. Rochefort: Je le répète, M. le Président: II n'y a pas eu d'entente; c'est la première fois que j'entends parler d'une répartition de l'heure d'audition, alors que pour tout le reste il y a eu des discussions m'impliquant et entente en l'espace de quelques secondes sur chacun des autres éléments.

Le Président (M. Bélanger): Règle générale, le règlement prévoit que chaque parlementaire a un droit de parole de dix minutes, sauf que lorsqu'il y a...

M. Rochefort: Je vous répète que je n'ai pas l'Intention de prendre dix minutes avec tout le monde.

Le Président (M. Bélanger): ...une enveloppe de temps d'une heure, c'est évident que chaque parlementaire ne peut pas avoir dix minutes parce qu'on n'arriverait pas. À ce moment-là, on divise le temps. Sur cette base-là, cela donnerait, je pense, un dix-huitième de 40 minutes par député.

M. Rochefort: M. le Président, vérifiez avec le leader du gouvernement les discussions que nous avons eues ensemble. D'ailleurs, dans le temps des remarques préliminaires, II y a une disposition précise pour cela et quant au reste, on s'était entendu qu'on fonctionnerait comme pour te projet de loi 97. Je ne vols pas qui a eu à se plaindre de ce fonctionnement.

Le Président (M. Bélanger): Pour le projet de loi 97,il n'y a pas eu de problème. Je reviens sur la décision qu'on a rendue tout à l'heure, à savoir qu'on continue ainsi jusqu'à la suspension des travaux à 18 heures et, à ce moment-là, s'il y a lieu, on s'assoira et on révisera les bases de l'entente pour le reste des auditions, pour les deux semaines qui vont suivre. D'accord?

J'inviterais Mme la ministre à faire ses déclarations d'ouverture.

Déclarations d'ouverture Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. !e Président. Nous entreprenons aujourd'hui la réalisation d'une autre étape qui, je l'espère, sera la dernière avant la formulation définitive d'une politique de santé mentale pour le Québec. L'élaboration d'une telle politique est une opération nécessaire et complexe, même parfois difficile, car elle oblige à certaines remises en question des gestes posés à ce jour. Elle est surtout Importante étant donné le grand nombre de nos concitoyens et concitoyennes aux prises avec des problèmes de santé mentale qui, très souvent, sont marginalisés et demeurent le plus souvent les sans-voix de notre société.

Il aura fallu du temps pour se procurer l'information nécessaire en vue de cette politique. Les travaux du Comité de la santé mentale du Québec ont été, à cet égard, précieux et imposants au cours des années. Par ta suite, la commission des affaires sociales, qui a siégé en août 1985 dans le cadre d'un mandat de consultation sur la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans la communauté, a aussi été utile quant aux travaux accomplis par le groupe du comité Harnois.

C'est en 1986 que le comité Harnois a reçu le mandat d'élaborer un projet de politique plus définitive de santé mentale. Pendant un an, fort

de l'expertise de chacun de ses membres, que je tiens à remercier, en passant, pour le travail Important qu'ils ont accompli, le comité a cheminé sur une route qui ne fut pas toujours facile. On ne peut oublier que, dans le champ de la santé mentale, se multiplient les courants de pensée, les intervenants et les structures. Tiré de cet ensemble, un projet de politique, même s'il est nécessaire de le modifier ou de le bonifier, représente certes un heureux résultat.

Tous les efforts déployés jusqu'à présent en vue de doter le Québec d'une politique de santé mentale ont été portés par la conviction qu'une telle politique contribuera d'une façon importante à l'amélioration de la santé mentale de notre population. C'est cette conviction qui nous rassemble aujourd'hui autour d'un projet concret de politique de santé mentale.

Les travaux que nous entreprenons aujourd'hui, et dans les jours qui vont suivre, seront des outils précieux dans la rédaction finale de la politique de santé mentale. Cette étape a, est-il besoin de le souligner, une importance au moins égale aux autres étapes du projet par l'opportunité qu'elle offre aux Québécois et aux Québécoises de se prononcer publiquement sur le projet à l'étude et par la possibilité qu'elle leur donne de pouvoir contribuer à la détermination du contenu de la politique de santé mentale.

J'aimerais aborder brièvement, le temps de quelques remarques, le projet de politique lui-même. Jusqu'à ce jour, les appréciations exprimées sur te projet de politique que propose le rapport Harnois permettent de penser qu'il est généralement et globalement bien accueilli. Les remarques positives ne doivent toutefois pas nous rendre moins attentifs aux critiques et propositions que ne manqueront pas de nous présenter nos invités au cours des prochains jours. Après un premier coup d'oeil aux mémoires qui nous ont été transmis, plusieurs thèmes reviennent et j'aimerais en aborder ici quelques-uns.

Quoique peu discutée dans le projet de politique, la désinstitutionnalisation retient l'attention de plusieurs groupes et ce, à juste titre. Les problèmes rencontrés aujourd'hui par la clientèle vivant dans la communauté ne sont-ils pas dus en partie à la façon dont nous avons suppléé aux fonctions que remplissait l'établissement asilaire et aux services de soutien et de réinsertion mis à sa disposition souvent d'une façon parcimonieuse, quand ils ne sont pas carrément absents.

Le processus de désinstitutionnalisation des personnes atteintes de troubles mentaux n'est pas récent au Québec. En fait, il remonte au début des années soixante et il suit en ce sens les mouvements vécus ailleurs dans le monde. Depuis le début des années soixante, les grands établissements psychiatriques ont remis aux familles et à la société en général la responsabilité de supporter ces personnes. En 1960, il y avait quelque 15 000 personnes dans ces établissements; il en reste aujourd'hui environ 6000 au

Québec.

L'étude du projet de politique de santé mentale doit, par conséquent, nous aider à trouver une réponse à cette importante question. Le Québec, ainsi que nos concitoyens et concitoyennes sont-ils prêts à s'ouvrir d'une façon beaucoup plus grande à ce problème pour que, tous ensemble, nous mettions en place les moyens pour aider ceux que l'on veut désinstitutlonnall-ser ou ne pas institutionnaliser et leur offrir le soutien que leur état nécessite?

Mais, encore davantage, pour qui la dé-sinstitutionnalisation est-elle une solution? La désinstitutionnalisation n'a-t-elle pas ses limites? Quelles sont-elles pour le Québec? Car il ne s'agit pas de désinstitutionnaliser juste pour le faire. Suivre un mouvement ne répond peut-être pas nécessairement aux besoins de protection et de chaleur de chaque être humain et surtout de celui aux prises avec un problème de trouble mental.

En second lieu, II n'est pas facile de bien cerner la clientèle visée par le projet de politique. Plusieurs font la remarque qu'il ne tient compte que des personnes ayant une problématique lourde. Le projet de politique établit-il clairement les moyens à mettre en place pour dispenser les services requis par la condition, d'une part, des personnes atteintes d'une maladie mentale et, d'autre part, de celles aux prises avec un problème d'adaptation sociale? J'ose croire que l'ensemble des mémoires nous amènera à mieux cerner cette question.

Dans un troisième temps, certains reprochent au projet de politique d'avoir négligé l'aspect biologique du problème, c'est-à-dire la maladie mentale elle-même. D'autres contestent son ignorance des problèmes structurels. Finalement, certains, comme intervenants, ne s'y retrouvent plus et jugent, par conséquent, qu'on y a dévalorisé leur profession.

Le rapport du comité Harnois aurait-il négligé d'aborder ces points, pour certains fondamentaux, mais qu'il jugeait, pour sa part, superflus dans la mesure où toutes les actions devaient converger vers le maintien de la personne au centre des préoccupations du secteur de la santé mentale et non pas vers le bon fonctionnement de la structure où le mieux-être des intervenants? Quelle part une politique de santé mentale va-t-elle accorder aux structures et aux intervenants?

Les travaux de la commission devront, finalement, permettre de discuter plus à fond plusieurs autres éléments: le rôle et la situation de l'ombudsperson" ou du Protecteur du citoyen - je pense que ce serait mieux dit - la question de la réinsertion au travail, ta dimension spirituelle, la situation des immigrants québécois en besoin de services de santé mentale, le rôle de ta famille, des conseils régionaux, celui du plan de services individualisés et j'en passe.

Il conviendrait certes - et c'est le souhait

que Je formule en terminant ce bref exposé - que nous profitions des prochains jours pour questionner nos invités sur l'ensemble de ces sujets et sur d'autres également. La future politique de santé mentale devra assurer à la personne atteinte d'un trouble mental, ainsi qu'à la famille le soutien dont elles ont besoin autant en Institution que dans la communauté. C'est le premier objectif du projet de politique du comité Harnois et il m'apparaît que c'est celui que nous devons faire nôtre à l'aube de cette nouvelle étape qui s'amorce et qui, dans les prochains mois, je l'espère, pourra se concrétiser par des mesures plus complètes et mieux appropriées pour répondre aux besoins des personnes qui font face à des problèmes de santé mentale. Je vous remercie, M. le Président

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre.

J'inviterais le chef de l'Opposition et député de Joliette à faire part de ses commentaires.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je vous avoue que J'aurais préféré cet après-midi avoir un texte de proposition émanant du gouvernement, qui aurait constitué une volonté politique d'aboutir à quelque chose de concret dans les plus brefs délais. Je ne veux pas dire, pour autant, que ce n'est pas intéressant d'étudier le rapport du Dr Harnois, mais, à mon point de vue, c'eût été plus encourageant pour les intervenants du milieu, pour l'ensemble des Intervenants du milieu d'avoir une proposition gouvernementale démontrant une volonté, un sens, une direction dans laquelle voulait aller le gouvernement

Je me permettrai, même en présence du Dr Hamois, de critiquer ce rapport. C'est le rôle de l'Opposition. Je sais qu'il s'est placé devant mol et cela va me permettre de le faire sourire de temps à autre. Mais je vais me permettre de le critiquer parce qu'à mon point de vue, bien que ce rapport fasse un constat assez juste de la situation, ce constat n'est pas révolutionnaire. II y a des gens du milieu qui l'ont fait depuis plusieurs années. Ce n'est que la concrétisation des constats qui se sont faits régulièrement par les intervenants du milieu.

Je pense qu'en général un des points forts de ce rapport, c'est de bien souligner l'accessibilité aux services sur une base régionale, ce qui m'apparaît Intéressant, la continuité dans les services • s'il avait fallu qu'il ne l'écrive pas, cela aurait été désastreux - la participation de la communauté et de la famille, qui m'apparaît tout à fait normale, ainsi que l'intégration sociale. On en parle depuis plusieurs années.

Il y a une bonne approche conceptuelle, je pense, centrée sur la personne et sur les proches. Bravo! La reconnaissance également de l'importance du financement de la recherche, je pense, mérite d'être soulignée.

Mais, à mon point de vue. le rapport Harnois évite de toucher aux dynamiques conflictuelles et de discuter des moyens de mise en oeuvre de ta politique de santé mentale. Quels seront les rôles de chacun et quand Interviendront-ils? Vous le chercherez dans le rapport. Quel sera le budget pour la mise en application du projet? On l'Ignore. Plusieurs points restent obscurs et manquent de concret

Par exemple, prenons te partenariat Le rapport Harnois fait appel à la famille, aux proches, aux ressources communautaires, aux médecins, aux psychiatres, sans nous éclairer sur le rôle de chacun. Est-ce qu'on veut éviter tes conflits de corporations? Je ne le sais pas. Je suppose que c'est une des raisons. Quels seront les rôles des différents acteurs et à quel moment Interviendront-ils? On ne le sait pas. L'omnipraticien dans le CLSC aura-t-il un rôle à jouer? L'omnipraticien dans le cabinet privé? Où se situe le psychiatre? À la porte d'entrée du réseau ou en deuxième ligne? Sera-t-il leader? On ne le sait pas. Qui composera l'équipe multidisciplinaire? Quelle sera la place des organismes communautaires? Quels services offriront-ils? Lesquels seront reconnus? Comment seront-ils financés? Quelle sera la place des ressources intermédiaires? Quel sera le rôle du psychologue, du travailleur social, de l'infirmière spécialisée en psychiatrie? Quel rôle devront jouer les CLSC, les CSS, les CRSSS, les hôpitaux psychiatriques? On ne le sait pas. Quels seront les rôles de la famille, des comités de bénéficiaires, des bénéficiaires eux-mêmes? On ne le sait pas.

Les services de première ligne. Qui offrira les services de première ligne? Les CLSC? Qui composera l'équipe multidisciplinaire, je le répète? Où se situe l'omnipraticien dans tout cela? Les psychiatres, quel type d'équipe feront-ils partie ou quel sera leur rôle dans cette équipe multidisciplinaire? Les CLSC auront-ils les budgets et les ressources humaines nécessaires pour remplir ce nouveau rôle?

Les ressources communautaires. Le rapport Harnois propose une plus grande implication des ressources communautaires à titre de partenaires. Je pense qu'il parle de doubler les ressources financières. D'accord, cela va. Mais est-ce que les sommes épargnées par la désinstitutionnalisation, par exemple, iront aux ressources extérieures, aux organismes communautaires, aux familles d'accueil ou aux ressources résidentielles? On ne le sait pas. Quels sont les critères de sélection pour reconnaître ou accréditer ces organismes? Quels seront les modes de financement de ces organismes? Est-ce qu'il y aura des politiques de financement ou si ce sera du discrétionnaire, comme on le voit depuis quelques années? Présentement, on sait qu'il y a environ 3000 malades mentaux qui sont itinérants et plusieurs d'entre eux parce qu'ils n'arrivent même pas à

entrer dans le système à cause des critères d'Institutionnalisation. Les ressources à l'extérieur des institutions manquent, on le sait. Qu'est-ce qu'on fera? On ne le sait pas. (14 h 30)

Les régions. Le rapport Harnois propose un plan d'organisation des services sur une base régionale. Je crie: Bravo! Cette proposition est louable là où les services, par exemple, existent, où ils sont accessibles. Là où il n'y en a pas? Je pourrais continuer longuement. Les psychiatres. Le rapport Harnois dit que c'est un problème de répartition. Les psychiatres, dans leur mémoire, vont venir nous dire que c'est parce qu'il en manque 300. Ils sont concentrés à Montréal et à Québec, à 95 %. Je suis plutôt porté à donner raison là-dessus au Dr Harnois, en disant aux psychiatres: Cela en prend peut-être un peu plus, mais sûrement pas pour vous concentrer à Québec et à Montréal. Il va falloir leur dire en pleine figure ce qu'on pense. Ils n'aimeront peut-être pas cela, mais on n'est pas ici pour se cacher les vérités. On n'est pas ici, non plus, pour cacher les faits. On sait que les psychiatres sont concentrés à Montréal et à Québec, et on a peine à en avoir un, deux ou trois à Joliette qui est à peine à 45 kilomètres de Montréal. Imaginez-vous maintenant en Abitibi, en Gaspésie, sur la Basse-Côte-Nord, dans le Bas-Saint-Laurent! Est-ce que la société n'a pas droit à des services de qualité, même dans ces régions-là? Il y a des choses qu'il va falloir se dire. J'aurais aimé connaître la volonté politique gouvernementale et non pas l'idée du Dr Harnois là-dessus.

Les budgets. À part la question des ressources budgétaires pour les ressources communautaires et le fait qu'on parie d'augmenter le service de la recherche, on ne sait pas où sont les budgets. Combien le gouvernement investira-t-il en santé mentale? Quelles sont ses Intentions? A-t-il prévu des programmes et des budgets pour mettre en application une telle politique? Combien d'argent le gouvernement veut-il Investir globalement pour appliquer ce projet?

La désinstitutionnalisation. Le rapport Hamois ne fait aucune référence aux diverses expériences de désinstitutionnalisation. Je pense, par exemple, au rapport de Louis-H.-Lafontaine qui avait tout un programme. Je m'en souviens parce que j'ai touché de près à ce dossier à l'époque. Je remettrai tantôt à la presse le communiqué que je rendais personnellement public le 19 septembre 1985 à la suite du rapport de M. Aucoin qui avait établi des programmes qui avaient impliqué tous les groupes. On avait rencontré les syndicats, les infirmières, les bénéficiaires, les administrateurs, les CLSC du coin, on savait où on s'en allait. Or, deux ans et demi après, on est rendu en janvier 1988, on parle d'un rapport qui traite de la désinstitutionnalisation sans aucune référence aux expériences qui ont été menées soit à Giffard... Je vois le sous-ministre, M. Cantin, qui est ici. Il y a eu des exemples de désinstitutionnalisation. Aucune allusion à ce qui s'est passé dans nos institutions. Cela ne m'apparaît pas, à tout le moins pour cette partie, très fort; au contraire, c'est plutôt très faible!

On doit s'arrêter un peu, je pense, et on doit regarder où cela doit aller, la désinstitutionnalisation, jusqu'où on peut aller. Qu'est-ce qui arrivera, dans le cas d'une désinstitutionnalisation, avec les travailleurs, par exemple, qui seront touchés? Aura-t-on des programmes de recyclage? Aura-t-on des programmes de préretraite? Aura-t-on des programmes qui viseront à réorganiser, à reformer ou recycler ces travailleurs pour en faire des équipes itinérantes qui verront à faire de l'encadrement? Rien. Qu'est-ce qu'on dit des programmes d'encadrement des personnes désinstitutionnalisées? Rien ou à peu près. On dit qu'il doit y en avoir, je comprends. Mais lesquels? De quelle nature? Par qui? Qui jouera un rôle dans cela?

M. le Président, par ces brèves remarques, j'ai voulu démontrer la nécessité d'une volonté politique claire. C'eût davantage intéressant de discuter sur un livre blanc qui aurait démontré la volonté politique du gouvernement de bâtir une politique. On peut bien critiquer le rapport du Dr Harnois, comme je viens de le faire, mais tant et aussi longtemps que le gouvernement ne fera pas son lit, qu'il ne verra pas clair dans une politique de santé mentale, qu'il ne voudra pas mettre de l'avant au moins les éléments pour montrer qu'il a la volonté de faire quelque chose, je pense qu'on ne va nulle part.

On va s'examiner pendant quinze jours et je peux vous dire que les mémoires sont quasi unanimes. Ils trouvent cela très beau, très bien écrit, disent que c'est un bon concept, mais tout le monde nous demande: Oui, mais quel est le rôle qu'on va jouer, nous? Les psychologues vont venir nous dire quel rôle on va jouer. Tous les groupes vont venir nous dire: Ce n'est pas concret, comment ailez-vous nous aider financièrement, nous, le groupe des infirmières spécialisées? On n'est pas plus avancés. Vous allez leur dire que, oui, vous avez besoin de budget; cela fait cinq ou six ans que c'est connu.

Je pense aux exemples de Louis-H.-Lafontaine et de Giffard, les deux endroits où on pouvait facilement, à partir de quelque chose de très concret, bâtir une politique réelle, vous la présenter et vous dire: C'est cela qu'on va critiquer, c'est la volonté politique du gouvernement. On y apportera des amendements s'il le faut, mais, au moins, on est parti d'exemples concrets, d'exemples vécus. Les gens étalent impliqués dans le milieu, on savait où on s'en allait. Il s'agit de l'adopter maintenant. On n'a pas fait cela.

On va quand même jouer le jeu, on y est obligé. Mais il n'en demeure pas moins qu'il aurait été préférable de connaître la volonté politique réelle de Mme la ministre et de son gouvernement. On est obligé de dire que c'est un

rapport assez Intéressant, mais dont les concepts étalent connus et tes constats faits depuis fort longtemps.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président D'entrée de jeu, Je crois que nous pouvons affirmer - et je le fais en ce qui me concerne, en tout cas - que chez les intervenants qui sont ici présents, de même que chez ceux et celles qui se Joindront à nous au cours des prochains Jours pour participer à nos travaux, un consensus large et solide existe - consensus, d'ailleurs, bien présent, je devrais dire presque partout présent dans le rapport du comité Harnois - à savoir que. comme société tout entière, à commencer par l'État, nous devons faire plus et mieux maintenant, dans de courts délais, pour les personnes aux prises avec un ou des problèmes reliés à leur santé mentale, ainsi que pour leur entourage. C'est le constat auquel j'arrive à la suite de certaines consultations et de toutes mes lectures, et j'ai pu en faire passablement au cours des derniers mois dans ce dossier.

M. le Président, je pense qu'il faut reconnaître sans honte que, même si ce qui existe n'est pas mauvais en soi et n'est sûrement pas à rejeter du revers de la main, bien au contraire, nous ne faisons pas assez, que ce que nous faisons n'est pas toujours approprié et que les hommes et les femmes qui font face à des problèmes reliés à leur santé mentale, ainsi que leur entourage ne reçoivent pas ce que leur état nécessite et ce que leurs besoins commandent comme services, comme soutien, comme attention de ta part de tous ceux et de toutes celles qui peuvent et doivent être présents et agir pour les aider. Il est évident qu'il s'agit d'une question délicate, complexe et qui implique beaucoup de monde, mais on doit en arriver à faire, je le répète, plus et mieux maintenant pour ces personnes. Un consensus solide existe à cet effet partout actuellement.

D'ailleurs, je crois que les événements des dernières années, que ce soit la sous-commission, la commission Harnois, les travaux qu'a menés la commission Rochon elle-même, de même que le discours tenu par l'actuelle ministre et son gouvernement depuis plusieurs mois ont suscité des espoirs, ont créé des attentes qui doivent être comblés, car ils sont fondés et légitimes. La réponse à ces espoirs et à ces attentes profitera aux hommes et aux femmes qui sont affectés de problèmes reliés à leur santé mentale et ils verront leur bien-être et leur qualité de vie améliorés d'autant.

Pour moi, c'est maintenant l'heure de bouger, de passer à l'action et de concrétiser des choses. Mes craintes et mes réserves apparaissent quand j'observe la démarche retenue par la ministre de la Santé et des Services sociaux à la suite de la réception du rapport Harnols. Je crois que la ministre ne prend par ta bonne décision, ne suit pas la bonne démarche à la suite de ce rapport. Je pense que le rapport Harnois est un bon rapport. C'est un rapport qui donne le résultat qu'une commission constituée comme elle était constituée, avec les mandats qui étaient les siens et le statut qu'elle avait, pouvait donner. Je pense que, quant à lui, le gouvernement a une balle dans son camp qu'il aurait dû saisir au vol immédiatement, dès le dépôt du rapport.

La démarche qu'a choisie la ministre nous amène plutôt dans une situation où, finalement, si vous me permettez l'expression, le monde de la santé mentale se retrouve encore une fois à la table des témoins, une nouvelle fois consulté, une nouvelle fois écouté, diriez-vous, II faut se rappeler cette sous-commission de 1985 qui était présidée par la ministre elle-même, les travaux de la commission Rochon qui ont impliqué aussi des réflexions importantes sur la question de la santé mentale et des gestes qui doivent être posés par l'État et par l'ensemble de la société face à cette question, ainsi que les travaux de la commission Harnois. Je rappelle, M. le Président, que ces trois occasions ont permis d'entendre et de discuter avec plus de 200 groupes.

Et il y a nous maintenant, ce qui fait en sorte qu'on se retrouve une quatrième fois en l'espace d'à peu près trois ans pour rediscuter de ces questions et trois fois à peu près dans l'espace de plus ou moins un an nous rediscuterons, finalement, un peu des mêmes choses.

L'image qui me vient, M. le Président, est celle d'un patient qui présente un problème sérieux, mais on n'arrive pas, non pas à trouver sa maladie, on l'a trouvée, mais à décider du traitement. Cette situation fait en sorte qu'on ne travaille pas à élaborer ce plan de traitement, mais, vu qu'on n'a pas trouvé le traitement que requiert notre patient, on décide de le réinvestiguer, de faire un nouveau diagnostic pour être bien certain que notre diagnostic est toujours bon. Mais, pendant ce temps-là, on ne cherche pas le traitement, on ne trouve pas le traitement et on commence encore moins à appliquer le nouveau traitement.

Pourtant, M. le Président, je le répète, pour moi, le rapport Harnois donne le résultat que l'on pouvait attendre et c'est, pour moi, un résultat globalement positif. C'est certain qu'il y a des choses qui manquent, des choses avec lesquelles Je ne suis pas d'accord, des choses qu'il faut ajouter, mais je pense qu'une commission de réflexion, mise en place par une ministre qui veut avoir un éclairage, qui ramasse un peu l'opinion de tout le monde, a donné ce que l'on pouvait attendre d'elle. Le rapport de la commission Rochon, que la ministre a actuellement entre les mains, traite de cette question spécifiquement et j'imagine qu'il y a là aussi des

éléments très Intéressants que la ministre pourra utiliser. Pour mol, ces documents sont ià et proposent suffisamment de choses pour agir.

Il faut aussi être conscient que non seulement ces documents sont là et permettent d'agir, mais que pendant ce temps le mal continue. Pendant qu'aucune décision n'est prise, c'est décidé de continuer à faire comme avant. Un seul exemple, M. le Président - il a été abordé par la ministre, par le député de Joliette et je l'aborde à mon tour - la désinstitutionnalisatlon. Ne pas prendre de décision maintenant, c'est continuer de désinstitutionnaliser comme on le fait et reconnaissons, tous ensemble, que ce n'est pas la perfection en ce bas monde. Reconnaissons que la désinstitutionnalisation se fait avec des problèmes et, à l'occasion, avec des erreurs qui font en sorte, M. le Président, qu'on devrait rapidement prendre des décisions sur cette question, parce que, à l'occasion - je ne suis pas en train de généraliser - les conséquences sont graves. Alors que l'on fait cela au nom du bien-être du bénéficiaire, entendons-nous souvent, je dois reconnaître, M. le Président, qu'il n'est pas toujours le premier et le grand gagnant d'une désinstitutionnalisation parce que ce qui devrait être présent pour un bénéficiaire désins-titutionnallsé ne l'est trop souvent, pas.

Or, M. le Président, je pense que le scénario qui aurait dû être retenu par le gouvernement à la suite du dépôt du rapport Harnois, qu'il avait lui-même commandé, aurait dû être d'élaborer une politique gouvernementale en matière de santé mentale. C'est, d'ailleurs ce que j'avais dit à la ministre en octobre dernier, lorsqu'on a amorcé les discussions entourant les préparatifs de cette commission parlementaire. Je pense que ce qui aurait dû être fait, c'est l'élaboration d'une politique globale, le dépôt d'un plan d'action, d'un calendrier, oui, aussi d'une structure - je veux bien admettre que les services doivent primer quant au débat entourant les structures, mais cela prendra, quand même, une porte où il faudra aller frapper lorsqu'on aura besoin de services - et d'un budget.

Là, je pense que nous aurions pu consulter tous ceux et toutes celles qui défileront devant nous au cours des prochaines semaines non pas, pour une quatrième fois, sur leurs réflexions entourant une éventuelle politique de santé mentale, par exemple, sur le rapport Harnois qui est l'aboutissement d'une consultation dont ils ont été pour la plupart l'objet, mais on aurait pu les consulter sur une politique gouvernementale, sur un plan d'action, sur un calendrier, sur des structures et sur un budget.

M. le Président, cela aurait permis de retrouver beaucoup d'avantages: d'abord, on aurait progressé, on aurait avancé; nous aurions été certains que les Intervenants auraient été consultés sur des décisions, sur une politique gouvernementale et non pas sur un rapport. Aussi, cela nous aurait permis de bouger et vite parce que je pense qu'il faut le faire rapidement. Ma crainte, c'est que cela traîne en longueur. On est rendu au début de janvier. Le processus budgétaire est pour l'essentiel complété au gouvernement du Québec, II faut le reconnaître. La revue des programmes est faite depuis un bon moment. Les derniers arbitrages, j'Imagine, sont à se faire. On est peut-être en train de manquer le prochain budget. Aussi, on ne profite pas du momentum qu'ont créé le travail de la commission Harnois et le dépôt de son rapport, qui est un momentum propice à nous faire agir et bouger maintenant. Je pense, M. le Président, que les intervenants ne sont pas assurés qu'ils seront consultés sur les décisions que prendra le gouvernement et, pour moi, c'était important par rapport à tout le travail qui avait été fait par eux jusqu'à maintenant. (14 h 45)

Donc, M. le Président, voilà un peu l'état de mon esprit par rapport à cette question. J'ajoute aussi un peu ma surprise et mon inquiétude encore plus grande de voir que la ministre, dans son exposé d'introduction, ne s'est prononcée sur rien, alors que le rapport Harnois l'interpelle plusieurs fois, au fond, comme ministre, comme gouvernement, sur des choses qui, selon lui, doivent être faites rapidement, qui ont des conséquences sur le plan des ressources, des budgets, de l'organisation des services, du soutien au bénéficiaire, à sa famille, à son entourage. Pas un mot de la part de la ministre. C'est évident que je suis un peu déçu et un peu inquiet. Je suis convaincu que la démarche que je propose là aurait été plus susceptible de nous permettre d'arriver avec plus, mieux et plus rapidement.

Cela dit, M. le Président, je respecte, même si je ne la partage pas, la décision qu'a prise la ministre quant à la démarche à suivre. Je dois dire que je suis cette question avec beaucoup d'intérêt, je suis prêt à participer positivement à nos travaux, à collaborer avec la ministre. Pour mol, l'enjeu est de taille et nécessite une participation active de tout le monde, particulièrement des intervenants. Je suis convaincu qu'on apprendra des choses, que les groupes ont sûrement beaucoup de choses à nous dire. D'ailleurs, quand on prend connaissance des mémoires qu'ils ont préparés, on peut le constater facilement. J'espère que rapidement par la suite et avant le prochain budget des décisions gouvernementales seront prises de façon qu'on puisse rapidement passer à l'action, que le gouvernement puisse prendre ses responsabilités. L'initiative lui revient, il doit assumer le leadership dans ce domaine. Quant à moi, j'ai hâte de le voir assumer ses responsabilités dans ce domaine. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Mme ta ministre.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Juste quelques mots, M, le Président D'une part, c'est évident que, si le gouvernement n'avait pas jugé valables les principes fondamentaux retenus dans le rapport Harnois, nous n'aurions pas convoqué une commission parlementaire pour en discuter. Je pense que c'est déjà une partie de réponse aux interrogations du député de Gouin.

Si on se réfère aux nombreux participants qui vont venir à cette commission, près de 60, dont les mémoires, pour un grand nombre, contiennent des suggestions intéressantes et permettent, justement, d'aller un peu plus loin dans la réflexion quant aux différentes "philosophies', entre guillemets, qui peuvent s'affronter dans ce domaine, il reste qu'on doit, finalement, mettre un terme à ces discussions parce que, depuis trop longtemps, des 'idéologies", encore une fois entre guillemets, divergentes s'affrontent Je pense que mise à part toute la question de l'absence d'une politique de santé mentale et des ressources Insuffisantes, ces confrontations d'idées sont aussi, pour une partie, responsables des longs délais que les gouvernements ont mis à, finalement, adopter une politique de santé mentale qui soit réaliste, concrète, qui s'échelonne sur un certain nombre d'années. Je pense que c'est vraiment l'objet de la commission parlementaire que nous avons aujourd'hui.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire publiquement: Si je n'ai pas endossé publiquement ou commenté d'une façon détaillée le rapport Harnois avant aujourd'hui, c'est que, justement, je voulais entendre l'opinion des principaux intéressés qui sont Ici aujourd'hui et qui seront devant nous au cours des prochaines semaines. Je suis très heureuse que nous arrivions à cette étape qui va enfin permettre, après de nombreuses années de tâtonnements, de questionnements, d'incertitude, de petits pas en avant, parfois de petits pas en arrière, que peut-être, comme société, on saura où on s'oriente, où on se dirige quant à la réponse à apporter aux besoins des personnes qui, à un moment ou l'autre de leur vie, ont à faire face à des problèmes de santé mentale.

J'entendais le chef de l'Opposition qui disait: Bien, écoutez, il n'y a rien sur les expériences de Louis-Hippolyte-Lafontaine ou même de Robert-Giffard et on a là tous les éléments d'une politique pour savoir comment agir. Je lui ferai remarquer que c'est une perspective assez limitée, à mon point de vue, des problèmes de santé mentale. La désinstitutionnalisation est un aspect important de la santé mentale, mais nous sommes aussi dans une société qui n'institutionnalise plus ou veut institutionnaliser le moins possible. Alors, il y a toute cette partie de la population qui, elle, n'a pas à être désinstitutionnalisée, mais qui a des besoins auxquels il faut répondre souvent d'une façon différente parce que ces gens ont eu une expérience tout à fait différente des personnes qui ont été en institution pour X années, alors qu'on sait que maintenant les jeunes qui sont rendus à 35 ans, peut-être à 40, n'ont jamais connu le régime Institutionnel et vivent leurs problèmes d'une façon fort différente des personnes qui ont été Institutionnalisées pour une longue période de leur vie.

Il y a également tout le domaine de la prévention et, comme te rapport Harnois te signale, il y a le champ de la santé mentale. Il y a aussi le domaine de la santé mentale. C'est évident qu'au point de départ l'accent devait être mis sur le champ de la santé mentale plutôt que sur le domaine de la santé mentale, dans le sens où le comité Harnois fait la distinction entre les deux, et ceci pour répondre à ce qui nous apparaissait être les besoins les plus aigus. Je pense que tout le monde ici autour de cette table est d'accord que la situation ne peut perdurer comme elle existe dans le moment. Même s'il y a des bonnes choses qui ont été faites et si on a fait des pas en avant dans la réinsertion sociale, on sait que ce sont des pas bien fragiles, des pas souvent Insuffisants et discontinus qui font qu'après un certain temps ces personnes qui, peut-être, avaient été réintégrées d'une certaine façon se trouvent de nouveau devant des problèmes auxquels notre société ne répond pas.

D'ailleurs, pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que, lorsqu'on a fait l'évaluation du problème de l'engorgement des urgences, un des problèmes tes plus aigus qui sont arrivés en surface a été la présence de psychiatrisés pour lesquels il n'y avait pas de ressources dans la communauté et qui n'en trouvent pas, encore aujourd'hui, pour un certain nombre, bien que ce soit un peu moins grave grâce aux mesures comme les centres de crise qui ont été mis en place, mais qui, encore une fois, ne sont encore que dans certaines parties du Québec et non pas dans l'ensemble du Québec. Il reste que l'on avait là une démonstration fort éloquente, probablement fort malheureuse aussi, du manque de ressources pour ces personnes ou du manque de ressources adéquates pour éviter, justement, le recours à l'hospitalisation ou même à l'institutionnalisation alors que ceci ne semble pas une réponse adéquate à leurs besoins.

Alors, M, le Président, des propos des deux membres de l'Opposition qui se sont exprimés, je retiens que, malgré tout, ils croient qu'il s'agit d'une commission parlementaire qui devrait apporter plus de lumière, qui devrait nous permettre de raffiner ce qui sera éventuellement la politique gouvernementale en matière de santé mentale. J'espère que c'est dans cet esprit de collaboration que tous ensemble nous arriverons à formuler pour nos concitoyens et nos concitoyennes une politique qui tiendra davantage compte de leurs besoins, mais qui surtout sera davantage respectueuse de leurs droits et leur permettra de jouer dans la plus grande mesure

possible un rôle utile dans notre société.

Merci. M. le Président

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre.

Alors, J'inviterais le premier groupe à s'asseoir à la table des témoins.

M. le député de Joliette. Oui.

M. Chevrette: Vous avez donné un droit de réplique à Mme la ministre. En vertu de nos règles, je dois avoir droit à quelques minutes.

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, allez-y. Oui, oui. Il n'y a pas de problème.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci. Je voudrais, tout simplement, dire à la ministre qu'il est bien évident que nous avons l'intention de jouer un rôle positif durant cette commission parlementaire. Mais c'est notre devoir, comme Opposition, de constater que la démarche qu'on fait présentement ne fait que retarder l'application d'une volonté politique. Je voudrais le répéter: Je suis persuadé que le gouvernement, à partir du rapport Hamois, à partir des nombreuses études qui ont eu lieu dans les années antérieures, aurait pu produire un livre blanc, ce qu'on appelle une volonté politique, avec des moyens concrets, des prévisions budgétaires, des mécanismes, des modes de financement qui nous auraient indiqué la direction qu'il entendait prendre.

Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas participer de façon positive à la commission parlementaire qu'on s'est exprimé de la sorte. On prétend qu'à la lecture même des quelque 60 mémoires que nous avons eus le point le plus commun, c'est: où le gouvernement va-t-il aller et, concrètement, comment va-t-il appliquer les grands principes déjà connus, les grands constats déjà faits? C'est dans ce sens-là que j'ai voulu, au départ, préciser mon point de vue. Cela ne nous empêchera pas de poser des questions, peut-être pour convaincre la ministre de l'urgence d'agir.

Auditions

Le Président (M. Bélanger): Bien. Nous recevons le premier groupe, l'Association canadienne pour la santé mentale, division du Québec. Il est représenté par Mme Mireille Doré, présidente du comité scientifique, par Mme Christine Berryman, directrice de la filiale de Québec, et par M. Michel Trottier, directeur général de l'association.

Si on pouvait savoir qui est le porte-parole.

Association canadienne pour la santé mentale, division du Québec

M. Trottier (Michel): M. le Président, je suis Michel Trottier. Cela me fait plaisir d'être le porte-parole de l'association. D'autre part, il ne faudrait pas croire que Mmes Doré et Berryman resteront muettes. Elles sont ici assurément pour partager, si vous voulez, la dure tâche de faire mieux comprendre aux législateurs que nous avons besoin et que nous espérons avoir une bonne politique de santé mentale.

Nous ne lirons pas le mémoire que nous vous avons fait parvenir, sachant que vous êtes d'excellents lecteurs. Nous ne voudrions pas vous donner la très onéreuse et dure tâche de réentendre ce que vous avez si bien lu. Nous tenterons plutôt, dans un premier temps, de vous donner un aperçu général de ce que nous pensons, de ce que nous voyons comme une politique de santé mentale.

De façon générale, l'Association canadienne pour la santé mentale, division du Québec, a été fort heureuse de voir que le gouvernement espérait apporter une politique de santé mentale et, pour ça, avait formé le comité Harnois et lui avait demandé de pouvoir, dans un sens, mettre dans un document les points importants qui, semblait-il, devaient former cette politique-là.

Nous avons été heureux d'avoir ce document. Nous pensons que c'est un excellent document qui reflète assez bien les réalités québécoises. D'autre part, nous avons été heureux de voir ce document, espérant quand même que, dans un sens, le gouvernement procéderait plus avant et accoucherait finalement de cette politique de santé mentale.

Nous espérons constamment - chez nous, à l'association, nous avons vécu d'espoir depuis si longtemps que nous continuons par la force de l'habitude - que Ee gouvernement réalisera vraiment cette politique de santé mentale et nous en sommes heureux parce que, dans un sens, nous sentons que nous serons peut-être un des premiers à avoir cette politique de santé mentale. Nous serons heureux aussi parce que, dans un sens, ce sera un cadre qui nous permettra de mieux agir et de mieux travailler pour le mieux-être de nos concitoyens. (15 heures)

L'association, ayant dit tout cela, n'est quand même pas prête, si vous voulez, à démontrer qu'elle est totalement en accord avec ce rapport Harnois, non pas parce que, justement, nous pensons qu'il a erré profondément, mais parce que nous pensons que, dans certains cas, il a légèrement changé la perspective et que, dans certains autres cas, il a été un peu timide. Nous espérons dans un sens que le gouvernement, dans une politique de santé mentale, sera capable de dépasser cette timidité et d'aller jusqu'au bout.

Chez nous, à l'Association canadienne pour la santé mentale, nous avons toujours prôné la personne. Depuis 32 ans que nous existons au

Québec, nous n'avons jamais parlé d'ex-psychiatrisés ou de malades mentaux ou de handicapés, mais nous avons parlé de personnes, de personnes comme vous et mol qui sont placées dans des situations de difficulté de vie et qui, avec le stress, avec tout ce qui existe autour d'elles, doivent, pour ainsi dire, être capables de réagir et de réagir positivement. Être capable de vivre avec ses propres difficultés, c'est cela être en état de santé mentale. Remarquez que nous considérons tout autant l'individu hospitalisé que l'individu non hospitalisé comme étant capable d'une relative santé mentale parce que, dans un sens, nous savons très bien que cet individu doit justement, pour ainsi dire, vivre avec ce qu'il est Donc, c'est de gens comme vous et moi que nous parlons. Ce sont des gens qui vivent régulièrement, quotidiennement et doivent faire face à des difficultés de toutes sortes et être capables de dépasser ces difficultés pour atteindre, justement, un niveau de fonctionnement et d'efficacité qui les rend remarquables.

C'est la première chose, cette notion de personne, cette notion sur laquelle nous Insistons. C'est le centre de notre préoccupation. Dans un sens, nous ne croyons pas que la désinstitutionnalisation doit se faire pour le Québec ou pour le bien-être des hôpitaux; elle doit se faire pour le bien-être de la personne. Nous ne croyons pas, non plus, de la même façon, que l'Institutionnalisation doit se faire pour autre chose que pour le bien-être de la personne. Dans ce sens-là, il faudrait peut-être revenir dès le début à ce premier diagnostic de santé ou de maladie mentale où, Justement, nous insistons d'abord sur le bien-être de la personne et non pas sur le respect de toutes les structures hospitalières ou de toutes les structures qui sont autour de cette personne en santé ou malade. C'est la première chose et c'est très Important parce que cela donne un sens à notre action. Cela donne un sens à notre façon de considérer le problème et cela assure que nous ne perdons pas l'objectif premier d'une politique de santé mentale, à savoir le bien-être de cette personne, le bien-être de tous nos concitoyens plutôt que la possibilité de respecter et d'avoir de meilleures structures.

