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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place afin que
nous puissions commencer les travaux. Il est 10 h 8 et on devait commencer
à dix heures.
Alors la commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé. Pour
une politique de sécurité du revenu.
Ce matin nous recevons le Conseil du patronat qui est
représenté par MM Ghislain Dufour, Michel Magnant et Jean
Roberge. Je prierais.
Auparavant, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui. M. le Président M. Chevrette
(Jotiette) sera remplacé par M. Desbiens (Dubuc), M. Gervais
(L'Assomption) le sera par M. Doyon (Louis-Hébert).
Auditions
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous
remercie
Alors, ce sont les mêmes règles de procédure qu'hier
et pour le bénéfice des gens du Conseil du patronat, vous avez 20
minutes ferme pour présenter votre mémoire ou le
résumé de votre mémoire et il y a 40 minutes
d'échanges avec les parlementaires.
Je vous prierais aussi, chaque fois que vous faites une intervention,
pour les fins de la transcription du Journal des débats, de bien vouloir
mentionner votre nom si quelqu'un d'autre que le porte-parole intervient, sans
cela, nos transcriptices, qui ne sont pas familières avec vos voix, ne
pourront pas vous reconnaître.
Sans plus tarder, je demanderais donc au porte-parole de s'identifier,
de présenter son équipe et de procéder à la
présentation du mémoire.
Conseil du patronat
M. Dufour (Ghislain): Merci, M le Président. Mon nom est
Ghislain Dufour, je suis président du Conseil du patronat. Mes
collègues, ce matin, sont, à mon extrême gauche, M.
Alexandre Beaulieu qui est président d'Alexandre Beaulieu inc et membre
du conseil d'administration et du comité exécutif du Conseil du
patronat, M. Michel Magnant qui est rédacteur analyste au Conseil du
patronat, et à ma droite, Me Jean Roberge qui est conseiller juridique
et directeur général adjoint à l'Association des mines de
métaux.
M. le Président mesdames et messieurs le document rendu public
par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
M, Pierre Paradis à la mi-décembre 1987 et intitulé. Pour
une politique de sécurité du revenu, est reçu très
positivement par le Conseil du patronat. Et je parle bien ici du document sur
lequel porte la consultation et non pas sur des documents qui ont
circulé au cours des derniers jours et qu'en tout cas nous n'avions pas
lorsqu'on a rédigé le mémoire que vous avez ce matin.
C'est un document qui a le double mérite de faire d'une part le
point sur les objectifs d une politique d'aide sociale au Québec et de
proposer, d'autre part, des moyens nouveaux pour rendre l'aide sociale plus
équitable et mieux adaptée au nouveau contexte de relance
économique que connaît le Québec depuis 1982.
Le Conseil du patronat se dit immédiatement
généralement d'accord avec I'analyse que propose le document des
insuffisances du système actuel, tout comme avec les nouveaux objectifs
et les moyens envisagés pour remédier à ces insuffisances.
Le CPQ croit, en effet, que ce projet de réforme correspond assez bien
à des principes à la fois compatibles avec la justice sociale et,
d'autre part, l'efficacité économique.
Le CPQ croit, de plus que la réforme proposée s'impose
notamment à cause du changement de contexte socio-économique qui,
en quinze ans a fait passer l'aide sociale de programme de dernier recours pour
inemployables et handicapés à un prolongement de
l'assurance-chômage pour un nombre croissant de jeunes et de
travailleurs.
Cette transformation de la clientèle de I'aide sociale s'est
accompagnée en parallèle d'un resserrement des budgets de
l'État qui le rend de moins en moins capable d'assumer le rôle
d'État providence qu'on a voulu lui faire jouer. Elle s'est
accompagnée également, au Québec, d'une certaine reprise
caractérisée, entre autres, par une forte création
d'emplois - de 60 000 à 100 000 par année depuis 1983. II
n'était donc que logique que l'on veuille revoir la mission propre de
l'aide sociale dans le contexte social et économique de 1988. Et le
gouvernement mérite nos félicitations pour s'attaquer
résolument à ce dossier, même s'il ne s'agit pas d'un
dossier facile, les membres de l'ancien gouvernement se le rappelleront, et que
son action lui vaudra certes de nombreuses contestations et
réprimandes.
Notre brève analyse du document se divise en trois parties.
Premièrement, nous commenterons les nouveaux objectifs de l'aide
sociale, tels que proposés. Dans un second temps nous analyserons
quelques-unes des mesures mises de l'avant pour atteindre ces nouveaux
objectifs. Et,
dans un troisième et dernier temps, nous insisterons sur la
nécessité de créer des emplois en tant que volet essentiel
d'une politique de retour au travail des assistés sociaux
employables.
M. le Président, parlons, d'abord, des nouveaux objectifs. Le
document nous propose une lecture du nouvel environnement
socio-économique de l'aide sociale, accompagnée
d'énoncés de principes et de mesures tels les critères
d'admissibilité, la variation des barèmes, la restructuration des
programmes, etc., qui visent quelques objectifs majeurs. Pour nous, il y en a
quatre qui ressortent davantage. II s'agit, premièrement, de la garantie
que l'État assurera un soutien financier minimum à tout citoyen
dans le besoin; deuxièmement, d'un objectif d'équité;
troisièmement, de l'objectif d'inciter les gens à revenir au
travail lorsqu'ils en sont capables; quatrièmement, de l'objectif de
mettre en oeuvre des programmes de retour au travail. Quatre objectifs avec
lesquels nous exprimons immédiatement notre accord.
Le premier objectif: un soutien financier minimum. Tout comme le
document, nous reconnaissons que tout citoyen a le droit inaliénable
d'obtenir un revenu minimum lui permettant de subvenir à ses besoins de
base, quelle que soit la forme que puisse prendre ce revenu. Le CPQ
reconnaît, de plus, qu'une attention spéciale doit être
accordée aux personnes inemployables et qui dépendent
exclusivement de l'assistance de l'État.
En ce sens, les diverses mesures proposées, qu'il s'agisse de la
modification des barèmes, de l'harmonisation des programmes, des mesures
fiscales, des avantages consentis en particulier aux personnes
handicapées, sont autant de mesures visant à garantir et à
faciliter l'accès à un revenu minimum sans que celui-ci ne se
substitue à la capacité de travailler ni ne décourage de
s'intégrer au marché du travail.
Le deuxième objectif: l'équité. Il nous
apparaît qu'un régime d'aide sociale équitable ne saurait
imposer un traitement différent aux bénéficiaires en
fonction de critères autres que les besoins des individus. En ce sens,
le principe de la parité ne saurait souffrir d'exceptions et c'est avec
plaisir, M. le Président, que nous soulignons l'abolition
proposée dans le document de la distinction entre les
bénéficiaires de moins de 30 ans et les autres.
Bien sûr, plusieurs souhaiteraient que cette distinction soit
abolie immédiatement, alors que le gouvernement suggère son
abolition d'ici à deux ans. Pour nous, il s'agit là d'une
question budgétaire une fois le principe de la parité acquis.
Mais c'est le principe qui nous importe davantage. Nous suggérons,
toutefois, au gouvernement de revoir ses possibilités financières
afin d'accélérer le processus visant à mettre un terme
à la discrimination actuelle.
Le troisième objectif: l'incitation monétaire au travail.
Nous sommes tout à fait d'accord avec la variation des barèmes
proposée dans le programme APTE, en fonction de la volonté des
personnes considérées comme employables de s'intégrer au
marché du travail.
D'une part, le barème moins généreux proposé
pour ceux qui refuseront de participer au programme de retour au travail nous
apparaît comme une mesure de découragement souhaitable. En effet,
la société a-t-elle à récompenser ceux qui refusent
d'envisager un retour au travail lorsqu'ils peuvent le faire? Inversement, la
hausse des barèmes en fonction de l'effort fourni pour se recycler et
s'intégrer au marché du travail nous semble à la fois une
mesure juste et efficace. (10 h 15)
Je voudrais dire ici, M. le Président, en dehors du texte, que,
bien sûr, on parle du principe, ce qui ne sous entend pas qu'il n'y aura
pas et qu'il n'y a pas lieu de faire des exceptions. Je pense ici, par exemple,
aux familles monoparentales. Mais nous voulons nous en tenir dans notre
exposé aux principes et non aux exemptions possibles, convaincus que,
s'il y a une commission parlementaire où vous entendrez 121 groupes,
c'est, justement pour tenir compte des différentes
représentations qui pourraient être faites autour de cette
table.
Le quatrième principe: la mise en oeuvre d'un programme
d'intégration au marché du travail. Nous croyons également
que l'accent que met le document ministériel sur le retour au travail
est tout à fait justifié et que cette orientation répond
même aux désirs d'une grande partie de la clientèle
actuelle de l'aide sociale, je vais y revenir un peu plus loin. Nous
considérons, en effet, que les quelque 65 %, selon qu'on parle des
ménages, ou 75 %, si on les regarde dans leur totalité des
assistés sociaux aptes au travail sont en bonne partie le
résultat de la mauvaise conjoncture économique passée et
qu'il est nécessaire de tout mettre en oeuvre pour leur faciliter
l'intégration au marché du travail.
Bien sûr, il faut être réaliste et accepter que ce
processus d'intégration au marché du travail ne produise de
véritables résultats qu'à moyen et à long terme. En
effet, même si les emplois se créent au Québec à un
rythme de 60 000 à 100 000 par année depuis 1983, il n'y a
toujours pas d'emplois pour tous ceux qui en veulent. Mais ce qui est
important, c'est le principe qui est mis de l'avant dans le document
ministériel et qui, quant à nous, doit recevoir l'appui de la
population il faut tout faire pour intégrer au marché du travail
ceux qui sont vraiment en mesure de le faire.
C'étaient les objectifs. Maintenant, regardons les mesures
proposées. Donc, pour atteindre les quatre objectifs auxquels nous avons
déjà dit souscrire, le document ministériel propose toute
une séne de mesures que nous commenterons dans les lignes qui suivent.
II s'agit, d'une part, de mesures qui visent le soutien financier et,
d'autre part, de mesures qui visent l'intégration au
marché du travail.
D'abord, les mesures de soutien financier. Désormais, l'aide aux
assistés sociaux variera en fonction de l'intérêt
manifesté à l'égard de l'intégration au
marché du travail. II y aura croissance des. revenus allant d'un minimum
(pour refus de participer) à un maximum incorporant le supplément
au revenu de travail en vue d'encourager l'intégration au marché
du travail. Et les inemployables verront leurs prestations augmentées
automatiquement grâce au programme spécial de soutien
financier.
Nous sommes d'accord, M. le Président, dans l'ensemble, avec
cette proposition et ce, essentiellement, pour deux choses.
Premièrement, elle vise à décourager ceux qui peuvent
travailler et pourraient trouver du travail à demeurer
bénéficiaires de l'aide sociale et, deuxième volet, elle
vise à récompenser l'intégration au marché du
travail, tout en assurant un revenu minimum, je le répète,
convenable aux personnes inemployables.
Ces mesures-là appellent chez nous, quand même, un certain
nombre de commentaires, six, et je les prends dans l'ordre.
Premièrement, nous sommes d'accord avec l'ensemble des mesures prises
pour répondre aux besoins spéciaux des inemployables et avec le
projet de réévaluation des allocations spéciales
auxquelles les ménages à faible revenu ne sont souvent pas
admissibles.
Deuxièmement, nous sommes d'accord avec la hausse du plafond des
gains mensuels non déductibles que peuvent réaliser les
assistés sociaux grâce à de menus emplois. Cette source de
revenus, actuellement très utilisées, tout le monde le sait parce
qu'on voit un peu comment cela se passe dans le système, a tout
intérêt à être reconnue par le gouvernement comme
étant légitime. Sinon, on décourage, à toutes fins
utiles, toute initiative personnelle positive. Ce paramètre du
programme, on le reçoit de façon très positive.
Troisièmement, le maintien des exemptions pour certaines
possessions mobilières et immobilières nous apparaît
être une décision juste, n'obligeant plus les gens à
s'appauvrir, d'une part, ni n'encourageant les gens riches, d'autre part.
Quatrièmement, plusieurs sources de revenus additionnelles
peuvent s'ajouter à l'aide sociale de base, comme on le voit dans notre
tableau. Le projet ministériel d'exempter les allocations familiales,
tant provinciales que fédérales, les allocations de
disponibilité, les crédits d'impôt foncier et les
crédits de taxes de vente, quant à nous, est tout à fait
équitable dans ta mesure où la plupart de ces programmes
s'adressent à l'ensemble de la population. Comme l'indiquent certaines
statistiques, les revenus non comptabilisés à l'aide sociale
peuvent atteindre 14, 5 % du revenu total d'une personne seule, 18, 3 % du
revenu total d'un parent seul avec un enfant et 21, 3 % du revenu total d'un
couple avec deux enfants. Il s'agit, donc, de mesures qui aideront des familles
et qui ne sont pas un facteur d'enrichissement lorsqu'on compare le revenu
annuel total au seuil estimé de la pauvreté. Il nous semble,
donc, tout à fait raisonnable de ne pas les comptabiliser à
l'aide sociale et c'est ce que propose le document.
Cinquièmement, une autre mesure qui favorise à la fois
l'efficacité économique et l'équité a
été prise par le gouvernement du Québec dans son budget
1987-1988. Il s'agit de l'élimination complète de l'impôt
à payer pour les familles à faible revenu. Il s'agit d'une mesure
importante d'harmonisation des programmes de transferts. En effet, il est
inutile d'accorder de l'aide sociale d'un côté si c'est pour la
reprendre de l'autre par le biais de la fiscalité. Sur ce plan, la
fiscalité peut, d'ailleurs, avoir un impact négatif sur la
décision de retourner sur le marché du travail, comme on l'a vu
dans le Livre blanc sur la fiscalité des particuliers, qu'on a
appelé Parizeau-Duhaime.
L'élimination de l'impôt pour les
bénéficiaires de l'aide sociale, M. le Président, ne peut
donc que constituer une mesure positive supplémentaire en vue d'inciter
les assistés sociaux à retourner sur le marché du
travail.
Le sixième commentaire concerne le volet soutien financier. Le
document ministériel prévoit la possibilité pour la
catégorie des 50-65 ans de se définir comme non disponibles. Or,
il pourrait se produire que les bénéficiaires de cette
catégorie se prévalent massivement de cette option. Si tel
était le cas, des personnes qui, dans le contexte actuel, sont fort peu
employables, seraient pénalisées puisque le nouveau régime
serait moins généreux à leur égard. Pourquoi ne pas
maintenir simplement les modalités actuelles?
Parlons maintenant des mesures favorisant le retour sur le marché
du travail. La réorientation la plus marquante du projet - et c'est ce
qui nous fait y donner notre appui pour l'essentiel - c'est que le projet de
réforme consiste à transformer un certain nombre de programmes et
de services gouvernementaux actuels en instruments permanents de
réintégration au marché du travail.
Cette nouvelle approche, d'inspiration néo-libérale, n'est
pas unique au Québec, loin de là. Aux États-Unis comme
dans les autres provinces canadiennes, on envisage de plus en plus de remplacer
le "welfare" par le "workfare" depuis déjà plusieurs
années.
D'aucuns dénoncent cette nouvelle approche comme étant
irréaliste puisqu'il n'y aurait tout simplement pas d'emplois pour tous
les assistés sociaux aptes au travail. Cette affirmation, on le
reconnaît facilement, comporte une certaine part de vérité,
mais nous n'avons aucun intérêt, non plus, à favoriser le
statu quo. Alors que le Québec crée depuis 1983 un bien plus
grand nombre d'emplois qu'il n'en avait perdu en 1982, il serait ridicule de
vouloir cantonner les assistés sociaux dans un style de vie qui ne les
intéresse
pas nécessairement.
Bien sûr, les nouveaux programmes visant à accroître
et à encourager I'employabilité des bénéficiaires
donneront surtout des résultats à long terme puisqu'il ne saurait
être question de mettre tout le monde demain "au pic et à la
pelle" comme certains nous I'ont suggéré. Mais il est essentiel
de privilégier l'option intégration au travail des
assistés sociaux, ce avec quoi le CPQ se dit pleinement d'accord
d'autant plus qu'il s'agit la d'un désir exprimé par les
assistés sociaux eux-mêmes.
Au Québec, en effet, quelques recherches ont été
faites sur le désir de travailler des assistés sociaux. En 1984,
dans une étude intitulée La situation des jeunes à
l'aide sociale - c'était une recherche gouvernementale - on disait
à peu près ceci: 25 % des jeunes cherchaient de l'emploi de
façon systématique, 50 % en cherchaient de façon
décroissante dans le temps et 25 % n'en cherchaient plus, non pas parce
qu'ils ne voulaient pas travailler, mais parce qu'à un certain moment
ils s'étaient découragés. Selon cette étude, les
jeunes trouvaient en général l'expérience de recherche
d'emploi très difficile. Ils blâmaient le peu de
réceptivité des employeurs potentiels et la totale
inefficacité des centres de main-d'oeuvre pour tout emploi autre que
temporaire. Je ne sais pas s'ils parlaient des centres de main-d'oeuvre
provinciaux ou fédéraux. Ils se plaignaient également du
manque d'information sur les possibilités d'emploi et exprimaient leur
scepticisme face aux bons d'emploi qui en faisaient une main-d'uvre de
seconde zone.
Par ailleurs, ils étaient majoritairement d'accord avec
l'idée qu'on les oblige à travailler un certain nombre de jours
par mois afin d'augmenter leur niveau de soutien financier. En ce sens, ils se
disaient prêts à participer à des projets communautaires.
Certains voulaient même qu'on les oblige à étudier.
Voilà, c'est une recherche qui se différencie un peu du discours
qu'on peut entendre sur la place publique à certains moments. L'attitude
des jeunes était nettement favorable au travail. Ce qui leur manquait,
c'était de véritables programmes d'intégration au
marché du travail.
Pour les travailleurs plus âgés, l'étude des
professeurs Bertrand Belzile et Viateur Larouche professeurs de
l'Université Laval - intitulée "Les Québécois
à faible revenu face au travail et à l'aide sociale: leur offre
de travail et leur motivation à travailler", concluait: "II
apparaît évident que les parents de familles à faible
revenu sont encore incités à s'intégrer au marché
du travail, bien que cette incitation soit faible". Selon ces auteurs, le
rôle du travail chez les gens à faible revenu n'est pas d'assurer
une carrière - je pense que tout le monde le savait - mais
essentiellement de subvenir aux besoins essentiels par un revenu suffisant et
régulier. La conception du travail chez les gens à faible revenu
serait strictement pragmatique et fonction du revenu
généré.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M.
Dufour, le temps est presque écoulé.
M. Dufour (Ghislain): Peut-être que le ministre va me
donner cinq de ses minutes?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! M Dufour (Ghislain):
Pardon?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux et demie de Mme Harel, deux
et demie du ministre.
M. Dufour (Ghislain): Merci, Mme Harel.
Mme Harel: Bon. C'est le temps d'une question.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, s'il
vous plaît, si on pouvait procéder.
M. Dufour (Ghislain): Nous arrivons au troisième volet qui
est la nécessaire création des emplois. Ainsi que nous l'avons
déjà rapidement souligné, le principal reproche fait par
d'aucuns est qu'il serait peu utile de mobiliser les assistés sociaux
dans une campagne de recherche d'emplois, alors qu'il existerait peu d'emplois
disponibles et qu'une armée de chômeurs réguliers serait
prête à les combler de toute façon. On l'a
déjà dit, cela comporte une certaine part de
vérité, mais, quant à nous, c'est excessif. Mais on dit
aussi qu'on ne rejette d'aucune façon la position des assistés
sociaux, à savoir qu'il y a un problème de recherche d'emplois,
de se trouver vraiment des emplois.
Nous en profitons pour dire qu'il faudrait se donner une politique de
création d'emplois au Québec. Nous vous rappelons les principaux
éléments dune telle politique. Je me permets, au moins, de citer
le premier paramètre les emplois créés doivent être
des emplois réels, des emplois productifs, des emplois permanents, des
emplois rémunérateurs et non pas, tout simplement, des emplois
que l'on crée parce qu'il faut mettre sur pied des programmes, comme on
l'a vu trop souvent avec, par exemple, l'assurance-chômage et ses
différents volets de formation professionnelle.
M. le Président, je conclus. Le projet de réforme, tel que
proposé dans le document, quant à nous, remplit bien sa double
mission qu'on a bien identifiée au début. Les différentes
mesures proposées pour soutenir le revenu des assistés sociaux
nous semblent traduire un sain équilibre entre la prise en charge par
l'État des besoins de base et la promotion de l'intégration au
marché du travail.
Donc, sous réserve de revoir le moment où serait atteinte
la parité pour les moins de 30 ans, de revoir la possibilité
automatique pour la catégorie des 55-65 ans de se définir comme
non
disponibles, de possiblement - et je l'ajoute ce n'est pas dans le
mémoire - revoir également, à la lumière des
représentations qui seront faites devant cette commission parlementaire,
certains volets précis de la proposition gouvernementale - on pense plus
particulièrement aux familles monoparentales - sous réserve aussi
de voir si les délais de mise en application qui nous sont
proposés sont réalistes - il y aurait peut-être
possibilité de l'étaler plus dans le temps et on pense qu'on
devrait l'étaler plus dans le temps - nous donnons notre plein appui
à ce document ministériel.
II nous semble qu'il faut être réaliste. On ne peut pas
cantonner les assistés sociaux employables dans le statut qu'ils ont
actuellement au Québec. Je vous remercie, M. le Président. (10 h
30)
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. Dufour M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le Conseil du patronat
et de son mémoire et de sa présentation, lui indiquant que
l'ensemble des partenaires socio-économiques se présenteront
devant cette commission dans le cadre des discussions engagées sur la
politique de sécurité du revenu et qu'à ce titre le
Conseil du patronat constitue un partenaire majeur et essentiel au
succès de toute politique de sécurité du revenu.
Plutôt que de reprendre les points - ce serait peut-être
trop facile de le faire - où vous semblez être d'accord avec la
proposition gouvernementale, j'aimerais soulever quelques questions sur les
quelques réserves que vous exprimez et engager la discussion sur
certains de ces points.
Vous me permettrez, premièrement, d'être un peu surpris de
l'endossement quasi total que vous accordez à la politique, compte tenu
des coûts de ladite politique. Je tiens à souligner que les
personnes qui sont considérées comme inaptes au travail, c'est un
coût additionnel pour la société québécoise
de 100 000 000 $ par année indexés. Pour la mise en place du
programme APPORT. Aide aux parents pour leurs revenus de travail, qui remplace
le programme SUPRET, c'est un coût additionnel de 40 000 000 $ par
année. Quant au programme APTE, le gouvernement met sur la table,
à la disposition des assistés sociaux aptes au travail, quelque
445 000 000 $ additionnels par année. Compte tenu des échanges
que j'ai eus concernant les comités ministériels à
vocation plus économique, pour mentionner le Conseil du trésor ou
le ministère des Finances, je suis un peu étonné que le
Conseil du patronat accepte que cet argent soit mis sur la table tout d'un coup
et je vous inviterai à répliquer tantôt à cette
affirmation.
Vous parlez de parité pour les jeunes de moins de 30 ans et vous
dites: Cela devrait être accéléré comme application.
Je pense que, lorsqu'on s'y est engagé lors de la dernière
campagne électorale, nous avions l'intention de le faire dans les
meilleurs délais Vous dites qu'il s'agit d'une question
budgétaire et que peut-être le gouvernement devrait mettre la
priorité sur le plan budgétaire Je vous dis, bien
respectueusement - vous pourrez répliquer également - qu'il y a
plus qu'une question strictement budgétaire dans cette parité. Au
moment où nous nous parlons, les programmes et les montants d'argent
sont disponibles pour tout jeune apte au travail qui se présente dans un
centre Travail-Québec pour participer à une mesure
d'employabilité, qu'il s'agisse de stage en entreprise, de rattrapage
scolaire ou de travaux communautaires. Le jeune peut obtenir cette
parité en se présentant et ce, immédiatement.
Maintenant, si vous accordez la parité pure et simple demain
matin en injectant de l'argent sans appliquer le reste de la réforme,
nous vous disons respectueusement que l'incitation pour les jeunes à
quitter les études et à devenir des prestataires de l'aide
sociale va être très forte. De ce côté-là,
nous ne croyons pas que le risque vaut la peine d'être couru par la
société québécoise. Nous aimerions vous entendre,
vu que vous avez exprimé une réserve sur ce point.
Le troisième point sur lequel j'aimerais que vous
précisiez vos interventions touche les travailleurs de 55 à 65
ans. Est-ce que l'analyse du document que vous avez faite - elle n'avait pas
à le faire, je ne vous en tiendrai pas rigueur - tient compte de
l'existence, jusqu'au mois d'août passé, d'un programme
fédéral qui s'appelait PAT et des négociations
fédérales-provinciales qui, entre autres, dans le cadre du
libre-échange, tiennent à universaliser, pour les travailleurs un
peu plus âgés licenciés collectivement, cette proposition?
J'aimerais vous entendre davantage sur cette catégorie de
travailleurs.
Quant aux autres volets plus précis, famille monoparentale,
période d'application, etc, je pense que vous avez là des points
qui vont être discutés peut-être davantage faute de temps,
avec d'autres groupes qui viendront et qui représentent
spécifiquement ces clientèles précises. Si vous souhaitez
des réponses, nous sommes également là pour vous les
apporter.
M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, votre premier volet, c'est
la question des coûts. Je pense qu'on peut maintenant difficilement
parler du programme APPORT, M. Levesque l'avait annoncé dans le dernier
budget. II est en marche depuis le 1er janvier, alors je pense qu'on ne
s'arrêtera pas à celui-là. C'est déjà dans la
machine, et quand on avait réagi au budget de M. Gérard D
Levesque, on avait reçu cela de façon positive.
Les mesures de soutien financier, cela représente 100 000 000 $.
On a toujours pris une position que vous connaissez bien sur la question des
assistés sociaux qui ont besoin d'aide, l'État doit leur donner
ce dont ils ont besoin. Toute
comparaison gardée avec les nouveaux barèmes de besoins
que vous établissez dans votre propre document - on a un peu
laissé de côté les anciennes références qu'on
avait dans le passé et qui étaient devenues trop basses - cela
nous apparaît une concordance juste entre les besoins et ce que vous
proposez comme formule de soutien. Cela peut paraître étrange du
côté patronal mais le patronat aussi a une mission sociale et je
pense que ces chiffres, on est d'accord pour les endosser. Peut-être que
vous pourrez rattraper vos 100 000 000 $ dans d'autres dépenses Inutiles
ailleurs ça ce sont vos arbitrages gouvernementaux. Mais, en ce qui nous
concerne on est d'accord.
L'argent n'est pas là, il est dans le programme APTE.
Vous-mêmes vous faites des échelles allant de je ne sais pas
combien de millions de dollars à 500 000 000 $, selon que tout le monde
va profiter ou non de 'ensemble du programme. Nous ne sommes pas de ceux qui
voudraient que cela ne vous coûte rien. Nous voulons que le programme
APTE fonctionne II faut regarder cela dans un ensemble. L'objectif global que
nous avons - j'espère que c'est aussi celui du gouvernement - c'est de
baisser éventuellement les 2 200 000 000 $ payés en aide sociale.
Si on retourne un certain nombre de personnes sur le marché du travail,
éventuellement, ce seront des gens de moins pour laide sociale. Ce
seront des gens qui travailleront et qui auront des entrées
d'impôt. II ne faut pas regarder seulement la page ou vous énoncez
que cela peut coûter jusqu'à 500 000 000 $, il faut regarder cela
dans une vue d'ensemble. Je sais qu'il y aura des groupes patronaux qui
viendront vous dire que cela coûte trop cher. Ce n'est pas notre position
parce qu'on est prêts à investir dans ce domaine pour donner de la
formation professionnelle à nos assistés sociaux, pour les
intégrer au marché du travail, de façon
qu'éventuellement, en fin de compte, on réduise I'enveloppe
globale de l'aide sociale. Je pense que c'est votre objectif, en tout cas,
c'est le nôtre.
Quant à la parité pour les moins de 30 ans, notre position
n'a pas changé là-dessus. Quand le débat se faisait avec
l'ancien gouvernement, nous avons toujours maintenu la position qu'un jeune de
28 ans a les mêmes besoins qu'un jeune de 32 ans. On a toujours maintenu
ce principe. On l'a appuyé quand on l'a retrouvé dans le
programme du parti. Là, vous le faites mais sur une période de
deux ans. C'est sûr que le genre de situation que vous décrivez
peut se présenter. On reconnaît aussi que des jeunes peuvent avoir
le plein montant s'ils s'inscrivent à certains programmes. Mais il reste
que, sur le plan du principe, comme vous l'acceptez pour le faire d'ici
à deux ans - pourquoi dans deux ans? jusqu'à un certain point, on
partage la thèse des jeunes assistés sociaux là-dessus si
vous avez les finances pour le faire, vous devriez probablement
accélérer votre processus. Mais nous nous trouvons satisfaits que
vous acceptiez le principe. C'est une question d'arbitrage interne des
dépenses gouvernementales de savoir quand vous pouvez l'intégrer
dans le système.
Pour ce qui est des 55-65 ans, vous leur donnez de façon
automatique la possibilité de devenir non disponibles. Comme
hypothèse, s'ils acceptaient, en mars, de devenir non disponibles cela
leur donnerait moins que ce qu'ils ont comme possibilités aujourd'hui.
Est-ce que c'est ce que vous voulez vraiment? Nous pensons qu'on devrait rester
à peu près au statu quo et les considérer comme I'ensemble
des autres assistés sociaux. On part d'un principe. Et ce même
principe, on vous l'avait exprimé, M. Paradis, au moment des discussions
autour de la loi 42. Actuellement il y a une disposition dans la Loi sur la
santé et la sécurité du travail qui fait que, si un
accidenté a 55 ans, il peut se considérer comme inapte au travail
pour le reste de ses jours et, si cest une maladie professionnelle, c'est pour
60 ans. Nous disons qu'à 55 ans il y a des gens qui sont en pleine forme
et qui peuvent travailler. Pourquoi sortir ces gens du régime?Pourquoi leur donner un statut spécial? En tout cas, c'est ce que
nous voulons soulever. Mais là, Vous les rendez non disponibles et,
quand vous regardez votre échelle, ils baissent par rapport à
aujourd'hui. En tout cas, nous maintenons que quelqu'un qui a 56 ans est
souvent bien plus en forme qu'un gars de 40 ans et qu'il ne faut pas exclure
ces gens du bassin de main-d'oeuvre de façon presque automatique il ne
s'agit pas de tous, mais de certains.
Finalement, votre dernier point concernait les familles monoparentales
et les délais. Je l'ai indiqué au tout début nous avons
fait notre mémoire en partant du document. Or, depuis le document, on a
eu un peu d'information à droite et à gauche. Ces données
sont-elles exactes ou non? Ce serait à vous de le confirmer, M. le
ministre. Sauf que je prends simplement un exemple si l'hypothèse de
travail qui a été mentionnée sur la place publique, la
semaine dernière, était vraie - et je suis très prudent
avec mon "si" - que vous ne pouvez trouver des emplois qu'à 30 % des
assistés sociaux et qu'il n'y en a pas plus que 22, 5 % qui peuvent
retourner à l'école, il est évident que, là, on est
pris avec les autres à qui on donne de faux espoirs. À ce
moment-là, on serait mieux de faire une réforme par étapes
et de dire: II y a un bassin de tant et, pour régler vraiment leur
problème, il faudrait trois ou quatre ans. On frustrerait probablement
moins de gens à la fin. C'est la question des délais.
Sur la question des personnes en situation monoparentale, j'ai vu un
certain débat dans les médias par personnes interposées
entre le ministre et les groupes, ou on vous pose la question suivante. Est-ce
que vous voulez absolument m'envoyer travailler lorsque j'ai trois enfants dont
je dois m occuper? Là, on lui dirait: Va-t'en conduire les enfants
à la garderie. Mais
encore faut-il que la garderie existe. On sait bien qu'au Québec
on a un problème de garderies. Alors, c'est le genre de dossier qui nous
fait dire qu'il faut que cène réforme soit acceptée de la
façon la plus globale possible et que les gens embarquent, qu'on ne les
critique pas à tout jamais. On demande une ouverture pour au moins
débattre ces dossiers.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Brièvement, j'aimerais
revenir sur les points qui font l'objet de notre discussion. En ce qui concerne
la parité, je souhaite que le Conseil du patronat du Québec ait
compris que ce n'est pas la parité dans l'abstraction. Cela fait partie
de l'ensemble d'une politique de sécurité du revenu. Là,
nous avons le dilemme suivant: d'un côté, nous subissons des
pressions pour la donner le plus rapidement possible et, de l'autre
côté, nous subissons des pressions pour que la réforme de
la sécurité du revenu s'applique le plus progressivement
possible. Et là, il faut trouver le point d'arrimage, ce qui nous fait
dire que, demain matin, on ne peut pas la donner sans des effets de distorsion
négatifs envers la jeunesse québécoise, mais que la date
que nous avons avancée nous semble, pour le moment, une date
réaliste où il y aura suffisamment de pièces du
casse-tête mises en place pour que les effets négatifs
n'apparaissent pas chez la jeunesse québécoise.
En ce qui concerne les 55 ans et plus, j'ai cru percevoir de vos
observations que vous teniez pour acquis que les gens étaient
obligés d'être considérés comme des personnes non
disponibles. Ce n'est pas une obligation.
M. Dufour (Ghislain): Ils ont un choix.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une possibilité qui
est offerte. Quant au niveau des barèmes, vous avez raison de mentionner
qu'ils sont légèrement inférieurs aux barèmes de
cette année indexés et reconduits en 1989, sauf dans certains cas
où des enfants font partie du ménage. Là, ces
barèmes seraient supérieurs à ce qui est
présentement accordé.
En ce qui concerne le plafonnement des programmes mis à ta
disposition des bénéficiaires aptes au travail, qui faisait
partie d'un document qui a été rendu public et dont vous avez
également pris connaissance, j'ai eu l'occasion de me prononcer sur
certains éléments du document en disant que, oui, certaines des
informations qui étaient contenues étaient exactes et que
certaines informations étaient, par contre, erronées. En ce qui
concerne le plafonnement - je répète en commission parlementaire
ce que j'ai dit aux médias la semaine dernière - c'était
une information erronée. C'est un peu comme dans le cas du salaire
minimum, on reçoit de nos fonctionnaires des études qui nous
disent pourquoi on devrait le geler et des études totalement
contradictoires qui nous disent pourquoi on devrait l'augmenter. Il faut
effectuer des choix et, sur le plan politique, nous avons effectué le
choix de ne pas plafonner les entrées dans les mesures
d'employabilité.
Quant à la question des familles monoparentales, vous suscitez
là une question qui a déjà commencé à faire
l'objet d'un débat et qui va sans doute continuer au cours de la
présente commission parlementaire. Nous avons choisi ou retenu le
barème de non-disponibilité pour les familles où des
enfants entre 0 et 2 ans étaient présents. Serait-il souhaitable
d'aller à l'âge préscolaire, à l'âge scolaire
etc? Une argumentation nous dit qu'il serait préférable
d'étirer cela dans le temps. Une autre argumentation nous dit que l'on
créerait, si l'on agissait ainsi, une trappe de pauvreté. Les
arguments sont ici pour fins de discussion et nous prenons acte que le Conseil
du patronat se situe du côté des groupes qui voudraient que l'on
étire cette période. (10 h 45)
M. Magnant (Michel): M. le Président, je voudrais
seulement mentionner le fait qu'il semble que cette réforme soit tout
à fait à propos en termes de marché du travail, si vous
voulez. On parle de trappe de pauvreté. Si on regarde les statistiques
du marché du travail eu égard aux assistés sociaux, on
s'aperçoit qu'il y a un groupe qui est particulièrement en
difficulté chez les assistés sociaux, c'est le groupe des 30-44
ans, qui ne cesse d'augmenter depuis 1981. Alors, s'il y a un groupe pour
lequel le programme APTE serait en particulier bénéfique, il
semble que ce serait ce groupe-là, car il y a probablement, dans ce
groupe, un problème de réintégration au marché du
travail. À ce moment-là, je ne pense pas qu'on partage
complètement l'avis de ceux qui disent qu'il ne faut que de la
création d'emplois. Nous croyons qu'il faut effectivement de la
création d'emplois et nous en avons, mais nous pensons qu'un programme
qui aide certains groupes qui semblent déplacés maintenant par la
reprise économique est tout à fait à propos. Alors, en
termes de marché du travail, je pense que les mesures qui vont aider les
gens à se réintégrer sont probablement
nécessaires.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je vous remercie. Messieurs,
non seulement en lisant votre mémoire, mais en écoutant vos
propos ce matin, je me demandais si, malgré vous, il n'y avait pas une
confusion entre "réintégration du marché de l'emploi" et
"participation aux mesures". Ce qui est contenu dans le projet tel que
déposé jusqu'à maintenant, c'est une proposition de
participation à des mesures, lesquelles, en soi, ne consistent pas
à acquérir une formation professionnelle particulière. En
effet, la mesure de rattrapage scolaire en est une pour terminer l'acquisition
des connaissances générales. La mesure de
travaux communautaires en est une qui a des effets
bénéfiques pour notre société, mais, à cause
des dividendes quelle en tire et à cause de l'estime de soi qui est
maintenue chez la personne qui rend le service. Quant aux stages en entreprise,
il faut dire que, jusqu'à maintenant, les résultats sont peu
concluants. Ce que nous souhaitons, nous, pour pouvoir nous prononcer, c'est
que le ministre rende disponibles les études, les analyses et les
résultats des programmes qui, jusqu'à maintenant ont
été exploratoires et qui, dans bien des cas, nous ont permis de
constater que c'étaient les terrains de stationnement qui en
bénéficiaient.
Alors, je voudrais ce matin, M. le Président déposer pour
le bénéfice des membres de la commission et de nos
invités, une infogestion qui date de 1987 et qui résume,
programme par programme, la participation actuelle d'une catégorie qui
avait, d'une façon volontaire, accès à ces programmes et
qui, pour le faire, avait une incitation qui n'était pas peu de chose
parce que cette incitation lui permettait de doubler ses prestations. Donc, il
y avait là une incitation qui était, disons, assez "sensitive",
comme le diraient d'aucuns. L'informatisation du ministère nous permet
de constater, en décembre 1987, qu'à peine 20 % des
bénéficiaires de moins de 30 ans qui avaient une incitation du
double, ont effectivement participé aux mesures.
Donc, la première question à se poser dans une commission
qui a à examiner la possibilité que tout le monde, comme le dit
le ministre, sans plafond, participe aux mesures c'est. Est-ce que c'est
possible? Est-ce que c'est faisable? Par ailleurs, je pense qu'il faut aussi se
poser la question. Comment se fait-il qu'avec le document qui est devant nous
la participation aux mesures, par exemple, pour les jeunes de moins de 30 ans -
vous applaudissez à la parité, dites-vous - aura, pour la
majorité d'entre eux, l'effet de diminuer l'allocation qu'ils
reçoivent actuellement pour participer aux mesures? J'ai un cas
précis d'un jeune - je pourrais avec plaisir vous le distribuer - entre
18 et 30 ans qui fait actuellement du rattrapage scolaire et qui va voir sa
prestation réduite parce que la contribution parentale exigée
actuellement de l'ensemble des familles va venir diminuer sa prestation
même en participant aux mesures.
Alors, la question que je vous pose est la suivante: Vous dites que vous
êtes d'accord avec le principe pour faire disparaître, la
discrimination selon l'âge. N'avez-vous pas l'impression qu'elle est
réintroduite, la discrimination selon l'âge, par une série
de critères introduits même dans la réforme qui vont faire
en sorte que le groupe des moins de 30 ans va avoir une prestation
réduite? Vous connaissez bien, j'en suis certaine, pour y avoir
vous-même travaillé de près, la question de la
discrimination systérnique. Ce sont, d'ailleurs, des mots qui ont fini
par avoir un sens, notamment quand on s'est rendu compte - je le donnais comme
exemple hier - qu'à la police de Montréal il n'était pas
nécessaire d'avoir un critère qui disait que les femmes
n'étaient pas admises ni les Vietnamiens pour qu'il n'y en ait pas. II
fallait simplement comme critère, démontrer quavec une taille de
5'8" il n'y en avait pas de femmes, à peu près pas, ou de
Vietnamiens.
On n'a pas besoin de lire qu'il y a une discrimination selon
l'âge. Juste à voir les critères cest évidemment, ce
groupe-là qui va être touché. Cette forme de discrimination
systémique vous agrée-t-elle?
M. Dufour (Ghislain): II y a trois choses dans votre
intervention, Mme Harel. II y a la question des jeunes de moins de 30 ans et le
fait, notamment, même si vous ne vous y référez pas de
façon précise, que, s'ils ne sont pas considérés
comme dépendants, ils auront une baisse ou ils n'auront pas du tout
droit, de toute façon à l'aide sociale. Je demanderais à
M. Beaulieu de traiter plus particulièrement de ce sujet. Je ne suis pas
d'accord avec l'interprétation que vous faites quand vous dites qu'on
confond mesures d'incitation au travail, marché du travail,
intégration au marché du travail, etc. Pour nous, une mesure
telle que proposée dans le livre jaune ou blanc, dans le document
ministériel, conduit automatiquement au marché du travail. Si
c'est pour être désincarné, on ne marcherait pas.
On a l'impression que vous dites qu'il y a des jeunes qui n'ont pas la
préparation académique pour embarquer sur le marché du
travail. Mais ils n'embarqueront jamais s'ils n'en obtiennent pas un minimum.
C'est la formation qui nous paraît conduire éventuellement
à l'intégration au marché du travail. Je donne, d'une
façon plus particulière, I'exemple des stages. Pour nous, c'est
un outil, c'est une mesure d'intégration au marché du travail
parce que de plus en plus, ce n'est pas possible pour un jeune d'entrer dans
une entreprise sauf s'il est stagiaire. Je donne l'exemple des médias:
il n'y a pas d'ouvertures sauf s'il entre avec un journaliste professionnel et,
à un moment donné, parce qu'il y a un départ, il est
intégré. Mais il est entré parce qu'il est stagiaire. De
plus en plus, dans les entreprises, c'est comme ça que cela se passe.
Selon moi, c'est une mesure d'intégration au marché du
travail.
C'est la même chose pour la formation professionnelle plus pointue
qui va se donner. Je ne parle pas des cours de macramé, mais, des
bouchers, des pâtissiers. II y a de la demande sur le marché du
travail. On lisait cela encore dans la Gazette, la semaine
dernière: dans ces métiers-là, iI en manque. Il y a des
assistés sociaux qui pourraient être formés. Je ne pense
pas et je ne voudrais surtout pas que ce soit le rôle du ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu d'aller dans les
entreprises et de dire: Nous créons tels emplois. C'est de
préparer les gens qui ne sont pas actuellement sur le marché
du travail.
En tout cas, je pense qu'on diffère de points de vue avec vous,
Mme Harel. Nous sommes d'accord pour que les premiers mois ne soient pas
payés au même titre que les mois où les gens acceptent de
profiter des mesures de formation. C'est tout l'autre volet de la
désincitation. Si on les paie de la même façon, il n'y aura
aucune incitation à être formés, à aller en stage,
à faire des travaux communautaires. Tout l'esprit de la réforme,
c'est de jouer sur deux pôles: désincitation et incitation.
D'après le document, on nous dit que, de toute façon, les
assistés sociaux se trouvent du travail dans une proportion de 40 % ou
45 % à l'intérieur des neuf premiers mois. C'est ce qui nous
paraît être la référence pour tout le volet
désincitation et incitation. Ça, nous, on l'appuie.
Finalement, pour tout le dossier des jeunes de moins de 30 ans, leur
statut qui est modifié dans la politique par le fait que les parents
devront maintenant s'occuper davantage de leurs jeunes, je vous dis qu'on
appuie cela, nous autres. Pourquoi appuie-t-on cela? M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Alexandre): On appuie cette politique, Mme Harel,
parce qu'on pense que les parents doivent s'occuper de leurs enfants. On pense
que c'est cela que vous vouliez dire tout à l'heure lorsque vous parliez
de la diminution de l'allocation aux enfants de moins de 30 ans du fait qu'ils
vont rester à la maison. Lorsque les parents en ont les moyens, ils
devraient s'occuper de leurs enfants. On favorise cela. La politique qui est
proposée ici, c'est l'Incitation. De la même façon,
personnellement, je vous dirais que les enfants devraient aussi être
responsabilisés quand ils sont sortis de la maison et que leurs parents
sont en difficulté. Cela pourrait aussi jouer des deux bords. C'est trop
facile de s'en aller dans une mesure qui uniformise automatiquement les
contributions du gouvernement. On a des exemples frappants où c'est
érigé en système. Si vous me le permettez, sans donner de
noms, je vais vous parler d'un contremaître d'une de mes entreprises qui
faisait au-dessus de 40 000 $ par année et, aussitôt que son
enfant atteignait 18 ans, c'était l'assistance sociale. On lui a dit:
Cela n'a pas de bon sens, tu es capable d'élever ton enfant, tu es
capable de prendre tes responsabilités. Il répondait: Le
système est là et, de toute façon, ce sont tous des
voleurs qu'ils paient. Quand on ne fait pas le nécessaire pour
responsabiliser les parents, j'ai l'impression qu'à un moment
donné, riche comme pauvre, on dira: Tu es à la maison, tu y as
droit. C'est pour cela qu'on pense que les parents doivent être
responsabilisés le plus possible en tenant compte, évidemment, de
leur revenu propre, c'est bien sûr.
Mme Harel: M. le Président, je demanderais que vous
rappeliez à nos invités qu'ils doivent s'adresser à vous
quand ils répondent à des questions, comme vous le faites
habituellement.
M. Beaulieu: On ne connaît pas trop trop les
procédures.
Mme Harel: Ce n'est pas grave. C'était au président
de le faire et pas à vous, évidemment.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Vous dites: s'ils en ont les moyens. Le projet
gouvernemental prévoit que, indépendamment du revenu, même
s'il s'agit de famille assistée sociale elle-même, la contribution
minimale sera de 100 $. Vous dites: II faut qu'ils s'occupent de leurs enfants,
Vous concevez que ce sont là de jeunes adultes. J'aimerais avoir votre
réaction en regard du point de vue unanime de l'ensemble des organismes
familiaux du Québec qui considèrent que des mesures de ce type
sont des facteurs de désintégration parce qu'elles ont des effets
pervers, lesquels supposent des tests de dénuement. Vous savez sans
doute que le projet du ministre prévoit un test de dénuement que
l'enfant de votre contremaître, par exemple, pourrait passer devant un
agent de bien-être dans n'importe quel bureau pour justement arriver
à prouver à un agent qu'il est dans un dénuement total, ce
qui l'incite à voler ou à se prostituer et, là, l'agent
pourrait, en fonction des critères de dénuement que le ministre
doit nous fournir, lui accorder des barèmes.
Les organismes familiaux disent: Est antifamiliale toute politique de
l'État qui consiste à ne soutenir que l'abdication de la famille
plutôt que de soutenir l'entraide. Le test de dénuement se
multipliera dans la mesure où il y aura des critères. Ces
critères seront utilisés pour essayer de justifier que la famille
est désintégrée, il en sera donc de même dans un
certain nombre de mesures où, finalement, l'aide accordée n'est
pas lorsqu'il y a entraide, mais lorsque l'on prouve qu'il y a
désintégration.
Par exemple, est-ce que vous êtes prêts à accepter
que cette responsabilisation aille jusqu'à poursuivre le parent pour
qu'il accorde la contribution minimale prévue par l'État?
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, nous nous situons
ici au niveau des principes. Je pense qu'on a raison de soulever ce genre de
problème là. Je dois dire que toute la question des tests ne nous
plaît pas, ici et ailleurs. Je pense qu'on n'est pas entrés dans
les modalités administratives et vous avez parfaitement raison de les
souligner, tout comme je dois vous dire que, chez nous, il y en a qui sont
inquiets de la susceptible désintégration de la famille face
à ça parce que certains jeunes vont peut-être
préférer aller ailleurs. Au plan du grand principe, il nous faut
reconnaître la responsabilité des parents vis-à-vis de
leurs enfants. Là où on peut peut-
être aller un peu dans le sens ou vous le dites, c'est lorsqu'on
regarde les définitions de ce quest un dépendant et de ce qu'est
un indépendant, à la page 44, du document il y a quand même
beaucoup d'exceptions: si le jeune a un diplôme universitaire, s'il a
travaillé pendant deux ans, s'il a été marié etc.
II y a toute une série d'exceptions qui en font un indépendant
vis-a-vis de sa famille. (11 heures)
II y a peut-être des ajouts à cela. Nous sommes ouverts
pour les regarder. Je suis sûrement d'accord avec vous pour que les tests
soient les plus réduits possible - nous avons une espèce
d'opposition de principe au "testing", nous aussi - sauf que, sur le grand
principe, on ne peut pas ne pas accepter que la famille... M. Beaulieu la
mentionné, cela pourrait jouer à rebours aussi: il se pourrait
que les enfants soient impliques dans le soutien de leurs parents. Cela joue
dans les deux sens.
Mme Harel: Est-ce que le grand principe n'est pas, en partie,
respecté du fait qu'actuellement un très grand nombre de familles
- les statistiques nous le prouvent - s'entraident en maintenant
l'hébergement de leurs enfants, pourtant adultes, qui connaissent des
difficultés, entre autres, parce que les caractérisques du
marché du travail - vous le signaliez tantôt, avec raison - font
qu'il y a forte création d'emplois, mais que, par ailleurs, cette
création d'emplois a à peine fait bouger le taux de
chômage? C'est ce qui est plus ou moins nouveau. On sait bien que tous
les experts prévoient une sorte de récession dans laquelle on
entre lentement et on connaît maintenant l'état cyclique du
marché de l'emploi. On sait que cette forte création d'emplois
est elle-même associée à une création de
chômage, de sorte que, tout compte fait, avec la main-d'oeuvre nouvelle
avec les pertes d'emplois, c'est finalement plus ou moins le même taux de
chômage et il y a une concurrence sur le marché de l'emploi. La
question est de savoir si on va rendre cette concurrence plus féroce
entre les gens qui cherchent. Vous aviez raison de dire qu'il y a des attitudes
favorables au travail et vous les notiez. Est-ce qu'on va rendre la concurrence
plus féroce sur le marché de l'emploi ou est-ce qu'on va investir
pour faire en sorte que l'emploi, le vrai emploi celui que vous souhaitez et
que je souhaite, moi aussi, soit plus disponible?
Vous avez parlé d'une formation professionnelle plus pointue. II
n'y a aucune formation professionnelle avec le projet actuel. La formation
professionnelle, pour tout de suite, on n'en connaît rien. On ne
connaît pas la politique du ministre en matière de formation
professionnelle pour faire face aux problèmes du libre-échange.
On s'attend qu'il en dépose une, ce printemps, et qu'il n'attende pas
nécessairement après Ottawa.
J'ai peu de temps et je voudrais juste vous demander votre avis. Dans
votre mémoire, à la page 6 vous applaudissiez au fait que
I'ensemble des revenus additionnels puisse s'ajouter à l'aide sociale de
base. Je crois que c'était pour vous un principe. Le barème
actuellement est plafonné pour une famille de deux enfants.
Souhaiteriez-vous que même pour les familles d'assistés sociaux,
on tienne compte de familles qui ont trois enfants et quatre enfants pour
additionner des montants d'allocation qu'elles ne recoivent pas
présentement? Une famille qui a quatre enfants, à part les
allocations familiales, reçoit le même montant qu'une famille qui
en a deux. Les crédits d'impôt pour enfants, qui sont
alloués par le fédéral sont réduits sur les
barèmes d'aide sociale au provincial; souhaitez-vous, comme c'est le cas
pour I'ensemble des autres revenus, qu'ils s'ajoutent à l'aide sociale
de base?
M Dufour (Ghislain): En principe oui. On a dit que, quand iI
s'agit d'allocations familiales - on a reconnu ce que M. Gérard D
Levésque a fait l'année passée - il faut essayer
d'intégrer cela dans le revenu de I'assisté social. On est
d'accord avec cela. Je pensais que c'était exhaustif, M. le
Président. Si ce n'est pas exhaustif, ce nest pas un problème de
les ajouter.
Ce qui est important dans I'intervention de Mme la
députée, c'est la fameuse question du chômage. Je pense
qu'on partage tous, ici, les mêmes préoccupations, sauf que le
taux de chômage a baissé au Québec. II est maintenant sous
la barre des 10 %. C'est beaucoup trop, mais il a baissé quand
même de 2 %, depuis à peu près un an et demi, deux ans. On
crée des emplois à raison de 100 000 par année depuis
1983, 1984, ce qui change le tableau, si on veut, de la récession de
1982. On dit que, s'il y avait de l'aide, le taux de chômage de 9, 5 %
pourrait aussi baisser. On connaît une série d'employeurs qui
cherchent de la main-d'oeuvre et qui ne l'ont pas parce qu'elle nest pas tout
à fait à spécialisation pointue. Alors, que cette
spécialisation vienne... Là, j'aimerais poser la question au
ministre: Dans les mesures, est-ce qu'on parle de formation professionnelle?
Pour nous, oui. Ce n'est peut-être pas mentionné, mais cela nous
apparaît, sinon explicite, tout au moins implicite. Nous, on accroche sur
le fait qu'il y aurait de la formation professionnelle. Je vous pose la
question, moi aussi: Est-ce qu'il y en a?
Mme Harel: Je pense que c'est une bonne question, mais ce serait
disons, pour une autre occasion. Je pense que je vais lui demander à la
première journée de la rentrée de la session quel est son
programme, parce que, pour tout de suite, dans le document tel qu'il est devant
nous, il n'y a ni plan, ni programme d'action ni argent qui serait investi dans
ce projet proprement dit. II s'agit de faire participer les gens à des
mesures et non pas de leur donner, pour autant, une formation professionnelle
pointue comme
vous la souhaitez et comme on peut la souhaiter.
C'est un échange qui est vraiment beaucoup trop court. II demeure
qu'il ne faut pas non plus confondre une politique de sécurité du
revenu qui, elle doit couvrir les besoins de subsistance... Pensons que la
clientèle à Montréal, par exemple présentement a 41
ans d'âge moyen. Pensons quelle est très majoritairement
composée de personnes qui ont une scolarité qui est bien moins
que la 11 e année et qu'il s'agit très souvent de femmes qui ont
fourni une contribution à I'État en assumant des
responsabilités parentales. Cela étant dit, M. le
Président, est-ce qu'il me reste encore quelques minutes parce qu'il me
surveille de près habituellement?
Le Président (M. Bélanger): C'est
terminé.
Mme Harel: Cest terminé. Alors, je veux simplement vous
remercier et vous dire que I'objectif, qui est le plein-emploi, est bien
partagé. C'est très consensuel. La lecture des mémoires
nous permet de voir que cest vraiment, comme société, un objectif
qui est repris par l'ensemble des forces sociales. II ne faudrait pas
dénaturer cet objectif en réduisant, pour un très grand
nombre de nos concitoyens, la couverture de leurs besoins essentiels.
Le Président (M Bélanger): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve. Il reste trois minutes à la
formation ministérielle M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Thuringer: Merci, M. le Président. Je suis bien heureux
aussi que vous soyez d'accord avec la réforme. Cela prend un
"partnership", iI me semble, pour créer des emplois. Je me demande,
comme conseil et avec vos membres, quels sont les gestes très importants
que vous pouvez poser pour aider cet emploi réel. La deuxième
réflexion que j'ai est la suivante: Surtout dans la ville de
Montréal, les coûts pour la location ont tellement
augmenté, cela coûte entre 40 % et 60 % environ pour le logement.
Avez-vous des réflexions sur les gestes qu'on doit poser dans ce
domaine?
M. Dufour (Ghislain): Cela me permet de relier votre question
à l'intervention de Mme la députée. Nous, on fait une
distinction très nette, par exemple, entre politique de plein-emploi et
politique de création d'emplois. Notre mémoire, je vous
demanderais de le lire en termes de politique de création d'emplois et
non pas de plein-emploi qui est un mot galvaudé qui ne veut strictement
rien dire, de toute façon. Mais comment nous, on peut aider à la
création d'emplois pour les assistés sociaux? Je pense que c'est,
notamment, en termes de stages. Bien sûr, on est pris avec beaucoup de
demandes. On est pris avec des demandes pour des étudiants. On est pris
avec des demandes d'autres groupes. On est pris avec éventuellement, le
ministère de la Sécurité du revenu pour les
assistés sociaux. Les stages ne pleuvent pas et on l'a toujours dit. Ce
n'est pas à Gaspé qu'on va en trouver le plus. Cest
peut-être là qu'il y a le plus d'assistés sociaux.
Comment faire l'appartement entre les assistés sociaux et
l'absence souvent d'entreprises ou on pourrait, justement, entreprendre des
stages? Je dois vous dire de façon précise que ce n'est plus
tellement vers les grandes entreprises qu'on se tourne lorsqu'on parle de
stages. On se tourne beaucoup plus vers les PME. Il y a encore de grandes
entreprises qui n'ont pas rappelé tout leur monde selon la liste
d'ancienneté à cause de la récession. Alors, ce n'est pas
tellement là que cela se passe; cest dans les PME. Et avec nos groupes,
on essaie de dire que notre engagement face à cela, cest, justement, les
stages. Les emplois communautaires, cela ne relève pas de nous de toute
façon. Cela relève des municipalités et du
gouvernement.
