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(Quatorze heures dix minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demande à chacun de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs dames, si
chacun veut bien prendre place afin que nous puissions commencer les
travaux.
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à l'étude du projet de politique de santé
mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le
30 septembre 1987.
Nous avons quorum. Est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier
(Roberval) sera remplacé par M. Jolivet (Lavlolette).
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a
d'autres remplacements? Non.
Organisation des travaux
Les ententes. On sait qu'une heure est consacrée à
l'audition du mémoire présenté par chaque organisme. Cette
heure se répartit de la façon suivante: 20 minutes pour
l'exposé de l'organisme et 40 minutes pour les discussions, ainsi
partagées: 18 minutes pour le groupe ministériel, 18 minutes pour
le groupe de l'Opposition et 4 minutes pour le député
indépendant Lorsque c'est 30 minutes, on divise par deux.
J'invite, donc, Mme la ministre à procéder aux
déclarations d'ouverture, s'il y a lieu.
M. Rochefort: M. le Président, juste une seconde.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: J'avoue que c'est la première nouvelle que
j'ai de cette répartition du temps. C'est la première fois que
j'entends cela. Je n'ai pas vu cela dans l'ordre de la Chambre. Non pas que je
veuille abuser de cela, mais...
Le Président (M. Bélanger): On m'avait dit qu'il y
avait eu entente là-dessus.
M. Rochefort: Non.
Le Président (M. Bélanger): Alors, j'ai
procédé sur cette base.
M. Rochefort: Non. Je vous indique immédiatement qu'il n'y
a pas eu de dtscussion ni d'entente là-dessus. Il y en avait eu sur tout
le reste et cela s'était, d'ailleurs, conclu unanimement. Je vous avoue
qu'il n'est pas de mon Intention d'intervenir sur les propos de tous les
groupes, mais je pense que cette règle ne peut tenir parce qu'il n'y a
pas eu d'entente.
Le Président (M. Bélanger): Écoutez, on peut
s'entendre sur une base de bonne foi. On verra, si jamais un problème se
pose, comment on en disposera. D'accord?
Mme Lavoie-Roux: Je trouve cela trop vague, M. le
Président, des ententes de bonne foi.
M. Rochefort: Cela vous a causé des problèmes lors
de l'étude du projet de loi 97?
Mme Lavoie-Roux: Non, parce que vous n'êtes pas revenu
à la fin, mais...
M. Rochefort: Voyons, donc! J'étais là durant toute
la consultation, madame. J'imagine que vous en avez manqué des bouts si
vous ne m'avez pas vu.
Le Président (M. Bélanger): II s'engage à ne
pas être malcommode.
M. Chevrette: Moi, je vais vous laisser vous chicaner.
Mme Lavoie-Roux: Comme vous l'avez fait la dernière
fois.
Une voix: Ce que l'Opposition a fait concernait les galeries.
M. Chevrette: Je ne suis pas prêt à faire une
invitation.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je crois qu'on aurait
dû s'informer avant de...
Le Président (M. Bélanger): On m'avait dit qu'il y
avait entente avec te bureau du leader. Comme, habituellement, on
procède de cette façon-là, je me suis fié sur cette
base-là. Règle générale, on a des ententes; il
semblerait qu'il n'y en a pas eu.
M. Chevrette: Je ne suis pas assez au courant pour vous
répondre. Je ne sais pas si cela s'est discuté entre les leaders.
Il y a une heure par groupe, vous dites?
Le Président (M. Bélanger): II y a une heure par
organisme, c'est exact.
Mme Lavoie-Roux: D'ordinaire, c'est
20-20-20, it semblerait qu'il y a eu une entente... M. Chevrette:
C'est 18.
Mme Lavoie-Roux: Ou 17 pour donner cinq ou six minutes.
M. Rochefort: M. le Président, je le répète,
à l'occasion de la commission...
Mme Lavoie-Roux: C'est coupé à 17 des deux
côtés.
M. Rochefort: ... sur le projet de loi 97, à laquelle j'ai
participé jusqu'au bout, contrairement à ce que la ministre
disait, il n'y a pas eu de problème d'aucune façon. C'est vous
qui présidiez. Je pense que tout te monde a eu le temps de parole qu'il
souhaitait avoir. Les organismes ont eu l'occasion de se faire entendre et de
répondre aux questions des parlementaires à l'Intérieur
des enveloppes de temps et dans un cadre qui nous a permis, tous ensemble,
d'améliorer de beaucoup la législation.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Je propose que
l'on procède et, à la suspension des travaux à 18 heures,
on fera des vérifications et des réaménagements d'horaires
s'il y a lieu pour la répartition du temps. D'accord?
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis d'accord que
l'on procède, mais sous réserve, quand même, de
réviser. Je suis prête à ce que l'on fonctionne comme on a
fonctionné au moment des auditions sur te projet de loi 97, mais je ne
veux pas que ce soit une règle établie et que la façon
dont les choses vont fonctionner cause un préjudice pour l'avenir.
M. Rochefort: M. le Président, là-dessus, je veux
bien qu'on se comprenne: la seute règle établie qui existe dans
le Parlement, c'est qu'il y a 122 députés avec des droits. C'est
une règle établie et on va la respecter dans tous les sens.
Mme Lavoie-Roux: Le temps est normalement réparti
moitié-moitié entre l'Opposition et le parti ministériel.
Cela aussi, c'est une règle.
M. Rochefort: Je le répète, M. le Président:
II n'y a pas eu d'entente; c'est la première fois que j'entends parler
d'une répartition de l'heure d'audition, alors que pour tout le reste il
y a eu des discussions m'impliquant et entente en l'espace de quelques secondes
sur chacun des autres éléments.
Le Président (M. Bélanger): Règle
générale, le règlement prévoit que chaque
parlementaire a un droit de parole de dix minutes, sauf que lorsqu'il y
a...
M. Rochefort: Je vous répète que je n'ai pas
l'Intention de prendre dix minutes avec tout le monde.
Le Président (M. Bélanger): ...une enveloppe de
temps d'une heure, c'est évident que chaque parlementaire ne peut pas
avoir dix minutes parce qu'on n'arriverait pas. À ce moment-là,
on divise le temps. Sur cette base-là, cela donnerait, je pense, un
dix-huitième de 40 minutes par député.
M. Rochefort: M. le Président, vérifiez avec le
leader du gouvernement les discussions que nous avons eues ensemble.
D'ailleurs, dans le temps des remarques préliminaires, II y a une
disposition précise pour cela et quant au reste, on s'était
entendu qu'on fonctionnerait comme pour te projet de loi 97. Je ne vols pas qui
a eu à se plaindre de ce fonctionnement.
Le Président (M. Bélanger): Pour le projet de loi
97,il n'y a pas eu de problème. Je reviens sur la décision qu'on
a rendue tout à l'heure, à savoir qu'on continue ainsi
jusqu'à la suspension des travaux à 18 heures et, à ce
moment-là, s'il y a lieu, on s'assoira et on révisera les bases
de l'entente pour le reste des auditions, pour les deux semaines qui vont
suivre. D'accord?
J'inviterais Mme la ministre à faire ses déclarations
d'ouverture.
Déclarations d'ouverture Mme Thérèse
Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. !e Président. Nous entreprenons
aujourd'hui la réalisation d'une autre étape qui, je
l'espère, sera la dernière avant la formulation définitive
d'une politique de santé mentale pour le Québec.
L'élaboration d'une telle politique est une opération
nécessaire et complexe, même parfois difficile, car elle oblige
à certaines remises en question des gestes posés à ce
jour. Elle est surtout Importante étant donné le grand nombre de
nos concitoyens et concitoyennes aux prises avec des problèmes de
santé mentale qui, très souvent, sont marginalisés et
demeurent le plus souvent les sans-voix de notre société.
Il aura fallu du temps pour se procurer l'information nécessaire
en vue de cette politique. Les travaux du Comité de la santé
mentale du Québec ont été, à cet égard,
précieux et imposants au cours des années. Par ta suite, la
commission des affaires sociales, qui a siégé en août 1985
dans le cadre d'un mandat de consultation sur la distribution des services de
soutien et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de
troubles mentaux et vivant dans la communauté, a aussi été
utile quant aux travaux accomplis par le groupe du comité Harnois.
C'est en 1986 que le comité Harnois a reçu le mandat
d'élaborer un projet de politique plus définitive de santé
mentale. Pendant un an, fort
de l'expertise de chacun de ses membres, que je tiens à
remercier, en passant, pour le travail Important qu'ils ont accompli, le
comité a cheminé sur une route qui ne fut pas toujours facile. On
ne peut oublier que, dans le champ de la santé mentale, se multiplient
les courants de pensée, les intervenants et les structures. Tiré
de cet ensemble, un projet de politique, même s'il est nécessaire
de le modifier ou de le bonifier, représente certes un heureux
résultat.
Tous les efforts déployés jusqu'à présent en
vue de doter le Québec d'une politique de santé mentale ont
été portés par la conviction qu'une telle politique
contribuera d'une façon importante à l'amélioration de la
santé mentale de notre population. C'est cette conviction qui nous
rassemble aujourd'hui autour d'un projet concret de politique de santé
mentale.
Les travaux que nous entreprenons aujourd'hui, et dans les jours qui
vont suivre, seront des outils précieux dans la rédaction finale
de la politique de santé mentale. Cette étape a, est-il besoin de
le souligner, une importance au moins égale aux autres étapes du
projet par l'opportunité qu'elle offre aux Québécois et
aux Québécoises de se prononcer publiquement sur le projet
à l'étude et par la possibilité qu'elle leur donne de
pouvoir contribuer à la détermination du contenu de la politique
de santé mentale.
J'aimerais aborder brièvement, le temps de quelques remarques, le
projet de politique lui-même. Jusqu'à ce jour, les
appréciations exprimées sur te projet de politique que propose le
rapport Harnois permettent de penser qu'il est généralement et
globalement bien accueilli. Les remarques positives ne doivent toutefois pas
nous rendre moins attentifs aux critiques et propositions que ne manqueront pas
de nous présenter nos invités au cours des prochains jours.
Après un premier coup d'oeil aux mémoires qui nous ont
été transmis, plusieurs thèmes reviennent et j'aimerais en
aborder ici quelques-uns.
Quoique peu discutée dans le projet de politique, la
désinstitutionnalisation retient l'attention de plusieurs groupes et ce,
à juste titre. Les problèmes rencontrés aujourd'hui par la
clientèle vivant dans la communauté ne sont-ils pas dus en partie
à la façon dont nous avons suppléé aux fonctions
que remplissait l'établissement asilaire et aux services de soutien et
de réinsertion mis à sa disposition souvent d'une façon
parcimonieuse, quand ils ne sont pas carrément absents.
Le processus de désinstitutionnalisation des personnes atteintes
de troubles mentaux n'est pas récent au Québec. En fait, il
remonte au début des années soixante et il suit en ce sens les
mouvements vécus ailleurs dans le monde. Depuis le début des
années soixante, les grands établissements psychiatriques ont
remis aux familles et à la société en
général la responsabilité de supporter ces personnes. En
1960, il y avait quelque 15 000 personnes dans ces établissements; il en
reste aujourd'hui environ 6000 au
Québec.
L'étude du projet de politique de santé mentale doit, par
conséquent, nous aider à trouver une réponse à
cette importante question. Le Québec, ainsi que nos concitoyens et
concitoyennes sont-ils prêts à s'ouvrir d'une façon
beaucoup plus grande à ce problème pour que, tous ensemble, nous
mettions en place les moyens pour aider ceux que l'on veut
désinstitutlonnall-ser ou ne pas institutionnaliser et leur offrir le
soutien que leur état nécessite?
Mais, encore davantage, pour qui la dé-sinstitutionnalisation
est-elle une solution? La désinstitutionnalisation n'a-t-elle pas ses
limites? Quelles sont-elles pour le Québec? Car il ne s'agit pas de
désinstitutionnaliser juste pour le faire. Suivre un mouvement ne
répond peut-être pas nécessairement aux besoins de
protection et de chaleur de chaque être humain et surtout de celui aux
prises avec un problème de trouble mental.
En second lieu, II n'est pas facile de bien cerner la clientèle
visée par le projet de politique. Plusieurs font la remarque qu'il ne
tient compte que des personnes ayant une problématique lourde. Le projet
de politique établit-il clairement les moyens à mettre en place
pour dispenser les services requis par la condition, d'une part, des personnes
atteintes d'une maladie mentale et, d'autre part, de celles aux prises avec un
problème d'adaptation sociale? J'ose croire que l'ensemble des
mémoires nous amènera à mieux cerner cette question.
Dans un troisième temps, certains reprochent au projet de
politique d'avoir négligé l'aspect biologique du problème,
c'est-à-dire la maladie mentale elle-même. D'autres contestent son
ignorance des problèmes structurels. Finalement, certains, comme
intervenants, ne s'y retrouvent plus et jugent, par conséquent, qu'on y
a dévalorisé leur profession.
Le rapport du comité Harnois aurait-il négligé
d'aborder ces points, pour certains fondamentaux, mais qu'il jugeait, pour sa
part, superflus dans la mesure où toutes les actions devaient converger
vers le maintien de la personne au centre des préoccupations du secteur
de la santé mentale et non pas vers le bon fonctionnement de la
structure où le mieux-être des intervenants? Quelle part une
politique de santé mentale va-t-elle accorder aux structures et aux
intervenants?
Les travaux de la commission devront, finalement, permettre de discuter
plus à fond plusieurs autres éléments: le rôle et la
situation de l'ombudsperson" ou du Protecteur du citoyen - je pense que ce
serait mieux dit - la question de la réinsertion au travail, ta
dimension spirituelle, la situation des immigrants québécois en
besoin de services de santé mentale, le rôle de ta famille, des
conseils régionaux, celui du plan de services individualisés et
j'en passe.
Il conviendrait certes - et c'est le souhait
que Je formule en terminant ce bref exposé - que nous profitions
des prochains jours pour questionner nos invités sur l'ensemble de ces
sujets et sur d'autres également. La future politique de santé
mentale devra assurer à la personne atteinte d'un trouble mental, ainsi
qu'à la famille le soutien dont elles ont besoin autant en Institution
que dans la communauté. C'est le premier objectif du projet de politique
du comité Harnois et il m'apparaît que c'est celui que nous devons
faire nôtre à l'aube de cette nouvelle étape qui s'amorce
et qui, dans les prochains mois, je l'espère, pourra se
concrétiser par des mesures plus complètes et mieux
appropriées pour répondre aux besoins des personnes qui font face
à des problèmes de santé mentale. Je vous remercie, M. le
Président
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
ministre.
J'inviterais le chef de l'Opposition et député de Joliette
à faire part de ses commentaires.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je vous avoue que
J'aurais préféré cet après-midi avoir un texte de
proposition émanant du gouvernement, qui aurait constitué une
volonté politique d'aboutir à quelque chose de concret dans les
plus brefs délais. Je ne veux pas dire, pour autant, que ce n'est pas
intéressant d'étudier le rapport du Dr Harnois, mais, à
mon point de vue, c'eût été plus encourageant pour les
intervenants du milieu, pour l'ensemble des Intervenants du milieu d'avoir une
proposition gouvernementale démontrant une volonté, un sens, une
direction dans laquelle voulait aller le gouvernement
Je me permettrai, même en présence du Dr Hamois, de
critiquer ce rapport. C'est le rôle de l'Opposition. Je sais qu'il s'est
placé devant mol et cela va me permettre de le faire sourire de temps
à autre. Mais je vais me permettre de le critiquer parce qu'à mon
point de vue, bien que ce rapport fasse un constat assez juste de la situation,
ce constat n'est pas révolutionnaire. II y a des gens du milieu qui
l'ont fait depuis plusieurs années. Ce n'est que la
concrétisation des constats qui se sont faits
régulièrement par les intervenants du milieu.
Je pense qu'en général un des points forts de ce rapport,
c'est de bien souligner l'accessibilité aux services sur une base
régionale, ce qui m'apparaît Intéressant, la
continuité dans les services s'il avait fallu qu'il ne
l'écrive pas, cela aurait été désastreux - la
participation de la communauté et de la famille, qui m'apparaît
tout à fait normale, ainsi que l'intégration sociale. On en parle
depuis plusieurs années.
Il y a une bonne approche conceptuelle, je pense, centrée sur la
personne et sur les proches. Bravo! La reconnaissance également de
l'importance du financement de la recherche, je pense, mérite
d'être soulignée.
Mais, à mon point de vue. le rapport Harnois évite de
toucher aux dynamiques conflictuelles et de discuter des moyens de mise en
oeuvre de ta politique de santé mentale. Quels seront les rôles de
chacun et quand Interviendront-ils? Vous le chercherez dans le rapport. Quel
sera le budget pour la mise en application du projet? On l'Ignore. Plusieurs
points restent obscurs et manquent de concret
Par exemple, prenons te partenariat Le rapport Harnois fait appel
à la famille, aux proches, aux ressources communautaires, aux
médecins, aux psychiatres, sans nous éclairer sur le rôle
de chacun. Est-ce qu'on veut éviter tes conflits de corporations? Je ne
le sais pas. Je suppose que c'est une des raisons. Quels seront les rôles
des différents acteurs et à quel moment Interviendront-ils? On ne
le sait pas. L'omnipraticien dans le CLSC aura-t-il un rôle à
jouer? L'omnipraticien dans le cabinet privé? Où se situe le
psychiatre? À la porte d'entrée du réseau ou en
deuxième ligne? Sera-t-il leader? On ne le sait pas. Qui composera
l'équipe multidisciplinaire? Quelle sera la place des organismes
communautaires? Quels services offriront-ils? Lesquels seront reconnus? Comment
seront-ils financés? Quelle sera la place des ressources
intermédiaires? Quel sera le rôle du psychologue, du travailleur
social, de l'infirmière spécialisée en psychiatrie? Quel
rôle devront jouer les CLSC, les CSS, les CRSSS, les hôpitaux
psychiatriques? On ne le sait pas. Quels seront les rôles de la famille,
des comités de bénéficiaires, des
bénéficiaires eux-mêmes? On ne le sait pas.
Les services de première ligne. Qui offrira les services de
première ligne? Les CLSC? Qui composera l'équipe
multidisciplinaire, je le répète? Où se situe
l'omnipraticien dans tout cela? Les psychiatres, quel type d'équipe
feront-ils partie ou quel sera leur rôle dans cette équipe
multidisciplinaire? Les CLSC auront-ils les budgets et les ressources humaines
nécessaires pour remplir ce nouveau rôle?
Les ressources communautaires. Le rapport Harnois propose une plus
grande implication des ressources communautaires à titre de partenaires.
Je pense qu'il parle de doubler les ressources financières. D'accord,
cela va. Mais est-ce que les sommes épargnées par la
désinstitutionnalisation, par exemple, iront aux ressources
extérieures, aux organismes communautaires, aux familles d'accueil ou
aux ressources résidentielles? On ne le sait pas. Quels sont les
critères de sélection pour reconnaître ou accréditer
ces organismes? Quels seront les modes de financement de ces organismes? Est-ce
qu'il y aura des politiques de financement ou si ce sera du
discrétionnaire, comme on le voit depuis quelques années?
Présentement, on sait qu'il y a environ 3000 malades mentaux qui sont
itinérants et plusieurs d'entre eux parce qu'ils n'arrivent même
pas à
entrer dans le système à cause des critères
d'Institutionnalisation. Les ressources à l'extérieur des
institutions manquent, on le sait. Qu'est-ce qu'on fera? On ne le sait pas. (14
h 30)
Les régions. Le rapport Harnois propose un plan d'organisation
des services sur une base régionale. Je crie: Bravo! Cette proposition
est louable là où les services, par exemple, existent, où
ils sont accessibles. Là où il n'y en a pas? Je pourrais
continuer longuement. Les psychiatres. Le rapport Harnois dit que c'est un
problème de répartition. Les psychiatres, dans leur
mémoire, vont venir nous dire que c'est parce qu'il en manque 300. Ils
sont concentrés à Montréal et à Québec,
à 95 %. Je suis plutôt porté à donner raison
là-dessus au Dr Harnois, en disant aux psychiatres: Cela en prend
peut-être un peu plus, mais sûrement pas pour vous concentrer
à Québec et à Montréal. Il va falloir leur dire en
pleine figure ce qu'on pense. Ils n'aimeront peut-être pas cela, mais on
n'est pas ici pour se cacher les vérités. On n'est pas ici, non
plus, pour cacher les faits. On sait que les psychiatres sont concentrés
à Montréal et à Québec, et on a peine à en
avoir un, deux ou trois à Joliette qui est à peine à 45
kilomètres de Montréal. Imaginez-vous maintenant en Abitibi, en
Gaspésie, sur la Basse-Côte-Nord, dans le Bas-Saint-Laurent!
Est-ce que la société n'a pas droit à des services de
qualité, même dans ces régions-là? Il y a des choses
qu'il va falloir se dire. J'aurais aimé connaître la
volonté politique gouvernementale et non pas l'idée du Dr Harnois
là-dessus.
Les budgets. À part la question des ressources budgétaires
pour les ressources communautaires et le fait qu'on parie d'augmenter le
service de la recherche, on ne sait pas où sont les budgets. Combien le
gouvernement investira-t-il en santé mentale? Quelles sont ses
Intentions? A-t-il prévu des programmes et des budgets pour mettre en
application une telle politique? Combien d'argent le gouvernement veut-il
Investir globalement pour appliquer ce projet?
La désinstitutionnalisation. Le rapport Hamois ne fait aucune
référence aux diverses expériences de
désinstitutionnalisation. Je pense, par exemple, au rapport de
Louis-H.-Lafontaine qui avait tout un programme. Je m'en souviens parce que
j'ai touché de près à ce dossier à l'époque.
Je remettrai tantôt à la presse le communiqué que je
rendais personnellement public le 19 septembre 1985 à la suite du
rapport de M. Aucoin qui avait établi des programmes qui avaient
impliqué tous les groupes. On avait rencontré les syndicats, les
infirmières, les bénéficiaires, les administrateurs, les
CLSC du coin, on savait où on s'en allait. Or, deux ans et demi
après, on est rendu en janvier 1988, on parle d'un rapport qui traite de
la désinstitutionnalisation sans aucune référence aux
expériences qui ont été menées soit à
Giffard... Je vois le sous-ministre, M. Cantin, qui est ici. Il y a eu des
exemples de désinstitutionnalisation. Aucune allusion à ce qui
s'est passé dans nos institutions. Cela ne m'apparaît pas,
à tout le moins pour cette partie, très fort; au contraire, c'est
plutôt très faible!
On doit s'arrêter un peu, je pense, et on doit regarder où
cela doit aller, la désinstitutionnalisation, jusqu'où on peut
aller. Qu'est-ce qui arrivera, dans le cas d'une
désinstitutionnalisation, avec les travailleurs, par exemple, qui seront
touchés? Aura-t-on des programmes de recyclage? Aura-t-on des programmes
de préretraite? Aura-t-on des programmes qui viseront à
réorganiser, à reformer ou recycler ces travailleurs pour en
faire des équipes itinérantes qui verront à faire de
l'encadrement? Rien. Qu'est-ce qu'on dit des programmes d'encadrement des
personnes désinstitutionnalisées? Rien ou à peu
près. On dit qu'il doit y en avoir, je comprends. Mais lesquels? De
quelle nature? Par qui? Qui jouera un rôle dans cela?
M. le Président, par ces brèves remarques, j'ai voulu
démontrer la nécessité d'une volonté politique
claire. C'eût davantage intéressant de discuter sur un livre blanc
qui aurait démontré la volonté politique du gouvernement
de bâtir une politique. On peut bien critiquer le rapport du Dr Harnois,
comme je viens de le faire, mais tant et aussi longtemps que le gouvernement ne
fera pas son lit, qu'il ne verra pas clair dans une politique de santé
mentale, qu'il ne voudra pas mettre de l'avant au moins les
éléments pour montrer qu'il a la volonté de faire quelque
chose, je pense qu'on ne va nulle part.
On va s'examiner pendant quinze jours et je peux vous dire que les
mémoires sont quasi unanimes. Ils trouvent cela très beau,
très bien écrit, disent que c'est un bon concept, mais tout le
monde nous demande: Oui, mais quel est le rôle qu'on va jouer, nous? Les
psychologues vont venir nous dire quel rôle on va jouer. Tous les groupes
vont venir nous dire: Ce n'est pas concret, comment ailez-vous nous aider
financièrement, nous, le groupe des infirmières
spécialisées? On n'est pas plus avancés. Vous allez leur
dire que, oui, vous avez besoin de budget; cela fait cinq ou six ans que c'est
connu.
Je pense aux exemples de Louis-H.-Lafontaine et de Giffard, les deux
endroits où on pouvait facilement, à partir de quelque chose de
très concret, bâtir une politique réelle, vous la
présenter et vous dire: C'est cela qu'on va critiquer, c'est la
volonté politique du gouvernement. On y apportera des amendements s'il
le faut, mais, au moins, on est parti d'exemples concrets, d'exemples
vécus. Les gens étalent impliqués dans le milieu, on
savait où on s'en allait. Il s'agit de l'adopter maintenant. On n'a pas
fait cela.
On va quand même jouer le jeu, on y est obligé. Mais il
n'en demeure pas moins qu'il aurait été préférable
de connaître la volonté politique réelle de Mme la ministre
et de son gouvernement. On est obligé de dire que c'est un
rapport assez Intéressant, mais dont les concepts étalent
connus et tes constats faits depuis fort longtemps.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres remarques préliminaires? M. le député de
Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président
D'entrée de jeu, Je crois que nous pouvons affirmer - et je le fais en
ce qui me concerne, en tout cas - que chez les intervenants qui sont ici
présents, de même que chez ceux et celles qui se Joindront
à nous au cours des prochains Jours pour participer à nos
travaux, un consensus large et solide existe - consensus, d'ailleurs, bien
présent, je devrais dire presque partout présent dans le rapport
du comité Harnois - à savoir que. comme société
tout entière, à commencer par l'État, nous devons faire
plus et mieux maintenant, dans de courts délais, pour les personnes aux
prises avec un ou des problèmes reliés à leur santé
mentale, ainsi que pour leur entourage. C'est le constat auquel j'arrive
à la suite de certaines consultations et de toutes mes lectures, et j'ai
pu en faire passablement au cours des derniers mois dans ce dossier.
M. le Président, je pense qu'il faut reconnaître sans honte
que, même si ce qui existe n'est pas mauvais en soi et n'est
sûrement pas à rejeter du revers de la main, bien au contraire,
nous ne faisons pas assez, que ce que nous faisons n'est pas toujours
approprié et que les hommes et les femmes qui font face à des
problèmes reliés à leur santé mentale, ainsi que
leur entourage ne reçoivent pas ce que leur état nécessite
et ce que leurs besoins commandent comme services, comme soutien, comme
attention de ta part de tous ceux et de toutes celles qui peuvent et doivent
être présents et agir pour les aider. Il est évident qu'il
s'agit d'une question délicate, complexe et qui implique beaucoup de
monde, mais on doit en arriver à faire, je le répète, plus
et mieux maintenant pour ces personnes. Un consensus solide existe à cet
effet partout actuellement.
D'ailleurs, je crois que les événements des
dernières années, que ce soit la sous-commission, la commission
Harnois, les travaux qu'a menés la commission Rochon elle-même, de
même que le discours tenu par l'actuelle ministre et son gouvernement
depuis plusieurs mois ont suscité des espoirs, ont créé
des attentes qui doivent être comblés, car ils sont fondés
et légitimes. La réponse à ces espoirs et à ces
attentes profitera aux hommes et aux femmes qui sont affectés de
problèmes reliés à leur santé mentale et ils
verront leur bien-être et leur qualité de vie
améliorés d'autant.
Pour moi, c'est maintenant l'heure de bouger, de passer à
l'action et de concrétiser des choses. Mes craintes et mes
réserves apparaissent quand j'observe la démarche retenue par la
ministre de la Santé et des Services sociaux à la suite de la
réception du rapport Harnols. Je crois que la ministre ne prend par ta
bonne décision, ne suit pas la bonne démarche à la suite
de ce rapport. Je pense que le rapport Harnois est un bon rapport. C'est un
rapport qui donne le résultat qu'une commission constituée comme
elle était constituée, avec les mandats qui étaient les
siens et le statut qu'elle avait, pouvait donner. Je pense que, quant à
lui, le gouvernement a une balle dans son camp qu'il aurait dû saisir au
vol immédiatement, dès le dépôt du rapport.
La démarche qu'a choisie la ministre nous amène
plutôt dans une situation où, finalement, si vous me permettez
l'expression, le monde de la santé mentale se retrouve encore une fois
à la table des témoins, une nouvelle fois consulté, une
nouvelle fois écouté, diriez-vous, II faut se rappeler cette
sous-commission de 1985 qui était présidée par la ministre
elle-même, les travaux de la commission Rochon qui ont impliqué
aussi des réflexions importantes sur la question de la santé
mentale et des gestes qui doivent être posés par l'État et
par l'ensemble de la société face à cette question, ainsi
que les travaux de la commission Harnois. Je rappelle, M. le Président,
que ces trois occasions ont permis d'entendre et de discuter avec plus de 200
groupes.
Et il y a nous maintenant, ce qui fait en sorte qu'on se retrouve une
quatrième fois en l'espace d'à peu près trois ans pour
rediscuter de ces questions et trois fois à peu près dans
l'espace de plus ou moins un an nous rediscuterons, finalement, un peu des
mêmes choses.
L'image qui me vient, M. le Président, est celle d'un patient qui
présente un problème sérieux, mais on n'arrive pas, non
pas à trouver sa maladie, on l'a trouvée, mais à
décider du traitement. Cette situation fait en sorte qu'on ne travaille
pas à élaborer ce plan de traitement, mais, vu qu'on n'a pas
trouvé le traitement que requiert notre patient, on décide de le
réinvestiguer, de faire un nouveau diagnostic pour être bien
certain que notre diagnostic est toujours bon. Mais, pendant ce
temps-là, on ne cherche pas le traitement, on ne trouve pas le
traitement et on commence encore moins à appliquer le nouveau
traitement.
Pourtant, M. le Président, je le répète, pour moi,
le rapport Harnois donne le résultat que l'on pouvait attendre et c'est,
pour moi, un résultat globalement positif. C'est certain qu'il y a des
choses qui manquent, des choses avec lesquelles Je ne suis pas d'accord, des
choses qu'il faut ajouter, mais je pense qu'une commission de réflexion,
mise en place par une ministre qui veut avoir un éclairage, qui ramasse
un peu l'opinion de tout le monde, a donné ce que l'on pouvait attendre
d'elle. Le rapport de la commission Rochon, que la ministre a actuellement
entre les mains, traite de cette question spécifiquement et j'imagine
qu'il y a là aussi des
éléments très Intéressants que la ministre
pourra utiliser. Pour mol, ces documents sont ià et proposent
suffisamment de choses pour agir.
Il faut aussi être conscient que non seulement ces documents sont
là et permettent d'agir, mais que pendant ce temps le mal continue.
Pendant qu'aucune décision n'est prise, c'est décidé de
continuer à faire comme avant. Un seul exemple, M. le Président -
il a été abordé par la ministre, par le
député de Joliette et je l'aborde à mon tour - la
désinstitutionnalisatlon. Ne pas prendre de décision maintenant,
c'est continuer de désinstitutionnaliser comme on le fait et
reconnaissons, tous ensemble, que ce n'est pas la perfection en ce bas monde.
Reconnaissons que la désinstitutionnalisation se fait avec des
problèmes et, à l'occasion, avec des erreurs qui font en sorte,
M. le Président, qu'on devrait rapidement prendre des décisions
sur cette question, parce que, à l'occasion - je ne suis pas en train de
généraliser - les conséquences sont graves. Alors que l'on
fait cela au nom du bien-être du bénéficiaire,
entendons-nous souvent, je dois reconnaître, M. le Président,
qu'il n'est pas toujours le premier et le grand gagnant d'une
désinstitutionnalisation parce que ce qui devrait être
présent pour un bénéficiaire
désins-titutionnallsé ne l'est trop souvent, pas.
Or, M. le Président, je pense que le scénario qui aurait
dû être retenu par le gouvernement à la suite du
dépôt du rapport Harnois, qu'il avait lui-même
commandé, aurait dû être d'élaborer une politique
gouvernementale en matière de santé mentale. C'est, d'ailleurs ce
que j'avais dit à la ministre en octobre dernier, lorsqu'on a
amorcé les discussions entourant les préparatifs de cette
commission parlementaire. Je pense que ce qui aurait dû être fait,
c'est l'élaboration d'une politique globale, le dépôt d'un
plan d'action, d'un calendrier, oui, aussi d'une structure - je veux bien
admettre que les services doivent primer quant au débat entourant les
structures, mais cela prendra, quand même, une porte où il faudra
aller frapper lorsqu'on aura besoin de services - et d'un budget.
Là, je pense que nous aurions pu consulter tous ceux et toutes
celles qui défileront devant nous au cours des prochaines semaines non
pas, pour une quatrième fois, sur leurs réflexions entourant une
éventuelle politique de santé mentale, par exemple, sur le
rapport Harnois qui est l'aboutissement d'une consultation dont ils ont
été pour la plupart l'objet, mais on aurait pu les consulter sur
une politique gouvernementale, sur un plan d'action, sur un calendrier, sur des
structures et sur un budget.
M. le Président, cela aurait permis de retrouver beaucoup
d'avantages: d'abord, on aurait progressé, on aurait avancé; nous
aurions été certains que les Intervenants auraient
été consultés sur des décisions, sur une politique
gouvernementale et non pas sur un rapport. Aussi, cela nous aurait permis de
bouger et vite parce que je pense qu'il faut le faire rapidement. Ma crainte,
c'est que cela traîne en longueur. On est rendu au début de
janvier. Le processus budgétaire est pour l'essentiel
complété au gouvernement du Québec, II faut le
reconnaître. La revue des programmes est faite depuis un bon moment. Les
derniers arbitrages, j'Imagine, sont à se faire. On est peut-être
en train de manquer le prochain budget. Aussi, on ne profite pas du momentum
qu'ont créé le travail de la commission Harnois et le
dépôt de son rapport, qui est un momentum propice à nous
faire agir et bouger maintenant. Je pense, M. le Président, que les
intervenants ne sont pas assurés qu'ils seront consultés sur les
décisions que prendra le gouvernement et, pour moi, c'était
important par rapport à tout le travail qui avait été fait
par eux jusqu'à maintenant. (14 h 45)
Donc, M. le Président, voilà un peu l'état de mon
esprit par rapport à cette question. J'ajoute aussi un peu ma surprise
et mon inquiétude encore plus grande de voir que la ministre, dans son
exposé d'introduction, ne s'est prononcée sur rien, alors que le
rapport Harnois l'interpelle plusieurs fois, au fond, comme ministre, comme
gouvernement, sur des choses qui, selon lui, doivent être faites
rapidement, qui ont des conséquences sur le plan des ressources, des
budgets, de l'organisation des services, du soutien au
bénéficiaire, à sa famille, à son entourage. Pas un
mot de la part de la ministre. C'est évident que je suis un peu
déçu et un peu inquiet. Je suis convaincu que la démarche
que je propose là aurait été plus susceptible de nous
permettre d'arriver avec plus, mieux et plus rapidement.
Cela dit, M. le Président, je respecte, même si je ne la
partage pas, la décision qu'a prise la ministre quant à la
démarche à suivre. Je dois dire que je suis cette question avec
beaucoup d'intérêt, je suis prêt à participer
positivement à nos travaux, à collaborer avec la ministre. Pour
mol, l'enjeu est de taille et nécessite une participation active de tout
le monde, particulièrement des intervenants. Je suis convaincu qu'on
apprendra des choses, que les groupes ont sûrement beaucoup de choses
à nous dire. D'ailleurs, quand on prend connaissance des mémoires
qu'ils ont préparés, on peut le constater facilement.
J'espère que rapidement par la suite et avant le prochain budget des
décisions gouvernementales seront prises de façon qu'on puisse
rapidement passer à l'action, que le gouvernement puisse prendre ses
responsabilités. L'initiative lui revient, il doit assumer le leadership
dans ce domaine. Quant à moi, j'ai hâte de le voir assumer ses
responsabilités dans ce domaine. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres remarques préliminaires? Mme ta ministre.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Juste quelques mots, M, le Président
D'une part, c'est évident que, si le gouvernement n'avait pas
jugé valables les principes fondamentaux retenus dans le rapport
Harnois, nous n'aurions pas convoqué une commission parlementaire pour
en discuter. Je pense que c'est déjà une partie de réponse
aux interrogations du député de Gouin.
Si on se réfère aux nombreux participants qui vont venir
à cette commission, près de 60, dont les mémoires, pour un
grand nombre, contiennent des suggestions intéressantes et permettent,
justement, d'aller un peu plus loin dans la réflexion quant aux
différentes "philosophies', entre guillemets, qui peuvent s'affronter
dans ce domaine, il reste qu'on doit, finalement, mettre un terme à ces
discussions parce que, depuis trop longtemps, des 'idéologies", encore
une fois entre guillemets, divergentes s'affrontent Je pense que mise à
part toute la question de l'absence d'une politique de santé mentale et
des ressources Insuffisantes, ces confrontations d'idées sont aussi,
pour une partie, responsables des longs délais que les gouvernements ont
mis à, finalement, adopter une politique de santé mentale qui
soit réaliste, concrète, qui s'échelonne sur un certain
nombre d'années. Je pense que c'est vraiment l'objet de la commission
parlementaire que nous avons aujourd'hui.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire publiquement: Si je
n'ai pas endossé publiquement ou commenté d'une façon
détaillée le rapport Harnois avant aujourd'hui, c'est que,
justement, je voulais entendre l'opinion des principaux
intéressés qui sont Ici aujourd'hui et qui seront devant nous au
cours des prochaines semaines. Je suis très heureuse que nous arrivions
à cette étape qui va enfin permettre, après de nombreuses
années de tâtonnements, de questionnements, d'incertitude, de
petits pas en avant, parfois de petits pas en arrière, que
peut-être, comme société, on saura où on s'oriente,
où on se dirige quant à la réponse à apporter aux
besoins des personnes qui, à un moment ou l'autre de leur vie, ont
à faire face à des problèmes de santé mentale.
J'entendais le chef de l'Opposition qui disait: Bien, écoutez, il
n'y a rien sur les expériences de Louis-Hippolyte-Lafontaine ou
même de Robert-Giffard et on a là tous les éléments
d'une politique pour savoir comment agir. Je lui ferai remarquer que c'est une
perspective assez limitée, à mon point de vue, des
problèmes de santé mentale. La désinstitutionnalisation
est un aspect important de la santé mentale, mais nous sommes aussi dans
une société qui n'institutionnalise plus ou veut
institutionnaliser le moins possible. Alors, il y a toute cette partie de la
population qui, elle, n'a pas à être
désinstitutionnalisée, mais qui a des besoins auxquels il faut
répondre souvent d'une façon différente parce que ces gens
ont eu une expérience tout à fait différente des personnes
qui ont été en institution pour X années, alors qu'on sait
que maintenant les jeunes qui sont rendus à 35 ans, peut-être
à 40, n'ont jamais connu le régime Institutionnel et vivent leurs
problèmes d'une façon fort différente des personnes qui
ont été Institutionnalisées pour une longue période
de leur vie.
Il y a également tout le domaine de la prévention et,
comme te rapport Harnois te signale, il y a le champ de la santé
mentale. Il y a aussi le domaine de la santé mentale. C'est
évident qu'au point de départ l'accent devait être mis sur
le champ de la santé mentale plutôt que sur le domaine de la
santé mentale, dans le sens où le comité Harnois fait la
distinction entre les deux, et ceci pour répondre à ce qui nous
apparaissait être les besoins les plus aigus. Je pense que tout le monde
ici autour de cette table est d'accord que la situation ne peut perdurer comme
elle existe dans le moment. Même s'il y a des bonnes choses qui ont
été faites et si on a fait des pas en avant dans la
réinsertion sociale, on sait que ce sont des pas bien fragiles, des pas
souvent Insuffisants et discontinus qui font qu'après un certain temps
ces personnes qui, peut-être, avaient été
réintégrées d'une certaine façon se trouvent de
nouveau devant des problèmes auxquels notre société ne
répond pas.
D'ailleurs, pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que,
lorsqu'on a fait l'évaluation du problème de l'engorgement des
urgences, un des problèmes tes plus aigus qui sont arrivés en
surface a été la présence de psychiatrisés pour
lesquels il n'y avait pas de ressources dans la communauté et qui n'en
trouvent pas, encore aujourd'hui, pour un certain nombre, bien que ce soit un
peu moins grave grâce aux mesures comme les centres de crise qui ont
été mis en place, mais qui, encore une fois, ne sont encore que
dans certaines parties du Québec et non pas dans l'ensemble du
Québec. Il reste que l'on avait là une démonstration fort
éloquente, probablement fort malheureuse aussi, du manque de ressources
pour ces personnes ou du manque de ressources adéquates pour
éviter, justement, le recours à l'hospitalisation ou même
à l'institutionnalisation alors que ceci ne semble pas une
réponse adéquate à leurs besoins.
Alors, M, le Président, des propos des deux membres de
l'Opposition qui se sont exprimés, je retiens que, malgré tout,
ils croient qu'il s'agit d'une commission parlementaire qui devrait apporter
plus de lumière, qui devrait nous permettre de raffiner ce qui sera
éventuellement la politique gouvernementale en matière de
santé mentale. J'espère que c'est dans cet esprit de
collaboration que tous ensemble nous arriverons à formuler pour nos
concitoyens et nos concitoyennes une politique qui tiendra davantage compte de
leurs besoins, mais qui surtout sera davantage respectueuse de leurs droits et
leur permettra de jouer dans la plus grande mesure
possible un rôle utile dans notre
société.
Merci. M. le Président
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
ministre.
Alors, J'inviterais le premier groupe à s'asseoir à la
table des témoins.
M. le député de Joliette. Oui.
M. Chevrette: Vous avez donné un droit de réplique
à Mme la ministre. En vertu de nos règles, je dois avoir droit
à quelques minutes.
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, allez-y. Oui,
oui. Il n'y a pas de problème.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci. Je voudrais, tout simplement, dire à
la ministre qu'il est bien évident que nous avons l'intention de jouer
un rôle positif durant cette commission parlementaire. Mais c'est notre
devoir, comme Opposition, de constater que la démarche qu'on fait
présentement ne fait que retarder l'application d'une volonté
politique. Je voudrais le répéter: Je suis persuadé que le
gouvernement, à partir du rapport Hamois, à partir des nombreuses
études qui ont eu lieu dans les années antérieures, aurait
pu produire un livre blanc, ce qu'on appelle une volonté politique, avec
des moyens concrets, des prévisions budgétaires, des
mécanismes, des modes de financement qui nous auraient indiqué la
direction qu'il entendait prendre.
Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas participer de façon positive
à la commission parlementaire qu'on s'est exprimé de la sorte. On
prétend qu'à la lecture même des quelque 60 mémoires
que nous avons eus le point le plus commun, c'est: où le gouvernement
va-t-il aller et, concrètement, comment va-t-il appliquer les grands
principes déjà connus, les grands constats déjà
faits? C'est dans ce sens-là que j'ai voulu, au départ,
préciser mon point de vue. Cela ne nous empêchera pas de poser des
questions, peut-être pour convaincre la ministre de l'urgence d'agir.
Auditions
Le Président (M. Bélanger): Bien. Nous recevons le
premier groupe, l'Association canadienne pour la santé mentale, division
du Québec. Il est représenté par Mme Mireille Doré,
présidente du comité scientifique, par Mme Christine Berryman,
directrice de la filiale de Québec, et par M. Michel Trottier, directeur
général de l'association.
Si on pouvait savoir qui est le porte-parole.
Association canadienne pour la santé mentale, division du
Québec
M. Trottier (Michel): M. le Président, je suis Michel
Trottier. Cela me fait plaisir d'être le porte-parole de l'association.
D'autre part, il ne faudrait pas croire que Mmes Doré et Berryman
resteront muettes. Elles sont ici assurément pour partager, si vous
voulez, la dure tâche de faire mieux comprendre aux législateurs
que nous avons besoin et que nous espérons avoir une bonne politique de
santé mentale.
