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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 7 janvier 1988 - Vol. 29 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président. (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demande à chacun de bien vouloir prendre place. Nous allons commencer les travaux de cette comission.

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec, tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Baril(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert) et, comme je l'ai mentionné hier, M. Gauthier (Roberval) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette).

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.

Ce matin, nous recevons en premier lieu les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec, M. Paul Mercure, président-directeur général; Mme Anne Hébert, chef de service par intérim et Mme Christine Gourgue. membre du conseil d'administration. Je présume que M. Mercure sera le porte-parole.

Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour nous faire la présen-tatino de votre mémoire et il y a 40 minutes de discussion avec les membres de la commission. M. Mercure, je vous prie donc de commencer.

M. Mercure (Paul): Je vous remercie et je remercie fa commission d'avoir...

Le Président (M. Bélanger): Si vous me le permettez, juste instant... J'allais commettre un impair. Nous avons, parmi nous, deux invités de la République populaire de Chine, M. Zhang et M. Geng, que je voudrais saluer. Bonjour!

M. Mercure, maintenant, nous sommes entièrement à vous.

Office des personnes handicapées du Québec

M. Mercure: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de cette commission, je voudrais dire quelques mots sur les personnes qui m'accompagnent afin de démontrer leur expertise dans le domaine. Mme Gourgue, à ma droite, est membre du conseil d'administration de l'OPHQ. Le conseil d'administration de l'office est composé majoritairement de personnes provenant du milieu des personnes handicapées. Mme Gourgue a un long état de service dans la défense des droits des personnes psychiatrisées. Elle est une ex-présidente du groupe Auto-Psy et elle a été membre du Commité de la santé mentale du Québec. M'accompagne aussi Mme Anne Hébert, chef du service de la recherche et de la planification de l'office, qui a supervisé la préparation du mémoire et qui a été responsable des contacts avec le groupe de travail chargé d'élaborer cette politique.

Je voudrais d'abord rappeler très brièvement le mandat principal de l'office qui est de promouvoir les droits et intérêts des personnes handicapées et de voir à la coordination des services qui leur sont offerts.

D'après la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, qui est la loi constituante de l'office, les personnes ayant une déficience significative et persistante du psychisme entraînant des limitations fonctionnelles sont des personnes handicapées. C'est pourquoi l'OPHQ est directement concerné par l'élaboration d'un projet de politique en santé mentale, même s'il rejoint une partie seulement des personnes touchées par la problématique, étant donné que l'office s'Intéresse aux personnes handicapées et que l'on reconnaît, au départ, que plusieurs personnes sont touchées par la santé mentale sans que leur déficience soit significative et persistante et sans qu'elle entraîne nécessairement des limitations fonctionnelles.

Pour réaliser son mandat et pour soutenir la coordination des actions visant l'intégration sociale de l'ensemble des personnes handicapées, l'office a préparé une politique globale d'intervention intitulée À part... égale. La responsabilité du suivi et de la mise en oeuvre de cette politique relève de l'office, à la suite d'une décision gouvernementale.

La principale préoccupation de l'office à l'égard du projet de politique en santé mentale est donc de s'assurer qu'il soit cohérent avec la démarche de réalisation de la politique d'ensemble de À part... égale. Ce souci de cohérence anime toute fa réflexion de l'office sur ce projet de politique. C'est dans cet esprit que s'inscrivent notre mémoire et notre participation à la commission.

Je voudrais aujourd'hui vous résumer cette réflexion en deux parties: la première porte sur le cadre de référence et la perspective d'ensemble du projet de politique et la seconde sur tes moyens d'action proposés par le projet. Quelques commentaires sur le cadre de référence et la perspective d'ensemble. De façon générale, les grandes orientations du document traduisent la réflexion amorcée depuis plusieurs années dans le secteur de la santé mentale. Le cadre de référence de la politique reflète également les préoccupations de l'office et les grandes orientations de À part... égale. C'est ainsi que l'office

ne peut qu'adhérer au principe de primauté de la personne et d'équité, de même qu'à l'objectif prioritaire qui est celui de fournir une réponse adaptée aux besoins de la personne. Aussi, la nécessité d'Intervenir prioritairement dans le champ de la santé mentale rejoint entièrement les préoccupations de l'office qui avait, il y a trois ans, considéré la clientèle en déficience mentale et en déficience psychique comme des clientèles prioritaires pour les activités de l'office.

Toutefois, bien que cette préoccupation soit soulignée dans le projet de politique, l'OPHQ tient à rappeler l'Importance que la politique prévoie des mesures concrètes pour permettre une accessibilité réelle aux services aux personnes qui, en plus de leur problème en santé mentale, ont d'autres déficiences, soit la clientèle que l'on appelle souvent multidéficiente ou multihandicapée, et éviter qu'elle soit ballotée d'un réseau de services à l'autre.

L'OPHQ rappelle donc l'importance de l'implantation d'un service comme mesure pouvant faciliter l'accès aux services provenant de différents réseaux, accès particulièrement important pour les personnes qui ont de multiples déficiences, donc qui ont une déficience du psychisme et d'autres déficiences associées.

En résumé, l'OPHQ comprend l'urgence d'un consensus sur les principes et sur le cadre de référence. Il est un préalable à l'amorce d'une dynamique de changement. L'office souhaite, cependant, que ce cadre serve réellement de balise aux interventions ultérieures. Afin de concrétiser ces principes et orientations, le projet de politique propose certains moyens d'action. L'office estime que pour réaliser ces principes et orientations et éviter que les obstacles viennent contrecarrer l'implantation de la politique, certaines questions méritent des précisions.

Il faut également s'assurer une certaine convergence de l'ensemble des politiques préparées à l'intention des personnes ayant des Incapacités. Dans cette optique, l'office, sur ta question des moyens d'action, aborde six points dans son mémoire qui sont les suivants: le plan de services, la notion de partenariat et de collaboration intersectorielle, les droits, la désinstitutionnalisation, la formation et le système d'information. Mais, ce matin, je n'aborderai que (es quatre premiers points.

D'abord, quelques mots du plan de services. L'office constate, avec satisfaction d'abord, que le projet de politique de santé mentale recommande l'implantation du plan de services. À part... égale propose une utilisation élargie de ce modèle Individuel de coordination des services.

L'office s'inquiète, toutefois, du manque de précision dans la définition exacte du plan de services dans le projet de politique actuel, des différentes composantes du plan de services, des étapes dudit plan de services et dans l'identification des responsabilités à chacune des étapes.

J'aimerais rappeler quelques-uns des éclaircissements apportés par l'office dans son mémoire.

Du plan de services, on doit d'abord retenir qu'il appartient à la personne concernée, en tout premier lieu. La fonction de coordination peut être assumée non seulement par un intervenant de l'équipe, mais aussi et de préférence par la personne elle-même si elle est en mesure de le faire. Dans le cas où il serait préférable qu'un Intervenant assume cette responsabilité de coordination, la personne impliquée doit participer activement au choix du coordonnateur. Il faudrait également distinguer clairement les fonctions de coordination du plan de services de celles du plan d'Interventions, et clarifier la notion de transférabilité dont il est question dans le projet de politique.

Le projet de politique propose l'implantation obligatoire du plan de services. Puisque la réalisation des plans de services passe d'abord par celle des plans d'interventions, pour un partenariat élargi, on devrait d'abord recommander d'étendre l'utilisation des plans d'interventions dans le réseau des affaires sociales et recommander à cet effet l'attribution des ressources nécessaires. La réalisation des plans d'interventions est, en effet, un préalable à la concrétisation du droit au plan de services qui est, par ailleurs, déjà garanti dans la loi constituant l'office, qui s'appelle la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.

Finalement, retenons que les principales caractéristiques du plan de services en font un Instrument qui facilite la concrétisation des grandes orientations du projet de politique en santé mentale; ce point a été l'un des éléments principaux des relations que nous avons eues avec le comité. Ces grandes orientations, en quelques mots, sont le recours à une approche globale centrée sur la personne, la continuité et la complémentarité des services, la planification à moyen et long terme, autrement dit, et l'objectif d'intégration sociale, qui est d'ailleurs, je pense, un élément extrêmement important en ce qui concerne la santé mentale. Je pense qu'on peut considérer les problèmes de santé mentale justement comme étant caractérisés par le symptôme de désintégration sociale. Donc, l'approche d'un plan de services qui est orientée vers l'intégration sociale est sûrement un outil privilégié pour les interventions en santé mentale.

Cependant, il est Important - je veux préciser cette question - de distinguer entre le plan de services et le plan d'Interventions. Le plan de services est basé sur une approche globale centrée sur la personne et peut comprendre différents plans d'Interventions. Le problème principal de ne pas suffisamment donner d'importance au plan de services, c'est de retomber dans l'écueil que le plan d'Interventions évite difficilement, l'ecueil qui veut que le plan d'interventions soit malheureusement très souvent centré sur les prérogatives d'une profession déterminée,

la profession de l'intervenant principal ou encore sur le mandat d'un établissement. Alors que le plan de services considère l'ensemble des besoins de la personne en étant constamment centré sur les besoins de la personne. Autrement dit, la véritable question, ce n'est pas: qu'est-ce que je peux, comme professionnel de telle ou telle discipline, offrir à une personne? La question n'est pas plus: qu'est-ce que je peux, comme établissement, selon mon mandat, offrir à telle ou telle personne? Mais la question fondamentale, c'est: quels sont tous les besoins d'une personne donnée? En second lieu, on se demande quels sont les intervenants qui peuvent le mieux répondre à ces besoins-là?

Partenariat et collaboration intersectorielle et, en second point, le rôle de l'État. L'office adhère à la notion de partenariat et réaffirme l'Importance du rôle de l'État pour soutenir et stimuler l'Implication des différents partenaires.

Nous estimons en effet que c'est d'abord à l'État de fournir aux différents partenaires les moyens nécessaires pour assumer véritablement leur implication et, en particulier, envers les familles et les proches.

Le projet de politique ne précise pas exactement quelle place est faite à la famille et aux proches dans le cadre du partenariat. La proposition d'un programme de répit satisfait grandement l'OPHQ dans la mesure où il permet d'alléger le fardeau des familles et des proches. Toutefois, l'existence d'un tel programme ne devrait pas avoir pour conséquence d'imposer aux familles l'entière responsabilité de la réponse aux besoins des personnes. Il faut éviter de surcharger les familles ou encore d'en faire une ressource bon marché. Il importe qu'en accordant un répit aux familles, on ne perde par de vue la cause même de ce besoin. La mise en place de ressources communautaires d'intervention de crise, de services de maintien à domicile, de soutien aux familles et d'Intégration au travail devrait minimiser le fardeau des familles et des proches.

Ainsi, bien que ce soit une mesure nécessaire, l'office désire faire une mise en garde concernant le risque d'utiliser le répit au lieu de s'attaquer aux problèmes qui causent la demande des familles. Le programme de répit doit être l'un des éléments d'un ensemble de services à la disposition de la personne, des familles et des proches.

Bref, Pour un partenariat élargi devrait d'abord définir clairement le rôle des famille et des proches. Ensuite, on devrait ajouter au programme de répit d'autres mesures concrètes - information, aide professionnelle, programmes de financement aux associations etc. - pour soutenir leur implication.

Envers les groupes communautaires.

Le projet de politique en santé mentale distingue le soutien de l'État aux groupes communautaires selon qu'il s'agit de groupes de services d'entraide ou de promotion. L'office estime qu'il est essentiel d'assurer le développement des ressources communautaires de services d'autant plus qu'elles contribuent à la complémentarité des services et offrent des alternatives. L'office réaffirme la nécessité d'assurer aux ressources communautaires, en mesure de dispenser un service, la priorité sur toute autre forme de structure. L'ÛHPQ souhaite également que l'on tienne compte de la polylvalence de ces groupes dans le mode de financement (10 h 30)

L'entraide constituant une forme de services, elle devrait être soutenue dans le cas du développement des ressources de services.

Par ailleurs, le projet de politique ne précise pas le mode de financement qui s'appliquera aux groupes de promotion et de défense de droits, tels les associations et tes comités de bénéficiaires.

L'office désire rappeler qu'il dispose déjà d'un programme structuré de financement des groupes de promotion lequel comporte des critères d'attribution précis. Dans un effort de rationalisation, on devrait envisager la possibilité de maximiser l'utilisation de ce programme. Pour assurer un tel mandat, l'office devrait toutefois disposer des ressources financières suffisantes.

Je tiens à souligner à la commission que l'office, depuis trois ans, comme je le disais, a fait des efforts importants pour rejoindre le milieu et a établi de nombreux contacts nouveaux avec des organismes de promotion du milieu de la santé mentale et a même commencé à établir des contacts précis avec les comités de bénéficiaires.

L'exercice d'un réel partenariat Impose un partage précis des responsabilités. L'élaboration d'une politique de santé mentale devrait conduire à l'Identification de la responsabilité de chacun des acteurs en fonction du secteur où ils interviennent. Ils partagent les responsabilités, ce qui est aussi essentiel à l'administration des plans de services.

Ces précisions sont absentes ou ne sont pas suffisamment présentes dans le projet actuel. La distinction établie dans À part... égale entre prévention, traitement, adaptation-réadaptation et réinsertion sociale devrait servir de cadre de référence pour Inspirer le partage des responsabilités.

Le Président (M. Bélanger): Je vous ferai remarquer qu'il reste deux minutes. Si vous pouviez synthétiser l'ensemble de vos conclusions.

M. Mercure: Bon, je peux terminer en deux minutes. Peut-être sur la question des droits, je voudrais dire quelques mots. Le projet de politique en santé mentale devrait amorcer la question des droits de façon beaucoup plus globale. Il semble difficile qu'un ombudsman - là, on n'a pas nécessairement une position définitive là-dessus - puisse à lui seul assurer l'exercice

des droits dans le secteur de la santé mentale. te projet de politique en santé mentale place la personne au centre des préoccupations. En ce sens, il importe qu'on reconnaisse la légitimité de représentants des personnes concernées, soit les comités de bénéficiaires, les groupes de vigilance, les associations de parents et de personnes concernées.

Qu'on leur fournisse les moyens nécessaires à leur action. Le projet doit également affirmer clairement ta nécessité de procéder à des changements législatifs en ce qui concerne la Loi sur la protection du malade mental et la Loi sur la curatelle publique. L'office propose, par ailleurs, l'implantation d'un droit de recours en ce qui concerne l'application des pians de services.

En conclusion, la politique de santé mentale est attendue depuis longtemps. Les lacunes à combler actuellement sont importantes. Aussi l'office considère que l'intérêt principal du projet de politique est d'amorcer un processus de Changement par l'élaboration d'un consensus sur les principes et les orientations. Les mesures proposées constituent un premier pas et enclenchent ce processus de changement. L'office déplore toutefois que certains moyens d'action soient imprécis.

La préoccupation majeure de l'office à cet égard est de s'assurer que te projet de politique en santé mentale rejoigne les grandes orientations de À part... égale qui sont le moteur de l'action gouvernementale à l'égard des personnes handicapées. C'est dans cet esprit que l'office a procédé à l'étude du projet de politique. C'est dans cet esprit que l'office entend assumer pleinement sa responsabilité à l'égard des personnes ayant une déficience du psychisme significative et persistante. L'office offre son entière collaboration aux différents ministères impliqués. Merci, M. le Président

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'accueillir l'Office des personnes handicapées du Québec. Je veux remercier ses représentants de leur mémoire qui relève des éléments importants du projet de politique en santé mentale.

Évidemment, vous avez à rendrait du développement des plans de services une expérience qui date maintenant de quelques années et qui sera précieuse pour appuyer les efforts des personnes qui auront à développer des plans de services pour les bénéficiaires ayant des problèmes de santé mentale.

Il y a eu pas mal de discussions ici depuis deux jours et j'ai été fort intéressée de voir que vous mettez l'accent sur les deux, mais vous prlorisez le plan de services par rapport au plan d'interventions. Ici, il y a eu passablement de discussions à savoir qui devrait faire quoi. On reproche au projet de politique de ne pas préciser davantage les fonctions de chacun, le psychiatre devrait faire ceci, te psychologue cela, les autres intervenants tel type de chose, alors que j'ai cru comprendre des propos que vous avez tenus que ce qui vous apparaît très important, dans un premier temps, ce n'est pas une question de priorisation dans le sens de ne pas accorder autant d'Importance au volet des Intervenants mais que si on perd de vue l'élaboration du plan de services en fonction des besoins des individus, il se pourrait que la personne ait des problèmes même si on a tes meilleurs Intervenants possible, parce que ce sera peut-être plus difficile de distinguer quelles sont les responsabilités de chacun.

J'aimerais que vous élaboriez sur les problèmes que vous avez rencontrés sur le plan de ce qu'on appelle l'interdisciplinarité dans l'application des plans de services pour les personnes handicapées.

M. Mercure: Oui. Je pense que l'approche du plan de services - je le mentionnais en deux phrases, tout à l'heure - est particulièrement importante. Ce n'est pas non plus une question qui est uniquement nouvelle dans la politique d'ensemble à À part... égale, mais je pense que c'est parti d'un mouvement mondial de centrer la réponse aux besoins sur l'ensemble des besoins d'une personne. Cela implique principalement une planification à moyen et long terme. Les écueils principaux qu'on rencontre, je pense qu'ils se retrouvent particulièrement dans un système de services très structuré, tel que celui qui existe au Québec. C'est ce que je mentionnais tout à l'heure. Les établissements ont des mandats assez précis. Par exemple, un établissement a un mandat de réadaptation, un organisme a un mandat de transport, une commission scolaire a un mandat d'éducation et les plans d'interventions sont faits par des professionnels qui, forcément, cherchent à respecter soit le domaine d'expertise de leur profession ou le mandat de leur établissement. En faisant cela, ils fractionnent la personne et ils ne répondent pas adéquatement.

Il y a aussi le problème que, souvent, la réponse adéquate fait nécessairement appel à plusieurs réseaux de services tels le transport, l'éducation, le travail, la réadaptation, plusieurs ministères, et l'approche plan de services a été d'un secours considérable. Je dirais que dans le domaine de la désinstitutionnalisation, dans le domaine de la déficience intellectuelle et dans d'autres domaines aussi, certains établissements en déficience auditive ont souvent fait état de l'Importance de l'approche plan de services qui part d'une analyse exhaustive des besoins d'une personne et qui, seulement dans un deuxième temps, déterminent quels sont les meilleurs moyens de répondre aux besoins d'une personne. En plus, il y a un élément très important qui ne se retrouve pas toujours dans les plans d'Interventions, c'est la nécessité, dans un plan de

services, de faire participer la personne, ses représentants ou sa famille non seulement à la réalisation du plan mais même à l'élaboration du plan de services et à sa réalisation. De cette façon-là, je pense qu'on améliore considérablement les chances d'une réadaptation complète.

Mme Lavoie-Roux: Je trouve d'ailleurs très intéressant - et c'est noté dans votre mémoire - la question que la personne elle-même, dans la mesure où elle est capable, ait la prise en charge du développement de son plan de services ou de l'examen, l'approbation de son plan de services. Je pense que les professionnels ont souvent tendance - et j'en fus à un moment donné - à décider, peut-être un peu trop, pour les autres ce qui est meilleur pour les autres. Je pense que ce comportement de professionnels s'est modifié dans les dernières années, mais il y a toujours cette tentation. Je pense qu'en adoptant comme principe que la personne elle-même est la première responsable, d'une certaine façon, de l'élaboration de ce plan-là, on évite ce genre d'écueil et on a de meilleures chances de répondre aux véritables besoins.

Est-ce que je dois conclure de votre réponse que le fait que le plan de services soit déterminé en fonction des besoins préalablement à l'Intervention d'un certain nombre d'intervenants a diminué ou réduit les tensions Interdisciplinaires dans une problématique qui requiert une intervention interdisciplinaire?

M. Mercure: Effectivement. Il y a de nombreux cas. Je connais de nombreux cas précis de personnes pour qui la réadaptation ou l'Intégration sociale était quelque chose qui n'était pas un succès depuis plusieurs années. Quand on a fait un véritable plan de services avec un comité interdisciplinaire et qu'on s'est vraiment appliqué à coordonner les interventions et à s'assurer de la présence, au bon moment, des réseaux, cela a eu un impact très important. Sûrement que Mme Gourque pourrait ajouter quelques mots sur cette question précise.

Mme Gourgue (Christine): Je considère aussi qu'au départ, la participation de la personne concernée à son propre plan de services, c'est une première, parce que c'est ta première fois qu'on va lui demander ses besoins à elle et on ne pensera pas à sa place, et on n'agira pas pour elle. Il y a aussi toute une question de valorisation et de motivation qui est suscitée chez la personne concernée lorsqu'on l'implique globalement dans ce type de plan de services.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je vais passer la parole, pour le moment, à des collègues qui veulent intervenir.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Ma première question est celle-ci. Vous allez m'expliquer, M. le président, quand vous dites que le projet de politique devrait Identifier les acteurs responsables de chacun des secteurs de l'intervention par rapport à la multidisciplinarité... Je vais vous donner un exemple pour bien me faire comprendre. Vous dites qu'il faut commencer par définir ou Identifier l'ensemble des intervenants, à toutes fins utiles. Je suppose que vous parlez de travailleurs sociaux, de psychologues, de psychiatres, de toute la gamme de professionnels ou de non professionnels reliés au travail de la santé mentale.

Quand vous donnez la définition, comment conciliez-vous la multidisciplinarité avec l'identification de chacun des acteurs?

M. Mercure: L'expérience de l'office dans ce domaine-là et l'approche globale qui a été privilégiée dans la rédaction de À part., égaie qui est.. Je pense qu'on peut se référer à À part... égale comme un des premiers éléments d'effort de coordination des interventions des différentes professions et des différents ministères. Je pense qu'une première chose à faire, c'est de bien connaître le processus d'apparition du handicap et de bien distinguer, ce qui n'a pas toujours été fait traditionnellement dans les professions, entre la prévention qui est un domaine important, entre le traitement où l'aspect médical est très important, même le diagnostic, l'adaptatlon-réadaptatlon, où l'aspect des multiples professions en réadaptation et où l'aspect médical est beaucoup moins important, et, finalement, la réinsertion sociale. Je pense qu'il y a des chapitres de À part... égale qui tentent d'exposer cela. De toute façon, c'est basé sur des recherches qui viennent de l'Organisation mondiale de la santé. (10 h 45)

Donc, pour savoir qui est responsable de quelque chose, II est important qu'on sache si l'intervention se situe au niveau de l'intégration sociale. Là, évidemment, on s'adresse aux préjugés. On veut faire de l'information. C'est tout le réseau des communications qui est impliqué. Tandis que si on est dans le domaine de l'adaptation-réadaptation, ce n'est pas l'expertise principale du monde médical.

M. Chevrette: Je vais reposer ma question, dans ce cas, pour vous aider. Je me rends compte que Je n'ai pas été clair. Si vous demandez au préalable l'identification des acteurs responsables, est-ce que ce n'est pas poser a priori le fait de faire l'arbitrage sur les responsabilités, alors qu'à mon point de vue... C'est un point de vue personnel, je vais faire un commentaire. Ne croyez-vous pas que les gens impliqués, que les acteurs impliqués, travaillant à l'intérieur d'une équipe multidisciplinaire, vont se compléter automatiquement et ne feront pas ces arbitrages théoriques que vous demandez de faire au

départ? Je sais bien que si je réunis dans une salle un travailleur social, une infirmière, un psychologue et un psychiatre et qu'on dresse ensemble un plan individualisé de traitements pour telle personne, ils ne commenceront pas par dire: Hé! Cela, c'est mon domaine. S'ils sont tous assis à une même table, ils vont dire: Ce qu'il y a de mieux pour cette personne, c'est ta prise en charge par un travailleur social, un encadrement. Ils ne feront pas l'arbitrage théorique que vous demandez de faire. En tout cas, |e l'interprète ainsi. J'interprète peut-être mat votre mémoire. Vous parlez d'identifier les acteurs responsables et de bien définir leurs responsabilités. À ce moment-là, ne craignez-vous pas que, d'une façon très théorique, on définisse des champs d'action, alors que, sur le plan pratique, quand on assoit tous les intervenants ensemble, Ils ne font pas d'arbitrage? Les Individus ne font pas d'arbitrage; ce sont les corporations qui veulent qu'on fasse de l'arbitrage. Et vous me paraissez verser exactement dans le même vice auquel on assiste ici, le respect des Jardins de chacun.

M. Mercure: Ce n'est sûrement pas cela. Si cela a donné cette impression, ce n'est pas cela. La nécessité de préciser les rôles doit se faire à deux niveaux. Sur le plan individuel, comme vous l'avez dit, si on réussit - ce qui n'est pas souvent le cas - à réunir les disciplines nécessaires autour d'une table pour étudier le cas d'une personne, on a la grande partie du chemin pour établir les responsabilités dans la coordination individuelle. Le problème est aussi au niveau collectif. Je veux dire que, dans la situation actuelle, il y a des établissements qui se donnent des côtes de développement de ressources résidentielles, qui se donnent des rôles de transport, qui se donnent des rôles d'éducation, qui se donnent toute une série de rôles qui ont tendance à accaparer tous les services à une clientèle donnée. C'est dans ce sens qu'une meilleure définition des mandats pourrait aider Mme Hébert pourrait peut-être donner des précisions additionnelles.

J'admets, comme vous, que si on réussit à réunir des personnes autour d'une même table sur le plan professionnel, on va pouvoir assez facilement s'entendre sur qui doit faire quoi. Mais, en pratique, pour obtenir des budgets, il va falloir retourner à l'organisation des réseaux qui, comme je le disais, au Québec, est particulièrement structurée, beaucoup plus structurée que dans d'autres milieux.

Au Québec, en ce moment, ce n'est pas pensable, mais il y a des endroits aux États-Unis où on fait absolument abstraction de tous les mandats et de tous les organismes. On attribue un budget à une personne et on demande au groupe de professionnels dont vous parlez de chercher la ressource la plus près possible de la personne. Mais, dans le moment, vous avez des ressources résidentielles qui sont développées par toute une série d'établissements. Plusieurs établissements, dont ce n'est pas la priorité, dont ce n'est pas la fonction principale, s'Intéressent à l'éducation, à l'Information. Alors, il y a énormément d'interventions qui pourraient être mieux coordonnées.

Mme Hébert (Anne): Par rapport à votre question, je pense que c'est là que la distinction entre plan d'interventions et plan de services peut être importante. Pour ce qui est du plan de services, l'approche globale de la personne, c'est vraiment le pivot pour consigner les différentes approches multidisclpllnaires. L'objectif commun de toutes les personnes qui sont responsables des différents secteurs d'Interventions, par exemple, te traitement, l'adaptation, la réadaptation et les différents secteurs de l'Intégration sociale, c'est de répondre aux besoins de la personne et de favoriser l'intégration sociale. C'est leur objectif commun.

Mais lorsqu'on va au niveau d'un plan d'interventions, effectivement, il peut y avoir plusieurs intervenants responsables et là, ce n'est pas obligatoire ni nécessaire qu'on fragmente beaucoup les responsabilités. Il peut y avoir là un travail beaucoup plus multldisclplinalre. C'est un peu là que se pose votre inquiétude, mais ce n'est pas en ce qui a trait au plan de services. Je ne sais pas si ma réponse est assez claire.

Vous donniez l'exemple du traitement, mais, en ce qui touche le traitement, c'est un secteur d'Interventions. Là, II y a plusieurs Intervenants, là il peut y avoir un travail commun. Il n'est pas nécessaire de vraiment segmenter les responsabilités. C'est vraiment en ce qui touche le plan de services qu'il y a une nécessité d'Identification des responsables pour chacun des secteurs d'Interventions.

M. Chevrette: Je vais vous reposer une question à partir de ce que vous avez dit, M. le président. Vous avez dit qu'il y avait des institutions qui s'accaparaient ou se donnaient des vocations de plusieurs services; elles voulaient s'accaparer tous les services. Je voudrais que vous précisiez là-dessus. Ne croyez-vous pas qu'au Québec, si on évolue, c'est justement parce qu'il se fait des expériences très diversifiées? Quand vous pariez du respect Intégral de la personne et qu'une Institution veut justement donner l'ensemble des services à cette même personne, est-ce que vous ne trouvez pas cela correct?

M. Mercure: Justement. Parce qu'un des corollaires de la philosophie de normalisation auxquels tes gens ne pensent pas Immédiatement, la normalisation, c'est l'Intégration sociale, c'est la conviction qu'une personne peut se développer et peut fonctionner quand on utilise un milieu le plus normal possible, le plus près possible du milieu de vie que toute personne vit; cela est assez bien connu.

Le corollaire de cela, c'est l'utilisation dans toute la mesure du possible des services génériques, c'est-à-dire que si l'on veut transporter des personnes handicapées, qu'on ne fasse pas un réseau de transport séparé; et si on veut s'occuper de l'éducation des personnes handicapées, qu'on ne fasse pas un réseau d'éducation séparé, qu'on utilise dans chaque cas les services génériques auxquels a droit l'ensemble de la population, même qu'on ne fasse pas de petites portes d'entrée, qu'on utilise dans toute la mesure du possible les mêmes canaux d'entrée.

M. Chevrette: Prenons l'exemple du réseau des personnes handicapées. Prenons La ressource dans Hull ou Le bouclier dans Lanaudière, c'est exactement ce qu'ils cherchent à faire, utiliser les ressources du milieu et ne pas créer des services bien spécifiques pour les handicapés. Comment expliquez-vous qu'au Québec, II y a deux ressources du genre et que cela ne s'est pas étendu au reste du Québec?

M. Mercure: Disons que ces deux ressources sont des expériences très heureuses, de toute façon. Je pense que J'ai assez vécu la question de savoir où on devait situer la responsabilité des services communautaires qu'on entendait développer. Il y avait plusieurs choix et un choix a été fait, à un moment donné; plutôt que de créer de nouvelles corporations responsables des services communautaires, on a dit: Je pense que ce serait préférable, cela responsabiliserait davantage les réseaux. Personnellement, je ne suis pas contre cette approche, en aucune façon. On a décidé que les centres d'accueil devaient eux-mêmes réorienter leurs ressources et être responsables des services communautaires. Mais ce qu'il faut faire évidemment, c'est adopter franchement une politique d'utilisation maximum, comme pour les deux établissements que vous avez mentionnés, ce sont des centres d'accueil qui n'ont pas de ressources internes et pour tequels c'était beaucoup plus facile d'adopter clairement et franchement l'approche d'utilisation des ressources du milieu.

M. Chevrette: Quand vous me répondez de cette façon, vous avez exactement le réflexe qu'on a tous, on pense à l'institution. Mais quand on pense à une politique pour traiter une personne handicapée physique ou intellectuelle, c'est pour aller chercher même la personne qui n'est pas en institution et lui donner un droit ou un accès égal - vous avez tellement utilisé les mots "à part égale" tantôt que je me souviens très bien de tout ce débat - et lui permettre, même pour une personne venant d'un petit village, d'avoir des services, si éloignés soient-ils. À ce moment-là, si personne n'a de préoccupation... L'institution aura une préoccupation par rapport à ses bénéficiaires ou aux gens qui vont faire appel à l'Institution, alors qu'un organisme - cela devient un organisme de promotion, de sensibilisation et d'utilisation des services... Quand on pense à une politique de santé mentale, on pense à une politique pour personnes handicapées, le premier principe, c'est d'abord de lui en donner accès. Vous jugez que l'institution est un premier pas, au lieu de dire que c'est un droit à la personne, alors que vous êtes d'accord avec le principe énoncé par le Dr Harnois: La personne avant toute chose. Comment conciliez-vous cela avec votre réflexe institutionnel?

M. Mercure: Effectivement, le problème principal quand on a des institutions... Lorsque j'ai fait référence aux centres d'accueil, je voudrais quand même faire réaliser que les centres d'accueil ne sont pas en soi des institutions...

M. Chevrette: C'est vrai...

M. Mercure: ...mais ce sont des corporations qui, pour la plupart, administrent des institutions et des services communautaires. Mais les grands hôpitaux psychiatriques sont nécessairement des institutions et disons que le gros de leurs responsabilités est du domaine institutionnel. Je pense que c'est très difficile de développer des services communautaires adéquats carrément à partir des Institutions, mais je n'ai pas la réponse. Je trouve que vous soulevez vraiment des problèmes très réels. Je n'ai pas personnellement la réponse définitive à ce genre de problèmes. Mais justement, pour d'autres secteurs de personnes handicapées, les mandats accordés aux centres d'accueil ont eu pour effet que les clientièles déjà dans les milieux ont été moins bien servies et ont eu moins accès aux ressources que les clientèles institutionnalisées, ce qui est aberrant. Si on veut favoriser l'intégration sociale...

M. Chevrette: Mais là...

M. Mercure: ...il faut traiter équitablement, dès le départ, les gens qui sont à l'extérieur des institutions.

M. Chevrette: Comme vous avez une expérience au niveau national, croyez-vous que la personne et la famille seraient mieux traitées par une structure de base responsable, que sont les CLSC?

M. Mercure: Je pense que les CLSC sont effectivement un organisme de première instance dont le réseau vient juste d'être complété. Possiblement que c'est une approche très valable particulièrement en ce qui concerne l'administration des plans de services. C'est une ressource souvent mentionnée par te milieu comme une ressource qui pourrait administrer tes plans de services, donc être la porte d'entrée. C'est sûrement quelque chose à considérer.

Vous avez fait référence à mon expérience

nationale. J'ai effectivement eu l'occasion de voir plusieurs choses à l'extérieur du Québec, au Canada, et c'est pour cela que J'ai fait allusion au fait qu'on est plus structuré que dans d'autres milieux. Cela a des avantages, mais aussi certains inconvénients, tels ceux que vous avez mentionnés, la querelle des mandats qui est souvent la pierre d'achoppement Je pense qu'il faut que les mandats soient,. Je n'ai pas voulu dire tantôt, en précisant les responsabilités, qu'on donne des mandats trop spécifiques. Il faut que les mandats soient suffisamment larges pour qu'il y ait, comme vous avez dit, plusieurs expériences qui soient faites à partir d'approches un peu différentes. Il ne faut pas être trop cartésien et définir qu'il y a une seule ressource qui peut répondre à un seul... Je pense qu'il ne faut pas faire ça. (11 heures)

Mais ce qu'il faut faire, c'est empêcher des établissements d'accaparer une clientèle, parce que cela aboutit à une dépendance, qui, effectivement, est une plaie qui affecte la clientèle en déficience du psychisme. Je pense que c'est important que quand on retire tous ces besoins ou quand on obtient la réponse à tous ces besoins d'un même organisme, on risque de rester dépendant.

Je ne sais pas si Mme Gourgue voudrait ajouter quelque chose.

Mme Gourgue: Pour faire suite à votre question concernant les CLSC ou encore d'amener un organisme comme tel responsable de tout, ce que je trouve dangereux là-dedans, c'est que tout l'aspect des organismes communautaires qui sont déjà là perdent leur raison d'être qui était là bien avant que la philosophie...

Je pense que la philosophie de santé mentale concernant la maladie mentale a été amenée par ces organismes communautaires. Aujourd'hui, on se rend compte qu'effectivement, les mentalités ont changé, mais elles ont changé à la suite de toute une revendication qui a été faite. Aujourd'hui, on se rend compte que ces organismes communautaires, quelque part, leur idée a été récupérée par certaines institutions, par certains établissements qui maintenant ont créé ou vont créer ce qu'on appelle les structures intermédiaires.

Donc, je pense que lorsqu'on parle de partenariat qui est vraiment une reconnaissance au départ des organismes communautaires et je trouverais dangereux qu'il n'y ait seulement que... On parte des CLSC dans le cas actuel... qui soient responsables d'une Implantation.

M, Chevrette: D'accord. SI je vous pose la question, c'est qu'à un moment donné, si on veut créer une équipe multidisciplinaire d'intervention, si on veut que les groupes communautaires, les groupes du milieu, fassent partie éventuellement de ces équipes, il va falloir que quelqu'un en assume le leadership.

Est-ce que c'est un Individu ou si c'est une structure au niveau d'un territoire qui doit assumer au moins le leadership de départ? On n'a pas le choix que de s'interroger sur qui va au moins être le déclencheur. C'est pour cela que je vous pose cette question.

On pourrait bien dire que chacun conserve - J'achève, M. le Président - son autonomie ou son champ d'action, pas de problème. Mais s'il n'y a personne qui prend l'Initiative d'asseoir tout ce beau monde pour établir vos plans de services dont vous parlez, il n'y a personne qui va convoquer... Il va se passer quoi?

On risque de se retrouver, comme on l'est présentement. Chacun oeuvre d'une façon parallèle. Chacun défend avec beaucoup de conviction son type d'action. Mais on n'a pas cette complémentarité ou ce travail d'équipe Indispensable pour le respect Intégral de la personne.

C'est pour cela que je posais une question en vous disant: Est-ce que c'est le CLSC? Je n'ai pas de parti pris pour une structure particulière. Mais à mon sens à moi, on doit au moins aller vers la structure la plus près du monde. C'est pour cela que j'ai dit le CLSC, parce que j'y crois pas mal à cela.

M. Mercure: II faut effectivement qu'il ait une responsabilité résiduelle quelque part pour ceux qui se promènent d'un endroit à l'autre et qui se font dire: Votre problème n'entre pas dans mon mandat. Par contre, quand on parle de coordination sur le plan individuel, en tout cas, les réflexions que j'entends maintenant de différents milieux - c'est ce qu'on a essayé de mentionner, d'ailleurs - c'est que fa coordination sur le plan Inviduel doit être faite de préférence par la personne handicapée, par son représentant ou un membre de sa famille, par le principal Intervenant et peut-être, en définitive, par l'Office des personnes handicapées qui a un certain rôle, si personne d'autre le fait, dans la coordination et le plan de services.

Il y a aussi le rôle du Conseil régional de la santé et des services sociaux sur le plan régional qui a un rôle de coordination sur le plan collectif et un service de plaintes qui pourrait sans doute être exploité davantage.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Merci, M. te Président. Je voudrais aborder une autre question avec les représentants de l'OPHQ, la question de l'"ombudsperson". Je pense que ce que vous soulevez est juste, sans être une critique quant au contenu du rapport Harnois. Il y a l'évocation de la mise en place de cette nouvelle personne avec des responsabilités, mais il y a effectivement, comme vous le dites dans votre mémoire, peu de précisions entourant ce que pourrait être et ce que devrait être te rôle réel de cette personne, de même que les pouvoirs qui accompagneraient

son mandat

Vous évoquez deux choix quant à des choses qui devraient être précisées: garantir son Indépendance et Investir de pouvoirs réels cette personne. Est-ce que vous pourriez préciser un peu les pouvoirs réels que vous souhaiteriez voir accordés à l'"ombudsperson"?

M. Mercure: Encore une fois, notre réflexion n'est pas tout à fait définitive sur ta question. Je vais revenir à l'"ombudsperson", mais on pense aussi qu'il faut utiliser les autres moyens déjà en place, comme les comités de bénéficiaires, les organismes de promotion et la Commission des droits de la personnes, toutes sortes de moyens de défense des droits qui sont déjà là pour la population dans son ensemble.

Maintenant, Pombudsperson", si c'est une personne plus ou moins désignée ou désignée directement par un organisme de services, je pense que... Je ne croîs pas du tout à la ressource, finalement. Quand on est désigné par un organisme de services, on peut être très bien intentionné au départ, mais devant certaines difficultés, on va peut-être démissionner, si on demeure une personne de bonne volonté. Oui.

M. Rochefort: J'ai le goût de vous interrompre, si vous me le permettez, et de vous demander ceci. Selon vous, qui devrait le nommer?

M. Mercure: D'abord, ce n'est pas très clair s'il s'agît d'un "ombudsperson" au niveau de l'institution, au niveau régional ou au niveau provincial. Je pense qu'il faudrait qu'il soit nommé par un organisme indépendant. Chaque fois qu'on parle de défense de droits, que ce soit le parrainage civique, etc., on cherche toujours à ce que la personne qui a un rôle à jouer soit nommée par un organisme indépendant. Cela pourrait être la Commission des droits de la personne, peut-être l'Office des personnes handicapées, mais un organisme dont le rôle est la défense des droits. Que ces ressources ne soient pas non plus constamment limitées et attribuées par l'organisme de services, c'est l'autre élément. Qu'il fasse rapport... À qui fait-il rapport? Ce sont toutes ces questions qui affectent sa crédibilité et sa possibilité de manoeuvre.

M. Rochefort: Bon. Si on prend justement cette possibilité de manoeuvre... Particulièrement, dans votre mémoire, à la page 24, 'qu'il soit investi de pouvoirs réels - notamment, dites-vous - d'enquête, de règlement des plaintes." Est-ce que, pour vous, "règlement des plaintes", cela veut dire que ses jugements ainsi que les correctifs qui doivent être apportés dans des cas où des problèmes se posent devraient... Est-ce que vous allez jusqu'à nous dire que ses jugements devraient être exécutoires? Jusqu'où allez-vous quand vous dites: "Pour garantir l'efficacité d'un tel recours, il faudrait également qu'on élargisse le mandat de Pombudsperson" et qu'il soit Investi de pouvoirs réels (d'enquête, de règlement des plaintes) pour intervenir concrètement dans les situations conduisant à une violation des droits." Est-ce que vous allez jusqu'à nous dire que Pombudsperson" devrait être en mesure d'intervenir et donc, de faire en sorte qu'il n'ait pas qu'un pouvoir de recommandation ou de réflexion sur le traitement ou sur l'absence de traitement qu'aurait reçu tel ou tel bénéficiaire, mais qu'après avoir analysé un cas, après avoir posé un jugement, le groupe - passez-moi l'expression - responsable des services à être donnés à ce bénéficiaire devrait modifier en conséquence du jugement de Pombudsperson"... Jusqu'où allez-vous? Je pense qu'il est important qu'on définisse cela.

M. Mercure: C'est très important. Le pouvoir d'enquête est moins grand, mais le pouvoir de règlement des plaintes... Je pense, par exemple, au service des plaintes du CRSSS. Il va beaucoup moins loin que cela. Il n'y a pas de pouvoir réel de règlement des plaintes à ce niveau. Par contre, pour que ce soit efficace, cela pourrait vouloir dire cela. Mais il ne faut quand même pas enlever les responsabilités de tous les établissements en arrivant. C'est une situation assez délicate. Je vais demander à Mme Hébert de préciser davantage te point de vue qu'on a exprimé.

Mme Hébert: Comme M. Mercure le disait, notre position n'était pas définitive. On a surtout souligné l'absence d'une vision d'ensemble sur la question des droits. Il faudrait étudier les rôles de Pombudsperson", de ses pouvoirs et ceux qu'on va accorder au comité de bénéficiaires qui, lui, a un mandat de défense des droits. Par exemple, si le rôle du comité de bénéficiaires peut être réévalué et que d'autres pouvoirs lui sont accordés, cela va aussi influencer le rôle de Pombudsperson". C'est toute cette perspective d'ensemble qu'il faut réévaluer, définir les pièces de l'ensemble du morceau.

C'est pourquoi on a voulu surtout souligner dans te texte un esprit d'une approche globale et définir chacun des Intervenants et son rôle précis, ce qui, éventullement, pour l'ombudsperson" ferait envisager de lui donner ce type de pouvoir, mais on ne s'est pas trop prononcé. Ce qu'on dit surtout, c'est qu'il faut vraiment bien définir le rôle de chacun des acteurs qui sont déjà présents.

M. Mercure: On ne répond pas précisément parce que l'on n'est pas fondamentalement convaincu que Pombudsperson" est la bonne route. Nous pensons qu'on doit utiliser des moyens qui sont déjà là, qui ne sont pas utilisés adéquatement. Par exemple, concernant les comités de bénéficiaires, personnellement, j'ai rencontré plusieurs comités de bénéficiaires. Les

directions de certains établissements font tout pour empêcher - je ne veux pas viser un établissement en particulier - les comités de bénéficiaires de Jouer leur véritable rôle de défense des droits et de réponse aux plaintes et de promotion des intérêts en les occupant à des questions de loisirs, de levées de fonds ou des activités de toutes sortes.

Je pense qu'on n'a pas une notion assez récente des comités de bénéficiaires avec un rôle précis de défense des droits. Il faudrait faire jouer cela pleinement avant, encore une fois, d'introduire une nouvelle retenue.

Le Président (M. Bélanger): Bien, M. le député de Laurier.

M. Sirros: M. le Président, II nous reste peu de temps et J'aurais peut-être deux questions. On a, tout à l'heure, évoqué le processus de normalisation des personnes qui vivent dans la société et la politique de À part., égale. Dans la politique selon À part... égale, une des pratiques de base, finalement, c'est toute la notion de la compensation que l'État ou la société devrait rechercher pour le handicap de la personne afin d'appuyer tout ce processus de normalisation. D'une part, Je voudrais savoir comment vous voyez l'application de ce principe dans tout le domaine de la santé mentale. Jusqu'à maintenant, concernant le handicap physique, on a surtout utilisé les programmes de l'office, comme l'aide matérielle, etc. Mais comme l'office, depuis trois ans, comme vous l'avez dit, commence à regarder plus du côté de la santé mentale, comment voyez-vous l'application de ce principe dans le domaine de la santé mentale?

M. Mercure: Le principe de compensation des limitations fonctionnelles et des déficiences est utilisé par l'office. Depuis plusieurs années, il s'adresse à toutes les clientèles, sauf qu'il a été assez peu utilisé, comme vous le dites, par les déficiences psychiques pour la raison que la prise en charge de cette clientèle par les établissements a été très grande et les budgets ont été importants sur le plan Institutionnel. Par contre, sur le plan des services communautaires, on est très peu avancé. Je pense qu'un des besoins essentiels - Je vais demander à Mme Gourgue de souligner d'autres besoins - pour cette clientèle, c'est l'aide à domicile et l'accompagnement dans certains domaines tels le soutien physique et des choses comme cela. Je pense qui y a moyen d'obtenir des ressources dans le milieu avec des financements relativement légers, Quand on parle de compensation par l'intermédiaire du plan de services, très souvent, on obtient des coûts-bénéfices bien meilleurs qu'en ayant recours à des structures beaucoup plus lourdes. Si Mme Gourgue pouvait ajouter quelques mots. (11 h 15)

Mme Gourgue: Je crois que vous avez touché un des principaux besoins, la réinsertion, qui est très importante. Parce qu'on remarque, ne serait-ce qu'au taux de réadmission dans les établissements actuels, que c'est un problème. D'autre part, je pense que le soutien apporté pour rester dans le milieu de prévention et empêcher les gens de retourner en institution est un des principaux besoins qui est le maintien de ta personne dans son milieu parce que lorsqu'on la sort de ce milieu et qu'on l'amène en Institution, par exempte, le retour dans son milieu est très difficile. D'autre part, pour la personne, il y a toute une question de non-valorisation et de non-motivation aussi.

Le Président (M, Bélanger): Le temps que nous avions à notre disposition est écoulé.

Je cède la parole au chef de l'Opposition, le député de Joliette.

M. Chevrette: Je tiens à vous remercier d'abord de votre participation. Je pense que l'expérience que vous vivez avec l'Office des personnes handicapées du Québec peut être sûrement profitable dans l'élaboration d'une politique globale de santé mentale. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier M. le président et les personnes qui l'accompagnent. J'aurais aimé vous questionner sur toute la question des organismes bénévoles. Mme Gourgue en a d'ailleurs glissé quelques mots dans sa réponse à une question du chef de l'Opposition. Pour vous autres, ça vous apparaît un élément extrêmement important et, J'imagine, un des éléments de soutien dans l'intégration des personnes handicapées.

J'ai également considéré un peu l'offre de l'Office des personnes handicapées du Québec en ce qui a trait aux organismes de promotion et du respect des droits des personnes handicapées. D'une part, vous dites que ça permettrait une rationalisation plus grande des ressources et, d'autre part, il faudrait que vous nous donniez les ressources financières supplémentaires.

Je pense que, tout compte fait, il y aurait peut-être aussi, malgré tout, certaines économies mais, enfin, on aura l'occasion de rediscuter de ces points-là avec vous autres. Du côté des organismes bénévoles, Je regrette qu'on n'ait pas eu plus de temps parce que J'ai l'Impression que vous avez une expérience qui aurait mérité d'être partagée avec nous tous. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec et Invite le prochain groupe à se présenter à la table des témoins. En l'occurrence, il s'agit de l'Association des praticiens de service social en milieu de santé du Québec.

Je demanderais à chacun de reprendre sa

place. Nous recevons présentement l'Association des praticiens de service social en milieu de santé du Québec. Ce groupe est représenté par Mme Carmelle Laferrière qui est présidente; M. Jacques Clément, membre de l'exécutif; Mme Colette Lambert, membre de l'exécutif et Mme Johanne St-Oenis, membre de l'exécutif.

Vous pourriez me dire quf est votre porte-parole. Je vous explique un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre point de vue ou de votre mémoire et 40 minutes sont réservées aux échanges avec la commission.

Je vous suggère de ne pas lire votre mémoire mais de nous en donner les principaux points, ce qui nous permettra de couvrir l'ensemble du champ de votre intervention et de nous aider, par la suite, à poser les questions les plus pertinentes possible.

Madame, si vous vouiez vous identifier et commencer. Je vous en prie.

Association des praticiens de service social en milieu de santé du Québec

Mme Laferrière (Carmelle): M. le Président, mesdames et messieurs. Je m'appelle Carmelle Laferrière. Notre association regroupe des professionnels qui ont une formation en service social et qui travaillent dans les hôpitaux, mais ils relèvent administrativement des centres des services sociaux.

Pour votre information, II y a environ 300 praticiens sociaux dans la province de Québec qui travaillent dans le milieu de la psychiatrie. Concernant la problématique et les perspectives présentées par le projet de politique du comité Harnois, nous, en tant que praticiens du service social, sommes heureux d'observer que l'individu est au centre des préoccupations, tout comme sa famille et ses proches. Évidemment, avec les objectifs qui sont de responsabiliser l'individu, la famille de même que la communauté, nous sommes en accord. Bien sûr, on reconnaît que ce concept de partenariat arrive dans un moment de décroissance économique et nous reconnaissons que cela marque la fin de l'étape où le professionnalisme a connu ses heures de gloire et ses limites bien entendu, à savoir parfois, la déresponsabilisation de la famille et de ses proches.

Dans ce document, nous reconnaissons que la désinstitutionnalisation est en toile de fond. Le partenariat est une réalité dont il faudra informer la population et, bien sûr, la sensibiliser si on veut continuer la désinstitutionnalisation parce que sans elle, il serait Impossible de poursuivre.

Concernant cette campagne de sensibilisation, nous reconnaissons qu'elle est indispensable. Nous reconnaissons aussi que ce sera non pas une campagne de sensibilisation qu'il sera nécessaire de faire, mais plusieurs campagnes, parce qu'il y a beaucoup de chemin à parcourir, que ce soit au niveau de la compilation ou au niveau des Intervenants parce qu'eux aussi auront à modifier leur façon de voir et d'intervenir auprès de leurs bénéficiaires.

Concernant les plans de services, nous trouvons que c'est un outil qui peut être intéressant. Cependant, à ce stade-ci, nous trouvons qu'il est prématuré, pour les raisons suivantes. C'est qu'actuellement, nous trouvons que ce moyen ne tient pas compte du manque évident de ressources nécessaires à la mise en application d'un plan de services qui réponde aux besoins des bénéficiaires et aussi, on ne tient pas compte suffisamment des différentes disparités régionales et sous-régionales.

Nous trouvons aussi qu'imposer un tel moyen aux équipes multidisciplinaires sans que ce moyen soit issu de leur façon de voir, cela risque de faire avorter et qu'on les utilise à mauvais escient.

Concernant les respects des droits et l'ombudsperson", nous trouvons que c'est une idée' novatrice intéressante. Cependant, elle nous semble à préciser davantage.

Concernant le programme de répit, il est très Intéressant. Ce que nous demandons, de par notre expérience avec des collaborateurs qui sont les responsables de familles d'accueil, ce sont des pavillons. Nous souhaitons et nous demandons que ces familles substituts... ou que les ressources alternatives soient reconnues aussi au même titre que les familles naturelles et aient droit à une gamme diversifiée de mesures de répit.

Au chapitre de la formation des intervenants, nous notons des contradictions dans le texte. D'abord, nous sommes d'accord avec la définition de la multidisciplinarité, c'est-à-dire, la mise à contribution des compétences spécifiques de chaque discipline par une action concertée. Par contre, dans le texte, on remarquera aussi, à un certain moment donné, qu'on dit qu'il est difficile d'établir clairement des délimitations des responsabilités de chacun des professionnels parce que tenant plus compte finalement du savoir-faire plus que du diplôme de l'expérience de chacun.

Cela nous interroge parce que, pour nous, de l'Association des praticiens de service social en milieu de santé, nous nous inscrivons en faux contre le nivellement des différentes disciplines. Nous ne croyons pas que n'Importe qui peut faire n'importe quoi. Nous croyons que les services seront de qualité en autant qu'on respectera la spécificité de chacun et aidera ainsi un partenariat véritable.

Bien entendu la formation qu'on propose, qu'elle soit révisée, nous n'avons pas d'objection. Nous savons que cela s'avère nécessaire, mais que chaque formation le fasse selon ses méthodes en tenant compte, bien entendu, que ce soit une formation de base ou une formation continue. À ce stade-ci, il faudra peut-être donner priorité à la formation continue plus qu'à la formation de base parce que c'est dans l'Immédiat déjà que les intervenants auront à intervenir auprès de la

clientèle et non pas dans cinq, six ou dix ans, bien qu'il ne faut pas la mettre de côté.

Cependant, nous ne comprenons pas trop la logique du document où prévaut la recommandation de prioriser plutôt certaines professions ou d'établir des échéanciers différents selon les professions.

Il est Important que vous compreniez bien ce que nous faisons en rapport avec la spécificité. C'est qu'on n'oublie pas évidemment que ces différentes disciplines auront à travailler en collaboration et que dans la formation, on doit en tenir compte.

Au chapitre de la recherche, nous nous réjouissons du fait qu'une attention soit apportée à ce domaine et qu'on y reconnaisse l'importance des aspects psychosociaux. Tout ce domaine est à faire et, bien entendu, il faudra Investir des sous, du temps et des énergies.

Concernant l'organisation des services, le comité recommande que des mesures soient apportées pour supporter les groupes d'entraide, pour reconnaître leur légitimité de l'action des ressources et pour assurer un financement. Nous trouvons que c'est très souhaitable et que cela respecte une répartition régionale, de telle sorte que le principe d'équité soit respecté de même que le partenariat.

Quant à la gamme des services, nous sommes en accord avec le fait que chacune des régions ait droit à la gamme des services autant dans les grands centres que dans les régions plus éloignées.

