L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 20 janvier 1988 - Vol. 29 N° 61

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec énoncé dans le rapport Harnois


Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec, tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le Dr Gaston Harnois et rendu public le 30 septembre 1987.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauthier (Roberval) est remplacé par M. Jolivet (Laviolette) et M. Polak (Sainte-Anne) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert).

Auditions

Le Président (M. Bélanger): Excellent! Nous avons quorum. Tout le monde est là. Nous allons donc mettre la rondelle au jeu. Ce matin, nous recevons en premier lieu les organismes communautaires en santé mentale de l'Abitibi-Témiscamingue. Je les invite à prendre place à la table des témoins. Ils sont représentés par Mme Anne-Marie Desmarais du Club des handicapés de Val-d'Or inc., par M. Serge Lauzon du Soleil de Maladie et par M. Bernard Michaud du Regroupement des organismes pour personnes handicapées de l'Abitibi-Témiscamingue.

Vous connaissez sans doute nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et les parlementaires ont 40 minutes pour vous interroger sur le contenu de votre mémoire et, si vous voulez, pour avoir plus de précisions. Donc, 20 minutes au maximum.

Je vous prierais d'identifier votre porte-parole. Lorsqu'un autre membre de votre délégation voudra prendre la parole, je lui demande de bien vouloir se nommer avant de le faire. Pour le Journal des débats, nous devons avoir l'identification exacte. Je vous prie donc de commencer.

Organismes communautaires en santé mentale de l'Abitibi-Témiscamingue

Mme Desmarais (Anne-Marie): Comme vous avez dit que j'étais la déléguée, je dis bonjour à tout le monde. J'espère que notre équipe sera représentative de notre milieu. Comme porte-parole, nous avons M. Bernard Michaud du RAPHAT, qui est l'organisme régional pour les personnes handicapées de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est lui qui aura à définir le rôle de chaque personne qui participe à cette commission parlementaire et à vous donner les grandes lignes de ce dont on parlera.

M. Michaud (Bernard): Dans un premier temps, je vais faire la présentation des gens qui m'accompagnent. Moi-même, je suis Bernard Michaud du Regroupement des associations de personnes handicapées de l'Abitibi-Témiscamingue. On regroupe 22 associations membres locales. Mme Anne-Marie Desmarais est du Club des handicapés de Val-d'Or, un organisme qui regroupe tous les types de déficience. M. Serge Lauzon est du groupe Soleil, l'organisme local et communautaire de la région de l'Abitibi-Témiscamingue dont les buts et les objectifs se situent au niveau de la santé mentale. Il y a Mme Louise Boucher du Centre de bénévolat de la Vallée de l'Or et aussi Mme Josée Bellehumeur qui représente les usagers et usagères du secteur de Malartic.

Le 10 novembre dernier, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, le groupe Soleil de Malartic avait convoqué les organismes communautaires de la région concernés par la santé mentale et plus particulièrement par le rapport Harnois. C'était pour prendre position sur les principaux éléments qui pouvaient toucher notre population, notre secteur. Comme je l'ai dit précédemment, le groupe Soleil de l'Abitibi-Témiscamingue, c'est le principal regroupement, dans notre région, qui a dans sa charte des préoccupations de santé mentale. Les organismes de la région sont concernés directement par l'impact de la désinstitutionnallsation, par l'organisation des services externes en psychiatrie et, bien sûr, par le bien-être des usagers et des usagères.

Malartic est un milieu d'environ 4600 habitants qui accueille le centre hospitalier à vocation psychiatrique et ses bénéficiaires de la région - on vient à Malartic - ainsi que beaucoup d'autres personnes du Québec.

Le RAPHAT, dans la région du Témiscamingue, c'est l'organisme pour la défense et la promotion des droits pour les personnes handicapées et pour les limitations. En fait, on se place dans une situation d'identification des besoins des usagers en ce qui concerne les services psychiatriques et surtout par l'entremise de nos groupes.

Le Club des handicapés de Val-d'Or regroupe 207 personnes dans ce secteur et le club parraine aussi un regroupement local à charte qui touche la santé mentale. Les groupes de prévention du suicide apportent dans notre milieu un soutien aux personnes qui vivent avec des problématiques suicidaires en les dirigeant vers les ressources appropriées. Le Centre de bénévolat de la Valiée de l'Or appuie tous les organismes communautaires du milieu en répondant à leurs problématiques particulières.

Pour ce qui est du rapport Harnois, on a vu qu'il y avait de bonnes intentions qui sous-tendaient l'idéologie et l'axe d'orientation. C'est sûr qu'en ce qui concerne ce rapport il y a

quand même certaines choses qui ne nous sont pas apparues claires. En fait, les bases du partenariat n'étaient pas définies et on ne voyait pas le comment. Le mandat de confier aussi aux CRSSS, dans ce sens, nous a amenés à nous poser beaucoup de questions.

II y a certains thèmes qu'on a considérés et qui avalent quand même été oubliés dans le rapport, c'est-à-dire lorsqu'on parle de l'intégration au marché du travail, lorsque les personnes font le choix d un retour sur le marché du travail ou d'une insertion au marché du travail. En fait, ce choix doit être fait dans le respect des capacités et favorisé au même titre que la possibilité d'avoir accès à des logements convenables ou à des conditions de vie décentes.

On se questionne aussi sérieusement sur les problématiques de systèmes de soins et de services en santé mentale. On nous laisse percevoir que la reconnaissance est faite strictement en regard du pouvoir médical du réseau et que les interventions sont axées seulement sur le traitement. Là, on peut parler des attitudes entre les intervenants et les usagers, des attitudes entre les usagers et la population en ce qui concerne les traitements médicaux et la médication.

Lorsqu'on parle de l'autonomie d'un groupe pour assurer son équilibre et son plein sens, ce qu'on voit dans le domaine de la santé mentale, c'est que le ministère puisse assurer quand même l'émergence de nouvelles ressources alternatives communautaires dans les principales villes où il y a un noyau de personnes aux prises avec des problèmes émotionnels et qui n'ont pas d'autre choix que de passer par le réseau.

Le rôle des ressources alternatives est de déterminer ce rôle dans l'application de la politique, de reconnaître aussi légalement le rôle de ces ressources alternatives, ce qui Implique aussi que l'on prévoit les moyens et les outils nécessaires d'intervention qui puissent garantir l'autonomie complète de ces groupes.

Le partenariat, en fait, pour nous, ce serait définir des règles claires et uniformes et pour toute la province, pour permettre aux ressources de participer au développement des services en santé mentale dans les municipalités et pour établir un équilibre entre les besoins de la population, des usagers, des organismes communautaires et des institutions en place.

Partenariat à part entière. La présente politique détermine clairement les responsabilités de l'État dans le partenariat. II faudrait que le rôle de l'État soit clair en ce sens-là et l'organisation des services faite selon les besoins de la communauté en tenant compte des disparités existantes et que les ressources alternatives, qu'on considère très importantes, soient associées à part entière à l'organisation des services On a suggéré aussi un modèle pour favoriser la promotion de la santé mentale dans une municipalité. On a pensé à un comité multipartite composé de représentants des ressources alterna- tives, de comités de citoyens représentant la population, les commerçants, le CLSC, le CSS, les institutions et services connexes et les usagers et usagères.

Que le financement soit assuré par le ministère lui-même. Le mandat serait d'évaluer les besoins identifiés par chacun des représentants, de trouver des solutions, de fixer les priorités et de s'assurer de la disponibilité de la gamme des services prévus par la politique.

Enfin, les recommandations qui ressortiraient seraient acheminées aux CRSSS. Un rapport serait envoyé au ministère pour qu'il veille à ce que les CRSSS répondent aux demandes du milieu.

Attendu que tous les groupes communautaires s'adressent à une même clientèle et qu'ils sont égaux dans leur action, on recommande qu'ils soient considérés par le ministère et traités de manière uniforme, que les enveloppes budgétaires soient proportionnées aux services offerts, que la barrière entre les ressources intermédiaires, alternatives et communautaires soit franche et clairement définie, que le ministère s'assure qu'il n'y ait aucune ingérence dans la gestion de ces groupes et leurs programmes.

On dit aussi qu'en Abitibi-Témiscamingue la répartition des services psychologiques et des services psychiatriques n'est pas uniforme. On recommande qu'il y ait équité dans la répartition de ces effectifs et ce, dans tous les secteurs de la région. On met aussi en doute que la présence des nouveaux psychiatres ait amélioré la qualité des soins et qu'il y ait plutôt répartition égale de ceux-ci dans la région.

C'est une présentation générale du mémoire qui a été déposé et on serait prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, M. Michaud. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M le Président Je veux remercier les porte-parole des organismes communautaires en santé mentale de la région de l'Abitibi-Témiscamlgue. Je vais passer immédiatement aux questions sans résumer d'abord votre mémoire et les problèmes principaux que vous énumérez. Une chose me frappe, c'est ce qui m'apparait comme étant - c'est peut-être fondé, remarquez bien - vos appréhensions - Je vais appeler cela vos appréhensions - vis-à-vis du rôle que le Conseil régional de santé et des services sociaux peut jouer.

Une des recommandations du rapport Harnois, c'est justement de redonner au conseil régional des responsabilités de planification régionale et sous-régionale en santé mentale. Je dois vous dire qu'à cet égard nous avons reçu ici les représentants de la région de l'Outaouais qui, par ce truchement-là ou par ce mécanisme-là, ont réussi - enfin, il faudra évaluer les résultats un peu plus tard - mais il semble, en tout cas, dans un premier temps, qu'ils aient

réussi à planifier des approches non seulement régionalement, mais aussi sous-régionalement, et à mettre en place des ressources qui semblent satisfaire les besoins des personnes qui ont des problèmes de santé mentale.

Ce qui m'a le plus frappé, c'est que cela m'est apparu comme probablement la seule région du Québec - en tout cas c'est la seule ou on a pu le constater - ou celui qui a un problème de santé mentale aigu peut avoir accès à un service ou à quelqu'un d'autre 24 heures sur 24.

En tout cas, tout ceci pour vous dire que la planification semble fonctionner au niveau régional et cela ne semble pas être le cas en Abitibi. On se demande même. en dépit de vos recommandations ou vous dites. Écoutez, il faudrait des modifications d'attitudes il faudrait que les rôles soient répartis autrement, etc., sans cela, il n'y a pas de possibilité.

Mais je sens que c'est même plus profond que cela. J'ai l'impression que ce que vous dites demeurerait des voeux pieux et que nous pourrions dire, dans ce sens-là, compte tenu de ce qui semble être une réelle brisure entre les organismes communautaires et le conseil régional de la santé. C'est en ce sens, je pense, que vous dites - je ne voudrais pas trop simplifier - qu'il ne faut pas donner rien de plus au CRSSS, au contraire, il faut qu'on ait localement des comités qui soient composés d'un représentant de la municipalité, dites-vous, de groupes d'usagers, du CLSC, etc. Mais partout, le conseil régional est exclu. Est-ce une situation absolument définitive ou qu'est-ce qui a amené ce climat?

M. Michaud: En fait, si on regarde la structure du réseau, dans le rapport, il est sûr qu'on voyait un rôle de planification et de coordination pour le CRSSS. On voyait aussi qu'il y avait approbation de ce suivi par le ministère. Mais dans la pratique, si on regarde le nombre d'organismes dans une région qui peut avoir pour objet la santé mentale dans sa charte, on voit que cela permet quand même un très grand éventail au niveau du CRSSS. Si on parle de I'organisation du service, on planifie, on coordonne, on peut aller en consultation avec notre milieu et on peut voir aussi plusieurs organismes qui sont issus du même réseau et qui se situent entre les deux.

Quand on parle de la consultation, vous étiez assis à la table dans l'organisation de vos services, oui, mais comment? Quels groupes seront assis également lorsqu'il y a peut-être de 22 à 30 groupes dans une région? Lequel de ces groupes ira s'asseoir là? Est-ce le groupe qui aura la philosophie ou la ligne de pensée de l'organisation des services? Si on pense réseau, si on pense traitements, interventions ou institution, la façon pour les ressources alternatives de se faire entendre là-dessus et de pouvoir participer d'une façon bien définie - en principe, on irait même jusqu'à dire de pouvoir participer à la décision - la mécanique n'est pas apparente. Ce qui permet de donner toute la latitude au CRSSS de coordonner, de planifier et d'associer qui il voudra bien. Ainsi, on dira Vous participiez à cela.

Donc peut-on dire que l'organisation des services est vraiment issue du milieu? Peut-on dire que les groupes sont vraiment les ressources alternatives qui proviennent de la base, dans ce qu'on volt comme développement. II y aurait peut-être aussi M Serge Lauzon qui pourrait apporter quelques compléments de réponse. (10 h 15)

M. Lauzon (Serge): On dit tout le temps que le passé est garant de l'avenir. II est certain qu'en Abitibi-Témiscamingue, ou des ressources existent en santé mentale, le chemin n'a jamais été celui du CRSSS, il a toujours été. Comment pourrais-je dire? Quand le CRSSS, en 1963, a présenté un projet pilote pour voir ce qui pourrait être fait de mieux en santé mentale, un peu comme le rapport Harnois. on disait qu'il fallait consulter tous les partenaires, etc, mais il n'y a jamais eu de consultation directe des usagers et usagères ni de la population en général non plus. Finalement, les choses sont toutes préparées par les gens en place. II ne faut pas se le cacher, ce sont pratiquement tous des d g d'hôpitaux qui se retrouvent dans les conseils d'administration des CRSSS, etc. Donc, tout est préparé selon la philosophie institutionnelle.

S'ils mettent leur brique sur la table et disent. On part avec cela pour discuter, je verrais mal comment les gens qui n'auraient pas participé dès le départ à un processus pour trouver une solution ou un consensus régional pourraient arriver du jour au lendemain et présenter une contre-argumentation ou trouver autre chose. Ce serait une tâche très difficile. Finalement, où est la place des usagers et usagères là-dedans? Où est la place de la population, en pratique, là-dedans? Si on regarde dans le passé et si on regarde même ce qui est actuellement proposé, leur place n'est pas là. Le désir est là, mais la place comme telle n'y est pas.

Quant aux ressources alternatives, je sais que, par exemple, notre ressource était reconnue comme un service essentiel. Tout le monde reconnaissait cela de A à Z, même ici, à Québec. Le ministère de la Santé et des Services sociaux, l'hôpital, etc, enfin, tout le monde le reconnaissait Pourtant, quand on fait des demandes au CRSSS, il n'y a rien qui se passe. D'autres personnes - par exemple, il y a un troisième congrès qui va se tenir dans notre coin - arrivent de but en blanc, ils n'ont pas besoin de planifier quoi que ce soit, ils ont tout de suite l'argent, tandis que nous, on est toujours laissés pour compte, il faut toujours passer par la députation ou par en arrière afin de réussir à avoir quelque chose. On n'a jamais de garantie de quoi que ce soit, etc, alors que tout le monde est unanime à dire qu'on est essentiels.

De plus, la vision des ressources alternatives, je crois que souvent elle est très mai comprise, lis voient l'alternatif comme de l'occupationnel, où on va placer des usagers issus du phénomène de la désinstitutionnalisation; on va ies mettre dans un coin pour qu'ils ne dérangent pas dans les cliniques externes, dans les restaurants ou dans des endroits comme ceux-là. On fait seulement les parquer là. On ne reconnaît pas que les ressources alternatives puissent avoir une intervention qui va faciliter la réinsertion sociale de ces gens sortis du réseau, pas nécessairement avec un soutien adéquat. À ce moment-là, le seul fait de ne pas avoir cette vision des ressources alternatives fait que finalement on est un peu laissés pour compte et qu'on a une tâche très secondaire; on est plus considérés comme des - excusez l'expression - femmes de ménage que comme des gens qui peuvent réellement avoir une idéologie d'intervention et qui peuvent donner réellement un service adéquat.

L'alternatif, ce qu'on entend par là, ce n'est pas nécessairement offrir une alternative à des plans d'intervention, mais beaucoup plus offrir des services que le réseau n'offre pas. Il y a beaucoup de services que le réseau n'offre pas et qu'une ressource alternative peut facilement offrir, et même à un coût moindre. Si on ne fait que regarder le coût d'un psychiatre, son salaire, on fait marcher avec cela une ressource alternative pendant un an. C'est beaucoup plus naturel, cela rentre dans le désir que le gouvernement a, celui de la désinstitutionnalisation. Le gouvernement désire depuis nombre d'années que la population s'implique, que les usagers et les usagères aussi s'impliquent dans leur processus de réinsertion, qu'ils prennent ia part de responsabilités qui leur revient, sauf que nulle part ils ne peuvent y participer, finalement.

C'est dans ce sens-là qu'on dit: Dans nos pratiques alternatives, étant donné notre marginalité ou étant donné qu'on est basés aussi sur une philosophie d'entraide, une philosophie de bénévolat, cela laisse beaucoup de place à une implication de la population. A ce moment-là, on considère qu'on peut donner un service très adéquat et que le ministère de la Santé et des Services sociaux a les outils et les expertises nécessaires pour vérifier si le travail qu'on fait répond à ses cadres et s'il a une certaine efficacité, etc. On ne veut pas être en cachette, on ne veut pas être cloisonnés ni marcher en dessous de la table...

Mme Lavoie-Roux: Je vous interromps... M. Lauzon: Oui.

Mme Lavoie-Roux:... parce que vous allez prendre mes 20 minutes.

M. Lauzon: D'accord. Je pourrais en dire beaucoup plus là-dessus, mais en tout cas pour résumer, on n'a rien qui peut nous laisser croire, de façon tangible, que cela nous laisserait le droit même de penser.

Mme Lavoie-Roux: Ce que je crois comprendre, c'est une question de représentation dans les décisions du CRSSS. SI les usagers, les représentants des organismes bénévoles, communautaires ou alternatifs, quoique je ne veuille pas mettre les trois dans le même panier nécessairement, avaient une meilleure représentation, est-ce que vous pensez qu'on pourrait évoluer vers une meilleure collaboration entre chacun de ces éléments, sans que les uns soient pénalisés par rapport aux autres ou que les uns soient uniquement favorisés par rapport aux autres? Est-ce que s'il y avait une meilleure représentation... D'ailleurs, il y en a plusieurs qui sont venus nous demander, en particulier de la commission administrative de la psychiatrie - il me reste deux minutes, je suppose... Le Président (M. Baril): Non, madame...

Mme Lavoie-Roux: Quand je les vois écrire leur petit papier! Ils sont venus nous demander Est-ce que vous pensez quand même qu'on pourrait essayer de travailler? Sans cela, on va continuer chacun dans nos directions. C'est exact que le rapport Harnois dit: Si on continue chacun dans nos chemins parallèles, le bénéficiaire se trouve toujours, à un moment donné, entre deux chaises ou parfois en contradiction. Est-ce qu'une meilleure représentation pourrait être un élément qui aiderait à résoudre le problème, pas demain matin, si vous voulez, mais...

M. Lauzon: Disons qu'il faut être conscients que l'Abitibi en soi, c'est quasiment un pays et à ce moment-là chaque ville a pratiquement ses couleurs. Il faut rester en Abitibl pour comprendre cela. Nous, ce que nous voyons...

Mme Lavoie-Roux: On voit un peu cela ici aussi.

M. Lauzon: On n'est pas contre l'idée de s'asseoir ensemble. Au contraire, dans les propositions qu'on fait, on assoit le bon monde à la bonne place. Où est-ce que la population peut réellement le plus s'impliquer, si ce n'est pas dans sa propre ville? Dans les structures que nous proposons, on demande justement que les gens qui sont dans leur propre milieu aux prises avec leurs propres problèmes particuliers s'asseoient ensemble et qu'ensemble ils trouvent des solutions. Nous avons déjà expérimenté cette formule dans le secteur de Maladie où l'hôpital, des représentants du CRSSS et du CLSC, des gens d'affaires, la population, les usagers et les usagères se sont assis ensemble autour d'une table. Là, chacun peut parler de ses problèmes et tout le monde essaie de trouver ce qui est le

mieux Cela ne va pas dans le sens contraire de ce que vous proposez, sauf qu'au lieu dêtre noyés dans un régionalisme, on dit. Pourquoi chacun dans son petit coin avec ses affaires à lui ne s'arrange pas avec les autres? Ce serait beaucoup plus efficace.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas dans l'esprit des recommandations que tout soit épelé par le CRSSS et que les gens localement, que ce soit à Malartic, à Rouyn-Noranda, à Val-d'Or ou à Amos, soient tenus d'exécuter un dessin très précis qui aurait été pensé par le CRSSS. Au fond, le CRSSS avec les différentes sous-régions leur laisse suffisamment de latitude, mais d'un autre côté il faut quand même qu'il y ait un certain cadre de référence.

Sur cela je m'arrête. Je voulais simplement que vous m'expliquiez une chose. Dans votre introduction, vous dites. "Nous avons le sentiment très net d'un recul des actions concrètes amorcées aux années soixante" II est bien sûr que ce qui a été amorcé au début des années soixante a été une désinstitutionnalisation un peu à la va-comme-je-te-pousse. S'il faut qu'on retourne même devant cela, Je voudrais que vous me le justifiiez. J'ai l'impression que, fondamentalement, le partenariat vous fait peur, parce que vous avez peur d'abord d'être récupérés - vous l'avez écrit en noir et blanc - vous avez peur que, finalement, vous ayez encore moins d'autonomie que la petite autonomie ou les ressources que vous pouvez avoir. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous pouvez dire que le rapport Harnois est un recul par rapport aux actions des années soixante.

Mme Desmarais: C'est peut-être un grand mot de dire que c'est un recul. Tout de même, nous entrevoyons mal nos chances d'avancement. Si on voit tous les comités d'étude qu'il y a eu depuis X années, on est toujours au même point, on n'avance pas dans tout ce qui est pour personnes handicapées, affaires sociales, CLSC ou peu importe. Si je vous dis que, pour les personnes handicapées à Val-d'Or, le CLSC n'est pas accessible, vous pouvez voir une marge. Nous avons commencé à travailler, cela fait environ quinze ans que nous avons demandé l'accessibilité et nous ne l'avons pas encore dans un nouveau service. C'est peut-être cela qui nous fait dire des mots comme recul. Maintenant, nous travaillons pour la désinstitutionnalisation. Autrefois, en 1960, nous travaillions pour contester et pour faire entrer des gens en institution, mais on est arrivés sur un chapiteau, on a reviré de bord, mais qu'est-ce qu'on a fait de travers? On défait ce que nous avons commencé dans ces années.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas le temps de répondre à cela, parce qu'il y a un collègue qui veut intervenir avant Je vais le laisser faire Merci, madame.

Le Président (M. Baril): M le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le résumé de votre mémoire. Vous l'avez fait rapidement compte tenu du temps qui est disponible. Lorsqu'on regarde ta trame complète de votre mémoire, on ne peut pas dire que nous sommes en désaccord profond avec vous. Au contraire. Même si vous êtes d'Abitibi-Témiscamingue, on ressent des problèmes à peu près équivalents dans d'autres régions. Quand on regarde justement la façon dont le CRSSS est formé, avec souvent la défense pour les membres du conseil d'administration du CRSSS de protéger un peu leurs institutions, dans ce contexte, ce qu'on ressent probablement - je vous pose la question - vous l'avez ressenti de la même façon, le CRSSS dit. On est bien d'accord avec tout cela, on sent que c'est bon, votre affaire, mais poussez à Québec parce que, à Québec, ils vont vous débloquer de I'argent et vous allez l'avoir. Finalement, ce qu'on ressent en cours de route - je l'ai vécu chez moi - c'est que le CRSSS dit. C'est une très bonne idée, cela va très bien, mais nous n'avons pas d'argent pour vous, c'est Québec qui va débloquer cela. Alors, vous faites des pressions sur Québec qui dit. Oui, mais le CRSSS a de l'argent pour telle et telle chose. (10 h 30)

Finalement, vous vous sentez un peu coincés entre le CRSSS, le conseil des CSS, les CSS régionaux qui disent à peu près la même chose et Québec qui dit. On n'a pas d'enveloppe protégée par le CRSSS. En conséquence, vous faites des pressions sur votre député qui débloque de l'argent à Québec et finalement le CRSSS est obligé d'embarquer, avec un budget qui vous est donné annuellement et qui ne vous permet pas d'être sûrs d'année en année. II y a les demandes qu'on peut faire aux groupes communautaires. II y a des demandes qu'on peut faire au CRSSS lui-même. Et finalement vous vous retrouvez d'année en année. C'est ce qu'on disait, il n'y a pas de sûreté, dans un programme de deux ans, de trois ans, surtout de trois ans, qui permettrait de vous assurer une viabilité et de faire le partenariat que vous voulez, vous aussi. Je suis sûr que vous n'êtes pas contre ce phénomène, dans la mesure où vous sentez que vous avez une voix et que, de temps en temps, vous avez une écoute tellement attentive que c'est votre idée qui passe. Mais si vous avez toujours l'impression qu'on récupère votre idée et que finalement on ne la met pas en pratique autrement que par les institutions, vous vous sentez un peu mis de côté Est-ce que je me trompe quand je présente les choses comme cela?

M. Michaud: Non Je pense que c'est un peu le sens auquel on revient. Si le CRSSS choisit ses joueurs pour s'asseoir à la table pour la

consultation ou l'organisation des services et si on donne ce pouvoir au niveau régional, il est sûr qu'on aura une équipe sans problème. Donc, dans le milieu, si on a la même façon de voir, il n'y a pas de problème, tout est beau. S'il y a divergence dans la façon dont l'attribution des budgets va se faire, on va chercher à avoir une équipe comme telle. Par contre, le fait qu'on voyait de la part du ministère une garantie un peu plus grande dans les demandes adressées pour les subventions, cela permettait de dire: L'étude sera beaucoup plus basée sur des critères d'attribution précis, scientifiques, etc., en termes de services rendus et autres. Dans une région, le phénomène qui peut se présenter, c'est que cela enlève quelque chose de sain à la représentation du milieu, pour ce qui est du rôle. On parle de rôle communautaire et on parle de partenariat, mais si on détermine qui vient s'asseoir, le partenariat est loin.

M. Jolivet: Dans votre exposé général, à l'introduction 2. 1, vous dites: "Pour nous, le fait que les véritables responsables du partenariat souhaité ne soient pas clairement identifiés ni la façon d'appliquer les orientations arrêtées nous laissent déçus. " C'est la première chose que vous dites. Et vous dites: 'Les regroupements craignent d'être récupérés par le partenariat, que ça serve davantage aux intervenants. " - Vous parlez probablement des institutions, à ce moment-là. - "Être partenaires, c'est être égaux dans nos interventions, l'usager comme le professionnel, le bénévole comme le psychiatre ou le psychologue. Est-ce cela, le partenariat souhaité? Si c'est oui, cela peut changer votre idée. Dans ce contexte, je vous pose la question suivante: Si, au niveau du CRSSS, pour la santé mentale il y avait une enveloppe protégée, s'il y avait un changement quant à la commission qui s'occupe de la santé mentale, une représentation où vous êtes présents comme groupe alternatif ou communautaire, est-ce que votre idée serait différente de ce que vous dites du rapport Harnois?

M. Lauzon: II ne faut pas penser que le fait d'être au CRSSS ou non, c'est une question de sous. Si vous n'avez pas d'argent, vous ne vivez pas, c'est garanti. Mais c'est plus que juste une question de sous, je pense. Quand on est une ressource alternative, on est un peu, comme on pourrait dire, en marge de la société, etc. C'est justement ce qui fait un peu notre force. C'est comme si on était réinstitutionnalisés finalement en rentrant dans le réseau. Cela sous-tend cela aussi, en même temps. Ce n'est pas juste une question de sous. Il ne faudrait pas penser qu'on a peur que ceux qui siègent au CRSSS décident d'envoyer leur argent ailleurs ou des choses comme celle-là. Ce n'est pas juste cela. Je ne sais pas si vous saisissez. S'il y a des garanties quelque part là-dessus, tant mieux! D'accord, on ne crachera pas là-dessus comme de raison. Mais il faut bien penser que ce n'est pas seulement une question de sous, c'est une question de philosophie en même temps.

M. Jolivet: C'est une question de mentalité pour les personnes qui interviennent dans le système. Je donne un exemple. Hier soir, on avait l'occasion de rencontrer le dernier groupe où un psychiatre d'un hôpital psychiatrique de Montréal, avec un groupe alternatif communautaire dans le milieu, a dit: Moi, j'ai décidé aujourd'hui d'aller voir ce qui se passe à l'extérieur; comme on parle de désinstitutionnalisation, je veux savoir où vont les personnes que je veux envoyer à l'extérieur de mes murs. Dans ce contexte-là, au lieu de rester seul avec ses idées, il a décidé d'aller dans le milieu, il est allé voir les groupes autour, le Chaînon et d'autres personnes qui étaient ici hier. Avec elles, il a regardé comment une personne en institution pourrait faire le joint pour aller dans une vie plus normale, dans un milieu plus naturel et à ce moment-là avoir une mesure de transition entre l'institution et la vie normale. Dans ce contexte-là, il a bougé de son bord. Ce que vous demandez, c'est que d'autres personnes du CRSSS ou des institutions le fassent, parce que vous êtes prêts à le faire, si j'ai bien compris. Dans ce contexte, le partenariat, ce serait de faire chacun notre bout de chemin pour permettre que toutes les ressources du milieu et des institutions soient utilisées pour le bien-être des personnes que vous avez sous votre responsabilité.

M. Lauzon: Oui, je suis d'accord avec cela.

M. Jolivet: Je reviens. Vous dites des choses, dans vos commentaires essentiels à l'article 2. 2, qui m'ont laissé un peu sur mon appétit, dans le sens où on vit cela un peu partout. Je vais les reprendre là où vous dites: "Le CRSSS, dans la pratique, se préoccupe davantage des problèmes du réseau que de la population et des ressources communautaires alternatives en santé mentale. " Donc, il s'occupe plus du réseau que de la population et des ressources communautaires. C'est ce que vous dites. En deuxième lieu, à la page suivante, vous dites: "Pour se faire entendre, les citoyens et les groupes communautaires passent presque exclusivement par le député de leur secteur et/ou directement par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Quand on passe par le CRSSS, nous aboutissons de toute façon au ministère. Et si une action est prise, dans la plupart des cas. elle a obtenu la sanction par Québec. " Pour terminer, vous dites plus loin: "II n'y a pas à l'heure actuelle une reconnaissance dans la région. Incluant le CRSSS, des ressources alternatives communautaires. " Cela veut dire que, actuellement, l'un des problèmes que vous avez chez vous, c'est ce changement de mentalité-là, si je comprends bien.

M. Lauzon: Effectivement et d'ailleurs à plusieurs niveaux. II n'existe pas non plus de comité de bénéficiaires, par exemple dans les institutions exclusivement psychiatriques. Comme à Malartic, il n'y a pas de comité de bénéficiaires. Par exemple, le comité de citoyens s'était un peu insurgé parce qu'il trouvait que la tolérance de la population n'était pas respectée. Encore là, ils sont obligés de venir ici, à Québec, pour faire entendre leurs doléances. Si Québec n'avait pas fait pression sur le CRSSS, il n'y a rien qui aurait bougé pour asseoir les gens ensemble et faire en sorte qu'ils jasent. II y eut récemment une tournée ministérielle et on a été chanceux, on a eu un bon mot de M. Voisine qui a fait en sorte qu'on puisse venir ici et qu'on ne soit pas obligés de tout payer de nos poches. Ce sont des choses comme cela. Eux, ils ne font jamais rien spontanément dans ce sens-là. Quand il arrive des affaires de l'extérieur, si cela met l'Abitibi sur la "map", ah là! d'accord, ils sont prêts à faire presque n'importe quoi. Mais quand ce sont des choses concrètes de la vie quotidienne, pour cela ils n'ont rien à faire.

Quand on parle de jaser, il faut le faire aussi avec le langage que les gens ont, pour que les usagers et usagères soient capables d'avoir le même langage que les intervenants du réseau. Cela leur prend des outils ou des interprètes pour être capables de le faire, pour être capables d exprimer clairement leurs besoins.

Je me rappelle à un moment donné que le groupe Soleil avait fait une recherche sur la qualité de vie. On s'est assis avec les intervenants, on a présenté notre affaire et, à un moment donné, ils se sont aperçus. Ah! regarde donc cela, on faisait telle ou telle intervention et on y allait dans le beurre parce que, finalement, il y avait autre chose à côté qui faisait que cela nuisait à l'intervention qu'on faisait. C'est pour cela que ça tournait en rond.

À un moment donné, j'entendais lors d'une émission télévisée quelqu'un - je ne me rappelle pas si c'est M. Harnois - qui disait. Même déjà, actuellement, le ministère de la Santé et des Services sociaux répond à un faible pourcentage des demandes et de tous les besoins qu'il peut y avoir au niveau de la santé mentale. II est sûr que le réseau qui est là est lui-même essouflé. Ces personnes sont là seulement pour maintenir des choses plutôt que de faire progresser des choses. À ce moment-là, ils ont peut-être moins le temps d'aller voir réellement ce qui se passe avec la désinstitutionnalisation. Je lisais un cahier qui venait du gouvernement du Québec sur la désinstitutionnalisation en santé mentale qui disait clairement qu'il y avait eu désinstitutionnalisation de la clientèle, mais il n'y avait pas eu désinstitutionnalisation des services.

Ce sont toutes des choses avec lesquelles le client compose, et quand il arrive à l'extérieur, il est aux prises avec lui-même et quand il se sent mal pris, la seule chose qu'il y a à faire pour se protéger, c'est d'avoir des comportements qui vont faire en sorte qu'il va entrer en dedans pour avoir cette protection. Je pense que ce sont ces choses-là qui pourraient être évitées, et qui coûtent énormément chères à la société. Les ressources alternatives sont très près du milieu et étant donné que le milieu s'implique très facilement dans une ressource alternative et que c'est plus difficile de s'impliquer dans une institution à ce moment, ces changements d'attitude souhaités par tout le monde se feraient beaucoup plus rapidement qu'en continuant à garder quelque chose en haut quelque part Je vais dire comme les Chinois disent. Si chacun nettoyait le devant de sa maison, toute la ville serait propre. Je pense que c'est à peu près dans ce sens-là que nous, on veut aller, quand on parle de nos comités multtpartites locaux.

M. Jolivet: C'est pour cela que je reviens à la fin de votre texte, à votre recommandation numéro 1 où vous dites. "Que le ministère assure l'émergence de nouvelles ressources alternatives communautaires dans les principales villes ou il y a un noyau important, etc", que le ministère assure leur survie financièrement et leur autonomie" et "qu'il favorise le partenariat" dont on faisait mention.

Vous terminez en disant "Les recommandations" - parce qu'il va avoir un financement et le groupe va faire des recommandations - "les recommandations ayant obtenu consensus seraient acheminées au CRSSS et un rapport serait envoyé au MSSS, au ministère, pour que ce dernier veille à ce que le CRSSS réponde aux demandes "

Vous ne trouvez pas que, si vous présentez une équipe de partenariat où vous voulez changer des mentalités, ce ne serait pas nécessaire, cette chose-là? Au fond, ce que vous deviez avoir, c'est la confiance mutuelle de l'un à l'autre. C'est là que je vous pose la question. S'il y avait une enveloppe protégée pour la santé mentale et les groupes communautaires alternatifs, le réseau aurait sa part de gâteau dans la mesure où le groupe de partenariat que vous souhaitez le distribue équitablement. Vous n'auriez pas besoin de faire un pélerinage à Québec ou de presser votre député pour qu'il fasse des pressions à un moment donné sur la ministre actuellement en place ou sur un autre pour que le CRSSS agisse. Ne croyez-vous pas que c'est du temps perdu et que s'il y avait un véritable partenariat, vous ne seriez pas obligés de faire cela?

M. Lauzon: Probablement que oui. II ne faudrait pas seulement avoir un budget protégé, mais s'assurer que, toutes les fois qu'on téléphone au CRSSS en ce qui concerne la santé mentale, ce soit au moins deux fois de file la même personne qui réponde, parce que c'est un roulement tellement fort que tu es toujours obligé de recommencer les dossiers, parce que ce

n'est jamais la même personne qui est là. Il y a toujours quelqu'un de nouveau, soit qu'il est parti, transféré de place, en congé de je ne sais pas quoi. Alors, c'est cela aussi qui fait que le fonctionnement des CRSSS devrait être tout chambardé pour faire en sorte au moins que tu sois capable d'avoir quelqu'un quelque part avec qui communiquer.

Si pour nous, en Abitibi, c'est plus facile d'avoir accès au député que d'avoir accès à une personne qui intervient au CRSSS, quand tu as un besoin, tu t'organises pour aller voir celui qui veut te répondre et non pas celui qui t'envoie à Pierre, Jean, Jacques, alors que tu es obligé de tourner en rond tout le temps. Cela aussi, il faudrait que ce soit inclus dans l'affaire. Ce n'est pas juste une question de sous aussi.

M. Jolivet: Ce que j'ai bien compris, c'est une question de mentalité à changer, suivant laquelle les gens se font confiance les uns les autres et travaillent dans le même sens avec les capacités qu'ils ont de réagir dans chacune de leurs interventions, selon le milieu dans lequel ils sont.

M. Lauzon: C'est cela. C'est dans ce sens-là aussi qu'on demandait que le ministère de la Santé et des Services sociaux l'inscrive dans la loi, s'il accepte les recommandations que le Comité Harnois fait en ce qui concerne le partenariat et la place qui va être donnée aux ressources alternatives et à l'usager et à l'usagère. Que cela ne reste pas juste un voeu pieux sur les tablettes.

C'est dans ce sens-là aussi, car des voeux pieux... l'enfer est pavé de bonnes intentions. Ce n'est pas tout de faire des voeux ou de bien cerner la problématique, mais il faut donner des outils en même temps. Cela, c'est essentiel. Je pense qu'en donnant au CRSSS un certain monopole ou, en tout cas, un certain chèque en blanc sur tout ce qui devrait être bon et rentable dans une région pour répondre aux besoins, cela ne veut pas nécessairement dire que, dans la pratique, cela va se faire. (10 h 45)

M. Jolivet: Deux autres questions, l'une traitant de vos recommandations 14 et 17 dans lesquelles vous dites: 'Nous recommandons qu'ils soient considérés par le ministère et traités de manière uniforme" en parlant des groupes communautaires. Vous dites à la fin: "Que le ministère s'assure qu'il n'y ait aucune ingérence dans la gestion de ces groupes et leurs programmes. J'aimerais connaître votre pensée là-dessus parce que, jusqu'à maintenant, si on amène les gens à leur donner un montant d'argent, il faut s'assurer que les services soient donnés. Donc, tout le monde n'a pas d'objection à ce que l'on vérifie si le service est rendu, mais vous allez un peu plus loin, à mon avis, en disant: "Aucune ingérence dans la gestion de ces groupes et de leurs programmes". J'aimerais connaître votre opinion.

M. Lauzon: Je pense que cela touche plus l'aspect philosophique de la ressource. Par exemple, une ressource comme la nôtre, on a décidé d'adopter une philosophie d'un certain type: Par exemple, on considérait qu'un ex-patient, qui avait lui-même réussi à se réinsérer socialement d'une façon adéquate, pouvait servir de modèle et pouvait, comme ressource, être encore plus apte que celui qui a passé cinq ou six ans à l'université pour donner le genre de service qu'on veut donner. On aimerait que cela soit accepté. On sait qu'en pratique, chez nous, quand on a voulu faire cela, les professionnels comme tels et les gens du réseau nous disaient: Ah! vous ne serez jamais capables de rien faire; vous êtes inaptes, patati et patata; vous ne serez jamais capables de gérer rien et des choses semblables.

Encore là, c'est une question d'attitude, me direz-vous là-dessus, mais il reste que c'est en ce sens qu'on ne veut pas subir d'ingérence.