Nous ne lirons pas le mémoire que nous vous avons fait parvenir,
sachant que vous êtes d'excellents lecteurs. Nous ne voudrions pas vous
donner la très onéreuse et dure tâche de réentendre
ce que vous avez si bien lu. Nous tenterons plutôt, dans un premier
temps, de vous donner un aperçu général de ce que nous
pensons, de ce que nous voyons comme une politique de santé mentale.
De façon générale, l'Association canadienne pour la
santé mentale, division du Québec, a été fort
heureuse de voir que le gouvernement espérait apporter une politique de
santé mentale et, pour ça, avait formé le comité
Harnois et lui avait demandé de pouvoir, dans un sens, mettre dans un
document les points importants qui, semblait-il, devaient former cette
politique-là.
Nous avons été heureux d'avoir ce document. Nous pensons
que c'est un excellent document qui reflète assez bien les
réalités québécoises. D'autre part, nous avons
été heureux de voir ce document, espérant quand même
que, dans un sens, le gouvernement procéderait plus avant et
accoucherait finalement de cette politique de santé mentale.
Nous espérons constamment - chez nous, à l'association,
nous avons vécu d'espoir depuis si longtemps que nous continuons par la
force de l'habitude - que Ee gouvernement réalisera vraiment cette
politique de santé mentale et nous en sommes heureux parce que, dans un
sens, nous sentons que nous serons peut-être un des premiers à
avoir cette politique de santé mentale. Nous serons heureux aussi parce
que, dans un sens, ce sera un cadre qui nous permettra de mieux agir et de
mieux travailler pour le mieux-être de nos concitoyens. (15 heures)
L'association, ayant dit tout cela, n'est quand même pas
prête, si vous voulez, à démontrer qu'elle est totalement
en accord avec ce rapport Harnois, non pas parce que, justement, nous pensons
qu'il a erré profondément, mais parce que nous pensons que, dans
certains cas, il a légèrement changé la perspective et
que, dans certains autres cas, il a été un peu timide. Nous
espérons dans un sens que le gouvernement, dans une politique de
santé mentale, sera capable de dépasser cette timidité et
d'aller jusqu'au bout.
Chez nous, à l'Association canadienne pour la santé
mentale, nous avons toujours prôné la personne. Depuis 32 ans que
nous existons au
Québec, nous n'avons jamais parlé
d'ex-psychiatrisés ou de malades mentaux ou de handicapés, mais
nous avons parlé de personnes, de personnes comme vous et mol qui sont
placées dans des situations de difficulté de vie et qui, avec le
stress, avec tout ce qui existe autour d'elles, doivent, pour ainsi dire,
être capables de réagir et de réagir positivement.
Être capable de vivre avec ses propres difficultés, c'est cela
être en état de santé mentale. Remarquez que nous
considérons tout autant l'individu hospitalisé que l'individu non
hospitalisé comme étant capable d'une relative santé
mentale parce que, dans un sens, nous savons très bien que cet individu
doit justement, pour ainsi dire, vivre avec ce qu'il est Donc, c'est de gens
comme vous et moi que nous parlons. Ce sont des gens qui vivent
régulièrement, quotidiennement et doivent faire face à des
difficultés de toutes sortes et être capables de dépasser
ces difficultés pour atteindre, justement, un niveau de fonctionnement
et d'efficacité qui les rend remarquables.
C'est la première chose, cette notion de personne, cette notion
sur laquelle nous Insistons. C'est le centre de notre préoccupation.
Dans un sens, nous ne croyons pas que la désinstitutionnalisation doit
se faire pour le Québec ou pour le bien-être des hôpitaux;
elle doit se faire pour le bien-être de la personne. Nous ne croyons pas,
non plus, de la même façon, que l'Institutionnalisation doit se
faire pour autre chose que pour le bien-être de la personne. Dans ce
sens-là, il faudrait peut-être revenir dès le début
à ce premier diagnostic de santé ou de maladie mentale où,
Justement, nous insistons d'abord sur le bien-être de la personne et non
pas sur le respect de toutes les structures hospitalières ou de toutes
les structures qui sont autour de cette personne en santé ou malade.
C'est la première chose et c'est très Important parce que cela
donne un sens à notre action. Cela donne un sens à notre
façon de considérer le problème et cela assure que nous ne
perdons pas l'objectif premier d'une politique de santé mentale,
à savoir le bien-être de cette personne, le bien-être de
tous nos concitoyens plutôt que la possibilité de respecter et
d'avoir de meilleures structures.
Le deuxième point sur lequel nous avons toujours insisté,
c'est que, dans un sens, l'association est une association de santé
mentale et nous avons toujours insisté sur la promotion et sur ta
prévention. Non pas que la maladie mentale ne soit pas un
problème sérieux, non pas qu'il faille, pour ainsi dire, s'en
désintéresser, non pas que, dans un sens, nous devrions la
délaisser. C'est un problème réel auquel il faut
répondre et sur lequel on doit s'attarder.
D'autre part, il est très important que nous commencions
dès à présent à éviter de reproduire ce
qu'on a toujours fait, à savoir n'être que des pompiers qui
éteignent les feux et ne jamais penser à la prévention. Ce
que dit, par exemple, te rapport Harnois, à la page 181, nous a
laissés un peu perplexes. SI ce n'est pas à la page 181, je l'ai
Ici. On dit que la prochaine politique de santé mentale devrait
commencer par ce chapitre', celui de la prévention. Remarquez bien qu'on
va prévenir quand tout sera détruit et quand on sera tellement
enseveli sous les problèmes. C'est alors qu'on pensera à
commencer à travailler par le commencement. Commençons donc par
le commencement dès à présent Pour nous, c'est très
important de penser promotion, de penser prévention. En effet, de la
môme façon qu'en santé physique depuis quinze ans, par des
programmes comme Participe-action ou par d'autres programmes, on a
pensé, justement, à faire de la promotion et on a haussé
ainsi sérieusement te niveau de santé physique de nos concitoyens
grâce à ce sentiment et à ces programmes de promotion et de
prévention, de la même façon, nous disons: Faisons
exactement la même chose en santé mentale. Si nous ne le faisons
pas, nous allons nous ensevelir; nous allons nous préoccuper uniquement,
si vous voulez, des structures et des institutionnalisés, mais nous ne
ferons jamais rien pour ceux qui, un jour, seront institutionnalisés.
Cela est très grave.
Il faut donc - cela a été le sens de l'association depuis
32 ans au Québec - s'intéresser, travailler, d'abord, au niveau
de la promotion et de la prévention. Nous disons: Une bonne politique de
santé mentale est une politique qui s'intéresse directement
à la promotion et à la prévention. Nous pensons que,
justement, II sera plus facile, à ce moment-là, de ne pas avoir
à entendre les Intervenants dire qu'il leur manque du temps et qu'ils ne
sont que des pompiers qui éteignent des feux. C'est bien beau
d'éteindre des feux, mais, à un moment donné, il faut
d'abord se demander pourquoi le feu a pris, pourquoi tant d'individus sont
institutionnalisés, pourquoi tant sont, pour ainsi dire,
délaissés, etc. C'est le sens réel, si vous voulez, de ce
que nous pensons et ce sur quoi nous voulons insister.
Le troisième point sur lequel l'association a toujours
insisté aussi, c'est la coordination. La coordination, pour nous, est
importante. La santé mentale ne regarde pas, si vous voulez, qu'un
dixième de ta population La santé mentale, cela regarde des gens
comme vous et moi aussi; cela regarde tout le monde parce que nous sommes tous
susceptibles d'être malades; j'allais dire vous comme moi, disons vous un
peu moins que moil Nous sommes tous susceptibles d'être malades. Par
conséquent, ce n'est pas un problème qui ne doit concerner qu'une
partie de la population, ce n'est pas un problème qui ne doit concerner
qu'une partie du gouvernement, qu'un ministère. C'est absolument
ridicule de penser à santé mentale ou à santé en
général en ne pensant, si vous voulez, qu'au ministère de
la Santé. Cela doit concerner tout autant le Conseil du trésor
que le ministère du Travail, que le ministère de la
Sécurité du revenu ou que tout autre ministè-
re. Pour nous, c'est très important parce que, dans un sens, II
n'y aura Jamais de coordination tant que la ministre criera pour la
santé, alors que tous les autres crieront pour l'économie. Cela
n'a aucune espèce d'Importance si, justement, il n'y a pas un projet
global de ce gouvernement vers une politique de santé mentale qui est
coordonnée, orientée.
Dans un des derniers numéros de la revue canadienne de
psychiatrie, décembre 1987, le Dr Frédéric Grunberg, bien
connu ici puisqu'il a été membre du Comité de la
santé mentale avec le Dr Marc Sasseville, parle de "chômage et
santé mentale*. Ses conclusions qui sont courtes n'en sont quand
même pas moins Importantes. "Les effets psychologiques du chômage
à long terme devraient être traités prioritairement,
particulièrement chez les Individus d'âge mûr. Le
chômage chez les femmes est aussi une question d'importance. Tout le
secteur de la consultation et de l'intervention thérapeutiques
auprès du chômeur devrait être examiné et
évalué, etc."
Pour nous, c'est très important de percevoir que, justement,
l'ensemble du problème de la santé mentale concerne le Travail,
la Sécurité du revenu et aussi, si vous voulez, la politique
familiale, de même que toutes les autres politiques. Nous demandons
essentiellement qu'il y ait une coordination. Dans le rapport "Pour un
partenariat élargi", on a eu l'impression qu'il n'y avait, pour ainsi
dire, un intérêt que pour le ministère de la Santé.
Nous avons eu, à ce moment-là, un certain regret de cette absence
de grandeur d'esprit, de cette absence de largeur de vues parce que nous avons
considéré depuis si longtemps, et nous l'avons dit depuis si
longtemps, que, dans un sens, le problème d'une politique de
santé mentale doit concerner l'ensemble d'un État et aussi chacun
des individus. Dans ce sens-là, la coordination ne nous est pas apparue
à ce niveau de la politique. Nous avons déploré cette
absence de coordination. Ce sont des choses Importantes sur lesquelles nous
avons insisté dans notre mémoire sachant, d'autre part, qu'il y
avait d'autres petits éléments.
Nous avons été heureux de voir que le mémoire
insistait sur une politique de sensibilisation; nous avons été
heureux que le mémoire insiste sur des programmes de sensibilisation.
Nous avons dit, d'autre part, que ces programmes de sensibilisation ne
devraient pas être réservés, si vous voulez, strictement
à l'accueil par la communauté des gens
désinstitutionnalisés. Nous avons pensé, au contraire, que
cette sensibilisation devrait être beaucoup plus large et qu'à
l'instar, si vous voulez, de certains programmes qui ont été
faits en Ontario, par exemple, notre programme de sensibilisation devrait aussi
comporter un élément de recherche et un élément
d'inscription, de soutien régulier et continu vers la
communauté.
À ce niveau-là, l'Association canadienne pour la
santé mentale, division du Québec, a vraiment tout le soutien
voulu. Nous avons déjà un réseau organisé au
Québec. Nous avons quinze filiales qui sont capables de vraiment se
rattacher directement avec les gens et les communautés du milieu et sont
aussi capables d'assurer le contact et le soutien continus. Dans ce
sens-là, nous disons essentiellement que c'est très heureux. Nous
voudrions encore percevoir une plus grande largeur d'esprit, percevoir que ce
programme de sensibilisation ne doit pas se faire uniquement pour, justement,
soutenir une désinstitutionnalisation; il doit se faire pour assurer, si
vous voulez, que la communauté, avec les Intervenants et les
bénévoles, ait la chance de pouvoir vraiment travailler
ensemble.
Remarquez que, de plus, nous avons été heureux de voir
que, dans ce rapport, un certain rôle était donné au
bénévolat. Nous avons été heureux de voir que le
bénévolat était accepté et respecté. Nous
espérons, dans un sens, que ce respect ira jusqu'à une certaine
assurance - il s'agit d'arrêter et d'assurer l'attention de tout le monde
- d'un soutien financier de ce bénévolat (15 h 15)
Le bénévolat, c'est prouvé, coûte bien moins
cher que toutes les structures d'un réseau gouvernemental, mais, d'autre
part, il ne doit jamais être assimilé à ce que l'on appelle
dans un langage vulgaire du 'cheap labor". Il ne doit jamais être
associé à quelque chose qui va coûter moins cher et qui,
par conséquent, va permettre de prendre des responsabilités sans
avoir besoin de les payer. Nous considérons, justement, que cette
responsabilité du bénévolat est une responsabilité
profonde à laquelle nous croyons et qui a une Importance énorme,
mais qui doit être constamment en soutien avec les réseaux
intégrés. Et l'intégration de tous ces systèmes
fera en sorte qu'on aura une politique positive.
Ayant dit à peu près cela, je me permets de vous remercier
de votre attention. D'autre part, je sais qu'il y a une période de
questions; mes collègues et moi, nous serons prêts non pas
à donner réponse à tout, mais à partager avec vous
certaines Inquiétudes face à une future politique. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci beaucoup. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais remercier M.
Trottier et ses collègues et plus particulièrement la division du
Québec de l'Association canadienne pour la santé mentale. Je sais
que, depuis de très nombreuses années, vous vous
préoccupez de cette question. Vous attendez aussi que le gouvernement
ait une politique plus précise et laisse peut-être moins au
gré des événements le soin des personnes qui
requièrent du soutien dans la communauté pour mieux
s'intégrer et mieux fonctionner.
Au point de départ, vous attirez notre attention sur le fait que
notre projet de politique n'a peut-être pas une vision suffisamment
large de la coordination entre les diverses politiques gouvernementales
et toute la question de la santé mentale. D'ailleurs, l'Association
canadienne pour la santé mentale met beaucoup l'accent sur le
préventif, tout en ne se désintéressant pas,
évidemment, des problèmes auxquels font face les citoyens. Pour
vous, toute cette question de ta prévention dépasse ou devrait
dépasser largement le ministère de la Santé et des
Services sociaux. Que l'on pense à l'Éducation, par exemple;
c'est, quand même, là qu'un grand rôle peut être
joué pour établir les fondements de l'équilibre de la
personne. Notre système d'éducation n'est peut-être pas
toujours cohérent avec cet objectif. Également, dans le domaine
des loisirs, dans le domaine du logement et dans le domaine économique,
il y a des tas de conditions essentielles pour asssurer aux citoyens un
équilibre. Vous nous signifiez la nécessité de coordonner
ces efforts et voulez que les autres ministères soient aussi conscients
qu'ils ont un rôle à jouer. C'est peut-être davantage un
rôle de première ligne, mais il est certainement Indispensable sur
le plan de la prévention et aussi souvent indispensable pour la
réinsertion sociale des individus.
J'aimerais vous poser une question sur ta campagne de sensibilisation.
Vous trouvez qu'elle est peut-être trop limitée. Vous nous partez
de la campagne que vous avez menée vous-mêmes en Ontario. Est-ce
que vous pourriez nous dire quels étalent les éléments
principaux de cette campagne? J'imagine que vous la considériez comme
une campagne qui a dû avoir plus d'échos que celle prévue
dans le rapport pourrait avoir.
M. Trottier: La campagne de sensibilisation qui a
été faite en Ontario a, d'abord, été basée
sur une recherche. Si, dès le début, on s'est orienté vers
le déracinement de certains "stigmas*, si vous me permettez cette
expression anglaise, c'est parce que, justement, on avait, d'abord,
trouvé, à partir de recherches précises, que
c'était le point le plus Important, premièrement. Et je ne
pourrais dire, sans avoir d'abord fait une recherche pertinente, si c'est
vraiment le même sens que l'on devrait donner à cette campagne de
sensibilisation Ici au Québec. C'est la première chose.
La deuxième chose, c'est qu'il y avait en même temps et
parallèlement à cette sensibilisation qui était faite
à partir d'une publicité un rattachement de tous ceux qui
étaient intéressés à cette publicité
à des points de contact qui étaient les filiales de l'association
canadienne en Ontario, ce qui pourrait se faire exactement de la même
façon ici au Québec. Ce point de rattachement signifiait que non
seulement, d'abord, un éveil publicitaire avait été fait
dans la santé mentale, mais que cet éveil était
continué par une éducation à partir de nos filiales chez
tous ces gens qui avaient démontré un intérêt. Dans
un sens, on n'a pas fait une sensibilisation qui a été
strictement une campa- gne publicitaire qui pouvait coûter assez cher,
mais on a fait une campagne qui a été soutenue par des programmes
d'information à partir de nos filiales où, justement, les gens
étaient regroupés et rattachés à ces
communautés. C'est très important. C'est même te point
essentiel de cette campagne de sensibilisation.
Je pense que ce qui était aussi très Important, c'est que,
dans un sens, cette campagne de sensibifisation était orientée de
façon très générale vers le sens de ce qu'est une
maladie mentale ou de ce qu'est la maladie mentale. À ce
moment-là, la recherche avait démontré que c'était
le point important. Je ne suis pas assuré qu'ici au Québec ce
serait la même chose. Ce sera uniquement à partir de recherches
bien faites, bien centrées, bien structurées et bien
focalisées que nous pourrons déterminer exactement sur quoi doit
porter une campagne de sensibilisation.
Il est sûr et certain que les "stigmas" de la maladie mentale sont
importants, mais peut-être, avant les "stigmas" de la maladie mentale,
devrions-nous penser plus strictement à la santé mentale et
à la maladie mentale, au genre d'opposition qu'on semble mettre entre
les deux, au genre d'opposition qu'on semble mettre entre des gens qui
fonctionnent et des gens qui fonctionnent moins. Pour mol, il n'y a pas
nécessairement une opposition et, à l'association, on a toujours
pensé que la santé pouvait se détériorer et que des
gens pouvaient aller vers ta maladie, mais que, d'autre part, le mouvement
n'était pas arrêté, pour autant, et que cette maladie
pouvait aussi se retransformer en santé, de telle façon qu'il y a
un genre de ventilation dans ce continuum qui permet à tout le monde de
se retrouver.
C'est pour ça que je disais dès le début que nous
parlions de personnes plutôt que de parler d'ex-psychiatrisés ou
de malades mentaux ou de handicapés. Pour nous, si vous voulez, qui peut
déterminer qu'il est en bonne santé mentale, qui peut
déterminer qu'il est un malade mental? Quand je regarde certains
groupements, des fois j'ai tendance à penser que peut-être je suis
un peu plus en santé mentale qu'eux, mais c'est un jugement très
personnel. Remarquez qu'à ce moment-là le niveau de santé
mentale est, pour ainsi dire, très peu important à
déterminer. Ce sont ces choses-là qui sont importantes.
Quand nous vous disons dans notre mémoire que nous aimerions
participer à cette campagne de sensibilisation, c'est parce que nous
avons une certaine expérience. Nous ne parlons pas d'une campagne qui
serait strictement publicitaire, mais d'une campagne qui, d'abord, va
être basée sur une recherche qui va permettre, justement, de
savoir exactement sur quoi on va centrer, focaliser notre campagne de
sensibilisation, d'autre part, qui va aussi permettre d'avoir des lieux et des
points de rencontre, de telle façon que les gens qui seront
intéressés seront, pour ainsi dire, constamment rattachés
et
soutenus quotidiennement par des programmes.
Je ne voudrais pas répondre trop longuement à votre
question, Mme la ministre, mais c'est un peu le même
phénomène qu'on remarque face au racisme. Chaque fois qu'il y a
un problème racial quelque part, on lance une grande campagne
antiracisme qui a ses effets pour quelques jours et, finalement, parce que ce
n'est pas rattaché, soutenu par des programmes, parce que ce n'est pas
relié à des filiales qui ont la chance de continuer
l'éducation et de faire en sorte que cette sensibilisation va aller de
plus en plus en profondeur, on remarque que, pour le racisme, la campagne de
sensibilisation a quelques effets pour quelques jours, quelques heures ou
quelques mois et, après, cela retombe.
Dans tout mouvement d'éducation, il faut constamment être
là pour répéter. Ce n'est pas nouveau. Je sais que
plusieurs d'entre vous ont déjà été ou sont parents
ou ont déjà eu l'expérience éducationneile.
Essentiellement, éduquer, c'est répéter. Et il va falloir
l'accepter. Il va falloir aussi accepter de mettre des fonds monétaires
pour être capables de répéter. Parce que, si on ne
répète pas, ce sera de l'argent perdu qui aura eu son effet, son
action à un moment donné et qui sera disparu parce que les gens
l'oublient. Je n'ai pas besoin, je pense, de dire à des politiciens que
la population oublie.
Justement, si on ne veut pas que la population oublie, si on ne veut pas
que la population considère que la santé mentale, c'est important
seulement aujourd'hui, demain et après-demain - parce que, je l'ai dit
tantôt, on est tous susceptibles de devenir malades, parce que, je l'ai
dit tantôt aussi, on est tous plus ou moins responsables de la
santé de tous et chacun - à ce moment-là, basé sur
ce rapport avec lequel on était d'accord parce que la
responsabilité personnelle et la responsabilité collective, pour
nous, c'est important au niveau de la santé mentale, nous disons: De
grâce, ne perdons pas notre argent, ne le gaspillons pas en faisant une
campagne de publicité qui va réveiller subitement et faire parler
pendant trois jours tout le Québec - chacun va se dire: C'est vrai,
pourtant, ce n'est pas grave de faire une dépression, on peut en sortir
- mais trois jours après, par exemple, on aura oublié cette
campagne publicitaire et on dira: Bien, tu sais, il a fait une
dépression. On ne peut pas lui donner une promotion aujourd'hui. On a
beaucoup de difficulté à penser qu'on peut devenir
vice-président d'une compagnie si on a fait une dépression. Les
gens "burned-out", vous savez, on leur donne des vacances. L'industrie a
trouvé que c'était la meilleure façon de se
débarrasser des gens, leur payer des longues vacances.
Remarquez que ce n'est justement pas cela qu'il faut faire avec des gens
qui sont "burned-out'. Mais il reste qu'on n'a pas posé la question. On
n'est pas allé voir les scientifiques et on ne leur a pas demandé
ce qu'il fallait faire avec des 'burned-out". On a dit: Tu es un "burned-out".
Pauvre petit gars! Tu fais bien pitié! Voilà, prends cinq jours,
prends cinq mois de vacances, tu reviendras. Et quand tu reviendras, on aura
trouvé un petit bureau où tu seras loin de la pression. (15 h
30)
C'est ça qu'on entend par campagne de sensibilisation. Une
campagne de sensibilisation à laquelle on veut participer, c'est une
campagne de sensibilisation qui n'est pas strictement de la publicité,
mais qui est, si vous voulez, une publicité basée sur une
recherche intelligente, d'une part, et rattachée à des points de
rencontre, des points de soutien, de support qui vont permettre, justement, de
vraiment, si vous voulez, faire en sorte que la publicité deviendra une
éducation.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. Trottier. Alors, il me reste juste
quelques minutes. Je vais laisser la parole au chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Bien sûr. Merci, M. le Président.
M. Trottier, je vais permettre peut-être aux deux femmes, dont
vous avez dit qu'elles n'étaient pas muettes, de parler et je ne
voudrais pas me faire jouer le tour que Mme la ministre vient de se faire
jouer, je vous le dis tout de suite, parce que chaque formation politique a 18
ou 17 minutes. Je vais vous demander très poliment d'être plus
bref si je veux poser mes trois questions.
La première question que je voudrais poser, c'est sur la
régionalisation. Je résume votre dossier de la façon
suivante. Tout d'abord, je pense que vous parlez de l'importance de la
concertation ministérielle. Vous parlez de prévention ou de
sensibilisation et d'information dans un deuxième temps. Dans un
troisième temps, j'ai compris que vous parliez des dangers de la
régionalisation ou, en tout cas, vous ne voudriez pas que la
régionalisation serve de paravent. J'aimerais entendre là-dessus
une des deux dames, pour connaître le son de vos voix. J'aimerais savoir
exactement quelle est votre crainte quant à la régionalisation ou
à la secto-rialisation.
Remarquez bien que c'est une invitation que je fais à une des
deux dames, mais si vous voulez que M. Trottier réponde...
Mme Doré (Mireille): Oui, oui. Vous tombez peut-être
dans l'expertise de M. Trottier, mais je vais quand même commencer la
réponse. Notre crainte de la régionalisation, c'est
qu'effectivement on décentralise. En ce qui a trait à la
santé mentale, avec l'avènement des commissions administratives,
on avait décentralisé effectivement des mandats aux conseils
régionaux. Avec cette décentralisation qui n'était pas
très claire - le mandat était clair - au moment où des
projets ont voulu prendre naissance, tout est devenu nébuleux. Alors, ce
qu'on veut, c'est que
la régionalisation ne devienne pas un paravent ou une excuse
à des choses qui ne se feraient pas. Par exemple, dire: On
décentralise tout l'aspect de la désinstitutionnalisation et de
l'organisation des services en communauté et on ne décentralise
pas les sous. À ce moment-là, on tombe automatiquement dans une
dichotomie, une aberration qui fait que, lorsque ce n'est pas le même
maître d'oeuvre qui a la responsabilité de planifier, de
programmer, d'Implanter et de payer, vous tombez dans tous les aléas
possibles et les pressions qui peuvent s'exercer à ce niveau-là.
Je ne sais pas, Michel, si...
M. Trottier. Vous avez très bien dit ce que j'aurais pu
dire.
Mme Doré: En plus court.
M. Chevrette: Quant à la sensibilisation et à
l'Information, est-ce que c'est dans le sens d'en arriver à un
dépistage facile par les intervenants du milieu ou si c'est une campagne
d'éducation populaire? J'aimerais que vous fassiez la différence
entre les deux.
Mme Doré: M. Trottier, je pense, a couvert une certaine
partie du champ. J'aimerais préciser une chose et je reviens aussi un
peu à la question de Mme Lavoie-Roux: Pourquoi on trouvait ça
limitatif, effectivement une campagne de sensibilisation. Lorsqu'on regarde les
objectifs qui sont poursuivis par la campagne proposée, on dit, entre
autres, "qui devrait porter sur la situation des personnes aux prises avec des
problèmes d'ordre mental". Or, tout le projet de politique de
santé mentale est basé sur - en tout cas, on l'évoque
à plusieurs reprises - la responsabilité de la personne,
l'approche globale de la personne, son respect, la responsabilité de la
famille, la participation aux décisions et de la personne et de son
entourage. Or, il n'y a rien dans la politique au chapitre, justement, de la
promotion ou de l'information qui vise à outiller tes personnes de
façon qu'elles puissent assumer leurs responsabilités. On sait
qu'un des grands problèmes par rapport à la santé mentale,
ce sont les grands délais qui entraînent des coûts Indirects
effroyables. On parlait du "burned-out". Les gens peuvent attendre un an, deux
ans, trois ans même avant de consulter. Il y a les
préjugés. On parle des préjugés de la population
envers les personnes malades et on oublie très souvent les
préjugés de la personne envers elle-même qui tout coup se
voit avec des difficultés tout à fait importantes et craint
d'aller consulter. Alors, les préjugés de la personne envers
elle-même. Les préjugés de son entourage qui tout à
coup voit cette personne et la perçoit faible alors qu'on la pensait
forte. Les préjugés envers les moyens utilisés. On pariait
des responsabilités. Actuellement, il n'y a pas de portes
d'entrée, d'accès facile au système de santé
mentale. On a les urgences d'hôpitaux. Je pense que c'est vraiment la
solution qu'on recherche ultimement.
Une campagne de promotion vise, entre autres, à outiller et la
personne et son entourage pour faire face à différents
problèmes qui peuvent être graduels et dont les solutions te sont
aussi. D'abord, savoir ce que c'est être en santé mentale, comment
la maintenir, quels sont les facteurs qui menacent l'équilibre. Par
exemple, on sait que si, dans la même année, vous vivez un deuil,
le chômage, une faillite et un divorce, vos risques de faire une
dépression sont assez élevés.
Les gens doivent être informés de ça. Ils doivent
savoir quels moyens prendre à ce moment et à quel moment il
serait nécessaire de consulter des professionnels. Actuellement, on se
situe entre rien et la consultation de psychiatres ou de psychanalistes. Je
pense que je n'ai pas répondu à toute votre question.
M. Chevrette: Je parlais en fonction des dépistages
éventuels. La question était: Est-ce que la campagne de
sensibilisation axée, bien sûr, toujours sur la notion de
prévention que vous avez expliquée très très bien
dans votre exposé initial était d'en arriver - parce qu'il y a
des gens qui ne s'en rendent pas compte - à aider à la fois les
familles, l'entourage et possiblement des travailleurs, pas
nécessairement des psychiatres, à découvrir et à
comprendre des symptômes et peut-être à venir plus vite en
aide aux personnes? C'était dans ce sens-là que ma question vous
était posée.
Mme Doré: Vous avez tout à fait raison, parce que
cette personne va d'abord hésiter à en parler. Je pense qu'il est
très très Important que toute la population et l'entourage, comme
vous le dites, le milieu de travail, l'entreprise soient sensibilisés
aux problèmes de santé mentale. Que ce soit dans les
écoles ou les garderies, il y a des enfants à risque et on attend
pour les ramasser en psychiatrie adulte à 18 ans. Effectivement, une
campagne de promotion doit aussi viser l'éducation des professionnels
qui oeuvrent auprès des personnes.
Michel, est-ce que tu...
M. Trottier: Non.
M. Chevrette: M. Trottier, vous semblez avoir une
expérience Immense. Vous vous emballez parce que vous croyez à ce
que vous faites et je vous en félicite. J'ai été
scandalisé lors d'une visite à Louis-H.-Lafontaine il y a deux
ans et quelques mois. Il y a des aléas dans la vie, vous le savez. J'ai
rencontré une femme de 37 ans qui parlait exactement comme on parie
présentement. Cela faisait 18 ans qu'elle était à
l'intérieur du centre hospitalier à la suite d'une tentative de
divorce - excusez-moi, vous en avez trop mis tantôt -à la suite
d'une tentative de suicide.
M. Trottier: C'est pareil.
M. Chevrette: C'est pareil. Depuis lors, elle est
Incarcérée dans un milieu asilaire. Je dis bien
"incarcérée" parce qu'elle n'a pas vu le Jour depuis ce
temps-là. Est-ce que vous considérez que seuls - ma question va
être très précise - les psychiatres ont un rôle
à jouer dans les institutions psychiatriques?
M. Trottier: De la façon dont vous la posez.
M. Chevrette: Vous n'avez pas un grand choix de
réponse.
M. Trottier: Exactement. C'est presque une question-piège.
J'éviterais d'y répondre de cette façon-là parce
que, dans un sens, je pense qu'il est, quand même, normal qu'à
l'intérieur d'un cadre, quel qu'il soit, quelqu'un soit responsable et
que cette responsabilité lui soit, pour ainsi dire, vraiment
donnée totalement. Donc, il y a nécessairement quelqu'un qui doit
prendre une décision. Je n'ai pas de problème à
considérer que, dans certains cas, ça puisse être un
professionnel de la psychiatrie, alors que, dans d'autres cas, ça puisse
être un autre professionnel.
D'autre part, justement pour répondre, quand même, à
votre question et pour éviter que vous ne soyez de nouveau
scandalisé, je pense que ce qui est important, c'est de bien percevoir
que la santé et plus particulièrement la santé mentale
n'est pas, pour ainsi dire, fa responsabilité d'un groupe professionnel.
Depuis, quand même, assez longtemps, nos hôpitaux se sont ouverts
à de très nombreux professionnels. Depuis assez longtemps, nos
hôpitaux ont été considérés comme vraiment
multidisciplinaires.
Dans ce sens, je pense qu'il y a une autre chose qu'il faudrait
peut-être chercher à acquérir, c'est la possibilité
de faire en sorte que la communauté soit représentée, de
faire en sorte que la personne même concernée soit aussi
consultée. Dans l'ensemble, c'est essentiellement là qu'est le
niveau de la décision d'un problème de santé. Dans bien
des cas, percevoir, justement, que seul le psychiatre est responsable...
Peut-être, d'ailleurs, que ce n'est pas le cas. Je t'ai dit: C'est devenu
de plus en plus multidisciplinaire. Il reste, malgré tout, qu'il faut,
dans un sens, s'assurer que tout le monde va y participer. Depuis, quand
même, un bon moment - à l'association, quelquefois, on a le temps
de lire et d'aller voir des choses qui se font ailleurs - on s'aperçoit
que nos hôpitaux auront besoin de s'ouvrir. Nos hôpitaux
psychiatriques auront besoin de devenir aussi des lieux où les patients
seront avec les intervenants et avec ta communauté de plus en plus.
Vous savez, je n'ai pas à vous le cacher, qu'à un moment
donné, dans nos hôpitaux, on a mis de côté et on a
éloigné les bénévoles parce que, justement, on
considérait qu'ils n'avaient plus leur place. On commence aujourd'hui
à aller les rechercher. Je pense que c'est, justement, un rôle des
bénévoles d'être là, de représenter cette
communauté et de pouvoir, dans un sens, faire respirer un air
différent à ce milieu hospitalier. C'est pour cela que je
comprends votre scandale et je le partage. Je ne considérerais pas que
la raison de votre scandale est uniquement la décision d'un groupe
professionnel, mais je pense que c'est beaucoup plus toute ta notion qu'on a
héritée à travers les âges de ce que doit être
un hôpital psychiatrique.
On a fait beaucoup de progrès, il faut, quand même, le
voir. C'est ce que j'appelle ma psychologie de la bouteille pleine au lieu de
la bouteille vide. Quand elle est à moitié vide ou à
moitié pleine, cela dépend comment on la regarde. On a fait
beaucoup de progrès. On est parti des asiles, on est parti de
très loin. Je me souviens quand j'étais Jeune, parce que j'ai
l'âge que vous n'avez pas, qu'on passait devant Saint-Jean-de-Dieu, qui
n'était pas Louis-H -Lafontaine, ou qu'on passait devant
Saint-Michel-Archange, qui n'était pas Robert-Giffard, et que,
justement, c'était barricadé. On a fait beaucoup de
progrès, mais il en reste encore à faire. Ce n'est pas parce
qu'il en reste encore à faire qu'il faut regarder, justement, ce qu'il
reste à faire. Il y aussi tout le positif qu'on a eu. Regardons-le
positivement. Je sais que, lorsque je parie parfois à l'Opposition, ils
ont de la difficulté à avoir cette psychologie de la bouteille
à moitié pleine.
M. Chevrette: Mon cher monsieur, Je vous référerai
aux procès-verbaux des années 1976 à 1984 pour montrer
qu'on n'a aucunement à rougir de ce qu'on dit présentement par
rapport à ce qu'on a entendu pendant dix ans.
M. Trottier: Je suis d'accord.
M. Chevrette: Cela dit, une dernière question. Est-ce que
vous considérez que les équipes multidisciplinaires devraient
être guidées par un psychiatre? Je répète "un
psychiatre" parce que cela m'apparaît important de définir le
rôle du psychiatre par rapport aux équipes multidisciplinaires.
J'aimerais savoir comment vous percevez cela. Par exemple, dans un centre
d'accueil et de réadaptation, est-ce que vous considérez que
c'est le psychiatre qui doit être le grand leader de l'équipe
multidisciplinaire ou si cela doit être un administrateur? Comment
voyez-vous cela? (15 h 45)
M. Trottier: Pas nécessairement. Il y a des exemples,
d'ailleurs, de plus en plus où, justement, le leader n'est pas
nécessairement le psychiatre Nous avions récemment un colloque
à l'association et nous avions invité une équipe de Maria
qui fait ce qu'on appelle du "case management". Le leader du groupe est un
psychologue, mais il y a, à l'intérieur de l'équipe, un
psychia-
tre. il n'y a, pour ainsi dire, pas tellement de problèmes et de
difficultés. Le partenariat, c'est aussi de cette façon que cela
doit se vivre. Autrement dit, tout le monde est partenaire et tout le monde vit
ensemble. À un moment donné, te rôle de décision, si
vous voulez, doit être donné à quelqu'un, mais pas
nécessairement au psychiatre.
M. Chevrette: Dr Trottier, concrètement - parlons de
partenariat - comment voyez-vous les équipes multidisciplinaires dans
une Institution? Par exemple, II y a des travailleurs sociaux, des
psychologues, des infirmiers, des Infirmières, des psychiatres et du
personnel; comment voyez-vous cela concrètement? Quelle est la position
Idéale que vous verriez?
M. Trottier: Personnellement, Je ne m'attacherais pas, si vous
voulez, à l'étiquette professionnelle. Pour moi,
l'étiquette professionnelle n'a pas d'Importance. Chacun arrive
là avec son bagage professionnel, avec son expérience
professionnelle, mais le leadership, vous savez, cela se montre et cela se
manifeste de toutes sortes de façons. Dans ce sens-là, cela ne me
pose pas de problème. Je pense que, dans bien des cas, cela se vit en
dehors de cette étiquette professionnelle.
M. Chevrette: Malheureusement, je n'ai pas de temps, mais vous
pouvez continuer.
Mme Doré: C'est juste pour éviter de la confusion
parce que vous parliez de centres d'accueil de réadaptation.
C'est-à-dire que, dans un centre hospitalier, habituellement, c'est un
psychiatre qui est à la tête des équipes
multidisciplinaires parce que la loi fait qu'un patient doit être inscrit
au nom du médecin, sauf que le service vers lequel on évolue
actuellement est celui des ressources communautaires, qu'elles soient en CLSC
ou en centres d'accueil de réadaptation. De plus en plus les
équipes et les psychiatres se définissent comme consultants et
comme ressource-support à une équipe qui oeuvre dans une
ressource communautaire. Je pense que cette tendance est en train de rejoindre
vraiment les deux groupes.
Pour les psychiatres, c'est un nouveau rôle, qui est, d'ailleurs,
très exigeant, de délaisser l'hôpital, de se rendre dans la
communauté et d'agir comme ressource-support. C'est effectivement un
nouveau rôle qui est en train de se dessiner pour eux.
M. Chevrette: On me dit qu'il me reste une minute. D'après
vous, qui reçoit le patient, qui devrait recevoir le patient?
Mme Doré: Au niveau d'une ressource? Je pense que...
M. Chevrette: Prenons...
Mme Doré: ...la porte d'entrée, en ce qui concerne
les hôpitaux, il en restera toujours une, mais qu'essentiellement iI
devrait y avoir une porte d'entrée dans la communauté. Les CLSC
ont un rôle très clair à ce sujet. Je pense qu'au moment
où la personne se présente on ne doit pas tout de suite la
diriger en service spécialisé parce qu'elle peut avoir besoin
d'un service-support beaucoup plus léger que les services d'un
psychiatre. Alors, je pense que cela devrait être au niveau des CLSC et
par un professionnel qui a une expertise en santé mentale, mais surtout
pas un psychiatre en première ligne.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président Ma question portait,
justement, sur cette porte d'entrée. Je pense que la réponse est
très claire.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, en
conclusion, M. le député.
M. Chevrette: Je tiens à vous remercier infiniment. Je
vous félicite de votre emballement, M. Trottier. Je pense que cela
dénote une confiance et une croyance fondamentale. Je tiens à
vous féliciter, continuez votre beau travail. SI jamais Mme la ministre
avait besoin de ressource, je pense que vous avez indiqué vos
couleurs.
Mme Lavoie-Roux: J'aurais une question à vous poser; Il me
reste quelques minutes, Je crois. Vous avez des expériences dans
l'ensemble du Canada à titre d'association canadienne. Quelle est votre
perception du travail de désinstitutionnalisation qui se fait dans les
autres provinces?
M. Trottier: Cela peut varier beaucoup d'une province à
l'autre. Si on pense, par exemple, particulièrement à ce qui se
fait en Ontario, ce n'est pas nécessairement beaucoup plus reluisant que
ce qui se fait ici et, en Saskatchewan, c'est semblable. Il y a eu un
mouvement, à un moment donné, très fort vers la
désinstitutionnalisation et c'est une désinstitu-tionnalisation
qui s'est faite à la va-vite, sans préparation du patient, sans
préparation du milieu dans lequel il était retourné, sans
préparation, si vous voulez, de programmes de soutien, etc. En Ontario,
il y a eu d'énormes difficultés qui se sont manifestées
jusqu'à tout récemment. Présentement, on commence à
revoir un peu ce problème de la déslnstltutionnalisatlon et on
commence à rechercher, justement, un peu plus de préparation. Je
dois vous dire que le ministère de la Santé de l'Ontario a
beaucoup utilisé les filiales et la division de l'Ontario de
l'Association canadienne pour la santé mentale pour le genre de
programme de soutien qu'elles peuvent
apporter. Globalement, donc, en Ontario, ce n'était pas si
reluisant que cela Jusqu'à récemment. En Saskatchewan, on me dit
que c'est la même chose; au Manitoba, vous savez qu'on a eu
d'énormes difficultés.
Alors, dans un sens, je pense que le problème que l'on eu de la
désinstitutionnalisation au Québec n'est pas unique. Si on avait
des exemples à suivre, il faudrait peut-être regarder du
côté de certains États américains, comme le Maine et
le Massachusetts, qui ont des programmes de désinstitutionnalisation
depuis 20 ans et qui en font de façon très rationnelle avec une
préparation des milieux, une préparation de clients et je dirais
même une préparation des Intervenants parce que, dans un sens,
quand on est à l'intérieur d'un hôpital et que subitement
on voit partir son monde, c'est un peu triste et on a l'impression qu'on vient
de perdre son rôle.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, de même que
l'association pour la présentation de son mémoire.
M. Trottier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Nous remercions
l'Association candlenne pour la santé mentale, division du
Québec, pour sa participation aux travaux de notre commission. Avant
d'appeler fe prochain groupe qui est l'Ordre des Infirmières et
infirmiers du Québec, on va suspendre tes travaux pour deux ou trois
minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 53)
(Reprise à 16 h 3)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Nous recevons, à la table des témoins, l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec représenté par
Mme Jeannine Pelland, présidente - Mme Pelland? - ...
Mme Pelland (Jeannine): Oui.
Le Président (M. Bélanger): ...par Mme
Thérèse Guimont, directrice générale; Mme France
Colin, vice-présidente - bonjour, madame! - et Mme France
Fréchette, conseillère. Bonjour!
Vous connaissez un peu nos règles de procédure. Vous avez
20 minutes pour présenter votre mémoire. Ensuite, chaque parti a
18 minutes...
Une voix: Pardon?
Le Président (M. Bélanger): Chaque parti a un temps
alloué pour poser des questions.
M. Rochefort: Je vais être bien précis, M. le
Président, cette entente de 18, 18 et 4 n'existe pas.
Le Président (M. Bélanger): Vous avez tout à
fait raison. Si vous avez remarqué, j'ai fait la correction.
M. Rochefort: Donc, on oublie cela.
Le Président (M. Bélanger): On oublie cela et on
continue.
Je vous inviterais donc à faire la présentation de votre
mémoire.
Ordre des Infirmières et infirmiers du Québec
Mme Pelland: M. le Président, Mme la ministre, mesdames et
messieurs les députés. Je vais lire notre mémoire. Il
n'est pas tellement long, d'ailleurs. Nous pensons que nous y avons dit
l'essentiel. Cela me donnera l'occasion également de faire certains
commentaires.
La santé mentale d'une population est sans doute une des
réalités les plus complexes à saisir, à
décrire et à enchâsser dans le cadre d'une politique.
L'extraire du domaine de la santé et des services sociaux ne peut se
justifier que par l'urgence de donner suite aux besoins de services dans ce
champ d'action trop souvent marginalisé, d'abord, à travers les
personnes qui sont atteintes ou perturbées, puis, dans l'attribution des
ressources humaines, matérielles et financières requises et,
enfin, à travers chaque citoyen aux prises avec ses propres peurs de la
maladie mentale.
Proposer un projet de politique pour la santé mentale de la
population, c'est démontrer une volonté politique d'agir. Aussi,
l'Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec soutient l'action
entreprise et celle à venir en soumettant à la ministre de la
Santé et des Services sociaux et aux membres de la commission des
affaires sociales les commentaires qui suivent.