Concernant les populations jeunes et les personnes âgées, nous trouvons que le document y apporte une importance mineure. À ce titre, nous demandons que des comités soient mis sur pied pour étudier les besoins de ces deux populations qui sont aux deux extrêmes, et nous demandons que cela se fasse Incessamment Les principes qui sont énoncés dans le projet de politique pourront être utilisés comme base de réflexion.

Concernant la situation des déficients intellectuels où on propose qu'ils soient retirés des Institutions psychiatriques, nous trouvons que ces personnes-là ne sont pas parmi tes ressources les plus appropriées à leurs besoins. Cependant, une telle opération nécessite qu'on n'oublie pas de respecter ces personnes-là en tenant compte de leur vécu et en préparant un tel changement qui peut être très grand dans leur vie. Il ne faudrait pas, à ce moment-ci, pour régler un problème de structure, créer un nouveau problème à ces personnes.

Nous avons déjà souligné le problème des disparités régionales. Je pense qu'il est présent et qu'il n'est pas nouveau. Nous voulons attirer votre attention ici pour demander ce que le ministère va faire si les propositions avancées ne sont pas mises en application. Nous n'avons pas trouvé, dans le document, de propositions à cet effet-là et nous trouverions important qu'il y ait quelque chose de plus concret.

(11 h 30)

Concernant le domaine de la santé mentale, le document propose des solutions beaucoup plus larges et beaucoup moins précises. Notre Inquiétude est en ce sens que nous trouverions déplorable que ces populations aux prises avec des problèmes de suicide, d'alcoolisme, de violence, de pauvreté ou encore qui vivent des situations particulières parce qu'elles sont formées de personnes âgées, de femmes ou de jeunes, que ces populations, dis-je, soient un peu laissées pour compte ou qu'elles ne sachent pas trop où aller. Que le ministère vole à ce que ces personnes-là aient des réponses à leur demande d'aide, sans nécessairement que ce soit dans les établissements qui offrent des soins ou des services de santé mentale.

Enfin, pour nous qui nous considérons être des professionnels aux frontières des services et des soins en santé mentale, aux frontières entre les établissements et la communauté, nous considérons que nous avons un rôle important à jouer et nous trouvons que pour toute ta tâche qui nous revient, le nombre de praticiens sociaux est bien mince par rapport à ce qu'on nous demande et à tout ce qu'on pense qui nous revient comme mandat.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je pense que vous êtes une association de praticiens sociaux en milieu de santé au Québec. Je veux vous remercier d'être venus devant la commission. Je ne commenterai pas très longuement votre mémoire, je vais plutôt prendre les minutes qui me sont allouées pour vous Interroger. Je sais que vous travaillez pour la plupart d'entre vous à l'intérieur d'équipes psychiatriques, que ce soit à l'intérieur des hôpitaux de courte durée ou des hôpitaux de longue durée. Hier soir, nous avons reçu l'Association des psychiatres qui nous a dit qu'il y avait au Québec un manque de 300 psychiatres et que, de toute façon, ils étalent débordés parce que les autres professions se reposaient sur eux pour la prise de contact, le diagnostic et le traitement, quoique le traitement peut être partagé, c'est une autre chose.

On sent chez vous un peu, quoique à un degré moindre, une certaine Inquiétude quant au rôle que vous avez à remplir, comme l'Inquiétude qui a été exprimée hier soir par les psychiatres quant à ce qui leur est apparu comme une absence de leur profession dans te projet de santé mentale. J'aimerais vous poser plusieurs questions. D'abord, dans le travail interdisciplinaire à l'Intérieur des groupes de psychiatrie, vous éprouvez des difficultés à exercer votre rôle. Dans quelle mesure vous rélère-t-on des cas après que l'évaluation par le psychiatre a été faite, ou encore, est-ce qu'il y a des cas qui vous sont référés directement, sans nécessaire-

ment passer par le psychiatre? Je vais commencer avec ces questions.

Mme Laferrière: Vous nous demandez si nous éprouvons des difficultés dans les équipes multidisciplinaires à Jouer le rôle que l'on croit nous revenir. Les difficultés, certes nous en éprouvons, elles sont de différents ordres. À savoir si nous nous appuyons sur les psychiatres pour faire l'évaluation, nous croyons que dans l'évaluation et dans le traitement, le psychiatre, chacun des professionnels peut apporter un éclairage qui est propre finalement à sa formation, à sa discipline. Actuellement, les psychiatres prennent sous leur responsabilité de faire l'évaluation, lis vont demander, à un moment donné, des évaluations complémentaires aux travailleurs sociaux. Nous croyons qu'à certains moments donnés, on pourrait avoir davantage recours à nos services, même en ce qui concerne l'évaluation. Pensons par exemple à une personne qui arrive pour évaluation, il est impossible de bien l'évaluer sans tenir compte du milieu familial ou du contexte social dans lequel elle évolue. Quel lien établit-elle avec ses proches? Comment réagissent-ils à cette personne, aux problèmes qu'elle présente? Nous croyons que c'est du ressort du travailleur social de faire ce genre d'évaluation, ce qui ne veut pas dire que d'autres professionnels ne peuvent pas le faire. Cependant, nous sommes disposés à apporter cette contribution à l'équipe multidisciplinaire.

Il se pose des questions, je pense, d'ordre légal, de responsabilité, à savoir qui a la responsabilité effectivement du bénéficiaire qui arrive pour consultation dans un centre hospitalier. La loi dit que tout patient est inscrit au nom du médecin. De là, le médecin comprend - du moins, un certain nombre comprennent - qu'il a l'entière responsabilité. Cela, à notre point de vue, vient en contradiction avec le Code des professions qui reconnaît que chaque professionnel a la responsabilité de ses actes. Je pense qu'à ce sujet-là, il y aurait peut-être des clarifications à apporter à l'aspect législatif qui aiderait grandement au bon fonctionnement des équipes multi-disciplinaires. Dans ce genre d'équipes, il y a comme une hiérarchie qui s'établit à savoir qu'il y en a qui sont plus responsables que d'autres. Est-ce qu'on nous réfère pour traitement? Oui, mais dû au nombre que nous sommes, il est bien sûr qu'il est impossible de répondre à toutes les demandes. Cela amène parfois des professionnels, à cause de la connaissance qu'ils ont, à ne pas référer ou à ne référer que certain genre de demandes. Nous déplorons cela et nous trouvons que si nous étions en nombre plus grand, il serait possible de donner des services de plus grande qualité aux proches et aux families des personnes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Concernant votre dernière question, à savoir si nous recevons directement des demandes, je pense que la première partie de ma réponse le dit. Actuellement, dans les centres hospitaliers, c'est exceptionnel qu'on en reçoive directement. Nous nous demandons si, pour certain genre de demande, il n'y aurait pas possibilité sans faire entrave à la loi.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je voudrais également vous demander d'expliciter davantage, enfin, je vais mettre vos résistances, entre guillemets, au plan de services. Je comprends que vous dites... Un élément ou un argument que vous utilisez, c'est que pour faire des plans de services, il n'y a pas suffisamment de ressources. J'imagine que cela crée des frustrations. Je peux comprendre cela. C'est un élément de votre réponse. L'autre élément apparaît comme un empiètement ou une crainte d'un empiètement sur vos responsabilités professionnelles. D'abord, je voudrais savoir si ma perception est juste. Deuxièmement, ne croyez-vous pas que la meilleure façon d'aider une personne qui est handicapée d'une façon peut-être pas permanente, mais en tout cas, sur une période assez longue, la meilleure garantie qu'on ait de l'aider véritablement, c'est qu'il y ait justement ce plan de services où elle ne se perd pas dans la brume entre différents professionnels à qui un jour, on dit: Mais écoutez, je pense que c'est vous qui devriez Intervenir en ergothérapie, et quelque temps après, peut-être qu'il serait mieux que ce soit un autre type de professionnels qui interviennent... le psychiatre le reprend, etc. Ne croyez-vous pas que d'assurer un plan au point de départ, peut-être qu'il ne pourra pas être réalisé entièrement parce qu'il y a justement des lacunes, comme vous dites, mais sur le principe même, est-ce qu'il n'y a pas plus de garantie que cette personne ait une continuité de services et ait un ensemble de services qui soient beaucoup plus cohérents que quand ce plan n'est pas fait?

M. Clément (Jacques): Je crois que, pour nous, ce qui est important en fin de compte - on est dans l'optique du partenariat auquel on adhère - c'est qu'il y ait une concertation de l'ensemble des actions. Là où on se distance un peu du document, c'est qu'on ne veut pas qu'un outil, comme un plan de services, comme on a déjà connu d'autres types d'outils dans d'autres domaines, dans le milieu hospitalier, devienne comme une fin en soi et que l'on perde de vue peut-être le bien-être du bénéficiaire à travers je ne dirais pas des querelles, mais en des difficultés d'ajustement entre les professionnels en fonction d'un outil particulier.

Mme Lavoie-Roux: Justement l'outil, c'est qu'il veut centrer sur la personne...

M. Clément: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...et sur ses besoins. On en a discuté assez longuement précédemment.

M. Clément: Oui. Mais si on regarde certaines expériences reliées entre autres à la déslnstltutlonnallsatlon, plusieurs de nos praticiens ont remarqué des difficultés assez importantes quant à l'application de cet outil. Les rôles de chacun des Intervenants à l'intérieur du plan de coordination, du plan d'action sont souvent confus et laissent place à un manque de rigueur, je dirais, dans le plan d'action. Parce que certaines tensions peuvent exister si les rôles ne sont pas clairs au niveau des intervenants et des établissements quant à leurs responsabilités envers les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale. Il y a des difficultés reliées à cela. Pour nous...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais est-ce que ce n'est pas plus grave de ne pas en avoir du tout de plan?

M. Clément: Dans le fond, on ne dit pas qu'on ne veut pas de plan, Je ne crois pas qu'on dise qu'on ne veut pas de plan. Ce qu'on dit, ce qui est important, c'est la coordination et, en même temps, avoir des ressources qui permettent d'avoir un plan qui repose sur des ressources dans la communauté et non pas un plan qui va rester sur papier, en fin de compte. Pour nous, c'est aussi Important; on a dit que c'était pratiquement un prérequis de développer des ressources et des groupes d'entraide dans le milieu et tout cela, pour supporter un plan d'action; sinon, cela demeure un plan d'action avec les intervenants habituels, les psychiatres, les travailleurs sociaux, les psychologues, etc. il n'y a pas nécessairement dans la communauté toutes les ressources qui peuvent nous permettre d'actualiser les plans.

Mme Lavoie-Roux: Oui. J'ai admis au point de départ que vous pouvez vous retrouver dans des circonstances où tous les éléments pour l'application du plan d'action ne se retrouvent pas dans la communauté "at large", comme on dit en bon français. Mais est-ce que c'est davantage sur le principe - prenez la situation idéale - où vous aurez toutes les ressources? Cela va être moins compliqué.

M. Clément: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, à ce moment-là, sur le principe d'un plan de services...

M. Clément: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...ne le trouvez-vous pas Justifié davantage que de laisser un peu...

M. Clément: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...à la bonne volonté d'une équipe interdisciplinaire qui peut intervenir sans une action vraiment concertée ou un peu selon l'humeur du moment quelquefois ou des difficultés rencontrées? Alors que si chacun, dans un plan d'action, est responsable de telle ou telle chose, on peut demander des comptes à chacun sur ce qu'il a fait ou n'a pas fait

M. Clément: Oui. Je crois que, sur le principe, on est d'accord avec la mise sur pied de plan individualisé de services. Notre crainte, c'est que, faute de ressources pour supporter ou actualiser des plans, cela demeure un peu, en fin de compte, lettre morte. Mais s'il y a des ressources pour supporter ces plans, et les actualiser, on est en accord avec cela parce que cela permet justement une coordination des actions et c'est ce qu'on vise nous aussi.

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, ce n'est peut-être pas tout à fait ce que j'avais saisi dans le mémoire.

Une dernière question. Vous avez dit: Nous sommes prêts - Je vais placer mon micro parce qu'on va me perdre - à jouer pleinement le rôle qui est le nôtre dans la santé mentale. (11 h 45)

J'aimerais que vous m'expliquiez davantage comment vous voyez ce rôle, parce que tout le monde nous demande de définir le rôle, mais personne ne nous a encore dit quel était le rôle? J'aimerais que vous me disiez quel est ce rôle que vous voulez jouer et que vous voyez comme étant le vôtre.

Mme Laferrière: Nous avons une formation qui nous amène à être attentifs aux relations de l'Individu avec son environnement. Alors, cette préoccupation fait que tant au niveau de nos évaluations ou de nos Interventions, nous nous préoccupons de cette relation entre l'Individu et ses proches, l'Individu et l'établissement où il est, l'individu et la communauté dans laquelle il évolue.

Évaluant ce qui se passe entre l'individu et ses proches, c'est-à-dire la personne aux prises avec des problèmes de santé mentale ici, en l'occurrence, nous allons nous assurer que dans sa relation avec sa famille, avec ses proches, il y ait des rapports qui soient le plus harmonieux possible. Ce qui veut dire, par exemple, que pour une personne qui vit un problème de santé mentale qui, parfois, doit être retirée temporairement de son milieu ou, encore, la personne qui a été retirée de son milieu pendant plusieurs années, il faut s'assurer de savoir comment elle vit cela, de retourner dans son milieu et comment le milieu est prêt à la recevoir.

Alors, nous avons à travailler tant auprès de la personne, pour voir comment elle se situe, comment elle vit cela, quel est son vécu avec les problèmes qu'elle a, qu'avec les problèmes de se retrouver parmi telles personnes avec lesquelles elle vit ou avec lesquelles elle doit évoluer, comment elle se situe dans son milieu de travail.

À certains moments donnés, cela nous

amène à Intervenir sur le milieu lui-même pour aider le milieu à comprendre ce que la personne aux prises avec un problème de santé mentale peut vivre et à donner des explications sur la maladie, sur les difficultés qu'elle peut parfois éprouver et habiliter le milieu à aider la personne à se reprendre en main, à devenir de plus en plus autonome dans ta mesure du posible, c'est-à-dire que le milieu puisse la supporter, l'aider, mais ne pas agir à sa place.

De notre rôle, je pense que cela amène à sensibiliser les autres intervenants à tout ce vécu, ce qui se vit entre l'individu et son milieu.

Mme Lavoie-Roux: ...situation, c'est que votre rôle plus spécifique est vraiment à l'endroit du milieu, de la personne en relation avec la personne toujours. Mais, êtes-vous le seul professionnel qui agissez sur le milieu environnemental du patient?

Mme Laferrière: Au niveau relationnel, est-ce que nous sommes les seuls professionnels? Ce qu'on dit - nous, en tout cas - c'est que c'est quelque chose qui nous appartient bien en propre. Notre formation nous amène à avoir le "focus" sur cette dimension.

D'autres peuvent l'avoir ou d'autres peuvent intervenir, mais il reste que nous considérons que c'est quelque chose qui nous appartient vraiment en propre. Mais d'autres peuvent le faire aussi. Mais il reste que...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Mme Laferrière: On pense que cela nous revient et on pense que notre formation nous amène à agir de cette manière.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je ne sais quasiment pas par quel bout commencer. J'ai le goût de vous dire que votre nombre, ce que vous représentez, c'est à peu près ce qui manque comme psychiatre au Québec, parce que c'est 300-300.

J'aurais aimé que la ministre, hier, pose la question aux psychiatres en ce qui concerne leur rôle pour voir si on n'aurait pas eu une définition aussi humaine que celle que vous venez de donner. Personnellement, j'ai hâte que vous vous repreniez, Mme la ministre. J'avais interprété votre réticence au plan de services beaucoup plus dans le sens suivant... Vous me le direz si je me suis trompé. J'ai interprété que vous aviez fait la lecture suivante du rapport Harnois.

J'ai compris que vous vouliez jouer pleinement le rôle qui vous est dévolu présentement, mais que vous aimeriez savoir si on va vous donner les moyens financiers et les ressources humaines nécessaires pour le faire. C'est dans ce sens-là que j'avais interprété votre réticence au plan d'action et non pas du fait que c'était un conflit de gardiennage de votre jardin, quoique vous semblez, dans la réponse que vous venez de donner, avoir les deux réponses. La ministre a à moitié raison et j'ai à moitié raison dans mon Interprétation. Est-ce que mon interprétation est plausible?

Mme Lambert (Colette): Je pourrais peut-être commencer la réponse par rapport à cela. Le plan de services individualisé, tel qu'on l'a lu la première fois et tel qu'on l'a compris, était avec un fondement qui s'inscrit dans l'expérience dernière, effectivement, des laissés-pour-compte. Ceux qui sont bien intéressants, ceux qui ont une problématique très intéressante, c'est certain qu'habituellement on mobilise beaucoup les énergies pour vouloir guérir ou, en tout cas, soulager la souffrance de cette personne-là. Dans ce cadre-là, le fondement du plan de services individualisé, on le reconnaît bien, je pense que le texte en fait foi. Ce qu'on trouvait, c'est qu'il était peut-être prématuré et cela c'est peut-être à partir de notre expérience d'autres types de formules qui en soi ont eu aussi une valeur certaine mais qui ont causé dans l'opération-realisation de cette formule des difficultés assez Importantes, aussi des responsabilités qui ont été dévolues au service social. Je pense, par exemple, à un programme pour les personnes âgées, pour les centres d'accueil, qui nous piégeait dans notre rôle et dans notre fonction, où on était en mesure de très bien faire l'évaluation et établir la liste des besoins, établir la façon d'aider cette personne-là sur plusieurs plans. Au moment de l'application, cela posait une tout autre question et c'est là aussi qui est le fondement du partenariat et dans ce sens-là, cela pourrait être une formule idéale pour des partenaires égaux. La question que vous souligniez tantôt auprès de l'office était: Qui est le leader? Qui va prendre le leadership? Habituellement, ce genre de truc qui est administratif, qui est bureaucratique, qui est... bon, des rédactions, des évaluations et tout cela, souvent cela revient au service social, ce qui en soi n'est pas mauvais, sauf qu'au niveau de l'application et au niveau de l'orientation et au niveau de toute l'infrastructure que cela déploie, on reste pris avec, soit par manque de disponibilité, je ne dis pas que les autres professionnels n'ont pas de bonnes raisons pour souvent se défiler, mais on reste pris. Dans ce sens-là, on se disait qu'il y a peut-être d'autres moyens qui sont moins piégeants pour les professionnels et où on peut, toutefois, quand même privilégier le partenariat.

M. Chevrette: Moi, je ne poserai pas de question, je vais faire un commentaire. Je pense que vous êtes un des rares groupes qui disent: Oui, on accepte les principes dans le rapport

Harnois, Mais vous ne nous duperez pas avec ces principes-là. Si vous voulez qu'on les applique, vous allez nous donner les ressources. Vous allez nous donner les moyens de le faire. Vous ne nous piégerez pas au départ C'est facile de parier de régionalisation. C'est facile de parler de sous-régionalisation. C'est très facile de se gaver de beaux principes, mais si on ne donne pas les ressources humaines, si on ne donne pas les ressources financières, c'est de la bouillie pour les chats. On demande à des individus qui oeuvrent dans le milieu d'assumer la totale responsabilité à partir des effectifs qu'il y a là.

Je voudrais vous féliciter pour votre franchise, il y en a beaucoup qui viennent témoigner. De peur de déplaire, Ils adhèrent à tout. Quand tu lis leur mémoire dans les interlignes, ils ne sont d'accord avec rien. Au moins, vous avez eu la franchise de l'écrire. Je pense que vous avez du mérite de ce côté. Vous n'avez pas peur de le dire carrément Je trouve que cela est bien. Quand on adhère à des principes et on veut les appliquer dans la pratique, on dit: Donne-nous les moyens, sinon ne fais pas rêver le monde en couleur, parce que cela fait des frustrés au bout de la course. C'est cela qui arrive dans bien... J'ai lu 47 mémoires sur les quelque 60. Malheureusement, dans la majorité des mémoires, on adhère, on adhère et on ne questionne même pas l'application, alors qu'une politique, à mon point de vue, s'applique concrètement et quel moyen vais-je avoir pour appliquer... pour faire de l'intégration sociale, par exemple? Quel est l'apport financier du gouvernement pour favoriser l'intégration sociale? Quel est l'apport financier en ressources humaines et en argent pour réaliser l'Insertion dans le milieu du travail? Qu'est-ce que j'entends faire, par exemple, pour faire du dépistage et de la prévention? C'est cela une politique. Je dirais même, axée sur ta personne: Je vous aime tous, suivez-moi, je suis beaucoup et venez. Qu'est-ce que cela va vous donner? Je dis: je vous aime tous. Si je n'ai pas les moyens de vous embarquer tous dans ma voiture... Ce sont de beaux principes. Moi, j'en suis. Je suis d'accord. J'adhère à cela, la personne. Mais le Dr Harnois n'a pas fait la trouvaille du siècle: axer sur la personne. Moi, j'ai écouté des discours en psychopédagogie, en 1958. On disait que toute déficience devait être traitée à partir de l'intégralité de la personne, de l'intégrité de la personne. Hier, on a remis un rapport Vous avez manqué un bon spectacle, hier soir. Il y a un intervenant qui a déposé au Dr Harnois un texte venant de Chine, justement, qui remonte à je ne sais combien de centaines d'années, qui disait justement que les déficiences intellectuelles doivent se traiter à partir de la personne dans toute son intégrité, son intégralité. Après cela, qu'est-ce que cela donne concrètement pour aider le monde? Vous ne savez pas si vous serez plus que 300, vous autres. Avez-vous lu le livre? Oui, puisque vous le critiquez. Allez-vous être plus que 300, pour vous répartir à ta grandeur du Québec, maintenant, parce que le Dr Harnois admet que, dans des régions, il n'y a pas de service. Donc, cela doit prendre des sous pour placer des praticiens de la santé dans des endroits où il n'y a rien. Cela doit prendre des sous pour Installer ces politiques-là et mettre les professionnels qui s'imposent, quand on sait que le réseau des CLSC, par exemple, est presque achevé. Il reste le Cap-de-la-Madeleine. A part cela, il est complété. Mais avec quoi? Avec les ressources existantes. Est-ce qu'ils pourront jouer un rôle concret? Est-ce qu'ils ont les professionnels? Est-ce qu'ils ont un praticien pour le faire? Est-ce que les ressources communautaires sont subventionnées suffisamment pour faire de l'action? Est-ce que les ressources résidentielles sont suffisantes? Là où elles n'existent pas, il ne doit pas y en avoir. Il doit y avoir de l'argent un peu, pour en former en tout cas. On n'a rien de concret. Depuis le début, il n'y a qu'hier, et je n'y ai pas fait trop allusion. J'ai l'Intention de rappeler cela à tous les jours: une politique, une vision, une vision de fonctionnement avec des outils et non pas des principes. Des principes, quand tu y adhères depuis 30 ans, 40 ans ou 50 ans, tu dis: comment puis-je les appliquer, ces principes? En tout cas, je trouve que vous avez été francs, vous l'avez dit Vous avez ce mérite-là. Je vous félicite.

Mme Lavoie-Roux: Quant à moi, je voudrais remercier l'association d'être venue devant nous. Je ne relèverai pas les propos du chef de l'Opposition. Il vient tout à coup de se réveiller.

M. Chevrette: Je pense que depuis le début de la commission, Mme la ministre, sans vouloir vous insulter, j'ai été passablement plus réveillé que certains de votre côté, premièrement; deuxièmement, mes questions ont été fort pertinentes et plus concrètes que la majorité de celles de votre côté. Vous demanderez aux intervenants qui ont défilé devant nous. Vous demanderez aux observateurs depuis le début. J'étais là au moins, en réalité, du four et du milieu.

Une voix: Le chef de l'Opposition, à date, a bien marché dans l'affaire. Continuez comme cela.

M. Chevrette: Eh bien, ne provoquez pas. Une voix: C'est cela. On demande...

M. Chevrette: Ce n'est pas le petit chien qui se fait mener.

Une voix: On demande à Mme la ministre de continuer.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce que

je disais, c'est que le chef de l'Opposition, c'est son droit le plus strict, se dit tout à coup: à partir de maintenant, II faut que je sois vraiment le chef de l'Opposition. C'est son droit, je ne le conteste absolument pas. Mais je pense que son

M. Chevrette: J'aimerais que vous soyez véritablement la ministre.

Mme Lavoie-Roux: J'espère que son... J'aimerais peut-être, et je ne le demanderai pas à nouveau, mais je pense que son Interprétation du mémoire qui est devant nous est une interprétation pour le moins un peu biaisée. Je pense que c'était un mémoire positif en regard du projet de politique, comme d'autres ici. Ils ne l'ont pas exprimé de cette façon-là. Ils regrettent ou Ils veulent s'assurer que les mesures correspondantes seront disponibles pour la réalisation de l'application de cette politique en santé mentale.

Alors, M. le Président, je vais leur dire ce que j'ai dit aux autres: nous sommes en commission parlementaires pour, justement, examiner quelles sont les faiblesses, quelles sont les forces de ce projet de politique en santé mentale et pour pouvoir, le plus rapidement possible justement, doter notre société d'une politique en santé mentale, politique qu'elle attend depuis au moins quinze ans et qui s'avère de plus en plus urgente, devant la complexité des problèmes. Mais les énergies et les efforts qui sont requis dans ce domaine qui demeure un domaine très complexe, une politique doit s'accompagner d'un plan d'action plus concret. J'espère que c'est ce que nous pouvons réaliser dans l'année qui vient Alors, le vous remercie de votre participation. (12 heures)

Le Président (M. Polak): Merci aux représentants de l'association des praticiens de service social.

On demande maintenant que les représentants de l'Association des centres d'accueil du Québec, mémoire 40, viennent se présenter. On va demander au porte-parole de présenter les gens qui l'accompagne.

M. Girard (Jean-Marie): M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission, l'Association des centres d'accueil du Québec tient en tout premier lieu à vous remercier de nous recevoir pour échanger avec vous des propos sur le projet de politique de santé mentale qui nous fut adressé il y a quelques semaines. Avec l'aide de personnes ressources de notre réseau, nous avons étudié...

Le Président (M. Polak): Excusez-moi, M. le président. Pour les fins d'enregistrement, voulez-vous présenter les gens qui sont venus avec vous et qui ont pris autant de peine que vous pour venir ici.

M. Girard: Oui, d'accord.

Le Président (M. Polak): Donnez seulement les noms de ceux qui sont ici.

M. Girard: J'arrivais.

Le Président (M. Polak): Ah, excusez-moi, je ne le savais pas.

M. Girard: Alors, à ma droite, M. Gilles Langelier, directeur des services professionnels de l'Association des centres d'accueil; M. Daniel Holdrinet, directeur général adjoint au Centre d'accueil Jean Olivier Chénier de Montréal, qui dispense des services de réadaptation à des personnes ayant une déficience intellectuelle; à ma gauche, M. Michel Clair directeur général de notre association et M. John Topp, directeur général du Centre alternative à Montréal, établissement spécialisé dans la réadaptation de personnes ayant des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie. M. Pierre Charest, également, va nous rejoindre; il est directeur des services professionnels de réadaptation à la Maison Notre-Dame de Laval, à Laval, centre de réadaptation qui dispense des services à des adolescents ayant de graves problèmes d'adaptation.

Le Président (M. Polak): Maintenant, je pense que vous connaissez la règle, on dispose d'une heure. Donc, vous avez 20 minutes, si vous le voulez, pour faire la présentation. Ensuite, il y a 20 minutes de la part de la ministre et du député ministériel et 20 minutes pour l'Opposition pour échanger les points de vue.

Association des centres d'accueil

du Québec

M. Girard: Alors, en tant que président de l'Association des centres d'accueil et directeur général aussi d'un centre d'accueil, le Centre de service gérontologique Beau Manoir de Chicoutimi, je m'associe à ces deux titres pour la présentation de notre mémoire.

L'Association des centres d'accueil regroupe 373 centres d'accueil publics, dispensant des services à plus de 60 000 personnes en difficulté. Notre clientèle est composée de mères en difficulté d'adaptation, de personnes ayant des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie, de personnes ayant une difficulté physique, de jeunes en difficulté d'adaptation, de personnes ayant une déficience intellectuelle, de personnes âgées en perte d'autonomie.

L'Association des centres d'accueil du Québec a pour mission d'appuyer ses membres dans la réalisation de leur mandat fondamental, soit ta présentation de services adéquats aux clientèles désignées par la loi et de représenter les intérêts des centres d'accueil du Québec dans cette perspective.

Parmi les nombreuses personnes en difficulté desservies par les centres d'accueil, on retrouve de plus en plus des personnes qui présentent des troubles mentaux associés au motif principal de leur référence aux centres d'accueil.

Les centres d'accueil leur dispense, bien sûr, des services, sans disposer cependant des moyens les plus adéquats pour te faire à leur satisfaction et à celle des personnes en cause, Dans la poursuite de ces objectifs, l'Association des centres d'accueil du Québec se sent très concernée par cette problématique de la santé mentale. Notre mémoire vise à confirmer notre implication dans cette problématique, à nous associer, en tant que partenaires, à la recherche des solutions qu'elle nécessite. De plus, te dépôt d'une proposition de politique de santé mentale nous Interroge sur la place que les centres d'accueil peuvent occuper dans le réseau des mesures d'aide aux personnes ayant des troubles mentaux et les responsabilités qui leur incombent à cet égard. Nous croyons que l'expertise particulière des centres d'accueil, acquise dans la réalisation de leur mandat spécifique, peut constituer un apport à la problématique en cause, et par là en faire des partenaires à part entière dans l'action concertée à laquelle ce projet de politique nous convie. Notre mémoire est essentiellement constitué de deux grandes parties. Une première partie présente des commentaires généraux sur l'ensemble de la proposition de politique ou sur certains fondements de cette proposition; la deuxième partie présente nos réflexions sur les points spécifiques du document soumis à notre étude. Pour ce faire, je demanderais à M. Langeller de résumer ces divers points.

M. Langelier (Gilles): Merci. Ce sera vraiment un résumé, un survol du mémoire que nous vous avons envoyé. Globalement, l'Association des centres d'accueil reconnaît, dans le rapport Harnois, un document tout à fait remarquable. Le contenu de cet ouvrage, si jamais on réussit à l'appliquer, nous ferait certainement faire comme société un pas de géant dans l'aide aux personnes ayant des troubles mentaux. Le problème est bien posé. Le portrait de la situation est honnête, courageux et suscite un véritable projet de société. Le projet de politique constate des besoins réels. Il identifie des lacunes fondamentales. Ces lacunes identifiées, dans le système de distribution de services, ne sont pas particulières au secteur de la santé mentale. C'est même là un point qui milite en faveur du partenariat. Plusieurs types d'Intervenants vivent les mêmes problèmes et ont leurs idées quant à des solutions à mettre de l'avant. Le projet de politique invite à une conjugaison des efforts de tous et à une mise en commun des expériences, ce qui nous semble tout à fait prometteur. La solution ne repose pas seulement sur les professionnels et les organismes, mais elle

Implique la personne en cause, son milieu et un ensemble d'intervenants. L'Intersectorialité a sa place dans cette problématique et le projet de politique en fait mention. Nous aurions aimé cependant que les différents secteurs soient clairement identifiés et que des attentes précises soient formulées à leur endroit.' Nous y reviendrons un peu plus loin. Quant au milieu de la personne, nous considérons que le projet de politique passe trop rapidement sur l'Importance de la famille, des valeurs qu'elle véhicule et de leur Influence sur la santé mentale. La famille fait partie de la solution au problème et doit être considérée comme un intervenant de premier plan. Mais avant que le problème ne surgisse, la famille a un rôle à jouer. Nous aurions aimé que le projet de politique développe davantage ce point, qui a trait autant à la responsabilité de la famille qu'à la prévention en matière de santé mentale. Au sujet, justement, de cette responsabilité de la famille, nous sommes d'accord avec la place centrale que le projet de politique lui confère. Cette perspective rejoint tout à fait la conception de l'intervention qui doit prévaloir dans ce secteur. Mais attention! Il ne faudrait pas que cela corresponde à un désengagement de l'État envers tes personnes vivant avec des troubles mentaux, à une façon pour l'État de se décharger de sa responsabilité d'aider adéquatement les personnes et organismes Impliqués dans l'Intervention directe. Nous savons que dans de nombreuses familles, chez des parents, dans certains secteurs, notamment en déficience intellectuelle, c'est là une très grande inquiétude. On fait, même si ce n'est pas très explicite, une certaine distinction entre la déficience intellectuelle et la maladie mentale. II y aurait certainement lieu d'aller plus loin dans ce domaine-là, parce que c'est quand même deux mondes, deux clientèles tout à fait différentes.

Le comité propose une approche globale de l'intervention, à partir d'une centratlon réelle sur fa personne ayant des troubles mentaux. C'est là un point tout à fait central, une ligne de force prédominante du projet de politique et certainement la piste de solution la plus prometteuse. On démontre clairement, en termes de cohérence, qu'un problème de santé mentale est une polyproblématique qui Interpelle plusieurs types d'intervenants, que le problème a de multiples facettes et que la solution ne saurait être unique. Encore là, le terme de partenariat est tout à fait pertinent On met un accent marqué sur les services aux personnes, sur la préparation et le support nécessaires aux intervenants. Dans la même foulée, on fait un effort très net pour passer d'un réseau d'établissements à un réseau de services Intégrés, organisés sur la base des besoins des personnes et du respect du principe d'accessibilité. Toutes ces orientations, évidemment, cela est magnifique, cela suscite notre adhésion la plus totale. Toutefois, le partenariat implique concertation et complémentarité. Il implique aussi des mandats clairs,

connus et reconnus par les partenaires. Ce projet de politique parle souvent de balises mais il évite soigneusement d'en mettre en se fondant sur le rationnel intéressant mais pas convaincant. Bien sûr, c'est ce rationnel qui devrait s'appliquer. Mais ce n'est pas parce qu'une nouvelle politique est publiée, ou qu'un rapport de commission d'enquête s'en vient, que du coup, comme par osmose, le réseau de la santé et des services sociaux acquiert certaines vertus qui l'amènent à se centrer sur l'application intégrale d'une politique ou de prioriser les besoins d'une clientèle. Il importe, croyons-nous, qu'une politique de santé mentale énonce des attentes précises envers certains intervenants et leur confie des responsabilités dont ils ne pourront se dérober. Afin d'éviter de retomber dans les mêmes pièges de structures, de corporatisme et de bureaucratie, il Importe que des balises existent et qu'elles soient simples mais rigoureuses. À cet égard-là, finalement, que le fardeau de la preuve ne repose plus sur la personne en difficulté, comme c'est le cas actuellement, mais sur les organismes qui devraient dispenser des services.

Un autre point fort important, c'est cette définition de la santé mentale ou de ta maladie mentale. On reconnaît que le comité Harnois a fait un travail très approfondi. Ce n'est pas facile dans une société où il existe un pluralisme à plusieurs niveaux, on parle même du droit à la différence, ce n'est pas facile d'arriver à définir cela. On croit, par contre, qu'on devrait aller plus loin et considérer davantage l'intensité, la gravité et la valeur symptomatique d'une difficulté vécue par un individu.

C'est quoi un problème de santé mentale qui nécessite une aide particulière ou spécialisée? Qu'est-ce qui justifie une intervention auprès d'une personne? Il faut faire attention à certains pièges à cet égard-là et dire: Bon, cela fait des années que ces personnes manquent de service, cela nous prend une politique, on essaie de s'en donner une au Québec et là, faire aller le balancier vers la surintervention et toute la stigmatisation que cela peut amener.

Quant aux personnes ayant des troubles mentaux, également, on pense qu'on devrait aller plus loin dans la définition des caractéristiques et des besoins de ces personnes-là. Le document, nous semble-t-il, parie davantage des problèmes que les personnes vivent avec le système de soins et de services, que les difficultés qui nécessitent le recours à ce même système. il y a certaines clientèles également qui nous semblent oubliées. On pense aux personnes ayant une déficience physique. On pense aussi à ces mères isolées qui, à certains égards, s'enferment avec leurs enfants pour les protéger de tout ce qu'il y a de mauvais dans le monde, tout l'Isolement social qui s'ensuit. On pourrait parler également et se référer au dernier rapport annuel 1986-1987 du Comité pour la protection de la jeunesse où on parle de ces enfants québécois victimes de mort violente. On parle de 26 enfants qui, au cours de l'année 1986, sont morts de façon violente à la suite d'abus et de mauvais traitements. Sur ces 26 enfants, il y en a exactement 16 qui avaient moins de cinq ans. Il y a des problèmes de ce côté-là et l'éventuelle politique devrait les considérer.

Au chapitre de la promotion des droits des personnes, le comité énonce deux recommandations sur lesquelles nous aimerions réagir. La recommandation 3 propose la mise sur pied, dans chaque région, d'une fonction d'"ombudsperson". Nous considérons important que se fasse la promotion des droits de ces personnes. Nous croyons cependant que cet objectif peut être atteint sans créer de nouvelles structures. Pensons, par exemple - et là je n'ai pas de recommandation précise à faire - à l'Intérieur des conseils régionaux, les services à la population, à l'Office des personnes handicapées du Québec qui, pour certaines clientèles, joue un rôle intéressant à cet égard. Il faut également considérer l'apport d'une approche globale de la personne ayant des troubles mentaux, de l'implication de la famille et des proches dans l'Intervention, de l'information de la population... la recommandation 1, c'est fort Intéressant.

On peut parler également d'un processus d'intégration sociale adapté à la situation des personnes. On peut parler également de l'avènement des plans de services Individualisés. Avec tout cela, plus tout ce qui existe déjà au niveau des structures, on pense qu'il y aurait moyen de faire quelque chose d'intelligent sans pour autant amener des nouvelles structures avec tout l'argent et le temps que cela prend. (12 h 15)

La conception de l'intervention ou l'approche, peu Importe comment on veut l'appeler, on considère que c'est une pièce absolument maîtresse du projet de politique. On ne reprendra pas tous les propos, on est passablement d'accord avec tout ce que le rapport Harnois amène. Quand le comité Harnois dit que te recours à une approche globale mettant en relation, de façon intégrée et continue, les dimensions biologiques, psychologiques et sociales de la santé mentale, etc., cela signifie pour nous que la personne, dans sa globalité, est plus importante que sa maladie, que c'est d'abord une personne en difficulté qu'il faut aider, avant d'être un malade à traiter, qu'il faut aller plus loin que l'attention à un symptôme, pour se centrer sur les causes profondes de la souffrance. Une telle conception de l'intervention - évidemment, je vais rapidement - exige une implication de la famille, une Information de la personne en cause sur son problème et sur la nature des moyens qu'on veut prendre avec elle pour l'aider. Cela Implique tout cela, et beaucoup plus. Cela implique également une action sur l'environnement de la personne. En ce qui concerne les Intervenants en santé

mentale, c'est un point majeur, le comité Harnois l'a reconnu. Il amène aussi un tas de recommandations fort Intéressantes avec lesquelles on est d'accord. Les problèmes amenés, par rapport aux problèmes que les intervenants vivent dans ce système-là, ne sont pas particuliers au système de santé mentale. C'est comme cela dans le réseau des affaires sociales. On perçoit, par contre, dans le projet de politique une espèce de malaise à identifier les intervenants professionnels à des spécialistes, à des personnes qui ont fait le choix d'un champ particulier d'Intervention et qui se sont préparées en conséquence. Sans verser dans la professionnalisation à outrance, comme on dit dans le rapport - d'ailleurs il faudrait expliquer ce que cela veut dire - nous croyons que n'Importe qui ne peut pas faire n'importe quoi. Nos prédécesseurs l'ont dit également. Nous croyons à une délimitation souple et intelligente des champs de pratique, à un partage des responsabilités fait à partir des forces de chacun dans un cadre de transdisci-plinalité, où tous sont égaux et où l'équipe est plus importante que la somme des compétences professionnelles qu'elle rassemble. Pour ce qui est des qualités professionnelles et personnelles des intervenants, c'est fort important. On dit dans le rapport qu'il n'est pas facile d'associer distanciation et empathie. C'est vrai et il faut rendre hommage aux intervenants. Ce n'est pas facile d'oeuvrer dans ce secteur-là. Par contre, c'est possible de le faire et surtout tout à fait nécessaire d'être capable d'établir ce que nous appellerons une distance clinique où chacun, dans la relation d'aide, occupe la place qui lui revient. Cela suppose, cependant, une formation adéquate et un encadrement professionnel supportant et stimulant.

La recommandation 6 est intéressante. On va s'occuper maintenant de se donner des budgets de formation. On parie d'une augmentation de budget annuelle de 30 %. On aimerait remplacer cela par une autre formule: c'est-à-dire d'affecter 10 % de la masse salariale d'un établissement à la formation des intervenants. C'est une formule qui existe déjà en France, dans certaines provinces canadiennes également C'est fort intéressant en ce que cela permet vraiment que les programmes de formation correspondent aux vrais besoins des intervenants de ce milieu. On pourra en reparler tantôt.

La recommandation 27 parle également de la planification des effectifs médicaux et psychiatriques. On est d'accord avec cela. On propose également notre collaboration à la recherche de leviers d'action. On a beaucoup de difficulté, dans les centres d'accueil, à trouver des psychiatres qui veulent y travailler et qui veulent s'intégrer à l'équipe d'Intervenants.

Il me reste quelques minutes. Un mot aussi sur les ressources communautaires: il y a un choix Important fait de ce côté-là. On est d'accord avec celui-ci. Il ne faudrait pas, par exemple, que cela corresponde encore là à un mouvement de balancier où, maintenant, on dit: il faut déprofessionnaliser, désinstitutionnaliser, etc., et qu'on envoie tout cela du côté du communautaire en disant qu'eux autres, ils ont la solution. On a déjà vécu des mouvements de balancier semblables dans tes années 1975-1976. Dans le secteur des centres d'accueil, on sait ce que cela donne et surtout ce que cela ne donne pas. Sur le plan de services individualisés, c'est fort Emportant Cela se vit déjà dans le réseau des centres d'accueil. Le plan de services individualisés arrive au moment où plusieurs intervenants ou organismes sont Impliqués dans l'intervention auprès d'une personne. Les plans de services trouvent leur application dans les différents plans d'intervention que chacun des organismes impliqués doit faire. Cela suppose évidemment une coordination de plans de services. C'est un problème majeur actuellement tant au niveau de l'Office des personnes handicapées que dans le réseau des centres d'accueil. Quelles sont les formules? Le comité Harnois en propose une. Nous, on se dit: Ce n'est pas mauvais, c'est Important que ce soit une personne très significative. Si c'est déjà un dispensateur de services qui a coordonné le plan de services, cela peut en faire un juge et partie. Cela peut être compliqué de ce côté-là. Finalement, la formule qu'on a beaucoup travaillée au niveau du réseau des centres d'accueil, ce serait difficile de trouver une formule qui corresponde parfaitement aux besoins de toutes les régions et qui respecte les couleurs de chacune des régions et sous-régions. Il existe différentes formules actuellement. Ce qui est fort intéressant, c'est: Laissons à chaque région le soin de se donner un mécanisme de coordination des plans de services. Ce sont elles qui connaissent le mieux leurs besoins et ne les embarquons pas une fois de plus dans un modèle provincial; c'est-à-dire le design des services aux îles-de-la-Madeleine, ce n'est pas la même chose qu'à Montréal, en Outaouais ou en Abitibi. Alors, un modèle provincial là-dessus, on pense que c'est passablement difficile.

Sur les services en santé mentale, il y a une critique fort intéressante et rigoureuse qui est faite là, on l'endosse tout à fait. Elle n'est pas particulière encore là au secteur de la santé mentale. La gamme de services qui est annoncée, on y souscrit. On va avoir quelques questions à poser tantôt sur son financement On y arrive justement Comment sera financée cette gamme de services? Il y a le principe d'accessibilité des services également qui est accroché à cela. On y croît beaucoup. C'est un objectif fondamental de notre système. Par contre, l'application de cette politique, le comité en est sûrement conscient, est étroitement reliée à notre capacité d'en financer les orientations et les recommandations. Nous avons, à cet égard, de nombreuses inquiétudes.

Le projet de politique parle d'une logique

de réallocation des ressources, à la page 2. À partir de quoi? Plus loin, à la page 39, le comité dit: On a encore beaucoup de difficulté à estimer les coûts des troubles mentaux. C'est vrai, ce n'est pas facile. À la recommandation 26, le comité demande au ministère de répartir les sommes nécessaires au développement en santé mentale à partir d'une certaine formule. Sur la base de quel budget? Comment sera financée la gamme de services proposée? Et les subventions aux organismes communautaires?

Nous sommes conscients des besoins énormes et réels dans le secteur de la santé mentale, autant que des coûts sociaux que les troubles mentaux génèrent; loin de nous l'idée de jouer les ételgnoirs. Nous ne voulons pas, par ailleurs, qu'on crée des attentes que nous ne serons pas capables de satisfaire. Du côté des centres d'accueil, on connaît cela. Aussi croyons-nous pertinent d'étayer ce projet de politique de mesures concrètes visant à en garantir le financement.

Quelques mots pour terminer, M. le Président, sur l'intégration des personnes ayant des troubles mentaux. C'est un point fort important, on y croit beaucoup. Toutefois, nous percevons dans la proposition de politique un choix en faveur de la désinstitutionnalisation en réaction à l'Institution qui semble équivaloir automatiquement - et je cite - à la dépersonnalisation des rapports humains, la standardisation de formes d'aide et la sous-estimation de tout potentiel. Bien sûr que cela pourrait exister mais il ne faudrait quand même pas généraliser.

Ce choix de la désinstitutionnalisation doit reposer sur des considérations cliniques, c'est-à-dire les besoins et les capacités des personnes en cause, et ce choix doit être positif et délibéré. La désinstitutionnalisation n'est pas que le fait de facteurs négatifs, elle provient d'une capacité accrue des intervenants de travailler autrement et d'intégrer dans leur pratique des valeurs de dignité et de qualité de vie. Il ne faudrait pas parler uniquement de la désinstitutionnalisation des personnes. Parlons de la désinstitutionnalisation du personnel, des mentalités, des structures, etc.

Sur tes autres points, les mesures préconisées quant à l'évaluation des services, sur la recherche, c'est fort Intéressant, on endosse cela tout à fait, on est prêt à y travailler. Finalement, ce qui est soumis à notre étude, on endosse cela tout à fait, mais on pense qu'on doit aller plus loin dans la concrétisation et que ce serait malheureux si cet excellent document devait aller sur les tablettes parce qu'on n'a pas tes moyens de l'appliquer. Merci.

M. Clair (Michel): En conclusion, très rapidement, vous aurez sans doute retenu, Mme la ministre, MM. les députés, que l'Association des centres d'accueil du Québec adhère entièrement aux principes qui sont contenus au rapport Harnois et que nos préoccupations sont surtout quant à l'opérationnalisation de ce rapport.

Avant que vous nous adressiez vos questions, j'aimerais simplement vous rappeler que nous représentons en fait des centres d'accueil dans six problématiques différentes et qu'en conséquence, lorsque des problèmes de santé mentale se présentent, c'est toujours une poly-problématique avec encore plus d'acuité en ce qui concerne les clientèles que nous desservons. Aujourd'hui, nous sommes accompagnés, fe président et les employés de l'Association, de personnes-ressources sur lesquelles nous aimerions que vous dirigiez vos questions, si cela vous agrée. Je vous rappelle que M. John Topp est directeur général du Centre alternative, à Montréal, qui est un établissement spécialisé dans la réadaptation de personnes ayant des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie; que M. Daniel Holdrinet est directeur général adjoint du Centre d'accueil Jean Olivier Chénier, de Montréal, qui, lui, dispense des services de réadaptation à des personnes ayant une déficience intellectuelle; que M. Pierre Charest est directeur des services professionnels et de réadaptation à la Maison Notre-Dame de Laval, qui est un centre de réadaptation spécialisé à l'égard des services aux adolescents ayant de graves problèmes d'adaptation; et finalement, M. Jean-Marie Girard, notre président, qui, en plus d'assurer la présidence de notre association, est également directeur général d'un établissement, te Centre de services géron-tologiques Beau Manoir, à Chicoutimi, qui est un centre d'accueil et d'hébergement pour personnes âgées. Ce sont des praticiens de haut niveau et je suis convaincu que si des questions leurs sont adressées, cela leur ferait grand plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier l'Association des centres d'accueil du Québec qui, par la voix de son président, M. Girard, vient présenter le point de vue de cette association, relativement au projet de politique en santé mentale, qui est présentement discuté en commission parlementaire, dans le but - je l'ai dit à maintes reprises - de l'enrichir et de le corriger. Mais le gouvernement, quoiqu'il y ait dans l'énoncé de principe, un peu comme vous l'avez Indiqué vous-mêmes d'ailleurs, des principes suffisamment forts pour appuyer une politique qui, avec des moyens d'opérationnalisation qui doivent de toute façon venir s'y ajouter, permettra, je pense que c'est votre expression, de faire un pas important en avant dans le domaine de la santé mentale.

Ma première question va porter sur ce problème, qui a été soulevé à peu près à la présentation de chaque dossier ou de chaque mémoire, en ce qui a trait à ce que vous appelez le non-balisement des responsabilités de chacun des intervenants dans le domaine de la santé

mentale. D'une part, en page 7 de votre mémoire, vous Indiquez que l'effort qui est fait pour passer d'un réseau d'établissements à un réseau de services Intégrés, organisé sur la base des besoins des personnes et du respect des principes d'accessibilité.., Ce sont des orientations auxquelles vous adhérez. D'autre part, vous indiquez de nouveau, à cette page-là et ailleurs, qu'il vous semble important que des mandats plus clairs soient donnés à chacun, quant à la réalisation des objectifs que l'on veut atteindre dans ce projet de politique en santé mentale. Ne croyez-vous pas - d'ailleurs vous le dites un peu plus loin - que la description que le rapport Hamols fait des difficultés de relation ou des tensions qui peuvent exister, de fa rigidité ou de la non-flexibilité à l'Intérieur du réseau quand II s'agit de répondre aux besoins de personnes, dans le cas qui nous préoccupe, qui ont des problèmes de santé mentale,.. Vous nous dites: on les connaît, les responsabilités professionnelles de chacun. On pourrait encore les exercer. Je ne dis pas que, dans la politique finale, il ne faille pas en parler ou peut-être être un peu plus spécifique. Là-dessus, je vous rejoins. Comme, d'ailleurs, on a retenu les remarques d'autres qui se sont présentés avant vous. Il ne faudrait pas non plus, d'une part, retomber dans cette définition très rigoureuse, très stricte, qui est souvent, je pense, à la base de cette non-complémentarité, des tensions qu'on vit dans te réseau pour ce qui est des intervenants, et même dans l'Interaction des différents établissements. C'est dans ce sens-là qu'il faut tenter de doser: d'une part, ne pas laisser trop vague ce que chacun doit faire mais, d'autre part, ne pas retomber dans ces définitions de tâches et de responsabilités, "qui, souvent, ont donné lieu à des problèmes qui ont été au détriment du bénéficiaire. J'aimerais peut-être que vous tentiez de nous expliquer un peu plus jusqu'où devrait aller cette spécification de tâches ou cette définition de tâches qui serait dévolue aux différents Intervenants. (12 h 30)

M. Langelier: Je peux tenter l'exercice. En fait, elle existe déjà dans les mandats qui sont conférés à des organismes et c'est relativement clair. Pour les clientèles plus régulières, je pense que cela fonctionne relativement bien, bien qu'il y ait encore certains secteurs de tension. En santé mentale, pour autant que les centres d'accueil sont concernés, on le lisait dans l'Introduction, c'est une clientèle... Le réseau des centres d'accueil n'existe pas pour cette clientèle. On a beaucoup et de plus en plus de personnes qui vivent des troubles mentaux, mais ce sont des problèmes associés au motif principal de leur référence au centre d'accueil. On les reçoit un peu comme par incidence. On se dit: Comment travaille-t-on de ce côté? De quel genre de ressources a-t-on besoin? Qui faut-Il aller voir pour avoir le coup de main dont on a besoin pour donner des services adéquats de ce côté? On a tenté, dans l'étude qu'on a faite du rapport Harnois, de trouver des réponses à cela. On n'en a pas trouvé. Pourquoi? C'est là un peu que cela nous a chicotés. Pourquoi a-t-on laissé cela aussi ouvert? Parce qu'on tient pour acquis que c'est un des principes, c'est affirmé. Il y a les acquis du système. Mais, cela ne nous apparaît pas suffisant Pour les personnes en cause, il faudrait arriver à dire: La personne qui a besoin de services, où s'adresse-t-elle? L'omnipraticien, le psychiatre, le CLSC, le centre d'accueil? Elle peut aller n'Importe où, magasiner un tas de services de ce côté. Il faut donner des indications un peu plus claires de ce côté.

En ce qui concerne l'intervention également, II y a tout l'aspect médical, l'aspect social. On parte de ressources psychosociales sans les définir plus que cela. Qu'est-ce qu'on entend par cela? Il y a un tas de précisions également comme cela qu'on aurait besoin de savoir pour dire: Nous, où se situe-t-on comme réseau d'établissements par rapport à cela? Il ne s'agit pas de faire de rigidification". Bon sens! On a assez de misère à vivre avec cette rigidité dans le réseau qu'il ne faut pas tomber là-dedans non plus. Mais il ne faut pas non plus laisser le champ aussi vaste, aussi libre, aussi peu balisé. C'est pour cela qu'on parie de balises simples, mais rigoureuses. Et quand un organisme a une responsabilité vis-à-vis de cette clientèle et qu'il ne la remplit pas, c'est lui qui a le fardeau de la preuve de démontrer qu'il n'est pas capable de donner les services et non pas au client qui doit essayer de se retrouver dans ce grand réseau. Les points de repère doivent être vus sur ces deux plans en ce qui regarde les organismes qui ont à intervenir et pour la personne, à savoir comment va-t-elle se retrouver dans ce système et où va-t-elle quand elle a besoin de services.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends et je pense que vous avez raison là-dessus que pour la population elle-même... D'ailleurs, on éprouve déjà des problèmes. Il y a des personnes qui se dirigent vers des urgences des hôpitaux et qui peut-être devraient se diriger vers les CLSC et vice versa, parce que justement les mandats ne sont peut-être pas définis d'une façon aussi claire qu'ils le devraient vis-à-vis de certaines catégories d'établissement. D'ailleurs, aujourd'hui, on sait que certains centres d'accueil, dans le processus de désinstitutionnalisation, ont développé des genres de ressources qui, autrefois, étaient - je pense que dans la loi, c'est peut-être encore cela - la responsabilité des centres de services sociaux. Alors, même entre les intervenants et les initiés, il y a déjà de la confusion, j'imagine que pour la population, cela doit être encore plus compliqué.