Quant au logement, écoutez, c'est un tout autre problème
la question du logement. C'est vrai, mais ce n'est pas purement pour
l'assisté social. Tout le monde trouve que les logements sont
très dispendieux. À Montréal, c'est toute la politique
d'urbanisation, finalement, et de logement et cela, je pense pourrait faire
l'objet d'un autre débat.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, en conclusion, vous me
permettrez de réitérer mes remerciements au Conseil du patronat
pour la qualité de son mémoire et I'apport qu'il a fourni
à cette commission. Je lui indiquerai, pour répondre à
quelques-unes des questions qui m'ont été adressées
indirectement, que la politique de sécurité du revenu ne se fait
pas en vase clos. Les autres politiques, si on peut les appeler ainsi, de
sécurité du revenu, qu'elles découlent de la CSST, de la
Régie de l'assurance automobile du Québec, de la Régie des
rentes ou des négociations que nous avons présentement avec le
gouvernement fédéral pour les travailleurs âgés
licenciés collectivement, on tente, dans la mesure du possible, de les
ajuster et de les intégrer pour ne pas créer de distorsion dans
le système.
Vous comprendrez qu'il en va de même quant à nos politiques
de formation; cela ne se fait pas en vase clos, qu'il s'agisse des
négociations avec le gouvernement fédéral que nous avons
entretenues dans le passé et que nous continuons à entretenir,
qu'il s'agisse de la collaboration essentielle dont nous avons besoin du
ministère de l'Éducation pour que les cours qui y sont
donnés répondent vraiment aux besoins du marché, pour
qu'on forme des jeunes dans des secteurs d'activité qui sont en demande
présentement. II s'agit strictement de vérifier
dans les pages du journal, le matin pour se rendre compte qu'il y a des
secteurs ou il y a vraiment de la demande. Tout cela fait partie dune politique
d'ensemble gouvernementale. Nous ne prétendons pas que dans le document
de quelque 50 pages qui vous a été remis, vous retrouviez tout
cela, mais nous tenons à assurer Mme la députée de
Maisonneuve et nos partenaires que nous sommes conscients de cette
problématique.
Je terminerai en vous disant que vous avez été pour le
ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu un conseiller très intéressant et que, peut-être,
dans I'avenir, on aura la chance de siéger à des comités
ou on pourra discuter à la fois de politique de travail, de
main-d'oeuvre et de sécurité du revenu.
Le Président (M Bélanger): Alors, je remercie le
Conseil du patronat et j'invite maintenant à la table la
Confédération des syndidats nationaux la CSN, qui sera
représentée par Mmes Monique Simard et Sylvie Morel.
Alors, on suspend les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 12) (Reprise à 11 h
15)
Le Président (M. Bélanger): La commission reprend
ses travaux.
J'inviterais la porte-parole de la Confédération des
syndicats nationaux à s'identifier et à identifier ses
collègues. Comme règle de procédure, on a vingt minutes
pour la présentation de votre mémoire. Je devrai vous interrompre
à la vingtième minute. S'il vous plaît, veuillez
procéder!
Confédération des syndicats
nationaux
Mme Simard (Monique): Merci beaucoup, M. le Président. M.
le ministre, MM. et Mmes les députés, mon nom est Monique Simard.
Je suis première vice-présidente de la CSN. Je suis
accompagnée, ce matin, à ma droite, de Mme Nicole Madore,
présidente du Conseil central des syndicats nationaux de la
région de Québec, et, à ma gauche, de Mme Sylvie Morel,
économiste, rattachée au service de recherche de la CSN.
Le mémoire qu'on va vous présenter ce matin, en
résumé - parce que je pense que vous avez reçu un
mémoire assez volumineux - se divise en trois parties. D'une part, on va
réitérer ici les principes selon lesquels, à notre avis,
devrait être élaborée une réforme juste et
équitable de la sécurité du revenu. Ensuite, on va vous
donner l'appréciation et l'évaluation qu'on fait de la
réforme qui est proposée par le gouvernement. Par la suite, nous
allons vous soumettre des propositions très concrètes de ce que
nous voudrions voir contenu dans une réforme de I'aide sociale.
Je peux tout de suite vous dire que nous sommes d'accord qu'il y a
nécessité et urgence de procéder a une réforme de
l'aide sociale. Mais là s'arrête peut-être l'accord qu'il y
a entre nous. Même si on peut être d'accord que depuis plusieurs
années, il faut procéder à des changements majeurs, on est
déçus et, je devrais même le dire tout de suite, en profond
désaccord avec le projet qui nous est présenté par le
ministre. Pour nous, la réforme de l'aide sociale doit se faire et elle
doit aller de pair avec un réaménagement de notre régime
fiscal et des autres programmes de sécurité du revenu. Je veux
tout de suite vous dire que nous voyons cela d'une façon plus globale.
C'est à partir de cela que nous formulons nos propositions.
À notre avis, il y a huit principes qui devraient être les
bases d'une réforme qui intègre tous ces éléments.
Le premier principe, c'est le droit a I'emploi. On est encore dans une
société ou c'est par I'emploi et par l'exercice d'un emploi qu'on
obtient une indépendance financière et une certaine forme de
reconnaissance sociale. On sait encore trop aujourd'hui que les gens qui ne
sont pas détenteurs d'emploi ont peu de reconnaissance sociale. C'est
pour nous un droit et un principe fondamental sur lequel doivent s'appuyer
toutes les politiques et tous les programmes.
Le deuxième principe: I'amélioration des assurances
sociales. C'est bien beau, on a des emplois, on les occupe dans de bonnes
conditions et avec de bons salaires, mais il faut aussi bonifier nos programmes
d'assurance sociale qui peuvent nous assurer un niveau de vie
décent.
Le troisième principe: le droit à un revenu minimum pour
tous ceux et toutes celles qui, pour différentes raisons, sont
privés d'un minimum vital. Les programmes d'assistance doivent donc
pleinement satisfaire les besoins des individus dans cette
société, tout en respectant leur dignité humaine.
Le quatrième principe: le droit à I'autonomie
individuelle. Chaque personne a le droit d'être reconnue pour ce qu'elle
est. Par conséquent, elle doit être considérée comme
un individu à part entière dans les programmes de
sécurité du revenu et de fiscalité, et je pense ici
particulièrement aux femmes.
Le cinquième principe: la priorité à des
mécanismes positifs d'incitation au travail et non pas à des
mesures coercitives, donc, la promotion de mesures non coercitives. Par
exemple, la réduction du taux d'imposition des revenus des prestataires
de l'aide sociale peut valablement inciter ceux-ci au travail, à notre
avis.
Le sixième principe: le renforcement du principe d
universalité. L'universalité est une des assises de notre
régime de sécurité du revenu et, d'après nous, il
faut la protéger à tout prix parce que c'est le gage d'une
collectivité plus juste, plus humaine, plus égalitaire.
Le septième principe: un soutien adéquat aux familles avec
enfant. En raison de la con-
tribution inestimable que fournissent les parents à la
collectivité en décidant d'élever des enfants,
l'État doit soutenir adéquatement ces familles.
Le huitième et dernier principe: un soutien accru aux chefs de
famille monoparentale, comme on le sait, qui sont très majoritairement
des femmes. Ce type de famille requiert un soutien particulier dans la mesure
où il s'agit de ménages qui sont les plus pauvres et qu'en tant
qu'éléments dune stratégie d'accès à
l'égalité économique pour les femmes, il faut être
particulièrement attentifs à leur situation.
Quand on en arrive à l'évaluation du projet, à
notre avis, en plus de ne pas satisfaire aux principes que nous venons
d'énumérer, la réforme qui est proposée ne donne
même pas suite aux promesses qui avaient été faites durant
la période électorale, à savoir établir la
parité pour les prestataires de l'aide sociale de moins de 30 ans. Au
lieu d'accorder la parité à notre point de vue, le gouvernement
introduit une nouvelle forme de distinction qui n'est peut-être plus
basée sur l'âge, mais qui est basée désormais sur
l'aptitude au travail. Cela constitue une nouvelle forme de discrimination. On
discrimine selon un nouveau critère.
À notre avis, les trois quarts des assistés sociaux et des
assistées sociales, c'est-à-dire ceux et celles qui,
désormais, seront regroupés sous la rubrique des aptes au
travail, verront très concrètement, pour la très grande
majorité d'entre eux, leurs prestations diminuer, alors que les autres,
ceux qui sont considérés comme inaptes au travail, vont
connaître une hausse du montant de l'aide sociale qui leur est
accordé, mais ils risquent du même coup - et là, je pense
qu'il faut s'y attarder et y réfléchir - d'être
classés à tout jamais comme des irrécupérables,
comme des gens de troisième catégorie et qui, pour le reste de
leur vie, n'auront plus de considération et seront donc
marginalisés à tout jamais. À notre avis, ces distinctions
sont inacceptables.
Là où fondamentalement notre désaccord s'exprime et
s'articule peut-être le plus complètement, c'est que le document
prône l'individualisme dans un monde de plein emploi qui est
complètement fictif. Les principes qui sous-tendent le document ne sont
peut-être pas tous clairement exprimés à la lecture - je
vais vous dire que ce n'est pas une lecture facile, entre parenthèses -
mais il y a quelque chose qui revient constamment, et cela a été
exprimé par le ministre lorsqu'il l'a présenté. Le
problème fondamental, c'est le manque d'incitation au travail des
assistés sociaux et des assistées sociales et les contraintes du
marché du travail sont secondaires ou de moindre importance. C'est comme
si on présumait qu'il y avait suffisamment d'emplois et que le
problème, c'est que les gens n'ont pas envie de travailler ou n'ont pas
les qualifications pour travailler. Je vais tout de suite vous dire que, pour
nous, il est clair et évident qu'il y a des personnes qui, pour diverses
raisons, parce qu'elles ont été retirées du marché
du travail depuis longtemps, pour x raisons, ont des problèmes d
adaptation au marché du travail.
Ceci dit nous ne pensons pas que ce soit le problème principal.
Pour nous le problème principal demeure qu'il n'y a pas suffisamment
d'emplois pour toutes les personnes qui désireraient travailler. On
pourra les inciter, les former et les recycler, il n'en demeure pas moins qu'il
y a un taux de chômage de 10 % au Québec et que le danger qui nous
guette tous, comme société, c'est qu'on développe une
tolérance à ces 10 % qu'on considère désormais
comme normal, un taux de chômage qui, de toute évidence, à
mon point de vue, est trop élevé et qui laissera toujours sur le
pavé un nombre trop considérable de personnes.
Pour revenir au projet, on est en désaccord parce qu'il
développe à notre avis une approche tout à fait
individualiste. Les gens sont donc pas très incités ou pas
intéressés à travailler. De ce fait, ils sont chacun
responsables de leur situation et, s'ils sont dépendants de l'aide
sociale ou des prestations de l'aide sociale, c'est leur faute, d'une certaine
façon, c'est un phénomène volontaire parce qu'ils sont
mésadaptés, paresseux, etc. Si c'est cela l'orientation et le
jugement premier qui est posé, évidemment que cela
décharge, d'une certaine façon, I'État de sa
responsabilité à l'égard de la pauvreté de ces
personnes et, donc, cela le désengage, à la limite, du support
nécessaire que doit apporter l'État à un certain nombre
d'individus dans notre société.
Inutile de vous dire qu'on n'est pas d'accord. On pense qu'il y a une
erreur de diagnostic assez importante. Pour nous, la question
prépondérante, ce n'est pas l'incitation au travail,
malgré le fait qu'on va être d'accord avec certaines mesures
d'incitation, mais l'insuffisance d'emplois. Je dois vous dire qu'il n'y a rien
de plus "désincitatif" au travail que d'être d'accord pour se
recycler et suivre des programmes pour, en bout de ligne, ne pas trouver
d'emploi. Et cela, c'est le cas de milliers de personnes au Québec qui,
volontairement, ont accepté de participer à des programmes plus
ou moins adéquats mais elles se sont dit. Bien, je vais le faire. Elles
ont suivi tout le processus avec tout ce que cela impliquait de sacrifices de
leur part pour, en bout de ligne, ne pas trouver d'emploi. Je dirais que c'est
le plus grand "désincitatif au travail existant au Québec.
En réduisant finalement à une dimension individuelle un
problème qui est d'ordre collectif, on se trompe de cible,
d'après nous. Je pense qu'il ne faut pas prendre cette orientation. Cela
serait très dangereux pour le Québec. II n'y a pas assez
d'emplois pour absorber toutes les personnes qui voudraient travailler et c'est
vrai que les gens veulent, très majoritairement, travailler. C'est vrai,
je pense, que la très grande majorité des gens veut être
autonome.
veut être digne et veut avoir une reconnaissance sociale
adéquate.
Le ministre prétend que la réforme va constituer une
amélioration puisque, entre autres, les exemptions des gains de travail
seront relevées. C'est vrai probablement mais encore faut-il que ces
gains de travail existent. S'ils n'existent pas, ce sont purement des gains
fictifs. Cet argent-là est absolument irréel. On se dit: Bon, on
va peut-être en donner moins en prestations, mais, par ailleurs, on va
permettre qu'on puisse en gagner plus. Encore faut-il qu'ils en gagnent plus
pour en avoir plus dans leurs poches. Et là, une fois de plus, se pose
la question de la quantité et de la qualité des emplois
disponibles. Dans le document qui nous est présenté, on ne fait
pas la distinction entre les gains réels donnés par des
prestations et des gains fictifs, de l'argent présumément
gagné. Dans les faits, très concrètement, la
réforme, si elle est appliquée, va entraîner une
misère accrue pour l'ensemble des personnes visées,
c'est-à-dire à peu près les trois quarts.
Je m'arrête ici pour dire que, oui, il y a certains emplois. On
sait qu'il y a eu création d'emplois, mais je tiens à rappeler au
ministre - qui est aussi ministre du Travail - que les chiffres de son
ministère le disent sans équivoque, la très grande
majorité des emplois créés le sont dans le secteur des
services. Ce sont des emplois à statut précaire à des taux
de salaire extrêmement modestes. Alors, s'il y a des emplois disponibles,
c'est généralement de ce type qu'il s'agit. Malheureusement, la
réforme est dans la foulée, je dirais, d'amendements qui ont
été présentés et adoptés depuis 1970 et qui
tentent d'éroder un peu notre régime d'assistance. La distinction
entre l'aptitude et la non-aptitude au travail tend à culpabiliser les
individus et, jusqu'à une certaine limite, je dirais, va augmenter une
part d'arbitraire très incontrôlable. On ne pense pas que la
réforme réponde à un principe de base qui est celui de
répondre aux besoins des personnes.
Je le répète, la création de la catégorie
"inaptes au travail" nous inquiète beaucoup. Je pense qu'on ne
soulignera pas assez que cela va, d'une certaine façon, à
l'encontre d'un certain nombre de mesures et de principes que voue gouvernement
et le gouvernement précédent ont tenté de mettre en
vigueur. Je pense, entre autres, à toute la question de
l'intégration des personnes handicapées au marché du
travail, à d'autres types de programmes comme celui-là,
destinés à donner la chance à chaque individu de pouvoir
s'intégrer et d'être autonome au maximum, dans notre
société. (11 h 30)
En ce qui concerne le programme APTE, je vais vous dire tout de suite
qu'au départ on le trouve très compliqué. C'est
très complexe. On n'est probablement pas les seuls qui vont vous le
dire. Il y a, dans ce programme, un certain nombre de choses qui nous semblent
inaccep- tables, par exemple, la période d'attente de neuf mois.
Pourquoi avoir choisi cette période? Pourquoi neuf mois? Pendant cette
période, les gens auront à débourser des frais et ce n'est
pas logique que, durant cette période, ils aient moins d'argent.
Une autre mesure mérite d'être soulignée et c'est
notre responsabilité, comme mouvement syndical, de le faire. Quels vont
être les effets de ces programmes sur les conditions de travail et les
salaires? On pense ne pas se tromper en disant que, si ces programmes sont
effectivement retenus et mis en application, un des effets principaux sera
d'exercer une pression à la baisse sur l'ensemble des conditions de
travail et, évidemment, une pression pour ne pas hausser le salaire
minimum, un salaire minimum qui, on le sait tous, aurait dû être
augmenté davantage et depuis fort longtemps. Cela aura un effet
très négatif sur les salaires et les conditions de travail. Si
des milliers de personnes sont forcées d'accepter des conditions de
travail et de bas salaires, il y aura inévitablement une pression
d'exercée sur les conditions des autres.
Je comprends l'enthousiasme du Conseil du patronat à donner son
accord à cette réforme. Sans que cela soit dit, tous ceux qui
agissent dans le monde du travail, dans le monde des relations du travail,
voient et sont capables tout de suite de comprendre l'effet concret qui se
produira à très court terme sur le marché du travail sur
l'ensemble des conditions générales du travail et des salaires.
Il est aussi inexplicable de voir que les barèmes pénalisent des
personnes qui sont admissibles, mais non disponibles. On prend la peine de vous
le souligner. Entre autres, on parle des femmes enceintes. C'est tout à
fait inacceptable comme mesure et, à la limite, un peu antifamilial.
J'accélère. Il y a des commentaires sur d'autres parties
de la réforme. Il me reste très peu de temps pour insister
davantage sur ce que nous voyons comme propositions. Comme je le disais au tout
début, toute réforme de l'aide sociale doit se faire de
façon intégrée avec une réforme du régime
fiscal. Le tout devrait s'articuler autour de l'introduction de crédits
d'impôt - donc, un changement majeur du régime tel qu'on peut le
connaître jusqu'à maintenant - un crédit universel de 3000
$ qui serait versé à chaque adulte. Cela ne coûterait pas
d'argent puisqu'il s'agit. d'une réforme de la fiscalité et juste
de transferts d'argent, d'une certaine façon. C'est à partir de
ces crédits d'impôt qu'on pourrait bâtir des programmes de
sécurité du revenu ou des programmes d'aide. Ce n'est pas de la
façon qu'on maintient, finalement, le système qu'on peut
régler quoi que ce soit au chapitre de la pauvreté. Une formule
de crédit d'impôt pourrait aussi s'appliquer aux enfants par une
augmentation majeure des allocations familiales. Donc, un renversement complet
du système qu'on connaît aujourd'hui.
En terminant, j'aimerais vous dire qu'on a
de la difficulté à concevoir une réforme du
programme d'aide sociale en dehors d'une politique fiscale, en dehors d'une
politique des services de garde et en dehors d une politique de
désinstitutionnalisation, alors que des dizaines de milliers de
personnes devront bientôt quitter les institutions ce avec quoi on est
d'accord. Par souci de cohérence et aussi de démocratie pour
I'ensemble des personnes concernées, il faudrait voir l'ensemble de tous
ces programmes et de tous ces éléments avant de pouvoir
arrêter un projet définitif. Merci.
Le Président (M Polak): Merci, Mme Simard.
Avant de donner la parole au ministre, je voudrais indiquer qu'à
la suite de notre invitation la ministre déléguée à
la Condition féminine est maintenant arrivée. Je présume,
Mme la députée de Maisonneuve, quelle aura droit de parole de
réponse si besoin est. Je donne maintenant la parole au ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie beaucoup la CSN de son
mémoire et de la qualité de sa présentation. Je vais
tenter, parce que nous aussi, croyez-le ou non, nous sommes un peu
encadrés ou encarcanés par le temps de reprendre la
deuxième partie de votre argumentation pour revenir à ce dont
vous avez discuté au tout début, soit les huit principes d'une
politique de sécurité du revenu, et tenter d'engager le dialogue
sur ces sujets.
Vous avez souligné comme premier problème fondamental, la
question de l'incitation au travail et le nombre insuffisant d emplois dans la
société. Vous dites que le problème n'est pas l'incitation
au travail, mais qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois dans la
société. Vous avez, comme le Conseil du patronat l'a
indiqué et comme nous l'avons indiqué également, raison en
partie, parce qu'il nous faut sans cesse continuer à créer des
emplois chaque jour davantage. On a un problème particulier et, hier,
lors des auditions de cette commission, on a eu l'occasion d'échanger
avec quelques groupes sur le problème typique de l'est de
Montréal où le gouvernement s'était engagé, au
cours de la dernière campagne électorale, à créer
davantage d'emplois. Depuis deux ans, il s'est créé davantage
d'emplois dans l'est de Montréal que dans les autres territoires de la
grande région métropolitaine. Malheureusement, on n'a pas
réglé le problème du nombre de chômeurs et du nombre
d'assistés sociaux qui est supérieur à 30 000 parce que
les emplois créés posaient des exigences d'employabilité
auxquelles ne pouvait pas répondre la population de l'est de
Montréal. Le gouvernement vient de réajuster son tir en
commençant à investir dans l'employabilité de ces
individus.
On vous dit, en vous proposant la réforme de
sécurité du revenu, qu'on a le choix de ne rien faire ou de faire
quelque chose. Ce n'est pas une réponse complète en
matière de création totale d'emplois, mais c'est donner une
chance aux gens qui ont été, par le passé, oubliés
marginalisés, stationnés ou "parkés", selon le terme qu'on
utilise à côté de la société ou en marge de
celle-ci. Il nous faut donc donner à ces gens-là une chance
égale de revenir dans le giron de la société.
L'autre choix que I'on a, c'est de faire comme on fait actuellement
remettre des chèques en se foutant de l'employabilité, de la
formation de base de ces gens-là qui, pour la plupart, n'ont même
pas terminé leurs études secondaires, ce qui constitue un
handicap important. D'ailleurs, je le soulignais hier, même l'ancien
président de la CSN, Marcel Pépin, incitait les jeunes à
demeurer aux études au moins jusqu'à la fin de leur cours
secondaire.
Vous parlez de la question des gains de travail qui sont
exemptés. Vous dites que c'est bien beau de permettre des gains de
travail mais que rien ne garantit qu'ils seront là. Vous avez raison,
mais, dans l'ancien système ou dans le système actuel tel quon le
connaît, on les interdit, sauf 25 $ pour un individu et 40 $ pour un chef
de ménage. On dit: Est-ce que le pas que I'on fait dans cette direction
n'est quand même pas un pas qui vise à légaliser certaines
situations de fait et à inciter le bénéficiaire d'aide
sociale à aller chercher ces gains-la lorsqu'ils existent? Je ne pense
pas qu'on puisse nous reprocher de relever les exemptions pour gain de travail
des assistés sociaux qui étaient imposés à 100 % en
bas du seuil de la pauvreté. Je ne vous dis pas que la démarche
est complète, mais nous croyons effectuer ce qu'on appelle un pas dans
la bonne direction.
Vous continuez, comme plusieurs autres groupes de la
société - et c'est parce que cela s'est incrusté avec les
années - à parler des nouveaux emplois créés dans
la société québécoise comme étant, entre
autres, des emplois temporaires. Depuis une douzaine de mois, cette situation a
changé de façon draconienne au Québec. La très
grande majorité des emplois créés dans la province de
Québec depuis au moins une douzaine de mois sont, pour la
quasitotalité, des emplois à temps plein. J'ai eu l'occasion de
donner les chiffres hier. Je parlais des statistiques de janvier à
janvier, soit les plus récents: 122 000 emplois créés; 116
000 à temps plein et 5000 à temps partiel. Mais vous aviez raison
d'insister: traditionnellement les emplois créés étaient
des emplois à temps partiel. Maintenant, cette tendance a nettement
changé et il faut en tenir compte dans les politiques
gouvernementales.
Un point que vous avez touché auquel plusieurs personnes, dans de
nombreux comités au gouvernement, sont très sensibles, c'est
toute la question de l'intégration des personnes handicapées au
marché du travail. Vous avez souligné que le gouvernement
précédent, de même que l'actuel gouvernement, avaient
posé ce qui vous paraissait être certains gestes positifs et
vous
reprochez à la politique de sécurité de revenu
d'aller un peu à contre-courant de ces gestes positifs. Je vous
indiquerai que nous avons été très prudents sur cet aspect
du dossier. Nous avons voulu continuer dans le sillon qui avait
été tracé par l'ancien gouvernement. C'est pourquoi le
programme Soutien financier autorise, permet, rend disponible à toutes
les personnes handicapées qui s'y retrouveront toutes les mesures du
programme APTE d'amélioration, d'employabilité, etc., sans
enlever aucun des avantages du programme Soutien financier et en conservant tes
mesures incitatives d'allocations de participation et de frais de
participation. Nous sommes conscients qu'avec l'évolution de la
technologie de plus en plus de personnes qui ont un handicap vont pouvoir
effectuer de plus en plus de tâches dans la société, et ce,
de plus en plus facilement. Donc, cette porte - et. c'est peut-être un
manque de précision dans notre mémoire - est conservée
complètement ouverte.
En ce qui concerne les effets sur les conditions de travail des bas
salariés dans la société, vous avez soulevé la
question de l'effet possible de l'attraction à la baisse ou du gel -
pour utiliser une autre expression - du salaire minimum. Je vous indiquerai que
nous avons vécu une situation un peu paradoxale sous l'ancien
gouvernement. Pendant cinq ans, le salaire minimum des bas salariés a
été gelé. Au même moment, les prestations d'aide
sociale, pendant la majeure partie de cette période, ont
été indexées trimestriellement. Vous pouvez comprendre
facilement la distorsion qui s'est produite. Il était plus lucratif
d'être un prestataire de l'aide sociale que de travailler au salaire
minimum. Dès l'arrivée de l'actuel gouvernement, nous nous sommes
attaqués à la hausse du salaire minimum, le salaire des bas
salariés dans la société, et ce, d'une façon plus
importante que le coût de la vie. Il y avait là et il y a encore
du rattrapage à effectuer. Si vous regardez le niveau du salaire minimum
que vous retrouvez à la page 24, je pense, dans le cahier, vous le
retrouvez - salaire minimum 1988 - à 689 $. Ce que nous tentons de
faire, ce n'est pas de diminuer les barèmes des prestations, mais
d'augmenter le seuil des bas salariés, de façon que cet incitatif
demeure toujours mais que le tableau continue quand même à suivre.
Vous pouvez prétendre aujourd'hui avoir raison. Je peux, aujourd'hui,
prétendre avoir raison. Je vous invite tout simplement à juger
les gouvernements sur leur bilan passé. Je vous indique qu'avec l'actuel
gouvernement les hausses, depuis que nous sommes là, sont
supérieures. Il est justifié qu'elles le soient et elles
devraient continuer à l'être dans l'avenir.
Les barèmes des personnes non disponibles. Nous sommes conscients
que nous avons besoin, pour cette catégorie de personnes qui vont passer
une importante période de leur vie active à ne même pas
être capables de gagner le salaire minimum, parce qu'elles sont
affectées d'un handicap physique ou mental, qu'il est important pour ces
personnes d'avoir des revenus garantis supérieurs aux autres individus
dans la société, qui, à certaines périodes, peuvent
gagner le salaire minimum et même plus, ce qui leur permet d'accumuler
certains actifs, etc., et ce qui est très sain.
Pour en revenir rapidement aux principes qui sont contenus aux pages 1
et 2 du résumé de votre mémoire - votre mémoire est
beaucoup plus complet - le droit à l'emploi. Nous souscrivons à
ce principe. Nous nous y sommes attaqués, dès notre venue au
gouvernement. Un des secteurs où c'était le plus évident,
c'était dans l'industrie de la construction où les jeunes
devaient détenir la fameuse carte à défaut de quoi ils en
étaient exclus. Nous avons travaillé dans ce sens et nous
continuons dans d'autres dossiers au ministère du Travail à
travailler dans le but d'accorder à tout citoyen le droit à
l'emploi. Nous vous savons gré de votre concours en partageant ce
principe avec nous. (11 h 45)
L'amélioration des assurances sociales. Il y a toute la question
de la distinction des assurances sociales et des assistances sociales. Bien que
nous continuions à travailler nos dossiers d'assurances sociales comme
tels, nous considérons, et nous l'avons indiqué dans le document,
qu'il s'agit ici d'une politique d'assistance sociale qui elle aussi
mérite d'être révisée et bonifiée.
Le droit à un revenu minimum. Nous avons étudié et
évalué la possibilité d'instaurer une politique de revenu
minimum garanti pour l'ensemble de la population. Je vous dirai que les
prestataires des bénéfices de la Régie de l'assurance
automobile du Québec, de la Régie des rentes du Québec, de
la CSST, etc., manifestent certaines objections à l'établissement
d'un revenu minimum garanti prétendant que les revenus peuvent
être supérieurs lorsqu'ils viennent d'autres régimes
gouvernementaux. C'est quelque chose qui est à l'étude, surtout
au ministère des Finances, parce qu'il s'agit d'une mesure universelle
qui touche plusieurs ministères.
Le droit à l'autonomie individuelle. C'est cette approche que
nous privilégions dans l'actuelle politique de sécurité du
revenu, la priorité à des mécanismes positifs d'incitation
au travail. Nous disons oui à l'incitation au travail mais oui
également à l'incitation à l'employabilité. C'est
ce que vous retrouvez dans les barèmes que nous mettons de l'avant
partout en tenant compte du sommet qui doit être le salaire minimum et de
l'incitation au travail qu'il faut conserver. Nous avons même des
incitations pour améliorer l'employabilité des travailleurs et
des travailleuses.
Le renforcement du principe d'universalité. Là, vous
pouvez nous attaquer et nous sommes ouverts à la discussion sur toute la
question de la contribution alimentaire parentale. C'est la même que
celle que vous retrouvez dans notre politique de sécurité du
revenu, que vous retrou-
vez dans celle du système de prêt et bourse aux
étudiants. Nous sommes, je vous le confesse, un peu liés par les
politiques des autres ministères parce que, si nous avons un
système d'aide sociale beaucoup plus attrayant que le système de
prêt et bourse aux étudiants, nous risquons d'inciter beaucoup de
jeunes à quitter leurs études et à devenir des
prestataires de l'aide sociale, et nous voulons à tout prix
éviter cet effet. Maintenant, si vous avez des mesures qui puissent nous
rassurer, nous vous invitons à les soumettre.
Un soutien adéquat aux familles avec enfants. Je vous dirai que
le ministre responsable de la famille est intervenu à chaque
étape du dossier et que vous retrouverez dans chacun des barèmes,
là où il y a la présence d'un enfant, une
amélioration du barème, une aide accrue au chef de famille
monoparentale. Je viens d'indiquer que, là où il y avait la
présence d'un enfant, le barème était accru. Je vous
indiquerai que nous avons pris acte, dans des mémoires que nous avons
entendus jusqu'à maintenant ou que nous entendrons plus tard, des
représentations assez sévères quant au fait de limiter
à deux ans l'âge de l'enfant à partir duquel le parent ne
peut se prévaloir du statut de non-disponibilité à cause
du manque de garderies, etc. On nous a incités, chez certains groupes de
femmes, et Mme la ministre déléguée à la Condition
féminine a participé à ces discussions, à hausser
cet âge. D'un autre côté, certains groupes nous disent: S'il
faut le hausser jusqu'à l'âge de la scolarité, vous risquez
de créer une trappe, un ghetto pour ces femmes qui auront plus de
difficulté à réintégrer le marché du
travail. Sur ce point aussi, nous aimerions vous entendre plus
précisément. Quelle option favorisez-vous?
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme Harel:
Combien de temps reste-t-il?
Le Président (M. Bélanger): Il reste quelques
minutes, pas trop. Le député de Sainte-Anne m'avait
demandé tout à l'heure de lui réserver quelques minutes
sur ce mémoire. Combien de temps reste-t-il pour votre formation
politique? Sept minutes, M. le ministre. Donc, j'imagine que le
député de Sainte-Anne aura une couple de minutes après.
Pour le moment, on va donner la parole à Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Non, non, non, pas du tout.
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, vous
voulez répondre à cette assez longue question?
Mme Simard: Écoutez, je vais tenter de reprendre un
certain nombre de choses. M. le ministre, vous nous dites que le
problème c'est l'adaptation au travail finalement, on convient que
beaucoup de personnes ont besoin de pro- grammes pour pouvoir
réintégrer le marché du travail. Comme je l'ai
expliqué, il y a une foule de raisons. Il n'en demeure pas moins que,
même si on recyclait tout te monde adéquatement et qu'on trouvait
le bon programme pour toutes les personnes disponibles pour travailler, il en
resterait des milliers sur le carreau. Je suis contente d'entendre les
statistiques que vous venez de nous donner sur les nouveaux types d'emplois qui
sont créés. Je n'ai pas pris connaissance de ces statistiques,
mais on sait que la très grande majorité des emplois disponibles
sont de mauvaise qualité. Ce sont des emplois précaires, qui se
retrouvent dans des services où les gens ont, finalement, peu de chances
de se maintenir longtemps, où les possibilités de promotion et
d'avancement sont très faibles et où les conditions de travail
sont généralement pénibles.
Si on ne s'attaque pas de façon vigoureuse - malgré ce
qu'en pense le Conseil du patronat, à savoir que c'est une utopie et que
le plein-emploi n'existe pas - à un programme qui ait un objectif, soit
celui d'atteindre le plus grand nombre d'emplois possible, on se reverra, dans
quelques années, avec exactement le même genre de problèmes
et probablement des problèmes plus aigus. En effet, plus longues sont
les périodes au cours desquelles un très grand nombre de
personnes dans une société vivent dans un état de
dépendance, plus les problèmes généraux de
société deviennent importants et graves. Les premiers à en
souffrir seront évidemment ceux réduits à cet état
de dépendance, mais les membres de leur famille, leurs enfants, et tous
les autres vont aussi en souffrir. Je pense que, là-dessus, on ne pourra
jamais trop le répéter.
Vous dites que les distorsions, enfin, l'incidence sur les conditions de
travail... Je vous soumets respectueusement qu'on est d'accord pour ce qui est
de l'incitatif au travail, pour permettre, entre autres, que les gains
gagnés soient conservés. D'ailleurs, dans le mémoire qu'on
vous a soumis - on vous a d'ailleurs communiqué cela à maintes
reprises - on était d'accord pour ne pas imposer à 100 %. C'est
une mesure tout à fait injuste et qui s'applique encore. Cela dit, s'il
y a un écart qui doit être maintenu, ce ne doit pas être un
écart à la baisse entre le salaire gagné et les
prestations. S'il faut maintenir des écarts, iI faut trouver les
me-sures incitatives davantage à la hausse qu'à ia baisse.
Maintenant, en ce qui concerne les autres dimensions du programme, on
est forcé de vous dire qu'on pense encore, malgré les
explications que vous nous avez données, que c'est une réforme
qui a pour effet de cibler davantage la responsabilité des individus.
Elle risque fort de faire que ces individus se retrouvent dans une situation
pire que celle qu'ils connaissent actuellement. Je n'invente rien quand je dis
- c'est votre propre programme qui le dit - que les prestations des gens vont
baisser, et ce, pour la très grande majorité d'entre eux. Or. on
sait
déjà qu'ils ont des situations très pénibles
à vivre. L'espoir d'améliorer leur situation est tellement
utopique, dans les conditions actuelles, qu'on ne peut pas souscrire aux
différentes formules que vous proposez; le risque y est beaucoup trop
grand. Les gens vont se retrouver dans une situation pire que celle qu'ils
connaissent actuellement.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président, une minute seulement -
parce que je veux vous entendre le plus possible - sur la question de lest de
Montréal et vous êtes bien placée pour en parler, Mme la
vice-présidente de la CSN, compte tenu du dossier de la Vickers, de la
fermeture du chantier naval que la CSN représentait et de la perte
d'emploi pour 500 personnes qui sont maintenant sur l'aide sociale.
La très grande majorité d'entre eux ont
épuisé leurs prestations d'assurance-chômage depuis 22
mois, notamment. Également, iI y a les difficultés qui se
présentent au port de Montréal. C'est tout simplement pour
rappeler au ministre que la création d'emplois dans l'est, il n'y en a
pas eu. Cela a été essentiellement du transfert d'emplois dans de
nouveaux parcs industriels aménagés et modernisés pour
remembrer des terrains et permettre du déplacement d'emplois de secteurs
plus vétustés de Montréal - l'avenue du Parc et d'autres -
vers des secteurs qui se sont ouverts à l'infrastructure industrielle
comme Pointe-aux-Trembles. Essentiellement, cela n'a eu aucun effet sur la
diminution du chômage, à tel point qu'on en est encore, dans
l'est, à quelque 12 % de chômage. Si c'est une situation qui va
bien, qu'est-ce que ce serait si cela allait mal? Même avec cette
création d'emplois dont parle le ministre, il n'y a pas eu de
réduction. Je ne sais si cette confusion est entretenue volontairement
ou non. J'imagine que c'est parce qu'il n'a pas encore pris conscience que ces
programmes, ces mesures ne donnent pas une formation adéquate pour
occuper ces nouveaux emplois créés. En matière de
formation et d'apprentissage pour occuper ces emplois, iI n'y a rien
présentement sur la table au Québec. On attend de lui qu'il fasse
ses devoirs à ce sujet. Dans l'est, on ne sait même pas à
quoi servira exactement le montant de 12 000 000 $ que vous avez annoncé
la semaine dernière. Le milieu a été suffisamment vigilant
pour exiger de vous, compte tenu de la situation particulière et assez
tragique de l'emploi, un effort exploratoire, au fond, parce que c'est un
projet expérimental. On s'attend à avoir une idée
précise sur la façon dont cet argent sera dépensé
pour permettre à ceux qui en ont le plus besoin d'en
bénéficier.
Mme la vice-présidente et les personnes qui l'accompagnent, je
dois vous dire que votre mémoire est sans doute l'un des meilleurs - je
n'ose pas dire le meilleur - car c'est un mémoire qui, à tous
égards, a une vision globale de ce que peut être un projet de
société en matière de sécurité du revenu. Ce
n'est pas comme le ministre le prétend dans son document d'orientation
"Pour une politique de sécurité du revenu" où vous savez
qu'on ne parle que de l'aide sociale. On ne parle pas de sécurité
du revenu présentement, on parle uniquement d'aide sociale comme si
l'ensemble du problème de la sécurité du revenu ne devait
pas avoir d'incidences à la fois économiques et fiscales en ce
qui concerne le plein emploi d'intégration. On y reviendra avec vos
propositions.
Vous avez entendu le ministre faire un peu l'interprétation des
principes que vous énoncez au début de votre mémoire pour
vous amener à constater qu'ils étaient respectés dans les
orientations et les propositions qu'il fait. J'imagine que vous allez inviter
le ministre à relire plus attentivement votre mémoire.
Je note assez vite les éléments qui sont novateurs
notamment sur la question du droit à l'autonomie individuelle.
Contrairement au ministre qui prétendait que son programme de
sécurité, que sa politique respecte ces éléments de
droit a l'autonomie individuelle, je veux vous rappeler - à la page 20 -
que le statut de conjoint, pour les femmes, comme le statut de dépendant
pour les jeunes... Ailleurs, vous posez même la question: À quand
la contribution alimentaire filiale? Le statut de dépendant pour les
plus âgés est un obstacle que dresse l'État face à
une politique d'autonomie individuelle. Cet obstacle, avec la contribution
parentale, s'additionne plutôt qu'il ne se soustrait au droit à
l'autonomie individuelle.
Également, à la page 29, il y a un élément
nouveau, vous appelez cela le renversement du fardeau de la preuve. C'est
certainement un concept familier au monde du travail, mais c'est la
première fois que je le voyais associé, à la page 29... Je
pense que c'est fondamental. Vous dites: Jusqu'à maintenant, l'aide
était diminuée si des gains supplémentaires étalent
gagnés - des gains réels - au-delà de ce qu'on concevait
être les besoins reconnus. Tandis qu'avec la proposition - le
renversement du fardeau de la preuve - l'aide est tout de suite réduite,
avant même qu'il y ait eu un gain d'emploi réalisé. On
additionne un gain d'emploi fictif pour combler simplement ce qu'on
reconnaît être des besoins essentiels. Ce renversement est
fondamental. N'oubliez pas que tes 100 % d'imposition s'appliqueront pour tout
gain supérieur aux besoins essentiels reconnus et que les seuls gains
d'emploi consentis sont ceux qui permettront d'atteindre le niveau de besoins
essentiels reconnus par l'État mais qu'il ne veut plus couvrir. C'est
cela la mécanique, le coeur de la proposition. (12 heures)
À la page 36, vous nous rappelez avec raison ce que le rapport
Boucher énonçait, à savoir que les besoins réels
des personnes
devaient être couverts par I'État, quelle que soit la cause
de leur handicap. J'inviterais donc le ministre à relire vos principes,
et pas simplement dans le préambule, mais avec l'éclairage et les
illustrations que vous en donnez.
Je voudrais profiter de votre présence. Vous avez une proposition
substantielle à partir de la page 60. Vous avez fait l'effort non pas
simplement d'analyser et de critiquer la proposition gouvernementale, mais vous
faites, je pense, une importante contribution en nous apportant une proposition
de réforme. Cette proposition de réforme, vous l'avez à
peine ébauchée. J'aimerais, pour les fins de nos travaux vous
entendre parler plus longuement de cette proposition de réforme.
Mme Simard: Je vais vous dire tout de suite qu'on l'a
présentée ici, mais on a aussi travaillé cette proposition
dans le cadre de tous les travaux qu'on a faits depuis maintenant deux ans sur
la question de la fiscalité. Vous n'êtes pas sans savoir que
beaucoup de présentations ont été fartes et au
gouvernement fédéral et au gouvernement provincial. Cela
renverse, oui, complètement le système qu'on connaît,
c'est-à-dire qu'on reconnaîtrait à chaque adulte dans notre
société un crédit d'impôt qui lui serait
versé. Nous proposons 3000 $ et on pense que cette somme ne
coûterait rien puisqu'on sait que, si on calcule ces 3000 $ par nombre
d'adultes et qu'on calcule les revenus des exemptions qui existent actuellement
dans notre régime de fiscalité, ces sommes-là existent.
Donc, 3000 $ à partir desquels, lorsque c'est nécessaire, se
greffent des programmes de sécurité du revenu x. Les avantages
d'un système comme celui-là sont, à notre avis,
importants. Cela vient remplacer les exemptions, comme je l'ai dit, et le
premier avantage, c'est que cela établit, à notre avis, d'abord,
ce qu'on pense qui est fondamental, c'est-à-dire la jonction entre la
fiscalité et les programmes de sécurité du revenu. Cela
aurait aussi pour effet de concourir à la progressivité du
régime fiscal parce qu'on sait que cela n'existe pas - on sait que les
exemptions profitent toujours davantage aux gens qui ont des revenus plus
élevés plutôt qu'à ceux qui ont des revenus plus
faibles - et cela permettrait de verser à chaque personne - c'est
là le principe de l'autonomie individuelle - un montant. Cela remplirait
aussi autre chose, cela reconnaîtrait une valeur au travail domestique,
par exemple. Enfin, cela remplirait un tas de fonctions qui, on le sait, ne le
sont pas actuellement.
Par rapport à un régime d'aide sociale, cela ferait en
sorte qu'une partie du revenu serait déjà assurée à
tout le monde, par la forme du crédit d'impôt, et cela serait en
dehors d'un contrôle spécifique. On pourrait ensuite ajouter un
programme d'aide sociale pour ceux qui en ont besoin et ce programme... D'une
certaine façon, on pourrait contribuer un peu plus à ces
programmes et le faire de façon plus adéquate pour les personnes
qui en ont besoin. Ce qui nous semble important, c'est qu'on propose que, par
exemple, la récupération fiscale qui. On pourrait avoir le
crédit d'impôt, on pourrait avoir une formule d'aide et admettons
que les gens aient travaillé, eh bien, la récupération
fiscale ne serait pas de 100 %, évidemment - je pense que les
commentaires de la députée de Maisonneuve sont importants sur
notre proposition - mais de 50 %.
Alors, ce ne serait pas une mesure fiscale trop lourde. On pense que,
comme société, on serait capables de I'assumer, mais que ce
serait un système conforme aux principes, M. le ministre, que nous avons
inscrits et qui, je pense, sont des mesures qui sont beaucoup plus proches de
cela. Je regrette, mais je ne pense pas que la réforme que vous proposez
respecte ces principes-là, si ce n'est au chapitre de l'autonomie des
individus, quand on voit la série de mesures qui, finalement,
recrée des liens de dépendance x par rapport à d'autres
personnes, de la famille par exemple.
On pense que le crédit d'impôt, ce n'est pas seulement pour
les personnes qui ont besoin d'aide sociale. Le crédit d'impôt,
c'est aussi une base de revenus pour les personnes âgées à
partir de laquelle s'ajouterait le supplément de revenu garanti, etc.,
pour les étudiants. Oui c'est une formule qui est différente et
qui, je le pense, est la solution - c'est ce que nous pensons à la CSN -
à la situation qu'on connaît actuellement et je n'ai pas besoin de
répéter devant cette Assemblée que, malheureusement, au
Québec et au Canada, on a de plus en plus de personnes qui vivent sous
le seuil de la pauvreté et que la richesse se répartit de plus en
plus inégalement dans notre société, qu'il y a une
façon de s'y attaquer comme collectivité et que c'est par la
fiscalité. Je pense qu'une des bases serait justement l'application
d'une formule de crédit d'impôt à partir de laquelle se
grefferait un ensemble d'autres programmes de sécurité du revenu.
Nous en serions tous gagnants. Je ne veux pas tomber dans trop de
détails, mais on pense que si, effectivement, il y avait plus d'argent
disponible, il y aurait une incitation à la consommation qui ne ferait
qu'améliorer notre sort collectif comme société au point
de vue économique.
Mme Harel: M. le Président, donc, essentiellement, on
retrouve dans votre mémoire la mécanique. C'est un crédit
d'impôt remboursable, suivant le niveau de revenu. C'est bien cela?
Mme Simard: C'est cela, de 3000 $
Mme Harel: Et ce crédit d'impôt serait
également accessible aux travailleurs à faible revenu qui ont un
gain équivalant au salaire minimum. Vous le proposez jusqu'au seuil de
la pauvreté. Dans votre mémoire, vous dites qu'à aucun
Individu dont le revenu est en deçà du
seuil de la pauvreté ne devrait payer d'impôt. C'est donc
un autre élément j'imagine, qui s'dditionne au crédit
d'impôt comme tel.
Mme Simard: Cest-à-dire que tout le monde, tout adulte
dans notre société aurait la somme de 3000 $ payée
évidemment ensuite en fonction des revenus gagnés, les gens
pairalent des impôts. Actuellement, c'est I'inverse: vous retenez de
I'argent par exemption que vous ne versez pas à l'état.
L'État ne vous envoie pas d'argent On a des exemptions. Là, tout
le monde aurait cette somme de 3000 $ et, suivant votre niveau de revenu, vous
en remettriez une partie ou pas. Mais ce qui est important c'est que, quand on
retravaillera les tables d'impôt... II y a aussi des propositions
à cet effet-là, que les gens rendus à tel niveau ne paient
pas d'impôt et que d'autres en paient à partir de tel niveau, mais
indépendamment de I'activité de I'adulte... Entre autres, une
forme de reconnaissance du travail domestique des femmes au foyer pourrait
être concrétisée par la reconnaissance du paiement de ce
crédit d impôt de 3000 $
Mme Harel: Cela vaudrait, à ce moment-là, pour les
étudiants qui reçoivent actuellement des prêts et
bourses.
Mme Simard: Entre autres, voilà.
Mme Harel: Donc, cela pourrait valoir pour l'ensemble...
Mme Simard: Pour les personnes âgées. En fait, c'est
une formule de base à laquelle se grefferaient d'autres types de
programmes
Mme Harel: Et, vous proposez que, dans la mécanique de
cette formule de crédit d'impôt remboursable, le seuil en
deçà duquel on ne paie pas d'impôt soit le seuil de la
pauvreté...
Mme Simard: C'est cela.
Mme Harel:... pour qui que ce soit. Mais, à ce
moment-là, quel est ce seuil de pauvreté auquel vous faites
référence? Celui de Statistique Canada ou du Conseil canadien de
développement social? Ce sont les deux seuils, si vous voulez Vous
n'avez pas de mécanique là-dessus?
Mme Simard: Oui.
Mme Morel (Sylvie): Je pense que cela reste à discuter.
L'important n'est pas vraiment le seuil de pauvreté qu'on retient en soi
qui représente un objectif plus à moyen terme
qu'immédiatement parce qu'on est conscients que cela entraîne des
coûts également de dire que tous les gens vivant, ayant un revenu
sous le seuil de la pauvreté, ne paient pas d'impôt. Cela
entraîne des coûts. Alors, on pense que ça devrait
être plutôt un objectif à moyen terme
Ce n'est pas tellement cela qui est important comme le fait d'apporter
une formule qui remplace ce qu'on a actuellement.
Mme Harel: Vous savez que c'est peu connu dans notre
société le fait qu'il y a beaucoup de gens qui paient de
l'impôt tout en étant sous le seuil de la pauvreté. Le
commun des mortels n'imagine pas habituellement qu'on puisse payer de
l'impôt même si on est dans la pauvreté pourtant cest
là une réalité qui est le fait d'une très grande
majorité de nos concitoyens.
J'aimerais avant de terminer parce que le temps... Oui?
Mme Simard: Je tiens à insister sur cette question parce
que souvent l'argument qu'on va opposer, cest de dire. Cela coûterait un
argent fou, on n'a pas l'argent. En fonction des données que nous avons,
et non pas de toutes les données sophistiquées que vous pouvez
avoir au gouvernement, mais selon les données que nous avons concernant
le coût des exemptions, eh bien cela serait un coût nul. Mais c'est
une autre façon de répartir. Cela est très vrai et c'est
d'ailleurs I'objectif de notre proposition. C'est une autre façon de
répartir. Mais cela ne coûterait pas du nouvel argent, si je peux
reprendre cette expression-là. C'est du vieil argent, mais qui est
recyclé. Voila!
Mme Harel: Je ne sais plus combien de temps il me reste Trois
minutes? Alors, rapidement. Vous dites également qu'il faut arrimer une
politique d'aide sociale à des politiques sociales proprement dites.
Vous nous parlez des services de garde etc. J'aimerais vous entendre
là-dessus
Mme Simard: À la lecture même du mémoire et
de toutes les classifications de différentes conditions qui peuvent se
présenter, il me semble que, de toute évidence, une
réforme de l'aide sociale au Québec doit se faire en harmonie
avec les autres réformes en cours. Par exemple, on attend une politique
des services de garde. On fait référence, évidemment,
à maintes reprises, aux enfants, à la disponibilité, etc.
Comment concevoir des barèmes avec des conditions de
disponibilité ou non quand on est en voie d'adopter, dans quelques mois
une politique des services de garde qui, je l'espère, va faire en sorte
qu'on pourra avoir des services de garde adéquats qui pourront permettre
à des femmes bénéficiaires de l'aide sociale d'avoir de
meilleures conditions?
On est préoccupés par la question de la
désinstitutionnalisation. II y a des milliers de
bénéficiaires qui, dans les prochaines années, vont
quitter les institutions et nous sommes d'accord avec cela. Ils vont quitter
les institutions pour tenter de se réinsérer socialement. Est-ce
qu'ils vont venir joindre les rangs des aptes ou des inaptes? Comment va-t-on
composer avec cette nouvelle réalité de milliers de person-
nés qui ont vécu dans des institutions qui ont
été nourries par des institutions, qui ont été
hébergées dans des institutions? On est à la veille au
Québec de procéder à une réforme des services de
santé - enfin, on I'espère - à une nouvelle politique des
services de garde, et laide sociale ne peut pas être conçue en
dehors de toute cette globalité. On a dit la même chose à
Mme la ministre Lavoie-Roux quand on a discuté du rapport Harnois en
commission parlementaire. Vous ne pouvez pas concevoir une politique de
désinstitutionnalisation sans savoir quelles seront les mesures d'aide
sociale, quelles seront les mesures très concrètes de
réinsertion sociale qui vont être offertes à ces
gens-là.
C'est donc un appel global qui est transmis ici au gouvernement. Nous
qui sommes préoccupés, au même titre que d'autres groupes,
par ces questions-là - sur certains aspects, nous le sommes plus - pour
être éclairés, pour être capables d'intervenir de
façon cohérente et logique, on a besoin de tous les morceaux du
casse-tête pour être en mesure de proposer un projet de
société qui rejoigne nos principes et nos aspirations. Par
exemple, avoir un programme comme celui-ci, mais, par ailleurs, dans quelques
mois, se retrouver avec un programme de politique des services de garde qui ne
tienne pas compte dun certain nombre de réalités des femmes
assistées sociales, je dirais qu'on a manqué notre coup. C'est un
peu le sens de notre intervention sur cette question. On sait bien qu'il y a
des contraintes administratives. On sait bien qu'il faut procéder par
étapes. Je vous entends déjà, M. le ministre, vous allez
me le dire. II n'en demeure pas moins qu'il y a une logique qui doit
sous-tendre toutes ces mesures à caractère social qui doivent
être reliées les unes aux autres. Je n'ai pas parlé de la
politique de la famille, c'est également un autre volet qui nous
préoccupe.
Le Président (M. Bélanger): Merci. II reste deux
minutes au parti ministériel M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. Mme Simard, le ministre
a mentionné hier que le but de la consultation était, entre
autres, de bonifier le projet de loi. Je suis très content de cette
affirmation parce qu'il y a des points sur lesquels nous avons aussi beaucoup
de difficultés.
À la page 58 de votre mémoire, vous mentionnez le partage
du logement. Vous savez que l'intention du document est de réduire
l'allocation mensuelle de 115 $ dans le cas de ceux qui participent au
programme APTE Avez-vous des statistiques? Dans mon comté, à
Pointe-Saint-Charles, par exemple, je sais qu'il est impossible de trouver un
appartement pour 25 % du revenu d'un assisté social. Le logement
coûtera beaucoup plus que 25 %; dans certains cas c'est 50 %. En fait, il
y avait un reportage là-dessus dans La Gazette en fin de semaine
ou on mentionnait des chiffres, des noms, etc. Je me demande si c'est un
problème local à Montréal où le pourcentage du
logement est beaucoup plus élevé que les 25 % et où la
mesure du partage du logement deviendrait vraiment une mesure punitive. Quelle
est la situation ailleurs dans la province? Avez-vous des statistiques
là-dessus? (12 h 15)
Mme Simard: Écoutez, je dois plaider que je n'ai pas les
statistiques des coûts du logement ailleurs dans la province.
Règle générale, il est assez connu que les
Québécois sont encore très majoritairement des locataires
et que le coût des logements est très élevé. Je
pense avoir lu qu'à Québec, c'était plus cher qu'à
Montréal, par exemple, mais je ne pourrais pas dire que dans telle
région c'est plus aigu que dans une autre.
M. Polak: Quand vous avez rejeté ce principe du partage de
logement, avez-vous fait ça...
Mme Simard: Je pense que là, on parle de deux choses. Le
coût des logements, c'est une chose, et forcer en quelque sorte les gens
à habiter ensemble, c'est autre chose. Si des gens habitent ensemble et
voient une diminution d'une certaine façon, c'est autre chose.
C'était davantage de ce point de vue-là qu'on en parfait, ce
n'était pas tellement du coût hypothétique du logement qui
peut varier d'une région à une autre et ou le problème
peut être plus aigu. Je ne sais pas si tu veux ajouter quelque chose?
Mme Morel: On sait que le coût des logements a beaucoup
augmenté ces temps derniers. Je pense que cela a fait la manchette des
journaux. Entre autres, à Montréal, c'est un problème
important. C'est intéressant que vous souleviez ce point-là parce
que, compte tenu des revenus que touchent les assistés sociaux, il est
clair que ces gens-là sont souvent forcés de partager un logement
et, là, ils se voient couper leurs prestations de 115 $. À
l'heure actuelle, on coupe les prestations de quelqu'un qui loue une chambre,
par exemple, parce qu'il touche un revenu, on va couper sa prestation de 85 $,
mais il a touché un revenu. On étend, un peu comme on le fait
dans tout ce document-là, le principe d'un gain fictif, encore une fois,
à des gens qui ne toucheront rien et qui tentent simplement de diminuer
leur coût de vie parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent pour
survivre carrément. On comprend mal que, compte tenu du coût des
logements qui a été de plus en plus élevé ces
dernières années, on introduise une telle mesure.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Harel: À la lecture de votre mémoire, avec le
peu de délai qu'il y a eu entre le dépôt
de la proposition gouvernementale et le dépôt du
mémoire le 8 février, il est évident qu'une telle
proposition et l'ensemble de l'analyse que vous faites nont été
possibles, je pense, que parce que vos travaux avaient déjà
antérieurement abordé ces questions-là.
Je crois que la formule que vous proposez est suffisamment
sérieuse pour quelle vaille la peine d'être chiffrée,
mesurée et évaluée par l'État, et je souhaiterais
que la contribution importante que vous apportez à nos travaux puisse
donner lieu à une évaluation ministérielle des
propositions qui nous sont faites Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je profite de la porte qui est
ouverte, et c'est rare, par la députée de Maisonneuve pour vous
dire que j'ai apprécié, je le répète, la
qualité de votre mémoire et de votre présentation.
L'approche fiscale que vous avez soulevée est inspirée en partie,
entre autres, de la commission Macdonald. On y retrouve quelques traits
communs. J'acheminerai une copie du mémoire au ministre des Finances ou
au ministère des Finances, là ou les grandes politiques de
fiscalité se décident et posent des contingences à Mme la
ministre déléguée à la Condition féminine,
à M. le ministre de la Sécurité du revenu et à
combien d'autres.