Commentaires généraux. Étant en présence
d'un texte qui est soumis avant la parution du rapport de la Commission
d'enquête sur les services de santé et les services sociaux qu'on
a l'habitude d'appeler rapport de la commission Rochon, cette politique devra,
selon ses auteurs, s'ajuster aux conclusions de cette commission. Il est
d'ailleurs mentionné dans le contenu du projet de politique que le
comité a voulu laisser place aux conclusions de cette commission en
évitant de discuter les grandes questions et les débats
concernant les structures, le fonctionnement et le financement du
système de santé et des services sociaux.
Dans le contexte du questionnement de l'ensemble du système de
santé et des services sociaux, II est probablement explicable, mais
j'ajoute discutable également, qu'il ait quand même fait
référence, dans la politique, aux enjeux discutés dans les
documents de la corn-
mission Rochon. Cependant, dans ses commentaires, l'ordre veut bien
jouer le jeu et en faire abstraction parce que l'objectif poursuivi par le
présent mémoire est de contribuer à une
amélioration des services de santé mentale offerts à la
population du Québec, il faut toutefois apporter deux précisions
préalables.
Premièrement, l'ordre s'implique directement dans le processus
d'adoption d'une politique pour la santé mentale pour la population du
Québec; mais cette contribution ne saurait être
considérée comme une adhésion aux orientations et aux
changements éventuellement proposés par la commission Rochon dont
les résultats sont attendus, donc, encore Inconnus.
Deuxièmement, l'ordre tient à ce que la version finale de
la politique pour la santé mentale soit élaguée ou
formulée autrement des pages 20 à 27, car ces pages contiennent
des allégations qui jettent un blâme sans nuance tant sur les
intervenants que sur le système professionnel et nous ne pensons pas que
c'est l'objet de ta présente politique de se prononcer dans ce sens.
Nous recommandons cependant que les éléments sous le titre "Un
consensus à considérer" et les problèmes prioritaires
retenus tels qu'ils ont été énumérés aux
pages 22 et 23 devraient être conservés.
De plus, l'ordre est en désaccord avec la façon
d'interpréter les modes de pratique en institution. On ne tient pas
compte de plusieurs facteurs ayant déterminé l'évolution
des institutions, ni du contexte qui a contribué à leur
création, à leur maintien et à leur repliement sur
elles-mêmes. Là encore, le blâme porte sur les intervenants
et le système professionnel et cela ne peut sûrement pas
être vu dans un sens.
Il est donc recommandé que les trois paragraphes de la page 26
soient retranchés. Ce sont surtout ces parties du texte qui sont
susceptibles d'alimenter des conflits et de mener à des débats
stériles nuisant ainsi à la réalisation des objectifs
proposés. En effet, l'ordre adhère à l'ensemble du projet
de politique parce qu'il correspond à la connaissance que les
Infirmières et infirmiers ont de la problématique des personnes
atteintes de troubles mentaux, des services offerts dans le champ de la
santé mentale et des actions à entreprendre en prévention,
en réadaptation, de même qu'en formation et en recherche. Chacune
des parties du projet de politique sera discutée et fera l'objet de
commentaires.
Commentaires sur la première partie. Mis à part la
réserve et le désaccord formulés dans les commentaires
généraux, l'ordre considère que l'énoncé de
la problématique du point de vue des acteurs tient compte des
difficultés vécues par les personnes qui souffrent de
problèmes de santé mentale, par leur famille et leurs proches et
les intervenants. La situation et les réactions des communautés
sont également bien résumées et nuancées.
Au deuxième chapitre de cette première partie, les
problèmes qui ont fait consensus tiennent compte des
représentations de l'ordre à l'occasion de la sous-commission des
affaires sociales en juin 1985 et qui furent réitérées
à la commission Rochon en 1986. Nous ne pouvons donc qu'être en
accord avec tous ces commentaires. Les priorités qui en découlent
sont à retenir. L'ordre attire l'attention des membres de cette
commission sur le fait que la répartition inéquitable des
ressources humaines, matérielles et financières affecte les
Infirmières et Infirmiers et se répercute sur la qualité
des soins et des services offerts aux personnes et à leur famille.
Sans infirmières en nombre suffisant le jour, le soir et la nuit,
une Institution psychiatrique prend l'allure d'un asile. Par contre, les
conditions essentielles pour offrir des soins convenables n'existent pas, de
moins en moins d'infirmières acceptent d'y travailler.
Sans possibilité de rencontres avec les personnes et leur
famille, sans possibilité d'échanges, ni possibilité de
participer aux décisions, les infirmières ne sont pas en mesure
d'offrir les services requis aux personnes souffrant de problèmes
physiques. L'opérationalisation de cette politique requiert que les
infirmières se trouvent en nombre suffisant pour actualiser les
orientations choisies, certes, mais aussi pour offrir un milieu de vie et des
soins acceptables en Institution.
Commentaires sur la deuxième partie. Le premier chapitre
réussit à fournir de façon claire les notions permettant
d'appréhender la situation des personnes, te champ de la santé
mentale et le domaine de la santé mentale. Une précision pourrait
éviter l'ambiguïté créée au dernier paragraphe
de la page 36. Il est donc recommandé de le remplacer par le suivant:
Ces épiphénomènes requièrent une action
concertée de tous tes acteurs, leur importance et leur acuité
l'exigent/ C'est toujours avec la même approche que celte que nous avons
mentionnée tout à l'heure, c'est-à-dire avec l'intention
d'éviter les critiques pures et de faire porter le blâme et le
poids des effets de certaines interventions sur les intervenants du milieu.
Au deuxième chapitre, traitant de la responsabilité de
l'État en matière de santé mentale, l'idée de
partenariat n'est pas suffisamment définie. Il s'en dégage
plutôt une Impression de prise en charge totale par l'État, y
compris un soutien aux Initiatives du milieu. De plus, on prend la peine de
préciser que c'est dans le champ de la santé mentale que
l'État assumera les responsabilités qui lui sont
attribuées. On en vient à conclure que, dans le domaine de la
santé mentale, comprenant les épiphénomènes,
c'est-à-dire suicide, violence, alcoolisme, toxicomanie et les groupes
à risque, le rôle de l'État consiste à susciter les
coopérations. Le document dit que cette coopération doit
être d'abord entre les ministères et organismes et avec les
Intervenants.
Je ferai immédiatement une remarque que
j'aurais faite plus tard et je ferai, à l'occasion, certains
commentaires. Nous avons trouvé, tout au long du document, que le terme
"intervenant* n'est pas suffisamment défini. Il peut aussi bien inclure
les préposés aux bénéficiaires que les psychiatres,
les infirmières, les psychologues, les travailleurs sociaux, et il y
aurait avantage à préciser ce qu'on entend par intervenant Je
vais également profiter de l'occasion pour Insister sur le fait que, que
ce soit à l'occasion de la politique en santé mentale, dans le
cadre de la commission Rochon ou d'autres documents, H y a une urgence qu'une
décision politique soit prise concernant les intervenants dans le
système de santé. Entre autres, appliqué à la
politique en santé mentale, quels sont les Intervenants que l'on veut
voir évoluer? Quels sont les Intervenants que l'on trouve importants en
santé mentale? Peut-être que ce sont les travailleurs sociaux. Si
ce sont les travailleurs sociaux, qu'on soit très clair, ici ou
ailleurs, et qu'on le dise. Cela conditionnera la discussion qu'on aura
concernant la formation. Si ce sont les travailleurs sociaux qui sont les
intervenants à privilégier dans le système, on devrait les
former en très grande quantité; si ce sont les psychologues, on
devrait les former en très grande quantité; si ce sont des
psychiatres, ce sont eux qu'on devra former en plus grande quantité; si
ce sont des infirmières - vous vous y attendiez - ce serait
celles-là pour lesquelles ont devrait privilégier la formation.
(16 h 15)
Le troisième chapitre de cette deuxième partie
présente le choix d'un cadre de référence qui s'Inspire
des pistes de réflexion émises dans le document de la commission
Rochon sur le sujet L'ordre adhère aux objectifs généraux
et aux orientations spécifiques. L'action des infirmières en
santé mentale trouve son compte dans l'approche globale
préconisée et le déploiement de cette action dans
l'approche communautaire en sera soutenu.
Commentaires sur la troisième partie. Les moyens proposés
donnent lieu, de la part du comité, à des recommandations
spécifiques. Ils visent tant les acteurs que l'organisation des services
et les divers secteurs d'activité. Dans l'ensemble, les moyens
concordent avec les éléments de problématique
soulevés dans la première partie. Aussi, nous soumettons la
possibilité d'alléger la lecture en n'ayant plus à
reprendre les données qui les justifient. L'ordre s'en tiendra donc aux
modifications qu'il suggère quant à ces recommandations.
Nos commentaires sur la recommandation 2 qui porte sur le plan de
service individualisé. Il conviendrait, d'après nous, d'ajouter
que le plan de service Individualisé soit élaboré et mis
en oeuvre avec la participation de la personne concernée et celle de son
milieu, qu'il relève d'un intervenant déjà Impliqué
dans la situation d'en assurer l'élaboration, la continuité et la
coordination, et cet intervenant-là auquel on réfère,
c'est l'intervenant qu'on nomme à plusieurs reprises personne pivot, je
pense.
Nos commentaires sur ta recommandation 6 qui concerne le budget de
formation continue. L'ordre estime prioritaire qu'une augmentation des budgets
de formation continue en santé mentale soit envisagée. Cependant,
bien que 30 % semblent être une augmentation substantielle au premier
abord, son adéquation avec les besoins dépend du montant global
auquel ce pourcentage réfère. En plus il y aurait probablement
lieu, en nous référant à ce que je mentionnais tout
à l'heure, de préciser pour qui, pour quels intervenants, ces 30
%.
Par ailleurs, l'ordre voudrait qu'une recommandation soit
ajoutée: que chaque Infirmière oeuvrant en santé mentale
puisse avoir accès à un support continu sous forme de
supervision. Et quand je parle de supervision ici, il ne s'agit pas de laisser
entendre que l'infirmière ne peut pas travailler de façon
autonome. Je me réfère à une supervision clinique. Nous
sommes en santé mentale, nous sommes dans un milieu qui demande beaucoup
de la part des intervenants. On sait que c'est vidant. Alors, la supervision
que je demande et à laquelle les infirmières n'ont pas
accès, c'est de pouvoir faire valider leurs interventions par d'autres
Intervenants, par leurs collègues également, de pouvoir se faire
aider par d'autres intervenants et tout ça dans le but de pouvoir aider
davantage et mieux le bénéficiaire. Et si nous le mentionnons Ici
c'est que d'autres collègues professionnels ont recours à de tels
appuis et les infirmières n'y ont pas accès. En effet, disponible
pour les autres professionnels oeuvrant en santé mentale, cette forme
d'aide n'est pas fournie aux infirmières qui sont pourtant en contact
direct avec les personnes pendant de longues heures lorsqu'elles travaillent en
institution et si elles font partie de ressources hors les murs, ce sont les
personnes les plus atteintes qui leur sont confiées.
Nos commentaires sur la recommandation 7 qui concerne la révision
des programmes de formation. Que soit ajouté à la fin du premier
paragraphe "de concert avec chacune des corporations professionnelles
concernées*. Nous avons constaté tout au long du rapport qu'il
n'est pas fait question ou appel à la collaboration des corporations
professionnelles. Nous osons espérer que c'est une absence qui n'est pas
voulue. C'est un oubli. On ne mentionne qu'une fois une corporation
professionnelle - il s'agit de la Corporation professionnelle des
médecins - au moment de la formation continue. Alors, nous croyons que
les corporations professionnelles concernées ont un rôle important
à jouer.
De plus, il existe une confusion quant à la notion de
durée dans cette recommandation. Indique-t-on une priorité ou une
limite en inscrivant "deux ans* et "pour cinq ans"? S'il s'agit d'une
priorité, il faudrait formuler que, prioritairement, cette
révision soit complétée d'ici deux ans. Quant au
troisième paragraphe, il
ne Dent pas compte du fait qu'il existe déjà des
programmes de formation en santé mentale pour les
infirmières.
En définitive, les commentaires de l'ordre sur cette
recommandation sont de deux ordres: D'abord, ce n'est pas la révision
d'un programme qut pose le plus de problèmes. C'est très
important, mais l'accessibilité à ces programmes l'est encore
davantage. En effet, beaucoup plus d'infirmières doivent avoir la
possibilité de poursuivre leur formation aux différents niveaux
offrant des programmes adaptés à la pratique en santé
mentale, soit le certificat en milieu clinique avec option en santé
mentale, le baccalauréat en sciences Infirmières avec
concentration clinique en santé mentale, la maîtrise en sciences
infirmières avec spécialisation en santé mentale.
Pour réaliser cet objectif, II faut absolument tenir compte du
contexte dans lequel vivent et travaillent les Infirmières et fournir
une nouvelle impulsion par un apport financier et des conditions
d'études acceptables. Beaucoup d'entre elles sont grandement
intéressées à poursuivre des études pour lesquelles
des bourses d'études doivent leur être accordées. Ces
bourses seraient à l'avantage de tous si elles étaient assorties
de conditions telles que le retour en milieu clinique en santé mentale
pendant une certaine période de temps et leur répartition selon
les besoins des régions.
En outre, pour apporter un nouvel essor en nursing en santé
mentale, il faut une volonté manifeste d'augmenter le nombre
d'infirmières préparées à un niveau de
deuxième cycle universitaire. Ces personnes sont des agents de
changement, des agents multiplicateurs et des ressources importantes et
essentielles pour assurer l'enseignement aux autres niveaux.
Les milieux cliniques ont également besoin d'être
alimentés de personnes aptes à faire de la recherche, de
l'enseignement, de la programmation de services adaptés aux besoins des
personnes atteintes de problèmes psychiques.
En définitive, la révision des programmes ne pose pas tant
de problèmes. Les institutions d'enseignement la font de façon
continue. Par contre, le nombre d'étudiantes, la capacité de les
recevoir dans les programmes existants et la possibilité de rendre des
programmes disponibles en régions sont les préoccupations
concrètes qut doivent trouver un appui financier adéquat.
En conséquence, l'ordre recommande que le ministère de la
Santé et des Services sociaux, de concert avec le ministère de
l'Enseignement supérieur et de la Science réserve une somme
substantielle dans les prochaines années à l'attribution de
bourses d'études aux infirmières voulant acquérir une
formation spécialisée de deuxième cycle universitaire en
santé mentale dans le cadre d'un programme en sciences
infirmières, que l'attribution de ces bourses d'études soit
assortie de conditions comportant le retour en milieu clinique en santé
mentale, l'enseignement en santé mentale et une répartition
régionale équitable.
Nos commentaires sur la recommandation 19 qui a rapport à
l'accès à la gamme des services prévus dans la
politique.
Le Président (M. Joly): Une minute, s'il vous
plaît!
Mme Pelland: D'accord.
Le Président (M. Joly): Vous pouvez continuer, mais si
vous vouliez conclure parce qu'il ne vous reste que deux minutes dans la
période de temps qui vous était impartie.
Mme Pelland: Ah! Je n'ai que deux minutes. C'est ça que
vous vouliez dire?
Le Président (M. Joly): Oui.
Mme Pelland: Alors, là, vous me posez un
problème.
Nos commentaires sur les recommandations 19, 20, 28, 30 et 31, je les
passe, je pense qu'elles sont toutes Importantes. Je souhaite qu'elles aient
toutes retenu votre attention. Nous arrivons à la conclusion que nous ne
pouvons passer sous silence les réactions qu'a suscitées ce
projet de politique. En prendre connaissance a produit, chez certains qui ont
travaillé depuis plusieurs années dans le domaine et le champ de
la santé mentale, une impression de retour en arrière, de retour
au grand mouvement vers la psychiatrie communautaire qui s'est heurté
aux résistances tant de la population que des structures
gouvernementales.
Pour d'autres, rien n'est bien nouveau dans ce qui est proposé.
On a eu l'impression qu'on a essayé de ménager beaucoup de
choses, Dans toutes les réactions, il y a eu le souhait exprimé
de vouloir échapper tant au retour en arrière qu'au statu
quo.
Le fait d'adopter pour ta première fois au Québec une
politique pour la santé mentale marque un pas, c'est Indéniable.
L'ordre se doit de l'appuyer et il se considère un des partenaires dans
sa réalisation. Il faut toutefois rappeler aux membres de cette
commission que les Infirmières doivent occuper des positions
stratégiques et détenir un pouvoir de décision qui leur
permette de jouer leur rôle en santé mentale et d'assurer la
qualité de leurs services à la population du Québec.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je vais maintenant
reconnaître Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, Je veux remercier
l'Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec pour sa
participation aux travaux de la commission.
Le temps étant limité pour tes questions, il
y a des recommandations que vous avez faites au point de vue de la
formation qui sont intéressantes. Il y a des précisions que vous
avez apportées. Vous vous demandiez si on les retiendrait. Vous avez
été obligée de les escamoter un peu. Je peux vous assurer
que nous allons en prendre bonne note.
J'aimerais mieux prendre le temps qui m'est alloué pour vous
demander... Je vais vous donner ma perception du rôle de
l'infirmière dans le domaine de la santé mentale, mais ]e
voudrais que vous le corrigiez ou que vous le complétiez. Je sens chez
vous une certaine Inquiétude qui est d'ailleurs un peu
résumée dans la dernière phrase du mémoire. Pour
moi, l'infirmière ou l'infirmier dans le domaine de la santé
mentale intervient certainement dans les milieux hospitaliers, que ce soit les
hôpitaux de longue durée, à l'urgence ou dans un
département d'un hôpital de courte durée. J'imagine aussi
qu'ils doivent Intervenir dans les CLSC, soit comme équipe de
première ligne ou encore par un suivi qu'ils font dans les familles ou
autrement, même avec des personnes âgées et ainsi de suite.
J'aimerais vous demander combien il y a d'Infirmiers et d'infirmières
dans l'ordre qui se sont vraiment spécialisés en santé
mentale et quels sont les autres domaines d'activité que vous voyez pour
les Infirmiers et infirmières parce que vous dites... Je vais reprendre
votre parole: II faudrait qu'ils aient un rôle... Enfin, elles doivent
occuper des positions stratégiques. Je voudrais savoir quelles sont ces
positions stratégiques. Je voudrais également vous poser une
question sur le pouvoir de décision que vous dites ne pas avoir, ce que
je peux comprendre dans certaines circonstances, mais que, comme règle
générale, votre participation aux décisions soft à
peu près nulle selon... C'était dans la première partie de
votre mémoire. Cela m'a aussi surprise. Je voudrais juste avoir vos
réponses à ces commentaires et je reviendrai tout à
l'heure.
Mme Pelland: Je vais commencer à répondre et je
passerai la parole à mes compagnes après cela.
C'est un fait, madame, que les infirmières, dans l'ensemble du
réseau, oeuvrent beaucoup plus dans les centres hospitaliers de courte
durée et de soins prolongés. Elles sont là à 75 %.
Mors, en santé mentale, elles sont également plus nombreuses dans
les centres de soins prolongés. Elles sont également dans les
CLSC avec une préparation moins orientée vers la santé
mentale, mais beaucoup plus vers la santé communautaire. Jusqu'à
maintenant, on a peut-être fait une division de préparation,
santé communautaire et santé mentale, qui serait peut-être
à revoir.
Tout à l'heure, je vais laisser ma compagne de droite vous dire
leur rôle dans ce milieu, mais avant j'aimerais peut-être
répondre tout de suite au questionnement que vous avez concernant le
rôle stratégique qu'on voudrait Jouer. Je pense que je ne peux pas
séparer le rôle stratégique et le pouvoir de
décision que l'on apporte, et que l'on a de moins en moins, des
événements qu'on a vécus ces dernières
années, c'est-à-dire du pouvoir de plus en plus grand que nos
collègues les médecins prennent dans les milieux. Je pense que
vous n'êtes pas surprise de m'entendre vous dire cela aujourd'hui parce
que ces pouvoirs leur ont été donnés par la loi 27. Ils
ont pris quelque temps à s'en rendre compte, mais depuis qu'ils s'en
sont rendu compte, je pense qu'un peu partout, y compris en santé
mentale où c'était déjà commencé d'ailleurs,
cette attitude est beaucoup vécue par les infirmières. Cela
répond à votre question, que l'on sent de moins en moins grand ce
pouvoir de décision. On le sent de moins en moins grand dans tes
institutions de santé mentale comme on le sent de moins en moins grand
dans les autres institutions. (16 h 30)
Ce que nous voudrions avoir, donc, rectification de ce qui est en train
de s'implanter, et nous souhaiterions que cela ne s'implante pas de
façon trop rigide, donc, qu'on apporte des corrections assez rapidement.
Le rôle stratégique que nous voudrions avoir, c'est un rôle
stratégique que nous avons joué jusqu'à maintenant, un
rôle stratégique de planification, d'organisation, de
coordination, de contrôle, d'évaluation des soins infirmiers qui
est en train de nous glisser entre les mains. Je pense que nous sommes
préparés pour le faire, nous l'avons fait jusqu'à
maintenant. On ne nous a pas fait la preuve que nous n'avions pas réussi
à le faire et il est en train de nous échapper.
Quant au rôle, j'aimerais que ma compagne de droite vous
l'explique.
Mme Frechette (France): Je pense que vous avez demandé
d'ajouter, s'il y a lieu, aux différents lieux d'intervention des
infirmières. Vous avez mentionné les centres hospitaliers, les
CLSC. Je pense qu'en centres d'accueil d'hébergement il y a un
rôle important que les infirmières jouent auprès des
personnes qui ont besoin de protection sociale et de soins infirmiers, mais
aussi en centres de réadaptation où elles auraient un rôle
à jouer. Disons qu'elles le jouent de moins en moins parce qu'elles ont
été plus reléguées à des soins physiques
dans ces centres. C'est par la dynamique des choses. Elles ont
été, peu à peu, remplacées par du personnel ayant
d'autres types de formation. Sous l'effet des coupures budgétaires,
elles se sont retrouvées en moins grand nombre. Donc, elles sont aux
prises avec des situations plus d'urgence physique, par exemple. Il y a les
centres d'Intervention de crise qui sont créés, auxquels, je
pense, les infirmières peuvent apporter beaucoup.
Vous avez posé la question: Combien d'infirmières ont une
formation spécialisée en santé mentale?
Mme Lavoie-Roux: Vous Insistez beaucoup sur ce point-là;
alors, je voulais savoir.
Mme Fréchette: Oui. En fait, il y a au-delà de 30 %
des Infirmières qui, au-delà de leur formation de base en
nursing... Elles représentent, dans le domaine de la santé
mentale, entre 1200 et 1500 infirmières; cela est au-delà de la
formation de base, ai-je dit, c'est-à-dire qu'elles détiennent au
moins un certificat en nursing clinique. SI on prend le premier niveau de
formation universitaire, le premier cycle, le baccalauréat, la
proportion diminue de beaucoup pour aller peut-être à 10 %. La
proportion d'infirmières préparées au deuxième
cycle diminue encore de beaucoup. En consultant les dernières
statistiques de l'ordre, j'ai pu constater qu'on est, actuellement, environ 60
infirmières qui travaillent dans le domaine de la santé mentale
et qui détiennent un niveau de deuxième cycle universitaire.
Cependant, il faut mentionner que ta proportion des infirmières qui ont
plus que leur formation de base est très différente dans les
centres urbains et dans les régions périphériques. On peut
dire que, dans les centres urbains, on peut avoir 45 % des Infirmières
qui détiennent une formation additionnelle à leur formation de
base et spécialisées en santé mentale, tandis qu'en
région périphérique on a moins de 10 % des
infirmières qui travaillent en santé mentale et qui ont une
formation additionnelle à leur formation de base. C'est un peu la
problématique qu'on voulait faire ressortir. Il existe d'autres
caractéristiques, mais je pense que cela dresse le tableau
d'ensemble.
Lorsque je mentionne 3500 ou 3700 infirmières, c'est pour le
domaine de la psychiatrie comme tel parce que, dans nos statistiques, nous
colllgeons les données pour la gériatrie. On a autant
d'Infirmières qui oeuvrent auprès de personnes qui sont dans les
centres gértatriques que dans les centres psychiatriques.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je voudrais poser une autre
question à Mme Pelland-Beaudry. Au cours de vos remarques, vous avez
exprimé le souhait que soient déterminées les fonctions
respectives de chacun en santé mentale. Vous avez dit: Si ce sont des
travailleurs sociaux, bien qu'on le dise et on formera des travailleurs
sociaux; si ce sont des psychologues, qu'on le dise et on formera des
psychologues, etc., etc.
Je ne crois pas que je doive conclure de cette affirmation que vous
pensiez qu'en santé mentale ce doit être le fief d'une profession
en particulier parce que l'approche est vraiment interdisciplinaire. C'est pour
cela que ]e voudrais que vous développiez davantage le souhait que vous
avez exprimé.
Mme Pelland: Ce n'est pas tout à fait cela que j'ai voulu
dire vraiment. Quand j'ai mentionné cela, c'était dans le cadre
de l'utilisation du terme "Intervenant" dans la politique de la santé
mentale et ce terme n'est pas assez défini; alors, on peut l'appliquer
à toutes sortes de personnes qui travaillent en santé mentale. On
souhaitait que ces personnes soient mieux définies, que ce terme soit
mieux défini. C'était également pour mentionner qu'il y a
probablement une catégorie de professionnels, une catégorie
d'intervenants qui n'est pas encore définie, mais dont on a plus besoin,
qui doit être un peu la trame de fond du service en santé mentale.
On a l'air de ne pas vouloir en parler. Nous pensons que les infirmières
sont quand même des intervenantes Importantes et on ne leur donne pas
suffisamment de place. Ce sont des intervenantes qui peuvent Intervenir en
santé mentale, mais il ne faut pas oublier que, en santé mentale,
ce sont des individus qui sont des êtres totaux, qui ne sont pas
uniquement des êtres présentant des problèmes de
santé mentale. Il faut aussi s'en occuper à tous les points de
vue en essayant de satisfaire les besoins de ces individus. On a l'air
d'oublier cet aspect de la totalité des besoins d'un individu et le
rôle de l'infirmière dans la satisfaction de l'ensemble des
besoins d'un individu, puisqu'elle est une généraliste. En
santé mentale, on pense que c'est une intervenante importante. C'est ce
que j'ai voulu dire dans mon explication. On a l'air de marcher sur des oeufs,
de ne pas vouloir se compromettre, de ne vouloir faire de peine à
personne, mais on ne mentionne pas non plus les Intervenants Importants en
santé mentale. Cette remarque, je l'ai étendue au fait que, dans
l'ensemble du système - on pouvait le dire ici, mais on peut le dire
également - on n'a pas encore pris position suffisamment sur* la sorte
d'intervenants de la santé dont on a besoin et on parle de leur
formation.
Mme Lavoie-Roux: Je suis un peu d'accord avec vous pour le terme
"intervenant". Je pense que c'est un terme passe-partout que le système
s'est donné il y a X années pour parler de tous les gens qui
interviennent dans le domaine. Sans vouloir interpréter outre mesure
l'esprit du rapport Harnois, je pense que ces gens ont Indiqué au point
de départ qu'ils ne voulaient pas d'abord appuyer plus qu'il ne fallait
sur les structures, ne pas entrer dans des batailles de corporations.
Même si vous dites au début qu'ils y vont un peu fort vers la page
26 où Ils accusent différents intervenants de peut-être
avoir contribué à ne pas donner la qualité de services qui
aurait dû être donnée, |e pense qu'il faut constater dans la
réalité que l'un des problèmes - et oublions la
santé mentale pour un moment - du réseau de la santé en
général, c'est justement quelquefois la trop grande
rigidité et le manque de flexibilité pour l'intervention que...
J'imagine que cela peut même arriver dans le domaine de la santé
physique. Je pense que c'est cela qu'ils ont voulu éviter, ce qui ne nie
pas te rôle que les Infirmières, psychiatres,
psychologues et travailleurs sociaux, etc. peuvent y jouer ou d'autres,
comme les bénévoles. Une foule de gens peuvent Intervenir dans ce
domaine-là.
Je vais vous poser la question directement. Vous croyez qu'il devrait y
avoir une personne quf soit la pierre d'assise - ce n'est pas ce que vous avez
dit - dans l'approche de traitements ou de l'intervention. Est-ce que, pour
vous, cela devrait être l'infirmière, le psychiatre ou quelqu'un
d'autre ou si, au contraire, c'est un rôle qui pourrait être
mouvant, selon les circonstances?
Mme Pelland: Je n'avais pas terminé... Mme Lavoie-Roux:
Ah! Je m'excuse.
Mme Pelland: Non, non, ce n'est pas votre faute, c'est que je
n'ai pas continué. Votre question comprenait également une
demande par rapport à la multidisciplinarité, ce que j'en pense.
L'infirmière, dans le système de santé et en santé
mentale a un rôle important. Je pense que c'est la professionnelle la
plus disponible à l'heure actuelle et la plus généraliste
pour répondre à l'ensemble des besoins. Je me suis
arrêtée à cela, mais j'aurais dû continuer. Par
contre, cela ne nous empêche pas de voir que le travail en santé
mentale doit être un travail en multidisciplinarité. Je vais
répondre dans le sens d'une question qu'a posée M. Chevrette tout
à l'heure aux gens qui nous ont précédées. En
multidisciplinarité, il n'y a pas un intervenant, entre autres, en
santé mentale, qui doit être privilégié, puisque
aucun des intervenants n'est là pour lui-même. On n'est pas
là pour promouvoir ce qu'on a à faire, on est là pour un
bénéficiaire. Je vais enlever le terme à ma compagne, on
parle d'un leadership circulant en santé mentale comme on en parle
ailleurs. Cela devrait être la personne la mieux préparée
ou la mieux apte, au moment où le bénéficiaire en a
besoin, à rendre le service qui devrait assumer le leadership. Donc,
nous voyons que cette multidisclplinarité est nécessaire.
L'infirmière a un rôle à jouer en
multidisciplinarité, mais, dans l'ensemble des services à rendre
en santé mentale, je pense que l'infirmière a un rôle
très important à cause de son côté
généraliste.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de JoJiette.
M. Chevrette: Merci. Je n'ai pas tellement bien compris votre
réponse à Mme la ministre. Cela a peut-être satisfait Mme
la ministre, mais cela ne me satisfait pas. Une position stratégique et
un rôle important, je veux savoir exactement si c'est parce que vous vous
êtes fait empiéter... J'aimerais que vous nous disiez cela bien
simplement. Les docteurs ont-ils empiété sur vous autres et cela
vous choque parce que vous avez un champ de juridiction et vous le voulez
entièrement ou si c'est parce que vous avez peur de perdre quelque chose
ou si vous l'avez perdu et vous voulez le reconquérir? C'est ma
première question précise.
Ma deuxième, c'est sur la multidisciplinarité. Vous vous
êtes empressées de répondre a priori à une question
que j'allais vous poser a posteriori, mais je vais la poser à nouveau.
SI tout le monde est égal dans la multidisciplinarité, pourquoi
avez-vous peur de votre statut?
Mme Pelland: Je pense que ce sont deux choses différentes.
La multidisciplinarité, c'est une équipe directement
orientée vers les soins à un bénéficiaire. Vous
avez le bénéficiaire et vous avez cette équipe en
multidisciplinarité. Puisque j'ai répondu avant que vous me
posiez la question, je vais répondre un peu par ce que j'ai dit à
Mme la ministre tout à l'heure. Dans cette équipe de soins
directement orientée vers les soins à un
bénéficiaire ou à un groupe de
bénéficiaires, dans l'équipe multidisciplinaire, tous ont
un rôle important à jouer. Ce sont toutes des personnes...
M. Chevrette: Je vous arrête pour que vous puissiez
préciser. Vous avez beau être assis tout le monde ensemble dans
une équipe multidisciplinaire, vous avez à définir un plan
de traitement individualisé à un moment donné.
Mme Pelland: Oui.
M. Chevrette: Bon! Chacun a un rôle précis à
jouer...
Mme Pelland: C'est cela.
M. Chevrette: ...dans un plan individualisé. Quel
rôle stratégique et important voulez-vous jouer? C'est ce que je
veux savoir.
Mme Pelland: Le rôle stratégique et important, je
vais l'élargir au-delà de cela.
M. Chevrette: D'accord.
Mme Pelland: Si vous voulez, je vais parler de cette
multidisciplinarité dans l'équipe de soin. Tous les rôles
de tous tes professionnels sont importants, chacun avec sa préparation
et ce qu'il peut apporter. Et là, je reviens au fait que c'est la
personne qui peut rendre le meilleur service au moment où le
bénéficiaire en a besoin qui devrait assumer le leadership. Dans
cette équipe, le rôle de l'infirmière, je dis qu'en plus
d'être un rôle préparé en santé mentale, c'est
aussi un rôle de généraliste. On s'en rend compte
très souvent. C'est la personne qui va peut-être faire penser aux
autres que le bénéficiaire a des besoins autres que ceux
présentés par son problème de santé mentale. C'est
un être physi-
que aussi, c'est un être biologique, cela. Et le rôle de
l'infirmière est donc très important. Il y a une facette qui est
différente du service apporté par les autres. Et je pense que ce
n'est pas suffisamment reconnu à l'Infirmière. (16 h 45)
Son rôle stratégique, maintenant, dans l'ensemble du
domaine de la santé mentale, si vous voulez, je l'ai donné comme
un rôle de planification. C'est un rôle qui va au-delà de
simplement ce qui est fait dans une équipe autour du
bénéficiaire. C'est un rôle de responsabilité
à l'intérieur d'une institution, un rôle à
l'Intérieur du système, un rôle de planification,
d'organisation, de contrôle, puis d'évaluation. C'est beaucoup
plus large et Je souhaite que nous ayons la chance de continuer à jouer
ce rôle à certains endroits parce que nous avons encore la chance
de le jouer - c'est ce qu'ont fait les soins Infirmiers jusqu'à
maintenant - et qu'aux endroits où nous n'avons plus la chance de le
Jouer nous puissions le jouer de nouveau.
M. Chevrette: Je vais partir autrement, je vais recommencer
l'exercice. Quels pouvoirs avez-vous perdus?
Mme Pelland: Des pouvoirs sur des décisions concernant les
soins infirmiers. Je me sens un peu mal à l'aise d'avoir à vous
rappeler...
M. Chevrette: Soyez bien à l'aise. On sait que c'est nous
qui avons adopté la loi 27.
Mme Pelland: Là, vous me soulagez.
M. Chevrette: Je vais vous enlever l'épine du pied.
Mme Pelland: Vous me soulagez parce que je me devais de vous le
rappeler. Vous vous souvenez qu'on a donné à une certaine
catégorie d'Intervenants, et quelques-uns ne sont pas
intéressés du tout à le faire, je pense, et il y en a
d'autres qui le prennent un peu trop à la lettre... Je ne veux pas les
blâmer parce que ce sont des personnes, dont quelques-unes s'en foutent
beaucoup, avec lesquelles on travaille très bien et d'autres qui le
prennent trop à la lettre et qui nous compliquent beaucoup la vie.
Ces pouvoirs sont des pouvoirs de décision sur tout ce qui est
à l'intérieur d'un service, c'est-à-dire là
même où les décisions se prennent concernant un
bénéficiaire et des groupes de bénéficiaires sur
tout ce qui est ressource matérielle, humaine et financière. Cela
concerne les soins infirmiers. Ce sont les ressources matérielles,
humaines et financières concernant les soins infirmiers et vous nous
demandez ce qu'on a perdu. À certains endroits on a perdu la
possibilité pour les infirmières responsables de ces services de
pouvoir décider. On pense que les bénéficiaires en
souffrent. Je ne sais pas si c'est plus clair.
M. Chevrette: Cela s'en vient, en tout cas. Vous commencez par
admettre que vous avez perdu des choses dans certains milieux.
Mme Pelland: Dans certains milieux, oui.
M. Chevrette: D'accord. À partir d'une reconnaissance
juridique de la loi 27.
Mme Pelland: Exactement
M. Chevrette: Utilisée dans certains
établissements, pas utilisée dans d'autres. A partir de cette
allégation...
Mme Pelland: Mais qu'on pourrait utiliser partout, cependant.
M. Chevrette: Oui, j'ai bien compris cela parce que, si on
l'utilise sur une base légale quelque part, on va s'en servir ailleurs,
soyez sans crainte. Les gouvernements sont là pour les amender quand II
y a abus.
Ceci dit, à la page 26 du...
Mme Lavoie-Roux: Bien peu.
M. Chevrette: ...rapport du Dr Harnois, vous semblez vous
Insurger contre trois paragraphes. Je les ai relus bien attentivement te temps
que vous avez fait votre référence et à vous
écouter répondre à mes questions et aux questions de la
ministre, je suis surpris que vous ne soyez pas entièrement d'accord
avec ces trois paragraphes. Cela m'a surpris. Entre autres, le
troisième: "Toutefois, les différentes catégories
d'intervenants, faute de pouvoir s'Inscrire dans une démarche continue
et coordonnée, ont cherché à s'approprier
l'exclusivité d'un secteur d'intervention." Vous venez de me dire que
c'est à peu près cela que les docteurs faisaient dans certains
milieux, à votre détriment. Je trouvais cela correct,
j'étais à un des passages où je voulais féliciter
le Dr Harnois d'avoir vu Juste et vous m'avez fourni la réponse disant
que c'était à peu près cela qui existait et vous avez pris
la peine de vouloir les soustraire.
Il y a un autre paragraphe en dessous qui est le "fun" aussi: "Les
façons de faire se sont aussi cristallisées dans des formes
rigides." C'est à peu près cela que vous m'avez dit tantôt.
J'aimerais que vous m'expliquiez cela. Est-ce parce que vous craignez que cela
puisse jeter un ombrage sur les corps professionnels? C'est ce que j'ai cru
deviner. Mais quand quelque chose est vrai et que cela se passe dans un bon
nombre d'institutions, il n'y a pas de mal à le dire. Je ne comprends
pas votre argumentation par rapport aux réponses que vous avez
données par la suite. J'aimerais que vous m'expliquiez cela.
Mme Frechette: En fait, ce n'est pas aussi
contradictoire que ça peut paraître l'être au premier
abord. Dans la réponse qu'on apporte en regard de la position
stratégique qu'on voudrait voir occupée par les
Infirmières, en ce qui concerne les soins infirmiers dans un
établissement en psychiatrie, on ne veut pas non plus défendre
qu'il y ait une corporation... On ne défend pas le corporatisme, on
défend les services aux bénéficiaires.
Je n'avais pas Interprété personnellement les trois
paragraphes que vous mentionnez comme jetant le blâme sur une
catégorie d'intervenants particulièrement, mais sur l'ensemble
des intervenants, particulièrement l'ensemble des professionnels. C'est
pour cela qu'on disait que, finalement, faire porter le blâme sur les
intervenants dans un projet de politique, c'est..
M. Chevrette: Mais comme individu, si je vous demandais cela pour
certaines institutions, en relisant les trois paragraphes de la page 26, si
j'étais seul avec vous, me diriez-vous que ce n'est pas vrai ce qui se
passe là?
Mme Frechette: Cela demande à être nuancé.
L'expérience que j'ai vécue avec l'institutionnalisation me fait
porter beaucoup de nuances parce que le rôle qui a été
joué par les intervenants a été aussi la contrepartie d'un
rôle non joué par la société ou la réponse
des intervenants à un rôle que la société voulait
bien leur faire jouer. Je pense que chaque intervenant se débat avec les
moyens dont H dispose dans ces situations pour établir un certain
compromis entre les demandes de la société et les besoins du
bénéficiaire. Je pense que cela fait partie d'une
réalité très concrète en santé mentale.
Je vois que, effectivement, vous avez là de quoi apporter un peu
de piquant pour nous piéger par rapport à une affirmation qu'on a
faite. Il reste que les Institutions ont joué un rôle. On voulait
Indiquer que le projet de politique en vient à faire porter le
blâme sur une partie des acteurs de sorte que, dans les solutions, les
acteurs n'ont plus un droit légitime au chapitre dans leurs
interventions.
M. Chevrette: Si j'avais eu une question piège, cela
aurait été la survante, et je ne vous la poserais pas. Au
début de votre exposé, vous disiez qu'il y avait une très
grande volonté politique de changement et, dans le résumé
qu'on fait de votre rapport, vous demandez à quatre reprises de
manifester la volonté politique de changement par rapport au nursing. Il
y a deux ou trois allégations, par la suite, où vous dites que
cela prendrait une volonté politique clairement exprimée,
après avoir dit au début que la volonté politique
était manifeste, claire et précise. Je ne la poserai pas comme
question piège.
Je voudrais maintenant terminer avec un commentaire. Je voudrais vous
dire que je suis entièrement d'accord avec vous concernant le
perfectionnement. Durant mon bref passage au ministère des Affaires
sociales, je n'ai jamais compris pourquoi tous les travailleurs des secteurs de
la santé et des services sociaux n'étaient pas traités
équitablement par rapport à d'autres secteurs du gouvernement en
ce qui regarde le perfectionnement. Je pense à l'Éducation, par
exemple, où on négociait des pourcentages de la masse salariale
assez Importants pour permettre à des dizaines, quinze ou vingt
personnes même, par commission scolaire d'aller se perfectionner alors
que, dans le domaine hospitalier, c'est très maigre, très pauvre.
Je trouve cela inacceptable. Soyez assurées que toute
amélioration dans ce sens, en ce qui me concerne, sera appuyée
par l'Opposition.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Des questions
toujours entourant ce statut, ce rôle, ce partage des
responsabilités autour de votre profession, reliées à une
recommandation que vous faites à la page 6. J'ai de la misère
à comprendre par rapport à tout le débat qu'on a depuis le
début des questions. À la page 6, concernant la recommandation 6,
page 71 du rapport Harnois, vous dites: "Par ailleurs, l'ordre voudrait que
soit ajoutée une recommandation: que chaque infirmière oeuvrant
en santé mentale puisse avoir accès à un support continu
sous forme de supervision." J'aimerais savoir ce que vous voulez dire.
Mme Pelland: Je pense l'avoir un peu expliqué tout
à l'heure. Avec cette supervision, je ne veux pas faire allusion au fait
que l'infirmière ne peut pas jouer son rôle adéquatement,
qu'elle a besoin d'être surveillée par quelqu'un. Ce n'est pas
cela du tout. Le genre de supervision à laquelle on réfère
ici est une supervision clinique du service qu'elle rend, de la qualité
du service qu'elle rend, de la valeur du service qu'elle rend. C'est un peu la
possibilité d'avoir une validation par des collègues, que ce soit
de sa discipline, des infirmières, ou par d'autres collègues de
l'équipe disciplinaire. Et c'est une aide, en sorte, à laquelle
elle devrait avoir accès pour donner un meilleur service aux
bénéficiaires et pour vérifier la qualité du
service qu'elle donne aux bénéficiaires. Et je faisais remarquer
que ça se fait. Nos collègues psychologues font ça entre
eux. Les psychiatres font ça entre eux. Et les Infirmières sont
considérées comme étant des intervenantes auxquelles on
demande beaucoup et pour lesquelles on ne voit pas cette
nécessité de demander une intervention de supervision chez les
autres. Cela semble être...
M. Rochefort: Si je vous comprends bien, vous souhaitez plus, au
fond, une participation active à l'intérieur et de la part du
groupe multidisciplinaire par rapport à ce que vous avez
à faire qu'une supervision de type hiérarchique, par
exemple,
Mme Pelland: Oui, exactement. M. Rochefort: Vraiment.
Mme Pelland: Je ne réfère pas à une
supervision de type hiérarchique de gestion ou d'administration, pas
nécessairement ça.
M. Rochefort: C'est vraiment, finalement, une façon...
Mme Pelland: De type clinique.
M. Rochefort: C'est vraiment, au fond, une façon de nous
dire autrement que ce que vous faites ailleurs dans le mémoire, que
là aussi, au fond, vous voulez avoir un rôle plus important
à tout point de vue dans le groupe multidisciplinaire. C'est
ça?
Mme Pelland: Oui. Je pense que Mme Fréchette peut
peut-être ajouter quelque chose. Elle a quand même vécu ces
expériences-là de supervision. Je la laisse...