Nous ne voulons pas subir d'ingérence dans le sens que, si nous décidons d'avoir tel type d'orientation, parce que cela répond aux besoins de nos gens... Encore là, je citerais le document sur la désinstitutionnalisation en santé mentale, fait par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, qui disait que, bien souvent, la perception et la vision des besoins par les usagers et les gens du milieu étaient souvent diamétralement opposées à celles des gens du réseau, parce que les gens du réseau analysent, alors que les gens du milieu sentent. Le rationnel opposé à l'émotionnel n'a jamais fait rien de bon.

M. Jolivet: Mais d'une façon ou d'une autre, vous ne serez pas surpris d'apprendre que j'appuie même des groupes dans mon coin qui, eux, sont des ex-psychiatrisés qui veulent agir au même titre que des organismes aidant les gens qui ont des problèmes d'alcool. Ayant vécu des problèmes, ils connaissent peut-être le meilleur moyen de s'en sortir, mais il faut quand même qu'ils soient soutenus par des gens.

Ma dernière question va dans ce sens, parce que je pense que les travaux se terminent. Vous dites qu'il devrait y avoir répartition égale de ceux-ci dans la région, en parlant des psychiatres. Je vous pose une question qu'on a posée à des groupes de psychiatres. Est-ce que les médecins omnipraticiens, préparés pour répondre à cela à l'intérieur des institutions hospitalières, ou des infirmières de niveau post-collégial ou post-secondaire et formées en vue d'un bac en psychiatrie seraient des moyens de régler la pénurie actuelle?

M. Lauzon: Cela pourrait être un excellent moyen. En tout cas, c'est mon opinion personnelle, parce qu'on ne s'est pas penchés particulièrement sur la question que vous nous posez

là. Personnellement, je verrais bien cela. Même si l'Abitibi est éloignée, ce n'est quand même pas l'Afrique, On n'aime pas que les colonisateurs ou les coopérants d'autres pays... Je veux dire que cela fait un petit peu... Je pense qu'on est capables dans notre coin de se prendre en main. Il s'agit de se faire donner des outils et l'argent nécessaire.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. Le rapport vise la sensibilisation. Vous-mêmes, dans votre recommandation, vous dites que c'est le ministère qui doit fournir aux groupes de base les outils et les fonds nécessaires pour sensibiliser et informer la population, les intervenants, etc. C'est la recommandation 2. 3. Avez-vous déjà des programmes de sensibilisation en marche? Sinon, pouvez-vous préciser les types de programmes dont vous parliez? Deuxièmement, avez-vous fait des programmes dans les écoles ou dans les petits commerces? Comment cela pourrait-il se faire? Je sais qu'on n'a pas trop de temps, mais pouvez-vous me résumer cela?

M. Lauzon: Oui. On a déjà fait une recherche à caractère scientifique là-dessus. On s'était fait aider par des gens de l'université. C'était une recherche sur la qualité de vie des gens vivant hors institution. Non seulement nous avons sensibilisé la population, mais nous avons aussi sensibilisé les professionnels. Ils ont autant besoin d'être sensibilisés que la population. On avait fait des présentations dans les journaux. On a fait des ateliers de discussion sur différentes problématiques. On incluait, par exemple, des avocats et des juges. Selon les types de problématique, on allait chercher les professionnels en place. On ne faisait pas ces discussions fermées, c'est-à-dire seulement les usagers et les usagères dans leur petit coin. On allait aussi chercher tes autres gens autour pour qu'ils viennent s'asseoir avec nous et jaser de ces problématiques. Par exemple, on fait aussi des pièces de théâtre. Les gens, dans des pièces de théâtre, pourraient exprimer ce qu'ils auraient à dire dans leur vécu quotidien, dans ce qu'ils perçoivent avoir besoin comme services. Dans ce sens, c'est quand même assez actif. Je ne dirai pas que c'est actif dans tout l'Abitibi-Témiscamingue parce que des ressources à volet exclusivement mental il n'y en a qu'une. Comme on le dit, on essaie de s'organiser chez nous le mieux possible. Mais dans le sens que vous demandez, ce sont déjà des choses amorcées et faites.

M. Thuringer: Comment cela a-t-il été reçu? Avez-vous fait des prévisions, pour piger dans tes autres domaines?

M. Lauzon: Cela a été très bien perçu par tout le monde. On était bien contents. À un moment donné, les gens avalent un peu perdu de vue ce qui pouvait se passer. Celui qui vit hors de l'institution, qui est sans ressource et qui souvent n'est pas capable de s'affirmer ou quoi que ce soit, ce n'est pas lui qui va dire quels sont ses problèmes, etc. Ces échos ne se rendent pas dans les endroits où des gens pourraient intervenir de façon plus massive. Il y a un petit bout de la question que j'ai oublié, je m'excuse.

M. Thuringer: Deuxième point. Est-ce que vous voyez d'autres champs d'activité sur lesquels vous voulez vous pencher?

M. Lauzon: C'est sûr. Par exemple, les membres nous ont exprimé leurs besoins, ils nous ont dit: On n'a pas tellement d'outils de réinsertion sociale, etc.; souvent, on va être hospitalisés juste parce qu'on fait de l'angoisse dans nos chambres, qu'on est stressés par tel petit événement qui peut paraître insignifiant, etc. On a déjà mis sur pied des programmes de gestion du stress, par exemple. Pourquoi celui qui vivrait un moment de stress serait-il obligé de se faire hospitaliser? Je pense que, si tous ceux qui vivent du stress étaient hospitalisés, il n'y aurait plus de place dans les hôpitaux. Étant donné que cette clientèle est plus démunie que d'autres gens, on va dans ce sens. On dit: Si vous voulez vous réinsérer comme il faut, il faut que vous appreniez à entrer en contact avec des gens qui sont autour de vous; il faut que vous appreniez à comprendre leurs besoins, etc. Donc, dans ces cas. on a des programmes pour faciliter la communication et les échanges entre les besoins d'une population, les besoins des usagers et des usagères et même les besoins des professionnels.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants, d'autres questions? M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Je tiens à vous remercier. J'ai lu avec beaucoup d'attention votre mémoire. Il reflète une particularité importante, la façon dont vous avez pris soin de servir les besoins de votre population, et je vous en félicite. Je vous demande surtout de continuer et de ne pas lâcher.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux vous remercier de votre présentation. Je suis heureuse qu'on vous ait donné les moyens de venir. J'ai cru comprendre que, si tel n'avait pas été le cas, vous n'auriez pas pu vous déplacer. Je comprends que, quand on vient d'Abitibi, cela coûte assez cher de transport. Je veux vous remercier pour

le travail que vous faites dans votre communauté. Évidemment, à un moment donné, tout le monde se tourne vers une structure quelconque pour actualiser ou appliquer des politiques. On sait fort bien qu'il y a des écueils et des difficultés qui se sont développés au cours des années. Pour modifier les mentalités et les habitudes. II va falloir examiner de plus près ces problèmes et peut-être regarder du côté de la représentation Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie les organismes communautaires en santé mentale de l'Abitibi-Témiscamingue et appelle à la table des témoins la Société Alzheimer des Laurentides qui sera représentée par Mme Francine Legault Mme Réjane Vendette Mme Lina Valade, Mme Lise Gendron-Savard, Mme Louisette Guillemette, Mme Françoise Pelletier et Mme Jocelyne Trudel. Bonjour, mesdames! Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et les parlementaires ont 40 minutes pour vous poser les questions qu'ils jugeront pertinentes concernant votre mémoire et vos positions.

Chaque fois que I'une d'entre vous voudra prendre la parole, que d'abord elle s'identifie, c'est pour le Journal des débats afin qu'on ait l'identité de l'intervenant. Comme ils ne vous connaissent pas et qu'ils ne sont pas dans la salle, ils n'ont pas d'autres moyens de vous identifier que si vous le dites vous-mêmes. Alors, je vous prierais de bien vouloir donner vos noms chaque fois que vous avez à parler.

J'invite votre porte-parole à nous présenter le mémoire. Je vous en prie.

Société Alzheimer des Laurentides

Mme Legault (Francine): Bonjour, Mme la ministre, Mmes et MM les députés. Nous vous remercions de nous recevoir en audition et de nous permettre ainsi d'exprimer l'opinion de la Société Alzheimer des Laurentides sur le projet de la politique de santé mentale pour le Québec.

Nous vous prions d'excuser l'absence de notre président, M. Morin, qui est retenu par ses fonctions. Avant de laisser la parole à Mme Françoise Pelletier, je vous demanderais, si c'est possible, de parler assez fort afin qu'elle entende bien les interventions qui seront faites. Je laisse la parole à Mme Françoise Pelletier.

Mme Pelletier-Lamarche (Françoise): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous ne sommes pas loin de l'an 2000. Plus d'un tiers de la population québécoise actuelle aura alors atteint l'âge de la retraite. On s'attend donc à une recrudescence des maladies imputables au grand âge. Or, nous sommes conscients que les maladies neuropsychologiques, en l'occurrence, la maladie d'Alzhelmer a pris des proportions effarantes depuis quelques années. Peut-être parce que l'on est davantage informé et que nous l'avons démystifiée puisque jadis on I'appelait sénilité, donc maladie inhérente à la vieillesse, et que personne ne sen préoccupait. Ce n'est qu'une infime partie des gens âgés qui en sont atteints soit les 40 à 60 ans, quoique le nombre augmente chez les octogénaires. Les facteurs déterminants peuvent être dus à différentes causes isolement, stress continuel, insécurité matérielle ou affective, problèmes génétiques avec réserve.

Ce syndrome a un impact important au point de vue socio-économique, car les patients Alzheimer en soins prolongés représentent une partie importante de la clientèle hospitalière, ce qui nécessite des coûts énormes à l'État.

Nous nous permettons, d'une façon succincte, d'apporter quelques réflexions sur cette problématique. C'est une pathologie qui évolue progressivement en trois étapes plus ou moins longues, selon le type de malade. L'aspect physique n'est pas atteint avant le milieu de la deuxième étape. Pour ces motifs, idéalement, nous préconisons le maintien à domicile le plus longtemps possible en dépit de la bonne volonté des familles aux prises avec l'un des leurs atteint de cette maladie.

Les ressources actuelles étant encore très limitées, nous rendons hommage aux CLSC qui, depuis leur implantation au Québec, offrent un certain soutien. Ils sont présentement en pleine mutation. Malgré qu'ils accroissent leurs services, ils sont encore insuffisants pour répondre à la clientèle spécifiquement Alzheimer.

Présentement, la famille responsable du malade a très peu de ressources pour le maintenir le plus longtemps à son domicile. II s'avère qu'elle songe au placement prématuré, très néfaste pour le malade. On le déracine, ce qui augmente davantage le processus de la maladie

Nous croyons que les gouvernements pourraient investir davantage dans ces organismes afin d'accroître les services offerts, plutôt que d'injecter des sommes fabuleuses dans les hôpitaux de soins de longue durée, puisque ces malades requièrent peu de soins infirmiers dans les deux premières phases de la maladie.

Les besoins inhérents à la famille seraient, en priorité, un service de garde bi-hebdomadaire afin que le conjoint ou la personne responsable - il n'est pas rare que ce soit une fille du malade - puisse voir à ses affaires personnelles et se ventiler. Nous savons bien par les expériences vécues que le malade épuise toutes les énergies de la personne aidante par ses comportements et une surveillance accrue à cause de ses pertes de mémoire progressives des faits récents. Au fil des mots et des années, l'aidant ne peut récupérer ses forces tant physiques que morales qui se désagrègent. On est contraint à des solutions d'urgence, néfastes pour tous.

Incidemment, les autres services que nous préconisons auprès des familles seraient que les intervenants aient une meilleure connaissance de la maladie, de son impact sur la famille et la

société. Pour ce faire, une formation spécialisée par un neurologue ayant de l'expérience pour ce type de patient. Ou faire appel à des organismes déjà existants dans la province, en l'occurence, les sociétés Alzheimer. On en compte présentement huit au Québec.

Un autre service essentiel serait la formation d'un groupe de soutien aux families, animé par un travailleur social préalablement formé, sans oublier une thérapie à l'aidant avec suivi. Cette personne requiert beaucoup de soutien individuel si elle ne veut pas elle-même sombrer dans l'épuisement.

Les mêmes attentes s'adressent aussi aux milieux hospitaliers, c'est-à-dire, la formation du personnel soignant. L'implantation d'unités de soins spécialisés pour les cas d'Alzheimer et pour les autres pathologies du même type.

Certains centres psychiatriques ont présentement des lits disponibles à cause de la nouvelle approche de désinstitutionnalisation. Ces unités énoncées dans cet exposé seraient certes la solution à long terme au placement homogène. Une autre perspective serait aussi à envisager. Ces unités pourraient être bénéfiques dans un premier temps, pour un placement à court terme, afin que la famille puisse prendre un peu de répit salutaire à son épanouissement personnel, sachant bien que la garde quotidienne d'un malade Alzheimer devient stressante et épuisante. Il est fréquent que l'aidant devienne aux prises avec des problèmes psychosomatiques, tels qu'ulcères, "bum out", etc.

Dans un second temps, d'autres services pourraient s'ajouter à ces unités. En l'occurence, un centre de jour spécialisé, doté d'une équipe multidisciplinaire. Nous voyons l'importance d'un ergothérapeute, d'un musicologue et d'un travailleur social, travaillant en collaboration avec la famille du malade. La Société Alzheimer des Laurentides couvre la grande région des Hautes-Laurentides. Nous préconisons que le centre hospitalier des Laurentides de L'Annonciation ait sa future unité à titre de projet pilote (appui de M. Serge Morin, membre du conseil d'administration).

Nous ne pouvons mettre un terme à cet exposé sans qu'il soit question de recherche sur la maladie d'Alzheimer. Depuis cinq ans, d'énormes progrès ont été faits, mais il en reste encore beaucoup à accomplir. En 1988, nous sommes convaincus qu'investir davantage afin de trouver les causes véritables de la maladie et d'y apporter des solutions tangibles serait un grand pas en avant. Quant aux traitements, ils devraient éliminer le plus possible les inconvénients des effets secondaires.

Avec l'aide gouvernementale, nous sommes assurés que, d'ici à quelques années, nous pourrons envisager les mécanismes en termes de prévention. Ce sera donc la victoire pour ces malades présentant les débuts symptomatiques de la maladie, voire une meilleure qualité de vie pour ceux qui en sont à un stade plus avancé.

(11 heures)

Nous demeurons très optimistes quant à l'intervention éventuelle du gouvernement et ce, en regard de son projet de politique de santé mentale pour le Québec. Le jour n'est pas loin où l'on percevra la lumière au bout du tunnel.

Messieurs, mesdames, est-ce que j'ai suffisamment de temps pour vous lire les commentaires verbaux à la commission parlementaire? Cela va peut-être faciliter vos questions.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, madame, procédez. Il vous reste cinq minutes.

Mme Pelletier-Lamarche: Merci. Selon notre expertise en tant qu'organisme d'entraide sur la maladie d'Alzheimer, nous avons fait un échantillonnage des cas Alzheimer. Le pourcentage serait plus élevé chez les personnes de 80 ans et plus, et la plupart d'entre elles sont en centre d'hébergement. Nous avons émis plusieurs hypothèses sur les raisons pour lesquelles ce nombre était plus élevé que pour les 60 et plus et exceptionnellement les cas de 40 à 60 ans, à savoir cette maladie est-elle davantage identifiée par les intervenants de la santé? Serait-ce dû au peu de communications que ces malades ont avec leur entourage familial et hospitalier? Lors de leur admission dans ces centres, bien souvent, la cause initiale de l'hospitalisation est tout autre, soit chirurgicale ou médicale, nécessitant une hospitalisation prolongée.

Or, le déracinement de leur habitat naturel a-t-il une incidence sur leur comportement actuel? Il faut être prudent dans nos déductions. Toute personne devant subir une hospitalisation à long terme n'est pas susceptible un jour d'être atteinte de la maladie d'Alzheimer. Plusieurs facteurs sont en cause, en l'occurence la vulnérabilité de cet individu. La maladie d'Alzheimer étant une maladie organique, le stress, l'isolement, etc., peuvent affecter d'autres organes dont chaque individu accuse une fragilité. Faisant référence aux ulcéreux, il n'est donc pas nécessaire qu'un placement prolongé provoque la maladie d'Alzheimer.

Sachant bien qu'en 1988, le milieu hospitalier est davantage sensibilisé à cette problématique, il est utopique de croire qu'il peut dispenser ses services individualisés à chacun de ses patients atteints d'Alzheimer, c'est-à-dire mobiliser un préposé à chacun des cas Alzheimer. Pour l'État, cela représenterait des coûts astronomiques, même si nous sommes conscients que cela éviterait l'évolution de la maladie chez les sujets vulnérables.

Chez les personnes en deçà de 80 ans, le nombre de malades est statistiquement moindre. Serait-ce qu'ils ne sont pas connus? Il existe encore un mythe sur cette maladie, surtout dans les familles. Elles en parlent très peu, jusqu'au moment où elles deviennent démunies faisant appel à l'aide. On entend souvent dire de façon informelle par les personnes que nous rencon-

trons un tel, un proche semble avoir la maladie d'Alzheimer, sa mémoire est de plus en plus déficiente.

À cause des médias d'information les personnes symptomatiques de 40 ans et plus se révèlent de plus en plus. À cet âge, on a de I'espoir et on se soumet plus facilement au test diagnostique du moins dès le début de son apparition. Ce phénomène est encore trop récent pour permettre d'établir des statistiques.

Des solutions pour améliorer la qualité de vie de ces malades, pour leur donner l'attention appropriée et également les moyens de stopper la maladie à ses débuts, il y en a. Dans un premier temps il s'agit de se concerter avec tous les organismes gouvernementaux, hospitaliers et d entraide afin d'étudier les mesures concrètes et peu coûteuses pour I'État. Dans un second temps lors des prochaines réformes fiscales, accorder un crédit d'impôt pour les personnes aidantes à domicile, que ce soit une employée ou un membre de la famille. Ce crédit serait comme un salaire que l'État pourrait verser et ce serait beaucoup inférieur aux coûts quotidiens des centres d'hébergement.

Peut-être est-ce avant-gardiste d'avoir des garderies privées - appellation disgracieuse mais exprimant clairement le besoin - ouvertes de 7 h 30 à 18 h 30. Le membre de la famille gardant ce type de malade ne serait pas contraint de quitter son emploi, chose qui n'est pas rare.

Ces établissements pourraient être subventionnés par les gouvernements. Étant une solution de rechange pour les familles, cela n'exclut pas les centres de jour dont nous avons parlé dans le mémoire. Nous avons palpé le pouls des bénévoles. C'est une solution à très court terme. On ne peut pas toujours compter sur la disponibilité de ces personnes au moment où le besoin se fait sentir à cause de leurs obligations personnelles, et cela se conçoit très bien. Comme ce n'est pas un travail à temps plein, elles fonctionnent à leur rythme

Concernant notre région, les belles Laurentides. Est-ce que vous me le permettez, je suis déshydratée? Comment cela fonctionne-t-il?

Le Président (M. Bélanger): Dévissez le bouchon. Comme ça.

Mme Pelletier-Lamarche: Je ne suis pas.

Le Président (M. Bélanger): Comme cela; c'est suffisant.

Mme Pelletier-Lamarche: Merci beaucoup. Bon! je répète. Concernant notre région, les belles Laurentides, nous avons remarqué quelques lacunes dans un de nos centres hospitaliers. Quelques malades au stade des fugues requièrent une surveillance accrue. Malgré la vigilance et le dévouement du personnel surchargé et restreint, le malade court des risques personnels dangereux pour lui même.

En voici concrètement un exemple. Jeanne se promenait dans son fauteuil roulant dans le couloir adjacent au département. Là se trouvaient des ascenseurs et bureaux peu achalandés les fins de semaine. Alors, notre Jeanne s'est approchée de l'ascenseur pour y monter lorsqu'un visiteur en est sorti. Comme par hasard, c'était un membre de la Société Alzheimer des Laurentides. Nous avons ramené Jeanne dans son département après avoir averti le personnel sur place, et tout s'est bien terminé. Cela aurait pu être un jeune visiteur qui par ignorance, aurait laissé Jeanne pénétrer dans I'ascenseur. C'est pourquoi nous avons songé que la porte reliant un département à un autre soit munie d'un dispositif électronique peu coûteux sécurisant à la fois le personnel et le patient.

Un autre aspect qui nous tient à coeur est que, dans quelques semaines, débuteront des travaux de réfection au centre hospitalier Laurentien à Saint-Agathe-des-Monts. On commencera par le troisième étage, département des soins de longue durée. Or, les patients doivent emménager dans des unités modulaires adjacentes à I'hôpital, et cela pour la durée des travaux, peut-être pour une couple d'années.

II appert que ces modules sont en location. Nous avons donc fait une requête au directeur du centre hospitalier, afin que ces bâtisses demeurent en permanence après les travaux, pouvant ainsi servir comme unités de soins spécialisés pour les patients Alzheimer.

Notre demande est présentement à l'étude et nous espérons avoir I'appui du ministère de la Santé et des Services sociaux. Cette solution peut être une économie future de plusieurs milliers de dollars épargnant l'agrandissement éventuel de ce centre hospitalier qui devient davantage populeux au fil des ans

Concernant le centre hospitalier psychiatrique des Laurentides de L'Annonciation, tel qu'énoncé dans notre mémoire, c'est un endroit privilégié pour desservir un bassin de population d'environ une cinquantaine de lits.

Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez, madame, je dois vous interrompre. Si vous voulez conclure très rapidement, le temps est maintenant écoulé.

Mme Pelletier-Lamarche: C'est terminé?

Le Président (M. Bélanger): Mme Pelletier.

Mme Pelletier-Lamarche: Nous sommes assurés que ce sera le meilleur investissement pour l'avenir comme centre pilote. Voilà les infrastructures et les solutions d'avenir peu coûteuses pour les gouvernements et pour le mieux-être de notre population vieillissante. Merci, mesdames et messieurs, de nous avoir entendues et d'avoir accepté notre mémoire. (11 h 15)

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les porte-parole de la Société Alzheimer des Laurentides et Mme Pelletier particulièrement, qui a été la rédactrice du mémoire. C'est le premier groupe qui vient nous parler de la maladie d'Alzheimer. Non pas que nous puissions l'oublier parce qu'il s'agit d'aller dans nos centres d'accueil, dans nos hôpitaux de soins prolongés ou même dans nos hôpitaux psychiatriques de longue durée pour voir le nombre de personnes atteintes de cette maladie.

Il faut avouer au point de départ que, même si on parie de la maladie d'Alzheimer depuis au moins dix ans - en tout cas, tous les gens sont familiers avec cela et se demandent s'ils ne la développeront pas dès qu'ils ont une petite perte de mémoire. - II reste qu'on n'a pas fait de grands pas, même au Canada. Aux États-Unis, évidemment, il y a plus de recherche; en Angleterre également ainsi qu'en Israël. Mais au Canada et au Québec, on en est encore aux balbutiements de la recherche dans ce domaine. Avec le vieillissement de la population, cela devient un problème de plus en plus aigu.

J'ai lu votre mémoire, que vous nous avez d'ailleurs présenté. D'abord, je veux vous féliciter pour le travail que vous faites et pour la démarche que vous avez entreprise ici aujourd'hui. Cela va nous permettre, même si c'est très brièvement, au moins d'en discuter et de nous y sensibiliser. Si on n'est pas plus avancé là-dedans, c'est peut-être parce que les gens, même s'ils sont conscients de la maladie, ne l'établissent pas parmi leurs priorités. Je pense que ce ne sera pas long avant qu'on soit. obligé - on devrait le faire déjà - de s'y pencher d'une façon mieux organisée.

Je dois vous dire que, dans le plan de désengorgement des urgences, nous avons ajouté ou consolidé des unités de gériatrie et nous avons créé également des unités mobiles de psychogériatrie à Montréal et à Québec. Ces unités vont à l'extérieur des hôpitaux et sont préoccupées évidemment par cette pathologie. Eux aussi, ils en sont encore à penser aux meilleures façons d'intervenir.

J'allais dire qu'il y a des éléments dans votre mémoire qui me paraissent un peu contradictoires. D'une part, vous dites - J'imagine qu'il vous faut aussi vous fier aux recherches qui sont faites et elles ne sont pas très nombreuses - qu'il semble y avoir des facteurs reliés au stress, à l'isolement, etc., et qui semblent propices au développement des symptômes reliés à la maladie d'Alzheimer. Par contre, vous insistez à la fin pour dire que c'est une maladie organique. Donc, d'une part, vous semblez y relier des facteurs d'ordre social et psychologique et, d'un autre côté, vous semblez affirmer que c'est une maladie organique et qu'il faut intervenir en ce sens.

Quand vous parlez, à un moment donné, de déracinement de ces personnes, vous nous dites qu'il vous semble, par exemple, que, dans la région des Hautes Laurentides, ces personnes devraient être regroupées au centre hospitalier de L'Annonciation ou encore dans des unités de l'hôpital Laurentien. Il me semble que c'est un petit peu en contradiction avec le fait qu'on doit tenir ces gens dans un milieu naturel le plus longtemps possible, les tenir en contact avec la réalité le plus longtemps possible.

J'ai visité des unités en Israël où on s'occupait de malades d'Alzheimer, et l'approche est vraiment de les laisser dans leur milieu de vie, à la limite. On peut les garder à faire certaines activités qu'ils ne font plus du tout une fois qu'ils sont rendus dans un milieu institutionnel.

Votre désir d'utiliser des unités de l'hôpital de L'Annonciation pour des malades d'Alzheimer, je trouve que cela a peut-être même un côté inquiétant. D'une part, évidemment, tout le monde ne vient pas de L'Annonciation, même si ce sont les Hautes Laurentides. Déjà, il y a une sorte de déracinement parce que celui qui vient d'une municipalité par rapport à une autre... La région des Grandes Laurentides est quand même assez étendue.

Deuxièmement, regrouper ces malades-là toujours ensemble, est-ce que c'est bon? Je n'ai pas la réponse, je vous le demande. Qu'ils soient regroupés pour des activités de réadaptation ou de protection de pertes d'autonomie pour certaines activités dans une journée, je peux l'admettre. Évidemment, il y a les grands malades, pour qui, pour le moment, on n'a rien. Il y a quand même quelques signes encourageants. On me disait qu'aux États-unis il y a maintenant un médicament qui semble avoir un effet, non seulement pour ralentir la perte de mémoire, mais peut-être même pour une certaine récupération de la mémoire. Si on compare l'argent qui a été consenti à la recherche dans ce domaine-là, comparativement à l'argent consenti à la recherche dans le domaine du cancer, il y a des gens qui disent: On se trouve au point où la recherche sur le cancer a débuté il y a cinquante ans, on se retrouve au même point aujourd'hui vis-à-vis des symptômes de cette maladie.

Ma question précise, c'est vraiment vis-à-vis du regroupement à L'Annonciation. Je comprends que c'est pour les gens des Hautes Laurentides, mais cela pourrait causer aussi un certain isolement. C'est une municipalité qui a quoi? - M. Hétu pourrait nous le dire, le député de Labelle - j'allais dire 6000 habitants, mais c'est 3500 à 4000. Alors, il n'y en aurait probablement pas beaucoup qui seraient immédiatement de L'Annonciation ou des alentours de L'Annonciation. Je ne suis pas sûre que ceci est en conformité avec les causes de la maladie que vous développez. J'aimerais avoir votre réaction là-dessus. Pourquoi voulez-vous les regrouper? Évidemment, vous dites que c'est parce qu'il y a

des unités libres, on pourrait les mettre ensemble, mais je ne suis pas sûre que ce soit la bonne approche.

Mme Pelletier-Lamarche: Si vous le permettez, j'ai écouté religieusement vos arguments. Ils sont très pertinents. Quant à savoir si c'est une maladie organique, moi, je fais une analogie avec les ulcéreux évidemment vous vivez un stress continuel, puis finalement il se développe des ulcères. Vous, ce sont des ulcères, un autre, c'est un trouble cardiaque et circulatoire C'est pourquoi la maladie d'Alzheimer, c'est une maladie organique, mais évidemment il y a des sujets vulnérables à cette maladie-là. Au lieu d'avoir des ulcères, ils vont avoir la maladie d'Alzheimer. Est-ce génétique? On se pose des questions, on fait beaucoup d'hypothèses évidemment. Sur ce point-là, je ne peux pas vous donner de précisions. Évidemment, je ne suis pas généticienne, mais d'après notre expérience depuis cinq ans, notre petite expérience, évidemment, on a fait un relevé statistique des personnalités Alzheimer et on s'est aperçus que c'étaient des gens qui vivaient des stress, des conflits. C'est une des questions que vous posiez

Quant à la seconde, les maintenir le plus longtemps dans leur milieu. Je suis entièrement d'accord avec vous Madame la ministre, mais à un moment donné, la famille n'en peut plus. Quand le malade répète toujours, qu'il radote, comme on dit en bon Québécois cela devient stressant pour l'entourage. La famille envisage le placement, surtout quand la personne fait de l'incontinence. Ils ont peur de l'incontinence C'est très dérangeant, la nuit comme le jour.

Cela veut dire que, si on vous fait une requête pour unité de soins spécialisés, c'est précisément pour alléger la famille. Cela peut être à court terme, cela peut être comme un centre de jour. Alors, là il y aura des gens qui seront formés pour pouvoir aider la famille Idéalement, je suis d'accord avec vous, Mme la ministre, que tant et aussi longtemps qu'on peut les maintenir à domicile parce que ce sont des malades qui physiquement ne requièrent pas de soins infirmiers. Évidemment, iI y a des conjoints qui vont laisser leur emploi. C'est toute une problématique au point de vue de la famille.

Mme Lavoie-Roux: Je dois dire que, lorsqu'on admet les carences ou les lacunes, c'est peut-être à partir de là qu'on commence à progresser. Je le répète, au Québec, on en est vraiment aux balbutiements vis-à-vis de cette maladie. Je pense que nous avons des responsabilités et que nous ne pourrons pas y échapper. II y a des suggestions Intéressantes que vous avez faites. Si on veut garder les gens dans leur milieu, il y a des compensations ou un appui qui peuvent être. Vous avez énuméré différentes formules qui mériteraient d'être examinées, peut-être pas dans le contexte immédiat de la politique de la santé mentale, mats c'est une pathologie à laquelle on va devoir s'intéresser de plus en plus.

Mme Pelletier-Lamarche: Quant à I'homogénéité des cas, vous avez fait mention aussi qu'on peut les placer par exemple dans une unité de soins comme à L'Annonciation ou il y aurait un étage éventuellement disponible. De par ma petite expérience, j'ai remarqué en soins de longue durée qu'il y a des malades de toutes sortes. Or, cela pertube. Le cas d'un malade atteint d'Alzheimer, à un moment donné quand il lui prend

I'idée de fuguer, ce n est pas drôle ni pour le personnel ni pour les autres patients. De même quand il se met à chanter ou à crier. Pour une partie de leur vie, ces malades ont caché leurs émotions. Là il n'y a plus de convention sociale, il n'y a plus rien et les émotions sortent. La voisine d'à côté quand elle entend pleurer. Vous savez! Je suis d'accord avec vous que ce serait mieux que ce soit un groupe hétérogène du moins pour le début de la maladie d'Alzheimer. La voisine qui est bien lucide, évidemment elle peut l'aider. Je suis d'accord avec vous sur cela. Mais quand le malade est rendu au milieu de la deuxième phase de la maladie, iI n'est plus question d'être d'accord ou ne pas être d'accord, je pense que ce n'est plus possible.

Mme Lavoie-Roux: D'accord Combien y a-t-il de cas d'Alzheimer dans les Hautes Laurentides pour que vous vous soyez formés en association?

Mme Pelletier-Lamarche: Dans les centres hospitaliers de longue durée sur 40 malades, il y en a peut-être une vingtaine. Je vous dis honnêtement que nous n'avons pas de statistiques précises. C'est encore un mythe, cette maladie.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes-vous intéressés à eux à partir des personnes qui souffraient de cette maladie et que vous avez retrouvées en institution comme par exemple à L'Annonciation, pour prendre un exemple d'institution de soins prolongés, ou à partir de situations familiales, soit les vôtres ou celles de vos proches, ou de vos amis ou de vos milieux? Pourquoi vous êtes-vous intéressés à cette pathologie?

Mme Pelletier-Lamarche: C'est précisément votre deuxième question. J'ai vécu ce cauchemar avec ma mère. J'ai appris que c'était la maladie d'Alzheimer une semaine avant qu'elle décède. Alors, évidemment après les sentiments de culpabilité, j'avais deux choix me laisser aller ou bien faire quelque chose de concret. C'est là que naquit notre organisme. C'est un défi et une vengeance un peu à la maladie. Je n'admettais pas mon ignorance. Alors, nous étions trois co-fondatrices, puis cela va très bien. II y a encore un mythe. Évidemment, c'est une petite région, ce n'est pas la métropole. On dirait que

les gens sont mal à l'aise de dire. Bon! ma mère est atteinte d'Alzheimer. C'est pour cela que je ne peux pas répondre de façon pertinente à votre question, à savoir statistiquement comment il y en a. Comme je vous l'ai dit, j'évalue cela à peu près d'après ma petite expérience à une quinzaine sur 40 malades. La maladie, il faut quelle soit diagnostiquée. Vous savez mieux que moi qu'il y a bien des pathologies qui ressemblent à celle d'Alzheimer. Celui qui a un problème cardio-vasculaire va avoir les mêmes symptômes que la maladie d'Alzheimer et, six mois après la vie va être belle, il va avoir récupéré et tout ira bien. (11 h 30)

Vous allez peut être dire que je suis très optimiste. Oui je le suis, parce que la recherche a beaucoup évolué avec le THA associé à la lécithine, on peut même la stopper la maladie dès le début. Alors, c'est superbe. Tout cela pour vous dire que.

Mme Lavoie-Roux: Merci, je vais laisser un peu de temps aux autres.

Mme Pelletier-Lamarche: Oui.

Le Président (M. Baril): Merci, avant de laisser la parole au député de. Oui, madame, aurrez-vous un commentaire?

Mme Gendron-Savard (Lise): Oui, j'ai un commentaire. Ma belle-mère est morte au mois d'août dernier. Elle était à la résidence Riviera à Montréal, sur le boulevard Gouin, je crois. C'est une ancienne maison qu'on a convertie en petit hôpital, il n'y avait même pas d'escaliers mobiles et il y avait environ dix cas d'Alzheimer au 3e étage de cette maison. Les gens faisaient des fugues. L'eau n'est pas loin. II y en a une qui a failli se noyer une fois. Ma belle-mère, ils sont allés la ramasser dans un centre commercial. II n'y a pas assez de surveillance dans ces hôpitaux, de même qu'à L'Annonciation.

M. Bernard Latour est décédé aussi depuis un an. J'y suis allée souvent le voir avec sa dame qui était de Sainte-Agathe. Elle a gardé son mari jusqu'à la dernière minute, mais quand on change le lit trois fois dans une nuit. Elle passait 24 heures à s'occuper de lui et elle ne pouvait plus le garder. Elle m'a dit Viens-tu? On va aller à L'Annonciation. Avec tout le conseil d'administration, on est venus à bout de le faire entrer à I'hôpital de L'Annonciation, mais cela n'a pas été une très bonne chose, parce que là il s'est détérioré. De plus, il n'était plus avec sa femme. II est vrai que, quand ils ne sont plus avec leur famille, ils s'en vont de plus en plus bas et ils ne reconnaissent plus personne. Il est mort sans reconnaître sa femme. C'est pareil pour ma belle-mère, elle ne nous reconnaissait plus depuis un an. Je veux vous dire que les soins ne sont pas du tout appropriés. Je vous remercie de m avoir écoutée.

Mme Lavoie-Roux: Merci

Le Président (M. Baril): Merci. Avant d'aller plus loin pour les fins du Journal des débats, j'aimerais, Mme Pelletier, que vous nous présentiez vos invités qui sont en avant, s'il vous plaît.

Mme Pelletier-Lamarche: Excusez-moi, j'ai un handicap, je suis malentendante.

Le Président (M. Baril): D'accord. J'aimerais que vous nous présentiez vos invités pour les fins du Journal des débats ici, en commission, s'il vous plaît.

Mme Pelletier-Lamarche: Avec plaisir Mme Lise Gendron conseillère, Mme Louisette Guillemette, conseillère, Mme Françoise Pelletier-Lamarche (moi-même) personne-ressource, Mme Jocelyne - bon! un cas d'Alzheimer potentiel, j'ai un trou de mémoire - Trudel, secrétaire de la société, Mme Lina Valade, conseillère, Mme Réjane Vendette, secrétaire et Mme Francine Legault, trésorière.

Le Président (M. Baril): Merci, madame. Je vais laisser la parole au député de Laviolette. Merci.

M. Jolivet: Merci M. le Président. Je vais commencer par la boutade que vous venez de faire. Voilà un cas d'Alzheimer! On n'entendait pas cela dans le passé et on l'entend de plus en plus. Si quelqu'un oublie quelque chose, il dit. Ah! j'ai la potentialité. On a dit de la maladie d'Alzheimer que chacun, un peu comme d'autres maladies quelles soient somatiques ou psychosomatiques, a en lui un germe pouvant mener à cette chose, mais, d'un autre côté, cela dépend des circonstances dans lesquelles nous sommes placés dans la vie et qui font que certains connaissent de plus en plus cette maladie.

II y a aussi des moments de rémission. Si on pense à la leucémie. II y a des moments de rémission. Mon filleul est mort après avoir subi cette maladie pendant plusieurs années. Je connais des gens qui ont des moments de rémission. Je connais des personnes de mon coin qui ont eu des attaques, si on peut les appeler ainsi, et qui sont bien aujourd'hui, parce qu'elles ont été traitées à temps ou qu'elles ont eu cette chance d'avoir un temps de rémission. On ne sait pas si, dans deux ou trois ans, elles n'auront pas d'autres attaques.

Ainsi, les gens parlent de plus en plus de cette maladie. Les médias ont fait mention dernièrement de cas comme celui du cinéaste qu'on connaît, de sorte qu'on en parle un peu moins en cachette. Vous le dites bien en rappelant qu'il y a encore des gens qui ne veulent pas qu'on sache que leur mère, leur frère ou quelqu'un d'autre sont atteints de cette maladie.

D'un autre côté tout le monde souhaite que la personne qui a des soins puisse, au départ, être à la maison le plus longtemps possible.

Dans le passé, on sait comment cela se produisait. Les gens gardaient à la maison leurs parents malades, leur fils ou leur fille malades. Mais l'évolution a amené un modèle d'institutionnalisation qui fait qu'on s'est retrouvé avec des institutions tellement grandes qu'on ne rendait pas service à la personne malade et qu'on empirait dans bien des cas son état, de telle sorte qu'on est arrivé dans d'autres années à sortir ces gens et à les remettre dans un milieu dit plus naturel.

Mais pour ce faire, il faut donner de l'aide aux familles qui acceptent de les prendre en charge. Vous avez raison de dire qu'à l'intérieur des centres hospitaliers de longue durée on n'a peut-être pas pris le temps ou le soin d'aller vérifier de quelle maladie étaient atteintes les personnes. On dit. II est sénile, donc on va le placer là et on va lui donner les soins qu'on est capable de lui donner pendant le temps qui reste.

Cela a donné cette impression d'une personne qui part de la maison, entre dans un HLM, d'une certaine façon, de là s'en va au centre d'accueil et, après ça, s'en va au centre hospitalier de longue durée. Là, la personne dit. J'approche tranquillement de l'échéance. Dans ce contexte, plus on approchait vers les cas lourds, plus on leur donnait des soins qui n'étaient pas nécessairement appropriés.

