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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 14 janvier 1988 - Vol. 29 N° 59

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M, Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. La commission des affaires sociales se réunit afin d'étudier le projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

M. le secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier (Roberval) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette) et M. Polak (Sainte-Anne) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert).

Le Président (M. Baril): Je vous remercie.

Avant de débuter, je tiendrais à vous faire remarquer qu'il y a des changements à l'horaire ce matin. Alors il y aura un décalage à ce qu'on me dit. Il a été décidé conjointement que nous procéderions de 10 heures ce matin jusqu'à 13 heures et que nous reprendrions tes travaux à 14 heures sans interruption jusqu'à 20 heures. J'espère que tous les groupes ont été informés et que ça ne causera pas de problèmes.

Auditions

J'invite immédiatement la Fédération des unions de familles à se présenter, s'il vous plaît. M. Lizée, je vous souhaite la bienvenue. Alors, vous savez que vous avez 20 minutes pour votre présentation et 40 minutes de discussion après, avec les députés des deux côtés de cette salle.

Je vous cède la parole, M. Lizée.

Fédération des unions de familles

M. Lizée (Jacques): Merci. Je suis Jacques Lizée, le secrétaire général de la Fédération des unions de familles qui est heureuse d'être présente ici ce matin pour vous dire dans un premier temps et globalement que c'est un grand message d'espoir pour nous que le rapport de ces travaux d'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec. C'est un grand espoir pour nous parce qu'on voit dans ce rapport ce que nous disons depuis fort longtemps, à savoir qu'il faut reconnaître les parents dans le domaine de la santé mentale qu'il faut reconnaître la compétence parentale. Cela nous apparaît un des grands signes d'espoir pour notre société de demain.

Ma présentation sera en deux temps. Dans un premier temps, je vous présenterai sommairement la fédération, non pas pour vous la faire connaître dans ses détails, mais pour situer quelques-unes de ses actions qui ont une incidence sur la santé mentale. Dans un deuxième temps, je vous donnerai l'esprit qui a animé notre réflexion dans la préparation de ce bref avis que nous avons déposé Ici.

La Fédération des unions de familles est née il y a plus de 20 ans d'une volonté de parents de se dire: il faut se solidariser, II faut se donner, entre nous, des moyens pour faire en sorte que notre devenir soit constamment sous la responsabilité des parents et qu'on aille chercher à l'extérieur un soutien à cette responsabilité et non une substitution. C'est comme cela que ce groupe a cheminé, bien sûr dans le domaine de la prévention et aussi dans le domaine du bénévolat.

Les points que je voudrais souligner de l'action de la fédération au cours de ces années sont les suivants. Nous avons beaucoup mis l'accent sur des cours sur les relations parents-enfants, qui nous ont semblé un point important pour précisément soutenir cette dynamique familiale. Le gardiennage aussi nous a semblé un point important à développer, pas nécessairement au sens des garderies, mais au sens d'un soutien de garde sous d'autres aspects, haltes-garderies, soutien aux parents qui ont besoin d'aller chez le médecin, etc. Finalement, tout un encadrement qui date même d'une époque où, quand on parlait des garderies, on n'en était qu'aux premiers balbutiements, alors que nous voyions déjà l'importance de donner une aération aux parents dans leur quotidien pour faire en sorte qu'ils ne soient pas isolés et qu'ils aient l'occasion d'être appuyés dans leur démarche.

Bien sûr, autre point et non le moindre, nous sommes à l'origine du développement des rencontres et des cours prénatals au Québec qui sont maintenant bien menés dans te réseau des affaires sociales, mais dont les unions de familles ont été à l'origine. Je le souligne non pas pour démontrer que nos actions sont percutantes, mais pour démontrer que, pour nous, dès qu'un enfant s'annonce dans la famille, cela devient un moment privilégié et important pour déjà entamer avec tes parents une responsabilisation, mais aussi une reconnaissance de leur responsabilité et du rôle important qu'ils auront à jouer. On a noté que plus on donne aux parents ce sentiment d'importance qui est réel et plus on leur fait découvrir les multiples facettes de leur implication, plus cela génère dans la vie familiale une harmonie et une implication et, finalement, je pense que c'est ta santé mentale qui s'en ressent profondément.

Je terminerai cette présentation de la fédération en disant qu'au cours de ces années ce qui nous trouble le plus, c'est de constater ce sentiment d'isolement que ressentent les familles. Pourtant, on est dans un monde de communications, on a l'Impression d'être bien entourés dans tous tes domaines et c'est vrai que nous le

sommes, mais il n'en demeure pas moins que les parents se sentent isolés, surtout les jeunes parents. C'était comme cela il y a quelques années et cela s'accentue actuellement. Je pense que, par rapport à la santé mentale c'est une question extrêmement importante à soulever, cet Isolement ressenti par tes parents. Nous sortons d'une tournée dans le Bas-du-Fleuve où nous pensions que, dans certains milieux moins urbains, plus ruraux, cette situation était différente alors que la famille élargie est plus près de la jeune famille. Mais, malgré ça, là aussi, on a ressenti cet Isolement, cette incompétence aussi qui est vécue par les parents. Ils se sentent incompétents et on doit essayer d'activer ces services qu'on a essayé de mettre en place depuis plusieurs années et qui, malheureusement, sont toujours Isolés parce qu'on a peu de ressources pour le faire, mais aussi parce que c'est extrêmement difficile.

Vous savez, le vécu de la famille... On a dit longtemps: Derrière les fenêtres et les portes closes, qu'est-ce qui se passe dans l'intimité de la famille? Nos amis anglophones parlent du "privacy" de la famille. Ces éléments ont fait que, finalement, on s'est refermé en tant que familles sur nous-mêmes et on n'est pas allés chercher les ressources. On a donc à développer ce mécanisme et c'est ce que nous essayons de faire depuis tout ce temps avec les moyens du bord et les ressources que nous apportent les militants familiaux à la fédération.

J'aborde maintenant le contenu de notre message. D'abord, je veux vous dire que le titre même du projet de politique, à savoir Pour un partenariat élargi, nous a beaucoup plu. Je pense que, derrière ces quelques mots, H y a un grand message, à savoir que la santé mentale, c'est l'affaire de tout le monde et qu'on a tous et chacun des responsabilités à divers niveaux. Quant à nous, cette dimension horizontale du rapport nous a beaucoup plu et nous espérons effectivement qu'elle sera retenue dans l'élaboration de cette politique.

Nous avons présenté notre mémoire avec quelques éléments tirés, justement, de ce projet que nous avons Intitulé "Un regard... sombre". Les parents qui ont travaillé à ce projet ont appris des choses. ils soupçonnaient, ils présentaient certaines données que le rapport nous a permis de mieux cerner et qu'ils ont trouvées extrêmement dramatiques. On pressentait ces données-là parce qu'on n'est pas un organisme scientifique et on a été extrêmement peinés de voir à quel degré la situation était rendue. Nous souhaitons effectivement qu'on développe des approches nouvelles par rapport à la santé mentale. Je pense qu'à cette fin le rapport est extrêmement révélateur.

Pour nous, bien sûr, c'est la prévention qui est le principal argument du développement qu'on souhaite. Je pense que là-dessus le rapport dit bien lui-même que la santé mentale, ce n'est pas seulement du traitement, pas uniquement de la réinsertion sociale ou de l'aide, mais que c'est aussi de la promotion et de la prévention. Notre organisme et d'autres qui oeuvrent dans ce domaine seraient certes heureux d'apporter éventuellement des collaborations à ce sujet.

Les axes organisateurs de la santé mentale, quand on parte de sa définition, nous ont extrêmement plu également, car ils présentent les trois secteurs du bien-être, à savoir la dimension physique, la dimension mentale et la dimension sociale. Quand on travaille avec les familles, on travaille, bien sûr, en regardant la dimension physique, mais surtout la dimension environnementale, dans quel quartier vivent ces gens-là, dans quel environnement lis se situent, quels sont leurs réseaux d'entraide, leurs réseaux naturels d'environnement. Pour nous, c'est extrêmement Important, lorsqu'on parie de santé mentale, de situer les trois éléments qui ont été apportés comme les axes organisateurs.

Pour ce qui est des deux pistes qui ont été privilégiées pour promouvoir la santé mentale, à savoir "le développement de compétences et d'habiletés qui confèrent aux Individus un pouvoir et un contrôle direct sur leur santé", je l'ai un peu dit tout à l'heure, pour nous, il faut absolument redonner aux gens la confiance en eux, leur redonner précisément la compétence qu'ils ont déjà, mais en la soutenant et en ta développant. Je pense que les gens ont en eux un potentiel, tantôt limité, mais qui est là quand même et qui mérite d'être exploité et exploré à fond. C'est, malheureusement, ce qu'on a perdu avec le temps. Je m'excuse de le dire comme cela, mais on a un peu trop surprofessionnalisé les approches d'intervention auprès des familles et, de ce fait, on a, comme parents, perdu le réflexe que nous étions capables d'agir, si bien qu'aujourd'hui, pour le moindre malaise, nous sentons le besoin d'aller consulter sur une base individuelle, ce qui n'est pas mal en soi, mais ce qui le devient par le fait qu'on se limite à cette approche. Pour nous, on se dit finalement que les parents ont des compétences et qu'il faut que les professionnels viennent soutenir cette compétence et l'accompagner dans le développement des services à la naissance de l'enfant et dans les différents cycles de la vie familiale.

Nous avons, à cette fin des expériences sur le terrain. J'en nommerai quelques-unes: la Soupape, par exemple. J'en donne le titre parce qu'il évoque ce que c'est. La Soupape, ce sont des groupes d'entraide de parents qui, justement, se rencontrent et partagent leur vécu. Ce sont des parents qui ont de jeunes enfants. Ce sont des groupes de pères qui, ensemble, se donnent des moyens et vont chercher des ressources extérieures de professionnels pour donner un complément aux besoins qu'ils ont au niveau du développement de l'enfant, de leurs relations familiales, ce qui a une incidence extrêmement grande sur la santé mentale.

Nous avons aussi ce qu'on appelle l'accueil des nouveaux arrivants dans des quartiers. On

serait surpris de savoir comment, avec les déplacements de population, les gens sont isolés longtemps avant de s'intégrer à la communauté. On a beaucoup remarqué que, tant qu'ils n'ont pas des enfants d'âge scolaire, ils demeurent isolés. C'est pourquoi on a mis sur pied certains services de ce type pour faire en sorte que, rapidement, ces parents qui ont de jeunes enfants d'âge préscolaire puissent venir partager, avec d'autres parents, leurs réflexions et leurs préoccupations.

Le dernier point d'expérimentation que nous avons, c'est, bien sûr, les cours sur les relations parents-enfants qui nous apparaissent de plus en plus Importants, mais pour lesquels nous avons de plus en plus de difficultés à former des groupes. D'une part, les modèles que nous avons sont des modèles de 10 rencontres. On constate que de plus en plus les parents sont disponibles pour quelques événements, mais pas pour une grande série de rencontres. On compte éventuellement développer, avec les médias d'Information, la télévision communautaire, des interventions qui pourraient rejoindre directement dans les foyers les parents pour atteindre ces objectifs sur la relation parents-enfants.

La deuxième piste qu'a privilégiée le comité était l'engagement des différents secteurs; nous y souscrivons, bien sûr. Je l'ai un peu évoqué en disant l'importance des réseaux d'entraide dans les quartiers, l'importance de l'environnement, la relation avec l'éducation, le loisir, le revenu dans la famille, mais aussi la relation avec le travail.

Je voudrais attirer votre attention sur un projet que nous avons et qui pourrait, dans le développement de la politique de santé mentale, avoir une incidence, c'est notre souci de rejoindre tes parents directement dans les milieux de travail. D'ailleurs, nous avons des demandes qui nous viennent de quelques milieux de travail, actuellement. Nous voulons, à partir de quelques expériences, voir comment on pourrait Intensifier ces rencontres sur les lieux de travail pour des parents qui, dans un premier temps, auraient de jeunes enfants. D'où l'importance d'impliquer le monde du travail.

Vous savez, on essaie de démystifier le fait qu'on a été longtemps à dire qu'on laissait nos problèmes à la porte quand on arrive au travail pour être un bon travailleur. On essaie, actuellement, de démontrer qu'il y a une Incidence même sur la productivité si on a des travailleurs et des travailleuses qui se présentent au travail et qui ont laissé derrière eux un milieu familial bien entouré, bien encadré. Nous croyons que, sur la santé mentale, cela a une grande incidence, un parent qui est, pendant huit heures de travail, aux prises avec un problème en pensant à ce qui se passe face à son enfant qui est malade ou face à un problème de relations familiales. Nous croyons donc qu'il faut travailler à ce niveau.

Le rapport - Je terminerai avec ce point - nous a beaucoup plu. Je pense que le gouvernement du Québec, qui a déposé le 9 décembre dernier un énoncé de principe en matière de politique familiale, doit certainement se réjouir de voir la relation qu'il y a entre les données de ce projet de politique et sa volonté actuelle par rapport à une politique de la famille. La dimension horizontale que vous avez présentée au gouvernement du Québec dans cet énoncé, on la retrouve dans le projet de politique. L'importance de reconnaître la personne, l'Importance de reconnaître les familles, vous l'avez dite dans le projet de politique familiale, c'est repris ici dans le projet de politique de santé mentale.

Nous sommes peut-être à la croisée des chemins, actuellement, alors qu'il y a une prise de conscience et qu'on veut faire en sorte que nos actions deviennent de plus en pius convergentes, de plus en plus concertées, faire en sorte que, pour la santé mentale qu'elle veut accroître et qu'elle veut maintenir, la famille soit aidée, soutenue et qu'on sente l'Importance de faire intervenir tous les acteurs qui ont une Incidence sur la vie des personnes et sur la vie des familles.

On a reconnu dans ce document que c'est dès l'enfance qu'il faut intervenir, dès la première enfance. Je pense aussi qu'une politique familiale va vouloir intervenir à ce moment déterminant de la vie d'une personne. Nous nous en réjouissons.

En terminant, je voudrais vous dire une petite anecdote que nous avons vécue au cours de notre réflexion. Des gens nous ont dit: On n'a pas à se présenter à cette commission. On est tout à fait d'accord avec le contenu qui nous concerne particulièrement sur la prévention et sur l'importance de la reconnaissance parentale. Mais on s'est dit: II ne faut pas dire les choses seulement quand on est en désaccord. Il faut tes dire aussi quand on est en accord.

On vous félicite, on félicite les gens qui ont travaillé à ce projet de politique et on encourage fortement le gouvernement à faire les liens entre sa volonté et sa détermination actuelle face à ta politique familiale et cette politique de santé mentale pour qu'il y ait de la cohérence. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Merci, M. Lizée. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Lizée pour la présentation de son mémoire et, surtout, pour sa participation aux travaux de cette commission qui se penche sur ce projet de politique de santé mentale. Évidemment, comme représentant des familles, votre première préoccupation est où sont les enfants. Je pense que c'est tout à fait normal. Votre présentation se situe, d'abord, dans un esprit de prévention, de dépistage. L'autre point sur lequel vous avez mis l'accent, c'est la prise en charge par les individus de certaines responsabilités vis-à-vis de leur propre santé mentale.

Depuis les débuts de la commission, tous ces aspects ont été touchés, peut-être pas avec la même intensité. Ce qui ressort après six journées complètes de commission parlementaire, c'est qu'il est évident que chacun peut venir ici et demander un peu plus pour lui, pour sa corporation. Ces demandes, en soi, peuvent être légitimes. Hier, un peu à ta blague, on essayait d'imaginer ce qu'il faudrait demain matin en termes de millions. Évidemment, cela dépend des groupes qu'on représente, mais il y avait plutôt, je dirais, cette propension à demander à l'État: Écoutez, il n'y a pas assez de ressources; mettez-en plus. (10 h 30)

C'est évident qu'il va falloir en consacrer plus à certaines problématiques en santé mentale. Il n'y a pas de doute là-dessus. Mais il y a aussi une prise de conscience que la population doit faire. On a beaucoup parlé, avec un succès relatif, de promotion de la santé physique, que ce soit l'alimentation, l'activité physique, le tabac, etc. On parle peu de la santé mentale. Je pense que c'est tout aussi important. Jusqu'à un certain point, on peut être l'auteur de son propre équilibre, quoiqu'il y ait des pathologies ou des milieux qui laissent l'Individu absolument démuni à cet égard. Je trouve intéressant que vous disiez: Nous avons déjà pris des responsabilités. On pense que, quand on intervient au chapitre de l'entraide pour les familles, c'est une façon de les soutenir.

Hier, on entendait le Conseil des affaires sociales et de la famille qui est venu faire une représentation, il nous disait: II faudrait - cela a été nuancé ensuite, je ne voudrais quand même pas être Injuste envers qui que ce soit - ajouter des ressources au moment où les femmes sont enceintes, sur le point d'accoucher ou ont accouché pour les aider à empêcher, justement, qu'une relation névrotique ne se développe entre la mère et les enfants. Évidemment, quand on va dans ce raffinement de ressources... Je sais qu'elles sont importantes, mais, finalement, quand vous les additionnez à d'autres, d'abord, on peut se demander si, financièrement, on aurait les ressources. Et, deuxièmement, on peut se demander si une approche tout aussi constructive basée sur les actions de la Fédération des unions de familles ou des unions de familles ne peut pas être tout aussi productive et, à ce moment-là, vraiment privilégier les réseaux d'entraide, comme cela a toujours été le point d'appui, je dirais, de votre mouvement et de l'action que vous avez pu mener, compte tenu, encore une fois, des ressources qui, pour vous aussi, sont très limitées.

Vous avez fait un lien entre la politique de la famille et l'approche qui est dans le rapport Harnois. Il est évident que les actions gouvernementales - quoique le rapport Harnois n'ait pas été entrepris dans ce sens et qu'il l'ait fait vraiment spontanément - seront toujours, dans la mesure du possible, axées sur ce soutien à la famille. C'est, d'ailleurs, pourquoi il y a des mesures concrètes touchant le répit, la collaboration des proches et la plus grande implication de la famille et des proches. Je pense que c'est un peu ainsi que chaque ministère pourra concrétiser l'importance qu'il apporte à la famille. Pour nous, la famille, dans toute cette politique, est extrêmement importante.

La question que je voudrais vous poser plus précisément a trait à l'expérience que vous avez peut-être eue quant aux besoins des familles qui ont des enfants ou des jeunes adolescents avec des problèmes sérieux. On peut parler de la santé mentale d'une façon préventive. Mais, pour les parents qui ont à faire face à des pathologies plus sérieuses chez leurs enfants, par exempte, quel est le genre de problèmes qu'ils vous signalent et quel est le genre de ressources, d'aide ou d'appui qu'ils aimeraient avoir?

M. Lizée: Je suis, malheureusement, démuni sur ce point, parce que notre organisme a surtout mis l'accent sur les 0 à 5 ans et beaucoup sur les familles qui ont des enfants d'âge scolaire, mais assez jeunes. Ces cas dramatiques nous sont rapportés, bien sûr, mais, malheureusement, je ne pourrais pas vous donner spontanément des données qui vous satisfassent.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, le besoin que nous avons évalué comme étant le plus urgent - je pense qu'il y en a deux, en fait - l'un, c'est le sentiment que la famille se sente impliquée et non laissée à l'extérieur du traitement ou du plan de services qui est défini ou qui pourrait être défini pour la personne malade. Et l'autre concerne le répit dont ces familles ont besoin. Si j'essayais de résumer, ce seraient peut-être les deux plus grandes mesures que les familles qui sont aux prises avec ce type de problèmes là ont fait valoir. Mais, peut-être rejoignez-vous moins ces familles; vu qu'elles sont déjà tellement prises par ce type de problèmes peut-être sont-elles moins actives aussi dans des organisations comme la vôtre. C'est fort possible.

M. Lizée: On les rejoint moins parce que nos actions, comme je vous l'ai dit dès le départ, se situent davantage au niveau de la prévention. Et, justement, je voudrais revenir sur un des points. Quand vous dites: On est souvent l'auteur de son propre équilibre, vous avez tout à fait raison. C'est, d'ailleurs, notre philosophie de base à la fédération d'être nous-mêmes les auteurs de notre propre équilibre. Cependant, quand on relie cela à la dimension des ressources déjà existantes, la question que nous nous posons, c'est: Quel est le pourcentage de nos ressources actuelles - je ne parle pas de ressources nouvelles, mais de nos ressources actuelles - qui est affecté à la dimension préventive? Ce que nous constatons souvent, c'est que, s'il y avait eu, dans bien des cas - et c'est souvent par nos

services de gardiennage qu'on le constate - un petit coup de pouce à la famille avant qu'arrive un problème particulier - nous le prétendons en tout cas - beaucoup d'interventions auraient été évitées par la suite.

Alors, la question qu'on se pose, c'est que, si comme société on est peut-être rendu au bout de nos capacités d'injecter des fonds nouveaux, il faudrait peut-être se demander en même temps comment réharmoniser certaines de nos ressources pour faire en sorte qu'on accroisse le pourcentage des ressources en matière de prévention. Cela nous apparaît fort important. Et même pour les organismes comme les nôtres, quand je vous disais que ce sont des expériences isolées, je le disais de la façon suivante: II y a des groupes qui démarrent une année à un endroit, l'année suivante, Ils continuent et, la troisième année, soit parce que les parents qui ont été les promoteurs ont traversé la période qui a fait qu'ils s'étaient impliqués, soit parce qu'ils n'en ont plus besoin ou tout simplement parce qu'ils manquaient de ressources dans leur milieu, les groupes disparaissent et on reprend ailleurs des expériences, à partir d'un nouveau souffle.

Oui, on peut se réjouir qu'il y ait des groupes comme les nôtres, mais, par ailleurs concernant ces mêmes groupes-là, sans demander des ressources extraordinaires - d'ailleurs, vous nous connaissez assez bien, Mme Lavoie-Roux, pour savoir avec quels moyens nous fonctionnons - on est, quand même, extrêmement limités dans nos actions sur le terrain, même en collaborant avec le réseau déjà existant.

Il y a des CLSC qui ne peuvent même pas répondre à nos attentes de soutien collectif. On ne veut pas nécessairement créer des ressources nouvelles. Il existe déjà des ressources dans le milieu. On veut se mettre en relation avec elles et même là, parce qu'elles sont très prises dans d'autres programmes, la question qu'on pose - je l'ai posée tout à l'heure - c'est: Quelle est notre volonté comme société de réharmoniser les ressources pour que la prévention soit un peu plus développée?

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Lizée, d'être venu témoigner des bonnes nouvelles comme, parfois aussi, il faut témoigner des moins bonnes et des mauvaises. Je veux vous assurer que, de notre côté, nous allons tenter tous les efforts pour faire avancer ce dossier de la santé mentale qui nous apparaît extrêmement Important tant au plan de la prévention qu'au plan de la réadaptation pour ceux qui doivent aller Jusqu'à cette mesure-là. Je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Merci, M. Lizée, d'être venu présenter le point de vue de la Fédération des unions de familles. Comme vous l'avez dit, on préfère parler de santé mentale que de maladie mentale en ce qui concerne la prévention et te dépistage. D'un autre côté, on peut avoir de très bons voeux pieux. Le rapport Harnois en est rempli, plusieurs l'ont dit, sauf qu'il y a aussi d'autres choses qui doivent s'ajouter. Vous dites que les sommes d'argent sont limitées et qu'en conséquence il faut trouver d'autres moyens. On en convient, mais il est évident qu'on ne pourra pas établir une politique de santé mentale sans y Injecter ce qu'il faut pour vraiment démontrer qu'on a, au niveau gouvernemental, choisi une option, c'est-à-dire de parler de prévention et de dépistage et, ensuite, d'aide à ceux qui, malheureusement, seront atteints d'une maladie mentale.

Dans ce contexte, il est évident que - plusieurs sont venus en parler - certains ont voulu protéger ce qu'ils ont comme acquis, que d'autres ont voulu aller en chercher davantage. Lorsque la ministre déposera une vraie politique de santé mentale, parce que ce qu'on a présentement, c'est un document qui permet de faire la consultation, mais ce n'est pas un document complet de santé mentale, il faudra qu'elle détermine dans un document officiel gouvernemental l'ensemble des actions qu'elle aura décidé de prendre pour vraiment faire en sorte qu'une politique de santé mentale existe.

Dans ce contexte, vous représentez un groupe et j'aimerais le connaître davantage pour voir ses ramifications au Québec avant de vous poser quelques questions. Vous êtes une fédération d'unions de familles; donc, il doit en exister un peu partout au Québec. De façon précise, êtes-vous capable de me dire aujourd'hui où vous vous situez au Québec? Où la concentration est-elle la plus forte en particulier?

M. Lizée: Nous avons actuellement 23 groupes dans tout le Québec. J'ai déposé ce matin un dossier sur le réseau de diffuseurs de la fédération et, dans toutes les régions, nous avons des diffuseurs. Ce sont des personnes qui sont en mesure de donner de l'information. Ce ne sont pas des services. Cependant, les 23 groupes, comme je l'ai mentionné, offrent certains services dont ceux que je vous ai mentionnés tout à l'heure, mais ils ne les offrent pas tous. Par exemple, un groupe peut se limiter aux cours sur la relation parents-enfants; un autre, ce peut être la Soupape et, à certains endroits, ce sont les deux; d'autres, c'est le service de gardiennage. En somme, ce ne sont pas tous les services qui sont offerts à tous les endroits.

J'ajouterai que cela dépend de nos projets. Nous avons des dossiers. Par exemple, nous procédons chaque année à la remise du Prix de la famille. Seulement pour ce dossier-là, nous avons un réseau de 1500 groupes dans tout te Québec avec qui nous collaborons pour préparer cet événement. Il faut distinguer chez nous entre les membres et les groupes d'appartenance qui

collaborent ou participent activement à nos activités. Nos grandes concentrations sont surtout au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans la région de Rimouski et dans la région de Montréal.

M. Jolivet: L'autre question subséquente à celle-là est la suivante. Fort probablement que les familles que vous regroupez ne sont pas des familles à gros risque, mats des familles qui ont moins de difficulté. Alors, de quel genre de familles s'agît-il: de familles traditionnelles ou de familles regroupées selon les nouvelles formules actuelles?

M. Lizée: D'abord, je voudrais peut-être profiter de l'occasion pour vous dire que la fédération a été à l'origine de la Fédération des associations de familles monoparentales. Cela pour dire que, pour nous, d'abord et avant tout, la qualité de la relation familiale importe plus que la structure familiale. C'est extrêmement Important pour nous d'être en étroite collaboration avec cette fédération dont nous avons contribué à la mise sur pied.

Pour ce qui est des familles que nous représentons, cela dépend vraiment des milieux. Il y a des milieux où ce sont des familles moyennes et des milieux où ce sont vraiment des familles à risque. J'aurais même le goût de dire que, là où on pense que ce sont des familles qui sont moins à risque, on pourrait peut-être se demander si ce n'est pas, justement, parce que ça fait nombre d'années qu'on exerce une action dans ces milieux avec ces familles qu'elles ne sont pas des familles à risque.

On n'a quand même pas d'évaluation scientifique pour le démontrer, mais on pourrait au moins, se poser la question à savoir quelle incidence a l'implication d'une famille. Vous savez, quand une famille vient chercher un service chez nous, il faut déjà se poser la question à savoir s'il n'y a pas une raison très précise par rapport à son vécu familial pour qu'elle le fasse. Donc, en soi, c'est avant qu'il y ait un problème majeur que les gens viennent nous voir et c'est heureux qu'il en soit ainsi. Je ne dis pas cela pour nous justifier, je dis cela pour répondre à votre question en disant que, oui, on a des milieux où il y a des familles que vous appelez à risque, qui sont reconnues comme telles par la société et qu'on reçoit comme groupe.

Ailleurs, ce n'est pas évident, mais j'ajoute à cela que, même si ce n'est pas évident, ce qui est évident pour moi, c'est que ce sont des gens qui sont venus chercher une solution ou, du moins, une réponse à un de leurs besoins et, justement, avant de devenir en situation problématique. (10 h 45)

M. Jolivet: Vous parlez de services qui ont été surprofessionnalisés. On a même parlé dans différentes rencontres jusqu'à maintenant de surmédicalisation. Est-ce que vous avez une opinion à titre de secrétaire général de la fédération, justement, sur le fait qu'on a peut-être été porté à médicaliser ou même à professionnaliser cette maladie alors que peut-être d'autres personnes, à l'intérieur du système, auraient pu être plus utiles que du personnel professionnel?

M. Lizée: Je dirais que c'est par la bande qu'on entend cela, dans le sens suivant Je regarde le peu de réflexe qu'ont les gens à découvrir d'eux-mêmes des solutions. Quand Ils viennent nous voir, ils le font au départ comme quand ils vont chez le médecin. Pourtant, ils rencontrent d'autres parents semblables à eux, mais Ils ont le réflexe de tenir le même langage aux parents qu'ils rencontrent que celui qu'ils tiendraient à leur médecin en cabinet privé, comme si la solution venait de la personne auprès de qui on demande une ressource exclusivement. C'est comme cela qu'on a déduit ce qu'on appelle la surprofessionnalisation qui fait que les gens ont perdu leur réflexe de différencier la demande d'aide de leur propre capacité d'intervenir dans le problème. Pour nous, c'est extrêmement inquiétant actuellement.

M. Jolivet: Dans ce contexte, quelles sont vos relations avec l'ensemble des organismes ou institutions, que ce soit avec le psychologue à l'école, avec le travailleur social au CSS ou avec la personne à l'intérieur des centres locaux de services communautaires? Quelles sont vos relations en général avec ces personnes? Est-ce qu'elles vous permettent d'avoir une référence? Est-ce vous qui référez ou elles qui vous réfèrent cette famille en difficulté ou en demande?

M. Lizée: Le mouvement se fait effectivement dans les deux sens et c'est surtout avec les établissements des CLSC que nous obtenons des collaborations et, inversement, alors qu'ils nous réfèrent des gens pour nos groupes.

M. Jolivet: Dans votre pensée de ce que devrait être une réelle politique de santé mentale au Québec, quel rôle voyez-vous la Fédération des unions de familles jouer, d'abord, au niveau national et, ensuite, pour chacun des endroits où vous êtes actuellement installés?

M. Lizée: D'abord, au niveau national, nous considérons que la fédération serait en mesure - comme Mme Lavoie-Roux le soulignait tout à l'heure on a fait des efforts du côté de la santé physique et il faudrait en faire du côté de la santé mentale - de faire des campagnes de promotion et nous ne croyons pas que ce soit à l'État de le faire. Ce serait beaucoup plus à des groupes du milieu, eux-mêmes témoins de l'Importance de ta santé mentale par leur vécu et par leur groupe de pairs où ces gens-là ont travaillé ensemble. Je pense que, à ce chapitre,

la fédération pourrait jouer un rôle actif.

Au chapitre des groupes de base, c'est Important pour nous, et je l'ai souligné, qu'il y ait non seulement des groupes dans les quartiers, mais que nous essayions aussi de faire une pénétration dans le milieu de travail, dans les entreprises, dans les usines. Je pense qu'il y a moyen d'aller rencontrer les parents dans ces milieux pour, justement, discuter avec eux de ces questions de relations familiales et aussi de l'importance de la santé mentale.

M. Jolivet: Vous dites que c'est à la société en général de faire une certaine forme de promotion, j'en conviens, mais, si elle n'est pas soutenue par une action à la suite de décisions gouvernementales, à un moment donné, c'est plus difficile. Je vous donne un exemple de ce qu'on disait être une diffusion plus large de la promotion de la santé physique au Québec. Je prends l'histoire de Kino-Québec, les messages sur l'utilisation du lait ou des choses semblables; s'il n'y avait pas eu une bonne campagne de publicité pour accrocher le monde: allons jouer dehors ou des choses semblables, peut-être que moins de personnes le feraient actuellement et la santé physique serait encore dans l'état qu'on connaissait à l'époque, très détérioriée. Dans ce contexte-là, ne voyez-vous pas que le soutien de l'État, tout en n'étant pas le seul, doit aussi être un pivot important dans la décision?

M. Lizée: J'ai peut-être coupé les coins un peu trop ronds dans ma réponse, M. Jolivet, et je suis content que vous le souleviez, mais, pour nous, toute intervention qui vient du domaine communautaire mérite de toute évidence d'être appuyée par l'État. Mais elle mérite aussi d'être soutenue par d'autres secteurs de la communauté. L'État en est un, mais je pense qu'on n'a peut-être pas développé suffisamment le réflexe d'aller vers l'entreprise privée aussi. Vous avez, par ailleurs, souligné des secteurs où des efforts ont été faits, mais je pense que, du côté de la santé mentale, il pourrait y en avoir par d'autres intervenants.

M. Jolivet: Si on prend l'exemple de Ki-no-Québec, c'est parti de l'organisation pour aller à l'intérieur de chacune des usines. On n'aurait peut-être pas eu le réflexe inverse, soit de partir de l'usine pour, ensuite, faire une politique qu'on annoncerait.

Dans le contexte de la santé mentale au Québec, vous le disiez vous-même tout à l'heure, une personne qui est heureuse dans son milieu familial a de fortes chances d'être plus productive au travail. Alors, il est évident que, si on en arrivait à vouloir diffuser de l'Information sur la santé mentale, comme on avait hier soir les groupes alternatifs ou l'unité de recherche du CHUL de l'Université Laval, à ce moment-là, on aurait la possibilité avec ces groupes de faire de l'action dans le milieu, mais soutenue par une décision gouvernementale, par une Idée générale d'une politique de santé mentale qui serait diffusée, annoncée, Incitant le monde à y participer.

Je laisse la parole à ma collègue, la députée de Marie-Victorin, à moins qu'il n'y ait quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Baril): Nous allons passer au député de Louis-Hébert, s'il vous plaît

M. Doyon: M. le Président, la Fédération des unions de familles s'est donné une vocation de promotion et de protection de la famille. Je pense que c'est fort à propos et qu'elle fait un excellent travail. On signale les difficultés qu'un certain nombre de familles rencontrent, plus particulièrement à la suite des séparations qui se produisent à l'intérieur des couples. C'est de plus en plus fréquent de voir de jeunes enfants - qui sont votre préoccupation première, d'après ce que j'ai vu - qui se retrouvent dans des situations où ils sont, à toutes fins utiles, séparés de la personne-père ou de la personne-mère qui n'est plus au foyer. Alors, les deux rôles doivent être assumés par la même personne.

En tant que fédération, justement, vouée à la protection de la famille, est-ce que vous avez des réflexions à nous faire sur les effets que peut avoir sur l'équilibre mental - appelons cela ainsi faute de meilleur mot - de jeunes enfants le fait de se voir, pour toutes sortes de raisons que les adultes comprennent, mais qui échappent aux enfants privés soit de leur père soit de leur mère?

Est-ce que vous constatez dans les faits que cette situation peut causer certains problèmes de déséquilibre mental ou un manque d'affection qui peuvent dégénérer en insécurités de toutes sortes, chez les jeunes enfants?

Est-ce que, en d'autres mots, vous pouvez identifier une relation de cause à effet entre les séparations qui se produisent à l'intérieur des couples et la situation précaire, mentalement parlant, des jeunes enfants?

M. Lizée: Ce qui nous apparaît évident, c'est qu'il ne faut pas isoler ce facteur de la séparation d'un ensemble d'autres facteurs. On a beaucoup de situations de séparation ou de divorce où les enfants s'en sortent bien et n'ont pas nécessairement recours à des services du côté de la maladie mentale. L'inverse est vrai aussi. Cela pour dire que c'est un des facteurs qui peuvent, à un moment donné, apporter un élément de risque de plus dans la situation, mais on ne peut pas l'isoler pour tirer des conclusions sur cette situation.

M. Doyon: Est-ce que, comme fédération, vous préconisez la continuation des liens pour autant que faire se peut? Il y a toutes sortes de moyens qui peuvent être pris. Souvent, les tribunaux sont à court d'Imagination de ce

côté-là. Malheureusement, ils fonctionnent sur des cas qui ont déjà été réglés d'une certaine façon. On invoque la jurisprudence, etc. Force nous est de constater que l'Innovation dans ce domaine est plutôt rare et je me dis que peut-être votre fédération a des suggestions à faire - $1 vous le considérez désirable, tout d'abord - pour que la relation mère-enfant ou père-enfant puisse, malgré des séparations et des divorces, se continuer d'une façon significative. Est-ce que votre fédération a une position là-dessus?

M. Lizée: Je pourrais peut-être me référer à notre position sur la question des services de médiation où nous apparaissait extrêmement importante, toute la dimension sociale de la médiation, parce que, justement, nous tenons énormément à ce que les relations familiales se continuent après la séparation du couple.

On dit chez nous que la fin du couple n'est pas la fin de la famille. Bien au contraire! Je pense qu'il faut développer des nouveaux mécanismes de communication entre les parties. L'absence physique d'un des parents ne signifie pas nécessairement l'absence totale, bien au contraire. Souvent, cela crée de nouvelles situations. Alors, pour nous, il est important de fournir des moyens pour faire en sorte que la relation continue. C'est pourquoi, tout à l'heure, quand je répondais à M. Jolivet que ta famille, pour nous, c'était davantage la qualité de la relation que la composante familiale, c'était beaucoup en référence aussi à toute cette dynamique qui varie beaucoup et de plus en plus dans les différentes familles.

M. Doyon: Oui. Alors, je suis très heureux de vous entendre sur cet aspect-là et je sais qu'il y a une de mes collègues qui veut vous poser une question. Je voudrais juste savoir, en terminant, si la notion de famille, dans votre cas, peut comprendre la famille élargie - à mon avis, cela peut avoir une certaine importance dans l'équilibre affectif des enfants - les grands-parents, par exemple. On sait que, lors d'un divorce - j'ai été sensibilisé à cette question - malheureusement, très souvent, même si les grands-parents peuvent avoir eu des relations très intimes avec leurs petits-enfants, le jugement du tribunal met fin totalement à ceia sans que les grands-parents puissent, par exemple, Invoquer quelque droit que ce soit de visite, de garde, de contact avec des petits-enfants auxquels Ils sont très attachés, et c'est la même chose du côté des petits-enfants. Je me demande si votre fédération voit la famille, tout simplement, nucléaire, c'est-à-dire père, mère et enfants, ou si elle va au-delà du noyau, englobant, par exemple, dans un cas semblable, les grands-parents qui sont souvent des victimes totalement innocentes, qui n'ont rien à se reprocher dans un cas de divorce, avec des conséquences terribles en ce qui concerne le côté affectif des jeunes enfants et des grands-parents aussi, lesquels n'ont rien à faire dans une histoire qui concerne deux personnes. Du jour au lendemain, ils n'ont plus de petits-enfants avec les conséquences que cela peut comporter.

M. Joltvet: Je veux simplement faire une petite intervention. C'est pour dire qu'il me semble que le Code civil a été changé et permet maintenant ces contacts-là...

M. Doyon: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Jolivet: ...avec les grands-parents.

M. Doyon: II y a des améliorations qui ont été apportées...

M. Jolivet: D'accord.

M, Doyon: ...qui permettent, justement, cela, mais je voudrais connaître ta position de la Fédération des unions de familles en ce qui concerne la famille élargie.

M. Lizée: II est bien évident que, de par ce que je vous ai décrit, nous focalisons sur ta relation des deux générations, parents-enfants. Cependant, on a beaucoup le souci de la génération des aînés, parce qu'on a été appelés, dans nos groupes, à constater que beaucoup d'enfants n'avalent plus de contacts avec des personnes du troisième âge, même avec leurs propres grands-parents, à cause de l'éloignement, etc. C'est pourquoi nous avons intégré dans nos services de garde, surtout dans tes groupes de ta Soupape, des grands-mères qui viennent raconter des histoires aux enfants, leur tenir compagnie et partager avec eux quelques moments de la journée. C'est un petit exemple.

L'autre exemple où on a le souci de cette génération, c'est celui du maintien à domicile. Pour nous, c'est extrêmement important de réfléchir sur ta façon dont tes jeunes familles peuvent contribuer à apporter un support, ne serait-ce que moral, aux parents qui vivent dans un quartier plus loin ou dans une ville à l'extérieur. Comment pouvons-nous ne pas laisser à la société en général la question des services à domicile, mais, bien au contraire, redévelopper le réflexe que les jeunes couples peuvent apporter une contribution à leurs propres parents? Alors, sur des cas précis comme ceux-là, on a des réflexions en cours, mais le centre de nos actions, comme je l'ai dit, c'est surtout ta relation immédiate du parent et de l'enfant.

Le Président (M. Baril): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, merci. La première question que j'aurais aimé vous poser, c'est de

savoir de combien de membres votre conseil d'administration est composé.

M. Lizée: On a quinze personnes au conseil d'administration.

Mme Vermette: II est formé d'autant d'hommes que de femmes.

M. Lizée: Je pense que, actuellement, il y a plus d'hommes que de femmes. Oui, c'est autant. Vous savez, madame, on n'a jamais appliqué ce critère; il s'est toujours fait un peu spontanément

Mme Vermette: Non, c'est seulement une curiosité de ma part Tout simplement pour vérifier.

M, Lizée: Une curiosité très légitime.

Mme Vermette: Merci bien, il me semble que, dans votre mémoire, on a beaucoup mis l'accent sur la famille comme telle, alors qu'on sait qu'il y a toutes les variantes de la famille à l'heure actuelle. On parte de plus en plus de la participation de la famille à la santé mentale. Différents autres groupes nous ont dit antérieurement que ceux qui ont déjà soit un parent, soit un proche qui est victime d'une maladie mentale, plus souvent qu'autrement - si ma mémoire est bonne, c'est dans 60 % des cas - le gardent à la maison. Donc, il y a déjà une grande part de responsabilité prise par les familles à l'intérieur d'un traitement ou, en tout cas, d'un vécu avec une victime de maladie mentale. {11 heures)

Ce qui en est ressorti plus souvent qu'autrement c'est que la famille était exclue ou presque exclue des décisions que devaient prendre les différents intervenants sur le plan médical. Actuellement, votre position face à cela, quelle est-elle? Avez-vous déjà préparé des mémoires là-dessus? Avez-vous déjà pris position par rapport à cette élimination de la famille du traitement de la personne? Est-ce que c'est une des préoccupations de votre clientèle? Est-ce que cela devient votre priorité ou est-ce que, dans votre organisation, ce n'est pas la structure même de la famille qui est plus votre préoccupation, que le souci, via la prévention, bien sûr, de certains faits comme inévitables, une rupture, qui font que les gens ont des problèmes de santé mentale?

M. Lizée: Je ne peux malheureusement pas répondre à votre question, madame.

Mme Vermette: C'est-à-dire que vous n'êtes pas au courant du nombre de vos familles qui pourraient déjà avoir des gens avec un problème de santé mentale. Vous n'êtes pas au courant, de toute façon. Vous n'avez jamais pris position pour que ta famille doive assumer la responsabilité d'avoir à sa charge une personne qui a un problème de santé mentale. En tant qu'unions de familles, vous n'avez jamais pris position là-dessus?

M. Lizée: C'est à cette question-là que je vous dis que je n'ai pas de réponse. On n'a jamais pris position. Vous avez deux questions. Vous nous demandez: Est-ce qu'on les connaît, ces familles-là? Oui, on en connaît beaucoup dans nos groupes qui ont effectivement un membre qui a un problème particulier. Mais on n'a jamais pris position sur ce sujet-là.

Le Président (M. Baril): Merci. Je permettrais une courte...

Mme Cardinal: Vous me permettez une petite question?

Le Président (M. Baril): Mme la députée de Châteauguay, s'il vous plaît.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir, M. Lizée, si vous êtes d'avis que la très grande dépendance vis-à-vis des professionnels et de l'État aurait contribué à amoindrir l'autorité et la participation des parents. Car, dans beaucoup de cas, dès qu'un problème se présente, on s'en remet immédiatement aux professionnels.

M. Lizée: Je pensais y avoir déjà un peu apporté une réponse tout à l'heure quand je disais que, pour nous, il faut développer un lien avec les professionnels, mais il faut resituer ce lien entre le professionnel et la famille. Quand je parlais de redonner un réflexe à la famille pour resituer sa relation avec le professionnel, pour nous, c'est à faire.

Mme Cardinal: C'est dans cet esprit que je vous demandais cela. J'avais bien compris tantôt, mais c'était en vue de leur redonner confiance en leur autorité première pour qu'ils prennent en charge leurs propres problèmes, parce que, dans plusieurs cas que j'ai eu à considérer, on avait tout à fait perdu confiance en soi devant une problématique qui s'avérait peut-être très limitée, mais qui a pris des proportions étant donné ce manque de confiance d'aller au-delà...

M. Lizée: Oui, vous avez tout à fait raison. Dans nos programmes, l'un des premiers gestes que nous posons dans nos relations avec les parents, c'est de les amener à reprendre confiance en eux et à découvrir leur propre potentiel.

Mme Cardinal: Cela confirme. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci. Le mot de la fin, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. Lizée, d'être venu nous Informer de votre travail. On vous encourage à continuer. Je pense que c'est important dans la mesure où on fait de ta prévention et du dépistage et qu'on aide des gens à passer à travers certaines difficultés. Nous vous disons bonne chance.

M. Lizée: Merci.

Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier la Fédération des unions de familles, M. Uzée en particulier, pour leur travail. Vous avez abordé l'aspect de ta sensibilisation du public à toute la problématique de la santé mentale, si on pouvait trouver peut-être une formule nouvelle. Ou moins, on pourrait associer différents groupes au développement de cette campagne de sensibilisation. Alors, je retiens ce que j'ai compris comme étant une offre de collaboration. Je vous remercie.

M. Uzée: C'est tout à fait juste.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup, M. Uzée, et je vous souhaite un bon retour chez vous.

M. Uzée: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril): J'Invite Immédiatement le groupe suivant, le Parrainage civique de la banlieue ouest, s'il vous plaît, à se présenter.

Mesdames, je vous souhaite la bienvenue. SI vous voulez vous présenter, ainsi que votre invitée, s'il vous plaît.

Parrainage civique de la banlieue ouest de Montréal

Mme Tanguay (Mary-Claire): Voici Mme Farley, directrice du Parrainage civique de la banlieue ouest Moi, je suis Mme Tanguay. Premièrement, je vais vous présenter un court texte et, ensuite, on pourra discuter un peu.

Le Président (M. Baril): Vous êtes la bienvenue, madame.

Mme Tanguay: On fera la discussion en anglais parce que Mme Farley ne parle pas bien français.

Le Président (M. Baril): No problem!

Mme Tanguay: D'accord.

We would like to take this opportunity to thank you for havingthe chance to be here today to discuss with you the Harnois document which we found to be very excellent. It was excellent from my point of view because it places the person, the family and the community at the center of all the treatment and services that are to be given to the person. We would like to extend our heartily congratulations to the members of the committee who prepared this document. If any of them are here today, congratulations, "félicitations!".

We wish to enlarge In just a few points that we feel crucial to the integration of the person with mental health problems Into the community and we do so, of course, from our position of being a community voluntary association. The first point we want to make concerns respite care. We feel that respite care for families should be first of all available from one source such as the CLSC and It should be for all families caring for a handicapped person or a senior, and, secondly, that respite should be available both in the handicapped person's home or outside the handicapped person's home.

The second point that we would like to bring up is in regard to the recommendations made in the document on the funding of community resources. And, on these recommendations, we would tike to make two points. The first point is that it is one thing to say one should double the budget for community resources and quite another thing to implement the budget's distribution. We urge that funding be given that will be adequate for the service given, dependent upon regular service quality evaluations. The document recommended that evaluation should be done regularly to make sure that the objectives are being obtained. But there are many ways to obtain or to reach objectives and we would like to see quality evaluated also and so this is not on the objectives.

The third point is that we would like to see that salaries and benefits are equitable with the public service sector in any community resources that are funded.

The second point that we want to make about budgets is that we feel the proviso of 10 % of the community budgets be self-financed is unfair. We realize from the document that the spirit behind this recommendation was to keep the community input In parapublic services. We agree that Institutionalized services can become Inflexible and lose sight of the needs of the community. However, there may be other ways of insuring this community input such as having board members from the community and from among families and users where possible, keeping services small, encouraging volunteers and so forth.

Voluntary associations, of course such as citizen advocacy, parents assocations, self help and support groups present little danger of loosing sight of community needs since they provide no hard services and they are largely volunteer.

The third point we would like to make is on public education. We think too that public education is extremely Important for the Integra-

tion of the person with handicaps Into the community. We are presently in the last stages...

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse de vous interrompre. Est-ce que vous lisez le mémoire que vous nous avez présenté?

Mme Tanguay: Non. Mme Lavoie-Roux: Ah bon!

Mme Tanguay: Bien non! Je fais une autre présentation. Est-ce que vous avez le mémoire?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Tanguay: Ce n'est pas le mémoire. Ce sont des points dans le mémoire qu'on soulève sous une autre forme.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vais arrêter de tenter de vous...

Mme Tanguay: D'accord.

We are presently completing a pilot project in publlceducation. It is a three year project funded by Health and Welfare Canada and we have brought you the tape of our TV commercials that were produced by CF cable TV in Montreal in French and English. We also have radio commercials, our printed materials which you have in hand and the results of our pretests. We are presently doing the posttests.

We have learned from this experience that the most valuable part of the project was hands-on part. We had two aspects to hands-on. The first was when the committee met some 44 groups at Fairview Centre, Pointe-Claire, and the second part was when almost all the school children in the city received sensitizing visits from volunteer speakers who used the television commercials to present Information on handicaps.

We have also brought copies of our school curriculum proposal for a program called Your Neighbour and you which we have developed over the past 8 years and which has been used to some degree in both the Lakeshore and Baldwin-Cartler school boards. Our care project which recrutes advocates from within church congregations to support psychiatr Ic patients and church run apartments Is another hands-on education project which is a side effect of the project. It is teaching the whole church community and proteges family to our training program about the needs and problems of psychiatric patients. We feel that a public education project to be the best possible, must cover all types of handicapped persons, to be most cost effective and to present the greatest impact on the community.

The fourth point that we would like to talk about is in regard to training. We feel this is very important not only for the professionals but for volunteers and staff of non-profits.

Concerning the professionals, we feel that sensitizatlon to the needs of the family and a practical understanding of the pressure that psychiatric patients cannot take would be good in addition to teaching the interdisciplinary working skills that are mentioned in the Harnois Report.

In regard to volunteers, families and staffs of non-profits, we think that the training should centre on realistic expectations for the person with mental health problems, information on diagnosis and treatments as well as ressources in a community to help in various situations. For example, we will be doing a série of training sessions for our advocates having proteges with mental health problems a nd to these sessions we are inviting the families of the proteges and the professionals that are involved with them also.

The fifth point we would like to make is concerning the provision of specific services for specific problems, such as one service for intellectualy handicapped people, one service for seniors and so forth. We think that most community services should be flexible enough to care for different populations effectively. For example, at our Home make Centre in 1984, we served intellectualy handicapped persons, middle-aged women and seniors as well as young men and young women. This worked out very well although the staff had to reorganize quite a bit to accommodate the different clienteles.

The sixth and final point we would like to make this morning, concerns the basic philosophy of all services. A loving caring atmosphere must be the basic philosophy of all services with the person and a family at the Centre. We find that our volunteer advocates are very often our best example of this loving care which gives everyone Involved hope for the future of our community members with mental health problems.

Thank you.

Le Président (M. Baril): Thank you very much, madam.

Mme Farley (Johanne): We do have these points on another piece of paper here that we will leave if you would like to have a copy.

Le Président (M. Baril): Please.

Mme Farley: What i would just like to say before we get into a discussion - and we would really like to have a good discussion - is that besides of being the director of the West Island Citizen Advocacy, I am also the mother of a man, 37 years of age, who is psychiatric patient and is also Intellectually handicapped. Our son Paul still lives at home with us. We love to have him at home because we love him. We also feel that to send him out into some other kind of place to live - although we have been very, very critlzed because we kept him at home - we really feel, that out there, there is nothing that

we feel Is as good as our home. We have received over the 37 years, not a whole lot of support I guess we have been fortunate in our family that Paul's brothers and sisters have all been very supportive; our relatives, our friends. So I guess, In that respect, we have been a very fortunate family, but I know a lot of families who are not so fortunate. I feel that, as far as any respite care, anything like that, we have none. If we want to go away for a couple of days, as I have come here today and came yesterday with my husband, I have to hire somebody to come In and stay with Paul, t do not leave Paul alone. Paul is capable of doing a lot of things but he has also a little on paranoid side. He gets very nervous. If something comes up that he cannot handle, he is just kind of panics, like the house can catch fire, he would not be able to move to do anything about it. Alt of those kinds of things. (I1 h 15)

I think that if families could be given the kind of support they need - and I am talking about families of all handicapped people really - many many would be very happy to keep their handicapped person at home as long as it is possible. I feel that if families would have enough respect and other kinds of supports from the community, that the money that we have to spend of our tax dollars to give the services to handicapped people could really be used a lot better than they are. I know that money is big problem. There are money problems in our government. I have money problems at citizen advocacy tremendous ones. We have to do what we can do with that money in the best way possible. I think there is a lot of better ways we could be spending our money. I think a little bit of support to families, ail the way along the line, would really make a tremendous difference and, then, how much money we would have to spend on people whose families, for some reasons, rather cannot keep them or do not want to keep them, abandon them, and many abandon them of course. But I think that money could go a lot further than it does.

I would also just like to say, 1 guess, when I am on the subject of Paul, that, although nobody has ever told me and he has been through the mill, as far as doctors and tests, and God knows what all, for 37 years, I have the feeling now, after all this time, that Paul Is really not retarded at all. I think Paul was probably born mentally ill. That is my supposition. I know a lot of people who are labelled "intellectually handicapped". I have known them since they were kids who are now all grown up, and I think a lot of them are in the same boat. I think that perhaps we should look into seeing how many people are misdiagnosed. I feel that if, inside Paul, he is mentally ill only and not retarded, then, he has been getting all the wrong kind of help for 37 years and the wrong services. There are a lot of other things that we can talk about here, but I would really like to have you talk to us for a minute and ask us some questions, and so on.

Le Président (M. Baril): Thank you very much.

Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier toutes les deux qui nous présentez au nom du Parrainage civique de la banlieue ouest de Montréal, vos réflexions sur le projet de politique de santé mentale. I will ask my question In English. I think it will be easier for Mrs. Taylor, I believe.

Des voix: Mrs. Farley.

Mme Lavoie-Roux: Mrs. Farley, I am sorry. My first question Is: Could you give us some indication of what are respite resources? How much does a family need? I mean, we could decide that they need - t just give you a figure for instance - 200 hours a year or they need more. Has your organization ever given some reflexions in order to... i mean that we could give perhaps three days a week, we know we cannot. How much do you feel is a minimum for respite care for families?

Mme Farley: Okay. Well, I think that that really needs to be done on an Individual basis with each family. We have done out of our office some applications, we have helped families with applications to the Office des personnes handicapées for respite. So, what we really have to do when we do that is sit down with the family and talk about all their needs, how difficult the handicap person is and then go from there to decide on how many hours a week, a month, a year or whatever does that person really need.

I think that it Is very very difficult to say: Okay, we are going to give everybody X number of hours a year respite care. I do not think that works at all. I think that for me personally in my family right now I would really need a whole lot of respite care. We do not go very far and, as 1 say, we are happy with Paul and he does not... You know, we do not get all of uptight with him and everything but lots of families have a big problem with that, I think that is something that really need to have some studies done on and has to be done with on an Individual basis.

Mme Tanguay: I think families with small children might possibly need more respite care than Mrs Farley's family because they have other children that they might want to spend some time with and when the handicap person is home they have to, by necessity, by nature, just give so much attention to this person so that if they can have a weekend or two weekends a month where they can spend time with their other

children and give them the attention that they would need. So, I think it would depend on the age of the family, the situation and how accepting the parents are and all that kind of things. There are so many factors that enter into the situation.

Mme Farley: But Mary-Claire has forgotten to say is that: Do not forget, we are old people now. You know?

Mme Tanguay: You are getting there, you are not yet

Mme Farley: We have other problems other than young children with we have already dealt with.

Mme Lavoie-Roux: You seem to be doing very well.

Mme Farley: This is my daughter, by the way.

Mme Tanguay: Some people are much older and they do need more help.

Mme Lavoie-Roux: Yes. And it also depends on the actual even financial resources of the family too.

Mme Tanguay: Oh yes!

Mme Farley: The financial resources also and how much you can take. You know, what kind of pressure you can take.

Mme Tanguay: But we know too that from CLSCs the home care that is available is very very minimal and if you are a parent and you call CLSC to ask for home care, let us say once a week so you could go on do your shopping, they will say: Well, we do not have anybody right now. So, we will put you on a waiting list. The home care budget have been cut in the CLSCs in our area anyway. They have...