Je vous demande de réévaluer votre analyse du document
lorsqu'on parte de gain ou de perte pour les assistés sociaux en
fonction des clientèles, en considérant le cas où les 100
000 - et si c'était le cas, on aimerait que vous nous le
précisiez par la suite - ou les 100 000 personnes
considérées comme inaptes pourraient perdre, ou la personne apte
au travail et qui participe pourrait perdre. Si c'est le cas, on voudrait que
ce soit indiqué ou spécifié dans un document que vous
pourriez nous acheminer. Dans le cas du programme APPORT également par
lequel on complète le revenu des familles et on paie les frais de garde,
où perdent-ils ces gens-là? Ce que je retiens également,
c'est votre détermination a parler de plein emploi, mais vous parlez
d'un programme et le plein emploi ne peut s'obtenir qu'à partir de la
mise en place de plusieurs programmes dans plusieurs secteurs
d'activité. Merci beaucoup de votre témoignage.
Le Président (M. Bélanger): Nous remercions la
Confédération des syndicats nationaux et nous appelons à
la table la Fédération des femmes du Québec qui sera
représentée par Mme Ginette Busque et Mme Charlotte Thibault.
Je demande à chacun de bien vouloir reprendre sa place. Nous
recevons maintenant la Fédération des femmes du Québec. Je
demanderais à la porte-paroie de bien vouloir s'identifier et de
présenter sa collègue, et je vous rappelle que vous avez 20
minutes ferme pour présenter votre mémoire et qu'il y aura 40
minutes de période de questions par la suite.
Alors, si la porte-parole veut bien s'identifier.
Fédération des femmes du
Québec
Mme Busque (Ginette): Oui. Mon nom est Ginette Busque
présidente de la Fédération des femmes du Québec.
Je vous remercie M. le Président.
Mesdames messieurs, avant de plonger dans notre intervention proprement
dite, j'aimerais faire une petite mise au point. La Fédération
des femmes du Québec est heureuse de se présenter ici
aujourd'hui. Elle aurait souhaité par contre avoir un peu plus de temps
pour s'approprier ce dossier. Contrairement à certains groupes qui se
sont déjà présentes ici, nous ne sommes pas des
spécialistes, puis-je dire, de ce dossier de l'aide sociale. Par contre
les préoccupations que nous portons et les revendications que nous
faisons à la fédération depuis qu'elle existe font que
cette problématique de l'aide sociale nous concerne au plus haut point
sous certains aspects, même si nous ne sommes pas des spécialistes
de l'aide sociale. Autrement dit, tout le dossier travail nous est très
familier et c'est sous cet angle que nous sommes le plus
intéressées d'intervenir ici aujourd'hui.
J'ai avec moi Charlotte Thibault qui est la coordonnatrice de la
fédération, je dirais notre employée permanente, à
temps plein. Donc, nous n'avons pas pu transférer ce dossier à
nos avocats, à nos économistes et à un nombreux personnel
technique Charlotte et moi avons travaillé à ce dossier.
La Fédération des femmes du Québec a
été fondée en 1966. Depuis 22 ans, elle défend et
fait la promotion des droits des femmes, dont leur droit à l'autonomie
financière et à la sécurité économique.
C'est un organisme féministe, non partisan sur le plan politique et
pluraliste aussi.
La fédération regroupe 60 associations et quelques
centaines de membres individuels appartenant à quatre conseils
régionaux. Elle représente environ 45 000 femmes et à
travers ses membres touche tous les champs d'intérêt en
matière de condition féminine.
Plusieurs associations de la fédération sont très
près de la problématique de l'aide sociale. Je donne quelques
exemples. Le YWCA reçoit une clientèle de mères
adolescentes, de femmes âgées démunies et de femmes en
détresse pour toutes sortes de raisons. L'Auberge Madeleine accueille
des femmes itinérantes, lesquelles sont de plus en plus jeunes et
abandonnées par les institutions de l'État. Les centres de
femmes, représentés par leur regroupement provincial, l'R des
centres de femmes, côtoient aussi parmi les femmes qu'ils rejoignent un
certain nombre de bénéficiaires d'aide sociale, alors que les
maisons
d'hébergement pour femmes victimes de violence doivent
fréquemment référer ces dernières à l'aide
sociale. Finalement, les associations membres de la fédération
qui travaillent à l'intégration des femmes au marché du
travail, comme le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au
travail, comme COFFRE et qui travaillent aussi à l'amélioration
des conditions minimales de travail, Au Bas de l'Échelle, savent
très bien comment les choses se déroulent quand les
bénéficiaires d'aide sociale font des démarches
d'intégration au marché du travail.
La FFQ se sent donc, à juste titre, concernée au plus haut
point par l'orientation que prend le gouvernement du Québec dans son
projet de réforme de l'aide sociale.
Notre intervention portera donc sur l'analyse de l'idéologie qui
se dégage du document d'orientation; le discours qui sous-tend ce
document d'orientation et la récupération d'un certain
vocabulaire utilisé par les groupes de pression; les mesures et les
programmes proposés et leurs répercussions dans la vie des
bénéficiaires d'aide sociale; et, enfin, quelques conclusions
à tirer.
Mme Thibault (Charlotte): On aimerait aussi mentionner que nous
appuyons le mémoire qui va être présenté d'ici
quelques jours par le CIAFT, le Conseil d'intervention pour l'accès des
femmes au marché du travail. Ses recommandations par rapport à
l'intégration des femmes au marché du travail correspondent aux
souhaits que nous avons.
Mme Busque: Donc, l'idéologie et les grands principes de
base. Pour nous, il ressort assez clairement de l'ensemble du document
d'orientation que la préoccupation première du gouvernement est
la réduction des coûts du système d'aide sociale. On ne
sent pas une question fondamentale qui serait: Comment, en tant que
collectivité, en tant qu'État, pouvons-nous maximiser notre aide
aux plus démunis? Mais bel et bien: Comment pourrions-nous faire pour
que cela coûte le moins cher possible?
L'idéologie qui sous-tend le document renvoie à l'individu
la responsabilité entière de sa situation et la façon dont
il doit y remédier. La solution au problème de la pauvreté
ne semble plus, d'après cette orientation, relever de la
collectivité. Elle est transférée aux individus qu'on
prétend responsabiliser. Ce langage, ce mot "responsabiliser" est de
plus en plus fréquent dans ta bouche de l'État; il n'est pas
uniquement dans ce document d'orientation de l'aide sociale, il est ailleurs et
il correspond généralement aux situations dont l'État veut
lui-même se désengager ou se déresponsabiliser.
De plus, on peut dire qu'au lieu de corriger ce qui est
considéré comme une des faiblesses du système de
bien-être social au Canada le gouvernement du Québec s'oriente
vers une amplification de cette faiblesse. En effet, en réduisant l'aide
sociale pour la majorité des bénéficiaires et en
multipliant tes contrôles et les catégories, nous
n'échapperons probablement pas aux résultats décrits dans
le rapport du Conseil national du bien-être social que je cite ici: "On a
mis au point des procédures compliquées pour l'évaluation
des besoins, qui aident à identifier les personnes méritant le
plus qu'on les aide. Mais cette évaluation des besoins a elle-même
entraîné divers problèmes, dont le renforcement de la
pauvreté. Les taux d'assistance sociale ont été maintenus
à des niveaux plutôt faibles à cause de restrictions
budgétaires et, dans certaines provinces, pour éviter que les
taux d'assistance ne dépassent le salaire minimum. " Nous, c'est
vraiment ce vers quoi on se dirige, on ne veut pas dépasser le salaire
minimum. "Mais ces niveaux d'assistance très faibles ont apporté
une grande misère chez les bénéficiaires qui doivent
survivre avec des sommes de beaucoup inférieures au seuil de
pauvreté. "
Le document d'orientation "Pour une politique de sécurité
du revenu" va ainsi à l'encontre de l'une des recommandations du rapport
précité, les recommandations relatives aux éléments
majeurs du système de bien-être. Il s'agit particulièrement
de celle qui traite de la simplification du système et qui vise à
ce qu'il y ait moins de règlements et de catégories.
Le système qui nous est proposé, avec sa soixantaine de
cases possibles, est conçu de manière que la majorité des
bénéficiaires aient énormément de difficulté
à repérer les erreurs de classification et d'appréciation
de leur situation. L'administration du système coûtera
certainement très cher et peut-être plus que l'épargne
recherchée.
Il y a enfin lieu de se demander si un système fondé sur
l'orientation qui nous est proposée améliorera de façon
générale le sort des bénéficiaires. Pendant les
neuf premiers mois de prestation, tous les bénéficiaires seront
perdants, en comparaison avec le système actuel. Après les neuf
premiers mois, seules quelques catégories de personnes verront leur
situation s'améliorer.
Le discours et le vocabulaire. L'introduction du document d'orientation
est un petit chef-d'oeuvre en son genre. Le problème c'est que sous une
forme aussi séduisante et prometteuse se cache un fond qui ne garantit
pas le respect des objectifs que nous devons poursuivre en matière de
politique sociale. D'une certaine manière, je pense qu'on pourrait dire,
comme le Conseil du patronat, qu'on est d'accord avec les objectifs, mais c'est
sur le "comment" qu'on se dissocie de cette orientation.
Le gouvernement, par la voix du ministre Pierre Paradis, se dit
résolu à donner la parité aux jeunes et à favoriser
l'incitation au travail, iI est même impératif, paraît-il,
de procéder à la mise en place d'un nouveau système. Les
mots "générosité", "solutions dynamiques", "outil
efficace", "actions concrètes", ainsi- que les mots
dignité" "autonomie" "justice" et "équité" brillent
de mille feux. Bref, on a les mots pour le dire. Le problème, c'est
qu'on ne se donne pas les moyens pour le faire. (12 h 30)
Dans un organisme comme la Fédération des femmes du
Québec la plupart de ces mots font partie du vocabulaire courant,
particulièrement les mots "autonomie" et "incitation au travail"
Pourrions-nous les désavouer? Certes non. Ce que nous désavouons,
cependant, c'est plutôt I'utilisation trompeuse qui en est faite dans le
document d'orientation et tout ce qui se cache derrière cette
façade qui, aussi reluisante quelle soit, ne nous renvoie pas t image
que nous souhaitons.
Je passe maintenant la parole à Charlotte pour notre Intervention
portant sur les mesures et les programmes proposés.
Mme Thibault: La parité pour les jeunes. Un gouvernement
qui se déclare résolu à accorder la parité de
traitement aux moins de 30 ans n'attend pas jusqu'en 1990 pour passer à
l'action. Reconnaître que le système actuel est inéquitable
pour les jeunes et en même temps demander à ceux-ci et à
celles-ci de patienter encore deux ans avant qu'on ne remédie à
leur situation n'est ni logique ni acceptable.
Nous recommandons donc qu'on passe à la parité dès
maintenant. Prétendre que l'aide sociale "ne doit pas remplacer les
contributions et les formes de secours déjà existantes dans la
famille" tient du sens commun. Mais derrière ce discours, empreint du
sens profond que doit revêtir le mot famille, se pointe sans
subtilité le désir du gouvernement de réactiver le concept
d'obligation alimentaire de notre Code civil mis quelque peu en veilleuse par
différentes politiques sociales. Cette réanimation de
l'obligation alimentaire entre parents et enfants revêt cependant un
caractère plutôt coercitif dont il faut se méfier, car elle
pourrait bien un jour servir à réduire non seulement les
bénéfices de l'aide sociale, mais aussi ceux d'autres programmes,
par exemple, ceux qui sont destinés aux personnes
âgées.
Mme Busque: J'aimerais même ajouter ici que ce qu'on semble
entendre dans le discours qui se tient sur le document d'orientation, c'est que
tout le monde prétend que cela ne vise que les jeunes. On entend
même, à certains moments, que ce sont les 17-25 ans qui sont
visés. Je pense que c'était dans le livre blanc sur la
fiscalité du Parti québécois qu'il y avait cette classe
d'âge, 17-25 ans.
Quand on parle de jeunes ici, on voudrait savoir à quel moment
ça s arrête, parce que dans le document d'orientation, M. Paradis,
il ny a pas de limite d'âge de fixée. Donc, on peut très
bien imaginer, on pourrait déduire par la lecture du document que,
même à 35 et à 40 ans, si on habite chez nos parents, on ne
sera jamais considéré comme indépendant.
Ce n'est plus une question d'âge, mais une question de relation
parents-enfants. C'est exact? Alors, je pense qu'il faudrait démystifier
ce discours sur les jeunes. Le simple tait |e pense de sortir cette
vérité montre très bien qu'il ne s'agit plus de demander
à des parents de s'occuper de leurs jeunes enfants et de les mettre sur
la voie, je dirais de l'âge adulte, mais bien de les accompagner pendant
toute leur vie d'adulte.
Mme Thibault: Si on reprend au sujet de I'obligation alimentaire,
déjà, les pressions sont énormes via, entre autres, les
services sociaux et les services hospitaliers, pour demander aux enfants
adultes de reprendre leurs parents âgés et de les garder chez eux
pour éviter l'institutionnalisation des parents âgés. Donc,
déjà, on voit des tendances par rapport à l'obligation
alimentaire du côté des parents âgés.
Cet appel à l'obligation alimentaire des parents envers leurs
enfants laisse entendre que les parents ne veulent pas assumer des
responsabilités envers leurs enfants majeurs ce qui est tout à
fait faux. On peut même observer dans notre société un
phénomène qui prend de I'ampleur et qui est celui du retour des
enfants majeurs chez leurs parents. II est donc tout à fait plausible de
croire que les jeunes adultes qui se tournent vers l'État, pour assurer
leur survie, sont dans une situation où ils peuvent difficilement
compter sur leurs parents. D'ailleurs il serait Intéressant de voir
comment on va évaluer que des parents ne donnent effectivement pas
d'argent à leurs jeunes, à leurs enfants. Est-ce qu'on va se
retrouver dans des situations comme on en a vu par rapport aux prêts et
bourses où des parents qui voulaient permettre à leurs enfants de
devenir indépendants devaient faire venir la police pour qu'elle les
expulse officiellement de la maison et qu'il y ait un rapport de police? Est-ce
qu'on va avoir des situations comme ça?
Ce serait intéressant de voir comment on devient
indépendant vis-à-vis des parents Imposer une période
d'attente de deux ans après te départ du domicile familial pour
accorder de pleines prestations, c'est, en quelque sorte, demander une preuve
de rupture d'avec la famille plus lourde que celle qui est requise pour prouver
l'échec d'un mariage et ce qui est un peu étrange, c'est que
l'échec d'un mariage, lui, mène à l'indépendance
chez les jeunes. Je trouve cela assez spécial. Est-ce qu'on va se
retrouver exactement comme pour les prêts et bourses avec des jeunes qui
veulent avoir de l'aide sociale et être indépendants, donc, qui
vont se marier et divorcer très rapidement pour pouvoir devenir
indépendants?
Par crainte de voir certains et certaines profiter du système, on
en force des milliers d'autres à vivre avec un revenu largement
inférieur au seuil de la pauvreté. Cette déshumanisation a
des effets désastreux à long terme et
coûte extrêmement cher dépression perte de confiance
en soi, sous-alimentation, etc. Où est la rentabilité du
système?
Maintenant, on va passer à des commentaires sur le programme de
soutien financier. Étant donné que le document d'orientation
propose qu'il y ait présomption d'employabilité et de
disponibilité pour toute personne qui devient bénéficiaire
de l'aide sociale, nous espérons que cela ne servira pas à
retarder I'admissibilité à de pleines prestations pour les
personnes qui répondent aux critères du programme de soutien
financier. D'ailleurs, il faudrait se demander: Est-ce que, après avoir
établi ce qu'est l'inaptitude - terme qu'on n'aime pas utiliser - il va
y avoir un rétroactif de prévu pour ces personnes? Nous aimerions
obtenir des certitudes à cet égard.
Dans un autre ordre d'idées, nous craignons que l'utilisation du
terme "non employable" ne marque un recul dans la lutte que mènent les
organismes représentant les personnes handicapées pour
intégrer ces dernières au marché du travail. Pourquoi,
risque-t-on de penser, chercher à développer des emplois pour des
gens qui de toute façon sont classés "non employables"? Pensons,
entre autres, aux personnes de 55 ans et plus aussi, aux femmes.
Enfin, le fait que l'inaptitude au travail soit évaluée en
fonction d'un état altéré de santé physique ou
mentale ne tient pas compte d'un certain nombre de situations qui
relèvent d'avantage de ce qu'on pourrait qualifier d'inaptitude sociale
ou psychosociale. Nous pensons, entre autres, aux femmes qui au moment d'un
divorce ou d'une séparation traversent parfois une période
extrêmement difficile. Tout en étant en bonne santé
physique et mentale, elles n'en sont pas moins alors démunies au point
qu'il leur faille une couple d'années pour retomber sur leurs pieds. Si
la pension alimentaire fait défaut, pourquoi l'État ne leur
viendrait-il pas convenablement en aide, jusqu'à ce qu'elles aient les
ressources pour entreprendre les démarches qui les conduiront vers
l'autonomie financière?
Mme Busque: Je voudrais ajouter la-dessus, ce qu'on sent un peu
dans le document, c'est-à-dire qu'on ne veut pas que les femmes passent
finalement de la dépendance du mari à la dépendance de
l'État.
À la page 11 du document, au premier paragraphe, entre autres
quand on fait remarquer à quel point les changements dans la famille ont
occasionné une augmentation assez dramatique du taux de divorce, ce qui
amène une fragilité des familles, on a l'impression maintenant
que le jugement que l'on porte c'est que le système d'aide sociale a
permis à un certain nombre de femmes d'acquérir une autonomie
financière et qu'on ne voudrait plus que cela se passe comme cela
dorénavant. Mais on sait très bien que les femmes qui, au moment
d'un divorce ou d'une séparation, ont recours à l'aide sociale,
ce sont des femmes qui n'ont pas pu obtenir, entre autres, un partage
équitable de biens ou qui nont pas pu obtenir une pension alimentaire
suffisante. On sait très bien aussi que, même lorsqu'elles
obtiennent une pension alimentaire, iI n'y a aucune garantie actuellement que
cette pension alimentaire-là sera payée. On n'a pas de
système de perception automatique des pensions. Ces femmes-là
sont donc très souvent dans une situation de désarroi total dont.
II faut leur permettre de sortir et je pense que le facteur temps n'est pas
étranger à cela.
Mme Thibault: Les femmes victimes de violence conjugale qui
quittent leur foyer sont, elles aussi, dans une situation sociale et affective
extrêmement fragile et précaire. Croît-on quelles sont en
mesure de s'intégrer rapidement au marché du travail?
On aimerait faire remarquer qu'on appuie le mémoire du
Regroupement provincial des malsons d'hébergement. D'ailleurs, on a
beaucoup de questions relativement à tout ce qu'on appelle les besoins
spéciaux et on aimerait vérifier si les 85 $ qui sont
alloués aux victimes de violence conjugale qui sont dans des maisons
d'hébergement vont continuer à être donnés. En plus,
on aimerait aussi mentionner qu'on n'a pas étudié toute la
question des femmes immigrantes. Ce n'est pas notre champ de
spécialité. On espère que des groupes de femmes
immigrantes pourront venir témoigner pour exprimer leurs besoins qui
sont extrêmement spécialisés dans le domaine de l'aide
sociale.
Le programme APTE. La notion d'aptitude au travail et le concept
d'employabilité sont élaborés à partir de
caractéristiques individuelles qui n'ont, de par leur nature même,
aucun lien avec les caractéristiques propres à notre
marché du travail. Le document d'orientation semble fondé sur la
présomption qu'il y a des emplois disponibles pour chaque personne qui
désire travailler. On se préoccupe beaucoup de savoir si les
bénéficiaires d'aide sociale sont disponibles ou non, mais
très peu de la disponibilité des emplois. À quoi cela
sert-il d'affirmer d'un côté que le taux de chômage est
encore trop élevé quand, de l'autre côté, on ne
soucie pas d'en tenir compte?
En somme, le problème n'est pas tant de présumer que des
personnes sont employables et disponibles et peuvent se trouver un emploi, mais
de croire que toutes ces personnes peuvent se dénicher un travail. La
politique de sécurité du revenu du document d'orientation se
greffe à la participation au marché du travail, sans pour autant
remettre en cause les politiques relatives au marché du travail et c'est
là que le bât blesse.
Sans objectif de plein emploi, l'incitation au travail ne donnera jamais
les résultats escomptés. Elle devient contrainte au travail et au
travail précaire. De plus, le fait de ramener les
bénéficiaires de t'aide sociale au niveau des travailleurs
et travailleuses à faible revenu semble corriger ce qui
apparaît comme une aberration du système actuel, à savoir
que certains et certaines bénéficiaires de l'aide sociale ont des
revenus supérieurs a ceux de certains travailleurs et travailleuses.
Nous ne nous opposons pas en principe à ce que des prestations d'aide
sociale correspondent aux salaires des travailleurs et travailleuses à
faible revenu. Cependant, au lieu de niveler vers le bas, nous devrions
favoriser les mesures qui permettraient a tous et à toutes d'avoir
accès à des salaires décents.
Notre organisme est très conscient de la
précarité.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous
interrompre. Le temps est terminé.
Mme Busque: Est-ce qu'on peut faire comme le Conseil du patronat
et demander deux minutes supplémentaires?
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
consentement? Allez. Deux minutes, s'il vous plaît.
Mme Thibault: J'imagine quon aura l'occasion de faire valoir ce
que nous voulons dire ici au moment des questions. Je pense qu'on pourrait
très brièvement faire des commentaires sur le programme APPORT ou
notre principale critique est peut-être que sous une apparence de
favoritisme aux familles - parce qu effectivement ça s'adresse à
des travailleurs qui ont des enfants - on ne permet pas aux autres travailleurs
et travailleuses d'atteindre un revenu qui est décent.
Donc, on garde encore au salaire minimum ou à des revenus
inférieurs au salaire minimum parfois les autres travailleurs et
travailleuses. On crée également, je dirais, chez tous ces
travail leurs à bas revenu... On les rend, on les fait devenir
bénéficiaires de l'aide sociale. C'est un peu la
caractéristique de ce programme et, d'une certaine manière, c'est
un statut de travailleur qui est moins intéressant et ils deviennent
davantage bénéficiaires de l'aide sociale, peut-être, que
travailleurs.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux remercier la
Fédération des femmes du Québec pour son mémoire et
sa présentation. Je prends bonne note de ce que vous nous avez
indiqué, à savoir que vous l'avez fait à partir de votre
expérience sur le terrain, sans avoir eu recours à vos avocats
comptables ou économistes Je vous dirai que, dans un tel dossier,
ça nous arrive un peu comme une bouffée d'alr frais et je
souhaite qu'il y en ait d'autres qui nous partent un peu de cette
façon-là.
Je pense que le regroupement des assistés sociaux nous a un peu
parlé à partir d'exemples hier. Cela nous permet de
vérifier si ce que I'on écrit, ce que I'on pense peut
s'appliquer, est applicable ou est conforme a la réalité. Au lieu
d'être gênés d'une telle approche, je pense que c'est une
approche qui nous fait du bien, en tout cas qui me fait du bien comme ministre
et è mes collègues parlementaires.
Je voudrais, rapidement, reprendre peut-être trois ou quatre
points que vous avez soulevés de façon a laisser un peu de temps
à Mme la ministre déléguée à la Condition
féminine et à d'autres parlementaires pour s'exprimer. Vous
parlez de la façon de maximiser laide plutôt que de la
façon d'épargner. Je pense que c'est la première grande
question que vous avez mise de l'avant. Je le dis et je le
répète: Cette politique de sécurité du revenu a
cheminé à travers le Conseil du trésor et le
ministère des Finances, avec de multiples argumentations, et ce
n'était pas parce que les économistes des divers
ministères pensaient épargner qu'il est survenu des
échanges importants entre les fonctionnaires et les ministres
concernés. Je vous indique à nouveau les chiffres: pour la
clientèle, 25 % de la clientèle, à peu près 100 000
personnes ou ménages considérés inaptes au travail, c'est
un ajout par le gouvernement, indexé net, d'à peu près
1000 $ par année, par bénéficiaire. Cela peut ne pas
sembler important pour des gens qui ont des revenus substantiels dans la
société, mais, pour ces gens-là, il s'agit d'une
augmentation importante de leurs prestations d'aide sociale. (12 h 45)
Quant aux personnes qui sont aptes au travail et qui participeront aux
mesures, vous avez un bareme de 420 $, auquel vous ajoutez des allocations de
participation de 60 $ et des frais de participation de 40 $ Cela fait 520 $ en
termes de bareme comme tel s'il y a participation, de cela j'en conviens, et
là aussi, à notre avis, il y a augmentation. Quant aux personnes
qui seront bénéficiaires du programme APPORT... Oui, il y a
annulation du programme SUPRET. Le programme SUPRET coûtait à peu
près 25 000 000 $ par année, le programme APPORT, suivant nos
estimations, coûtera 65 000 000 $. II y a 40 000 000 $ additionnels Donc,
nous choisissons d'investir là. Et nous sommes prêts à
discuter avec les groupes. Est-ce que nos choix d'investissement sont propices?
Est-ce qu'on doit les modifier, est-ce qu'on doit les réarranger? Est-ce
qu'on doit en ajouter? Mais de se faire dire comment on veut épargner en
ajoutant ces montants, on se dit peut-être que. À un moment
donné, lorsque vous aurez le temps de consulter vos économistes,
ils vous diront non, le gouvernement a nettement ajouté.
Mme Busque: M le ministre, puis-je vous répondre à
cela?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Busque: Vous nous avez permis de penser cela parce que vous
dites dans te document que la plupart des bénéficiaires, de toute
façon, dans les neuf premiers mois se trouvent de l'emploi. Donc, ce qui
veut dire que la majorité des bénéficiaires qui sont aptes
au travail vont effectivement voir leurs prestations diminuées, passant
de 503 $ à 405 $. Donc, c'est une réduction de 100 $. Sur toutes
ces personnes qui, pendant les neuf mois vont effectivement retourner sur le
marché du travail, il y a une épargne correspondante, c'est
sûr.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison pendant les neuf
premiers mois, mais je vous demande de partager avec moi la difficulté
que j'ai. À partir de votre expérience pratique, comment puis-je
partir d'un barème qui se doit de conserver, comme vous l'avez
indiqué - et je pense que vous l'avez dit, vous ne voulez pas que cela
dépasse le salaire minimum - l'incitation au travail versus le salaire
minimum et également I'incitation à partir du barème de
base et la participation à des mesures d'employabilité? II y a
deux niveaux d'incitation qui me rendent la vie compliquée. Je vous
laisserai peut-être me suggérer une autre approche. Mais je
voulais traiter de trois points précis qu'on retrouve en page 6 de votre
mémoire et sur lesquels vous vous êtes attardées
particulièrement. Toute la question des personnes non employables. Vous
indiquez que vous craignez un recul pour les organismes représentant les
personnes handicapées pour intégrer ces dernières au
marché du travail. Sur ce point, nous vous demandons de
reconsidérer l'approche que nous avons prise qui consiste, oui, à
offrir le programme Soutien financier à ces personnes, mais en plus
toutes les dispositions du programme APTE qui incluent les frais de
participation et les allocations, et les frais de participation seraient
également ajoutés de façon à ne pas les
marginaliser dans la société. Je ne sais pas si c'est
suffisamment clair dans le document, on ne l'a peut-être pas rendu de
façon assez claire, mais c'est l'intention gouvernementale et on va
clarifier cela.
Le deuxième point, la définition de l'inaptitude. Vous
soulignez le fait que l'inaptitude sera évaluée en fonction d'un
état altéré de santé physique ou mentale et que
cela ne tient pas compte de l'inaptitude sociale. Je vous dirai que nous
prenons en considération vos remarques à cet effet et que nous
les analyserons.
Dans la même page - ils se retrouvent tous à la page 6 - la
question des perceptions alimentaires. Vous nous suggérez de mettre sur
pied un système de perception automatique pour perception alimentaire de
façon que les femmes ne se retrouvent pas dans des situations que vous
avez décrites. Sur cela aussi nous retenons votre argumentation. Sans
nous compromettre d'une façon ou d'une autre, nous vous disons que vous
avez là un élément de réflexion additionnel qui
nous avait déjà été soumis par Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine et sur
lequel nous réfléchissons sérieusement
présentement.
Au sujet des prêts et des bourses aux étudiants, c'est vrai
que notre programme a toutes les vicissitudes du programme de prêts et
bourses aux étudiants. Il est calqué. II a ses bons et ses
mauvais côtés. Je vous dirai qu'on est un peu captif de ce
programme, parce que nous ne voulons pas rendre l'aide sociale plus attrayante
que le système de prêts et bourses aux étudiants de
façon à ne pas inciter les étudiants à quitter
l'école pour devenir des prestataires de laide sociale. Sur cela, si
vous avez des recommandations à nous faire, elles sont également
bienvenues. Ce sont les points que je voulais soulever en souhaitant que
d'autres. Je sais que Mme la ministre déléguée à la
Condition féminine va intervenir sur toute la question de l'âge
des enfants, etc. Je veux vous laisser le temps d'en discuter.
Mme Thibault: Je voulais intervenir D'abord, je voulais savoir
ceci, M. le ministre: Quand on parle des mesures d'employabilité, dans
le fond, APTE peut être intéressant, est-ce qu'il va y avoir des
limites du nombre de participants dans les programmes comme c'est le cas
présentement ou est-ce qu'il y a une limite de 20 000 $ pour un des
programmes, 1000 $ pour un autre et 7000 $ pour l'autre? Quelles vont
être les priorités pour intégrer les participants à
ces programmes-là? Va-t-on d'abord s'occuper des chefs de familles
monoparentales, par exemple? Donc, les personnes handicapées et vues
comme inaptes, ou non employables, seront-elles en bas de ligne et en
attente?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de répondre
le plus rapidement possible encore une fois. Y aura-t-il des limites? C'est
non. Ce qui a été proposé, tant au plan des ressources
humaines dont le ministère aura besoin qu'au plan des budgets, c'est
pour pouvoir accueillir la totalité de la clientèle dite apte
En ce qui concerne votre deuxième question qui touchait...
Mme Thibault:... qui touchait les priorités Allez-vous
d'abord donner priorité aux chefs de familles, entre autres les chefs de
familles monoparentales? Ce qui ferait, par exemple, que des personnes
jugées inaptes ou non employables, comme les personnes
handicapées, seraient en bas de liste.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les clientèles auxquelles
la priorité sera donnée seront strictement celles qui n'auront
pas à subir ce qu'on appelle le délai de carence des neuf
premiers mois, c'est-à-dire les clientèles dont on se rend
compte, à partir d'une première évaluation, qu'elles ne
font pas partie des 40 % qui,
pendant les neuf premiers mois vont sortir toutes seules de laide
sociale. Au contraire, si on leur imposait une carence de neuf mois, on
n'aboutirait à rien, finalement parce qu'on perdrait neuf mois. Ce sont
les clientèles auxquelles la priorité sera donnée. Les
clientèles qui, à première vue, selon l'expérience
du ministère, sont condamnées à rester
bénéficiaires de laide sociale pendant des années, si on
n'intervient pas en leur offrant des mesures d'employable.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Gagnon-Tremblay: Je tiens à vous remercier et à
vous féliciter pour la présentation de votre mémoire. Je
connais le très peu de ressources qui sont mises à votre
disposition pour préparer un tel mémoire dans un laps de temps
relativement court.
Dans votre mémoire, vous avez exprimé, très
brièvement, votre opposition à l'égard de critères
de non-disponibilité temporaire pour les femmes ayant des enfants de
moins de deux ans. Cela me préoccupe beaucoup moi aussi depuis I'annonce
de la politique, et j'en ai discuté longuement avec mon collègue.
Par contre, je voudrais connaître votre position. Et il faut être
cohérent, je pense avec le discours qu'on tient à la condition
féminine lorsqu'on parle d'autonomie financière, lorsqu'on parie
de sécurité économique. Et il faudrait peut-être
prendre en considération la quantité d'enfants. Mais il
m'ap-paraît que, pour une femme qui a un enfant, par exemple,
âgé de zéro à deux ans, qui pourrait facilement
avoir la garde d'enfants, ce peut être normal. Mais dépassé
deux ans, lorsqu'on sait, par exemple, que, si on n'est pas sur le
marché du travail pendant une certaine période, c'est très
difficile de revenir sur le marché du travail avec des conditions qui
sont intéressantes, est-ce que cela vous apparaît normal? Et n'y
a-t-il pas de problème, pas de danger? D'autre part, tout en ayant la
garde de cet enfant de zéro à deux ans, il est tout à fait
normal qu'on poursuive une certaine formation, peut-être pas au
même rythme qu'on l'exigerait d'une personne entièrement
disponible, mais n'y aurait-il pas lieu d'introduire des mesures pour qu'on
puisse permettre une certaine formation? Si, par contre, on a plus que deux
enfants, je pense, par exemple, à des enfants de zéro à
six ans, si on avait deux ou trois enfants, à ce moment-là, je
considère que c'est beaucoup plus difficile d'accéder au
marché du travail ou de poursuivre une formation. Mais j'aimerais
connaître votre opinion à ce sujet par rapport au discours tenu
à la condition féminine sur l'autonomie financière et au
fait, par exemple, d'obliger pratiquement ou de subventionner ces personnes qui
sont à domicile pour la garde d'enfants, sans les obliger à une
certaine formation, par exemple, ou à une
réintégration.
Mme Busque: Mme Gagnon-Tremblay, vous savez aussi que, dans ce
discours sur la condition féminine et l'autonomie financière, on
parle de congés parentaux, on parie de la possibilité pour les
parents d'assumer des charges sociales et des charges parentales aussi. On sait
très bien que, actuellement, le marché du travail est très
peu bâti pour justement faire face à cette participation des
femmes. Vous avez raison quand vous dites qu'il y aurait peut-être moyen
d'adoucir un peu ce qui est présenté dans le document en incitant
les femmes à poursuivre une formation, etc, c'est-à-dire à
ne pas se couper entièrement du marché du travail. Mais ce n'est
pas cela qui est dans le document d'orientation. Je vous avoue. Ce qu'on
critique, c'est un peu le fait de forcer les femmes, finalement, à aller
sur le marché du travail dans un contexte de marché du travail
qui ne contribue pas à une amélioration de leur situation
financière. Quand les femmes demandent d'avoir accès au
marché du travail, elles veulent y aller pour améliorer leur
situation financière. Ce n'est pas nécessairement le cas pour les
femmes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. En même
temps, ce critère de non-disponibilité sur le plan du vocabulaire
est plus intéressant que ie terme "inapte", parce qu'une femme qui
élève des enfants n'est pas inapte.
Elle est effectivement non disponible temporairement pour le
marché du travail rémunéré. Qu'on ne lui
reconnaisse pas le même revenu, entre autres, qu'on va justement accorder
aux inaptes. Quand on parle de cohésion dans le discours, soyons aussi
cohérents à ce point de vue. On est une société qui
dit: II n'y a pas assez d'enfants, il faudrait en faire plus. Est-ce qu'on veut
que seulement les femmes des milieux moyens ou aisés de notre
société fassent des enfants?
Est-ce qu'on va refuser, par exemple, aux femmes plus démunies ce
droit de faire des enfants et même, je dirais, de les élever?
Parce qu'on parle également de choix. On ne veut pas qu'il y ait une
contrainte au marché du travait, mais une possibilité, en
étant parent, d'aller au marché du travail, toujours dans le but
d'améliorer sa situation. Je pense qu'il ne faut pas perdre ça de
vue.
Donc, les services de garde sont essentiels. Les congés de
maternité sont essentiels, les congés parentaux sont essentiels,
la politique fiscale devrait également être envisagée dans
cette optique. Donc, c'est un ensemble de mesures qu'il faudrait effectivement
considérer. Je pense que la conclusion que nous aurions voulu apporter
à notre intervention, c'est peut-être que, justement, on nous
force à nous prononcer sur un document qui est finalement très
parcellaire en termes de politique de sécurité du revenu.
Mme Gagnon-Tremblay: Mme Busque, je suis d'accord avec vous
lorsque vous mentionnez
qu'on a absolument besoin de concilier vie familiale et vie
professionnelle, que ce soit pour toutes les femmes, pour tous les hommes ou
pour tous les travailleurs et les travailleuses. Mais je reviens à ma
question encore, parce que c'est très important. Étant
donné l'autonomie financière, cette femme - je suppose
qu'à ce moment-là il n'y ait pas de congé parental, parce
qu'elle est seule, ou cela peut être une femme seule qui a la garde
d'enfant - est-ce qu'il est normal - supposons qu'elle a un enfant - qu'on
puisse l'obliger à poursuivre une certaine formation, peut-être
pas au même rythme qu'une personne qui n'a pas d'enfant et qui est
bénéficiaire de l'aide sociale à ce moment-là, ou
bien si, d'après vous, les zéro à deux ans, il ne faut pas
du tout toucher à ça?
D'autre part, je reviens encore avec la quantité d'enfants.
Est-ce que, parce qu'on parle des zéro à six ans... C'est
sûr que l'idéal, c'est qu'on puisse garder nos enfants de
zéro à six ans. C'est l'idéal, sauf que, pour
quantité de raisons que vous avez énumérées si,
finalement, on est capable de concilier vie familiale et vie professionnelle,
d'avoir des services de garde, d'avoir des aménagements de temps de
travail, à ce moment-là, on va pouvoir concilier les deux.
Par contre, pour les femmes qui ont besoin d'aide sociale, qui ont plus
de deux enfants, est-ce que cela vous apparaît très difficile ou
si cela peut être conciliable si on leur offre d'autres services?
Mme Thibault: Pour ce qui est de la question des zéro
à deux ans, je pense qu'il ne faudrait pas toucher à ça.
En fait, ça correspond à un congé de maternité. Ce
serait un peu aberrant qu'on travaille d'un côté à donner
un congé de maternité convenable accompagné d'un
congé parental à des femmes qui sont déjà sur le
marché du travail et qu'on refuse à celles qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale de s'en prévaloir. De
toute façon, il faut voir que les niveaux de revenus ne sont pas
très intéressants. Ce n'est pas le paradis! Ha, ha, ha!
Excusez-moi, en le disant, j'ai...
Je pense que, pour ce qui est de la catégorie d'âge de deux
ans à six ans, iI faut, dans ia mesure du possible, Inciter tes femmes
à réintégrer le marché du travail. Toute la
question d'en avoir plus d'un est déjà un facteur qui modifie
considérablement les choses. On a tendance à penser que les
femmes qui n'ont qu'un enfant devraient normalement, après ses deux
premières années, penser à réintégrer le
marché du travail. Très souvent, elles ont peur de le faire.
C'est vrai. Elles ont besoin de formation.
Plus on est sorti longtemps du marché du travail - je suis
d'accord avec vous - plus c'est difficile de le réintégrer. Donc,
il faut penser à des mesures de réintégration,
probablement dès ce moment-là. Mais il ne faut absolument pas les
concevoir en dehors - moi, je le répète aussi - de toutes ces
mesures qui sont essentielles, comme les services de garde et des services de
garde harmonisés aux besoins de ces femmes-là. Vous savez
très bien qu'il n'y a pas de gardes de nuit, qu'il n'y a pas de gardes
de fin de semaine, etc., et que les emplois actuels exigent une telle
disponibilité.
Présentement, ils ne sont pas là, les services dont les
femmes ont besoin pour retourner sur le marché du travail quand elles
ont la responsabilité d'enfants en bas âge. (13 heures)
J'ajouterais juste qu'il y a une différence entre inciter et
obliger, premièrement, et pour nous c'est très important. Aussi,
il faut considérer qui sont les femmes chefs de familles monoparentales.
Les femmes bénéficiaires de l'aide sociale qui, entre autres,
voudraient garder leurs enfants entre zéro et six ans, ce sont souvent
des femmes qui viennent de vivre un divorce, des situations très
difficiles. Donc, les enfants sont beaucoup plus, je dirais fragiles, et ont
besoin effectivement de la présence de leur mère. Donc, il faut
en tenir compte et, si on prend aussi tous les cas de femmes victimes de
violence, elles ont déjà, je pense, beaucoup de
difficultés à se ramasser, à essayer de tenir la famille
ensemble et tout. Donc, II faudrait respecter toutes ces femmes-là,
peut-être les inciter à participer à certains programmes,
mais sûrement pas les obliger.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que la
ministre a souligné une confusion dans sa question. Elle a mis en
lumière la confusion qui existe sur le plan gouvernemental entre des
mesures d'incitation et des diminutions de barèmes. Par exempte, la
ministre dit: Faut-il en fait soutenir les femmes dans une démarche
où elles poursuivraient une formation? Je pense bien que tout le monde
ici va répondre oui. La question est: Faut-il pour le faire les punir si
elles ne le font pas? En définitive, quand on regarde les barèmes
tels qu'on les retrouve dans le document d'orientation, on voit qu'une femme
chef de famille monoparentale qui, actuellement - je reprends le chiffre du
ministère - aurait 684 $ indexés, recevrait 585 $ - 99 $ de moins
- parce qu'elle déciderait d'assumer l'éducation d'un enfant de
trois ans et que cela correspond à la catégorie "refus de
participation' sachant qu'en vertu même des propositions la garde
après l'âge de deux ans est considérée comme un
refus de participer. C'est donc dire qu'il y a là une punition de 99 $
par mois parce qu'un chef de famille monoparentale décide d'assumer
l'éducation d'un enfant de deux ans et un mois et évidemment d'un
enfant plus âgé. C'est exact.
C'est là où le bât blesse. C'est là où
la
confusion s'est installée. Qu'il y ait des catégories de
façon à permettre de donner priorité à des stages
de formation, à un accompagnement, qu'il y ait des catégories
à l'aide sociale, cela se soutient et cela peut finalement être
très acceptable, mais que ces catégories donnent des
barèmes qui réduisent les chefs de familles monoparentales, c'est
cela, Mme la ministre déléguée à la Condition
féminine, qui est inacceptable, parce qu'à ce moment-là
l'État dicte un choix de vie à certaines de nos concitoyennes.
Alors, je dois vous dire que votre mémoire, nous l'avons reçu
comme vous le disiez, compte tenu des délais il y a peu de temps et ceci
dit, c'est exact qu'il a apporté une sorte de rafraîchissement
parce qu'en le lisant je me suis dit: Mon Dieu, que les femmes sont donc
imperméables aux discours mystificateurs! Vous avez réussi avec
un humour subtil à bien nous faire comprendre comment les mots
eux-mêmes sont en train de nous piéger, comment ces mots qui
représentent des valeurs surtout, je dirais, souvent dans la culture
féminine, sont en train d'être dénaturés de leur
sens.
Je pense entre autres à un point de vue que vous nous avez
apporté qui est certainement extrêmement important et qui est
celui considérant qu'il faut qu'il y ait un échec pour que
l'État intervienne. Vous dites: C'est quand il y aura rupture du lien
familial, il faudra qu'il y ait preuve de rupture pour qu'à ce
moment-là l'État, par ses liens politiques, aide le jeune ou la
famille. Je crois que c'est vraiment important de voir combien tout cela peut
avoir des effets pervers. Vous demandez, quelle sorte de preuve de rupture avec
la famille va-t-il falloir pour obtenir un secours? Je crois que c'est vraiment
une question clé de l'ensemble de votre mémoire. J'aimerais vous
entendre sur cette question du respect du choix de vie des femmes. Est-ce que,
jusqu'à maintenant, vous avez envisagé ce que devait être
le rôle de l'État à l'égard du respect du choix de
vie des femmes?
Mme Busque: J'aimerais bien pouvoir passer cette question. Si
vous me permettez, Mme la députée, je voudrais adresser, par le
biais de M. le Président, une question. Vous avez soulevé un
certain nombre de choses par rapport aux personnes qui se seraient
déclarées non disponibles. Je transférerais, pour cette
catégorie de personnes, la question que posait Mme Thibault au
début pour les personnes qui sont inaptes: est-ce que leurs prestations
seront rétroactives au moment de la demande? Est-ce que la personne qui
est non admissible, c'est-à-dire qui, au moment où elle devient
prestataire, a un enfant de six mois, par exemple, et pourrait être
déclarée non admissible, va devoir attendre neuf mois pour avoir
ce statut, c'est-à-dire pour passer à une prestation de 660 $ par
mois, ou si elle va rester à la prestation de 585 $ par mois?
Pendant les neuf premiers mois, normalement la prestation est
diminuée Une famille monoparentale avec un enfant à charge
recevra 585 $ dit-on. Par la suite, une fois qu'elle aura montré, par
exemple, qu'elle est non disponible, sa prestation passera à 660 $ par
mois, mais est-ce qu'elle peut faire la preuve de sa non-admissibilité
dès le début?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La réponse à votre
dernière question, si vous me le permettez, M. le Président, je
vais être très bref, c'est oui, la réponse à la
première question, quant à la rétroactivité du
statut est également oui.
Mme Busque: Je ferais encore un commentaire à savoir que,
quand vous prétendez, M. le ministre, que l'État ne fera pas
d'épargne par le biais de ce nouveau programme, il reste que la famille
monoparentale avec un enfant recevra moins, même quand elle sera
déclarée non-admissible, qu'elle ne reçoit sous le
régime actuel. II y a donc là une épargne. Elle
reçoit, sous le régime actuel, 684 $ par mois et recevra 660 $
avec le nouveau système. II y a là une épargne qui est
nette pour le gouvernement.
Quant à la réponse à votre question, je pense que
oui, le gouvernement doit respecter le choix de vie des femmes, mais il ne
faudrait pas interpréter cela comme on est en train de le faire et dire
que les femmes veulent rester dépendantes de l'État. Ce n'est pas
vrai. Les femmes veulent intégrer le marché du travail. Les
femmes veulent des emplois stables, elles veulent de la formation, elles
veulent travailler à des salaires convenables, elles veulent des
conditions décentes de travail. Ce vers quoi on les dirige ici: avec
tous ces programmes d'employabilité, elles n'auront pas un statut de
travailleuses quand elles vont intégrer le marché du travail ici,
mais elles veulent être des travailleuses. Elles vont rester des
bénéficiaires de l'aide sociale pendant toute leur durée
de participation à ces programmes-là. Donc, les conditions
minimales de travail ne s'appliqueront même pas à ces femmes.
Vous voyez donc que, d'une part, on fait lutte pour avoir des conditions
minimales de travail qui aient de l'allure et, d'autre part, on dit aux femmes:
Bien voilà, vous allez vous lancer là-dedans, mais cela ne
s'appliquera pas à vous. Donc, je ne sais pas si on doit parler en
termes de respect du choix des femmes, mais il y a, pour nous, un écart
substantiel entre nos revendications et ce qu'on offre aux femmes pour
répondre à ces choix de vie.
J'aurais aussi peut-être, si vous me permettez, une question sur
les prestations d'APPORT qui, je pense, marquent une amélioration par
rapport au programme SUPRET dans la mesure où, d'abord, c'est plus
substantiel que le programme SUPRET, mais il semble que toute
l'idéologie montre la compensation, en fait, des frais de garde Cela
s'adresse à des familles qui ont des enfants.
Je voudrais donc demander pourquoi un
couple qui a un enfant se voit accorder des prestations
supérieures, avant frais de garde, à celles qui sont
accordées à la famille monoparentale avec un enfant du même
âge. Cela laisse entendre que cela coûte plus cher à un
couple d'élever un enfant qu'à une famille monoparentale. Si les
prestations de garde sont plus importantes pour cette famille monoparentale
qu'elles ne le sont pour le couple, il reste que les prestations avant frais de
garde sont, elles, inférieures. Je trouve cela un peu étonnant.
C'est donc comme si on tenait compte, non seulement de la présence de
l'enfant, mais bel et bien de la situation de couple. Est-ce que vous pouvez
répondre à cette question, M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je peux répondre dans
le sens suivant. Le programme APPORT a été annoncé l'an
passé par le ministre des Finances dans le discours sur le budget. Il
est en application et sera publicisé au cours des prochains mois, de
façon rétroactive au 1er janvier de cette année. J'ai
prévenu les gens, dès le début de la commission
parlementaire, hier, que les présentes consultations ne portaient pas
sur l'application du programme APPORT pour sa première année
d'opération - parce qu'il est déjà en opération -
mais pour les deuxième et troisième années. Ce que vous
soulignez sera souligné au ministère des Finances.
Mme Busque: D'accord. Merci.
Mme Harel: M. le Président, cela va me permettre de
demander au ministre s'il y a des formulaires disponibles, puisqu'il est
déjà en application,
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, présentement, comme je
vous l'indique, c'est en application de façon rétroactive.
Mme Harel: Fictive.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous voulons l'accompagner de la
publicité adéquate pour faire en sorte qu'il ait plus de
succès dans son application qu'en a eu un programme dit SUPRET que votre
gouvernement avait mis de l'avant.
Mme Harel: Comment fait-on pour s'inscrire à APPORT,
puisqu'il est déjà en opération? C'est une autre question
que je poserai au ministre, mais on aura d'autres occasions pour la lui
poser.
C'est à vous que je veux poser mes questions aujourd'hui. Vous
disiez tantôt qu'il y aurait une économie, entre autres, pour la
catégorie non disponible. Non disponible, c'est, entre autres, une
femme, chef de famille, qui assume la garde d'un enfant de moins de deux ans.
C'est une femme enceinte de plus de six mois, ce sont aussi des personnes qui
sont inaptes temporairement, qui ont un problème, une maladie. Vous
disiez qu'il y avait une économie.
Cette économie a été chiffrée par le
ministère, dans un document qui a été rendu public par le
front commun des assistés sociaux, et est de 33 000 000 $. Mais il y a
également une autre économie, celte dont on n'a pas encore
parlé, qui consiste à rendre des personnes admissibles sans les
faire participer au programme. C'est la catégorie admissible.
Avec l'attitude que vous nous décrivez chez un bon nombre de
femmes qui seront désireuses, même si cela ne leur donne pas
nécessairement l'assurance d'un emploi, de participer, même avec
un statut d'assistée sociale, à des mesures... Mais, même
en se proposant de participer à ces mesures, elles seront dans une
catégorie admissible qui ne leur permettra pas d'avoir le plein montant.
Si on compare actuellement le montant que reçoit, disons, une chef de
famille monoparentale avec un enfant, soit un montant 680 $, avec l'allocation
qu'elle recevrait en étant admissible à des mesures, donc toute
prête, toute disposée, fermement convaincue, même, que cela
va l'aider à retourner sur le marché du travail, ses prestations
vont être de 620 $, une réduction. M. le ministre, je vous
réfère au tableau: Admissible à des mesures.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis familier avec cela.
Mme Harel: C'est donc dire que, présentement, même
avec le discours mystificateur, dans le cas d'une assistée sociale -
parlons en fait de l'ensemble - qui serait bien disposée à
participer à toutes les mesures que le ministre a faites sans exception
pour tout le monde, ses prestations seraient de 64 $, pour une chef de famille
monoparentale, de moins que ce qu'elle reçoit présentement. J'ai
fait les calculs. Une chef de famille monoparentale de deux enfants qui
retourne terminer son secondaire et une chef de famille qui retourne au
cégep avec trois enfants, huit ans, onze ans et treize ans - que je
connais - en participant pleinement, notamment avec les retours aux
études que l'on sait être quand même difficiles, que l'on
sait ne pas se faire dans les meilleures conditions, ces femmes vont recevoir
l'une et l'autre, avec une proposition de participation aux mesures, dans le
document du ministre, moins que ce qu'elles ne reçoivent
présentement, en participant aux mesures. Vous allez me dire que ce
n'est pas considérable: 26 $, dans un cas, et 16 $, dans l'autre cas, en
moins. Qu'à cela ne tienne, si tant est qu'elles partagent un logement
toutes les deux, pour pouvoir, simplement, se permettre à l'occasion
d'amener un enfant ou l'autre - pas les trois évidemment - voir un film
ou participer à une autre activité qui n'est pas prévue
dans les besoins essentiels. Alors là, chacune d'entre elles verrait ses
prestations diminuées de 115 $ par mois et la perte serait de 131 $ de
ce qu'elles reçoivent présentement, pour participer pleinement
aux mesures par lesquelles le ministre
dit devoir les amener à réintégrer le marché
de l'emploi. Ce document d'orientation qui est devant nous est une punition,
actuellement, pour à peu près l'ensemble des
bénéficiaires de l'aide sociale.
Mme Thibault: J'aurais simplement un commentaire, Mme la
députée. Moi-même, habitant dans une coopérative
d'habitation, je regardais le coût du loyer que nous avons dans le
centre-ville de Montréal. Ce sont vraiment des coûts très
avantageux et malgré tout, avec les barèmes alloués
prévisibles pour 1989, il faudrait qu'un couple soit
bénéficiaire de laide sociale, comme on dit, avec deux enfants
pour pouvoir se payer le logement où j'habite en ce moment. Et ce sont
déjà des logements qualifiés presque de logements sociaux.
J'avoue que je trouve cela assez inquiétant. Je trouve aussi un peu
décourageant, effectivement, de voir qu'on va diminuer de 115 $ les
allocations des personnes bénéficiaires de l'aide sociale parce
qu'elles vont rester ensemble. Je pense à tous les chambreurs qui
essaient de se regrouper à Montréal et qui essaient d'avoir des
maisons de chambre intéressantes. Je me demande comment on va faire pour
ces gens-là. J'espère que ces gens-là vont être
entendus à la commission parlementaire.
Mme Harel: Je vous remercie. Je vais terminer ici. Je sais que
J'ai encore un petit peu de temps, mais je pense que nous allons avoir
l'occasion de rencontrer un ensemble de groupes avec lequel vous travaillez
à l'échelle de la coalition. Les dix mémoires
présentés par l'ensemble des organismes féminins du
Québec sont, unanimement, extrêmement critiques à
l'égard de ce qu'ils considèrent comme des mesures proprement
odieuses. Alors, nous aurons l'occasion et je vous remercie de vous être
présentées devant la commission.
Le Président (M. Bélanger): Merci. II reste deux
minutes à la formation ministérielle pour une question et une
réponse Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Legault: Merci, M. le Président. Si vous me le
permettez, ma question fait suite à une réflexion personnelle sur
l'avenir des femmes. Comme l'indique le document, les femmes ont accès
aux emplois les moins bien rémunérés. Comme on pouvait le
lire hier dans Le Soleil du 22 février, les femmes, à
travail égal et études égales, subissent une diminution de
salaire pouvant atteindre jusqu'à 20 % et 40 %. Dans une perspective de
plein emploi, je vous demande ce que vous en pensez. Ma question est comme ceci
Serait-il rétrograde et conservateur d'appuyer une politique qui
favoriserait les femmes qui choisiraient - j'ai bien dit qui choisiraient -
librement de demeurer au foyer afin d'élever leurs enfants et de
s'occuper d'elles-mêmes et ce, pendant quelques années? Je vous
demande ce que vous en pensez.
Mme Busque: Je pense qu'il faut donner le choix aux femmes de
pouvoir faire cela et dire que la politique est pour leur permettre, je pense,
d'intégrer le marché du travail, mais de le faire dans des
conditions ou cette intégration va signifier qu'elles améliorent
leur sort à court, moyen et long termes et non pas qu'elles vont s'en
aller dans un emploi pour quelques mois et retomber a rien. Après cela,
je pense que, par contre, il faut permettre à celles qui le veulent
effectivement d'élever leurs enfants. Je pense qu'on est dans une
société où on doit respecter ces choix individuels. Dans
la mesure où on pense que les enfants sont un bien pour la
collectivité, à ce moment-là il faut leur donner aussi un
soutien de la part de cette collectivité II faut voir que c'est un gros
travail, aussi, que d'élever les enfants. Je dirais qu'on a toujours vu
cette production comme n'ayant pas de rapport avec l'économie. Elle a un
rapport avec l'économie, il ne faut pas se le cacher, sauf qu'il ne faut
pas prôner cela au détriment de l'intégration des
femmes au marché du travail. C'est une question d'équilibre.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve, est-ce que vous désirez remercier
le groupe?
Mme Harel: Oui Je pense que c'est fait en partie, mais, en fait,
vous me donnez l'occasion de leur dire encore une fois combien c'est important
qu'elles viennent, avec l'éclairage qu'elles nous apportent, qui est
vraiment un éclairage de bon sens. Je pense que c'est sans doute un
élément majeur pour nos travaux.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie et je vous dis
que, même si je n'ai pas eu l'occasion ou le temps de répliquer,
j'ai noté également un autre argument que vous avez mis de
l'avant et qui concernait l'hébergement. Là-dessus aussi, nous
comptons vous apporter des réponses. Merci beaucoup de votre
contribution.
Le Président (M. Bélanger): Alors, nous vous
remercions beaucoup et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures
(Suspension de la séance à 13 h 20)
(Reprise à 15 h 7)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de prendre sa
place pour que la commission des affaires sociales se réunisse
aux fins de procéder à des consultations générales
et de tenir des auditions publiques afin d'étudier le document
intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu". Nous
recevons présentement à la table des témoins, le Conseil
du statut de la femme qui sera représenté par Mme Francine
McKenzie, Mme Jocelyne Olivier, Mme Micheline Boivin et Mme Francine
Lepage.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Je m'excuse auprès de nos invitées,
quelques secondes pour connaître l'état de vos démarches
concernant la télédiffusion de nos débats.
Le Président (M. Bélanger): Une lettre a
été envoyée au comité responsable de la
télédif-fiusion des débats et j'attends des nouvelles
là-dessus. La lettre est partie hier. La demande est faite formellement.
Alors j'attends une réponse.