Ce que vous nous dites, c'est que les personnes ou les familles sont prêtes à garder les malades à la maison dans la mesure ou on leur donne un répit. J'ai cru comprendre qu'une des formes de répit était un centre de jour pendant que les personnes pouvaient récupérer, sortir un peu de la maison, aller voir d'autres parents ou aller magasiner. Pendant ce temps-là, on pourrait non pas faire, comme on le fait actuellement, parquer nos vieux ou nos malades, mais plutôt leur donner un lieu ou ils pourraient se rencontrer, où ils pourraient avoir d'autres formes de soins et aussi une forme d'agrément. Dans ce sens, et ce que j'ai compris de ce que vous nous proposiez ce matin, c'est l'installation d'un centre de jour et aussi en même temps d'un centre un peu mieux organisé pour éviter que les gens aient des goûts de fugue.

Dans mon coin, dans le temps des fêtes, avant Noël et après Noël, il y a eu quelques fugues et il en a résulté des noyades. On ne sait pas de quoi étaient atteintes les personnes. Mais vous savez ce qui arrive dans la tête de certaines personnes quand elles se sentent atteintes de quelque chose. Elles ne veulent pas le subir. Alors, elles se noient ou encore elles vont à d'autres places. Ce que vous souhaitez, c'est qu'on évite ces choses. Pour les éviter, vous voulez qu'on donne de l'aide aux familles et en même temps vous voulez qu'il y ait des moments de répit et un centre de jour.

Dans ce sens, je ne peux pas être en désaccord. II faut toujours cependant tenir compte des capacités de l'État à fournir ce que vous demandez. Mais vous dites. Les CLSC nous donnent un bon service, ils devraient être mandatés pour le continuer et, en même temps, les centres hospitaliers devraient davantage avoir des centres de gériatrie ou on aurait aussi des centres de jour permettant de donner à la famille les moments de répit que vous cherchez.

Je pense que c'est cela. Si vous voulez ajouter autre chose à ce que j'ai dit, libre à vous maintenant.

Mme Pelletier-Lamarche: En effet je suis entièrement d'accord II y a juste un petit point. Vous semblez croire qu'il y a certains cas qui ont des périodes de rémission et vous avez entièrement raison mon cher monsieur. C'est que ces gens sont très insécures. Or, si les membres du personnel sont sensibilisés et informés, évidemment, l'approche est beaucoup plus sécurisante pour ces malades. Donc, effectivement, ils ont des périodes de rémission.

M. Jolivet: Vous m'avez fait mention d'une chose. En tout cas, dans le texte, vous avez parlé de musicologues, d'un lieu possible de musicologie. Cela m'a fait penser au cas d'une personne qui a ces problèmes et qui, elle, a besoin de ces choses. Mais est-ce que vous étendez cette chose à tout le monde quand vous dites ça?

Mme Pelletier-Lamarche: Cela dépend des cas. Celui qui était un mélomane évidemment est très sensibilisé à la musique. Alors, il se calme beaucoup plus avec une belle musique qu'il aime qu'avec des valiums ou n'importe quel tranquilisant.

M. Jolivet: Vous ne demandez pas qu'il apporte sa trompette pour réveiller le monde.

Mme Pelletier-Lamarche: Ah! bien s'il le faut!

M. Jolivet: Ha, ha, ha!

Mme Pelletier-Lamarche: Cela dépend. Si c'est pour le calmer.

M. Jolivet: Mais comme vous l'avez dit, ils sont actuellement dans des soins prolongés et ils dérangeraient pas mal le monde. Mais ce que vous voulez dire, c'est un lieu où ils pourraient écouter de la musique et se détendre en même temps, selon les besoins.

Mme Pelletier-Lamarche: Oui, effectivement. II y a aussi une autre mise au point à faire, mais disons que cela me préoccupe moins qu'il y a cinq ans. II y a cinq ans, il y avait surmédication. Entre vous et moi, la maladie d'Alzheimer - je ne parle pas des cardiaques ou

d'autres pathologies - mais les malades de la maladie d'Alzheimer ne requièrent pas de médicaments, sauf qu'il peut arriver qu'un tel malade peut avoir un trouble cardiaque. Je suis d'accord qu'il a besoin de pilules pour son coeur. Mais pour la maladie d'Alzheimer comme telle, il n'y a pas de médicaments. J'ai vécu personnellement cette expérience avec ma mère. Si vous voulez régresser, prenez des médicaments.

M. Jolivet: En fait, on va donner des pilules pour baisser ou remonter la pression. On va lui dire: Vous avez probablement une crise de rage parce que vous vous mettez à crier ou à chanter. À ce moment-là, on va lui donner un médicament pour le calmer. On lui donne des calmants. Vous dites qu'on devrait davantage centrer notre recherche sur la nature de la maladie. Si on découvre qu'elle a la maladie d'Alzheimer, il ne faut pas lui donner des médicaments comme moyen de la guérir. Dans la mesure où il y a actuellement des recherches qui nous amènent à penser qu'il y a un moyen de stopper l'évolution de la maladie, comme vous le dites, il est donc possible que des médicaments soient nécessaires.

Mme Pelletier-Lamarche: Entièrement d'accord avec vous pour les sujets de 40 à 50 ans, mais je ne parle pas de la personne de 80 ans. Il ne vaut pas la peine qu'on s'en occupe. On va lui donner beaucoup d'amour, beaucoup de soins, d'accord, mais de là à lui faire subir une batterie de tests, je suis un petit peu moins d'accord. Mais pour la personne de 40 ans et plus, il y a des possibilités.

M. Jolivet: Vous m'inquiétez un petit peu dans ce que vous venez de dire, dans le sens où vous dites: Parce qu'elle a 80 ans, on s'en occupe moins.

Mme Pelletier-Lamarche: Non, non. Je veux dire faire subir une batterie de tests, faire subir une tomographie axiale, des injections, etc. C'est très éprouvant pour la personne de 80 ans. On va lui donner une bonne qualité de vie, d'accord. C'est très important pour elle. Mais pour la personne de 40 ou de 50 ans, dès les premiers symptômes... parce que vous savez mieux que moi que cela prend six mois pour faire un diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Cela prend bien six mois. Il y a des examens neuro-psychologiques, physiques, etc. Six mois pour être sûr... Enfin, on n'est jamais sûr - je vais vous faire rire - tant qu'il n'y a pas d'autopsie. Ce n'est pas le malade lui-même qui va le savoir, ce seront les autres qui sauront que c'était bel et bien la maladie d'Alzheimer. Mais aujourd'hui, avec la tomographie axiale, je pense qu'on est pas mal sûr du diagnostic.

M. Jolivet: Je vous remercie. Je vous félicite pour le travail que vous faites. Je pense que c'est important. La ministre devra, dans sa politique sur la santé mentale, tenir compte de ce que vous avez dit. Je suis quand même bien conscient qu'elle ne pourra pas répondre à tout, mais au moins si un pas additionnel est fait, ce sera tant mieux à ta fois pour votre organisme et pour les gens que vous représentez. Merci beaucoup.

Mme Pelletier-Lamarche: À mon tour de vous remercier. Vous êtes tous sympathiques et au plaisir de vous revoir!

Le Président (M. Baril): Madame, je m'excuse, il reste encore un peu de temps au côté ministériel pour vous poser des questions. M. le député de Labelle aurait peut-être quelques questions à vous poser.

M. Hétu: Mesdames, je voudrais vous féliciter et vous remercier aussi pour le travail que vous faites dans les Laurentides. Mme Pelletier, je sais que vous vous occupez des malades de la maladie d'Alzheimer depuis assez longtemps. Vous avez une bonne connaissance du milieu également. Depuis que vous avez commencé à vous occuper de ces malades, est-ce que vous pouvez établir la progression du nombre de personnes dans les limites des Laurentides, disons? Au début, vous aviez quand même détecté certaines personnes malades, comme votre mère, dont vous parliez tout à l'heure, mais dans l'ensemble de la population, selon vous, est-ce qu'il y a une progression accélérée?

Mme Pelletier-Lamarche: Je ne parle pas de Sainte-Agathe, parce qu'on y est trop connus, mais dans la périphérie de Sainte-Agathe, oui. les gens ou le commun des mortels va identifier son père, sa mère en disant: Oh! il souffre peut-être de la maladie d'Alzheimer. Nous intervenons et nous leur donnons des renseignements. Ils sont beaucoup plus réceptifs.

M. Hétu: Mais avez-vous une idée du pourcentage?

Mme Pelletier-Lamarche: Ah! les statistiques n'ont jamais été mon fort, mais, comme je vous le dis, iI y en a peut-être 8 %, peut-être 8 % de la population.

M. Hétu: C'est beaucoup 8 %, quand même.

Mme Pelletier-Lamarche: Oui, c'est énorme. (11 h 45)

M. Hétu: Maintenant vous parlez d'un comité de concertation, de se concerter avec le milieu, le CLSC et le CRSSS. Est-ce que vous avez eu des rencontres avec ces organismes en fonction?

Mme Pelletier-Lamarche: Ah! mon Dieu! ils sont très sensibilisés, les CLSC surtout.

M. Hétu: L'organisme communautaire qui est passé avant vous disait qu'à un moment donné iI avait de la difficulté à avoir des comités de concertation et qu'il soit écouté à ce niveau. Est-ce votre cas dans le milieu des Laurentides?

Mme Pelletier-Lamarche: Nous avons été vraiment bien servis dans notre région.

M. Hétu: Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Baril): J'aimerais demander au député de Laviolette de nous donner son mot de la fin.

M. Jolivet: En fait, ce sera bien simple. Merci pour les gens que vous représentez. Félicitations et ne lâchez pas!

Le Président (M. Baril): Mme la ministre,

Mme Lavoie-Roux: Merci sincèrement pour votre présentation. En tout cas, c'est important pour nous de ne pas oublier tout ce domaine de la psychiatrie qui touche majoritairement des personnes âgées. Encore une fois, ce sont peut-être des petits pas qu'on pourra faire, mais si on ne les fait pas, ce sera un problème vraiment très crucial, au plus tard d'ici dix à quinze ans. Alors, je vous remercie de vos suggestions.

Mme Pelletier-Lamarche: Je sais à l'avance que vous êtes bien sensibilisés. C'est un gros pas.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup. Je vous souhaite un bon voyage de retour.

Une voix:...

Le Président (M. Baril): Je vous remercie et je vous souhaite un bon voyage de retour.

Mme Pelletier-Lamarche: Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Baril): J'invite immédiatement M. Yves Lecomte et son groupe, s'il vous plaît.

Bonjour, M. Lecomte.

M. Yves Lecomte et Mme Marie Guertin

M. Lecomte (Yves): Bonjour.

Le Président (M. Baril): J'aimerais que vous présentiez la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.

Mme Guertin (Marie): Je me nomme Marie Guertin.

Le Président (M. Baril): Vous êtes madame? Mme Guertin: Marie Guertin.

Le Président (M. Baril): Cela me fait plaisir, madame. Vous savez que vous avez 20 minutes pour votre présentation et 40 minutes pour les questions après votre présentation.

M. Lecomte: Tout d'abord, on tient à excuser l'absence de M. Yvon Lefebvre qui est en train de faire de la formation dans un des centres de crise financé par le ministère, celui d'Hochelaga-Maisonneuve. Comme c'était déplacer beaucoup de monde, il n'a pas pu venir finalement..

Dans un premier temps, je vais vous lire le résumé du mémoire et, dans un deuxième temps, Mme Guertin va vous illustrer comment fonctionne notre projet.

Mesdames et messieurs, nous vous remercions d'avoir accepté de nous rencontrer et de discuter d'un projet clinique que nous expérimentons depuis 17 ans. Professionnels non-médecins, nous avons participé à une équipe de professionnels et de citoyens qui a mis sur pied le Centre de santé mentale communautaire de Montréal, structure-pivot - c'est un terme qui va revenir dans le mémoire - des années soixante-dix et soixante-quinze dans les quartiers centre-sud et centre-ville de Montréal, donc, dans des quartiers très défavorisés.

Cette expérience que nous poursuivons toujours a évolué au cours des ans, mais s'appuie encore sur les mêmes principes Initiaux. Ce travail clinique - pour nous, c'est extrêmement important de venir vous parler clinique, de venir vous parler des besoins des patients à qui devrait s'adresser une politique de santé mentale, à savoir les patients chroniques - ce travail clinique sert de point de repère au projet soumis dans notre mémoire. Donc, dans une première partie, nous exposons ce projet et, dans la deuxième partie, Mme Guertin illustrera avec exemples à l'appui comment fonctionne une telle structure.

La lecture du rapport. Pour un partenariat élargi, à la lumière de notre expérience clinique, nous amène à vous proposer une hypothèse pour actualiser les principes et orientations du projet de politique, soit la création d'un réseau de centres locaux de santé mentale entièrement dévolus à la santé mentale, qui traiteraient en priorité les malades mentaux chroniques et qui joueraient le rôle de structure-pivot des services en santé mentale dans un secteur déterminé.

Avant de décrire ces centres, deux étapes doivent être franchies: décrire la philosophie, les objectifs et les lieux de service du système dans lequel nous voulons oeuvrer et situer des partenaires du système québécois actuel en fonction de ce système-guide.

Le système sur lequel est fondée notre analyse se nomme système de soutien communau-

taire. La philosophie de ce système stipule que I'être humain est un être biologique et psychologique, imbriqué dans un réseau social et culturel qui facilite, soutient ou inhibe le développement de la personne. Ce système se fonde sur la définition qu'a donnée le comité Harnois de la maladie mentale. On a souvent tendance à oublier cette définition, mais c'est le coeur de ce projet-là et toutes les propositions découlent de cette définition qui est centrale. Ce réseau se divise selon le tableau qui est inclus dans le mémoire en page 11 - pour ceux qui ont le mémoire - entre le réseau social informel et le réseau social formel. Je vous invite à consulter ce tableau - comme on dit, une image vaut 1000 mots - et vous allez voir un peu comment est le système actuel.

Le premier comprend les usagers, les familles, les amis les lieux de travail de loisir, les ressources alternatives et est peu structuré. Dans ce réseau, situé à gauche du tableau, l'intervention est immédiate et faite par des non-professionnels pour des problèmes légers, alors que le réseau formel - c'est-à-dire que le réseau informel était à droite et le réseau formel était à gauche, si je me souviens bien - est constitué par les institutions et les professionnels. Ce réseau est très structuré et traite les problèmes graves. Dans ce modèle le réseau formel est complémentaire du réseau informel. On n'entend pas cela souvent mais pour nous, en fait cela découle de la philosophie du rapport Harnois. Le premier intervenant, c'est le réseau informel. Le réseau formel entre en jeu lorsque le réseau informel ne peut vraiment aider les gens en difficulté. Cela fait référence aussi aux dires du Dr Aird qui est déjà venu devant une commission il y a deux ou trois ans et qui avait dit que le réseau actuel prenait en charge tous les services et que c'était une illusion finalement sur laquelle les services actuels étaient fondés, mais que cela ne devait pas être ce réseau qui devait prendre en charge tous les problèmes. Dans ce modèle, le réseau formel est complémentaire du réseau informel. II intervient lorsque les problèmes dépassent les capacités d'adaptation et de résolution des membres du réseau informel.

Dans le système de soutien communautaire, les modèles organisationnels sont multiples, car ils sont développés par les communautés. II faudrait revenir, à un moment donné, sur les minorités ethniques dont on n'entend pas beaucoup parler et qui, dans les années futures, vont exercer énormément de pression sur le système pour recevoir des services.

Afin de faciliter sa souplesse, le réseau formel a des mandats orientés vers des objectifs et non vers des services spécifiques. Les objectifs sont au nombre de six la promotion, la prévention, l'identification des personnes en difficulté, la croissance, l'intervention et la restauration, la stabilisation de la crise et - un mot barbare - la sustentation, c'est-à-dire aider les personnes à conserver leur niveau de fonctionnement maximal.

Si on compare les lieux de service du système québécois à ceux du système communautaire qui est la base de notre proposition, la classification des lieux se présente comme suit le lieu naturel, constitué par la famille, les amis, le lieu amélioré, c'est la famille, le milieu de travail et les amis qui ont reçu une certaine aide, le lieu créé, c'est-à-dire les ressources alternatives - maintenant, on va entrer dans le réseau institutionnel - le lieu de soutien qui se divise entre privé et public. Le lieu public est constitué par les cliniques externes de psychiatrie, les urgences psychiatriques, les CLSC, les centres de crise. Les lieux de soins privés comprennent les cliniques médicales ou les cliniques de psychothérapie. Les lieux protecteurs sont constitués par les centres hospitaliers psychiatriques les pavillons, les familles d'accueil, les unités de soins, les foyers de protection sociale, etc. L'analyse - là, on arrive à un point important qui est le nerf de la guerre à notre avis - de ces divers lieux de service démontre qu'au Québec le système est hospitalo-centrique et que 99 % des sommes dévolues à la santé mentale le sont dans le réseau formel, particulièrement dans les centres hospitaliers psychiatriques. Pour rendre ce système opérationnel et efficace, utiliser de façon maximale ces divers éléments et en faire la coordination en fonction de ces objectifs, il faut un organisme pivot implanté dans la communauté, voué à la santé mentale communautaire, cet organisme devrait offrir des services directs et les coordonner avec les services sociaux de santé déjà présents dans le territoire desservi.

Donc, nous proposons comme structure-pivot ce qu'on appelle le centre local de santé mentale. Ce centre est un organisme du réseau public dont le conseil d'administration est composé des représentants des divers réseaux des usagers et des citoyens nommés par suffrage. Le centre est implanté dans un secteur ou il assume la responsabilité de tous les services de soutien public en santé mentale et coordonne tes services de santé mentale des autres partenaires lesquels respectent les particularités socio-économiques des populations.

Ces services sont assurés par une équipe transdisciplinaire et un intervenant est responsable du patient tout au long de son cheminement de façon à assurer la continuité des soins. Le centre poursuit les six objectifs énumérés précédemment. Sa clientèle prioritaire, ce sont les patients chroniques. Le centre est donc amené à réaliser et à coordonner sur son territoire la politique de désinstitutionnalisation. L'institutionnalisation actuelle rend le système de soins centralisé à tel point que, dans un seul lieu des centres hospitaliers psychiatriques, les patients chroniques reçoivent au moins 21 services couvrant autant de besoins de ces patient habitation, soutien financier, gérance

des crises, suivi médical, etc.

Désinstitutionnaliser implique que tous ces patients sont maintenant traités dans la communauté, c'est-à-dire dans un système dorénavant très décentralisé dans lequel les patients doivent satisfaire leurs besoins, souvent dans autant de lieux qu'il y a de besoins. Si aucun organisme localisé dans la communauté n'assume la responsabilité de ses patients et ne coordonne les lieux qui satisferont leurs besoins, le risque est souvent grand que des problèmes soient engendrés.

Pour cela, je me base sur une étude que nous avons faite sur le système américain. Fragmentation des services, rejet de ce qu'on appelle les patates chaudes, refus de la responsabilité de traiter ces patients, qui ne reçoivent alors de services nulle part, la porte tournante par laquelle ils sont obligés de recourir à l'asile pour solutionner leurs problèmes, absence de coordination et d'unification des services.

Tôt ou tard, si nous voulons un système de soins décentralisé dans lequel les patients chroniques reçoivent en priorité les services auxquels ils ont droit, il s'avérera essentiel qu'une structure de soins devienne responsable de leur traitement, de la coordination et de l'unification des lieux de soins, de l'animation du milieu pour les accepter, etc.

Donc, il faut prévoir une structure pivot communautaire, sinon ces patients devront, à nouveau, se tourner vers les asiles pour être accueillis et soignés. La création de ces centres nous semble possible par une réallocation des effectifs professionnels et des budgets actuellement dévolus aux centres hospitaliers psychiatriques.

Avant d'allouer de nouvelles sommes importantes aux institutions psychiatriques, il nous semble opportun d'analyser les possibilités de réallouer ces ressources vers des lieux de traitement communautaires dont le centre local de santé mentale, en vue d'atteindre l'équité des ressources au bénéfice des patients chroniques

Mme Guertin: Je vais maintenant prendre le relais pour essayer d'illustrer le fait que le modèle dont vient de parler mon collègue, Yves Lecomte, n'est pas un modèle qui existe uniquement sur papier et qui a été formulé uniquement pour les besoins de la cause actuelle. C'est un modèle opérationnalisé au centre de santé mentale de l'hôpital Saint-Luc depuis déjà plus de quinze ans.

Au départ, le centre de santé mentale a été un organisme qui a été subventionné directement par le ministère à une époque où il n'y avait pas de service psychiatrique dans le secteur de l'hôpital Saint-Luc. Au moment de la réforme Castonguay-Nepveu, il y a eu intégration de ce centre de santé mentale dans le giron du centre hospitalier, les centres psychosociaux et les centres de santé mentale ne pouvant plus exister sous cette forme.

(12 heures)

Par contre, en ce qui concerne l'intégration à l'hôpital dans le projet de négociation de notre intégration, on a réussi à préserver un certain nombre, je dirais, de privilèges et une certaine philosophie de travail qui nous a été laissée et qui nous permet de travailler d'une façon assez particulière en plus du fait que nous avons conservé de façon active la corporation du centre de santé mentale - c'est ainsi qu'elle s'appelait à l'époque - qui est devenue maintenant COSAM. Nous avons continué d'utiliser cet OSBL, comme on I'entend souvent dire. Nous l'avons conservé pour pouvoir mettre en place des projets que le milieu hospitalier ne nous permet pas de mettre en place, non pas par mauvaise volonté ou parce qu'ils sont contre, mais parce que le milieu hospitalier universitaire de pointe à Montréal est beaucoup trop lourd pour penser que I'on puisse très rapidement mettre des choses en place au chapitre de la santé mentale.

Donc, dans ce contexte, je veux vous présenter un petit peu l'évolution du travail qu'on a fait à Saint-Luc et qu'on continue de faire depuis plus de quinze ans.

Au début, je dois vous dire qu'on arrivait, jeunes professionnels, avec une idéologie et une philosophie extrêmement radicales et extrêmement anti-asilaires. Ce n'est donc pas d'hier qu'on est contre l'asile, sauf qu'à cette époque on ne savait pas de quoi on parlait, parce qu'on ne savait pas ce qu'était la maladie mentale. On ne savait pas ce qu'était la schizophrénie et la psychose au jour le jour.

Dans un premier temps, donc, il n'était question d'hospitaliser personne. C'était d'autant plus facile qu'on n'avait pas de lits à notre disposition, les lits de l'hôpital Saint-Luc n'étant apparus qu'en mai 1973 ou quelque chose comme cela. Pendant un certain nombre d'années, on peut dire qu'on a fonctionné un peu sans filet et on faisait des hospitalisations à domicile. C'était une époque assez glorieuse et assez naïve. De toute façon, la plupart des patients que l'on recevait venaient de l'asile Ils venaient de Saint-Jean-de-Dieu à l'époque. Ils ne voulaient pas précisément y retourner. Ils étaient contre l'asile, comme nous étions contre l'asile. On s'entendait bien là-dessus jusqu'au moment où on s'est rendu compte, à partir de ces contacts quotidiens que l'on a eus avec une clientèle extrêmement lourde et extrêmement défavorisée sur le plan socio-économique - cela ajoute considérablement aux problèmes qu'on éprouve - on s'est rendu compte, à un moment donné, qu'on avait besoin de ressources et de services. On avait donc besoin de toutes les ressources et de tous les services.

Naturellement, je vous fais des raccourcis, mais ce qu'on vous dirait à ce moment-ci à Saint-Luc, c'est que pour les patients dont on s'occupe, on a besoin.. Je dis "patients", parce que, pour moi, cela reste le mot le plus noble et

le plus significatif. Ce n'est pas gratuit. Patient veut dire souffrance étymologiquement; patient veut dire quelqu'un qui attend et qui doit accepter qu'il y ait des délais avant que des choses se passent. Je préfère conserver ce mot dans mon vocabulaire. Ce n'est pas médical pour moi, le mot patient.

Donc, on s'est rendu compte qu'on avait besoin de tout, qu'on avait autant besoin de lits d'hôpital qu'on avait besoin de la fonction asilaire jusqu'à la chambre en ville, mais pas le taudis en ville, la chambre subventionnée, la chambre rénovée, comme la ville de Montréal l'a fait cette année à Montréal. On peut dire que nous sommes extrêmement satisfaits de cet aspect. Je pense qu'ils n'ont pas tout fait pour la personne itinérante, mais que l'on rénove des centaines de chambres, je vous avoue que c'est drôlement utile en termes de qualité de vie pour la clientèle dont on s'occupe.

Nous avions donc besoin de la chambre subventionnée et rénovée jusqu'à des lits à long terme et qui peuvent jouer à un moment donné une fonction asilaire auprès d'une population extrêmement démunie et détériorée. On avait donc besoin de tout cela, en passant bien sûr par toutes les activités thérapeutiques qu'on peut imaginer à l'intérieur comme à l'extérieur des institutions, en utilisant tout ce que le réseau alternatif peut nous offrir en complémentarité des services. Je pense que c'est un point très clair pour nous. On se situe toujours dans une optique de complémentarité. On a l'impression qu'il y a de la place pour tous les gens qui veulent venir jouer avec nous dans cet immense terrain de la santé mentale. Il ne s'agit pas de faire un "free-for-all". Il ne s'agit pas que n'importe qui fasse n'importe quoi, mais je pense qu'on peut affirmer qu'il y a de la place pour tous les gens qui veulent travailler en santé mentale, moyennant un certain nombre de conditions dont on a parlé dans le mémoire, particulièrement dans celui de M. Yves Lecomte.

On a donc besoin de tout, du lourd au léger, de l'alternatif à l'institutionnel en passant par l'intermédiaire. Pour en arriver à ces conclusions, on s'est fondés beaucoup sur un processus d'évaluation qu'on a énormément rigorisé au fil des années. Les premières années où on rencontrait les patients, on fonctionnait un peu à la bonne franquette, ce qui n'était pas mauvais. Mais il y avait bien souvent des choses qui nous échappaient. Il y avait un certain nombre de dimensions qui pouvaient être autant psychologiques que biologiques ou sociales et qui pouvaient nous échapper dans la cueillette des informations et des données qu'on voulait ramasser à leur sujet. On s'est rendu compte à un moment donné que, lorsqu'il s'agissait de faire un projet thérapeutique, on n'avait peut-être pas un outil suffisamment détaillé.

On s'est attardés beaucoup à développer un outil d'évaluation et on s'est attardés beaucoup au processus d'évaluation auquel on consacre encore maintenant énormément de temps dans le travail qu'on fait. Ce processus d'évaluation va beaucoup plus loin que simplement un processus de diagnostic. Il comprend, bien sûr, l'aspect plus médical du diagnostic, bien que je revendique personnellement comme psychologue le droit au diagnostic. C'est quelque chose que je peux faire, un diagnostic psychologique. Il y a certains de mes collègues aussi qui, selon leur profession, peuvent poser aussi des diagnostics professionnels. Mais il reste que ce formulaire ou ce protocole qu'on utilise va beaucoup plus loin que le simple diagnostic psychopathologique. C'est une évaluation dans laquelle on essaie de ramasser vraiment toutes les données qui vont nous permettre, de façon assez souple, d'élaborer par la suite en équipe un projet thérapeutique.

Donc, à un moment donné, après avoir rencontré quelqu'un - cela peut être à une reprise, à deux ou à trois reprises selon le problème qui est présenté et tous les éléments qu'on a à prendre en compte - on va se rencontrer en équipe très régulièrement. Il n'y a pas une évaluation qui n'est pas discutée dans l'équipe, l'équipe se composant de tous les professionnels qu'on retrouve en santé mentale, parce que nous, on est une clinique externe de psychiatrie au sens classique si l'on veut, mais on a des particularités comme je vous le soulignais tout à l'heure. Ces différents professionnels qui ont toujours travaillé, c'est quelque chose qui nous est resté de notre tradition passée, dans une approche assez consensuelle, assez démocratique et assez respectueuse où les gens ont quand même des spécificités, mais où les gens partagent des choses...

Le Président (M. Bélanger): Si vous vouliez conclure, s'il vous plaît.

Mme Guertin:... élaborent un projet thérapeutique qui peut comprendre l'utilisation de toutes les ressources dont vous avez pu entendre parier ici avec, comme personne-pivot, le thérapeute principal qui prend en charge cette personne et qui assure la coordination du traitement tout au long du traitement C'est-à-dire parfois pour quinze ans. C'est mon cas, pour certains de mes patients.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier M. Lecomte et Mme... non pas Giguère?

Mme Guertin: Guertin.

Mme Lavoie-Roux:... Guertin pour leur mémoire. Vous apportez à la commission une expérience différente de celles qui nous ont été présentées jusqu'ici. Je ne m'attarderai pas sur la question du centre communautaire en santé mentale. Mon collègue, le député de Laurier, veut

revenir sur ce sujet. Je voudrais simplement vous faire préciser un point au tout début, quand vous nous avez présenté votre tableau de la page 11 ou de la page 15 dans lequel vous faites une différence entre le réseau formel et le réseau informel. À ce moment, j'ai cru comprendre que les gens devraient en premier lieu arriver au réseau informel et par la suite, j'imagine selon les besoins ou les circonstances, le réseau formel interviendrait selon le type d'interventions qui semblerait requis. Est-ce que j'ai bien compris ou si j'ai mal compris? Si j'ai bien compris que c'était comme cela ce réseau informel ou les gens s'adresseraient en premier, pour vous, est-ce votre centre de santé en maladie mentale, un centre de santé mentale ou un organisme sans but lucratif? En deuxième question, vous travaillez dans une clinique externe à Saint-Luc, mais vous travaillez aussi à l'intérieur d'un organisme sans but lucratif. J'aimerais que vous nous fassiez connaître un peu la nature de cet organisme sans but lucratif et les liens qu'il a avec des services de clinique externe que vous offrez.

M. Lecomte: D'abord, pour savoir ou on s'en va, il faut avoir des objectifs, mais préalablement il faut avoir un système dans lequel on classifie les organismes ou les partenaires si l'on veut, prenons le terme du rapport Harnois. Dans le tableau que vous avez devant vous, cela se divise entre réseau informel et formel. Le réseau informel, c'est l'ensemble des partenaires que nous avons tous conjoints, famille, etc. Et on a essayé de les classifier pour savoir à qui on avait affaire, quel genre de partenaires on pouvait retrouver dans ce réseau. Le principe du système de soutien communautaire, c'est que toute personne qui a des difficultés devrait trouver autour d'elle une personne pour l'aider. Si un conjoint est déprimé, si cela a mal été à son travail, il est évident que, si le soir il en parle à sa conjointe, celle-ci va l'écouter et lui apporter un certain soutien, ce qu'on appelle des aidants naturels, si l'on veut.

Dans le milieu du travail, c'est la même chose, on peut partager ce qui nous est arrivé. Supposons qu'il y a eu une chicane la veille - prenons l'exemple inverse - entre les deux conjoints qui travaillent - maintenant la plupart travaillent - ils peuvent en parler au travail et ils obtiennent une certaine aide, si l'on veut. Mais si - prenons l'exemple de la dépression, l'état de tristesse - cela dure, si cela s'aggrave, si la personne devient disfonctionnelle et ne trouve pas dans son réseau les amis, etc, l'aide qu'il faut, elle va donc devoir tôt ou tard s'adresser, si elle ne veut pas que cela se détériore au point qu'elle devienne disfonctionnelle, à une structure ou à un professionnel, à un lieu qui sera plus structuré, d'où le modèle est, si l'on veut, révolutif. D'un côté, ce sont des problèmes légers, temporaires et, quand on fait affaire au réseau institutionnel, ce devrait être des problèmes plus graves. Mais te problème actuel, c'est la porte d'entrée dans le réseau formel. Alors, on sait fort bien que ce sont les centres hospitaliers, que ce sont les urgences psychiatriques en majorité pour les problèmes de santé mentale.

Bien souvent, dans ce réseau pour X raisons, les gens vont peut-être "prioriser" des problèmes tégers pour lesquels nous pensons qu'ils pourraient être aidés par les ressources alternatives ou par les aidants naturels. Ce réseau devrait "prioriser", d'après nous, les problèmes graves. Donc c'est pour cela qu'on parle des malades mentaux chroniques. Le réseau, le CLSM qu'on propose, devrait être à la jonction de ces deux systèmes. Il devrait être dans le tableau "le réseau de soutien social" sous la rubrique "formel" dans le secteur public. Il serait dévolu entièrement à la santé mentale il serait légalement reconnu par le ministère comme un CLSC, un CH, un CAR, un CSS, ce serait la cinquième structure si Ion veut. Nous, idéalement, on privilégie qu'il relève d'une division de la santé mentale au ministère. Je peux vous sortir le tableau. Cest un gros truc, le ministère. Alors, plutôt qu'être éparpillé il aurait sa propre division et relèverait de la santé mentale.

Donc, ce réseau serait dévolu à la santé mentale, en priorité pour les malades mentaux chroniques. Ici, au Québec, une statistique circule de ce temps-ci, c'est 60 000 Statistique qu'il faudrait contrôler, elle vient des États-Unis. II y a eu des études et on dit que 1 % de la population a des problèmes mentaux graves. On pourrait faire une gradation là-dedans pour situer te plus ou moins grave. Mais disons que généralement c'est grave, mais on peut avoir des niveaux de gravité plus grands que d'autres

Ce qu'on oublie de dire, Mme la ministre, dans les statistiques, c'est que le Dr Tatbot aux États-Unis dit que 6 % de ce 1 % ont besoin de vivre dans un milieu extrêmement protégé comme l'asile. Donc, si on applique la structure ici, on réduit sensiblement la population asilaire. D'environ 10 000 actuellement, on pourrait la réduire à environ 3000. Si on applique cette statistique de 1 %, cela fait environ 60 000 patients chroniques.

Quand on parle de réallocation de ressources, c'est fondé et il faut une volonté ferme pour que cela puisse se faire. Vous le savez comme moi, ce n'est pas facile. Si on veut un véritable partenariat. Je suis pour le partenariat, je trouve que c'est une bonne idée du comité Harnois, mais il faut donner les outils pour qu'il se réalise, ce partenariat. On le voit dans le tableau, 99 % de l'argent va dans le réseau formel. Si vous ne donnez pas d'argent à une structure qui puisse concurrencer les CH psychiatriques, qui puissent prendre charge dans la communauté des patients dont ils ont la responsabilité habituellement et que vous ne donnez pas un peu d'argent au réseau informel, même un peu, disons beaucoup, entre autres aux

ressources alternatives - je vais vous amener à parler de COSAM, notre ressource alternative - il n'y en aura pas de partenariat. C'est impossible. (12 h 15)

Mme Guertin: C'est cela. On pense qu'il ne peut y avoir de partenariat qu'entre des partenaires, qui ne sont peut-être pas de force égale, mais qui peuvent quand même être de taille à se confronter et à se rencontrer sans être absolument certain qu'il va y avoir un gros qui va écraser un petit quelque part dans un coin. Cela, je pense que c'est fondamental et là, on est tout a fait dans le sens du rapport Harnois, le premier principe étant celui de la personne au centre du traitement - je pense que c'est ce qu'on vous a démontré tout à l'heure - le deuxième principe fondateur étant celui de l'équité.

L'équité, c'est l'équité des allocations financières et des ressources humaines. On a l'impression, nous, actuellement - on n'est pas des spécialistes de la question, mais cela fait quand même un bout de temps qu'on travaille dans le domaine - que, s'il y avait réallocation des ressources financières et humaines, on pourrait peut-être faire énormément de choses sans même qu'il y ait injection d'argent neuf. C'est une hypothèse, en tout cas, qui serait drôlement intéressante à considérer de façon sérieuse.

M. Lecomte: Pour conclure sur ce point, Mme la ministre, si on pratique la désinstitutionnalisation - l'expérience américaine le démontre - Il faut que les employés qui sont syndiqués et qui veulent garder leur emploi - moi aussi, je suis un syndiqué, remarquez bien; donc, je tiens à mon emploi - il faut que ces gens puissent pratiquer dans un lieu qui puisse leur permettre d'utiliser leur capacité et de se développer.

Or, vous savez que, actuellement, dans le réseau de la santé mentale - II y a environ 12 000 personnes qui y travaillent - 40 % sont dans le secteur administratif, 25 % sont des préposés et je ne me souviens pas des statistiques, mais plus de 15 % sont des infirmières.

Si vous sortez les patients, il va falloir relocaliser ces gens-là quelque part, il va falloir qu'ils puissent travailler. Donc, il faut qu'il y ait un milieu ou une structure qui puisse les accueillir dans le réseau public, mais qui soit dans la communauté.

Deuxièmement, il faut que ce milieu soit assez flexible pour permettre de former, entre autres, les préposés... mais c'est quand même important qu'on les forme et les gens qui sont dans te travail de bureau, disons, qu'on puisse les former pour qu'ils rendent d'autres services que ceux qu'ils rendent actuellement...

Donc, qu'on améliore leur formation et qu'on leur permette l'exercice de leur nouvelle fonction. Là, j'en viens à COSAM, notre organisme. Nous, à l'origine, le Centre de santé mentale communautaire de Montréal - c'est un OSBL qui a été créé en 1970 par des anglophones et des francophones à la suite d'une recherche - a pris charge de la santé mentale dans les quartiers centre-sud et centre-ville. À la suite d'une pression dans les médias, il a obtenu de l'argent du ministère, 350 000 $ en 1972 - si on actualise ces chiffres, c'est quand même assez élevé - pendant deux ans.

La loi 65 est arrivée et là on a dû entrer dans une des quatre cases. Là, on est entrés à l'hôpital Saint-Luc. On a réussi à cause de la force du groupe à pouvoir se faire accepter et à pouvoir exercer selon la philosophie qui était à l'origine, parce que, nous, on s'est inspirés fortement - ce n'est pas pour rien qu'il s'appelle Centre de santé mentale communautaire de Montréal - des Communities Mental Health Centers américains.

Mais, contrairement à ces centres américains, dès le début, on a priorisé les malades mentaux chroniques qui venaient de Louis-H. -Lafontaine. Là, on a fait une recherche financée par Santé et Bien-Être Social Canada avec trois groupes contrôles. Il y avait 180 sujets, 60 par sujet comparés à un groupe traité à Louis-H. -La-fontaine, un groupe traité au centre et un groupe de citoyens. On a réussi à avoir les résultats, après trois ans de travail, que les patients traités au centre avaient atteint le niveau d'insertion sociale, selon les échelles de quatre, semblable aux citoyens du quartier, ce qui fait que ce n'était plus notre problème à ce moment-là. Cela devenait un problème plus large, plus politique.

Mais je vous apporte cette statistique, parce qu'au Québec on dit toujours ou, en tout cas, on a tendance à dire: L'herbe est toujours plus verte chez le voisin. Alors, on oublie de regarder un peu ce qu'on fait, et il se fait des bonnes choses au Québec. On pourrait vous en parler. Il ne faut pas seulement faire des critiques parce qu'ici il se fait aussi des bonnes choses. Par exemple, pendant que le Dr Voisine est présent, il y a deux ans, le ministère - je n'ai jamais su pourquoi - a donné de l'argent à notre organisme. C'était un montant de 56 000 $, soit 28 000 $ par année.

Le ministère nous a permis de démarrer un projet qut s'appelle PART et qui fonctionne depuis le 1er septembre 1987. C'est un projet selon lequel des patients psychiatriques font du gros ménage chez des personnes âgées dans le quartier du CLSC centre-sud. Ils sont six et cela fonctionne très bien. Les personnes âgées ne les paient pas, mais comme elles sont satisfaites des services, elles leur donnent des pourboires. Je ne suis pas censé le dire - ils sont sur le BS - mais elles leur donnent des pourboires, du linge, etc.