Mme Lavoie-Roux: No. I think perhaps you have not got enough but it has not been cut.

Mme Tanguay: No? It has not have been cut?

Mme Lavoie-Roux: No, no, on the contrary. There has been quite an increase given out in terms but more of the elderlies probably because with the plan of...

Mme Tanguay: In Lac-Saint-Louis, I have heard it was cut.

Mme Lavoie-Roux: No, no, no, no. Mme Tanguay: No? Oh!

Mme Farley: I was also told just before Christmas time to get some help for an elderly man in the Lachine CLSC that they were cut.

Mme Lavoie-Roux: No. Ask them to give you proof of this. Please do, because actually there is increase even through the emergency plan for... So, that there is not enough, I could agree with, but that they have been cut, I cannot agree.

Mme Farley: Well, next time he says that to us madame...

Mme Lavoie-Roux: Send him to me.

Mme Farley: We are going to draft them to you.

Mme Lavoie-Roux: That is it. A second question and then I leave it to my two colleagues. You said you feel that even the existing resources are not being spent the best way it could to make the dollar go further; is there any field or example you could give me on this?

Mme Farley: Well, what I was really refering to there was that... I think that what I was refering to would be a long term sort of thing concerning the money. In other words, if we could start to give families the kind of help and support they need in their home so that they would keep their handicapped person at home as long as possible, then, you see the moneys that would be saved from having them In an Institution, group-homes or whatever - well, group-homes are institutions, as far as I am concerned - those money that is saved could then be used to give more support in the community. It would also help these persons in their family and people in institutions. It would help everybody. But try to maybe find ways of keeping people out of institutions without putting them out in the community on their own, where they have a terrible time and terrible struggle. I could give you lots of examples of psychiatric patients that we are dealing with all the time and their advocates are dealing with who have awful, awful lives. None of you would want to live them, nor would I.

I do not know whether you remember when I was here in 1985 or 1984, whenever we were here...

Mme Lavoie-Roux: In 1985. I remember you too.

Mme Farley: I said something like: Stop this deinstitutionnalization. It is absolutely Incredibly bad news. I have brought these pictures for instance of one of our proteges' apartments; this is the damage he did to it. This is a man struggling to live on his own, in an

apartment, on welfare, who Just went bananas.

Now we wonder, when we talk about public education, when we talk to people who are absolutely terrified of psychiatric patients - lots of people are terrified of my son and he is a lamb - why they are afraid. They have good reasons to be afraid. But a person who does these kinds of things should not be living out all alone In the community; it is wrong. At one point, this same person who was a very III man was abandoned by every service In our community, including his doctor, the social workers at the hospital and other community organizations. Our organization was the only one who stuck with him and finally got him to take his medication and to become stable again. He kept all his private papers in my office; he came to our office every day and spent a lot of hours. One of our volunteers took him In his apartment to live with him during this period. He received no welfare because he had no address, and this gentleman who took him in and myself spent two and a half hours in his doctor's office with him, talking him Into taking his shot

Now that is one of my problems with professionnals and with the people who are supposed to be caring for these people. If they do not do what they are supposed to do, they all abandon them. These are the very people who need help, love and care. But they write them off. They write letters to their doctor; I saw the letters from these groups. The doctor showed them to me: We will no longer have anything to do with Mr. So and So."

Mme Lavoie-Roux: Okay, thank you.

Le Président (M. Baril): M. le député de Uviolette.

M. Jolivet: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais poser quelques questions. La première concerne l'une des recommandations que vous faites et qui est la suivante. Vous dites: Le rapport Harnois propose que les ressources communautaires soient obligées de financer au moins 10 % de leurs budgets. Vous faites la recommandation de reconsidérer ces 10 %. J'aimerais savoir dans quelle intention vous demandez. Est-ce dans l'Intention d'en demander moins en termes de budget autofinancé ou est-ce dans l'Intention d'en demander plus? De quelle façon voyez-vous ce problème? (11 h 30)

Mme Farley: Well, I guess the reason why we said that, about the 10 %, Is because in our organization we have to struggle every year, from day one to the end, to get enough money to keep going. I, personnally, raise all our budget it is about 175 000 $ a year.

I am a person who has not worked for very many years and got paid, it is quite to get a little bit of money after many, many years of being volunteer. But, I know how hard it is to raise funds. It Is particularly difficult right now. It is a tremendous amount of competition. It takes a tremendous amount of your time, you know. In this past fall, we had a theatre night, we had a craft fair, we had all kinds of things. We have got everything coming up from the spring. And although we had a lot of help with our volunteers and so on so forth. We have to become Involved as well.

Am I going to ask volunteers to run around and do all the work for us to raise our money? I just do not do those kinds of things. It is very difficult when you say 10 % of your budget you have to raise it. 1 think it put an undue honest onus your organization to have to do It, you see?

I also know that organizations that do not have to struggle do become and can become compleasant. And maybe, they do not have the right kinds of motives for doing what they are doing, etc. I think it keeps you very honest to have to raise money. But we have to raise so much that to have that sort of hanging over your head, you know, if you are going to get this much money to do this project But if you cannot raise 10 % of it, you know you could not get it. i think that is unfair because, maybe that very service would be the best service to raise in the whole community. And you are going to prive people of that.

M. Tanguay: I think, too, that for all kind of a group th at is a voluntary association, it Is very difficult to raise money. But when you are talking about asking parapublic services to raise 10 % of their budget, it is also unfair. I mean a parapublic service, the only difference between a parapublic service and a public service to me Is that the parapublic board is made up of more community members and the public service is within the public service system, I would say. And the parapublic is supposed to be more community oriented. But basically, the service is the same So, let us say, you have a day center that Is parapublic, like Omega Center, and you have another day center that is public, like the Douglas Day Center. I mean the service is the same kind of service So why do the parapublic has to raise 10 % of its budget? I find that it is very unfair, philosophically and morally that a service that is the same type of a service has to raise 10 % of its budget I realize, though, that the community probably had the intention of keeping these parapublic services more community based, which is great. Because we know that can happen that if you, you know, if you have given everything, that it is very easy to sit back and say Well, we do not have to do this or that! We know that is why the recommendation was there. But still, it is not fair.

I mean, hospitals do not have to raise 10 % of their money. The Douglas Day Center does not have to raise 10 % of its money. So why, should Omega have to raise 10 % of Its money?

it just is not fair.

M. Jolivet: Est-ce que votre organisation est seulement composée de ce que vous appelez des "volontaires*, des travailleurs bénévoles?

Mme Farley: Yes. Our association is strictly "bénévole*. Nous avons des personnes qui aident les personnes handicapées, surtout sur une base une à une. Parfois, des équipes travaillent avec les personnes, surtout les patients psychiatriques.

Nous avons maintenant plus de 300 travailleurs bénévoles dans l'ouest de l'île qui travaillent avec les personnes handicapées.

M. Jolivet: Vous dites que la campagne de sensibilisation devrait porter sur tous les handicaps - avec ce que vous donnez comme réponse, je le comprends bien - et non seulement sur les problèmes de santé mentale.

La discussion qui est apportée ici, aujourd'hui et depuis nombre de jours, porte sur une politique de santé mentale. Une campagne de sensibilisation axée d'abord sur la santé mentale, devrait-elle être diminuée, diluée pour faire une ouverture plus grande sur l'ensemble de tous les handicaps? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a un danger?

Mme Tanguay: Non, je ne pense pas. I think it would be more important, it would have more of an impact if you have all the handicaps in a series, like our TV commercials all have the same theme but different situations, so that when somebody looks at it, you are sort of forced to look at everything. Every handicapped person in the community has the same problem; every family has the same problem, whether it is a senior, whether it Is an Intellectually handicapped kid or whatever, it is the same kind of problems. So, if you are going to do public education, why not get together and do it for everyone, so that you are not spending so much money in this area and so much money in that area. It seems to me be a good Idea, to do it for alt the different handicaps at the same time.

Le Président (M. Baril): M. le député de Laurier.

Mme Farley: In small places, you know, whether it is... For instance, in Northern Ontario, I had a lady come to a meeting, who ran a workshop up there for all handicaps. They were all in the same workshop. You see, she just felt that it was absolutely fantastic. You must realize that all handicapped people are persons just like you and I. They all have certain skills; they have certain talents that they can pass on to one another. And if you have, for Instance, a physically handicapped person in a wheel-chair and an intellectually handicapped person together, there is all kind of things where they can reciprocate in helping one another, you know. You see, we do not... One of the problems with the whole Social Service System, In my opinion, is this segregation of persons. It is very evident in the system and in the different departments, whatever we call them, where if you are working on behalf of intellectually handicapped persons, like: Do not talk to me about people with mental health problems, do not talk to me about old people or do not talk to me about people In wheel-chairs. They do not want to hear it. The problem is in trying to deal with all kinds of people together.

I started an organization - a year or two, maybe three, I forget how many years ago, now - called Connection 3, which is an organization to help people find jobs, handicapped people and disadvantaged people. I brought together a coalition of persons to start this organization from all those different handicapped sectors, from the battered women shelters to all the people that I felt could benefit from this organization. I am going to tell you that it took three years even to get them to really be able to sit down and talk to one another, to agree to do anything together and it has still really not happened. You know, we could save so much money by doing these things.

Mme Tanguay: If you have the respite care, for Instance, all in the CLSC and then anybody who needs it can phone there. One number and no matter what your problem is, you might have different specialties within the CLSC, like somebody might sort of specialize in different areas, different home care people but, at least, you would be giving one service to everyone who needs that service, so that you are not duplicating services.

M. Sirros: Non, mais si je peux seulement...

Mme Farley: We see it from... There Is asimilar commission in "déficience intellectuelle". That commission has also asked the regional council to prepare un "réseau de services, une gamme de services", which we have also sent a brief to the regional council and to that commission. That is really a parallel kind of thing to this commission, in other words, the two commissions In the two different areas of handicap are doing the same kind of work and asking for the same kind of "réseau de services" to be set up.

So, where the services can be put together, like respite it, would be fairly simple to do. And day centers, for instance. The day center that I was talking about in the points that I mentioned earlier, it was for people with psychiatric problems and the intellectually handicapped people who came also had mental health problems. To show you how widespread our attitudes are and how necessary is public education, the psychiatric patients did not want to have anything to do with them at first. Oh, they are

retarded, they should not be here! Type of thing. But after a while, they got to do things together and it was very mutually beneficial.

Le Président (M. Baril): Le député de Laurier would like to...

M. Jolivet: Oui, c'était à ma demande.

M. Sirros: C'était pour poursuivre sur la question. Concerning the question that was asked about the publicity campaign or the sensitization if you like. Don't you find, though, that the community or society as a whole is already a little bit more sensitized into accepting physical handicaps, even intellectual handicaps, but that there is perhaps a greater need to sensitize the community in terms of mental illness...

Mme Tanguay: Oh, I think from our...

M, Sirros: ...and, In that sense, that the publicity campaign, if you like, should perhaps be more centered on that than just a general acceptance? I think that was the question, basically.

Mme Tanguay: Well, yes. I agree that the worst area is mental health. There Is no doubt about it. I mean, people are more afraid and have less information about that than any other kind of handicap. And you can see from our pre-test, our phone survey, all the information is there. But, physically handicapped people, still they have problems. They are not allowed in restaurants. The waiter comes to the table and addresses the person with them rather than the person in the wheel-chair. They think they are mentally deficient or mentally ill or something.

So, I do agree with you that mental health is the one area that is very, very bad as far as the public is concerned. But all the area could still use...

Le Président (M. Baril): M. le député...

M. Jolivet: II y aurait un danger, je pense, de joindre à ce vocable de santé mentale des problèmes de handicap physique ou intellectuel. Il est faux de prétendre que toutes les personnes qui ont des handicaps physiques ou des handicaps intellectuels sont des gens qui ont des problèmes de santé mentale.

Or, le danger de faire une campagne de sensibilisation, tout cela en même temps, c'est un "melting pot" qui est dangereux, à mon avis et c'est plutôt à l'Office des personnes handicapées de prévoir ces choses et, dans une politique de santé mentale, une sensiblisation sur ce point-là, centrer notre action sur les problèmes de santé mentale et non pas vouloir en faire une campagne tellement large que l'objectif précis qu'on veut viser ne sera pas atteint. Vous ne croyez pas?

Mme Tanguay: Non. Je pense qu'une campagne, si c'est pour tout le monde, tous les handicapés, cela va être une meilleure chose pour tout le monde. Mais c'est encore une affaire où les deux commissions parallèles font la même chose. Il faut être ensemble à une table pour faire une campagne de publicité. Je pense que cela va être la meilleure chose.

M. Jolivet: En tout cas, quant à moi, j'ai quelques réserves, parce qu'on est en train de vouloir changer les mentalités sur ce qui est une maladie mentale ou sur une approche de santé mentale, si on veut être plus positif, et j'ai des problèmes à lier les deux. Je ne dis pas que les deux ne sont pas nécessaires.

Mme Tanguay: Oui.

M. Jolivet: Je dis que les deux liés ensemble auraient pour désavantage de mettre dans des problèmes de maladie mentale ce qui n'en est pas, dans le fond.

Mme Tanguay: Mais la partie la plus importante d'une campagne de publicité, c'est de... actually meeting people and getting together with people that are handicapped and going into the schools is very important, talking to groups. We did it through the churches too and that Is where you get your people. They don't watch the TV that much. If they do, at the commercials, they get up and get their beer. But, if you go to the church, if you go the school, if you go to the shopping centres, that is where you are going to have your impact and that is where you can center on whatever you want to center on more than anything else.

But, if you are going to the expense of doing a public education campaign, then, one should really do it for all persons that have handicaps. Because you have a certain kind of problem in your family or you have a certain kind of problem that you deal with all the time, you tend to think that is the most important problem, but everyone that has a handicap has a problem. Every family that has a handicapped member has a problem. (11 h 45)

M. Jolivet: Une dernière question quant à mol, pour le moment. Vous parlez des programmes de formation. Vous dites que ces programmes devraient s'étendre aux ressources communautaires et aux bénévoles, aux volontaires dont vous faites mention et être disponibles en anglais. J'aimerais connaître votre opinion. Pourquoi dites-vous ces choses? Est-ce que, pour vous, les programmes de formation qui existent actuellement ne sont pas disponibles, même par l'Intermédiaire des collèges d'enseignement professionnels, les cégeps, comme on les appelle, ou les universités qui en donnent actuellement, même dans des contextes d'aide à des groupes

bénévoles? L'autre point dont vous parlez, c'est qu'ils soient disponibles en anglais. Est-ce qu'ils ne sont pas disponibles actuellement?

Mme Tanguay: No. That part of the brief was based on the Centraide Conference that we attended in the fall. It was on training. And at the conference, they had invited all the centres that did training, including l'Université de Montréal. The English universities do not get into that. The Université de Montréal has a special section which is very well known evidently and I had never heard of it, being In the English "milieu". But it was very well known to the people at the conference. There were many people there and none of them had anything In English because... I do not know why, but we just developed our own kind of training things for our volunteers, for our advocates on community resources, treatments, problems and skills. We invite social workers to come in, doctors or whatever to come and talk to our advocates. That is how we do our training. But I was very shocked, at that conference, to see that there was absolutely nothing in English, not one group gave anything in English.

Mme Farley: There is nothing at the regional council in English, either in all the training programs. Every time I get this in the mail about.. I just got one, it is a matter of fact, this week, I just have to call every time and say: Are your going to have anything in English? They never have anything In English, nothing.

Mme Tanguay: It would be good for some groups in English too because the descriptions of some of the courses were how to set up a board or the composition of the board, training skills and listening and this and that for volunteers and, yet, so far, as I know, there is really nothing given in English within these... There might be some courses at the cégeps in listening skills or helping skills. But that is not really centred on the "bénévole", you know. It is more directed to people that will be going into services like social workers or that kind of thing.

M. Jolivet: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M le Président. In the passed couple of days, we had a number of interventions about the partnership approach of parents or extended families and the institutions and the professionals. The point being made from the doctors to the social workers, psychologists, psychiatrists, that tends to be two worlds and that partnership does not exist. I know that you have had a lot of experience in that. I wonder if you would share a little bit your thinking with the members, the problem that exists and how you see some of the things that might be done to eliminate that.

Mme Farley: I think that we have had a lot of experience. I certainly have had a lot of experience in that over the years as a parent. It was very Interesting for me, two or three years ago, to attend a luncheon given by Health and Welfare Canada actually to meet a doctor...

Une voix: It was not a doctor...

Mme Farley: Whatever he was, anyway. He was a man from Boston who ran this continuing independent living organization. As we chatted in the afternoon, I was telling him about how we started our services In our area for the intellectually handicapped, 30 years ago and how we did as parents. We ran services ourselves because we had no money. So, you know, we worked in workshops and we did everything that was to do, you see. If we finally got a little bit of money to hire a person, then we went in as volunteers to help that person. And then, of course, when we started to get a little bit more money and some government money and then we started to hire more staff, we found ourselves as being relegated to the outside world: and please go away and leave us alone and you are all a bunch of emotional freaks and you do not know anything and go. You see. That was the attitude towards parents. And, weren't we stupid, you know. As this man said to me: Well, where your major mistake was, that you did not hire yourselves. When you got money to be able to run the service, why did you give them up to other people? That is because we are intimidated. We are intimidated by government. We are intimidated by professionals, by the doctors, by all these people like we do not know anything.

Welt, of course, when you get to be my age, you realize how stupid you were and you realize all the kinds of things that you let go by that you should have done and I also know that the people do not learn from history, people do not learn from other peoples' experience. Very frustrating for me because nobody listen to me, but, maybe the service would have been better if we had hired ourselves to run the service? I mean who knows these people better than their mothers? Like nobody knows them better. And I include the doctors and everybody else in that statement.

So, to try to get a parent groups and professional groups together is a very difficult challenge, a very difficult challenge.

M. Thuringer: Are you saying... Maybe I am getting the wrong message. Certainly that the parents should be more implicated. Are you saying that there should be no professionals now?

Mme Farley: No I did not say that there should not be any, you know. Do not quote me on that... But...

M. Thuringer: No, no, but..

Mme Farley: I am saying that...

M. Thuringer: The roles...

Mme Farley: I am saying that, for Instance, and I know this now because I have proven it by having advocates. An advocate can go in to an institution or to a service on behalf of a handicapped person and get more respect, better answers, get things done, a hundred times better than a parent can. And I know that for sure, you know because I have all kind of cases to prove that. You see because of the attitude of the professionals towards parents.

Mme Tanguay: I think in the brief...

Mme Farley: And that is fact

Mme Tanguay: ...we did mention the fact that we think in training for professionals. That professionals need to have some sensitization on the family and the needs of the family.

Mme Farley: They need a sensitization on the needs of the handicapped people.

Mme Tanguay: And the needs of the handicapped people. I co-teach a course in Concordla University in the Education Department on children with health problems and handicaps and that whole course for teachers is a sensitization course. We spend many hours talking about public attitudes. We spend hours talking about what happens with families, what happens with people, how the development of a diminished self concept in the handicapped person because of the attitude of others and we show a film which is a horrible film and it Is called "Stress and parents with handicapped children". And it was made In the 1950's and it is in black and white which makes it even more horrible. And after the film, the students always say: Oh, turn it off, I do not want to watch it anymore. It is awful. It is terrible. And I say: You had to watch the film for half an hour and you found it awful, What if you had a handicapped child and you had to live that for 24, 48, X number of hours, 30 years? And then they begin to get the feeling of what It is tike to be a parent of a handicapped person. But, before that, all they know about this is what kind of pedagogy we should use to teach this kind of child. And that is not what they need to know. They need to have some compassion. They need to have some understanding. And all professionals, doctors, social workers, all of them need to have that sensitization. They need to feel themselves what it is like to live that kind of life with a handicapped member and they do not have it

That is why, I think, there is that problem between the families and the professionals because the professionals know what they are doing and they do their job well, but do they really understand what it is like to live the kind of life that the parents live? And parents, because of everybody else's attitudes, have that feeling that: Oh well, took at how everybody else must be looking at my child. They might feel guilty because they have that child. This attitude is our public education thing again coming up that affects the parents, that affects the professionals, that affects the person. It just comes out everywhere. I thfnk that the whole problem there between the professionals and parents and families really has to be attacked at that training level which was mentioned In the document. There is no other two ways about it, but ft has to be done in a way. It might be terrible. You might show terrible films, but at least the people will get an idea of what it is like.

Le Président (M. Baril): Thank you very much, madame.

Pour le mot de la fin, M. le député de J olivet

M. Jolivet: De Laviotette.

Le Président (M. Baril): Excusez... de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, mesdames, pour votre présentation et bonne chance.

Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également vous remercier pour votre mémoire. Je pense qu'on a touché à chacune de vos recommandations. La question du répit, c'est quand même pour nous une priorité. Dans quelle mesure on pourra répondre à tous les besoins, c'est une autre chose, mais je pense qu'on devra, comme vous le mentionnez, l'examiner de plus près.

Dans le cas du budget, ne pas exiger les 10 % de sollicitation de budget pour les organismes bénévoles, et vous faisiez une comparaison avec le public et le parapublic qui n'ont pas à aller chercher leurs 10 %... Mais it ne faut pas oublier que les organismes bénévoles ont aussi... Est-ce que 10 % c'est trop? On peut l'examiner de plus près. Vous avez aussi une autonomie que vous tenez à conserver. Si vous dites: Financez-nous, même si ce ne sont pas les montants, mais de la même façon que le public, à ce moment-là on peut risquer de remettre en question votre autonomie.

La formation des professionnels en langue anglaise, c'est la responsabilité des universités et

des cégeps. Même si c'est au secondaire, je pense qu'il y a des dispositions en anglais. Il y a déjà eu des cours de langue anglaise organisés pour les bénévoles qui travaillent dans les hôpitaux. Il faudrait peut-être voir s'il y a des disponibilités pour de la formation pour les bénévoles et, à ce moment-là, il faudrait tenir compte des groupes qui travaillent dans la communauté anglophone. Encore une fois, est-ce que l'argent qui serait disponible pour la formation irait en premier lieu à cela? Ce sont des choses qu'il reste à déterminer.

I want to thank you. I know you are doing a lot of work and working very hard, and it is very important. I congratulate you for it. Merci.

Le Président (M. Baril): Mrs. Farley and Mrs Tanguay, thank you very much and have a safe trip home.

Mme Farley: We had an awful trip here. So, I hope it is going to be better going home.

Mme Tanguay: We will leave the tape and the other things for you to look at sometime.

Le Président (M. Baril): Sure. Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Baril): The commission will look at it. (12 heures)

Mme Farley: I cannot leave the pictures.

We are, I think, going to be applying for a national grant to do public education project. The way we are going to do that, in our application, we are going to suggest doing it through shopping centres of Canada. When we did our month in the city of Pointe-Claire and had our weekend at Fairview, we had tremendous support from Cadillac-Fairview. Cadillac-Failrview put 50 000 $ into that weekend up their money. They are very excited about us applying for this grant, they are going to help us every way they can going through the Shopping Centre associations across Canada and, actually, also into the States because their head office for their association is In New York. So we are going to beginning now to present the first draft of our proposal. I have also spoken to Health and Wilfare Canada about it and I think they are going to consider it too very seriously because I think we need to have money from the private sector coming In to do these kinds of programs.

They input equal amounts of money for instance to do this kind of an education project. It is a very big PR plus for them. They are not doing this because they love doing these things, they are doing it as PR project too. So, I feel that the more that we can get the private sector involved in putting their dollars in, the more work we can do and the better job we can do because they have got all kinds of fantastic skills In this kind of think that they can help us with. Anyway, that is all.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Baril): Thank you very much, madame.

J'appelle immédiatement te groupe Réseau d'action pour une santé intégrale à se présenter, s'il vous plaît. Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue. Je tiens à vous rappeler nos règlements. Nous avons une heure au total, dont 20 minutes pour votre présentation. SI vous voulez vous présenter et présenter vos Invités, s'il vous plaît

Réseau d'action pour une santé intégrale

M. Martel (Paul): Je suis Paul Martel, avocat. Je viens ici en tant que secrétaire du Réseau d'action pour une santé intégrale. Je remercie la commission d'avoir accepté de nous rencontrer. Évidemment, nous déplorons n'avoir que 20 minutes pour dire tout ce qu'on a à vous dire. On va essayer de faire cela le plus vite possible.

Je vous présente à ma gauche Michel Vézina, psychologue; à ma gauche immédiate, Frances Boyte, diététiste; à ma droite, Jean Drouin, médecin.

Nous sommes tous les quatre membres du Réseau d'action pour une santé intégrale. Contrairement à moi qui ne suis pas un praticien de la santé "full time", mes collègues non seulement pratiquent dans un bureau privé, mais ont aussi travaillé dans des institutions. Ils ont donc une expertise qui sera pertinente pour les fins de notre présentation.

Le Réseau d'action pour une santé intégrale qu'on représente est une corporation sans but lucratif qui a été formée il y a cinq ans et qui regroupe aujourd'hui environ 200 praticiens de la santé. Quand on dit "praticiens de la santé" il y en a à peu près la moitié qui sont des professionnels de la santé au sens du Code des professions; ce sont des médecins, des infirmières, des diététistes, etc. L'autre moitié sont ce qu'on appelle les thérapeutes alternatifs, ceux qui ne sont pas des professionnels reconnus comme, par exemple, des acupuncteurs, des homéopathes, des orthothérapeutes, etc., de sorte que notre regroupement forme une espèce de synthèse et d'osmose entre les praticiens de ce qu'on appellera ta médecine traditionnelle, les professionnels, et aussi ce qu'on appelle les alternatifs.

On n'est pas ici, même malgré notre nom qui peut vous sembler un peu "flyé", pour représenter seulement certains intérêts qui pourraient être presque méprisés parce qu'on ne fait pas partie du circuit. Le but du Réseau d'action pour une santé intégrale est de réunir

des thérapeutes qui sont unis par une philosophie. C'est un groupe de pensée qu'on forme autour de ta philosophie de la santé intégrale. Je vais demander au docteur Drouin de l'expliquer tout à l'heure, parce que, finalement, c'est Important de comprendre où on se situe, puisque tout notre mémoire découle de cela. Mais ce que la corporation fait, c'est de mettre ses membres en contact pour qu'ils puissent échanger différentes remarques, techniques ou approches vis-à-vis de la santé, pour qu'ils puissent fraterniser et, en même temps, faire certaines démarches collectives dont le présent mémoire est un exemple.

Je demande tout de suite au docteur Drouin d'expliquer rapidement ce qu'on entend par philosophie de la santé intégrale.

M. Drouin (Jean): Au départ, il est important de situer la santé Intégrale. Vous avez probablement vu aussi santé globale, santé holistique, médecine alternative, médecine douce ou médecine complémentaire. À toutes fins utiles, c'est la définition de la santé telle qu'on la perçoit dans des approches dites alternatives, quoique je souhaite plus qu'on les dise approches complémentaires dans le sens où on doit maintenir une ligne qu'on appelle du centre et intégrer les approches selon les besoins.

La définition de la santé Intégrale telle qu'on la perçoit, évidemment, c'est un état de bien-être - c'est sûr qu'on s'entend tous là-dessus - blopsychosoclal. Pour l'Instant, cela n'apporte rien de nouveau en soi à tous les concepts biopsychosociaux qui sont nés durant les années soixante-dix. Là où on apporte des teintes un peu particulières, c'est du côté écologique, évidemment, blopsychosoclal écologique. Un exemple pratique, je pense aux recherches actuelles que vous avez probablement vues dans les journaux médicaux sur les pluies acides et la maladie d'Alzheimer. On pourrait allonger la liste. Donc, il y a une conscience environnementale dans la notion de santé.

Il y a aussi la connotation spirituelle. Évidemment, la connotation spirituelle fait toujours peur et les gens nous disent: C'est une nouvelle secte. On sait que c'est inquiétant de nommer et de parier de spiritualité. Maintenant, à travers cette notion de la santé globale, on peut définir la spiritualité comme étant un peu donner un sens à sa vie. On n'est pas obligé de sortir l'encens et de porter une robe spéciale pour parler de spiritualité. À toutes fins utiles, c'est se centrer, donner, comme je vous le disais, un sens à sa vie. SI on reprend cette définition, notre définition de la santé globale inclut évidemment la notion "biopsycho" et la notion de santé mentale. On retrouve un peu notre mémoire. C'est sûr que, pour nous, la santé mentale, c'est évidemment toute pathologie, tout problème de santé d'allure mentale qui a aussi une résonnance physique; l'inverse est aussi vrai. On connaît tous les notions de psychosomatique et de somatopsychique, donc, un ulcère d'estomac dû à un régime de vie, à de mauvaises habitudes de vie, mais aussi l'inverse.

Pourquoi parle-t-on de santé mentale et de santé globale? Évidemment, la réaction à la globalité est venue du réductionnisme. On a tous connu, depuis tes années soixante, une théorie réductionniste en santé, soit de prendre les problèmes d'allure psychologique séparément des problèmes d'allure physique. La médecine s'est évidemment compartimentée en multiples spécialités, et c'est un peu ce mouvement de réaction, tout en ne rejetant pas ce qui se fait actuellement, mais de ramener un peu la barre au centre. C'est un peu le message de la santé globale.

Évidemment, iI y a un grand principe en soi, c'est que la maladie a un sens. Il n'y a pas de hasard si un client nous consulte à une journée X, plein de symptômes X, et c'est aussi ce sens de la maladie qui doit être retrouvé. Autant en santé mentale on parle de tous les problèmes psychosociaux ou de la famille, autant il y a ceux de ('alimentation dont on parlera tantôt. Donc, la maladie a un sens et l'autonomie du client doit être recréée à la suite de cette Identification du pourquoi de la maladie. Le client qui se présente à votre bureau, le client en santé mentale qui se plaint d'une pathologie particulière, il y a une origine qui peut être blopsychosociate écologique et spirituelle. Alors, c'est un peu tout notre cheminement qu'on veut vous présenter aujourd'hui.

Évidemment, on ne vous parlera pas non plus des thérapies qu'on a arrêté de compter. Des thérapies, il en sort tous les jours, des thérapies alternatives en sol. Mais ce qui est Important, c'est la relation thérapeutique. Le temps est un élément important dans la relation thérapeutique. La thérapie en soi a peu d'importance. Donc, on ne veut pas dire qu'une thérapie est meilleure que l'autre, mais on veut revenir tout simplement à la notion de partenaires thérapeutiques où le client et le thérapeute, le client et les groupes sociaux intervenants ont une notion d'égalité et d'apprentissage, toujours dans le sens de la prévention, dont nous allons aussi vous parier un peu dans quelques minutes.

Je ne veux pas prendre trop de temps. On pourra y revenir durant la discussion. Je voulais juste donner un exemple pratique. On voit beaucoup de philosophie à travers tout cela. J'ai pris un exemple qui se présente tous les jours à nos bureaux: c'est le cas de la migraine. Vous allez me dire: C'est loin de la santé mentale. Mais, à toutes fins utiles, ce n'est pas si loin de cela. Il y a aussi dans les cas de migraine une approche médicale, soit d'éliminer dans tous les maux de tête les aspects tumeur" et autres. Mais il y a aussi un aspect environnemental, l'aspect de l'alimentation, l'aspect de la prévention, l'aspect de gérer sa vie et le pourquoi. Pourquoi le client se présente-t-il à un moment X, aujourd'hui, pour sa migraine? Qu'est-ce qu'on

peut faire à partir de cela? Il ne faut pas tomber dans ta culpabilité et dire: Tu l'as bien méritée, ta migraine. On ira plus loin. Il y a quand même une notion dont on pourra aussi reparler du côté pratique, la notion de prévention et du sens de la maladie. C'est toujours le discours de la santé globale.

En terminant, on pourrait parler un peu plus loin, à travers nos échanges, de la recherche. Je crois fermement, et nous le croyons ici aussi, que la recherche devrait faire partie de tout ce cheminement, autant des approches globales, des approches hostiles, mais en matière de santé mentale aussi. SI on résume la définition, c'est vraiment le biopsychosocial, incluant l'écologique et le spirituel, qui est la définition de ta santé globale telle qu'on la perçoit dans les approches alternatives et au RAPSI.

M. Martel: D'ailleurs, nous avons en annexe au mémoire sur la santé mentale un tableau qui explique très clairement ce qu'on entend par l'approche holistique ou alternative par rapport à l'approche biomédicale.

La raison pour laquelle nous sommes Ici, c'est qu'en lisant le rapport du comité Harnois nous avons constaté qu'il n'était pas question de nous du tout. On a remarqué qu'il était question par contre de ce qu'on appelait les ressources alternatives. Quand on a vu ce titre, on pensait qu'il était question de tout ce qu'on appelle les médecines alternatives, mais on s'est aperçu que ce qui est visé par ce titre, ce sont plutôt les groupes ou organismes sans but lucratif, en fait, des groupes comme on vient d'en voir tout à l'heure et vous devez en voir plusieurs. Mais cela ne visait pas du tout des thérapeutes, des professionnels ou des gens qui n'étaient pas reconnus là-dedans.

Pourtant, les caractéristiques que le rapport donne aux ressources alternatives qu'on recommande d'inclure, d'admettre ou d'encourager, se retrouvent toutes dans ce que font les thérapeutes, les praticiens des thérapies alternatives.

Quand on parle de privilégier la participation active de la personne concernée dans la définition et ta satisfaction de ses besoins, d'aide de dimension restreinte et personnalisée, d'accorder une attention particulière à la promotion, de privilégier l'entraide, le soutien mental, etc., c'est exactement ce que les praticiens de ces thérapies vont faire.

Alors, on s'est aperçu qu'il y avait au plan des principes une porte d'entrée dans ce rapport exactement pour ce que nous représentons et présentons. Notre but en venant ici, c'est seulement pour vous dire: Écoutez, on est là; on va répondre exactement à ce que vous dites. D'ailleurs, quand on regarde les difficultés que le comité soulève concernant te genre de traitement qui est donné, les objets d'actions prioritaires qui sont mentionnés - on en énumère quatre dans notre mémoire - on ne dit pas qu'on a réponse à tout, mais, en fait, ce que le RAPSI représente, ainsi que tous les thérapeutes qui sont là, c'est déjà une forme de réponse à ces choses. (12 h 15)

Ce que le mémoire vous donne, en fait, dans la première partie qui est une question plutôt philosophique, c'est seulement d'expliquer ce qu'il faudrait dans une politique de santé mentale. Pour nous, d'ailleurs, entre parenthèses, celle-ci ne devrait pas se limiter à la santé mentale; la santé, c'est la santé, cela englobe toutes les dimensions, le physique, le biologique, etc. Dans cette politique, II faudrait faire une place aux thérapies alternatives et à la philosophie qui les sous-tend, l'approche globale de la santé. Cela semble bien vague de dire cela, mais, en pratique, ce que cela veut dire, c'est de laisser faire tout simplement tes gens qui sont déjà dans ce domaine, qui partagent déjà cette philosophie, qui veulent déjà la pratiquer. Le cadre actuel du système n'est pas propice à cela. Au contraire, il est plutôt néfaste et négatif dans cette direction. On pense que cela ne joue pas du tout à l'avantage du public en ce qui concerne fa santé mentale comme la santé physique.

C'est pour cela qu'on a joint un autre mémoire qu'on avait présenté à la commission Rochon, qui s'intitule: Pour un véritable système de santé au Québec. On considère que tout ce qu'on a dit là-dedans s'applique intégralement à fa santé mentale qui, encore une fois, s'inscrit dans la même réalité.

Dans la deuxième partie, on donne certaines recommandations plus précises pour essayer de mettre un peu de concret sur ce qu'on formule. Il y a tellement de possibilités qu'il ne sert à rien d'essayer de tout énumérer. Là, je vais demander à Michel Vézina d'expliquer un peu les recommandations plus pratiques.

M. Vézina (Michel): Je vais seulement continuer dans la même veine en disant qu'une politique de santé mentale devrait se prononcer sur les approches cliniques, sur la nature et la qualité de ces approches. Le deuxième point dont j'aimerais parier, c'est qu'une politique de santé mentale devrait mettre davantage l'accent sur la promotion et la prévention en santé plutôt que sur le curatif.

Je vous parle un peu à la suite d'une expérience professionnelle d'une quinzaine d'années en santé mentale et je m'aperçois que la clientèle qui vient nous consulter est une clientèle qui est de plus en plus lourde. Le geste face à la santé mentale est soit de faire appel à des services médicaux soit l'utilisation abusive de médicaments. Ce dont je voudrais vous faire part, c'est qu'il est possible de travailler à promouvoir et à faire des activités préventives dans le domaine de la santé mentale, Ce que nous vous proposons, c'est de mettre l'accent sur la santé mentale des jeunes. Je vous réfère à une expérience que nous avons faite à Saint-Augustin

depuis juin 1985 auprès de 1000 enfants. On a essayé de travailler sur la diminution de la tension et de la violence observées à l'école. L'impact de cette Intervention a permis l'utilisation des ressources communautaires, d'une part, et la formation de multiplicateurs au niveau de la santé, d'autre part, ce qui fait qu'en fin de compte les enfants apprennent davantage à mieux gérer leur vie, à faire face à des situations qui sont plus stressantes. Cela a également eu un Impact sur les organismes communautaires qui ont développé, par la suite, la préoccupation qu'on a amenée face à cette problématique.

Ce qu'on voudrait que vous reteniez, c'est, d'abord, de travailler à l'information et à l'éducation dans le domaine de la santé et cela, selon la préoccupation qu'on a qui est plus une santé globale qu'une santé mentale. Le deuxième point, c'est qu'on puisse travailler à la formation de multiplicateurs, de multiplicateurs au sens large, tant au chapitre des ressources communautaires que des intervenants sur le terrain, et le troisième, c'est qu'on puisse travailler à la modification en vue de la prévention d'attitudes et d'habitudes de vie.

Je vous donne ces exemples, parce que la clientèle adulte que je vois me dit: Si j'avais su, si quelqu'un m'avait montré comment, peut-être que j'aurais pu éviter de. C'est ce message qu'on pourra peut-être commenter lors de la période des questions.

Le Président (M. Baril): Vous pouvez continuer.

Mme Boyte (Frances): Je vais vous donner un exemple. On a parlé d'habitudes de vie qui causent une grande partie de nos maladies actuelles. L'alimentation est une de ces habitudes de vie et elle permet de faire le joint entre santé physique et santé mentale, peut-être.

Votre gouvernement et une grande partie de la population aujourd'hui réalisent que l'alimentation est un facteur de santé physique. De plus en plus, on s'aperçoit que l'alimentation est aussi un facteur de santé mentale. Il y a une recherche aux États-Unis qui a été faite dans un certain comté et cela, grâce à un officier de probation. On a décidé de donner une sentence et une diète; ce qui est assez unique, en fait. On dit que le taux de criminalité dans ce comté comptait 43 % de récidivistes qui venaient après une sentence. On l'a diminué à 11 %, tout simplement en changeant l'alimentation. La criminalité, c'est un trouble de comportement associé à la maladie mentale et cela nous montre jusqu'à quel point l'alimentation joue sur notre état de santé mentale et non seulement de santé physique. Je pense qu'on pourrait exploiter cela.

Les thérapeutes de pratique alternative pourraient aussi favoriser ces choses, parce que l'alimentation, on ne le comprend pas toujours simplement et facilement. Il faut peut-être alter par d'autres voies qui permettent d'entrer en contact avec soi comme, par exemple, la relaxation. Ce sont des méthodes de pratique alternative qui peuvent permettre une meilleure compréhension et qui visent un état de santé global. C'est un petit exempte qui nous fait voir cela.

M. Martel: Étant donné que notre période de 20 minutes est quasiment finie, d'après ce que je vois, je vais quand même conclure cette partie d'exposé en espérant que vous allez avoir des questions à poser à mes collègues.

Ce qu'on demande au gouvernement, ce qu'on propose, ce n'est pas de nous fournir des ressources. Je pense bien que ça doit être achalant d'être obligé d'en fournir quand on cherche l'argent. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il existe actuellement des ressources. Il faudrait juste permettre aux gens d'avoir accès à ces ressources et de laisser ces ressources Influer sur le système et amener les changements qui, d'après nous, vont venir, parce que c'est tout un courant auquel on assiste qui est en train de se produire. Mais la question, c'est: Est-ce qu'on va le laisser être freiné ou est-ce qu'on va le laisser se développer?

Les ressources déjà existantes. En fait, vous avez... Nous, au RAPSI, on a déjà plusieurs thérapeutes et il y en a d'autres qui ne sont pas membres chez nous qui ont cette philosophie, qui ont cette approche et qui obtiennent de bons résultats. Il y a d'autres thérapeutes qui ne sont pas reconnus actuellement par te système du Code des professions et qui, en fait, sont persécutés, parce qu'ils essayent de faire du bien à des gens. C'est cela qui se passe.

Plus pratiquement, à l'intérieur même d'une politique de santé mentale, il y aurait un avantage évident, d'après nous, à reconnaître les sages-femmes, parce que cela va améliorer toute la question de la naissance et que cela aura un effet ensuite sur tout le reste de la vie. il y aurait avantage à permettre aux infirmières, tel qu'elles le demandent, de pouvoir s'adonner aux thérapies alternatives. Il faut savoir qu'actuellement le système juridique, la loi médicale plus précisément, empêche toute personne qui n'est pas médecin de s'adonner à ces thérapies. Le problème, c'est que ce ne sont pas seulement les gens qui ne sont pas médecins qui se font poursuivre et condamner. Récemment, le mois dernier, un massothérapeute a été condamné, parce qu'il avait donné un massage à une personne qui était fatiguée. Le juge a dit que c'était un exercice illégal de la médecine, L'application de cette loi en est rendue à ce point. Alors, les gens qui ne sont pas médecins sont persécutés et ceux qui sont médecins et qui veulent ajouter cela à leur pratique se font, eux aussi, persécuter, mais par leur propre corporation qui invoque le code de déontologie qui ne permet pas d'utiliser des choses qui ne sont pas éprouvées scientifiquement. De sorte que personne au Québec ne pourrait avoir recours à toutes ces approches qui, pourtant, sont là. Cela veut

dire que les gens qui le font, ce sont presque des martyrs et qu'on ne peut compter que sur eux pour que cela progresse, lentement. On demande tout simplement au gouvernement d'enlever cette barrière pour que ces gens puissent s'épanouir. On a des propositions bien précises que vous pourrez examiner sur la façon dont cela pourrait se faire.

On dit aussi qu'il est très important d'insister beaucoup sur la prévention. Si on essaie de continuer à mettre de l'argent et des efforts dans le curatif, comme c'est souvent ce qui se produit, on va être dans la même situation qu'un gouvernement qui met beaucoup d'argent dans la construction d'écoles pour payer des professeurs, tout cela pour des étudiants qui n'étudient pas et qui doublent tout le temps. Il va falloir que les gens apprennent à étudier, apprennent à se responsabiliser et it y a une approche qui pourrait justement leur permettre de faire cela.

Le Président (M. Baril): M. Martel, si vous me le permettez, votre temps est écoulé. Je suis certain qu'avec les questions vous pourrez continuer à émettre vos opinions. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants du RAPSI, le Réseau d'action pour une santé Intégrale, de leur mémoire. Je pense qu'il y a des points sur lesquels on peut s'accorder. Il y en a d'autres avec lesquels je me sens peut-être non pas en opposition, mais, en tout cas, je pense qu'ils doivent être fouillés davantage avant de... En ce qui a trait à votre définition de la santé globale qui doit couvrir les aspects biopsychosociaux, vous ajoutez l'environnement ou l'écologie et la spiritualité, je pense que c'est une définition plus grande. On a déjà eu un peu ce débat la première ou la deuxième journée où on a dit: Le social couvre aussi - mais là, peut-être qu'on n'a pas raison - les facteurs spirituels et même écologiques, parce que le social, c'est un ensemble, c'est beaucoup plus grand si on le prend dans un sens large. Mais je pense que là-dessus il n'y a pas de problème. Dans le fond, ce que vous venez demander ici, ce que vous venez nous dire ici et que vous avez aussi demandé à la commission Rochon, parce que j'ai un peu parcouru le rapport que vous avez déposé à la commission Rochon, c'est qu'on vous accorde une place dans le réseau alternatif. De fait, je pense que vous y êtes déjà.

On a eu ici deux expériences de groupes du réseau alternatif. Je pense qu'il ne faut pas confondre réseau communautaire et réseau alternatif. En tout cas, de la façon qu'on l'a compris ici, le réseau communautaire étend ses ressources bénévoles qui, dans la communauté, s'intéressent à une problématique particulière et essaient d'offrir des services complémentaires à ce que le réseau public ou parapublic offre, tandis que le réseau alternatif - c'est comme ça que je crois comprendre votre position - c'est vraiment un réseau alternatif par rapport au réseau traditionnel, si l'on veut. Est-ce que c'est comme ça qu'il faut le comprendre, parce que tantôt vous avez mêlé un peu le communautaire et l'alternatif?

M. Martel: L'idée, c'était que, dans le rapport lui-même, on parlait de ressources alternatives et qu'en fait ça désignait les ressources communautaires. Ce que nous disons, c'est qu'il y a des ressources qu'on appelle alternatives aussi et qui visent une autre réalité qui, elle, ne semblait pas du tout être couverte par le rapport. On voulait dire que les notions qui s'appliquaient là s'appliquaient à nous aussi.

Ce n'est pas un réseau alternatif qui est à part du réseau officiel, parce qu'il y a beaucoup de praticiens qui sont membres de ce réseau. C'est juste une façon de voir les choses, une façon de pratiquer.

Mme Lavoie-Roux: M. Paquet, qui était un des membres du comité Harnois, me dit que, quand on parlé d'alternatif dans le rapport, on Impliquait aussi une notion de communautaire et que le mot alternatif en soi veut dire une philosophie d'intervention différente. Alors là. je pense qu'il y a peut-être une différence entre le communautaire et l'alternatif.

Remarquez bien que votre approche est séduisante. Moi-même, je suis une personne convaincue que, dans la mesure où les gens ont les ressources psychologiques et personnelles - là, j'oublie les ressources financières, quoiqu'on sache que c'est toujours important, mais je pense surtout aux ressources psychologiques - pour se prendre en main dans le sens qu'ils dépendent davantage de leurs propres ressources que des ressources médicales ou de tout autre ordre qui sont autour d'eux, je pense que c'est ça, l'idéal et que c'est vers cela qu'on doit tendre. Là-dessus, je pense qu'on s'accorde encore.

Je suis convaincue que bon nombre de symptômes qui sont traités dans un bureau médical ou par une ressource médicale peuvent être traités par d'autres approches. Vous parlez de relaxation, vous avez quelqu'un qui est stressé, qui développe une migraine et ainsi de suite, il y a toute la médecine psychosomatique, pour laquelle je ne suis pas une spécialiste, mais j'imagine que des modes d'intervention peuvent rejoindre les modes d'intervention que vous suggérez.

Vous me dites que vous ne venez pas pour demander des ressources supplémentaires, parce que cela doit être fatigant que tout le monde vienne vous en demander. Je ne sais pas si cela est fatigant, mais c'est peut-être un peu culpabilisant, je ne sais pas. Mais quand vous dites qu'"il faudrait réviser le système d'assurance-maladie du Québec de manière à dissuader les

praticiens de multiplier les actes payants et à les Inciter, au contraire, à consacrer plus de temps et d'écoute à leurs patients et à leur éviter des tests et des interventions inutiles", Je pense que c'est discutable. Ce n'est peut-être pas la meilleure forme de rémunération. D'ailleurs, on l'a diversifiée un peu avec les années, avec la vacation. Mais vous dites: Faites ceci, révisez-le, je pense que c'est une recommandation qui mérite un examen, mais "l'étendre à d'autres soins que ceux dispensés par les "professionnels", car autrement les soins alternatifs constitueront un luxe accessible à une classe privilégiée seule..." (12 h 30)

Dans le fond, vous dites de réexaminer le mode de rémunération de l'assurance-maladie - il vous apparaît abusif et, à certains points de vue, peut-être que, moi aussi, je serais portée à le penser mais, d'un autre côté, de le donner à toute cette liste d'Intervenants que sont les homéopathes, les orthothérapeutes, les massothérapeutes, enfin, un bon nombre de formes de psychothérapies qui rejoignent, qui sont dans la lignée des médecines douces ou des médecines alternatives. Peut-être ne me le demandez-vous pas directement, mais s'il fallait que j'ouvre l'assurance-maladie à cela, vous pouvez vous Imaginer - vous le savez vous-mêmes, vous n'êtes pas naïfs - que des gens le feraient très consciencieusement, alors qu'on pourrait aussi se retrouver en face d'abus peut-être encore plus grands. Je suis convaincue que vous savez vous-même que, parmi ces gens qui sont des disciples - et je le dis dans un sens positif - des médecines douces, viennent s'insérer aussi des gens qui peut-être peuvent s'improviser davantage dans une série d'interventions. En tout cas, c'est un point de vue.

Ce que vous soulevez ici, c'est tout le débat de la médecine traditionnelle qui peut inclure les paramédicaux versus l'approche des médecines douces. C'est un débat qui a commencé dans notre société, disons, il y a maintenant une dizaine d'années, qui devient de plus en plus présent dans la société - là, je ne veux pas parier de gens qu'on pourrait traiter de charlatans, je parle des gens qui, vraiment, veulent faire des choses sérieusement - et auquel adhèrent un nombre de plus en plus grand de personnes. Je ne crois pas qu'on soit aujourd'hui, quand je dis aujourd'hui, c'est dans un avenir prochain... Je pense qu'il faut que ce soit examiné, mais je ne pense pas qu'on en soit rendu au point où on puisse faire faire ce virage. Et dans quelle mesure, si virage il devait y avoir, devrait-il être fait? Je pense que cela demeure une question. Je me dis toujours que, présentement, il y a quand même une responsabilité pour l'État de protéger la santé publique. Vous allez me dire qu'elle n'est peut-être pas toujours protégée par la médecine traditionnelle, cela, je peux vous le concéder, mais, d'un autre côté, il y a une foule de considérations avant de dire qu'on s'en va dans une autre direction. Je ne sais pas ce que la commission Rochon va dire là-dessus, parce que je pense qu'il n'y a pas seulement votre groupe, mais aussi d'autres groupes qui ont dû aller devant la commission Rochon et qui sont associés à une philosophie de médecine douce.

Je vais vous poser une question concrète après avoir fait cette réflexion. Avez-vous des indications ou des mesures de l'efficacité des différentes approches dont vous parlez dans le cas des pathologies mentales graves? Pensons à la schizophrénie, pensons aux psychotiques ou aux névroses sévères. Y a-t-il des indications, des données ou des études qui ont été faites pour mesurer les résultats?

M, Drouin: A toutes fins utiles, il y a des études qui sont en cours actuellement, surtout en France, sur la schizophrénie et sur différents types de névroses, quoique ce soit difficile,.. Cela m'amène un peu à parier de la recherche, de faire des études. On sait bien qu'on mesure des faits. Il y a quand même des chartes d'évaluation psychologique qui sont connues, mais il y a beaucoup d'inconnu. Je pense seulement à l'évolution Intérieure de quelqu'un, les cheminements de vie sont difficiles à mesurer à travers des pathologies comme la schizophrénie ou bêtement les névroses en soi. Sauf que ces études vont aussi beaucoup vers le biologique et cela nous ramène un peu à la définition qu'on avait au début. Les gens vérifient en mesurant les oligo-éléments: magnésium, zinc, des notions auxquelles on ne pensait pas durant les dernières années où l'on travaillait purement l'allure psychothérapeutique. Actuellement, tes recherches vont beaucoup plus du côté physiologique tout en n'oubliant pas le côté psychothérapeutique, Évidemment, les résultats sont encore fragmentaires, parce que ce sont des recherches par évaluation de cas et on est encore à prouver au début que, si l'on parle d'homéopathie, elle existe en matière d'études randomisées de placebo et tout cela. Cela nous amène aussi à modifier un peu notre plan de recherche, parce qu'il faut aussi évaluer et tenir compte de ces facteurs non évaluables que sont ceux dont on discutait tantôt, les facteurs psychologiques profonds, le facteur spirituel et tout cela dans les pathologies aussi compliquées que ta schizophrénie. Mais beaucoup de centres, dont un hôpital de la région de Lyon, font des recherches justement là-dessus, sur des approches alternatives: homéopathie, massage, différents oligo-éléments et différents tests en phytothérapie. Donc, II y a un début, une amorce qui est faite en santé mentale dans ce domaine-là actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Alors, la façon dont Je vois cela, à ce moment-ci, c'est que, si on prend le travail de personnes qui le font sérieusement, que ce sort dans le domaine de l'alimentation, que ce soit dans le domaine d'autres formes de

thérapie, la question que je me pose est la suivante. Est-ce que vous pouvez vraiment estimer obtenir des résultats concrets au-delà d'un exercice de prévention qui peut être fructueux, mais qu'au plan de pathologies plus profondes, c'est encore véritablement à l'état de questionnement?

M. Drouin: À toutes fins utiles, si on parle seulement de la gestion du stress, il y a toutes les thérapies de gestion du stress, mais il y a aussi des thérapies que j'appelle médicamenteuses en phytothérapie qui font leur apparition avec, en tout cas, on le dit, possiblement moins de toxicité et surtout moins de dépendance, ce qui est le problème de nos thérapies médicales conventionnelles. Je pense simplement au trac ou à des notions qui sont actuellement très claires en homéopathie de façon à diminuer le trac par d'autres approches que de donner un anxiolytique ou de travailler sur ces plans-là. Évidemment, il y a toutes les approches corporelles de gestion du stress qui devraient être évaluées aussi.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, je vais laisser un peu de place à mes collègues.

Le Président (M. Baril): M. le député de

Laviolette.

M. Jolivet: La première chose qui me vient à l'Idée c'est, comme plusieurs groupes alternatifs effectivement, qu'on est d'accord avec vous que le rapport Harnois ne distingue pas suffisamment l'un de l'autre, en termes de groupes communautaires ou de groupes alternatifs. Ceci étant dit, vous l'avez assez expliqué à votre façon, mais une chose certaine, c'est que cela a amené aussi la confusion qu'on avait au départ, au début de la discussion avec Mme la ministre.

D'un autre côté, J'aimerais, avant de vous poser quelques questions, connaître un peu plus davantage votre réseau d'actions parce que je crois comprendre au départ que vous n'êtes pas tous dans la même place, vous êtes de différents établissements dans tout le Québec ou dans différentes places de pratique privée. J'ai des personnes chez moi qui ont quitté l'hôpital comme Infirmières et qui ont décidé de former une petite clinique à côté comme infirmières ou dlététistes pour permettre justement des expériences d'une certaine façon selon ce qu'elles ont toujours pensé et qui porte fruit chez des gens qui veulent avoir des résultats non par des médicaments et, à ce moment-là, avoir une façon plus naturelle de régler des problèmes de stress et autres que par l'Intermédiaire d'un médicament.

Or, dans ce sens-là, j'aimerais connaître un peu votre provenance. Vous venez de différents secteurs du Québec. Parmi les 200 personnes dont vous faites mention, il y en a qui sont des médecins, donc, fort probablement omnipratri- ciens ou spécialistes, à l'intérieur des centres hospitaliers ou de pratiques privées, d'une certaine façon, s'ils sont en santé industrielle ou autres. Vous avez des infirmières qui doivent se trouver dans le circuit des CLSC, dans le circuit des départements de santé communautaire ou dans les circuits hospitaliers, vous avez des diététistes qui peuvent être dans des centres d'accueil, en fait, dans différents secteurs. Enfin, J'aimerais vous connaître davantage avant de vous poser une question subséquente.

M. Martel: Je n'ai pas apporté les statistiques de la répartition géographique de chacun, mais je peux vous dire qu'on a des membres dans toute la province, particulièrement dans les deux grands centres urbains, Montréal et Québec, mais il y en a qui viennent de Sherbrooke et de tous les autres secteurs et, comme je vous l'ai expliqué, on n'a pas énuméré toutes les différentes disciplines, mais enfin, il n'en manque pas tellement, quand on parle des professions de la santé. Si vous voulez, on pourra vous donner notre bottin, vous avez le nom de chaque personne avec son adresse, ce qu'elle fait, etc. En gros, ce qu'on dit, c'est que, si la moitié de ces gens-là sont des professionnels de la santé, cela ne veut pas dire que ce sont des gens qui ont décidé d'abandonner, disons, leur pratique d'infirmière ou de médecin, cela veut dire peut-être qu'ils veulent pratiquer, mais simplement en étant ouverts à d'autres choses, qu'ils sont Intéressés par ces autres approches.

