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(Dix heures douze minutes)
Le Président. (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demande à chacun de bien vouloir prendre place. Nous allons
commencer les travaux de cette comission.
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à l'étude du projet de politique de santé
mentale pour le Québec, tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le
30 septembre 1987.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce
matin?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M.
Baril(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par M. Doyon
(Louis-Hébert) et, comme je l'ai mentionné hier, M. Gauthier
(Roberval) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette).
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
Ce matin, nous recevons en premier lieu les représentants de
l'Office des personnes handicapées du Québec, M. Paul Mercure,
président-directeur général; Mme Anne Hébert, chef
de service par intérim et Mme Christine Gourgue. membre du conseil
d'administration. Je présume que M. Mercure sera le porte-parole.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes pour nous faire la présen-tatino de votre mémoire et il y
a 40 minutes de discussion avec les membres de la commission. M. Mercure, je
vous prie donc de commencer.
M. Mercure (Paul): Je vous remercie et je remercie fa commission
d'avoir...
Le Président (M. Bélanger): Si vous me le
permettez, juste instant... J'allais commettre un impair. Nous avons, parmi
nous, deux invités de la République populaire de Chine, M. Zhang
et M. Geng, que je voudrais saluer. Bonjour!
M. Mercure, maintenant, nous sommes entièrement à
vous.
Office des personnes handicapées du Québec
M. Mercure: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM.
les membres de cette commission, je voudrais dire quelques mots sur les
personnes qui m'accompagnent afin de démontrer leur expertise dans le
domaine. Mme Gourgue, à ma droite, est membre du conseil
d'administration de l'OPHQ. Le conseil d'administration de l'office est
composé majoritairement de personnes provenant du milieu des personnes
handicapées. Mme Gourgue a un long état de service dans la
défense des droits des personnes psychiatrisées. Elle est une
ex-présidente du groupe Auto-Psy et elle a été membre du
Commité de la santé mentale du Québec. M'accompagne aussi
Mme Anne Hébert, chef du service de la recherche et de la planification
de l'office, qui a supervisé la préparation du mémoire et
qui a été responsable des contacts avec le groupe de travail
chargé d'élaborer cette politique.
Je voudrais d'abord rappeler très brièvement le mandat
principal de l'office qui est de promouvoir les droits et intérêts
des personnes handicapées et de voir à la coordination des
services qui leur sont offerts.
D'après la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées, qui est la loi constituante de l'office, les personnes
ayant une déficience significative et persistante du psychisme
entraînant des limitations fonctionnelles sont des personnes
handicapées. C'est pourquoi l'OPHQ est directement concerné par
l'élaboration d'un projet de politique en santé mentale,
même s'il rejoint une partie seulement des personnes touchées par
la problématique, étant donné que l'office
s'Intéresse aux personnes handicapées et que l'on
reconnaît, au départ, que plusieurs personnes sont touchées
par la santé mentale sans que leur déficience soit significative
et persistante et sans qu'elle entraîne nécessairement des
limitations fonctionnelles.
Pour réaliser son mandat et pour soutenir la coordination des
actions visant l'intégration sociale de l'ensemble des personnes
handicapées, l'office a préparé une politique globale
d'intervention intitulée À part... égale. La
responsabilité du suivi et de la mise en oeuvre de cette politique
relève de l'office, à la suite d'une décision
gouvernementale.
La principale préoccupation de l'office à l'égard
du projet de politique en santé mentale est donc de s'assurer qu'il soit
cohérent avec la démarche de réalisation de la politique
d'ensemble de À part... égale. Ce souci de cohérence anime
toute fa réflexion de l'office sur ce projet de politique. C'est dans
cet esprit que s'inscrivent notre mémoire et notre participation
à la commission.
Je voudrais aujourd'hui vous résumer cette réflexion en
deux parties: la première porte sur le cadre de référence
et la perspective d'ensemble du projet de politique et la seconde sur tes
moyens d'action proposés par le projet. Quelques commentaires sur le
cadre de référence et la perspective d'ensemble. De façon
générale, les grandes orientations du document traduisent la
réflexion amorcée depuis plusieurs années dans le secteur
de la santé mentale. Le cadre de référence de la politique
reflète également les préoccupations de l'office et les
grandes orientations de À part... égale. C'est ainsi que
l'office
ne peut qu'adhérer au principe de primauté de la personne
et d'équité, de même qu'à l'objectif prioritaire qui
est celui de fournir une réponse adaptée aux besoins de la
personne. Aussi, la nécessité d'Intervenir prioritairement dans
le champ de la santé mentale rejoint entièrement les
préoccupations de l'office qui avait, il y a trois ans,
considéré la clientèle en déficience mentale et en
déficience psychique comme des clientèles prioritaires pour les
activités de l'office.
Toutefois, bien que cette préoccupation soit soulignée
dans le projet de politique, l'OPHQ tient à rappeler l'Importance que la
politique prévoie des mesures concrètes pour permettre une
accessibilité réelle aux services aux personnes qui, en plus de
leur problème en santé mentale, ont d'autres déficiences,
soit la clientèle que l'on appelle souvent multidéficiente ou
multihandicapée, et éviter qu'elle soit ballotée d'un
réseau de services à l'autre.
L'OPHQ rappelle donc l'importance de l'implantation d'un service comme
mesure pouvant faciliter l'accès aux services provenant de
différents réseaux, accès particulièrement
important pour les personnes qui ont de multiples déficiences, donc qui
ont une déficience du psychisme et d'autres déficiences
associées.
En résumé, l'OPHQ comprend l'urgence d'un consensus sur
les principes et sur le cadre de référence. Il est un
préalable à l'amorce d'une dynamique de changement. L'office
souhaite, cependant, que ce cadre serve réellement de balise aux
interventions ultérieures. Afin de concrétiser ces principes et
orientations, le projet de politique propose certains moyens d'action. L'office
estime que pour réaliser ces principes et orientations et éviter
que les obstacles viennent contrecarrer l'implantation de la politique,
certaines questions méritent des précisions.
Il faut également s'assurer une certaine convergence de
l'ensemble des politiques préparées à l'intention des
personnes ayant des Incapacités. Dans cette optique, l'office, sur ta
question des moyens d'action, aborde six points dans son mémoire qui
sont les suivants: le plan de services, la notion de partenariat et de
collaboration intersectorielle, les droits, la désinstitutionnalisation,
la formation et le système d'information. Mais, ce matin, je n'aborderai
que (es quatre premiers points.
D'abord, quelques mots du plan de services. L'office constate, avec
satisfaction d'abord, que le projet de politique de santé mentale
recommande l'implantation du plan de services. À part... égale
propose une utilisation élargie de ce modèle Individuel de
coordination des services.
L'office s'inquiète, toutefois, du manque de précision
dans la définition exacte du plan de services dans le projet de
politique actuel, des différentes composantes du plan de services, des
étapes dudit plan de services et dans l'identification des
responsabilités à chacune des étapes.
J'aimerais rappeler quelques-uns des éclaircissements
apportés par l'office dans son mémoire.
Du plan de services, on doit d'abord retenir qu'il appartient à
la personne concernée, en tout premier lieu. La fonction de coordination
peut être assumée non seulement par un intervenant de
l'équipe, mais aussi et de préférence par la personne
elle-même si elle est en mesure de le faire. Dans le cas où il
serait préférable qu'un Intervenant assume cette
responsabilité de coordination, la personne impliquée doit
participer activement au choix du coordonnateur. Il faudrait également
distinguer clairement les fonctions de coordination du plan de services de
celles du plan d'Interventions, et clarifier la notion de
transférabilité dont il est question dans le projet de
politique.
Le projet de politique propose l'implantation obligatoire du plan de
services. Puisque la réalisation des plans de services passe d'abord par
celle des plans d'interventions, pour un partenariat élargi, on devrait
d'abord recommander d'étendre l'utilisation des plans d'interventions
dans le réseau des affaires sociales et recommander à cet effet
l'attribution des ressources nécessaires. La réalisation des
plans d'interventions est, en effet, un préalable à la
concrétisation du droit au plan de services qui est, par ailleurs,
déjà garanti dans la loi constituant l'office, qui s'appelle la
Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.
Finalement, retenons que les principales caractéristiques du plan
de services en font un Instrument qui facilite la concrétisation des
grandes orientations du projet de politique en santé mentale; ce point a
été l'un des éléments principaux des relations que
nous avons eues avec le comité. Ces grandes orientations, en quelques
mots, sont le recours à une approche globale centrée sur la
personne, la continuité et la complémentarité des
services, la planification à moyen et long terme, autrement dit, et
l'objectif d'intégration sociale, qui est d'ailleurs, je pense, un
élément extrêmement important en ce qui concerne la
santé mentale. Je pense qu'on peut considérer les
problèmes de santé mentale justement comme étant
caractérisés par le symptôme de
désintégration sociale. Donc, l'approche d'un plan de services
qui est orientée vers l'intégration sociale est sûrement un
outil privilégié pour les interventions en santé
mentale.
Cependant, il est Important - je veux préciser cette question -
de distinguer entre le plan de services et le plan d'Interventions. Le plan de
services est basé sur une approche globale centrée sur la
personne et peut comprendre différents plans d'Interventions. Le
problème principal de ne pas suffisamment donner d'importance au plan de
services, c'est de retomber dans l'écueil que le plan d'Interventions
évite difficilement, l'ecueil qui veut que le plan d'interventions soit
malheureusement très souvent centré sur les prérogatives
d'une profession déterminée,
la profession de l'intervenant principal ou encore sur le mandat d'un
établissement. Alors que le plan de services considère l'ensemble
des besoins de la personne en étant constamment centré sur les
besoins de la personne. Autrement dit, la véritable question, ce n'est
pas: qu'est-ce que je peux, comme professionnel de telle ou telle discipline,
offrir à une personne? La question n'est pas plus: qu'est-ce que je
peux, comme établissement, selon mon mandat, offrir à telle ou
telle personne? Mais la question fondamentale, c'est: quels sont tous les
besoins d'une personne donnée? En second lieu, on se demande quels sont
les intervenants qui peuvent le mieux répondre à ces
besoins-là?
Partenariat et collaboration intersectorielle et, en second point, le
rôle de l'État. L'office adhère à la notion de
partenariat et réaffirme l'Importance du rôle de l'État
pour soutenir et stimuler l'Implication des différents partenaires.
Nous estimons en effet que c'est d'abord à l'État de
fournir aux différents partenaires les moyens nécessaires pour
assumer véritablement leur implication et, en particulier, envers les
familles et les proches.
Le projet de politique ne précise pas exactement quelle place est
faite à la famille et aux proches dans le cadre du partenariat. La
proposition d'un programme de répit satisfait grandement l'OPHQ dans la
mesure où il permet d'alléger le fardeau des familles et des
proches. Toutefois, l'existence d'un tel programme ne devrait pas avoir pour
conséquence d'imposer aux familles l'entière
responsabilité de la réponse aux besoins des personnes. Il faut
éviter de surcharger les familles ou encore d'en faire une ressource bon
marché. Il importe qu'en accordant un répit aux familles, on ne
perde par de vue la cause même de ce besoin. La mise en place de
ressources communautaires d'intervention de crise, de services de maintien
à domicile, de soutien aux familles et d'Intégration au travail
devrait minimiser le fardeau des familles et des proches.
Ainsi, bien que ce soit une mesure nécessaire, l'office
désire faire une mise en garde concernant le risque d'utiliser le
répit au lieu de s'attaquer aux problèmes qui causent la demande
des familles. Le programme de répit doit être l'un des
éléments d'un ensemble de services à la disposition de la
personne, des familles et des proches.
Bref, Pour un partenariat élargi devrait d'abord définir
clairement le rôle des famille et des proches. Ensuite, on devrait
ajouter au programme de répit d'autres mesures concrètes -
information, aide professionnelle, programmes de financement aux associations
etc. - pour soutenir leur implication.
Envers les groupes communautaires.
Le projet de politique en santé mentale distingue le soutien de
l'État aux groupes communautaires selon qu'il s'agit de groupes de
services d'entraide ou de promotion. L'office estime qu'il est essentiel
d'assurer le développement des ressources communautaires de services
d'autant plus qu'elles contribuent à la complémentarité
des services et offrent des alternatives. L'office réaffirme la
nécessité d'assurer aux ressources communautaires, en mesure de
dispenser un service, la priorité sur toute autre forme de structure.
L'ÛHPQ souhaite également que l'on tienne compte de la
polylvalence de ces groupes dans le mode de financement (10 h 30)
L'entraide constituant une forme de services, elle devrait être
soutenue dans le cas du développement des ressources de services.
Par ailleurs, le projet de politique ne précise pas le mode de
financement qui s'appliquera aux groupes de promotion et de défense de
droits, tels les associations et tes comités de
bénéficiaires.
L'office désire rappeler qu'il dispose déjà d'un
programme structuré de financement des groupes de promotion lequel
comporte des critères d'attribution précis. Dans un effort de
rationalisation, on devrait envisager la possibilité de maximiser
l'utilisation de ce programme. Pour assurer un tel mandat, l'office devrait
toutefois disposer des ressources financières suffisantes.
Je tiens à souligner à la commission que l'office, depuis
trois ans, comme je le disais, a fait des efforts importants pour rejoindre le
milieu et a établi de nombreux contacts nouveaux avec des organismes de
promotion du milieu de la santé mentale et a même commencé
à établir des contacts précis avec les comités de
bénéficiaires.
L'exercice d'un réel partenariat Impose un partage précis
des responsabilités. L'élaboration d'une politique de
santé mentale devrait conduire à l'Identification de la
responsabilité de chacun des acteurs en fonction du secteur où
ils interviennent. Ils partagent les responsabilités, ce qui est aussi
essentiel à l'administration des plans de services.
Ces précisions sont absentes ou ne sont pas suffisamment
présentes dans le projet actuel. La distinction établie dans
À part... égale entre prévention, traitement,
adaptation-réadaptation et réinsertion sociale devrait servir de
cadre de référence pour Inspirer le partage des
responsabilités.
Le Président (M. Bélanger): Je vous ferai remarquer
qu'il reste deux minutes. Si vous pouviez synthétiser l'ensemble de vos
conclusions.
M. Mercure: Bon, je peux terminer en deux minutes.
Peut-être sur la question des droits, je voudrais dire quelques mots. Le
projet de politique en santé mentale devrait amorcer la question des
droits de façon beaucoup plus globale. Il semble difficile qu'un
ombudsman - là, on n'a pas nécessairement une position
définitive là-dessus - puisse à lui seul assurer
l'exercice
des droits dans le secteur de la santé mentale. te projet de
politique en santé mentale place la personne au centre des
préoccupations. En ce sens, il importe qu'on reconnaisse la
légitimité de représentants des personnes
concernées, soit les comités de bénéficiaires, les
groupes de vigilance, les associations de parents et de personnes
concernées.
Qu'on leur fournisse les moyens nécessaires à leur action.
Le projet doit également affirmer clairement ta nécessité
de procéder à des changements législatifs en ce qui
concerne la Loi sur la protection du malade mental et la Loi sur la curatelle
publique. L'office propose, par ailleurs, l'implantation d'un droit de recours
en ce qui concerne l'application des pians de services.
En conclusion, la politique de santé mentale est attendue depuis
longtemps. Les lacunes à combler actuellement sont importantes. Aussi
l'office considère que l'intérêt principal du projet de
politique est d'amorcer un processus de Changement par l'élaboration
d'un consensus sur les principes et les orientations. Les mesures
proposées constituent un premier pas et enclenchent ce processus de
changement. L'office déplore toutefois que certains moyens d'action
soient imprécis.
La préoccupation majeure de l'office à cet égard
est de s'assurer que te projet de politique en santé mentale rejoigne
les grandes orientations de À part... égale qui sont le moteur de
l'action gouvernementale à l'égard des personnes
handicapées. C'est dans cet esprit que l'office a procédé
à l'étude du projet de politique. C'est dans cet esprit que
l'office entend assumer pleinement sa responsabilité à
l'égard des personnes ayant une déficience du psychisme
significative et persistante. L'office offre son entière collaboration
aux différents ministères impliqués. Merci, M. le
Président
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir d'accueillir l'Office des personnes handicapées du
Québec. Je veux remercier ses représentants de leur
mémoire qui relève des éléments importants du
projet de politique en santé mentale.
Évidemment, vous avez à rendrait du développement
des plans de services une expérience qui date maintenant de quelques
années et qui sera précieuse pour appuyer les efforts des
personnes qui auront à développer des plans de services pour les
bénéficiaires ayant des problèmes de santé
mentale.
Il y a eu pas mal de discussions ici depuis deux jours et j'ai
été fort intéressée de voir que vous mettez
l'accent sur les deux, mais vous prlorisez le plan de services par rapport au
plan d'interventions. Ici, il y a eu passablement de discussions à
savoir qui devrait faire quoi. On reproche au projet de politique de ne pas
préciser davantage les fonctions de chacun, le psychiatre devrait faire
ceci, te psychologue cela, les autres intervenants tel type de chose, alors que
j'ai cru comprendre des propos que vous avez tenus que ce qui vous
apparaît très important, dans un premier temps, ce n'est pas une
question de priorisation dans le sens de ne pas accorder autant d'Importance au
volet des Intervenants mais que si on perd de vue l'élaboration du plan
de services en fonction des besoins des individus, il se pourrait que la
personne ait des problèmes même si on a tes meilleurs Intervenants
possible, parce que ce sera peut-être plus difficile de distinguer
quelles sont les responsabilités de chacun.
J'aimerais que vous élaboriez sur les problèmes que vous
avez rencontrés sur le plan de ce qu'on appelle
l'interdisciplinarité dans l'application des plans de services pour les
personnes handicapées.
M. Mercure: Oui. Je pense que l'approche du plan de services - je
le mentionnais en deux phrases, tout à l'heure - est
particulièrement importante. Ce n'est pas non plus une question qui est
uniquement nouvelle dans la politique d'ensemble à À part...
égale, mais je pense que c'est parti d'un mouvement mondial de centrer
la réponse aux besoins sur l'ensemble des besoins d'une personne. Cela
implique principalement une planification à moyen et long terme. Les
écueils principaux qu'on rencontre, je pense qu'ils se retrouvent
particulièrement dans un système de services très
structuré, tel que celui qui existe au Québec. C'est ce que je
mentionnais tout à l'heure. Les établissements ont des mandats
assez précis. Par exemple, un établissement a un mandat de
réadaptation, un organisme a un mandat de transport, une commission
scolaire a un mandat d'éducation et les plans d'interventions sont faits
par des professionnels qui, forcément, cherchent à respecter soit
le domaine d'expertise de leur profession ou le mandat de leur
établissement. En faisant cela, ils fractionnent la personne et ils ne
répondent pas adéquatement.
Il y a aussi le problème que, souvent, la réponse
adéquate fait nécessairement appel à plusieurs
réseaux de services tels le transport, l'éducation, le travail,
la réadaptation, plusieurs ministères, et l'approche plan de
services a été d'un secours considérable. Je dirais que
dans le domaine de la désinstitutionnalisation, dans le domaine de la
déficience intellectuelle et dans d'autres domaines aussi, certains
établissements en déficience auditive ont souvent fait
état de l'Importance de l'approche plan de services qui part d'une
analyse exhaustive des besoins d'une personne et qui, seulement dans un
deuxième temps, déterminent quels sont les meilleurs moyens de
répondre aux besoins d'une personne. En plus, il y a un
élément très important qui ne se retrouve pas toujours
dans les plans d'Interventions, c'est la nécessité, dans un plan
de
services, de faire participer la personne, ses représentants ou
sa famille non seulement à la réalisation du plan mais même
à l'élaboration du plan de services et à sa
réalisation. De cette façon-là, je pense qu'on
améliore considérablement les chances d'une réadaptation
complète.
Mme Lavoie-Roux: Je trouve d'ailleurs très
intéressant - et c'est noté dans votre mémoire - la
question que la personne elle-même, dans la mesure où elle est
capable, ait la prise en charge du développement de son plan de services
ou de l'examen, l'approbation de son plan de services. Je pense que les
professionnels ont souvent tendance - et j'en fus à un moment
donné - à décider, peut-être un peu trop, pour les
autres ce qui est meilleur pour les autres. Je pense que ce comportement de
professionnels s'est modifié dans les dernières années,
mais il y a toujours cette tentation. Je pense qu'en adoptant comme principe
que la personne elle-même est la première responsable, d'une
certaine façon, de l'élaboration de ce plan-là, on
évite ce genre d'écueil et on a de meilleures chances de
répondre aux véritables besoins.
Est-ce que je dois conclure de votre réponse que le fait que le
plan de services soit déterminé en fonction des besoins
préalablement à l'Intervention d'un certain nombre d'intervenants
a diminué ou réduit les tensions Interdisciplinaires dans une
problématique qui requiert une intervention interdisciplinaire?
M. Mercure: Effectivement. Il y a de nombreux cas. Je connais de
nombreux cas précis de personnes pour qui la réadaptation ou
l'Intégration sociale était quelque chose qui n'était pas
un succès depuis plusieurs années. Quand on a fait un
véritable plan de services avec un comité interdisciplinaire et
qu'on s'est vraiment appliqué à coordonner les interventions et
à s'assurer de la présence, au bon moment, des réseaux,
cela a eu un impact très important. Sûrement que Mme Gourque
pourrait ajouter quelques mots sur cette question précise.
Mme Gourgue (Christine): Je considère aussi qu'au
départ, la participation de la personne concernée à son
propre plan de services, c'est une première, parce que c'est ta
première fois qu'on va lui demander ses besoins à elle et on ne
pensera pas à sa place, et on n'agira pas pour elle. Il y a aussi toute
une question de valorisation et de motivation qui est suscitée chez la
personne concernée lorsqu'on l'implique globalement dans ce type de plan
de services.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je vais passer la parole, pour
le moment, à des collègues qui veulent intervenir.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Ma première
question est celle-ci. Vous allez m'expliquer, M. le président, quand
vous dites que le projet de politique devrait Identifier les acteurs
responsables de chacun des secteurs de l'intervention par rapport à la
multidisciplinarité... Je vais vous donner un exemple pour bien me faire
comprendre. Vous dites qu'il faut commencer par définir ou Identifier
l'ensemble des intervenants, à toutes fins utiles. Je suppose que vous
parlez de travailleurs sociaux, de psychologues, de psychiatres, de toute la
gamme de professionnels ou de non professionnels reliés au travail de la
santé mentale.
Quand vous donnez la définition, comment conciliez-vous la
multidisciplinarité avec l'identification de chacun des acteurs?
M. Mercure: L'expérience de l'office dans ce
domaine-là et l'approche globale qui a été
privilégiée dans la rédaction de À part.,
égaie qui est.. Je pense qu'on peut se référer à
À part... égale comme un des premiers éléments
d'effort de coordination des interventions des différentes professions
et des différents ministères. Je pense qu'une première
chose à faire, c'est de bien connaître le processus d'apparition
du handicap et de bien distinguer, ce qui n'a pas toujours été
fait traditionnellement dans les professions, entre la prévention qui
est un domaine important, entre le traitement où l'aspect médical
est très important, même le diagnostic,
l'adaptatlon-réadaptatlon, où l'aspect des multiples professions
en réadaptation et où l'aspect médical est beaucoup moins
important, et, finalement, la réinsertion sociale. Je pense qu'il y a
des chapitres de À part... égale qui tentent d'exposer cela. De
toute façon, c'est basé sur des recherches qui viennent de
l'Organisation mondiale de la santé. (10 h 45)
Donc, pour savoir qui est responsable de quelque chose, II est important
qu'on sache si l'intervention se situe au niveau de l'intégration
sociale. Là, évidemment, on s'adresse aux préjugés.
On veut faire de l'information. C'est tout le réseau des communications
qui est impliqué. Tandis que si on est dans le domaine de
l'adaptation-réadaptation, ce n'est pas l'expertise principale du monde
médical.
M. Chevrette: Je vais reposer ma question, dans ce cas, pour vous
aider. Je me rends compte que Je n'ai pas été clair. Si vous
demandez au préalable l'identification des acteurs responsables, est-ce
que ce n'est pas poser a priori le fait de faire l'arbitrage sur les
responsabilités, alors qu'à mon point de vue... C'est un point de
vue personnel, je vais faire un commentaire. Ne croyez-vous pas que les gens
impliqués, que les acteurs impliqués, travaillant à
l'intérieur d'une équipe multidisciplinaire, vont se
compléter automatiquement et ne feront pas ces arbitrages
théoriques que vous demandez de faire au
départ? Je sais bien que si je réunis dans une salle un
travailleur social, une infirmière, un psychologue et un psychiatre et
qu'on dresse ensemble un plan individualisé de traitements pour telle
personne, ils ne commenceront pas par dire: Hé! Cela, c'est mon domaine.
S'ils sont tous assis à une même table, ils vont dire: Ce qu'il y
a de mieux pour cette personne, c'est ta prise en charge par un travailleur
social, un encadrement. Ils ne feront pas l'arbitrage théorique que vous
demandez de faire. En tout cas, |e l'interprète ainsi.
J'interprète peut-être mat votre mémoire. Vous parlez
d'identifier les acteurs responsables et de bien définir leurs
responsabilités. À ce moment-là, ne craignez-vous pas que,
d'une façon très théorique, on définisse des champs
d'action, alors que, sur le plan pratique, quand on assoit tous les
intervenants ensemble, Ils ne font pas d'arbitrage? Les Individus ne font pas
d'arbitrage; ce sont les corporations qui veulent qu'on fasse de l'arbitrage.
Et vous me paraissez verser exactement dans le même vice auquel on
assiste ici, le respect des Jardins de chacun.
M. Mercure: Ce n'est sûrement pas cela. Si cela a
donné cette impression, ce n'est pas cela. La nécessité de
préciser les rôles doit se faire à deux niveaux. Sur le
plan individuel, comme vous l'avez dit, si on réussit - ce qui n'est pas
souvent le cas - à réunir les disciplines nécessaires
autour d'une table pour étudier le cas d'une personne, on a la grande
partie du chemin pour établir les responsabilités dans la
coordination individuelle. Le problème est aussi au niveau collectif. Je
veux dire que, dans la situation actuelle, il y a des établissements qui
se donnent des côtes de développement de ressources
résidentielles, qui se donnent des rôles de transport, qui se
donnent des rôles d'éducation, qui se donnent toute une
série de rôles qui ont tendance à accaparer tous les
services à une clientèle donnée. C'est dans ce sens qu'une
meilleure définition des mandats pourrait aider Mme Hébert
pourrait peut-être donner des précisions additionnelles.
J'admets, comme vous, que si on réussit à réunir
des personnes autour d'une même table sur le plan professionnel, on va
pouvoir assez facilement s'entendre sur qui doit faire quoi. Mais, en pratique,
pour obtenir des budgets, il va falloir retourner à l'organisation des
réseaux qui, comme je le disais, au Québec, est
particulièrement structurée, beaucoup plus structurée que
dans d'autres milieux.
Au Québec, en ce moment, ce n'est pas pensable, mais il y a des
endroits aux États-Unis où on fait absolument abstraction de tous
les mandats et de tous les organismes. On attribue un budget à une
personne et on demande au groupe de professionnels dont vous parlez de chercher
la ressource la plus près possible de la personne. Mais, dans le moment,
vous avez des ressources résidentielles qui sont
développées par toute une série d'établissements.
Plusieurs établissements, dont ce n'est pas la priorité, dont ce
n'est pas la fonction principale, s'Intéressent à
l'éducation, à l'Information. Alors, il y a
énormément d'interventions qui pourraient être mieux
coordonnées.
Mme Hébert (Anne): Par rapport à votre question, je
pense que c'est là que la distinction entre plan d'interventions et plan
de services peut être importante. Pour ce qui est du plan de services,
l'approche globale de la personne, c'est vraiment le pivot pour consigner les
différentes approches multidisclpllnaires. L'objectif commun de toutes
les personnes qui sont responsables des différents secteurs
d'Interventions, par exemple, te traitement, l'adaptation, la
réadaptation et les différents secteurs de l'Intégration
sociale, c'est de répondre aux besoins de la personne et de favoriser
l'intégration sociale. C'est leur objectif commun.
Mais lorsqu'on va au niveau d'un plan d'interventions, effectivement, il
peut y avoir plusieurs intervenants responsables et là, ce n'est pas
obligatoire ni nécessaire qu'on fragmente beaucoup les
responsabilités. Il peut y avoir là un travail beaucoup plus
multldisclplinalre. C'est un peu là que se pose votre inquiétude,
mais ce n'est pas en ce qui a trait au plan de services. Je ne sais pas si ma
réponse est assez claire.
Vous donniez l'exemple du traitement, mais, en ce qui touche le
traitement, c'est un secteur d'Interventions. Là, II y a plusieurs
Intervenants, là il peut y avoir un travail commun. Il n'est pas
nécessaire de vraiment segmenter les responsabilités. C'est
vraiment en ce qui touche le plan de services qu'il y a une
nécessité d'Identification des responsables pour chacun des
secteurs d'Interventions.
M. Chevrette: Je vais vous reposer une question à partir
de ce que vous avez dit, M. le président. Vous avez dit qu'il y avait
des institutions qui s'accaparaient ou se donnaient des vocations de plusieurs
services; elles voulaient s'accaparer tous les services. Je voudrais que vous
précisiez là-dessus. Ne croyez-vous pas qu'au Québec, si
on évolue, c'est justement parce qu'il se fait des expériences
très diversifiées? Quand vous pariez du respect Intégral
de la personne et qu'une Institution veut justement donner l'ensemble des
services à cette même personne, est-ce que vous ne trouvez pas
cela correct?
M. Mercure: Justement. Parce qu'un des corollaires de la
philosophie de normalisation auxquels tes gens ne pensent pas
Immédiatement, la normalisation, c'est l'Intégration sociale,
c'est la conviction qu'une personne peut se développer et peut
fonctionner quand on utilise un milieu le plus normal possible, le plus
près possible du milieu de vie que toute personne vit; cela est assez
bien connu.
Le corollaire de cela, c'est l'utilisation dans toute la mesure du
possible des services génériques, c'est-à-dire que si l'on
veut transporter des personnes handicapées, qu'on ne fasse pas un
réseau de transport séparé; et si on veut s'occuper de
l'éducation des personnes handicapées, qu'on ne fasse pas un
réseau d'éducation séparé, qu'on utilise dans
chaque cas les services génériques auxquels a droit l'ensemble de
la population, même qu'on ne fasse pas de petites portes d'entrée,
qu'on utilise dans toute la mesure du possible les mêmes canaux
d'entrée.
M. Chevrette: Prenons l'exemple du réseau des personnes
handicapées. Prenons La ressource dans Hull ou Le bouclier dans
Lanaudière, c'est exactement ce qu'ils cherchent à faire,
utiliser les ressources du milieu et ne pas créer des services bien
spécifiques pour les handicapés. Comment expliquez-vous qu'au
Québec, II y a deux ressources du genre et que cela ne s'est pas
étendu au reste du Québec?
M. Mercure: Disons que ces deux ressources sont des
expériences très heureuses, de toute façon. Je pense que
J'ai assez vécu la question de savoir où on devait situer la
responsabilité des services communautaires qu'on entendait
développer. Il y avait plusieurs choix et un choix a été
fait, à un moment donné; plutôt que de créer de
nouvelles corporations responsables des services communautaires, on a dit: Je
pense que ce serait préférable, cela responsabiliserait davantage
les réseaux. Personnellement, je ne suis pas contre cette approche, en
aucune façon. On a décidé que les centres d'accueil
devaient eux-mêmes réorienter leurs ressources et être
responsables des services communautaires. Mais ce qu'il faut faire
évidemment, c'est adopter franchement une politique d'utilisation
maximum, comme pour les deux établissements que vous avez
mentionnés, ce sont des centres d'accueil qui n'ont pas de ressources
internes et pour tequels c'était beaucoup plus facile d'adopter
clairement et franchement l'approche d'utilisation des ressources du
milieu.
M. Chevrette: Quand vous me répondez de cette
façon, vous avez exactement le réflexe qu'on a tous, on pense
à l'institution. Mais quand on pense à une politique pour traiter
une personne handicapée physique ou intellectuelle, c'est pour aller
chercher même la personne qui n'est pas en institution et lui donner un
droit ou un accès égal - vous avez tellement utilisé les
mots "à part égale" tantôt que je me souviens très
bien de tout ce débat - et lui permettre, même pour une personne
venant d'un petit village, d'avoir des services, si éloignés
soient-ils. À ce moment-là, si personne n'a de
préoccupation... L'institution aura une préoccupation par rapport
à ses bénéficiaires ou aux gens qui vont faire appel
à l'Institution, alors qu'un organisme - cela devient un organisme de
promotion, de sensibilisation et d'utilisation des services... Quand on pense
à une politique de santé mentale, on pense à une politique
pour personnes handicapées, le premier principe, c'est d'abord de lui en
donner accès. Vous jugez que l'institution est un premier pas, au lieu
de dire que c'est un droit à la personne, alors que vous êtes
d'accord avec le principe énoncé par le Dr Harnois: La personne
avant toute chose. Comment conciliez-vous cela avec votre réflexe
institutionnel?
M. Mercure: Effectivement, le problème principal quand on
a des institutions... Lorsque j'ai fait référence aux centres
d'accueil, je voudrais quand même faire réaliser que les centres
d'accueil ne sont pas en soi des institutions...
M. Chevrette: C'est vrai...
M. Mercure: ...mais ce sont des corporations qui, pour la
plupart, administrent des institutions et des services communautaires. Mais les
grands hôpitaux psychiatriques sont nécessairement des
institutions et disons que le gros de leurs responsabilités est du
domaine institutionnel. Je pense que c'est très difficile de
développer des services communautaires adéquats carrément
à partir des Institutions, mais je n'ai pas la réponse. Je trouve
que vous soulevez vraiment des problèmes très réels. Je
n'ai pas personnellement la réponse définitive à ce genre
de problèmes. Mais justement, pour d'autres secteurs de personnes
handicapées, les mandats accordés aux centres d'accueil ont eu
pour effet que les clientièles déjà dans les milieux ont
été moins bien servies et ont eu moins accès aux
ressources que les clientèles institutionnalisées, ce qui est
aberrant. Si on veut favoriser l'intégration sociale...
M. Chevrette: Mais là...
M. Mercure: ...il faut traiter équitablement, dès
le départ, les gens qui sont à l'extérieur des
institutions.
M. Chevrette: Comme vous avez une expérience au niveau
national, croyez-vous que la personne et la famille seraient mieux
traitées par une structure de base responsable, que sont les CLSC?
M. Mercure: Je pense que les CLSC sont effectivement un organisme
de première instance dont le réseau vient juste d'être
complété. Possiblement que c'est une approche très valable
particulièrement en ce qui concerne l'administration des plans de
services. C'est une ressource souvent mentionnée par te milieu comme une
ressource qui pourrait administrer tes plans de services, donc être la
porte d'entrée. C'est sûrement quelque chose à
considérer.
Vous avez fait référence à mon
expérience
nationale. J'ai effectivement eu l'occasion de voir plusieurs choses
à l'extérieur du Québec, au Canada, et c'est pour cela que
J'ai fait allusion au fait qu'on est plus structuré que dans d'autres
milieux. Cela a des avantages, mais aussi certains inconvénients, tels
ceux que vous avez mentionnés, la querelle des mandats qui est souvent
la pierre d'achoppement Je pense qu'il faut que les mandats soient,. Je n'ai
pas voulu dire tantôt, en précisant les responsabilités,
qu'on donne des mandats trop spécifiques. Il faut que les mandats soient
suffisamment larges pour qu'il y ait, comme vous avez dit, plusieurs
expériences qui soient faites à partir d'approches un peu
différentes. Il ne faut pas être trop cartésien et
définir qu'il y a une seule ressource qui peut répondre à
un seul... Je pense qu'il ne faut pas faire ça. (11 heures)
Mais ce qu'il faut faire, c'est empêcher des établissements
d'accaparer une clientèle, parce que cela aboutit à une
dépendance, qui, effectivement, est une plaie qui affecte la
clientèle en déficience du psychisme. Je pense que c'est
important que quand on retire tous ces besoins ou quand on obtient la
réponse à tous ces besoins d'un même organisme, on risque
de rester dépendant.
Je ne sais pas si Mme Gourgue voudrait ajouter quelque chose.
Mme Gourgue: Pour faire suite à votre question concernant
les CLSC ou encore d'amener un organisme comme tel responsable de tout, ce que
je trouve dangereux là-dedans, c'est que tout l'aspect des organismes
communautaires qui sont déjà là perdent leur raison
d'être qui était là bien avant que la philosophie...
Je pense que la philosophie de santé mentale concernant la
maladie mentale a été amenée par ces organismes
communautaires. Aujourd'hui, on se rend compte qu'effectivement, les
mentalités ont changé, mais elles ont changé à la
suite de toute une revendication qui a été faite. Aujourd'hui, on
se rend compte que ces organismes communautaires, quelque part, leur
idée a été récupérée par certaines
institutions, par certains établissements qui maintenant ont
créé ou vont créer ce qu'on appelle les structures
intermédiaires.
Donc, je pense que lorsqu'on parle de partenariat qui est vraiment une
reconnaissance au départ des organismes communautaires et je trouverais
dangereux qu'il n'y ait seulement que... On parte des CLSC dans le cas
actuel... qui soient responsables d'une Implantation.
M, Chevrette: D'accord. SI je vous pose la question, c'est
qu'à un moment donné, si on veut créer une équipe
multidisciplinaire d'intervention, si on veut que les groupes communautaires,
les groupes du milieu, fassent partie éventuellement de ces
équipes, il va falloir que quelqu'un en assume le leadership.
Est-ce que c'est un Individu ou si c'est une structure au niveau d'un
territoire qui doit assumer au moins le leadership de départ? On n'a pas
le choix que de s'interroger sur qui va au moins être le
déclencheur. C'est pour cela que je vous pose cette question.
On pourrait bien dire que chacun conserve - J'achève, M. le
Président - son autonomie ou son champ d'action, pas de problème.
Mais s'il n'y a personne qui prend l'Initiative d'asseoir tout ce beau monde
pour établir vos plans de services dont vous parlez, il n'y a personne
qui va convoquer... Il va se passer quoi?
On risque de se retrouver, comme on l'est présentement. Chacun
oeuvre d'une façon parallèle. Chacun défend avec beaucoup
de conviction son type d'action. Mais on n'a pas cette
complémentarité ou ce travail d'équipe Indispensable pour
le respect Intégral de la personne.
C'est pour cela que je posais une question en vous disant: Est-ce que
c'est le CLSC? Je n'ai pas de parti pris pour une structure
particulière. Mais à mon sens à moi, on doit au moins
aller vers la structure la plus près du monde. C'est pour cela que j'ai
dit le CLSC, parce que j'y crois pas mal à cela.
M. Mercure: II faut effectivement qu'il ait une
responsabilité résiduelle quelque part pour ceux qui se
promènent d'un endroit à l'autre et qui se font dire: Votre
problème n'entre pas dans mon mandat. Par contre, quand on parle de
coordination sur le plan individuel, en tout cas, les réflexions que
j'entends maintenant de différents milieux - c'est ce qu'on a
essayé de mentionner, d'ailleurs - c'est que fa coordination sur le plan
Inviduel doit être faite de préférence par la personne
handicapée, par son représentant ou un membre de sa famille, par
le principal Intervenant et peut-être, en définitive, par l'Office
des personnes handicapées qui a un certain rôle, si personne
d'autre le fait, dans la coordination et le plan de services.
Il y a aussi le rôle du Conseil régional de la santé
et des services sociaux sur le plan régional qui a un rôle de
coordination sur le plan collectif et un service de plaintes qui pourrait sans
doute être exploité davantage.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Gouin.
M. Rochefort: Merci, M. te Président. Je voudrais aborder
une autre question avec les représentants de l'OPHQ, la question de
l'"ombudsperson". Je pense que ce que vous soulevez est juste, sans être
une critique quant au contenu du rapport Harnois. Il y a l'évocation de
la mise en place de cette nouvelle personne avec des responsabilités,
mais il y a effectivement, comme vous le dites dans votre mémoire, peu
de précisions entourant ce que pourrait être et ce que devrait
être te rôle réel de cette personne, de même que les
pouvoirs qui accompagneraient
son mandat
Vous évoquez deux choix quant à des choses qui devraient
être précisées: garantir son Indépendance et
Investir de pouvoirs réels cette personne. Est-ce que vous pourriez
préciser un peu les pouvoirs réels que vous souhaiteriez voir
accordés à l'"ombudsperson"?
M. Mercure: Encore une fois, notre réflexion n'est pas
tout à fait définitive sur ta question. Je vais revenir à
l'"ombudsperson", mais on pense aussi qu'il faut utiliser les autres moyens
déjà en place, comme les comités de
bénéficiaires, les organismes de promotion et la Commission des
droits de la personnes, toutes sortes de moyens de défense des droits
qui sont déjà là pour la population dans son ensemble.
Maintenant, Pombudsperson", si c'est une personne plus ou moins
désignée ou désignée directement par un organisme
de services, je pense que... Je ne croîs pas du tout à la
ressource, finalement. Quand on est désigné par un organisme de
services, on peut être très bien intentionné au
départ, mais devant certaines difficultés, on va peut-être
démissionner, si on demeure une personne de bonne volonté.
Oui.
M. Rochefort: J'ai le goût de vous interrompre, si vous me
le permettez, et de vous demander ceci. Selon vous, qui devrait le nommer?
M. Mercure: D'abord, ce n'est pas très clair s'il
s'agît d'un "ombudsperson" au niveau de l'institution, au niveau
régional ou au niveau provincial. Je pense qu'il faudrait qu'il soit
nommé par un organisme indépendant. Chaque fois qu'on parle de
défense de droits, que ce soit le parrainage civique, etc., on cherche
toujours à ce que la personne qui a un rôle à jouer soit
nommée par un organisme indépendant. Cela pourrait être la
Commission des droits de la personne, peut-être l'Office des personnes
handicapées, mais un organisme dont le rôle est la défense
des droits. Que ces ressources ne soient pas non plus constamment
limitées et attribuées par l'organisme de services, c'est l'autre
élément. Qu'il fasse rapport... À qui fait-il rapport? Ce
sont toutes ces questions qui affectent sa crédibilité et sa
possibilité de manoeuvre.
M. Rochefort: Bon. Si on prend justement cette possibilité
de manoeuvre... Particulièrement, dans votre mémoire, à la
page 24, 'qu'il soit investi de pouvoirs réels - notamment, dites-vous -
d'enquête, de règlement des plaintes." Est-ce que, pour vous,
"règlement des plaintes", cela veut dire que ses jugements ainsi que les
correctifs qui doivent être apportés dans des cas où des
problèmes se posent devraient... Est-ce que vous allez jusqu'à
nous dire que ses jugements devraient être exécutoires?
Jusqu'où allez-vous quand vous dites: "Pour garantir l'efficacité
d'un tel recours, il faudrait également qu'on élargisse le mandat
de Pombudsperson" et qu'il soit Investi de pouvoirs réels
(d'enquête, de règlement des plaintes) pour intervenir
concrètement dans les situations conduisant à une violation des
droits." Est-ce que vous allez jusqu'à nous dire que Pombudsperson"
devrait être en mesure d'intervenir et donc, de faire en sorte qu'il
n'ait pas qu'un pouvoir de recommandation ou de réflexion sur le
traitement ou sur l'absence de traitement qu'aurait reçu tel ou tel
bénéficiaire, mais qu'après avoir analysé un cas,
après avoir posé un jugement, le groupe - passez-moi l'expression
- responsable des services à être donnés à ce
bénéficiaire devrait modifier en conséquence du jugement
de Pombudsperson"... Jusqu'où allez-vous? Je pense qu'il est important
qu'on définisse cela.
M. Mercure: C'est très important. Le pouvoir
d'enquête est moins grand, mais le pouvoir de règlement des
plaintes... Je pense, par exemple, au service des plaintes du CRSSS. Il va
beaucoup moins loin que cela. Il n'y a pas de pouvoir réel de
règlement des plaintes à ce niveau. Par contre, pour que ce soit
efficace, cela pourrait vouloir dire cela. Mais il ne faut quand même pas
enlever les responsabilités de tous les établissements en
arrivant. C'est une situation assez délicate. Je vais demander à
Mme Hébert de préciser davantage te point de vue qu'on a
exprimé.
Mme Hébert: Comme M. Mercure le disait, notre position
n'était pas définitive. On a surtout souligné l'absence
d'une vision d'ensemble sur la question des droits. Il faudrait étudier
les rôles de Pombudsperson", de ses pouvoirs et ceux qu'on va accorder au
comité de bénéficiaires qui, lui, a un mandat de
défense des droits. Par exemple, si le rôle du comité de
bénéficiaires peut être réévalué et
que d'autres pouvoirs lui sont accordés, cela va aussi influencer le
rôle de Pombudsperson". C'est toute cette perspective d'ensemble qu'il
faut réévaluer, définir les pièces de l'ensemble du
morceau.
C'est pourquoi on a voulu surtout souligner dans te texte un esprit
d'une approche globale et définir chacun des Intervenants et son
rôle précis, ce qui, éventullement, pour l'ombudsperson"
ferait envisager de lui donner ce type de pouvoir, mais on ne s'est pas trop
prononcé. Ce qu'on dit surtout, c'est qu'il faut vraiment bien
définir le rôle de chacun des acteurs qui sont déjà
présents.
M. Mercure: On ne répond pas précisément
parce que l'on n'est pas fondamentalement convaincu que Pombudsperson" est la
bonne route. Nous pensons qu'on doit utiliser des moyens qui sont
déjà là, qui ne sont pas utilisés
adéquatement. Par exemple, concernant les comités de
bénéficiaires, personnellement, j'ai rencontré plusieurs
comités de bénéficiaires. Les
directions de certains établissements font tout pour
empêcher - je ne veux pas viser un établissement en particulier -
les comités de bénéficiaires de Jouer leur
véritable rôle de défense des droits et de réponse
aux plaintes et de promotion des intérêts en les occupant à
des questions de loisirs, de levées de fonds ou des activités de
toutes sortes.
Je pense qu'on n'a pas une notion assez récente des
comités de bénéficiaires avec un rôle précis
de défense des droits. Il faudrait faire jouer cela pleinement avant,
encore une fois, d'introduire une nouvelle retenue.
Le Président (M. Bélanger): Bien, M. le
député de Laurier.
M. Sirros: M. le Président, II nous reste peu de temps et
J'aurais peut-être deux questions. On a, tout à l'heure,
évoqué le processus de normalisation des personnes qui vivent
dans la société et la politique de À part., égale.
Dans la politique selon À part... égale, une des pratiques de
base, finalement, c'est toute la notion de la compensation que l'État ou
la société devrait rechercher pour le handicap de la personne
afin d'appuyer tout ce processus de normalisation. D'une part, Je voudrais
savoir comment vous voyez l'application de ce principe dans tout le domaine de
la santé mentale. Jusqu'à maintenant, concernant le handicap
physique, on a surtout utilisé les programmes de l'office, comme l'aide
matérielle, etc. Mais comme l'office, depuis trois ans, comme vous
l'avez dit, commence à regarder plus du côté de la
santé mentale, comment voyez-vous l'application de ce principe dans le
domaine de la santé mentale?
M. Mercure: Le principe de compensation des limitations
fonctionnelles et des déficiences est utilisé par l'office.
Depuis plusieurs années, il s'adresse à toutes les
clientèles, sauf qu'il a été assez peu utilisé,
comme vous le dites, par les déficiences psychiques pour la raison que
la prise en charge de cette clientèle par les établissements a
été très grande et les budgets ont été
importants sur le plan Institutionnel. Par contre, sur le plan des services
communautaires, on est très peu avancé. Je pense qu'un des
besoins essentiels - Je vais demander à Mme Gourgue de souligner
d'autres besoins - pour cette clientèle, c'est l'aide à domicile
et l'accompagnement dans certains domaines tels le soutien physique et des
choses comme cela. Je pense qui y a moyen d'obtenir des ressources dans le
milieu avec des financements relativement légers, Quand on parle de
compensation par l'intermédiaire du plan de services, très
souvent, on obtient des coûts-bénéfices bien meilleurs
qu'en ayant recours à des structures beaucoup plus lourdes. Si Mme
Gourgue pouvait ajouter quelques mots. (11 h 15)
Mme Gourgue: Je crois que vous avez touché un des
principaux besoins, la réinsertion, qui est très importante.
Parce qu'on remarque, ne serait-ce qu'au taux de réadmission dans les
établissements actuels, que c'est un problème. D'autre part, je
pense que le soutien apporté pour rester dans le milieu de
prévention et empêcher les gens de retourner en institution est un
des principaux besoins qui est le maintien de ta personne dans son milieu parce
que lorsqu'on la sort de ce milieu et qu'on l'amène en Institution, par
exempte, le retour dans son milieu est très difficile. D'autre part,
pour la personne, il y a toute une question de non-valorisation et de
non-motivation aussi.
Le Président (M, Bélanger): Le temps que nous
avions à notre disposition est écoulé.
Je cède la parole au chef de l'Opposition, le
député de Joliette.
M. Chevrette: Je tiens à vous remercier d'abord de votre
participation. Je pense que l'expérience que vous vivez avec l'Office
des personnes handicapées du Québec peut être
sûrement profitable dans l'élaboration d'une politique globale de
santé mentale. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier M. le
président et les personnes qui l'accompagnent. J'aurais aimé vous
questionner sur toute la question des organismes bénévoles. Mme
Gourgue en a d'ailleurs glissé quelques mots dans sa réponse
à une question du chef de l'Opposition. Pour vous autres, ça vous
apparaît un élément extrêmement important et,
J'imagine, un des éléments de soutien dans l'intégration
des personnes handicapées.
J'ai également considéré un peu l'offre de l'Office
des personnes handicapées du Québec en ce qui a trait aux
organismes de promotion et du respect des droits des personnes
handicapées. D'une part, vous dites que ça permettrait une
rationalisation plus grande des ressources et, d'autre part, il faudrait que
vous nous donniez les ressources financières supplémentaires.
Je pense que, tout compte fait, il y aurait peut-être aussi,
malgré tout, certaines économies mais, enfin, on aura l'occasion
de rediscuter de ces points-là avec vous autres. Du côté
des organismes bénévoles, Je regrette qu'on n'ait pas eu plus de
temps parce que J'ai l'Impression que vous avez une expérience qui
aurait mérité d'être partagée avec nous tous. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
les représentants de l'Office des personnes handicapées du
Québec et Invite le prochain groupe à se présenter
à la table des témoins. En l'occurrence, il s'agit de
l'Association des praticiens de service social en milieu de santé du
Québec.
Je demanderais à chacun de reprendre sa
place. Nous recevons présentement l'Association des praticiens de
service social en milieu de santé du Québec. Ce groupe est
représenté par Mme Carmelle Laferrière qui est
présidente; M. Jacques Clément, membre de l'exécutif; Mme
Colette Lambert, membre de l'exécutif et Mme Johanne St-Oenis, membre de
l'exécutif.
Vous pourriez me dire quf est votre porte-parole. Je vous explique un
peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la
présentation de votre point de vue ou de votre mémoire et 40
minutes sont réservées aux échanges avec la
commission.
Je vous suggère de ne pas lire votre mémoire mais de nous
en donner les principaux points, ce qui nous permettra de couvrir l'ensemble du
champ de votre intervention et de nous aider, par la suite, à poser les
questions les plus pertinentes possible.
Madame, si vous vouiez vous identifier et commencer. Je vous en
prie.
Association des praticiens de service social en milieu de santé
du Québec
Mme Laferrière (Carmelle): M. le Président,
mesdames et messieurs. Je m'appelle Carmelle Laferrière. Notre
association regroupe des professionnels qui ont une formation en service social
et qui travaillent dans les hôpitaux, mais ils relèvent
administrativement des centres des services sociaux.
Pour votre information, II y a environ 300 praticiens sociaux dans la
province de Québec qui travaillent dans le milieu de la psychiatrie.
Concernant la problématique et les perspectives présentées
par le projet de politique du comité Harnois, nous, en tant que
praticiens du service social, sommes heureux d'observer que l'individu est au
centre des préoccupations, tout comme sa famille et ses proches.
Évidemment, avec les objectifs qui sont de responsabiliser l'individu,
la famille de même que la communauté, nous sommes en accord. Bien
sûr, on reconnaît que ce concept de partenariat arrive dans un
moment de décroissance économique et nous reconnaissons que cela
marque la fin de l'étape où le professionnalisme a connu ses
heures de gloire et ses limites bien entendu, à savoir parfois, la
déresponsabilisation de la famille et de ses proches.
Dans ce document, nous reconnaissons que la
désinstitutionnalisation est en toile de fond. Le partenariat est une
réalité dont il faudra informer la population et, bien sûr,
la sensibiliser si on veut continuer la désinstitutionnalisation parce
que sans elle, il serait Impossible de poursuivre.
Concernant cette campagne de sensibilisation, nous reconnaissons qu'elle
est indispensable. Nous reconnaissons aussi que ce sera non pas une campagne de
sensibilisation qu'il sera nécessaire de faire, mais plusieurs
campagnes, parce qu'il y a beaucoup de chemin à parcourir, que ce soit
au niveau de la compilation ou au niveau des Intervenants parce qu'eux aussi
auront à modifier leur façon de voir et d'intervenir
auprès de leurs bénéficiaires.
Concernant les plans de services, nous trouvons que c'est un outil qui
peut être intéressant. Cependant, à ce stade-ci, nous
trouvons qu'il est prématuré, pour les raisons suivantes. C'est
qu'actuellement, nous trouvons que ce moyen ne tient pas compte du manque
évident de ressources nécessaires à la mise en application
d'un plan de services qui réponde aux besoins des
bénéficiaires et aussi, on ne tient pas compte suffisamment des
différentes disparités régionales et
sous-régionales.
Nous trouvons aussi qu'imposer un tel moyen aux équipes
multidisciplinaires sans que ce moyen soit issu de leur façon de voir,
cela risque de faire avorter et qu'on les utilise à mauvais escient.
Concernant les respects des droits et l'ombudsperson", nous trouvons que
c'est une idée' novatrice intéressante. Cependant, elle nous
semble à préciser davantage.
Concernant le programme de répit, il est très
Intéressant. Ce que nous demandons, de par notre expérience avec
des collaborateurs qui sont les responsables de familles d'accueil, ce sont des
pavillons. Nous souhaitons et nous demandons que ces familles substituts... ou
que les ressources alternatives soient reconnues aussi au même titre que
les familles naturelles et aient droit à une gamme diversifiée de
mesures de répit.
Au chapitre de la formation des intervenants, nous notons des
contradictions dans le texte. D'abord, nous sommes d'accord avec la
définition de la multidisciplinarité, c'est-à-dire, la
mise à contribution des compétences spécifiques de chaque
discipline par une action concertée. Par contre, dans le texte, on
remarquera aussi, à un certain moment donné, qu'on dit qu'il est
difficile d'établir clairement des délimitations des
responsabilités de chacun des professionnels parce que tenant plus
compte finalement du savoir-faire plus que du diplôme de
l'expérience de chacun.
Cela nous interroge parce que, pour nous, de l'Association des
praticiens de service social en milieu de santé, nous nous inscrivons en
faux contre le nivellement des différentes disciplines. Nous ne croyons
pas que n'Importe qui peut faire n'importe quoi. Nous croyons que les services
seront de qualité en autant qu'on respectera la
spécificité de chacun et aidera ainsi un partenariat
véritable.
Bien entendu la formation qu'on propose, qu'elle soit
révisée, nous n'avons pas d'objection. Nous savons que cela
s'avère nécessaire, mais que chaque formation le fasse selon ses
méthodes en tenant compte, bien entendu, que ce soit une formation de
base ou une formation continue. À ce stade-ci, il faudra peut-être
donner priorité à la formation continue plus qu'à la
formation de base parce que c'est dans l'Immédiat déjà que
les intervenants auront à intervenir auprès de la
clientèle et non pas dans cinq, six ou dix ans, bien qu'il ne
faut pas la mettre de côté.
Cependant, nous ne comprenons pas trop la logique du document où
prévaut la recommandation de prioriser plutôt certaines
professions ou d'établir des échéanciers différents
selon les professions.
Il est Important que vous compreniez bien ce que nous faisons en rapport
avec la spécificité. C'est qu'on n'oublie pas évidemment
que ces différentes disciplines auront à travailler en
collaboration et que dans la formation, on doit en tenir compte.
Au chapitre de la recherche, nous nous réjouissons du fait qu'une
attention soit apportée à ce domaine et qu'on y reconnaisse
l'importance des aspects psychosociaux. Tout ce domaine est à faire et,
bien entendu, il faudra Investir des sous, du temps et des énergies.
Concernant l'organisation des services, le comité recommande que
des mesures soient apportées pour supporter les groupes d'entraide, pour
reconnaître leur légitimité de l'action des ressources et
pour assurer un financement. Nous trouvons que c'est très souhaitable et
que cela respecte une répartition régionale, de telle sorte que
le principe d'équité soit respecté de même que le
partenariat.
Quant à la gamme des services, nous sommes en accord avec le fait
que chacune des régions ait droit à la gamme des services autant
dans les grands centres que dans les régions plus
éloignées.