Le ministère fait parfois preuve d'une très grande ouverture d'esprit. Il prend des Initiatives. Mais pour ce faire, il ne peut pas passer par un centre hospitalier, ce n'est pas sa mis-

sion. Le centre hospitalier est fart en fonction d'un modèle et cela fonctionne très bien. On y rend des services. On n'a pas à critiquer cette affaire-là, cela fonctionne. Mais pour la santé mentale, l'illusion est de croire qu'un milieu hospitalier peut réaliser un projet tel que le propose le rapport Harnois. On ne pense pas que cela puisse marcher. Comme on dit dans notre langage, un milieu hospitalier, c'est un gros utérus. C'est un "vacuum", comme on dit en anglais. Cela aspire. Il est tellement gros qu'il se tourne vers lui-même et rend des services aux gens, mais il n'est pas tourné vers la communauté.

Vous savez que j'ai déjà entendu, dans le milieu, des gens dire que les asiles étaient les ressources alternatives au réseau informel. C'est quand même pas mal comme vocabulaire. On a déjà vu...

Mme Lavoie-Roux: Mais là il va rester quatre minutes pour mon collègue de Laurier...

M. Lecomte: COSAM est un OSBL qui a son conseil d'administration et à la suite de l'intégration des effectifs du centre de santé mentale à l'hôpital Saint-Luc, on a gardé opérante la corporation. On a décidé alors de l'orienter vers des services psychosociaux complémentaires aux services cliniques d'un hôpital. On joue donc un peu sur les deux structures. On édite la revue Santé mentale au Québec et on aimerait bien avoir une subvention du ministère pour cela - pendant qu'on y est, je vais vous le dire - parce qu'on a des problèmes. On a le projet PART. On a une communauté thérapeutique depuis décembre 1980, où habitent cinq de nos patients au premier étage. On a une subvention du ministère pour cela et on l'en remercie.

Au deuxième étage, on a trois appartements supervisés et notre maison est construite avec la SCHL, et c'est maintenant la SHQ qui s'occupe de cela. On est installés au Plateau Mont-Royal, de biais avec le métro Mont-Royal. On ne peut pas demander mieux. On a un service de fiducie. On offre un compte de banque aux patients de l'hôpital Saint-Luc et l'hôpital Saint-Luc offre une secrétaire qui a développé une expertise de gestion des patients. Elle en a 80 par mois. Ils déposent de l'argent dans ce compte et parmi ces patients, il y en a certains qui peuvent venir tous les jours et ils ont un chèque en deux minutes. Je ne pense pas qu'un milieu hospitalier puisse faire aussi bien que cela. On n'entre pas dans l'informatique quand on fait cela.

Mme Lavoie-Roux: M. Lecomte, ce n'est pas parce que ce n'est pas intéressant, mais on a des règles. J'espère que j'ai toujours conservé mes quatre minutes pour mon collègue.

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, ça va aller. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: C'était bien parti. J'ai écouté avec beaucoup d'attention. En fait, ce que vous proposez semble être à la fois une certaine forme de révolution pour tous ceux qui, actuellement, gravitent autour du réseau interne, que ce soient les psychiatres, les psychologues ou d'autres personnes, et peu rassurant pour d'autres peut-être, dans la mesure où ce que vous proposez est une structure additionnelle à l'intérieur de la structure. Vous dites que vous proposez un projet qui vous permet d'avoir un centre local de services en santé mentale. Vous dites aussi qu'il y a les CLSC, les CH... Vous connaissez la nomenclature du ministère. Vous voudriez être là tout en ayant, si j'ai bien compris, une autre jambe ailleurs, et vous voulez demeurer indépendant du ministère. Je ne sais pas si. J'ai bien compris. Je veux me faire expliquer cela, parce que le danger qu'on pourrait voir, c'est que vous proposez un nouveau centre local de services, qui soit un centre de services de santé mentale plutôt que de services communautaires. Là, je vous dirais: II y a peut-être le CLSC qui va réagir en disant: Un instant, je voudrais être la porte d'entrée du patient pour ensuite l'envoyer dans le système ou aux organismes bénévoles.

Je sais que je vous fais faire plusieurs réactions, mais je veux bien saisir comment vous présentez ce centre. Est-ce qu'il est dans une structure organisationnelle du ministère ou s'il se trouve à côté? S'il se trouve à côté, de quelle façon fonctionne-t-il?

Mme Guertin: Si vous le permettez, je peux vous répondre. D'une part, effectivement, c'est une structure qui se trouve dans l'organisation des soins tels qu'ils existent actuellement. II ne s'agit pas du tout de se dissocier de cela. Donc, c'est une structure du réseau. D'une certaine manière, ce serait simplement pour nous un déplacement, à savoir que les cliniques externes de psychiatrie, qui sont très souvent au confluent d'un tas d'activités, de ressources et d'échanges entre le milieu, la communauté et le milieu institutionnel intérieur, sont, à notre avis, des groupes déjà formés, qui pourraient jouer ce rôle-là.

Pour notre part, on a l'impression, en tout cas, que c'est ce qu'on fait et que c'est ce qu'on pourrait continuer à faire. Mais le fait d'avoir une plus grande autonomie, donc d'être détachés de l'hôpital, mais en contrat de services avec l'hôpital, comme on peut être en contrat de services avec d'autres institutions ou en rapport de services et d'échanges avec d'autres institutions, ce serait tout aussi efficace, mais on aurait les coudées plus franches, si on pouvait intégrer dans notre structure des activités qu'actuellement on est obligés de réaliser par COSAM. c'est-à-dire l'OSBL dont on vous parlait tout à l'heure, et qu'il serait très difficile à intégrer dans la très lourde structure hospitalière, qui n'est pas assez mobile et qui n'est pas

assez souple pour qu'aux patients qu'on administre chez nous, qui viennent deux ou trois fois par semaine chercher des chèques afin d'être sûrs d'avoir de l'argent jusqu'à la fin du mois, on puisse leur remettre des petits chèques selon leurs besoins et qu'on puisse être extrêmement souples.

Cette souplesse, c'est "the small is beautifull", auquel on croit beaucoup. Elle permet une très grande souplesse, une très grande adaptabilité et permet aussi que, de façon régionale, les gens puissent se définir en fonction vraiment des besoins de la population dans laquelle ils travaillent. Il y a relativement peu d'inconvénients. Déjà nous, par exemple, on est à l'extérieur de l'hôpital, comme plusieurs cliniques externes sont à l'extérieur des murs hospitaliers. Dans Montréal, c'est comme cela, ainsi que dans plusieurs autres endroits. Alors, on a l'impression que, de toute façon, on a déjà quelque chose d'un peu particulier et que cela ne changerait pas énormément de choses, mais que cela nous donnerait une liberté de mouvement plus grande et une efficacité plus grande aussi. Actuellement, on est obligés de courir deux structures à la fois, ce qui est extrêmement lourd parce qu'on le fait en supplément, bien sûr, du travail qu'on fait à la clinique.

M. Lecomte: En fait, si vous le permettez, M. Jolivet...

M. Jolivet: Oui.

M. Lecomte:... seulement 30 secondes là-dessus. Ce serait une cinquième structure... au ministère, qui serait régie par la loi, qui aurait son financement propre, un conseil d'administration, etc., qui serait sectorisée. Nous croyons beaucoup à la sectorisation. Plusieurs critiquent cela, mais nous, on ne peut pas faire de psychiatrie communautaire sans sectorisation. C'est illusoire. Alors, on pourrait en discuter longtemps, mais il faut quand même en être conscient. Donc, il y aurait cette cinquième case, si l'on veut, dévolue entièrement à la santé mentale, ce qui n'est peut-être pas la tendance actuelle, mais nous, nous pensons que la santé mentale nécessite des services spéciaux.

Pour constituer ce réseau - il pourrait y en avoir une centaine au Québec, si on veut - nous, on pense qu'il devrait y avoir une réallocation des budgets des centres hospitaliers psychiatriques. S'ils décroissent, bien... Comme le disait le docteur Pomerleau, il semble aussi difficile de désinstitutionnaliser les budgets que de désinstitutionnaliser les patients. Alors, il faudrait bien qu'on soit conséquent, sinon on maintient toujours le poids; les ressources étant limitées, on ne peut quand même pas aller les chercher dans d'autres pays; ils ne nous les donneront pas. Alors, il faut qu'on s'autosuffise.

Ce réseau traiterait en priorité les malades mentaux chroniques, mais iI recevrait les deman- des du secteur pour faire l'évaluation et il travaillerait en concertation - dans son conseil d'administration, il y aurait des usagers; on aimerait bien réfléchir à un mode d'élection comme iI y a dans les commissions scolaires - avec les organismes, etc. Il serait entièrement dévolu à la santé mentale, et ferait la jonction entre le milieu hospitalier et le milieu communautaire. (12 h 30)

Un dernier point là-dessus, si vous voulez vraiment de l'équité dans le partenariat, il va falloir que, tôt ou tard, vous créiez une ressource avec budget pour contrer le pouvoir qui est entièrement dans le milieu hospitalier. Cela n'est pas inventé par nous. L'AHQ l'a dit en 1984. Le système est hospitalo-centré.

M. Jolivet: Je comprends tout cela. Vous êtes partis d'une organisation qui était en dehors du centre hospitalier. Vous l'avez expliqué tout à l'heure. Vous avez dû vous intégrer à un centre hospitalier; vous avez fait, à coudées franches, d'une certaine façon à coups de coude, votre entrée, et on vous a permis cela. Bravo! Mais vous dites: On devrait ressortir de cette partie pour revenir, d'une certaine façon, à un centre local en santé mentale. Ce centre local en santé mentale devrait être une case du ministère. Là, je vous dis - c'est ma crainte - qu'au bout de la course, quand le président du Conseil du trésor va se prononcer sur les budgets qu'ils vont vous donner, il va y avoir des contrôles qui vont devenir aussi difficiles que les contrôles hospitaliers que vous avez actuellement, de telle sorte que la flexibilité que vous recherchez actuellement ne sera pas là. À long terme, peut-être que, sur le coup, cela va bien paraître, mais à un moment donné il y a un ministre quelque part qui va décider: C'est assez, il y a trop de déficit dans ce coin-là, je mets le tordeur là-dedans, vous allez régler cela de même, je prends le pouvoir là-dessus, parce que vous dites: En vertu de la loi. C'est là une partie.

Vous dites en même temps une autre chose: Les gens de soins prolongés au plan psychiatrique, les cas profonds, si je comprends bien, devraient être sous votre responsabilité. Les CH qui les ont actuellement avec les psychiatres et tout le système qu'il y a là vont dire: Un instant! Ils vont mettre des holà. Je veux bien comprendre que ce que vous proposez, c'est l'intégration des ressources alternatives, les ressources communautaires dans le milieu vous permettant de donner un meilleur service à ceux qui sont désinstitutionnalisés, d'une certaine façon, et qui vivent dans un milieu dit plus naturel, dans les conditions les plus normales possible, comme vous le dites pour les logements de Montréal qui sont rénovés par la municipalité en vertu de l'Année des sans-abri, cette année, mais cela ne se fera pas tous les ans. Il devrait, cependant, y en avoir continuellement.

Pendant ce temps-là, c'est un modèle qui pourrait, comme vous le dites si bien, être viable, mais je me replace. Tout à I'heure, on avait des gens de Rouyn-Noranda Témiscamingue il peut y en avoir dans mon coin, il y a le CH de Sainte-Thérèse qui, actuellement agit selon ses formules à lui en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. II faudrait se poser la question. Serait-on prêt à accepter votre proposition à savoir que dans le secteur du centre de la Mauricie il y ait quelque chose comme cela ou à Rouyn-Noranda ou n'importe ou au Québec?

M. Lecomte: Écoutez, il est évident qu'il va y avoir des résistances. Vous le soulignez et vous vous faites l'avocat du diable ce qui est très bien. D'ailleurs, nous, nous venons vous exposer une hypothèse, nous ne sommes pas quand même naïfs à ce point-là.

Si vous voulez vraiment implanter des propositions du rapport Harnois, qui a un discours très progressiste pour les malades mentaux chroniques, qui était son mandat principal, il va falloir que vous réformiez le système actuel. Ce n'est pas seulement une question d'attitude, comme vous le souligniez au début. II faut un lieu d'exercice ou vont s'implanter ces principes. Cela va prendre plusieurs années, mais il faut au moins donner un lieu d'exercice.

II est évident que le ministère a des contraintes qui ne sont pas mauvaises. II faut quand même savoir, quand on donne des fonds, où ils s'en vont, mais je ne pense pas que le ministère vienne - je pense qu'on va se défendre contre cela, admettons qu'on l'aurait - nous dire quoi faire dans la pratique comme telle. D'ailleurs, le ministère ne peut pas faire cela, parce qu'il irait contre un des principes du comité Harnois qui est la régionalisation. Nous, nous disons. Régionalisation, oui. Mais on dit Sous-sous-régionalisation, pour que le gens dans les quartiers aient accès aux services, aient le pouvoir là-dessus et qu'ils puissent avoir des services selon leurs caractéristiques. C'est toujours le même dilemme, c'est centralisation-décentralisation. Je vous l'ai dit dans la présentation.

Mme Guertin: On a très peu de temps et je trouve important d'illustrer des choses comme celles-là par exemple, et de souligner le fait qu'il est extrêmement important qu'il y ait des centres sous-régionaux de décisions. Nous, nous travaillons dans le centre-ville, le centre-sud de Montréal. On fait actuellement une étude socio-démographique de notre population pour se rendre compte que les impressions qu'on avait sont très en-deçà de la réalité. On travaille dans le tiers monde canadien.

Dans le centre-ville de Montréal, 54 % des familles sont monoparentales. On sait quel indicateur en termes de santé mentale cela représente. Dans le centre-sud de Montréal, 46 % des familles sont monoparentales. II y a 197 % fois plus de problèmes d'alcoolisme et de problèmes physiques consécutifs à l'alcoolisme dans le centre-sud et dans le centre-ville de Montréal. Les bébés du centre-sud de Montréal à la naissance ont la grosseur des bébés du tiers monde. Or, on sait que statistiquement cela entraîne tout un paquet de problèmes de mésadaptation psychosociale. Je pourrais vous en sortir comme cela pendant des heures.

Donc, il faut que, dans le secteur ou on travaille, on puisse mettre en place des réseaux et des mesures de soutien qui n'existent pas et qui sont complètement éclatés. Il faut qu'on puisse mettre en place des choses que le secteur d'à côté ne va pas forcément avoir besoin de mettre en place, parce que sa communauté ne va pas être aussi éclatée et que les besoins tout aussi importants qu'ils vont avoir vont être totalement différents. II faut que cela puisse être respecté et qu'on arrête d'avoir toujours à se battre. Cela fait des années qu'on se bat pour dire par exemple. Nous du centre ville et du centre-sud de Montréal, c'est effrayant comment on fait pitié. On en a ras le bol de dire cela. On n'en a rien à foutre de la pitié. Ce qu'on veut, c'est que cela soit reconnu. II y a une étude sérieuse du DSC de Saint-Luc qui vient de sortir, datée de 1987, sur l'état de la santé du DSC de Saint-Luc et qui donne ces chiffres. Si on peut travailler avec cela on est capables à ce moment de mettre en place des correctifs et de commencer à pallier certains problèmes. Si on est toujours en train de dire Moi, dans mon secteur, je veux ceci ou cela, on nen sort jamais. Si chacun dans son secteur était respecté pour le travail qu'il peut faire, la connaissance de son secteur et la compétence qu'il peut avoir développée, je pense quon épargnerait beaucoup de temps et beaucoup d'énergie. Cela me paraît quelque chose d'extrêmement important à souligner. C'est pour cela qu'on demande d'une manière ou d'une autre que nous soit reconnue un peu plus d'autonomie.

M. Jolivet: Vous avez raison, M Lecomte, de dire que je me faisais l'avocat du diable. C'est l'une de mes habitudes justement de faire sortir ce que quelqu'un a I'intention de présenter et de bien le comprendre, surtout pour l'ensemble des gens qui vont avoir à prendre des décisions. Je poserais la question autrement en disant. Vous avez vécu une expérience dans le passé, vous êtes intégrés dans un système. Vous dites. Ce n'est pas la façon de procéder. Vous dites, en fin de compte, que vous présentez un projet qui pourrait être examiné selon la meilleure possibilité.

Est-ce que je vous comprends très bien en disant ceci. Pour pouvoir faire cette révolution - je vais l'appeler ainsi, parce que c'est plus qu'une évolution, à mort avis - Il faudrait peut-être, au lieu de lancer cela et de dire qu'on fait cela partout au Québec, aller dans des

secteurs précis, qu'on connaît d'ailleurs? On leur dirait: Voici, on vous donne une structure et là, on va donner les mandats précis, que ce soit au CRSSS ou ailleurs - souvent il y a des blocages qui se font dans ces secteurs - ou aux centres hospitaliers. On dirait: Eux, ils ont un mandat, on va leur donner ce mandat et on va l'expérimenter dans la mesure où on pourra l'étendre si on s'aperçoit que c'est l'une des meilleures solutions, mais l'étendre là où les besoins se font sentir et non pas nécessairement l'étendre "at large" et faire en sorte que finalement vous vous retrouviez en disant: Cela ne marche pas ailleurs, cela ne marche pas ici, donc, finalement, on laisse tomber. Une meilleure expérimentation dans votre milieu et dans d'autres plus précis au Québec, dans les centres aussi populeux que les vôtres, effectivement aurait de bons résultats et de bonnes conséquences.

M. Lecomte: Je suis d'accord avec vous. Avant de se lancer dans une telle opération, il faut quand même faire des programmes expérimentaux. Ceci m'amène à dire que l'une de nos propositions, c'est qu'il y ait un institut national de santé mentale, dûment reconnu par le ministère, qui aurait des budgets. Cet institut pourrait, à la lumière des projets concrets qui sont présentés, financer les projets expérimentaux pour qu'on puisse évoluer. On parlait de pays sous-développés dans le quartier centre-sud. En recherche psychosociale au Québec, c'est sous-développée. Tout le monde le sait et tout le monde le dit. C'est effrayant comme c'est pauvre. Nous, à la revue, on veut même publier des recherches, mais il n'y en a presque pas.

Cet institut pourrait avoir des fonds qui pourraient être alloués à des projets expérimentaux comme vous le dites. Cela va tout à fait dans le sens de ce qu'on souhaiterait. Cet institut pourrait aussi financer des projets de recherche dans des instituts. Il y a un excellent centre, en passant, c'est l'unité de recherche psychosociale du Douglas. C'est un excellent centre. Il peut y en avoir d'autres au Québec. Alors, nous, on pense qu'il faudrait qu'il y ait un institut national de santé mentale avec un budget protégé. J'ai appris en fin de semaine que le ministère qui fait des efforts sérieux pour financer la recherche a alloué 1 000 000 $ au CORS en santé mentale, mais il y a 600 000 $ qu'on ne peut pas dépenser actuellement, il n'y a pas assez de projets.

Comme on est sous-développés, il ne faut pas s'imaginer, parce qu'on investit de l'argent, que tout le monde va arriver comme cela. Il faut créer l'intérêt. En ayant des budgets protégés, cela va permettre d'aller dans différents types de recherche, d'améliorer tranquillement les équipes et, à un moment donné, on va élever le niveau. C'est ce qu'on disait au début. On a fonctionné comme cela. Ce n'est pas parce qu'on met de l'argent... Le ministère a fait un gros effort, je dois le dire, mais il faut quand même former des équipes. Nous pensons qu'un institut national permettrait de donner le temps, de ne pas tes mettre en concurrence avec les autres. Cela, c'est une autre affaire. Nous disons qu'il y a des services spéciaux en santé mentale, alors que, actuellement, c'est tout à fait intégré, c'est en concurrence avec la médecine.

Un bon exemple de cela, pour terminer. Vous entrez dans un hôpital... Voulez-vous donner de l'argent pour une fondation, pour de l'équipement? J'ai toujours le goût de leur dire: L'équipement, des machines à électrochocs, pour nous, cela n'a pas de sens. Il faut être conscient de cela. Si la pathologie est spécifique, les lieux doivent être spécifiques et tout s'ensuit: la structure, les budgets, etc. Il faut être cohérent.

M. Jolivet: Dans la mesure où vous souhaiteriez un projet pilote dans votre propre secteur, des centres hospitaliers du milieu, du CLSC, du département de santé communautaire, du CRSSS, du CSM, du CSS, quels sont vos intuitions ou vos contacts réels vous permettant de dire qu'il n'y aurait pas de réticence à mettre en place un tel centre local de services en santé mentale?

Mme Guertin: Aucun problème. Quand on dit qu'on a opérationnalisé le modèle, c'est vrai, c'est-à-dire que, depuis des années, on fonctionne de façon extrêmement harmonieuse - ce n'est pas exagéré de le dire - avec les deux CLSC de notre secteur, le CLSC centre-ville et le CLSC centre-sud; ce sont des CLSC auprès desquels on a fait très régulièrement de la consultation, avec lesquels on a des échanges de services; donc, les relations sont excellentes avec ces CLSC.

Dernièrement, on a mis sur pied un programme de formation auprès du BSS centre-ville. Avec une de mes collègues, je donne toute une série de séances de formation cette année aux travailleurs sociaux qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale extrêmement lourds dans leur clientèle et pour lesquels ils se sentent souvent très débordés. C'est tout un travail qu'on fait cette année. On a les meilleurs rapports avec les gens du réseau d'aide, on siège dans leur comité de santé mentale. Le réseau d'aide a la plupart de ces organismes dans notre quartier, dans notre secteur. Ce qui fait que nos rapports avec les institutions actuellement autour de nous, les groupes institutionnels ou non, sont excellents. Cela fait des années qu'on travaille avec eux, qu'on leur accorde énormément d'attention et qu'on travaille dans un rapport d'échanges et de respect. Cela, je pense que c'est quelque chose de très important.

Je ne sais pas si vous me permettriez d'aborder un autre élément que je trouve quand même important, dont on a très peu parlé et qui pour nous est extrêmement important. C'est cette question justement de l'équipe, un peu comme si... Qui sommes-nous, nous qui prétendons pouvoir faire cela? On a quand même mentionné tout à l'heure qu'on était, présentement en tout

cas, des professionnels compétents, bien formés et réputés compétents. Je pense qu'ii serait important que, effectivement, dans ces centres-là, les gens qui offrent les services à la clientèle la plus lourde aient une excellente formation de base. On n'a pas une position corporatiste à tout crin, mais on pense que n'importe qui ne peut pas faire n'importe quoi. On peut très bien reconnaître, par exemple, que le médecin est absolument essentiel pour ce qui est de l'aspect biologique et médical du traitement, comme il peut y avoir des leaders d'autres professions qui peuvent s'occuper de toute la dimension sociale. Pour nous, c'est extrêmement important.

Il est extrêmement important aussi de savoir qu'on connaît fort peu de choses sur la maladie mentale actuellement. Quand on parle de recherche, on peut parler de recherche sociale, c'est sûr, mais on peut parler d'interventions, il faut aussi qu'on se dise, et qu'on soit bien conscient, qu'on connaît très peu de choses au sujet des causes et des origines des maladies mentales. Il y a encore énormément de travail à faire. On travaille sans cesse finalement avec les limites de la connaissance; on travaille avec l'état des connaissances actuel, mais elles sont très limitées. Il est très important de continuer à essayer d'aller plus loin pour comprendre ce qui se passe quand on parle de maladie mentale. Il ne s'agit pas seulement de mettre en place des structures, des services, des ressources, des organismes, des institutions ou n'importe quoi d'autre, il faut aussi savoir à quoi ils s'adressent, pourquoi et en fonction de quoi, et cela est assez limité encore effectivement, peut-on dire présentement, les connaissances qu'on en a, Et il faut qu'on continue à travailler très fort dans ce sens-là. (12 h 45)

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Évidemment, on a très peu de temps. Vous avez répondu en partie dans votre dernière réponse à l'une des questions que j'avais. Mais, pour moi, c'était beaucoup plus en ce qui concerne la création de la cinquième structure autonome.

Vous avez regardé, à un moment donné, toute la question des CLSC. Vous dites même que c'est une option. Vous donnez trois raisons pour lesquelles ce ne devrait pas ou ce ne pourrait pas être les CLSC. Je peux vous dire qu'à la première lecture, beaucoup de vos objections me semblent des objections qu'on pourrait peut-être soulever même par rapport au centre local de santé mentale, surtout quand vous dites que l'institution elle-même devient le moteur de son propre développement.

Une autre institution ne deviendrait-elle pas la même chose? Mais pourquoi écartez-vous si rapidement l'idée d'intégrer le centre de santé mentale aux CLSC, plutôt que de créer une autre structure avec un autre conseil d'administration, d'autres directions générales, d'autres locaux et tout le tralala qui va avec?

M. Lecomte: Écoutez, pour ce que j'en sais des CLSC... Je pense que vous êtes mieux placé que moi. Vous connaissez mieux les CLSC que moi. Dans les contacts que j'ai eus, dans mes discussions, les CLSC revendiquent la première ligne. Nous, on s'oppose à ce vocabulaire technocratique pour les patients là où ce langage n'a aucun sens.

Alors, la première ligne s'adresse aux problèmes légers. Les patients chroniques sont des problèmes lourds et les CLSC n'en veulent pas. Nous, notre centre veut s'occuper en priorité des patients lourds. Donc, si le CLSC est prêt à faire ça, on est bien d'accord, remarquez bien.

Vous avez raison de dire pourquoi vous voulez créer... Cela se discute. On y a même pensé sérieusement. Mais il y avait cette objection majeure de s'occuper des patients lourds et c'est une volonté ministérielle, une politique de tout gouvernement, d'après nous, de devoir s'adresser aux patients les plus démunis parmi les démunis, que sont tes patients lourds.

Si les CLSC sont prêts à faire ça, à nous donner les coudées franches, on est bien d'accord. Mais autre chose qu'il faut dire, c'est que s'ils acceptent cela ils devront modifier leur philosophie. Ce ne sont plus des services à court terme, des problèmes légers, ce sont des services à très long terme qu'il faut offrir.

Je vous invite à lire le prochain numéro de Santé mentale au Québec. On est en retard, parce qu'on n'a pas d'employés permanents. D'où l'idée d'une subvention que je demande au ministère. On va avoir un article sur l'intégration de la clinique Saint-Jacques à un CLSC. Ne mentionnons pas le CLSC. Évidemment, c'est la vision des gens, mais comme c'est public, on va le publier et on peut le dire. C'est qu'on leur fait un déni du traitement psychodynamique à long terme.

Dans le projet que propose le comité Harnois, c'est extrêmement important, cette orientation psychodynamique. Donc, notre objection majeure est à cause du projet clinique. Mais en termes de structures, vous avez tout à fait raison. Cela se conçoit fort bien et ce serait la structure la plus naturelle.

Mais si on va dans les CLSC, moi, je pense qu'il faut y aller pour tous les patients et ils devraient... D'ailleurs, il y a des médecins qui évoquent chez nous l'idée que les cliniques externes devraient être localisées dans les CLSC et que les hôpitaux se consacrent à l'expertise de consultation, à ce qui est bien populaire de ce temps-ci, la psychosomatique, à l'évaluation des médicaments, et au traitement à court terme, qui nécessite une hospitalisation pour les patients très lourds. Les centres hospitaliers psychiatriques devraient se consacrer - avec des services

de recherche, etc - aux patients lourds qui ne peuvent vivre dans la communauté. Comme je vous l'ai dit tantôt, cela commence à se résumer à peu d'individus. Même si le nombre absolu est assez élevé, professionnellement, c'est très peu d'individus.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci de l'ensemble de votre proposition. Je pense qu'il vaut la peine de la regarder avec beaucoup d'attention. Ce que je vous souhaite, c'est la meilleure des conclusions et qu'une politique de santé mentale en arrive à donner les meilleurs soins, tout en considérant les capacités que l'État a de payer, mais en sachant que les projets pilotes peuvent être faits à mon avis dans la mesure ou on a cette volonté de les faire. C'est une décision politique à ce moment-là

Mme Lavoie-Roux: Je veux également vous remercier Je pense que ce sont des perspectives relativement nouvelles que vous nous apportez. Je profite toujours. enfin je triche toujours un peu en conclusion pour faire quelques messages. Premièrement, ce qui me frappe un petit peu, c'est qu'il y aurait votre institut national de recherche en santé mentale et qu'il y aurait les nouvelles cliniques communautaires en santé mentale. En admettant que ce serait la solution parfaite, je vous assure qu'à l'heure actuelle, dans le réseau, vendre une nouvelle structure n'est pas facile. Vous l'avez mentionné et je vous en remercie.

En fait, cette année, le budget de la recherche sociale au Québec, comment appel-le-t-on ce comité - je me mêle toujours avec le FRSQ - mais iI s'appelle, le CQRS, bon merci. Au CQRS, le budget est de 500 000 $ pour la santé mentale et 500 000 $ pour l'alcoolisme et la toxicomanie. Mais étant donné qu'il n'y avait qu'un budget de 1 700 000 $, si je ne me trompe, cela fait un budget considérable. Je pense que l'alcoolisme et la toxicomanie comportent aussi des aspects de santé mentale. C'est faible et j'étais fort consciente que le CQRS - tant mieux pour eux, car ils font vraiment de l'excellent travail - ait pu se développer. Les chercheurs dans le domaine social, s'il y en a plusieurs, je ne sais pas où il sont, mais enfin, ils n'ont pas réussi à progresser

Je dois vous dire qu'il faut peut-être examiner quel serait le meilleur endroit pour articuler ce partenariat entre tous les intervenants dans le domaine de la santé mentale, mais je verrais difficilement que l'on puisse ajouter une structure nouvelle. Est-ce qu'on peut le faire à partir d'une structure ou d'un type d'établissement qui existe présentement? En tout cas, je pense qu'on peut raisonnablement se poser la question. Mais ce qui m'intrigue, c'est qu'hier soir on avait ici des représentants, enfin il y avait un représentant qui ne représentait pas l'Hôtel-Dieu, mais qui était psychiatre à l'Hô- tel-Dieu. Comme c'est public, je pense que je peux en parler.

Mme Guertin: Nous le connaissons bien.

Mme Lavoie-Roux: Bon! II voulait venir chercher des psychiatres de Québec qui seraient prêts à travailler dans une approche beaucoup plus communautaire et qui s'apparente, j'imagine, à bien des égards, à ce que vous prônez vous-mêmes. Mais ce que je ne comprends pas, c'est que vous êtes presque voisins, soit Saint-Luc et l'Hôtel-Dieu - vous êtes à un peu plus d'un mille, mais à peine, pas beaucoup plus - et on ne semble pas capables de se rencontrer. Je pense que les deux font parties du DSC de Saint-Luc, à moins qu'ils n'appartiennent au General, mais je ne le sais pas.

Mme Guertin: Ils appartiennent au General.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous êtes quand même.

Mme Guertin: On est proches et on a aussi des projets communs.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes très proches. On allait même jusqu'à nous demander des ressources de la ville de Québec pour réaliser ce type de projet pour lequel ils semblent avoir des difficultés à trouver des alliés à Montréal. Remarquez qu'une partie est mon interprétation. Ce n'est pas ce qu'il m'a dit précisément, mais c'est la perception que j'en ai eue. Je me demande si les efforts locaux sont suffisants, et là, peut-être qu'on rejoindrait l'idée d'un projet pilote un peu élargi auquel faisait allusion le député de Laviolette, mais, en tout cas, ce sont des questions qu'il faut se poser.

Mme Guertin: II n'est pas obligatoire que ce soient des psychiatres, de toute façon, qui le fassent. Ce qui est important, c'est qu'on ait effectivement des psychiatres pour le rôle particulier qu'ils ont à jouer, mais il y a aussi plusieurs autres gens qui peuvent le faire. D'ailleurs, on a des projets communs. Je participe à un projet commun avec l'Hôtel-Dieu. Je ne sais pas si le Dr Lauzon est au courant, mais il reste qu'il y a certains projets qui existent de collaboration à l'égard, par exemple, d'appartements supervisés ou des choses semblables.

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, je vous remercie. Vous avez fait la démonstration que vous étiez bien convaincus de l'approche que vous avez. Je pense que c'est ce genre de modèle que l'on cherche pour vraiment actualiser le mieux possible les principes de la politique. Je vous remercie de votre participation.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales vous remercie et suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude du projet de politique de santé mentale pour le Québec tel qu'énoncé dans le rapport du comité présidé par le docteur Gaston Harnois et qui a été rendu public le 30 septembre 1987.

Les remplacements sont les mêmes de toute façon. On va continuer avec la même séance. J'appelle donc à la table des témoins Mme Micheline Lynch et Mme Sylviane Lalonde.

Je veux simplement vous rappeler nos règles de procédure et vous dire que vous avez 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et que les membres de la commission ont 40 minutes pour procéder à l'interrogatoire. Je vous prie de commencer, madame. Tout d'abord, si vous voulez bien vous identifier.

Mme Micheline Lynch et Mme Sylviane Lalonde

Mme Lynch (Micheline): Oui, bonjour! Je suis Micheline Lynch, ombudsman au centre hospitalier régional de Lanaudière à Joliette. Ma consoeur et moi avons souhaité nous partager le temps, si vous le permettez. Je m'excuse d'avoir à vous lire un texte. J'aurais préféré vous parler de façon plus dégagée, sans texte, mais vous comprendrez que les commissions parlementaires ne faisant pas partie de mon quotidien, Je souhaitais m'enlever un stress. Je suis certaine que vous allez comprendre. Je vous remercie.

C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai étudié, au chapitre du respect des droits, les propos énoncés par les membres du comité présidé par le docteur Harnois. En effet, il est rassurant de constater que ce chapitre occupait une place importante au tout début du projet de politique de santé mentale pour le Québec. Lorsque l'on voit dans ce projet de politique affirmer le respect auquel a droit la personne comme principe de base et que l'on voit que l'on souhaite qu'une série de moyens relatifs aux droits de la personne soit mise de l'avant, on ne peut que constater le long chemin parcouru. Il était primordial que l'on amorce une politique de santé mentale en reconnaissant l'importance que les psychiatrisés soient reconnus comme des citoyens à part entière pour arriver ainsi à briser les résistances du milieu et la stigmate d'incompétence permanente que l'on colle à ces bénéficiaires.

De même, lorsqu'il apparaît essentiel d'assurer le développement plus systématique d'une véritable fonction d'"advocacy" au Québec, je ne peux que souscrire à cet énoncé et souhaiter participer à l'officialisation d'une telle fonction. Aujourd'hui, dans les quelques minutes qui me sont allouées avant que nous puissions discuter, je souhaiterais insister sur deux points qu'il me semble essentiel de réunir pour en arriver justement à planifier et développer un véritable système "d'advocacy" sérieux et utile aux bénéficiaires.

Je choisis d'utiliser le terme "bénéficiaire", puisqu'il est évident que je m'attache, de façon exclusive, aux bénéficiaires Inscrits, hospitalisés ou hébergés dans un établissement de santé du Québec. L'expertise que j'ai acquise depuis trois ans auprès de cette clientèle me permet d'énoncer que la reconnaissance et la défense des droits des psychiatrisés commencent en établissement. Une personne, éprouvant au cours de sa vie des difficultés de nature psychiatrique, devra, dans la presque totalité des cas, se présenter à l'urgence du centre hospitalier de son secteur et y demeurer rattachée parfois pour longtemps par le biais de l'hébergement interne, les cliniques de secteur ou les ressources intermédiaires.

Les deux points que je souhaite mettre en exergue aujourd'hui vous ont déjà été soumis dans le texte que je vous ai fait parvenir et qui se présentait comme une opinion devant les recommandations R-3 et R-4 du rapport Harnois. Ce sont les suivants: 1° la nécessité qu'un ombudsman soit présent au coeur de l'établissement de santé et que sa place lui soit reconnue par une loi ou un ajout à une loi existante, cela restant à préciser; 2° que son rôle en soit un de défenseur des droits et, pour ce faire, iI est essentiel que son mandat lui reconnaisse un véritable pouvoir d'enquête et un pouvoir de faire agir, ces modalités étant également à préciser.

Mon premier point, soit la nécessité de la présence d'un ombudsman au coeur de l'établissement, m'apparaît essentiel à la mise en place d'un véritable système assurant la défense des droits des bénéficiaires. Le rapport Harnois t'indique bien et je cite: "L'importance accordée à cette fonction implique sa mise en place le plus près possible où se vivent les situations qui font problème. " Je diverge d'opinion lorsqu'on souhaite placer l'ombudsman dans un cadre régional; l'établissement de santé est un lieu important où se vivent des situations qui font problème.

À cet égard, lors de ma première présentation écrite, premièrement, j'ai insisté sur les difficultés que rencontrent les bénéficiaires lorsqu'ils veulent adresser des demandes d'information ou des plaintes à des intervenants extérieurs au centre hospitalier, lorsque l'on sait que l'institutionnalisation crée la vulnérabilité en minant les droits des bénéficiaires à l'autonomie et à l'indépendance.

Deuxièmement, j'ai parlé de l'impossibilité

pour les intervenants cliniques d'être à jour sur toutes les règles à connotation juridique. De plus, la charge toujours grandissante des tâches qu'ils ont à effectuer leur fait souhaiter travailler en complémentarité avec un intervenant qualifié pour ce faire. Lorsque des règles ou procédures d'établissement devenant désuètes ou caduques ne permettent pas de respecter les droits des bénéficiaires, elles doivent alors être modifiées. Il est, en effet, essentiel pour eux de pouvoir s'appuyer sur des politiques et procédures claires, entérinées par les instances décisionnelles de rétablissement pour ainsi agir en toute sécurité dans l'intérêt du bénéficiaire. En plus, ils ont besoin pour cela d'être soutenus adéquatement et quotidiennement.

J'ai parlé du projet de loi 20, de la déjudiciarisation du droit des personnes, de la multitude des lois régissant le domaine de la santé et de la difficulté pour les bénéficiaires d'être assistés sur place par un avocat ou conseiller juridique, de façon rapide. Ces derniers, les avocats, considèrent souvent cette clientèle comme peu intéressante. De plus, les milieux psychiatriques ne leur ouvrent pas encore les portes à deux battants; l'asile avec ses portes verrouillées n'est pas bien loin de nous.

Finalement, un quatrième point, j'ai également parié de tous les autres problèmes à connotation non juridique que vivent les bénéficiaires en établissement et qui peuvent, s'ils ne sont pas réglés, mettre en péril leur relation thérapeutique. D'où l'importance qu'une personne indépendante puisse les entendre rapidement, de façon personnalisée et hors du contexte thérapeutique ou clinique.

Toutes les plaintes formulées par les bénéficiaires méritent un traitement, car elles mettent en lumière une problématique pour laquelle le bénéficiaire n'a pas trouvé de solution. Il est parfois nécessaire d'aider le bénéficiaire à reformuler sa plainte ou à la préciser, car l'expérience m'a prouvé qu'il y a toujours quelque chose derrière, et parfois c'est surprenant. J'ai la ferme conviction qu'il est essentiel qu'un ombudsman soit présent sur place et qu'il est aussi essentiel que son rôle n'en soit pas un d'agent de relations publiques de l'établissement, ayant comme mandat de vendre les politiques de l'établissement aux bénéficiaires. Pour ce faire, iI doit avoir un mandat clair, non négociable pour être crédible aux yeux de tous.

Cela m'amène à mon deuxième point: Pour que l'ombudsman puisse jouer son rôle de défenseur et d'informateur des droits, il devrait essentiellement jouir d'une indépendance tant auprès de l'établissement que du réseau de la santé, tout en étant encadré par une définition claire de son rôle et de son mandat. En plus d'être disponible et constamment présent dans le milieu, iI devrait pouvoir faire enquête sur les cas qui lui sont soumis.