Mme Fréchette: En fait, dans le secteur de la santé
mentale alors que la supervision... C'est un peu dans le jargon des
intervenants, des professionnels en santé mentale, le terme
'supervision" comme tel et il peut prêter à confusion lorsqu'on le
sort de son contexte. Étant aux prises avec toutes sortes de
problématiques avec les bénéficiaires, de relations
d'aide, des situations cliniques complexes et des situations parfois
pénibles à assumer avec les bénéficiaires et leurs
familles, les intervenants, les professionnels ont naturellement besoin de
poursuivre une certaine démarche ou un cheminement personnel qui leur
permet d'apprendre et de composer avec les situations et d'évoluer tout
au cours de leur carrière en santé mentale. C'est un appui
à l'Intervenant, mais qui, malheureusement, n'est pas aussi reconnu
comme nécessaire aux infirmières à qui pourtant on confie
des malades souvent très atteints à cause des capacités
qu'elles ont de faire face à certaines situations.
Mais, maintenant, il existe de plus en plus de postes
d'Infirmières cliniciennes spécialisées en santé
mentale qui assument une partie de ce rôle de supervision-là.
Mais, comme elles ne sont pas en nombre très grand dans le moment,
évidemment elles font face à d'autres priorités dans les
milieux de soins. Elles aident à solutionner les problèmes
cliniques plus complexes, à faire en sorte qu'il y ait des situations de
crise qui se résorbent de la façon la plus harmonieuse possible
dans les milieux et elles assument une partie de la supervision avec une
certaine partie du personnel. Mais, comme leur nombre est quand même
assez restreint, la proportion du temps qu'elles peuvent accorder à la
supervision est limitée aussi. C'est ce qu'on voulait faire valoir et ce
sont des commentaires qui nous sont souvent faits par des infirmières
qui oeuvrent dans le domaine de la psychiatrie.
Une voix: Mme Guimont.
Mme Guimont (Thérèse): J'ajouterais ceci à
ce que Mme Pelland ainsi que France Fréchette ont dit à ce
sujet-là. Quand on dit qu'on veut que l'Infirmière ait un
rôle un peu plus stratégique, il faut lui donner des
possibilités. Moi, je peux vous donner un exemple très concret.
L'an dernier le ministère nous a demandé de trouver des
infirmières pour faire partie d'un comité pour l'implantation
d'une formule d'évaluation des bénéficiaires. Eh bien,
croyez-le, c'est l'ordre qui a dû payer le remplacement de ces
infirmières-là! Autrement, elles ne pouvaient pas faire partie de
comités et elles sont essentielles parce que ce sont elles qui utilisent
ces formules-là. Alors, il y a un malaise très très
sérieux dans les Institutions à tous les niveaux où
l'infirmière, c'est bien malheureux, mais on ne peut jamais lui faire
laisser sa clientèle dans les milieux hospitaliers... Dans les centres
d'accueil, c'est dix fois pire parce que vous ne pouvez pas dire à un
bénéficiaire qui a besoin d'un traitement ou d'un soin: Je
regrette, je vous passerai demain entre 9 heures et 10 heures. Ça ne se
fait pas pour une Infirmière, ça peut se faire pour tous les
autres intervenants de la santé. (17 heures)
Pour les études c'est la même chose. Si on veut faire
partir une Infirmière et qu'on lui donne une certaine subvention, on
vient nécessairement de doubler son salaire parce qu'on est
obligé d'en avoir une autre pour la remplacer. Nous l'avons
déjà dit, une infirmière, c'est un service essentiel.
M. Rochefort: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laurier.
M. Sirros: ...qu'il reste du temps, M. le Président.
J'aimerais peut-être très brièvement vous entendre
expliquer le rôle de l'infirmière et tout le processus de
désinstitutionnalisation. On a parié beaucoup, au début,
des lieux de travail des Infirmières, etc. J'aimerais vous entendre
expliquer ces deux choses-là: le rôle de l'infirmière et le
processus de désinstitutionnalisation.
Mme Pelland: C'est un très bon exercice. Je vais laisser
ma compagne de droite en parler, mais je vais d'abord vous mentionner qu'en
1985 devant la sous-commission nous en avions déjà largement
parlé. Nous ne dirons pas grand-chose de nouveau depuis ces deux
années et demie. Je demande à ma compagne de droite d'en
parler.
Mme Frechette: En plaçant l'Infirmière - disons
qu'il faut la situer quelque part - à l'Intérieur de
l'institution, est-ce que ça répond à votre question? Une
Infirmière peut avoir un rôle en regard de la
désinstitutionnalisation dans un conseil régional de la
santé et des services sociaux où elle agit à titre de
conseillère en regard de la désinstitutionnalisation
auprès de l'établissement. Elle peut avoir un rôle à
jouer à titre de directrice des soins infirmiers pour la planification
de la désinstitutionnalisation ou elle peut être en charge d'un
projet de désinstitutionnalisation dans une institution donnée,
comme la coordination de la désinstitutionnalisation, à titre
d'exemple, au Centre hospitalier régional Lanaudière. Elle
procède à la planification du projet dans son entier.
Si on la situe à l'Intérieur d'un centre hospitalier comme
tel, d'un centre d'hébergement ou d'un centre d'accueil de
réadaptation, l'infirmière a un rôle à jouer en
regard du bénéficiaire, en regard du groupe de
bénéficiaires aussi et du milieu de vie dans lequel
séjourne le bénéficiaire, en regard de la famille, des
ressources qui devront recevoir le bénéficiaire
éventuellement.
C'est une démarche quand même assez complexe, Elle joue son
rôle à l'Intérieur d'une équipe qui l'entoure
à l'unité de soins, qui appartient à d'autres disciplines,
mais aussi une équipe multidisciplinaire, possiblement, lorsqu'elle
existe dans l'élaboration d'objectifs thérapeutiques en regard
d'un bénéficiaire donné.
Elle doit agir sur le milieu de vie et c'est très important parce
qu'en institution on retrouve malheureusement souvent des conditions de vie qui
ne rendent pas facile le transfert d'un bénéficiaire vers un
milieu de vie de type normal, disons, ou à l'extérieur, hors les
murs. Souvent, ce sont des détails d'organisation des activités
de la vie quotidienne ou des détails concernant la prise de
décisions qu'on laisse au bénéficiaire ou qu'on prend
à sa place qui font que le bénéficiaire sent qu'il a plus
d'autonomie, qu'il est apte à vivre une autre expérience que
celle de l'encadrement d'une unité de soins et l'Infirmière a un
rôle à jouer dans la transformation des mentalités des gens
qui travaillent sous sa responsabilité et aussi dans l'organisation
même des activités de la journée.
Il y a des habitudes de vie que certains bénéficiaires qui
ont été institutionnalisés depuis très longtemps
ont à reprendre, ne serait-ce que de faire un budget en tenant compte
des restrictions d'aujourd'hui ou de prendre les transports en commun ou de
faire des démarches pour obtenir des loisirs, de prendre connaissance de
ressources communautaires.
L'infirmière peut agir soit dans la planification des
étapes à faire ou par une intervention directe auprès du
bénéficiaire avec la famille, avec la participation du
bénéficiaire dans tout le processus. Je dirais qu'un
élément très important où on devrait compter sur
l'infirmière, c'est pour la continuité des Interventions ou la
continuité de la poursuite des objectifs lorsque le
bénéficiaire est transféré dans une autre
ressource. Il y a vraiment un fossé dans le moment entre la vie que le
bénéficiaire peut avoir eue et la sécurité de
l'établissement et la sécurité aussi qu'il obtient
à cause de la connaissance qu'a le personnel de l'établissement
de sa condition et tout l'inconnu auquel il aura à faire face dans une
ressource alternative auprès d'une nouvelle famille d'accueil. Si
comprehensive soit-elle, si de bonne volonté soit-elle, elle aura besoin
de devoir poursuivre quand même certains objectifs qui étalent
déjà amorcés au moment de l'hospitalisation. Cette
continuité est vraiment un partage d'Informations qui doit se faire et
des échanges dans lesquels l'infirmière peut jouer un rôle
important. Évidemment, il y a la coordination avec les activités
des membres des autres services que celui des soins infirmiers et des membres
de l'équipe multidisciplinaire, autant en ce qui concerne la poursuite
des négocations... Je pourrais en ajouter, mais je pense que, pour le
moment...
Le Président (M. Bélanger): C'est malheureusement
tout le temps que nous avions. Alors, en conclusion, M. le député
de Joliette.
M. Chevrette: Je regrette qu'on n'ait plus de temps car j'aurais
aimé posé une question. Si madame n'avait pas cru qu'elle entrait
en conflit avec les travailleurs sociaux dans la définition qu'elle
donnait de la tâche des infirmières, j'ai l'Impression que cela
pourrait être Intéressant de continuer la discussion. On s'excuse.
On ne le peut malheureusement pas. Je vous remercie Infiniment d'avoir
participé à cette commission et je vous souhaite bonne chance, en
particulier dans vos gains sur le perfectionnement.
Mme Lavoie-Roux: Merci à l'Ordre des infirmières et
infirmiers pour leur mémoire. Il y a déjà plusieurs
suggestions touchant le perfectionnement sur lesquelles on va s'arrêter
d'une façon particulière. Merci bien.
Le Président (M. Bélanger): La commission vous
remercie de votre participation.
J'Invite le prochain groupe, la Maison Saint-Jacques, qui est
représenté par M. Claude Charbonneau qui est le directeur de la
maison et M. Mario Poirier qui est animateur à cette même
maison.
Nous allons suspendre une minute, le temps de permettre aux prochains
témoins de s'intaller. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 8)
(Reprise à 17 h 10)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Alors, le prochain groupe à la table des témoins, c'est la
Maison Saint-Jacques, qui est représentée par M. Claude
Charbonneau - M. Charbonneau, c'est vous? - et M. Mario Poirier, qui est
animateur à cette maison. Vous connaissez nos règles de
procédure, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et
la période de questions suivra par la suite.
Si vous voulez bien débuter.
Maison Saint-Jacques
M. Charbonneau (Claude): Alors, on va tenter d'être bref.
Comme on n'a pas malheureusement la publicité des autres groupes qui
nous ont précédé, on va se présenter minimalement.
La Maison Saint-Jacques, c'est un organisme communautaire, qui a
été désigné comme concurrent dans un avis du
Comité de la santé mentale il y a quelques années,
concurrent dans le sens où la Maison Saint-Jacques offre une
démarche alternative aux services psychiatriques traditionnels. La
Maison Saint-Jacques existe depuis 1972, donc depuis déjà quinze
ou seize ans. Elle est financée par le ministère de la
Santé et des Services sociaux depuis onze ans déjà, depuis
1976. Elle a un budget d'environ 400 000 $ pour 1987-1988, dont elle
autofinance à peu près 10 % sur une base volontaire.
La Maison Saint-Jacques est membre du Regroupement des ressources
alternatives en santé mentale. Elle siège à
différents CA, dont le conseil d'administration de la table
régionale des organismes communautaires de la région de
Montréal, le conseil d'administration d'un centre de crise de notre
sous-région; elle représente des groupes communautaires au
comité "aviseur" de notre sous-région au conseil régional
de Montréal; elle siège aussi à un conseil
d'administration de Chambreville, qut est un organisme communautaire qui
restaure et gère des maisons de chambres dans le quartier centre-sud de
Montréal.
Bref, la Maison Saint-Jacques accueille environ 125 jeunes adultes de 18
à 30 ans par année qui ont des problèmes sérieux et
graves de santé mentale. En plus de fournir les services d'appui
thérapeutique, d'une milieuthérapie, elle offre aussi de
l'hébergement, du soutien à la réinsertion sociale et au
travail. La Maison Saint-Jacques gère une entreprise de location et de
réparation de bicyclettes dans le Vieux-Port de Montréal
où elle embauche des usagers. Ce commerce s'autofinance depuis cette
année, après deux ans d'existence. Finalement, la Maison
Saint-Jacques parraine actuellement un plus vaste projet de réinsertion
économique où une dizaine d'autres groupes communautaires et du
réseau sont impliqués sous notre leadership pour bâtir ce
projet de réinsertion économique, avec aussi des gens du milieu
des affaires. Cela nous présente sommairement.
On va tenter de résumer un peu le mémoire qu'on a
présenté; sans le lire mot à mot, on va s'en Inspirer.
Mario Poirier continuera la synthèse une fois que je l'aurai
amorcée.
Depuis que fa Maison Saint-Jacques négocie une reconnaissance de
sa place et des conditions de son existence avec des représentants du
ministère, soit depuis environ dix ans, ses différents
interlocuteurs lui ont toujours concédé des conditions de survie
et de développement dans une perspective d'attente d'une
véritable politique de santé mentale. Nous aussi, nous
l'attendions depuis longtemps. C'est donc avec une certaine impatience, mais
surtout avec beaucoup d'espoir, que la Maison Saint-Jacques attendait les
conclusions du comité Harnols chargé de proposer un cadre de
référence et le "rationnel" sous-tendant cette vaste politique
d'ensemble de la santé mentale des Québécois.
Aujourd'hui, nous sommes déçus. Le projet de politique de
santé mentale, à notre sens, ne propose pas de politiques
fondamentales et globales et suggère plutôt une stratégie
et une méthode de désinstitutionnalisation. Sans mettre en cause
la compétence, la bonne volonté et la bonne foi du comité,
nous avons espéré que celui-ci prépare un travail de
titan, c'est-à-dire qu'il produise une analyse de diverses
hypothèses de compréhension de la folle, qu'il analyse aussi
l'ensemble de l'évolution de l'intervention en psychiatrie au
Québec depuis les dernières décennies, qu'il critique
l'ensemble des modes d'action et toutes les écoles de pensée qui
théorisent et interviennent sur la folle, qu'il propose aussi des
visions nouvelles et articulées de ce phénomène, qu'il
prépare de nouvelles stratégies d'intervention et de concertation
et, finalement, qu'il réforme en profondeur un réseau qui cumule
Incohérences par-dessus échecs.
Mais le comité était contraint par un mandat qui
établissait clairement, déjà au départ, que la
cible principale devait être les personnes aux prises avec des
problèmes mentaux les plus sévères; le comité
n'avait donc pas à proposer un véritable projet de politique de
santé mentale, mais plutôt une stratégie de
désinstitutionnalisation.
La désinstitutionnalisation, qui se veut une réponse
à la problématique institutionnelle, est un problème
d'envergure qui représente une tâche majeure, mais curieusement le
Comité ne met en question nulle part l'institution; il n'analyse pas non
plus le processus qui a conduit cette dernière à la crise
actuelle; i ne s'interroge pas sur la vision médicale de la folie et
encore moins sur le pouvoir médical sur la folle et le traitement. Le
comité, selon une méthode que nous connaissons bien, tente de
trouver un analgésique aux symptômes que manifeste le
réseau psychiatrique actuel.
Nous nous attarderons aux Idées et aux recommandations qui ont le
plus vivement attisé notre désaccord et notre déception.
Dans l'ensemble, nous considérons que les recommandations manquent
d'étoffe, de "rationnel" et d'initiative.
Le comité Harnois, qui, d'entrée de jeu, distingue dans
son rapport le champ et le domaine de la santé mentale, trace des
frontières et établit un système de vases communicants
à sens unique, du champ vers le domaine, du champ de la psychiatrie au
domaine du support à la psychiatrie, du champ de l'institution au
domaine de la désintitutionnalisation. Selon ce modèle, les
partenaires que sont les familles et les ressources distributrices de services
oeuvrant dans le domaine de la santé mentale recevront leur bon de
commande des décideurs oeuvrant dans le champ de la santé
mentale, c'est-à-dire dans l'institution psychiatrique où se
concentrent soi-disant les vrais malades et aussi ceux qui savent soigner cette
maladie. Nulle part les usagers des services, les familles, les proches, les
ressources de la communauté, les travailleurs de la santé mentale
- curieusement - n'ont à exercer un pouvoir, n'ont simplement leur mot
à dire. Ils devront ainsi se conformer, selon le comité, à
exécuter la liste d'épicerie que leur fournira l'institution.
M. Poirier va continuer la synthèse de nos recommandations.
M. Poirier (Mario): Ce que je vais faire, c'est regarder
quelques-uns des thèmes qui sont soulevés par le rapport Harnois,
à la lumière d'une autre pensée, qui est celle qu'on
représente, une Idéologie davantage alternative à la
santé mentale. Ce n'est pas un modèle médical qu'on
utilise, mais je dirais un modèle davantage pédagogique et, d'une
certaine façon, davantage social et où on conçoit
l'intervention non pas comme guérir des symptômes, simuler des
malaises, médicamenter pour réussir à enlever le poids que
représentent pour la société les personnes qui ont des
problèmes sérieux de santé mentale, mais plutôt en
arriver, avec un réapprentissage, une reconstruction, à
rebâtir autre chose pour que la réinsertion sociale soit
véritable. C'est un peu selon ce modèle que fonctionnent les
organismes communautaires qui existent quand même depuis longtemps au
Québec, et les approches alternatives aussi, comme celle que la Maison
Saint-Jacques, qui est là depuis 1972, essaie de défendre. Il est
très Important, pour nous, de réagir au rapport Harnols.
Même si on sent qu'il y a là-dedans une bonne volonté ou
même si on remarque qu'il y a un gros effort de concertation au niveau de
l'idéologie et des visées de l'institution, on a l'impression
que, plutôt d'être un progrès, c'est même un peu un
recul. Il faut essayer de présenter pourquoi.
Le rapport Harnois qui s'intitule Pour un partenariat élargi,
quant à mol, cela me fait tout de suite penser à la notion de
partenariat. Quand on pense à un ou une partenaire dans un couple, par
exemple, on pense à deux personnes égales. Un peu comme
l'écrivain Georges Orwell le disait: Certains semblent plus égaux
que d'autres, dans ce partenariat. C'est un peu cela que Claude essayait
d'expliquer tantôt. Pour nous, ta vision du champ de la santé
mentale, telle que présentée dans le rapport Harnois, semble
dominer ce qui est soulevé par le domaine. Le champ, c'est le noyau dur,
ce sont les problématiques qu'on pourrait dire véritablement de
maladie mentale, quand on parle du modèle médical. Ce seront les
gens qui ont des problèmes de schizophrénie ou de psychose
importants. Le rapport Harnois met à peu près n'importe qui dans
le domaine, que ce soient des gens qui sont victimes de violence, de
toxicomanie, d'alcoolisme ou même la population en général.
Même s'il y a là-dedans une vision de séparer un noyau dur
d'un noyau qu'on pourrait dire "mou", c'est une vieille Idée, c'est un
peu les traités de psychiatrie des années trente qui ressentent
là-dedans, où on fait la distinction entre les psychoses et les
névroses. C'est aussi une visée Institutionnelle sur tout ce qui
déborde l'institution.
D'abord, dans le rapport Harnois, on note rapidement qu'il n'y a pas
d'historique fait de l'Institutionnalisation ni de l'échec de
l'institutionnalisation. Il n'y a pas de sociologie non plus de
l'institutionnalisation, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'étude de
l'impact social de l'institutionnalisation. Qu'on en arrive à une
désinstitutionnalisation, ce n'est pas un hasard, ce sont des choix
politiques, sociaux, mais c'est d'abord et avant tout à la suite d'un
échec majeur de l'institution. Ce qui m'a frappé
là-dedans, ce sont les pages 25 et 26 - on y revient toujours, c'est le
coeur du rapport Harnois. Un paragraphe de la page 25 dit:
"L'institutionnalisation, produit d'une société à
l'égard d'une partie de ses membres marginaux, a eu comme
conséquence de déposséder la personne de sa
responsabilité et de sa possibilité de choix,
générant ainsi une situation de dépendance extrême."
Un peu plus loin: "Plus visibles, les grands établissements ont
constitué une cible privilégiée de la critique, d'autant
que leur seule dimension favorise la dépersonnalisation des rapports
humains, la standardisation des formes d'aide et la sous-estimation de tout
potentiel." D'une certaine façon, le domaine communautaire, les
approches alternatives, les approches autres que le cadre médical ne
peuvent que souligner que c'est vrai, c'est cela qu'on observe: l'institution
mène à un échec. C'est quelque chose que plusieurs pays
dans le monde entier ont reconnu. On en arrive à la remarquable
nécessité de réinsérer les gens qu'on a
éclipsés, qu'on a enlevés de la société
parce qu'ils étaient dérangeants. Il y a plusieurs façons
de le faire et on en arrive à la désinstitutionnalisation. Il y a
plusieurs modèles et choix sociaux à faire. Cette année,
c'est l'Année internationale des sans-abri et on remarque que plusieurs
désinstitutionnalisés se ramassent dans la rue. Jusqu'à 30
% ou 40 % des itinérants, autant à Montréal qu'aux
États-Unis, plusieurs études le démontrent, ont des
problèmes psychiatriques reconnus. Ils ont eu un vécu en
hôpital psychiatrique et sont réinsérés de la
façon
suivante: une fois qu'Ils sortent de l'hospitalisation, ils se ramassent
à la rue. La désinstitutionnalisation risque d'être un
échec. Et, dans la foulée d'un échec de la
désinstitutionnalisation, on en arrive à ce que la presse le
soulignait au mois de novembre, par exemple: on risque de
réinstitutionnaliser; puisque c'est un échec de
désinstitutionnaliser, on va remettre les fous dans l'Institution.
Le rapport Hamois ne soulève pas vraiment la question de la
désinstitutionnalisation, mais il en arrive à la conclusion qu'il
est Important de donner un soutien au secteur communautaire. Il souligne
même qu'il faudrait doubler le budget du secteur communautaire et des
alternatives. Il souligne qu'il est Important maintenant d'en arriver à
une négociation, avec l'impact du secteur communautaire, pour essayer de
réinsérer d'une façon faisable...
Le danger que cela représente - il est évident qu'on peut
être d'accord avec les objectifs - c'est que cette
désinstitutionnatisation telle que vue par l'Institution devient une
institutionnalisation élargie. On va suivre ceux qui sortent de
l'hôpital psychiatrique, on va leur donner un soutien, on va s'assurer
qu'ils ont leur médication, on va s'assurer qu'ils ont un plan de
services Individualisés, on va s'assurer, par exemple, qu'on les
réinsère dans la famille, autrement dit, on va s'assurer qu'ils
ne perdent jamais tout à fait l'élastique avec l'intervention.
C'est la pensée institutionnelle qui, malgré qu'on en est
à une époque où on veut favoriser le secteur
communautaire, est toujours là, un peu sous-jacente, dans le rapport du
comité Harnois.
Alors qu'auparavant, dans la désinstitution-nalisatlon qui se
faisait de toute façon, tes gens, souvent... Contrairement à
l'époque asilaire où Ils étaient enfermés,
l'institution perd te contrôle des déhospitalisés à
partir du moment où ils quittent l'institution. Mais, avec la
pensée du plan de services Individualisés, avec la pensée
d'étendre l'Intervention dans une congruence totale avec l'institution,
on ne perd jamais tout à fait le contrôle de ces personnes qui
avaient peut-être une chance de se réinsérer autrement que
par l'approche Institutionnelle. L'exemple de la médication en est un
bon. La meilleure façon pour l'institution d'assurer que la
médication va être accomplie en dehors de ses murs, c'est de
s'assurer qu'elle a un certain contrôle sur le lieu où la personne
est rétnstitutionnalisée. Par exemple, elle est
réinstitutionnalisée dans sa famille, dans certaines ressources
intermédiairies achetées par les institutions et
développées par le plan de services individualisés.
C'est un peu le syndrome du patient qui fuit l'institution auquel on
veut essayer de réagir d'un point de vue Institutionnel. Le patient qui
fuit l'institution, c'est aussi une vieille problématique qui a
déjà été définie par la psychiatrie au XIXe
siècle, par exemple, dans le sud des États-Unis, pour les
esclaves qui avaient tendance à s'enfuir des fermes auxquelles ils
étaient attachés. La psychiatrie de l'époque avait
défini un syndrome nosographlque qui s'appelait la "drapetomania" - en
anglais - et qui constitue une définition médicale de la tendance
qu'ont tes esclaves à s'enfuir des fermes où ils sont
attachés. Dans cette tendance de voir un peu le patient
désinstitutionnalisé comme quelqu'un qu'il faut absolument suivre
à tout prix, même s'il y a une bonne pensée
là-dedans qui est: il faut bien aider les gens, il y a aussi un danger
qui est: on va les contrôler. Nous, comme représentants de
l'alternative, d'une approche qui est autre qu'une vision médicale et
non pas seulement un ajout à une vision médicale, c'est un peu
l'une des premières craintes qu'on a.
Une deuxième crainte qu'on a, c'est un peu la volonté du
rapport Harnois de situer l'usager au centre du plan de services, au centre des
interventions. On ne peut qu'être d'accord avec ça; étant
donné que le but premier de l'Intervention sociale, de l'intervention de
la santé mentale, c'est d'aider les gens, c'est normal qu'on les mette
au centre, sauf qu'en réalité la position qu'on leur donne
à partir des commentaires du rapport Hamois, c'est une position de
plaignant plutôt qu'une position de codécfdeur. Alors, par
exemple, on va les autoriser à se plaindre à un "ombudsperson"
qui sera un modèle qui sera proposé pour permettre aux gens de
s'assurer que leurs droits sont respectés. On va proposer qu'ils aient
un droit de parole dans l'institution, mais d'une certaine façon on ne
leur laisse pas vraiment une place au niveau décisionnel. Même
s'ils ont à l'occasion une représentation que j'appellerai
illusoire dans les CA ou un droit de parole, dans la réalité ce
n'est pas vraiment eux qui ont un mot à dire dans l'établissement
des politiques et dans le fonctionnement même de l'institution. Les
comités de bénéficiaires, les regroupements comme
Auto-Psy, qui ont depuis longtemps revendiqué des droits pour les
personnes, les usagers des services de santé mentale, sont
obligés de réaliser cela, en ce sens que, placer la personne au
centre de l'Intervention en santé mentale, ce n'est pas magique en soi;
ce qui est important c'est: Quel est le centre où on les placera et
comment on va définir leur pouvoir à l'intérieur de ce
centre-là, notamment en contrepartie du pouvoir médical qui,
veut, veut pas, représente l'essentiel du pouvoir Institutionnel?
Un autre point sur lequel cela nous a fait un peu
réfléchir de lire le rapport Harnois, c'est la notion de ta
famille. Le rapport Harnois, encore là, par une bonne volonté,
voulait en arriver à améliorer les services aux familles,
améliorer un support en donnant un congé de répit aux
familles aux prises avec un de leurs membres qui a des problèmes de
santé mentale ou aux prises avec des désinstitutionnalisés
qui retournent dans leur famille. Il y a là plusieurs choses qui sont
Importantes mais qui sont également délicates. La première
c'est un danger de retour en arrière traditionnel, historique,
où
on revient en quelque sorte à cacher la folie dans la famille, un
peu comme Tartuffe dans Molière: "Cachez ce sein que je ne saurais
voir", et où la famille fera le jeu de l'institution médicale en
contribuant, par exemple, à s'assurer que la médication est
prise, en contribuant à s'assurer que le suivi institutionnel sera fait.
Il y a un danger que la famille soit prise dans le réseau des pouvoirs
institutionnels. Le deuxième danger, c'est évidemment l'occasion
de retourner les gens à cause de la désinstitutionnalisation,
malgré les évaluations des professionnels de la santé
mentale, dans un milieu pathogène, qui est à l'origine des
difficultés. On pourrait imaginer le retour de quelqu'un dans une
famille incestueuse, par exemple, malgré tout l'effort de l'intervention
qui a pu être fait. Il y a quelque chose à ce niveau-là qui
est un danger, malgré le répit que l'on veut donner aux familles.
Une troisième tendance et danger du support à la famille pour se
débarrasser des institutionnalisés, c'est que la famille devient
située dans un rôle de gardiennage et le rôle de
gardiennage, traditionnellement, est un rôle qui a été
souvent attribué aux femmes. D'une certaine façon on retourne au
rôle féminin, celui de s'occuper des enfants perturbés,
dérangeants. C'est une chose à laquelle la société
doit être attentive et s'assurer que ce ne sont pas ces enjeux qui sont
en dessous de la désinstitutionnalisation.
Encore là, pour terminer rapidement cette présentation, il
y a beaucoup de choses dans le rapport Harnois auxquelles on a réagi
dans notre mémoire. Il y a beaucoup d'autres choses qui méritent
réflexion et sur lesquelles on n'aura pas le temps de s'étendre,
mais j'aimerais quand même terminer avec la contradiction même,
dans le rapport Harnois, entre une pensée que j'appellerais plus
psychosociale et une pensée qui est davantage médicale et
Institutionnelle. Par exemple, on sent en lisant ce rapport les contradictions
Internes qui ont été probablement vécues à travers
des comités de réflexion et probablement dans l'équipe de
travail, notamment dans ta définition de la personne qui a des
problèmes. Est-ce une personne qui a des problèmes de
santé mentale, une personne qui a des difficultés de maladie
mentale? On tourne toujours un peu autour du modèle médical parce
que, dès qu'on parle de maladie, on parle de médecine. (17 h
30)
Par exemple, une des sections de ce rapport est intitulée "Je
suis une personne, pas une maladie"; c'est la section 1.1 du rapport Harnois.
Le Or Harnois, dans son avant-propos, affirme qu'il ne faudrait quand
même pas cacher que ce qui existe, c'est la maladie mentale et que le
malaise de notre société devant ces réalités peut
nous amener à en nier l'existence ou encore à la sublimer en les
inscrivant sous le vocable "santé mentale".
Quand on parle de santé mentale, d'une certaine façon, on
sublime ses propres difficultés face à l'acceptation de la
maladie mentale. C'est du moins l'avant-propos du Dr Harnois contre lequel
nous, qui représentons un peu une vision alternative autre, nous
élevons.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
Brièvement, oui.
M. Charbonneau (Claude): Une dernière minute, en
conclusion. Sur le plan des revendications, nous reprenons à notre
compte les revendications que présentera Ici jeudi prochain, je pense,
le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. D'une
façon plus précise, nous tenons à être partenaire de
ce vaste processus de désinstitutionnalisation et de
réorganisation des services de santé mentale, dans la mesure
où nous sommes de véritables partenaires, c'est-à-dire
où on prend part aux décisions. Le regroupement propose que, dans
chacun des conseils régionaux, il y ait un remaniement du pouvoir
où les groupes communautaires accapareraient un tiers des sièges
pour la prise de décision, un tiers à la communauté et un
tiers aux institutions. Nous favorisons cette recommandation.
Par rapport à la recommandation 15, qui est une recommandation
assez majeure du rapport Harnois, qui recommande de réviser la loi pour
enfin reconnaître des ressources alternatives en santé mentale,
notre position d'organisme, cela nous importe peu qu'on soit reconnu ou pas au
sens de la loi. Ce qui nous importe, dans le fond, d'une part, c'est d'avoir un
budget protégé, ce qu'on s'apprêtait à faire au
ministère, je crois, et avoir une reconnaissance, une assurance
d'autonomie pour les ressources alternatives et communautaires, une autonomie
dans le sens où elles sont reliées directement à la
communauté plutôt qu'avec une institution.
Finalement, le comité Harnois recommande de doubler le budget
accordé aux ressources communautaires. Le Regroupement des ressources
alternatives propose de le multiplier par dix pour les trois prochaines
années. Le Conseil régional de la région de
Montréal semble s'enligner un peu dans ce sens de te multiplier par dix.
Quant à nous, nous nous étonnons un peu de ce type de
recommandation où il n'y a pas de cohérence, de trame de fond qui
se dégage, d'autant plus que dans la région de Montréal,
actuellement, il y a une vingtaine d'organismes communautaires qui sont
menacés de fermer leurs portes. Il y a des recommandations positives
pour reconduire tes budgets, mais des organismes sont menacés de
fermeture parce que leurs budgets non récurrents ne seront pas
nécessairement reconduits au mois de mars prochain.
Bref, on veut que le préjugé favorable qui ressort un peu
du rapport Harnois s'étaie, qu'on livre la marchandise et qu'on mette un
peu de chair autour de l'os. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remer-
cle.
M. Chevrette: Avant que Mme la ministre commence, est-ce qu'il y
a moyen que vous voyiez à faire chauffer cette salle? On a les pieds
gelés, on gèle. Je ne sais pas st vous avez froid en
arrière, mais je trouve que c'est Inconcevable de siéger
dans...
Le Président (M. Bélanger): On me dit que c'est le
cas dans tout l'édifice du parlement, il faut attendre. J'espère
que ce sera réglé ce soir ou demain. On peut faire une chose,
à toutes les cinq minutes, on peut suspendre deux minutes pour faire une
séance de tapage de pieds afin de se réchauffer. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
les représentants de la Maison Saint-Jacques pour leur mémoire,
même s'il est assez sévère à l'endroit du rapport
Harnois qui. quand même, pour nous, représente une assise
Importante pour la définition éventuelle d'une politique en
santé mentale.
Je veux simplement vous poser une question, parce que certains de mes
collègues sont intéressés à le faire. À
plusieurs reprises, vous avez souligné ce qui vous apparaît des
contradictions internes dans le rapport Harnois. D'une part, vous
déplorez la désinstitutionnalisation qui fait que, finalement,
les gens se retrouvent parmi les sans-abri, etc. D'un autre côté,
les ressources alternatives telles que la vôtre, qui a une approche
pédagogique et sociologique en opposition à une approche
médicale telle que vous l'avez décrite dans les Institutions.
Est-ce que vous croyez que des ressources commes les vôtres peuvent
complètement répondre aux besoins des personnes qui ont des
troubles mentaux sérieux?
M. Poirier: C'est bien entendu une question très
difficile. Je ne pense pas qu'une ressource comme la Maison Saint-Jacques
puisse répondre à tout le problème de
l'itinérance.
Mme Lavoie-Roux: Plus d'une, il pourrait y en avoir
plusieurs.
M. Poirier: C'est ça. Mais il y a beaucoup de ressources
communautaires qui interviennent avec la problématique de
l'itinérance. À Montréal, que je connais mieux, il y a des
ressources comme l'Accueil Bonneau, la Maison du Père, Chez Doris et
beaucoup d'autres où il y a une approche quf est quand même
beaucoup plus communautaire qu'institutionnelle, et c'est là... Oui?
Mme Lavoie-Roux: Mais là Je parie strictement.. Il ne
faudrait pas dire que tous les sans-abri sont des psychiatrisés.
M. Poirier: Non. Mais les recherches récentes
là-dedans, bon... Jusqu'à 30 %... Mme Lavoie-Roux: Les
statistiques... M. Poirier: ...40 %.
Mme Lavoie-Roux: ...30 %, alors vous en avez 70 %... Moi je parie
de ressources comme la vôtre vis-à-vis...
Une voix: La folie, ce qu'ils appellent la folie.
Mme Lavoie-Roux: ...ce que vous appelez la folie. Est-ce que vous
croyez que ça peut répondre à toutes tes
problématiques des psychiatrisés, le type de ressources telle la
vôtre?
M. Poirier L'expérience d'une quinzaine d'années de
la Maison Saint-Jacques démontre que cela a pu Intervenir avec des
problématiques très complexes, très lourdes, y compris des
jeunes itinérants. C'est une question qu'il faudrait soumettre à
une évaluation, je dirais, davantage scientifique pour savoir si
ça permet de répondre à l'ensemble des
problématiques. Mais l'approche qu'on utilise, qui est la
milieu-thérapie, donc qui est une approche Intensive, où il y a
une véritable relation thérapeutique, non pas de l'aide
ponctuelle, des traitements occasionnels ou des traitements pour recouvrir les
symptômes comme la médication, c'est une approche qui permet - et
cela a été démontré à plusieurs endroits
ailleurs qu'au Québec - une reconstruction plus en profondeur et surtout
une réinsertion sociale puisque l'approche communautaire est
déjà Insérée davantage dans la communauté.
Mais, évidemment, que ça puisse répondre à
l'ensemble des problématiques, II faudrait l'établir de
façon plus scientifique.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci, parce que mes collègues
veulent poser des questions.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais
féliciter les gens de la Maison Saint-Jacques. Je suis passablement au
courant du travail qui se fait là depuis plusieurs années. J'ai
même de mes ex-employés qui travaillent encore en étroite
collaboration avec ce centre et je sais jusqu'à quel point ils ont rendu
des services extraordinaires dans la région de Montréal. Je
voudrais les féliciter.
Il y a un point sur la question de Mme la ministre. Je pense qu'il faut
faire une distinction entre tes cas lourds et psychiatrisés moyens ou
faibles, appelons ça comme on voudra, je n'ai pas le langage
médical. Le Dr Harnois donnerait les termes plus justes. Je vous donne
une opinion bien personnelle, je pense que ce serait une illusion que de penser
que les ressources alternatives dans les cas lourds puissent rendre un service
extrêmement grand. Mais, pour avoir visité des centres
psychiatriques, il y a un bon
nombre de patients, de bénéficiaires qui seraient - je
vais utiliser le mot qui me venait à l'idée - mauditement plus
heureux dans des centres comme le vôtre qu'en institution, en particulier
pour les relations humaines et leur réinsertion sociale. J'en suis
convaincu profondément pour avoir pu examiner tes deux fonctionnements,
les deux modes de travail. Il est évident que la rigidité qui
existe en Institution ne permet pas les Initiatives concrètes que vous
pouvez mener dans les centres comme le vôtre. Cela me fait dire qu'il
faudrait même avoir une réévaluation des
bénéficiaires dans toutes les institutions psychiatriques du
Québec.
Il y a des gens qui n'ont pas d'affaire là, et depuis des
années, à part cela. Je suis convaincu de ça. Cela n'a pas
de bon sens de mettre des personnes âgées atteintes de
sénilité, par exempte, dans un asile de psychiatrisés.
Cela n'a pas de bon sens. Ce sont des centres d'accueil pour cas lourds qu'on
peut considérer mais sûrement pas dans les centres de
psychiatrisés. Comme il y a des bénéficiaires qui, parce
qu'ils sont orphelins, se sont ramassés à l'âge de 18, 19
ans dans des centres psychiatriques et qui n'en sont pas rassortis. C'est
inconcevable que notre société maintienne en institution des gens
du genre. C'est avec des programmes, je pense, de réinsertion sociale,
d'encadrement, avec des maisons du type de la vôtre, avec des services
qui s'apparentent aux vôtres qu'on peut rendre service à ces
gens-là. Je pense que c'est la seule façon de s'en sortir, et
même à des coûts sociaux, à mon point de vue,
moindres que ceux que l'on connaît présentement.
Malheureusement, et cela concerne tous les gouvernements, je ne cherche
pas à politiser le débat, d'aucune façon, à le
rendre partisan, mais, à mon point de vue, on a pensé
exclusivement curatif, on a oublié malheureusement toute la notion du
préventif, toute ta notion du rôle social qu'on avait à
jouer. On a contribué, sans le vouloir, sans doute, à cacher nos
malades, à les rendre malades en fin de compte. Quand on apprend, par
exemple, qu'à Louis-H.-Lafontaine les religieuses du temps ont recueilli
un bébé de quelques jours, que ça fait 82 ans de ça
et que la personne est encore là, ce n'est pas nécessairement une
personne psychiatrisée, ça. Elle est toujours là à
82 ans, par exemple. Quand on apprend qu'après une tentative de suicide
la personne est encore là après 18 ans et qu'elle parle comme
nous, qu'elle peut échanger des propos dans des conversations, ce n'est
pas normal comme société.
Je n'ai pas tellement de questions à poser, c'est plutôt un
commentaire que je voulais faire. Je pense qu'une maison comme la vôtre a
un rôle extrêmement important à jouer et qu'il faudrait
faire le départage, une reclassification de nos clientèles
à l'intérieur même des centres psychiatriques pour assurer
véritablement une désinstitutionnalisation mais ne pas prendre
des gens et les envoyer dans le décor sans programme d'encadrement, sans
ressource, parce que ce serait catastrophique. Même si ça ne fait
que 18 ans... Imaginez-vous, c'est quelqu'un qui a été
coupé du monde normal pendant 18, 20 ou 30 ans; même si ce n'est
pas une personne qui devrait rester en Institution, elle a besoin d'encadrement
pour une période d'adaptation assez longue. Ça prend des
ressources financières à court terme mais ce sont des gens qui
représenteraient une amélioration comme coût social, j'en
suis convaincu, et qui pourraient peut-être faire
bénéficier l'ensemble de la population par la suite de services
plus adéquats.
Je vous remercie du mémoire. C'est une autre vision, une autre
approche et je pense qu'on s'est trop longtemps refusé à regarder
les alternatives. Malheureusement, il faut le dire, je pense qu'au
Québec dans te domaine de la santé, y compris la santé
mentale, on a eu une approche médicale, point. Mais je pense qu'on
devrait ouvrir les yeux un peu quand on regarde les coûts du curatif.
Quand le budget de Mme la ministre est rendu à près de 9 000 000
000 $, sinon plus, cette année, vous regarderez la partie
prévention sur les 9 000 000 000 $ et vous vous interrogerez en
maudit.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
autant à M. Charbonneau qu'à M. Poirier. Tantôt dans votre
exposé vous faisiez mention qu'on retrouvait de 30 % à 40 % des
itinérants qui étaient des gens qui ont déjà
reçu des traitements psychiatriques. D'après vous, est-ce que du
fait de vouloir désinstitutionnaliser on retrouvera encore davantage de
ces gens-là en pourcentage? D'après vous, est-ce qu'il existe,
pour les gens qu'on sort des institutions, un programme quelconque bâti
selon la perception? Si tel programme existe, est-ce qu'on peut les forcer
à suivre ce programme-là?
M. Poirier: C'est quelque chose qui est au coeur de la
réflexion parce que le problème ce n'est pas juste les
désinstitutionnalisés qui vont grossir les rangs des
itinérants. Il y a des recherches qui démontrent ça, c'est
en croissance. À New York il y a plus de 40 000 personnes
Itinérantes dont près de 20 000 ont eu des dossiers en
Institutions psychiatriques.
Ce que vous demandez finalement c'est à savoir s'il y a des
programmes pour ça, s'il y a, finalement, une possibilité de les
réinsérer. La désinstitutionnalisation n'est pas une
théorie, ce n'est pas quelque chose qu'il faut faire par principe, ce
n'est pas une religion; il faut la réussir pour que cela en vaille la
peine. Mais le danger, c'est que la réflexion en arrière de cela
soit: puisque la désinstitutionnalisation est si difficile à
réussir, il ne faut pas désinstitution-naliser, ou bien II faut
absolument que l'institution psychiatrique ait un programme de suivis de
ces désinstitutionnalisés et s'assure qu'ils sont en
quelque sorte toujours en orbite de l'institution. Et cela n'est pas une
désinstitutionnalisation. C'est une institutionnalisation
élargie. Il faut s'assurer plutôt d'un autre point de vue, que le
secteur communautaire, que les gens qui déjà depuis 20 ans, 30
ans - je pense à l'Accueil Bonneau - interviennent avec les personnes
itinérantes, aient de l'appui financier, aient de l'appui
organisationnel, de l'appui à partir d'une pensée communautaire
qui leur permettent d'élaborer de nouveaux programmes, de faire un suM
des personnes désinstitutionnalisées. (17 h 45)
Alors, rapidement ce qu'il faut, ce n'est pas nécessairement
s'assurer que l'hôpital a tout un suivi et un programme que j'appellerais
promédical et pro-institutionnel, mais plutôt que les autres
organismes ont leur mot à dire. Il y a une expertise communautaire. Ce
monde-là, ce ne sont pas tous des pingouins. Il y a une expertise qui
est là déjà. C'est sûr que l'Institution regroupe
plus de gens hyperprofessionnalisés, pour utiliser un terme de la page
26 du rapport Harnois, mais II y a dans le secteur communautaire des gens qui
ont 20 ans ou 30 ans d'expérience d'intervention et qui ont toute une
pensée à ce sujet et une expertise, une expérience qui
leur permette de développer des programmes.