Mme Harel: Très bien. Une deuxième...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Harel:... intervention concernant le déroulement de
nos travaux et la possibilité pour les personnes qui veulent assister de
le faire ici même, au salon rouge. On sait très bien que
l'accès au salon bleu n'est possible que lorsque nous sommes
parlementaires, mais le Salon rouge a toujours été
considéré, d'une certaine façon, comme le salon du peuple.
Et certaines personnes ont fait des représentations à savoir
qu'elles se sentaient très isolées de devoir suivre nos travaux
de l'extrémité des galeries. Alors, je souhaiterais, M. le
Président, dans la mesure où il y a des sièges qui sont
disponibles, dans la mesure où le calme est assuré dans cette
salle, qu'on puisse y accueillir toutes les personnes qui veulent assister de
plus près à nos délibérations.
Le Président (M. Bélanger): Alors,
considérant l'importance des groupes qui peuvent venir - on a vu hier,
par exemple, que les galeries étaient pleines - et que,
éventuellement, on aurait pu loger la majorité de ces
gens-là en bas, mais considérant aussi certains appels ou
certaines informations qu'on a eues à indiquant que des groupes
voudraient manifester dans la salie, on préférerait, pour des
questions d'ordre, de bon maintien de l'ordre et de bonne organisation, voir
les groupes ou une partie des groupes, en tout cas, assister de ta galerie, ce
qui poserait moins de problème sur le plan de la sécurité
et et de l'organisation. C'est la raison qui nous motivalt à cette
décision.
Mme Harel: C'est une mauvaise raison, M. le Président,
parce que c'est une sorte d'ap- préhension qui, tout compte fait...
Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas une
appréhension, madame. Nos informations sont formelles. Les gens nous ont
bien avertis qu'ils voulaient manifester.
Mme Harel: Quelle manifestation? De qui s'agit-il?
Le Président (M. Bélanger): Écoutez!
Mme Harel: Si vous avez des informations formelles, vous pouvez
nous les communiquer, parce que ce n'est pas sur la base d'appréhension
de manifestation...
Le Président (M. Bélanger): Je vous les
communiquerai en privé après la réunion.
Mme Harel: Non. M. le Président. Je dois vous dire que je
m'oppose catégoriquement à ce que des personnes ne puissent pas,
tel même, suivre nos délibérations au moment où il y
a - vous le voyez d'ailleurs - des sièges disponibles. Je crois qu'il
est raisonnable, lorsque la salle est occupée, qu'on puisse leur
indiquer d'autres accès dans les galeries pour suivre nos débats.
Mais qu'on les y conduise systématiquement parce qu'on appréhende
leur réaction, je trouve cela absolument inacceptable. Je n'ai jamais vu
cela depuis sept ans que je siège en ce Parlement, avec pourtant, des
débats controversés et tumultueux, je n'ai jamais vécu une
situation comme celle-là.
Le Président (M. Bélanger): L'article premier du
règlement dit formellement ceci: "Le Président de
l'Assemblée nationale dirige les séances de l'Assemblée -
et, par extension, les présidents de commission dirigent les
séances de l'Assemblée - administre ses services et la
représente, notamment dans ses rapports avec d'autres Parlements.
L'article 2: "Outre les pouvoirs que la loi lui confère, le
Président: l'ouvre, suspend et lève les séances de
l'Assemblée; 2° maintient l'ordre et exerce tous les pouvoirs
nécessaires à cette fin. "
Nos informations sont suffisamment pertinentes et nous croyons que, des
galeries, on peut fort bien suivre les débats aussi bien qu'en bas. Je
ne vois pas en quoi les gens sont lésés ou quel problème
cela peut soulever.
Mme Harel: M. le Président, je m'oppose formellement
à cela et ma formation politique transmettra certainement notre
opposition au président de l'Asssemblée.
Le Président (M. Bélanger): C'est votre
privilège, madame.
Conseil du statut de la femme
Nous recevons le Conseil du statut de la femme. Je prierais Mme la
porte-parole de bien vouloir présenter ses collègues. Je vous
informe qu'on a seulement 20 minutes pour votre présentation ou le
résumé de votre mémoire, question de gérer le temps
efficacement car il y a 125 groupes à rencontrer. Vous connaissez nos
procédures, vous êtes familière avec elles. À chaque
fois que lune d'entre vous prendra la parole je vous demanderais de bien
vouloir vous identifier pour les fins de transcription du Journal des
débats. Je vous remercie et je vous prie de bien vouloir
commencer.
Mme McKenzie (Francine): Je vous remercie, M. le Président
M. le ministre, Mmes et MM. les ministres et députés de cette
commission, 245 000 femmes, 245 909 femmes plus précisément, sont
concernées par le projet de réforme de la sécurité
du revenu. C'est donc le quart dun million. II n'est donc pas superflu que le
conseil soit entendu ici et nous vous remercions de nous en donner
l'occasion.
Tout d'abord, je dois dire que nous souscrivons aux principes qui
sous-tendent ce projet, à savoir favoriser la réinsertion sociale
des prestataires, l'atteinte de leur autonomie économique, le
développement de leur potentialité d'emploi et le choix d'une
approche personnalisée pour y arriver. Nous sommes d'accord aussi pour
que l'on prévoie des mesures incitatives à I'emploi. Cependant,
nous sommes en désaccord avec les mesures coercitives ou punitives
envisagées, sauf pour les cas démontrés de mauvaise foi,
de dissimulation ou de fraude.
Enfin, nous nous réjouissons des améliorations
concrètes prévues au volet de soutien financier pour les
personnes inaptes au travail. Nous croyons que c'est là un point fort
positif qu'il faut maintenir. Malheureusement, là s'arrête notre
acquiescement concernant la réforme, puisqu'en définitive le
concept clé de cette réforme, le concept charnière qu'est
la disponibilité à l'emploi renvoie à la question
primordiale combien d'emplois seront disponibles?
C'est une bonne idée que de vouloir investir dans une approche
personnalisée, mais c'est aussi une approche que l'on sait être
coûteuse. Or, si on décide d'investir dans une approche
coûteuse, il me semble qu'on doit avoir une idée de sa
rentabilité. II faut se poser la question combien de prestataires parmi
les quelque 300 000 présumés aptes et disponibles à
l'emploi trouveront effectivement un véritable emploi? Est-ce qu'il faut
prêter foi aux données publiées par les médias
relatives à la capacité d'accueil? Il semble, en effet, que
seulement 7000 postes d apprentissage soient disponibles en milieu de travail,
que le rattrapage scolaire ne puisse absorber que 20 000 prestataires alors que
le programme de retour aux études postsecondaires n'offre que 1600
places. Je vous pose la question Qu'adviendra-t-il des autres aptes?
Est-ce qu'on s'est vraiment doté, par ailleurs d'une
véritable politique de recyclage et de formation de la main-d'oeuvre? Le
moment n'est-il pas venu d'investir dans une politique de l'emploi de regarder
sérieusement les possibilités de création d emplois
nouveaux non seulement dans le secteur privé, mais aussi dans les
secteurs communautaires et coopératifs en misant sur le
développement d'activités utiles et
rémunérées en réponse aux nouveaux besoins sociaux?
(15 h 15)
Alors que I'on parle de désinstitutionnalisation, il faut penser
à tous les biens et services qu'il faut offrir aux individus, qu'il faut
offrir aux familles aussi et qui sont essentiels des services de garde et
autres substituts familiaux, des services à l'endroit des personnes
âgées, des personnes malades, des personnes handicapées, le
recyclage des ressources matérielles la protection de l'environnement,
la lutte contre l'analphabétisme, la promotion de la santé, et
j'en passe.
Finalement, en matière d'emploi, est-ce quon n'essaie pas de se
rendre à la l'une en montgolfière? Est-ce que le moment n'est pas
venu de penser autrement le travail pour moduler les horaires améliorer,
aménager le temps de travail, raccourcir sa durée, faciliter aux
femmes comme aux hommes l'harmonisation de la vie professionnelle et de la vie
familiale, alors que de plus en plus d hommes regrettent de ne pas avoir vu
grandir leurs enfants et que de plus en plus de jeunes couples sont
conviés au partage des tâches et des responsabilités
parentales? Je crois que, si l'entreprise enregistrait dans sa culture les
mutations culturelles qui marquent déjà notre entrée dans
le XXIe siècle, si elle le recherchait résolument, on arriverait
à générer des emplois nouveaux et ce ne serait pas
toujours les mêmes qui travailleraient.
On nous dit que 100 000 emplois ont été
créés cette année au Québec. Malgré cela, le
taux de chômage est de 10 % et on peut se demander si, toutefois, en
1989, il y avait un ralentissement économique, ce taux de chômage
ne risquerait pas de s accroître. En conséquence, le Conseil du
statut de la femme recommande que la réinsertion des prestataires de
l'aide sociale s'inscrive dans une politique dynamique de création
d'emplois, de recyclage et de formation de la main-d oeuvre, et que les
employeurs concernés par les mesures visées participent à
ces mesures sans porter préjudice aux effectifs réguliers et
offrent aux prestataires une véritable expérience de travail.
Quelles sont donc les femmes tes plus touchées par l'aide
sociale? Je voudrais rappeler que ce sont d'abord les femmes seules, un
contingent de 105 231 femmes seules. Les femmes de 55 à 64 ans sont au
nombre de 25 000 et il y a également 25 000 jeunes de 25 ans et
moins
Ensuite ce sont les femmes monoparentales, c'est-à-dire 76 225
femmes et leurs 115 000 enfants. Si on exclut les femmes de 65 ans et plus, je
veux rappeler qu'au Québec une femme sur neuf dépend de l'aide
sociale, que 55 % de la clientèle adulte à laide sociale est de
sexe féminin, que les femmes demeurent deux fois plus longtemps que les
hommes à l'aide sociale et, que parmi les aptes au travail, les femmes
monoparentales sont celles qui demeurent le plus longtemps à laide
sociale. II faut rappeler que les femmes monoparentales sont peu
scolarisées et qu'à 86 % elles ont une onzième
année ou moins d une onzième année. En fait, ces femmes
sont passées, sans accéder à I'autonomie
économique, directement de la dépendance du conjoint à la
dépendance de l'État. La réforme, le projet actuel,
présente à leur égard des failles sérieuses.
Prenons I'exemple d'une responsable de famille monoparentale qui aurait un
enfant de moins de six ans, qui serait prestataire depuis moins de dix mois et
qui, par miracle réussirait à avoir un coût de loyer de 275
$, y compris l'électricité, le téléphone et le
chauffage. En considérant la prestation de cette femme, les allocations
familiales qu'elle touchera, de même que le crédit d'impôt
qui lui sera versé pour son enfant, il ne lui restera que 13, 17 $ par
jour pour satisfaire ses besoins autres que ceux du logement,
c'est-à-dire la nourriture, les vêtements, les soins personnels,
l'entretien ménager, le transport, le loisir, etc. Après que ces
neuf premiers mois seront écoulés, cette prestataire ne disposera
que de 14, 34 $ par jour en attendant de participer aux mesures de
réinsertion. C'est presque de l'ordre du miracle. Plutôt que de
miser sur I'effet dissuasif de prestations diminuées, il faudrait axer
l'action gouvernementale sur une intervention rapide, offrir des encouragements
financiers à leur réinsertion, offrir un appui continu durant la
préparation à l'emploi et surtout des services de garde
accèssibles et peu coûteux.
Je voudrais rappeler qu'actuellement. II y a en France une
expérience en cours qui, semble t-iI, est rentable, une
expérience d'approche personnalisée ou on prend, dès le
début, les femmes qui sont dans cette situation de responsabilité
de famille, qui doivent assumer cette responsabilité seule. On nous dit
que les résultats sont fort étonnants, fort positifs, et que
d'emblée deux femmes sur trois auraient effectivement trouvé un
emploi avec une démarche personnalisée, qui est certes
coûteuse mais qui est rentable. Je crois qu'on doit
réfléchir à ces neuf mois qui ne sont probablement pas du
tout porteurs de fruits.
II faut donc, pour ces femmes monoparentales, une allocation suffisante
pour assumer le coût supplémentaire lié à
l'apprentissage, les repas, le séjour, les transports, les
vêtements et les services de garde. II faut un appui psychologique aussi,
une aide pour solutionner les problèmes qui surgissent lors de la
réinsertion et le maintien des prestations pour les besoins sociaux
durant au moins les trois mois suivant le retour en emploi. Cela nous semble
d'autant plus important qu'il y a, durant cette période, des occasions
certaines d'endettement et que de maintenir les besoins spéciaux pendant
trois mois ne nous semble pas exagéré.
Dans la même foulée, il faudrait que le programme de retour
aux études postsecondai-res - et c'est un programme nous dit le
ministère, qui est fort rentable et qui constitue un succès - eh
bien il faudrait maintenir ce programme de formation et même voir dans
certains cas à le prolonger de façon à permettre aux
femmes qui pourraient le désirer d'entreprendre et de compléter
des études supérieures. II me semble que l'on devrait au moins
viser à ce quelles aient un diplôme, que ce soit un diplôme
de cégep professionnel, donc, les trois ans ou alors, dans certains cas,
un premier diplôme universitaire.
En ce qui a trait aux femmes seules maintenant. Le projet de
réforme est synonyme de privations excessives pour les femmes seules
qui, comme je l'ai dit, constituent le groupe le plus nombreux de prestataires
féminines. En effet, celles qui réussiront à ne payer que
250 $ par mois pour leur loyer en 1989 - loyer, électricité,
chauffage, téléphone - encore là, ne disposeront pour tous
les autres besoins que de 5, 17 $ par jour, si elles sont prestataires depuis
moins de dix mois et de 5, 67 $ après ces dix mois. Si, par souci
d'économie, ces femmes songent à partager leur logement, leurs
prestations seront réduites de 115 $ par mois. Je voudrais rappeler
qu'au même moment, c'est-à-dire en 1989, le fisc
québécois va accorder aux personnes vivant seules une exemption
de 820 $ pendant ce temps-là, reconnaissant qu'il coûte plus cher
de vivre seul. Est-ce qu'on doit vraiment pénaliser les personnes qui
cherchent à réduire un peu leur coût de subsistance?
Pour les 25 000 femmes maintenant de 55 à 64 ans qui sont
à l'aide sociale, je crois que l'on devrait user de souplesse,
éviter de catégoriser ces femmes, éviter de
présumer aussi quelles sont aptes ou pas et assurer à celles qui
souhaitent se réinsérer le soutien requis et aux autres des
prestations décentes. On pourrait voir, par exemple, pour ces femmes des
emplois communautaires correspondant aux nouveaux besoins sociaux dont j'ai
parlé, de même qu'à notre configuration
démographique. Quant aux jeunes adultes, ce sont les forces vives de la
société. Croyez bien que le conseil est inquiet au plus haut
point de les voir aussi nombreux à l'aide sociale. Je crois qu'il faut
intervenir pour ces jeunes dans les plus brefs délais pour les orienter
vers le marché du travail, donc, réduire les délais
prévus pour la parité de leurs prestations. Relever aussi
sensiblement les seuils du revenu déterminant la contribution parentale
présumée à I'endroit des enfants majeurs. II est
inacceptable que ce seuil soit de 21 600 $. Si le seuil de
pauvreté est de plus de 10 000 $, imaginez, cela veut dire
qu'avec un enfant majeur dépendant de ses parents on a tout de suite
trois personnes qu'on essaie de faire vivre avec, finalement, les deux tiers de
ce qu'il faudrait en réalité. De plus, les jeunes adultes
considérés sous l'entière responsabilité
financière de leurs parents devraient au besoin bénéficier
de certaines mesures de réinsertion comme l'orientation, la formation,
les allocations pour les frais afférents, s'il y a lieu. C'est cocasse,
mais je crois comprendre, d'après la réforme, que les jeunes
devenus majeurs devraient s'inscrire finalement à l'aide sociale trois
ans à l'avance pour que puisse prendre fin leur période de
dépendance financière envers leurs parents. Vous conviendrez
qu'il y a sûrement des façons plus positives de développer
leur sens de la planification. Quant aux femmes avec enfants et conjoint qui
ont à concilier le travail gagne-pain et les responsabilités
familiales, eh bien, ces prestataires, me semble-t-il, devraient
bénéficier de services de garde accessibles sans frais ou
à un coût minime. Par ailleurs, la vocation des SEMO, les SEMO qui
existent déjà et qui sont ces services extérieurs de
main-d'oeuvre, devrait être confirmée et ces services devraient
demeurer accessibles non seulement aux prestataires de l'aide sociale, mais
à toute femme qui éprouve des difficultés réelles
d'insertion dans le monde du travail.
Je voudrais ajouter, en ce qui a trait aux conjointes, M. le
Président, que, dans le régime actuel d'aide sociale, les
prestations sont adressées à celui des conjoints qui a
formulé la demande. L'examen de statistiques récentes
démontre que les hommes, dans les couples ou dans les familles
biparentales, reçoivent le chèque d'aide sociale presque cinq
fois plus souvent que les femmes des mêmes unions, Eh bien, cela nous
paraît assez peu conforme à l'article du Code civil qui porte sur
l'égalité des conjoints et il serait souhaitable que ce
chèque soit partagé à parts égales entre les deux
conjoints.
Pour les femmes enceintes, les prestations ne devraient pas être
réduites; elles devraient suffire à couvrir les besoins de base
ainsi que les besoins particuliers résultant de l'état de
grossesse, d'autant plus qu'il est démontré qu'une mauvaise
condition économique chez les mères entraîne plus de
mortalités et de morbidité chez les nouveau-nés. Or, on
propose de leur accorder des prestations inférieures à celles que
leur donnerait l'actuel régime d'aide sociale. Ce n'est pas le
supplément pour grossesse de 20 $ par mois - en fait, de 0, 67 $ par
jour - déjà attribué qui pourra leur assurer le litre de
lait, les fruits et les légumes qui leur sont recommandés,
notamment dans leur état!
En ce qui a trait au conjoint de fait, je rappelle que, dans le
régime actuel, on considère que l'homme et la femme forment un
couple dès que la vie maritale est constatée. L'homme en emploi
est alors présumé assurer ta subsistance de la femme et de ses
enfants sans délai, même si aucun engagement formel ne lie les
deux adultes, même s'il n'a aucune responsabilité légale
envers les enfants de sa compagne et même si le père biologique
existe toujours Dans le projet de réforme, on propose de
reconnaître comme entité familiale les conjoints de fait n'ayant
pas d'enfants communs après douze mois de vie commune et cela, tant dans
les programmes APTE, Soutien financier, que dans le programme APPORT.
Dès ia cohabitation, cependant, la bénéficiaire subirait
une réduction de prestation de 115 $ par mois pour partage de
logement.
Dans le cas des familles reconstituées, le conseil est d'avis
qu'il faudrait s'inspirer de l'usage qui prévaut dans les régimes
de rentes du Québec, d'assurance automobile et d'assurance pour les
accidents du travail ou la maladie professionnelle. Nous recommandons, en
conséquence, qu'en conformité avec les programmes d'assurance
sociale québécois l'on porte à trois ans, en l'absence
d'enfants nés de l'union, la durée de vie commune
entraînant la reconnaissance des conjoints de fait et que ce délai
soit d'un an lorsqu'il y a un enfant commun. Nous reconnaissons
également qu'il y a là des dispositions qui se rapprochent
beaucoup de la directive récemment adoptée en Ontario,
notamment.
Pour la pension alimentaire, parmi nos préoccupations,
mentionnons celle du statu quo sur la pension alimentaire. Actuellement, la
prestataire qui reçoit une pension voit ses prestations réduites
d'autant. Par ailleurs, pour la travailleuse à faible salaire qui touche
une pension alimentaire, le programme APPORT devient moins intéressant
car le supplément auquel elle a droit est réduit, comme on le
sait, du montant entier de la pension reçue. Alors, dans le but
d'encourager la réclamation des pensions alimentaires et
d'améliorer la situation des responsables de families monoparentales
recevant une pension, le conseil recommande qu'on ne comptabilise pas à
100 % la pension versée au moment d'établir les prestations
d'aide sociale ou le supplément au revenu de travail dans le programme
APPORT. Une exemption pour revenu de pension ou un taux de réduction
partielle pourrait alors être appliqué.
En conclusion, j'aimerais rappeler cinq éléments qui nous
apparaissent essentiels à une politique d'aide sociale.
Premièrement, l'État devrait prévoir pour les prestataires
une garantie de ressources suffisantes, des encouragements positifs à
l'emploi, une juste prise en considération des coûts de travail,
de formation et de garde d'enfants, des possibilités de formation
réelle de recyclage et, enfin, un soutien technique aussi bien que
moral. Ce projet de réforme devrait s'inscrire également dans une
politique de création d'emplois dynamique et imaginative, calquée
sur la prospective de l'an 2000 qui nous attend, prospective qui est finalement
a notre porte. Aussi, cette politique de dernier recours doit-elle briser le
cycle de la pauvreté qui
engouffre bien des femmes.
On doit saisir enfin l'occasion de cette réforme pour simplifier
l'impôt sur le revenu et pour le rendre vraiment progressif, en faisant
porter le fardeau fiscal sur ceux qui ont des revenus supérieurs
plutôt que sur les gagne petit, comme le rêvait Kenneth Carter dans
les années soixante - un rêve de comptable agréé.
Kenneth Carter était pourtant un comptable agréé, le
président de la Commission de la fiscalité, à Ottawa, dans
les années soixante. C'est un rêve qui ne s'est jamais
réalisé, puisque les abris fiscaux pour les riches comme on le
sait, ont continué à se multiplier au fil des ans.
Enfin, une politique de sécurité du revenu coûte
cher, et nous en sommes conscientes. Nous faisons l'hypothèse qu'un
impôt progressif et une réduction des dépenses fiscales
constituent une façon intéressante d'en assumer les frais, en
même temps qu'ils seraient source d'équité fiscale et
d'équité sociale. Nous croyons que cette valeur
d'équité a un poids collectif non négligeable dont il faut
espérer les effets bénéfiques puisque, finalement,
I'équité elle-même constitue une mesure incitative à
l'emploi et à la productivité Je vous remercie. (15 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme McKenzie, j'aimerais remercier
le Conseil du statut de la femme de son mémoire et de la
présentation que vous en avez faite. Dans un premier temps, je note que,
dans son ensemble, l'un des volets de la politique de la sécurité
du revenu ne semble pas poser, pour le Conseil du statut de la femme, de
problèmes particuliers. Je me réfère ici - si ce n'est pas
le cas, vous me reprendrez - au programme de soutien financier Je note
qu'à un autre volet, le programme APPORT, il y a une question de pension
alimentaire à propos de laquelle vous nous demandez non pas de prendre
en considération les 100 % versés, mais de voir s'il y a des
possibilités d'ajustement pour un pourcentage moindre.
En ce qui concerne le programme APTE, et je pense que c'est de cela que
la majeure partie de votre mémoire détaillé traite, vous
avez des questions. J'en retiendrai principalement deux, quitte à
laisser la chance à Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine d'intervenir, ainsi qu'à d'autres
collègues. La première question que j'aimerais vous poser porte
sur l'intervention que vous avez faite quant aux familles monoparentales aptes
au travail et au barème proposé durant les neuf premiers mois.
Vous savez que, sans les avoir identifiées, le gouvernement stipule dans
fa politique de sécurité du revenu - et je l'ai indiqué
verbalement au cours des travaux de cette commission - que, pendant ces neuf
premiers mois, il a l'intention de privilégier certaines
clientèles qui, si nous ne nous en occupions pas immédiatement,
sur le plan de l'employabilité, risqueraient de demeurer à laide
sociale pour une période beaucoup plus longue. On gaspillerait du temps
et pour le gouvernement et pour la personne qui pourrait en
bénéficier en imposant un carême de neuf mois. Est-ce que
vous considérez, suivant votre expertise, que toutes les femmes chefs de
famille monoparentale devraient faire partie de cette clientèle? C'est
ma première question.
Mme McKenzie: Indépendamment de l'âge de leurs
enfants, M le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme McKenzie: Je crois ici qu'il faut quand même faire la
nuance, comme vous le faites dans le projet, entre les mères qui ont des
enfants de deux ans et moins et les autres. En ce qui a trait au moment
d'intervention, vous avez dû saisir à même notre
mémoire que, lorsque nous recommandons une intervention rapide. J'ai
donné l'exemple de la France parce qu'il me semblait qu'il y avait
peut-être là, pour vos gens au ministère, quelque chose de
fécond à considérer davantage. Mais, si les
résultats sont aussi positifs qu'on le dit, je crois que cela
mériterait d'être considéré. Donc, il semble bien
qu'une intervention rapide, avant déjà que des habitudes ne se
créent ou que les difficultés puissent s'accroître,
mérite d'être faite.
En ce qui a trait aux femmes qui ont des enfants de deux ans et moins,
je crois qu'il faudrait retrouver l'esprit des congés de
maternité et accepter que ces femmes-là ont besoin d'être
avec leurs enfants. Quand il s'agit d'une femme avec iI n'y a pas seulement
l'âge, il y a le nombre d'enfants également, parce que cela peut
devenir une corvée et tenir presque du miracle que de devoir se
recycler, terminer des études et voir à deux, trois ou quatre
enfants dans certains cas. Là, cela me semblerait impossible d'imaginer
qu'il faille exercer une coercition à l'endroit de ces femmes-là
parce qu'elles ont autre chose. Personnellement, je dois dire que le conseil ne
s'est pas fait tout à fait une tête là-dessus, mais je
crois pouvoir avancer qu'on n'est pas trop favorables à étirer la
période durant laquelle la femme monoparentale est prestataire de l'aide
sociale. II y a un danger, une trappe là-dedans. Quand on voit
déjà les difficultés de réinsertion dans le monde
du travail qui existent, je crois qu'il faut user de discernement,
reconnaître que celles qui sont trop mobilisées à la
maison, étant donné le nombre d'enfants qu'elles ont, ne le
peuvent peut-être pas, mais elles pourraient terminer des études
et là miser sur des choses comme la formation à distance qui leur
évite de devoir sortir de la maison II y en a des moyens. Elle est
là la technologie Je crois qu'il faut y songer sérieusement.
Pour les autres, je serais plutôt d'accord pour qu'elles puissent
assez rapidement être
réinsérées, terminer leurs études et voir
sérieusement à trouver un emploi pour ne pas éterniser ou
prolonger indûment la période où elles sont à la
maison et où, déjà, cela constitue toujours un obstacle de
plus. On ne peut pas non plus tenir un discours complètement autre, en
ce qui a trait aux femmes monoparentales, que celui que nous tenons pour
l'ensemble des femmes en général. Nous voulons cette autonomie
économique. Nous nous disons: Là, elle est en difficulté,
mais d'autres aussi le sont et parfois c'est à 50 ans que d'autres le
seront. Or, cette question de formation achevée et d'expérience
de travail constitue à notre sens une excellente police d'assurance, si
Je peux dire, pour l'autonomie économique, et je ne crois pas qu'il
serait sage de dire au départ aux femmes monoparentales. Vous allez
constituer une caste à part à l'égard de cet objectif
d'autonomie économique. Je ne sais pas s! j'ai vraiment répondu
à votre question, M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non seulement vous avez
répondu à la première question que je vous avais
posée, mais votre réponse répondait également
à la deuxième interrogation que j'avais en tête. Je vous en
remercie. Peut-être que Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine ou que Mme la députée de
Maisonneuve veut appliquer le règlement en ce qui concerne l'alternance,
M. le Président.
Mme Harel: Allez-y!
Le Président (M. Bélanger): On cède la
parole à Mme la ministre déléguée à la
Condition féminine.
Mme Gagnon-Tremblay: Je vous remercie et vous félicite,
Mme McKenzie, pour la présentation de votre mémoire qui
était d'une clarté, d'une limpidité. Ma question est la
suivante: Dans votre mémoire, vous vous prononcez en faveur des mesures
pour relever l'employabilité des bénéficiaires et vous
suggérez que ces mesures soient offertes dès l'admission des
bénéficiaires à l'aide sociale. Estimez-vous à ce
moment-ci que les femmes ont des besoins spécifiques à ce
niveau-là? Est-ce que vous estimez que les femmes ont des besoins
spécifiques?
Mme McKenzie: Je crois que le premier besoin est celui d'une
formation achevée d'études secondaires. À partir du moment
où on dit que 86 % d'entre elles n'ont pas le secondaire V, c'est une
donnée qui doit nous inquiéter, de même que doit continuer
à nous inquiéter au plus haut point l'analphabétisme qui
est très répandu, qu'il soit fonctionnel ou autre. Je crois qu'il
faut s'y attaquer, et s'y attaquer de façon énergique, encore
là, avec des moyens qui peuvent correspondre à leur
situation.
Je reviens sur la question de la formation à distance parce
qu'elle me semble une solution heureuse qui permettrait, sans trop de
perturbations, à ces femmes d'achever leur formation. Vous aviez un
autre élément dans votre question.
Mme Gagnon-Tremblay: Non, cela concernait surtout
l'employabiiité des bénéficiaires.
Mme McKenzie: Pour ce qui est des autres besoins, je crois qu'on
a parlé ici d'un soutien psychologique. Encore là, c'est une
question de confiance et je crois que cette question de confiance, je ferais
l'hypothèse qu'elle est plus facile à créer quand on
intervient rapidement avant que commence à se détériorer
l'espèce de tissu de l'individu qui doute de lui, qui se voit en marge,
etc. Je crois que c'est un processus qui peut aller très vite où,
me semble-t-iI, une intervention rapide serait souhaitable.
Les frais de garde, j'ai insisté là-dessus, Mme la
ministre, et vous connaissez notre position tà-dessus. Ce sont des
besoins qui demeurent Importants que ces services de garde à un
coût minime ou gratuits.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme McKenzie,
précisément sur la rapidité d'intervention qui est
souhaitable dans plusieurs cas et indispensable dans certains autres, nous
avons là aussi des problèmes qui sont dus à un
système assez complexe, compliqué. Une grande partie de notre
clientèle arrive à l'aide sociale après avoir passé
52 semaines à l'assurance-chômage. Même lorsqu'on intervient
dans les neuf premiers mois, s'il y a eu des phénomènes, des
distorsions qui ont pu se produire on en connaît déjà
plusieurs lorsqu'on intervient.
Mme McKenzie: Oui. Je crois qu'à plus forte raison il ne
faut pas trop tarder.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est un document qui
nous donne vraiment un portrait assez saisissant de la situation des femmes
pauvres. C'est une contribution importante parce qu'elle va nous permettre par
la suite de suivre un peu révolution des propositions qui nous sont
faites. J'entendais la réponse que vous donniez au ministre concernant
les femmes chefs de famille monoparentale et le souhait qu'on peut formuler que
des programmes d'intervention rapide soient mis à leur disposition;
j'imaginais dans quel contexte, avec quelle référence vous
faisiez cette réponse. Finalement, ce que le ministre avait omis de
mentionner dans sa question, c'est: Faut-il des barèmes
différents selon les catégories? Ce qui est en cause
présentement, ce n'est pas tant qu'il puisse y avoir des
catégories à l'aide sociale pour priviligier des
clientèles. Par exemple, constatant que la durée joue contre tes
femmes chefs de famille monoparentale, on pourrait fort bien envisager de
favoriser un accompagnement dès leur arrivée de
façon quelles puissent trouver tout de suite des solutions
adéquates à leurs problèmes. La question qui est
posée dans le document d'orientation c'est. Faut-il des barèmes
différents de manière à réduire d'autant les
prestations pour en arriver à ça? J'aimerais vous entendre
là-dessus. Vous faites I'analyse des propositions contenues dans le
document. À la page 40 vous posez une question simple: "Qu'offre donc le
projet de réforme aux femmes responsables de famille monoparentale?"
Vous posez la question et vous y répondez. Votre réponse cest ou
bien au pire pour la presque majorité cela offre moins et au mieux pour
les femmes chefs de famille qui participent pleinement vous nous dites:
"Lorsque l'on pense aux coûts supplémentaires en transport - c'est
à la page 44 - repas, vêtements, fournitures diverses qu'une
participation aux mesures occasionne on doit se rendre à
I'évidence que même pour les participantes, le programme APTE
n'est pas avantageux sur le plan financier. Privées du temps domestique,
les participantes subiront le poids de la double tâche et
connaîtront ainsi que leurs enfants une baisse de leur qualité de
vie". Vous évaluez à 36 $ au mieux la prestation
régulière qui serait augmentée par rapport à la
situation actuelle d'une femme chef de famille monoparentale avec un enfant et,
au pire toutes les autres catégories sont réduites. C'est ce
qu'offre le projet de réforme aux femmes responsables d'une famille
monoparentale.
La vraie question n'est pas de savoir si l'État, dans le document
d'orientation, va offrir des programmes plus rapides. La question est celle-ci:
Va-t-il baisser plus rapidement certaines que d'autres? C'est un peu à
cette question là qu'on trouve réponse dans le document et aussi
dans votre mémoire parce que vous le chiffrez. Dans votre document -
c'est la première fois que je vois ce point de vue exprimé - vous
craignez beaucoup, compte tenu de la clientèle, vous lavez
décrite... J'ai vu, entre autres que dans des régions comme la
Gaspésie et le Bas-du-Fleuve, une femme sur six reçoit de l'aide
sociale. Compte tenu du grand nombre de personnes seules, j'ai noté que
le nombre de femmes seules qui reçoivent de laide sociale est imposant.
Combien dites-vous?
Mme McKenzie: 105 000.
Mme Harel: 105 000. Vous dites que le danger, c'est
qu'après une tentative sur le marché de l'emploi, une tentative
qui n'a pas toujours le succès souhaité, étant
donné les ghettos d'emploi, la situation précaire, etc, elles
reviennent dans un régime ou elles auraient neuf mois à vivre le
carême. Le ministre dit: On va faire vivre le carême seulement
à ceux. Comme si on devait séparer l'ivraie du bon grain. Dans
les neuf premiers mois, dit-il, on va mettre en place un système de
façon que les personnes qui peuvent rapidement passer à travers
en se trouvant un emploi soient écartées des barèmes de
plein montant.
Comment ferez-vous pour séparer I'ivraie du bon grain durant les
neuf premiers mois? II y en a 40 % qui se trouvent un emploi dans les neuf
premiers mois, mais il y en a 61 % qui n'en trouvent pas. À elles, vous
ferez vivre un purgatoire. Ce ne sera pas le carême, mais un purgatoire
avant d'arriver à des barèmes d'admissibilité, à
des mesures qui ne leur sont pas offertes. Le ministre a beau dire, et il l'a
répété ce matin, qu'il n'y aura pas de plafond, que toutes
les mesures seront ouvertes à la demande, il se contredit lui-même
dans son document parce qu'il y a une catégorie qui s'appelle
"admissibles" et c'est la catégorie des personnes qui veulent beaucoup
mais à qui on n'offre pas les mesures. Si tant est que les mesures
étaient offertes sur demande, c'est bien évident que la
catégorie "admissibles" disparaîtrait car elle n'est là que
parce que l'État ne va pas tes offrir à ceux qui en
demandent.
Cela dit, j'aimerais vous entendre sur la question des barèmes.
Concevez-vous, comme le fait le document d'orientation, que les barèmes
à la baisse sont une incitation à participer à des mesures
de prise en main de son autonomie? (15 h 45)
Mme McKenzie: Non. Je crois avoir dit très clairement dans
ma présentation tout à I'heure qu'autant nous étions
sensibles aux mesures incitatives, autant les mesures coercitives et punitives
nous semblaient inacceptables. Je crois qu'on aurait la un exemple où,
durant ces neuf mois en faisant lever la période ou les barèmes
prévus seraient inférieurs, on verrait disparaître des
mesures presque punitives. Je crois qu'autant on a intérêt
à maintenir les mesures incitatives, autant on ne devrait pas, par
ailleurs, pénaliser pour finalement compromettre les besoins de base et
même les besoins à long terme.
Deuxièmement, Je répondrai à Mme Harel en lui
disant que, tant dans le mémoire que dans la présentation, on a
bien insisté pour dire qu'à nos yeux les besoins de base et les
besoins à long terme devaient être garantis. C'est ce qui nous
amenait à dire en conclusion tout à l'heure quune politique de
sécurité du revenu devrait prévoir des ressources
suffisantes. C'est ce que nous entendions par ressources suffisantes.
Mme Harel: Merci.
Mme McKenzie: Je ne sais pas si cela répond à votre
question?
Mme Harel: Merci. C'est déjà, si vous voulez,
vraiment bien formulé et articulé dans votre mémoire, mais
je crois important que l'ensemble des membres de la commission aient une vision
de ce que vous préconisez. Vous préconisez finalement que les
besoins essentiels soient couverts pour toutes les catégories et que
des programmes rapides d'intervention soient offerts.
Mme McKenzie: Oui. Nous avons également ajouté que
les besoins spéciaux puissent être assumés durant les trois
mois suivant la rentrée au travail.
Mme Harel: Vous faites cette recommandation pour l'ensemble des
personnes qui auraient une réinsertion sur le marché de
l'emploi.
Mme McKenzie: Pour les femmes monoparentales. II s'agissait des
femmes chefs de famille à ce moment-là.
Mme Harel: Des femmes chefs de famille. Sur la question du
conjoint de fait, je crois que c'est la première fois que nous abordons
cette question avec un organisme depuis l'ouverture de nos travaux. Vous
recommandez, dans le cas de couples sans enfant, que la notion de conjoint de
fait soit portée à trois ans. J'ai tout simplement tenté
dans diverses lois, ici même, à la bibliothèque de
l'Assemblée, de voir quelle était la définition de
conjoint de fait au sens des lois du Québec. Je ne sais pas si vous avez
pu faire cette recherche. Je sais par exemple que la Loi sur l'assurance
automobile, la Loi sur les accidents du travail, de même que la Loi sur
le Régime de rentes du Québec, au moins toutes trois ont une
notion de conjoint de fait de trois ans, d'au moins trois ans de vie commune.
Est-ce la conclusion à laquelle vous en êtes arrivée
à partir d'une étude comparative de cette notion dans les lois du
Québec?
Mme McKenzie: Je dirais plutôt que c'est la prémisse
à une étude à venir parce qu'on n'a pas approfondi la
question. Quand je lance l'idée d'une disposition qui ressemblerait
à celle de l'Ontario, c'est parce que je la trouve intéressante
et que les membres du conseil, jusqu'à preuve du contraire, parce qu'on
n'avait pu fouiller la question, ont souscrit à cette hypothèse
que je leur ai soumise lors de notre dernière réunion. II y a
quand même une exception, c'est-à-dire qu'on reconnaît que,
s'il y a enfant de l'union commune, ce serait après un an de vie commune
que l'on pourrait parler de conjoint avec les responsabilités s'y
rattachant.
Mme Harel: Dois-je comprendre, Mme McKenzie, que cette notion de
conjoint de fait a trouvé réponse en Ontario que la durée
de vie commune devrait être de trois ans?
Mme McKenzie: Oui.
Mme Harel: C'est finalement conforme à un certain nombre
de lois québécoises et cette proposition aurait
intérêt à être étudiée attentivement
par le gouvernement.
Sur la question des pensions alimentaires, vous préconisez
d'établir une prestation d'aide en tenant compte de la pension.
J'aimerais vous entendre là-dessus. Présentement, chaque montant
versé pour ia pension est automatiquement déduit d'autant.
Mme McKenzie: Oui.
Mme Harel: Donc, iI n'y a pas tellement d'incitation à
verser la pension Pensez-vous qu une telle mesure aurait un effet
incitatif?
Mme McKenzie: Je fais l'hypothèse qu'elle pourrait avoir
un effet incitatif. II ne faut pas oublier, et des avocats me l'avouaient
encore récemment, des avocats de l'aide juridique, notamment, qui
n'hésitent pas à donner le conseil à des hommes dont le
revenu n'est pas très élevé de ne pas verser de pension
alimentaire. Ils leur disent. Vous n'avez pas à vous soucier de votre
femme. L'État va la prendre dans ses bras, elle va devenir une
assistée sociale. Pourquoi vous priver d'une caisse de bière par
semaine? II s'agit là de petits revenus de 12 000 $ ou 14 000 $. Ce sont
des pensions alimentaires qui ne sont pas versées effectivemen.
II faudrait regarder de plus près l'étude faite par le
ministère de la Justice. II semble que, dans cette étude, on ait
constaté qu'un Québécois sur deux verse effectivement la
pension alimentaire et, quand le percepteur intervient, ce sont deux sur trois
qui deviennent non-payeurs. Donc, les pensions seraient payées ou
versées à 64 % quand le percepteur est intervenu auprès du
mari. II y a notamment des femmes monoparentales qui ne veulent pas - je pense
qu'il faut nuancer la position là-dessus et je vous avoue qu'on n'est
pas au fait - qui ont peur des représailles du mari et qui vivent
parfois dans la crainte du mari, de l'ex-mari. Il y a cet élément
qui est apporté dans le décor. Je pense que cela mérite
examen. Mais là où cela nous semblerait intéressant, ce
serait de ne pas déduire la pension en entier de la prestation
versée à cette femme. Ne pourrait-on pas examiner quelque chose
comme 50 % ou 60 %? Cela me semblerait assez intéressant.
Mme Harel: Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre
connaissance d'un document qui a été préparé au
ministère de la Main-d'oeuvre et de ia Sécurité du revenu
et qui aurait été rendu public grâce à une fuite du
front commun la semaine dernière. Je crois que dans ce document on
signalait notamment que 84 % des pensions alimentaires des
bénéficiaires de l'aide sociale n'étaient pas
versées. Je ne sais pas si le ministre peut infirmer ou confirmer ce
pourcentage.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À quelques pour-cent
près.
Mme Harel: Pardon?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): A quelques pour-cent
près.
Mme Harel: À quelques pour-cent près. C'est donc
dire qu'actuellement il y a peu d'incitation puisque 84 % des pensions ne sont
pas versées malgré l'obligation qu'a tout
bénéficiaire de l'aide sociale d'entamer des procédures et
des poursuites contre son ex-conjoint. C'est donc un échec d'une
certaine façon. Je trouvais quand même séduisante cette
idée d'introduire un avantage à la verser. Finalement, la
question posée par rapport à ce problème, comme par
rapport à la contribution parentale ou par rapport à n'importe
quelle autre mesure maintenant envisagée, c'est: Dans quelle mesure
penser une politique lorsqu'il y a échec, lorsqu'il y a rupture des
liens familiaux - à ce moment, l'État intervient - lorsqu'il y a
non-paiement des pensions alimentaires, lorsqu'il y a abandon des
responsabilités familiales ou parentales? Dans qu'elle mesure cela
n'a-t-il pas des effets pervers de désintégration puisque les
tests que I'on fait passer pour aider sont ceux qui consistent à
abandonner ses responsabilités? C'est juste au moment de I'abandon que
l'État se substitue plutôt que d'intervenir pour soutenir la prise
de responsabilité. Je ne sais pas si vous avez un point de vue sur
I'ensemble de l'économie générale de la politique
sociale.
Mme McKenzie: Je pense que madame.
Mme Olivier (Jocelyne): Ce serait plus une interrogation quant
à la perception des pensions alimentaires. En fait, diverses
hypothèses peuvent être envisagées. On pourrait penser
à une perception automatique dans le cas des bénéficiaires
de l'aide sociale. Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu assurerait la prestation à la
bénéficiaire, chargeant le percepteur d'aller par ailleurs
chercher la pension alimentaire.
Par ailleurs, certains pourront évoquer qu'on pourra se montrer
plus sévère à l'endroit des mauvais payeurs qui ont de
petits revenus, posant l'hypothèse que les conjoints des
bénéficiaires de l'aide sociale ont de petits revenus, et que
dans ces cas nous serions donc plus sévères qu'envers les mauvais
payeurs qui ont un meilleur revenu. Alors, faudrait-il penser à une
perception automatique pour l'ensemble des conjoints? En fait, le conseil n'a
pas encore statué sur ce sujet.
Mme Harel: Merci. Quant à la question des jeunes adultes,
votre position est très ferme. Vous considérez comme non avenue
la mesure envisagée par le gouvernement de contribution parentale.
Peut-on vous entendre plus longuement là-dessus?
Mme McKenzie: Le seuil à partir duquel la prestation est
nulle nous apparaît beaucoup trop bas, 21 600 $. J'ai fait valoir tout
à l'heure qu'il s'agissait là. Si vous avez au minimum un enfant,
donc trois personnes qui doivent vivre avec ce qui représente un montant
bien en deçà du seuil de la pauvreté, il me semble qu'on
aurait intérêt à l'augmenter. Je ne suis pas contre une
collaboration et une contribution des parents. Je crois que le seuil qui annule
la prestation mérite d'être relevé sensiblement.
Mme Harel: Êtes-vous informée que la contribution
parentale envisagée est une contribution minimale de 100 $, quel que
soit le revenu de la famille? Indépendamment du test de revenu des
parents, une contribution minimale de 100 $ serait exigible ou exigée
ou, en fait, prévue. Exigible, c'est autre chose, parce que comment
peut-on envisager qu'un enfant poursuive ses parents pour le paiement de
montants? Cette contribution minimale de 100 $, quel que soit le revenu ou la
situation de la famille, même les familles bénéficiaires
d'aide sociale, avez-vous un point de vue là-dessus?
Mme McKenzie: Je n'étais pas informée de ces 100 $.
Vous aviez entendu parler de ces 100 $?
Mme Olivier: Cela n'a pas été publié, je
crois, dans la politique elle-même Non?
Mme Harel: Non. Vous savez, c'est un peu par des fuites
d'information que nous obtenons les chiffres réels. C'est une politique
où il y a beaucoup d'omissions, mais le fait est que cette contribution
parentale minimale de 100 $ est maintenant connue et n'a pas été
infirmée par le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si je peux intervenir, M le
Président, on semble vouloir imputer des motifs au ministre. Je vous
dirai que ce que l'on a établi dès le début, c'est que la
politique de contribution alimentaire qui a été mise sur pied -
et cela implique les critères d'indépendance ou de
dépendance et, également, les critères de revenu maximum
inférieur et de contribution alimentaire - est identique au
système de prêts et bourses aux étudiants et que les 100 $
dont vous parlez se retrouvent dans le système de prêts et bourses
aux étudiants. On peut partager l'opinion de Mme McKenzie que cela
semble bas comme montant maximum, que les 100 $ ne devraient pas être
là, etc., mais ce que l'on a dit, et on ne l'a jamais caché,
c'est que c'était identique au système de prêts et bourses
aux étudiants.
Mme Harel: Donc, les bénéficiaires se verront
maintenant soumis à une contribution minimale des parents de 100 $, quel
que soit le revenu de la famille. Le motif invoqué est celui
qu'énonce le ministre d'être concurrentiel avec le
système de prêts et bourses. Quel est votre point de vue
là-dessus?
Mme McKenzie: Mme Lepage aurait quelque chose à dire au
sujet des prêts et bourses.
Mme Lepage (Francine): Sur les prêts et bourses, on nous a
dit que, même si on présumait une contribution parentale, il
arrivait souvent que dans les faits les parents contribuaient moins ou ne
contribuaient pas du tout. Peut-être qu'il ne faudrait pas s'harmoniser
totalement. Ce serait dangereux de présumer que le parent contribue
d'après l'expérience ou l'enquête qui a été
faite sur les prêts et bourses, selon nos informations.
Mme Harel: Oui. Par ailleurs, même si le parent ne
contribue pas, le montant est quand même...
Mme Lepage: Présumé payé.
Mme Harel:... présumé. Alors, cette
présomption serait du même ordre, bien que les prêts et
bourses soient un investissement pour l'avenir, sachant très bien que la
possibilité de chômage est inversement proportionnelle au niveau
de scolarité et que les prêts et bourses sont versés pour
des études de niveaux postsecondaire, collégial et universitaire,
tandis que l'allocation de rattrapage scolaire l'est simplement pour terminer
des études secondaires. Sur le plan des principes, cela vous semble-t-il
compatible avec les principes du conseil que les familles soient soumises, non
pas aux enfants, mais à tout adulte dépendant, puisque
l'âge maintenant n'a plus d'importance et que tout adulte, quel que soit
son âge, pourrait obtenir une telle contribution minimale des
parents?
Mme McKenzie: Écoutez, le conseil vient tout juste de
faire parvenir son avis sur les prêts et bourses au ministre
concerné. Je serais plus à l'aise d'examiner cette question en
regard de ce qu'on a pu élaborer pour les prêts et bourses parce
qu'on vient d'apprendre cette donnée et je ne suis pas prête
à articuler quelque chose d'essentiel là-dessus.
Mme Haret: Ce serait vraiment avantageux, je pense, que les
membres de la commission puissent recevoir cet avis. Est-il public? Je pense
que nous l'apprécierions beaucoup. Vous devez sans doute suggérer
au ministre de l'Éducation quelques améliorations au
système des prêts et bourses. Alors, comme le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu s'apprête
à harmoniser à la baisse son système avec celui que vous
proposez de bonifier, nous nous en servirons certainement pour harmoniser en le
bonifiant, bien que le principe d'harmonisation ne soit pas celui qui serait
souhaitable dans les circonstances et on aura l'occasion d'en discuter plus
longuement ici durant cette commission avec des organismes qui
représentent des personnes qui retournent aux études.
Alors, j'aimerais examiner avec vous, entre autres, la question des
personnes seules. Vous nous avez dit que le nombre total de femmes seules sur
l'aide sociale était très considérable, qu'un grand nombre
d'entre elles, presque une sur trois, n'avait pas complété le
secondaire, que l'âge était assez élevé. L'âge
moyen des personnes seules, me le rappelleriez-vous?
Mme McKenzie: II y a 25 000 femmes de 55 à 64 ans et il y
en a 25 000 également de 25 ans et moins, ce qui veut dire que la
majorité ont entre 25 et 55 ans
Mme Harel: Concevez-vous...
Le Président (M. Bélanger): Je suis obligé
de vous interrompre, Mme la députée, votre temps est
complètement écoulé.
Mme Harel: Bon! M. le Président, cela va me permettre de
remercier...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Harel:... Mme la présidente du Conseil du statut de la
femme, de même que les personnes qui l'accompagnent, en lui disant
personnellement combien ses contributions sont toujours bien reçues de
ce côté-ci de la Chambre et combien le conseil, avec la meilleure
connaissance qu'il nous permet d'avoir de la situation des femmes, joue un
rôle utile. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, i! reste
quelques minutes à la formation ministérielle. Est-ce qu'on
désire s'en prévaloir? Mme la députée de
Châteauguay.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président, Je dois vous
féliciter pour votre mémoire que j'ai trouvé des plus
intéressants. Il y a justement une catégorie de personnes qui
m'intéresse tout particulièrement, à savoir les
personnes... J'aimerais connaître votre opinion quant à la
reconnaissance des acquis et du vécu des femmes de 40 ou 50 ans - vous
mentionnez 55 ans, mais je dois dire 40 ans - qui se réveillent, du jour
au lendemain, assez souvent abandonnées, seules, et qu'on ne
reconnaît pas quand même. Elles ont un vécu; assez souvent,
elles se sont impliquées dans leur communauté ou même dans
les commerces ou les affaires de leur mari. Lorsqu'elles sont devant le choix
d'un travail, on ne leur reconnaît en aucune façon leurs acquis.
Peut-être qu'avec une formation complémentaire, on pourrait quand
même leur donner une chance de trouver un travail décent.
J'aimerais avoir votre opinion en ce qui concerne cette catégorie de
femmes qui
est vraiment.
Mme McKenzie: Je suis tout à fait d'accord avec ce que
vous apportez parce que la dimension de la reconnaissance des acquis, tant les
acquis de formation que d'expérience, me semble être une
pièce de départ un très bon pion pour démarrer, si
je peux dire, ou pour faire ce second départ. Je ferais une
différence entre les femmes de 45 ans et celles de 55 ans. Je crois
qu'il y a quand même un éventail plus grand, je pense aux
épouses d'artisans, de commerçants ou d'agriculteurs qui ont 45
ans qui entreprennent de retourner ou d'aller sur le marché du travail.
Je crois qu'on compte chez ces femmes plus de femmes qui ont tendance à
se lancer du côté de l'entreprise. D'ailleurs quand on regarde la
courbe et le succès de I'entrepreneurship au féminin, on est
étonné parfois de voir que l'âge est un peu plus.
Alors, c'est un succès à la fois chez les jeunes à
l'orée de la trentaine et chez ces femmes-là, tandis que ce n'est
pas toujours le cas chez les femmes de 55 ans. Là on voit
apparaître un phénomène intéressant - j'en ai vu
lors de réunions de la Fédération des femmes
monoparentales - chez les femmes qui n'ont pas encore atteint l'âge de ta
retraite, donc, qui ont entre 55 et 65 ans et qui veulent s'occuper des besoins
sociaux. C'est pour cela que, tout à l'heure, je disais. Pourquoi ne pas
créer ou penser à elles? On va être obligé de le
faire avec le vieillissement de la population, avec tout ce qui nous arrive et
tous nos malheurs de fin de siècle. On va être obligé de
créer des emplois nouveaux à caractère communautaire,
à caractère social, parce qu'il y a des besoins sociaux nouveaux.
Je crois que ces femmes-là, d'emblée, à cause de leur
expérience de vie - elles ont élevé des enfants, elles ont
eu leur famille et tout - sont attirées par ce genre de travaux. J'ai
personnellement des témoignages. Des femmes me disent: J'aimerais
m'occuper des femmes sans-abri. Ou alors elles ont un engouement pour le
recyclage - on en parlait - pour les choses de l'environnement. Bref, je crois
que ce secteur devrait être investigué en ayant à l'esprit,
pour cette catégorie de femmes - je parle de celles qui attendent la
retraite et pour qui il serait difficile de retourner, en bonne et due forme,
sur le chemin bien formel de l'emploi - qu'elles peuvent être utiles et,
en même temps, qu'elles peuvent devenir économiquement
autonomes.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le
ministre, en conclusion?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais une question en
conclusion qui porte également sur le sujet qui a été
soulevé par Mme la députée de Châteauguay. Est-ce
que vous ne risqueriez pas - j'ai écouté attentivement votre
réponse - d'être accusées, quel que soit le gouvernement,
d'utiliser de la main-d'oeuvre bon marché pour répondre à
des problèmes sociaux dans le système, si on mettait de l'avant
l'approche que vous préconisez pour ces dames âgées de 55
à 65 ans?
Mme McKenzie: II pourrait y avoir un danger de dérapage
comme celui-là et de se dire. Enfin, on a du "cheap labor" et on va en
profiter. Je crois qu'il faut démarrer sur un bon pied, de bonne foi, en
se disant que ces gens ont droit à des conditions de travail
décentes et qu'il n'est pas question d'user d'exploitation à leur
endroit.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup de votre
présence et de la qualité de votre mémoire, ainsi que des
remarques que vous nous avez transmises.
Le Président (M. Bélanger): La commission remercie
les représentantes du Conseil du statut de la femme. J'appelle à
la barre. Non pas à la barre, mais à la table des témoins,
excusez-moi Lapsus linguae!
Nous appelons donc à la table des témoins l'Association
des hôpitaux du Québec, qui sera représentée par M.
Jacques-A Nadeau, M. Jean-Pierre Montpetit, le Dr Richard Lessard, le Dr Gilles
Julien et le Dr Christine Colin.
Nous suspendons nos travaux une minute.
(Suspension de la séance à 16 h 6)
(Reprise à 16 h 16)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre s'il
vous plaît! Vous êtes priés de bien vouloir reprendre votre
place. Alors, nous recevons la délégation de l'Association des
hôpitaux du Québec. Je prierais le porte-parole de bien vouloir
s'identifier et de présenter son équipe afin que nous puissions
procéder. Vous avez 20 minutes, au maximum, pour présenter votre
mémoire et, à chaque fois qu'un d'entre vous veut intervenir, je
le prierais de bien s'identifier auparavant pour la transcription du Journal
des débats pour qu'on sache qui est intervenu. Alors, je vous
prierais donc de présenter votre équipe et de procéder. Je
vous remercie.
Association des hôpitaux du
Québec
M. Montpetit (Jean-Pierre): M. le Président, mesdames,
messieurs les commissaires, tout d'abord, je me présente Jean-Pierre
Montpetit, directeur général de l'hôpital Charles-Lemoyne,
président de la division de santé communautaire et membre du
conseil d'administration de l'Association des hôpitaux du Québec.
Je vous prie d'excuser M. Jacques Nadeau, vice-président
exécutif, qui a été retenu d'urgence à
Montréal, aujourd'hui, et qui est actuellement en route.
Je présente donc les personnes qui m'ac-
compagnent À ma droite, le docteur Richard Lessard, chef du
département de santé communautaire de la Cité de la
santé, à Laval, et vice-président de ta division de
santé communautaire de l'association; à sa droite, le docteur
Gilles Julien, chef du département de santé communautaire de
l'Hôtel-Dieu de Montmagny; à ma gauche, le docteur Christine
Colin, chef adjointe du département de santé communautaire de
l'hôpital Saint-Luc.
L'Association des hôpitaux du Québec vous remercie de lui
avoir accordé une audition permettant ainsi de faire valoir le point de
vue de ses membres sur le document d'orientation sur la politique de
sécurité du revenu. L'Association des hôpitaux du
Québec regroupe 200 centres hospitaliers oeuvrant sur tout le territoire
du Québec, dont les 32 centres hospitaliers ayant un département
de santé communautaire. Ce sont les départements de santé
communautaire qui sont à l'origine de la réflexion qui
amène l'association à se prononcer sur les enjeux qui
sous-tendent une politique sur la sécurité du revenu. Les
représentants du réseau de la santé communautaire
présents à mes côtés sauront vous dire, dans
quelques instants, à quel point la mission, le rôle des DSC, en
font des intervenants privilégiés pour observer l'état de
santé d'une population donnée et saisir toutes les interactions
qui se manifestent dans une approche de santé globale.