Pour étayer mes propos de façon concrète, je choisis de vous présenter cinq brefs cas vécus qui ont heureusement été résolus dans un premier temps, parce que quelqu'un les a entendus et a cru le bénéficiaire et, dans un deuxième temps, parce que les intervenants concernés ont accepté que lesdits problèmes soient réglés, mais rien actuellement ne les obligeait. Cela a quelquefois nécessité du harcèlement jovial de la part de l'ombudsman que je suis, qui n'a actuellement qu'un pouvoir d'influence sans véritable pouvoir d'enquête reconnu. Cela a également nécessité que j'entreprenne des démarches à l'extérieur de l'établissement auprès d'organismes qui pouvaient nous aider à les résoudre adéquatement: Commission des affaires sociales, commission d'examen, procureur de la couronne, Protecteur du citoyen, Curatelle publique, Aide juridique, pour ne nommer que ceux-là. Voici donc ces brefs cas vécus.

Mon premier cas. Gérard est un bénéficiaire admis à une unité de courte durée psychiatrique qui a été placé en cure fermée selon les règles de la protection du malade mental. Il souhaite contester sa cure fermée, car il ne pense pas représenter un danger pour lui-même ou pour les autres. Il pense plutôt qu'on veut l'obliger à demeurer à l'unité par commodité et parce que sa famille a menacé l'unité de poursuites s'il quittait l'hôpital. On préfère ne plus le voir chez lui. Il adresse donc sa requête de contestation de cure fermée à la Commission des affaires sociales, tel que la loi le lui permet. La CAS communique avec le bureau du directeur des services professionnels pour vérifier les allégués de Gérard. Le DSP, après vérification auprès du psychiatre, avise la CAS que la cure fermée est levée. En effet, il apparaît au dossier que le psychiatre a levé la cure fermée de Gérard. Jusqu'ici, aucun problème. Tout a été fait selon les règles.

Mais voilà que, malencontreusement, au cardex et au plan de soins, on a oublié de retirer la pastille rouge qui identifie que ce bénéficiaire est en cure fermée. Gérard ne peut quitter l'unité sans être accompagné et iI subit tous les inconvénients de la cure fermée. La CAS lui a indiqué qu'elle n'a plus juridiction puisqu'il n'est plus légalement en cure fermée et Gérard ne sait que faire. Quel est son pouvoir? À qui peut-il se plaindre sur place? En qui peut-il avoir confiance? Qui a le véritable pouvoir d'enquêter de façon sérieuse sur la situation qu'il vit et surtout qui a le pouvoir de faire en sorte que des pratiques comme celle-ci ne se reproduisent plus et que les responsables de cette situation soient avisés que l'établissement ne tolère pas et ne cautionne pas de tels agissements?

Mon deuxième cas. Gilbert et Germaine sont conjoints. Ils se sont connus en établissement et ils se sont mariés voilà quinze ans. lis vivent ensemble depuis ce temps. Leur vie n'est pas toujours facile, mais c'est celle qu'ils ont choisie. Mais voici qu'ils se retrouvent tous les deux en difficulté, et une réhospitalisation est

rendue nécessaire. On les hospitalise on résorbe la crise et on oriente par la suite leur dossier au comité d'orientation et d'allocation des ressources en vue dun hébergement à long terme. Après I'étude des dossiers. II est décidé que Germaine irait en famille d'accueil et de réadaptation et Gilbert en pavillon. C'est pour leur bien et tous les intervenants s entendent sur cela Ils sont séparés mais on est convaincus que c'est beaucoup mieux pour eux Germaine et Gilbert pensent le contraire. Que peuvent-ils faire? Ils sont en panique. À qui peuvent ils s'adresser? Qui peut les informer de leurs droits et recours? Qui peut exiger que les intervenants s'assoient et revoient la question? Qui peut faire en sorte que ces bénéficiaires soient entendus et que leur désir soit respecté, et dans quel délai? Quel appel ont-ils des décisions prises sur eux et qui auront des conséquences sur leur vie?

Mon troisième cas Stéphane est admis au centre hospitalier, sur l'ordonnance du lieutenant-gouverneur il a fait usage de faux, un faux chèque. Un psychiatre la déclaré inapte à subir son procès. II reçoit des soins psychiatriques et, huit mois plus tard, iI est toujours en établissement. Que peut il faire pour crier qu'il existe, qu'il est là et qu'on l'oublie? Les intervenants lui disent que c'est le lieutenant-gouverneur qui l'a envoyé en établissement et que cest lui qui lui permettra de sortir. Stéphane n'a pas d'avocat et ne sait que faire pour en avoir un. C'était son premier faux chèque.

Le problème de Stéphane était le suivant la cour avait omis de faire parvenir son ordonnance à la commission d'examen. La commission d'examen aurait dû venir l'entendre après six mois de mise sous ordonnance tel que I'indique le Code criminel, mais elle na pu venir puisque aucun dossier n'avait été ouvert à son nom. Le psychiatre, de bonne foi, était convaincu qu'il n'y avait rien à faire, sinon d'attendre la visite de la commission d'examen pour que son cas soit réévalué. Le procureur de la couronne pensait que l'établissement allait faire parvenir le dossier à la commission d'examen et le centre hospitalier pensait que la cour l'avait fait. Une fois la situation corrigée. Stéphane a été cité à son procès et a quitté. Qui a le pouvoir de faire enquête et d'exiger que des règles soient écrites et suivies, que des procédures claires respectant les droits des bénéficiaires soient suivies sans risque d'erreur de cette sorte et qu'une telle situation ne se reproduise plus, principalement lorsque deux lois ou deux ministères différents sont en cause?

Mon quatrième cas Conrad est admis au centre hospitalier. II a des démêlés avec la Justice. Mais voici, il est déclaré inapte à subir son procès. II conteste l'évaluation que le psychiatre a faite de sa condition. II se sait malade, mais il souhaite être jugé. II comprend ce qu'on lui reproche, il est en mesure d'aider son avocat et de comprendre la portée d'une condamnation. Mais voilà, le psychiatre refuse qu'un confrère le réévalue Conrad souhaite justement qu'un psychiatre indépendant et surtout familier avec les procédures légales puisse I'examiner sur sa capacité à subir un procès. Mais sectorisation oblige, c'est le refus. À qui peut-il présenter sa demande? Qui peut assurer qu'une deuxième expertise puisse être faite? Conrad et moi sommes des toqués qui avons finalement eu gain de cause. II a subi son procès la semaine dernière.

Mon dernier cas Ginette est très malade. Elle est en psychose aiguë. Elle est dans une unité de soins intensifs. Elle reçoit de la cour un bref lui indiquant qu'elle doit s'y présenter. Son mari veut divorcer, obtenir la garde de ses enfants et vendre la maison familiale. L'audition doit avoir lieu dans la semaine. Qui verra à s'assurer qu'un avocat la représentera à la cour malgré son absence pour éviter que son conjoint ne procède par défaut? Qui communiquera avec le juge pour l'informer des difficultés présentes de Ginette et demander un report pour quelle puisse être en mesure de se présenter et de se défendre de façon pleine et entière lorsqu'elle sera mieux?

Je pourrais continuer la description de ces faits encore longtemps. Les pistes que je propose pour éviter que de telles situations demeurent sans solution et que des droits fondamentaux ne soient pas respectés sont premièrement la présence au coeur de l'établissement d'un ombudsman adéquatement formé qui aura pour tâche d'enseigner au personnel les droits des bénéficiaires, d'enseigner aux bénéficiaires leurs droits et de défendre les droits des bénéficiaires. Deuxièmement, cet ombudsman devrait être rattaché à une instance organisée, indépendante du réseau mais près du ministère.

II est certain que ledit rattachement n'est pas simple et que les modalités d'encadrement des ombudsmen sont à définir. Cependant, à ce stade, il est important de souligner que cet encadrement devrait voir à ce que son mandat soit clair, avec des normes uniformes de formation et d'intervention pour tous les établissements.

Troisièmement, pour travailler de façon efficace, cet ombudsman devrait avoir un véritable pouvoir d'enquête. II devrait être indépendant de l'établissement où il travaille. II devrait pouvoir se référer à un contentieux indépendant et intéressé aux situations que vivent les bénéficiaires en établissement, de même qu'à un groupe d'intervenants, psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, etc, extérieurs au réseau, mais ayant des habiletés et des expertises reconnues pour l'aider dans sa tâche. Merci.

Le Président (M. Leclerc): Merci, madame Mme Lalonde.

Mme Lalonde (Sylviane): Je suis Sylviane Lalonde, ombudsman au centre hospitalier. Douglas à Verdun.

Dans les prochaines minutes, je vais tenter de résumer l'essentiel de mon document qui traite de la question des "ombudspersons", de la section 1. 1. 4, c'est-à-dire le respect des droits dans le cadre du rapport Harnois. J'ai choisi de traiter plus particulièrement de la situation des "ombudspersons" qui travaillent dans les centres hospitaliers psychiatriques, parce que ce sont ces personnes qui sont chargées de faire respecter les droits des bénéficiaires qui présentent des problèmes de santé mentale dans les centres.

Dans le rapport Harnois, on dit qu'"il faut", et je cite, "affirmer le respect auquel une personne a droit comme principe de base. " On dit également "qu'il est devenu essentiel d'assurer le développement plus systématique d'une véritable fonction d'"advocacy" au Québec. "

On parle également de l'importance du respect des droits des personnes. Je crois que le comité de la politique en santé mentale a fait un effort, dans le sens qu'il a consacré des recommandations à la question du respect des droits, sauf que c'est incomplet et insuffisant parce que je considère qu'il existe de nombreuses lacunes quant à la fonction d"advocacy" telle que présentement pratiquée au Québec.

Certains points vont recouper ce que Micheline a dit, mais je pense qu'il est important que ce soit dit. Ces lacunes sont une entrave au développement et à la reconnaissance du respect des droits des bénéficiaires tel que prôné par le rapport qui nous concerne aujourd'hui.

Étant donné que j'ai jugé que ce qui était dans le rapport Harnois était très insuffisant, j'ai décidé de faire les recommandations suivantes, c'est-à-dire que, dans chaque établissement psychiatrique, il devrait y avoir une personne 'qui occupe la fonction d'ombudsman parce que, malgré le mouvement de désinstitutionnalisation qui s'est déjà amorcé, les établissements psychiatriques demeurent aujourd'hui un endroit où on retrouve, dans le cas des gros établissements, plusieurs milliers de personnes. C'est là qu'on retrouve beaucoup de gens qui ont des problèmes de santé mentale. De toute façon, je pense que la plupart des hôpitaux ont compris cela et ont déjà engagé des "ombudspersons" dans plusieurs de ces institutions jusqu'à maintenant.

Deuxièmement, disons que je recommande que tous les départements de psychiatrie des hôpitaux généraux devraient être couverts par une "ombudsperson" qui serait habilitée à travailler en ce qui concerne les droits, les lois et l'éthique également spécifiques au domaine psychiatrique. Je sais que là c'est très différent des hôpitaux de soins généraux, de soins physiques. Je désire insister sur la spécificité du domaine de la santé mentale pour ce qui est de la façon dont cela fonctionne concernant les droits.

Je recommande aussi que les "ombudspersons" oeuvrant dans le domaine psychiatrique au Québec se rapportent à une autre instance. Sans aller aussi loin que ma collègue, je considère tout de même que la personne qui travaille, qui a la fonction d'"advocacy" dans un hôpital ne devrait pas être rattachée à un hôpital, à l'hôpital où elle travaille. Cela, dans le but évident d'éviter les possibles conflits d'intérêts et de donner une plus grande marge de manoeuvre aux "ombudspersons.

Je pense qu'il est parfois délicat de s'élever contre son propre employeur. Je me demande aussi comment on peut avoir la possibilité et le pouvoir de porter un regard critique et surtout de dénoncer les politiques décidées par un conseil d'administration ou une direction générale qui nous emploie. Il faut donner une plus grande marge de manoeuvre et un pouvoir de recommandation réel. En ce moment, la situation est que le pouvoir de recommandation que l'on a dépend de la bonne volonté des gestionnaires de l'hôpital et la possibilité d'obtenir gain de cause pour les patients est bien souvent tributaire de la sympathie que les gestionnaires vont nous accorder.

Je pense qu'il est important de clarifier cela pour augmenter la crédibilité que nous pouvons avoir auprès des bénéficiaires, des familles, de la population - cette crédibilité est souvent remise en question par notre appartenance à l'hôpital psychiatrique, à l'hôpital comme tel - pour briser aussi l'isolement vécu par les "ombudspersons*, et Dieu sait qu'il est bien réel, pour favoriser une concertation pour des recommandations quant aux problèmes vécus dans toutes les institutions, pour créer une force, finalement.

Que le rôle de l"ombudsperson" dans le domaine psychiatrique soit clarifié, homogénéisé et reconnu. Je pense qu'il est important de clarifier le rôle de l'ombudsman parce que de la façon dont il est vécu présentement dans les différentes institutions, il n'est vraiment pas clair et il est vécu de façon très différente. La description de la tâche est différente. Ou encore la description de la tâche est actualisée de façon différente, étant donné la marge de manoeuvre réduite, selon les centres hospitaliers. Les intervenants, enfin, les "ombudspersons" se rapportent tantôt au DG, tantôt au DSQ. tantôt au conseil d'administration. On a accès ou non aux dossiers des bénéficiaires. On fait partie de plusieurs comités ou d'aucun. Les méthodes de travail varient.

La formation n'est pas la même non plus. Je pense que c'est une lacune importante. Il y a les infirmières et les travailleuses sociales, iI y a des administrateurs, des secrétaires. Je pense qu'il y a une lacune, une carence importante au niveau de la formation des "ombudspersons' tant sur le plan juridique que parfois sur le plan clinique. Je ne parle pas du domaine de l'éthique qui reste à développer également. Où en suis-je rendue dans le temps? Vous m'arrêterez.

Le Président (M. Bélanger): II vous reste deux minutes encore.

Mme Lalonde: II me reste deux minutes. Bon! c'est parfait. Lorsque je parle du statut de l'ombudsman qui devrait être reconnu, je pense aussi à la question de l'article 118. 5 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux au Québec qui traite des comités de bénéficiaires, l'article de la loi 118. 5, les paragraphes 1° à 4° inclusivement. Je voudrais vous dire qu'en ce qui concerne les comités de bénéficiaires de Louis-H. -Lafontaine, de Robert-Giffard et de Douglas, à ma connaissance, du moins, ces comités de bénéficiaires se sont élevés contre les ombudsmen pour revendiquer les fonctions qui sont les nôtres présentement en vertu de cet article.

On assiste alors, à ce moment, à des affrontements pour la revendication d'un pouvoir qui est de toute façon bien mince, tel qu'il est présentement. Je pense que ce serait à revoir. Il faudrait revoir cette question. Voilà, c'est terminé déjà.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, madame, de votre bonne collaboration. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je vais laisser... Je reviendrai peut-être par la suite, je m'excuse.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier? Je vous en prie.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Vous voyez que ce n'était pas aussi épeurant que cela, finalement Non?

Mme Lalonde: On survit.

M. Sirros: D'ailleurs, c'était fort intéressant aussi parce que je pense que c'est la première fois, depuis tes huit jours qu'on suit ces auditions, qu'on a des gens qui sont finalement des spécialistes d'un domaine qui est touché dans le rapport Harnois, qui a concerné beaucoup de groupes différents, surtout les groupes de promotion des droits des patients...

Mme Laionde: C'est ça.

M. Sirros:... ou des ex-patients psychiatriques. Comme vous avez une certaine expérience très concrète sur le terrain, vous pourrez nous éclairer pas mal dans ce sens.

En commençant, j'aimerais savoir une chose. Ce n'est pas tous les hôpitaux qui ont un "ombudsperson"? (15 h 30)

Mme Lalonde: Non.

M. Sirros: Alors, on en a deux qui en ont un. Comment cela est-il arrivé et pourquoi? Est-ce par rapport à la direction du service à la clientèle ou est-ce que cela était plus spécifique?

Mme Lynch: Je pense qu'on ne peut pas répondre de façon globale pour l'ensemble des hôpitaux où un poste comme celui-là a été créé.

M. Sirros: Chez vous?

Mme Lynch: Chez nous, c'est né de la volonté du directeur général de l'époque d'avoir quelqu'un au service à la clientèle. Avec le temps, il a été nécessaire de distinguer entre le traitement des plaintes et la défense des droits des patients. Ce sont deux volets du travail des ombudsmen, mais qui, à mon avis, devraient être regardés de près. En ce qui me concerne, en tout cas, le programme d'appréciation de la qualité des soins pourrait régler une partie des plaintes courantes, il n'est pas nécessaire qu'un ombudsman soit sensibilisé ou soit contacté par un bénéficiaire parce que le préposé à l'entretien ménager a laissé des moutons en dessous de son lit. Un ombudsman doit régler ces plaintes forcément. Il est important aussi que ce soit centralisé à un endroit pour que l'établissement ait l'oreille et soit aux écoutes de ce qui se passe. Mais dans les hôpitaux où on a des ombudsmen, c'était une volonté d'offrir une qualité de services aux citoyens. Il faut aussi différencier, je pense que c'est très important, la vocation des hôpitaux, l'intervention en soins aigus physiques, en psychiatrie ou en longue durée physique. Aujourd'hui, on s'attache à la psychiatrie, mais en longue durée physique, nos bénéficiaires en centre d'accueil ou en CHSLD ont aussi des problèmes importants, vivent aussi des problèmes importants. Les intérêts à créer un poste d'ombudsman diffèrent selon la vocation de l'établissement.

M. Sirros: J'aimerais aussi vous entendre préciser davantage comment vous voyez le rattachement de l'ombudsman. À qui? Vous avez dit, à un moment donné, que vous n'êtes pas en accord avec le rattachement régional.

Mme Lynch: Non.

M. Sirros: Nous avons l'idée qu'il y aurait quelqu'un au conseil régional qui serait responsable pour la région comme telle. Vous mettez beaucoup l'accent sur le fait que la personne devrait être dans l'établissement. Par contre, il ne faudrait pas qu'elle soit rattachée à l'établissement même.

Mme Lynch: Oui.

M. Sirros: On peut voir aisément pourquoi.

Mme Lynch: Oui.

M. Sirros: Avez-vous pensé un peu plus à qui on pourrait le rattacher? Est-ce que le Protecteur du citoyen, par exemple, serait une instance intéressante pour rattacher un

ombudsman dans un hôpital comme cela?

Mme Lynch: Le rattachement au Protecteur du citoyen est une des solutions envisageables, en tout cas, logiques, à l'heure actuelle, ce qui impliquerait une modification de sa loi évidemment. C'est un des rattachements logiques actuellement. Il y en aurait peut-être d'autres. Il serait sûrement intéressant de regarder la chose dans un comité ou qu'une étude exhaustive soit faite sur la question. Ce que je souhaite, c'est que l'ombudsman soit rattaché à une instance extérieure au réseau pour éviter qu'on soit tenté dans beaucoup d'occasions de ménager la chèvre et le choux, qu'on soit pris dans des conflits d'intérêts où, quand on a à "manager" avec un établissement, on soit porté à dire: Je te donne cela, tu me donnes cela. J'aimerais que cela relève d'une instance - j'ai avancé le Protecteur du citoyen - neutre, indépendante pour qu'il y ait un espèce d'encadrement du travail des ombudsmen pour qu'ils puissent être soutenus. Mme Lalonde pariait tout à l'heure de l'isolement des ombudsmen. C'est vrai que dans nos établissements on est seul au monde très souvent. Forcément, la fonction le veut. C'est heureux, mais un rattachement serait important et essentiel.

J'ai parlé à la toute fin de ma présentation d'aujourd'hui de l'importance d'avoir un contentieux indépendant, de l'importance d'avoir des gens formés et intéressés aux bénéficiaires, qui ne sont pas en conflits d'intérêts, qui sont extérieurs a l'établissement et au réseau pour qu'ils puissent nous soutenir et nous aider. Les cas que je vous ai présentés aujourd'hui, si j'avais eu accès directement à un psychiatre Indépendant qui puisse me donner une expertise ou à un conseiller qui puisse me pister rapidement ou qui puisse m'aider à préparer une requête de façon rapide, j'aurais évité beaucoup de temps parce que maintenant, on travaille... Je dis que j'ai un pouvoir d'influence et je dois m'en servir. C'est sûr. C'est du marketing quotidien. Mais dans le nombre de plaintes ou de demandes de bénéficiaires, c'est beaucoup de temps. On investit beaucoup de temps à convaincre les gens de nous aider. Si c'était déjà organisé et qu'on pourrait demander conseil ou faire référence directement à un groupe organisé, indépendant et en autorité, ce serait beaucoup plus simple.

M. Sirros: S'il y avait une structure à l'extérieur qui fournirait les services de soutien nécessaires...

Mme Lynch: Oui. Le soutien...

M. Sirros:... comme le Protecteur du citoyen pourrait avoir un genre de "staff" pour avoir accès finalement à des avis juridiques, accès à des services spécialisés.

Mme Lynch: Oui, quelque chose comme cela. Je peux vous dire qu'actuellement, de façon informelle, j'utilise le Protecteur du citoyen de façon quotidienne ou, en tout cas, hebdomadaire, pour des problèmes de bénéficiaires qui sont à l'interne et qui ont des problèmes avec leur aide sociale, par exemple lorsqu'un bénéficiaire n'arrive pas - ce n'est pas un être désincarné, il vivait avant d'arriver et on souhaite qu'il vive après aussi - quand il a un problème d'aide sociale, un problème d'hébergement, un problème, peu importe lequel...

J'ai parlé beaucoup de problèmes à connotation juridique. Il y a d'autres problèmes. Mais il faut qu'on ait une instance où on peut se référer quand ce n'est pas dans l'établissement uniquement que le problème se vit. Le problème peut se vivre a d'autres paliers, à ce moment-là. Oui, j'ai fait affaire avec le Protecteur du citoyen, cela a été rapide; à la Curatelle publique aussi, il y a des ententes que j'ai développées avec eux qui font que les plaintes se règlent rapidement. La Commission des affaires sociales, la commission d'examen, ces gens-là me connaissaient et maintenant, quand je téléphone et que je dis que j'ai un problème, cela va rapidement, mais ce serait Intéressant que tous les ombudsmen puissent bénéficier de ces services, que ce ne soit pas à refaire chaque fois. C'est tout ce que je veux dire, c'est important d'être appuyé.

M. Sirros: D'ailleurs, pendant que vous décriviez les cas tout a l'heure, vous avez mentionné différentes instances qui, en quelque sorte, sont intervenues pour la...

Mme Lynch: Oui.

M. Sirros:... protection du bénéficiaire...

Mme Lynch: Oui.

M. Sirros:... ou du patient ou du client. Donc, j'imagine qu'en créant la structure d'ombudsman spécifiquement rattachée à la santé mentale, il y aurait peut-être lieu aussi - c'est ma question - de revoir un peu les différents rôles, que ce soit celui du comité des bénéficiaires ou celui de la Commission des affaires sociales, etc. Comment voyez-vous cela?

Mme Lynch: II ne faudrait pas revoir nécessairement tes différents rôles, mais qu'on ait accès à un contentieux ou à une instance qui connaît ces lois-là et qui peut nous aider rapidement. Quand un bénéficiaire est isolé ou moi-même seule dans mon établissement et qu'un bénéficiaire vit un problème qui implique deux ministères ou deux lois, qui a, à un moment donné, le pouvoir de nous dire: Là, tu appelles à telle place, eux vont faire ce bout-là, ce bout-là se fait ailleurs? C'est beaucoup d'énergie et beaucoup de temps. Si on avait des personnes compétentes pour nous aider, cela allégerait.

Le fait que ces démarches son! faites, ceta augmente la crédibilité de l'ombudsman parce que les unités de soins maintenant me demandent de faire partie des équipes multidisciplinaires. Ce que je souhaite qu'il arrive un jour au Québec, c'est que l'ombudsman fasse partie, en psychiatrie, d'une équipe multidisciplinaire lorsque des décisions vont être prises quant à un bénéficiaire si elles impliquent sa vie et ont une connotation juridique. Que l'ombudsman ne soit pas là comme un chat sorti d'un chapeau, mais soit une personne partie à la discussion, qu'on vienne le chercher normalement, que ce ne soit pas une surprise et un fait isolé, que cela fasse partie de nos rouages d'établissement. Cela commence, chez nous, à l'être.

M. Sirros: Est-ce que, par exemple, avant l'imposition d'une cure fermée, l'ombudsman, selon vous, pourrait être impliqué dans ie cas tout de suite...

Mme Lynch: Oui...

M. Sirros:... au départ...

Mme Lynch:... c'est ce que je vis...

M. Sirros:... pour s'assurer que...

Mme Lynch: C'est cela. C'est ce que je vis chez nous. Quand on travaille en équipe multidisciplinaire, c'est sûr qu'actuellement, c'est la décision du psychiatre; mais quand l'infirmière a informé le patient des conséquences de sa mise en cure fermée, des raisons, premièrement, des conséquences et de ses droits, là, ils m'appellent, on s'asseoit ensemble, on en parle, on l'explique, parce que j'ai cette expertise que l'infirmière n'a pas nécessairement. Les mises en curatelle, c'est exactement la même chose. On regroupe les familles pour leur expliquer ce qu'est la curatelle. On les invite, on s'asseoit ensemble et on parle. L'ombudsman est partie prenante à la discussion, au même titre que les thérapeutes ou les intervenants cliniques.

M. Sirros: Votre établissement, ce n'est pas uniquement un centre psychiatrique, c'est un centre régional...

Mme Lynch: Non. Il y a 500 bénéficiaires...

M. Sirros: Je serais curieux de savoir, du côté de Douglas, comment vous vivez l'expérience et si la problématique, selon vous, est la même pour un centre hospitalier régional que pour un centre psychiatrique.

Mme Lalonde: Non, je ne le crois pas parce que les problèmes sont quand même différents, il y a toute la question de la sectorisation dans la région de Montréal qui est un problème, à mon avis, très important. Enfin, la sectorisation qui est une... Vas-y, Micheline.

Mme Lynch: Je voudrais juste réagir à cela, je m'excuse, mais pour moi, du monde, c'est du monde; un patient, c'est un patient, peu importe où il est, qu'il soit à Tombouctou, pas à Tombouctou, mais à Wabush ou à Montréal. Nous aussi, nous vivons la sectorisation; on la vit dans l'hôpital. Un bénéficiaire va être admis en fonction de son lieu d'origine à telle unité de soins, il ne sera pas admis en fonction de sa pathologie. Pour moi, il n'y a pas de problème, un psychiatrisé, c'est un psychiatrisé.

M. Sirros: Je pensais plus au fait qu'il y aurait peut-être, du côté des patients psychiatriques, moins... Est-ce que, par exemple, la famille, les proches du patient jouent un rôle plus présent du côté des patients psychiatriques que du côté, par exemple, des patients qui sont à l'hôpital pour d'autres choses? Est-ce que le fait qu'ils ne sont pas dans l'hôpital...

Mme Lynch: Je comparerais les patients en psychiatrie avec les patients qui ont des soins physiques à longue durée. Les familles sont aussi - parce que j'ai les trois - malheureuses ou démunies face à la maladie, autant face au vieillissement qu'à la maladie mentale. C'est facile pour eux... C'est vrai que la psychiatrie, l'asile et les portes fermées ne facilitaient pas... On n'invitait pas facilement les familles. On commence à le faire, mais pour les patients qui ont besoin de soins physiques à longue durée, c'est comparable.

M. Sirros: J'ai peut-être une autre question et je laisserai un peu de temps pour d'autres collègues. Le rôle de l'ombudsman, tel que vous le souhaitez, et la relation que vous pouvez voir, par exemple, avec les groupes de promotion comme Auto-Psy, avez-vous des commentaires là-dessus?

Mme Lynch: Je trouve que c'est essentiel et je souhaiterais que les comités de bénéficiaires continuent à jouer leur rôle de mouvement organisé de pression. Je considère que c'est essentiel pour un ombudsman et un comité de bénéficiaires de fonctionner ensemble. On se complète, Je comprends mal les divergences et les guerres. En tout cas, je favorise que les comités de bénéficiaires règlent tout ce qu'ils peuvent régler. Mais quand cela concerne des problèmes qui peuvent être vécus dans plus d'une unité ou quand ces problèmes ne sont pas résolus dans l'unité, l'ombudsman peut jouer ou doit jouer.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. On parle de la loi de la curatelle qui devrait être révisée.

Par le fait même, plusieurs groupes qui sont venus ici ont dit: Avant de mettre en place une "ombudsperson" dans tous les centres, il serait peut-être mieux d'attendre que la toi de la curatelle soit révisée et d'utiliser entre-temps les comités de bénéficiaires qui, comme vous le dites si bien, ne devraient pas être en contradiction, mais qui le sont cependant dans les faits.

Quand les gens de Louis-Hippolyte-Lafon-taine sont venus ici, Ils nous ont dit: C'est nous qui devrions nous occuper des gens, voici ce qu'on fait et voici les bénéficiaires qu'on représente. J'aimerais vous entendre réagir. Je sais que Mme Lalonde a davantage parlé de cette partie, en disant qu'elle ne voyait pas comment la personne pourrait être rattachée à un centre si jamais il y avait une "ombudsperson" et qu'en conséquence elle devrait être dans un organisme indépendant pour éviter, comme vous le disiez, Mme Lynch, d'être en même temps sous la pression de l'employeur d'une certaine façon et du centre hospitalier.

J'aimerais vous entendre réagir là-dessus.

Mme Lalonde: Oui. Disons que je ne vais peut-être pas aussi loin que ma collègue lorsqu'elle dit que l'ombudsman devrait être rattaché à un organisme indépendant même du ministère de la Santé et des Services sociaux. Je pense que j'ai des visées disons peut-être plus modestes lorsque je dis que les ombudsmen devraient être regroupés sous une coordonnatrice ou un coor-donnateur qui serait directement sous la ministre ou le sous-ministre - c'est là un détail technique. Disons que je voudrais quand même qu'ils demeurent à l'intérieur du ministère. Je ne vois pas pour l'instant la pertinence qu'ils soient rattachés aux conseils régionaux parce que le conseil régional aussi, en ce qui concerne le traitement des plaintes, n'a pas un pouvoir d'enquête comme tel non plus. Il a seulement un pouvoir de recommandation. Son service à la clientèle fonctionne de la même façon.

En ce qui concerne la question des comités de bénéficiaires, c'est une réalité qui se vit de façon assez quotidienne et assez importante dans les centres que je vous al mentionnés: Ro-bert-Giffard, Louis-H. -Lafontaine, à Douglas. C'est une situation bien présente bien que le comité de bénéficiaires soit moins organisé sur la question en tant que telle.

Je trouve extrêmement malheureux de voir des situations comme cela, c'est-à-dire de voir des confrontations ou des affrontements. En ce qui me concerne, je n'en tiens pas compte ou je ne rentre pas là-dedans comme on dit. Je trouve absolument malheureux qu'il y ait des affrontements. C'est une perte d'énergie absolument inutile, alors qu'on devrait travailler ensemble, en collaboration dans le même intérêt, c'est-à-dire pour les bénéficiaires.

Dans ce sens, je pense que, sur le plan de la législation, il y a des lacunes en ce qui concerne notre rôle qui n'est pas défini. Effec- tivement, je pense qu'on a été parachutés de par la bonne volonté des centres hospitaliers qui, bien souvent, je crois, ne savaient pas trop dans quoi ils s'embarquaient finalement. Il y a une expression anglaise qui dit: "Do not rock the boat too much". Cela veut dire: On nous engage pour défendre les droits des bénéficiaires, pour les représenter ou représenter leurs intérêts au conseil d'administration ou à l'endroit où on est rattachés, sauf que lorsqu'on commence à aller trop loin, cela commence à être dérangeant. Là, c'est dérangeant. À ce moment, comme je le disais, on est soumis à la bonne volonté des gestionnaires. Le pouvoir que l'on a est somme toute inexistant. Lorsqu'on parle d'un pouvoir de recommandation, il est tributaire justement de la bonne volonté des gestionnaires. Alors, à ce moment, pour ce qui est de l'effet réel et de l'efficacité de nos recommandations, je ne suis pas certaine que ce soit bien efficace, bien valable. (15 h 45)

M. Jolivet: Oui, Mme Lynch, allez.

Mme Lynch: Votre question était de savoir si on ne devrait pas attendre et donner plus de pouvoirs aux comités de bénéficiaires. C'était ça, votre question? Avant d'organiser... Pardon?

M. Jolivet: Le changement de la curatelle. Toute la question de la Loi sur la curatelle publique.

Mme Lynch: C'est ça. La lof sur la curatelle, c'est une des lois auxquelles les bénéficiaires en psychiatrie ont à faire face. La loi sur la curatelle est en profonde refonte. J'ai parlé, dans mon texte que je vous ai envoyé du projet de loi 20. Pour moi, la loi sur ta curatelle, je le répète, c'est une des lois... Ça ne change rien pour moi que les comités de bénéficiaires restent des groupes de soutien mieux organisés qu'ils ne le sont maintenant. Chez nous, je ne vis pas de conflit. On travaille ensemble. Mon patron, finalement, c'est le comité de bénéficiaires. Je le dis souvent de façon caricaturale, mais c'est vrai. C'est comme ça que je le souhaite et c'est comme ça que je le perçois. On travaille ensemble. Je dois faire partie d'un hôpital très différent. On accepte que je sois dérangeante. Cela fait partie de la fonction. Lorsque le directeur des services professionnels me dit qu'il m'aime bien, mais que je suis bien fatigante, pour moi c'est un compliment. Il sait que c'est ce que j'ai à faire.

Donc, pour mol ce n'est pas incompatible la présence actuelle des ombudsmen dans les établissements et les comités de bénéficiaires, et la façon d'organiser tout cela. Mme Lalonde a raison lorsqu'elle dit qu'à partir du moment où on aura un vrai rôle, un mandat clair, net, non négociable, par l'administration de rétablissement, ça va être plus facile pour tout le monde de se comprendre, évidemment.

M. Jolivet: Le comité de bénéficiaires - quand il est venu ici - a dit. II faudrait changer la Loi sur la santé et les services sociaux pour nous permettre d'avoir plus de pouvoirs. Vous, comme "ombudsperson" vous dites. Si on veut avoir plus de pouvoirs et être sûrs de ne pas être à la volonté des gestionnaires il faudrait aussi amender la loi et nous permettre d'avoir ces pouvoirs ou prendre une structure qui nous le permette. N'avez-vous pas aussi l'impression que les comités de bénéficiaires pourraient avoir ce réflexe dans le contexte actuel? Et cela, dans la mesure ou on dit comme Mme Lalonde disait. Tant et aussi longtemps qu'on ne brasse pas trop la cage on n'est pas trop dérangeant, ça va mais quand on commence à brasser la cage on commence è être dérangeant. Dans ce contexte, le comité de bénéficiaires peut s'apercevoir que vous n'êtes pas capables de remplir tout votre rôle et dans une hypothèse comme celle là. II dit. On serait peut-être mieux d'être les seuls à les défendre parce que.

Mme Lalonde: Oui. II a tout à fait raison à part ça. Lorsque le comité de bénéficiaires peut se rendre compte, par les demandes qu'il nous fait, par exemple, qu'on n'est pas capables de lui obtenir, disons, ce qu'il demande pour les bénéficiaires du centre hospitalier, oui, il peut remettre en question notre "pouvoir" - toujours entre guillemets et sous réserve - de changement ou d'influence, si vous le voulez. Je pense qu'il y a un problème de ce côté - c'est mon opinion - lorsqu'on parle de la fonction des comités de bénéficiaires dans I'article 118 5. II y a un problème parce qu'on n'est pas Je pense que les directions des hôpitaux n'ont pas tenu compte de cet article.

Mme Lynch: On parle de la défense des intérêts. L'article 1181 et suivants parlent de la défense des intérêts des bénéficiaires. On ne parle jamais de la défense des droits.

M. Jolivet: En fait, je crois comprendre que, si votre rôle était mieux décrit et qu'il était mieux entré dans la loi, vous travailleriez avec des comités de bénéficiaires beaucoup plus facilement que dans le contexte actuel.

Mme Lynch: Ce que les comités de bénéficiaires actuellement reprochent aux ombudsmen, c'est d'être des éteignoirs de plaintes, c'est-à-dire que je n'ai pas de mandat, je n'ai pas de juridiction, donc, je ne peux pas rien faire avec ta plainte ou I'ombudsman lui dit. Ah! on m'a dit que tu étais psychotique, donc, je ne peux pas recevoir ta plainte, tu es malade, tout ce que tu dis n'a pas de valeur. C'est ça que les comités de bénéficiaires reprochent aux ombudsmen. La crédibilité de l'ombudsman peut en prendre pour son rhume à certaines occasions.

M. Jolivet: Est-ce que je peux aller plus loin en disant que tout à l'heure vous avez dit une chose et là, vous vous êtes arrêtée à cette partie. Vous avez dit. La tendance est que les "ombudspersons" ou les ombudsmen comme on les appelle soient parties à la discussion.

Mme Lynch: Oui.

M Jolivet: dans le groupe multidisciplinaire. J'ai eu crainte de dire que vous étiez quasiment tentée de dire Partie à la décision.

Mme Lynch: À la discussion.

M. Jolivet: J'aurais eu peur si vous m'aviez dit Partie à la décision, parce que comment voulez-vous être à la fois juge et partie dans vos décisions?

Mme Lynch: Oui mais qu'on soit partie à la discussion c'est ce que je disais. C'est ce qui est important.

M. Jolivet: Oui, cest ce que jai compris mais je voudrais être bien sûr que cest bien ce que vous vouliez dire, mais ça ne I'est pas.

Mme Lynch: Je peux peut-être juste ajouter, si vous le permettez, que le comité de bénéficiaires, moi, j'y crois quand ce sont des bénéficiaires qui sont impliqués et qui le possèdent, que ce soit eux vraiment, leurs besoins, leur vécu, leur quotidien. C'est pour cela que chez nous on fonctionne en comité élargi. Tous les mois, tous les bénéficiaires intéressés se rencontrent en assemblée générale et discutent des problèmes qu'ils vivent dans les unités de soins, mais cest vraiment leur quotidien. C'est un groupe de pression interne. C'est comme cela que je voudrais bien qu'on le voie.

M. Jolivet: Est ce que je suis dans la bonne voie quand je dis que le poste d'"ombudsperson" tel que proposé et le système de parrainage "advocacy" qu'on propose s'opposent peut-être dans les faits, dans la mesure où Padvocacy" tel que présenté selon le système américain, c'est un groupe d'experts ou d'aide autour de la personne qui, au fond, jouerait le rôle d"ombudsperson" par un coordonnateur qui serait le coordonnateur de l'ensemble de ce groupe? Est-ce que je les oppose dans les faits ou si les deux peuvent avoir une possibilité dans les hôpitaux?

Mme Lalonde: Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question.

Mme Lynch: Moi non plus.

M. Jolivet: Vous avez parlé d'"advocacy" si j'ai bien compris.

Mme Lalonde: Oui.

M. Jolivet: Et on a parlé d'"ombudsperson". Je veux juste savoir si l'"advocacy" tel que présenté ou tel qu'il pourrait s'installer dans les centres pour répondre aux besoins et aux droits des bénéficiaires pourrait être en contradiction avec le poste d'"ombudsperson". Est-ce que les deux peuvent être dans l'hôpital ou dans des endroits différents?

Mme Lalonde: En tout cas, de la façon dont je comprends le terme d'"advocacy", si on parle de fonctions d'"advocacy", on parle des fonctions regroupées sous le terme "advocacy", "advocate", et l'"ombudsperson" est responsable d'assumer ces fonctions d'"advocacy". De la façon dont je le vois, ce n'est vraiment pas une contradiction, au contraire.

De la façon dont je le vois très concrètement, c'est une personne qui est dans un centre hospitalier qui fait la fonction d'"ombudsperson", bien sûr, mais qui n'est pas rattachée au conseil d'administration, au DG, ou enfin à n'importe qui. Il peut y avoir un coordonnateur ou une coordonnatrice et de la concertation, mais il est à l'intérieur du centre hospitalier, évidemment. Coordonnateur et je ne sais pas où - Dieu sait où - sauf que les personnes sont à l'intérieur des établissements. C'est très important d'être présent.