M. Joly: Vous êtes d'accord pour admettre que lorsqu'on
libère - si vous pouvez me permettre l'expression - qu'on les sort des
institutions II y a déjà un programme qui est mis à la
disposition de ces personnes, mais que, par la force des choses, dans bien des
cas, ces gens ne reviennent pas à la source et ne viennent pas chercher
les traitements dont ils auraient encore besoin. Alors, partant de là,
il est bien certain que, s'ils deviennent des itinérants, on ne peut pas
aller les chercher par le bras et les amener à se faire traiter. Donc,
l'alternative serait de les garder en institution encore là
jusqu'à ce qu'ils soient complètement aptes à retourner
dans un milieu, d'après les expertises, et à être
socialisés.
M. Poirier: C'est le danger qu'on en reste à
l'institutionnalisation.
M. Joly: J'aurais aimé aussi que vous élaboriez un
peu sur le rôle de la famille. Quand on dit que la famille n'a aucun
pouvoir, mais qu'elle devrait, si vous voulez, dans le processus du traitement
ou disons de la socialisation, avoir un mot à dire, de quelle
façon voyez-vous cela?
M. Charbonneau (Claude): Ce qui nous apparaît être
proposé dans le rapport Harnois, c'est qu'on
désinstitutionnaliserait les usagers qui sont dans les hôpitaux
psychiatriques pour les remettre dans leur famille. On donne des services aux
familles pour les soutenir dans leur gardiennage, mais à quelle place
s'exprime... La seule porte qui est entrouverte est, semble-t-il, qu'on va
encourager le développement de groupes d'entraide entre familles. C'est
ce qui existe déjà. Ce sont des regroupements de familles, de
parents ou d'amis qui ont des proches qui ont des problèmes de
santé mentale. Sauf que cela ne donne pas plus de poids à
l'intérieur des décisions dans le développement et
l'organisation des services. Cela donne peut-être de l'appui entre les
familles, mais cela ne donne pas de poids dans ces décisions nulle
part.
C'est la même chose concernant les itinérants, à la
question précédente. Dans la mesure où on laisse du monde
sortir des hôpitaux psychiatriques et qu'on leur impose des plans de
traitement et qu'on décide pour eux ce qu'ils vont faire quand ils
seront grands - c'est un peu cela - et qu'on ne tes consulte pas, c'est
peut-être normal que souvent cela "floppe", que souvent ceux qui sortent
laissent tomber cela en arrière d'eux. Je pense que la différence
est peut-être de les intégrer, soit les personnes qui sont
directement concernées, car ce sont d'elles qu'on parle, de les
Intégrer dans le processus de décision. Elles vont pouvoir nous
dire - nous, du communautaire, et les gens des Institutions aussi - ce dont
elles ont besoin. Je pense que c'est possible de parler avec ce
monde-là, c'est possible de parler avec la communauté et
d'Impliquer ces personnes dans le processus de décision. C'est un peu
cela, finalement, qu'on demande, qu'il y ait de la place, à
l'Intérieur des décisions, pour d'autres partenaires que
l'institution, ce qui ne ressort pas clairement dans le rapport Harnois,
à notre sens.
Le Président (M. Bélanger): Mme ta
députée de Marie-vïctorin.
Mme Vermette: Oui. Les gens du communautaire, très
souvent, font peur parce qu'ils ont l'air un peu marginaux; ils ont l'air un
petit peu à part, finalement, surtout à part du personnel qu'on
retrouve très souvent dans tes institutions. Par contre, Je me suis
rendu compte que beaucoup d'entre eux ont une formation plus qu'adéquate
et qu'ils ont un niveau d'éducation supérieur. Alors, qu'est-ce
qui fait qu'on choisit de travailler dans ce milieu, plutôt que de s'en
aller dans un milieu plus structuré ou encadré?
M. Poirier. Le choix, finalement...
Mme Vermette: À petit salaire, à part cela. Il
faudrait ajouter...
M. Poirier: Oui.
Mme Vermette: ...que très souvent...
M. Poirier: On choisit rarement pour le salaire. En fait, le
communautaire ou l'approche alternative de la santé mentale, c'est
l'approche de demain. Alors, avoir une visée pour quelque
chose où on veut réellement un changement, par exemple, ne
pas Juste défendre ses droits corporatifs ou un petit peu ses billes ou
ses noix, bien, II faut réussir à s'ouvrir à autre chose.
Alors, s'ouvrir à autre chose, c'est être en marge. Cela a
été en marge un peu du texte officiel, c'est essayer d'annoter,
d'ajouter des choses, d'Inventer, de recréer de nouvelles approches.
Alors, ce que le communautaire permet, pourquoi est-ce que c'est plus
créatif? C'est parce que c'est plus petit et parce que c'est aussi
auto-administré, généralement, et parce que c'est ouvert
à des Initiatives qui sont financièrement toujours instables,
mais qui sont nouvelles. Par exemple, la Maison Saint-Jacques développe
depuis déjà un certain nombre d'années des plates-formes
de réinsertion sociale par le travail. Cela est une idée qu'on a
réussi à élaborer. Cela fait déjà un
troisième été où on a une plate-forme de travail,
où on engage des usagers et on les réinsère par le
travail, en plus de leur donner un support thérapeutique.
C'est une Idée qu'on a réussi à établir
parce qu'on a râclé les fonds de tiroir; on a été
chercher un petit peu de l'appui de la communauté. Là, on est en
train de faire une cohésion où on ramasse une dizaine d'autres
organismes communautaires de Montréal et d'ailleurs. On essaie,
présentement, de préparer un projet beaucoup plus important,
autant pour nous que pour les jeunes avec des problèmes de santé
mentale, qui s'appellerait Accessible, et pour lequel on espère avoir un
certain soutien gouvernemental, éventuellement, pour établir
cela. C'est cela, travailler dans le communautaire, dans l'alternatif, c'est
accepter de travailler en marge, souvent avec des conditions salariales et
professionnelles un peu inférieures, mais avec je ne dirais pas une
idéologie, parce qu'on est un peu passé peut-être les
années idéologiques, mais au moins avec une vision pragmatique
autre que la vision habituelle, routinière de l'institution.
Mme Vermette: Vous mentionnez que, finalement, la promotion de la
santé mentale ne se fait pas par le biais d'une campagne, mais surtout
par l'implication de gens pour vraiment démontrer que c'est viable et
que, finalement, cela ne fait pas peur et que cela peut être ajustable
dans le quotidien, dans le fond. Alors, pouvez-vous, peut-être, nous
parier de certaines expériences ou la facilité que vous pouvez
avoir à travailler avec ce genre de...
M. Charbonneau (Claude): Ce n'est pas qu'on ne croit pas qu'une
vaste campagne est inutile; peut-être que cela peut amener à
montrer une image plus positive des gens qui souffrent de problèmes de
santé mentale. Par contre, ce qu'on croit et ce qu'on réalise
quotidiennement, c'est que les usagers qui sont à la Maison
Saint-Jacques, qui sont des jeunes qui ont vécu des problèmes de
santé mentale assez sérieux sou- vent, sont
réintégrés à la communauté. Là, Ils
s'identifient comme des jeunes qui ont vécu des problèmes, mais
qui apparaissent aussi comme étant fonctionnels. Par exemple - on le
cite dans notre mémoire - dans la petite entreprise de location de
bicyclettes qu'on a dans le Vieux-Port de Montréal où 70 000
touristes passent chaque année, il y a un écriteau dans la
roulotte où on loue les bicyclettes sur lequel on décrit ce que
les jeunes qui sont là ont vécu et ce qu'ils font, quelle est la
démarche dans laquelle Ils s'inscrivent en travaillant dans cette petite
entreprise. Contrairement à ce à quoi on s'attendait, la
réaction des gens... On s'attendait que les gens soient assez froids et
sévères et qu'ils fuient peut-être, mais au contraire les
gens trouvent que tes jeunes qui sont là sont sympathiques et qu'ils
s'impliquent pour pouvoir s'en sortir, qu'ils sont donc courageux de le faire.
Ils appuient ces jeunes-là et reviennent pour continuer de les appuyer;
ils en parient autour de chez eux.
Dans le quartier centre-sud, on fait un peu la même chose. Les
jeunes qui sont là vont solliciter des groupes communautaires, ils
s'identifient comme étant des usagers de la Maison Saint-Jacques, ils
sont perçus dans le quartier, dans les autres groupes communautaires
comme des usagers de la maison. Ce sont des jeunes qui sont en démarche
pour pouvoir se réapproprier une identité sociale, ce qui est
normalement très bien perçu par la communauté.
Nous pensons qu'il ne faut pas avoir peur de faire cela. C'est
peut-être un truc qui est plus près de nous et qu'on fait
quotidiennement, mais qui réussit à tout coup ou presque.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Oui. À vous entendre parler tout à
l'heure, j'avais comme l'impression que vous vous voyiez un peu comme des
adversaires du système psychiatrique. Je me posais la question: pourquoi
pas comme des concurrents finalement?
M. Poirier: On est défini par le réseau - on
pourrait dire - comme une ressource concurrente. Non, je ne pense pas qu'on
soit des adversaires de l'approche psychiatrique, mais on en est vraiment une
alternative, une véritable alternative, c'est-à-dire autre chose.
Quand je dis autre chose, je ne parie pas seulement d'un ajout, par exemple,
à une fin de traitement pour s'assurer que les gens bien
médicamentés pourront éventuellement se trouver un job.
Mais je veux dire qu'il y a vraiment autre chose à faire, au niveau de
l'approche même thérapeutique, au niveau de l'approche de
réinsertion, qu'une approche médicale. Dans ce sens-là, la
Maison Saint-Jacques a été longtemps perçue comme
antipsychiatrique et aussi, d'une certaine façon, elle s'Identifiait,
dans les années soixante-dix, aux mouvements antipsychiatriques.
C'est
une longue histoire, étant donné qu'elle a
été fondée en 1972. Mais, dans les années
quatre-vingt, c'est beaucoup plus par le biais d'une idéologie
communautaire, d'un rapprochement avec d'autres sources du même genre. La
Maison Saint-Jacques a contribué à fonder le Regroupement des
ressources alternatives du Québec. C'est un peu dans l'ensemble de tout
ce mouvement-là, qui a à la fois des composantes, je dirais,
sociales, politiques et thérapeutiques, qu'on se situe. Ce n'est pas
à la fois... Je ne dirais pas que c'est antipsychiatrique, mais ce n'est
pas non plus seulement un complément à la psychiatrie, c'est
vraiment quelque chose de concurrent
M. Sirros: Si je comprends bien, la clientèle avec
laquelle vous travaillez est très semblable à une
clientèle qui se trouve en institution psychiatrique.
M. Poirier: C'est une illusion de croire - c'est une autre chose
qu'on nous amène parfois - que les gens qui viennent à la Maison
Saint-Jacques, finalement, ce sont des jeunes qui ont des problèmes
existentiels, qui n'ont pas de job et qui, par conséquent, ont un peu de
difficulté à s'adapter ou qui ont des problèmes mineurs
qu'on appellerait de névrose. Alors que la réalité, c'est
que, souvent, les jeunes qui viennent a la Maison Saint-Jacques ont un
passé psychiatrique important, une Institutionnalisation importante;
certains ont fait dix ans, quinze ans en psychiatrie, même s'ils ont 27,
28 ans. Ils ont des diagnostics de schizophrénie, de psychose, de
personnalité frontière, des diagnostics lourds. Et cela compose
au moins 50 % de notre clientèle. Ils ont peut-être un avantage
sur d'autres, c'est qu'Os sont jeunes. Ils ont moins de 30 ans. Donc, H y a
quand même plus de potentiel de reconstruction que chez une
clientèle qui aurait dans la soixantaine, par exemple. C'est l'avantage
avec lequel on travaille, mais ce n'est pas sur le plan de la
légèreté des problématiques.
J'ai fait mon stage de doctorat en psychologie clinique au Douglas, en
1983. Je n'ai pas nécessairement vu plus de problématiques
lourdes là que j'en ai vu à la Maison Saint-Jacques. C'est
seulement le fait que l'approche est vraiment différente. Étant
donné que c'est une milieuthérapie où on peut intervenir
trois, quatre Jours par semaine, où on s'assure qu'il y a des projets de
réinsertion sociale, où on s'assure qu'il y a un groupe, donc,
qu'il y a un vécu de reconstruction de relations sociales, il y a autre
chose de possible que la médication.
M. Sirros: Une dernière question. J'allais vous demander
si vous avez des... Par exempte, vous appuyez une recommandation qui est
d'augmenter la recherche. Vous parlez du côté social de la
recherche. Est-ce que vous avez des données, des suivis de la
clientèle depuis le début? Est-ce que vous pouvez les comparer,
par exemple, aux résultats des institutions psychiatriques, etc.? Je
sais qu'il y a d'autres endroits qui, à travers ce que vous appelez la
milieuthérapie, offrent une alternative à
l'institutionnalisation. Est-ce que dans votre cas il y a eu un suivi, des
données ou si des recherches ou des études ont été
faites par rapport aux usagers et à ce qui est arrivé?
M. Charbonneau (Claude): Malheureusement, il y a un minimum de
recherches qui a été réalisé à la Maison
Saint-Jacques. Je dis bien un minimum parce que, longtemps, pendant des
années, beaucoup de nos énergies passaient à
négocier nos subventions. Donc, tout cet aspect était un peu mis
de côté. On disait: la priorité aux services, une
deuxième priorité à la survie et, en troisième
lieu, la recherche. Donc, il n'y en pas beaucoup et, dans d'autres organismes
communautaires, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup non plus. On est
d'accord avec cette proposition du rapport Harnois: encourager la recherche
psychosociale pour voir les incidences des phénomènes sociaux sur
des problèmes de santé mentale et mesurer la pertinence des
services et du soutien accordés à ces personnes, On est
pleinement d'accord avec cela. On souhaite s'éloigner un peu de la
recherche purement médicale où on se concentre sur ce qu'on
connaît bien: les phénomènes biologiques, avec lesquels on
est plus ou moins en accord, disons.
Le Président (M. Bélanger): Compte tenu du temps,
nous devons malheureusement passer aux conclusions. Alors, M. le
député de Joliette, en conclusion.
M. Chevrette: Je vous réitère mes remerciements.
Sans doute que, dans l'élaboration d'une politique, on tiendra compte de
cette dimension.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier. D'ailleurs, je vous
connais depuis plusieurs années. Je suis déjà allée
dans votre centre en 1979 quand Je faisais le tour des ressources
psychiatriques à ce moment-là.
Je voudrais simplement vous dire qu'au point de vue de la recherche
sociale, cette année, il y a eu 1 000 000 $ qui ont été
mis à la disposition de la recherche en santé mentale, un million
supplémentaire, dont 500 000 $ sont allés au Fonds de la
recherche sociale du Québec et le reste au Fonds de la recherche en
santé du Québec, et les deux travaillent conjointement avec
priorité au social. C'était peut-être la première
fois que vraiment on essayait de faire quelque chose du point de vue de la
recherche du côté social en santé mentale.
Je vous remercie pour votre témoignage.
Cela ajoute beaucoup à toutes les discussions que nous allons
avoir. Merci beaucoup.
M. Poirier Merci beaucoup, Mme la ministre.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Aux
membres de la commission, si ce soir on ne peut pas améliorer la
situation du chauffage dans la pièce, puisqu'il semblerait que c'est un
problème dans tout l'édifice parlementaire, on essaiera d'avoir
une autre salle plus petite qui nous permettrait peut-être... On va se
coller!
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission des affaires sociales reprend ses travaux afin de
procéder à l'étude du projet de politique de santé
mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le
30 septembre 1987.
Ce soir, nous entendrons en premier lieu le Conseil régional de
la santé et des services sociaux de l'Outaouais; en deuxième
lieu, la Corporation des psychologues du Québec et, en troisième
lieu, Mme Vesta Wagener Jobidon.
J'inviterais donc le premier groupe à se présenter
à la table des témoins, le Conseil régional de la
santé et des services sociaux de l'Outaouais. Le Conseil régional
de la santé et des services sociaux de l'Outaouais est
représenté par M. Jean-Robert Vaillancourt, qui est le
président, M. Jean-Eudes Morin, président du comité
d'actualisation en santé mentale, Mme Johanne Biais,
vice-présidente du comité d'actualisation en santé
mentale, Mme Fernande Vienne, membre du conseil, et M. Thierry Boyer,
coor-donnateur.
Je présume que votre porte-parole est M. Vailiancourt?
CRSSS de l'Outaouais
M. Vaillancourt (Jean-Robert): C'est moi qui fais la
présentation, mais ce n'est pas moi qui ai le monopole de la
compétence.
Le Président (M. Bélanger): Vous êtes M.
Vaillancourt, c'est bien cela?
M. Vaillancourt (Jean-Robert): M. Vaillancourt, M. Boyer, Mme
Vien, Mme Biais et Mme Gatien.
Le Président (M. Bélanger): Mme Vien ou Mme
Vienne?
M. Vaillancourt (Jean-Robert): Mme Vien.
Le Président (M. Bélanger): Mme Vien. C'est parce
qu'on a écrit Vienne ici, il y a une erreur. Je vous inviterais à
procéder. Vous connaissez tes règles de procédure, vous
avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et il y a 40 minutes
pour la période de questions par les partis. Je vous invite donc
à procéder.
M. Vaillancourt (Jean-Robert): M. le Président, au nom du
Conseil régional de la santé et des services sociaux de
l'Outaouais, permettez-moi d'abord de vous exprimer nos sincères
remerciements pour nous avoir permis d'exprimer nos avis, nos réactions
sur le projet de politique. Notre mémoire a été d'abord
préparé à partir de l'expérience acquise dans
l'Outaouais à la suite de l'adoption du plan régional des
services en santé mentale en octobre 1985. Fort de l'énergie
déployée et de son vécu, le comité d'actualisation
des services en santé mentale a préparé ce
mémoire.
Je vous souligne que ce comité relève directement du
conseil d'administration. Il est chargé d'actualiser le plan de services
en santé mentale et d'animer les différents milieux dans cette
actualisation. Pour vous présenter le mémoire, je céderai
la parole à Mme Johanne Biais, qui est aussi vice-présidente du
comité d'actualisation du plan, afin qu'elle puisse vous faire part des
réactions reliées au projet de politique pour un partenariat
élargi. Mme Biais.
Mme Blais (Johanne): Merci beaucoup. Tout d'abord, j'aimerais
vous souligner que l'analyse qui a été faite du projet de
politique a été faite à partir du cadre de
référence de ce qui se vit à l'heure actuelle en
Outaouais.
En ce qui concerne les notions de santé mentale, on dit que la
santé mentale résulte d'un équilibre dynamique et
harmonieux entre la personne et son environnement. De façon
concrète, la santé mentale vise à l'adaptation sociale et
fonctionnelle des personnes et ce, en fonction de trois axes: biologique,
psychologique et social. Telle est la définition que nous avons
envisagée dans le plan régional des services en santé
mentale dans l'Outaouais. La définition proposée par le
comité de la politique nous semble plus poussée et plus dynamique
et permet aussi dans sa formulation de mettre l'accent sur la qualité et
les compétences de la personne. Les notions de
psychodéveloppement et de contexte ont un sens plus positif. La
définition proposée par le projet de politique mériterait
d'être complétée par l'ajout suivant: par un
répertoire de comportements.
Les notions de champ et de domaine nous semblent particulièrement
intéressantes. Celles-ci sont des réalités distinctes en
interaction. Ces liens ont aussi un impact sur le niveau de prévention
qui devra être développé en regard du
champ ou du domaine. C'est pourquoi il est important que la
réalité de la situation vécue de la personne
détermine l'appartenance en ce qui a trait au champ et que les
interventions à ce niveau soient associées à celles du
domaine et réciproquement.
Au chapitre de la responsabilité de l'État en santé
mentale, il devient évident et facile de déterminer le rôle
et la responsabilité de l'État. Il nous faudrait dire que la
responsabilité du MSSS quant au leadership à assumer dans
l'intersectorlalité et dans le partenariat est absolument fondamentale.
Un certain nombre d'actions peuvent et doivent se concerter sur une base
locale, sur une base régionale ou sur une base provinciale, mais il faut
de plus qu'il y ait une responsabilité et coresponsabilité
à assumer un leadership.
Au chapitre du choix d'un cadre de référence, les deux
objectifs "permettre à toute personne dont la santé mentale est
perturbée ou menacée d'obtenir une réponse adaptée
à ses besoins, une attention appropriée à sa situation" et
"accroître les efforts pour favoriser le maintien et le
développement optimal de la santé mentale de toute la population"
semblent être les objectifs à partir desquels on peut justifier
toute une série d'interventions qui mériteraient d'être
plus qualifiées. La notion d'équité s'applique aussi sans
considération des facteurs socio-économiques et politiques pour
permettre effectivement le développement d'une bonne santé
mentale. Prenons comme exemple les services et les moyens mis à la
disposition d'une personne demeurant à Rapides-des-Joachims et d'une
autre vivant à Hull, deux personnes vivant dans une même
région. À ce moment-là, l'autre principe
général, qui est la primauté de la personne et le respect
auquel elle a droit, paraît prendre tout son sens et toute son
importance.
En ce qui concerne les moyens proposés - la recommandation 2 - la
notion de plan de services Individualisés devient un critère
absolument essentiel si l'on veut pouvoir replacer la personne au centre des
préoccupations. Ces valeurs de base sont liées à la notion
de plan de services individualisés et doivent être là pour
éviter qu'elles ne deviennent qu'un Instrument de gestion, mais bien un
Instrument pour et au service de la personne en besoin de services. On ne
voudrait pas que le plan de services devienne un formulaire comme le B5412.
Rappelons ici les principaux fondements du plan de services
Individualisés: la conception positive de la personne; la recherche d'un
rôle social valorisé; l'intégration physique, sociale,
personnelle, civique, fonctionnelle; les droits de la personne; l'Implication
majeure et significative de la personne, de sa famille et de ses proches; le
droit à la protection; la philosophie d'intervention basée sur
une approche globale et sur une prise en charge minimale; le service rendu dans
le milieu de vie de la personne.
En ce qui concerne la recommandation 3, la préoccupation d'avoir
à un moment donné une personne capable de défendre une
autre personne sur une base Individuelle est absolument fondamentale et
très saine. Cette personne devra obtenir le pouvoir d'agir rapidement et
efficacement. Il est clair, pour nous, que cela ne signifie pas la fonction
d"advocacy", au niveau d'un groupe qui doit être assumée par des
groupes de promotion et de défense de droits. Nous aurions tendance
à penser que le mandat de cet "ombudsperson" relève du bureau du
Protecteur du citoyen, avec une délégation facile d'accès
dans chaque sous-région. Nous ne pensons pas que l'Intégration au
CRSSS soit à privilégier. On parle, en faisant cette
recommandation, évidemment des droits individuels pour la personne.
Lorsqu'on parte de droits généraux, j'aimerais que Thierry Boyer
s'exprime et développe là-dessus.
M. Boyer (Thierry): Je pense qu'en ce qui concerne les droits
généraux, à partir du moment où on parle de groupes
de personnes qui, collectivement, vivent un certain nombre de situations, il
est du ressort du conseil régional de favoriser l'émergence et le
développement de ces groupes en les aidant, en les supportant
financièrement, éventuellement, pour qu'ils soient capables, en
tant que groupes, de faire vraiment valoir leurs droits sur une base
collective. Ceci est à distinguer de la partie qui est purement
individuelle, où à un moment donné une personne devrait
avoir une réponse rapide par rapport à la situation personnelle
qu'elle vit, quelle que soit la situation, et dans un laps de temps qui soit le
plus bref possible, avec un principe qui, à notre avis, est sous-jacent
aussi, un endroit centralisé qui pourrait aussi être un guichet
principal, sans forcément être un guichet unique, auquel le
citoyen pourrait s'adresser. Dans certaines situations, on peut voir que, des
fois, il y a une commission scolaire ou une école qui est
impliquée, il y a à la fois des intervenants du réseau de
la santé et des services sociaux ou des organismes ministériels;
à ce moment-là, cela permettrait de pouvoir toucher l'ensemble
des ministères ou l'ensemble des actions gouvernementales. C'est pour
cela qu'on a favorisé le Protecteur du citoyen.
Avec l'autre avantage aussi, c'est que cela ne touche pas exclusivement
les personnes qui vivent en établissement, mais cela permet à
tout citoyen qui vit à un moment donné des difficultés
particulières dans le réseau, parce que sa santé mentale,
à un moment donné, est perturbée ou atteinte ou
menacée, de pouvoir avoir un recours sur une base individuelle. Donc, il
y a la notion de recours individuel, l'explication individuelle, ce qui se
passe avec moi, avec ma situation, et la notion de groupe collectif. À
ce moment-là, on pense effectivement que le conseil régional de
la santé et des services sociaux, dans le cadre de son plan
d'organisation régionale des services, doit mettre en place des mesures
et
des mécanismes pour favoriser l'expression de ces groupes.
Mme Blais: Concernant la recommandation 5, nous insistons afin
que la notion de répit ne soit pas associée à un
établissement ou à une forme de structure, mais qu'il soit
possible de développer quelques ressources qui varient en tenant compte
des besoins individuels et locaux disponibles avec le moins de formalisme
possible. Il est fondamental que le répit soit varié et qu'il ne
soit pas exclusif ou rattaché à une seule catégorie
d'établissements ou à un seul type d'organismes. Ce rattachement
devient un moyen et on doit le développer en collaboration
étroite avec les regroupements de familles et les proches.
Concernant la recommandation 7, évidemment, comme dans la
région de l'Outaouais on est à actualiser des choses pour ce qui
concerne la formation, nous avons déjà en place un microprojet
qui, nous l'espérons, va déboucher sur quelque chose de plus
permanent. J'aimerais que Mme Fernande Vien nous en fasse part.
Mme Vien (Fernande): Alors, à l'Université du
Québec, nous avons planifié un programme de certificat en
santé mentale qui s'Inscrit dans la demande faite à
l'université par le comité mandaté par le Conseil
régional de la santé et des services sociaux de l'Outaouais pour
assurer l'actualisation du plan de services en santé mentale. Alors,
cette demande repose sur les considérations suivantes: l'ampleur des
connaissances à acquérir dans une optique de perfectionnement,
l'assurance d'une formation structurée et de qualité puisque
soumise à une évaluation formelle, l'Importance d'une
accréditation de la formation continue pour les Intervenants ainsi que
l'éveil à une collaboration accrue à la recherche en
santé mentale. Le programme de perfectionnement en santé mentale
s'adresse à des intervenants dont la majorité ont une formation
professionnelle sanctionnée par le Code des professions du
Québec. Alors, le programme proposé tient compte de ces acquis et
offre à l'intervenant la possibilité de mettre à jour ses
connaissances de base ainsi que les problématiques prioritaires
actuelles reliées à la santé mentale.
Sur le plan des valeurs, le programme offre à l'intervenant
l'occasion de mettre en question ses attitudes et de clarifier ses croyances et
sa philosophie d'intervention. L'intégration des connaissances dans la
pratique donnera à l'intervenant de nouvelles approches de planification
et d'intervention. Le programme veut aussi encourager les Intervenants à
participer activement aux changements suscités par le
développement des services et des ressources. Enfin, compte tenu de la
complexité même du domaine et du champ de la santé mentale,
le programme de perfectionnement proposé s'avère de niveau
universitaire de 1er cycle.
Mme Blais: La formation dont vient de parier Mme Vien est
essentielle pour nous. Elle fait partie des moyens. On a aussi vécu au
début du mois de décembre un symposium qui a permis à 425
personnes de notre région de faire un partage d'outils et de
connaissances concernant la santé mentale.
En ce qui concerne la recommandation 12, j'aimerais entendre M. Boyer,
s'il vous plaît.
M. Boyer: La recommandation 12, je pense qu'avant de... Sur le
principe, dans le mémoire, on dit que c'est absolument essentiel, si on
veut être capable de parler effectivement de partenariat et
d'Interventions communautaires, que les montants de dépenses qui sont
affectés a l'évaluation puissent être reconnus. Avant
même de dire cela, je pense qu'on aurait dû préciser que la
notion d'évaluation est absolument indispensable pour nous. Elle est
indispensable et elle est un prérequis même à une
démarche d'implantation ou à une démarche d'Implication
d'un certain nombre de services. Je pense que dans cette démarche il y a
un lien privilégié. SI on regarde l'organisation régionale
des services et le plan d'organisation des services, D faut qu'il y ait un lien
qui se fasse entre le ministère de la Santé et des Services
sociaux et les conseils régionaux quant à la fonction
d'évaluation des services. Il y a une fonction d'évaluation de
l'implantation des services qui est absolument nécessaire pour et en
regard de ce que vit une personne. Dans un deuxième temps, une
évaluation est faite beaucoup plus tard pour voir l'ensemble de
l'impact. En tout cas, avant même de considérer que
l'évaluation des services doit être faite par une partie interne
ou une partie externe, c'est un processus qui doit être vu de
manière globale et concertée aux différents paliers,
autant chez les gens qui donnent des services, chez les conseils
régionaux qu'au ministère.
Il nous paraît aussi important que l'évaluation ne
dépende pas d'une structure - disons qu'il y aurait un type
d'évaluation pour les organismes communautaires, un type
d'évaluation pour les hôpitaux, un type d'évaluation pour
les CLSC - mais qu'on arrive à trouver un mode d'évaluation qui
transcende les organisations et qui soit fondamentalement axé sur ce que
vit la personne dans ces services et dans sa quotidienneté. Est-ce que
les services lui sont concrètement accessibles ou pas? Est-ce qu'elle
reçoit du soutien ou si elle n'en a pas? Est-ce qu'éventuellement
les moyens qui sont mis à sa disposition sont efficaces ou s'ils ne le
sont pas? Il faut arriver à trouver un mode d'évaluation qui soit
centré sur la personne et non sur les structures. Sinon, on va toujours
se retrouver avec des débats de structures "défocussés"
par rapport à la réalité de ce que vit la personne. Dans
l'Outaouais, on vient d'achever un document à ce sujet qui va nous
permettre de faire l'évaluation de l'implantation des services en
santé mentale.
Mme Blais: En ce qui concerne la recommandation 17, nous sommes
en accord, sous réserve des précisions suivantes. On souhaiterait
que le MSSS élabore une formule de financement garantissant, lors de
l'octroi d'un premier mandat de services à un groupe communautaire, une
continuité de financement sur un minimum de trois ans et, de
manière optimale, de cinq ans. Il nous apparaît évident
que, si, au bout de deux ans, un organisme communautaire est obligé de
se poser à nouveau la question du financement, il devient à la
merci d'un certain nombre de difficultés qui l'empêcheraient de
développer les compétences nécessaires sur le plan des
services. Pour nous, ce serait reconnaître la volonté de
partenariat dans la politique en santé mentale.
La recommandation 18. Nous sommes évidemment en accord avec cette
proposition. Le fait d'avoir un cadre de référence et des
orientations claires accélérera et facilitera la démarche
de planification régionale d'organisation des services. Notre
expérience nous porte à croire que l'accessibilité et la
disponibilité d'une gamme de services doit se développer sur une
base sous-régionale pour l'ensemble des régions.
Nous sommes également d'avis que les quatre
éléments identifiés dans le processus d'élaboration
d'un plan d'organisation des services, à savoir: l'identification des
besoins de la population d'un territoire, la détermination des services
nécessaires à la réponse à ces besoins, la mise
à contribution des ressources disponibles et l'évaluation des
résultats, cela devra être une démarche fondamentalement
dynamique qui permet un auto-renouvellement continu.
M. Boyer, si vous voulez...
M. Boyer: Je pense qu'il y a aussi un élément qui
est important dans la recommandation du rapport Harnois. Un plan d'organisation
des services, ce n'est pas uniquement une distribution de mandat et d'argent Un
plan d'organisation des services, en tout cas, selon l'expérience qu'on
a vécue, est avant tout la capacité de faire un cheminement
commun et d'avoir une compréhension commune de la réalité
des services en santé mentale et de la manière et où les
services doivent se donner. Je dirai que cet élément-là
est peut-être à la limite l'avantage le plus important de
fonctionner avec un plan régional de services. Une fois qu'on a fait
cela, on est capable de développer un cadre sur le type d'intervention
qui est nécessaire. Dans un troisième temps, on pourra faire une
répartition de mandat ou une répartition financière, etc.
Mais, fondamentalement, ce qui est Important dans un plan de services, c'est de
développer une compréhension commune. (20 h 30)
Mme Blais: En ce qui concerne la recommandation 20, nous
désirons insister sur l'approche intégrée des services
pour rejoindre les jeunes de 0 à 18 ans qui présentent des
problèmes de santé mentale ainsi que leur famille. Il faut
absolument que ce travail soit fait en lien avec les autres pouvoirs
impliqués, c'est-à-dire le scolaire, les municipalités,
les services sociaux beaucoup plus que ce que ta politique en dit.
En ce qui concerne la désinstitutionnalisation, la recommandation
30, nous pensons qu'il faudrait préciser les conditions de
réalisation, à savoir qu'il conviendrait d'ajouter une condition
préalable aux quatre conditions générales, soft une
démarche centrée sur les besoins de la personne. Il faudrait
faire intervenir ici la notion de qualité de vie qui est
particulièrement Importante et ce, en lien avec l'orientation 5 que l'on
retrouve à la page 50.
Il faudrait également inclure dans les conditions
générales la notion de plan de services individualisés
comme garantie minimale et obligatoire. Nous pensons que ce groupe d'experts
devrait relever directement du ministre de la Santé et des Services
sociaux. Le pourquoi de cela, ce qu'on se disait au niveau régional
c'est que l'expertise, au niveau du Québec, il n'y en a presque pas.
Thierry, si tu veux continuer.
M. Boyer: II y a cet élément-là qui est
Important effectivement C'est d'arriver à avoir...
Le Président (M. Bélanger): Le temps est
écoulé. Si vous pouvez aller en conclusion, s'il vous
plaît!
M. Boyer: On reviendra là-dessus, si
nécessaire.
Mme Blais: De toute façon, on avait terminé tous
les deux. C'était terminé.
M. Boyer: Je pense que c'était fini.
Le Président (M. Bélanger): Cela irait comme
cela?
Mme Blais: Oui.
Le Président (M. Bélanger): D'accord. Mors, Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Ah, ils ont terminé? Le
Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Lavoie-Roux: Ah bon. Alors, je veux remercier le Conseil
régional de la santé et des services sociaux de l'Outaouais de
s'être déplacé et de participer à la commission sur
te projet de politique en santé mentale. C'est particulièrement
intéressant, compte tenu que vous aviez déjà depuis
plusieurs années et plus récemment mis en application - du moins,
je pense - une partie de la politique en santé mentale que vous aviez
préparée pour votre région.
Je crois comprendre que dans l'ensemble de
votre mémoire, sauf pour des précisions et certains
raffinements, vous êtes globalement d'accord avec le projet de politique
du comité Harnois. Est-ce exact?
M. Vaillancourt (Jean-Robert): Vous avez raison.
Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir d'abord à la
dernière question - vous n'avez pas eu le temps de finir de l'expliciter
- en ce qui a trait à la désinstitutionnalisation. Ce que j'ai
cru comprendre c'est que ça devrait être un groupe d'experts,
compte tenu du peu d'expérience qui existe présentement au
Québec. Ai-je bien compris?
M. Boyer: II y a ça, mais c'est un niveau de
préoccupation d'arriver à recentraliser cette expertise. Il
existe de l'expertise. Elle est souvent éparpillée. Elle
gagnerait peut-être effectivement à être centralisée.
Il y a aussi un deuxième élément II nous paraît
Important que ce comité d'experts puisse être rattaché
directement au ministre pour la raison qu'il faudrait qu'il soit à un
niveau au-dessus du niveau fonctionnel de prise de décision. À
partir de ce moment, ce groupe d'experts pourra avoir la possibilité de
conseiller, de regarder, de critiquer positivement ou négativement un
certain nombre d'actions qui auront été posées
conjointement par le ministère, par les conseils régionaux et par
les établissements. Ça nous paraît quelque chose de
très important. C'est aussi un moyen de vérifier si les conseils
régionaux font effectivement une partie de leur travail et le font
sérieusement à l'intérieur de cela. Cela nous paraît
important que l'application et l'implantation des services soient aussi
évaluées et regardées de manière assez
sérieuse. C'est dans ce sens-là que l'on pense effectivement que
ce comité d'experts, il est important qu'il soit centralisé, mais
il est important aussi qu'il relève directement du bureau de la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais vous demander ceci en relation avec
l'expérience que vous faites et l'institutionnalisation, parce qu'on
parle toujours de désinstitutionnatisation, mais je pense qu'avec les
années qui vont venir on parfera peut-être davantage de
non-institutionnalisation que de désinstitutionnalisation. Avec les
ressources que vous avez mises en place ou qui sont à se
développer, même si vos évaluations ne sont sans doute pas
complétées, est-ce qu'il y a un effet très positif sur la
non-institutionnalisation des gens? Avez-vous l'impression que vous sentez une
décroissance dans l'Institutionnalisation?
M. Boyer: On sent au moins quelque chose, c'est que
l'institutionnalisation n'est plus la seule alternative, qu'il y a d'autres
possibilités et que cela peut donner d'autres moyens. Effectivement, on
commence à le sentir et cela commence. Il y a un certain nombre de
mesures qui sont en train de s'Implanter. Donc, c'est difficile de faire le
bilan, mais à partir du moment où on recentre cela sur la
personne, à partir des moyens nécessaires pour qu'elle puisse
vivre une vie de qualité dans la société,
c'est-à-dire qu'elle soit intégrée physiquement et
socialement, je pense que cela commence à porter un certain nombre de
fruits et cela commence à présenter d'autres alternatives
à l'institutionnalisation.
D'autre part, il y avait des personnes qui étaient
hébergées en milieu hospitalier et pour lesquelles le milieu
hospitalier n'était pas forcément le mode Idéal de
services. On a trouvé d'autres alternatives de services qui ne sont pas
en Institution, et il semble que la qualité de ces services et la
qualité de vie de ces personnes se sont surtout grandement
améliorées. Je parle, évidemment, d'un petit nombre.
Mme Lavoie-Roux: II y a une autre question que j'aimerais vous
poser et qui se situe un peu dans la suite du débat qui a
été amorcé avant le souper - je ne sais pas si vous
étiez ici - sur cette fameuse question d'Intervenants et des
responsabilités respectives des différents intervenants.
J'entendais dire tout à l'heure que, finalement, il ne s'agissait
peut-être pas de tel ou tel type de ressource, mais plutôt la
ressource qui convenait à une personne donnée dans une situation
donnée.
Est-ce que cette approche remet un peu dans l'ombre, si je puis dire,
tout ce débat au sujet de qui doit être l'intervenant principal ou
le rôle de chacun ou est-ce que, naturellement, les rôles tombent
en place? Est-ce que vous avez assez d'expérience pour pouvoir nous
répondre là-dessus?
M. Boyer: II y a peut-être d'autres membres qui pourraient
répondre aussi. Je pense qu'à partir du moment où on
resitue cela par rapport aux besoins de la personne les choses prennent un
poids relatif à savoir quel type d'intervenant est le plus important. Je
vais donner un exemple qui, pour mol, illustre bien cela. C'est un exemple qui
est donné souvent, mais qui est très significatif. C'est une
famille qui a un enfant autistique de 15 ou 16 ans; depuis 15 ou 16 ans,
l'enfant, de manière systématique, déchire la tapisserie,
brise les meubles, enlève les tapis, etc. À tous les mois, parce
que les parents pensent que c'est encore Important que cet enfant ait une
chambre propre, ils refont la chambre. La nature du service qui est
donné à cette famille pour que cet enfant ne soit pas
institutionnalisé et puisse continuer à vivre à
l'intérieur de la famille, en dehors des services scolaires qu'il a,
c'est quelqu'un qui aide régulièrement la famille à
remettre la pièce en état. Cela, c'est une forme de service qui,
dans le cas de cet enfant, est suffisant pour qu'il puisse demeurer avec sa
famille. Dans d'autres cas, ce sont des personnes qui sont prises en
charge,
avec un éducateur, de manière beaucoup plus Intensive,
quasiment 24 heures par jour, parce que, pour la sécurité de la
personne et pour la sécurité des autres et pour son
apprentissage, cela lui est nécessaire. Dans un autre cas, c'est une
personne qui assume une forme de traitement qui assume le leadership.
On ne pense pas qu'il y ait un type d'Intervenant qut ait
obligatoirement la responsabilité. Les besoins de la personne et la
réponse nécessaire à cette personne Identifient le type
d'intervenant qui doit entrer en ligne de compte.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question pour le moment.
Vous avez formé un comité au niveau régional, un
comité de santé mentale pour la préparation de votre guide
de santé mentale pour la région. Est-ce que vous pourriez me dire
qui était représenté à ce comité?
Mme Gatien (Claudette): Au début, lorsque nous avons
commencé la planification régionale, il y avait des Intervenants
de toutes les disciplines, de première et de deuxième ligne, dans
le jargon; il y avait aussi des bénévoles et des
représentants d'organismes communautaires.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y avait des usagers?
Mme Gatien: Comme tels...
Mme Blais: Mol, j'étais là justement lors du
débat sur le siège réservé à l'usager. On
n'a pas voulu mettre une étiquette "usager". Au niveau du comité
d'actualisation, à l'heure actuelle, il y a des gens qui ont
utilisé des services de santé mentale, mais fis ne sont pas
là avec une étiquette. Je pense qu'il faut se replacer dans te
contexte de l'Outaouais où c'est un vaste territoire très peu
populeux, si on considère une ville comme Montréal, et on ne
voulait surtout pas fausser le débat et dire: Cela, c'est la personne
qui a vécu le cas. Mais je peux vous dire qu'au comité
d'actualisation nous sommes des personnes qui avons vécu des situations
où nous avons eu besoin de services en santé mentale.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Je vous remercie.
Tout d'abord, en ce qui concerne la campagne d'information, vous dites
que ta campagne devrait se faire sur une base régionale, en fonction des
priorités du plan d'organisation régional des services, alors que
dans le rapport du Dr Harnois on parle plutôt d'une campagne de
sensibilisation à l'échelon national, si j'ai bien compris.
J'aimerais bien savoir pourquoi vous préconisez une campagne de
sensibilisation à l'échelon régional alors que la
sensibilisation des
Québécois peut être uniforme à l'ensemble du
Québec. Il ne doit pas y avoir de troubles plus particuliers à
Ottawa ou dans l'est, dans la région de I'Outaouals...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Je me suis trompé. Vous avez vu ma
déformation, madame. Je ne vois pas quel particularisme vous pourriez
avoir, dans la région de l'Outaouais québécois, qu'il ne
peut y avoir dans la région de Québec ou Montréal face
à la santé mentale ou à la promotion de la
santé.
M. Boyer Juste pour donner un exemple qui est très simple et qui
est une raison pour laquelle, dans l'Outaouais, nous n'avons pas fait de
campagne de sensibilisation régionale. Nous avons actuellement un
travail d'action qui se fait dans une sous-région. Et la raison est la
suivante. C'est que, dans une sous-région de l'Outaouais, dans trois
villages il y a une concentration atypique de personnes qui ont vécu des
difficultés de santé mentale, qut ont été
placées là en famille d'accueil, des familles d'accueil de huit
ou neuf. On retrouve à peu près 85 personnes sur une population
possible de 400 ou 450 personnes. Des municipalités commençaient
un peu à rejeter ces personnes-là. Elles refusaient de payer pour
le transport rural. Elles refusaient éventuellement un certain nombre de
choses, un certain nombre de services sociaux qui avaient une certaine distance
par rapport à cette clientèle-là, sous prétexte que
ce sont des gens qut avaient des difficultés mentales qui étaient
très importantes.
Ce qu'on a fait, parce qu'on considère effectivement que les
conditions de vie de ces personnes ne sont peut-être...
M. Chevrette: Est-ce que L'Annonciation est toujours dans votre
région?