Concernant les populations jeunes et les personnes âgées,
nous trouvons que le document y apporte une importance mineure. À ce
titre, nous demandons que des comités soient mis sur pied pour
étudier les besoins de ces deux populations qui sont aux deux
extrêmes, et nous demandons que cela se fasse Incessamment Les principes
qui sont énoncés dans le projet de politique pourront être
utilisés comme base de réflexion.
Concernant la situation des déficients intellectuels où on
propose qu'ils soient retirés des Institutions psychiatriques, nous
trouvons que ces personnes-là ne sont pas parmi tes ressources les plus
appropriées à leurs besoins. Cependant, une telle
opération nécessite qu'on n'oublie pas de respecter ces
personnes-là en tenant compte de leur vécu et en préparant
un tel changement qui peut être très grand dans leur vie. Il ne
faudrait pas, à ce moment-ci, pour régler un problème de
structure, créer un nouveau problème à ces personnes.
Nous avons déjà souligné le problème des
disparités régionales. Je pense qu'il est présent et qu'il
n'est pas nouveau. Nous voulons attirer votre attention ici pour demander ce
que le ministère va faire si les propositions avancées ne sont
pas mises en application. Nous n'avons pas trouvé, dans le document, de
propositions à cet effet-là et nous trouverions important qu'il y
ait quelque chose de plus concret.
(11 h 30)
Concernant le domaine de la santé mentale, le document propose
des solutions beaucoup plus larges et beaucoup moins précises. Notre
Inquiétude est en ce sens que nous trouverions déplorable que ces
populations aux prises avec des problèmes de suicide, d'alcoolisme, de
violence, de pauvreté ou encore qui vivent des situations
particulières parce qu'elles sont formées de personnes
âgées, de femmes ou de jeunes, que ces populations, dis-je, soient
un peu laissées pour compte ou qu'elles ne sachent pas trop où
aller. Que le ministère vole à ce que ces personnes-là
aient des réponses à leur demande d'aide, sans
nécessairement que ce soit dans les établissements qui offrent
des soins ou des services de santé mentale.
Enfin, pour nous qui nous considérons être des
professionnels aux frontières des services et des soins en santé
mentale, aux frontières entre les établissements et la
communauté, nous considérons que nous avons un rôle
important à jouer et nous trouvons que pour toute ta tâche qui
nous revient, le nombre de praticiens sociaux est bien mince par rapport
à ce qu'on nous demande et à tout ce qu'on pense qui nous revient
comme mandat.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je pense que vous
êtes une association de praticiens sociaux en milieu de santé au
Québec. Je veux vous remercier d'être venus devant la commission.
Je ne commenterai pas très longuement votre mémoire, je vais
plutôt prendre les minutes qui me sont allouées pour vous
Interroger. Je sais que vous travaillez pour la plupart d'entre vous à
l'intérieur d'équipes psychiatriques, que ce soit à
l'intérieur des hôpitaux de courte durée ou des
hôpitaux de longue durée. Hier soir, nous avons reçu
l'Association des psychiatres qui nous a dit qu'il y avait au Québec un
manque de 300 psychiatres et que, de toute façon, ils étalent
débordés parce que les autres professions se reposaient sur eux
pour la prise de contact, le diagnostic et le traitement, quoique le traitement
peut être partagé, c'est une autre chose.
On sent chez vous un peu, quoique à un degré moindre, une
certaine Inquiétude quant au rôle que vous avez à remplir,
comme l'Inquiétude qui a été exprimée hier soir par
les psychiatres quant à ce qui leur est apparu comme une absence de leur
profession dans te projet de santé mentale. J'aimerais vous poser
plusieurs questions. D'abord, dans le travail interdisciplinaire à
l'Intérieur des groupes de psychiatrie, vous éprouvez des
difficultés à exercer votre rôle. Dans quelle mesure vous
rélère-t-on des cas après que l'évaluation par le
psychiatre a été faite, ou encore, est-ce qu'il y a des cas qui
vous sont référés directement, sans nécessaire-
ment passer par le psychiatre? Je vais commencer avec ces questions.
Mme Laferrière: Vous nous demandez si nous
éprouvons des difficultés dans les équipes
multidisciplinaires à Jouer le rôle que l'on croit nous revenir.
Les difficultés, certes nous en éprouvons, elles sont de
différents ordres. À savoir si nous nous appuyons sur les
psychiatres pour faire l'évaluation, nous croyons que dans
l'évaluation et dans le traitement, le psychiatre, chacun des
professionnels peut apporter un éclairage qui est propre finalement
à sa formation, à sa discipline. Actuellement, les psychiatres
prennent sous leur responsabilité de faire l'évaluation, lis vont
demander, à un moment donné, des évaluations
complémentaires aux travailleurs sociaux. Nous croyons qu'à
certains moments donnés, on pourrait avoir davantage recours à
nos services, même en ce qui concerne l'évaluation. Pensons par
exemple à une personne qui arrive pour évaluation, il est
impossible de bien l'évaluer sans tenir compte du milieu familial ou du
contexte social dans lequel elle évolue. Quel lien établit-elle
avec ses proches? Comment réagissent-ils à cette personne, aux
problèmes qu'elle présente? Nous croyons que c'est du ressort du
travailleur social de faire ce genre d'évaluation, ce qui ne veut pas
dire que d'autres professionnels ne peuvent pas le faire. Cependant, nous
sommes disposés à apporter cette contribution à
l'équipe multidisciplinaire.
Il se pose des questions, je pense, d'ordre légal, de
responsabilité, à savoir qui a la responsabilité
effectivement du bénéficiaire qui arrive pour consultation dans
un centre hospitalier. La loi dit que tout patient est inscrit au nom du
médecin. De là, le médecin comprend - du moins, un certain
nombre comprennent - qu'il a l'entière responsabilité. Cela,
à notre point de vue, vient en contradiction avec le Code des
professions qui reconnaît que chaque professionnel a la
responsabilité de ses actes. Je pense qu'à ce sujet-là, il
y aurait peut-être des clarifications à apporter à l'aspect
législatif qui aiderait grandement au bon fonctionnement des
équipes multi-disciplinaires. Dans ce genre d'équipes, il y a
comme une hiérarchie qui s'établit à savoir qu'il y en a
qui sont plus responsables que d'autres. Est-ce qu'on nous réfère
pour traitement? Oui, mais dû au nombre que nous sommes, il est bien
sûr qu'il est impossible de répondre à toutes les demandes.
Cela amène parfois des professionnels, à cause de la connaissance
qu'ils ont, à ne pas référer ou à ne
référer que certain genre de demandes. Nous déplorons cela
et nous trouvons que si nous étions en nombre plus grand, il serait
possible de donner des services de plus grande qualité aux proches et
aux families des personnes qui sont aux prises avec des problèmes de
santé mentale.
Concernant votre dernière question, à savoir si nous
recevons directement des demandes, je pense que la première partie de ma
réponse le dit. Actuellement, dans les centres hospitaliers, c'est
exceptionnel qu'on en reçoive directement. Nous nous demandons si, pour
certain genre de demande, il n'y aurait pas possibilité sans faire
entrave à la loi.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je voudrais également vous
demander d'expliciter davantage, enfin, je vais mettre vos résistances,
entre guillemets, au plan de services. Je comprends que vous dites... Un
élément ou un argument que vous utilisez, c'est que pour faire
des plans de services, il n'y a pas suffisamment de ressources. J'imagine que
cela crée des frustrations. Je peux comprendre cela. C'est un
élément de votre réponse. L'autre élément
apparaît comme un empiètement ou une crainte d'un
empiètement sur vos responsabilités professionnelles. D'abord, je
voudrais savoir si ma perception est juste. Deuxièmement, ne croyez-vous
pas que la meilleure façon d'aider une personne qui est
handicapée d'une façon peut-être pas permanente, mais en
tout cas, sur une période assez longue, la meilleure garantie qu'on ait
de l'aider véritablement, c'est qu'il y ait justement ce plan de
services où elle ne se perd pas dans la brume entre différents
professionnels à qui un jour, on dit: Mais écoutez, je pense que
c'est vous qui devriez Intervenir en ergothérapie, et quelque temps
après, peut-être qu'il serait mieux que ce soit un autre type de
professionnels qui interviennent... le psychiatre le reprend, etc. Ne
croyez-vous pas que d'assurer un plan au point de départ,
peut-être qu'il ne pourra pas être réalisé
entièrement parce qu'il y a justement des lacunes, comme vous dites,
mais sur le principe même, est-ce qu'il n'y a pas plus de garantie que
cette personne ait une continuité de services et ait un ensemble de
services qui soient beaucoup plus cohérents que quand ce plan n'est pas
fait?
M. Clément (Jacques): Je crois que, pour nous, ce qui est
important en fin de compte - on est dans l'optique du partenariat auquel on
adhère - c'est qu'il y ait une concertation de l'ensemble des actions.
Là où on se distance un peu du document, c'est qu'on ne veut pas
qu'un outil, comme un plan de services, comme on a déjà connu
d'autres types d'outils dans d'autres domaines, dans le milieu hospitalier,
devienne comme une fin en soi et que l'on perde de vue peut-être le
bien-être du bénéficiaire à travers je ne dirais pas
des querelles, mais en des difficultés d'ajustement entre les
professionnels en fonction d'un outil particulier.
Mme Lavoie-Roux: Justement l'outil, c'est qu'il veut centrer sur
la personne...
M. Clément: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...et sur ses besoins. On en a discuté
assez longuement précédemment.
M. Clément: Oui. Mais si on regarde certaines
expériences reliées entre autres à la
déslnstltutlonnallsatlon, plusieurs de nos praticiens ont
remarqué des difficultés assez importantes quant à
l'application de cet outil. Les rôles de chacun des Intervenants à
l'intérieur du plan de coordination, du plan d'action sont souvent
confus et laissent place à un manque de rigueur, je dirais, dans le plan
d'action. Parce que certaines tensions peuvent exister si les rôles ne
sont pas clairs au niveau des intervenants et des établissements quant
à leurs responsabilités envers les personnes qui souffrent de
problèmes de santé mentale. Il y a des difficultés
reliées à cela. Pour nous...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais est-ce que ce n'est pas plus grave de
ne pas en avoir du tout de plan?
M. Clément: Dans le fond, on ne dit pas qu'on ne veut pas
de plan, Je ne crois pas qu'on dise qu'on ne veut pas de plan. Ce qu'on dit, ce
qui est important, c'est la coordination et, en même temps, avoir des
ressources qui permettent d'avoir un plan qui repose sur des ressources dans la
communauté et non pas un plan qui va rester sur papier, en fin de
compte. Pour nous, c'est aussi Important; on a dit que c'était
pratiquement un prérequis de développer des ressources et des
groupes d'entraide dans le milieu et tout cela, pour supporter un plan
d'action; sinon, cela demeure un plan d'action avec les intervenants habituels,
les psychiatres, les travailleurs sociaux, les psychologues, etc. il n'y a pas
nécessairement dans la communauté toutes les ressources qui
peuvent nous permettre d'actualiser les plans.
Mme Lavoie-Roux: Oui. J'ai admis au point de départ que
vous pouvez vous retrouver dans des circonstances où tous les
éléments pour l'application du plan d'action ne se retrouvent pas
dans la communauté "at large", comme on dit en bon français. Mais
est-ce que c'est davantage sur le principe - prenez la situation idéale
- où vous aurez toutes les ressources? Cela va être moins
compliqué.
M. Clément: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, à ce moment-là, sur le
principe d'un plan de services...
M. Clément: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...ne le trouvez-vous pas Justifié
davantage que de laisser un peu...
M. Clément: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ...à la bonne volonté d'une
équipe interdisciplinaire qui peut intervenir sans une action vraiment
concertée ou un peu selon l'humeur du moment quelquefois ou des
difficultés rencontrées? Alors que si chacun, dans un plan
d'action, est responsable de telle ou telle chose, on peut demander des comptes
à chacun sur ce qu'il a fait ou n'a pas fait
M. Clément: Oui. Je crois que, sur le principe, on est
d'accord avec la mise sur pied de plan individualisé de services. Notre
crainte, c'est que, faute de ressources pour supporter ou actualiser des plans,
cela demeure un peu, en fin de compte, lettre morte. Mais s'il y a des
ressources pour supporter ces plans, et les actualiser, on est en accord avec
cela parce que cela permet justement une coordination des actions et c'est ce
qu'on vise nous aussi.
Mme Lavoie-Roux: En tout cas, ce n'est peut-être pas tout
à fait ce que j'avais saisi dans le mémoire.
Une dernière question. Vous avez dit: Nous sommes prêts -
Je vais placer mon micro parce qu'on va me perdre - à jouer pleinement
le rôle qui est le nôtre dans la santé mentale. (11 h
45)
J'aimerais que vous m'expliquiez davantage comment vous voyez ce
rôle, parce que tout le monde nous demande de définir le
rôle, mais personne ne nous a encore dit quel était le rôle?
J'aimerais que vous me disiez quel est ce rôle que vous voulez jouer et
que vous voyez comme étant le vôtre.
Mme Laferrière: Nous avons une formation qui nous
amène à être attentifs aux relations de l'Individu avec son
environnement. Alors, cette préoccupation fait que tant au niveau de nos
évaluations ou de nos Interventions, nous nous préoccupons de
cette relation entre l'Individu et ses proches, l'Individu et
l'établissement où il est, l'individu et la communauté
dans laquelle il évolue.
Évaluant ce qui se passe entre l'individu et ses proches,
c'est-à-dire la personne aux prises avec des problèmes de
santé mentale ici, en l'occurrence, nous allons nous assurer que dans sa
relation avec sa famille, avec ses proches, il y ait des rapports qui soient le
plus harmonieux possible. Ce qui veut dire, par exemple, que pour une personne
qui vit un problème de santé mentale qui, parfois, doit
être retirée temporairement de son milieu ou, encore, la personne
qui a été retirée de son milieu pendant plusieurs
années, il faut s'assurer de savoir comment elle vit cela, de retourner
dans son milieu et comment le milieu est prêt à la recevoir.
Alors, nous avons à travailler tant auprès de la personne,
pour voir comment elle se situe, comment elle vit cela, quel est son
vécu avec les problèmes qu'elle a, qu'avec les problèmes
de se retrouver parmi telles personnes avec lesquelles elle vit ou avec
lesquelles elle doit évoluer, comment elle se situe dans son milieu de
travail.
À certains moments donnés, cela nous
amène à Intervenir sur le milieu lui-même pour aider
le milieu à comprendre ce que la personne aux prises avec un
problème de santé mentale peut vivre et à donner des
explications sur la maladie, sur les difficultés qu'elle peut parfois
éprouver et habiliter le milieu à aider la personne à se
reprendre en main, à devenir de plus en plus autonome dans ta mesure du
posible, c'est-à-dire que le milieu puisse la supporter, l'aider, mais
ne pas agir à sa place.
De notre rôle, je pense que cela amène à
sensibiliser les autres intervenants à tout ce vécu, ce qui se
vit entre l'individu et son milieu.
Mme Lavoie-Roux: ...situation, c'est que votre rôle plus
spécifique est vraiment à l'endroit du milieu, de la personne en
relation avec la personne toujours. Mais, êtes-vous le seul professionnel
qui agissez sur le milieu environnemental du patient?
Mme Laferrière: Au niveau relationnel, est-ce que nous
sommes les seuls professionnels? Ce qu'on dit - nous, en tout cas - c'est que
c'est quelque chose qui nous appartient bien en propre. Notre formation nous
amène à avoir le "focus" sur cette dimension.
D'autres peuvent l'avoir ou d'autres peuvent intervenir, mais il reste
que nous considérons que c'est quelque chose qui nous appartient
vraiment en propre. Mais d'autres peuvent le faire aussi. Mais il reste
que...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Mme Laferrière: On pense que cela nous revient et on pense
que notre formation nous amène à agir de cette
manière.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je ne sais quasiment
pas par quel bout commencer. J'ai le goût de vous dire que votre nombre,
ce que vous représentez, c'est à peu près ce qui manque
comme psychiatre au Québec, parce que c'est 300-300.
J'aurais aimé que la ministre, hier, pose la question aux
psychiatres en ce qui concerne leur rôle pour voir si on n'aurait pas eu
une définition aussi humaine que celle que vous venez de donner.
Personnellement, j'ai hâte que vous vous repreniez, Mme la ministre.
J'avais interprété votre réticence au plan de services
beaucoup plus dans le sens suivant... Vous me le direz si je me suis
trompé. J'ai interprété que vous aviez fait la lecture
suivante du rapport Harnois.
J'ai compris que vous vouliez jouer pleinement le rôle qui vous
est dévolu présentement, mais que vous aimeriez savoir si on va
vous donner les moyens financiers et les ressources humaines nécessaires
pour le faire. C'est dans ce sens-là que j'avais
interprété votre réticence au plan d'action et non pas du
fait que c'était un conflit de gardiennage de votre jardin, quoique vous
semblez, dans la réponse que vous venez de donner, avoir les deux
réponses. La ministre a à moitié raison et j'ai à
moitié raison dans mon Interprétation. Est-ce que mon
interprétation est plausible?
Mme Lambert (Colette): Je pourrais peut-être commencer la
réponse par rapport à cela. Le plan de services
individualisé, tel qu'on l'a lu la première fois et tel qu'on l'a
compris, était avec un fondement qui s'inscrit dans l'expérience
dernière, effectivement, des laissés-pour-compte. Ceux qui sont
bien intéressants, ceux qui ont une problématique très
intéressante, c'est certain qu'habituellement on mobilise beaucoup les
énergies pour vouloir guérir ou, en tout cas, soulager la
souffrance de cette personne-là. Dans ce cadre-là, le fondement
du plan de services individualisé, on le reconnaît bien, je pense
que le texte en fait foi. Ce qu'on trouvait, c'est qu'il était
peut-être prématuré et cela c'est peut-être à
partir de notre expérience d'autres types de formules qui en soi ont eu
aussi une valeur certaine mais qui ont causé dans
l'opération-realisation de cette formule des difficultés assez
Importantes, aussi des responsabilités qui ont été
dévolues au service social. Je pense, par exemple, à un programme
pour les personnes âgées, pour les centres d'accueil, qui nous
piégeait dans notre rôle et dans notre fonction, où on
était en mesure de très bien faire l'évaluation et
établir la liste des besoins, établir la façon d'aider
cette personne-là sur plusieurs plans. Au moment de l'application, cela
posait une tout autre question et c'est là aussi qui est le fondement du
partenariat et dans ce sens-là, cela pourrait être une formule
idéale pour des partenaires égaux. La question que vous
souligniez tantôt auprès de l'office était: Qui est le
leader? Qui va prendre le leadership? Habituellement, ce genre de truc qui est
administratif, qui est bureaucratique, qui est... bon, des rédactions,
des évaluations et tout cela, souvent cela revient au service social, ce
qui en soi n'est pas mauvais, sauf qu'au niveau de l'application et au niveau
de l'orientation et au niveau de toute l'infrastructure que cela
déploie, on reste pris avec, soit par manque de disponibilité, je
ne dis pas que les autres professionnels n'ont pas de bonnes raisons pour
souvent se défiler, mais on reste pris. Dans ce sens-là, on se
disait qu'il y a peut-être d'autres moyens qui sont moins
piégeants pour les professionnels et où on peut, toutefois, quand
même privilégier le partenariat.
M. Chevrette: Moi, je ne poserai pas de question, je vais faire
un commentaire. Je pense que vous êtes un des rares groupes qui disent:
Oui, on accepte les principes dans le rapport
Harnois, Mais vous ne nous duperez pas avec ces principes-là. Si
vous voulez qu'on les applique, vous allez nous donner les ressources. Vous
allez nous donner les moyens de le faire. Vous ne nous piégerez pas au
départ C'est facile de parier de régionalisation. C'est facile de
parler de sous-régionalisation. C'est très facile de se gaver de
beaux principes, mais si on ne donne pas les ressources humaines, si on ne
donne pas les ressources financières, c'est de la bouillie pour les
chats. On demande à des individus qui oeuvrent dans le milieu d'assumer
la totale responsabilité à partir des effectifs qu'il y a
là.
Je voudrais vous féliciter pour votre franchise, il y en a
beaucoup qui viennent témoigner. De peur de déplaire, Ils
adhèrent à tout. Quand tu lis leur mémoire dans les
interlignes, ils ne sont d'accord avec rien. Au moins, vous avez eu la
franchise de l'écrire. Je pense que vous avez du mérite de ce
côté. Vous n'avez pas peur de le dire carrément Je trouve
que cela est bien. Quand on adhère à des principes et on veut les
appliquer dans la pratique, on dit: Donne-nous les moyens, sinon ne fais pas
rêver le monde en couleur, parce que cela fait des frustrés au
bout de la course. C'est cela qui arrive dans bien... J'ai lu 47
mémoires sur les quelque 60. Malheureusement, dans la majorité
des mémoires, on adhère, on adhère et on ne questionne
même pas l'application, alors qu'une politique, à mon point de
vue, s'applique concrètement et quel moyen vais-je avoir pour
appliquer... pour faire de l'intégration sociale, par exemple? Quel est
l'apport financier du gouvernement pour favoriser l'intégration sociale?
Quel est l'apport financier en ressources humaines et en argent pour
réaliser l'Insertion dans le milieu du travail? Qu'est-ce que j'entends
faire, par exemple, pour faire du dépistage et de la prévention?
C'est cela une politique. Je dirais même, axée sur ta personne: Je
vous aime tous, suivez-moi, je suis beaucoup et venez. Qu'est-ce que cela va
vous donner? Je dis: je vous aime tous. Si je n'ai pas les moyens de vous
embarquer tous dans ma voiture... Ce sont de beaux principes. Moi, j'en suis.
Je suis d'accord. J'adhère à cela, la personne. Mais le Dr
Harnois n'a pas fait la trouvaille du siècle: axer sur la personne. Moi,
j'ai écouté des discours en psychopédagogie, en 1958. On
disait que toute déficience devait être traitée à
partir de l'intégralité de la personne, de
l'intégrité de la personne. Hier, on a remis un rapport Vous avez
manqué un bon spectacle, hier soir. Il y a un intervenant qui a
déposé au Dr Harnois un texte venant de Chine, justement, qui
remonte à je ne sais combien de centaines d'années, qui disait
justement que les déficiences intellectuelles doivent se traiter
à partir de la personne dans toute son intégrité, son
intégralité. Après cela, qu'est-ce que cela donne
concrètement pour aider le monde? Vous ne savez pas si vous serez plus
que 300, vous autres. Avez-vous lu le livre? Oui, puisque vous le critiquez.
Allez-vous être plus que 300, pour vous répartir à ta
grandeur du Québec, maintenant, parce que le Dr Harnois admet que, dans
des régions, il n'y a pas de service. Donc, cela doit prendre des sous
pour placer des praticiens de la santé dans des endroits où il
n'y a rien. Cela doit prendre des sous pour Installer ces politiques-là
et mettre les professionnels qui s'imposent, quand on sait que le réseau
des CLSC, par exemple, est presque achevé. Il reste le
Cap-de-la-Madeleine. A part cela, il est complété. Mais avec
quoi? Avec les ressources existantes. Est-ce qu'ils pourront jouer un
rôle concret? Est-ce qu'ils ont les professionnels? Est-ce qu'ils ont un
praticien pour le faire? Est-ce que les ressources communautaires sont
subventionnées suffisamment pour faire de l'action? Est-ce que les
ressources résidentielles sont suffisantes? Là où elles
n'existent pas, il ne doit pas y en avoir. Il doit y avoir de l'argent un peu,
pour en former en tout cas. On n'a rien de concret. Depuis le début, il
n'y a qu'hier, et je n'y ai pas fait trop allusion. J'ai l'Intention de
rappeler cela à tous les jours: une politique, une vision, une vision de
fonctionnement avec des outils et non pas des principes. Des principes, quand
tu y adhères depuis 30 ans, 40 ans ou 50 ans, tu dis: comment puis-je
les appliquer, ces principes? En tout cas, je trouve que vous avez
été francs, vous l'avez dit Vous avez ce mérite-là.
Je vous félicite.
Mme Lavoie-Roux: Quant à moi, je voudrais remercier
l'association d'être venue devant nous. Je ne relèverai pas les
propos du chef de l'Opposition. Il vient tout à coup de se
réveiller.
M. Chevrette: Je pense que depuis le début de la
commission, Mme la ministre, sans vouloir vous insulter, j'ai été
passablement plus réveillé que certains de votre
côté, premièrement; deuxièmement, mes questions ont
été fort pertinentes et plus concrètes que la
majorité de celles de votre côté. Vous demanderez aux
intervenants qui ont défilé devant nous. Vous demanderez aux
observateurs depuis le début. J'étais là au moins, en
réalité, du four et du milieu.
Une voix: Le chef de l'Opposition, à date, a bien
marché dans l'affaire. Continuez comme cela.
M. Chevrette: Eh bien, ne provoquez pas. Une voix: C'est
cela. On demande...
M. Chevrette: Ce n'est pas le petit chien qui se fait mener.
Une voix: On demande à Mme la ministre de continuer.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce que
je disais, c'est que le chef de l'Opposition, c'est son droit le plus
strict, se dit tout à coup: à partir de maintenant, II faut que
je sois vraiment le chef de l'Opposition. C'est son droit, je ne le conteste
absolument pas. Mais je pense que son
M. Chevrette: J'aimerais que vous soyez véritablement la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: J'espère que son... J'aimerais
peut-être, et je ne le demanderai pas à nouveau, mais je pense que
son Interprétation du mémoire qui est devant nous est une
interprétation pour le moins un peu biaisée. Je pense que
c'était un mémoire positif en regard du projet de politique,
comme d'autres ici. Ils ne l'ont pas exprimé de cette
façon-là. Ils regrettent ou Ils veulent s'assurer que les mesures
correspondantes seront disponibles pour la réalisation de l'application
de cette politique en santé mentale.
Alors, M. le Président, je vais leur dire ce que j'ai dit aux
autres: nous sommes en commission parlementaires pour, justement, examiner
quelles sont les faiblesses, quelles sont les forces de ce projet de politique
en santé mentale et pour pouvoir, le plus rapidement possible justement,
doter notre société d'une politique en santé mentale,
politique qu'elle attend depuis au moins quinze ans et qui s'avère de
plus en plus urgente, devant la complexité des problèmes. Mais
les énergies et les efforts qui sont requis dans ce domaine qui demeure
un domaine très complexe, une politique doit s'accompagner d'un plan
d'action plus concret. J'espère que c'est ce que nous pouvons
réaliser dans l'année qui vient Alors, le vous remercie de votre
participation. (12 heures)
Le Président (M. Polak): Merci aux représentants de
l'association des praticiens de service social.
On demande maintenant que les représentants de l'Association des
centres d'accueil du Québec, mémoire 40, viennent se
présenter. On va demander au porte-parole de présenter les gens
qui l'accompagne.
M. Girard (Jean-Marie): M. le Président, Mme la ministre,
distingués membres de la commission, l'Association des centres d'accueil
du Québec tient en tout premier lieu à vous remercier de nous
recevoir pour échanger avec vous des propos sur le projet de politique
de santé mentale qui nous fut adressé il y a quelques semaines.
Avec l'aide de personnes ressources de notre réseau, nous avons
étudié...
Le Président (M. Polak): Excusez-moi, M. le
président. Pour les fins d'enregistrement, voulez-vous présenter
les gens qui sont venus avec vous et qui ont pris autant de peine que vous pour
venir ici.
M. Girard: Oui, d'accord.
Le Président (M. Polak): Donnez seulement les noms de ceux
qui sont ici.
M. Girard: J'arrivais.
Le Président (M. Polak): Ah, excusez-moi, je ne le savais
pas.
M. Girard: Alors, à ma droite, M. Gilles Langelier,
directeur des services professionnels de l'Association des centres d'accueil;
M. Daniel Holdrinet, directeur général adjoint au Centre
d'accueil Jean Olivier Chénier de Montréal, qui dispense des
services de réadaptation à des personnes ayant une
déficience intellectuelle; à ma gauche, M. Michel Clair directeur
général de notre association et M. John Topp, directeur
général du Centre alternative à Montréal,
établissement spécialisé dans la réadaptation de
personnes ayant des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie. M. Pierre
Charest, également, va nous rejoindre; il est directeur des services
professionnels de réadaptation à la Maison Notre-Dame de Laval,
à Laval, centre de réadaptation qui dispense des services
à des adolescents ayant de graves problèmes d'adaptation.
Le Président (M. Polak): Maintenant, je pense que vous
connaissez la règle, on dispose d'une heure. Donc, vous avez 20 minutes,
si vous le voulez, pour faire la présentation. Ensuite, il y a 20
minutes de la part de la ministre et du député ministériel
et 20 minutes pour l'Opposition pour échanger les points de vue.
Association des centres d'accueil
du Québec
M. Girard: Alors, en tant que président de l'Association
des centres d'accueil et directeur général aussi d'un centre
d'accueil, le Centre de service gérontologique Beau Manoir de
Chicoutimi, je m'associe à ces deux titres pour la présentation
de notre mémoire.
L'Association des centres d'accueil regroupe 373 centres d'accueil
publics, dispensant des services à plus de 60 000 personnes en
difficulté. Notre clientèle est composée de mères
en difficulté d'adaptation, de personnes ayant des problèmes
d'alcoolisme et de toxicomanie, de personnes ayant une difficulté
physique, de jeunes en difficulté d'adaptation, de personnes ayant une
déficience intellectuelle, de personnes âgées en perte
d'autonomie.
L'Association des centres d'accueil du Québec a pour mission
d'appuyer ses membres dans la réalisation de leur mandat fondamental,
soit ta présentation de services adéquats aux clientèles
désignées par la loi et de représenter les
intérêts des centres d'accueil du Québec dans cette
perspective.
Parmi les nombreuses personnes en difficulté desservies par les
centres d'accueil, on retrouve de plus en plus des personnes qui
présentent des troubles mentaux associés au motif principal de
leur référence aux centres d'accueil.
Les centres d'accueil leur dispense, bien sûr, des services, sans
disposer cependant des moyens les plus adéquats pour te faire à
leur satisfaction et à celle des personnes en cause, Dans la poursuite
de ces objectifs, l'Association des centres d'accueil du Québec se sent
très concernée par cette problématique de la santé
mentale. Notre mémoire vise à confirmer notre implication dans
cette problématique, à nous associer, en tant que partenaires,
à la recherche des solutions qu'elle nécessite. De plus, te
dépôt d'une proposition de politique de santé mentale nous
Interroge sur la place que les centres d'accueil peuvent occuper dans le
réseau des mesures d'aide aux personnes ayant des troubles mentaux et
les responsabilités qui leur incombent à cet égard. Nous
croyons que l'expertise particulière des centres d'accueil, acquise dans
la réalisation de leur mandat spécifique, peut constituer un
apport à la problématique en cause, et par là en faire des
partenaires à part entière dans l'action concertée
à laquelle ce projet de politique nous convie. Notre mémoire est
essentiellement constitué de deux grandes parties. Une première
partie présente des commentaires généraux sur l'ensemble
de la proposition de politique ou sur certains fondements de cette proposition;
la deuxième partie présente nos réflexions sur les points
spécifiques du document soumis à notre étude. Pour ce
faire, je demanderais à M. Langeller de résumer ces divers
points.
M. Langelier (Gilles): Merci. Ce sera vraiment un
résumé, un survol du mémoire que nous vous avons
envoyé. Globalement, l'Association des centres d'accueil
reconnaît, dans le rapport Harnois, un document tout à fait
remarquable. Le contenu de cet ouvrage, si jamais on réussit à
l'appliquer, nous ferait certainement faire comme société un pas
de géant dans l'aide aux personnes ayant des troubles mentaux. Le
problème est bien posé. Le portrait de la situation est
honnête, courageux et suscite un véritable projet de
société. Le projet de politique constate des besoins
réels. Il identifie des lacunes fondamentales. Ces lacunes
identifiées, dans le système de distribution de services, ne sont
pas particulières au secteur de la santé mentale. C'est
même là un point qui milite en faveur du partenariat. Plusieurs
types d'Intervenants vivent les mêmes problèmes et ont leurs
idées quant à des solutions à mettre de l'avant. Le projet
de politique invite à une conjugaison des efforts de tous et à
une mise en commun des expériences, ce qui nous semble tout à
fait prometteur. La solution ne repose pas seulement sur les professionnels et
les organismes, mais elle
Implique la personne en cause, son milieu et un ensemble d'intervenants.
L'Intersectorialité a sa place dans cette problématique et le
projet de politique en fait mention. Nous aurions aimé cependant que les
différents secteurs soient clairement identifiés et que des
attentes précises soient formulées à leur endroit.' Nous y
reviendrons un peu plus loin. Quant au milieu de la personne, nous
considérons que le projet de politique passe trop rapidement sur
l'Importance de la famille, des valeurs qu'elle véhicule et de leur
Influence sur la santé mentale. La famille fait partie de la solution au
problème et doit être considérée comme un
intervenant de premier plan. Mais avant que le problème ne surgisse, la
famille a un rôle à jouer. Nous aurions aimé que le projet
de politique développe davantage ce point, qui a trait autant à
la responsabilité de la famille qu'à la prévention en
matière de santé mentale. Au sujet, justement, de cette
responsabilité de la famille, nous sommes d'accord avec la place
centrale que le projet de politique lui confère. Cette perspective
rejoint tout à fait la conception de l'intervention qui doit
prévaloir dans ce secteur. Mais attention! Il ne faudrait pas que cela
corresponde à un désengagement de l'État envers tes
personnes vivant avec des troubles mentaux, à une façon pour
l'État de se décharger de sa responsabilité d'aider
adéquatement les personnes et organismes Impliqués dans
l'Intervention directe. Nous savons que dans de nombreuses familles, chez des
parents, dans certains secteurs, notamment en déficience intellectuelle,
c'est là une très grande inquiétude. On fait, même
si ce n'est pas très explicite, une certaine distinction entre la
déficience intellectuelle et la maladie mentale. II y aurait
certainement lieu d'aller plus loin dans ce domaine-là, parce que c'est
quand même deux mondes, deux clientèles tout à fait
différentes.
Le comité propose une approche globale de l'intervention,
à partir d'une centratlon réelle sur fa personne ayant des
troubles mentaux. C'est là un point tout à fait central, une
ligne de force prédominante du projet de politique et certainement la
piste de solution la plus prometteuse. On démontre clairement, en termes
de cohérence, qu'un problème de santé mentale est une
polyproblématique qui Interpelle plusieurs types d'intervenants, que le
problème a de multiples facettes et que la solution ne saurait
être unique. Encore là, le terme de partenariat est tout à
fait pertinent On met un accent marqué sur les services aux personnes,
sur la préparation et le support nécessaires aux intervenants.
Dans la même foulée, on fait un effort très net pour passer
d'un réseau d'établissements à un réseau de
services Intégrés, organisés sur la base des besoins des
personnes et du respect du principe d'accessibilité. Toutes ces
orientations, évidemment, cela est magnifique, cela suscite notre
adhésion la plus totale. Toutefois, le partenariat implique concertation
et complémentarité. Il implique aussi des mandats clairs,
connus et reconnus par les partenaires. Ce projet de politique parle
souvent de balises mais il évite soigneusement d'en mettre en se fondant
sur le rationnel intéressant mais pas convaincant. Bien sûr, c'est
ce rationnel qui devrait s'appliquer. Mais ce n'est pas parce qu'une nouvelle
politique est publiée, ou qu'un rapport de commission d'enquête
s'en vient, que du coup, comme par osmose, le réseau de la santé
et des services sociaux acquiert certaines vertus qui l'amènent à
se centrer sur l'application intégrale d'une politique ou de prioriser
les besoins d'une clientèle. Il importe, croyons-nous, qu'une politique
de santé mentale énonce des attentes précises envers
certains intervenants et leur confie des responsabilités dont ils ne
pourront se dérober. Afin d'éviter de retomber dans les
mêmes pièges de structures, de corporatisme et de bureaucratie, il
Importe que des balises existent et qu'elles soient simples mais rigoureuses.
À cet égard-là, finalement, que le fardeau de la preuve ne
repose plus sur la personne en difficulté, comme c'est le cas
actuellement, mais sur les organismes qui devraient dispenser des services.
Un autre point fort important, c'est cette définition de la
santé mentale ou de ta maladie mentale. On reconnaît que le
comité Harnois a fait un travail très approfondi. Ce n'est pas
facile dans une société où il existe un pluralisme
à plusieurs niveaux, on parle même du droit à la
différence, ce n'est pas facile d'arriver à définir cela.
On croit, par contre, qu'on devrait aller plus loin et considérer
davantage l'intensité, la gravité et la valeur symptomatique
d'une difficulté vécue par un individu.
C'est quoi un problème de santé mentale qui
nécessite une aide particulière ou spécialisée?
Qu'est-ce qui justifie une intervention auprès d'une personne? Il faut
faire attention à certains pièges à cet
égard-là et dire: Bon, cela fait des années que ces
personnes manquent de service, cela nous prend une politique, on essaie de s'en
donner une au Québec et là, faire aller le balancier vers la
surintervention et toute la stigmatisation que cela peut amener.
Quant aux personnes ayant des troubles mentaux, également, on
pense qu'on devrait aller plus loin dans la définition des
caractéristiques et des besoins de ces personnes-là. Le document,
nous semble-t-il, parie davantage des problèmes que les personnes vivent
avec le système de soins et de services, que les difficultés qui
nécessitent le recours à ce même système. il y a
certaines clientèles également qui nous semblent oubliées.
On pense aux personnes ayant une déficience physique. On pense aussi
à ces mères isolées qui, à certains égards,
s'enferment avec leurs enfants pour les protéger de tout ce qu'il y a de
mauvais dans le monde, tout l'Isolement social qui s'ensuit. On pourrait parler
également et se référer au dernier rapport annuel
1986-1987 du Comité pour la protection de la jeunesse où on parle
de ces enfants québécois victimes de mort violente. On parle de
26 enfants qui, au cours de l'année 1986, sont morts de façon
violente à la suite d'abus et de mauvais traitements. Sur ces 26
enfants, il y en a exactement 16 qui avaient moins de cinq ans. Il y a des
problèmes de ce côté-là et l'éventuelle
politique devrait les considérer.
Au chapitre de la promotion des droits des personnes, le comité
énonce deux recommandations sur lesquelles nous aimerions réagir.
La recommandation 3 propose la mise sur pied, dans chaque région, d'une
fonction d'"ombudsperson". Nous considérons important que se fasse la
promotion des droits de ces personnes. Nous croyons cependant que cet objectif
peut être atteint sans créer de nouvelles structures. Pensons, par
exemple - et là je n'ai pas de recommandation précise à
faire - à l'Intérieur des conseils régionaux, les services
à la population, à l'Office des personnes handicapées du
Québec qui, pour certaines clientèles, joue un rôle
intéressant à cet égard. Il faut également
considérer l'apport d'une approche globale de la personne ayant des
troubles mentaux, de l'implication de la famille et des proches dans
l'Intervention, de l'information de la population... la recommandation 1, c'est
fort Intéressant.
On peut parler également d'un processus d'intégration
sociale adapté à la situation des personnes. On peut parler
également de l'avènement des plans de services
Individualisés. Avec tout cela, plus tout ce qui existe
déjà au niveau des structures, on pense qu'il y aurait moyen de
faire quelque chose d'intelligent sans pour autant amener des nouvelles
structures avec tout l'argent et le temps que cela prend. (12 h 15)
La conception de l'intervention ou l'approche, peu Importe comment on
veut l'appeler, on considère que c'est une pièce absolument
maîtresse du projet de politique. On ne reprendra pas tous les propos, on
est passablement d'accord avec tout ce que le rapport Harnois amène.
Quand le comité Harnois dit que te recours à une approche globale
mettant en relation, de façon intégrée et continue, les
dimensions biologiques, psychologiques et sociales de la santé mentale,
etc., cela signifie pour nous que la personne, dans sa globalité, est
plus importante que sa maladie, que c'est d'abord une personne en
difficulté qu'il faut aider, avant d'être un malade à
traiter, qu'il faut aller plus loin que l'attention à un symptôme,
pour se centrer sur les causes profondes de la souffrance. Une telle conception
de l'intervention - évidemment, je vais rapidement - exige une
implication de la famille, une Information de la personne en cause sur son
problème et sur la nature des moyens qu'on veut prendre avec elle pour
l'aider. Cela Implique tout cela, et beaucoup plus. Cela implique
également une action sur l'environnement de la personne. En ce qui
concerne les Intervenants en santé
mentale, c'est un point majeur, le comité Harnois l'a reconnu. Il
amène aussi un tas de recommandations fort Intéressantes avec
lesquelles on est d'accord. Les problèmes amenés, par rapport aux
problèmes que les intervenants vivent dans ce système-là,
ne sont pas particuliers au système de santé mentale. C'est comme
cela dans le réseau des affaires sociales. On perçoit, par
contre, dans le projet de politique une espèce de malaise à
identifier les intervenants professionnels à des spécialistes,
à des personnes qui ont fait le choix d'un champ particulier
d'Intervention et qui se sont préparées en conséquence.
Sans verser dans la professionnalisation à outrance, comme on dit dans
le rapport - d'ailleurs il faudrait expliquer ce que cela veut dire - nous
croyons que n'Importe qui ne peut pas faire n'importe quoi. Nos
prédécesseurs l'ont dit également. Nous croyons à
une délimitation souple et intelligente des champs de pratique, à
un partage des responsabilités fait à partir des forces de chacun
dans un cadre de transdisci-plinalité, où tous sont égaux
et où l'équipe est plus importante que la somme des
compétences professionnelles qu'elle rassemble. Pour ce qui est des
qualités professionnelles et personnelles des intervenants, c'est fort
important. On dit dans le rapport qu'il n'est pas facile d'associer
distanciation et empathie. C'est vrai et il faut rendre hommage aux
intervenants. Ce n'est pas facile d'oeuvrer dans ce secteur-là. Par
contre, c'est possible de le faire et surtout tout à fait
nécessaire d'être capable d'établir ce que nous appellerons
une distance clinique où chacun, dans la relation d'aide, occupe la
place qui lui revient. Cela suppose, cependant, une formation adéquate
et un encadrement professionnel supportant et stimulant.
La recommandation 6 est intéressante. On va s'occuper maintenant
de se donner des budgets de formation. On parie d'une augmentation de budget
annuelle de 30 %. On aimerait remplacer cela par une autre formule:
c'est-à-dire d'affecter 10 % de la masse salariale d'un
établissement à la formation des intervenants. C'est une formule
qui existe déjà en France, dans certaines provinces canadiennes
également C'est fort intéressant en ce que cela permet vraiment
que les programmes de formation correspondent aux vrais besoins des
intervenants de ce milieu. On pourra en reparler tantôt.
La recommandation 27 parle également de la planification des
effectifs médicaux et psychiatriques. On est d'accord avec cela. On
propose également notre collaboration à la recherche de leviers
d'action. On a beaucoup de difficulté, dans les centres d'accueil,
à trouver des psychiatres qui veulent y travailler et qui veulent
s'intégrer à l'équipe d'Intervenants.
Il me reste quelques minutes. Un mot aussi sur les ressources
communautaires: il y a un choix Important fait de ce
côté-là. On est d'accord avec celui-ci. Il ne faudrait pas,
par exemple, que cela corresponde encore là à un mouvement de
balancier où, maintenant, on dit: il faut déprofessionnaliser,
désinstitutionnaliser, etc., et qu'on envoie tout cela du
côté du communautaire en disant qu'eux autres, ils ont la
solution. On a déjà vécu des mouvements de balancier
semblables dans tes années 1975-1976. Dans le secteur des centres
d'accueil, on sait ce que cela donne et surtout ce que cela ne donne pas. Sur
le plan de services individualisés, c'est fort Emportant Cela se vit
déjà dans le réseau des centres d'accueil. Le plan de
services individualisés arrive au moment où plusieurs
intervenants ou organismes sont Impliqués dans l'intervention
auprès d'une personne. Les plans de services trouvent leur application
dans les différents plans d'intervention que chacun des organismes
impliqués doit faire. Cela suppose évidemment une coordination de
plans de services. C'est un problème majeur actuellement tant au niveau
de l'Office des personnes handicapées que dans le réseau des
centres d'accueil. Quelles sont les formules? Le comité Harnois en
propose une. Nous, on se dit: Ce n'est pas mauvais, c'est Important que ce soit
une personne très significative. Si c'est déjà un
dispensateur de services qui a coordonné le plan de services, cela peut
en faire un juge et partie. Cela peut être compliqué de ce
côté-là. Finalement, la formule qu'on a beaucoup
travaillée au niveau du réseau des centres d'accueil, ce serait
difficile de trouver une formule qui corresponde parfaitement aux besoins de
toutes les régions et qui respecte les couleurs de chacune des
régions et sous-régions. Il existe différentes formules
actuellement. Ce qui est fort intéressant, c'est: Laissons à
chaque région le soin de se donner un mécanisme de coordination
des plans de services. Ce sont elles qui connaissent le mieux leurs besoins et
ne les embarquons pas une fois de plus dans un modèle provincial;
c'est-à-dire le design des services aux îles-de-la-Madeleine, ce
n'est pas la même chose qu'à Montréal, en Outaouais ou en
Abitibi. Alors, un modèle provincial là-dessus, on pense que
c'est passablement difficile.
Sur les services en santé mentale, il y a une critique fort
intéressante et rigoureuse qui est faite là, on l'endosse tout
à fait. Elle n'est pas particulière encore là au secteur
de la santé mentale. La gamme de services qui est annoncée, on y
souscrit. On va avoir quelques questions à poser tantôt sur son
financement On y arrive justement Comment sera financée cette gamme de
services? Il y a le principe d'accessibilité des services
également qui est accroché à cela. On y croît
beaucoup. C'est un objectif fondamental de notre système. Par contre,
l'application de cette politique, le comité en est sûrement
conscient, est étroitement reliée à notre capacité
d'en financer les orientations et les recommandations. Nous avons, à cet
égard, de nombreuses inquiétudes.
Le projet de politique parle d'une logique
de réallocation des ressources, à la page 2. À
partir de quoi? Plus loin, à la page 39, le comité dit: On a
encore beaucoup de difficulté à estimer les coûts des
troubles mentaux. C'est vrai, ce n'est pas facile. À la recommandation
26, le comité demande au ministère de répartir les sommes
nécessaires au développement en santé mentale à
partir d'une certaine formule. Sur la base de quel budget? Comment sera
financée la gamme de services proposée? Et les subventions aux
organismes communautaires?
Nous sommes conscients des besoins énormes et réels dans
le secteur de la santé mentale, autant que des coûts sociaux que
les troubles mentaux génèrent; loin de nous l'idée de
jouer les ételgnoirs. Nous ne voulons pas, par ailleurs, qu'on
crée des attentes que nous ne serons pas capables de satisfaire. Du
côté des centres d'accueil, on connaît cela. Aussi
croyons-nous pertinent d'étayer ce projet de politique de mesures
concrètes visant à en garantir le financement.
Quelques mots pour terminer, M. le Président, sur
l'intégration des personnes ayant des troubles mentaux. C'est un point
fort important, on y croit beaucoup. Toutefois, nous percevons dans la
proposition de politique un choix en faveur de la
désinstitutionnalisation en réaction à l'Institution qui
semble équivaloir automatiquement - et je cite - à la
dépersonnalisation des rapports humains, la standardisation de formes
d'aide et la sous-estimation de tout potentiel. Bien sûr que cela
pourrait exister mais il ne faudrait quand même pas
généraliser.
Ce choix de la désinstitutionnalisation doit reposer sur des
considérations cliniques, c'est-à-dire les besoins et les
capacités des personnes en cause, et ce choix doit être positif et
délibéré. La désinstitutionnalisation n'est pas que
le fait de facteurs négatifs, elle provient d'une capacité accrue
des intervenants de travailler autrement et d'intégrer dans leur
pratique des valeurs de dignité et de qualité de vie. Il ne
faudrait pas parler uniquement de la désinstitutionnalisation des
personnes. Parlons de la désinstitutionnalisation du personnel, des
mentalités, des structures, etc.
Sur tes autres points, les mesures préconisées quant
à l'évaluation des services, sur la recherche, c'est fort
Intéressant, on endosse cela tout à fait, on est prêt
à y travailler. Finalement, ce qui est soumis à notre
étude, on endosse cela tout à fait, mais on pense qu'on doit
aller plus loin dans la concrétisation et que ce serait malheureux si
cet excellent document devait aller sur les tablettes parce qu'on n'a pas tes
moyens de l'appliquer. Merci.
M. Clair (Michel): En conclusion, très rapidement, vous
aurez sans doute retenu, Mme la ministre, MM. les députés, que
l'Association des centres d'accueil du Québec adhère
entièrement aux principes qui sont contenus au rapport Harnois et que
nos préoccupations sont surtout quant à
l'opérationnalisation de ce rapport.
Avant que vous nous adressiez vos questions, j'aimerais simplement vous
rappeler que nous représentons en fait des centres d'accueil dans six
problématiques différentes et qu'en conséquence, lorsque
des problèmes de santé mentale se présentent, c'est
toujours une poly-problématique avec encore plus d'acuité en ce
qui concerne les clientèles que nous desservons. Aujourd'hui, nous
sommes accompagnés, fe président et les employés de
l'Association, de personnes-ressources sur lesquelles nous aimerions que vous
dirigiez vos questions, si cela vous agrée. Je vous rappelle que M. John
Topp est directeur général du Centre alternative, à
Montréal, qui est un établissement spécialisé dans
la réadaptation de personnes ayant des problèmes d'alcoolisme et
de toxicomanie; que M. Daniel Holdrinet est directeur général
adjoint du Centre d'accueil Jean Olivier Chénier, de Montréal,
qui, lui, dispense des services de réadaptation à des personnes
ayant une déficience intellectuelle; que M. Pierre Charest est directeur
des services professionnels et de réadaptation à la Maison
Notre-Dame de Laval, qui est un centre de réadaptation
spécialisé à l'égard des services aux adolescents
ayant de graves problèmes d'adaptation; et finalement, M. Jean-Marie
Girard, notre président, qui, en plus d'assurer la présidence de
notre association, est également directeur général d'un
établissement, te Centre de services géron-tologiques Beau
Manoir, à Chicoutimi, qui est un centre d'accueil et
d'hébergement pour personnes âgées. Ce sont des praticiens
de haut niveau et je suis convaincu que si des questions leurs sont
adressées, cela leur ferait grand plaisir d'y répondre.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
l'Association des centres d'accueil du Québec qui, par la voix de son
président, M. Girard, vient présenter le point de vue de cette
association, relativement au projet de politique en santé mentale, qui
est présentement discuté en commission parlementaire, dans le but
- je l'ai dit à maintes reprises - de l'enrichir et de le corriger. Mais
le gouvernement, quoiqu'il y ait dans l'énoncé de principe, un
peu comme vous l'avez Indiqué vous-mêmes d'ailleurs, des principes
suffisamment forts pour appuyer une politique qui, avec des moyens
d'opérationnalisation qui doivent de toute façon venir s'y
ajouter, permettra, je pense que c'est votre expression, de faire un pas
important en avant dans le domaine de la santé mentale.
Ma première question va porter sur ce problème, qui a
été soulevé à peu près à la
présentation de chaque dossier ou de chaque mémoire, en ce qui a
trait à ce que vous appelez le non-balisement des responsabilités
de chacun des intervenants dans le domaine de la santé
mentale. D'une part, en page 7 de votre mémoire, vous Indiquez
que l'effort qui est fait pour passer d'un réseau
d'établissements à un réseau de services
Intégrés, organisé sur la base des besoins des personnes
et du respect des principes d'accessibilité.., Ce sont des orientations
auxquelles vous adhérez. D'autre part, vous indiquez de nouveau,
à cette page-là et ailleurs, qu'il vous semble important que des
mandats plus clairs soient donnés à chacun, quant à la
réalisation des objectifs que l'on veut atteindre dans ce projet de
politique en santé mentale. Ne croyez-vous pas - d'ailleurs vous le
dites un peu plus loin - que la description que le rapport Hamols fait des
difficultés de relation ou des tensions qui peuvent exister, de fa
rigidité ou de la non-flexibilité à l'Intérieur du
réseau quand II s'agit de répondre aux besoins de personnes, dans
le cas qui nous préoccupe, qui ont des problèmes de santé
mentale,.. Vous nous dites: on les connaît, les responsabilités
professionnelles de chacun. On pourrait encore les exercer. Je ne dis pas que,
dans la politique finale, il ne faille pas en parler ou peut-être
être un peu plus spécifique. Là-dessus, je vous rejoins.
Comme, d'ailleurs, on a retenu les remarques d'autres qui se sont
présentés avant vous. Il ne faudrait pas non plus, d'une part,
retomber dans cette définition très rigoureuse, très
stricte, qui est souvent, je pense, à la base de cette
non-complémentarité, des tensions qu'on vit dans te réseau
pour ce qui est des intervenants, et même dans l'Interaction des
différents établissements. C'est dans ce sens-là qu'il
faut tenter de doser: d'une part, ne pas laisser trop vague ce que chacun doit
faire mais, d'autre part, ne pas retomber dans ces définitions de
tâches et de responsabilités, "qui, souvent, ont donné lieu
à des problèmes qui ont été au détriment du
bénéficiaire. J'aimerais peut-être que vous tentiez de nous
expliquer un peu plus jusqu'où devrait aller cette spécification
de tâches ou cette définition de tâches qui serait
dévolue aux différents Intervenants. (12 h 30)
M. Langelier: Je peux tenter l'exercice. En fait, elle existe
déjà dans les mandats qui sont conférés à
des organismes et c'est relativement clair. Pour les clientèles plus
régulières, je pense que cela fonctionne relativement bien, bien
qu'il y ait encore certains secteurs de tension. En santé mentale, pour
autant que les centres d'accueil sont concernés, on le lisait dans
l'Introduction, c'est une clientèle... Le réseau des centres
d'accueil n'existe pas pour cette clientèle. On a beaucoup et de plus en
plus de personnes qui vivent des troubles mentaux, mais ce sont des
problèmes associés au motif principal de leur
référence au centre d'accueil. On les reçoit un peu comme
par incidence. On se dit: Comment travaille-t-on de ce côté? De
quel genre de ressources a-t-on besoin? Qui faut-Il aller voir pour avoir le
coup de main dont on a besoin pour donner des services adéquats de ce
côté? On a tenté, dans l'étude qu'on a faite du
rapport Harnois, de trouver des réponses à cela. On n'en a pas
trouvé. Pourquoi? C'est là un peu que cela nous a
chicotés. Pourquoi a-t-on laissé cela aussi ouvert? Parce qu'on
tient pour acquis que c'est un des principes, c'est affirmé. Il y a les
acquis du système. Mais, cela ne nous apparaît pas suffisant Pour
les personnes en cause, il faudrait arriver à dire: La personne qui a
besoin de services, où s'adresse-t-elle? L'omnipraticien, le psychiatre,
le CLSC, le centre d'accueil? Elle peut aller n'Importe où, magasiner un
tas de services de ce côté. Il faut donner des indications un peu
plus claires de ce côté.
En ce qui concerne l'intervention également, II y a tout l'aspect
médical, l'aspect social. On parte de ressources psychosociales sans les
définir plus que cela. Qu'est-ce qu'on entend par cela? Il y a un tas de
précisions également comme cela qu'on aurait besoin de savoir
pour dire: Nous, où se situe-t-on comme réseau
d'établissements par rapport à cela? Il ne s'agit pas de faire de
rigidification". Bon sens! On a assez de misère à vivre avec
cette rigidité dans le réseau qu'il ne faut pas tomber
là-dedans non plus. Mais il ne faut pas non plus laisser le champ aussi
vaste, aussi libre, aussi peu balisé. C'est pour cela qu'on parie de
balises simples, mais rigoureuses. Et quand un organisme a une
responsabilité vis-à-vis de cette clientèle et qu'il ne la
remplit pas, c'est lui qui a le fardeau de la preuve de démontrer qu'il
n'est pas capable de donner les services et non pas au client qui doit essayer
de se retrouver dans ce grand réseau. Les points de repère
doivent être vus sur ces deux plans en ce qui regarde les organismes qui
ont à intervenir et pour la personne, à savoir comment va-t-elle
se retrouver dans ce système et où va-t-elle quand elle a besoin
de services.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends et je pense que vous avez raison
là-dessus que pour la population elle-même... D'ailleurs, on
éprouve déjà des problèmes. Il y a des personnes
qui se dirigent vers des urgences des hôpitaux et qui peut-être
devraient se diriger vers les CLSC et vice versa, parce que justement les
mandats ne sont peut-être pas définis d'une façon aussi
claire qu'ils le devraient vis-à-vis de certaines catégories
d'établissement. D'ailleurs, aujourd'hui, on sait que certains centres
d'accueil, dans le processus de désinstitutionnalisation, ont
développé des genres de ressources qui, autrefois, étaient
- je pense que dans la loi, c'est peut-être encore cela - la
responsabilité des centres de services sociaux. Alors, même entre
les intervenants et les initiés, il y a déjà de la
confusion, j'imagine que pour la population, cela doit être encore plus
compliqué.