M. Jolivet: Elle aurait à ce moment-là une équipe de personnes autour d'elle pour...

Mme Lalonde: Oui, je trouve cela intéressant. À l'hôpital Douglas, entre autres, il y a ce qu'on appelle le comité des droits et éthique où on retrouve environ une douzaine de personnes intéressées à la question des droits et de l'éthique aussi, parce que c'est un domaine en plein développement qui suscite de plus en plus d'intérêts. On veut d'ailleurs s'intéresser davantage à toute la question de l'éthique en psychiatrie parce que la littérature couvre l'éthique en ce qui concerne les soins et la question des traitements en médecine physique, mais en psychiatrie la littérature est malheureusement assez pauvre jusqu'à maintenant. On veut s'intéresser à cela. Alors, le comité des droits et éthique appuie l'ombudsman dans ses fonctions. Il peut même y avoir un comité ad hoc qui est créé dans le but de traiter des problèmes spéciaux ou urgents, un comité ad hoc qui vient du comité des droits et éthique. C'est un système de soutien à l'intérieur des établissements.

M. Jolivet: En fait, ce que je crois comprendre de part et d'autre, c'est que vous cherchez à obtenir que l'"ombudsperson" soit appuyée, que cette personne-là ne soit rattachée ni au CRSSS ni à l'établissement, qu'elle soit indépendante, donc qu'elle puisse prendre des décisions et qu'elle ait des pouvoirs à la fois d'enquête et de décision et non seulement de recommandation et qu'au bout de la course il y ait un rattachement à une section du ministère pour permettre que ces gens-là aient tous la même mentalité dans tout le Québec pour avoir des droits préservés de la même façon, et d'un autre côté, si on veut aller plus loin, qu'il y ait un rattachement soit au Protecteur du citoyen actuel ou à un autre organisme qui pourrait être créé.

Mme Lynch: C'est cela exactement.

Mme Lalonde: Je suis plus ou moins d'accord avec l'idée du Protecteur du citoyen. Je ne sais pas d'où vient cette affaire, mais je suis vraiment plus ou moins d'accord avec cela. Je pense que...

M. Jolivet: Vous n'êtes pas d'accord parce que vous ne voulez pas en demander trop.

Mme Lalonde: Parce que je n'ai pas envie de mélanger les patates avec les navets, dans le sens qu'on est à l'intérieur du ministère de la Santé et des Services sociaux et je pense qu'il faudrait rester... C'est une spécialité; en fait, c'est assez spécial. L'ombudsman du Québec n'a pas présentement juridiction sur toute la question...

M. Jolivet: Mais ce qu'on pourrait peut-être faire pour régler votre problème, entre les deux, c'est de dire qu'il y aurait peut-être un organisme, pas nécessairement rattaché au ministère ni au Protecteur du citoyen, mais un organisme chapeauté sur le plan national.

Mme Lynch: Je pense, en tout cas, qu'il serait important - je ne sais pas quels seront les commentaires ou les recommandations qu'il y aura après le rapport Harnois - et intéressant qu'un comité soit formé uniquement pour cette partie des droits.

Dans le texte que je vous ai présenté, je parlais du projet de loi 20. Maintenant, c'est heureux que notre Code civil soit revu, corrigé et mis à l'heure du jour, sauf qu'on le reconnaît maintenant, on "démédicalise" ou on sort du contexte médical ce qui était la mise en curatelle ou toutes les cures fermées et tout cela, en les enlevant au directeur des services professionnels pour les remettre au directeur général. Je vous rapporte à l'article 283 du projet de loi 20, de même qu'à l'article 26 qui dit que, maintenant, ce ne sera plus uniquement le psychiatre, mais un médecin ou toute personne intéressée qui pourra acheminer au juge une demande de curatelle. Alors, je pense que cela devient de plus en plus corsé et qu'on va judiciariser de plus en plus. C'est important qu'on s'asseoit et qu'on revoit le rôle des ombudsmen et leur nécessité. On n'en est pas actuellement à savoir

à qui il doit être rattaché, mais bien à voir quel est son mandat, quelle est la réalité qu'il vit et le besoin du bénéficiaire, parce qu'il ne faut jamais le perdre de vue, car c'est pour lui. Quand je parlais d'un système utile au bénéficiaire, c'est cela. C'est pour cela que les conflits avec le comité des bénéficiaires, je ne les comprends pas parce qu'on travaille pour la même affaire.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. J'ai trouvé que les deux mémoires éclairaient beaucoup le rôle de l'"ombudsperson". Une chose que j'aimerais peut-être aborder, c'est celle-ci: Quels sont les problèmes ou les domaines où les droits des patients sont souvent niés? Autrement dit, dans le système, qu'est-ce qui vous bloque le plus dans votre travail?

Mme Lalonde: Qu'est-ce qui nous bloque le plus dans notre travail?

M. Thuringer: Oui.

Mme Lalonde: Bien, c'est l'absence de pouvoirs, de recommandations réelles finalement. C'est-à-dire que notre recommandation s'arrête là où on est. Dans mon cas, c'est le conseil d'administration. Elle s'arrête là. Alors, lorsqu'il y a un problème qui n'est pas réglé, disons que je suis particulièrement têtue, je monte au conseil régional et je me suis servie à quelques reprises du conseil régional pour régler les problèmes que les patients m'apportaient. Est-ce que vous voulez.., Je veux bien comprendre...

M. Thuringer: Le type de...

Mme Lalonde: Est-ce que vous voulez savoir le type de problème?

M. Thuringer: C'est cela, rien de plus,

Mme Lalonde: II y en a plusieurs. II y a la fameuse question de la sectorisation.

M. Thuringer: Oui.

Mme Lalonde: Oui, absolument. Il y a la question de l'argent, la façon dont l'argent est administré pour les patients, II y a toute la question des cures fermées. Il y a...

M. Thuringer: Le travail, par exemple.

Mme Lalonde: Oui, c'est cela. Alors, les plaintes... On va recevoir des plaintes concernant les cures fermées, les médecins qui n'ont pas le temps de voir leurs patients, les divergences quant à un patient qui a été placé sous la Curatelle publique et qui n'est pas d'accord. Il y a de la discrimination qui est faite, par exemple, pour les gens en psychiatrie concernant le logement, l'emploi, les difficultés relationnelles de toutes sortes, les abus aussi, les abus physiques et les abus verbaux, les attitudes des employés, enfin le patient qui veut consulter son dossier et qui se le voit refuser. Il y en a une infinité. Cela part des toasts qui sont trop brûlées le matin jusqu'à la question de la médication inadéquate selon le bénéficiaire et qui veut avoir son mot à dire dans son traitement ou dans son plan de traitement et qui n'a pas son mot à dire. C'est très varié, très vaste.

Le Président (M. Bélanger): Brièvement, madame.

Mme Lynch: Ce que Mme Lalonde vient de nous dire, cela me ramène à ce que je disais tout à l'heure; du monde, c'est du monde, parce qu'en régions. Ils vivent exactement les mêmes choses; les problèmes sont là, ce sont les mêmes. Cela peut être tout et on ne sait jamais à quoi on s'attend le matin et ce qu'on va avoir dans la journée. Ce que j'ai le goût de mettre en lumière quand vous parlez des problèmes ou des limites, c'est la formation des gens en place. Quand on a à défendre des droits, je pense... En tout cas, pour soigner du monde, on n'engage pas encore d'avocats ou des gens qui ont une formation juridique. Donc, je pense que, pour défendre des droits, cela prendrait un mimimum d'informations et de connaissances juridiques. C'est une des limites importantes.

M. Thuringer; Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission vous remercie. M. le député de Laviotette. (16 heures)

M. Jolivet: Alors, on vous remercie de l'information que vous nous avez donnée compte tenu de l'expérience que vous avez, en espérant que, dans la future politique de santé mentale au Québec, on puisse vraiment bien définir le rôle des personnes et les pouvoirs de ces personnes, et les pouvoirs de ces personnes dans la mesure où c'est toujours, comme vous dites si bien, sur les bénéficiaires que votre travail doit porter. Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Je vous remercie, également. Je pense que c'est un des domaines sur lequel te ministère se penchera avec un intérêt particulier, sur toute la question de l'"ombudsperson", avant d'établir une politique définitive.

Mme Lalonde: Merci.

Association des ressources alternatives en santé mentale de la Montérégie

Le Président (M. Bélanger): On vous remercie de votre présence. J'appelle à la table des témoins, le Comité consultatif régional en santé mentale de la région... excusez, l'Association des ressources alternatives en santé mentale de la Montérégie - je m'excuse, j'étais un groupe en avance - qui est représenté par M. Roland Godet et Mme Claudine Laurin. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour faire votre présentation. Il y a 40 minutes dévolues aux parlementaires pour leur permettre de poser des questions sur votre mémoire. Je vous prierais, chaque fois que vous prenez la parole, de bien vouloir vous identifier pour les besoins du Journal des débats, afin qu'on sache qui intervient et que le débat soit le plus fidèlement retransmis possible. Je vous demanderais donc de vous présenter et de présenter votre mémoire.

M. Godet (Roland): Bon après-midi à tous! Mon nom est Roland Godet. Je suis actuellement et nouvellement président de l'Association des ressources alternatives en santé mentale de la Montérégie, et aussi responsable d'une ressource alternative, la Maison alternative de développement humain à Saint-Hyacinthe. La personne qui m'accompagne, Mme Claudine Laurin, est responsable de la Maison sous les arbres à Chateauguay et membre de l'association, enfin, de son organisme. Je crois comprendre qu'on doit déplorer l'absence de Mme Lavoie-Roux pour un bout de temps. C'est ça?

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, il y a un Conseil des ministres cet après-midi et sa présence est absolument requise. On n'a vraiment pas le choix, mais soyez assurés que la commission va se faire un devoir de bien informer Mme la ministre, qui a lu, d'ailleurs, votre mémoire, et qui est au courant. Soyez sans crainte là-dessus.

M. Godet: Merci de l'absence motivée. Le mémoire qu'on présente, vous l'avez entrevu, se résume en quatre principaux points. On va traiter d'une réflexion sur la définition du partenariat, les plans de services individualisés, les ressources alternatives, leurs définitions, mais aussi leur financement et, en dernier lieu, la formation. Pour compliquer la tâche de la personne qui s'occupe des micros, on s'est donné la peine de se partager le texte. S'il veut être vigilant, on va se promener de l'un à l'autre.

L'honorable Mme Thérèse Lavoie-Roux et membres députés de la commission des affaires sociales, concernant le partenariat à définir. Il est possible qu'on interrompe en cours de route la lecture pour ajouter quelques réflexions. On a le temps, je pense. Notre mémoire n'est pas très long.

Le Président (M. Bélanger): Cela vous appartient entièrement.

M. Godet: C'est avec grand intérêt que l'Association des ressources alternatives en santé mentale de la Montérégie a reçu le projet de politique en santé mentale. Pour nous, cette dernière fait un énorme pas en avant en centrant son action sur l'individu. Le questionnement vis-à-vis des services de santé mentale face à ta dépersonnalisation, qui accompagne hélas trop souvent le diagnostic, a fait partie, dès notre émergence, de nos philosophies d'interventions. Nous sommes également heureux que nous reconnaissions, par le fait même, l'urgence de diversifier tes interventions et le traitement, ce qui amène la reconnaissance de l'approche biopsychosociale. Cette dernière pour nous regroupe la réalité vécue par un individu et laisse place à plusieurs modèles d'intervention.

La maladie mentale appartient d'abord à l'individu et, dans ce sens, on doit associer ia personne à toute démarche visant la réintégration de sa santé et de sa réadaptation. Cependant, de telles mesures supposent un décloisonnement des services encouragés par un changement d'attitudes et de pratiques. En ce sens, la région 06-C a, nous croyons, une pratique établie depuis plusieurs années et c'est de par ce vécu qu'il nous semble pertinent d'informer la commission sur différents points essentiels à respecter pour la réalisation d'un tel mandat.

Afin de situer la commission sur la réalité de la région, nous vous ferons un bref historique des groupes membres de notre association. La région 06-C fut ia première au Québec où le conseil régional a appliqué le décret 3179-79 par une politique d'implantation de ressources alternatives en santé mentale. L'objectif visé était alors d'une ressource par territoire de CLSC. Présentement, te territoire regroupe onze ressources alternatives reconnues par le CSSSM.

Mme Laurin (Claudine): À ce niveau-là, on veut justement parler des résistances aux changements dont on a oublié de parler dans le rapport Harnols. C'est beau de vouloir élargir le partenariat, mais quelque part il y a aussi, il ne faut pas l'oublier, une résistance aux changements.

Selon la volonté de notre CRSSS d'établir onze ressources, il y avait une volonté du conseil régional qui était de favoriser l'élargissement des partenaires en santé mentale pour la région. On a obtenu, depuis maintenant deux ans, que deux représentants des ressources siègent à ia commission administrative en santé mentale au CRSSS.

Malgré tous ces efforts, notre région n'est à peu près pas parvenue à faire reconnaître les ressources comme partenaires égaux possédant une expertise dans le champ de la santé mentale. On nous reconnaît comme groupes consultatifs,

comme groupes possédant une expérience dans le domaine, comme groupes complémentaires qui peuvent donner certains services, mais hélas, malgré que la plupart d'entre nous desservent une clientèle quasi exclusivement psychiatrique, nos expertises ne sont pas reconnues, notre approche thérapeutique visant la réinsertion sociale de ces derniers n'est pas non plus reconnue. Chaque ressource dans la sous-région se volt face au cloisonnement des pratiques et souvent exclue des structures de planification qui en appellent aux établissements.

Il va donc de soi que nous souhaitons ardemment que le projet de politique reconnaisse les différents partenaires oeuvrant dans le champ de la santé mentale. Cependant, il nous faut malheureusement tenir compte de la réalité et du vécu de la pratique. Aussi il faudrait, croyons-nous, identifier les différents partenaires et peut-être même spécifier la notion de partenariat.

Serons-nous partenaires à une institution ce qui amène la notion de complémentarité des services institutionnels ou partenaires à un individu vivant des difficultés psychiques, d'où parfois l'ambiguïté entre la notion complémentaire et l'agencement de services; iI y a pour nous une grande nuance. Agencer des services c'est en fonction de l'individu, alors que la complémentarité est, hélas, souvent utilisée en fonction d'être complémentaire à un réseau ou à une institution.

Quant à nous, iI nous apparaît clair que nous devons être partenaires à l'individu, ce qui entraînera alors un décloisonnement des interventions, seule garantie du succès des différentes expériences visant la réinsertion sociale ou le maintien dans la communauté des individus concernés. Nous demandons donc en résumé au ministère, pour ce chapitre, d'identifier et non pas de définir le rôle, et je tiens à le préciser, des partenaires oeuvrant dans le champ de la santé mentale et de clarifier davantage la notion de partenariat.

M. Godet: Dans cet ordre d'idées, la recommandation R-2 qui vise l'implantation de façon obligatoire et progressive d'un plan de services individualisé à l'intention de toute personne engagée dans un processus de réinsertion sociale ne respecte pas la reconnaissance du partenariat face à l'individu. Nous pensons, tout comme le comité, qu'un plan de services individualisé pourrait être une garantie pour ia clientèle de recevoir les services qui lui sont requis.

Cependant, ayant toujours comme souci premier de considérer d'abord et avant tout l'individu, nous comprenons mat la pertinence de rendre par voie de recommandation formelle l'obligation de l'individu à un tel plan de services, ceci venant renforcer t'a priori du comité alléguant que le plan de services individualisé doit appartenir en premier lieu à la personne qui en est le bénéficiaire. Ceci nécessite donc le respect d'un engagement volontaire pour l'individu à participer à un tel service.

Plusieurs questions surgissent également à ce chapitre. La présente politique n'ayant pas voulu entrer dans l'organisation des services nous laisse croire ou entrevoir que la coordination du PSI, plan de services individualisé, se fera par un Intervenant actif dans la situation. Comment s'arrimera cet intervenant face aux autres ressources extérieures nécessaires à son client? Il nous faudra d'abord vivre un partenariat élargi pendant un certain temps et décloisonner les interventions si nous voulons réussir un véritable plan de services.

Peut-être, à ia suite de cette pratique, jugerons-nous nécessaire de créer des cases "managers" ou des agents de liaison, lesquels ne relèveraient pas des boîtes offrant des services, ce qui garantirait la neutralité des PSI et aurait par le fait même une meilleure efficacité.

Mme Laurin: Quant à l'appellation des ressources communautaires, toujours dans une Idée d'élargir les partenaires et par respect des différences de l'individu, nous regrettons de voir notre appellation de "ressources alternatives en santé mentale" évincée et changée par "ressources communautaires de services". On peut difficilement comprendre comment, dans un énoncé de politique se voulant pour un partenariat élargi, l'identité même des ressources se voit définie et régie par une appellation et une définition pour laquelle elles n'ont jamais été consultées. Nous craignons encore une fois que nous ne reconnaissions pas notre expertise dans le champ de la santé mentale. Nous aimerions porter à l'attention de la commission que ce n'est pas par hasard que nous nous définissons comme ressources alternatives en santé mentale. D'ailleurs, même le comité de la politique reconnaît à ces ressources une mission que Je n'aimais pas au départ, qu'on disait supplétive. Mais après avoir cherché dans le Robert, je pense que je peux m'en servir. Supplétive, c'est remplacer ce qui manque. C'est l'essence même de nos ressources. Nos maisons ont émergé d'un manque de services qui n'étaient pas donnés de la même façon, d'une zone grise jusqu'alors non desservie par aucune institution. Pour reprendre une phrase du regroupement provincial, nous sommes Tailleurs et l'autrement".

Une appellation aussi générale que ressources communautaires de services risquerait, à plus ou moins long terme, de nous renvoyer à un rôle de soutien aux services existants et à anéantir la richesse de notre expertise si durement acquise. D'ailleurs, je me demande si cette expertise est clairement comprise par tous les membres de la commission et de la politique Harnols. Nous ne sommes pas que des services d'hébergement. Nous avons une expertise thérapeutique.

Dans cet ordre d'idées, pour un plus grand respect des ressources dans l'élargissement du partenariat, il nous apparaît normal que nous puissions conserver et être reconnus sous le vocable que l'on s'est donné, soit "ressources alternatives en santé mentale". De plus, une telle définition nous amène à considérer les groupes de soutien et d'entraide de même que les groupes de défense comme faisant partie de la même appellation. La communauté s'est dotée de ressources dont les services sont diversifiés, respectant ainsi les disparités régionales et leurs besoins. Nul n'est besoin pour nous de scinder en trois groupes les ressources. Ceci pourrait avoir comme incidence l'appauvrissement des communautés en sclérosant tout développement de services au sein de ces dernières.

Il nous semble évident que le cloisonnement des institutions et de leurs services a été en partie responsable des échecs de réinsertion en santé mentale. Nous demandons donc au ministère de ne pas cloisonner les différentes approches de services par la définition de trois types de ressources. Nous recommandons au présent comité de prévoir la définition des ressources communautaires et d'en appeler du vocable de "ressources alternatives en santé mentale" et ce, pour l'ensemble des groupes.

Comme association, nous nous Interrogeons également sur la pertinence de l'obligation pour la communauté de faire une contribution équivalant à un minimum de 10 % du budget accordé. Nous pensons qu'une telle mesure va à rencontre même du bénévolat et que ce n'est pas une garantie de participation et d'implication communautaire.

Ici, je vais faire un aparté qui n'est pas dans le texte parce que c'est beaucoup plus régional et spécial à la Montérégle. On se demande aussi quelle est la pertinence de mettre justement 10 % quand déjà certaines ressources, peut-être beaucoup en province, ne sont pas subventionnées de façon récurrente. Déjà dans la Montérégie, il y a deux ressources alternatives qui, au 1er avril 1988, ne savent même pas ce qui va arriver de leurs services qui offrent des places d'hébergement au nombre de 27. Ce n'est pas 10 %, c'est 100 % qu'il va falloir aller chercher.

Nous pensons qu'une telle mesure va à rencontre même de la définition de bénévolat. Il ne peut s'agir d'une garantie de notre participation communautaire. À titre d'exemple, à peu près tous les hôpitaux ont leur fondation et leur organisation de bénévoles, ce qui ne les définit pas comme communautaires. Qu'une évaluation de l'atteinte des objectifs fixés et de la pertinence des services sur une base régionale soit effectuée périodiquement est pour nous la meilleure garantie du respect de notre mission communautaire. On reconnaît que l'objectif de s'assurer de la participation communautaire est prioritaire, mais cela devrait reposer sur d'autres moyens qu'un moyen comptable. Cela peut être l'élargis- sement des corporations, rendre plus accessible la communauté, etc. En fait, me semble-t-il, il y a plusieurs autres moyens que financiers. (16 h 15)

M. Godet: Le dernier point: la formation. Comme dernier point, il nous semble important de faire part au comité d'une expérience de recherche-action-formation fort enrichissante vécue par l'ensemble des ressources de la région Ayant bénéficié d'une subvention du ministère, nous venons de terminer une recherche action-formation avec l'équipe de l'École de service sociale de Montréal. Ce projet visait à faire participer à la recherche-formation tous les niveaux hiérarchiques des ressources concernées, soit les usagers, les intervenants, la direction et les membres du conseil d'administration. Entre parenthèses, cela a été fait.

Grâce à ce projet, les ressources ont pu approfondir de beaucoup leurs connaissances, tant au niveau de la gestion, de l'intervention, de leur clientèle et sur bien d'autres points. Une telle expérience de formation est d'autant plus riche par l'implication de tous les niveaux, permettant ainsi des changements d'attitudes et de pratiques globales. Par cette recherche-action, nous avons réussi à percer le cloisonnement des rôles en impliquant la gestion face à l'intervention, face au client et vice versa. Nous croyons donc qu'une formation, se voulant dans l'optique de la politique, soit l'élargissement du partenariat, devrait privilégier tout projet où plus d'un secteur sera concerné, de même que le débordement des milieux traditionnels de pratique vers les milieux où se vivent les problèmes et se définissent de nouvelles approches.

Nous terminons en remerciant les membres de la présente commission de l'attention portée à ce mémoire et formulons l'espoir, tel qu'énoncé par la politique, que l'individu soit le principal acteur et que l'on réussisse enfin le décloisonnement, ceci pour le plus grand intérêt de tous. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de votre présentation. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de l'Association des ressources alternatives en santé mentale de la Montérégle.

Évidemment, il y a une partie des problèmes que vous soulevez qui ont été discutés à quelques reprises ici. Vous devez être la cinquième région au moins qui vient nous présenter ses points de vue. Vous insistez beaucoup sur la différence entre les ressources alternatives et les ressources communautaires. Peut-être insistez-vous davantage là-dessus que d'autres ne l'ont fait avant vous, de peur d'être éventuellement associés à des ressources communautaires. Je pense que ce que vous apportez est la définition des ressources communautaires comme des ressources de

soutien ou des ressources pour compléter un travail par exemple de réinsertion sociale alors que dans te cas des ressources alternatives vous vous situez parmi des ressources qui sont une alternative à la psychiatrie plus traditionnelle. C'est comme cela, je pense qu'il faut comprendre?

M. Godet: Entre autres. Mais je pense qu'on a tous les deux un réflexe là-dessus. Mon premier réflexe vient d'un besoin fondamental de l'individu de développer un sentiment d'appartenance à un groupe social. Je pense que depuis que le mot a été lancé il y a plus ou moins une dizaine d'années s'est développé un cheminement d'un certain nombre d'individus vers un certain nombre de groupes et d'un certain nombre de groupes entre eux pour se regrouper autour du terme alternatif qui à mon avis représente ce qu'on fait quelque chose d'autre et d'ailleurs.

J'ai des échanges de vues avec des groupes communautaires. Je ne suis pas capable de mettre une démarcation extrêmement précise. Mais pour moi, il y a quand même dans la pratique des différences importantes. C'est que je ne suis pas sûr - les groupes communautaires pourront le dire - que les groupes communautaires pourraient prétendre, comme la plupart d'entre nous en s'identifiant alternatifs qu'ils offrent une approche dite thérapeutique, c'est-à-dire que nous ne prétendons pas, en tant qu'individus, travaillant dans un groupe des non-professionnels, à avoir un rapport privilégié d'individu à individu qui permette à une personne de progresser thérapeutiquement vers un épanouissement. Mais je constate, depuis les sept ans que je suis en ressources alternatives par rapport aux trois ans que j'ai été en centre hospitalier, pas comme résident mais comme employé qu'il y a un contexte favorable des mises en situation avec des personnes-ressources qui font qu'un individu change ou modifie ses comportements, trouve un peu plus sa voie et clarifie ses objectifs en passant par chez nous.

Au début, toutes ces choses se sont faites probablement, en bonne partie, de façon intuitive et par la bonne volonté, et je pense aussi avec I'amour des gens à qui on veut rendre service. Mais avec le recul, on commence - en tout cas, si je parle particulièrement de l'association ou je travaille - à établir une espèce de compréhension des grandes lignes et des caractéristiques qu'on offre pour que le passage d'une personne soit enrichissant et même à éclairer les personnes qui ne conviennent pas à la démarche qu'on peut offrir. Alors, on est plus clairs maintenant et je pense qu'une personne, qui passe par une ressource alternative, peut même avoir le privilège de magasiner, en tout cas en Montérégie, différentes approches et choisir celle qui lui convient davantage ou avoir le privilège d'être orientée par une ressource à la suite d un séjour dans une des ressources qui lui convient moins ou, après avoir identifié certains besoins spécifi- ques d'être orientée vers une autre ressource qui lui conviendrait davantage en dehors du réseau. Cela est mon premier réflexe.

Mme Laurin Je voudrais ajouter quelque chose. Si on se fait appeler "ressources communautaires", quelque part, on ne reconnaît pas notre expertise, à savoir qu'on a développé des méthodes effectivement thérapeutiques entre autres en Montérégie il existe des thérapies par I'art et il y a quand même un cheminement il y en a d'autres par le travail. II y a peut-être la notion quon ne comprend pas, quon maintient une clientèle difficile dans la société. On pense peut-être quon fait affaire à des groupes que des organisations de bénévoles peuvent maintenir, mais du délire cela existe dans nos ressources ce sont les trois quarts de nos clients. On les maintient, on traverse on fait une réflexion également sur la folie sur les délires quits traversent et avec cela on a quand même développé une expertise. C'est surtout cela qu'on aurait énormément peur de voir évincé pour une notion de services et pour des services d'hébergement seulement alors qu'il y a une tout autre approche qui sous-tend cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment une approche thérapeutique, finalement.

Mme Laurin. Oui.

Mme Lavoie-Roux: une autre forme de thérapie.

Mme Laurin: Out, mais qu'on ne peut pas définir d'une thérapie quelconque, parce qu'il y a onze groupes, il y a effectivement onze façons d'intervenir.

Mme Lavoie-Roux: Oui

Mme Laurin: mais il y a quand même une réflexion. De par la recherche-action qu'on a faite, on a quand même réussi à clarifier les grandes lignes de notre thérapie pour chacune des ressources.

M. Godet: J 'ajouterais qu'il y a des condilions préalables qui nous permettent maintenant de mettre le doigt un peu plus sur notre intervention et dêtre capables de la définir et de voir les différences avec les autres. C'est que pour bon nombre d'entre nous il y a eu du financement récurrent, ce qui nous a enlevé le souci daller chercher des subventions par le biais de campagnes de souscription qui demandent énormément d'énergie et qui finalement se différencient dans le mode de financement des ressources communautaires qui s'adressent habituellement au soutien des organismes communautaires, qui n ont pas un financement récurrent et qui chaque année, doivent passer beaucoup de temps non seulement à la rédaction

des demandes de financement, mais aussi à aller combler le manque à gagner par des campagnes de souscription ou par autre chose. Alors, c'est différent.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas quelle ressource alternative vous représentez, vous l'avez peut-être dit au point de départ et je n'étais pas arrivée. Pouvez-vous me dire - je ne sais pas si vous êtes dans la même ressource - premièrement si vous êtes dans la même ressource et, deuxièmement, si vous êtes dans des ressources différentes? Étant donné que ce sont des personnes que vous recevez et que votre approche est une approche thérapeutique, dans chacune de vos ressources, ce sont quand même des gens qui sont avec vous pendant un certain nombre de temps. Dans une année, vous recevriez combien de personnes? Combien de personnes sont suivies, par exemple, et restent avec vous entre six et douze mois? Est-ce que vous avez certaines statistiques là-dessus?

M. Godet: Je vais parler pour ma maison, c'est la Maison alternative de développement humain à Saint-Hyacinthe, communément connue sous le nom de MADH. Disons que maintenant on a deux maisons d'hébergement qui nous permettent de faire une différence dans le cheminement des gens. Chez nous, une personne peut vivre une transition de trois à quatre mois et s'en aller directement en appartement ou, si elle veut développer un projet de vie, elle peut l'actualiser dans une deuxième maison et y vivre pendant un an. Alors, si on fait le total des gens les plus lents, on peut aller jusqu'à quinze mois ou aux alentours, ce qui est significatif pour nous du respect du cheminement de chaque individu; certains vont plus vite, d'autres sont plus lents et ont besoin de plus de sécurité, mais je pense que c'est aussi fonction de la difficulté et de la gravité de la situation de l'individu ou de la détérioration de l'individu.

Mme Laurin: Sur le plan statistique, la Maison sous les arbres, à Châteauguay, où je travaille, a essayé, depuis les trois années, de recenser ce que c'était ta moyenne, parce qu'il y en a qui viennent pour trois mois et d'autres pour six. La moyenne de séjour est de neuf mois. On était partis avec quatre mois de séjour; on a été souples et on s'aperçoit que la moyenne de séjour pour les années a été d'environ neuf mois. Nous passons en moyenne 27 places d'hébergement par année. Il y a 27 individus différents; ce ne sont pas...

Mme Lavoie-Roux: Vous avez combien de places d'hébergement dans votre maison?

Mme Laurin: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Vous avez combien de lits?

Mme Laurin: Treize. Mme Lavoie-Roux: Treize.

Mme Laurin: On offre aussi le programme, comme beaucoup de ressources également, en externe. Il y a là aussi environ 20 places à l'externe, des gens qui viennent participer. C'est souvent une entrée à la ressource. Ils sont incapables de passer tout de suite de la famille d'accueil ou de la famille naturelle qui n'en peut plus, qui est comme incapable et qui est aux prises avec, et ils ne veulent pas retourner à l'hôpital. À ce moment-là, ils viennent d'abord comme externes et ils commencent à se sécuriser et, par la suite, ils entrent avec une place d'hébergement et leur programme est plus complet.

M. Godet: En termes de chiffres, chez nous, on accueille entre 25 et 40 différentes personnes par année dans notre première maison en transition. La deuxième varie entre dix et quinze. C'est sûr qu'ils doivent tous passer par la transition. Ces gens-là ont un cheminement plus lent et ils sont libérés moins vite, mais environ 35 à 40 personnes, c'est différent. Donc, depuis les sept ans, vous pouvez faire le calcul des différentes personnes qui sont passées par chez nous.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous étiez présents lorsque d'autres groupes ont présenté leur demande et se sont dits, comme vous d'ailleurs, insatisfaits de la définition qu'on faisait de services communautaires dans le sens supplétif, dans la mesure où on ne définissait pas de façon précise les organismes alternatifs. Dans ce contexte, vous dites qu'on devrait s'assurer davantage que, s'il y a un partenariat, on soit dedans et qu'on ne soit pas considérés un peu comme quelqu'un qui dérange, mais plutôt comme quelqu'un qui vient donner un service à des gens qui sortent de l'institution et qui doivent, comme je le dis souvent, retourner dans un milieu plus naturel et plus proche de leurs préoccupations.

Dans ce contexte, vous ramenez ici les discussions qu'on a eues avec d'autres groupes quant à votre implication que vous voulez voir précisée dans la future politique de santé mentale. Serait-il possible que vous me disiez le rôle que vous voyez jouer par vos ressources alternatives dans la future politique de santé mentale?

Mme Laurin: Le rôle qu'on remplit présentement, sauf que cela sous-entend autre chose,

cela sous-entend, comme le regroupement provincial des ressources alternatives du Québec l'a dit qu'il faut démocratiser les structures parce que notre CRSSS a quand même voulu nous faire embarquer et on le dit dans notre mémoire. Mais ce n'est pas tout de vouloir. II faut permettre qu'on puisse se situer au coeur du champ des plans d'organisation et des plans décisionnels Tout cela est interrelié. Si on ne reconnaît pas notre mission alternative en santé mentale, si on nous appelle ressources communautaires. Je vais être appelée pour la consultation mais jamais comme pouvoir décisionnel, et il ne faut pas se faire d'illusions je pense que c'est là qu'il faut être, mais cela sous-tend qu'on démocratise les CRSSS et quon mette un tiers un tiers et un tiers la même proposition. À ce moment là c'est pour nous une garantie qu'on est quand même capables de prendre notre place. On ne demande pas au ministère de nous dresser une place comme on ne voudrait pas qu'il fasse une ligne directive provinciale. Ce n'est pas un modèle mais qu'il y ait au moins des aménagements comme la démocratisation des CRSSS. (16 h 30)

M Godet: Moi, j'ai une demande précise en deux temps. La première. Je prétends que cela va dans le sens de l'association. L'association est d'accord, je pense avec ce qui est proposé il me semble pour le comité d'experts qui verrait à analyser les meilleures conditions pour la désinstitutionnalisation dans chaque région et qui serait nécessairement composé de gens concernés qui s'en sont sortis, ou de gens qui sont à la veille de sortir, c'est-à-dire des bénéficiaires des centres hospitaliers, mais aussi de représentants des ressources alternatives. Je ne vois pas comment nous pourrions être exclus de cette démarche.

Par contre, je pense quon souhaiterait être bienvenus et non pas imposés. C'est peut-être ma personnalité qui veut cela. J'aime être invité ou j'aime me sentir à l'aise là ou je suis et non pas imposé par ur décret. II peut y avoir des choses recommandées, de pointées. J'irais plus loin, mais là je n'engage que moi. Je pense que nous aurions, pour la plupart, et nous le faisons peut-être un peu déjà par notre action, des avantages à être - je ne sais pas de qu'elle façon - inscrits dans le processus de formation des intervenants qui oeuvrent auprès des gens qui sont dans I'institution pour faciliter leur réinsertion. Pendant des années, un certain nombre de gens ont vécu en institution et ont été souvent, entre guillemets, "parentalisés" un peu par le personnel. Je parle en connaissance de cause pour y avoir travaillé. Si on pense à acheminer une personne en dehors de l'institution, évidemment avec son consentement, mais en la faisant réfléchir à sa situation et en lui disant. Éventuellement, il va falloir que tu sortes, ça I'insécurise et ça remet en question aussi le rôle des travailleurs qui depuis un certain temps oeuvrent auprès de lui pour le faire cheminer

Je ne suis pas sûr que si du jour au lendemain aux gens qui travaillent en institutions infirmiers auxiliaires préposés on dit. Vous allez travailler en communauté ils vont se sentir à l'aise. Je pense queux aussi sont en partie institutionnalisés. En tout cas ils ont adopté des comportements tels qu'ils ne laisseraient pas partir leur clientèle facilement. Je pense qu'on pourrait être utiles peut-être pas imposés mais utiles dans l'apprentissage nouveau à une approche nouvelle de type communautaire de réinsertion sociale communautaire.

M. Jolivet. Est-ce que dans les groupes représentés par vous aujourd'hui il y a des gens qui sont une ressource alternative basée sur des ex-psychiatrisés des personnes qui ont connu I'institution et qui ont décidé de venir en aide à leurs semblables en disant. J'ai passé par telle chose j'ai peut-être la possibilité et la capacité de t'aider à passer à travers? Avez-vous dans vos groupes des gens comme ceux-là?

M Godet: Je vais parier pour Saint Hyacinthe. Des membres du personnel qui ont oeuvré, et Dieu sait s'il y a eu du monde, avant de trouver du personnel plus stable, depuis le début de la ressource auprès des gens qui avaient besoin de services, je ne me trompe pas en disant que le tiers de ces gens ont eu ou avaient déjà eu une hospitalisation à leur crédit, et sont devenus intervenants. D'ailleurs, quand la res source a été mise sur pied, moi, j'étais préposé en psychiatrie et les trois premiers engagés sur le projet avec moi étaient trois ex-psychiatnsés. Par la suite, il y a eu des gens qui avaient un autre cheminement. Il y a quand même eu quelqu'un qui avait un passé psychiatrique avec trois hospitalisations assez solides, qui a travaillé chez nous pendant quatre ans en tenue de livres. On lui a donné sa chance.

Au niveau du conseil d'administration il y a maintenant une place réservée nécessairement à un des résidents lis peuvent assister, devenir membres de la corporation et sont éligibles comme n'importe qui au conseil d'administration. C'est notre contribution, mais nous, on ne prétend pas être un groupe principalement reconnu comme un groupe de psychiatrisés. On est surtout principalement reconnu comme un groupe d intervenants donnant des services.

Mme Laurin: Là-dessus, j'aimerais il faut comprendre la situation de la Montérégie et peut-être qu'on va comprendre la dynamique de la naissance d'une ressource. Je trouve la question pertinente. C'est qu'en Montérégie, effectivement, on représente onze groupes. Il devrait s'en adjoindre un douzième qu) est, premièrement, une ressource de soutien faite par des psychiatrisés. Mais comme en Montérégie, les onze ressources sont nées de I'adoption d'un

décret, la dynamique de la naissance d'une ressource dite communautaire n'a pas été respectée dans tous les cas. À ce moment-là, c'est parti justement de ressources où les usagers, au départ, ne participaient pas aux CA. Avec la recherche-action-formation, avec une réflexion, de plus en plus de ressources ont ouvert des places dans le CA aux usagers. Chez nous, entre autres, II y a de la place pour les usagers au CA et de plus en plus de ressources... Il y a aussi l'Entre-Deux à Longueuil qui commence à voir l'importance de l'implication, mais il faut comprendre qu'au départ on n'a pas respecté la dynamique communautaire. Cela aurait sûrement donné autre chose. Disons que c'est devenu bien, on a impliqué l'usager, mais cela a pris une démarche plus longue.

M. Jolivet: En fait, ce pourquoi je dis cela, c'est parce que. effectivement, je suis en accord avec l'aide apportée à ces gens-là. Je comprends la réticence que peuvent avoir les personnes, que ce soient les conseils de services sociaux ou d'autres. Parfois, au lieu de faire une étude sur la ressource elle-même, elles regardent les gens qui composent la ressource et disent: lis sont difficiles à vivre parce qu'ils ont vécu des problèmes dans le passé. Je pense que ce n'est pas la façon dont on doit agir si on veut vraiment mettre en place les structures alternatives, des ressources alternatives.

D'un autre côté, vous dites que les 10 %, au même titre que le regroupement ou d'autres personnes formant des alternatives comme les vôtres, vous trouvez cela dur à supporter. Qu'est-ce que vous proposez? Je ne poserai pas la même question que j'ai posée ce matin, vous étiez là.

Mme Laurin: Je l'ai entendue et hier aussi. Les 10 %, d'abord, ce n'est pas une garantie communautaire, c'est une mesure comptable. Je ne vous répéterai pas ce que j'ai dit quand je suis venue avec le regroupement provincial, je l'ai défendu de la même façon. Je trouve un peu fâchant, pour nous qui avons oeuvré si longtemps avec de si petits budgets, qu'en Montérégie, pour nos places d'hébergement, comme je le disais tantôt dans le mémoire il y ait deux ressources qui ne savent pas ce qui va arriver le 1er avril 1988; cela représente 27 places d'hébergement. J'en suis une de ces ressources. Je n'ai pas de budget récurrent.