M. Boyer: Non, ce n'est pas L'Annonciation. Je parte d'une zone
qui est dans la Petite Nation et dans la Petite Rouge actuellement. Et dans
cette situation-là, pour les personnes qui vivaient en famille
d'accueil, il était préférable de ne pas faire une action
d'un point de vue régional mais de faire un travail d'animation
communautaire avec les gens du milieu pour développer une forme de
tolérance et, dans un deuxième temps, de développer des
plans de services qui vont permettre à ces personnes de pouvoir
réintégrer leur milieu. Une campagne d'information au niveau
provincial nous aurait peut-être dérangés. C'est même
pour ça qu'on a choisi de ne pas faire une campagne d'information
régionale mais de le faire sur une base sous-régionale pour
respecter tes personnes.
M. Chevrette: Oui, mais l'esprit du rapport Harnois - à
moins que je ne me trompe - c'est une sensibilisation collective de la
population
québécoise. C'est de même que je l'ai
Interprété en tout cas. Je peux me tromper. C'est dommage qu'il
ne soit pas au bout de la table pour nous répondre de temps en temps. Je
suis sûr qu'il aurait même rectifié des
énoncés que j'ai faits cet après-midi. Mais, ceci dit, il
m'apparaît qu'il est du domaine des CRSSS d'avoir des campagnes de
sensibilisation plus localisées, plus spécifiques, mais, quand on
parle d'un village et qu'on vient potentiellement déranger un plan
national de sensibilisation, vous ne croyez pas que c'est discordant par
rapport à la vision que présentait le rapport Harnois?
M. Boyer: Ce n'est pas qu'on est contre. Mais qu'on tienne compte
des particularités régionales et des particularités
sous-régionales. Il y a peut-être des manières de
l'articuler qui ne se font pas uniquement à partir de ce qui aurait
été pensé dans un endroit, etc., d'essayer de tenir compte
peut-être de certaines formes et de certaines réalités qui
existent. Le message ou le contenu du message est sensiblement le même
dans l'Outaouais, je pense, qu'au Lac-Saint-Jean. Mais la manière
d'articuler la campagne, le tempo, la période où elle doit se
situer par rapport à tel ou tel type d'action, etc., je pense que c'est
là où on demande qu'il y ait un respect en fonction des
priorités régionales et des priorités
sous-régionales. Ce n'est pas qu'on est contre. Mais peut-être de
modérer un certain nombre de choses.
Mme Biais: Notre plus grande Inquiétude... M. Chevrette:
Je me... Oui, allez-y.
Mme Biais: ...se situe dans la façon dont on va le faire.
Les choix qui seront faits provincialement, évidemment on peut parler de
schizophrénie et essayer de démystifier la schizophrénie.
On n'arrivera jamais à expliquer à personne qu'il y a à
peu près 227 sortes de schizophrénie et 300 sortes de psychose et
en même temps à dire au monde que ce n'est pas dangereux. Comment
va-t-on réussir à dire ça? C'est tout simplement en
respectant le milieu et le langage que le milieu va comprendre. Et nous ce
qu'on veut faire c'est de la sensibilisation mais de façon positive en
permettant aux gens qui connaissent des difficultés plus grandes,
différentes des difficultés physiques, de se faire une place sans
être étiquetés. 'Lui, ne lui parle pas trop fort, il est
malade." Je pense que c'est dans les consultations qu'on a faites avec les gens
qui ont connu des difficultés... Cela a été
souligné dans le rapport Harnois. C'est arrêter de voir les gens
comme une maladie. C'est pour cela qu'on dit... (20 h 45)
M. Chevrette: Comment expliqueriez-vous, madame, qu'une
région sur douze, treize ou seize, depuis le dernier décret,
veuille avoir son plan de sensibilisation alors que l'ensemble du
Québec désire un plan uniforme? Pour un
schizophrène à Hull ou un schizophrène au Lac-Saint-Jean,
est-ce que ce ne sont pas les mêmes symptômes, la même
sensibilisation à donner? Je comprends très difficilement votre
argumentation.
Mme Biais: Notre argumentation...
M. Chevrette: Si vous me disiez que c'est parce que vous voulez
axer votre plan de sensibilisation exclusivement sur la psychose, par exemple,
alors qu'au Québec la ministre a décidé d'y aller dans une
première année sur les instincts suicidaires, cela je pourrais
comprendre que vous puissiez être divergents du plan national. Mais,
à partir du moment où on choisit un thème national, je ne
comprends absolument pas votre argumentation et j'attends des explications plus
claires.
Mme Blais: Je pense que la principale argumentation provient du
fait qu'on est une des seules régions, à ma connaissance, qui a
mis sur pied un plan de services en santé mentale et nous sommes
à l'actualiser. Je pense que notre réponse peut être
là aussi.
M. Chevrette: Cela me convainc plus.
Mme Biais: Bon, sur les dix, onze, douze, treize régions
qui sont toutes d'accord, l'Outaouais est la seule où on a dit: Oui, on
a un plan de services. On le met en action, envers et contre tous, parce
qu'évidemment je suis d'accord que cela n'a pas fait l'unanimité
du reste de la province. Mais on y a été et on l'a fait. C'est
à partir de là qu'on avance ce qu'on vous dit. C'est en
conformité avec l'adoption de ce plan-là, en conformité
avec notre vécu.
Mme Gatien: Je renchérirais aussi, M. Chevrette, en disant
que nous sommes actuellement, au comité d'actualisation, à nous
pencher sur toute cette question de promotion et de sensibilisation des
populations. Lorsque nous avons fait la tournée des différentes
sous-régions de l'Outaouais pour faire la promotion de notre plan de
santé mentale et pour Indiquer aux gens de chacune des
sous-régions que nous voulions enligner, si vous voulez, l'actualisation
du plan en fonction des besoins de chacune des sous-régions, les gens
nous ont dit: Voulez-vous, s'il vous plaît, ne pas faire de promotion "at
large" tout de suite. Laissez-nous nous organiser. Laissez-nous identifier le
vécu et où sont nos personnes dans te besoin et ensuite nous
serons avec vous pour faire la promotion et la sensibilisation globale en
santé mentale. Je pense qu'essentiellement notre message se situe plus
là, dans cette espèce de respect de chacune des régions
à implanter leurs services et ne pas créer, finalement, des
attentes inutiles dans la population en faisant la promotion de tel ou tel
service, alors que dans la réalité et dans la vraie
vie de tous tes jours ces services ne sont pas encore Implantés.
Je pense que c'est à cela qu'il faut faire attention actuellement.
M. Chevrette: Vous pouvez y aller.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que quand on parle de sensibilisation
de la population, dans un premier temps, ce n'est pas nécessairement une
sensibilisation ou une promotion des services. Je pense que c'est une
éducation de la population au phénomène de la santé
mentale, de la place que ces gens peuvent occuper sur le marché du
travail, relativement à la réinsertion sociale. C'est
peut-être un peu différent d'une deuxième étape,
où on fait connaître tes services, etc. Je suis d'accord avec vous
que tant que les services n'y sont pas cela ne sert à rien de
créer des attentes qui ne pourront pas êtres satisfaites. Est-ce
que vous ne croyez pas qu'au départ il y a une éducation de base?
Parce qu'il y a encore des familles, on le sait, qui ne veulent pas parler de
leurs proches qui ont des problèmes de santé mentale. Il y a
encore des tendances à les cacher, à les nier, etc. Est-ce qu'il
n'y a pas une acceptation de base que la communauté ou la population en
général doit faire?
Mme Gatien: C'est très clair qu'il faut parler ouvertement
de la santé mentale et il faut en faire la promotion. Je pense que,
là-dessus, il n'y a pas de problème.
M. Boyer: Je pense que, si c'est une promotion des
compétences des personnes, on n'aura aucune difficulté. Si c'est
une campagne de sensibilisation qui est orchestrée en même temps
qu'un mouvement de désinstitutionnalisation, alors que des
municipalités mettent des règlements de zonage qui interdisent
toute forme de résidence pour des personnes qui ont vécu des
difficultés importantes, etc., qu'il y a des gens qui arrivent à
faire baisser leur évaluation municipale sous prétexte qu'il y a
un foyer de groupe qui vient s'implanter dans la rue, etc., je pense que c'est
un peu deux poids, deux mesures. Mais, si c'est pour faire la promotion des
personnes, la promotion de leurs compétences réelles à
l'intérieur de la société, cela ne nous dérange
pas.
M. Chevrette: Là, cela se précise. Mme Lavoie-Roux:
Oui.
M. Chevrette: C'est un peu comme un ténor qui est pour la
désinstitutionnalisation pour autant que ce n'est pas dans sa rue.
Mme Blais: Oui, c'est...
M. Boyer: Bien, c'est justement...
M. Chevrette: C'est ce que je comprends.
M. Boyer: ...pour éviter qu'on ait ce genre de situation
et qu'on se retrouve encore avec...
Mme Lavoie-Roux: On est encore vis-à-vis du tabou.
À entendre parler tes gens, s'il se passe un accident ou si un
ex-psychiatrisé est agressif vis-à-vis de quelqu'un, c'est que
tous ceux qui sortent des Institutions sont agressifs envers tout le monde,
alors qu'on sait que les proportions sont tellement moindres que dans la
population en général; c'est la perception que les gens ont. Dans
ce sens-là, je pense qu'il y a beaucoup de travail de défrlchage
à faire, finalement On veut faire avancer...
Mme Blais: Notre réaction provient aussi de ce qui est
inscrit dans le document. Ce n'était pas tellement précis et on
ne veut pas prendre de chance là-dessus. On dit: Oui, si on veut faire
une campagne provinciale, on espère qu'on aura notre mot à dire,
c'est clair.
M. Chevrette: C'est la façon de mettre le pied dans la
porte.
Mme Blais: Oui, oui!
M. Chevrette: Deux ou trois petites questions rapides. Ma
première: Qui voyez-vous comme responsables de première ligne? Je
vous essaie, là! Faites-moi partager votre joie, maintenant.
Mme Lavoie-Roux: De première et de deuxième
ligne.
M. Chevrette: Eux autres disent cela, mais la
multidisciplinarité, s'il n'y a pas de leader et s'il n'y a pas
quelqu'un qui décide, qui est-ce?
M. Boyer: En Outaouais, vous avez quatre sous-régions.
M. Chevrette: Oui.
M. Boyer: Vous avez quatre modèles organisationnels de
services de première ligne qui sont différents.
M. Chevrette: Je m'excuse, j'étais en retard.
M. Boyer: Comment?
M. Chevrette: J'étais en retard.
M. Boyer: C'est cela qui est Important. Ce qui est important,
c'est que le service se donna
Je vais vous donner l'exemple de Pontiac. Dans Pontiac, vous avez un
CLSC et un CH communautaire. Vous avez un point de services du CSS, un point de
services d'un centre d'accueil en déficiences Intellectuelles et deux
centres d'accueil d'hébergement. Par rapport aux
personnes qui vivent des situations de crise ou des situations de
détresse, l'ensemble des établissements et des organismes du
milieu ont dit: On va s'assurer que, 24 heures sur 24, on soit capable de
donner une réponse adéquate aux personnes. Ce service est
coordonné par le CLSC avec la participation d'un réseau de 25
à 30 Intervenants de différents établissements et de
différents organismes. Dans ce cas-là, c'est le CLSC.
Si je vais à Maniwaki, vous avez un CLSC et un centre d'accueil
et vous avez un CH. La démarche se fait à partir d'un
comité de gestion Interétablissements avec un budget en fiducie
au centre hospitalier.
Si je suis dans Hull-Aylmer-Gatineau, j'ai un centre d'aide qui
répond 24 heures sur 24 et vous avez un accroissement des services par
les CLSC avec un support de deuxième ligne par un hôpital
psychiatrique qui a un service de support psychiatrique dans la
communauté.
SI je vais dans la Vallée de la Lièvre, j'ai encore une
autre forme de services interétablissements et, si je vais dans la
Petite Nation... Ce sont deux sous-éléments d'une même
sous-région qui se retrouvent, effectivement, uniquement
articulés à partir du CLSC. Ce qui est important, c'est que,
partout dans la région de l'Outaouais, une personne qui, actuellement,
vit une situation de crise ou de détresse a une réponse. Le "qui
le donne" ou "qui en aura la responsabilité", pour nous, nous a paru
comme étant moins important, pour autant que les organismes et les
établissements s'entendent pour donner te service...
M. Chevrette: Et c'est partagé par toutes les corporations
professionnelles?
M. Boyer: Oui, parce que ce sont les propositions
organisationnelles qui nous ont été faites par les
sous-régions.
M. Chevrette: Est-ce qu'elles pourraient assumer un leadership
national là-dessus? Celle-là...
Le Président (M. Bélanger): Un problème
à la fois, monsieur.
M. Chevrette: ...je ne vous demande pas d'y répondre.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette, un problème à la fois.
M. Chevrette: Oui, mais un message, ça se passe en
même temps. Vous savez que ce n'est pas le cas partout.
J'ai une petite question également sur la notion de
perfectionnement ou de recyclage. Je vais plutôt parler de recyclage,
Vous dites souvent que la formation continue doit être favorisée
au maximum, il faut encourager les initiatives, etc. C'est surtout aux
recommanda- tions 6, 7 et 8. Que pensez-vous maintenant face à la
désinstitutionnalisation et aux personnels qui seront affectés
par les désinstitutionnalisations? Est-ce que vous préconisez la
même chose que vous préconisez aux recommandations 6, 7 et 3?
Est-ce que vous voyez un recyclage de cette main-d'oeuvre? Est-ce que vous
voyez le maintien de la sécurité d'emploi de ces travailleurs?
Est-ce que vous les voyez recyclés et réinstallés dans
d'autres fonctions? Est-ce que vous auriez encore répondu à cela
avant que j'arrive?
Mme Blais: Non.
M. Chevrette: Dans ce cas-là, faites-moi partager
véritablement votre joie.
Mme Blais: II y a quelques pièges dans votre question.
M. Chevrette: II n'y a pas de piège, madame.
Mme Blais: Disons que, oui, pour le recyclage, il n'y a pas de
problème. Pour la sécurité d'emploi... Je pense qu'on
revient toujours à la notion de services. C'est dépendant des
services qui vont être offerts pour répondre aux besoins de la
personne. Je pense que là-dedans, autant en ce qui a trait aux
établissements qu'en ce qui a trait aux organismes, on va apprendre
à mieux s'évaluer, mieux se réévaluer, à
mieux se reformer. À ce moment-là, il est sûr que des
emplois vont être garantis. Mais je ne pense pas qu'on veuille que le
système dise: Oui, tout le monde va avoir sa sécurité
d'emploi. Ceux qui vont faire des choix, ceux pour qui la personne va
être la priorité vont refaire des choix professionnels. Dans le
fond, ce qui est recommandé, ce n'est pas de tout abolir. Au contraire,
on reconnaît l'importance de tous les intervenants et ce n'est pas une
politique en santé mentale ou un plan de services en Outaouais qui va
faire que, demain matin tout va être réglé.
M. Chevrette: Je vais reposer ma question. Vous décidez de
désinstitutionnaliser. Je suppose que Mme la ministre, demain matin,
donne suite, par exemple, au plan de Louis-H. Lafontaine de 1985. On est en
1988. Je suppose qu'elle décide de le faire. Cela veut dire qu'elle
décide de bâtir des centres d'accueil pour les personnes
âgées qui ne devraient pas être en milieu asilaire, qu'elle
décide également de désinstitutionnaliser, avec des
programmes d'encadrement et de réinsertion sociale, un bon nombre, 400
ou 500 personnes. Il y a des personnels dans cela qui oeuvrent depuis 19 ans ou
20 ans. Vous ne pouvez pas deviner demain matin - je m'excuse, mais avec tout
le respect que j'ai pour vous, madame - vous ne pouvez pas... Quelqu'un qui
travaille depuis 20 ans, si vous lui demandez: As-tu le souci de la personne?
Il va vous dire, pour conserver son emploi, que cela fait long-
temps qu'il l'a. Voyons! Je ne crois pas à cela personnellement
II va vous dire: Recyclez-moi en fonction des fonctions à accomplir. Je
crois plutôt à cette approche que celle de dire: A-t-elle le souci
de la personne ou pas? Je vais vous avouer que, lorsque j'ai une famille de
deux ou trois enfants, j'ai le souci de la personne, mais de la mienne d'abord
et des autres ensuite.
Donc, à partir de là, je vous demande carrément:
Est-ce que vous croyez fondamentalement que le ministère, que le
gouvernement doit avoir un souci de recycler sa main-d'oeuvre et de l'organiser
en fonction des nouveaux programmes, des nouvelles exigences à la suite
d'une politique? Que répondez-vous à cela?
M. Boyer. On n'a aucune difficulté par rapport à
cela. C'est absolument évident. Cela se fait dans d'autres endroits,
dans d'autres provinces. J'entendais l'exemple récemment de la Colombie
britannique, où ce sont des choses qui ont été
négociées entre les syndicats et le gouvernement et cela s'est
fait sans heurt majeur en ce qui concerne les services aux personnes
déficientes intellectuelles. Il n'y a pas de difficulté. Est-ce
que, dans l'Outaouais, on est privilégié ou pas? Je ne le sais
pas, mais on a eu moins à se poser la question de la
désinstitutionnalisation parce qu'on ne retrouvait pas sur le territoire
de l'Outaouais de "gros établissements", entre guillemets. Je pense
qu'effectivement on a peut-être été amené à
moins approfondir là-dessus. Mais la désinstitutionnalisation
n'est jamais une fin. C'est juste un moyen pour améliorer la
qualité de vie de la personne. Je pense que, si on le posait plus comme
moyen que comme fin, on aurait peut-être moins ce clivage anti ou pour,
avec tout ce qui s'y rattache. (21 heures)
M. Chevrette: Oui, mais, entre vous et moi, je ne veux pas me
faire... Oui, je veux me faire - je suis aussi bien de le dire comme je le
pense - le défenseur des salariés qui, depuis quinze ou vingt
ans, peuvent travailler dans des milieux asilaires et, du jour au lendemain,
dû à des politiques qui peuvent être raisonnables,
sensées et tout cela et qui peuvent au moins être
considérées dans le décor de changement... Même si
la désinstitutionnalisation n'est pas une fin en soi, cela peut
être une politique extrêmement respectée par une
majorité de la population, ce qui n'empêche pas un gouvernement de
tenir compte des effectifs humains dans tout cela et de procéder
à du recyclage très important. En tout cas, c'est ainsi que je le
vois.
Mme Blais: Oui, mais c'est le rôle du gouvernement
M. Chevrette: Je m'excuse, mais ce n'est pas seulement le
rôle du gouvernement C'est aussi le rôle des intervenants, madame.
Là, vous pourriez... Je vais défendre la ministre -
Imaginez-vous! - cela va vous surprendre. Ce n'est pas Mme la ministre et ce ne
sont pas les fonctionnaires, à Québec, qui vont décider
sur place. Vous prêchez pourtant la régionalisation, y compris
dans vos campagnes d'Information. Imaginez-vous, dans vos campagnes
d'Information et de sensibilisation, maintenant... Il me semble que le milieu a
un rôle prépondérant à jouer dans cela, celui
d'utiliser les ressources au maximum, selon les capacités. Vous avez un
très grand rôle à jouer. Ce n'est pas au niveau national
qu'on va régler la répartition des ressources humaines selon les
compétences, c'est au niveau régional et peut-être
même sous-régional, pour utiliser une autre de vos expressions. De
sorte qu'à mon point de vue, dans ce dossier, on ne réussira rien
si l'ensemble des Intervenants... Pour moi, l'ensemble des Intervenants, cela
comprend les salariés touchés. Je ne dis pas cela parce que vous
êtes contre. Je comprends que vous êtes moins touchés - je
comprends ce que M. Boyer dit - parce que vous n'avez pas de gros centres.
Mais, là où il y en a, si on ne met pas les employés dans
le coup, je prétends qu'on va manquer le bateau parce qu'on va
"rebiffer* le monde dans ces milieux. J'ai connu des maires, de gros
ténors et des millionnaires prêcher la
désinstitutionnalisation pour autant que ce n'était pas dans leur
rue, à Montréal. Ces gens-là, c'est dans la fossette du
cou que je les vois, ce n'est pas en avant. Les vrais, les personnes
sincères, ce sont des personnes qui prêchent quelque chose et qui
sont capables d'y mettre du leur quand arrive le temps de faire quelque chose.
Je retire mes allégations, je vous pensais très réticents
vis-à-vis de cela, mafs je m'aperçois que ce n'était pas
là le problème.
Mme Blais: Non, pas du tout. J'aimerais ajouter une seule chose.
Je disais que c'est une responsabilité de gouvernement. Je pense
qu'à un moment donné cela devient un choix à faire. Le
choix a été fait dans l'Outaouais. Et, à partir du choix
qui a été fait par le conseil régional, des moyens ont
été pris non seulement pour sensibiliser, mais aussi pour
Impliquer tous les intervenants. On a dit: Comment va-t-on le faire, mais tous
ensemble?
M. Chevrette: M. le Président me dit que je n'ai plus de
temps. Je dois vous féliciter pour avoir été
avant-gardistes dans votre région.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai seulement deux
très courtes questions sur un sujet dont vous n'avez pas trop
discuté dans votre mémoire, les ressources alternatives. Il y en
a dans votre région aussi, j'imagine. Je ne veux pas vous induire en
erreur. J'en ai dans mon comté, à Verdun. D'ailleurs, le Dr
Harnois vient aussi de Verdun, ils m'ont beaucoup Impressionné. Je les
visite régulièrement. Je
connais très bien leur travail et cela m'Impressionne beaucoup.
J'aimerais avoir votre réaction au point de vue du travail des
ressources alternatives dans votre district. Est-ce que vous les
considérez vraiment comme une alternative ou non?
Deuxièmement, vous devez sans doute avoir aussi des familles
d'accueil. J'ai visité, en préparation à cette commission,
juste avant Noël, quelques-unes de ces familles, dans mon comté,
à Pointe-Saint-Charles. Là encore, j'ai été
très Impressionné. Je dois vous le dire, je suis profane et non
expert comme vous, mais j'ai vu ces familles d'accueil et les
bénéficiaires qui sont là. Vous le savez aussi. Est-ce que
vous faites l'inspection de ces familles d'accueil? Quelle sorte de
système existe-t-il? Vous voyez ce qui se passe dans le champ, est-ce
que vous faites une évaluation par écrit? Est-ce qu'il y a des
rapports qui existent sur cela dans votre coin?
M. Boyer: Je peux vous dire que, dans la planification
régionale des services en santé mentale dans l'Outaouais, nous
avons reconnu que les organismes communautaires ou les ressources alternatives
avaient des rôles fondamentaux et essentiels dans tout le secteur de la
réinsertion, du soutien à la personne, du soutien à ta
famille et dans les activités de promotion, ce qui représente
environ un tiers des activités qui se déroulent en santé
mentale dans la région de l'Outatouais. On a reconnu fondamentalement
leur champ d'expertise, l'engagement et souvent ils ont pallié des
services dans lesquels les établissements avaient peut-être un peu
moins le goût de s'embarquer. Historiquement, cela été
ainsi dans la région.
Par rapport à la question du contrôle ou de
l'évaluation, c'est un peu ce qui a été mentionné
tantôt. Tous les services qui sont développés dans le cadre
de l'évaluation des services en santé mentale vont être
évalués. Ils vont être évalués en regard de
la qualité de vie et de la qualité du service à la
personne, C'est dans notre Intention d'implanter des mécanismes qui vont
permettre que les services soient évalués autant pour les
personnes qui sont desservies en famille d'accueil, autant pour les personnes
qui sont desservies via un CLSC, autant pour les personnes qui sont desservies
dans une maison d'hébergement, autant pour un programme de support
à domicile, etc. Donc...
M. Polak: Une dernière sous-question. Par exemple, les
familles d'accueil existent depuis des années. Avez-vous
déjà fait des Inspections? Êtes-vous allés sur les
lieux, vos fonctionnaires, vos gens, pour voir? Avez-vous fait les
constatations et quelles sont ces constatations? Y a-t-il un rapport
écrit sur ce qui existe?
M. Boyer. Oui, il y a des rapports qui ont été
écrits dans la région de l'Outaouais pour les 150 personnes qui
vivaient en familles d'accueil.
Il y a un plan de services qui est en train d'être
élaboré pour chaque personne pour favoriser leur
réinsertion et il y a un certain nombre de recommandations, il y a une
réserve financière qui a été accordée pour
faciliter le développement et l'actualisation des plans de services.
Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps est
écoulé.
M. Chevrette: 30 secondes. Je suppose que c'est le rôle des
CSS?
M. Boyer C'est fait en collaboration avec le CSS.
M. Chevrette: Oui, mais le rôle premier, le placement des
personnes, je suppose que c'est le CSS, cela ne doit pas avoir
changé?
M. Boyer: C'est fait en collaboration avec le CSS.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez,
M. le député de Joliette, en conclusion.
M. Chevrette: Je pense que les gens de la région de
l'Outaouais nous ont démontré qu'ils avaient vraiment quelques
longueurs d'avance sur d'autres régions. Tout ce que je vous
demanderais, c'est d'avoir une influence nationale.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lavoie-Roux: À mon tour, M. le Président, je
voudrais remercier le conseil régional de l'Outaouais. Je suis surtout
impressionnée par le fait qu'il semblerait - en tout cas, c'est ce que
vous avez affirmé - qu'à la grandeur de l'Outaouais, 24 heures
sur 24 heures, on peut avoir une réponse Immédiate dans un cas de
détresse émotive, psychologique, appelons-le comme on le voudra,
et cela m'apparaît être unique au Québec, sans vouloir
être injuste pour d'autres régions. C'est bien la situation telle
que vous l'avez décrite?
M. Boyer: ...services doivent ouvrir la semaine prochaine ou
quelque chose comme cela, c'est complètement en train de se
finaliser.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie
au nom de la commission pour votre participation et la qualité de votre
participation.
J'inviterais la Corporation des psychologues du Québec à
se présenter à la table des témoins.
Si chacun veut bien reprendre sa place, la commission reprendra ses
travaux. Nous recevons à ta table des témoins la Corporation
professionnelle des psychologues du Québec représentée par
M. Luc Granger, le président, par Mme Renée Lavigne-Sabourin,
vice-présidente, M. Michel
Sabourin, président du comité des affaires publiques et
Mme Danièle Marchand, chargée des dossiers professionnels
à la corporation.
Votre porte-parole sera M. Granger, je présume.
M. Granger (Luc): Oui, monsieur.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, vous
connaissez un peu nos règles de procédure?
M, Granger: Oui, M. le Président
Le Président (M, Bélanger): Je vous invite donc
à procéder, s'il vous plaît.
Corporation professionnelle des psychologues du Québec
M. Granger: Je vais procéder. Je vais essayer d'être
bref pour laisser beaucoup de place à la période de questions.
D'abord, je veux remercier la commission de prendre te temps de nous entendre.
Ce n'est pas la première fois que la Corporation professionnelle des
psychologues se présente devant la commission parlementaire des affaires
sociales. Nous sommes très heureux d'être ici parce que nous
représentons 3800 psychologues qui ont une formation universitaire
très spécialisée d'un minimum de cinq ans et cela va dans
beaucoup de cas jusqu'à huit années pour ceux qui font un
doctorat. Une bonne majorité de ces gens-là oeuvrent dans le
domaine de la santé mentale et ce, à deux titres: II y en a qui
oeuvrent dans le réseau de la santé mentale et il y en a beaucoup
qui oeuvrent en bureau privé. Alors, on est particulièrement
heureux d'être ici parce qu'on représente en même temps une
partie des Intervenants ou, enfin, les principaux intervenants du réseau
parallèle de santé mentale pour les bien-nantis et ce que l'on
veut venir dire ici dans le fond, c'est qu'on aimerait que ce ne soient pas
seulement les bien-nantis qui profitent de cela et que la majorité de la
population puisse aussi en profiter.
Je vais commencer d'abord par envoyer un peu les fleurs, si vous voulez,
comme il est d'usage de le faire dans des assemblées aussi augustes.
Alors, on a lu le rapport Harnois, évidemment. On trouve que c'est une
oeuvre qui a sûrement nécessité beaucoup de travail,
beaucoup de réflexions, beaucoup de discussions. Alors, il y a beaucoup
de choses dans le rapport avec lesquelles on est d'accord et que de toute
façon on trouve très vertueuses, et on est effectivement pour la
vertu. En particulier, on est d'accord avec la proposition qui est faite
d'augmenter ou, enfin, de continuer à soutenir la recherche dans le
domaine de la santé mentale. On pense que c'est essentiel et qu'il est
temps qu'on le dise et on espère que le gouvernement va donner suite
à cette recommandation. On est aussi très heureux que le Dr
Harnois et son comité aient placé la personne au centre des
actions et non pas, finalement, les structures ou les intervenants, comme
malheureusement trop souvent on le fait un peu tous. On est très heureux
que l'on propose dans le rapport des programmes de répit pour les
familles et que l'on propose aussi d'utiliser ou d'Intégrer les familles
et les ressources communautaires ou les ressources alternatives dans les
problèmes de santé mentale.
Il y a quand même, évidemment, des choses qui nous
inquiètent dans le rapport et c'est surtout de cela dont je vais vous
parler même si on est d'accord avec une bonne partie de ce qui est dans
ce rapport. Je ne vous parlerai pas de toutes les choses qui nous
inquiètent. Vous avez lu notre mémoire; alors, je ne vous en
ferai pas un résumé, je vais surtout soulever quelques points qui
nous préoccupent plus particulièrement. Une chose que j'ai
trouvée au départ Intéressante dans le rapport, c'est
qu'on parlait de partenariat et de multidisciplinarité. Tout le monde
qui travaille dans le réseau ou même en bureau privé,
finalement, favorise cette notion-là. J'aimais même la
définition de cette multidisciplinarité proposée dans le
rapport à un certain endroit en note infrapaginale où on disait:
'Par multidisciplinarité, le comité désigne la mise
à contribution des compétences spécifiques de chaque
discipline pour une action concertée." (21 h 15)
Ce qui nous a beaucoup Inquiétés par la suite, c'est que,
quand on lit le rapport, on parle beaucoup d'intervenants psychosociaux et
d'intervenants de tout acabit, mais on se garde bien de spécifier la
spécificité de chacun de ces intervenants, ce qu'il fera dans les
interventions en santé mentale et qui sera responsable de quoi. On donne
l'impression, dans le fond, qu'en médecine c'est très clair, il y
a des médecins, des spécialités, c'est très clair.
Mats, en santé mentale, ce sont un peu les gens qui peuvent
écouter et un peu tout le monde peut faire n'importe quoi
là-dedans, il s'agit de les reformer un peu à faire tout
cela.
Cela nous a inquiétés parce que - et je reviendrai
là-dessus tantôt quand je parlerai de l'accessibilité - ...
Dans le réseau parallèle, pour les bien-nantis avec lesquels nous
avons le plaisir de collaborer dans nos bureaux privés, on fait beaucoup
de multidlsciplinarité. Beaucoup de psychologues en bureau privé
reçoivent des gens sur référence médicale ou
psychiatrique, réfèrent des gens à des médecins,
utilisent des travailleurs sociaux, mais on appelle tous ces gens par leur nom
et on est très au courant de ce qu'ils savent faire et de ce qu'ils
peuvent faire pour la personne en question. Personne dans notre réseau
parallèle de personnes bien nanties n'ira voir un intervenant
psychosocial. Ils vont aller voir un médecin, un psychologue, on va les
référer à un psychiatre, Ils vont nous en
référer un, ils vont voir un travailleur social et chaque
professionnel est assez bien identifié, on connaît ses limites
et
ces gens les réfèrent à d'autres quand cela
dépasse le niveau de leur compétence.
Nous espérions que la multidisciplinarité dont II
était question là-dedans serait cela, mais on est tnqulet parce
qu'on n'est pas sûr que ce sera vraiment le cas. Souvent, dans les faits,
cela devrait être le cas dans le réseau.
La deuxième chose, celle qui nous inquiète le plus, c'est
la question de l'accessibilité, je pense. Le rapport montre bien qu'il
n'y a pas beaucoup d'accessibilité ou, en tout cas, qu'il y a une
accessibilité qui gagnerait sûrement à être
augmentée dans le réseau de la santé mentale. Je vais
faire un parallèle encore entre le système des gens bien nantis
et le système des gens moins bien nantis, et je vais vous donner des
exemples concrets. Si quelqu'un souffre de ce qui, dans le rapport, est
qualifié d'épiphénomène, violence conjugale,
suicide, des choses comme cela, qui, pour nous, sont quand même des
problèmes très importants... Dans le rapport, à la page
37, on mentionne que c'est ce genre de problème, finalement, qui
s'accroît peut-être le plus dans notre population. Si quelqu'un a
un problème de ce type présentement, à quel endroit
va-t-il s'adresser pour avoir un traitement ou une Intervention, au
départ? Si cette personne n'a pas les moyens et s'adresse au
réseau public, va dans un CLSC, par exemple, il y a beaucoup de CLSC qui
n'offrent pas directement les services de ce genre, si la personne va à
l'hôpital, ce que beaucoup de gens font, ou va voir un omnipraticien, on
va assister à une médicalisation de ce problème. Que fait
cette médicalisation qu'on considère à outrance de
problèmes qui, dans le fond, ne sont pas des problèmes
médicaux, à la base, mais qui sont médicalisés
parce qu'il n'y a pas d'autres endroits dans le système où
quelqu'un peut avoir réponse à ces problèmes? Cela produit
deux choses. Premièrement, cela produit un accroissement inutile des
coûts de la santé, à notre avis, parce que, quand vous
entrez dans un système médical, si vous allez dans une urgence,
vous allez d'abord voir le médecin de garde, probablement, qui risque de
vous référer au psychiatre s'il pense que votre état le
nécessite, qui, lui, va peut-être finalement vous
référer, après un certain temps, au département de
psychologie ou aux psychologues qui sont dans cet hôpital et la personne
aura accès à une ressource pour son problème.
Si la personne va voir un omnipraticien en polyclinique ou en bureau
privé, l'omnipraticien, se rendant compte que le problème,
finalement, dans ce cas, n'est peut-être pas de nature proprement
médical, mais plutôt de nature psychologique, va
référer la personne à un psychologue en bureau
privé si elle a les moyens de payer. Si la personne n'a pas les moyens
de payer ou que l'omnipraticlen veut faire des interventions psychiatriques
parce qu'il en a entendu parler et qu'il trouve cela intéressant, il va
essayer de faire des Interventions qui seront facturées à
l'État - d'ailleurs, vous retrouverez ce genre de chose dans le rapport
de la Régie de l'assurance-maladie du Québec - ou, dans beaucoup
de cas, il va prescrire une médication psychotrope à cette
personne pour, finalement, diminuer le niveau d'anxiété de la
personne, supposément pour l'aider à passer à travers son
problème.
Que va-t-il se passer à ce moment-là? En
général, cela ne réglera pas le problème. Beaucoup
de gens vont admettre que cela ne réglera pas le problème et il
risque d'aller en empirant avec tous les coûts sociaux que cela Implique.
Si vous regardez dans les derniers rapports de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, depuis trois ans, il y a eu une
très bonne augmentation du nombre de millions qui ont été
utilisés au remboursement de médicaments psychotropes, en
particulier pour certains groupes sociaux, parce que c'est à eux qu'on
rembourse, qui sont les personnes âgées et les
bénéficiaires de l'aide sociale. C'est passé de 65 000 000
$ à 80 000 000 $ et à 85 000 000 $, je pense, dans le rapport de
l'an passé.
Tout cela, dans le fond, ce sont des choses qu'on prescrit à ces
personnes pour essayer de régler leurs problèmes de "santé
mentale", entre guillemets, problèmes qui se régleraient,
à notre avis, beaucoup plus facilement par des interventions
adaptées, c'est-à-dire des interventions de nature psychologique.
Cela, c'est un gros problème.
Ce qu'on a vu comme solution proposée par le rapport Harnois
quant à ces problèmes, on trouve une recommandation qui dit: Dans
le fond, effectivement, II y a peut-être beaucoup de problèmes qui
sont présentés aux médecins parce que, finalement, c'est
la principale porte d'entrée dans le réseau, étant
donné que, si on veut avoir accès gratuitement à des
services, on va voir un médecin, ce sont ces gens qui sont
remboursés dans le réseau, en bonne partie. Qu'est-ce qui est
proposé comme solution? C'est de dire: Pourquoi est-ce qu'on ne
formerait pas en priorité des omnipraticiens à faire des
interventions psychiatriques, vu que de toute façon il n'y a pas assez
de psychiatres, semble-t-il, au Québec? Alors, formons donc les
omnipraticiens et ils vont probablement pouvoir s'occuper de ces
problèmes-là en plus de faire ce qu'ils font habituellement et ce
qu'ils font très bien en termes de médecine.
Nous trouvons cette solution-là pour le moins embêtante
à deux points de vue. On se dit que, si on veut les former vraiment
à tenir compte de ça, cela va coûter très cher. Il
ne faut pas oublier qu'une formation à tenir compte réellement et
de façon compétente des problèmes de santé mentale,
ça ne se fait pas en deux ou trois fins de semaine de formation
médicale continue. Ce qu'on peut apprendre à faire en deux ou
trois fins de semaine, dans le fond, c'est à reconnaître ce genre
de problèmes et peut-être à les référer
à des spécialistes de ces types de problèmes. Mais, si on
veut vraiment former les
omnipraticiens à faire ça et leur donner la même
compétence que d'autres professionnels ont dans le réseau, ce
sont deux, trois ou quatre années d'université de plus.
On se dit que du point de vue économique c'est ridicule et cela
n'a aucune justification sociale de faire ça étant donné
que la formation médicale est une des formations, sinon la formation,
qui coûte déjà le plus cher à la
société. S'il faut lui rajouter par-dessus une deuxième
formation pour faire face à des types de problèmes auxquels des
gens sont déjà formés à faire face, on trouve que
du point de vue économique c'est difficilement justifiable.
La deuxième solution, c'est de dire: Bien, on va effectivement
les former par une formation continue ou une espèce de surcroît de
formation à faire le traitement de ces choses-là. On se dit
à ce moment-là que, si on pense que les gens vont être bien
traités et de façon compétente par des personnes si peu
formées, on leurre le public, dans le fond. On va dire: Oui, on va tenir
compte de vos problèmes, mais est-ce que la compétence pour le
faire va être là? Nous doutons assez fort de cette solution.
La solution que nous vous proposons ou que nous proposons à la
commission à la suite de ça, c'est de dire: Pourquoi est-ce que,
finalement, on n'admettrait pas qu'on devrait développer dans te
réseau public une réelle accessibilité aux services? Il
devrait y avoir dans le réseau les ressources pour répondre aux
besoins des gens. On devrait avoir tes bonnes personnes pour répondre
aux bons besoins des gens dans le réseau.
On trouve qu'en particulier les réseaux de première ligne
et en bonne partie par l'intermédiaire des CLSC devraient être
beaucoup plus développés et qu'on devrait y mettre les
ressources. Et les CLSC devraient être en mesure dans les régions
et dans les villes de faire face aux épiphénomènes,
c'est-à-dire ceux qui sont considérés comme des
épiphénomènes dans le rapport du comité Harnois,
autant en termes d'évaluation que de traitements à court terme et
que de références quand il s'agit de traitement de cas lourds ou
de traitement à très long terme au centre hospitalier. Alors,
nous voyons un accroissement du nombre de professionnels habilités
à faire face à des problèmes de santé mentale dans
les CLSC.
La deuxième chose qu'on propose, c'est de dire qu'en ce qui
concerne les bureaux privés l'abolition des monopoles étatiques
dans ces domaines-là... Et par ça on veut dire que tous les gens
qui n'iraient pas dans le réseau public et qui iraient voir un
professionnel dans un bureau privé en dehors du réseau public
devraient payer ce professionnel-là. Présentement, ce n'est pas
la situation. La loi, en fait, garantit aux gens le libre choix de leurs
professionnels. Ce n'est pas ce qui se passe vraiment. C'est-à-dire que
vous avez le libre choix si vous pouvez le payer. Si vous ne pouvez pas le
payer vous n'avez pas nécessairement le libre choix en bureau
privé. Il y a des professionnels qui sont remboursés pour des
actes psychothérapeutiques et des professionnels qui ne le sont pas. Je
vais vous donner un exemple que vous allez trouver dans la pochette qu'on vous
a distribuée. SI vous regardez dans le Journal d'Outremont qui est
publié assez régulièrement dans la ville d'Outremont vous
allez trouver à une page publicitaire - consultez-le - deux types
d'annonces. Il y a une annonce par un docteur en médecine qui annonce:
"Psychothérapie Individuelle pour adultes d'orientation analytique* et
qui met tarif remboursé par la carte d'assurance-maladie du
Québec*. Vous avez parallèlement à ça Juste dans
l'autre coin de la page une annonce d'un psychologue en bureau privé qui
lui a une formation de cinq ans à l'université et peut-être
même de huit ans et qui, évidemment, n'est pas remboursé
par la carte d'assurance-maladie du Québec, donc, s'adresse finalement
à une population de gens riches qui ont tes moyens de payer.
Alors, on dit pour ce qui concerne les bureaux privés, abolition
du monopole et concurrence libre entre tous les professionnels qui offrent des
services de ce genre-là. Maintenant, si le réseau ne peut pas
pour toutes sortes de raisons avoir tous les professionnels qu'il lui faut, que
le réseau à l'occasion donne des mandats à des
professionnels en bureau privé pour s'occuper de certains
problèmes spécifiques ou de certaines personnes
spécifiques, comme la CSST le fait déjà et comme d'autres
organismes gouvernementaux le font quand ils en ont besoin.
Alors, c'est le genre de proposition qu'on fait. Dans le fond on se dit:
Oui, pour le partenariat, à condition que les spécificités
et les compétences professionnelles de chacun des intervenants soient
reconnues. Oui, pour l'augmentation des fonds à la recherche. Oui, pour
l'intégration des familles, si vous voulez, et des ressources
communautaires dans te traitement à condition qu'on offre à ces
gens-là les ressources de soutien dont ils peuvent avoir besoin à
l'occasion. Mais par ça on ne veut pas dire dans le fond de les
bureaucratiser. On veut simplement dire... Je vais vous donner un exemple de
ça, vous allez, je pense, trouver cela dans la pochette qu'on vous a
distribuée aussi, une lettre qu'on a reçue à un moment
donné d'un organisme qui s'occupe des femmes à Montréal et
qui demandait des psychologues pour faire du travail bénévole
là. Alors, cette ressource-là fonctionnait très bien, mats
sentait le besoin à l'occasion d'un soutien professionnel et s'adressait
à la corporation pour qu'on essaie de lui fournir des gens pour faire
ça. Alors, on dit: Qu'on donne ce genre de soutien-là aux
organismes communautaires qui existent déjà, qu'on leur
garantisse certains budgets pour ne pas qu'à tous tes ans ils soient
obligés de revenir et de se demander s'ils vont continuer à
exister; et on dit: Qu'on favorise une meilleure accessibilité et un
meilleur traitement des problèmes de santé mentale, y compris
tous les épiphénomènes ou, enfin, ce qui
est considéré dans le rapport Harnois comme des
épiphénomènes, mais que nous, on ne considère pas
nécessairement comme cela, en essayant de partir du principe que ce ne
sont pas des problèmes qu'il faut médicaliser. Il ne faut pas
former les médecins pour s'occuper de cela, il faut utiliser les
professionnels qui sont là, disponibles, et dont la formation est
payée par la société. C'est-à-dire que la formation
des professionnels, comme les psychologues par exemple, est payée,
subventionnée par la société dans les universités.
Alors, utilisons-les.
Je vais terminer en faisant un petit aparté en ce qui concerne
les régions. Dans le rapport Harnois, on s'inquiète à un
moment donné des régions. On dit qu'il faudrait inciter les
psychiatres à aller beaucoup plus en régions qu'ils ne le font,
parce qu'il est de notoriété publique au Québec qu'il y a
des psychiatres à Montréal et à Québec, dans les
grands centres, mais qu'il y en a finalement très peu dans les
régions. Il y a déjà, en régions, beaucoup de
psychologues cliniciens qui font souvent un excellent travail dans le domaine
de la santé mentale. On ne parle nulle part d'utiliser ce genre de
ressources-là. Je pense qu'il serait intéressant d'utiliser aussi
les ressources qui sont déjà là plutôt que de penser
à en former d'autres à des coûts, finalement, assez
faramineux. Je vais cesser là mon exposé. Je pense qu'on va
plutôt interagir par des questions avec les membres de la commission.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier la Corporation professionnelle
des psychologues du Québec pour sa participation à la commission.