M. Jolivet: En fait, c'est ce que je voulais entendre dire, dans le fond, parce que le mot "réseau" indique finalement que ce sont des gens qui ont une même philosophie de base et qui pratiquent dans différentes sphères d'activité, mais avec cette hypothèse qui dit: SI on changeait un peu la médecine traditionnelle, on pourrait peut-être en arriver à donner de meilleurs soins aux personnes, selon la philosophie que possède le réseau comme tel, si Je comprends bien.

M. Martel: C'est cela. La philosophie, c'est la philosophie individuelle de chaque personne, de gens qui croient en la santé intégrale et qui se sont réunis seulement pour pouvoir discuter.

M. Jolivet: Alors, quand vous nous dites: Nous sommes un groupe alternatif, et que, normalement, tes groupes qu'on a reçus ici nous indiquent: Nous sommes un groupe formé de différentes personnes oeuvrant dans un organisme à but lucratif, dans tel secteur du Québec, on sait qu'ils sont regroupés. Ils peuvent donc faire valider ce qu'ils pensent. Dans ce contexte, comme groupe alternatif, prenons les ex-psychiatrisés, en particulier, que je connais dans mon coin ou d'autres groupes, ces gens-là peuvent mieux faire valoir leurs points de vue que s'ils étaient dispersés dans l'ensemble du réseau, tout

en pratiquant une médecine traditionnelle ou une façon de voir traditionnelle, en espérant la changer.

À ce moment-là, je voudrais savoir comment vous vous voyez à l'intérieur des groupes alternatifs, parce que, pour mol, vous n'êtes pas nécessairement un groupe alternatif. Vous avez peut-être une pensée alternative, si vous l'appelez comme telle, mais vous n'êtes vraiment pas un groupe alternatif tel qu'on les connaît actuellement.

M, Martel: Exactement. Vous avez raison. Nous ne sommes pas un groupe alternatif comme, disons, une fédération de massothérapeutes ou une association d'acupuncteurs ou des choses comme cela. Comme je vous l'ai expliqué, nous sommes un groupe qui est uni par une philosophie, une pensée et non pas par une activité.

M. Jolivet: Tout à l'heure, votre collègue, M. Drouin, disait qu'il y avait une place à Lyon, en France, où on faisait l'application de la philosophie que vous possédez. Est-ce que ce serait quelque chose qui serait envisageable au Québec dans le contexte actuel ou s'il faudrait changer des lois ou des idées corporatistes? Comment verriez-vous cela? Est-ce que vous veniez une place où votre ensemble de groupes, pas tout le monde, mats quelques-uns parmi ceux-là décideraient de dire: On va donner, nous, une application pratique tout en étant dans l'assurance normale de donner quelque chose qui soft bon pour ta santé à la fois physique et mentale des personnes qui sont traitées? Est-ce que vous verriez quelque chose de semblable?

M, Drouin: À toutes fins utiles, pour répondre à cette question, c'est une question dans le vif du sujet. On est rendus là actuellement, dans te sens que, si on prend une philosophie que j'appelle complémentaire - c'est une philosophie du centre - en disant: La médecine, c'est correct... Souvent, quand il y a une fracture, ce n'est pas le temps de faire des incantations. Il faut mettre un plâtre. Mais quand, de l'autre côté, il y a des maladies psychosomatiques que j'appelle plus fluidiques à traiter et où les évaluations sont plus difficiles, je pense qu'il y a de la recherche et les thérapeutes sont souvent isolés dans les groupes de médecine complémentaire comme tels.

Mais c'est un peu ce qui est arrivé à Lyon. Les gens se sont dit que ces approches devraient être acceptables dans un système Je vais être le premier à dire que, si l'approche, après une certaine évaluation d'un mécanisme qu'on pourra déterminer, n'a pas sa place, on passe à autre chose. Mais, pour l'instant, en étant dans une notion d'ouverture, je ne peux pas dire que le shlatsu n'est pas bon pour la dépression. Je ne suis pas capable de répondre à cela.

Mais je pense que, si on fait des groupes et qu'on se pose des questions toujours dans ta ligne du centre, tout en évitant le débat - parce que le problème, c'est toujours ce fameux débat - qui est passionné d'un côté ou l'autre et en essayant de trouver la ligne d'une fa çon objective... On est rendus là actuellement au Québec, avec le nombre de thérapeutes et d'expertises.

Deuxièmement, l'Introduction de ces approches devrait se faire, dans un premier temps, dans la profession déjà acquise et non en disant: On remet nos diplômes et on passe à autre chose, mais en disant qu'il y a une Intégration possible dans la profession. Il y a une Intégration d'autres professionnels, d'autres personnes qui veulent également développer ces approches.

Mais, pour l'Instant, on est rendus à un centre, à un organisme ou à un groupe de recherche qui intègre avec une ligne du centre et avec des moyens d'évaluation qui viennent de l'épidémiologie et de la médecine conventionnelle, mais qui viennent également d'une modification de certaines bases épidémlologiques pour s'ajuster aux thérapies. Je pense qu'on est rendus là. (12 h 45)

M. Jolivet: ...fort probablement une médecine alternative à celle qui est traditionnelle, parce que ce sont les seuls moyens qu'on a de se reconnaître quant à la définition. Qu'est-ce qui vous empêche actuellement de penser à le faire comme cela? Est-ce que cela veut dire que vous n'avez pas la possibilité d'entrer dans les centres hospitaliers et d'Investir dans ceux-ci de telle sorte que, pour vous ce n'est peut-être même pas le lieu que vous désirez, ce n'est peut-être pas un centre hospitalier, c'est peut-être une clinique quelconque? Qu'est-ce qui vous empêcherait actuellement de le faire?

M. Drouin: Moi, je suis actuellement dans un centre hospitalier, ici, à Québec, au CHUL Toutes ces approches au départ, que l'on parle de shiatsu ou peu importent les approches, ont une connotation "charlataniste", entre parenthèses. C'est la ligne qui est suivie. Dans un hôpital, peu Importe l'hôpital, du côté scientifique, de la ligne scientifique, pour les gens, ce serait accepter de se teinter, si l'on veut, et dire: On évalue. Évidemment, il y a une recherche qui a commencé récemment en homéopathie dans l'hôpital, comme évaluation. Je pense qu'on est au début de ces styles d'évaluation en soi, on est vraiment à ce stade. C'est difficile parce qu'on part, comme je le dis souvent, avec deux prises contre soi, quand on commence à vouloir parler de recherche: non seulement il n'est pas question de parler de vendre ces méthodes, mais il n'est pas question de parler de recherche, si l'on veut.

M. Jolivet: Est-ce que je dois comprendre que l'idée des corporations médicales, à quelque niveau que ce soit, ou des groupes d'Infirmiers et

d'infirmières, de l'ensemble de ces groupes, serait une entrave telle qu'il faudrait à ce moment, si on est en train de faire ce changement de mentalité, en arriver à changer les lois, surtout la Loi sur la santé et les services sociaux au Québec? C'est ce que vous êtes en train de me dire.

M. Drouin: ...qu'on arrive là

M. Jolivet: J'aurais d'autres questions, mais je sais que ma collègue a une question subsidiaire à la mienne.

Mme Vermette: En fait, cela va dans le même sens. Vous ne croyez pas que, finalement, à vouloir protéger trop l'ordre ou les structures, on est en train de créer notre propre désordre, en ce sens que les Individus qui ont besoin de soins et qui ne croient plus à la médecine traditionnelle, inévitablement, veut ou veut pas, vont déployer des efforts pour atteindre vos services et qu'on risque de développer le désordre tout simplement, alors que ce qu'on essaie de trouver à l'heure actuelle, c'est un système cohérent et harmonieux, pour l'ensemble de la population québécoise, en santé mentale?

M. Drouin: Si l'on fait le changement petit à petit... évidemment, II ne s'agit pas de dire: D'un côté on remplace. Mais si vraiment on intègre cela et que chaque nouvelle approche a sa racine et est Intégrée, Je ne pense pas qu'on aille vers un désordre. Mais, évidemment, si on se dit: On tasse la médecine traditionnelle, on enlève les antipsychotiques et on commence à traiter les schizophrènes avec l'homéopathie, je pense que là, on serait dans l'anarchie totale. Il faut rester, je pense, dans une ligne, tout en évaluant et en restant critique soi-même pour éviter la passion de tout ce débat.

Le Président (M. Baril): M. le député de Fabre.

M. Joly: Merci, M. le Président. Nécessairement, à écouter tout ce qui se dit, II vient un temps où l'esprit vagabonde et parfois, on passe d'une région à une autre. Tantôt, vous mentionniez qu'en ce qui concerne la massothérapie, en Europe par exemple, cela se fait peut-être sur une base un peu plus élargie qu'Ici. Je me réfère à une région, Digne-les-bains, où c'est vraiment sur une base, je dirais, quasi générale et où toute la population dans ce coin y a peut-être accès. L'intervention gouvernementale comme telle, je ne la connais pas dans ce coin.

On sait que, ici, cela nous est offert. On peut se déplacer et aller dans ces endroits et bénéficier du service. C'est un peu comme adhérer à un centre de conditionnement physique. Alors, partant de là, c'est un service qui est offert, mais qui est laissé entièrement libre, si vous voulez, à la population, ou, s'il y a des interventions gouvernementales, c'est simplement parfois pour traiter de cas bien précis. Si nous étions, selon les voeux que vous mentionniez tantôt, pour permettre les pratiques alternatives, pour les reconnaître à la RAMQ (Régie de l'assurance-maladie du Québec) - dans le fond, vous en faites plus qu'un voeu pieux, vous en faites une recommandation - cela amènerait nécessairement, pour aller dans la même foulée que Mme la ministre tantôt, peut-être pas des demandes pour vous directement en tant qu'organisme, mais cela demanderait une dépense, sinon un investissement, selon le côté où l'on voit cela. C'est quand même difficile à mesurer, un montant d'argent à consacrer à ces recommandations.

Aussi, ce que je remarque dans votre mémoire, c'est que vous soulignez qu'il faudrait favoriser chez les femmes le respect et la valorisation du travail au foyer. Encore là, cela ne demande pas d'argent directement, mais pour ce faire, je connais très peu de femmes qui vont être d'accord à sacrifier leur carrière et, en plus de cela, qui vont, si on me permet l'expression, manger le mastic sur les vitres, attendre, ne pas avoir une cenne et être entièrement dépendantes, si vous voulez, du salaire qui va rentrer. Alors, c'est...

M. Jolivet: ...politique familiale.

M. Joly: Non, je suis entièrement d'accord...

Mme Vermette: Le salaire de la femme à la maison, ce sont vos promesses.

M. Joly: ...mais de quelle façon entrevoyez-vous cela? Il faut quand même rattacher un signe de piastre à toute cette philosophie. Si on sait qu'il y a 493 000 foyers et si on devait consentir 100 $ par semaine à chacune des conjointes, des épouses qui sont à la maison, on vient de parler de 2 500 000 000 $, alors je ne sais pas si c'est dans cet ordre d'idées que vous orientez toute votre affaire. Mais, avec tout ce que vous suggérez, il est certain qu'on peut abonder en principe, mais en action, si vous avez des solutions miracles... Je vais dire comme Mme la ministre disait tantôt, souvent, en tant que parlementaires, cela devient drôlement frustrant d'être toujours ceux qui disent non. Quand on dit oui, on n'a pas besoin de le Justifier, d'aucune façon; quand on dit non, on se doit de le justifier et toujours au détriment, si vous voulez, d'un autre groupe, d'un autre besoin ou d'une autre philosophie qui semble avoir préséance, selon notre jugement. C'est un peu cela qui me chicote un peu. Vous avez de belles suggestions auxquelles on a aussi pensé, mais de quelle façon les solutionner?

M. Martel: Tout d'abord, au sujet de la RAMQ, je voudrais mentionner une chose, c'est que la recommandation dont vous pariez est dans

le rapport qu'on avait remis à la commission Rochon et on a changé d'Idée depuis ce temps-là. On en a reparlé avec eux et on comprend que c'est peut-être vraiment mettre la charrue avant les boeufs que de parler de cette chose-là. Il est vrai qu'il y a toutes sortes de problèmes, à savoir qui on reconnaît, qui est bon et qui ne l'est bon. Alors, on peut laisser faire cela.

Concernant toutes les propositions qu'on a faites, le but de cela était seulement de faire prendre conscience qu'une politique de santé, ce n'est pas seulement parier de ce qui se passe dans les hôpitaux ou en santé mentale, c'est quelque chose d'extrêmement global, cela implique plusieurs ministères, à part cela. C'est sûr que nous ne sommes pas de grands experts dans chacun de ces secteurs, mais on a pensé à un problème mental que beaucoup de femmes peuvent ressentir, c'est-à-dire qu'elles se sentent dévalorisées parce qu'elles sont chez elles. La société est faite comme cela. Y aurait-il quelque chose à faire? On ne le sait pas, mais on dit que ce serait peut-être quelque chose qu'on pourrait essayer de faire. Cela ne veut pas dire qu'on dit de leur donner 100 $ chacune, je ne sais pas comment cela pourrait se faire. Ce n'est peut-être pas à nous de se le demander. Si ce sont toutes sortes de choses qui ne sont pas possibles, on va laisser faire, mais s'il y en a parmi tout cela que vous trouvez possibles, ce sera déjà cela.

Le Président (M. Baril): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je reviendrais à la page 10 de votre rapport où vous parlez de traitement hors institution. C'est pour cela que j'ai posé la question tout à l'heure et j'y reviens parce que je ne pensais pas, en donnant la parole à ma collègue, à l'alternance, je m'excuse. Je continue dans le filon que j'avais tout à l'heure.

Vous dites: "Le RAPSI recommande que les pratiques alternatives soient intégrées dans le traitement hors Institution. C'est particulièrement à ce niveau que l'expérimentation devrait être encouragée.'

C'est pour cela que Je vous disais que, dans ce contexte-là, ce qui vous empêche de pouvoir le faire actuellement, ce serait fort probablement ce que j'ai compris, c'est que vous êtes dans des institutions, vous avez du travail à faire comme médecins, comme Infirmières ou, dans d'autres cliniques privées, dans le domaine de thérapies quelconques, vous vous retrouvez donc tous éloignés les uns des autres et, dans ce contexte, s'il y avait une Intégration dans un secteur qui pourrait permettre l'expérience, cela pourrait être intéressant. C'est dans ce sens-là que je vous pose la question. Vous dites: "...recommande que les pratiques alternatives soient intégrées dans le traitement hors institution." Qu'est-ce que vous voulez dire par cela?

M. Martel: Pour commencer, pour répondre à la question que vous posiez tout à l'heure au Dr Drouin, il y a effectivement un problème, un obstacle légal à ce que ce genre de recherche et d'expérimentation se fasse. D'abord, parce que tous ceux qui n'ont pas le statut de médecin n'ont pas le droit d'en faire et qu'ils vont se faire poursuivre s'ils ont le malheur de traiter qui que ce soit; donc, ils ne peuvent pas bâtir d'expériences. Ensuite, si ce sont des médecins, là, ils vont se faire reprocher, par leur corporation, de faire des choses qui ne sont pas permises, à moins que cela ne se fasse à l'intérieur d'une institution de recherche, comme un hôpital, mais ce n'est pas du tout dans leur priorité. Alors, finalement, on est bloqués sur tous les plans. On trouvait que ce n'est peut-être pas ta place pour demander aux institutions de commencer à expérimenter là-dedans. Je pense bien que les gens en ont déjà bien assez avec ce qu'ils font, mais il serait peut-être possible, par exemple, en dehors de ces institutions, de permettre un projet pilote, quelque chose, de permettre à des gens de se réunir et d'essayer de faire quelque chose sans qu'ils se fassent persécuter tout de suite après,

M. Jolivet: D'accord. Merci.

Mme Lavoie-Roux: Dans la poursuite de ceci, il n'y a rien qui vous empêche de vous constituer en groupe - vous l'êtes déjà - je veux dire de faire une expérience pilote. Supposons que vous vous intéressiez... On pourrait prendre le problème de la migraine, c'est un bon exemple. Supposons que vous développiez une clinique pour les migraineux. Le Dr Drouin est là comme représentant de la profession médicale et les autres qui ont quelque chose à apporter le font, selon l'approche que vous développez. Que cette expérience soit mesurée et que les résultats soient donnés. À ce moment-là, peut-être que cela aura un effet d'entraînement, si jamais votre approche thérapeutique se révèle une réponse beaucoup plus satisfaisante que la prise de médicaments chaque fois qu'on développe une migraine.

Il n'y a quand même rien qui vous en empêche. De la même façon que d'autres groupes alternatifs ou d'autres groupes communautaires - on ne se chicanera pas sur les mots - décident de travailler avec tel type de problématique dans le domaine de la santé mentale et ils ne sont pas l'objet de poursuites. On essaie de voir si vraiment ça répond à des besoins, si cela soulage ou corrige les choses.

Je ne vois pas la difficulté dans le contexte actuel que vous ayez à travailler... Je sais qu'il y a des massothérapeutes qui ont été poursuivis quelque part. On a vu ça à la télévision, il me semble que cela fait trois ou quatre mois. Je me souviens d'avoir vu cela. J'imagine que, déjà, vous devez faire ce type d'expérience.

M. Martel: Là aussi, l'état actuel de la loi ne permet pas d'essayer ces choses-là. Il s'est fait des tentatives de centres ou de cliniques où on aurait mis différents types de thérapeutes qui auraient pu faire des expériences ensemble. Le problème, c'est que tous ceux qui ne sont pas médecins n'ont pas le droit de recevoir des gens et de faire ce qu'ils veulent leur faire. Les médecins n'ont pas le droit, eux, de faire d'autre chose que ce qui est reconnu par la science médicale et ils n'ont pas le droit non plus de collaborer avec les gens qui ne sont pas médecins.

Il y a des médecins, d'ailleurs, qui ont des problèmes avec leur corporation justement parce que c'est cela qu'ils ont essayé de faire. Le Dr Drouin est...

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi de vous Interrompre. Mats les cliniques de physiothérapie?

M. Martel: Là, ce sont des physiothérapeutes. Ils peuvent très bien agir, parce que ce sont des professionnels qui agissent à l'intérieur du cadre de leur profession reconnue.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Martel: Ce que cela prendrait dans le cadre actuel de la lof, ce serait une bénédiction de la Corporation des médecins, savoir qu'ils ne poursuivront pas les gens s'ils essaient cela. On n'est pas rendu là encore. Au contraire, c'est cela. Quand ils poursuivent des gens parce qu'ils font un massage, je pense que...

M. Vézlna: Je voudrais ajouter un autre aspect. Je travaille dans un CLSC depuis huit ans et je ne me sens pas frustré d'utiliser les méthodes alternatives actuellement. Où je vis de la frustration - cela revient à votre première question - c'est que, de plus en plus, la clientèle qui se présente, c'est une clientèle lourde, avec des problèmes psychotiques majeurs, ou des crises suicidaires où des pactes suicidaires doivent être passés aux 24 heures avec eux. L'approche alternative est assez difficile.

Ils sont dans une situation de crise aiguë et tout ce qu'on peut faire, souvent, c'est d'arrêter la crise, d'éponger la crise, avec les moyens traditionnels qu'on connaît. Ce qu'on essaie de vous présenter, c'est d'avoir une politique qui permette une ouverture plus grande aux approches alternatives et dans le rapport ou dans la politique que vous allez établir, que vous concentriez en arrière de ça une Idée de fond et que votre préoccupation soit de chercher d'autres approches que les approches traditionnelles. C'est un peu pour compléter ce que Paul vient de mentionner.

Le Président (M. Baril): M. le député de Fabre, 30 secondes.

M. Joly: Merci, M. le Président Très brièvement. Je respecte ce que vous faites. La seule question qui me hante, c'est: Vous êtes financés comment et c'est quoi votre budget? Dans la province, est-ce que vous êtes tous financés de la même façon avec des budgets équivalents?

M. Martel: Vous voulez dire le RAPSI? On est financé par les cotisations de nos membres, on marche avec un budget de broche à foin et on est quasiment tous des bénévoles là-dedans. C'est à peu près comme ça qu'on fonctionne.

M. Joly: Merci, monsieur.

Le Président (M. Baril): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je vous remercie de votre Interprétation de ce que devrait être une future médecine différente de celle qu'on connaît actuellement, tout en étant dans les principes de l'art, comme on dirait, en sachant que vous faites, dans certains cas, oeuvre de pionniers et de pionnières. Parfois, il est bon de répéter et selon un principe que je connais en pédagogie, à toujours frapper sur le même clou, peut-être qu'un jour il entrera. D'un autre côté, bien, mens sana in corpore sano. Merci.

Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Alors, à mon tour je vais vous remercier. J'imagine que vous allez repartir encore une fois avec de la frustration. Ce que je voudrais que vous compreniez... J'ai l'Impression qu'on a devant nous quatre personnes tout à fait responsables. Je pense que vous le savez, le fond du débat, c'est: quand est-ce que la société évoluera dans un sens où on pourra faire face, sans tomber dans un virage radical où tout ce qui était hier était mauvais et tout ce qui va arriver demain sera excellent - je pense que cela aussi c'est de l'utopie - arrivera à un meilleur équilibre entre les ressources, qu'elles soient professionnelles ou qu'elles soient d'un autre ordre pour aider nos concitoyens? C'est un débat qui, finalement, commence à sortir un peu plus depuis les quatre ou cinq dernières années. Il était là avant, mais beaucoup plus latent et c'est peut-être dans ce sens-là. Je ne voudrais pas que cela vous empêche d'Intervenir dans des façons très positives pour les gens, mais avant de passer de l'autre côté de la butte, je pense qu'il y a encore du travail à faire et il y a encore une évolution des mentalités qui est nécessaire. Il faut aussi qu'au plan scientifique, au plan de ta recherche, on ait la même rigueur pour ces approches-là qu'on a eue et qu'on a pour les professions qui s'exercent dans un cadre plus traditionnel. Je vous remercie. Je pense, en tout cas, que vous sensibilisez les politiciens et les politiciennes. Ce n'est pas mauvais, c'est un

début. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Baril): Je remercie le Réseau d'action pour une santé Intégrale et je tiens à vous dire qu'on recommence à 14 heures au lieu de 15 heures et que cela se poursuivra jusqu'à 20 heures. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Nous souhaitons la bienvenue à la Table de concertation des chefs de département de psychiatrie de la Montérégie. J'aimerais que vous vous présentiez en premier lieu et, par la suite, je pense que vous connaissez la règle, on a une heure de discussion ensemble, dont 20 minutes pour faire votre exposé et 40 minutes pour discuter avec les deux côtés, les formations politiques.

Table de concertation des chefs de département de psychiatrie de la Montérégie

M. Lonergan (Marc): Mon nom est Marc Lonergan. Je suis chef du département de psychiatrie à l'hôpital Charles-LeMoyne. Je demande à mes confrères de se présenter chacun à son tour.

M. Desrochers (Jules): Jules Desrochers, chef du département de psychiatrie, Saint-Hyacinthe.

M. Dion (Yves): Yves Dion, chef du département de psychiatrie à Sorel.

M. Bouchard (Jacques): Jacques Bouchard, chef du département de psychiatrie à Pierre-Boucher, de Longueuil.

M. Monette (André): André Monette, chef du département de psychiatrie à Valleyfield.

M. Saint-Hilaire (Jacques): Jacques Saint-Hilaire, chef de département de psychiatrie à Granby.

Le Président (M. Baril): Je vous souhaite ta bienvenue, messieurs.

M. Lonergan: M le Président, Mme la ministre, nous remercions la commission parlementaire de nous accueillir pour bien vouloir écouter ce que nous avons à dire au sujet du rapport Harnois sur un projet de politique de santé mentale. Nous sommes ici en tant que cliniciens, en tant que psychiatres responsables de l'organisation des soins psychiatriques au sein des hôpitaux généraux de la Montérégie, celle-ci étant une région habitée par plus de 1 200 000 habitants

Tous mes confrères ainsi que les psychiatres dans les hôpitaux où nous travaillons sont des cliniciens et nous rencontrons tous et chacun à chaque année plusieurs centaines de malades psychiatriques, de personnes susceptibles de souffrir d'un désordre mental. Nous ne pouvons donc nier la maladie psychiatrique à laquelle les patients se confrontent quotidiennement. À chaque année plus de 20 000 adultes utilisent les services psychiatriques de la Montérégie. 12 000 personnes fréquentent nos cliniques externes. 6000 visitent nos urgences. 4000 personnes par année sont hospitalisées en Montérégie en psychiatrie. 3000 personnes tentent de se suicider et, malheureusement, 140 personnes décèdent de suicide chaque année en Montérégie.

La population desservie par les départements de psychiatrie des sept hôpitaux représentés par notre table de concertation représente donc près d'un cinquième de la population du Québec et, pour desservir cette population, environ 50 psychiatres travaillent en Montérégie, c'est-à-dire un quatorzième des effectifs psychiatriques du Québec Les autres ressources humaines et financières sont également en pénurie grave en Montérégie.

Les chefs des départements de psychiatrie de la rive sud se rallient d'emblée aux grands principes généraux qui sous-tendent le projet de politique, c'est-à-dire la primauté de la personne et l'équité dans la répartition des efforts en santé mentale. Nous voulons cependant y ajouter nos préoccupations au sujet des soins dispensés aux patients psychiatriques chroniques lourds Nous nous rallions au thème fondamental qui revient tout au long du rapport, le partenariat, et nous endossons la position que tous les partenaires sont importants en santé mentale: les patients d'abord, les familles, les proches, les ressources communautaires alternatives, les départements de psychiatrie d'hôpitaux et tous les Intervenants qui y travaillent.

Le projet de politique de santé mentale du comité Hamois constitue, selon nous, une riche banque de réflexion sur les problèmes de santé mentale au Québec. Il servira sans doute de modèle à d'autres pays qui voudront se doter d'une telle politique. Cependant, nous considérons que ce rapport comporte certains dangers. Par le choix du vocabulaire, on y mentionne tout le monde et personne à la fois. Il y a un certain risque de négliger les acteurs principaux, c'est-à-dire, selon nous, les patients qui font des psychoses, qui tentent de se suicider, qui ont besoin de soins hospitaliers et parfois de soins chroniques lourds. En mentionnant donc tout le monde, mais personne à la fois, tous peuvent se sentir impliqués dans le partenariat, ce qui serait très souhaitable, mais tous pourraient aussi se défiler. En élargissant volontairement son mandat et en perdant de vue le mandat premier, le

comité a risqué de faire oublier l'essentiel d'une réalité parfois difficile à accepter, celle de la maladie mentale.

Nous voulons nous adresser au problème des effectifs et des ressources et, en ce sens, les chefs des départements de psychiatrie de la Montérégie appuient fortement les deux points suivants du rapport Harnols: premièrement, les psychiatres du Québec sont mal répartis et, deuxièmement, le principe d'équité dans la distribution de toutes les ressources.

Nous ne sommes cependant pas prêts à endosser la prise de position du comité qui laisse entendre que le nombre total de psychiatres au Québec soit suffisant. Les organismes qui se sont penchés sur ce problème recommandent l'objectif d'un psychiatre par 6500 habitants. Voilà une recommandation concrète qui aurait bel et bien pu être faite par le comité Harnois.

Nous sommes donc d'avis qu'il y a au Québec pénurie de toutes les ressources humaines et financières en santé mentale et que cette pénurie se fait surtout sentir dans certaines régions périphériques, dont la Montérégie. À titre d'exemple, a Montréal on retrouve un psychiatre pour 4000 habitants. La moyenne dans tout le Québec est d'un psychiatre par 9000 habitants et, en Montérégie, un psychiatre pour près de 32 000 habitants. Ce sont des différences que nous trouvons Inacceptables.

Les problèmes de pénurie d'effectifs et d'inégalité dans la distribution des ressources sont graves. Le concept de partenariat est essentiel, nous y souscrivons mais, sans partenaires, pas de partenariat. Les Intervenants sont débordés par les feux à éteindre et n'auront pas tendance à aller vers la communauté, à inviter les familles et on les retrouvera à l'urgence de l'hôpital ou seuls dans leur bureau avec le malade en rechute. À cet effet, nous avons une suggestion précise à faire au ministère. Que le ministère identifie objectivement, en chiffres, noir sur blanc, les régions en pénurie d'effectifs et de ressources financières et qu'il considère qu'il s'agit là d'une problématique bien différente de celle des régions éloignées.

M. le Président et Mme la ministre, nous sommes par ailleurs très Inquiets du climat et des conditions de travail qui régnent dans les départements de psychiatrie de notre région. Nous croyons que le ministère devrait considérer ce problème d'effectifs et de répartition des ressources comme une priorité absolue. Le comité Harnois se penche sur le problème de la planification régionale et suggère que des sommes soient consacrées au développement et que l'argent soit attribué par région, selon l'Importance de la population et selon une démarche de planification régionale.

Les chefs des départements de psychiatrie de la Montérégie endossent ces recommandations. Nous sommes prêts à participer, avec le conseil régional, à une démarche de planification régionale des soins psychiatriques, mais à certaines conditions, parce que nous trouvons qu'il y a des difficultés de fonctionnement avec le conseil régional. Nous croyons que l'autonomie du conseil régional devrait être reconnue par le ministère, que des budgets devraient être alloués pour un véritable développement des ressources, que ces budgets doivent être proportionnels à la population desservie et que les différences régionales, sous-régionales et locales soient reconnues et, en conséquence, que soient respectées les solutions locales et sous-régionales aux problèmes soulevés. La décentralisation est essentielle pour permettre de mener à bien une opération santé mentale Québec. On doit cesser de vouloir appliquer une même recette à tout le Québec. (14 h 15)

Nous voulons nous pencher, comme l'a fait le rapport Harnols, sur le problème des malades chroniques lourds. Encore une fois, nous croyons que ces grands oubliés, ces patients ont besoin de ressources spécifiques. Dans le système psychiatrique présent, les patients aigus sont relativement bien traités, mais les patients qui ont besoin de soins hospitaliers ou institutionnels chroniques ou de longue durée ne sont pas bien identifiés et sont parfois complètement laissés pour compte. Finalement, ils ne sont pas adéquatement traités et nous déplorons le fait que le Comité de la politique de santé mentale semble ignorer cette réalité à laquelle nous nous confrontons, nous et les patients que nous traitons, tous les jours. Chaque région devrait pouvoir disposer d'un certain nombre de lits pour soins hospitaliers à long terme. Ces besoins devraient être définis et répartis équitablement par rapport à la population.

Le rapport laisse entendre que ta désinsti-tutionnalisation doit continuer. Nous sommes plutôt d'avis qu'elle est déjà allée trop loin sans qu'on ait fourni aux patients sortis des institutions des ressources adéquates pour rester dans la communauté. La désinstitutionnalisation doit être accompagnée de ressources qui, pour le noyau de patients psychiatriques très handicapés qui reste, seront dispendieuses.

En conclusion, M. le Président et Mme la ministre, le rapport Hamois est écrit et on ne peut l'ignorer. Nous ne sommes pas certains que le Québec ait les moyens financiers de respecter les recommandations du Comité de la politique de santé mentale. Le Québec ne peut cependant pas se permettre d'ignorer les conséquences qu'amènerait une négligence de la maladie mentale. Le projet de politique de santé mentale doit avoir une suite. Le gouvernement aura-t-il le courage politique de lui donner une suite? Et par où commencer? Le gouvernement doit d'abord reconnaître les différences de ressources Interrégionales et y remédier. Et le gouvernement doit reconnaître la primauté de la personne parce que, dans tes hôpitaux, on ne parle que de pénurie et de budget; de la personne, on n'en parle plus.

Le Président (M. Baril): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président Je veux remercier sincèrement la Table de concertation des chefs de département de psychiatrie de la Montérégie pour son mémoire qui diffère quelque peu de celui qui nous a été présenté par l'Association des psychiatres du Québec. Dans votre mémoire, vous signalez les lacunes qui existent dans ce projet de politique. Mais j'ai également l'impression que vous y voyez quand même un outil qui, si le gouvernement, comme vous le dites, y donne une suite raisonnable, devrait pouvoir améliorer la situation des psychiatrlsés au Québec. Vous le dites vous-mêmes: II ne peut pas non plus - ce ne sont pas exactement vos termes - se permettre d'Ignorer la situation dans laquelle se trouvent les personnes psychiatrisées au Québec.

Il y a plusieurs points sur lesquels j'aimerais revenir. Je vais commencer tout de suite. Vous insistez beaucoup sur la question de la décentralisation au niveau régional. On est d'accord avec vous. Je pense que l'exemple que nous avons ne doit pas être parfait au moment où on se parte parce que c'est un mouvement qui s'est amorcé il y a relativement peu de temps, c'est la question de la région de l'Outaouais où, justement, on n'a pas essayé, du moins selon le rapport qu'on nous a fait, d'imposer - le mot "imposer" est peut-être fort - on n'a pas essayé d'établir un modèle unique, mais de tenir compte des sous-régions. L'Outaouais a été divisé en quatre régions où les approches peuvent être différentes, du moins dans la prise de contact et dans la réponse aux besoins urgents.

Il nous semble de plus en plus évident que la même chose devra s'appliquer dans les autres régions du Québec et que cette planification et cette mise en action, pour qu'elles soient efficaces, vont devoir venir davantage des milieux ou des régions que du ministère, quoique le ministère devra... Par exemple, vous demandez si le Québec peut se payer une politique de santé mentale qui couvre tous tes aspects de la santé mentale. Vous en doutez. Je dois vous dire qu'à moins de le faire sur un échéancier - le rapport parle de cinq ans, d'autres ont parlé de dix ans - je pense que cela va être de toute évidence un plan d'action qui va s'échelonner sur plusieurs années. Ce qui est Important, c'est de le faire démarrer et de s'entendre au moins sur les grandes orientations pour que les ressources qui sont déployées, que ce soit sur le plan humain ou sur le plan financier, ne soient pas diluées dans toutes sortes d'interventions dont on ne mesure jamais tes résultats.

À cet égard, lorsque vous dites - je n'ai pas la page, oui, je l'ai ouvert et je suis tombée dessus - à la page 11 que, dans le cas des ressources alternatives et communautaires, on devra évaluer tes résultats, si cela ne donne pas de résultats, qu'on oriente ailleurs les ressources qui sont là, même si, souvent, il s'agit de ressources assez maigres dans le cas des ressources alternatives et communautaires, je voudrais vous dire que le même souci d'évaluation devrait exister dans les Institutions ou les établissements du réseau. Je vais vous poser une question directement et, comme vous êtes de Charles-LeMoyne, je vais vous la poser à vous. Je sais qu'à Charles-LeMoyne iI y a un centre de jour pour les psychiatrisés. Est-ce que je me trompe?

M. Lonergan: Oui, oui, il y a un centre de jour pour les patients adultes et II y a un centre de jour pour adolescents.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Cela existe quand même depuis quelques années, depuis quatre ou cinq ans, en tout cas, certainement depuis plus de trois ans. Est-ce qu'on a mis en place les outils pour évaluer Justement le rendement de ce centre de jour? Si cela s'applique ailleurs, on pourra poser la même question pour les autres, mais je savais qu'il y en avait un à Charies-LeMoyne ou, du moins, j'en avais la quasi-certitude. Toute cette question de résultats et d'évaluation ça doit être de plus en plus un souci que nous devons avoir à tous les niveaux, que ce soit au niveau du ministère, que ce soit au niveau des régions, des établissements ou autres. C'est évident qu'on ne peut pas Indéfiniment dire, bon... Il y a des gens qui sont venus ici et qui nous ont dit: Bon, il faut ajouter un nombre X de ci, un nombre X de ça et un nombre X d'autres choses. C'est vrai qu'il y a sans doute des ressources additionnelles à mettre, mais il va falloir aussi penser que si on les ajoute... On a eu l'attitude, dans le système de santé au Québec, de dire: Bien, il y a un besoin nouveau, on ajoute quelqu'un, sans jamais trop s'interroger sur les résultats de tous ces ajouts. On peut toujours, l'année d'après, en ajouter, mais Je pense que ce qu'on veut par l'exercice que nous faisons tous ensemble au sujet de la santé mentale, c'est de dire: Avec les ressources que nous avons, avec celles qui pourront être ajoutées, quels sont les objectifs que nous nous fixons et de quelle façon allons-nous tes évaluer? Je concours complètement à ce que vous dites au sujet des organismes et ressources alternatives et communautaires et ce que Je vous demande, c'est: Est-ce qu'on a ce même souci à l'intérieur des établissements?

M. Lonergan: Oui, je suis d'accord avec vous. Je pense que les ressources institutionnelles, non institutionnelles et communautaires devraient tenter d'évaluer l'Impact de leurs Interventions. Cela prend des moyens pour faire ça. Moi, ça fait sept ans et demi que je suis à Charies-LeMoyne Quand je travaille à l'urgence - par exemple, lundi, J'étais à l'urgence - cela fait sept ans et demi que je demande: Avez-vous fait venir le dossier antérieur? Non, il n'y a pas de personnel aux archives pour le

sortir. Alors, pour évaluer l'impact de mon centre de jour, ça me prend du personnel, ça me prend des moyens, ça prend des gens qui sont payés pour ça et qui le font. Par exemple, ça me prend une archiviste. Pas à temps complet, mais enfin ça prend des gens des archives qui sont prêts à nous aider avec ça, qui ont les moyens techniques.

Le même problème se pose pour les ressources communautaires et les ressources non institutionnelles. Ils n'ont pas les moyens d'évaluer l'impact de leurs Interventions. La mise en place de centres de crise, manoeuvre de désen-gorgement des urgences, il faudrait certainement tenter d'évaluer l'impact.

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je peux vous rassurer tout de suite. Quand on a mis en place le plan de désengorgement des urgences, il y a eu des sommes de prévues pour l'évaluation. C'est le GRIUM, actuellement, le groupe interdisciplinaire de l'Université de Montréal en santé qui fait cette évaluation-là. Et tant pour la région de Québec que pour Montréal, j'oublie les montants mais Je pense que c'est d'environ... Évidemment c'étaient des montants considérables dans l'ensemble. Alors II me semble que c'est d'environ 250 000 $ à Québec et 250 000 $ à Montréal. Je peux me tromper là. Justement parce que je me dis qu'on ne fait pas un investissement - c'était au niveau opérationnel, sur trois ans - de 105 000 000 $ ou 102 000 000 $ sans se demander qu'est-ce que ça donne. Et c'est pour ça que, si une ressource qui a été mise en place dans le plan de désengorgement des urgences ne s'avère pas avoir un effet positif significatif sur le désengorgement, cela ne veut pas dire qu'on va enlever les fonds, mais il faudra que ceux-ci soient dirigés vers les mesures qui sont plus probantes. Dans ce sens-là, c'est un souci qu'on doit tous avoir. On ne peut plus continuer simplement d'injecter des sommes sans se poser des questions sur les objectifs qu'on s'était fixés et la mesure dans laquelle on les a réalisés.

Vous ne l'avez pas fait pour les raisons que vous nous donnez. Je pense qu'on avait peut-être moins le souci de l'évaluation. Dans les centres de jour, c'est bon, ils en ont ailleurs, on ouvre des centres de jour. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas bons, je ne le sais pas. Je pense que cela a été une lacune et c'est pour cela aussi qu'au ministère, en 1986 - il me semble que c'est à la fin de 1986 - on a constitué un service de programmation et d'évaluation qui, entre autres, se soucie fortement de l'équité interrégionale. Cela me paraît, dans le domaine de la santé, la mesure la plus juste. Il faut tenir compte des besoins réels de la population. On ne peut pas tenir la population en otage parce qu'elle est d'un coin ou de l'autre. Je pense que ce sont des gens qui ont tous droit, dans la mesure des ressources, à des services de santé et des services sociaux.

Sur cette question d'équité interrégionale dont vous parlez dans votre mémoire, quand vous traitez de l'organisation ou de la décentralisation, on est aussi totalement d'accord avec vous. Je dois vous dire, qu'on a eu l'occasion de consacrer cette année à l'alcoolisme et autres toxicomanies environ 3 800 000 $ et cet argent a été distribué selon des critères d'équité interrégionale. Est-ce que nos critères sont parfaits? Est-ce que nos mesures sont parfaites? Au moins, cet effort a été fait et, pour ce qui est de l'alourdissement de la clientèle, on a fait la même chose. Dans tous les domaines on essaie de faire ta même chose. (14 h 30)

Sur la question du plan de services individualisé, à la page 12 de votre rapport: "Nous ne croyons pas nécessaire d'ajouter à cette démarche clinique fondamentale puisqu'elle existe déjà." Dans le fond, c'est ce que vous voulez dire. Il y a déjà quelqu'un qui prend te leadership et qui fait un plan individualisé pour les individus qui se présentent pour obtenir vos services. Nous avons constaté et vous l'avez sûrement constaté vous-mêmes, je suis sûre que, d'une façon peut-être pas absolument formelle, il y avait des plans faits pour l'individu qui se présentait. Vous disiez: II faudrait que tel autre type de personnel intervienne ou telle autre mesure doit être prise. Comment se fait-il que, si - de la façon que j'interprète ce que vous dites - ce plan individualisé existait, on se retrouve avec des gens qui sont rendus dans la brume - pour utiliser une expression qu'on utilise peut-être un peu facilement - et qui sont un peu perdus parce que, finalement, il n'y a jamais vraiment eu de suivi pour ces personnes-là? Je pense qu'il y a véritablement, au niveau clinique, un plan qui se fait pour un Individu mais je ne suis pas sûre que ce soit un plan suffisamment structuré pour assurer qu'il soit repris: là où un type d'Intervenant arrête, que l'autre le prenne et qu'il y ait une continuité jusqu'à sa réinsertion sociale si elle est possible et, sinon, au moins assurer sa protection dans la communauté.

On parle toujours de la désinstitutionnalisation, mais il faut parler de ceux qu'on n'institutionnalise plus non plus depuis plusieurs années. Je voudrais savoir pourquoi vous vous opposez. Je comprends qu'il ne faut pas que ça devienne bureaucratique mais je pense que l'objectif qui est compris là-dedans, c'est que les gens soient vraiment suivis, comme je vous le disais, avec des objectifs précis qui n'arrêtent pas un peu après la sortie de l'institution mais qui se continuent vraiment dans la communauté si c'est nécessaire.

M. Lonergan: Je pense qu'il y a là, Mme la ministre, un problème inhérent aux maladies psychiatriques et aux patients psychiatriques, un problème inhérent de désorganisation. Il y a souvent un problème de motivation chez le

patient. Dans mon expérience, le suivi des patients psychiatriques ne cesse pas d'être disponible. Le patient psychiatrique néglige parfois de voir à son propre suivi. S'il y a là un problème, il ne faut pas le déplacer. S'il y a là un problème, II y a un problème chez le patient ou entre le patient et l'équipe qui lui offre des services mais ce n'est pas avec un nouvel instrument, le plan de services individualisé, que cela va se régler. Le plan de services individualisé serait, à mon avis, un déplacement du problème.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Enfin. Oui?

M. Dion: SI je peux ajouter là-dessus, je dois dire qu'il y a une certaine crainte. On a vu arriver le CTMSP dans les hôpitaux On nous demande actuellement, dans la Montérégle, de faire l'évaluation des patients psychiatriques hospitalisés avec la grille de New York. On a connu plusieurs de ces instruments-là qui sont souvent assez lourds, demandent une formation spéciale. On ne veut sûrement pas s'embarquer dans quelque chose de ce type-là sans savoir ce que c'est. Si vous me dites qu'il s'agit de s'assurer qu'au dossier de chaque malade il y a une orientation, un plan de services bien identifié, qui permette d'assurer un suivi adéquat et logique, qui assure une certaine continuité dans le soin, je n'aurais pas d'objection là-dessus. On cherche à le faire avec nos moyens. S'il y a des aides techniques qui nous permettraient de mieux le faire, je n'ai rien contre ça. Mais je ne voudrais pas qu'il y ait un plan unique qu'il soit absolument nécessaire de remplir en dix exemplaires quand un malade change de région, par exemple.

On a des demandes de papiers de la Régie de l'assurance automobile, du bien-être social et de bien d'autres déjà à cause des lois existantes et quand on est en pénurie extrême de ressources on n'a pas le temps de penser à ces choses-là.

L'autre problème qu'on peut y voir, vous parliez des patients qu'on n'institutionnalise plus. C'est un fait qu'il faut que les gens se rendent compte qu'on ne peut Jamais référer un seul patient à Montréal, nous de la Montérégie, même si on est à une distance très proche de Montréal, même lorsque les services qui seraient nécessaires pour tel patient ne sont absolument pas disponibles chez nous. Cela implique les soins à long terme pour les cas aigus qui bloquent les lits alors qu'ils ont besoin de soins de longue durée, cela implique des patients qui ont des besoins très spécialisés, prenons l'hypnose pour une personnalité multiple, cas rare, et, même là, on ne pourra pas le référer facilement. Ce sera très compliqué, parce que les portes de Montréal sont complètement fermées pour nous autres contrairement aux autres, spécialités médicales et chirurgicales.

Mme Lavoie-Roux: Les gens de Montréal se plaignent de la même chose, ceux qui sont dans les hôpitaux de courte durée vis-à-vis les hôpitaux de longue durée.

M. Dion: Exactement. Le problème est peut-être extrêmement aigu pour la Montérégie parce que, historiquement, il n'y avait pas d'Institution psychiatrique en Montérégie, alors qu'on a maintenant le cinquième de la population du Québec. La population a crû très rapidement; elle a presque doublé depuis quinze ans et elle continue de s'accroître très rapidement; donc les demandes augmentent constamment et les services ne sont pas disponibles.

On présente le plan de services Individualisé dans le rapport Harnois comme un Instrument qui va arriver comme ça. Je ne sais pas ce qu'il y a derrière cela, mais les expériences qu'on a vécues antérieurement avec d'autres Instruments, dont le CTMSP, font qu'on a des réserves aussi.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais revenir sur la première réponse que vous m'avez donnée concernant les services individualisés. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous quand, d'une certaine façon, vous faites porter la responsabilité du suivi, qui est un peu amoché si l'on veut, au patient lui-même à cause de son manque de motivation. Je ne suis pas convaincue qu'il n'y ait pas aussi, au niveau de l'équipe multidisciplinaire, comme je le disais tout à l'heure, un plan formel qui soit fait, mais qui se perde en cours de route. C'est justement, comme vous le disiez vous-même, souvent de la nature de la maladie mentale que la motivation ne soit pas là, ou l'évasion, le rejet du traitement - appelons-le comme on voudra - alors, si c'est un aspect particulier des psychlatrisés, je pense qu'il faut, en conséquence, faire un plan pour essayer de corriger cela.

Pour revenir au plan Individualisé lui-même, il ne s'agit pas de développer une grille comme celle prévue pour les personnes âgées, qui est une grille complexe, etc. Il ne s'agit pas non plus d'imposer la même approche partout dans tout le Québec. Je pense qu'il faudra un progamme-cadre qui devra ensuite être adapté selon, d'abord, le type de ressources qui existent - il n'y a pas des psychiatres partout au Québec, on le sait. Avec cette seule variable, c'est évident qu'il devra être modifié pour tenir compte des ressources et ainsi de suite. Il ne s'agit pas de bureaucratie. Que les gens aient peur de se faire bureaucratiser, vous avez raison, je pense que c'est fondé; il y a trop d'exemples pour ne pas y penser, je suis d'accord avec vous; mais c'est vraiment dans l'esprit de s'assurer qu'on donne au bénéficiaire les meilleures chances possible.

Il faut bien réaliser que des plans de services individualisés se font pour d'autres types de handicap, l'Office des personnes handicapées en fait. Il semble que les résultats que ceci a donnés aient été bons parce que la personne

s'est moins perdue entre deux chaises ou n'a pas tout simplement été Ignorée, parce qu'à un moment donné, si les gens ne refrappent pas à la porte, on dit que cela doit aller mieux, et c'est bien humain de le faire comme cela. Il me reste une minute. Ah, bien!

Espérant que quelqu'un va vous poser des questions sur les effectifs médicaux, je vais laisser cela à Mme Cardinal.

Le Président (M. Baril): On va vous garder une minute tout à l'heure, Mme Cardinal.

Mme Lavoie-Roux: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril): Mme la députée de Marie-Victorin.

M. Jolivet: Cela va être une question sur les...

Mme Vermette: II me fait plaisir de vous accueillir ici aujourd'hui, d'autant plus qu'il m'est arrivé d'avoir à gérer certains problèmes de la Montérégie en tant que présidente d'un conseil d'administration d'un centre hospitalier. Effectivement, ce qui ressortait très souvent, c'est cette économie de ressources à laquelle nous devions faire face régulièrement, peu importent les gouvernements, pour toutes les raisons, la proximité des lieux, c'est-à-dire que la rive sud de Montréal est proche de Montréal, etc. Plus souvent qu'autrement, on s'appauvrissait à cause de la situation géographique des lieux, et une nette progression des populations s'est faite sur un court laps de temps, ce qui fait que nous avons eu cette économie budgétaire et cette problématique au chapitre des ressources.

C'est pourquoi vous faites souvent allusion, dans votre mémoire, en tout cas, vous apportez des nuances très Importantes en ce qui concerne le rapport Harnois, qui ne voit pas assez loin entre les régions en pénurie ou les régions éloignées. Finalement, compte tenu de votre situation et de votre vécu, parce que vous êtes près de Montréal et nous sommes toujours portés à croire qu'il n'y a pas de problème de ressources et d'effectifs chez vous, j'aimerais vous entendre parler à cet effet

M, Bouchard: Notre problème est justement, je pense, du fait qu'on ne réalise pas qu'on puisse éprouver des problèmes dans notre région. Il y a une dizaine d'années, le problème dont nous parions actuellement était celui de régions vraiment éloignées. Depuis ce temps, ces régions ont pris des mesures assez efficaces, si bien qu'au point de vue des soins psychiatriques elles sont aujourd'hui assez bien pourvues. Les régions Intermédiaires comme la nôtre, sans que personne s'en soit trop rendu compte, se sont retrouvées à un moment donné avec des effectifs vraiment très insuffisants. Les chiffres qu'on a donnés sont assez évocateurs: Un pour 4500 à

Montréal et un pour 45 000 en Montérégie, si on le calcule en équivalent à temps plein.

C'est une situation assez critique. Je pense qu'on ne le dira jamais assez parce que vraiment plusieurs hôpitaux que nous représentons ici fonctionnent en dessous de la masse critique, si bien qu'il s'agirait d'un départ pour que des secteurs entiers soient laissés sans aucune personne qui puisse accorder des soins psychiatriques. C'est assez grave parce que cela fonctionne de façon sectorisée. Les gens ne peuvent pas avoir ces soins ailleurs et toute la population de la région est complètement exclue de Montréal pour cela. Dans certains rapports, dans certains mémoires sur le sujet, on prétend qu'on puisse utiliser une certaine pondération sur les effectifs médicaux à cause de la proximité de Montréal. C'est vrai pour les autres spécialités, dont les hôpitaux universitaires vont recevoir beaucoup de patients, mais pour la psychiatrie ce n'est pas vrai, cela reste complètement fermé, et pour les soins aigus et pour les soins chroniques.

Mme Vermette: En fin de compte, on disait qu'il y avait un manque en général de 400 psychiatres actuellement sur le plan provincial et que cela se concentrait davantage...

Une voix: Trois cents.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Vermette: Trois cents psychiatres?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Vermette: ...trois cents psychiatres qui faisaient défaut sur le plan provincial et qu'il y avait une forte concentration aussi, autant à Montréal - l'Association des psychiatres est venue démontrer... Alors, pour vous, quel est actuellement le facteur qui permettrait d'arriver à l'équité des ressources autant en région périphérique qu'en région éloignée? Vous êtes-vous plus penchés sur votre problématique en région périphérique qu'en région éloignée? Y a-t-iI des moyens qui seraient Incitatifs et non pas coercitifs pour favoriser la répartition des psychiatres?

M. Lonergan: Nous croyons que le ministère doit d'abord Identifier les régions en pénurie, contrôler sévèrement les postes accordés. Nous croyons à l'importance des mesures incitatives mais les mesures incitatives ne doivent pas nécessairement être financières. Par exemple, une affiliation universitaire peut fort bien être une excellente mesure incitative.

Des mesures quant à l'entraînement des résidents seraient importantes parce que, apparemment, la vie universitaire se régénère elle-même. Les résidents sont entraînés à favoriser la vie intellectuelle et la recherche. Ils veulent donc rester en milieu universitaire. Une

partie des stages des résidents devrait se faire hors des grands centres universitaires, en région périphérique, en région éloignée. L'enseignement devrait être plus orienté vers la clinique quotidienne et peut-être un peu moins vers la vie Intellectuelle et la recherche. Des postes de résidents devraient être réservés aux régions périphériques, aux régions éloignées, enfin aux régions identifiées comme étant en pénurie. Finalement, comme je le mentionnais tantôt, des hôpitaux en périphérie pourraient être jumelés à des hôpitaux universitaires. Ce genre de situation pourrait aider à une meilleure répartition des ressources.

Mme Vermette: Qu'est-ce qui fait qu'à l'heure actuelle c'est difficile d'avoir la collaboration avec les universités en ce qui concerne des stages ou des échanges sur le plan universitaire avec des étudiants?

M. Dion: Plusieurs facteurs rendent cela difficile. L'un d'entre eux c'est que les universités ont vécu depuis quelques années des contingentements du nombre de leurs résidents qui font qu'ils ont eux-mêmes - tous les hôpitaux d'enseignement - de graves problèmes pour organiser leurs ressources en fonction de cette diminution du nombre de résidents. C'est particulièrement exact en psychiatrie. Je pense que c'est là un facteur qui joue contre toute forme d'entente.

L'autre facteur c'est que c'est entendu que ce ne sont pas les hôpitaux universitaires qui vont prendre l'initiative d'aller faire ce type d'entente, en tout cas, ils n'iront pas très facilement faire ce type d'entente. Celle avec Baie-Comeau est un exemple qui pourrait se répéter ailleurs avec des régions qui n'ont pas à être aussi loin. Cela ne coûterait presque rien de le faire. (14 h 45)

Je pense que ce qu'il faut voir c'est qu'on n'a jamais Identifié qu'il y avait des régions en pénurie grave comme la Montérégie; donc, on ne s'en est pas préoccupé puisque ce n'était même pas identifié. Cela n'existait pas dans le vocabulaire du ministère, une région en pénurie. Ce qui existait, c'était: région éloignée et région centrale - point. Cela est un problème qui a empêché le développement d'Incitatifs. Là, je ne vous parie pas de coercition, je parle de mesures simples qui auraient pu donner des résultats. Il y a quand même des aspects sur lesquels on est bien placé. Je pense que si les départements de psychiatrie avaient le mandat de voir à former des psychiatres aptes à donner de la formation et de la supervision pour des médecins généralistes en psychiatrie... C'est un type d'organisation de soins qu'on est obligé de vivre en région. On n'a pas le choix. Aujourd'hui, à Sorel, il n'y a personne, parce que le département de psychiatrie à Sorel, c'est moi. Il n'y a pas un autre psychiatre. S'il y a quelqu'un à l'urgence, s'il y a quelqu'un qui est suicidaire, c'est un omni-praticien qui va le voir, obligatoirement. Ce sont des situations... Si je pars en vacances durant deux semaines, il n'y a personne. Il n'y a pas de psychiatre. C'est ce genre de pénurie qu'on vise quand on dit qu'on est en dessous de la masse critique, en dessous du minimum. Tout le monde va vous dire qu'il est impossible d'arriver à pouvoir s'organiser, à moins d'être trois ou quatre, dans une région.

Notre association de psychiatres disait qu'il fallait être au minimum cinq psychiatres par hôpital pour arriver à avoir un groupe qui ne soit pas trop vulnérable aux départs, aux maladies ou aux accidents. C'est effectivement ce qu'on a vécu dans plusieurs de nos hôpitaux au cours des dernières années. Je pense qu'il y a des mesures qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas été prises, des mesures pour la formation qui mettraient les résidents en contact avec les milieux non universitaires leur permettant d'avoir d'autres modèles que les modèles universitaires traditionnels. Cela a tendance à se reproduire et les gens ont peur de quitter cette sécurité qu'offre une surspécialisation, une clientèle très spécifique, un travail bien encadré avec beaucoup de collaborateurs et beaucoup de gens qui puissent donner des conseils ou faire une seconde opinion dans des cas complexes, alors que nous, nous sommes pris seuls avec ces problèmes.

M. Lonergan: Quant à parler de l'enseignement, on aurait une autre suggestion à faire, spécifiquement pour les universités. Quand on fait une résidence en psychiatrie, il y a deux facettes à notre entraînement: un enseignement théorique qui peut se donner n'importe où dans une salle de classe et l'ouvrage clinique quotidien qui doit être supervisé. Pour le moment, une bonne partie de l'enseignement théorique est rapatriée par les hôpitaux où travaillent les résidents.