Le deuxième point sur lequel nous avons toujours insisté, c'est que, dans un sens, l'association est une association de santé mentale et nous avons toujours insisté sur la promotion et sur ta prévention. Non pas que la maladie mentale ne soit pas un problème sérieux, non pas qu'il faille, pour ainsi dire, s'en désintéresser, non pas que, dans un sens, nous devrions la délaisser. C'est un problème réel auquel il faut répondre et sur lequel on doit s'attarder.

D'autre part, il est très important que nous commencions dès à présent à éviter de reproduire ce qu'on a toujours fait, à savoir n'être que des pompiers qui éteignent les feux et ne jamais penser à la prévention. Ce que dit, par exemple, te rapport Harnois, à la page 181, nous a laissés un peu perplexes. SI ce n'est pas à la page 181, je l'ai Ici. On dit que la prochaine politique de santé mentale devrait commencer par ce chapitre', celui de la prévention. Remarquez bien qu'on va prévenir quand tout sera détruit et quand on sera tellement enseveli sous les problèmes. C'est alors qu'on pensera à commencer à travailler par le commencement. Commençons donc par le commencement dès à présent Pour nous, c'est très important de penser promotion, de penser prévention. En effet, de la môme façon qu'en santé physique depuis quinze ans, par des programmes comme Participe-action ou par d'autres programmes, on a pensé, justement, à faire de la promotion et on a haussé ainsi sérieusement te niveau de santé physique de nos concitoyens grâce à ce sentiment et à ces programmes de promotion et de prévention, de la même façon, nous disons: Faisons exactement la même chose en santé mentale. Si nous ne le faisons pas, nous allons nous ensevelir; nous allons nous préoccuper uniquement, si vous voulez, des structures et des institutionnalisés, mais nous ne ferons jamais rien pour ceux qui, un jour, seront institutionnalisés. Cela est très grave.

Il faut donc - cela a été le sens de l'association depuis 32 ans au Québec - s'intéresser, travailler, d'abord, au niveau de la promotion et de la prévention. Nous disons: Une bonne politique de santé mentale est une politique qui s'intéresse directement à la promotion et à la prévention. Nous pensons que, justement, II sera plus facile, à ce moment-là, de ne pas avoir à entendre les Intervenants dire qu'il leur manque du temps et qu'ils ne sont que des pompiers qui éteignent des feux. C'est bien beau d'éteindre des feux, mais, à un moment donné, il faut d'abord se demander pourquoi le feu a pris, pourquoi tant d'individus sont institutionnalisés, pourquoi tant sont, pour ainsi dire, délaissés, etc. C'est le sens réel, si vous voulez, de ce que nous pensons et ce sur quoi nous voulons insister.

Le troisième point sur lequel l'association a toujours insisté aussi, c'est la coordination. La coordination, pour nous, est importante. La santé mentale ne regarde pas, si vous voulez, qu'un dixième de ta population La santé mentale, cela regarde des gens comme vous et moi aussi; cela regarde tout le monde parce que nous sommes tous susceptibles d'être malades; j'allais dire vous comme moi, disons vous un peu moins que moil Nous sommes tous susceptibles d'être malades. Par conséquent, ce n'est pas un problème qui ne doit concerner qu'une partie de la population, ce n'est pas un problème qui ne doit concerner qu'une partie du gouvernement, qu'un ministère. C'est absolument ridicule de penser à santé mentale ou à santé en général en ne pensant, si vous voulez, qu'au ministère de la Santé. Cela doit concerner tout autant le Conseil du trésor que le ministère du Travail, que le ministère de la Sécurité du revenu ou que tout autre ministè-

re. Pour nous, c'est très important parce que, dans un sens, II n'y aura Jamais de coordination tant que la ministre criera pour la santé, alors que tous les autres crieront pour l'économie. Cela n'a aucune espèce d'Importance si, justement, il n'y a pas un projet global de ce gouvernement vers une politique de santé mentale qui est coordonnée, orientée.

Dans un des derniers numéros de la revue canadienne de psychiatrie, décembre 1987, le Dr Frédéric Grunberg, bien connu ici puisqu'il a été membre du Comité de la santé mentale avec le Dr Marc Sasseville, parle de "chômage et santé mentale*. Ses conclusions qui sont courtes n'en sont quand même pas moins Importantes. "Les effets psychologiques du chômage à long terme devraient être traités prioritairement, particulièrement chez les Individus d'âge mûr. Le chômage chez les femmes est aussi une question d'importance. Tout le secteur de la consultation et de l'intervention thérapeutiques auprès du chômeur devrait être examiné et évalué, etc."

Pour nous, c'est très important de percevoir que, justement, l'ensemble du problème de la santé mentale concerne le Travail, la Sécurité du revenu et aussi, si vous voulez, la politique familiale, de même que toutes les autres politiques. Nous demandons essentiellement qu'il y ait une coordination. Dans le rapport "Pour un partenariat élargi", on a eu l'impression qu'il n'y avait, pour ainsi dire, un intérêt que pour le ministère de la Santé. Nous avons eu, à ce moment-là, un certain regret de cette absence de grandeur d'esprit, de cette absence de largeur de vues parce que nous avons considéré depuis si longtemps, et nous l'avons dit depuis si longtemps, que, dans un sens, le problème d'une politique de santé mentale doit concerner l'ensemble d'un État et aussi chacun des individus. Dans ce sens-là, la coordination ne nous est pas apparue à ce niveau de la politique. Nous avons déploré cette absence de coordination. Ce sont des choses Importantes sur lesquelles nous avons insisté dans notre mémoire sachant, d'autre part, qu'il y avait d'autres petits éléments.

Nous avons été heureux de voir que le mémoire insistait sur une politique de sensibilisation; nous avons été heureux que le mémoire insiste sur des programmes de sensibilisation. Nous avons dit, d'autre part, que ces programmes de sensibilisation ne devraient pas être réservés, si vous voulez, strictement à l'accueil par la communauté des gens désinstitutionnalisés. Nous avons pensé, au contraire, que cette sensibilisation devrait être beaucoup plus large et qu'à l'instar, si vous voulez, de certains programmes qui ont été faits en Ontario, par exemple, notre programme de sensibilisation devrait aussi comporter un élément de recherche et un élément d'inscription, de soutien régulier et continu vers la communauté.

À ce niveau-là, l'Association canadienne pour la santé mentale, division du Québec, a vraiment tout le soutien voulu. Nous avons déjà un réseau organisé au Québec. Nous avons quinze filiales qui sont capables de vraiment se rattacher directement avec les gens et les communautés du milieu et sont aussi capables d'assurer le contact et le soutien continus. Dans ce sens-là, nous disons essentiellement que c'est très heureux. Nous voudrions encore percevoir une plus grande largeur d'esprit, percevoir que ce programme de sensibilisation ne doit pas se faire uniquement pour, justement, soutenir une désinstitutionnalisation; il doit se faire pour assurer, si vous voulez, que la communauté, avec les Intervenants et les bénévoles, ait la chance de pouvoir vraiment travailler ensemble.

Remarquez que, de plus, nous avons été heureux de voir que, dans ce rapport, un certain rôle était donné au bénévolat. Nous avons été heureux de voir que le bénévolat était accepté et respecté. Nous espérons, dans un sens, que ce respect ira jusqu'à une certaine assurance - il s'agit d'arrêter et d'assurer l'attention de tout le monde - d'un soutien financier de ce bénévolat (15 h 15)

Le bénévolat, c'est prouvé, coûte bien moins cher que toutes les structures d'un réseau gouvernemental, mais, d'autre part, il ne doit jamais être assimilé à ce que l'on appelle dans un langage vulgaire du 'cheap labor". Il ne doit jamais être associé à quelque chose qui va coûter moins cher et qui, par conséquent, va permettre de prendre des responsabilités sans avoir besoin de les payer. Nous considérons, justement, que cette responsabilité du bénévolat est une responsabilité profonde à laquelle nous croyons et qui a une Importance énorme, mais qui doit être constamment en soutien avec les réseaux intégrés. Et l'intégration de tous ces systèmes fera en sorte qu'on aura une politique positive.

Ayant dit à peu près cela, je me permets de vous remercier de votre attention. D'autre part, je sais qu'il y a une période de questions; mes collègues et moi, nous serons prêts non pas à donner réponse à tout, mais à partager avec vous certaines Inquiétudes face à une future politique. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais remercier M. Trottier et ses collègues et plus particulièrement la division du Québec de l'Association canadienne pour la santé mentale. Je sais que, depuis de très nombreuses années, vous vous préoccupez de cette question. Vous attendez aussi que le gouvernement ait une politique plus précise et laisse peut-être moins au gré des événements le soin des personnes qui requièrent du soutien dans la communauté pour mieux s'intégrer et mieux fonctionner.

Au point de départ, vous attirez notre attention sur le fait que notre projet de politique n'a peut-être pas une vision suffisamment

large de la coordination entre les diverses politiques gouvernementales et toute la question de la santé mentale. D'ailleurs, l'Association canadienne pour la santé mentale met beaucoup l'accent sur le préventif, tout en ne se désintéressant pas, évidemment, des problèmes auxquels font face les citoyens. Pour vous, toute cette question de ta prévention dépasse ou devrait dépasser largement le ministère de la Santé et des Services sociaux. Que l'on pense à l'Éducation, par exemple; c'est, quand même, là qu'un grand rôle peut être joué pour établir les fondements de l'équilibre de la personne. Notre système d'éducation n'est peut-être pas toujours cohérent avec cet objectif. Également, dans le domaine des loisirs, dans le domaine du logement et dans le domaine économique, il y a des tas de conditions essentielles pour asssurer aux citoyens un équilibre. Vous nous signifiez la nécessité de coordonner ces efforts et voulez que les autres ministères soient aussi conscients qu'ils ont un rôle à jouer. C'est peut-être davantage un rôle de première ligne, mais il est certainement Indispensable sur le plan de la prévention et aussi souvent indispensable pour la réinsertion sociale des individus.

J'aimerais vous poser une question sur ta campagne de sensibilisation. Vous trouvez qu'elle est peut-être trop limitée. Vous nous partez de la campagne que vous avez menée vous-mêmes en Ontario. Est-ce que vous pourriez nous dire quels étalent les éléments principaux de cette campagne? J'imagine que vous la considériez comme une campagne qui a dû avoir plus d'échos que celle prévue dans le rapport pourrait avoir.

M. Trottier: La campagne de sensibilisation qui a été faite en Ontario a, d'abord, été basée sur une recherche. Si, dès le début, on s'est orienté vers le déracinement de certains "stigmas*, si vous me permettez cette expression anglaise, c'est parce que, justement, on avait, d'abord, trouvé, à partir de recherches précises, que c'était le point le plus Important, premièrement. Et je ne pourrais dire, sans avoir d'abord fait une recherche pertinente, si c'est vraiment le même sens que l'on devrait donner à cette campagne de sensibilisation Ici au Québec. C'est la première chose.

La deuxième chose, c'est qu'il y avait en même temps et parallèlement à cette sensibilisation qui était faite à partir d'une publicité un rattachement de tous ceux qui étaient intéressés à cette publicité à des points de contact qui étaient les filiales de l'association canadienne en Ontario, ce qui pourrait se faire exactement de la même façon ici au Québec. Ce point de rattachement signifiait que non seulement, d'abord, un éveil publicitaire avait été fait dans la santé mentale, mais que cet éveil était continué par une éducation à partir de nos filiales chez tous ces gens qui avaient démontré un intérêt. Dans un sens, on n'a pas fait une sensibilisation qui a été strictement une campa- gne publicitaire qui pouvait coûter assez cher, mais on a fait une campagne qui a été soutenue par des programmes d'information à partir de nos filiales où, justement, les gens étaient regroupés et rattachés à ces communautés. C'est très important. C'est même te point essentiel de cette campagne de sensibilisation.

Je pense que ce qui était aussi très Important, c'est que, dans un sens, cette campagne de sensibifisation était orientée de façon très générale vers le sens de ce qu'est une maladie mentale ou de ce qu'est la maladie mentale. À ce moment-là, la recherche avait démontré que c'était le point important. Je ne suis pas assuré qu'ici au Québec ce serait la même chose. Ce sera uniquement à partir de recherches bien faites, bien centrées, bien structurées et bien focalisées que nous pourrons déterminer exactement sur quoi doit porter une campagne de sensibilisation.

Il est sûr et certain que les "stigmas" de la maladie mentale sont importants, mais peut-être, avant les "stigmas" de la maladie mentale, devrions-nous penser plus strictement à la santé mentale et à la maladie mentale, au genre d'opposition qu'on semble mettre entre les deux, au genre d'opposition qu'on semble mettre entre des gens qui fonctionnent et des gens qui fonctionnent moins. Pour mol, il n'y a pas nécessairement une opposition et, à l'association, on a toujours pensé que la santé pouvait se détériorer et que des gens pouvaient aller vers ta maladie, mais que, d'autre part, le mouvement n'était pas arrêté, pour autant, et que cette maladie pouvait aussi se retransformer en santé, de telle façon qu'il y a un genre de ventilation dans ce continuum qui permet à tout le monde de se retrouver.

C'est pour ça que je disais dès le début que nous parlions de personnes plutôt que de parler d'ex-psychiatrisés ou de malades mentaux ou de handicapés. Pour nous, si vous voulez, qui peut déterminer qu'il est en bonne santé mentale, qui peut déterminer qu'il est un malade mental? Quand je regarde certains groupements, des fois j'ai tendance à penser que peut-être je suis un peu plus en santé mentale qu'eux, mais c'est un jugement très personnel. Remarquez qu'à ce moment-là le niveau de santé mentale est, pour ainsi dire, très peu important à déterminer. Ce sont ces choses-là qui sont importantes.

Quand nous vous disons dans notre mémoire que nous aimerions participer à cette campagne de sensibilisation, c'est parce que nous avons une certaine expérience. Nous ne parlons pas d'une campagne qui serait strictement publicitaire, mais d'une campagne qui, d'abord, va être basée sur une recherche qui va permettre, justement, de savoir exactement sur quoi on va centrer, focaliser notre campagne de sensibilisation, d'autre part, qui va aussi permettre d'avoir des lieux et des points de rencontre, de telle façon que les gens qui seront intéressés seront, pour ainsi dire, constamment rattachés et

soutenus quotidiennement par des programmes.

Je ne voudrais pas répondre trop longuement à votre question, Mme la ministre, mais c'est un peu le même phénomène qu'on remarque face au racisme. Chaque fois qu'il y a un problème racial quelque part, on lance une grande campagne antiracisme qui a ses effets pour quelques jours et, finalement, parce que ce n'est pas rattaché, soutenu par des programmes, parce que ce n'est pas relié à des filiales qui ont la chance de continuer l'éducation et de faire en sorte que cette sensibilisation va aller de plus en plus en profondeur, on remarque que, pour le racisme, la campagne de sensibilisation a quelques effets pour quelques jours, quelques heures ou quelques mois et, après, cela retombe.

Dans tout mouvement d'éducation, il faut constamment être là pour répéter. Ce n'est pas nouveau. Je sais que plusieurs d'entre vous ont déjà été ou sont parents ou ont déjà eu l'expérience éducationneile. Essentiellement, éduquer, c'est répéter. Et il va falloir l'accepter. Il va falloir aussi accepter de mettre des fonds monétaires pour être capables de répéter. Parce que, si on ne répète pas, ce sera de l'argent perdu qui aura eu son effet, son action à un moment donné et qui sera disparu parce que les gens l'oublient. Je n'ai pas besoin, je pense, de dire à des politiciens que la population oublie.

Justement, si on ne veut pas que la population oublie, si on ne veut pas que la population considère que la santé mentale, c'est important seulement aujourd'hui, demain et après-demain - parce que, je l'ai dit tantôt, on est tous susceptibles de devenir malades, parce que, je l'ai dit tantôt aussi, on est tous plus ou moins responsables de la santé de tous et chacun - à ce moment-là, basé sur ce rapport avec lequel on était d'accord parce que la responsabilité personnelle et la responsabilité collective, pour nous, c'est important au niveau de la santé mentale, nous disons: De grâce, ne perdons pas notre argent, ne le gaspillons pas en faisant une campagne de publicité qui va réveiller subitement et faire parler pendant trois jours tout le Québec - chacun va se dire: C'est vrai, pourtant, ce n'est pas grave de faire une dépression, on peut en sortir - mais trois jours après, par exemple, on aura oublié cette campagne publicitaire et on dira: Bien, tu sais, il a fait une dépression. On ne peut pas lui donner une promotion aujourd'hui. On a beaucoup de difficulté à penser qu'on peut devenir vice-président d'une compagnie si on a fait une dépression. Les gens "burned-out", vous savez, on leur donne des vacances. L'industrie a trouvé que c'était la meilleure façon de se débarrasser des gens, leur payer des longues vacances.

Remarquez que ce n'est justement pas cela qu'il faut faire avec des gens qui sont "burned-out'. Mais il reste qu'on n'a pas posé la question. On n'est pas allé voir les scientifiques et on ne leur a pas demandé ce qu'il fallait faire avec des 'burned-out". On a dit: Tu es un "burned-out". Pauvre petit gars! Tu fais bien pitié! Voilà, prends cinq jours, prends cinq mois de vacances, tu reviendras. Et quand tu reviendras, on aura trouvé un petit bureau où tu seras loin de la pression. (15 h 30)

C'est ça qu'on entend par campagne de sensibilisation. Une campagne de sensibilisation à laquelle on veut participer, c'est une campagne de sensibilisation qui n'est pas strictement de la publicité, mais qui est, si vous voulez, une publicité basée sur une recherche intelligente, d'une part, et rattachée à des points de rencontre, des points de soutien, de support qui vont permettre, justement, de vraiment, si vous voulez, faire en sorte que la publicité deviendra une éducation.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. Trottier. Alors, il me reste juste quelques minutes. Je vais laisser la parole au chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Bien sûr. Merci, M. le Président.

M. Trottier, je vais permettre peut-être aux deux femmes, dont vous avez dit qu'elles n'étaient pas muettes, de parler et je ne voudrais pas me faire jouer le tour que Mme la ministre vient de se faire jouer, je vous le dis tout de suite, parce que chaque formation politique a 18 ou 17 minutes. Je vais vous demander très poliment d'être plus bref si je veux poser mes trois questions.

La première question que je voudrais poser, c'est sur la régionalisation. Je résume votre dossier de la façon suivante. Tout d'abord, je pense que vous parlez de l'importance de la concertation ministérielle. Vous parlez de prévention ou de sensibilisation et d'information dans un deuxième temps. Dans un troisième temps, j'ai compris que vous parliez des dangers de la régionalisation ou, en tout cas, vous ne voudriez pas que la régionalisation serve de paravent. J'aimerais entendre là-dessus une des deux dames, pour connaître le son de vos voix. J'aimerais savoir exactement quelle est votre crainte quant à la régionalisation ou à la secto-rialisation.

Remarquez bien que c'est une invitation que je fais à une des deux dames, mais si vous voulez que M. Trottier réponde...

Mme Doré (Mireille): Oui, oui. Vous tombez peut-être dans l'expertise de M. Trottier, mais je vais quand même commencer la réponse. Notre crainte de la régionalisation, c'est qu'effectivement on décentralise. En ce qui a trait à la santé mentale, avec l'avènement des commissions administratives, on avait décentralisé effectivement des mandats aux conseils régionaux. Avec cette décentralisation qui n'était pas très claire - le mandat était clair - au moment où des projets ont voulu prendre naissance, tout est devenu nébuleux. Alors, ce qu'on veut, c'est que

la régionalisation ne devienne pas un paravent ou une excuse à des choses qui ne se feraient pas. Par exemple, dire: On décentralise tout l'aspect de la désinstitutionnalisation et de l'organisation des services en communauté et on ne décentralise pas les sous. À ce moment-là, on tombe automatiquement dans une dichotomie, une aberration qui fait que, lorsque ce n'est pas le même maître d'oeuvre qui a la responsabilité de planifier, de programmer, d'Implanter et de payer, vous tombez dans tous les aléas possibles et les pressions qui peuvent s'exercer à ce niveau-là. Je ne sais pas, Michel, si...

M. Trottier. Vous avez très bien dit ce que j'aurais pu dire.

Mme Doré: En plus court.

M. Chevrette: Quant à la sensibilisation et à l'Information, est-ce que c'est dans le sens d'en arriver à un dépistage facile par les intervenants du milieu ou si c'est une campagne d'éducation populaire? J'aimerais que vous fassiez la différence entre les deux.

Mme Doré: M. Trottier, je pense, a couvert une certaine partie du champ. J'aimerais préciser une chose et je reviens aussi un peu à la question de Mme Lavoie-Roux: Pourquoi on trouvait ça limitatif, effectivement une campagne de sensibilisation. Lorsqu'on regarde les objectifs qui sont poursuivis par la campagne proposée, on dit, entre autres, "qui devrait porter sur la situation des personnes aux prises avec des problèmes d'ordre mental". Or, tout le projet de politique de santé mentale est basé sur - en tout cas, on l'évoque à plusieurs reprises - la responsabilité de la personne, l'approche globale de la personne, son respect, la responsabilité de la famille, la participation aux décisions et de la personne et de son entourage. Or, il n'y a rien dans la politique au chapitre, justement, de la promotion ou de l'information qui vise à outiller tes personnes de façon qu'elles puissent assumer leurs responsabilités. On sait qu'un des grands problèmes par rapport à la santé mentale, ce sont les grands délais qui entraînent des coûts Indirects effroyables. On parlait du "burned-out". Les gens peuvent attendre un an, deux ans, trois ans même avant de consulter. Il y a les préjugés. On parle des préjugés de la population envers les personnes malades et on oublie très souvent les préjugés de la personne envers elle-même qui tout coup se voit avec des difficultés tout à fait importantes et craint d'aller consulter. Alors, les préjugés de la personne envers elle-même. Les préjugés de son entourage qui tout à coup voit cette personne et la perçoit faible alors qu'on la pensait forte. Les préjugés envers les moyens utilisés. On pariait des responsabilités. Actuellement, il n'y a pas de portes d'entrée, d'accès facile au système de santé mentale. On a les urgences d'hôpitaux. Je pense que c'est vraiment la solution qu'on recherche ultimement.

Une campagne de promotion vise, entre autres, à outiller et la personne et son entourage pour faire face à différents problèmes qui peuvent être graduels et dont les solutions te sont aussi. D'abord, savoir ce que c'est être en santé mentale, comment la maintenir, quels sont les facteurs qui menacent l'équilibre. Par exemple, on sait que si, dans la même année, vous vivez un deuil, le chômage, une faillite et un divorce, vos risques de faire une dépression sont assez élevés.

Les gens doivent être informés de ça. Ils doivent savoir quels moyens prendre à ce moment et à quel moment il serait nécessaire de consulter des professionnels. Actuellement, on se situe entre rien et la consultation de psychiatres ou de psychanalistes. Je pense que je n'ai pas répondu à toute votre question.

M. Chevrette: Je parlais en fonction des dépistages éventuels. La question était: Est-ce que la campagne de sensibilisation axée, bien sûr, toujours sur la notion de prévention que vous avez expliquée très très bien dans votre exposé initial était d'en arriver - parce qu'il y a des gens qui ne s'en rendent pas compte - à aider à la fois les familles, l'entourage et possiblement des travailleurs, pas nécessairement des psychiatres, à découvrir et à comprendre des symptômes et peut-être à venir plus vite en aide aux personnes? C'était dans ce sens-là que ma question vous était posée.

Mme Doré: Vous avez tout à fait raison, parce que cette personne va d'abord hésiter à en parler. Je pense qu'il est très très Important que toute la population et l'entourage, comme vous le dites, le milieu de travail, l'entreprise soient sensibilisés aux problèmes de santé mentale. Que ce soit dans les écoles ou les garderies, il y a des enfants à risque et on attend pour les ramasser en psychiatrie adulte à 18 ans. Effectivement, une campagne de promotion doit aussi viser l'éducation des professionnels qui oeuvrent auprès des personnes.

Michel, est-ce que tu...

M. Trottier: Non.

M. Chevrette: M. Trottier, vous semblez avoir une expérience Immense. Vous vous emballez parce que vous croyez à ce que vous faites et je vous en félicite. J'ai été scandalisé lors d'une visite à Louis-H.-Lafontaine il y a deux ans et quelques mois. Il y a des aléas dans la vie, vous le savez. J'ai rencontré une femme de 37 ans qui parlait exactement comme on parie présentement. Cela faisait 18 ans qu'elle était à l'intérieur du centre hospitalier à la suite d'une tentative de divorce - excusez-moi, vous en avez trop mis tantôt -à la suite d'une tentative de suicide.

M. Trottier: C'est pareil.

M. Chevrette: C'est pareil. Depuis lors, elle est Incarcérée dans un milieu asilaire. Je dis bien "incarcérée" parce qu'elle n'a pas vu le Jour depuis ce temps-là. Est-ce que vous considérez que seuls - ma question va être très précise - les psychiatres ont un rôle à jouer dans les institutions psychiatriques?

M. Trottier: De la façon dont vous la posez.

M. Chevrette: Vous n'avez pas un grand choix de réponse.

M. Trottier: Exactement. C'est presque une question-piège. J'éviterais d'y répondre de cette façon-là parce que, dans un sens, je pense qu'il est, quand même, normal qu'à l'intérieur d'un cadre, quel qu'il soit, quelqu'un soit responsable et que cette responsabilité lui soit, pour ainsi dire, vraiment donnée totalement. Donc, il y a nécessairement quelqu'un qui doit prendre une décision. Je n'ai pas de problème à considérer que, dans certains cas, ça puisse être un professionnel de la psychiatrie, alors que, dans d'autres cas, ça puisse être un autre professionnel.

D'autre part, justement pour répondre, quand même, à votre question et pour éviter que vous ne soyez de nouveau scandalisé, je pense que ce qui est important, c'est de bien percevoir que la santé et plus particulièrement la santé mentale n'est pas, pour ainsi dire, fa responsabilité d'un groupe professionnel. Depuis, quand même, assez longtemps, nos hôpitaux se sont ouverts à de très nombreux professionnels. Depuis assez longtemps, nos hôpitaux ont été considérés comme vraiment multidisciplinaires.

Dans ce sens, je pense qu'il y a une autre chose qu'il faudrait peut-être chercher à acquérir, c'est la possibilité de faire en sorte que la communauté soit représentée, de faire en sorte que la personne même concernée soit aussi consultée. Dans l'ensemble, c'est essentiellement là qu'est le niveau de la décision d'un problème de santé. Dans bien des cas, percevoir, justement, que seul le psychiatre est responsable... Peut-être, d'ailleurs, que ce n'est pas le cas. Je t'ai dit: C'est devenu de plus en plus multidisciplinaire. Il reste, malgré tout, qu'il faut, dans un sens, s'assurer que tout le monde va y participer. Depuis, quand même, un bon moment - à l'association, quelquefois, on a le temps de lire et d'aller voir des choses qui se font ailleurs - on s'aperçoit que nos hôpitaux auront besoin de s'ouvrir. Nos hôpitaux psychiatriques auront besoin de devenir aussi des lieux où les patients seront avec les intervenants et avec ta communauté de plus en plus.

Vous savez, je n'ai pas à vous le cacher, qu'à un moment donné, dans nos hôpitaux, on a mis de côté et on a éloigné les bénévoles parce que, justement, on considérait qu'ils n'avaient plus leur place. On commence aujourd'hui à aller les rechercher. Je pense que c'est, justement, un rôle des bénévoles d'être là, de représenter cette communauté et de pouvoir, dans un sens, faire respirer un air différent à ce milieu hospitalier. C'est pour cela que je comprends votre scandale et je le partage. Je ne considérerais pas que la raison de votre scandale est uniquement la décision d'un groupe professionnel, mais je pense que c'est beaucoup plus toute ta notion qu'on a héritée à travers les âges de ce que doit être un hôpital psychiatrique.

On a fait beaucoup de progrès, il faut, quand même, le voir. C'est ce que j'appelle ma psychologie de la bouteille pleine au lieu de la bouteille vide. Quand elle est à moitié vide ou à moitié pleine, cela dépend comment on la regarde. On a fait beaucoup de progrès. On est parti des asiles, on est parti de très loin. Je me souviens quand j'étais Jeune, parce que j'ai l'âge que vous n'avez pas, qu'on passait devant Saint-Jean-de-Dieu, qui n'était pas Louis-H -Lafontaine, ou qu'on passait devant Saint-Michel-Archange, qui n'était pas Robert-Giffard, et que, justement, c'était barricadé. On a fait beaucoup de progrès, mais il en reste encore à faire. Ce n'est pas parce qu'il en reste encore à faire qu'il faut regarder, justement, ce qu'il reste à faire. Il y aussi tout le positif qu'on a eu. Regardons-le positivement. Je sais que, lorsque je parie parfois à l'Opposition, ils ont de la difficulté à avoir cette psychologie de la bouteille à moitié pleine.

M. Chevrette: Mon cher monsieur, Je vous référerai aux procès-verbaux des années 1976 à 1984 pour montrer qu'on n'a aucunement à rougir de ce qu'on dit présentement par rapport à ce qu'on a entendu pendant dix ans.

M. Trottier: Je suis d'accord.

M. Chevrette: Cela dit, une dernière question. Est-ce que vous considérez que les équipes multidisciplinaires devraient être guidées par un psychiatre? Je répète "un psychiatre" parce que cela m'apparaît important de définir le rôle du psychiatre par rapport aux équipes multidisciplinaires. J'aimerais savoir comment vous percevez cela. Par exemple, dans un centre d'accueil et de réadaptation, est-ce que vous considérez que c'est le psychiatre qui doit être le grand leader de l'équipe multidisciplinaire ou si cela doit être un administrateur? Comment voyez-vous cela? (15 h 45)

M. Trottier: Pas nécessairement. Il y a des exemples, d'ailleurs, de plus en plus où, justement, le leader n'est pas nécessairement le psychiatre Nous avions récemment un colloque à l'association et nous avions invité une équipe de Maria qui fait ce qu'on appelle du "case management". Le leader du groupe est un psychologue, mais il y a, à l'intérieur de l'équipe, un psychia-

tre. il n'y a, pour ainsi dire, pas tellement de problèmes et de difficultés. Le partenariat, c'est aussi de cette façon que cela doit se vivre. Autrement dit, tout le monde est partenaire et tout le monde vit ensemble. À un moment donné, te rôle de décision, si vous voulez, doit être donné à quelqu'un, mais pas nécessairement au psychiatre.

M. Chevrette: Dr Trottier, concrètement - parlons de partenariat - comment voyez-vous les équipes multidisciplinaires dans une Institution? Par exemple, II y a des travailleurs sociaux, des psychologues, des infirmiers, des Infirmières, des psychiatres et du personnel; comment voyez-vous cela concrètement? Quelle est la position Idéale que vous verriez?

M. Trottier: Personnellement, Je ne m'attacherais pas, si vous voulez, à l'étiquette professionnelle. Pour moi, l'étiquette professionnelle n'a pas d'Importance. Chacun arrive là avec son bagage professionnel, avec son expérience professionnelle, mais le leadership, vous savez, cela se montre et cela se manifeste de toutes sortes de façons. Dans ce sens-là, cela ne me pose pas de problème. Je pense que, dans bien des cas, cela se vit en dehors de cette étiquette professionnelle.

M. Chevrette: Malheureusement, je n'ai pas de temps, mais vous pouvez continuer.

Mme Doré: C'est juste pour éviter de la confusion parce que vous parliez de centres d'accueil de réadaptation. C'est-à-dire que, dans un centre hospitalier, habituellement, c'est un psychiatre qui est à la tête des équipes multidisciplinaires parce que la loi fait qu'un patient doit être inscrit au nom du médecin, sauf que le service vers lequel on évolue actuellement est celui des ressources communautaires, qu'elles soient en CLSC ou en centres d'accueil de réadaptation. De plus en plus les équipes et les psychiatres se définissent comme consultants et comme ressource-support à une équipe qui oeuvre dans une ressource communautaire. Je pense que cette tendance est en train de rejoindre vraiment les deux groupes.

Pour les psychiatres, c'est un nouveau rôle, qui est, d'ailleurs, très exigeant, de délaisser l'hôpital, de se rendre dans la communauté et d'agir comme ressource-support. C'est effectivement un nouveau rôle qui est en train de se dessiner pour eux.

M. Chevrette: On me dit qu'il me reste une minute. D'après vous, qui reçoit le patient, qui devrait recevoir le patient?

Mme Doré: Au niveau d'une ressource? Je pense que...

M. Chevrette: Prenons...

Mme Doré: ...la porte d'entrée, en ce qui concerne les hôpitaux, il en restera toujours une, mais qu'essentiellement iI devrait y avoir une porte d'entrée dans la communauté. Les CLSC ont un rôle très clair à ce sujet. Je pense qu'au moment où la personne se présente on ne doit pas tout de suite la diriger en service spécialisé parce qu'elle peut avoir besoin d'un service-support beaucoup plus léger que les services d'un psychiatre. Alors, je pense que cela devrait être au niveau des CLSC et par un professionnel qui a une expertise en santé mentale, mais surtout pas un psychiatre en première ligne.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président Ma question portait, justement, sur cette porte d'entrée. Je pense que la réponse est très claire.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, en conclusion, M. le député.

M. Chevrette: Je tiens à vous remercier infiniment. Je vous félicite de votre emballement, M. Trottier. Je pense que cela dénote une confiance et une croyance fondamentale. Je tiens à vous féliciter, continuez votre beau travail. SI jamais Mme la ministre avait besoin de ressource, je pense que vous avez indiqué vos couleurs.

Mme Lavoie-Roux: J'aurais une question à vous poser; Il me reste quelques minutes, Je crois. Vous avez des expériences dans l'ensemble du Canada à titre d'association canadienne. Quelle est votre perception du travail de désinstitutionnalisation qui se fait dans les autres provinces?

M. Trottier: Cela peut varier beaucoup d'une province à l'autre. Si on pense, par exemple, particulièrement à ce qui se fait en Ontario, ce n'est pas nécessairement beaucoup plus reluisant que ce qui se fait ici et, en Saskatchewan, c'est semblable. Il y a eu un mouvement, à un moment donné, très fort vers la désinstitutionnalisation et c'est une désinstitu-tionnalisation qui s'est faite à la va-vite, sans préparation du patient, sans préparation du milieu dans lequel il était retourné, sans préparation, si vous voulez, de programmes de soutien, etc. En Ontario, il y a eu d'énormes difficultés qui se sont manifestées jusqu'à tout récemment. Présentement, on commence à revoir un peu ce problème de la déslnstltutionnalisatlon et on commence à rechercher, justement, un peu plus de préparation. Je dois vous dire que le ministère de la Santé de l'Ontario a beaucoup utilisé les filiales et la division de l'Ontario de l'Association canadienne pour la santé mentale pour le genre de programme de soutien qu'elles peuvent

apporter. Globalement, donc, en Ontario, ce n'était pas si reluisant que cela Jusqu'à récemment. En Saskatchewan, on me dit que c'est la même chose; au Manitoba, vous savez qu'on a eu d'énormes difficultés.

Alors, dans un sens, je pense que le problème que l'on eu de la désinstitutionnalisation au Québec n'est pas unique. Si on avait des exemples à suivre, il faudrait peut-être regarder du côté de certains États américains, comme le Maine et le Massachusetts, qui ont des programmes de désinstitutionnalisation depuis 20 ans et qui en font de façon très rationnelle avec une préparation des milieux, une préparation de clients et je dirais même une préparation des Intervenants parce que, dans un sens, quand on est à l'intérieur d'un hôpital et que subitement on voit partir son monde, c'est un peu triste et on a l'impression qu'on vient de perdre son rôle.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, de même que l'association pour la présentation de son mémoire.

M. Trottier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Nous remercions l'Association candlenne pour la santé mentale, division du Québec, pour sa participation aux travaux de notre commission. Avant d'appeler fe prochain groupe qui est l'Ordre des Infirmières et infirmiers du Québec, on va suspendre tes travaux pour deux ou trois minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 53)

(Reprise à 16 h 3)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous recevons, à la table des témoins, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec représenté par Mme Jeannine Pelland, présidente - Mme Pelland? - ...

Mme Pelland (Jeannine): Oui.

Le Président (M. Bélanger): ...par Mme Thérèse Guimont, directrice générale; Mme France Colin, vice-présidente - bonjour, madame! - et Mme France Fréchette, conseillère. Bonjour!

Vous connaissez un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Ensuite, chaque parti a 18 minutes...

Une voix: Pardon?

Le Président (M. Bélanger): Chaque parti a un temps alloué pour poser des questions.

M. Rochefort: Je vais être bien précis, M. le Président, cette entente de 18, 18 et 4 n'existe pas.

Le Président (M. Bélanger): Vous avez tout à fait raison. Si vous avez remarqué, j'ai fait la correction.

M. Rochefort: Donc, on oublie cela.

Le Président (M. Bélanger): On oublie cela et on continue.

Je vous inviterais donc à faire la présentation de votre mémoire.

Ordre des Infirmières et infirmiers du Québec

Mme Pelland: M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés. Je vais lire notre mémoire. Il n'est pas tellement long, d'ailleurs. Nous pensons que nous y avons dit l'essentiel. Cela me donnera l'occasion également de faire certains commentaires.

La santé mentale d'une population est sans doute une des réalités les plus complexes à saisir, à décrire et à enchâsser dans le cadre d'une politique. L'extraire du domaine de la santé et des services sociaux ne peut se justifier que par l'urgence de donner suite aux besoins de services dans ce champ d'action trop souvent marginalisé, d'abord, à travers les personnes qui sont atteintes ou perturbées, puis, dans l'attribution des ressources humaines, matérielles et financières requises et, enfin, à travers chaque citoyen aux prises avec ses propres peurs de la maladie mentale.

Proposer un projet de politique pour la santé mentale de la population, c'est démontrer une volonté politique d'agir. Aussi, l'Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec soutient l'action entreprise et celle à venir en soumettant à la ministre de la Santé et des Services sociaux et aux membres de la commission des affaires sociales les commentaires qui suivent.

Commentaires généraux. Étant en présence d'un texte qui est soumis avant la parution du rapport de la Commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux qu'on a l'habitude d'appeler rapport de la commission Rochon, cette politique devra, selon ses auteurs, s'ajuster aux conclusions de cette commission. Il est d'ailleurs mentionné dans le contenu du projet de politique que le comité a voulu laisser place aux conclusions de cette commission en évitant de discuter les grandes questions et les débats concernant les structures, le fonctionnement et le financement du système de santé et des services sociaux.

Dans le contexte du questionnement de l'ensemble du système de santé et des services sociaux, II est probablement explicable, mais j'ajoute discutable également, qu'il ait quand même fait référence, dans la politique, aux enjeux discutés dans les documents de la corn-

mission Rochon. Cependant, dans ses commentaires, l'ordre veut bien jouer le jeu et en faire abstraction parce que l'objectif poursuivi par le présent mémoire est de contribuer à une amélioration des services de santé mentale offerts à la population du Québec, il faut toutefois apporter deux précisions préalables.

Premièrement, l'ordre s'implique directement dans le processus d'adoption d'une politique pour la santé mentale pour la population du Québec; mais cette contribution ne saurait être considérée comme une adhésion aux orientations et aux changements éventuellement proposés par la commission Rochon dont les résultats sont attendus, donc, encore Inconnus.

Deuxièmement, l'ordre tient à ce que la version finale de la politique pour la santé mentale soit élaguée ou formulée autrement des pages 20 à 27, car ces pages contiennent des allégations qui jettent un blâme sans nuance tant sur les intervenants que sur le système professionnel et nous ne pensons pas que c'est l'objet de ta présente politique de se prononcer dans ce sens. Nous recommandons cependant que les éléments sous le titre "Un consensus à considérer" et les problèmes prioritaires retenus tels qu'ils ont été énumérés aux pages 22 et 23 devraient être conservés.

De plus, l'ordre est en désaccord avec la façon d'interpréter les modes de pratique en institution. On ne tient pas compte de plusieurs facteurs ayant déterminé l'évolution des institutions, ni du contexte qui a contribué à leur création, à leur maintien et à leur repliement sur elles-mêmes. Là encore, le blâme porte sur les intervenants et le système professionnel et cela ne peut sûrement pas être vu dans un sens.

Il est donc recommandé que les trois paragraphes de la page 26 soient retranchés. Ce sont surtout ces parties du texte qui sont susceptibles d'alimenter des conflits et de mener à des débats stériles nuisant ainsi à la réalisation des objectifs proposés. En effet, l'ordre adhère à l'ensemble du projet de politique parce qu'il correspond à la connaissance que les Infirmières et infirmiers ont de la problématique des personnes atteintes de troubles mentaux, des services offerts dans le champ de la santé mentale et des actions à entreprendre en prévention, en réadaptation, de même qu'en formation et en recherche. Chacune des parties du projet de politique sera discutée et fera l'objet de commentaires.

Commentaires sur la première partie. Mis à part la réserve et le désaccord formulés dans les commentaires généraux, l'ordre considère que l'énoncé de la problématique du point de vue des acteurs tient compte des difficultés vécues par les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, par leur famille et leurs proches et les intervenants. La situation et les réactions des communautés sont également bien résumées et nuancées.

Au deuxième chapitre de cette première partie, les problèmes qui ont fait consensus tiennent compte des représentations de l'ordre à l'occasion de la sous-commission des affaires sociales en juin 1985 et qui furent réitérées à la commission Rochon en 1986. Nous ne pouvons donc qu'être en accord avec tous ces commentaires. Les priorités qui en découlent sont à retenir. L'ordre attire l'attention des membres de cette commission sur le fait que la répartition inéquitable des ressources humaines, matérielles et financières affecte les Infirmières et Infirmiers et se répercute sur la qualité des soins et des services offerts aux personnes et à leur famille.