Dans ce sens, je pense qu'on a besoin d'une clarification. J'ai souvent eu l'Impression, devant les revendications qui ont été faites reliées à cette question de plus grandes balises entourant les différents Intervenants, qu'on faisait référen-

ce à l'action professionnelle de ces différents intervenants. Pour ma part, l'action professionnelle demeure ce qu'elle est déjà. Ne pensez-vous pas que si on arrivait à faire des plans de services pour ces personnes, c'est à l'intérieur de ces plans de services que, finalement, chacun pourrait dégager ou assumer la responsabilité qui est la sienne? Dans ce secteur, je me demande combien plus loin on peut aller pour dire: c'est un ergothérapeute, c'est un travailleur social, c'est un psychologue, etc., un éducateur spécialisé ou un psycho-éducateur. Est-ce que c'est dans ce sens que vous voudriez que nous allions plus en profondeur quant à la définition des responsabilités?

M. Langelier: ...du côté des responsables professionnelles...

Mme Lavoie-Roux: Non?

M. Langelier: ...beaucoup plus lorsqu'on parle des organismes, entre autres. Ce qu'on avait derrière la tête par rapport à cela, c'est que le ministère ou que la politique donne des balises claires au réseau. Ne laissez pas le réseau se faire des balises par rapport à cela. On a vu dans d'autres dossiers ce que cela produit. Quand les organismes cherchent à s'approprier des mandats, cela crée un tas de problèmes parce qu'avec des mandats doit venir l'argent et, avec l'argent, vient le pouvoir, etc. Vous voyez tout le cercle vicieux. Durant les travaux de la commission Rochon, on a eu l'occasion d'exposer un certain nombre de ces problèmes. Il faut des orientations données par le ministère et à l'Intérieur desquelles le réseau existant, la dimension communautaire, les différents corps professionnels s'intègrent, mais à partir d'un certain cadre. On pourrait éventuellement travailler sur le cadre, mais on se dit: Entre rien, comme ce qui est amené par la politique de ce côté, et une "rigidification", il doit y avoir quelque chose d'intelligent quelque part et on devrait essayer de se mettre ensemble pour rechercher cela.

M. Charest (Pierre): Pour compléter, je pense que, sur le plan professionnel, il y a des balises assez claires sur ce qui revient à chacune des professions, sur ce pour quoi les gens sont formés. Je pense que, sur le plan des organismes, à quelques exceptions près, les champs particuliers d'intervention de chacun des organismes sont généralement assez clairs. Sur le terrain de la pratique, c'est généralement la rencontre de deux pouvoirs, je dirais, le pouvoir social et le pouvoir médical. Souvent, santé mentale égale davantage le domaine médical. C'est à ce titre, je pense, que les problèmes se posent fréquemment.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Ma deuxième question touche la désinstitutionnalisation. Vous êtes probablement le groupe, la catégorie d'établissement - je n'aime pas beaucoup le terme, mais, en tout cas - le type d'établissement qui a été davantage impliqué dans la désinstitutionnalisation, mais, évidemment, relié à la déficience Intellectuelle plus qu'à la santé mentale. Je me demandais si vous pouviez nous faire part des écueils principaux que vous avez rencontrés qui, j'en suis certaine, sont reliés au manque de ressources dans le milieu d'une part - mais j'aimerais peut-être que vous nous parliez d'autres écueils que ceux-là - et, d'autre part, la prudence qu'il faut peut-être avoir dans la désinstitutionnalisation, même si on ne peut pas appliquer l'un sur l'autre... Comme vous l'avez mentionné au début, c'est différent. Mais, comme la désinstitutionnalisation devient quand même un enjeu Important dans nos grands établissements psychiatriques, j'aimerais vous entendre sur ce point.

M. Clair: M. Holdrinet et M. Charest vont intervenir.

M. Holdrinet (Daniel): II est certain que les centres d'accueil de réadaptation pour personnes avec défience intellectuelle ont, au cours des dix dernières années notamment, acquis une expertise assez grande dans le domaine de la désinstitutionnalisation des personnes. Je dois dire, par contre, qu'elles ont dû parallèlement et en même temps, assumer le maintien en milieu de vie des nouvelles clientèles, éviter l'institutionnalisation et, tout cela, uniquement par voie de conversion de budget. Au début, ce fut relativement facile dans le sens où les premières clientèles réintégrées à la communauté étaient naturellement les plus autonomes de celles qui étaient en institution et pour lesquelles les services communautaires, même assumés par le centre d'accueil, étaient moins coûteux. Les économies réalisées ont permis de mettre sur pied, et uniquement avec ces budgets, des services nouveaux de soutien à la famille, d'aide éducative à domicile, d'aide à l'intégration scolaire, à l'intégration aux loisirs ou aux garderies.

Cela s'est très bien effectué pendant quelques années, jusqu'au jour où les clientèles qui restent encore à désinstitutionnaliser sont des clientèles plus lourdement déficientes ou avec des problématiques multiples pour lesquelles, le service communautaire, qu'il soit en soutien à la famille - bien souvent, il faut l'oublier, après 20 années d'institution - mais même en ressources alternatives de foyer de groupes ou de résidence autonome, par exemple, finit par être plus coûteux que le service en Internat. Donc, d'une part, les centres d'accueil sont pris maintenant devant cette difficulté de ne plus pouvoir affecter des budgets suffisants, ils n'en ont pas assez en internat pour pouvoir donner des services plus coûteux dans la communauté et surtout, ils n'ont plus les moyens de réaliser, par

la désinstitutionnalisation, une économie permettant de répondre aux nouvelles demandes de service externe, de support à la famille qui a un petit bébé naissant et qui demande de l'aide. C'est déjà une chose.

Il est vrai aussi peut-être qu'au tout début, quand nous avons procédé à ce travail, nous avons peut-être été tentés de le faire un peu par nous-mêmes. Bien sûr, nous avions demandé l'aide des centres de services sociaux pour les ressources de type de famille d'accueil. Je dois dire qu'il y a une pénurie importante de ressources de cette nature pour les personnes qui ont une déficience Intellectuelle et l'imagine qu'elle est aussi importante sinon plus pour les personnes qui ont des troubles mentaux.

Nous avons très peu, dans les années passées, fait appel aux services communautaires ou aux CLSC. D'abord, ils étaient peu nombreux, ils n'existent pas encore partout dans notre domaine. Nous avons un département de santé communautaire qui n'a pas encore de CLSC officiellement, le DSC de l'hôpital de Verdun et ces organismes-là. Même aujourd'hui, s'ils sont peut-être prêts à accepter le mandat, je parle des CLSC ainsi que des groupes communautaires, des groupes de promotion éventuellement, il leur manque deux choses, tout d'abord des ressources humaines et des ressources financières pour en engager, et puis, des ressources aussi de connaissance et d'expertise qu'ils n'ont pas acquises. Même s'ils pouvaient engager le personnel supplémentaire, il faudrait le préparer, ce ne serait pas aussi simple que cela.

Maintenant, cela m'amène à dire que le processus dont nous parlons ne devrait pas se faire de façon trop rapide. Il faut, à notre avis, le faire graduellement, au fur et à mesure que la formation peut être donnée; il faut que les organismes comprennent, intègrent et assument leur nouveau mandat je fais référence aux organismes communautaires - également, c'est sûr que l'Initiative vient généralement de l'Institution qui, elle, se donne comme objectif de réintégrer à la communauté des personnes et de prendre tous les moyens pour ce faire. Un des obstacles extrêmement important qu'elle rencontre, c'est quelquefois la syndicalisation du personnel. Je m'explique.

Il ne suffit pas de proposer quelques mesures de recyclage ou de vouloir expliquer une nouvelle philosophie d'action à un Intervenant pour que, du jour au lendemain, il soit l'Intervenant Idéal pour assumer son service. Certaines personnes ont, pendant dix, quinze, vingt et trente ans travaillé comme éducateur, comme préposé aux bénéficiaires à l'intérieur d'un milieu Institutionnel dans une situation de groupe avec le psychologue, le chef d'unité, le directeur général même à deux pas de la porte, pour beaucoup d'entre elles c'est extrêmement difficile, c'est extrêmement Insécurisant. Certains n'ont ni la compétence, ni surtout la motivation pour pouvoir aller du jour au lendemain assurer des services sur une base communautaire, se retrouver seul intervenant dans un foyer de groupe, devoir faire la cuisine et devoir répondre aux voisins et, en plus, aller donner des conseils à domicile à la maman qui a son petit bébé mongolien de deux ans, alors que pendant trente ans, on s'est occupé d'adultes en Institution, cela n'est pas donné à tout le monde.

Alors il est Important de prévoir des moyens. Nous avons dans notre système un moyen qui existe, mais auquel on hésite souvent à faire appel, c'est le service de placement des affaires sociales. Dans notre établissement, nous avons procédé, au cours des dernières années, à de nombreuses intégrations sociales par fermeture d'établissements. Nous avons fermé trois pavillons d'Internat au cours des quatres dernières années. Le dernier a été fermé cet été. Mais chaque fois, nous n'avons réussi à le faire et nous n'avons consenti à le faire qu'en trouvant un moyen avec le syndicat et avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, d'éviter le transfert systématique par voie d'ancienneté des personnels ayant travaillé longtemps en Internat dans des services communautaires. Une des conditions, pour nous, importantes, c'est d'abord que les personnes veuillent; donc qu'elles aillent sur une base volontaire travailler dans des services communautaires, qu'ensuite elles répondent à un profil qui est très différent du profil du travail qui est nécessaire pour un intervenant en internat, puis, qu'elles acceptent effectivement aussi de suivre des sessions de formation et de perfectionnement. Ce n'est pas le cas de ta majorité de nos employés dans tous les cas où nous avons procédé à ces fermetures. Nous avons dû engager, à chaque fois ou presque, du personnel nouveau. (12 h 45)

M. Charest: Je ne reviendrai pas sur la question du personnel, mais je soulignerai l'Importance dans cette intégration des personnes souffrant de problèmes mentaux d'y aller au rythme des clients, d'une part; d'autre part, quand on parle d'intégration ou de désinstitutionnallsation, je pense que cela peut se faire selon les clients, à des degrés différents. Par ailleurs, la désinstitutionnalisation, ce n'est pas une formule miracle, elle a aussi ses limites et, un autre élément, elle ne peut pas se faire sans une préparation adéquate en ce qui concerne la famille, la communauté, autant sur les plans de l'éducation, de l'emploi, du loisir, sans une bonne préparation, sans une information. Là aussi les communautés et ces différents secteurs ont des rythmes à pouvoir vivre avec ces clients. Cela commande, somme toute, une attitude d'ouverture.

M. Girard: J'ajouterais que pour les centres d'hébergement, quand on parle de désinstitutionnalisation, on n'a pas les personnes capables d'évaluer. Par exemple, les psychiatres, la plupart des régions ne les connaissent pas dans les

centres d'accueil et d'hébergement. C'est la même chose pour les psychologues et les travailleurs sociaux, on a déjà mentionné qu'il y en avait moins de dix dans les 235 centres d'accueil et d'hébergement Donc, on n'est pas en mesure de faire le travail pour arriver à faire de la désinstitutlonnalisation. C'est assez Important

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Voici, je voudrais vous remercier de votre mémoire. Vous venez de donner des exemples concrets des difficultés, et cela, exclusivement sur un seul point qui est la désinstitutlonnalisation. À part cela, vous l'avez sorti de son chez vous, mais son Intégration au monde social, au monde du travail, ce sont des tâches additionnelles pour lesquelles H n'y a absolument pas ou à peu près pas de ressources existantes. C'est ce que je comprenais à la lecture de votre mémoire, quand vous parliez de rendre un politique plus concrète, plus palpable, c'est un peu le genre de difficulté que vous vouliez souligner, sans doute.

Mais parlant de désinstitutlonnalisation comme telle, est-ce que les budgets... quand vous avez désinstitutionnalisé aux endroits où vous l'avez fait, vous avez affirmé tantôt que les montants d'argent étaient absolument ceux que vous aviez antérieurement. On ne vous a pas ajouté un seul sou. C'est à l'aide des économies?

M. Holdrinet: Pour notre établissement et c'est l'expertise que je peux donner, je dois dire que non. Nos budgets depuis 1979, en dollars constants, sont demeurés les mêmes et nous desservons au moins 200 à 250 personnes de plus. Cela a été par conversion budgétaire. Nous avons même subi des compressions budgétaires extrêmement importantes et notamment notre établissement en a subi deux de plus que tous les autres établissements de la sous-région.

Tous ces services communautaires se sont développés par conversion des ressources des programmes d'Internants.

M. Chevrette: En ce qui concerne les centres hospitaliers qui ont commencé depuis un an ou deux à faire leur désinstitutionnalisation, est-ce qu'on leur laisse les budgets complets qu'ils avaient antérieurement ou si on récupère à l'aide de compressions budgétaires sur le fait qu'ils désinstitutionnalisent?

Mme Lavoie-Roux: Dans le cas où vous vous référez à Louis-H.-Lafontaine ou Robert-Giffard?

M. Chevrette: Oui, Robert Giffard, et même Lanaudière qui en a 100, par exemple, qui sont désinstitutionnalisés.

Mme Lavoie-Roux: Je ne saurais pas, je vais demander l'information.

M. Chevrette: ils gardent le budget, non? Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'ils gardent...

M. Chevrette: II y a une récupération budgétaire?

Mme Lavoie-Roux: Je demanderais au Dr Voisine de répondre.

Le Président (M. Bélanger): Docteur, s'il vous plaît!

M. Voisine (Claude): Dans le cas de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, les budgets suivent les malades et le personnel du dossier du malade.

M. Chevrette: En d'autres termes, il y en a qui sont acheminés vers les CSS, d'autres vers les CLSC, mais le budget du centre comme tel est amputé pour autant.

M. Voisine: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Un instant, la réponse ne sera pas complète.

Une voix: Si vous me permettez de donner un autre renseignement, il y a quand même des instances où cela coûte plus cher. Par exemple, dans mon centre hospitalier qui veut diriger les clients justement chez M. Holdrinet, le coût de prise en charge de certains patients atteints de déficience est d'à peu près 21 000 $ par année, alors que la prise en charge de la même personne dans un centre plus petit est d'à peu près 38 000 $. Donc, pour partir d'un établissement plus gros et s'en aller vers un établissement mieux adapté, souvent les coûts sont supérieurs et non pas inférieurs.

M. Chevrette: Je comprends. Si on en encanne, comme on dit en bon québécois, 70 dans un dortoir, cela coûte moins cher que d'Individualiser les traitements.

M. Holdrinet: C'est peut-être une information que j'aurais dû ajouter pour corriger mon affirmation de tout à l'heure. C'est qu'effectivement, nous avons reçu d'autres budgets, mais uniquement dans le cadre où nous avons pris en charge des personnes venant du milieu hospitalier psychiatrique. C'est tout récent, cela a commencé cette année. Les montants d'argent ne sont pas encore tous arrivés, que je sache.

M. Charest: Voici ce que j'ajouterais à cela. Quelquefois, la désinstitutionnalisation psychiatrique, si je peux dire, se transforme en institutionnalisation sur le plan des ressources, sur le

plan social. Et, dans le domaine de la mésadaptation, par exemple, les budgets ne suivent pas ces transferts-là. Je ne dis pas qu'on n'a pas l'expertise pour travailler avec ces gens, mais je voulais seulement souligner que la désinstitutionnalisation quelquefois médicale peut se traduire par l'institutionnalisation sociale.

M. Chevrette: Avez-vous évalué, chez vous... Par exemple, si on vous mettait responsable de tout le processus du respect Intégral de la personne, quels seraient vos besoins? Si vous deveniez les travailleurs... Par exemple, vous avez dix ou quinze personnes qui doivent être déslnstitutlonnallsées chez vous. Il faudrait que vous tes accompagniez absolument dans toutes leurs démarches d'intégration sociale et même du milieu du travail. Quel serait votre manque de ressources, chez vous?

M. Charest: Bon. Je pense que ce serait notamment sur le plan de la formation des intervenants pour intervenir dans un contexte différent, d'une part; d'autre part, investir également au niveau de certains..., je pense, notamment, en ce qui a trait à l'emploi et à l'éducation, intervenir dans ces secteurs pour qu'on puisse vivre ou intervenir auprès de ces clients.

M. Chevrette: Qu'est-ce qu'il vous manque, des professionnels, des types de professionnels...

M. Charest: Oh! Dans...

M. Chevrette: ...pour appliquer l'énoncé de politique?

M. Charest: ...le réseau de la mésadaptatlon sociale, parmi les jeunes, je pense qu'il y a une répartition inégale. Il y a des ressources quelquefois psychosociales qui sont manquantes et, à l'occasion, des ressources également pédopsychiatriques.

M. Chevrette: Vous n'avez pas fait revaluation, par exemple, de ce que cela pouvait représenter chez vous.

M. Charest: Quand vous dites "chez nous', c'est...

M. Chevrette: À l'Intérieur de votre réseau.

M. Charest: ...dans tout le secteur?

M. Chevrette: À l'Intérieur de votre secteur.

M, Charest: À l'intérieur du secteur, non; il n'y a pas eu...

M. Chevrette: Est-ce que vous avez des évaluations de faites chez vous?

M. Holdrinet: Sur les réussites, oui, mais globalement, effectivement. Nous pouvons dire qu'en une dizaine d'années, nous avons peut-être intégré dans la communauté quelque chose comme 250 personnes et nous avons dû avoir trois ou quatre retours en Internat

M. Chevrette: Donc, la désinstitutionnalisation comme telle est rentable.

M, Holdrinet: Elle est rentable... M. Chevrette: Pour l'individu. M. Holdrinet: ...au niveau de l'individu... M. Chevrette: Pour la personne,

M. Holdrinet: ...absolument. Peut-être une information ou un point sur lequel j'aimerais peut-être attirer l'attention, M. le Président. C'est le fait qu'actuellement, comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsqu'un centre d'accueil ou un établissement procède à l'intégration sociale de personnes qui sont en internat, ces personnes-là, lorsqu'elles sont desservies en situation externe, vont nous coûter plus cher qu'elles ne coûtaient en internat. Je parle de l'expérience des centres d'accueil en déficience Intellecturelle avec handicap physique associé, etc. Ce qui fait que nous ne pouvons plus réaliser, comme nous le faisions dans tes années passées, d'économies nous permettant de développer nos services externes. Si bien que, depuis un an et demi, nous avons commencé à maintenir une liste d'attente. Cette liste d'attente, elle s'allonge effectivement, au point que les personnes de la communauté qui demandent du service à domicile, de l'aide à l'intégration en garderie, etc., finissent par nous dire: Écoutez, pour recevoir du service, il faut être admis d'urgence en internat ou bien il faut venir de l'hôpital psychiatrique, il y a un problème là qui commence à se créer et les gens de la communauté, qui sont sans voix, qui ne sont pas groupés ni organisés, qui sont sans services, commencent à se multiplier.

M. Chevrette: Je lisais dans votre mémoire, je ne me souviens pas à quelle page, que vous vous interrogez d'ailleurs sur la définition que donne le Dr Harnois du rôle des hôpitaux psychiatriques. Vous dites - si ma mémoire est fidèle, toujours - qu'ils ne s'occuperont que du traitement à long terme. Pourquoi manifestez-vous une telle inquiétude? Est-ce parce que c'est votre dépanneur à court terme dans la conjoncture actuelle ou bien si c'est parce que...

M. Langelier: C'est qu'on réfère à la recommandation 31, si ma mémoire est bonne, du rapport Harnois...

M. Chevrette: Oui, je pense que c'est cela.

M. Langelier: ...où - je vais essayer de me retrouver - on donne aux grands hôpitaux psychiatriques des mandats au niveau de la complexité des troubles mentaux sévères. On questionnait par rapport à cela; il y a tout le problème de l'hébergement de ces personnes-là. C'est beau, on parle de désinstitutionnalisation, mais toute la problématique hébergement, urgence, qu'est-ce que la politique va en faire de ces problèmes? On se questionnait sur le mandat qu'on voudrait donner dans cette recommandation 31 aux grands hôpitaux psychiatriques en confinant cela aux troubles mentaux sévères et on questionnait autour du principe de la continuité des services. Pourquoi confier cela comme tel à ce type d'établissement-là? En tout cas, on avait des questions autour de cela sans nécessairement trouver des réponses.

M. Chevrette: J'ai été surpris de voir votre interprétation, parce que, moi, j'avais Interprété le rapport Harnois de la façon suivante. Si on désinstitutionnalise, il n'est pas dit qu'il n'y aura pas d'autres services alternatifs à l'intérieur des centres hospitaliers. Au contraire, il pourrait peut-être y avoir un meilleur centre de crise, une meilleure urgence, précisément pour venir comme complément à différents centres d'accueil ou à différents organismes qui s'occupent de santé mentale qui pourraient acheminer des individus. J'ai été surpris de voir l'interprétation que vous en donniez.

M. Langelier: Ce qu'on souhaitait... Ce qu'on disait, c'est qu'on souhaite plus parler d'intensité de gravité ou de la valeur des symptômes qui sont présentés ou de l'importance des symptômes qui sont présentés, que de mettre des étiquettes sur les personnes en disant: Troubles mentaux sévères, tel établissement; toubles mentaux pas sévères, tu peux rester là où tu es. Il s'agit de ne pas catégoriser les choses de cette façon.

M. Chevrette: Hier soir, on a parlé avec les psychiatres, deux groupes: Sacré-Coeur et l'Association des psychiatres du Québec. Ils reprochent à toutes fins utiles aux autres professionnels ou aux autres structures de leur acheminer trop de clients précisément. Ils se disent: Bien, dans la conjoncture actuelle, il nous manque 300 psychiatres au Québec. L'omnipracien a peur de... Je ne sais pas si c'est une question de... On sait que les primes d'assurances ont remonté beaucoup pour les corps médicaux et les institutions mais on dit qu'on les réfère à propos de tout et de rien aux psychiatres. Cela a été le cas... Personne ne veut tout dire. Tous les groupes veulent conserver leur gâteau ou leur champ de juridiction ou d'application. Mais personne ne veut prendre la responsabilité première, on s'en réfère aux psychiatres. C'est du moins ce que les psychiatres nous disaient dans les grandes lignes.

Croyez-vous fondamentalement, pour les praticiens, qu'on a trop médicalisé la santé mentale?

M. Charest: Je pense que oui. Je pense qu'on a vraiment trop médicalisé la santé mentale. Je peux peut-être donner un exemple qui va illustrer ma pensée. Dans la région de Laval, il y a un CLSC, CLSC Mille-Îles. Dans son territoire, un hôpital psychiatrique de la région de Montréal desservait le secteur jeunesse de ce CLSC. Pour des raisons qui sont les leurs, ces gens se sont retirés de ce secteur-là. Comme centre d'accueil, comme partenaire avec le CLSC, nous avons offert à ce CLSC de desservir la clientèle jeunesse et les parents. On a fait un projet pilote qui fonctionne actuellement. Un autre hôpital psychiatrique de la région de Montréal a offert de desservir cette clientèle et demandait pour ce faire tout un appareillage, je dirais, tout un groupe de personnes qui auraient commandé une somme de 250 000 $ pour défrayer le service. On offre actuellement le service. Je peux vous dire qu'il n'y a plus de liste d'attente dans ce territoire. On estime actuellement les coûts, cela fait au-delà de six mois que cette expérience-là est en marche, à environ 40 000 $. Je pense que les gens reçoivent des services de qualité par des intervenants majoritairement psycosociaux, avec au besoin une référence qui est faite sur le plan médical.

M. Girard: Je pourrais peut-être ajouter qu'au niveau des centres d'accueil et d'hébergement, le problème que vous soulevez est encore plus grand. Étant donné, comme je le disais tout à l'heure, qu'on n'a pas de psychiatre et qu'on n'a pas de ressource alternative non plus en tant que travailleur social, cela veut dire qu'on travaille avec les médecins de médecine générale qui anesthésient, si on peut dire, nos clients. Afors, c'est In extremis que nos bénéficiaires sont référés en psychiatrie, parce qu'on n'a pas d'alternative. On n'a vraiment pas de solution à tout l'aspect psychosocial, si on parle de santé mentale. Mais l'aspect psychosocial... Donc, comme on ne peut pas travailler, en aucune façon, on est médicalisé. On a des infirmiers, des infirmières, des préposés, des aides. Mais on n'est pas en mesure de traiter tout l'aspect psychosocial. Donc, on a des cas critiques. C'est à ce moment-là qu'on se réfère aux psychiatres, quand ils sont en mesure de les recevoir, parce que le vieillissement est une fin de ligne. Alors, souvent c'est une fin de non-recevoir. On n'a même pas de place pour la consultation.

M. Clair: En ce qui concerne l'hébergement, M. le député, vous savez sans doute que les centres d'accueil et d'hébergement ont déjà beaucoup de difficulté à recruter, à intéresser des omnipraticiens quant à la problématique de santé générale des bénéficiaires hébergés en centre d'accueil et d'hébergement. Devinez ce

qu'il en est quand il s'agit de problème psychiatrique Important À ce moment-là, c'est évident. Je pense que si les psychiatres vous ont représenté que les cas qu'on pouvait leur référer, notamment en ce qui concerne ce réseau-là, étaient des cas trop légers et qu'on les achalait pour rien, je pense que... On ne voit pas de chiffres qui seraient susceptibles de supporter une telle théorie en ce qui concerne cette famille de nos centres d'accueil, en tout cas.

M. Chevrette: C'est pour cela que j'ai souri quand votre porte-parole, au début, a dit que l'association, ou l'ACAQ, était prête à collaborer dans la recherche de professionnels, tels que des psychiatres, pour établir des plans régionaux, à moins que je n'aie mal interprété, quand on sait que les centres hospitaliers en régions ne sont même pas capables d'en avoir, dans la conjoncture actuelle et dans plusieurs endroits, à cause de toutes sortes de directives, de normes, de réglementations et de législations. On n'est même pas capable d'aller en chercher, par exemple, dans des pays francophones, si ce n'est qu'on doit les assujettir à toute la procédure, que Je dirais annuelle, et à tout te processus d'acceptation par les corporations ici. Il y a quelques moyens de s'en sortir, mais on n'est même pas capable d'en avoir, par exemple, dans la région de l'Abitibi. Il y en a un et trois quarts, pour votre information, à Joliette, avec une aile psychiatrique dans un centre hospitalier qui a une vocation psychiatrique générale, malades aigus et malades chroniques, soins de longue durée et de courte durée et psychiatriques. On a un psychiatre et trois quarts pour toute une population, à quelques milles de Montréal. Comment pensez-vous...

M, Charest: Mais, je ne pense pas...

M. Chevrette: ...logiquement qu'on puisse en avoir dans l'ensemble du Québec, dans chacune des régions du Québec? Parce que je partage votre désir de voir l'ensemble des populations du Québec, que ce soit dans des régions périphériques ou dites éloignées, par rapport aux centres urbains, qui ont le droit d'avoir les mêmes services de qualité. Comment, de façon réaliste, peut-on penser à en arriver à court terme à des services de qualité?

M. Charest: II y a peut-être un problème de volume de ressources psychiatriques et pédopsychiatriques. Il y a peut-être un problème de volonté de ce réseau-là, ou de ces partenaires-là, à travailler avec certains autres partenaires et auprès de certaines clientèles, mais je pense que ce n'est pas seulement en termes de ressources psychiatriques à ajouter, mais c'est aussi en termes de ressources psychosociales à développer, à ajouter. Je pense également, dans un meilleur mariage, dans une pluridisciplinarité des gens, qu'il y a une économie de coûts à faire, dont les clients et la population ne pourraient que mieux bénéficier.

M. Girard: II y a aussi le fait qu'il faudrait avoir la capacité de former nos Intervenants, parce qu'il y a tout l'aspect psychosocial. On n'a même pas les ressources pour être capables de former notre personnel, ou l'encadrer pour lui donner cet aspect psychosocial. On est toujours forcés, par nos Intervenants, à aller vers la médicalisation, parce que c'est la formation de base de la plupart de nos Intervenants.

M. Charest: Voici ce que j'ajouterais. Tantôt, on parlait de l'approche trop médicale et j'étais de cet avis. Je pense que l'approche est peut-être trop médicale. Mais je pense aussi qu'il y a une histoire à tout cela. On peut le voir du côté médical, mais je pense que dans ta population en général, la santé mentale, tout en n'étant pas clairement définie, égale un peu le monde médical. Je pense que la santé mentale déborde également l'expertise médicale. Il y a également différentes expertises sur le plan psychosocial qui peuvent compléter plus qu'adéquatement ce qui peut se faire sur le plan médical.

M. Chevrette: À titre de conclusion, M. le Président, je voudrais dire au moins que je respecte beaucoup la réserve du balancier. Effectivement, qu'on le veuille ou pas, on risque toujours quand on aborde une nouvelle politique d'aller dans les excès extrêmes et contraires, alors que le balancier vous permet, en tout cas, si on est assez raisonnable, je pense que l'argent de toute façon va nous rendre assez raisonnable pour ne pas aller d'un extrême à un autre... parce que les avoirs des citoyens ne nous permettent pas d'avoir un système qui soit chambardé de A à Z. Je pense qu'on sera obligé de suivre des étapes qu'on le veuille ou pas dans l'application d'une politique. Je retiens que c'était très important d'avoir un juste milieu dans cela, parce qu'on risquerait de sombrer dans un extrême contraire puis, à moyen et long terme, on se remordrait les pouces dans quinze ou vingt ans. Sur ce côté-là, je trouve que c'est un avertissement sage. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier l'Association des centres d'accueil du Québec pour la qualité de son mémoire, son offre de collaboration et l'intérêt réel qu'elle démontre à vouloir contribuer et participer à cette amélioration de nos services en santé mentale. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Avant de suspendre les travaux, je voudrais simplement amener la modification à l'horaire pour ce soir. La commission siégera de 19 heures à 22 heures

plutôt que de 20 heures à 23 heures, à la suite d'une entente intervenue entre toutes les parties prenantes à cette décision. Alors la commission suspend ses travaux Jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, je demande le silence.

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Nous appelons à la table des témoins le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec qui sera représenté par M. Michel Blanchard, président; Mme Claudine Laurin, vice-présidente et M. Jean Denis, secrétaire. Il y a des changements dans la représentation, est-ce que vous pourriez, madame, nous présenter vos collaborateurs? Par la suite, la règle de procédure est la suivante: vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire te plus succinctement possible pour couvrir tous les points et il y a 40 minutes d'échange avec les gens de la commission. La parole est à vous. Si vous voulez vous Identifier et identifier vos collaborateurs aussi. Merci.

Mme Blanchard (Michelle): Oui. J'ai su qu'on m'avait appelée M. Blanchard. Mors, je regrette, Je suis Mme Blanchard. Je voudrais présenter mes collègues, Jean Denis et Mme Claudine Laurin, qui vont participer à notre présentation.

La façon dont on voulait vous parler aujourd'hui, c'était peut-être de vous lire un peu le résumé dont j'espère vous avez copie et, ensuite, d'Improviser chacun sur quelques recommandations. Je souhaite que cela ne dépassera pas 20 minutes.

Le Président (M. Bélanger): Allez-y, je vous en prie.

Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec inc.

Mme Blanchard: D'abord, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités. Le regroupement est très fier de pouvoir parler au nom de 40 groupes alternatifs communautaires au Québec. Le regroupement a travaillé très fort pour pouvoir vous présenter aujourd'hui des points importants. La permanence a pu rapidement faire une tournée au Québec et rencontrer les tables régionales qui ont soumis leurs idées qu'on va essayer de vous transmettre le mieux possible aujourd'hui. Nous avons aussi eu une assemblée générale spéciale qui nous a permis de préciser certains points.

Pour les personnes qui connaissent moins les ressources alternatives au Québec, j'aimerais d'abord dire quelques mots. Le Regroupement provincial des ressources alternatives en santé mentale du Québec est une fédération provinciale de 40 groupes membres. Les alternatives ont pour objectif de favoriser l'entraide, de contrer l'isolement et de favoriser la réinsertion sociale. Leur conseil d'administration veut la participation des usagers pour la plupart. Leurs champs d'Intervention sont multiples, de l'entraide à l'hébergement aux activités thérapeutiques, support et maintien dans la communauté, accès au marché du travail, promotion et défense des droits, loisirs, intervention de crise, écoute téléphonique et face à face, information et référence. La très grande majorité de nos 40 groupes membres font au moins six de ces services qu'on appelle à la clientèle.

Je voudrais commencer en disant que la table de regroupement provincial a beaucoup apprécié la lecture du travail du comité. Nous aimerions, par contre, vous apporter des Impressions très précises. D'abord, le regroupement est très favorable sur deux points. Le fait de placer la personne au centre du système même et la mise en application du principe d'équité constituent une base adéquate pour le développement d'une gamme de services psychosociaux, y Incluant les ressources alternatives. Cette ouverture au communautaire nous apparaît toutefois teintée d'un esprit qu'on a nommé comptable et non d'une logique communautaire comme nous l'entendons.

Notre analyse de la politique démontre que des besoins fondamentaux, tels que la réinsertion sociale et la nécessité d'un hébergement convenable, n'ont pas fait l'objet de recommandations adéquates. On va vous en parler un peu plus tard. Ce sont deux de nos recommandations importantes sur le plan travail et hébergement

Ce manque d'articulation avec l'ensemble des conditions socio-économiques est une des faiblesses majeures du projet, nous croyons. Aussi, la qualité de vie en milieu institutionnel a été elle aussi peu développée. Cela est particulièrement surprenant, compte tenu que le mandat premier du comité de la politique avait trait aux personnes atteintes de sévères troubles mentaux. Quant à la notion de partenariat avancée par la politique, nous affirmons notre volonté de collaboration avec le réseau. L'expérience passée révèle toutefois qu'il y a une énorme résistance au changement de la part des établissements. Nous sommes pour un nouvel acteur et cela leur pose des problèmes. La politique affirme l'importance de reconnaître la famille comme acteur. Nous reconnaissons aussi l'importance de la famille, mais cela doit tenir compte des besoins de la première personne concernée, c'est-à-dire celle aux prises avec tes troubles émotionnels.

Comme la personne est mise au centre du système, il y a une emphase sur le développe-

ment des ressources dans le milieu. Cependant, nous estimons que le projet n'a pas saisi notre spécificité et l'approche globale qui en découle à un point tel qu'il en arrive à définir notre identité à notre place. D'alternative, nous sommes devenus communautaires et ce manque de respect démontre une faible connaissance de notre réalité. Elle s'est traduite aussi par la recommandation sur la part d'autofinancement exigé. Cette formule ne garantit en rien une Implication dans le milieu et on aimerait préciser un peu plus tard là-dessus.

Nous espérons que cette politique sera un point de départ dans la concrétisation de la volonté gouvernementale, maintes fois exprimée ces dernières années, de maintenir la personne dans son milieu de vie naturel tout en améliorant sa qualité de vie.

On aimerait vous parler de nos recommandations. Un des points tes plus importants pour nous, c'est la recommandation 15 portant sur la reconnaissance juridique des ressources dites de services. J'aimerais pouvoir dire quelques mots sur la notion de services. Elle nous Inquiète énormément. Nous aimerions que cette forme de législation puisse avoir un cadre large afin que les ressources puissent naître et se développer. On aimerait que la notion de services inclue l'ensemble des groupes et que ce ne soit pas séparé. Un exemple de cela, c'est qu'une ressource communautaire ne peut pas travailler et dire qu'elle ne fait que du service à l'hébergement, par exemple. Si on travaille à accompagner quelqu'un à l'aide sociale, à l'hôpital pour l'aider dans une démarche, ou dans une recherche de logement, on fait de la défense des droits à tous les niveaux. On ne peut pas sélectionner chacun d'entre eux. Donc, pour nous, cet aspect est bien important, d'être reconnus Juridiquement, mais dans cet esprit.

En plus, on pense qu'on pourrait faire partie d'une reconnaissance juridique, s'il y a un respect de la composition de nos conseils d'administration, parce que ce sont eux qui nous permettent de maintenir la philosophie de base des ressources, c'est-à-dire que nos conseils d'administration représentent les gens concernés d'abord et, ensuite, les gens du milieu qui font partie de la vie qui entoure les ressources.

Donc, ce qu'on demande, c'est que s'il y a possibilité d'être reconnus juridiquement, qu'on le soit dans notre différence. On ne peut pas embarquer dans une approche standardisée. Donc, nous souscrivons sans réserve à l'affirmation du comité qui, sans en faire une règle absolue puisque les conditions locales sont beaucoup trop variées, une ressource communautaire en mesure de dispenser un service dans sa communauté devrait avoir priorité sur toute autre forme de structure, comme par exemple celle des structures intermédiaires.

Je vais laisser la parole à Claudine pour qu'elle vous parie de notre proposition quant au budget

Mme Laurin (Claudine): En termes de financement, nous demandons un budget protégé pour les ressources alternatives. Ce budget-là, il s'agit, bien sûr, d'en assurer le développement et la consolidation en fonction des caractéristiques spécifiques des régions du Québec. Les ressources devraient être financées à même le budget de la santé mentale du ministère, étant donné qu'elles oeuvrent directement dans le champ via le mécanisme établi régionalement. Au niveau des 10 % disons qui ont été recommandés dans le rapport, on rejette la formule de contribution -fixée a 10 %, ce qut amenait la contribution à 10 %. On nous disait que c'était pour favoriser justement et maintenir notre garantie de communautaire. On trouve dangereux la comptabilisation en termes financiers. Cela n'a Jamais fait partie des pratiques des ressources de comptabiliser le bénévolat; cela peut changer effectivement beaucoup les pratiques et ensuite, on pense que la garantie du communautaire ne passera pas par une réserve de 10 %. Les hôpitaux ont tous des organismes bénévoles. Ils ont des organisations de bénévoles et Ils ne sont pas pour autant communautaires. On est plutôt prêt à l'évaluation de notre implication dans la communauté par des méthodes qui mettent de l'avant des critères qualitatifs respectueux dans notre approche de façon périodique en fonction des objectifs de la pertinence des programmes. On serait prêt à fournir des rapports sur notre enracinement du milieu, ce qui garantirait beaucoup plus pour nous quant à cela.

Quant à la recommandation de doubler le budget blobal des ressources alternatives, nous estimons que cela ne doit être qu'un premier pas dans le développement des ressources alternatives. Présentement, on a 4 000 000 $. Même présentement, pour maintenir et développer ce qu'on a, cela nous prendrait 11 000 000 $. Alors d'Ici cinq ans. ce qu'on estime Intégrer aux divers plans d'organisations régionaux de services, le budget global devrait atteindre les 50 000 000 $.

Il nous apparaît important pour le financement également parce qu'on recommande qu'il soit financé aux deux ans, que pour une ressource qui s'Implante, que ce soit un financement de trois ans et après, qu'il passe à deux ans; mais pour l'Implantation de la ressource, que le financement soit maintenu sur trois ans.

Je passe la parole à Jean pour les droits de la personne.

M. Denis (Jean): Les droits de la personne, c'est un enjeu fondamental. On croit à l'avenir et à la santé mentale en général. Ce qu'on voudrait souligner, c'est qu'il y a vraiment une préoccupation dans le rapport du comité Hamois. C'est mentionné. Il y a une reconnaissance de fait que les droits doivent être respectés, qu'il y a des enjeux et qu'il y a beaucoup de choses à améliorer. Cependant, de la façon que cela doit s'articuler dans la réalité au jour le jour, on

n'est pas d'accord avec la proposition à l'Idée de créer un poste d'-ombudsperson".

Nous, ce qu'on recommande plutôt, c'est que chaque région administrative du Québec, sur la base géographique des territoires des conseils régionaux, tout en respectant les spécificités locales, doit avoir un système d'*advocacy", selon le modèle américain, c'est-à-dire qu'un organisme sans but lucratif sans lien avec les services de santé et des services sociaux, opère un système de protection et de défense des droits des personnes qui séjournent en service psychiatrique. Ce qui est important aussi, il s'agit d'élargir la notion de la défense des droits, non seulement l'appliquer aux gens qui séjournent en service psychiatrique, mais aussi à ceux qu'on appelle tes adultes vulnérables. Cela peut être des personnes âgées, des déficients mentaux, ceux qui ont un handicap intellectuel et aussi les gens qui sont atteints de la maladie d'Alzhelmer. La population du Québec vieillit et je pense que ce sont des questions qu'il va falloir se poser très bientôt.

Ce système d'"advocacy", ce sont des organismes sans but lucratif qui vont le gérer. Le conseil d'administration de ces organismes devra être composé d'une majorité de personnes qui sont ou qui ont été des résidents d'institution psychiatrique. Cet organisme aura un pouvoir d'enquête et accès aux dossiers médicaux. Je pense qu'il est important qu'il y ait aussi une intervention rapide et efficace. Souvent, les choses traînent en longueur. Si on prend l'exemple d'une cure fermée, les gens sont mis en cure fermée parce qu'ils sont jugés dangereux pour eux-mêmes ou pour tes autres. Souvent, le processus de recours peut prendre trois semaines avant que la Commission des affaires sociales vienne sur place. On croit que c'est beaucoup trop long. C'est quand même une privation de la liberté. On pense que ces organismes pourraient être plus efficaces et plus rapides.

La deuxième chose importante, quand on parle de défense des droits, c'est ce qu'on appelle souvent les groupes de vigilance. On croit qu'eux aussi ont une place, en termes d'Information, de sensibilisation et de défense des droits. Dans le concret, les groupes de défense des droits qui font partie du regroupement ne sont pas financés directement par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ils sont financés actuellement par l'OPHQ qui donne de maigres sommes. C'est vraiment une question de survie. Il n'y a pas vraiment de budget pour faire de la recherche. C'est vraiment de la survie. On voudrait que les ressources de vigilance sur le plan des droits soient reconnues aussi parce qu'elles donnent des services. Il y a différents groupes, il y a différentes ressources qui donnent des services d'hébergement, de soutien et de réinsertion au travail. On pense que l'information sur les droits constitue aussi un service. Il devrait être financé selon la même formule que les autres ressources alternatives qui donnent d'autres services. Je vais redonner la parole à Claudine. , .

Mme Laurin: En ce qui concerne la participation et la planification des structures, vu qu'on parle du financement via des mécanismes régionaux, on pense qu'il serait avantageux de démocratiser les compositions des commissions administratives de santé mentale des CRSSS. Afin que les régions puissent faire leur propre dynamique, on propose qu'un tiers des postes soit alloué aux ressources alternatives et communautaires en santé mentale, un tiers des postes à la communauté et le dernier tiers serait réservé aux établissements. Quand on parle du tiers des postes alloué aux ressources alternatives et communautaires, cela inclut les ressources alternatives oeuvrant directement dans le champ de la santé mentale et les ressources communautaires qui touchent au domaine de la santé mentale telles que les maisons de femmes, les maisons de jeunes. Cela représenterait... et ils seraient dans le groupe du tiers et pourraient aller chercher des fonds pour leur partie de programmes qui touche le champ de la santé mentale. Ce serait une structure beaucoup plus démocratique qui, à partir de là, si tes CRSSS démocratisaient les structures, on recommanderait de donner comme mandat, en plus de la planification aux CRSSS, celui de planifier un plan de désinstitutionnalisation à partir justement de ces commissions administratives. Nous appuyons vivement la recommandation 19 quf réfère à la gamme de tout l'ensemble des services dans les régions du Québec, d'autant plus que si les CRSSS sont démocratisés, cela va aller beaucoup plus facilement de planifier justement un ensemble de gammes en respectant les disparités régionales et les spécificités de chacune des régions.

Mme Blanchard: J'aimerais vous parler de deux paliers, le travail et l'hébergement maintenant, dans nos recommandations. On déplorait que le comité n'ait pas pu aller plus loin en termes de projets concrets et d'actions. On dirait qu'en psychiatrie, on travaille un peu à l'envers. Quand les gens me parlent de ressource, à Verdun - ils auraient pu venir parler à notre député, M. Polak qui est ici - ils me disent: Vous savez, si j'avais pu rencontrer aussi Mme la ministre, je lui aurais dit: Donnez-nous du travail et cela va coûter moins cher aux hôpitaux psychiatriques. On dirait qu'on comprend mal parfois les besoins. C'est souvent le travail qui est le dernier moyen auquel on pense pour avoir des résultats tangibles de réinsertion dans la communauté. Les ressources alternatives demandent qu'il y ait vraiment une action concrète à ce sujet et que d'autres genres de programmes soient développés. Il y a des ressources qui ont essayé dans le passé de développer des petits milieux qui pourraient réinsérer les gens dans le travail, donc les éloigner et leur permettre de revivre une certaine dignité. Mais ces projets

sont souvent à court terme, et sont souvent limités aux ressources des localités et ne vont pas plus loin. Il devrait y avoir une étendue de ces expériences d'une façon beaucoup plus générale.

La réforme de l'aide sociale qui s'en vient nous fait peur aussi. On a l'impression que plus on avance, plus il y a des limites et des barrières et on n'a pas réussi à être assez créatif pour trouver des milieux de travail. Je crois sincèrement que c'est un des moyens où on va pouvoir faire une désinstitutionnallsation qui va avoir de l'allure. Malheureusement, on déplore cet aspect qu'il n'y a rien eu de concret de fait

Sur le plan de l'hébergement, vous savez qu'un tiers de nos ressources au Québec sont des ressources d'hébergement. On aimerait qu'il y ait une politique concrète de développement du maintien dans te milieu dit naturel en développant d'autres types de ressources d'hébergement. Nous voudrions aussi que le ministère puisse permettre un élargissement de l'article 158. Souvent, les ressources alternatives qui offrent de l'hébergement ne sont pas incluses dans cet article et sont souvent considérées comme des ressources clandestines. Nous aimerions qu'on regarde cela.

L'exemple aussi de la difficulté de développer des ressources d'hébergement, c'est celui du centre de crise qu'on a essayé de mettre sur pied dans le West-Island. Il faut absolument qu'il y ait une concertation dans les municipalités avec les CRSSS pour faire un genre de travail de quartier et que les municipalités appuient des ressources comme les nôtres qu'on essaie d'implanter. Dans notre région sud-ouest, II n'y a qu'une maison de transition, et cela va jusqu'à la frontière de l'Ontario, pour ce qui est de la région de Montréal. C'est un exemple, et cela fait des années que cela dure.

On dit oui à l'hébergement, mais on ne dit pas quel type d'hébergement autre que des familles d'accueil. Je pense que les ressources alternatives aimeraient être le plus possible parmi les cadres parce qu'une expertise a été créée au Québec dans nos ressources d'hébergement

On propose différents types de places d'hébergement, des HLM où les personnes qui ont été en psychiatrie pourront demeurer et qu'on puisse favoriser la mise sur pied de coopératives d'habitation et d'autres types de ressources. En ce qui a trait à Travailler sur le social", thème qui a été choisi par le comité, on aimerait vous parler d'organisation communautaire. Dans la demande de budget...

Le Président (M. Bélanger): II vous reste une minute, si vous voulez conclure.

Mme Blanchard: Moi, J'achève, en tout cas; on a chacun nos parties. L'organisation communautaire est importante pour nous sur ie pian des budgets. Dans les 50 000 000 $, on comprend une consolidation de nos ressources actuelles, mais on comprend aussi des organisations communautaires comme étant des agents de quartier qui peuvent être dans le milieu où il n'existe rien, ou dans des quartiers où il existe des possibilités de ressources. Un petit commentaire sur la psychiatrie - il faut absolument que Je le dise - on est d'accord avec le comité qu'il faut limiter le nombre de psychiatres au Québec et qu'on arrête de courir après eux. On me dit de conclure, Je m'excuse.

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement..

M. Chevrette: Les quatre minutes du député de Gouin qui n'y est pas.

Mme Blanchard: D'accord, Juste deux lignes. En ce qui a trait à l'opératlonnalisation de la politique, contrairement à d'autres, on a oui dire dans les corridors que les gens vous demandent beaucoup de leur donner des directives ministérielles. Au contraire, nous croyons qu'une telle démarche Inciterait peut-être une complémentarité de services et non une complémentarité des besoins.

Donc, on est un peu contre ce type d'aboutissement pour pouvoir adhérer à l'idée du comité d'un réel partenariat et d'une collaboration. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Avec plaisir. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale. Je suis très heureuse que vous ayez accepté de participer à cette consultation. Je pense que vous êtes un peu l'autre côté de la médaille, dans le sens que vous voyez tout ce problème de santé mentale non pas en contradiction avec la perception plus traditionnelle, mais comme situant le problème un peu de façon différente.

Je pense également que dans tous les points que vous avez abordés, il y a des points de vue pertinents que vous faites valoir et Je reviendrai sur cetains d'entre eux.

Ma première question a trait à (a page 2 de votre mémoire où vous signalez qu'on a passé sous silence dans le rapport Harnois les enjeux principaux ou les plus Importants, "II nous a fallu déchanter car nous avons eu droit à une politique de consensus où les véritables enjeux sont passés sous silence." J'aimerais que vous développiez ce que vous appelez les véritables enjeux".

Mme Laurin: Quand on parie des véritables enjeux, c'est peut-être un peu ce qu'on présente justement. Le travail était un véritable... Pour nous, en tout cas, si on veut vraiment faire d'une politique de santé mentale un objet de

réinsertion sociale, les vrais enjeux étaient: la réinsertion au travail. Tantôt on a été obligés de couper court et résumer mais on parlait aussi... On a sorti le plan de services individualisés, mais on n'a pas parié du problème de la sectorisation. Personne n'en a parié et ça demeure quand même un grand problème en psychiatrie. Les gens sont forcés d'aller dans un hôpital donné et, en plus, ils auront un programme donné - comme disait la Maison Saint-Jacques un peu - une liste d'épicerie donnée obligatoire. À ce moment-là, ça encarcane beaucoup les gens. On n'a pas parlé de ces vrais enjeux. La résistance au changement n'a pas été beaucoup abordée non plus.

Mme Blanchard: J'aimerais peut-être ajouter, si possible, l'aspect de ta vie des personnes dans l'institution actuellement qui a manqué aussi. On aurait aimé que pour parler d'une désinstitutionnalisation, on parle de la qualité de vie dans le milieu institutionnel actuellement. C'est aussi une partie des enjeux qui a été négligée, à notre avis.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je dois comprendre que votre approche est assez voisine de celle de la Maison Saint-Jacques? Quand on parle de ressources alternatives, on doit comprendre véritablement une approche alternative totalement différente de celle que je qualifierai de plus traditionnelle dans notre système de santé ou est-ce davantage? Je ne crois pas que ce soit ça puisque vous nous reprochez ou reprochez au rapport Harnois de vous avoir fait glisser d'une ressource alternative à une ressource communautaire. (15h30)

Votre regroupement est formé de ressources qui vraiment voient votre approche comme une alternative au traitement, diagnostic, suivi habituel dans les cas de santé mentale.

Mme Blanchard: Oui. Ce que je comprends, c'est que vous nous demandez un peu d'expliquer ce qu'on entend par là, la critique. Pour nous, c'est important de préciser que ce ne sont pas toutes les ressources communautaires qui sont des ressources alternatives, alors que les ressources alternatives, elles, sont bel et bien communautaires dans le milieu. Oui, comme la Maison Saint-Jacques, on offre une alternative. On espère, avec un peu de créativité, autre chose que ce qui a été fait.

Par contre, je trouve important de ramener cela à la personne. Les ressources alternatives sont des ressources tellement proches du milileu, le plus possible de ce que chaque personne cherche. Donc, c'est de répondre à ce que la personne demande. SI elle demande une collaboration, une démarche vers un CLSC, si elle demande une démarche vers le centre hospitalier de la région, c'est vers ces milieux que nous allons l'accompagner dans le respect de sa démarche.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous autres, comme ressource alternative, qu'est-ce que vous offrez comme "traitement", entre guillemets ou comme approche de réinsertion sociale comparativement à la Maison Saint-Jacques, par exemple?

Mme Laurin: C'est que le regroupement comporte 40 ressources...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Laurin: ...dont la Maison Saint-Jacques fait partie.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Laurin: On a des ressources qui vont travailler l'art. Il y a un centre d'apprentissage parallèle à Montréal qui fait de la réinsertion et dont l'approche thérapeutique concerne l'art. Les gens produisent des choses, ils vendent des choses aussi. Ce sont différentes approches. Il y en a d'autres qui se sont plutôt axés vers la réinsertion de travail qu'ils ont développée, comme des plateaux de travail, qui ont développé des centres d'Informatique. Ce sont différentes approches selon les 40 personnes, c'est ce qui fait ta richesse des ressources alternatives. On ne peut pas dire que quelqu'un a la même approche qu'un autre.

Ce qu'on a comme tronc commun, c'est qu'on est ouvert directement sur la communauté. Quelqu'un peut venir sans référence. Là-dedans, II y en a le tiers qui offre comme tronc commun l'hébergement en plus d'offrir un programme thérapeutique.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Et ces personnes peuvent à la fois recevoir des services d'une ressource alternative et être également en relation avec une ressource du réseau. Est-ce que je me trompe?

Mme Laurin: Non, vous ne vous trompez pas. C'est exact. Cela dépend du choix de la personne.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Laurin: Si la personne, dans son plan, désire continuer le traitement avec le psychiatre ou avec le psychologue, elle peut faire son cheminement parallèle. Mais parallèle, dans le fond, on la soutient, on la maintient et on l'accompagne aussi.

Mme Blanchard: II y a aussi un effort énorme qui est assez commun des 40 ressources. C'est d'assurer qu'il y ait une participation active des personnes qui adhèrent à chaque organisme dans leur conseil d'administration et aux différents lieux décisionnels dans les res-

sources.

Mme Lavoie-Roux: À la page 25, j'aimerais également que vous m'expliquiez davantage la différence que vous faites entre la notion d'agencement et la notion de complémentarité.

Mme Laurin: La notion de complémentarité - je ne veux pas faire de cours de syntaxe ni de linguistique - on parie du fait que le complément a toujours un verbe en avant, donc un leader. Si le verbe est pour être le client ou l'usager ou le bénéficiaire, on est d'accord pour être complémentaire avec le client; mais nous ne sommes pas d'accord pour être complémentaires avec un établissement. Nous sommes là pour le client d'abord. Quand on parie d'agencement, c'est là la différence pour nous. On collabore avec la personne qui vient chez nous, on l'aide à prendre du mieux, mais on n'a pas à collaborer avec une institution. J'ai à collaborer avec la personne et si elle a besoin de l'institution, j'établirai pour cette personne quelque chose. C'est que le complément entraîne, comme je le disais tantôt, qu'il y ait un leaden alors si le leader est le client, on est bien d'accord.

Mme Lavoie-Roux: Mais quand il s'agit d'interaction avec d'autres sources du milieu, vous pariez davantage d'agencement que de complémentarité entre l'hôpital et votre source alternative.

Mme Laurin: C'est cela, oui.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie pour le moment. Je reviendrai peut-être. Je sais que quelques-uns de mes collègues veulent poser des questions, ]e vais donc laisser la...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je vais aller directement aux questions. Vous heurtez-vous très souvent à la supermédicalisation de la santé mentale?