Je lis, dans le rapport Harnois, qu'on me demande d'aller chercher 10 % de ma contribution. Ce n'est pas une garantie de ressource communautaire. On me demande d'élargir ma corporation, c'est ce que je propose comme moyen. Qu'on me demande de prouver mes méthodes d'interventions dans la communauté, que la communauté rentre dans la ressource, qu'on l'ouvre, mais qu'on ne me demande pas de mesure comptable, je trouve que ce n'est aucune garantie. C'est un peu la position. Il y a deux ressources qui, comme je le disais tantôt, vont être obligés d'aller chercher 100 % de leur budget et ce sont 27 places d'hébergement.

M. Godet: Moi, ce n'est pas une mesure que je propose, c'est un fait que je constate. La plupart des gens - je ne fais pas cela par rapport à l'établissement, je n'ai pas de jugement à porter sur eux - la plupart des intervenants, qui travaillent à notre service ou des gens qui n'ont pas de passé, au fur et à mesure, s'impliquent en communauté; ils s'impliquent à la naissance, dans l'étape de concertation aussi avec des groupes communautaires qui ont une relation étroite avec nous. Cela fait partie de notre travail.

Notre travail, c'est vrai qu'il est auprès de la clientèle en termes de services, mais c'est aussi un travail qui rayonne dans notre communauté. Je pense que la contribution particulière de chaque ressource et de chaque intervenant de chaque ressource, c'est aussi de s'associer avec d'autres ressources communautaires ou alternatives de notre sous-région et de créer des liens nouveaux, de dédramatiser et de démystifier la santé mentale. Quand on s'implique dans l'étape de concertation, entre autres choses la table de concertation-jeunesse à Saint-Hyacinthe, et qu'on est un organisme de santé mentale et qu'on se donne la peine d'aller régulièrement aux rencontres, je pense qu'on crée un impact de démystification avec les gens avec qui on fait affaire. On s'assure, autant que possible, non pas d'être absolument partout, mais d'être là où on invite, là où on pense que c'est notre intérêt

Alors, je vous dis qu'en termes de rayonnement, en plus de l'implication bénévole des membres du conseil d'administration et de l'assemblée de chacune des ressources, les intervenants propres s'impliquent à différents niveaux et je pense que leur travail permet une sensibilisation et une dédramatisation, un paquet de choses impalpables en termes d'argent, mais drôlement intéressantes en termes de relations et d'intégration sociale de nos résidents ou ex-résidents, dans le changement des mentalités et des attitudes.

Mme Laurin: Je voudrais juste ajouter quelque chose. Je vous entendais ce matin, je vous al entendu hier et vous sembliez dire que c'est parce que vous avez peur qu'on soit récupérés par l'État ou qu'on perde... Ce dont j'ai peur dans cette mesure, c'est que, à force de comptabiliser le bénévolat, cela ne devienne un abri fiscal. J'aimerais que vous y réfléchissiez. On est peut-être en train de transformer le bénévolat. Il y a également cela.

M. Jolivet: Une autre question concernant le plan de services individualisé. Vous dites oui au plan de services. D'un autre côté, je crois comprendre que, comme tous les organismes

comme le vôtre, vous dites: II devrait y avoir une collégialité quant à la prise de décision et quant au plan de services individualisé à partir des besoins de l'individu avec, bien entendu, une personne pour faire la coordination de tout cela. Mais si, d'une certaine façon, on veut qu'il y ait obligatoirement un comité pour évaluer le besoin et pour préparer le plan de services individualisé à partir des besoins de l'individu, vous dites cependant: Pas obligatoirement au fait que l'individu... Vous dites cela autrement, vous dites: "Cependant, ayant comme toujours souci premier de considérer d'abord et avant tout l'individu, nous comprenons mat la pertinence de rendre par voie de recommandation formelle l'obligation de l'individu à un tel plan de services. "

Je voudrais comprendre ce que vous vouiez dire. Est-ce que vous voulez dire qu'il devrait y avoir un plan de services, mais que ce soit l'individu qui le demande et non pas l'organisme qui l'impose?

M. Godet: Non seulement cela va-t-il dans ce sens-là, mais cela se fait déjà. Chez nous, pour la personne qui vient à une entrevue, qui pose sa candidature pour venir résider chez nous et faire une démarche de réinsertion sociale, quand on analyse ses besoins et, selon ce qu'elle nous présente d'elle-même et non pas ce qu'on a appris d'autres, à moins qu'il y ait de sérieux doutes, on s'entend pour lui donner une perception de l'endroit où on la situe dans sa démarche, ses forces, ses faiblesses, les besoins qu'elle nous présente. On essaie de clarifier sa démarche avec elle et d'être assez honnête pour lui dire: Écoute, actuellement, nos services ne peuvent pas convenir à ce que tu as le goût de vivre ou c'est un autre service, une autre orientation qu'on le suggère. On fait continuellement de l'orientation.

Très souvent, je dirais même généralement, cela se fait en collaboration, chez nous en tout cas, avec le centre hospitalier. Si on entend dire qu'une personne veut poser sa candidature chez nous, on dit quoi faire à l'intervenant. Cela veut dire que cette personne doit prendre un rendez-vous chez nous et on la reçoit. À la suite de la rencontre, on donne à la personne le mieux qu'elle peut comprendre d'elle-même et, la plupart du temps aussi, on va recontacter l'intervenant. Je vous parle de gens qui ont souvent été hospitalisés plus de trois mois, six mois, un an ou deux ans; on parle de désinstitutionnalisation dans notre cas, parce qu'à Saint-Hyacinthe il y a 75 lits à long terme. On est un bassin à long terme particulièrement intéressant pour la sous-région où il en manque et il y a actuellement des luttes à ce niveau-là.

Une démarche est donc faite pour aider l'individu à se clarifier là-dedans. Évidemment, c'est écrit pour nous sur une fiche; ce n'est pas un dossier. La personne ne retourne pas avec une analyse de ses besoins au centre hospitalier, "si elle est refusée; même si elle est acceptée, c'est pour notre perception personnelle. Mais on lui dit à peu près où elle se situe. Il y a même des organismes qui nous demandent de faire l'évaluation de leur clientèle pour voir à quel niveau ils sont rendus et on les contacte ensuite à nouveau pour leur donner notre perception parce qu'ils nous reconnaissent une spécialité. Cela m'est arrivé dernièrement, à la suite de doutes de gens qui s'occupent d'un organisme d'alcooliques et de toxicomanes, d'avoir à faire une vérification chez nous pour savoir s'il n'y avait pas aussi des problèmes de santé mentale. (16 h 45)

Cela se fait, mais ce n'est pas sur papier. Cela pourrait l'être dans la mesure où on le suggère ou que quelqu'un le suggère à l'individu et que l'individu dise: Je m'en viens chez nous, mais Je veux avoir un papier pour savoir où je suis rendu, voulez-vous me le faire? On va se donner la peine d'écrire notre perception. Elle va repartir avec cela, mais cela se fait verbalement, oui. Pas de façon obligatoire, mais de façon volontaire, mais cela se fait systématiquement.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Châteauguay.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Je tiens tout d'abord à remercier et à féliciter vos organismes parce que je connais très bien, si je me fie à ma région, le travail exceptionnel que vous faites. Chez moi, en tout cas, c'est tellement discret et efficace que je voudrais vraiment savoir le type réel de votre clientèle. On parle de clientèle légère, de clientèle plus lourde. Ce qui m'a frappée tantôt, c'est que vous avez mentionné des cas de délire. Est-ce exceptionnel ou si vraiment vous avez à traiter, j'oserais dire régulièrement ou joumalièrement, ce type de problème?

Mme Laurin: Oui, ce n'est pas exceptionnel. Je dirais que c'est 75 % de la clientèle, oui. Ce ne sont pas des cas si... Disons qu'on a une multiclientèle. Il y a des cas de dépression, mais 75 % de notre clientèle souvent entre en délire ou a un délire à l'intérieur même. Je dis le mot "délire", je n'aime pas cela, mais je voulais être Claire. C'est parce qu'on ne marche pas par diagnostic. Je voulais être bien comprise. Je ne savais pas comment expliquer cela. Oui, nous desservons une clientèle très lourde. D'ailleurs, dans Châteauguay, je pense que vous êtes au courant, il n'y avait pas de service psychiatrique, l'hôpital est à 40 milles, c'est quasiment nous qui avons offert l'alternative, mais qui avons justement repris les gens qui probablement, si on n'avait pas été là, ou sûrement à 95 %, seraient allés à l'hôpital.

Dans ce sens, on influence directement le syndrome de la porte tournante. On ne les retourne pas dès qu'il y a un accroc.

Mme Cardinal: Effectivement parce que nous

avons à aller chercher nos services soit à Longueuil ou à Valleyfield.

Mme Laurin: C est ça.

Mme Cardinal: Dans d'autres services aussi. Je pense que Mme la ministre est très consciente et elle tend justement à corriger ces disparités. Cela étant dit, je voudrais aussi vous demander si les itinérants, je sais qu'il y en a dans la région, font partie également de votre clientèle, parce qu'il faut constater qu'il y a quand même un pourcentage assez important de gens psychiatrisés ou ex-psychiatrisés? À ce moment une ressource comme la vôtre peut-elle toucher ou rejoindre, ou de quelle façon peut-elle rejoindre ces gens?

Mme Laurin: On rejoint les itinérants - je parle pour notre ressource - qui sont à caractéristique psychiatrique. C'est souvent, à ce moment, la police qui vient nous les reconduire ou c'est le CLSC qui reçoit à son urgence psychosociale un cas ou on s'aperçoit justement qu'il y a une caractéristique, une composante psychiatrique. Nous ne rejoignons pas I'itinérant vagabond, rendu clochard, et qui n'a pas de connotation psychiatrique. Ce dont on a peur, c'est qu'on devienne une mission de dépannage. Comme on a une approche thérapeutique, on reçoit l'itinérant qui n'avait pas d'autre ressource et qui est allé, mais qui avait une connotation psychiatrique ou de maladie ou même détérioration de santé mentale.

Mme Cardinal: Pourriez-vous me donner à peu près un estimé des résultats concrets de réinsertion? Cela m'apparaît, vos cas m'apparaissent, enfin, votre clientèle m'apparaît très lourde. Pouvez-vous quand même donner un pourcentage de réinsertion et quand même de résultats positifs de vos approches?

Mme Laurin: Oui Cette année, le résultat a été de 42 % pour un retour en appartement autonome. Pour nous, c'est aussi significatif parce que, même s'ils demeurent bénéficiaires de l'aide sociale, ce sont des gens qui entrent à 85 % soit de leur milieu familial, de familles d'accueil ou d'hôpitaux, mais qui n'ont jamais été capables de vivre en appartement autonome, à ce niveau. Pour ce qui est de la réinsertion au travail, disons qu'on a plus ou moins bien réussi cette année, c'est 20 %

II a été une année où nous avions très bien réussi. C'est qu'on a eu un commerce de patates frites, et la clientèle psychiatrique, il y en avait de la lourde aussi qui allait là, était, à ce moment, sur un plateau de travail, donc, ils étaient en contact avec les gens Ils vivaient le stress de vendre leurs hot dogs, etc. Cela avait fait un taux de réussite de 53 % de réinsertion sociale les deux années ou on a fait ce programme. Malheureusement, il manquait d'effectifs, il nous manquait des moyens financiers pour payer une ressource humaine qui aurait pu tenir le programme et on était à bout de force. Au bout de deux ans on a abandonné le projet de patates frites, ce que je trouve dommage.

Mme Cardinal: Oui, effectivement. Maintenant, j'aimerais savoir également comment vous êtes perçus dans le milieu. Enfin je le sais, mais j'aimerais que vous me l'expliquiez. Comment ce genre de services que vous offrez à la population est perçu dans les régions''. C'est quand même particulier, on n'est pas encore au bout des tabous, de certaines craintes, d'appréhensions. On ne sait pas encore très bien la différence entre la déficience mentale et les problèmes de santé mentale. Alors.

Mme Laurin: De ce côté-là, disons, comme vous l'avez dit nous sommes très discrets dans Châteauguay. Je pense qu'il y a beaucoup de ressources qui sont obligées de faire cela aussi. II y en a certaines qui ont passé, au début, par des certificats de reconnaissance de famille d'accueil, mais le CSS a fait comme un moratoire et a demandé qu'il n'y en ait plus de délivrés. Nous, nous n'avons pas de certificat de famille d'accueil. Donc, on n'est pas sous l'égide de la loi 158. Donc, face à la population il faut d'abord parler de problèmes de dépression et beaucoup de gens ne savent pas. On ne peut pas se permettre le luxe d'arriver et de parler directement de la clientèle qu'on dessert parce qu'on pourrait être évincés, on est considérés comme quasiment un foyer clandestin, n'étant ni famille d'accueil, donc pas couverts par l'article 158, ni famille naturelle non plus. Cest une situation assez ambiguë.

Mme Cardinal: Merci. M. Godet: Est-ce que.

Le Président (M. Bélanger): Vous avez un commentaire. Je vous en prie.

M. Godet: Oui. Est-ce que je peux prendre quelques questions de Mme la députée, mais de façon régionale?

Alors, de façon régionale, pour avoir passé presque deux ans seulement en recherche-action, pour avoir côtoyé d'autres ressources, les onze ressources, et bientôt probablement douze ou treize, je sais que nos approches sont très diversifiées. La clientèle peut aller de personnes quf n'ont jamais connu d'hospitalisation, mais qui sont en phase sérieuse de dépression suicidaire ou, à la rigueur, même en perte de contact avec la réalité jusqu'à des gens qui ont un passé psychiatrique assez lourd, qui sont suivis par des travailleurs sociaux et qui sont placés dans une ressource qui s'apparenterait un peu plus à une structure intermédiaire malgré quelle soit de type organisme à but non lucratif avec des

services propres.

Alors, on a, à mon avis, une gamme très variée de clientèles, mais une chose est sûre, c'est que la plupart des ressources ou toutes les ressources sans exception, je pense, peut-être pas en termes de statistiques précises, mais en termes d'optique, réussissent à éloigner ou à éviter l'hospitalisation. Si j'accorde une importance particulière à la réflexion qu'un chef de département d'un centre hospitalier de court terme me faisait à Saint-Hyacinthe il n'y a pas tellement longtemps, ce sont moins des gens connus de la psychiatrie qui reviennent, ce sont des figures nouvelles. Alors, on a tendance à croire par cette réflexion que les gens qui avaient le syndrome de la porte tournante, comme on l'appelle, ont pu, finalement, être absorbés dans notre ressource ou d'autres ressources et maintenus en société par le biais d'un centre de loisirs dont on a pris l'initiative.

Alors, ce n'est peut-être pas en termes de chiffres que je peux vous parler, mais en termes de résultantes d'une utilisation moins fréquente des services hospitaliers. Dans ce sens-là, je pense qu'on peut parler de réussite.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Lâviolette.

M. Jolivet: Oui. Je tiens à vous remercier de votre implication au nom de ceux qui profitent de votre expertise. Je souhaite, comme vous, qu'on puisse dans la future politique de santé mentale - je ne devrais pas dire cela comme tel - non pas définir les rôles de chacun, mais plutôt dire qu'il y a des gens qui font des choses et leur permettre par des moyens financiers de pouvoir y participer.

Je voudrais dissiper, en ces derniers mots qu'il me reste, ce qui vous est peut-être passé par l'esprit: Vous avez dit que le fait de financer plus, c'est-à-dire de financer à 100 %, ce serait une récupération par l'État, je n'ai jamais dit cela. Si je l'ai dit, c'était seulement dans mon rôle d'avocat du diable par les questions que je posais, mais ce n'est pas ce que j'en pensais. Au contraire, je dis que les groupes comme les vôtres doivent être aidés et qu'on doit leur permettre de faire des choses qu'aucun centre hospitalier ni aucun centre d'accueil du réseau ne peuvent faire, mais avec l'effort de bénévolat et d'action par les groupes comme le vôtre, on peut le faire à des coûts moindres. En conséquence, on doit à ce moment-là, tout en tenant compte des capacités de l'État, vous permettre de vivre avec une sécurité à plus long terme, de façon récurrente. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais à mon tour vous remercier pour les services que vous rendez à la communauté, surtout pour la persévérance avec laquelle vous le faites. Je sais que c'est souvent dans des conditions difficiles et c'est parce que vous croyez au travail que vous faites que vous pouvez le poursuivre.

Nous allons essayer de réconcilier, au moment de la rédaction finale de la politique en santé mentale, ce qui peut, à première vue, paraître irréconciliable, quoique, au fur et à mesure des journées d'auditions, il m'apparaisse que fondamentalement il y quand même des consensus qui se dégagent sur les principes de base. Sur les modalités, évidemment, des précisions devront être apportées. Je vous remercie de votre contribution.

M. Godet: Est-ce que je peux exprimer un souhait avant de quitter?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Godet: Je souhaite ardemment que le comité ne tombe pas dans le piège de l'homogénéité et du stéréotype, et je m'explique. Depuis la journée et demie que j'assiste à ces travaux, j'ai trouvé très enrichissant de voir présentées ici différentes approches et différentes solutions particulières à chaque région et à chaque sous-région.

Pour moi, il est essentiel de donner le financement nécessaire à chacune de ces initiatives, tout en pensant que les autres régions ne seront pas nécessairement jalouses qu'une Initiative soit encouragée dans un secteur ou dans une région comparativement à une autre parce que, à mon avis, les règles du jeu sont différentes et les valeurs qui sont véhiculées le sont aussi. Ce qui fait qu'une solution qui convient à un endroit ne va pas nécessairement convenir à un autre endroit. Le règne de la concurrence entre nous est révolu. Ce n'est pas pour rien qu'il y a un regroupement provincial et des regroupements régionaux; même de la part 'd'un établissement, à l'intérieur de l'établissement, on souligne des initiatives très intéressantes, comme l'initiative de M. Lecomte, entre autres, et de sa dame. Je trouve cette initiative très intéressante. Il y a un changement d'attitude aussi à l'intérieur des institutions. Mais nous ne serons pas jaloux si c'est encouragé là; nous trouverons peut-être des choses intéressantes à aller chercher, mais à adapter dans chacune de nos régions. Merci.

Comité consultatif régional en santé mentale, région 02

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.

La commission des affaires sociales remercie l'Association des ressources alternatives en santé mentale de la Montérégie et appelle à la table des témoins le Comité consultatif régional en santé mentale de la région 02, c'est-à-dire de la région Saguenay-Lac-Saint-Jean, si ma mémoire

est bonne.

J'appelle donc à la table M. Réal Lajoie, M. Laval Laberge, M. Ghislain Girard, Mme Michelle Harvey, Mme Jennifer-Anne Corriveau et M. René Jacob.

Bienvenue parmi nous. Je suis un bon saguenéen de naissance, de Chicoutimi. Cela me fait toujours plaisir. Nous avons donc à notre table les représentants du Comité consultatif régional en santé mentale de la région 02. Vous connaissez nos règles de procédure Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Si, au cours de cette présentation ou au moment de répondre aux questions, puisqu'il y a une période de questions de 40 minutes, vous avez à prendre la parole, s'il vous plaît, vous vous identifierez avant de le faire pour les fins du Journal des débats afin que soient consignés de façon fidèle les débats et les intervenants. Je demanderais donc à votre porte-parole de s'identifier et de procéder à la présentation de votre mémoire. (17 heures)

M. Lajoie (Réal): Je suis Réal Lajoie. J'aimerais soumettre un petit document, des commentaires additionnels à l'avis que nous avons présenté en novembre.

Nous tenons à remercier la présente commission de nous recevoir en audition. Je voudrais d'abord vous dire quelques mots du Comité consultatif régional en santé mentale, région 02. dont la majorité des membres sont présents aujourd'hui dans cette salie. Ce comité fut formé au printemps 1983, sous l'initiative du Département de santé communautaire de l'Hôpital de Chicoutimi qui continue toujours de le soutenir financièrement, techniquement et professionnellement.

Il est actuellement composé de douze personnes représentatives des divers milieux régionaux concernés par la santé mentale. C'est ainsi qu'on y retrouve un représentant du Conseil régional de santé et des services sociaux, Michelle Harvey, des représentants des deux DSC de la région 02, Laval Laberge, Josette Bouchard et mol-même. Deux représentants des CLSC, soit un pour le Lac-Saint-Jean, Paul BoMn, et un autre pour le Saguenay, René Jacob. Des représentants des deux centres psychiatriques de la région, Ghislain Girard de l'Institut Roland-Saucier et Bernard Ouellet, du Centre psychiatrique de Roberval. Des représentants de l'Association canadienne pour la santé mentale, dont René Jacob, qui, en même temps, représente une de ces associations dans la région. De même qu'un représentant des ressources alternatives, Jennifer Corriveau.

C'est un comité consultatif, régional et qui a des centres décisionnels. Ce n'est pas le comité d'une Institution particulière. La formation de ce comité répondait à un vide et le travail qui y fut fait nous semble être important pour faciliter rétablissement de ce que le rapport Harnois appelle le partenariat. Cette notion de partenariat nous apparaît d'ailleurs très importante. Le rapport du comité de la politique pour un partenariat élargi était très attendu. C'est un document important, qui pourrait être l'occasion d'un débat de société capital en ce qui concerne la santé mentale et les changements de mentalités, d'attitudes et de pratiques qui sont souhaités depuis longtemps, mais qui sont souvent restés longtemps des voeux pieux.

Ce document certes, comporte des points forts et des points faibles, dont plusieurs ont déjà été mentionnés dans le débat en cours. Afin qu'il y ait le moins de répétitions possible, je n'en ferai pas la lecture de l'avis de façon intégrale. Je présenterai un court résumé pour ensuite vous présenter quelques commentaires sur des points qui ont été moins touchés et qui nous apparaissent particulièrement importants.

D'abord, les commentaires généraux. Comme premier commentaire, il faut souligner l'importance que revêt à nos yeux le projet de politique en santé mentale du fait qu'il soumet de façon officielle les orientations à prendre et les tâches à effectuer. Deuxièmement, il s'agit également d'un document qui, après avoir reconnu tes principes d'équité comme préoccupation fondamentale de toute action en santé mentale et de la primauté de la personne ainsi que du respect auquel elle a droit, soumet sept orientations spécifiques avec lesquelles nous sommes entièrement d'accord et qui ne nécessiteraient pas - cela se retrouve aux pages 49 et 50 du document Hamois...

Troisièmement, compte tenu de ce troisième commentaire général, compte tenu des orientations spécifiques bien intentionnées, on peut qualifier le document de vertueux, auquel on ne peut que souscrire. L'atteinte des objectifs proposés nous doterait d'un des meilleurs systèmes au monde. Un autre commentaire se réfère au caractère politique de ce document. En effet, nous avons eu l'impression qu'on a pensé éviter les batailles d'institutions en remettant aux régions le soin de définir leurs partenaires et de préciser leurs tâches respectives. Tel que présenté, te document pourrait être le résultat d'un compromis que les membres du comité de ta politique de santé mentale ont dû faire afin que le document soit axé sur le consensus.

Ce qui nous est présenté ici - cinquième commentaire - concerne davantage le champ de la santé mentale. Pour nous, c'est une politique de services à laquelle devra s'ajouter le volet préventif.

Sixièmement, il faudra beaucoup d'énergie et une réelle volonté politique pour que le projet qui nous est présenté devienne réalité. En ce sens, le document pourrait être le point de départ d'une discussion et de l'établissement d'un mécanisme de concertation. Le septième commentaire fait allusion au questionnement qui a surgi spontanément, à savoir - et c'est notre dernier commentaire - quel pouvoir réel serait donné aux conseils régionaux pour réaliser te mandat proposé.

Dans le projet de politique, nous avons identifié six forces qui se réfèrent à des principes généraux et six faiblesses qui font ressortir les éléments imprécis de l'opérationnalisation.

Les forces. La plus grande force du document réside dans le fait qu'il place la personne en besoin au centre des préoccupations. De plus, pour éviter toute interprétation possible, te document ajoute, dans un même souffle, que cette place a prérogative sur les questions de structures, de champs de responsabilité ou d'exclusivité de pratique.

La deuxième force, la volonté de régionalisation, nous apparaît également comme majeure. Cette orientation nous permet en effet une lecture régionale des problèmes et des besoins suivie d'une recherche de solutions adaptées à ces besoins. Cependant, pour que cette orientation se situe du côté des forces, il faudra que les régions aient accès à un pouvoir réel et qu'elles puissent utiliser les sommes monétaires selon les besoins exprimés régionalement. Nous croyons qu'il faut être vigilants à ce niveau, car l'histoire nous a déjà démontré qu'il est possible d'amputer tes décideurs régionaux d'une partie importante de leur capacité de gouverner.

La troisième force constitue également, à nos yeux, une grande force; c'est la reconnaissance des trois axes organisateurs de la santé mentale: l'axe biologique, l'axe du psychodéveloppement et l'axe contextuel, qui se réfère à l'insertion de l'individu dans une société, à ses relations avec son environnement et ses milieux significatifs.

Nous croyons qu'il faudra réaffirmer souvent l'importance de ces trois axes, car en situation de crise ou de tension, la tendance est que ces axes deviennent en opposition et qu'ainsi ils ne soient plus complémentaires. On peut alors imaginer la difficulté qui en découle, car s'il y a opposition et que la résultante est la réduction des axes, on restreint alors la globalité de l'approche et de l'intervention, et on assiste à une pratique isolée des psychosociaux et à une pratique Isolée du monde médical et des milieux de réinsertion.

Le comité provincial a bien compris ce danger en soulignant qu'un des sept problèmes prioritaires auquel on devra tenter de trouver une solution est celui de la difficulté pour une personne d'être considérée de manière globale et de se voir offrir des services continus, respectueux de son cheminement et intégrant les dimensions biologiques, psychologiques et sociales.

Une autre force du document est qu'il reconnaît l'importance du rôle de la famille et des proches. Trop souvent, en effet, par le passé a-t-on mis ces derniers de côté en se privant parfois ainsi de partenaires incomparables. Nous sommes d'accord avec le texte lorsqu'il stipule que "les milieux doivent être écoutés, associés à toutes les phases de l'intervention et appuyés adéquatement". Cependant, pour éviter plusieurs difficultés d'opérationnallsation en ce domaine, nous aimerions voir modifier le libellé de la famille et des proches pour celui des personnes significatives telles qu'identifiées par te bénéficiaire ou l'usager.

Un autre point majeur, selon nous, est celui du partenariat, qui devient important et reconnu comme élément essentiel de toute organisation en santé mentale Je vais revenir sur ce point plus tard. La dernière grande force que nous désirons souligner concerne la proposition du PSI, plan de services individualisé. Nous souscrivons aux objectifs qui sous-tendent la recommandation 2 de même qu'aux critères devant présider à l'élaboration de ce plan. Nous nous interrogeons cependant sur certains points qui se réfèrent à la personne-pivot, sur ses responsabilités, sur sa présence dans le réseau et la communauté, sur les aspects de la confidentialité, des mécanismes d'évaluation de même que du cadre juridique de sa responsabilité.

Les faiblesses maintenant. La lecture du projet de politique n'a pas fait ressortir que des points forts. En effet, certains se sont classés dans la catégorie des faiblesses en raison surtout de leur caractère Imprécis. Il faut se souvenir qu'on a cherché à établir un consensus, mais il faudra bien régionalement se pencher sur les six éléments que nous pourrions qualifier de faibles.

Parmi ces derniers, la pauvreté des moyens d'opérationnallsation a principalement retenu notre attention. Cependant, si cette déficience face aux moyens opérationnels signifie qu'on laisse aux régions un pouvoir réel de décider des moyens les plus appropriés pour elles, on ne parlera plus de faiblesses, mais de défis à relever. Nous nous sommes également demandé si le fait qu'un document aussi vertueux ne contenait que peu de moyens opérationnels n'invitait pas certains au statu quo alors qu'ils pourraient se dire: Voilà ce que nous avons toujours fait, par exempte, l'approche globale centrée sur le client, etc. Pourtant nous savons que la réalité est différente.

Le deuxième point, l'aspect financier, nous a également fait poser des questions; nous reviendrons plus tard sur ce point.

Une troisième faiblesse. Il nous est également apparu que le document n'établissait pas clairement la différence entre ressources intermédiaires et ressources communautaires. Pour nous, iI est clair et évident que les ressources intermédiaires ne sont aucunement des ressources communautaires, mais elles sont en fait des ressources institutionnelles Installées dans la communauté. L'imprécision entre les deux types de ressources se poursuit d'ailleurs dans la définition des différentes formes que peuvent prendre les ressources communautaires de services. Pour cette nomenclature, on retrouve même les centres de jour, les maisons de transition, les sites d'hébergement et autres. Nous croyons donc que le ministère de la Santé et des Services sociaux devra préciser ce qu'il entend

réellement par ressources intermédiaires, ressources communautaires et ressources alternatives.

Une autre faiblesse du document, c'est l'omission de ressources telles que les comités de bénéficiaires. On sait également qu'actuellement les hôpitaux de courte durée ne sont pas obligés d'avoir de tels comités et lorsqu'ils existent, leur soutien financier provient de leur établissement. On peut alors imaginer les occasions de conflits d'influences qui peuvent surgir quand certains droits sont revendiqués, certaines critiques formulées. Dans le projet de politique, on a pensé résoudre le problème en recommandant aux conseils régionaux la nomination d'un "ombudsperson". Nous nous demandons si c'est le meilleur moyen pour que les droits des personnes en besoin soient le mieux assurés. Est-ce que le fait que cette personne soit nommée par le conseil régional est adéquat? Plusieurs questions nous assaillent à ce sujet, de même que sur la pertinence d'un nouveau système.

Néanmoins, advenant la nécessité d'instaurer un nouveau service de protection des droits, nous croyons que les principes qui devraient guider sa mise sur pied sont les suivants. Ce service devrait être facilement accessible à l'ensemble des individus ou de la population à desservir et non seulement à celle qui est institutionnalisée, il devra avoir un pouvoir réel d'enquête et bénéficier d'un budget indépendant.

Le projet de politique présente également des faiblesses quant au thème de la formation. Je vais y revenir un peu plus tard.

La dernière faiblesse qu'on a retenue, c'est que malgré que l'on parle de partenariat comme point de départ à la planification régionale, dans le document, on ne sent pas, relativement aux mécanismes additionnels, le poids des ressources alternatives et des ressources communautaires. Dans le texte, on permet aux régions l'organisation de ce partenariat; il faudra alors se demander comment on fera pour que tous les partenaires soient crédibles et entendus.

En termes d'acquis régionaux en matière de santé mentale, nous reconnaissons que l'opéra-tionnalisation de cette politique ne sera pas sans nécessiter beaucoup de bonne volonté et d'énergie de la part des régions, de leurs établissements et de leurs ressources, sans parler des différents paliers d'intervenants. Sans vouloir nier l'énormité de ta tâche encore à accomplir, il nous faut néanmoins constater qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on peut déjà compter sur de nombreux acquis. Sans être exhaustifs et dans le but d'illustrer notre propos, nous aimerions en citer quelques-uns.

Concernant l'identification des besoins, II y a le résultat de l'enquête Santé-Québec qui devrait être diffusé à l'été 1988, qui sera un outil disponible, l'enquête sur les besoins et les problèmes en santé mentale par le CLSC des Grands-Bois qui est à paraître, une étude sur le suicide par le CLSC de Le Norois qui est à paraître. Au DSC de Roberval, il y a eu l'étude sur la situation des femmes victimes de violence et le recensement des personnes handicapées de la région 02. Au DSC de Chicoutimi, il y a une recherche sur l'isolement social de la personne âgée, ensuite le portrait des ressources et services en toxicomanie et l'étude du Centre de prévention du suicide 02 sur les connaissances et attitudes relatives au suicide. Ces réalisations sont dans le domaine de l'identification des besoins.

En ce qui concerne les mécanismes de concertation, la région peut compter sur une table de concertation en santé des jeunes et en gérontologie, qui inclut le volet de la santé mentale. Il n'y a pas de table de concertation en santé mentale comme telle parce que cela aurait été nier que cela devait faire partie de chacune des tables de concertation, en santé des jeunes et en gérontologie, par exemple. Il y a un regroupement des organismes bénévoles subventionnés par le CRSSS; iI y a le profil du réseau des services Intégrés pour femmes victimes de violence conduit par le CRSSS; iI y a le comité régional en santé mentale; il y a une table de concertation en santé mentale dans le secteur Lac-Saint-Jean.

Concernant le volet de la formation, il y a déjà plusieurs expériences de partenariat qui se font tant au Saguenay qu'au Lac-Saint-Jean. Pour n'en citer que quelques-unes, on peut mentionner que le DSC de Chicoutimi a, depuis quatre ans, investi beaucoup dans ce domaine et que, depuis 1986, le DSC de Roberval a également emboîte le pas. Ainsi, depuis plus de trois ans, l'Institut Roland-Saucier offre à deux ressources alternatives en santé mentale du temps-intervenant pour de la formation et du soutien et ce, sur une base hebdomadaire. Cette institution a déjà également accepté d'autres demandes provenant du réseau. Le CLSC-Saguenay-Nord fait de même avec certains intervenants psychosociaux des autres CLSC. (17 h 15)

Concernant une campagne de sensibilisation aux besoins de personnes aux prises avec un problème d'ordre mental, la ressource alternative Le Phare devrait bientôt publiclser un document à ce sujet, un vidéo. Concernant les services psychiatriques, on peut affirmer que la réorganisation des services psychiatriques au Lac-Saint-Jean est réellement réenclenchée, que l'Institut Roland-Saucier, au cours des dernières années, a établi des ressources intermédiaires qui ont su répondre à plusieurs besoins.

Concernant le volet de ta santé communautaire, il ne faudrait pas oublier que les services communautaires comportant un volet de santé mentale sont très nombreux: les programmes s'adressant au suivi de grossesses à risque, du counselling en période de crise, de suivi post-natal, d'expériences de garderie en milieu défavorisé, de programmes scolaires et en toxicomanie, en particulier, de suivi des personnes âgées, de familles en perte d'autonomie, etc.

Cette nomenclature nous permet de constater qu'il y a beaucoup de gestes qui sont posés dans la direction qui nous est proposée. On peut déjà penser que le processus est bien amorcé dans la région.

Il y a trois points sur lesquels, en terminant, je voudrais apporter votre attention, pour le partenariat principalement. Historiquement, la responsabilité qui concerne la santé mentale a été remise à la psychiatrie. Ce n'est pas une prise de responsabilité usurpée par cette dernière, mais un choix implicite de société. La psychiatrie communautaire des années soixante-dix comportait une tentative de sortie de l'asiie et une tentative d'impliquer la communauté en ce qui concerne la maladie mentale.

Dans les faits, cependant, la psychiatrie a gardé la responsabilité des soins et les équipes multidisciplinaires des divers secteurs ont été rapidement écrasés par la demande. La mission était impossible. L'espoir est maintenant permis. Le rapport Harnols pointe vers un nouveau choix de société, c'est-à-dire élargir davantage la base de responsabilité en ce qui concerne les soins pour maladie mentale et les interventions en santé mentale. Le partenariat devient capital si la responsabilité assumée par la psychiatrie est partagée beaucoup plus largement. Attention cependant, et là je voudrais interpeller tous les groupes en cause. Pour la psychiatrie, le partenariat risque d'être compris ainsi: Nous avons trop d'ouvrage, bienvenue au partenariat! Nous allons pouvoir enfin nous faire aider. Nous allons avoir plus de ressources à notre disposition dans l'accomplissement de la très lourde responsabilité que nous avons, mais de grâce, augmentez nos budgets, nous n'en pouvons plus.

Pour le reste de la communauté, c'est-à-dire les ressources psychosociales de CSS, d'associations de bénéficiaires bénévoles, regroupements divers autour de problématiques particulières, ressources alternatives, ressources en privé, etc., le partenariat peut facilement faire naître la réflexion suivante: Nous ne suffisons pas à la tâche. Nous avons besoin de ressources supplémentaires. Donnez-nous-en et nous serons en mesure de répondre aux besoins. Le partenariat, avant même d'être développé, risque de devenir concurrence pour les mêmes rares dollars, et te fonctionnement parallèle va se poursuivre. Nous croyons qu'il est impossible d'établir un véritable dialogue, et c'est une condition essentielle au partenariat souhaité. Pour ce faire, la psychiatrie devra reconnaître le développement important des capacités des autres à intervenir auprès d'Individus qui, à un moment donné, devaient être pris en charge par elle.

De plus, elle devra reconnaître la légitimité d'interventions qui lui sont moins familières et qui peuvent être très efficaces, groupes d'entraide, soutien social, soutien individuel dans les CLSC, CSS, commissions scolaires, le travail dont on a parlé tantôt dans les ressources alternatives. C'est une bonne nouvelle pour ta psychia- trie. Elle n'est plus obligée, comme avant, de porter toute la responsabilité en santé mentale. Elle n'est plus obligée non plus de coordonner les autres ressources. Elle garde, cependant, une grande responsabilité. L'expertise qu'elle a accumulée, elle doit trouver moyen de la mettre au service des autres ressources, non seulement dans le domaine du curatif, mais aussi dans celui de la prévention.

De leur côté, les autres ressources, si elles veulent pouvoir assumer une responsabilité plus grande en santé mentale, devront reconnaître l'importance d'ajouter à leur expertise respective celle que possède la psychiatrie. Les uns ne peuvent survivre sans les autres. Le partenariat est essentiel. Ceci nous amène à une des faiblesses du projet de politique, la formation. L'objectif proposé d'améliorer ta compétence est tout à fait louable. Cependant, la lecture du document semble nous suggérer que les plans de cette formation relèverait du provincial ou seraient axés sur ce qu'on appelle la formation-réseau. Le danger serait alors de croire que les bonnes formations seront celles-là.

En santé mentale, l'outil de travail privilégié est la relation d'aide. Toute part de la qualité de cette relation thérapeutique. Il est utopique et présomptueux de croire que le perfectionnement de cet outil puisse se faire dans une session de trois jours ou de deux fins de semaine. On doit plutôt favoriser une formation à long terme. Une façon d'incorporer ce type de formation dans le quotidien des intervenants serait d'encourager, entre les diverses institutions, un véritable partenariat ou la mise sur pied d'un système de partage d'expertises. C'est ainsi que les intervenants qui, par leur formation, leur tâche et leur pratique professionnelle, auraient développé un type d'expertise particulière dans le domaine qui nous concerne pourraient se voir confier par leur établissement la tâche de partager cette expertise avec un groupe d'intervenants d'une autre institution, d'une autre ressource, communautaire ou alternative, qui voudrait améliorer sa capacité d'intervention.

Ainsi, par exemple, les intervenants d'une ressource alternative pourraient passer une ou deux heures avec un thérapeute d'une institution psychiatrique qui les aiderait dans leur travail avec les clients difficiles. L'intervenant impliqué et l'institution pour qui il travaille pourraient ainsi mieux apprécier l'importance et la pertinence du service fourni par cette ressource alternative. Ce genre d'échange pratiqué sur une grande échelle, en plus de contribuer de façon très significative à la formation des intervenants du réseau, faciliterait un partenariat beaucoup plus harmonieux, un décloisonnement des diverses professions et des divers milieux sans exiger des budgets supplémentaires importants.

Un dernier point. On a demandé beaucoup de budgets et je pense que chacun a raison. Nous croyons que le partenariat pourra plus facilement s'établir s'il y a un minimum d'argent

neuf disponible, mais pas pour les raisons invoquées de part et d'autre. Il nous semble que, pour l'établissement des plans régionaux de services et surtout pour leur mise en application, l'organisme qui en sera chargé devra avoir à sa disposition un minimum de marge de manoeuvre du point de vue budgétaire. Nous sommes convaincus que la seule méthode Robin des Bois, prendre de l'un pour donner à l'autre, sera antipartenariat. Cet argent neuf ne devrait pas être donné à la psychiatrie ni aux autres ressources, mais il devrait être mis à la disposition de l'organisme régional chargé des plans de services afin qu'il puisse être redistribué selon les besoins régionaux ou sous-régionaux.