Sans infirmières en nombre suffisant le jour, le soir et la nuit, une Institution psychiatrique prend l'allure d'un asile. Par contre, les conditions essentielles pour offrir des soins convenables n'existent pas, de moins en moins d'infirmières acceptent d'y travailler.

Sans possibilité de rencontres avec les personnes et leur famille, sans possibilité d'échanges, ni possibilité de participer aux décisions, les infirmières ne sont pas en mesure d'offrir les services requis aux personnes souffrant de problèmes physiques. L'opérationalisation de cette politique requiert que les infirmières se trouvent en nombre suffisant pour actualiser les orientations choisies, certes, mais aussi pour offrir un milieu de vie et des soins acceptables en Institution.

Commentaires sur la deuxième partie. Le premier chapitre réussit à fournir de façon claire les notions permettant d'appréhender la situation des personnes, te champ de la santé mentale et le domaine de la santé mentale. Une précision pourrait éviter l'ambiguïté créée au dernier paragraphe de la page 36. Il est donc recommandé de le remplacer par le suivant: Ces épiphénomènes requièrent une action concertée de tous tes acteurs, leur importance et leur acuité l'exigent/ C'est toujours avec la même approche que celte que nous avons mentionnée tout à l'heure, c'est-à-dire avec l'intention d'éviter les critiques pures et de faire porter le blâme et le poids des effets de certaines interventions sur les intervenants du milieu.

Au deuxième chapitre, traitant de la responsabilité de l'État en matière de santé mentale, l'idée de partenariat n'est pas suffisamment définie. Il s'en dégage plutôt une Impression de prise en charge totale par l'État, y compris un soutien aux Initiatives du milieu. De plus, on prend la peine de préciser que c'est dans le champ de la santé mentale que l'État assumera les responsabilités qui lui sont attribuées. On en vient à conclure que, dans le domaine de la santé mentale, comprenant les épiphénomènes, c'est-à-dire suicide, violence, alcoolisme, toxicomanie et les groupes à risque, le rôle de l'État consiste à susciter les coopérations. Le document dit que cette coopération doit être d'abord entre les ministères et organismes et avec les Intervenants.

Je ferai immédiatement une remarque que

j'aurais faite plus tard et je ferai, à l'occasion, certains commentaires. Nous avons trouvé, tout au long du document, que le terme "intervenant* n'est pas suffisamment défini. Il peut aussi bien inclure les préposés aux bénéficiaires que les psychiatres, les infirmières, les psychologues, les travailleurs sociaux, et il y aurait avantage à préciser ce qu'on entend par intervenant Je vais également profiter de l'occasion pour Insister sur le fait que, que ce soit à l'occasion de la politique en santé mentale, dans le cadre de la commission Rochon ou d'autres documents, H y a une urgence qu'une décision politique soit prise concernant les intervenants dans le système de santé. Entre autres, appliqué à la politique en santé mentale, quels sont les Intervenants que l'on veut voir évoluer? Quels sont les Intervenants que l'on trouve importants en santé mentale? Peut-être que ce sont les travailleurs sociaux. Si ce sont les travailleurs sociaux, qu'on soit très clair, ici ou ailleurs, et qu'on le dise. Cela conditionnera la discussion qu'on aura concernant la formation. Si ce sont les travailleurs sociaux qui sont les intervenants à privilégier dans le système, on devrait les former en très grande quantité; si ce sont les psychologues, on devrait les former en très grande quantité; si ce sont des psychiatres, ce sont eux qu'on devra former en plus grande quantité; si ce sont des infirmières - vous vous y attendiez - ce serait celles-là pour lesquelles ont devrait privilégier la formation. (16 h 15)

Le troisième chapitre de cette deuxième partie présente le choix d'un cadre de référence qui s'Inspire des pistes de réflexion émises dans le document de la commission Rochon sur le sujet L'ordre adhère aux objectifs généraux et aux orientations spécifiques. L'action des infirmières en santé mentale trouve son compte dans l'approche globale préconisée et le déploiement de cette action dans l'approche communautaire en sera soutenu.

Commentaires sur la troisième partie. Les moyens proposés donnent lieu, de la part du comité, à des recommandations spécifiques. Ils visent tant les acteurs que l'organisation des services et les divers secteurs d'activité. Dans l'ensemble, les moyens concordent avec les éléments de problématique soulevés dans la première partie. Aussi, nous soumettons la possibilité d'alléger la lecture en n'ayant plus à reprendre les données qui les justifient. L'ordre s'en tiendra donc aux modifications qu'il suggère quant à ces recommandations.

Nos commentaires sur la recommandation 2 qui porte sur le plan de service individualisé. Il conviendrait, d'après nous, d'ajouter que le plan de service Individualisé soit élaboré et mis en oeuvre avec la participation de la personne concernée et celle de son milieu, qu'il relève d'un intervenant déjà Impliqué dans la situation d'en assurer l'élaboration, la continuité et la coordination, et cet intervenant-là auquel on réfère, c'est l'intervenant qu'on nomme à plusieurs reprises personne pivot, je pense.

Nos commentaires sur ta recommandation 6 qui concerne le budget de formation continue. L'ordre estime prioritaire qu'une augmentation des budgets de formation continue en santé mentale soit envisagée. Cependant, bien que 30 % semblent être une augmentation substantielle au premier abord, son adéquation avec les besoins dépend du montant global auquel ce pourcentage réfère. En plus il y aurait probablement lieu, en nous référant à ce que je mentionnais tout à l'heure, de préciser pour qui, pour quels intervenants, ces 30 %.

Par ailleurs, l'ordre voudrait qu'une recommandation soit ajoutée: que chaque Infirmière oeuvrant en santé mentale puisse avoir accès à un support continu sous forme de supervision. Et quand je parle de supervision ici, il ne s'agit pas de laisser entendre que l'infirmière ne peut pas travailler de façon autonome. Je me réfère à une supervision clinique. Nous sommes en santé mentale, nous sommes dans un milieu qui demande beaucoup de la part des intervenants. On sait que c'est vidant. Alors, la supervision que je demande et à laquelle les infirmières n'ont pas accès, c'est de pouvoir faire valider leurs interventions par d'autres Intervenants, par leurs collègues également, de pouvoir se faire aider par d'autres intervenants et tout ça dans le but de pouvoir aider davantage et mieux le bénéficiaire. Et si nous le mentionnons Ici c'est que d'autres collègues professionnels ont recours à de tels appuis et les infirmières n'y ont pas accès. En effet, disponible pour les autres professionnels oeuvrant en santé mentale, cette forme d'aide n'est pas fournie aux infirmières qui sont pourtant en contact direct avec les personnes pendant de longues heures lorsqu'elles travaillent en institution et si elles font partie de ressources hors les murs, ce sont les personnes les plus atteintes qui leur sont confiées.

Nos commentaires sur la recommandation 7 qui concerne la révision des programmes de formation. Que soit ajouté à la fin du premier paragraphe "de concert avec chacune des corporations professionnelles concernées*. Nous avons constaté tout au long du rapport qu'il n'est pas fait question ou appel à la collaboration des corporations professionnelles. Nous osons espérer que c'est une absence qui n'est pas voulue. C'est un oubli. On ne mentionne qu'une fois une corporation professionnelle - il s'agit de la Corporation professionnelle des médecins - au moment de la formation continue. Alors, nous croyons que les corporations professionnelles concernées ont un rôle important à jouer.

De plus, il existe une confusion quant à la notion de durée dans cette recommandation. Indique-t-on une priorité ou une limite en inscrivant "deux ans* et "pour cinq ans"? S'il s'agit d'une priorité, il faudrait formuler que, prioritairement, cette révision soit complétée d'ici deux ans. Quant au troisième paragraphe, il

ne Dent pas compte du fait qu'il existe déjà des programmes de formation en santé mentale pour les infirmières.

En définitive, les commentaires de l'ordre sur cette recommandation sont de deux ordres: D'abord, ce n'est pas la révision d'un programme qut pose le plus de problèmes. C'est très important, mais l'accessibilité à ces programmes l'est encore davantage. En effet, beaucoup plus d'infirmières doivent avoir la possibilité de poursuivre leur formation aux différents niveaux offrant des programmes adaptés à la pratique en santé mentale, soit le certificat en milieu clinique avec option en santé mentale, le baccalauréat en sciences Infirmières avec concentration clinique en santé mentale, la maîtrise en sciences infirmières avec spécialisation en santé mentale.

Pour réaliser cet objectif, II faut absolument tenir compte du contexte dans lequel vivent et travaillent les Infirmières et fournir une nouvelle impulsion par un apport financier et des conditions d'études acceptables. Beaucoup d'entre elles sont grandement intéressées à poursuivre des études pour lesquelles des bourses d'études doivent leur être accordées. Ces bourses seraient à l'avantage de tous si elles étaient assorties de conditions telles que le retour en milieu clinique en santé mentale pendant une certaine période de temps et leur répartition selon les besoins des régions.

En outre, pour apporter un nouvel essor en nursing en santé mentale, il faut une volonté manifeste d'augmenter le nombre d'infirmières préparées à un niveau de deuxième cycle universitaire. Ces personnes sont des agents de changement, des agents multiplicateurs et des ressources importantes et essentielles pour assurer l'enseignement aux autres niveaux.

Les milieux cliniques ont également besoin d'être alimentés de personnes aptes à faire de la recherche, de l'enseignement, de la programmation de services adaptés aux besoins des personnes atteintes de problèmes psychiques.

En définitive, la révision des programmes ne pose pas tant de problèmes. Les institutions d'enseignement la font de façon continue. Par contre, le nombre d'étudiantes, la capacité de les recevoir dans les programmes existants et la possibilité de rendre des programmes disponibles en régions sont les préoccupations concrètes qut doivent trouver un appui financier adéquat.

En conséquence, l'ordre recommande que le ministère de la Santé et des Services sociaux, de concert avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science réserve une somme substantielle dans les prochaines années à l'attribution de bourses d'études aux infirmières voulant acquérir une formation spécialisée de deuxième cycle universitaire en santé mentale dans le cadre d'un programme en sciences infirmières, que l'attribution de ces bourses d'études soit assortie de conditions comportant le retour en milieu clinique en santé mentale, l'enseignement en santé mentale et une répartition régionale équitable.

Nos commentaires sur la recommandation 19 qui a rapport à l'accès à la gamme des services prévus dans la politique.

Le Président (M. Joly): Une minute, s'il vous plaît!

Mme Pelland: D'accord.

Le Président (M. Joly): Vous pouvez continuer, mais si vous vouliez conclure parce qu'il ne vous reste que deux minutes dans la période de temps qui vous était impartie.

Mme Pelland: Ah! Je n'ai que deux minutes. C'est ça que vous vouliez dire?

Le Président (M. Joly): Oui.

Mme Pelland: Alors, là, vous me posez un problème.

Nos commentaires sur les recommandations 19, 20, 28, 30 et 31, je les passe, je pense qu'elles sont toutes Importantes. Je souhaite qu'elles aient toutes retenu votre attention. Nous arrivons à la conclusion que nous ne pouvons passer sous silence les réactions qu'a suscitées ce projet de politique. En prendre connaissance a produit, chez certains qui ont travaillé depuis plusieurs années dans le domaine et le champ de la santé mentale, une impression de retour en arrière, de retour au grand mouvement vers la psychiatrie communautaire qui s'est heurté aux résistances tant de la population que des structures gouvernementales.

Pour d'autres, rien n'est bien nouveau dans ce qui est proposé. On a eu l'impression qu'on a essayé de ménager beaucoup de choses, Dans toutes les réactions, il y a eu le souhait exprimé de vouloir échapper tant au retour en arrière qu'au statu quo.

Le fait d'adopter pour ta première fois au Québec une politique pour la santé mentale marque un pas, c'est Indéniable. L'ordre se doit de l'appuyer et il se considère un des partenaires dans sa réalisation. Il faut toutefois rappeler aux membres de cette commission que les Infirmières doivent occuper des positions stratégiques et détenir un pouvoir de décision qui leur permette de jouer leur rôle en santé mentale et d'assurer la qualité de leurs services à la population du Québec. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, Je veux remercier l'Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec pour sa participation aux travaux de la commission.

Le temps étant limité pour tes questions, il

y a des recommandations que vous avez faites au point de vue de la formation qui sont intéressantes. Il y a des précisions que vous avez apportées. Vous vous demandiez si on les retiendrait. Vous avez été obligée de les escamoter un peu. Je peux vous assurer que nous allons en prendre bonne note.

J'aimerais mieux prendre le temps qui m'est alloué pour vous demander... Je vais vous donner ma perception du rôle de l'infirmière dans le domaine de la santé mentale, mais ]e voudrais que vous le corrigiez ou que vous le complétiez. Je sens chez vous une certaine Inquiétude qui est d'ailleurs un peu résumée dans la dernière phrase du mémoire. Pour moi, l'infirmière ou l'infirmier dans le domaine de la santé mentale intervient certainement dans les milieux hospitaliers, que ce soit les hôpitaux de longue durée, à l'urgence ou dans un département d'un hôpital de courte durée. J'imagine aussi qu'ils doivent Intervenir dans les CLSC, soit comme équipe de première ligne ou encore par un suivi qu'ils font dans les familles ou autrement, même avec des personnes âgées et ainsi de suite. J'aimerais vous demander combien il y a d'Infirmiers et d'infirmières dans l'ordre qui se sont vraiment spécialisés en santé mentale et quels sont les autres domaines d'activité que vous voyez pour les Infirmiers et infirmières parce que vous dites... Je vais reprendre votre parole: II faudrait qu'ils aient un rôle... Enfin, elles doivent occuper des positions stratégiques. Je voudrais savoir quelles sont ces positions stratégiques. Je voudrais également vous poser une question sur le pouvoir de décision que vous dites ne pas avoir, ce que je peux comprendre dans certaines circonstances, mais que, comme règle générale, votre participation aux décisions soft à peu près nulle selon... C'était dans la première partie de votre mémoire. Cela m'a aussi surprise. Je voudrais juste avoir vos réponses à ces commentaires et je reviendrai tout à l'heure.

Mme Pelland: Je vais commencer à répondre et je passerai la parole à mes compagnes après cela.

C'est un fait, madame, que les infirmières, dans l'ensemble du réseau, oeuvrent beaucoup plus dans les centres hospitaliers de courte durée et de soins prolongés. Elles sont là à 75 %. Mors, en santé mentale, elles sont également plus nombreuses dans les centres de soins prolongés. Elles sont également dans les CLSC avec une préparation moins orientée vers la santé mentale, mais beaucoup plus vers la santé communautaire. Jusqu'à maintenant, on a peut-être fait une division de préparation, santé communautaire et santé mentale, qui serait peut-être à revoir.

Tout à l'heure, je vais laisser ma compagne de droite vous dire leur rôle dans ce milieu, mais avant j'aimerais peut-être répondre tout de suite au questionnement que vous avez concernant le rôle stratégique qu'on voudrait Jouer. Je pense que je ne peux pas séparer le rôle stratégique et le pouvoir de décision que l'on apporte, et que l'on a de moins en moins, des événements qu'on a vécus ces dernières années, c'est-à-dire du pouvoir de plus en plus grand que nos collègues les médecins prennent dans les milieux. Je pense que vous n'êtes pas surprise de m'entendre vous dire cela aujourd'hui parce que ces pouvoirs leur ont été donnés par la loi 27. Ils ont pris quelque temps à s'en rendre compte, mais depuis qu'ils s'en sont rendu compte, je pense qu'un peu partout, y compris en santé mentale où c'était déjà commencé d'ailleurs, cette attitude est beaucoup vécue par les infirmières. Cela répond à votre question, que l'on sent de moins en moins grand ce pouvoir de décision. On le sent de moins en moins grand dans tes institutions de santé mentale comme on le sent de moins en moins grand dans les autres institutions. (16 h 30)

Ce que nous voudrions avoir, donc, rectification de ce qui est en train de s'implanter, et nous souhaiterions que cela ne s'implante pas de façon trop rigide, donc, qu'on apporte des corrections assez rapidement. Le rôle stratégique que nous voudrions avoir, c'est un rôle stratégique que nous avons joué jusqu'à maintenant, un rôle stratégique de planification, d'organisation, de coordination, de contrôle, d'évaluation des soins infirmiers qui est en train de nous glisser entre les mains. Je pense que nous sommes préparés pour le faire, nous l'avons fait jusqu'à maintenant. On ne nous a pas fait la preuve que nous n'avions pas réussi à le faire et il est en train de nous échapper.

Quant au rôle, j'aimerais que ma compagne de droite vous l'explique.

Mme Frechette (France): Je pense que vous avez demandé d'ajouter, s'il y a lieu, aux différents lieux d'intervention des infirmières. Vous avez mentionné les centres hospitaliers, les CLSC. Je pense qu'en centres d'accueil d'hébergement il y a un rôle important que les infirmières jouent auprès des personnes qui ont besoin de protection sociale et de soins infirmiers, mais aussi en centres de réadaptation où elles auraient un rôle à jouer. Disons qu'elles le jouent de moins en moins parce qu'elles ont été plus reléguées à des soins physiques dans ces centres. C'est par la dynamique des choses. Elles ont été, peu à peu, remplacées par du personnel ayant d'autres types de formation. Sous l'effet des coupures budgétaires, elles se sont retrouvées en moins grand nombre. Donc, elles sont aux prises avec des situations plus d'urgence physique, par exemple. Il y a les centres d'Intervention de crise qui sont créés, auxquels, je pense, les infirmières peuvent apporter beaucoup.

Vous avez posé la question: Combien d'infirmières ont une formation spécialisée en santé mentale?

Mme Lavoie-Roux: Vous Insistez beaucoup sur ce point-là; alors, je voulais savoir.

Mme Fréchette: Oui. En fait, il y a au-delà de 30 % des Infirmières qui, au-delà de leur formation de base en nursing... Elles représentent, dans le domaine de la santé mentale, entre 1200 et 1500 infirmières; cela est au-delà de la formation de base, ai-je dit, c'est-à-dire qu'elles détiennent au moins un certificat en nursing clinique. SI on prend le premier niveau de formation universitaire, le premier cycle, le baccalauréat, la proportion diminue de beaucoup pour aller peut-être à 10 %. La proportion d'infirmières préparées au deuxième cycle diminue encore de beaucoup. En consultant les dernières statistiques de l'ordre, j'ai pu constater qu'on est, actuellement, environ 60 infirmières qui travaillent dans le domaine de la santé mentale et qui détiennent un niveau de deuxième cycle universitaire. Cependant, il faut mentionner que ta proportion des infirmières qui ont plus que leur formation de base est très différente dans les centres urbains et dans les régions périphériques. On peut dire que, dans les centres urbains, on peut avoir 45 % des Infirmières qui détiennent une formation additionnelle à leur formation de base et spécialisées en santé mentale, tandis qu'en région périphérique on a moins de 10 % des infirmières qui travaillent en santé mentale et qui ont une formation additionnelle à leur formation de base. C'est un peu la problématique qu'on voulait faire ressortir. Il existe d'autres caractéristiques, mais je pense que cela dresse le tableau d'ensemble.

Lorsque je mentionne 3500 ou 3700 infirmières, c'est pour le domaine de la psychiatrie comme tel parce que, dans nos statistiques, nous colllgeons les données pour la gériatrie. On a autant d'Infirmières qui oeuvrent auprès de personnes qui sont dans les centres gértatriques que dans les centres psychiatriques.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je voudrais poser une autre question à Mme Pelland-Beaudry. Au cours de vos remarques, vous avez exprimé le souhait que soient déterminées les fonctions respectives de chacun en santé mentale. Vous avez dit: Si ce sont des travailleurs sociaux, bien qu'on le dise et on formera des travailleurs sociaux; si ce sont des psychologues, qu'on le dise et on formera des psychologues, etc., etc.

Je ne crois pas que je doive conclure de cette affirmation que vous pensiez qu'en santé mentale ce doit être le fief d'une profession en particulier parce que l'approche est vraiment interdisciplinaire. C'est pour cela que ]e voudrais que vous développiez davantage le souhait que vous avez exprimé.

Mme Pelland: Ce n'est pas tout à fait cela que j'ai voulu dire vraiment. Quand j'ai mentionné cela, c'était dans le cadre de l'utilisation du terme "Intervenant" dans la politique de la santé mentale et ce terme n'est pas assez défini; alors, on peut l'appliquer à toutes sortes de personnes qui travaillent en santé mentale. On souhaitait que ces personnes soient mieux définies, que ce terme soit mieux défini. C'était également pour mentionner qu'il y a probablement une catégorie de professionnels, une catégorie d'intervenants qui n'est pas encore définie, mais dont on a plus besoin, qui doit être un peu la trame de fond du service en santé mentale. On a l'air de ne pas vouloir en parler. Nous pensons que les infirmières sont quand même des intervenantes Importantes et on ne leur donne pas suffisamment de place. Ce sont des intervenantes qui peuvent Intervenir en santé mentale, mais il ne faut pas oublier que, en santé mentale, ce sont des individus qui sont des êtres totaux, qui ne sont pas uniquement des êtres présentant des problèmes de santé mentale. Il faut aussi s'en occuper à tous les points de vue en essayant de satisfaire les besoins de ces individus. On a l'air d'oublier cet aspect de la totalité des besoins d'un individu et le rôle de l'infirmière dans la satisfaction de l'ensemble des besoins d'un individu, puisqu'elle est une généraliste. En santé mentale, on pense que c'est une intervenante importante. C'est ce que j'ai voulu dire dans mon explication. On a l'air de marcher sur des oeufs, de ne pas vouloir se compromettre, de ne vouloir faire de peine à personne, mais on ne mentionne pas non plus les Intervenants Importants en santé mentale. Cette remarque, je l'ai étendue au fait que, dans l'ensemble du système - on pouvait le dire ici, mais on peut le dire également - on n'a pas encore pris position suffisamment sur* la sorte d'intervenants de la santé dont on a besoin et on parle de leur formation.

Mme Lavoie-Roux: Je suis un peu d'accord avec vous pour le terme "intervenant". Je pense que c'est un terme passe-partout que le système s'est donné il y a X années pour parler de tous les gens qui interviennent dans le domaine. Sans vouloir interpréter outre mesure l'esprit du rapport Harnois, je pense que ces gens ont Indiqué au point de départ qu'ils ne voulaient pas d'abord appuyer plus qu'il ne fallait sur les structures, ne pas entrer dans des batailles de corporations. Même si vous dites au début qu'ils y vont un peu fort vers la page 26 où Ils accusent différents intervenants de peut-être avoir contribué à ne pas donner la qualité de services qui aurait dû être donnée, |e pense qu'il faut constater dans la réalité que l'un des problèmes - et oublions la santé mentale pour un moment - du réseau de la santé en général, c'est justement quelquefois la trop grande rigidité et le manque de flexibilité pour l'intervention que... J'imagine que cela peut même arriver dans le domaine de la santé physique. Je pense que c'est cela qu'ils ont voulu éviter, ce qui ne nie pas te rôle que les Infirmières, psychiatres,

psychologues et travailleurs sociaux, etc. peuvent y jouer ou d'autres, comme les bénévoles. Une foule de gens peuvent Intervenir dans ce domaine-là.

Je vais vous poser la question directement. Vous croyez qu'il devrait y avoir une personne quf soit la pierre d'assise - ce n'est pas ce que vous avez dit - dans l'approche de traitements ou de l'intervention. Est-ce que, pour vous, cela devrait être l'infirmière, le psychiatre ou quelqu'un d'autre ou si, au contraire, c'est un rôle qui pourrait être mouvant, selon les circonstances?

Mme Pelland: Je n'avais pas terminé... Mme Lavoie-Roux: Ah! Je m'excuse.

Mme Pelland: Non, non, ce n'est pas votre faute, c'est que je n'ai pas continué. Votre question comprenait également une demande par rapport à la multidisciplinarité, ce que j'en pense. L'infirmière, dans le système de santé et en santé mentale a un rôle important. Je pense que c'est la professionnelle la plus disponible à l'heure actuelle et la plus généraliste pour répondre à l'ensemble des besoins. Je me suis arrêtée à cela, mais j'aurais dû continuer. Par contre, cela ne nous empêche pas de voir que le travail en santé mentale doit être un travail en multidisciplinarité. Je vais répondre dans le sens d'une question qu'a posée M. Chevrette tout à l'heure aux gens qui nous ont précédées. En multidisciplinarité, il n'y a pas un intervenant, entre autres, en santé mentale, qui doit être privilégié, puisque aucun des intervenants n'est là pour lui-même. On n'est pas là pour promouvoir ce qu'on a à faire, on est là pour un bénéficiaire. Je vais enlever le terme à ma compagne, on parle d'un leadership circulant en santé mentale comme on en parle ailleurs. Cela devrait être la personne la mieux préparée ou la mieux apte, au moment où le bénéficiaire en a besoin, à rendre le service qui devrait assumer le leadership. Donc, nous voyons que cette multidisclplinarité est nécessaire. L'infirmière a un rôle à jouer en multidisciplinarité, mais, dans l'ensemble des services à rendre en santé mentale, je pense que l'infirmière a un rôle très important à cause de son côté généraliste.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de JoJiette.

M. Chevrette: Merci. Je n'ai pas tellement bien compris votre réponse à Mme la ministre. Cela a peut-être satisfait Mme la ministre, mais cela ne me satisfait pas. Une position stratégique et un rôle important, je veux savoir exactement si c'est parce que vous vous êtes fait empiéter... J'aimerais que vous nous disiez cela bien simplement. Les docteurs ont-ils empiété sur vous autres et cela vous choque parce que vous avez un champ de juridiction et vous le voulez entièrement ou si c'est parce que vous avez peur de perdre quelque chose ou si vous l'avez perdu et vous voulez le reconquérir? C'est ma première question précise.

Ma deuxième, c'est sur la multidisciplinarité. Vous vous êtes empressées de répondre a priori à une question que j'allais vous poser a posteriori, mais je vais la poser à nouveau. SI tout le monde est égal dans la multidisciplinarité, pourquoi avez-vous peur de votre statut?

Mme Pelland: Je pense que ce sont deux choses différentes. La multidisciplinarité, c'est une équipe directement orientée vers les soins à un bénéficiaire. Vous avez le bénéficiaire et vous avez cette équipe en multidisciplinarité. Puisque j'ai répondu avant que vous me posiez la question, je vais répondre un peu par ce que j'ai dit à Mme la ministre tout à l'heure. Dans cette équipe de soins directement orientée vers les soins à un bénéficiaire ou à un groupe de bénéficiaires, dans l'équipe multidisciplinaire, tous ont un rôle important à jouer. Ce sont toutes des personnes...

M. Chevrette: Je vous arrête pour que vous puissiez préciser. Vous avez beau être assis tout le monde ensemble dans une équipe multidisciplinaire, vous avez à définir un plan de traitement individualisé à un moment donné.

Mme Pelland: Oui.

M. Chevrette: Bon! Chacun a un rôle précis à jouer...

Mme Pelland: C'est cela.

M. Chevrette: ...dans un plan individualisé. Quel rôle stratégique et important voulez-vous jouer? C'est ce que je veux savoir.

Mme Pelland: Le rôle stratégique et important, je vais l'élargir au-delà de cela.

M. Chevrette: D'accord.

Mme Pelland: Si vous voulez, je vais parler de cette multidisciplinarité dans l'équipe de soin. Tous les rôles de tous tes professionnels sont importants, chacun avec sa préparation et ce qu'il peut apporter. Et là, je reviens au fait que c'est la personne qui peut rendre le meilleur service au moment où le bénéficiaire en a besoin qui devrait assumer le leadership. Dans cette équipe, le rôle de l'infirmière, je dis qu'en plus d'être un rôle préparé en santé mentale, c'est aussi un rôle de généraliste. On s'en rend compte très souvent. C'est la personne qui va peut-être faire penser aux autres que le bénéficiaire a des besoins autres que ceux présentés par son problème de santé mentale. C'est un être physi-

que aussi, c'est un être biologique, cela. Et le rôle de l'infirmière est donc très important. Il y a une facette qui est différente du service apporté par les autres. Et je pense que ce n'est pas suffisamment reconnu à l'Infirmière. (16 h 45)

Son rôle stratégique, maintenant, dans l'ensemble du domaine de la santé mentale, si vous voulez, je l'ai donné comme un rôle de planification. C'est un rôle qui va au-delà de simplement ce qui est fait dans une équipe autour du bénéficiaire. C'est un rôle de responsabilité à l'intérieur d'une institution, un rôle à l'Intérieur du système, un rôle de planification, d'organisation, de contrôle, puis d'évaluation. C'est beaucoup plus large et Je souhaite que nous ayons la chance de continuer à jouer ce rôle à certains endroits parce que nous avons encore la chance de le jouer - c'est ce qu'ont fait les soins Infirmiers jusqu'à maintenant - et qu'aux endroits où nous n'avons plus la chance de le Jouer nous puissions le jouer de nouveau.

M. Chevrette: Je vais partir autrement, je vais recommencer l'exercice. Quels pouvoirs avez-vous perdus?

Mme Pelland: Des pouvoirs sur des décisions concernant les soins infirmiers. Je me sens un peu mal à l'aise d'avoir à vous rappeler...

M. Chevrette: Soyez bien à l'aise. On sait que c'est nous qui avons adopté la loi 27.

Mme Pelland: Là, vous me soulagez.

M. Chevrette: Je vais vous enlever l'épine du pied.

Mme Pelland: Vous me soulagez parce que je me devais de vous le rappeler. Vous vous souvenez qu'on a donné à une certaine catégorie d'Intervenants, et quelques-uns ne sont pas intéressés du tout à le faire, je pense, et il y en a d'autres qui le prennent un peu trop à la lettre... Je ne veux pas les blâmer parce que ce sont des personnes, dont quelques-unes s'en foutent beaucoup, avec lesquelles on travaille très bien et d'autres qui le prennent trop à la lettre et qui nous compliquent beaucoup la vie.

Ces pouvoirs sont des pouvoirs de décision sur tout ce qui est à l'intérieur d'un service, c'est-à-dire là même où les décisions se prennent concernant un bénéficiaire et des groupes de bénéficiaires sur tout ce qui est ressource matérielle, humaine et financière. Cela concerne les soins infirmiers. Ce sont les ressources matérielles, humaines et financières concernant les soins infirmiers et vous nous demandez ce qu'on a perdu. À certains endroits on a perdu la possibilité pour les infirmières responsables de ces services de pouvoir décider. On pense que les bénéficiaires en souffrent. Je ne sais pas si c'est plus clair.

M. Chevrette: Cela s'en vient, en tout cas. Vous commencez par admettre que vous avez perdu des choses dans certains milieux.

Mme Pelland: Dans certains milieux, oui.

M. Chevrette: D'accord. À partir d'une reconnaissance juridique de la loi 27.

Mme Pelland: Exactement

M. Chevrette: Utilisée dans certains établissements, pas utilisée dans d'autres. A partir de cette allégation...

Mme Pelland: Mais qu'on pourrait utiliser partout, cependant.

M. Chevrette: Oui, j'ai bien compris cela parce que, si on l'utilise sur une base légale quelque part, on va s'en servir ailleurs, soyez sans crainte. Les gouvernements sont là pour les amender quand II y a abus.

Ceci dit, à la page 26 du...

Mme Lavoie-Roux: Bien peu.

M. Chevrette: ...rapport du Dr Harnois, vous semblez vous Insurger contre trois paragraphes. Je les ai relus bien attentivement te temps que vous avez fait votre référence et à vous écouter répondre à mes questions et aux questions de la ministre, je suis surpris que vous ne soyez pas entièrement d'accord avec ces trois paragraphes. Cela m'a surpris. Entre autres, le troisième: "Toutefois, les différentes catégories d'intervenants, faute de pouvoir s'Inscrire dans une démarche continue et coordonnée, ont cherché à s'approprier l'exclusivité d'un secteur d'intervention." Vous venez de me dire que c'est à peu près cela que les docteurs faisaient dans certains milieux, à votre détriment. Je trouvais cela correct, j'étais à un des passages où je voulais féliciter le Dr Harnois d'avoir vu Juste et vous m'avez fourni la réponse disant que c'était à peu près cela qui existait et vous avez pris la peine de vouloir les soustraire.

Il y a un autre paragraphe en dessous qui est le "fun" aussi: "Les façons de faire se sont aussi cristallisées dans des formes rigides." C'est à peu près cela que vous m'avez dit tantôt. J'aimerais que vous m'expliquiez cela. Est-ce parce que vous craignez que cela puisse jeter un ombrage sur les corps professionnels? C'est ce que j'ai cru deviner. Mais quand quelque chose est vrai et que cela se passe dans un bon nombre d'institutions, il n'y a pas de mal à le dire. Je ne comprends pas votre argumentation par rapport aux réponses que vous avez données par la suite. J'aimerais que vous m'expliquiez cela.

Mme Frechette: En fait, ce n'est pas aussi

contradictoire que ça peut paraître l'être au premier abord. Dans la réponse qu'on apporte en regard de la position stratégique qu'on voudrait voir occupée par les Infirmières, en ce qui concerne les soins infirmiers dans un établissement en psychiatrie, on ne veut pas non plus défendre qu'il y ait une corporation... On ne défend pas le corporatisme, on défend les services aux bénéficiaires.

Je n'avais pas Interprété personnellement les trois paragraphes que vous mentionnez comme jetant le blâme sur une catégorie d'intervenants particulièrement, mais sur l'ensemble des intervenants, particulièrement l'ensemble des professionnels. C'est pour cela qu'on disait que, finalement, faire porter le blâme sur les intervenants dans un projet de politique, c'est..

M. Chevrette: Mais comme individu, si je vous demandais cela pour certaines institutions, en relisant les trois paragraphes de la page 26, si j'étais seul avec vous, me diriez-vous que ce n'est pas vrai ce qui se passe là?

Mme Frechette: Cela demande à être nuancé. L'expérience que j'ai vécue avec l'institutionnalisation me fait porter beaucoup de nuances parce que le rôle qui a été joué par les intervenants a été aussi la contrepartie d'un rôle non joué par la société ou la réponse des intervenants à un rôle que la société voulait bien leur faire jouer. Je pense que chaque intervenant se débat avec les moyens dont H dispose dans ces situations pour établir un certain compromis entre les demandes de la société et les besoins du bénéficiaire. Je pense que cela fait partie d'une réalité très concrète en santé mentale.

Je vois que, effectivement, vous avez là de quoi apporter un peu de piquant pour nous piéger par rapport à une affirmation qu'on a faite. Il reste que les Institutions ont joué un rôle. On voulait Indiquer que le projet de politique en vient à faire porter le blâme sur une partie des acteurs de sorte que, dans les solutions, les acteurs n'ont plus un droit légitime au chapitre dans leurs interventions.

M. Chevrette: Si j'avais eu une question piège, cela aurait été la survante, et je ne vous la poserais pas. Au début de votre exposé, vous disiez qu'il y avait une très grande volonté politique de changement et, dans le résumé qu'on fait de votre rapport, vous demandez à quatre reprises de manifester la volonté politique de changement par rapport au nursing. Il y a deux ou trois allégations, par la suite, où vous dites que cela prendrait une volonté politique clairement exprimée, après avoir dit au début que la volonté politique était manifeste, claire et précise. Je ne la poserai pas comme question piège.

Je voudrais maintenant terminer avec un commentaire. Je voudrais vous dire que je suis entièrement d'accord avec vous concernant le perfectionnement. Durant mon bref passage au ministère des Affaires sociales, je n'ai jamais compris pourquoi tous les travailleurs des secteurs de la santé et des services sociaux n'étaient pas traités équitablement par rapport à d'autres secteurs du gouvernement en ce qui regarde le perfectionnement. Je pense à l'Éducation, par exemple, où on négociait des pourcentages de la masse salariale assez Importants pour permettre à des dizaines, quinze ou vingt personnes même, par commission scolaire d'aller se perfectionner alors que, dans le domaine hospitalier, c'est très maigre, très pauvre. Je trouve cela inacceptable. Soyez assurées que toute amélioration dans ce sens, en ce qui me concerne, sera appuyée par l'Opposition.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Des questions toujours entourant ce statut, ce rôle, ce partage des responsabilités autour de votre profession, reliées à une recommandation que vous faites à la page 6. J'ai de la misère à comprendre par rapport à tout le débat qu'on a depuis le début des questions. À la page 6, concernant la recommandation 6, page 71 du rapport Harnois, vous dites: "Par ailleurs, l'ordre voudrait que soit ajoutée une recommandation: que chaque infirmière oeuvrant en santé mentale puisse avoir accès à un support continu sous forme de supervision." J'aimerais savoir ce que vous voulez dire.

Mme Pelland: Je pense l'avoir un peu expliqué tout à l'heure. Avec cette supervision, je ne veux pas faire allusion au fait que l'infirmière ne peut pas jouer son rôle adéquatement, qu'elle a besoin d'être surveillée par quelqu'un. Ce n'est pas cela du tout. Le genre de supervision à laquelle on réfère ici est une supervision clinique du service qu'elle rend, de la qualité du service qu'elle rend, de la valeur du service qu'elle rend. C'est un peu la possibilité d'avoir une validation par des collègues, que ce soit de sa discipline, des infirmières, ou par d'autres collègues de l'équipe disciplinaire. Et c'est une aide, en sorte, à laquelle elle devrait avoir accès pour donner un meilleur service aux bénéficiaires et pour vérifier la qualité du service qu'elle donne aux bénéficiaires. Et je faisais remarquer que ça se fait. Nos collègues psychologues font ça entre eux. Les psychiatres font ça entre eux. Et les Infirmières sont considérées comme étant des intervenantes auxquelles on demande beaucoup et pour lesquelles on ne voit pas cette nécessité de demander une intervention de supervision chez les autres. Cela semble être...

M. Rochefort: Si je vous comprends bien, vous souhaitez plus, au fond, une participation active à l'intérieur et de la part du groupe multidisciplinaire par rapport à ce que vous avez

à faire qu'une supervision de type hiérarchique, par exemple,

Mme Pelland: Oui, exactement. M. Rochefort: Vraiment.

Mme Pelland: Je ne réfère pas à une supervision de type hiérarchique de gestion ou d'administration, pas nécessairement ça.

M. Rochefort: C'est vraiment, finalement, une façon...

Mme Pelland: De type clinique.

M. Rochefort: C'est vraiment, au fond, une façon de nous dire autrement que ce que vous faites ailleurs dans le mémoire, que là aussi, au fond, vous voulez avoir un rôle plus important à tout point de vue dans le groupe multidisciplinaire. C'est ça?

Mme Pelland: Oui. Je pense que Mme Fréchette peut peut-être ajouter quelque chose. Elle a quand même vécu ces expériences-là de supervision. Je la laisse...

Mme Fréchette: En fait, dans le secteur de la santé mentale alors que la supervision... C'est un peu dans le jargon des intervenants, des professionnels en santé mentale, le terme 'supervision" comme tel et il peut prêter à confusion lorsqu'on le sort de son contexte. Étant aux prises avec toutes sortes de problématiques avec les bénéficiaires, de relations d'aide, des situations cliniques complexes et des situations parfois pénibles à assumer avec les bénéficiaires et leurs familles, les intervenants, les professionnels ont naturellement besoin de poursuivre une certaine démarche ou un cheminement personnel qui leur permet d'apprendre et de composer avec les situations et d'évoluer tout au cours de leur carrière en santé mentale. C'est un appui à l'Intervenant, mais qui, malheureusement, n'est pas aussi reconnu comme nécessaire aux infirmières à qui pourtant on confie des malades souvent très atteints à cause des capacités qu'elles ont de faire face à certaines situations.

Mais, maintenant, il existe de plus en plus de postes d'Infirmières cliniciennes spécialisées en santé mentale qui assument une partie de ce rôle de supervision-là. Mais, comme elles ne sont pas en nombre très grand dans le moment, évidemment elles font face à d'autres priorités dans les milieux de soins. Elles aident à solutionner les problèmes cliniques plus complexes, à faire en sorte qu'il y ait des situations de crise qui se résorbent de la façon la plus harmonieuse possible dans les milieux et elles assument une partie de la supervision avec une certaine partie du personnel. Mais, comme leur nombre est quand même assez restreint, la proportion du temps qu'elles peuvent accorder à la supervision est limitée aussi. C'est ce qu'on voulait faire valoir et ce sont des commentaires qui nous sont souvent faits par des infirmières qui oeuvrent dans le domaine de la psychiatrie.

Une voix: Mme Guimont.

Mme Guimont (Thérèse): J'ajouterais ceci à ce que Mme Pelland ainsi que France Fréchette ont dit à ce sujet-là. Quand on dit qu'on veut que l'Infirmière ait un rôle un peu plus stratégique, il faut lui donner des possibilités. Moi, je peux vous donner un exemple très concret. L'an dernier le ministère nous a demandé de trouver des infirmières pour faire partie d'un comité pour l'implantation d'une formule d'évaluation des bénéficiaires. Eh bien, croyez-le, c'est l'ordre qui a dû payer le remplacement de ces infirmières-là! Autrement, elles ne pouvaient pas faire partie de comités et elles sont essentielles parce que ce sont elles qui utilisent ces formules-là. Alors, il y a un malaise très très sérieux dans les Institutions à tous les niveaux où l'infirmière, c'est bien malheureux, mais on ne peut jamais lui faire laisser sa clientèle dans les milieux hospitaliers... Dans les centres d'accueil, c'est dix fois pire parce que vous ne pouvez pas dire à un bénéficiaire qui a besoin d'un traitement ou d'un soin: Je regrette, je vous passerai demain entre 9 heures et 10 heures. Ça ne se fait pas pour une Infirmière, ça peut se faire pour tous les autres intervenants de la santé. (17 heures)

Pour les études c'est la même chose. Si on veut faire partir une Infirmière et qu'on lui donne une certaine subvention, on vient nécessairement de doubler son salaire parce qu'on est obligé d'en avoir une autre pour la remplacer. Nous l'avons déjà dit, une infirmière, c'est un service essentiel.