Mme Blanchard: Très souvent.

M. Chevrette: Pourriez-vous me donner des exemples concrets que vous avez vécus?

Mme Blanchard: La réalité des ressources alternatives est que tes trois quarts de la clientèle qui viennent dans les ressources sont des personnes qui ont été à l'hôpital, qui y retournent souvent et qui vont y retourner souvent Ce sont des personnes pour la plupart qui prennent des médicaments et qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. C'est la caractéristique de la clientèle, chez nous, de la plupart des ressources. Donc, II y a tellement peu d'options dans les milieux puisqu'ils sont sans travail. Les ressources alternatives se trouvent à travailler d'une façon étroite avec les cliniciens et les personnes qui sont aussi dans la vie des gens qui viennent dans nos ressources. Il ne faut pas se leurrer, les gens viennent dans les organismes communautaires avec un thérapeute quelque part qu'il doit voir d'une façon régulière et avec une urgence psychiatrique qui va l'admettre régulièrement aussi dans sa vie. Les heurts sont au niveau, par exemple, d'une demande d'hospitalisation à l'urgence refusée et retournée aux portes des maisons d'hébergement sans avis, c'est souvent qu'une personne est réhospitalisée. Il n'y a aucun contact avec la famille et souvent avec la ressource alternative qui remplace la famille dans le quotidien. Il n'y a plus de contact, il n'y a plus d'échange au moment où la personne est rentrée dans l'hôpital, à moins qu'elle soit souvent provoquée ou demandée de la part de la ressource dans le quartier. C'est le genre de heurt qu'on a; c'est le genre de manque de continuité. Quand quelqu'un est coupé de son aide sociale parce qu'il a été hospitalisé, il y a une autre mise en place de besoins, d'appuis et de support qui n'a pas été continuée lors de l'hospitalisation auprès de la ressource avec laquelle la communauté est aux prises... Les gens ont recommencé leur roulis. C'est le genre de heurt qu'on a. C'est aussi une difficulté à échanger sur le concept à savoir comment on veut aider les personnes. C'est souvent dans la médication, c'est souvent une petite hospitalisation à court terme, beaucoup de médicaments et c'est tout. Le reste: "Occupe-toi dans te quartier. Voici t'adresse de la ressource communautaire dans le quartier." Il n'y a pas assez d'échanges, malheureusement. C'est le genre de heurt que je peux vous donner comme exemple.

M. Chevrette: Avec quelle structure du réseau vous avez le plus d'échanges?

Mme Laurin: Le plus?

M. Chevrette: D'échanges.

Mme Blanchard: Cela dépend des disparités. Là on parie au nom du regroupement provincial. Il y a des disparités régionales, il y a des...

M. Chevrette: Prenez une ressource spécifique, la Maison Saint-Jacques, par exemple, est-ce plus avec le CLSC ou avec le CSS?

Mme Laurin: Je parierais d'une ressource que je ne connais pas. Par exemple, la Maison Sésame, je dirais que c'est avec les CLSC, ce n'est pas avec les hôpitaux. Il y a d'autres régions où les CLSC sont en Implantation, et cela ne marchait pas, il n'y avait pas de plan en santé mentale et c'était plutôt avec les hôpitaux.

Disons que cela dépend des disparités régionales. Cela aussi fait partie d'une difficulté, on ne peut pas...

M. Chevrette: Comment voyez-vous votre rôle concret, à la minute qu'on va vouloir vous embarquer dans des équipes multidisciplinaires?

Mme Blanchard: Est-ce que vous voulez nous embarquer dans des équipes multidisciplinaires? Laissez-moi le temps d'y penser,

M. Chevrette: C'est-à-dire que ce n'est pas moi qui veux vous embarquer. On parle de former des équipes multidisciplinaires. J'ai dit "embarquer", c'est parce que si j'ai utilisé le terme "embarquer", c'est précisément parce que vous nous avez dit que vous ne vouliez pas embarquer dans rien de standard, alors que si on bâtit une politique, je suppose qu'il va y avoir quelque chose, au moins un cadre national minimal. J'ai essayé de jouer votre langage, je me suis aperçu que cela a pris.

Quel est votre rôle dans une équipe multidisciplinaire? Est-ce que vous vous voyez un rôle, bien sûr, selon les secteurs? Je comprends cela. Mais prenons toujours l'exemple de vous, madame, quel rôle pourriez-vous jouer dans une équipe multidisciplinaire?

Mme Laurin: Présentement, on travaille déjà en multidisciplinarité. Comme je le disais tantôt à Mme la ministre, quand elle disait "pourquoi ne voulez-vous pas être complémentaire et que vous voulez plutôt être l'agencement?*, comme on est complémentaire à notre clientèle, je suis forcément obligée de travailler en multidisclplinarité; une ressource peut difficilement survivre toute seule. On n'a pas le choix, on manque de moyens. Je ne le vois pas de beaucoup différent pour nous. Je ne pense pas que l'implication soit là. Ce que je trouve de regrettable, c'est qu'on pense encore, en termes de multidisciplinarité, d'une façon linéaire, c'est-à-dire que les professions vont apprendre à travailler entre elles.

Ce qu'on souhaiterait, c'est que si on veut parler de vraie multidisciplinarité, qu'on parte du client On travaille à partir des besoins de la clientèle. C'est d'ailleurs pour cela qu'on a un peu de misère à se situer dans le système. C'est qu'on n'a pas de multidisciplinarité par obligation pour aider les différents types de travail à oeuvrer ensemble. C'est le client qui fait, en quelque sorte, son plan de services et il nous montre avec qui il veut travailler. On travaille avec ces gens-là.

M. Chevrette: II se crée une ressource alternative dans une région. Vous nous dites: On ne veut pas être chiffré pour l'établissement de nos budgets. On veut qu'on tienne compte des réalités, à toutes fins utiles. Vous voulez que cela vienne par les CRSSS, si j'ai bien lu votre mémoire; vous voulez que l'argent vous vienne des CRSSS directement par le biais du ministère et non pas à partir d'une somme inventée, fixe qui viendrait des établissements, par exemple, etc.

Est-ce que vous considérez que chaque ressource alternative doit plaider son propre budget, à toutes fins utiles, si vous soutenez cela de cette façon-là? Est-ce que vous confieriez, à ce moment-là, aux CRSSS le soin d'arbitrer la distribution des sommes d'argent aux ressources alternatives d'une région? Est-ce que c'est cela que vous voulez ou si ce n'est pas cela? Si ce n'est pas cela, dites-moi donc ce que vous voulez exactement.

Mme Laurin: C'est-à-dire que c'est cela, si vous respectez notre première recommandation qui est de démocratiser les CRSSS et...

M. Chevrette: Ah oui, cela...

Mme Laurin: ...d'ouvrir la participation aux tiers, tiers, tiers, à ce moment-là, on est bien d'accord à embarquer là-dedans.

M. Chevrette: J'ai bien compris cela, madame, tiers, tiers, tiers, mais il reste que si vous dites que l'argent va au CRSSS, c'est un arbitrage régional. C'est cela que je veux comprendre. Vous soumettriez les budgets des ressources alternatives à l'arbitrage des CRSSS.

Mme Laurin: Non. On demande un budget protégé au niveau du ministère qui vient de la Direction des services de santé...

M. Chevrette: Oui, mais qui passe par les CRSSS pour être distribué aux ressources alternatives. Est-ce que ce n'est pas cela que vous avez écrit?

Mme Laurin: C'est ce que nous avons dit, oui, en fonction de notre... Mais il ne faut quand même pas la couper de notre première recommandation. Il est bien évident que si les CRSSS continuent à fonctionner et ne sont pas démocratisés, nous, à ce moment-là, on refait la recommandation, on ne la laisse pas comme cela. Cela a l'air ensuite logique de démocratiser les CRSSS parce qu'on trouvait que c'était, d'abord, plus démocratique et plus fonctionnel, parce que cela respecte justement les disparités régionales, c'est-à-dire que chaque sous-région pourrait, selon sa dynamique parce qu'une ressource alternative, ce n'est pas quelque chose qu'on parachute, c'est une richesse du milieu et cela se crée... cela respecterait justement la dynamique de chacun des milieux, mais il faut qu'elle soit collée sur l'autre.

M. Chevrette: Mais avec ta distinction que vous faites du communautaire et de ta marge d'interprétation qui est difficile à faire, une ressource communautaire, une ressource alterna-

tive, on sait très bien qu'il y a beaucoup de monde qui va tes mêler et pour longtemps à part cela. À partir du fait que vous- faites face à cette situation-là, ne craignez-vous pas qu'au niveau des CRSSS, même dans les milieux où il n'y a pas ou peu de ressources alternatives, ou très peu, dans certains endroits, c'est Inexistant? Sur quelle base de départ on va oeuvrer dans les régions où c'est Inexistant?

Mme Blanchard: C'est un peu ce que j'essayais de donner comme exemple rapidement à la fin de l'organisation communautaire qu'on trouve essentielle dans le plan de développement des gammes de services. Je pense que le regroupement provincial des ressources alternatives serait un outil valable pour pouvoir aider les régions justement où il n'y a rien, où il y aurait une possibilité de faire du dépistage. C'est comme cela que s'initient les groupes qui sortent du milieu. Cela prend des gens qui iront faire un peu le tri dans le milieu et chercher les gens qui sont intéressés à partir une ressource alternative, si on veut que cela vienne du milieu. Pour nous, une région comme celle que vous décririez, qui a peu de force ou aucune qui puisse initier une telle démarche, je pense que le regroupement serait très utile à ce moment-là.

M. Chevrette: Je regardais votre structure. C'est bien sûr que vous la calquiez à partir des milieux connus, quand vous dites tiers, tiers, tiers. Je ne sais pas, j'arrive sur la Basse-Côte-Nord, ou sur ta Côte-Nord, il n'y a aucune ressource alternative. Cela va être tiers, tiers, tiers de quoi?

Mme Laurin: Quand on parle de tiers, tiers, tiers, ce n'est pas tiers exclusivement ressource alternative.

M. Chevrette: Non, communautaire et alternative.

Mme Laurin: Oui.

M. Chevrette: J'ai compris cela. (15 h 45)

Mme Laurin: À ce moment-là, il y a quand même des maisons pour femmes dans la région que vous Identifiez. Il y a quand même des maisons pour jeunes et des structures communautaires dans cette région-là qui justement peuvent créer le tiers. C'est pour cela d'ailleurs qu'on n'a pas dit tiers ressource alternative, puis aussi c'est d'en tenir compte, dans la politique, on parte du champ et du domaine, les maisons de jeunes travaillent quand même dans le domaine, elles ne sont pas spécifiques au champ, mais elles travaillent quand même dans le domaine. C'est pour tenir compte aussi d'une panoplie de tous ces gens-là quand on parle au niveau des commissions administratives qui puissent justement élargir les visions de partenaires, puis qu'on élargisse justement les Interventions en tenant compte d'autres réalités qu'on a toujours exclues,

M. Chevrette: Quand vous observez des aberrations, vous avez des patients qui reçoivent une surmédication, est-ce que vous logez des plaintes?

Mme Blanchard: Si on fait quoi? Des plaintes?

M. Chevrette: SI vous déposez des plaintes? Par exemple, vous avez la personne, vous dites que c'est la personne qui prime. Vous la retrouvez sortant de l'hôpital superdroguée, les yeux fixes et puis sortis de la tête, qu'est-ce que vous faites? Est-ce que vous avez un recours, une plainte au conseil des médecins du centre hospitalier? Est-ce que vous procédez à des plaintes concrètes, face à des aberrations?

Mme Blanchard: II y a des groupes, il y a certaines ressources qui sont plus équipées que d'autres, en termes de possibilité d'accompagnement de la personne qui, d'abord, désire le faire. Cela peut être des Intervenants qui disent: Vous êtes bien "médiqué", et l'autre dit: Non, je suis très bien comme cela. Il faut le respecter. Si la personne dit: Regardez ce que j'ai l'air, je voudrais que vous pariiez à mon médecin, que vous m'aidiez à parler à mon médecin, ce qui est souvent la question, c'est la première démarche, je pense. S'il faut aller plus loin, quand le médecin n'est pas disponible ou impossible à rejoindre pendant longtemps, là où il y a des personnes pour la défense des droits, à l'intérieur des hôpitaux, les comités de bénéficiaires, c'est la démarche qu'on suit. C'est toujours par l'accompagnement de la personne si elle désire faire cette démarche.

M. Chevrette: Vous avez une personne - je ne sais pas - qui s'adonne à l'alcool, par exemple. Il y a une ressource qui s'occupe de cela. À un moment donné, II lui faut des soins psychiatriques. Vous pouvez l'accompagner, à partir de sa propre demande, jusqu'au psychiatrique, si Je comprends bien votre cheminement. À supposer qu'un individu est hospitalisé et qu'il veut en sortir, est-ce que vous pouvez poser des gestes dans la conjoncture actuelle?

M. Denis: On essaie de l'Informer sur la situation, sur ses droits en général. Mais, pour en revenir à ta médication, c'est certain qu'il est mieux d'intervenir avant que la médication aille trop loin, que les gens se retrouvent gelés. Mais dans les cas où il arrive que les gens sont gelés... Il est arrivé un épisode, à un moment donné. Cela s'est passé à Robert-Giffard. Le médecin avait prescrit des médicaments et la personne avait dit: Bien là, c'est assez, j'aimerais mieux ne pas consommer de médicaments, je sais

sans difficulté ou, en tout cas, avec moins de difficulté.

Le Président (M. Bélanger): M, le député de Joliette, je dois vous interrompre, le temps dévolu est terminé. Il y avait M. le député de Sainte-Anne qui voulait Intervenir.

M. Polak: M. le Président, très rapidement parce que vraiment, il y a ici matière à des heures de discussion. D'abord, je dois vous dire la raison pourquoi j'ai tellement anticipé de vous questionner et de vous rencontrer. C'est que dans ma courte vie politique, depuis 1981, ce qui m'a impressionné le plus, c'est le travail de vos groupes. Je vous connais très bien dans mon comté. D'ailleurs, on était ensemble pour un petit souper de Noël. Je suis venu avec ma femme et j'ai été très bien reçu par vous et les ex-psy-chlatrisés. J'ai Action-santé Pointe-Saint-Charles dans mon comté. Je dois vous dire que ce dossier et le dossier de Coopérative-logement, c'est là où j'ai appris le plus comme Individu et j'ai énormément d'admiration pour cela. Je suis très content de contaster, quand j'ai lu votre mémoire... Je l'ai lu pendant les fêtes, trois, quatre ou cinq fois pour très bien le comprendre en détail. Tout de suite, j'ai constaté que vous aviez une critique vis-à-vis du rapport Harnois en disant d'une manière positive: C'est malheureux qu'on ne nous ait pas pris à notre juste valeur. Je peux seulement parler pour moi-même maintenant, mais j'espère et je pense qu'il y a de bons motifs de croire que votre mouvement et tous ces gens qui sont venus Ici, par exemple, le comité de bénéficiaires qu'on a eu... On a vraiment eu beaucoup de groupements communautaires de toutes sortes qui sont venus témoigner ici et ils vont continuer de le faire. Cela a impressionné beaucoup. Tout à l'heure, la ministre vous a dit que vous étiez l'autre côté de la médaille. Pour moi, c'est de la très bonne musique parce que cela veut dire que, dans son esprit, vous jouez un rôle que vous ne jouez pas encore dans l'esprit du rapport Harnois. Je suis certain que la commission Harnois est aussi ici pour apprendre.

Quant à moi, je ne voudrais pas poser d'autres questions, je veux seulement dire que M. Harnois est quelqu'un qui a beaucoup d'organisation dans son travail. Je suis profane dans cette affaire, mais je l'ai visité à plusieurs occasions, il a été en contact régulier avec mon bureau, on se parle, et j'ai l'Impression que vous êtes absolument sur la bonne route et qu'il faut aller dans cette direction. Je comprends très bien que chacun a son importance et l'idée... D'ailleurs, comme l'a dit le chef de l'Opposition, vous représentez peut-être le seul groupe qui n'a pas parlé tellement d'une manière coopérative. Je suis avocat, donc je sais très bien que si j'avais eu à protéger le groupe... Je l'ai fait dans ma vie et je dois vous dire que c'est ce qui m'a touché le plus dans votre travail.

J'ai vu des gens qui sont venus pendant deux jours, du Lac-Saint-Jean, aussi de votre groupement, qui vont témoigner la semaine prochaine, qui sont venus ici pour voir comment cela fonctionne, comment se préparer, pour rassembler les questions. Ce sont des gens qui sont totalement dévoués et qui méritent tous... Pour le reste, je ne veux pas prendre plus de temps parce que je sens que la ministre a un peu plus d'objections, mais je vais tenter de l'Influencer, par exemple.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: II reste peu de temps. Je veux simplement vous poser une question sur votre recommandation selon laquelle le financement des comités de bénéficiaires devrait relever de l'OPHQ plutôt que des institutions, comme c'est le cas présentement. J'aimerais vous entendre dire quels avantages vous y verriez.

M. Denis: Je pense qu'il y a une histoire assez chargée, les relations entre tes directions d'hôpitaux et les comités de bénéficiaires. Je pense entre autres au Centre hospitalier Ro-bert-Giffard, à Québec. Le problème, c'est que la direction, en donnant l'argent, impose des priorités. Le comité est incapable de vraiment fixer ses priorités et aller de l'avant sans avoir l'approbation de la direction. Souvent, les priorités ne sont pas les mêmes et il y a un conflit certain, la direction coupe les fonds. C'est difficile pour le comité d'avoir l'autonomie nécessaire pour établir ses priorités.

En demandant que l'OPHQ finance, c'est justement pour assurer l'indépendance, l'autonomie des comités. Il y aurait beaucoup plus de marge de manoeuvre. Je pense que l'OPHQ est reconnue, il n'y a pas de comparaison possible, quand même. Je pense que cela, l'aspect fondamental, d'avoir l'autonomie des comités pour qu'ils définissent vraiment leurs priorités parce que souvent...

Mme Lavoie-Roux: Vous faites allusion strictement, je pense, aux comités de bénéficiaires en santé mentale ou à l'ensemble des comités de bénéficiaires?

M. Denis: Surtout...

Mme Lavoie-Roux: En santé mentale.

M. Denis: Oui, plutôt.

Mme Lavoie-Roux: Parce que sans cela, l'OPHQ aura...

M. Denis: Ah, non.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également que vous m'Indiquiez d'une façon un peu plus

précise quelles sont tes bases sur lesquelles vous fixez sur une période, je pense, selon ce que vous avez dit, de trois ou cinq ans, vos besoins financiers au montant de 50 000 000 $? Comment avez-vous établi cela?

Mme Blanchard: Présentement, nous disposons de 4 000 000 $. Par contre, en Estrle, II y a beaucoup de groupes non subventionnés qui se maintiennent et qui végètent II y a aussi des marges de manoeuvre qui finissent cette année et qui ne sont pas renouvelées. Si on voulait vraiment maintenir tous les services, cela nous prendrait 11 000 000 $. À la suite d'une étude américaine qui disait que pour tant de population, on avait besoin de tant de ressources, on a extrapolé, on a calculé, à partir de nos besoins, plus les statistiques de l'étude américaine. C'est là qu'on en est arrivé à 50 000 000 $ pour cinq ans ou dans cinq ans. On ne veut pas que soient parachutés 50 000 000 $ tout de suite parce que, comme on le dit, il faut aussi laisser les milieux s'enrichir.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que dans toutes les régions il y a des ressources alternatives existantes? (16 heures)

Mme Blanchard: Sauf au Nouveau-Québec? Nos permanents nous disent qu'il y en a dans presque toutes les régions.

Le montant de 50 000 000 $, je me répète peut-être, mais pour nous c'est important. On nous disait qu'à Hull, par exemple, des citoyens trouveraient important qu'il y ait des groupes de défense des droits sauf qu'il n'y a personne pour démarrer une ressource alternative dans cette ligne - là. Pour nous, l'organisation communautaire serait aussi une partie de ces 50 000 000 $ qu'on aimerait voir pour s'Installe r dans les régions.

Mme Lavoie-Roux: L'ensemble de l'organisation communautaire dans l'ensemble des régions, en incluant, même si vous n'aimez pas ça ou, enfin, si vous avez certaines réticences, les groupes alternatifs à l'intérieur du mouvement de l'organisation communautaire... C'est ce que je dois comprendre?

Mme Blanchard: Oui, cela inclut ce qui existe déjà.

Mme Lavoie-Roux: II y a un autre point. Vous dites qu'à la place de l'ombudsman vous préféreriez le modèle américain mais qui, néanmoins, prévoirait un organisme pour la défense des droits des personnes qui serait financé par l'État Je ne sais pas dans quelle mesure vous avez examiné le modèle américain, mais je ne suis pas certaine qu'il soit financé par l'État. Dans certains endroits c'est, par exemple, l'association des parents pour les handicapés Intellectuels qui, à même ses propres fonds qui ont été sollicités dans le public ou autrement, crée ce groupe d'"advocacy". Ce ne sont pas nécessairement des groupes d'"advocacy" qui sont financés par l'État, parce que là encore je ne suis pas sûre du lien de dépendance ou d'Indépendance qui pourrait exister. Dans le fond, ce que vous visez, c'est d'avoir un organisme, un ombudsman ou peu importe la formule qu'on retient, qui soit le plus Indépendant, le plus autonome possible.

M. Denis: Je pense quand même que c'est une loi qui a été votée par le Congrès, que ce sont des fonds gouvernementaux fédéraux. Ce ne sont pas...

Mme Blanchard: Je pense qu'il finance de la même façon qu'un OSBL, comme les ressources alternatives le sont avec un conseil d'administration de la même forme que sont nos ressources alternatives.

M. Denis: C'est pour les États américains. Ce n'est pas une spécificité pour une fondation privée. C'est une loi qui couvre les États-Unis au complet

Mme Lavoie-Roux: En terminant, je voudrais peut-être revenir quelques instants - très brièvement - sur le sujet que le chef de l'Opposition a soulevé tout à l'heure quant à l'intégration ou l'inclusion, si on veut, dans l'équipe multidisciplinaire représentant les groupes alternatifs. Comme il le disait, mettre le pied dans la boite. Finalement, on a peut-être dégagé une Image où on se trouve vis-à-vis de deux ressources absolument parallèles qui ne se rencontrent jamais. D'un côté, le centre hospitalier ou, enfin, la ressource du réseau et, de l'autre côté, l'organisme alternatif, alors que je pense - j'aimerais que vous me corrigiez là-dessus - que, sans nécessairement se mettre le pied dans le réseau, il existe quand même des rapports de collaboration dans bien des cas et que les gens se sont rapprochés et travaillent davantage ensemble. Il y a peut-être d'autres efforts à déployer de ce côté-là bien que chacun garde tout de même son autonomie, d'un côté, la ressource alternative et, de l'autre côté, la ressource de santé ou la ressource sociale.

Est-ce que je me trompe ou s'il y a quand même une amorce de collaboration entre le réseau et les ressources alternatives?

Mme Blanchard: J'ai de la difficulté à toujours me référer au niveau provincial. Je pense que c'est très différent selon les régions, selon les hôpitaux dans les quartiers et dans chaque hôpital, selon les individus intéressés à ouvrir leur esprit à différents modes de fonctionnement malheureusement. Cependant, je pense qu'il est clair que les ressources alternatives ne peuvent pas fonctionner sans la collaboration du reste du réseau. Je pense que c'est la voie de toutes les alternatives au Québec

de dire qu'actuellement, par la force des choses, les gens qui fréquentent nos ressources sont des gens survis dans le réseau et qu'il faut travailler parallèlement ensemble. Sauf qu'il ne faut pas nier non plus la difficulté qu'on a à vivre avec le fait que l'institution n'est pas assez étudiée, remise en question quant à son fonctionnement interne. C'est ce que nous souhaiterions voir et qui n'a pas été assez fait dans le comité, selon nous.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, il y a de la collaboration, mais il y aurait peut-être des remises en question plus avancées entre les deux systèmes par les comités.

Mme Blanchard: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je voudrais simplement vous remercier. Je suis sûre que les suggestions que vous avez faites et que d'autres groupes similaires au vôtre vont venir nous faire vont faire partie de nos discussions ultérieures quant à l'établissement plus final d'une politique en santé mentale. Je vous remercie.

Mme Blanchard: Je vous remercie aussi de nous avoir Invités.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier. Vous savez, il y a des choses qui franchissent des bouts de chemin plus rapidement les unes que les autres. il y a quelques années, avoir demandé à un omnipraticien de prescrire des soins par exemple, en chiropractie, c'eut été un scandale. Aujourd'hui, Il y a des omnipraticlens qui acceptent le rôle du chiropraticien. Je suppose que les Institutions pourront reconnaître qu'il y a des ressources alternatives qui peuvent contribuer à jouer un rôle de complémentarité extraordinaire pour la santé mentale. Merci.

Mme Blanchard: Merci.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale.

J'appelle à la table des témoins la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec qui sera représentée par le Dr Pierre Jutras, secrétaire général; le Dr Jean Rodrigue, deuxième vice-président; le Dr Benoît Poulln, président de l'Association des omnipraticiens en institution psychiatrique et par le Dr Georges Boileau, directeur des communications.

Alors, bienvenue à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes très strictes pour faire votre présentation et 0 y a 40 minutes d'échange avec les membres de la commission. Je prierais votre porte-parole de s'identifier et de présenter les gens de son équipe et, ensuite, de procéder à votre exposé. Je vous remercie.

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

M. Rodrigue (Jean): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, permettez-moi d'abord de vous présenter plus spécifiquement les membres de ta délégation. À mon extrême gauche, le Dr Benoît Pouiin, président de l'association des médecins qui travaillent dans les hôpitaux psychiatriques du Québec; le Dr Pierre Jutras, secrétaire général de la FMOQ, qui est aussi président de l'Association des omnipraticiens des Bois-Francs et qui exerce entre autres au département de psychiatrie de l'hôpital Sainte-Croix de Drummondville. À ma droite, le Dr Boileau, directeur général adjoint de la FMOQ et qui a exercé aussi quelques années à l'hôpital Rivière-des-Prairies. Moi-même, je suis président de l'Association des médecins de CLSC du Québec et je suis aussi le deuxième vice-président de la FMOQ.

Permettez-moi d'abord d'excuser le Dr Clément Richer qui est retenu à Montréal pour des séances de négociation. Même s'il y a eu un accord-cadre, vous comprendrez qu'avec les négociations permanentes, ce n'est jamais terminé.

Je voudrais aussi vous mentionner que dans la préparation du mémoire, deux autres médecins ont travaillé avec nous. Il s'agit du Dr Gaston Guimont, omnipraticien, qui travaillait au CLSC de Portneuf et qui travaille maintenant au DSC du CHUL en santé mentale. Il y avait aussi le Dr Gilles Otis, omnipraticien, qui est chef adjoint du département de psychiatrie de l'hôpital Sainte-Croix de Drummondville.

M. le Président, pour des fins d'avoir un exposé clair et concis et aussi pour le bénéfice des gens présents ici, nous avons décidé de lire le rapport qui est quand même relativement court.

Voici. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec a pris connaissance du document Intitulé Pour un partenariat élargi, constituant un projet de politique de santé mentale pour le Québec, préparé par le comité de la politique de santé mentale. Pour la FMOQ, il s'agit d'un document intéressant qui touche plusieurs aspects de la santé mentale allant des éléments d'une problématique de santé mentale à un plan d'action.

La fédération a étudié avec d'autant plus d'Intérêt le rapport du comité qu'elle lui avait soumis un mémoire en mars 1987. De plus, elle s'était présentée devant ce comité pour le défendre et répondre aux questions de ses membres.

Afin d'établir un lien entre les recommandations de la FMOQ au comité et celles qu'elle fait aujourd'hui à la commission des affaires

sociales, Il serait bon de rappeler la teneur de celles-là: Considérant l'Importance que l'on doit accorder à la santé mentale au Québec; considérant le rôle prépondérant des médecins dans la prévention et le traitement des maladies mentales et dans la réadaptation des patients atteints de ces affections; considérant que la dispensation des soins psychiatriques généraux fait partie du champ d'activité des omnipraticiens; considérant que ces soins peuvent être dispensés tant en cabinet privé, en CLSC, à domicile qu'en centre hospitalier; considérant ta pénurie d'effectifs spécialisés en psychiatrie; nous recommandons ce qui suit: améliorer l'enseignement de la psychiatrie aux étudiants Inscrits dans un programme de formation en omnipratique, programme spécifique et obligatoire d'une durée de deux ans; adapter cet enseignement aux fonctions de l'omnipratlcien dans ce champ d'activité; promouvoir ta formation continue en psychiatrie; confier, dans les départements de psychiatrie des centres hospitaliers, la dispensation des soins psychiatriques généraux à des omnipraticiens; préciser les responsabilités des omnipraticiens en regard de celles des médecins psychiatres et des autres professionnels de la santé; Intégrer à part entière l'omnipraticien à l'équipe soignante; assurer à l'omnlpraticien un service de consultants; favoriser la mise à jour et te perfectionnement; mettre en place un cadre organisationnel compatible avec l'appartenance de l'omnipraticien au département clinique de médecine générale et, finalement, adapter les modalités de rémunération à la pratique de l'omnipraticien en fonction des différents milieux et des règles de pratique d'un département de psychiatrie.

Depuis que nous avons déposé ce rapport à la -commission Harnois, il s'est passé différents événements "sur lesquels nous voudrions apporter certaines lumières.

Une meilleure formation. En juin dernier, nous avons eu le plaisir de prendre connaissance du décret concernant le programme spécifique et obligatoire d'une durée de deux ans pour obtenir un permis d'exercer en omnipratique. Nous reviendrons plus tard sur la durée du stage en psychiatrie.

Nous continuons de préconiser l'amélioration de l'Information en psychiatrie pour le futur médecin et un meilleur complément de formation, notamment, par des cours de formation continus pour les médecins en pratique. De plus, nous constatons que des médecins omnipraticiens participent à l'enseignement, soit en donnant des cours, soit en publiant des articles à caractère scientifique sur le sujet.

Une évolution paradoxale. Dans notre mémoire au comité, nous avons fait état de la nécessité pour le médecin omnipratlclen de dispenser des soins psychiatriques généraux dans divers milieux. Nous rappelions que les médecins omnipraticiens, et ceci pour des raisons historiques, avaient été de façon générale éliminés de la dispensation des soins psychiatriques généraux dans le département de psychiatrie des centres hospitaliers de courte durée. Cependant, compte tenu de la pénurie relative des psychiatres, certains milieux ont voulu Intégrer des médecins omnipraticiens dans le département de psychiatrie en leur confiant la responsabilité de la dispensation des soins psychiatriques généraux.

Nous avons exposé dans notre mémoire de mars 1987 quelques situations paradoxales. Malheureusement, la liste semble s'allonger.

En juin 1986, à la faveur de la contestation des médecins omnipraticiens de Saint-Hyacinthe, la fédération signait avec la ministre une entente permettant la pluralité des modes de rémunération pour les médecins omnipraticiens oeuvrant dans certains départements de psychiatrie. Pour adhérer à cette entente, les médecins omnipraticiens intéressés devaient en faire la demande à un comité mixte institué en vertu de cette entente.

Après la signature, sept autres centres s'étalent montrés intéressés à adhérer à l'entente particulière. Le comité mixte a évalué leur demande et en a recommandé l'acceptation à la ministre. Cependant, leur adhésion à l'entente ne fut ratifiée par le Conseil du trésor qu'au printemps 1987. Cette lenteur administrative est attribuée au fait que chacune des demandes doit être autorisée par le Conseil du trésor.

Outre ces sept centres, le comité mixte en avait évalué neuf autres. Certains de ceux-ci, compte tenu de l'urgence de la situation, avaient été autorisés officieusement et contrairement à l'entente, à retenir les services des médecins dès l'évaluation du comité mixte avant même toute autorisation ministérielle.

En octobre dernier, l'absence de ratification de l'accord par le Conseil du trésor et le Conseil des ministres obligea le centre hospitalier Pierre-Boucher à faire des avances aux médecins qui depuis plusieurs mois travaillaient gratuitement et avaient décidé de cesser de fournir les services médicaux. Ce geste, encore une fois, sema l'émoi au ministère et en peu de temps, soit le 17 novembre 1987, te Conseil du trésor et le Conseil des ministres autorisaient la ratification de l'amendement

Devant ces faits, nous nous interrogeons sur la volonté du ministère d'intégrer les médecins omnipraticiens au département de psychiatrie.

Les lourdeurs administratives et les Iniquités engendrées par l'Inertie gouvernementale risquent d'aggraver la situation existante dans certains départements de psychiatrie de centres hospitaliers de courte durée.

L'évolution de l'activité des médecins omnipraticiens s'est faite de façon laborieuse. Il n'est pas normal que ces derniers doivent toujours contester ou travailler bénévolement pour faire avancer un dossier. (16 h 15)

M. Jutras (Pierre): Alors, Mme la ministre, mesdames et messieurs, je poursuis.

Recommandations du Comité de la politique de santé mentale.

Nous avons étudié, malgré le court laps de temps accordé, le contenu du rapport intitulé Pour un partenariat élargi. Il n'est pas question pour la fédération de faire des remarques détaillées sur chaque aspect de ce document. Cependant, à l'occasion de certains passages, nous vous ferons part de nos réactions, de nos mises en garde, de nos critiques constructives, de nos recommandations.

Comme nous l'avons mentionné, te rapport est un document intéressant. Cependant, il situe la discussion à un niveau abstrait, s'éloignant à plusieurs endroits des problèmes concrets.

Nous avons aussi noté que même si le mandat du comité établissait clairement que la cible principale devait être les personnes aux prises avec les problèmes mentaux les plus sévères, le comité semble être allé au-delà et a ainsi oublié l'aspect de la maladie. Même si les médecins ont pour objectif la santé mentale, il n'en reste pas moins qu'ils doivent traiter la maladie; il existe une entité clinique qui est fa maladie mentale. Cela ne nie pas la personne pour autant.

À titre d'exemple dans un autre domaine, même si l'on préconise de saines habitudes alimentaires, il n'en demeure pas moins que des gens souffriront toujours d'ulcères d'estomac et même de cancers digestifs.

Voici quelques éléments de réflexion au sujet de quelques recommandations et remarques du rapport. Ici, on réfère aux recommandations du rapport

La recommandation 2 - vous les connaissez toutes les recommandations du rapport par coeur, je pense bien - au sujet du plan de services individualisé, il faut respecter le rôle des divers responsables professionnels, dont celui du médecin traitant

Quels que soient - à la recommandation 3 - les rôles et les responsabilités d'un ombudsman, il faudra prendre en considération les devoirs ou obligations de confidentialité et les rôles dévolus par les lois du Québec à la Corporation professionnelle des médecins du Québec et aux conseils des médecins, dentistes et pharmaciens des établissements.

Recommandation 4. Nous sommes en faveur de modifications à la Loi sur la protection du malade mental et à la Loi sur la curatelle publique. En temps et lieu, nous ferons parvenir nos recommandations au législateur.

Recommandations 6, 7 et 8. À ce jour, la FMOQ a organisé, à plusieurs reprises, des cours de formation continue portant sur la santé mentale, soit de façon directe, soit de façon Indirecte à l'occasion d'autres cours de formation continue. Elle a aussi publié dans la revue Le médecin du Québec de nombreux articles sur le sujet, de même que deux blocs de formation continue portant sur la psychiatrie. Sur une base hospitalière ou régionale, de nombreux cours ont été organisés par les associations affiliées à la fédération et par les départements cliniques de médecine générale.

À ce jour, le financement des cours de formation continue s'est fait par les médecins eux-mêmes, dans quelques cas avec l'appui de l'industrie pharmaceutique. Depuis quelque temps, les médecins qui pratiquent dans les territoires désignés ont droit au ressourcement.

Au sujet de la formation du futur omnipraticien, nous avons noté avec satisfaction l'adoption du décret portant sur fa formation spécifique et obligatoire de deux ans avant l'obtention du permis de pratique. Nous proposons que le stage en psychiatrie soit d'une durée d'au moins deux mois sur ces 24 mois. Il faudrait, pendant ce stage, que le futur omnipraticien soit exposé à des personnes souffrant de diverses maladies mentales, dont celles qui sont chroniques. Le suivi ambulatoire demeure aussi Important.

Une partie de la formation des médecins dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale, principalement en ce qui concerne les soins de première ligne, doit être confiée à des médecins omnipraticiens.

Recommandations 15, 16 et 17. Nous faisons appel à la prudence dans les expériences à venir. Il faudra agir avec les ressources communautaires selon la même rigueur appliquée aux groupes professionnels et aux établissements du réseau. On devra aussi respecter les responsabilités qui incombent aux médecins par la Loi médicale.

La fédération insiste sur l'importance d'un contrôle de la qualité des services dispensés par ces ressources communautaires.

Ici, la fédération tient à faire une mise en garde: il faut éviter la création d'un réseau parallèle et autonome. Il faut préserver les acquis du système de santé existant.

Recommandation 17. La fédération souligne Ici l'Importance d'un mécanisme de contrôle de qualité.

Remarque de la page 87. '...une ressource communautaire en mesure de dispenser un service dans sa communauté devrait avoir priorité sur toute autre forme de structure." Ce réseau parallèle serait aussi prioritaire. Il faut préserver les acquis du système existant.

Recommandation 18. Il ne faudrait pas oublier que les plans d'organisation sont déjà prévus à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Recommandation 19. La gamme des services énumérés à la page 91 nous apparaît extensive, même si on la qualifie de minimale.

Remarque de la page 97. "...en arriver à la primauté du service sur la structure..." Pour avoir déploré l'inverse dans certains cas, nous sommes en accord avec ce principe.

Recommandation 27. Nous réitérons Ici une position fondamentale de la fédération: lorsqu'il s'agit de répartition des effectifs médicaux quels qu'ils soient, il faut appliquer des mesures incitatives et non pas coercitives.

Relativement à la remarque de la page 108 où le comité souligne l'apparition de nouvelles formes de services, nous aimerions rappeler que les médecins omnipraticiens ont fait des expériences Intéressantes qui pourront être abordées avec les membres de la commission parlementaire, si ces derniers le désirent. Nous ne saurions trop Insister sur le fait que ces nouvelles expériences doivent être soutenues adéquatement.

Recommandation 29. Nous rappelons tel que l'évaluation de la qualité de l'acte médical a été confiée par les lois du Québec à ta Corporation professionnelle des médecins du Québec et aux conseils des médecins, dentistes et pharmaciens des établissements.

Les objectifs d'évaluation des programmes mentionnés sont davantage des moyens d'Intervention. Ils n'informent en rien sur leur impact en termes de résultats sur la maladie mentale.

Recommandation 31. Nous nous demandons qui va prendre en charge les patients qui ne sont pas énumérés ici. Cette recommandation pourrait avoir des effets non négligeables sur les effectifs médicaux en place.

Recommandation 41. La même remarque au sufet du respect des personnes et de la confidentialité s'applique ici.

Le plan d'action. Nous prenons note de l'importance qu'accorde le comité à la formation continue.

Notons au passage que les conditions d'exercice des médecins à honoraires fixes en établissement n'ont pas été modifiées de façon substantielle depuis 1976, malgré l'insistance de la fédération.

Nous nous Interrogeons sur l'expression une "formation spécialisée". Pour le médecin omnipraticien: Il s'agit de façon primordiale d'une formation en vue d'assurer la première ligne en psychiatrie. Ce qui n'exclut pas que certains médecins omnlpraticiens puissent pousser plus loin leur formation.

Réflexions et recommandations. 1° Dans leur pratique, les médecins omnipraticiens traitent une personne dont la santé mentale est menacée, une personne avec une maladie, une personne à risques. Il nous apparaît évident qu'il existe une condition spécifique qui s'appelle la maladie mentale. Le comité semble avoir oublié cet aspect qui faisait pourtant partie de son mandat. 2* Avant de penser à mettre sur pied de nouvelles structures, il faudrait d'abord consolider les acquis. Par acquis, nous entendons l'assurance-hospitallsation, l'assurance-maladie, l'ouverture de départements de psychiatrie dans les centres hospitaliers de courte durée et, enfin, les ressources intermédiaires, CLSC, familles d'accueil, pavillons d'accueil.

Il vaut peut-être mieux investir davantage dans des améliorations que dans ta création de structures dont l'efficacité reste à démontrer.

Quant aux lois, comme la Loi sur la protection du malade mental ou la Loi sur la curatelle publique, nous sommes prêts à faire des recom- mandations pour les mieux adapter aux besoins de la population. Certaines ont d'ailleurs déjà été faites à la curatrice (lettre du Dr Dément Richer à Mme Lucienne Robillard, curatrice publique, le 24 avril 1987).

Il faut aussi être prudent avant de changer la vocation des établissements. 3° Lorsqu'on parte de décentralisation, de rapprochement des services vers les personnes, cela doit se faire dans le respect des compétences des professionnels de la santé qui travaillent dans le système. Il faut aussi prendre en considération leurs droits acquis. 4° Au sujet du plan de services Individuel, le concept est peut-être bon, mais à la condition que le médecin traitant soit présent et que l'on respecte les diverses responsabilités professionnelles. Ce concept ne peut, en aucune façon, limiter la responsabilité du médecin traitant envers le patient. 5° Le médecin omnipraticien se situe à la première ligne en santé mentale. Il répond d'ailleurs aux orientations spécifiques du comité de la politique de santé mentale: il a une approche globale de façon intégrée et continue auprès des personnes qui te consultent; sa pratique tient compte de la dimension biopsy-chosociale; il se situe à la porte d'entrée: cabinet privé, CLSC, salle d'urgence, consultation externe, domicile; sa présence permet un accès aux services près du milieu de vie du patient; il offre un service complet et de qualité: évaluation Immédiate du besoin, traitement, orientation vers les ressources d'aide appropriées; il peut agir dans un court délai; II permet au médecin psychiatre de concentrer ses activités sur des problèmes relevant de sa spécialité. 6° Toute intervention en psychiatrie suppose des modifications de la pratique des médecins omnipraticiens concernés. C'est d'ailleurs une des raisons qui nous a portés à modifier, pendant les présentes négociations, toute une série de clauses normatives et préambulatoires. De plus, nous avons déjà abordé avec le ministère de nouvelles réalités comme les contrats de service, le réseau intégré de garde, des activités multidisciplinaires. 7° Nous sommes d'accord pour l'Introduction de ressources communautaires, mais dans le respect des compétences des professionnels, des lois existantes et des personnes. Il faut aussi veiller à protéger la confidentialité. Les ressources communautaires doivent être soumises à la même rigueur que celle que l'on exige des établissements et des professionnels de la santé. 8° Nous appuyons toute mesure qui favorisera une meilleure préparation du futur omnipraticien à sa tâche. Une fois qu'il sera en pratique, des programmes de mise à jour et de perfectionnement demeureront essentiels pour qu'il puisse continuer à rendre les meilleurs services à la population. De plus en plus, les médecins omnipraticiens ont rôle de formateur en psychiatrie de première ligne. C'est un élément

essentiel de la formation du futur médecin. 9° Quel que soit l'apport d'une nouvelle structure dans le champ de la santé mentale, il faudra voir au respect des prescriptions médicales. Tout en étant ouverts aux ressources communautaires, nous sommes opposés à un réseau parallèle, autonome et prioritaire dans le domaine de la santé mentale. 10° II faut donner la priorité à l'évaluation des résultats par rapport à celle des moyens. 11° La fédération se pose des questions quant au financement des recommandations du comité de la politique de santé mentale. Elle se demande aussi comment on envisage le coût de la formation médicale. Par ailleurs, lorsque les médecins omnipraticiens seront concernés, la fédération sera prête à négocier les conditions d'exercice et de rémunération. 12° Même si l'on discute ici principalement du rapport du comité de la politique de santé mentale, il ne faut pas oublier que, récemment, le rapport du comité de réflexion et d'anlyse des services dispensés par les CLSC - rapport Brunet - mentionnait, parmi les programmes spécifiques, un programme portant essentiellement sur la santé mentale pour les personnes en difficulté. Sans nier la pertinence de ce programme dans les CLSC, la fédération réitère l'importance de respecter le médecin traitant, peu importe le lieu où il dispense ses services, que ce soit en cabinet privé ou en CLSC. 13s La fédération remarque que le projet de politique de santé mentale pour le Québec s'intitule Pour un partenariat élargi. Nous favorisons la concertation des efforts, tant dans le champ que dans le domaine de la santé mentale. Il ne faudrait pourtant pas que le moyeu devienne, encore une fois, l'objectif. Le partenariat des intervenants ne doit pas occulter ni diminuer les services à rendre aux personnes et aux familles affligées de maladies ou de problèmes mentaux. Merci de votre bienveillante attention. (16 h 30)

Le Président (M. Laporte): Merci de votre présentation. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour leur mémoire et leur participation à cette commission.

Dans les deux journées qui ont précédé, nous avons parlé assez abondamment de la pénurie des psychiatres. Je sais que depuis un certain nombre d'années et, probablement que ceci va en s'accroissant, les omnipraticiens ont été appelés à prendre la relève d'une certaine façon là où il n'y avait pas de psychiatre, particulièrement dans les régions - je ne parlerai même pas des régions éloignées - périphériques des grands centres. Je crois comprendre que c'est le désir de la fédération d'accentuer ses efforts dans ce sens.

J'aimerais vous demander ceci. Est-ce que vous avez une idée - vous avez certainement une idée - du nombre d'omnipraticiens qui, à l'heure actuelle, ont pris des cours de formation supplémentaire? Est-ce qu'ils oeuvrent généralement dans leur cabinet privé ou dans les établissements? Combien se retrouvent dans les établissements à prendre des responsabilités en psychiatrie? En fait, c'est vraiment la donnée précise que j'aimerais avoir. À votre point de vue, est-ce que la formation qui est donnée présentement est adéquate?

J'ai cru comprendre que non, puisque vous dites qu'il devrait y avoir un accent plus grand de mis même dans la formation des étudiants en médecine, et éventuellement, dans les deux années de formation en médecine familiale qui sont maintenant prévues. Alors, j'aimerais avoir ces premières données.

M. Jutras: C'est peut-être un peu difficile de vous donner des chiffres précis en ce qui concerne l'implication des médecins omnipraticiens.

Mme Lavoie-Roux: Laissez faire en ce qui concerne les cabinets privés parce que je sais que cela est difficile.

M. Jutras: Alors, en cabinet privé, qu'on le veuille ou pas, tous les médecins omnipraticiens font de la psychiatrie. Dans les institutions, disons qu'il y en a quand même un certain nombre. Je dirais que le nombre de médecins va en grandissant dans le sens que les besoins sont là et its répondent aux besoins de la population, d'autant plus que vous avez référé tout à l'heure à la notion de pénurie peut-être relative des médecins psychiatres parce qu'ils sont en grande partie concentrés dans les régions de Montréal et Québec. Dans les régions, les médecins omnipraticiens sont pratiquement obligés de s'impliquer en psychiatrie. Là, avec la formation, cela devient presque une douce obligation parce que les médecins omnipraticiens prennent goût à ce genre de pratique. Je ne peux pas vous donner de statistiques bien précises, mais actuellement, il y a plusieurs centres hospitaliers qui ont justement des médecins omnipraticiens qui oeuvrent en psychiatrie et la liste s'allonge de jour en jour. Cette expérience a commencé assez timidement, peut-être dans la région de Drummondville et, par la suite, cela s'est étendu. Je pense que les médecins omnipraticiens s'impliquent de plus en plus dans la dispensation des soins psychiatriques. Bien sûr, dans les hôpitaux psychiatriques... Peut-être que mon confrère Benoit Poulin pourrait ajouter quelques mots sur ce point.

M. Poulin (Benoit L): Dans l'association dont je suis président, il y a au moins 180 médecins. De ces 180 médecins, au moins 60 % font de la psychiatrie, soit à temps plein, soit globalement avec la médecine générale. Donc,

vous pouvez en compter au moins une centaine dans mon association. On peut également compter dans les nouveaux départements dans lesquels II y a plusieurs modes de rémunération possible... Seulement à y penser pendant que vous parliez, j'en compte au moins 30 supplémentaires. Cela devrait être aux environs de 200 qui font de la psychiatrie, soit partiellement, soit globalement en institution ou en établissement.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends que la fédération, en collaboration avec l'université, continue de développer des programmes de perfectionnement en psychiatrie.

Une voix: Certainement.

M. Rodrigue: Oui, disons qu'on a fait un recensement justement en préparation de notre rapport qui démontrait que, pratiquement à chaque année, la FMOQ organisait un colloque de formation en psychiatrie pour l'ensemble des omnlpratfclens en plus des différents colloques qui se font dans la plupart des hôpitaux et aussi des hôpitaux psychiatriques qui ont trait spécifiquement à la formation en psychiatrie. De plus, il faut aussi se rappeler que depuis un an et demi, Le Médecin du Québec a publié deux numéros particulièrement sur la psychiatrie de l'omnipraticien, ce qui veut donc dire que c'est un domaine qui intéresse et qui préoccupe les omnlpraticlens et pour lequel il se donne les outils pour justement répondre aux besoins de la population. Peut-être qu'on n'a pas tellement Insisté - on l'avait d'ailleurs souligné dans notre mémoire - sur le plaisir qu'on a éprouvé que le gouvernement accepte à la fin une formation de deux ans en omnipratique avec, justement, un accent davantage mis aux soins psychiatriques. On a insisté aussi dans le mémoire sur le fait que cette formation en psychiatrie pour les médecins qui iront en omnipratique devrait être faite en bonne partie par les médecins omnipraticiens; parce qu'il y a une différence entre la psychiatrie d'ordre du psychiatre et celle qui est faite par l'omnipratlcien. Il est donc important, sur le plan de la formation en médecine familiale, à l'intérieur des stages de psychiatrie, qu'il y ait des activités spécifiquement orientées sur tes soins de première ligne, sur les soins que l'omnipratlcien donne dans le domaine de la psychiatrie.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que les universités ont des programmes de perfectionnement en psychiatrie pour les omnipraticiens en place?

M. Rodrigue: Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que vous avez fait allusion à des colloques dans des hôpitaux, des colloques de la fédération, mais les universités donnent également des cours de perfectionnement.

M. Rodrigue: Oui. Probablement que vous auriez plus de détails avec les universités comme telles...

Mme Lavoie-Roux: Qui vont vous suivre.

M. Rodrigue: En fait, il est possible, par le biais des facultés de médecine, d'avoir une formation individualisée, c'est-à-dire un stage Individualisé en psychiatrie, il est possible aussi d'aller à des colloques organisés par une faculté de médecine en psychiatrie.

Mme Lavoie-Roux: II n'y aurait pas, par exemple, possibilité d'un cours étalé sur une session pour un groupe? Je vais demander aux universités, ce sont elles qui vous suivent, Je pourrai avoir l'information. Mais je crois comprendre que non.

M. Rodrigue: Je vous répondrai ce qu'on a répondu quand on a parlé des urgentologues. On n'a pas d'objection à ce que les omnipratlciens suivent des cours en psychiatrie, mais on s'opposerait à ce qu'il y ait une mini-classe de psychiatres omnipraticiens qui se situerait entre les omnipraticiens et les psychiatres. Quant à nous, la plupart des omnipratlciens, des médecins de famille sont habilités à donner des services psychiatriques, ils sont encouragés à suivre des séances de formation continue, que ce soit par le biais de la FMOQ, des universités ou par d'autres organismes; mais quant à nous, on s'opposerait à ce qu'on crée une espèce de structure intermédiaire où il y aurait des omnipraticiens, des mini-psychiatres, que certains appelleraient peut-être des internes pour les psychiatres, et des psychiatres.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends du travail que font les omnipraticiens dans le domaine de la psychiatrie que ce sont des services de première ligne. Comme nous nous retrouvons dans des régions éloignées, des omnipraticiens se sont intéressés et ont même suivi certains cours d'initiation ou de formation en psychiatrie, je dois comprendre que dans des cas plus lourds qui relèvent de la deuxième ou de la troisième ligne, par opposition à la première ligne, dans ces régions où il n'y a pas de psychiatre, vous vous retrouvez avec une population qui reçoit des services qui ne sont pas nécessairement appropriés à leur maladie mentale ou à leur condition psychique.

M. Jutras: Mme la ministre, c'est certain qu'il y a peut-être un manque de psychiatres dans certaines régions, peut-être que l'association des psychiatres pourrait vous répondre sur ce point, mais comme omnipratlciens, je dois dire qu'on fait de la psychiatrie de première ligne et parfois aussi de deuxième ligne et parfois même de troisième ligne. Vous m'épargnerez... Je n'aimerais pas définir exactement ce que sont la

première, la deuxième et la troisième lignes parce que ce n'est pas toujours facile. Il reste que dans les régions comme la nôtre, tes médecins omnipraticiens sont très Impliqués en psychiatrie et font facilement de la psychiatrie de deuxième ligne, dans le sens qu'ils deviennent des médecins traitants lorsque les patients sont hospitalisés, et le psychiatre Joue un rôle de consultant de telle sorte que, comme on le dit dans le mémoire, cela allège le fardeau des psychiatres parce que, à ce moment-là, ils n'ont pas à traiter tout le monde, mais Ils agissent bien comme consultants, comme experts dans le domaine, et les médecins de famille, les médecins omnlpraticiens demeurent les médecins traitants de tous leurs patients psychiatriques ou autres.

La première et la deuxième lignes, il n'y a pas de frontière bien étanche, cela dépend des milieux, cela dépend de la formation des médecins omnipraticiens et cela dépend aussi de leur goût de s'impliquer dans le domaine de la psychiatrie.