D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, je pense que vous étiez
venus en août 1985 présenter un mémoire à la
commission qui avait étudié l'intégration sociale des
psychiatrisés. Vous revenez un petit peu avec le même
thème. Je pense que c'est normal aussi parce que, finalement, on a
peut-être devant nous un projet beaucoup plus précis qu'à
ce moment-là, alors que c'était un thème
général sur lequel vous aviez eu à vous prononcer.
Je voudrais bien comprendre, quand vous parlez non pas d'une
déréglementation...
M. Granger: De briser le monopole.
Mme Lavoie-Roux: Oui, de briser le monopole médical,
finalement, en ce qui a trait à la psychothérapie, si on veut,
dans le domaine ou le réseau public. Vous dites, et c'est d'ailleurs un
des principes que vous énoncez: Si on veut parler de partenariat, il
faut parier d'égalité ou, enfin, reconnaître sur un
même plan tous les intervenants dans ce domaine-là. Est-ce que je
dois comprendre que vous voudriez là une reconnaissance par la
Régie de l'assurance-maladie des traitements offerts par les
psychologues?
M. Granger: Pas nécessairement. C'est-à-dire que
nous, on serait, dans le fond, pour la solution qui donnerait la meilleure
accessibilité au moindre coût. On se dit: Dans le réseau,
présentement, si quelqu'un s'adresse à un hôpital ou un
CLSC, mettons une clinique hospitalière, tel que la
réglementation de la lof est faite, il est impossible de voir
directement un psychologue ou, en tout cas, c'est très difficile. Cela
doit passer par un médecin. On se dit qu'il y a beaucoup de
problèmes pour lesquels les gens vont là parce qu'ils ne savent
pas où aller et qui ne sont finalement pas des problèmes
médicaux à la base. Ces gens-là doivent passer par un
médecin pour peut-être arriver un jour finalement à la
ressource adéquate pour s'occuper de leurs besoins. On veut que le
réseau fournisse les ressources adéquates pour s'occuper des
besoins des gens et que le réseau admette que, dans la santé
mentale, les problèmes ne sont pas nécessairement
médicaux. Il y a des problèmes qui sont peut-être de nature
plus médicale, mais il y a beaucoup de problèmes qui ne sont pas
de nature médicale à la base. Concernant cela, il y a beaucoup
d'études américaines. Je pense qu'on pourrait probablement faire
les mêmes ici. Il y a beaucoup d'omnipraticiens qui nous le disent, parce
qu'ils nous téléphonent pour nous demander à quel endroit
ils pourraient référer des gens, que des gens vont les voir avec,
en apparence, des symptômes physiques, mais que finalement le
problème n'est pas là. C'est un problème de perte
d'emploi, un problème dans la vie de famille, un problème avec
les enfants qui se répercute évidemment sur la santé
physique. Ces gens-là ne dorment pas, Ils sont très anxieux. Le
fait de médicaliser ces problèmes-là, selon nous,
coûte très cher et est très peu efficace. On voudrait qu'il
y ait des gens dans le réseau habilités à traiter ce type
de problème et que les gens y aient accès directement. Ceci dit,
on pense que, dans le domaine de la santé mentale, tous les gens qui
travaillent dans le réseau devraient être salariés à
la base. Je pense que, de toute façon, beaucoup de psychiatres
travaillent à vacation dans le réseau et ne sont pas vraiment
payés à l'acte. On pense qu'en santé mentale c'est
peut-être un meilleur système que la définition d'acte ou
le paiement à l'acte. Alors, on dit: Augmentez l'accessibilité
à des ressources compétentes dans le réseau et, en ce qui
concerne les bureaux privés, c'est-à-dire les gens qui
travaillent en polyclinique privée, en bureau privé de
psychologue clinicien, que les gens qui choisissent de ne pas aller dans le
réseau et d'aller voir ces gens-là les paient.
C'est-à-dire que tout le monde doit payer pour aller les voir, alors
qu'à toutes fins utiles, ce qui se passe présentement, c'est que
vous payez pour une catégorie ou pour certaines catégories de
professionnels et vous ne payez pas pour d'autres, parce que ceux-là
sont remboursés par
l'État sans nécessairement être compétents
pour faire l'intervention. (21 h 30)
Je veux dire: Si j'étais omnipraticien, je pourrais faire des
interventions psychothérapeutiques ou psychiatriques sans
nécessairement avoir reçu la formation pour le faire et
l'État me rembourserait allègrement pour faire cela. Si j'ai une
formation universitaire de cinq ou huit ans pour faire cela et que je fais
cela, l'État ne me remboursera pas pour le faire si je ne suis pas
médecin. Nous, nous nous disons: SI les gens vont en bureau
privé, que tout le monde soit sur le même pied, mais cela ne veut
pas dire qu'on favorise principalement cela. Ce qu'on favorise, c'est une
augmentation de l'accessibilité dans le réseau aux ressources
adéquates.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que...
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi. Est-ce que je vous comprends bien?
Dans le fond, ce que vous dites, cela peut être une chose ou l'autre: ou
tout le monde a accès dans le réseau privé à des
services de psychothérapie, qui sont donnés soit par les
psychologues ou par des omnipraticiens qui auraient reçu une formation
supplémentaire, tel qu'il est proposé dans le rapport, et,
à ce moment-là, les deux sont couverts par l'assurance-maladie;
ou l'assurance-maladie ne couvre ni l'un ni l'autre et les gens peuvent faire
appel à l'un ou à l'autre dans le secteur privé. Est-ce
que c'est comme cela qu'il faut que je le comprenne?
M. Granger: Ou vont dans le réseau; c'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Maintenant, dans le réseau, par
exemple - j'ai déjà eu l'occasion d'en discuter avec votre voisin
de droite... Je prends l'hôpital Sacré-Coeur. Il y a X nombre de
psychologues. Vous êtes quinze ou vingt.
M. Granger :Une dizaine à Sacré-Coeur.
Mme Lavoie-Roux: Une dizaine. À ce moment-là, vous
êtes à salaire, c'est évident, mats vous remplissez des
fonctions de clinicien et vous pouvez offrir des services de
psychothérapie. Est-ce que je me trompe ou si c'est cela?
Êtes-vous utilisé pour d'autres fonctions?
M. Granger: Mon voisin....
M. Sabourin (Michel): Je n'ai pas tout à fait compris, je
m'excuse, j'ai eu un petit moment d'inattention. Vous parlez de
Sacré-coeur?
Mme Lavoie-Roux: Bien, je disais cela, peu importe; n'importe
quel hôpital où il y a des psychologues qui sont employés.
M. Sabourin: Bon!
Mme Lavoie-Roux: Parce qu'il reste qu'il y a des hôpitaux,
vous dites qu'à Sacré-Coeur il y en a une dizaine, c'est quand
même un nombre... Ce sont des gens qui, probablement, sont là
à temps plein.
M. Sabourin: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Alors, j'imagine qu'ils donnent des services de
psychothérapie.
M. Sabourin: Oui. Le problème dans les hôpitaux,
c'est un problème qu'on connaît bien parce qu'on en a
déjà discuté lors d'une précédente
commission parlementaire sur la réglementation de la loi 27. Le
problème, c'est que l'accessibilité, comme le disait mon
collègue, n'est pas là, de par le fait qu'à cause de la
réglementation quelqu'un, pour voir un psychologue, pour y avoir
accès directement...
Mme Lavoie-Roux: II doit être référé
par le médecin.
M. Sabourin: ...cela prend des fois trois
références médicales, si le premier médecin qu'il a
vu n'est pas membre du Conseil des médecins et dentistes de cet
établissement. Nous pensons que c'est le problème majeur. On a
déjà eu l'occasion d'en discuter. Toute la question des
modalités de remboursement, pour nous, cela est relié à
une plus grande accessibilité. C'est cela qui est la
priorité.
Nous, comme corporation, on veut donner de meilleurs services au public.
Quand on reçoit, chaque semaine, environ une cinquantaine d'appels
téléphoniques de personnes du public, d'électeurs qui nous
demandent où Ils peuvent trouver des services psychologiques gratuits
parce qu'ils n'ont pas les moyens de s'en payer, on les réfère
dans le réseau. On dit: Écoutez, dans le réseau, vous
allez en trouver. Ils nous rappellent quelques heures plus tard, souvent
quelques minutes plus tard, pour nous dire: Ecoutez, on a appelé au
CLSC; il y a là un psychologue, mais il fait de l'administration; ou: on
a appelé dans un autre et il y en a un qui est très
occupé; peut-être que, dans trois ou quatre mois, on va avoir un
rendez-vous. L'accessibilité n'est pas là. Les effectifs, les
ressources comme telles ne sont pas là. Dans les CLSC, on va dire: Bien
non, on n'a pas de psychologue, mais nous avons des intervenants psychosociaux.
Mais les gens, quand Ils vont dans les CLSC, ils ne demandent pas à voir
un Intervenant psychosocial, comme s'ils veulent voir un médecin, ils ne
demandent pas à voir un Intervenant physique. Ils veulent voir un
psychologue et on dit: II n'y en a pas ou il est trop occupé.
Donc, ce qu'on pense, toute la question de
l'assurance-maladie, c'est une des solutions possibles qu'on peut
examiner en termes de coûts. On a fait une petite simulation qui nous
amène aux constatations suivantes: Cela serait à peu près
le même coût d'introduire le nombre . adéquat de
psychologues dans le réseau que de rembourser ceux qui sont disponibles
actuellement par le régime d'assurance-maladie. C'est une question, en
fait, d'étude de coûts concrets, de voir quelle est la solution la
plus favorable.
Une chose qui nous semble... Le concept qu'on a essayé de
développer, qu'on essaie de présenter, c'est que, pour nous, il
nous semble absolument anormal et même aberrant qu'il y ait un monopole
à ce niveau, surtout par un acte qui se définit par le passage du
temps, comme on le sait bien et qui, pour nous, est une
spécialité en quelque sorte, dans bien des cas, pour ceux qui
font de la psychologie clinique. On pense que les solutions à cela, ce
serait d'avoir un réseau public très renforcé avec des
effectifs en nombre suffisant. Pour le reste, pour le privé, que tout le
monde soit sur un pied d'égalité, c'est-à-dire que
quelqu'un qui choisit de ne pas aller dans le réseau public, dans le
privé soit face à un professionnel de son choix, comme la loi le
mentionne pour le réseau public et que cette personne puisse avoir
accès à des services. C'est ce qu'on appelle la concurrence
réglementée.
On pense aussi que, dans des cas semblables, il serait peut-être
intéressant, surtout en régions éloignées ou dans
des régions où il n'y a pas de services
spécialisés, que certains services bien particuliers qui ne sont
pas disponibles ailleurs que dans les grands centres puissent être
confiés à des psychologues ou à d'autres professionnels si
on est dans un régime de concurrence libre à l'aide d'un
mécanisme comme, par exemple, des mandats d'assistance judiciaire qu'on
pourrait appeler des mandats d'assistance psychologique. Cela permettrait
à des gens qui ne sont pas fortunés de passer par des
réseaux publics pour obtenir une assistance dont ils ont besoin.
Mme Lavoie-Roux: Je vais arrêter et je reviendrai s'il me
reste du temps.
Le Président (M. Polak): D'accord. On va prendre d'abord
le chef de l'Opposition. Vous avez une question, M. le chef de
l'Opposition.
M. Chevrette: Si vous me le permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Polak): Avec plaisir.
M. Chevrette: Merci. Vous savez pertinemment que la
présentation de votre mémoire peut vous occasionner - je vais le
dire parce que j'ai entendu des remarques... il y a plusieurs groupes
professionnels qui vont circuler devant nous avec des positions comme celles
que vous présentez. Vous risquez d'être taxés de vouloir
agrandir votre champ d'action, votre champ de juridiction, appelez cela comme
vous voulez. Une voix: Votre jardin. M. Chevrette: Non, je
n'Irais pas jusque-là.
M. Sabourin: M. Chevrette, quand on déplore la
pénurie de psychiatres, est-ce qu'on les taxe de corporatisme?
M. Chevrette: C'est parce que vous ne m'avez pas laissé
finir. Je m'en allais justement là, mon cher monsieur. Vous allez voir
que je vais être très précis dans ce que j'ai à
dire. Quand on est rendu à recommander la spécialisation des
omnipraticiens parce qu'on sait qu'il y a à peu près environ 1200
médecins de trop, 1269 si on regarde les ratios
population-médecin, qu'on les Incite à se spécialiser en
psychiatrie, on peut comprendre pourquoi. C'est mon "feeling* à moi. Je
ne dis pas que c'est le but de celui qui l'a proposé, loin de là.
Je le sens me regarder avec des yeux... S'il avait des pistolets, je serais
mort. Ce n'est pas ce que je veux dire, mais on sent très bien qu'il y
en a qui vont se découvrir des vocations et je sais ce que cela donne
dans certains milieux.
Je suis un de ceux qui favorisent la possibilité que les
psychologues puissent précisément jouer un rôle dans le
domaine de la santé mentale, pas jouer un rôle personnellement
dans le sens que vous puissiez le demander, à l'acte. Vous ouvrez la
porte. Vous ne dites pas nécessairement cela. Vous dites qu'il pourrait
être admis à l'assistance à la santé mentale. Je ne
sais pas comment vous avez appelé cela. J'ai perdu le terme
précis.
A mon point de vue, si on permettait aux CLSC d'avoir plus de
ressources, si on veut que ce soit la structure ou la possibilité
première pour un individu plus près de chez lui de se faire
traiter, c'est peut-être dans les CLSC que vous auriez d'abord un
rôle à jouer extrêmement important. À mon point de
vue, c'est là.
La semaine dernière ou il y a une semaine ou dix jours à
peine, je visitais un CLSC dans ma région et il y a un type qui avait
des instincts suicidaires qui s'est présenté et c'est un
travailleur social qui lui a répondu. Il était
embêté et il nous l'a dit. Il m'a dit: Je lui ai donné un
rendez-vous demain. S'il y avait eu quelqu'un pour discuter avec lui, qui avait
des connaissances un peu plus approfondies, je pense que cela aurait
été important. Effectivement, cela suppose une consolidation du
réseau des CLSC parce qu'à ce moment-ci autant Mme la ministre
que moi-même en avons ouvert beaucoup à 230 000 $, ce qui ne donne
pas les ressources. En fin de compte, c'est un cadre administratif qu'on a
donné. Je pense qu'il faut avoir la franchise et la candeur de
l'admettre. Mais ils n'ont pas les ressources nécessaires à ce
moment-ci pour répondre aux besoins de la population.
Je vols un rôle extrêmement Important à ce niveau. Je
vois un rôle beaucoup plus par un psychologue de carrière - je le
dis comme Je le pense - qu'à quelqu'un qui, à cause d'une
circonstance X, va aller chercher certaines connaissances en psychiatrie.
Personnellement, je ne crois pas aux psychiatres d'occasion. C'est clair. Je
crois plutôt à ceux qui ont véritablement pensé
à se former en psychiatrie, qui ont voulu en faire une carrière
comme médecin et non pas par fin de carrière qui ont
décidé de prendre des connaissances en psychiatrie parce que,
supposément, on ouvre des volets de travail de ce côté ou
parce qu'on met une priorité gouvernementale de ce côté. Je
ne crois pas à cela. J'aurais des expériences à vous
donner et des faits vécus avec des noms en règle, mais je ne le
ferai pas.
Deuxièmement, en ce qui concerne les centres hospitaliers, je
crois également que, si l'État décidait qu'il y a assez de
psychiatres au Québec, par exemple... Cela pourrait être sa
décision. Il pourrait croire au rapport Harnois et dire: II y en a
assez. Ce n'est qu'une répartition qui fait défaut et, s'ils ne
veulent pas être répartis, je pense qu'il va falloir serrer la vis
et donner à des gens qui ont la formation la plus adéquate
possible l'occasion de le faire dans des milieux où on n'a pas de
services. Je ne conçois pas, par exemple, qu'en Abitibi on n'ait pas de
services en santé mentale. Je considère que cela n'a pas de bon
sens, dans une société où les contribuables sont tous sur
le même pied, qu'on n'ait pas des services de qualité dans les
régions de l'Abitibi, du Bas-Saint-Laurent, de la Côte-Nord ou de
la Gaspéste. Je ne crois pas à cela. SI on n'est pas capable de
répartir les effectifs médicaux parce qu'on est sur une fin de
mandat ou qu'on a trop attendu au début du mandat pour le faire et que
les élections approchent trop, Je pense qu'il va falloir poser des
gestes. Et poser des gestes, cela veut dire au moins offrir des choix. Je
comprends que Mme la ministre ne peut pas être d'accord avec tout ce que
je dis, mais je suis...
Mme Lavoie-Roux: C'est mieux que je ne réagisse pas
trop.
M. Chevrette: Non, vous êtes mieux de ne pas le faire.
Mme Lavoie-Roux: Pour vous.
M. Chevrette: Vous aviez la porte ouverte pour le faire et vous
ne l'avez pas fait Donc, c'est mieux que vous ne réagissiez pas. Ceci
dit, de toute façon, je ne vous ai jamais interrompue depuis le
début.
Le Président (M. Polak): M. le chef de l'Opposition, il ne
faut pas provoquer la ministre non plus.
Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas provoquer la ministre non
plus.
Une voix:...
Le Président (M. Polak): Non, continuez! S'il vous
plaît, M. le député de Fabre! M. le chef de l'Opposition a
la parole.
M. Chevrette: Vous pouvez vous amuser toute la "gang".
Le Président (M. Polak): Continuez, M. le chef de
l'Opposition, s'il vous plaît.
M. Chevrette: Je vous ferais remarquer, M. le Président,
que vous avez été le premier à parler.
Ceci dit, je prétends qu'il y a un rôle... Si on parle de
multidisciplinarité en particulier, il y a des cas bien précis
qui peuvent être confiés à des psychologues et qui ne
relèvent pas du tout de la psychiatrie ou, en tout cas, peu. Parce qu'on
n'ose pas engager des gens de professions connexes qui font ombrage à
des professions - il faut avoir la franchise de le dire - à ce
moment-là, il est évident qu'on ne vous confiera pas de
tâches à l'intérieur de certains centres parce qu'on va
avoir peur que vous preniez les places. Par contre, offrez-leur les places; ils
ne viennent pas. Et cela, je ne l'accepte pas. Quand on pense que 80 %, 85 % ou
90 % des psychiatres sont à Montréal et à Québec et
qu'on va réclamer 300 psychiatres de plus lorsqu'on va s'asseoir au bout
de la table, on ne nous garantira pas dans le même souffle, par exemple,
que ces 300 vont aller en régions. J'ai hâte qu'ils viennent. Ils
ont besoin de se préparer une réponse. Je les préviens.
Ils ne pourront pas dire que je suis sauvage. Je leur dis d'avance que, s'ils
en demandent 300, on va leur demander où ils vont aller. Parce qu'on est
à 30 kilomètres de Montréal, on n'est pas capable d'en
avoir. Il va falloir que quelqu'un s'occupe de la santé mentale des
gens. Que vous l'offriez... Je vais vous poser ta question suivante:
êtes-vous prêts à subir les contraintes qui s'imposent,
cependant, pour la répartition des effectifs des psychologues?
M. Granger: Présentement, on a plusieurs membres en
régions. Je vais vous donner l'exemple d'une région
éloignée dont vous avez parié tantôt, l'Abitibi. Je
me souviens que dans les années soixante-dix, à la clinique
psychiatrique de La Sarre, il n'y avait pas de psychiatres à
l'hôpital. C'étaient des psychologues cliniciens et quelques
omnipraticiens. Il y avait un psychiatre visiteur qui y allait à
l'occasion par avion faire un tour. Il y avait des psychologues de
Louis-H.-Lafontaine et de l'Université de Montréal qui y allaient
pour des cas très spécialisés. Finalement,
c'étaient les gens de l'endroit et en bonne partie des psychologues
cliniciens qui, pendant plusieurs années - je ne sais pas, c'est
peut-être encore
ainsi, je n'ai pas vérifié ces derniers temps - offraient
les services de première ligne en santé mentale. Pour nous, il
n'y a absolument aucune inquiétude sur la répartition des
effectifs en régions. On n'est pas plus urbains qu'il ne le faut,
même si nous le sommes aussi, et II y a des psychologues cliniciens dans
à peu près toutes les régions du Québec et en
nombre évidemment beaucoup plus grand qu'il n'y a de psychiatres. Cela
ne pose pas de problème.
Maintenant, c'est sûr qu'on est d'accord avec ce que vous avez
mentionné sur tes CLSC. Finalement, c'est ce qu'on pense qui devrait se
faire. C'est-à-dire que la première ligne devrait être au
CLSC. Il devrait avoir les ressources suffisantes pour l'offrir et on pense que
la prévention commence par là. C'est beau de faire des campagnes
de sensibilisation pour la prévention, mais il ne faut pas oublier que
vous allez faire 50 000 annonces sur le stress, sur la vie ou sur les
problèmes possibles dans les couples, à la
télévision, etc., si vous n'avez pas vous-même un
problème, vous n'écouterez probablement pas les trois quarts de
cela. C'est le jour où vous allez commencer à avoir un
problème que vous allez regarder où est la ressource. Si la
ressource est près de chez vous et qu'elle peut intervenir
immédiatement, votre problème risque de se régler
là. (21 h 45)
II y a beaucoup d'études américaines qui démontrent
qu'en sept ou huit rencontres il y a 50 % des problèmes de santé
mentale qui se règlent quand les gens voient des professionnels
compétents à la base. Cela veut dire que cela est de la
prévention aussi, parce que ces problèmes ne grossiront pas, ne
se surmédicaliseront pas et finalement ne taxeront pas le réseau.
Il ne faut pas oublier qu'un problème qui a l'air d'un petit
problème en santé mentale, qui est peut-être un
épiphénomène jusqu'à un certain point, finalement
est un phénomène réel. Quelqu'un perd son emploi à
40 ans et se retrouve devant cet "échec" - entre guillemets - dans sa
vie, commence à avoir à cause de cela des problèmes
à la maison, commence à avoir des symptômes physiques, se
présente à l'hôpital; on le met sous médication avec
les effets secondaires que cela implique, on finit par avoir un divorce, les
familles éclatées, etc., quand ce n'est pas la violence conjugale
et d'autre chose comme celle-là. C'est un problème, finalement,
qui avec un soutien adéquat au départ aurait pu se régler
et qui va grossir, grossir et grossir parce que le réseau ne donne pas
le soutien adéquat. On pense que cela est une bonne forme de
prévention à faire, qui est au moins aussi bonne que toutes les
sensibilisations qu'on peut faire à la population. Je pense qu'une des
bonnes préventions serait d'abord de définir où sont les
ressources.
M. Chevrette: Est-ce que votre corporation a eu des
échanges avec l'Association des psy- chiatres du Québec, par
exemple, sur une éventuelle complémentarité de
fonctions?
M. Granger: Je vais laisser mon collègue Sabourin
répondre à cela.
M. Sabourin: II y a deux ou trois ans, il y a eu un
comité, même, qui s'est réuni, mais pas très
longtemps. C'était une initiative qui avait été prise
à la suite de la publication d'un rapport par l'Assocation des
psychiatres qui s'appelait "Le rôle du psychiatre, chef d'équipe."
Évidemment, cela nous avait fait un peu réagir et au lieu de
partir en guerre comme c'était le cas il y a de nombreuses
années, parce que maintenant les relations sont très sereines, au
lieu de partir en guerre, je me rappelle à l'époque avoir
appelé le Dr Pomerleau qui était le président et on
s'était dit: On va organiser d'une façon systématique des
rencontres chaque année pour essayer de voir comment on peut mieux
collaborer. Cela a duré un an, un an et demi et il n'y a pas eu d'autre
réunion après. Cela a été une collaboration
extrêmement limitée, mais quand même c'était un
premier effort, parce que cela a toujours été malheureusement
pour toutes sottes de raisons des relations difficiles à cause de bien
des choses, à cause de ce qu'on mentionnait tantôt. La question du
monopole, bien sûr que cela ne fait pas l'affaire de la partie qui, elle,
n'est pas dans le monopole. Je pense que cela se comprend facilement.
M. Chevrette: Est-ce qu'actuellement les psychologues
engagés par une institution hospitalière, vous recevez des
bénéficiaires exclusivement sur ordonnance médicale, quand
vous êtes considérés comme psychologues cliniciens, par
exemple? Je donne un exemple: Moi, je n'ai jamais compris, par exemple, que
dans le domaine de la santé - je n'ai pas été assez
longtemps, parce que je commençais à être fatigué de
cela, en six mois j'ai eu le temps de m'en rendre compte - cela prenait un
omnipraticien pour envoyer un gars au physlatre. Le "clic-clic" de la
"castonguette" fonctionnait, du physiatre au physiothérapeute, et du
physiothérapeute, le gars n'a pas eu un traitement à son coude
droit, mais il est rendu au technicien en physiothérapie et la
"castonguette" a fonctionné trois fois. Est-ce que c'est un peu la
même chose dans votre cas?
M. Sabourin: C'est exactement ce que je mentionnais tantôt
à Mme la ministre. À cause de la réglementation de la toi
27, vous allez voir un premier médecin, s'il n'est pas membre d'un
conseil des médecins et dentistes, il vous réfère à
un deuxième qui vous réfère au psychiatre qui vous
réfère au psychologue. Vous avez parfaitement raison, M.
Chevrette.
M. Chevrette: Je veux savoir si c'est exactement le même
phénomène que celui que je vous donne comme exemple.
M. Sabourin: Oui. Dans tous les cas, c'est la double
référence.
Mme Lavoie-Roux: ...la physiothérapeute et la technicienne
en physiothérapie, je pense qu'il n'y a pas de "deal" là.
Une voix:... Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Oui, mais on ne créera pas des
comités constamment et on ne fera pas des rapports pour étudier
une politique globale qui n'est pas conçue encore. Si cela ne vous
dérange pas, laissez-moi aller, je ne vous ai pas
dérangés.
M. Sabourin: C'est exactement cela qui est pour nous une
aberration. Quelqu'un en privé, vous, vous décidez d'aller voir
un psychologue. C'est une décision que vous prenez personnellement. Vous
allez prendre les pages jaunes ou quelque autre façon que ce soit et
vous allez voir un psychologue. Si vous n'êtes pas satisfait, vous allez
en voir un autre ou quiconque, mais quand même c'est vous qui prenez la
décision et vous faites la démarche. En public, cela ne
fonctionne pas comme cela à cause de la réglementation de la loi
27, article 20 ou 35, je ne me rappelle pas, vous devez d'abord avoir une
référence médicale, même si vous arrivez et vous
dites au médecin: Écoutez, Je veux voir un psychologue. Vous ne
faites même pas de démonstration d'aucun problème physique,
vous faites une démonstration d'un souhait. Là, cela va prendre
la "castonguette" pour passer à l'autre étape.
M. Granger: C'est même dans certains cas jusqu'à un
certain point pire que cela, c'est qu'il y a beaucoup d'omnipraticiens qui
téléphonent à la corporation pour demander où ils
pourraient référer un cas qu'ils ont dans leur polyclinique,
parce qu'ils se rendent compte manifestement que ce n'est pas un
problème médical que la personne a, ils ne savent pas quoi faire
avec cela et la personne n'a pas d'argent pour payer un bureau privé.
Alors, ils nous téléphonent en nous disant: Écoutez,
connaissez-vous un CLSC ou un hôpital où il pourrait y avoir un
psychologue pour nous aider à régler te problème. On est
souvent aussi démunis qu'eux parce qu'il n'y en a pas tant que cela dans
le réseau qui sont accessibles comme cela. Alors, on se dit: S'il a les
moyens de payer, il n'y a pas de problème, on a un beau
répertoire des gens en pratique privée dans sa région, sur
sa rue, au coin de sa rue, il va y en avoir et II ira, mais s'il n'a pas les
moyens de payer, bonne chance! On espère qu'il y en a
premièrement un dans son CLSC puis qu'il n'est pas administrateur, qu'il
a le temps de faire ça.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de
Gouin.
M. Rochefort: Oui. Je veux revenir sur cette question de
l'accessibilité aux services reliée un peu aussi à cette
question d'équité entre les deux types de professionnels qui
peuvent intervenir et auxquels on peut faire appel. Une des solutions que vous
évoquez et que vous développez depuis un bon moment, c'est cette
idée de dire: II y aura deux réseaux, le réseau public qui
sera accessible à tous et sans frais et un réseau privé
qui lui aussi sera accessible à tous, mais avec frais pour tous, dans
tous les cas, quel que soit le professionnel consulté.
J'avoue qu'à première vue c'est une solution qui
paraît dans une certaine mesure équitable. Il y a effectivement
une équité dans ce que vous avez évoqué
tantôt qui peut peut-être être un pas dans le
règlement du problème d'accessibilité qui est réel.
Je partage votre analyse là-dessus, beaucoup de cas m'ont
été soumis et c'est un problème réel, sauf qu'il
faut être bien conscient - et vous l'avez abordé rapidement
tantôt et je veux essayer de vous le faire développer un peu plus
précisément - que, pour que cela marche, on règle le
problème d'accessibilité parce que notre cheminement est parti de
là. Cela prend la présence d'un nombre passablement accru de
psychologues dans ce nouveau réseau public qui serait ainsi
créé. Vous voyez cela comment? Vous évaluez cela à
combien? Comment cela pourrait-il s'organiser? Est-ce qu'on a au Québec
les ressources disponibles puis, au fond, il faut juste les changer de place? Y
a-t-il une disponibilité dans la profession pour faire cela, parce que
comme vous l'avez dit je pense que, si jamais cela devait se faire, c'est comme
cela que cela devra se faire, c'est du monde qui s'en ira à salaire et
qui ne l'était pas s'il était en cabinet privé.
J'aimerais que vous développiez un peu cette question
d'accessibilité que l'on voudrait accroître par ça.
M. Granger: Mon collègue, M. Sabourin, va répondre
à cette question.
M. Sabourin: Présentement, dans le réseau
parallèle dont on fait mention depuis tantôt, II y a à
temps plein environ 700 psychologues. Il y a également plusieurs
psychologues qui font de la pratique privée à temps partiel. On
calcule qu'il y a un équivalent, peut-être, en termes de temps
plein d'environ 1000 personnes qui sont très bien réparties
géographiquement, c'est-à-dire qu'il y en a vraiment dans toutes
les régions. Ces gens-là présentement travaillent et
gagnent leur pain d'une façon normale et quand même raisonnable.
Cela veut dire qu'ils répondent à un besoin parce qu'ils sont
là-dedans; sinon, ils changeraient de job ou ils feraient autre chose.
Ces gens-là pourraient en partie offrir davantage de services dans un
réseau public si l'occasion
leur était donnée de le faire. Pas tous. Il va toujours en
rester dans le réseau privé, c'est absolument certain. C'est pour
cela que l'on dit que l'on pense avant tout à fa question de
l'accessibilité et au bien-être de la population qui a besoin et
veut les services. Qu'est-ce qui est le mieux pour elle? C'est d'avoir
accès aux services par le réseau public. Surtout les
contribuables, on paie pour cela et on pense que c'est juste et
équitable que ces services soient offerts à ces gens-là.
Par ailleurs, ceux qui veulent rester dans le secteur privé, il va
toujours y en avoir. Eux pourront avec d'autres professionnels entrer dans un
régime de concurrence - c'est tout à fait normal dans une
société - et offrir des services.
M. Rochefort: Si Je comprends bien, tantôt, sauf erreur,
vous nous avez dit que vous étiez 3780 membres. Est-ce que je me trompe?
Là. vous me dites: II y en a 1000, grosso modo, équivalents temps
plein dans le réseau dit parallèle. Est-ce que je dois conclure
qu'il en reste 2780 qui sont quelque part dans un réseau public?
M. Sabourin: Sur les 3700, H y en a un nombre assez
élevé qui travaillent dans le milieu de l'éducation. Les
psychologues dans les écoles, cela existe depuis longtemps.
M. Rochefort: D'accord. Excluez cela. Combien y en a-t-i!
actuellement dans le réseau public?
M. Sabourin: Dans le réseau public actuellement, un peu
plus de 1000.
M. Rochefort: C'est moitié, moitié.
M. Sabourin: C'est à peu près la même
proportion, sauf que dans le réseau public, les statistiques qu'on a ne
l'Indiquent pas, mais on a de bonnes raisons de croire qu'ils sont nombreux,
surtout dans les CSS et des CLSC. Nos enquêtes personnelles nous
démontrent que beaucoup de psychologues oeuvrant dans ces
milieux-là, peut-être à cause de leur formation
prolongée, oeuvrent à titre d'administrateurs. Ce qui n'aide pas
tellement à un meilleur accès à des services.
M. Rochefort: Donc, vos deux réponses me ramènent
à ma question de départ. D'abord, est-ce qu'on a ce qu'il faut
pour équiper de façon convenable pour répondre au premier
problème, qui est celui de l'accessibilité, cette
réorganisation du réseau public qu'on créerait?
Deuxièmement, selon vous, est-ce qu'il y a, de la part des 1000
équivalents temps plein dans le réseau dit privé, une
réelle volonté, un réel intérêt de s'en aller
à salaire dans le réseau public? Votre réponse ne m'a pas
vraiment convaincu, jusqu'à maintenant.
M. Sabourin: Je pense qu'il y a une proportion importante de gens
qui aimeraient oeuvrer dans le réseau public, c'est clair, à
cause de toute la question du ressourcement, de la multidisciplinarité,
de la facilité à travailler avec d'autres professionnels. Les
psychologues sont quand même assez ouverts à ce niveau. Je vais
être honnête avec vous, II y en a quand même un nombre
Important qui vont rester dans le réseau privé, c'est clair,
parce qu'il y a de belles conditions de travail dans le réseau
privé.
M. Rochefort: D'accord, mais est-ce qu'on va en avoir assez dans
notre nouveau réseau public?
M. Sabourin: J'ai l'impression que la balle est dans le camp du
réseau. Que le réseau ouvre les postes, et on verra s'ils seront
remplis ou pas. J'ai l'impression qu'ils seront remplis.
M. Rochefort: Une autre question reliée à
celle-là et qui recoupe des réponses que vous avez fournies
à d'autres membres de la commission. Je comprends bien, finalement - je
pense que vous ne l'avez pas dit carrément, mais vous avez mis le doigt
dessus quelquefois - que vous nous dites que l'accès devrait être
direct dans les établissements et, donc, de lever toute
réglementation qui oblige une référence médicale.
C'est exactement cela que vous voulez dire.
M. Sabourin: C'est exactement cela. M. Rochefort:
D'accord, merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président. À la suite de ce
que j'ai entendu de la part des représentants de la Corporation
professionnelle des psychologues, j'aurais tendance à être
sympathique à leurs propos, mais j'aimerais quand même qu'on
revienne un peu sur le rôle que jouent les psychologues dans le
réseau de la santé mentale surtout, parce que c'est ce qui nous
concerne.
J'aimerais aussi qu'on fasse refléter, parce qu'on en a
parié un peu, les moyens qu'on aurait comme gouvernement pour faire en
sorte que le service soit accessible à toute la population, et non
seulement à une partie de la population. D'après ce que je crois
comprendre, le service des psychologues semble être dévolu pour
les personnes mieux nanties, un peu plus riches ou étant en moyen d'en
assumer le coût, et avant d'en arriver à ces services, il faut
avoir des recommandations si on veut que ce soit payé par l'État.
Tant et aussi longtemps que ce n'est pas recommandé par deux ou trois
professionnels, ce qui fait que le coût va toujours se multipliant, il
faut avoir les ressources financières nécessaires personnelles
avant d'en arriver là.
Est-ce que, dans ce que vous vivez actuel-
lement, vous pensez que ces coûts pourraient être
absorbés - vous avez quand même ouvert un parallèle
tantôt - par le budget des établissements qu'on appelle les CLSC?
C'est ma première question. Qu'est-ce que coûtent les psychologues
par rapport aux psychiatres? Peut-être une question subsidiaire
rattachée à cela, surtout que tantôt vous avez
mentionné qu'en région, étant donné qu'on n'a pas
toutes les ressources nécessaires au niveau des psychiatres, ce sont les
psychologues en fonction qui règlent la majeure partie des
problèmes. À ce moment-là, on peut dire que le service
spécialisé ou le service professionnel des psychologues pallie
assez convenablement les services que donnent les psychiatres, mais parce
qu'ils ne sont pas en régions, vous êtes considérés
comme étant la ressource essentielle.
Partant de là, coût pour coût, qu'est-ce que cela
coûte un psychologue par rapport à un psychiatre? Et aussi, si on
devait endosser l'Idée de former les omnipraticiens, est-ce qu'à
ce moment-là le coût exigé pour vos services pourrait
être comparé favorablement au coût exigé pour les
omnipraticiens ou est-ce que l'alternative de former des omnipraticiens serait
vraiment la solution envisagée? Devons-nous nous diriger vers
l'alternative que vous avez à offrir?
M. Granger: Je vais répondre à une partie de la
question et je vais laisser mon collègue Sabourin répondre
à l'autre partie. En ce qui concerne le fait de savoir si les budgets
actuels des CLSC seraient en mesure d'absorber les coûts de cette
augmentation de ressources, je n'en suis pas sûr. Je pense qui faudrait
augmenter les budgets actuels des CLSC si on veut qu'ils développent un
service de première ligne plus adéquat. (22 heures)
Par contre, il ne faut pas oublier que plusieurs recherches
américaines démontrent que, quand on prend en compte l'aspect
psychologique, des problèmes au départ, ça diminue de
beaucoup les coûts médicaux. Quand on ne fait pas ça, c'est
absorbé par le système médical et ça coûte
cher. Nous on se dit - bien on n'a pas fait d'études économiques
là-dessus parce qu'on n'a pas d'économiste à notre
disposition mais ce serait intéressant si le ministère le faisait
éventuellement - que, si on tenait compte de la bonne façon des
problèmes psychologiques qui sont présentés, on
assisterait sûrement à une diminution des coûts de
remboursement de médicaments du système nerveux central, en
particulier auprès des assistés sociaux et des personnes
âgées qui se montaient quand même à 87 000 000 $
l'année passée. Alors, il y a probablement une partie de ces
sommes-là qui diminuerait, mais je pense que ça prendrait une
étude économique pour le démontrer, On pense donc qu'il y
aurait peut-être un certain type de transfert de ressources qui pourrait
absorber une partie des coûts ou des augmentations de budget dans les
CLSC.
Maintenant, pour ce qui concerne les régions, c'est sûr
qu'il y a beaucoup plus de psychologues cliniciens en régions qu'il n'y
a de psychiatres, je pense. Est-ce que ça veut dire qu'on dit qu'il ne
devrait pas y avoir de psychiatres en régions et avoir seulement des
psychologues cliniciens? Non. Je pense qu'il devrait y avoir aussi certains
psychiatres en régions. Mais on ne pense pas que cela en prendrait un
nombre astronomique si on utilise justement d'autres types de ressources que
celles qui sont présentes là. Il y a des régions où
il y a quand même des services Intéressants en santé
mentale sans qu'il y ait nécessairement 50 psychiatres en
résidence dans ces régions-là.
Maintenant, pour l'autre partie de la question sur les salaires et les
coûts de formation, je vais laisser mon collègue Sabourin
répondre à cette question-là.
M. Sabourin: Écoutez, on a déjà
mentionné un certain nombre des choses que je voulais dire. Mais je vais
simplement donner des chiffres, à titre d'hypothèse seulement, ce
ne sont pas des absolus. On a fait des petits calculs à partir des
sommes fabuleuses qui sont dépensées, les 87 000 000 $ dont parle
mon collègue, pour des médicaments du système nerveux
central. Pour ceux qui l'ignoreraient, ce sont des médicaments qui ne
guérissent pas. Cela calme. Cela apaise, mais ça ne guérit
pas et il n'y a aucune chance que ça guérisse. Cela fait que ce
sont 87 000 000 $ qu'on met comme ça dans la poubelle chaque
année. Cela fait qu'à partir de ça on a fait des petits
calculs. On a regardé aussi... On calcule qu'avec l'assimilation que Je
mentionnais tantôt par rapport à l'assurance-maladie - c'est
encore une hypothèse, on n'y tient pas, mais on le mentionne à
titre d'exemple - cela coûterait simplement pour défrayer les
actes présentement faits en termes de psychothérapie par les gens
qui sont en privé - donc, calculons 20 entrevues par semaine, 45
semaines par année - cela coûterait 34 000 000 $. Il reste encore
pas mai de millions sur les 87 000 000 $. S) on regarde aussi la somme de 21
000 000 $ qui a été payée l'année dernière
à des omnipraticiens pour ce qu'on appelle des traitements
psychiatriques, c'est-à-dire, en d'autres termes, prescrire des
médicaments fort probablement, nous calculons que, si on engageait au
salaire moyen actuel dans le réseau de la santé des psychologues
à ta place, on pourrait en avoir 764 de plus dans le réseau.
C'est juste un exercice comme ça. On s'amuse des fois quand on n'a rien
à faire et on fait des calculs pour passer le temps.
Je pense qu'il y a une suggestion que j'aimerais faire et
j'espère qu'elle va être retenue: Qu'on laisse au moins aux gens
le choix de décider s'ils veulent avoir des soins, s'ils veulent
guérir leurs problèmes ou s'ils veulent avoir des pilules
à la place. Si on leur
laisse ce choix-là, on serait bien contents.
M. Chevrette: Les psychiatres vont réagir à
ça.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laurier, vous avez une question.
M. Sirros: Je voulais juste réagir aux derniers propos que
vous avez tenus et poser une question après.
Vous faites l'équivalence entre les 21 000 000 $ payés aux
omnipraticiens pour les actes de psychothérapie et les 764 psychologues
qu'on pourrait engager dans le réseau avec ça, mais vous ne
faites pas nécessairement abstraction du fait que les omnlpratlciens
voient des personnes qui décident d'aller voir un omnipraticien et que,
de toute probabilité, même si on engageait les 764 psychologues
dans le réseau, une bonne partie des personnes qui allaient voir
l'omnipraticien iraient quand même voir l'omnipraticien qui, même
s'il n'était pas payé pour la psychothérapie, pourrait
continuer à prescrire des médicaments ou à faire des
examens généraux ou je ne sais trop quoi là.
Mais je veux dire tout d'abord que l'équivalence que vous faites
entre les 21 000 000 $ et le nombre de psychologues qu'on pourrait engager ou
l'analyse de coûts telle que vous la faites est peut-être un peu
simplifiée.
M. Chevrette: Combien n'iraient plus chez le psychiatre?
M. Granger: C'est évident qu'elle est simplifiée.
À toutes fins utiles, comme je vous l'ai dit tantôt, on n'est pas
économistes et je pense qu'il faudrait faire une analyse
économique de ça. Quant au fait que les gens continueraient
d'aller voir des omnipraticiens, les gens vont voir des omnipraticiens, dans le
fond, parce que c'est la seule porte d'entrée. S'il était
publicisé qu'il y a d'autres portes d'entrée dans le
système il y en aurait moins qui iraient les voir. On a fait certains
sondages qui montraient que les gens n'iraient pas nécessairement
automatiquement les voir s'il y avait une autre solution.
Mme Lavigne-Sabourin (Renée) : J'aimerais ajouter aussi
qu'au fond nous, on voudrait que les omnipraticiens soient vraiment
formés à être des dépisteurs et à
référer, comme ils vont le faire pour des spécialistes
dans le domaine de la santé physique, s'il s'agit de problèmes
psychologiques et non pas à s'éterniser à prescrire des
médicaments. Dans ce sens-là, on parle aussi d'une meilleure
formation des omnipraticiens pour qu'ils deviennent vraiment des
dépisteurs. Le mot a été utilisé durant la
journée. Cela pourrait contrer ce phénomène de visites
multiples chez le médecin.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je pourrais poser une dernière
question?