Pour pouvoir mettre sur pied un programme d'enseignement théorique pour des résidents dans un hôpital, cela prend un mimimum de résidents; un hôpital ne peut pas mettre sur pied tout un programme d'enseignement pour un ou deux résidents. Ce n'est pas rentable du tout. Alors, on aurait à suggérer que l'enseignement théorique soit plus centralisé, plus rapatrié par l'université, que simplement les stages cliniques se fassent dans les hôpitaux. A ce moment-là, c'est plus facile à superviser et un résident peut fort bien faire un stage clinique à Albert-Prévost ou à Valleyfield ou à Longueuil ou à Sorel ou à Greenfield Park.

Mme Vermette: Dans le fond, ce que vous demandez, c'est le décloisonnement des hôpitaux universitaires et que ce soft plus accessible à une plus grande partie des hôpitaux, à l'heure actuelle.

M. Dion: Cela fait partie des solutions à

envisager et certaines surspécialités à l'intérieur de la psychiatrie... Je voudrais seulement dire un mot parce que le rapport Harnois est très peu explicite là-dessus. La pédopsychiatrie présente des problèmes d'organisation très particuliers. À Sorel, je ne crois pas qu'on ait jamais plus d'un pédopsychiatre; c'est à peu près ce dont on a besoin, un. Peut-être qu'on en aurait deux à demi-temps, un de ces jours, mais c'est à peu près cela. Les personnes vont se retrouver beaucoup trop isolées. Il faut qu'on ait des mécanismes qui nous permettent d'avoir soit une affiliation universitaire pour ces gens-là où ils puissent aller une journée par semaine, c'est possible, ou des ententes à l'intérieur de la Montérégie qui permettent, par exemple, d'avoir un contact avec un groupe plus important de pédopsychiatres, comme cela existe à Charles-LeMoyne. Actuellement, on n'a jamais eu les Instruments pour le faire, ni des politiques claires. Simplement le contingentement.. Écoutez, je connais un jeune qui est de la région de Sorel, qui voulait aller en psychiatrie, qui est allé à l'Université de Montréal, mais à cause du jeu, du nombre de postes disponibles, ce médecin n'a pas pu entrer en résidence en psychiatrie. C'était quelqu'un qui était déjà en contact avec la région. Nous ne sommes pas une région identifiée comme pouvant avoir un poste subventionné, comme cela existe pour les régions éloignées. C'est une autre mesure qui pourrait être mise en place Immédiatement et qui donnera des résultats seulement dans quatre, cinq ans, malheureusement. Le nombre de psychiatres qu'il nous faudrait sur la rive sud de Montréal, pour couvrir les besoins essentiels, on l'avait calculé, c'est entre 70 et 110, à temps plein, à l'Intérieur des hôpitaux. Cela veut dire qu'on pourrait accueillir, sans aucun problème, dans notre région, tous les résidents qui vont finir au cours des quatre prochaines années et qu'on ne serait pas en surplus en faisant cela. C'est cela, la situation.

Le Président (M. Baril): Est-ce que vous avez terminé, madame?

Mme Vermette: Cela va.

Le Président (M. Baril): Mme la députée de Châteauguay.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Étant de la région de ta Montérégie et connaissant bien les problèmes que nous avons à vivre, je dois vous féliciter et vous remercier d'avoir consenti à vous asseoir à une même table afin d'en arriver à déceler les problèmes et d'y apporter des solutions. Quant à moi, je voudrais savoir, dans un premier temps, à combien vous évaluez, en nombre, les places pour héberger nos malades chroniques actuellement.

M. Bouchard: En chiffres, c'est difficile à dire. J'ai déjà vu un chiffre avancé de l'ordre de deux par 10 000 de population, ce qui ferait, grossièrement, pour la Montérégie, peut-être 200 places. Actuellement, ces patients qui auraient besoin de soins à long terme sont soit dans des hôpitaux généraux, soit dans des structures qui ne sont pas suffisamment organisées pour les recevoir. Un certain nombre de gens de la population plus âgée est déjà rendu à Lafontaine. Il y a dix, douze ans, on pouvait encore les envoyer à Montréal. La partie la plus âgée de cette population a été transférée à ce moment-là. Actuellement, c'est avec les plus jeunes que ce groupe se reforme et cela s'accumule. Mon exemple doit être assez représentatif: un tiers de mes lits est bloqué par des patients chroniques qui pourraient bénéficier d'une ressource à plus long terme. C'est à peu près la même chose pour les autres hôpitaux. Dans cinq ans, je prévois que ce sera la moitié, probablement, les trois quarts de mes Iits. Forcément, mes patients qui ont besoin de soins aigus attendent et les autres attendent à l'urgence.

Mme Cardinal: Vous n'avez pas de statistiques réelles.

M. Lonergan: Oui, selon un recensement récent qui n'est pas complété, mais qui a été entrepris par le conseil régional, on croit qu'en Montérégie il y a près de 800 patients psychiatriques présentement dans des lits de ressources institutionnelles ou non institutionnelles. Ils auraient besoin d'une ressource différente. D'après ce qu'on peut voir, présentement, ils sont potentiellement mal placés, mal servis.

Mme Lavoie-Roux: ...800 lits dont vous auriez besoin. Non, ce n'est pas cela.

Mme Cardinal: Non, c'est ce que J'allais...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas de 800 lits dont vous auriez besoin s'ils étaient tous rapatriés chez vous.

M. Lonergan: Ce n'est pas 800 lits...

Mme Lavoie-Roux: C'est beaucoup, 800 lits.

M. Lonergan: Oui, c'est beaucoup. Là-dessus, il y en a qui sont en famille d'accueil, en centre d'accueil, en pavillon, etc.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais est-ce qu'ils sont bien servis? Est-ce qu'il faut les mettre dans une grande institution?

M. Lonergan: Non, Mme Lavoie-Roux, Ils ne sont pas bien servis. On a 60 patients psychiatriques au centre d'accueil Brassard. Il est d'ailleurs question de consacrer tous les lits du centre d'accueil Brassard à des personnes âgées et de ne plus y accepter de patients psychia-

triques. On ne sait pas où iraient ces 60 patients.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas ta question que je vous ai posée.

M. Lonergan: Si jamais cela se réalise...

Mme Lavoie-Roux: Là, vous me parlez de tous vos chroniques qui vivent dans des pavillons, dans des foyers de groupe ou dans des familles d'accueil et vous semblez dire qu'une bonne partie d'entre eux, parce qu'ils ne sont pas bien servis, devraient s'en aller dans des Institutions à caractère chronique. C'est ce que j'ai cru comprendre de votre réponse.

M. Lonergan: Non. Ce n'est pas cela que ]e dis. Je dis qu'un certain nombre de patients en familles d'accueil sont trop lourds pour les familles d'accueil et devraient être en pavillon.

D'autres patients, en pavillon, sont trop lourds pour le pavillon et devraient être en centre d'accueil, et ainsi de suite.

Mme Lavoie-Roux: Vous en avez combien... M. Lonergan: II y a un décalage. Mme Lavoie-Roux: ...de ceux-là? M. Lonergan: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Vous en avez combien dans votre région? Quels sont vos besoins exacts?

M. Lonergan: Je ne le sais pas.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez parlé de 800 tantôt et je trouvais que c'était beaucoup de monde.

M. Lonergan: 800, c'est le nombre total de patients présentement institutionnalisés dont le placement devrait être révisé. Mais c'est difficile à recenser.

Le Président (M. Baril): Une dernière courte question, Mme la députée de Châteauguay, s'il vous plaît.

Mme Cardinal: C'est très court pour évaluer tous nos besoins.

Le Président (M. Baril): Je vous comprends.

Mme Cardinal: À ce moment-là, je ne sais pas si vous pourrez me répondre. Vous me dites: 800 patients. Cela équivaut à quoi? À un nombre de lits à combler dans un court, un moyen ou un long terme? Il faudrait quand même se situer. On sait que nous sommes une région défavorisée, j'en suis très consciente et je pense que le ministère l'est également. Il a fait des efforts considérables pour combler certains écarts entre notre région et... Je pense qu'il faut le reconnaître, mais on a beaucoup à faire encore. Mais si on peut l'évaluer en termes de besoins réels, en termes lits, comme le dit Mme la ministre, 800 patients, c'est beaucoup, mais c'est réparti sur le territoire, que ce soit à Montréal, puisqu'on va chercher nos services à Montréal en majeure partie, ou à Valleyfield, qui comble une partie des besoins.

M. Monette: On peut peut-être partir de ce qui se passe actuellement pour vous répondre; ce ne sont pas des projections. On a environ le tiers des tits actifs de courte durée qui est occupé par des malades chroniques. À Valleyfield, c'est une dizaine. Bientôt, dans le nouvel hôpital que vous aurez tout près de chez vous, à Châteauguay, cela ne sera pas long que vous en aurez, vous aussi. Ce qui arrive, c'est que le problème doit être sous-régional en plus. Il n'est pas question dans notre esprit d'avoir une autre institution nécessairement sur la rive sud avec 200, 300 ou 400 lits, mais d'avoir des ressources sous-régionales bien équipées pour garder les patients chroniques près de leur famille, dans leur milieu, et pour les traiter adéquatement, alors que, dans les départements de soins de courte durée, ils ne sont pas traités adéquatement. Et cela nuit aussi aux malades de courte durée qui se retrouvent dans un environnement où ils sont très insécurisés par des gens beaucoup plus malades qu'eux. C'est mauvais pour les deux types de patients, autant la clientèle chronique que celle de courte durée. Je ne pense pas qu'on veuille recréer une institution sur la rive sud, qu'on veuille recréer un petit asile. Il nous faut quand même des ressources qui peuvent être beaucoup plus légères, mais qui sont nécessaires.

M. Bouchard: Je pense que la difficulté d'avancer des chiffres vient aussi du fait que ce n'est défini clairement nulle part qui aura besoin de cette ressource par rapport à qui peut s'accommoder d'une ressource plus légère. Il y a une hiérarchie dans les ressources, allant de la vie autonome jusqu'à l'institution, et il y a un certain jeu qui se fait là-dedans. C'est une chose dont on aurait été en droit de s'attendre du rapport. C'est très important que ce soit Inscrit et qu'on définisse ce besoin. On reconnaît qu'il y en a un, on reconnaît qu'il y a des gens qui ne pourront pas sortir des Institutions; on ne le reconnaît pas mais on sait qu'il y a des gens qui vont devoir entrer en institution parce que la maladie existe encore même si on veut en changer le nom. Il reste à définir cette proportion de nos patients qui aura besoin de soins à long terme de toute façon et la proportion qui pourra s'accommoder de ressources plus légères et aussi il reste à définir pour chaque région, en fonction de ses pondérations, de sa qualité de

population, ses besoins. Actuellement, ces choses-là n'étant pas mieux définies, c'est très difficile d'avancer des chiffres d'où...

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vais être bref parce qu'on a peu de temps à notre disposition. J'avais quatre ou cinq questions. Je vais essayer de poser mes questions rapidement. La première est en regard du plan de services individualisé. Vous êtes à peu près les seuls à l'avoir vu comme moyen bureaucratique alors que tous les gens qui sont venus ici, et vous-même l'avez dit au départ, centrent l'ensemble de leurs interventions sur la personne elle-même, la personne avant tout. C'est dans ce contexte que tous les groupes qui sont venus, les groupes alternatifs, les groupes communautaires ou autres ont parlé d'un besoin de partir de l'individu lui-même, de la personne avec ses besoins, plutôt que de décréter d'en haut quels sont ses besoins et comment les régler. J'ai saisi que vous compreniez cela comme étant un moyen bureaucratique additionnel que vous ne vouliez pas voir dans le portrait. Si c'était dans le sens inverse que ce que je viens de décrire, est-ce que vous changeriez d'opinion?

M. Lonergan: On est un peu méfiants, c'est tout...

M. Jolivet: D'accord.

M. Lonergan: ...mais c'est sûr qu'on endosse le fait que chaque patient psychiatrique doit établir le plan de son traitement avec ses thérapeutes; il n'y a aucun doute là-dessus.

M. Bouchard: N'oublions pas que nous vivons dans un contexte où il y a toujours un manque de ressources et où ces choses peuvent être perçues comme un luxe.

M. Desrochers: Ce qu'on est venu vous dire aujourd'hui, c'est qu'on n'a pas de psychiatres pour faire les plans de services individualisés.

M. Jolivet: Oui. Est-ce que, dans le contexte de ce qu'on a étudié ou entendu jusqu'à maintenant, cela prend nécessairement un psychiatre pour faire le plan de services individualisé? Les gens ont dit non. On a eu des exemples, hier, de gens provenant de différents groupes alternatifs qui nous ont dit: Nous, on a fonctionné de telle façon. Il y a même des expériences qui ont été conduites et qui permettent de dire que la personne aidée de cliniciens, de personnes autres que des psychiatres a réussi à faire des choses extraordinaires. C'est dans ce sens que le plan de services individualisé est présenté. (15 heures)

La deuxième question concerne la page 11. Vous mettez - justement pour continuer avec les groupes alternatifs, les groupes communautaires - un bémol sur l'utilisation de ces groupes. Vous dites: "Nous insistons pour que toute ressource subventionnée soit soumise à un rigoureux processus d'évaluation de l'impact de cette ressource sur la santé mentale de sa clientèle. La qualité et la pertinence de toute ressource devraient aussi pouvoir faire l'objet d'une évaluation." Et, vous terminez en disant que... Et vous donnez comme exemple les centres de prévention du suicide. Il y a des gens qui sont venus hier. Il y en a d'autres qui vont venir cet après-midi. Vous dites: "Les ressources dont l'effet n'a pas été véritablement prouvé devraient être subventionnées dans un contexte expérimental et tenues de faire la démonstration de leur raison d'être." Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il y a des groupes alternatifs qui, vraiment, n'ont pas d'affaire là et qui nuisent à votre travail plutôt que de vous aider ou qui nuisent à la personne handicapée plutôt que de l'aider?

M. Lonergan: II n'y a pas de groupes qui ont nui à notre travail. Mais, enfin, financer quelque ressource que ce soit, ça coûte de l'argent Et, comme le disait Mme la ministre tantôt, je pense qu'il faut s'assurer que ça vaut la peine. C'est juste une affaire de gros bon sens. Pour prendre cet exemple-là, on n'est pas tout à fait persuadés - on n'est peut-être pas tout à fait aussi au courant de la problématique que les gens du comité Harnois - que l'utilité des groupes de prévention de suicide ait été démontrée objectivement, noir sur blanc, pour diminuer l'incidence des suicides. On n'en est pas persuadés. Mais on ne dit pas que c'est mauvais d'avoir un centre d'Intervention du suicide. On dit: Jusqu'à ce que ce soit démontré que c'est utile, que ce soit un budget de recherche. Quand ce sera démontré que c'est utile, d'accord, on financera régulièrement.

M. Jolivet: Ce sur quoi on peut s'entendre cet après-midi, c'est une autre de vos recommandations ou un autre de vos propos à la page 12 en ce qui a trait à la mise en place du poste d'"ombudsperson" tel que décrit par le rapport Harnois. Vous dites: "Ce genre d'approche risquerait d'instaurer un système d'adversariat entre le thérapeute et son client." C'est une opinion que vous émettez. Mais ce sur quoi on peut être d'accord c'est peut-être, comme on le disait la semaine dernière, d'attendre toute la refonte de la Loi sur la curatelle publique et celle sur la protection de fa personne, pour ta personne qui est considérée comme malade mentale, pour justement s'assurer qu'il y ait un groupe, un individu, peu importe la formule qu'on trouvera, qu'il y ait quelqu'un qui vienne en aide à une personne qui se sent lésée, pour différentes raisons, dans le système institutionnel ou

non. Et c'est dans ce sens-là qu'on est d'accord avec vous quant à la question d'attendre. Mais si, malgré tout ça, il y avait création de ce poste-là, est-ce que vous le verriez d'un bon œil ou si vous maintiendriez, à ce moment-là votre position actuelle?

M. Lonergan: Pour les "ombudspersons" ou l'"advocacy"?

M. Jolivet: L'ombudsperson".

M. Lonergan: Bien, écoutez, si c'était créé, on travaillerait avec cela.

M. Jolivet: Mais vous aimeriez mieux que ce ne soit pas créé, qu'il y ait d'autres moyens.

M. Lonergan: Non, mais, un peu comme pour différents instruments de recherche, différents instruments d'évaluation et de planification des soins, on aimerait voir ce que c'est.

M. Bouchard: II semble aussi qu'on présume un peu vite qu'il y a lésion des droits. Il me semble que ça n'a pas été démontré que les gens ont vraiment besoin d'une telle protection. Il me semble qu'avant de procéder à la création d'un tel nombre de postes et d'instaurer un système où nous, qui sommes les partenaires de nos patients - on est là pour les aider - on est posés comme adversaires par rapport à eux, avant d'instaurer cela, je trouve qu'on devrait au moins réétudier comme il faut la question de la législation. Et on est d'accord avec cette réétude-là, qui est tout à fait due.

M. Jolivet: Vous avez raison dans le contexte peut-être de personnes qui se trouvent en centre d'accueil, famille d'accueil ou dans d'autres groupes qui offrent une forme d'aide à ces personnes, donc qui ne sont pas adversaires, et pas plus, non plus, que dans les centres où il y a des gens qui sont des cas profonds. Et, dans ce contexte-là, les comités de bénéficiaires créés dans les centres hospitaliers, comme Louis-H.-Lafontaine ou d'autres, nous ont dit qu'eux aussi verraient mat ta mise en place d'une nouvelle ressource tant et aussi longtemps qu'ils seront là avec des pouvoirs additionnels créés par la loi qui leur permettront de venir en aide à leurs confrères, aux bénéficiaires vis-à-vis de l'administration, qui pourrait, qu'on le veuille ou non, à un certain moment donné, créer certaines difficultés à des personnes.

M, Bouchard: En résumé, les premiers défenseurs des besoins de nos patients, on estime que c'est nous. Évidemment, si quelqu'un d'autre vient partager la tâche, c'est sûr qu'on va collaborer avec lui.

Mme Lavoie-Roux: Me permet-on une dernière question?

M. Jollvet: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Là, on parle de l'Individu qui pourrait avoir des problèmes avec l'administration. Vous dites: On est les défenseurs de nos patients. Normalement, c'est le cas. Mais qui protège te patient même, que ce soit un médecin, un psychologue, un ergothérapeute, un travailleur social ou autre? Qui protège véritablement le patient? Je peux vous parler d'une situation que j'ai vécue, dont ]'ai été témoin plutôt. Une femme dans la trentaine était dépressive à l'occasion, mais le psychiatre la soumettait à tous les mois à des électrochocs. Alors, elle devenait confuse, mêlée et encore plus anxieuse, jusqu'au moment où, d'elle-même, elle a dit: Je n'en veux plus. Cela a duré pendant plusieurs années. Son état de santé, finalement, s'est amélioré. Elle est encore suivie par son psychiatre, mais, à un moment donné, elle a dit: Je n'en veux plus; j'en ai assez. Elle sentait que cela la troublait, mais cela lui a pris du temps avant d'être capable de s'affirmer pour pouvoir, dans une relation thérapeutique avec le psychiatre, lui dire: Écoutez, j'en al assez de cela. Qui protège la personne dans ces cas-là?

M. Lonergan: C'est un peu difficile pour nous de nous prononcer sur un exemple particulier quand le psychiatre et ta patiente concernés ne sont pas là. Nous ne les connaissons pas.

Mme Lavoie-Roux: Vous savez que cela arrive ce genre de choses.

M. Lonergan: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Vous savez que cela arrive.

M. Lonergan: Vous présentez le traitement d'une dépression comme étant une attaque contre la patiente.

Mme Lavoie-Roux: Non pas comme une attaque contre la patiente, mais peut-être pas comme la bonne forme de thérapie.

M. Jolivet: II faudrait peut-être poser la question à ceux qui oeuvraient dans les méthodes alternatives de changement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Monette: Je peux vous donner un élément de réponse, Mme Lavoie-Roux. De toute manière, depuis longtemps déjà, dans la plupart de nos établissements de la Montérégie en tout cas, si vous prenez l'exemple des électrochocs ou de traitements semblables, qui sont des traitements devenus beaucoup moins fréquents, non seulement cela prend l'opinion du psychiatre traitant, mais cela prend toujours un consultant

et cela prend l'autorisation du DSP. Je pense qu'on a fait un effort pour encadrer ce genre de traitement qui est plus limité, plus particulier, ce qui fait qu'il y a probablement beaucoup moins d'arbitraire qu'il y a pu déjà en avoir.

M. Jolivet: II faudrait peut-être poser la question autrement. Mme la ministre a donné un exemple...

Mme Lavoie-Roux: Je déteste apporter des cas isolés...

M. Jolivet: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: II peut y avoir un accident n'importe où, mais ce n'est pas aussi isolé qu'on le pense.

M. Jolivet: Je veux simplement savoir qui va défendre la personne qui prétend être lésée. Je ne dis pas qu'il y a nécessairement une personne qui est lésée. Je dis: Elle prétend être lésée. C'est pour savoir si elle est lésée ou non.

M. Lonergan: Écoutez, pour recevoir des électrochocs, il faut y consentir.

M. Jolivet: Je ne parle pas des électrochocs.

M. Lonergan: C'est l'exemple que Mme la ministre apporte.

M. Jolivet: D'accord.

M. Lonergan: Pour les recevoir, il faut y consentir. Si la personne ne peut y consentir, elle doit être sous curatelle.

M. Jolivet: Je vais vous dire une chose. Je suis habitué, comme député et comme ancien président de syndicat depuis de nombreuses années, de voir des gens qui se sentent lésés pour toutes sortes de raisons. Au départ, je dis: Premièrement, je vais prendre un revers de la médaille, je vais vérifier l'autre revers de la médaille et je me ferai une opinion. C'est toujours ainsi que j'ai fonctionné. Je dis simplement, et c'est pour cela que j'ai posé la question, II y a la création d'un service à donner à quelqu'un et c'est dans ce sens-là que je dis que celui qui se sent lésé doit avoir un moyen de voir si, oui ou non, il y a lésion et, dans ce sens-là, avoir réparation. Vous me dites: Je suis le personnage qui va le sauvegarder parce que je suis son psychiatre. Je vous dis: Un instant. Dans mon comté, il y a des médecins qui ont fait une opération et iI a fallu que je fasse des démarches pour découvrir qu'on avait laissé quelque chose dans le poumon d'un patient et ce dernier a été malade pendant longtemps avant qu'on le découvre. C'est cela que je veux dire, si vous vous protégez entre vous, il ne faut pas penser que les autres qui sont lésés ne veulent pas obtenir réparation si vraiment ils le sont. C'est dans ce sens-là que j'ai posé la question.

M. Dion: Est-ce que je peux me permettre une opinion? Le sens de notre rapport, c'est que cela devait se faire dans la cadre de la refonte de la Loi sur la curatelle et de ta Loi sur la protection du malade mental qui est très vieillotte, elle aussi. D'autre part, on pense qu'un processus qui favoriserait plutôt une méthode qu'on appelle en anglais "advocacy* - je ne connais pas le terme français - serait peut-être préférable à l'approche un peu trop légaliste, un peu trop conflictuelle que représente Pombudsperson". Je veux simplement donner l'exemple de la Commission des affaires sociales qui révise actuellement les cas où les gens contestent la cure fermée. Cela fonctionne, ce n'est pas parfait, mais cela fonctionne dans le sens qu'ils arrivent, ce sont des gens de l'extérieur, ils viennent voir la situation, ils entendent la personne, ils entendent le psychiatre, ils cherchent à comprendre la situation et, dans la plupart des cas, on n'a pas besoin de se rendre à ces mesures-là, on n'a même pas besoin de faire venir la commission ou on annule à la dernière minute parce que cela a eu le temps de se décanter un peu. C'est dans ce sens-là qu'on pense qu'il y a moyen de protéger quand même les droits des gens sans nécessairement arriver avec une grosse structure et un système auxquels on doit faire appel pour toutes sortes de raisons qui sont en dehors des besoins réels.

M, Jolivet: C'est un peu ce que je voulais entendre dire, qu'il y a peut-être moyen, entre la partie légaliste et la partie de services à donner, qu'il y ait vérification. Je vous remercie de l'ensemble des Informations que vous avez données. On souhaite que ce que vous avez dit et proposé puisse faire l'objet de profondes vérifications par la ministre, dans sa politique qu'elle dévoilera un jour.

Mme Lavoie-Roux: À un moment donné, vous allez avoir de la difficulté parce que des gens étaient en contradiction. On ne pourra donc pas retenir tous les éléments.

À mon tour, je veux vous remercier. Je pense qu'on aurait pu discuter beaucoup plus longuement. En ce qui a trait à la question de l'ombudsperson", c'est un sujet qui a été abordé par à peu près tous les groupes, pas sur le fond de la question ou sur le principe d'un protecteur quelconque, mais sur la façon dont il devrait être intégré, sur la façon dont cela devrait fonctionner. La réponse n'est peut-être pas treize "ombudsperson" dans tout le Québec. Il y a peut-être d'autres formules qui pourraient être plus souples et répondre aux besoins de protection des personnes.

Je vous remercie beaucoup. Il nous reste un problème important, celui de la répartition des psychiatres dans tout le Québec. J'aurais aimé

revenir là-dessus, mais ce sera pour une autre fois. Merci.

Le Président (M, Baril): Messieurs, avant de terminer, je suis aussi député d'une grande région, l'Abitibi-Témiscamingue, et lorsque vous avez sorti tout à l'heure des chiffres de un sur quelque 4000 à Montréal, je tiens à vous dire que, dans ma région, pour 156 000 personnes, on a trois psychiatres. On en a un pour 52 000 personnes chez nous. Je pense qu'on a tous une petite pénurie. Il y en a trois en Abitibi-Témiscamingue. C'est simplement pour vous dire qu'on en a encore besoin, c'est sûr.

Je vous remercie beaucoup de vous être présentés. Vous êtes bien gentils. Je vous souhaite un bon retour chez vous...

Mme Lavoie-Roux: Pas trop froid.

Le Président (M. Baril): ...pas trop froid. Merci beaucoup.

J'Invite le groupe Auto-Psy à se présenter, s'iI vous plaît! Bonjour, messieurs. Avant de commencer, on vient de me dire d'augmenter de 50 % le nombre que j'ai dit tout à l'heure. Apparemment, on en a trois de plus, on a six psychiatres en Abitibi. Alors, mon intervention était bonne.

Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Voulez-vous vous présenter, s'il vous plaît?

Auto-Psy

M. Girard (Réjean): Mon nom est Réjean Girard et je suis du groupe Auto-Psy. À ma droite, Jean Denis, un confrère du conseil d'administration, et, d'autre part, Pierre Carpentier.

Le groupe Auto-Psy est un organisme communautaire - je fais la nuance - qui s'adresse tout particulièrement à la psychiatrie, composé de personnes psychlatrlsées et de sympathisants qui travaillent à la défense des droits des personnes psychiatrisées. C'est un organisme provincial. Auto-Psy est présent dans trois régions du Québec, soit ta Mauricie, plus précisément Shawinigan et Trois-Rivières, Montréal et Québec. (15 h 15)

M. Carpentier (Pierre): Malgré ta réputation qui nous précède dans certains milieux, il nous semble de bonne guerre de reconnaître, comme l'ont déjà fait plusieurs groupes et Intervenants invités à cette table, la pertinence des principes mis de l'avant dans le projet de politique en santé mentale. Cependant, s'il est mal vu d'être contre la vertu, il est parfois difficile de résister à la tentation d'aller voir ce qui se cache derrière des extérieurs vertueux, quitte à être taxé de méfiance. Ceci dit, nous sommes sensibles à la volonté exprimée de resituer la personne aux prises avec des problèmes mentaux au coeur de ce projet ainsi qu'à l'approche visant à la reconnaissance du potentiel des personnes et de leurs proches. Nous nous réjouissons de l'Importance accordée aux Initiatives issues de la communauté et souscrivons à l'assertion selon laquelle une ressource communautaire en mesure de dispenser un service dans sa communauté devrait avoir priorité sur toute autre forme de structure. Nous reconnaissons également la pertinence des principes visant à établir la primauté de la personne et l'équité comme préoccupation fondamentale. Nous tenons enfin à signaler que nous sommes solidaires de la position adoptée par le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, que vous avez déjà entendu ici et dont Auto-Psy est membre.

Nous, aimerions profiter de l'occasion pour signaler que le projet de politique utilise le terme "organisme communautaire" pour désigner l'ensemble des ressources Intégrées à la communauté. Cette appellation nous paraît trop large et, en conséquence, cela risque d'engendrer trop de confusion. Les ressources alternatives ont un caractère communautaire parce qu'elles sont intégrées à un milieu, à une communauté et qu'elles travaillent avec les membres de cette communauté. Cependant, la caractéristique fondamentale et spécifique des ressources alternatives, c'est la philosophie qui les anime. En ce sens, l'autonomie demandée par les ressources alternatives est Importante pour conserver cette philosophie d'intervention qui a l'avantage de proposer un choix aux personnes, quelle que soit l'Intensité des difficultés de la personne. La ressource alternative est, d'abord et avant tout, une option offerte à la personne. Nous pensons qu'il faut reconnaître cette forme de possibilité de choix pour les personnes dans le cadre d'une approche qui privilégie la primauté et le respect de la personne.

M. Girard: Le rôle du CRSSS, Si les principes mis de l'avant par tes promoteurs d'un partenariat élargi appellent la participation des acteurs principaux en santé mentale, cela renvoie à la problématique de la distribution des rôles, En effet, l'identification des acteurs ne va pas nécessairement de pair avec la définition du rôle qu'ils sont appelés à jouer. La proposition visant à confier aux CRSSS la responsabilité de la planification et de l'articulation de l'ensemble du système de santé mentale autour du service à la personne nous amène à mettre en doute tes liens qu'entretient cette instance avec la communauté et l'accueil qu'elle réserve aux initiatives Issues de cette communauté. Nous avons à l'esprit quelques épisodes croustillants de la drôle de guerre que se livrent périodiquement les acteurs d'une comédie d'un goût douteux et qui nous suggère le type de partenariat qui nous guette, si les règles du jeu restent Inchangées.

En mai 1984, des représentants et représentantes de groupes communautaires en santé mentale de la région de Québec, appuyées en

cela par le CLSC de la basse-ville, formulent un projet de centre de crise afin de parer à un besoin pressant dans la région. Au ministère de la Santé et des Services sociaux, on nous Informe qu'une enveloppe de 300 000 $ est disponible afin de permettre la mise sur pied d'un tel centre; la région de Québec devait être une région pilote. À notre grand étonnement - au fond, on n'était pas si surpris - le CRSSS de Québec, à l'automne 1985, décide de financer à même ce budget le déficit de certains hôpitaux. Ironie du sort, à quelque temps de là, en mars 1986, le CRSSS devait se faire le - promoteur de la mise sur pied d'un centre de crise, apprêté à la sauce communautaire. Bel exemple du lien privilégié qu'entretient le CRSSS avec tes représentants de la communauté!

Plus près de nous dans le temps, en septembre 1987, alors que le groupe Auto-Psy de la Mauricie se permettait de critiquer un document de travail portant sur la planification, l'organisation et la coordination des services en santé mentale dans la région 04 - en passant, ce document était vraiment axé sur les institutions; P y avait à peine une question pour les groupes dits, entre guillemets, communautaires ou alternatifs. Le directeur général en a profité pour dire publiquement qu'il mettait en doute la pertinence de l'implantation des ressources alternatives d'hébergement, tentant manifestement de discréditer le travail d'organismes communautaires de la région.

À notre avis, les situations décrites ici illustrent la difficulté de faire reconnaître par le CRSSS l'importance du rôle des représentants de la communauté et des organismes communautaires dans le processus de consultation et de décision qui accompagne toute démarche visant à la planification et à l'application d'un plan d'organisation des services. Nous croyons que l'aménagement d'interfaces entre les différentes organisations dispensatrices de services ne peut se concrétiser aussi longtemps que la composition des commissions administratives restera Inchangée et qu'elle ne respectera pas les règles d'une démocratie qui ne soit pas que de principe.

Dans la région de Québec, les groupes communautaires en santé mentale attendent depuis des années que le CRSSS daigne leur accorder une place significative à l'intérieur des mécanismes décisionnels. Qu'un comité aviseur ou qu'une commission administrative décide de l'orientation régionale des services à dispenser en santé mentale ne pose pas en soi de problème. Là où la formule achoppe, c'est lorsqu'un représentant du secteur communautaire se retrouve dans un comité ou une commission face à sept ou huit représentants du réseau hospitalier ou des structures Intermédiaires. Laissez-moi vous dire qu'on vous regarde de haut à ce moment. Les travaux d'un comité spécialement mandaté pour étudier cet état de fait et y remédier sont d'ailleurs, à ce jour, restés lettre morte. Cela indique peut-être la volonté à peine avouable de maintenir un statu quo dont pâtit toute la communauté.

Même s'il est spécifié que "le propre d'une politique est avant tout la création des conditions propices à l'atteinte de ses objectifs plutôt que l'Imposition de règles et de nonnes précises", nous croyons qu'il est légitime de notre part d'espérer retrouver l'énoncé de mesures concrètes visant à assurer la représentativité des groupes nommément identifiés comme acteurs importants à des niveaux décisionnels où le terme partenariat prendrait enfin tout son sens. C'est dans cette optique que nous appuyons sans réserve la proposition du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec concernant la composition de la commission administrative de la santé mentale des CRSSS. C'est une proposition visant à assurer une représentation égale aux membres de la communauté, aux représentants des ressources alternatives et communautaires en santé mentale ainsi qu'aux représentants des établissements. C'est la formule un tiers, un tiers, un tiers.

M. Denis (Jean); Quant au respect des droits, l'expertise que nous avons développée depuis sept ans au chapitre de la défense des droits des personnes psychlatrisées et ex-psy-chiatrisées nous autorise, croyons-nous, à adopter une attitude critique face aux quelques recommandations touchant le respect des droits. Sur cette question, II est mentionné que 'le respect des droits de la personne ne relève pas uniquement de la disponibilité de textes qui donnent un cadre légal à l'intervention. Si ceux-ci en arrivent à limiter le pouvoir que détient un individu sur un autre, ils sont généralement peu indicatifs de la façon dont le respect de ses droits peut, en pratique, être raffermi, protégé et promu". De fait, les droits de la personne sont souvent ignorés en psychiatrie. Ces droits sont de peu de valeur ou inopérants si on ne met pas à la disposition de la personne les moyens de les exercer.

La proposition du comité visant à concrétiser la fonction d"advocacy" nous semble inacceptable dans sa formulation actuelle. Les résultats obtenus par les personnes qui, à l'heure actuelle, portent plainte auprès des CRSSS sont indicatifs de l'efficacité de cette instance au chapitre du respect des droits de la personne. Ce recours est d'ailleurs mal connu. On est en droit de se demander s'il gagnerait à être mieux connu. Une étude effectuée par te centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal démontre que la protection des droits des usagers est loin d'être une priorité pour les CRSSS et que ce recours est inefficace lorsque l'enjeu est important.

Je vais citer ici l'extrait d'un rapport de Me Ménard qui est reconnu pour ses travaux en droit de la santé. Je cite: "Les problèmes qui résultent de la procédure de plaintes au CRSSS et qui en limitent ta portée sont doubles. D'une

part, les CRSSS n'ont pas encore réussi à bien établir leur position face aux établissements et, d'autre part, la volonté politique de plusieurs CRSSS d'assurer une implication des instances supérieures du CRSSS fait largement défaut À plusieurs endroits, et ce, malgré le travail remarquable des conseillers aux plaintes, le traitement des plaintes demeure une priorité lointaine et effacée qui ne se traduit que par un examen sporadique du nombre de plaintes déposées et de leur résultat sommaire."

Alors que pour réaliser ses autres mandats, le CRSSS doit travailler en étroite collaboration avec les établissements, conserver de bonnes relations et négocier avec ces mêmes établissements, la fonction supplémentaire qu'on lui demande d'assurer le place dans une situation inconfortable où le conflit d'intérêts est manifeste. D'ailleurs, le Conseil des affaires sociales et de la famille s'est déjà prononcé sur ces problèmes. Je vais citer un autre extrait: "De plus, n'ayant aucun pouvoir formel pour exercer son mandat à l'égard des plaintes, le CRSSS ne peut bien souvent que s'en remettre à la version des faits que lui procure l'établissement. II faut donc rechercher des moyens plus efficaces pour assurer la protection des droits des bénéficiaires." On doit se rappeler que, devant les démarches à faire, le plaignant est souvent seul à la recherche du moyen adéquat pour se faire entendre et pour franchir tes étapes que ce processus implique, le fardeau de la preuve en plus.

En ce qui a trait à la fonction "d'ombudsman" à l'Intérieur de l'établissement, II nous apparaît important de noter que celui-ci est souvent sous l'autorité immédiate du directeur général de l'établissement. Nous voyons son rôle davantage comme celui d'un médiateur entre l'administration et les utilisateurs de services que comme un véritable allié et défenseur des droits des personnes psychiatrisées. Sans nier son utilité en tant qu'agent de prévention des conflits, pouvant à l'occasion apporter certaines améliorations aux conditions de vie des utilisateurs de services, nous croyons qu'il ne peut être en position d'indépendance face à un conseil d'administration qui est en cause dans une contestation de droit Enfin, si on veut assurer un maximum d'indépendance et une apparence d'impartialité à l'ombudsman", il ne devrait jamais être choisi parmi les employés ou les anciens employés de l'établissement, comme ce fut le cas au Centre hospitalier Robert-Giffard, en 1984.

De son côté, l'ex-Protecteur du citoyen du gouvernement du Quéfbec, M. Yves Labonté, émet l'avis suivant au sujet du rôle de Tombudsman" à l'hôpital: 'II s'agit de s'assurer que les droits qui découlent des lois sont respectés par ceux qui ont précisément ta charge de les appliquer. C'est alors qu'entre en jeu le concept de Tombudsman1'. Malgré tout le respect que je dois aux personnes qui tiennent ce rôle dans les hôpitaux actuellement et bien qu'ils accomplissent un travail merveilleux et essentiel à l'hôpital, je dois dire que c'est par un abus de langage que ces personnes sont désignées sous le nom "d'ombudsman". Il n'est pas permis d'utiliser ce mot pour définir la fonction telle qu'elle est actuellement. Ils relèvent du directeur général ou du directeur des services professionnels, de sorte qu'ils n'ont pas les coudées franches. Comment un employé pourrait-Il faire une enquête sérieuse sur les agissements présumés fautifs de son supérieur? Comment pourrait-il le dénoncer publiquement, alors que cela est absolument essentiel? Peu Importent les raisons Invoquées, si une décision de l'administration a lésé un patient, Tombudsman* doit pouvoir dire: Je regrette, mais cette personne a été lésée et vous devez apporter un correctif.' Même le CRSSS ne peut jouer ce rôle objectivement, puisqu'il fait également partie du réseau des affaires sociales: 'il me semble très difficile de conserver son Impartialité quand on travaille en collaboration.*

L'hypothèse d'un poste d"ombudsperson" créé par les CRSSS nous renvoie à la nécessité maintes fois exprimée de créer un système de protection et de défense des droits qui soit libre de toute attache et indépendant du réseau des affaires sociales. Quelques extraits d'une lettre de l'ex-'ombudsman" de l'hôpital de Rivière-des-Prairies adressée à la ministre de la Santé et des Services sociaux illustrent bien, à notre avis, les écueils qu'est appelée à rencontrer une personne dont la fonction l'oblige à ménager la chèvre et le chou. Je cite: "Mon poste a été imposé à la direction de l'hôpital qui, manifestement, n'en voulait pas. Au début, te directeur général et le directeur des services professionnels m'ont fait un accueil correct, sans plus. Par contre, au fur et à mesure de l'évolution de mon travail, j'ai senti que la collaboration promise de leur part s'estompait. Petit à petit, les allusions, les pressions pour me confiner à une approche très restrictive et très limitée de mon mandat se sont fait sentir. Pour eux, il était clair que je devais faire primer leurs décisions, leurs Interventions sur les intérêts des bénéficiaires, lorsque les uns étaient en conflit avec les autres. J'ai compris rapidement qu'au-delà des beaux discours sur la qualité de vie, les conditions de vie et le respect des droits, toute la partie qui se joue dans cette Institution repose essentiellement sur ta volonté de la direction en place à ne rien changer en profondeur, à ne tolérer aucune remise en question et à évincer ou marginaliser, subtilement ou non, toute forme d'opposition ou de contestation interne."

On peut difficilement Imaginer qu'un fonctionnaire mis en place par le CRSSS pourra afficher l'Indépendance nécessaire à l'exercice d'une fonction qui ne saurait tolérer la moindre présomption de complaisance ou de conflit d'Intérêts. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il n'y a pas lieu de créer un tel poste d'"ombudsperson*, mais plutôt d'Instaurer un système national d'*advocacy" s'inspirant, dans

les grandes lignes, de celui mis en place aux États-Unis, en 1986, qui vise à parer aux insuffisances relevées d'un État à l'autre au chapitre des mesures visant à assurer le respect des droits des personnes psychiatrisées. Le Congrès américain a donc adopté une loi visant à assurer la protection et la promotion de ces droits en confiant à des organismes sans but lucratif ou à des agences d'État bénéficiant de fonds fédéraux le soin de faire respecter les droits inscrits dans la loi, (15 h 30)

C'est ainsi que nous demandons que soit instauré un système de ce type prévoyant la mise sur pied, dans chaque région administrative du Québec, d'un organisme sans but lucratif, indépendant du réseau des affaires sociales, dont le conseil d'administration serait composé d'une majorité de personnes psychiatrisées ou ex-psy-chiatrisées et qui assurerait le respect des droits des personnes psychiatrisées dans leurs dimensions légale, sociale et thérapeutique. Ces organismes trouveraient leur financement auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux.

M. Carpentier: Toujours au chapitre du respect des droits, il est précisé dans le projet de politique, et je cite: "Ce n'est pas tant les détails techniques et les aspects juridiques qui retiennent notre attention. Nous avons plutôt choisi de mettre l'accent sur deux recommandations plus susceptibles de favoriser l'atteinte des objectifs de cette politique..." Nous croyons, quant à nous, qu'un examen de ces détails techniques s'impose si on veut mettre en lumière les difficultés rencontrées par les personnes désireuses de faire valoir leurs droits et d'en assurer la défense.

Permettez que nous attirions votre attention sur le genre de détails qui font regretter à certaines personnes psychiatrisées qu'à certains niveaux décisionnels on n'ait pas davantage le souci du détail. D'abord, il nous apparaît primordial que des mesures concrètes soient prises afin que la distinction entre cure libre et cure fermée soit établie de façon non équivoque et que cette distinction se traduise dans les faits. Nous trouvons Inacceptable le fait qu'on invoque l'existence des règlements internes de l'établissement pour justifier une privation de liberté comme celle de circuler dans l'établissement. Par ailleurs, alors que la Loi sur les services de santé et les services sociaux reconnaît la liberté de choix du professionnel, notons que cette liberté est limitée par la réglementation des centres hospitaliers et des CLSC. Cela nous renvoie à la difficulté qu'éprouvent bon nombre de personnes en institution à changer de médecin, alors que la loi leur reconnaît ce droit. Nous demandons que des mesures soient adoptées afin que ce droit s'avère effectif.

Concernant les contentions et l'isolement, nous déplorons le fait que ces méthodes soient souvent, pour le personnel des Institutions, des moyens de contrôle et des palliatifs à des carences administratives ou à un manque de ressources. Nous demandons que l'utilisation de ces mesures coercitives soit restreinte à des indications cliniques précises, prescrites dans des situations d'urgence et pour un temps limité.

En ce qui a trait aux thérapies "aversives", compte tenu de leur peu d'efficacité et de leur connotation péjorative, nous demandons qu'elles soient supprimées. Par ailleurs, l'utilisation de la sismothérapie - les électrochocs - et des médicaments psychotropes devrait être soumise à un examen sérieux, à la lumière des effets secondaires qu'entraîne la consommation de ces médications. Nous demandons que soit établie, de la part des praticiens, l'obligation d'informer les personnes qui reçoivent ces traitements des effets secondaires et des dangers encourus.

L'augmentation du nombre de personnes psychiatrisées à l'intérieur du système carcéral québécois reflète une tendance nord-américaine. Une étude récente démontre que la probabilité pour une personne d'être arrêtée augmente de 20 % pour les suspects manifestant des signes de désordre mental.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse. Comme il vous reste seulement une minute, je vous demanderais de conclure.

M. Carpentier: Une minute? Par rapport à la question des personnes psychiatrisées dans te système carcéral... Non. Concernant les ordonnances du lieutenant-gouverneur, nous demandons que ces ordonnances soient limitées aux cas de personnes jugées dangereuses. Pour conclure...

Le Président (M. Leclerc): Prenez le temps qu'il vous faut pour conclure.

M. Carpentier: C'est parce qu'il nous en reste pas mal.

Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, c'est un rôle ingrat.

M. Girard: On va passer sous silence la désinstitutlonnalisation, mais j'espère que vous lirez attentivement le bout qui concerne cela. Entre autres, on relevait te domaine du travail et l'importance de mettre l'accent là-dessus. C'est beau de parler de désinstitutionnalisation, mais il faut voir aussi à la réintégration dans la société.

Nous avons insisté, tout au long de ce commentaire sur le projet de politique, sur ta nécessité de développer des mécanismes concrets devant favoriser le respect des droits des personnes psychiatrisées. Aussi loin vous êtes de moi, actuellement, dans cette salle, aussi loin on peut être de toute la problématique des psychia-trisés. Celui ou celle qui, actuellement, se promène sur la rue ne sachant pas tellement où aller, en étant souvent brimé, compte tenu qu'il

ou qu'elle n'a pas la personnalité nécessaire pour passer au travers, Je pense qu'il est important pour les groupes de défense des droits en psychiatrie... Je vous assure que ce n'est pas facile de le faire, mais II s'agit de donner cette équité dans le sens qu'on parle de services, mais ta défense des droits dans le rapport nous semble mise au second plan. Pourtant, il est extrêmement important que notre société permette à des groupes de défense des droits des psychiatrisés de survivre. Pour une organisation provinciale à 43 000 $ par année, je ne sais pas si vous savez ce que vous pouvez faire avec cela... De ce côté, c'est important

D'autre part, on croit qu'un grand nombre de gens qui sont actuellement en psychiatrie ne devraient pas y être. On pense qu'on doit offrir à ces gens la possibilité de réintégrer la société, de sortir des hôpitaux. C'est Important qu'une espèce de ménage soit fait là-dedans. On parlait tout à l'heure du manque de personnel en psychiatrie, c'est-à-dire de médecins, de professionnels. Dans un réaménagement - je pense qu'il y a assez de gens qui s'occupent d'eux - il s'agit tout simplement de donner les moyens financiers à une autre alternative que celle qu'on connaît, celle de l'Institution.

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie. De toute façon, vous pourrez sans doute continuer vos explications à la suite des questions des membres de la commission. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier les représentants du groupe Auto-Psy pour leur mémoire. Je pense que c'est la deuxième fois que vous avez l'occasion de vous faire entendre en commission parlementaire sur le sujet. Vous étiez venus en 1985, si ma mémoire est bonne. II y a une seule question que je vais vous poser; ensuite, je vais laisser la parole à mes collègues qui me reprochent de prendre toujours trop de temps. Deux choses, d'abord la désinstitutionnalisation. Ce n'est pas clair pour moi si vous êtes pour la désinstitutlonnalisation. Deuxièmement, vous avez fait une affirmation, à savoir - vous n'avez peut-être pas dit: un bon nombre, vous me corrigerez - qu'un bon nombre de personnes traitées en psychiatrie ne devraient pas l'être. J'aimerais que vous explicitiez cette chose.

M. Girard: En ce qui concerne ceux qui ne devraient pas s'y retrouver, je vais donner des exemples de gens souffrant d'autisme. On peut se demander si, dans certains cas, ils ne pourraient pas aller carrément ailleurs, dans d'autres services. Ces gens-là sont souvent hospitalisés, surmédicamentés. On se pose la question quand on voit fes expériences faites en Europe, à savoir si le coût que notre société paie pour ces gens-là rend service, d'abord à la société, mais surtout à la personne. Est-ce que vraiment elle devrait passer toute une vie à l'intérieur d'une

Institution...

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi. Est-ce que vous avez parlé des autistes?

M. Girard: De l'autisme, entre autres. Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Girard: On en retrouve en grande quantité. En tout cas, moi, dans mon milieu, en Mauricie, à l'hôpital Sainte-Thérèse, on en retrouve beaucoup. Certains, aussi, se retrouvent seuls dans la vie, Us n'ont pas de soutien, ni moral ni social, la famille n'étant plus là, et, souvent, on prolonge Indûment leur hospitalisation parce qu'il n'y a pas d'autre chemin pour eux. On a l'Impression que, quelquefois, l'Institution est bloquée, manque d'imagination, et on les garde, cela remplit les lits et ça finit là. Moi, en tout cas, j'ai connu personnellement un cas à Shawinigan, que je vous citerai comme cela, où la personne en quatre ou cinq mois a changé complètement de comportement en bénéficiant d'un encadrement extrêmement souple. On lui a donné des responsabilités et on a découvert une tout autre personne. Même à l'intérieur de l'institution, même si on avait été jusque-là les purs et durs, et qu'on était les méchants dans cette société, ils ont avoué qu'effectivement la personne avait fait des progrès. Pourtant, ça fait quatre ans. Elle était adolescente, à l'époque, quand elle a été hospitalisée. Cela fait quatre ans. Pas de parents, ni père, ni mère. Qu'est-ce qu'elle fait dans l'institution? On se pose la question. En tout cas, un médecin traitant, ces jours derniers, parce qu'elle demandait un Changement de médecin, il lui disait: En tout cas, moi, je ne peux pas te prendre parce que... D'abord, tu n'as pas d'affaire dans l'Institution. C'est un médecin de l'Institution qui lui disait ça, et j'ai trouvé ça assez gentil. Cela venait prouver un peu ce qu'on disait. Enfin, un professionnel disait comme nous. Quand on dit des choses comme ça, on nous répond qu'on n'a pas la formation. Sauf que là, quelqu'un qui avait la formation le disait. Et ce fut Intéressant, en tout cas, à ce moment-là, de constater qu'on avait raison. Et l'autre...

Mme Lavoie-Roux: C'était sur la désinstitutionnalisation. Je vais ajouter une question. Est-ce que vous croyez que toutes les personnes qui sont en institution pourraient être ailleurs, si des ressources étalent là, ou si vous croyez qu'un certain nombre de personnes vont toujours requérir un système institutionnel, amélioré, si on veut, mais un système institutionnel?

M. Denis: Une étude qui a été faite au Centre hospitalier Robert-Giffard disait que 50 % des gens pourraient sortir éventuellement, mais avec des ressources et un encadrement minimum. C'est certain que les gens qui sont à l'hôpital

depuis deux ans ne peuvent pas sortir demain matin et dire: Bon, je m'en vais, je vais vivre une vie normale, entre guillemets. C'est certain qu'il faut avoir des ressources. Quand on parie de ressources, ça peut être, pour prendre un exemple concret, au chapitre du travail. C'est certain que quelqu'un qui n'a pas travaillé depuis deux ans ne peut pas, le lendemain matin, aller au centre de main-d'oeuvre et se débrouiller. Il faut vraiment de l'encadrement pour lui expliquer où il faut aller chercher de l'ouvrage. Il y a des secteurs qui sont plus intéressants, il y a des secteurs qui sont plus en progression. C'est certain qu'il faut que la personne ait des connaissances avant de partir sur te marché du travail. C'est le genre de ressources qu'on voudrait plus nombreuses.

Dans cette optique-là, nous avons présenté un projet SEMO il y a trois ans. Cela n'a jamais été accepté, mais c'était le genre de mesure vraiment adaptée aux personnes psychlatrisées. Il pourrait y avoir des clubs d'emploi, comme on les appelle. Les gens se présentent au bureau, avec le même horaire qu'au travail. Ils échangent sur leurs expériences et c'est comme un renforcement pour arriver à l'estime de soi. C'est ça, finalement. Ces gens ont souvent été ballottés et doivent se rendre compte de leur potentiel, arriver avec ça à être plus forts et aller sur le marché du travail. C'est dur sur le marché du travail. Ces gens-là ont perdu les aptitudes minimums pour aller sur le marché du travail. C'est ce genre de ressource qu'il faudrait fournir aux gens qui retournent sur le marché du travail.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la ministre. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. Merci, M. te Président. J'ai eu l'occasion de travailler avec des groupes qui représentent des psychiatrisés et des ex-psychia-trisés qui veulent se prendre en charge - comme je l'ai dit et répété la semaine passée - sur le même principe que les alcooliques anonymes qui se disent: Qui est le mieux placé pour aider l'autre, sinon celui qui a vécu la même chose? Cependant, si je me fie à ce que j'écoutais tout à l'heure, et vous étiez dans la salle, des gens disaient: Oui, mais ces groupes-là, les groupes alternatifs comme le vôtre, pourquoi leur donner de l'argent si on n'a pas le résultat des avantages que cela comporte d'avoir des groupes comme ceux-là?

Alors, j'aimerais vous entendre réagir, comme groupe alternatif, à ceci. On dit: Écoutez, on donne de l'argent, mais c'est peut-être de l'argent jeté à l'eau parce que, finalement, on n'a pas de résultats tangibles. Il faudrait même les surveiller, les contrôler. Comment voyez-vous ça, vous qui vivez depuis quelques années comme groupe alternatif?

M. Girard: C'est au fond le portrait de notre société. Une réponse des institutions: elles pensent qu'on a des millions, comme elles en ont d'ailleurs. Je me suis déjà fait dire ceci par le directeur général d'une institution de ma région: On ne sait pas ce que vous faites avec l'argent. On en a très peu, et je pense que c'est difficile à quantifier, sauf que, quand on vit avec eux quotidiennement, c'est-à-dire entre nous, pour bien dire les mots, entre nous, entre psychiatrisés, on voit les progrès, on sent les progrès et que l'institution porte des jugements de ce type... Quand on lit les journaux quotidiennement, II se passe des choses de l'autre côté et les montants ne sont pas les mêmes non plus. La batterie n'est pas la même dans une maison alternative et dans une institution. Les coûts sont très différents. (15 h 45)

Ce que je remarque le plus et ce que je voudrais dire à la suite de Jean, c'est que nous avons fait des expériences en Mauricie pour le travail. Une des réalités concrètes, c'est que quelqu'un qui a séjourné deux ans, trois ans, six ans. ou qui a fait le tourniquet, c'est-à-dire qui est passé au tourniquet, qui est allé d'hospitalisation en hospitalisation, concrètement, quand on parle de retour au travail, il faut avoir les deux pieds sur terre, cela ne se fait pas... Quelqu'un à qui on demande de faire 40 heures d'un coup, comme ça, après six ans, sept ans ou huit ans, c'est techniquement impossible. Quand on parle de réinsertion, de remettre des gens dans notre société, je n'ai pas trouvé la formule, mais on essaie de la trouver. On dit que cela devrait se faire tranquillement, lentement, avec peu d'heures et beaucoup de compréhension. Il y a des expériences, que certains qualifieront d'exploitation, faites par des multinationales aux États-Unis. On fait faire des heures de travail. Quand des problèmes se posent, on les voit particulièrement, ils sont suivis, ils ont un encadrement spécial. Nous avons fait des expériences avec des gens en leur faisant faire deux heures de travail par jour, et c'est important. Cette partie de notre mémoire, en Mauricie, on y tient beaucoup pour des raisons significatives. Des gens ont commencé à retourner au travail, ils ont des difficultés. Souvent, Us vont revenir. Souvent, il va y avoir une rechute. On pariait tout à l'heure des SEMO. Dans notre région, seule l'institution peut - ce sont les règles du jeu; on essaie de négocier avec eux - référer des gens pour autant qu'ils sont inscrits au centre de jour. C'est le type de comportement institutionnel qu'on déplore et on pense qu'on peut être aussi un "réfèrent", parce qu'il y a des gens qui viennent chez nous. Il y a des gens qui occupent des fonctions au sein de l'organisme et qui, avec le temps, apprennent, se remettent au boulot, vivent dans le concret, mais cela n'est pas facile. Il faut leur permettre de le faire.