M. Rodrigue: J'aimerais peut-être ajouter, Mme la ministre, qu'en ce qui a trait particulièrement aux réseaux éloignés, je ne pense pas qu'on puisse dire que les patients des régions éloignées, parce qu'ils ont des services par des médecins omnipratlciens, ont des services de moindre qualité. J'Imagine que ce n'est pas ce que vous vouliez dire, mais je ne voudrais pas laisser planer ce doute-là. Dans les régions éloignées, il y a effectivement une pénurie de spécialistes, vous le savez probablement mieux que nous; sauf que les omnipraticiens sont très préoccupés des services à donner à la clientèle et on observe, la plupart du temps, que les Omnipraticiens qui exercent dans les différents départements hospitaliers en régions éloignées s'acharnent à aller chercher une formation encore davantage adéquate pour les services plus spécialisés qu'ils donneront dans ces régions de telle sorte que je pense que de poser le problème des services de psychiatrie en régions éloignées, c'est aussi poser le problème de cardiologie en régions éloignées, c'est aussi poser le problème de services de chirurgie en régions éloignées. Ce qui fait que je ne pense pas que les malades psychiatriques sont mal desservis par rapport aux autres clientèles de santé en ce qui a trait aux services médicaux dans les régions éloignées parce qu'ils sont desservis par des omnipraticiens. Il y a effectivement une pénurie de spécialistes. Je pense qu'on pourrait très bien faire un Inventaire de toutes les activités de formation continue que les gens des régions éloignées vont suivre justement pour répondre à un besoin supplémentaire de la clientèle.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez tout à fait raison. Ce n'était nullement ce que je voulais insinuer quand j'ai parlé des services de première ligne versus ceux de troisième ligne. Quand on a discuté du type de formation supplémentaire que les omnipraticiens allaient chercher, vous avez répondu en disant: On ne voudrait quand même pas un cours trop formalisé qui, finalement, ferait une espèce de catégorie d'omnipratlciens psychiatres entre les omnipratlciens et les psychiatres. J'en ai déduit que les psychiatres eux-mêmes allaient chercher une formation beaucoup plus poussée pour répondre à des cas beaucoup plus sérieux. Je pense que là où vous êtes formés, vous pouvez donner des services de bonne qualité; mais je me posais ta question en fonction de la population qui, elle, finalement... C'est vrai que vous avez raison de dire que les clientèles ne sont peut-être pas plus défavorisées en psychiatrie que par rapport à d'autres spécialités, mais elles sont peut-être défavorisées par rapport à la population des grands centres urbains. C'est vraiment ce que je voulais dire.

Un autre point que je voudrais aborder, c'est votre recommandation 9. D'ailleurs, ça revient à l'heure: "Quel que soit l'apport d'une nouvelle structure dans le champ de la santé mentale../ Comme je l'avais lue plus tôt, ça m'a peut-être frappée, à quelle nouvelle structure faites-vous allusion? Je me suis demandée si vous faisiez allusion aux organismes communautaires qui pourraient peut-être avoir une reconnaissance plus juridique ou... De quelle structure parlez-vous?

M. Jutras: Effectivement, Mme la ministre, je pense qu'on faisait en partie référence aux groupes communautaires. Quand on dit: "Quel que soit l'apport d'une nouvelle structure dans le champ de la santé mentale, il faudra voir au respect des prescriptions médicales." dans le sens suivant. Je pense que les groupes communautaires ont un rôle important à jouer, mais on ne voudrait pas que ce soit au détriment des prescriptions médicales.

Tout à l'heure on parlait de surmédicalisation, que les patients avaient trop de médicaments. Dans nos milieux, il arrive souvent que certains patients sortent de l'hôpital avec beaucoup de médicaments mais nous pensons qu'on ne donne pas des médicaments pour le plaisir d'en donner. Je pense que parfois ces médicaments sont absolument nécessaires. Lorsqu'ils sont pris en charge par un autre groupe, souvent la prescription médicale prend le bord, si vous voulez, de telle sorte qu'on dit au patient: Ce n'est pas absolument nécessaire que tu prennes ça ou même: Ne les prends pas. Le patient ne demande pas mieux que de ne pas prendre ses médicaments et, effectivement, au bout de quinze jours, trois semaines ou un mois, il décompense à nouveau et revient à l'urgence, et il est à nouveau hospitalisé en psychiatrie. C'est un peu dans ce sens-là qu'on parle du respect des prescriptions médicales. Si on pense qu'un patient doit recevoir des médicaments, il doit les recevoir et l'intervention d'un autre groupe ne devrait pas aller à l'encontre de nos

prescriptions, sauf s'il y a une prise en charge complète et globale par le groupe communautaire. Très bien, il fera ce qu'il voudra avec le patient, mais lorsqu'il décompensera, il s'en occupera également

On sait très bien que lorsque le patient décompense et devient en psychose aiguë, il vient à la salle d'urgence où il est reçu par un omnfpraticien qui l'hospitalise souvent en psychiatrie. Là, on recommence, on donne à nouveau des médicaments.

Je pense que c'est peut-être un peu péjoratif de dire qu'il y a une surmédicalisation. J'aimerais que ces propos soient plus étayés, qu'il y ait peut-être une argumentation plus forte pour dire qu'il y a une surmédicalisation. (16 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Tout en étant ouverts aux ressources communautaires, nous sommes opposés à un réseau parallèle autonome mais prioritaire dans le domaine de la santé mentale. D'abord, je peux vous dire que cela n'est pas l'intention du gouvernement de décider que tout à coup, demain matin, le réseau des organismes communautaires est un réseau prioritaire dans le domaine de la santé mentale. Mais je veux bien vous dire, et je pense que vous l'avez reconnu vous-mêmes, cela nous apparaît un réseau essentiel. Il faut bien se dire que si les organismes communautaires se sont développés dans le domaine de la santé mentale, c'est relié à certaines carences qui ne sont pas dues aux Inaptitudes des professionnels mais à une carence de services que l'on ne retrouve pas dans le milieu institutionnel ou qu'on ne retrouve pas dans le réseau. Je pense que de plus en plus les bénéficiaires, les centres, comme étant des services extrêmement Importants hors les murs ou hors les cliniques médicales et autres, c'est notre Intention, néanmoins, dans la mesure des ressources financières, de les appuyer.

Maintenant, vous dites qu'il faudrait qu'ils soient contrôlés de la même façon, ou un contrôle semblable devrait s'exercer sur eux comme vous l'exercez sur les professionnels du réseau. Je sais ce que vous voulez dire, mais comment est-ce que cela pourrait s'opérationnatiser? Une des caractéristiques du réseau communautaire, c'est d'abord de ne pas faire partie du réseau, souvent d'avoir des initiatives différentes, qui sont complémentaires ou même qui sont parfois les services de base pour des individus à un moment donné de leur cheminement. Si nous allions les contrôler de la même façon qu'on contrôle le réseau, bien, on va les mettre dans le réseau. Je ne suis pas sûre qu'on va améliorer nécessairement l'organisme communautaire.

Je comprends qu'il faut qu'il y ait certains contrôles mais c'est difficile de voir comment ce contrôle pourrait s'opérationnaliser.

M. Rodrigue: Oui. Je pense que vous avez raison, Mme la ministre. Il ne s'agit pas pour nous de dire qu'on devrait faire de chaque ressource alternative un mini-établissement du réseau. On pense qu'il y a deux problèmes Importants. Le premier qui est celui de la responsabilité de la ressource alternative vis-à-vis de la personne qui la consulte. On pense qu'il faudrait que les associations soient très sensibilisées au fait que lorsqu'elles donnent des conseils à une personne elles sont responsables des conseils qu'elles lui donnent.

Donc, il y a cet élément de responsabilité qui, d'une certaine façon, devrait être, quant à nous, analogue à la responsabilité des services d'un professionnel face à son patient ou à son client.

Le deuxième élément, c'est qu'on a vu dans les dernières années une émergence assez importante de ressources ou de médecine alternative ou de médecine parallèle qui, sous le couvert de toutes sortes de prétentions, Interviennent auprès des gens et modifient ou proposent des traitements qui ne sont pas toujours étayés de façon scientifique. Ce qui fait que ce que nous pensons, c'est qu'un organisme qui serait, par exempte, subventionné par le ministère et qui proposerait des services à la clientèle devrait répondre en termes de responsabilité face à cette clientèle et devrait aussi, d'une certaine façon, répondre de la qualité des services qu'il donne.

C'est dans ce sens que nous disions que les ressources alternatives devraient être assujetties à un même type de responsabilité ou de contrôle que les établissements du réseau ou que les professionnels de la santé, non seulement les médecins, mais toutes les autres corporations.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais poursuivre la discussion plus longtemps là-dessus, mais on dit que mon temps est écoulé malheureusement

Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je vous remercie, M. le Président. Tout d'abord, je pense que votre point de vue est clair, sans équivoque. Je dois vous féliciter pour votre franchise. Vous dites carrément ce que vous voulez. Sauf que Je ne suis pas d'accord avec vous autres sur toute la ligne et de loin.

Il y a peut-être des commentaires que je veux faire. Je vais essayer de prouver tes points sur lesquels je suis en désaccord.

Je pense qu'en santé mentale, personnellement, je maintiens qu'on s'en est remis trop longtemps et exclusivement à la médecine. Je suis convaincu qu'il y a des corps professionnels, des corporations professionnelles qui peuvent jouer un rôle extrêmement Important en santé mentale et qu'on n'a pas besoin de faire suivre deux mois de formation à des omnipraticiens en psychiatrie pour répondre aux besoins de ta clientèle, alors qu'il y a des psychologues qui ont

étudié de nombreuses heures la psychologie et qui peuvent jouer des rôles extrêmement importants auprès de ces clientèles sans avoir à former des omnipraticiens et créer des appétits de spécialisation de deux mois; entre vous et mol, ]e ne trouve pas cela fort.

Je vous dirai aussi que je suis toujours dans le dilemme suivant quand je parle aux médecins. Je ne sais plus si je parle à Augustin Roy ou si je parle à la FMOQ quand je vous écoute. Je m'explique. Augustin Roy nous dit: La régionalisation des services et la décentralisation, il faut que la ministre fasse cela, mais de grâce, va-t-elle mettre ses pantalons et ses bottines et va-t-elle prendre ses décisions pour que les régionaux soient desservis avec des services de santé de qualité? C'est parce que je ne suis pas sexiste, madame. D'autre part, on entend la FMOQ qui fait partie de la même corporation nous dire: Régionaliser, oui; décentraliser, oui; mais pour autant que vous conserviez nos acquis et pas d'une façon coercitive, d'une façon incitative. Vous dites après: formation, oui, si vous décidez qu'on en prenne: négociations. C'était dans une de vos recommandations. Conservation des acquis dans tout Respect des juridictions absolues dans tout Je ne sais pas quand on pourra évoluer dans le traitement de la santé mentale si on se met à respecter le champ exclusif des psychiatres, des omnipratl-ciens, des psychologues, s'il y en a, champ exclusif des Infirmières, s'il y en a. Sur la Basse-Côte-Nord, est-ce qu'il y en a un qui va pouvoir se faire traiter? Et dans certaines régions éloignées? Je vous avoue que je suis très inquiet quand je regarde cela froidement, puis je me dis: II me semble qu'on est capable de faire quelque chose' pour le monde, d'autant plus que vous êtes de première ligne, vous le dites. Une mère de famille qui a un enfant malade s'en va voir son omnipraticien, c'est son médecin de famille, son confident Vous examinez l'individu qui a de légers troubles mentaux, par exemple, à qui le référez-vous? Vous ne prenez plus de chance. Vous avez assez peur de vos assurances que vous le référez au psychiatre si vous n'êtes pas trop sûr. Les assurances ont augmenté de 400 %, je sais cela. Mais bien souvent, dans votre for intérieur, vous pourriez avoir une simple référence à un psychologue. Il y a des coûts de santé qui sont prohibitifs au Québec. Je le dis, cela n'a plus de bon sens rendus à 9 000 000 000 $ et juste l'indexation annuelle c'est 300 000 000 $, 400 000 000 $. On n'améliore jamais le système, au contraire on piétine. Donc, en piétinant, on recule. Il faudra trouver des formules un peu alternatives si on veut améliorer un peu les services tout en ne restant pas sclérosés dans le système dans lequel on vit présentement Cela m'inquiète énormément et je pense que vous avez un rôle fondamental à jouer, vous êtes une des clés en acceptant, par exemple, de ne plus vous retrancher exclusivement dans la lof corporative que vous avez. C'est vrai que vous avez les pouvoirs en vertu de la loi de la corporation professionnelle sur les services de santé, mais doit-on se retrancher exclusivement toujours derrière une loi corporative, évitant ainsi, à mon point de vue, toute évolution possible? Vous venez de faire une allusion qui le dénote d'ailleurs. Vous avez vous-mêmes dit: II y a des dossiers qui ne sont pas prouvés scientifiquement par des corporations parallèles. Vous parlez des médecines douces sans doute. Vous voulez faire allusion à cela. On me dit qu'il y a 75 % des maladies - vous allez me dire que ce n'est pas prouvé scientifiquement ce que je vous dis, donc je vais le dire pareil - au Québec et un peu partout dans le monde qui sont psychologiques, si bien, et vous le savez très bien, qu'on se vante dans les centres d'accueil de donner des petites pilules blanches qui n'ont pas l'odeur, ni la saveur, ni la réaction d'une valium. Pourtant la personne âgée dit: J'ai pris ma petite pilule pour dormir et je dors bien. Si c'est vrai, comment se fait-il qu'on ne va pas vers un assouplissement en faisant jouer des rôles à différents groupes qui peuvent faire énormément de bien plutôt que de rester retranché dans les droits acquis absolus? Il me semble que les omnis, en particulier, vous êtes la clé de base. C'est vous autres qui recevez en première ligne. C'est vous autres qui pourriez dire: Un psychologue, cela suffirait; le travailleur social, cela suffirait peut-être dans votre cas. Pourquoi toujours aller au clic-clic, jusqu'en haut? Le clic-clic part d'en haut et descend jusqu'en bas et le coût social, c'est de 9 000 000 000 $ à 10 000 000 000 $. Je ne vous dis pas qu'il ne faut pas traiter la maladie, vous avez raison de l'affirmer dans votre mémoire. Ce n'est pas parce que tu as une maladie mentale ou que tu es mentalement affecté que tu ne peux pas avoir une maladie de coeur ou une maladie du foie. Cette partie-là. Je reconnais tout cela.

Face à la santé mentale comme telle, il me semble qu'il y aurait quelque chose à faire. J'aimerais que vous réagissiez à cela. En tout cas, j'en suis là. Je suis un peu déçu de voir que, dans l'ensemble, on tire chacun sur sa part de gâteau, maudit! et on oublie l'individu qui pourrait avoir des traitements et on pourrait améliorer son encadrement, son insertion sociale, son insertion dans le milieu du travail. Parce que précisément, on n'a plus de sous, on a médicalisé tout, de haut en bas et de bas en haut. La roue part d'en bas et elle revient avec le déclic en bas.

M. Rodrigue: Ces inquiétudes vont honorent, M. Chevrette. Vous avez fait plusieurs exposés. Je pense qu'on va répondre à deux. Pour répondre aux différentes choses que vous avez mentionnées, je vais laisser d'abord le Dr Jutras donner une première réponse.

M. Chevrette: D'accord.

M. Jutras: Disons que lorsque tes patients viennent nous voir - d'abord, ce n'est pas nous qui allons tes chercher dans la rue, ils viennent nous voir - ils n'ont pas une étiquette dans le front qui dit "je viens vous voir pour anxiété"; ce n'est pas cela. Ils viennent nous voir avec des plaintes somatiques, c'est-à-dire qu'ils se plaignent d'avoir mal au ventre, mal à la tête. Alors, le rôle du médecin omnipraticien, c'est d'entendre ces complaintes, d'examiner le patient et d'en arriver à un diagnostic. Alors, quand vous dites qu'il y a 60 %, 70 % ou 75 % des gens qui viennent consulter l'omnlpraticlen et que c'est entre les deux oreilles que cela se passe, c'est probablement vrai. Mais, pour en arriver à cette conclusion, il a bien fallu voir le patient et l'examiner et éliminer l'infarctus, l'ulcère gastrique, etc. Alors, c'est une démarche normale. Qu'est-ce que vous voulez? Les gens viennent nous voir pour cela. Par la suite, l'ulcère d'estomac, c'est sûr que le patient est peut-être aux prises avec de nombreux problèmes. Là, on tombe dans le psychologique et tout cela, mais il faut quand même traiter t'ulcère.

De telle sorte, ce n'est pas par corporatisme, je dirais, que les médecins omnipraticiens ne veulent pas s'approprier ce champ-là, c'est que les gens viennent nous voir avec des malaises. On essaie de les diagnostiquer le mieux possible, d'apporter un diagnostic précis et, ensuite, un traitement Je suis d'accord avec vous que le traitement, éventuellement, peut être d'ordre psychologique; le patient peut aller voir un psychologue ou un psychiatre ou un ergothéra-peute, peu importe, mais II faut quand même qu'il y ait un diagnostic de porté. À ce moment-là, cela fait partie de notre démarche normale. C'est notre travail de faire cela. Vous, vous concluez jusqu'à un certain point, vous dites qu'il y a 75 % des gens où cela se passe entre les deux oreilles, donc est-ce qu'Os ne devraient pas venir voir les omnipraticiens? Je pense qu'il faut qu'ils viennent voir l'omnipraticien et, à ce moment-là, ce dernier peut régler le problème s'il le peut, c'est-à-dire si c'est de sa compétence, ou iI peut le référer ailleurs. Il faut dire également...

M. Chevrette: Je vous arrête. M. Jutras: ...que l'omnipraticien...

M. Chevrette: Je vous arrête parce que je n'ai pas dit...

M. Jutras: ...en ce qui concerne sa disponibilité...

M. Chevrette: ...qu'il ne fallait pas qu'ils aillent vous voir.

M. Jutras: Pardon?

M. Chevrette: Seulement une seconde, je veux rectifier une chose. J'ai dit que vous êtes la porte d'entrée les trois quarts du temps. J'ai dit exactement le contraire de ce que vous avez dit J'ai dit oui, c'est normal qu'il aille vous voir, vous êtes son confident - je suis même allé jusque-là - le médecin de famille. Je ne dis pas qu'il ne faut pas qu'il aille vous voir et qu'il ne faut pas que vous fassiez un diagnostic, je vous dis que je ne sais pas si c'est par insécurité dans certains cas ou pour des raisons, en tout cas, que j'ignore, très souvent, c'est la référence au plus haut niveau de traitement, alors que, bien souvent, ce sont de légers malaises qui pourraient être traités autant par un psychologue ou par un travailleur social, bien souvent. C'est très peu d'encadrement.

Je pourrais vous donner l'exemple - je ne me souviens plus de votre nom...

Une voix: Jutras.

M. Chevrette: ...M. Jutras - d'un bonhomme qui se fait "fouter" dehors à la Société des alcools. Il a mal à la tête en maudit, c'est vrai. Il a mal à la tête, il se ramasse trois semaines dans le centre psychiatrique. Il ressort de là, il s'en vient me voir, it a tes yeux vitreux: Je veux mourir, j'ai des médicaments trop forts. Vous me parliez tantôt d'un cas précis, on a cela dans nos comtés. J'ai fait de la psychologie comme professeur, mais je ne me prétends même pas psychologue. Mais convaincs ce petit gars-là qu'il faut qu'il s'en sorte d'abord pour sa santé et assure-lui que tu vas lui régler son grief après, son mai de tête disparaît; on n'a pas besoin de l'envoyer à un psychiatre. (17 heures)

Une voix: II faut lui trouver un job.

M. Jutras: M. Chevrette, dans votre argumentation d'abord, il faudrait savoir si ce gars-là en question a vu effectivement un omnlpraticien qu'il l'a référé au psychiatre. Vous me permettrez de douter un petit peu de cette affirmation que les omnipraticiens, lors pratiquement d'un moindre doute, font une référence en psychiatrie. Je serais étonné de savoir les statistiques de référence en psychiatrie par les omnipraticiens justement par rapport au nombre de consultations qu'ils ont dans leur clientèle de gens où il y a des problèmes psychologiques.

Je vous dirai d'abord qu'au niveau de la première ligne, le médecin de famille, dans un très grand nombre de cas, règle ou travaille au niveau psychologique autant qu'au niveau physique et que, dans un bon nombre de cas, il n'y a pas de référence en psychiatrie et il n'y a pas de référence en psychologie, ni au niveau du travailleur social, parce que dans ces cas-là, l'omnipraticien est habilité à régler le problème simplement parce que ce sont des problèmes, je dirais, d'ordre mineur. Dans un certain nombre de cas aussi, l'omnipraticien - je pense entre autres à certains états névrotiques, comme des dépressions - qui a une bonne formation est

mation de deux ans, si on exclut la formation prédoctorale, II y a facilement une période de huit à douze mois où un accent est donné aux problèmes de relation d'aide et aux problèmes de maladie mentale.

M. Boileau (Georges): II ne faut pas non plus donner toute la formation en médecine. On parlait tout à l'heure des ulcères d'estomac. À l'occasion de l'étude des ulcères d'estomac, il y a une composante psychique qui est étudiée aussi. On ne peut pas scinder... Là, c'est à des fins de stage. il faut bien penser que la médecine, c'est un tout et que ce tout se tient

M. Rodrigue: Dernier élément de réponse. M. Chevrette, vous avez associé, dans une seule phrase, des mots que vous avez pris éparpillés un peu partout dans le rapport. Vous avez parlé de préserver les acquis, des désincitatifs, etc. Je n'avais pas le temps de chercher, dans toutes les pages, finalement, où vous aviez pris les mots.

M. Chevrette: Je peux vous les donner.

M. Rodrigue: Je vous dirai simplement, M. Chevrette, que...

M. Chevrette: On va se placer en équipe et on va vous les donner.

M. Rodrigue: Je vous dirai simplement, M. Chevrette, que, quand on parle de préserver les acquis, je pense qu'on ne dit rien d'autre, ni plus, ni moins, que ce que vous avez dit hier ou avant-hier et ce qu'on a lu dans les journaux, ce mattin II y a des acquis dans le système de santé québécois, en ce qui a trait à la réponse aux problèmes de santé mentale et il ne faudrait pas, dans un élan de générosité, prendre tout le budget de développement pour le mettre uniquement dans un réseau, par exemple. La raison pour laquelle on a parlé d'un réseau autonome, parallèle et prioritaire, c'est parce que c'est bien dit dans le rapport Harnois. On n'a pas associé des mots, ils sont associés dans une phrase que nous trouverons, si vous le voulez. On parle d'un réseau autonome, parallèle et prioritaire. Nous disons: Avant de mettre tous les budgets de développement dans cet élément, il y a peut-être lieu de préserver les acquis de ce qu'on a fait d'efficace, de ce qui fonctionne bien actuellement dans le réseau; on devrait peut-être les garder.

M. Chevrette: Vous avez plutôt parié de consolider les acquis.

M. Rodrigue: C'est cela.

M. Chevrette: Je vais vous citer au texte.

M. Rodrigue: C'est ce qu'on voulait dire.

M. Chevrette: Sur cela, vous n'avez pas tort.

M. Rodrigue: C'est ce qu'on voulait dire.

Le Président (M, Laporte): M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Pardon?

Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition, étant donné que...

M. Chevrette: C'est déjà fini pour moi aussi?

Le Président (M. Laporte): Oui. Il y a des contingences de temps.

M. Chevrette: Quand ils reviendront, vous leur donnerez le double du temps des autres.

Le Président (M. Laporte): Ha, ha, ha! Si vous voulez conclure.

M. Chevrette: Je vous remercie infiniment. Il est dommage qu'on ne puisse argumenter davantage. Mais je pense que, de toute façon, sur les points précis... Entre autres, je pense qu'il y a des points clairs que je ne conteste pas. Si j'ai voulu faire un commentaire plutôt global et général, c'est.. Qu'on le veuille ou non, il faut évoluer vers quelque chose de plus positif, de plus léger, pour toucher un ensemble de notre population plus grand, au Québec. Je vous avoue que j'ai bien hâte d'entendre les fédérations médicales me dire qu'elles sont d'accord pour une équité dans les services de santé dans tout le Québec, où que vous soyez. Qu'on ne parie plus d'incitation, qu'on parie de gros bon sens plutôt que de prêcher cela.

M. Rodrigue: ...de la commission.

M. Chevrette: Merci. Pour vous, dans ce cas, c'est vrai, vous avez un grand bout de chemin de fait.

Le Président (M. Laporte): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier la Fédération des médecins omnipraticiens. J'aurais eu un bon nombre d'autres questions. Par exemple, comment auriez-vous pu voir votre rôle auprès des organismes communautaires? D'une part, même si vous les voulez de telle ou de telle façon, vous reconnaissez qu'ils doivent exister. De quelle façon pourriez-vous collaborer avec eux? Peut-être, déjà, collaborez-vous avec eux, c'est possible?

Juste une petite question. Celle-là n'est pas longue.

Des voix: Ha, ha, hat

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que dans les autres provinces, les omnipraticiens sont aussi rémunérés pour des actes de psychothérapie?

M. Rodrigue: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Dans toutes les autres provinces.

M. Rodrigue: La plupart.

M. Jutras: En Ontario, ils sont même rémunérés pour le "counseling".

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci bien.

Le Président (M. Laporte): Merci, Mme la ministre. La commission tient à remercier les porte-parole de la fédération pour la présentation de leur mémoire.

J'invite le Département de psychiatrie de l'Université de Montréal à s'avancer...

(Suspension de la séance à 17 h 10)

(Reprise à 17 h 13)

Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous plaît! Afin que nous puissions débuter nos travaux étant donné qu'on recommence ce soir à 19 heures, Mme la ministre, M. le chef de l'Opposition...

Nous souhaitons la bienvenue aux membres... S'il vous plaît! Merci.

Je demanderais aux membres et au porte-parole du Département de psychiatrie de l'Université de Montréal de bien vouloir s'Identifier et identifier les personnes qui sont présentes pour les fins d'enregistrement.

M. Amyot (Arthur): Dr Arthur Amyot, directeur du Département de psychiatrie de l'Université de Montréal; le Dr Gilbert Pinard, directeur du département universitaire de psychiatrie de McGill; le Dr Camille Laurin, chef du département de psychiatrie de l'Hôpital Sacré-Coeur; le Dr Dominique Scarfone, responsable du programme de ta résidence au département de psychiatrie de l'Université de Montréal; le Dr Georges Aird, responsable d'une équipe de psychogériatrie de l'Hôpital Sacré-Coeur de Montréal. Le Dr Claude Marquette s'excuse, ne pouvant venir cet après-midi de même que le Dr Brian Robertson du Allen Memorial.

Le Président (M. Laporte): La commission souhaite la bienvenue aux gens du département de psychiatrie de l'Université de Montréal et vous rappelle le temps Imparti pour la présentation de votre mémoire qui est de 20 minutes.

Département de psychiatrie de l'Université de Montréal

M. Amyot: Mme la ministre, honorables membres de la commission parlementaire des Affaires sociales, mesdames et messieurs, nous tenons à remercier les membres de la commission de nous avoir accordé d'être entendus à cette commission parlementaire des affaires sociales. Nous sommes d'autant plus heureux d'être entendus aujourd'hui, parce que ce projet de politique de santé mentale pour le Québec nous tient bien à coeur.

En février 1987, le département de psychiatrie de l'Université de Montréal a présenté un mémoire à la commission d'enquête sur la santé et les services sociaux connexes présidée par M. Jean Rochon, ainsi qu'au comité de la politique de santé mentale présidé par le Dr Gaston Harnois en mars 1987. Aujourd'hui, nous voulons présenter à la commission parlementaire des affaires sociales le mémoire de l'Université de Montréal en réaction au projet de politique de santé mentale pour le Québec Pour un partenariat élargi.

Le rapport intitulé Pour un partenariat élargi, se propose de définir une politique de santé mentale pour le Québec. Une telle ambition comporte, comme première condition, la connaissance approfondie de la situation actuelle dans le domaine de la santé mentale. Il faudrait connaître l'incidence et la prévalence des maladies mentales dans l'ensemble du territoire, les maladies étant différenciées selon les diagnostics, la gravité, la chronicité, etc. Les conséquences au plan socio-économique pour les Individus, leurs familles et la société. Les ressources que ta société a mises à la disposition des malades jusqu'à maintenant.

Mais, le rapport ne fait pas l'inventaire ni de l'étendue des problèmes de santé mentale ni des ressources disponibles, de leur distribution, de la charge que ces ressources assument, de l'adéquation ou de l'inadéquation de cette charge en termes quantitatifs et qualitatifs, en termes d'infrastructure comme en termes de compétences professionnelles; en termes de budget comme en termes de développement scientifique et professionnel. Cet Inventaire serait un autre prérequis à l'établissement d'une politique de santé mentale. On imagine mal comment on peut planifier, comment on peut gérer te changement sans avoir auparavant fait cet inventaire, ne serait-ce qu'approximativement. Une différenciation est encore ici nécessaire entre ce qui est engagé au plan de la prévention, de ce qui est engagé au plan des soins de première et deuxième lignes, au plan de la réadaptation et de la réinsertion sociale des malades, etc.

Le rapport ne fait pas état des acquis pourtant nombreux et importants dans le domaine de la psychiatrie au Québec depuis te rapport Castonguay. On fait, dans le rapport, comme si nous partions à zéro. C'est bien peu de respect

pour tous ceux qui. depuis des années, oeuvrent à structurer les services psychiatriques un peu partout au Québec.

Bien sûr, nous reconnaissons les préoccupations humanistes des auteurs du rapport et lors d'une première lecture, on a l'impression de partager les mêmes soucis quant au mieux-être des personnes souffrantes. Certaines recommandations, celles concernant le respect de la personne, la philosophie, l'accessibilité à la continuité des soins, le soutien aux familles, la régionalisation et la sous-régionalisation des soins et des services font déjà, à notre avis, l'objet d'un très large consensus à bien des niveaux. D'autres, comme celles concernant la recherche, la prévention et la réadaptation reçoivent dans le rapport une attention importante qui a le mérite de vouloir corriger des lacunes réelles. Les principales lacunes du rapport sont ailleurs et nous allons en dégager un certain nombre.

Les failles fondamentales du rapport. D'abord, les déviations par rapport au mandat initial. En page 7, on peut lire ce qui suit: Le mandat qui nous avait été confié établissait clairement que ta cible principale devait être les personnes aux prises avec des problèmes mentaux des plus sévères.

Les auteurs n'ont pas respecté cette exigence fondamentale et ont préféré opter pour une première ouverture sur l'ensemble des réalités. En fait, les problèmes mentaux les plus sévères n'ont pas fait l'objet d'une attention particulière, mais ont été plutôt dilués dans une conception élargie et floue des problèmes d'ordre mental.

On se serait attendu, bien au contraire, à ce que ce noyau dur auquel se butent les soignants de première et deuxième lignes fasse l'objet d'une étude rigoureuse et spécifique, tel que suggéré dans le mandat par Mme la ministre. Non seulement cette question, qui était centrale, n'a pas fait l'objet d'une analyse étoffée, statistiques, bilan, orientations, structures, mais elle a été renvoyée pour étude ultérieure. Ainsi, on retrouve une recommandation - R-30, page 113 - visant la création d'un autre groupe pluridisciplinaire d'experts chargés de conseiller les établissements, de recommander aux autorités locates, régionales et nationales les actions à entreprendre, etc.

N'était-ce pas là un aspect majeur du mandat du comité lui-même, mais que celui-ci a scotomisé et renvoyé à un autre comité pluridisciplinaire?

Quant à l'ouverture sur l'ensemble des réalités, un examen un tant soit peu respectueux de l'histoire de la psychiatrie québécoise aurait vite fait de montrer que le comité ne fait que reprendre à son compte, avec quinze ans de retard, ce que le mouvement de la psychiatrie communautaire a défini et développé depuis le début des années 1970.

Il aurait été normal que le comité se penche sur cette période et fasse le bilan des réussites et des échecs, des avancées et des obstacles connus. On se serait attendu qu'il se fonde sur une telle analyse pour dégager des pistes pour l'avenir, mais rien de tout cela ne se retrouve dans la démarche du comité.

Deuxième faille fondamentale: la dilution du savoir. La clé de voûte de la démarche illustrée par le rapport nous semble pouvoir être identifiée dans l'avant-propos, juste après la page de garde. On y affirme ce qui suit, et je cite: "Les troubles mentaux les plus sévères sont encore d'origine inconnue, schizophrénie, angoisse. Les frontières restent floues et sont l'objet de controverses. Les mots dont on se sert pour décrire la réalité diffèrent selon les écoles de pensée." Avant-propos, texte non paginé.

Sous cette manifestation de modestie professionnelle se trouvent, à notre avis, d'énormes énoncés de principe qui ne correspondent pas à la réalité. Sous les apparences d'une saine reconnaissance des limites du savoir psychiatrique, psychologique, biologique et sociologique, il y est en fait suggéré que nous travaillons à tâtons, ignorant tes causes et improvisant quant aux moyens. Sur la base d'un tel postulat, il sera ensuite loisible de mettre tout le monde sur le même pied: "tous intervenants, du psychiatre au barman..." Près de 200 ans après Pinei et près de 100 ans après Freud, après plus de 50 ans de neurophysiologie et 30 ans de psychopharmacologie, un tel jugement a de quoi étonner.

Que l'on nous comprenne bien. Nous sommes bien conscients que les chercheurs n'ont pas encore isolé le gène de la schizophrénie et qu'il n'y a pas de test de laboratoire à l'appui d'un diagnostic de troubles graves du caractère. Nous savons bien que plusieurs écoles de pensée s'affrontent. Que le vocabulaire diffère d'une école à l'autre. Mais il ne faut ni oublier les immenses progrès accomplis, ni la spécificité du domaine qui nous occupe. Traitant de l'homme dans sa dimension la plus évoluée, soit son fonctionnement psychique et ses aléas, il n'y a pas lieu de se désoler que les langages soient multiples. Ils le demeureront à coup sûr et il nous faudrait, au contraire, déplorer les tentatives de réduction à une seule langue, à un seul point de vue, de ce qui est par essence complexe, multiple et irréductible. Que les approches diffèrent n'enlève rien aux disciplines rigoureuses qui s'acharnent à cerner, chacune avec son langage et sa méthode particulière, ce qui fait l'être pensant et souffrant qui se présente en divers tableaux pathologiques de nature et d'intensité diverses.

Une troisième faille: le réductionnisme du rapport. Le rapport ne fait aucune distinction entre les différents problèmes de santé mentale. Une telle distinction suppose elle-même le recours à des notions clairement définies et largement partagées par ta communauté scientifi-

que et professionnelle qui oeuvre dans le champ en question. La notion-titre de "santé mentale" se définit peut-être de manière positive mais elle fait aussitôt appel à la notion de maladie mentale. Or, celle-ci ne saurait demeurer une entité indifférenciée. Pour la clarté du projet, dans l'optique de l'élaboration d'une politique de santé mentale, il nous apparaît nécessaire de préciser au moins trois ordres de concepts: nosographiques, structuraux et thérapeutiques.

Concepts nosographlques. Il est difficilement acceptable que l'on ne fasse pas dans le rapport de distinction entre tes diverses réalités cliniques de la psychose aux troubles transitoires qui ne relèvent ni d'une même approche thérapeutique, ni des mêmes ressources. Faut-il rappeler que l'on ne traite pas de la même façon les patients schizophrènes et les agoraphobes, les maniaco-dépressifs et les troubles de personnalité, etc. Pourtant, tous ces patients sont, dans le rapport, "des personnes aux prises avec des problèmes d'ordre mental", selon la lourde terminologie du rapport.

Concepts structuraux. On n'assiste pas non plus dans le rapport à une discussion concernant les niveaux de soins à donner aux malades, qu'ils soient en première ou en deuxième ligne, ainsi que les structures qui devraient leur être rattachées selon que l'on est à l'un ou l'autre de ces niveaux.

La question si chaudement débattue à plusieurs niveaux - voir le rapport Brunet, par exemple, du développement d'une première ligne intégrée de soins et de services ne fait pas l'objet d'une attention particulière dans le rapport alors qu'il s'agit là d'un mouvement important, prometteur, qui apporte un élément concret de solutions à certains problèmes que le rapport n'aborde que de façon abstraite et allusive.

Enfin, concepts thérapeutiques. Encore ici, le rapport ne fait aucune distinction entre les différentes approches thérapeutiques en fonction des besoins spécifiques des malades, qu'ils se trouvent dans des secteurs de la psychiatrie adulte, de la pédopsychiatrie, de la psychosomatique ou des personnes âgées.

On dirait que pour les auteurs du rapport, il n'y a qu'une seule sorte de malades: les personnes aux prises avec des problèmes d'ordre mental; une seule sorte de soignants: des intervenants; une seule forme de traitement: la relation d'aide.

Le comité se fait le champion du respect de la personne. Mais les périphrases utilisées tout au long du rapport pour ne pas nommer la maladie mentale ne sauraient garantir le respect de la personne. Ce respect n'implique-t-i! pas d'abord la reconnaissance de la spécificité des problèmes d'un individu donné et la capacité d'y répondre au bon niveau? Bien plus que la bonne volonté, ce respect appelle l'acquisition, le développement et le maintien des compétences cliniques et théoriques qui assureront à chaque

Individu les soins les plus appropriés. Au lieu de quoi, la dilution de la spécificité dans le magma des personnes aux prises avec des problèmes d'ordre mental ne fait que minimiser les problèmes et offrir les bonnes intentions et les bons sentiments d'Intervenants dévoués comme forme essentielle d'aide.

Une quatrième lacune majeure: L'ouverture naïve et Inconditionnelle à tout ce qui est nouveau. Se dépouillant de tout sens critique, tes auteurs adoptent d'emblée tout ce qui se présente sous l'étiquette de la nouveauté chez les professionnels, - dans les pratiques et les discours. Autant il leur est facile de passer sous silence ce qui se fait actuellement, autant Ils embrassent la nouveauté tout en nous laissant dans l'obscurité quant à la nature de ces nouvelles approches et surtout quant à leur valeur sur le terrain de la réalité quotidienne.

À titre d'exemple, aucun directeur des quatres départements de psychiatrie des universités du Québec n'a, à notre connaissance, fait l'objet d'une consultation spécifique concernant les programmes de formation, que ce soit pour les sous-gradués, cours de médecine, ou post-gradués, programme de résidence en psychiatrie. Pas même une demande de documents à cet effet Pourtant, le jugement est sévère et sans équivoque. Tous les programmes d'enseignement en psychiatrie doivent être révisés, selon le comité, de même que ceux de toutes les autres professions.

Eussent-Ils consulté les programmes. Ils auraient eu la surprise de découvrir que pour ce qui est de l'approche globale du malade, de la multidisciplinarité et du travail d'équipe, de l'approche communautaire, de la continuité des soins, du maintien dans le milieu et de la réinsertion, des approches familiales, le département de psychiatrie de l'Université de Montréal, par exemple, n'a pas attendu les travaux du comité Harnois pour les mettre au programme d'enseignement théorique et pratique au cours des quatre années de formation psychiatrique. Quant à eux, les étudiants en médecine sont également exposés à ces approches, notamment par le biais des programmes qui nous Incombent comme département universitaire.

Bien sûr, nous ne prétendons pas avoir trouvé la formule ideale et nous sommes à même d'évaluer les limites de ces concepts lorsqu'il s'agit de les mettre en application sur le terrain. D'une année à l'autre, des mécanismes d'auto-évaluation nous permettent de réviser nos programmes en fonction des besoins et des expériences vécues en clinique.

Pour conclure, une politique de santé mentale doit comporter un plan d'ensemble établissant des priorités quant aux populations cibles, situant les professionnels les uns par rapport aux autres, situant les structures les unes par rapport aux autres en termes de mandats, de pouvoirs, de responsabilités et de budgets.

Nous avions déposé en février 1987 un mémoire à la commission Rochon et au comité Harnois intitulé Les soins psychiatriques: nouvelle pratique, nouvelles articulations, nouveaux rôles. Nous y avions identifié un certain nombre de problèmes à résoudre et de défis à relever dans le secteur de la psychiatrie et de la santé mentale. Le comité Harnois n'a pas jugé bon de nous inviter à le commenter, ne le cite pas dans la liste des mémoires reçus et ne nous a même pas fait parvenir un accusé de réception, bien que le président nous ait confirmé que ledit mémoire a passé dans la grille d'analyse du comité. (17 h 30)

Dans une des recommandations du mémoire que nous avions présenté à la commission Rochon et au comité Hamois, nous avions formulé ce que devait contenir une politique de santé mentale et nous citons la sixième recommandation de notre rapport: Le ministère doit définir une politique de santé mentale dans laquelle il fixe des objectifs et des moyens pour les atteindre. Une telle politique doit, selon nous, s'appuyer sur une meilleure connaissance des caractéristiques et des besoins de la population québécoise en ce qui concerne les troubles psychiques; deuxièmement, proposer une décentralisation administrative pour les conseils régionaux et à Montréal pour les conseils sous-régionaux; troisièmement, proposer des mécanismes de complémentarité entre les ressources en place; quatrièmement, clarifier les mandats à tous les niveaux; cinquièmement, proposer la création d'un premier niveau de services et, sixièmement, proposer un mode de financement adéquat.

Dix-sept autres recommandations émanaient de notre mémoire. Il ne nous apparaît pas opportun de reprendre ici chacune d'elles. Toutefois, nous croyons utile de les joindre en annexe à notre présent mémoire en souhaitant que la commission des affaires sociales y accordera une attention toute particulière.

Notre impression globale, au terme de l'étude de ce rapport, est qu'il ne constitue pas la base d'une politique de santé mentale pour le Québec. Une fois de plus, nous nous retrouvons devant un rapport qui en appelle un autre.

Je voudrais en terminant, faire part des appuis que nous avons reçus au mémoire que nous venons de vous présenter. Les quatre départements de psychiatrie des universités du Québec, donc du Dr Gilbert Pinard de l'Université McGill; du directeur du département de l'Université de Sherbrooke, le Dr Denis Lepage et du Dr Noël Mongrain, du département de psychiatrie de l'Université Laval. De plus, se joignent à notre mémoire par des lettres d'appui les chefs des départements de psychiatrie de l'hôpital Sainte-Justine de Montréal, le chef du département, le Dr Claude Marquette; de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, le Dr Camille

Laurin; de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, le Dr Claude Vanier; de la Cité de la santé, le Dr François Borgeat; de l'hôpital Rivière-des-Prairies, le chef du département, le Dr Arra Dakessian; de l'hôpital Saint-Luc de Montréal, Marie-Carmen Plante et enfin, de l'hôpital Notre-Dame de Montréal, le Dr Jean-Marie Albert.

Je pense que vous avez reçu les lettres d'appui qui ont été distribuées aux membres de la commission.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux d'abord remercier le Dr Amyot pour la présentation du mémoire du département de psychiatrie de l'Université de Montréal. Même si c'est un mémoire • c'est peut-être le temps d'en parler - qui démontre beaucoup d'angoisse de la part des psychiatres, hier on a quand même eu avec le Dr Laurin une discussion qui... C'est peut-être bien des fois qu'on ne soit pas toujours du même avis. Cela fait aussi avancer la discussion. Alors, je veux bien voir votre mémoire dans cette perspective. il y a évidemment des éléments que nous avons discutés hier soir avec le Dr Laurin, par exemple, le fait que le rapport Harnois passe sous silence la question des acquis, la question de ce qui se fait actuellement et ce qui s'est fait jusqu'à maintenant dans le domaine de la santé mentale.

Dr Amyot, je vais vous le dire bien honnêtement, je sens chez vous une espèce de désappointement, pour ne pas utiliser d'autres mots, quand vous dites: On aurait dû faire la revue depuis 1970 jusqu'à maintenant et là on aurait trouvé tous les éléments. Depuis 1970 et même avant, probablement avant le rapport Bédard sous d'autres formes, II s'est fait en psychiatrie des choses intéressantes et il continue de s'en faire. Il n'est nullement question de nier ces acquis ou de renoncer à ceux qui sont bons. Il y en a un grand nombre heureusement et personne ne peut nier les progrès qu'on a faits dans le domaine de la psychiatrie jusqu'à un certain point en tout cas, jusqu'au premier mouvement de désinstitutionnalisation qui s'est amorcé au début des années soixante. Mais il faut bien se rendre compte qu'aujourd'hui, il y a un léger piétinement dans le sens que les réponses ne semblent pas être complètes. Selon les représentations qui nous sont faites par la population - nous Ici, on entend la population, je suis sûre que vous autres aussi, peut-être pas comme universitaires, mais comme cliniciens - un trop grand nombre de personnes qui ont été désinstitutionnalisées - hier, le Dr Laurin nous rappelait cela comme un élément positif du développement de la psychiatrie au Québec, je pense que cela l'est à certains égards... Par contre, on sait fort bien qu'en bout de ligne, il

s'est créé, parallèlement à la désinstitutionnalisation, le phénomène de la porte tournante, la désorganisation sociale de ces personnes que l'on a retournées dans la communauté sans tes ressources nécessaires. C'est vraiment pour tenter de trouver une réponse plus complète et Je suis certaine que même avec l'adoption d'une politique de santé mentale et d'un plan d'action pour l'opérationnaliser, cette réponse ne sera pas encore complète, mais nous croyons qu'elle devra nous permettre de faire un pas en avant

Je m'étonne - je le dis très franchement - un peu de l'attitude des psychiatres qui réagissent si négativement. Il semble qu'ils aient vu le rapport Harnois... et je n'ai pas à le défendre parce qu'il va être modifié, corrigé et ce ne sera pas la politique finale. Je pense que, hier soir, au moment où on demandait au Dr Laurin de nous donner les principes qu'il mettrait comme fondement à une politique de santé mentale, II a commencé par énumérer les principes qu'on retrouve dans le rapport Harnois. Je ne suis pas sûre qu'on sort à une si grande distance que cela.

Vous faites allusion au rapport que vous avez soumis à la commission Rochon, dans lequel il se trouve environ 18 ou 20 recommandations. Je l'ai relu, mais très brièvement Je dois vous dire que je retrouve au moins une douzaine de recommandations qui rejoignent les vôtres et qui touchent l'accessibilité, la continuité, l'universalité, la personnalisation - je pense que lorsqu'on centre sur la personne, c'est cela que vous avez voulu dire par personnalisation - la prévention, la déslnstltutionnallsation, la création de ressources extrahospitalières, fa planification régionale et sous-régionale - d'ailleurs, qu'on retrouve aujourd'hui dans votre texte - la nécessité, j'imagine, d'ajouter des ressources intermédiaires, des ressources alternatives, des organismes d'entraide, la formation, la recherche... ce sont là des recommandations que vous retrouvez dans le rapport aujourd'hui. Il y en a probablement qui ont été omises sur les 18. Mais je pense que dire qu'on est complètement aux antipodes ou créer l'impression qu'on puisse l'être complètement, cela me surprend.

J'essaie de comprendre ce qui s'est passé. Je voudrais peut-être que vous me disez, vous qui avez été président du comité de la santé mentale à l'Intérieur du ministère des Affaires sociales pendant quelques années, quels auraient été vos fondements pour l'établissement d'une bonne politique de santé mentale.

M, Amyot: Oui, je vais vous répondre dans le sens de la déception; elle est très grande et elle se maintient dans le sens où l'élaboration du rapport Harnois, à notre avis, a passé à côté du mandat que vous lui avez demandé, d'aborder la question du noyau dur, des malades les plus malades, c'est-à-dire ceux pour lesquels tes omnlpraticlens et toutes les ressources n'ont pas pu répondre de façon adéquate et qui sont, on vous l'avoue, Importants, en nombre grandissant.

Ce qui s'est passé depuis vingt ans, c'est qu'une désinstitutionnalisation importante s'est faite, je pense que le Dr Laurin le mentionnait hier; de 25 000, on est passé à 12 000 malades qui demeurent dans les établissements. Je pense qu'on ne parle pas assez et pas suffisamment des 50 000 ou des 55 000 ou des 60 000 malades qui sont suivis en externe par des équipes de secteur pluridisciplinaire, qui sont actuellement débordées à ce niveau. Je pense qu'on met le focus beaucoup trop, à mon avis, sur la désinstitutionnalisation, alors que la non-institutionnalisation est une forme de désinstitutionnalisation. Je pense que ces ressources-là... Qu'on soit arrivé à passer de 25 000 à 12 000 et qu'on veuille tendre de 12 000 vers plus bas, je pense que c'est un objectif qui serait Important, mais on n'a pas mis le focus. Je pense que là où on est déçu, c'est qu'on parle beaucoup de la prévention, de la réinsertion sociale et des moyens qu'on devrait prendre, mais on ne parle pas de la partie majeure, du noyau dur, de la partie centrale. Ce qui nous étonne, c'est qu'on vienne nous dire que les nouvelles orientations qui devraient prendre forme, c'est l'approche global du malade mental, l'approche multkHsciplinalre. Il me semble que cela existe, pour nous, dans la réalité de nos départements de psychiatrie et dans les hôpitaux généraux, de façon élaborée, en tout cas à Montréal, mais on n'a pas senti le soutien et on n'a pas les appuis pour développer ce qui serait complémentaire et ce qui serait nécessaire entre le milieu asilaire, qui ne répond plus à des demandes de la troisième ligne et l'hospitalisation et l'équipe de secteur; il n'y a que cela, il n'y a que l'hôpital. Quand vous parlez de la porte tournante, à mon avis, c'est un phénomène qui est encore plus intéressant que la porte soit tournante plutôt que non tournante. L'histoire du nombre croissant des malades qui ont été hospitalisés et qui ont été internés dans les milieux asilaires avant les années soixante, la porte ne tournait pas, elle ne tournait que dans un sens, vous entriez, mais vous n'en sortiez pas. Il fallait agrandir les milieux asilaires avant le rapport de la Commission Bédard et Lazure-Roberts, on se souvient que le nombre tendait vers 25 000 et qu'on avait construit à Sherbrooke un dernier asile, qu'on en avait construit à l'Annonciation, qu'on en construisait un peu partout

II me semble que le rapport Harnois n'aborde pas - c'est vraiment là notre déception la plus grande - les travailleurs qui sont placés au centre avec la pathologie la plus lourde. C'est cela votre mandat. C'est cela qui nous étonne un petit peu qu'on ait beaucoup parlé de la prévention et quand on parle de la prévention, je ne suis pas sûr qu'on s'entende tous sur les mêmes termes. Il y a une prévention primaire, secondaire et terciaire et je pense qu'on pourrait développer cet aspect-là. Notre déception la plus grande réside dans le fait qu'on n'ait pas fait

état du bloc majeur, le bloc le plus Important des malades mentaux. Je ne veux pas vous donner...

Mme Lavoie-Roux: II y a, à mon point de vue, ce que j'appellerais un malentendu ou une Incompréhension ou une ambiguïté. Vous avez raison de dire que ce que j'avais demandé et ce que personnellement J'avais demandé, je le retrouve et vous ne le retrouvez pas. Ce que j'avais demandé et ce qui me préoccupais surtout, non pas que je n'étais pas préoccupée par la prévention parce que tout le monde veut être préoccupé par la prévention pour... bon, on le sait, bon, toute cette vertu qui est nécessaire, mais j'étais surtout préoccupée par les gens qui étaient désinstitutionnalisés, qui avaient été ou étaient dans un processus de désinstitutionnalisation et également par cet accroissement considérable de ceux qui ne sont plus institutionnalisés. Quant à moi, je pense que vous avez fait référence à ce groupe-là, c'est un groupe qui est extrêmement important. Je sais qu'un grand nombre de personnes - je ne sais pas si c'est 35 et moins ou 40 et moins, mais probablement 35 et moins - avec des pathologies lourdes n'ont souvent jamais connu l'institutionnalisation des personnes qui les ont précédées, des autres générations. Dans ce sens-là, je pense que oui; mais je ne vois pas qu'on fasse abstraction dans le rapport Harnois de la nécessité d'avoir, pour ces personnes-là, un traitement psychiatrique Intensif - cela peut être aussi des traitements pharmacologiques, etc. - mais comme elles doivent rester dans la communauté, il faut aussi s'assurer que cette - et là j'utilise le mot traitement dans un sens beaucoup plus large approche puisse être complétée par un ensemble de mesures qui commencent à s'édifier, mais qui sont encore très très restreintes. Si - je suis d'accord avec vous - de la porte fermée on est passé à la porte tournante, je pense qu'on voudrait que la porte tournante tourne moins vite aussi. Je pense que c'est là un de nos autres objectifs. Dans ce sens-là, je pense que ce qui est proposé et qui aurait pu évidemment être développé, on aurait pu parler pendant un long chapitre sur les ressources alternatives, un autre long chapitre sur les ressources intermédiaires. On aurait pu développer à l'infini les appartements supervisés, les familles d'accueil, les groupes d'entraide, etc., mais Je pense que c'est une politique qui n'entre pas dans tous ces détails. À tout événement, je peux vous dire une chose. J'ai eu l'impression, et plus fortement chez les psychiatres que chez les autres professionnels, qu'on s'était senti mis de côté. C'est comme s'il y avait eu une perte d'identité. Vous connaissez cela. (17 h 45)

M. Amyot: Pas comme ici. On a nettement l'impression, effectivement, que tout ce qui est de l'ordre des champs thérapeutiques spécifiques a été complètement scotomisé. Les formes de thérapies se sont diversifiées, se sont multipliées, avec des expertises spécifiques, soft dans le secteur de la biologie, dans le secteur de la psychologie et dans le secteur des interventions sociales. On a le sentiment que c'est comme s'il n'y avait qu'une seule forme d'aide. Il s'agissait d'être compréhensif, d'être compatissant, d'intervenir rapidement auprès de la communauté et de développer les ressources communautaires. Ce qui nous est apparu important, c'est qu'on n'a pas vu ce bilan. En fait, on n'arrive pas avec des données. On n'a pas fait cet inventaire. Et, quand on parle, on est toujours dans un flou et on a l'impression que notre discussion peut tourner aussi dans un flou parce qu'on n'a pas un portrait qui aurait été nécessaire Initialement pour savoir...

Mme Lavoie-Roux: Pour faire allusion à ce portrait - le Dr Laurin a dit hier qu'il n'existe pas - à ce bilan des besoins d'identification des clientèles... Je pense que vous vous référez à la nature des problèmes psychiques. Ce n'est peut-être pas cela, mais cela y ressemble en tout cas. Je dois vous dire qu'évidemment, tout le monde était fort conscient - vous devez le savoir vous-même, Dr Amyot - que les données que l'on a au Québec sont - on se l'était dit à l'automne 1985 avec des groupes qui étalent venus ici, je me souviens - des données à partir d'analyses de ce qui existe aux États-Unis ou dans d'autres pays, par exemple. Dans le moment, on a l'enquête Santé-Québec. On devrait recevoir une première partie des travaux assez prochainement Justement, il y avait un volet très important sur les troubles de santé mentale - on va les appeler comme cela, si vous voulez - ou de maladie mentale, si vous préférez, de la population du Québec dans les régions. Je pense que, là, on va arriver avec un élément qui va peut-être coller encore davantage à notre réalité. Je veux bien que vous me donniez d'autres données là-dessus. On pourrait aussi vous fournir des données sur ce qui est dépensé dans tel type d'institution et dans tel autre, quelles sont les réallocations de ressources. À mon point de vue, je ne pense pas que cela entre dans une élaboration de politique de santé mentale, sauf peut-être dans une introduction. Je vais arrêter ici parce que certains de mes collègues veulent vous poser des questions. C'étaient surtout des commentaires, mais je voudrais quand même vous demander si vous retrouvez dans le rapport Harnois certains éléments des recommandations que vous avez faites à la commission Rochon.