M. Rochefort: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier.

M. Sirros: ...qu'il reste du temps, M. le Président. J'aimerais peut-être très brièvement vous entendre expliquer le rôle de l'infirmière et tout le processus de désinstitutionnalisation. On a parié beaucoup, au début, des lieux de travail des Infirmières, etc. J'aimerais vous entendre expliquer ces deux choses-là: le rôle de l'infirmière et le processus de désinstitutionnalisation.

Mme Pelland: C'est un très bon exercice. Je vais laisser ma compagne de droite en parler, mais je vais d'abord vous mentionner qu'en 1985 devant la sous-commission nous en avions déjà largement parlé. Nous ne dirons pas grand-chose de nouveau depuis ces deux années et demie. Je demande à ma compagne de droite d'en parler.

Mme Frechette: En plaçant l'Infirmière - disons qu'il faut la situer quelque part - à l'Intérieur de l'institution, est-ce que ça répond à votre question? Une Infirmière peut avoir un rôle en regard de la désinstitutionnalisation dans un conseil régional de la santé et des services sociaux où elle agit à titre de conseillère en regard de la désinstitutionnalisation auprès de l'établissement. Elle peut avoir un rôle à jouer à titre de directrice des soins infirmiers pour la planification de la désinstitutionnalisation ou elle peut être en charge d'un projet de désinstitutionnalisation dans une institution donnée, comme la coordination de la désinstitutionnalisation, à titre d'exemple, au Centre hospitalier régional Lanaudière. Elle procède à la planification du projet dans son entier.

Si on la situe à l'Intérieur d'un centre hospitalier comme tel, d'un centre d'hébergement ou d'un centre d'accueil de réadaptation, l'infirmière a un rôle à jouer en regard du bénéficiaire, en regard du groupe de bénéficiaires aussi et du milieu de vie dans lequel séjourne le bénéficiaire, en regard de la famille, des ressources qui devront recevoir le bénéficiaire éventuellement.

C'est une démarche quand même assez complexe, Elle joue son rôle à l'Intérieur d'une équipe qui l'entoure à l'unité de soins, qui appartient à d'autres disciplines, mais aussi une équipe multidisciplinaire, possiblement, lorsqu'elle existe dans l'élaboration d'objectifs thérapeutiques en regard d'un bénéficiaire donné.

Elle doit agir sur le milieu de vie et c'est très important parce qu'en institution on retrouve malheureusement souvent des conditions de vie qui ne rendent pas facile le transfert d'un bénéficiaire vers un milieu de vie de type normal, disons, ou à l'extérieur, hors les murs. Souvent, ce sont des détails d'organisation des activités de la vie quotidienne ou des détails concernant la prise de décisions qu'on laisse au bénéficiaire ou qu'on prend à sa place qui font que le bénéficiaire sent qu'il a plus d'autonomie, qu'il est apte à vivre une autre expérience que celle de l'encadrement d'une unité de soins et l'Infirmière a un rôle à jouer dans la transformation des mentalités des gens qui travaillent sous sa responsabilité et aussi dans l'organisation même des activités de la journée.

Il y a des habitudes de vie que certains bénéficiaires qui ont été institutionnalisés depuis très longtemps ont à reprendre, ne serait-ce que de faire un budget en tenant compte des restrictions d'aujourd'hui ou de prendre les transports en commun ou de faire des démarches pour obtenir des loisirs, de prendre connaissance de ressources communautaires.

L'infirmière peut agir soit dans la planification des étapes à faire ou par une intervention directe auprès du bénéficiaire avec la famille, avec la participation du bénéficiaire dans tout le processus. Je dirais qu'un élément très important où on devrait compter sur l'infirmière, c'est pour la continuité des Interventions ou la continuité de la poursuite des objectifs lorsque le bénéficiaire est transféré dans une autre ressource. Il y a vraiment un fossé dans le moment entre la vie que le bénéficiaire peut avoir eue et la sécurité de l'établissement et la sécurité aussi qu'il obtient à cause de la connaissance qu'a le personnel de l'établissement de sa condition et tout l'inconnu auquel il aura à faire face dans une ressource alternative auprès d'une nouvelle famille d'accueil. Si comprehensive soit-elle, si de bonne volonté soit-elle, elle aura besoin de devoir poursuivre quand même certains objectifs qui étalent déjà amorcés au moment de l'hospitalisation. Cette continuité est vraiment un partage d'Informations qui doit se faire et des échanges dans lesquels l'infirmière peut jouer un rôle important. Évidemment, il y a la coordination avec les activités des membres des autres services que celui des soins infirmiers et des membres de l'équipe multidisciplinaire, autant en ce qui concerne la poursuite des négocations... Je pourrais en ajouter, mais je pense que, pour le moment...

Le Président (M. Bélanger): C'est malheureusement tout le temps que nous avions. Alors, en conclusion, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je regrette qu'on n'ait plus de temps car j'aurais aimé posé une question. Si madame n'avait pas cru qu'elle entrait en conflit avec les travailleurs sociaux dans la définition qu'elle donnait de la tâche des infirmières, j'ai l'Impression que cela pourrait être Intéressant de continuer la discussion. On s'excuse. On ne le peut malheureusement pas. Je vous remercie Infiniment d'avoir participé à cette commission et je vous souhaite bonne chance, en particulier dans vos gains sur le perfectionnement.

Mme Lavoie-Roux: Merci à l'Ordre des infirmières et infirmiers pour leur mémoire. Il y a déjà plusieurs suggestions touchant le perfectionnement sur lesquelles on va s'arrêter d'une façon particulière. Merci bien.

Le Président (M. Bélanger): La commission vous remercie de votre participation.

J'Invite le prochain groupe, la Maison Saint-Jacques, qui est représenté par M. Claude Charbonneau qui est le directeur de la maison et M. Mario Poirier qui est animateur à cette même maison.

Nous allons suspendre une minute, le temps de permettre aux prochains témoins de s'intaller. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 8)

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, le prochain groupe à la table des témoins, c'est la Maison Saint-Jacques, qui est représentée par M. Claude Charbonneau - M. Charbonneau, c'est vous? - et M. Mario Poirier, qui est animateur à cette maison. Vous connaissez nos règles de procédure, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et la période de questions suivra par la suite.

Si vous voulez bien débuter.

Maison Saint-Jacques

M. Charbonneau (Claude): Alors, on va tenter d'être bref. Comme on n'a pas malheureusement la publicité des autres groupes qui nous ont précédé, on va se présenter minimalement. La Maison Saint-Jacques, c'est un organisme communautaire, qui a été désigné comme concurrent dans un avis du Comité de la santé mentale il y a quelques années, concurrent dans le sens où la Maison Saint-Jacques offre une démarche alternative aux services psychiatriques traditionnels. La Maison Saint-Jacques existe depuis 1972, donc depuis déjà quinze ou seize ans. Elle est financée par le ministère de la Santé et des Services sociaux depuis onze ans déjà, depuis 1976. Elle a un budget d'environ 400 000 $ pour 1987-1988, dont elle autofinance à peu près 10 % sur une base volontaire.

La Maison Saint-Jacques est membre du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. Elle siège à différents CA, dont le conseil d'administration de la table régionale des organismes communautaires de la région de Montréal, le conseil d'administration d'un centre de crise de notre sous-région; elle représente des groupes communautaires au comité "aviseur" de notre sous-région au conseil régional de Montréal; elle siège aussi à un conseil d'administration de Chambreville, qut est un organisme communautaire qui restaure et gère des maisons de chambres dans le quartier centre-sud de Montréal.

Bref, la Maison Saint-Jacques accueille environ 125 jeunes adultes de 18 à 30 ans par année qui ont des problèmes sérieux et graves de santé mentale. En plus de fournir les services d'appui thérapeutique, d'une milieuthérapie, elle offre aussi de l'hébergement, du soutien à la réinsertion sociale et au travail. La Maison Saint-Jacques gère une entreprise de location et de réparation de bicyclettes dans le Vieux-Port de Montréal où elle embauche des usagers. Ce commerce s'autofinance depuis cette année, après deux ans d'existence. Finalement, la Maison Saint-Jacques parraine actuellement un plus vaste projet de réinsertion économique où une dizaine d'autres groupes communautaires et du réseau sont impliqués sous notre leadership pour bâtir ce projet de réinsertion économique, avec aussi des gens du milieu des affaires. Cela nous présente sommairement.

On va tenter de résumer un peu le mémoire qu'on a présenté; sans le lire mot à mot, on va s'en Inspirer. Mario Poirier continuera la synthèse une fois que je l'aurai amorcée.

Depuis que fa Maison Saint-Jacques négocie une reconnaissance de sa place et des conditions de son existence avec des représentants du ministère, soit depuis environ dix ans, ses différents interlocuteurs lui ont toujours concédé des conditions de survie et de développement dans une perspective d'attente d'une véritable politique de santé mentale. Nous aussi, nous l'attendions depuis longtemps. C'est donc avec une certaine impatience, mais surtout avec beaucoup d'espoir, que la Maison Saint-Jacques attendait les conclusions du comité Harnols chargé de proposer un cadre de référence et le "rationnel" sous-tendant cette vaste politique d'ensemble de la santé mentale des Québécois.

Aujourd'hui, nous sommes déçus. Le projet de politique de santé mentale, à notre sens, ne propose pas de politiques fondamentales et globales et suggère plutôt une stratégie et une méthode de désinstitutionnalisation. Sans mettre en cause la compétence, la bonne volonté et la bonne foi du comité, nous avons espéré que celui-ci prépare un travail de titan, c'est-à-dire qu'il produise une analyse de diverses hypothèses de compréhension de la folle, qu'il analyse aussi l'ensemble de l'évolution de l'intervention en psychiatrie au Québec depuis les dernières décennies, qu'il critique l'ensemble des modes d'action et toutes les écoles de pensée qui théorisent et interviennent sur la folle, qu'il propose aussi des visions nouvelles et articulées de ce phénomène, qu'il prépare de nouvelles stratégies d'intervention et de concertation et, finalement, qu'il réforme en profondeur un réseau qui cumule Incohérences par-dessus échecs.

Mais le comité était contraint par un mandat qui établissait clairement, déjà au départ, que la cible principale devait être les personnes aux prises avec des problèmes mentaux les plus sévères; le comité n'avait donc pas à proposer un véritable projet de politique de santé mentale, mais plutôt une stratégie de désinstitutionnalisation.

La désinstitutionnalisation, qui se veut une réponse à la problématique institutionnelle, est un problème d'envergure qui représente une tâche majeure, mais curieusement le Comité ne met en question nulle part l'institution; il n'analyse pas non plus le processus qui a conduit cette dernière à la crise actuelle; i ne s'interroge pas sur la vision médicale de la folie et encore moins sur le pouvoir médical sur la folle et le traitement. Le comité, selon une méthode que nous connaissons bien, tente de trouver un analgésique aux symptômes que manifeste le réseau psychiatrique actuel.

Nous nous attarderons aux Idées et aux recommandations qui ont le plus vivement attisé notre désaccord et notre déception. Dans l'ensemble, nous considérons que les recommandations manquent d'étoffe, de "rationnel" et d'initiative.

Le comité Harnois, qui, d'entrée de jeu, distingue dans son rapport le champ et le domaine de la santé mentale, trace des frontières et établit un système de vases communicants à sens unique, du champ vers le domaine, du champ de la psychiatrie au domaine du support à la psychiatrie, du champ de l'institution au domaine de la désintitutionnalisation. Selon ce modèle, les partenaires que sont les familles et les ressources distributrices de services oeuvrant dans le domaine de la santé mentale recevront leur bon de commande des décideurs oeuvrant dans le champ de la santé mentale, c'est-à-dire dans l'institution psychiatrique où se concentrent soi-disant les vrais malades et aussi ceux qui savent soigner cette maladie. Nulle part les usagers des services, les familles, les proches, les ressources de la communauté, les travailleurs de la santé mentale - curieusement - n'ont à exercer un pouvoir, n'ont simplement leur mot à dire. Ils devront ainsi se conformer, selon le comité, à exécuter la liste d'épicerie que leur fournira l'institution.

M. Poirier va continuer la synthèse de nos recommandations.

M. Poirier (Mario): Ce que je vais faire, c'est regarder quelques-uns des thèmes qui sont soulevés par le rapport Harnois, à la lumière d'une autre pensée, qui est celle qu'on représente, une Idéologie davantage alternative à la santé mentale. Ce n'est pas un modèle médical qu'on utilise, mais je dirais un modèle davantage pédagogique et, d'une certaine façon, davantage social et où on conçoit l'intervention non pas comme guérir des symptômes, simuler des malaises, médicamenter pour réussir à enlever le poids que représentent pour la société les personnes qui ont des problèmes sérieux de santé mentale, mais plutôt en arriver, avec un réapprentissage, une reconstruction, à rebâtir autre chose pour que la réinsertion sociale soit véritable. C'est un peu selon ce modèle que fonctionnent les organismes communautaires qui existent quand même depuis longtemps au Québec, et les approches alternatives aussi, comme celle que la Maison Saint-Jacques, qui est là depuis 1972, essaie de défendre. Il est très Important, pour nous, de réagir au rapport Harnols. Même si on sent qu'il y a là-dedans une bonne volonté ou même si on remarque qu'il y a un gros effort de concertation au niveau de l'idéologie et des visées de l'institution, on a l'impression que, plutôt d'être un progrès, c'est même un peu un recul. Il faut essayer de présenter pourquoi.

Le rapport Harnois qui s'intitule Pour un partenariat élargi, quant à mol, cela me fait tout de suite penser à la notion de partenariat. Quand on pense à un ou une partenaire dans un couple, par exemple, on pense à deux personnes égales. Un peu comme l'écrivain Georges Orwell le disait: Certains semblent plus égaux que d'autres, dans ce partenariat. C'est un peu cela que Claude essayait d'expliquer tantôt. Pour nous, ta vision du champ de la santé mentale, telle que présentée dans le rapport Harnois, semble dominer ce qui est soulevé par le domaine. Le champ, c'est le noyau dur, ce sont les problématiques qu'on pourrait dire véritablement de maladie mentale, quand on parle du modèle médical. Ce seront les gens qui ont des problèmes de schizophrénie ou de psychose importants. Le rapport Harnois met à peu près n'importe qui dans le domaine, que ce soient des gens qui sont victimes de violence, de toxicomanie, d'alcoolisme ou même la population en général. Même s'il y a là-dedans une vision de séparer un noyau dur d'un noyau qu'on pourrait dire "mou", c'est une vieille Idée, c'est un peu les traités de psychiatrie des années trente qui ressentent là-dedans, où on fait la distinction entre les psychoses et les névroses. C'est aussi une visée Institutionnelle sur tout ce qui déborde l'institution.

D'abord, dans le rapport Harnois, on note rapidement qu'il n'y a pas d'historique fait de l'Institutionnalisation ni de l'échec de l'institutionnalisation. Il n'y a pas de sociologie non plus de l'institutionnalisation, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'étude de l'impact social de l'institutionnalisation. Qu'on en arrive à une désinstitutionnalisation, ce n'est pas un hasard, ce sont des choix politiques, sociaux, mais c'est d'abord et avant tout à la suite d'un échec majeur de l'institution. Ce qui m'a frappé là-dedans, ce sont les pages 25 et 26 - on y revient toujours, c'est le coeur du rapport Harnois. Un paragraphe de la page 25 dit: "L'institutionnalisation, produit d'une société à l'égard d'une partie de ses membres marginaux, a eu comme conséquence de déposséder la personne de sa responsabilité et de sa possibilité de choix, générant ainsi une situation de dépendance extrême." Un peu plus loin: "Plus visibles, les grands établissements ont constitué une cible privilégiée de la critique, d'autant que leur seule dimension favorise la dépersonnalisation des rapports humains, la standardisation des formes d'aide et la sous-estimation de tout potentiel." D'une certaine façon, le domaine communautaire, les approches alternatives, les approches autres que le cadre médical ne peuvent que souligner que c'est vrai, c'est cela qu'on observe: l'institution mène à un échec. C'est quelque chose que plusieurs pays dans le monde entier ont reconnu. On en arrive à la remarquable nécessité de réinsérer les gens qu'on a éclipsés, qu'on a enlevés de la société parce qu'ils étaient dérangeants. Il y a plusieurs façons de le faire et on en arrive à la désinstitutionnalisation. Il y a plusieurs modèles et choix sociaux à faire. Cette année, c'est l'Année internationale des sans-abri et on remarque que plusieurs désinstitutionnalisés se ramassent dans la rue. Jusqu'à 30 % ou 40 % des itinérants, autant à Montréal qu'aux États-Unis, plusieurs études le démontrent, ont des problèmes psychiatriques reconnus. Ils ont eu un vécu en hôpital psychiatrique et sont réinsérés de la façon

suivante: une fois qu'Ils sortent de l'hospitalisation, ils se ramassent à la rue. La désinstitutionnalisation risque d'être un échec. Et, dans la foulée d'un échec de la désinstitutionnalisation, on en arrive à ce que la presse le soulignait au mois de novembre, par exemple: on risque de réinstitutionnaliser; puisque c'est un échec de désinstitutionnaliser, on va remettre les fous dans l'Institution.

Le rapport Hamois ne soulève pas vraiment la question de la désinstitutionnalisation, mais il en arrive à la conclusion qu'il est Important de donner un soutien au secteur communautaire. Il souligne même qu'il faudrait doubler le budget du secteur communautaire et des alternatives. Il souligne qu'il est Important maintenant d'en arriver à une négociation, avec l'impact du secteur communautaire, pour essayer de réinsérer d'une façon faisable...

Le danger que cela représente - il est évident qu'on peut être d'accord avec les objectifs - c'est que cette désinstitutionnatisation telle que vue par l'Institution devient une institutionnalisation élargie. On va suivre ceux qui sortent de l'hôpital psychiatrique, on va leur donner un soutien, on va s'assurer qu'ils ont leur médication, on va s'assurer qu'ils ont un plan de services Individualisés, on va s'assurer, par exemple, qu'on les réinsère dans la famille, autrement dit, on va s'assurer qu'ils ne perdent jamais tout à fait l'élastique avec l'intervention. C'est la pensée institutionnelle qui, malgré qu'on en est à une époque où on veut favoriser le secteur communautaire, est toujours là, un peu sous-jacente, dans le rapport du comité Harnois.

Alors qu'auparavant, dans la désinstitution-nalisatlon qui se faisait de toute façon, tes gens, souvent... Contrairement à l'époque asilaire où Ils étaient enfermés, l'institution perd te contrôle des déhospitalisés à partir du moment où ils quittent l'institution. Mais, avec la pensée du plan de services Individualisés, avec la pensée d'étendre l'Intervention dans une congruence totale avec l'institution, on ne perd jamais tout à fait le contrôle de ces personnes qui avaient peut-être une chance de se réinsérer autrement que par l'approche Institutionnelle. L'exemple de la médication en est un bon. La meilleure façon pour l'institution d'assurer que la médication va être accomplie en dehors de ses murs, c'est de s'assurer qu'elle a un certain contrôle sur le lieu où la personne est rétnstitutionnalisée. Par exemple, elle est réinstitutionnalisée dans sa famille, dans certaines ressources intermédiairies achetées par les institutions et développées par le plan de services individualisés.

C'est un peu le syndrome du patient qui fuit l'institution auquel on veut essayer de réagir d'un point de vue Institutionnel. Le patient qui fuit l'institution, c'est aussi une vieille problématique qui a déjà été définie par la psychiatrie au XIXe siècle, par exemple, dans le sud des États-Unis, pour les esclaves qui avaient tendance à s'enfuir des fermes auxquelles ils étaient attachés. La psychiatrie de l'époque avait défini un syndrome nosographlque qui s'appelait la "drapetomania" - en anglais - et qui constitue une définition médicale de la tendance qu'ont tes esclaves à s'enfuir des fermes où ils sont attachés. Dans cette tendance de voir un peu le patient désinstitutionnalisé comme quelqu'un qu'il faut absolument suivre à tout prix, même s'il y a une bonne pensée là-dedans qui est: il faut bien aider les gens, il y a aussi un danger qui est: on va les contrôler. Nous, comme représentants de l'alternative, d'une approche qui est autre qu'une vision médicale et non pas seulement un ajout à une vision médicale, c'est un peu l'une des premières craintes qu'on a.

Une deuxième crainte qu'on a, c'est un peu la volonté du rapport Harnois de situer l'usager au centre du plan de services, au centre des interventions. On ne peut qu'être d'accord avec ça; étant donné que le but premier de l'Intervention sociale, de l'intervention de la santé mentale, c'est d'aider les gens, c'est normal qu'on les mette au centre, sauf qu'en réalité la position qu'on leur donne à partir des commentaires du rapport Hamois, c'est une position de plaignant plutôt qu'une position de codécfdeur. Alors, par exemple, on va les autoriser à se plaindre à un "ombudsperson" qui sera un modèle qui sera proposé pour permettre aux gens de s'assurer que leurs droits sont respectés. On va proposer qu'ils aient un droit de parole dans l'institution, mais d'une certaine façon on ne leur laisse pas vraiment une place au niveau décisionnel. Même s'ils ont à l'occasion une représentation que j'appellerai illusoire dans les CA ou un droit de parole, dans la réalité ce n'est pas vraiment eux qui ont un mot à dire dans l'établissement des politiques et dans le fonctionnement même de l'institution. Les comités de bénéficiaires, les regroupements comme Auto-Psy, qui ont depuis longtemps revendiqué des droits pour les personnes, les usagers des services de santé mentale, sont obligés de réaliser cela, en ce sens que, placer la personne au centre de l'Intervention en santé mentale, ce n'est pas magique en soi; ce qui est important c'est: Quel est le centre où on les placera et comment on va définir leur pouvoir à l'intérieur de ce centre-là, notamment en contrepartie du pouvoir médical qui, veut, veut pas, représente l'essentiel du pouvoir Institutionnel?

Un autre point sur lequel cela nous a fait un peu réfléchir de lire le rapport Harnois, c'est la notion de ta famille. Le rapport Harnois, encore là, par une bonne volonté, voulait en arriver à améliorer les services aux familles, améliorer un support en donnant un congé de répit aux familles aux prises avec un de leurs membres qui a des problèmes de santé mentale ou aux prises avec des désinstitutionnalisés qui retournent dans leur famille. Il y a là plusieurs choses qui sont Importantes mais qui sont également délicates. La première c'est un danger de retour en arrière traditionnel, historique, où

on revient en quelque sorte à cacher la folie dans la famille, un peu comme Tartuffe dans Molière: "Cachez ce sein que je ne saurais voir", et où la famille fera le jeu de l'institution médicale en contribuant, par exemple, à s'assurer que la médication est prise, en contribuant à s'assurer que le suivi institutionnel sera fait. Il y a un danger que la famille soit prise dans le réseau des pouvoirs institutionnels. Le deuxième danger, c'est évidemment l'occasion de retourner les gens à cause de la désinstitutionnalisation, malgré les évaluations des professionnels de la santé mentale, dans un milieu pathogène, qui est à l'origine des difficultés. On pourrait imaginer le retour de quelqu'un dans une famille incestueuse, par exemple, malgré tout l'effort de l'intervention qui a pu être fait. Il y a quelque chose à ce niveau-là qui est un danger, malgré le répit que l'on veut donner aux familles. Une troisième tendance et danger du support à la famille pour se débarrasser des institutionnalisés, c'est que la famille devient située dans un rôle de gardiennage et le rôle de gardiennage, traditionnellement, est un rôle qui a été souvent attribué aux femmes. D'une certaine façon on retourne au rôle féminin, celui de s'occuper des enfants perturbés, dérangeants. C'est une chose à laquelle la société doit être attentive et s'assurer que ce ne sont pas ces enjeux qui sont en dessous de la désinstitutionnalisation.

Encore là, pour terminer rapidement cette présentation, il y a beaucoup de choses dans le rapport Harnois auxquelles on a réagi dans notre mémoire. Il y a beaucoup d'autres choses qui méritent réflexion et sur lesquelles on n'aura pas le temps de s'étendre, mais j'aimerais quand même terminer avec la contradiction même, dans le rapport Harnois, entre une pensée que j'appellerais plus psychosociale et une pensée qui est davantage médicale et Institutionnelle. Par exemple, on sent en lisant ce rapport les contradictions Internes qui ont été probablement vécues à travers des comités de réflexion et probablement dans l'équipe de travail, notamment dans ta définition de la personne qui a des problèmes. Est-ce une personne qui a des problèmes de santé mentale, une personne qui a des difficultés de maladie mentale? On tourne toujours un peu autour du modèle médical parce que, dès qu'on parle de maladie, on parle de médecine. (17 h 30)

Par exemple, une des sections de ce rapport est intitulée "Je suis une personne, pas une maladie"; c'est la section 1.1 du rapport Harnois. Le Or Harnois, dans son avant-propos, affirme qu'il ne faudrait quand même pas cacher que ce qui existe, c'est la maladie mentale et que le malaise de notre société devant ces réalités peut nous amener à en nier l'existence ou encore à la sublimer en les inscrivant sous le vocable "santé mentale".

Quand on parle de santé mentale, d'une certaine façon, on sublime ses propres difficultés face à l'acceptation de la maladie mentale. C'est du moins l'avant-propos du Dr Harnois contre lequel nous, qui représentons un peu une vision alternative autre, nous élevons.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Brièvement, oui.

M. Charbonneau (Claude): Une dernière minute, en conclusion. Sur le plan des revendications, nous reprenons à notre compte les revendications que présentera Ici jeudi prochain, je pense, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. D'une façon plus précise, nous tenons à être partenaire de ce vaste processus de désinstitutionnalisation et de réorganisation des services de santé mentale, dans la mesure où nous sommes de véritables partenaires, c'est-à-dire où on prend part aux décisions. Le regroupement propose que, dans chacun des conseils régionaux, il y ait un remaniement du pouvoir où les groupes communautaires accapareraient un tiers des sièges pour la prise de décision, un tiers à la communauté et un tiers aux institutions. Nous favorisons cette recommandation.

Par rapport à la recommandation 15, qui est une recommandation assez majeure du rapport Harnois, qui recommande de réviser la loi pour enfin reconnaître des ressources alternatives en santé mentale, notre position d'organisme, cela nous importe peu qu'on soit reconnu ou pas au sens de la loi. Ce qui nous importe, dans le fond, d'une part, c'est d'avoir un budget protégé, ce qu'on s'apprêtait à faire au ministère, je crois, et avoir une reconnaissance, une assurance d'autonomie pour les ressources alternatives et communautaires, une autonomie dans le sens où elles sont reliées directement à la communauté plutôt qu'avec une institution.

Finalement, le comité Harnois recommande de doubler le budget accordé aux ressources communautaires. Le Regroupement des ressources alternatives propose de le multiplier par dix pour les trois prochaines années. Le Conseil régional de la région de Montréal semble s'enligner un peu dans ce sens de te multiplier par dix. Quant à nous, nous nous étonnons un peu de ce type de recommandation où il n'y a pas de cohérence, de trame de fond qui se dégage, d'autant plus que dans la région de Montréal, actuellement, il y a une vingtaine d'organismes communautaires qui sont menacés de fermer leurs portes. Il y a des recommandations positives pour reconduire tes budgets, mais des organismes sont menacés de fermeture parce que leurs budgets non récurrents ne seront pas nécessairement reconduits au mois de mars prochain.

Bref, on veut que le préjugé favorable qui ressort un peu du rapport Harnois s'étaie, qu'on livre la marchandise et qu'on mette un peu de chair autour de l'os. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remer-

cle.

M. Chevrette: Avant que Mme la ministre commence, est-ce qu'il y a moyen que vous voyiez à faire chauffer cette salle? On a les pieds gelés, on gèle. Je ne sais pas st vous avez froid en arrière, mais je trouve que c'est Inconcevable de siéger dans...

Le Président (M. Bélanger): On me dit que c'est le cas dans tout l'édifice du parlement, il faut attendre. J'espère que ce sera réglé ce soir ou demain. On peut faire une chose, à toutes les cinq minutes, on peut suspendre deux minutes pour faire une séance de tapage de pieds afin de se réchauffer. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de la Maison Saint-Jacques pour leur mémoire, même s'il est assez sévère à l'endroit du rapport Harnois qui. quand même, pour nous, représente une assise Importante pour la définition éventuelle d'une politique en santé mentale.

Je veux simplement vous poser une question, parce que certains de mes collègues sont intéressés à le faire. À plusieurs reprises, vous avez souligné ce qui vous apparaît des contradictions internes dans le rapport Harnois. D'une part, vous déplorez la désinstitutionnalisation qui fait que, finalement, les gens se retrouvent parmi les sans-abri, etc. D'un autre côté, les ressources alternatives telles que la vôtre, qui a une approche pédagogique et sociologique en opposition à une approche médicale telle que vous l'avez décrite dans les Institutions. Est-ce que vous croyez que des ressources commes les vôtres peuvent complètement répondre aux besoins des personnes qui ont des troubles mentaux sérieux?

M. Poirier: C'est bien entendu une question très difficile. Je ne pense pas qu'une ressource comme la Maison Saint-Jacques puisse répondre à tout le problème de l'itinérance.

Mme Lavoie-Roux: Plus d'une, il pourrait y en avoir plusieurs.

M. Poirier: C'est ça. Mais il y a beaucoup de ressources communautaires qui interviennent avec la problématique de l'itinérance. À Montréal, que je connais mieux, il y a des ressources comme l'Accueil Bonneau, la Maison du Père, Chez Doris et beaucoup d'autres où il y a une approche quf est quand même beaucoup plus communautaire qu'institutionnelle, et c'est là... Oui?

Mme Lavoie-Roux: Mais là Je parie strictement.. Il ne faudrait pas dire que tous les sans-abri sont des psychiatrisés.

M. Poirier: Non. Mais les recherches récentes là-dedans, bon... Jusqu'à 30 %... Mme Lavoie-Roux: Les statistiques... M. Poirier: ...40 %.

Mme Lavoie-Roux: ...30 %, alors vous en avez 70 %... Moi je parie de ressources comme la vôtre vis-à-vis...

Une voix: La folie, ce qu'ils appellent la folie.

Mme Lavoie-Roux: ...ce que vous appelez la folie. Est-ce que vous croyez que ça peut répondre à toutes tes problématiques des psychiatrisés, le type de ressources telle la vôtre?

M. Poirier L'expérience d'une quinzaine d'années de la Maison Saint-Jacques démontre que cela a pu Intervenir avec des problématiques très complexes, très lourdes, y compris des jeunes itinérants. C'est une question qu'il faudrait soumettre à une évaluation, je dirais, davantage scientifique pour savoir si ça permet de répondre à l'ensemble des problématiques. Mais l'approche qu'on utilise, qui est la milieu-thérapie, donc qui est une approche Intensive, où il y a une véritable relation thérapeutique, non pas de l'aide ponctuelle, des traitements occasionnels ou des traitements pour recouvrir les symptômes comme la médication, c'est une approche qui permet - et cela a été démontré à plusieurs endroits ailleurs qu'au Québec - une reconstruction plus en profondeur et surtout une réinsertion sociale puisque l'approche communautaire est déjà Insérée davantage dans la communauté. Mais, évidemment, que ça puisse répondre à l'ensemble des problématiques, II faudrait l'établir de façon plus scientifique.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci, parce que mes collègues veulent poser des questions.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais féliciter les gens de la Maison Saint-Jacques. Je suis passablement au courant du travail qui se fait là depuis plusieurs années. J'ai même de mes ex-employés qui travaillent encore en étroite collaboration avec ce centre et je sais jusqu'à quel point ils ont rendu des services extraordinaires dans la région de Montréal. Je voudrais les féliciter.

Il y a un point sur la question de Mme la ministre. Je pense qu'il faut faire une distinction entre tes cas lourds et psychiatrisés moyens ou faibles, appelons ça comme on voudra, je n'ai pas le langage médical. Le Dr Harnois donnerait les termes plus justes. Je vous donne une opinion bien personnelle, je pense que ce serait une illusion que de penser que les ressources alternatives dans les cas lourds puissent rendre un service extrêmement grand. Mais, pour avoir visité des centres psychiatriques, il y a un bon

nombre de patients, de bénéficiaires qui seraient - je vais utiliser le mot qui me venait à l'idée - mauditement plus heureux dans des centres comme le vôtre qu'en institution, en particulier pour les relations humaines et leur réinsertion sociale. J'en suis convaincu profondément pour avoir pu examiner tes deux fonctionnements, les deux modes de travail. Il est évident que la rigidité qui existe en Institution ne permet pas les Initiatives concrètes que vous pouvez mener dans les centres comme le vôtre. Cela me fait dire qu'il faudrait même avoir une réévaluation des bénéficiaires dans toutes les institutions psychiatriques du Québec.

Il y a des gens qui n'ont pas d'affaire là, et depuis des années, à part cela. Je suis convaincu de ça. Cela n'a pas de bon sens de mettre des personnes âgées atteintes de sénilité, par exempte, dans un asile de psychiatrisés. Cela n'a pas de bon sens. Ce sont des centres d'accueil pour cas lourds qu'on peut considérer mais sûrement pas dans les centres de psychiatrisés. Comme il y a des bénéficiaires qui, parce qu'ils sont orphelins, se sont ramassés à l'âge de 18, 19 ans dans des centres psychiatriques et qui n'en sont pas rassortis. C'est inconcevable que notre société maintienne en institution des gens du genre. C'est avec des programmes, je pense, de réinsertion sociale, d'encadrement, avec des maisons du type de la vôtre, avec des services qui s'apparentent aux vôtres qu'on peut rendre service à ces gens-là. Je pense que c'est la seule façon de s'en sortir, et même à des coûts sociaux, à mon point de vue, moindres que ceux que l'on connaît présentement.

Malheureusement, et cela concerne tous les gouvernements, je ne cherche pas à politiser le débat, d'aucune façon, à le rendre partisan, mais, à mon point de vue, on a pensé exclusivement curatif, on a oublié malheureusement toute la notion du préventif, toute ta notion du rôle social qu'on avait à jouer. On a contribué, sans le vouloir, sans doute, à cacher nos malades, à les rendre malades en fin de compte. Quand on apprend, par exemple, qu'à Louis-H.-Lafontaine les religieuses du temps ont recueilli un bébé de quelques jours, que ça fait 82 ans de ça et que la personne est encore là, ce n'est pas nécessairement une personne psychiatrisée, ça. Elle est toujours là à 82 ans, par exemple. Quand on apprend qu'après une tentative de suicide la personne est encore là après 18 ans et qu'elle parle comme nous, qu'elle peut échanger des propos dans des conversations, ce n'est pas normal comme société.

Je n'ai pas tellement de questions à poser, c'est plutôt un commentaire que je voulais faire. Je pense qu'une maison comme la vôtre a un rôle extrêmement important à jouer et qu'il faudrait faire le départage, une reclassification de nos clientèles à l'intérieur même des centres psychiatriques pour assurer véritablement une désinstitutionnalisation mais ne pas prendre des gens et les envoyer dans le décor sans programme d'encadrement, sans ressource, parce que ce serait catastrophique. Même si ça ne fait que 18 ans... Imaginez-vous, c'est quelqu'un qui a été coupé du monde normal pendant 18, 20 ou 30 ans; même si ce n'est pas une personne qui devrait rester en Institution, elle a besoin d'encadrement pour une période d'adaptation assez longue. Ça prend des ressources financières à court terme mais ce sont des gens qui représenteraient une amélioration comme coût social, j'en suis convaincu, et qui pourraient peut-être faire bénéficier l'ensemble de la population par la suite de services plus adéquats.

Je vous remercie du mémoire. C'est une autre vision, une autre approche et je pense qu'on s'est trop longtemps refusé à regarder les alternatives. Malheureusement, il faut le dire, je pense qu'au Québec dans te domaine de la santé, y compris la santé mentale, on a eu une approche médicale, point. Mais je pense qu'on devrait ouvrir les yeux un peu quand on regarde les coûts du curatif. Quand le budget de Mme la ministre est rendu à près de 9 000 000 000 $, sinon plus, cette année, vous regarderez la partie prévention sur les 9 000 000 000 $ et vous vous interrogerez en maudit.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Fabre.

M. Joly: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse autant à M. Charbonneau qu'à M. Poirier. Tantôt dans votre exposé vous faisiez mention qu'on retrouvait de 30 % à 40 % des itinérants qui étaient des gens qui ont déjà reçu des traitements psychiatriques. D'après vous, est-ce que du fait de vouloir désinstitutionnaliser on retrouvera encore davantage de ces gens-là en pourcentage? D'après vous, est-ce qu'il existe, pour les gens qu'on sort des institutions, un programme quelconque bâti selon la perception? Si tel programme existe, est-ce qu'on peut les forcer à suivre ce programme-là?

M. Poirier: C'est quelque chose qui est au coeur de la réflexion parce que le problème ce n'est pas juste les désinstitutionnalisés qui vont grossir les rangs des itinérants. Il y a des recherches qui démontrent ça, c'est en croissance. À New York il y a plus de 40 000 personnes Itinérantes dont près de 20 000 ont eu des dossiers en Institutions psychiatriques.

Ce que vous demandez finalement c'est à savoir s'il y a des programmes pour ça, s'il y a, finalement, une possibilité de les réinsérer. La désinstitutionnalisation n'est pas une théorie, ce n'est pas quelque chose qu'il faut faire par principe, ce n'est pas une religion; il faut la réussir pour que cela en vaille la peine. Mais le danger, c'est que la réflexion en arrière de cela soit: puisque la désinstitutionnalisation est si difficile à réussir, il ne faut pas désinstitution-naliser, ou bien II faut absolument que l'institution psychiatrique ait un programme de suivis de

ces désinstitutionnalisés et s'assure qu'ils sont en quelque sorte toujours en orbite de l'institution. Et cela n'est pas une désinstitutionnalisation. C'est une institutionnalisation élargie. Il faut s'assurer plutôt d'un autre point de vue, que le secteur communautaire, que les gens qui déjà depuis 20 ans, 30 ans - je pense à l'Accueil Bonneau - interviennent avec les personnes itinérantes, aient de l'appui financier, aient de l'appui organisationnel, de l'appui à partir d'une pensée communautaire qui leur permettent d'élaborer de nouveaux programmes, de faire un suM des personnes désinstitutionnalisées. (17 h 45)

Alors, rapidement ce qu'il faut, ce n'est pas nécessairement s'assurer que l'hôpital a tout un suivi et un programme que j'appellerais promédical et pro-institutionnel, mais plutôt que les autres organismes ont leur mot à dire. Il y a une expertise communautaire. Ce monde-là, ce ne sont pas tous des pingouins. Il y a une expertise qui est là déjà. C'est sûr que l'Institution regroupe plus de gens hyperprofessionnalisés, pour utiliser un terme de la page 26 du rapport Harnois, mais II y a dans le secteur communautaire des gens qui ont 20 ans ou 30 ans d'expérience d'intervention et qui ont toute une pensée à ce sujet et une expertise, une expérience qui leur permette de développer des programmes.

M. Joly: Vous êtes d'accord pour admettre que lorsqu'on libère - si vous pouvez me permettre l'expression - qu'on les sort des institutions II y a déjà un programme qui est mis à la disposition de ces personnes, mais que, par la force des choses, dans bien des cas, ces gens ne reviennent pas à la source et ne viennent pas chercher les traitements dont ils auraient encore besoin. Alors, partant de là, il est bien certain que, s'ils deviennent des itinérants, on ne peut pas aller les chercher par le bras et les amener à se faire traiter. Donc, l'alternative serait de les garder en institution encore là jusqu'à ce qu'ils soient complètement aptes à retourner dans un milieu, d'après les expertises, et à être socialisés.

M. Poirier: C'est le danger qu'on en reste à l'institutionnalisation.

M. Joly: J'aurais aimé aussi que vous élaboriez un peu sur le rôle de la famille. Quand on dit que la famille n'a aucun pouvoir, mais qu'elle devrait, si vous voulez, dans le processus du traitement ou disons de la socialisation, avoir un mot à dire, de quelle façon voyez-vous cela?

M. Charbonneau (Claude): Ce qui nous apparaît être proposé dans le rapport Harnois, c'est qu'on désinstitutionnaliserait les usagers qui sont dans les hôpitaux psychiatriques pour les remettre dans leur famille. On donne des services aux familles pour les soutenir dans leur gardiennage, mais à quelle place s'exprime... La seule porte qui est entrouverte est, semble-t-il, qu'on va encourager le développement de groupes d'entraide entre familles. C'est ce qui existe déjà. Ce sont des regroupements de familles, de parents ou d'amis qui ont des proches qui ont des problèmes de santé mentale. Sauf que cela ne donne pas plus de poids à l'intérieur des décisions dans le développement et l'organisation des services. Cela donne peut-être de l'appui entre les familles, mais cela ne donne pas de poids dans ces décisions nulle part.

C'est la même chose concernant les itinérants, à la question précédente. Dans la mesure où on laisse du monde sortir des hôpitaux psychiatriques et qu'on leur impose des plans de traitement et qu'on décide pour eux ce qu'ils vont faire quand ils seront grands - c'est un peu cela - et qu'on ne tes consulte pas, c'est peut-être normal que souvent cela "floppe", que souvent ceux qui sortent laissent tomber cela en arrière d'eux. Je pense que la différence est peut-être de les intégrer, soit les personnes qui sont directement concernées, car ce sont d'elles qu'on parle, de les Intégrer dans le processus de décision. Elles vont pouvoir nous dire - nous, du communautaire, et les gens des Institutions aussi - ce dont elles ont besoin. Je pense que c'est possible de parler avec ce monde-là, c'est possible de parler avec la communauté et d'Impliquer ces personnes dans le processus de décision. C'est un peu cela, finalement, qu'on demande, qu'il y ait de la place, à l'Intérieur des décisions, pour d'autres partenaires que l'institution, ce qui ne ressort pas clairement dans le rapport Harnois, à notre sens.