Déjà, à l'automne 1987, l'Association des
hôpitaux du Québec avait transmis un avis au ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sur des orientations
à retenir dans le cadre de la réforme du système d'aide
sociale. Nos propos s'articulaient autour de deux notions, à savoir que
les inégalités sociales se traduisent par des
inégalités de la santé et que l'approche intersectorielle
s'impose puisqu'un système d'aide sociale ne peut, à lui seul,
intervenir sur les problèmes de pauvreté et tes problèmes
de santé qui en découlent. Le mémoire que nous
présentons à votre commission reprend essentiellement ces propos,
lesquels, à notre avis, demeurent fondamentaux.
Nous avons pris connaissance avec intérêt du document
d'orientation sur une politique de sécurité du revenu.
D'emblée, nous vous mentionnons que nous ne cherchons pas à
entrer dans l'analyse systématique des différentes
modalités des programmes annoncés, mais plutôt à
renchérir sur l'affirmation énoncée dans le document
d'orientation selon laquelle les personnes vulnérables dans la
société ont des besoins importants et diversifiés.
À cet égard, M. le Président, notre présentation se
veut concrète. Nous vous illustrerons, quelques exemples à
l'appui, une vision de la réalité telle que perçue par ces
observateurs des mouvements de l'état de santé des populations
que sont les départements de santé communautaire. C'est à
partir d'un regard sur cette clientèle pour qui la pauvreté
matérielle est trop souvent associée à une pauvreté
des moyens personnels, à l'isolement, donc, aux besoins multiples, que
nous mettons en évidence la nécessaire intersectorialité
dans une politique de sécurité du revenu.
Idéalement, votre politique de sécurité du revenu
s'inscrirait dans le cadre plus large d'une politique sociale pour les citoyens
du Québec. Les services de santé, les services sociaux, les
programmes de sécurité du revenu se côtoient sous le
vocable de la mission sociale de l'État. La nécessité de
l'interaction entre ces éléments devient évidente tant
dans les orientations que dans l'application des programmes et services.
À ce sujet, cependant, je me permets une mise en garde. Nous n'arrivons
pas, aujourd'hui, avec un moyen facile et éprouvé pour
réaliser l'intersec-torialité. Par analogie, dans le
réseau de la santé, notre discours fait toujours une large place
à la concertation, à la complémentarité, et nous
savons fort bien les efforts que ce discours exige. Mais nous sommes tout aussi
convaincus que, pour atteindre des résultats, ces concepts
d'intersectorialité, de concertation et de complémentarité
doivent être énoncés clairement dans les orientations et
soutenus par une ferme volonté de les rendre applicables et effectifs.
L'impact des inégalités sociales sur la santé et la
nécessaire intersectorialité, voilà les messages que
l'Association des hôpitaux du Québec désire livrer à
votre commission.
Sans plus tarder, je cède maintenant la parole aux
représentants du réseau de la santé communautaire qui
m'accompagnent aujourd'hui et qui sauront développer la vision de la
santé communautaire en rapport avec une politique de
sécurité du revenu. J'inviterais, M. le Président, avec
votre permission, le Dr Julien à étoffer la
présentation.
Le Président (M. Joly): M. Julien.
M. Julien (Gilles): Je suis pédiatre, intervenant clinique
et également directeur du département de santé
communautaire, donc, intervenant en santé communautaire. Je vais aussi
vous livrer quelques commentaires par rapport à mes
préoccupations.
Aider les citoyens en difficulté, comme il est dit dans te
rapport, redonner l'espoir aux jeunes et mettre fin aux changements à la
pièce, on ne peut que partager ces orientations nouvelles du
gouvernement du Québec dans son document, "Pour une politique de
sécurité du revenu". Que ces orientations s'expriment par des
actions concrètes pour permettre à ceux dans le besoin de
retrouver l'espoir, la dignité et l'autonomie, que les jeunes et les
familles soient au centre des préoccupations et que le travail et le
revenu minimum soient plus accessibles et valorisés, on se sent sur la
bonne piste. Ces orientations et les actions envisagées concordent donc
avec l'objectif de l'Organisation mondiale de la santé, la santé
pour tous, et aussi avec une certaine approche globale de la santé
où l'on reconnaît à
tous les chances égales de vivre en santé par le moyen
d'une somme de conditions minimales. La sécurité du revenu, le
logement adéquat et la nourriture de qualité font partie de ces
conditions minimales comme l'est l'accès aux services de santé,
aux services sociaux et à l'éducation.
Il ne s'agit donc pas uniquement d'un choix de gouvernement, mais bien
d'un choix de société dont le gouvernement se fait le promoteur
et l'initiateur. Le plan doit, par conséquent, associer
différents partenaires pour réaliser ce choix: les divers
ministères concernés dans un effort commun, celui du Revenu, de
la Santé et des Services sociaux, de la Famille, de l'Éducation
et autres; les gouvernements locaux - il faut penser aux municipalités,
aux commissions scolaires - les groupes communautaires et les
intéressés eux-mêmes, particulièrement les deux
cibles mentionnées, c'est-à-dire les jeunes et la famille.
La nécessité d'un plan d'ensemble, où chaque
élément gouvernemental ou communautaire agit avec le même
objectif et non isolément à la pièce, sera donc
essentielle, sinon chacun risque, malgré sa bonne foi, de nuire ou
d'annuler l'effet de l'autre. Je voudrais procéder de façon
simplifiée, mais à l'aide de deux exemples concrets qui font
partie de notre pratique courante et communautaire, pour illustrer notre
préoccupation santé et le lien avec la politique de
sécurité du revenu.
Le premier exemple est celui d'un jeune couple, marié ou non, qui
désire un ou plusieurs enfants. C'est une situation très
courante. Le père ne trouve que des emplois très occasionnels. II
n'a pas de sécurité d'emploi. Du jour au lendemain, il peut
d'ailleurs perdre cet emploi. Les besoins minimums sont satisfaits à la
condition d'être une famille modèle. Cela veut dire: pas de
sortie, pas d'alcool, pas de cigarette, pas de luxe. Cela veut dire aussi
qu'à un seul écart à la fin du mois on se trouve dans le
rouge. La mère, elle, n'a pas d'emploi et a des problèmes de
santé. Les médicaments grugent une bonne partie de son budget de
nourriture parce que le loyer n'est pas compressible et, à moins de se
passer d'eau chaude, de chauffage ou de bains, on a des problèmes.
L'arrivée du premier bébé, qui était voulu, n'a pas
été facile et c'est pourtant un droit fondamental que de vouloir
un bébé. On a dû couper certaines conditions dites
minimales, mais le bébé va bien et est en santé,
heureusement, mais grâce au soutien de la famille qui z. fait un effort
dans ce cas-là. Par contre, le deuxième et le troisième
bébé furent accidentels, quoique inconsciemment souhaités.
On a bien pensé à l'avortement et, d'ailleurs, c'était la
raison de la consultation, mais moralement ce jeune couple ne pouvait pas se le
permettre. Alors, les problèmes sérieux ont commencé: la
fatigue et le manque à gagner n'ont pas favorisé une grossesse
saine comme on la désire et c'est une mère plutôt
dépressive et seule qui est venue accoucher d'un bébé de
petit poids, qui était trop petit pour son âge, qui a connu, par
la suite, des problèmes importants de développement, de causes
probablement multiples, mais particulièrement reliées à la
mauvaise alimentation, à une relation parents-enfant qui s'était
détériorée, à des hospitalisations
fréquentes, justifiées ou non, de la mère et de
l'enfant.
C'est un peu ce genre de préoccupations qui nous concernent en
santé et qui nous relient aussi à une politique de
sécurité du revenu, mais qu'on veut un peu plus globale.
L'exemple donné n'est pas un exemple alarmiste, c'est un exemple qu'on
retrouve chaque jour dans nos bureaux et cliniques d'urgence même. C'est
une partie de l'encombrement de l'urgence.
Je vais laisser au Dr Colin le soin de donner le deuxième exemple
et de commenter un peu plus.
Le Président (M. Joly): Mme Colin.
Mme Colin (Christine): Merci. L'exemple que je vais vous
soumettre ici est tiré de ma pratique en clinique et en santé
communautaire puisque je suis moi-même médecin spécialiste
en santé communautaire au centre-ville de Montréal, donc, dans un
des territoires les plus défavorisés de la province et le plus
défavorisé de Montréal.
Je repense à Monique, qui est une jeune femme dans la trentaine
qui arrive dans mon bureau. Docteur, me dit-elle, ce ne sera pas long, je
n'arrive pas à dormir, ça me prend juste des pilules, ce ne sera
pas long. Évidemment, je cherche à savoir ce qui se passe parce
qu'on n'a pas l'habitude de donner des pilules comme ça. J'apprends donc
qu'elle est seule avec son fils de douze ans, qu'elle est prestataire de l'aide
sociale, "sur le BS", comme elle me dit Elle cherche du travail depuis des
semaines. Elle est venue d'abord à Montréal pour en trouver parce
que, dans sa région d'origine, il n'y en avait pas et elle passe ses
journées à aller voir les restaurants et les bars pour trouver un
emploi de serveuse parce qu'elle n'a pas de formation professionnelle et elle
ne voit pas quelle autre profession elle pourrait exercer. Partout, on lui dit:
Laissez-nous votre numéro de téléphone et on vous
rappellera. Alors, les jours où elle ne passe pas son temps à
chercher des emplois, elle reste chez elle à côté de son
téléphone, sans sortir de peur que le téléphone ne
sonne.
Donc, comme vous pouvez vous en douter, iI ne sonne pas souvent, en tout
cas pas pour un emploi et, depuis des mois que ça dure, elle en a perdu
le sommeil. Elle s'inquiète aussi beaucoup parce qu'avec ses
indemnités de bien-être social elle n'arrive pas à payer ce
qui n'est pas strictement prévu, ce qui n'est pas strictement habituel.
Or, c'était la rentrée scolaire, son fils avait besoin de
fournitures scolaires et elle n'était pas en mesure de les payer, ce qui
lui donnait beaucoup d'angoisse et, aussi, une certaine humiliation. De plus,
elle m'avoue, après mes questions, qu'elle est aussi obligée de
couper
sur sa nourriture, mais, me dit-elle, "surtout pas sur celle de mon
fils".
Les deux exemples qu'on a donnés illustrent, en quelque sorte,
des situations de pauvreté qui, une fois encore, ne sont pas rares et ne
sont pas extrémistes, mais qui nous semblent, en tout cas, le quotidien
de bon nombre de prestataires de l'aide sociale. Dans la grande majorité
des cas il nous semble aussi qu'on ne devient pas pauvre, qu'on nait pauvre,
qu'on l'est dès la naissance et, pour beaucoup, c'est un cercle vicieux
qui commence à partir de la naissance dans une famille où manque
l'argent et où il s'ensuit une insécurité chronique.
L'échec scolaire va vite arriver puisque dans le système
d'éducation, on retrouve souvent une mauvaise préparation pour
ces enfants-là qui sortiront en partie analphabètes, en tout cas
mal préparés pour l'exercice d'une profession et sans
qualification professionnelle.
Donc, les chances de sortir du milieu sont assez pauvres et on observe
en plus, avec les crises dont on sort, beaucoup de familles qui ont rejoint les
rangs de ces gens très défavorisés. Dans ce
contexte-là, est-ce que les gens sont coupables de leur pauvreté?
Notre expérience clinique et quotidienne nous porte à dire que
non. Au contraire, on les conçoit comme des victimes d'un système
dont ils ne peuvent sortir. À ce titre-là, on peut donc penser
qu'ils ont moins besoin de mesures coercitives que d'emplois disponibles qu'ils
passent, comme on le volt, leur temps à chercher, du moins au
début.
La politique d'employabilité développée dans le
document nous apparaît certes bonne et nécessaire, mais
probablement sûrement Insuffisante s'il n'y a pas, en même temps,
création de suffisamment d'emplois pour tous.
Comme on l'a vu aussi, Monique arrive chez le médecin pour un
état de santé qui est conséquence de sa pauvreté et
les conséquences de la pauvreté sur la santé sont
très bien illustrées dans des documents au Québec comme
ailleurs. Je n'en présenterai ici que quelques-unes plus ponctuelles,
les autres sont dans notre mémoire.
Dans la population en général, la différence
d'espérance de vie entre un habitant de Saint-Henri à
Montréal et un habitant de Westmount est de neuf ans. Si l'on tient
compte de l'espérance de vie sans restriction d'activités, la
différence est de quatorze ans. (16 h 30)
Les enfants des familles pauvres meurent près de deux fois plus
que ceux des familles riches dans la première année. En
périnatalité les bébés, à la naissance, sont
deux à trois fois plus atteints de prématurité ou d'un
poids trop faible pour leur âge. Ceci est pour la naissance et c'est
d'autant plus inquiétant que cela va compromettre leur croissance et
leur développement.
Revenons, si vous voulez bien, au document d'orientation. Regardons ce
qu'il propose, en fonction de recommandations nombreuses qui ont
été faites au gouvernement par différents groupes de
professionnels, notamment des milieux de la santé et des institutions,
dont l'Association des hôpitaux du Québec dans son avis remis
à l'automne dernier. En conséquence de ce qui
précède, la première suggestion concerne la
nécessité de rapprocher le plus possible les barèmes de
l'aide sociale du seuil de pauvreté. Or, on constate que le projet vise
plutôt une diminution du plancher des prestations de base. En l'absence
d'emploi, même à temps partiel - les emplois ne sont pas faciles
à trouver - il est probable que le seul revenu de base seront les
prestations totales d'une grande majorité des prestataires. Beaucoup
d'entre eux n'arriveront pas à le compléter par un revenu de
travail. Cela nous semble très préoccupant. En santé,
l'isolement des personnes est considéré comme un facteur de
mauvaise santé, en particulier dans le domaine de la santé
mentale. On a donc recommandé à plusieurs reprises de ne pas
pénaliser la cohabitation chez les bénéficiaires, ne
serait-ce que pour favoriser leur santé mentale et aussi,
peut-être, pour encourager la débrouillardise, qui est souvent
favorisée dans d'autres contextes. Dans le document d'orientation, on
note une coupure de 115 $ sur les prestations de chacun. Cela ne nous
paraît pas aller dans le sens souhaité.
Les jeunes. Sans entrer dans les détails, la parité a
été réclamée par de nombreuses personnes et depuis
fort longtemps pour les jeunes de 18 à 30 ans. Dans le document, on
retrouve un report de la parité à 1989. Cela nous
inquiète, de même que la mesure qui rend nécessaire la
contribution parentale, ce qui, à notre sens, va augmenter la
dépendance de jeunes adultes ou même d'adultes plus
âgés et qui risque aussi de jeter un grand nombre de jeunes
à la rue, où les attendent délinquance, violence, drogue,
prostitution, etc. La liste est longue et vous la connaissez aussi.
Venons-en à une autre population, celle des femmes enceintes. Au
Québec, II y a 13 000 femmes enceintes, par année, qui vivent du
bien-être social. On sait aussi que les taux de natalité sont plus
élevés en milieu défavorisé. Cela rejoint
sûrement un désir d'enfants très fort. C'est souvent la
seule solution qu'ont ces jeunes femmes ou ces jeunes couples pour
répondre à leur désir profond, au-delà de tous les
échecs rencontrés, d'aimer, d'être aimés et
respectés. C'est pourquoi on comprend les réticences à
l'avortement qui étaient signalées dans l'exemple du Dr Julien.
On remarque, dans le rapport, une mesure qui nous semble positive par rapport
aux femmes enceintes ou aux femmes en général, d'ailleurs, c'est
le fait qu'on attendra un an avant de décider qu'un couple cohabite et
donc, avant de couper les prestations ou de réaménager les
prestations pour ce couple-là. Là encore, comme le citait Mme
McKenzie tantôt, on peut faire référence à l'Ontario
qui, lui, a mis sur place un délai de trois ans. L'augmentation des
revenus, pour les ajuster aux besoins des femmes
enceintes, ne semble pas retenue non plus dans le document
d'orientation. Jusqu'à présent, il y a donc une allocation
supplémentaire de grossesse de 20 $ qui est versée à
chaque femme enceinte, pour autant qu'elle prouve sa grossesse. Les
spécialistes de la nutrition, en particulier, estiment que le coût
de l'alimentation supplémentaire requise en temps de grossesse est d'au
moins 29 $. Donc, les 20 $ n'ont pas été indexés. La
recommandation de plusieurs spécialistes est de verser au moins 30 $
supplémentaires par mois pour les femmes enceintes. Dans le document
d'orientation, on ne retrouve rien de tout cela puisque cette allocation, qui
correspond à un besoin très concret, un besoin à la fois
pour le bien-être et la santé de la mère et de son futur
enfant, cette allocation est donc supprimée. On s'inquiète aussi
du changement de statut d'une femme enceinte à la 24e semaine puisqu'on
comprend, dans le document, qu'elle deviendra à ce moment-là
employable non disponible, ce qui lui ferait perdre jusqu'à 60 $,
à un moment où ses besoins sont, au contraire, accrus,
puisqu'elle passe du statut participant à un statut employable non
disponible, où les prestations sont moins élevées.
Enfin, certains groupes ont aussi demandé la prise en charge de
suppléments vitaminiques ou de fer, qui ne sont actuellement pas
payés pour les prestataires de l'aide sociale et qui sont des
éléments extrêmement nécessaires pour la bonne
santé du nouveau-né. Là encore, nous sommes inquiets que
cette mesure n'ait pas été retenue.
Donc, sur tous ces points, M. le Président, mesdames et
messieurs, nous demandons au ministre de revoir le projet de réforme
pour éviter la détérioration de la santé de toutes
ces personnes, ce qui représente non seulement des coûts humains,
mais également des coûts sociaux très importants et
probablement inutiles.
Je vais maintenant...
M. Montpetit: Avec votre permission, M. le Président.
Le Président (M. Joly): II vous reste deux minutes, s'il
vous plaît.
M. Montpetit: D'accord. Le Dr Lessard va conclure.
M. Lessard (Richard): SI le gouvernement envisage d'aider les
individus et les familles avec des mesures concrètes, tels le soutien
financier, la formation, l'information, l'encouragement concret aux groupes
d'aidants naturels et communautaires, un grand pas sera fait. Si les mesures de
la nouvelle politique d'aide sociale ne sont pas de nature à tout autant
prévenir que réparer les dégâts déjà
faits, si elles visent à discriminer, à culpabiliser, à
étiqueter ou à blâmer cette famille, un recul
sérieux sera réalisé, probablement, d'ailleurs, dans un
seul but d'économie. Si le gouvernement, par ailleurs, envisage une
politique visant à faciliter et à favoriser la natalité,
le développement optimal de l'enfant, la relation parents-enfant, la
saine nutrition, l'éducation et le rattrapage scolaire des jeunes, la
sécurité d'emploi et de revenu et l'autonomie pour tous, on
pourra alors espérer assister les bonnes personnes et les vrais besoins
et leur garantir des chances égales de vivre en santé. C'est plus
qu'un simple programme de dernier recours, nous en convenons, mais c'est plus
juste. Cette approche, qui peut être progressive, aurait l'avantage, en
outre, d'éviter de marginaliser ou d'ignorer des clientèles dans
le besoin.
Nous allons conclure. La mission des départements de santé
communautaire est de protéger et d'améliorer l'état de
santé de la population en identifiant les problèmes de
santé qui l'affectent, en élaborant et en évaluant les
programmes de santé communautaire. Les DSC entendent aussi poursuivre
une démarche de recherche et de planification afin de promouvoir la
santé dans toutes les catégories sociales. Pour ce faire, ils
estiment, avec le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, que chacun doit pouvoir compter sur des conditions de vie à
partir desquelles il sera possible, ici au Québec comme ailleurs dans le
monde, d'atteindre un objectif si cher à l'Organisation mondiale de la
santé: "La santé pour tous en l'an 2000. "
Puisque la réforme de la sécurité du revenu doit
viser à réduire la pauvreté et à favoriser les
actions collectives, puisqu'elle doit reconnaître les impacts sociaux et
sanitaires des autres politiques gouvernementales, puisque les
départements de santé communautaire visent à analyser les
causes des inégalités de la santé, à encourager les
actions qui créent des milieux favorables à l'adoption de
comportements de santé, l'Association des hôpitaux du
Québec offre toute sa collaboration dans les activités qui
viseront t'approche intersectorielle et qui partageront les
responsabilités entre les intervenants.
Encore une fois, nous insistons sur le fait qu'il est impératif
de ne pas faire porter le poids des responsabilités sur les personnes
qui sont les victimes du système. Une politique de
sécurité du revenu devrait, à notre avis, annoncer aussi
les moyens qui seront mis en oeuvre pour favoriser l'implication des divers
partenaires du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, du gouvernement du Québec et surtout,
des assistés sociaux.
M. Montpetit: Voilà, M. le Président. La
présentation est terminée.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vais maintenant
reconnaître M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie l'Association des
hôpitaux pour le mémoire et la présentation verbale, ainsi
que les gens qui se sont déplacés pour nous en faire part.
J'adres-
serai mes questions à M. Montpetit, mais s'il peut les
réadresser, s'il se sent un peu mal pris avec la question ou s'il se
sent accompagné par un spécialiste plus précis dans un
domaine particulier et si jamais il y avait une question générale
avec laquelle il aurait de la difficulté, je lui souligne que M. Nadeau
est arrivé également. Ce n'est pas parce qu'on doute de vos
compétences, M. Montpetit, c'était pour souligner
l'arrivée de M. Nadeau.
Je vais peut-être commencer mon intervention en vous demandant
d'indiquer si, à votre connaissance, parmi les cas difficiles que vous
avez à traiter ou dont vous avez connaissance dans vos
départements de santé communautaire - vous avez parlé des
cas qui étaient issus de clientèles de l'aide sociale - c'est le
même niveau de difficulté ou s'il existe une difficulté
aussi frappante dans le cas des prestataires d'assurance-chômage ou de
bas salariés dans la société québécoise, des
gens qui travaillent au salaire minimum ou un peu en haut du salaire minimum,
autour de 5 $ l'heure.
M. Montpetit: Si vous le permettez, M. le Président, nous
avons deux représentants des départements de santé
communautaire qui sont également cliniciens. Je pense que c'est
peut-être eux qui seraient les plus aptes à y répondre: Dr
Julien ou Dr Colin.
M. Julien: Je pourrais peut-être amorcer une
réponse. C'est sûr qu'il y a une zone grise dans ce type de
clientèle. C'est difficile de départager parfois les prestataires
de l'aide sociale, les gens bénéficiant
d'assurance-chômage, etc. Il y a plusieurs programmes qui peuvent
contribuer à améliorer le sort d'un individu. Ce sont des
programmes qui remplissent, dans une certaine mesure, des besoins minimaux. Ce
qu'on veut souligner aujourd'hui, c'est l'impact des mesures minimales qui sont
fragiles sur. la santé lorsque ces mesures minimales, pour une raison ou
pour une autre, sont diminuées. Je pense que c'est difficile de
départager la zone grise, mais ce qu'on voulait souligner aussi
aujourd'hui, c'est l'importance de faire concorder différents
programmes: le programme de la sécurité du revenu, le programme
de politique familiale et d'autres types de programmes. On a comme l'impression
que ces programmes ne concordent pas toujours ensemble.
La difficulté vient souvent du fait qu'un programme, comme on l'a
mentionné, va parfois nuire à un autre, va oublier certaines
clientèles, ou va nuire carrément à certaines
clientèles, comme les femmes enceintes dans le cas qui nous
préoccupe. On voudrait voir un peu plus de cohésion entre les
différentes politiques qui sont déposées. Je ne sais pas
si cela répond à la question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais être honnête.
Je vais vous répondre: malheureusement pas. Je conçois que le
problème que vous soulevez est un problème important. On parlait
de l'intersectorisation entre les départements. Je vous dirai que cette
politique a cheminé, oui, bien sûr, chez la ministre
déléguée à la Condition féminine, chez le
ministre délégué à la famille, au ministère
de la Santé et des Services sociaux, au ministère de
l'Éducation. Tous les ministères qui ont une vocation sociale au
gouvernement ont été mis à contribution. Même les
ministères qui font partie de la vocation économique, dans la
deuxième phase, sur le plan des coûts.
Ma question avait pour but de vérifier, dans votre pratique ou
selon l'expérience pratique de vos collègues si vous
éprouvez le même type de problèmes, et sociaux et de
santé, avec les travailleurs à faible revenu, parce que ce qu'on
a utilisé comme plafond, si vous me permettez l'expression, c'est le
travailleur au salaire minimum, en conservant un incitatif pour qu'il travaille
dans la société. Si vous nous indiquez, et je vais être
très transparent en vous le disant, qu'au niveau du salaire minimum vous
avez une clientèle importante, qu'à ce niveau il y a quand
même des problèmes de santé et sociaux découlant du
fait que des besoins essentiels tels que le logement, la nourriture ou la
sécurité du revenu ne sont pas satisfaits chez l'individu, on a
comme société un problème encore plus grave que celui
strictement de t'aide sociale, et je ne veux pas oublier ce problème non
plus.
M. Montpetit: M. le Président, si vous permettez, Dr Colin
pourrait tenter au moins une réponse.
Mme Colin: Je voulais dire que souvent, effectivement, notre
clientèle de très petits salariés est aussi démunie
et présente les mêmes problèmes de santé que la
population du bien-être social. Mais il y a quand même quelque
chose de plus chez tes petits salariés. Je crois qu'il y a la
fierté du travail. Même quand il s'agit d'emplois sans
qualification ou sans reconnaissance tellement, je pensais par exemple à
une famille où le père est livreur dans une épicerie, il
s'ensuit que la maman est quand même fière de pouvoir dire: Mon
mari travaille, je ne reçois pas de bien-être social. Ça,
c'est comme quelque chose qui est important et dans ce cas on ne peut que
souscrire à votre désir de permettre à chacun de trouver
un emploi. C'est évident que c'est très important pour la
dignité de tout individu. Cependant, c'est sûr que le niveau de
revenu des petits salariés les met dans des conditions très
proches de certaines personnes sur l'aide sociale. Cela pose d'autres
problèmes de santé aussi, c'est certain.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on peut l'exprimer à
partir d'un exemple que vous donnez à la page 6 de votre mémoire
- au bas de la page 6 et au haut de la page 7 - vous parlez du
nombre de naissances de bébés de poids insuffisant qui est
deux a trois fois supérieur dans les territoires de CLSC
caractérisés par le faible revenu des ménages et par
l'incidence élevée de mères faiblement scolarisées
ou en situation de monoparentalité, etc. Je ne sais pas si ces
statistiques sont disponibles chez vous, mais les avez-vous concernant les
catégories que j'ai indiquées prestataires de l'aide sociale,
prestataires de l'assurance-chômage ou bas salariés, de
façon à pouvoir les subdiviser?
Mme Colin: À un niveau global, évidemment, il y a
une confidentialité par rapport aux bénéficiaires de
l'aide sociale. Actuellement, on n'a pas réussi à aller aussi en
détail que cela. Par contre, on a des données concernant la
province qui dans un document actuellement remis au ministère de la
Santé et des Services sociaux, font état de toutes ces
différences. II y a des recherches en cours, si vous voulez, qui
cherchent à aller plus loin dans le sens de ce que vous proposez.
Actuellement, cela n'a pas pu être fait à cause de circonstances
essentiellement de confidentialité. (16 h 45)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne la
clientèle de l'aide sociale considérée non employable -
environ 100 000 individus - il y a une augmentation globale des barèmes
de 100 000 000 $, donc 1000 $ par personne.
Est-ce que, pour ces personnes-là compte tenu de votre
expérience, en tenant pour acquis qu'elles conservent tous les besoins
spéciaux actuellement reconnus. Je tiendrais à vous indiquer
qu'il n'est pas question de I'abolition des éléments dont vous
avez parlé tantôt, ce n'est peut-être pas suffisamment
explicite dans le document, mais en maintenant les besoins spéciaux dans
leur ensemble pour cette catégorie de bénéficiaires et les
besoins spéciaux reliés à la santé pour l'autre
catégorie, on n'en arrive pas aux coupures que vous avez
mentionnées tantôt. En tenant pour acquis que l'allocation pour
partage de logement ne s'applique pas non plus dans le cas des personnes
incapables de travailler, parce qu'on comprend le soutien qu'elles doivent se
donner et qu'on irait à l'encontre d'une politique de
désinstitutionnalisation s'il fallait appliquer un partage de logement,
et en tenant pour acquis que l'élément contribution alimentaire
parentale ne s'applique pas non plus au programme de soutien financier comme
tel, quelles sont les critiques précises que vous auriez à
adresser à ce volet de la politique de sécurité du
revenu?
M. Montpetit: Dr Colin, s'il vous plaît.
Mme Colin: Merci En ce qui concerne le programme Soutien
financier, c'est vrai que c'est un programme qui apporte, je pense, un
progrès très net pour les bénéficiaires qui ne sont
pas employables ou qui ne sont pas aptes au travail
Cela on le note effectivement comme un progrès pour cette
catégorie de personnes
Maintenant, ce qui nous dérange un petit peu dans cela, ce sont
deux choses. D'abord la catégorisation qui finalement, donne à
certains en reprenant à d'autres. On a l'impression que dans la mesure
où notre analyse est que les gens sont tous plus ou moins victimes -
enfin disons la majorité - d'une situation, d'un engrenage dans lequel.
Ils sont pris, c'est peut-être injuste, à ce moment-là, de
faire des catégorisations sur les barèmes donnés.
L'autre aspect - je sors peut-être un peu du mémoire - qui
est un peu inquiétant aussi, ce sont les critères qui vont nous
permettre très clairement de définir qui est apte au travail ou
qui ne l'est pas. On pense, en particulier... Vous mentionnez dans le document
la pathologie physique et la santé mentale, mais on pense souvent
à des populations qu'on voit dans nos services et qui ont une pathologie
un peu psychosociale, c'est-à-dire qui représentent en fait une
grande partie des bénéficiaires. Ils sont peut-être aptes
au travail, mais avec énormément de mesures très
précises qu'on ne sent pas encore vraiment dans votre document
d'orientation.
M, Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne sentez pas cette dimension
parce quelle n'y était pas inscrite, mais je vous dirai que vous
n'êtes pas le premier groupe. Vous faites partie des groupes qui
intervenez en faveur d'une prise en considération, par le gouvernement,
de ce facteur. La décision gouvernementale n'est pas
arrêtée, mais vos remarques sont prises en considération
quant à cet aspect.
Le programme APPORT, quant à lui, quelles sont les critiques
spécifiques que vous lui adressez?
M. Montpetit: Dr Colin.
Mme Colin: Pour le programme APPORT, là encore, on ne peut
qu'être d'accord avec une augmentation des revenus de ces familles,
puisqu'il s'agit essentiellement de familles qui vont voir leur niveau de
revenus amélioré. Là encore, ce qui nous inquiète,
c'est toujours un peu cette catégorisation qui met des minorités
dans des catégories un petit peu plus favorisées et qui met une
grande majorité de bénéficiaires dans une catégorie
plus démunie. L'autre aspect aussi, c'est qu'on redoute un petit peu un
contrôle, disons qu'on ne voit pas très bien comment va se faire
le contrôle pour ces familles dans le programme APPORT puisqu'elles vont
avoir à justifier, enfin assez souvent - si j'ai bien compris, c'est une
fois par mois - l'état de leurs revenus. Là aussi, on peut avoir
un petit peu d'inquiétudes sur le contrôle qui met beaucoup de
pression et qui produit du stress dans des familles qui sont un peu
"borderline", en fait, qui sont souvent en risque de rupture. Alors,
là
aussi on aimerait avoir des précisions et peut-être
être rassurés par le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas si je vais vous
rassurer, mais comme on vous met souvent à contribution, l'Association
des hôpitaux du Québec si vous avez une formule administrative
à nous suggérer, qui serait la plus simple possible, nous sommes
preneurs. Nous ne disons pas que la formule administrative que nous
préconisons est la plus simple au monde et nous faisons appel à
la créativité de nos partenaires. S'il y a des
améliorations à apporter, je l'ai indiqué, quant à
l'administration de ce programme, non pas pour I'année 1988 parce que,
de façon rétroactive, il est déjà en application,
il a été annoncé dans un discours sur le budget, etc, la
marge de manoeuvre de celui qui vous parle est inexistante. Mais, en ce qui
concerne l'application du programme pour les années 1989 et 1990, si
vous remarquez la lourdeur administrative et st vous avez des trucs ou des
solutions pour I'alléger, nous vous Invitons à nous en faire
part.
En ce qui concerne le programme APTE, c'est peut-être là
où la discussion s'élargit davantage. Ce programme touche une
clientèle qu'on évaluait, en mars 1987, à quelque 300 000
bénéficiaires. II y a une partie de ces gens qui sont, pour des
raisons temporaires - un accident de ski par exemple - considérés
non disponibles, bien qu'ils puissent accomplir des oeuvres utiles. Dans le
cadre de ce programme, nous ajoutons 445 000 000 $ frais et nouveaux que nous
mettons sur la table pour les participants qui veulent améliorer leur
employabilité. On se rend compte que la clientèle de l'aide
sociale est formée de gens qui, généralement, ont une
faible scolarisation - ce qui veut dire qu'ils n'ont pas terminé le
secondaire - d'analphabètes, de gens qui n'ont aucune expérience
de travail, etc.
Au lieu de maintenir la politique actuelle, qui consiste à les
oublier et à leur envoyer un chèque mensuel, nous souhaitons
améliorer leur employabilité dans le but de leur donner une
chance égale pour se décrocher un emploi. Présentement,
même lorsque les emplois existent, ces gens n'ont pas la chance d'en
obtenir, parce que leur employabilité ne correspond pas à la
demande des employeurs. En ce sens, nous proposons des barèmes qui vont
assez loin, jusqu'à 89 $ de différence relativement à un
salarié au salaire minimum en 1988, même augnenté. Dans le
réaménagement du tableau que vous avez là et que vous
retrouvez dans notre document d'orientation, s'il y a des
réaménagements que vous souhaiteriez, mais qui conserveraient
notre incitation à participer aux mesures d'employabilité et
l'incitation à obtenir un emploi régulier et à sortir de
l'aide sociale pour toujours, si possible, je pense qu'on aimerait les
connaître.
Avant de vous demander des précisions qui pourraient
améliorer le tableau, est-ce que vous acceptez qu'un barème
d'aide sociale doive contenir ces deux degrés d'incitation incitation
à sortir de l'aide sociale en devenant un travailleur régulier
sur le marché du travail et, également, incitation à
profiter de mesures d'employabilité mises à la disposition des
gens, à la condition qu'elles soient vraiment mises à la
disposition des bénéficiaires, que les ressources
financières et que les ressources humaines soient là?
M. Lessard: Je pense que ce qu'on dit dans le document, M. le
ministre, c'est que ce n'est surtout pas par les mesures qui sont
proposées que vous allez atteindre l'employabilité
souhaitée. On pense qu'au-delà des mesures qui sont là il
y a beaucoup d'autres mesures qui devraient accompagner le projet qui est sur
la table pour pouvoir atteindre I'objectif que vous souhaitez. II est
évident que, s'il n'y a pas d'emplois disponibles, l'objectif ne sera
pas atteint, même si on triture les gens pour qu'ils prennent les
emplois. On peut souhaiter qu'il existe des barèmes dans une
société, pour être juste envers tout le monde, mais,
lorsqu'on souhaite l'employabiltté ce n'est pas juste avec de l'argent
qu'on peut y arriver et ce n'est surtout pas avec les petits montants qui sont
sur la table qu'on va y arriver.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous avez
une question, M le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, cela va.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Pour une des
premières fois, non seulement en commission parlementaire, mais au
Parlement, je crois que votre mémoire nous permet d'avoir une sorte de
vue d' ensemble des coûts engendrés par la pauvreté. Et ce
n'est pas un discours fréquemment entendu ici. On va entendre des
personnes qui viendront nous parler de leur problème d'indigence. On
peut ou non avoir de la compassion. On peut, malgré tout, chez certains,
toujours garder cette idée qu'à leur place on ferait mieux, quon
ferait autrement et qu'on s'en sortirait mieux. Ce qui est extrêmement
précieux dans ce que vous nous dites, c'est que vous avez chiffré
pour la collectivité, d'une certaine façon, en termes de
coûts sociaux. On ne les connaît pas encore en termes de
coûts économiques, et sans doute est-ce une prochaine étape
qu'il faut franchir, que de chiffrer en termes de coûts
économiques ce que coûte au système de santé la
pauvreté, le chômage ou l'indigence.
Auparavant, j'étais critique de l'Opposition en matière de
transport et j'ai eu l'occasion de constater le travail réalisé
par le département de santé communautaire, dans une sorte de
campagne contre les coûts engendrés par les
accidents automobiles. Vous les avez chiffrés. Vous nous avez dit
exactement combien cela coûtait à l'ensemble de la
société, ce qui a eu comme conséquence de nous mettre
devant notre responsabilité d'adopter un Code de sécurité
routière qui est très sévère, mais qui
espérons-le, aura des effets, disons sur le changement des
comportements.
Vous savez, depuis hier en écoutant les différents
mémoires, j'ai décidé de me munir d'un cahier noir - eh
oui! paraît-il que c'est vrai, le ministre de l'Éducation M. Ryan,
le fait - et je me suis dit que cela allait être totalement important
puisque cette commission allait durer presque jusqu'à Pâques et
qu'à la fin je me ferais pour moi-même, pour ne pas l'oublier, le
portrait des coûts engendrés par la pauvreté au
Québec. Pour ne pas I'oublier moi-même et pour pouvoir le rappeler
au gouvernement, puisque vous nous dites dans votre mémoire l'impact des
inégalités sociales sur la santé et la
nécessité que tout le monde agisse ensemble et au même
moment.
Je passe sous silence le fait que le ministre a laissé entendre
que tous les autres ministères avaient été mis à
contribution parce que je ne peux pas comprendre que le ministre
délégué à ia Santé demandait ou il pouvait
retrouver vos chiffres. II y a un document qui s'appelle Naître
égaux et en santé au Québec, qui date de
décembre 1987, et ce document permet de connaître le sort
réservé aux femmes chefs de familles assistées sociales et
aux enfants qui naissent d'elles et qui sont en difficulté. Lesquels
avez-vous demandés? Il faut que j'essaie de vous les avoir, non?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai demandé aux
praticiens, à partir de leur expérience, s'ils avaient, de
façon départagée, les chiffres de la clientèle de
l'aide sociale, également les chiffres de la clientèle
prestataire de l'assurance-chômage et ceux des bas salariés. Ce
sont les trois éléments. Et on m'a dit qu'à cause d'une
certaine confidentialité on ne pouvait pas les avoir de façon
très précise, mais qu'on regardait au niveau de ia province si on
ne pouvait pas les dégager.
Mme Harel: Oui, mais la seconde question portait plus - et
c'était là la réponse que je faisais en vous
référant au document Naître égaux et en
santé au Québec - sur la périnatalité en milieu
de pauvreté. Pour cela, nous avons les chiffres selon les
catégories. Et, notamment, on peut savoir... Je pense que dans votre
document vous nous renvoyez au fait d'une réduction de barèmes
pour des femmes qui seraient dans la catégorie "non disponibles",
c'est-à-dire celles enceintes de plus de six mois et avant la
cinquième semaine d'accouchement, ou encore pour des personnes qui sont
malades, puisque la catégorie "non disponibles" comprend aussi les
personnes temporairement malades ou affectées physiquement par une
maladie. Cette catégorie-là vous nous rappelez quelle a une
réduction de barèmes et, chiffrée cette réduction
fait actuellement 33 000 000 $ qui vont être économisés a
la suite d'une modification des barèmes pour les personnes non
disponibles. Cela nous renvoie donc aux personnes malades, ou enceintes de plus
de six mois ou encore qui ont un enfant de moins de deux ans. Alors, c'est la
situation devant laquelle on se trouve présentement.
Le ministre vous demandait: Essayez de me réaménager mon
tableau pour qu'il donne des résultats plus adéquats. C'est un
peu la question qu'il vous posait à la fin. Avez-vous des suggestions
à faire, disait-il, pour réaménager mon tableau de
manière que, finalement, cela ait peut-être moins d'impact? C'est
la question que j'ai comprise. Alors, je vous la renvoie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le plus d'impact positif possible.
(17 heures)
Mme Harel: Je vous la renvoie. Pensez-vous possible de
réaménager ce tableau de manière à réduire
l'impact sur la santé que vous appréhendez? Et peut-être
juste un élément, c'est que le tableau n'est pas complet. II
devrait y avoir, en haut, le taux du seuil de la pauvreté, selon
Statistique Canada, qui est de 999 $ par mois pour une personne seule. Je ne
vous ai pas parlé du taux de pauvreté pour le Conseil canadien de
développement social, ce serait du luxe ou presque. Je m'en tiens
simplement au taux de pauvreté de Statistique Canada. Croyez-vous qu'en
deçà du taux de pauvreté de Statistique Canada - ou
avez-vous fait des études à cet effet-là - il y a des
impacts sur l'état de santé au Québec
présentement?
M. Lessard: Généralement, ce qui est observé
avec les statistiques auxquelles on a accès, plus vous êtes au bas
de la courbe du revenu, c'est dans cette partie-là qu'on trouve le plus
de personnes malades. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Aussi, on
pourrait reprendre la boutade de tout à l'heure il y a des emplois et il
y a des formations qui nous permettent, même avec des formes de handicap
temporaire, de performer quand même, alors qu'avec une 7e année et
un revenu minimum, avec une jambe dans le plâtre, on ne peut pas faire le
travail. Effectivement, il n'y a pas que le revenu qui est important et c'est
une grosse partie de ce qu'on est en train de dire, c'est qu'il n'y a pas que
cela. Comme mesure sociale, il faudra injecter autre chose.
L'autre chose dont on parle, c'est que l'argent, ce n'est pas toujours
une dépense pour un gouvernement, c'est souvent un investissement. Je
pense qu'on peut appliquer à la pauvreté le même
raisonnement que vous appliquiez tout à l'heure à la
prévention des accidents de la route. II y a moyen d'investir dans la
pauvreté
pour que cela rapporte non pas en termes de pauvreté mais pour la
société. On est extrême ment craintifs actuellement
d'investir dans des mesures sociales parce qu'on les considère comme des
dépenses inutiles et quon encourage la stagnation ou on.
Mme Harel: La paresse.
M Lessard: Il y a peut-être des cas, et je suppose qu'on ne
les retrouve pas tous chez les assistés sociaux non plus. Ce qu'on vous
dit, c'est que, comme départements de santé communautaire
très axés sur la prévention, il y a probablement moyen de
voir les dépenses en éducation, les dépenses en logement
et les dépenses d'aide sociale, telles que vous les présentez,
comme des façons de prévenir des problèmes qui, quand ils
arrivent dans les hôpitaux, coûtent bien plus cher que ce qu'il y a
sur le tableau. Une journée d'hospitalisation, c'est autour de 350 $
à 400 $ par jour. Je pense qu'il y a de quoi regarder, de façon
importante, le revenu coûts-bénéfices pour les
assistés sociaux.
Mme Harel: Vous dites dans votre mémoire que, très
souvent, vous êtes une sorte de goulot où se retrouvent les
personnes en difficulté parce quelles font de I'angoisse ou parce
quelles sont seules. L'hôpital devient le lieu ou se retrouvent des
personnes qui dans notre société, ne voient pas leurs besoins
psychosociaux comblés. Est-ce qu'il y a eu des études qui ont
permis d'en évaluer l'impact? Je vous pose la question parce que vous
parlez également des hospitalisations pour carence alimentaire. Je crois
que c'est à la page 8. Les carences nutritionnelles et d'autres
affaiblissent l'état de santé. En fait, le niveau
d'hospitalisation, c'est au département de santé communautaire de
l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. J'ai les chiffres pour le quartier
Maisonneuve que je représente ici à I'Assemblée nationale.
Les chiffres de janvier, pour I'année qui se terminait, permettent de
constater que 25 % des hospitalisations sont dues à des carences
alimentaires. Je ne sais pas si cela a été chiffré pour
I'ensemble des départements de santé communautaire.
Une voix: Dr Colin.
Mme Colin: Je peux répondre sur un point. On n'a pas
encore chiffré cela pour toutes les maladies, pour toutes les causes de
manque de santé physique ou mentale. Mais si on regarde, par exemple,
les bébés de poids insuffisant ou prématurés, si on
estime qu'il y a 13 000 bénéficiaires de l'aide sociale qui,
actuellement, mettent au monde un enfant à chaque année et que
leur taux de naissance est deux à trois fois plus élevé
que dans la population on pourrait, avec des mesures appropriées, sauver
pratiquement 1000 bébés de poids insuffisant. Quand on dit poids
insuffisant, cela veut dire hospitalisation prolongée au taux dont
parlait le Dr Lessard tantôt coupure avec les parents, ce qui
amené d'autres angoisses, d'autres problèmes. Cela conduit
à des retards de développement chez I'enfant. Cela conduit a des
difficultés aussi dans les relations parents-enfant. Donc, plus tard
c'est une porte ouverte sur la nécessité de services sociaux.
1000 enfants par année qui naîtraient en santé au lieu de
naître avec un petit poids il me semble que cest déjà quand
même quelque chose!
De plus on bénéficie, pas au Québec mais à
l'étranger, d'études coûts-bénéfices sur la
périnatalité. Avec des documents issus d'institutions très
respectables des États Unis, on voit qu'en principe. II y aurait -
évidemment, il y a beaucoup de différences d'une étude
à l'autre - entre 2 $ et 5 $ d'économisés pour chaque
dollar investi dans une campagne d'aide aux femmes enceintes
défavorisées par exemple pour la nutrition.
Je voudrais quand même ajouter aussi que notre perspective, c'est
vraiment... On pense que c'est sûr que les services de santé ont
un rôle à jouer et cest très important dans ce
domaine-là, mais, comme c'est multifactoriel, c'est évident qu'il
faut aussi jouer, comme on la dit tout au long de cet exposé, sur la
scolarité, le logement. La pénurie dans le logement oblige les
femmes à comprimer leurs dépenses de nourriture et donc, c'est
évident qu'il y aurait sûrement des économies à long
terme et on pourrait sûrement encore documenter plus cela. C'est ce vers
quoi on sen va, en tout cas, dans nos départements de santé
communautaire.
Mme Harel: Je crois que vous recommandiez tantôt dans votre
exposé que les personnes bénéficiaires puissent avoir
accès à des suppléments vitamniques en fer, par
exemple.
Mme Colin: Soit le fer, soit les vitamines.
Mme Harel: Ah bon! d'accord. Je dois faire partie de la
catégorie... Quand vous dites que l'impact, d'année en
année, de décade en décade, on soulève de
façon répétitive les mêmes relations entre les
classes sociales et l'état de santé, cest évident qu'il y
a des classes dans la population qui ont, d'une façon endémique,
un problème de santé, nous démontrez-vous. Actuellement,
je dois comprendre que les besoins spéciaux ne reconnaissent pas les
suppléments vitamniques. C'est bien cela?
Mme Colin: C est bien cela.
Mme Harel: Sur la question du lait maternisé, il y a des
représentations nombreuses et répétitives qui ont
été faites. Est-ce que vous avez fait des études sur le
fait que le lait maternisé est coûteux et qu'il ne semble pas
encore être accessible à partir de la carte
d'assurance-maladie? C'est bien le cas?
Mme Colin: Oui. Disons que, dans le réseau de santé
communautaire, il y a eu certaines institutions où on a effectivement
développé une campagne pour essayer d'améliorer
l'alimentation du nouveau-né. Je dois dire d'abord qu'en santé
communautaire on favorise essentiellement l'allaitement. On estime que c'est
autant nécessaire pour les femmes défavorisées que pour
les autres, sauf que, comme les femmes défavorisées prennent
toujours les habitudes ou les changements de comportements avec retard,
actuellement c'est là que les taux d'allaitement sont les moins
élevés. Comme aussi les revenus manquent pour acheter du lait
maternisé, qui est quand même relativement cher, on
s'aperçoit qu'il y a énormément de problèmes
d'alimentation. Les enfants sont nourris avec du lait de vache coupé et
souvent, cela entraîne encore d'autres problèmes parce qu'ils
seront beaucoup plus irritables. Par exemple, ils dormiront moins bien et
souvent, quand ils arrivent au bureau, ils sont très irritables, on leur
donne un biberon et tout se calme, l'enfant devient charmant.
Dans cette optique-là, en santé communautaire, on se
disait que fournir aux gens le lait maternisé pour l'enfant, sous forme
d'un bon ou d'une allocation, serait sûrement une mesure de santé
publique et de prévention très intéressante.
Mme Harel: Considérez-vous que les mesures que vous
envisagez en matière de santé publique, de manière
à investir dans la pauvreté, disiez-vous, de manière
à s'enrichir collectivement et à hausser le niveau de
qualité de vie de l'ensemble de nos concitoyens, devraient s'adresser
aux personnes bénéficiaires de l'aide sociale ou à celles
qui sont sous le seuil de la pauvreté?
Mme Colin: C'est sûr qu'on a tendance spontanément
à vous dire sous le seuil de la pauvreté, parce que ce sont des
populations qui sont... Quand je parle de femmes défavorisées, il
y en a beaucoup sur le bien-être social et il y en a aussi qui sont
femmes de petits salariés ou qui sont elles-mêmes petites
salariées. En tout cas. ce sont des populations qui sont souvent
très proches l'une de l'autre. Jusqu'à présent, les
bénéficiaires de l'aide sociale sont encore loin du seuil de la
pauvreté, selon leur catégorie de ménage, mais, dans une
perspective de santé publique et de prévention, je pense qu'on
souhaiterait évidemment que les mesures puissent être mises de
l'avant pour tous les gens qui sont sous le seuil de la pauvreté.
Mme Harel: J'avais des chiffres récents de Statistique
Canada qui démontraient que les dépenses moyennes
effectuées par les familles canadiennes - c'était une
étude canadienne, en 1984 - indiquaient que les ménages faisant
partie des 20 % les plus pauvres avaient accru leur niveau d'endettement,
c'est-à-dire de réduction de dépenses, si vous voulez, de
858 $ en moyenne, comme si le niveau de paupérisation allait en
augmentant. Avez-vous la possibilité d'évaluer s'il y a des
effets de paupérisation qui ont présentement des rebondissements
sur vos services? Vous nous en avez indiqué un, quelque part dans votre
mémoire, en disant que, depuis quinze ans, vous concevez qu'il y a une
amélioration de la qualité de vie des personnes
âgées qui serait en partie due à l'augmentation de leurs
revenus. Est-ce que c'est une donnée intuitive ou s'il y a eu des
études là-dessus?
Mme Colin: Je faisais référence à des
études démographiques. M. Wilkins qui avait travaillé dans
l'agglomération de Montréal avait classé les populations
selon le seuil de la pauvreté de Statistique Canada et aussi, selon un
seuil de la grande pauvreté qui était estimé à 60 %
du seuil de Statistique Canada. Il avait remarqué que les personnes
âgées étaient en grand nombre sous le seuil de la
pauvreté, mais en très petit nombre, moins de 3 %, sous le seuil
de la grande pauvreté. Donc, avec les mesures qui ont été
mises en place pour les personnes âgées, on avait remonté
la barre pour elles et ceci, sans distinction de leur catégorie sociale,
de leur provenance sociale ou de leur appartenance à quelque groupe que
ce soit. On en avait fait un peu une comparaison en se disant que ce serait
vraiment bien de pouvoir faire ia même chose pour les enfants parce que,
dans ces mêmes études, on s'aperçoit qu'il y a
énormément d'enfants sous le seuil de la grande pauvreté
et, dans les territoires où je travaille, cela peut aller jusqu'à
20 % ou 25 % des enfants qui sont sous le seuil, non pas de la pauvreté,
mais de la grande pauvreté, dans certains territoires. C'est
évidemment très inquiétant pour l'avenir de ces enfants,
de leur famille et pour celui des Québécois.
Mme Harel: Le ministre nous indiquait, durant cette commission,
qu'il avait eu en tête, dans la préparation de son document
d'orientation, le souci des enfants et que, chaque fois que des enfants
étaient en cause, il avait bonifié sa proposition. Partagez-vous
cette opinion?
M. Julien: Je pense qu'il y a des mesures intéressantes
concernant l'enfant, mais on voudrait que l'ensemble du développement de
l'enfant soit considéré. L'ensemble du développement de
l'enfant ne commence pas à un jour ou à une heure de vie, cela
commence avant aussi. Alors, quand on regarde les femmes enceintes, par
exemple, qui, après un certain nombre de mois, sont
défavorisées et subissent une perte de revenu, je ne vois pas en
quoi cela favorise, à ce moment-là, le développement de
l'enfant. C'est ce genre de lacune qu'on aurait pu espérer voir
éviter dans un document de concertation.
On parlait aussi tantôt - je reviens un peu en arrière,
mais je trouvais important de con-
sidérer ce fait - des hospitalisations de l'enfant. C'est de
pratique courante de voir chaque jour, dans notre clientèle, des enfants
qui sont mal nourris, dans une certaine mesure soit qu'ils sont carences en
fer, parce que le fer n'est pas gratuit, ou carences en vitamines ou en
protéines. Cela ne va pas dans une mesure comme on le voit dans les pays
africains où les enfants ont de gros ventres et des pertes de cheveux,
c'est sûr, mais on peut déceler des indices qui font qu'on est
parfois portés à hospitaliser des enfants pour des besoins
d'ordre nutritionnel. Cela coûte extrêmement cher, comme on l'a
mentionné tantôt, et ce n'est qu'une solution tout à fait
de cataplasme parce que, dès le retour à la maison, il n'y a pas
de solution. Souvent, au départ de l'hôpital, on est
obligés de se retenir de prescrire des médicaments comme des
vitamines ou des laits maternisés parce qu'on sait très bien que
les gens sont incapables de se les payer. C'est ce genre de
considérations qui nous préoccupent vraiment et qui ont un impact
extrêmement important sur le développement de l'enfant, tout comme
la relation parents-enfant aussi qui est perturbée par toutes sortes
d'autres raisons d'ordre économique.
Mme Harel: Je vais vous remercier. Je crois que c'est tout le
temps qui m'était imparti. Je voudrais vous remercier
énormément pour les travaux que vous avez réalisés
jusqu'à maintenant et vous dire qu'ils seront certainement
extrêmement utiles pour qu'on évalue, d'un côté comme
de l'autre, l'impact d'une réforme comme celle qui est
déposée par le ministre. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. le député de Fabre, vous avez une question? (17 h
15)
M. Joly: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup
d'intérêt que j'ai lu votre mémoire. Le même
intérêt s'est manifesté à vous écouter. Je
vois que vous êtes entièrement fidèle à votre ligne
de pensée pour vous avoir aussi écouté lors de la
dernière commission parlementaire sur la santé mentale. Je vois
que vous misez beaucoup sur la prévention. Je pense que c'est tout
à fait juste de faire en sorte qu'on s'y attarde tous.
J'ai senti dans votre document qui était un document un peu de
mise en garde et qui nous fait valoir aussi les conséquences de
déplacer un problème... Je pense que c'est entièrement
justifié d'avoir les appréhensions que vous pouvez avoir, si
c'était le cas. De là votre notion pour développer
l'idée de l'investissement dans la santé au lieu de la
dépense.
Il y a un endroit, à la page 3 de votre document, où vous
semblez en désaccord - c'est concernant le partage du logement ~ bien
que, dans l'ensemble, à vous écouter tantôt, vous semblez
assez à l'aise avec le document que nous, du gouvernement, avons
présenté. Mais, concernant le logement, vous semblez en total
désaccord. Pourriez-vous expliciter ce que les 115 $ de moins ou de plus
feraient si telle était l'application? D'après vous, si on
donnait 115 $ de plus à certaines gens, est-ce que cela créerait
automatiquement une meilleure alimentation et est-ce que la meilleure
alimentation est entièrement rattachée à de l'argent et
non pas à de l'éducation? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Montpetit: Avant de permettre au Dr Lessard de prendre la
parole, je voudrais quand même qu'on comprenne très bien qu'il
n'est pas question d'automatisme. Ce n'est pas parce qu'on donne de l'argent
que nécessairement l'argent sera utilisé à ces fins. Je
pense que c'est là une condition compréhensible dans n'importe
quelle société. Je ne voudrais pas qu'on prenne notre
réaction où on met une certaine pédale douce comme voulant
dire... On décrit évidemment le type de clientèle à
laquelle on s'adresse, qui a peut-être des priorités qu'elle va
décider de mettre ailleurs.
Mais, pour répondre à votre question d'une façon
plus explicite, c'est le Dr Lessard qui va y répondre.
M. Lessard: Oui. Il me fait plaisir de reconnaître le
député de Fabre également dans cette commission
parlementaire.
Dans une politique où on dit qu'on va faire confiance aux gens
pour se trouver un emploi, il est difficile de ne pas leur faire confiance en
même temps sur la façon dont ils vont dépenser l'argent,
compte tenu du fait que l'argent dont on parte ne représente pas de gros
montants.
Cela dit, ce serait intéressant de faire un tour de table pour
savoir qui ne dépense pas un peu de sous de façon un peu farfelue
de temps en temps, ne serait-ce qu'un paquet de cigarettes à l'occasion.