Dans ce sens, je pense qu'on a besoin d'une clarification. J'ai souvent
eu l'Impression, devant les revendications qui ont été faites
reliées à cette question de plus grandes balises entourant les
différents Intervenants, qu'on faisait référen-
ce à l'action professionnelle de ces différents
intervenants. Pour ma part, l'action professionnelle demeure ce qu'elle est
déjà. Ne pensez-vous pas que si on arrivait à faire des
plans de services pour ces personnes, c'est à l'intérieur de ces
plans de services que, finalement, chacun pourrait dégager ou assumer la
responsabilité qui est la sienne? Dans ce secteur, je me demande combien
plus loin on peut aller pour dire: c'est un ergothérapeute, c'est un
travailleur social, c'est un psychologue, etc., un éducateur
spécialisé ou un psycho-éducateur. Est-ce que c'est dans
ce sens que vous voudriez que nous allions plus en profondeur quant à la
définition des responsabilités?
M. Langelier: ...du côté des responsables
professionnelles...
Mme Lavoie-Roux: Non?
M. Langelier: ...beaucoup plus lorsqu'on parle des organismes,
entre autres. Ce qu'on avait derrière la tête par rapport à
cela, c'est que le ministère ou que la politique donne des balises
claires au réseau. Ne laissez pas le réseau se faire des balises
par rapport à cela. On a vu dans d'autres dossiers ce que cela produit.
Quand les organismes cherchent à s'approprier des mandats, cela
crée un tas de problèmes parce qu'avec des mandats doit venir
l'argent et, avec l'argent, vient le pouvoir, etc. Vous voyez tout le cercle
vicieux. Durant les travaux de la commission Rochon, on a eu l'occasion
d'exposer un certain nombre de ces problèmes. Il faut des orientations
données par le ministère et à l'Intérieur
desquelles le réseau existant, la dimension communautaire, les
différents corps professionnels s'intègrent, mais à partir
d'un certain cadre. On pourrait éventuellement travailler sur le cadre,
mais on se dit: Entre rien, comme ce qui est amené par la politique de
ce côté, et une "rigidification", il doit y avoir quelque chose
d'intelligent quelque part et on devrait essayer de se mettre ensemble pour
rechercher cela.
M. Charest (Pierre): Pour compléter, je pense que, sur le
plan professionnel, il y a des balises assez claires sur ce qui revient
à chacune des professions, sur ce pour quoi les gens sont formés.
Je pense que, sur le plan des organismes, à quelques exceptions
près, les champs particuliers d'intervention de chacun des organismes
sont généralement assez clairs. Sur le terrain de la pratique,
c'est généralement la rencontre de deux pouvoirs, je dirais, le
pouvoir social et le pouvoir médical. Souvent, santé mentale
égale davantage le domaine médical. C'est à ce titre, je
pense, que les problèmes se posent fréquemment.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Ma deuxième question touche la
désinstitutionnalisation. Vous êtes probablement le groupe, la
catégorie d'établissement - je n'aime pas beaucoup le terme,
mais, en tout cas - le type d'établissement qui a été
davantage impliqué dans la désinstitutionnalisation, mais,
évidemment, relié à la déficience Intellectuelle
plus qu'à la santé mentale. Je me demandais si vous pouviez nous
faire part des écueils principaux que vous avez rencontrés qui,
j'en suis certaine, sont reliés au manque de ressources dans le milieu
d'une part - mais j'aimerais peut-être que vous nous parliez d'autres
écueils que ceux-là - et, d'autre part, la prudence qu'il faut
peut-être avoir dans la désinstitutionnalisation, même si on
ne peut pas appliquer l'un sur l'autre... Comme vous l'avez mentionné au
début, c'est différent. Mais, comme la
désinstitutionnalisation devient quand même un enjeu Important
dans nos grands établissements psychiatriques, j'aimerais vous entendre
sur ce point.
M. Clair: M. Holdrinet et M. Charest vont intervenir.
M. Holdrinet (Daniel): II est certain que les centres d'accueil
de réadaptation pour personnes avec défience intellectuelle ont,
au cours des dix dernières années notamment, acquis une expertise
assez grande dans le domaine de la désinstitutionnalisation des
personnes. Je dois dire, par contre, qu'elles ont dû parallèlement
et en même temps, assumer le maintien en milieu de vie des nouvelles
clientèles, éviter l'institutionnalisation et, tout cela,
uniquement par voie de conversion de budget. Au début, ce fut
relativement facile dans le sens où les premières
clientèles réintégrées à la
communauté étaient naturellement les plus autonomes de celles qui
étaient en institution et pour lesquelles les services communautaires,
même assumés par le centre d'accueil, étaient moins
coûteux. Les économies réalisées ont permis de
mettre sur pied, et uniquement avec ces budgets, des services nouveaux de
soutien à la famille, d'aide éducative à domicile, d'aide
à l'intégration scolaire, à l'intégration aux
loisirs ou aux garderies.
Cela s'est très bien effectué pendant quelques
années, jusqu'au jour où les clientèles qui restent encore
à désinstitutionnaliser sont des clientèles plus
lourdement déficientes ou avec des problématiques multiples pour
lesquelles, le service communautaire, qu'il soit en soutien à la famille
- bien souvent, il faut l'oublier, après 20 années d'institution
- mais même en ressources alternatives de foyer de groupes ou de
résidence autonome, par exemple, finit par être plus coûteux
que le service en Internat. Donc, d'une part, les centres d'accueil sont pris
maintenant devant cette difficulté de ne plus pouvoir affecter des
budgets suffisants, ils n'en ont pas assez en internat pour pouvoir donner des
services plus coûteux dans la communauté et surtout, ils n'ont
plus les moyens de réaliser, par
la désinstitutionnalisation, une économie permettant de
répondre aux nouvelles demandes de service externe, de support à
la famille qui a un petit bébé naissant et qui demande de l'aide.
C'est déjà une chose.
Il est vrai aussi peut-être qu'au tout début, quand nous
avons procédé à ce travail, nous avons peut-être
été tentés de le faire un peu par nous-mêmes. Bien
sûr, nous avions demandé l'aide des centres de services sociaux
pour les ressources de type de famille d'accueil. Je dois dire qu'il y a une
pénurie importante de ressources de cette nature pour les personnes qui
ont une déficience Intellectuelle et l'imagine qu'elle est aussi
importante sinon plus pour les personnes qui ont des troubles mentaux.
Nous avons très peu, dans les années passées, fait
appel aux services communautaires ou aux CLSC. D'abord, ils étaient peu
nombreux, ils n'existent pas encore partout dans notre domaine. Nous avons un
département de santé communautaire qui n'a pas encore de CLSC
officiellement, le DSC de l'hôpital de Verdun et ces
organismes-là. Même aujourd'hui, s'ils sont peut-être
prêts à accepter le mandat, je parle des CLSC ainsi que des
groupes communautaires, des groupes de promotion éventuellement, il leur
manque deux choses, tout d'abord des ressources humaines et des ressources
financières pour en engager, et puis, des ressources aussi de
connaissance et d'expertise qu'ils n'ont pas acquises. Même s'ils
pouvaient engager le personnel supplémentaire, il faudrait le
préparer, ce ne serait pas aussi simple que cela.
Maintenant, cela m'amène à dire que le processus dont nous
parlons ne devrait pas se faire de façon trop rapide. Il faut, à
notre avis, le faire graduellement, au fur et à mesure que la formation
peut être donnée; il faut que les organismes comprennent,
intègrent et assument leur nouveau mandat je fais
référence aux organismes communautaires - également, c'est
sûr que l'Initiative vient généralement de l'Institution
qui, elle, se donne comme objectif de réintégrer à la
communauté des personnes et de prendre tous les moyens pour ce faire. Un
des obstacles extrêmement important qu'elle rencontre, c'est quelquefois
la syndicalisation du personnel. Je m'explique.
Il ne suffit pas de proposer quelques mesures de recyclage ou de vouloir
expliquer une nouvelle philosophie d'action à un Intervenant pour que,
du jour au lendemain, il soit l'Intervenant Idéal pour assumer son
service. Certaines personnes ont, pendant dix, quinze, vingt et trente ans
travaillé comme éducateur, comme préposé aux
bénéficiaires à l'intérieur d'un milieu
Institutionnel dans une situation de groupe avec le psychologue, le chef
d'unité, le directeur général même à deux pas
de la porte, pour beaucoup d'entre elles c'est extrêmement difficile,
c'est extrêmement Insécurisant. Certains n'ont ni la
compétence, ni surtout la motivation pour pouvoir aller du jour au
lendemain assurer des services sur une base communautaire, se retrouver seul
intervenant dans un foyer de groupe, devoir faire la cuisine et devoir
répondre aux voisins et, en plus, aller donner des conseils à
domicile à la maman qui a son petit bébé mongolien de deux
ans, alors que pendant trente ans, on s'est occupé d'adultes en
Institution, cela n'est pas donné à tout le monde.
Alors il est Important de prévoir des moyens. Nous avons dans
notre système un moyen qui existe, mais auquel on hésite souvent
à faire appel, c'est le service de placement des affaires sociales. Dans
notre établissement, nous avons procédé, au cours des
dernières années, à de nombreuses intégrations
sociales par fermeture d'établissements. Nous avons fermé trois
pavillons d'Internat au cours des quatres dernières années. Le
dernier a été fermé cet été. Mais chaque
fois, nous n'avons réussi à le faire et nous n'avons consenti
à le faire qu'en trouvant un moyen avec le syndicat et avec le
ministère de la Santé et des Services sociaux, d'éviter le
transfert systématique par voie d'ancienneté des personnels ayant
travaillé longtemps en Internat dans des services communautaires. Une
des conditions, pour nous, importantes, c'est d'abord que les personnes
veuillent; donc qu'elles aillent sur une base volontaire travailler dans des
services communautaires, qu'ensuite elles répondent à un profil
qui est très différent du profil du travail qui est
nécessaire pour un intervenant en internat, puis, qu'elles acceptent
effectivement aussi de suivre des sessions de formation et de perfectionnement.
Ce n'est pas le cas de ta majorité de nos employés dans tous les
cas où nous avons procédé à ces fermetures. Nous
avons dû engager, à chaque fois ou presque, du personnel nouveau.
(12 h 45)
M. Charest: Je ne reviendrai pas sur la question du personnel,
mais je soulignerai l'Importance dans cette intégration des personnes
souffrant de problèmes mentaux d'y aller au rythme des clients, d'une
part; d'autre part, quand on parle d'intégration ou de
désinstitutionnallsation, je pense que cela peut se faire selon les
clients, à des degrés différents. Par ailleurs, la
désinstitutionnalisation, ce n'est pas une formule miracle, elle a aussi
ses limites et, un autre élément, elle ne peut pas se faire sans
une préparation adéquate en ce qui concerne la famille, la
communauté, autant sur les plans de l'éducation, de l'emploi, du
loisir, sans une bonne préparation, sans une information. Là
aussi les communautés et ces différents secteurs ont des rythmes
à pouvoir vivre avec ces clients. Cela commande, somme toute, une
attitude d'ouverture.
M. Girard: J'ajouterais que pour les centres
d'hébergement, quand on parle de désinstitutionnalisation, on n'a
pas les personnes capables d'évaluer. Par exemple, les psychiatres, la
plupart des régions ne les connaissent pas dans les
centres d'accueil et d'hébergement. C'est la même chose
pour les psychologues et les travailleurs sociaux, on a déjà
mentionné qu'il y en avait moins de dix dans les 235 centres d'accueil
et d'hébergement Donc, on n'est pas en mesure de faire le travail pour
arriver à faire de la désinstitutlonnalisation. C'est assez
Important
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Voici, je voudrais vous remercier de votre
mémoire. Vous venez de donner des exemples concrets des
difficultés, et cela, exclusivement sur un seul point qui est la
désinstitutlonnalisation. À part cela, vous l'avez sorti de son
chez vous, mais son Intégration au monde social, au monde du travail, ce
sont des tâches additionnelles pour lesquelles H n'y a absolument pas
ou à peu près pas de ressources existantes. C'est ce que
je comprenais à la lecture de votre mémoire, quand vous parliez
de rendre un politique plus concrète, plus palpable, c'est un peu le
genre de difficulté que vous vouliez souligner, sans doute.
Mais parlant de désinstitutlonnalisation comme telle, est-ce que
les budgets... quand vous avez désinstitutionnalisé aux endroits
où vous l'avez fait, vous avez affirmé tantôt que les
montants d'argent étaient absolument ceux que vous aviez
antérieurement. On ne vous a pas ajouté un seul sou. C'est
à l'aide des économies?
M. Holdrinet: Pour notre établissement et c'est
l'expertise que je peux donner, je dois dire que non. Nos budgets depuis 1979,
en dollars constants, sont demeurés les mêmes et nous desservons
au moins 200 à 250 personnes de plus. Cela a été par
conversion budgétaire. Nous avons même subi des compressions
budgétaires extrêmement importantes et notamment notre
établissement en a subi deux de plus que tous les autres
établissements de la sous-région.
Tous ces services communautaires se sont développés par
conversion des ressources des programmes d'Internants.
M. Chevrette: En ce qui concerne les centres hospitaliers qui ont
commencé depuis un an ou deux à faire leur
désinstitutionnalisation, est-ce qu'on leur laisse les budgets complets
qu'ils avaient antérieurement ou si on récupère à
l'aide de compressions budgétaires sur le fait qu'ils
désinstitutionnalisent?
Mme Lavoie-Roux: Dans le cas où vous vous
référez à Louis-H.-Lafontaine ou Robert-Giffard?
M. Chevrette: Oui, Robert Giffard, et même
Lanaudière qui en a 100, par exemple, qui sont
désinstitutionnalisés.
Mme Lavoie-Roux: Je ne saurais pas, je vais demander
l'information.
M. Chevrette: ils gardent le budget, non? Mme Lavoie-Roux:
Je pense qu'ils gardent...
M. Chevrette: II y a une récupération
budgétaire?
Mme Lavoie-Roux: Je demanderais au Dr Voisine de
répondre.
Le Président (M. Bélanger): Docteur, s'il vous
plaît!
M. Voisine (Claude): Dans le cas de l'hôpital
Louis-H.-Lafontaine, les budgets suivent les malades et le personnel du dossier
du malade.
M. Chevrette: En d'autres termes, il y en a qui sont
acheminés vers les CSS, d'autres vers les CLSC, mais le budget du centre
comme tel est amputé pour autant.
M. Voisine: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Un instant, la réponse ne sera pas
complète.
Une voix: Si vous me permettez de donner un autre renseignement,
il y a quand même des instances où cela coûte plus cher.
Par exemple, dans mon centre hospitalier qui veut diriger les clients
justement chez M. Holdrinet, le coût de prise en charge de certains
patients atteints de déficience est d'à peu près 21 000 $
par année, alors que la prise en charge de la même personne dans
un centre plus petit est d'à peu près 38 000 $. Donc, pour partir
d'un établissement plus gros et s'en aller vers un établissement
mieux adapté, souvent les coûts sont supérieurs et non pas
inférieurs.
M. Chevrette: Je comprends. Si on en encanne, comme on dit en bon
québécois, 70 dans un dortoir, cela coûte moins cher que
d'Individualiser les traitements.
M. Holdrinet: C'est peut-être une information que j'aurais
dû ajouter pour corriger mon affirmation de tout à l'heure. C'est
qu'effectivement, nous avons reçu d'autres budgets, mais uniquement dans
le cadre où nous avons pris en charge des personnes venant du milieu
hospitalier psychiatrique. C'est tout récent, cela a commencé
cette année. Les montants d'argent ne sont pas encore tous
arrivés, que je sache.
M. Charest: Voici ce que j'ajouterais à cela. Quelquefois,
la désinstitutionnalisation psychiatrique, si je peux dire, se
transforme en institutionnalisation sur le plan des ressources, sur le
plan social. Et, dans le domaine de la mésadaptation, par
exemple, les budgets ne suivent pas ces transferts-là. Je ne dis pas
qu'on n'a pas l'expertise pour travailler avec ces gens, mais je voulais
seulement souligner que la désinstitutionnalisation quelquefois
médicale peut se traduire par l'institutionnalisation sociale.
M. Chevrette: Avez-vous évalué, chez vous... Par
exemple, si on vous mettait responsable de tout le processus du respect
Intégral de la personne, quels seraient vos besoins? Si vous deveniez
les travailleurs... Par exemple, vous avez dix ou quinze personnes qui doivent
être déslnstitutlonnallsées chez vous. Il faudrait que vous
tes accompagniez absolument dans toutes leurs démarches
d'intégration sociale et même du milieu du travail. Quel serait
votre manque de ressources, chez vous?
M. Charest: Bon. Je pense que ce serait notamment sur le plan de
la formation des intervenants pour intervenir dans un contexte
différent, d'une part; d'autre part, investir également au niveau
de certains..., je pense, notamment, en ce qui a trait à l'emploi et
à l'éducation, intervenir dans ces secteurs pour qu'on puisse
vivre ou intervenir auprès de ces clients.
M. Chevrette: Qu'est-ce qu'il vous manque, des professionnels,
des types de professionnels...
M. Charest: Oh! Dans...
M. Chevrette: ...pour appliquer l'énoncé de
politique?
M. Charest: ...le réseau de la mésadaptatlon
sociale, parmi les jeunes, je pense qu'il y a une répartition
inégale. Il y a des ressources quelquefois psychosociales qui sont
manquantes et, à l'occasion, des ressources également
pédopsychiatriques.
M. Chevrette: Vous n'avez pas fait revaluation, par exemple, de
ce que cela pouvait représenter chez vous.
M. Charest: Quand vous dites "chez nous', c'est...
M. Chevrette: À l'Intérieur de votre
réseau.
M. Charest: ...dans tout le secteur?
M. Chevrette: À l'Intérieur de votre secteur.
M, Charest: À l'intérieur du secteur, non; il n'y a
pas eu...
M. Chevrette: Est-ce que vous avez des évaluations de
faites chez vous?
M. Holdrinet: Sur les réussites, oui, mais globalement,
effectivement. Nous pouvons dire qu'en une dizaine d'années, nous avons
peut-être intégré dans la communauté quelque chose
comme 250 personnes et nous avons dû avoir trois ou quatre retours en
Internat
M. Chevrette: Donc, la désinstitutionnalisation comme
telle est rentable.
M, Holdrinet: Elle est rentable... M. Chevrette: Pour
l'individu. M. Holdrinet: ...au niveau de l'individu... M. Chevrette:
Pour la personne,
M. Holdrinet: ...absolument. Peut-être une information ou
un point sur lequel j'aimerais peut-être attirer l'attention, M. le
Président. C'est le fait qu'actuellement, comme je l'ai dit tout
à l'heure, lorsqu'un centre d'accueil ou un établissement
procède à l'intégration sociale de personnes qui sont en
internat, ces personnes-là, lorsqu'elles sont desservies en situation
externe, vont nous coûter plus cher qu'elles ne coûtaient en
internat. Je parle de l'expérience des centres d'accueil en
déficience Intellecturelle avec handicap physique associé, etc.
Ce qui fait que nous ne pouvons plus réaliser, comme nous le faisions
dans tes années passées, d'économies nous permettant de
développer nos services externes. Si bien que, depuis un an et demi,
nous avons commencé à maintenir une liste d'attente. Cette liste
d'attente, elle s'allonge effectivement, au point que les personnes de la
communauté qui demandent du service à domicile, de l'aide
à l'intégration en garderie, etc., finissent par nous dire:
Écoutez, pour recevoir du service, il faut être admis d'urgence en
internat ou bien il faut venir de l'hôpital psychiatrique, il y a un
problème là qui commence à se créer et les gens de
la communauté, qui sont sans voix, qui ne sont pas groupés ni
organisés, qui sont sans services, commencent à se
multiplier.
M. Chevrette: Je lisais dans votre mémoire, je ne me
souviens pas à quelle page, que vous vous interrogez d'ailleurs sur la
définition que donne le Dr Harnois du rôle des hôpitaux
psychiatriques. Vous dites - si ma mémoire est fidèle, toujours -
qu'ils ne s'occuperont que du traitement à long terme. Pourquoi
manifestez-vous une telle inquiétude? Est-ce parce que c'est votre
dépanneur à court terme dans la conjoncture actuelle ou bien si
c'est parce que...
M. Langelier: C'est qu'on réfère à la
recommandation 31, si ma mémoire est bonne, du rapport Harnois...
M. Chevrette: Oui, je pense que c'est cela.
M. Langelier: ...où - je vais essayer de me retrouver - on
donne aux grands hôpitaux psychiatriques des mandats au niveau de la
complexité des troubles mentaux sévères. On questionnait
par rapport à cela; il y a tout le problème de
l'hébergement de ces personnes-là. C'est beau, on parle de
désinstitutionnalisation, mais toute la problématique
hébergement, urgence, qu'est-ce que la politique va en faire de ces
problèmes? On se questionnait sur le mandat qu'on voudrait donner dans
cette recommandation 31 aux grands hôpitaux psychiatriques en confinant
cela aux troubles mentaux sévères et on questionnait autour du
principe de la continuité des services. Pourquoi confier cela comme tel
à ce type d'établissement-là? En tout cas, on avait des
questions autour de cela sans nécessairement trouver des
réponses.
M. Chevrette: J'ai été surpris de voir votre
interprétation, parce que, moi, j'avais Interprété le
rapport Harnois de la façon suivante. Si on désinstitutionnalise,
il n'est pas dit qu'il n'y aura pas d'autres services alternatifs à
l'intérieur des centres hospitaliers. Au contraire, il pourrait
peut-être y avoir un meilleur centre de crise, une meilleure urgence,
précisément pour venir comme complément à
différents centres d'accueil ou à différents organismes
qui s'occupent de santé mentale qui pourraient acheminer des individus.
J'ai été surpris de voir l'interprétation que vous en
donniez.
M. Langelier: Ce qu'on souhaitait... Ce qu'on disait, c'est qu'on
souhaite plus parler d'intensité de gravité ou de la valeur des
symptômes qui sont présentés ou de l'importance des
symptômes qui sont présentés, que de mettre des
étiquettes sur les personnes en disant: Troubles mentaux
sévères, tel établissement; toubles mentaux pas
sévères, tu peux rester là où tu es. Il s'agit de
ne pas catégoriser les choses de cette façon.
M. Chevrette: Hier soir, on a parlé avec les psychiatres,
deux groupes: Sacré-Coeur et l'Association des psychiatres du
Québec. Ils reprochent à toutes fins utiles aux autres
professionnels ou aux autres structures de leur acheminer trop de clients
précisément. Ils se disent: Bien, dans la conjoncture actuelle,
il nous manque 300 psychiatres au Québec. L'omnipracien a peur de... Je
ne sais pas si c'est une question de... On sait que les primes d'assurances ont
remonté beaucoup pour les corps médicaux et les institutions mais
on dit qu'on les réfère à propos de tout et de rien aux
psychiatres. Cela a été le cas... Personne ne veut tout dire.
Tous les groupes veulent conserver leur gâteau ou leur champ de
juridiction ou d'application. Mais personne ne veut prendre la
responsabilité première, on s'en réfère aux
psychiatres. C'est du moins ce que les psychiatres nous disaient dans les
grandes lignes.
Croyez-vous fondamentalement, pour les praticiens, qu'on a trop
médicalisé la santé mentale?
M. Charest: Je pense que oui. Je pense qu'on a vraiment trop
médicalisé la santé mentale. Je peux peut-être
donner un exemple qui va illustrer ma pensée. Dans la région de
Laval, il y a un CLSC, CLSC Mille-Îles. Dans son territoire, un
hôpital psychiatrique de la région de Montréal desservait
le secteur jeunesse de ce CLSC. Pour des raisons qui sont les leurs, ces gens
se sont retirés de ce secteur-là. Comme centre d'accueil, comme
partenaire avec le CLSC, nous avons offert à ce CLSC de desservir la
clientèle jeunesse et les parents. On a fait un projet pilote qui
fonctionne actuellement. Un autre hôpital psychiatrique de la
région de Montréal a offert de desservir cette clientèle
et demandait pour ce faire tout un appareillage, je dirais, tout un groupe de
personnes qui auraient commandé une somme de 250 000 $ pour
défrayer le service. On offre actuellement le service. Je peux vous dire
qu'il n'y a plus de liste d'attente dans ce territoire. On estime actuellement
les coûts, cela fait au-delà de six mois que cette
expérience-là est en marche, à environ 40 000 $. Je pense
que les gens reçoivent des services de qualité par des
intervenants majoritairement psycosociaux, avec au besoin une
référence qui est faite sur le plan médical.
M. Girard: Je pourrais peut-être ajouter qu'au niveau des
centres d'accueil et d'hébergement, le problème que vous soulevez
est encore plus grand. Étant donné, comme je le disais tout
à l'heure, qu'on n'a pas de psychiatre et qu'on n'a pas de ressource
alternative non plus en tant que travailleur social, cela veut dire qu'on
travaille avec les médecins de médecine générale
qui anesthésient, si on peut dire, nos clients. Afors, c'est In extremis
que nos bénéficiaires sont référés en
psychiatrie, parce qu'on n'a pas d'alternative. On n'a vraiment pas de solution
à tout l'aspect psychosocial, si on parle de santé mentale. Mais
l'aspect psychosocial... Donc, comme on ne peut pas travailler, en aucune
façon, on est médicalisé. On a des infirmiers, des
infirmières, des préposés, des aides. Mais on n'est pas en
mesure de traiter tout l'aspect psychosocial. Donc, on a des cas critiques.
C'est à ce moment-là qu'on se réfère aux
psychiatres, quand ils sont en mesure de les recevoir, parce que le
vieillissement est une fin de ligne. Alors, souvent c'est une fin de
non-recevoir. On n'a même pas de place pour la consultation.
M. Clair: En ce qui concerne l'hébergement, M. le
député, vous savez sans doute que les centres d'accueil et
d'hébergement ont déjà beaucoup de difficulté
à recruter, à intéresser des omnipraticiens quant à
la problématique de santé générale des
bénéficiaires hébergés en centre d'accueil et
d'hébergement. Devinez ce
qu'il en est quand il s'agit de problème psychiatrique Important
À ce moment-là, c'est évident. Je pense que si les
psychiatres vous ont représenté que les cas qu'on pouvait leur
référer, notamment en ce qui concerne ce réseau-là,
étaient des cas trop légers et qu'on les achalait pour rien, je
pense que... On ne voit pas de chiffres qui seraient susceptibles de supporter
une telle théorie en ce qui concerne cette famille de nos centres
d'accueil, en tout cas.
M. Chevrette: C'est pour cela que j'ai souri quand votre
porte-parole, au début, a dit que l'association, ou l'ACAQ, était
prête à collaborer dans la recherche de professionnels, tels que
des psychiatres, pour établir des plans régionaux, à moins
que je n'aie mal interprété, quand on sait que les centres
hospitaliers en régions ne sont même pas capables d'en avoir, dans
la conjoncture actuelle et dans plusieurs endroits, à cause de toutes
sortes de directives, de normes, de réglementations et de
législations. On n'est même pas capable d'aller en chercher, par
exemple, dans des pays francophones, si ce n'est qu'on doit les assujettir
à toute la procédure, que Je dirais annuelle, et à tout te
processus d'acceptation par les corporations ici. Il y a quelques moyens de
s'en sortir, mais on n'est même pas capable d'en avoir, par exemple, dans
la région de l'Abitibi. Il y en a un et trois quarts, pour votre
information, à Joliette, avec une aile psychiatrique dans un centre
hospitalier qui a une vocation psychiatrique générale, malades
aigus et malades chroniques, soins de longue durée et de courte
durée et psychiatriques. On a un psychiatre et trois quarts pour toute
une population, à quelques milles de Montréal. Comment
pensez-vous...
M, Charest: Mais, je ne pense pas...
M. Chevrette: ...logiquement qu'on puisse en avoir dans
l'ensemble du Québec, dans chacune des régions du Québec?
Parce que je partage votre désir de voir l'ensemble des populations du
Québec, que ce soit dans des régions périphériques
ou dites éloignées, par rapport aux centres urbains, qui ont le
droit d'avoir les mêmes services de qualité. Comment, de
façon réaliste, peut-on penser à en arriver à court
terme à des services de qualité?
M. Charest: II y a peut-être un problème de volume
de ressources psychiatriques et pédopsychiatriques. Il y a
peut-être un problème de volonté de ce
réseau-là, ou de ces partenaires-là, à travailler
avec certains autres partenaires et auprès de certaines
clientèles, mais je pense que ce n'est pas seulement en termes de
ressources psychiatriques à ajouter, mais c'est aussi en termes de
ressources psychosociales à développer, à ajouter. Je
pense également, dans un meilleur mariage, dans une
pluridisciplinarité des gens, qu'il y a une économie de
coûts à faire, dont les clients et la population ne pourraient que
mieux bénéficier.
M. Girard: II y a aussi le fait qu'il faudrait avoir la
capacité de former nos Intervenants, parce qu'il y a tout l'aspect
psychosocial. On n'a même pas les ressources pour être capables de
former notre personnel, ou l'encadrer pour lui donner cet aspect psychosocial.
On est toujours forcés, par nos Intervenants, à aller vers la
médicalisation, parce que c'est la formation de base de la plupart de
nos Intervenants.
M. Charest: Voici ce que j'ajouterais. Tantôt, on parlait
de l'approche trop médicale et j'étais de cet avis. Je pense que
l'approche est peut-être trop médicale. Mais je pense aussi qu'il
y a une histoire à tout cela. On peut le voir du côté
médical, mais je pense que dans ta population en général,
la santé mentale, tout en n'étant pas clairement définie,
égale un peu le monde médical. Je pense que la santé
mentale déborde également l'expertise médicale. Il y a
également différentes expertises sur le plan psychosocial qui
peuvent compléter plus qu'adéquatement ce qui peut se faire sur
le plan médical.
M. Chevrette: À titre de conclusion, M. le
Président, je voudrais dire au moins que je respecte beaucoup la
réserve du balancier. Effectivement, qu'on le veuille ou pas, on risque
toujours quand on aborde une nouvelle politique d'aller dans les excès
extrêmes et contraires, alors que le balancier vous permet, en tout cas,
si on est assez raisonnable, je pense que l'argent de toute façon va
nous rendre assez raisonnable pour ne pas aller d'un extrême à un
autre... parce que les avoirs des citoyens ne nous permettent pas d'avoir un
système qui soit chambardé de A à Z. Je pense qu'on sera
obligé de suivre des étapes qu'on le veuille ou pas dans
l'application d'une politique. Je retiens que c'était très
important d'avoir un juste milieu dans cela, parce qu'on risquerait de sombrer
dans un extrême contraire puis, à moyen et long terme, on se
remordrait les pouces dans quinze ou vingt ans. Sur ce
côté-là, je trouve que c'est un avertissement sage. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier l'Association des centres
d'accueil du Québec pour la qualité de son mémoire, son
offre de collaboration et l'intérêt réel qu'elle
démontre à vouloir contribuer et participer à cette
amélioration de nos services en santé mentale. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Avant de suspendre les
travaux, je voudrais simplement amener la modification à l'horaire pour
ce soir. La commission siégera de 19 heures à 22 heures
plutôt que de 20 heures à 23 heures, à la suite
d'une entente intervenue entre toutes les parties prenantes à cette
décision. Alors la commission suspend ses travaux Jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 7)
(Reprise à 15 h 5)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! S'il vous plaît, je demande le silence.
La commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à l'étude du projet de politique de santé
mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du
comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le
30 septembre 1987.
Nous appelons à la table des témoins le Regroupement des
ressources alternatives en santé mentale du Québec qui sera
représenté par M. Michel Blanchard, président; Mme
Claudine Laurin, vice-présidente et M. Jean Denis, secrétaire. Il
y a des changements dans la représentation, est-ce que vous pourriez,
madame, nous présenter vos collaborateurs? Par la suite, la règle
de procédure est la suivante: vous avez 20 minutes pour présenter
votre mémoire te plus succinctement possible pour couvrir tous les
points et il y a 40 minutes d'échange avec les gens de la commission. La
parole est à vous. Si vous voulez vous Identifier et identifier vos
collaborateurs aussi. Merci.
Mme Blanchard (Michelle): Oui. J'ai su qu'on m'avait
appelée M. Blanchard. Mors, je regrette, Je suis Mme Blanchard. Je
voudrais présenter mes collègues, Jean Denis et Mme Claudine
Laurin, qui vont participer à notre présentation.
La façon dont on voulait vous parler aujourd'hui, c'était
peut-être de vous lire un peu le résumé dont
j'espère vous avez copie et, ensuite, d'Improviser chacun sur quelques
recommandations. Je souhaite que cela ne dépassera pas 20 minutes.
Le Président (M. Bélanger): Allez-y, je vous en
prie.
Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec inc.
Mme Blanchard: D'abord, j'aimerais vous remercier de nous avoir
invités. Le regroupement est très fier de pouvoir parler au nom
de 40 groupes alternatifs communautaires au Québec. Le regroupement a
travaillé très fort pour pouvoir vous présenter
aujourd'hui des points importants. La permanence a pu rapidement faire une
tournée au Québec et rencontrer les tables régionales qui
ont soumis leurs idées qu'on va essayer de vous transmettre le mieux
possible aujourd'hui. Nous avons aussi eu une assemblée
générale spéciale qui nous a permis de préciser
certains points.
Pour les personnes qui connaissent moins les ressources alternatives au
Québec, j'aimerais d'abord dire quelques mots. Le Regroupement
provincial des ressources alternatives en santé mentale du Québec
est une fédération provinciale de 40 groupes membres. Les
alternatives ont pour objectif de favoriser l'entraide, de contrer l'isolement
et de favoriser la réinsertion sociale. Leur conseil d'administration
veut la participation des usagers pour la plupart. Leurs champs d'Intervention
sont multiples, de l'entraide à l'hébergement aux
activités thérapeutiques, support et maintien dans la
communauté, accès au marché du travail, promotion et
défense des droits, loisirs, intervention de crise, écoute
téléphonique et face à face, information et
référence. La très grande majorité de nos 40
groupes membres font au moins six de ces services qu'on appelle à la
clientèle.
Je voudrais commencer en disant que la table de regroupement provincial
a beaucoup apprécié la lecture du travail du comité. Nous
aimerions, par contre, vous apporter des Impressions très
précises. D'abord, le regroupement est très favorable sur deux
points. Le fait de placer la personne au centre du système même et
la mise en application du principe d'équité constituent une base
adéquate pour le développement d'une gamme de services
psychosociaux, y Incluant les ressources alternatives. Cette ouverture au
communautaire nous apparaît toutefois teintée d'un esprit qu'on a
nommé comptable et non d'une logique communautaire comme nous
l'entendons.
Notre analyse de la politique démontre que des besoins
fondamentaux, tels que la réinsertion sociale et la
nécessité d'un hébergement convenable, n'ont pas fait
l'objet de recommandations adéquates. On va vous en parler un peu plus
tard. Ce sont deux de nos recommandations importantes sur le plan travail et
hébergement
Ce manque d'articulation avec l'ensemble des conditions
socio-économiques est une des faiblesses majeures du projet, nous
croyons. Aussi, la qualité de vie en milieu institutionnel a
été elle aussi peu développée. Cela est
particulièrement surprenant, compte tenu que le mandat premier du
comité de la politique avait trait aux personnes atteintes de
sévères troubles mentaux. Quant à la notion de partenariat
avancée par la politique, nous affirmons notre volonté de
collaboration avec le réseau. L'expérience passée
révèle toutefois qu'il y a une énorme résistance au
changement de la part des établissements. Nous sommes pour un nouvel
acteur et cela leur pose des problèmes. La politique affirme
l'importance de reconnaître la famille comme acteur. Nous reconnaissons
aussi l'importance de la famille, mais cela doit tenir compte des besoins de la
première personne concernée, c'est-à-dire celle aux prises
avec tes troubles émotionnels.
Comme la personne est mise au centre du système, il y a une
emphase sur le développe-
ment des ressources dans le milieu. Cependant, nous estimons que le
projet n'a pas saisi notre spécificité et l'approche globale qui
en découle à un point tel qu'il en arrive à définir
notre identité à notre place. D'alternative, nous sommes devenus
communautaires et ce manque de respect démontre une faible connaissance
de notre réalité. Elle s'est traduite aussi par la recommandation
sur la part d'autofinancement exigé. Cette formule ne garantit en rien
une Implication dans le milieu et on aimerait préciser un peu plus tard
là-dessus.
Nous espérons que cette politique sera un point de départ
dans la concrétisation de la volonté gouvernementale, maintes
fois exprimée ces dernières années, de maintenir la
personne dans son milieu de vie naturel tout en améliorant sa
qualité de vie.
On aimerait vous parler de nos recommandations. Un des points tes plus
importants pour nous, c'est la recommandation 15 portant sur la reconnaissance
juridique des ressources dites de services. J'aimerais pouvoir dire quelques
mots sur la notion de services. Elle nous Inquiète
énormément. Nous aimerions que cette forme de législation
puisse avoir un cadre large afin que les ressources puissent naître et se
développer. On aimerait que la notion de services inclue l'ensemble des
groupes et que ce ne soit pas séparé. Un exemple de cela, c'est
qu'une ressource communautaire ne peut pas travailler et dire qu'elle ne fait
que du service à l'hébergement, par exemple. Si on travaille
à accompagner quelqu'un à l'aide sociale, à
l'hôpital pour l'aider dans une démarche, ou dans une recherche de
logement, on fait de la défense des droits à tous les niveaux. On
ne peut pas sélectionner chacun d'entre eux. Donc, pour nous, cet aspect
est bien important, d'être reconnus Juridiquement, mais dans cet
esprit.
En plus, on pense qu'on pourrait faire partie d'une reconnaissance
juridique, s'il y a un respect de la composition de nos conseils
d'administration, parce que ce sont eux qui nous permettent de maintenir la
philosophie de base des ressources, c'est-à-dire que nos conseils
d'administration représentent les gens concernés d'abord et,
ensuite, les gens du milieu qui font partie de la vie qui entoure les
ressources.
Donc, ce qu'on demande, c'est que s'il y a possibilité
d'être reconnus juridiquement, qu'on le soit dans notre
différence. On ne peut pas embarquer dans une approche
standardisée. Donc, nous souscrivons sans réserve à
l'affirmation du comité qui, sans en faire une règle absolue
puisque les conditions locales sont beaucoup trop variées, une ressource
communautaire en mesure de dispenser un service dans sa communauté
devrait avoir priorité sur toute autre forme de structure, comme par
exemple celle des structures intermédiaires.
Je vais laisser la parole à Claudine pour qu'elle vous parie de
notre proposition quant au budget
Mme Laurin (Claudine): En termes de financement, nous demandons
un budget protégé pour les ressources alternatives. Ce
budget-là, il s'agit, bien sûr, d'en assurer le
développement et la consolidation en fonction des
caractéristiques spécifiques des régions du Québec.
Les ressources devraient être financées à même le
budget de la santé mentale du ministère, étant
donné qu'elles oeuvrent directement dans le champ via le
mécanisme établi régionalement. Au niveau des 10 % disons
qui ont été recommandés dans le rapport, on rejette la
formule de contribution -fixée a 10 %, ce qut amenait la contribution
à 10 %. On nous disait que c'était pour favoriser justement et
maintenir notre garantie de communautaire. On trouve dangereux la
comptabilisation en termes financiers. Cela n'a Jamais fait partie des
pratiques des ressources de comptabiliser le bénévolat; cela peut
changer effectivement beaucoup les pratiques et ensuite, on pense que la
garantie du communautaire ne passera pas par une réserve de 10 %. Les
hôpitaux ont tous des organismes bénévoles. Ils ont des
organisations de bénévoles et Ils ne sont pas pour autant
communautaires. On est plutôt prêt à l'évaluation de
notre implication dans la communauté par des méthodes qui mettent
de l'avant des critères qualitatifs respectueux dans notre approche de
façon périodique en fonction des objectifs de la pertinence des
programmes. On serait prêt à fournir des rapports sur notre
enracinement du milieu, ce qui garantirait beaucoup plus pour nous quant
à cela.
Quant à la recommandation de doubler le budget blobal des
ressources alternatives, nous estimons que cela ne doit être qu'un
premier pas dans le développement des ressources alternatives.
Présentement, on a 4 000 000 $. Même présentement, pour
maintenir et développer ce qu'on a, cela nous prendrait 11 000 000 $.
Alors d'Ici cinq ans. ce qu'on estime Intégrer aux divers plans
d'organisations régionaux de services, le budget global devrait
atteindre les 50 000 000 $.
Il nous apparaît important pour le financement également
parce qu'on recommande qu'il soit financé aux deux ans, que pour une
ressource qui s'Implante, que ce soit un financement de trois ans et
après, qu'il passe à deux ans; mais pour l'Implantation de la
ressource, que le financement soit maintenu sur trois ans.
Je passe la parole à Jean pour les droits de la personne.
M. Denis (Jean): Les droits de la personne, c'est un enjeu
fondamental. On croit à l'avenir et à la santé mentale en
général. Ce qu'on voudrait souligner, c'est qu'il y a vraiment
une préoccupation dans le rapport du comité Hamois. C'est
mentionné. Il y a une reconnaissance de fait que les droits doivent
être respectés, qu'il y a des enjeux et qu'il y a beaucoup de
choses à améliorer. Cependant, de la façon que cela doit
s'articuler dans la réalité au jour le jour, on
n'est pas d'accord avec la proposition à l'Idée de
créer un poste d'-ombudsperson".
Nous, ce qu'on recommande plutôt, c'est que chaque région
administrative du Québec, sur la base géographique des
territoires des conseils régionaux, tout en respectant les
spécificités locales, doit avoir un système d'*advocacy",
selon le modèle américain, c'est-à-dire qu'un organisme
sans but lucratif sans lien avec les services de santé et des services
sociaux, opère un système de protection et de défense des
droits des personnes qui séjournent en service psychiatrique. Ce qui est
important aussi, il s'agit d'élargir la notion de la défense des
droits, non seulement l'appliquer aux gens qui séjournent en service
psychiatrique, mais aussi à ceux qu'on appelle tes adultes
vulnérables. Cela peut être des personnes âgées, des
déficients mentaux, ceux qui ont un handicap intellectuel et aussi les
gens qui sont atteints de la maladie d'Alzhelmer. La population du
Québec vieillit et je pense que ce sont des questions qu'il va falloir
se poser très bientôt.
Ce système d'"advocacy", ce sont des organismes sans but lucratif
qui vont le gérer. Le conseil d'administration de ces organismes devra
être composé d'une majorité de personnes qui sont ou qui
ont été des résidents d'institution psychiatrique. Cet
organisme aura un pouvoir d'enquête et accès aux dossiers
médicaux. Je pense qu'il est important qu'il y ait aussi une
intervention rapide et efficace. Souvent, les choses traînent en
longueur. Si on prend l'exemple d'une cure fermée, les gens sont mis en
cure fermée parce qu'ils sont jugés dangereux pour
eux-mêmes ou pour tes autres. Souvent, le processus de recours peut
prendre trois semaines avant que la Commission des affaires sociales vienne sur
place. On croit que c'est beaucoup trop long. C'est quand même une
privation de la liberté. On pense que ces organismes pourraient
être plus efficaces et plus rapides.
La deuxième chose importante, quand on parle de défense
des droits, c'est ce qu'on appelle souvent les groupes de vigilance. On croit
qu'eux aussi ont une place, en termes d'Information, de sensibilisation et de
défense des droits. Dans le concret, les groupes de défense des
droits qui font partie du regroupement ne sont pas financés directement
par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ils sont
financés actuellement par l'OPHQ qui donne de maigres sommes. C'est
vraiment une question de survie. Il n'y a pas vraiment de budget pour faire de
la recherche. C'est vraiment de la survie. On voudrait que les ressources de
vigilance sur le plan des droits soient reconnues aussi parce qu'elles donnent
des services. Il y a différents groupes, il y a différentes
ressources qui donnent des services d'hébergement, de soutien et de
réinsertion au travail. On pense que l'information sur les droits
constitue aussi un service. Il devrait être financé selon la
même formule que les autres ressources alternatives qui donnent d'autres
services. Je vais redonner la parole à Claudine. , .
Mme Laurin: En ce qui concerne la participation et la
planification des structures, vu qu'on parle du financement via des
mécanismes régionaux, on pense qu'il serait avantageux de
démocratiser les compositions des commissions administratives de
santé mentale des CRSSS. Afin que les régions puissent faire leur
propre dynamique, on propose qu'un tiers des postes soit alloué aux
ressources alternatives et communautaires en santé mentale, un tiers des
postes à la communauté et le dernier tiers serait
réservé aux établissements. Quand on parle du tiers des
postes alloué aux ressources alternatives et communautaires, cela inclut
les ressources alternatives oeuvrant directement dans le champ de la
santé mentale et les ressources communautaires qui touchent au domaine
de la santé mentale telles que les maisons de femmes, les maisons de
jeunes. Cela représenterait... et ils seraient dans le groupe du tiers
et pourraient aller chercher des fonds pour leur partie de programmes qui
touche le champ de la santé mentale. Ce serait une structure beaucoup
plus démocratique qui, à partir de là, si tes CRSSS
démocratisaient les structures, on recommanderait de donner comme
mandat, en plus de la planification aux CRSSS, celui de planifier un plan de
désinstitutionnalisation à partir justement de ces commissions
administratives. Nous appuyons vivement la recommandation 19 quf
réfère à la gamme de tout l'ensemble des services dans les
régions du Québec, d'autant plus que si les CRSSS sont
démocratisés, cela va aller beaucoup plus facilement de planifier
justement un ensemble de gammes en respectant les disparités
régionales et les spécificités de chacune des
régions.
Mme Blanchard: J'aimerais vous parler de deux paliers, le travail
et l'hébergement maintenant, dans nos recommandations. On
déplorait que le comité n'ait pas pu aller plus loin en termes de
projets concrets et d'actions. On dirait qu'en psychiatrie, on travaille un peu
à l'envers. Quand les gens me parlent de ressource, à Verdun -
ils auraient pu venir parler à notre député, M. Polak qui
est ici - ils me disent: Vous savez, si j'avais pu rencontrer aussi Mme la
ministre, je lui aurais dit: Donnez-nous du travail et cela va coûter
moins cher aux hôpitaux psychiatriques. On dirait qu'on comprend mal
parfois les besoins. C'est souvent le travail qui est le dernier moyen auquel
on pense pour avoir des résultats tangibles de réinsertion dans
la communauté. Les ressources alternatives demandent qu'il y ait
vraiment une action concrète à ce sujet et que d'autres genres de
programmes soient développés. Il y a des ressources qui ont
essayé dans le passé de développer des petits milieux qui
pourraient réinsérer les gens dans le travail, donc les
éloigner et leur permettre de revivre une certaine dignité. Mais
ces projets
sont souvent à court terme, et sont souvent limités aux
ressources des localités et ne vont pas plus loin. Il devrait y avoir
une étendue de ces expériences d'une façon beaucoup plus
générale.
La réforme de l'aide sociale qui s'en vient nous fait peur aussi.
On a l'impression que plus on avance, plus il y a des limites et des
barrières et on n'a pas réussi à être assez
créatif pour trouver des milieux de travail. Je crois sincèrement
que c'est un des moyens où on va pouvoir faire une
désinstitutionnallsation qui va avoir de l'allure. Malheureusement, on
déplore cet aspect qu'il n'y a rien eu de concret de fait
Sur le plan de l'hébergement, vous savez qu'un tiers de nos
ressources au Québec sont des ressources d'hébergement. On
aimerait qu'il y ait une politique concrète de développement du
maintien dans te milieu dit naturel en développant d'autres types de
ressources d'hébergement. Nous voudrions aussi que le ministère
puisse permettre un élargissement de l'article 158. Souvent, les
ressources alternatives qui offrent de l'hébergement ne sont pas
incluses dans cet article et sont souvent considérées comme des
ressources clandestines. Nous aimerions qu'on regarde cela.
L'exemple aussi de la difficulté de développer des
ressources d'hébergement, c'est celui du centre de crise qu'on a
essayé de mettre sur pied dans le West-Island. Il faut absolument qu'il
y ait une concertation dans les municipalités avec les CRSSS pour faire
un genre de travail de quartier et que les municipalités appuient des
ressources comme les nôtres qu'on essaie d'implanter. Dans notre
région sud-ouest, II n'y a qu'une maison de transition, et cela va
jusqu'à la frontière de l'Ontario, pour ce qui est de la
région de Montréal. C'est un exemple, et cela fait des
années que cela dure.
On dit oui à l'hébergement, mais on ne dit pas quel type
d'hébergement autre que des familles d'accueil. Je pense que les
ressources alternatives aimeraient être le plus possible parmi les cadres
parce qu'une expertise a été créée au Québec
dans nos ressources d'hébergement
On propose différents types de places d'hébergement, des
HLM où les personnes qui ont été en psychiatrie pourront
demeurer et qu'on puisse favoriser la mise sur pied de coopératives
d'habitation et d'autres types de ressources. En ce qui a trait à
Travailler sur le social", thème qui a été choisi par le
comité, on aimerait vous parler d'organisation communautaire. Dans la
demande de budget...
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute, si vous voulez conclure.
Mme Blanchard: Moi, J'achève, en tout cas; on a chacun nos
parties. L'organisation communautaire est importante pour nous sur ie pian des
budgets. Dans les 50 000 000 $, on comprend une consolidation de nos ressources
actuelles, mais on comprend aussi des organisations communautaires comme
étant des agents de quartier qui peuvent être dans le milieu
où il n'existe rien, ou dans des quartiers où il existe des
possibilités de ressources. Un petit commentaire sur la psychiatrie - il
faut absolument que Je le dise - on est d'accord avec le comité qu'il
faut limiter le nombre de psychiatres au Québec et qu'on arrête de
courir après eux. On me dit de conclure, Je m'excuse.
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement..
M. Chevrette: Les quatre minutes du député de Gouin
qui n'y est pas.
Mme Blanchard: D'accord, Juste deux lignes. En ce qui a trait
à l'opératlonnalisation de la politique, contrairement à
d'autres, on a oui dire dans les corridors que les gens vous demandent beaucoup
de leur donner des directives ministérielles. Au contraire, nous croyons
qu'une telle démarche Inciterait peut-être une
complémentarité de services et non une
complémentarité des besoins.
Donc, on est un peu contre ce type d'aboutissement pour pouvoir
adhérer à l'idée du comité d'un réel
partenariat et d'une collaboration. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Avec plaisir. Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier le Regroupement des ressources
alternatives en santé mentale. Je suis très heureuse que vous
ayez accepté de participer à cette consultation. Je pense que
vous êtes un peu l'autre côté de la médaille, dans le
sens que vous voyez tout ce problème de santé mentale non pas en
contradiction avec la perception plus traditionnelle, mais comme situant le
problème un peu de façon différente.
Je pense également que dans tous les points que vous avez
abordés, il y a des points de vue pertinents que vous faites valoir et
Je reviendrai sur cetains d'entre eux.
Ma première question a trait à (a page 2 de votre
mémoire où vous signalez qu'on a passé sous silence dans
le rapport Harnois les enjeux principaux ou les plus Importants, "II nous a
fallu déchanter car nous avons eu droit à une politique de
consensus où les véritables enjeux sont passés sous
silence." J'aimerais que vous développiez ce que vous appelez les
véritables enjeux".
Mme Laurin: Quand on parie des véritables enjeux, c'est
peut-être un peu ce qu'on présente justement. Le travail
était un véritable... Pour nous, en tout cas, si on veut vraiment
faire d'une politique de santé mentale un objet de
réinsertion sociale, les vrais enjeux étaient: la
réinsertion au travail. Tantôt on a été
obligés de couper court et résumer mais on parlait aussi... On a
sorti le plan de services individualisés, mais on n'a pas parié
du problème de la sectorisation. Personne n'en a parié et
ça demeure quand même un grand problème en psychiatrie. Les
gens sont forcés d'aller dans un hôpital donné et, en plus,
ils auront un programme donné - comme disait la Maison Saint-Jacques un
peu - une liste d'épicerie donnée obligatoire. À ce
moment-là, ça encarcane beaucoup les gens. On n'a pas
parlé de ces vrais enjeux. La résistance au changement n'a pas
été beaucoup abordée non plus.
Mme Blanchard: J'aimerais peut-être ajouter, si possible,
l'aspect de ta vie des personnes dans l'institution actuellement qui a
manqué aussi. On aurait aimé que pour parler d'une
désinstitutionnalisation, on parle de la qualité de vie dans le
milieu institutionnel actuellement. C'est aussi une partie des enjeux qui a
été négligée, à notre avis.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je dois comprendre que votre approche
est assez voisine de celle de la Maison Saint-Jacques? Quand on parle de
ressources alternatives, on doit comprendre véritablement une approche
alternative totalement différente de celle que je qualifierai de plus
traditionnelle dans notre système de santé ou est-ce davantage?
Je ne crois pas que ce soit ça puisque vous nous reprochez ou reprochez
au rapport Harnois de vous avoir fait glisser d'une ressource alternative
à une ressource communautaire. (15h30)
Votre regroupement est formé de ressources qui vraiment voient
votre approche comme une alternative au traitement, diagnostic, suivi habituel
dans les cas de santé mentale.
Mme Blanchard: Oui. Ce que je comprends, c'est que vous nous
demandez un peu d'expliquer ce qu'on entend par là, la critique. Pour
nous, c'est important de préciser que ce ne sont pas toutes les
ressources communautaires qui sont des ressources alternatives, alors que les
ressources alternatives, elles, sont bel et bien communautaires dans le milieu.
Oui, comme la Maison Saint-Jacques, on offre une alternative. On espère,
avec un peu de créativité, autre chose que ce qui a
été fait.
Par contre, je trouve important de ramener cela à la personne.
Les ressources alternatives sont des ressources tellement proches du milileu,
le plus possible de ce que chaque personne cherche. Donc, c'est de
répondre à ce que la personne demande. SI elle demande une
collaboration, une démarche vers un CLSC, si elle demande une
démarche vers le centre hospitalier de la région, c'est vers ces
milieux que nous allons l'accompagner dans le respect de sa
démarche.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous autres, comme ressource alternative,
qu'est-ce que vous offrez comme "traitement", entre guillemets ou comme
approche de réinsertion sociale comparativement à la Maison
Saint-Jacques, par exemple?
Mme Laurin: C'est que le regroupement comporte 40
ressources...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Laurin: ...dont la Maison Saint-Jacques fait partie.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Laurin: On a des ressources qui vont travailler l'art. Il y a
un centre d'apprentissage parallèle à Montréal qui fait de
la réinsertion et dont l'approche thérapeutique concerne l'art.
Les gens produisent des choses, ils vendent des choses aussi. Ce sont
différentes approches. Il y en a d'autres qui se sont plutôt
axés vers la réinsertion de travail qu'ils ont
développée, comme des plateaux de travail, qui ont
développé des centres d'Informatique. Ce sont différentes
approches selon les 40 personnes, c'est ce qui fait ta richesse des ressources
alternatives. On ne peut pas dire que quelqu'un a la même approche qu'un
autre.
Ce qu'on a comme tronc commun, c'est qu'on est ouvert directement sur la
communauté. Quelqu'un peut venir sans référence.
Là-dedans, II y en a le tiers qui offre comme tronc commun
l'hébergement en plus d'offrir un programme thérapeutique.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Et ces personnes peuvent à la fois
recevoir des services d'une ressource alternative et être
également en relation avec une ressource du réseau. Est-ce que je
me trompe?
Mme Laurin: Non, vous ne vous trompez pas. C'est exact. Cela
dépend du choix de la personne.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Laurin: Si la personne, dans son plan, désire
continuer le traitement avec le psychiatre ou avec le psychologue, elle peut
faire son cheminement parallèle. Mais parallèle, dans le fond, on
la soutient, on la maintient et on l'accompagne aussi.
Mme Blanchard: II y a aussi un effort énorme qui est assez
commun des 40 ressources. C'est d'assurer qu'il y ait une participation active
des personnes qui adhèrent à chaque organisme dans leur conseil
d'administration et aux différents lieux décisionnels dans les
res-
sources.
Mme Lavoie-Roux: À la page 25, j'aimerais également
que vous m'expliquiez davantage la différence que vous faites entre la
notion d'agencement et la notion de complémentarité.
Mme Laurin: La notion de complémentarité - je ne
veux pas faire de cours de syntaxe ni de linguistique - on parie du fait que le
complément a toujours un verbe en avant, donc un leader. Si le verbe est
pour être le client ou l'usager ou le bénéficiaire, on est
d'accord pour être complémentaire avec le client; mais nous ne
sommes pas d'accord pour être complémentaires avec un
établissement. Nous sommes là pour le client d'abord. Quand on
parie d'agencement, c'est là la différence pour nous. On
collabore avec la personne qui vient chez nous, on l'aide à prendre du
mieux, mais on n'a pas à collaborer avec une institution. J'ai à
collaborer avec la personne et si elle a besoin de l'institution,
j'établirai pour cette personne quelque chose. C'est que le
complément entraîne, comme je le disais tantôt, qu'il y ait
un leaden alors si le leader est le client, on est bien d'accord.