Le Président (M. Bélanger): Mme ta députée de Marie-vïctorin.

Mme Vermette: Oui. Les gens du communautaire, très souvent, font peur parce qu'ils ont l'air un peu marginaux; ils ont l'air un petit peu à part, finalement, surtout à part du personnel qu'on retrouve très souvent dans tes institutions. Par contre, Je me suis rendu compte que beaucoup d'entre eux ont une formation plus qu'adéquate et qu'ils ont un niveau d'éducation supérieur. Alors, qu'est-ce qui fait qu'on choisit de travailler dans ce milieu, plutôt que de s'en aller dans un milieu plus structuré ou encadré?

M. Poirier. Le choix, finalement...

Mme Vermette: À petit salaire, à part cela. Il faudrait ajouter...

M. Poirier: Oui.

Mme Vermette: ...que très souvent...

M. Poirier: On choisit rarement pour le salaire. En fait, le communautaire ou l'approche alternative de la santé mentale, c'est l'approche de demain. Alors, avoir une visée pour quelque

chose où on veut réellement un changement, par exemple, ne pas Juste défendre ses droits corporatifs ou un petit peu ses billes ou ses noix, bien, II faut réussir à s'ouvrir à autre chose. Alors, s'ouvrir à autre chose, c'est être en marge. Cela a été en marge un peu du texte officiel, c'est essayer d'annoter, d'ajouter des choses, d'Inventer, de recréer de nouvelles approches. Alors, ce que le communautaire permet, pourquoi est-ce que c'est plus créatif? C'est parce que c'est plus petit et parce que c'est aussi auto-administré, généralement, et parce que c'est ouvert à des Initiatives qui sont financièrement toujours instables, mais qui sont nouvelles. Par exemple, la Maison Saint-Jacques développe depuis déjà un certain nombre d'années des plates-formes de réinsertion sociale par le travail. Cela est une idée qu'on a réussi à élaborer. Cela fait déjà un troisième été où on a une plate-forme de travail, où on engage des usagers et on les réinsère par le travail, en plus de leur donner un support thérapeutique.

C'est une Idée qu'on a réussi à établir parce qu'on a râclé les fonds de tiroir; on a été chercher un petit peu de l'appui de la communauté. Là, on est en train de faire une cohésion où on ramasse une dizaine d'autres organismes communautaires de Montréal et d'ailleurs. On essaie, présentement, de préparer un projet beaucoup plus important, autant pour nous que pour les jeunes avec des problèmes de santé mentale, qui s'appellerait Accessible, et pour lequel on espère avoir un certain soutien gouvernemental, éventuellement, pour établir cela. C'est cela, travailler dans le communautaire, dans l'alternatif, c'est accepter de travailler en marge, souvent avec des conditions salariales et professionnelles un peu inférieures, mais avec je ne dirais pas une idéologie, parce qu'on est un peu passé peut-être les années idéologiques, mais au moins avec une vision pragmatique autre que la vision habituelle, routinière de l'institution.

Mme Vermette: Vous mentionnez que, finalement, la promotion de la santé mentale ne se fait pas par le biais d'une campagne, mais surtout par l'implication de gens pour vraiment démontrer que c'est viable et que, finalement, cela ne fait pas peur et que cela peut être ajustable dans le quotidien, dans le fond. Alors, pouvez-vous, peut-être, nous parier de certaines expériences ou la facilité que vous pouvez avoir à travailler avec ce genre de...

M. Charbonneau (Claude): Ce n'est pas qu'on ne croit pas qu'une vaste campagne est inutile; peut-être que cela peut amener à montrer une image plus positive des gens qui souffrent de problèmes de santé mentale. Par contre, ce qu'on croit et ce qu'on réalise quotidiennement, c'est que les usagers qui sont à la Maison Saint-Jacques, qui sont des jeunes qui ont vécu des problèmes de santé mentale assez sérieux sou- vent, sont réintégrés à la communauté. Là, Ils s'identifient comme des jeunes qui ont vécu des problèmes, mais qui apparaissent aussi comme étant fonctionnels. Par exemple - on le cite dans notre mémoire - dans la petite entreprise de location de bicyclettes qu'on a dans le Vieux-Port de Montréal où 70 000 touristes passent chaque année, il y a un écriteau dans la roulotte où on loue les bicyclettes sur lequel on décrit ce que les jeunes qui sont là ont vécu et ce qu'ils font, quelle est la démarche dans laquelle Ils s'inscrivent en travaillant dans cette petite entreprise. Contrairement à ce à quoi on s'attendait, la réaction des gens... On s'attendait que les gens soient assez froids et sévères et qu'ils fuient peut-être, mais au contraire les gens trouvent que tes jeunes qui sont là sont sympathiques et qu'ils s'impliquent pour pouvoir s'en sortir, qu'ils sont donc courageux de le faire. Ils appuient ces jeunes-là et reviennent pour continuer de les appuyer; ils en parient autour de chez eux.

Dans le quartier centre-sud, on fait un peu la même chose. Les jeunes qui sont là vont solliciter des groupes communautaires, ils s'identifient comme étant des usagers de la Maison Saint-Jacques, ils sont perçus dans le quartier, dans les autres groupes communautaires comme des usagers de la maison. Ce sont des jeunes qui sont en démarche pour pouvoir se réapproprier une identité sociale, ce qui est normalement très bien perçu par la communauté.

Nous pensons qu'il ne faut pas avoir peur de faire cela. C'est peut-être un truc qui est plus près de nous et qu'on fait quotidiennement, mais qui réussit à tout coup ou presque.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Oui. À vous entendre parler tout à l'heure, j'avais comme l'impression que vous vous voyiez un peu comme des adversaires du système psychiatrique. Je me posais la question: pourquoi pas comme des concurrents finalement?

M. Poirier: On est défini par le réseau - on pourrait dire - comme une ressource concurrente. Non, je ne pense pas qu'on soit des adversaires de l'approche psychiatrique, mais on en est vraiment une alternative, une véritable alternative, c'est-à-dire autre chose. Quand je dis autre chose, je ne parie pas seulement d'un ajout, par exemple, à une fin de traitement pour s'assurer que les gens bien médicamentés pourront éventuellement se trouver un job. Mais je veux dire qu'il y a vraiment autre chose à faire, au niveau de l'approche même thérapeutique, au niveau de l'approche de réinsertion, qu'une approche médicale. Dans ce sens-là, la Maison Saint-Jacques a été longtemps perçue comme antipsychiatrique et aussi, d'une certaine façon, elle s'Identifiait, dans les années soixante-dix, aux mouvements antipsychiatriques. C'est

une longue histoire, étant donné qu'elle a été fondée en 1972. Mais, dans les années quatre-vingt, c'est beaucoup plus par le biais d'une idéologie communautaire, d'un rapprochement avec d'autres sources du même genre. La Maison Saint-Jacques a contribué à fonder le Regroupement des ressources alternatives du Québec. C'est un peu dans l'ensemble de tout ce mouvement-là, qui a à la fois des composantes, je dirais, sociales, politiques et thérapeutiques, qu'on se situe. Ce n'est pas à la fois... Je ne dirais pas que c'est antipsychiatrique, mais ce n'est pas non plus seulement un complément à la psychiatrie, c'est vraiment quelque chose de concurrent

M. Sirros: Si je comprends bien, la clientèle avec laquelle vous travaillez est très semblable à une clientèle qui se trouve en institution psychiatrique.

M. Poirier: C'est une illusion de croire - c'est une autre chose qu'on nous amène parfois - que les gens qui viennent à la Maison Saint-Jacques, finalement, ce sont des jeunes qui ont des problèmes existentiels, qui n'ont pas de job et qui, par conséquent, ont un peu de difficulté à s'adapter ou qui ont des problèmes mineurs qu'on appellerait de névrose. Alors que la réalité, c'est que, souvent, les jeunes qui viennent a la Maison Saint-Jacques ont un passé psychiatrique important, une Institutionnalisation importante; certains ont fait dix ans, quinze ans en psychiatrie, même s'ils ont 27, 28 ans. Ils ont des diagnostics de schizophrénie, de psychose, de personnalité frontière, des diagnostics lourds. Et cela compose au moins 50 % de notre clientèle. Ils ont peut-être un avantage sur d'autres, c'est qu'Os sont jeunes. Ils ont moins de 30 ans. Donc, H y a quand même plus de potentiel de reconstruction que chez une clientèle qui aurait dans la soixantaine, par exemple. C'est l'avantage avec lequel on travaille, mais ce n'est pas sur le plan de la légèreté des problématiques.

J'ai fait mon stage de doctorat en psychologie clinique au Douglas, en 1983. Je n'ai pas nécessairement vu plus de problématiques lourdes là que j'en ai vu à la Maison Saint-Jacques. C'est seulement le fait que l'approche est vraiment différente. Étant donné que c'est une milieuthérapie où on peut intervenir trois, quatre Jours par semaine, où on s'assure qu'il y a des projets de réinsertion sociale, où on s'assure qu'il y a un groupe, donc, qu'il y a un vécu de reconstruction de relations sociales, il y a autre chose de possible que la médication.

M. Sirros: Une dernière question. J'allais vous demander si vous avez des... Par exempte, vous appuyez une recommandation qui est d'augmenter la recherche. Vous parlez du côté social de la recherche. Est-ce que vous avez des données, des suivis de la clientèle depuis le début? Est-ce que vous pouvez les comparer, par exemple, aux résultats des institutions psychiatriques, etc.? Je sais qu'il y a d'autres endroits qui, à travers ce que vous appelez la milieuthérapie, offrent une alternative à l'institutionnalisation. Est-ce que dans votre cas il y a eu un suivi, des données ou si des recherches ou des études ont été faites par rapport aux usagers et à ce qui est arrivé?

M. Charbonneau (Claude): Malheureusement, il y a un minimum de recherches qui a été réalisé à la Maison Saint-Jacques. Je dis bien un minimum parce que, longtemps, pendant des années, beaucoup de nos énergies passaient à négocier nos subventions. Donc, tout cet aspect était un peu mis de côté. On disait: la priorité aux services, une deuxième priorité à la survie et, en troisième lieu, la recherche. Donc, il n'y en pas beaucoup et, dans d'autres organismes communautaires, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup non plus. On est d'accord avec cette proposition du rapport Harnois: encourager la recherche psychosociale pour voir les incidences des phénomènes sociaux sur des problèmes de santé mentale et mesurer la pertinence des services et du soutien accordés à ces personnes, On est pleinement d'accord avec cela. On souhaite s'éloigner un peu de la recherche purement médicale où on se concentre sur ce qu'on connaît bien: les phénomènes biologiques, avec lesquels on est plus ou moins en accord, disons.

Le Président (M. Bélanger): Compte tenu du temps, nous devons malheureusement passer aux conclusions. Alors, M. le député de Joliette, en conclusion.

M. Chevrette: Je vous réitère mes remerciements. Sans doute que, dans l'élaboration d'une politique, on tiendra compte de cette dimension.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier. D'ailleurs, je vous connais depuis plusieurs années. Je suis déjà allée dans votre centre en 1979 quand Je faisais le tour des ressources psychiatriques à ce moment-là.

Je voudrais simplement vous dire qu'au point de vue de la recherche sociale, cette année, il y a eu 1 000 000 $ qui ont été mis à la disposition de la recherche en santé mentale, un million supplémentaire, dont 500 000 $ sont allés au Fonds de la recherche sociale du Québec et le reste au Fonds de la recherche en santé du Québec, et les deux travaillent conjointement avec priorité au social. C'était peut-être la première fois que vraiment on essayait de faire quelque chose du point de vue de la recherche du côté social en santé mentale.

Je vous remercie pour votre témoignage.

Cela ajoute beaucoup à toutes les discussions que nous allons avoir. Merci beaucoup.

M. Poirier Merci beaucoup, Mme la ministre.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Aux membres de la commission, si ce soir on ne peut pas améliorer la situation du chauffage dans la pièce, puisqu'il semblerait que c'est un problème dans tout l'édifice parlementaire, on essaiera d'avoir une autre salle plus petite qui nous permettrait peut-être... On va se coller!

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Ce soir, nous entendrons en premier lieu le Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Outaouais; en deuxième lieu, la Corporation des psychologues du Québec et, en troisième lieu, Mme Vesta Wagener Jobidon.

J'inviterais donc le premier groupe à se présenter à la table des témoins, le Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Outaouais. Le Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Outaouais est représenté par M. Jean-Robert Vaillancourt, qui est le président, M. Jean-Eudes Morin, président du comité d'actualisation en santé mentale, Mme Johanne Biais, vice-présidente du comité d'actualisation en santé mentale, Mme Fernande Vienne, membre du conseil, et M. Thierry Boyer, coor-donnateur.

Je présume que votre porte-parole est M. Vailiancourt?

CRSSS de l'Outaouais

M. Vaillancourt (Jean-Robert): C'est moi qui fais la présentation, mais ce n'est pas moi qui ai le monopole de la compétence.

Le Président (M. Bélanger): Vous êtes M. Vaillancourt, c'est bien cela?

M. Vaillancourt (Jean-Robert): M. Vaillancourt, M. Boyer, Mme Vien, Mme Biais et Mme Gatien.

Le Président (M. Bélanger): Mme Vien ou Mme Vienne?

M. Vaillancourt (Jean-Robert): Mme Vien.

Le Président (M. Bélanger): Mme Vien. C'est parce qu'on a écrit Vienne ici, il y a une erreur. Je vous inviterais à procéder. Vous connaissez tes règles de procédure, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et il y a 40 minutes pour la période de questions par les partis. Je vous invite donc à procéder.

M. Vaillancourt (Jean-Robert): M. le Président, au nom du Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Outaouais, permettez-moi d'abord de vous exprimer nos sincères remerciements pour nous avoir permis d'exprimer nos avis, nos réactions sur le projet de politique. Notre mémoire a été d'abord préparé à partir de l'expérience acquise dans l'Outaouais à la suite de l'adoption du plan régional des services en santé mentale en octobre 1985. Fort de l'énergie déployée et de son vécu, le comité d'actualisation des services en santé mentale a préparé ce mémoire.

Je vous souligne que ce comité relève directement du conseil d'administration. Il est chargé d'actualiser le plan de services en santé mentale et d'animer les différents milieux dans cette actualisation. Pour vous présenter le mémoire, je céderai la parole à Mme Johanne Biais, qui est aussi vice-présidente du comité d'actualisation du plan, afin qu'elle puisse vous faire part des réactions reliées au projet de politique pour un partenariat élargi. Mme Biais.

Mme Blais (Johanne): Merci beaucoup. Tout d'abord, j'aimerais vous souligner que l'analyse qui a été faite du projet de politique a été faite à partir du cadre de référence de ce qui se vit à l'heure actuelle en Outaouais.

En ce qui concerne les notions de santé mentale, on dit que la santé mentale résulte d'un équilibre dynamique et harmonieux entre la personne et son environnement. De façon concrète, la santé mentale vise à l'adaptation sociale et fonctionnelle des personnes et ce, en fonction de trois axes: biologique, psychologique et social. Telle est la définition que nous avons envisagée dans le plan régional des services en santé mentale dans l'Outaouais. La définition proposée par le comité de la politique nous semble plus poussée et plus dynamique et permet aussi dans sa formulation de mettre l'accent sur la qualité et les compétences de la personne. Les notions de psychodéveloppement et de contexte ont un sens plus positif. La définition proposée par le projet de politique mériterait d'être complétée par l'ajout suivant: par un répertoire de comportements.

Les notions de champ et de domaine nous semblent particulièrement intéressantes. Celles-ci sont des réalités distinctes en interaction. Ces liens ont aussi un impact sur le niveau de prévention qui devra être développé en regard du

champ ou du domaine. C'est pourquoi il est important que la réalité de la situation vécue de la personne détermine l'appartenance en ce qui a trait au champ et que les interventions à ce niveau soient associées à celles du domaine et réciproquement.

Au chapitre de la responsabilité de l'État en santé mentale, il devient évident et facile de déterminer le rôle et la responsabilité de l'État. Il nous faudrait dire que la responsabilité du MSSS quant au leadership à assumer dans l'intersectorlalité et dans le partenariat est absolument fondamentale. Un certain nombre d'actions peuvent et doivent se concerter sur une base locale, sur une base régionale ou sur une base provinciale, mais il faut de plus qu'il y ait une responsabilité et coresponsabilité à assumer un leadership.

Au chapitre du choix d'un cadre de référence, les deux objectifs "permettre à toute personne dont la santé mentale est perturbée ou menacée d'obtenir une réponse adaptée à ses besoins, une attention appropriée à sa situation" et "accroître les efforts pour favoriser le maintien et le développement optimal de la santé mentale de toute la population" semblent être les objectifs à partir desquels on peut justifier toute une série d'interventions qui mériteraient d'être plus qualifiées. La notion d'équité s'applique aussi sans considération des facteurs socio-économiques et politiques pour permettre effectivement le développement d'une bonne santé mentale. Prenons comme exemple les services et les moyens mis à la disposition d'une personne demeurant à Rapides-des-Joachims et d'une autre vivant à Hull, deux personnes vivant dans une même région. À ce moment-là, l'autre principe général, qui est la primauté de la personne et le respect auquel elle a droit, paraît prendre tout son sens et toute son importance.

En ce qui concerne les moyens proposés - la recommandation 2 - la notion de plan de services Individualisés devient un critère absolument essentiel si l'on veut pouvoir replacer la personne au centre des préoccupations. Ces valeurs de base sont liées à la notion de plan de services individualisés et doivent être là pour éviter qu'elles ne deviennent qu'un Instrument de gestion, mais bien un Instrument pour et au service de la personne en besoin de services. On ne voudrait pas que le plan de services devienne un formulaire comme le B5412.

Rappelons ici les principaux fondements du plan de services Individualisés: la conception positive de la personne; la recherche d'un rôle social valorisé; l'intégration physique, sociale, personnelle, civique, fonctionnelle; les droits de la personne; l'Implication majeure et significative de la personne, de sa famille et de ses proches; le droit à la protection; la philosophie d'intervention basée sur une approche globale et sur une prise en charge minimale; le service rendu dans le milieu de vie de la personne.

En ce qui concerne la recommandation 3, la préoccupation d'avoir à un moment donné une personne capable de défendre une autre personne sur une base Individuelle est absolument fondamentale et très saine. Cette personne devra obtenir le pouvoir d'agir rapidement et efficacement. Il est clair, pour nous, que cela ne signifie pas la fonction d"advocacy", au niveau d'un groupe qui doit être assumée par des groupes de promotion et de défense de droits. Nous aurions tendance à penser que le mandat de cet "ombudsperson" relève du bureau du Protecteur du citoyen, avec une délégation facile d'accès dans chaque sous-région. Nous ne pensons pas que l'Intégration au CRSSS soit à privilégier. On parle, en faisant cette recommandation, évidemment des droits individuels pour la personne. Lorsqu'on parte de droits généraux, j'aimerais que Thierry Boyer s'exprime et développe là-dessus.

M. Boyer (Thierry): Je pense qu'en ce qui concerne les droits généraux, à partir du moment où on parle de groupes de personnes qui, collectivement, vivent un certain nombre de situations, il est du ressort du conseil régional de favoriser l'émergence et le développement de ces groupes en les aidant, en les supportant financièrement, éventuellement, pour qu'ils soient capables, en tant que groupes, de faire vraiment valoir leurs droits sur une base collective. Ceci est à distinguer de la partie qui est purement individuelle, où à un moment donné une personne devrait avoir une réponse rapide par rapport à la situation personnelle qu'elle vit, quelle que soit la situation, et dans un laps de temps qui soit le plus bref possible, avec un principe qui, à notre avis, est sous-jacent aussi, un endroit centralisé qui pourrait aussi être un guichet principal, sans forcément être un guichet unique, auquel le citoyen pourrait s'adresser. Dans certaines situations, on peut voir que, des fois, il y a une commission scolaire ou une école qui est impliquée, il y a à la fois des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux ou des organismes ministériels; à ce moment-là, cela permettrait de pouvoir toucher l'ensemble des ministères ou l'ensemble des actions gouvernementales. C'est pour cela qu'on a favorisé le Protecteur du citoyen.

Avec l'autre avantage aussi, c'est que cela ne touche pas exclusivement les personnes qui vivent en établissement, mais cela permet à tout citoyen qui vit à un moment donné des difficultés particulières dans le réseau, parce que sa santé mentale, à un moment donné, est perturbée ou atteinte ou menacée, de pouvoir avoir un recours sur une base individuelle. Donc, il y a la notion de recours individuel, l'explication individuelle, ce qui se passe avec moi, avec ma situation, et la notion de groupe collectif. À ce moment-là, on pense effectivement que le conseil régional de la santé et des services sociaux, dans le cadre de son plan d'organisation régionale des services, doit mettre en place des mesures et

des mécanismes pour favoriser l'expression de ces groupes.

Mme Blais: Concernant la recommandation 5, nous insistons afin que la notion de répit ne soit pas associée à un établissement ou à une forme de structure, mais qu'il soit possible de développer quelques ressources qui varient en tenant compte des besoins individuels et locaux disponibles avec le moins de formalisme possible. Il est fondamental que le répit soit varié et qu'il ne soit pas exclusif ou rattaché à une seule catégorie d'établissements ou à un seul type d'organismes. Ce rattachement devient un moyen et on doit le développer en collaboration étroite avec les regroupements de familles et les proches.

Concernant la recommandation 7, évidemment, comme dans la région de l'Outaouais on est à actualiser des choses pour ce qui concerne la formation, nous avons déjà en place un microprojet qui, nous l'espérons, va déboucher sur quelque chose de plus permanent. J'aimerais que Mme Fernande Vien nous en fasse part.

Mme Vien (Fernande): Alors, à l'Université du Québec, nous avons planifié un programme de certificat en santé mentale qui s'Inscrit dans la demande faite à l'université par le comité mandaté par le Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Outaouais pour assurer l'actualisation du plan de services en santé mentale. Alors, cette demande repose sur les considérations suivantes: l'ampleur des connaissances à acquérir dans une optique de perfectionnement, l'assurance d'une formation structurée et de qualité puisque soumise à une évaluation formelle, l'Importance d'une accréditation de la formation continue pour les Intervenants ainsi que l'éveil à une collaboration accrue à la recherche en santé mentale. Le programme de perfectionnement en santé mentale s'adresse à des intervenants dont la majorité ont une formation professionnelle sanctionnée par le Code des professions du Québec. Alors, le programme proposé tient compte de ces acquis et offre à l'intervenant la possibilité de mettre à jour ses connaissances de base ainsi que les problématiques prioritaires actuelles reliées à la santé mentale.

Sur le plan des valeurs, le programme offre à l'intervenant l'occasion de mettre en question ses attitudes et de clarifier ses croyances et sa philosophie d'intervention. L'intégration des connaissances dans la pratique donnera à l'intervenant de nouvelles approches de planification et d'intervention. Le programme veut aussi encourager les Intervenants à participer activement aux changements suscités par le développement des services et des ressources. Enfin, compte tenu de la complexité même du domaine et du champ de la santé mentale, le programme de perfectionnement proposé s'avère de niveau universitaire de 1er cycle.

Mme Blais: La formation dont vient de parier Mme Vien est essentielle pour nous. Elle fait partie des moyens. On a aussi vécu au début du mois de décembre un symposium qui a permis à 425 personnes de notre région de faire un partage d'outils et de connaissances concernant la santé mentale.

En ce qui concerne la recommandation 12, j'aimerais entendre M. Boyer, s'il vous plaît.

M. Boyer: La recommandation 12, je pense qu'avant de... Sur le principe, dans le mémoire, on dit que c'est absolument essentiel, si on veut être capable de parler effectivement de partenariat et d'Interventions communautaires, que les montants de dépenses qui sont affectés a l'évaluation puissent être reconnus. Avant même de dire cela, je pense qu'on aurait dû préciser que la notion d'évaluation est absolument indispensable pour nous. Elle est indispensable et elle est un prérequis même à une démarche d'implantation ou à une démarche d'Implication d'un certain nombre de services. Je pense que dans cette démarche il y a un lien privilégié. SI on regarde l'organisation régionale des services et le plan d'organisation des services, D faut qu'il y ait un lien qui se fasse entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et les conseils régionaux quant à la fonction d'évaluation des services. Il y a une fonction d'évaluation de l'implantation des services qui est absolument nécessaire pour et en regard de ce que vit une personne. Dans un deuxième temps, une évaluation est faite beaucoup plus tard pour voir l'ensemble de l'impact. En tout cas, avant même de considérer que l'évaluation des services doit être faite par une partie interne ou une partie externe, c'est un processus qui doit être vu de manière globale et concertée aux différents paliers, autant chez les gens qui donnent des services, chez les conseils régionaux qu'au ministère.

Il nous paraît aussi important que l'évaluation ne dépende pas d'une structure - disons qu'il y aurait un type d'évaluation pour les organismes communautaires, un type d'évaluation pour les hôpitaux, un type d'évaluation pour les CLSC - mais qu'on arrive à trouver un mode d'évaluation qui transcende les organisations et qui soit fondamentalement axé sur ce que vit la personne dans ces services et dans sa quotidienneté. Est-ce que les services lui sont concrètement accessibles ou pas? Est-ce qu'elle reçoit du soutien ou si elle n'en a pas? Est-ce qu'éventuellement les moyens qui sont mis à sa disposition sont efficaces ou s'ils ne le sont pas? Il faut arriver à trouver un mode d'évaluation qui soit centré sur la personne et non sur les structures. Sinon, on va toujours se retrouver avec des débats de structures "défocussés" par rapport à la réalité de ce que vit la personne. Dans l'Outaouais, on vient d'achever un document à ce sujet qui va nous permettre de faire l'évaluation de l'implantation des services en

santé mentale.

Mme Blais: En ce qui concerne la recommandation 17, nous sommes en accord, sous réserve des précisions suivantes. On souhaiterait que le MSSS élabore une formule de financement garantissant, lors de l'octroi d'un premier mandat de services à un groupe communautaire, une continuité de financement sur un minimum de trois ans et, de manière optimale, de cinq ans. Il nous apparaît évident que, si, au bout de deux ans, un organisme communautaire est obligé de se poser à nouveau la question du financement, il devient à la merci d'un certain nombre de difficultés qui l'empêcheraient de développer les compétences nécessaires sur le plan des services. Pour nous, ce serait reconnaître la volonté de partenariat dans la politique en santé mentale.

La recommandation 18. Nous sommes évidemment en accord avec cette proposition. Le fait d'avoir un cadre de référence et des orientations claires accélérera et facilitera la démarche de planification régionale d'organisation des services. Notre expérience nous porte à croire que l'accessibilité et la disponibilité d'une gamme de services doit se développer sur une base sous-régionale pour l'ensemble des régions.

Nous sommes également d'avis que les quatre éléments identifiés dans le processus d'élaboration d'un plan d'organisation des services, à savoir: l'identification des besoins de la population d'un territoire, la détermination des services nécessaires à la réponse à ces besoins, la mise à contribution des ressources disponibles et l'évaluation des résultats, cela devra être une démarche fondamentalement dynamique qui permet un auto-renouvellement continu.

M. Boyer, si vous voulez...

M. Boyer: Je pense qu'il y a aussi un élément qui est important dans la recommandation du rapport Harnois. Un plan d'organisation des services, ce n'est pas uniquement une distribution de mandat et d'argent Un plan d'organisation des services, en tout cas, selon l'expérience qu'on a vécue, est avant tout la capacité de faire un cheminement commun et d'avoir une compréhension commune de la réalité des services en santé mentale et de la manière et où les services doivent se donner. Je dirai que cet élément-là est peut-être à la limite l'avantage le plus important de fonctionner avec un plan régional de services. Une fois qu'on a fait cela, on est capable de développer un cadre sur le type d'intervention qui est nécessaire. Dans un troisième temps, on pourra faire une répartition de mandat ou une répartition financière, etc. Mais, fondamentalement, ce qui est Important dans un plan de services, c'est de développer une compréhension commune. (20 h 30)

Mme Blais: En ce qui concerne la recommandation 20, nous désirons insister sur l'approche intégrée des services pour rejoindre les jeunes de 0 à 18 ans qui présentent des problèmes de santé mentale ainsi que leur famille. Il faut absolument que ce travail soit fait en lien avec les autres pouvoirs impliqués, c'est-à-dire le scolaire, les municipalités, les services sociaux beaucoup plus que ce que ta politique en dit.

En ce qui concerne la désinstitutionnalisation, la recommandation 30, nous pensons qu'il faudrait préciser les conditions de réalisation, à savoir qu'il conviendrait d'ajouter une condition préalable aux quatre conditions générales, soft une démarche centrée sur les besoins de la personne. Il faudrait faire intervenir ici la notion de qualité de vie qui est particulièrement Importante et ce, en lien avec l'orientation 5 que l'on retrouve à la page 50.

Il faudrait également inclure dans les conditions générales la notion de plan de services individualisés comme garantie minimale et obligatoire. Nous pensons que ce groupe d'experts devrait relever directement du ministre de la Santé et des Services sociaux. Le pourquoi de cela, ce qu'on se disait au niveau régional c'est que l'expertise, au niveau du Québec, il n'y en a presque pas. Thierry, si tu veux continuer.

M. Boyer: II y a cet élément-là qui est Important effectivement C'est d'arriver à avoir...

Le Président (M. Bélanger): Le temps est écoulé. Si vous pouvez aller en conclusion, s'il vous plaît!

M. Boyer: On reviendra là-dessus, si nécessaire.

Mme Blais: De toute façon, on avait terminé tous les deux. C'était terminé.

M. Boyer: Je pense que c'était fini.

Le Président (M. Bélanger): Cela irait comme cela?

Mme Blais: Oui.

Le Président (M. Bélanger): D'accord. Mors, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Ah, ils ont terminé? Le Président (M. Bélanger): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Ah bon. Alors, je veux remercier le Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Outaouais de s'être déplacé et de participer à la commission sur te projet de politique en santé mentale. C'est particulièrement intéressant, compte tenu que vous aviez déjà depuis plusieurs années et plus récemment mis en application - du moins, je pense - une partie de la politique en santé mentale que vous aviez préparée pour votre région.

Je crois comprendre que dans l'ensemble de

votre mémoire, sauf pour des précisions et certains raffinements, vous êtes globalement d'accord avec le projet de politique du comité Harnois. Est-ce exact?

M. Vaillancourt (Jean-Robert): Vous avez raison.

Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir d'abord à la dernière question - vous n'avez pas eu le temps de finir de l'expliciter - en ce qui a trait à la désinstitutionnalisation. Ce que j'ai cru comprendre c'est que ça devrait être un groupe d'experts, compte tenu du peu d'expérience qui existe présentement au Québec. Ai-je bien compris?

M. Boyer: II y a ça, mais c'est un niveau de préoccupation d'arriver à recentraliser cette expertise. Il existe de l'expertise. Elle est souvent éparpillée. Elle gagnerait peut-être effectivement à être centralisée. Il y a aussi un deuxième élément II nous paraît Important que ce comité d'experts puisse être rattaché directement au ministre pour la raison qu'il faudrait qu'il soit à un niveau au-dessus du niveau fonctionnel de prise de décision. À partir de ce moment, ce groupe d'experts pourra avoir la possibilité de conseiller, de regarder, de critiquer positivement ou négativement un certain nombre d'actions qui auront été posées conjointement par le ministère, par les conseils régionaux et par les établissements. Ça nous paraît quelque chose de très important. C'est aussi un moyen de vérifier si les conseils régionaux font effectivement une partie de leur travail et le font sérieusement à l'intérieur de cela. Cela nous paraît important que l'application et l'implantation des services soient aussi évaluées et regardées de manière assez sérieuse. C'est dans ce sens-là que l'on pense effectivement que ce comité d'experts, il est important qu'il soit centralisé, mais il est important aussi qu'il relève directement du bureau de la ministre.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais vous demander ceci en relation avec l'expérience que vous faites et l'institutionnalisation, parce qu'on parle toujours de désinstitutionnatisation, mais je pense qu'avec les années qui vont venir on parfera peut-être davantage de non-institutionnalisation que de désinstitutionnalisation. Avec les ressources que vous avez mises en place ou qui sont à se développer, même si vos évaluations ne sont sans doute pas complétées, est-ce qu'il y a un effet très positif sur la non-institutionnalisation des gens? Avez-vous l'impression que vous sentez une décroissance dans l'Institutionnalisation?

M. Boyer: On sent au moins quelque chose, c'est que l'institutionnalisation n'est plus la seule alternative, qu'il y a d'autres possibilités et que cela peut donner d'autres moyens. Effectivement, on commence à le sentir et cela commence. Il y a un certain nombre de mesures qui sont en train de s'Implanter. Donc, c'est difficile de faire le bilan, mais à partir du moment où on recentre cela sur la personne, à partir des moyens nécessaires pour qu'elle puisse vivre une vie de qualité dans la société, c'est-à-dire qu'elle soit intégrée physiquement et socialement, je pense que cela commence à porter un certain nombre de fruits et cela commence à présenter d'autres alternatives à l'institutionnalisation.

D'autre part, il y avait des personnes qui étaient hébergées en milieu hospitalier et pour lesquelles le milieu hospitalier n'était pas forcément le mode Idéal de services. On a trouvé d'autres alternatives de services qui ne sont pas en Institution, et il semble que la qualité de ces services et la qualité de vie de ces personnes se sont surtout grandement améliorées. Je parle, évidemment, d'un petit nombre.

Mme Lavoie-Roux: II y a une autre question que j'aimerais vous poser et qui se situe un peu dans la suite du débat qui a été amorcé avant le souper - je ne sais pas si vous étiez ici - sur cette fameuse question d'Intervenants et des responsabilités respectives des différents intervenants. J'entendais dire tout à l'heure que, finalement, il ne s'agissait peut-être pas de tel ou tel type de ressource, mais plutôt la ressource qui convenait à une personne donnée dans une situation donnée.

Est-ce que cette approche remet un peu dans l'ombre, si je puis dire, tout ce débat au sujet de qui doit être l'intervenant principal ou le rôle de chacun ou est-ce que, naturellement, les rôles tombent en place? Est-ce que vous avez assez d'expérience pour pouvoir nous répondre là-dessus?

M. Boyer: II y a peut-être d'autres membres qui pourraient répondre aussi. Je pense qu'à partir du moment où on resitue cela par rapport aux besoins de la personne les choses prennent un poids relatif à savoir quel type d'intervenant est le plus important. Je vais donner un exemple qui, pour mol, illustre bien cela. C'est un exemple qui est donné souvent, mais qui est très significatif. C'est une famille qui a un enfant autistique de 15 ou 16 ans; depuis 15 ou 16 ans, l'enfant, de manière systématique, déchire la tapisserie, brise les meubles, enlève les tapis, etc. À tous les mois, parce que les parents pensent que c'est encore Important que cet enfant ait une chambre propre, ils refont la chambre. La nature du service qui est donné à cette famille pour que cet enfant ne soit pas institutionnalisé et puisse continuer à vivre à l'intérieur de la famille, en dehors des services scolaires qu'il a, c'est quelqu'un qui aide régulièrement la famille à remettre la pièce en état. Cela, c'est une forme de service qui, dans le cas de cet enfant, est suffisant pour qu'il puisse demeurer avec sa famille. Dans d'autres cas, ce sont des personnes qui sont prises en charge,

avec un éducateur, de manière beaucoup plus Intensive, quasiment 24 heures par jour, parce que, pour la sécurité de la personne et pour la sécurité des autres et pour son apprentissage, cela lui est nécessaire. Dans un autre cas, c'est une personne qui assume une forme de traitement qui assume le leadership.

On ne pense pas qu'il y ait un type d'Intervenant qut ait obligatoirement la responsabilité. Les besoins de la personne et la réponse nécessaire à cette personne Identifient le type d'intervenant qui doit entrer en ligne de compte.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question pour le moment. Vous avez formé un comité au niveau régional, un comité de santé mentale pour la préparation de votre guide de santé mentale pour la région. Est-ce que vous pourriez me dire qui était représenté à ce comité?

Mme Gatien (Claudette): Au début, lorsque nous avons commencé la planification régionale, il y avait des Intervenants de toutes les disciplines, de première et de deuxième ligne, dans le jargon; il y avait aussi des bénévoles et des représentants d'organismes communautaires.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y avait des usagers?

Mme Gatien: Comme tels...

Mme Blais: Mol, j'étais là justement lors du débat sur le siège réservé à l'usager. On n'a pas voulu mettre une étiquette "usager". Au niveau du comité d'actualisation, à l'heure actuelle, il y a des gens qui ont utilisé des services de santé mentale, mais fis ne sont pas là avec une étiquette. Je pense qu'il faut se replacer dans te contexte de l'Outaouais où c'est un vaste territoire très peu populeux, si on considère une ville comme Montréal, et on ne voulait surtout pas fausser le débat et dire: Cela, c'est la personne qui a vécu le cas. Mais je peux vous dire qu'au comité d'actualisation nous sommes des personnes qui avons vécu des situations où nous avons eu besoin de services en santé mentale.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Tout d'abord, en ce qui concerne la campagne d'information, vous dites que ta campagne devrait se faire sur une base régionale, en fonction des priorités du plan d'organisation régional des services, alors que dans le rapport du Dr Harnois on parle plutôt d'une campagne de sensibilisation à l'échelon national, si j'ai bien compris. J'aimerais bien savoir pourquoi vous préconisez une campagne de sensibilisation à l'échelon régional alors que la sensibilisation des

Québécois peut être uniforme à l'ensemble du Québec. Il ne doit pas y avoir de troubles plus particuliers à Ottawa ou dans l'est, dans la région de I'Outaouals...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je me suis trompé. Vous avez vu ma déformation, madame. Je ne vois pas quel particularisme vous pourriez avoir, dans la région de l'Outaouais québécois, qu'il ne peut y avoir dans la région de Québec ou Montréal face à la santé mentale ou à la promotion de la santé.

M. Boyer Juste pour donner un exemple qui est très simple et qui est une raison pour laquelle, dans l'Outaouais, nous n'avons pas fait de campagne de sensibilisation régionale. Nous avons actuellement un travail d'action qui se fait dans une sous-région. Et la raison est la suivante. C'est que, dans une sous-région de l'Outaouais, dans trois villages il y a une concentration atypique de personnes qui ont vécu des difficultés de santé mentale, qut ont été placées là en famille d'accueil, des familles d'accueil de huit ou neuf. On retrouve à peu près 85 personnes sur une population possible de 400 ou 450 personnes. Des municipalités commençaient un peu à rejeter ces personnes-là. Elles refusaient de payer pour le transport rural. Elles refusaient éventuellement un certain nombre de choses, un certain nombre de services sociaux qui avaient une certaine distance par rapport à cette clientèle-là, sous prétexte que ce sont des gens qut avaient des difficultés mentales qui étaient très importantes.

Ce qu'on a fait, parce qu'on considère effectivement que les conditions de vie de ces personnes ne sont peut-être...

M. Chevrette: Est-ce que L'Annonciation est toujours dans votre région?

M. Boyer: Non, ce n'est pas L'Annonciation. Je parte d'une zone qui est dans la Petite Nation et dans la Petite Rouge actuellement. Et dans cette situation-là, pour les personnes qui vivaient en famille d'accueil, il était préférable de ne pas faire une action d'un point de vue régional mais de faire un travail d'animation communautaire avec les gens du milieu pour développer une forme de tolérance et, dans un deuxième temps, de développer des plans de services qui vont permettre à ces personnes de pouvoir réintégrer leur milieu. Une campagne d'information au niveau provincial nous aurait peut-être dérangés. C'est même pour ça qu'on a choisi de ne pas faire une campagne d'information régionale mais de le faire sur une base sous-régionale pour respecter tes personnes.

M. Chevrette: Oui, mais l'esprit du rapport Harnois - à moins que je ne me trompe - c'est une sensibilisation collective de la population

québécoise. C'est de même que je l'ai Interprété en tout cas. Je peux me tromper. C'est dommage qu'il ne soit pas au bout de la table pour nous répondre de temps en temps. Je suis sûr qu'il aurait même rectifié des énoncés que j'ai faits cet après-midi. Mais, ceci dit, il m'apparaît qu'il est du domaine des CRSSS d'avoir des campagnes de sensibilisation plus localisées, plus spécifiques, mais, quand on parle d'un village et qu'on vient potentiellement déranger un plan national de sensibilisation, vous ne croyez pas que c'est discordant par rapport à la vision que présentait le rapport Harnois?

M. Boyer: Ce n'est pas qu'on est contre. Mais qu'on tienne compte des particularités régionales et des particularités sous-régionales. Il y a peut-être des manières de l'articuler qui ne se font pas uniquement à partir de ce qui aurait été pensé dans un endroit, etc., d'essayer de tenir compte peut-être de certaines formes et de certaines réalités qui existent. Le message ou le contenu du message est sensiblement le même dans l'Outaouais, je pense, qu'au Lac-Saint-Jean. Mais la manière d'articuler la campagne, le tempo, la période où elle doit se situer par rapport à tel ou tel type d'action, etc., je pense que c'est là où on demande qu'il y ait un respect en fonction des priorités régionales et des priorités sous-régionales. Ce n'est pas qu'on est contre. Mais peut-être de modérer un certain nombre de choses.

Mme Biais: Notre plus grande Inquiétude... M. Chevrette: Je me... Oui, allez-y.