Le Président (M. Bélanger): Une dernière
question, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais même pas si c'est une question
ou une remarque. Vous disiez tout à l'heure qu'il y en a 1000, grosso
modo, qui sont dans le secteur public, quand vous avez répondu au
député de Gouin. Il reste que c'est quand même du monde.
Mille cliniciens dans le secteur public, c'est important. Vous dites qu'il y en
a qui travaillent dans les écoles. Qu'est-ce qu'ils font dans les
écoles? Ils doivent quand même rencontrer des jeunes qui ont des
difficultés d'adaptation. Ils doivent en donner, des services. Ils
devraient normalement donner des services de psychothérapie dans les
écoles. Vous dites qu'il y en a plusieurs qui sont utilisés comme
administrateurs. Je pense qu'il y en a une proportion qui sont utilisés
ainsi. C'est normal dans chaque groupe professionnel. Mais je me demande s'il
n'y a pas une mauvaise utilisation même des psychologues cliniciens qui
sont déjà dans ie secteur public. Parce qu'on en comptait
au-delà de 1000 dans le secteur public tantôt. Cela commence
à être du monde. Il semble que vous soyez mal utilisés,
même dans les hôpitaux. Oublions les écoles pour un moment
et oublions les fonctions d'administrateurs. Même si on doit vous
référer une personne, que c'est fait sur référence.
Il reste que, si vous en avez, disons, 800 qui travaillent comme cliniciens
à temps plein dans les hôpitaux, les CLSC ou autres, c'est pas mal
de monde.
Mme Lavigne-Sabourin: Je vais répondre. Il faut croire que
ce n'est pas assez parce que, voyez-vous, il y en a quand même 1000 qui
sont en pratique privée et qui sont consultés abondamment. Il y a
aussi des gens qui vont voir l'omnipraticien pour avoir des services relatifs
à des problèmes de santé mentale. Nous, ce qu'on dit,
c'est que cela ne devrait pas être les omnipraticiens qui donnent des
services de santé mentale. C'est vrai qu'il y en a 1000 qui ne sont pas
accessibles directement. Ils sont principalement dans les hôpitaux et il
faut croire que ce n'est pas suffisant. C'est vrai qu'il y en a 1000.
Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas oublier non plus, madame, que tes
gens vont voir les omnipraticiens pas nécessairement parce qu'ils ont un
problème de santé mentale...
Mme Lavigne-Sabourin: Beaucoup.
Mme Lavoie-Roux: ...mais simplement parce qu'ils ont des
symptômes physiques. Ils n'iraient peut-être jamais voir un
psychiatre ni un psychologue...
Mme Lavigne-Sabourin: Je suis parfaitement d'accord avec
vous.
Mme Lavoie-Roux: ...parce qu'il y a tout le mécanisme de
négation dans la maladie mentale qui fait qu'ils se sentent plus
à l'aise, même si cela ne les aide peut-être pas beaucoup,
d'avoir une prescription. S'ils n'avaient pas une prescription, à blanc,
ils se sentiraient probablement plus malades qu'ils ne se sentent. Il y a un
tas de variables là-dedans. Ce n'est pas facile à
résoudre, votre problème.
Une voix: Je pense qu'il y a plein de choses dans ce que vous
dites, Mme la ministre. J'aimerais juste préciser un point C'est qu'il y
a des études américaines et canadiennes qui démontrent
assez clairement que plus de 60 % des consultations chez les omnipraticiens
sont pour des problèmes psychologiques. Plus de 60 %. Cela est admis par
les médecins mêmes. En partant de cela, on a une certaine
idée du genre de problème pour les omnipraticlens. Un autre
élément que Je voudrais ajouter pour compléter la
réponse de Mme Sabourin, c'est la question des psychologues qui sont
évidemment au bout de la ligne. On n'arrête pas de dire depuis
longtemps qu'ils sont la troisième référence possible. Il
arrive dans bien des cas que même s'il y en a un certain nombre qui sont
débordés et qu'il y a des listes d'attente, donc, les gens qu'on
réfère... Normalement, si cela fonctionnait bien, s'il y en avait
assez, on ne recevrait pas 50 appels téléphoniques par semaine
à la corporation de gens qui veulent des services psychologiques, qui
vont dans le réseau et qui disent qu'il n'y en a pas de disponible.
Pourquoi nous appelleraient-lis s'il y en avait? Nous, on dit: Oui, il y en a,
mais il n'y en a peut-être pas assez. Comme le disait Mme Sabourin, s'il
y en a 1000 qui pratiquent en privé et qu'ils gagnent très bien
leur vie, il y a peut-être un besoin quelque part qu'on ignore.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Sur ce point précis, je pense qu'il y a
effectivement un manque dans le secteur public. J'en suis convaincu. Je diverge
un peu d'opinion avec Mme ta ministre sur un point, c'est que la mère de
famille démunie, pauvre, n'ira pas voir un psychologue ni un psychiatre.
Elle va aller voir son médecin de famille.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Chevrette: Automatiquement, c'est là. Si le
médecin de famille sait qu'elle n'a pas d'argent, il ne la
référera pas à un psychologue privé, II va dire
qu'elle n'est pas capable de payer. Il va donc la référer
à la clinique psychiatrique de l'hôpital. Là-dessus, je
suis persuadé que l'inclusion d'un groupe de psychologues dans le
secteur est extrêmement importante, en particulier pour la classe moyenne
et la classe faible, les salariés moyens et les bas salariés.
J'en suis convaincu. L'omnipraticien, qui connaît la famille, qui
connaît les revenus familiaux, ne pourra pas décemment recommander
à un père de famille, qui a peu de revenus ou à faible
revenu, d'aller chez un psychologue en clinique privée, même si le
petit bonhomme ou la petite fille ne nécessite que quelques entrevues
avec un psychologue. Il va le référer au psychiatre de
l'hôpital parce que, pour lui, cela ne coûtera rien et c'est ta
"castonguette" qui va payer...
M. Granger: D'ailleurs, on a...
M. Chevrette: ...parce qu'on n'a pas précisément ce
corps représentatif à l'intérieur de l'institution. Je
suis convaincu qu'il y aurait une économie extrême en termes de
coût social.
M. Granger: D'ailleurs, même dans notre réseau
privé, on a ce phénomène parce qu'il y a beaucoup de
psychologues présentement, en tout cas à Montréal, qui ont
leur bureau dans des polycliniques médicales. D'où viennent leurs
références? Des omnipraticlens de la polyclinique. Mais qui sont
référés? Les gens qui peuvent les payer. Les autres ne
leur sont pas référés, ils vont être envoyés
dans le réseau s'il y a de la place ou ils vont être
médicamentés.
M. Chevrette: Des personnes médicamentées, vous
savez ce que cela fait? Il y en a qui se promènent dans les bureaux de
députés à tous les lundis matins.
Le Président (M. Bélanger): Alors, en conclusion,
M. le député de Joliette.
M. Chevrette: La conclusion? Je pense qu'ils nous ont
éclairés, qu'ils nous ont indiqué des besoins. Il s'agit
au gouvernement d'y répondre.
Le Président (M. Bélanger): Bref et laconique. Mme
la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier...
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! Mme la ministre, je
vous en prie.
Mme Lavoie-Roux: C'est dommage qu'il ne se sort pas
exécuté pendant qu'il était au gouvernement.
Une voix: C'est cela.
M. Chevrette: Madame, c'est parce que vous ne m'avez pas
donné assez de temps» cela s'en venait bien.
Mme Lavoie-Roux: On a eu droit à au moins deux psychiatres
avant vous.
M. Chevrette: ...regarder le résultat final.
Mme Lavoie-Roux: Alors, merci et on va
essayer d'intégrer certains des points que vous avez
soulevés. C'est un débat qui n'est pas facile. Et pourquoi il
n'est pas résolu, si on veut être plus sérieux, c'est qu'au
point de vue des coûts, je comprends qu'on peut spéculer sur des
économies possibles, des coûts sociaux moindres,
l'élément le plus important, c'est peut-être
l'équité dans les services, qui est peut-être vraiment
l'élément fondamental de toute cette question. Encore une fois,
en même temps qu'on ferait cela, au plan financier, si cela Implique
vraiment des coûts supplémentaires, c'est-à-dire pour le
faire sur une échelle assez considérable pour que ce soit
significatif, il nous faudra ajouter des services pour les familles, des
services pour les organismes communautaires, etc. Il y a des choix qui vont
devoir être faits et je pense que je ne nie pas la valeur de ce que vous
apportez, bien au contraire. Mais, encore une fois, dans quelle mesure on
pourra y répondre, je suis moins rapide à répondre que le
député de Joliette ne l'est à faire la suggestion.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, le
prochain groupe qui est invité à se présenter à la
table des témoins, c'est Mme Vesta Wagener Jobidon.
Bien. Alors, nous recevons Mme Vesta Wagener... Je dis Wagener,
mais...
Mme Wagener Jobidon (Vesta): C'est Wagener Jobidon, mais Mme
Jobidon, cela suffit.
Le Président (M. Bélanger): Mme Jobidon, oui.
Alors, vous connaissez nos règles de procédure, à savoir
que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et que, par la
suite, il y a une période de questions de 40 minutes qui sera
dévolue aux parlementaires. Madame, si vous voulez bien procéder,
nous vous écoutons.
Mme Vesta Wagener Jobidon
Mme Wagener Jobidon: Je vous remercie. Vu l'heure tardive, je
vais essayer de faire cela aussi bref et, j'espère, aussi
intéressant que possible. Vous êtes bien bons de m'écouter.
(22 h 15)
Je ne suis pas une professionnelle de la santé, comme vous l'avez
probablement deviné, je suis une mère professionnelle d'un enfant
atteint de schizophrénie depuis quatre ans. Alors, je suis aux prises
avec tous ces problèmes, je les connais Intimement. Puisque j'ai
bénéficié d'un programme de répit, qui consistait
tout simplement dans la situation que ma fille pouvait être
acceptée dans un foyer de transition, j'ai pu faire des recherches en
santé mentale et surtout en réadaptation. Vu que je suis
traductrice et que je possède l'allemand, j'ai pu faire des recherches
en plusieurs langues. Une fois que j'ai vu que ma fille avait Ici à
Québec les soins médicaux dont elle avait besoin, j'ai pu
concentrer mes recherches sur la réadaptation. Il est tout à fait
évident - et je suis contente que, dans le rapport, ce soit pleinement
reconnu - que les jeunes schizophrènes qui sont maintenant
traités dans des hôpitaux de courte durée, quand ils
sortent, leur intelligence n'est pas atteinte. Ils restent avec un potentiel
qui est à découvrir et à développer. C'est une des
grandes lacunes aujourd'hui et c'est une autre chose qui est soulignée
dans le rapport et avec laquelle je suis parfaitement d'accord.
Alors, je ne sais pas si Je vais vous lire tout mon exposé; cela
parte un peu de lui-même. J'aimerais penser que je ne parle pas juste
pour ma fille et moi-même. J'ai dépassé ce stade depuis
bien longtemps. Je parle pour des milliers de parents qui vivent encore les
problèmes que j'ai vécus, surtout pendant les deux
premières années, c'est-à-dire qu'on n'est pas... Cela
prend du temps avant d'accepter la situation. On la cache devant les voisins.
On n'en parle même pas devant la famille. Mais, une fois ce stade
passé et surtout avec de l'information, on peut en parler et on
découvre que d'autres vivent la même situation. SI on voit le
moindrement ce qui se passe aux États-Unis et en Ontario, on
s'aperçoit que des parents sont devenus militants, se sont
impliqués dans la prise en charge de ce problème de famille, de
ce problème de leurs jeunes et d'autres jeunes, II y a une dynamique qui
se crée là et c'est ce qu'il faudrait arriver à faire ici
au Québec. C'est cela qui manque ici au Québec. Il y a de la
bonne volonté et même des services. Même s'il y a des
lacunes, il y a des services qui sont là, mais ils ne sont pas
pleinement utilisés.
Je vais revenir à mon exposé. Je voudrais expliquer
très brièvement, d'abord, que j'ai eu ce rapport très tard
et, lors de la rédaction du mémoire, j'ai fait cela très
vite. Il peut laisser l'impression que je suis en possession de toutes les
vérités et que je propose seulement deux choses qui sont
absolument les seules bonnes. Ce n'est tout simplement pas cela. Lorsque j'ai
lu le rapport, évidemment, j'ai été d'accord avec tout ce
qui y était dit. C'est comme le Père Noël, il y a tout
là-dedans. Mais ce qui m'a particulièrement frappée, c'est
d'abord la reconnaissance du potentiel des malades schizophréniques, des
personnes atteintes de schizophrénie, la reconnaissance qu'il manque des
services de réadaptation psychosociale, les besoins de formation des
personnes pour appliquer les PSI, les plans de services individualisés.
Il y a une insistance sur l'évaluation des programmes, ce qui est
parfaitement normal. Il y a une insistance sur la création de nouveaux
programmes.
D'autre part, ce qui m'a frappée, c'est l'absence totale de
suggestions concrètes de tout ce qui est à faire. Vu que je suis
à la fine pointe, disons, de tout ce qui se fait aux États-Unis -
je viens de recevoir les dernières recherches, et c'est fantastique -
cela m'a déçue un peu. Il y a aussi absence totale de
définition d'un bon service de réadaptation psychosociale.
C'est un mot à la mode qui couvre bien des choses et c'est une
chose à clarifier. C'est pourquoi je me suis mise à écrire
ce mémoire qui recommande deux bons services psychosociaux qui
remplissent tous les critères de ce qu'est un bon service. En fait, je
pense qu'il n'est pas nécessaire de le lire. Je ne sais pas si c'est
nécessaire?
Pour moi, les critères d'un bon service de réadaptation,
ce sont d'abord des programmes qui reposent sur le postulat qu'il y a, chez la
personne atteinte de schizophrénie, un potentiel à
découvrir et à développer afin qu'elle puisse atteindre
l'autonomie; ce sont des programmes qui offrent les moyens d'une occupation
valorisante - pas seulement une occupation, mais une occupation valorisante;
pas le macramé, mais une formation pour faire quelque chose d'utile. Ce
sont aussi des programmes qui offrent en même temps une interaction avec
d'autres, qui les obligent à sortir de leur apathie, à parler aux
autres, à penser aux autres, à faire des petites choses pour les
autres. Ces deux programmes que je propose sont des programmes de formation.
Ils mènent quelque part. Ce ne sont pas des choses stationnaires, qui ne
mènent nulle part, en fait, qui sont des garderies. Quand J'ai lu le
rapport, une des choses qui m'a frappée, c'est que, pour moi, cela
annonçait clairement que cela allait prendre du temps avant que toutes
ces choses ne bougent C'est pourquoi J'ai proposé des choses
concrètes.
En fait il s'agit d'un centre de jour du type 'Club house model".
Quelqu'un qui est familier avec la littérature américaine sur le
sujet connaît ce type de centre de jour. Ce n'est pas un centre de
loisir, c'est un club où les membres participent au fonctionnement
côte à côte avec le personnel professionnel. Je n'irai pas
dans les détails. Ce 'Club house model" a une composante qui est un
programme de travail qui s'appelle "transitional employment". Le TE ou le TEP,
cela aussi ressort de toute la littérature américaine actuelle.
On vient juste de faire un amendement pour des programmes de travail
destinés aux handicapés psychiatriques. Maintenant, ce
transitional employment* est reconnu comme une étape très
importante pour les gens atteints de schizophrénie. C'est un programme
de travail à temps partiel. Il est presque universellement reconnu que
les gens, même s'ils ont un potentiel, même s'ils veulent
travailler - et il y en a plusieurs qui veulent travailler - il faut les faire
commencer à temps partiel. Et, évidemment, c'est une chose qui
manque Ici. Cela fait partie Intégrante de ce "Club house model" qui ne
fournit pas le travail comme tel, qui prend des contrats avec les grandes
entreprises et qui se déplace avec quatre, cinq membres. Le club
s'engage à faire le travail. C'est une expérience, il faut voir
comment cela fonctionne. J'ai passé plusieurs jours à Toronto
pour voir cela et c'est une chose que je voudrais importer Ici. Est-il
nécessaire de mentionner qu'un tel centre de jour dans une ville
constitue un programme de répit pour les parents?
Le deuxième programme que je voudrais voir installé Ici,
sans grande évaluation parce qu'il parle par lui-même, par ses
résultats, c'est un programme d'éducation continue et
spécialisée qui se donne à Boston. Pour cela aussi, je
donne des détails et des références.
Les deux programmes, on pourrait dire que c'est faire d'une seule pierre
plusieurs coups. Ce ne sont pas seulement des endroits pour passer le temps de
manière productive, on y donne un peu d'espoir, de confiance en soi et
un sentiment d'accomplissement On améliore la qualité de la vie,
même si le malade ne peut faire tout le cheminement possible.
Un des problèmes constatés, c'est que les malades
schizophrènes souffrent d'une sorte de schizophrénie
négative, c'est-à-dire l'apathie. Ils ne profitent pas
nécessairement des services qui sont là. Cela a été
constaté en Suède, par exemple, où tous les services ont
été créés pour les schizophrènes. Ils ne
venaient tout simplement pas jusqu'à ce qu'un de ces "club houses' soit
installé et, là, tout d'un coup, il y avait participation.
Une autre raison pour laquelle ces deux sortes de services sont bons,
c'est qu'ils servent à découvrir le potentiel de ces
gens-là, parce que, d'après les sommités internationales,
il est aujourd'hui encore Impossible de prédire te potentiel d'une
personne malade qui sort de l'hôpital, parce qu'elle est trop apathique.
C'est sur le tas, c'est au travail ou en faisant une activité qu'on peut
découvrir le potentiel de cette personne.
Ce qui m'amène à parler un peu du programme de
répit. Le programme d'éducation spécialisée est
évidemment un bon programme de répit pour les parents. Quand les
parents savent que leur enfant est employée à une occupation
valorisante, cela leur permet de faire autre chose.
En plus d'Importer des programmes déjà
éprouvés, il y a aussi des choses simples et peu coûteuses
qui pourraient être entreprises immédiatement sans
évaluation scientifique, parce qu'elles relèvent du bon sens et
de l'expérience Un des problèmes majeurs est l'Intégration
au monde du travail, qu'on soit rémunéré ou non. Plusieurs
de ces jeunes adultes atteints auraient le potentiel pour devenir autonomes
s'ils pouvaient commencer leur réinsertion correctement à temps
partiel. C'est un problème que je vis depuis des mois et je connais
plusieurs jeunes qui sont dans le même cas que ma fille. C'est la
même chose partout, on propose à ces jeunes qui sont parfois
hautement scolarisés des emplois de ménage à temps complet
ou des ménages chez les vieillards. Ma fille a fait cela aussi. J'ai
insisté pour qu'elle le fasse parce que c'était une bonne action,
mais pas parce qu'elle n'était pas capable de faire autre chose. C'est
limiter pas mal les possibilités de ces jeunes, et c'est dommage.
Alors, il y a des stages disponibles pour les
bénéficiaires de l'aide sociale. Tous ces stages sont à
temps plein. Il me semble que cela devrait être possible de prendre un
stage et d'en faire bénéficier des jeunes atteints de
schizophrénie. C'est reconnu qu'ils sont capables de faire des
tâches complexes. Le problème n'est pas la complexité du
travail, le problème, c'est que ces endroits sont trop stressants. Cela
est une des choses qui ne coûte pas cher. Même si l'emploi n'est
pas rémunéré, juste donner la chance de faire un travail
productif peut leur donner confiance en eux-mêmes. Aussi, s'ils ont fait
plusieurs stages et qu'ils ont pu bénéficier des travaux
communautaires plusieurs fois, cela leur donne une idée de ce qu'ils
voudraient faire, parce qu'ils ont le sentiment qu'ils peuvent faire quelque
chose, mais ils ne savent pas où aller. Ils ont peur de trop de stress,
peur de faire une rechute. Mais, par une politique de petits pas, en donnant la
chance à ces malades de faire un peu plus tout le temps ou quelque chose
d'un peu différent, on peut amener un bon pourcentage de cette
clientèle à devenir autonome ou semi-autonome. (22 h 30)
Je ne rêve pas en couleur, je ne pense même pas qu'il y a
beaucoup de jeunes qui peuvent travailler à temps plein, mais,
même si on amène quelqu'un qui maintenant végète
devant la télévision, qui ne fait rien, si on peut l'amener
à travailler à temps partiel et à avoir une certaine
satisfaction, il me semble qu'on fait quelque chose. C'est un but à
atteindre et, dans le dernier numéro de la revue Psychosocial
Rehabilitation Journal, il y a le Dr Anthony, qui est une sommité
internationale, encore une fois, qui parle des dernières recherches sur
le travail, qui décrit les programmes de travail qui ont
été adoptés aux États-Unis et toutes les
études longitudinales qui ont été faites sur les
possibilités de travailler pour ces gens-là. C'est tout
là-dedans. Il s'agit juste de voir et de lire. Il n'est pas
nécessaire d'aller en Belgique et en Italie pour trouver des programmes
Intéressants.
En conclusion, un mot sur l'"Advocacy". D'après moi,
l'Interprétation donnée à ce terme a été un
peu restreinte et le terme "Advocacy" aux États-Unis et en Ontario
inclut un peu pas mal de militantisme et je dis ici dans mon mémoire que
le militantisme peut exister seulement là où il y a eu prise de
conscience, impatience et finalement militantisme. Au Québec, c'est un
manque d'information chronique qui a retardé la prise de conscience sur
la nature de la maladie mentale. Il est désolant de voir des parents
avoir souffert inutilement pendant des années parce que personne n'a cru
bon de démystifier la schizophrénie. La seule chose que je trouve
fautive dans le rapport, c'est quand il est dit que, du fait que des malades
sont maintenant traités dans des hôpitaux de courte durée,
la maladie mentale a été démystifiée. Ce n'est
absolument pas le cas. Les parents bien informés sur la nature de la
maladie hésitent moins à l'avouer, à se regrouper et
à prendre l'initiative dans la création des ressources. Quand on
voit ce qui se passe aux États-Unis, c'est bien souvent des parents qui
ont commencé des choses très intéressantes. Au dernier
congrès de l'IAPSRS, à Toronto, au mois de juin, j'ai
passé quatre jours à écouter parler des
réalisations des différents groupes de ressources psychosociales
des États-Unis, d'Europe et d'Australie. Soit dit en passant,
j'étais la seule personne du Québec, avec un anglophone de
Montréal. Par exemple, à Toronto, un groupe de parents, qui a
comme nom "Friends of schizophrenics', a organisé une campagne de
publicité dans le métro et les autobus de Toronto. Cela a
été placardé pendant des mois, pendant un an, et la
même chose s'est produite cette année; quand j'y suis
allée, II y en avait encore. Je voudrais bien voir cela à
Québec. Cela dit: Schizophrenia strikes one in hundred. For more
Information about this biochemical disease, appelez tel numéro. J'ai
montré cela à des psychiatres ici et, évidemment, ils ne
sont pas d'accord. Ils disent que ce n'est pas toute la vérité
que la schizophrénie est uniquement biochimique, bien que ce soit
reconnu maintenant qu'en partie c'est un déséquilibre biochimique
au niveau du cerveau. Comme parent...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
madame, je m'excuse!
Mme Wagener Jobidon: En conclusion, je voudrais profiter de ces
quelques minutes pour dire que je suis d'accord avec les recommandations,
évidemment. Le programme de répit, jusqu'à ce que j'aie
entendu parler des problèmes des parents d'autistiques, j'ai ri un peu
de ce programme. C'était un peu rêver en couleur, je ne pensais
pas qu'un programme de répit pour les parents de schizophrènes
était possible ou même nécessaire. Je voulais juste dire:
Donnez-nous des services décents, on n'a pas besoin d'un programme de
répit. Mais, évidemment, il y a des cas lourds que je n'avais pas
considérés, je l'avoue.
C'est surtout au niveau des moyens - page 144, je crois - que je
voudrais mettre dans un autre ordre, disons. "Prise de position
gouvernementale". Bien entendu, cela ne devrait même pas figurer sous un
numéro, il me semble que cela va de soi. La première
priorité, pour moi, c'est l'élaboration d'une campagne
d'information et de sensibilisation sur la situation des personnes aux prises
avec des problèmes d'ordre mental. Cela devrait être une campagne
nationale. Tous les problèmes que vivent tes parents, c'est un cercle
vicieux. On revient toujours sur le manque d'information à tous les
niveaux: les parents, les malades et le grand public. Il me semble que la vie
serait bien plus facile si on pouvait avoir une campagne de publicité
dont on n'aurait pas à s'occuper entièrement soi-même. La
plupart des
parents. Ici, au Québec, ne sont pas prêts à dire
les choses telles qu'elles sont, c'est un fait
Le programme de répit, je le dis, je trouve cela secondaire si on
a de bons services. Injection d'un budget doublant les montants actuellement
consacrés au financement des services: il faudrait être sûr
de ne pas donner l'argent à n'importe quoi. Il faudrait que ce soit
confié à des gens qui oeuvrent ou qui sont familiers avec la
réadaptation psychosociale. Il faut que ce soient des programmes qui
remplissent tous les critères que j'ai mentionnés tout à
l'heure.
Une autre chose qui n'est pas mentionnée et que je trouve
très importante, c'est que la campagne d'information se
perpétue...
Le Président (M. Bélanger): Excusez, madame, Je
dois vous interrompre...
Mme Wagener Jobidon: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): ...il faut passer
à la période des questions puisqu'on a déjà
débordé amplement
Mme Wagener Jobidon: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): À moins que vous
n'ayez quelques commentaires rapides avant de terminer, je céderais la
parole...
Mme Wagener Jobidon: Une autre chose que je trouve très
Importante, et j'espère que tes regroupements de parents ne m'entendront
pas, les regroupements de parents, c'est très important, mais on
n'avancera jamais si on leur donne trop d'argent Ils devraient trouver une
partie de leur budget en faisant leur propre campagne de sensibilisation. Ils
en sont capables. Par contre, pour les programmes qui concernent directement
les schizophrènes eux-mêmes, par exemple, la Maisonnée ou
des choses comme je propose ici, ils ne devraient pas avoir à gratter,
même pour les 10 % que vous préconisez. Cela devrait être
100 %, comme en Ontario. On ne devrait pas demander à ces personnes qui
souffrent de ces problèmes de sortir et de quêter de l'argent.
Ceux qui oeuvrent auprès de ces gens ont déjà tellement de
mérite qu'ils ne devraient pas être obligés de quêter
en plus. C'est à peu près tout ce que j'avais à dire.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): D'accord. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier Mme Wagener Jobidon
d'être venue rendre ce témoignage ce soir. On considère
toujours extrêmement Important, dans un dossier comme celui-ci,
d'entendre les témoignages de ceux qui vivent quotidiennement le
problème. On sent évidemment que la réalité pour
vous n'est pas toujours facile, mais que, malgré tout, vous avez
été capable de faire face aux responsabilités que vous
avez dû assumer et qui vous ont amenée, somme toute, à
rechercher quelles seraient les meilleures solutions pour votre jeune
fille.
J'aimerais quand même... Vous disiez tout à l'heure que
votre fille était dans une maison de transition. Est-ce que c'est une
maison de transition qui offre des services de réadaptation sociale ou
si c'est strictement une maison de répit en attendant que
peut-être...
Mme Wagener Jobidon: Non. C'est la Maisonnée, qui est un
bon service de réadaptation psychosociale pour les gens qui ne sont pas
encore assez bien pour aller sur le marché du travail. Ma fille est
passée là et elle a haï tout son séjour, mais ce
n'était pas ta faute de ceux qui étaient là, c'est parce
que ma fille n'était pas prête à faire face, à
accepter elle-même son état. Alors, je n'ai aucun reproche
à lui faire. Il manque de fonds. C'est un bon service, mais ça
n'a pas de sens, Ils sont entassés quatre dans une chambre et parfois
avec des cas lourds. Un service comme ça mérite d'être
gâté un peu. J'espère qu'ils vont venir parier
eux-mêmes. C'est la Maisonnée.
Ma fille a fait d'énormes progrès là. Elle a pu
être dans le programme des travaux communautaires et travailler comme
assistante secrétaire pendant quelques mois jusqu'à ce qu'elle
prenne son propre logement, mais le stress de déménager,
c'était trop et elle a laissé tomber son travail. Chaque nouveau
travail est un autre stress parce que comment expliquer les trous dans son
curriculum vitae? C'est pour ça qu'un service comme l'Arbre, est
extrêmement précieux, mais il ne peut pas faire grand-chose parce
que des jobs à temps partiel, il n'y en a pas. Alors, c'est toujours un
cercle vicieux. Tant que la sensibilisation n'aura pas été faite
chez les patrons, chez les syndicats... Des jobs ont été
refusés à des jeunes à cause des objections des syndicats,
c'est aussi bête que ça.
Mme Lavoie-Roux: Mme Jobidon, J'aimerais vous demander comme
parent... Évidemment, votre fille est devenue malade quand elle
était plus vieille, ai-je cru comprendre.
Mme Wagener Jobidon: Oui, à l'âge de 20 ans.
Mme Lavoie-Roux: Comme parent qui n'aurait pas fait tout le
cheminement que vous avez fait, mais un parent qui, dans les premiers stades ou
tes premiers moments où il doit faire face à cette
réalité, quels sont d'après vous les services prioritaires
qui devraient lui être accordés? Qu'est-ce qui vous serait apparu
le plus Important à ce moment-là?
Mme Wagener Jobidon: Avec le recul maitenant, II me semble que
c'est une souffrance... Quelqu'un qui n'est pas passé par là ne
sait pas quelle souffrance c'est C'est quelque chose
d'inhumain. En grande partie, cette souffrance-là est inutile.
S'il y avait quelqu'un sur place, si ce n'est pas le médecin, le
psychiatre, que ce soit une garde-malade ou une travailleuse sociale, quelqu'un
sur place à l'hôpital qui démystifie un peu dès le
début cette maladie-là... C'est entendu qu'on ne peut pas poser
un diagnostic de schizophrénie des fois... Dans le cas de ma fille, cela
a pris un an et demi. J'admets ça, c'est naturel. Mais on peut quand
même expliquer ce qu'est une psychose. On pourrait démystifier un
peu et prévenir les coups, dire ce que cela fait dans la famille. On n'a
rien eu. Ma fille a eu un bon psychiatre, mais, pour nous, c'était
zéro. Tous les parents vivent la même chose, tous les parents.
Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment l'isolement des parents en regard
de...
Mme Wagener Jobidon: Oui, d'abord, on est traumatisé,
surtout quand c'est la première fois que cela arrive dans une famille et
que vous n'avez aucune expérience de cela. S'il y avait quelqu'un qui
pouvait, pas nécessairement prendre la famille en charge, mais prendre
juste un membre de la famille ou faire une session avec toute la famille et
expliquer un peu ce qui se passe, dire quelles peuvent être les issues,
parce que pendant un an et demi ou deux ans on vit dans le faux espoir.
Comprenez-vous? On s'accroche et on ne fait pas face à la
réalité tant qu'on vit dans un faux espoir. C'est une
égergie qui est perdue. Il y a des énergies qui se perdent
là, c'est fou. (22 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est dans le premier contact. Mais, comme
service extérieur au foyer, extérieur à votre chez-vous,
qu'est-ce qui, pour une personne de cet âge-là, qui est maintenant
une jeune adulte... C'est-à-dire pas aujourd'hui, mais à ce
moment-là.
Mme Wagener Jobidon: Quand elle revient de l'hôpital?
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Wagener Jobidon: Franchement, les premiers mois, c'est
pénible parce qu'elle ne parle pas. Les malades sont assis devant la
télévision, ils sont dans le lit, il ne font pas grand-chose. Il
faut les pousser, pousser, pousser à sortir prendre l'air. C'est
sûr que, s'il y avait quelqu'un là pour pousser à notre
place, ce serait un soulagement. Mais il ne faut pas demander trop quand
même, parce que ce sont des périodes qu'il faut passer. Ce sont
des périodes d'attente qu'il faut passer. Je ne vois pas vraiment,..
C'est quand vient le temps de faire quelques pas, quand ils sont
prêts...
Mme Lavoie-Roux: À retourner dans la...
Mme Wagener Jobidon: ...là, II faut des services. Il faut
plusieurs services parce qu'il faut les pousser légèrement tout
le temps, tout le temps. Il ne faudrait pas que ce soient les parents qui
poussent tout le temps, tout le temps. Comprenez-vous? Il faut que ce soit un
professionnel de la santé ou un bénévole qui est bien
disposé, des gens qui ont des aptitudes pour ce genre de
chose-là.
Mme Lavoie-Roux: Alors, écoutez, Mme Jobidon, je vous
remercie. Je dois vous dire qu'on va examiner de plus près le centre de
jour, le "Club House Model" dont vous parlez, avec lequel nos services sont
déjà un peu familiers, mais qui, me dit-on, existe à
Montréal à l'état embryonnaire.
Mme Wagener Jobidon: Non, non. Il n'y en a pas.
Mme Lavoie-Roux: Alors, on va l'examiner d'encore plus
près. En tout cas, on est familier avec le modèle lui-même,
qui est un club qui contracte avec l'extérieur pour du travail qu'eux
vont faire, ce qui pourrait être intéressant et qui pourrait
être mis en place sans que ce soient des coûts trop exorbitants non
plus.
Mme Wagener Jobidon: J'ai téléphoné à
Toronto hier, parce que les derniers chiffres que j'avais étaient de
0,85 $ par jour, par membre. Il paraît que cela est un très vieux
chiffre. Cela est monté à 3 $ par jour et, maintenant, c'est
rendu à 5 $ par jour, par membre. À Toronto, il y a 200 membres.
Je calcule qu'Ici, à Québec, on pourrait facilement atteindre de
60 à 75 membres: Évidemment, les coûts vont diminuer parce
qu'on n'aura pas besoin d'autant de professionnels, mais c'est un service qui
n'est pas bon marché. Par contre, les avantages de cela, c'est
Inestimable.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Alors, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Moi aussi, je voudrais vous remercier, madame, tout
d'abord d'avoir pris la peine de vous déplacer en tant qu'individu,
d'avoir rédigé un mémoire pour la commission. Je pense que
cela démontre jusqu'à quel point vous êtes engagée.
Vous avez pris des renseignements; je vous avoue que c'est digne de mention
d'avoir pris autant de renseignements à l'étranger pour essayer
de chercher ce qu'il y avait de mieux.
Je retiens surtout deux choses de ce que vous avez dit. Ce n'est pas
impossible de les réaliser en soi, en particulier la capacité de
travail à temps partiel ou à temps réduit. Cela fait
longtemps qu'on en parle, de toute façon, au Québec. À mon
point de vue, il va falloir y
arriver, sinon par persuasion, du moins par législation. Je
connais certaines Législatures de pays étrangers qui vont
jusqu'à obliger des employeurs ou des entreprises de 50 employés
et plus, par exemple, à légiférer pour accepter un
pourcentage x de personnes handicapées physiquement ou
intellectuellement quelques heures par jour, suivant les moyens, et les
employer à des fonctions qu'elles sont capables de remplir. C'est la
contribution sociale pour certaines de ces compagnies. Je pense que ce n'est
pas impossible de penser à ce type de mesure. On en a déjà
parlé il y a sept ou huit ans; je me souviens, en tout cas, en ce qui
nous concerne. Je sais que ce n'est pas facile...
Mme Lavoie-Roux: C'est le regroupement des handicapés qui
s'y opposait
M. Chevrette: Je sais, mais je pense que, comme
société... Il y a des handicapés physiques qui s'y
opposaient, mais je ne suis pas convaincu que certaines incapacités
intellectuelles passagères... Ils n'ont pas eu de porte-parole. Je me
souviens qu'à l'époque, c'étaient les handicapés
physiques qui s'y étaient opposés. C'est très
différent de ce que madame apporte comme solution parce que ce sont des
handicapés Intellectuels momentanés ou passagers, ou des
incapacités partielles sur le plan mental. Je pense que oui, comme
société, il va falloir évoluer vers ces
formes-là.
L'autre chose qui m'a frappé, c'est le soutien des professionnels
de la santé pour les familles. Je vous avoue que j'ai rencontré
à plusieurs reprises - tous les députés ici en ont, dans
plusieurs bureaux de comté, ce qu'on appelle nos bureaux de
comté... On rencontre énormément de parents
complètement démunis. Ce sont les députés qui sont
obligés d'appeler certains professionnels de la santé. Nous,
peut-être à cause des titres, je ne le sais pas, on vient à
bout de nous répondre. On nous dit: Voici, c'est tel type de maladie, ce
n'est pas facile. Mais en raison d'une surcharge de travail, dans bien des cas,
dans certains centres hospitaliers ou dans certaines cliniques, on ne
réussit pas à rencontrer les parents et à les
sensibiliser, à les préparer à accepter. Je suis
très sensible à cette dimension des professionnels de la
santé. Il devrait y avoir ou bien un coordonnateur qui soit
spécifiquement chargé, en particulier en ce qui concerne ce type
de maladie, d'expliquer aux parents, de les préparer mentalement a faire
face à la musique. C'est dans ce sens-là que ces deux dimensions
de votre mémoire me touchent beaucoup. Je n'aurai pas de questions, mais
je voudrais vous féliciter pour le temps que vous prenez à
sensibiliser les parlementaires. Vous avez vécu un problème, vous
le vivez Intensément et je voudrais vous féliciter de votre
geste.
Mme Wagener Jobidon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. te
député de Fabre.
M. Joly: Merci, M. le Président. Très
brièvement, je pense que tous seront d'accord pour dire que ce qui fait
la valeur d'une commission parlementaire, c'est quand elle s'inspire de tout ce
qui se dit et de tout ce qui se passe ailleurs. De cette façon, on peut
en arriver nous aussi à trouver, sans que ce soient des solutions
miracles, des solutions plus adéquates pour nos vrais besoins.
Tantôt, j'écoutais Mme Jobidon et |'al été un
peu surpris, pour ne pas dire choqué, pas par rapport à ce que
vous avez dit, mais par rapport à ce que je découvrais - du
moins, en apparence. Vous mentionniez qu'en ce qui concerne la famille, on
n'avait pas toutes les ressources nécessaires pour pouvoir accepter un
peu la situation qui se vivait à ce moment-là. Mais, pour autant
que je sache, en ce qui concerne l'équipe thérapeutique,
l'équipe médicale comme telle ou les intervenants, tant les
travailleurs sociaux que les autres, si vous en faites la demande, si vous
manifestez un intérêt quelconque, c'est certain à ce
moment-là qu'il y a quelqu'un qui peut prendre la relève, ou qui
va prendre la relève et qui va vous sensibiliser sur la situation
exacte. Peut-être que je me trompe, mais l'aimerais quand même vous
entendre davantage sur cet énoncé que vous avez
avancé.
Mme Wagener Jobidon: Oui. C'est la réaction parfaite de
quelqu'un quf n'a jamais vécu le problème parce que ce n'est
pas... D'abord, quand une chose comme celle-là vous tombe dessus, vous
pensez que cela va finir par s'en aller tout seul, puis il y a aussi un bon
nombre de personnes qui ne pensent pas à aller chercher de l'aide parce
qu'elles ont été élevées dans la mentalité
que Dieu aide ceux qui s'aident eux-mêmes. On ne sait pas qu'on a besoin
d'aide à ce moment-là. On le réalise seulement deux ans
après. Comprenez-vous? C'est juste avec le recul du temps que je
réalise que j'ai souffert énormément pour rien. C'est cela
qui devrait arrêter tout de suite. Cela ne devrait pas durer encore cinq
ans que des parents souffrent comme cela. Cela n'a pas de sens.
M. Joly. Vous, Mme Jobidon, si Je comprends bien, vous aimeriez
relancer la balle dans le camp du professionnel. La responsabilité
devrait être imputée directement au professionnel qui prend en
charge un schizophrène et qui, par la même occasion, devrait
prendre en charge la famille, si famille il y a, ou les personnes
tntéressées à cette personne.
Mme Wagener Jobidon: Peut-être pas lui parce que je sais
comme ils sont surchargés. Mais il devrait y avoir une équipe et,
si celle-ci est surchargée à l'hôpital, mon Dieu, qu'on
engage quelqu'un d'autre. Si la travailleuse
sociale est surchargée, qu'une Infirmière ou qu'un
psychologue qui sait ce qu'est la schizophrénie, parce que j'ai
rencontré des psychologues qui n'avalent aucune idée de ce
qu'était la schizophrénie... Cela donne moins que rien.
Le Président (M. Bélanger): Nous en sommes au stade
des conclusions. Je m'excuse, compte tenu du temps, une dernière
question très courte.
Mme Legault: Très brève. Madame, je me joins
à vous. Je vis cette situation avec quelqu'un qui travaille avec moi
tous les jours, qui est ici à Québec et qui est ma
secrétaire - je dois vous l'avouer - et dont le frère est
schizophrène depuis l'âge de 18 ans. Il a 23 ans aujourd'hui et
ses parents sont démunis. Plus souvent qu'autrement, c'est la
mère qui est prise avec le problème. Souvent, le père est
à l'extérieur et c'est la mère qui est prise avec le
problème. Je vous avoue que, devant des situations que je vis, pas tous
les jours, mais presque, devant la mère qui appelle sa fille pour lui
demander un coup de main ou un peu de confiance... Elle lui dit que ce sera
mieux demain, mais ce n'est jamais mieux demain. Le seul moment où la
mère est capable de souffler, c'est quand l'enfant est
hospitalisé à l'Institut Albert-Prévost, à
Montréal, que tout te monde connaît Je pense que ce n'est pas
l'endroit idéal pour traiter cette maladie. En tout cas, cet enfant n'a
aucun traitement qui lui convient. On le traite avec du lithium; c'est une
chose que je peux mal comprendre. Je trouve qu'au niveau des services de
santé, Mme la ministre, on devrait s'attarder à cette chose. Ces
parents sont dépourvus et les enfants sont dépourvus devant une
situation semblable. Je trouve inconcevable qu'en 1987 on n'ait pas de moyens
à donner à ces parents et à ces enfants. Ce ne sont pas
des fous, ils sont intelligents. J'en parie en connaissance de cause parce que
je le connais et que je vis des choses avec ces gens. Je trouve aberrant qu'en
1987 on ne puisse pas prendre des moyens comme ceux que madame a
suggérés qui ne sont vraiment pas des moyens très
coûteux. En tout cas, Mme la ministre, c'est une occasion que j'ai de
faire partie de la commission des affaires sociales et j'en suis très
heureuse. Je voulais le faire incessamment.. En tout cas, je ne sais pas quand
j'étais pour le faire, mais je voulais vous en parier. Vu que c'est
près de moi, il me semblait que c'était égoïste de le
faire moi-même. Je me joins à vous, madame, et j'aimerais, si
possible - je le demande devant la commission - avoir votre numéro de
téléphone afin que ces parents puissent communiquer avec vous
pour que vous leur apportiez peut-être un peu de soulagement.
Mme Wagener Jobidon: Cela me fera bien plaisir.
Mme Legault: Je vous remercie, M. le Président. Merci,
madame.
Le Président (M. Bélanger): Merci. En conclusion,
M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Madame, étant donné l'heure, je vous
remercie à nouveau. Je dois vous dire que vous avez franchi un pas
immense, ici, ce soir. Connaissant nos coutumes parlementaires, lorsque
l'Opposition est d'accord avec le pouvoir sur les mêmes objectifs - cela
arrive si peu souvent, madame - je vous avoue que vous êtes une des rares
qui aient défilé devant nous et qui aient l'appui à la
fois du pouvoir et de l'Opposition.
Mme Wagener Jobidon: Vu que cela est humanitaire, cela ne me
surprend pas trop.
M. Chevrette: Non, j'ai l'impression que c'est votre force de
persuasion et votre vécu, madame. Bonne chancel
Mme Wagener Jobidon: Parfait! J'ai des dépliants du
Progress Place à Toronto. Si quelqu'un est particulièrement
intéressé, cela me fera plaisir.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme ta ministre.
Je vous remercie beaucoup, madame. La commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain, 10 heures, dans la même salle.
(Fin de la séance à 22 h 59)