M. Carpentier: J'aimerais ajouter quelque

chose à ce que Réjean vient de dire en réponse à la question que vous posiez. Quand on nous pose des questions sur l'efficacité des ressources alternatives ou communautaires, on pourrait retourner la question aux institutions ou aux établissements. Quel est le taux de réussite? À quel résultat en arrivent-ils, eux, concernant tes personnes qui vont y chercher des services? Quand on pense que le taux de réadmission est de 75 % ou 80 %, est-ce qu'on peut dire que les résultats sont concluants? Dans cette optique, je pense qu'on n'a rien à leur envier. On peut se demander quels sont les résultats que recherchent les établissements lorsqu'ils accueillent quelqu'un, quel type de résultat ils cherchent à atteindre avec la personne et quel type de résultat une ressource alternative cherche à atteindre avec une personne qu'elle accueille. Ce n'est peut-être pas toujours le même type de résultat. Si une personne arrive à l'hôpital ou dans un établissement dans un état lamentable ou très troublé, ce que l'établissement va chercher à faire, c'est de faire en sorte que la personne soit récupérable. Ou on va essayer de faire taire son problème ou sa souffrance et on ne cherchera pas nécessairement à la réinsérer socialement. Plusieurs ressources alternatives vont chercher non seulement à faire taire cette angoisse, cette souffrance, mais, surtout, à aider la personne à se réinsérer socialement. Je pense que c'est le type de résultat qui est plus difficilement tangible, mais qui, à nos yeux, vaut un autre type de résultat qui est recherché par les établissements ou le réseau.

M. Jolivet: II y a eu une première vague de désinstitutionnalisation qui a amené des personnes à l'extérieur des Institutions qui, dans bien des cas, ont été laissées à elles-mêmes ou à leur famille démunie. Le résultat, c'est que cela a amené des groupes alternatifs comme le vôtre à dire: On va s'en occuper pour au moins faire une transition entre l'institution dans laquelle ils étaient depuis nombre d'années, ce que vous appeliez, entre guillemets, le retour à une vie plus normale dans un milieu où on se sent valorisé. Vous êtes arrivés à peu près à cette époquette-là comme alternative. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées, d'abord, à vous mettre en place et lesquelles voyez-vous actuellement perdurer dans la mesure où le rapport Harnois indique qu'il doit y avoir des ressources communautaires mais qu'il définit très mal l'autre partie des ressources alternatives?

M. Denis: Vous demandez la définition de ce qu'on entend par alternative finalement. C'est important parce que le rapport Harnois parle d'organismes communautaires. La distinction n'est pas vraiment faite entre les ressources communautaires et les ressources alternatives. Souvent, on entend par communautaire que c'est intégré. Il y a beaucoup de confusion parce que les ressources intermédiaires sont considérées comme communautaires. Il y a des fois un abus de langage, c'est confus.

Nous pensons que les ressources Intermédiaires sont souvent le prolongement de l'hôpital tandis que les ressources alternatives sont vraiment nées de la communauté, elles ont vraiment un enracinement C'est la communauté qui les a créées et ce sont les personnes elles-mêmes qui contrôlent le conseil d'administration et qui peuvent vraiment établir des priorités afin d'atteindre les objectifs à partir des moyens qu'elles se donnent. La grosse différence, c'est que c'est vraiment la communauté et la personne avant tout C'est la personne qui établit des priorités. Je pense que c'est la base des ressources alternatives.

M. Jolivet: Mais vos relations avec les organismes Institutionnels, que ce soit le CLSC, dans les cas où il y en a, les CSS, les conseils de santé et de services sociaux... Vous parliez dans votre document d'une expérience vécue dans la région de la Mauricie, à Shawinigan, avec le CRSSS qui a évolué un peu depuis ce temps-là, à ma connaissance, vers une meilleure possibilité de référer en fonction des recommandations des organismes alternatifs dans la mesure où, des fois, on est bloqué par le Conseil de santé et de services sociaux qui, lui, refuse. Il y a une sorte de crainte qui existe encore de l'aide que peuvent apporter les groupes alternatifs et, dans ce contexte-là, comment voyez-vous votre implication dans une future politique de santé mentale au Québec?

M. Denis: Pour les relations au Jour te four avec les établissements, cela dépend des établissements. Quand on parle d'hôpitaux, c'est certain qu'il y a des cas où ce n'est pas facile. Les groupes de défense des droits gagnent rarement des concours de popularité. J'entendais les gens qui nous ont précédés dire qu'il ne faut pas que ce soit conflictuel, qu'on est capable de s'entendre. J'aimerais que ce soit comme ça, mais souvent ce n'est pas le cas, Je vais vous donner un exemple précis. Quand la personne demande d'avoir accès au dossier médical, tout de suite, II y a des résistances, c'est compliqué. On demande pourquoi. C'est tout de suite suspect quand la personne demande un peu d'Information. On aimerait que ce soit facile, mais, souvent, ce n'est pas le cas. Pour les hôpitaux, c'est certain que c'est délicat. Si on parle des CLSC, c'est souvent plus facile, Ils sont plus ouverts. À Québec, on a des relations avec le CLSC de la basse-ville et aussi avec un autre, qui n'est pas vraiment un CLSC, à la haute-ville. Déjà, il y a un échange. Des personnes leur sont référées, ils savent que la personne a peut-être eu des problèmes au sujet de ses droits. Ils nous appellent et on reçoit la personne, il y a quand même un échange qui peut se faire avec les CLSC. Déjà, c'est plus facile au jour le jour d'arriver à des résultats.

M. Jolivet: Mais où se trouve votre place dans une future politique de santé mentale au Québec?

M. Denis: C'est un petit peu ambigu dans le rapport du comité Harnois. Quand on parie de l'organisme de services, on parle d'hébergement ou d'entraide. Les groupes de défense des droits ne sont pas mentionnés. Le problème, c'est qu'on considère que l'Information, la sensibilisation et la promotion sont aussi un service. Alors, on devrait être subventionné selon la même formule que les autres ressources. Actuellement, on est financé par l'Office des personnes handicapées du Québec qui nous reconnaît comme organisme provincial de promotion, mais on ne reçoit pas du tout d'argent du ministère de la Santé et des Services sociaux parce que, dans les grilles d'analyse, on n'est pas considéré comme offrant des services; c'est la raison pour laquelle on est très limité.

M. Jolivet: Vous n'êtes pas considéré comme un organisme offrant des services, mais vous en offrez quand même.

M. Denis: Pardon?

M. Jolivet: Vous n'êtes pas considéré comme un organisme offrant des services, mais vous en offrez quand même.

M. Denis: Je pense qu'il est important de donner aux gens un service d'Information sur les droits et recours qu'ils peuvent avoir. Je pense que c'est primordial.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le député de Laviolette. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. On a parlé ce matin, et même dans le rapport Harnois, de toute la question de ta sensibilisation, des programmes de sensibilisation. Un groupe qu'on a rencontré ce matin nous disait qu'on peut bien combiner les programmes pour tous les handicapés, et pas seulement dans le domaine de la santé mentale, pour sensibiliser le public parce que, au fond, plusieurs problèmes sont semblables. Quelle est votre réaction face à cela?

M. Girard: Même dans notre société, il y a beaucoup de tabous face à la santé mentale, c'est-à-dire que quelqu'un qui a un problème de santé mentale a des tabous. Je fais partie d'un regroupement, dans ma région, qui s'appelle le ROPPH où il y a onze organismes assis autour d'une table; ce sont des associations d'handicapés, de multiples associations. Je peux vous dire que, là aussi, persistent les tabous face à la santé mentale. Même à l'intérieur de notre milieu, des gens vont vous dire... Et je vais vous donner un exemple. Quelqu'un me disait il n'y a pas tellement longtemps: Moi, je m'occupe de gens qui ont des difficultés d'apprentissage, mais ce ne sont pas des fous. Si on parle de n'importe quelle maladie où il y a un comportement.. Par exemple, les gens atteints de paralysie cérébrale. À première vue, à cause de tous les tabous, on peut penser que. On dit: Mais non, ils ne sont pas fous. Quand on parle de problématique de santé mentale, même dans le monde des handicapés... Je sais que, dans le regroupement des organismes de promotion des personnes handicapées de la zone 04 nord, dont je suis le président, si j'y suis allé, c'est parce que notre monde disait: Allons-y pour prouver qu'on n'est pas si fous. On peut quand même être parmi eux et se signaler pour... En fait, c'est aussi faire de la promotion pour dire: C'est un handicap comme un autre. C'est un handicap à un moment de ta vie où il y a eu une problématique et, là, tu es encore là: Pourtant, tu es un citoyen à part entière. Mais on doit le faire aussi entre nous.

M. Thuringer: Une autre chose. Le rapport est pas mal axé sur la recherche. Si je ne me trompe pas, vous ne parliez pas de recherche dans votre mémoire. Quelle est votre réaction dans tout ce domaine?

M. Girard: La recherche? En tout cas, si on n'en parle pas, on peut dire que notre position, c'est qu'il devrait y avoir de l'argent pour les groupes dits alternatifs. Dans ma région, la Mauricie, on a justement fait une recherche sur la condition de vie des ex-psychiatrisés et je pense qu'on n'est pas plus - je ne dirai pas le mot - que pourrait l'être, par exemple, à Hippolyte-Lafontaine, un petit groupe de recherche. Dans nos milieux, si on avait l'argent pour en faire, ce serait techniquement Intéressant. Par exemple, chez nous, on se posait des tas de questions sur la condition de vie des psychiatrisés, où ils vont, ce qu'ils font, s'ils prennent beaucoup de médicaments, comment ils vivent dans les foyers et comment ils vivent dans les pavillons. On est allé vers eux; on en a rencontré au-delà de 110 pour l'apprendre. Si, dans le document, ce n'est pas mentionné comme tel, je pense que des groupes dits alternatifs pourraient aussi en faire. (16 heures)

Comme je vous le dis, on en a fait une qui est très intéressante pour nous afin de connaître davantage notre milieu. C'est aussi beaucoup plus facile quand on veut négocier avec l'institution compte tenu que des études vont souvent nous donner une espèce de crédibilité qui nous permet de dire: Écoutez, il se passe cela et tant de personnes y ont répondu. Pour nous, cela peut aussi être une formule de négociation dans le milieu.

M. Thuringer: À plusieurs reprises, vous mentionnez que vous vous êtes interrogés sur le

rôle du CRSSS pour savoir si c'est le bon endroit. C'est clair que vous vous Interrogez sur le type de responsabilité en regard de la planification. Si ce n'est pas avec le CRSSS, où voyez-vous que cette planification doive être faite?

M. Carpentier: On s'interroge sur le rôle du CRSSS dans sa composition ou dans la façon que cela existe actuellement comme structure. On considère que cela n'est pas une structure démocratique. On s'interroge sur la composition des commissions administratives du CRSSS. On considère que cela n'est pas démocratique. C'est dans ce sens qu'on remet en question le rôle qu'a à jouer le CRSSS dans la planification et la répartition des programmes en santé mentale.

Ce que nous disons, c'est que, si on arrivait à une formule où, aux commissions administratives, on retrouvait un tiers, un tiers, un tiers de représentants de la communauté, pour nous, ce serait acceptable que ce soit le CRSSS qui se vole confier ce mandat

Le Président (M. Leclerc): Merci. Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député de Laviolette, en conclusion.

M. Jolivet: Oui. Simplement pour dire que je comprends les réticences qu'ont des gens comme vous, comme ressources alternatives, qui disent: Nous voulons être considérés comme un groupe qui, avec les groupes communautaires dans le milieu, représente des gens qui ont des besoins qu'ils veulent exprimer et, un des moyens de le faire, c'est d'être représenté quelque part où des décisions sont prises. On ne veut pas être les seuls à prendre des décisions, mais on veut être parmi ceux qui prennent des décisions. Dans ce contexte, nous espérons que le message qui a été lancé par le regroupement, par vous et par d'autres sera compris par la ministre. Nous vous souhaitons la meilleure des chances.

Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le député de Laviolette. M. le député de Laurier, en conclusion.

M. Sirros: Pour notre part aussi, je pense qu'on peut vous remercier. Le rôle que vous vous êtes donné, qui est un rôle de promotion et de défense des droits, vous le jouez assez efficacement. Vous véhiculez succinctement et clairement la position des patients et des personnes psychiatrisées et ex-psychiatrisées. On a pu bénéficier du fait que vous veniez ici pour la deuxième fois et, plus précisément, cette fois-ci, dans une démarche qui s'inscrit dans une politique de santé mentale. On vous remercie.

M. Girard: On vous remercie aussi de nous avoir Invités, M. le Président, Mme la ministre et M. Jolivet. Merci de nous avoir entendus. On espère que le tout portera fruit éventuellement

Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie au nom de la commission. J'Invite maintenant l'Association québécoise de suicidologie, s'il vous plaît!

Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association québécoise de suicidologie. Avant de vous demander de vous identifier, je vous rappelle que vous avez vingt minutes pour nous faire part de votre mémoire et que chacun, des deux côtés de la table, a vingt minutes pour vous questionner.

Association québécoise de suicidologie

M. Marier (Réjean): M. le Président Mme la ministre, MM. les membres de la commission, permettez-moi, d'abord, de nous présenter. Je suis Réjean Marier, président de l'Association québécoise de suicidologie; je suis également directeur général de Suicide-Action Montréal et membre du conseil d'administration de l'Association canadienne de prévention du suicide. Je suis accompagné, cet après-midi, de Mme Lise Lavoie, vice-présidente et membre fondateur de notre association, qui travaille comme responsable de la formation depuis plus de huit ans au Centre de prévention du suicide de Québec; à cet effet, elle a déjà formé au Québec plusieurs centaines de bénévoles et plusieurs milliers d'intervenants du réseau des affaires sociales ou de l'éducation. Je suis également accompagné du Dr Bryan Mishara, professeur à l'Université du Québec à Montréal, membre fondateur de l'association québécoise, ainsi que de Suicide-Action Montréal où il a été président pendant quatre ans; il siège encore au conseil d'administration. Le Dr Mishara est également vice-président de l'Association canadienne de prévention du suicide et nous sommes membres, tous trois individuellement, ainsi que notre association, de l'Association américaine de suicidologie et de l'association internationale.

Je vais passer au mémoire comme tel. L'Association québécoise de suicidologie est heureuse de participer à cette consultation sur le rapport du comité présidé par le Or Gaston Harnois, rapport rendu public en octobre dernier.

Permettez-nous, d'abord, de prendre quelques minutes pour vous présenter notre association. Après trois ans de réflexion, de discussions et de concertation, l'association est née officiellement en mai 1986. La création de notre organisme répond à un besoin de plus en plus pressant exprimé par les différents intervenants oeuvrant en prévention du suicide, soft celui de regrouper leurs énergies afin de favoriser un partage des connaissances accumulées au cours des dernières années et de favoriser un échange des différentes pratiques développées un peu partout au Québec.

Nous regroupons déjà de nombreux membres

travaillant tant dans les ressources communautaires - là, Je dis qu'il y a des membres individuels, des individus, et également tes seize organismes communautaires existant actuellement en prévention du suicide au Québec - que dans le réseau des affaires sociales ou dans celui de l'éducation. Nous comptons également dans nos rangs de nombreux chercheurs s'intéressant à ce sujet Nous ne nous attarderons pas davantage à cette présentation puisqu'il ne s'agit pas là du but premier de cette consultation.

Le rapport Harnois constitue un jalon important dans l'élaboration d'une politique de santé mentale. Nous tenons, en tout premier lieu, à féliciter tous les membres du comité pour le travail considérable qui a été réalisé jusqu'à maintenant Nous osons croire que la présente consultation viendra enrichir et étoffer leur document

Dans un premier temps, nous formulerons quelques commentaires préliminaires sur les orientations générales qui nous sont proposées par le comité Harnois. Nous sommes très heureux de constater une nette ouverture vers la communauté et le milieu de vie des personnes présentant des problèmes de santé mentale. En ce sens, le titre du document Pour un partenariat élargi est très révélateur de l'esprit général qui préside aux réflexions du comité. En effet, depuis quelques années, de nombreux auteurs se sont interrogés sur l'exclusion sociale du malade mental et, graduellement, un processus de désinstitutionnalisation s'est amorcé. Sans nier toute la complexité de cette démarche et toutes les difficultés qu'elle rencontre et parfois même qu'elle génère, le comité fait résolument le choix d'associer la communauté dans la prise en charge du malade mental ou de l'ex-patient psychiatrique. Il s'agit là, à notre avis, d'un choix longtemps attendu.

Cette ouverture vers la communauté soulève, cependant, un certain nombre de difficultés majeures qu'il est bon de ne pas perdre de vue. En tout premier lieu, nous considérons que la notion d'accessibilité est fondamentale. En effet, les différentes clientèles touchées par les réflexions du comité sont souvent parmi les plus démunies de notre société et trop souvent même rejetées par cette dernière. Une politique de santé mentale orientée vers la famille et le milieu de vie de l'individu devra être résolument soutenue par des budgets appropriés si l'on veut éviter de transformer les soins en une affaire de riches. Le Québec a trop évolué depuis 1960 pour se permettre un tel recul. Il faudra, cependant, prévoir des mécanismes de contrôle appropriés afin de s'assurer que la famille intervenante et les ressources communautaires soient les réels bénéficiaires de ces sommes d'argent. Depuis quelques années, le glissement progressif des budgets dits communautaires vers des ressources Intermédiaires est un danger contre lequel nous aimerions mettre en garde les membres de cette commission.

Même s'ils sont souvent mentionnés du bout des lèvres, les très nombreux organismes communautaires québécois, dont nous sommes, s'interrogent sur le rôle réel qu'ils sont appelés à Jouer dans cette nouvelle politique. On peut comprendre aisément te choix du comité Harnois de ne pas privilégier l'une de ces ressources plutôt que l'autre, mais ce choix ne favorise pas l'Identification des vrais acteurs. Nous nous étonnons de ne pas rencontrer dans te document la mention des ressources à caractère régional, pas plus, d'ailleurs, que celles à caractère provincial, tels le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, l'Association canadienne de santé mentale, la Fédération québécoise des parents et amis du malade mental, etc. En ce qui nous concerne, notre jeune âge peut excuser un tel oubli. Pourtant, le comité n'a pas hésité à nommer les universités, tes hôpitaux, les conseils régionaux et les CSS. À notre avis, un tel mutisme entretient un écart malheureux entre les ressources. Un véritable partenariat ne peut se fonder que sur un respect mutuel, respect qui s'appuie lui-même sur une reconnaissance réelle de la compétence propre et particulière des Intervenants, ainsi que sur leurs réalisations concrètes. À l'appui de cette affirmation, nous pourrions facilement citer de très nombreux cas de saine collaboration. À titre d'exemple, parlons du rapport complémentaire existant entre Urgences-Santé et Suicide-Action Montréal, entre le conseil régional 08, le CLSC Les Aurores boréales et le Comité de prévention du suicide de La Sarre, entre la commission scolaire catholique de Sherbrooke et la fondation JEVI qui s'occupe de prévention du suicide en milieu scolaire.

Finalement, nous avons déjà parlé très brièvement du financement des différents programmes proposés par le comité Harnois. Nous reviendrons sur cet aspect puisqu'il nous semble fondamental. On propose, en effet, que le budget alloué aux ressources communautaires soit doublé le plus rapidement possible. Il s'agit, bien sûr, d'une mesure à laquelle nous ne pouvons nous opposer, bien qu'elle nous semble incomplète, puisque cette augmentation substantielle ne s'accompagne pas de recommandations ou de mesures favorisant le développement et ta croissance du réseau communautaire et du réseau alternatif dont II n'est aucunement question dans ce rapport

Par ailleurs, dans la recommandation 14 du comité Harnois, on suggère l'établissement de formes et de modalités de support qui seront mises à la disposition des groupes d'entraide, de promotion et de défense. Mais il n'est pas mentionné la place que ces groupes auront dans l'élaboration des critères de sélection, ce qui, à notre avis, présente un risque Important de non-objectivité, en plus d'établir des règles en fonction non pas des modes réels de fonctionnement de ces groupes, mais plutôt en fonction des structures administratives gouvernementales.

Sans être en accord avec la recommandation 17 qui Introduit ta notion d'une participation communautaire de 10 % dans tous les groupes subventionnés, nous nous posons un certain nombre de questions. Qui établira et définira les bases de calcul de ces contributions de la communauté?. Sur quelles bases calculera-t-on l'action bénévole? Est-ce qu'on calculera le salaire minimum ou le salaire équivalent à un service professionnel de même type? Y aura-t-il des distinctions entre le bénévolat réalisé dans certaines ressources plutôt que dans telles autres? Est-ce qu'on tiendra compte des différences existant entre les municipalités concernant l'accès aux équipements municipaux? Est-ce qu'on a envisagé une pondération pour tenir compte des disparités régionales? Nous nous demandons, d'ailleurs, pourquoi un organisme communautaire serait tenu à cette règle plutôt qu'un CLSC qui est lui-même défini comme un centre de services communautaires.

Il y aurait sûrement d'autres commentaires généraux que nous pourrions formuler à la suite de ce rapport, mais nul doute que certains organismes communautaires ont abordé ou aborderons l'esprit général de cette politique.

Nous porterons maintenant notre attention sur la section consacrée spécifiquement à la prévention du suicide dans le rapport Marnots. Ce rapport dresse un portrait très pertinent, quoique bref, de la situation du suicide au Québec et nous ne nous attarderons pas à le commenter. Nous considérerons donc les deux recommandations formulées dans cette section, à savoir les recommandations 32 et 33. (16 h 15)

A première vue, ces deux recommandations séduisent Mais, après réflexion, nous devons formuler des réserves sérieuses. La recommandation 32 suggère que le ministère de la Santé et des Services sociaux arrive rapidement à établir un programme d'action d'envergure nationale en matière de prévention du suicide. Une telle recommandation ferait du Québec une des rares provinces canadiennes à se doter d'un outil spécifique en fonction de cette problématique. Cependant, dans la première partie de cette recommandation, on suggère, pour y parvenir, d'harmoniser les moyens retenus dans la politique de santé mentale (le rapport Harnois) et un supposé projet de politique de services à l'égard des personnes suicidaires. Le comité n'identifie pas avec précision le titre de ce projet, ce qui peut laisser germer un doute quant à celui-ci.

En effet, en 1983, le ministère de la Santé et des Services sociaux recevait un Avis sur la prévention du suicide réalisé par le Comité de la santé mentale du Québec. Ce document s'Inscrivait, pourtant, dans une série d'études commandées par le ministère de la Santé et des Services sociaux afin de mieux cerner le problème du suicide et d'arriver à élaborer une politique. Il ne s'agissait pas du seul document; il y avait également, entre autres, l'étude épidémiélo- glque réalisée par Mme Marie-France Charron, du ministère de la Santé et des Services sociaux, ainsi que l'évaluation du Centre de prévention du suicide faite par Mme Danielle Roberge, qui travaille également au ministère. Ces trois démarches parallèles amenaient le ministère de la Santé et des Services sociaux à élaborer un projet de politique réalisé par une équipe sous la direction de M. Pierre Montambault, du ministère. Si la recommandation du comité Harnois est d'utiliser le document Montambault, nous aimerions savoir quand le ministère entend le rendre public. En effet, le rapport du comité Montambault n'a pas été dévoilé et les personnes Intéressées à la prévention du suicide s'interrogent toujours sur la nature de ce projet de politique.

Par ailleurs, la recommandation 33 vise à obliger les services d'intervention en situation de crise des différentes régions à inclure la crise suicidaire dans leur mandat, soit par une responsabilité directe, soit en lien avec les organismes spécifiques. Là encore, plusieurs questions fondamentales ne sont pas abordées Mais, pour en traiter, nous rappellerons certains éléments historiques présidant à nos questionnements.

En mars 1987, vous rendiez publique, Mme la ministre, toute une série de mesures visant à désengorger les urgences d'hôpitaux. Parmi celles-ci, il y avait ta création à Montréal et à Québec de centres d'Intervention de crise. L'objectif de ces centres, selon les documents rendus publics à ce moment - je cite un document qui venait de votre cabinet et qui a été rendu public le 19 mars 1987 - était que les malades psychiatriques en situation de crise puissent recevoir l'aide appropriée à l'extérieur de l'urgence de l'hôpital dans des maisons spécialisées offrant un hébergement temporaire.

Face au mandat qui leur a été confié, les centres de crise ont rapidement établi des critères d'exclusion de certaines clientèles afin, disent-ils, d'éviter à leur tour une surpopulation de leurs centres. À notre connaissance, pour plusieurs de ces centres dans les régions de Montréal et de Québec, la crise suicidaire est effectivement un critère d'exclusion. Suicide-Action Montréal a déjà fait parvenir une lettre à ce sujet à la ministre de la Santé et des Services sociaux, avec des copies de documents produits par les différents centres de crise de Montréal. La recommandation 33 va donc à l'encontre de la position des centres de crise.

À cause de cela, une telle recommandation est grandement contestable. D'une part, les liens dont il est question entre les centres de crise et les ressources existantes de prévention du suicide sont difficilement réalisables puisque les centres de prévention du suicide n'ont pas, jusqu'à ce jour, reçu le mandat et, conséquemment, les budgets pour faire de l'hébergement temporaire pour les personnes suicidaires. Mais, au-delà de cette première considération, l'esprit de la proposition est Inapproprié puisqu'il Induit un

jugement sur la crise suicidaire. En effet, de très nombreux suicidologues ont démontré qu'un faible pourcentage de personnes suicidées, donc décédées par suicide, présentait des troubles de santé mentale. Dans cet esprit, nous considérons inadéquat de mélanger des clientèles présentant des problèmes d'ordres très différents et nécessitant des interventions spécifiques.

Nous trouvons dangereux de vouloir Inclure la crise suicidaire à l'Intérieur du mandat des services d'intervention de crise actuels, puisque cette position associerait le suicide à la maladie mentale. Sans vouloir entrer dans le détail de la typologie des personnes suicidaires, une telle mesure est de nature à entretenir le mythe que je viens de vous exposer car, en effet, la personne en crise suicidaire situationnelle se verra comme une personne malade mentale. C'est pourquoi une lecture plus approfondie de la recommandation 33 nous amène à la considérer comme non fondée sur une connaissance adéquate de la crise suicidaire.

En terminant, l'Association québécoise de suicidologie soumet quelques recommandations complémentaires à celles formulées dans le rapport Harnois relativement à la problématique du suicide.

D'abord, dans l'esprit de partenariat, qui semble être la volonté du comité Harnois et du ministère de la Santé et des Services sociaux, l'Association québécoise de suicidologie devrait être associée à l'élaboration et à la mise sur pied d'une politique globale de prévention du suicide au Québec. L'expertise des suicidologues membres de l'association québécoise pourrait être mise à profit dans ce projet.

Deuxièmement, l'Association québécoise de suicidologie est un lieu privilégié regroupant l'ensemble des intervenants oeuvrant en prévention du suicide dans la province. Nous croyons que le ministère de la Santé et des Services sociaux doit supporter notre association et favoriser le partage des expertises développées au Québec en prévention primaire, secondaire et tertiaire. Nous croyons, donc, que le ministère de la Santé et des Services sociaux doit supporter financièrement notre projet.

Troisièmement, il est important que les projets de recherche au Québec ne se limitent pas aux études épidémiologiques, mais qu'ils abordent également tous les différents aspects de la suicidologie: évaluation de programmes, de services, les aspects psycho sociaux, etc. Le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait favoriser cette orientation et allouer les budgets de recherche en conséquence.

Quatrièmement, afin de favoriser la recherche et une meilleure connaissance de la problématique du suicide, le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait élaborer, conjointement avec le ministère de la Justice, des mécanismes d'accès aux dossiers des personnes suicidées, dossiers qui sont consignés aux bureaux des différents coroners.

Cinquièmement, nous recommandons que le ministère de la Santé et des Services sociaux favorise la mise en place d'un programme de prévention primaire du suicide. L'élaboration et la mise sur pied de ce programme de prévention devrait regrouper les différents intervenants susceptibles d'agir à ce niveau, bien sûr, les centres de prévention du suicide, les gens du réseau des affaires sociales, mais également les gens des écoles, des CLSC, des milieux de travail. Il y a de plus en plus d'entreprises qui ont des services d'aide aux employés et, si on parie de prévention primaire, je pense que c'est un endroit où il faut intervenir.

Sixièmement, de nombreuses études ont démontré que la majorité des personnes décédées par suicide n'avalent pas d'antécédents psychiatriques. L'Association québécoise de suicidologie recommande, selon les réalités et les besoins régionaux, la création de ressources d'hébergement spécifiques pour personnes suicidaires situationnelles non psychiatrisées.

Septièmement, une politique de prévention du suicide devrait prévoir des programmes de prévention non seulement pour les personnes suicidaires, mais aussi pour leurs proches - ceux qui vivent autour d'elles et que, dans notre jargon, on appelle les tiers - et encore pour les personnes endeuillées par suicide, donc qui ont perdu quelqu'un par suicide. Plusieurs centres de prévention du suicide ont commencé à offrir de tels services au Québec et ont développé une expertise Intéressante.

Les recommandations précédentes ne sont, cependant, pas exhaustives et un travail de collaboration étroite entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et l'Association québécoise de suicidologie permettra l'élaboration de recommandations plus complètes en regard de cette problématique.

Nous remercions tous les membres de la commission parlementaire de l'attention qu'ils portent à nos considérations et nous réitérons notre volonté de collaborer à l'établissement d'une politique adéquate de prévention du suicide.

Merci.

Le Président (M. Baril): Merci. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier les représentants de l'Association québécoise de suicidologie. Je veux, d'abord, vous remercier pour votre offre de collaboration dans le développement d'un programme d'action d'envergure touchant le suicide, comme on en fait mention à la recommandation 32. Ce n'est, d'ailleurs, pas une première offre de collaboration puisque dans le passé, déjà - vous y faites allusion dans votre mémoire - en 1983, le ministère de la Santé et des Services sociaux recevait un avis sur la prévention du suicide. Et je sais que vous avez été mis à contribution en

d'autres circonstances. Je vais vous avouer, bien naïvement, que c'est la première fois que j'entends parler du document Montambault, mais il paraît qu'il remonte à 1982 ou 1983, ce qui, sans doute, explique que Je n'en aie jamais entendu parler. Il n'a pas été porté à mon attention. Je pense que vous voulez indiquer... Pardon?

M. Jolivet:...

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui est arrivé en 1983,1984 et 1985?

M. Jolivet: II faut le chercher.

Mme Lavoie-Roux: Ilfaut le chercher. Vous indiquez qu'il y a déjà passablement d'outils en place qui nous permettraient, quand même, sans trop de travail supplémentaire, d'arriver assez rapidement à finaliser la position du ministère sur toute la question du suicide.

Je voudrais vous poser des questions sur la distinction que vous faites entre le suicide et la maladie mentale. J'ai lu très correctement - je pense que c'est à l'avant-dernière page de vos recommandations - que vous dites: "De nombreuses études ont démontré que la majorité des personnes décédées par suicide n'avalent pas d'antécédents psychiatriques. L'Association québécoise de sulcidologie recommande (...) pour des personnes suicidaires situationnelles non psychiatrisées." II y a peut-être des études qui prouvent cela, mais est-ce que le fait qu'une personne ne soit pas psychiatrisée veut nécessairement dire qu'elle n'a pas des problèmes de santé mentale? Quand on arrive au point où on juge que la solution ultime, c'est de s'enlever la vie, on doit se sentir mal dans sa peau, pour dire le moins, À ce moment-là, parce que, justement, ils ont peur de leurs propres impulsions, ils ont peur de leurs propres sentiments, Ils n'iront peut-être pas rechercher de l'aide auprès de psychiatres ou de ressources psychiatriques. En arriver à la conclusion que l'approche doit être différente pour le traitement, j'en suis, mais de là à considérer le suicide comme ne s'apparentant pas ou ne contenant pas des éléments d'instabilité mentale, pour ne pas utiliser les mots "maladie mentale"... Je dois vous dire que, selon ma petite expérience du suicide, cela a coïncidé dans les trois dernières années; les trois cas que j'ai connus étaient trois cas psychiatrisés. Est-ce que le suicide, d'une façon générale, n'est pas relié au sentiment de dépression, de dévalorisation, de blocage de l'avenir, à des choses comme celles-là? Vous semblez très stricts sur cette division qu'il faut faire entre le suicide et la maladie mentale, ou les troubles mentaux, si on ne veut pas parler de maladie mentale, l'un ou l'autre.

M. Mishara (Bryan): Je pense qu'il serait utile de définir ce qu'on entend par suicide. Si on pose la question dans des sondages faits auprès des Québécois ordinaires, environ 65 % répondent qu'à un moment donné ils ont pensé à se suicider, particulièrement les jeunes. Donc, c'est la majorité des Québécois qui ont pensé au suicide, à un moment donné, parmi les jeunes. Selon plusieurs études récentes dans les cégeps, entre autres, celtes de Tousignant et Hannigan, et d'autres études au niveau secondaire, des jeunes personnes non seulement pensent au suicide fréquemment, mais font des tentatives. Il y en a entre 10% et 15 % qui à la question: Est-ce que vous avez déjà fait une tentative de suicide répondent oui. La plupart de ces tentatives n'ont pas mis leur vie en danger, mais H y a beaucoup de comportements suicidaires et beaucoup de tentatives. Il y a des études faites aux États-Unis et en Alberta qui ont essayé de voir, parmi les personnes qui sont décédées par suicide, combien ont pu être diagnostiquées comme souffrant de maladie mentale. Toutes les études, jusqu'à maintenant, Indiquent que c'est autour de 5 %. (16 h 30)

Comment peut-on expliquer ce fait? En partie, parce que le suicide est quelque chose qui touche tout le monde. Un des problèmes rencontrés dans la prévention du suicide, c'est qu'on veut croire que c'est juste des fous, des jeunes, des drogués ou des personnes ayant certains autres types de problèmes. Mais, en fait, selon l'expérience des centres de prévention du suicide, au Québec comme ailleurs, la personne suicidaire peut être n'Importe qui. À toutes les semaines, dans les centres, il y a des centaines d'appels venant de partout au Québec et souvent ces appels viennent d'un membre de la famille qui se demande: Pourquoi mon fils? Il n'a pas eu de maladie mentale. Il n'avait pas de problème à l'école. C'est clair que, si on faisait un diagnostic psychiatrique, on ne trouverait pas ce qu'on entend par maladie mentale.

Il y a une différence entre suicide, tentative de suicide, idéation suicidaire qui est très commune et, finalement, décès par suicide. C'est une question de nomenclature, ta façon dont on appelle telle ou telle personne. Mais les Implications pratiques, c'est une autre affaire. Quand on demande aux Jeunes dans des sondages: Est-ce qu'à un moment donné vous avez parlé à quelqu'un de vos idées suicidaires ou de tentatives que vous avez faites, la majorité n'a jamais parlé à un professionnel et ne parlerait jamais à quelqu'un qui a un rôle dans le système de soins en santé mentale. À cause de ça, les centres de prévention du suicide sont très efficaces. Mais plus de la moitié en a parlé à un ami, à un père. À cause de ça, la prévention primaire est très importante. Mais, à part le fait qu'on ne peut pas mettre le suicide avec des problèmes de santé mentale, selon des études faites jusqu'à maintenant et que tous les chercheurs s'entendent là-dessus, il y a le fait que la majorité des personnes suicidaires ne vont pas chercher de l'aide.

M. Marier: J'aimerais peut-être ajouter, à l'appui de cela, deux références. Le document produit par le Comité de la santé mentale du Québec, sur commande du ministère, l'Avis sur la prévention du suicide, définissait le suicide non pas comme une maladie, mais bien comme un phénomène blopsychosocial. Plus récemment, dans une recherche, un document de travail qui a été produit par les meilleurs spécialistes canadiens sur la prévention du suicide, à la page 4, on dit très clairement: "Le suicide n'est pas une maladie, mais un acte." À notre avis, à partir des différentes recherches dont il a été question tout à l'heure, le suicide, c'est, d'abord, un acte qui peut parfois, évidemment, être associé à la maladie mentale comme il peut être associé à toutes sortes d'autres phénomènes: le chômage, les problèmes d'ordre relationnel dans des familles, etc.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on pourrait discuter longuement. Je suis une profane et vous êtes des spécialistes. Mais quand vous dites: Le suicide, ce n'est pas une maladie, c'est un acte, je suis tentée un peu de vous rétorquer Ce n'est quand même pas celui d'aller se coucher. C'est un acte extrêmement important dans la fin de la vie d'un individu. Qu'ils n'aillent pas facilement chercher de l'aide, ils ne sont pas les seuls dans le domaine de la santé mentale. Avant que quelqu'un décide d'aller voir un psychiatre, s'il est très malade, c'est peut-être lui qui sera le plus résistant parce que c'est une espèce d'admission qu'il est très malade. Celui qui l'est moins est peut-être plus capable d'aller chercher de l'aide, dans le fond. Celui qui l'est moins est plus capable, parce qu'il se sent malheureux et déprimé, d'aller en chercher. Il va peut-être commencer par l'omnipraticien et finir chez le psychiatre.

Dans le cas du suicidaire qui ne va pas chercher d'aide, on peut se demander. Est-ce qu'il est, lui aussi, une personne très malade? Je vous parle comme une profane, je l'admets, mais, de toute façon, je trouve difficile la distinction très très marquée que l'on tente de faire. Quand on parle de santé mentale, on ne parle pas toujours de personnes avec des pathologies très sévères, non- plus, il y a des gens qui souffrent de névroses plus légères et des gens, évidemment, qui ont des névroses plus importantes.

Cela étant dit, je voudrais revenir aux pages 6 et 7 du mémoire. D'une part, à la page 6 - et cela rejoint les recommandations 32 et 33 sur lesquelles portent vos commentaires - vous dites: Quand les centres de crise ont été ouverts, ils ont rapidement établi des critères d'exclusion de certaines clientèles et, finalement, ils n'ont pas donné accès aux suicidaires. J'ai l'impression que vous leur reprochez d'avoir exclu les suicidaires. Par contre, hier, on a discuté avec des gens qui venaient des centres de crise, ensuite on a discuté avec le Centre de prévention du suicide du Québec. On a eu l'impression - et je peux me tromper là-dessus, je l'admets - que le premier groupe était maintenant prêt a les accepter et que le deuxième était consentant à ce qu'ils y aillent. Mais, en ce qui a trait au suivi, le centre de crise a été très clair; il a dit: D'abord, nous ne sommes pas un organisme qui doit suivre des personnes sur une longue période; notre rôle est aussi de référer à la meilleure ressource la personne qui nous arrive. Son rôle principal est, justement, de faire les références selon le type de crise situationnelle que la personne éprouve quand elle arrive au centre de crise.

Aujourd'hui, II me semble que vous concluez en disant que, compte tenu de la distinction très marquée que vous faites entre le suicide et la maladie mentale, même la recommandation 33, il ne faudrait pas la retenir parce qu'on va - ce n'est pas ce que vous dites - d'une certaine façon, confondre les suicidaires avec les gens qui ont des troubles psychiatriques. J'ai de la difficulté à comprendre. D'une certaine façon, vous le déplorez et, d'une autre façon, vous dites: Non, il ne faut pas y aller.

M. Marier: II ne s'agit pas de déplorer, mais de constater, d'abord, que les centres de crise de ta région de Montréal, tout au moins, ont décidé, pour toutes sortes de raisons qui peuvent, évidemment, se discuter, d'exclure cette clientèle. C'est plus un constat, mais c'est un constat qui, à mon avis, vient un peu confirmer également ce que nous avançons. Un centre de crise est créé pour désengorger les hôpitaux, pour recevoir des gens qui ont vécu un épisode psychotique quelconque et qui sont sur le point de sortir et pour les recevoir temporairement, le temps qu'ils se rétablissent adéquatement. Si les gens qui ont reçu un tel mandat évaluent de leur propre chef que la crise suicidaire est différente de celle pour laquelle les centres ont été créés, je pense que cela vient seulement valider les commentaires que nous formulons dans notre mémoire.

En tout cas, je vais parler pour l'organisme pour lequel je travaille, mais je suis convaincu, et vous l'avez mentionné, que c'est la même chose à Québec. Dans notre esprit, il est clair qu'on veut collaborer avec les centres de crise, comme on collabore actuellement avec de nombreuses ressources. Mais la raison pour laquelle on suggère la création d'un centre de crise spécifique pour les personnes suicidaires situatlonnelles non psychiatrisées, c'est aussi parce que, avec l'expérience qu'on a développée ici à Québec depuis une dizaine d'années, à Montréal depuis quatre ans et en régions maintenant, on a réalisé que les personnes suicidaires n'ont pas d'hébergement. Elles ont l'hôpital. Je pense au cas très précis d'une femme qui était violentée; elle avait deux enfants et elle voulait se suicider et tuer ses deux enfants. Il a été très très difficile, et cela s'est fait après des journées et des journées d'efforts, de lui trouver un héber-

gement dans une maison d'accueil pour femmes violentées, non pas parce qu'elle ne correspondait pas à l'idée qu'on se fait d'une personne violentée, il n'y avait pas de problème avec cela, mais parce qu'elle était suicidaire et on n'en voulait pas. Alors, la raison pour laquelle on recommande la création de ces ressources, c'est parce que cette clientèle n'est actuellement pas reçue ailleurs que dans l'hôpital. Comme on l'a mentionné déjà - je reviens là-dessus, mais, pour nous, c'est bien évident - la plupart des personnes suicidaires ne sont pas atteintes, au moment d'une crise suicidaire, d'une psychose grave ou d'un problème grave. C'est sûr qu'il y a des problèmes émotionnels, Je ne le nie pas, mais il y a une différence à ce moment-là. Alors, c'est dans cet esprit que nous discutons de la recommandation 33.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Baril): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M, le Président, Je voudrais faire référence à quelques énoncés de votre document À la page 2, vous dites: "Le glissement progressif des budgets dits communautaires vers des ressources intermédiaires est un danger contre lequel nous aimerions mettre en garde tes membres de cette commission." Pour avoir entendu des jeunes et en avoir aussi rencontré dans ma région, je peux vous dire que, effectivement, on sent aussi ces dangers que vous énoncez. Dans ce sens, on ne peut pas être contre le fait que vous t'énonciez de cette façon en ajoutant que, même le rapport Hamois qui a regardé l'ensemble, n'a pas fait une distinction assez profonde, justement, entre les organismes communautaires et alternatifs, comme on en a fait mention depuis le début de la commission. Vous dites qu'on devrait mieux définir ces organismes, mieux définir leur rôle parce que le rapport Hamois ne définit pas nécessairement les rôles de chacun des Intervenants ou de chacune des institutions Intervenant dans le secteur de la santé mentale. Dans ce sens, on est d'accord avec l'énoncé que vous faites.

En plus, vous ajoutez à la page 3, que vous êtes étonnés de ne pas rencontrer dans le document ta mention de ressources à caractère régional et de groupes alternatifs ou autres. Au contraire, quand vous voyez le système institutionnel énoncé dans le document, cela vous inquiète, comme cela inquiète aussi plusieurs organismes communautaires ou de ressources alternatives.

Je dis cela parce que je veux faire une relation avec - et je pense que vous étiez présents, tout à l'heure, lorsque nous les avons rencontré - les membres de la table de concertation des chefs de département de psychiatrie de la Montérégie. Si vous ne l'étiez pas, je vais vous rappeler ce qu'ils disaient, justement, sur les ressources alternatives et communautaires. J'aimerais ensuite avoir votre commentaire, ils disaient ceci: "Les ressources alternatives et communautaires se développent lentement et avec difficulté au Québec. Ce réseau est, tout de même, devenu riche, diversifié et maintenant essentiel en santé mentale. Ces ressources, cependant, vivent une Insécurité financière constante sans jamais savoir, d'année en année, ce que les subventions et les dons leur réservent Nous favorisons un meilleur financement des ressources alternatives et communautaires."

Mais ce sur quoi je veux insister, c'est sur la suite: "Cependant, nous insistons pour que toute ressource subventionnée soit soumise à un rigoureux processus d'évaluation de l'impact de cette ressource sur la santé mentale de sa clientèle" en premier lieu. Deuxièmement, la qualité et la pertinence de toute ressource devraient aussi pouvoir faire l'objet d'une évaluation*. Ils terminent par une dernière phrase qui vous concerne. On dit: "Les ressources dont l'effet n'a pas été véritablement prouvé devraient être subventionnées dans un contexte expérimental et tenues de faire la démonstration de leur raison d'être." Entre parenthèses, ils indiquent: "par exemple, les centres de prévention du suicide."

J'aimerais vous entendre réagir à cette affirmation faite par des cliniciens en psychiatrie.

Mme Lavoie-Roux: Et faite par deux autres groupes.

M. Jolivet: Oui.

M. Mishara: Je pense qu'il faut comprendre un peu comment on fait la prévention du suicide. L'an passé, à Montréal, II y a eu peut-être 20 000 contacts avec des personnes suicidaires. Un grand nombre de ces contacts ne sont peut-être pas auprès de personnes prêtes à se suicider. On croit qu'on fait de la prévention primaire parce que ces personnes reçoivent une certaine aide. Elles nous rappellent ou ne nous rappellent pas. C'est une activité.

Il y a d'autres personnes qui sont en situation de crise aigue, qui sont prêtes à se tuer et qui ne le font pas. Nous ne sommes pas certains si la personne se serait suicidée si elle n'avait pas eu d'intervention, mais elle avait l'air assez sérieuse. C'est la majorité des activités de prévention du suicide. La plupart des crises sont résorbées au téléphone partout, dans tous les autres centres au Québec.

Une ou deux fois par semaine, on envoie une ambulance chez quelqu'un qui a fait une tentative et a appelé Suicide-Action après. Après un moment, quand on a convaincu la personne d'accepter de l'aide, on croit qu'on a sauvé un certain nombre de vies. (16 h 45)

Plus loin, il y a d'autres personnes qui ont

vraiment besoin d'un plus grand suivi, d'hébergement dans un certain nombre de cas, d'avoir affaire avec un hôpital psychiatrique. C'est à peu près la situation de la prévention du suicide au Québec, à part tous les services aux tierces personnes qui connaissent quelqu'un qui est suicidaire et qui ont besoin de savoir quoi faire, aux personnes en deuil et toutes les autres activités de prévention primaire. Aux États-Unis, il y a six États qui ont des cours obligatoires sur le suicide pour tous les étudiants dans toutes les écoles secondaires. Ici, au Québec, ce n'est pas un projet financé, mais on en a fait pas mal.

Je pense que, dans un tel contexte, se situent un peu les activités de prévention du suicide, qui mettent plus d'emphase sur la prévention primaire.

M. Marier: J'aimerais peut-être rajouter - je pense que je suis un peu le porte-parole des gens que je représente - qu'on n'est absolument pas contre l'idée que nos services - on en fait une recommandation - soient évalués périodiquement. Je pense que c'est comme cela qu'on peut les faire progresser, les améliorer, etc. Déjà, certains centres un peu mieux outillés se préoccupent de cet aspect. Je sais qu'il se fait de la recherche aux centres de prévention de Québec, de Montréal, etc.

Une des difficultés, par contre, que je tiens à soulever, c'est aussi la façon dont c'est fait, par exemple, quant aux critères; je me rappelle l'évaluation de Daniel Roberge, du Centre de prévention du suicide à Québec; c'était un document très intéressant. Quand on fait l'évaluation d'un organisme qui a peut-être 100 000 $ ou 150 000 $ de budget total de fonctionnement sur une base annuelle, je ne suis pas sûr qu'on puisse utiliser exactement les mêmes critères, par exemple, pour faire l'évaluation d'un autre type de ressource subventionnée à 20 000 000 $, 30 000 000 $ ou 40 000 000 $. La ressource elle-même ne dispose pas des mêmes moyens. Et, souvent, la crainte majeure des ressources - c'est ce que J'ai souvent entendu - porte davantage sur la façon dont on établit les critères.

Le deuxième problème majeur, c'est que ce soit la prévention du suicide ou que ce soit n'importe quel autre problème de santé mentale ou physique, l'évaluation de programmes de prévention primaire, ce n'est pas un cadeau. Il y a très peu d'évaluations valables et la plupart des évaluations des programmes de prévention primaire - là, je ne parle pas du suicide, je veux parler du tabagisme, du cancer ou de quoi que ce soit d'autre - sont toujours énormément contestées sur le plan scientifique. Alors, je pense que c'est plus notre position, à ce moment-là.

M. Mishara: Je veux simplement ajouter qu'il y a des études ailleurs qui suggèrent que les centres des États-Unis sont efficaces par rapport à leur clientèle. Cela veut dire qu'il y a certaines personnes qui prennent contact avec les centres et les taux de suicide des femmes entre 20 et 45 ans, qui sont la majorité des personnes qui ont affaire à ces centres, ont diminué dans les comtés aux États-Unis où il y avait des centres de prévention du suicide par rapport aux comtés où il n'y en avait pas durant la même période.

Il y a l'évaluation du processus. Chaque fois qu'on envoie une ambulance chez quelqu'un, on pense qu'on lui a sauvé la vie. On ne peut pas faire une étude contrôlée là-dessus, mais on a beaucoup d'expérience personnelle. À Suicide-Action, il y avait un projet d'évaluation de ce qui se passait au téléphone et des effets de ces interventions. Malheureusement, faute de budget, on a mis l'emphase sur les priorités. Je pense que tout le monde est conscient de l'importance d'évaluer des services et, en même temps, peut-être qu'un volet dont la ministre devrait se préoccuper un peu serait d'attribuer des fonds pour effectuer des évaluations des services de prévention du suicide.

M. Jolivet: Ce pourquoi j'ai posé ia question, ce n'était pas pour mettre en doute votre utilité, c'était pour que vous fassiez jugement ressortir ces choses. Je vais revenir, après cela. à la page 3 de votre mémoire et vous dire que, effectivement, vous êtes tellement pris par la prévention que vous avez à faire que tes budgets ne vous permettent pas de faire autre chose.

En conséquence, si on a l'intention de doubler le budget en santé mentale, vous dites: Oui, on ne peut pas être contre la vertu, mais il faut, cependant, nous dire de quelles mesures cette augmentation substantielle s'accompagne, 'mesures favorisant le développement et ia croissance du réseau communautaire et du réseau alternatif dont il n'est aucunement question dans le rapport Hamois", comme vous le dites si bien. Donc, en fait, vous dites: Si on a de l'argent additionnel, il va peut-être falloir prévoir de l'argent pour faire ce que d'autres appellent une évaluation de nos services assez serrée pour permettre de dire: Oui, on est utiles et on coûte moins cher que d'autres et, en conséquence, il vaut la peine de nous aider à demeurer dans le secteur.

C'est dans ce sens que je posais la question. Je ne sais pas si vous allez réagir à cela. C'est pour démontrer que des gens qui sont dans des secteurs organisés d'Institutions mettent peut-être en doute votre action. Il faudrait peut-être se poser la question si eux, dans leur institution, ont aussi un résultat convenable. Donc, c'est aléatoire. Ce n'est pas nécessairement verifiable de la même façon dans l'un et dans l'autre. Mais, d'un autre côté, on sait que, si vous n'étiez pas là, il y aurait peut-être plus de gens qui auraient attenté à leurs jours.

Mme Lavoie-Roux: Si le député de Laviolette me le permet...

M. Jolivet: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...les premiers qui ont fait cette affirmation et qui étaient plus absolus que dans le mémoire qu'on a eu aujourd'hui, je leur al demandé s'ils avaient fait, eux, l'évaluation de l'intervention médicale ou psychiatrique pour déterminer s'ils avaient une Influence sur la diminution des malades. Ils m'ont dit qu'ils n'avaient pas, non plus, d'évaluation de faite. Je pense que, de tout cela, on peut conclure que cela demeure une problématique encore extrêmement complexe, évaluer, au point de vue de l'étiologie, ceux qui, finalement, passent à l'acte et ceux qui ne le font pas. Je pense qu'il y a encore énormément d'inconnues.

M. Jolivet: Je pense qu'on peut retenir ce dont parlait M. Mishara, la proposition, dans ce contexte, pour éviter que d'autres personnes ne commencent ou ne continuent à dire que ces organismes ne servent à rien, de les aider à faire une recherche plus approfondie permettant de donner les raisons de leur utilité comme organismes.

Une dernière question qui concerne, justement, ce que la ministre disait et ce qu'on a entendu, hier, de la part du Centre de crise de Québec et du groupe Action-Suicide de Québec. On a semblé penser qu'ils s'étaient parlé entre eux pour se dire: Ce qui est à moi, tu me le laisses. En fait, ce n'est pas cela que cela a donné comme résultat, mais on pourrait se poser cette question. Au fond, le Centre de crise dit: Moi, je suis prêt à accepter tout le monde, sauf ceux-là parce qu'on n'est pas équipés pour répondre à leurs besoins. On a dialogué avec eux et, finalement, on a compris qu'ils n'étalent pas en désaccord pour les prendre dès le départ, mais qu'ils préféraient les référer le plus rapidement possible à ceux qui ont l'expertise plutôt que de les garder en observation pendant 24, 48 heures.

Dans ce contexte, l'autre groupe est venu ensuite et a dit: Nous sommes prêts à les prendre; qu'on nous les réfère et on va s'en occuper. J'ai fait le même raisonnement que Mme la ministre. D'un côté, vous dites: Ils nous ont dit qu'ils n'ont pas voulu les prendre parce qu'ils n'avaient pas l'expertise nécessaire et ils voulaient les donner à ceux qui l'avaient. Ensuite, ils disaient: On ne veut pas la recommandation 33. A force de discussions, on s'est aperçu que, selon ce qu'on ferait avec la recommandation 33, ils avaient une inquiétude. Peut-être qu'ils les accepteraient au moment de l'arrivée pour ensuite les référer à un autre. Donc, dans cette optique, ta recommandation 33 vous paraît-elle encore non nécessaire ou si cette recommandation doit rester, avec une explication à venir, dans la politique de santé mentale de la ministre?

Mme Lavoie (Lise): Pour vous éclairer un peu, le Centre de crise de Québec ne fonctionne pas comme ceux de Montréal sur ce plan. D'abord, tous ses Intervenants ont été formés par le Centre de prévention du suicide et ta moitié de ces Intervenants avait déjà pris une expérience d'un an ou deux chez nous en Intervention de crise auprès de suicidaires. Cela fait que, dans leur équipe, ils avaient au moins 50 % des gens habilités chez nous depuis deux ans à, au moins, être capables de dépister, de reconnaître et de faire quelque chose, ce que les centres de Montréal n'avaient pas nécessairement Donc, la collaboration vient aussi du fait que c'est nous qui les avons formés et je pense qu'on les a aidés à se lancer à Québec, ce qui a peut-être été un peu particulier par rapport à ce qui se fait ailleurs dans la région. Comme c'est une partie de notre personnel qui a été transférée chez eux, c'est peut-être ce qui fait qu'il leur a été plus facile de les prendre et de nous les référer, contrairement à ailleurs. Je ne sais pas si cela peut vous expliquer pourquoi ceux de Montréal n'y touchent pas du tout alors que ceux d'ici ont déjà une alliance.

M. Marier: J'aimerais peut-être ajouter qu'il y a aussi une question de volume. Si je prends le centre de crise du centre-est de Montréal, qui dessert la majorité de la population itinérante de la région de Montréal, il y avait un problème de volume; il y a aussi cela qui entre en ligne de compte. Au centre de crise du centre-est, il y a 12 places d'hébergement temporaire, il n'y en a pas 300. Il faut établir sur certaines bases ce qu'on dessert et ce qu'on ne dessert pas. Je siégais au conseil d'administration provisoire du centre de crise du centre-est et, à partir des discussions qu'on a eues à ce moment-là avec des gens des hôpitaux, des CLSC, tout cela, on s'est dit que le mandat, c'est, d'abord, les personnes, les malades psychiatriques qui engorgent les hôpitaux; c'est d'abord cela, le mandat Votre responsabilité comme centre de crise sera, d'abord, cette clientèle et vous allez vous donner des moyens pour que ce ne sort pas cinq suicidaires qui soient là alors que mol, j'ai besoin de cinq lits. C'est comme cela que le discours s'est tenu.

M. Jolivet: En fait, ma question d'hier était dans le sens suivant II y a peut-être des gens qui sont alcooliques qui arrivent à ce centre de crise et qui sont gardés pendant un bout de temps et sont ensuite référés à l'organisme qui s'occupe d'eux. Pourtant on n'a pas demandé d'exclure de la recommandation 33 ce qui avait été Inclus par le rapport Harnois en ce qui regarde la santé mentale. On n'a pas posé le même diagnostic en disant, en comparaison, que les alcooliques ne devraient pas venir au centre de crise. En fait, c'était la question qui nous préoccupait parce qu'il me semble que le centre de crise doit recevoir le monde et faire ensuite la répartition; d'abord, garder ceux qu'il doit

garder et faire une répartition dans d'autres organismes plus spécialisés pour certaines personnes. On ne doit donc pas les refuser de prime abord. C'est dans ce sens que, peut-être, comme le disait la ministre hier soir, la recommandation 33 prévoit précisément la question du suicide parce qu'on avait l'impression que les centres de crise les refusaient dès le départ. Ils ne se retrouvaient nulle part et c'était dangereux pour les personnes qui avaient besoin d'aide.