Mme Biais: ...se situe dans la façon dont on va le faire. Les choix qui seront faits provincialement, évidemment on peut parler de schizophrénie et essayer de démystifier la schizophrénie. On n'arrivera jamais à expliquer à personne qu'il y a à peu près 227 sortes de schizophrénie et 300 sortes de psychose et en même temps à dire au monde que ce n'est pas dangereux. Comment va-t-on réussir à dire ça? C'est tout simplement en respectant le milieu et le langage que le milieu va comprendre. Et nous ce qu'on veut faire c'est de la sensibilisation mais de façon positive en permettant aux gens qui connaissent des difficultés plus grandes, différentes des difficultés physiques, de se faire une place sans être étiquetés. 'Lui, ne lui parle pas trop fort, il est malade." Je pense que c'est dans les consultations qu'on a faites avec les gens qui ont connu des difficultés... Cela a été souligné dans le rapport Harnois. C'est arrêter de voir les gens comme une maladie. C'est pour cela qu'on dit... (20 h 45)

M. Chevrette: Comment expliqueriez-vous, madame, qu'une région sur douze, treize ou seize, depuis le dernier décret, veuille avoir son plan de sensibilisation alors que l'ensemble du

Québec désire un plan uniforme? Pour un schizophrène à Hull ou un schizophrène au Lac-Saint-Jean, est-ce que ce ne sont pas les mêmes symptômes, la même sensibilisation à donner? Je comprends très difficilement votre argumentation.

Mme Biais: Notre argumentation...

M. Chevrette: Si vous me disiez que c'est parce que vous voulez axer votre plan de sensibilisation exclusivement sur la psychose, par exemple, alors qu'au Québec la ministre a décidé d'y aller dans une première année sur les instincts suicidaires, cela je pourrais comprendre que vous puissiez être divergents du plan national. Mais, à partir du moment où on choisit un thème national, je ne comprends absolument pas votre argumentation et j'attends des explications plus claires.

Mme Blais: Je pense que la principale argumentation provient du fait qu'on est une des seules régions, à ma connaissance, qui a mis sur pied un plan de services en santé mentale et nous sommes à l'actualiser. Je pense que notre réponse peut être là aussi.

M. Chevrette: Cela me convainc plus.

Mme Biais: Bon, sur les dix, onze, douze, treize régions qui sont toutes d'accord, l'Outaouais est la seule où on a dit: Oui, on a un plan de services. On le met en action, envers et contre tous, parce qu'évidemment je suis d'accord que cela n'a pas fait l'unanimité du reste de la province. Mais on y a été et on l'a fait. C'est à partir de là qu'on avance ce qu'on vous dit. C'est en conformité avec l'adoption de ce plan-là, en conformité avec notre vécu.

Mme Gatien: Je renchérirais aussi, M. Chevrette, en disant que nous sommes actuellement, au comité d'actualisation, à nous pencher sur toute cette question de promotion et de sensibilisation des populations. Lorsque nous avons fait la tournée des différentes sous-régions de l'Outaouais pour faire la promotion de notre plan de santé mentale et pour Indiquer aux gens de chacune des sous-régions que nous voulions enligner, si vous voulez, l'actualisation du plan en fonction des besoins de chacune des sous-régions, les gens nous ont dit: Voulez-vous, s'il vous plaît, ne pas faire de promotion "at large" tout de suite. Laissez-nous nous organiser. Laissez-nous identifier le vécu et où sont nos personnes dans te besoin et ensuite nous serons avec vous pour faire la promotion et la sensibilisation globale en santé mentale. Je pense qu'essentiellement notre message se situe plus là, dans cette espèce de respect de chacune des régions à implanter leurs services et ne pas créer, finalement, des attentes inutiles dans la population en faisant la promotion de tel ou tel service, alors que dans la réalité et dans la vraie

vie de tous tes jours ces services ne sont pas encore Implantés. Je pense que c'est à cela qu'il faut faire attention actuellement.

M. Chevrette: Vous pouvez y aller.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que quand on parle de sensibilisation de la population, dans un premier temps, ce n'est pas nécessairement une sensibilisation ou une promotion des services. Je pense que c'est une éducation de la population au phénomène de la santé mentale, de la place que ces gens peuvent occuper sur le marché du travail, relativement à la réinsertion sociale. C'est peut-être un peu différent d'une deuxième étape, où on fait connaître tes services, etc. Je suis d'accord avec vous que tant que les services n'y sont pas cela ne sert à rien de créer des attentes qui ne pourront pas êtres satisfaites. Est-ce que vous ne croyez pas qu'au départ il y a une éducation de base? Parce qu'il y a encore des familles, on le sait, qui ne veulent pas parler de leurs proches qui ont des problèmes de santé mentale. Il y a encore des tendances à les cacher, à les nier, etc. Est-ce qu'il n'y a pas une acceptation de base que la communauté ou la population en général doit faire?

Mme Gatien: C'est très clair qu'il faut parler ouvertement de la santé mentale et il faut en faire la promotion. Je pense que, là-dessus, il n'y a pas de problème.

M. Boyer: Je pense que, si c'est une promotion des compétences des personnes, on n'aura aucune difficulté. Si c'est une campagne de sensibilisation qui est orchestrée en même temps qu'un mouvement de désinstitutionnalisation, alors que des municipalités mettent des règlements de zonage qui interdisent toute forme de résidence pour des personnes qui ont vécu des difficultés importantes, etc., qu'il y a des gens qui arrivent à faire baisser leur évaluation municipale sous prétexte qu'il y a un foyer de groupe qui vient s'implanter dans la rue, etc., je pense que c'est un peu deux poids, deux mesures. Mais, si c'est pour faire la promotion des personnes, la promotion de leurs compétences réelles à l'intérieur de la société, cela ne nous dérange pas.

M. Chevrette: Là, cela se précise. Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Chevrette: C'est un peu comme un ténor qui est pour la désinstitutionnalisation pour autant que ce n'est pas dans sa rue.

Mme Blais: Oui, c'est...

M. Boyer: Bien, c'est justement...

M. Chevrette: C'est ce que je comprends.

M. Boyer: ...pour éviter qu'on ait ce genre de situation et qu'on se retrouve encore avec...

Mme Lavoie-Roux: On est encore vis-à-vis du tabou. À entendre parler tes gens, s'il se passe un accident ou si un ex-psychiatrisé est agressif vis-à-vis de quelqu'un, c'est que tous ceux qui sortent des Institutions sont agressifs envers tout le monde, alors qu'on sait que les proportions sont tellement moindres que dans la population en général; c'est la perception que les gens ont. Dans ce sens-là, je pense qu'il y a beaucoup de travail de défrlchage à faire, finalement On veut faire avancer...

Mme Blais: Notre réaction provient aussi de ce qui est inscrit dans le document. Ce n'était pas tellement précis et on ne veut pas prendre de chance là-dessus. On dit: Oui, si on veut faire une campagne provinciale, on espère qu'on aura notre mot à dire, c'est clair.

M. Chevrette: C'est la façon de mettre le pied dans la porte.

Mme Blais: Oui, oui!

M. Chevrette: Deux ou trois petites questions rapides. Ma première: Qui voyez-vous comme responsables de première ligne? Je vous essaie, là! Faites-moi partager votre joie, maintenant.

Mme Lavoie-Roux: De première et de deuxième ligne.

M. Chevrette: Eux autres disent cela, mais la multidisciplinarité, s'il n'y a pas de leader et s'il n'y a pas quelqu'un qui décide, qui est-ce?

M. Boyer: En Outaouais, vous avez quatre sous-régions.

M. Chevrette: Oui.

M. Boyer: Vous avez quatre modèles organisationnels de services de première ligne qui sont différents.

M. Chevrette: Je m'excuse, j'étais en retard.

M. Boyer: Comment?

M. Chevrette: J'étais en retard.

M. Boyer: C'est cela qui est Important. Ce qui est important, c'est que le service se donna

Je vais vous donner l'exemple de Pontiac. Dans Pontiac, vous avez un CLSC et un CH communautaire. Vous avez un point de services du CSS, un point de services d'un centre d'accueil en déficiences Intellectuelles et deux centres d'accueil d'hébergement. Par rapport aux

personnes qui vivent des situations de crise ou des situations de détresse, l'ensemble des établissements et des organismes du milieu ont dit: On va s'assurer que, 24 heures sur 24, on soit capable de donner une réponse adéquate aux personnes. Ce service est coordonné par le CLSC avec la participation d'un réseau de 25 à 30 Intervenants de différents établissements et de différents organismes. Dans ce cas-là, c'est le CLSC.

Si je vais à Maniwaki, vous avez un CLSC et un centre d'accueil et vous avez un CH. La démarche se fait à partir d'un comité de gestion Interétablissements avec un budget en fiducie au centre hospitalier.

Si je suis dans Hull-Aylmer-Gatineau, j'ai un centre d'aide qui répond 24 heures sur 24 et vous avez un accroissement des services par les CLSC avec un support de deuxième ligne par un hôpital psychiatrique qui a un service de support psychiatrique dans la communauté.

SI je vais dans la Vallée de la Lièvre, j'ai encore une autre forme de services interétablissements et, si je vais dans la Petite Nation... Ce sont deux sous-éléments d'une même sous-région qui se retrouvent, effectivement, uniquement articulés à partir du CLSC. Ce qui est important, c'est que, partout dans la région de l'Outaouais, une personne qui, actuellement, vit une situation de crise ou de détresse a une réponse. Le "qui le donne" ou "qui en aura la responsabilité", pour nous, nous a paru comme étant moins important, pour autant que les organismes et les établissements s'entendent pour donner te service...

M. Chevrette: Et c'est partagé par toutes les corporations professionnelles?

M. Boyer: Oui, parce que ce sont les propositions organisationnelles qui nous ont été faites par les sous-régions.

M. Chevrette: Est-ce qu'elles pourraient assumer un leadership national là-dessus? Celle-là...

Le Président (M. Bélanger): Un problème à la fois, monsieur.

M. Chevrette: ...je ne vous demande pas d'y répondre.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette, un problème à la fois.

M. Chevrette: Oui, mais un message, ça se passe en même temps. Vous savez que ce n'est pas le cas partout.

J'ai une petite question également sur la notion de perfectionnement ou de recyclage. Je vais plutôt parler de recyclage, Vous dites souvent que la formation continue doit être favorisée au maximum, il faut encourager les initiatives, etc. C'est surtout aux recommanda- tions 6, 7 et 8. Que pensez-vous maintenant face à la désinstitutionnalisation et aux personnels qui seront affectés par les désinstitutionnalisations? Est-ce que vous préconisez la même chose que vous préconisez aux recommandations 6, 7 et 3? Est-ce que vous voyez un recyclage de cette main-d'oeuvre? Est-ce que vous voyez le maintien de la sécurité d'emploi de ces travailleurs? Est-ce que vous les voyez recyclés et réinstallés dans d'autres fonctions? Est-ce que vous auriez encore répondu à cela avant que j'arrive?

Mme Blais: Non.

M. Chevrette: Dans ce cas-là, faites-moi partager véritablement votre joie.

Mme Blais: II y a quelques pièges dans votre question.

M. Chevrette: II n'y a pas de piège, madame.

Mme Blais: Disons que, oui, pour le recyclage, il n'y a pas de problème. Pour la sécurité d'emploi... Je pense qu'on revient toujours à la notion de services. C'est dépendant des services qui vont être offerts pour répondre aux besoins de la personne. Je pense que là-dedans, autant en ce qui a trait aux établissements qu'en ce qui a trait aux organismes, on va apprendre à mieux s'évaluer, mieux se réévaluer, à mieux se reformer. À ce moment-là, il est sûr que des emplois vont être garantis. Mais je ne pense pas qu'on veuille que le système dise: Oui, tout le monde va avoir sa sécurité d'emploi. Ceux qui vont faire des choix, ceux pour qui la personne va être la priorité vont refaire des choix professionnels. Dans le fond, ce qui est recommandé, ce n'est pas de tout abolir. Au contraire, on reconnaît l'importance de tous les intervenants et ce n'est pas une politique en santé mentale ou un plan de services en Outaouais qui va faire que, demain matin tout va être réglé.

M. Chevrette: Je vais reposer ma question. Vous décidez de désinstitutionnaliser. Je suppose que Mme la ministre, demain matin, donne suite, par exemple, au plan de Louis-H. Lafontaine de 1985. On est en 1988. Je suppose qu'elle décide de le faire. Cela veut dire qu'elle décide de bâtir des centres d'accueil pour les personnes âgées qui ne devraient pas être en milieu asilaire, qu'elle décide également de désinstitutionnaliser, avec des programmes d'encadrement et de réinsertion sociale, un bon nombre, 400 ou 500 personnes. Il y a des personnels dans cela qui oeuvrent depuis 19 ans ou 20 ans. Vous ne pouvez pas deviner demain matin - je m'excuse, mais avec tout le respect que j'ai pour vous, madame - vous ne pouvez pas... Quelqu'un qui travaille depuis 20 ans, si vous lui demandez: As-tu le souci de la personne? Il va vous dire, pour conserver son emploi, que cela fait long-

temps qu'il l'a. Voyons! Je ne crois pas à cela personnellement II va vous dire: Recyclez-moi en fonction des fonctions à accomplir. Je crois plutôt à cette approche que celle de dire: A-t-elle le souci de la personne ou pas? Je vais vous avouer que, lorsque j'ai une famille de deux ou trois enfants, j'ai le souci de la personne, mais de la mienne d'abord et des autres ensuite.

Donc, à partir de là, je vous demande carrément: Est-ce que vous croyez fondamentalement que le ministère, que le gouvernement doit avoir un souci de recycler sa main-d'oeuvre et de l'organiser en fonction des nouveaux programmes, des nouvelles exigences à la suite d'une politique? Que répondez-vous à cela?

M. Boyer. On n'a aucune difficulté par rapport à cela. C'est absolument évident. Cela se fait dans d'autres endroits, dans d'autres provinces. J'entendais l'exemple récemment de la Colombie britannique, où ce sont des choses qui ont été négociées entre les syndicats et le gouvernement et cela s'est fait sans heurt majeur en ce qui concerne les services aux personnes déficientes intellectuelles. Il n'y a pas de difficulté. Est-ce que, dans l'Outaouais, on est privilégié ou pas? Je ne le sais pas, mais on a eu moins à se poser la question de la désinstitutionnalisation parce qu'on ne retrouvait pas sur le territoire de l'Outaouais de "gros établissements", entre guillemets. Je pense qu'effectivement on a peut-être été amené à moins approfondir là-dessus. Mais la désinstitutionnalisation n'est jamais une fin. C'est juste un moyen pour améliorer la qualité de vie de la personne. Je pense que, si on le posait plus comme moyen que comme fin, on aurait peut-être moins ce clivage anti ou pour, avec tout ce qui s'y rattache. (21 heures)

M. Chevrette: Oui, mais, entre vous et moi, je ne veux pas me faire... Oui, je veux me faire - je suis aussi bien de le dire comme je le pense - le défenseur des salariés qui, depuis quinze ou vingt ans, peuvent travailler dans des milieux asilaires et, du jour au lendemain, dû à des politiques qui peuvent être raisonnables, sensées et tout cela et qui peuvent au moins être considérées dans le décor de changement... Même si la désinstitutionnalisation n'est pas une fin en soi, cela peut être une politique extrêmement respectée par une majorité de la population, ce qui n'empêche pas un gouvernement de tenir compte des effectifs humains dans tout cela et de procéder à du recyclage très important. En tout cas, c'est ainsi que je le vois.

Mme Blais: Oui, mais c'est le rôle du gouvernement

M. Chevrette: Je m'excuse, mais ce n'est pas seulement le rôle du gouvernement C'est aussi le rôle des intervenants, madame. Là, vous pourriez... Je vais défendre la ministre - Imaginez-vous! - cela va vous surprendre. Ce n'est pas Mme la ministre et ce ne sont pas les fonctionnaires, à Québec, qui vont décider sur place. Vous prêchez pourtant la régionalisation, y compris dans vos campagnes d'Information. Imaginez-vous, dans vos campagnes d'Information et de sensibilisation, maintenant... Il me semble que le milieu a un rôle prépondérant à jouer dans cela, celui d'utiliser les ressources au maximum, selon les capacités. Vous avez un très grand rôle à jouer. Ce n'est pas au niveau national qu'on va régler la répartition des ressources humaines selon les compétences, c'est au niveau régional et peut-être même sous-régional, pour utiliser une autre de vos expressions. De sorte qu'à mon point de vue, dans ce dossier, on ne réussira rien si l'ensemble des Intervenants... Pour moi, l'ensemble des Intervenants, cela comprend les salariés touchés. Je ne dis pas cela parce que vous êtes contre. Je comprends que vous êtes moins touchés - je comprends ce que M. Boyer dit - parce que vous n'avez pas de gros centres. Mais, là où il y en a, si on ne met pas les employés dans le coup, je prétends qu'on va manquer le bateau parce qu'on va "rebiffer* le monde dans ces milieux. J'ai connu des maires, de gros ténors et des millionnaires prêcher la désinstitutionnalisation pour autant que ce n'était pas dans leur rue, à Montréal. Ces gens-là, c'est dans la fossette du cou que je les vois, ce n'est pas en avant. Les vrais, les personnes sincères, ce sont des personnes qui prêchent quelque chose et qui sont capables d'y mettre du leur quand arrive le temps de faire quelque chose. Je retire mes allégations, je vous pensais très réticents vis-à-vis de cela, mafs je m'aperçois que ce n'était pas là le problème.

Mme Blais: Non, pas du tout. J'aimerais ajouter une seule chose. Je disais que c'est une responsabilité de gouvernement. Je pense qu'à un moment donné cela devient un choix à faire. Le choix a été fait dans l'Outaouais. Et, à partir du choix qui a été fait par le conseil régional, des moyens ont été pris non seulement pour sensibiliser, mais aussi pour Impliquer tous les intervenants. On a dit: Comment va-t-on le faire, mais tous ensemble?

M. Chevrette: M. le Président me dit que je n'ai plus de temps. Je dois vous féliciter pour avoir été avant-gardistes dans votre région.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai seulement deux très courtes questions sur un sujet dont vous n'avez pas trop discuté dans votre mémoire, les ressources alternatives. Il y en a dans votre région aussi, j'imagine. Je ne veux pas vous induire en erreur. J'en ai dans mon comté, à Verdun. D'ailleurs, le Dr Harnois vient aussi de Verdun, ils m'ont beaucoup Impressionné. Je les visite régulièrement. Je

connais très bien leur travail et cela m'Impressionne beaucoup. J'aimerais avoir votre réaction au point de vue du travail des ressources alternatives dans votre district. Est-ce que vous les considérez vraiment comme une alternative ou non?

Deuxièmement, vous devez sans doute avoir aussi des familles d'accueil. J'ai visité, en préparation à cette commission, juste avant Noël, quelques-unes de ces familles, dans mon comté, à Pointe-Saint-Charles. Là encore, j'ai été très Impressionné. Je dois vous le dire, je suis profane et non expert comme vous, mais j'ai vu ces familles d'accueil et les bénéficiaires qui sont là. Vous le savez aussi. Est-ce que vous faites l'inspection de ces familles d'accueil? Quelle sorte de système existe-t-il? Vous voyez ce qui se passe dans le champ, est-ce que vous faites une évaluation par écrit? Est-ce qu'il y a des rapports qui existent sur cela dans votre coin?

M. Boyer: Je peux vous dire que, dans la planification régionale des services en santé mentale dans l'Outaouais, nous avons reconnu que les organismes communautaires ou les ressources alternatives avaient des rôles fondamentaux et essentiels dans tout le secteur de la réinsertion, du soutien à la personne, du soutien à ta famille et dans les activités de promotion, ce qui représente environ un tiers des activités qui se déroulent en santé mentale dans la région de l'Outatouais. On a reconnu fondamentalement leur champ d'expertise, l'engagement et souvent ils ont pallié des services dans lesquels les établissements avaient peut-être un peu moins le goût de s'embarquer. Historiquement, cela été ainsi dans la région.

Par rapport à la question du contrôle ou de l'évaluation, c'est un peu ce qui a été mentionné tantôt. Tous les services qui sont développés dans le cadre de l'évaluation des services en santé mentale vont être évalués. Ils vont être évalués en regard de la qualité de vie et de la qualité du service à la personne, C'est dans notre Intention d'implanter des mécanismes qui vont permettre que les services soient évalués autant pour les personnes qui sont desservies en famille d'accueil, autant pour les personnes qui sont desservies via un CLSC, autant pour les personnes qui sont desservies dans une maison d'hébergement, autant pour un programme de support à domicile, etc. Donc...

M. Polak: Une dernière sous-question. Par exemple, les familles d'accueil existent depuis des années. Avez-vous déjà fait des Inspections? Êtes-vous allés sur les lieux, vos fonctionnaires, vos gens, pour voir? Avez-vous fait les constatations et quelles sont ces constatations? Y a-t-il un rapport écrit sur ce qui existe?

M. Boyer. Oui, il y a des rapports qui ont été écrits dans la région de l'Outaouais pour les 150 personnes qui vivaient en familles d'accueil.

Il y a un plan de services qui est en train d'être élaboré pour chaque personne pour favoriser leur réinsertion et il y a un certain nombre de recommandations, il y a une réserve financière qui a été accordée pour faciliter le développement et l'actualisation des plans de services.

Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps est écoulé.

M. Chevrette: 30 secondes. Je suppose que c'est le rôle des CSS?

M. Boyer C'est fait en collaboration avec le CSS.

M. Chevrette: Oui, mais le rôle premier, le placement des personnes, je suppose que c'est le CSS, cela ne doit pas avoir changé?

M. Boyer: C'est fait en collaboration avec le CSS.

Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez, M. le député de Joliette, en conclusion.

M. Chevrette: Je pense que les gens de la région de l'Outaouais nous ont démontré qu'ils avaient vraiment quelques longueurs d'avance sur d'autres régions. Tout ce que je vous demanderais, c'est d'avoir une influence nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lavoie-Roux: À mon tour, M. le Président, je voudrais remercier le conseil régional de l'Outaouais. Je suis surtout impressionnée par le fait qu'il semblerait - en tout cas, c'est ce que vous avez affirmé - qu'à la grandeur de l'Outaouais, 24 heures sur 24 heures, on peut avoir une réponse Immédiate dans un cas de détresse émotive, psychologique, appelons-le comme on le voudra, et cela m'apparaît être unique au Québec, sans vouloir être injuste pour d'autres régions. C'est bien la situation telle que vous l'avez décrite?

M. Boyer: ...services doivent ouvrir la semaine prochaine ou quelque chose comme cela, c'est complètement en train de se finaliser.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie au nom de la commission pour votre participation et la qualité de votre participation.

J'inviterais la Corporation des psychologues du Québec à se présenter à la table des témoins.

Si chacun veut bien reprendre sa place, la commission reprendra ses travaux. Nous recevons à ta table des témoins la Corporation professionnelle des psychologues du Québec représentée par M. Luc Granger, le président, par Mme Renée Lavigne-Sabourin, vice-présidente, M. Michel

Sabourin, président du comité des affaires publiques et Mme Danièle Marchand, chargée des dossiers professionnels à la corporation.

Votre porte-parole sera M. Granger, je présume.

M. Granger (Luc): Oui, monsieur.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, vous connaissez un peu nos règles de procédure?

M, Granger: Oui, M. le Président

Le Président (M, Bélanger): Je vous invite donc à procéder, s'il vous plaît.

Corporation professionnelle des psychologues du Québec

M. Granger: Je vais procéder. Je vais essayer d'être bref pour laisser beaucoup de place à la période de questions. D'abord, je veux remercier la commission de prendre te temps de nous entendre. Ce n'est pas la première fois que la Corporation professionnelle des psychologues se présente devant la commission parlementaire des affaires sociales. Nous sommes très heureux d'être ici parce que nous représentons 3800 psychologues qui ont une formation universitaire très spécialisée d'un minimum de cinq ans et cela va dans beaucoup de cas jusqu'à huit années pour ceux qui font un doctorat. Une bonne majorité de ces gens-là oeuvrent dans le domaine de la santé mentale et ce, à deux titres: II y en a qui oeuvrent dans le réseau de la santé mentale et il y en a beaucoup qui oeuvrent en bureau privé. Alors, on est particulièrement heureux d'être ici parce qu'on représente en même temps une partie des Intervenants ou, enfin, les principaux intervenants du réseau parallèle de santé mentale pour les bien-nantis et ce que l'on veut venir dire ici dans le fond, c'est qu'on aimerait que ce ne soient pas seulement les bien-nantis qui profitent de cela et que la majorité de la population puisse aussi en profiter.

Je vais commencer d'abord par envoyer un peu les fleurs, si vous voulez, comme il est d'usage de le faire dans des assemblées aussi augustes. Alors, on a lu le rapport Harnois, évidemment. On trouve que c'est une oeuvre qui a sûrement nécessité beaucoup de travail, beaucoup de réflexions, beaucoup de discussions. Alors, il y a beaucoup de choses dans le rapport avec lesquelles on est d'accord et que de toute façon on trouve très vertueuses, et on est effectivement pour la vertu. En particulier, on est d'accord avec la proposition qui est faite d'augmenter ou, enfin, de continuer à soutenir la recherche dans le domaine de la santé mentale. On pense que c'est essentiel et qu'il est temps qu'on le dise et on espère que le gouvernement va donner suite à cette recommandation. On est aussi très heureux que le Dr Harnois et son comité aient placé la personne au centre des actions et non pas, finalement, les structures ou les intervenants, comme malheureusement trop souvent on le fait un peu tous. On est très heureux que l'on propose dans le rapport des programmes de répit pour les familles et que l'on propose aussi d'utiliser ou d'Intégrer les familles et les ressources communautaires ou les ressources alternatives dans les problèmes de santé mentale.

Il y a quand même, évidemment, des choses qui nous inquiètent dans le rapport et c'est surtout de cela dont je vais vous parler même si on est d'accord avec une bonne partie de ce qui est dans ce rapport. Je ne vous parlerai pas de toutes les choses qui nous inquiètent. Vous avez lu notre mémoire; alors, je ne vous en ferai pas un résumé, je vais surtout soulever quelques points qui nous préoccupent plus particulièrement. Une chose que j'ai trouvée au départ Intéressante dans le rapport, c'est qu'on parlait de partenariat et de multidisciplinarité. Tout le monde qui travaille dans le réseau ou même en bureau privé, finalement, favorise cette notion-là. J'aimais même la définition de cette multidisciplinarité proposée dans le rapport à un certain endroit en note infrapaginale où on disait: 'Par multidisciplinarité, le comité désigne la mise à contribution des compétences spécifiques de chaque discipline pour une action concertée." (21 h 15)

Ce qui nous a beaucoup Inquiétés par la suite, c'est que, quand on lit le rapport, on parle beaucoup d'intervenants psychosociaux et d'intervenants de tout acabit, mais on se garde bien de spécifier la spécificité de chacun de ces intervenants, ce qu'il fera dans les interventions en santé mentale et qui sera responsable de quoi. On donne l'impression, dans le fond, qu'en médecine c'est très clair, il y a des médecins, des spécialités, c'est très clair. Mats, en santé mentale, ce sont un peu les gens qui peuvent écouter et un peu tout le monde peut faire n'importe quoi là-dedans, il s'agit de les reformer un peu à faire tout cela.

Cela nous a inquiétés parce que - et je reviendrai là-dessus tantôt quand je parlerai de l'accessibilité - ... Dans le réseau parallèle, pour les bien-nantis avec lesquels nous avons le plaisir de collaborer dans nos bureaux privés, on fait beaucoup de multidlsciplinarité. Beaucoup de psychologues en bureau privé reçoivent des gens sur référence médicale ou psychiatrique, réfèrent des gens à des médecins, utilisent des travailleurs sociaux, mais on appelle tous ces gens par leur nom et on est très au courant de ce qu'ils savent faire et de ce qu'ils peuvent faire pour la personne en question. Personne dans notre réseau parallèle de personnes bien nanties n'ira voir un intervenant psychosocial. Ils vont aller voir un médecin, un psychologue, on va les référer à un psychiatre, Ils vont nous en référer un, ils vont voir un travailleur social et chaque professionnel est assez bien identifié, on connaît ses limites et

ces gens les réfèrent à d'autres quand cela dépasse le niveau de leur compétence.

Nous espérions que la multidisciplinarité dont II était question là-dedans serait cela, mais on est tnqulet parce qu'on n'est pas sûr que ce sera vraiment le cas. Souvent, dans les faits, cela devrait être le cas dans le réseau.

La deuxième chose, celle qui nous inquiète le plus, c'est la question de l'accessibilité, je pense. Le rapport montre bien qu'il n'y a pas beaucoup d'accessibilité ou, en tout cas, qu'il y a une accessibilité qui gagnerait sûrement à être augmentée dans le réseau de la santé mentale. Je vais faire un parallèle encore entre le système des gens bien nantis et le système des gens moins bien nantis, et je vais vous donner des exemples concrets. Si quelqu'un souffre de ce qui, dans le rapport, est qualifié d'épiphénomène, violence conjugale, suicide, des choses comme cela, qui, pour nous, sont quand même des problèmes très importants... Dans le rapport, à la page 37, on mentionne que c'est ce genre de problème, finalement, qui s'accroît peut-être le plus dans notre population. Si quelqu'un a un problème de ce type présentement, à quel endroit va-t-il s'adresser pour avoir un traitement ou une Intervention, au départ? Si cette personne n'a pas les moyens et s'adresse au réseau public, va dans un CLSC, par exemple, il y a beaucoup de CLSC qui n'offrent pas directement les services de ce genre, si la personne va à l'hôpital, ce que beaucoup de gens font, ou va voir un omnipraticien, on va assister à une médicalisation de ce problème. Que fait cette médicalisation qu'on considère à outrance de problèmes qui, dans le fond, ne sont pas des problèmes médicaux, à la base, mais qui sont médicalisés parce qu'il n'y a pas d'autres endroits dans le système où quelqu'un peut avoir réponse à ces problèmes? Cela produit deux choses. Premièrement, cela produit un accroissement inutile des coûts de la santé, à notre avis, parce que, quand vous entrez dans un système médical, si vous allez dans une urgence, vous allez d'abord voir le médecin de garde, probablement, qui risque de vous référer au psychiatre s'il pense que votre état le nécessite, qui, lui, va peut-être finalement vous référer, après un certain temps, au département de psychologie ou aux psychologues qui sont dans cet hôpital et la personne aura accès à une ressource pour son problème.

Si la personne va voir un omnipraticien en polyclinique ou en bureau privé, l'omnipraticien, se rendant compte que le problème, finalement, dans ce cas, n'est peut-être pas de nature proprement médical, mais plutôt de nature psychologique, va référer la personne à un psychologue en bureau privé si elle a les moyens de payer. Si la personne n'a pas les moyens de payer ou que l'omnipraticlen veut faire des interventions psychiatriques parce qu'il en a entendu parler et qu'il trouve cela intéressant, il va essayer de faire des Interventions qui seront facturées à l'État - d'ailleurs, vous retrouverez ce genre de chose dans le rapport de la Régie de l'assurance-maladie du Québec - ou, dans beaucoup de cas, il va prescrire une médication psychotrope à cette personne pour, finalement, diminuer le niveau d'anxiété de la personne, supposément pour l'aider à passer à travers son problème.

Que va-t-il se passer à ce moment-là? En général, cela ne réglera pas le problème. Beaucoup de gens vont admettre que cela ne réglera pas le problème et il risque d'aller en empirant avec tous les coûts sociaux que cela Implique. Si vous regardez dans les derniers rapports de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, depuis trois ans, il y a eu une très bonne augmentation du nombre de millions qui ont été utilisés au remboursement de médicaments psychotropes, en particulier pour certains groupes sociaux, parce que c'est à eux qu'on rembourse, qui sont les personnes âgées et les bénéficiaires de l'aide sociale. C'est passé de 65 000 000 $ à 80 000 000 $ et à 85 000 000 $, je pense, dans le rapport de l'an passé.

Tout cela, dans le fond, ce sont des choses qu'on prescrit à ces personnes pour essayer de régler leurs problèmes de "santé mentale", entre guillemets, problèmes qui se régleraient, à notre avis, beaucoup plus facilement par des interventions adaptées, c'est-à-dire des interventions de nature psychologique. Cela, c'est un gros problème.

Ce qu'on a vu comme solution proposée par le rapport Harnois quant à ces problèmes, on trouve une recommandation qui dit: Dans le fond, effectivement, II y a peut-être beaucoup de problèmes qui sont présentés aux médecins parce que, finalement, c'est la principale porte d'entrée dans le réseau, étant donné que, si on veut avoir accès gratuitement à des services, on va voir un médecin, ce sont ces gens qui sont remboursés dans le réseau, en bonne partie. Qu'est-ce qui est proposé comme solution? C'est de dire: Pourquoi est-ce qu'on ne formerait pas en priorité des omnipraticiens à faire des interventions psychiatriques, vu que de toute façon il n'y a pas assez de psychiatres, semble-t-il, au Québec? Alors, formons donc les omnipraticiens et ils vont probablement pouvoir s'occuper de ces problèmes-là en plus de faire ce qu'ils font habituellement et ce qu'ils font très bien en termes de médecine.

Nous trouvons cette solution-là pour le moins embêtante à deux points de vue. On se dit que, si on veut les former vraiment à tenir compte de ça, cela va coûter très cher. Il ne faut pas oublier qu'une formation à tenir compte réellement et de façon compétente des problèmes de santé mentale, ça ne se fait pas en deux ou trois fins de semaine de formation médicale continue. Ce qu'on peut apprendre à faire en deux ou trois fins de semaine, dans le fond, c'est à reconnaître ce genre de problèmes et peut-être à les référer à des spécialistes de ces types de problèmes. Mais, si on veut vraiment former les

omnipraticiens à faire ça et leur donner la même compétence que d'autres professionnels ont dans le réseau, ce sont deux, trois ou quatre années d'université de plus.

On se dit que du point de vue économique c'est ridicule et cela n'a aucune justification sociale de faire ça étant donné que la formation médicale est une des formations, sinon la formation, qui coûte déjà le plus cher à la société. S'il faut lui rajouter par-dessus une deuxième formation pour faire face à des types de problèmes auxquels des gens sont déjà formés à faire face, on trouve que du point de vue économique c'est difficilement justifiable.

La deuxième solution, c'est de dire: Bien, on va effectivement les former par une formation continue ou une espèce de surcroît de formation à faire le traitement de ces choses-là. On se dit à ce moment-là que, si on pense que les gens vont être bien traités et de façon compétente par des personnes si peu formées, on leurre le public, dans le fond. On va dire: Oui, on va tenir compte de vos problèmes, mais est-ce que la compétence pour le faire va être là? Nous doutons assez fort de cette solution.

La solution que nous vous proposons ou que nous proposons à la commission à la suite de ça, c'est de dire: Pourquoi est-ce que, finalement, on n'admettrait pas qu'on devrait développer dans te réseau public une réelle accessibilité aux services? Il devrait y avoir dans le réseau les ressources pour répondre aux besoins des gens. On devrait avoir tes bonnes personnes pour répondre aux bons besoins des gens dans le réseau.

On trouve qu'en particulier les réseaux de première ligne et en bonne partie par l'intermédiaire des CLSC devraient être beaucoup plus développés et qu'on devrait y mettre les ressources. Et les CLSC devraient être en mesure dans les régions et dans les villes de faire face aux épiphénomènes, c'est-à-dire ceux qui sont considérés comme des épiphénomènes dans le rapport du comité Harnois, autant en termes d'évaluation que de traitements à court terme et que de références quand il s'agit de traitement de cas lourds ou de traitement à très long terme au centre hospitalier. Alors, nous voyons un accroissement du nombre de professionnels habilités à faire face à des problèmes de santé mentale dans les CLSC.

La deuxième chose qu'on propose, c'est de dire qu'en ce qui concerne les bureaux privés l'abolition des monopoles étatiques dans ces domaines-là... Et par ça on veut dire que tous les gens qui n'iraient pas dans le réseau public et qui iraient voir un professionnel dans un bureau privé en dehors du réseau public devraient payer ce professionnel-là. Présentement, ce n'est pas la situation. La loi, en fait, garantit aux gens le libre choix de leurs professionnels. Ce n'est pas ce qui se passe vraiment. C'est-à-dire que vous avez le libre choix si vous pouvez le payer. Si vous ne pouvez pas le payer vous n'avez pas nécessairement le libre choix en bureau privé. Il y a des professionnels qui sont remboursés pour des actes psychothérapeutiques et des professionnels qui ne le sont pas. Je vais vous donner un exemple que vous allez trouver dans la pochette qu'on vous a distribuée. SI vous regardez dans le Journal d'Outremont qui est publié assez régulièrement dans la ville d'Outremont vous allez trouver à une page publicitaire - consultez-le - deux types d'annonces. Il y a une annonce par un docteur en médecine qui annonce: "Psychothérapie Individuelle pour adultes d'orientation analytique* et qui met tarif remboursé par la carte d'assurance-maladie du Québec*. Vous avez parallèlement à ça Juste dans l'autre coin de la page une annonce d'un psychologue en bureau privé qui lui a une formation de cinq ans à l'université et peut-être même de huit ans et qui, évidemment, n'est pas remboursé par la carte d'assurance-maladie du Québec, donc, s'adresse finalement à une population de gens riches qui ont tes moyens de payer.

Alors, on dit pour ce qui concerne les bureaux privés, abolition du monopole et concurrence libre entre tous les professionnels qui offrent des services de ce genre-là. Maintenant, si le réseau ne peut pas pour toutes sortes de raisons avoir tous les professionnels qu'il lui faut, que le réseau à l'occasion donne des mandats à des professionnels en bureau privé pour s'occuper de certains problèmes spécifiques ou de certaines personnes spécifiques, comme la CSST le fait déjà et comme d'autres organismes gouvernementaux le font quand ils en ont besoin.

Alors, c'est le genre de proposition qu'on fait. Dans le fond on se dit: Oui, pour le partenariat, à condition que les spécificités et les compétences professionnelles de chacun des intervenants soient reconnues. Oui, pour l'augmentation des fonds à la recherche. Oui, pour l'intégration des familles, si vous voulez, et des ressources communautaires dans te traitement à condition qu'on offre à ces gens-là les ressources de soutien dont ils peuvent avoir besoin à l'occasion. Mais par ça on ne veut pas dire dans le fond de les bureaucratiser. On veut simplement dire... Je vais vous donner un exemple de ça, vous allez, je pense, trouver cela dans la pochette qu'on vous a distribuée aussi, une lettre qu'on a reçue à un moment donné d'un organisme qui s'occupe des femmes à Montréal et qui demandait des psychologues pour faire du travail bénévole là. Alors, cette ressource-là fonctionnait très bien, mats sentait le besoin à l'occasion d'un soutien professionnel et s'adressait à la corporation pour qu'on essaie de lui fournir des gens pour faire ça. Alors, on dit: Qu'on donne ce genre de soutien-là aux organismes communautaires qui existent déjà, qu'on leur garantisse certains budgets pour ne pas qu'à tous tes ans ils soient obligés de revenir et de se demander s'ils vont continuer à exister; et on dit: Qu'on favorise une meilleure accessibilité et un meilleur traitement des problèmes de santé mentale, y compris tous les épiphénomènes ou, enfin, ce qui

est considéré dans le rapport Harnois comme des épiphénomènes, mais que nous, on ne considère pas nécessairement comme cela, en essayant de partir du principe que ce ne sont pas des problèmes qu'il faut médicaliser. Il ne faut pas former les médecins pour s'occuper de cela, il faut utiliser les professionnels qui sont là, disponibles, et dont la formation est payée par la société. C'est-à-dire que la formation des professionnels, comme les psychologues par exemple, est payée, subventionnée par la société dans les universités. Alors, utilisons-les.

Je vais terminer en faisant un petit aparté en ce qui concerne les régions. Dans le rapport Harnois, on s'inquiète à un moment donné des régions. On dit qu'il faudrait inciter les psychiatres à aller beaucoup plus en régions qu'ils ne le font, parce qu'il est de notoriété publique au Québec qu'il y a des psychiatres à Montréal et à Québec, dans les grands centres, mais qu'il y en a finalement très peu dans les régions. Il y a déjà, en régions, beaucoup de psychologues cliniciens qui font souvent un excellent travail dans le domaine de la santé mentale. On ne parle nulle part d'utiliser ce genre de ressources-là. Je pense qu'il serait intéressant d'utiliser aussi les ressources qui sont déjà là plutôt que de penser à en former d'autres à des coûts, finalement, assez faramineux. Je vais cesser là mon exposé. Je pense qu'on va plutôt interagir par des questions avec les membres de la commission.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier la Corporation professionnelle des psychologues du Québec pour sa participation à la commission. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, je pense que vous étiez venus en août 1985 présenter un mémoire à la commission qui avait étudié l'intégration sociale des psychiatrisés. Vous revenez un petit peu avec le même thème. Je pense que c'est normal aussi parce que, finalement, on a peut-être devant nous un projet beaucoup plus précis qu'à ce moment-là, alors que c'était un thème général sur lequel vous aviez eu à vous prononcer.

Je voudrais bien comprendre, quand vous parlez non pas d'une déréglementation...

M. Granger: De briser le monopole.

Mme Lavoie-Roux: Oui, de briser le monopole médical, finalement, en ce qui a trait à la psychothérapie, si on veut, dans le domaine ou le réseau public. Vous dites, et c'est d'ailleurs un des principes que vous énoncez: Si on veut parler de partenariat, il faut parier d'égalité ou, enfin, reconnaître sur un même plan tous les intervenants dans ce domaine-là. Est-ce que je dois comprendre que vous voudriez là une reconnaissance par la Régie de l'assurance-maladie des traitements offerts par les psychologues?