Il va sans dire que, sur ce point, les dés ne doivent pas être pipés d'avance; cela implique que chacun des partenaires est représenté équitablement et que le processus de concertation puisse se faire dans le respect de chacun. Cet organisme devra également avoir le pouvoir de mettre en application les décisions prises.

S'il n'y a pas d'argent neuf, le partenariat peut quand même se développer, comme c'est en train de se faire ici et là. Nous pensons que ce sera plus long, plus difficile et à certains endroits impossible. Le partenariat implique avant tout un respect mutuel, l'établissement d'une relation de confiance entre tes divers partenaires et la conviction que les autres partenaires ont aussi un rôle essentiel à jouer dans l'atteinte de nos objectifs communs.

Nous retournons, ce soir, dans notre région. Je n'en suis pas si sûr quand je vois la température!

Le Président (M. Bélanger): J'ai l'impression que ce ne sera pas ce soir.

M. Lajoie: Beaucoup reste à faire. Le projet de politique a déjà permis l'amorce d'un débat qui ne fait que commencer et qui suscite de l'espoir, car il légitime un partenariat qui s'est fait souvent dans la clandestinité ou presque.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Je cède la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Je veux remercier sincèrement tes représentants du Comité consultatif régional en santé mentale pour leur mémoire sur le projet de politique.

Vous êtes les derniers, vous êtes le dessert. Je dois vous dire qu'il y a un peu quelque chose d'un dessert dans votre mémoire et souvent, quand on arrive au dernier, on dit... C'est quand même un mémoire réaliste, un mémoire d'espoir et un mémoire qui... Vous allez dire: Comme gouvernement, vous êtes bien heureux de cela, mais je pense que, plus sérieusement, il ne remet pas uniquement au gouvernement les efforts qu'il doit faire dans le sens d'affirmer sa volonté politique ou de mettre des ressources disponibles, mais que la grande partie de tout cela revient aux gens qui travaillent dans les différents milieux, les gens qui sont déjà impliqués à quelque palier que ce soit ou dans quelque ressource que ce soit.

Je suis d'accord avec vous sur le fait que les ressources additionnelles qui pourront être obtenues ne devraient pas aller nécessairement selon l'ordre des demandes qui ont été adressées ici. D'ailleurs, il faudrait que je me mette à imprimer de l'argent la semaine prochaine! Vraiment, je suis d'accord avec vous pour qu'il soit remis aux régions et que celles-ci déterminent, en collaboration avec les intervenants, pour chacune des sous-régions ou sous-sous-régions... enfin, je pense que ce sera aux régions de déterminer quel type d'organisation elles veulent. Je pense que dans une région plus grande ou plus populeuse géographiquement, cela peut se présenter différemment dans chacune de ces sous-régions.

Puisque mon collègue de Louis-Hébert voudrait intervenir, je vais seulement parler des faiblesses, je ne parlerai pas des forces. Généralement sur les forces, on peut s'entendre plus facilement. Les faiblesses c'est évidemment celles qui doivent être corrigées. Je trouve intéressante votre approche de formation. Je pense qu'on ne nie pas qu'il puisse y avoir une formation peut-être plus strictement scolaire, que ce soit à partir de recyclage ou d'autres choses.

Vous insistez sur le fait qu'il ne faudrait pas perdre tout l'ajout ou la richesse qui peut venir de l'échange d'expériences positives et que, sur le plan pratique et sur le plan de l'intervention, cela a peut-être plus de chances de réussite parce que bien souvent les gens ne partent pas sans antécédent ou sans formation quelconque. Il s'agit de l'enrichir et de la tenir à jour, etc. C'est un ajout à la formation tel que je t'ai compris du rapport Harnois, c'est un volet nouveau qui m'apparait intéressant.

Vous également, comme d'autres, avez regretté que les tâches ne soient pas définies de façon plus rigoureuse. Pendant un bout de temps, j'ai interprété le rapport Harnois, mais une journée je suis allée leur demander: Est-ce bien ce que vous voulez dire? Tous les jours ou à peu près, je faisais une Interprétation. On me confirme que j'ai fait la bonne interprétation. J'ai compris que te rapport Hamois avait voulu justement éviter le piège des définitions extrêmement rigides, parce que la rigidité dans le système est un des obstacles et des écueils qu'on affronte. Je pense qu'ils n'ont pas voulu dire: Désormais le psychiatre fait n'importe quoi et tous tes autres en place. Ils ont vraiment voulu s'éloigner des chapelles, que ce soit des corporations ou des chapelles des établissements ou même des chapelles des ressources alternatives ou des ressources communautaires, tout le monde pensant que ce sont eux qui ont la meilleure réponse.

Au fond, la démarche pédagogique qu'ils ont

tenté de faire faire, c'est que - une avenue qui apparaît prometteuse ou qui devrait être poussée un peu plus loin c'est celle du véritable partenariat - comme vous le dites, ce n'est pas uniquement l'argent, ce sont des changements d'attitudes, ce sont des remises en questions profondes. C'était déjà amorcé et on a peut-être fait un pas de plus durant la commission parlementaire, mais il faut que cela ait des survis dans les différents milieux.

Vous avez parlé de l'"ombusperson" Je ne voudrais pas revenir sur des choses que j'ai dites surtout que je vous entendais dire que vous êtes ici depuis une journée et demie. Vous allez trouver peut-être qu'on se répète. Je veux vous remercier pour votre mémoire. Je pense que vous avez bien fait tout le tour de la question. Je pourrais avoir plusieurs questions mais je vais vous en poser une seule. C'est à lia page 13 de votre mémoire Vous indiquez aussi tout le travail qui est déjà fait, la mise en marche dans l'identification des besoins, dans la réorganisation des ressources. À la page 13, vous dites "Concernant les services psychiatriques, on peut affirmer que la réorganisation des services psychiatriques au Lac-Saint-Jean est réellement enclenchée" Je voudrais que vous explicitiez un peu plus de quelle façon et comment la population et les intervenants - II me semble que je surs allée faire un tour au Lac-Saint-Jean - acceptent cette réorganisation. Pourquoi je vous demande cela? C'est qu'on est obligés de se pencher sur d'autres réorganisations dans d'autres parties du Québec Alors, j'aimerais.

M. Laberge (Laval): M Laval Laberge, Hôtel-Dieu de Roberval Concernant le transfert de psychiatrie active vers l'Hôtel-Dieu de Roberval, il y a eu beaucoup d'évolution dans ce dossier particulièrement depuis l'été, où, à la suite de la décision de la ministre, il y avait quand même certaines réactions localement, particulièrement concernant les autorités municipalesl II y avait certaines inquiétudes qui filtraient au niveau économique et par rapport à la sécurité d'emploi, etc. Tout cela s'est calmé sensiblement depuis ce temps. Depuis septembre dernier, le centre psychiatrique qui, si l'on veut, est victime du transfert, si vous me permettez l'expression, a décidé de collaborer à un comité directeur qui a été créé par le CRSSS qui, lui, a reçu le mandat de procéder à l'organisation ou à la planification du transfert. Depuis ce temps, il y a eu des rencontres régulières du comité directeur en question où assistaient deux représentants du centre psychiatrique de Roberval, deux représentants de l'Hôtel-Dieu, ainsi que deux représentants du conseil régional. (17 h 30)

En cours de route, on a aussi rencontré les différents partenaires du réseau pour leur soumettre la programmation de l'Hôtel-Dieu de Roberval, à savoir, si on veut résumer, les CLSC, les CSS, les centres d'hébergement ainsi que les centres d'accueil et de réadaptation du territoire qui à toutes fins utiles, sont les principaux partenaires. On excluait à ce moment-là les ressources alternatives pour la bonne raison qu'à Roberval même, contrairement au Saguenay ou il existe des ressources qu'on connaît, le Phare et l'Escale, il n'y a pas encore ce type de ressources sur le territoire. Donc, les partenaires en question ont pris connaissance de la programmation de l'Hôtel-Dieu, ce qui a semblé faire consensus. II y a aussi consensus sur l'idée de ne pas oublier de mettre l'accent sur l'installation d'abord, du moins en même temps des points de service externe et des ressources intermédiaires ou un peu avant de transférer l'interne. Ce que nous signalaient les principaux partenaires comme une avenue intéressante.

Depuis le mois de novembre, l'Hôtel-Dieu de Roberval, en plus de la planification des services a déposé au conseil régional, si vous me permettez l'expression, les prévisions financières et les ressources humaines requises pour mettre en application la programmation prévue et, à toutes fins utiles, approuvée à certains niveaux actuellement.

Donc, du côté de l'Hôtel-Dieu, on est en principe, si vous voulez, prêts à faire feu. Le conseil régional regarde de son côté aussi, en termes de transfert éventuel de masse monétaire ia partie centre d'accueil du budget du CPR, par rapport à la partie du centre hospitalier. II semble, à première vue, qu'il y aura à peu près correspondance entre l'évaluation quon a faite des coûts récurrents de fonctionnement et l'évaluation qui a été faite en collaboration avec le CPR de la partie, si vous me permettez (expression, CH de leur budget éventuellement transférable. De sorte que, à toutes fins utiles, comme base de départ ou comme base de négociation, cela ne semble pas vouloir poser trop de problèmes concrets pour le financement.

Juste pour revenir, parce que c'est quand même une préoccupation importante, à la réaction de la population, cela s'est sensiblement tassé. Le rationnel a fini par triompher de l'émotif, et il y a des deuils qui devaient se faire. Je pense que c'est un processus assez normal. Mais il semble que l'ensemble de la population, y compris les chambres de commerce qui avaient peut-être réagi un peu fort au début ont compris que la décision de la ministre qui n'était peut-être pas facile politiquement, ont finalement compris que cela allait dans le sens de toute une philosophie de normalisation des interventions en santé mentale et en fin de compte vers le bien des bénéficiaires qui est, théoriquement en tout cas, la raison d'être des établissements. Cela résume en gros l'état du dossier actuellement à Roberval.

Mme Lavoie-Roux: Cela a surtout fait ressortir que c'est au niveau de la population que ces opérations sont souvent difficiles. Je vais parler dans mon micro, sinon on ne pourra pas

m'enregistrer. C'est surtout au niveau de la population dans une municipalité moins grande ou sur un territoire moins populeux qui est habituée à ses institutions et les voit se modifier. C'est déjà une réalité à laquelle i! est difficile de faire face pour la population et à ceci s'ajoutent aussi les appréhensions pour les familles, là où il y a encore des familles, que leurs proches soient désinstitutionnalisés et, par la suite, la capacité de la population ou de la communauté de les intégrer.

Je vous remercie, Je laisse la parole à mon collègue de Laviolette.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. La ministre faisait mention tout à l'heure d'un dessert. Je dois vous dire que, souvent, quand on arrive au dessert lors d'un repas de conférence, le cliquetis des cuillers sur les tasses de café enterre quelquefois les... J'ai écouté religieusement ce que vous avez dit et surtout je l'ai lu avec attention.

J'ai remarqué qu'avec des groupes de votre région qui sont venus ici, à la commission, vous avez intégré dans votre regroupement l'ensemble de ce qui, de près ou de loin, touche - que ce soit communautaire, alternatif ou au niveau du réseau - les personnes qui ont à travailler pour - là, on cherche le terme - le patient, le bénéficiaire ou le client, mais la personne qui reçoit un service.

Je lis, dans le document que vous avez passé tout à l'heure et que vous avez lu, le danger qu'il y a de la part de l'un et de l'autre de dire: Bien, cela va prendre plus d'argent, plus de ressources, alors que, dans bien des cas, c'est un changement de mentalité qu'il faut et en même temps une utilisation plus rationnelle des services que l'on a, que ce soit un service de réseau ou hors réseau.

Vous ajoutiez: C'est une bonne nouvelle pour la psychiatrie; maintenant, elle n'est pas obligée, comme avant, de porter toute la responsabilité de la santé mentale; il faut donc la partager. Je pense qu'on ne peut pas être en désaccord avec vous.

Au contraire, iI faut, dans cette politique de santé mentale qui doit venir, amener de plus en plus toutes les personnes, les proches, les intervenants, le réseau lui-même, les services autour à faire en sorte qu'ils allient leurs capacités. Si je dis cela, c'est parce que, à la page 6 de votre document qui parle du budget, vous dites: Cet argent neuf ne devrait pas être donné à la psychiatrie ni aux autres sources, mais devrait plutôt être remis à ia disposition de l'organisme régional, chargé des plans de services, afin qu'il puisse être redistribué selon les besoins régionaux ou sous-régionaux. Là, on dit: II va sans dire qu'au niveau de tout organisme régional, les dés ne doivent pas être pipés d'avance. Ceci implique que chacun des partenaires est représenté équitablement et que le processus de concertation puisse se faire dans le respect de chacun Cet organisme devrait également avoir le pouvoir de mettre en application les décisions prises.

Est-ce que je serais mai venu de dire que ce que vous présentez pourrait être cet organisme régional ou est-ce autre chose que vous voyez? Est-ce que le fait que vous soyez ici rassemblés représentant près de douze secteurs d'activité - pas nécessairement douze, parce qu'il y en a qui sont deux dans le même CLSC ou DSC - regroupant au moins l'ensemble des services ou si vous voyez autre chose? Ce serait quoi si vous voyez autre chose?

M. Jacob (René): Oui, je pense que le comité consultatif qu'on forme à partir des travaux qu'on a faits jusqu'à maintenant trouve des grandes vertus à cette formule. Cependant, je ne suis pas sûr que cette instance que nous sommes, si efficace qu'elle puisse être pour discuter des questions, devrait être nécessairement une instance décisionnelle.

Cependant, étant donné les vertus qu'on lui a trouvés dans nos travaux, à travers les années... Je pourrai épiloguer là-dessus tantôt. Je pense que l'instance décisionnelle qui semble être plus ou moins le CRSSS selon le rapport Harnois aurait avantage à être harnaché à des avis d'un comité du genre de celui qu'on a eu dans chacune des régions.

C'est un peu...

Le Président (M. Bélanger): Pouvez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. Jacob: D'accord. Excusez-moi. René Jacob.

Le Président (M. Bélanger): Merci.

M. Jolivet: Est-ce que je pourrais, à partir de ce moment-là, vous poser la question sur la formation des CRSSS dans ie sens demandé par le regroupement des organismes communautaires ou alternatifs, à savoir qu'il faudrait donc changer fa composition du conseil d'administration du CRSSS en trois parties, un tiers venant des Institutions, un tiers venant des groupes communautaires et alternatifs - parce qu'ils font bien ia différence entre les deux, eux - et, en troisième lieu, des personnes venant du socio-économique.

M. Jacob: Le CRSSS manifestemment n'est pas actuellement une instance où les ressources de la population ou les ressources alternatives se sentent complètement chez elles. Je pense qu'il y a une certaine évidence là. Par ailleurs, si on souhaite avoir avec ces ressources un rapport de partenariat, elles doivent se sentir chez elles au CRSSS.

Alors, est-ce que la formule idéale, ce serait de changer le conseil administration en trois parties? Je ne sais pas si c'est cela, mais je pense qu'on doit trouver effectivement une formule qui fasse que les ressources alternatives, la communauté par ses ressources se sente chez elle et à l'aise d'intervenir et d'influencer la direction de l'organisation des services dans la région.

Je ne veux pas critiquer la notion d'un tiers, car ce peut être une formule à retenir effectivement.

M. Jolivet: On pourrait peut-être poser la question à Mme Corriveau des groupes alternatifs. Non, non, je ne vous poserai pas la même question qui a été posée l'autre jour mais...

Mme Corriveau (Jennifer-Anne): C'est parce que c'est moi qui al apporté cet argument pour une commission administrative idéale. C'était pour ma ressource alternative personnelle.

M. Jolivet: En tout cas, d'une façon ou d'une autre, iI est important de retrouver dans la composition le moyen pour les gens de se faire entendre et d'être compris.

M. Jacob: Oui, compris et qu'ils sont là chez eux et partie prenante aux décisions qui seront prises là. Je pense que c'est une des prémisses pour obtenir un partenariat réel.

M. Lajoie: J'ajouterais que le comité que l'on forme pourrait avoir à jouer un rôle Important comme chien de garde dans la préoccupation pour la santé mentale. Là, on en parle beaucoup, mais dans six mois, parlerons-nous encore beaucoup de fa santé mentale? On aurait très peur d'être récupérés complètement par le CRSSS et de devenir aux prises avec des contraintes, des prises de décisions qui vont devoir se faire. Mais la préoccupation en santé mentale, le chien de garde... Enfin, est-ce qu'on peut être en même temps le chien de garde et celui qui a charge de,.. ? Dans ce sens, on a essayé de se demander où s'insérerait un genre de comité comme le nôtre à l'intérieur d'une nouvelle structure. Comme nous ne sommes pas un comité décisionnel d'institution ni un comité du département de santé communautaire, même si c'est soutenu, ce chien de garde devra se développer quelque part ou prendre forme. Est-ce que ce sera spontanément comme on l'a fait ou si on devra penser à devoir doter chaque région de ce type de comité qui pourrait avoir un regroupement provincial, lui? On en discutait ce matin et ce pourrait être un mandat qui pourrait être donné à une association comme l'association de santé mentale, par exemple. Mais on n'a pas d'avis ferme, sauf que je ne pense pas qu'on puisse être le comité qui va devoir, au niveau de la région, prendre des décisions. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Jolivet: Oui. J'ai compris. En fait, ce que vous voulez dire, c'est que vous vous êtes spontanément créés en provenant de différentes associations ou différents organismes du réseau pour simplement réfléchir sur l'ensemble de la santé mentale.

M. Lajoie: Oui.

M. Jolivet: Vous dites que l'organisme devra agir de telle façon et s'il n'agit pas, nous pourrons, nous, comme organisme consultatif créé spontanément, dire que cela n'a pas de bon sens et le faire savoir à qui de droit

M. Lajoie: Seulement un exemple. Ce comité a été formé à la suite d'une lettre qui a été envoyée à chacune des institutions que nous représentons, et disant qu'on voulait former un comité qui se préoccupe de santé mentale. Un mandat a été donné et envoyé au directeur général: Accepteriez-vous de nommer un représentant? On a eu des représentants de chacune des Institutions, ils sont des gens Impliqués dans la clinique. Je suis certain que, si le comité avait comme mandat de définir la distribution des budgets, ce ne serait pas nécessairement quelqu'un de la clinique qui serait délégué par le directeur général pour y venir. Comprenez-vous?

M. Jolivet: Oui.

M. Lajoie: De sorte que, jusqu'à un certain point, c'est un comité d'expertise, mais... Oui.

M. Girard (Ghislain): Pour revenir à...

Le Président (M. Bélanger): Veuillez vous identifier, s'il vous plaît.

M. Girard: Ghislain Girard.

Le Président (M. Bélanger): Merci.

M. Girard: Pour revenir à la distribution de l'argent, on sait que l'argent est le nerf de la guerre. Il devient extrêmement important d'en faire la distribution. Ce que nous voulons surtout, c'est nous assurer qu'aucun monopole ne s'installera, soit de représentation professionnelle ou de représentation d'institution ou de quelque organisme que ce soit, nous assurer également que, dans la distribution de cet argent, il y ait une large représentation de l'ensemble, des ressources. C'est essentiellement là-dessus que nous voulions intervenir. Comment cela pourra-t-il se composer? Ça... (17 h 45)

M. Jolivet: D'accord. Une autre question qui revient toujours à la page 3. On aurait tendance à penser que vous dites: Donnez-nous du budget, donnez-nous des ressources supplémentaires, donnez-nous, donnez-nous... Est-ce que cela veut

dire... Là, certainement que je me fais l'avocat du diable, j'en suis sûr, mais je veux avoir votre réaction. Cela ne veut pas dire que vous ne croyez pas qu'il ne devrait pas y avoir de l'argent supplémentaire de mis dans la santé mentale et que la ministre ne devrait pas s'appuyer sur cela pour ne pas mettre te double de prévu par le rapport Harnois? Je comprends...

Mme Lavoie-Roux: Le double! L'argent qui est dépensé en santé mentale, c'est à peu près 2 000 000 000 $. S'il fallait que je mette le double, ce serait près de... Il y en a près de 2 000 000 000 $.

M. Jolivet: D'accord. Mais c'est parce qu'il y en a qui ont parlé du double. Oui?

Mme Harvey (Michelle): Au fond, par rapport au budget, ce qu'on dit essentiellement, c'est qu'il devrait y avoir un minimum d'argent qui devrait être injecté à nouveau dans les services de santé mentale dans les régions. L'argent, on sait que c'est un moteur, un incitatif et ne parler que de réallocation ou de redistribution, cela fait que tout le monde va se chicaner pour le même montant, alors que, si on injectait de l'argent nouveau, c'est comme si on injecte un espoir nouveau. Là, on peut s'asseoir ensemble autour d'une table et se dire: D'accord, comment distribue-t-on cela et à qui l'accorde-t-on? Là, on peut chercher nos priorités. On peut réussir à obtenir des consensus. Je pense qu'il est important qu'il y ait de l'argent nouveau qui arrive dans le système.

M. Jolivet: Merci.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Oui. Merci, M. le Président. Mme la ministre a signalé que l'analyse que vous faites du rapport Marnois est extrêmement intéressante. Vous êtes des gens qui avez une expérience dans tous les milieux de la santé mentale. Vous avez analysé le rapport Harnois en praticiens et en gens qui désirent voir un certain nombre d'améliorations. L'analyse que vous faites vous amène à déceler un certain nombre de forces et à signaler, en passant, des faiblesses.

De toute façon - on le signalait tout à l'heure - que vous vous soyez regroupés comme cela, spontanément, je pense que c'est symptomatique de l'intérêt que maintenant toutes les questions de santé mentale soulèvent dans la population en général. La ministre me le faisait remarquer tout à l'heure, on n'aurait pas vu, il y a quelques années - en tout cas, je n'étais pas au fait de cela - des gens, spontanément, considérer que la santé mentale est devenue quelque chose qui se traite autrement que dans les milieux asilaires ou en cabinet privé. C'est devenu pratiquement comme une sorte de problè- me de société dont on doit collectivement partager la responsabilité.

C'est peut-être dans ce sens-là - le rapport Harnois l'indique - qu'il faut se diriger pour trouver des solutions. Il y a des tentatives qui sont faites et toute la mise en place d'une politique en matière de santé mentale nous oblige à faire la réflexion que vous avez faite vous-mêmes, mais étant dans le milieu, vous l'avez faite avec beaucoup plus d'acuité que ce que nous pouvons faire nous-mêmes. Vous vous qualifiez d'espèce de chien de garde de toute la question de la santé mentale dans votre région. À ce titre, l'analyse que vous faites du rapport vous donne encore une plus grande crédibilité.

Vous faites des réflexions sur la question des fonds supplémentaires, mais évidemment, vous ne les rejetez pas, mais vous n'y voyez pas là une condition sine qua non d'atteindre des objectifs. Vous reconnaissez que cela peut être plus lent, plus difficile et que cela peut demander plus de concertation et de consultation. Quand on sait les montants considérables qui sont consacrés déjà à la santé mentale, la ministre me signalait que c'est de l'ordre de 2 000 000 000 $ si on tient compte de...

Mme Lavoie-Roux: Tout près de.

M. Doyon: Oui, près de, quelque chose s'y rapprochant parce qu'il est difficile de savoir exactement où les fonds vont, mais c'est évidemment beaucoup d'argent

On nous a fait valoir - vous avez été ici - différents types d'approches qui pouvaient être pris. On nous suggérait, par exemple, que la question de la santé mentale soit l'objet d'une structure particulière, qu'on mette de côté la question de la santé mentale pour consacrer cela, pour avoir une structure verticale et qui monterait directement au ministre. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de réfléchir à des choses semblables, ou ce que vous en pensez, personnellement. Est-ce que vous pensez que la santé mentale est une maladie qui se traite au même titre que d'autres maladies ou si elle devrait faire l'objet d'une structure particulière qui la mettrait à part et qui permettrait de disposer de budgets réservés, etc., avec tout ce que cela comporte aux niveaux structurel et bureaucratique? Est-ce que vous avez réfléchi à cela?

M. Lajoie: Je pense qu'une décision importante a été prise avec le rapport Castonguay-Nepveu et, par hasard, en 1972 et en 1976, je travaillais au ministère, dans un poste équivalent à celui du Dr Voisine, à l'intérieur de la structure du ministère. Cela avait été une décision-veu et de l'intégration de la psychiatrie ou de la santé mentale dans les services. Comme je le disais tantôt, on a une table de concertation en santé des jeunes, mais le volet de la santé mentale y était présent de sorte qu'on ne voyait

pas la nécessité d'une table de concertation en santé mentale.

Ce que nous avons entendu ce matin, par exemple, est très pertinent, dans le sens qu'il va falloir qu'il y ait des moyens qui soient donnés. J'ai entendu un de mes amis qui travaille dans un CLSC, iI y a quelques jours, dimanche dernier. II me disait que c'était dramatique parce que maintenant on lui interdisait de voir quelqu'un plus d'un an. Cela pose le problème qui a été posé ce matin de façon très aiguë. Les problèmes pour les personnes qui sont les plus atteintes, ce ne sont pas des problèmes d'un an, ce sont des problèmes de très longue durée. Je pense que, pour être conséquent et pour intégrer l'aspect de la santé mentale - peut-être que ce n'est pas une structure, j'hésiterais beaucoup à avoir une structure particulière - il va falloir que quelqu'un soit responsable et qu'il y ait des possibilités d'intervention, que ce soit élargi.

Le concept de ce matin est un concept intéressant. Si dans les CLSC les gens qui interviennent ne peuvent pas voir quelqu'un plus d'un an, on s'imagine qu'ils ne voient pas les gens qui sortent des institutions et qu'il faut voir pendant des années et des années... C'est une réalité, c'est quelqu'un qui me l'a dit. Dans son CLSC, on lui interdit cela. Il dit: Je suis aux prises avec des gens que je vois depuis un an et qu'est-ce que je fais avec eux? Je leur ai annoncé cela et cela ne marche pas. De sorte que la réflexion va sûrement devoir... si on ne fait pas une structure parallèle ou une autre, il va falloir modifier les mandats.

M. Doyon: Évidemment, cette réalité est là. Il va falloir y faire face. Je pense que vous concourez jusqu'à un certain point à mentionner le problème qui nous a été exposé ce matin. Parmi les faiblesses que vous qualifiez de certaines faiblesses du rapport, vous mentionnez qu'il n'y a pas suffisamment de détails par rapport aux moyens d'opérationnalisation et de ia façon dont les choses devraient se taire et quels sont les moyens opérationnels qui seraient requis, etc. Vous demandez si ce ne sera pas là une raison pour conserver le statu quo et tout simplement dire: Ce sont des choses qu'on fait déjà, qu'on a déjà faites, qu'on a toujours faites et qu'on va continuer compte tenu que c'est un peu vague.

D'un autre côté, vous y voyez aussi une possibilité que ce soit un défi de prise en main par les responsables régionaux qui devront apporter ces définitions. Vous faites une constatation dans laquelle vous dites: Qu'on parle d'approches globales, qu'on parle d'approches centrées sur le client, etc., ce sont des beaux mots ni plus ni moins; on connaît déjà cela, on a déjà entendu cela. Vous déplorez que la situation dans les faits soit vraiment différente. Quelle est cette situation différente que vous n'exprimez pas et à laquelle vous faites allusion ici au bas de la page 7?

M. Lajoie: Si j'ai bien saisi votre question, je pense que la situation actuellement est un peu dramatique. Je me réfère à la psychiatrie et à l'absence de ia psychiatrie à ce débat. Je ne parie pas de psychiatres individuels, mais de la psychiatrie comme corps. Ils possèdent une expertise très importante. Il est possible que cette expertise puisse être très utile et avec les structures actuelles, elle peut être diffusée, mais il y a un enfermement de la psychiatrie dans les hôpitaux. Je pense que la réalité, de la façon que je peux comprendre, à laquelle ils sont confrontés tous les jours avec des situations très difficiles, avec beaucoup de travail, fait qu'il y a une perception de la réalité qui, je pense, est très restreinte, avec très peu de possibilité de sens critique pour un grand nombre actuellement. Ils font du mieux qu'ils le peuvent; quelquefois, la psychiatrie, c'est bon, mais il faut en sortir et iI y a beaucoup de gens qui n'en sont pas sortis. Je ne sais pas si cela répond à votre question. Depuis cinq ans, j'ai fait environ 1400 sessions de groupes avec 36 groupes différents dans douze institutions différentes, 30 sessions par groupe, pour une moyenne d'environ 250 intervenants dans mon travail au DSC qui est à mi-temps. Il est possible d'aller ailleurs, de sortir du réseau, de le faire sans coût astronomique. Mais pendant longtemps, je n'étais pas perçu comme psychiatre dans la région. Je ne sais pas si je le suis maintenant, mais...

Des voix: Ha! ha! ha!

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. En conclusion j'inviterais le député de Lavioiette.

M. Jolivet: Oui, je vous remercie surtout de voir que votre groupement s'est formé de façon spontanée et qu'au fond iI répondait peut-être à un besoin que vous avez et que d'autres devraient peut-être observer dans tout le Québec, dans le sens d'être un groupe où on va parier de santé mentale pour continuer le travail qui s'est fait jusqu'à maintenant, en sachant, comme vous le dites si bien, qu'il faut que des gens soient le chien de garde de ce qui va se passer, pour s'assurer que ce ne soient pas de vains mots, mais que ce soient des réalités qui s'actualisent dans les mois et les années futures. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également vous remercier. Je ne sais pas comment c'est dans la vie quotidienne, mais en tout cas, ici. vous avez fait probablement une démonstration de ce partenariat que tout le monde souhaite. On retrouve autour d'une même table des représentants de départements de santé communautaire, d'hôpitaux psychiatriques, de ressources alterna-

tives du CRSSS du CLSC et différents professionnels ou différents types d'intervenants Je pense que vous nous avez donné passablement de matière à réflexion, et Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission des affaires sociales remercie le Comité consultatif régional en santé mentale, région 02 Je vous souhaite un bon retour dans la mesure du possible. Je pense que la température refuse de collaborer avec vous, au moins à égale valeur avec la collaboration que vous nous avez donnée. Comme c'était le dernier organisme, cest-à-dire le 66e que nous recevions je présume que M le député de Laviolette et Mme la ministre auront quelques commentaires avant qu'on ajourne les travaux M le député de Laviolette.

M. Jolivet: M le Président, je serai bref pour dire que ces huit journées n'auront pas été mutiles. C'est un travail qui a été long d'une certaine façon, considérant le temps dans une journée, mais profitable quant à ce qui est ressorti comme idées dans tout le Québec. II est évident que nous aurions aimé que le débat se fasse sur une vraie politique de santé mentale présentée peut-être dans un livre blanc de la part de la ministre. Nous en sommes encore, si je peux emprunter certains mots de la ministre sur d'autres choses ce matin, aux balbutiements de cette politique de santé mentale.

Ce que l'on trouve un peu déplorable cependant, c'est qu'elle ait utilisé le rapport Harnois un peu comme un tampon ou un lieu où les coûts sont arrivés de telle sorte que, finalement, ce n'est pas sa politique qu'on a regardée jusqu'à maintenant, mais ce qu'un comité a fait. Il est évident, cependant, qu'on va en retirer le meilleur des bénéfices, aussi bien les membres de l'Opposition et, je l'espère, le gouvernement qui aura à présenter au Québec une réelle politique de santé mentale.

Nous aurons l'occasion, je l'espère, avant que la politique s'applique, de la critiquer, non pas négativement, comme quelquefois les gens ont l'impression que l'Opposition fait. Notre travail à faire comme membres de l'Opposition, c'est d'essayer d'aider le gouvernement à trouver la meilleure des solutions en sachant qu'on n'aura jamais la perfection.

Mais d'un autre côté, j'aimerais que la ministre retienne que, lorsqu'elle déposera sa polit. que de santé mentale, avant que son implication vienne, on ait la chance de faire peut-être un tour de table avec des intervenants dans le milieu pour voir si vraiment elle a bien écouté les représentations de tous et chacun et si elle a porté le meilleur jugement sur la décision qu'elle aura à prendre. Entre-temps, on va se souhaiter bonne chance.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie M le député de Laviolette Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: J'imagine que j'ai le consentement - il est 18 heures.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Lavoie-Roux: À la fin de nos travaux parlementaires je voudrais d'abord remercier toutes les personnes qui nous ont appuyés durant cette exercice. Je voudrais d'abord remercier le président ou les présidents. Vous avez eu un substitut pendant quelques jours. Je voudrais remercier tous ceux qui font partie de I'équipe de soutien, ceux qui ont enregistré nos travaux et surtout ceux qui les transcrivent. J'espère qu'on n'a pas été trop confus. J'ai toujours de la sympathie pour eux!

Je voudrais également remercier tous ceux qui nous ont facilité la tâche que ce soient des personnes du ministère, particulièrement les membres de la Commission Harnois qui se sont relayés ici durant presque trois semaines. Cela aurait fait trois semaines demain.

Comme le disait le président, nous avons entendu 68 mémoires et nous en avons reçu 104 ou 103, au moment où nous nous parlons. Évidemment, il avait été convenu que ceux qui nous arrivaient après le 23 décembre, on ne pouvait pas les entendre. Mais cela indique quand même une préoccupation importante pour ceux qui travaillent dans le milieu et pour ceux qui vivent ce problème. Je pense recevoir au-delà de 100 mémoires. C'est quand même extrêmement important.

Je voudrais également remercier tous ceux qui sont venus en commission parlementaire. Sans vous, cela aurait été un exercice absolument nul. Merci surtout pour les différents éclairages qui nous ont été apportés Je pense que tout le monde est venu ici en tentant, non seulement de faire valoir son point de vue, mais de faire avancer le débat et de faire préciser des choses.

Je pense qu'un pas majeur a été franchi dans cet exercice et que nous avons maintenant un cadre de référence qui a fait consensus, je dirais, de façon générale quant aux objectifs, aux principes et aux orientations.

Je voudrais juste corriger un mot ou enfin donner mon point de vue sur un mot du député de Laviolette qui. en passant, comme d'ailleurs l'Opposition, nous ont donné une collaboration remarquable. Je ne voudrais pas non plus passer sous silence le travail de mes collègues. Tout le monde s'est relayé de façon très persévérante pendant trois semaines de temps Est-ce que cela veut dire que j'ai fini, ça? Ha. ha, ha'

Mais, ce matin, quand je faisais référence à des balbutiements, je faisais référence à nos balbutiements au sujet de la maladie d'AIzheimer...

M. Jolivet: J'ai utilisé votre mot

Mme Lavoie-Roux: Ah! c'est cela! D'accord Alors, c'est parfait. II reste que les consensus

qui se sont dégagés sont autour de la place qui doit être réservée au patient ou au bénéficiaire - je ne sais pas si un jour on s'entendra sur les termes - et qui doit demeurer la personne devant être au centre des préoccupations.

Je pense que les gens réalisent également que ce sont les besoins de la personne qui doivent guider les actions et non pas les rôles respectifs des professions qui, elles, viennent pour appuyer la personne. Également, je pense qu'on est tous d'accord sur l'approche biopsychosociale. Il y en a qui ont élargi le sens un peu; je pense que ce n'est pas dommageable.

Les points principaux sur lesquels les travaux de la commission ont porté, c'est-à-dire les points sur lesquels on pourrait tirer des conclusions quant à des remarques qui ont été reprises par à peu près l'ensemble des intervenants, je ne les prends pas nécessairement par ordre de priorité, cela a été, par exemple, l'exercice de la fonction "d'advocacy" et du rôle qui pourrait être joué paf un "ombudsperson", mais qui doit être précisé; le plan de services individualisé comme instrument de continuité, mais beaucoup de questions quant à la coordination de ce plan de services et quant à la définition, si je peux dire, ou la désignation des personnes responsables; l'importance de mettre en place des programmes de répit pour ies families et de rendre l'information disponible à la famille et aux proches pour qu'elles puissent mieux assumer leur rôle.

Évidemment, toute la question de la formation a été abordée à plusieurs reprises, la question de la recherche. C'est hier ou peut-être ce matin où on insistait pour que la recherche et l'évaluation soient le plus possible intégrées aux pratiques. Une formule souple d'organisation et de fonctionnement, telle que celle proposée par tes démarches de planification régionale, doit être privilégiée, sauf pour une région. Ce matin, je dois dire que, du côté régional, tout le monde favorisait la démarche, et vous l'avez explicitée pas mai cet après-midi. Évidemment, les questions qui sont restées les plus débattues et où je pense que les gens, à part l'assurance qu'on pouvait leur donner, sont peut-être partis sur leur appétit, c'était la définition des mandats, des responsabilités des établissements, des organismes et des intervenants.

Il y aurait d'autres points à faire ressortir, mais je dirais en conclusion qu'il est évident que le rapport Harnois était un point de départ pour l'établissement de la politique. Parfois je disais que ce n'était pas mon rôle de le défendre, mais à certains moments, je n'ai pas pu m'empêcher de m'y identifier jusqu'à un certain point Sans cela, je ne l'aurais peut-être pas apporté en commission parlementaire, de toute façon.

Il reste beaucoup de choses à préciser. Il y a des orientations, peut-être pas fondamentales, mais certaines orientations qui devront être modifiées. Je pense que ce qui va demeurer important à définir, c'est quelles sont les clientèles que nous allons prioriser? Évidemment, on nous a demandé beaucoup de ressources. Je ne peux pas oublier le mandat original que j'avais donné à la commission Harnois, qui a été à la source, je pense, de nos préoccupations en santé mentale. Il y a d'abord et avant tout les personnes, je le répète, qui sont à désinstitutionnaliser. À quel rythme le fait-on? Il faudrait examiner cela de plus près.

Il y a aussi les personnes qui ne sont plus institutionnalisées et qui sont trop souvent laissées pour compte dans la société. Il me semble que nos premières obligations doivent être envers ces personnes. Évidemment, le fait de leur donner le soutien nécessaire implique toute la panoplie de services et d'intervenants dont on a parlé.

Ce qui ne doit pas exclure, et c'est d'ailleurs l'autre dimension que le rapport Harnois fait valoir, toute la question de la prévention qui peut s'exercer de façon très générale au niveau interministériel, mais la prévention pour les personnes qui sont en situation de conflits ou en situations plus difficiles qui font que, s'ils n'ont pas l'appui nécessaire, les problèmes peuvent dégénérer en problèmes de santé mentale plus profonds. Enfin, ce sont des questions auxquelles je ne peux pas apporter de réponses aujourd'hui.

Le point final est évidemment d'aller chercher un minimum de ressources, soit dans un échéancier qui pourrait être prévu mais qui donnerait aux différents intervenants et à la population le sentiment - cela traduirait également la volonté politique du gouvernement -d'agir en ce domaine.

En conclusion encore une fois, merci à tout le monde et on aura sûrement l'occasion d'en reparler. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme la ministre. Je voudrais déposer en terminant la liste des organismes et des individus qui ont fait parvenir un mémoire et qui n'ont pu être entendus par ia commission parlementaire, soit parce qu'ils étaient en dehors des délais ou soit parce qu'ils avaient manifesté l'intention de ne déposer que leur mémoire, et les rassurer en leur disant que leurs mémoires sont ou seront lus, analysés et considérés dans la rédaction définitive du rapport du Or Hamois et de son équipe. Qu'ils se considèrent rassurés là-dessus. Je dépose donc une liste de 29 organismes qui étaient très intéressés.

Je voudrais également remercier tout le monde pour l'exceptionnelle discipline avec laquelle on a procédé durant les travaux. La commission parlementaire, ayant acquitté son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 10)

Document(s) associé(s) à la séance