M. Mishara: Je pense que le problème, c'est que personne n'accepte les personnes suicidaires à ce moment-ci. C'est très difficile de trouver de l'hébergement II y a deux groupes de personnes suicidaires: ceux qui vont peut-être se trouver dans un centre de crise, mais la grande majorité comporte des personnes qui ont d'abord un contact avec un centre de prévention du suicide. Les centres devraient pouvoir trouver de l'hébergement pour un petit pourcentage de personnes qui en ont besoin. C'est un tout petit pourcentage. La question, c'est: Est-ce que vous accordez le mandat aux centres de crise de le faire? Il semble que les centres ne veulent pas avoir ce mandat Si vous créez une autre ressource pour le faire, les centres n'ont plus besoin de s'en occuper. On a proposé de créer d'autres façons ou d'autres lieux d'hébergement des personnes parce que les centres ne veulent pas, ne sont pas prêts à le faire et cela en prend ailleurs aussi pour d'autres personnes.

Le Président (M. Baril): Le mot de la fin?

M. Jolivet: Je vous remercie de ce que vous nous avez donné comme information. Nous allons souhaiter la meilleure des chances à votre organisation.

Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également vous remercier pour le travail que vous faites. Comme je le disais tout à l'heure, toute la question du suicide demeure très complexe. Ce qui est inquiétant, c'est que cela fait déjà maintenant près de huit ans qu'on nous dit que le taux de suicide chez les jeunes au Québec - on ne se chicanera pas pour savoir si c'est le premier, le deuxième ou le troisième - est parmi les plus élevés du monde occidental. On a l'impression que cela ne se modifie pas beaucoup et que, probablement, il y a encore énormément de recherche pour savoir exactement pourquoi. Je comprends que c'est relié à des facteurs sociaux, etc., mais il reste que le chômage chez les jeunes a diminué. C'est le groupe pour qui, tout compte fait, l'emploi s'est le plus développé. On se retrouve encore... Maintenant, il faudrait peut-être savoir si c'est de 15 ans à 24 ans. Maintenant, l'accent est plus sur les 24 ans à 35 ans, qui constituent vraiment le groupe qui a été touché par la récession. Enfin, ce sont toutes ces questions-là auxquelles il faudrait répondre. (17 heures)

II reste que, si on peut comprendre et accepter - et même là Je suis prudente en disant ça - le suicide chez une personne de 78 ans qui est toute seule et qui, au plan physique fonctionne mal, comme société, c'est plus difficile, en tout cas, d'accepter que des jeunes de 19 ans qui souvent ont eu... Souvent, ils ne sont pas nécessairement d'un milieu défavorisé. Ils viennent d'autres milieux. Ils trouvent que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Je pense que c'est un reproche énorme à la société.

Merci.

Le Président (M. Baril): Alors, Mme Lavoie,

M. Marier, M. Mishara, merci beaucoup de votre présentation. Je vous souhaite un bon retour chez vous. Merci.

M. Marier: Je voudrais également remercier les membres de la commission de nous avoir reçus pour discuter de notre mémoire.

Merci.

Le Président (M. Baril): Merci.

Alors, la commission demande au Regroupement des organismes de base en santé mentale, région 04, de se présenter, s'il vous plaît.

À six heures, la commission va arrêter ses travaux quelques minutes.

Mme Lavoie-Roux: Cinq minutes de...

Le Président (M. Baril): Oui.

Bonsoir, Je vous souhaite la bienvenue. Veuillez, s'il vous plaît vous présenter. Vous pouvez vous présenter, s'il vous plaît, pour les fins du Journal des débats.

Regroupement des organismes de base en santé mentale, région 04

Mme Lafontaine (Liette): Liette Lafontaine, de l'Association des familles d'accueil adulte et âgée du Trois-Rivières métropolitain.

M. Riopel (Jacques): Jacques Riopel, du Service de prévention suicide de Trois-Rtvières.

Mme Vadeboncoeur (Elizabeth): Elizabeth Vadeboncoeur, Centre d'aiguillonnage de Louiseville.

Mme Nadeau (Lorraine): Lorraine Nadeau, d'Auto-Psy Mauricie.

M. Châteauneuf (Guy): Guy Châteauneuf, président du regroupement et coordonnateur du réseau d'aide Le Tremplin à Drummondville.

Mme Houde (Louise-Hélène): Louise-Hélène Houde, Centre de femmes de Shawinigan.

M. Racicot (Jacques-André): Jacques-André Racicot, du service d'écoute téléphonique Tel-Accueil, de Shawinigan.

Le Président (M. Baril): Merci. Alors, comme vous le savez, vous avez 20 minutes pour votre présentation.

M. Châteauneuf: Merci.

Alors, on va effectivement débuter en faisant ressortir à nouveau les points majeurs qu'on a inscrits dans notre mémoire.

En débutant, d'abord, je vais faire un portrait très bref des organismes bénévoles et communautaires qui sont membres du Regroupement des organismes de base en santé mentale, dans notre région. Il y a 14 organismes qui participent, depuis plus de deux ans, à des rencontres mensuelles pour différentes raisons: la formation, question d'échanger sur nos pratiques, parier aussi de politique en santé mentale, de mécanismes et de structures en place dans notre région et des besoins qui sont encore laissés sans réponse.

Il y a plusieurs villes où il n'y a pas encore grand-chose qui existe comme organisme bénévole communautaire. Je vais vous faire un bref portrait. À Victoriaville, il y a la Maison des femmes des Bols-Francs où, là, il y a un groupe de recherche et d'action en santé mentale qui, depuis deux ans, a fait toute une recherche. Un questionnaire de 400 questions pour vraiment saisir de façon très, très détaillée les besoins des femmes en santé mentale. Dans la région de Drummondville, c'est plus développé. Je commence par la rive sud. Il y a quatre organismes: une ligne d'écoute téléphonique et de prévention au suicide qui s'appelle Au bout du fil; il y a un organisme de parents, l'Association des parents et amis du malade émotionnel, II y a un groupe qui s'appelle Amitié Tournesol, qui rejoint beaucoup les gens qui vivent en familles d'accueil et qui sont en perte d'autonomie, où ils ont l'occasion de s'impliquer et d'avoir des activités sociales et culturelles.

Il y a le réseau d'aide Le Tremplin, pour qui je travaille, où il y a la ressource d'hébergement et de réinsertion au travail. C'est à Drummondville.

Dans la ville de Nicolet, il y a La Ruche, un genre de centre de jour. Il y a aussi la Collective des femmes de Nicolet, un centre de femmes qui s'Implique beaucoup dans toute la problématique de ta santé mentale.

À Trois-Rivières, il y a le centre de prévention du suicide. Il y a aussi l'Association des familles d'accueil du Trois-Rivières métropolitain, membre du regroupement.

Dans la ville de Shawinigan, on retrouve quatre organismes. Tel-Accueil est une ligne d'écoute téléphonique anonyme. Auto-Psy Mauricie, c'est un groupe... Il faut bien préciser que, dans la ville de Shawinigan, c'est là où se trouve le centre hospitalier de soins prolongés, l'hôpital

Sainte-Thérèse. On retrouve aussi un troisième organisme, le Centre des femmes de Shawinigan, qui est aussi très impliqué dans tout te dossier de la santé mentale et, enfin, le centre Action Suicide de Shawinigan qui, lui aussi, comme les deux autres que je mentionnais, est financé, depuis la politique de désengorgement des urgences, par un budget.

Enfin, il y a, à Louiseville, le Centre d'Alguillonnage, un milieu de Jour, un centre de réadaptation et d'aide à l'accès au travail pour la clientèle qui présente des problèmes de santé mentale. Ce sont les quatorze organismes membres du regroupement.

Abordons, maintenant, la politique comme telle ou le projet de politique. Au départ, nous sommes très favorables à cette politique, à ses orientations et à ses principes pour trois raisons premières. C'est une politique qui se veut centrée sur la personne. C'est une politique qui veut faire en sorte que, pour les problèmes prioritaires, le développement doit d'abord être axé vers les ressources de type psychosocial considérant que les ressources médicales ou ta réponse médicale est plus présente. Ce qui est plus carentiel, c'est tout l'aspect psychosocial. Enfin, la gamme des services doit d'abord mettre l'accent sur la prévention et la réinsertion sociale, c'est-à-dire l'avant et l'après-hospitalisation. Nous sommes très favorables à tous ces éléments qu'on retrouve dans la politique, une politique qui identifie de telles priorités.

Par contre, et on n'est pas tes premiers à le souligner, on trouve regrettable que, dans un tel projet de politique, il n'y ait aucune allusion à la mise en application de cette politique. Lorsque cette politique, qui est très Intéressante, sera mise en application, qu'est-ce qui va se passer?

On ne fait pas du tout référence aux mécanismes et aux structures qui vont permettre l'application de cette politique, par exempte, les comités permanents en santé mentale ou les comités "aviseurs" en santé mentale, les commissions administratives. On ne fait pas du tout référence à ces structures qui existent, à leur composition, c'est-à-dire à ta répartition des sièges. On ne sait pas trop ce qui va se passer lorsque la politique sera en vigueur. Est-ce que ce sera tout un jeu de tractations, de rideaux, ou quoi? Qu'est-ce qui va se passer? Alors que ces structures-là existent, on n'en fait pas du tout mention, ni de leur composition.

On trouve regrettable que ce projet de politique n'ait pas fait l'effort d'examiner dans chaque région te type de structures déjà existantes de façon à faire des suggestions. On sait qu'il y a des comités "aviseurs" dans les cinq sous-régions de la région de Montréal. Dans la région de la Montérégie, on a une politique intéressante de participation du milieu communautaire en santé mentale. On trouve dans le projet de politique une "déresponsabilisation"

importante de ne pas avoir fait un survol des régions pour en arriver à suggérer, au moins, les mécanismes où on retrouverait une participation des acteurs, tels qu'énumérés.

Récemment, je lisais les commentaires du journaliste Jean Francoeur dans Le Devoir qui, mercredi dernier, donnait l'exemple de la région de l'Abitibi et disait: "Peu importe, pourvu que le service se donne, qu'il soit donné par un organisme communautaire, un CLSC, un centre hospitalier. Ce qui importe, c'est que le service se donne." Nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec cela. Il faut se donner des principes de base si on veut centrer cela sur la personne. L'Implication du milieu, des parents et des proches, je pense que c'est préférable. Quelque part dans le projet de politique il est dit: Si cela pouvait être donné proche de la personne par le milieu communautaire, par les parents, tant mieux. C'est ce qui devrait être favorisé. On ne serait pas tout à fait d'accord à dire: Peu Importe qui le donne, pourvu que le service soit donné. On trouve cela très discutable.

Un autre point qu'on trouve important, qui n'est pas abordé et qui a été souligné probablement dans d'autres mémoires, c'est le rôle et la responsabilité des acteurs qui ont été identifiés. Il n'est nullement fait mention dans le document des centres hospitaliers, CLSC, CSS ou DSC, des rôles et responsabilités que des organismes communautaires ou des associations de parents pourraient jouer. Par contre, dans notre région, on regarde la réalité du travail qui se fait par les organismes bénévoles et communautaires et on se rend compte qu'il y a un travail de promotion qui se fait par certains organismes, un travail d'information, de l'hébergement, de la réadaptation. Encore là, j'ouvre une petite parenthèse, toute la notion de réadaptation aurait dû davantage être développée. C'est un concept très, très faible en santé mentale. On ne sait pas trop quoi faire avec la réadaptation en santé mentale et c'est dommage que la politique n'aille pas très, très loin dans ce sens-là.

Il y a aussi des organismes, membres de notre regroupement, qui font de la réinsertion sociale, de la réintégration au travail, de l'intervention face à la crise suicidaire, de l'écoute téléphonique anonyme. Il n'y a pas de partage des responsabilités dans le projet de politique. Notre crainte, c'est de savoir si on va Identifier les organismes bénévoles et communautaires comme des organismes qui font des visites à domicile, qui passent le café et qui donnent des claques dans le dos. Les organismes bénévoles, les organismes communautaires et les parents peuvent jouer un rôle beaucoup plus important. On le voit par le type d'activités et de services qu'offrent nos organismes. On parle de toute une gamme de services; est-ce qu'une fois que les établissements publics se partageront un peu tout le gâteau on aura la part qu'on gruge du genre visites à domicile et claques dans le dos? Nous disons qu'on peut jouer un rôle beaucoup plus important que cela. Voilà, déjà, ce qu'on fait depuis bon nombre d'années. On fait de la réinsertion au travail, de la prévention face au suicide et toutes sortes de services et d'activités comme cela qui représentent un haut niveau de responsabilités. C'est un peu regrettable, mais, dans cette politique, on ne sait pas trop trop, finalement, quels rôles et responsabilités seront alloués aux organismes bénévoles et communautaires.

Ce qui est absent dans ce projet de politique, c'est que, depuis 20 ans, avec la commission Bédard on a développé des services psychiatriques dans toutes les villes par le biais des hôpitaux généraux. Peut-être que la commission Rochon se penchera là-dessus. On parle de centres hospitaliers, de CSS et, bien souvent, de CLSC; ce sont de grosses boîtes, des trucs gigantesques.

Dans ma ville, à Drummondville, et dans bien d'autres villes, les centres hospitaliers sont devenus les plus gros employeurs de la ville. C'est donc devenu un danger évident. C'est une réalité, fréquemment rencontrée, de déshumanisation et de dépersonnalisation des services. On le voit aussi par les assemblées générales d'information de ces organismes.

Par contre, le projet de politique ne questionne pas du tout ça. Qu'est-ce qu'on fait après 20 ans? Ils sont devenus de gros organismes. Est-ce qu'on va leur attacher un nouveau grelot, développer davantage, engager plus de gens? Souvent, le projet de politique va dans ce sens-là. On va engager plus d'intervenants. Les CLSC vont s'occuper de santé mentale en plus de faire... Le rapport Brunet recadre un petit peu l'affaire, mais vous avez la réponse des CLSC: Ça va prendre plus de monde, plus de ressources humaines, plus de budgets.

Dans les centres hospitaliers, ça va prendre plus de monde en clinique externe, en centres de jour, c'est toujours plus, plus, plus, plus de formation, plus, plus, plus. Nous nous questionnons beaucoup. On trouve que le projet de politique aurait dû aborder ça. Qu'est-ce qu'on fait avec nos établissements publics après 20 ans? Ils sont devenus de grosses boîtes et, en santé mentale, le rapport personnalisé qui doit être offert avec le service est extrêmement important.

On reviendra dans nos recommandations pour notre région sur un cadre de partages qu'on propose.

Un autre point mineur qu'on tient quand même à souligner, c'est que, partout dans le document, on parle de toutes sortes de terminologies. Finalement, le projet de politique a adopté un terme qui s'appelle: "problème d'ordre mental". On trouve que c'est un compromis un peu mièvre, qui fait encore beaucoup référence à une nosographie médicale: Vous vivez, madame ou monsieur, un problème d'ordre mental.

Cette terminologie nous titille et ne cotres-

pond pas très bien au langage qu'on aimerait adopter par rapport à une personne qui vit un problème de santé mentale. Ce n'est pas une terminologie.,. Si on a voulu faire un compromis et mettre de l'avant une terminologie semblable, une personne qui vit des problèmes d'ordre mental, on n'est pas d'accord avec ça. On n'est pas à l'aise avec un terme comme ça.

On parle de partenariat Pour nous, c'est bien Important de distinguer entre partenariat et complémentarité. On ne veut pas non plus offrir des services complémentaires aux établissements publics, l'établissement public définissant déjà ce qu'il fait et disant: Vous autres, c'est la partie congrue, vous allez faire le reste. Les ressources alternatives ont une approche qui a sa spécificité et qui doit être bien identifiée. (17 h 15)

II y a la distinction faite aussi, dans le projet de politique, entre champ et domaine. Pour nous, notre préoccupation, c'est qu'en Identifiant champ et domaine... Quand II est question de domaine, on évacue un petit peu toute la problématique de la condition féminine. On sait que c'est une problématique Importante en santé mentale, elles consomment beaucoup de médicaments, etc., on les met un petit peu... Est-ce qu'on les classe épiphénomènes? Même chose avec la problématique du suicide chez les itinérants.

On fait deux catégories. Dans la politique, on veut focaliser, d'abord sur le champ de la santé mentale et, dans ce champ, on définit trois types de clientèles: celle qui présente des problèmes sévères et persistants, celle qui présente des problèmes transitoires et celle dont la santé mentale est menacée. On a peur qu'avec cette catégorisation la première catégorie - les personnes qui présentent des problèmes sévères et persistants - devienne une catégorie de gens qui deviennent une chasse-gardée des centres hospitaliers de soins prolongés ou des établissements publics et qu'on dise: C'est notre clientèle captive, celle qui présente des problèmes sévères et persistants. Elle a des besoins que nous, les établissements de soins prolongés ou les établissements publics, sommes les seuls à desservir. On dit, nous, qu'une personne peut avoir toute une gamme de besoins, même si elle a vécu dix hospitalisations et sept ans en milieu psychiatrique. Cette personne doit bénéficier des mêmes services qu'une personne dont la santé mentale est menacée ou qui vit des problèmes transitoires. Elle peut aussi faire appel à ces services. On a peur d'une catégorisation où toute une catégorie de gens, les plus chroniclsés, se trouve desservie par des services spécialisés uniques.

On y reviendra tantôt dans les recommandations.

Pour en ce qui est de doubler le budget des ressources communautaires en santé mentale, on a fait un bref calcul du financement déjà alloué dans notre région et on arrive avec un montant approximatif de 450 000 $. Si on double ce budget-là, on est loin, mais vraiment loin, de dire qu'une fois qu'on a fait cela on a maintenant toute la gamme de services disponibles dans chaque ville de la région Mauricie-Bois-Francs par rapport à tout ce qu'on veut viser. On regarde à Victoriaville, Il n'y a rien, à Trois-Rivières il n'y a pas grand-chose, sauf le centre Prévention Suicide. Tout l'aspect de l'hébergement, tout l'aspect de la réinsertion sociale, tout l'aspect de l'aide à l'accès au travail, toutes ces choses, que va-ton en faire? Ce n'est pas seulement en doublant le budget qu'on pourra dire: On a bouclé la boucle et on a mis en place toute la gamme de services.

Concernant le plan de services Individualisé, on n'est pas d'accord avec une politique qui dirait: On le met obligatoire, selon ta recommandation 2, pour toute personne, etc. Il devrait plutôt y avoir toute une campagne d'Information disant aux gens ciblés: II existe la possibilité, pour vous, d'avoir un plan de services individualisé et on va le mettre en application si vous en faites la demande. On devrait d'abord procéder en disant... Si vous voulez avoir une politique centrée sur la personne, vous devriez dire: Commençons d'abord par appliquer ce plan de services individualisé aux gens qui en font la demande avant de le faire de façon systématique, comme c'est le cas dans la recommandation.

Un autre point important, qui est un petit peu rattaché à la recommandation 8 du rapport, concerne les omnipraticiens. On veut encore là, suivant un concept de gigantisme, dire, de nouveau: Les omnipraticiens, c'est bien intéressant, ils font déjà de la psychothérapie en cabinet privé; on va leur donner une formation supplémentaire et ils vont devenir encore plus compétents. C'est un peu une fuite devant un truc où il n'y a pas d'évaluation. On se questionne beaucoup sur les mécanismes d'évaluation, de contrôle de la qualité du travail qui se fait entre les quatre murs du bureau, du cabinet privé de l'omnlpraticien. Avec le plan de services individualisé, les omnipraticiens n'auront pas plus de comptes à rendre qu'ils n'en ont aujourd'hui. Tous les Intervenants, la travailleuse sociale, l'infirmière ou le travailleur communautaire, devront s'asseoir à une table pour établir le plan de services individualisé, mais l'omnlpratlclen continuera de faire ce qu'il veut II n'aura pas de comptes à rendre à personne. Il fera ce qu'il voudra dans son cabinet privé. On trouve cela Inacceptable. Il faut qu'une politique aie des dents et demande aussi aux omnipraticiens de rendre des comptes, si vous voulez impliquer les omnipraticiens en santé mentale. D'ailleurs, Ils le font déjà. Faire du support moral leur est reconnu par la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Concernant l'ombudsperson, on est favorable à une corporation autonome, comme le Regroupement des ressources alternatives vous l'a mentionné. L'"ombudsperson" ne relèverait pas du CRSSS mais constituerait une corporation autono-

me avec un financement distinct, une corporation dont le conseil d'administration serait composé majoritairement de personnes qui ont obtenu des services en santé mentale. Quant à la formation, nous avons aussi des besoins, des lignes d'écoute téléphonique, etc. Tous les organismes, selon leurs activités ou leurs services, ont besoin de budget en formation, ce qui n'est presque pas reconnu dans notre financement.

Quant aux recommandations 9, 10 et 11 qui touchent plus à ta recherche, les organismes bénévoles communautaires peuvent faire de la recherche et en font effectivement. Je vous parlais au début de la Maison des femmes des Bois-Francs qui a fait une recherche vraiment remarquable, poussée, sur deux ans. Cette recherche est financée par Canada au travail. Elle est financée par des fonds publics qui viennent du gouvernement fédéral. Auto-Psy Mauricie a fait une recherche sur les conditions et les besoins des psychiatrisés qui gravitent autour du centre hospitalier de soins prolongés. Cela a été financé par le Secrétariat d'État

On va essayer de faire de la recherche avec les miettes qu'on a de Canada au travail et du Secrétariat d'État, mais, si vous voulez mettre des fonds pour la recherche, pensez aussi à soutenir les ressources bénévoles et communautaires. Elles sont aussi préoccupées par la recherche et en font effectivement, mais elles la font avec les moyens du bord.

La recommandation 12 concerne l'évaluation des programmes. Cette recommandation dit que tes hôpitaux, les établissement publics peuvent être dégrevés s'ils font l'évaluation de leurs programmes. Nous essayons de faire l'évaluation de nos services avec Canada au travail. Nous aimerions bien aussi être dégrevés dans nos budgets si on consacre 2000 $ ou 12 000 $ à l'évaluation de nos programmes. Nous trouvons que la recommandation 12 est beaucoup trop restrictive puisqu'elle ne s'adresse qu'aux établissements publics.

Concernant la recommandation 17 sur les 10 % qu'on doit obtenir sur une base locale, nous disons que ce n'est vraiment pas avec des chiffres semblables ou de telles exigences qu'on va réussir à s'assurer, parce que c'est le but visé, que la ressource est bien enracinée dans le milieu. Ce n'est pas avec une exigence comme celle des 10 % qu'on va réussir à s'en assurer.

Un peu à la blague, on va donner un exemple. On n'aurait qu'à faire venir un psychiatre comme conférencier. On lui dirait: Facture-nous des honoraires de conférencier de 500 $ et on va atteindre rapidement nos 10 %. Qu'est-ce que c'est, ça? En tout cas, ce n'est pas de cette façon que vous allez avoir l'assurance qu'on est bien enraciné dans notre milieu. Je pense que c'est davantage en lisant notre rapport d'activités. On ne fait pas juste un rapport financier, on fait un rapport d'activités. Il y a d'autres mécanismes que les 10 %, si vraiment votre objetif, très louable et nécessaire d'enra- cinement dans le milieu...

Le Président (M. Baril): Monsieur, pour-riez-vous conclure, s'il vous plaît?

M. Châteauneuf: Oui. Je termine. Le plan d'organisation des services dans les régions. On n'en connaît pas trop les structures et les mécanismes décisionnels et quelle part vont y jouer les organismes bénévoles. On est très préoccupé par cela.

On a des recommandations. Une des recommandations qu'on formule et qui est propre à notre région, c'est qu'il devrait y avoir un cadre de partage comme II y en a eu un, entre les CSS et les CLSC. Je sais que cela a peut-être été un chiard, mais c'était important. Il devrait y avoir un cadre de partage pour que les cliniques externes et les centres de jour relèvent des CLSC. Les gens qui vont en cliniques externes et en centres de jour en centres hospitaliers vivent en communauté et obtiennent dans ces centres de jour et ces cliniques externes des services professionnels qui devraient et qui sont souvent déjà dispensés en CLSC: thérapie individuelle, thérapie familiale, thérapie sexuelle, etc. Tout le personnel en centres hospitaliers qui travaille en centres de jour ou en cliniques externes devrait - on le souligne - aller en CLSC où il y a déjà des services professionnels qui sont à peu près de même nature: thérapie familiale, etc. Tout cela existe déjà en CLSC.

Le projet de politique n'a pas fait cet effort de penser à un nouveau cadre de partage alors que, depuis 20 ans, quand on parie de psychiatrie tout est agglutiné autour de l'hôpital. Le projet de politique ne fait pas du tout de cadre de partage. Il dit: Plus, plus, plus. Il devrait y avoir un cadre de partage pour que les gens cessent d'être des patients à vie qui vont à l'hôpital pour 36 raisons. Ils devraient aller en CLSC. On recommandait un tiers, un tiers, un tiers pour les structures décisionnelles dans les régions.

Si vous me le permettez, te dernier point. Dans le projet de politique, on interpelle beaucoup le ministère des Affaires municipales dans une des recommandations. Nous disons: D'accord, mais il y a un autre ministère qu'il est important d'Interpeller, c'est le MMSR, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, parce que beaucoup de gens avec qui on est en rapport sont des bénéficiaires de l'aide sociale. Ces gens, si on leur reconnaissait la possibilité de gagner 200 $ par mois de plus sans être pénalisés par l'aide sociale, pourraient reprendre un statut de citoyen beaucoup plus valorisant que celui de simple assisté social et progressivement reprendre pied.

On espère que la réforme Paradis va en tenir compte. Le MMSR doit être vivement interpellé en matière de santé mentale. C'est la même chose pour une personne qui quitte le statut d'assisté social. Pour commencer à travail-

ler, elle devrait pouvoir avoir gratuitement, ses médicaments, ses frais dentaires, ses lunettes pendant un an. C'est là une crainte souvent soulignée par les bénéficiaires de l'aide sociale: Oui, mais si je travaille au salaire minimum, iI va falloir que Je paie mes médicaments. En santé mentale, les coûts que cela peut représenter d'avoir à payer ses médicaments sont Importants.

Ce sont des recommandations comme celles-là qu'on vous fait: Penchez-vous là-dessus et d'interpellez le MMSR face à cela.

Le Président (M. Baril): Merci. M, Châteauneuf: On vous remercie. Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants du Regroupement des organismes de base en santé mentale, région 04. Pour le moment, je vais demander à mon collègue de Taschereau d'intervenir et je reviendrai par la suite.

Le Président (M. Baril): M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai trouvé le mémoire fort intéressant. Excusez-moi de commencer par la fin. C'est un peu concernant vos dernières paroles. Vous parliez du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Vous nous avez dit: On connaît des cas où des gens refusent peut-être de retourner sur le marché du travail, au salaire minimum ou pas loin du salaire minimum, à cause des frais encourus pour les médicaments. Pou-vez-vous me donner un ordre de grandeur de ce que cela peut représenter en dollars mensuels pour que Je puisse chiffrer un peu?

M. Châteauneuf: Je ne peux pas répondre à cela. On n'a jamais fait le calcul. Ce que je peux vous dire, c'est que, si cela vient tout de suite à l'esprit de ces gens-là, c'est que cela doit être très significatif pour eux. Si on leur donnait, pendant un an la possibilité d'avoir des médicaments sans frais... Je ne peux pas vous quantifier cela. Peut-être que... Non, je ne pourrais pas. Combien coûtent des Largactil?

Mme Nadeau: On peut dire là-dessus, par exemple, à la suite de la recherche faite par Auto-Psy, qu'il y a seulement 7 personnes sur les 100 rencontrées qui étaient allées en psychiatrie dans la région de Shawinigan, qui travaillaient effectivement; les 93 autres personnes étaient sur l'aide sociale. Alors, vous vous imaginez déjà pour ces personnes-tà... On sait très bien que le travail que ces gens-là vont trouver, c'est au salaire minimum. Il y a déjà des frais de logement. Si on ajoute à cela des frais de médica- ments, peut-être des thérapies et autres choses, ce sont souvent des craintes que les gens ont.

La plupart des gens prenaient des médicaments. Pour ce qui est des frais encourus, on n'en a aucune Idée. Souvent, les gens n'en ont aucune idée parce qu'ils ne les ont jamais payés. D'accord?

M. Leclerc: Mais Ils savent que cela coûte cher.

Mme Nadeau: Oui, c'est cela. M. Châteauneuf: La famille aussi. Mme Nadeau: Oui. M. Châteauneuf: C'est leur crainte.

M. Leclerc: Écoutez, vous m'avez paru un petit peu - comment dirais-je? - agressé par le rapport, à certains égards. Vous dites: On ne veut pas être réduits à faire des visites à domicile et à donner de petites claques dans le dos. Je ne refuse pas de comprendre vos appréhensions, mais je me dis que la nouvelle politique de santé mentale ne vous donnera sûrement pas moins de rôle que vous en avez actuellement. Je regarde votre regroupement et tous les services que cela peut regrouper, vous ne faites pas que des visites à domicile et vous ne donnez pas que des claques dans le dos, actuellement Si, notamment, nous doublons votre budget, vous ne ferez sûrement pas moins à plus forte raison, que ce que vous faites actuellement. Il me semble que c'est un petit peu exagéré quand vous dites: On a peur d'être réduits à faire des visites à domicile et à donner des claques dans le dos, alors que vous faites beaucoup plus que cela actuellement. On veut vous donner les moyens de faire encore plus que cela.

M. Châteauneuf: Seulement une petite parenthèse. On parte de doubler le budget. Je parle au nom de postes d'écoute, II y a plusieurs postes d'écoute dans la province qui n'ont aucun budget au plan de la santé mentale. On parle de doubler leurs budgets, mais 0x2, cela ne fait pas de gros budgets!

M. Leclerc: Oui, cela n'est pas long à compter, je suis d'accord avec vous. Mais, de façon générale, pour les groupes communautaires, il y aura davantage de budgets, donc, possibilité de faire davantage. C'est ce pourquoi je ne vois pas pourquoi vous pensez qu'on veut vous réduire à faire des visites à domicile et à donner des claques dans le dos.

Mme Nadeau: Dans le projet de politique, te rôle qu'on reconnaît aux groupes communautaires n'est pas clair. C'est ce pourquoi Guy a insisté là-dessus. Dans certaines régions, d'accord, on reconnaît les groupes communautaires; on recon-

naît le travail qu'ils font. Mais, dans d'autres régions, il faut voir ce qu'on a vu dans les journaux jusqu'à maintenant par rapport à ce qui se passe ici, à la commission. On dit: Les groupes communautaires font n'Importe quoi, n'importe comment. Le CRSSS dans notre région nous te dit C'est pour cela que nous Insistons là-dessus. Nous, nous croyons en ce que nous faisons, sinon, nous ne le ferions pas, mais on voudrait être reconnus. C'est pour cela qu'on a Insisté sur cet aspect-tà. (17 h 30)

M. Leclerc: écoutez, pour avoir visité certains groupes de mon comté, je sais que c'est très bien structuré, très bien organisé. Je suis certain que jamais, dans la politique du gouvernement, on ne va reconnaître un rôle moins grand aux organismes communautaires que ce lui qu'ils ont actuellement. Au contraire, on parle de le bonifier, ne serait-ce que par le budget. C'est pourquoi je me dis... Je ne peux pas vous empêcher d'avoir des craintes, mais cela m'apparaît des craintes qui sont un peu...

Mme Nadeau: Ce n'est pas juste une question de budget et c'est pour cela qu'on insiste. C'est beau de doubler les budgets, mais des budgets pour quoi? Quand vous parlez de supplétif et de complémentaire dans le projet de politique, qu'est-ce que cela veut dire? Nous n'avons pas l'impression d'être complémentaires à l'institution psychiatrique. On a l'impression d'être même alternatif à ce qui se fait dans ce milieu. C'est pour cela qu'on Insiste, encore une fois. On a l'impression, parfois, qu'on ne comprend pas ce qu'est un groupe communautaire. Il y a des centres de bénévolat. Il y a des organismes bénévoles. Mais il y a des gens qui vivent de ce qu'ils font là. Dans les groupes communautaires, il n'y a pas juste du bénévolat. Il y a des actions posées qui sont rationnelles, qui sont pensées, qui sont organisées et qui sont évaluées. C'est pour cela qu'on insiste.

M. Châteauneuf: Je vais vous donner un autre exemple, M. le député. Depuis qu'il est question d'un projet de politique - cela fait déjà un certain nombre d'années - ces dernières années, il y a bien des gens dans les CSS, dans les CLSC et dans les centres hospitaliers qui ont sorti leur crayon, qui ont des projets à soumettre qui sont déjà rendus sur les tables des CRSSS.

M. Leclerc: II y a des experts là-dedans.

M. Châteauneuf: Je sais que vous en avez. Si vous ne les avez pas, les CRSSS les ont. Cela a pris tous les bords, tous les côtés, mais il y en a plein. Quelle part va-t-on avoir dans la gamme de services? Quel type de responsabilité vont avoir les organismes bénévoles comme tels? C'est bien important. C'est ce qu'on veut faire ressortir pour ne pas que l'Implication de la population soit ta part congrue. Il ne faut pas que la problématique de la santé mentale soit un champ clos, un milieu clos. Cela a été prouvé par les centres d'hébergement pour les femmes victimes de violence. Ces organismes peuvent jouer un rôle Important et faire un travail de qualité. Dans les maisons de quartier pour les jeunes que le ministère finance aussi, on fait un travail Important et de qualité. En santé mentale, il ne faut pas que l'implication des organismes bénévoles communautaires, de la population ou des parents soit un peu la part congrue. On trouve cela Important parce que dans ce projet de politique il n'y a pas de partage de responsabilités.

Par contre, quand je vous dis qu'il y a des gens qui ont sorti leur crayon, je vous invite à ouvrir le projet de politique à la page 91 où se retrouve énumérée la gamme de services. C'est en petits points. C'est le - un, deux, trois, quatre, cinq - le sixième petit point de la page 91, la gamme de services; c'est l'avant-dernier point. "Une gamme de services qui offre l'hébergement en cas de besoin, un programme de répit aux familles et aux proches, de même que l'intervention psychosociale'. Savez-vous à quoi cela nous fait penser? Cela va être ta tâche des CSS, d'accord? On n'a pas fait l'exercice pour chaque petit point, mais pourquoi l'hébergement, le répit aux familles et l'intervention psychosociale ont-ils été mis ensemble? Parce que, quelque part, quelqu'un avait des schèmes CSS en tête.

Où sont-ils, tes organismes communautaires? Ils peuvent être partout et ils peuvent être nulle part. C'est cela qu'on veut vous dire. On vous dit que, depuis des années, on fait tel, tel et tel type de travail: la prévention au suicide, l'hébergement, la réinsertion au travail, des domaines qui ont peu ou pas été abordés - même la réinsertion au travail - par des établissements publics. On fait des choses comme celles-là. On ne veut pas avoir la part congrue.

On dit: Faites attention. Le projet de politique, lui, ne se mouille pas. Et, quand on lit entre les lignes, on lit de drôles de choses.

M. Leclerc: Je comprends très bien vos allégations, sauf que je continue à penser que vous ne pouvez pas avoir une part plus petite que celle que vous avez actuellement. Tout ce qui peut arriver avec la nouvelle politique, c'est que votre rôle soit bonifié.

J'aurais une autre question à vous poser. À un certain moment, vous dites: Dans la région 04, les usagers des services en santé mentale veulent des groupes d'entraide, des services disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept et des services qui sont plus près d'eux. Est-ce que, dans les groupes que vous représentez, des usagers vous appellent la nuit ou la fin de semaine pour vous dire: J'ai recours à vous parce qu'il n'y a personne dans le réseau, tout le monde est parti?

M. Racicot: Nous, au service d'écoute téléphonique, nous avons ces exemples à tous les Jours. On fonctionne de 7 heures, le soir, à 7 heures, le matin, justement au moment où beaucoup de ressources ne fonctionnent pas. On a plein de témoignages de personnes qui appellent pour nous dire: Une chance que vous êtes là, au moins, parce que je me sens désamparée, je me sens seule, etc. Tout ce qu'on peut faire, c'est leur offrir une écoute parce qu'on est un service d'écoute. On a beaucoup de témoignages de personnes qui sont démunies pour toutes sortes de motifs.

M. Leclerc: Est-ce que cela veut dire que le réseau ne donne pas assez d'heures de service ou si ce qui arrive là est inéluctable?

Mme Nadeau: Cela ne veut pas dire que le réseau ne donne pas assez d'heures de service, cela veut dire qu'il y a un organisme communautaire qui donne un service de 7 heures le soir à 7 heures le matin. Est-ce qu'il faut que ce soit le réseau de 8 heures le matin à 4 heures de l'après-midi? Je ne sais pas. Enfin, c'est la situation et les données dont il est question dans notre mémoire viennent d'une recherche qui a été faite par le département de santé communautaire de l'hôpital Sainte-Marie qui s'adressait à des usagers, non pas que ces usagers aient des services 24 heures sur 24 en ce moment, quoiqu'il y ait un centre de crise en santé mentale dans la région de Trois-Rivières, mais c'est ce que les gens souhaitaient. Quand il y a une situation difficile, Ils ne veulent pas attendre trois jours pour consulter quelqu'un, Ils veulent pouvoir le consulter tout de suite; c'est ta demande. Ils ne demandent pas d'avoir un diagnostic de schizophrénie ou quoi que ce soit; ils veulent des services près d'eux, qui soient accueillants, chaleureux, etc., des groupes d'aide, ils ne demandent pas des services superspécialisés et quelqu'un de superformé devant eux.

M. Leclerc: Merci.

Le Président (M. Baril): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je suis toujours content d'Intervenir après mon ineffable compagnon de Taschereau.

M. Leclerc: C'est votre secteur.

M. Jolivet: Cela me permet plusieurs questions auxquelles je n'ai pas pensé; il me donne toujours ouverture à d'autres questions. Mais avant de commencer...

Le Président (M. Baril): Ineffable! Est-ce des bêtises, cela?

M. Leclerc: Sans commentaire.

M. Jolivet: Cela, Mme la ministre, vous vous en souviendrez, depuis deux ans maintenant, toutes les fois que j'ai eu l'occasion de parler après lui, II m'a toujours donné ouverture à bien des questions et "ineffable", pour moi, a une teneur un peu humoristique.

Je veux d'abord vous souhaiter la bienvenue. Vous êtes un groupe Important dans ma région, vous êtes regroupé, vous avez donné ta preuve qu'un fleuve ne sépare pas tout et qu'entre vous, du Nord et du Sud, vous êtes capables de faire des actions Intéressantes pour le bénéfice de l'ensemble de la population qui est souvent la plus démunie et qui a le plus de besoins.

Je dois vous dire aussi que je suis totalement à l'encontre de ce que vient de dire le député de Taschereau. Je comprends ses questions, quand on connaît le gouvernement qui est en place, qui essaie de calculer ce que rapporte l'argent investi, mais je vais le regarder autrement, dans la mesure où, effectivement, moi aussi, j'ai les mêmes craintes que vous, que d'autres groupes communautaires ou alternatifs qui sont venus le dire: Le rapport est une belle philosophie, il y a de très belles Idées, mais on n'en voit pas d'application concrète, on ne sait pas, surtout, ce qu'on va faire dans le système d'une politique de santé mentale au Québec.

Dans ce contexte, il est normal que des groupes comme vous, à qui on demande d'aller chercher encore davantage d'argent dans le milieu, alors qu'on sait très bien tes énergies que vous mettez pour aller en chercher, parce que vous n'avez pas le financement nécessaire, il est donc pensable et compréhensible que vous vous posiez des questions. Qu'est-ce que nous, comme groupe alternatif, comme groupe communautaire, nous allons faire dans le système?

On dit à la recommandation 15: 'Que le ministère de ta Santé et des Services sociaux révise la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin de reconnaître la légitimité de l'action de ressources communautaires exerçant des fonctions supplétives ou expérimentales dans la dispensation des services en santé mentale." Je comprendrai très bien que vous me disiez que vous n'êtes pas supplétifs ni expérimentaux. Cela ne veut pas dire que vous ne faites pas de recherches ou d'expériences. Dans bien des cas, je vous appuie dans votre recherche d'argent dans mon milieu, pour ceux qui sont dans ma région, parce qu'effectivement vous êtes continuellement à la recherche d'argent. Vous n'êtes pas financés - ce ne sera jamais le maximum, d'une façon ou d'une autre - dans une proportion qui serait la plus près possible des besoins de la région. En ce sens, je ne peux qu'appuyer l'ensemble de votre rapport qui dit ce que vous êtes, ce que vous faites et ce que vous êtes capables de faire dans la mesure où on vous donne les moyens et où on vous le garantit,

non pas dans ce livre, parce qu'il ne le garantit pas, mais dans la future politique de santé mentale - c'est pour cela qu'il y a une commission parlementaire - que la ministre dévoilera. Vous voulez qu'au moins elle encourage des actions comme les vôtres en les chiffrant dans le contexte d'un budget dans les recommandations qui sont faites actuellement.

Je ne peux pas faire autrement que de dire que vous avez raison d'exprimer ouvertement ici - c'est le lieu, nous sommes en consultation - vos besoins, vos réalités et vos difficultés. Je dois vous dire que j'aimerais qu'on définisse davantage les rôles de chacun, que ce soient les institutions, que ce soient les Intervenants qu'on nomme cliniciens, psychiatres ou autres, qu'on définisse davantage leur rôle. On nous a dit que c'était à eux de déterminer ce qu'ils voulaient et qu'après cela on verra. Je pense qu'à un moment donné il va falloir qu'il y ait des décisions, des prises de position de la part de la ministre, qui indiquent vraiment quelles sont ses intentions dans la politique de santé mentale au Québec.

Vous avez parlé de choses que j'ai vécues comme député et là je ne dis pas si c'était dans le temps du pouvoir ou de l'Opposition. C'est dans ces onze années que j'ai vécu ce fait, de part et d'autre, et j'ai même eu à prendre position comme député contre mon parti politique ou contre le ministre, parce que j'ai défendu des points de vue. Et je dois vous dire cependant que, malgré tout cela, il reste quand même qu'on est devant une réalité aujourd'hui et te CRSSS à mon avis, sur un certain point, a peut-être évolué. On parlait d'Auto-Psy tout à l'heure, des gens qui sont venus avant vous nous en parlaient. Mais je sais qu'il commence à reconnaître davantage, malgré les difficultés que cela comporte, j'en suis bien conscient, des groupes alternatifs. Mais là où j'ai senti plus de réticence, ce n'est peut-être pas au CRSSS qui fait des recommandations, mais plutôt dans les conseils des services sociaux, les CSS. J'aimerais bien saisir si vous avez les mêmes visions que j'ai dans notre région, en particulier que le CSS de Trois-Rivières n'a pas offert l'appui qui était dû et qui était approuvé par le CRSSS. Est-ce que j'ai raison de penser comme cela? Dans le secteur de Trois-Rivières ou ailleurs dans la région.

M. Châteauneuf: Vous dites si le CSS... Je ne saisis pas précisément votre question.

M. Jolivet: Ce que je veux dire, c'est que Auto-Psy a dit: Le CRSSS ne semble pas nous reconnaître, le CRSSS ne nous a pas donné tout l'appui nécessaire. Je dis que, peut-être, il y a eu des circonstances comme celles-là, mais il y a eu des changements. Et je dis, dans le cas d'un groupe alternatif, dans la région de Champlain en particulier, c'est le CSS qui semble être plus réticent à appuyer. Je voulais juste savoir si, dans vos régions respectives, que ce soit dans le secteur de Trois-Rivières, Maskinongé, Nicolet ou ailleurs, vous avez senti ces mêmes réticences-là venant du CSS en particulier.

M. Châteauneuf: Je peux vous répondre pour Drummondville. Le CSS a participé dès le départ à l'implantation de notre ressource d'hébergement, notre organisme qui, entre autres, a mis sur pied une maison de transition en santé mentale. Le CSS a embarqué de plain-pied là-dedans parce qu'il y avait plein de gens de 18 à 35 ans principalement qui sortaient du milieu hospitalier et que la seule ressource que le CSS avait était de les placer en famille d'accueil. C'était quasiment les parquer parce que les familles d'accueil n'ont pas beaucoup de ressources pour aider ces gens-là à acquérir de nouveau leur autonomie. Alors, ils ont embarqué de plain-pied dans la mise en place de notre organisme qui, entre autres, a mis en place une maison de transition.

Sauf que maintenant le CSS, pour des raisons juridiques, s'est retiré parce qu'il est lié à la loi et qu'il devait déterminer toutes les admissions à notre ressource alors que nous voulions garder notre entière autonomie et être une porte ouverte disponible dans la communauté, que la référence vienne de La rose des vents, qui est le centre d'hébergement pour femmes victimes de violence, que la référence vienne d'un psychothérapeute du secteur privé, qu'elle vienne du CLSC, de la psychiatrie ou que fa personne vienne d'elle-même parce qu'elle fait une fugue de l'hôpital. Nous voulions être en mesure de déterminer l'admissibilité, alors que le CSS, comme il nous donnait un statut de famille d'accueil pour nous aider dans notre financement, a dit: Nous, par la loi, on doit déterminer toute personne admissible; dorénavant, toute personne qui va faire une demande d'hébergement à votre organisme devra d'abord aller au CLSC pour y être évaluée et si un placement est jugé nécessaire, mais peut-être pas, cette personne va être référée à un comité de pairage qui va relever du CSS, un comité de pairage qui va déterminer si cette personne doit aller dans une famille d'accueil, dans un pavillon ou à votre maison de transition; après, la personne ira à votre maison de transition si c'est jugé opportun.

J'ai dit: Tabarnouche! On a une ressource alternative qui est faite pour alléger le cas et vous nous mettez en périphérie le terminal no 12 de tout un réseau public qui est déjà lourd, merci; cela n'a pas d'allure. Le CSS finançait environ 15 % des coûts de fonctionnement de la maison de transition, les résidants eux-mêmes en finançaient autant et le ministère, environ 70 %. Le conseil d'administration a dit: Le ministère nous finance d'abord comme ressource alternative proche des gens; on va se priver de 15 000 $ que le reliquat du CSS représentait comme famille d'accueil. Le CSS a dit: C'est bien de valeur, mais nous, on est contraints par la loi; il faut

qu'on détermine les admissions. Je ne veux pas en faire une longue histoire. Dans la région de Trois-Rivières...

(17 h 45)

M. Riopel: Je crois qu'on n'est pas là pour faire le procès du CSS. Je voudrais simplement ajouter que le service de prévention au suicide existe depuis quatre ans, même si on est en fonction depuis un an et demi seulement C'est la fondation du CSS, où siègent principalement les administrateurs du CSS, qui a donné une subvention pour démarrer cette ressource. La fondation du CSS est là principalement pour démarrer des initiatives nouvelles dont le thème, pour les deux prochaines années, concerne les victimes d'actes criminels.

M. Jolivet: Je vois la différence parce que je l'ai vécu dans un autre domaine, celui des ex-psychiatrisés en particulier où l'on est même allé jusqu'à faire une enquête sur les personnes Individuellement. Au lieu de faire une enquête sur ce que devrait être la ressource, on l'a faite sur les personnes qui administraient la ressource. C'est dans ce sens-là que je vols qu'il y a des problèmes. Dans le rapport Harnois, quand on parle de la non-définition des organismes communautaires ou des organismes qui sont des ressources alternatives, vous êtes donc, avec une certaine forme de raison, à vous demander ce que vous allez faire dans le système. La question que je vous pose, c'est: Qu'est-ce que vous envisagez comme étant votre travail à l'intérieur de la future politique de santé mentale au Québec? Quelle serait votre position, votre place dans le système?

M. Châteauneuf: Je pense que c'est d'aider les lignes d'écoute téléphonique à avoir au moins un permanent pour pouvoir s'occuper de toute la grille horaire, de la supervision, de toute la population qui, sur une base bénévole, fait de l'écoute téléphonique dans une ville. C'est une première chose. On a mentionné tantôt que les lignes d'écoute téléphonique sont peu ou pas financées par la politique de santé mentale. S'il y avait, dans chaque ville, des groupes d'entraide, des points d'ancrage.

Il faut faire attention parce qu'un hôpital peut dire: On va développer un centre de jour; on va le mettre de l'autre côté de ta rue; cela va vous coûter 300 000 $. Mais de l'autre côté de la rue, parfois, cela n'a rien à voir avec le quartier où vivent les gens qui sont souvent, comme on le mentionnait, des assistés sociaux. Ils vivent dans tel quartier, dans tel coin, c'est là qu'il faut développer des points d'ancrage et des milieux de solidarité, en mettant l'accent sur des petits organismes communautaires qui vont aider ces gens-là, qui vont être un point de référence dans leur vie et dans leurs activités.

S'il y avait, dans chaque ville, des groupes d'entraide et de solidarité, de l'hébergement, mais pas de l'hébergement où les gens sont placés sous un éclairage artificiel du genre fluorescent institutionnel. On ne transplante pas le monde comme cela en disant: C'est une carotte, on va la nourrir par le feuillage. Il faut prendre la communauté comme un terreau où il y a des éléments dynamiques et miser là-dessus pour réinsérer les gens, pour qu'ils refassent racine dans leur communauté. Si ces politiques et ces mesures étaient mises en vigueur, je pense qu'on aurait réponse aux besoins des gens qui vivent des problèmes de santé mentale.

M. Jolivet: C'est pour cela que... Oui?

M. Racicot: Je voudrais ajouter quelque chose à ce que Guy a dit. On disait tantôt que le regroupement existe depuis deux ans. SI vous voyiez toute la correspondance qu'on a échangée depuis deux ans avec le CRSSS seulement pour être représentés au sein d'une commission administrative qui parle de santé mentale. On veut prendre part aux décisions aussi à l'échelle régionale dans le développement de la santé mentale. Actuellement, dans cette commission, il y a une personne qui représente le secteur communautaire et elle est nommée par te CRSSS, Ce n'est pas une personne que notre regroupement a envoyée pour nous représenter, c'est une personne que le CRSSS a nommée, qui s'occupe du secteur communautaire, mais qui est aussi dans le milieu Institutionnel. On a dit que cette personne-là représenterait le secteur communautaire pour une région. On trouve cela un petit peu aberrant dans le sens qu'on aimerait participer aux décisions.

M. Jolivet: Vous commencez à être dangereux, vous, là. Vous êtes en train de lire dans ma pensée. C'était exactement la question que |e voulais vous poser. Eu égard à la proposition que vous faites d'être un tiers, un tiers, un tiers à la commission administrative du CRSSS, c'est pour vous permettre de pouvoir faire valoir votre point de vue et de voir que les ressources soient les mieux distribuées possible et qu'on n'en arrive pas. finalement, à ce que ce soient des gens des institutions ou des réseaux gouvernementaux qui déterminent où l'argent sera placé, mais que vous ayez votre mot à dire et votre capacité de représenter les gens que vous aidez.

M. Racicot: Exactement.

M. Châteauneuf: M. le député, c'est extrêmement important qu'on puisse participer à ces mécanismes décisionnels à l'échelle régionale. Je pourrais vous citer plusieurs exemples, je vais vous citer l'exemple de Trols-RMères où on a développé un centre de jour rattaché à l'hôpital Sainte-Marie. Cela s'est appelé le Carrefour Niverville et cela a coûté, là encore, plusieurs centaines de milliers de dollars. Madame pourrait vous souligner que les gens qui vivent en famille

d'accueil n'ont pratiquement pas accès à ce centre de jour parce que les services sont bien spécialisés et les gens continuent à vivre en famille d'accueil. Ils n'ont pas là réponse à leurs besoins, en termes d'activités qui leur permettraient de développer leur potentiel. Ce centre de jour coûte cher parce qu'on y donne des services professionalisés. Ce sont des trucs comme cela. Pour être vigilants là-dessus, il faut qu'on puisse siéger à ces commissions administratives où ces types de projets sont Identifiés, appuyés et envoyés ensuite au ministère, dont les budgets vont prioritairement dans ces centres-là.

Si nous ne sommes pas là, l'argent passe comme cela et ce sont des centaines de milliers de dollars. SI on pouvait y siéger on pourrait au moins donner notre point de vue pour que les gens qui sont en besoin puissent avoir des réponses qui collent vraiment à leur réalité et à leurs besoins.

M. Jolivet: Vous n'auriez plus de crainte quant à l'utilisation du double du budget actuel. Vous n'auriez plus de crainte, si vous êtes membres de cette commission, sur le partage des sommes additionnelles prévues par le rapport Harnois qui parle de doubler le budget. Peut-être qu'à ce moment-là vous doubleriez en additionnant un plus un au budget des gens qui font de l'écoute téléphonique.

M. Châteauneuf: On tient à vous le souligner de nouveau, doubler le budget dans notre région, c'est se leurrer quant à croire que, dans une ville où il n'y a rien, ou pratiquement rien, comme Victoriaville, ou Trais-Rivières, à Louiseville, il y a le Centre d'aiguillonnage, à Shawinigan... Il y a plein de choses qui se font en matière d'hébergement, d'aide à l'action au travail, de milieu de solidarité. Il ne suffit pas de croire que, simplement en doublant le budget qui est de 450 000 $et...

M. Jolivet: Mais disons que...

M. Châteauneuf: ...en le haussant à 900 000 $, vous aurez des réponses à tous les besoins pour toutes les villes de la région 04.

M. Jolivet: Je comprends cela. Je ne veux pas dire que doubler c'est partir de ce que je donnais comme hypothèse, à savoir que zéro plus zéro égale zéro, c'est dans le sens de dire que c'est un partage nouveau des sommes qui seront disponibles. Il faudrait donc que les régions fassent valoir leurs demandes et qu'ensuite cela puisse arriver au ministère à Québec et qu'on dise: Écoutez! dans la région, ce n'est peut-être pas doubler le budget qu'il faut, c'est deux fois et demie te budget qu'on avait avant, pour répondre à l'ensemble des demandes. Vous comprendrez que, finalement, vous n'aurez peut-être pas tout ce que vous voulez, mais que cela pourra s'approcher de quelque chose de plus vivable que cela ne l'est actuellement.

Une dernière question. Vous avez parlé d'admissibilité des gens, dans vos services, par l'intermédiaire du CSS. C'est l'une des choses que j'ai vécues dans la région de Champlain en particulier où le CSS voulait absolument être l'intermédiaire pour transférer le monde dans une ressource alternative. Finalement, ce sont tes médecins qui ont pris sur eux, malgré le fait que c'était peut-être légal ou illégal, de transférer des personnes en les référant à ces ressources alternatives, parce qu'il semblerait que, en le faisant sans la permission du CSS qui a une certaine forme de responsabilité légale, ils peuvent se mettre un peu dans le trouble. Êtes-vous au courant de certaines choses semblables?

M. Châteauneuf: Vous parlez de la Maison Pierre-Boucher.

M. Jolivet: Oui...

M. Châteauneuf: Oui. Le CSS dit: Selon la toi, je suis responsable, si je m'implique financièrement. Et c'est ce qui est plat. Le budget actuel, pour notre maison de transition vient de la direction en santé mentale, du volet santé, des budgets aux établissements de santé. Mais on dit aux CSS: Les services qu'on offre à notre maison de transition ne sont pas des services médicaux; ce sont des services psychosociaux. Comme établissement public, tu as une responsabilité là-dedans et tu vas nous aider financièrement. Il dit: D'accord, je vais vous aider; je vais vous donner un statut de famille d'accueil. Mais là, s'il nous finance comme famille d'accueil, D est pris parce qu'il doit contrôler toutes les admissions. Alors, it nous déresponsabilise et il nous dit: Vous allez passer par le CLSC, etc., et on dit: Coudon, on veut être une porte proche pour aider toutes les personnes qui vont venir de toutes sortes de places et on va juger de la pertinence. Il va falloir que le CSS puisse jouer un rôle et s'impliquer parce qu'il est du côté psychosocial et qu'il a des budgets pour nous financer, mais sans nous aliéner là-dedans, parce qu'il est poigné avec des lois qui l'obligent à des choses...

M. Jolivet: II y avait des comités d'admission qui permettaient, à ce moment-là, à des groupes alternatifs d'y participer. Cela n'existe plus?

M. Châteauneuf: Pardon?

M. Jolivet: II y a des groupes alternatifs ou des groupes communautaires qui, à ma connaissance, avaient participé à des comités d'admission de personnes pour répartir les gens dans certains...