Mme Lavoie-Roux: Mais quand il s'agit d'interaction avec d'autres
sources du milieu, vous pariez davantage d'agencement que de
complémentarité entre l'hôpital et votre source
alternative.
Mme Laurin: C'est cela, oui.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie pour le moment. Je
reviendrai peut-être. Je sais que quelques-uns de mes collègues
veulent poser des questions, ]e vais donc laisser la...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je vais aller
directement aux questions. Vous heurtez-vous très souvent à la
supermédicalisation de la santé mentale?
Mme Blanchard: Très souvent.
M. Chevrette: Pourriez-vous me donner des exemples concrets que
vous avez vécus?
Mme Blanchard: La réalité des ressources
alternatives est que tes trois quarts de la clientèle qui viennent dans
les ressources sont des personnes qui ont été à
l'hôpital, qui y retournent souvent et qui vont y retourner souvent Ce
sont des personnes pour la plupart qui prennent des médicaments et qui
sont bénéficiaires de l'aide sociale. C'est la
caractéristique de la clientèle, chez nous, de la plupart des
ressources. Donc, II y a tellement peu d'options dans les milieux puisqu'ils
sont sans travail. Les ressources alternatives se trouvent à travailler
d'une façon étroite avec les cliniciens et les personnes qui sont
aussi dans la vie des gens qui viennent dans nos ressources. Il ne faut pas se
leurrer, les gens viennent dans les organismes communautaires avec un
thérapeute quelque part qu'il doit voir d'une façon
régulière et avec une urgence psychiatrique qui va l'admettre
régulièrement aussi dans sa vie. Les heurts sont au niveau, par
exemple, d'une demande d'hospitalisation à l'urgence refusée et
retournée aux portes des maisons d'hébergement sans avis, c'est
souvent qu'une personne est réhospitalisée. Il n'y a aucun
contact avec la famille et souvent avec la ressource alternative qui remplace
la famille dans le quotidien. Il n'y a plus de contact, il n'y a plus
d'échange au moment où la personne est rentrée dans
l'hôpital, à moins qu'elle soit souvent provoquée ou
demandée de la part de la ressource dans le quartier. C'est le genre de
heurt qu'on a; c'est le genre de manque de continuité. Quand quelqu'un
est coupé de son aide sociale parce qu'il a été
hospitalisé, il y a une autre mise en place de besoins, d'appuis et de
support qui n'a pas été continuée lors de
l'hospitalisation auprès de la ressource avec laquelle la
communauté est aux prises... Les gens ont recommencé leur roulis.
C'est le genre de heurt qu'on a. C'est aussi une difficulté à
échanger sur le concept à savoir comment on veut aider les
personnes. C'est souvent dans la médication, c'est souvent une petite
hospitalisation à court terme, beaucoup de médicaments et c'est
tout. Le reste: "Occupe-toi dans te quartier. Voici t'adresse de la ressource
communautaire dans le quartier." Il n'y a pas assez d'échanges,
malheureusement. C'est le genre de heurt que je peux vous donner comme
exemple.
M. Chevrette: Avec quelle structure du réseau vous avez le
plus d'échanges?
Mme Laurin: Le plus?
M. Chevrette: D'échanges.
Mme Blanchard: Cela dépend des disparités.
Là on parie au nom du regroupement provincial. Il y a des
disparités régionales, il y a des...
M. Chevrette: Prenez une ressource spécifique, la Maison
Saint-Jacques, par exemple, est-ce plus avec le CLSC ou avec le CSS?
Mme Laurin: Je parierais d'une ressource que je ne connais pas.
Par exemple, la Maison Sésame, je dirais que c'est avec les CLSC, ce
n'est pas avec les hôpitaux. Il y a d'autres régions où les
CLSC sont en Implantation, et cela ne marchait pas, il n'y avait pas de plan en
santé mentale et c'était plutôt avec les
hôpitaux.
Disons que cela dépend des disparités régionales.
Cela aussi fait partie d'une difficulté, on ne peut pas...
M. Chevrette: Comment voyez-vous votre rôle concret,
à la minute qu'on va vouloir vous embarquer dans des équipes
multidisciplinaires?
Mme Blanchard: Est-ce que vous voulez nous embarquer dans des
équipes multidisciplinaires? Laissez-moi le temps d'y penser,
M. Chevrette: C'est-à-dire que ce n'est pas moi qui veux
vous embarquer. On parle de former des équipes multidisciplinaires. J'ai
dit "embarquer", c'est parce que si j'ai utilisé le terme "embarquer",
c'est précisément parce que vous nous avez dit que vous ne
vouliez pas embarquer dans rien de standard, alors que si on bâtit une
politique, je suppose qu'il va y avoir quelque chose, au moins un cadre
national minimal. J'ai essayé de jouer votre langage, je me suis
aperçu que cela a pris.
Quel est votre rôle dans une équipe multidisciplinaire?
Est-ce que vous vous voyez un rôle, bien sûr, selon les secteurs?
Je comprends cela. Mais prenons toujours l'exemple de vous, madame, quel
rôle pourriez-vous jouer dans une équipe multidisciplinaire?
Mme Laurin: Présentement, on travaille déjà
en multidisciplinarité. Comme je le disais tantôt à Mme la
ministre, quand elle disait "pourquoi ne voulez-vous pas être
complémentaire et que vous voulez plutôt être
l'agencement?*, comme on est complémentaire à notre
clientèle, je suis forcément obligée de travailler en
multidisclplinarité; une ressource peut difficilement survivre toute
seule. On n'a pas le choix, on manque de moyens. Je ne le vois pas de beaucoup
différent pour nous. Je ne pense pas que l'implication soit là.
Ce que je trouve de regrettable, c'est qu'on pense encore, en termes de
multidisciplinarité, d'une façon linéaire,
c'est-à-dire que les professions vont apprendre à travailler
entre elles.
Ce qu'on souhaiterait, c'est que si on veut parler de vraie
multidisciplinarité, qu'on parte du client On travaille à partir
des besoins de la clientèle. C'est d'ailleurs pour cela qu'on a un peu
de misère à se situer dans le système. C'est qu'on n'a pas
de multidisciplinarité par obligation pour aider les différents
types de travail à oeuvrer ensemble. C'est le client qui fait, en
quelque sorte, son plan de services et il nous montre avec qui il veut
travailler. On travaille avec ces gens-là.
M. Chevrette: II se crée une ressource alternative dans
une région. Vous nous dites: On ne veut pas être chiffré
pour l'établissement de nos budgets. On veut qu'on tienne compte des
réalités, à toutes fins utiles. Vous voulez que cela
vienne par les CRSSS, si j'ai bien lu votre mémoire; vous voulez que
l'argent vous vienne des CRSSS directement par le biais du ministère et
non pas à partir d'une somme inventée, fixe qui viendrait des
établissements, par exemple, etc.
Est-ce que vous considérez que chaque ressource alternative doit
plaider son propre budget, à toutes fins utiles, si vous soutenez cela
de cette façon-là? Est-ce que vous confieriez, à ce
moment-là, aux CRSSS le soin d'arbitrer la distribution des sommes
d'argent aux ressources alternatives d'une région? Est-ce que c'est cela
que vous voulez ou si ce n'est pas cela? Si ce n'est pas cela, dites-moi donc
ce que vous voulez exactement.
Mme Laurin: C'est-à-dire que c'est cela, si vous respectez
notre première recommandation qui est de démocratiser les CRSSS
et...
M. Chevrette: Ah oui, cela...
Mme Laurin: ...d'ouvrir la participation aux tiers, tiers, tiers,
à ce moment-là, on est bien d'accord à embarquer
là-dedans.
M. Chevrette: J'ai bien compris cela, madame, tiers, tiers,
tiers, mais il reste que si vous dites que l'argent va au CRSSS, c'est un
arbitrage régional. C'est cela que je veux comprendre. Vous soumettriez
les budgets des ressources alternatives à l'arbitrage des CRSSS.
Mme Laurin: Non. On demande un budget protégé au
niveau du ministère qui vient de la Direction des services de
santé...
M. Chevrette: Oui, mais qui passe par les CRSSS pour être
distribué aux ressources alternatives. Est-ce que ce n'est pas cela que
vous avez écrit?
Mme Laurin: C'est ce que nous avons dit, oui, en fonction de
notre... Mais il ne faut quand même pas la couper de notre
première recommandation. Il est bien évident que si les CRSSS
continuent à fonctionner et ne sont pas démocratisés,
nous, à ce moment-là, on refait la recommandation, on ne la
laisse pas comme cela. Cela a l'air ensuite logique de démocratiser les
CRSSS parce qu'on trouvait que c'était, d'abord, plus
démocratique et plus fonctionnel, parce que cela respecte justement les
disparités régionales, c'est-à-dire que chaque
sous-région pourrait, selon sa dynamique parce qu'une ressource
alternative, ce n'est pas quelque chose qu'on parachute, c'est une richesse du
milieu et cela se crée... cela respecterait justement la dynamique de
chacun des milieux, mais il faut qu'elle soit collée sur l'autre.
M. Chevrette: Mais avec ta distinction que vous faites du
communautaire et de ta marge d'interprétation qui est difficile à
faire, une ressource communautaire, une ressource alterna-
tive, on sait très bien qu'il y a beaucoup de monde qui va tes
mêler et pour longtemps à part cela. À partir du fait que
vous- faites face à cette situation-là, ne craignez-vous pas
qu'au niveau des CRSSS, même dans les milieux où il n'y a pas ou
peu de ressources alternatives, ou très peu, dans certains endroits,
c'est Inexistant? Sur quelle base de départ on va oeuvrer dans les
régions où c'est Inexistant?
Mme Blanchard: C'est un peu ce que j'essayais de donner comme
exemple rapidement à la fin de l'organisation communautaire qu'on trouve
essentielle dans le plan de développement des gammes de services. Je
pense que le regroupement provincial des ressources alternatives serait un
outil valable pour pouvoir aider les régions justement où il n'y
a rien, où il y aurait une possibilité de faire du
dépistage. C'est comme cela que s'initient les groupes qui sortent du
milieu. Cela prend des gens qui iront faire un peu le tri dans le milieu et
chercher les gens qui sont intéressés à partir une
ressource alternative, si on veut que cela vienne du milieu. Pour nous, une
région comme celle que vous décririez, qui a peu de force ou
aucune qui puisse initier une telle démarche, je pense que le
regroupement serait très utile à ce moment-là.
M. Chevrette: Je regardais votre structure. C'est bien sûr
que vous la calquiez à partir des milieux connus, quand vous dites
tiers, tiers, tiers. Je ne sais pas, j'arrive sur la Basse-Côte-Nord, ou
sur ta Côte-Nord, il n'y a aucune ressource alternative. Cela va
être tiers, tiers, tiers de quoi?
Mme Laurin: Quand on parle de tiers, tiers, tiers, ce n'est pas
tiers exclusivement ressource alternative.
M. Chevrette: Non, communautaire et alternative.
Mme Laurin: Oui.
M. Chevrette: J'ai compris cela. (15 h 45)
Mme Laurin: À ce moment-là, il y a quand même
des maisons pour femmes dans la région que vous Identifiez. Il y a quand
même des maisons pour jeunes et des structures communautaires dans cette
région-là qui justement peuvent créer le tiers. C'est pour
cela d'ailleurs qu'on n'a pas dit tiers ressource alternative, puis aussi c'est
d'en tenir compte, dans la politique, on parte du champ et du domaine, les
maisons de jeunes travaillent quand même dans le domaine, elles ne sont
pas spécifiques au champ, mais elles travaillent quand même dans
le domaine. C'est pour tenir compte aussi d'une panoplie de tous ces
gens-là quand on parle au niveau des commissions administratives qui
puissent justement élargir les visions de partenaires, puis qu'on
élargisse justement les Interventions en tenant compte d'autres
réalités qu'on a toujours exclues,
M. Chevrette: Quand vous observez des aberrations, vous avez des
patients qui reçoivent une surmédication, est-ce que vous logez
des plaintes?
Mme Blanchard: Si on fait quoi? Des plaintes?
M. Chevrette: SI vous déposez des plaintes? Par exemple,
vous avez la personne, vous dites que c'est la personne qui prime. Vous la
retrouvez sortant de l'hôpital superdroguée, les yeux fixes et
puis sortis de la tête, qu'est-ce que vous faites? Est-ce que vous avez
un recours, une plainte au conseil des médecins du centre hospitalier?
Est-ce que vous procédez à des plaintes concrètes, face
à des aberrations?
Mme Blanchard: II y a des groupes, il y a certaines ressources
qui sont plus équipées que d'autres, en termes de
possibilité d'accompagnement de la personne qui, d'abord, désire
le faire. Cela peut être des Intervenants qui disent: Vous êtes
bien "médiqué", et l'autre dit: Non, je suis très bien
comme cela. Il faut le respecter. Si la personne dit: Regardez ce que j'ai
l'air, je voudrais que vous pariiez à mon médecin, que vous
m'aidiez à parler à mon médecin, ce qui est souvent la
question, c'est la première démarche, je pense. S'il faut aller
plus loin, quand le médecin n'est pas disponible ou impossible à
rejoindre pendant longtemps, là où il y a des personnes pour la
défense des droits, à l'intérieur des hôpitaux, les
comités de bénéficiaires, c'est la démarche qu'on
suit. C'est toujours par l'accompagnement de la personne si elle désire
faire cette démarche.
M. Chevrette: Vous avez une personne - je ne sais pas - qui
s'adonne à l'alcool, par exemple. Il y a une ressource qui s'occupe de
cela. À un moment donné, II lui faut des soins psychiatriques.
Vous pouvez l'accompagner, à partir de sa propre demande, jusqu'au
psychiatrique, si Je comprends bien votre cheminement. À supposer qu'un
individu est hospitalisé et qu'il veut en sortir, est-ce que vous pouvez
poser des gestes dans la conjoncture actuelle?
M. Denis: On essaie de l'Informer sur la situation, sur ses
droits en général. Mais, pour en revenir à ta
médication, c'est certain qu'il est mieux d'intervenir avant que la
médication aille trop loin, que les gens se retrouvent gelés.
Mais dans les cas où il arrive que les gens sont gelés... Il est
arrivé un épisode, à un moment donné. Cela s'est
passé à Robert-Giffard. Le médecin avait prescrit des
médicaments et la personne avait dit: Bien là, c'est assez,
j'aimerais mieux ne pas consommer de médicaments, je sais
sans difficulté ou, en tout cas, avec moins de
difficulté.
Le Président (M. Bélanger): M, le
député de Joliette, je dois vous interrompre, le temps
dévolu est terminé. Il y avait M. le député de
Sainte-Anne qui voulait Intervenir.
M. Polak: M. le Président, très rapidement parce
que vraiment, il y a ici matière à des heures de discussion.
D'abord, je dois vous dire la raison pourquoi j'ai tellement anticipé de
vous questionner et de vous rencontrer. C'est que dans ma courte vie politique,
depuis 1981, ce qui m'a impressionné le plus, c'est le travail de vos
groupes. Je vous connais très bien dans mon comté. D'ailleurs, on
était ensemble pour un petit souper de Noël. Je suis venu avec ma
femme et j'ai été très bien reçu par vous et les
ex-psy-chlatrisés. J'ai Action-santé Pointe-Saint-Charles dans
mon comté. Je dois vous dire que ce dossier et le dossier de
Coopérative-logement, c'est là où j'ai appris le plus
comme Individu et j'ai énormément d'admiration pour cela. Je suis
très content de contaster, quand j'ai lu votre mémoire... Je l'ai
lu pendant les fêtes, trois, quatre ou cinq fois pour très bien le
comprendre en détail. Tout de suite, j'ai constaté que vous aviez
une critique vis-à-vis du rapport Harnois en disant d'une manière
positive: C'est malheureux qu'on ne nous ait pas pris à notre juste
valeur. Je peux seulement parler pour moi-même maintenant, mais
j'espère et je pense qu'il y a de bons motifs de croire que votre
mouvement et tous ces gens qui sont venus Ici, par exemple, le comité de
bénéficiaires qu'on a eu... On a vraiment eu beaucoup de
groupements communautaires de toutes sortes qui sont venus témoigner ici
et ils vont continuer de le faire. Cela a impressionné beaucoup. Tout
à l'heure, la ministre vous a dit que vous étiez l'autre
côté de la médaille. Pour moi, c'est de la très
bonne musique parce que cela veut dire que, dans son esprit, vous jouez un
rôle que vous ne jouez pas encore dans l'esprit du rapport Harnois. Je
suis certain que la commission Harnois est aussi ici pour apprendre.
Quant à moi, je ne voudrais pas poser d'autres questions, je veux
seulement dire que M. Harnois est quelqu'un qui a beaucoup d'organisation dans
son travail. Je suis profane dans cette affaire, mais je l'ai visité
à plusieurs occasions, il a été en contact régulier
avec mon bureau, on se parle, et j'ai l'Impression que vous êtes
absolument sur la bonne route et qu'il faut aller dans cette direction. Je
comprends très bien que chacun a son importance et l'idée...
D'ailleurs, comme l'a dit le chef de l'Opposition, vous représentez
peut-être le seul groupe qui n'a pas parlé tellement d'une
manière coopérative. Je suis avocat, donc je sais très
bien que si j'avais eu à protéger le groupe... Je l'ai fait dans
ma vie et je dois vous dire que c'est ce qui m'a touché le plus dans
votre travail.
J'ai vu des gens qui sont venus pendant deux jours, du Lac-Saint-Jean,
aussi de votre groupement, qui vont témoigner la semaine prochaine, qui
sont venus ici pour voir comment cela fonctionne, comment se préparer,
pour rassembler les questions. Ce sont des gens qui sont totalement
dévoués et qui méritent tous... Pour le reste, je ne veux
pas prendre plus de temps parce que je sens que la ministre a un peu plus
d'objections, mais je vais tenter de l'Influencer, par exemple.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: II reste peu de temps. Je veux simplement vous
poser une question sur votre recommandation selon laquelle le financement des
comités de bénéficiaires devrait relever de l'OPHQ
plutôt que des institutions, comme c'est le cas présentement.
J'aimerais vous entendre dire quels avantages vous y verriez.
M. Denis: Je pense qu'il y a une histoire assez chargée,
les relations entre tes directions d'hôpitaux et les comités de
bénéficiaires. Je pense entre autres au Centre hospitalier
Ro-bert-Giffard, à Québec. Le problème, c'est que la
direction, en donnant l'argent, impose des priorités. Le comité
est incapable de vraiment fixer ses priorités et aller de l'avant sans
avoir l'approbation de la direction. Souvent, les priorités ne sont pas
les mêmes et il y a un conflit certain, la direction coupe les fonds.
C'est difficile pour le comité d'avoir l'autonomie nécessaire
pour établir ses priorités.
En demandant que l'OPHQ finance, c'est justement pour assurer
l'indépendance, l'autonomie des comités. Il y aurait beaucoup
plus de marge de manoeuvre. Je pense que l'OPHQ est reconnue, il n'y a pas de
comparaison possible, quand même. Je pense que cela, l'aspect
fondamental, d'avoir l'autonomie des comités pour qu'ils
définissent vraiment leurs priorités parce que souvent...
Mme Lavoie-Roux: Vous faites allusion strictement, je pense, aux
comités de bénéficiaires en santé mentale ou
à l'ensemble des comités de bénéficiaires?
M. Denis: Surtout...
Mme Lavoie-Roux: En santé mentale.
M. Denis: Oui, plutôt.
Mme Lavoie-Roux: Parce que sans cela, l'OPHQ aura...
M. Denis: Ah, non.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également que vous
m'Indiquiez d'une façon un peu plus
précise quelles sont tes bases sur lesquelles vous fixez sur une
période, je pense, selon ce que vous avez dit, de trois ou cinq ans, vos
besoins financiers au montant de 50 000 000 $? Comment avez-vous établi
cela?
Mme Blanchard: Présentement, nous disposons de 4 000 000
$. Par contre, en Estrle, II y a beaucoup de groupes non subventionnés
qui se maintiennent et qui végètent II y a aussi des marges de
manoeuvre qui finissent cette année et qui ne sont pas
renouvelées. Si on voulait vraiment maintenir tous les services, cela
nous prendrait 11 000 000 $. À la suite d'une étude
américaine qui disait que pour tant de population, on avait besoin de
tant de ressources, on a extrapolé, on a calculé, à partir
de nos besoins, plus les statistiques de l'étude américaine.
C'est là qu'on en est arrivé à 50 000 000 $ pour cinq ans
ou dans cinq ans. On ne veut pas que soient parachutés 50 000 000 $ tout
de suite parce que, comme on le dit, il faut aussi laisser les milieux
s'enrichir.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que dans toutes les régions il y a
des ressources alternatives existantes? (16 heures)
Mme Blanchard: Sauf au Nouveau-Québec? Nos permanents nous
disent qu'il y en a dans presque toutes les régions.
Le montant de 50 000 000 $, je me répète peut-être,
mais pour nous c'est important. On nous disait qu'à Hull, par exemple,
des citoyens trouveraient important qu'il y ait des groupes de défense
des droits sauf qu'il n'y a personne pour démarrer une ressource
alternative dans cette ligne - là. Pour nous, l'organisation
communautaire serait aussi une partie de ces 50 000 000 $ qu'on aimerait voir
pour s'Installe r dans les régions.
Mme Lavoie-Roux: L'ensemble de l'organisation communautaire dans
l'ensemble des régions, en incluant, même si vous n'aimez pas
ça ou, enfin, si vous avez certaines réticences, les groupes
alternatifs à l'intérieur du mouvement de l'organisation
communautaire... C'est ce que je dois comprendre?
Mme Blanchard: Oui, cela inclut ce qui existe
déjà.
Mme Lavoie-Roux: II y a un autre point. Vous dites qu'à la
place de l'ombudsman vous préféreriez le modèle
américain mais qui, néanmoins, prévoirait un organisme
pour la défense des droits des personnes qui serait financé par
l'État Je ne sais pas dans quelle mesure vous avez examiné le
modèle américain, mais je ne suis pas certaine qu'il soit
financé par l'État. Dans certains endroits c'est, par exemple,
l'association des parents pour les handicapés Intellectuels qui,
à même ses propres fonds qui ont été
sollicités dans le public ou autrement, crée ce groupe
d'"advocacy". Ce ne sont pas nécessairement des groupes d'"advocacy" qui
sont financés par l'État, parce que là encore je ne suis
pas sûre du lien de dépendance ou d'Indépendance qui
pourrait exister. Dans le fond, ce que vous visez, c'est d'avoir un organisme,
un ombudsman ou peu importe la formule qu'on retient, qui soit le plus
Indépendant, le plus autonome possible.
M. Denis: Je pense quand même que c'est une loi qui a
été votée par le Congrès, que ce sont des fonds
gouvernementaux fédéraux. Ce ne sont pas...
Mme Blanchard: Je pense qu'il finance de la même
façon qu'un OSBL, comme les ressources alternatives le sont avec un
conseil d'administration de la même forme que sont nos ressources
alternatives.
M. Denis: C'est pour les États américains. Ce n'est
pas une spécificité pour une fondation privée. C'est une
loi qui couvre les États-Unis au complet
Mme Lavoie-Roux: En terminant, je voudrais peut-être
revenir quelques instants - très brièvement - sur le sujet que le
chef de l'Opposition a soulevé tout à l'heure quant à
l'intégration ou l'inclusion, si on veut, dans l'équipe
multidisciplinaire représentant les groupes alternatifs. Comme il le
disait, mettre le pied dans la boite. Finalement, on a peut-être
dégagé une Image où on se trouve vis-à-vis de deux
ressources absolument parallèles qui ne se rencontrent jamais. D'un
côté, le centre hospitalier ou, enfin, la ressource du
réseau et, de l'autre côté, l'organisme alternatif, alors
que je pense - j'aimerais que vous me corrigiez là-dessus - que, sans
nécessairement se mettre le pied dans le réseau, il existe quand
même des rapports de collaboration dans bien des cas et que les gens se
sont rapprochés et travaillent davantage ensemble. Il y a
peut-être d'autres efforts à déployer de ce
côté-là bien que chacun garde tout de même son
autonomie, d'un côté, la ressource alternative et, de l'autre
côté, la ressource de santé ou la ressource sociale.
Est-ce que je me trompe ou s'il y a quand même une amorce de
collaboration entre le réseau et les ressources alternatives?
Mme Blanchard: J'ai de la difficulté à toujours me
référer au niveau provincial. Je pense que c'est très
différent selon les régions, selon les hôpitaux dans les
quartiers et dans chaque hôpital, selon les individus
intéressés à ouvrir leur esprit à différents
modes de fonctionnement malheureusement. Cependant, je pense qu'il est clair
que les ressources alternatives ne peuvent pas fonctionner sans la
collaboration du reste du réseau. Je pense que c'est la voie de toutes
les alternatives au Québec
de dire qu'actuellement, par la force des choses, les gens qui
fréquentent nos ressources sont des gens survis dans le réseau et
qu'il faut travailler parallèlement ensemble. Sauf qu'il ne faut pas
nier non plus la difficulté qu'on a à vivre avec le fait que
l'institution n'est pas assez étudiée, remise en question quant
à son fonctionnement interne. C'est ce que nous souhaiterions voir et
qui n'a pas été assez fait dans le comité, selon nous.
Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, il y a de la collaboration, mais
il y aurait peut-être des remises en question plus avancées entre
les deux systèmes par les comités.
Mme Blanchard: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je voudrais simplement vous remercier. Je
suis sûre que les suggestions que vous avez faites et que d'autres
groupes similaires au vôtre vont venir nous faire vont faire partie de
nos discussions ultérieures quant à l'établissement plus
final d'une politique en santé mentale. Je vous remercie.
Mme Blanchard: Je vous remercie aussi de nous avoir
Invités.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Je voudrais vous remercier. Vous savez, il y a des
choses qui franchissent des bouts de chemin plus rapidement les unes que les
autres. il y a quelques années, avoir demandé à un
omnipraticien de prescrire des soins par exemple, en chiropractie, c'eut
été un scandale. Aujourd'hui, Il y a des omnipraticlens qui
acceptent le rôle du chiropraticien. Je suppose que les Institutions
pourront reconnaître qu'il y a des ressources alternatives qui peuvent
contribuer à jouer un rôle de complémentarité
extraordinaire pour la santé mentale. Merci.
Mme Blanchard: Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale.
J'appelle à la table des témoins la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
qui sera représentée par le Dr Pierre Jutras, secrétaire
général; le Dr Jean Rodrigue, deuxième
vice-président; le Dr Benoît Poulln, président de
l'Association des omnipraticiens en institution psychiatrique et par le Dr
Georges Boileau, directeur des communications.
Alors, bienvenue à la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec. Vous connaissez nos
règles de procédure. Vous avez 20 minutes très strictes
pour faire votre présentation et 0 y a 40 minutes d'échange avec
les membres de la commission. Je prierais votre porte-parole de s'identifier et
de présenter les gens de son équipe et, ensuite, de
procéder à votre exposé. Je vous remercie.
Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec
M. Rodrigue (Jean): M. le Président, Mme la ministre, Mmes
et MM. les membres de la commission, permettez-moi d'abord de vous
présenter plus spécifiquement les membres de ta
délégation. À mon extrême gauche, le Dr Benoît
Pouiin, président de l'association des médecins qui travaillent
dans les hôpitaux psychiatriques du Québec; le Dr Pierre Jutras,
secrétaire général de la FMOQ, qui est aussi
président de l'Association des omnipraticiens des Bois-Francs et qui
exerce entre autres au département de psychiatrie de l'hôpital
Sainte-Croix de Drummondville. À ma droite, le Dr Boileau, directeur
général adjoint de la FMOQ et qui a exercé aussi quelques
années à l'hôpital Rivière-des-Prairies.
Moi-même, je suis président de l'Association des médecins
de CLSC du Québec et je suis aussi le deuxième
vice-président de la FMOQ.
Permettez-moi d'abord d'excuser le Dr Clément Richer qui est
retenu à Montréal pour des séances de négociation.
Même s'il y a eu un accord-cadre, vous comprendrez qu'avec les
négociations permanentes, ce n'est jamais terminé.
Je voudrais aussi vous mentionner que dans la préparation du
mémoire, deux autres médecins ont travaillé avec nous. Il
s'agit du Dr Gaston Guimont, omnipraticien, qui travaillait au CLSC de Portneuf
et qui travaille maintenant au DSC du CHUL en santé mentale. Il y avait
aussi le Dr Gilles Otis, omnipraticien, qui est chef adjoint du
département de psychiatrie de l'hôpital Sainte-Croix de
Drummondville.
M. le Président, pour des fins d'avoir un exposé clair et
concis et aussi pour le bénéfice des gens présents ici,
nous avons décidé de lire le rapport qui est quand même
relativement court.
Voici. La Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec a pris connaissance du document Intitulé Pour un
partenariat élargi, constituant un projet de politique de santé
mentale pour le Québec, préparé par le comité de la
politique de santé mentale. Pour la FMOQ, il s'agit d'un document
intéressant qui touche plusieurs aspects de la santé mentale
allant des éléments d'une problématique de santé
mentale à un plan d'action.
La fédération a étudié avec d'autant plus
d'Intérêt le rapport du comité qu'elle lui avait soumis un
mémoire en mars 1987. De plus, elle s'était
présentée devant ce comité pour le défendre et
répondre aux questions de ses membres.
Afin d'établir un lien entre les recommandations de la FMOQ au
comité et celles qu'elle fait aujourd'hui à la commission des
affaires
sociales, Il serait bon de rappeler la teneur de celles-là:
Considérant l'Importance que l'on doit accorder à la santé
mentale au Québec; considérant le rôle
prépondérant des médecins dans la prévention et le
traitement des maladies mentales et dans la réadaptation des patients
atteints de ces affections; considérant que la dispensation des soins
psychiatriques généraux fait partie du champ d'activité
des omnipraticiens; considérant que ces soins peuvent être
dispensés tant en cabinet privé, en CLSC, à domicile qu'en
centre hospitalier; considérant ta pénurie d'effectifs
spécialisés en psychiatrie; nous recommandons ce qui suit:
améliorer l'enseignement de la psychiatrie aux étudiants Inscrits
dans un programme de formation en omnipratique, programme spécifique et
obligatoire d'une durée de deux ans; adapter cet enseignement aux
fonctions de l'omnipratlcien dans ce champ d'activité; promouvoir ta
formation continue en psychiatrie; confier, dans les départements de
psychiatrie des centres hospitaliers, la dispensation des soins psychiatriques
généraux à des omnipraticiens; préciser les
responsabilités des omnipraticiens en regard de celles des
médecins psychiatres et des autres professionnels de la santé;
Intégrer à part entière l'omnipraticien à
l'équipe soignante; assurer à l'omnlpraticien un service de
consultants; favoriser la mise à jour et te perfectionnement; mettre en
place un cadre organisationnel compatible avec l'appartenance de
l'omnipraticien au département clinique de médecine
générale et, finalement, adapter les modalités de
rémunération à la pratique de l'omnipraticien en fonction
des différents milieux et des règles de pratique d'un
département de psychiatrie.
Depuis que nous avons déposé ce rapport à la
-commission Harnois, il s'est passé différents
événements "sur lesquels nous voudrions apporter certaines
lumières.
Une meilleure formation. En juin dernier, nous avons eu le plaisir de
prendre connaissance du décret concernant le programme spécifique
et obligatoire d'une durée de deux ans pour obtenir un permis d'exercer
en omnipratique. Nous reviendrons plus tard sur la durée du stage en
psychiatrie.
Nous continuons de préconiser l'amélioration de
l'Information en psychiatrie pour le futur médecin et un meilleur
complément de formation, notamment, par des cours de formation continus
pour les médecins en pratique. De plus, nous constatons que des
médecins omnipraticiens participent à l'enseignement, soit en
donnant des cours, soit en publiant des articles à caractère
scientifique sur le sujet.
Une évolution paradoxale. Dans notre mémoire au
comité, nous avons fait état de la nécessité pour
le médecin omnipratlclen de dispenser des soins psychiatriques
généraux dans divers milieux. Nous rappelions que les
médecins omnipraticiens, et ceci pour des raisons historiques, avaient
été de façon générale éliminés
de la dispensation des soins psychiatriques généraux dans le
département de psychiatrie des centres hospitaliers de courte
durée. Cependant, compte tenu de la pénurie relative des
psychiatres, certains milieux ont voulu Intégrer des médecins
omnipraticiens dans le département de psychiatrie en leur confiant la
responsabilité de la dispensation des soins psychiatriques
généraux.
Nous avons exposé dans notre mémoire de mars 1987 quelques
situations paradoxales. Malheureusement, la liste semble s'allonger.
En juin 1986, à la faveur de la contestation des médecins
omnipraticiens de Saint-Hyacinthe, la fédération signait avec la
ministre une entente permettant la pluralité des modes de
rémunération pour les médecins omnipraticiens oeuvrant
dans certains départements de psychiatrie. Pour adhérer à
cette entente, les médecins omnipraticiens intéressés
devaient en faire la demande à un comité mixte institué en
vertu de cette entente.
Après la signature, sept autres centres s'étalent
montrés intéressés à adhérer à
l'entente particulière. Le comité mixte a évalué
leur demande et en a recommandé l'acceptation à la ministre.
Cependant, leur adhésion à l'entente ne fut ratifiée par
le Conseil du trésor qu'au printemps 1987. Cette lenteur administrative
est attribuée au fait que chacune des demandes doit être
autorisée par le Conseil du trésor.
Outre ces sept centres, le comité mixte en avait
évalué neuf autres. Certains de ceux-ci, compte tenu de l'urgence
de la situation, avaient été autorisés officieusement et
contrairement à l'entente, à retenir les services des
médecins dès l'évaluation du comité mixte avant
même toute autorisation ministérielle.
En octobre dernier, l'absence de ratification de l'accord par le Conseil
du trésor et le Conseil des ministres obligea le centre hospitalier
Pierre-Boucher à faire des avances aux médecins qui depuis
plusieurs mois travaillaient gratuitement et avaient décidé de
cesser de fournir les services médicaux. Ce geste, encore une fois, sema
l'émoi au ministère et en peu de temps, soit le 17 novembre 1987,
te Conseil du trésor et le Conseil des ministres autorisaient la
ratification de l'amendement
Devant ces faits, nous nous interrogeons sur la volonté du
ministère d'intégrer les médecins omnipraticiens au
département de psychiatrie.
Les lourdeurs administratives et les Iniquités engendrées
par l'Inertie gouvernementale risquent d'aggraver la situation existante dans
certains départements de psychiatrie de centres hospitaliers de courte
durée.
L'évolution de l'activité des médecins
omnipraticiens s'est faite de façon laborieuse. Il n'est pas normal que
ces derniers doivent toujours contester ou travailler
bénévolement pour faire avancer un dossier. (16 h 15)
M. Jutras (Pierre): Alors, Mme la ministre, mesdames et
messieurs, je poursuis.
Recommandations du Comité de la politique de santé
mentale.
Nous avons étudié, malgré le court laps de temps
accordé, le contenu du rapport intitulé Pour un
partenariat élargi. Il n'est pas question pour la
fédération de faire des remarques détaillées sur
chaque aspect de ce document. Cependant, à l'occasion de certains
passages, nous vous ferons part de nos réactions, de nos mises en garde,
de nos critiques constructives, de nos recommandations.
Comme nous l'avons mentionné, te rapport est un document
intéressant. Cependant, il situe la discussion à un niveau
abstrait, s'éloignant à plusieurs endroits des problèmes
concrets.
Nous avons aussi noté que même si le mandat du
comité établissait clairement que la cible principale devait
être les personnes aux prises avec les problèmes mentaux les plus
sévères, le comité semble être allé
au-delà et a ainsi oublié l'aspect de la maladie. Même si
les médecins ont pour objectif la santé mentale, il n'en reste
pas moins qu'ils doivent traiter la maladie; il existe une entité
clinique qui est fa maladie mentale. Cela ne nie pas la personne pour
autant.
À titre d'exemple dans un autre domaine, même si l'on
préconise de saines habitudes alimentaires, il n'en demeure pas moins
que des gens souffriront toujours d'ulcères d'estomac et même de
cancers digestifs.
Voici quelques éléments de réflexion au sujet de
quelques recommandations et remarques du rapport. Ici, on réfère
aux recommandations du rapport
La recommandation 2 - vous les connaissez toutes les recommandations du
rapport par coeur, je pense bien - au sujet du plan de services
individualisé, il faut respecter le rôle des divers responsables
professionnels, dont celui du médecin traitant
Quels que soient - à la recommandation 3 - les rôles et les
responsabilités d'un ombudsman, il faudra prendre en
considération les devoirs ou obligations de confidentialité et
les rôles dévolus par les lois du Québec à la
Corporation professionnelle des médecins du Québec et aux
conseils des médecins, dentistes et pharmaciens des
établissements.
Recommandation 4. Nous sommes en faveur de modifications à la Loi
sur la protection du malade mental et à la Loi sur la curatelle
publique. En temps et lieu, nous ferons parvenir nos recommandations au
législateur.
Recommandations 6, 7 et 8. À ce jour, la FMOQ a organisé,
à plusieurs reprises, des cours de formation continue portant sur la
santé mentale, soit de façon directe, soit de façon
Indirecte à l'occasion d'autres cours de formation continue. Elle a
aussi publié dans la revue Le médecin du Québec de
nombreux articles sur le sujet, de même que deux blocs de formation
continue portant sur la psychiatrie. Sur une base hospitalière ou
régionale, de nombreux cours ont été organisés par
les associations affiliées à la fédération et par
les départements cliniques de médecine
générale.
À ce jour, le financement des cours de formation continue s'est
fait par les médecins eux-mêmes, dans quelques cas avec l'appui de
l'industrie pharmaceutique. Depuis quelque temps, les médecins qui
pratiquent dans les territoires désignés ont droit au
ressourcement.
Au sujet de la formation du futur omnipraticien, nous avons noté
avec satisfaction l'adoption du décret portant sur fa formation
spécifique et obligatoire de deux ans avant l'obtention du permis de
pratique. Nous proposons que le stage en psychiatrie soit d'une durée
d'au moins deux mois sur ces 24 mois. Il faudrait, pendant ce stage, que le
futur omnipraticien soit exposé à des personnes souffrant de
diverses maladies mentales, dont celles qui sont chroniques. Le suivi
ambulatoire demeure aussi Important.
Une partie de la formation des médecins dans le domaine de la
psychiatrie et de la santé mentale, principalement en ce qui concerne
les soins de première ligne, doit être confiée à des
médecins omnipraticiens.
Recommandations 15, 16 et 17. Nous faisons appel à la prudence
dans les expériences à venir. Il faudra agir avec les ressources
communautaires selon la même rigueur appliquée aux groupes
professionnels et aux établissements du réseau. On devra aussi
respecter les responsabilités qui incombent aux médecins par la
Loi médicale.
La fédération insiste sur l'importance d'un contrôle
de la qualité des services dispensés par ces ressources
communautaires.
Ici, la fédération tient à faire une mise en garde:
il faut éviter la création d'un réseau parallèle et
autonome. Il faut préserver les acquis du système de santé
existant.
Recommandation 17. La fédération souligne Ici l'Importance
d'un mécanisme de contrôle de qualité.
Remarque de la page 87. '...une ressource communautaire en mesure de
dispenser un service dans sa communauté devrait avoir priorité
sur toute autre forme de structure." Ce réseau parallèle serait
aussi prioritaire. Il faut préserver les acquis du système
existant.
Recommandation 18. Il ne faudrait pas oublier que les plans
d'organisation sont déjà prévus à la Loi sur les
services de santé et les services sociaux.
Recommandation 19. La gamme des services énumérés
à la page 91 nous apparaît extensive, même si on la qualifie
de minimale.
Remarque de la page 97. "...en arriver à la primauté du
service sur la structure..." Pour avoir déploré l'inverse dans
certains cas, nous sommes en accord avec ce principe.
Recommandation 27. Nous réitérons Ici une position
fondamentale de la fédération: lorsqu'il s'agit de
répartition des effectifs médicaux quels qu'ils soient, il faut
appliquer des mesures incitatives et non pas coercitives.
Relativement à la remarque de la page 108 où le
comité souligne l'apparition de nouvelles formes de services, nous
aimerions rappeler que les médecins omnipraticiens ont fait des
expériences Intéressantes qui pourront être abordées
avec les membres de la commission parlementaire, si ces derniers le
désirent. Nous ne saurions trop Insister sur le fait que ces nouvelles
expériences doivent être soutenues adéquatement.
Recommandation 29. Nous rappelons tel que l'évaluation de la
qualité de l'acte médical a été confiée par
les lois du Québec à ta Corporation professionnelle des
médecins du Québec et aux conseils des médecins, dentistes
et pharmaciens des établissements.
Les objectifs d'évaluation des programmes mentionnés sont
davantage des moyens d'Intervention. Ils n'informent en rien sur leur impact en
termes de résultats sur la maladie mentale.
Recommandation 31. Nous nous demandons qui va prendre en charge les
patients qui ne sont pas énumérés ici. Cette
recommandation pourrait avoir des effets non négligeables sur les
effectifs médicaux en place.
Recommandation 41. La même remarque au sufet du respect des
personnes et de la confidentialité s'applique ici.
Le plan d'action. Nous prenons note de l'importance qu'accorde le
comité à la formation continue.
Notons au passage que les conditions d'exercice des médecins
à honoraires fixes en établissement n'ont pas été
modifiées de façon substantielle depuis 1976, malgré
l'insistance de la fédération.
Nous nous Interrogeons sur l'expression une "formation
spécialisée". Pour le médecin omnipraticien: Il s'agit de
façon primordiale d'une formation en vue d'assurer la première
ligne en psychiatrie. Ce qui n'exclut pas que certains médecins
omnlpraticiens puissent pousser plus loin leur formation.
Réflexions et recommandations. 1° Dans leur pratique, les
médecins omnipraticiens traitent une personne dont la santé
mentale est menacée, une personne avec une maladie, une personne
à risques. Il nous apparaît évident qu'il existe une
condition spécifique qui s'appelle la maladie mentale. Le comité
semble avoir oublié cet aspect qui faisait pourtant partie de son
mandat. 2* Avant de penser à mettre sur pied de nouvelles structures, il
faudrait d'abord consolider les acquis. Par acquis, nous entendons
l'assurance-hospitallsation, l'assurance-maladie, l'ouverture de
départements de psychiatrie dans les centres hospitaliers de courte
durée et, enfin, les ressources intermédiaires, CLSC, familles
d'accueil, pavillons d'accueil.
Il vaut peut-être mieux investir davantage dans des
améliorations que dans ta création de structures dont
l'efficacité reste à démontrer.
Quant aux lois, comme la Loi sur la protection du malade mental ou la
Loi sur la curatelle publique, nous sommes prêts à faire des
recom- mandations pour les mieux adapter aux besoins de la population.
Certaines ont d'ailleurs déjà été faites à
la curatrice (lettre du Dr Dément Richer à Mme Lucienne
Robillard, curatrice publique, le 24 avril 1987).
Il faut aussi être prudent avant de changer la vocation des
établissements. 3° Lorsqu'on parte de décentralisation, de
rapprochement des services vers les personnes, cela doit se faire dans le
respect des compétences des professionnels de la santé qui
travaillent dans le système. Il faut aussi prendre en
considération leurs droits acquis. 4° Au sujet du plan de services
Individuel, le concept est peut-être bon, mais à la condition que
le médecin traitant soit présent et que l'on respecte les
diverses responsabilités professionnelles. Ce concept ne peut, en aucune
façon, limiter la responsabilité du médecin traitant
envers le patient. 5° Le médecin omnipraticien se situe à la
première ligne en santé mentale. Il répond d'ailleurs aux
orientations spécifiques du comité de la politique de
santé mentale: il a une approche globale de façon
intégrée et continue auprès des personnes qui te
consultent; sa pratique tient compte de la dimension biopsy-chosociale; il se
situe à la porte d'entrée: cabinet privé, CLSC, salle
d'urgence, consultation externe, domicile; sa présence permet un
accès aux services près du milieu de vie du patient; il offre un
service complet et de qualité: évaluation Immédiate du
besoin, traitement, orientation vers les ressources d'aide appropriées;
il peut agir dans un court délai; II permet au médecin psychiatre
de concentrer ses activités sur des problèmes relevant de sa
spécialité. 6° Toute intervention en psychiatrie suppose des
modifications de la pratique des médecins omnipraticiens
concernés. C'est d'ailleurs une des raisons qui nous a portés
à modifier, pendant les présentes négociations, toute une
série de clauses normatives et préambulatoires. De plus, nous
avons déjà abordé avec le ministère de nouvelles
réalités comme les contrats de service, le réseau
intégré de garde, des activités multidisciplinaires.
7° Nous sommes d'accord pour l'Introduction de ressources communautaires,
mais dans le respect des compétences des professionnels, des lois
existantes et des personnes. Il faut aussi veiller à protéger la
confidentialité. Les ressources communautaires doivent être
soumises à la même rigueur que celle que l'on exige des
établissements et des professionnels de la santé. 8° Nous
appuyons toute mesure qui favorisera une meilleure préparation du futur
omnipraticien à sa tâche. Une fois qu'il sera en pratique, des
programmes de mise à jour et de perfectionnement demeureront essentiels
pour qu'il puisse continuer à rendre les meilleurs services à la
population. De plus en plus, les médecins omnipraticiens ont rôle
de formateur en psychiatrie de première ligne. C'est un
élément
essentiel de la formation du futur médecin. 9° Quel que soit
l'apport d'une nouvelle structure dans le champ de la santé mentale, il
faudra voir au respect des prescriptions médicales. Tout en étant
ouverts aux ressources communautaires, nous sommes opposés à un
réseau parallèle, autonome et prioritaire dans le domaine de la
santé mentale. 10° II faut donner la priorité à
l'évaluation des résultats par rapport à celle des moyens.
11° La fédération se pose des questions quant au financement
des recommandations du comité de la politique de santé mentale.
Elle se demande aussi comment on envisage le coût de la formation
médicale. Par ailleurs, lorsque les médecins omnipraticiens
seront concernés, la fédération sera prête à
négocier les conditions d'exercice et de rémunération.
12° Même si l'on discute ici principalement du rapport du
comité de la politique de santé mentale, il ne faut pas oublier
que, récemment, le rapport du comité de réflexion et
d'anlyse des services dispensés par les CLSC - rapport Brunet -
mentionnait, parmi les programmes spécifiques, un programme portant
essentiellement sur la santé mentale pour les personnes en
difficulté. Sans nier la pertinence de ce programme dans les CLSC, la
fédération réitère l'importance de respecter le
médecin traitant, peu importe le lieu où il dispense ses
services, que ce soit en cabinet privé ou en CLSC. 13s La
fédération remarque que le projet de politique de santé
mentale pour le Québec s'intitule Pour un partenariat élargi.
Nous favorisons la concertation des efforts, tant dans le champ que dans le
domaine de la santé mentale. Il ne faudrait pourtant pas que le moyeu
devienne, encore une fois, l'objectif. Le partenariat des intervenants ne doit
pas occulter ni diminuer les services à rendre aux personnes et aux
familles affligées de maladies ou de problèmes mentaux. Merci de
votre bienveillante attention. (16 h 30)
Le Président (M. Laporte): Merci de votre
présentation. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les représentants de la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
pour leur mémoire et leur participation à cette commission.
Dans les deux journées qui ont précédé, nous
avons parlé assez abondamment de la pénurie des psychiatres. Je
sais que depuis un certain nombre d'années et, probablement que ceci va
en s'accroissant, les omnipraticiens ont été appelés
à prendre la relève d'une certaine façon là
où il n'y avait pas de psychiatre, particulièrement dans les
régions - je ne parlerai même pas des régions
éloignées - périphériques des grands centres. Je
crois comprendre que c'est le désir de la fédération
d'accentuer ses efforts dans ce sens.
J'aimerais vous demander ceci. Est-ce que vous avez une idée -
vous avez certainement une idée - du nombre d'omnipraticiens qui,
à l'heure actuelle, ont pris des cours de formation
supplémentaire? Est-ce qu'ils oeuvrent généralement dans
leur cabinet privé ou dans les établissements? Combien se
retrouvent dans les établissements à prendre des
responsabilités en psychiatrie? En fait, c'est vraiment la donnée
précise que j'aimerais avoir. À votre point de vue, est-ce que la
formation qui est donnée présentement est adéquate?
J'ai cru comprendre que non, puisque vous dites qu'il devrait y avoir un
accent plus grand de mis même dans la formation des étudiants en
médecine, et éventuellement, dans les deux années de
formation en médecine familiale qui sont maintenant prévues.
Alors, j'aimerais avoir ces premières données.
M. Jutras: C'est peut-être un peu difficile de vous donner
des chiffres précis en ce qui concerne l'implication des médecins
omnipraticiens.
Mme Lavoie-Roux: Laissez faire en ce qui concerne les cabinets
privés parce que je sais que cela est difficile.
M. Jutras: Alors, en cabinet privé, qu'on le veuille ou
pas, tous les médecins omnipraticiens font de la psychiatrie. Dans les
institutions, disons qu'il y en a quand même un certain nombre. Je dirais
que le nombre de médecins va en grandissant dans le sens que les besoins
sont là et its répondent aux besoins de la population, d'autant
plus que vous avez référé tout à l'heure à
la notion de pénurie peut-être relative des médecins
psychiatres parce qu'ils sont en grande partie concentrés dans les
régions de Montréal et Québec. Dans les régions,
les médecins omnipraticiens sont pratiquement obligés de
s'impliquer en psychiatrie. Là, avec la formation, cela devient presque
une douce obligation parce que les médecins omnipraticiens prennent
goût à ce genre de pratique. Je ne peux pas vous donner de
statistiques bien précises, mais actuellement, il y a plusieurs centres
hospitaliers qui ont justement des médecins omnipraticiens qui oeuvrent
en psychiatrie et la liste s'allonge de jour en jour. Cette expérience a
commencé assez timidement, peut-être dans la région de
Drummondville et, par la suite, cela s'est étendu. Je pense que les
médecins omnipraticiens s'impliquent de plus en plus dans la
dispensation des soins psychiatriques. Bien sûr, dans les hôpitaux
psychiatriques... Peut-être que mon confrère Benoit Poulin
pourrait ajouter quelques mots sur ce point.
M. Poulin (Benoit L): Dans l'association dont je suis
président, il y a au moins 180 médecins. De ces 180
médecins, au moins 60 % font de la psychiatrie, soit à temps
plein, soit globalement avec la médecine générale.
Donc,
vous pouvez en compter au moins une centaine dans mon association. On
peut également compter dans les nouveaux départements dans
lesquels II y a plusieurs modes de rémunération possible...
Seulement à y penser pendant que vous parliez, j'en compte au moins 30
supplémentaires. Cela devrait être aux environs de 200 qui font de
la psychiatrie, soit partiellement, soit globalement en institution ou en
établissement.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends que la fédération, en
collaboration avec l'université, continue de développer des
programmes de perfectionnement en psychiatrie.
Une voix: Certainement.
M. Rodrigue: Oui, disons qu'on a fait un recensement justement en
préparation de notre rapport qui démontrait que, pratiquement
à chaque année, la FMOQ organisait un colloque de formation en
psychiatrie pour l'ensemble des omnlpratfclens en plus des différents
colloques qui se font dans la plupart des hôpitaux et aussi des
hôpitaux psychiatriques qui ont trait spécifiquement à la
formation en psychiatrie. De plus, il faut aussi se rappeler que depuis un an
et demi, Le Médecin du Québec a publié deux numéros
particulièrement sur la psychiatrie de l'omnipraticien, ce qui veut donc
dire que c'est un domaine qui intéresse et qui préoccupe les
omnlpraticlens et pour lequel il se donne les outils pour justement
répondre aux besoins de la population. Peut-être qu'on n'a pas
tellement Insisté - on l'avait d'ailleurs souligné dans notre
mémoire - sur le plaisir qu'on a éprouvé que le
gouvernement accepte à la fin une formation de deux ans en omnipratique
avec, justement, un accent davantage mis aux soins psychiatriques. On a
insisté aussi dans le mémoire sur le fait que cette formation en
psychiatrie pour les médecins qui iront en omnipratique devrait
être faite en bonne partie par les médecins omnipraticiens; parce
qu'il y a une différence entre la psychiatrie d'ordre du psychiatre et
celle qui est faite par l'omnipratlcien. Il est donc important, sur le plan de
la formation en médecine familiale, à l'intérieur des
stages de psychiatrie, qu'il y ait des activités spécifiquement
orientées sur tes soins de première ligne, sur les soins que
l'omnipratlcien donne dans le domaine de la psychiatrie.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que les universités ont des
programmes de perfectionnement en psychiatrie pour les omnipraticiens en
place?
M. Rodrigue: Oui.
Mme Lavoie-Roux: C'est parce que vous avez fait allusion à
des colloques dans des hôpitaux, des colloques de la
fédération, mais les universités donnent également
des cours de perfectionnement.
M. Rodrigue: Oui. Probablement que vous auriez plus de
détails avec les universités comme telles...
Mme Lavoie-Roux: Qui vont vous suivre.
M. Rodrigue: En fait, il est possible, par le biais des
facultés de médecine, d'avoir une formation
individualisée, c'est-à-dire un stage Individualisé en
psychiatrie, il est possible aussi d'aller à des colloques
organisés par une faculté de médecine en psychiatrie.
Mme Lavoie-Roux: II n'y aurait pas, par exemple,
possibilité d'un cours étalé sur une session pour un
groupe? Je vais demander aux universités, ce sont elles qui vous
suivent, Je pourrai avoir l'information. Mais je crois comprendre que non.
M. Rodrigue: Je vous répondrai ce qu'on a répondu
quand on a parlé des urgentologues. On n'a pas d'objection à ce
que les omnipratlciens suivent des cours en psychiatrie, mais on s'opposerait
à ce qu'il y ait une mini-classe de psychiatres omnipraticiens qui se
situerait entre les omnipraticiens et les psychiatres. Quant à nous, la
plupart des omnipratlciens, des médecins de famille sont
habilités à donner des services psychiatriques, ils sont
encouragés à suivre des séances de formation continue, que
ce soit par le biais de la FMOQ, des universités ou par d'autres
organismes; mais quant à nous, on s'opposerait à ce qu'on
crée une espèce de structure intermédiaire où il y
aurait des omnipraticiens, des mini-psychiatres, que certains appelleraient
peut-être des internes pour les psychiatres, et des psychiatres.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends du travail que font les
omnipraticiens dans le domaine de la psychiatrie que ce sont des services de
première ligne. Comme nous nous retrouvons dans des régions
éloignées, des omnipraticiens se sont intéressés et
ont même suivi certains cours d'initiation ou de formation en
psychiatrie, je dois comprendre que dans des cas plus lourds qui
relèvent de la deuxième ou de la troisième ligne, par
opposition à la première ligne, dans ces régions où
il n'y a pas de psychiatre, vous vous retrouvez avec une population qui
reçoit des services qui ne sont pas nécessairement
appropriés à leur maladie mentale ou à leur condition
psychique.
M. Jutras: Mme la ministre, c'est certain qu'il y a
peut-être un manque de psychiatres dans certaines régions,
peut-être que l'association des psychiatres pourrait vous répondre
sur ce point, mais comme omnipratlciens, je dois dire qu'on fait de la
psychiatrie de première ligne et parfois aussi de deuxième ligne
et parfois même de troisième ligne. Vous m'épargnerez... Je
n'aimerais pas définir exactement ce que sont la
première, la deuxième et la troisième lignes parce
que ce n'est pas toujours facile. Il reste que dans les régions comme la
nôtre, tes médecins omnipraticiens sont très
Impliqués en psychiatrie et font facilement de la psychiatrie de
deuxième ligne, dans le sens qu'ils deviennent des médecins
traitants lorsque les patients sont hospitalisés, et le psychiatre Joue
un rôle de consultant de telle sorte que, comme on le dit dans le
mémoire, cela allège le fardeau des psychiatres parce que,
à ce moment-là, ils n'ont pas à traiter tout le monde,
mais Ils agissent bien comme consultants, comme experts dans le domaine, et les
médecins de famille, les médecins omnlpraticiens demeurent les
médecins traitants de tous leurs patients psychiatriques ou autres.
La première et la deuxième lignes, il n'y a pas de
frontière bien étanche, cela dépend des milieux, cela
dépend de la formation des médecins omnipraticiens et cela
dépend aussi de leur goût de s'impliquer dans le domaine de la
psychiatrie.
M. Rodrigue: J'aimerais peut-être ajouter, Mme la ministre,
qu'en ce qui a trait particulièrement aux réseaux
éloignés, je ne pense pas qu'on puisse dire que les patients des
régions éloignées, parce qu'ils ont des services par des
médecins omnipratlciens, ont des services de moindre qualité.