M. Amyot: Je pense qu'on y retrouve plusieurs éléments. Ce qui m'apparaît le plus inquiétant, comme je vous le disais et comme on le mentionne dans le rapport, c'est qu'à une première lecture, on peut être en accord sur un bon nombre des recommandations qui sont faites, mais on ne retrouve pas les éléments de base d'une politique de santé mentale. On se serait

attendu qu'un groupe qui travaille pendant près d'un an et demi et qui se base... Nous avons fait notre mémoire à partir d'un temps très partiel, avec des cliniciens, des gens qui sont dans le milieu. On s'est donné une année de recul. Mais je pense que faire un travail dans un département de psychiatrie, avec des gens qui sont impliqués, des répondants extrêmement valables, c'est autre chose que d'avoir des données sur lesquelles on aurait pu s'appuyer, en ces termes: Où va l'ensemble des budgets? Comment va se structurer la politique? Quelles sont les grandes orientations? Il me semble qu'à ce chapitre, on ne retrouve pas, dans le rapport, comment cela va prendre forme, qui va être responsable de quoi, quels vont être tes rôles des uns par rapport aux autres, quelles vont être les structures qui vont s'enclencher les unes par rapport aux autres. On risque de rester dans un grand flou, à mon avis. On se serait attendu à un élément organisateur de la part d'une commission d'enquête qui tire au clair, qui essaie de trancher dans le vif même si c'est difficile et que cela crée des remous, mais au moins, qu'elle prenne position et qu'on sache un peu plus à quoi s'en tenir.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une dernière question. À votre dernière page, si ma mémoire est bonne, vous proposez une décentralisation de la gestion administrative au niveau des conseils régionaux et à Montréal, au niveau des sous-régions. Nous avons reçu ici des représentants de la région de l'Outaouais qui ont développé un plan d'action dans le domaine de la santé mentale. C'est probablement des régions - Je ne voudrais pas être Injuste envers aucune des autres - la seule qui a un plan, une approche qui, selon eux, colle à leur réalité. Nous leur avons demandé, par exemple, pour répondre à une des interrogations que vous avez, qui doit assumer ceci à ce moment-ci, qui doit être la porte d'entrée, quelle doit être l'organisation des services. Ils ont quatre sous-régions. Ce qu'ils nous ont répondu, c'est que chaque sous-région a développé un modèle différent quant à la porte d'entrée, par exemple, quant aux réponses à donner. Évidemment, quant aux traitements, je pense qu'on retourne vers les compétences professionnelles de chacun. Il semble que cela soft la seule sous-région au Québec - même que le chef de l'Opposition leur a conseillé de servir de leader national pour le reste du Québec - où tout le monde peut retrouver immédiatement une réponse, peut-être pas complète, mais une réponse, en tout cas, à leur détresse.

Alors, c'est pour cela... Voulez-vous qu'on définisse un modèle uniforme à travers le Québec? C'est peut-être la question fondamentale que je voudrais vous poser.

M. Amyot: Oui. Je ne voudrais peut-être pas monopoliser parce que je suis venu avec une délégation. Or Scarfone et ensuite, on pourra reprendre.

M. Scarfone (Dominique): Mme la ministre, je pense qu'il y a beaucoup de choses qu'on retrouve dans le rapport et avec lesquelles on ne peut qu'être en accord, ne serait-ce que, comme vous le disiez vous-même tout à l'heure, on ne peut être que pour la vertu et il y a des vertus valables et nécessaires. Mais je pense que ce qui manque le plus dans le rapport, c'est un fil conducteur. Vous pariiez de l'angoisse des psychiatres. On n'est pas ici pour représenter tes psychiatres. On donne de la formation aux omnipraticiens, on donne de la formation aux Infirmières, aux ergothérapeutes, aux physiothérapeutes. La formation de la dimension psychiatrique, on la donne en tant que département universitaire à bien des professionnels qui, un jour ou l'autre, rencontrent des malades.

Ce qui est inquiétant, non seulement pour les psychiatres, mais pour tous les professionnels, c'est de voir, premièrement, la notion de maladie complètement absente là-dedans. On ne parie que de problèmes vagues d'ordre mental et on Inclut tout au même niveau. On ne voit pas non plus la notion de compétence professionnelle. On sent que pour tout ce qui concerne les organismes communautaires, par exemple - II y a une recommandation qui a été citée de multiples fois et je ne la reprendrai pas ici - cette intention de donner une priorité là où c'est cela qui existe sur une structure où 0 y aurait des professionnels, cela me semble extrêmement inquiétant et du point de vue professionnel et des services, mais d'un autre point de vue aussi qui est celui de la formation et du développement de la recherche et des connaissances sur la maladie mentale. Je pense qu'il y a une Inquiétude et une perte d'identité importante en effet si on néglige de rappeler qu'il faut des compétences et que le fait d'avoir une réponse rapide ne signifie pas qu'on a une réponse adéquate et que les lignes téléphoniques pour répondre à des gens qui sont suicidaires n'empêchent pas... on n'a pas de statistique prouvant que cela empêche les gens de se suicider. Je pense qu'il faut des gens qui ont des compétences pour diagnostiquer, traiter et réinsérer. La complémentarité avec des ressources non professionnelles est absolument intéressante et nécessaire, là où elle existe, mais ce n'est pas une politique de soins psychiatriques et de soins de santé mentale. Cela manque énormément. On retrouve même, dans l'Introduction du rapport, des clichés qu'on entend rabâcher depuis des siècles sur la psychiatrie. On pourrait inclure à ta limite le phénomène de la porte tournante, on finit presque par dire que les gens commencent à avoir des problèmes le jour où ils rencontrent une institution psychiatrique ou un département de psychiatrie, comme si la porte tournante ne relevait pas, jusqu'à un certain point, de la maladie elle-même, de sa gravité et de la difficulté qu'on a à la traiter.

C'est extrêmement inquiétant pour le développement de la psychiatrie et des autres disciplines qui ont trait à la santé mentale au Québec.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président Vous avez fait des remarques assez intéressantes sur votre perception du rapport Harnois. Je n'avais pas lu votre mémoire avant hier soir et, effectivement, je vois corroborés certains propos que J'ai tenus lors de mes remarques préliminaires. À mon point de vue, il y a beaucoup de voeux pieux sur lesquels on est d'accord au Québec depuis plusieurs années, dans le rapport Harnois. On s'est bien abstenu de toucher à tout ce qui était conflictuel. Je vous avoue que c'est une preuve d'habileté consommée. Le rôle des professionnels, II n'a pas osé le définir, le rôle de chacun des intervenants. C'est très habile, sauf que cela ne réglera pas les problèmes dans le milieu, parce qu'on sera obligé de le faire. Une définition politique au lieu d'une définition scientifique, cela risque d'être conflictuel par la suite. Je pense que la ministre sera obligée de convoquer une nouvelle commission parlementaire le jour où elle aura la volonté politique de déposer une véritable politique. Je suis d'accord avec vous, c'est la perception de l'Opposition.

Quand la ministre reviendra avec un livre blanc, elle va nous dire comment elle voit le rôle de chacun. Je ne sais pas qui va démarrer les choses dans ce domaine si on ne définit pas les champs d'action de chacun, c'est clair. Sur cette partie, je suis en parfait accord avec votre mémoire.

C'est vrai que n'ayant pas défini "maladie mentale profonde" par rapport à "troubles mentaux légers", ne pas faire une distinction dans les types de fonctionnement, cela nous crée un problème parce que bien souvent on est porté à dire: C'est bien sûr qu'il y a une ressource alternative qui n'a pas de professionnels. Ils vont encadrer le mieux possible, ils vont soutenir la personne. Ce qu'ils ne pourraient pas faire, c'est avec un psychiatrisé lourd qui est en institution, mais on ne sait pas exactement. Les énoncés Ici à la commission sont assez contradictoires. On s'en rend compte. Il y avait un groupe - je ne me souviens pas lequel - aujourd'hui, qui est venu témoigner en disant: Les hôpitaux psychiatriques devraient s'occuper uniquement des cas lourds. Vous le reprochez au rapport Harnois, il y a eu beaucoup de perception très différente du rapport Harnois purement et simplement, parce que je pense qu'on n'a pas défini très précisément, avec clarté en tout cas, ce qu'on voulait régler d'une façon correcte.

J'aimerais vous poser deux questions. Je crois fondamentalement aux ressources. Je crois également à la complémentarité des différents corps professionnels. La perception que vous avez dégagée ou qu'on vous a imputée, je ne ferai pas le procès tout de suite, mais les gens ont la perception que vous voulez garder la quasi-exclusivité du champ d'action en santé mentale. J'aimerais vous entendre parler de complémentarité et d'acceptation des ressources alternatives comme soutien indispensable en santé mentale.

M. Pinard (Gilbert): Je ne sais pas si je pourrais répondre en partie en donnant certaines illustrations. Je pense qu'on nous Impute de vouloir effectivement être exclusifs, alors que le fonctionnement de tous les jours depuis plusieurs années, au moins 25 ou 30 ans, en tout cas, est essentiellement en équipe multidisciplinaire, on travaille régulièrement avec le travailleur social, avec un psychologue, avec un ergothérapeute, etc.

Il y a des particularités cependant et on ne peut pas parler donc de spécificité professionnelle si on n'a pas parlé d'abord de certaines maladies, de certains traitements qui sont spécifiques aussi, et c'est un peu ça qui a amené notre déception dans le rapport. Pour donner un exemple personnel, le vendredi matin je suis en équipe avec des psychologues et des travailleurs sociaux pour un certain type de maladie basée sur des troubles d'anxiété, angoisse, panique, etc. C'est bien évident que le psychiatre y apporte un élément de diagnostic qui couvre le biologique, le psychologique et même le social, mais une grande partie du traitement peut être entreprise par le psychologue, un volontaire dans la communauté peut faire une grande partie du travail de désensibilisation, etc.

On ne retrouve pas dans le document une prise de conscience que cela se passe. Cela fait 25 ans que cela se passe. La supposée exclusivité ou la revendication des patients - je t'écrivais dans notre rapport - ce n'est pas par manque de patients, en tout cas. On en a tous suffisamment. On serait bien gauche de vouloir se les approprier, parce qu'on en a déjà suffisamment croyez-moi.

Le problème qu'on ne retrouve pas, c'est qu'en ne décrivant pas que dans telle sorte de tableau cela prend telle sorte d'intervention, on est pris effectivement devant une espèce d'indifférenciation et on se demande effectivement ce que va faire tel professionnel ou tel autre.

J'aimerais penser que le médecin d'abord et ensuite le psychiatre, en deuxième lieu, a une fonction diagnostic parce qu'il couvre un certain nombre de domaines qui apportent par la suite une spécificité dans la réponse, quelle qu'elle soit

Deuxièmement, ce rôle est spécifique par rapport au lieu où se passe cette intervention. Si effectivement, l'intervention est dans la communauté, c'est très différent que si cela se passe dans une urgence d'hôpital. Dans une urgence d'hôpital, le patient est un patient. Il vient parce qu'il se sent malade. Il vient se faire traiter. C'est bien différent du citoyen qui, même s'il est malade, cherche un emploi, cherche un héberge-

ment, cherche quelque chose d'autre dans son système de soutien. C'est tout à fait complémentaire. (18 heures)

M. Chevrette: Deuxième question...

M. Scarfone: M. Chevrette, si vous permettez, |e voudrais ajouter quelque chose.

M. Chevrette: Certainement, monsieur.

M. Scarfone: Une expérience personnelle. J'ai travaillé six ans dans un département de psychiatrie, dans un centre de santé mentale communautaire, à l'hôpital Saint-Luc plus précisément, qui a sur son territoire la Maison Saint-Jacques. J'ai participé personnellement à la création d'une alternative qui s'appelle la Chrysalide qui, ]e pense, fait encore partie du réseau des ressources alternatives. À la revue Santé mentale au Québec, qui est une des tribunes les plus pariantes en ce moment sur la constitution d'un réseau alternatif, j'ai été dans le comité de rédaction et j'y ai aussi rédigé des choses. Une chose que je disais c'est que j'envie parfois les ressources alternatives pour certains aspects. Notamment, la Maison Saint-Jacques, dont j'ai déjà écrit des lettres d'appui qu'elle peut vous citer, elle accueille des jeunes de 18 à 25 ans ou à 35 ans. C'est eux que nous traitons dans telle et telle situation; Ils sont obligés de déclarer forfait et de dire qu'un tel a besoin d'hospitalisation et, à ce moment, il est hospitalisé.

Dans un département de psychiatrie d'hôpital, il n'y a pas de troisième ligne en arrière pour dire: celui-ci, on ne peut pas s'en occuper, on est obligé "de développer des ressources et des compétences pour lesquelles on ne peut pas mettre de critère de sélection. Quelqu'un qui se présente à la porte d'une urgence, il faut le voir et on ne peut pas dire: ah! vous n'avez pas l'âge monsieur, allez ailleurs. Il y a la question du secteur qui se pose, mais on déplore beaucoup ta rigidité et la sectorisation. Il ne faut pas oublier que dans des endroits où il n'y a pas de sectorisation, cela donne le beau jeu aux institutions de dire: on regrette, tous nos lits sont pleins, allez ailleurs tandis que quand il y a un secteur, l'institution est obligée de fournir des soins qu'il n'ait ou qu'il n'ait pas les lits disponibles 24 heures par jour. Alors, Je pense que les alternatives ont un rôle, une place. Je dirais, pour ma part, très personnellement, que c'est un acte de suicide de la part des alternatives que de s'Institutionnaliser parce qu'elles perdront le rôle d'alternative et II y a déjà des tendances (à-dedans. Des alternatives, en ce moment, se définissent comme des néoprofessionnelles, le mot "néo" étant là pour garantir qu'elles n'ont pas l'horreur des autres professionnels, bien sûr, elles se font de l'autoformation, etc. Je pense qu'on va venir bientôt à la syndicallsation des alternatives. Cela ne m'étonnerait pas s'il y a des budgets trop gros qui sont donnés. Je crois qu'une alternative est par définition en marge et je trouve excellent ce qu'elles font. J'ai contribué à en créer une modestement, mais j'y ai contribué et Je pense que ce n'est pas là la question. La question c'est, si on regarde tes 40 alternatives actuelles au Québec, combien de patients elles rejoignent, qu'est-ce qu'elles pourraient assumer des 50 000 ou des 60 000 qui se trouvent dans les cliniques externes de psychiatrie au Québec en ce moment? Je pense qu'il faut faire attention que le tout nouveau n'est pas nécessairement la solution finale et totale au problème auquel nous faisons face.

M. Chevrette: Un autre point que je veux toucher rapidement - je sais que te temps file malheureusement trop vite - la répartition des effectifs médicaux. Comme vous n'êtes pas la FMSÛ, comme vous n'êtes pas non plus une association à caractère national, je voudrais que vous me disiez, comme responsable universitaire, ce que vous pensez de la répartition des effectifs médicaux et en particulier des psychiatres, II y a une concentration disproportionnée Montréal-Québec par rapport au reste du Québec. Je ne suis pas certain d'ailleurs qu'on n'aurait pas dû impliquer davantage les universités dans la discussion sur la répartition des effectifs médicaux. Il me semble qu'en 1987 - je vais commencer par affirmer que vous irez avec vos réactions -c'est inconcevable qu'au Québec, la seule profession qui puisse jouir, entre vous et mol, d'un travail assuré, ce sont les corps médicaux. Dans tes autres professions, s'il y en a de trop, ils ne travaillent pas ou s'ils veulent travailler, ils vont où il en manque. Alors qu'en médecine, vous pouvez travailler, si vous voulez travailler tous à Montréal, il y a un décret punitif de 30 %, je suis au courant, puis il y a des mesures Incitatives. Vous avez vu les omnis passés devant vous dire: maintenez l'Incitatif, mais ne parlez pas de coercitif, puis durant ce temps-là, on parle d'égalité dans la qualité des services de santé à la grandeur du Québec parce que le contribuable lui, qu'il soit de l'Abitibi, de la Basse-Côte-Nord, de la Gaspésie ou du Bas-Saint-Laurent, quand il gagne 30 000 $, il paie des impôts pour 30 000 $ puis il devrait avoir la qualité des services.

J'aimerais vous entendre réagir comme médecin de l'université et non pas de corporation professionnelle.

M. Amyot: En fait, je suis content que vous me posiez cette question. Je vais vous donner deux éléments de réponse au niveau de deux années qui sont suivies. Je suis directeur du département de psychiatrie à l'Université de Montréal. On a reçu, il y a deux ans, 52 demandes. On a une capacité d'accueil de 12 postes. On a demandé au ministère qu'il y ait des postes désignés pour des régions périphériques. On était prêt à en prendre 7 de plus qui auraient pu

venir dans notre réseau. On nous avait dit, à un moment donné, qu'il y avait 50 postes pour des régions désignées. La réponse qui a été faite par le ministère - et le Dr Pinard et moi avons rencontré la presse pour dénoncer cette attitude - pour déterminer le nombre de postes d'entrée dans la résidence et des postes désignés qui s'ajoutaient pour ceux qui voulaient postuler pour ces postes s'est faite à la fin mal, début juin. SI nous avions obtenu et nous souhaitons l'obtenir parce que le décret n'est pas encore sorti pour le nombre de postes pour des régions désignées, nous aurions pu, en ce qui concerne les quatre universités, accepter 15 à 20 nouveaux psychiatres qui auraient pu être formés, s'engageant, parce qu'ils n'entraient pas dans le contingentement habituel et normal - c'était des postes en surnombre - à aller dans des régions périphériques. Comme la réponse s'est faite très tardivement l'année passée, on n'en a accueilli que 2 ou 3, alors qu'on avait une capacité d'accueil à Montréal de 8. SI on fait le calcul, sur les 50 postes qui ont été ouverts, il n'y en a que 35. Il y en a 15 qui n'ont pas été comblés. Quand les gens s'engagent pour aller travailler dans un poste pendant quatre ans dans une région périphérique, multipliez 15 l'an passé par 4, cela fait 60 ans de présence psychiatrique dans des régions en dehors de Montréal, Québec et les autres. Cela fait deux ans - 2 fois 15 parce que cela a été 34 l'année avant - 2 fois 15, cela fait 30 multiplié par 4. cela fait 120 années de présence psychiatrique dans les régions périphériques qu'il aurait été facile de combler parce qu'il y a une demande actuellement. Cela ne durera peut-être pas toujours. Il y a 50 demandes de médecins qui finissent qui voudraient centrer en psychiatrie. On a un contingentement de 12. On peut en prendre et en dégager un certain nombre pour les régions périphériques. Cela m'apparaît une solution qui n'est pas coûteuse, qui n'est pas extraordinaire, quf pourrait se réaliser. On a dénoncé cette attitude et je ne comprends pas qu'on n'achète pas cette ouverture qui est faite et qui pourrait régler un grand nombre de problèmes sans faire de fatras, sans faire de grosse campagne publicitaire. Je ne comprends pas pourquoi cela ne se fait pas. Et vous, dans l'Opposition, je vous inviterais à questionner le gouvernement en place pour voir pourquoi ce n'est pas possible pour l'année qui vient d'ouvrir des postes pour des régions désignées.

M. Chevrette: Elle en a toléré jusqu'à 69 au lieu de 50. Elle s'est donnée un coussin de 19.

M. Amyot: L'an passé, sur les 50 postes pour des régions désignées, il y en a...

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas besoin d'inviter l'Opposition à faire l'opposition, vous la faites bien vous-même.

Des vote: Ha, ha, ha!

M. Amyot: Mais cela n'a pas d'impact quand je le fais. Cela n'a pas d'Impact.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous avez raison là-dessus, soit que le décret est sorti trop tard et que cela a possiblement eu une répercussion. Mais, je pense que la question du chef de l'Opposition va au-delà de cela. Là, on parle d'une situation qui est arrivée l'an dernier alors que la situation perdure depuis des années et on n'a jamais réussi... Je donnais un chiffre hier soir. Il y a eu une augmentation de 35 % de psychiatres au Québec de 1976 à 1986 ou 1987, j'imagine, peu importe. Il n'y en a pas eu un seul de plus d'ajouté dans un bon nombre de régions que j'ai énumérées hier soir. Je n'ai plus la note devant moi. Je pense que vous avez raison de dire: Si vous sortiez plus vite, on aurait peut-être pu agir au moins en prévision de l'avenir, mais le problème est un problème qui n'est pas relié uniquement au problème que j'ai pu créer, je suis bien prête à en prendre la responsabilité, l'an dernier.

M. Amyot: Je voudrais juste parler... Il y a deux questions qui sont soulevées actuellement. Une première, c'est celle de la répartition. Donc, je vous dis qu'à mon avis, il y a un élément de solution qui pourrait être repris et que s'il avait été fait, il y a deux ou trois ans ou cinq ans, cela aurait pu donner des fruits. Si cela avait été fait il y a quatre ans, il entrerait sur le marché du travail pour le nombre de ceux qui auraient accepté ces postes. Ce que je veux dire, c'est le...

M. Chevrette: Savez-vous à qui je me butais?

Une voix: Là, je vous accroche.

Mme Lavoie-Roux: C'était du temps du Dr Laurin, cela.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Amyot: Là, je vous accroche. Je parle à l'Opposition l'autre côté, Mme Lavoie-Roux.

M. Chevrette: Vous parlez de l'Opposition de l'époque.

M. Amyot: De l'époque.

M. Chevrette: Vous me permettez 30 secondes.

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui. C'est parce que...

M. Chevrette: Écoutez, vous avez laissé la ministre m'interrompre et j'ai...

Le Président {M, Bélanger): Ce que Je comprenais, c'est qu'il y en trois qui sont directement concernés. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Oui, oui. On fait un beau trio. Mais honnêtement, ce que vous dites... SI je vous ai posé la question à titre de docteur d'université ou de professeur d'université, ce n'était pas pour rien. Les difficultés ne viennent pas exclusivement des gouvernements. Ce n'était pas dans cette optique. Je ne cherchais pas à mettre en boîte la ministre actuelle. On a des problèmes fondamentaux dans la perception, par les universités, les recteurs et les doyens des facultés qui volent, vous le savez très bien, une liberté quasi totale. C'est quasiment un principe ultra sacré, pour certains doyens, que de penser de réserver des chaises pour des gens des régions parce que cela met en conflit. Vous te savez, vous en connaissez quelques-uns. Je les ai rencontrés tous les quatre et j'ai fait des démarches. J'ai rencontré ta Corporation des médecins. M. Augustin Roy a bien beau crier qu'P en faut partout dans les régions, mais la FMSÛ et la FMOQ appartiennent toutes deux à la corporation. Quand vous venez pour essayer de délimiter quelque chose ou de trouver des solutions autres qu'incitatives, c'est épouvantable, on devient des dictateurs. Je sais que la meilleure formule serait celle du volontariat, mais si cela se faisait. Un jour ou l'autre, il va falloir que s'arrête le fait de payer en double pour assurer une médecine de qualité en Abitibi. Pourquoi tes contribuables payeraient-ils en double pour assurer une médecine de qualité en Abitibi, alors qu'il y a peut-être des gens très Intéressés à." aller en Abitibi, comme vous le dites, précisément? Je suis sûr de cela. Mais, parce qu'il y a un seul critère de sélection qui est basé sur les notes académiques, dans certains cas, qu'est-ce qui arrive? Et là, je rejoins Augustin Roy pour une des rares fois. Peut-être que plutôt qu'à 96 %, celui de 88 % irait en Abitibi et ferait un excellent médecin aussi. Je vous avoue que je n'ai jamais trop compris la réticence des fédérations médicales. Pourtant, on a mis sur pied des comités avec toutes les structures possibles et imaginables, y compris, comme observateurs, les étudiants, la FMRIQ, les résidents internes, la FMOQ, la FMSQ et la.,. Je suis content, au moins, qu'il y en ait parmi vous qui pensent que cela doit se faire. Un jour, je pense qu'il va falloir que cela se fasse.

M, Pinard: M. Chevrette, est-ce que je peux ajouter... Je vois le Or Voisine. Vous savez qu'à un moment donné, il y a eu une table où les universités ont été invitées. Il y a un certain nombre de mesures qui n'étalent pas toutes coercitives qui ont été recommandées. Il y en a même qui sont en action maintenant et qui ont fonctionné. Sauf que, parfois, à un moment donné, par tracasseries administratives qui ne sont pas toujours gouvernementales d'ailleurs, qui sont parfois locales, il y a des choses qui ne fonctionnent pas. À un moment donné, cela a pris six mois avant de payer un psychiatre qui était rendu à Rouyn-Noranda. On ne savait pas pourquoi, etc. Deuxièmement, son département est passé après l'orthopédie, après ceci et après cela. Ce sont souvent les conditions de travail. Vous parliez de marché tout à l'heure. Il est sûr que dans d'autres professions, c'est... Mais si on ne fait pas des bonnes conditions de travail au travailleur de la Baie-James, il n'ira pas ou bien il va mettre le feu dans la barraque, comme il a déjà fait.

M. Chevrette: Je suis d'accord. Mais êtes-vous d'accord que, pas plus loin que LeGardeur, on soit obligé de donner des montants sous la table pour venir à bout d'avoir des spécialistes? Entre vous et mol...

M. Pinard: Je ne parle pas d'argent, M. Chevrette, je parle de conditions de travail, de travailler dans un département de psychiatrie qui n'a pas l'air d'un asile de 1920. Je parle de choses comme celle-là. Je ne parle pas nécessairement d'argent.

M. Chevrette: Je suis d'accord avec vous.

C'est comme demander à un radiologiste d'aller travailler sur une machine qui a 200 ans, alors qu'il a fait tout son apprentissage sur un scanner.

M. Pinard: Voilà!

M. Chevrette: Je suis entièrement d'accord avec vous, ce n'est pas...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette, je dois vous interrompre. Compte tenu de l'heure, nous devons malheureusement...

M. Chevrette: C'était bon pourtant.

Le Président (M. Bélanger): SI Mme la ministre et M le député de Joliette veulent remercier nos invités. M. le député de Joliette, après vous.

M. Chevrette: C'est à moi?

Mme Lavoie-Roux: C'est encore à vous.

M. Chevrette: Merci beaucoup. Je regrette qu'on n'aie pas le temps. J'avais au moins une dizaine d'autres questions à aborder sur le rapport Harnois. Je ne déteste pas cela quand on confronte les idées. Malheureusement, ce sera pour une autre fois Si jamais vous avez des messages nous permettant de bien jouer notre rôle d'Opposition, Dr Amyot...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Amyot: Comptez sur nous.

M. Chevrette: ...on est là. Deuxièmement, êtes-vous un Amyot de Jollette?

M. Amyot: Oui.

M. Chevrette: II me semblait, vous ressemblez étrangement à ceux que je connais.

M. Amyot: Par la tête, par le sommet

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier le département de psychiatrie de l'Université de Montréal. Je voudrais juste ajouter deux mots. Je pense que le Dr Scarfone avait tout à fait raison quand il décrivait les initiatives qu'il avait prises avec des organismes communautaires ou des ressources alternatives. Je pense que c'est depuis fort longtemps que les professionnels, même si on leur reproche bien des choses, dans le domaine de la santé mentale, comme dans d'autres domaines, ont, avec les années, travaillé de plus en plus et souvent ils ont été les initiateurs de certains mouvements, si on pense aux enfants - comment on les appelle, en tout cas, avec des troubles émotifs, j'oublie le nom de l'association - où justement les professionnels se sont impliqués, ont donné le soutien et tout cela. Je pense qu'il faut arrêter de penser qu'on* veut exterminer les uns pour surprotéger les autres. Je crois que quand on parle de partenariat, c'est justement que les gens peuvent se compléter et que les gens doivent accentuer leurs efforts pour travailler les uns avec les autres. Je pense que c'est vraiment dans cette perspective-là qu'il faut voir, en tout cas je pense, un pas en avant, dans les services que l'on veut donner à la population qui souffre de maladie mentale, si on veut faire aussi la promotion de la santé mentale. Je n'ai aucune crainte de parler de maladie mentale, parce que je pense que c'est une dure réalité avec laquelle on est affronté. Encore une fois, je pense qu'il y a diverses approches qui doivent être appliquées que vous reconnaissez d'ailleurs dans votre mémoire. Alors je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie le département de psychiatrie de l'Université de Montréal et vous rappelle que les travaux reprendront à 19 h 00 et non à 20 h 00 avec les représentants de l'hôpital Louis-H. Lafontalne.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

(Reprise à 19 h 10)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place. La commission reprend ses travaux. Présentement, nous avons à ta table des témoins les représentants de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, en l'occurrence le Dr Yves Lamontagne, directeur de la recherche; le Dr Frédéric Grunberg, directeur de l'enseignement; le Dr Claude Vanier, directeur du département de psychiatrie; le Dr René Deschamps, directeur des services professionnels, M. Michel Vézina, directeur général adjoint et M. Jacques Nolet, directeur général. Bonjour messieurs.

Le porte-parole de votre groupe sera M, Nolet; est-ce bien cela? Alors, vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter le mémoire et on a 40 minutes pour discuter avec vous par la suite. Alors, je vous en prie, allez-y.

Hôpital Louis-H.-Lafontaine

M. Nolet (Jacques R.): M. te Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de ta commission, c'est avec plaisir que mes collègues et moi-même vous présenterons, ce soir, le mémoire de l'hôpital Louis-H. Lafontaine sur la politique de la santé mentale.

M. le Président, avec le rapport Harnois, le gouvernement du Québec possède un document sérieux et réfléchi. S'il y a une volonté politique sincère de s'attaquer au problème de santé mentale qui mine un segment Important de notre population avec des coûts humains, sociaux et économiques substantiels, le rapport Harnois mérite d'être pris au sérieux par les décideurs au plus haut niveau politique et bureaucratique.

Les deux premières parties du rapport sont bien structurées sur le plan théorique. Par contre, peut-être dans un souci de concision ou pour éviter de nommer des hôpitaux, des régions, des conseils régionaux, a-t-on manqué de donner du corps aux moyens proposés.

La troisième partie, qui constitue le corps du document, concerne les moyens proposés. C'est principalement à ce niveau que l'hôpital Louis-H. Lafontaine veut faire connaître son point de vue, principalement en rapport avec certaines des recommandations qu'on retrouve dans le rapport Harnois.

La première recommandation porte sur l'Information et la sensibilisation. Dès le début du document, les membres du comité semblent avoir adopté l'approche écologique qui préfère une stratégie d'intervention où la personne, qui n'est jamais décrite comme une malade, mais plutôt comme souffrant de problème d'ordre mental, de maladaption ou de stress, joue le rôle actif avec ses parents, sa famille ou ses amis. Il n'est donc pas étonnant que tout au long du rapport, on ne parle jamais de patient, de malade

ou de maladie mentale. De plus, sur le plan de la philosophie d'action à adopter dans une politique de santé mentale proposée par le comité Harnois, elle se résume dans la maxime: "Je suis une personne, pas une maladie". Par contre, pour n'importe quelle maladie physique, on pourrait également dire: "Je suis une personne, pas une maladie". Les diabétiques, les cardiaques, les cancéreux sont aussi des personnes et non des maladies, mais, néanmoins, le diabète, les maladies cardiaques et le cancer sont des réalités dont on parie. Les maladies mentales sont aussi des réalités, mais on semble vouloir continuer à ne pas en parier. C'est donc ce que, personnellement, j'appelle la politique de l'autruche.

Un peu plus loin, on retrouve le plan de services individualisé, une des recommandations maîtresses du rapport Harnois. Cependant, un plan de services Individualisé, que ce soit pour un bénéficiaire en institution ou dans la communauté, ne se fait pas dans le vide. La mise en oeuvre d'un tel plan réclame des ressources qui se traduisent par une variété de modalités et de services disponibles pour le bénéficiaire. Pour réaliser un tel objectif dans un système de dispensation de services qui se veut équitable et égalitaire, le défi est de taille et la facture sera salée, mais peut-être pas aussi élevée que la facture des scanners, des coeurs artificiels, des greffes d'organes, surtout si on la calcule par bénéficiaire.

Le rapport Harnois a reconnu toute l'importance de l'enseignement et de la recherche en santé mentale, car c'est autour du savoir et non pas autour d'idéologies sans assises scientifiques que les plans de services individualisés et les plans d'organisation des services s'élaboreront. Glick et Hargreaves proposent que, dans l'avenir, un nombre limité de centres de recherche psychiatrique soient développés dans les hôpitaux pour examiner l'efficacité réelle des traitements pour certaines populations et évaluer les diverses façons d'intégrer les services aux malades mentaux, afin d'arriver à une relation coût-efficacité maximale.

Selon eux, la multidisciplinarité et la collaboration avec d'autres spécialistes deviennent importantes dans les années quatre-vingt. Au Québec, il est souhaitable que les centres de recherche existants puissent se développer dans ce sens. Jusqu'en 1977, l'État de New York a subventionné la recherche en santé mentale dans plusieurs milieux. Se rendant compte de l'Inefficacité de cette procédure, II concentre depuis lors son support uniquement dans deux Instituts universitaires. À fa lumière de l'expérience de l'État de New York, le comité de la santé mentale du Québec a d'ailleurs recommandé au Fonds de la recherche en santé du Québec de voir s'il y aurait intérêt pour la recherche en santé mentale dans notre milieu, que son aide soit concentrée dans un nombre limité de milieux de recherche.

En regard des organismes communautaires, nous aurions apprécié que le comité éclaire les différents partenaires dans cette jungle d'appellation non contrôlée et nous souhaitons que les organismes communautaires ayant les objectifs les plus larges et capables d'assumer le plus de responsabilités, soient d'abord consolidés. Leur rôle de complémentarité sera alors plus significatif.

Quant à la répartition des psychiatres au Québec, il est souligné quant au rapport que ce n'est pas tant le nombre de psychiatres qui est une source de préoccupations mais leur distribution.

Nous déplorons le fait que le comité ne soit pas préoccupé de la pénurie des psychiatres au Québec. Pourtant, le mémoire préparé par l'Associaton des psychiatres du Québec, présenté en janvier 1987 au comité, atteste clairement que le Québec ne compte pas suffisamment de psychiatres. D'ailleurs, il existe un problème de recrutement même à l'intérieur des grands centres pour assurer la relève et permettre la dispensation des soins adéquats. Par ailleurs, nous sommes d'accord avec la recommandation concernant l'accroissement des ressources psychosociales; nous ajoutons toutefois qu'il devrait être recommandé d'entreprendre des démarches pour que le nombre d'infirmières avec des formations postscolalres soit aussi augmenté.

Finalement, dans cette troisième partie, le comité s'Interroge sur le devenir des grands établissements psychiatriques. À cet effet, le rapport Harnois suggère que les grands hôpitaux psychiatriques comme Louis-H.-Lafontaine voient leurs fonctions limitées aux soins spécialisés et ne se voient octroyé un rôle dans les soins aigus que de façon exceptionnelle. Il y a là un risque de concentrer dans ces hôpitaux les patients les plus handicapés, loin de leur milieu d'origine. Il faut se souvenir que les hôpitaux psychiatriques de tout temps ont accepté de jouer un rôle de prise en charge de réadaptation et d'hébergement auprès d'une clientèle qu'ils n'étaient pas tenus de garder. Les hôpitaux ont joué ce rôle parce que tout récemment il n'y avait pas d'autres ressources pour prendre en charge ces diverses clientèles. Maintenant que les ressources existent, l'hôpital Louis-H.-Lafontaine est d'accord pour que les hôpitaux psychiatriques se départissent de deux types de clientèles qui ne lui sont pas spécifiques: ce sont les déficients Intellectuels et les personnes âgées. Déjà, ce mouvement de sortie des déficients intellectuels est sérieusement amorcé. Beaucoup de gens savent déjà que l'hôpital Louis-H.-Lafontaine s'est engagé et a déjà commencé à donner congé à un groupe de 400 déficients intellectuels Identifiés comme n'ayant plus de pathologie psychiatrique ou ayant une pathologie psychiatrique qui s'est considérablement stabilisée

II est entendu qu'au même moment, les hôpitaux psychiatriques s'abstiennent, contrairement à ce qui se passait antérieurement, d'admettre des déficients mentaux sans pathologie

psychiatrique sérieuse. Au sujet des personnes âgées, le même phénomène de sortie de personnes âgées sans pathologie psychiatrique ou avec une pathologie psychiatrique considérablement stabilisée, est déjà entrepris. C'est ainsi qu'à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine. 400 personnes âgées ont été identifiées et sont sur le point d'être regroupées à l'intérieur d'un pavillon de l'hôpital qui deviendra sous peu un centre d'accueil d'hébergement à vocation régionale. Après la sortie de ces 800 patients de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, il faut remarquer que la grandeur de l'hôpital sera diminuée considérablement passant de 2200 à 1400 patients. Comme on peut le voir, l'hôpital Louis-H.-Lafontaine est entièrement d'accord avec cette recommandation et a déjà commencé à la réaliser. Par contre, en ce qui a trait à limiter les hôpitaux psychiatriques à un rôle de traitement à long terme, notre centre hospitalier ne croit pas qu'il faille (imiter les hôpitaux psychiatriques à un tel rôle, et cela pour des raisons multiples. La première raison est que l'on retrouve dans les hôpitaux psychiatriques une concentration de professionnels hautement qualifiés. Ces professionnels ont une longue histoire de compétence dans le domaine de la psychiatrie, qu'il s'agisse de psychiatres, d'infirmières, de travailleurs sociaux, de psychologues et de tous les autres professionnels que l'on rencontre dans le champ de la santé mentale.

Deuxièmement, l'hôpital psychiatrique est un hôpital qui est surspécialisé dans tous les domaines de la psychiatrie, et non seulement dans le domaine de la psychiatrie à long terme. D'ailleurs, on peut faire des comparaisons avec d'autres institutions. C'est ainsi que l'institut de cardioIogie est spécialisé en cardiologie et, de ce fait, ne s'occupe pas que des patients les plus compliqués, mais également des patients qui font un premier épisode cardiaque aigu. De la même façon, l'hôpital Sainte-Justine est spécialisé dans les maladies des enfants, mais ne se limite pas non plus aux enfants qui présentent les maladies les plus complexes, mais traite aussi toute pathologie aiguë qui se présente à l'hôpital.

Troisièmement, l'expérience et l'histoire nous apprennent que les hôpitaux psychiatriques qui se sont limités à un rôle de traitement à long terme ont souvent évolué vers la stagnation, à une demi-vie, pour ne pas dire à une demi-mort. Qu'il s'agisse de donner comme exemple les State Hospitals, aux États-Unis. Il est par contre évident que les hôpitaux psychiatriques doivent aussi conserver un rôle de traitement à long terme.

À l'hôpital Louis-H., nous vivons une expérience fort intéressante et fort efficace depuis maintenant une douzaine d'années avec ce que nous appelons le modèle Notre-Dame. Déjà, depuis douze ans, nous réservons un certain nombre de lits pour l'admission et le traitement de patients psychiatriques à long terme en provenance de l'hôpital Notre-Dame. Ce sont les psychiatres de Notre-Dame qui sélectionnent les patients qui doivent être envoyés à Louis-H. Ce sont eux également qui viennent les traiter sur place, à l'intérieur de notre centre hospitalier. Cette formule permet au département de psychiatrie de Notre-Dame d'admettre une dizaine de patients chaque année à l'hôpital psychiatrique. C'est, à notre connaissance, le seul département de psychiatrie de la région de Montréal qui puisse se permettre une telle latitude d'action avec ses patients chroniques. Nous suggérons, à la lumière de notre modèle Notre-Dame, que les autorités compétentes recommandent fortement à tous les départements de psychiatrie de traiter les patients à long terme à l'Intérieur de l'hôpital psychiatrique qui est prêt à leur attribuer un certain nombre de lits. Cela aurait deux avantages considérables: la continuité des soins et l'acquisition d'une expertise particulière.

Quant à la distribution des services psychiatriques, la politique veut que, dans chaque hôpital qui s'ouvre, il y ait nécessairement un service de psychiatrie. Il nous semble qu'il y a lieu, à la lumière de multiples exemples, de remettre en question cette politique. Nous savons, en effet, que de nombreux départements de psychiatrie d'hôpitaux généraux continuent souvent, depuis de nombreuses années, à vivoter, se demandant d'une année à l'autre s'ils ne devraient pas fermer leurs portes. Nous sommes tous d'accord que ce n'est sûrement pas la façon d'offrir les meilleurs services de psychiatrie à une population. Il y a déjà une dizaine d'années, nous avons assisté, dans le réseau, au grand mouvement de rationalisation de divers services. C'est ainsi que des services de pédiatrie et d'obstétrique ont été supprimés dans certains hôpitaux. Il est évident que, pour ces services, comme pour le service de psychiatrie, II serait souhaitable que la population retrouve au coin de la rue tous les services dont elle a besoin, qu'il s'agisse d'obstétrique, de pédiatrie ou de psychiatrie. Il est évident aussi que nous devons assurer une telle distribution de services.

Dans les circonstances, nous croyons tout à fait justifié, plutôt que de saupoudrer des services de psychiatrie un peu partout, de nous préoccuper de consolider les services existants, ce qui n'empêche pas l'ouverture de nouveaux services, mais à la condition de s'assurer à l'avance qu'ils seront viables et que nous avons en main des mécanismes nous assurant qu'une masse critique de travailleurs iront y travailler. Le jour où nous déciderions de ne pas mettre en place un service psychiatrique dans un hôpital ou de supprimer un service psychiatrique qui s'est avéré non viable depuis longtemps, nous pourrions assurer un service à la clientèle de la façon suivante. Les hôpitaux psychiatriques avoisinants ou le gros département de psychiatrie d'hôpitaux de la région pourraient assumer la relève en acceptant d'hospitaliser chez eux les malades du territoire en question, tout en conservant les services de clinique externe et de

consultation liaison au niveau de l'hôpital impliqué. C'est ce qui se fait en Ontario.

Finalement, il nous semble qu'il y a des questions laissées sans réponse dans ce rapport En effet, te rapport Harnois représente un pas majeur, mais comme le rapporte Jean Francœur, il n'accouche pas d'une politique. Comme le mentionne le président du comité, c'est un énoncé de politique qui doit être considéré comme un début. Mais, est-ce vraiment un début quand on relit les recommandations de la Commission Bédard publié en 1962 qui les articulait à partir d'une perspective précise, service par service, hôpital par hôpital? Est-ce bien le mandat du comité d'élaborer un projet de politique en santé mentale pour le Québec? Ce mandat n'a-t-il pas précisé la nécessité de solutions et d'une approche pragmatique? Dans ce cas, faudrait-il recommencer un autre comité pour en arriver à une politique réelle?

Des moyens proposés par le comité sont intéressants et méritent d'être mis en application. Le projet de répit pour tes familles, ta révision des programmes de formation et de formation continue, le développement de la recherche, si pauvre dans le domaine de la santé mentale, la participation des groupes communautaires, le plan d'organisation des services sur un territoire sont tous d'excellents moyens. Par contre, tout cela n'est pas si facile. Par exemple, selon le comité, le plan d'organisation des services sur un territoire doit être conçu, développé et actualisé par tous les acteurs. Par contre, le comité n'a pas d'organigramme et n'articule pas bien sa notion de partenariat élargi.

Quant au devenir des grands établissements psychiatriques.- si la recommandation qui limite les hôpitaux psychiatriques au traitement à long terme est mise en application, on peut d'abord se demander où est la notion de partenaire. Du côté pratique, l'agent qui travaille dans ces Institutions risque de se "chroniciser" autant que les malades et les Institutions psychiatriques deviendront non seulement des déguisements de centre d'accueil, mais on reviendra à l'asile du bon vieux temps.

Cet énoncé de politique doit être l'occasion d'un large débat public sur la santé mentale, dit le rapport. C'est bien beau, mais qu'est-ce qu'on fera en pratique demain? Pendant ce temps, qu'arrivera-t-il aux malades mentaux? Lorsqu'on lit les trois étapes à franchir pendant les cinq prochaines années, on se rend compte que sur tes 42 moyens proposés, un seul touche directement les malades et leur famille, et deux parlent de réinsertion. C'est bien peu, sinon rien du tout comparativement à la création d'un tas de comités et d'une augmentation de bureaucratie.

En conclusion, M. le Président, en dépit de ces critiques et de certaines modifications qu'on devrait apporter au rapport Harnois, il demeure que pour un partenariat élargi, le Québec possède un canevas pour développer une véritable politique en santé mentale. Il faut espérer que les gouvernements présents et à venir ainsi que toutes les Instances concernées sauront s'en servir pour relever le défi que nous pose cette problématique de la maladie mentale qui, malheureusement, reste trop souvent dans l'ombre tout en minant la vie de tellement de nos concitoyens.

Je me permets en terminant de vous citer la dernière phrase du rapport de la Commission Bédard qui a encore, après 26 ans, tout son sens: "Nous osons espérer que le cri d'alarme que constitue ce rapport sera entendu et du public et des autorités, et que celles-ci ne se déroberont pas à l'obligation de procéder Immédiatement aux réformes radicales qui s'Imposent. Les demi-mesures n'ont plus leur place.' Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. Nolet. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. te Président. Je veux remercier les représentants de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine pour leur mémoire qui... Pour la première fois, nous entendons le point de vue d'un établissement de soins prolongés et un établissement qui est à procéder justement à une réintégration sociale, dans la mesure du possible toujours, des bénéficiaires qui vivent à l'intérieur de ses murs. (19 h 30)

J'aimerais vous demander... On sait que déjà dans les années, écoutez, probablement depuis le début des années soixante, peut-être avant, mais je l'ignore, Louis-Hippolyte Lafontaine avait procédé à la désinstitutlonnalisation, probablement dans la foulée du rapport Bédard. À ce moment, on avait trouvé - je ne sais pas si on les appelait ainsi - des maisons de transition, des pavillons, entre autres, où un certain nombre de personnes avaient été envoyées. On avait retrouvé une partie de la population, un peu dans le territoire de Pointe-aux-Trembles, qui vivait dans des familles d'accueil ou qui vivotait un peu en appartement. Aujourd'hui, vous faites le cheminement, c'est-à-dire que vous procédez à la désinstitutionnalisation, dans un contexte différent, d'un bon nombre de bénéficiaires, c'est-à-dire progressivement. Est-ce que vous avez l'impression que vous avez des outils différents pour travailler ou que vous approchez cette désinstitutionnalisation dans un esprit différent qu'elle ne l'avait été dans les années soixante? Si on se souvient des critiques qui ont été faites à ce moment-là, pas à ce moment-là, mais dans les années qui ont suivi, c'était de dire: Oui, on a envoyé les gens dans des pavillons mais finalement, on a simplement réduit la taille des grandes institutions à de petites institutions, mais on n'a pas véritablement désinstitutionnalisé. Enfin, c'est le jugement peut-être Ingrat, mais c'est celui que la population portait. J'aimerais que vous me fassiez le

parallèle entre les actions - même si vous n'étiez pas là à ce moment-là - qui étaient faites à ce moment et celles que vous avez déjà entreprises et que vous poursuivez présentement

M. Grunberg (Frédéric): Effectivement, je crois que la remarque que vous avez faite est très correcte. Il y a un point cependant que je voudrais corriger. Vous avez référé à l'hôpital Louis-Hippolyte Lafontaine comme un hôpital à soins prolongés. En fait, notre activité...

Mme Lavoie-Roux: Oui, je vais revenir là-dessus tantôt.

M. Grunberg: Oui. En fait, comme établissement, je crois que nous avons le plus gros secteur de Montréal. Je pense que vous avez tout à fait raison de dire que dans les années soixante, une grande partie de la désinstitutionnalisation qui s'est opérée à Louis-Hippolyte-Lafontaine, comme dans la plupart des hôpitaux, des grands hôpitaux psychiatriques nord-américains, pourrait s'appeler de la transinstitutionnalisation. Effectivement, on a fait passer des patients, surtout des patients chroniques, de la grosse institution à la plus petite. Effectivement, nous avons encore cet héritage du passé, nous avons des pavillons. D'une certaine mesure, cela n'a pas toujours été négatif, parce que leur qualité de vie s'est peut-être améliorée dans des plus petites institutions. À l'heure actuelle, nous avons des outils extrêmement Importants pour faire une désinstitutionnalisation qui ne soit pas de la transinstitutionnalisation. En fait, avec des programmes de réadaptation associés à la pharmacologie et d'entraînement dans les habiletés sociales, un bon nombre de patients chroniques même peuvent se réinsérer du moins partiellement dans la communauté. Je dois dire, Mme la ministre, que les ressources nécessaires, surtout au point de vue de la main-d'œuvre, ne sont pas suffisantes pour faire ce boulot. Nous avons les techniques. Nous avons le moyen de le faire mais souvent nous manquons de ressources. Ce sont surtout ces ressources vraiment de réadaptation et de soutien qu'on pourrait donner pour qu'on désinstitutionnalise et qu'on retourne soit dans des structures intermédiaires, soit même dans leur propre famille. Donc, les techniques existent, mais je dirais aussi franchement que les ressources sont insuffisantes pour le faire surtout sur une grande échelle.

M. Nolet: Je voudrais possiblement rajouter, Mme la ministre, si vous me le permettez...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Nolet: ...quant à la déslnstltutlonnallsa-tion actuelle tout au moins, si on parle des déficients mentaux, nous avons fait un bon bout de chemin concernant cette mission que vous nous avez donnée et que le gouvernement avant vous nous avait aussi laissée comme héritage. Actuellement, nous sommes rendus approximativement à une centaine de ces .personnes qui sont parties de l'hôpital pour " intégrer des ressources dans la communauté très petite, dans le réseau de la déficience. Donc, lorsque la personne sort, l'argent suit, les moyens suivent; c'est effectivement le réseau du social qui va s'occuper de cette catégorie-là.

Concernant la désinstitutionnalisation psychiatrique, c'est beaucoup plus difficile qu'on ne l'aurait cru dès le début, surtout pour les malades chroniques. Par contre, nous essayons quand même, avec les méthodes que nous avons, soit par des maisons de transition, par les pavillons, les appartements supervisés, l'ouvrage adapté, les hôpitaux de jour, les centres de jour, de sortir une certaine catégorie de ces malades chroniques. Le succès que nous avons eu - parce qu'il faut l'appeler succès - se chiffre, pour l'année dernière, par une cinquantaine de malades. Ce sont tes méthodes et les résultats, Mme la ministre, qu'on a pu faire jusqu'à date. Encore une fois, c'est un fait qu'il manque des ressources. Cela ne coûte pas moins cher de sortir le malade à l'extérieur de l'hôpital que de le garder à l'intérieur. C'est un faux principe. Les gens pensent, effectivement, que les gros budgets hospitaliers peuvent être totalement redonnés à la communauté et que la communauté va pouvoir se servir de ces budgets et "guérir" - entre guillemets - la population qu'on retrouve chez nous, soit les 2200 malades.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on ne se fait pas d'Illusion sur ce fait, la désinstitutionnalisation n'est pas une opération économique. D'ailleurs, si on l'a cru à un moment donné, c'est peut-être pour cela aussi qu'on s'est réveillé avec des surprises plus ou moins agréables, pas tellement pour nous que pour les bénéficiaires, finalement. Alors, dans ce sens-là, je suis tout à fait d'accord avec vous.

On va revenir à la question de l'hôpital de soins prolongés. Je m'excuse de l'erreur que j'ai faite, parce que je sais fort bien que vous êtes l'hôpital de courte durée pour la région environnante, pour votre secteur. Vous desservez un large secteur. J'aimerais que vous me donniez peut-être un peu plus d'arguments pour justifier le fait que vous ne devriez pas recevoir que des patients de longue durée, tel qu'il est suggéré dans le rapport Harnois, mais aussi de courte durée. Moi, je suis assez sensible aux raisons que vous invoquez en disant: Sinon, on risque peut-être de devenir plus chronique qu'on ne l'est. Il y a aussi toute la question de la vie à l'intérieur de l'institution, etc. Pour vous, est-ce que cela vous apparaît une absolue nécessité?

M. Nolet: Permettez-vous, M. le Président, que le directeur des services professionnels puisse répondre?

Le Président (M, Bélanger): Bien sûr.

M. Deschamps (René): J'ai fait l'expérience de travailler dans d'autres hôpitaux psychiatriques aussi, notamment à l'hôpital Douglas et à l'hôpital Louis-H. Lafontaine maintenant, et je puis vous assurer que ma perception des choses est qu'il y a, dans ces hôpitaux - et je ne parie pas seulement de l'hôpital Douglas et de Louis-H.- Lafontaine, mais dans d'autres hôpitaux psychiatriques également - de très grandes compétences. Quand je parle de très grandes compétences, je ne parie pas seulement des médecins. Du côté des médecins aussi et du côté de tout l'ensemble des professionnels qui ont, vous savez, une très vaste expérience de travail en psychiatrie. Ce que l'on oublie parfois, en ce qui concerne les hôpitaux psychiatriques, je ne parle pas seulement pour le nôtre, c'est que ces gens-là travaillent souvent depuis longtemps et qu'ils ont une expérience pour ce qui est de plusieurs types d'interventions et ce, pendant plusieurs années également. J'entendais, par exemple, en dehors d'ici, des petits services de psychiatrie être tout heureux. Ils avaient raison d'être heureux, de s'en vanter aussi, de dire qu'ils avaient réussi l'intégration de six patients dans un foyer de groupe. À titre d'exemple, vous savez qu'à l'hôpital Douglas et à l'hôpital Louis-H. Lafontaine, on ne fonctionne pas par six patients seulement. Il faut faire six patients plusieurs fois, parce qu'il y a une grande masse de patients. Alors, c'est vous dire l'expérience, quand même beaucoup plus grande, dont peuvent jouir les professionnels qui travaillent à l'Intérieur de ces hôpitaux-là.

Deuxièmement, on hésite à croire que l'hôpital psychiatrique puisse être parfois bien perçu par la clientèle. À ma surprise même personnelle, il m'est arrivé notamment à l'hôpital Douglas - parce que je faisais plus ce genre de travail-là - de réaliser que des patients qui étaient hospitalisés en première ligne, des patients qui appartenaient au secteur, étaient très heureux, mais vraiment très heureux de revenir pour être soignés à l'hôpital psychiatrique. C'est la même chose à l'hôpital Louis-H. Lafontaine. Vous savez, les patients ont parfois une certaine réticence à venir dans l'hôpital psychiatrique comme tout le monde, mais très souvent, cela arrive fréquemment, lorsqu'ils ont été hospitalisés une fois et qu'ils doivent être hospitalisés de nouveau, ils insistent pour revenir au même endroit C'est pour cet ensemble de raisons.

Mme Lavoie-Roux: Deux questions très brèves, parce que j'ai un collègue de l'Opposition qui veut aussi en poser. Est-ce que ce serait la recommandation que vous nous feriez pour tous les hôpitaux qui ont une concentration de soins prolongés ou si Louis-H. Lafontaine et Douglas, compte tenu des ressources qu'ils ont du point de vue de la recherche et de l'enseignement, fois.sont dans une situation qui justement permet aussi de recevoir des patients de courte durée? C'est ma première question - Je vais poser ta deuxième pour finir.