M. Châteauneuf: Oui. En tout cas, il faut

penser à différentes formules. Les maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence ont trouvé une solution: elles ont le per diem directement de Québec. Le CSS n'a pas à donner son feu vert à chaque admission en maison d'hébergement pour femmes victimes de violence. C'est une solution. C'est un peu plat parce que, à l'échelle régionale, cela déresponsabilise le CSS qui n'est pas... Mais c'est quand même une solution qui permet à ces centres d'accueillir rapidement une personne sans lui dire: Tu vas franchir trois ou quatre étapes. Ton dossier va se retrouver sur la table de ci ou de ça et, dans quatre ou cinq jours ou dans deux ou trois semaines, si c'est engorgé, tu auras ta réponse. C'est ce qu'il faut éviter.

On aimerait bien avoir votre point de vue concernant la proposition qu'on fait d'un cadre de partage où la clinique externe et le centre de jour en centre hospitalier devraient, à notre avis, relever du CLSC plutôt que de continuer à relever du centre hospitalier, du département de psychiatrie.

Le Président (M. Baril): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: À un moment donné, je pense qu'on est partis de la notion que chaque CLSC devrait avoir un centre de jour. Par contre, il y avait déjà des centres de jour rattachés aux hôpitaux. Il y a des formules variées. Il y en a qui sont rattachés aux centres d'accueil, d'autres aux CLSC, d'autres aux hôpitaux. En général, si je ne m'abuse, je pense que l'ensemble des centres de jour sont rattachés aux centres d'accueil. Est-ce qu'ils devraient être rattachés au CLSC? Écoutez, je pense qu'il faut tenir compte des circonstances locales, de l'organisation des services dans une région donnée. Je ne pense pas qu'on doive établir une règle absolue et générale là-dedans.

Vous semblez croire que, s'ils étaient rattachés au CLSC, ils seraient plus près de la communauté. Bien, je pense qu'un hôpital vit aussi en plein centre d'une communauté. C'est une question de quartier dans une ville. Vous parlez de Drummondville. Je ne suis pas capable de juger si le centre de jour serait mieux s'il était rattaché au CLSC et plus près du quartier où les gens se prévalent davantage du centre de jour que s'il est rattaché à l'hôpital.

M. Châteauneuf: Savez-vous pourquoi on en est venus à cela? C'est que, bien souvent, les gens qu'on rencontre dans nos organismes s'Identifient comme patients, comme malades mentaux. Ils s'identifient comme cela pour le reste de leurs jours et se confinent souvent à une petite vie d'assistés sociaux. Pourquoi bien souvent? Pas parce qu'ils sont hospitalisés, ils le sont quand même de plus en plus pour de courtes durées, mais parce qu'ils continuent à être desservis par des services qui sont tous agglutinés au centre hospitalier où le discours véhicu- lé est un discours médical. C'est: Patient, malade, maladie, etc. Alors que ces gens vivent dans leur famille, chez leurs parents, en appartement. Quand ils ont leur Modecate une fois par mois, qui est une injection, une forme de médicament très répandue, ils devraient l'avoir en CLSC, là où il y a une approche plus globalisante, biopsychosociale qui leur est offerte, où il n'y aurait peut-être pas une terminologie de patient et de malade et c'est très important.

Si une personne endosse te statut de patient pour le reste de sa vie, alors que c'est un citoyen à part entière une fois qu'il est sur la rue... Quand quelqu'un va se faire poser un plâtre à l'hôpital et qu'on le rencontre sur ta rue, on ne l'appelle pas "patient" et II ne s'identifie pas comme tel. Mais ces gens s'identifient comme patients le reste de leur vie et c'est très nocif.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, ce que vous soulevez, c'est tout ce qui a été débattu amplement ici, en fait, durant les derniers jours, à savoir la médicalisation ou ce qu'on appelle l'hospitalocentrisme" ou quelque chose comme cela. C'est le débat que vous soulevez et c'est évident qu'il me semble que tes tendances actuelles vont dans le sens d'une démédicalisation... Je pense que le rapport Harnois va dans ce sens-là aussi, en dépit du fait que vous pensez qu'il est beaucoup centré sur les structures actuelles. Je pense que c'est la première fois que vous avez un rapport où on fait une ouverture à ta communauté autant que dans celui-là, aux ressources alternatives.

Ce que vous craignez, c'est que, comme ce n'est pas défini d'une façon très précise, vous vous dites: Peut-être qu'on va y perdre au change ou peut-être que, finalement, en bout de ligne, on n'aura rien gagné, on aura perdu quelque chose. C'est un peu l'inquiétude que vous avez manifestée.

Je voudrais simplement - il reste quelques minutes - revenir sur un problème que vous soulevez et qui rejoint ce qu'on vient de discuter. En tout cas, c'est à la recommandation 2: "Le plan de services individualisé ne devrait pas être obligatoire, mais appliqué dans la mesure où la personne le demande. La personne devrait pouvoir décider de sa pertinence et être habilitée à le gérer." Je pense que, là-dessus, les gens étaient d'accord. Il faut Impliquer, dans l'organisation du plan de services, dans son évolution et ses modifications, il faut impliquer, au premier titre, ta personne elle-même. Là-dessus, je pense que du côté de ce qu'on appelle les ressources plus médicales, évidemment du côté des ressources 'sociales' - entre guillemets - les gens étaient d'accord avec cela.

Vous dites qu'une question demeure sans réponse à la lecture du projet de politique: qui va coordonner le plan de services Individualisé? Je vous demande qui devrait le coordonner, à votre point de vue.

M. Châteauneuf: Si possible, la personne elle-même. Ce qu'on dit c'est: Faites une grande campagne d'information avec des dépliants en leur disant: Si vous avez plusieurs intervenants, si vous allez voir votre médecin, votre travailleur social, votre infirmière, l'organisme communautaire, demandez un plan de services individualisé, cela existe. Faites une campagne d'Information et, d'abord, appliquez ce plan à ceux qui en font la demande. Mais, si possible, que la personne elle-même puisse coordonner son plan d'organisation des services en disant: Toi, qu'est-ce que tu fais? Toi, qu'est-ce que tu fais? Toi, peux-tu faire cela pour moi? Qu'elle puisse négocier cela et s'entendre. Que ce soft la personne. Ce n'est pas une déficiente intellectuelle. Elle est capable de gérer son plan de services, dans certains cas et même, dans beaucoup de cas.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, là encore, on est vis-à-vis d'un problème de fond. Je pense que c'est dans ce sens que les gens ont dit qu'il y a une table de concertation. C'est peut-être un grand mot, une table de concertation, mais il y a une équipe qui, avec la personne, détermine de quelle façon le plan devrait être élaboré. Par contre, si c'est une personne - et là, on retourne à la loi médicale et aux responsabilités de l'État - qui reçoit des médicaments ou qui doit en recevoir, par exemple, à ce moment-là, évidemment, le médecin va peut-être dire: Comme c'est mol qui suis responsable du traitement pharmacologique, c'est moi qui devrais le coordonner. Mais quand on parie de partenariat, vous trouvez cela trop vague, trop flou et vous dites: Vous n'avez pas assez défini les rôles des uns et des autres, C'est justement pour éviter ce piège où, depuis des années, on se querelle - d'ailleurs, vous y faites un peu allusion - entre professionnels à savoir qui fait quoi et que fait qui. Il s'agit justement de dire: Vos responsabilités professionnelles, vous les connaissez par vos corporations respectives et il faut s'éloigner de ce modèle, d'une certaine façon, pour arriver, dans un travail d'équipe, à vraiment responsabiliser la personne qui peut être la plus efficace dans un plan de services pour une personne. Je pense que les organismes bénévoles ont aussi un rôle à remplir là-dedans. Ce que vous craignez, c'est qu'on aille vous chercher juste pour faire la suppléance, quand il n'y a plus rien et qu'il y a seulement vous qui pouvez dépanner. Il est évident qu'il y a encore de la route à faire pour arriver à ce que vous soyez aussi partie à cela, si vraiment on vous reconnaît comme un organisme valable. Je pense que cela m'apparaît absolument essentiel.

Écoutez, le temps est écouté. Je voudrais seulement vous donner une information que le Dr Voisine m'a donnée au sujet du prix des médicaments. Vous exprimiez tout à l'heure le désir qu'un assisté social, lorsqu'il ne reçoit plus t'aide sociale, puisse, supposons sur une période d'un an, recevoir ses médicaments gratuitement. Je demanderai au Dr Voisine, si l'Opposition le permet, de compléter mon explication si je la transmets mal ou si elle n'est pas complète. Il me dit qu'à l'heure actuelle une personne qui ne reçoit plus l'aide sociale, justement, est admissible à recevoir ses médicaments gratuitement, moyennant une compensation de 2 $. Est-ce que c'est pour chaque prescription, Dr Voisine? Oui. Par mois. Évidemment, cela doit être donné par un médecin, à la condition qu'il aille les chercher à la pharmacie de l'hôpital, ce qui voudrait dire que ce serait un montant maximum de 96 $ par année qu'il aurait à dépenser. Même s'il va chez un omnipraticien qui est dans la communauté, l'omnipraticien peut le référer à la pharmacie du centre hospitalier pour recevoir sa prescription et ne pas être obligé de payer - je ne le sais pas - n'importe quel prix pour une de ces prescriptions, chaque fois qu'il y va. Ce n'est pas totalement gratuit, mais il ne se trouve pas, d'un autre côté, du jour au lendemain, à assumer des factures considérables par rapport, peut-être, au petit revenu qu'il commence à avoir. Je voulais juste vous donner cette explication.

Je vais dire le mot de la fin, comme on dit toujours. Je vous remercie. J'aurais eu des questions à vous poser. J'aurais aimé prendre au hasard La Ruche aire-ouverte, par exemple, et vous demander comment vous pouvez fonctionner d'une façon régulière, quelle est l'assiduité de vos bénévoles, si vous êtes obligés de modifier vos objectifs en cours de route pour différentes raisons. J'espère que j'aurai d'autres occasions de le faire. Je vous remercie. Je veux surtout vous remercier pour tout le travail qui se fait. Et, comme je suis un peu plus familière... Je ne voudrais pas être injuste envers les autres. Je sais que, dans la région de Drummondville, pour y être allée, à Drummondville même, il y a plusieurs services bénévoles et organismes communautaires qui se sont développés et qui sont un apport important dans cette communauté. Je suis sûre que ce doit être la même chose ailleurs, mais comme je les connais moins... Je veux vous remercier pour le travail que vous faites.

Le Président (M. Baril): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Comme le temps est écoulé, mol aussi, je vais donner le mot de la fin en disant que je vous remercie d'être venus exprimer les besoins de notre région et, surtout, je vous encourage à ne pas lâcher.

Le Président {M. Baril): Merci beaucoup. Oui?

M. Racicot: Est-ce que je peux dire quelque chose - seulement 30 secondes - avant de terminer? Je serais frustré d'avoir fait 100 milles

et ne pas avoir fait mes deux petits messages.

Mon premier message, c'est de dire que j'aimerais qu'on tienne davantage compte des postes d'écoute téléphonique dans te développement de la santé mentale sur le plan communautaire. Au Québec, il y a actuellement 18 postes d'écoute téléphonique, des Tel-Aide, etc. II y en a qui existent depuis 1970. Il y a quand même des ressources qui sont là depuis très longtemps sur le plan communautaire et, actuellement, aucun de ces postes n'a de subvention dans la santé mentale, que je sache. J'aimerais qu'on en tienne compte dans le développement

La deuxième chose que je voudrais dire, c'est que notre regroupement organise un colloque régional en santé mentale, les 17 et 18 mars, qui va réunir tous les Intervenants communautaires et institutionnels de la santé mentale dans notre région. Je profite de l'occasion pour inviter Mme Lavoie-Roux, si jamais elle est disponible, pour y venir comme conférencière, le vendredi après-midi. Cela nous fera bien plaisir.

Le Président (M. Baril): Vos messages sont passés. Je vous remercie beaucoup.

La commission va prendre un petit moment de répit parce que nous siégeons depuis 14 heures. Ensuite, dans quelques minutes, nous allons recevoir le groupe de l'Université de Montréal.

(Suspension de la séance à 18 h 7)

(Reprise à 18 h 16)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. J'inviterais les représentantes de la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal à nous présenter leur mémoire. Tout d'abord, j'inviterais Mme Marie-France Thibodeau, doyenne de la faculté, à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal

Mme Thibodeau (Marie-France): D'abord, les personnes qui m'accompagnent sont, à ma droite éloignée, Mme Nicole Ricard, professeure agrégée à la faculté, Mme Thérèse Rainville, qui est aussi professeure agrégée et, à ma gauche, Mme Marie-Andrée Bourdon, qui est chargée de formation clinique à notre faculté. C'est un poste conjoint avec l'hôpital Louis-H.-Lafontaine et elle est aussi coordonnatrice de l'enseignement et de la formation à l'hôpital Louis-H.-Lafontaine.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Je vous rappelle que vous disposez d'une heure, la présentation devant durer 20 minutes et les deux formations politiques se partageant le reste du temps. Vous avez donc la parole pour une durée de 20 minutes, Mme Thibodeau,

Mme Thibodeau: D'abord, je veux remercier la commission de nous avoir permis de venir présenter notre petit mémoire, qui est d'ailleurs trop court, d'ajouter des éléments à ce mémoire et de vous faire part de nos préoccupations les plus importantes. Nous allons centrer, si vous voulez, notre sujet sur la formation en soins infirmiers psychiatriques et les soins infirmiers psychiatriques. Si nous ne parlons pas beaucoup des autres intervenants dans le circuit, c'est parce qu'on n'a pas le temps et non pas parce qu'on ne trouve pas qu'ils ne sont pas importants.

Ce projet de politique en santé mentale, vous comprenez, est d'une très grande importance pour nous. Nous sommes préoccupés par les soins en psychiatrie depuis bien longtemps. En 1968, nous avons ouvert la faculté des sciences infirmières, la maîtrise en soins infirmiers en psychiatrie et santé mentale. C'était la première maîtrise du genre au Canada. Alors, c'est vous dire que cela fait longtemps qu'on essaie d'améliorer la situation des soins. Cette maîtrise, si vous voulez, était un peu arrivée dans la foulée du rapport de Dominique Bédard et Lazure, qui avait demandé que les soins soient améliorés. À ce moment-là, on avait beaucoup d'aide des ministères pour la formation. Les Infirmières avaient de bonnes bourses d'études. Après cela, les programmes se sont développés. Je ne vais pas aller plus loin dans cette dimension. Je vais plutôt passer la parole à Mme Rainville, qui va vous présenter certains éléments de notre mémoire sur lesquels on veut mettre l'accent.

Le Président (M. Doyon): Mme Rainville.

Mme Rainville (Thérèse): Pour nous, il était fondamental de baser les pratiques en santé mentale sur des valeurs humanistes. C'est d'ailleurs sur ces mêmes valeurs que se font tout te nursing et, particulièrement, le nursing psychiatrique.

Nous croyons que ta vie de tout être humain est un privilège et une responsabilité et qu'à ce titre les personnes qui, à ce moment précis, comme nous, font partie d'un groupe spécial qui s'appelle tes bien portants peuvent, demain, se retrouver parmi les malades tant physiques que psychologiques. C'est donc sur ce postulat "d'humanitude" chez les uns et les autres que se fonde tout le nursing psychiatrique. Le problème majeur pour nous comme pour tous les intervenants, c'est d'opérationnaliser ce postulat, c'est-à-dire de le rendre réel et opérant.

Le nursing psychiatrique est un domaine qui a beaucoup bougé. C'est même le domaine qui a le plus bougé depuis les 25 dernières années. C'est peut-être pour cela qu'il est si souvent galvaudé. Dans la fin des années clinquante, te neuropsychiatre était naturellement accompagné

de l'Infirmière psychiatrique, que ce soit pour l'admission, pour les soins, le traitement ou le "follow-up" externe du malade mental. Ces temps ont bien changé. Beaucoup d'autres professionnels font maintenant partie de l'équipe de soignants. Les infirmières sont comme les autres professionnels, maintenant; elles sont formées dans les réseaux officiels, soit les cégeps ou les universités. Il y a aussi une prolifération de pratiques.

La seule variable qui a peu ou pas bougé, c'est la condition du malade mental. C'est ce qui nous rassemble ici, ce soir, et qui nous a valu ce projet audacieux et bien nécessaire de la politique de santé mentale pour le Québec. Comme le disait Mme Thibodeau, nous aurions de nombreux commentaires et suggestions à y apporter. Nous sommes limités par le temps et ne dégageons que les points qui nous concernent plus particulièrement ou sur lesquels nous nous interrogeons davantage.

Le premier point, c'est le malade et sa famille. Pour apporter un changement qui se veut radical, le projet propose la désinstitutionnalisa-tion, engagée d'ailleurs de façon concrète depuis près de 20 ans, que ce soit par le truchement des centres de jour, des cliniques externes ou de toutes les instances qu'on a créées au fur et à mesure du développement.

Premièrement, cette désinstitutionnalisation ne doit pas se faire au détriment de ceux qui demeureront dans les centres hospitaliers psychiatriques, mais doit plutôt aller de pair avec l'amélioration de ces centres pour éviter d'en faire des grands asiles modernes. Il faut l'amélioration des soins partout où ils se donnent, donc encore et aussi dans les hôpitaux psychiatriques.

Deuxièmement, pour accentuer de façon rentable ce mouvement de désinstitutionnalisation, on doit à tout prix sauvegarder l'équilibre social, c'est-à-dire préparer les communautés à recevoir ces malades, assister les familles de façon non sporadique, mais continue, et appuyer davantage les communautés les plus démunies où se trouve concentrée la maladie mentale et, enfin - et surtout peut-être - ne pas dépasser le seuil de tolérance des milieux pour recevoir les malades mentaux. Une aide réelle à la famille, cela demande qu'on la considère non pas comme un appendice du malade mental, mais plutôt qu'on considère la famille comme un vrai partenaire où il n'y a pas une position inférieure pour la famille et le malade mental et une position supérieure pour l'Intervenant, ce qui aurait pour conséquence que non seulement les familles diminuent le poids de la maladie mentale, mais aussi deviennent vraiment des agents de promotion de santé mentale.

La question qui nous concerne le plus, bien sûr, c'est la formation de l'infirmière psychiatrique. C'est une question épineuse en raison de son histoire elle-même. Sur environ 3000 infirmières qui travaillent en psychiatrie au Québec, moins de 1000 ont une formation universitaire. Plus de 2000 n'ont que le diplôme d'infirmière pour travailler en psychiatrie et, pour obtenir ce diplôme d'infirmière, on est passé d'un stage à l'hôpital psychiatrique de trois mois à un stage de quelques semaines, puis de quelques jours. On est maintenant rendu à parler de jours, un stage de 12 à 20 jours, et parfois d'heures en stage en nursing psychiatrique. C'est dans les cégeps, pour des certificats où il y a une orientation psychiatrique, au baccalauréat de base ou au baccalauréat pour les Infirmières.

Il faut se souvenir ici que, contrairement à d'autres professionnels, tes infirmières comme les médecins ont un contenu académique très chargé parce que le domaine de la santé touche toutes les dimensions de la personne. Pour obtenir un simple diplôme d'Infirmière, il faut trois ans, ensuite additionner un bac ou trois certificats, enfin une maîtrise pour devenir une infirmière spécialiste en santé mentale.

Sur ces 3000 infirmières qui travaillent en santé mentale, il y en a seulement 100 qui détiennent une maîtrise et qui sont infirmières cliniciennes spécialistes en psychiatrie et santé mentale. Durant leur maîtrise, elles ont des séminaires avancés en nursing psychiatrique, des practicums en relations d'aide, des stages de relations thérapeutiques, soit individuels, de groupe ou avec des familles, et ces stages sont supervisés de façon systématique. Elles font aussi une étude scientifique rigoureuse. Ces universitaires en viennent à mieux identifier leur conception de la santé mentale et de la maladie mentale, augmentent leurs connaissances des sciences du comportement, raffinent leurs habiletés cliniques et contribuent au développement de la recherche dans ce domaine.

Ces 100 infirmières cliniciennes spécialistes ont dû, pour la plupart, accepter des postes de responsabilité et de leadership, que ce soit en administration, en consultation, en clinique ou en éducation. C'est pourquoi on en retrouve si peu dans du travail de première ligne auprès du malade mental lui-même où, d'ailleurs, elles n'ont ni statut ni salaire qui tiennent compte de toutes ces années de formation universitaire.

Sur les 3000 infirmières qui travaillent en psychiatrie, 30 % environ ont, en plus de leur diplôme, un certificat avec orientation psychiatrique ou un baccalauréat, ce qui leur assure quelques journées de stage. Ce n'est pas suffisant et des actions sont entreprises actuellement pour intensifier leur formation en nursing psychiatrique et santé mentale comme telle.

Mais le plus gros problème cependant se situe moins au chapitre des programmes qu'au chapitre de l'accessibilité pour les infirmières à des études universitaires pour développer ou maintenir leur compétence, augmenter leur motivation ou prévenir le "burnout". Donc, une partie importante du budget doit aller, selon nous, à la formation des infirmières psychiatriques parce que les infirmières psychiatriques ont de très gros problèmes. Celui, par exemple, comme je viens de le dire, du manque d'accès-

sibilité à la formation continue ou à la formation en cours d'emploi. Comme elles sont à temps plein en présence des malades et en raison de la complexité de leurs tâches, c'est difficile et coûteux de les libérer pour qu'elles se perfectionnent

Deuxièmement, le plus gros problème, c'est celui des conditions de travail. Leur rôle est, à la base, d'établir une relation thérapeutique avec les malades, d'organiser un milieu qui soit thérapeutique pour le malade en ce qui a trait aux activités quotidiennes et de coordonner tous les services, que ce soient des consultations, les déplacements du malade. Elles coordonnent tout ce qui touche le malade et elles assurent la continuité de toutes ces activités autour du malade. Il y a donc, de par la proximité de l'infirmière avec le malade et la durée de sa présence, une multitude de tâches qui lui sont confiées. Or, le nombre de malades dont l'Infirmière doit s'occuper dépasse vraiment l'entendement, il faut comprendre que, même si le "case load' des autres professionnels est lourd, il s'agit pour eux d'un travail très différent de celui de l'infirmière psychiatrique qui est en présence du malade durant toute la durée de son séjour à l'hôpital alors que les autres professionnels n'ont qu'à rencontrer le malade pour, des fois, de courts instants ou, des fois, ça va jusqu'à une heure. Mais, même s'ils ont un gros 'case load", leur responsabilité est d'une nature complètement différente. Dans une enquête de l'Association provinciale des Infirmières travaillant en psychiatrie, on a établi qu'environ 70 % des Infirmières qui travaillent en psychiatrie ont plus de sept patients et, des fois, ça va jusqu'à 40 patients dans les hôpitaux psychiatriques. Dans les hôpitaux généraux qui ont des départements de psychiatrie, 21 % de ces infirmières ont plus de sept patients. Malgré cela, chose presque incroyable, 50 % des infirmières interrogées lors de l'enquête déclarent qu'elles sont encore motivées et que leur plus grande satisfaction, c'est le contact direct avec le malade.

C'est pourquoi, pour garder cet intérêt, II faut à l'infirmière des incitatifs. Un Incitatif que nous trouvons prioritaire s'avère la supervision du travail de l'Infirmière. La recherche évaluative et clinique sur les Interventions qu'on fait auprès des malades mentaux est un autre incitatif et, enfin, ce qui serait pour nous très souhaitable, c'est qu'on crée, comme pour les psychiatres, un poste de coordination des programmes de formation en soins infirmiers psychiatriques au plan provincial. Il s'agirait d'une infirmière ayant au moins une maîtrise et connaissant bien, à la fois les milieux cliniques et les milieux universitaires pour, par exempte, faire des plans d'accessibilité à la formation et favoriser la concertation entre les ministères, les milieux d'enseignement et les milieux où sont donnés les soins aux malades mentaux. Il faudrait alors faire un inventaire des programmes et voir à l'articulation de ces programmes aux besoins précis cliniques.

(18 h 30)

Nous voulons aussi parier de certains moyens qui ont été préconisés dans le rapport et dont l'un des premiers est la campagne d'Information et de sensibilisation de la population aux problèmes de santé mentale. Quel impact peuvent avoir sur la population "at large" ces campagnes? C'est une grosse question pour nous parce que, très souvent, les buts déclarés ne sont pas les buts visés et, d'autre part, on y dévalorise souvent l'action des soignants et on risque de stigmatiser davantage la maladie mentale. Tout étalage des symptômes psychiatriques ou tout étalage de la maladie mentale nous apparaît à éviter. Nous proposons donc que ces campagnes soient résolument axées sur l'éducation du public à la santé mentale et qu'elles visent clairement la promotion de ta santé mentale.

Un autre moyen mis de l'avant est la diffusion et l'utilisation du plan de services Individuel. Là encore, nous croyons qu'il faudra éviter que cet Instrument ne devienne une technicité de plus qui desserve à la fois le bénéficiaire en cristallisant davantage son état pathologique et les soignants qui auront plus encore à protéger la confidentialité.

Par ailleurs, le PSI bien utilisé assurerait, pour nous, la continuité. Les Infirmières qui utilisent déjà un plan de soins individuel pour chaque malade mental depuis près de 20 ans pourraient y souscrire facilement. Là encore, II s'agit de planifier le changement, d'y intéresser les partenaires soignants-soignés et d'évaluer systématiquement les nouvelles pratiques pour réorienter au fur et à mesure les instruments dont nous nous servons selon les buts poursuivis.

Pour ce qui est des centres pour les clients en situation de crise, nous croyons que, parmi les intervenants, souvent, il n'y a pas assez de professionnels. Si cette lacune est corrigée, alors, selon nous, nous pourrions y inclure tes crises suicidaires. Mais, pour nous, ces crises suicidaires ont un tel degré de dangerosité qu'il faudrait au moins qu'il y ait plus de professionnels dans ces centres de crise.

Enfin, il y a beaucoup à faire pour la santé mentale des jeunes; entre autres, il est Impératif de contrer résolument les effets néfastes de la violence à la télévision et au cinéma. Nous croyons que l'infirmière a aussi sa place dans les programmes de santé scolaire, car elle est souvent perçue par la population des jeunes comme moins menaçante que d'autres professionnels. Son approche globale aux problèmes de santé des jeunes pourrait devenir un apport précieux en termes de prévention.

Tout cela pour vous dire que les infirmières psychiatriques constituent à coup sûr un placement dans une politique de santé mentale au Québec. Malgré les pauvres conditions de travail qui leur sont souvent faites, elle sont, encore et malgré tout, Intéressées a s'Investir dans la prévention et le soin en santé mentale; cependant, si un sérieux redressement de leurs condi-

tions d'exercice et des mesures concrètes pour l'accessibilité plus grande aux études ne leur sont pas accordés, cet intérêt qu'elles poursuivent ne saurait survivre Indéfiniment. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Rainvilte. Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier - je vais retrouver votre titre exact - les représentantes de la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal pour la présentation de leur mémoire et pour leur participation aux travaux de la commission. Je pense que les infirmières ont un rôle Important à jouer en psychiatrie; d'ailleurs, on sait que, probablement en nombre absolu, vous êtes les plus nombreuses à intervenir auprès des malades psychiatriques ou auprès des personnes ayant des problèmes de santé mentale.

Je dois vous dire que je suis assez impressionnée - je ne sais pas si je devrais dire "impressionnée" - par le peu de formation que les diplômés plus récents ont, masculins ou féminins. Si j'ai bien compris - ce n'est pas seulement au cégep, mais même au niveau du baccalauréat, à moins de quelqu'un qui s'en va chercher une spécialité ou faire une majeure en psychiatrie - cela se réduit finalement à un certain nombre d'heures pendant quelques semaines, dans un cas comme dans l'autre, et pourtant vous êtes appelés par la suite, la majorité d'entre vous, à aller travailler directement auprès des malades. Cela paraît important et c'est probablement dans cet esprit que le rapport Harnois a recommandé que les deux premiers groupes qui soient privilégiés - je ne sais pas si on peut parler de privilégiés, mais à qui on devrait accorder une priorité dans la formation - soient les infirmières et les médecins omnipraticiens.

Une voix: Oui, c'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Les omnipraticiens et les infirmières, les autres sur une période plus longue.

Vous avez eu l'impression - et elle est peut-être fondée - que, vis-à-vis des institutions de longue durée, de soins prolongés ou des grands hôpitaux psychiatriques, le comité ne semblait pas avoir eu trop de préoccupations ou enfin les laissait peut-être un peu pour compte en fonction du reste. J'aimerais savoir quelle vocation doit être réservée aux grands hôpitaux psychiatriques. Vous l'indiquez, vous dites que cela ne peut pas être strictement ce qui est dans le rapport Harnois parce qu'on va en faire des ghettos, enfin des endroits où les gens vont être stigmatisés s'ils y retournent, particulièrement les jeunes qui pourraient requérir une hospitalisation plus prolongée.

Dans tout cela, je sens aussi une certaine réticence à la désinstitutionnalisation. Je comprends, et cela a été notre préoccupation et notre point de départ quand on a demandé l'établissement d'une politique de santé mentale en donnant comme premier mandat de s'intéresser aux pathologies les plus profondes. Dans le fond, ce qui devenait une responsabilité sociale, c'était cette désinstitutionnalisation et non-institutionnalisation des plus grands malades qui étalent laissés pour compte dans notre société. J'aimerais quand même que vous me disiez comment vous voyez cette modification de la grande Institution psychiatrique parce que je ne pense pas que vous soyez contre la désinstitutionnalisation. Vous voulez qu'elle se fasse dans des conditions potables, si on peut dire.

Mme Ricard (Nicole): Je vais répondre à cette question. La position qu'on a prise est liée aux expériences américaines et à l'expérience québécoise où, depuis des années, on tente de sortir de plus en plus le malade mental de l'asile. Étant une infirmière qui a quelques années d'expérience derrière elle, qui a vu, parallèlement à ce mouvement de sortie des malades des hôpitaux psychiatriques, se détériorer la qualité de vie et la qualité des programmes de traitement dans les hôpitaux, j'ai observé, et plusieurs de mes collègues pourront le confirmer ou renforcer cette position, que l'investissement est devenu plus un Investissement vers l'extérieur au détriment du rôle que peut jouer le milieu thérapeutique dans la réinsertion sociale du malade. Je pense qu'il est primordial de ne pas dissocier les deux.

On a peut-être donné l'impression qu'on était contre la désinstitutionnalisation. Au contraire, on dit que c'est la vote royale, qu'on n'a pas le choix. C'est un choix qui s'impose. On n'a pas le choix de s'orienter vers cela. En même temps, il y a toute la question des programmes de traitement auxquels le rapport Harnois ne fait que très rarement allusion, ainsi que la qualité de vie dans les grands établissements psychiatriques. Y allant régulièrement avec des étudiantes pour faire de ta supervision, étant là de façon assez systématique, on a l'Impression qu'à l'hôpital le traitement est un traitement de garde. Il n'y a plus de programme. Il n'y a pas d'évaluation de la qualité des traitements qui se donnent dans les hôpitaux. On n'a pas l'impression, quand te malade est hospitalisé, que tout de suite on pense en termes de plan-traitement. On pense en termes de médication et, tout de suite, de sortie. Je pense que si on va trop vite dans ce domaine, on manque nos objectifs parce que l'hôpital peut être aussi un lieu de réapprentissage pour le malade. Et, si on veut faire ça trop vite, on ne l'équipe pas suffisamment bien, il n'est pas suffisamment bien équipé, il n'apprend pas suffisamment de choses pour retourner. Cela devrait se faire progressivement. L'hospitalisation devrait jouer un rôle Important lors d'un court séjour, mais surtout un rôle de réapprentissage

pour retourner fonctionner dans la société.

Je pense qu'on ne devrait plus parier de grands établissements. On devrait parier d'établissements de taille moyenne où il n'y aurait pas seulement.. La recommandation avec laquelle on n'était pas d'accord - je ne me souviens plus du numéro de la recommandation - c'était la recommandation 31, où on ne voyait les établissements que pour dispenser des services d'Intervention prolongée. Est-ce que vous vous imaginez ce que ça veut dire? Qui va vouloir aller travailler uniquement dans ces établissements-là? Quelle sorte de qualité de soins, quel sorte de personnel allons-nous être capables de recruter? Quel sorte de programmes de recherche, de programmes d'enseignement va-t-il y avoir dans ces établissements-là? Je pense que, pour nous, c'est une position qui est Inacceptable. Peut-être qu'on a mal compris la proposition de ta politique mais on la lit ainsi: La dispensation de services d'Intervention prolongée... et, pour nous, cela signifie stigmatiser encore davantage l'asile.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie et je vais laisser mon collègue continuer.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, merci. J'aurais presque le goût de continuer dans cette veine-là parce que je pense que ça fait partie un peu de cette préoccupation qu'on a de donner des soins ou des services à des personnes à la fois à l'intérieur d'institutions et à l'extérieur. J'ai une fille qui a travaillé dans un centre hospitalier, elle est infirmière, à l'hôpital Sainte-Thérèse de Shawinigan. Comme elle me contait les difficultés qu'il y avait, j'y suis plus sensibilisé d'une certaine façon. Et, comme à côté de ça, il y a aussi des groupes de notre région qui sont venus juste avant vous et qui travaillent à la réinsertion sociale... Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'il ne faudrait pas en arriver à - si on prend le terme bien québécois - parquer du monde dans une bâtisse seulement parce que ce sont des gens qui ont des troubles profonds, qu'on prenne tous les autres et qu'on les sorte de l'Institution et les envoie dans des centres communautaires, alternatifs, de transition, peu importe comment on les appelle, familles d'accueil, tous les systèmes qui peuvent exister. Vous dites que là où ces gens devraient être, II devrait y avoir les deux genres mais avec une partie de transition, des gens qui entrent et qui sortent, mais d'autres qui demeurent finalement à l'intérieur parce qu'ils n'ont pas d'autre choix et on permettrait à ces personnes-là de côtoyer les autres et peut-être qu'on en sauverait quelques-uns parmi ceux qui ont des troubles graves et profonds. Est-ce que c'est de même que je dois comprendre votre question?

Mme Ricard: Oui. Il y a peut-être plus que ça dans cette position, dans le sens que, de plus en plus, on commence à faire la preuve, par des études et des recherches, qu'il y a une possibilité de travailler avec les patients qu'on a étiquetés "malades chroniques". Et l'hôpital peut jouer un rôle important. Il peut jouer un rôle important que ce soit avec te malade mental chronique ou avec le malade qui en est à sa première hospitalisation. Je pense qu'il faut que l'hôpital ne soit pas conçu uniquement de façon péjorative mais comme un endroit où il est possible de venir chercher quelque chose, de réapprendre quelque chose pour retourner dans la société. En tout cas, un lieu où H se ferait vraiment du traitement et non du gardiennage.

M. Jolivet: Et comme vous êtes en contact avec ces personnes qui se trouvent à l'intérieur des Institutions, est-ce que vous êtes en train de nous dire que la tendance actuelle qui s'est développée est une tendance à médicaliser l'ensemble du service plutôt que de lui donner une valeur plus grande en termes d'autres formes d'activités ou de traitement que simplement les médicaments? (18 h 45)

Mme Bourdon (Marie-Andrée): Je peux peut-être répondre à la question étant dans un de ces grands hôpitaux psychiatriques.

Depuis le début des années quatre-vingt, on a vu, en tout cas du côté de la distribution des services, une baisse des effectifs pour ces patients qu'on a qualifiés de patients à long terme. Quand je dis une baisse, elle est assez considérable dans le sens qu'on pouvait voir, avant, deux ou trois Infirmières pour une quarantaine de bénéficiaires, mais, maintenant, avec les compressions budgétaires, ce qu'on a vu, en tout cas, c'est une infirmière pour 40 bénéficiaires. Et je parle de l'équipe de jour, de 8 heures à 16 heures, parce que, le soir, cela va jusqu'à 80 et, la nuit, jusqu'à 120 et, parfois, jusqu'à 160. Il y a donc eu vraiment, seulement pour le ratio infirmières-clients, une baisse remarquable de ce côté.

Tout gestionnaire bien Informé sait que, si j'augmente la quantité de travail, II faut que je fasse des concessions au chapitre de la qualité, c'est-à-dire que je vais perdre en qualité. C'est un peu ce qu'on remarque. Tantôt, on pariait de milieu de vie. L'infirmière a un grand rôle à jouer dans ce milieu de vie pour qu'il soit thérapeutique, étant là avec le client, passant la plus grande partie de son temps auprès du client. On ne peut donc pas dissocier ratio, comme je viens de vous le dire, et qualité du milieu de vie du client. SI l'infirmière est placée dans une situation où elle a 40 bénéficiaires à long terme, ce que l'on voit fréquemment, elle va éteindre les feux et c'est tout ce qu'elle va faire; elle ne peut pas penser à améliorer ou à faire des choses pour créer un milieu de vie qui réponde aux besoins des clients.

Il y a une autre chose à considérer, les

lieux physiques. Ces patients ont souvent été placés dans des unités où il y a deux grandes pièces, une pièce où on dort et une pièce où toutes les autres activités de la vie quotidienne se passent: on mange et on a des activités, mais les 40 à la fois. Donc, il y a des limites au plan physique, il y a des limites au chapitre de la distribution des services et tout cela, depuis le début des années quatre-vingt; on a donc vu, je ne peux pas dire une détérioration, mais une baisse des effectifs.

M. Jolivet: Est-ce que vous êtes en train de dire que la désinstitutionnalisation a eu pour effet que les gens ont lancé la serviette en disant: D'une façon ou d'une autre, il n'y a rien à faire avec eux; donc, qu'on soit nombreux ou peu nombreux - J'exagère peut-être, mais je vous le dis... Par conséquent, ne croyez-vous pas qu'un programme de services individualisé aurait pour effet de pallier, entre guillemets, ce lancement de serviette"?

Mme Bourdon: Je ne pense pas que ce soit relié à la désinstitutionnalisation, mais plutôt aux compressions budgétaires. La désinstitutionnalisation est quand même là depuis une vingtaine d'années, mais il reste que c'est concrètement relié à des compressions budgétaires. Pour ce qui est du plan individualisé, je peux peut-être laisser...

Une voix: Parlez.

Mme Bourdon: Oui? Mors, le plan de services individualisé est quand même un outil bien connu des infirmières parce que c'est un outil qu'elles utilisent depuis une vingtaines d'années; on l'appelle te plan de soins individualisé et, dans les programmes de formation, elles sont formées à utiliser ce plan de soins individualisé. Pour l'infirmière, ce n'est pas nouveau d'entendre cela, ce n'est pas de l'Inconnu et je pense que cela fait partie de sa pratique quotidienne.

M. Jolivet: Dans votre résumé, à la page 2, on dit: "Dans l'ensemble, nous croyons que ce projet de politique ne tient pas suffisamment compte des limites des communautés à assurer le partenariat souhaité." Et là, vous dites: "La lecture de ce rapport laisse croire que le potentiel thérapeutique des communautés représente une force sur laquelle nous pouvons compter sans restrictions." Là, vous dites: "II y a lieu d'être critique face à ce postulat." Dans le rapport lui-même, à la page 5, vous parlez du programme de répit aux familles, qui fait partie de l'ensemble de la communauté, et vous dites: "Le programme de répit aux familles, tel que recommandé par le comité pour contrer la surcharge émotionnelle et physique des familles, devrait être organisé de manière à offrir un support continu." Voulez-vous dire que la famille, l'exté- rieur de l'institution, n'a pas suffisamment tout ce qu'il lui faut pour récupérer ces personnes qui reviennent - toujours entre guillemets - à une vie plus naturelle, plus normale?

Mme Rainville: On dit plus spécifiquement que c'est surtout dans certains milieux plus défavorisés que les autres que la famille n'est pas suffisamment appuyée et que le taux de tolérance de la communauté elle-même à la désinstitutionnalisation, le seuil de tolérance, risque même d'être dépassé. À ce moment-là, ces milieux ou ces familles regroupées en communauté peuvent avoir un mouvement inverse par rapport au malade mental et le rejeter au bout du continuum. C'est pour cela qu'on trouve qu'il faudrait plutôt faire des familles et des communautés des vrais partenaires, des partenaires assez appuyés et reconnus pour que non seulement elles aident à soulager le poids de la maladie mentale, mais qu'elles servent aussi à relever le niveau social de la santé mentale.

M. Jolivet: Ce que vous dites, on me l'a souligné, dans d'autres parties de ma vaste région, dans le sens où la communauté était prête à accepter ces gens-là. D'ailleurs, ils sont là actuellement. Ils prenaient cela plutôt comme une valeur additionnelle à leur communauté de pouvoir venir en aide à des personnes qui avaient besoin d'aide. Ce sont plutôt des institutions ou des organismes du réseau qui ont refusé et qui ont dit: Cela n'a pas de bon sens de tes envoyer là. Parfois, c'est le fait que des institutions, voyant partir des gens, ont des contraintes. Ce n'est pas dans ce sens-là que vous l'exprimez. C'est plutôt autrement.

Mme Rainville: Non, c'est l'inverse. Dans notre court mémoire, nous mentionnons la communauté de Saint-Hilaire qui a refusé une maison et il y en a d'autres aussi qui ont refusé des maisons.

M. Jolivet: J'avais t'Inverse. C'est plutôt eux qui le demandaient.

Mme Rainville: C'est cela. Je pense que cela dépend des communautés. Nous pensons que les communautés les plus démunies sont souvent plus chargées que les communautés dont le niveau social est un peu plus élevé.

Mme Thibodeau: J'aimerais ajouter quelque chose. Cela me paraît une dimension très importante. Je trouve que ce qui se passe dans les régions rurales est différent de ce qui va se passer dans les grandes villes. Quand vous regardez les données sociodémographlques de la population, à long terme, ce sont souvent des gens qui n'ont plus aucune famille, du moins pour qui on ne peut plus trouver les familles, on ne sait plus où elles sont. Il y a un paquet de gens qui sont à l'hôpital Douglas ou à l'hôpital

Louis-Hippolyte-Lafontaine dont les familles ne sont plus à Montréal, et elles ne l'étaient pas, d'ailleurs, auparavant. Leur milieu de vie, leur famille, c'est presque l'unité de soins où ils ont été. C'est cela, leur milieu de vie. Comment défaites-vous ce milieu de vie pour aller tes replanter et où? C'est cette dimension qui nous préoccupe et qui est un problème très grand. Beaucoup de choses ont été faites déjà pour retourner les malades mentaux dans leur famille.

Je voudrais ajouter une petite dimension à ceci. On n'est pas conscients du fardeau qu'on impose aux familles. J'ai, à l'heure actuelle, une étudiante qui fait un projet. Elle regarde à Montréal les groupes d'entraide de parents et amis des malades mentaux. Elle a sept groupes dans son échantillonnage. Ce qu'on voit, ce sont les femmes qui s'occupent des malades mentaux et les mères. Des amis, il n'y en a plus. Des pères, il n'y en a pas. On a deux ou trois pères âgés de 70 ans qui s'occupent de leurs enfants. Les autres, ce sont les mères, des mères âgées de 55 ans, 60 ans, 70 ans. Au moment où on pense qu'elles pourraient essayer de se reposer un peu, elles ont encore toute la culpabilité d'avoir produit un enfant qui est un malade mental et qui est à l'hôpital, qui sort et qui rentre. On essaie de le séparer de ses parents parce qu'il est toujours accroché à eux. Alors, on brise les liens pour une certaine période, mais, quand cela ne va plus, on dit à la famille: Reprenez-le; prenez-le en fin de semaine.

Vous savez, il va falloir faire énormément de travail dans cette dimension-là parce que ce sont encore tes femmes qui vont écoper du problème important et il faut regarder cela. Il faut les aider. Il faut les appuyer. Elles vont prendre les enfants. Elles vont en supporter beaucoup parce que les femmes sont capables de supporter toutes sortes de choses, on le sait. Je n'apprends rien à personne. Mais il va falloir faire bien attention parce qu'il arrive à un moment donné qu'on ne peut plus dépasser la limite.

Le Président (M. Doyon): Alors merci, Mme Thibodeau.

M. le député de Laurier.

M. Sirros: J'aurais peut-être, au départ, une réaction face aux propos que vous teniez tout à l'heure concernant les ratios et les restrictions, etc. À ma connaissance, au cours des deux dernières années, il y a eu des ajouts d'argent dans le système hospitalier, en particulier Louis-H.-Lafontaine, auquel, je pense, vous avez fait référence. D'après vos propos, j'ai cru comprendre que cela n'a pas eu d'effet. Est-ce vrai, d'une part? Il y a eu, par exemple, l'opération Blitz, il y a eu les mesures pour le désen-gorgement des urgences, il y a eu le coût de système qui a été rajouté dans la planification. Est-ce que cet argent-là ne s'est pas rendu au bout? Il n'y a pas eu d'effet ou est-ce que...

Mme Bourdon: Bien, les sommes... Quand je pense aux soins à long terme, je vous dirais tout de suite non.

M. Sirros: Quand vous pensez aux soins à long terme?

Mme Bourdon: Quand je pense à la clientèle de longue durée...

M. Sirros: ...long terme.

Mme Bourdon: ...donc, je vous dirai tout de suite non. Et c'est là qu'on a vu la plus grande baisse d'effectifs, dans ces unités-là.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous recevez 0,5 % de coût de système dans un hôpital comme Louis-Hippolyte-Lafontaine - et je mets de côté l'opération Blitz qui a été un redressement des bases budgétaires - ça peut vouloir dire à chaque année au moins 1 000 000 $ et ça n'a pas d'effet?

Mme Bourdon: Peut-être pour les soins de courte durée, Mme la ministre. On a vu plus une amélioration au chapitre du... Et, même encore là, j'ai des réserves. Non, ce que je suis en mesure de vous dire, c'est que dans les soins à long terme, de longue durée, il n'y a pas eu d'amélioration du côté des effectifs, au contraire.

Mme Lavoie-Roux: Ce que vous me dites, c'est que cela a été affecté aux soins à court terme?

Mme Bourdon: Dans une période de compression budgétaire, par exemple, ce qu'on a vu c'est.. On a établi un ratio, un effectif minimal pour une unité de 40 patients. Disons qu'on dit: 6 employés pour 40 patients dans l'équipe de jour. Avant, on disait 6 employés, ce qui voulait dire 6 intervenants non professionnels, car l'Infirmière n'était pas Inscrite dans ce ratio minimal. Mais, avec les coupures budgétaires, ce qu'on a vu, c'est qu'on a inclus l'Infirmière dans ce ratio minimal. Donc, il y a eu un surcroît de tâches et Je ne peux pas dire que c'est une amélioration pour ce qui est des effectifs. C'est un exemple que je peux vous donner.

Peut-être que pour les soins à court terme et même, dans les soins à court terme, il faut qu'à l'Intérieur de l'effectif de l'unité les congés fériés, les congés mobiles, les congés de maladie, le plus souvent, soient comblés par tes gens qui sont en place.

M. Sirros: Ce qui...

Mme Bourdon: Et cela augmente beaucoup la difficulté - parce que je travaille à la formation, je suis en enseignement - quand on organise une activité d'enseignement, une activité de forma-

tion en cours d'emploi et qu'on le fait pour les Intervenants, Infirmières et autres; c'est très difficile de retirer ces gens-là des unités, ne serait-ce que pour une heure, parce qu'ils sont au minimum. C'est très difficile de tes sortir.

M. Sirros: J'Imagine, à ce moment-là, que vous serez probablement très favorables à l'Idée d'un budget protégé pour la santé mentale?

Mme Bourdon: Bien sûr, bien sûr.

M. Sirros: Si on investit beaucoup d'argent et finalement que les administrations hospitalières l'ont mis dans les soins de courte durée et qu'il n'y a pas eu d'effet dans les soins de longue durée...

Mme Bourdon: Dans la répartition des sommes d'argent, qu'on tienne compte des soins de longue durée effectivement, non pas de ceux de courte durée au détriment de ceux de longue durée. Parce que, pour des grands établissements comme Louis-H.-Lafontaine, Robert-Giffard, Douglas, le plus grand nombre de clients se situe dans les soins de longue durée.

M. Sîrros: Donc, un budget protégé aurait de l'allure selon vous?

Mme Bourdon: Absolument. (19 heures)

M. Sirros: L'autre question que j'avais, c'est au sujet de la formation, des 100 personnes dont vous parliez tout à l'heure et qui ont une maîtrise en nursing psychiatrique. 100 personnes sur 3000, ça fait 3 %, ce n'est pas beaucoup. En même temps, on réclame, je ne sais pas si c'est le mot, une reconnaissance à titre d'Intervenant partenaire dans un plan de traitement. Il me semble qu'il y aurait avantage à mettre beaucoup plus l'accent sur la formation et aussi un peu sur la qualité de la formation. Pouvez-vous me donner quelques Indications sur ces 100 personnes? Comment sont-elles réparties? Où travaillent-elles? Sont-elles toutes dans un département psychiatrique? Ont-elles des tâches différentes ou particulières par rapport à d'autres infirmières qui n'ont pas cette formation? Ont-elles des tâches, par exemple, de supervision clinique ou sont-elles aussi des exécutantes du style à donner des piqûres et à distribuer des pilules?

Mme Rainville: Non, La majorité, comme je le disais, ont des postes de leadership, que ce soit dans les directions générales d'hôpitaux, dans les directions de soins - plusieurs sont en poste de direction de soins - ou dans des postes d'éducateur, par exemple à l'université ou dans d'autres secteurs de formation. Plusieurs sont aussi cliniciennes dans les hôpitaux C'est un poste qui a été créé il y a quelques années, qui est vraiment un poste de spécialiste clinique pour faire de la consultation et répondre aux situa- tions de soins qui deviennent complexes et qui ne peuvent être résolues par les gens en place. Alors, plusieurs sont aussi cliniciennes.

Il y a peut-être quelques personnes ayant une maîtrise qui sont chefs d'équipe ou chefs de programme, mais, auprès des bénéficiaires, II y en a très peu. Il y en a très peu à cause du petit nombre parce que les services en santé mentale dans la province sont assez nombreux et ces gens qui sont venus dans nos programmes retournent dans la région. Vous savez, plusieurs sont à Montréal, mais il y en a aussi qui sont à Québec ou dans des établissements à l'extérieur de Montréal. Mais la majorité ont des postes de responsabilités à cause du petit nombre et c'est la raison pour laquelle nous demandons que cette formation de deuxième cycle soit davantage accessible aux infirmières parce que c'est là qu'elles deviennent davantage des spécialistes.

Il y a quelques années, il y a 18 ans, quand on a organisé la maîtrise, des bourses étaient débloquées pour les infirmières. Mais maintenant, non seulement les Infirmières doivent-elles venir faire des études de deuxième cycle à leurs frais, mais elles doivent souvent perdre, quitter des postes qui sont difficiles à retrouver par la suite. Le poste qu'elles quittent n'est pas protégé et cela crée des situations très très difficiles pour venir aux études.

M. Sirros: L'autre question que j'avais, vous y avez répondu avec le député de Laviotette. Elle concerne le potentiel thérapeutique de la communauté, mais je pense que vous faisiez surtout allusion aux gens qui sont dans des institutions à long terme et non pas tellement à la capacité de la communauté en termes des ressources communautaires d'être Impliquée dans un processus de réintégration dans la communauté, ou est-ce à ce chapitre que vous avez des hésitations? Avez-vous des hésitations quant aux ressources communautaires qui existent dans la communauté?

Mme Rainville: Pas du tout.

M. Sirros: Non?

Mme Rainville: Non, non, pas du tout.

M. Sirros: D'accord.

Mme Rainville: Je dois ajouter, à la suite de votre remarque, que plusieurs infirmières sont aussi des consultantes. Nous trouvons que ce serait une voie à ouvrir davantage, que les infirmières psychiatriques soient des consultantes pour les intervenants qui travaillent avec moins de préparation dans les CLSC ou dans les instances communautaires. Des infirmières prennent une formation soit en psychothérapie ou en psychanalyse, et vont aussi en pratique privée. Ici, cela commence, alors qu'aux États-Unis c'est bien établi.

M. Sirros: Une dernière question si vous le permettez. Est-ce que vous êtes parfois appelée à jouer un rôle de superviseur clinique dans des établissements de plus petite taille? Je pense particulièrement aux CLSC où il me semble qu'il doit y avoir un problème de - Je ne sais pas si le mot est "problème" - supervision clinique, non seulement peut-être en termes de soins infirmiers, mais également d'autres professions, étant donné le nombre restreint de professionnels à l'Intérieur de l'établissement. Est-ce qu'il y a des ententes de services avec des établissements et l'université dans ce sens-là?

Mme Thibodeau: Vous savez, tout le problème de la supervision clinique dans les CLSC est global, Les infirmières n'ont pas de supervision dans les CLSC. Très souvent même, les coordonnateurs ne sont même pas des professionnels de la santé; ce sont souvent des gestionnaires. Une des choses qu'on préconiserait serait que les infirmières psychiatriques, les cllnlciennes spécialisées, il y en ait dans tous les CLSC. Elles pourraient être consultantes pour les Infirmières qui sont en santé scolaire, en santé maternelle et infantile et avec tes personnes âgées. Il y a un potentiel de prévention absolument extraordinaire. Les infirmières en santé communautaire sont dans la communauté où elles voient les problèmes qui commencent. Les problèmes sont toujours, à mon avis, bien gros. Il y a tous les problèmes du viol. Il y a les problèmes d'inceste. Il y a les problèmes de femmes battues. Il y a les problèmes d'enfants qui sont négligés; ils ne sont pas encore référés, mais ils sont négligés. Il y a tous ces jeunes qui ont des problèmes de comportement. Il y a tous les ménages qui se brisent et qui laissent la mère avec les enfants et avec beaucoup d'anxiété. Souvent, les infirmières en santé communautaire sont dépassées. Il n'y a pas assez de travailleurs sociaux pour aider les Infirmières. Très souvent, les travailleurs sociaux ne sont pas dans les CLSC. Il n'y a pas de psychologues là non plus. Si l'Infirmière pouvait consulter une Infirmière en santé mentale qui ait une préparation plus avancée et qui pourrait l'aider à comprendre les problèmes et à trouver les solutions... Ce n'est pas elle qui aiderait directement la famille, ce serait l'Infirmière en santé communautaire. Vous vous rendez compte du potentiel d'actions qu'on aurait de cette façon. Mats II faudrait en former plus.

Pendant qu'on est sur le sujet de la formation, je voudrais dire un mot, parce que fe m'y connais quand même un peu. Je suis déjà venue à cette Assemblée pour un autre dossier sur la formation. Pour avoir touché à tous les dossiers de la formation, le problème de la formation des infirmières est un problème épouvantable parce qu'elles ont des responsabilités très grandes. Les problèmes sont de plus en plus complexes et il faut qu'elles aient une préparation plus grande. En ce qui touche les

Infirmières en santé mentale, l'infirmière qui a obtenu un baccalauréat a quand même une bonne longueur d'avance à cause de sa formation générale. Pour prendre soin des êtres humains. Il ne faut pas seulement savoir comment on traite un schizophrène, qu'est-ce que les médicaments contiennent et quels sont les effets secondaires. À mon avis, il faut avoir des connaissances beaucoup plus grandes sur les phénomènes de groupe, sur la santé familiale, sur tous les comportements des gens dans les situations de stress. On voudrait bien allonger fa formation de baccalauréat pour donner plus d'expérience en psychiatrie, mais, évidemment, cela nous est toujours refusé par les ministères. On voudrait un programme de quatre ans et un programme de trois ans. Si cela peut passer quelque part dans vos données, ce serait... D'ailleurs, on a un programme de trois ans et demi qu'on fait en trois ans. Cette personne, à mon avis, El lui manque très peu pour être très efficace dans les services de psychiatrie. Dans le baccalauréat pour les infirmières, on réaménage toutes les choses maintenant. On va faire plus de stages. Mais iI y a une chose qu'il ne faut pas oublier, on prépare les gens pour des milieux qui sont arriérés sur certains aspects. On les prépare pour le futur et les milieux traînent de la patte. Autrement, il n'y aurait pas cette commission aujourd'hui sur la santé mentale. On nous accuse toujours de ne pas préparer les gens pour la situation précise. Mais on ne veut pas les préparer comme les gens qui sont là. C'est parce qu'ils ne sont pas assez bien préparés, ceux qui sont là. Alors, il faut les préparer mieux. Il faut leur donner une formation générale en plus d'une formation spécialisée. Et c'est le problème de toute la formation du baccalauréat et pour tous les baccalauréats à l'université, à mon avis. Il faut donner cette formation générale, la formation des professionnels et une formation spécialisée en plus, je veux dire spécialisée dans le sens de professionnelle. Mais on essaie de faire quand même du mieux qu'on peut...

Le Président (M. Doyon): Alors, je pense...