J'Imagine que ce n'est pas ce que vous vouliez dire, mais je ne voudrais pas
laisser planer ce doute-là. Dans les régions
éloignées, il y a effectivement une pénurie de
spécialistes, vous le savez probablement mieux que nous; sauf que les
omnipraticiens sont très préoccupés des services à
donner à la clientèle et on observe, la plupart du temps, que les
Omnipraticiens qui exercent dans les différents départements
hospitaliers en régions éloignées s'acharnent à
aller chercher une formation encore davantage adéquate pour les services
plus spécialisés qu'ils donneront dans ces régions de
telle sorte que je pense que de poser le problème des services de
psychiatrie en régions éloignées, c'est aussi poser le
problème de cardiologie en régions éloignées, c'est
aussi poser le problème de services de chirurgie en régions
éloignées. Ce qui fait que je ne pense pas que les malades
psychiatriques sont mal desservis par rapport aux autres clientèles de
santé en ce qui a trait aux services médicaux dans les
régions éloignées parce qu'ils sont desservis par des
omnipraticiens. Il y a effectivement une pénurie de spécialistes.
Je pense qu'on pourrait très bien faire un Inventaire de toutes les
activités de formation continue que les gens des régions
éloignées vont suivre justement pour répondre à un
besoin supplémentaire de la clientèle.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez tout à fait raison. Ce
n'était nullement ce que je voulais insinuer quand j'ai parlé des
services de première ligne versus ceux de troisième ligne. Quand
on a discuté du type de formation supplémentaire que les
omnipraticiens allaient chercher, vous avez répondu en disant: On ne
voudrait quand même pas un cours trop formalisé qui, finalement,
ferait une espèce de catégorie d'omnipratlciens psychiatres entre
les omnipratlciens et les psychiatres. J'en ai déduit que les
psychiatres eux-mêmes allaient chercher une formation beaucoup plus
poussée pour répondre à des cas beaucoup plus
sérieux. Je pense que là où vous êtes formés,
vous pouvez donner des services de bonne qualité; mais je me posais ta
question en fonction de la population qui, elle, finalement... C'est vrai que
vous avez raison de dire que les clientèles ne sont peut-être pas
plus défavorisées en psychiatrie que par rapport à
d'autres spécialités, mais elles sont peut-être
défavorisées par rapport à la population des grands
centres urbains. C'est vraiment ce que je voulais dire.
Un autre point que je voudrais aborder, c'est votre recommandation 9.
D'ailleurs, ça revient à l'heure: "Quel que soit l'apport d'une
nouvelle structure dans le champ de la santé mentale../ Comme je l'avais
lue plus tôt, ça m'a peut-être frappée, à
quelle nouvelle structure faites-vous allusion? Je me suis demandée si
vous faisiez allusion aux organismes communautaires qui pourraient
peut-être avoir une reconnaissance plus juridique ou... De quelle
structure parlez-vous?
M. Jutras: Effectivement, Mme la ministre, je pense qu'on faisait
en partie référence aux groupes communautaires. Quand on dit:
"Quel que soit l'apport d'une nouvelle structure dans le champ de la
santé mentale, il faudra voir au respect des prescriptions
médicales." dans le sens suivant. Je pense que les groupes
communautaires ont un rôle important à jouer, mais on ne voudrait
pas que ce soit au détriment des prescriptions médicales.
Tout à l'heure on parlait de surmédicalisation, que les
patients avaient trop de médicaments. Dans nos milieux, il arrive
souvent que certains patients sortent de l'hôpital avec beaucoup de
médicaments mais nous pensons qu'on ne donne pas des médicaments
pour le plaisir d'en donner. Je pense que parfois ces médicaments sont
absolument nécessaires. Lorsqu'ils sont pris en charge par un autre
groupe, souvent la prescription médicale prend le bord, si vous voulez,
de telle sorte qu'on dit au patient: Ce n'est pas absolument nécessaire
que tu prennes ça ou même: Ne les prends pas. Le patient ne
demande pas mieux que de ne pas prendre ses médicaments et,
effectivement, au bout de quinze jours, trois semaines ou un mois, il
décompense à nouveau et revient à l'urgence, et il est
à nouveau hospitalisé en psychiatrie. C'est un peu dans ce
sens-là qu'on parle du respect des prescriptions médicales. Si on
pense qu'un patient doit recevoir des médicaments, il doit les recevoir
et l'intervention d'un autre groupe ne devrait pas aller à l'encontre de
nos
prescriptions, sauf s'il y a une prise en charge complète et
globale par le groupe communautaire. Très bien, il fera ce qu'il voudra
avec le patient, mais lorsqu'il décompensera, il s'en occupera
également
On sait très bien que lorsque le patient décompense et
devient en psychose aiguë, il vient à la salle d'urgence où
il est reçu par un omnfpraticien qui l'hospitalise souvent en
psychiatrie. Là, on recommence, on donne à nouveau des
médicaments.
Je pense que c'est peut-être un peu péjoratif de dire qu'il
y a une surmédicalisation. J'aimerais que ces propos soient plus
étayés, qu'il y ait peut-être une argumentation plus forte
pour dire qu'il y a une surmédicalisation. (16 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Tout en étant ouverts aux
ressources communautaires, nous sommes opposés à un réseau
parallèle autonome mais prioritaire dans le domaine de la santé
mentale. D'abord, je peux vous dire que cela n'est pas l'intention du
gouvernement de décider que tout à coup, demain matin, le
réseau des organismes communautaires est un réseau prioritaire
dans le domaine de la santé mentale. Mais je veux bien vous dire, et je
pense que vous l'avez reconnu vous-mêmes, cela nous apparaît un
réseau essentiel. Il faut bien se dire que si les organismes
communautaires se sont développés dans le domaine de la
santé mentale, c'est relié à certaines carences qui ne
sont pas dues aux Inaptitudes des professionnels mais à une carence de
services que l'on ne retrouve pas dans le milieu institutionnel ou qu'on ne
retrouve pas dans le réseau. Je pense que de plus en plus les
bénéficiaires, les centres, comme étant des services
extrêmement Importants hors les murs ou hors les cliniques
médicales et autres, c'est notre Intention, néanmoins, dans la
mesure des ressources financières, de les appuyer.
Maintenant, vous dites qu'il faudrait qu'ils soient
contrôlés de la même façon, ou un contrôle
semblable devrait s'exercer sur eux comme vous l'exercez sur les professionnels
du réseau. Je sais ce que vous voulez dire, mais comment est-ce que cela
pourrait s'opérationnatiser? Une des caractéristiques du
réseau communautaire, c'est d'abord de ne pas faire partie du
réseau, souvent d'avoir des initiatives différentes, qui sont
complémentaires ou même qui sont parfois les services de base pour
des individus à un moment donné de leur cheminement. Si nous
allions les contrôler de la même façon qu'on contrôle
le réseau, bien, on va les mettre dans le réseau. Je ne suis pas
sûre qu'on va améliorer nécessairement l'organisme
communautaire.
Je comprends qu'il faut qu'il y ait certains contrôles mais c'est
difficile de voir comment ce contrôle pourrait
s'opérationnaliser.
M. Rodrigue: Oui. Je pense que vous avez raison, Mme la ministre.
Il ne s'agit pas pour nous de dire qu'on devrait faire de chaque ressource
alternative un mini-établissement du réseau. On pense qu'il y a
deux problèmes Importants. Le premier qui est celui de la
responsabilité de la ressource alternative vis-à-vis de la
personne qui la consulte. On pense qu'il faudrait que les associations soient
très sensibilisées au fait que lorsqu'elles donnent des conseils
à une personne elles sont responsables des conseils qu'elles lui
donnent.
Donc, il y a cet élément de responsabilité qui,
d'une certaine façon, devrait être, quant à nous, analogue
à la responsabilité des services d'un professionnel face à
son patient ou à son client.
Le deuxième élément, c'est qu'on a vu dans les
dernières années une émergence assez importante de
ressources ou de médecine alternative ou de médecine
parallèle qui, sous le couvert de toutes sortes de prétentions,
Interviennent auprès des gens et modifient ou proposent des traitements
qui ne sont pas toujours étayés de façon scientifique. Ce
qui fait que ce que nous pensons, c'est qu'un organisme qui serait, par
exempte, subventionné par le ministère et qui proposerait des
services à la clientèle devrait répondre en termes de
responsabilité face à cette clientèle et devrait aussi,
d'une certaine façon, répondre de la qualité des services
qu'il donne.
C'est dans ce sens que nous disions que les ressources alternatives
devraient être assujetties à un même type de
responsabilité ou de contrôle que les établissements du
réseau ou que les professionnels de la santé, non seulement les
médecins, mais toutes les autres corporations.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais poursuivre la discussion plus
longtemps là-dessus, mais on dit que mon temps est écoulé
malheureusement
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Je vous remercie, M. le Président. Tout
d'abord, je pense que votre point de vue est clair, sans équivoque. Je
dois vous féliciter pour votre franchise. Vous dites carrément ce
que vous voulez. Sauf que Je ne suis pas d'accord avec vous autres sur toute la
ligne et de loin.
Il y a peut-être des commentaires que je veux faire. Je vais
essayer de prouver tes points sur lesquels je suis en désaccord.
Je pense qu'en santé mentale, personnellement, je maintiens qu'on
s'en est remis trop longtemps et exclusivement à la médecine. Je
suis convaincu qu'il y a des corps professionnels, des corporations
professionnelles qui peuvent jouer un rôle extrêmement Important en
santé mentale et qu'on n'a pas besoin de faire suivre deux mois de
formation à des omnipraticiens en psychiatrie pour répondre aux
besoins de ta clientèle, alors qu'il y a des psychologues qui ont
étudié de nombreuses heures la psychologie et qui peuvent
jouer des rôles extrêmement importants auprès de ces
clientèles sans avoir à former des omnipraticiens et créer
des appétits de spécialisation de deux mois; entre vous et mol,
]e ne trouve pas cela fort.
Je vous dirai aussi que je suis toujours dans le dilemme suivant quand
je parle aux médecins. Je ne sais plus si je parle à Augustin Roy
ou si je parle à la FMOQ quand je vous écoute. Je m'explique.
Augustin Roy nous dit: La régionalisation des services et la
décentralisation, il faut que la ministre fasse cela, mais de
grâce, va-t-elle mettre ses pantalons et ses bottines et va-t-elle
prendre ses décisions pour que les régionaux soient desservis
avec des services de santé de qualité? C'est parce que je ne suis
pas sexiste, madame. D'autre part, on entend la FMOQ qui fait partie de la
même corporation nous dire: Régionaliser, oui;
décentraliser, oui; mais pour autant que vous conserviez nos acquis et
pas d'une façon coercitive, d'une façon incitative. Vous dites
après: formation, oui, si vous décidez qu'on en prenne:
négociations. C'était dans une de vos recommandations.
Conservation des acquis dans tout Respect des juridictions absolues dans tout
Je ne sais pas quand on pourra évoluer dans le traitement de la
santé mentale si on se met à respecter le champ exclusif des
psychiatres, des omnipratl-ciens, des psychologues, s'il y en a, champ exclusif
des Infirmières, s'il y en a. Sur la Basse-Côte-Nord, est-ce qu'il
y en a un qui va pouvoir se faire traiter? Et dans certaines régions
éloignées? Je vous avoue que je suis très inquiet quand je
regarde cela froidement, puis je me dis: II me semble qu'on est capable de
faire quelque chose' pour le monde, d'autant plus que vous êtes de
première ligne, vous le dites. Une mère de famille qui a un
enfant malade s'en va voir son omnipraticien, c'est son médecin de
famille, son confident Vous examinez l'individu qui a de légers troubles
mentaux, par exemple, à qui le référez-vous? Vous ne
prenez plus de chance. Vous avez assez peur de vos assurances que vous le
référez au psychiatre si vous n'êtes pas trop sûr.
Les assurances ont augmenté de 400 %, je sais cela. Mais bien souvent,
dans votre for intérieur, vous pourriez avoir une simple
référence à un psychologue. Il y a des coûts de
santé qui sont prohibitifs au Québec. Je le dis, cela n'a plus de
bon sens rendus à 9 000 000 000 $ et juste l'indexation annuelle c'est
300 000 000 $, 400 000 000 $. On n'améliore jamais le système, au
contraire on piétine. Donc, en piétinant, on recule. Il faudra
trouver des formules un peu alternatives si on veut améliorer un peu les
services tout en ne restant pas sclérosés dans le système
dans lequel on vit présentement Cela m'inquiète
énormément et je pense que vous avez un rôle fondamental
à jouer, vous êtes une des clés en acceptant, par exemple,
de ne plus vous retrancher exclusivement dans la lof corporative que vous avez.
C'est vrai que vous avez les pouvoirs en vertu de la loi de la corporation
professionnelle sur les services de santé, mais doit-on se retrancher
exclusivement toujours derrière une loi corporative, évitant
ainsi, à mon point de vue, toute évolution possible? Vous venez
de faire une allusion qui le dénote d'ailleurs. Vous avez
vous-mêmes dit: II y a des dossiers qui ne sont pas prouvés
scientifiquement par des corporations parallèles. Vous parlez des
médecines douces sans doute. Vous voulez faire allusion à cela.
On me dit qu'il y a 75 % des maladies - vous allez me dire que ce n'est pas
prouvé scientifiquement ce que je vous dis, donc je vais le dire pareil
- au Québec et un peu partout dans le monde qui sont psychologiques, si
bien, et vous le savez très bien, qu'on se vante dans les centres
d'accueil de donner des petites pilules blanches qui n'ont pas l'odeur, ni la
saveur, ni la réaction d'une valium. Pourtant la personne
âgée dit: J'ai pris ma petite pilule pour dormir et je dors bien.
Si c'est vrai, comment se fait-il qu'on ne va pas vers un assouplissement en
faisant jouer des rôles à différents groupes qui peuvent
faire énormément de bien plutôt que de rester
retranché dans les droits acquis absolus? Il me semble que les omnis, en
particulier, vous êtes la clé de base. C'est vous autres qui
recevez en première ligne. C'est vous autres qui pourriez dire: Un
psychologue, cela suffirait; le travailleur social, cela suffirait
peut-être dans votre cas. Pourquoi toujours aller au clic-clic, jusqu'en
haut? Le clic-clic part d'en haut et descend jusqu'en bas et le coût
social, c'est de 9 000 000 000 $ à 10 000 000 000 $. Je ne vous dis pas
qu'il ne faut pas traiter la maladie, vous avez raison de l'affirmer dans votre
mémoire. Ce n'est pas parce que tu as une maladie mentale ou que tu es
mentalement affecté que tu ne peux pas avoir une maladie de coeur ou une
maladie du foie. Cette partie-là. Je reconnais tout cela.
Face à la santé mentale comme telle, il me semble qu'il y
aurait quelque chose à faire. J'aimerais que vous réagissiez
à cela. En tout cas, j'en suis là. Je suis un peu
déçu de voir que, dans l'ensemble, on tire chacun sur sa part de
gâteau, maudit! et on oublie l'individu qui pourrait avoir des
traitements et on pourrait améliorer son encadrement, son insertion
sociale, son insertion dans le milieu du travail. Parce que
précisément, on n'a plus de sous, on a médicalisé
tout, de haut en bas et de bas en haut. La roue part d'en bas et elle revient
avec le déclic en bas.
M. Rodrigue: Ces inquiétudes vont honorent, M. Chevrette.
Vous avez fait plusieurs exposés. Je pense qu'on va répondre
à deux. Pour répondre aux différentes choses que vous avez
mentionnées, je vais laisser d'abord le Dr Jutras donner une
première réponse.
M. Chevrette: D'accord.
M. Jutras: Disons que lorsque tes patients viennent nous voir -
d'abord, ce n'est pas nous qui allons tes chercher dans la rue, ils viennent
nous voir - ils n'ont pas une étiquette dans le front qui dit "je viens
vous voir pour anxiété"; ce n'est pas cela. Ils viennent nous
voir avec des plaintes somatiques, c'est-à-dire qu'ils se plaignent
d'avoir mal au ventre, mal à la tête. Alors, le rôle du
médecin omnipraticien, c'est d'entendre ces complaintes, d'examiner le
patient et d'en arriver à un diagnostic. Alors, quand vous dites qu'il y
a 60 %, 70 % ou 75 % des gens qui viennent consulter l'omnlpraticlen et que
c'est entre les deux oreilles que cela se passe, c'est probablement vrai. Mais,
pour en arriver à cette conclusion, il a bien fallu voir le patient et
l'examiner et éliminer l'infarctus, l'ulcère gastrique, etc.
Alors, c'est une démarche normale. Qu'est-ce que vous voulez? Les gens
viennent nous voir pour cela. Par la suite, l'ulcère d'estomac, c'est
sûr que le patient est peut-être aux prises avec de nombreux
problèmes. Là, on tombe dans le psychologique et tout cela, mais
il faut quand même traiter t'ulcère.
De telle sorte, ce n'est pas par corporatisme, je dirais, que les
médecins omnipraticiens ne veulent pas s'approprier ce champ-là,
c'est que les gens viennent nous voir avec des malaises. On essaie de les
diagnostiquer le mieux possible, d'apporter un diagnostic précis et,
ensuite, un traitement Je suis d'accord avec vous que le traitement,
éventuellement, peut être d'ordre psychologique; le patient peut
aller voir un psychologue ou un psychiatre ou un ergothéra-peute, peu
importe, mais II faut quand même qu'il y ait un diagnostic de
porté. À ce moment-là, cela fait partie de notre
démarche normale. C'est notre travail de faire cela. Vous, vous concluez
jusqu'à un certain point, vous dites qu'il y a 75 % des gens où
cela se passe entre les deux oreilles, donc est-ce qu'Os ne devraient pas venir
voir les omnipraticiens? Je pense qu'il faut qu'ils viennent voir
l'omnipraticien et, à ce moment-là, ce dernier peut régler
le problème s'il le peut, c'est-à-dire si c'est de sa
compétence, ou iI peut le référer ailleurs. Il faut dire
également...
M. Chevrette: Je vous arrête. M. Jutras: ...que
l'omnipraticien...
M. Chevrette: Je vous arrête parce que je n'ai pas
dit...
M. Jutras: ...en ce qui concerne sa disponibilité...
M. Chevrette: ...qu'il ne fallait pas qu'ils aillent vous
voir.
M. Jutras: Pardon?
M. Chevrette: Seulement une seconde, je veux rectifier une chose.
J'ai dit que vous êtes la porte d'entrée les trois quarts du
temps. J'ai dit exactement le contraire de ce que vous avez dit J'ai dit oui,
c'est normal qu'il aille vous voir, vous êtes son confident - je suis
même allé jusque-là - le médecin de famille. Je ne
dis pas qu'il ne faut pas qu'il aille vous voir et qu'il ne faut pas que vous
fassiez un diagnostic, je vous dis que je ne sais pas si c'est par
insécurité dans certains cas ou pour des raisons, en tout cas,
que j'ignore, très souvent, c'est la référence au plus
haut niveau de traitement, alors que, bien souvent, ce sont de légers
malaises qui pourraient être traités autant par un psychologue ou
par un travailleur social, bien souvent. C'est très peu
d'encadrement.
Je pourrais vous donner l'exemple - je ne me souviens plus de votre
nom...
Une voix: Jutras.
M. Chevrette: ...M. Jutras - d'un bonhomme qui se fait "fouter"
dehors à la Société des alcools. Il a mal à la
tête en maudit, c'est vrai. Il a mal à la tête, il se
ramasse trois semaines dans le centre psychiatrique. Il ressort de là,
il s'en vient me voir, it a tes yeux vitreux: Je veux mourir, j'ai des
médicaments trop forts. Vous me parliez tantôt d'un cas
précis, on a cela dans nos comtés. J'ai fait de la psychologie
comme professeur, mais je ne me prétends même pas psychologue.
Mais convaincs ce petit gars-là qu'il faut qu'il s'en sorte d'abord pour
sa santé et assure-lui que tu vas lui régler son grief
après, son mai de tête disparaît; on n'a pas besoin de
l'envoyer à un psychiatre. (17 heures)
Une voix: II faut lui trouver un job.
M. Jutras: M. Chevrette, dans votre argumentation d'abord, il
faudrait savoir si ce gars-là en question a vu effectivement un
omnlpraticien qu'il l'a référé au psychiatre. Vous me
permettrez de douter un petit peu de cette affirmation que les omnipraticiens,
lors pratiquement d'un moindre doute, font une référence en
psychiatrie. Je serais étonné de savoir les statistiques de
référence en psychiatrie par les omnipraticiens justement par
rapport au nombre de consultations qu'ils ont dans leur clientèle de
gens où il y a des problèmes psychologiques.
Je vous dirai d'abord qu'au niveau de la première ligne, le
médecin de famille, dans un très grand nombre de cas,
règle ou travaille au niveau psychologique autant qu'au niveau physique
et que, dans un bon nombre de cas, il n'y a pas de référence en
psychiatrie et il n'y a pas de référence en psychologie, ni au
niveau du travailleur social, parce que dans ces cas-là, l'omnipraticien
est habilité à régler le problème simplement parce
que ce sont des problèmes, je dirais, d'ordre mineur. Dans un certain
nombre de cas aussi, l'omnipraticien - je pense entre autres à certains
états névrotiques, comme des dépressions - qui a une bonne
formation est
mation de deux ans, si on exclut la formation prédoctorale, II y
a facilement une période de huit à douze mois où un accent
est donné aux problèmes de relation d'aide et aux
problèmes de maladie mentale.
M. Boileau (Georges): II ne faut pas non plus donner toute
la formation en médecine. On parlait tout à l'heure des
ulcères d'estomac. À l'occasion de l'étude des
ulcères d'estomac, il y a une composante psychique qui est
étudiée aussi. On ne peut pas scinder... Là, c'est
à des fins de stage. il faut bien penser que la médecine, c'est
un tout et que ce tout se tient
M. Rodrigue: Dernier élément de réponse. M.
Chevrette, vous avez associé, dans une seule phrase, des mots que vous
avez pris éparpillés un peu partout dans le rapport. Vous avez
parlé de préserver les acquis, des désincitatifs, etc. Je
n'avais pas le temps de chercher, dans toutes les pages, finalement, où
vous aviez pris les mots.
M. Chevrette: Je peux vous les donner.
M. Rodrigue: Je vous dirai simplement, M. Chevrette, que...
M. Chevrette: On va se placer en équipe et on va vous les
donner.
M. Rodrigue: Je vous dirai simplement, M. Chevrette, que, quand
on parle de préserver les acquis, je pense qu'on ne dit rien d'autre, ni
plus, ni moins, que ce que vous avez dit hier ou avant-hier et ce qu'on a lu
dans les journaux, ce mattin II y a des acquis dans le système de
santé québécois, en ce qui a trait à la
réponse aux problèmes de santé mentale et il ne faudrait
pas, dans un élan de générosité, prendre tout le
budget de développement pour le mettre uniquement dans un réseau,
par exemple. La raison pour laquelle on a parlé d'un réseau
autonome, parallèle et prioritaire, c'est parce que c'est bien dit dans
le rapport Harnois. On n'a pas associé des mots, ils sont
associés dans une phrase que nous trouverons, si vous le voulez. On
parle d'un réseau autonome, parallèle et prioritaire. Nous
disons: Avant de mettre tous les budgets de développement dans cet
élément, il y a peut-être lieu de préserver les
acquis de ce qu'on a fait d'efficace, de ce qui fonctionne bien actuellement
dans le réseau; on devrait peut-être les garder.
M. Chevrette: Vous avez plutôt parié de consolider
les acquis.
M. Rodrigue: C'est cela.
M. Chevrette: Je vais vous citer au texte.
M. Rodrigue: C'est ce qu'on voulait dire.
M. Chevrette: Sur cela, vous n'avez pas tort.
M. Rodrigue: C'est ce qu'on voulait dire.
Le Président (M, Laporte): M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Pardon?
Le Président (M. Laporte): M. le chef de l'Opposition,
étant donné que...
M. Chevrette: C'est déjà fini pour moi aussi?
Le Président (M. Laporte): Oui. Il y a des contingences de
temps.
M. Chevrette: Quand ils reviendront, vous leur donnerez le double
du temps des autres.
Le Président (M. Laporte): Ha, ha, ha! Si vous voulez
conclure.
M. Chevrette: Je vous remercie infiniment. Il est dommage qu'on
ne puisse argumenter davantage. Mais je pense que, de toute façon, sur
les points précis... Entre autres, je pense qu'il y a des points clairs
que je ne conteste pas. Si j'ai voulu faire un commentaire plutôt global
et général, c'est.. Qu'on le veuille ou non, il faut
évoluer vers quelque chose de plus positif, de plus léger, pour
toucher un ensemble de notre population plus grand, au Québec. Je vous
avoue que j'ai bien hâte d'entendre les fédérations
médicales me dire qu'elles sont d'accord pour une équité
dans les services de santé dans tout le Québec, où que
vous soyez. Qu'on ne parie plus d'incitation, qu'on parie de gros bon sens
plutôt que de prêcher cela.
M. Rodrigue: ...de la commission.
M. Chevrette: Merci. Pour vous, dans ce cas, c'est vrai, vous
avez un grand bout de chemin de fait.
Le Président (M. Laporte): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier la Fédération
des médecins omnipraticiens. J'aurais eu un bon nombre d'autres
questions. Par exemple, comment auriez-vous pu voir votre rôle
auprès des organismes communautaires? D'une part, même si vous les
voulez de telle ou de telle façon, vous reconnaissez qu'ils doivent
exister. De quelle façon pourriez-vous collaborer avec eux?
Peut-être, déjà, collaborez-vous avec eux, c'est
possible?
Juste une petite question. Celle-là n'est pas longue.
Des voix: Ha, ha, hat
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que dans les autres provinces, les
omnipraticiens sont aussi rémunérés pour des actes de
psychothérapie?
M. Rodrigue: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Dans toutes les autres provinces.
M. Rodrigue: La plupart.
M. Jutras: En Ontario, ils sont même
rémunérés pour le "counseling".
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci bien.
Le Président (M. Laporte): Merci, Mme la ministre. La
commission tient à remercier les porte-parole de la
fédération pour la présentation de leur
mémoire.
J'invite le Département de psychiatrie de l'Université de
Montréal à s'avancer...
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprise à 17 h 13)
Le Président (M. Laporte): À l'ordre, s'il vous
plaît! Afin que nous puissions débuter nos travaux étant
donné qu'on recommence ce soir à 19 heures, Mme la ministre, M.
le chef de l'Opposition...
Nous souhaitons la bienvenue aux membres... S'il vous plaît!
Merci.
Je demanderais aux membres et au porte-parole du Département de
psychiatrie de l'Université de Montréal de bien vouloir
s'Identifier et identifier les personnes qui sont présentes pour les
fins d'enregistrement.
M. Amyot (Arthur): Dr Arthur Amyot, directeur du
Département de psychiatrie de l'Université de Montréal; le
Dr Gilbert Pinard, directeur du département universitaire de psychiatrie
de McGill; le Dr Camille Laurin, chef du département de psychiatrie de
l'Hôpital Sacré-Coeur; le Dr Dominique Scarfone, responsable du
programme de ta résidence au département de psychiatrie de
l'Université de Montréal; le Dr Georges Aird, responsable d'une
équipe de psychogériatrie de l'Hôpital Sacré-Coeur
de Montréal. Le Dr Claude Marquette s'excuse, ne pouvant venir cet
après-midi de même que le Dr Brian Robertson du Allen
Memorial.
Le Président (M. Laporte): La commission souhaite la
bienvenue aux gens du département de psychiatrie de l'Université
de Montréal et vous rappelle le temps Imparti pour la
présentation de votre mémoire qui est de 20 minutes.
Département de psychiatrie de l'Université de
Montréal
M. Amyot: Mme la ministre, honorables membres de la commission
parlementaire des Affaires sociales, mesdames et messieurs, nous tenons
à remercier les membres de la commission de nous avoir accordé
d'être entendus à cette commission parlementaire des affaires
sociales. Nous sommes d'autant plus heureux d'être entendus aujourd'hui,
parce que ce projet de politique de santé mentale pour le Québec
nous tient bien à coeur.
En février 1987, le département de psychiatrie de
l'Université de Montréal a présenté un
mémoire à la commission d'enquête sur la santé et
les services sociaux connexes présidée par M. Jean Rochon, ainsi
qu'au comité de la politique de santé mentale
présidé par le Dr Gaston Harnois en mars 1987. Aujourd'hui, nous
voulons présenter à la commission parlementaire des affaires
sociales le mémoire de l'Université de Montréal en
réaction au projet de politique de santé mentale pour le
Québec Pour un partenariat élargi.
Le rapport intitulé Pour un partenariat élargi, se propose
de définir une politique de santé mentale pour le Québec.
Une telle ambition comporte, comme première condition, la connaissance
approfondie de la situation actuelle dans le domaine de la santé
mentale. Il faudrait connaître l'incidence et la prévalence des
maladies mentales dans l'ensemble du territoire, les maladies étant
différenciées selon les diagnostics, la gravité, la
chronicité, etc. Les conséquences au plan socio-économique
pour les Individus, leurs familles et la société. Les ressources
que ta société a mises à la disposition des malades
jusqu'à maintenant.
Mais, le rapport ne fait pas l'inventaire ni de l'étendue des
problèmes de santé mentale ni des ressources disponibles, de leur
distribution, de la charge que ces ressources assument, de l'adéquation
ou de l'inadéquation de cette charge en termes quantitatifs et
qualitatifs, en termes d'infrastructure comme en termes de compétences
professionnelles; en termes de budget comme en termes de développement
scientifique et professionnel. Cet Inventaire serait un autre prérequis
à l'établissement d'une politique de santé mentale. On
imagine mal comment on peut planifier, comment on peut gérer te
changement sans avoir auparavant fait cet inventaire, ne serait-ce
qu'approximativement. Une différenciation est encore ici
nécessaire entre ce qui est engagé au plan de la
prévention, de ce qui est engagé au plan des soins de
première et deuxième lignes, au plan de la réadaptation et
de la réinsertion sociale des malades, etc.
Le rapport ne fait pas état des acquis pourtant nombreux et
importants dans le domaine de la psychiatrie au Québec depuis te rapport
Castonguay. On fait, dans le rapport, comme si nous partions à
zéro. C'est bien peu de respect
pour tous ceux qui. depuis des années, oeuvrent à
structurer les services psychiatriques un peu partout au Québec.
Bien sûr, nous reconnaissons les préoccupations humanistes
des auteurs du rapport et lors d'une première lecture, on a l'impression
de partager les mêmes soucis quant au mieux-être des personnes
souffrantes. Certaines recommandations, celles concernant le respect de la
personne, la philosophie, l'accessibilité à la continuité
des soins, le soutien aux familles, la régionalisation et la
sous-régionalisation des soins et des services font déjà,
à notre avis, l'objet d'un très large consensus à bien des
niveaux. D'autres, comme celles concernant la recherche, la prévention
et la réadaptation reçoivent dans le rapport une attention
importante qui a le mérite de vouloir corriger des lacunes
réelles. Les principales lacunes du rapport sont ailleurs et nous allons
en dégager un certain nombre.
Les failles fondamentales du rapport. D'abord, les déviations par
rapport au mandat initial. En page 7, on peut lire ce qui suit: Le mandat qui
nous avait été confié établissait clairement que ta
cible principale devait être les personnes aux prises avec des
problèmes mentaux des plus sévères.
Les auteurs n'ont pas respecté cette exigence fondamentale et ont
préféré opter pour une première ouverture sur
l'ensemble des réalités. En fait, les problèmes mentaux
les plus sévères n'ont pas fait l'objet d'une attention
particulière, mais ont été plutôt dilués dans
une conception élargie et floue des problèmes d'ordre mental.
On se serait attendu, bien au contraire, à ce que ce noyau dur
auquel se butent les soignants de première et deuxième lignes
fasse l'objet d'une étude rigoureuse et spécifique, tel que
suggéré dans le mandat par Mme la ministre. Non seulement cette
question, qui était centrale, n'a pas fait l'objet d'une analyse
étoffée, statistiques, bilan, orientations, structures, mais elle
a été renvoyée pour étude ultérieure. Ainsi,
on retrouve une recommandation - R-30, page 113 - visant la création
d'un autre groupe pluridisciplinaire d'experts chargés de conseiller les
établissements, de recommander aux autorités locates,
régionales et nationales les actions à entreprendre, etc.
N'était-ce pas là un aspect majeur du mandat du
comité lui-même, mais que celui-ci a scotomisé et
renvoyé à un autre comité pluridisciplinaire?
Quant à l'ouverture sur l'ensemble des réalités, un
examen un tant soit peu respectueux de l'histoire de la psychiatrie
québécoise aurait vite fait de montrer que le comité ne
fait que reprendre à son compte, avec quinze ans de retard, ce que le
mouvement de la psychiatrie communautaire a défini et
développé depuis le début des années 1970.
Il aurait été normal que le comité se penche sur
cette période et fasse le bilan des réussites et des
échecs, des avancées et des obstacles connus. On se serait
attendu qu'il se fonde sur une telle analyse pour dégager des pistes
pour l'avenir, mais rien de tout cela ne se retrouve dans la démarche du
comité.
Deuxième faille fondamentale: la dilution du savoir. La
clé de voûte de la démarche illustrée par le rapport
nous semble pouvoir être identifiée dans l'avant-propos, juste
après la page de garde. On y affirme ce qui suit, et je cite: "Les
troubles mentaux les plus sévères sont encore d'origine inconnue,
schizophrénie, angoisse. Les frontières restent floues et sont
l'objet de controverses. Les mots dont on se sert pour décrire la
réalité diffèrent selon les écoles de
pensée." Avant-propos, texte non paginé.
Sous cette manifestation de modestie professionnelle se trouvent,
à notre avis, d'énormes énoncés de principe qui ne
correspondent pas à la réalité. Sous les apparences d'une
saine reconnaissance des limites du savoir psychiatrique, psychologique,
biologique et sociologique, il y est en fait suggéré que nous
travaillons à tâtons, ignorant tes causes et improvisant quant aux
moyens. Sur la base d'un tel postulat, il sera ensuite loisible de mettre tout
le monde sur le même pied: "tous intervenants, du psychiatre au
barman..." Près de 200 ans après Pinei et près de 100 ans
après Freud, après plus de 50 ans de neurophysiologie et 30 ans
de psychopharmacologie, un tel jugement a de quoi étonner.
Que l'on nous comprenne bien. Nous sommes bien conscients que les
chercheurs n'ont pas encore isolé le gène de la
schizophrénie et qu'il n'y a pas de test de laboratoire à l'appui
d'un diagnostic de troubles graves du caractère. Nous savons bien que
plusieurs écoles de pensée s'affrontent. Que le vocabulaire
diffère d'une école à l'autre. Mais il ne faut ni oublier
les immenses progrès accomplis, ni la spécificité du
domaine qui nous occupe. Traitant de l'homme dans sa dimension la plus
évoluée, soit son fonctionnement psychique et ses aléas,
il n'y a pas lieu de se désoler que les langages soient multiples. Ils
le demeureront à coup sûr et il nous faudrait, au contraire,
déplorer les tentatives de réduction à une seule langue,
à un seul point de vue, de ce qui est par essence complexe, multiple et
irréductible. Que les approches diffèrent n'enlève rien
aux disciplines rigoureuses qui s'acharnent à cerner, chacune avec son
langage et sa méthode particulière, ce qui fait l'être
pensant et souffrant qui se présente en divers tableaux pathologiques de
nature et d'intensité diverses.
Une troisième faille: le réductionnisme du rapport. Le
rapport ne fait aucune distinction entre les différents problèmes
de santé mentale. Une telle distinction suppose elle-même le
recours à des notions clairement définies et largement
partagées par ta communauté scientifi-
que et professionnelle qui oeuvre dans le champ en question. La
notion-titre de "santé mentale" se définit peut-être de
manière positive mais elle fait aussitôt appel à la notion
de maladie mentale. Or, celle-ci ne saurait demeurer une entité
indifférenciée. Pour la clarté du projet, dans l'optique
de l'élaboration d'une politique de santé mentale, il nous
apparaît nécessaire de préciser au moins trois ordres de
concepts: nosographiques, structuraux et thérapeutiques.
Concepts nosographlques. Il est difficilement acceptable que l'on ne
fasse pas dans le rapport de distinction entre tes diverses
réalités cliniques de la psychose aux troubles transitoires qui
ne relèvent ni d'une même approche thérapeutique, ni des
mêmes ressources. Faut-il rappeler que l'on ne traite pas de la
même façon les patients schizophrènes et les agoraphobes,
les maniaco-dépressifs et les troubles de personnalité, etc.
Pourtant, tous ces patients sont, dans le rapport, "des personnes aux prises
avec des problèmes d'ordre mental", selon la lourde terminologie du
rapport.
Concepts structuraux. On n'assiste pas non plus dans le rapport à
une discussion concernant les niveaux de soins à donner aux malades,
qu'ils soient en première ou en deuxième ligne, ainsi que les
structures qui devraient leur être rattachées selon que l'on est
à l'un ou l'autre de ces niveaux.
La question si chaudement débattue à plusieurs niveaux -
voir le rapport Brunet, par exemple, du développement d'une
première ligne intégrée de soins et de services ne fait
pas l'objet d'une attention particulière dans le rapport alors qu'il
s'agit là d'un mouvement important, prometteur, qui apporte un
élément concret de solutions à certains problèmes
que le rapport n'aborde que de façon abstraite et allusive.
Enfin, concepts thérapeutiques. Encore ici, le rapport ne fait
aucune distinction entre les différentes approches thérapeutiques
en fonction des besoins spécifiques des malades, qu'ils se trouvent dans
des secteurs de la psychiatrie adulte, de la pédopsychiatrie, de la
psychosomatique ou des personnes âgées.
On dirait que pour les auteurs du rapport, il n'y a qu'une seule sorte
de malades: les personnes aux prises avec des problèmes d'ordre mental;
une seule sorte de soignants: des intervenants; une seule forme de traitement:
la relation d'aide.
Le comité se fait le champion du respect de la personne. Mais les
périphrases utilisées tout au long du rapport pour ne pas nommer
la maladie mentale ne sauraient garantir le respect de la personne. Ce respect
n'implique-t-i! pas d'abord la reconnaissance de la spécificité
des problèmes d'un individu donné et la capacité d'y
répondre au bon niveau? Bien plus que la bonne volonté, ce
respect appelle l'acquisition, le développement et le maintien des
compétences cliniques et théoriques qui assureront à
chaque
Individu les soins les plus appropriés. Au lieu de quoi, la
dilution de la spécificité dans le magma des personnes aux prises
avec des problèmes d'ordre mental ne fait que minimiser les
problèmes et offrir les bonnes intentions et les bons sentiments
d'Intervenants dévoués comme forme essentielle d'aide.
Une quatrième lacune majeure: L'ouverture naïve et
Inconditionnelle à tout ce qui est nouveau. Se dépouillant de
tout sens critique, tes auteurs adoptent d'emblée tout ce qui se
présente sous l'étiquette de la nouveauté chez les
professionnels, - dans les pratiques et les discours. Autant il leur est facile
de passer sous silence ce qui se fait actuellement, autant Ils embrassent la
nouveauté tout en nous laissant dans l'obscurité quant à
la nature de ces nouvelles approches et surtout quant à leur valeur sur
le terrain de la réalité quotidienne.
À titre d'exemple, aucun directeur des quatres
départements de psychiatrie des universités du Québec n'a,
à notre connaissance, fait l'objet d'une consultation spécifique
concernant les programmes de formation, que ce soit pour les
sous-gradués, cours de médecine, ou post-gradués,
programme de résidence en psychiatrie. Pas même une demande de
documents à cet effet Pourtant, le jugement est sévère et
sans équivoque. Tous les programmes d'enseignement en psychiatrie
doivent être révisés, selon le comité, de même
que ceux de toutes les autres professions.
Eussent-Ils consulté les programmes. Ils auraient eu la surprise
de découvrir que pour ce qui est de l'approche globale du malade, de la
multidisciplinarité et du travail d'équipe, de l'approche
communautaire, de la continuité des soins, du maintien dans le milieu et
de la réinsertion, des approches familiales, le département de
psychiatrie de l'Université de Montréal, par exemple, n'a pas
attendu les travaux du comité Harnois pour les mettre au programme
d'enseignement théorique et pratique au cours des quatre années
de formation psychiatrique. Quant à eux, les étudiants en
médecine sont également exposés à ces approches,
notamment par le biais des programmes qui nous Incombent comme
département universitaire.
Bien sûr, nous ne prétendons pas avoir trouvé la
formule ideale et nous sommes à même d'évaluer les limites
de ces concepts lorsqu'il s'agit de les mettre en application sur le terrain.
D'une année à l'autre, des mécanismes
d'auto-évaluation nous permettent de réviser nos programmes en
fonction des besoins et des expériences vécues en clinique.
Pour conclure, une politique de santé mentale doit comporter un
plan d'ensemble établissant des priorités quant aux populations
cibles, situant les professionnels les uns par rapport aux autres, situant les
structures les unes par rapport aux autres en termes de mandats, de pouvoirs,
de responsabilités et de budgets.
Nous avions déposé en février 1987 un
mémoire à la commission Rochon et au comité Harnois
intitulé Les soins psychiatriques: nouvelle pratique, nouvelles
articulations, nouveaux rôles. Nous y avions identifié un
certain nombre de problèmes à résoudre et de défis
à relever dans le secteur de la psychiatrie et de la santé
mentale. Le comité Harnois n'a pas jugé bon de nous inviter
à le commenter, ne le cite pas dans la liste des mémoires
reçus et ne nous a même pas fait parvenir un accusé de
réception, bien que le président nous ait confirmé que
ledit mémoire a passé dans la grille d'analyse du comité.
(17 h 30)
Dans une des recommandations du mémoire que nous avions
présenté à la commission Rochon et au comité
Hamois, nous avions formulé ce que devait contenir une politique de
santé mentale et nous citons la sixième recommandation de notre
rapport: Le ministère doit définir une politique de santé
mentale dans laquelle il fixe des objectifs et des moyens pour les atteindre.
Une telle politique doit, selon nous, s'appuyer sur une meilleure connaissance
des caractéristiques et des besoins de la population
québécoise en ce qui concerne les troubles psychiques;
deuxièmement, proposer une décentralisation administrative pour
les conseils régionaux et à Montréal pour les conseils
sous-régionaux; troisièmement, proposer des mécanismes de
complémentarité entre les ressources en place;
quatrièmement, clarifier les mandats à tous les niveaux;
cinquièmement, proposer la création d'un premier niveau de
services et, sixièmement, proposer un mode de financement
adéquat.
Dix-sept autres recommandations émanaient de notre
mémoire. Il ne nous apparaît pas opportun de reprendre ici chacune
d'elles. Toutefois, nous croyons utile de les joindre en annexe à notre
présent mémoire en souhaitant que la commission des affaires
sociales y accordera une attention toute particulière.
Notre impression globale, au terme de l'étude de ce rapport, est
qu'il ne constitue pas la base d'une politique de santé mentale pour le
Québec. Une fois de plus, nous nous retrouvons devant un rapport qui en
appelle un autre.
Je voudrais en terminant, faire part des appuis que nous avons
reçus au mémoire que nous venons de vous présenter. Les
quatre départements de psychiatrie des universités du
Québec, donc du Dr Gilbert Pinard de l'Université McGill; du
directeur du département de l'Université de Sherbrooke, le Dr
Denis Lepage et du Dr Noël Mongrain, du département de psychiatrie
de l'Université Laval. De plus, se joignent à notre
mémoire par des lettres d'appui les chefs des départements de
psychiatrie de l'hôpital Sainte-Justine de Montréal, le chef du
département, le Dr Claude Marquette; de l'hôpital du
Sacré-Coeur de Montréal, le Dr Camille
Laurin; de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, le Dr Claude Vanier; de
la Cité de la santé, le Dr François Borgeat; de
l'hôpital Rivière-des-Prairies, le chef du département, le
Dr Arra Dakessian; de l'hôpital Saint-Luc de Montréal,
Marie-Carmen Plante et enfin, de l'hôpital Notre-Dame de Montréal,
le Dr Jean-Marie Albert.
Je pense que vous avez reçu les lettres d'appui qui ont
été distribuées aux membres de la commission.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux d'abord
remercier le Dr Amyot pour la présentation du mémoire du
département de psychiatrie de l'Université de Montréal.
Même si c'est un mémoire c'est peut-être le temps
d'en parler - qui démontre beaucoup d'angoisse de la part des
psychiatres, hier on a quand même eu avec le Dr Laurin une discussion
qui... C'est peut-être bien des fois qu'on ne soit pas toujours du
même avis. Cela fait aussi avancer la discussion. Alors, je veux bien
voir votre mémoire dans cette perspective. il y a évidemment des
éléments que nous avons discutés hier soir avec le Dr
Laurin, par exemple, le fait que le rapport Harnois passe sous silence la
question des acquis, la question de ce qui se fait actuellement et ce qui s'est
fait jusqu'à maintenant dans le domaine de la santé mentale.
Dr Amyot, je vais vous le dire bien honnêtement, je sens chez vous
une espèce de désappointement, pour ne pas utiliser d'autres
mots, quand vous dites: On aurait dû faire la revue depuis 1970
jusqu'à maintenant et là on aurait trouvé tous les
éléments. Depuis 1970 et même avant, probablement avant le
rapport Bédard sous d'autres formes, II s'est fait en psychiatrie des
choses intéressantes et il continue de s'en faire. Il n'est nullement
question de nier ces acquis ou de renoncer à ceux qui sont bons. Il y en
a un grand nombre heureusement et personne ne peut nier les progrès
qu'on a faits dans le domaine de la psychiatrie jusqu'à un certain point
en tout cas, jusqu'au premier mouvement de désinstitutionnalisation qui
s'est amorcé au début des années soixante. Mais il faut
bien se rendre compte qu'aujourd'hui, il y a un léger piétinement
dans le sens que les réponses ne semblent pas être
complètes. Selon les représentations qui nous sont faites par la
population - nous Ici, on entend la population, je suis sûre que vous
autres aussi, peut-être pas comme universitaires, mais comme cliniciens -
un trop grand nombre de personnes qui ont été
désinstitutionnalisées - hier, le Dr Laurin nous rappelait cela
comme un élément positif du développement de la
psychiatrie au Québec, je pense que cela l'est à certains
égards... Par contre, on sait fort bien qu'en bout de ligne, il
s'est créé, parallèlement à la
désinstitutionnalisation, le phénomène de la porte
tournante, la désorganisation sociale de ces personnes que l'on a
retournées dans la communauté sans tes ressources
nécessaires. C'est vraiment pour tenter de trouver une réponse
plus complète et Je suis certaine que même avec l'adoption d'une
politique de santé mentale et d'un plan d'action pour
l'opérationnaliser, cette réponse ne sera pas encore
complète, mais nous croyons qu'elle devra nous permettre de faire un pas
en avant
Je m'étonne - je le dis très franchement - un peu de
l'attitude des psychiatres qui réagissent si négativement. Il
semble qu'ils aient vu le rapport Harnois... et je n'ai pas à le
défendre parce qu'il va être modifié, corrigé et ce
ne sera pas la politique finale. Je pense que, hier soir, au moment où
on demandait au Dr Laurin de nous donner les principes qu'il mettrait comme
fondement à une politique de santé mentale, II a commencé
par énumérer les principes qu'on retrouve dans le rapport
Harnois. Je ne suis pas sûre qu'on sort à une si grande distance
que cela.
Vous faites allusion au rapport que vous avez soumis à la
commission Rochon, dans lequel il se trouve environ 18 ou 20 recommandations.
Je l'ai relu, mais très brièvement Je dois vous dire que je
retrouve au moins une douzaine de recommandations qui rejoignent les
vôtres et qui touchent l'accessibilité, la continuité,
l'universalité, la personnalisation - je pense que lorsqu'on centre sur
la personne, c'est cela que vous avez voulu dire par personnalisation - la
prévention, la déslnstltutionnallsation, la création de
ressources extrahospitalières, fa planification régionale et
sous-régionale - d'ailleurs, qu'on retrouve aujourd'hui dans votre texte
- la nécessité, j'imagine, d'ajouter des ressources
intermédiaires, des ressources alternatives, des organismes d'entraide,
la formation, la recherche... ce sont là des recommandations que vous
retrouvez dans le rapport aujourd'hui. Il y en a probablement qui ont
été omises sur les 18. Mais je pense que dire qu'on est
complètement aux antipodes ou créer l'impression qu'on puisse
l'être complètement, cela me surprend.
J'essaie de comprendre ce qui s'est passé. Je voudrais
peut-être que vous me disez, vous qui avez été
président du comité de la santé mentale à
l'Intérieur du ministère des Affaires sociales pendant quelques
années, quels auraient été vos fondements pour
l'établissement d'une bonne politique de santé mentale.
M, Amyot: Oui, je vais vous répondre dans le sens de la
déception; elle est très grande et elle se maintient dans le sens
où l'élaboration du rapport Harnois, à notre avis, a
passé à côté du mandat que vous lui avez
demandé, d'aborder la question du noyau dur, des malades les plus
malades, c'est-à-dire ceux pour lesquels tes omnlpraticlens et toutes
les ressources n'ont pas pu répondre de façon adéquate et
qui sont, on vous l'avoue, Importants, en nombre grandissant.
Ce qui s'est passé depuis vingt ans, c'est qu'une
désinstitutionnalisation importante s'est faite, je pense que le Dr
Laurin le mentionnait hier; de 25 000, on est passé à 12 000
malades qui demeurent dans les établissements. Je pense qu'on ne parle
pas assez et pas suffisamment des 50 000 ou des 55 000 ou des 60 000 malades
qui sont suivis en externe par des équipes de secteur
pluridisciplinaire, qui sont actuellement débordées à ce
niveau. Je pense qu'on met le focus beaucoup trop, à mon avis, sur la
désinstitutionnalisation, alors que la non-institutionnalisation est une
forme de désinstitutionnalisation. Je pense que ces
ressources-là... Qu'on soit arrivé à passer de 25 000
à 12 000 et qu'on veuille tendre de 12 000 vers plus bas, je pense que
c'est un objectif qui serait Important, mais on n'a pas mis le focus. Je pense
que là où on est déçu, c'est qu'on parle beaucoup
de la prévention, de la réinsertion sociale et des moyens qu'on
devrait prendre, mais on ne parle pas de la partie majeure, du noyau dur, de la
partie centrale. Ce qui nous étonne, c'est qu'on vienne nous dire que
les nouvelles orientations qui devraient prendre forme, c'est l'approche global
du malade mental, l'approche multkHsciplinalre. Il me semble que cela existe,
pour nous, dans la réalité de nos départements de
psychiatrie et dans les hôpitaux généraux, de façon
élaborée, en tout cas à Montréal, mais on n'a pas
senti le soutien et on n'a pas les appuis pour développer ce qui serait
complémentaire et ce qui serait nécessaire entre le milieu
asilaire, qui ne répond plus à des demandes de la
troisième ligne et l'hospitalisation et l'équipe de secteur; il
n'y a que cela, il n'y a que l'hôpital. Quand vous parlez de la porte
tournante, à mon avis, c'est un phénomène qui est encore
plus intéressant que la porte soit tournante plutôt que non
tournante. L'histoire du nombre croissant des malades qui ont été
hospitalisés et qui ont été internés dans les
milieux asilaires avant les années soixante, la porte ne tournait pas,
elle ne tournait que dans un sens, vous entriez, mais vous n'en sortiez pas. Il
fallait agrandir les milieux asilaires avant le rapport de la Commission
Bédard et Lazure-Roberts, on se souvient que le nombre tendait vers 25
000 et qu'on avait construit à Sherbrooke un dernier asile, qu'on en
avait construit à l'Annonciation, qu'on en construisait un peu
partout
II me semble que le rapport Harnois n'aborde pas - c'est vraiment
là notre déception la plus grande - les travailleurs qui sont
placés au centre avec la pathologie la plus lourde. C'est cela votre
mandat. C'est cela qui nous étonne un petit peu qu'on ait beaucoup
parlé de la prévention et quand on parle de la prévention,
je ne suis pas sûr qu'on s'entende tous sur les mêmes termes. Il y
a une prévention primaire, secondaire et terciaire et je pense qu'on
pourrait développer cet aspect-là. Notre déception la plus
grande réside dans le fait qu'on n'ait pas fait
état du bloc majeur, le bloc le plus Important des malades
mentaux. Je ne veux pas vous donner...
Mme Lavoie-Roux: II y a, à mon point de vue, ce que
j'appellerais un malentendu ou une Incompréhension ou une
ambiguïté. Vous avez raison de dire que ce que j'avais
demandé et ce que personnellement J'avais demandé, je le retrouve
et vous ne le retrouvez pas. Ce que j'avais demandé et ce qui me
préoccupais surtout, non pas que je n'étais pas
préoccupée par la prévention parce que tout le monde veut
être préoccupé par la prévention pour... bon, on le
sait, bon, toute cette vertu qui est nécessaire, mais j'étais
surtout préoccupée par les gens qui étaient
désinstitutionnalisés, qui avaient été ou
étaient dans un processus de désinstitutionnalisation et
également par cet accroissement considérable de ceux qui ne sont
plus institutionnalisés. Quant à moi, je pense que vous avez fait
référence à ce groupe-là, c'est un groupe qui est
extrêmement important. Je sais qu'un grand nombre de personnes - je ne
sais pas si c'est 35 et moins ou 40 et moins, mais probablement 35 et moins -
avec des pathologies lourdes n'ont souvent jamais connu l'institutionnalisation
des personnes qui les ont précédées, des autres
générations. Dans ce sens-là, je pense que oui; mais je ne
vois pas qu'on fasse abstraction dans le rapport Harnois de la
nécessité d'avoir, pour ces personnes-là, un traitement
psychiatrique Intensif - cela peut être aussi des traitements
pharmacologiques, etc. - mais comme elles doivent rester dans la
communauté, il faut aussi s'assurer que cette - et là j'utilise
le mot traitement dans un sens beaucoup plus large approche puisse être
complétée par un ensemble de mesures qui commencent à
s'édifier, mais qui sont encore très très restreintes. Si
- je suis d'accord avec vous - de la porte fermée on est passé
à la porte tournante, je pense qu'on voudrait que la porte tournante
tourne moins vite aussi. Je pense que c'est là un de nos autres
objectifs. Dans ce sens-là, je pense que ce qui est proposé et
qui aurait pu évidemment être développé, on aurait
pu parler pendant un long chapitre sur les ressources alternatives, un autre
long chapitre sur les ressources intermédiaires. On aurait pu
développer à l'infini les appartements supervisés, les
familles d'accueil, les groupes d'entraide, etc., mais Je pense que c'est une
politique qui n'entre pas dans tous ces détails. À tout
événement, je peux vous dire une chose. J'ai eu l'impression, et
plus fortement chez les psychiatres que chez les autres professionnels, qu'on
s'était senti mis de côté. C'est comme s'il y avait eu une
perte d'identité. Vous connaissez cela. (17 h 45)
M. Amyot: Pas comme ici. On a nettement l'impression,
effectivement, que tout ce qui est de l'ordre des champs thérapeutiques
spécifiques a été complètement scotomisé.
Les formes de thérapies se sont diversifiées, se sont
multipliées, avec des expertises spécifiques, soft dans le
secteur de la biologie, dans le secteur de la psychologie et dans le secteur
des interventions sociales. On a le sentiment que c'est comme s'il n'y avait
qu'une seule forme d'aide. Il s'agissait d'être compréhensif,
d'être compatissant, d'intervenir rapidement auprès de la
communauté et de développer les ressources communautaires. Ce qui
nous est apparu important, c'est qu'on n'a pas vu ce bilan. En fait, on
n'arrive pas avec des données. On n'a pas fait cet inventaire. Et, quand
on parle, on est toujours dans un flou et on a l'impression que notre
discussion peut tourner aussi dans un flou parce qu'on n'a pas un portrait qui
aurait été nécessaire Initialement pour savoir...
Mme Lavoie-Roux: Pour faire allusion à ce portrait - le Dr
Laurin a dit hier qu'il n'existe pas - à ce bilan des besoins
d'identification des clientèles... Je pense que vous vous
référez à la nature des problèmes psychiques. Ce
n'est peut-être pas cela, mais cela y ressemble en tout cas. Je dois vous
dire qu'évidemment, tout le monde était fort conscient - vous
devez le savoir vous-même, Dr Amyot - que les données que l'on a
au Québec sont - on se l'était dit à l'automne 1985 avec
des groupes qui étalent venus ici, je me souviens - des données
à partir d'analyses de ce qui existe aux États-Unis ou dans
d'autres pays, par exemple. Dans le moment, on a l'enquête
Santé-Québec. On devrait recevoir une première partie des
travaux assez prochainement Justement, il y avait un volet très
important sur les troubles de santé mentale - on va les appeler comme
cela, si vous voulez - ou de maladie mentale, si vous préférez,
de la population du Québec dans les régions. Je pense que,
là, on va arriver avec un élément qui va peut-être
coller encore davantage à notre réalité. Je veux bien que
vous me donniez d'autres données là-dessus. On pourrait aussi
vous fournir des données sur ce qui est dépensé dans tel
type d'institution et dans tel autre, quelles sont les réallocations de
ressources. À mon point de vue, je ne pense pas que cela entre dans une
élaboration de politique de santé mentale, sauf peut-être
dans une introduction. Je vais arrêter ici parce que certains de mes
collègues veulent vous poser des questions. C'étaient surtout des
commentaires, mais je voudrais quand même vous demander si vous retrouvez
dans le rapport Harnois certains éléments des recommandations que
vous avez faites à la commission Rochon.