Vos suggérez qu'un certain nombre de départements de psychiatrie et d'hôpitaux généraux soient fermés pour concentrer ou se consolider avec d'autres qui seraient situés dans la périphérie de grands hôpitaux, etc. Vous avez peut-être raison. Parce que des fois, ils ont même des problèmes de recrutement de psychiatres, si je ne me trompe pas. Mais il me semble que les gens sont généralement débordés quant à l'hospitalisation dans les hôpitaux généraux de courte durée pour les patients psychiatriques, alors je ne suis pas sûre que ce serait... Que des gens vivotent, ce n'est jamais bon. Mais est-ce que ce serait, si on prend la région de Montréal, sur le plan pratique, une bonne solution? Ce sont là mes deux questions.

M. Chevrette: Voulez-vous préciser la deuxième?

Mme Lavoie-Roux: La deuxième, c'est parce qu'ils ont suggéré que certains départements de psychiatrie d'hôpitaux généraux soient fermés parce qu'ils vivotent un peu; des fois c'est le manque de personnel, le manque de patients. Par contre, on sait que d'autres sont surchargés, alors Je me questionne sur la sagesse de procéder de cette façon-là.

M. Deschamps: Oui. Je reviens d'abord à votre première question. Quand on dit que l'hôpital psychiatrique devrait desservir la première ligne également, je ne veux vraiment pas dire que cela doit être appliqué à tous les hôpitaux psychiatriques, cela doit être appliqué aux hôpitaux psychiatriques qui ont quand même une certaine population, une certaine histoire de la pratique en psychiatrie, une certaine capacité d'attirer des gens qui veulent travailler en psychiatrie. C'est sûr que l'hôpital Douglas, l'hôpital Louis-H. Lafontaine et l'hôpital Rivière-des-Prairies en infantile sont, à mon avis, en tout cas, des hôpitaux qui sont tout à fait capables et aussi bien capables sinon plus capables, dans certains cas, de desservir des populations de première ligne, j'en suis absolument convaincu. C'est sûr que des hôpitaux, parce qu'ils s'appellent hôpitaux psychiatriques, pour ne pas les nommer... prenons l'exemple de l'Annonciation qui est dépourvu depuis dix ans ou quinze ans. Cet hôpital n'a pas refonctionné et iI est un peu beaucoup rouillé sur le plan de l'activation de la psychiatrie, je ne pense pas que Je souhaiterais, demain, qu'il desserve en première ligne en psychiatrie.

En ce qui a trait à votre deuxième question, Mme la ministre, c'est celle qui porte sur les divers services de psychiatrie qui sont installés dans les hôpitaux. C'est sûr que c'est très bien intentionné que de vouloir installer des

services de psychiatrie dans chacun des hôpitaux, proches de la clientèle, proches des familles, faciles d'accès. Comme on vous te disait dans le texte tantôt, les gens sont tous justifiés de demander qu'il y ait leur service de psychiatrie, leur service de pédiatrie, leur service d'obstétrique tout à côté de chez eux Ce n'est pas possible. Et on a réalisé - vous avez réalisé encore plus que nous - que, dans certains milieux, pour toutes sortes de raisons qui sont variables d'un milieu à l'autre, il y a des services de psychiatrie qui ne sont à peu près pas viables pendant deux, trois, quatre ou cinq ans, et même davantage parfois. (19 h 45)

II me semble que plutôt que de continuer à saupoudrer des services de psychiatrie dans tous tes hôpitaux, il vaudrait mieux essayer de consolider des services déjà existants qui ont une certaine solidité, qui ont fait leur preuve dans leur capacité d'attirer des gens, de donner une certaine qualité de soins. Je vais vous donner un exemple hypothétique, partiellement hypothétique. Si on prend la rive sud de Montréal où it y a trois hôpitaux, actuellement - Pierre-Boucher, Haut-Richelieu et Charles-Lemoyne - j'ai connu comme vous et comme plusieurs d'entre nous les grandes difficultés de l'hôpital du Haut-Richelieu, qui sont, si ma mémoire est bonne, toujours présentes.

Tout le monde a essayé, beaucoup de gens ont essayé et vous avez essayé de corriger ces situations, mais cela ne semble pas facile parce que cela ne se corrige pas au cours des années. À Pierre-Boucher, il y a des incidents récents qui font que c'est difficile. Si on faisait la chose suivante - à titre d'exemple - pour la rive sud de Montréal - Si on demandait à l'hôpital Charles-Lemoyne, qui a fait ses preuves depuis quinze ou vingt ans maintenant, de consolider un plus grand service de psychiatrie, d'hospitaliser tous les malades qui ont besoin d'être hospitalisés dans ces régions desservies maintenant par l'hôpital Pierre-Boucher et l'hôpital du Haut-Richelieu, à ce moment-là, on pourrait demander à Charles-Lemoyne de continuer à faire des cliniques externes, de la consultation-liaison à l'hôpital Pierre-Boucher et à l'hôpital du Haut-Richelieu, de telle sorte que le patient qui a besoin d'être hospitalisé vienne à Charles-Lemoyne. Mais quand il sort de l'hôpital et qu'il n'a besoin que de services en clinique externe, II pourrait très bien être vu au niveau de sa région, de l'hôpital proche de chez lui. Enfin, c'est une suggestion.

Il me semble qu'il y a lieu de repenser cette situation, comme vous l'avez fait autrefois avec la pédiatrie et ['obstétrique. Je trouve cela très encourageant de procéder de cette façon.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Sainte-Marie.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Hier, nous avons rencontré le comité des bénéficiaires de votre institution. Je m'étais bien promis, après l'écoute très attentive que j'en ai eu avec le comité des bénéficiaires, de vous poser une question afin de savoir, quant aux relations... Je veux simplement vous exprimer, comme député montréalais, ce que le comité avançait hier. Ce que vous dites aussi, c'est que les perceptions et les images, pour ne pas dire les divers tabous, ne sont pas faciles à éliminer. Je me rappelle fort bien, quand je passais sur la rue Hochelaga étant plus jeune, que je fermais la fenêtre de l'automobile parce que j'avais certaines craintes; cela s'appelait Saint-Jean-de-Dieu, à cette époque-là. On a changé l'appellation et Je trouve toujours un peu - si vous me permettez l'expression - monstrueux, quand je passe à côté de Hippolyte-Lafontaine et de Hochelaga, de voir cette dimension, ne serait-ce qu'architecturale de Louis-H. Lafontaine. En tout cas, j'ai toujours trouvé impressionnant, cette Industrie; c'est ce que je me disais étant plus jeune.

Pourquoi est-ce que j'apporte cette dimension? C'est que sur le plan humain, qui me préoccupe toujours un petit peu, on faisait état, depuis quelques années, de la formation d'un comité des bénéficiaires. Il a été exprimé, à cet endroit-là, qu'il y a des revendications communes avec le conseil d'administration, ce que je trouve fort bien, et aussi d'autres arguments sur d'autres sujets.

J'aimerais savoir comment vous percevez vos relations. On parie beaucoup de désinstitutionnalisation, de responsabilisation, soit par le travail hors les murs des gens désinstitutionnalisés par rapport à l'intervention de plusieurs intervenants, mais on dit toujours que charité bien ordonnée commence par chez soi. C'est un peu dans cette dimension de responsabilisation que je vous demande comment vous entrevoyez l'expérience vécue jusqu'à présent et dans sa projection future, ce type d'intervention.

M. Nolet: Je vais répondre, premièrement, à votre préoccupation d'image. J'ai la même préoccupation que vous concernant l'image de l'hôpital psychiatrique. J'ai bien dit l'hôpital, non l'asile, non la prison. Je me souviens lorsque M. Chevrette est venu nous rendre visite au mois de septembre 1985, on se promenait autour de l'hôpital et on voyait des barreaux à chacune des fenêtres, on avait des clôtures de six pieds de haut autour de l'hôpital. À ce moment-là, je disais à M. Chevrette: Je ne peux pas concevoir de quelle façon je peux parier aux journalistes en leur disant que nous sommes un hôpital et non une prison, lorsqu'on voit les barreaux, tes barrières comme telles et les clôtures. Si vous passez aujourd'hui à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, vous ne verrez plus de barreaux. C'est mon cadeau des fêtes, mon cadeau de Noël de l'an passé que mon adjoint a bien voulu me faire. Il n'y a plus de barreaux à l'hôpital, il n'y a plus de clôtures non plus. Cela n'existe plus.

Donc, on a au moins cet aspect et l'image que c'est un hôpital pour des malades mentaux, mais un hôpital. Au moins pour la première réponse concernant l'image, J'ai eu la même collaboration.

Pour la deuxième, de quelle façon on se préoccupe de la désinstitutionnalisation. On y croit à la mission que nous avons actuellement de désinstitutionnalisation. On croit que les moyens que les gouvernements devraient mettre de l'avant, pour compléter les trois missions que nous avons, devraient nous donner la capacité d'avoir d'ici peu de temps, cinq ans peut-être, l'hôpital - entre guillemets - "idéal" de 1200 ou 1400 lits et ne pas avoir, comme vous l'avez dit, cette industrie que l'on retrouve aujourd'hui à 2200 lits.

C'est avec l'amorce et la sortie des déficients mentaux de l'hôpital, de faire un pavillon régional pour les personnes âgées qui n'ont plus de symptômes psychiatriques, de faire un vrai centre d'accueil et d'hébergement, c'est avec l'amorce de sortir les malades psychiatriques par la désinstitutlonnallsation comme telle, avec des ressources plus légères, peut-être qu'on va réussir cette mission. Comme Je le disais tout à l'heure, ce n'est pas une mission moins dispendieuse, mais certainement une mission mieux adaptée aux malades.

Alors, on pense que la mission que le gouvernement nous a donnée, on pourra la réussir, moyennant qu'on ait aussi les moyens pour la réussir. Il reste quand même cette partie très vétuste de l'hôpital. Nous avons de vieux bâtiments et on travaille avec les gens du ministère toujours dans des plans fonctionnels et techniques pour que l'on puisse terminer la rénovation, l'amélioration et possiblement la construction -d'un pavillon neuf pour que l'on puisse héberger les malades psychiatriques. Ce sera certainement un acquis pour l'hôpital à ce moment-là.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Jollette.

M. Chevrette: Vous avez vécu, à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, une expérience que peu de centres hospitaliers psychiatriques ont pu vivre en ce qui concerne la concertation à l'intérieur même du centre hospitalier dans les années 1984-1985. Vous avez vécu une expérience qui vous différencie quand même passablement des autres centres psychiatriques. On dirait qu'ils ont amorcé à Giffard ce que vous avez fait, mais à mon point de vue, ils n'ont pas réussi à vivre le même type d'expérience que vous avez vécue chez vous à Louis-H. Lafontaine. Tout cela pour arriver à un consensus non seulement sur le type de gestion ou de fonctionnement, mais à un consensus même sur les grandes orientations de désinstitutionnalisation, sur la relocalisation des personnes âgées qui nécessitaient beaucoup plus des soins de foyer d'accueil ou de centre d'accueil que... Je me souviens d'ailleurs, quand je vous al rencontré - je crois que c'est le 19 septembre 1985 - assez longuement sur l'ensemble des clientèles, en être arrivé à une conclusion. Je voudrais vous poser deux questions. Ce plan a-t-il été modifié? Si oui, quelles sont les modifications qui ont été apportées? Troisièmement, est-ce que vous avez l'autorisation d'utiliser (es sommes d'argent qui vous sont revenues à la suite des Incendies?

M. Nolet: M. Chevrette, concernant les modifications, oui, notre plan a été modifié. Il a été modifié autant à la demande d'une partie comme de l'autre, c'est-à-dire du centre hospitalier, des autorités de l'hôpital que du ministère. Nous nous sommes aperçus à un moment donné - vous vous en souviendrez - que, dans la partie de l'immobilisation du projet, il y avait quand même 50 000 000 $. Lorsqu'on regarde cela, 50 000 000 $, c'est beaucoup d'argent. Lorsqu'on regarde l'immobilisation, comme telle, pour une province telle que la nôtre, 50 000 000 $, dans un centre hospitalier, c'est absorber l'ensemble de tous les montants d'Immobilisations de toute la province dans un seul centre hospitalier. Je peux concevoir un peu l'esprit du gouvernement qui dit: Bon, il va falloir faire cela par étapes. Dans une première partie, on s'est aussi aperçu... Nous avions fait des études à l'Intérieur. La première étude était la planification des locaux, comme telle, pour pouvoir héberger la Clientèle qui allait nous rester à la fin de la cinquième année. Pour libérer certains locaux, il fallait sortir les personnes âgées. Pour sortir les personnes âgées, il fallait bâtir deux centres d'accueil. Et pour bâtir deux centres d'accueil, cela coûtait effectivement presque 25 000 000 $. Les autorités de l'hôpital ont cru et croient toujours qu'après avoir subi la tutelle, le châtiment de la tutelle - parce que cela demeure toujours imprégné à l'hôpital actuellement, je n'en suis que le résultat, je suis arrivé après, mais quand même - les premiers 25 000 000 $ ne devaient certainement pas aller à l'extérieur de l'hôpital, mais possiblement à l'Intérieur même pour que les bénéficiaires profitent de l'hôpital dans les rénovations, dans les constructions, etc. Le plan a été modifié à un point tel que le centre d'accueil et d'hébergement... On a décidé d'utiliser, avec l'accord du ministère - c'est une proposition commune, acceptée de part et d'autre - un pavillon qui existe à l'hôpital et qui s'appelle le pavillon Gamelin.

Concernant la mission de la déficience mentale, elle n'a pas été changée. Elle est toujours observée, amorcée et on continue. Concernant la grande mission de l'hôpital, c'est-à-dire l'hôpital divisé en trois parties - je parie bien de l'hôpital - soit la courte durée, la longue durée et la psychogériatrie, elle n'a pas été modifiée. On continue toujours dans la planification de cette chose. L'an passé, nous sommes arrivés avec une nouvelle planification de

gestion et d'organisation pour gérer l'hôpital selon les cinq missions que je viens de vous mentionner: les trois hôpitaux et les deux centres d'accueil.

M. Chevrette: II y a combien de lits dans Gamelln?

M. Nolet: Il y a 400 lits, M. Chevrette.

Donc, on retrouve une autre unité à l'extérieur du pavillon Gamelin, pour héberger les personnes âgées, qui devra être fermée éventuellement.

M. Chevrette: C'était 700 qui étalent identifiés, si ma mémoire est fidèle.

M. Nolet: Cinq cents personnes âgées et 400 déficients. Donc, 500, une unité à côté. Nous avons déjà fermé une unité par la désinstitution-nalisation de personnes âgées.

Concernant votre deuxième question, les autorisations d'utiliser les montants d'argent des incendies, lorsque nous avons reçu de vous, premièrement, et validées par la suite par Mme Lavoie-Roux, les grandes missions de l'hôpital - ce sont des missions qui nous sont données par les ministères et les chefs comme tels, les ministres - on nous a dit à un moment donné: Concernant vos missions, vos constructions et vos réparations, faites donc des plans fonctionnels et techniques pour savoir ce qu'on va faire. On ira aux plans et devis, et, par la suite à la construction. Au moment où je vous parle, nous avons remis au ministère, au mois d'octobre, le premier plan fonctionnel et technique et, le 18 décembre, au conseil d'administration, on a approuvé les deux autres plans fonctionnels - et techniques. Donc, actuellement, nous attendons les résultats de ces plans fonctionnels et techniques pour qu'on puisse passer dans les pians et devis et pouvoir utiliser autant les sommes des incendies que celles promises par les gouvernements. (20 heures)

M. Chevrette: Et le projet est diminué à combien?

M. Nolet: II n'est pas diminué actuellement, il demeure grossièrement dans le même chiffre qu'on avait à votre époque.

M. Chevrette: Environ 80 000 000 $ en tout et partout?

M. Nolet: Ah non, environ 40 000 000 $ à 45 000 000 $ globalement.

M. Chevrette: Parce que vous ne construisez pas, mais vous prenez Gamelin?

M. Nolet: Parce qu'on réaménage certaines choses, mais je pense que le financement demeure exactement la même chose. Si on construisait deux centres d'accueil dans la communauté, on aurait certainement outrepassé les sommes déjà accordées selon le CT.

M. Chevrette: Oui. Sauf que, si ma mémoire est fidèle - c'est pour cela que je vous questionne - il y avait un échéancier d'utilisation par vos propres malades à cause du phénomène d'attrition et les centres d'accueil devaient servir à la population mal desservie du coin. Est-ce que c'était cela?

M. Nolet: Pas tout à fait, M. Chevrette. Je pense que vous voulez faire nôtre un projet qui s'appelle les salles d'eau. Les salles d'eau sont les pavillons Riel et Bédard qui sont deux vieux pavillons très vétustes. Si on se souvient, lorsqu'on avait dit: Lorsque le tout sera fait, il sera mis à la démolition. Il en coûtera 2 000 000 $ pour faire cela et ce sera terminé. Par contre, entre-temps, et moi le premier, je trouvais très dispendieux, beaucoup d'argent à dépenser, à peu près 2 000 000 $, pour des salles d'eau pour des pavilions qu'on allait défaire dans peu de temps. Par contre, il suffit d'y aller une seule fois dans ces pavillons-là. Et je vous invite à venir les voir et regarder les conditions de vie des bénéficiaires pour s'apercevoir que, même si on veut faire une épargne à long terme et ne pas investir ces sommes, étant donné qu'on va démolir ces bâtiments en peu de temps, ce n'est pas viable. Cela ne se vit pas quand même 40 malades dans un dortoir, avec trois salles d'eau, quelques bains et quelques douches. C'est quasi Steinberg et il faut ramasser notre numéro et attendre notre tour. Par contre, on a fait les premières démarches On les a faites nos premières démarches. Actuellement, les plans et devis sont au ministère. Nous attendons l'achèvement du dossier pour pouvoir continuer les aménagements de ces salles d'eau. Il y en a certaines que nous avons faites nous-mêmes à l'Intérieur, mais pour continuer l'aménagement des salles d'eau, on attend une autorisation finale du ministère.

M. Chevrette: Concernant maintenant la complémentarité des fonctions ou la multidisplinarité, je sais que cela ne semble pas créer de problème au niveau des catégories de personnel chez vous puisque la discussion s'est faite... en tout cas, cela m'a semblé être accepté. Est-ce que vous ne croyez pas que dans le fin fond, les résistances qu'on connaît dans les autres milieux, c'est précisément parce qu'on n'a pas fait les discussions au niveau des personnels et ensemble? Je m'explique mal que chez vous on ait réussi - ce n'était pas une petite boîte - à arriver à des consensus. Vous savez, on voit défiler à peu près 60 ou 70 groupes devant nous qui tirent chacun de leur côté sans aucun... Je me demande comment la ministre va s'en tirer dans tout cela. Il y en a qui tirent à hue et d'autres à dia, comme dirait mon grand-père. Chez vous, on a quand même réussi à avoir une

forme de consensus sur la désinstitutionnalisation, sur le rôle supplétif que pouvaient jouer les CLSC et d'autres organismes communautaires. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous avez réussi à faire cela. Même si vous êtes arrivés après, vous aviez le nez là un bout de temps, suffisamment longtemps avant qu'on lève la tutelle pour qu'on puisse savoir que vous étiez au courant. Si vous ne voulez pas me répondre, il y en d'autres qui peuvent me répondre, cela ne me dérange pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M, Nolet: M. Chevrette, je peux vous dire que mon nom n'est pas Jésus-Christ. Ce n'est pas mol qui ai Inventé cette chose-là. À l'exception que, malgré toutes les consultations qu'on a pu faire, c'est un fait qu'on a une certaine consultation, que les gens veulent bien s'Impliquer, etc., il demeure quand même certaine complication. Il faut se souvenir de certaines philosophies. On a une philosople chez nous et je pense que c'est une philosopie de base: pas de tablette, pas de mise à pied. Mais il faut trouver l'entre-deux, si c'est cela. Lorsqu'on vous disait tout à l'heure que l'on sort des déficients mentaux de chez nous, on sort des déficients, l'argent suit, mais le personne! demeure, lui. Il faut lui trouver un trou. Selon la politique que je viens de vous mentionner et cette philosophie, il faut faire des arrangements, des ententes, des pourparlers. Je pense que l'équipe qui m'entoure, autant celle que j'ai ici ce soir que celle de l'hôpital, est certainement apte à nous aider dans cette consultation, dans ces ententes, pour essayer, le mieux possible, d'avoir un chemin moins cahoteux que dans d'autres endroits.

M. Chevrette: Vous n'avez pas d'entente, par exemple, avec les structures qui héritent des budgets pour acheminer un certain type de personnel vers ces structures-là? Je prends un exemple: supposons que le CLSC prend charge d'une partie des bénéficiaires, II ne prend pas le personnel avec? Il prend seulement le budget?

M. Nolet: II prend l'argent.

M. Chevrette: Cela veut donc dire que chaque fois que vous sortez du budget, vous êtes doublement pénalisés en gardant le personnel?

M. Nolet: Vous avez raison dans cet élément On sort du budget On n'est pas doublement pénalisé, parce qu'on essaye de faire nos affaires nous autres mêmes. Par contre, il ne sort que des piastres. On avait une problématique. Souvenez-vous qu'il y a une problématique syndicale à l'Intérieur de cela: les différentes parties syndicales, les différents groupements syndicaux, l'ancienneté, les primes de psychiatrie, les primes de séparation, les primes de toutes sortes. C'est pour cela que lorsqu'on construisait les deux centres d'accueil et d'hébergement. Ils sortaient, eux, avec le personnel, parce qu'on sortait le tout: les malades, l'argent et te personnel. Étant donné que, maintenant, c'est un pavillon régional, chez nous, on a gardé la gestion de cette chose-là. Concernant les déficients, jamais on ne sortait le personnel. On le gardait chez nous et, à cause de l'attribution des 4 % et de toutes les autres manigances de négociation entre le syndicat et l'administration, on a pu quand même se tirer assez bien d'affaire concernant ce dossier-là.

M. Chevrette: J'ai une dernière question. Vous avez un comité de bénéficiaires qui est passé devant nous, hier je crois, qui semble très engagé, qui trouve que son budget n'est pas gros - 18 000 $ et quelques centaines de piastres - et qui a parlé beaucoup également du rôle de l'acceptation des parents dans la vie même du centre. Vous vivez cela, vous autres, comme administrateurs et non pas comme... Vous avez sans doute à subir les pressions, s'ils ont l'air assez engagés et assez tenaces. Ils sont même derrière vous autres et ils surveillent votre réponse. Comment voyez-vous cela, non seulement le comité des bénéficiaires mais aussi le rôle des parents?

M. Nolet: Je pense, M. Chevrette, que chacun de nous a un rôle à jouer. Le rôle que la loi a bien voulu donner au comité des bénéficiaires, il faut le respecter et on le respecte. Il faut avoir des moyens pour jouer certains rôles. Je crois que nous sommes le premier centre hospitalier à donner des budgets au comité des bénéficiaires. Ce comité des bénéficiaires, comme tel, on lui a donné un budget. Par contre, il faut de l'encadrement. Il faut toujours de l'encadrement, que ce soit un comité de bénéficiaires, un comité de médecins, de professionnels, d'administrateurs. Pour qui que ce soit, il faut effectivement avoir un encadrement quelconque, un contrôle. On ne donne pas de l'argent juste pour partir. Par contre, je suis persuadé que te comité des bénéficiaires vous a probablement dit que si on met des contrôles, ils sont à ta merci de la direction. Par contre, vous savez très bien que si on veut utiliser la même hypothèse un peu partout, tout le monde est à la merci de quelqu'un d'autre. Nous sommes d'accord. Nous l'avons fait et nous le ferons encore, concernant le budget du comité des bénéficiaires. Je pense qu'il a un rôle à jouer. Il faut assimiler à ce comité, Ils sont en train de le faire actuellement, un comité de parents. Je pense que, de plus en plus, il faut que les parents soient Impliqués aussi dans le traitement de ces bénéficiaires, il faut qu'ils viennent. Mais c'est malheureux dans les hôpitaux psychiatriques, on ne revoit des parents, des fois, que lorsqu'un incident malheureux est arrivé. Je pourrais vous raconter, moi, un Incident très malheureux qui est arrivé à l'hôpital, à un moment donné. Malheureusement,

un bénéficiaire a été brûlé et la famille est arrivée. Soudainement, cela a bien tourné, on s'est bien tiré d'affaire, autant la famille que tout l'événement. Mais la jeune fille, qui était la nièce du bénéficiaire en question, nous a dit: Mon oncle a bien changé. Je comprends bien que mon oncle avait bien changé, la dernière fois qu'elle était venue à l'hôpital, elle avait cinq ans et, actuellement, elle avait probablement 25, 26 ans. C'est certain que pendant 20 ans on change. Mais malheureusement, les familles, il faut les encourager à venir, it faut les sensibiliser à venir, il faut les inviter à rentrer chez nous. Lorsque je vous ai dit tout à l'heure qu'on avait enlevé les barreaux et les barrières, il faut aussi enlever la barrière psychologique pour que la société puisse venir chez nous, enlever ce stlgma de psychiatrie, de bébites noires, d'hôpital gris, de choses semblables. On essaie, vous savez, ce n'est pas facile d'essayer cela. On commence et j'espère qu'on a brisé les premières pierres pour qu'on puisse faire entrer chez nous les parents, les visiteurs et la communauté toute entière.

M. Chevrette: Vous jouez le rôle d'"ombudsperson".

M. Nolet: M. Chevrette, je pense que le comité des bénéficiaires a un rôle à jouer. Les plaintes peuvent entrer à l'hôpital de plusieurs façons: par mon bureau: certainement par le comité des bénéficiaires, c'est un de ses rôles, par l'"ombudsperson", c'est un troisième, le conseil régional, le quatrième. Par contre, aller vérifier, régler, investiguer la plainte comme telle, je pense que cela n'appartient pas à un comité de bénéficiaires. Je pense qu'il y a trop d'éléments à l'intérieur de cela et le comité des bénéficiaires a la confidentialité à titre d'exemple. À l'entrée, à l'intérieur même de l'unité, aller vérifier avec le médecin le dossier peut vouloir dire au médecin: qu'est-ce qui s'est passé à telle place, telle place? Je pense que rombudsperson* - c'est assez professionnel à l'intérieur de son milieu - peut faire un tas d'Interventions, on ne peut pas être juge et Jury. Bien souvent, le comité des bénéficaires peut porter la plainte. D'ailleurs, la loi lui donne ce privilège, une plainte collective aussi, autant qu'individuelle. On veut bien, on va les recevoir, mais l'Investigation de la plainte comme telle, je pense qu'elle appartient à une autre personne que le comité des bénéficiaires.

M. Chevrette: Et à une autre personne non payée par l'administration du centre.

M. Nolet: Elle pourrait être une "ombudsperson" qui serait, effectivement, du conseil régional.

Le Président (M. Bélanger): Vous aviez une dernière remarque?

M. Vanier (Claude): Oui, M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Vanier: C'est aussi pour répondre à une question de M. Chevrette concernant la multidisciplinarité et comment se fait-il qu'à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine c'est un peu réglé. C'est un peu réglé, mais cela nous inquiète aussi en ce qui concerne le rapport Harnois, comme cela inquiétait tout à l'heure mes collègues de l'Université de Montréal et comme cela inquiète aussi mes autres collègues médecins. Cela nous inquiète dans le sens qu'il n'est pas mentionné malheureusement dans le rapport Harnois que le principal chef d'orchestre, au niveau de l'évaluation des patients, au niveau des diagnostics à poser, c'est le médecin en première ligne, c'est le psychiatre en deuxième ligne. À Louis-H.-Lafontaine, c'est clair, dans les autres centres hospitaliers aussi du réseau de Montréal, c'est clair et c'est la raison pour laquelle cela fonctionne. Ce qui nous inquiète, c'est encore une fois que ce ne soit pas mentionné et que cela devienne différent éventuellement. Parce que je pense que les patients qui présentent des problématiques émotives ou autres, la plupart du temps, il y a une composante biologique, comme on a souligné, une composante sociale, une composante psychologique.

Un deuxième point concernant la question des effectifs psychiatriques au Québec. Effectivement, nous, cela nous Inquiète que dans le rapport Harnois, on ait mentionné que ce n'était pas tant un problème d'effectifs, mais plutôt de répartition. C'est vrai qu'il y a un problème de répartition. Il y a un problème de répartition pas uniquement interrégional, mais intrarégional. Si on regarde à Louis-H. Lafontaine, je vais peut-être en surprendre beaucoup, mais on a une pénurie d'effectifs en fait de médecins. Lorsque nous avons à répondre à une population de 300 000 habitants au niveau de la courte durée, lorsque nous avons à répondre à des soins pour 900 patients hospitalisés dans la longue durée, qui ne viennent pas uniquement de Montréal, mais qui viennent de l'Estrie et qui viennent d'un peu partout dans le Québec, lorsque nous avons à répondre aussi à 400 patients qui ont été j'irais jusqu'à dire transinstitutionalisés en pavillon, lorsque nous avons à répondre à la formation de futurs psychiatres, lorsque nous avons à répondre aussi à un centre de recherche qui va prendre de l'ampleur à Louis-H. Lafontaine, lorsque nous avons à répondre aussi à ce qui nous est demandé dans le rapport Harnois de superviser les médecins dans les CLSC, de pouvoir superviser les autres paramédicaux, les ergothérapeutes, les travailleurs sociaux, lorsque nous avons aussi à répondre, pour ce qui est de la gestion médicale, à un hôpital psychiatrique, une trentaine de médecins, ce n'est pas suffisant; il nous en faudrait le double.

(20 h 15)

Le Président (M. Bélanger): Je dois, malheureusement, vous Interrompre...

M. Vanier: Merci.

Le Président (M. Bélanger): ...puisque nous débordons déjà sur le temps du prochain groupe. Alors, M. le député de Joliette, est-ce que vous avez un dernier mot pour remercier?

M. Chevrette: Connaissant assez' bien le dossier, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier les représentants de Louis-Hippolyte Lafontaine. Est-ce que vous seriez capable de me répondre très brièvement à une question? Vous avez parlé des parents en disant: II faut les faire entrer, il faut les encourager. Mais, d'une façon concrète, quels sont les moyens que vous mettez en place pour atteindre cet objectif, seulement deux ou trois moyens que vous prenez? On peut bien les Inviter, on peut bien leur envoyer des lettres, mais est-ce qu'il y a d'autres moyens que vous prenez pour les impliquer davantage?

M. Nolet: Dans le cas des centres d'accueil et de réadaptation, on les a contactés Individuellement pour pouvoir leur donner l'heure juste concernant leur proche et la sortie de leur proche. Écoutez, j'aimerais penser un peu plus à la question que vous me posez et il me fera plaisir, madame, de vous écrire quelques mots et de vous suggérer des méthodes pour qu'on puisse intégrer effectivement les familles dans ce traitement.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission remercie tes représentants de l'hôpital Louis-Hippolyte Lafontaine.

J'appelle à la table des témoins les représentants de Centraide Montréal, M. Jean Lessard, président-directeur général; Mme Céline Germain, directrice des relations gouvernementales et M. Michel Giroux, directeur général adjoint

Alors si chacun veut bien reprendre sa place, nous allons... S'il vous plaît, je demanderais à chacun de reprendre sa place. Monsieur ou madame représentant Centraide, est-ce que |e pourrais savoir qui est le porte-parole? SI vous pouviez vous identifier, vous présenter pour qu'on...

M. Giroux (Michel): M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, je m'appelle Michel Glroux, je suis directeur général adjoint de Centraide Montréal et Mme Céline Germain est directrice des relations gouvernementales.

J'excuse M. Jean Lessard qui n'a pas pu se présenter e t se Joindre à nous aujourd'hui.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Vous connaissez nos procédures. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 40 minutes de discussion avec les membres de la commission. Je vous en prie.

Centraide Montréal

M. Giroux: Cela va. D'abord, je voudrais simplement rappeler aux membres de la commission parlementaire ce qu'est Centraide Montréal. Centraide est connu d'une certaine façon; Centraide Montréal fait une campagne de souscription annuelle dans la grande région métropolitaine et finance des organismes communautaires et bénévoles qui oeuvrent dans la même région. En octobre 1987, Centraide a mené une campagne de 20 000 000 $ et financera, en 1988-1989, quelque 200 organismes communautaires et bénévoles oeuvrant dans la grande région de Montréal dans le domaine social.

Pourquoi Centraide a décidé de préparer un mémoire et d'exprimer son opinion sur cette question de la santé mentale? Dans le fond, si nous avons décidé de préparer un mémoire, malgré le temps très court qui nous était donné, c'est qu'au cours des dernières années, nous avons été fortement préoccupés par les difficultés vécues par les ex-patients psychiatriques et par les malades mentaux dans la grande région métropolitaine. De très nombreux organismes que nous finançons nous ont alertés, au cours des dernières années, depuis quatre ou cinq ans en particulier, sur le nombre de plus en plus grand de personnes atteintes de problèmes de santé mentale qui frappaient à leurs portes, qui faisaient appel à leurs services.

Évidemment, Centraide finance essentiellement des organismes qui s'occupent des gens les plus démunis et ce n'est peut-être pas surprenant qu'on retrouve dans ces organismes beaucoup d'ex-patients psychiatriques qui se retrouvent dans la communauté et qui ne sont peut-être pas suffisamment aidés à s'intégrer dans la communauté.

C'est pourquoi on a pensé Important d'ajouter notre voix à celles de nombreux intervenants pour signaler qu'il existe un grave problème d'intégration des ex-patients psychiatriques et un manque évident des ressources adéquates capables d'aider ces malades à fonctionner convenablement au sein de notre société.

Ce n'est peut-ête pas nécessaire d'insister longuement sur cette problématique. Elle semble faire l'unanimité. Cependant, permettez-moi de la concrétiser encore davantage en vous signalant par exemple que plus du tiers des itinérants qui s'adressent aux maisons pour sans-abri, ou qui se dirigent vers les soupes populaires qui se sont multipliées d'une façon effarante au cours des dernières années, sont des personnes souffrant de

maladie mentale. Nous avions déjà d'ailleurs signalé cette question dans nos mémoires présentés à la Commission Rochon et à la Commission Parizeau. C'est donc dire que nous nous réjouissons grandement que s'élabore une politique de la santé mentale et de l'occasion qui nous est donnée par cette commission parlementaire d'exprimer nos points de vue et nos préoccupations.

Notre mémoire ne porte que sur certains aspects très précis du rapport Harnois, compte tenu évidemment de la spécificité de notre expertise. Nous nous sommes attardés essentiellement sur le rôle des organismes bénévoles et communautaires dans le processus de l'intégration sociale des personnes atteintes de maladie mentale. Notre mémoire se divise essentiellement en deux grandes parties: une réflexion un peu plus théorique sur le concept de partenariat et par conséquent sur le partage des responsabilités entre l'État et les autres intervenants et, deuxièmement, une réflexion plus concrète, plus pratique sur les conditions qui permettraient aux secteurs bénévole et communautaire de jouer un rôle efficace dans le secteur de la santé mentale.

D'abord, en ce qui concerne tes principes, je dois dire très clairement à la commission que Centraide a été très Intéressé par les quelques principes qui éclairent la politique présentée par le comité Harnois, plus particulièrement par le principe du partenariat qui est développé dans le rapport lui-même.

Même s'il s'agit d'une expression très à la mode, tout le monde parle de partenariat, qui par le fait même porte une très grande part d'ambiguïté. Il s'agit d'une expression qui nous apparaît fort intéressante par l'approche nouvelle qu'elle dévoile dans le rôle que doit jouer l'État dans la réponse aux besoins de santé et aux besoins sociaux.

Pour nous, parler de partenariat, c'est reconnaître clairement que l'État ne peut et ne doit tout faire, c'est accepter que l'État a des limites dans ses interventions, c'est accepter que l'État doit tenir compte des autres partenaires, c'est accepter de respecter la famille, les regroupements de parents de malades mentaux, les groupes de malades, des groupes d'entraide où le malade mental lui-même est au coeur de son propre cheminement de prise en charge. Parler de partenariat, c'est accepter le rôle irremplaçable que peuvent jouer les groupes bénévoles et communautaires, comme les groupes de parrainage civique, les associations de défense des droits du malade mental, les groupes bénévoles assurant le compagnonnage, etc.

Nous avons tous connu au début des années soixante-dix cette grande et nécessaire réforme des services de santé et des services sociaux. C'était l'époque où tout était intégré à l'intérieur du réseau. Je me souviens très bien à ce moment-là qu'il était toujours question d'intégrer dans le réseau des affaires sociales ou de faire des transferts du secteur privé au secteur public et que l'État voulait tout accaparer et tout intégrer. II y avait peut-être dans le fond une espèce d'Idéalisme ou une espèce d'utopie qui croyait que l'État pouvait rendre tous les services. Nous avons vu d'ailleurs se vivre progressivement au cours des dernières années une interrogation sur les limites de l'État et sur l'importance d'avoir dans la communauté d'autres intervenants. D'ailleurs, au cours des dix dernières années se sont multipliés énormément de groupes bénévoles, communautaires, alternatifs, intermédiaires - qu'on les appelle par tous les noms possibles - qui ont essayé de répondre à des besoins qui n'étaient pas couverts par l'organisation étatique.

On veut, cependant, ici, être bien compris. Il n'est pas question pour l'État de fuir ses responsabilités, quant à nous, et de penser utiliser le bénévolat pour réduire des coûts, ou le secteur communautaire pour que cela coûte moins cher. Il est évident qu'il y a des services qui ne peuvent être rendus que par une structure universelle d'État, spécialisée par des professionnels. Il est évident qu'il n'est pas question que les groupes bénévoles et communautaires puissent rendre ce type de service. Par ailleurs, il est évident que l'État ne pourra jamais remplacer la famille, ni les groupes issus de la communauté, ni les bénévoles. Il y a des choses que l'État peut et doit faire; il y en a d'autres que l'État ne peut faire et ne pourra jamais faire. On a l'impression de dire ici des évidences. Mais, ceux qui, comme nous, ont vécu depuis les 20 dernières années dans le secteur des services sociaux et de santé, se rappellent tous très bien te temps où tout était intégré, assimilé; cela devenait partie du réseau.

C'est pourquoi nous nous réjouissons grandement de l'approche nouvelle et de ce changement important de mentalité et d'approche qu'on retrouve dans te rapport Harnois. Évidemment, c'est un changement de mentalité Important. Ce ne sera pas une chose facile car tout changement de mentalité demande des réactions, des temps d'ajustement. Ce ne sera pas simple, parce que, quand cela fait quinze ans que des organismes ou des institutions d'État publics ou parapublics sont habitués de tout régenter, il est très difficile de respecter les autres groupes, de respecter leur différence, de ne pas les chapeauter, de respecter leur autonomie, de ne pas se les approprier. Je pense qu'à cela on peut faire une mise en garde très importante. Il faut parler de partenariat, mais il va falloir aussi parler de respect d'autonomie, de respect des différences et se garder aussi de bureaucratiser, d'uniformiser, d'utiliser à ses propres fins les organismes communautaires et bénévoles.

Cela m'amène au deuxième aspect de la question, aspect peut-être plus concret, un peu plus précis, celui du financement des organismes bénévoles et communautaires et de la participation de l'État au financement des organismes bénévoles et communautaires. Ici aussi, nous

reconnaissons qu'il y a des choses très Intéressantes dans le rapport, mais, par ailleurs, nous aimerions apporter quelques nuances et quelques mises en garde.

Premièrement, il est très intéressant qu'il y ait une reconnaissance de la responsabilité de l'État d'aider la famille et les organismes bénévoles et communautaires qui travaillent dans le champ, dans le domaine de la santé mentale. Cette reconnaissance de la responsabilité de l'État qui n'est pas uniquement une responsabilité de financer le réseau, mats qui se sent une responsabilité de participer au financement des regroupements de parents et d'aider la famille et les organismes communautaires, on pense que c'est une chose très Importante.

Deuxièmement, nous nous réjouissons aussi que le comité Harnois insiste sur le fait que les sommes disponibles pour les organismes bénévoles et communautaires devraient être augmentées de façon Importante au cours des prochaines années. Le rapport est très explicite là-dessus et nous nous en réjouissons. Nous trouvons aussi très Intéressant que l'on parle de financement sur le mode de la continuité et de la récurrence. Ici, j'Insiste beaucoup parce que, pour des organismes communautaires, des organismes bénévoles, la récurrence et ta continuité dans le financement sont des choses très importantes. Autrement, les organismes vivent toujours dans l'insécurité, de six mois en six mois, négocient continuellement des subventions et peuvent très difficilement faire des projets de développement et prévoir un peu l'avenir. Là-dessus, je pense que le rapport nous parie, pour une première année, d'un financement de deux ans et nous parle aussi après cette expérience-là d'un financement récurrent On pense que cela est très important et nous voulons beaucoup insister là-dessus. (20 h 30)

Quatrièmement, nous sommes, par ailleurs, plus réticents sur certaines catégories ou sur du financement à travers tes catégories qui sont définies dans le rapport C'est-à-dire qu'on parle des catégories de groupes d'entraide, des groupes de promotion et des groupes de services. Ce sont des catégories qui sont intéressantes, qui permettent de comprendre un peu mieux ce que font les groupes. Sauf que notre expérience à Centraide nous montre que ce ne sont pas des catégories qui sont très étanches. Les organismes peuvent avoir une majeure, par exemple, d'entraide mais faire en même temps certains types de services. Certains autres groupes sont des groupes de services mais ont aussi des fonctions de représentation, de promotion ou de sensibilisation du public. Ou encore, on trouve dans les mêmes groupes des fonctions d'entraide, des fonctions de services et des fonctions de promotion. Alors, si on va dans un financement et qu'on utilise des catégories trop rigides, on pense que cela peut être un peu délicat et pas très pratique. Alors, peut-être qu'il faudrait les utiliser mais avec une certaine prudence.

Il y a un autre aspect aussi qui nous préoccupe. On parle pour le financement des programmes de services de 90 % et 10 %. On comprend très bien la préoccupation du comité Harnois sur cette question-là, c'est toute la question d'autonomie des groupes. En se disant: St un groupe est financé à 100 % par l'État pour offrir tels services, il perd son autonomie, II devient presque un organisme du réseau. On se demande si en pratique - comme je vous le disais tout à l'heure - si un organisme a trois types de fonctions, il ne pourrait pas dans les services qu'il offre, les services pourraient être financés à 100 % par l'État, les fonctions entraide seraient financées à 50 % par Centraide, une partie par l'État, une partie par d'autres, de telle sorte que... Il y a une comptabilisation des 90-10 qui nous inquiète un petit peu et peut-être que ce n'est pas une solution non plus complètement adéquate. De toute façon, on pourrait poursuivre la réflexion là-dessus, on va en discuter un peu avec vous. Je pense qu'il nous faut pousser plus loin la réflexion sur le financement des organismes bénévoles et communautaires. Le financement des organismes bénévoles et communautaires, c'est évidemment un financement qui n'est pas tellement facile à faire. Vous en savez certainement quelque chose. Il s'agit par définition de groupes très divers, de groupes très différents dans leur cheminement, des groupes qui commencent, qui sont tout petits, d'autres qui ont une longue expérience, d'autres qui sont à mi-chemin. Ce sont des groupes qu'il faut être capable de financer en essayant d'être très près d'eux, très attentifs dans leur cheminement et en essayant aussi, évidemment, de les respecter sans les bureaucratiser, sans les approprier, sans leur donner l'allure d'un organisme d'État ou d'un organisme public et parapublic. Ce n'est pas simple. Il va falloir trouver des mécanismes, trouver des moyens, trouver des façons. Centraide là-dessus a une certaine expertise. Évidemment, c'est ce que nous finançons depuis beaucoup d'années. Nous sommes prêts à en discuter avec vous aujourd'hui mais, évidemment, nous serions prêts à partager notre expertise avec d'autres pour essayer d'aider le gouvernement à préciser encore mieux ces formes de financement des groupes bénévoles et communautaires.

En terminant, j'aimerais simplement vous remercier de l'accueil que vous nous faites et vous dire à quel point, à cause de notre situation sur le terrain dans la communauté très proche des gens, on pourrait dire notre grande préoccupation de cette population qui a besoin de beaucoup de ressources pour être capable de participer le mieux possible à la vie de la communauté. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Je veux remercier tes représentants de Centrai-de pour leur mémoire, qui est axé sur du concret, en particulier sur toute la question du financement des organismes bénévoles.

Je peux vous dire que vous nous offrez peut-être, quant au mode de financement, de nous permettre de vous consulter. Je pense que, non seulement pour la santé mentale mais dans d'autres domaines également, parce que nous finançons quand même tout près de 1400 organismes pour un montant de 31 000 000 $. Nous sommes rendus à 31 000 000 $ cette année. C'est considérable. Je dois vous dire qu'on essaie de le faire le mieux possible, en respectant le plus possible les vocations de chacun, mais cela reste difficile parce qu'il y a toutes sortes de facteurs qui entrent en ligne de compte. Les gens se réjouissent évidemment que le rapport Harnois ait proposé du financement sur deux ans, ou un financement récurrent assuré pour deux ans. Les organismes bénévoles le demandent depuis longtemps et le demandent même sur trois ans, etc. Mais je dois vous dire, à ma connaissance en tout cas, depuis deux ans que je suis au ministère, que la récurrence est automatique. Il peut ne pas y avoir d'augmentation ou, pour une raison très particulière dont nous discutons avec les gens, il peut y avoir dans des cas très peu nombreux des diminutions. Mais la seule raison qui motive une non-récurrence serait une mauvaise administration des fonds ou, enfin, des éléments que nous n'aurions pas connus qui nous obligeraient à arrêter te financement d'un organisme. Ces cas-là sont exceptionnels. À ma connaissance, Il y en a peut-être eu dans les deux dernières années, trois ou quatre. Il y a évidemment les organismes pour qui, à un moment donné, leur source de financement est modifiée, compte tenu peut-être de la réorganisation même du financement du ministère en regard de certains organismes. Mais cette récurrence-là était, à mon point de vue, à toutes fins utiles, automatiques. Quand les gens, après six mois, courent après de l'argent, c'est parce qu'ils ne se trouvent pas suffisamment financés ou peut-être que dans certains cas la planification est toujours difficile quand les montants sont restreints. Maintenant, vous dites - cela, je pense qu'il faudrait l'examiner, peut-être dans un moment de consultation - qu'on les a divisés en organismes d'entraide, de promotion, de défense des droits. C'est vrai qu'il y a des fois une double fonction, mais en général, il y a une majeure très prononcée, chez les organismes que nous finançons. Si on se réfère à ceux que nous finançons c'est, globalement, les trois grandes majeures à l'Intérieur de ces subventions-là.

J'aurais juste une question à vous poser, relativement à d'autres modes de financement que vous suggérez. Par exemple, vous dites des modes de financement reliés à la fiscalité. Évidemment, quand on pense à la fiscalité, on pense aux déductions d'impôt, ce qui existe déjà. Je me demandais si vous aviez d'autres bons trucs dans votre chapeau.

M. Giroux: II y a évidemment la question des déductions d'Impôt. On sent très bien que même la déductibilité pour fins de charité est, d'une certaine façon, remise en question ou passée autrement par des crédits d'Impôt. De toute façon, on pense que c'est très important de la garder, cette déductibilité, et d'y insister pour permettre à la communauté de participer vraiment, de cette façon-là, au financement des organismes bénévoles et communautaires. C'est une façon. Mais on a eu aussi une expérience au cours de la dernière année qui a été un peu difficile: la question de la taxe d'affaires au municipal qui a causé beaucoup de problèmes aux organismes bénévoles et communautaires, qui se voyaient obligés, tout d'un coup, de se mettre à payer une taxe d'affaires. En plus de cela, cela couvrait les années précédentes. On a trouvé, évidemment, et je pense que le gouvernement a trouvé avec nous, une solution à ce problème. Mats on pense qu'il faut continuer à aider les organismes bénévoles et communautaires, en évitant de leur donner des surcharges de ce type-là et en leur permettant, par exemple, d'être exempts de cette taxe d'affaires.

Il y a un autre aspect qui nous préoccupe aussi sous cet aspect-là. Il est beaucoup question actuellement de taxe à valeur ajoutée ou de type de nouvelle taxe de cette forme-là. Je pense qu'il va falloir penser pour les organismes bénévoles et communautaires, les organismes sans but lucratif qui travaillent dans la communauté, des formes d'exemption pour éviter dans le fond que l'argent qui est recueilli dans la communauté, qui doit servir à donner des services, se trouve à être utilisé et revenir pour payer des taxes. Je pense que c'est un autre aspect ou ce sont plus des aspects de prudence qui nous font regarder en avant en disant qu'il faut aider les groupes dans cette direction-là. Évidemment, on parle aussi d'autres façons d'aider les groupes bénévoles et communautaires, on pense à des locaux qui peuvent être prêtés à des groupes par des Institutions du réseau, cela existe déjà par des CLSC, des CSS ou des organismes de ce type. On pense que cela peut aider des services aussi qui peuvent être rendus par des institutions du réseau à des groupes bénévoles et communautaires. De l'accompagnement professionnel, c'est évident aussi que certains organismes qui sont plus petits peuvent avoir besoin de quelqu'un qui peut les aider à s'organiser sur tel ou tel aspect. Je pense que cela se fait déjà et que cela peut se poursuivre. On pense que ce sont des formes d'aide et de collaboration. Cet après-midi, j'étais présent, j'écoutais un peu le débat qui se faisait avec les groupes alternatifs, entre autres, et comment ils se situent par rapport aux hôpitaux. Je pense que de plus en plus il va falloir qu'il y ait des liens qui se créent, des 'ententes qui se créent, des partages, que les gens ne restent pas sur leur position, mais

essaient de se rencontrer pour trouver des solutions et aider vraiment la population. C'est un peu différentes formes d'aide qui compléteraient l'aspect financier.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Votre mémoire, en tout cas, touche des aspects très humains et un vécu que doivent subir tes gens à différents niveaux lorsqu'ils sont engagés au niveau social. À mon avis, vous soulignez des éléments importants, vous apportez des nuances aussi Importantes, notamment lorsque vous mentionnez que l'État ne pourra jamais supporter la famille ou les groupes communautaires parce que très souvent, ce sont des gens très impliqués qui sont concernés directement par les problématiques que doivent subir certaines personnes dans nos sociétés. À cause de cela, je pense que vous avez le mérite de nous apporter un éclairage véridique des faits. Cela mérite que nous apportions une attention particulière sur ce volet. De par votre expérience, dont vous nous avez fait part, vous avez parlé beaucoup de changement de mentalité. Finalement, vous avez dit qu'il faudrait peut-être mettre l'accent un peu là-dessus en ce qui concerne l'approche que nous avons vis-à-vis des groupes communautaires très souvent en croyant toujours que, parce qu'ils sont bénévoles, ils sont facilement approchables en leur demandant de plus en plus de nouvelles responsabilités compte tenu de la situation qui n'est pas toujours facile à vivre sur le plan financier ou même sur te "plan de la reconnaissance. Or, quelle est la meilleure façon pour vous, croyez-vous, dans notre société, à l'heure actuelle, de leur donner une meilleure reconnaissance et de favoriser des changements de mentalité versus les groupes communautaires et dans leurs fonctions actuelles?

M. Giroux: Je pense que cela me donne l'occasion de revenir un peu sur cet aspect que j'ai développé tout à l'heure, d'un changement de mentalité dans notre société, un changement de mentalité dans les organismes publics et parapublics. Je pense que les gens se rendent compte des limites de l'intervention publique et parapu-blique, que cela nécessite beaucoup d'importance, que c'est Irremplaçable, bon! tout le monde est d'accord avec cela. Par ailleurs, les gens se rendent compte que l'État ne peut pas tout faire, que l'État ne fera jamais tout; cela est très bon comme changement de mentalité dans l'ensemble de notre société. Ce n'est pas uniquement les gens du réseau qui se rendent compte de cela, c'est aussi l'ensemble de la population qui se dit: Peut-être qu'on a beaucoup demandé à notre réseau; peut-être qu'on a beaucoup demandé à l'État et on voudrait trouver toutes les réponses là; mais non, il y a d'autres réponses que l'on doit trouver nous-mêmes, sur tes plans de la famille et des organismes bénévoles et communautaires. Je pense que cela est un changement de mentalité important dans l'ensemble de notre société, non pas pour transférer des responsabilités de l'État et se dire: Ils vont faire du 'cheap labour" et les bénévoles vont s'occuper de tout. Je pense que, là-dessus, il y a peut-être des dangers. (20 h 45)

Je comprends, par exemple, qu'un CLSC qui est surchargé, qui n'a pas assez de moyens et qui sent qu'il y a un groupe communautaire pas loin, il va lui transférer des cas; il va lui envoyer des personnes. Là, le groupe communautaire va devenir surchargé. On va utiliser le groupe communautaire. Je pense que c'est un peu très humain. Sauf que ce changement de mentalité, dont je parlais tout à l'heure, est réel dans notre société. Le fait qu'on ait vu autant de groupes communautaires naître, se mettre en place, c'est un signe d'une vitalité très grande de notre société, d'un dynamisme qui existe dans notre société, d'un désir des gens de notre société de faire quelque chose, de prendre en main, de prendre en charge, de décider que les problèmes qu'ils ont, ils sont capables de les régler en partie et de trouver des solutions qui sont Intéressantes. Ce dont Ils ont besoin, c'est d'être aidés; aidés financièrement, parce que cela prend quand même de l'argent pour faire cela, cela ne se fait pas tout seul.

Centraide travaille à Montréal avec 20 000 000 $, c'est peu d'argent. On va aider 200 groupes, on va les aider à s'acheminer, on va financer une partie de leur budget. Qu'il y ait d'autres bailleurs de fonds qui viennent les aider, on pense que c'est Important. On pense que c'est Important, parce qu'ils ont besoin de plus d'argent, mais aussi c'est important pour leur propre autonomie, autonomie par rapport au gouvernement, mais autonomie par rapport à nous aussi. Un organisme qu'on finance à 100 %, il est un peu trop dépendant de nous. S'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas avec nous, si les orientations qu'il prend ne conviennent pas à ce que nous sommes capables de faire dans la communauté, bien, c'est très dangereux. Alors, on invite les organismes à diversifier beaucoup leurs sources de financement, à devenir autonomes.

Maintenant, il reste, st on regarde l'avenir et si on fait un peu de prospectives, que, de plus en plus, notre société va trouver des groupes communautaires, des bénévoles et des personnes qui vont avoir le goût de faire quelque chose, de s'engager et de participer. Si on revient, seulement pour des exemples bien concrets - Je m'excuse d'être un peu long dans cette réponse, mais je pense que je sens l'expérience concrète arriver plus clairement dans mon esprit... Quand je disais tout à l'heure qu'il y a des choses que l'État peut faire et que des groupes..., vice versa, je pense que pour aider une personne qui

sort d'une Institution psychiatrique, pour l'aider à réintégrer la société, à lui réapprendre à fonctionner dans une société, pour lui apprendre à se trouver du travail, peut-être que le groupe communautaire est beaucoup mieux situé, beaucoup plus équipé, beaucoup plus capable de rendre ce type de service.