Une somme de 3 $ sur le salaire d'un député comparativement
à 3 $ sur les revenus de l'aide sociale, les proportions ne sont
évidemment pas les mêmes. Mais est-ce qu'on peut blâmer un
bénéficiaire de l'aide sociale de fumer quand les
députés le font ou quand d'autres corps dans la
société le font également? Cela m'apparaît difficile
d'emblée de s'en servir comme principe à la base d'une loi.
M. Joly: Je pense que mon point n'était pas de condamner
la façon selon laquelle Ils dépenseraient le supplément,
mais plutôt de regarder si c'était nécessairement une
garantie quasi absolue qu'on ne retrouvera pas tout ce dont vous parliez dans
votre document: engorgement dans les hôpitaux, suicide,
nécessairement santé mentale, mortalité, morbidité
et ainsi de suite. Avec cet investissement dont on faisait mention, est-ce une
quasi-garantie? Ce n'est pas que je condamne le fait qu'ils fument. S'ils
veulent fumer, s'ils veulent se détruire, je n'ai rien contre cela. Je
ne fume pas. Je n'ai jamais fumé. Pour votre information, il y a 74 % de
la
députation qui ne fument pas. Une voix: Bravo!
M. Joly: On a compris qu'on n'avait peut-être pas
nécessairement les moyens de fumer.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: II y a des médecins qui fument.
M. Joly: Les moyens sur le plan de la santé.
C'était là ma question. Ce n'était pas que je voulais
enrégimenter, si vous voulez, le montant Ce n'était pas mon
objectif dans ma question.
M. Montpetit: Si vous le permettez, M. le Président, le Dr
Colin pourrait quand même répondre de façon plus
spécifique.
Le Président (M. Bélanger): Bien sûr.
Mme Colin: Sur les 115 $, ce qu'on a l'impression, c'est que, du
fait de cohabiter, souvent des gens qui ne sont pas en couple, par exemple,
deux gars ou deux filles ou, en tout cas, des gens qui veulent s'entraider
finalement et qui considèrent que leurs revenus de l'aide sociale ne
leur permettent pas de vivre aussi décemment qu'ils le voudraient, vont
essayer d'économiser sur leurs frais de logement qui sont très
importants. Il y a une pénurie de logements à prix modique. Je
pense que c'est connu de tout le monde ici. À ce moment, on va essayer
de se regrouper pour pouvoir économiser sur le logement. On a
l'impression qu'avec le projet de loi cette débrouillardise qui est
plutôt un bon facteur, qui me semble quelque chose de positif, est
pénalisée puisqu'on va supprimer 115 $, ce qui est, encore une
fois, vraiment fort, semble-t-il, pour des budgets très limités
sur chacune des prestations.
À notre sens, c'est quelque chose qui ne favorise pas le
bien-être des individus et, en partant, ne favorise pas la santé.
On a aussi des exemples dans le domaine de la santé, comme on le disait
tantôt, où l'isolement, le repli sur soi d'individus est facteur
de mauvaise santé. On ne peut pas vous répondre avec des
données chiffrées sur l'impact que ces 115 $ auraient ou pas sur
la santé mentale à long terme, mais on est persuadé que,
de toute façon, cela aurait un impact; cela est certain.
M. Joly: Ce que je recherchais, c'est la réponse au plan
de l'isolement qui, pour mol, est extrêmement important. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, en
conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, une très brève
conclusion. C'est qu'on a une conclusion qui sera précédée
de remerciements pour vous être déplacés, pour la
qualité de votre mémoire, la qualité de vos
représentations. Je vous dirai qu'à un moment donné j'ai
été un peu inquiet et que les derniers propos de M. Montpetit, du
Dr Lessard m'ont rassuré parce qu'il a déjà
été question, à l'aide sociale, d'avoir des bons
d'alimentation, si je peux utiliser l'expression. Vous avez exclu cette
possibilité. Votre échange avec Mme la députée de
Maisonneuve m'a ramené dans ce débat à un moment
donné parce que, dans chacun des barèmes, à chaque
endroit, on s'est assuré que les dépenses de consommation des
faibles salariés en matière d'alimentation soient au moins
versées à tous les prestataires de l'aide sociale en tout
temps.
Maintenant, il y a une question, comme vous l'avez indiqué: Si on
leur fait confiance un peu en matière d'employabilité, est-ce
qu'on leur fait confiance en matière de budget familial? Votre
réponse semble aller dans la même veine que le choix
gouvernemental effectué. Sur ce...
Mme Harel: M. le Président, je pense que la formation
ministérielle a pris plus de temps qui lui était alloué.
C'est bien le cas, je crois. Je vous demanderais, M. le Président, votre
consentement pour prendre la moitié du temps supplémentaire qui
leur a été alloué, c'est-à-dire une minute de
plus.
Le Président (M. Bélanger): Madame, on ne coupera
pas les minutes en deux. C'est au niveau des remerciements des membres de la
commission.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je jouissais de mon droit de
parole.
Le Président (M. Bélanger): Je pourrais vous dire,
madame, qu'à l'occasion vous avez aussi débordé d'une
minute ou deux. Je peux vous en donner la preuve.
Mme Harel: Donc, le ministre consent. Je constate que le ministre
consent.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une minute, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Consentement. Vous yallez, Mme la députée, une minute.
Mme Harel: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on se
quitte sur un malentendu. Je crois comprendre qu'il y a eu une recommandation
qu'il y ait, par exemple, admissibilité à des suppléments
vitaminiques ou de fer et que cette recommandation n'était pas dans le
sens qu'on oblige les personnes, évidemment, mais, bien au contraire,
qu'on les rende accessibles. J'imagine que cela pourrait être sur la
carte d'assurance-maladie. Comme elles peuvent avoir des médicaments
pour le système nerveux, on pourrait certainement leur rendre
disponibles des médica-
ments des vitamines ou du lait maternisé. Je dois donc comprendre
que c'est plus dans ces termes que la recommandation était faite. Je
comprends également et je conclus que, quelles que soient les
réductions, elles auront comme effet de renvoyer des familles dans le
seuil de la très grande pauvreté dont nous a parlé le Dr
Colin. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, en
conclusion.
M Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais cédé mon
droit de parole à Mme la députée de Maisonneuve.
Le Président (M Bélanger): La commission remercie
I'Association des hôpitaux pour sa participation. J'invite à la
table des témoins le Comité des bénéficiaires de
I'hôpital Louis Hippolyte Lafontaine, qui sera représenté
par M. Martin Hurtibise, M. Lucien Landry, M. Benoît-Marc Boyer, M.
Daniel Saint Onge.
J'inviterais chacun à reprendre sa place s'il vous plaît.
Vu I'heure tardive, il faudrait. Je demanderais à tout le monde de bien
vouloir prendre sa place, s'il vous plaît. À I'ordre, s'il vous
plaît! À I'ordre!
Nous recevons présentement le Comité des
bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine.
Alors, Je prierais le porte-parole du groupe de bien vouloir se
présenter de présenter ses collègues et, lorsque vous
aurez à intervenir ou à répondre à une question, de
bien vouloir, auparavant, donner votre nom pour les fins de I'enregistrement du
Journal des débats. Je vous prierais donc de procéder.
Comité de bénéficiaires de
l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine
M. Hurtibise (Martin): Bonjour. Mon nom est Martin Hurtibise,
président du Comité des bénéficiaires de
l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. J'ai, à ma droite, M. Lucien
Landry, secrétaire du comité, à ma gauche, j'ai M. Daniel
Saint-Onge, étudiant en droit à l'Université de
Montréal et personne-ressource, j'ai aussi, à I'extrême
droite, Mme Josée Frigon, de I'Université McGill qui est une
personne-ressource pour nous, également, nous avons M. Georges
Charbonneau, personne-ressource. En outre vous me permettrez, M. le
Président, de mentionner les autres membres du comité qui ne sont
pas présents mais qui sont des bénéficiaires et membres du
comité, en I'occurrence, Mme Diane Huard, qui est vice-présidente
du comité des bénéficiaires, qui est une personne
multi-handicapée et également en fauteuil roulant, aussi, j'ai M.
Claude Panet, qui, à compter de ce jour, est bénéficiaire
en externe.
Cela étant dit, je vais demander à mon collègue, M.
Landry, de donner l'exposé.
M. Landry (Lucien): Alors, M. le Président, pour la
deuxième fois, cest avec plaisir que nous passons devant cette
commission. Nous nous étions présentés lors de
I'étude du rapport Harnois et, à la deuxième occasion,
nous nous présentons dans le cadre de l'étude du document - |e
vais lire cela d'une façon très claire - "Pour une politique de
sécurité du revenu"
Qu'il nous soit permis peut-être en premier lieu de vous souligner
toute notre appréciation à l'endroit du ministre qui a su, d'une
façon très claire, se tenir debout, comme on dit dans notre
langage, en présentant une réforme dans le cadre de sa politique
sur l'aide sociale. Pour nous, c'est important que cette démarche soit
entreprise au Québec. II faut vous dire aussi, d'une façon
très claire, que nous représentons au-delà de 7000
bénéficiaires qui reçoivent des services à
I'intérieur de I'établissement qui est Louis-H-Lafontaine.
La composition du comité des bénéficiaires... En
somme, il est représenté par trois bénéficiaires,
comme notre président la souligné, et il est aussi composé
d'un parent et d'un bénévole. Nous avons aussi contacté
des représentants du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, qui nous ont demandé, d'une
façon très claire, d'expliquer brièvement ce que sont les
objectifs du comité des bénéficiaires parce qu'on est plus
connus au ministère de la Santé et des Services sociaux qu'au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Nos contacts, de façon permanente, sont ceux que nous avons avec ie
ministère de la Santé et des Services sociaux, la Commission des
droits de la personne et les différents organismes qui touchent I'aspect
social et de santé. Étant donné que l'approche pour la
politique de sécurité du revenu avait un point lié
directement avec les bénéficiaires qui reçoivent des
services, on a quand même cru bon de se présenter devant cette
commission afin de vous faire la présenta tion du comité.
Alors, l'un des plus grands objectifs du comité des
bénéficiaires - il y a quatre points bien spécifiques -
c'est de défendre les intérêts collectifs des
bénéficiaires ou, à la demande d'un
bénéficiaire, ses intérêts en tant que
bénéficiaire auprès de l'établissement,
auprès de toute autorité compétente. Quand on parle
d'autorité compétente, cela peut aller au-delà de
l'établissement, c'est-à-dire autant au ministère et aux
organismes qui touchent de près à ce qu'on appelle la
défense des intérêts des personnes qui vivent en milieu
hospitalier. Notre deuxième rôle, c'est de représenter et
d'assister, sur demande, un bénéficiaire qui désire porter
une plainte prévue à I'article 18 de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux; troisièmement, de participer
à I'organisation des activités de loisir et conseiller le conseil
d'administration de l'établissement sur toute question relative aux
loisirs, aux conditions de séjour des bénéficiaires;
quatrièmement, de renseigner les bénéficiaires
sur l'administration générale de
I'établissement.
Il est important de vous souligner aussi que le comité des
bénéficiaires regroupe des sous-comités qui travaillent en
collaboration avec nous, le comité des parents, le comité de
publicité, le comité des plaintes, le comité des
activités récréatives; actuellement, on a aussi
instauré une démarche pour créer un comité des
personnes âgées et des personnes handicapées physiques,
même s'ils ont une pathologie psychiatrique ou une déficience
intellectuelle. Comme vous le savez, l'hôpital Louis-H-Lafontaine
regroupe au-delà de 2200 bénéficiaires dans les services
internes. Cela fait une grande famille. (17 h 30)
Ce sont un peu les grandes lignes du rôle du comité des
bénéficiaires. Je vais laisser la parole à notre ami
Daniel Saint-Onge de l'Université de Montréal.
M. Saint-Onge (Daniel): Je voudrais tout d'abord préciser,
M. le Président, que le but de nos représentations n'est pas de
critiquer le programme de soutien financier qui concerne plus
particulièrement la clientèle de Louis-H-Lafontaine, non plus de
dénoncer la philosophie de la politique que le comité adopte
intégralement, mais simplement d'exprimer notre désaccord sur
quatre lignes de la page 39 du document soit: "Enfin, le montant couvrant les
besoins ordinaires d'une personne seule ou d'un adulte membre d'un
ménage hébergé dans un centre d'accueil ou dans un centre
hospitalier passera de 115 $ à 125 $ par mois. Ce montant cherche
à combler les besoins non couverts par le centre d'hébergement. "
Concrètement, le comité désire que ce montant passe
plutôt à 190 $ par mois et, pour justifier une telle demande, nous
voulons, par ce mémoire, vous familiariser à la situation de
bénéficiaires d'établissements hospitaliers.
La réforme proposée de l'aide sociale touche aux grandes
catégories d'assistés sociaux, mais mentionne à peine, et
de façon laconique, les plus nécessiteux d'une aide versée
par I'État, ceux vivant en centre hospitalier à longueur
d'année le comité croit que, si une telle réforme veut
être plus équitable en favorisant les personnes inaptes au
travail, à plus forte raison des mesures d'aide accentuée
devraient être implantées pour ceux qui vivent
littéralement en centre hospitalier. À
Louis-Hippolyte-Lafontaine, des bénéficiaires reçoivent le
même montant d'argent depuis janvier 1985. Pour ceux qui vivent à
l'interne, ce montant s'avère insuffisant. Et il l'est d'autant plus
à l'externe ou les besoins sont encore plus grands. En six ans, de 1975
à 1981, les montants ont augmenté de 100 %. Même si cela a
marqué une période de rattrapage financier au Québec, il
est stupéfiant de constater que, pour une même période de
temps, de 1981 à 1988, ces montants n'ont augmenté que de 27 %,
près de quatre fois moins
Les bénéficiaires sont donc plus pauvres pour deux raisons
a cause de l'inflation et à cause de la capitalisation de leur
argent.
Concernant l'inflation, supposons que depuis six ans, l'inflation a
été d'au moins 4 % annuellement. C'est donc dire que chaque
année alors que tous les produits augmentent de 4 %, le
bénéficiaire a toujours le même montant d'argent pour
acheter les biens sur le marché. Son pouvoir d'achat s'érode donc
d'année en année. C'est de 4 % et de 4 % de 4 % que les prix sont
augmentés.
En ce qui a trait à la capitalisation, une personne qui voit son
revenu indexé annuellement, si peu soit-il, est souvent plus riche
qu'une personne qui reçoit un pourcentage plus élevé dans
une période de temps plus grande. Ainsi, une personne dont le revenu est
augmenté de 3 % annuellement reçoit 3 % la première
année, 3 % plus 3 % de 3 % la deuxième année et ainsi de
suite. Cette capitalisation d'argent lui permet donc, annuellement, de comparer
son revenu à I'inflation. Or un bonbon de moins de 9 % après plus
de trois ans d'attente - depuis janvier 1985 - ne comble donc que très
partiellement la perte de pouvoir d'achat annuelle des
bénéficiaires.
Peut-on faire le choix et veut-on choisir de continuer, par la
paupérisation, à marginaliser ceux que, par autonomie I'on
voudrait voir désinstitutionnalisés? Est-il normal qu'une
personne malade doive payer ses vêtements avec 115 $ par mois pendant
qu'un détenu payant sa dette envers la société soit
vêtu par I'État et rémunéré au salaire
minimum pour ses travaux? M. le ministre, j'aimerais savoir quels choix
équitables doivent être faits entre les malades mentaux et les
prisonniers.
Le manque de ressources maintient le bénéficiaire dans un
état de dépendance. Avec un meilleur partage, on contribue
à sa socialisation et à une plus grande équité
sociale envers les plus démunis du système. Merci.
M Landry: Avant de procéder à la période des
questions, on voudrait peut-être, M. le Président, si vous me le
permettez...
Le Président (M Bélanger): Je vous en prie.
M. Landry:... déposer... Malheureusement, on n'a pas de
copies pour tout le monde. Par contre, nous avons fait un petit caucus
auparavant et on a rajusté nos chiffres. Nous vous présentons
d'une façon très claire le budget annuel des
bénéficiaires dans une colonne, et, en une deuxième
partie, le budget suggéré. On a fait des consultations, avant de
vous le présenter, auprès des différents
départements à l'intérieur de l'établissement.
À la page 5 du budget, on doit lire - attention, il y a deux colonnes
distinctes - au poste des vêtements, au lieu de 60 $, le budget actuel
c'est 55 $; sorties, 20 $; articles de toilette, 15 $; menues dépenses,
25 $;
ce qui fait au total: 115 $. C'est le budget actuel du montant des
allocations qu'ils reçoivent mensuellement. Maintenant, ce que nous
demandons, c'est de passer de 115 $ à 190 $. Et nous avons
présenté un budget suggéré où le montant
pour les vêtements est de 60 $, une augmentation de 5 $; pour les
sorties, 30 $ - plus 10 $ - pour les bénéficiaires qui vont de
l'interne à l'externe; pour les articles de toilette, 30 $ plus 15 $;
pour les menues dépenses, 30 $ plus 5 $; divers: cigarettes et autres,
40 $. Ce qu'on voudrait ajouter aussi c'est qu'il est bien clair que ce n'est
pas uniquement pour les cigarettes. On voit dans le texte seulement la mention
cigarettes. Il faut bien ajouter autres choses: des frais de transport, des
frais d'achat d'équipement personnel, parce que, de plus en plus, dans
les établissements, on ne fournit plus d'effets personnels aux
bénéficiaires; on demande donc davantage la participation des
bénéficiaires, soit pour leurs effets personnels. Voilà ce
sont les corrections, M. le Président. Est-ce que c'est clair pour vous,
M. le Président?
Le Président (M. Bélanger): Aucun problème.
M. Landry: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, parfois trop clair. Je tiens
à remercier M. Hurtiblse et son groupe.
Je vais aller directement au but. Vous avez raison. Dans la politique de
sécurité du revenu, à la page 43, nous proposons que le
montant qui couvre les besoins ordinaires d'une personne seule ou d'un adulte
membre d'un ménage hébergé dans un centre d'accueil ou
centre hospitalier passe de 115 $ à 125 $. On dit bien que ce montant
cherche à combler des besoins non couverts par le centre
d'hébergement.
Je vais vous donner la ventilation que font les fonctionnaires au
ministère pour arriver à 125 $, de façon à vous
donner les munitions pour discuter avec le ministère, s'il y a lieu. Le
ministère calcule ces 125 $ de la façon suivante: pour les soins
personnels, 21 $; pour l'habillement, 43 $; pour le transport, 18 $; pour les
loisirs, 16 $; ce qui donne 98 $. Maintenant, on ajoute à ces 98 $
l'allocation de non-employabilité, que nous avons allouée aux
bénéficiaires considérés comme incapables de
travailler dans le programme Soutien financier, qui est de 25 $, ce qui donne
un sous-total de 123 $ et, afin de ne pas couper les cheveux en quatre, on a
arrondi à 125 $. C'est la position de base du ministère, mais je
dois la situer dans te contexte historique où vous nous la situez. Je me
souviens - je pense que c'était le docteur Laurin qui était,
à l'époque, ministre responsable de la Santé et des
Services sociaux - nous étions dans l'Opposition, de ce
côté-ci de la Chambre, et nous reprochions à l'ancien
gouvernement d'avoir oublié les personnes hébergées.
Aujourd'hui on peut peut-être nous renvoyer la balle, bien qu'il y ait
une pensée dans le document de politique de la sécurité du
revenu, une pensée que vous ne trouvez peut-être pas suffisamment
monnayée. Sur ce point, je suis sensible aux arguments que vous nous
apportez, mais je vous dirai que je ne suis pas en mesure de prendre une
décision sur le coin de la table, ici. Je vous donne les chiffres du
ministère. Vous nous avez donné vos chiffres. Il y a
peut-être une position de compromis. Je suis également ministre du
Travail. On pourrait vous inviter comme groupement, comme association - parce
que c'est là un des objectifs que vous avez cités - à
rencontrer un groupe de fonctionnaires, afin de tenter d'en arriver a une
solution qui soit acceptable et juste, tant pour les gens que vous
représentez que pour le gouvernement du Québec.
M. Saint-Onge: Est-ce que vous pourriez justement répondre
à la question que je vous ai posée au sujet de la comparaison
avec le système carcéral?
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Une bonne question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais répondre, mais
je ne suis pas certain que vous apprécieriez ma réponse ou que
vous la trouveriez logique. Dans les circonstances, je préfère
m'abstenir. Je suis le ministre responsable de la politique de
sécurité du revenu. Je me dois de regarder la situation des gens
qui sont, sous une forme ou sous une autre, prestataires de l'aide sociale et
je tente d'être le plus juste possible envers eux. Quelquefois J'invoque
des systèmes extérieurs pour justifier que je ne peux aller plus
haut. Je ne vous blâme pas d'invoquer des systèmes
extérieurs qui devraient rn'autoriser à faire preuve de plus
d'équité ou de justice envers les gens que vous
représentez, mais la logique entre les deux systèmes, moi, je ne
la vois pas.
M. Hurtibise: M. le Président, je vais m'adresser encore
au ministre, mais de façon plus explicite et plus concrète. Si on
a fait la comparaison avec les établissements de détention, c'est
simplement et uniquement parce que, dans les travaux que ces gens-là
font, il y a eu ce que j'appelle - qu'on me corrige si je fais erreur, mais
j'ai pour preuve des documents... J'ai présentement des documents qui
disent et prouvent qu'une personne dans un milieu carcéral, qui est
logée, nourrie, dont les soins dentaires et les lunettes sont
payés, et tout l'aspect médical compris, que cette personne, si
elle lave ou essuie la vaisselle, reçoit le salaire minimum. Dans un
deuxième temps, toujours en comparaison, le bénéficiaire
qui est à la chauf-
ferie de l'hôpital, de l'établissement, ou qui fait des
commissions ou autre chose, reçoit un pauvre petit 0, 40 $ l'heure. Le
bénéficiaire qui fait cela, le fait dans le but de sa
réinsertion sociale parce qu'il a été probablement
malade.
M. le ministre, ma question est la suivante: S'il vous plaît,
serait-il possible de votre part de m'expliquer, ici, devant la commission, et
pour les personnes que je représente très humblement, pourquoi on
donne un salaire minimum à ces gens-là tandis que pour des
pauvres vulnérables on doit tolérer la situation telle qu'elle
est?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez! Quelqu'un - c'est
un député autour de la table - m'indique que
généralement ces politiques sont à l'intérieur
d'établissements fédéraux, mais ce serait une
réponse trop facile à vous donner. Je vous dirai que la personne
qui participera, dans le cadre de la politique de sécurité du
revenu, à des mesures d'employabilité pour se perfectionner,
etc., ne recevra pas, elle non plus, le salaire minimum. La politique dont j'ai
la responsabilité, à titre de ministre responsable de la
sécurité du revenu, est la politique qui s'applique à ceux
et à celles qui sont vraiment au bas de l'échelle dans la
société. Dans cette politique, on tente d'être le plus
juste et le plus équitable possible tout en essayant - c'est ce que
propose la politique de sécurité du revenu - d'aider les gens
à s'en sortir, pour que, dans la société ou dans le monde
normal, ils travaillent, peut-être en commençant au salaire
minimum, ou plus haut, si possible, mais qu'ils puissent gravir les
échelons et qu'ils réussissent à s'en sortir, et qu'au
lieu de vivre aux crochets de la société ils soient en mesure de
contribuer à cette société.
Dans un de nos programmes, celui du Soutien financier, nous avons
tenté, pour les personnes qui sont inaptes au travail, de hausser les
contributions de façon à tenir compte de la situation de fait
dans laquelle ces personnes sont placées sans que ce soit leur faute,
à cause d'un handicap physique ou mental; aussi, les barèmes que
nous mettons de l'avant augmenteront d'à peu près 1000 $ par
année les revenus de ces gens-là. Dans d'autres cas, nous avons
le programme APTE et le programme APPORT. (17 h 45)
En ce qui concerne les gens que vous représentez, nous
étions aux prises avec un montant pour dépenses extraordinaires
de 115 $. Cette somme n'avait pas été augmentée depuis le
1er janvier 1985, et lorsqu'elle l'a été le 1er janvier 1985
ça faisait déjà un bon bout de temps. Donc, on est
toujours en situation de rattrapage. Nous avons mis sur la table 125 $ et nous
vous le ventilons avec le plus de transparence possible. Vous nous mettez sur
la table des chiffres et vous dites que ça devrait être
plutôt aux environs de 190 $ qu'autour de 125 $. Finalement, ce que je
vous dis, comme ministre, c'est que je suis prêt à mettre à
votre dispo- sition des fonctionnaires qui pourront rencontrer vos gens et
tenter d'en arriver à un compromis qui soit acceptable pour vous et qui
soit juste également pour le contribuable.
Quant aux travaux qui sont effectués par des membres de votre
organisme, je ne sais même pas d'où vient ce montant de 0, 40 $
l'heure; vous pouvez peut-être m'éclairer. Est-ce qu'il s'agit du
fonds de la curatelle ou du fonds d'administration générale du
centre hospitalier?
M. Hurtibise: Ces 0, 40 $ sont versés par l'institution.
C'est en vue de ce qu'on appelle la réinsertion sociale, pour
l'éventuel retour dans la communauté. Par rapport à
ça, vous conviendrez avec moi que c'est très minime. Je n'ose pas
élaborer là-dessus, mais ce que je dis et qui est important par
rapport à la désinstitutionnalisation, si on regarde l'enveloppe
budgétaire, c'est que le ou la bénéficiaire qui doit se
préparer à sortir dans le cadre de ce budget-là a de la
difficulté. Je cite quelques exemples: Premièrement, il doit
économiser un peu d'argent pour commencer à payer son
hébergement. Deuxièmement, prévoir l'acquisition des
choses qu'il doit avoir dans la communauté et qu'il n'a pas à se
procurer lui-même dans l'institution. Je n'ai pas l'intention de vous
faire la nomenclature complète de ça, mais je pense que vous
comprenez un peu le sens.
Je ne veux pas revenir sur le point un, qui concerne la chose
carcérale, je veux juste dire que la référence que j'ai
est au niveau provincial et non fédéral. Quand on a parlé,
M. le ministre et MM. les membres de la commission, de 190 $... Il faut
arrêter de se conter des histoires. Les bénéficiaires
paient le plein prix pour tout à l'intérieur. Il faut me croire.
Je vais aller plus loin que ça. Je suis certain qu'il y en a qui
mettront mes propos en doute, mais je défie n'importe qui de la
commission, je n'ai pas le droit de mentir à l'insu de 7000
bénéficiaires. Je peux vous dire que ces
bénéficiaires, qui sont chez eux dans ces institutions,
malheureusement, s'ils veulent se servir du téléphone, ils
doivent payer. Ce n'est pas facile. C'est à ce point-là, lis
doivent tout payer: la tasse de café qu'on paie dans un hôtel 0,
70 $, ils ne l'ont pas à 0, 25 $ parce qu'ils sont
bénéficiaires, car ces revenus-là vont à
l'institution. Si le comité de bénéficiaires demande un
montant de cet ordre-là pour te bénéficiaire, si nous,
avec la connaissance et l'expérience que nous avons avec chacun des
bénéficiaires qu'on traite quotidiennement, on en est venu
à ce point-là, c'est parce que les bénéficiaires
doivent payer pour tout. Il n'y a rien qu'ils ne paient pas.
Je peux même vous dire, et vous allez peut-être trouver cela
exorbitant, qu'il y a des personnes incontinentes qui, au-delà d'un
certain nombre de couches par mois, doivent payer la différence. Dieu
sait que les couches coûtent chert C'est à ce point-là!
C'est pour cela que je vous demande - et je suis content que vous
m'ayez ouvert une porte, à savoir, la possibilité
d'échanger avec des fonctionnaires - d'avoir un montant plus
équitable. Je pense que c'est une bonne porte que vous nous avez ouverte
là-dessus,
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me le permettez, à
la suite des propos que vous venez de prononcer, je suggérerais
même un comité - je ne veux pas qu'on se renvoie la balle de
Sécurité du revenu à Santé et Services sociaux, et
que vous fassiez la navette entre une équipe de fonctionnaires d'un
côté ou de l'autre - formé d'une équipe de
fonctionnaires des deux ministères de façon qu'un ne vous dise
pas: Ce n'est pas à moi de payer cela, c'est à l'autre, et que
l'autre ne vous dise pas: Ce n'est pas mol, c'est l'autre. Pour un citoyen,
cela devient un peu ardu et pénible. Donc, ce comité, - et je
vais en parler à Mme la ministre de la Santé et des Services
sociaux - à mon avis, devrait comprendre des fonctionnaires des deux
ministères.
Le Président (M. Bélanger): M. Landry.
M. Landry: M. le Président, j'aimerais seulement
préciser que nous prenons très bonne note de la suggestion du
ministre Paradis et, encore une fois, je vois très clairement son audace
et sa ténacité à vouloir nous impliquer. On l'a dit, lors
de la dernière commission, nous nous sommes présentés
devant vous non pas dans le but de vous demander ce que vous pouvez faire pour
nous, mais plutôt comment nous pouvons nous asseoir avec vous pour vous
aider d'une façon très précise. Nous sommes sur les lieux
mêmes, nous côtoyons quotidiennement 2000
bénéficiaires et nous connaissons leurs besoins.
Ce qui est encore plus enrichissant, c'est que s'associent à nous
également les différents intervenants de l'établissement,
tant du côté du nursing, du côté médical et
autre, qui collaborent avec le comité de bénéficiaires. Ce
n'est pas seulement la position du comité, mais bien celle des
bénéficiaires et aussi de tout le personnel qui les encadre. Nous
avons le devoir de parler en leur nom. Je puis vous dire avec fierté, M.
le Président, que des bénéficiaires seraient heureux de
venir ici et de parler d'un tas de choses, mais nous avons le devoir de les
représenter. Beaucoup de bénéficiaires n'ont pas la
possibilité ni la capacité de tout comprendre, alors, c'est un
petit peu notre rôle. On est très fier de s'associer avec vous et
nous nous montrerons disponibles. Nous avons aussi des personnes-ressources,
des gens de l'Université de Montréal et de l'Université
McGill, qui travaillent avec nous, M. le Président, et c'est une
première que des comités de bénéficiaires
s'adjoignent sans que cela coûte un sou à qui que ce soit, des
gens comme ceux-là, qui collaborent réellement à
élaborer des solutions concrètes et non des demandes et des
critiques. On n'entend, ces derniers temps, dans les médias, que des
criti- ques et des critiques. Nous, nous voulons des solutions et des positions
claires, et on est prêt à s'asseoir avec vous.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. À cause du temps
imparti, je n'aurai pas beaucoup de temps à ma disposition parce qu'on
avait convenu qu'il fallait terminer nos travaux à 18 heures. Mais je
trouve d'autant plus important cet échange que vous avez eu...
M. Landry: On a droit à une heure. On est entrés
à 17 h 25, on a droit jusqu'à 18 h 25.
Mme Harel: C'est vrai.
M. Landry: C'est exact, M. le Président?
Mme Harel: Vous avez raison.
M. Landry: Deuxièmement, M. le Président, il
faudrait demander à vos membres de la commission de nous entendre et non
pas de faire des discours parce qu'on est venus parler. On n'est pas venus pour
écouter.
Le Président (M. Bélanger): D'accord, M. Landry. On
va écouter la question de Mme la ministre et vous aurez le temps de
répondre. Mme la députée de Maisonneuve. Excusez-moi.
Mme Harel: Ce n'est pas grave, M. le Président.
Remarquez que votre exposé est clair. Ce dont vous nous pariez
d'une certaine façon, c'est de vos besoins dans l'institution.
L'échange que vous avez eu avec le ministre nous a sans doute permis,
comme membres de la commission, de prendre connaissance du fait que ce n'est
pas parce que vous étiez bénéficiaires
hébergés qu'il n'y avait pas pour autant des dépenses qui
vous étaient occasionnées par la vie de tous les jours.
D'autre part, j'aimerais que vous preniez conscience - je ne sais pas si
vous en êtes conscients... Tantôt vous avez fait votre
exposé sur l'ensemble de la réforme en disant: Tout ce que nous
touchons, c'est notre situation. Mais la vôtre, votre situation, est
aussi dépendante des besoins essentiels qui seront définis, qui
seront reconnus et qui seront couverts par l'État pour les personnes qui
reçoivent de l'aide sociale.
Les chiffres que le ministre vous a donnés sont des chiffres
qu'on retrouve dans un tableau qui s'intitule "Besoins essentiels". Si vous
voulez, tantôt, on va vous remettre une copie de ce tableau. C'est le
Front commun des assistés sociaux et assistées sociales du
Québec qui l'a rendu public la semaine dernière, parce qu'il
l'avait obtenu de la grâce divine; heureusement, parce que cela nous
permet de comprendre la réforme... Sans les chiffres de ces tableaux, il
y
aurait comme des grandes omissions qui ne nous permettraient pas
vraiment de comprendre quelles vont être les mesures et combien cela va
coûter et combien on va donner, plus exactement.
Vous demandez, dans le fond, une redéfinition des besoins
essentiels. Vous dites que 125 $, ce n'est pas assez. D'une certaine
façon, il faut que vous preniez conscience que 125 $, c'est quand
même, pour ces besoins, plus que ce que les autres reçoivent pour
tes mêmes besoins. À part l'alimentation, c'est 137 $ pour une
personne seule, disons, qui vit en appartement. Le logement, c'est 277 $.
À part ces deux points, je pense que tout le reste, ce dont nous a
parlé le ministre, ce sont les besoins essentiels, que le ministre
reconnaît à vous comme aux autres. S'il vous en donne à
vous, en vous reconnaissant des besoins essentiels sur le plan, par exemple,
des soins personnels, de l'habillement, il va falloir qu'il les reconnaisse aux
autres. Ceux qui, à votre place, étaient là avant et ceux
qui vont sans doute continuer à venir jusqu'à Pâques, ils
viennent aussi nous dire que leurs besoins sont plus importants que ceux qui
sont couverts présentement.
Disons que je voulais simplement vous le dire parce que c'est important
que vous sachiez que ce que vous demandez, c'est un changement à la
définition des besoins essentiels telle que la propose le ministre
présentement.
M. Hurtibise: Je voudrais commenter deux points. J'ai très
bien compris votre point de vue, madame, et - si je fais erreur, on me le
dira-il me semble un peu différer des propos du ministre,
légèrement. Mais, pour l'essentiel, je vous dirai, Mme la
députée, qu'on touche quatre gammes de clientèles, Nous
touchons aussi une clientèle qui est celle des orphelins des
années trente et des années quarante et cette clientèle a
été oubliée, pour ne pas dire négligée, par
l'État. On les a sortis des orphelinats et on les a mis dans des
institutions parce qu'on ne trouvait pas de ressources. Deuxièmement, on
a institutionnalisé des déficients intellectuels, parce qu'ils
avaient un retard mental qui n'est pas une maladie, on les a mis à
Saint-Jean-de-Dieu, Saint-Michel-Archange, etc., dans ce qu'on appelait
à l'époque des asiles. Troisièmement, on a casé
aussi - permettez-moi l'expression, elle est vulgaire - certains de nos parents
pour s'en débarrasser.
Aussi, on a mis dans ces institutions, que j'appelle des institutions
psychiatriques aujourd'hui, des gens qui n'auraient jamais dû entrer
là, pour les motifs que je viens de vous citer, madame. Pour ces
carences, la société doit payer une certaine dette et doit bien
le reconnaître de façon aussi humaine que pécuniaire. Si on
parle d'environ 190 $ pour faire en sorte qu'on leur prépare une
réinsertion sociale pour qu'ils rentrent dans la communauté, je
vous dis que ce n'est pas cher. Je peux vous dire une chose, et je continue
encore ma comparaison, c'est que, premièrement, une personne qui est en
institution carcérale et qui, dans les 48 heures, n'a pas ses bonbons,
pour ne pas dire qu'elle n'obtient pas satisfaction par rapport à
l'agent de la paix ou à l'agent de probation, c'est "dring, dring,
dring", le téléphone et les avocats rentrent dans le portrait, ce
n'est pas long. Si un détenu se fait brûler au moyen d'une tasse
de thé, ce n'est pas long, les poursuites judiciaires viennent, mais
vous ne voyez jamais de poursuite et vous n'en avez jamais vu de la part de
bénéficiaires résidant dans des endroits comme Louis-H.
-Lafontaine et Saint-Michel-Archange. Je dis que, par conséquent, si
nous demandons ce montant-là, c'est parce qu'ils en ont
réellement besoin. S'il faut faire classe à part
là-dessus, je suis prêt à rester debout devant la
société et devant quiconque qui pourra me faire face pour dire:
Oui, Ils en ont besoin et, oui, la société doit prendre ses
responsabilités là-dessus.
Mme Harel: Je vous remercie, M. Hurtibise. M. Hurtibise:
Bienvenue.
Mme Harel: Je vous remercie aussi, M. Landry, je crois...
M. Landry: Oui.
Mme Harel: M. Hurtibise, qui êtes président, et M.
Landry, vous défendez très bien les personnes qui vous ont
élus aux fonctions que vous occupez. Je pense que l'argumentation que
vous développez et l'énergie que vous mettez à la
développer sont assez exemplaires. Mais vous allez convenir aussi que
d'autres personnes pourraient vous remplacer et plaider aussi, comme vous, avec
autant de crédibilité et de légitimité, que leurs
besoins essentiels doivent être couverts et ne le sont pas. Alors, ce
qu'il faut espérer, c'est que vous, comme d'autres, réussissiez a
convaincre le ministre. Je vous remercie. (18 heures)
M. Landry: Je veux seulement rajouter un point à ce
stade-ci. D'une façon très claire, notre mémoire a
été présenté à différentes tables de
concertation, par exemple, l'association des droits sociaux, la Table
provinciale des ressources alternatives en santé mentale, la Ligue des
droits et libertés. On a présenté notre mémoire
à ces différents organismes pour qu'on puisse avoir une forme de
coalition. Mais nous avons apporté devant vous, d'une façon
très claire, notre spécificité de personnes qui sont en
milieu institutionnel à vocation psychiatrique. On avait tendance
à regarder l'ensemble du problème, mais il va de soi qu'on
partage aussi l'opinion sur les besoins. Encore une fois, M. le
Président, je réitère à titre personnel notre
profonde gratitude, notre reconnaissance à l'endroit du ministre, quel
que soit le parti, pour avoir pris l'engagement de faire une réforme
formelle de l'aide
sociale, nous en avons besoin. À titre individuel, j'ai appris
qu'un homme doit avoir ses propres valeurs. Ces valeurs sont la confiance et le
travail et je pense que cette réforme dit beau coup
là-dessus.
Le Président (M Bélanger): Je me permettrais un
commentaire, M le ministre. Je pense qu'il y a deux éléments dans
ce que vous amenez. Je me permets cette intervention parce que je connais bien
les deux systèmes. Je ne parlerai pas du système carcéral,
où j'ai été consultant Vous êtes un peu mal
informés là-dessus. Ce sont seulement les gens en fin de sentence
qui peuvent travailler dans des contextes très particuliers et il est
vrai que c'est au salaire minimum à la suite de grèves de
prisonniers.
M. Hurtibise: Je m'excuse, je n'ai pas compris comme il faut le
début de votre point.
Le Président (M. Bélanger): Je dis que, dans les
prisons, ce ne sont pas tous les prisonniers qui ont droit au travail. Ce sont
seulement ceux qui sont en fin de sentence, qui présentent des
caractères de non-dangerosité, etc. En tout cas, il y a toute une
série de critères. C'est pour qu'ils se fassent un pécule
avant de sortir. II est vrai que cest au salaire minimum. Je me rappelle, iI y
avait eu une grève des prisonniers et cela avait été
obtenu à ce moment-là, aussi drôle que cela puisse
paraître.
Mais là ou je veux en venir, c'est que, dans votre argumentation,
il me paraît y avoir deux éléments très distincts.
II y a l'aspect de l'aide sociale où M le ministre vous a donné
une ventilation de 125 $l Je pense que Mme la députée de
Maisonneuve vous a fort bien démontré que c'est ce qui est acquis
pour tout le monde. On peut contester cette base en se disant: Cela prend plus
que cela, le seuil de pauvreté est plus élevé. II y a une
autre partie qui s'appelle les besoins de votre situation spécifique,
qui s'appelle votre réinsertion sociale et qui relève du
ministère des Affaires sociales. Lorsque M Paradis vous propose un
comité conjoint des deux ministères, je vous recommande de sauter
là-dessus. II est rare qu'on réussisse à les avoir
à une même table et de façon décisionnelle
Là, vous pourrez régler vos problèmes. Et je suis
sûr que M le ministre va tenir son engagement. Si cela se réalise
dans les meilleurs délais, je pense qu'aujourd'hui vous êtes de
loin le groupe qui aura gagné le plus pour les intérêts
qu'il défend.
M le ministre en conclusion.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En conclusion, je noterai les
propos des groupes avec lesquels vous faites coalition et qui touchent les
autres aspects du programme en portant une attention tout à fait
particulière au volet du soutien financier de la politique de
sécunté du revenu. Une fois désinstitutionnalisés,
vos gens vont former une partie importante de cette clientèle et tous
les barèmes, tous les besoins qui y sont reconnus se doivent de tenir
compte des besoins essentiels de cette clientèle une fois quelle est
sortie de l'institution. Je vous indique immédiatement que, dans le cas
de cette clientèle, nous n'avons pas retenu des éléments
qui ont été retenus dans le cas d'autres clientèles. Entre
autres, il ny a pas de diminution de prestation pour le cas de partage de
logement parce qu'on irait à I'encontre d'une politique de
déssistitutionnalisation chez ces gens s'il fallait inscrire cette
notion de partage de logement. II n'y a pas non plus de notion de contribution
alimentaire parentale, un peu à cause de ce qu'ont vécu ces gens
et de la situation dans laquelle ils se retrouvent. On pense que c'est faire
preuve d'un peu plus de justice et d'équité à leur endroit
en haussant la prestation d'à peu près 1000 $ par année et
en faisant en sorte qu'elle ne soit pas diminuée de façon
indirecte par de tels critères
Le Président (M. Bélanger): M le ministre je vous
remercie beaucoup Vous aviez un dernier commentaire?
M. Hurtibise: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Hurtibise: Sur une note plus positive. Mme Harel, je vous
remercie de votre intervention. Quant à vous, M le ministre, j'aurais le
goût de vous souligner un point beaucoup plus positif. Quand nous sommes
entrés au comité des bénéficiaires, il y a trois
ans. on ma dit: Hurtibise, on a le cas d'une dame, un cas de
schizophrénie et elle a aussi un multihandicap, elle est sourde et
muette. On m'a dit: Écoute, elle est hospitalisée ici et elle
veut sen sortir. Alors, on a pris une initiative, nous, le comité des
bénéficiaires. On a pris cette dame et nous l'avons amenée
au bureau faire des petits travaux légers. Si ce n'est que commencer
à aller chercher notre courrier Deuxièmement, découper des
articles de journaux de nos ministres vedettes, troisièmement, faire en
sorte aussi qu'elle puisse ramasser des articles qui arrivent et faire un petit
album de coupure pour nous aider dans certains dossiers. Par la suite, elle
s'est motivée à un point tel qu'elle a voulu apprendre à
faire de la dactylo et nous l'avons amenée à cela. Le gros
handicap quelle a rencontré et que nous avons rencontré, c'est
que, quand quelqu'un frappait à la porte, elle ne pouvait pas
répondre parce qu'elle était sourde et muette. À part
cela, elle a acheminé un travail tel qu'elle a trouvé un emploi
à I'extérieur et, maintenant, elle est hébergée
à l'extérieur.
Par rapport au dossier qu'on traite aujourd'hui, cette
bénéficiaire-là a pu travailler à
I'extérieur durant un an et demi, malheureusement l'entreprise pour qui
elle travaillait a fermé
ses portes. Cette personne, par rapport à son multihandicap, ne
peut pas arriver aujourd'hui ou demain matin et s'en aller à ce qu'on
appelle l'assurance-chômage pour aller chercher, sur le tableau, un
emploi. Ce serait réellement très lourd pour cette
personne-là. Je pensais que c'était bon de vous donner ce petit
tableau-là. Elle est très contente aujourd'hui d'être
désins-titutionnalisée, sauf qu'elle a ce
problème-là et je pense que c'était bon qu'on vous le
souligne.
Mme Harel: Est-ce qu'elle serait...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais non, elle serait
automatiquement dans les inaptes, de la manière qu'il la
décrit.
Mme Harel: Mais, si elle veut se retrouver un emploi?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Même si... On pourrait
peut-être engager la conversation plus haut.
M. Hurtibise: Oui, c'est bon.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cette personne-là serait,
suivant toute probabilité, considérée comme étant
incapable de travailler et elle recevrait le barème augmenté
à cet effet du programme Soutien financier, mais elle demeurerait quand
même admissible aux mesures de participation du programme APTE et
pourrait supplémenter son revenu de l'allocation de participation de 60
$, des frais de participation de 40 $, ce qui lui donnerait, en plus du
barème du programme Soutien financier, 100 $ additionnels. Si elle est
vraiment capable de travailler comme l'a indiqué le président du
comité, elle pourrait aller chercher même des exemptions pour gain
de travail éventuellement, même se sortir de l'aide sociale, en
espérant que, cette fois-là, elle ne tombera pas sur une
compagnie qui fermera ses portes un an et demi après.
M. Landry: M. le Président, seulement un petit point
à ajouter. Est-ce qu'on pourrait recommander aussi au ministère
de la Sécurité du revenu que les comités de
bénéficiaires soient considérés aussi comme des
plateaux de travail, parce qu'on en a de l'ouvrage? Pour être franc avec
vous, si on est allés chercher des étudiants en droit, c'est
qu'on a des dossiers à traiter et on pourrait accueillir des stagiaires
qui sont sur l'aide sociale. On pourra vous présenter trois ou quatre
personnes qui pourraient venir travailler à l'intérieur du
comité et nous aurions une forme d'animation, d'intégration et,
avec ces pairs, il y aurait des possibilités de
réintégration. Comme M. Hurtibise a très bien
mentionné l'expérience d'une personne qui a subi un stage de
travail chez nous et qui était apte à s'intégrer, on
pourrait certainement, je ne sais pas, suggérer au ministère que
les comités de bénéficiaires soient pris en
considération comme plateaux de travail, parce qu'au lieu de demander
à l'établissement de fournir tous les éléments
nécessaires de soutien on va chercher nos propres soutiens. Il n'y a
rien de mieux que de conscientiser la personne qui dépend de la
communauté, d'en faire un sujet autonome et respectueux.
Le Président (M. Bélanger): Bien, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me demandez s'il y a moyen de
le demander. Je pense que vous venez de le demander. Je regardais du
côté de mes fonctionnaires pour voir si c'est le genre
d'expérience à laquelle la mécanique actuelle permet de
donner ouverture et la réponse me semble positive.
M. Landry: À l'intérieur des organismes
communautaires, quelque chose comme cela; on est un organisme à vocation
communautaire et institutionnelle.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie
infiniment de votre participation. C'est notre deuxième rencontre. Cela
a été comme la première fois.
M. Landry: Jamais deux sans trois.
Le Président (M. Bélanger): Souhaitons-le, cela a
été très intéressant, et continuez l'excellent
travail que vous faites. Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 10)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission des affaires sociales reprend ses travaux afin
de procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé "Pour
une politique de sécurité du revenu". Ce soir, nous recevons, en
premier lieu, la Fédération des associations coopératives
d'économie familiale du Québec, les ACER C'est bien cela? Elles
sont représentées par M. Bertrand Rainville, Mme Louise Blain,
Mme Ninette Plou et M. Vincent Roy.
Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes fermes pour présenter votre mémoire ou son
résumé: on ne peut excéder ces 20 minutes. Ensuite, les
parlementaires ont 40 minutes pour procéder à la période
de questions, de compréhension et de discussions avec vous sur ce
mémoire. Avant de commencer, je vous prierais d'identifier votre
porte-parole et de présenter vos collègues. Chaque fois que
vous
aurez à intervenir pour poser une question ou pour donner une
explication, s'il vous plaît, donnez votre nom auparavant pour les gens
de la transcription du Journal des débats. Ils ne vous volent pas
et si vous ne dites pas votre nom, ils ne reconnaissent pas vos voix non plus.
Je vous prie donc de procéder, s'il vous plaît!
Fédération des associations
coopératives
d'économie familiale du Québec
M. Rainville (Bertrand) À ma droite, il y a Louise Blain,
qui travaille particulièrement à l'ACEF du nord de
Montréal et, à ma gauche, Vincent Roy, qui travaille pour la
Fédération des ACEF comme telle. Je suis Bertrand Rainville. Je
travaille quotidiennement dans une ACEF en Mauricie, à
Trois-Rivières.
Avant de présenter mon laïus, j'aimerais mieux comprendre la
démarche. Ce matin, je lisais La Presse - semble t-il que
j'aurais pu lire Le Devoir et que cela aurait été la
même chose - et constatais que Mme Harel avait expliqué aux
journalistes ce qu'il y avait dans l'ensemble des mémoires et que M.
Paradis... En tout cas, La Presse titre: "Réforme de l'aide
sociale Paradis ne reculera pas". J'aimerais comprendre ce qu'on fait ici ce
soir. Si. les dés sont pipés d'avance, je comprends mal. Si vous
avez lu notre mémoire, vous avez dû constater qu'on est
essentiellement contre la réforme et contre les fondements de la
réforme. Est-ce que je dois comprendre, à la suite de ces sorties
publiques, qu'effectivement les fondements de la réforme ne sont pas
attaquables et que, dans le cadre d'une discussion ouverte, dans le cadre d une
discussion de fond - c'est pour cela qu'on vient ici - si on arrivait à
constater que les fondements de la réforme proposée ne sont pas
corrects, cela signifierait que, quoi qu'on dise, il ne se passe rien? Je pose
la question. Je n'ai pas d'intervention écrite, donc, mon intervention
sera différente, évidemment, selon la réponse.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, si vous me le permettez, M le
Président. Le titre du Devoir que vous auriez pu lire ce
matin.
M. Rainville: De La Presse.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais faire le tour.
M. Rainville: D'accord.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... parce que chaque journaliste a
une interprétation différente. C'est ce qu'on appelle la
liberté de presse et la liberté d'interpréter les
représentations qui sont faites de part et d'autre.
Généralement, les titres ne sont pas faits par les journalistes,
ils sont faits par les chefs de pupitre. C'est comme cela que la presse
écrite fonctionne au Québec. Si vous voulez vous limiter aux
titres, Le Devoir titrait ce matin: "Paradis prône
I'éducation. Les assistés sociaux doivent être
qualifiés pour avoir un emploi". The Gazette titrait: "Quebec is
going wrong way on welfare reform activist". Le Soleil à
Québec titrait: "Pour les jeunes assistés sociaux, Paradis tient
à laide des parents". Dans La Presse, que vous mentionniez,
c'était: "Réforme de l'aide sociale Paradis ne reculera pas".
Dans le Journal de Québec que j'avais ce matin - je n'avais pas
le Journal de Montréal parce que j'étais à
Québec: "À l'aide sociale, Paradis est immuable sur certains
principes ".
Pour revenir à votre titre de La Presse. "Non nous ne
sommes pas ici pour reculer. Nous sommes ici pour avancer et les groupements
qui vous ont précédés ont réussi à mettre en
relief certains éléments que nous avons pris en note et que nous
considérons de façon sérieuse et au mérite des
argumentations qui sont avancées. "
M. Rainville: Je ne pense pas que vous ayez répondu
à ma question. Comme je le disais vous avez sûrement
constaté que dans notre mémoire on attaque les fondements de la
réforme, on attaque la réforme à sa base
indépendamment du titre de La Presse, ce qui est dit dans
I'article et vous êtes cité, c'est que ces bases-là sont
inattaquables. Si tel est le cas, évidemment, on va intervenir
différemment que si on s'aligne dans une discussion, dans le temps qui
nous est consacré... qui peut faire évoluer ce dossier-là.
Manifestement ce dossier-là passe à côté de la
plaque, du moins, c'est ce qu'on pense.
M Paradis (Brome-Missisquoi): C'est votre opinion. Vous
êtes ici pour la dire.
M. Rainville: Mais ce que je pose comme question, c'est: Est-ce
qu'on peut discuter et est-ce qu'on peut penser que la discussion va
évoluer? Vous voulez me prendre dans vos procédures?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, je ne suis pas mal
pris.
M. Rainville: Alors, je pose une question. II me semble que ma
question est claire. Ce que je demande, c'est: Est-ce que ce qui est
cité dans La Presse. Posons la question différemment
Est-ce quon peut toucher aux fondements? Est-ce qu'on peut espérer
discuter et toucher aux fondements ou, contrairement à ce qui est dit
dans La Presse, est-ce que cest intouchable?? C est cela que je pose
comme question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des groupes qui ont choisi
de toucher aux fondements, d'autres ont même choisi de toucher à
des éléments qui, bien que ne relevant pas de I'autorité
de celui qui se trouve devant vous, comme la fiscalité, ont
touché à des éléments de
fiscalité; d'autres ont choisi de toucher à des
éléments relevant du ministère de l'Éducation. Le
processus démocratique d'une commission parlementaire veut que les
intervenants soient libres d'aborder la question, pour autant que cela conserve
une certaine pertinence, de la façon qu'ils jugent ou qu'il souhaitent
la plus appropriée. Cela fait sept ans que j'assiste à des
commissions parlementaires, d'un côté comme de l'autre de la
table, et, soit en vertu de l'ancien règlement, le règlement de
l'époque, ou en vertu du nouveau règlement, c'est toujours comme
cela que nos débats démocratiques sont tenus et se tiennent. J'ai
vu des commissions parlementaires s'avérer fort utiles. On n'en est pas
au processus de législation, mais, si vous voulez le bilan
législatif de celui qui vous parle, même après le
dépôt d'un projet de loi - cela n'a pas été facile
dans certains cas: l'industrie de la construction, des lois spéciales,
etc. - jamais la loi finale n'a été adoptée telle que
déposée parce qu'il y a toujours des individus ou des groupes qui
se sont présentés ici avec des attitudes constructives qui ont
réussi à faire valoir certains points qui méritaient
considération et qui nous ont amenés à apporter des
changements.
M. Rainville: À ce moment-là, je vais
présenter le discours que j'avais préparé parce que je
dois comprendre qu'on se dirige, dans une certaine mesure, si on attaque les
fondements de cette réforme qui est proposée, vers un
affrontement où il faudra attaquer très fortement, en ce qui
concerne les principes et la mécanique de cette réforme. Ce n'est
pas véritablement notre intention. On s'en venait pour avoir une
discussion constructive dans le but non pas d'améliorer, parce que je ne
crois pas, et vous allez comprendre quand je vais intervenir tantôt, que
cette réforme est réformable. On s'en venait dans le but de
discuter assez largement des principes qui doivent régir une politique
sociale. Il me semble que c'est de cela qu'on parle. À moins que je ne
me trompe, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est d'abord et avant tout, puisqu'il a
à traiter le dossier des assistés sociaux, un ministère
à vocation sociale et non à vocation économique. Dans ce
sens-là, on va placer, au cours de mon intervention, les grands
principes qui devraient normalement régir une réforme de type
social. Mais, auparavant, puisqu'il semble qu'il faille sortir tous nos
arguments, on va donc essayer de placer la discussion à partir des
arguments premiers.
D'abord, je voudrais vous expliquer pourquoi la Fédération
des ACEF... C'est déplaisant! Je ne suis pas habitué à vos
procédures. Habituellement, quand je suis assis à une table et
que je parie, les gens m'écoutent et je fais la même chose quand
ils parlent; c'est absolument déplaisant ici.
La raison de notre présence, ce pourquoi on intervient, vous
savez que la Fédération des
ACEF n'est pas un organisme de défense des droits sociaux telle,
par exemple, la Fédération des assistés sociaux du
Québec. La Fédération des ACEF intervient auprès
des assistés sociaux dans le cadre de son service de consultation
budgétaire et cela ne concerne qu'à peine 15 % ou 20 % de
l'ensemble de la clientèle qu'on peut rencontrer. Donc, ce n'est pas
à titre de défenseur des assistés sociaux qu'on se
présente ici ce soir; c'est à titre d'acteur social important. Je
pense qu'au Québec la fédération a une longue histoire,
surtout au nom d'une simple justice sociale. En tant qu'acteur social, c'est
sur cette base de justice qu'on interviendra tout au long de notre
intervention.
Quand on parle de justice, surtout quand on pense à ce qui a
provoqué ou ce sur quoi s'est appuyée cette réforme, on
pense immédiatement, et je ne suis pas le seul à l'avoir
décriée, à l'opération Boubou macoutes. Ce qu'on
doit comprendre ou ce qu'on comprend quand on n'est pas des parlementaires et
quand on ne vit pas dans un parlement, donc quand on reçoit les
nouvelles par les journaux, c'est que l'opération Boubou macoutes a
été mûrement réfléchie dans le but de
conditionner l'opinion publique contre les assistés sociaux. C'est ce
qu'il faut comprendre. (20 h 15)
Je vous rappelle ici que la Fédération des ACEF, et je
parle en son nom étant dûment mandaté, n'est pas un groupe
reconnu comme étant gauchiste ou du même acabit. La
Fédération des ACEF n'intervient que très rarement sur le
plan politique. Il faut que ce qui se passe actuellement soit grave pour que je
sois mandaté pour venir tenir le discours que je vais vous tenir ce
soir. Les mots que j'utiliserai sont tous bien pesés. C'est ce que je
veux dire.