M. Amyot: Je pense qu'on y retrouve plusieurs
éléments. Ce qui m'apparaît le plus inquiétant,
comme je vous le disais et comme on le mentionne dans le rapport, c'est
qu'à une première lecture, on peut être en accord sur un
bon nombre des recommandations qui sont faites, mais on ne retrouve pas les
éléments de base d'une politique de santé mentale. On se
serait
attendu qu'un groupe qui travaille pendant près d'un an et demi
et qui se base... Nous avons fait notre mémoire à partir d'un
temps très partiel, avec des cliniciens, des gens qui sont dans le
milieu. On s'est donné une année de recul. Mais je pense que
faire un travail dans un département de psychiatrie, avec des gens qui
sont impliqués, des répondants extrêmement valables, c'est
autre chose que d'avoir des données sur lesquelles on aurait pu
s'appuyer, en ces termes: Où va l'ensemble des budgets? Comment va se
structurer la politique? Quelles sont les grandes orientations? Il me semble
qu'à ce chapitre, on ne retrouve pas, dans le rapport, comment cela va
prendre forme, qui va être responsable de quoi, quels vont être tes
rôles des uns par rapport aux autres, quelles vont être les
structures qui vont s'enclencher les unes par rapport aux autres. On risque de
rester dans un grand flou, à mon avis. On se serait attendu à un
élément organisateur de la part d'une commission d'enquête
qui tire au clair, qui essaie de trancher dans le vif même si c'est
difficile et que cela crée des remous, mais au moins, qu'elle prenne
position et qu'on sache un peu plus à quoi s'en tenir.
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une dernière question.
À votre dernière page, si ma mémoire est bonne, vous
proposez une décentralisation de la gestion administrative au niveau des
conseils régionaux et à Montréal, au niveau des
sous-régions. Nous avons reçu ici des représentants de la
région de l'Outaouais qui ont développé un plan d'action
dans le domaine de la santé mentale. C'est probablement des
régions - Je ne voudrais pas être Injuste envers aucune des autres
- la seule qui a un plan, une approche qui, selon eux, colle à leur
réalité. Nous leur avons demandé, par exemple, pour
répondre à une des interrogations que vous avez, qui doit assumer
ceci à ce moment-ci, qui doit être la porte d'entrée,
quelle doit être l'organisation des services. Ils ont quatre
sous-régions. Ce qu'ils nous ont répondu, c'est que chaque
sous-région a développé un modèle différent
quant à la porte d'entrée, par exemple, quant aux réponses
à donner. Évidemment, quant aux traitements, je pense qu'on
retourne vers les compétences professionnelles de chacun. Il semble que
cela soft la seule sous-région au Québec - même que le chef
de l'Opposition leur a conseillé de servir de leader national pour le
reste du Québec - où tout le monde peut retrouver
immédiatement une réponse, peut-être pas complète,
mais une réponse, en tout cas, à leur détresse.
Alors, c'est pour cela... Voulez-vous qu'on définisse un
modèle uniforme à travers le Québec? C'est peut-être
la question fondamentale que je voudrais vous poser.
M. Amyot: Oui. Je ne voudrais peut-être pas monopoliser
parce que je suis venu avec une délégation. Or Scarfone et
ensuite, on pourra reprendre.
M. Scarfone (Dominique): Mme la ministre, je pense qu'il y a
beaucoup de choses qu'on retrouve dans le rapport et avec lesquelles on ne peut
qu'être en accord, ne serait-ce que, comme vous le disiez vous-même
tout à l'heure, on ne peut être que pour la vertu et il y a des
vertus valables et nécessaires. Mais je pense que ce qui manque le plus
dans le rapport, c'est un fil conducteur. Vous pariiez de l'angoisse des
psychiatres. On n'est pas ici pour représenter tes psychiatres. On donne
de la formation aux omnipraticiens, on donne de la formation aux
Infirmières, aux ergothérapeutes, aux physiothérapeutes.
La formation de la dimension psychiatrique, on la donne en tant que
département universitaire à bien des professionnels qui, un jour
ou l'autre, rencontrent des malades.
Ce qui est inquiétant, non seulement pour les psychiatres, mais
pour tous les professionnels, c'est de voir, premièrement, la notion de
maladie complètement absente là-dedans. On ne parie que de
problèmes vagues d'ordre mental et on Inclut tout au même niveau.
On ne voit pas non plus la notion de compétence professionnelle. On sent
que pour tout ce qui concerne les organismes communautaires, par exemple - II y
a une recommandation qui a été citée de multiples fois et
je ne la reprendrai pas ici - cette intention de donner une priorité
là où c'est cela qui existe sur une structure où 0 y
aurait des professionnels, cela me semble extrêmement inquiétant
et du point de vue professionnel et des services, mais d'un autre point de vue
aussi qui est celui de la formation et du développement de la recherche
et des connaissances sur la maladie mentale. Je pense qu'il y a une
Inquiétude et une perte d'identité importante en effet si on
néglige de rappeler qu'il faut des compétences et que le fait
d'avoir une réponse rapide ne signifie pas qu'on a une réponse
adéquate et que les lignes téléphoniques pour
répondre à des gens qui sont suicidaires n'empêchent pas...
on n'a pas de statistique prouvant que cela empêche les gens de se
suicider. Je pense qu'il faut des gens qui ont des compétences pour
diagnostiquer, traiter et réinsérer. La
complémentarité avec des ressources non professionnelles est
absolument intéressante et nécessaire, là où elle
existe, mais ce n'est pas une politique de soins psychiatriques et de soins de
santé mentale. Cela manque énormément. On retrouve
même, dans l'Introduction du rapport, des clichés qu'on entend
rabâcher depuis des siècles sur la psychiatrie. On pourrait
inclure à ta limite le phénomène de la porte tournante, on
finit presque par dire que les gens commencent à avoir des
problèmes le jour où ils rencontrent une institution
psychiatrique ou un département de psychiatrie, comme si la porte
tournante ne relevait pas, jusqu'à un certain point, de la maladie
elle-même, de sa gravité et de la difficulté qu'on a
à la traiter.
C'est extrêmement inquiétant pour le développement
de la psychiatrie et des autres disciplines qui ont trait à la
santé mentale au Québec.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci, M. le Président Vous avez fait des
remarques assez intéressantes sur votre perception du rapport Harnois.
Je n'avais pas lu votre mémoire avant hier soir et, effectivement, je
vois corroborés certains propos que J'ai tenus lors de mes remarques
préliminaires. À mon point de vue, il y a beaucoup de voeux pieux
sur lesquels on est d'accord au Québec depuis plusieurs années,
dans le rapport Harnois. On s'est bien abstenu de toucher à tout ce qui
était conflictuel. Je vous avoue que c'est une preuve d'habileté
consommée. Le rôle des professionnels, II n'a pas osé le
définir, le rôle de chacun des intervenants. C'est très
habile, sauf que cela ne réglera pas les problèmes dans le
milieu, parce qu'on sera obligé de le faire. Une définition
politique au lieu d'une définition scientifique, cela risque
d'être conflictuel par la suite. Je pense que la ministre sera
obligée de convoquer une nouvelle commission parlementaire le jour
où elle aura la volonté politique de déposer une
véritable politique. Je suis d'accord avec vous, c'est la perception de
l'Opposition.
Quand la ministre reviendra avec un livre blanc, elle va nous dire
comment elle voit le rôle de chacun. Je ne sais pas qui va
démarrer les choses dans ce domaine si on ne définit pas les
champs d'action de chacun, c'est clair. Sur cette partie, je suis en parfait
accord avec votre mémoire.
C'est vrai que n'ayant pas défini "maladie mentale profonde" par
rapport à "troubles mentaux légers", ne pas faire une distinction
dans les types de fonctionnement, cela nous crée un problème
parce que bien souvent on est porté à dire: C'est bien sûr
qu'il y a une ressource alternative qui n'a pas de professionnels. Ils vont
encadrer le mieux possible, ils vont soutenir la personne. Ce qu'ils ne
pourraient pas faire, c'est avec un psychiatrisé lourd qui est en
institution, mais on ne sait pas exactement. Les énoncés Ici
à la commission sont assez contradictoires. On s'en rend compte. Il y
avait un groupe - je ne me souviens pas lequel - aujourd'hui, qui est venu
témoigner en disant: Les hôpitaux psychiatriques devraient
s'occuper uniquement des cas lourds. Vous le reprochez au rapport Harnois, il y
a eu beaucoup de perception très différente du rapport Harnois
purement et simplement, parce que je pense qu'on n'a pas défini
très précisément, avec clarté en tout cas, ce qu'on
voulait régler d'une façon correcte.
J'aimerais vous poser deux questions. Je crois fondamentalement aux
ressources. Je crois également à la complémentarité
des différents corps professionnels. La perception que vous avez
dégagée ou qu'on vous a imputée, je ne ferai pas le
procès tout de suite, mais les gens ont la perception que vous voulez
garder la quasi-exclusivité du champ d'action en santé mentale.
J'aimerais vous entendre parler de complémentarité et
d'acceptation des ressources alternatives comme soutien indispensable en
santé mentale.
M. Pinard (Gilbert): Je ne sais pas si je pourrais
répondre en partie en donnant certaines illustrations. Je pense qu'on
nous Impute de vouloir effectivement être exclusifs, alors que le
fonctionnement de tous les jours depuis plusieurs années, au moins 25 ou
30 ans, en tout cas, est essentiellement en équipe multidisciplinaire,
on travaille régulièrement avec le travailleur social, avec un
psychologue, avec un ergothérapeute, etc.
Il y a des particularités cependant et on ne peut pas parler donc
de spécificité professionnelle si on n'a pas parlé d'abord
de certaines maladies, de certains traitements qui sont spécifiques
aussi, et c'est un peu ça qui a amené notre déception dans
le rapport. Pour donner un exemple personnel, le vendredi matin je suis en
équipe avec des psychologues et des travailleurs sociaux pour un certain
type de maladie basée sur des troubles d'anxiété,
angoisse, panique, etc. C'est bien évident que le psychiatre y apporte
un élément de diagnostic qui couvre le biologique, le
psychologique et même le social, mais une grande partie du traitement
peut être entreprise par le psychologue, un volontaire dans la
communauté peut faire une grande partie du travail de
désensibilisation, etc.
On ne retrouve pas dans le document une prise de conscience que cela se
passe. Cela fait 25 ans que cela se passe. La supposée
exclusivité ou la revendication des patients - je t'écrivais dans
notre rapport - ce n'est pas par manque de patients, en tout cas. On en a tous
suffisamment. On serait bien gauche de vouloir se les approprier, parce qu'on
en a déjà suffisamment croyez-moi.
Le problème qu'on ne retrouve pas, c'est qu'en ne
décrivant pas que dans telle sorte de tableau cela prend telle sorte
d'intervention, on est pris effectivement devant une espèce
d'indifférenciation et on se demande effectivement ce que va faire tel
professionnel ou tel autre.
J'aimerais penser que le médecin d'abord et ensuite le
psychiatre, en deuxième lieu, a une fonction diagnostic parce qu'il
couvre un certain nombre de domaines qui apportent par la suite une
spécificité dans la réponse, quelle qu'elle soit
Deuxièmement, ce rôle est spécifique par rapport au
lieu où se passe cette intervention. Si effectivement, l'intervention
est dans la communauté, c'est très différent que si cela
se passe dans une urgence d'hôpital. Dans une urgence d'hôpital, le
patient est un patient. Il vient parce qu'il se sent malade. Il vient se faire
traiter. C'est bien différent du citoyen qui, même s'il est
malade, cherche un emploi, cherche un héberge-
ment, cherche quelque chose d'autre dans son système de soutien.
C'est tout à fait complémentaire. (18 heures)
M. Chevrette: Deuxième question...
M. Scarfone: M. Chevrette, si vous permettez, |e voudrais ajouter
quelque chose.
M. Chevrette: Certainement, monsieur.
M. Scarfone: Une expérience personnelle. J'ai
travaillé six ans dans un département de psychiatrie, dans un
centre de santé mentale communautaire, à l'hôpital
Saint-Luc plus précisément, qui a sur son territoire la Maison
Saint-Jacques. J'ai participé personnellement à la
création d'une alternative qui s'appelle la Chrysalide qui, ]e pense,
fait encore partie du réseau des ressources alternatives. À la
revue Santé mentale au Québec, qui est une des tribunes
les plus pariantes en ce moment sur la constitution d'un réseau
alternatif, j'ai été dans le comité de rédaction et
j'y ai aussi rédigé des choses. Une chose que je disais c'est que
j'envie parfois les ressources alternatives pour certains aspects. Notamment,
la Maison Saint-Jacques, dont j'ai déjà écrit des lettres
d'appui qu'elle peut vous citer, elle accueille des jeunes de 18 à 25
ans ou à 35 ans. C'est eux que nous traitons dans telle et telle
situation; Ils sont obligés de déclarer forfait et de dire qu'un
tel a besoin d'hospitalisation et, à ce moment, il est
hospitalisé.
Dans un département de psychiatrie d'hôpital, il n'y a pas
de troisième ligne en arrière pour dire: celui-ci, on ne peut pas
s'en occuper, on est obligé "de développer des ressources et des
compétences pour lesquelles on ne peut pas mettre de critère de
sélection. Quelqu'un qui se présente à la porte d'une
urgence, il faut le voir et on ne peut pas dire: ah! vous n'avez pas
l'âge monsieur, allez ailleurs. Il y a la question du secteur qui se
pose, mais on déplore beaucoup ta rigidité et la sectorisation.
Il ne faut pas oublier que dans des endroits où il n'y a pas de
sectorisation, cela donne le beau jeu aux institutions de dire: on regrette,
tous nos lits sont pleins, allez ailleurs tandis que quand il y a un secteur,
l'institution est obligée de fournir des soins qu'il n'ait ou qu'il
n'ait pas les lits disponibles 24 heures par jour. Alors, Je pense que les
alternatives ont un rôle, une place. Je dirais, pour ma part, très
personnellement, que c'est un acte de suicide de la part des alternatives que
de s'Institutionnaliser parce qu'elles perdront le rôle d'alternative et
II y a déjà des tendances (à-dedans. Des alternatives, en
ce moment, se définissent comme des néoprofessionnelles, le mot
"néo" étant là pour garantir qu'elles n'ont pas l'horreur
des autres professionnels, bien sûr, elles se font de l'autoformation,
etc. Je pense qu'on va venir bientôt à la syndicallsation des
alternatives. Cela ne m'étonnerait pas s'il y a des budgets trop gros
qui sont donnés. Je crois qu'une alternative est par définition
en marge et je trouve excellent ce qu'elles font. J'ai contribué
à en créer une modestement, mais j'y ai contribué et Je
pense que ce n'est pas là la question. La question c'est, si on regarde
tes 40 alternatives actuelles au Québec, combien de patients elles
rejoignent, qu'est-ce qu'elles pourraient assumer des 50 000 ou des 60 000 qui
se trouvent dans les cliniques externes de psychiatrie au Québec en ce
moment? Je pense qu'il faut faire attention que le tout nouveau n'est pas
nécessairement la solution finale et totale au problème auquel
nous faisons face.
M. Chevrette: Un autre point que je veux toucher rapidement - je
sais que te temps file malheureusement trop vite - la répartition des
effectifs médicaux. Comme vous n'êtes pas la FMSÛ, comme
vous n'êtes pas non plus une association à caractère
national, je voudrais que vous me disiez, comme responsable universitaire, ce
que vous pensez de la répartition des effectifs médicaux et en
particulier des psychiatres, II y a une concentration disproportionnée
Montréal-Québec par rapport au reste du Québec. Je ne suis
pas certain d'ailleurs qu'on n'aurait pas dû impliquer davantage les
universités dans la discussion sur la répartition des effectifs
médicaux. Il me semble qu'en 1987 - je vais commencer par affirmer que
vous irez avec vos réactions -c'est inconcevable qu'au Québec, la
seule profession qui puisse jouir, entre vous et mol, d'un travail
assuré, ce sont les corps médicaux. Dans tes autres professions,
s'il y en a de trop, ils ne travaillent pas ou s'ils veulent travailler, ils
vont où il en manque. Alors qu'en médecine, vous pouvez
travailler, si vous voulez travailler tous à Montréal, il y a un
décret punitif de 30 %, je suis au courant, puis il y a des mesures
Incitatives. Vous avez vu les omnis passés devant vous dire: maintenez
l'Incitatif, mais ne parlez pas de coercitif, puis durant ce temps-là,
on parle d'égalité dans la qualité des services de
santé à la grandeur du Québec parce que le contribuable
lui, qu'il soit de l'Abitibi, de la Basse-Côte-Nord, de la
Gaspésie ou du Bas-Saint-Laurent, quand il gagne 30 000 $, il paie des
impôts pour 30 000 $ puis il devrait avoir la qualité des
services.
J'aimerais vous entendre réagir comme médecin de
l'université et non pas de corporation professionnelle.
M. Amyot: En fait, je suis content que vous me posiez cette
question. Je vais vous donner deux éléments de réponse au
niveau de deux années qui sont suivies. Je suis directeur du
département de psychiatrie à l'Université de
Montréal. On a reçu, il y a deux ans, 52 demandes. On a une
capacité d'accueil de 12 postes. On a demandé au ministère
qu'il y ait des postes désignés pour des régions
périphériques. On était prêt à en prendre 7
de plus qui auraient pu
venir dans notre réseau. On nous avait dit, à un moment
donné, qu'il y avait 50 postes pour des régions
désignées. La réponse qui a été faite par le
ministère - et le Dr Pinard et moi avons rencontré la presse pour
dénoncer cette attitude - pour déterminer le nombre de postes
d'entrée dans la résidence et des postes désignés
qui s'ajoutaient pour ceux qui voulaient postuler pour ces postes s'est faite
à la fin mal, début juin. SI nous avions obtenu et nous
souhaitons l'obtenir parce que le décret n'est pas encore sorti pour le
nombre de postes pour des régions désignées, nous aurions
pu, en ce qui concerne les quatre universités, accepter 15 à 20
nouveaux psychiatres qui auraient pu être formés, s'engageant,
parce qu'ils n'entraient pas dans le contingentement habituel et normal -
c'était des postes en surnombre - à aller dans des régions
périphériques. Comme la réponse s'est faite très
tardivement l'année passée, on n'en a accueilli que 2 ou 3, alors
qu'on avait une capacité d'accueil à Montréal de 8. SI on
fait le calcul, sur les 50 postes qui ont été ouverts, il n'y en
a que 35. Il y en a 15 qui n'ont pas été comblés. Quand
les gens s'engagent pour aller travailler dans un poste pendant quatre ans dans
une région périphérique, multipliez 15 l'an passé
par 4, cela fait 60 ans de présence psychiatrique dans des
régions en dehors de Montréal, Québec et les autres. Cela
fait deux ans - 2 fois 15 parce que cela a été 34 l'année
avant - 2 fois 15, cela fait 30 multiplié par 4. cela fait 120
années de présence psychiatrique dans les régions
périphériques qu'il aurait été facile de combler
parce qu'il y a une demande actuellement. Cela ne durera peut-être pas
toujours. Il y a 50 demandes de médecins qui finissent qui voudraient
centrer en psychiatrie. On a un contingentement de 12. On peut en prendre et en
dégager un certain nombre pour les régions
périphériques. Cela m'apparaît une solution qui n'est pas
coûteuse, qui n'est pas extraordinaire, quf pourrait se réaliser.
On a dénoncé cette attitude et je ne comprends pas qu'on
n'achète pas cette ouverture qui est faite et qui pourrait régler
un grand nombre de problèmes sans faire de fatras, sans faire de grosse
campagne publicitaire. Je ne comprends pas pourquoi cela ne se fait pas. Et
vous, dans l'Opposition, je vous inviterais à questionner le
gouvernement en place pour voir pourquoi ce n'est pas possible pour
l'année qui vient d'ouvrir des postes pour des régions
désignées.
M. Chevrette: Elle en a toléré jusqu'à 69 au
lieu de 50. Elle s'est donnée un coussin de 19.
M. Amyot: L'an passé, sur les 50 postes pour des
régions désignées, il y en a...
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas besoin d'inviter l'Opposition
à faire l'opposition, vous la faites bien vous-même.
Des vote: Ha, ha, ha!
M. Amyot: Mais cela n'a pas d'impact quand je le fais. Cela n'a
pas d'Impact.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous avez raison là-dessus,
soit que le décret est sorti trop tard et que cela a possiblement eu une
répercussion. Mais, je pense que la question du chef de l'Opposition va
au-delà de cela. Là, on parle d'une situation qui est
arrivée l'an dernier alors que la situation perdure depuis des
années et on n'a jamais réussi... Je donnais un chiffre hier
soir. Il y a eu une augmentation de 35 % de psychiatres au Québec de
1976 à 1986 ou 1987, j'imagine, peu importe. Il n'y en a pas eu un seul
de plus d'ajouté dans un bon nombre de régions que j'ai
énumérées hier soir. Je n'ai plus la note devant moi. Je
pense que vous avez raison de dire: Si vous sortiez plus vite, on aurait
peut-être pu agir au moins en prévision de l'avenir, mais le
problème est un problème qui n'est pas relié uniquement au
problème que j'ai pu créer, je suis bien prête à en
prendre la responsabilité, l'an dernier.
M. Amyot: Je voudrais juste parler... Il y a deux questions qui
sont soulevées actuellement. Une première, c'est celle de la
répartition. Donc, je vous dis qu'à mon avis, il y a un
élément de solution qui pourrait être repris et que s'il
avait été fait, il y a deux ou trois ans ou cinq ans, cela aurait
pu donner des fruits. Si cela avait été fait il y a quatre ans,
il entrerait sur le marché du travail pour le nombre de ceux qui
auraient accepté ces postes. Ce que je veux dire, c'est le...
M. Chevrette: Savez-vous à qui je me butais?
Une voix: Là, je vous accroche.
Mme Lavoie-Roux: C'était du temps du Dr Laurin, cela.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Amyot: Là, je vous accroche. Je parle à
l'Opposition l'autre côté, Mme Lavoie-Roux.
M. Chevrette: Vous parlez de l'Opposition de l'époque.
M. Amyot: De l'époque.
M. Chevrette: Vous me permettez 30 secondes.
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui. C'est parce
que...
M. Chevrette: Écoutez, vous avez laissé la ministre
m'interrompre et j'ai...
Le Président {M, Bélanger): Ce que Je comprenais,
c'est qu'il y en trois qui sont directement concernés. M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Oui, oui. On fait un beau trio. Mais
honnêtement, ce que vous dites... SI je vous ai posé la question
à titre de docteur d'université ou de professeur
d'université, ce n'était pas pour rien. Les difficultés ne
viennent pas exclusivement des gouvernements. Ce n'était pas dans cette
optique. Je ne cherchais pas à mettre en boîte la ministre
actuelle. On a des problèmes fondamentaux dans la perception, par les
universités, les recteurs et les doyens des facultés qui volent,
vous le savez très bien, une liberté quasi totale. C'est
quasiment un principe ultra sacré, pour certains doyens, que de penser
de réserver des chaises pour des gens des régions parce que cela
met en conflit. Vous te savez, vous en connaissez quelques-uns. Je les ai
rencontrés tous les quatre et j'ai fait des démarches. J'ai
rencontré ta Corporation des médecins. M. Augustin Roy a bien
beau crier qu'P en faut partout dans les régions, mais la FMSÛ et
la FMOQ appartiennent toutes deux à la corporation. Quand vous venez
pour essayer de délimiter quelque chose ou de trouver des solutions
autres qu'incitatives, c'est épouvantable, on devient des dictateurs. Je
sais que la meilleure formule serait celle du volontariat, mais si cela se
faisait. Un jour ou l'autre, il va falloir que s'arrête le fait de payer
en double pour assurer une médecine de qualité en Abitibi.
Pourquoi tes contribuables payeraient-ils en double pour assurer une
médecine de qualité en Abitibi, alors qu'il y a peut-être
des gens très Intéressés à." aller en Abitibi,
comme vous le dites, précisément? Je suis sûr de cela.
Mais, parce qu'il y a un seul critère de sélection qui est
basé sur les notes académiques, dans certains cas, qu'est-ce qui
arrive? Et là, je rejoins Augustin Roy pour une des rares fois.
Peut-être que plutôt qu'à 96 %, celui de 88 % irait en
Abitibi et ferait un excellent médecin aussi. Je vous avoue que je n'ai
jamais trop compris la réticence des fédérations
médicales. Pourtant, on a mis sur pied des comités avec toutes
les structures possibles et imaginables, y compris, comme observateurs, les
étudiants, la FMRIQ, les résidents internes, la FMOQ, la FMSQ et
la.,. Je suis content, au moins, qu'il y en ait parmi vous qui pensent que cela
doit se faire. Un jour, je pense qu'il va falloir que cela se fasse.
M, Pinard: M. Chevrette, est-ce que je peux ajouter... Je vois le
Or Voisine. Vous savez qu'à un moment donné, il y a eu une table
où les universités ont été invitées. Il y a
un certain nombre de mesures qui n'étalent pas toutes coercitives qui
ont été recommandées. Il y en a même qui sont en
action maintenant et qui ont fonctionné. Sauf que, parfois, à un
moment donné, par tracasseries administratives qui ne sont pas toujours
gouvernementales d'ailleurs, qui sont parfois locales, il y a des choses qui ne
fonctionnent pas. À un moment donné, cela a pris six mois avant
de payer un psychiatre qui était rendu à Rouyn-Noranda. On ne
savait pas pourquoi, etc. Deuxièmement, son département est
passé après l'orthopédie, après ceci et
après cela. Ce sont souvent les conditions de travail. Vous parliez de
marché tout à l'heure. Il est sûr que dans d'autres
professions, c'est... Mais si on ne fait pas des bonnes conditions de travail
au travailleur de la Baie-James, il n'ira pas ou bien il va mettre le feu dans
la barraque, comme il a déjà fait.
M. Chevrette: Je suis d'accord. Mais êtes-vous d'accord
que, pas plus loin que LeGardeur, on soit obligé de donner des montants
sous la table pour venir à bout d'avoir des spécialistes? Entre
vous et mol...
M. Pinard: Je ne parle pas d'argent, M. Chevrette, je parle de
conditions de travail, de travailler dans un département de psychiatrie
qui n'a pas l'air d'un asile de 1920. Je parle de choses comme celle-là.
Je ne parle pas nécessairement d'argent.
M. Chevrette: Je suis d'accord avec vous.
C'est comme demander à un radiologiste d'aller travailler sur une
machine qui a 200 ans, alors qu'il a fait tout son apprentissage sur un
scanner.
M. Pinard: Voilà!
M. Chevrette: Je suis entièrement d'accord avec vous, ce
n'est pas...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette, je dois vous interrompre. Compte tenu de
l'heure, nous devons malheureusement...
M. Chevrette: C'était bon pourtant.
Le Président (M. Bélanger): SI Mme la ministre et M
le député de Joliette veulent remercier nos invités. M. le
député de Joliette, après vous.
M. Chevrette: C'est à moi?
Mme Lavoie-Roux: C'est encore à vous.
M. Chevrette: Merci beaucoup. Je regrette qu'on n'aie pas le
temps. J'avais au moins une dizaine d'autres questions à aborder sur le
rapport Harnois. Je ne déteste pas cela quand on confronte les
idées. Malheureusement, ce sera pour une autre fois Si jamais vous avez
des messages nous permettant de bien jouer notre rôle d'Opposition, Dr
Amyot...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Amyot: Comptez sur nous.
M. Chevrette: ...on est là. Deuxièmement,
êtes-vous un Amyot de Jollette?
M. Amyot: Oui.
M. Chevrette: II me semblait, vous ressemblez étrangement
à ceux que je connais.
M. Amyot: Par la tête, par le sommet
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier le
département de psychiatrie de l'Université de Montréal. Je
voudrais juste ajouter deux mots. Je pense que le Dr Scarfone avait tout
à fait raison quand il décrivait les initiatives qu'il avait
prises avec des organismes communautaires ou des ressources alternatives. Je
pense que c'est depuis fort longtemps que les professionnels, même si on
leur reproche bien des choses, dans le domaine de la santé mentale,
comme dans d'autres domaines, ont, avec les années, travaillé de
plus en plus et souvent ils ont été les initiateurs de certains
mouvements, si on pense aux enfants - comment on les appelle, en tout cas, avec
des troubles émotifs, j'oublie le nom de l'association - où
justement les professionnels se sont impliqués, ont donné le
soutien et tout cela. Je pense qu'il faut arrêter de penser qu'on* veut
exterminer les uns pour surprotéger les autres. Je crois que quand on
parle de partenariat, c'est justement que les gens peuvent se compléter
et que les gens doivent accentuer leurs efforts pour travailler les uns avec
les autres. Je pense que c'est vraiment dans cette perspective-là qu'il
faut voir, en tout cas je pense, un pas en avant, dans les services que l'on
veut donner à la population qui souffre de maladie mentale, si on veut
faire aussi la promotion de la santé mentale. Je n'ai aucune crainte de
parler de maladie mentale, parce que je pense que c'est une dure
réalité avec laquelle on est affronté. Encore une fois, je
pense qu'il y a diverses approches qui doivent être appliquées que
vous reconnaissez d'ailleurs dans votre mémoire. Alors je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le département de psychiatrie de l'Université de Montréal
et vous rappelle que les travaux reprendront à 19 h 00 et non à
20 h 00 avec les représentants de l'hôpital Louis-H.
Lafontalne.
(Suspension de la séance à 18 h 17)
(Reprise à 19 h 10)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place. La
commission reprend ses travaux. Présentement, nous avons à ta
table des témoins les représentants de l'hôpital
Louis-H.-Lafontaine, en l'occurrence le Dr Yves Lamontagne, directeur de la
recherche; le Dr Frédéric Grunberg, directeur de l'enseignement;
le Dr Claude Vanier, directeur du département de psychiatrie; le Dr
René Deschamps, directeur des services professionnels, M. Michel
Vézina, directeur général adjoint et M. Jacques Nolet,
directeur général. Bonjour messieurs.
Le porte-parole de votre groupe sera M, Nolet; est-ce bien cela? Alors,
vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes
pour présenter le mémoire et on a 40 minutes pour discuter avec
vous par la suite. Alors, je vous en prie, allez-y.
Hôpital Louis-H.-Lafontaine
M. Nolet (Jacques R.): M. te Président, Mme la ministre,
Mmes et MM. les membres de ta commission, c'est avec plaisir que mes
collègues et moi-même vous présenterons, ce soir, le
mémoire de l'hôpital Louis-H. Lafontaine sur la politique de la
santé mentale.
M. le Président, avec le rapport Harnois, le gouvernement du
Québec possède un document sérieux et
réfléchi. S'il y a une volonté politique sincère de
s'attaquer au problème de santé mentale qui mine un segment
Important de notre population avec des coûts humains, sociaux et
économiques substantiels, le rapport Harnois mérite d'être
pris au sérieux par les décideurs au plus haut niveau politique
et bureaucratique.
Les deux premières parties du rapport sont bien
structurées sur le plan théorique. Par contre, peut-être
dans un souci de concision ou pour éviter de nommer des hôpitaux,
des régions, des conseils régionaux, a-t-on manqué de
donner du corps aux moyens proposés.
La troisième partie, qui constitue le corps du document, concerne
les moyens proposés. C'est principalement à ce niveau que
l'hôpital Louis-H. Lafontaine veut faire connaître son point de
vue, principalement en rapport avec certaines des recommandations qu'on
retrouve dans le rapport Harnois.
La première recommandation porte sur l'Information et la
sensibilisation. Dès le début du document, les membres du
comité semblent avoir adopté l'approche écologique qui
préfère une stratégie d'intervention où la
personne, qui n'est jamais décrite comme une malade, mais plutôt
comme souffrant de problème d'ordre mental, de maladaption ou de stress,
joue le rôle actif avec ses parents, sa famille ou ses amis. Il n'est
donc pas étonnant que tout au long du rapport, on ne parle jamais de
patient, de malade
ou de maladie mentale. De plus, sur le plan de la philosophie d'action
à adopter dans une politique de santé mentale proposée par
le comité Harnois, elle se résume dans la maxime: "Je suis une
personne, pas une maladie". Par contre, pour n'importe quelle maladie physique,
on pourrait également dire: "Je suis une personne, pas une maladie". Les
diabétiques, les cardiaques, les cancéreux sont aussi des
personnes et non des maladies, mais, néanmoins, le diabète, les
maladies cardiaques et le cancer sont des réalités dont on parie.
Les maladies mentales sont aussi des réalités, mais on semble
vouloir continuer à ne pas en parier. C'est donc ce que,
personnellement, j'appelle la politique de l'autruche.
Un peu plus loin, on retrouve le plan de services individualisé,
une des recommandations maîtresses du rapport Harnois. Cependant, un plan
de services Individualisé, que ce soit pour un
bénéficiaire en institution ou dans la communauté, ne se
fait pas dans le vide. La mise en oeuvre d'un tel plan réclame des
ressources qui se traduisent par une variété de modalités
et de services disponibles pour le bénéficiaire. Pour
réaliser un tel objectif dans un système de dispensation de
services qui se veut équitable et égalitaire, le défi est
de taille et la facture sera salée, mais peut-être pas aussi
élevée que la facture des scanners, des coeurs artificiels, des
greffes d'organes, surtout si on la calcule par bénéficiaire.
Le rapport Harnois a reconnu toute l'importance de l'enseignement et de
la recherche en santé mentale, car c'est autour du savoir et non pas
autour d'idéologies sans assises scientifiques que les plans de services
individualisés et les plans d'organisation des services
s'élaboreront. Glick et Hargreaves proposent que, dans l'avenir, un
nombre limité de centres de recherche psychiatrique soient
développés dans les hôpitaux pour examiner
l'efficacité réelle des traitements pour certaines populations et
évaluer les diverses façons d'intégrer les services aux
malades mentaux, afin d'arriver à une relation
coût-efficacité maximale.
Selon eux, la multidisciplinarité et la collaboration avec
d'autres spécialistes deviennent importantes dans les années
quatre-vingt. Au Québec, il est souhaitable que les centres de recherche
existants puissent se développer dans ce sens. Jusqu'en 1977,
l'État de New York a subventionné la recherche en santé
mentale dans plusieurs milieux. Se rendant compte de l'Inefficacité de
cette procédure, II concentre depuis lors son support uniquement dans
deux Instituts universitaires. À fa lumière de
l'expérience de l'État de New York, le comité de la
santé mentale du Québec a d'ailleurs recommandé au Fonds
de la recherche en santé du Québec de voir s'il y aurait
intérêt pour la recherche en santé mentale dans notre
milieu, que son aide soit concentrée dans un nombre limité de
milieux de recherche.
En regard des organismes communautaires, nous aurions
apprécié que le comité éclaire les
différents partenaires dans cette jungle d'appellation non
contrôlée et nous souhaitons que les organismes communautaires
ayant les objectifs les plus larges et capables d'assumer le plus de
responsabilités, soient d'abord consolidés. Leur rôle de
complémentarité sera alors plus significatif.
Quant à la répartition des psychiatres au Québec,
il est souligné quant au rapport que ce n'est pas tant le nombre de
psychiatres qui est une source de préoccupations mais leur
distribution.
Nous déplorons le fait que le comité ne soit pas
préoccupé de la pénurie des psychiatres au Québec.
Pourtant, le mémoire préparé par l'Associaton des
psychiatres du Québec, présenté en janvier 1987 au
comité, atteste clairement que le Québec ne compte pas
suffisamment de psychiatres. D'ailleurs, il existe un problème de
recrutement même à l'intérieur des grands centres pour
assurer la relève et permettre la dispensation des soins
adéquats. Par ailleurs, nous sommes d'accord avec la recommandation
concernant l'accroissement des ressources psychosociales; nous ajoutons
toutefois qu'il devrait être recommandé d'entreprendre des
démarches pour que le nombre d'infirmières avec des formations
postscolalres soit aussi augmenté.
Finalement, dans cette troisième partie, le comité
s'Interroge sur le devenir des grands établissements psychiatriques.
À cet effet, le rapport Harnois suggère que les grands
hôpitaux psychiatriques comme Louis-H.-Lafontaine voient leurs fonctions
limitées aux soins spécialisés et ne se voient
octroyé un rôle dans les soins aigus que de façon
exceptionnelle. Il y a là un risque de concentrer dans ces
hôpitaux les patients les plus handicapés, loin de leur milieu
d'origine. Il faut se souvenir que les hôpitaux psychiatriques de tout
temps ont accepté de jouer un rôle de prise en charge de
réadaptation et d'hébergement auprès d'une
clientèle qu'ils n'étaient pas tenus de garder. Les
hôpitaux ont joué ce rôle parce que tout récemment il
n'y avait pas d'autres ressources pour prendre en charge ces diverses
clientèles. Maintenant que les ressources existent, l'hôpital
Louis-H.-Lafontaine est d'accord pour que les hôpitaux psychiatriques se
départissent de deux types de clientèles qui ne lui sont pas
spécifiques: ce sont les déficients Intellectuels et les
personnes âgées. Déjà, ce mouvement de sortie des
déficients intellectuels est sérieusement amorcé. Beaucoup
de gens savent déjà que l'hôpital Louis-H.-Lafontaine s'est
engagé et a déjà commencé à donner
congé à un groupe de 400 déficients intellectuels
Identifiés comme n'ayant plus de pathologie psychiatrique ou ayant une
pathologie psychiatrique qui s'est considérablement
stabilisée
II est entendu qu'au même moment, les hôpitaux
psychiatriques s'abstiennent, contrairement à ce qui se passait
antérieurement, d'admettre des déficients mentaux sans
pathologie
psychiatrique sérieuse. Au sujet des personnes
âgées, le même phénomène de sortie de
personnes âgées sans pathologie psychiatrique ou avec une
pathologie psychiatrique considérablement stabilisée, est
déjà entrepris. C'est ainsi qu'à l'hôpital
Louis-H.-Lafontaine. 400 personnes âgées ont été
identifiées et sont sur le point d'être regroupées à
l'intérieur d'un pavillon de l'hôpital qui deviendra sous peu un
centre d'accueil d'hébergement à vocation régionale.
Après la sortie de ces 800 patients de l'hôpital
Louis-H.-Lafontaine, il faut remarquer que la grandeur de l'hôpital sera
diminuée considérablement passant de 2200 à 1400 patients.
Comme on peut le voir, l'hôpital Louis-H.-Lafontaine est
entièrement d'accord avec cette recommandation et a déjà
commencé à la réaliser. Par contre, en ce qui a trait
à limiter les hôpitaux psychiatriques à un rôle de
traitement à long terme, notre centre hospitalier ne croit pas qu'il
faille (imiter les hôpitaux psychiatriques à un tel rôle, et
cela pour des raisons multiples. La première raison est que l'on
retrouve dans les hôpitaux psychiatriques une concentration de
professionnels hautement qualifiés. Ces professionnels ont une longue
histoire de compétence dans le domaine de la psychiatrie, qu'il s'agisse
de psychiatres, d'infirmières, de travailleurs sociaux, de psychologues
et de tous les autres professionnels que l'on rencontre dans le champ de la
santé mentale.
Deuxièmement, l'hôpital psychiatrique est un hôpital
qui est surspécialisé dans tous les domaines de la psychiatrie,
et non seulement dans le domaine de la psychiatrie à long terme.
D'ailleurs, on peut faire des comparaisons avec d'autres institutions. C'est
ainsi que l'institut de cardioIogie est spécialisé en cardiologie
et, de ce fait, ne s'occupe pas que des patients les plus compliqués,
mais également des patients qui font un premier épisode cardiaque
aigu. De la même façon, l'hôpital Sainte-Justine est
spécialisé dans les maladies des enfants, mais ne se limite pas
non plus aux enfants qui présentent les maladies les plus complexes,
mais traite aussi toute pathologie aiguë qui se présente à
l'hôpital.
Troisièmement, l'expérience et l'histoire nous apprennent
que les hôpitaux psychiatriques qui se sont limités à un
rôle de traitement à long terme ont souvent évolué
vers la stagnation, à une demi-vie, pour ne pas dire à une
demi-mort. Qu'il s'agisse de donner comme exemple les State Hospitals, aux
États-Unis. Il est par contre évident que les hôpitaux
psychiatriques doivent aussi conserver un rôle de traitement à
long terme.
À l'hôpital Louis-H., nous vivons une expérience
fort intéressante et fort efficace depuis maintenant une douzaine
d'années avec ce que nous appelons le modèle Notre-Dame.
Déjà, depuis douze ans, nous réservons un certain nombre
de lits pour l'admission et le traitement de patients psychiatriques à
long terme en provenance de l'hôpital Notre-Dame. Ce sont les psychiatres
de Notre-Dame qui sélectionnent les patients qui doivent être
envoyés à Louis-H. Ce sont eux également qui viennent les
traiter sur place, à l'intérieur de notre centre hospitalier.
Cette formule permet au département de psychiatrie de Notre-Dame
d'admettre une dizaine de patients chaque année à l'hôpital
psychiatrique. C'est, à notre connaissance, le seul département
de psychiatrie de la région de Montréal qui puisse se permettre
une telle latitude d'action avec ses patients chroniques. Nous
suggérons, à la lumière de notre modèle Notre-Dame,
que les autorités compétentes recommandent fortement à
tous les départements de psychiatrie de traiter les patients à
long terme à l'Intérieur de l'hôpital psychiatrique qui est
prêt à leur attribuer un certain nombre de lits. Cela aurait deux
avantages considérables: la continuité des soins et l'acquisition
d'une expertise particulière.
Quant à la distribution des services psychiatriques, la politique
veut que, dans chaque hôpital qui s'ouvre, il y ait nécessairement
un service de psychiatrie. Il nous semble qu'il y a lieu, à la
lumière de multiples exemples, de remettre en question cette politique.
Nous savons, en effet, que de nombreux départements de psychiatrie
d'hôpitaux généraux continuent souvent, depuis de
nombreuses années, à vivoter, se demandant d'une année
à l'autre s'ils ne devraient pas fermer leurs portes. Nous sommes tous
d'accord que ce n'est sûrement pas la façon d'offrir les meilleurs
services de psychiatrie à une population. Il y a déjà une
dizaine d'années, nous avons assisté, dans le réseau, au
grand mouvement de rationalisation de divers services. C'est ainsi que des
services de pédiatrie et d'obstétrique ont été
supprimés dans certains hôpitaux. Il est évident que, pour
ces services, comme pour le service de psychiatrie, II serait souhaitable que
la population retrouve au coin de la rue tous les services dont elle a besoin,
qu'il s'agisse d'obstétrique, de pédiatrie ou de psychiatrie. Il
est évident aussi que nous devons assurer une telle distribution de
services.
Dans les circonstances, nous croyons tout à fait justifié,
plutôt que de saupoudrer des services de psychiatrie un peu partout, de
nous préoccuper de consolider les services existants, ce qui
n'empêche pas l'ouverture de nouveaux services, mais à la
condition de s'assurer à l'avance qu'ils seront viables et que nous
avons en main des mécanismes nous assurant qu'une masse critique de
travailleurs iront y travailler. Le jour où nous déciderions de
ne pas mettre en place un service psychiatrique dans un hôpital ou de
supprimer un service psychiatrique qui s'est avéré non viable
depuis longtemps, nous pourrions assurer un service à la
clientèle de la façon suivante. Les hôpitaux psychiatriques
avoisinants ou le gros département de psychiatrie d'hôpitaux de la
région pourraient assumer la relève en acceptant d'hospitaliser
chez eux les malades du territoire en question, tout en conservant les services
de clinique externe et de
consultation liaison au niveau de l'hôpital impliqué. C'est
ce qui se fait en Ontario.
Finalement, il nous semble qu'il y a des questions laissées sans
réponse dans ce rapport En effet, te rapport Harnois représente
un pas majeur, mais comme le rapporte Jean Francur, il n'accouche pas
d'une politique. Comme le mentionne le président du comité, c'est
un énoncé de politique qui doit être
considéré comme un début. Mais, est-ce vraiment un
début quand on relit les recommandations de la Commission Bédard
publié en 1962 qui les articulait à partir d'une perspective
précise, service par service, hôpital par hôpital? Est-ce
bien le mandat du comité d'élaborer un projet de politique en
santé mentale pour le Québec? Ce mandat n'a-t-il pas
précisé la nécessité de solutions et d'une approche
pragmatique? Dans ce cas, faudrait-il recommencer un autre comité pour
en arriver à une politique réelle?
Des moyens proposés par le comité sont intéressants
et méritent d'être mis en application. Le projet de
répit pour tes familles, ta révision des programmes de
formation et de formation continue, le développement de la recherche, si
pauvre dans le domaine de la santé mentale, la participation des groupes
communautaires, le plan d'organisation des services sur un territoire sont tous
d'excellents moyens. Par contre, tout cela n'est pas si facile. Par exemple,
selon le comité, le plan d'organisation des services sur un territoire
doit être conçu, développé et actualisé par
tous les acteurs. Par contre, le comité n'a pas d'organigramme et
n'articule pas bien sa notion de partenariat élargi.
Quant au devenir des grands établissements psychiatriques.- si la
recommandation qui limite les hôpitaux psychiatriques au traitement
à long terme est mise en application, on peut d'abord se demander
où est la notion de partenaire. Du côté pratique, l'agent
qui travaille dans ces Institutions risque de se "chroniciser" autant que les
malades et les Institutions psychiatriques deviendront non seulement des
déguisements de centre d'accueil, mais on reviendra à l'asile du
bon vieux temps.
Cet énoncé de politique doit être l'occasion d'un
large débat public sur la santé mentale, dit le rapport. C'est
bien beau, mais qu'est-ce qu'on fera en pratique demain? Pendant ce temps,
qu'arrivera-t-il aux malades mentaux? Lorsqu'on lit les trois étapes
à franchir pendant les cinq prochaines années, on se rend compte
que sur tes 42 moyens proposés, un seul touche directement les malades
et leur famille, et deux parlent de réinsertion. C'est bien peu, sinon
rien du tout comparativement à la création d'un tas de
comités et d'une augmentation de bureaucratie.
En conclusion, M. le Président, en dépit de ces critiques
et de certaines modifications qu'on devrait apporter au rapport Harnois, il
demeure que pour un partenariat élargi, le Québec possède
un canevas pour développer une véritable politique en
santé mentale. Il faut espérer que les gouvernements
présents et à venir ainsi que toutes les Instances
concernées sauront s'en servir pour relever le défi que nous pose
cette problématique de la maladie mentale qui, malheureusement, reste
trop souvent dans l'ombre tout en minant la vie de tellement de nos
concitoyens.
Je me permets en terminant de vous citer la dernière phrase du
rapport de la Commission Bédard qui a encore, après 26 ans, tout
son sens: "Nous osons espérer que le cri d'alarme que constitue ce
rapport sera entendu et du public et des autorités, et que celles-ci ne
se déroberont pas à l'obligation de procéder
Immédiatement aux réformes radicales qui s'Imposent. Les
demi-mesures n'ont plus leur place.' Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Nolet. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. te Président. Je veux remercier
les représentants de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine pour leur
mémoire qui... Pour la première fois, nous entendons le point de
vue d'un établissement de soins prolongés et un
établissement qui est à procéder justement à une
réintégration sociale, dans la mesure du possible toujours, des
bénéficiaires qui vivent à l'intérieur de ses murs.
(19 h 30)
J'aimerais vous demander... On sait que déjà dans les
années, écoutez, probablement depuis le début des
années soixante, peut-être avant, mais je l'ignore,
Louis-Hippolyte Lafontaine avait procédé à la
désinstitutlonnalisation, probablement dans la foulée du rapport
Bédard. À ce moment, on avait trouvé - je ne sais pas si
on les appelait ainsi - des maisons de transition, des pavillons, entre autres,
où un certain nombre de personnes avaient été
envoyées. On avait retrouvé une partie de la population, un peu
dans le territoire de Pointe-aux-Trembles, qui vivait dans des familles
d'accueil ou qui vivotait un peu en appartement. Aujourd'hui, vous faites le
cheminement, c'est-à-dire que vous procédez à la
désinstitutionnalisation, dans un contexte différent, d'un bon
nombre de bénéficiaires, c'est-à-dire progressivement.
Est-ce que vous avez l'impression que vous avez des outils différents
pour travailler ou que vous approchez cette désinstitutionnalisation
dans un esprit différent qu'elle ne l'avait été dans les
années soixante? Si on se souvient des critiques qui ont
été faites à ce moment-là, pas à ce
moment-là, mais dans les années qui ont suivi, c'était de
dire: Oui, on a envoyé les gens dans des pavillons mais finalement, on a
simplement réduit la taille des grandes institutions à de petites
institutions, mais on n'a pas véritablement
désinstitutionnalisé. Enfin, c'est le jugement peut-être
Ingrat, mais c'est celui que la population portait. J'aimerais que vous me
fassiez le
parallèle entre les actions - même si vous n'étiez
pas là à ce moment-là - qui étaient faites à
ce moment et celles que vous avez déjà entreprises et que vous
poursuivez présentement
M. Grunberg (Frédéric): Effectivement, je crois que
la remarque que vous avez faite est très correcte. Il y a un point
cependant que je voudrais corriger. Vous avez référé
à l'hôpital Louis-Hippolyte Lafontaine comme un hôpital
à soins prolongés. En fait, notre activité...
Mme Lavoie-Roux: Oui, je vais revenir là-dessus
tantôt.
M. Grunberg: Oui. En fait, comme établissement, je crois
que nous avons le plus gros secteur de Montréal. Je pense que vous avez
tout à fait raison de dire que dans les années soixante, une
grande partie de la désinstitutionnalisation qui s'est
opérée à Louis-Hippolyte-Lafontaine, comme dans la plupart
des hôpitaux, des grands hôpitaux psychiatriques
nord-américains, pourrait s'appeler de la transinstitutionnalisation.
Effectivement, on a fait passer des patients, surtout des patients chroniques,
de la grosse institution à la plus petite. Effectivement, nous avons
encore cet héritage du passé, nous avons des pavillons. D'une
certaine mesure, cela n'a pas toujours été négatif, parce
que leur qualité de vie s'est peut-être améliorée
dans des plus petites institutions. À l'heure actuelle, nous avons des
outils extrêmement Importants pour faire une
désinstitutionnalisation qui ne soit pas de la
transinstitutionnalisation. En fait, avec des programmes de réadaptation
associés à la pharmacologie et d'entraînement dans les
habiletés sociales, un bon nombre de patients chroniques même
peuvent se réinsérer du moins partiellement dans la
communauté. Je dois dire, Mme la ministre, que les ressources
nécessaires, surtout au point de vue de la main-d'uvre, ne sont
pas suffisantes pour faire ce boulot. Nous avons les techniques. Nous avons le
moyen de le faire mais souvent nous manquons de ressources. Ce sont surtout ces
ressources vraiment de réadaptation et de soutien qu'on pourrait donner
pour qu'on désinstitutionnalise et qu'on retourne soit dans des
structures intermédiaires, soit même dans leur propre famille.
Donc, les techniques existent, mais je dirais aussi franchement que les
ressources sont insuffisantes pour le faire surtout sur une grande
échelle.
M. Nolet: Je voudrais possiblement rajouter, Mme la ministre, si
vous me le permettez...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Nolet: ...quant à la déslnstltutlonnallsa-tion
actuelle tout au moins, si on parle des déficients mentaux, nous avons
fait un bon bout de chemin concernant cette mission que vous nous avez
donnée et que le gouvernement avant vous nous avait aussi laissée
comme héritage. Actuellement, nous sommes rendus approximativement
à une centaine de ces .personnes qui sont parties de l'hôpital
pour " intégrer des ressources dans la communauté très
petite, dans le réseau de la déficience. Donc, lorsque la
personne sort, l'argent suit, les moyens suivent; c'est effectivement le
réseau du social qui va s'occuper de cette
catégorie-là.
Concernant la désinstitutionnalisation psychiatrique, c'est
beaucoup plus difficile qu'on ne l'aurait cru dès le début,
surtout pour les malades chroniques. Par contre, nous essayons quand
même, avec les méthodes que nous avons, soit par des maisons de
transition, par les pavillons, les appartements supervisés, l'ouvrage
adapté, les hôpitaux de jour, les centres de jour, de sortir une
certaine catégorie de ces malades chroniques. Le succès que nous
avons eu - parce qu'il faut l'appeler succès - se chiffre, pour
l'année dernière, par une cinquantaine de malades. Ce sont tes
méthodes et les résultats, Mme la ministre, qu'on a pu faire
jusqu'à date. Encore une fois, c'est un fait qu'il manque des
ressources. Cela ne coûte pas moins cher de sortir le malade à
l'extérieur de l'hôpital que de le garder à
l'intérieur. C'est un faux principe. Les gens pensent, effectivement,
que les gros budgets hospitaliers peuvent être totalement redonnés
à la communauté et que la communauté va pouvoir se servir
de ces budgets et "guérir" - entre guillemets - la population qu'on
retrouve chez nous, soit les 2200 malades.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on ne se fait pas d'Illusion sur ce
fait, la désinstitutionnalisation n'est pas une opération
économique. D'ailleurs, si on l'a cru à un moment donné,
c'est peut-être pour cela aussi qu'on s'est réveillé avec
des surprises plus ou moins agréables, pas tellement pour nous que pour
les bénéficiaires, finalement. Alors, dans ce sens-là, je
suis tout à fait d'accord avec vous.
On va revenir à la question de l'hôpital de soins
prolongés. Je m'excuse de l'erreur que j'ai faite, parce que je sais
fort bien que vous êtes l'hôpital de courte durée pour la
région environnante, pour votre secteur. Vous desservez un large
secteur. J'aimerais que vous me donniez peut-être un peu plus d'arguments
pour justifier le fait que vous ne devriez pas recevoir que des patients de
longue durée, tel qu'il est suggéré dans le rapport
Harnois, mais aussi de courte durée. Moi, je suis assez sensible aux
raisons que vous invoquez en disant: Sinon, on risque peut-être de
devenir plus chronique qu'on ne l'est. Il y a aussi toute la question de la vie
à l'intérieur de l'institution, etc. Pour vous, est-ce que cela
vous apparaît une absolue nécessité?
M. Nolet: Permettez-vous, M. le Président, que le
directeur des services professionnels puisse répondre?
Le Président (M, Bélanger): Bien sûr.
M. Deschamps (René): J'ai fait l'expérience de
travailler dans d'autres hôpitaux psychiatriques aussi, notamment
à l'hôpital Douglas et à l'hôpital Louis-H.
Lafontaine maintenant, et je puis vous assurer que ma perception des choses est
qu'il y a, dans ces hôpitaux - et je ne parie pas seulement de
l'hôpital Douglas et de Louis-H.- Lafontaine, mais dans d'autres
hôpitaux psychiatriques également - de très grandes
compétences. Quand je parle de très grandes compétences,
je ne parie pas seulement des médecins. Du côté des
médecins aussi et du côté de tout l'ensemble des
professionnels qui ont, vous savez, une très vaste expérience de
travail en psychiatrie. Ce que l'on oublie parfois, en ce qui concerne les
hôpitaux psychiatriques, je ne parle pas seulement pour le nôtre,
c'est que ces gens-là travaillent souvent depuis longtemps et qu'ils ont
une expérience pour ce qui est de plusieurs types d'interventions et ce,
pendant plusieurs années également. J'entendais, par exemple, en
dehors d'ici, des petits services de psychiatrie être tout heureux. Ils
avaient raison d'être heureux, de s'en vanter aussi, de dire qu'ils
avaient réussi l'intégration de six patients dans un foyer de
groupe. À titre d'exemple, vous savez qu'à l'hôpital
Douglas et à l'hôpital Louis-H. Lafontaine, on ne fonctionne pas
par six patients seulement. Il faut faire six patients plusieurs fois, parce
qu'il y a une grande masse de patients. Alors, c'est vous dire
l'expérience, quand même beaucoup plus grande, dont peuvent jouir
les professionnels qui travaillent à l'Intérieur de ces
hôpitaux-là.
Deuxièmement, on hésite à croire que
l'hôpital psychiatrique puisse être parfois bien perçu par
la clientèle. À ma surprise même personnelle, il m'est
arrivé notamment à l'hôpital Douglas - parce que je faisais
plus ce genre de travail-là - de réaliser que des patients qui
étaient hospitalisés en première ligne, des patients qui
appartenaient au secteur, étaient très heureux, mais vraiment
très heureux de revenir pour être soignés à
l'hôpital psychiatrique. C'est la même chose à
l'hôpital Louis-H. Lafontaine. Vous savez, les patients ont parfois une
certaine réticence à venir dans l'hôpital psychiatrique
comme tout le monde, mais très souvent, cela arrive fréquemment,
lorsqu'ils ont été hospitalisés une fois et qu'ils doivent
être hospitalisés de nouveau, ils insistent pour revenir au
même endroit C'est pour cet ensemble de raisons.
Mme Lavoie-Roux: Deux questions très brèves, parce
que j'ai un collègue de l'Opposition qui veut aussi en poser. Est-ce que
ce serait la recommandation que vous nous feriez pour tous les hôpitaux
qui ont une concentration de soins prolongés ou si Louis-H. Lafontaine
et Douglas, compte tenu des ressources qu'ils ont du point de vue de la
recherche et de l'enseignement, fois.sont dans une situation qui justement
permet aussi de recevoir des patients de courte durée? C'est ma
première question - Je vais poser ta deuxième pour finir.