M. Granger: Pas nécessairement. C'est-à-dire que nous, on serait, dans le fond, pour la solution qui donnerait la meilleure accessibilité au moindre coût. On se dit: Dans le réseau, présentement, si quelqu'un s'adresse à un hôpital ou un CLSC, mettons une clinique hospitalière, tel que la réglementation de la lof est faite, il est impossible de voir directement un psychologue ou, en tout cas, c'est très difficile. Cela doit passer par un médecin. On se dit qu'il y a beaucoup de problèmes pour lesquels les gens vont là parce qu'ils ne savent pas où aller et qui ne sont finalement pas des problèmes médicaux à la base. Ces gens-là doivent passer par un médecin pour peut-être arriver un jour finalement à la ressource adéquate pour s'occuper de leurs besoins. On veut que le réseau fournisse les ressources adéquates pour s'occuper des besoins des gens et que le réseau admette que, dans la santé mentale, les problèmes ne sont pas nécessairement médicaux. Il y a des problèmes qui sont peut-être de nature plus médicale, mais il y a beaucoup de problèmes qui ne sont pas de nature médicale à la base. Concernant cela, il y a beaucoup d'études américaines. Je pense qu'on pourrait probablement faire les mêmes ici. Il y a beaucoup d'omnipraticiens qui nous le disent, parce qu'ils nous téléphonent pour nous demander à quel endroit ils pourraient référer des gens, que des gens vont les voir avec, en apparence, des symptômes physiques, mais que finalement le problème n'est pas là. C'est un problème de perte d'emploi, un problème dans la vie de famille, un problème avec les enfants qui se répercute évidemment sur la santé physique. Ces gens-là ne dorment pas, Ils sont très anxieux. Le fait de médicaliser ces problèmes-là, selon nous, coûte très cher et est très peu efficace. On voudrait qu'il y ait des gens dans le réseau habilités à traiter ce type de problème et que les gens y aient accès directement. Ceci dit, on pense que, dans le domaine de la santé mentale, tous les gens qui travaillent dans le réseau devraient être salariés à la base. Je pense que, de toute façon, beaucoup de psychiatres travaillent à vacation dans le réseau et ne sont pas vraiment payés à l'acte. On pense qu'en santé mentale c'est peut-être un meilleur système que la définition d'acte ou le paiement à l'acte. Alors, on dit: Augmentez l'accessibilité à des ressources compétentes dans le réseau et, en ce qui concerne les bureaux privés, c'est-à-dire les gens qui travaillent en polyclinique privée, en bureau privé de psychologue clinicien, que les gens qui choisissent de ne pas aller dans le réseau et d'aller voir ces gens-là les paient. C'est-à-dire que tout le monde doit payer pour aller les voir, alors qu'à toutes fins utiles, ce qui se passe présentement, c'est que vous payez pour une catégorie ou pour certaines catégories de professionnels et vous ne payez pas pour d'autres, parce que ceux-là sont remboursés par

l'État sans nécessairement être compétents pour faire l'intervention. (21 h 30)

Je veux dire: Si j'étais omnipraticien, je pourrais faire des interventions psychothérapeutiques ou psychiatriques sans nécessairement avoir reçu la formation pour le faire et l'État me rembourserait allègrement pour faire cela. Si j'ai une formation universitaire de cinq ou huit ans pour faire cela et que je fais cela, l'État ne me remboursera pas pour le faire si je ne suis pas médecin. Nous, nous nous disons: SI les gens vont en bureau privé, que tout le monde soit sur le même pied, mais cela ne veut pas dire qu'on favorise principalement cela. Ce qu'on favorise, c'est une augmentation de l'accessibilité dans le réseau aux ressources adéquates.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que...

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi. Est-ce que je vous comprends bien? Dans le fond, ce que vous dites, cela peut être une chose ou l'autre: ou tout le monde a accès dans le réseau privé à des services de psychothérapie, qui sont donnés soit par les psychologues ou par des omnipraticiens qui auraient reçu une formation supplémentaire, tel qu'il est proposé dans le rapport, et, à ce moment-là, les deux sont couverts par l'assurance-maladie; ou l'assurance-maladie ne couvre ni l'un ni l'autre et les gens peuvent faire appel à l'un ou à l'autre dans le secteur privé. Est-ce que c'est comme cela qu'il faut que je le comprenne?

M. Granger: Ou vont dans le réseau; c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Maintenant, dans le réseau, par exemple - j'ai déjà eu l'occasion d'en discuter avec votre voisin de droite... Je prends l'hôpital Sacré-Coeur. Il y a X nombre de psychologues. Vous êtes quinze ou vingt.

M. Granger :Une dizaine à Sacré-Coeur.

Mme Lavoie-Roux: Une dizaine. À ce moment-là, vous êtes à salaire, c'est évident, mats vous remplissez des fonctions de clinicien et vous pouvez offrir des services de psychothérapie. Est-ce que je me trompe ou si c'est cela? Êtes-vous utilisé pour d'autres fonctions?

M. Granger: Mon voisin....

M. Sabourin (Michel): Je n'ai pas tout à fait compris, je m'excuse, j'ai eu un petit moment d'inattention. Vous parlez de Sacré-coeur?

Mme Lavoie-Roux: Bien, je disais cela, peu importe; n'importe quel hôpital où il y a des psychologues qui sont employés. M. Sabourin: Bon!

Mme Lavoie-Roux: Parce qu'il reste qu'il y a des hôpitaux, vous dites qu'à Sacré-Coeur il y en a une dizaine, c'est quand même un nombre... Ce sont des gens qui, probablement, sont là à temps plein.

M. Sabourin: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Alors, j'imagine qu'ils donnent des services de psychothérapie.

M. Sabourin: Oui. Le problème dans les hôpitaux, c'est un problème qu'on connaît bien parce qu'on en a déjà discuté lors d'une précédente commission parlementaire sur la réglementation de la loi 27. Le problème, c'est que l'accessibilité, comme le disait mon collègue, n'est pas là, de par le fait qu'à cause de la réglementation quelqu'un, pour voir un psychologue, pour y avoir accès directement...

Mme Lavoie-Roux: II doit être référé par le médecin.

M. Sabourin: ...cela prend des fois trois références médicales, si le premier médecin qu'il a vu n'est pas membre du Conseil des médecins et dentistes de cet établissement. Nous pensons que c'est le problème majeur. On a déjà eu l'occasion d'en discuter. Toute la question des modalités de remboursement, pour nous, cela est relié à une plus grande accessibilité. C'est cela qui est la priorité.

Nous, comme corporation, on veut donner de meilleurs services au public. Quand on reçoit, chaque semaine, environ une cinquantaine d'appels téléphoniques de personnes du public, d'électeurs qui nous demandent où Ils peuvent trouver des services psychologiques gratuits parce qu'ils n'ont pas les moyens de s'en payer, on les réfère dans le réseau. On dit: Écoutez, dans le réseau, vous allez en trouver. Ils nous rappellent quelques heures plus tard, souvent quelques minutes plus tard, pour nous dire: Ecoutez, on a appelé au CLSC; il y a là un psychologue, mais il fait de l'administration; ou: on a appelé dans un autre et il y en a un qui est très occupé; peut-être que, dans trois ou quatre mois, on va avoir un rendez-vous. L'accessibilité n'est pas là. Les effectifs, les ressources comme telles ne sont pas là. Dans les CLSC, on va dire: Bien non, on n'a pas de psychologue, mais nous avons des intervenants psychosociaux. Mais les gens, quand Ils vont dans les CLSC, ils ne demandent pas à voir un Intervenant psychosocial, comme s'ils veulent voir un médecin, ils ne demandent pas à voir un Intervenant physique. Ils veulent voir un psychologue et on dit: II n'y en a pas ou il est trop occupé.

Donc, ce qu'on pense, toute la question de

l'assurance-maladie, c'est une des solutions possibles qu'on peut examiner en termes de coûts. On a fait une petite simulation qui nous amène aux constatations suivantes: Cela serait à peu près le même coût d'introduire le nombre . adéquat de psychologues dans le réseau que de rembourser ceux qui sont disponibles actuellement par le régime d'assurance-maladie. C'est une question, en fait, d'étude de coûts concrets, de voir quelle est la solution la plus favorable.

Une chose qui nous semble... Le concept qu'on a essayé de développer, qu'on essaie de présenter, c'est que, pour nous, il nous semble absolument anormal et même aberrant qu'il y ait un monopole à ce niveau, surtout par un acte qui se définit par le passage du temps, comme on le sait bien et qui, pour nous, est une spécialité en quelque sorte, dans bien des cas, pour ceux qui font de la psychologie clinique. On pense que les solutions à cela, ce serait d'avoir un réseau public très renforcé avec des effectifs en nombre suffisant. Pour le reste, pour le privé, que tout le monde soit sur un pied d'égalité, c'est-à-dire que quelqu'un qui choisit de ne pas aller dans le réseau public, dans le privé soit face à un professionnel de son choix, comme la loi le mentionne pour le réseau public et que cette personne puisse avoir accès à des services. C'est ce qu'on appelle la concurrence réglementée.

On pense aussi que, dans des cas semblables, il serait peut-être intéressant, surtout en régions éloignées ou dans des régions où il n'y a pas de services spécialisés, que certains services bien particuliers qui ne sont pas disponibles ailleurs que dans les grands centres puissent être confiés à des psychologues ou à d'autres professionnels si on est dans un régime de concurrence libre à l'aide d'un mécanisme comme, par exemple, des mandats d'assistance judiciaire qu'on pourrait appeler des mandats d'assistance psychologique. Cela permettrait à des gens qui ne sont pas fortunés de passer par des réseaux publics pour obtenir une assistance dont ils ont besoin.

Mme Lavoie-Roux: Je vais arrêter et je reviendrai s'il me reste du temps.

Le Président (M. Polak): D'accord. On va prendre d'abord le chef de l'Opposition. Vous avez une question, M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Polak): Avec plaisir.

M. Chevrette: Merci. Vous savez pertinemment que la présentation de votre mémoire peut vous occasionner - je vais le dire parce que j'ai entendu des remarques... il y a plusieurs groupes professionnels qui vont circuler devant nous avec des positions comme celles que vous présentez. Vous risquez d'être taxés de vouloir agrandir votre champ d'action, votre champ de juridiction, appelez cela comme vous voulez. Une voix: Votre jardin. M. Chevrette: Non, je n'Irais pas jusque-là.

M. Sabourin: M. Chevrette, quand on déplore la pénurie de psychiatres, est-ce qu'on les taxe de corporatisme?

M. Chevrette: C'est parce que vous ne m'avez pas laissé finir. Je m'en allais justement là, mon cher monsieur. Vous allez voir que je vais être très précis dans ce que j'ai à dire. Quand on est rendu à recommander la spécialisation des omnipraticiens parce qu'on sait qu'il y a à peu près environ 1200 médecins de trop, 1269 si on regarde les ratios population-médecin, qu'on les Incite à se spécialiser en psychiatrie, on peut comprendre pourquoi. C'est mon "feeling* à moi. Je ne dis pas que c'est le but de celui qui l'a proposé, loin de là. Je le sens me regarder avec des yeux... S'il avait des pistolets, je serais mort. Ce n'est pas ce que je veux dire, mais on sent très bien qu'il y en a qui vont se découvrir des vocations et je sais ce que cela donne dans certains milieux.

Je suis un de ceux qui favorisent la possibilité que les psychologues puissent précisément jouer un rôle dans le domaine de la santé mentale, pas jouer un rôle personnellement dans le sens que vous puissiez le demander, à l'acte. Vous ouvrez la porte. Vous ne dites pas nécessairement cela. Vous dites qu'il pourrait être admis à l'assistance à la santé mentale. Je ne sais pas comment vous avez appelé cela. J'ai perdu le terme précis.

A mon point de vue, si on permettait aux CLSC d'avoir plus de ressources, si on veut que ce soit la structure ou la possibilité première pour un individu plus près de chez lui de se faire traiter, c'est peut-être dans les CLSC que vous auriez d'abord un rôle à jouer extrêmement important. À mon point de vue, c'est là.

La semaine dernière ou il y a une semaine ou dix jours à peine, je visitais un CLSC dans ma région et il y a un type qui avait des instincts suicidaires qui s'est présenté et c'est un travailleur social qui lui a répondu. Il était embêté et il nous l'a dit. Il m'a dit: Je lui ai donné un rendez-vous demain. S'il y avait eu quelqu'un pour discuter avec lui, qui avait des connaissances un peu plus approfondies, je pense que cela aurait été important. Effectivement, cela suppose une consolidation du réseau des CLSC parce qu'à ce moment-ci autant Mme la ministre que moi-même en avons ouvert beaucoup à 230 000 $, ce qui ne donne pas les ressources. En fin de compte, c'est un cadre administratif qu'on a donné. Je pense qu'il faut avoir la franchise et la candeur de l'admettre. Mais ils n'ont pas les ressources nécessaires à ce moment-ci pour répondre aux besoins de la population.

Je vols un rôle extrêmement Important à ce niveau. Je vois un rôle beaucoup plus par un psychologue de carrière - je le dis comme Je le pense - qu'à quelqu'un qui, à cause d'une circonstance X, va aller chercher certaines connaissances en psychiatrie. Personnellement, je ne crois pas aux psychiatres d'occasion. C'est clair. Je crois plutôt à ceux qui ont véritablement pensé à se former en psychiatrie, qui ont voulu en faire une carrière comme médecin et non pas par fin de carrière qui ont décidé de prendre des connaissances en psychiatrie parce que, supposément, on ouvre des volets de travail de ce côté ou parce qu'on met une priorité gouvernementale de ce côté. Je ne crois pas à cela. J'aurais des expériences à vous donner et des faits vécus avec des noms en règle, mais je ne le ferai pas.

Deuxièmement, en ce qui concerne les centres hospitaliers, je crois également que, si l'État décidait qu'il y a assez de psychiatres au Québec, par exemple... Cela pourrait être sa décision. Il pourrait croire au rapport Harnois et dire: II y en a assez. Ce n'est qu'une répartition qui fait défaut et, s'ils ne veulent pas être répartis, je pense qu'il va falloir serrer la vis et donner à des gens qui ont la formation la plus adéquate possible l'occasion de le faire dans des milieux où on n'a pas de services. Je ne conçois pas, par exemple, qu'en Abitibi on n'ait pas de services en santé mentale. Je considère que cela n'a pas de bon sens, dans une société où les contribuables sont tous sur le même pied, qu'on n'ait pas des services de qualité dans les régions de l'Abitibi, du Bas-Saint-Laurent, de la Côte-Nord ou de la Gaspéste. Je ne crois pas à cela. SI on n'est pas capable de répartir les effectifs médicaux parce qu'on est sur une fin de mandat ou qu'on a trop attendu au début du mandat pour le faire et que les élections approchent trop, Je pense qu'il va falloir poser des gestes. Et poser des gestes, cela veut dire au moins offrir des choix. Je comprends que Mme la ministre ne peut pas être d'accord avec tout ce que je dis, mais je suis...

Mme Lavoie-Roux: C'est mieux que je ne réagisse pas trop.

M. Chevrette: Non, vous êtes mieux de ne pas le faire.

Mme Lavoie-Roux: Pour vous.

M. Chevrette: Vous aviez la porte ouverte pour le faire et vous ne l'avez pas fait Donc, c'est mieux que vous ne réagissiez pas. Ceci dit, de toute façon, je ne vous ai jamais interrompue depuis le début.

Le Président (M. Polak): M. le chef de l'Opposition, il ne faut pas provoquer la ministre non plus.

Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas provoquer la ministre non plus.

Une voix:...

Le Président (M. Polak): Non, continuez! S'il vous plaît, M. le député de Fabre! M. le chef de l'Opposition a la parole.

M. Chevrette: Vous pouvez vous amuser toute la "gang".

Le Président (M. Polak): Continuez, M. le chef de l'Opposition, s'il vous plaît.

M. Chevrette: Je vous ferais remarquer, M. le Président, que vous avez été le premier à parler.

Ceci dit, je prétends qu'il y a un rôle... Si on parle de multidisciplinarité en particulier, il y a des cas bien précis qui peuvent être confiés à des psychologues et qui ne relèvent pas du tout de la psychiatrie ou, en tout cas, peu. Parce qu'on n'ose pas engager des gens de professions connexes qui font ombrage à des professions - il faut avoir la franchise de le dire - à ce moment-là, il est évident qu'on ne vous confiera pas de tâches à l'intérieur de certains centres parce qu'on va avoir peur que vous preniez les places. Par contre, offrez-leur les places; ils ne viennent pas. Et cela, je ne l'accepte pas. Quand on pense que 80 %, 85 % ou 90 % des psychiatres sont à Montréal et à Québec et qu'on va réclamer 300 psychiatres de plus lorsqu'on va s'asseoir au bout de la table, on ne nous garantira pas dans le même souffle, par exemple, que ces 300 vont aller en régions. J'ai hâte qu'ils viennent. Ils ont besoin de se préparer une réponse. Je les préviens. Ils ne pourront pas dire que je suis sauvage. Je leur dis d'avance que, s'ils en demandent 300, on va leur demander où ils vont aller. Parce qu'on est à 30 kilomètres de Montréal, on n'est pas capable d'en avoir. Il va falloir que quelqu'un s'occupe de la santé mentale des gens. Que vous l'offriez... Je vais vous poser ta question suivante: êtes-vous prêts à subir les contraintes qui s'imposent, cependant, pour la répartition des effectifs des psychologues?

M. Granger: Présentement, on a plusieurs membres en régions. Je vais vous donner l'exemple d'une région éloignée dont vous avez parié tantôt, l'Abitibi. Je me souviens que dans les années soixante-dix, à la clinique psychiatrique de La Sarre, il n'y avait pas de psychiatres à l'hôpital. C'étaient des psychologues cliniciens et quelques omnipraticiens. Il y avait un psychiatre visiteur qui y allait à l'occasion par avion faire un tour. Il y avait des psychologues de Louis-H.-Lafontaine et de l'Université de Montréal qui y allaient pour des cas très spécialisés. Finalement, c'étaient les gens de l'endroit et en bonne partie des psychologues cliniciens qui, pendant plusieurs années - je ne sais pas, c'est peut-être encore

ainsi, je n'ai pas vérifié ces derniers temps - offraient les services de première ligne en santé mentale. Pour nous, il n'y a absolument aucune inquiétude sur la répartition des effectifs en régions. On n'est pas plus urbains qu'il ne le faut, même si nous le sommes aussi, et II y a des psychologues cliniciens dans à peu près toutes les régions du Québec et en nombre évidemment beaucoup plus grand qu'il n'y a de psychiatres. Cela ne pose pas de problème.

Maintenant, c'est sûr qu'on est d'accord avec ce que vous avez mentionné sur tes CLSC. Finalement, c'est ce qu'on pense qui devrait se faire. C'est-à-dire que la première ligne devrait être au CLSC. Il devrait avoir les ressources suffisantes pour l'offrir et on pense que la prévention commence par là. C'est beau de faire des campagnes de sensibilisation pour la prévention, mais il ne faut pas oublier que vous allez faire 50 000 annonces sur le stress, sur la vie ou sur les problèmes possibles dans les couples, à la télévision, etc., si vous n'avez pas vous-même un problème, vous n'écouterez probablement pas les trois quarts de cela. C'est le jour où vous allez commencer à avoir un problème que vous allez regarder où est la ressource. Si la ressource est près de chez vous et qu'elle peut intervenir immédiatement, votre problème risque de se régler là. (21 h 45)

II y a beaucoup d'études américaines qui démontrent qu'en sept ou huit rencontres il y a 50 % des problèmes de santé mentale qui se règlent quand les gens voient des professionnels compétents à la base. Cela veut dire que cela est de la prévention aussi, parce que ces problèmes ne grossiront pas, ne se surmédicaliseront pas et finalement ne taxeront pas le réseau. Il ne faut pas oublier qu'un problème qui a l'air d'un petit problème en santé mentale, qui est peut-être un épiphénomène jusqu'à un certain point, finalement est un phénomène réel. Quelqu'un perd son emploi à 40 ans et se retrouve devant cet "échec" - entre guillemets - dans sa vie, commence à avoir à cause de cela des problèmes à la maison, commence à avoir des symptômes physiques, se présente à l'hôpital; on le met sous médication avec les effets secondaires que cela implique, on finit par avoir un divorce, les familles éclatées, etc., quand ce n'est pas la violence conjugale et d'autre chose comme celle-là. C'est un problème, finalement, qui avec un soutien adéquat au départ aurait pu se régler et qui va grossir, grossir et grossir parce que le réseau ne donne pas le soutien adéquat. On pense que cela est une bonne forme de prévention à faire, qui est au moins aussi bonne que toutes les sensibilisations qu'on peut faire à la population. Je pense qu'une des bonnes préventions serait d'abord de définir où sont les ressources.

M. Chevrette: Est-ce que votre corporation a eu des échanges avec l'Association des psy- chiatres du Québec, par exemple, sur une éventuelle complémentarité de fonctions?

M. Granger: Je vais laisser mon collègue Sabourin répondre à cela.

M. Sabourin: II y a deux ou trois ans, il y a eu un comité, même, qui s'est réuni, mais pas très longtemps. C'était une initiative qui avait été prise à la suite de la publication d'un rapport par l'Assocation des psychiatres qui s'appelait "Le rôle du psychiatre, chef d'équipe." Évidemment, cela nous avait fait un peu réagir et au lieu de partir en guerre comme c'était le cas il y a de nombreuses années, parce que maintenant les relations sont très sereines, au lieu de partir en guerre, je me rappelle à l'époque avoir appelé le Dr Pomerleau qui était le président et on s'était dit: On va organiser d'une façon systématique des rencontres chaque année pour essayer de voir comment on peut mieux collaborer. Cela a duré un an, un an et demi et il n'y a pas eu d'autre réunion après. Cela a été une collaboration extrêmement limitée, mais quand même c'était un premier effort, parce que cela a toujours été malheureusement pour toutes sottes de raisons des relations difficiles à cause de bien des choses, à cause de ce qu'on mentionnait tantôt. La question du monopole, bien sûr que cela ne fait pas l'affaire de la partie qui, elle, n'est pas dans le monopole. Je pense que cela se comprend facilement.

M. Chevrette: Est-ce qu'actuellement les psychologues engagés par une institution hospitalière, vous recevez des bénéficiaires exclusivement sur ordonnance médicale, quand vous êtes considérés comme psychologues cliniciens, par exemple? Je donne un exemple: Moi, je n'ai jamais compris, par exemple, que dans le domaine de la santé - je n'ai pas été assez longtemps, parce que je commençais à être fatigué de cela, en six mois j'ai eu le temps de m'en rendre compte - cela prenait un omnipraticien pour envoyer un gars au physlatre. Le "clic-clic" de la "castonguette" fonctionnait, du physiatre au physiothérapeute, et du physiothérapeute, le gars n'a pas eu un traitement à son coude droit, mais il est rendu au technicien en physiothérapie et la "castonguette" a fonctionné trois fois. Est-ce que c'est un peu la même chose dans votre cas?

M. Sabourin: C'est exactement ce que je mentionnais tantôt à Mme la ministre. À cause de la réglementation de la toi 27, vous allez voir un premier médecin, s'il n'est pas membre d'un conseil des médecins et dentistes, il vous réfère à un deuxième qui vous réfère au psychiatre qui vous réfère au psychologue. Vous avez parfaitement raison, M. Chevrette.

M. Chevrette: Je veux savoir si c'est exactement le même phénomène que celui que je vous donne comme exemple.

M. Sabourin: Oui. Dans tous les cas, c'est la double référence.

Mme Lavoie-Roux: ...la physiothérapeute et la technicienne en physiothérapie, je pense qu'il n'y a pas de "deal" là.

Une voix:... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Oui, mais on ne créera pas des comités constamment et on ne fera pas des rapports pour étudier une politique globale qui n'est pas conçue encore. Si cela ne vous dérange pas, laissez-moi aller, je ne vous ai pas dérangés.

M. Sabourin: C'est exactement cela qui est pour nous une aberration. Quelqu'un en privé, vous, vous décidez d'aller voir un psychologue. C'est une décision que vous prenez personnellement. Vous allez prendre les pages jaunes ou quelque autre façon que ce soit et vous allez voir un psychologue. Si vous n'êtes pas satisfait, vous allez en voir un autre ou quiconque, mais quand même c'est vous qui prenez la décision et vous faites la démarche. En public, cela ne fonctionne pas comme cela à cause de la réglementation de la loi 27, article 20 ou 35, je ne me rappelle pas, vous devez d'abord avoir une référence médicale, même si vous arrivez et vous dites au médecin: Écoutez, Je veux voir un psychologue. Vous ne faites même pas de démonstration d'aucun problème physique, vous faites une démonstration d'un souhait. Là, cela va prendre la "castonguette" pour passer à l'autre étape.

M. Granger: C'est même dans certains cas jusqu'à un certain point pire que cela, c'est qu'il y a beaucoup d'omnipraticiens qui téléphonent à la corporation pour demander où ils pourraient référer un cas qu'ils ont dans leur polyclinique, parce qu'ils se rendent compte manifestement que ce n'est pas un problème médical que la personne a, ils ne savent pas quoi faire avec cela et la personne n'a pas d'argent pour payer un bureau privé. Alors, ils nous téléphonent en nous disant: Écoutez, connaissez-vous un CLSC ou un hôpital où il pourrait y avoir un psychologue pour nous aider à régler te problème. On est souvent aussi démunis qu'eux parce qu'il n'y en a pas tant que cela dans le réseau qui sont accessibles comme cela. Alors, on se dit: S'il a les moyens de payer, il n'y a pas de problème, on a un beau répertoire des gens en pratique privée dans sa région, sur sa rue, au coin de sa rue, il va y en avoir et II ira, mais s'il n'a pas les moyens de payer, bonne chance! On espère qu'il y en a premièrement un dans son CLSC puis qu'il n'est pas administrateur, qu'il a le temps de faire ça.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de

Gouin.

M. Rochefort: Oui. Je veux revenir sur cette question de l'accessibilité aux services reliée un peu aussi à cette question d'équité entre les deux types de professionnels qui peuvent intervenir et auxquels on peut faire appel. Une des solutions que vous évoquez et que vous développez depuis un bon moment, c'est cette idée de dire: II y aura deux réseaux, le réseau public qui sera accessible à tous et sans frais et un réseau privé qui lui aussi sera accessible à tous, mais avec frais pour tous, dans tous les cas, quel que soit le professionnel consulté.

J'avoue qu'à première vue c'est une solution qui paraît dans une certaine mesure équitable. Il y a effectivement une équité dans ce que vous avez évoqué tantôt qui peut peut-être être un pas dans le règlement du problème d'accessibilité qui est réel. Je partage votre analyse là-dessus, beaucoup de cas m'ont été soumis et c'est un problème réel, sauf qu'il faut être bien conscient - et vous l'avez abordé rapidement tantôt et je veux essayer de vous le faire développer un peu plus précisément - que, pour que cela marche, on règle le problème d'accessibilité parce que notre cheminement est parti de là. Cela prend la présence d'un nombre passablement accru de psychologues dans ce nouveau réseau public qui serait ainsi créé. Vous voyez cela comment? Vous évaluez cela à combien? Comment cela pourrait-il s'organiser? Est-ce qu'on a au Québec les ressources disponibles puis, au fond, il faut juste les changer de place? Y a-t-il une disponibilité dans la profession pour faire cela, parce que comme vous l'avez dit je pense que, si jamais cela devait se faire, c'est comme cela que cela devra se faire, c'est du monde qui s'en ira à salaire et qui ne l'était pas s'il était en cabinet privé.

J'aimerais que vous développiez un peu cette question d'accessibilité que l'on voudrait accroître par ça.

M. Granger: Mon collègue, M. Sabourin, va répondre à cette question.

M. Sabourin: Présentement, dans le réseau parallèle dont on fait mention depuis tantôt, II y a à temps plein environ 700 psychologues. Il y a également plusieurs psychologues qui font de la pratique privée à temps partiel. On calcule qu'il y a un équivalent, peut-être, en termes de temps plein d'environ 1000 personnes qui sont très bien réparties géographiquement, c'est-à-dire qu'il y en a vraiment dans toutes les régions. Ces gens-là présentement travaillent et gagnent leur pain d'une façon normale et quand même raisonnable. Cela veut dire qu'ils répondent à un besoin parce qu'ils sont là-dedans; sinon, ils changeraient de job ou ils feraient autre chose. Ces gens-là pourraient en partie offrir davantage de services dans un réseau public si l'occasion

leur était donnée de le faire. Pas tous. Il va toujours en rester dans le réseau privé, c'est absolument certain. C'est pour cela que l'on dit que l'on pense avant tout à fa question de l'accessibilité et au bien-être de la population qui a besoin et veut les services. Qu'est-ce qui est le mieux pour elle? C'est d'avoir accès aux services par le réseau public. Surtout les contribuables, on paie pour cela et on pense que c'est juste et équitable que ces services soient offerts à ces gens-là. Par ailleurs, ceux qui veulent rester dans le secteur privé, il va toujours y en avoir. Eux pourront avec d'autres professionnels entrer dans un régime de concurrence - c'est tout à fait normal dans une société - et offrir des services.

M. Rochefort: Si Je comprends bien, tantôt, sauf erreur, vous nous avez dit que vous étiez 3780 membres. Est-ce que je me trompe? Là. vous me dites: II y en a 1000, grosso modo, équivalents temps plein dans le réseau dit parallèle. Est-ce que je dois conclure qu'il en reste 2780 qui sont quelque part dans un réseau public?

M. Sabourin: Sur les 3700, H y en a un nombre assez élevé qui travaillent dans le milieu de l'éducation. Les psychologues dans les écoles, cela existe depuis longtemps.

M. Rochefort: D'accord. Excluez cela. Combien y en a-t-i! actuellement dans le réseau public?

M. Sabourin: Dans le réseau public actuellement, un peu plus de 1000.

M. Rochefort: C'est moitié, moitié.

M. Sabourin: C'est à peu près la même proportion, sauf que dans le réseau public, les statistiques qu'on a ne l'Indiquent pas, mais on a de bonnes raisons de croire qu'ils sont nombreux, surtout dans les CSS et des CLSC. Nos enquêtes personnelles nous démontrent que beaucoup de psychologues oeuvrant dans ces milieux-là, peut-être à cause de leur formation prolongée, oeuvrent à titre d'administrateurs. Ce qui n'aide pas tellement à un meilleur accès à des services.

M. Rochefort: Donc, vos deux réponses me ramènent à ma question de départ. D'abord, est-ce qu'on a ce qu'il faut pour équiper de façon convenable pour répondre au premier problème, qui est celui de l'accessibilité, cette réorganisation du réseau public qu'on créerait? Deuxièmement, selon vous, est-ce qu'il y a, de la part des 1000 équivalents temps plein dans le réseau dit privé, une réelle volonté, un réel intérêt de s'en aller à salaire dans le réseau public? Votre réponse ne m'a pas vraiment convaincu, jusqu'à maintenant.

M. Sabourin: Je pense qu'il y a une proportion importante de gens qui aimeraient oeuvrer dans le réseau public, c'est clair, à cause de toute la question du ressourcement, de la multidisciplinarité, de la facilité à travailler avec d'autres professionnels. Les psychologues sont quand même assez ouverts à ce niveau. Je vais être honnête avec vous, II y en a quand même un nombre Important qui vont rester dans le réseau privé, c'est clair, parce qu'il y a de belles conditions de travail dans le réseau privé.

M. Rochefort: D'accord, mais est-ce qu'on va en avoir assez dans notre nouveau réseau public?

M. Sabourin: J'ai l'impression que la balle est dans le camp du réseau. Que le réseau ouvre les postes, et on verra s'ils seront remplis ou pas. J'ai l'impression qu'ils seront remplis.

M. Rochefort: Une autre question reliée à celle-là et qui recoupe des réponses que vous avez fournies à d'autres membres de la commission. Je comprends bien, finalement - je pense que vous ne l'avez pas dit carrément, mais vous avez mis le doigt dessus quelquefois - que vous nous dites que l'accès devrait être direct dans les établissements et, donc, de lever toute réglementation qui oblige une référence médicale. C'est exactement cela que vous voulez dire.

M. Sabourin: C'est exactement cela. M. Rochefort: D'accord, merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Fabre.

M. Joly: Merci, M. le Président. À la suite de ce que j'ai entendu de la part des représentants de la Corporation professionnelle des psychologues, j'aurais tendance à être sympathique à leurs propos, mais j'aimerais quand même qu'on revienne un peu sur le rôle que jouent les psychologues dans le réseau de la santé mentale surtout, parce que c'est ce qui nous concerne.

J'aimerais aussi qu'on fasse refléter, parce qu'on en a parié un peu, les moyens qu'on aurait comme gouvernement pour faire en sorte que le service soit accessible à toute la population, et non seulement à une partie de la population. D'après ce que je crois comprendre, le service des psychologues semble être dévolu pour les personnes mieux nanties, un peu plus riches ou étant en moyen d'en assumer le coût, et avant d'en arriver à ces services, il faut avoir des recommandations si on veut que ce soit payé par l'État. Tant et aussi longtemps que ce n'est pas recommandé par deux ou trois professionnels, ce qui fait que le coût va toujours se multipliant, il faut avoir les ressources financières nécessaires personnelles avant d'en arriver là.

Est-ce que, dans ce que vous vivez actuel-

lement, vous pensez que ces coûts pourraient être absorbés - vous avez quand même ouvert un parallèle tantôt - par le budget des établissements qu'on appelle les CLSC? C'est ma première question. Qu'est-ce que coûtent les psychologues par rapport aux psychiatres? Peut-être une question subsidiaire rattachée à cela, surtout que tantôt vous avez mentionné qu'en région, étant donné qu'on n'a pas toutes les ressources nécessaires au niveau des psychiatres, ce sont les psychologues en fonction qui règlent la majeure partie des problèmes. À ce moment-là, on peut dire que le service spécialisé ou le service professionnel des psychologues pallie assez convenablement les services que donnent les psychiatres, mais parce qu'ils ne sont pas en régions, vous êtes considérés comme étant la ressource essentielle.

Partant de là, coût pour coût, qu'est-ce que cela coûte un psychologue par rapport à un psychiatre? Et aussi, si on devait endosser l'Idée de former les omnipraticiens, est-ce qu'à ce moment-là le coût exigé pour vos services pourrait être comparé favorablement au coût exigé pour les omnipraticiens ou est-ce que l'alternative de former des omnipraticiens serait vraiment la solution envisagée? Devons-nous nous diriger vers l'alternative que vous avez à offrir?

M. Granger: Je vais répondre à une partie de la question et je vais laisser mon collègue Sabourin répondre à l'autre partie. En ce qui concerne le fait de savoir si les budgets actuels des CLSC seraient en mesure d'absorber les coûts de cette augmentation de ressources, je n'en suis pas sûr. Je pense qui faudrait augmenter les budgets actuels des CLSC si on veut qu'ils développent un service de première ligne plus adéquat. (22 heures)

Par contre, il ne faut pas oublier que plusieurs recherches américaines démontrent que, quand on prend en compte l'aspect psychologique, des problèmes au départ, ça diminue de beaucoup les coûts médicaux. Quand on ne fait pas ça, c'est absorbé par le système médical et ça coûte cher. Nous on se dit - bien on n'a pas fait d'études économiques là-dessus parce qu'on n'a pas d'économiste à notre disposition mais ce serait intéressant si le ministère le faisait éventuellement - que, si on tenait compte de la bonne façon des problèmes psychologiques qui sont présentés, on assisterait sûrement à une diminution des coûts de remboursement de médicaments du système nerveux central, en particulier auprès des assistés sociaux et des personnes âgées qui se montaient quand même à 87 000 000 $ l'année passée. Alors, il y a probablement une partie de ces sommes-là qui diminuerait, mais je pense que ça prendrait une étude économique pour le démontrer, On pense donc qu'il y aurait peut-être un certain type de transfert de ressources qui pourrait absorber une partie des coûts ou des augmentations de budget dans les CLSC.

Maintenant, pour ce qui concerne les régions, c'est sûr qu'il y a beaucoup plus de psychologues cliniciens en régions qu'il n'y a de psychiatres, je pense. Est-ce que ça veut dire qu'on dit qu'il ne devrait pas y avoir de psychiatres en régions et avoir seulement des psychologues cliniciens? Non. Je pense qu'il devrait y avoir aussi certains psychiatres en régions. Mais on ne pense pas que cela en prendrait un nombre astronomique si on utilise justement d'autres types de ressources que celles qui sont présentes là. Il y a des régions où il y a quand même des services Intéressants en santé mentale sans qu'il y ait nécessairement 50 psychiatres en résidence dans ces régions-là.

Maintenant, pour l'autre partie de la question sur les salaires et les coûts de formation, je vais laisser mon collègue Sabourin répondre à cette question-là.

M. Sabourin: Écoutez, on a déjà mentionné un certain nombre des choses que je voulais dire. Mais je vais simplement donner des chiffres, à titre d'hypothèse seulement, ce ne sont pas des absolus. On a fait des petits calculs à partir des sommes fabuleuses qui sont dépensées, les 87 000 000 $ dont parle mon collègue, pour des médicaments du système nerveux central. Pour ceux qui l'ignoreraient, ce sont des médicaments qui ne guérissent pas. Cela calme. Cela apaise, mais ça ne guérit pas et il n'y a aucune chance que ça guérisse. Cela fait que ce sont 87 000 000 $ qu'on met comme ça dans la poubelle chaque année. Cela fait qu'à partir de ça on a fait des petits calculs. On a regardé aussi... On calcule qu'avec l'assimilation que Je mentionnais tantôt par rapport à l'assurance-maladie - c'est encore une hypothèse, on n'y tient pas, mais on le mentionne à titre d'exemple - cela coûterait simplement pour défrayer les actes présentement faits en termes de psychothérapie par les gens qui sont en privé - donc, calculons 20 entrevues par semaine, 45 semaines par année - cela coûterait 34 000 000 $. Il reste encore pas mai de millions sur les 87 000 000 $. S) on regarde aussi la somme de 21 000 000 $ qui a été payée l'année dernière à des omnipraticiens pour ce qu'on appelle des traitements psychiatriques, c'est-à-dire, en d'autres termes, prescrire des médicaments fort probablement, nous calculons que, si on engageait au salaire moyen actuel dans le réseau de la santé des psychologues à ta place, on pourrait en avoir 764 de plus dans le réseau. C'est juste un exercice comme ça. On s'amuse des fois quand on n'a rien à faire et on fait des calculs pour passer le temps.

Je pense qu'il y a une suggestion que j'aimerais faire et j'espère qu'elle va être retenue: Qu'on laisse au moins aux gens le choix de décider s'ils veulent avoir des soins, s'ils veulent guérir leurs problèmes ou s'ils veulent avoir des pilules à la place. Si on leur

laisse ce choix-là, on serait bien contents.

M. Chevrette: Les psychiatres vont réagir à ça.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier, vous avez une question.

M. Sirros: Je voulais juste réagir aux derniers propos que vous avez tenus et poser une question après.

Vous faites l'équivalence entre les 21 000 000 $ payés aux omnipraticiens pour les actes de psychothérapie et les 764 psychologues qu'on pourrait engager dans le réseau avec ça, mais vous ne faites pas nécessairement abstraction du fait que les omnlpratlciens voient des personnes qui décident d'aller voir un omnipraticien et que, de toute probabilité, même si on engageait les 764 psychologues dans le réseau, une bonne partie des personnes qui allaient voir l'omnipraticien iraient quand même voir l'omnipraticien qui, même s'il n'était pas payé pour la psychothérapie, pourrait continuer à prescrire des médicaments ou à faire des examens généraux ou je ne sais trop quoi là.

Mais je veux dire tout d'abord que l'équivalence que vous faites entre les 21 000 000 $ et le nombre de psychologues qu'on pourrait engager ou l'analyse de coûts telle que vous la faites est peut-être un peu simplifiée.

M. Chevrette: Combien n'iraient plus chez le psychiatre?

M. Granger: C'est évident qu'elle est simplifiée. À toutes fins utiles, comme je vous l'ai dit tantôt, on n'est pas économistes et je pense qu'il faudrait faire une analyse économique de ça. Quant au fait que les gens continueraient d'aller voir des omnipraticiens, les gens vont voir des omnipraticiens, dans le fond, parce que c'est la seule porte d'entrée. S'il était publicisé qu'il y a d'autres portes d'entrée dans le système il y en aurait moins qui iraient les voir. On a fait certains sondages qui montraient que les gens n'iraient pas nécessairement automatiquement les voir s'il y avait une autre solution.

Mme Lavigne-Sabourin (Renée) : J'aimerais ajouter aussi qu'au fond nous, on voudrait que les omnipraticiens soient vraiment formés à être des dépisteurs et à référer, comme ils vont le faire pour des spécialistes dans le domaine de la santé physique, s'il s'agit de problèmes psychologiques et non pas à s'éterniser à prescrire des médicaments. Dans ce sens-là, on parle aussi d'une meilleure formation des omnipraticiens pour qu'ils deviennent vraiment des dépisteurs. Le mot a été utilisé durant la journée. Cela pourrait contrer ce phénomène de visites multiples chez le médecin.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je pourrais poser une dernière question?

Le Président (M. Bélanger): Une dernière question, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais même pas si c'est une question ou une remarque. Vous disiez tout à l'heure qu'il y en a 1000, grosso modo, qui sont dans le secteur public, quand vous avez répondu au député de Gouin. Il reste que c'est quand même du monde. Mille cliniciens dans le secteur public, c'est important. Vous dites qu'il y en a qui travaillent dans les écoles. Qu'est-ce qu'ils font dans les écoles? Ils doivent quand même rencontrer des jeunes qui ont des difficultés d'adaptation. Ils doivent en donner, des services. Ils devraient normalement donner des services de psychothérapie dans les écoles. Vous dites qu'il y en a plusieurs qui sont utilisés comme administrateurs. Je pense qu'il y en a une proportion qui sont utilisés ainsi. C'est normal dans chaque groupe professionnel. Mais je me demande s'il n'y a pas une mauvaise utilisation même des psychologues cliniciens qui sont déjà dans ie secteur public. Parce qu'on en comptait au-delà de 1000 dans le secteur public tantôt. Cela commence à être du monde. Il semble que vous soyez mal utilisés, même dans les hôpitaux. Oublions les écoles pour un moment et oublions les fonctions d'administrateurs. Même si on doit vous référer une personne, que c'est fait sur référence. Il reste que, si vous en avez, disons, 800 qui travaillent comme cliniciens à temps plein dans les hôpitaux, les CLSC ou autres, c'est pas mal de monde.