L'opération Boubou macoutes est donc une opération
mûrement réfléchie dans le sens de détruire la
crédibilité des assistés sociaux. Ce qu'il y a de plus
grave dans tout cela finalement, c'est que cela a été mené
par un ministère supposément en charge de cette clientèle
que sont les assistés sociaux et qui devrait donc, normalement,
protéger cette clientèle, entre autres, contre les
préjugés populaires. Au contraire, on utilise les
préjugés populaires pour baser toute une campagne
mensongère contre les assistés sociaux, et je m'explique. Les
journalistes, et je ne sais pas s'il y en a dans la salle. Une voix: Non.
M. Rainville: Non? Bon. Espérons que cela viendra à leurs
oreilles. Ils ont fait une très mauvaise job sur ce point. Les
journalistes ont purement et simplement fait écho aux propos du
ministre. On a titré - La Presse encore, je suis un lecteur de
La Presse: Vingt pour cent des assistés sociaux, des
ménages, des coupures dans 20 % des ménages visités, ce
qui est une fausseté d'abord, et tous les journaux, tous les
médias ont
dit, ont laissé croire que 20 % des assistés sociaux
fraudaient l'aide sociale. Jamais aucun journaliste, et très peu
d'intervenants sociaux j'en conviens, n'a relevé la fausseté de
tels chiffres. D'abord, il ne s'agit pas de 20 % qui ont été
coupés, il s'agit de 5 %. Convenons de 10 % en tenant compte des
différentes catégories.
D'autre part, ce que les journalistes, ce que la population n'a pas
compris et, à moins que le ministre n'accepte de discuter des fondements
de sa réforme, ce qu'on s'emploiera à expliquer au public dans
les mois à venir, c'est que cette opération est essentiellement
mensongère. Pourquoi? Parce que les chiffres fournis par le ministre,
s'ils avaient été scrutés correctement, entre autres, par
les journalistes dont c'est la job, loin de démontrer que les
assistés sociaux fraudent, on se serait rendu compte qu'ils
démontrent exactement l'inverse.
En partant des chiffres du ministre - dans mes calculs, à tout le
moins - j'arrive à 0, 6 % des dossiers d'assistés sociaux qui
seraient frauduleux, pour utiliser les termes du ministre. Je
préférerais dire erronés. Un pourcentage de 0, 6 % et non
de 20 %. Bien que ce soit son rôle de protéger cette
clientèle, le ministre a laissé dire publiquement que 20 % des
assistés sociaux fraudaient. Il a laissé dire publiquement, comme
on le dit dans tous les foyers du Québec depuis des années, que
c'est toute une gang de paresseux, et on a appuyé une réforme
là-dessus. Juste cela, c'est extrêmement grave.
Maintenant, si on regarde la réforme comme telle,
évidemment, en commission parlementaire, vous aurez à de
multiples reprises à entendre les mêmes arguments. On critique un
document de 50 pages. On va être 120 à critiquer un document de 50
pages Vous n'avez pas fini d'en entendre, c'est-à-dire que vous n'avez
pas fini de vous ennuyer. Malgré ces 50 pages et tout le verbiage qu'il
y a là-dedans, on peut identifier - tout le reste est discours creux -
le discours gouvernemental. Par exemple, à la page 5 du document, on
nous dit: Ce programme offrira des mesures incitatives au travail et au
perfectionnement, car le gouvernement ne peut présumer, malgré un
taux de chômage qui demeure encore élevé, que les personnes
employables ne pourront retourner sur le marché du travail ou ne sauront
se créer de l'emploi. Une affirmation semblable est à tout le
moins extrêmement volontariste, mais c'est un peu le fin mot de cette
réforme. Toute la réforme est appuyée sur cette
affirmation.
Une autre, du même acabit, à la page 11 du document. J'ai
le document avec la couverture plastifiée, parce qu'on l'a publié
généralement avec une couverture en papier, mais, moi, j'ai le
document avec une couverture plastifiée. Donc, on n'a pas les
mêmes pages nécessairement. II est dit a la page 11 du document.
Le régime actuel de l'aide sociale n'est certes pas adapté aux
besoins et aux attentes de tous les bénéficiaires et, notamment,
à ceux des personnes aptes au travail qui font face à des
problèmes de formation et d'acquisition d'expérience. Une phrase
semblable, on appelle ça "une tourniquette" qui conduit très
facilement à de la démagogie réductrice. Réduire
les problèmes de cette façon, c'est extrêmement grave quand
il s'agit d'un ministère qui a la charge d'administrer un programme
d'aide sociale. Extrêmement grave.
Le fin mot de l'histoire, on le retrouve à la page 25 où
là on a droit à de l'utopie pure et simple. La confiance des
investisseurs s'affirme et les achats de biens durables augmentent.
L'assainissement de l'administration de l'État, un meilleur partage du
fardeau fiscal, la déréglementation, l'amélioration de la
compétitivité des entreprises québécoises
favorisent de nouveaux investissements et créent un climat favorable.
Une telle évolution positive de la situation économique doit se
traduire par la création d'emplois. Ce n'est pas d'aujourd'hui cela. On
est pourtant encore à 10 % de chômage et on a une économie
qui dépend à 70 % d'un pays, nos voisins du Sud, qui cumule une
dette de sept mille milliards de dollars sept fois plus que l'ensemble de
l'endettement international de mille milliards de dollars des pays du tiers
monde. On est dépendant de nos voisins du Sud qui sont un pays presque
en faillite et on vient tenir un discours semblable. Mes amis, les
économistes, tous les économistes prévoient une
récession Soyons sérieux!
Donc, c'est un document où l'on retrouve une approche
essentiellement économiste, où iI n'y a aucune place pour
l'analyse des vrais problèmes sociaux vécus au Québec par
des êtres de chair et d'os. On tient un beau discours, mais où
cela se manifeste-t-il concrètement dans les réformes?
Où?
Soyons encore plus concrets. Dans ce document, on nous parle
constamment, quand on parle de personnes seules, d'un revenu de 570 $ par mois
qui semble être la norme, la norme de ce qu'on appelle -
écoutez-moi bien, c'est grave! - le confort minimum. Tout être de
bon sens qui travaille dans le domaine social actuellement au Québec a
une seule norme pour analyser ce que les pauvres, parce que c'est de cela qu'il
s'agit - c'est un terme qu'on n'aime pas employer, les pauvres, les plus
pauvres d'entre nous - le seul critère qui prévale chez tous les
organismes qui travaillent sur le terrain de l'aide sociale, c'est le seuil de
la pauvreté. Le seuil de pauvreté, selon Statistique Canada, est
de 687 $ par mois. Personne au Québec, surtout quand on gagne des
salaires comme nous tous ici ce soir, n'a le droit de dire qu'on ne vit pas
dans la misère quand on est en bas de cela. C'est donc un
euphémisme que de parler de confort minimum quand on parle de 570 $ par
mois. Si, au moins, ces 570 $ étaient assurés, si, au moins! Mais
non, pas du tout!
On parle aussi de retour à l'emploi. Je n'ai pas remarqué
l'heure où j'ai commencé, M. le
Président
Le Président (M. Bélanger): Je suis en train de
vérifier. II vous reste quatre minutes.
Une voix: six.
M. Rainville: Six, je vais en prendre six merci. On parle donc
d'incitation au travail et, dans un document interne qui vient d'être
publié - par inadvertance, j'imagine - on prévoit en tout et
partout dans ce programme dans le programme de réforme, 63 659
possibilités - je n'ai pas trop bien compris finalement - de placement.
On en reparlera, lorsque ce sera le temps des questions.
Le problème qu'on a à résoudre, on a minimalement -
parlons de dossiers - environ 257 000 dossiers ou les personnes sont aptes au
travail et on a en plus de cela - on vous l'a dit et d'autres groupes vous
l'ont dit avant nous - 312 000 chômeurs. II n'est pas mal de baser une
réforme sur l'incitation au travail. On ne vient pas vous dire que les
assistés sociaux ne devraient pas travailler, loin de là. II faut
que les assistés sociaux travaillent. II faut que chacun travaille pour
gagner son pain, c'est tout à fait normal et logique. Ce n'est pas cela
qu'on vient vous dire.
Finalement, ce qu'on vient vous dire - je vais résumer, car j'ai
encore quelques cartons et il me reste seulement trois minutes à peu
près - c'est que les problèmes ne peuvent pas être
réduits à ce que vous les réduisez, M. le ministre. Les
problèmes qu'on a à résoudre dans une réforme de
l'aide sociale, ce sont des problèmes de type social,
c'est-à-dire des problèmes de pauvreté, de misère
psychologique et matérielle de délinquance, de mauvaise
organisation aussi, mais ce n'est certainement pas en basant une réforme
sur un appareil répressif, parce que c'est de cela qu'il s'agit. Quand
on parle d'incitation, on parle d'une incitation économique à la
baisse et on amène - oui, monsieur - dans une situation moyenne ce qu'un
assisté social seul va recevoir avec cette réforme. Moi, je vous
parle de la pratique, je ne vous parle pas de modèles qui ont
été construits à partir d'ordinateurs. Je vous parle de la
pratique. Les assistés sociaux n embarqueront pas dans vos affaires et
la moyenne qu'ils vont recevoir au Québec, quand ils vont être
seuls, c'est 420 $ par mois avec votre nouvelle réforme. Ce que vous
allez réussir à faire. Parce que c'est cela votre objectif, c'est
économiser de l'argent. Bravo, bravo! Ce n'est pas cela, l'objectif
d'une politique sociale. Une politique sociale doit tenir compte des
problèmes humains vécus sur le plan social. Nommez-moi une seule
page ou l'on parle de problèmes humains, une seule page, un seul
paragraphe, une seule phrase ou on nous parle des problèmes de
délinquance, des difficultés énormes que rencontrent ces
populations". C'est une seule phrase que je vous demande et il n y en a pas il
n'y en a pas!
Donc j'avais sur mon petit carton, pour terminer, une série de
critiques détaillées que vous avez dans notre mémoire de
toute façon sur chacun des points du programme ou du moins sur les
points qui nous semblaient les plus importants. Je n'ai pas eu le temps de le
faire à cause de mon discours. Je suis prêt à
répondre aux questions là-dessus et mes camarades devraient
normalement, m aider à le faire mais j'aspire fondamentalement. Je suis
venu ici personnellement, parce que depuis deux ans, vous ne savez pas comment
je réagis à tout ce qui est publié dans les journaux, vous
ne savez pas comme cest triste ce qui se passe actuelle ment. II faut avoir une
conscience sociale quand on traite de ces problèmes, il faut en avoir
une.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie M. le
Président. Je voudrais remercier la Fédération des
Associations coopératives d'économie familiale du Québec
pour la présentation de son mémoire, ainsi que M. Rainville pour
sa présentation. (20 h 30)
Je vais tenter, parce que, quand on établit un dialogue ou qu'on
veut discuter, cela prend.
M. Rainville: Je n'entends presque rien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi! Quand on veut
établir un dialogue et discuter, le choix des mots que I'on utilise et
le degré de confiance qui doit s'établir entre les individus ou
les porte-parole de regroupements sont importants. Je tiens à vous dire
que, jusqu'à présent, nous avons réussi, à cette
commission parlementaire, même si nous n'étions pas toujours
d'accord d'un côté comme de l'autre, à établir, avec
l'ensemble des groupes et des représentants des groupes qui se sont
présentés devant nous, au moins un échange de points de
vue qui s'est révélé, dans la quasi-totalité des
cas, sinon dans tous les cas, constructif.
Vous avez prononcé des paroles sévères envers la
réforme de politique de sécurité du revenu mise de l'avant
et proposée par le gouvernement et c'est votre droit te plus strict de
vous exprimer ainsi. Maintenant, si vous prenez cette politique
élément par élément, il y a trois programmes
principaux. Si vous regardez objectivement le programme qui s'intitule "soutien
financier" et qui s'adresse à 25 % de la clientèle actuelle de
l'aide sociale, mathématiquement pariant, pour prendre une approche dite
économiste, vous devrez constater qu'il y a une injection additionnelle
globale de 100 000 000 $, annuelle et indexée, ce qui représente
pour ces individus une augmentation moyenne de leur revenu annuel de 1000 $ par
année. Cela peut paraître peu pour des gens qui sont dans d'autres
fourchettes de revenu, mais, pour des gens
qui sont au bas de l'échelle et qui sont affligés d'un
handicap physique ou mental qui les prive de travailler pendant de longues
périodes, cela représente une augmentation importante et
substantielle de leur revenu. Peut-être le temps vous a-t-il
manqué - nous aussi, nous sommes pris par cette contrainte du temps -
mais je n'ai pas entendu de propos quant à ce programme comme tel, bien
que, dans votre mémoire écrit, nous retrouvions des critiques
à son endroit.
C'est un peu la même situation pour l'autre volet, le programme
APPORT. Ce programme vise à inciter les chefs de famille à faible
revenu à demeurer sur le marché du travail en augmentant leur
revenu sur une base mensuelle et en couvrant jusqu'à 50 % des frais de
garderie, de façon que la présence d'enfants dans le
ménage ne constitue plus une barrière à l'acceptation ou
à la rétention d'un emploi. C'est un programme qui remplace le
SUPRET actuel. Il coûtera, en argent additionnel, suivant les estimations
que le gouvernement a faites, quelque 40 000 000 $ par année. Sur ces
deux programmes, j'aimerais que vous m'indiquiez si, quelque part, vous trouvez
un élément positif.
M. Roy (Vincent): En ce qui concerne le programme APPORT, on ne
s'y est pas arrêté, parce que, d'une part, il y avait
énormément de lacunes au niveau de la documentation disponible
dans le document d'orientation - cela nous apparaissait relativement complexe -
et surtout parce qu'on tenait à axer notre intervention davantage sur le
programme APTE qui nous paraissait davantage porter à la critique. Je ne
dis pas que, par conséquent, on approuve le programme APPORT. Je dis
tout simplement que, faute de temps et faute de documentation, on ne s'y est
pas vraiment arrêté.
En ce qui concerne le programme de soutien financier, il y a une chose
qu'on ne dit pas dans notre mémoire et qui s'est dite, par contre, lors
d'interventions précédentes. On peut remettre beaucoup en
question le partage qu'on fait entre l'inaptitude et l'aptitude au travail, en
ce sens que, jusqu'à preuve du contraire, à moins d'être
légume, les gens sont aptes à remplir des tâches dans la
société. Qu'ils aient un handicap physique ou un handicap mental
plus ou moins lourd, les gens devraient être en mesure, dans une
société - un peu comme le dit la réforme - qui a le souci
des droits humains, de trouver leur place. On ne devrait pas parler de
l'inaptitude de ces gens, mais davantage de l'inaptitude de la
société à les intégrer.
Pour répondre plus concrètement à votre question
concernant la bonification des prestations de ces gens-là, les 570 $ par
mois plus les 25 $ supplémentaires que le programme accorde, ce que
Bertrand disait tantôt - ce n'était peut-être pas clair ou
ce n'était peut-être pas suffisamment expliqué - c'est que
nous remettons fondamentalement en question le concept des 570 $ par mois que
nous qualifions, dans le document interne qui a été rendu public,
de confort minimum. On en était arrivé, en se basant sur les
chiffres de Statistique Canada, à des chiffres qui... D'ailleurs, en ce
qui concerne les ACEF, quand vient le temps de faire une consultation
budgétaire - je ne vous ferai pas un long exposé sur ce que c'est
- il y a des rencontres qui, pour la première fois, durent entre trois
et quatre heures et où l'on entre vraiment dans l'intimité des
gens en ce qui concerne leur budget, où l'on va chercher la moindre
dépense, parce que la question est souvent de régler un
problème d'endettement ou de régler un problème
budgétaire grave
Alors, il y a là-dedans beaucoup de données qu'on n'est
pas capable d'aller chercher concrètement. C'est facile de
déterminer le coût du logement des gens, le coût de leur
téléphone, le coût du chauffage. Quand vient le temps de
parler d'habillement, de loisirs, de soins personnels, du coût de
l'éducation et de tous les frais parallèles à cela, on a
énormément de difficultés à avoir des chiffres
exacts.
Donc, ce qu'on remet fondamentalement en question, à la limite,
c'est l'enquête de Statistique Canada qui, par des moyens, soit des
sondages téléphoniques ou des sondages écrits, arrive
à faire dire aux gens qu'ils vont dépenser, par exemple, 18 $ par
mois pour le transport, ce sur quoi on s'est entre autres basé dans la
réforme pour la question du transport. Il faut comprendre que, dans
beaucoup de régions du Québec, il n'y a pas de transport en
commun. Il faut comprendre qu'il y a beaucoup de gens à faible revenu
qui n'ont pas d'automobile.
Une voix: À Montréal aussi.
M. Roy: II faut comprendre qu'à Montréal le
coût du transport mensuel est de 30 $ par mois. Alors,
déjà, en partant, fixer d'une façon que nous qualifions
d'arbitraire à 570 $ par mois le confort minimum, on ne peut pas
concevoir cela. Donc, pour répondre plus concrètement à
votre question, on ne pense pas que 570 $ par mois, ce sort un montant
suffisant pour les gens. On ne peut pas dire autre chose que, si on veut se
fier à un chiffre, c'est le seuit de pauvreté qui devrait
être la norme minimale, et on ne devrait pas permettre d'aller en bas de
ça. Sur la façon dont cela devrait être accordé aux
gens, il y a plusieurs avenues possibles: les méthodes d'incitation au
travail les stages en milieu de travail. Il y a une multitude de
possibilités, sauf que, pour nous, iI est inacceptable que tout cela
soit relié.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre réponse provoque une
question. Certains regroupements nous ont fait des représentations sur
la définition telle qu'elle apparaît de la personne inapte ou
admissible au programme de soutien financier et nous avons pris note de
certaines recommandations que certains regroupements nous
ont adressées quant à cette définition. Maintenant,
le fait d'augmenter substantiellement, toutes proportions gardées, en
tenant compte du niveau de revenu auquel ces gens-là sont
habitués, les prestations de ces 100 000 bénéficiaires de
l'aide sociale, est-ce un geste condamnable pour le gouvernement? On peut
prétendre que le gouvernement devrait ajouter un autre montant de 100
000 000 $. Mais est-ce qu'à ce gouvernement, qui s'oriente ou se dirige
dans cette voie-là, on dit: Vous faites fausse route, vous n'êtes
pas dans la bonne voie? C'est un peu ce que j'ai compris des propos qui ont
été tenus.
M. Rainville: Ce que je comprends, M. le ministre, c'est que vous
essayez de nous faire dire, sous le couvert de quelques améliorations,
très mineures, vous essayez de nous amener à dire oui à
quelque chose qui, fondamentalement, est inacceptable. Qu'une personne qui est
complètement inapte au travail reçoive les montants qu'on se
propose de lui donner, ce n'est pas cela. Ce dont iI faut parler
principalement, c'est de l'enjeu pour la majorité des assistés
sociaux et la majorité, elle, est apte au travail et elle fera l'objet
de mécanismes de répression que vous prévoyez dans votre
réforme. C'est de cela qu'il faut discuter principalement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non...
M. Rainville: C'est aussi une approche qui est quand même
rétrograde à beaucoup de points de vue. Si on veut parler des
points concrets de la réforme, prenons la question des jeunes
dépendant de leurs parents. Où s'en va-t-on avec cela? On parle
des prêts et bourses. On dit qu'il ne faut pas que cela soit plus
avantageux que les prêts et bourses. M. le ministre, cela fait des
années que les étudiants contestent la politique des prêts
et bourses à ce niveau-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je l'ai contestée
moi-même.
M. Rainville: Est-ce que c'est progressiste? Pas du tout. Vous
prenez ce qu'il y a de pire et vous dites: Bien, ce n'est pas pire que l'autre;
ne dépassons pas cela; le salaire minimum, ne le dépassons pas.
Évidemment! Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Est-ce qu'on peut parler
de ce qu'on peut faire ensemble pour améliorer ta situation? Quoi que
vous en disiez, et j'aimerais que vous me disiez le contraire d'ailleurs, dans
l'ensemble, tout le monde - pas tout le monde, excusez-moi - mais pour une
majorité d'assistés sociaux, au moment de l'application de la
réforme, iI y aura une coupure généralisée. Pour
tout le monde, c'est cela la réalité.
Une voix: C'est complètement faux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez! Vous avez droit
à cette opinion, mais ce n'est pas...
M. Rainville: Vous avez 63 000 éléments dans votre
programme. Il y a environ 63 000 places à donner dans vos programmes de
réinsertion au travail...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi. Est-ce que je peux
vous indiquer que c'est faux?
M. Rainville:... et iI s'agit au moins de quelque 200 000
personnes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux vous indiquer
que c'est faux?
M. Rainville: Pardon?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne vous blâme pas
d'être fâché et de nous crier après quand vous pensez
que c'est vrai. Est-ce que je peux vous indiquer que le chiffre que vous venez
de mentionner est faux et que nous avons déjà eu l'occasion, en
commission parlementaire et dans les médias, d'indiquer qu'il n'y avait
pas le plafonnement que vous mentionnez au sujet des places qui sont
disponibles?
M. Rainville: M. Paradis.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous prétendez cela et
si vous croyez que vous avez raison, vous avez plus d'information que le
ministre, que le sous-ministre, que le Conseil des ministres et que le
gouvernement. Vous devez avoir la vérité et cela vous autorise
à critiquer le reste du programme.
M. Rainville: M. Paradis, il ne s'agit pas d'avoir la
vérité. Il s'agit d'une simple observation de la
réalité. Personnellement, cela fait 20 ans que je travaille dans
le domaine social. D'accord? J'en ai vu de toutes les couleurs. On est capable
d'observer la réalité et on sait très bien que le
gouvernement ne pourra pas produire 215 000 emplois demain matin. On sait
très bien cela, même à temps partiel, même avec des
programmes de réinsertion au travail. 215 000, y pensez-vous? Qu'est-ce
que vous faites des 312 000 chômeurs? C'est un problème qu'aucun
gouvernement avant le vôtre n'a réussi à régler et
vous ne réussirez pas plus sur le train que vous êtes partis.
C'est cela la réalité des faits.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous savez c'est quoi la
réalité vécue? Cela fait plusieurs fois que je cite cela
en commission parlementaire. La réalité des faits, cela se situe,
c'est vécu - le gouvernement vient de le vivre et la population le vit
encore - dans l'est de Montréal où l'on enregistre un taux de
chômage et un taux de bénéficiaires de l'aide sociale
qui...
M. Rainville: Vous avez servi cette sauce-là
à un autre groupe, M. Paradis. Je l'ai entendu, je le sais On ma
rapporté vos propos à ce sujet. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit
encore une fois. Je vous rappelle, je vous dis.
Des voix:
M Rainville: Non, je ne veux pas être effronté. II
me reste dix minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais la parole. C'est
simplement cela, mais cela va. II n y a pas de problème.
M. Rainville: Je comprends cela. La Fédération des
ACEF n'est pas en désaccord avec la question de I'incitation au travail.
Je ne suis pas venu ici me faire endormir par des choses administratives. On
est venus discuter du principe même de la réforme. C'est de cela
qu'on veut discuter. Oui, j'ai fait des accusations graves et on n'a pas fini
parce que, si je sors d'ici sur le même ton que présentement. Je
ne suis pas venu vous engueuler, je ne suis pas venu engueuler le monde.
J'aspire profondément, vous ne pouvez pas savoir, à une
amélioration des choses. J'y aspire profondément, comme tous mes
camarades de travail. II ne s'agit pas de cela. Je viens vous dire, moi que
votre réforme va donner de la misère à une majorité
d'assistés sociaux, va empirer leur situation. Je vous demande
finalement, quels sont les principes sociaux humains sur lesquels vous appuyez
cette réforme. Tout ce que je retrouve dans ce livre M Paradis, ce sont
des chiffres. Ce sont des chiffres qui sont tous axés. On peut faire
dire ce qu'on veut à des chiffres, vous le savez très bien. S'il
y a des gens qui le savent, c'est bien vous autres dans les parlements. Vous
passez votre temps à vous "garrocher" des chiffres par la tête.
Nous autres, on ne vit pas comme cela. À part les chiffres, quels sont
les principes sociaux? Quelle est la lutte à la pauvreté? Ce dont
il s'agit finalement, c'est qu'on doit ensemble s'organiser pour lutter contre
la pauvreté, contre ce que certains appellent le quart monde. (20 h
45)
Je ne sais pas si vous connaissez cette notion, j'imagine que oui, vous
êtes tous très bien informés ici. Que signifie cette
notion? Elle signifie qu'il se crée dans les pays occidentaux, au
Québec comme ailleurs, une catégorie de population de pauvres, de
tiers monde, donc, au sein de nos propres populations dans des pays riches. Je
vous demande, M. Paradis: Quand est-ce qu'on va se mettre ensemble pour
régler cela et qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour régler
cela? Vous aurez beau tenir les plus beaux discours, M. Paradis, on a
étudié cela sous toutes les coutures. S'il y avait eu une
quelconque amélioration pour les clientèles dont on parle, on
vous l'aurait dit. Que vous donniez quelques milliers, quelques centaines de
piastres à cer- taines catégories on embarque, c'est une
amelioration. Mais ce qu'on vous dit, cest que les résultats concrets de
l'application de cette réforme vont amener une majorité
d'assistés sociaux, si on prend toujours I'exemple des personnes seules,
il y en a une majorité qui en fin de compte recevra 420 $ par mois
plutôt que les quelque 500 $ auxquels elle aurait normalement droit en
1990.
Le Président (M. Bélanger): Alors, monsieur, je
vous demanderais de conclure, puisque nous devons maintenant céder la
parole à Mme la députée de Malsonneuve.
M. Rainville: Conclure quoi? Je réponds à une
question et j'en pose une autre. Je n'ai pas de contrôle ici.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Vous savez, M. Rainville, on dit qu'il n'y a pas plus
grand aveugle que celui qui ne veut pas voir et qu'il n'y a pas plus sourd que
celui qui ne veut pas entendre. Quand j'écoutais votre exposé
d'ouverture, je pensais que vous vous exprimiez avec une certaine
colère, le ton de la colère, sans doute la colère du
juste, parce qu'il y a une colère qui est juste dans l'Évangile.
Mais jai pensé que ce serait peut-être, dune certaine
façon, une dépense d'énergie parce qu'il n'est pas
évident que vous puissiez convaincre ici. Je souhaiterais que cette
colère se transforme en campagne d'information pour que I'opinion
publique, elle, qui sera finalement l'arbitre de cette proposition, puisse en
connaître le caractère.
M, Rainville: Est-ce que je peux ouvrir une parenthèse pas
très longue sur ce que vous venez de dire? J'ai amené ma fille
avec moi ce soi. Elle a seize ans. Je lui ai dit: Viens voir cela. Ici, on est
dans un parlement. On est dans le haut lieu de la démocratie. Vous
êtes en train de me dire que ce n'est pas ici qu'il faut régler
les problèmes. Ou? À mon point de vue, un parlement, quand on vit
dans une démocratie, c'est le lieu des plus grandes choses qui peuvent
s'accomplir. C'est aussi le lieu des plus grandes bassesses, il faut le
constater. Non, je ne suis pas colérique, pas du tout. Je suis juste un
citoyen en "beau maudit", d'une part, mais, d'autre part qui est capable de
s'exprimer en public, c'est certain, mais qui est appelé à
s'exprimer sur une réforme, et je vous dis ce que j'en pense.
Je ne suis pas en colère, mais je ne sais pas ce que ma fille va
en penser. Quand on va revenir ce soir, on va en discuter dans l'auto, mais
j'espère que ce qu'elle va retenir, ce n'est pas ce que vous venez de
dire. Si ce n'est pas ici qu'on règle les problèmes, ou est-ce?
Les conséquences des gestes que vous posez ici sont
énormes et j'espère que vous en avez conscience. La
signature d'un ministre est autrement plus importante que la signature de
Bertrand Rainville sur un document de l'ACEF de Trois-Rivières, c'est
évident. Il y a 700 000 personnes en cause quand le ministre signe.
Mme Harel: Mais, M. Rainville, pour convaincre le ministre de
changer d'avis, ce n'est pas nécessairement, malheureusement, par la
démonstration que vous pouvez faire de l'aggravation de la
pauvreté de centaines de milliers de nos concitoyens. C'est bien plus
une démonstration que l'opinion publique ne va pas le suivre dans cette
voie et que la solidarité québécoise va jouer contre son
projet.
Je reprends un des éléments de votre mémoire. Vous
nous avez dit dans votre discours d'ouverture que ce sont les fondements
mêmes. Dans votre mémoire, je retrouvais un exemple qui m'a
convaincue, de la façon qu'il est amené, qu'effectivement c'est
le fondement même. Vous dites dans votre mémoire qu'il est
très injuste que, par exemple, les personnes temporairement non
disponibles - vous les décrivez en disant qu'on les connaît, qu'il
s'agit des personnes malades, des personnes enceintes de plus de six mois et de
celles qui assument l'éducation d'un enfant de moins de deux ans - vous
dites que c'est très injuste de considérer ces personnes comme
temporairement non disponibles, puisque c'est généralement pour
des raisons indépendantes de leur volonté. C'est d'autant plus
injuste que cette considération justifie une prestation moindre. Mais le
fondement de tout cela, c'est qu'on n'est plus devant une politique de
sécurité du revenu, on est devant une politique qui se veut
incitative à l'emploi. Donc, dès qu'on n'est plus dans cette
catégorie, même si on est enceinte, qu'on a la garde d'un enfant
de moins de deux ans ou qu'on est malade, on est donc en défaut par
rapport à la règle, par rapport à la norme. Les
barèmes le révèlent bien.
D'autre part, j'ai trouvé un autre exemple. Si tant est que les
mesures sont un bar ouvert et que toutes les personnes qui voudront en profiter
pourront le faire, pourquoi la catégorie dite admissible qui impute un
barème moindre à des personnes qui veulent participer, si tant
est que la participation sera automatique et ne sera pas plafonnée? Le
moins que l'on puisse dire, c'est que c'est un grand paradoxe, le paradoxe
étant une apparence de contradiction. Mais la contradiction, c'est que
c'est théoriquement un programme qui n'est plus un programme de
sécurité du revenu. Le glissement dans notre
société, c'est que les chômeurs qui
bénéficient de t'aide sociale, quand ils sont chômeurs, on
pense qu'ils sont un peu victimes du fait que notre situation économique
collective ne leur permet pas de trouver un emploi, mais, quand ils deviennent
aptes au travail, on n'a plus aucune compassion à leur égard et
on ne se sent plus de responsabilités à leur égard, parce
que de chômeurs ils sont devenus aptes au travail. Je pense que c'est un
peu la logique, le fondement de ce qu'on peut constater dans ce projet qui est
devant nous.
Vous êtes connus pour votre service budgétaire à
l'ACEF, un service offert à un grand nombre de nos concitoyens à
faible revenu, je pense, pas seulement dans les quartiers de Montréal,
mais, comme vous venez de la Mauricie, dans bien des régions. Je
voudrais profiter de votre présence pour aborder un point qui ne l'a
presque pas été depuis le début de nos travaux soit le
panier de provisions, les dépenses de consommation des travailleurs
à faible revenu qui a servi de base à la définition des
besoins essentiels.
Vous disiez tantôt, et vous le dites beaucoup dans votre
mémoire, qu'il vous semble que ce panier de provisions... En fait, il ne
s'agit pas d'un panier de provisions, mais plutôt des dépenses de
consommation générale. Vous dites qu'elles sont injustement
évaluées. J'ai retrouvé un article qui a été
publié dans le journal du ministère et qui fait état...
Contrairement à ce que vous pensez peut-être, cette étude
qui définit les besoins essentiels n'est pas une étude
réalisée par Statistique Canada. C'est une étude du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
qui propose une nouvelle façon d'établir un revenu minimum au
Québec et qui, je crois, n'a pas été validée par
Statistique Canada, parce que Statistique Canada ne valide aucune étude
en bas d'un échantillonnage d'au moins 100 personnes et que
l'échantillonnage de l'étude qui sert de base et qui servira de
base à la définition des besoins de centaines de milliers de nos
concitoyens est fait à partir d'un échantillonnage de 62
familles, de 62 ménages. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion
d'étudier plus amplement toute cette question. J'aimerais vous entendre
sur la définition des besoins essentiels, puisque, d'une certaine
façon, c'est là votre champ d'expertise le plus connu.
M. Rainville: Oui. Notre champ d'expertise est le domaine social.
Dans ce sens, la Fédération des ACEF est un des organismes
importants dans le champ de l'intervention sociale aussi. En ce qui a trait aux
questions de budget, ce qu'on peut reprocher entre autres à ces
chiffres, d'où qu'ils viennent c'est que, par exemple, on sait, nous -
c'est la réalité - que ce qu'on peut observer - et ce que je vais
vous dire là va me nuire dans mon discours politique, mais c'est la
réalité, donc je vous l'amène comme cela - on sait que,
quand on manque d'argent, admettons, pour les cigarettes, pour quelqu'un qui
fume, parce que c'est défendu de fumer avec les chiffres que vous m'avez
cités... Admettons qu'on fume. Où prend-t-on l'argent? Où
coupe-t-on? Parce que, dans ce budget, les cigarettes ne sont pas
prévues. Où pensez-vous qu'on coupe? Dans ta nourriture, c'est
là que l'on coupe. Je vous le dis par expérience. On voit cela
tous les jours,
nous autres Les gens aiment mieux fumer que se nourrir. C'est la
réalité. Quand on parle de misère on parle aussi de choix
que les gens font et qui, d'un point de vue rationnel de gens à cravates
comme nous, est impensable. Mais la réalité cependant qu'on voit
sur le terrain n'est pas celle-là. Moi, je fais des interventions
budgétaires à pochetée et une des choses que je fais le
plus souvent, c'est de rencontrer des groupes pour leur parier de budget. Et,
chaque fois, je dis: "II faut avoir une grande admiration pour les
assistés sociaux. Ce sont les gens qui, au Québec, s'organisent
le mieux d'un point de vue budgétaire. Moi, quand je rencontre un
assisté social à mon bureau, la première chose que je fais
généralement, parce qu'il y a des cas d'abus là comme
ailleurs, c'est de lui donner un certificat. Je me suis inventé une
petite médaille. Je lui dis: Non, ce n'est pas ta faute si tu n'arrives
pas. Dans la majorité des budgets d'assistés sociaux qu'on peut
regarder, il y a de petits surplus de 10 $, 12 $ par mois et ce, pour une
personne seule, avec 487 $.
Mais, quand on compte tout, là, par exemple, on n'a plus de
surplus. Quand on voit ce qu'on appelle, nous, la grande débrouille,
cest quoi? Vous savez qu'un assisté social, non, neuf assistés
sociaux sur dix n'accepteront jamais, par exemple, de paniers de Noël, de
chanté publique. C'est inacceptable pour la majorité. Cela veut
donc dire que chacun va essayer de s'organiser à partir de ses propres
bases pour combler son revenu. Donc, on peut évaluer qu'une bonne partie
- je ne dirais pas la majorité, je n'ai pas de chiffres réels
là-dessus - des assistés sociaux, à l'étape
actuelle, fraudent la loi, ont des "sidelines". Je vous dis cela par
expérience. Cela ne me sert pas de vous dire cela, mais c'est la
réalité.
Il y a plusieurs assistés sociaux. Vous savez comment fonctionne
un assisté social. II emprunte au dépanneur du coin, parce qu'il
y a des dépanneurs qui sont dans les quartiers pauvres pour prêter
des épiceries, et, quand le chèque arrive au début du
mois, il paie avec le chèque et il vit avec le reste dans le mois. Un
assisté social, son budget, finalement, c'est de garantir ses "fixes",
qu'on appelle, nous, dans notre langage, et de vivre avec le reste. Mais ce
n'est pas possible. II s'agit de fumer pour que cela n'arrive plus. II s'agit
de sortir un peu Quand on parle de personnes seules, on parle de personnes qui
sont isolées souvent dans leur appartement ou dans leur logement. II
faut que ce monde sorte. Combien est-ce qu'on leur octroie? Vous avez la liste?
Combien est-ce qu'on leur octroie pour cela? C'est 20 $ par mois, je pense.
Une voix: 16 $.
M. Rainville: 16 $, c'est encore pire. Quand on est seul, 16 $,
et qu'on veut se rebâtir une vie parce qu'on vient de divorcer ou autre
chose 16 $ pour sortir, pour aller prendre un verre au bar, cela fait partie de
la réalité. On va prendre cet argent, on va dépenser cet
argent, quon n'a pas prévu dans vos critères, et on va se priver
de manger plutôt. On va fumer, pour ceux qui fument, et on va se priver
de manger plutôt. C'est ça la réalité.
Cest pour cela quon dit que les problèmes sont beaucoup plus
complexes que ce qu'on pose là-dedans et quon ne peut pas entrer
là-dedans à coups de hache, sous le simple prétexte
d'incitation au travail. Je ne viendrai pas vous dire que tous les
assistés sociaux voudraient travailler demain matin. Non. Il y a des
problèmes énormes, les problèmes des jeunes, les
problèmes des femmes qui, pour une raison ou pour une autre,
préfèrent rester à la maison, éduquer leurs enfants
plutôt que d'aller, travailler. Les problèmes - vous avez
oublié une catégorie tantôt, Mme Harel - des 55 ans et
plus, à partir de 40, 45 ans, donc, même le problème des
femmes de 40 ans et plus qui n'ont jamais travaillé à
I'extérieur ou qui n'ont pas travaillé à
l'extérieur depuis 20 ans. (21 heures)
On va amener ce monde-là à des incitations au travail. Je
ne suis pas contre les incitations au travail. Là où je suis
contre, c'est quand on utilise une politique répressive, quand on menace
de couper de l'argent dans la base minimum, même pas la base minimum, ce
qui n'est pas assez déjà, on menace de couper là-dedans.
C'est cela, la réforme, quot que vous disiez, c'est ce que vous faites.
On menace de couper dans ce qui est moins que vital, ce qui est socialement. On
n'est pas en Haïti ici. On a parlé tantôt de Ninette Plou.
Elle n'est pas avec nous ce soir, c'est une Haïtienne, elle connaît
bien la situation d'Haïti. On n'est pas en Haïti au Québec
quand même. Le minimum vital au Québec est différent de
celui d'Haïti. On coupe dans ce qui n'est pas assez déjà
pour inciter au travail. C'est cela qui est grave, c'est cela qu'on
dénonce principalement. Cela ne rend pas - il y a peut-être
quelques bonnes affaires là-dedans, il faudrait observer comme il faut,
sûrement même - mais, dans l'ensemble, parce que cela concerne une
majorité ce que je viens de dire, votre réforme est très
grave d'un point de vue social. C'est un recul généralisé
pour les assistés sociaux, c'est certain. Dans ce sens, du point de vue
du budget d'un assisté social, on est placé pour vous dire qu'il
n'y a personne au Québec - ou que très rares sont ceux qui
peuvent vivre avec 570 $ par mois. Les problèmes de "shylocklng", par
exemple - je ne veux pas tomber là-dedans nécessairement, ils ne
sont pas tous à faire brailler, les cas d'assistés sociaux -
mais, nous, on en rencontre, parce qu'on travaille dans ce domaine, des
problèmes de "shylocklng". Ce qu'on appelle dans notre langage les cas
"poqués", ce sont tous des cas d'assistés sociaux, des cas
à problèmes multiples. Vous allez essayer d'inciter ces
gens-là au travail alors qu'ils sont à cent
lieues d'être rentables pour un emploi.
Tout ce qu'on va réussir à faire avec une réforme
semblable, ne prévoyant pas par ailleurs autre chose qu'une
véritable politique de réforme sociale, c'est de faire des
misères à ce monde-là Moi, je vous dis ce soir... Et c'est
cela mon ton. Je ne suis pas fâché du tout; quand je vais m'en
retourner, je vais bien rire. Mais qu'est-ce qu'il dit, mon ton? Il dit que ce
que vous êtes en train de faire est très grave. Je vais rire parce
qu'il ne faut pas que je fasse d'ulcère avec cela; je dois rester en
forme pour combattre votre réforme jusqu'au bout. Votre réforme,
je vais la combattre jusqu'au bout, M. Paradis, parce qu'elle est injuste et
qu'elle signifie plus de misère pour les assistés sociaux; c'est
cela que cela veut dire. Aujourd'hui, au moment où on se parle,
déjà, cette population est dans la misère, et dans une
misère croissante, parce qu'elle doit être calculée eu
égard au reste de la population. C'est cela, la réalité de
votre politique, M. Paradis.
Mme Harel: M. le Président, il me reste quatre minutes.
J'aimerais reprendre avec vous la question de l'incitation au travail. Vous
faites valoir dans le mémoire que, s'il ne fait pas de doute que la
répartition des nouveaux barèmes constitue une incitation au
travail, il se peut qu'il en soit autrement si l'on parle d'incitation à
l'emploi, et vous faites une distinction entre l'incitation à l'emploi
et l'incitation au travail. Je crois comprendre que vous critiquez notamment le
fait que l'incitation au travail, pour un assisté social, se limite
à combler ses besoins essentiels, puisque, au-delà des besoins
essentiels des 570 $, c'est une réduction des prestations pour chaque
dollar gagné.
M. Rainville: On va plus loin que cela. La réforme - c'est
un des éléments qu'on aurait aimé faire ressortir si on
avait eu plus de temps ou si j'avais été moins...
Mme Harel: Disert.
M. Rainville: Oui. On dit même que la politique telle
qu'elle est conçue actuellement est une politique qui va
désinciter. On a fait un calcul, je ne sais pas si ce calcul
apparaît de façon directe dans le mémoire. Oui? On a
évalué, après avoir calculé exactement les
réalités de cette réforme, que, pour une personne seule,
par exemple, en fonction du montant de 570 $, il n'était absolument pas
rentable de travailler après huit heures.
Mme Harel: Oui, à la page 20.
M. Rainville: Ce sont les huit premières heures qui seront
rentables - entre guillemets -qui vont lui donner quelque argent de plus...
Mme Harel: C'est-à-dire qui va lui permet- tre de combler
ses besoins essentiels tels que définis, qui ne sont plus couverts
maintenant.
M. Rainville: D'accord, le montant de 570 $.
Mme Harel: C'est cela, des besoins reconnus non couverts.
M. Rainville: Mais ne venez pas me parler de besoins essentiels.
On ne comble pas ses besoins essentiels au Québec avec 570 $ par
mois.
Mme Harel: Oui. Statistique Canada dit 999 $, mais les besoins
essentiels reconnus, qui ne sont plus couverts.
M. Rainville: Reconnus par qui?
Mme Harel: Par un ministère dans son étude avec 62
personnes.
M. Rainville: Oui, c'est vrai. Mme Harel: Oui. Bon.
M. Rainville: C'est vrai, c'est le ministère qui
mène, c'est vrai.
Alors, dans ce sens-là, ce qu'on dit, c'est que loin d'être
une politique incitative, on décourage les assistés sociaux
à travailler plus que huit heures par semaine ou on les amène
dans un entonnoir qui fait que le seul intérêt réel qu'ils
peuvent avoir, c'est de travailler à temps plein pour sortir du
régime, parce qu'on soupçonne que c'est là, finalement, la
finalité.
Mme Harel: La finalité, ce serait de passer aux
pointillés rouges dans le tableau parce que cela est le salaire
minimum.
M. Rainville: Bien sûr.
Mme Harel: Le salaire minimum...
M. Rainville: Mais même le salaire minimum - j'ai les
chiffres ici - ce n'est pas suffisant en regard des seuils de
pauvreté.
Mme Harel: Oui. Et, d'autre part, le salaire minimum...
M. Rainville: II manque quelques cents dollars par mois.
Mme Harel:... qui est indiqué doit être
diminué d'un montant d'impôt qui est versé par une personne
seule qui travaille au salaire minimum; en l'année 1987, elle aura un
minimum, une fois déduit le crédit d'impôt...
M. Rainville: Oui, entendons-nous, là.
Mme Harel:... pour la consommation, etc., à -
payer d'au moins 245 $...
M. Rainville: Mais c'est là, M. Paradis... Mme
Harel:... en moins.
M. Rainville:... et Mme Harel, que j'aimerais qu'on travaille. On
a de sérieux problèmes. C'est vrai que si on approche trop du
salaire minimum, il va y avoir des injustices encore très graves; c'est
vrai. Les gens qui charrient les préjugés les plus forts à
propos des assistés sociaux, ce sont les gens au salaire minimum, les
gens à bas revenus; ils sont en maudit parce qu'ils ont l'impression que
les assistés sociaux en ont plus avec leur carte d'assurance-maladie,
entre autres, avec leur carte d'assurance-médicaments. Ils n'ont pas
tort, dans une certaine mesure, d'être en maudit parce que leur travail
est aussi valable que celui de n'importe lequel d'entre nous. Alors, on a des
problèmes.
Cependant, augmenter le salaire minimum, ce n'est pas quelque chose qui
est facile non plus, parce que là on doit se situer dans une
économie compétitive. Ce sont ces problèmes qu'il faut
poser. Cela devient intéressant quand on commence à parler de
cela, parce que là on parle en fonction d'objectifs. Idéalement,
il faut viser à augmenter le salaire minimum, dans la mesure où
on le peut, en fonction de l'économie dans laquelle on vit.
Idéalement, il faut viser à augmenter les chèques de
l'aide sociale, dans la mesure où on le peut et dans la mesure où
on conserve les mesures incitatives, donc, dans la mesure du possible.
Est-ce qu'on s'aligne là-dessus? C'est cela, ma question, Est-ce
qu'on s'aligne là-dessus? Quand on lit la réforme, non, on ne
s'aligne pas là-dessus. Au contraire, on s'aligne sur une politique qui
va avoir comme effet de couper une majorité d'assistés sociaux.
C'est cela, la réalité. Alors, on dit non. On est prêt
à discuter, mais dans les perspectives qu'on vient de placer. On
travaille ensemble pour un mieux-être social. C'est cela qu'il faut
faire. C'est à cela que je vous appelle, en terminant. Là-dessus,
soyez certains qu'on va embarquer à cent milles à l'heure.
Le Président (M. Bélanger): Alors, en conclusion,
Mme la députée de Malsonneuve, si vous voulez remercier. Il ne
reste plus de temps, M. Polak.
M. Polak: Regardez donc votre montre, madame, s'il vous
plaît, de temps en temps...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, M. le
député de Sainte-Anne, s'il vous plaît! Àl'ordre!
Une voix:...
M. Polak: Oui, oui, je vais vous rencontrer dans le corridor;
j'ai des choses à dire, par exemple.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Sainte-Anne, s'il vous plaît, à l'ordre!
Alors, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, M. Rainville et les personnes qui vous
accompagnent, merci pour ce mémoire et pour, d'une certaine
façon, la confiance que vous mettez dans nos institutions, dans notre
institution parlementaire, en espérant que la déception ne soit
pas trop grande et que l'objectif que vous appelez celui de la lutte contre la
pauvreté pour l'ensemble de nos concitoyens dans une vraie politique de
revenu, de sécurité du revenu, que ce ne soit pas qu'une
politique de réforme à la baisse de l'aide sociale. Je souhaite
que vos espoirs soient reconnus.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je tiens à remercier
la Fédération des associations coopératives
d'économie familiale du Québec et ses porte-parole. Les
échanges quant à deux des volets de la politique m'ont
indiqué qu'il y aurait matière à poursuivre les
pourparlers. Quant au troisième volet de la politique, il faudrait qu'on
accepte mutuellement de prendre la parole, comme quand quelqu'un dit qu'il n'y
a pas de plafond, qu'on ne dise pas que ce n'est pas vrai, etc. Il y a une dose
de confiance minimum qui doit s'établir. Lorsqu'on parle du cheminement
d'une personne apte au travail, vous constaterez, à une lecture
attentive - ce n'est pas un document de 200 pages ni de 800 pages, c'est un
document de 54 pages - de la page 32, les neuf premiers mois,
l'évaluation de l'employabilité. On parle de personnes qui ont
des problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie, d'endettement chronique, de
délinquance, etc. Cette évaluation sociale est faite dès
le début du cheminement. Et, si on a réussi à vous
convaincre qu'on a porté attention à cet élément
social, vous pourrez, si vous grattez, en découvrir d'autres. C'est la
grâce que je vous souhaite. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de
votre présentation.
J'invite à la table des témoins la
Confédération des organismes familiaux du Québec, qui sera
représentée par Mme Pierrette Godbout-Perreault et par M. Robert
Sylvestre.
Mme Godbout-Perreault et M. Robert Sylvestre, je vous souhaite la
bienvenue. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20
minutes ferme pour faire la présentation de votre mémoire, il y a
40 minutes d'échanges, réparties entre les deux factions
politiques, pour ta compréhension et la discussion de votre
mémoire. Je vous prierais, à chaque intervention, de bien vouloir
vous identifier afin de permettre à ceux qui font la transcription des
débats de pouvoir
consigner vos noms au Journal des débats. Je vous prie de
procéder à la présentation de votre mémoire, s'il
vous plaît.
Confédération des organismes familiaux
du Québec
Mme Godbout-Perreault (Pierrette): Bonjour, M. le
Président. Je suis Pierrette Godbout-Perreault, j'imagine que c'est
évident dans les circonstances.
Le Président (M. Bélanger): On l'avait
présumé.
Mme Godbout-Perreault: Oui. Je vous remercie d'avoir
accepté de nous entendre. M. Sylvestre, qui m'accompagne, débute
la présentation de notre mémoire.
M. Sylvestre (Robert): M. le Président, mesdames,
messieurs, nous allons commencer en présentant rapidement la COFAQ pour
dire que c'est une confédération d'organismes familiaux qui
regroupe à l'heure actuelle 16 organismes ou fédérations
membres répartis dans la province et qui, eux-mêmes, rejoignent
plusieurs centaines d'organismes familiaux ou parafamiliaux. La majeure partie
de ces organismes sont des organismes de services à la population. Ils
sont réunis au sein de la confédération, notamment autour
d'une grande idée qui est celle d'une politique familiale axée
sur la qualité de vie des familles.
Si la COFAQ a décidé de se pencher sur le projet de
réforme de la sécurité du revenu aujourd'hui à
l'étude, c'est pour deux raisons principales: d'une part, pour
représenter et défendre les intérêts des quelque 141
000 familles avec enfants qui sont actuellement bénéficiaires de
l'aide sociale, qui représentent, je pense, environ 170 000 enfants et
qui ont besoin, comme toutes les familles, d'être
représentées par des organismes. D'autre part, vous savez tous
que le gouvernement a déposé au mois de décembre dernier
un énoncé d'orientation en matière de politique familiale,
énoncé qui a déçu assez unanimement dans la mesure
où il n'était accompagné d'aucun plan d'action. Dans ces
conditions, nous nous sommes dit: Bon, alors, les plans d'action vont devenir
clairs et évidents quand les projets de politique sociale vont sortir.
Il est, d'ailleurs, mentionné dans l'énoncé d'orientation
de politique familiale que les projets à développer vont
dépendre de l'initiative de chacun des ministères sectoriels.
Nous avons donc tenu à étudier ce projet de politique de
sécurité du revenu dans la mesure où il pouvait
également illustrer les orientations concrètes du gouvernement en
matière de politique familiale. C'est donc le point de vue que nous nous
sommes particulièrement attachés à développer.
Le premier point sur lequel nous voudrions intervenir rapidement - je
vais essayer de résumer ce qui est dans notre mémoire - c'est le
changement du critère de soutien du besoin quelle qu'en soit la cause,
qui était là depuis le début des années
soixante-dix, pour le lier à la participation ou non au marché du
travail. Rapidement, sur ce changement, nous dirons que c'est une modification
qui, à notre avis, touche le principe même de la solidarité
collective qui fonde l'ensemble de nos politiques sociales depuis une trentaine
d'années et que c'est à ce niveau qu'il faut d'abord analyser le
projet de réforme de la sécurité du revenu. À notre
avis, c'est un projet de réforme qui va beaucoup plus loin que la simple
sécurité du revenu; il touche l'ensemble de nos politiques
sociales. (21 h 15)
Sur ce même point du critère de soutien, nous voudrions
dire que nous y trouvons une définition extrêmement étroite
du travail. Le travail tel que défini dans ce document se résume
à la participation ou non à la machine de production de services
ou de biens monnayables dans notre société. Ce que cela veut dire
c'est que cette seule activité de production dans la
société est reconnue comme socialement utile. À notre
avis, cela rejette dans l'insignifiance, c'est-à-dire dans
l'inutilité sociale, une foule d'activités humaines et,
notamment, la mise au monde d'enfants, leur entretien, leur éducation.
Cela rejette dans l'inutilité sociale toute activité
bénévole d'entraide, de prévention, d'éducation
populaire, d'organisation communautaire et ainsi de suite. La vision du travail
telle qu'incluse dans le document sur la sécurité du revenu, est
une vision extrêmement étroite de l'utilité sociale des
activités humaines. La COFAQ se déclare tout à fait
opposée à ce changement du critère de soutien fondamental
et à la catégorisation des personnes en aptes et inaptes, qui
découle de ce changement.
Le deuxième grand point sur lequel on voudrait intervenir, c'est
le traitement réservé aux familles dans ce projet de
réforme, pour la raison que nous avons évoquée tout
à l'heure. Qu'arrive-t-il effectivement aux personnes ayant charge
d'enfants dans la proposition de réforme? Le premier point que nous
voulons relever: les femmes enceintes et le parent d'enfant de moins de deux
ans sont qualifiés d'employables non disponibles. Le "moins de deux
ans", à notre avis, signifie que les tâches parentales de mise au
monde, d'entretien et d'éducation des enfants ne sont reconnues comme
socialement utiles que pendant cette courte période de deux ans de la
vie des enfants. Et ce, quel que soit l'enfant et ses besoins propres et quels
que soient les parents et leurs aspirations et leurs convictions.
Deuxième élément qui permet de voir comment les
familles sont traitées dans ce document: ces personnes qui s'occupent
des enfants - c'est-à-dire ces personnes employables non disponibles -
recevraient des prestations inférieures à celles versées
aux personnes relevant du volet Soutien financier. À notre avis,
il y a là de façon très nette, une
pénalisation au travail parental et une pénalisation au sens
strict, c'est-à-dire un désavantage imposé à des
personnes qui ont contrevenu à une règle. Une règle qui,
à notre avis, est inavouée dans le document, mais qui revient
à dire que les prestataires de l'aide sociale ou les personnes
susceptibles de le devenir - et, dans la situation économique actuelle,
cela peut faire beaucoup de monde - ne devraient pas concevoir d'enfants. Ils
sont pénalisés s'ils ont des enfants. On réduit leurs
prestations s'ils ont des enfants. C'est très clair. Ces prestations, en
plus, ne couvriront que leurs besoins essentiels à court terme. Cela
n'est pas clair dans le document d'orientation. Les documents qui ont
été rendus publics dernièrement le démontrent et
I'affirment clairement.
Donc, on dit: Reconnaissance très réduite des tâches
parentales pénalisation au travail parental, besoins essentiels à
court terme seulement et ce n'est malheureusement pas tout. Qu'arrive-t-il si
ce parent qui s'occupe d'un enfant de moins de deux ans décide, au terme
de ces deux années ou avant, selon son choix, d'aller s'inscrire aux
programmes de réintégration ou aux programmes scolaires?
Logiquement, par exemple, dans le cas d'une famille biparentale, les sommes
dites de besoins spéciaux et d'allocations de participation devraient
doubler, sauf que ce n'est pas cela qui arrive. Dans le cas d'une
deuxième participation à l'intérieur dun même
ménage, ce ménage ne reçoit que 35 $ de plus; 35 $ par
mois pour couvrir l'ensemble des coûts d'une deuxième
participation à des programmes de réintégration
On avait tout a I'heure une pénalisation très nette
à l'égard des tâches parentales, on a maintenant une
pénalisation très nette à l'accès au travail pour
le deuxième conjoint d'une famille biparentale. C'est un mépris
complet, à notre avis, du principe de l'égalité des
parents à l'intérieur de la famille et c'est une intervention
directe de l'État dans les choix de modes de vie familiale, parce qu'on
encourage très fortement, à ce moment-là, un type de
famille, c'est à-dire une famille avec un conjoint seulement allant sur
le marché du travail
Par ailleurs, toujours sur cette question de la famille, on remarque que
le document d'orientation est muet, dans les volets APTE et Soutien financier,
sur l'aide à la garde apportée aux parents. Tout nous porte
à croire que les personnes relevant du programme Soutien financier
n'auront droit à aucune espèce d'aide à la garde.
Qu'est-ce qui arrivera des personnes qui feront partie du programme APTE? Ce
n'est pas très clair, non plus. Ce qu'on en voit c'est qu'elles ne
disposeraient que des 60 $ d'allocation et des 40 $ de "besoin spécial".
Cela fait partie, cependant, des informations qui nous manquent
Je vous vois hocher la tête, M. le ministre. Vous allez
peut-être me répondre que cela va venir avec la réforme que
Mme Gagnon-Tremblay prépare, mais tout cela nest pas clair à ce
moment-ci.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pour cela que je hochais la
tête. J'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet. Je hochais la
tête parce que c'est contenu dans ça.
M. Sylvestre: Abordons rapidement le dernier volet, qui est le
volet APPORT. On a beaucoup de questions à poser sur APPORT. La
première question concerne les familles admis sibles au programme
APPORT. Dans le budget 1987-1988 on disait que les gens qui seraient
admissibles au programme APPORT seraient les familles chargées d'enfants
de moins de 21 ans. Dans le document d orientation, on dit Familles d'enfants
de moins de 18 ans. II faudrait qu'on sache ce que c'est parce que c'est
très mélangeant. De plus, dans le document d'orientation, vous
dites que vous allez, quand même, atteindre le même nombre de
familles et que le coût demeure le même soit 65 000 000 $.