Par exemple, tous les phénomènes de parrainage civique, c'est une espèce de compagnonnage, dans le fond, d'une personne qui a des problèmes et qui est aidée par un ou une bénévole qui l'accompagne dans son cheminement, dans son Insertion, sa redécouverte du milieu du travail, sa capacité... Bon! Tous ces groupes d'entraide où les gens sont capables de se regrouper entre eux pour échanger, pour partager, je pense que ce sont des choses qui sont fort importantes qui peuvent être faites par des groupes communautaires. Quand on regarde l'évolution de notre société, la disponibilité des bénévoles de plus en plus grande, de gens qui prennent leur retraite tôt, qui ont beaucoup d'expérience, qui ont le goût de faire quelque chose dans notre société, on a là des avenues qui sont très Importantes; elles ne remplaceront jamais l'aspect professionnel médical qui est absolument nécessaire, mais elles vont complementer, apporter une autre dimension.

Mme Vermette: On a entendu dernièrement les groupes bénévoles dire: Écoutez, vous êtes en train de brûler certaines ressources qui existent dans le milieu, justement à cause de l'orientation vers l'autofinancement de ces groupes communautaires. La plupart des gens qui oeuvrent à l'intérieur des différents groupes disent: écoutez, la plupart de notre temps passe davantage à aller chercher des."fonds, plutôt qu'à apporter vraiment une aide aux bénéficiaires et à différentes personnes, ce pourquoi nous voulons vraiment nous engager sur le plan social.

Alors, comment pouvez-vous combler cette lacune et pallier ce problème qui est de plus en plus, à mon avis, considérable à l'heure actuelle pour le financement de ces groupes?

Mme Germain (Céline): C'est effectivement un très grand dilemme auquel je pense pour le moment II n'y a personne qui a de solution miracle, sauf qu'il y a différentes formes d'encouragement qui peuvent être données. On a parlé de mesures fiscales tout à l'heure. Si on peut encourager le plus possible les entreprises et les Individus à aider ces groupes, on va supporter cette dynamique. Ce que l'on considère comme étant très important, c'est que bien que cela puisse être difficile parfois pour les groupes, c'est important qu'ils puissent diversifier leurs sources de financement, comme M. Giroux le faisait ressortir tout à l'heure. On ne pense pas que la solution soit du financement à 100 % par qui que ce soit, mais du support de différentes façons. Il y a toute une exploration à faire et la formule magique n'est pas trouvée; mais s'il y a une volonté de la part des principaux responsables de mettre en valeur et de supporter cette dynamique, on va trouver les moyens.

Mme Vermette: Cela me fait penser à l'oeuvre de Jacques Grandmaison qui partait des tiers, qu'il fallait considérer les groupes non organisés qu'on appelle les groupes communautaires par rapport à une structure donnée comme étant des partenaires importants à l'intérieur du système, surtout quand on parle d'une politique de santé mentale comme étant un partenaire valable qui devrait être consulté au même titre que d'autres organismes qui sont reconnus à l'intérieur d'un réseau?

Mme Germain: Très certainement. Les réseaux communautaires sont l'expression de notre démocratie. SI on n'était pas dans une société ouverte et démocratique, les groupes de citoyens ne pourraient pas s'exprimer. Le fait que tes gens s'organisent, s'expriment, essaient de se prendre en charge, de résoudre leurs problèmes, c'est quelque chose qui doit être pris en compte au tout premier plan. D'ailleurs, le rapport Harnois le mentionne. Si ma mémoire est bonne, on mentionne à un moment donné dans le rapport que devant un problème, toute solution - je n'ai pas les mots exacts - issue de la communauté devrait avoir priorité sur toute autre forme de structure. Autrement dit, face au problème, face à l'État, la façon dont je comprends ce qui est avancé dans le rapport, l'État doit suppléer à ce que les citoyens ne sont pas capables de se donner comme réponse et non le contraire comme on a vu dans les dernières années. Maintenant, c'est peut-être un peu idéaliste comme approche à ce stade-ci, mais c'est un bel idéal à poursuivre. Pourquoi pas?

Mme Vermette: En ce qui me concerne, je vous ai posé les questions qui me préoccupaient le plus. Vous y avez répondu. Vous avez démontré qu'il est important d'apporter un support et un soutien aux groupes communautaires qui sont importants et qui sont le signe d'une vitalité dans notre société. Nous osons croire que finalement on en tiendra compte et qu'on leur donnera une place aussi importante pour le reste de la politique en santé mentale aussi. Je vous remercie bien.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette, avez-vous des commentaires?

Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Legault: Merci, M. le Président. Je tiens tout d'abord à vous féliciter et à féliciter Centraide pour le rôle indispensable qu'il joue dans notre société. De plus, je tiens à souligner aussi le dévouement des personnes impliquées et les bénévoles quf travaillent au sein de votre organisme.

Sur le plan communautaire, ces organismes

réapparaissent indispensables, une ressource complémentaire à l'État et une créativité pour l'avenir. Pour ce qui est de la famille, cela m'apparaît très important et primordial dans le rôle communautaire.

Pour faire suite aux interventions d'hier du bénéficiaire de Louis-H.-Lafontaine, et peut-être une suggestion à faire au directeur général, M. Nolet, il serait peut-être important de former un comité de parents afin que ces derniers puissent participer et s'impliquer activement dans te long cheminement qu'entraînent souvent les problèmes causés par cette maladie. Par conséquent, aussi, les parents pourraient apprendre à réagir plus positivement devant de telles épreuves. Il faut faire en sorte aussi que les parents ainsi que les regroupements alternatifs puissent veiller à ce que les enfants et les adultes soient respectés et traités comme doit l'être un être humain, et surtout à part entière. C'est là, à mon avis, les tâches et les défis que doivent relever la famille et les groupes communautaires. Entre parenthèses, cela réduirait aussi les coûts sociaux.

Dans tous les mémoires qui ont été déposés hier et aujourd'hui, il y a beaucoup d'émotivité. J'ai pu prendre conscience de tous ces intervenants qui touchent de près ou de loin le secteur de la santé mentale. Ces gens doivent avoir une bonne formation. Je prends le temps de le faire, je n'ai peut-être pas pu le faire à un autre moment parce que le temps est toujours limité. Je pense qu'il est Important de souligner que tes gens doivent avoir une bonne formation et surtout avoir beaucoup d'amour, de compréhension et de jugement. D'ailleurs, les propos d'un ex-bénéficiaire, hier, m'ont fait tressaillir et m'ont bouleversée, je dois vous l'avouer. Pourquoi utiliser la force et la répression? Vous dites bien, dans votre mémoire, à la page 7 du document, que le premier principe doit être la personne au centre des besoins, le deuxième étant l'équité et le troisième, un partenariat élargi. En moi-même, il est dit que le premier principe doit être l'équité.

J'aurais une question à vous poser en parlant du partenariat. À la page 13 de votre mémoire, vous mentionnez qu'à l'Intérieur de l'expérience de partenariat, une certaine distance doit être maintenue entre les partenaires. Est-ce que vous pourriez m'expliquer cela? Je reviendra ensuite, deux minutes. Cela reste un peu flou.

M. Giroux: Non. Je suis d'accord avec vous que cette distance, c'est quelque chose qui est seulement affirmé. On peut peut-être essayer de concrétiser cette expression. Évidemment, c'est toute la question de l'autonomie d'un groupe communautaire par rapport à ses bailleurs de fonds, par rapport à ceux qui lui donnent de l'argent pour qu'il puisse fonctionner. Quand on parle d'une distance, c'est éviter de lui Imposer trop de bureaucratie, de lui faire remplir, par exemple, des formules pour des demandes de subvention ou de faire des rapports d'activités qui sont très complexes, longs et difficiles à remplir pour un organisme sur le terrain. À ce moment-là, on bureaucratise l'organisme et, au fond, on le change tranquillement D'un organisme communautaire, on va faire un organisme plus public ou parapublic. C'est un premier aspect, cet aspect bureaucratique.

Il y a aussi l'aspect de lui imposer de donner tel type de service. C'est peut-être un peu normal, si on accepte de financer une telle chose. Mais, surtout la façon très précise par laquelle ce service sera rendu, si on va trop loin là-dedans, il n'y a pas assez de distance et le danger, c'est de faire de ce groupe quelque chose qui est à l'image de celui qui finance. Nous-mêmes, comme organisme qui finance des organismes, nous devons nous garder constamment de cela. C'est bien sûr que, quand on finance des groupes, il faut qu'on aille voir ce qui se fait dans les groupes, voir comment l'argent est utilisé, faire des évaluations régulières de leurs activités, avoir des rapports d'activités, sauf qu'il s'agit de trouver la façon de le faire. Nous, nous sommes plus proches des groupes. On travaille à Montréal pour Montréal. C'est peut-être un peu plus facile. Quand on finance de plus loin, c'est un peu plus compliqué encore. Là, on est obligé d'avoir des échanges peut-être un peu trop à travers des papiers et peut-être aussi des affaires trop formelles en disant: Bon, tout le monde va faire cela de telle ou telle façon. C'est un peu plus compliqué. De telle sorte que peut-être II va falloir trouver des formes de financement qui nous rapprochent des groupes, qui nous aident à les accompagner et à les suivre comme il le faut mais non pas à leur imposer des choses. (21 heures)

Aussi quand on parle de distance, on parle de diversification des sources de financement. Le rapport Harnois en est très conscient. Un organisme qui veut garder une certaine autonomie doit faire des efforts pour diversifier ses sources de financement. Nous invitons tous les groupes que nous finançons à diversifier leurs sources de financement et à ne pas dépendre de nous uniquement. On veut aussi qu'ils gardent leur distance par rapport à nous et nous par rapport à eux. C'est un peu cela. Quand on parle de distance, ce sont ces types de réalité qui sont très concrètes, qui ne sont pas simples a vivre. Ce n'est pas parce qu'on est meilleur que les autres, c'est parce qu'il y a beaucoup de groupes qui peuvent à l'occasion nous taxer d'Interventionnisme et d'intervenir dans leur action, etc. Il faut bien quand même, quand on finance, contrôler. Voilà, c'est un peu ce qu'on veut dire quand on parle de distance.

Mme Legault: Je comprends votre point de vue, monsieur. D'ailleurs, j'ai confiance à Cen-traide puisque j'y ai travaillé moi-même comme bénévole plusieurs fois dans mon comté et surtout dans ma paroisse natale. Ce que je

voudrais continuer à rajouter, si vous me le permettez, M. le Président, j'avais écrit des petites notes pour ne rien oublier... Je dois remercier aussi l'initiative du rapport Harnois d'avoir souligner cela. C'est pourquoi nous, législateurs, devrons mettre tous nos efforts en oeuvre pour que ces propositions-là soient une continuité.

Maintenant, pour reprendre tes paroles de monsieur - je ne peux pas laisser passer cela - mon collègue, le député de Joliette, disait que les maladies mentales étaient psychologiques. C'est peut-être vrai que c'est un peu psychologique et souvent même biologique. Si souvent ces gens-là disent que c'est biologique, c'est un fait, mais aussi les premiers intervenants sont toujours quand même des gens comme les parents, cela est bien important.

Pour en revenir à cet après-midi, ce que disait M. le député de Joliette, étant donné que c'est psychologique et biologique, je me demande si on ne devrait pas, dans un avenir assez rapproché, éventuellement, avec mon petit côté écologique et humanitaire, en arriver aussi à l'intégration des médecines alternatives, et - entre guillemets - les "médecines douces". Je pense bien que ces méthodes-là ne sont pas néfastes et n'ont pas de contrainte aussi violente à l'organisme. Je ne pouvais pas rester silencieuse là-dessus. Étant donné que je préconise ces médecines-là et tout ce qui concerne le biologique depuis plusieurs années, je ne pouvais pas laisser passer cela. J'ai pris le temps de le faire, si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, le temps est écoulé.

Mme Legault: En conclusion, tout ce que Je pourrais rajouter à tout cela, Mme la ministre, M. le Président et tous les Intervenants qui ont passé, j'espère que ce côté-là des médecines douces et des médecines alternatives pourrait être un - jour, conjointement avec les médecines traditionnelles, faire un tout et cela, dans te meilleur pour l'avenir des gens et de nos jeunes qui poussent. J'espère que mes propos ne seront pas des voeux pieux pour l'avenir. Je vous remercie, M. le Président

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la ministre en conclusion.

Mme Lavoie-Roux: Ma collègue des Deux-Montagnes est à nous confier tout un mandat.

Une voix: Un autre deux ans.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier

Centraide et, à l'instar de ma collègue de

Deux-Montagnes, souligner ce que J'ai omis de faire au point de départ, le travail considérable que vous faites, le travail essentiel. J'aimerais vous dire, encore une fois, notre appréciation pour votre participation à cette commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission remercie les représentants de Centrale Montréal.

J'invite à la table des témoins le Regroupement des ressources non institutionnelles en santé mentale, regroupement qui sera représenté par M. Luc Tremblay, représentant du Centre de crise du Québec inc. et membre du regroupement; Mme Jacqueline Fournier, représentante du Centre femme et membre du regroupement; Mme Aline Couture, intervenante sociale au Centre de parrainage civique de Québec et membre du regroupement. Je vous Invite donc à vous asseoir à la table des témoins.

Bonjour. Je prierais votre porte-parole de s'identifier et de présenter son équipe. Je vous informe en même temps de nos règles de procédure: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et il y a 40 minutes d'échange avec ta commission. Alors, si vous voulez procéder, s'il vous plaît

Regroupement des ressources non institutionnelles en santé mentale

M. Tremblay (Luc): Mon nom est Luc Tremblay. Je suis du Centre de crise de Québec. J'ai avec moi, du regroupement, Mme Aline Couture, à ma gauche, qui est du Centre de parrainage civique; à ma droite. J'ai Mme Jacqueline Fournier, qui est de Centre femme d'aujourd'hui. Alors, ces trois groupes sont membres du regroupement non institutionnel. Dans un premier temps, on va vous faire la lecture de notre mémoire. C'est Mme Aline Couture qui se fera un plaisir de le faire.

Mme Couture (Aline): Le Regroupement des ressources non Institutionnelles en santé mentale est un organisme à but non lucratif fondé il y a trois ans. Cet organisme est issu de la volonté d'un certain nombre de groupes communautaires de la région de Québec intéressés de près à la santé mentale: groupes d'entraide, groupes de promotion, groupes de défense des droits.

En se regroupant, ces organismes visaient deux buts principaux: premièrement, s'entraider au chapitre des services qu'ils rendent à la population et, deuxièmement, s'assurer d'une plus grande cohésion et d'une meilleure représentativité auprès des organismes gouvernementaux, particulièrement ceux oeuvrant en santé mentale. La présente consultation intéresse au plus haut point les membres de ce regroupement, ils attendaient depuis longtemps la présentation d'un premier projet de politique en santé mentale.

Les principes: le projet de politique en santé mentale pour un partenariat élargi a été reçu avec beaucoup d'Intérêt, mais il a aussi soulevé bien des questionnements. Nous sommes

d'accord avec les grands principes dont il est fait mention dans le résumé du projet: ta primauté de la personne et le respect auquel elle a droit; le partenariat comme base des actions en santé mentale.

Primauté de la personne: nous trouvons particulièrement Intéressant le souci de traiter avec respect et équité la personne aux prises avec un problème de santé mentale et la possibilité que lui soit offert un plan individualisé de services. Par contre, nous avons été surpris que le comité des bénéficiaires, représentants légaux de la personne, n'apparaisse pas dans ce document de façon claire.

Les a-t-on consultés? Va-t-on les consulter?

Compte tenu qu'il est reconnu qu'il y a peu de préoccupation pour le potentiel des personnes et des proches et des différents milieux dans la solution à un problème de santé mentale, devons-nous garder espoir qu'une attention plus appropriée sera, suite à cette politique, réservée à la personne et à ses proches?

Partenariat élargi: nous croyons aussi que l'Idée de partenariat est essentielle pour la réadaptation de la personne aux prises avec un problème de santé mentale. Il est d'ailleurs reconnu qu'il y a actuellement des problèmes sérieux de complémentarité et de coordination, de même qu'une répartition inéquitable de ressources humaines, matérielles et financières, d'où l'Importance d'une plus grande solidarité des professionnels de la santé, des intervenants du réseau des Affaires sociales, des organismes communautaires, la personne concernée et ses proches.

Mais sommes-nous conscients à quel point le partenariat-élargi impliquera un changement de mentalité? Voici une illustration qui montre la place que prennent les différents acteurs dans le système actuel et celle qu'ils pourraient prendre dans le système proposé...

Dans le modèle actuel, on a les intervenants professionnels qui sont plus au centre, les groupes communautaires, en allant vers l'extérieur, tes proches et la personne. Dans le modèle proposé, c'est la personne qui est plus au centre et les proches. Viennent ensuite les groupes communautaires et les Intervenants professionnels.

Si nous sommes prêts à fonctionner selon ce nouveau modèle proposé où la personne est le centre de l'équipe, nous sommes prêts pour le partenariat, sinon cela n'aura été qu'un rêve.

Prenons l'exemple de la désinstitutionnalisation, phénomène déjà vécu qui, trop souvent, aboutit au syndrome de la porte tournante parce que ie partenariat n'a pas été le fondement de l'équipe et la personne, le centre. L'équipe, ce n'est pas seulement à l'intérieur des institutions, ce sont aussi les groupes communautaires, la famille, les proches.

Les acteurs, la personne, le plan de services individualisé. Parmi les moyens proposés par le rapport Hamois, le plan de services individualisé est sans aucun doute l'outil le plus Intéressant et le plus fidèle aux principes et aux orientations énoncés dans ce rapport. S'inspirant des modèles d'Intervention mis en place pour la clientèle ayant une déficience Intellectuelle le PS! actualise de façon éloquente le droit aux services, droit formellement reconnu par la Loi sur les services de santé et les services sociaux et sur laquelle repose tout notre système socio-sanitaire.

Le PSt est d'abord et avant tout axé sur la personne et vise à répondre à ses besoins selon une approche globale. La personne est appelée à participer activement au processus de même que ses proches et toute personne significative. Les objectifs à atteindre sont définis clairement et des rencontres périodiques sont prévues pour permettre de faire te point et de se réajuster en fonction du cheminement de la personne.

Le règlement no 6 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux oblige déjà les établissements offrant des soins de longue durée ou des services d'hébergement à établir un plan d'intervention pour chaque bénéficiaire admis ou inscrit. Ce plan doit comprendre l'Identification des besoins du bénéficiaire, les objectifs à poursuivre, les moyens à utiliser, la durée prévisible des soins ou des services de même qu'une mention de la révision du plan pour 90 jours. De plus, le conseil d'administration d'un établissement visé par cet article doit adopter un règlement Interne sur les modalités d'adoption et de révision de ces plans d'Intervention. Même si ce décret date de 1984, très peu d'établissements oeuvrant dans le secteur de ta psychiatrie se sont conformés à ce règlement de la loi. Au mieux, les plans d'Intervention sont révisés pour la forme et, de façon très sommaire, par le médecin traitant

Le comité Hamois propose d'élargir la portée de cette disposition réglementaire et de la généraliser à l'ensemble des services dispensés par les centres hospitaliers psychiatriques y compris les services externes. Même si cette initiative nous paraît fort louable, nous avons certaines craintes quant à l'application de cette recommandation.

L'Implantation de ce type d'intervention suppose d'abord et avant tout, un changement d'attitude de la part des intervenants concernés. C'est toute l'organisation du travail au sein des équipes multidisciplinaires qui est à revoir et à redéfinir. Nous pouvons difficilement concevoir comment un PSI pourrait s'actualiser dans le cadre actuel des soins dispensés par nos hôpitaux où l'approche médico-nursing est privilégiée aux dépens des autres approches. Dans ce contexte, le PSI risque de devenir une autre mode ayant peu d'impact sur la nature et la qualité des services fournis aux usagers de la base au même titre que les équipes multidisciplinaires préconisées par la réforme Bédard.

Même si le rapport Hamois reconnaît qu'un

suivi rigoureux de l'ensemble de l'opération au niveau national s'avère Important aucune piste d'action concrète n'est proposée. Nous sommes convaincus que l'application d'une telle approche est vouée à l'échec si on ne remet pas en question les attitudes et les pratiques professionnelles. La politique en santé mentale devrait se pencher davantage sur les implications que comporte une telle réforme.

L'ombudsperson": Nous nous réjouissons que le rapport Harnois reconnaisse la nécessité de créer une fonction d'"advocacy" au Québec dans le secteur de la santé mentale. Nous émettons, par contre, de fortes réserves quant à l'application de cette recommandation et particulièrement en ce qui a trait à la création d"ombudsperson" à l'intérieur des CRSSS. Les CRSSS ont déjà un mandat en ce qui a trait à la réception et au traitement des plaintes. L'exercice de ce mandat fait l'objet de nombreuses critiques de la part des organismes et des personnes préoccupées par la question des droits des usagers. Au cours des années passées, les CRSSS n'ont pas su assumer pleinement les pouvoirs que leur reconnaît la loi à ce chapitre et rien n'Indique que ces derniers seront plus attentifs à la question des droits advenant la nomination d'un fonctionnaire qui agira comme "ombudsperson". En fait, ce type de recours risque de servir davantage à vérifier la qualité des services à la clientèle plutôt que de défendre et protéger les droits des usagers. (21 h 15)

À notre avis, un système de protection des droits devrait avoir trois grandes caractéristiques: être autonome, national et posséder des pouvoirs reconnus et protégés par une loi.

Autonome. Pour être crédible, nous croyons que ce système devrait être autonome et indépendant, dans ses fonctions, du réseau des affaires sociales. Étant lié aux établissements, le CRSSS ne jouit pas de la marge de manoeuvre nécessaire pour lui permettre d'assumer cette responsabilité.

Une direction spéciale au sein de la Commission des droits de la personne pourrait être une avenue intéresante ou encore, comme en Ontario, un système qui relève d'un organisme paragouvernemental rattaché au ministère de la Santé. Le système développé aux États-Unis nous semble encore plus approprié, en ce sens qu'il confie le mandat et les responsabilités à un organisme sans but lucratif; ce système permet d'associer de plus près les usagers et les représentants de la communauté.

National. Ce système devrait avoir juridiction et être implanté dans toutes les régions du Québec. Même si la priorité demeure les grands centres hospitaliers à vocation psychiatrique, ce système devrait être en mesure de rejoindre les départements de psychiatrie dans les hôpitaux généraux.

Posséder des pouvoirs. Le rapport Harnois est silencieux sur l'étendue des pouvoirs de cette nouvelle fonction. On ignore si elle sera créée par voie réglementaire ou si l'Assemblée nationale légiférera sur cette question.

Nous privilégions cette deuxième avenue. Il est essentiel que ce système repose sur un cadre légal lui reconnaissant des pouvoirs suffisants pour lui permettre d'agir, notamment un pouvoir d'enquête et la possibilité de consulter les dossiers médicaux.

Nous recommandons la création d'un système de protection des droits ayant les caractéristiques suivantes: autonome, national et possédant des pouvoirs reconnus et protégés par une législation.

Les proches. Certains énoncés ont particulièrement attiré notre attention; notons celui-ci: premier pas vers une reconnaissance tangible du potentiel des familles et des proches.

Enfin, on reconnaît que les families et les proches ont fait d'énormes efforts avant de demander conseil aux professionnels de la santé et ils ont trop souvent reçu des blâmes plutôt que le soutien qu'ils souhaitaient et qu'ils étaient en droit d'attendre; de plus, on les mettait à l'écart du traitement de la personne perturbée, alors qu'ils auraient aimé être mieux Informés sur la problématique.

Nous sommes tout à fait d'accord avec la recommandation 5 du rapport Harnois concernant la création de programme de répit mis sur pied en étroite collaboration avec les regroupements de familles et de proches. Les foyers de groupes ou les appartements supervisés sont d'autres solutions à envisager et pourquoi pas des éducateurs-maison qui iraient à domicile quelques heures par semaine, comme nous le proposait la mère d'un jeune adulte de 25 ans lors d'une réunion du regroupement. Les comités des bénéficiaires connaissent sûrement, eux aussi, des solutions à ce problème.

Le comité de la politique de santé mentale semble bien comprendre qu'il est important d'ajouter des ressources en hébergement, mais on aborde très peu la question du travail. On parle de l'accessibilité à des ressources moins rigides, mais il n'est pas question de solution pratique comme telle. Et pour ceux qui ne pourraient envisager un retour au travail, la famille et les proches apprécieraient qu'il y ait plus de programmes d'accompagnement, particulièrement dans le secteur des loisirs.

Dans le milieu hospitalier, les personnes sont invitées à participer à toutes sortes d'activités structurées de loisirs, de relaxation, de conditionnement physique, mais, dès leur sortie, les soutiens proposés sont trop faibles pour qu'une réinsertion sociale se fasse à long terme. Au nom de l'autonomie, la personne est laissée à elle-même et doit faire face aux multiples problèmes que lui réserve son retour dans la communauté. C'est encore sa famille et ses proches qui reprennent toute la charge.

Les recommandations R-25 et R-40 du rapport Harnois ne font, à notre avis, qu'énoncer le souhait que des solutions soient envisagées en

ce qui a trait à l'hébergement, au travail et au loisir, mais le document, dans son ensemble, laisse trop peu de place à toute la dimension de ce grand problème.

Les groupes communautaires. Parmi tous les acteurs Identifiés dans ce projet de politique, nous retrouvons les groupes communautaires; ces derniers sont appelés à prendre une place plus Importante qu'auparavant dans un futur réseau de services en santé mentale. De par leur tradition, ces groupes, issus de la communauté, sont mieux placés pour Identifier les besoins exprimés par la population et ainsi sont plus en mesure de proposer de nouveaux services à offrir à cette même population.

Les groupes communautaires ont foisonné depuis quelques années; leur diversité est de plus en plus grande et l'éventail des services qu'ils offrent s'étend de l'hébergement à l'entraide, en passant par la promotion de la santé et la défense des drafts. Le comité de la santé mentale a récemment tenté de formuler une classification de ces ressources; il a proposé les catégories suivantes: les groupes d'entraide, tes groupes concurrents et tes groupes de vigilance et de promotion.

Avec le projet de politique en santé mentale, une nouvelle classification semble se dessiner; en mettant l'accent sur la personne et les services à lui rendre, ce projet vise à Intégrer les ressources communautaires à l'intérieur d'une gamme de services. Cependant, en voulant centrer la raison d'être de ces ressources sur la notion de service définie de façon restrictive, certaines ressources risquent d'être écartées d'un nouveau projet de distribution des services.

Les membres du regroupement s'Inquiètent de la possibilité qu'une telle orientation soit prise. Avant que le ministère de la Santé et des Services sociaux ne s'engage dans une telle voie, nous désirerions être consultés et avoir la possibilité de présenter et de défendre notre point de vue.

Le regroupement désire également apporter quelques commentaires au sujet de la recommandation R-16 concernant te financement des services dispensés par des groupes communautaires. Le comité de la politique en santé mentale recommande que le ministère de la Santé et des Services sociaux double, dès maintenant, son budget consacré au financement de ces services. Nous nous demandons quel est le rationnel qui sous-tend une telle recommandation. Pourquoi doubler ce budget et non pas le tripler ou le quadrupler ou le quintupler? Les besoins des groupes communautaires ont-ils été évalués?

Nous savons que le budget actuel est minime. Alors, que signifie vraiment le fait de doubler ce budget? Notre questionnement à ce sujet nous amène à faire la recommandation suivante: Que le ministère de la Santé et des Services sociaux consulte, au préalable, les regroupements de ressources communautaires en santé mentale afin de connaître les besoins réels de ces ressources et ainsi être davantage en mesure de quantifier les sommes qu'il pourrait consacrer au financement des services dispensés par ces groupes.

Les intervenants professionnels. Le rapport Harnois accorde de l'Importance à la formation des intervenants professionnels et à la révision des programmes académiques au niveau collégial et universitaire. Nous partageons cette préoccupation.

Établir, sur une grande échelle, des plans de services individualisés pour chaque bénéficiaire Implique non seulement l'acquisition de nouvelles habiletés par les intervenants, mais aussi le développement d'attitudes plus acceptantes et respectueuses de la personne et de son potentiel. À cet effet, la formation est un des pivots de la réforme proposée.

La priorité devrait être accordée à la formation de base; il faut intervenir à la source et permettre aux étudiants de se familiariser avec les nouvelles approches. L'attitude, rappelons-le, y est pour beaucoup et l'intervenant pourra s'intégrer plus facilement s'il est sensibilisé au départ

Enfin, un programme de formation a peu de valeur s'il ne se traduit pas dans la pratique et dans les interventions. Le recyclage des Intervenants devrait comporter un programme de supervision dans le milieu de travail afin de favoriser le transfert de nouvelles connaissances et habiletés.

L'organisation des services. Tout en donnant notre accord sur les principes de base énoncés dans ce projet de politique et en commentant les moyens proposés pour rendre opérationnel ce projet, nous nous Interrogeons sur les suites qui seront données à ce projet et particulièrement sur les mécanismes proposés pour mettre de l'avant un nouveau plan d'organisation des services.

Nous attirons l'attention des membres de la commission sur le contenu de ta première partie de la recommandation R-18 qui se lit comme suit; Que te ministère de la Santé et des Services sociaux confie au Conseil de la santé et des services sociaux la responsabilité d'entreprendre une démarche de planification de la gamme de services à rendre disponible à la population de leur région et de coordonner l'élaboration d'un plan d'organisation de services avec les différents acteurs de ces régions.

Nous reconnaissons le rôle et les responsabilités des conseils régionaux dans ta planification et la coordination de l'organisation des services en santé mentale.

Le Président (M. Bélanger): Madame, est-ce que je pourrais vous demander de conclure s'il vous plaît?

Mme Couture: II me reste une page. Cela va-t-il? Peut-être que je pourrais parler d'une autre recommandation dans le R-3 où est-ce

qu'on parle de,.. Je vais la citer:

Que la commission administrative en santé mentale soit composée de la façon suivante: un tiers des membres de la communauté, un tiers des représentants des groupes communautaires et un tiers de représentants des établissements du réseau. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les représentants du Regroupement des ressources non Institutionnelles en santé mentale. Je veux les féliciter aussi pour la qualité de leur mémoire. Je pense que cela a été fait avec beaucoup de soin. Il relève les éléments principaux ou la plupart de ceux qui nécessitent, à mon point de vue, un approfondissement. Je ne prendrai comme exemple ta question de l'"ombusperson" - je vais peut-être m'habituer de le dire en français - où c'est évident que tous les groupes que nous avons entendus ici depuis trois jours, ce point a été soulevé par la plupart des groupes, non pas sur le principe...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: ...ou la nécessité qu'il y ait une personne qui puisse recevoir les plaintes et qui puisse faire valoir les droits selon le rôle exact qu'on voudra lui donner, mais à savoir là où il devrait être, de quelle façon II devrait être, de qui devrait-il dépendre et l'élaboration de ses fonctions, de son rôle, de ses pouvoirs, etc. Je pense que ce point devra être approfondi de nouveau. Je voudrais vous poser Immédiatement une question puisqu'il y a de mes collègues qui veulent intervenir. C'est le modèle que vous proposez à peu près à la page 4, puisque cela n'est pas paginé. Je suis sûre que vous avez le graphique sur l'illustration, que, selon vous, devrait prendre le nouveau modèle dans une politique de santé mentale: Personnes proches, groupes communautaires, intervenants et professionnels. Je n'ai pas de penchant ni pour l'un ni pour l'autre. Vu que souvent les premiers qui entrent en contact sont les professionnels avant tes groupes communautaires, ou est-ce que ce sont les groupes communautaires avant les professionnels, pourquoi placez-vous les groupes communautaires avant les professionnels?

M. Tremblay (Luc): En fait, un peu de la façon qu'on présente dans les différents acteurs la personne, les proches, les groupes communautaires et les intervenants, nous pensons que les groupes communautaires, même la pratique actuelle nous le démontre, ces derniers de par leur vécu et de par les services qu'ils offrent sont plus près des proches et de la personne elle-même. C'est un peu la raison pour laquelle nous les situons ptus près de la personne elle- même qui est le centre du projet de politique.

Mme Lavoie-Roux: Alors, ce serait peut-être aussi dans le sens de qui doit les recevoir en premier lieu. Encore là, si on pense aux CLSC, ce serait un établissement du réseau. Ce que vous voulez signaler, c'est qu'à un moment donné il est vrai que ce sont les groupes communautaires qui sont plus en contact ou le contact est plus près des bénéficiaires que des intervenants professionnels. Par contre, dans les premiers contacts, je pense que cela peut être l'inverse aussi et que souvent pour l'évaluation les gens vont aller frapper à l'hôpital, au CLSC ou à une autre source du réseau. Vous voulez ajouter quelque chose, je crois.

M. Tremblay (Luc): Oui, en fait pour nous, le modèle ne veut pas dire nécessairement qui entre le premier en contact avec une personne. C'est l'Intérêt ou l'Importance qu'on accorde aux différents acteurs dans le projet de politique. C'est sur cela, je pense, qu'on veut mettre l'accent en intégrant ces deux modèles. Pour nous, c'est très clair, dans le modèle proposé, à notre avis, de la façon qu'on a conclu le projet de politique et le modèle qui se dégage du projet de politique, la personne devient le centre de tout ce qui se fait dans te domaine de la santé mentale. Plus on s'éloigne de la personne, plus tes acteurs deviennent supportants ou accessoires. C'est dans ce sens-là... Pour nous, cela ne veut pas dire que la porte d'entrée, le premier contact se fait nécessairement par l'un ou par l'autre, c'est l'importance qu'on accorde aux différents acteurs qui est signifiée dans nos modèles. (21 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais aborder un autre domaine avec vous. C'est toute la question du travail. Il est vrai qu'à la fameuse page 91 où on parle de la gamme de services, on parle évidemment de réinsertion sociale et de travail. Mais cela a été très peu discuté ici ou à peu près pas comme élément qui, probablement, était important si on veut parler d'une réinsertion sociale la plus globale possible. Je voudrais savoir quelle est votre expérience dans ce domaine, peut-être, si vous pouviez préciser. Parce que vous regrettez, comme d'autres l'ont regretté, que d'autres points ne soient pas développés plus abondamment. J'aimerais connaître votre expérience dans ce domaine ou quelle importance cela représente.

Mme Fournier (Jacqueline): Oui. Souvent, dans le domaine du travail - je suis à Centre femme - on reçoit une bonne partie des femmes qui doivent se réinsérer socialement et, entre autres, dans le domaine du travail. Il est quelquefois difficile de retrouver le soutien par rapport à cela, par rapport au retour au travail. Ce qu'on a remarqué nous, entre autres, c'est que des femmes de moins de 40 ans sont présen-

tement sur les dépresseurs et, en plus, elles doivent retourner sur le marché du travail. On leur donne un soutien quelque part, mais il faut aussi avoir des services beaucoup plus peut-être pas spécialisés, mais en tout cas qui touchent vraiment ce secteur. On connaît, entre autres, l'ARBRE qui est un service, mais je pense qu'il faut aussi le rendre encore plus visible et, ensuite, beaucoup plus vaste comme service. Il est curieux de voir chez nous que beaucoup de femmes ne peuvent retourner sur le marché du travail et que c'est difficile; elles ont perdu quelquefois des emplois importants. C'est toute l'interrogation qui se fait: pourquoi est-ce que je ne retourne pas en milieu de travail? Est-ce parce que Je n'ai pas le soutien par rapport au milieu du travail ou bien parce que je n'ai pas le service de soutien pour me diriger vers le travail? Ensuite, une fois qu'elles sont sur le marché du travail - cela aussi est une autre affaire - qui va leur donner le soutien? Nous donnons une petite partie, mais nous sommes des intervenants bénévoles quelque part, alors on ne peut pas toujours voir à cela. Mais on sait que c'est important présentement, en termes économiques. On ramasse les femmes présentement dans des chambres seules un peu partout et la vie économique de ces femmes devient de moins en moins de qualité. Pour cela, il faut regarder vers quoi on s'en va présentement.

Mme Lavoie-Roux: Selon votre expérience, un bon nombre d'entre elles pourraient être réintégrées sur le marché du travail soit partiellement...

Mme Fournier: En étant très soutenues, oui. Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Fournier: Un certain nombre pourrait... Oui, certainement Le soutien sera de toutes sortes, ce sera peut-être de reprendre ce qu'est la motivation au niveau du travail, etc. Ce sera aussi le soutien par rapport aux alternatives à donner à partir de l'hospitalisation qu'on a eue, à partir de ce que je vis présentement et, pour la médication, à un moment donné, la personne en a moins à recevoir, etc. Alors c'est toutes sortes de soutiens qu'il faut pour le retour au travail qui, entre autres, chez les femmes sont fort Importants. On le voit. On parle de loisir, II en existe aussi, mais le retour au travail touche les familles présentement. Nous avons présentement de jeunes femmes, entre autres, qui ont de 23 à 25 ans - on en a vu une aujourd'hui - où la famille se demande: Comment vafs-je faire pour ma jeune fille de 23 ans aujourd'hui qui avait un travail? Là, elle n'est pas capable.. Qui va l'aider à retourner sur le marché du travail et comment cela va se faire? J'ai beaucoup cherché, en passant.

M. Tremblay (Luc): J'aimerais peut-être ajouter justement sur la question du travail qu'il y aurait des façons d'aider tes personnes d'abord au moment où les gens sont encore sur le marché du travail. Je sais qu'au Québec, il y a de plus en plus de programmes d'aide aux employés qui s'articulent dans les différents ministères. C'est à un niveau. Mais il y a aussi un gros boulot à faire quant à l'aide à apporter aux personnes qui sont hospitalisées, que ce soit pour une fois ou plusieurs fois dans un département de psychiatrie d'hôpital général ou dans un hôpital psychiatrique à long terme, où c'est encore plus compliqué de revenir sur le marché du travail, sinon impossible.

On sait que c'est déjà difficile pour une personne - entre guillemets - "normale" de s'ajuster dans le marché du travail et d'y rester avec tout le stress. Une personne qui a décroché, à un moment donné, pour x raisons, et qui s'est retrouvée à l'hôpital, cela devient presque une montagne Infranchissable. Il n'y a pas de mesures comme telles pour supporter les personnes dans cette démarche, dans ce retour.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous représentez un regroupement dont la formation remonte à trois ans dans la région de Québec. Est-ce que vous regroupez tous les organismes bénévoles qui s'intéressent à la santé mentale ou si c'est une partie d'entre eux qui sont dans le regroupement et combien êtes-vous?

M. Tremblay (Luc): Nous sommes un jeune regroupement

Mme Lavoie-Roux: Oui

M. Tremblay (Luc): Présentement, nous regroupons une quinzaine de groupes de différents types en santé mentale. Nous ne regroupons pas encore tous les groupes qui, de près ou de loin, oeuvrent à ce niveau-là. Mats je pense que nous regroupons les principaux de la région de Québec.

Mme Lavoie-Roux: Je trouve ça intéressant, parce qu'il y a tellement... Les ressources bénévoles se sont développées quand même relativement récemment dans le domaine de la santé mentale. Cela ne remonte pas... Ce n'est pas comme dans d'autres domaines. C'est relativement récent et c'est peut-être bon que les gens coordonnent - sans tomber dans la technocratie - leurs efforts pour qu'il n'y ait pas dédoublement. Dans ce sens-là, je pense que c'est probablement une heureuse initiative, parce que c'est un de vos objectifs, je crois?

M. Tremblay (Luc): Un des objectifs du regroupement, c'est d'abord de s'entraider entre groupes pour offrir les services les plus adéquats. En fait, aux membres de la communauté, c'est notre premier objectif. On sait qu'on fonctionne

beaucoup avec du bénévolat. On a des problèmes de bénévoles. On essaie de s'articuler et de s'entraider là-dessus. On a, bien sûr, des problèmes de financement et on essaie de se donner des moyens d'aller en chercher plus, de se regrouper pour des demandes communes. Je pense que ta force, c'est souvent dans l'union.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si vous avez eu de l'expérience dans d'autres domaines de bénévolat. Est-ce que c'est plus difficile de recruter des bénévoles pour travailler dans ce domaine-là que dans d'autres domaines?

Mme Couture: Oui, dans le domaine de la santé mentale, je pense. Je travaille au Centre de parrainage civique et on a affaire à différentes clientèles. Peut-être, ]e dirais que oui. Dans le domaine de la santé mentale, dès que les gens ont fait des dépressions ou ont fait une dépression, les gens sont portés à s'Isoler et II y a comme une certaine méfiance qui peut arriver. Les bénévoles ont besoin de beaucoup d'appui pour être capables d'être bénévoles auprès de ces gens-là et persister parce que, parfois, ils sont bénévoles pendant un ou deux mois. Dès que la personne a des "downs', a des creux, à ce moment-là, les personnes bénévoles trouvent ça un peu plus difficile et elles sont portées à laisser tomber, à arrêter.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci. Moi, je voudrais toucher deux- points avec lesquels je suis en accord. D'abord, le changement de mentalité. C'est le deuxième groupe d'affilée qui nous parie du changement de mentalité, mais pas dans le même sens. Je croyais, au départ, que c'était dans le même sens. Ce n'était pas dans le même sens.

Vous, c'est le changement de mentalité des gens du réseau, si j'ai bien compris votre intervention, alors que le changement de mentalité proposé par Centraide tantôt, c'était plutôt sur la perception des financements ou des sources de financement. Il n'en demeure pas moins que le changement de mentalité vis-à-vis des groupes des différents réseaux des catégories de personnel, je pense qu'il s'Impose. Je pense qu'il doit être provoqué par l'État également.

Je pense que ce ne sera pas facile pour quelque gouvernement que ce soit de le faire, mais je pense qu'il va falloir que ce soit fait un jour. Parce qu'une politique en santé mentale, si ça ne part pas d'une volonté politique claire, je pense qu'on ne changera pas grand-chose, surtout à l'intérieur de certaines institutions. On peut changer beaucoup de choses sur le terrain, le comportement des gens. Mais quand c'est rendu qu'il y a des citoyens qui se regroupent sur une rue pour faire changer le règlement de zonage domiciliaire, par exemple, pour éviter qu'il y ait une maison qui puisse regrouper quelques personnes handicapées intellectuellement, je vous avoue qu'on a du chemin à faire sur le changement de mentalité. Quand on sait aussi qu'il y a beaucoup de personnes qui se prêtent à de grands discours - ce n'est pas le cas des bénévoles, c'est pour cela que j'en parie bien à l'aise - de désinstitutionnalisation, mais concrètement, quand cela arrive dans leur village ou sur leur rue, ils changent d'idée. Les grands discours de souscription, cela se faisait bien, mais quand cela touche à leur rue, on a vu cela à Montréal avec de gros bonnets, les portefeuilles pas mal plus épais que celui de tout le monde ensemble ici prêcher pour la désinstitutionnalisation, mais l'exclure dans leur ville ou leur paroisse. il faut qu'il y ait un moyen changement de mentalité au Québec face à la santé mentale, même s'il y a des pas de franchis. On n'aurait pas pu, il y a dix ans, réussir à parier de santé mentale aussi ouvertement comme on te fait là. Il y a très peu de bénévoles effectivement. Aujourd'hui on sent une volonté de réinsertion sociale mais qui a des barrières extrêmement fortes. Il n'y a pas de cachette, on va même en avoir dans les catégories de personnel. Il y en a beaucoup qui ont assisté depuis le début, mais on sent énormément de réticence aussi, non pas parce qu'ils ne veulent pas travailler avec les ressources alternatives ou les organismes bénévoles, mais parce qu'on a peur de l'empiétement sur leur propre champ d'emploi. On s'en rend compte. Ce n'est pas manifeste... D'ailleurs, on se fait quasiment l'obligation de dire que ce n'est pas pour cela, mais on sent en dessous de cela un désir de conserver les acquis et en particulier, plus on monte dans l'échelle des services dits professionnels, plus on se rend compte qu'il y a un désir, une volonté de ne pas céder un pouce des juridictions. Si on comprenait que c'est beaucoup plus complémentaire, on changerait complètement d'attitude, j'en suis convaincu. Ce n'est toujours pas les bénévoles qui vont jouer le rôle des psychiatres. Ce n'est pas le bénévole qui va jouer au psycholoque. Le bénévole peut jouer son rô!e dans l'encadrement, dans le soutien, dans l'occupation et une série d'actions qu'il peut faire. Ce n'est pas du tout de l'empiétement. Je n'ai pas compris. Il y a bien des choses qui nous dépassent dans la vie, mais Je ne comprends pas pourquoi on a peur de l'empiétement. Ce changement de mentalité, il va falloir donner un coup de barre en clarifiant les rôles des professionnels parce qu'entre eux, ce ne sera pas un cadeau, ce sont eux qui vont se chicaner le plus. Ce n'est pas en bas, c'est en haut que cela va se chicaner le plus, je suis sûr de cela. Il va falloir le clarifier un jour ou l'autre. C'est la chance qu'a manquée le docteur Harnois de faire. On le fera sans doute par la suite. Il faut bien que je fui en passe une avant de finir.

La deuxième chose avec laquelle je suis d'accord, ce sont les plaintes aux CRSSS. Étant donné que dans la conjoncture où te CRSSS reçoit les plaintes et tranche les plaintes, je vous avoue que je partage beaucoup le point de vue de votre groupe à savoir que si cela relève du CRSSS sur le plan régional, cela pourrait devenir conflictuel, et Je ne suis pas certain que ce serait fa meilleure formule. Il y en a qui nous suggéraient hier, soit le protecteur du citoyen ou la ligue des droits et libertés de la personne. Cela pourrait être bon; mais cela pourrait aussi être pensable qu'il y ait une structure très autonome sur le plan régional. Il n'y a pas de formule à rejeter dans cela, mais sûrement pas de placer quelqu'un en position de conflit d'intérêts où il est à la fois juge et partie. Je partage entièrement votre point de vue.

J'aurais une petite question pour terminer. Quand vous parlez de programme de formation, il faudrait que vous élaboriez, parce que vous parlez de formation de base. Malheureusement, je dois l'admettre, dans votre cas je n'avais pas pu lire votre mémoire auparavant J'aimerais que vous me redonniez l'explication que vous avez donnée sur la formation de base.

Mme Couture: J'ai lu le texte, mais je vais laisser Luc...

M. Tremblay (Luc): C'est un peu mon dada, étant professeur.

M. Chevrette: Ah, vous avez cette déformation vous aussi.

M. Tremblay (Luc): Oui, c'est cela. M. Chevrette: On a ça en commun.

M. Tremblay (Luc): D'accord. On va la partager, en tant que partenaires!

M. Chevrette: Ou bon partenariat. Avez-vous compris?

M. Tremblay (Luc): Oui. Étant donné qu'on insiste beaucoup sur la question d'un changement de mentalité, nous croyons qu'un changement de mentalité ne se fait pas en claquant des doigts, comme cela. Ce n'est pas une baguette magique. Le changement de mentalité peut difficilement se faire, peut-être auprès des gens qui sont déjà en route, qui sont déjà dans les disciplines, qui pratiquent, quelle que soit la discipline, remarquez. Nous pensons qu'il est mieux d'essayer de travailler sur le plan de la formation de ces gens-là, des programmes de cégep et des programmes universitaires.

Déjà là, on sait que lorsqu'on arrive à l'université ou au cégep, on est déjà passablement formé de différentes façons. On peut, par contre, en mettant dans les programmes des objectifs, des contenus ainsi que des orientations qui vont dans tel ou tel sens, avoir peut-être des chances que les nouveaux professionnels, quels qu'ils soient, se forment dans cette orientation. Je vais donner un exemple. On parle de partenariat élargi. Pour être partenaires, cela suppose certaines conditions. Je pense que cela suppose, peut-être d'abord, de se considérer tous comme des professionnels, si on parie de la formation des professionnels, peu Importe la discipline, étant quand même égaux. Cela suppose aussi un certain respect entre les personnes et une attitude d'ouverture, etc., etc. Je pourrais en mettre.

De telles attitudes n'arrivent pas comme cela. Cela demande de longues années à travers une formation, à travers des cours; cela donne une formation de base qui s'articule tranquillement. Si on veut que les gens arrivent à être partenaires et à travailler ensemble - c'est un peu cela, dans le fond, travailler en équipe - il faut qu'ils soient formés à travailler en équipe et non pas à faire chacun leur discipline de leur côté et à se tirailler chacun le morceau de couverte. Qu'ils soient psychiatre, psychologue, travailleur social, peu Importe, quand on parle de formation de base, c'est ce qu'on veut dire.

M. Chevrette: Une dernière petite observation. Je voulais dire à la ministre qu'il y a sûrement de la concertation qui se fait à votre niveau, assez facilement; puisque j'ai remarqué que vous avez les mêmes recommandations, en ce qui regarde R-3, le tiers-tiers-tiers, que le groupe de Montréal. Donc, vous avez déjà défoncé des frontières de Québec.

M. Tremblay (Luc): Observation très pertinente.

M. Chevrette: J'ai supposé que ce n'était pas fait par coïncidence.

M, Tremblay (Luc): Ah!

M. Chevrette: Oui. Je vous remercie Infiniment d'avoir participé, de nous avoir apporté un éclairage intéressant. Je suis convaincu que le gouvernement n'aura pas le choix, si tous les organismes bénévoles et tous les groupes qui dépensent tant d'énergie gratuitement vont dans le même sens, je ne connais pas beaucoup de gouvernements qui vont résister à cela. Cela devrait aller dans le sens que vous voulez.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le député de Taschereau.

Mme Lavoie-Roux: Il va falloir que je le relise parce que je ne l'ai pas écouté.

M. Chevrette: Complètement...

Mme Lavoie-Roux: Répétez-le.

M. Chevrette: Ah! Je n'ai pas honte de ce que j'ai dit, madame.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas long, vous pouvez le répéter.

M. Chevrette: Vous me connaissez, je vais le dire à part cela, je vais peut-être y mettre de l'emphase d'abord. Je vais vous recommander de continuer à vous concerter parce que si vous tirez tous dans le même sens et si vous établissez des consensus, je ne connais aucun gouvernement qui n'est pas sensible aux consensus des groupes travaillant dans le même sens. S'il est trop insensible, il y a des châtiments.

Le Président (M. Bélanger): Ah oui!

Une voix: Parlez-vous en connaissance de cause?

Mme Lavoie-Roux: Cela est le bouquet

M. Chevrette: Oui, madame. C'est cela que je voulais ajouter, pour vous montrer que j'ai appris.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette est un homme d'expérience. Alors, je reconnais M. le député de Taschereau.

Une voix: C'est un fait, quoi.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Comme Mme ta ministre, je trouve que le principe du regroupement est excellent. Ils nous ont fait part des buts principaux du regroupement. J'aimerais peut-être prendre une minute pour savoir comment cela fonctionne vu que l'un des buts est d'améliorer la représentativité auprès des organismes gouvernementaux. Est-ce que vous sentez que les organismes gouvernementaux vous donnent l'importance que vous avez finalement puisque vous êtes un regroupement?

M. Tremblay (Luc): Présentement, pas suffisamment. Je pense que l'une de nos recommandations est très bien présentée dans ce sens. On sait qu'il y a un gros travail en ce qui concerne l'organisation des services en santé mentale et dans d'autres domaines, bien sûr, mais c'est celui-ci qui nous intéresse. Il y a un grand travail qui se fait dans les conseils régionaux et particulièrement dans tes commissions administratives régionales. Actuellement, nous avons un représentant dans cette commission administrative et nous croyons que c'est nettement insuffisant. Notre représentant peut toujours faire valoir nos points de vue mais nous ne sommes pas dupes. Nous savons ce que un sur x représentants peut avoir comme poids. Ce que nous demandons et ce que nous proposons dans la recommandation, c'est d'avoir une représentativité plus équitable et qui donne la possibilité aux citoyens, aux groupes communautaires et aussi aux organismes du réseau, nous ne leur enlevons pas cela, nous trouvons que cela reste important au même titre que les autres... nous voulons donner l'occasion de faire valoir mais aussi de faire avancer les points de vue. C'est bien beau d'être consulté, mais faut pouvoir faire cheminer aussi les demandes que nous adressons.

M. Leclerc: Bien. Je ne sais pas si vous avez assisté à la représentation du groupe, non pas celui qui vous a précédés mais l'autre avant, qui était celui des professeurs de l'Université de Montréal.

Mme Lavoie-Roux: C'était le Département de psychiatrie de l'Université de Montréal.

M. Leclerc: Tout cela pour vous dire que, évidemment le ton était fort différent et que, de façon générale, les psychiatres sont un peu déçus. Ils sentent que le rapport ne leur donne pas assez d'importance. D'autre part, je considère que le ton de votre rapport est beaucoup plus serein. Est-ce que l'on ne pourrait pas expliquer cela du fait que... vous le dites dans une phrase, si vous me le permettez, je vais la lire: Nous pouvons difficilement concevoir comment un PSI - pian de services individualisé - pourrait s'actualiser dans le cadre actuel des soins dispensés par nos hôpitaux où l'approche medico-nursing est privilégiée aux dépens des autres approches. N'est-ce pas là ce qui fait que le corps médical sent qu'on ne lui donne pas assez d'Importance?

M. Tremblay {Luc): Je pense que ce serait une question à lui poser. Je ne veux pas répondre à sa place.

M. Leclerc: Je comprends mais je veux essayer de mettre en relief le fait que vous ayez des positions, sans être contradictoires, qui ne sont évidemment pas semblables. Vous dites dans votre mémoire textuellement que t'approche médlco-nurslng est trop privilégiée actuellement. Est-ce que ce n'est pas ce qui peut expliquer que le corps médical est moins favorable au rapport...?

M. Tremblay (Luc): Je ne sais pas si c'est cela qui peut expliquer son attitude. Ce que je peux vous dire, c'est que c'est une constatation que nous faisons.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, en conclusion.

Mme Lavoie-Roux: Encore une fois, je veux vous remercier de votre présentation ici. Je veux vous remercier du travail que vous faites qui n'est pas toujours facile et qui est extrême-

ment important. Je suis sûre que nous aurons d'autres occasions d'échanger d'autres points de vue.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Moi, j'ai tout dit, ils ont tout compris ce que j'avais à dire et Mme la ministre également. Bonsoir et bonne nuit.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie le Regroupement des ressources non institutionnelles en santé mentale de sa présentation. Nous ajournons les travaux de la commission jusqu'au mardi 12 janvier à 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 55)

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