Vos suggérez qu'un certain nombre de départements de
psychiatrie et d'hôpitaux généraux soient fermés
pour concentrer ou se consolider avec d'autres qui seraient situés dans
la périphérie de grands hôpitaux, etc. Vous avez
peut-être raison. Parce que des fois, ils ont même des
problèmes de recrutement de psychiatres, si je ne me trompe pas. Mais il
me semble que les gens sont généralement débordés
quant à l'hospitalisation dans les hôpitaux généraux
de courte durée pour les patients psychiatriques, alors je ne suis pas
sûre que ce serait... Que des gens vivotent, ce n'est jamais bon. Mais
est-ce que ce serait, si on prend la région de Montréal, sur le
plan pratique, une bonne solution? Ce sont là mes deux questions.
M. Chevrette: Voulez-vous préciser la deuxième?
Mme Lavoie-Roux: La deuxième, c'est parce qu'ils ont
suggéré que certains départements de psychiatrie
d'hôpitaux généraux soient fermés parce qu'ils
vivotent un peu; des fois c'est le manque de personnel, le manque de patients.
Par contre, on sait que d'autres sont surchargés, alors Je me questionne
sur la sagesse de procéder de cette façon-là.
M. Deschamps: Oui. Je reviens d'abord à votre
première question. Quand on dit que l'hôpital psychiatrique
devrait desservir la première ligne également, je ne veux
vraiment pas dire que cela doit être appliqué à tous les
hôpitaux psychiatriques, cela doit être appliqué aux
hôpitaux psychiatriques qui ont quand même une certaine population,
une certaine histoire de la pratique en psychiatrie, une certaine
capacité d'attirer des gens qui veulent travailler en psychiatrie. C'est
sûr que l'hôpital Douglas, l'hôpital Louis-H. Lafontaine et
l'hôpital Rivière-des-Prairies en infantile sont, à mon
avis, en tout cas, des hôpitaux qui sont tout à fait capables et
aussi bien capables sinon plus capables, dans certains cas, de desservir des
populations de première ligne, j'en suis absolument convaincu. C'est
sûr que des hôpitaux, parce qu'ils s'appellent hôpitaux
psychiatriques, pour ne pas les nommer... prenons l'exemple de l'Annonciation
qui est dépourvu depuis dix ans ou quinze ans. Cet hôpital n'a pas
refonctionné et iI est un peu beaucoup rouillé sur le plan de
l'activation de la psychiatrie, je ne pense pas que Je souhaiterais, demain,
qu'il desserve en première ligne en psychiatrie.
En ce qui a trait à votre deuxième question, Mme la
ministre, c'est celle qui porte sur les divers services de psychiatrie qui sont
installés dans les hôpitaux. C'est sûr que c'est très
bien intentionné que de vouloir installer des
services de psychiatrie dans chacun des hôpitaux, proches de la
clientèle, proches des familles, faciles d'accès. Comme on vous
te disait dans le texte tantôt, les gens sont tous justifiés de
demander qu'il y ait leur service de psychiatrie, leur service de
pédiatrie, leur service d'obstétrique tout à
côté de chez eux Ce n'est pas possible. Et on a
réalisé - vous avez réalisé encore plus que nous -
que, dans certains milieux, pour toutes sortes de raisons qui sont variables
d'un milieu à l'autre, il y a des services de psychiatrie qui ne sont
à peu près pas viables pendant deux, trois, quatre ou cinq ans,
et même davantage parfois. (19 h 45)
II me semble que plutôt que de continuer à saupoudrer des
services de psychiatrie dans tous tes hôpitaux, il vaudrait mieux essayer
de consolider des services déjà existants qui ont une certaine
solidité, qui ont fait leur preuve dans leur capacité d'attirer
des gens, de donner une certaine qualité de soins. Je vais vous donner
un exemple hypothétique, partiellement hypothétique. Si on prend
la rive sud de Montréal où it y a trois hôpitaux,
actuellement - Pierre-Boucher, Haut-Richelieu et Charles-Lemoyne - j'ai connu
comme vous et comme plusieurs d'entre nous les grandes difficultés de
l'hôpital du Haut-Richelieu, qui sont, si ma mémoire est bonne,
toujours présentes.
Tout le monde a essayé, beaucoup de gens ont essayé et
vous avez essayé de corriger ces situations, mais cela ne semble pas
facile parce que cela ne se corrige pas au cours des années. À
Pierre-Boucher, il y a des incidents récents qui font que c'est
difficile. Si on faisait la chose suivante - à titre d'exemple - pour la
rive sud de Montréal - Si on demandait à l'hôpital
Charles-Lemoyne, qui a fait ses preuves depuis quinze ou vingt ans maintenant,
de consolider un plus grand service de psychiatrie, d'hospitaliser tous les
malades qui ont besoin d'être hospitalisés dans ces régions
desservies maintenant par l'hôpital Pierre-Boucher et l'hôpital du
Haut-Richelieu, à ce moment-là, on pourrait demander à
Charles-Lemoyne de continuer à faire des cliniques externes, de la
consultation-liaison à l'hôpital Pierre-Boucher et à
l'hôpital du Haut-Richelieu, de telle sorte que le patient qui a besoin
d'être hospitalisé vienne à Charles-Lemoyne. Mais quand il
sort de l'hôpital et qu'il n'a besoin que de services en clinique
externe, II pourrait très bien être vu au niveau de sa
région, de l'hôpital proche de chez lui. Enfin, c'est une
suggestion.
Il me semble qu'il y a lieu de repenser cette situation, comme vous
l'avez fait autrefois avec la pédiatrie et ['obstétrique. Je
trouve cela très encourageant de procéder de cette
façon.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Laporte: Merci, M. le Président. Hier, nous avons
rencontré le comité des bénéficiaires de votre
institution. Je m'étais bien promis, après l'écoute
très attentive que j'en ai eu avec le comité des
bénéficiaires, de vous poser une question afin de savoir, quant
aux relations... Je veux simplement vous exprimer, comme député
montréalais, ce que le comité avançait hier. Ce que vous
dites aussi, c'est que les perceptions et les images, pour ne pas dire les
divers tabous, ne sont pas faciles à éliminer. Je me rappelle
fort bien, quand je passais sur la rue Hochelaga étant plus jeune, que
je fermais la fenêtre de l'automobile parce que j'avais certaines
craintes; cela s'appelait Saint-Jean-de-Dieu, à cette
époque-là. On a changé l'appellation et Je trouve toujours
un peu - si vous me permettez l'expression - monstrueux, quand je passe
à côté de Hippolyte-Lafontaine et de Hochelaga, de voir
cette dimension, ne serait-ce qu'architecturale de Louis-H. Lafontaine. En tout
cas, j'ai toujours trouvé impressionnant, cette Industrie; c'est ce que
je me disais étant plus jeune.
Pourquoi est-ce que j'apporte cette dimension? C'est que sur le plan
humain, qui me préoccupe toujours un petit peu, on faisait état,
depuis quelques années, de la formation d'un comité des
bénéficiaires. Il a été exprimé, à
cet endroit-là, qu'il y a des revendications communes avec le conseil
d'administration, ce que je trouve fort bien, et aussi d'autres arguments sur
d'autres sujets.
J'aimerais savoir comment vous percevez vos relations. On parie beaucoup
de désinstitutionnalisation, de responsabilisation, soit par le travail
hors les murs des gens désinstitutionnalisés par rapport à
l'intervention de plusieurs intervenants, mais on dit toujours que
charité bien ordonnée commence par chez soi. C'est un peu dans
cette dimension de responsabilisation que je vous demande comment vous
entrevoyez l'expérience vécue jusqu'à présent et
dans sa projection future, ce type d'intervention.
M. Nolet: Je vais répondre, premièrement, à
votre préoccupation d'image. J'ai la même préoccupation que
vous concernant l'image de l'hôpital psychiatrique. J'ai bien dit
l'hôpital, non l'asile, non la prison. Je me souviens lorsque M.
Chevrette est venu nous rendre visite au mois de septembre 1985, on se
promenait autour de l'hôpital et on voyait des barreaux à chacune
des fenêtres, on avait des clôtures de six pieds de haut autour de
l'hôpital. À ce moment-là, je disais à M. Chevrette:
Je ne peux pas concevoir de quelle façon je peux parier aux journalistes
en leur disant que nous sommes un hôpital et non une prison, lorsqu'on
voit les barreaux, tes barrières comme telles et les clôtures. Si
vous passez aujourd'hui à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, vous ne
verrez plus de barreaux. C'est mon cadeau des fêtes, mon cadeau de
Noël de l'an passé que mon adjoint a bien voulu me faire. Il n'y a
plus de barreaux à l'hôpital, il n'y a plus de clôtures non
plus. Cela n'existe plus.
Donc, on a au moins cet aspect et l'image que c'est un hôpital
pour des malades mentaux, mais un hôpital. Au moins pour la
première réponse concernant l'image, J'ai eu la même
collaboration.
Pour la deuxième, de quelle façon on se préoccupe
de la désinstitutionnalisation. On y croit à la mission que nous
avons actuellement de désinstitutionnalisation. On croit que les moyens
que les gouvernements devraient mettre de l'avant, pour compléter les
trois missions que nous avons, devraient nous donner la capacité d'avoir
d'ici peu de temps, cinq ans peut-être, l'hôpital - entre
guillemets - "idéal" de 1200 ou 1400 lits et ne pas avoir, comme vous
l'avez dit, cette industrie que l'on retrouve aujourd'hui à 2200
lits.
C'est avec l'amorce et la sortie des déficients mentaux de
l'hôpital, de faire un pavillon régional pour les personnes
âgées qui n'ont plus de symptômes psychiatriques, de faire
un vrai centre d'accueil et d'hébergement, c'est avec l'amorce de sortir
les malades psychiatriques par la désinstitutlonnallsation comme telle,
avec des ressources plus légères, peut-être qu'on va
réussir cette mission. Comme Je le disais tout à l'heure, ce
n'est pas une mission moins dispendieuse, mais certainement une mission mieux
adaptée aux malades.
Alors, on pense que la mission que le gouvernement nous a donnée,
on pourra la réussir, moyennant qu'on ait aussi les moyens pour la
réussir. Il reste quand même cette partie très
vétuste de l'hôpital. Nous avons de vieux bâtiments et on
travaille avec les gens du ministère toujours dans des plans
fonctionnels et techniques pour que l'on puisse terminer la rénovation,
l'amélioration et possiblement la construction -d'un pavillon neuf pour
que l'on puisse héberger les malades psychiatriques. Ce sera
certainement un acquis pour l'hôpital à ce moment-là.
Le Président (M. Saint-Roch): M. le député
de Jollette.
M. Chevrette: Vous avez vécu, à l'hôpital
Louis-H.-Lafontaine, une expérience que peu de centres hospitaliers
psychiatriques ont pu vivre en ce qui concerne la concertation à
l'intérieur même du centre hospitalier dans les années
1984-1985. Vous avez vécu une expérience qui vous
différencie quand même passablement des autres centres
psychiatriques. On dirait qu'ils ont amorcé à Giffard ce que vous
avez fait, mais à mon point de vue, ils n'ont pas réussi à
vivre le même type d'expérience que vous avez vécue chez
vous à Louis-H. Lafontaine. Tout cela pour arriver à un consensus
non seulement sur le type de gestion ou de fonctionnement, mais à un
consensus même sur les grandes orientations de
désinstitutionnalisation, sur la relocalisation des personnes
âgées qui nécessitaient beaucoup plus des soins de foyer
d'accueil ou de centre d'accueil que... Je me souviens d'ailleurs, quand je
vous al rencontré - je crois que c'est le 19 septembre 1985 - assez
longuement sur l'ensemble des clientèles, en être arrivé
à une conclusion. Je voudrais vous poser deux questions. Ce plan a-t-il
été modifié? Si oui, quelles sont les modifications qui
ont été apportées? Troisièmement, est-ce que vous
avez l'autorisation d'utiliser (es sommes d'argent qui vous sont revenues
à la suite des Incendies?
M. Nolet: M. Chevrette, concernant les modifications, oui, notre
plan a été modifié. Il a été modifié
autant à la demande d'une partie comme de l'autre, c'est-à-dire
du centre hospitalier, des autorités de l'hôpital que du
ministère. Nous nous sommes aperçus à un moment
donné - vous vous en souviendrez - que, dans la partie de
l'immobilisation du projet, il y avait quand même 50 000 000 $. Lorsqu'on
regarde cela, 50 000 000 $, c'est beaucoup d'argent. Lorsqu'on regarde
l'immobilisation, comme telle, pour une province telle que la nôtre, 50
000 000 $, dans un centre hospitalier, c'est absorber l'ensemble de tous les
montants d'Immobilisations de toute la province dans un seul centre
hospitalier. Je peux concevoir un peu l'esprit du gouvernement qui dit: Bon, il
va falloir faire cela par étapes. Dans une première partie, on
s'est aussi aperçu... Nous avions fait des études à
l'Intérieur. La première étude était la
planification des locaux, comme telle, pour pouvoir héberger la
Clientèle qui allait nous rester à la fin de la cinquième
année. Pour libérer certains locaux, il fallait sortir les
personnes âgées. Pour sortir les personnes âgées, il
fallait bâtir deux centres d'accueil. Et pour bâtir deux centres
d'accueil, cela coûtait effectivement presque 25 000 000 $. Les
autorités de l'hôpital ont cru et croient toujours qu'après
avoir subi la tutelle, le châtiment de la tutelle - parce que cela
demeure toujours imprégné à l'hôpital actuellement,
je n'en suis que le résultat, je suis arrivé après, mais
quand même - les premiers 25 000 000 $ ne devaient certainement pas aller
à l'extérieur de l'hôpital, mais possiblement à
l'Intérieur même pour que les bénéficiaires
profitent de l'hôpital dans les rénovations, dans les
constructions, etc. Le plan a été modifié à un
point tel que le centre d'accueil et d'hébergement... On a
décidé d'utiliser, avec l'accord du ministère - c'est une
proposition commune, acceptée de part et d'autre - un pavillon qui
existe à l'hôpital et qui s'appelle le pavillon Gamelin.
Concernant la mission de la déficience mentale, elle n'a pas
été changée. Elle est toujours observée,
amorcée et on continue. Concernant la grande mission de l'hôpital,
c'est-à-dire l'hôpital divisé en trois parties - je parie
bien de l'hôpital - soit la courte durée, la longue durée
et la psychogériatrie, elle n'a pas été modifiée.
On continue toujours dans la planification de cette chose. L'an passé,
nous sommes arrivés avec une nouvelle planification de
gestion et d'organisation pour gérer l'hôpital selon les
cinq missions que je viens de vous mentionner: les trois hôpitaux et les
deux centres d'accueil.
M. Chevrette: II y a combien de lits dans Gamelln?
M. Nolet: Il y a 400 lits, M. Chevrette.
Donc, on retrouve une autre unité à l'extérieur du
pavillon Gamelin, pour héberger les personnes âgées, qui
devra être fermée éventuellement.
M. Chevrette: C'était 700 qui étalent
identifiés, si ma mémoire est fidèle.
M. Nolet: Cinq cents personnes âgées et 400
déficients. Donc, 500, une unité à côté. Nous
avons déjà fermé une unité par la
désinstitution-nalisation de personnes âgées.
Concernant votre deuxième question, les autorisations d'utiliser
les montants d'argent des incendies, lorsque nous avons reçu de vous,
premièrement, et validées par la suite par Mme Lavoie-Roux, les
grandes missions de l'hôpital - ce sont des missions qui nous sont
données par les ministères et les chefs comme tels, les ministres
- on nous a dit à un moment donné: Concernant vos missions, vos
constructions et vos réparations, faites donc des plans fonctionnels et
techniques pour savoir ce qu'on va faire. On ira aux plans et devis, et, par la
suite à la construction. Au moment où je vous parle, nous avons
remis au ministère, au mois d'octobre, le premier plan fonctionnel et
technique et, le 18 décembre, au conseil d'administration, on a
approuvé les deux autres plans fonctionnels - et techniques. Donc,
actuellement, nous attendons les résultats de ces plans fonctionnels et
techniques pour qu'on puisse passer dans les pians et devis et pouvoir utiliser
autant les sommes des incendies que celles promises par les gouvernements. (20
heures)
M. Chevrette: Et le projet est diminué à
combien?
M. Nolet: II n'est pas diminué actuellement, il demeure
grossièrement dans le même chiffre qu'on avait à votre
époque.
M. Chevrette: Environ 80 000 000 $ en tout et partout?
M. Nolet: Ah non, environ 40 000 000 $ à 45 000 000 $
globalement.
M. Chevrette: Parce que vous ne construisez pas, mais vous prenez
Gamelin?
M. Nolet: Parce qu'on réaménage certaines choses,
mais je pense que le financement demeure exactement la même chose. Si on
construisait deux centres d'accueil dans la communauté, on aurait
certainement outrepassé les sommes déjà accordées
selon le CT.
M. Chevrette: Oui. Sauf que, si ma mémoire est
fidèle - c'est pour cela que je vous questionne - il y avait un
échéancier d'utilisation par vos propres malades à cause
du phénomène d'attrition et les centres d'accueil devaient servir
à la population mal desservie du coin. Est-ce que c'était
cela?
M. Nolet: Pas tout à fait, M. Chevrette. Je pense que vous
voulez faire nôtre un projet qui s'appelle les salles d'eau. Les salles
d'eau sont les pavillons Riel et Bédard qui sont deux vieux pavillons
très vétustes. Si on se souvient, lorsqu'on avait dit: Lorsque le
tout sera fait, il sera mis à la démolition. Il en coûtera
2 000 000 $ pour faire cela et ce sera terminé. Par contre, entre-temps,
et moi le premier, je trouvais très dispendieux, beaucoup d'argent
à dépenser, à peu près 2 000 000 $, pour des salles
d'eau pour des pavilions qu'on allait défaire dans peu de temps. Par
contre, il suffit d'y aller une seule fois dans ces pavillons-là. Et je
vous invite à venir les voir et regarder les conditions de vie des
bénéficiaires pour s'apercevoir que, même si on veut faire
une épargne à long terme et ne pas investir ces sommes,
étant donné qu'on va démolir ces bâtiments en peu de
temps, ce n'est pas viable. Cela ne se vit pas quand même 40 malades dans
un dortoir, avec trois salles d'eau, quelques bains et quelques douches. C'est
quasi Steinberg et il faut ramasser notre numéro et attendre notre tour.
Par contre, on a fait les premières démarches On les a faites nos
premières démarches. Actuellement, les plans et devis sont au
ministère. Nous attendons l'achèvement du dossier pour pouvoir
continuer les aménagements de ces salles d'eau. Il y en a certaines que
nous avons faites nous-mêmes à l'Intérieur, mais pour
continuer l'aménagement des salles d'eau, on attend une autorisation
finale du ministère.
M. Chevrette: Concernant maintenant la
complémentarité des fonctions ou la multidisplinarité, je
sais que cela ne semble pas créer de problème au niveau des
catégories de personnel chez vous puisque la discussion s'est faite...
en tout cas, cela m'a semblé être accepté. Est-ce que vous
ne croyez pas que dans le fin fond, les résistances qu'on connaît
dans les autres milieux, c'est précisément parce qu'on n'a pas
fait les discussions au niveau des personnels et ensemble? Je m'explique mal
que chez vous on ait réussi - ce n'était pas une petite
boîte - à arriver à des consensus. Vous savez, on voit
défiler à peu près 60 ou 70 groupes devant nous qui tirent
chacun de leur côté sans aucun... Je me demande comment la
ministre va s'en tirer dans tout cela. Il y en a qui tirent à hue et
d'autres à dia, comme dirait mon grand-père. Chez vous, on a
quand même réussi à avoir une
forme de consensus sur la désinstitutionnalisation, sur le
rôle supplétif que pouvaient jouer les CLSC et d'autres organismes
communautaires. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous avez
réussi à faire cela. Même si vous êtes arrivés
après, vous aviez le nez là un bout de temps, suffisamment
longtemps avant qu'on lève la tutelle pour qu'on puisse savoir que vous
étiez au courant. Si vous ne voulez pas me répondre, il y en
d'autres qui peuvent me répondre, cela ne me dérange pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M, Nolet: M. Chevrette, je peux vous dire que mon nom n'est pas
Jésus-Christ. Ce n'est pas mol qui ai Inventé cette
chose-là. À l'exception que, malgré toutes les
consultations qu'on a pu faire, c'est un fait qu'on a une certaine
consultation, que les gens veulent bien s'Impliquer, etc., il demeure quand
même certaine complication. Il faut se souvenir de certaines
philosophies. On a une philosople chez nous et je pense que c'est une
philosopie de base: pas de tablette, pas de mise à pied. Mais il faut
trouver l'entre-deux, si c'est cela. Lorsqu'on vous disait tout à
l'heure que l'on sort des déficients mentaux de chez nous, on sort des
déficients, l'argent suit, mais le personne! demeure, lui. Il faut lui
trouver un trou. Selon la politique que je viens de vous mentionner et cette
philosophie, il faut faire des arrangements, des ententes, des pourparlers. Je
pense que l'équipe qui m'entoure, autant celle que j'ai ici ce soir que
celle de l'hôpital, est certainement apte à nous aider dans cette
consultation, dans ces ententes, pour essayer, le mieux possible, d'avoir un
chemin moins cahoteux que dans d'autres endroits.
M. Chevrette: Vous n'avez pas d'entente, par exemple, avec les
structures qui héritent des budgets pour acheminer un certain type de
personnel vers ces structures-là? Je prends un exemple: supposons que le
CLSC prend charge d'une partie des bénéficiaires, II ne prend pas
le personnel avec? Il prend seulement le budget?
M. Nolet: II prend l'argent.
M. Chevrette: Cela veut donc dire que chaque fois que vous sortez
du budget, vous êtes doublement pénalisés en gardant le
personnel?
M. Nolet: Vous avez raison dans cet élément On sort
du budget On n'est pas doublement pénalisé, parce qu'on essaye de
faire nos affaires nous autres mêmes. Par contre, il ne sort que des
piastres. On avait une problématique. Souvenez-vous qu'il y a une
problématique syndicale à l'Intérieur de cela: les
différentes parties syndicales, les différents groupements
syndicaux, l'ancienneté, les primes de psychiatrie, les primes de
séparation, les primes de toutes sortes. C'est pour cela que lorsqu'on
construisait les deux centres d'accueil et d'hébergement. Ils sortaient,
eux, avec le personnel, parce qu'on sortait le tout: les malades, l'argent et
te personnel. Étant donné que, maintenant, c'est un pavillon
régional, chez nous, on a gardé la gestion de cette
chose-là. Concernant les déficients, jamais on ne sortait le
personnel. On le gardait chez nous et, à cause de l'attribution des 4 %
et de toutes les autres manigances de négociation entre le syndicat et
l'administration, on a pu quand même se tirer assez bien d'affaire
concernant ce dossier-là.
M. Chevrette: J'ai une dernière question. Vous avez un
comité de bénéficiaires qui est passé devant nous,
hier je crois, qui semble très engagé, qui trouve que son budget
n'est pas gros - 18 000 $ et quelques centaines de piastres - et qui a
parlé beaucoup également du rôle de l'acceptation des
parents dans la vie même du centre. Vous vivez cela, vous autres, comme
administrateurs et non pas comme... Vous avez sans doute à subir les
pressions, s'ils ont l'air assez engagés et assez tenaces. Ils sont
même derrière vous autres et ils surveillent votre réponse.
Comment voyez-vous cela, non seulement le comité des
bénéficiaires mais aussi le rôle des parents?
M. Nolet: Je pense, M. Chevrette, que chacun de nous a un
rôle à jouer. Le rôle que la loi a bien voulu donner au
comité des bénéficiaires, il faut le respecter et on le
respecte. Il faut avoir des moyens pour jouer certains rôles. Je crois
que nous sommes le premier centre hospitalier à donner des budgets au
comité des bénéficiaires. Ce comité des
bénéficiaires, comme tel, on lui a donné un budget. Par
contre, il faut de l'encadrement. Il faut toujours de l'encadrement, que ce
soit un comité de bénéficiaires, un comité de
médecins, de professionnels, d'administrateurs. Pour qui que ce soit, il
faut effectivement avoir un encadrement quelconque, un contrôle. On ne
donne pas de l'argent juste pour partir. Par contre, je suis persuadé
que te comité des bénéficiaires vous a probablement dit
que si on met des contrôles, ils sont à ta merci de la direction.
Par contre, vous savez très bien que si on veut utiliser la même
hypothèse un peu partout, tout le monde est à la merci de
quelqu'un d'autre. Nous sommes d'accord. Nous l'avons fait et nous le ferons
encore, concernant le budget du comité des bénéficiaires.
Je pense qu'il a un rôle à jouer. Il faut assimiler à ce
comité, Ils sont en train de le faire actuellement, un comité de
parents. Je pense que, de plus en plus, il faut que les parents soient
Impliqués aussi dans le traitement de ces bénéficiaires,
il faut qu'ils viennent. Mais c'est malheureux dans les hôpitaux
psychiatriques, on ne revoit des parents, des fois, que lorsqu'un incident
malheureux est arrivé. Je pourrais vous raconter, moi, un Incident
très malheureux qui est arrivé à l'hôpital, à
un moment donné. Malheureusement,
un bénéficiaire a été brûlé et
la famille est arrivée. Soudainement, cela a bien tourné, on
s'est bien tiré d'affaire, autant la famille que tout
l'événement. Mais la jeune fille, qui était la
nièce du bénéficiaire en question, nous a dit: Mon oncle a
bien changé. Je comprends bien que mon oncle avait bien changé,
la dernière fois qu'elle était venue à l'hôpital,
elle avait cinq ans et, actuellement, elle avait probablement 25, 26 ans. C'est
certain que pendant 20 ans on change. Mais malheureusement, les familles, il
faut les encourager à venir, it faut les sensibiliser à venir, il
faut les inviter à rentrer chez nous. Lorsque je vous ai dit tout
à l'heure qu'on avait enlevé les barreaux et les
barrières, il faut aussi enlever la barrière psychologique pour
que la société puisse venir chez nous, enlever ce stlgma de
psychiatrie, de bébites noires, d'hôpital gris, de choses
semblables. On essaie, vous savez, ce n'est pas facile d'essayer cela. On
commence et j'espère qu'on a brisé les premières pierres
pour qu'on puisse faire entrer chez nous les parents, les visiteurs et la
communauté toute entière.
M. Chevrette: Vous jouez le rôle d'"ombudsperson".
M. Nolet: M. Chevrette, je pense que le comité des
bénéficiaires a un rôle à jouer. Les plaintes
peuvent entrer à l'hôpital de plusieurs façons: par mon
bureau: certainement par le comité des bénéficiaires,
c'est un de ses rôles, par l'"ombudsperson", c'est un troisième,
le conseil régional, le quatrième. Par contre, aller
vérifier, régler, investiguer la plainte comme telle, je pense
que cela n'appartient pas à un comité de
bénéficiaires. Je pense qu'il y a trop d'éléments
à l'intérieur de cela et le comité des
bénéficiaires a la confidentialité à titre
d'exemple. À l'entrée, à l'intérieur même de
l'unité, aller vérifier avec le médecin le dossier peut
vouloir dire au médecin: qu'est-ce qui s'est passé à telle
place, telle place? Je pense que rombudsperson* - c'est assez professionnel
à l'intérieur de son milieu - peut faire un tas d'Interventions,
on ne peut pas être juge et Jury. Bien souvent, le comité des
bénéficaires peut porter la plainte. D'ailleurs, la loi lui donne
ce privilège, une plainte collective aussi, autant qu'individuelle. On
veut bien, on va les recevoir, mais l'Investigation de la plainte comme telle,
je pense qu'elle appartient à une autre personne que le comité
des bénéficiaires.
M. Chevrette: Et à une autre personne non payée par
l'administration du centre.
M. Nolet: Elle pourrait être une "ombudsperson" qui serait,
effectivement, du conseil régional.
Le Président (M. Bélanger): Vous aviez une
dernière remarque?
M. Vanier (Claude): Oui, M. le Président, si vous me
permettez.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Vanier: C'est aussi pour répondre à une question
de M. Chevrette concernant la multidisciplinarité et comment se fait-il
qu'à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine c'est un peu
réglé. C'est un peu réglé, mais cela nous
inquiète aussi en ce qui concerne le rapport Harnois, comme cela
inquiétait tout à l'heure mes collègues de
l'Université de Montréal et comme cela inquiète aussi mes
autres collègues médecins. Cela nous inquiète dans le sens
qu'il n'est pas mentionné malheureusement dans le rapport Harnois que le
principal chef d'orchestre, au niveau de l'évaluation des patients, au
niveau des diagnostics à poser, c'est le médecin en
première ligne, c'est le psychiatre en deuxième ligne. À
Louis-H.-Lafontaine, c'est clair, dans les autres centres hospitaliers aussi du
réseau de Montréal, c'est clair et c'est la raison pour laquelle
cela fonctionne. Ce qui nous inquiète, c'est encore une fois que ce ne
soit pas mentionné et que cela devienne différent
éventuellement. Parce que je pense que les patients qui
présentent des problématiques émotives ou autres, la
plupart du temps, il y a une composante biologique, comme on a souligné,
une composante sociale, une composante psychologique.
Un deuxième point concernant la question des effectifs
psychiatriques au Québec. Effectivement, nous, cela nous Inquiète
que dans le rapport Harnois, on ait mentionné que ce n'était pas
tant un problème d'effectifs, mais plutôt de répartition.
C'est vrai qu'il y a un problème de répartition. Il y a un
problème de répartition pas uniquement interrégional, mais
intrarégional. Si on regarde à Louis-H. Lafontaine, je vais
peut-être en surprendre beaucoup, mais on a une pénurie
d'effectifs en fait de médecins. Lorsque nous avons à
répondre à une population de 300 000 habitants au niveau de la
courte durée, lorsque nous avons à répondre à des
soins pour 900 patients hospitalisés dans la longue durée, qui ne
viennent pas uniquement de Montréal, mais qui viennent de l'Estrie et
qui viennent d'un peu partout dans le Québec, lorsque nous avons
à répondre aussi à 400 patients qui ont été
j'irais jusqu'à dire transinstitutionalisés en pavillon, lorsque
nous avons à répondre à la formation de futurs
psychiatres, lorsque nous avons à répondre aussi à un
centre de recherche qui va prendre de l'ampleur à Louis-H. Lafontaine,
lorsque nous avons à répondre aussi à ce qui nous est
demandé dans le rapport Harnois de superviser les médecins dans
les CLSC, de pouvoir superviser les autres paramédicaux, les
ergothérapeutes, les travailleurs sociaux, lorsque nous avons aussi
à répondre, pour ce qui est de la gestion médicale,
à un hôpital psychiatrique, une trentaine de médecins, ce
n'est pas suffisant; il nous en faudrait le double.
(20 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Je dois,
malheureusement, vous Interrompre...
M. Vanier: Merci.
Le Président (M. Bélanger): ...puisque nous
débordons déjà sur le temps du prochain groupe. Alors, M.
le député de Joliette, est-ce que vous avez un dernier mot pour
remercier?
M. Chevrette: Connaissant assez' bien le dossier, je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier les
représentants de Louis-Hippolyte Lafontaine. Est-ce que vous seriez
capable de me répondre très brièvement à une
question? Vous avez parlé des parents en disant: II faut les faire
entrer, il faut les encourager. Mais, d'une façon concrète, quels
sont les moyens que vous mettez en place pour atteindre cet objectif, seulement
deux ou trois moyens que vous prenez? On peut bien les Inviter, on peut bien
leur envoyer des lettres, mais est-ce qu'il y a d'autres moyens que vous prenez
pour les impliquer davantage?
M. Nolet: Dans le cas des centres d'accueil et de
réadaptation, on les a contactés Individuellement pour pouvoir
leur donner l'heure juste concernant leur proche et la sortie de leur proche.
Écoutez, j'aimerais penser un peu plus à la question que vous me
posez et il me fera plaisir, madame, de vous écrire quelques mots et de
vous suggérer des méthodes pour qu'on puisse intégrer
effectivement les familles dans ce traitement.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
remercie tes représentants de l'hôpital Louis-Hippolyte
Lafontaine.
J'appelle à la table des témoins les représentants
de Centraide Montréal, M. Jean Lessard, président-directeur
général; Mme Céline Germain, directrice des relations
gouvernementales et M. Michel Giroux, directeur général
adjoint
Alors si chacun veut bien reprendre sa place, nous allons... S'il vous
plaît, je demanderais à chacun de reprendre sa place. Monsieur ou
madame représentant Centraide, est-ce que |e pourrais savoir qui est le
porte-parole? SI vous pouviez vous identifier, vous présenter pour
qu'on...
M. Giroux (Michel): M. le Président, Mme la ministre,
mesdames et messieurs, je m'appelle Michel Glroux, je suis directeur
général adjoint de Centraide Montréal et Mme Céline
Germain est directrice des relations gouvernementales.
J'excuse M. Jean Lessard qui n'a pas pu se présenter e t se
Joindre à nous aujourd'hui.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Vous connaissez
nos procédures. Vous avez 20 minutes pour la présentation de
votre mémoire et 40 minutes de discussion avec les membres de la
commission. Je vous en prie.
Centraide Montréal
M. Giroux: Cela va. D'abord, je voudrais simplement rappeler aux
membres de la commission parlementaire ce qu'est Centraide Montréal.
Centraide est connu d'une certaine façon; Centraide Montréal fait
une campagne de souscription annuelle dans la grande région
métropolitaine et finance des organismes communautaires et
bénévoles qui oeuvrent dans la même région. En
octobre 1987, Centraide a mené une campagne de 20 000 000 $ et
financera, en 1988-1989, quelque 200 organismes communautaires et
bénévoles oeuvrant dans la grande région de
Montréal dans le domaine social.
Pourquoi Centraide a décidé de préparer un
mémoire et d'exprimer son opinion sur cette question de la santé
mentale? Dans le fond, si nous avons décidé de préparer un
mémoire, malgré le temps très court qui nous était
donné, c'est qu'au cours des dernières années, nous avons
été fortement préoccupés par les difficultés
vécues par les ex-patients psychiatriques et par les malades mentaux
dans la grande région métropolitaine. De très nombreux
organismes que nous finançons nous ont alertés, au cours des
dernières années, depuis quatre ou cinq ans en particulier, sur
le nombre de plus en plus grand de personnes atteintes de problèmes de
santé mentale qui frappaient à leurs portes, qui faisaient appel
à leurs services.
Évidemment, Centraide finance essentiellement des organismes qui
s'occupent des gens les plus démunis et ce n'est peut-être pas
surprenant qu'on retrouve dans ces organismes beaucoup d'ex-patients
psychiatriques qui se retrouvent dans la communauté et qui ne sont
peut-être pas suffisamment aidés à s'intégrer dans
la communauté.
C'est pourquoi on a pensé Important d'ajouter notre voix à
celles de nombreux intervenants pour signaler qu'il existe un grave
problème d'intégration des ex-patients psychiatriques et un
manque évident des ressources adéquates capables d'aider ces
malades à fonctionner convenablement au sein de notre
société.
Ce n'est peut-ête pas nécessaire d'insister longuement sur
cette problématique. Elle semble faire l'unanimité. Cependant,
permettez-moi de la concrétiser encore davantage en vous signalant par
exemple que plus du tiers des itinérants qui s'adressent aux maisons
pour sans-abri, ou qui se dirigent vers les soupes populaires qui se sont
multipliées d'une façon effarante au cours des dernières
années, sont des personnes souffrant de
maladie mentale. Nous avions déjà d'ailleurs
signalé cette question dans nos mémoires présentés
à la Commission Rochon et à la Commission Parizeau. C'est donc
dire que nous nous réjouissons grandement que s'élabore une
politique de la santé mentale et de l'occasion qui nous est
donnée par cette commission parlementaire d'exprimer nos points de vue
et nos préoccupations.
Notre mémoire ne porte que sur certains aspects très
précis du rapport Harnois, compte tenu évidemment de la
spécificité de notre expertise. Nous nous sommes attardés
essentiellement sur le rôle des organismes bénévoles et
communautaires dans le processus de l'intégration sociale des personnes
atteintes de maladie mentale. Notre mémoire se divise essentiellement en
deux grandes parties: une réflexion un peu plus théorique sur le
concept de partenariat et par conséquent sur le partage des
responsabilités entre l'État et les autres intervenants et,
deuxièmement, une réflexion plus concrète, plus pratique
sur les conditions qui permettraient aux secteurs bénévole et
communautaire de jouer un rôle efficace dans le secteur de la
santé mentale.
D'abord, en ce qui concerne tes principes, je dois dire très
clairement à la commission que Centraide a été très
Intéressé par les quelques principes qui éclairent la
politique présentée par le comité Harnois, plus
particulièrement par le principe du partenariat qui est
développé dans le rapport lui-même.
Même s'il s'agit d'une expression très à la mode,
tout le monde parle de partenariat, qui par le fait même porte une
très grande part d'ambiguïté. Il s'agit d'une expression qui
nous apparaît fort intéressante par l'approche nouvelle qu'elle
dévoile dans le rôle que doit jouer l'État dans la
réponse aux besoins de santé et aux besoins sociaux.
Pour nous, parler de partenariat, c'est reconnaître clairement que
l'État ne peut et ne doit tout faire, c'est accepter que l'État a
des limites dans ses interventions, c'est accepter que l'État doit tenir
compte des autres partenaires, c'est accepter de respecter la famille, les
regroupements de parents de malades mentaux, les groupes de malades, des
groupes d'entraide où le malade mental lui-même est au coeur de
son propre cheminement de prise en charge. Parler de partenariat, c'est
accepter le rôle irremplaçable que peuvent jouer les groupes
bénévoles et communautaires, comme les groupes de parrainage
civique, les associations de défense des droits du malade mental, les
groupes bénévoles assurant le compagnonnage, etc.
Nous avons tous connu au début des années soixante-dix
cette grande et nécessaire réforme des services de santé
et des services sociaux. C'était l'époque où tout
était intégré à l'intérieur du
réseau. Je me souviens très bien à ce moment-là
qu'il était toujours question d'intégrer dans le réseau
des affaires sociales ou de faire des transferts du secteur privé au
secteur public et que l'État voulait tout accaparer et tout
intégrer. II y avait peut-être dans le fond une espèce
d'Idéalisme ou une espèce d'utopie qui croyait que l'État
pouvait rendre tous les services. Nous avons vu d'ailleurs se vivre
progressivement au cours des dernières années une interrogation
sur les limites de l'État et sur l'importance d'avoir dans la
communauté d'autres intervenants. D'ailleurs, au cours des dix
dernières années se sont multipliés
énormément de groupes bénévoles, communautaires,
alternatifs, intermédiaires - qu'on les appelle par tous les noms
possibles - qui ont essayé de répondre à des besoins qui
n'étaient pas couverts par l'organisation étatique.
On veut, cependant, ici, être bien compris. Il n'est pas question
pour l'État de fuir ses responsabilités, quant à nous, et
de penser utiliser le bénévolat pour réduire des
coûts, ou le secteur communautaire pour que cela coûte moins cher.
Il est évident qu'il y a des services qui ne peuvent être rendus
que par une structure universelle d'État, spécialisée par
des professionnels. Il est évident qu'il n'est pas question que les
groupes bénévoles et communautaires puissent rendre ce type de
service. Par ailleurs, il est évident que l'État ne pourra jamais
remplacer la famille, ni les groupes issus de la communauté, ni les
bénévoles. Il y a des choses que l'État peut et doit
faire; il y en a d'autres que l'État ne peut faire et ne pourra jamais
faire. On a l'impression de dire ici des évidences. Mais, ceux qui,
comme nous, ont vécu depuis les 20 dernières années dans
le secteur des services sociaux et de santé, se rappellent tous
très bien te temps où tout était intégré,
assimilé; cela devenait partie du réseau.
C'est pourquoi nous nous réjouissons grandement de l'approche
nouvelle et de ce changement important de mentalité et d'approche qu'on
retrouve dans te rapport Harnois. Évidemment, c'est un changement de
mentalité Important. Ce ne sera pas une chose facile car tout changement
de mentalité demande des réactions, des temps d'ajustement. Ce ne
sera pas simple, parce que, quand cela fait quinze ans que des organismes ou
des institutions d'État publics ou parapublics sont habitués de
tout régenter, il est très difficile de respecter les autres
groupes, de respecter leur différence, de ne pas les chapeauter, de
respecter leur autonomie, de ne pas se les approprier. Je pense qu'à
cela on peut faire une mise en garde très importante. Il faut parler de
partenariat, mais il va falloir aussi parler de respect d'autonomie, de respect
des différences et se garder aussi de bureaucratiser, d'uniformiser,
d'utiliser à ses propres fins les organismes communautaires et
bénévoles.
Cela m'amène au deuxième aspect de la question, aspect
peut-être plus concret, un peu plus précis, celui du financement
des organismes bénévoles et communautaires et de la participation
de l'État au financement des organismes bénévoles et
communautaires. Ici aussi, nous
reconnaissons qu'il y a des choses très Intéressantes dans
le rapport, mais, par ailleurs, nous aimerions apporter quelques nuances et
quelques mises en garde.
Premièrement, il est très intéressant qu'il y ait
une reconnaissance de la responsabilité de l'État d'aider la
famille et les organismes bénévoles et communautaires qui
travaillent dans le champ, dans le domaine de la santé mentale. Cette
reconnaissance de la responsabilité de l'État qui n'est pas
uniquement une responsabilité de financer le réseau, mats qui se
sent une responsabilité de participer au financement des regroupements
de parents et d'aider la famille et les organismes communautaires, on pense que
c'est une chose très Importante.
Deuxièmement, nous nous réjouissons aussi que le
comité Harnois insiste sur le fait que les sommes disponibles pour les
organismes bénévoles et communautaires devraient être
augmentées de façon Importante au cours des prochaines
années. Le rapport est très explicite là-dessus et nous
nous en réjouissons. Nous trouvons aussi très Intéressant
que l'on parle de financement sur le mode de la continuité et de la
récurrence. Ici, j'Insiste beaucoup parce que, pour des organismes
communautaires, des organismes bénévoles, la récurrence et
ta continuité dans le financement sont des choses très
importantes. Autrement, les organismes vivent toujours dans
l'insécurité, de six mois en six mois, négocient
continuellement des subventions et peuvent très difficilement faire des
projets de développement et prévoir un peu l'avenir.
Là-dessus, je pense que le rapport nous parie, pour une première
année, d'un financement de deux ans et nous parle aussi après
cette expérience-là d'un financement récurrent On pense
que cela est très important et nous voulons beaucoup insister
là-dessus. (20 h 30)
Quatrièmement, nous sommes, par ailleurs, plus réticents
sur certaines catégories ou sur du financement à travers tes
catégories qui sont définies dans le rapport C'est-à-dire
qu'on parle des catégories de groupes d'entraide, des groupes de
promotion et des groupes de services. Ce sont des catégories qui sont
intéressantes, qui permettent de comprendre un peu mieux ce que font les
groupes. Sauf que notre expérience à Centraide nous montre que ce
ne sont pas des catégories qui sont très étanches. Les
organismes peuvent avoir une majeure, par exemple, d'entraide mais faire en
même temps certains types de services. Certains autres groupes sont des
groupes de services mais ont aussi des fonctions de représentation, de
promotion ou de sensibilisation du public. Ou encore, on trouve dans les
mêmes groupes des fonctions d'entraide, des fonctions de services et des
fonctions de promotion. Alors, si on va dans un financement et qu'on utilise
des catégories trop rigides, on pense que cela peut être un peu
délicat et pas très pratique. Alors, peut-être qu'il
faudrait les utiliser mais avec une certaine prudence.
Il y a un autre aspect aussi qui nous préoccupe. On parle pour le
financement des programmes de services de 90 % et 10 %. On comprend très
bien la préoccupation du comité Harnois sur cette
question-là, c'est toute la question d'autonomie des groupes. En se
disant: St un groupe est financé à 100 % par l'État pour
offrir tels services, il perd son autonomie, II devient presque un organisme du
réseau. On se demande si en pratique - comme je vous le disais tout
à l'heure - si un organisme a trois types de fonctions, il ne pourrait
pas dans les services qu'il offre, les services pourraient être
financés à 100 % par l'État, les fonctions entraide
seraient financées à 50 % par Centraide, une partie par
l'État, une partie par d'autres, de telle sorte que... Il y a une
comptabilisation des 90-10 qui nous inquiète un petit peu et
peut-être que ce n'est pas une solution non plus complètement
adéquate. De toute façon, on pourrait poursuivre la
réflexion là-dessus, on va en discuter un peu avec vous. Je pense
qu'il nous faut pousser plus loin la réflexion sur le financement des
organismes bénévoles et communautaires. Le financement des
organismes bénévoles et communautaires, c'est évidemment
un financement qui n'est pas tellement facile à faire. Vous en savez
certainement quelque chose. Il s'agit par définition de groupes
très divers, de groupes très différents dans leur
cheminement, des groupes qui commencent, qui sont tout petits, d'autres qui ont
une longue expérience, d'autres qui sont à mi-chemin. Ce sont des
groupes qu'il faut être capable de financer en essayant d'être
très près d'eux, très attentifs dans leur cheminement et
en essayant aussi, évidemment, de les respecter sans les bureaucratiser,
sans les approprier, sans leur donner l'allure d'un organisme d'État ou
d'un organisme public et parapublic. Ce n'est pas simple. Il va falloir trouver
des mécanismes, trouver des moyens, trouver des façons. Centraide
là-dessus a une certaine expertise. Évidemment, c'est ce que nous
finançons depuis beaucoup d'années. Nous sommes prêts
à en discuter avec vous aujourd'hui mais, évidemment, nous
serions prêts à partager notre expertise avec d'autres pour
essayer d'aider le gouvernement à préciser encore mieux ces
formes de financement des groupes bénévoles et
communautaires.
En terminant, j'aimerais simplement vous remercier de l'accueil que vous
nous faites et vous dire à quel point, à cause de notre situation
sur le terrain dans la communauté très proche des gens, on
pourrait dire notre grande préoccupation de cette population qui a
besoin de beaucoup de ressources pour être capable de participer le mieux
possible à la vie de la communauté. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.
Je veux remercier tes représentants de Centrai-de pour leur
mémoire, qui est axé sur du concret, en particulier sur toute la
question du financement des organismes bénévoles.
Je peux vous dire que vous nous offrez peut-être, quant au mode de
financement, de nous permettre de vous consulter. Je pense que, non seulement
pour la santé mentale mais dans d'autres domaines également,
parce que nous finançons quand même tout près de 1400
organismes pour un montant de 31 000 000 $. Nous sommes rendus à 31 000
000 $ cette année. C'est considérable. Je dois vous dire qu'on
essaie de le faire le mieux possible, en respectant le plus possible les
vocations de chacun, mais cela reste difficile parce qu'il y a toutes sortes de
facteurs qui entrent en ligne de compte. Les gens se réjouissent
évidemment que le rapport Harnois ait proposé du financement sur
deux ans, ou un financement récurrent assuré pour deux ans. Les
organismes bénévoles le demandent depuis longtemps et le
demandent même sur trois ans, etc. Mais je dois vous dire, à ma
connaissance en tout cas, depuis deux ans que je suis au ministère, que
la récurrence est automatique. Il peut ne pas y avoir d'augmentation ou,
pour une raison très particulière dont nous discutons avec les
gens, il peut y avoir dans des cas très peu nombreux des diminutions.
Mais la seule raison qui motive une non-récurrence serait une mauvaise
administration des fonds ou, enfin, des éléments que nous
n'aurions pas connus qui nous obligeraient à arrêter te
financement d'un organisme. Ces cas-là sont exceptionnels. À ma
connaissance, Il y en a peut-être eu dans les deux dernières
années, trois ou quatre. Il y a évidemment les organismes pour
qui, à un moment donné, leur source de financement est
modifiée, compte tenu peut-être de la réorganisation
même du financement du ministère en regard de certains organismes.
Mais cette récurrence-là était, à mon point de vue,
à toutes fins utiles, automatiques. Quand les gens, après six
mois, courent après de l'argent, c'est parce qu'ils ne se trouvent pas
suffisamment financés ou peut-être que dans certains cas la
planification est toujours difficile quand les montants sont restreints.
Maintenant, vous dites - cela, je pense qu'il faudrait l'examiner,
peut-être dans un moment de consultation - qu'on les a divisés en
organismes d'entraide, de promotion, de défense des droits. C'est vrai
qu'il y a des fois une double fonction, mais en général, il y a
une majeure très prononcée, chez les organismes que nous
finançons. Si on se réfère à ceux que nous
finançons c'est, globalement, les trois grandes majeures à
l'Intérieur de ces subventions-là.
J'aurais juste une question à vous poser, relativement à
d'autres modes de financement que vous suggérez. Par exemple, vous dites
des modes de financement reliés à la fiscalité.
Évidemment, quand on pense à la fiscalité, on pense aux
déductions d'impôt, ce qui existe déjà. Je me
demandais si vous aviez d'autres bons trucs dans votre chapeau.
M. Giroux: II y a évidemment la question des
déductions d'Impôt. On sent très bien que même la
déductibilité pour fins de charité est, d'une certaine
façon, remise en question ou passée autrement par des
crédits d'Impôt. De toute façon, on pense que c'est
très important de la garder, cette déductibilité, et d'y
insister pour permettre à la communauté de participer vraiment,
de cette façon-là, au financement des organismes
bénévoles et communautaires. C'est une façon. Mais on a eu
aussi une expérience au cours de la dernière année qui a
été un peu difficile: la question de la taxe d'affaires au
municipal qui a causé beaucoup de problèmes aux organismes
bénévoles et communautaires, qui se voyaient obligés, tout
d'un coup, de se mettre à payer une taxe d'affaires. En plus de cela,
cela couvrait les années précédentes. On a trouvé,
évidemment, et je pense que le gouvernement a trouvé avec nous,
une solution à ce problème. Mats on pense qu'il faut continuer
à aider les organismes bénévoles et communautaires, en
évitant de leur donner des surcharges de ce type-là et en leur
permettant, par exemple, d'être exempts de cette taxe d'affaires.
Il y a un autre aspect qui nous préoccupe aussi sous cet
aspect-là. Il est beaucoup question actuellement de taxe à valeur
ajoutée ou de type de nouvelle taxe de cette forme-là. Je pense
qu'il va falloir penser pour les organismes bénévoles et
communautaires, les organismes sans but lucratif qui travaillent dans la
communauté, des formes d'exemption pour éviter dans le fond que
l'argent qui est recueilli dans la communauté, qui doit servir à
donner des services, se trouve à être utilisé et revenir
pour payer des taxes. Je pense que c'est un autre aspect ou ce sont plus des
aspects de prudence qui nous font regarder en avant en disant qu'il faut aider
les groupes dans cette direction-là. Évidemment, on parle aussi
d'autres façons d'aider les groupes bénévoles et
communautaires, on pense à des locaux qui peuvent être
prêtés à des groupes par des Institutions du réseau,
cela existe déjà par des CLSC, des CSS ou des organismes de ce
type. On pense que cela peut aider des services aussi qui peuvent être
rendus par des institutions du réseau à des groupes
bénévoles et communautaires. De l'accompagnement professionnel,
c'est évident aussi que certains organismes qui sont plus petits peuvent
avoir besoin de quelqu'un qui peut les aider à s'organiser sur tel ou
tel aspect. Je pense que cela se fait déjà et que cela peut se
poursuivre. On pense que ce sont des formes d'aide et de collaboration. Cet
après-midi, j'étais présent, j'écoutais un peu le
débat qui se faisait avec les groupes alternatifs, entre autres, et
comment ils se situent par rapport aux hôpitaux. Je pense que de plus en
plus il va falloir qu'il y ait des liens qui se créent, des 'ententes
qui se créent, des partages, que les gens ne restent pas sur leur
position, mais
essaient de se rencontrer pour trouver des solutions et aider vraiment
la population. C'est un peu différentes formes d'aide qui
compléteraient l'aspect financier.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Votre mémoire, en tout cas, touche des
aspects très humains et un vécu que doivent subir tes gens
à différents niveaux lorsqu'ils sont engagés au niveau
social. À mon avis, vous soulignez des éléments
importants, vous apportez des nuances aussi Importantes, notamment lorsque vous
mentionnez que l'État ne pourra jamais supporter la famille ou les
groupes communautaires parce que très souvent, ce sont des gens
très impliqués qui sont concernés directement par les
problématiques que doivent subir certaines personnes dans nos
sociétés. À cause de cela, je pense que vous avez le
mérite de nous apporter un éclairage véridique des faits.
Cela mérite que nous apportions une attention particulière sur ce
volet. De par votre expérience, dont vous nous avez fait part, vous avez
parlé beaucoup de changement de mentalité. Finalement, vous avez
dit qu'il faudrait peut-être mettre l'accent un peu là-dessus en
ce qui concerne l'approche que nous avons vis-à-vis des groupes
communautaires très souvent en croyant toujours que, parce qu'ils sont
bénévoles, ils sont facilement approchables en leur demandant de
plus en plus de nouvelles responsabilités compte tenu de la situation
qui n'est pas toujours facile à vivre sur le plan financier ou
même sur te "plan de la reconnaissance. Or, quelle est la meilleure
façon pour vous, croyez-vous, dans notre société, à
l'heure actuelle, de leur donner une meilleure reconnaissance et de favoriser
des changements de mentalité versus les groupes communautaires et dans
leurs fonctions actuelles?
M. Giroux: Je pense que cela me donne l'occasion de revenir un
peu sur cet aspect que j'ai développé tout à l'heure, d'un
changement de mentalité dans notre société, un changement
de mentalité dans les organismes publics et parapublics. Je pense que
les gens se rendent compte des limites de l'intervention publique et
parapu-blique, que cela nécessite beaucoup d'importance, que c'est
Irremplaçable, bon! tout le monde est d'accord avec cela. Par ailleurs,
les gens se rendent compte que l'État ne peut pas tout faire, que
l'État ne fera jamais tout; cela est très bon comme changement de
mentalité dans l'ensemble de notre société. Ce n'est pas
uniquement les gens du réseau qui se rendent compte de cela, c'est aussi
l'ensemble de la population qui se dit: Peut-être qu'on a beaucoup
demandé à notre réseau; peut-être qu'on a beaucoup
demandé à l'État et on voudrait trouver toutes les
réponses là; mais non, il y a d'autres réponses que l'on
doit trouver nous-mêmes, sur tes plans de la famille et des organismes
bénévoles et communautaires. Je pense que cela est un changement
de mentalité important dans l'ensemble de notre société,
non pas pour transférer des responsabilités de l'État et
se dire: Ils vont faire du 'cheap labour" et les bénévoles vont
s'occuper de tout. Je pense que, là-dessus, il y a peut-être des
dangers. (20 h 45)
Je comprends, par exemple, qu'un CLSC qui est surchargé, qui n'a
pas assez de moyens et qui sent qu'il y a un groupe communautaire pas loin, il
va lui transférer des cas; il va lui envoyer des personnes. Là,
le groupe communautaire va devenir surchargé. On va utiliser le groupe
communautaire. Je pense que c'est un peu très humain. Sauf que ce
changement de mentalité, dont je parlais tout à l'heure, est
réel dans notre société. Le fait qu'on ait vu autant de
groupes communautaires naître, se mettre en place, c'est un signe d'une
vitalité très grande de notre société, d'un
dynamisme qui existe dans notre société, d'un désir des
gens de notre société de faire quelque chose, de prendre en main,
de prendre en charge, de décider que les problèmes qu'ils ont,
ils sont capables de les régler en partie et de trouver des solutions
qui sont Intéressantes. Ce dont Ils ont besoin, c'est d'être
aidés; aidés financièrement, parce que cela prend quand
même de l'argent pour faire cela, cela ne se fait pas tout seul.
Centraide travaille à Montréal avec 20 000 000 $, c'est
peu d'argent. On va aider 200 groupes, on va les aider à s'acheminer, on
va financer une partie de leur budget. Qu'il y ait d'autres bailleurs de fonds
qui viennent les aider, on pense que c'est Important. On pense que c'est
Important, parce qu'ils ont besoin de plus d'argent, mais aussi c'est important
pour leur propre autonomie, autonomie par rapport au gouvernement, mais
autonomie par rapport à nous aussi. Un organisme qu'on finance à
100 %, il est un peu trop dépendant de nous. S'il y a quelque chose qui
ne fonctionne pas avec nous, si les orientations qu'il prend ne conviennent pas
à ce que nous sommes capables de faire dans la communauté, bien,
c'est très dangereux. Alors, on invite les organismes à
diversifier beaucoup leurs sources de financement, à devenir
autonomes.
Maintenant, il reste, st on regarde l'avenir et si on fait un peu de
prospectives, que, de plus en plus, notre société va trouver des
groupes communautaires, des bénévoles et des personnes qui vont
avoir le goût de faire quelque chose, de s'engager et de participer. Si
on revient, seulement pour des exemples bien concrets - Je m'excuse
d'être un peu long dans cette réponse, mais je pense que je sens
l'expérience concrète arriver plus clairement dans mon esprit...