Pourtant, de facto, il y a un grand nombre de familles qui ont
été exclues. C'est un problème qui n'est pas clair
à ce moment-ci
II y a un deuxième problème que nous n'avons pas
réussi à régler concernant le programme APPORT, et on a
parlé à plusieurs économistes qui ne se sont jamais
clairement entendus entre eux. Est-ce qu'il est possible pour une famille
d'accumuler, d'être à la fois bénéficiaire de l'aide
sociale, du programme APTE et du programme APPORT? Il y a des
économistes qui m'ont répondu oui et non. Je ne le sais plus du
tout et ce n'est pas clair dans le document d'orientation. J'aimerais qu'on y
revienne tout à l'heure parce que cela ne fonctionne pas du tout.
La troisième chose qui n'est pas claire concernant le programme
APPORT et qu'on voudrait clarifier, c'est quand le remboursement des frais de
garde intervient-il? Si les prestations du programme APPORT sont mensuelles,
effectivement c'est une amélioration sur le SUPRET, mais si les
prestations mensuelles n'incluent pas le remboursement des frais de garde,
c'est un problème énorme. Cela n'est pas clair dans le document.
D'après le tableau, on a l'impression que cela va venir avec la
déduction pour frais de garde, donc avec le rapport d'impôt
l'année suivante, même si cela n'est pas évident.
Toujours du point de vue de la famille et, en élargissant un peu
le débat de la sécurité du revenu jusqu'à la
politique familiale, parce que c'est cela qui, en bonne partie, est en cause
pour nous aussi, on voudrait savoir ceci. Au moment de son budget, le ministre
des Finances a annoncé que, par le programme APPORT, il injectait 65 000
000 $ de plus dans le soutien aux familles. Ce quon aimerait savoir, c'est
qu'est-ce qui est vraiment injecté de plus et y a-t-il quelque chose
d'injecté de plus pour les familles, si on prend les 65 000 000 $ du
pro-
gramme APPORT qui ne peuvent plus être 65 000 000 $ de toute
façon parce qu'on a changé l'admissibilité, quon
enlève ce que vous allez économiser par la contribution
alimentaire et ce que vous allez économiser par la réduction?
Nous le prenons au plan de la politique de soutien aux familles dans la
société québécoise actuellement... On donne 65 000
000 $ aux familles par le programme APPORT, théoriquement. Combien
va-t-on économiser avec l'introduction de la contribution parentale?
Combien va-t-on économiser avec la réduction des prestations aux
personnes chargées d'enfants par cette catégorie des non
disponibles? Combien va-t-on économiser avec les autres mesures du type
partage de logement pour les 18 30 ans et pour les familles monoparentales?
D'après les informations qui ont été rendues
publiques la semaine dernière, il semble que le gouvernement
prévoie faire, en 1990, des économies de 216 000 000 $ par ces
trois ou quatre mesures. Ce qui va réellement aux parents est-ce que
c'est 65 000 000 $ de plus ou 65 000 000 $ moins 216 000 000 $?
Là, je ne m'adresse pas simplement au ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu; je m'adresse aussi
à M. Dutil en tant que ministre délégué à la
Famille, au gouvernement et à M Levesque. On nous a dit: Voilà 65
000 000 $ pour les familles, mais ici, on a l'impression qu'on nous reprend 215
000 000. $ II faudrait qu'un jour ou I'autre on mette les vrais chiffres sur la
table.
Enfin, un dernier élément que nous aimerions souligner sur
ce document, c'est qu'il est conçu de telle sorte que, pour les familles
biparentales, il n'y aura de remboursement de frais de garde que si les deux
parents sont sur le marché du travail. En d'autres termes, le
gouvernement intervient encore une fois directement dans les choix de vie
familiale et il impose ou incite fortement économiquement à
certains types de familles.
Bref, si vous voulez, ce que notre conseil d'administration a vu dans ce
projet et dans ces trois volets, c'est, d'abord, une négation de la
complexité et de la diversité des besoins des personnes. On
traite toutes les personnes chargées d'enfants et tous les enfants de la
même façon, indépendamment de leurs besoins propres, de
leurs convictions et de leurs aspirations. II y a, on la vu,
pénalisation à la conception d'enfants. Il y a réduction
des prestations à cause de la présence d'enfants. II y a
mépris de I'importance des rôles parentaux; les rôles
parentaux sont considérés implicitement comme étant
socialement inutiles et ne valant pas d'être soutenus. II y a
intervention directe de l'État dans les choix de modes de vie familiale
et il y a non-respect par l'État de l'égalité des parents
à l'intérieur de la famille.
Tout cela, à notre avis découle en droite ligne du premier
point quon a mentionné ce soir, c'est-à-dire
l'établissement de la participa- tion au marché du travail comme
seule activité socialement utile. C'est tout à fait logique et
cohérent. Quand on définit le travail de cette façon
là et qu'on I'impose comme critère fondamental de nos politiques
sociales, tout le reste est rejeté dans I'insignifiance. C'est pourquoi
ce soir nous voulons poser une question qui s'adresse au ministre de la
Sécurité du revenu et à I'ensemble du gouvernement: Est-ce
la politique familiale du gouvernement, est-ce la reconnaissance de
I'importance de la famille dans la société
québécoise? Est-ce le soutien à la famille qui est
donné comme orientation du gouvernement en matière de politique
familiale? Est-ce cela - et je cite le document d'orientation sur la politique
familiale - "relever le défi du soutien à la famille",
défi qui met en cause non seulement les familles elles-mêmes, mais
I'avenir du Québec? Du point de vue familial, du point de vue dune
politique familiale, il nous apparaît que ce projet est totalement
incohérent et contradictoire avec les orientations d une politique
familiale.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Perreault qui va
poursuivre sur d'autres points.
Mme Godbout-Perreault: Nous croyons qu'une politique familiale
doit être pensée dans une tout autre perspective et, notamment,
reposer sur une vision fort différente de l'évolution de la
famille québécoise au cours des dernières
décennies. Nous sommes frappés, en effet, et inquiets de relever
des grandes similitudes dans la vision de la famille qui se dégage du
document d'orientation et de l'énoncé de politique familiale, une
vision qui ne relève que des éléments tels le nombre de
divorces ou de séparations, l'augmentation du nombre des familles
monoparentales, des unions de fait. Bref, c'est une vision selon laquelle la
famille ne se serait que détériorée depuis les
années soixante.
La COFAQ tient ici, aujourd'hui, à dénoncer avec la plus
grande vigueur cette vision récurrente dans les documents
gouvernementaux, une vision qui, à notre avis, relève d'une
analyse courte, erronée et, dans le document sur la
sécurité du revenu, profondément insultante pour
I'ensemble de ceux et de celles qui ont charge d'enfants au Québec. Une
analyse erronée qui fait, par exemple, résulter la
fragilité économique des familles du nombre croissant de
divorces, alors que, d'une part, bien souvent, à l'inverse la
fragilité économique a précédé les ruptures
et que, d'autre part, un meilleur partage des revenus familiaux, avant comme
après les ruptures, aurait pu éviter celles-ci. Souvent aussi, on
associe monoparentalité à pauvreté à cause de cela.
Cette analyse est insultante pour les chargés d'enfants puisque le
document d'orientation va jusqu'à soutenir qu'un "effritement des
notions traditionnelles de responsabilité familiale" serait à
mettre au nombre des causes de l'augmentation du nombre de prestataires. Nous
croyons qu'il serait beaucoup plus pertinent de s'interroger sur I'absence
d'une politique fami-
liale axée sur la qualité de vie familiale durant les
dernières décennies. Le ministère trouverait
sûrement là de nombreux facteurs explicatifs du nombre croissant
de ruptures et de la fragilité économique des familles. (21 h
30)
Maintenant, on voudrait aussi vous parler d'un autre point de vue qui
nous semble fondamental. C'est celui de la contribution alimentaire parentale.
Cette question de la contribution alimentaire n'est pas nouvelle pour nous
puis-qu'en 1984-1985 nous avions procédé à une analyse du
régime des prêts et bourses dans lequel il est aussi question de
la contribution parentale.
Au terme de cette étude, un document a été soumis
à la consultation de nos membres dans la plupart des régions du
Québec par des groupes de parents. L'une des questions centrales
soulevées par ce document de consultation, c'était
précisément la reconnaissance ou non de l'autonomie des personnes
à 18 ans. C'était lié directement à l'acceptation
ou au refus de l'application du principe de la contribution parentale.
D'une façon fortement majoritaire, les parents consultés
optèrent en faveur de cette reconnaissance d'autonomie et en toute
conséquence du refus d'une contribution parentale.
Maintenant, la reconnaissance effective de l'autonomie des 18 ans et
plus et le refus conséquent de cette contribution alimentaire reposent
sur les considérations suivantes. Quand les jeunes atteignent
l'âge de la majorité légale, la famille a
déjà largement fait sa part. Les parents sont favorables à
la poursuite d'études supérieures pour ceux et celles qui le
désirent, mais ils estiment que les coûts engendrés par ces
études devraient être pris en charge par l'ensemble de la
société, car cette nécessité d'études
supérieures correspond à un choix de société,
particulièrement aux besoins du marché du travail et non pas
nécessairement aux besoins des parents.
De façon analogue, si les parents sont favorables à ce que
les jeunes participent au marché du travail, il ne saurait être
question - nous l'avons dit plus haut - de tenir les familles responsables des
hauts taux de chômage et du manque d'emplois pour les jeunes.
Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez,
en conclusion, madame. Le temps est écoulé maintenant. Si vous
voulez prendre quelques minutes pour conclure.
Une voix: Consentement pour cinq minutes.
Le Président (M. Bélanger): Consentement, oui. On
vous accorde cinq minutes pour terminer.
Mme Godbout-Perreault: Vous nous accordez cinq minutes? Je vous
remercie.
Pour nous, une autre des raisons, c'est que l'âge de la
majorité légale marque, autant pour les parents que pour les
jeunes, une étape dans la vie. Les attentes des uns et des autres
changent et la perception de leurs responsabilités mutuelles se modifie
à 18 ans. Donc, le régime des prêts et bourses - et ici
c'est la réforme dont il est question - ne tient pas compte de ce
fait.
Il y a aussi une contradiction dans le fait que les jeunes sont
considérés comme majeurs à d'autres points de vue
lorsqu'ils atteignent 18 ans, mais ils restent dépendants des parents
sur le plan financier. L'indépendance économique est une
aspiration générale pour les jeunes adultes. Elle est pour eux
une reconnaissance effective de l'autonomie légale que leur
confère l'âge de la majorité. Aussi se sentent-ils
davantage autonomes et développent-ils un meilleur sens des
responsabilités lorsqu'ils administrent eux-mêmes les sommes dont
ils ont le contrôle plutôt que lorsqu'ils reçoivent des
services de leurs parents.
Je voudrais aussi souligner que l'introduction de la contribution
parentale découle en droite ligne de l'abandon au point de départ
du principe de la solidarité collective dont nous parlait Robert tout
à l'heure. Le ministère semble conscient du fait que le filet de
sécurité sociale dont s'est doté le Québec depuis
deux décennies est aujourd'hui bien lâche et qu'il se
relâchera sûrement davantage advenant l'adoption du projet. En
conséquence, nous constatons que c'est la famille qui, semble-t-il, qui
va ramasser les pots cassés.
J'essaie de faire rapidement et cela semble difficile.
Le Président (M. Bélanger): Soyez sans crainte.
Allez-y calmement. Il n'y a pas de problème.
Mme Godbout-Perreault: Est-ce là encore le soutien
à la famille? D'une part, on l'a vu, le document d'orientation met
fortement en doute le sens des responsabilités et la compétence
des parents. D'autre part, il exige de ces mêmes parents qu'ils assument
la charge entière des jeunes adultes alors que le même
gouvernement, par ailleurs, retire aux parents les allocations familiales
versées pour les moins de 18 ans, alors que le même gouvernement a
aboli les exonérations d'impôt pour enfant à charge, si
bien que toute somme gagnée par les jeunes adultes vient
immédiatement réduire les exemptions des parents.
Ce que nous pouvons conclure, c'est qu'il y a une augmentation de la
responsabilité financière et une réduction du soutien.
C'est sur une telle base que l'on pourrait même venir à penser que
les prestations aux personnes de 55 ans et plus peuvent être
réduites en fonction des revenus de leurs enfants puisque, actuellement,
on parle beaucoup d'obligations filiales.
Compte tenu de cette introduction de la contribution parentale, fi est
tout à fait abusif, à notre avis, de soutenir que cette
réforme accor-
dera la parité de traitement aux 18 30 ans. Nous savons
d'ailleurs, depuis la publication du document, qu'un grand nombre de 18-30 ans
ne recevront plus aucune prestation et que tous les autres verront leurs
prestations réduites. Quarrivera-t-ll des 17 000 18-30 ans qui sont
exclus du programme?
Seront-ils exclus également des mesures d'amélioration de
I'employabllité? II semble que oui et le choix que le projet de
réforme leur laisse est clair: la dépendance de la famille, le
mauvais emploi, la rue, la prostitution et aussi parfois même
malheureusement, dans certains cas, le suicide puisqu'ils ne voient pas de
débouchés.
Ce que nous avons tenté de démontrer dans ce
mémoire, c'est que le document propose une orientation de
sécurité du revenu qui, si elle était adoptée,
apporterait dans la société québécoise des
changements fondamentaux. Les propositions qui sont faites, tels le changement
du critère de soutien, la catégorisation des personnes
employables et non employables, l'application d'un précepte de
contribution parentale, induisent enfin une transformation radicale des valeurs
sociales qui ont animé le Québec depuis des décennies. La
réforme proposée repose, en effet, sur une conception qui
réduit la personne humaine à la seule valeur économique de
la production des biens monnayables et, pour nous, ce n'est pas acceptable
puisque, comme familles, nous croyons que nous avons eu un rôle
très important au sein de la société en nous
préoccupant de l'éducation de nos enfants.
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. J'aimerais remercier
l'organisme la Confédération des organismes familiaux du
Québec pour le mémoire, ainsi que Mme Perreault et M. Sylvestre
pour la présentation. Je répondrai, d'abord, aux arguments
avancés par M. Sylvestre et j'engagerai le dialogue, quitte à
revenir en conclusion avec vous, Mme Perreault.
M. Sylvestre a mentionné au début qu'il y avait des
besoins de représentations de la part des familles, que peut-être
depuis quelques années, pour ne pas dire plusieurs années, les
gouvernements ont pris, consciemment ou inconsciemment, des mesures sur le plan
fiscal, entre autres, ou sur d'autres plans qui n'ont pas eu pour
conséquence de favoriser le concept de la famille dans la
société québécoise. Je vous dirai que, si on
regarde ce qui détermine finalement le partage des richesses dans une
société, la fiscalité, oui, la famille a besoin de
représentations chaque fois qu'une politique gouvernementale est mise de
l'avant, et je vous félicite de faire ces représentations au nom
des familles.
Je vais tenter de reprendre - et moi aussi, je suis un peu
"encarcané" par le temps - quelques-uns des éléments que
vous avez mis de l'avant et tenter de vous apporter quelques précisions
et clarifications. Vous débutez en parlant de la notion de travail telle
que contenue dans le document "Pour une politique de sécurité du
revenu". Je vous dirai que, personnellement, je ne peux pas partager
l'idée que vous avez mise de l'avant que nous avions une
définition étroite du travail comme étant limité
à la production de biens. Je ne pense pas que le fait d'offrir un
programme de rattrapage scolaire à une personne qui est
bénéficiaire de l'aide sociale et qui n'a pas
complété son cours secondaire puisse être assimilé
à une production de biens. Je n'ai pas l'impression non plus que la
quasi-totalité des programmes de travaux communautaires que nous avons
expérimentés chez les jeunes de moins de 30 ans au cours des
dernières années avait pour but la production de biens.
Je n'ai pas, non plus, l'impression que le type de programme stage en
entreprise - et c'est spécifiquement convenu dans la convention qui est
signée avec l'entreprise - a pour but la production de biens. Au
contraire, il s'agit de la formation de l'individu. Toute cette politique dans
le cadre du programme APTE est orientée plutôt vers
l'amélioration des caractéristiques d'employabilité pour,
sans doute, qu'un jour l'individu devienne soit un producteur de biens ou
quelqu'un qui donne des services à la société. C'est un
peu ce que nous faisons tous. Nous produisons des biens ou nous rendons des
services à nos concitoyens et c'est de là qu'on retire une
rémunération. Mais, à ce moment on n'est plus sur le
programme de l'aide sociale ou de sécurité du revenu. Je voulais
simplement vous soumettre cette argumentation là parce que vous avez
tiré beaucoup de conclusions à partir de cette définition
qualifiée d'étroite.
Je vais tomber dans ce qu'on appelle la problématique ou le
vécu quotidien avec la première question que vous avez
soulevée et que j'ai notée et qui vise vraiment - vous avez
raison - l'orientation que le gouvernement va choisir en matière de
famille, lorsque vous avez parlé de la femme enceinte et de la
période de deux ans. Aujourd'hui, nous avons entendu des
témoignages d'organismes et je pense pouvoir citer correctement, entre
autres, le Conseil du statut de la femme qui, sauf dans le cas ou il y aurait
une multiplicité d'enfants dans la cellule familiale, opterait pour une
limite de deux ans de façon à ne pas créer un ghetto de
pauvreté, que la femme ne soit pas retirée du marché du
travail pendant trop longtemps, etc. C'est un point de vue. Nous avons eu des
points de vue d'autres organismes qui nous ont dit: Aussi longtemps que
l'enfant n'est pas d'âge de fréquentation scolaire, vous devriez
permettre le barème de non-disponibilité. Moi je veux que vous
nous signififiez clairement quelle est votre orientation en vous disant que, si
le gouvernement, dans un document qui s'appelle "Pour une politique de
sécurité du revenu" a choisi de
présenter deux ans, c'est probablement la mesure qui sera
retenue, mais que possiblement nous pouvons être convaincus par d'autres
groupes qu'il y aurait des modifications qui seraient souhaitables pour la
société et qui seraient plus à tendance familiale. Mais
nous devons tenir compte de l'ensemble des éléments. Sur cette
question, j'aimerais avoir une précision de votre part, la plus directe
possible.
M Sylvestre: Immédiatement ou si vous voulez
poursuivre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Immédiatement, on va le
régler avec vous.
M. Sylvestre: II faut dire d'abord que je ne peux pas vous
répondre dans votre logique parce que, dans notre logique, nous
refusons, de toute façon, la catégorisation en aptes et inaptes,
en employables et inemployables. À notre avis, on ne peut pas qualifier
- parce que cela revient à cela un peu, le projet - une personne qui
s'occupe d'un enfant de personne inemployable ou de personne inemployée
ou de personne qui ne fait rien. À notre avis, il y a une contribution
à la société qui est extrêmement riche.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que, sur le vocabulaire,
on pourrait argumenter, mais, sur le concept, qu'on aboutisse au vocabulaire ou
à la catégorisation qu'on voudra, la présence ou la
non-disponibilité pour le marché du travail traditionnel ou pour
des programmes d'employabilité est affectée par la
présence d'un enfant. Est-ce qu'on doit la considérer, comme
gouvernement, jusqu'à deux ans, jusqu'à l'âge scolaire,
etc? C'est la limite dans le temps qui est le concept qui.
M. Sylvestre: Moi, je pense qu'il faut considérer que les
personnes qui ont des enfants travaillent. Point.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Je pense que c'est
une.
M. Sylvestre: Qu'on ne les place pas en opposition quand il
s'agit de leurs tâches parentales et d'un autre travail. C'est là
que je reviens à votre définition du travail. Quand vous parlez
de travail, vous pensez participation au marché du travail au sens
restreint du terme. Ce n'est pas cela, la question. Les gens qui s'occupent
d'enfants travaillent, font des activités socialement utiles. C'est pour
cela qu'on ne peut pas embarquer dans votre logique.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne vous demande pas d'embarquer
dans la logique. Je vous demandais, et vous me l'avez exprimée, une
opinion sur la limite d'âge. À supposer qu'on retienne la logique
qui vous satisferait, la limite d'âge ne serait pas de deux ans parce que
vous considérez que, sur le plan familial, il ne faudrait pas mettre de
limite d'âge comme telle ou si on peut en mettre une jusqu'à
l'âge scolaire?
M. Sylvestre: Non, il n'y a pas de limite à mettre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas de limite du tout, ouvert?
M. Sylvestre: II n'y a pas de limite à mettre.
D'accord?
Mme Godbout-Perreautt: Pour nous, M. le ministre, nous
considérons le libre choix des parents si un parent considère que
c'est important pour lui d'être présent à ses enfants.
Même si ces enfants-là ont sept ou huit ans, cela ne veut pas dire
que l'enfant a moins besoin du parent que lorsqu'il avait deux ou quatre ans.
La présence du parent auprès des enfants est importante et c'est
ce libre choix que nous défendons.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous savez, le libre choix, vous
pouvez le défendre, mais moi, lorsque je fais l'inventaire, non comme
ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, mais comme ministre responsable du Travail, des conventions collectives
qui sont négociées entre les plus grandes entreprises et les plus
puissants syndicats, et qu'on traite de la question, sauf si ma mémoire
me fait défaut la personne n'est jamais placée devant un choix
complètement libre. II y a des contraintes économiques qui jouent
et les plus longs congés sans solde - je dis bien sans solde - que l'on
a réussi à négocier sur le plan des relations du travail,
au moment où nous nous parlons, sont d'une période de deux ans.
La personne qui effectue ce choix, c'est un congé sans solde. II y a une
période couverte par l'assurance-chômage, quinze semaines,
supplémentée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu pour les deux semaines de carence du
début de l'assurance-chômage, mais le reste, c'est du sans solde.
Donc, c'est un choix qui est effectué, mais pas en totale
liberté, sans pression économique.
Mme Godbout-Perreault: Je remarque, M. le ministre, que vous
faites toujours référence au marché du travail
rémunéré.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.
Mme Godbout-Perreault: Pour nous, ce n'est pas le principal
point. On trouve que, si une société considère que des
enfants, c'est important et qu'on doit leur consacrer du temps, le travail que
l'on fait auprès de ces enfants doit être reconnu tout autant que
si nous avions un salaire rattaché à ce travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La même chose, à ce
moment-là, pour la femme qui est bénéficiaire de f'aide
sociale, pour celie qui reçoit des prestations
d'assurance-chômage, qui est travailleuse au salaire minimum ou qui est
travailleuse professionnelle ou dans une grande entreprise. (21 h 45)
Je suis, non pas comme ministre du Travail cette fois-là, mais
comme ministre responsable de la Sécurité du revenu, responsable
de celles qui se trouvent au bas de l'échelle, qui éprouvent les
plus grandes difficultés. Je peux tenter des élargissements, des
ouvertures, mais je ne pense pas que je puisse bâtir une politique
incitative vers l'ensemble de meilleures conditions de vie pour la mère
et pour l'enfant en visant le bas. C'est pour cela que j'invoquais les
meilleures conventions collectives où les gens sont placés dans
une situation monétaire généralement beaucoup plus
favorisée et exercent un choix un peu plus libre.
Mme Godbout-Perreault: Mais c'est toujours en fonction du
marché du travail que vous faites votre intervention, M. le ministre.
Vous parlez comme ministre de la Sécurité du revenu, mais vos
comparaisons sont en fonction du marché du travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, on a des
représentations qui demandent au gouvernement - on en a constamment de
différents groupes - de reconnaître le travail au foyer, pour
donner un exemple, de le rémunérer, pas simplement pour les gens
qui vivent de l'aide sociale, pour que les femmes dans la société
puissent effectuer un choix plus libre, occuper un emploi
rémunérateur sur le marché du travail. Les demandes de
tous ces groupes sont toujours faites en fonction du marché du travail:
Reconnaissez la valeur économique de notre rôle dans la
société de nous occuper d'enfants.
M. Sylvestre: À ma connaissance, les mêmes groupes
demandent aussi de reconnaître la valeur sociale et économique des
tâches parentales.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est exact.
M. Sylvestre: Alors, ils ne font pas une différence, ils
ne mettent pas les valeurs l'une au-dessus de l'autre. Je vous rejoins, M. le
ministre, quand vous dites que vous ne ferez pas une politique de
sécurité du revenu plus avantageuse pour les parents à bas
revenu. Ce que nous demandons, c'est une politique familiale. Nous pensons que
vous ne pouvez pas faire une politique de sécurité du revenu si
elle n'est pas encadrée par une politique familiale cohérente qui
s'adresse à l'ensemble des familles du Québec. Sauf que, si ce
sont les orientations de la politique familiale du gouvernement - on est
forcé de le présumer, compte tenu du fait qu'il n'y avait pas de
plan d'action concret dans l'énoncé d'orientation publié
en décembre - c'est vraiment le travail au sens restreint du terme. J'y
reviens parce que je pense que c'est cela Les services de garde ne sont
donnés que s'il y a travail. Les services de garde ne sont pas
donnés aux personnes qui sont sur le Soutien financier.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. On peut corriger cela
immédiatement. C'est peut-être une mauvaise perception ou un
manque d'indication. Les services de garde sont offerts aux gens qui sont sur
le programme Soutien financier, de même qu'aux gens qui participent au
programme APTE.
M. Sylvestre: Ils sont offerts sous quelle forme?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un per diem
équivalant, au moment où l'on se parle, à 10 $ par
jour.
M. Sylvestre: C'est l'exonération pour frais de garde.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. C'est déboursé.
C'est payé par le gouvernement sur une base mensuelle et c'est...
M. Sylvestre: Versé directement aux services de garde.
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... versé directement au
bénéficiaire qui choisit le mode de garde qu'il juge
approprié.
M. Sylvestre: Y inclus pour le Soutien financier et pour
APTE.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Y inclus pour le Soutien financier
et le programme APTE.
Mme Harel: S'il y a participation aux mesures.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Seulement s'il y a
participation.
Mme Harel: Seulement s'il y a participation aux mesures.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, parce que...
M. Sylvestre: Dans le Soutien financier, il n'y a pas
participation aux mesures.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, il y a participation aux
mesures si la personne désire... On sait qu'il y a des gens qui,
aujourd'hui, ont des handicaps sérieux, mais qui, à cause de
révolution technologique, peuvent accomplir des
tâches, etc. Le programme APTE est également ouvert, pour
fins de participation, aux gens qui sont sur le Soutien financier, sans perte
d'aucun bénéfice au Soutien financier, en ajoutant les
allocations de participation, les frais de participation et les frais de
garderie.
M. Sylvestre: Ce n'est pas clair. Ce qui me paraît demeurer
là, c'est que les services de garde sont liés à une
participation. Par exemple, si on prend APPORT, il n'y a de services de garde
que si les deux parents sont sur le marché du travail. La
référence demeure toujours le travail à l'extérieur
du foyer. En d'autres termes, on ne tient pas pour acquis, on ne conçoit
pas qu'un parent qui s'occupe de son enfant ou de ses enfants à temps
plein puisse avoir besoin, à un moment donné, de prendre du
repos, puisse avoir besoin de faire d'autres types d'activités et, donc,
puisse avoir besoin des services de garde. Nous ne demandons pas un traitement
particulier pour les gens qui retirent de l'aide sociale. Nous disons que c'est
le genre de mesure qui devrait être appliquée dans l'ensemble de
la société et pour l'ensemble des parents. Et cela implique une
reconnaissance de la tâche parentale et du besoin de services de garde,
par exemple, pour l'ensemble des parents.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pourrait continuer longtemps
sur les services de garde. Moi aussi, je vais bientôt me faire couper la
parole par le président. J'aimerais vous parler du programme APPORT. Je
crois que vous avez fait une bonne analyse du programme APPORT. Vous avez
décelé des éléments et vous êtes les premiers
à nous les apporter: la question des 21 ans, 18 ans, etc. Vous avez
raison, dans le discours sur le budget, c'était 21 ans. Lorsque nous
avons tenté d'arrimer le programme APPORT avec les autres politiques de
sécurité du revenu, nous avons choisi 18 ans pour que l'âge
soit uniforme. Maintenant, l'arrimage n'est pas complet. Vos économistes
qui vous disent, à un moment donné, qu'il y a une
possibilité de trou ont raison. Sauf que cette possibilité de
trou entre APTE, le salaire minimum et APPORT que vous trouvez pour 1988 n'a
pas de conséquences pratiques parce que le programme APTE, entre autres,
n'est pas en fonction. Vous avez raison de dénoncer ce trou. Il y aura
des ajustements qui devront être faits pour l'année
financière 1989-1990.
M. Sylvestre: II y avait un autre trou: APTE et APPORT ne peuvent
pas être additionnés dans une même famille.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le trou était là et
vous avez raison. Nous l'avons constaté. Nous ne l'avons pas
corrigé au moment où nous nous parlons parce que, le programme
APTE n'étant pas en vigueur pour l'année présente, cela ne
porte pas à conséquence.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, M. Sylvestre, madame, c'est
vraiment important que nous ayons cet échange avec vous. Si cela peut
vous rassurer tout de suite, le ministre s'est référé aux
propos de la présidente du Conseil du statut de la femme. Je dois vous
dire que les propos que Mme McKenzie a eus ne sont pas exactement ceux
rapportés par le ministre. Le ministre nous disait qu'elle avait
opté pour une limitation à deux ans, enfin, je reprends ses
propos textuels. Je dois vous dire que, pour la présidente du Conseil du
statut de la femme, jamais une mesure ne devait être obligatoire, mais
incitative. Et elle a répété que, dans son esprit, il
fallait peut-être inciter, mais sans jamais obliger. Elle signalait
simplement que cette catégorie de personnes qui avaient une charge de
famille monoparentale devaient peut-être être invitées
à participer assez rapidement à des programmes vu que la
durée parfois de l'absence du marché du travail est un handicap,
mais que le choix devait être respecté et jamais cette invitation
qui devait être faite ne devait, en conséquence, être
assortie d'une réduction de barèmes comme ce qu'on retrouve dans
la proposition du ministre. Alors, je pense que c'est important de
rappeler...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est dans les transcriptions, on
verra.
Mme Harel:... les propos de la présidente du Conseil du
statut de la femme parce qu'il s'agissait donc de catégories pour
favoriser des personnes et jamais de catégories pour réduire des
barèmes.
Je crois que l'absence du ministre délégué à
la Famille en dit beaucoup sur l'état des préoccupations du
présent gouvernement en matière de véritable politique
familiale. Vous savez, quand on a reçu, aujourd'hui, les groupes en
matière de condition féminine la ministre
déléguée à la Condition féminine a eu cette
responsabilité d'être présente et de faire la discussion
avec les représentantes des deux organismes concernés. Elle nous
a indiqué qu'elle entendait faire de même pour tous les autres
organismes qui ont une responsabilité première en matière
de condition féminine. Je ne peux pas m'expliquer, depuis le
début de nos travaux, l'absence du ministre délégué
à la Famille, à moins qu'il ne soit à l'extérieur
du Québec.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II est au Conseil du
trésor, aujourd'hui, pour obtenir des budgets.
Mme Harel: Je dois vous dire que c'est maintenant. Ce n'est pas
dans ce projet de loi déposé avant Noël, qui ne concernait
que la structure d'un Conseil de la famille. C'est
maintenant. Et vous le dites à raison dans votre
résumé de mémoire, à la page 2: Voici, justement,
un projet de réforme de la sécurité du revenu qui a
été discuté à plusieurs reprises au Conseil des
ministres. La façon dont les familles seront traitées sera
révélatrice des orientations du gouvernement en matière de
politique familiale. Vous justifiez, finalement, tout I'intérêt
que vous apportez à I'étude de cette politique de
sécurité du revenu. C'est un test. C'est certainement un test
important pour le gouvernement. C' est un test de
crédibilité.
II ne suffit pas de faire des discours qui peuvent mystifier. II faut,
à un moment donné, mettre de lavant des moyens pour
réaliser les politiques que l'on dit vouloir appliquer au Québec.
Dans l'échange qui vient d'avoir lieu avec le ministre, vous avez
certainement permis de mettre en lumière un aspect essentiel. C'est une
sorte de logique implacable. Dune part, il y a celle qui est
énoncée par le ministre et qui est totalement parallèle
à celle que vous énoncez. Cette logique implacable du ministre,
c'est que toutes les activités sont subordonnées à la
non-participation ou à la participation à des mesures
d'employabilité. Assumer la charge d'un enfant, même de moins de
deux ans ou de plus de deux ans, se mettre en congé parental, c'est
comme se mettre en congé de la participation aux mesures. C'est une
logique qui se tient. En fait, c'est un édifice. On peut penser qu'il
repose sur de la vase, mais il se tient en tant que tel. Comparer le
congé parental d'une convention collective avec un congé de
personnes qui n'ont aucun autre moyen de subsistance, qui sont au seuil des
minimums que l'on considère non pas comme la pauvreté, mais comme
la misère dans notre société - la pauvreté, on le
sait maintenant, c'est beaucoup plus élevé - c'est donc ne pas
reconnaître aux femmes pauvres le choix de leur mode de vie
familiale.
Le ministre nous dit: Nous sommes souvent sollicités à
reconnaître le travail ménager ou le travail parental des femmes
qui restent à la maison. Nous avons eu, aujourd'hui, un organisme
important, la CSN, qui est venu faire une proposition de crédit
d'impôt remboursable qu'obtiendrait tout adulte de 18 ans et plus sur une
base individuelle et qui permettrait, à partir de ce point de
départ, non plus de catégoriser des personnes, mais d'envisager
un début de politique de revenu garanti avec différents
programmes qui, selon les choix de société faits, viendraient se
greffer. Avez-vous eu I'occasion de discuter ou d'envisager ce que serait, pour
vous, la Confédération des organismes familiaux du Québec,
une politique de sécurité du revenu qui, selon vous, serait
adéquate pour les familles du Quebec?
M. Sylvestre: Pas en détail, non. On a regardé
certaines hypothèses qui circulent effectivement dans divers milieux. Ce
que nous voudrions surtout souligner, c'est le lien qui doit être fait
entre cette politique comme dans toutes les politiques et la politique
familiale. À ce moment-ci je le prends pour le projet du ministre,
même dans la perspective du travail, je pense qu'il est absolument
incorrect de présenter un projet orienté sur le travail sans
présenter, en même temps, des mesures qui permettraient aux
parents de concilier vie parentale et travail à l'extérieur du
foyer. C'est tout à fait absent de cela et c'est absent, à notre
connaissance, des propositions du gouvernement pour les prochains mois; ce
n'était pas dans la politique familiale non plus.
L'autre élément qui nous apparaît fort important,
c'est de faire le lien au plan préventif entre une politique de
sécurité du revenu et d'autres politiques, notamment la politique
de l'éducation. À notre avis, de la façon dont les budgets
de l'éducation sont réduits et les budgets dans certaines
écoles, principalement secondaires, pour tous les professionnels de
soutien aux étudiants, on crée la prochaine clientèle de
l'aide sociale actuellement. Avec les décrocheurs qu'on laisse aller,
avec le programme professionnel court, etc., on est en train de créer la
prochaine clientèle de l'aide sociale actuellement. Cela nous
apparaît tout à fait incohérent. II n'y a aucune
prévention qui se fait. (22 heures)
Dans ce sens, nous voudrions revenir sur la question de la contribution
alimentaire parentale, qui nous apparaît une mesure extrêmement
dangereuse parce que c'est une mesure qui va toucher des adultes. En effet,
à partir de 16 ans, on n'est déjà plus des jeunes, on est
vraiment des adultes, des jeunes adultes, si vous voulez, mais des adultes
quand même. On va forcer ces gens à vivre dans leur famille,
c'est-à-dire qu'on impose à ce moment-ci une contrainte
très nette sur la famille pour que les gens, à l'intérieur
d'une famille, soient forcés de vivre ensemble non pas par choix, non
pas parce qu'ils en ont le besoin affectif, mais simplement par contrainte
économique, ce que ce projet crée.
C'est pourquoi nous redemandons au gouvernement - et vous transmettrez,
s'il vous plaît, la question à M Dutil - Est-ce que c'est
ça la politique familiale? Si c'est cela, vous êtes en train de
créer une famille-prison ou les gens vont être forcés de
vivre ensemble. Forcés parce que les jeunes ne pourront pas aller vivre
ailleurs dans la situation de chômage qu'il y a actuellement.
Forcés parce que tout gain de travail qu'un de ces jeunes pourrait faire
va nécessairement réduire les exemptions auxquelles son
père ou sa mère peut avoir droit dans la fiscalité. II
faut faire le lien entre votre politique et les politiques fiscales. On ne peut
pas regarder la façon dont vous traitez la famille sans tenir compte du
premier budget qui a été celui du gouvernement qui supprimait les
seuils d'exonération d'impôt. On ne peut pas le faire sans tenir
compte de ce qui se passe effectivement dans les prêts et bourses ou les
jeunes qui
font des vrais travaux rémunérés, pas du travail au
noir, voient leurs prêts et bourses réduits à cause de ce
qu'ils gagnent pendant la période estivale. Non seulement cela, mais les
parents sont pénalisés en plus parce que ce que gagne ce jeune
vient réduire aussi les exemptions que les parents ont.
Des parents se retrouvent avec des jeunes aux études. Je vous le
dis parce que vous disiez I'autre jour que ce que vous faisiez pour les jeunes
était pour les pousser à aller aux études. D'accord, mais
je vous dis que cela se retourne contre les familles. II y a des parents qui se
retrouvent avec des jeunes de 20, 21 ans. Les jeunes se voient offrir un
emploi. Ils s'assoient, ils font leurs calculs et se rendent compte qu'ils
n'ont pas intérêt à prendre l'emploi parce que cela va trop
réduire leurs prêts et bourses. Le parent s'assoit à
côté et se rend compte qu'il va lui-même perdre 1000 $ ou
1200 $ si le jeune travaille. C'est un fait mathématique. Mettez-vous
dans la peau d'un parent d'un jeune de 21 ans qui est aux études et qui
travaille. C'est un fait. Le parent doit avoir assez de responsabilité,
et ce n'est pas toujours facile, pour enseigner à ce jeune qu'il doit
aller travailler même si c'est économiquement totalement
incohérent. C'est cela, la responsabilité parentale. C'est cela,
la responsabilité que les parents appliquent au Québec et ont
appliquée dans les 30 dernières années. C' est un point
extrêmement important.
Vous semblez dire dans votre document que la famille est irresponsable.
Cela nous fait peur parce qu'il y avait le même type d'analyse implicite
dans le document sur la politique familiale. C'est absolument inacceptable.
Depuis 30 ans, les familles n'ont pratiquement pas été soutenues
et ont néanmoins passé à travers une période de
bouleversements sociaux extrêmement importants. Ce n'est pas
nécessairement ta famille qui a éclaté depuis 30 ans et
les analystes le disent. La famille a, tout simplement, subi une fouie de
bouleversements sociaux qui touchaient d'autres secteurs de la
société et qui se répercutaient sur la famille.
Mme Harel: Oui Vous voulez ajouter?
M. Sylvestre: Non. C'était simplement pour le rappeler. On
n'a pas le temps d'en parler beaucoup. II faudrait qu'on revienne sur cette
question de la contribution alimentaire parentale. Nous l'avons dit: II y a
quatre ans, alors qu'on ne savait pas que votre projet s'en venait, on a fait
une étude sur la question des prêts et bourses, on a
consulté beaucoup de parents de la province. La réponse a
été très claire: quant aux prêts et bourses, nous
avons depuis une revendication qui refuse cette contribution alimentaire
parentale. Nous n'allons pas l'accepter ici, non plus, très
clairement.
Mme Harel: Vous avez dit tantôt que vous avez
préparé un avis concernant les prêts et bourses Serait-il
possible de nous le faire à la commission? Je crois que ce serait utile
pour l' ensemble des membres d en recevoir copie.
Le temps presse, mais tantôt je vous entendais dire qu'il
était utile à I'occasion, par exemple, de penser à un
service de garde non seulement exclusivement en regard du retour à
I'emploi, mais aussi en tant que tel pour soutenir la famille pour ce qu'elle
vaut d'être soutenue. Le ministre nous faisait part que la seule
participation aux mesures donnerait droit aux services de garde. Donc, les
personnes dites admissibles qui attendent les bras croisés, semble-t-il,
dans une catégorie de barèmes moindres que les mesures qui seront
totalement accessibles leur soient données, encore là, c'est une
contradiction parce que, si toutes ies mesures sont accessibles, pourquoi
attendraient-elles pour entrer dans une catégorie moindre?
M. Sylvestre: Dans cette logique en plus, les personnes qui sont
parents, c'est-à-dire employables non disponibles, n'auraient
probablement pas droit aux services de garde.
Mme Harel: Sûrement pas Notamment, comme vous le disiez
tantôt, dans le programme APPORT, d'après ce qu'on en sait, en
tout cas, pour tout de suite et on en connaît plus parfois par les fuites
que par les admissions du ministre, lorsqu'il y a deux parents, il faudrait que
les deux parents travaillent pour avoir droit aux services de garde. Mais la
logique, c'est que, s'il n'y en a qu'un seul, c'est à la personne qui
est à la maison de faire la garde. Les frais de garde dans APPORT vont
être remboursés pour tous seulement jusqu'à 50 %. Si on
revient à cette logique, finalement, la logique que vous contestez dans
votre mémoire, c'est celle qui consiste à n'aider la famille que
lorsqu'elle échoue. Par exemple, à n'aider la famille que
lorsqu'il y a un test de dénuement de la part d'un jeune qui est mis
à la porte par ses parents. À n'aider la famille que lorsque la
bénéficiaire de l'aide sociale va chercher un certificat
médical comme quoi elle n'en peut plus et que la garde d'enfants deux ou
trois jours par semaine est indispensable. Finalement, c'est une politique qui
consiste à se substituer à la famille lorsqu'elle se
désagrège ou se désintègre plutôt qu'à
penser à un ensemble de mesures qui vont venir soutenir la famille dans
le rôle qu'on voudrait lui voir pleinement jouer.
M. Sylvestre: À notre avis, le traitement de la famille
est à la fois logique et à la fois illogique dans le document. II
est logique parce que la raison pour laquelle on accorde si peu d'importance
à la famille dans ce projet de réforme, c'est parce que tout est
évalué en fonction du travail, d'une part. Sauf que, d'autre
part, on se rend compte que même cette logique de travail ne tient pas
toujours quand il est question des familles. La preuve, c'est ce qu'on
disait. Dans le programme APTE, si les deux parents deviennent
participants, il n'y a pas doublage des besoins spéciaux, de
l'allocation de disponibilité et pour les services de garde, l'on verra,
ce n'est pas encore tout à fait clair pour moi. D'accord? Ainsi de
suite. Dans APPORT, il faut absolument que les deux parents travaillent, ce qui
veut dire que, si les deux parents travaillent, cela va coûter plus cher
en prestations au gouvernement. Il y aura peut-être quelque part une
Incitation à ce que l'un des parents reste à la maison.
En d'autres termes, on leur dit: II faut que vous alliez travailler.
Mais on dit: Si vous avez des enfants, ce serait mieux qu'un de vous deux reste
à la maison, cela coûterait moins cher.
Mme Harel: N'oubliez pas que vous-même, vous utilisez une
notion de travail, mais c'est une participation à des mesures. Il ne
faut pas confondre.
M. Sylvestre: Participation à des mesures, pour cela je ne
suis pas nécessairement d'accord avec vous.
Mme Harel: Parce que ce n'est pas le travail, la participation
à des mesures.
M. Sylvestre: Ce n'est pas le travail sauf que...
Mme Harel: II ne faudrait pas glisser de chômeur à
apte au travail, et de participation à des mesures au travail.
M. Sylvestre: Oui, sauf qu'il n'est pas évident, non plus,
que beaucoup de monde va participer à des mesures d'employabilité
à ce moment-ci. Donc, l'orientation de fond, elle est vers le
marché du travail, mais sans emploi. Je suis d'accord avec vous: il n'y
a pas d'emploi disponible.
Mme Harel: Dans le programme APPORT, les revenus autres que les
revenus de travail seront pris en compte dans le calcul des prestations. Je lis
la note au bas de page du programme APPORT dans le document confidentiel qui a
été rendu public par le Front commun des assistés sociaux.
Je ne comprends pas comment il pourrait y avoir intégration de APTE et
APPORT puisque les revenus autres que les revenus de travail seraient pris en
considération dans le calcul des prestations, donc viendraient d'autant
réduire le calcul des prestations. De toute façon, on va laisser
le ministre nous faire le plus tôt possible état de ce qu'il
entend parce qu'il nous répète aujourd'hui que ce programme est
déjà appliqué depuis le 1er janvier.
M. Sylvestre: Ce rapport - je voudrais vous le rappeler, M. le
ministre - est urgent. Ce projet est annoncé depuis avril de
l'année dernière. Moi, je suis recherchiste pour une organisation
familiale. On me réclame des informations sur le rapport. Je ne cesse
d'appeler aux centres Travail-Québec. Je ne cesse d'appeler à
votre cabinet. Je ne parviens jamais à avoir des réponses claires
à mes questions. Ce n'est pas possible.
Mme Harel: La dernière chose que j'aimerais...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux
répondre?
Mme Harel: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand la politique de
sécurité du revenu a été autorisée par le
gouvernement, il fallait faire des arrimages pour l'âge, par exemple,
avec le programme APPORT dès le début. Si on avait admis une
clientèle jusqu'à 21 ans et si on avait coupé
après, cela aurait représenté des difficultés pour
ces familles. Nous avons pris le temps de faire les arrimages qui
étaient absolument essentiels, sans les faire tous parce que nous
considérons qu'ils devront tous être faits à partir du
moment où le programme APTE entrera en vigueur pour qu'il y ait vraiment
un passage entre APTE et APPORT. C'est la raison qui explique les retards.
M. Sylvestre: C'est étrange. Moi, j'ai appelé
depuis janvier au Secrétariat à la politique familiale, j'ai
téléphoné au Conseil du statut de la femme, j'ai
placé un appel à votre cabinet, à une Mme Dussault, qui ne
m'a pas rappelé et je n'arrive pas à savoir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Dussault, si vous
voulez...
M. Sylvestre: Certains me disent: Oui, les programmes APTE et
APPORT peuvent s'additionner à l'intérieur d'une même
famille et d'autres me disent non. Il faudrait qu'on le sache.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que j'ai des
renseignements de dernière main et je viens de vous les transmettre.
M. Sylvestre: D'accord.
Mme Harel: Alors, un dernier aspect qui est peu examiné et
qui est pourtant important, c'est celui des besoins spéciaux. Je ne sais
pas si vous avez pris connaissance de cette information, à savoir que
l'ensemble des ménages qui se retrouvent dans le programme APTE se
verraient totalement écartés de l'application des besoins
spéciaux pour d'autres allocations que celles de la santé. C'est
donc dire qu'au programme Soutien financier il y aurait une
admissibilité à
l'ensemble des besoins spéciaux, mais I'ensemble des
ménages - et on salt que les familles avec enfants, à 85 %, se
retrouvent dans le progrmame APTE - se verraient totalement
écartés de l'application des besoins spéciaux
administrés par l'aide sociale.
Mme Godbout-Perreautt: Ce à quoi vous faites
référence, c'est aux montants supplémentaires pour les
dépenses scolaires, les dépenses en cas de
déménagement. Est-ce à cela que vous faites
référence?
Mme Harel: Cest-à-dire l'ensemble de ce qu'on retrouve
comme besoins spéciaux qui ne sont pas liés au programme
d'assistance-maladie: le transport médical, les lunettes, les
suppléments, diabète, paraplégie, orthèses,
prothèses, en cas de sinistre, les frais funéraires, de
déménagement, les suppléments de grossesse, de lactation
maternelle, l'hémodialyse, etc. Le document d'orientation dit ceci: "Les
besoins spéciaux couverts. Les bénéficiaires du programme
APTE obtiendront gratuitement, par l'intermédiaire d'une
carte-santé, les médicaments reconnus et autres services de
santé (... ). Les autres allocations spéciales - celles que |e
viens de vous énumérer - qui favoriseraient les
bénéficiaires employables au-delà des conditions dont
jouissent habituellement les personnes à faibles revenus seront
éliminées. " C'est donc dire que les bénéficiaires
du programme APTE, donc, majoritairement les familles, ne pourraient plus
bénéficier des allocations spéciales.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce sont des personnes seules
majoritairement dans le programme APTE.
Mme Harel: Cest-à-dire que majoritairement les familles
sont dans le programme APTE.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non.
Mme Harel: Plutôt que d'être dans le Soutien
financier, 85 % des familles sont dans le programme APTE.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, oui. Comme on le disait,
vous pouvez faire dire n'importe quoi aux chiffres.
Mme Harel: Mais les chiffres sont plus têtus que
l'interprétation qu'on en fait.
Mme Godbout-Perreault: C'est cela.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas plus que vous.
Mme Harel: Nous avons devant nous la Confédération
des organismes familiaux du Québec et, quand on parle des familles, je
crois constater, comme le fait votre document, que les familles
bénéficiaires de l'aide sociale se retrouvent majoritairement
dans le programme APTE.
Le Président (M Bélanger): Votre temps est
écoulé, Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Puisque j'avais permis au ministre d'en prendre un
peu, on va peut-être demander au chargé de recherche de la COFAQ
de nous signaler si cette question des allocations spéciales a
été examinée par son organisme.
M. Sylvestre: C'est l'un des éléments qu'on n'a pas
beaucoup développés, notamment par manque de renseignements,
parce que c'est très rapidement dit dans le document d'orientation et
cela fait partie des choses qui sont à voir plus tard. On dit que cela
va venir plus tard. Ce n'est pas un élément qu'on a eu le temps
de regarder beaucoup comme plusieurs autres éléments, on est
passé à ce qui nous paraissait le plus directement essentiel,
donc, il est évident qu'il y a des éléments qu'on n'a pas
étudiés à fond. (22 h 15)
Mme Godbout-Perreault: J'aimerais ajouter que ces
montants-là seraient sûrement très importants pour les
familles si on considère qu'actuellement les besoins ne sont pas
vraiment couverts. Si on regarde aussi les chiffres qu'on utilise et qui sont
des chiffres de cinq ans passés, le coût de la vie augmente
continuellement et, à ce moment-là, ces besoins ne sont pas
disparus, les gens continuent d'avoir besoin de payer ces coûts. Alors,
ce n'est pas parce qu'on changerait de programme que les coûts
disparaîtraient pour les familles.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. II
reste trois minutes à la formation ministérielle Alors, M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai manqué mon
coup tout à l'heure, donc, je me reprends maintenant, en trois
minutes.
Cela me surprend un peu que la Confédération des
organismes familiaux du Québec - pour vous, le mot "famille" veut tout
dire - à la page 26, au chapitre de la contribution alimentaire, nous
parle d'une analyse qui a été faite en 1984-1985 et de ses
résultats. Personnellement, je crois que la situation n'est plus la
même maintenant. Je pense vraiment qu'il y a une évolution dans la
société. Ce soir, j'ai mangé avec trois ou quatre
députés et on parlait, justement, de cela. Pour nous, on trouve
bien normal que le lien parental ne se coupe pas à 18 ans,
comprenez-vous?
Vous dites: "Quand les jeunes atteignent l'âge de la
majorité légale (18 ans) la famille a déjà
largement fait sa part". Donc, chacun cherche son chemin. Pour nous, c'est tout
à fait normal. Ce matin, on a parlé d'un contremaître qui
gagne 45 000 $ par année; je trouve cela un
peu aberrant que son fils de 21 ans soit sur l'aide sociale. Je pense
que I'argent qu'on pourrait épargner avec cela on devrait le donner
à ceux qui sont vraiment dans le besoin, par le programme Soutien
financier par exemple.
Tout à l'heure, on a parlé d'un centre de jeunes encore
dans le domaine de la famille on parle des enfants de douze ou treize ans. Les
travailleurs sociaux disent, de temps en temps: Voici, si tes parents
t'écoeurent - excusez I'expression qui a été
utilisée - viens nous voir. Nous nous pensons qu'on est allé un
peu loin. On s'est éloigné un peu de certains principes de base.
Je comprends très bien que dans une famille avec de petits revenus, il
faut être très prudent avec cette contribution. Je trouve cela
totalement acceptable et je pense que cela va même fortifier le lien
familial s'il y a des obligations de part et d'autre.
Cela me surpend un peu que, dans votre document, étant un
organisme spécialisé dans les problèmes de la famille,
vous sembliez accepter un peu cette philosophie que j'appelle pessimiste de la
famille. Qu'est-ce que vous pensez de cela?
M. Sylvestre: Je pense que vous avez mal compris ce qu'on voulait
dire. Nous ne disons pas que les jeunes de 18 ans doivent quitter les parents
à 18 ans. À Radio-Canada, vendredi dernier, il y avait une ligne
ouverte ou on posait, justement, cette question: Les parents doivent-ils faire
vivre leurs jeunes qui sont des assistés sociaux? À une question
comme celle-là la première chose que je répondrais c'est
qu'il ne faut surtout pas oublier que, de toute façon, effectivement,
les parents les ont fait vivre pendant 18 ans. Là, on pose la question
comme si les parents les laissent tomber au bout de 18 ans, mais n'oublions
pas, d'abord, en préalable, qu'ils les ont au moins fait vivre pendant
18 ans. D'accord.
Quand ils atteignent 18 ans, qui est un chiffre un peu arbitraire et
cela varie selon les individus, il y a quand même un besoin d'autonomie
qui est réel chez les jeunes adultes. Ils ont besoin de s'affirmer et
d'être à l'extérieur de la famille. Ce
phénomène-là, il faut absolument le permettre parce que
vous n'aurez pas des adultes autonomes si vous ne leur permettez pas de le
devenir et de vivre selon leur pleine dignité quand ils sentent le
besoin de le faire. C'est de ce point de vue que c'est très important de
leur permettre de quitter la famille de façon correcte
Ce n'est pas exact, à notre avis, de dire qu'il y a beaucoup de
familles qui ne se préoccupent pas de leurs jeunes de 18 ans ou qui ne
les soutiennent plus Pardon? Y a-t-il...
M. Polak: Le ministre me dit qu'il a un point d'interrogation:
quitter par le biais de l'aide sociale.
M. Sylvestre: Je m'excuse.
M. Polak: Parce que quitter la famille à 18 ans... D'abord
on quitte la famille, mais, pour moi, I'obligation continue. Si mon enfant de
18, 19, 20 ou 21 ans réside en dehors de ma résidence, cela ne
veut pas dire que le lien est coupé, que je lui retire tout mon appui.
Pour moi, l'obligation continue. D'ailleurs, le Code civil en parle. Mme la
députée de Maisonneuve connaît bien le Code civil, on a
travaillé ensemble là-dessus. Elle était au gouvernement
et moi dans l'Opposition quand on a révisé cela. On a justement
parlé de cette section. Cette obligation, ce n'est pas une chose que M.
Paradis a conçue. Cela existe depuis longtemps. II est à peu
près temps quon réinvoque ces principes qui sont bien
naturels.
M. Sylvestre: Cela existe depuis longtemps dans le Code civil. Ce
n'est pas appliqué dans nos politiques sociales, sauf pour les
prêts et bourses. Nous disons que les parents que nous avons
consultés l'ont refusé pour les prêts et bourses. Si le
jeune se retrouve à l'aide sociale un bout de temps après avoir
quitté sa famille, si c'est le choix qu'il a fait, ce n'est pas à
cause de sa famille. C'est parce qu'il n'a pas d'emploi, c'est parce qu'il ne
réussit pas à en trouver, c'est pour des raisons comme
celle-là. II a le droit de vivre sa propre vie. On ne doit pas exiger de
lui qu'il dépende continuellement de sa famille.
M. Polak: S'il est à l'aide sociale, n'est-ce pas,
à ce moment-là, I'obligation du père, contremaître,
à 45 000 $ par année, de dire: Aie, mon petit gars, qu'est-ce qui
se passe? Je vais aller chez toi, je peux t'aider, j'ai une obligation
vis-à-vis de toi avant que tu ailles voir à l'aide sociale. C'est
cela que je veux dire par le lien qui se continue.
M. Sylvestre: Oui. II s'entendront entre eux.
C'est un choix qu'ils feront. S'ils ont des relations qui leur
permettent cela, ils feront le choix.
M. Polak: Malheureusement, mon temps est expiré. Je peux
continuer dans le corridor, comme tout à l'heure, mais...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de
Sainte-Anne fait du bureau à côté, j'en ai
l'impression. La commission des affaires sociales vous remercie.
Mme Harel: Est-ce quon peut les remercier? Bien oui! Je voudrais
profiter de I'occasion, M. le Président, pour remercier les
représentants de la COFAQ et pour leur dire qu'ils ont sans doute pu
constater que, lorsqu'on brandit l'obligation alimentaire du Code
Napoléon pour tenir lieu des relations familiales, il y a beaucoup
à faire pour défendre les acquis sociaux au Québec. Je
pense que vous avez réussi à faire la promo-
tion des familles au Québec, mais il va falloir que vous veniez
faire ce travail à I'Assemblée nationale. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la
Confédération des organismes familiaux du Québec, à
Mme Godbout-Perreault et à M. Sylvestre pour la qualité de la
discussion, merci.
Le Président (M Bélanger): La commission des
affaires sociales vous remercie et, compte tenu de l'heure, ajourne ses travaux
à demain, 10 heures
(Fin de la séance à 22 h 23}