Mme Thibodeau: ...avec le petit budget-universitaire qu'on a.

Le Président (M. Doyon): ...Mme Thibodeau...

M. Sirros: Le message est passé. Mme Thibodeau: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Je pense que votre message est bien reçu. Le temps est expiré. Alors, quelques mots de conclusion et de remerciement, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Bien entendu et reçu, ce sont deux choses, en français.

Le Président (M. Doyon): Pardon?

M. Jolivet: J'ai simplement dit 'bien entendu*, mais peut-être pas "reçu" parce que le mot "reçu" est différent en français, en voulant dire: II y aura une conclusion bénéfique...

Le Président (M. Doyon): II est très bien reçu. Je pense que je n'ai pas entendu...

M. Jolivet: Non, non, je fais seulement une farce.

Le Président (M. Ooyon): ...la ministre protester, d'aucune façon. Je vous écoute pour les mots de remerciement et de conclusion, si vous en avez.

M. Jolivet: Oui, j'ai toujours des mots de remerciement. D'abord, je vous remercie pour le témoignage que vous venez de faire. Je sais qu'on aurait pu avoir plus de temps pour étudier avec vous vos recommandations. Vous êtes des spécialistes dans le milieu et 0 est évident qu'on devra tenir compte de vos revendications, pas pour vous seulement, mais aussi pour les gens qui sont sous votre responsabilité. Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci également. Quant à vos préoccupations sur la formation, une partie du message va à mon collègue de l'Éducation. Je dois vous dire que J'ai un peu de plaisir à en passer une partie à un autre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lavoie-Roux: J'ai été passablement sollicitée. L'objectif de ta commission, c'est d'abord de vraiment créer cet esprit de partenariat, cet esprit qui m'apparaît absolument indispensable si on veut aller de l'avant et prendre conscience des limites qui existent. On espère pouvoir au moins corriger certaines lacunes et je pense qu'on aura à compter sur la collaboration de tous ceux qui sont venus ici en commission parlementaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Merci, Mme Thibodeau, Mme Rainville, Mme Ricard et Mme Bourdon.

J'invite maintenant le Dr Suzanne Lamarre ainsi que Mme Diane Beauséjour à prendre place à la table des invités et à nous présenter leurs mémoires.

Dr Lamarre et Mme Beauséjour, je vous demanderais tout d'abord de bien vouloir vous identifier pour ensuite passer à la présentation de vos mémoires. Je ne sais trop si vous avez un mémoire conjoint ou si vous présentez chacune le vôtre. Vous avez un mémoire conjoint, d'après ce que je comprends.

Des voix: Oui.

Le Président (M. Doyon): On vous écoute après votre identification.

Mmes Suzanne Lamarre et Diane Beauséjour

Mme Lamarre (Suzanne): Suzanne Lamarre. Je suis psychiatre et je travaille au Centre hospitalier Douglas. Je suis directrice du service des urgences qui existe à cet hôpital depuis quatre ans.

Le Président (M. Doyon): Et vous êtes accompagnée de Mme Beauséjour?

Mme Beauséjour (Diane): Diane Beauséjour, intervenante sociale faisant également partie de l'équipe d'intervention de crise ou de l'équipe d'intervention d'urgence à l'hôpital Dougias.

Le Président (M. Doyon): Je vous rappelle brièvement les règles que nous suivons, c'est-à-dire une présentation de 20 minutes suivie de l'intervention des deux formations politiques à temps égal, pour un total d'une heure.

Mme Lamarre: M. le Président, Mme Beau-séjour et moi-même tenons à remercier la commission de nous avoir invitées à présenter personnellement nos mémoires. La raison pour laquelle nous en avons fait deux, alors que nous travaillons au même endroit, c'est que le temps étant très court, j'avais préparé un mémoire en mon nom personnel sur le service des urgences, et Mme Beauséjour, après avoir lu le mémoire, a trouvé qu'il manquait quelques données, par exemple, le volet sur l'intervention sociale. Ce soir, je vais présenter une partie et Mme Beau-séjour va compléter au point de vue social.

Qu'est-ce qui fait que, comme psychiatre, je n'ai pu résister au besoin de présenter un mémoire sur ce projet de politique de santé mentale? Ce sont certaines craintes devant le projet, certains aspects qui n'ont pas du tout été mentionnés, mais il y a d'autres choses dont j'ai été fort heureuse. Ma crainte principale, c'est une attitude protectionniste que je sens tout au long du projet de politique de santé mentale et non de responsabilisation des personnes souffrant de maladie mentale. (19 h 15)

Pour ma part, je suis un peu par hasard en psychiatrie - je ne dirai pas pourquoi j'y suis par hasard - mais j'ai choisi la psychiatrie et j'ai toujours été scandalisée de ta façon dont on traitait le patient, mais j'étais incapable cependant de saisir ce qui faisait qu'une personne qui arrivait avec son problème, après quelque temps, ne devenait plus une personne. Lorsque j'ai vu dans te projet de politique en santé mentale qu'on parlait de la personne, j'ai été fort

intéressée, mais Je me suis demandé si c'étaient seulement des voeux ou si on allait vraiment s'occuper de la personne et acquérir la formation nécessaire pour s'occuper de ia personne? Par exemple, le PSI, le projet de soins Individualisés, pour moi, c'est encore une déresponsabilisation des intervenants dans l'approche du patient Lorsqu'il voit un patient, l'intervenant devrait s'assurer qui est responsable du traitement et demander à la personne à qui il s'adresse: Êtes-vous responsable de votre propre personne? Avez-vous quelqu'un qui vous protège? Est-ce que vous pouvez décider par vous-même? Alors, actuellement, on a le problème des intervenants multiples. Nous sommes nombreux à traiter et, souvent, nous ne prenons pas la responsabilité de définir quelle sorte de traitement et à quoi la personne peut s'attendre des traitements.

À la page 61 du projet de politique, on dit qu'on va contacter les familles quand le patient aura passé au stade de chronique. Cela m'a fait sursauter. Pour moi, c'est devenu essentiel... Quand Mme la ministre demandait: Avez-vous des preuves scientifiques? Nous essayons actuellement d'en avoir en faisant un projet de recherche sur le sujet. Mais, pour moi, il m'apparaît essentiel de réintégrer le sujet dans son milieu avant même de le traiter. Alors, au lieu de penser à désinstitutionnaliser... Pour ma part, cela ne m'a jamais intéressée, la désinstitutionnalisation, c'est un sujet qui m'intéresse peu. Ce qui m'intéresse, c'est d'éviter la "chronicisation*. c'est-à-dire non pas d'avoir une maladie dont il va falloir prendre soin toute sa vie... Non, le diabète est là. C'est malheureux d'avoir une maladie dont il faut prendre soin, mais comment éviter de perdre son statut de personne et sa crédibilité et pouvoir voir à sa maladie tout en étant une personne ayant un statut social.

Alors, la notion d'ombudsman, de se référer immédiatement à l'ombudsman quand il y a un problème alors que l'on sait qu'il y a énormément de problèmes qui pourraient être réglés à un autre niveau. C'est un peu nous à l'urgence... Souvent, on a des problèmes où les conflits relationnels sont immenses. Alors, on essaie de regarder, on s'est donné cette fonction-là de regarder les aspects Interactionnels qui empêchent un sujet de voir à ses affaires.

Il y a la notion de collaboration avec le patient. Par exemple, on s'est peu intéressé... Dans les hôpitaux, il y a la forme liquide des médicaments, mais on dit qu'il vaut mieux donner la forme solide, parce que ça coûte moins cher. Je suis bien contente que ça coûte moins cher, parce que, souvent, on en arrive à donner une forme liquide parce que le patient n'est pas intéressé à voir à sa maladie. Cela ne nous fait pas hésiter et cela ne nous oblige pas à le confronter: Monsieur, madame, si vous ne voulez pas voir votre maladie, c'est peut-être de ça dont on va parler d'abord. On ne traitera pas ta maladie avant de savoir si vous voulez la traiter.

C'est Philippe Pinel qui nous a enseigné, il y a un siècle et plus, qu'il y a toujours une partie saine chez un malade. Il avait fait sursauter le chef de police de Paris, à ce moment-là, qui craignait que Philippe Pinel n'enlève les chaînes trop vite. Lorsque le chef de police est allé voir, il lui a demandé: Où sont les patients? Il y a toujours une partie saine et on l'oublie beaucoup trop. On pense aux soins, on pense à protéger, on pense à décider pour le patient. On dit: El va décider. Mais, souvent, du rôle de conseiller, on passe vite au rôle "de décideur" pour le patient, et la personne, à ce moment-là, ne sait plus exactement contre quoi elle s'en prend. Est-ce que c'est contre tes pilules? l'hôpital? Mais, en fait, c'est qu'elle n'est plus en train de décider et de prendre la responsabilité de ses décisions.

Il y a des choses que je n'ai pas vues. Par exemple, dans la psycho-éducation, c'est maintenant connu que la psycho-éducation des familles est aussi importante que les neuroleptiques. On a dit que les neuroleptiques avaient révolutionné la psychiatrie. On s'aperçoit maintenant que les programmes de psycho-éducation des familles, dont un membre a une maladie qui va durer longtemps, ont autant d'effets, ajoutés aux neuroleptiques, que les neuroleptiques eux-mêmes pour diminuer les effets de la maladie.

Un autre exemple, les gens qui souffrent de schizophrénie. Pour ma part, quand je vois un jeune avec un problème de schizophrénie, je me demande si je dois lui donner un papier du bien-être social pour qu'il puisse avoir sa pension, mais je me dis qu'il a suffisamment de courage pour voir à sa schizophrénie en s'orga-nisant dans son milieu et en prenant ses affaires en main. Il me semble qu'on devrait penser à une pension ou à offrir cette possibilité de pension. S'il peut travailler, il peut compenser avec un peu de travail, mais je consulterais le patient et sa famille quant à cette pension pour la personne souffrant d'une maladie chronique mentale ou quant à donner un montant aux familles qui gardent leur malade. C'est délicat en termes de responsabilisation. C'est pour cela que je consulterais beaucoup les familles et les patients sur cette notion de pension à la famille également.

Il y a la curatelle. La curatelle, c'est tellement lourd - je sais qu'ils sont en train de se réorganiser et nous attendons avec Impatience - mais, quand un de nos patients a des difficultés temporaires et que cela lui prend trois semaines à décider, sa partie saine s'en rend compte, mais il a des choses à régler au point de vue légal et au point de vue social. Il est tellement difficile d'avoir quelque chose de souple qui permette de dire: Pour l'instant, pour les trois prochaines semaines, cette personne-là n'est pas apte à décider; qu'il y ait une couverture légale reconnue. Par exemple, nous sommes toujours contents lorsqu'on a des patients... Je

suis ici depuis le début de la journée, et j'admire votre courage, d'ailleurs, d'être encore ici. Tout à l'heure, on parlait de ces malades-là. Pour moi, ces malades - depuis que je suis en psychiatrie, je ne peux pas les classer - ceux-là, je ne suis jamais capable de savoir de qui on parle. Est-ce qu'on parle de la personne immobilisée dans sa panique et qui ne peut plus voir à son affaire ou est-ce qu'on parle de la personne qui souffre de schizophrénie? Moi, Je fais une distinction, cependant. Je fais une distinction entre des gens qui sont responsables et d'autres qui sont irresponsables. Actuellement, lorsque vous avez un problème psychiatrique, adressez-vous dans les hôpitaux, vous voudrez avoir une chambre privée. Il est impossible pour quelqu'un qui est sous les soins des psychiatres d'avoir une chambre privée avec un téléphone et un téléviseur comme tout le monde. Non, ils n'ont pas de chambre et ce sera selon les besoins du service. Alors, ce sont des signes que l'on a peu de respect pour la personne qui a de la maladie; on a toutes sortes de théories de validation, mais ce n'est pas ta raison pour laquelle on est Ici aujourd'hui.

La participation des cliniciens aux décisions. Quand on voit arriver une politique, quant à moi, cela me fait sursauter, mais je me dis: II y a tellement eu de projets et on sait tellement ce dont on a besoin Immédiatement et ce qui n'a pas encore été fait Par exemple, qu'est-ce qui nous a tant immobilisés, nous, les cliniciens qui étions dans le réseau Institutionnel? Comment se fait-il que nous ayons eu des ressources? J'entendais parler de ressources communautaires et alternatives - il y a un autre terme que je n'avais pas entendu, mais qui est venu. Est-ce une ressource du genre ou est-ce une ressource Institutionnelle? Comment se fait-il que nous qui sommes dans les institutions ayons été aussi paralysés? Pour moi, les ressources alternatives qui sont survenues me font penser à des orphelins débrouillards, mais qui auraient dû avoir droit aussi à la maison paternelle. Mais, comme à ta maison paternelle, c'était invivable, qu'on était incapables d'organiser nos affaires, les ressources communautaires se sont organisées. Pour moi, c'est un signe d'immobilisme. il y a quelque chose qui fait qu'on est immobilisés dans les décisions à prendre, dans les services à donner.

Dans les craintes que j'ai face aux recommandations, il y a les problèmes suicidaires dans les centres de crise. Tout à l'heure, il y avait des Infirmières qui disaient que c'était peut-être trop lourd, mais il y a quelque chose de paradoxal dans les problèmes suicidaires: si on veut aider quelqu'un qui a un problème suicidaire, il faut d'abord qu'il décide qu'il est prêt à prendre de l'aide. Je trouverais cela délicat de l'appliquer de façon radicale. Je laisserais aux centres de crise le soin de savoir s'ils s'en sentent capables ou non. C'est sûr qu'à l'hôpital nous sommes mieux équipés. On se sent plus sûr de soi parce qu'on a plus de ressources momentanément pour répondre à quelqu'un qui a des impulsions suicidaires et qui ne veut rien entendre d'aide pour l'instant.

En ce qui concerne les omnipraticiens, selon moi, ils ont été très utilisés et Impliqués dans le domaine de la santé mentale. J'ai l'impression que c'est parce que cela coûtait moins cher aux hôpitaux. Quant à moi, à l'urgence, je me suis aperçue que les infirmiers, par leur approche envers le patient, sont des personnes très bien formées. On parlait de la formation, mais II s'agit de travailler quelque peu à la formation. J'ai actuellement des collaborateurs, infirmiers et infirmières, qui sont extraordinaires. Ils ont cette approche qu'il faut pour le sujet dans son milieu. L'omnipraticien peut avoir sa place, mais je me posais cette question.

Je suis tout à fait d'accord et j'ai lu avec une grande joie que nous aurons des moyens d'évaluation de nos gestes. C'est extraordinaire!

Dans la partie concernant la formation, j'ai été surprise de ne pas voir celle des psychiatres. Je suis une psychiatre, je fais partie de ceux-là. Je ne renie nullement les miens. Ce qui me frappe, c'est que je me compare aux chirurgiens du XIXe siècle qui connaissaient très bien l'anatomie, mais ils ne connaissaient pas encore la microbiologie. Ils opéraient au bon endroit, mais leurs patients mouraient d'infection.

Nous, les psychiatres, savons très bien traiter la maladie, mais nos patients ont peur de nous. Nous semblons les empirer parce que nous avons oublié l'aspect relationnel et l'aspect de ta communication. C'est la partie la plus importante que nous devons développer pour pouvoir aider quelqu'un qui a une maladie, pour pouvoir le confirmer dans ses capacités à agir, à être quelqu'un de valable tout en ayant sa maladie et à le réintégrer dans son milieu. On dit: C'est une affaire de bon sens. Mais, lorsque le bon sens est parti d'un milieu, il faut des experts pour le ramener. C'est le problème. Je laisse maintenant à ma collègue...

Mme Beauséjour: Je ne suis plus certaine du temps qu'il nous reste.

Le Président (M. Doyon): Environ cinq minutes, un peu plus.

Mme Beauséjour: Cinq minutes? Est-ce qu'il y avait autre chose? Je vais dire mon bout et, s'il nous reste des choses, on y reviendra. En fait, je voulais ajouter certains aspects qui sont de l'ordre de mes préoccupations en tant qu'Intervenante sociale. D'abord, je voudrais dire que j'ai été très emballée par l'espèce d'axe intégrateur que la commission a trouvé en mettant de l'avant sa notion de partenariat. Je suis personnellement convaincue, par ma pratique de tous les jours, que c'est vraiment à travers le partenariat des quatre acteurs qui ont été nommés qu'on arrivera vraiment à avoir une action en santé mentale.

(19 h 30)

Si Je me réfère à ma pratique de tous les jours, ce que cela veut dire, c'est que c'est Impossible pour moi d'intervenir sans être guidée par la personne qui vient me consulter à l'urgence. C'est elle qui me dirige vers ce qu'est sa difficulté. Ce n'est pas moi qui suis en train de voir ce qui pourrait bien ne pas aller chez cette personne. Ensuite, ce qu'on fait quasiment toujours, c'est qu'avec cette personne nous invitons son milieu, son réseau de personnes significatives; ce peut être sa famille et ce peut être un peu plus que sa famille. Nous les consultons pour qu'eux aussi apportent un éclairage plus large que la définition initiale qui est apportée.

Mon travail n'aurait pas plus de sens si je ne pouvais compter sur la collaboration de mes coéquipiers qui m'apportent un éclairage spécifique à leur profession. Je pense aussi que ce serait impossible pour nous d'Intervenir s'il n'y avait pas toutes ces structures que nous utilisons beaucoup, c'est-à-dire ce réseau communautaire. Nous utilisons particulièrement les centres de crise, mais nous utilisons beaucoup toute la communauté parce qu'en fait, ce qu'on souhaite lorsqu'une personne arrive à l'urgence d'un hôpital psychiatrique - et j'utilise votre exemple - c'est de l'amener à faire un "U-turn" et à retourner dans la communauté. Alors, je suis parfaitement d'accord avec la notion de partenariat.

Ce qui m'a plus Inquiétée, c'est ce à quoi je faisais référence en termes d'absence ou d'insuffisance opérationnelle. Je voyais une idéologie qui m'emballait et, ensuite, je recherchais des moyens spécifiques ou des plans d'action qui seraient très clairs et très cohérents avec cette position. Je les trouvais par bribes, et non de façon systématique. J'en suis venue à la réflexion suivante: pour que le gouvernement puisse réaliser l'intention ou l'idéologie de base qui sous-tend cette politique, il va falloir se positionner quant à un certain nombre de questions. La première est la suivante: Quelle est vraiment la définition de la santé mentale qu'on va privilégier? Je sais qu'on a retenu ce qui fait partie d'une espèce de consensus général. On ne se mouille pas beaucoup quand on parie de la santé mentale comme s'organisant sur trois axes: bio, psycho et social. Je pense qu'il n'y a personne qui va être contre cela. Par contre, à mon avis, il faudrait aller un peu plus loin. Je pense qu'il faudrait prendre une position plus sociologique. J'aurais tendance à dire: plus systémique, mais, comme ce terme est un peu fragile, je n'ose pas élaborer dans ce sens-là; le contenu n'est pas toujours le même pour chacun qui s'en sert. Ce que j'aimerais voir comme définition, c'est une définition de la santé mentale en rapport avec des résultats d'un ensemble de conditions, d'un ensemble de forces qui sont à l'oeuvre. Cela se manifeste et cela se mesure autant chez l'individu lui-même et chez l'individu en interaction avec les autres qu'au niveau des Institutions sociales. Je fais une analogie avec l'éducation. Quand on regarde l'éducation, on ne dit pas que c'est seulement le résultat de personnes qui ont des acquis, on parte aussi de productivité d'une société et de niveau de conscience d'une société. C'est une définition plus large que je voudrais voir, plus sociale ou plus sociologique, une position dans ce sens.

Dans cette définition de la santé mentale, on prendrait position sur le fait que l'Individu et la collectivité ou les Institutions sociales sont profondément interdépendants, c'est-à-dire que la santé de l'un affecte celle de l'autre, et vice versa. Cela nous mettrait dans un contexte où, lorsqu'on entre en contact avec une personne qui demande des services en santé mentale, on ne pourrait pas regarder simplement ta demande de la personne. Il faut la voir absolument dans l'ensembte de son contexte, il y a quelqu'un qui a dit: II n'y a jamais de faillite, il n'y a qu'un résultat, et ce résultat sert d'Information. Je pense que c'est dans ce schème de pensée qu'il faudrait aborder la santé mentale. Regarder quel est le résultat de ce qu'on a en ce moment chez nos individus, dans nos institutions, et s'en servir comme information pour savoir ensuite vers quoi se diriger.

Le Président (M. Doyon): Mme Beauséjour, je vais devoir vous demander de conclure parce que nous avons déjà dépassé le temps, soit les 20 minutes.

Mme Beauséjour: J'ai dépassé mon temps, alors je vais dire la chose essentielle: Je voudrais qu'il y ait des services de première ligne en santé mentale qui ne soient rattachés ni à des centres hospitaliers, ni à des centres de services sociaux et dans lesquels toutes les disciplines seraient représentées; que ces travailleurs sociaux soient plus associés à des contextes légaux dans lesquels ils sont habituellement associés et que l'on puisse recevoir des demandes de services, non seulement des Individus, mais également des groupes, des familles et des collectivités.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. ie député de Laurier ou Mme la ministre, est-ce que vous voulez commencer? Oui, bien sûr, je pensais que...

Mme Lavoie-Roux: D'abord, je veux remercier le Dr Lamarre et Mme Beauséjour. Cela valait la peine de rester même après 19 heures pour vous entendre. Au moins, vous êtes provocatrices et cela, c'est toujours bon.

J'ai lu vos mémoires et j'avais l'impression, peut-être davantage dans celui de Mme Beauséjour que dans celui du Dr Lamarre, que vous disiez, finalement: Oublions tout cela, retournons chacun chez soi et continuons la vie comme elle

est présentement. Parce que c'est un peu ce que vous dites, Mme Beauséjour, que c'est un peu absurde. Je vous écoute et c'est un peu moins noir, parce que je pense qu'on peut voir les choses d'une façon différente, on peut avoir des approches différentes, et c'est bon que tout le monde n'ait pas la même approche. Si on a trop la même approche, on n'avance pas, on piétine. On serait quand même tous d'accord pour dire qu'il y a des choses qui se passent - qu'on appelle cela santé mentale, maladie mentale, on peut se chicaner encore une fois là-dessus - qui, je pense, ne doivent pas continuer comme elles sont. Ne serait-ce qu'au plan de l'accessibilité des soins, il faut donner un peu plus à ceux qui n'en reçoivent pas ou à peu près pas. Quand je dis des soins, ce peut être des services en santé mentale. Qu'on pense aux régions vraiment défavorisées par rapport à Montréal et à Québec.

Vous avez dit, Dr Lamarre - si je ne nuance pas suffisamment, ce n'est pas par mauvaise volonté - ce que l'ai compris, c'est que vous avez dit: Cela ne m'Intéresse pas beaucoup la désinstitutionnalisation. C'est à peu près cela, n'est-ce pas? Votre action est concentrée sur l'urgence et la prévention d'une certaine façon pour empêcher le monde que vous recevez tous les jours à l'urgence de, dans deux, trois, cinq ans, peu importe, devenir un patient chronique quelque part. Votre action veut vraiment prévenir une détérioration plus grande que tes symptômes présentés au moment où les gens arrivent à l'urgence.

Là-dessus, les problèmes que nous rencontrons présentement sont dans ces deux ordres. D'une part, ceux qui sont en institution, je ne pense pas qu'on veuille les laisser là s'ils peuvent en sortir. On peut être d'accord là-dessus. On est aussi concernés et préoccupés parce que cela fait quinze ans qu'on a arrêté l'Institutionnalisation quasiment automatique des gens qui n'étaient pas tout à fait conformes au modèle qu'on pensait être le bon. Mais on les a laissés dans la communauté trop souvent sans appui et trop souvent avec une approche qui n'était pas la plus satisfaisante. Je ne suis pas de ceux qui disent que tous ceux qui sont sans abri ont des problèmes psychiatriques, mais c'est un symptôme d'une partie de ceux qui sont restés sans trop d'appui dans la communauté.

Dans tout ce que vous avez dit, ce qui m'a assez - je ne sais pas si on peut dire fascinée - c'est votre approche de la personne qui se présente pour requérir des soins ou pour demander une assistance dans le domaine de la psychiatrie. Ce partage que vous faites entre tes gens qui sont prêts à se prendre en main et à assumer... D'ailleurs, vous avez, dans la politique, ce désir de dire: On ne décide pas tout pour le patient, mais le patient devrait devenir participant, devrait jouer son rôle dans ce partenariat aussi, et même la famille que, pour des questions de confidentialité, on a trop souvent... On se dit:

Ils sont majeurs, on ne peut rien expliquer à la famille, et la famille s'en retourne chez elle avec un schizophrène sur les bras et elle ne sait pas ce qu'il en est. On se dit: Non, il faut la mettre dans le coup. Vous avez parlé de méthodes psycho-éducatives sur le plan de la prévention et, ensuite, sur le plan du soutien à la famille. Je suis d'accord avec cela, je vous trouve... Je vais vous le dire bien simplement. II n'y a pas de journaliste ici...

Une voix: Ils écoutent.

Mme Lavoie-Roux: Ils écoutent? Ah! c'est vrai, il y a les... Ils écouteront.

Mme Lamarre: Ma principale qualité est l'humilité.

Mme Lavoie-Roux: pardon?

Mme Lamarre: Ma principale qualité est l'humilité.

Une voix: Vous n'en aurez pas besoin.

Mme Lavoie-Roux: C'est peut-être moi qui vais être obligée de le faire après. Ce partage que vous faites entre ceux qui sont prêts à participer, à se prendre en charge et à être un acteur dans tout cela... L'approche m'apparaît un peu punitive, d'une certaine façon, à l'endroit de ceux qui, eux, n'auraient pas ce désir de participer, alors que, souvent, je pense, il faut d'abord les mobiliser à participer, parce que j'imagine - vous connaissez cela bien mieux que moi - qu'il y en a un bon nombre qui arrive vraiment désorganisé, démobilisé, dévalorisé, et ajoutez les qualificatifs que vous voudrez. Autant je pense que la première partie est excellente et qu'il faut capitaliser là-dessus, qu'il faut vraiment embarquer là-dedans, autant la deuxième me semble difficile. Vous semblez y voir une espèce - c'est mol qui interprète - de dépendance qu'il faut se dépêcher de corriger, qu'il faut empêcher de s'accentuer ou de se développer. J'aimerais que, sur cette partie-là, vous développiez un peu.

Mme Lamarre: Vous me faites grand plaisir, Mme la ministre, de me poser cette question-là, parce que c'est la question clé. Lorsqu'on parle de responsabilité, souvent, les gens vont me dire: C'est comme si c'était culpabilité. C'est pour cela que je parle de protectionnisme. Pour ma part, en tout cas, depuis 17 ans, j'essaie de saisir ce qui fait qu'un sujet ne peut pas agir. Ce qui m'a fascinée dans la psychiatrie, c'est que je voyais certains patients avec lesquels, peu importe la maladie, le traitement était efficace et extraordinaire. Avec d'autres patients, il n'y avait rien à faire. Je me disais: Mais il n'est pas plus malade que l'autre. Qu'est-ce qui se passe? Je pariais à cette personne-là, il y avait comme un

halo. II y a quelque chose qui m'empêchait de communiquer avec cette personne-là. J'ai compris que c'était le réseau de dépendance. Cette personne-là, dans son propre réseau, parce que les gens ont essayé de l'aider, était rendue à ne faire qu'agir les autres plutôt qu'à agir. Il y avait le protecteur qui était la famille, quelqu'un, il y a toujours un protecteur lorsqu'il y a une personne qui ne peut plus agir, il y a toujours quelqu'un qui est en train d'agir pour elle ou de décider. Je me suis aperçue que je torturais cette personne-là à qui on avait volé la responsabilité de sa personne.

À ce moment-là, au lieu de m'occuper du protégé - maintenant, je l'appelle un protégé - je m'occupais du protecteur. C'est au protecteur que je m'adressais. J'alourdis ta tâche du protecteur en lui disant: Vous savez beaucoup mieux que lui ce qu'il lui faut, c'est vous qui allez décider. Là, le protecteur se met à dire: Mais non, je n'en peux plus. Quand j'entends les "je*, Je sais que le protégé va commencer à parler de lui, que ce sera un "je* que je vais entendre. Je vais guetter tes premiers mouvements du sujet pour pouvoir l'encourager. Mais, pour faire cela, il faut que je défasse le réseau de protectionnisme qui s'est installé, que ce soit avec sa famille ou avec les Intervenants. On a énormément de respect et c'est pour cela que je me dis... Parce que le protégé se fait traiter de manipulateur, il se fait traiter de quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il veut. Il dit oui, il dit non, II ne tient pas les promesses qu'il a faites. Alors, je me suis aperçue que cette personne-là, on lui avait volé son énergie. Malgré ce que je vous dis, Mme la ministre, c'est dans mes concepts, mais savez-vous qu'entre nous, à l'urgence, on est toujours en train de se guetter Est-ce que je suis en train d'agir pour la personne ou si Je suis en train d'attendre qu'elle agisse pour admirer ses premiers mouvements? C'est tout notre travail. (19 h 45)

On risque toujours de tomber dans le panneau parce que quelqu'un qui est là à ne rien faire... Maintenant, je te sais, je me présente: Je suis le Dr Lamarre, vous êtes M. Tremblay? Voulez-vous venir dans mon bureau? M. Tremblay ne répond pas, mais II y en a un autre qui répond à côté. Alors, je me dis: Ça y est! M. Tremblay, ce n'est plus lui qui agit, il y a quelqu'un qui agit pour lui. Je vais m'occuper de cette personne pour lui permettre graduellement - c'est cela, l'intervention - d'en venir à défaire ce protectionnisme. C'est là que je dis qu'il faut avoir des techniques pour le faire, pour ne pas que les gens crient. Il ne faut pas que ce soit mal fait non plus et que ce soit terrible. Il faut que ce soit fait pour que les deux se sentent honorées d'être des personnes. Si je vois M. Tremblay, II va seulement me prouver qu'il est un vaurien et que son protecteur, au fond, a bien raison de prendre les décisions pour lui. Et, si je me mets à enlever le protecteur et à m'occuper du protégé, le protégé a une alliance avec le protecteur et 1 va me prouver que j'ai très mal compris.

Quand on ne s'occupe pas du protecteur, les familles, à ce moment-là... SI Je m'occupe du protégé et que je dis: II faut que je le garde, le protecteur appelle: Qu'est-ce que vous avez fait? Quelle médication avez-vous donnée? Qu'est-ce que c'est? Et là, un clinicien qui ne voit pas ce réseau va dire: Est-ce qu'ils sont assez fatigants? Ils nous appellent tout le temps. Qu'est-ce que c'est? C'est là où la scission se fait, où la bataille prend et où les gens disent: II est avec une famille terrible aussi, c'est bien pour cela qu'il est malade. Et là, la culpabilisation et le blâme s'installent On se disqualifie mutuellement entre protecteurs, parce que je deviens autant protecteur que l'autre. Cela m'a pris dix ans. Cela me fascinait parce que Je ne pouvais pas toucher à la personne. Je me disais: Ce n'est pas parce qu'il ne veut pas. Mon bureau déborde de bonnes Intentions. Alors, ce n'est pas le problème des mauvaises intentions. C'est l'incapacité d'agir parce qu'on ne le confirme pas dans sa capacité à agir. Autour de cela, on a développé ce que j'appelle la microbiologie du chirurgien. Vous savez que le chirurgien qui a commencé à saisir qu'il y avait des risques d'infection, disait: Lavez-vous les mains avant votre opération. Les chirurgiens disaient: Cela n'a pas de bon sens, c'est après qu'on se lave tes mains, c'est après qu'on a les mains sales. Il a fait rire de lu! longtemps. Mais, avec le temps, on s'est aperçu qu'il y avait quelque chose. Les opérations ne fonctionnaient pas malgré les bonnes théories. C'est pourquoi je comprends très bien le malade qui dit: Je ne veux pas me faire traiter. On sait que cela a un mauvais effet, qu'il y a quelque chose qui va arriver et qui va empirer l'affaire. Si j'entends un blâme d'un patient ou si un autre en entend, Je me dis: Hop! Tu es en train d'être le protecteur. Tu es en train de demander à quelqu'un qui ne peut pas agir. Travaille donc sur la personne qui empêche cette personne d'agir. On est toujours en train de travailler sur cette... Au contraire...

Mme Lavoie-Roux: Je pense bien que mon quart d'heure est écoulé, mais je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Laviolette, vous avez maintenant la parole.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est très intéressant, ce que vous dites. On ne regrette pas d'avoir passé tant d'heures pour en arriver à une fraîcheur comme celle-là. Il reste quand même que j'ai un petit problème, non pas de protecteur à protéger, mais avec le programme de services Individualisé, le PSI. Vous avez dit que le PSI avait, dans votre esprit, comme finalité de déresponsabiliser l'ensemble de tous ceux qui entourent ta personne. Pourtant, je comprends et Je continue à comprendre que le

programme de services individualisé a pour but, justement, de permettre à l'individu, avec les gens qui l'entourent, de se révéler à lui-même, d'une certaine façon. Des groupes qui sont venus nous rencontrer nous disaient: La personne se sent finalement aimée et comprise par les gens qui l'entourent et, dans ce sens, elle commence à se révéler. Je veux simplement savoir pourquoi vous dites que les gens qui se trouvent autour ne pourraient pas, dans un travail collectif avec l'Individu, lui donner un programme lui permettant de se réaliser et, par le fait même, ne pas enlever cette responsabilité pour que chacun prenne une décision. Ce que vous semblez dire, c'est que le psychologue va dire que c'est au psychiatre à prendre la décision, le psychiatre va dire. Non, c'est au psychologue. C'est ce que vous voulez dire, si j'ai bien compris.

Mme Lamarre: Oui. Pour moi, c'est bien important qu'il y ait une personne responsable. Pour une tâche, il faut une personne. S'il y en a deux, trois, on va toujours se passer le paquet. Alors, pour moi, ce qui est bien important quand je vois arriver quelqu'un, c'est: Avec qui travaillez-vous déjà? Parce que je sais qu'il y a un phénomène... S'il vient nous voir à l'urgence, il n'est pas satisfait des services et il a eu un conflit. Alors, c'est de pouvoir... Si Je deviens un autre intervenant, par exemple, et que je fais comme si moi j'allais... Bon, bien, l'autre n'est pas bon, moi je vais être bonne. Je nuis à ce patient-là. Je vais prendre le rôle de: Qui est ton thérapeute ou qui est ton médecin? Et je vais communiquer avec le médecin ou avec l'Intervenant avec la permission de la personne - et je vais demander: Qu'est-ce que vous souhaitez? La personne est ici. Je vais reconfirmer l'Intervenant ou je vais regarder avec lui ce qui les empêche de travailler ensemble, au lieu de me substituer à l'intervenant. Je vais m'informer: Est-ce vous la personne responsable ou bien est-ce que cela vous surpasse? Est-ce il y a des choses dont on devrait discuter? Qu'est-ce que c'est? Pour savoir, avec le patient qui est là, avec qui il va travailler... On est là à parler de continuité des services, mais, moi, je dis toujours au patient: C'est vous le coordonnateur. Alors, si vous ne coordonnez pas, on va tous vous mêler.

L'approche biopsychosociale, cela en a mêlé plus que cela en a aidé jusqu'à un certain point. Mme Beauséjour me dit: Le social, cela a été bon, oui, mais du fait qu'on a eu le biopsychosocial, on ne s'est pas intégrés, on a été plusieurs intervenants. J'ai peur que les gens se fient à leur plan - vous l'avez appelé PSI, le plan de soins individualisé - j'ai peur que les gens... Vous savez, quand on fait une intervention, il y a intervention et évaluation de l'intervention. Alors, il y a une intervention qui se fait puis, deux minutes après, on s'aperçoit que ce n'est pas la bonne. Il faut reculer, il faut reprendre avec une autre Intervention. On est toujours en train de réajuster l'intervention qu'on fait. Le plan, si on en fait un et qu'on se dit: Tiens, cela ne suit plus le plan... Nous, en psychiatrie, on a appris à avoir la thérapie qu'il faut pour le patient - pas juste en psychiatrie, aussi en psychologie la thérapie qu'il faut et non pas s'adapter au patient qu'on a devant nous. On n'a pas de concept pour s'adapter au patient, mais le patient doit se conformer à notre thérapie. Alors, le PSI, j'ai peur que les gens s'assoient sur cela, que cela ne les garde pas assez nerveux pour réévaluer leur plan et puis qu'on ne trouve pas quelqu'un de responsable. En tout cas, quand je m'engage avec quelqu'un, bien, c'est avec moi. Je vais faire telle chose et, ensuite, il s'agit de délimiter les zones de responsabilité, les territoires pour ne pas se mêler ensemble. C'est bien important. On passe beaucoup de temps... Si un patient me dit qu'il ne veut pas prendre de pilule, on ne peut pas en donner, mais, comment il va traiter son affaire ou...

M. Jolivet: Selon ce que vous nous disiez tout à l'heure sur le transfert qu'on peut faire entre les intervenants, ce que vous craignez, c'est que, si j'ai bien compris, l'individu qui veut avoir un service vienne à mettre les intervenants en contradiction les uns avec les autres et, finalement, n'obtienne rien.

Mme Lamarre: Absolument, et en médecine c'est connu aussi, le patient va voir quelqu'un à l'urgence, le spécialiste de l'urgence va commencer à faire tout un travail et, après cela, disqualifie quelque peu le premier généraliste. Il n'y a pas de continuité. Au lieu, dans les urgences, d'appeler beaucoup plus souvent les intervenants en premier pour savoir à qui on appartient, puis l'autre n'est pas satisfait, qu'est-ce qui vous empêche de reprendre contact avec le premier Intervenant? Les gens se retrouvent sans intervenant après en avoir consulté une dizaine.

M. Jolivet: Vous disiez que vous êtes contre la désinstitutionnalisation. Est-ce que j'ai bien compris si je dis ceci? Je suis un accidenté d'automobile. Je passe un mois et demi ou deux mois à l'hôpital. Finalement, je ressors et je continue mon travail comme avant, avec peut-être un handicap, peu importe, mais je continue à travailler. Je suis dans la société comme tout le monde. J'ai mes décisions à prendre, etc. À ce moment-là, je ne peux pas être appelé comme un gars qui a été désinstitutionnalisé. Donc, pour les personnes qui ont besoin de services en santé mentale, c'est dans le même style que ce que vous dites.

Mme Lamarre: Non, je n'ai pas dit que j'étais contre, j'ai dit que la chose m'ennuyait un peu, en ce sens que je me suis aperçue qu'il y avait énormément d'experts dans la désinstitutionnalisation. Je trouvais qu'on en reproduisait beaucoup pour eux. Alors, moi, je me dis: Si on

vise à ce que la personne se réintègre dans son milieu, se réorganise, cela leur en fera moins à désinstitutionnaliser. Peut-être qu'ils n'auront plus de travail. Il me semble que cette partie-là, la désinstitutionnalisation, les gens semblent mieux la posséder. Ils disent qu'il faut qu'ils sortent les gens dans la communauté. Bon, c'est correct, mais, moi, ce qui me fascine, c'est comment maintenir quelqu'un dans son milieu et comment le reprendre, parce que les gens disent qu'ils n'ont plus de famille. On est toujours surpris. Nous, comme on ne peut pas travailler sans les familles, qu'on se sent inadéquats, II nous faut du monde. Alors, on attend avec le patient qu'il nous amène quelqu'un, et il nous en amène tout le temps. Cela nous a aussi bien fascinés, parce qu'on ne peut pas faire mieux Un humain seul, cela ne va pas loin. Alors, il y a certainement du monde autour, mais, s'il se retrouve à l'urgence, c'est qu'il les a tous mis de côté. Alors, on attend avec lui et ils viennent.

M. Jolivet: Peut-être juste une anecdote. Vous dites qu'il y a des gens qui sont prêts à sortir de l'institution, mais qu'ils se sentent un peu démunis. On pourrait penser à une sorte de pension, compte tenu que leur maladie ne leur permet pas de travailler selon les mêmes normes que tout le monde. Je n'ai qu'à me rappeler qu'en 1972, quand j'étais enseignant, j'étais président du syndicat et II y avait une personne qui avait un problème. Elle a été la première au Québec à obtenir son régime de retraite d'enseignant pour cette maladie, au même titre qu'une personne qui ne peut plus enseigner du tout Elle ne pouvait plus enseigner, elle ne pouvait plus rester dans une classe et donc elle a eu sa pension. C'est peut-être une Idée à gratter plus profondément, dans l'hypothèse que vous souleviez tout à l'heure.

Mme Lamarre: Vous dites de...

M. Jolivet: Vous disiez qu'il y a des personnes qui vont retourner à l'aide sociale, à l'assistance sociale. Au lieu d'assistance sociale, vous parliez de pension.

Mme Lamarre: Ah oui, mais pour ceux qui travaillent déjà.

M. Jolivet: Ah bon!

Mme Lamarre: Moi, ce qui me désole, c'est quand je vois un jeune schizophrénique et qu'il faut qu'il aille comme un quêteux. Mol, je me dis que, dans une société, si on a du respect pour tous, quelqu'un qui a un handicap comme la schizophrénie... On sait que c'est difficile de travailler avec la schizophrénie. Il y en a qui réussissent, mais c'est difficile. Alors, j'ai énormément d'admiration pour ceux qui réussissent à travailler, mais je ne veux pas leur en demander autant en leur disant: Je le sais que c'est difficile. Si vous trouvez qu'il faut voir à votre maladie en travaillant moins... J'aimerais pouvoir leur dire que pour tes gens qui ont la schizophrénie, on sait qu'on a quelque chose d'organisé, qu'ils n'auront pas à quêter. Un peu comme le bail, par exemple. On peut signer un bail s'il est tout fait. J'aimerais cela parler aux familles et leur dire: Oui, on sait que cela existe, on y a même pensé, on l'a prévu. Vous avez parlé de 1972 et je ne voudrais pas manquer l'occasion de vous Informer que, encore en 1987, les gens ne connaissent pas la Loi sur la protection du malade mental qui a été adoptée en 1971 ou 1972. Alors, quand on parle d'information, les gens ne connaissent pas encore la Loi sur la protection du malade mental. Ils décident de prendre un ordre de cour pour faire passer un examen psychiatrique en croyant qu'on enferme les gens pour de bon et Ils en font tout un deuil plutôt que d'aller chercher l'ordre de cour beaucoup plus tôt, parce que, si le psychiatre trouve qu'il n'est pas malade, il va repartir. Mais eux s'étalent fait toute une Idée et ont attendu longtemps pour venir nous porter le patient, pensant qu'on l'enfermerait pour obtenir un répit de quelque temps. Mais non, ils le retrouvent chez eux le lendemain parce qu'il n'a pas répondu à nos normes. Alors, ce serait une chose bien importante d'en Informer le public. (20 heures)

M. Jolivet: Une question à Mme Beauséjour. Vous dites: Quand j'ai fait une première lecture du texte, j'ai pensé à un vieux proverbe suisse qui dit: Ni pour ni contre, bien au contraire. La première réaction qu'on a en lisant cela, c'est: Quelle sorte d'image s'est-elle faite du projet? Je retourne à la page 3 où vous dites: "Or, quel étonnement de voir la timidité avec laquelle cette politique, toute centrée qu'elle est sur la communauté, se contente de 'reconnaître'' le réseau alternatif - la recommandation 15. Elle ne l'érige pas en partenaire réel mais lui demande d'assurer ses assises par les contributions de la communauté." Vous ajoutez: Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les CSS, les CH, les CLSC, etc.? Quelle est votre opinion plus précise sur ça? Qu'est-ce que vous entrevoyez à ce moment-là?

Mme Beauséjour: En fait, j'Irais un peu dans le sens du Dr Lamarre, je pense que c'est parce qu'on a été Immobiles en tant qu'intervenants qu'on n'est pas arrivés, au chapitre des structures formelles, à développer les ressources et que la communauté a dû se mobiliser pour les développer. On a tort, et Dieu sait qu'on s'est battus en tant qu'intervenants sociaux. En tout cas, toute mon expérience de ces années, c'était que l'on se battait pour développer des ressources alternatives. Mais on nous disait: Vous, les travailleurs sociaux, voici, il y a la Loi sur la protection de la jeunesse qui s'en vient. Voici, il y a la loi des jeunes contrevenants, voici, il y a de l'absentéisme scolaire. Cantonnez-vous dans

cela, faites votre job. Alors, on s'est retrouvés dans des contextes où on se retrouve dans des CSS, la plupart du temps, en train d'appliquer des lois et toute cette Intervention sociale qui consiste à développer des structures qui correspondent au monde, des contextes de vie qui correspondent aux gens, la communauté a dû les développer. Dans ce sens-là, Je me dis que non seulement on est fautifs, mais on est encore en train de leur faire un statut particulier en leur disant: On veut bien vous aider, on veut bien vous subventionner. On va le faire sur une base exploratoire. D'abord, on les traite de ressources supplétives et on assure leur survie sur une base de deux ans. En plus, on leur demande, après avoir répondu à 10 000 critères, de s'assurer qu'ils ont un pourcentage de l'ordre de 10 % pour subventionner le contexte qu'ils ont créé. Personnellement, je voudrais les voir sans statut particulier. Je parle trop?

M. Jolivet: Non, non, vous ne parlez pas trop, c'est parce que j'achalais mon collègue, de l'autre côté. Je lui disais: Écoute bien ça, c'est ce que je disais tout à l'heure au député de Taschereau. Effectivement, ce que je crois comprendre, c'est qu'on demande à des gens de faire des choses et d'aller chercher dans la communauté des sommes d'argent additionnelles. Ils vont passer plus de temps à faire ça qu'à faire leur travail et, dans ce sens-là, je ne trouve pas ça correct

Mme Beauséjour: Ils vont passer en plus tout leur temps à essayer de remplir les formules qu'on exige d'eux.

Mme Lavoie-Roux: Une minute, je regrette!

M. Jolivet: Non, minute, elle a droit à sa réponse.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous parlez des dizaines de critères auxquels Ils doivent répondre pour être admissibles, je vous assure qu'heureusement ce sont des gens honnêtes, motivés, etc., parce que c'est vrai qu'ils sont obligés- de les remplir tous les ans. On va examiner pour voir s'il n'y aurait pas moyen qu'ils nous fassent seulement un rapport d'activité. Il reste que c'est l'argent du public, on donne 35 000 000 $. Vous ne pouvez quand même pas envoyer cela dans le paysage. Je veux bien qu'on exagère, mais pas trop.

M. Jolivet: Choquez-vous pas, Mme la ministre!

Mme Beauséjour: C'est peut-être le fait d'avoir travaillé avec des organisateurs communautaires qui travaillaient avec ces regroupements et de voir le temps et l'énergie demandés à ces regroupements pour qu'ils arrivent à pondre quelque chose qui ait des chances d'être acceptable. Ensuite, ce sont encore des démarches qui font qu'on continue à leur rendre la vie précaire. C'est ce statut de précarité que je voudrais qui n'existe pas.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes chanceuse, vous ne l'avez pas dans le réseau parapubllc, le système de précarité.

M. Jolivet: Ce que je veux...

Mme Beauséjour: Je ne comprends pas.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Laviolette, je dois vous indiquer que le temps est expiré. Je vous demanderais donc de conclure et de faire les remerciements d'usage.

M. Jolivet: Je conclurai donc en disant qu'effectivement, et je n'accuse pas le gouvernement en place... Je pourrais même accuser le mien quand il était au pouvoir. Je vais être honnête, je l'ai vécu avec un Intervenant chez moi, au CLSC Normandie, où il a fallu faire des prouesses pour forcer le ministre ou ta ministre à l'époque, au ministère de la...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas la ministre dans ce temps-là.

M. Jolivet: Laissez-moi finir, laissez-moi finir... la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à aider le CLSC à donner une formule alternative à des jeunes qui voulaient se prendre en charge et coûter ainsi moins cher que le réseau public et parapublic.

Donc, pour être bien honnête, je ne le faisais pas pour lancer des pointes à la ministre. Au contraire, je sais les difficultés dans lesquelles elle se trouve. Je dis tout simplement que ces groupes avec lesquels j'ai eu à travailler depuis onze ans, vraiment, on leur en demande beaucoup. Peut-être qu'il faudrait reviser cette position dans la mesure où on profitera d'une politique de santé mentale qui permettra la correction de ces choses. C'est tout simplement cela que je voulais dire, Mme la ministre. Je vous remercie, mesdames, de vos témoignages.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Avant de vous remercier plus formellement, je pense qu'il faut quand même regarder historiquement comment ces groupes se sont développés. Moi, j'ai travaillé longtemps avec des groupes bénévoles et j'ai peut-être contribué à en mettre quelques-uns sur pied dans le temps. À ce moment-là, il s'agissait de bénévolat complet. Il n'y avait pas de subvention, d'aucune sorte. Avec le temps... Je pense que c'est heureux, cela a peut-être donné plus de - comment dirais-je - de continuité à ces groupes-là, cela a peut-être assuré leur durée. Mais, toujours, ces organismes bénévoles, même

s'ils étalent subventionnés - Ils ont été subventionnés au fur et à mesure des années - même sf 35 000 000 $, cela semble beaucoup, quand on les partage entre... Nous en subventionnons au-delà de 1000. Ce n'est pas non plus le Pérou. Il reste qu'ils ont toujours demandé que nous n'Intervenions pas. Le seul contrôle qu'on a sur eux... Vous allez dire: Arrêtez de les contrôler, vous n'avez pas besoin de vous préoccuper de cela, c'est tout du bon monde. Mais on vous contrôle, vous aussi, et il y en a d'autres qui nous contrôlent Ils nous fichent en dehors du gouvernement s'ils trouvent qu'on n'a pas assez contrôlé nos affaires. Alors, vous savez...

Une voix:...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Nous avons encore un petit peu de croûtes à manger, mais c'est la démocratie, je ne m'en fais pas...

M. Jolivet: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: ...c'est notre système et c'est bon. Il faut bien dire qu'ils n'ont jamais voulu... Le seul contrôle qu'on a, c'est quand ils ont une subvention de plus de 20 000 $ ou 25 000 $, là, il doit y avoir une vérification comptable. À part cela, ce qu'ils nous envofent, c'est la demande. Comme vous le dites, les demandes se ressemblent un peu toutes. Il y a une formule, les gens s'y sont adaptés et tout cela. Ils voudraient être assurés du financement sur deux ou trois ans. Mol, je vous dis - je pense que le député de Laviolette pourrait en témoigner également - le renouvellement des subventions est pratiquement automatique. Il est automatique, je dirais, sauf s'il y a des cas de malversation ou si l'organisme a cessé ses opérations. C'est évident qu'on n'est pas pour en envoyer, d'ailleurs, ils sont assez gentils pour nous avertir généralement Dans le fond, ils savent que, s'ils ont eu 20 000 $, l'année d'après, ils vont avoir à nouveau 20 000 $, et, s'ils sont chanceux, ils vont peut-être avoir une petite indexation, il y aura peut-être une petite augmentation.

Vous savez, quand on dit: Ils ne savent pas si d'année en année... Là où Je suis d'accord avec vous c'est que, chaque année, on pourrait simplifier - en tout cas, pour la deuxième année. Au lieu de, refaire ce qu'ils ont fait la première année, on pourrait trouver une formule plus simple de rapport d'activité plutôt que de refaire le même processus que lors de leur première demande de subvention. C'est vrai que des gens disent: Qu'on arrête de leur donner... Il y en a plusieurs qui ont fait la même remarque que vous, en ce sens qu'ils ne devraient pas aller chercher 10 %. Mais, de façon assez étonnante, la CSN a dit: Diminuez cela à 5 %. Vous savez, une fois qu'on les aura subventionnés totalement, est-ce qu'à ce moment-là Ils vont pouvoir garder la même latitude? Souvent, eux-mêmes se sont opposés à cela disant qu'ils voulaient garder cette marge de financement personnel pour conserver cette autonomie qui leur semblait précieuse, et je pense qu'elle est précieuse, elle permet des Initiatives moins formalistes ou formalisées qu'elles pourraient l'être si on exerçait des contrôles beaucoup plus précis sur leur fonctionnement.

Tout ceci pour vous dire que, je pense et j'espère que vous allez repartir en pensant que c'est utile qu'on se penche sur une définition de politique en santé mentale. Je pense que les éléments que vous avez apportés sont très intéressants. J'ai été fascinée par l'approche clinique du Dr Lamarre et, si j'avais encore du temps, |e lui demanderais...

Le Président (M. Doyon): Vous n'en avez plus, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je n'en ai plus, n'est-ce pas?

Le Président (M. Doyon): Non.

Mme Lavoie-Roux: Pardon?

M. Jolivet: Je n'ai pas d'objection à une petite question.

Le Président (M. Doyon): Alors, sur un consentement de l'Opposition, une dernière question, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: L'Association des psychiatres du Québec est venue en étant fort anxieuse... J'ai parlé de leur anxiété. Ce n'est pas souvent qu'un profane se permet de s'adresser aux psychiatres et de leur parler de leur anxiété, et même de leur perte d'identité... Pour eux, c'est toujours Important qu'ils aient le leadership dans le plan de services offert aux personnes qui reçoivent les services de l'équipe psychiatrique. Est-ce que, pour vous, cela apparaît indispensable ou si quelqu'un d'autre pourrait, selon les circonstances, assumer cette responsabilité? J'ai cru comprendre que vous étiez ouverte à cela dans les propos que vous avez tenus au point de départ.

Le Président (M. Doyon): Dr Lamarre, brève réponse.

Mme Lamarre: Oui. Bien, je peux féliciter Mme la ministre de sa perspicacité parce que, de fait, ce qu'on essaie de faire maintenant à l'urgence, par exemple... Je ne suis pas une politicienne, Je n'ai rien à prouver, je n'ai que l'Intérêt de mes patients et l'intérêt de mon travail. Si c'est Intéressant, je me dis que je joue le système en me faisant payer des choses Intéressantes... À l'urgence, on s'est aperçu dans une équipe, je me suis aperçue que le critère de qualité des services était que le patient soit

évalué par le psychiatre dans une urgence. Nous nous sommes rendu compte, pendant les quatre dernières années où on a travaillé avec une équipe bien rodée, avec l'ajout de personnel qu'on a eu grâce aux 200 000 $ qu'on nous a remis pour le désengorgement des urgences, nous nous sommes aperçus que le critère de qualité des services était de mettre des gens. Là, on a mis deux personnes: un Infirmier et un psychologue ou un travailleur social qui avaient la responsabilité de s'Intéresser aux problèmes de la personne qui venait et eux décidaient s'il fallait qu'elle soit vue par le psychiatre ou pas. C'est un plan proposé - on est en train d'essayer de le faire accepter par notre conseil de médecins - c'est un très grand changement, mais, quand je parle de responsabilisation, je me suis aperçue que, si l'infirmier ou l'infirmière voyait le cas et n'était pas responsable du cas, c'était automatiquement, avec toutes les bonnes Intentions du monde, ce n'était qu'un passage à la personne qui décidait, et c'est normal. Si c'est le médecin qui décide, on va passer le cas à l'autre, on n'ira pas au bout de l'affaire. Alors, c'est pour cela que, pour moi, c'est essentiel que la personne qui voit le cas décide pour le cas. Autrement, le travail est moins bien fait et, dans notre urgence, on essaie d'appliquer cela. On est des consultants et, moi, ce n'est pas pour nier ma formation, il en faut des psychiatres, mais, dans la majorité des cas qu'on avait à l'urgence, ce n'était pas une consultation psychiatrique. C'est peut-être dans 15 % des cas qu'il fallait vraiment que je sois psychiatre, c'était ma partie relationnelle dont la majorité avait besoin, de comprendre quel est le problème, qu'est-ce qui fait qu'il y a un conflit et qu'on en arrive à un point où il y a éclatement. C'est pour cela que, pour moi, la partie relationnelle est extrêmement Importante et il faut du personnel qui est formé en psychiatrie ou qui a l'habitude de la psychiatrie. Alors, mol, avec Mme Beauséjour, avec du monde qui est là depuis bien du temps... Ce sont eux qui me font le diagnostic. Ou ils savent quand ils ne peuvent pas le faire et lis me demandent en consultation.

Mme lavoie-Roux: Je pense que je n'ai plus le droit de parole, je vous remercie beaucoup. Je vous remercie du travail que vous faites et de l'échange que nous avons eu. Je pense que cela a été extrêmement stimulant

Mme Lamarre: C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Dr Lamarre, merci, Mme Beauséjour. La période de remerciement est close maintenant et le président constatant que l'ordre du jour est épuisé ajourne les travaux jusqu'au mardi 19 janvier, à 10 heures du matin.

(Fin de la séance à 20 h 15)

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