Quand je disais tout à l'heure qu'il y a des choses que l'État
peut faire et que des groupes..., vice versa, je pense que pour aider une
personne qui
sort d'une Institution psychiatrique, pour l'aider à
réintégrer la société, à lui
réapprendre à fonctionner dans une société, pour
lui apprendre à se trouver du travail, peut-être que le groupe
communautaire est beaucoup mieux situé, beaucoup plus
équipé, beaucoup plus capable de rendre ce type de service.
Par exemple, tous les phénomènes de parrainage civique,
c'est une espèce de compagnonnage, dans le fond, d'une personne qui a
des problèmes et qui est aidée par un ou une
bénévole qui l'accompagne dans son cheminement, dans son
Insertion, sa redécouverte du milieu du travail, sa capacité...
Bon! Tous ces groupes d'entraide où les gens sont capables de se
regrouper entre eux pour échanger, pour partager, je pense que ce sont
des choses qui sont fort importantes qui peuvent être faites par des
groupes communautaires. Quand on regarde l'évolution de notre
société, la disponibilité des bénévoles de
plus en plus grande, de gens qui prennent leur retraite tôt, qui ont
beaucoup d'expérience, qui ont le goût de faire quelque chose dans
notre société, on a là des avenues qui sont très
Importantes; elles ne remplaceront jamais l'aspect professionnel médical
qui est absolument nécessaire, mais elles vont complementer, apporter
une autre dimension.
Mme Vermette: On a entendu dernièrement les groupes
bénévoles dire: Écoutez, vous êtes en train de
brûler certaines ressources qui existent dans le milieu, justement
à cause de l'orientation vers l'autofinancement de ces groupes
communautaires. La plupart des gens qui oeuvrent à l'intérieur
des différents groupes disent: écoutez, la plupart de notre temps
passe davantage à aller chercher des."fonds, plutôt qu'à
apporter vraiment une aide aux bénéficiaires et à
différentes personnes, ce pourquoi nous voulons vraiment nous engager
sur le plan social.
Alors, comment pouvez-vous combler cette lacune et pallier ce
problème qui est de plus en plus, à mon avis, considérable
à l'heure actuelle pour le financement de ces groupes?
Mme Germain (Céline): C'est effectivement un très
grand dilemme auquel je pense pour le moment II n'y a personne qui a de
solution miracle, sauf qu'il y a différentes formes d'encouragement qui
peuvent être données. On a parlé de mesures fiscales tout
à l'heure. Si on peut encourager le plus possible les entreprises et les
Individus à aider ces groupes, on va supporter cette dynamique. Ce que
l'on considère comme étant très important, c'est que bien
que cela puisse être difficile parfois pour les groupes, c'est important
qu'ils puissent diversifier leurs sources de financement, comme M. Giroux le
faisait ressortir tout à l'heure. On ne pense pas que la solution soit
du financement à 100 % par qui que ce soit, mais du support de
différentes façons. Il y a toute une exploration à faire
et la formule magique n'est pas trouvée; mais s'il y a une
volonté de la part des principaux responsables de mettre en valeur et de
supporter cette dynamique, on va trouver les moyens.
Mme Vermette: Cela me fait penser à l'oeuvre de Jacques
Grandmaison qui partait des tiers, qu'il fallait considérer les groupes
non organisés qu'on appelle les groupes communautaires par rapport
à une structure donnée comme étant des partenaires
importants à l'intérieur du système, surtout quand on
parle d'une politique de santé mentale comme étant un partenaire
valable qui devrait être consulté au même titre que d'autres
organismes qui sont reconnus à l'intérieur d'un
réseau?
Mme Germain: Très certainement. Les réseaux
communautaires sont l'expression de notre démocratie. SI on
n'était pas dans une société ouverte et
démocratique, les groupes de citoyens ne pourraient pas s'exprimer. Le
fait que tes gens s'organisent, s'expriment, essaient de se prendre en charge,
de résoudre leurs problèmes, c'est quelque chose qui doit
être pris en compte au tout premier plan. D'ailleurs, le rapport Harnois
le mentionne. Si ma mémoire est bonne, on mentionne à un moment
donné dans le rapport que devant un problème, toute solution - je
n'ai pas les mots exacts - issue de la communauté devrait avoir
priorité sur toute autre forme de structure. Autrement dit, face au
problème, face à l'État, la façon dont je comprends
ce qui est avancé dans le rapport, l'État doit suppléer
à ce que les citoyens ne sont pas capables de se donner comme
réponse et non le contraire comme on a vu dans les dernières
années. Maintenant, c'est peut-être un peu idéaliste comme
approche à ce stade-ci, mais c'est un bel idéal à
poursuivre. Pourquoi pas?
Mme Vermette: En ce qui me concerne, je vous ai posé les
questions qui me préoccupaient le plus. Vous y avez répondu. Vous
avez démontré qu'il est important d'apporter un support et un
soutien aux groupes communautaires qui sont importants et qui sont le signe
d'une vitalité dans notre société. Nous osons croire que
finalement on en tiendra compte et qu'on leur donnera une place aussi
importante pour le reste de la politique en santé mentale aussi. Je vous
remercie bien.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette, avez-vous des commentaires?
Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Je tiens tout d'abord
à vous féliciter et à féliciter Centraide pour le
rôle indispensable qu'il joue dans notre société. De plus,
je tiens à souligner aussi le dévouement des personnes
impliquées et les bénévoles quf travaillent au sein de
votre organisme.
Sur le plan communautaire, ces organismes
réapparaissent indispensables, une ressource
complémentaire à l'État et une créativité
pour l'avenir. Pour ce qui est de la famille, cela m'apparaît très
important et primordial dans le rôle communautaire.
Pour faire suite aux interventions d'hier du bénéficiaire
de Louis-H.-Lafontaine, et peut-être une suggestion à faire au
directeur général, M. Nolet, il serait peut-être important
de former un comité de parents afin que ces derniers puissent participer
et s'impliquer activement dans te long cheminement qu'entraînent souvent
les problèmes causés par cette maladie. Par conséquent,
aussi, les parents pourraient apprendre à réagir plus
positivement devant de telles épreuves. Il faut faire en sorte aussi que
les parents ainsi que les regroupements alternatifs puissent veiller à
ce que les enfants et les adultes soient respectés et traités
comme doit l'être un être humain, et surtout à part
entière. C'est là, à mon avis, les tâches et les
défis que doivent relever la famille et les groupes communautaires.
Entre parenthèses, cela réduirait aussi les coûts
sociaux.
Dans tous les mémoires qui ont été
déposés hier et aujourd'hui, il y a beaucoup
d'émotivité. J'ai pu prendre conscience de tous ces intervenants
qui touchent de près ou de loin le secteur de la santé mentale.
Ces gens doivent avoir une bonne formation. Je prends le temps de le faire, je
n'ai peut-être pas pu le faire à un autre moment parce que le
temps est toujours limité. Je pense qu'il est Important de souligner que
tes gens doivent avoir une bonne formation et surtout avoir beaucoup d'amour,
de compréhension et de jugement. D'ailleurs, les propos d'un
ex-bénéficiaire, hier, m'ont fait tressaillir et m'ont
bouleversée, je dois vous l'avouer. Pourquoi utiliser la force et la
répression? Vous dites bien, dans votre mémoire, à la page
7 du document, que le premier principe doit être la personne au centre
des besoins, le deuxième étant l'équité et le
troisième, un partenariat élargi. En moi-même, il est dit
que le premier principe doit être l'équité.
J'aurais une question à vous poser en parlant du partenariat.
À la page 13 de votre mémoire, vous mentionnez qu'à
l'Intérieur de l'expérience de partenariat, une certaine distance
doit être maintenue entre les partenaires. Est-ce que vous pourriez
m'expliquer cela? Je reviendra ensuite, deux minutes. Cela reste un peu
flou.
M. Giroux: Non. Je suis d'accord avec vous que cette distance,
c'est quelque chose qui est seulement affirmé. On peut peut-être
essayer de concrétiser cette expression. Évidemment, c'est toute
la question de l'autonomie d'un groupe communautaire par rapport à ses
bailleurs de fonds, par rapport à ceux qui lui donnent de l'argent pour
qu'il puisse fonctionner. Quand on parle d'une distance, c'est éviter de
lui Imposer trop de bureaucratie, de lui faire remplir, par exemple, des
formules pour des demandes de subvention ou de faire des rapports
d'activités qui sont très complexes, longs et difficiles à
remplir pour un organisme sur le terrain. À ce moment-là, on
bureaucratise l'organisme et, au fond, on le change tranquillement D'un
organisme communautaire, on va faire un organisme plus public ou parapublic.
C'est un premier aspect, cet aspect bureaucratique.
Il y a aussi l'aspect de lui imposer de donner tel type de service.
C'est peut-être un peu normal, si on accepte de financer une telle chose.
Mais, surtout la façon très précise par laquelle ce
service sera rendu, si on va trop loin là-dedans, il n'y a pas assez de
distance et le danger, c'est de faire de ce groupe quelque chose qui est
à l'image de celui qui finance. Nous-mêmes, comme organisme qui
finance des organismes, nous devons nous garder constamment de cela. C'est bien
sûr que, quand on finance des groupes, il faut qu'on aille voir ce qui se
fait dans les groupes, voir comment l'argent est utilisé, faire des
évaluations régulières de leurs activités, avoir
des rapports d'activités, sauf qu'il s'agit de trouver la façon
de le faire. Nous, nous sommes plus proches des groupes. On travaille à
Montréal pour Montréal. C'est peut-être un peu plus facile.
Quand on finance de plus loin, c'est un peu plus compliqué encore.
Là, on est obligé d'avoir des échanges peut-être un
peu trop à travers des papiers et peut-être aussi des affaires
trop formelles en disant: Bon, tout le monde va faire cela de telle ou telle
façon. C'est un peu plus compliqué. De telle sorte que
peut-être II va falloir trouver des formes de financement qui nous
rapprochent des groupes, qui nous aident à les accompagner et à
les suivre comme il le faut mais non pas à leur imposer des choses. (21
heures)
Aussi quand on parle de distance, on parle de diversification des
sources de financement. Le rapport Harnois en est très conscient. Un
organisme qui veut garder une certaine autonomie doit faire des efforts pour
diversifier ses sources de financement. Nous invitons tous les groupes que nous
finançons à diversifier leurs sources de financement et à
ne pas dépendre de nous uniquement. On veut aussi qu'ils gardent leur
distance par rapport à nous et nous par rapport à eux. C'est un
peu cela. Quand on parle de distance, ce sont ces types de
réalité qui sont très concrètes, qui ne sont pas
simples a vivre. Ce n'est pas parce qu'on est meilleur que les autres, c'est
parce qu'il y a beaucoup de groupes qui peuvent à l'occasion nous taxer
d'Interventionnisme et d'intervenir dans leur action, etc. Il faut bien quand
même, quand on finance, contrôler. Voilà, c'est un peu ce
qu'on veut dire quand on parle de distance.
Mme Legault: Je comprends votre point de vue, monsieur.
D'ailleurs, j'ai confiance à Cen-traide puisque j'y ai travaillé
moi-même comme bénévole plusieurs fois dans mon
comté et surtout dans ma paroisse natale. Ce que je
voudrais continuer à rajouter, si vous me le permettez, M. le
Président, j'avais écrit des petites notes pour ne rien
oublier... Je dois remercier aussi l'initiative du rapport Harnois d'avoir
souligner cela. C'est pourquoi nous, législateurs, devrons mettre tous
nos efforts en oeuvre pour que ces propositions-là soient une
continuité.
Maintenant, pour reprendre tes paroles de monsieur - je ne peux pas
laisser passer cela - mon collègue, le député de Joliette,
disait que les maladies mentales étaient psychologiques. C'est
peut-être vrai que c'est un peu psychologique et souvent même
biologique. Si souvent ces gens-là disent que c'est biologique, c'est un
fait, mais aussi les premiers intervenants sont toujours quand même des
gens comme les parents, cela est bien important.
Pour en revenir à cet après-midi, ce que disait M. le
député de Joliette, étant donné que c'est
psychologique et biologique, je me demande si on ne devrait pas, dans un avenir
assez rapproché, éventuellement, avec mon petit côté
écologique et humanitaire, en arriver aussi à
l'intégration des médecines alternatives, et - entre guillemets -
les "médecines douces". Je pense bien que ces méthodes-là
ne sont pas néfastes et n'ont pas de contrainte aussi violente à
l'organisme. Je ne pouvais pas rester silencieuse là-dessus.
Étant donné que je préconise ces
médecines-là et tout ce qui concerne le biologique depuis
plusieurs années, je ne pouvais pas laisser passer cela. J'ai pris le
temps de le faire, si vous me le permettez, M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, le temps
est écoulé.
Mme Legault: En conclusion, tout ce que Je pourrais rajouter
à tout cela, Mme la ministre, M. le Président et tous les
Intervenants qui ont passé, j'espère que ce
côté-là des médecines douces et des médecines
alternatives pourrait être un - jour, conjointement avec les
médecines traditionnelles, faire un tout et cela, dans te meilleur pour
l'avenir des gens et de nos jeunes qui poussent. J'espère que mes propos
ne seront pas des voeux pieux pour l'avenir. Je vous remercie, M. le
Président
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la
ministre en conclusion.
Mme Lavoie-Roux: Ma collègue des Deux-Montagnes est
à nous confier tout un mandat.
Une voix: Un autre deux ans.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier
Centraide et, à l'instar de ma collègue de
Deux-Montagnes, souligner ce que J'ai omis de faire au point de
départ, le travail considérable que vous faites, le travail
essentiel. J'aimerais vous dire, encore une fois, notre appréciation
pour votre participation à cette commission. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
remercie les représentants de Centrale Montréal.
J'invite à la table des témoins le Regroupement des
ressources non institutionnelles en santé mentale, regroupement qui sera
représenté par M. Luc Tremblay, représentant du Centre de
crise du Québec inc. et membre du regroupement; Mme Jacqueline Fournier,
représentante du Centre femme et membre du regroupement; Mme Aline
Couture, intervenante sociale au Centre de parrainage civique de Québec
et membre du regroupement. Je vous Invite donc à vous asseoir à
la table des témoins.
Bonjour. Je prierais votre porte-parole de s'identifier et de
présenter son équipe. Je vous informe en même temps de nos
règles de procédure: vous avez 20 minutes pour faire votre
présentation et il y a 40 minutes d'échange avec ta commission.
Alors, si vous voulez procéder, s'il vous plaît
Regroupement des ressources non institutionnelles en
santé mentale
M. Tremblay (Luc): Mon nom est Luc Tremblay. Je suis du Centre de
crise de Québec. J'ai avec moi, du regroupement, Mme Aline Couture,
à ma gauche, qui est du Centre de parrainage civique; à ma
droite. J'ai Mme Jacqueline Fournier, qui est de Centre femme d'aujourd'hui.
Alors, ces trois groupes sont membres du regroupement non institutionnel. Dans
un premier temps, on va vous faire la lecture de notre mémoire. C'est
Mme Aline Couture qui se fera un plaisir de le faire.
Mme Couture (Aline): Le Regroupement des ressources non
Institutionnelles en santé mentale est un organisme à but non
lucratif fondé il y a trois ans. Cet organisme est issu de la
volonté d'un certain nombre de groupes communautaires de la
région de Québec intéressés de près à
la santé mentale: groupes d'entraide, groupes de promotion, groupes de
défense des droits.
En se regroupant, ces organismes visaient deux buts principaux:
premièrement, s'entraider au chapitre des services qu'ils rendent
à la population et, deuxièmement, s'assurer d'une plus grande
cohésion et d'une meilleure représentativité auprès
des organismes gouvernementaux, particulièrement ceux oeuvrant en
santé mentale. La présente consultation intéresse au plus
haut point les membres de ce regroupement, ils attendaient depuis longtemps la
présentation d'un premier projet de politique en santé
mentale.
Les principes: le projet de politique en santé mentale pour un
partenariat élargi a été reçu avec beaucoup
d'Intérêt, mais il a aussi soulevé bien des
questionnements. Nous sommes
d'accord avec les grands principes dont il est fait mention dans le
résumé du projet: ta primauté de la personne et le respect
auquel elle a droit; le partenariat comme base des actions en santé
mentale.
Primauté de la personne: nous trouvons particulièrement
Intéressant le souci de traiter avec respect et équité la
personne aux prises avec un problème de santé mentale et la
possibilité que lui soit offert un plan individualisé de
services. Par contre, nous avons été surpris que le comité
des bénéficiaires, représentants légaux de la
personne, n'apparaisse pas dans ce document de façon claire.
Les a-t-on consultés? Va-t-on les consulter?
Compte tenu qu'il est reconnu qu'il y a peu de préoccupation pour
le potentiel des personnes et des proches et des différents milieux dans
la solution à un problème de santé mentale, devons-nous
garder espoir qu'une attention plus appropriée sera, suite à
cette politique, réservée à la personne et à ses
proches?
Partenariat élargi: nous croyons aussi que l'Idée de
partenariat est essentielle pour la réadaptation de la personne aux
prises avec un problème de santé mentale. Il est d'ailleurs
reconnu qu'il y a actuellement des problèmes sérieux de
complémentarité et de coordination, de même qu'une
répartition inéquitable de ressources humaines,
matérielles et financières, d'où l'Importance d'une plus
grande solidarité des professionnels de la santé, des
intervenants du réseau des Affaires sociales, des organismes
communautaires, la personne concernée et ses proches.
Mais sommes-nous conscients à quel point le
partenariat-élargi impliquera un changement de mentalité? Voici
une illustration qui montre la place que prennent les différents acteurs
dans le système actuel et celle qu'ils pourraient prendre dans le
système proposé...
Dans le modèle actuel, on a les intervenants professionnels qui
sont plus au centre, les groupes communautaires, en allant vers
l'extérieur, tes proches et la personne. Dans le modèle
proposé, c'est la personne qui est plus au centre et les proches.
Viennent ensuite les groupes communautaires et les Intervenants
professionnels.
Si nous sommes prêts à fonctionner selon ce nouveau
modèle proposé où la personne est le centre de
l'équipe, nous sommes prêts pour le partenariat, sinon cela n'aura
été qu'un rêve.
Prenons l'exemple de la désinstitutionnalisation,
phénomène déjà vécu qui, trop souvent,
aboutit au syndrome de la porte tournante parce que ie partenariat n'a pas
été le fondement de l'équipe et la personne, le centre.
L'équipe, ce n'est pas seulement à l'intérieur des
institutions, ce sont aussi les groupes communautaires, la famille, les
proches.
Les acteurs, la personne, le plan de services individualisé.
Parmi les moyens proposés par le rapport Hamois, le plan de services
individualisé est sans aucun doute l'outil le plus Intéressant et
le plus fidèle aux principes et aux orientations énoncés
dans ce rapport. S'inspirant des modèles d'Intervention mis en place
pour la clientèle ayant une déficience Intellectuelle le PS!
actualise de façon éloquente le droit aux services, droit
formellement reconnu par la Loi sur les services de santé et les
services sociaux et sur laquelle repose tout notre système
socio-sanitaire.
Le PSt est d'abord et avant tout axé sur la personne et vise
à répondre à ses besoins selon une approche globale. La
personne est appelée à participer activement au processus de
même que ses proches et toute personne significative. Les objectifs
à atteindre sont définis clairement et des rencontres
périodiques sont prévues pour permettre de faire te point et de
se réajuster en fonction du cheminement de la personne.
Le règlement no 6 de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux oblige déjà les établissements
offrant des soins de longue durée ou des services d'hébergement
à établir un plan d'intervention pour chaque
bénéficiaire admis ou inscrit. Ce plan doit comprendre
l'Identification des besoins du bénéficiaire, les objectifs
à poursuivre, les moyens à utiliser, la durée
prévisible des soins ou des services de même qu'une mention de la
révision du plan pour 90 jours. De plus, le conseil d'administration
d'un établissement visé par cet article doit adopter un
règlement Interne sur les modalités d'adoption et de
révision de ces plans d'Intervention. Même si ce décret
date de 1984, très peu d'établissements oeuvrant dans le secteur
de ta psychiatrie se sont conformés à ce règlement de la
loi. Au mieux, les plans d'Intervention sont révisés pour la
forme et, de façon très sommaire, par le médecin
traitant
Le comité Hamois propose d'élargir la portée de
cette disposition réglementaire et de la généraliser
à l'ensemble des services dispensés par les centres hospitaliers
psychiatriques y compris les services externes. Même si cette initiative
nous paraît fort louable, nous avons certaines craintes quant à
l'application de cette recommandation.
L'Implantation de ce type d'intervention suppose d'abord et avant tout,
un changement d'attitude de la part des intervenants concernés. C'est
toute l'organisation du travail au sein des équipes multidisciplinaires
qui est à revoir et à redéfinir. Nous pouvons
difficilement concevoir comment un PSI pourrait s'actualiser dans le cadre
actuel des soins dispensés par nos hôpitaux où l'approche
médico-nursing est privilégiée aux dépens des
autres approches. Dans ce contexte, le PSI risque de devenir une autre mode
ayant peu d'impact sur la nature et la qualité des services fournis aux
usagers de la base au même titre que les équipes
multidisciplinaires préconisées par la réforme
Bédard.
Même si le rapport Hamois reconnaît qu'un
suivi rigoureux de l'ensemble de l'opération au niveau national
s'avère Important aucune piste d'action concrète n'est
proposée. Nous sommes convaincus que l'application d'une telle approche
est vouée à l'échec si on ne remet pas en question les
attitudes et les pratiques professionnelles. La politique en santé
mentale devrait se pencher davantage sur les implications que comporte une
telle réforme.
L'ombudsperson": Nous nous réjouissons que le rapport Harnois
reconnaisse la nécessité de créer une fonction
d'"advocacy" au Québec dans le secteur de la santé mentale. Nous
émettons, par contre, de fortes réserves quant à
l'application de cette recommandation et particulièrement en ce qui a
trait à la création d"ombudsperson" à l'intérieur
des CRSSS. Les CRSSS ont déjà un mandat en ce qui a trait
à la réception et au traitement des plaintes. L'exercice de ce
mandat fait l'objet de nombreuses critiques de la part des organismes et des
personnes préoccupées par la question des droits des usagers. Au
cours des années passées, les CRSSS n'ont pas su assumer
pleinement les pouvoirs que leur reconnaît la loi à ce chapitre et
rien n'Indique que ces derniers seront plus attentifs à la question des
droits advenant la nomination d'un fonctionnaire qui agira comme
"ombudsperson". En fait, ce type de recours risque de servir davantage à
vérifier la qualité des services à la clientèle
plutôt que de défendre et protéger les droits des usagers.
(21 h 15)
À notre avis, un système de protection des droits devrait
avoir trois grandes caractéristiques: être autonome, national et
posséder des pouvoirs reconnus et protégés par une
loi.
Autonome. Pour être crédible, nous croyons que ce
système devrait être autonome et indépendant, dans ses
fonctions, du réseau des affaires sociales. Étant lié aux
établissements, le CRSSS ne jouit pas de la marge de manoeuvre
nécessaire pour lui permettre d'assumer cette responsabilité.
Une direction spéciale au sein de la Commission des droits de la
personne pourrait être une avenue intéresante ou encore, comme en
Ontario, un système qui relève d'un organisme paragouvernemental
rattaché au ministère de la Santé. Le système
développé aux États-Unis nous semble encore plus
approprié, en ce sens qu'il confie le mandat et les
responsabilités à un organisme sans but lucratif; ce
système permet d'associer de plus près les usagers et les
représentants de la communauté.
National. Ce système devrait avoir juridiction et être
implanté dans toutes les régions du Québec. Même si
la priorité demeure les grands centres hospitaliers à vocation
psychiatrique, ce système devrait être en mesure de rejoindre les
départements de psychiatrie dans les hôpitaux
généraux.
Posséder des pouvoirs. Le rapport Harnois est silencieux sur
l'étendue des pouvoirs de cette nouvelle fonction. On ignore si elle
sera créée par voie réglementaire ou si l'Assemblée
nationale légiférera sur cette question.
Nous privilégions cette deuxième avenue. Il est essentiel
que ce système repose sur un cadre légal lui reconnaissant des
pouvoirs suffisants pour lui permettre d'agir, notamment un pouvoir
d'enquête et la possibilité de consulter les dossiers
médicaux.
Nous recommandons la création d'un système de protection
des droits ayant les caractéristiques suivantes: autonome, national et
possédant des pouvoirs reconnus et protégés par une
législation.
Les proches. Certains énoncés ont particulièrement
attiré notre attention; notons celui-ci: premier pas vers une
reconnaissance tangible du potentiel des familles et des proches.
Enfin, on reconnaît que les families et les proches ont fait
d'énormes efforts avant de demander conseil aux professionnels de la
santé et ils ont trop souvent reçu des blâmes plutôt
que le soutien qu'ils souhaitaient et qu'ils étaient en droit
d'attendre; de plus, on les mettait à l'écart du traitement de la
personne perturbée, alors qu'ils auraient aimé être mieux
Informés sur la problématique.
Nous sommes tout à fait d'accord avec la recommandation 5 du
rapport Harnois concernant la création de programme de répit mis
sur pied en étroite collaboration avec les regroupements de familles et
de proches. Les foyers de groupes ou les appartements supervisés sont
d'autres solutions à envisager et pourquoi pas des
éducateurs-maison qui iraient à domicile quelques heures par
semaine, comme nous le proposait la mère d'un jeune adulte de 25 ans
lors d'une réunion du regroupement. Les comités des
bénéficiaires connaissent sûrement, eux aussi, des
solutions à ce problème.
Le comité de la politique de santé mentale semble bien
comprendre qu'il est important d'ajouter des ressources en hébergement,
mais on aborde très peu la question du travail. On parle de
l'accessibilité à des ressources moins rigides, mais il n'est pas
question de solution pratique comme telle. Et pour ceux qui ne pourraient
envisager un retour au travail, la famille et les proches apprécieraient
qu'il y ait plus de programmes d'accompagnement, particulièrement dans
le secteur des loisirs.
Dans le milieu hospitalier, les personnes sont invitées à
participer à toutes sortes d'activités structurées de
loisirs, de relaxation, de conditionnement physique, mais, dès leur
sortie, les soutiens proposés sont trop faibles pour qu'une
réinsertion sociale se fasse à long terme. Au nom de l'autonomie,
la personne est laissée à elle-même et doit faire face aux
multiples problèmes que lui réserve son retour dans la
communauté. C'est encore sa famille et ses proches qui reprennent toute
la charge.
Les recommandations R-25 et R-40 du rapport Harnois ne font, à
notre avis, qu'énoncer le souhait que des solutions soient
envisagées en
ce qui a trait à l'hébergement, au travail et au loisir,
mais le document, dans son ensemble, laisse trop peu de place à toute la
dimension de ce grand problème.
Les groupes communautaires. Parmi tous les acteurs Identifiés
dans ce projet de politique, nous retrouvons les groupes communautaires; ces
derniers sont appelés à prendre une place plus Importante
qu'auparavant dans un futur réseau de services en santé mentale.
De par leur tradition, ces groupes, issus de la communauté, sont mieux
placés pour Identifier les besoins exprimés par la population et
ainsi sont plus en mesure de proposer de nouveaux services à offrir
à cette même population.
Les groupes communautaires ont foisonné depuis quelques
années; leur diversité est de plus en plus grande et
l'éventail des services qu'ils offrent s'étend de
l'hébergement à l'entraide, en passant par la promotion de la
santé et la défense des drafts. Le comité de la
santé mentale a récemment tenté de formuler une
classification de ces ressources; il a proposé les catégories
suivantes: les groupes d'entraide, tes groupes concurrents et tes groupes de
vigilance et de promotion.
Avec le projet de politique en santé mentale, une nouvelle
classification semble se dessiner; en mettant l'accent sur la personne et les
services à lui rendre, ce projet vise à Intégrer les
ressources communautaires à l'intérieur d'une gamme de services.
Cependant, en voulant centrer la raison d'être de ces ressources sur la
notion de service définie de façon restrictive, certaines
ressources risquent d'être écartées d'un nouveau projet de
distribution des services.
Les membres du regroupement s'Inquiètent de la possibilité
qu'une telle orientation soit prise. Avant que le ministère de la
Santé et des Services sociaux ne s'engage dans une telle voie, nous
désirerions être consultés et avoir la possibilité
de présenter et de défendre notre point de vue.
Le regroupement désire également apporter quelques
commentaires au sujet de la recommandation R-16 concernant te financement des
services dispensés par des groupes communautaires. Le comité de
la politique en santé mentale recommande que le ministère de la
Santé et des Services sociaux double, dès maintenant, son budget
consacré au financement de ces services. Nous nous demandons quel est le
rationnel qui sous-tend une telle recommandation. Pourquoi doubler ce budget et
non pas le tripler ou le quadrupler ou le quintupler? Les besoins des groupes
communautaires ont-ils été évalués?
Nous savons que le budget actuel est minime. Alors, que signifie
vraiment le fait de doubler ce budget? Notre questionnement à ce sujet
nous amène à faire la recommandation suivante: Que le
ministère de la Santé et des Services sociaux consulte, au
préalable, les regroupements de ressources communautaires en
santé mentale afin de connaître les besoins réels de ces
ressources et ainsi être davantage en mesure de quantifier les sommes
qu'il pourrait consacrer au financement des services dispensés par ces
groupes.
Les intervenants professionnels. Le rapport Harnois accorde de
l'Importance à la formation des intervenants professionnels et à
la révision des programmes académiques au niveau collégial
et universitaire. Nous partageons cette préoccupation.
Établir, sur une grande échelle, des plans de services
individualisés pour chaque bénéficiaire Implique non
seulement l'acquisition de nouvelles habiletés par les intervenants,
mais aussi le développement d'attitudes plus acceptantes et
respectueuses de la personne et de son potentiel. À cet effet, la
formation est un des pivots de la réforme proposée.
La priorité devrait être accordée à la
formation de base; il faut intervenir à la source et permettre aux
étudiants de se familiariser avec les nouvelles approches. L'attitude,
rappelons-le, y est pour beaucoup et l'intervenant pourra s'intégrer
plus facilement s'il est sensibilisé au départ
Enfin, un programme de formation a peu de valeur s'il ne se traduit pas
dans la pratique et dans les interventions. Le recyclage des Intervenants
devrait comporter un programme de supervision dans le milieu de travail afin de
favoriser le transfert de nouvelles connaissances et habiletés.
L'organisation des services. Tout en donnant notre accord sur les
principes de base énoncés dans ce projet de politique et en
commentant les moyens proposés pour rendre opérationnel ce
projet, nous nous Interrogeons sur les suites qui seront données
à ce projet et particulièrement sur les mécanismes
proposés pour mettre de l'avant un nouveau plan d'organisation des
services.
Nous attirons l'attention des membres de la commission sur le contenu de
ta première partie de la recommandation R-18 qui se lit comme suit; Que
te ministère de la Santé et des Services sociaux confie au
Conseil de la santé et des services sociaux la responsabilité
d'entreprendre une démarche de planification de la gamme de services
à rendre disponible à la population de leur région et de
coordonner l'élaboration d'un plan d'organisation de services avec les
différents acteurs de ces régions.
Nous reconnaissons le rôle et les responsabilités des
conseils régionaux dans ta planification et la coordination de
l'organisation des services en santé mentale.
Le Président (M. Bélanger): Madame, est-ce que je
pourrais vous demander de conclure s'il vous plaît?
Mme Couture: II me reste une page. Cela va-t-il? Peut-être
que je pourrais parler d'une autre recommandation dans le R-3 où
est-ce
qu'on parle de,.. Je vais la citer:
Que la commission administrative en santé mentale soit
composée de la façon suivante: un tiers des membres de la
communauté, un tiers des représentants des groupes communautaires
et un tiers de représentants des établissements du réseau.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les représentants du
Regroupement des ressources non Institutionnelles en santé mentale. Je
veux les féliciter aussi pour la qualité de leur mémoire.
Je pense que cela a été fait avec beaucoup de soin. Il
relève les éléments principaux ou la plupart de ceux qui
nécessitent, à mon point de vue, un approfondissement. Je ne
prendrai comme exemple ta question de l'"ombusperson" - je vais peut-être
m'habituer de le dire en français - où c'est évident que
tous les groupes que nous avons entendus ici depuis trois jours, ce point a
été soulevé par la plupart des groupes, non pas sur le
principe...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: ...ou la nécessité qu'il y ait une
personne qui puisse recevoir les plaintes et qui puisse faire valoir les droits
selon le rôle exact qu'on voudra lui donner, mais à savoir
là où il devrait être, de quelle façon II devrait
être, de qui devrait-il dépendre et l'élaboration de ses
fonctions, de son rôle, de ses pouvoirs, etc. Je pense que ce point devra
être approfondi de nouveau. Je voudrais vous poser Immédiatement
une question puisqu'il y a de mes collègues qui veulent intervenir.
C'est le modèle que vous proposez à peu près à la
page 4, puisque cela n'est pas paginé. Je suis sûre que vous avez
le graphique sur l'illustration, que, selon vous, devrait prendre le nouveau
modèle dans une politique de santé mentale: Personnes proches,
groupes communautaires, intervenants et professionnels. Je n'ai pas de penchant
ni pour l'un ni pour l'autre. Vu que souvent les premiers qui entrent en
contact sont les professionnels avant tes groupes communautaires, ou est-ce que
ce sont les groupes communautaires avant les professionnels, pourquoi
placez-vous les groupes communautaires avant les professionnels?
M. Tremblay (Luc): En fait, un peu de la façon qu'on
présente dans les différents acteurs la personne, les proches,
les groupes communautaires et les intervenants, nous pensons que les groupes
communautaires, même la pratique actuelle nous le démontre, ces
derniers de par leur vécu et de par les services qu'ils offrent sont
plus près des proches et de la personne elle-même. C'est un peu la
raison pour laquelle nous les situons ptus près de la personne elle-
même qui est le centre du projet de politique.
Mme Lavoie-Roux: Alors, ce serait peut-être aussi dans le
sens de qui doit les recevoir en premier lieu. Encore là, si on pense
aux CLSC, ce serait un établissement du réseau. Ce que vous
voulez signaler, c'est qu'à un moment donné il est vrai que ce
sont les groupes communautaires qui sont plus en contact ou le contact est plus
près des bénéficiaires que des intervenants
professionnels. Par contre, dans les premiers contacts, je pense que cela peut
être l'inverse aussi et que souvent pour l'évaluation les gens
vont aller frapper à l'hôpital, au CLSC ou à une autre
source du réseau. Vous voulez ajouter quelque chose, je crois.
M. Tremblay (Luc): Oui, en fait pour nous, le modèle ne
veut pas dire nécessairement qui entre le premier en contact avec une
personne. C'est l'Intérêt ou l'Importance qu'on accorde aux
différents acteurs dans le projet de politique. C'est sur cela, je
pense, qu'on veut mettre l'accent en intégrant ces deux modèles.
Pour nous, c'est très clair, dans le modèle proposé,
à notre avis, de la façon qu'on a conclu le projet de politique
et le modèle qui se dégage du projet de politique, la personne
devient le centre de tout ce qui se fait dans te domaine de la santé
mentale. Plus on s'éloigne de la personne, plus tes acteurs deviennent
supportants ou accessoires. C'est dans ce sens-là... Pour nous, cela ne
veut pas dire que la porte d'entrée, le premier contact se fait
nécessairement par l'un ou par l'autre, c'est l'importance qu'on accorde
aux différents acteurs qui est signifiée dans nos modèles.
(21 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais aborder un autre domaine avec vous.
C'est toute la question du travail. Il est vrai qu'à la fameuse page 91
où on parle de la gamme de services, on parle évidemment de
réinsertion sociale et de travail. Mais cela a été
très peu discuté ici ou à peu près pas comme
élément qui, probablement, était important si on veut
parler d'une réinsertion sociale la plus globale possible. Je voudrais
savoir quelle est votre expérience dans ce domaine, peut-être, si
vous pouviez préciser. Parce que vous regrettez, comme d'autres l'ont
regretté, que d'autres points ne soient pas développés
plus abondamment. J'aimerais connaître votre expérience dans ce
domaine ou quelle importance cela représente.
Mme Fournier (Jacqueline): Oui. Souvent, dans le domaine du
travail - je suis à Centre femme - on reçoit une bonne partie des
femmes qui doivent se réinsérer socialement et, entre autres,
dans le domaine du travail. Il est quelquefois difficile de retrouver le
soutien par rapport à cela, par rapport au retour au travail. Ce qu'on a
remarqué nous, entre autres, c'est que des femmes de moins de 40 ans
sont présen-
tement sur les dépresseurs et, en plus, elles doivent retourner
sur le marché du travail. On leur donne un soutien quelque part, mais il
faut aussi avoir des services beaucoup plus peut-être pas
spécialisés, mais en tout cas qui touchent vraiment ce secteur.
On connaît, entre autres, l'ARBRE qui est un service, mais je pense qu'il
faut aussi le rendre encore plus visible et, ensuite, beaucoup plus vaste comme
service. Il est curieux de voir chez nous que beaucoup de femmes ne peuvent
retourner sur le marché du travail et que c'est difficile; elles ont
perdu quelquefois des emplois importants. C'est toute l'interrogation qui se
fait: pourquoi est-ce que je ne retourne pas en milieu de travail? Est-ce parce
que Je n'ai pas le soutien par rapport au milieu du travail ou bien parce que
je n'ai pas le service de soutien pour me diriger vers le travail? Ensuite, une
fois qu'elles sont sur le marché du travail - cela aussi est une autre
affaire - qui va leur donner le soutien? Nous donnons une petite partie, mais
nous sommes des intervenants bénévoles quelque part, alors on ne
peut pas toujours voir à cela. Mais on sait que c'est important
présentement, en termes économiques. On ramasse les femmes
présentement dans des chambres seules un peu partout et la vie
économique de ces femmes devient de moins en moins de qualité.
Pour cela, il faut regarder vers quoi on s'en va présentement.
Mme Lavoie-Roux: Selon votre expérience, un bon nombre
d'entre elles pourraient être réintégrées sur le
marché du travail soit partiellement...
Mme Fournier: En étant très soutenues, oui. Mme
Lavoie-Roux: Oui.
Mme Fournier: Un certain nombre pourrait... Oui, certainement Le
soutien sera de toutes sortes, ce sera peut-être de reprendre ce qu'est
la motivation au niveau du travail, etc. Ce sera aussi le soutien par rapport
aux alternatives à donner à partir de l'hospitalisation qu'on a
eue, à partir de ce que je vis présentement et, pour la
médication, à un moment donné, la personne en a moins
à recevoir, etc. Alors c'est toutes sortes de soutiens qu'il faut pour
le retour au travail qui, entre autres, chez les femmes sont fort Importants.
On le voit. On parle de loisir, II en existe aussi, mais le retour au travail
touche les familles présentement. Nous avons présentement de
jeunes femmes, entre autres, qui ont de 23 à 25 ans - on en a vu une
aujourd'hui - où la famille se demande: Comment vafs-je faire pour ma
jeune fille de 23 ans aujourd'hui qui avait un travail? Là, elle n'est
pas capable.. Qui va l'aider à retourner sur le marché du travail
et comment cela va se faire? J'ai beaucoup cherché, en passant.
M. Tremblay (Luc): J'aimerais peut-être ajouter justement
sur la question du travail qu'il y aurait des façons d'aider tes
personnes d'abord au moment où les gens sont encore sur le marché
du travail. Je sais qu'au Québec, il y a de plus en plus de programmes
d'aide aux employés qui s'articulent dans les différents
ministères. C'est à un niveau. Mais il y a aussi un gros boulot
à faire quant à l'aide à apporter aux personnes qui sont
hospitalisées, que ce soit pour une fois ou plusieurs fois dans un
département de psychiatrie d'hôpital général ou dans
un hôpital psychiatrique à long terme, où c'est encore plus
compliqué de revenir sur le marché du travail, sinon
impossible.
On sait que c'est déjà difficile pour une personne - entre
guillemets - "normale" de s'ajuster dans le marché du travail et d'y
rester avec tout le stress. Une personne qui a décroché, à
un moment donné, pour x raisons, et qui s'est retrouvée à
l'hôpital, cela devient presque une montagne Infranchissable. Il n'y a
pas de mesures comme telles pour supporter les personnes dans cette
démarche, dans ce retour.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Vous
représentez un regroupement dont la formation remonte à trois ans
dans la région de Québec. Est-ce que vous regroupez tous les
organismes bénévoles qui s'intéressent à la
santé mentale ou si c'est une partie d'entre eux qui sont dans le
regroupement et combien êtes-vous?
M. Tremblay (Luc): Nous sommes un jeune regroupement
Mme Lavoie-Roux: Oui
M. Tremblay (Luc): Présentement, nous regroupons une
quinzaine de groupes de différents types en santé mentale. Nous
ne regroupons pas encore tous les groupes qui, de près ou de loin,
oeuvrent à ce niveau-là. Mats je pense que nous regroupons les
principaux de la région de Québec.
Mme Lavoie-Roux: Je trouve ça intéressant, parce
qu'il y a tellement... Les ressources bénévoles se sont
développées quand même relativement récemment dans
le domaine de la santé mentale. Cela ne remonte pas... Ce n'est pas
comme dans d'autres domaines. C'est relativement récent et c'est
peut-être bon que les gens coordonnent - sans tomber dans la technocratie
- leurs efforts pour qu'il n'y ait pas dédoublement. Dans ce
sens-là, je pense que c'est probablement une heureuse initiative, parce
que c'est un de vos objectifs, je crois?
M. Tremblay (Luc): Un des objectifs du regroupement, c'est
d'abord de s'entraider entre groupes pour offrir les services les plus
adéquats. En fait, aux membres de la communauté, c'est notre
premier objectif. On sait qu'on fonctionne
beaucoup avec du bénévolat. On a des problèmes de
bénévoles. On essaie de s'articuler et de s'entraider
là-dessus. On a, bien sûr, des problèmes de financement et
on essaie de se donner des moyens d'aller en chercher plus, de se regrouper
pour des demandes communes. Je pense que ta force, c'est souvent dans
l'union.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si vous avez eu de
l'expérience dans d'autres domaines de bénévolat. Est-ce
que c'est plus difficile de recruter des bénévoles pour
travailler dans ce domaine-là que dans d'autres domaines?
Mme Couture: Oui, dans le domaine de la santé mentale, je
pense. Je travaille au Centre de parrainage civique et on a affaire à
différentes clientèles. Peut-être, ]e dirais que oui. Dans
le domaine de la santé mentale, dès que les gens ont fait des
dépressions ou ont fait une dépression, les gens sont
portés à s'Isoler et II y a comme une certaine méfiance
qui peut arriver. Les bénévoles ont besoin de beaucoup d'appui
pour être capables d'être bénévoles auprès de
ces gens-là et persister parce que, parfois, ils sont
bénévoles pendant un ou deux mois. Dès que la personne a
des "downs', a des creux, à ce moment-là, les personnes
bénévoles trouvent ça un peu plus difficile et elles sont
portées à laisser tomber, à arrêter.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Merci. Moi, je voudrais toucher deux- points avec
lesquels je suis en accord. D'abord, le changement de mentalité. C'est
le deuxième groupe d'affilée qui nous parie du changement de
mentalité, mais pas dans le même sens. Je croyais, au
départ, que c'était dans le même sens. Ce n'était
pas dans le même sens.
Vous, c'est le changement de mentalité des gens du réseau,
si j'ai bien compris votre intervention, alors que le changement de
mentalité proposé par Centraide tantôt, c'était
plutôt sur la perception des financements ou des sources de financement.
Il n'en demeure pas moins que le changement de mentalité
vis-à-vis des groupes des différents réseaux des
catégories de personnel, je pense qu'il s'Impose. Je pense qu'il doit
être provoqué par l'État également.
Je pense que ce ne sera pas facile pour quelque gouvernement que ce soit
de le faire, mais je pense qu'il va falloir que ce soit fait un jour. Parce
qu'une politique en santé mentale, si ça ne part pas d'une
volonté politique claire, je pense qu'on ne changera pas grand-chose,
surtout à l'intérieur de certaines institutions. On peut changer
beaucoup de choses sur le terrain, le comportement des gens. Mais quand c'est
rendu qu'il y a des citoyens qui se regroupent sur une rue pour faire changer
le règlement de zonage domiciliaire, par exemple, pour éviter
qu'il y ait une maison qui puisse regrouper quelques personnes
handicapées intellectuellement, je vous avoue qu'on a du chemin à
faire sur le changement de mentalité. Quand on sait aussi qu'il y a
beaucoup de personnes qui se prêtent à de grands discours - ce
n'est pas le cas des bénévoles, c'est pour cela que j'en parie
bien à l'aise - de désinstitutionnalisation, mais
concrètement, quand cela arrive dans leur village ou sur leur rue, ils
changent d'idée. Les grands discours de souscription, cela se faisait
bien, mais quand cela touche à leur rue, on a vu cela à
Montréal avec de gros bonnets, les portefeuilles pas mal plus
épais que celui de tout le monde ensemble ici prêcher pour la
désinstitutionnalisation, mais l'exclure dans leur ville ou leur
paroisse. il faut qu'il y ait un moyen changement de mentalité au
Québec face à la santé mentale, même s'il y a des
pas de franchis. On n'aurait pas pu, il y a dix ans, réussir à
parier de santé mentale aussi ouvertement comme on te fait là. Il
y a très peu de bénévoles effectivement. Aujourd'hui on
sent une volonté de réinsertion sociale mais qui a des
barrières extrêmement fortes. Il n'y a pas de cachette, on va
même en avoir dans les catégories de personnel. Il y en a beaucoup
qui ont assisté depuis le début, mais on sent
énormément de réticence aussi, non pas parce qu'ils ne
veulent pas travailler avec les ressources alternatives ou les organismes
bénévoles, mais parce qu'on a peur de l'empiétement sur
leur propre champ d'emploi. On s'en rend compte. Ce n'est pas manifeste...
D'ailleurs, on se fait quasiment l'obligation de dire que ce n'est pas pour
cela, mais on sent en dessous de cela un désir de conserver les acquis
et en particulier, plus on monte dans l'échelle des services dits
professionnels, plus on se rend compte qu'il y a un désir, une
volonté de ne pas céder un pouce des juridictions. Si on
comprenait que c'est beaucoup plus complémentaire, on changerait
complètement d'attitude, j'en suis convaincu. Ce n'est toujours pas les
bénévoles qui vont jouer le rôle des psychiatres. Ce n'est
pas le bénévole qui va jouer au psycholoque. Le
bénévole peut jouer son rô!e dans l'encadrement, dans le
soutien, dans l'occupation et une série d'actions qu'il peut faire. Ce
n'est pas du tout de l'empiétement. Je n'ai pas compris. Il y a bien des
choses qui nous dépassent dans la vie, mais Je ne comprends pas pourquoi
on a peur de l'empiétement. Ce changement de mentalité, il va
falloir donner un coup de barre en clarifiant les rôles des
professionnels parce qu'entre eux, ce ne sera pas un cadeau, ce sont eux qui
vont se chicaner le plus. Ce n'est pas en bas, c'est en haut que cela va se
chicaner le plus, je suis sûr de cela. Il va falloir le clarifier un jour
ou l'autre. C'est la chance qu'a manquée le docteur Harnois de faire. On
le fera sans doute par la suite. Il faut bien que je fui en passe une avant de
finir.
La deuxième chose avec laquelle je suis d'accord, ce sont les
plaintes aux CRSSS. Étant donné que dans la conjoncture où
te CRSSS reçoit les plaintes et tranche les plaintes, je vous avoue que
je partage beaucoup le point de vue de votre groupe à savoir que si cela
relève du CRSSS sur le plan régional, cela pourrait devenir
conflictuel, et Je ne suis pas certain que ce serait fa meilleure formule. Il y
en a qui nous suggéraient hier, soit le protecteur du citoyen ou la
ligue des droits et libertés de la personne. Cela pourrait être
bon; mais cela pourrait aussi être pensable qu'il y ait une structure
très autonome sur le plan régional. Il n'y a pas de formule
à rejeter dans cela, mais sûrement pas de placer quelqu'un en
position de conflit d'intérêts où il est à la fois
juge et partie. Je partage entièrement votre point de vue.
J'aurais une petite question pour terminer. Quand vous parlez de
programme de formation, il faudrait que vous élaboriez, parce que vous
parlez de formation de base. Malheureusement, je dois l'admettre, dans votre
cas je n'avais pas pu lire votre mémoire auparavant J'aimerais que vous
me redonniez l'explication que vous avez donnée sur la formation de
base.
Mme Couture: J'ai lu le texte, mais je vais laisser Luc...
M. Tremblay (Luc): C'est un peu mon dada, étant
professeur.
M. Chevrette: Ah, vous avez cette déformation vous
aussi.
M. Tremblay (Luc): Oui, c'est cela. M. Chevrette: On a
ça en commun.
M. Tremblay (Luc): D'accord. On va la partager, en tant que
partenaires!
M. Chevrette: Ou bon partenariat. Avez-vous compris?
M. Tremblay (Luc): Oui. Étant donné qu'on insiste
beaucoup sur la question d'un changement de mentalité, nous croyons
qu'un changement de mentalité ne se fait pas en claquant des doigts,
comme cela. Ce n'est pas une baguette magique. Le changement de
mentalité peut difficilement se faire, peut-être auprès des
gens qui sont déjà en route, qui sont déjà dans les
disciplines, qui pratiquent, quelle que soit la discipline, remarquez. Nous
pensons qu'il est mieux d'essayer de travailler sur le plan de la formation de
ces gens-là, des programmes de cégep et des programmes
universitaires.
Déjà là, on sait que lorsqu'on arrive à
l'université ou au cégep, on est déjà passablement
formé de différentes façons. On peut, par contre, en
mettant dans les programmes des objectifs, des contenus ainsi que des
orientations qui vont dans tel ou tel sens, avoir peut-être des chances
que les nouveaux professionnels, quels qu'ils soient, se forment dans cette
orientation. Je vais donner un exemple. On parle de partenariat élargi.
Pour être partenaires, cela suppose certaines conditions. Je pense que
cela suppose, peut-être d'abord, de se considérer tous comme des
professionnels, si on parie de la formation des professionnels, peu Importe la
discipline, étant quand même égaux. Cela suppose aussi un
certain respect entre les personnes et une attitude d'ouverture, etc., etc. Je
pourrais en mettre.
De telles attitudes n'arrivent pas comme cela. Cela demande de longues
années à travers une formation, à travers des cours; cela
donne une formation de base qui s'articule tranquillement. Si on veut que les
gens arrivent à être partenaires et à travailler ensemble -
c'est un peu cela, dans le fond, travailler en équipe - il faut qu'ils
soient formés à travailler en équipe et non pas à
faire chacun leur discipline de leur côté et à se tirailler
chacun le morceau de couverte. Qu'ils soient psychiatre, psychologue,
travailleur social, peu Importe, quand on parle de formation de base, c'est ce
qu'on veut dire.
M. Chevrette: Une dernière petite observation. Je voulais
dire à la ministre qu'il y a sûrement de la concertation qui se
fait à votre niveau, assez facilement; puisque j'ai remarqué que
vous avez les mêmes recommandations, en ce qui regarde R-3, le
tiers-tiers-tiers, que le groupe de Montréal. Donc, vous avez
déjà défoncé des frontières de
Québec.
M. Tremblay (Luc): Observation très pertinente.
M. Chevrette: J'ai supposé que ce n'était pas fait
par coïncidence.
M, Tremblay (Luc): Ah!
M. Chevrette: Oui. Je vous remercie Infiniment d'avoir
participé, de nous avoir apporté un éclairage
intéressant. Je suis convaincu que le gouvernement n'aura pas le choix,
si tous les organismes bénévoles et tous les groupes qui
dépensent tant d'énergie gratuitement vont dans le même
sens, je ne connais pas beaucoup de gouvernements qui vont résister
à cela. Cela devrait aller dans le sens que vous voulez.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député de Taschereau.
Mme Lavoie-Roux: Il va falloir que je le relise parce que je ne
l'ai pas écouté.
M. Chevrette: Complètement...
Mme Lavoie-Roux: Répétez-le.
M. Chevrette: Ah! Je n'ai pas honte de ce que j'ai dit,
madame.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas long, vous pouvez le
répéter.
M. Chevrette: Vous me connaissez, je vais le dire à part
cela, je vais peut-être y mettre de l'emphase d'abord. Je vais vous
recommander de continuer à vous concerter parce que si vous tirez tous
dans le même sens et si vous établissez des consensus, je ne
connais aucun gouvernement qui n'est pas sensible aux consensus des groupes
travaillant dans le même sens. S'il est trop insensible, il y a des
châtiments.
Le Président (M. Bélanger): Ah oui!
Une voix: Parlez-vous en connaissance de cause?
Mme Lavoie-Roux: Cela est le bouquet
M. Chevrette: Oui, madame. C'est cela que je voulais ajouter,
pour vous montrer que j'ai appris.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette est un homme d'expérience. Alors, je
reconnais M. le député de Taschereau.
Une voix: C'est un fait, quoi.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Comme Mme ta ministre,
je trouve que le principe du regroupement est excellent. Ils nous ont fait part
des buts principaux du regroupement. J'aimerais peut-être prendre une
minute pour savoir comment cela fonctionne vu que l'un des buts est
d'améliorer la représentativité auprès des
organismes gouvernementaux. Est-ce que vous sentez que les organismes
gouvernementaux vous donnent l'importance que vous avez finalement puisque vous
êtes un regroupement?
M. Tremblay (Luc): Présentement, pas suffisamment. Je
pense que l'une de nos recommandations est très bien
présentée dans ce sens. On sait qu'il y a un gros travail en ce
qui concerne l'organisation des services en santé mentale et dans
d'autres domaines, bien sûr, mais c'est celui-ci qui nous
intéresse. Il y a un grand travail qui se fait dans les conseils
régionaux et particulièrement dans tes commissions
administratives régionales. Actuellement, nous avons un
représentant dans cette commission administrative et nous croyons que
c'est nettement insuffisant. Notre représentant peut toujours faire
valoir nos points de vue mais nous ne sommes pas dupes. Nous savons ce que un
sur x représentants peut avoir comme poids. Ce que nous demandons et ce
que nous proposons dans la recommandation, c'est d'avoir une
représentativité plus équitable et qui donne la
possibilité aux citoyens, aux groupes communautaires et aussi aux
organismes du réseau, nous ne leur enlevons pas cela, nous trouvons que
cela reste important au même titre que les autres... nous voulons donner
l'occasion de faire valoir mais aussi de faire avancer les points de vue. C'est
bien beau d'être consulté, mais faut pouvoir faire cheminer aussi
les demandes que nous adressons.
M. Leclerc: Bien. Je ne sais pas si vous avez assisté
à la représentation du groupe, non pas celui qui vous a
précédés mais l'autre avant, qui était celui des
professeurs de l'Université de Montréal.
Mme Lavoie-Roux: C'était le Département de
psychiatrie de l'Université de Montréal.
M. Leclerc: Tout cela pour vous dire que, évidemment le
ton était fort différent et que, de façon
générale, les psychiatres sont un peu déçus. Ils
sentent que le rapport ne leur donne pas assez d'importance. D'autre part, je
considère que le ton de votre rapport est beaucoup plus serein. Est-ce
que l'on ne pourrait pas expliquer cela du fait que... vous le dites dans une
phrase, si vous me le permettez, je vais la lire: Nous pouvons difficilement
concevoir comment un PSI - pian de services individualisé - pourrait
s'actualiser dans le cadre actuel des soins dispensés par nos
hôpitaux où l'approche medico-nursing est
privilégiée aux dépens des autres approches. N'est-ce pas
là ce qui fait que le corps médical sent qu'on ne lui donne pas
assez d'Importance?
M. Tremblay {Luc): Je pense que ce serait une question à
lui poser. Je ne veux pas répondre à sa place.
M. Leclerc: Je comprends mais je veux essayer de mettre en relief
le fait que vous ayez des positions, sans être contradictoires, qui ne
sont évidemment pas semblables. Vous dites dans votre mémoire
textuellement que t'approche médlco-nurslng est trop
privilégiée actuellement. Est-ce que ce n'est pas ce qui peut
expliquer que le corps médical est moins favorable au rapport...?
M. Tremblay (Luc): Je ne sais pas si c'est cela qui peut
expliquer son attitude. Ce que je peux vous dire, c'est que c'est une
constatation que nous faisons.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, en
conclusion.
Mme Lavoie-Roux: Encore une fois, je veux vous remercier de votre
présentation ici. Je veux vous remercier du travail que vous faites qui
n'est pas toujours facile et qui est extrême-
ment important. Je suis sûre que nous aurons d'autres occasions
d'échanger d'autres points de vue.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Moi, j'ai tout dit, ils ont tout compris ce que
j'avais à dire et Mme la ministre également. Bonsoir et bonne
nuit.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
le Regroupement des ressources non institutionnelles en santé mentale de
sa présentation. Nous ajournons les travaux de la commission jusqu'au
mardi 12 janvier à 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 55)