Mme Lavigne-Sabourin: Je vais répondre. Il faut croire que ce n'est pas assez parce que, voyez-vous, il y en a quand même 1000 qui sont en pratique privée et qui sont consultés abondamment. Il y a aussi des gens qui vont voir l'omnipraticien pour avoir des services relatifs à des problèmes de santé mentale. Nous, ce qu'on dit, c'est que cela ne devrait pas être les omnipraticiens qui donnent des services de santé mentale. C'est vrai qu'il y en a 1000 qui ne sont pas accessibles directement. Ils sont principalement dans les hôpitaux et il faut croire que ce n'est pas suffisant. C'est vrai qu'il y en a 1000.

Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas oublier non plus, madame, que tes gens vont voir les omnipraticiens pas nécessairement parce qu'ils ont un problème de santé mentale...

Mme Lavigne-Sabourin: Beaucoup.

Mme Lavoie-Roux: ...mais simplement parce qu'ils ont des symptômes physiques. Ils n'iraient peut-être jamais voir un psychiatre ni un psychologue...

Mme Lavigne-Sabourin: Je suis parfaitement d'accord avec vous.

Mme Lavoie-Roux: ...parce qu'il y a tout le mécanisme de négation dans la maladie mentale qui fait qu'ils se sentent plus à l'aise, même si cela ne les aide peut-être pas beaucoup, d'avoir une prescription. S'ils n'avaient pas une prescription, à blanc, ils se sentiraient probablement plus malades qu'ils ne se sentent. Il y a un tas de variables là-dedans. Ce n'est pas facile à résoudre, votre problème.

Une voix: Je pense qu'il y a plein de choses dans ce que vous dites, Mme la ministre. J'aimerais juste préciser un point C'est qu'il y a des études américaines et canadiennes qui démontrent assez clairement que plus de 60 % des consultations chez les omnipraticiens sont pour des problèmes psychologiques. Plus de 60 %. Cela est admis par les médecins mêmes. En partant de cela, on a une certaine idée du genre de problème pour les omnipraticlens. Un autre élément que Je voudrais ajouter pour compléter la réponse de Mme Sabourin, c'est la question des psychologues qui sont évidemment au bout de la ligne. On n'arrête pas de dire depuis longtemps qu'ils sont la troisième référence possible. Il arrive dans bien des cas que même s'il y en a un certain nombre qui sont débordés et qu'il y a des listes d'attente, donc, les gens qu'on réfère... Normalement, si cela fonctionnait bien, s'il y en avait assez, on ne recevrait pas 50 appels téléphoniques par semaine à la corporation de gens qui veulent des services psychologiques, qui vont dans le réseau et qui disent qu'il n'y en a pas de disponible. Pourquoi nous appelleraient-lis s'il y en avait? Nous, on dit: Oui, il y en a, mais il n'y en a peut-être pas assez. Comme le disait Mme Sabourin, s'il y en a 1000 qui pratiquent en privé et qu'ils gagnent très bien leur vie, il y a peut-être un besoin quelque part qu'on ignore.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Sur ce point précis, je pense qu'il y a effectivement un manque dans le secteur public. J'en suis convaincu. Je diverge un peu d'opinion avec Mme ta ministre sur un point, c'est que la mère de famille démunie, pauvre, n'ira pas voir un psychologue ni un psychiatre. Elle va aller voir son médecin de famille.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Chevrette: Automatiquement, c'est là. Si le médecin de famille sait qu'elle n'a pas d'argent, il ne la référera pas à un psychologue privé, II va dire qu'elle n'est pas capable de payer. Il va donc la référer à la clinique psychiatrique de l'hôpital. Là-dessus, je suis persuadé que l'inclusion d'un groupe de psychologues dans le secteur est extrêmement importante, en particulier pour la classe moyenne et la classe faible, les salariés moyens et les bas salariés. J'en suis convaincu. L'omnipraticien, qui connaît la famille, qui connaît les revenus familiaux, ne pourra pas décemment recommander à un père de famille, qui a peu de revenus ou à faible revenu, d'aller chez un psychologue en clinique privée, même si le petit bonhomme ou la petite fille ne nécessite que quelques entrevues avec un psychologue. Il va le référer au psychiatre de l'hôpital parce que, pour lui, cela ne coûtera rien et c'est ta "castonguette" qui va payer...

M. Granger: D'ailleurs, on a...

M. Chevrette: ...parce qu'on n'a pas précisément ce corps représentatif à l'intérieur de l'institution. Je suis convaincu qu'il y aurait une économie extrême en termes de coût social.

M. Granger: D'ailleurs, même dans notre réseau privé, on a ce phénomène parce qu'il y a beaucoup de psychologues présentement, en tout cas à Montréal, qui ont leur bureau dans des polycliniques médicales. D'où viennent leurs références? Des omnipraticlens de la polyclinique. Mais qui sont référés? Les gens qui peuvent les payer. Les autres ne leur sont pas référés, ils vont être envoyés dans le réseau s'il y a de la place ou ils vont être médicamentés.

M. Chevrette: Des personnes médicamentées, vous savez ce que cela fait? Il y en a qui se promènent dans les bureaux de députés à tous les lundis matins.

Le Président (M. Bélanger): Alors, en conclusion, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: La conclusion? Je pense qu'ils nous ont éclairés, qu'ils nous ont indiqué des besoins. Il s'agit au gouvernement d'y répondre.

Le Président (M. Bélanger): Bref et laconique. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier...

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! Mme la ministre, je vous en prie.

Mme Lavoie-Roux: C'est dommage qu'il ne se sort pas exécuté pendant qu'il était au gouvernement.

Une voix: C'est cela.

M. Chevrette: Madame, c'est parce que vous ne m'avez pas donné assez de temps» cela s'en venait bien.

Mme Lavoie-Roux: On a eu droit à au moins deux psychiatres avant vous.

M. Chevrette: ...regarder le résultat final.

Mme Lavoie-Roux: Alors, merci et on va

essayer d'intégrer certains des points que vous avez soulevés. C'est un débat qui n'est pas facile. Et pourquoi il n'est pas résolu, si on veut être plus sérieux, c'est qu'au point de vue des coûts, je comprends qu'on peut spéculer sur des économies possibles, des coûts sociaux moindres, l'élément le plus important, c'est peut-être l'équité dans les services, qui est peut-être vraiment l'élément fondamental de toute cette question. Encore une fois, en même temps qu'on ferait cela, au plan financier, si cela Implique vraiment des coûts supplémentaires, c'est-à-dire pour le faire sur une échelle assez considérable pour que ce soit significatif, il nous faudra ajouter des services pour les familles, des services pour les organismes communautaires, etc. Il y a des choix qui vont devoir être faits et je pense que je ne nie pas la valeur de ce que vous apportez, bien au contraire. Mais, encore une fois, dans quelle mesure on pourra y répondre, je suis moins rapide à répondre que le député de Joliette ne l'est à faire la suggestion. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, le prochain groupe qui est invité à se présenter à la table des témoins, c'est Mme Vesta Wagener Jobidon.

Bien. Alors, nous recevons Mme Vesta Wagener... Je dis Wagener, mais...

Mme Wagener Jobidon (Vesta): C'est Wagener Jobidon, mais Mme Jobidon, cela suffit.

Le Président (M. Bélanger): Mme Jobidon, oui. Alors, vous connaissez nos règles de procédure, à savoir que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et que, par la suite, il y a une période de questions de 40 minutes qui sera dévolue aux parlementaires. Madame, si vous voulez bien procéder, nous vous écoutons.

Mme Vesta Wagener Jobidon

Mme Wagener Jobidon: Je vous remercie. Vu l'heure tardive, je vais essayer de faire cela aussi bref et, j'espère, aussi intéressant que possible. Vous êtes bien bons de m'écouter. (22 h 15)

Je ne suis pas une professionnelle de la santé, comme vous l'avez probablement deviné, je suis une mère professionnelle d'un enfant atteint de schizophrénie depuis quatre ans. Alors, je suis aux prises avec tous ces problèmes, je les connais Intimement. Puisque j'ai bénéficié d'un programme de répit, qui consistait tout simplement dans la situation que ma fille pouvait être acceptée dans un foyer de transition, j'ai pu faire des recherches en santé mentale et surtout en réadaptation. Vu que je suis traductrice et que je possède l'allemand, j'ai pu faire des recherches en plusieurs langues. Une fois que j'ai vu que ma fille avait Ici à Québec les soins médicaux dont elle avait besoin, j'ai pu concentrer mes recherches sur la réadaptation. Il est tout à fait évident - et je suis contente que, dans le rapport, ce soit pleinement reconnu - que les jeunes schizophrènes qui sont maintenant traités dans des hôpitaux de courte durée, quand ils sortent, leur intelligence n'est pas atteinte. Ils restent avec un potentiel qui est à découvrir et à développer. C'est une des grandes lacunes aujourd'hui et c'est une autre chose qui est soulignée dans le rapport et avec laquelle je suis parfaitement d'accord.

Alors, je ne sais pas si Je vais vous lire tout mon exposé; cela parte un peu de lui-même. J'aimerais penser que je ne parle pas juste pour ma fille et moi-même. J'ai dépassé ce stade depuis bien longtemps. Je parle pour des milliers de parents qui vivent encore les problèmes que j'ai vécus, surtout pendant les deux premières années, c'est-à-dire qu'on n'est pas... Cela prend du temps avant d'accepter la situation. On la cache devant les voisins. On n'en parle même pas devant la famille. Mais, une fois ce stade passé et surtout avec de l'information, on peut en parler et on découvre que d'autres vivent la même situation. SI on voit le moindrement ce qui se passe aux États-Unis et en Ontario, on s'aperçoit que des parents sont devenus militants, se sont impliqués dans la prise en charge de ce problème de famille, de ce problème de leurs jeunes et d'autres jeunes, II y a une dynamique qui se crée là et c'est ce qu'il faudrait arriver à faire ici au Québec. C'est cela qui manque ici au Québec. Il y a de la bonne volonté et même des services. Même s'il y a des lacunes, il y a des services qui sont là, mais ils ne sont pas pleinement utilisés.

Je vais revenir à mon exposé. Je voudrais expliquer très brièvement, d'abord, que j'ai eu ce rapport très tard et, lors de la rédaction du mémoire, j'ai fait cela très vite. Il peut laisser l'impression que je suis en possession de toutes les vérités et que je propose seulement deux choses qui sont absolument les seules bonnes. Ce n'est tout simplement pas cela. Lorsque j'ai lu le rapport, évidemment, j'ai été d'accord avec tout ce qui y était dit. C'est comme le Père Noël, il y a tout là-dedans. Mais ce qui m'a particulièrement frappée, c'est d'abord la reconnaissance du potentiel des malades schizophréniques, des personnes atteintes de schizophrénie, la reconnaissance qu'il manque des services de réadaptation psychosociale, les besoins de formation des personnes pour appliquer les PSI, les plans de services individualisés. Il y a une insistance sur l'évaluation des programmes, ce qui est parfaitement normal. Il y a une insistance sur la création de nouveaux programmes.

D'autre part, ce qui m'a frappée, c'est l'absence totale de suggestions concrètes de tout ce qui est à faire. Vu que je suis à la fine pointe, disons, de tout ce qui se fait aux États-Unis - je viens de recevoir les dernières recherches, et c'est fantastique - cela m'a déçue un peu. Il y a aussi absence totale de définition d'un bon service de réadaptation psychosociale.

C'est un mot à la mode qui couvre bien des choses et c'est une chose à clarifier. C'est pourquoi je me suis mise à écrire ce mémoire qui recommande deux bons services psychosociaux qui remplissent tous les critères de ce qu'est un bon service. En fait, je pense qu'il n'est pas nécessaire de le lire. Je ne sais pas si c'est nécessaire?

Pour moi, les critères d'un bon service de réadaptation, ce sont d'abord des programmes qui reposent sur le postulat qu'il y a, chez la personne atteinte de schizophrénie, un potentiel à découvrir et à développer afin qu'elle puisse atteindre l'autonomie; ce sont des programmes qui offrent les moyens d'une occupation valorisante - pas seulement une occupation, mais une occupation valorisante; pas le macramé, mais une formation pour faire quelque chose d'utile. Ce sont aussi des programmes qui offrent en même temps une interaction avec d'autres, qui les obligent à sortir de leur apathie, à parler aux autres, à penser aux autres, à faire des petites choses pour les autres. Ces deux programmes que je propose sont des programmes de formation. Ils mènent quelque part. Ce ne sont pas des choses stationnaires, qui ne mènent nulle part, en fait, qui sont des garderies. Quand J'ai lu le rapport, une des choses qui m'a frappée, c'est que, pour moi, cela annonçait clairement que cela allait prendre du temps avant que toutes ces choses ne bougent C'est pourquoi J'ai proposé des choses concrètes.

En fait il s'agit d'un centre de jour du type 'Club house model". Quelqu'un qui est familier avec la littérature américaine sur le sujet connaît ce type de centre de jour. Ce n'est pas un centre de loisir, c'est un club où les membres participent au fonctionnement côte à côte avec le personnel professionnel. Je n'irai pas dans les détails. Ce 'Club house model" a une composante qui est un programme de travail qui s'appelle "transitional employment". Le TE ou le TEP, cela aussi ressort de toute la littérature américaine actuelle. On vient juste de faire un amendement pour des programmes de travail destinés aux handicapés psychiatriques. Maintenant, ce transitional employment* est reconnu comme une étape très importante pour les gens atteints de schizophrénie. C'est un programme de travail à temps partiel. Il est presque universellement reconnu que les gens, même s'ils ont un potentiel, même s'ils veulent travailler - et il y en a plusieurs qui veulent travailler - il faut les faire commencer à temps partiel. Et, évidemment, c'est une chose qui manque Ici. Cela fait partie Intégrante de ce "Club house model" qui ne fournit pas le travail comme tel, qui prend des contrats avec les grandes entreprises et qui se déplace avec quatre, cinq membres. Le club s'engage à faire le travail. C'est une expérience, il faut voir comment cela fonctionne. J'ai passé plusieurs jours à Toronto pour voir cela et c'est une chose que je voudrais importer Ici. Est-il nécessaire de mentionner qu'un tel centre de jour dans une ville constitue un programme de répit pour les parents?

Le deuxième programme que je voudrais voir installé Ici, sans grande évaluation parce qu'il parle par lui-même, par ses résultats, c'est un programme d'éducation continue et spécialisée qui se donne à Boston. Pour cela aussi, je donne des détails et des références.

Les deux programmes, on pourrait dire que c'est faire d'une seule pierre plusieurs coups. Ce ne sont pas seulement des endroits pour passer le temps de manière productive, on y donne un peu d'espoir, de confiance en soi et un sentiment d'accomplissement On améliore la qualité de la vie, même si le malade ne peut faire tout le cheminement possible.

Un des problèmes constatés, c'est que les malades schizophrènes souffrent d'une sorte de schizophrénie négative, c'est-à-dire l'apathie. Ils ne profitent pas nécessairement des services qui sont là. Cela a été constaté en Suède, par exemple, où tous les services ont été créés pour les schizophrènes. Ils ne venaient tout simplement pas jusqu'à ce qu'un de ces "club houses' soit installé et, là, tout d'un coup, il y avait participation.

Une autre raison pour laquelle ces deux sortes de services sont bons, c'est qu'ils servent à découvrir le potentiel de ces gens-là, parce que, d'après les sommités internationales, il est aujourd'hui encore Impossible de prédire te potentiel d'une personne malade qui sort de l'hôpital, parce qu'elle est trop apathique. C'est sur le tas, c'est au travail ou en faisant une activité qu'on peut découvrir le potentiel de cette personne.

Ce qui m'amène à parler un peu du programme de répit. Le programme d'éducation spécialisée est évidemment un bon programme de répit pour les parents. Quand les parents savent que leur enfant est employée à une occupation valorisante, cela leur permet de faire autre chose.

En plus d'Importer des programmes déjà éprouvés, il y a aussi des choses simples et peu coûteuses qui pourraient être entreprises immédiatement sans évaluation scientifique, parce qu'elles relèvent du bon sens et de l'expérience Un des problèmes majeurs est l'Intégration au monde du travail, qu'on soit rémunéré ou non. Plusieurs de ces jeunes adultes atteints auraient le potentiel pour devenir autonomes s'ils pouvaient commencer leur réinsertion correctement à temps partiel. C'est un problème que je vis depuis des mois et je connais plusieurs jeunes qui sont dans le même cas que ma fille. C'est la même chose partout, on propose à ces jeunes qui sont parfois hautement scolarisés des emplois de ménage à temps complet ou des ménages chez les vieillards. Ma fille a fait cela aussi. J'ai insisté pour qu'elle le fasse parce que c'était une bonne action, mais pas parce qu'elle n'était pas capable de faire autre chose. C'est limiter pas mal les possibilités de ces jeunes, et c'est dommage.

Alors, il y a des stages disponibles pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Tous ces stages sont à temps plein. Il me semble que cela devrait être possible de prendre un stage et d'en faire bénéficier des jeunes atteints de schizophrénie. C'est reconnu qu'ils sont capables de faire des tâches complexes. Le problème n'est pas la complexité du travail, le problème, c'est que ces endroits sont trop stressants. Cela est une des choses qui ne coûte pas cher. Même si l'emploi n'est pas rémunéré, juste donner la chance de faire un travail productif peut leur donner confiance en eux-mêmes. Aussi, s'ils ont fait plusieurs stages et qu'ils ont pu bénéficier des travaux communautaires plusieurs fois, cela leur donne une idée de ce qu'ils voudraient faire, parce qu'ils ont le sentiment qu'ils peuvent faire quelque chose, mais ils ne savent pas où aller. Ils ont peur de trop de stress, peur de faire une rechute. Mais, par une politique de petits pas, en donnant la chance à ces malades de faire un peu plus tout le temps ou quelque chose d'un peu différent, on peut amener un bon pourcentage de cette clientèle à devenir autonome ou semi-autonome. (22 h 30)

Je ne rêve pas en couleur, je ne pense même pas qu'il y a beaucoup de jeunes qui peuvent travailler à temps plein, mais, même si on amène quelqu'un qui maintenant végète devant la télévision, qui ne fait rien, si on peut l'amener à travailler à temps partiel et à avoir une certaine satisfaction, il me semble qu'on fait quelque chose. C'est un but à atteindre et, dans le dernier numéro de la revue Psychosocial Rehabilitation Journal, il y a le Dr Anthony, qui est une sommité internationale, encore une fois, qui parle des dernières recherches sur le travail, qui décrit les programmes de travail qui ont été adoptés aux États-Unis et toutes les études longitudinales qui ont été faites sur les possibilités de travailler pour ces gens-là. C'est tout là-dedans. Il s'agit juste de voir et de lire. Il n'est pas nécessaire d'aller en Belgique et en Italie pour trouver des programmes Intéressants.

En conclusion, un mot sur l'"Advocacy". D'après moi, l'Interprétation donnée à ce terme a été un peu restreinte et le terme "Advocacy" aux États-Unis et en Ontario inclut un peu pas mal de militantisme et je dis ici dans mon mémoire que le militantisme peut exister seulement là où il y a eu prise de conscience, impatience et finalement militantisme. Au Québec, c'est un manque d'information chronique qui a retardé la prise de conscience sur la nature de la maladie mentale. Il est désolant de voir des parents avoir souffert inutilement pendant des années parce que personne n'a cru bon de démystifier la schizophrénie. La seule chose que je trouve fautive dans le rapport, c'est quand il est dit que, du fait que des malades sont maintenant traités dans des hôpitaux de courte durée, la maladie mentale a été démystifiée. Ce n'est absolument pas le cas. Les parents bien informés sur la nature de la maladie hésitent moins à l'avouer, à se regrouper et à prendre l'initiative dans la création des ressources. Quand on voit ce qui se passe aux États-Unis, c'est bien souvent des parents qui ont commencé des choses très intéressantes. Au dernier congrès de l'IAPSRS, à Toronto, au mois de juin, j'ai passé quatre jours à écouter parler des réalisations des différents groupes de ressources psychosociales des États-Unis, d'Europe et d'Australie. Soit dit en passant, j'étais la seule personne du Québec, avec un anglophone de Montréal. Par exemple, à Toronto, un groupe de parents, qui a comme nom "Friends of schizophrenics', a organisé une campagne de publicité dans le métro et les autobus de Toronto. Cela a été placardé pendant des mois, pendant un an, et la même chose s'est produite cette année; quand j'y suis allée, II y en avait encore. Je voudrais bien voir cela à Québec. Cela dit: Schizophrenia strikes one in hundred. For more Information about this biochemical disease, appelez tel numéro. J'ai montré cela à des psychiatres ici et, évidemment, ils ne sont pas d'accord. Ils disent que ce n'est pas toute la vérité que la schizophrénie est uniquement biochimique, bien que ce soit reconnu maintenant qu'en partie c'est un déséquilibre biochimique au niveau du cerveau. Comme parent...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, madame, je m'excuse!

Mme Wagener Jobidon: En conclusion, je voudrais profiter de ces quelques minutes pour dire que je suis d'accord avec les recommandations, évidemment. Le programme de répit, jusqu'à ce que j'aie entendu parler des problèmes des parents d'autistiques, j'ai ri un peu de ce programme. C'était un peu rêver en couleur, je ne pensais pas qu'un programme de répit pour les parents de schizophrènes était possible ou même nécessaire. Je voulais juste dire: Donnez-nous des services décents, on n'a pas besoin d'un programme de répit. Mais, évidemment, il y a des cas lourds que je n'avais pas considérés, je l'avoue.

C'est surtout au niveau des moyens - page 144, je crois - que je voudrais mettre dans un autre ordre, disons. "Prise de position gouvernementale". Bien entendu, cela ne devrait même pas figurer sous un numéro, il me semble que cela va de soi. La première priorité, pour moi, c'est l'élaboration d'une campagne d'information et de sensibilisation sur la situation des personnes aux prises avec des problèmes d'ordre mental. Cela devrait être une campagne nationale. Tous les problèmes que vivent tes parents, c'est un cercle vicieux. On revient toujours sur le manque d'information à tous les niveaux: les parents, les malades et le grand public. Il me semble que la vie serait bien plus facile si on pouvait avoir une campagne de publicité dont on n'aurait pas à s'occuper entièrement soi-même. La plupart des

parents. Ici, au Québec, ne sont pas prêts à dire les choses telles qu'elles sont, c'est un fait

Le programme de répit, je le dis, je trouve cela secondaire si on a de bons services. Injection d'un budget doublant les montants actuellement consacrés au financement des services: il faudrait être sûr de ne pas donner l'argent à n'importe quoi. Il faudrait que ce soit confié à des gens qui oeuvrent ou qui sont familiers avec la réadaptation psychosociale. Il faut que ce soient des programmes qui remplissent tous les critères que j'ai mentionnés tout à l'heure.

Une autre chose qui n'est pas mentionnée et que je trouve très importante, c'est que la campagne d'information se perpétue...

Le Président (M. Bélanger): Excusez, madame, Je dois vous interrompre...

Mme Wagener Jobidon: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): ...il faut passer à la période des questions puisqu'on a déjà débordé amplement

Mme Wagener Jobidon: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): À moins que vous n'ayez quelques commentaires rapides avant de terminer, je céderais la parole...

Mme Wagener Jobidon: Une autre chose que je trouve très Importante, et j'espère que tes regroupements de parents ne m'entendront pas, les regroupements de parents, c'est très important, mais on n'avancera jamais si on leur donne trop d'argent Ils devraient trouver une partie de leur budget en faisant leur propre campagne de sensibilisation. Ils en sont capables. Par contre, pour les programmes qui concernent directement les schizophrènes eux-mêmes, par exemple, la Maisonnée ou des choses comme je propose ici, ils ne devraient pas avoir à gratter, même pour les 10 % que vous préconisez. Cela devrait être 100 %, comme en Ontario. On ne devrait pas demander à ces personnes qui souffrent de ces problèmes de sortir et de quêter de l'argent. Ceux qui oeuvrent auprès de ces gens ont déjà tellement de mérite qu'ils ne devraient pas être obligés de quêter en plus. C'est à peu près tout ce que j'avais à dire. Merci.

Le Président (M. Bélanger): D'accord. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier Mme Wagener Jobidon d'être venue rendre ce témoignage ce soir. On considère toujours extrêmement Important, dans un dossier comme celui-ci, d'entendre les témoignages de ceux qui vivent quotidiennement le problème. On sent évidemment que la réalité pour vous n'est pas toujours facile, mais que, malgré tout, vous avez été capable de faire face aux responsabilités que vous avez dû assumer et qui vous ont amenée, somme toute, à rechercher quelles seraient les meilleures solutions pour votre jeune fille.

J'aimerais quand même... Vous disiez tout à l'heure que votre fille était dans une maison de transition. Est-ce que c'est une maison de transition qui offre des services de réadaptation sociale ou si c'est strictement une maison de répit en attendant que peut-être...

Mme Wagener Jobidon: Non. C'est la Maisonnée, qui est un bon service de réadaptation psychosociale pour les gens qui ne sont pas encore assez bien pour aller sur le marché du travail. Ma fille est passée là et elle a haï tout son séjour, mais ce n'était pas ta faute de ceux qui étaient là, c'est parce que ma fille n'était pas prête à faire face, à accepter elle-même son état. Alors, je n'ai aucun reproche à lui faire. Il manque de fonds. C'est un bon service, mais ça n'a pas de sens, Ils sont entassés quatre dans une chambre et parfois avec des cas lourds. Un service comme ça mérite d'être gâté un peu. J'espère qu'ils vont venir parier eux-mêmes. C'est la Maisonnée.

Ma fille a fait d'énormes progrès là. Elle a pu être dans le programme des travaux communautaires et travailler comme assistante secrétaire pendant quelques mois jusqu'à ce qu'elle prenne son propre logement, mais le stress de déménager, c'était trop et elle a laissé tomber son travail. Chaque nouveau travail est un autre stress parce que comment expliquer les trous dans son curriculum vitae? C'est pour ça qu'un service comme l'Arbre, est extrêmement précieux, mais il ne peut pas faire grand-chose parce que des jobs à temps partiel, il n'y en a pas. Alors, c'est toujours un cercle vicieux. Tant que la sensibilisation n'aura pas été faite chez les patrons, chez les syndicats... Des jobs ont été refusés à des jeunes à cause des objections des syndicats, c'est aussi bête que ça.

Mme Lavoie-Roux: Mme Jobidon, J'aimerais vous demander comme parent... Évidemment, votre fille est devenue malade quand elle était plus vieille, ai-je cru comprendre.

Mme Wagener Jobidon: Oui, à l'âge de 20 ans.

Mme Lavoie-Roux: Comme parent qui n'aurait pas fait tout le cheminement que vous avez fait, mais un parent qui, dans les premiers stades ou tes premiers moments où il doit faire face à cette réalité, quels sont d'après vous les services prioritaires qui devraient lui être accordés? Qu'est-ce qui vous serait apparu le plus Important à ce moment-là?

Mme Wagener Jobidon: Avec le recul maitenant, II me semble que c'est une souffrance... Quelqu'un qui n'est pas passé par là ne sait pas quelle souffrance c'est C'est quelque chose

d'inhumain. En grande partie, cette souffrance-là est inutile. S'il y avait quelqu'un sur place, si ce n'est pas le médecin, le psychiatre, que ce soit une garde-malade ou une travailleuse sociale, quelqu'un sur place à l'hôpital qui démystifie un peu dès le début cette maladie-là... C'est entendu qu'on ne peut pas poser un diagnostic de schizophrénie des fois... Dans le cas de ma fille, cela a pris un an et demi. J'admets ça, c'est naturel. Mais on peut quand même expliquer ce qu'est une psychose. On pourrait démystifier un peu et prévenir les coups, dire ce que cela fait dans la famille. On n'a rien eu. Ma fille a eu un bon psychiatre, mais, pour nous, c'était zéro. Tous les parents vivent la même chose, tous les parents.

Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment l'isolement des parents en regard de...

Mme Wagener Jobidon: Oui, d'abord, on est traumatisé, surtout quand c'est la première fois que cela arrive dans une famille et que vous n'avez aucune expérience de cela. S'il y avait quelqu'un qui pouvait, pas nécessairement prendre la famille en charge, mais prendre juste un membre de la famille ou faire une session avec toute la famille et expliquer un peu ce qui se passe, dire quelles peuvent être les issues, parce que pendant un an et demi ou deux ans on vit dans le faux espoir. Comprenez-vous? On s'accroche et on ne fait pas face à la réalité tant qu'on vit dans un faux espoir. C'est une égergie qui est perdue. Il y a des énergies qui se perdent là, c'est fou. (22 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est dans le premier contact. Mais, comme service extérieur au foyer, extérieur à votre chez-vous, qu'est-ce qui, pour une personne de cet âge-là, qui est maintenant une jeune adulte... C'est-à-dire pas aujourd'hui, mais à ce moment-là.

Mme Wagener Jobidon: Quand elle revient de l'hôpital?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Wagener Jobidon: Franchement, les premiers mois, c'est pénible parce qu'elle ne parle pas. Les malades sont assis devant la télévision, ils sont dans le lit, il ne font pas grand-chose. Il faut les pousser, pousser, pousser à sortir prendre l'air. C'est sûr que, s'il y avait quelqu'un là pour pousser à notre place, ce serait un soulagement. Mais il ne faut pas demander trop quand même, parce que ce sont des périodes qu'il faut passer. Ce sont des périodes d'attente qu'il faut passer. Je ne vois pas vraiment,.. C'est quand vient le temps de faire quelques pas, quand ils sont prêts...

Mme Lavoie-Roux: À retourner dans la...

Mme Wagener Jobidon: ...là, II faut des services. Il faut plusieurs services parce qu'il faut les pousser légèrement tout le temps, tout le temps. Il ne faudrait pas que ce soient les parents qui poussent tout le temps, tout le temps. Comprenez-vous? Il faut que ce soit un professionnel de la santé ou un bénévole qui est bien disposé, des gens qui ont des aptitudes pour ce genre de chose-là.

Mme Lavoie-Roux: Alors, écoutez, Mme Jobidon, je vous remercie. Je dois vous dire qu'on va examiner de plus près le centre de jour, le "Club House Model" dont vous parlez, avec lequel nos services sont déjà un peu familiers, mais qui, me dit-on, existe à Montréal à l'état embryonnaire.

Mme Wagener Jobidon: Non, non. Il n'y en a pas.

Mme Lavoie-Roux: Alors, on va l'examiner d'encore plus près. En tout cas, on est familier avec le modèle lui-même, qui est un club qui contracte avec l'extérieur pour du travail qu'eux vont faire, ce qui pourrait être intéressant et qui pourrait être mis en place sans que ce soient des coûts trop exorbitants non plus.

Mme Wagener Jobidon: J'ai téléphoné à Toronto hier, parce que les derniers chiffres que j'avais étaient de 0,85 $ par jour, par membre. Il paraît que cela est un très vieux chiffre. Cela est monté à 3 $ par jour et, maintenant, c'est rendu à 5 $ par jour, par membre. À Toronto, il y a 200 membres. Je calcule qu'Ici, à Québec, on pourrait facilement atteindre de 60 à 75 membres: Évidemment, les coûts vont diminuer parce qu'on n'aura pas besoin d'autant de professionnels, mais c'est un service qui n'est pas bon marché. Par contre, les avantages de cela, c'est Inestimable.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Moi aussi, je voudrais vous remercier, madame, tout d'abord d'avoir pris la peine de vous déplacer en tant qu'individu, d'avoir rédigé un mémoire pour la commission. Je pense que cela démontre jusqu'à quel point vous êtes engagée. Vous avez pris des renseignements; je vous avoue que c'est digne de mention d'avoir pris autant de renseignements à l'étranger pour essayer de chercher ce qu'il y avait de mieux.

Je retiens surtout deux choses de ce que vous avez dit. Ce n'est pas impossible de les réaliser en soi, en particulier la capacité de travail à temps partiel ou à temps réduit. Cela fait longtemps qu'on en parle, de toute façon, au Québec. À mon point de vue, il va falloir y

arriver, sinon par persuasion, du moins par législation. Je connais certaines Législatures de pays étrangers qui vont jusqu'à obliger des employeurs ou des entreprises de 50 employés et plus, par exemple, à légiférer pour accepter un pourcentage x de personnes handicapées physiquement ou intellectuellement quelques heures par jour, suivant les moyens, et les employer à des fonctions qu'elles sont capables de remplir. C'est la contribution sociale pour certaines de ces compagnies. Je pense que ce n'est pas impossible de penser à ce type de mesure. On en a déjà parlé il y a sept ou huit ans; je me souviens, en tout cas, en ce qui nous concerne. Je sais que ce n'est pas facile...

Mme Lavoie-Roux: C'est le regroupement des handicapés qui s'y opposait

M. Chevrette: Je sais, mais je pense que, comme société... Il y a des handicapés physiques qui s'y opposaient, mais je ne suis pas convaincu que certaines incapacités intellectuelles passagères... Ils n'ont pas eu de porte-parole. Je me souviens qu'à l'époque, c'étaient les handicapés physiques qui s'y étaient opposés. C'est très différent de ce que madame apporte comme solution parce que ce sont des handicapés Intellectuels momentanés ou passagers, ou des incapacités partielles sur le plan mental. Je pense que oui, comme société, il va falloir évoluer vers ces formes-là.

L'autre chose qui m'a frappé, c'est le soutien des professionnels de la santé pour les familles. Je vous avoue que j'ai rencontré à plusieurs reprises - tous les députés ici en ont, dans plusieurs bureaux de comté, ce qu'on appelle nos bureaux de comté... On rencontre énormément de parents complètement démunis. Ce sont les députés qui sont obligés d'appeler certains professionnels de la santé. Nous, peut-être à cause des titres, je ne le sais pas, on vient à bout de nous répondre. On nous dit: Voici, c'est tel type de maladie, ce n'est pas facile. Mais en raison d'une surcharge de travail, dans bien des cas, dans certains centres hospitaliers ou dans certaines cliniques, on ne réussit pas à rencontrer les parents et à les sensibiliser, à les préparer à accepter. Je suis très sensible à cette dimension des professionnels de la santé. Il devrait y avoir ou bien un coordonnateur qui soit spécifiquement chargé, en particulier en ce qui concerne ce type de maladie, d'expliquer aux parents, de les préparer mentalement a faire face à la musique. C'est dans ce sens-là que ces deux dimensions de votre mémoire me touchent beaucoup. Je n'aurai pas de questions, mais je voudrais vous féliciter pour le temps que vous prenez à sensibiliser les parlementaires. Vous avez vécu un problème, vous le vivez Intensément et je voudrais vous féliciter de votre geste.

Mme Wagener Jobidon: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. te député de Fabre.

M. Joly: Merci, M. le Président. Très brièvement, je pense que tous seront d'accord pour dire que ce qui fait la valeur d'une commission parlementaire, c'est quand elle s'inspire de tout ce qui se dit et de tout ce qui se passe ailleurs. De cette façon, on peut en arriver nous aussi à trouver, sans que ce soient des solutions miracles, des solutions plus adéquates pour nos vrais besoins.

Tantôt, j'écoutais Mme Jobidon et |'al été un peu surpris, pour ne pas dire choqué, pas par rapport à ce que vous avez dit, mais par rapport à ce que je découvrais - du moins, en apparence. Vous mentionniez qu'en ce qui concerne la famille, on n'avait pas toutes les ressources nécessaires pour pouvoir accepter un peu la situation qui se vivait à ce moment-là. Mais, pour autant que je sache, en ce qui concerne l'équipe thérapeutique, l'équipe médicale comme telle ou les intervenants, tant les travailleurs sociaux que les autres, si vous en faites la demande, si vous manifestez un intérêt quelconque, c'est certain à ce moment-là qu'il y a quelqu'un qui peut prendre la relève, ou qui va prendre la relève et qui va vous sensibiliser sur la situation exacte. Peut-être que je me trompe, mais l'aimerais quand même vous entendre davantage sur cet énoncé que vous avez avancé.

Mme Wagener Jobidon: Oui. C'est la réaction parfaite de quelqu'un quf n'a jamais vécu le problème parce que ce n'est pas... D'abord, quand une chose comme celle-là vous tombe dessus, vous pensez que cela va finir par s'en aller tout seul, puis il y a aussi un bon nombre de personnes qui ne pensent pas à aller chercher de l'aide parce qu'elles ont été élevées dans la mentalité que Dieu aide ceux qui s'aident eux-mêmes. On ne sait pas qu'on a besoin d'aide à ce moment-là. On le réalise seulement deux ans après. Comprenez-vous? C'est juste avec le recul du temps que je réalise que j'ai souffert énormément pour rien. C'est cela qui devrait arrêter tout de suite. Cela ne devrait pas durer encore cinq ans que des parents souffrent comme cela. Cela n'a pas de sens.

M. Joly. Vous, Mme Jobidon, si Je comprends bien, vous aimeriez relancer la balle dans le camp du professionnel. La responsabilité devrait être imputée directement au professionnel qui prend en charge un schizophrène et qui, par la même occasion, devrait prendre en charge la famille, si famille il y a, ou les personnes tntéressées à cette personne.

Mme Wagener Jobidon: Peut-être pas lui parce que je sais comme ils sont surchargés. Mais il devrait y avoir une équipe et, si celle-ci est surchargée à l'hôpital, mon Dieu, qu'on engage quelqu'un d'autre. Si la travailleuse

sociale est surchargée, qu'une Infirmière ou qu'un psychologue qui sait ce qu'est la schizophrénie, parce que j'ai rencontré des psychologues qui n'avalent aucune idée de ce qu'était la schizophrénie... Cela donne moins que rien.

Le Président (M. Bélanger): Nous en sommes au stade des conclusions. Je m'excuse, compte tenu du temps, une dernière question très courte.

Mme Legault: Très brève. Madame, je me joins à vous. Je vis cette situation avec quelqu'un qui travaille avec moi tous les jours, qui est ici à Québec et qui est ma secrétaire - je dois vous l'avouer - et dont le frère est schizophrène depuis l'âge de 18 ans. Il a 23 ans aujourd'hui et ses parents sont démunis. Plus souvent qu'autrement, c'est la mère qui est prise avec le problème. Souvent, le père est à l'extérieur et c'est la mère qui est prise avec le problème. Je vous avoue que, devant des situations que je vis, pas tous les jours, mais presque, devant la mère qui appelle sa fille pour lui demander un coup de main ou un peu de confiance... Elle lui dit que ce sera mieux demain, mais ce n'est jamais mieux demain. Le seul moment où la mère est capable de souffler, c'est quand l'enfant est hospitalisé à l'Institut Albert-Prévost, à Montréal, que tout te monde connaît Je pense que ce n'est pas l'endroit idéal pour traiter cette maladie. En tout cas, cet enfant n'a aucun traitement qui lui convient. On le traite avec du lithium; c'est une chose que je peux mal comprendre. Je trouve qu'au niveau des services de santé, Mme la ministre, on devrait s'attarder à cette chose. Ces parents sont dépourvus et les enfants sont dépourvus devant une situation semblable. Je trouve inconcevable qu'en 1987 on n'ait pas de moyens à donner à ces parents et à ces enfants. Ce ne sont pas des fous, ils sont intelligents. J'en parie en connaissance de cause parce que je le connais et que je vis des choses avec ces gens. Je trouve aberrant qu'en 1987 on ne puisse pas prendre des moyens comme ceux que madame a suggérés qui ne sont vraiment pas des moyens très coûteux. En tout cas, Mme la ministre, c'est une occasion que j'ai de faire partie de la commission des affaires sociales et j'en suis très heureuse. Je voulais le faire incessamment.. En tout cas, je ne sais pas quand j'étais pour le faire, mais je voulais vous en parier. Vu que c'est près de moi, il me semblait que c'était égoïste de le faire moi-même. Je me joins à vous, madame, et j'aimerais, si possible - je le demande devant la commission - avoir votre numéro de téléphone afin que ces parents puissent communiquer avec vous pour que vous leur apportiez peut-être un peu de soulagement.

Mme Wagener Jobidon: Cela me fera bien plaisir.

Mme Legault: Je vous remercie, M. le Président. Merci, madame.

Le Président (M. Bélanger): Merci. En conclusion, M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Madame, étant donné l'heure, je vous remercie à nouveau. Je dois vous dire que vous avez franchi un pas immense, ici, ce soir. Connaissant nos coutumes parlementaires, lorsque l'Opposition est d'accord avec le pouvoir sur les mêmes objectifs - cela arrive si peu souvent, madame - je vous avoue que vous êtes une des rares qui aient défilé devant nous et qui aient l'appui à la fois du pouvoir et de l'Opposition.

Mme Wagener Jobidon: Vu que cela est humanitaire, cela ne me surprend pas trop.

M. Chevrette: Non, j'ai l'impression que c'est votre force de persuasion et votre vécu, madame. Bonne chancel

Mme Wagener Jobidon: Parfait! J'ai des dépliants du Progress Place à Toronto. Si quelqu'un est particulièrement intéressé, cela me fera plaisir.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme ta ministre. Je vous remercie beaucoup, madame. La commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures, dans la même salle.

(Fin de la séance à 22 h 59)

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