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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 23 février 1988 - Vol. 29 N° 64

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé 'Pour une politique de sécurité du revenu'


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place afin que nous puissions commencer les travaux. Il est 10 h 8 et on devait commencer à dix heures.

Alors la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé. Pour une politique de sécurité du revenu.

Ce matin nous recevons le Conseil du patronat qui est représenté par MM Ghislain Dufour, Michel Magnant et Jean Roberge. Je prierais.

Auparavant, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. le Président M. Chevrette (Jotiette) sera remplacé par M. Desbiens (Dubuc), M. Gervais (L'Assomption) le sera par M. Doyon (Louis-Hébert).

Auditions

Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie

Alors, ce sont les mêmes règles de procédure qu'hier et pour le bénéfice des gens du Conseil du patronat, vous avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire ou le résumé de votre mémoire et il y a 40 minutes d'échanges avec les parlementaires.

Je vous prierais aussi, chaque fois que vous faites une intervention, pour les fins de la transcription du Journal des débats, de bien vouloir mentionner votre nom si quelqu'un d'autre que le porte-parole intervient, sans cela, nos transcriptices, qui ne sont pas familières avec vos voix, ne pourront pas vous reconnaître.

Sans plus tarder, je demanderais donc au porte-parole de s'identifier, de présenter son équipe et de procéder à la présentation du mémoire.

Conseil du patronat

M. Dufour (Ghislain): Merci, M le Président. Mon nom est Ghislain Dufour, je suis président du Conseil du patronat. Mes collègues, ce matin, sont, à mon extrême gauche, M. Alexandre Beaulieu qui est président d'Alexandre Beaulieu inc et membre du conseil d'administration et du comité exécutif du Conseil du patronat, M. Michel Magnant qui est rédacteur analyste au Conseil du patronat, et à ma droite, Me Jean Roberge qui est conseiller juridique et directeur général adjoint à l'Association des mines de métaux.

M. le Président mesdames et messieurs le document rendu public par le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu M, Pierre Paradis à la mi-décembre 1987 et intitulé. Pour une politique de sécurité du revenu, est reçu très positivement par le Conseil du patronat. Et je parle bien ici du document sur lequel porte la consultation et non pas sur des documents qui ont circulé au cours des derniers jours et qu'en tout cas nous n'avions pas lorsqu'on a rédigé le mémoire que vous avez ce matin.

C'est un document qui a le double mérite de faire d'une part le point sur les objectifs d une politique d'aide sociale au Québec et de proposer, d'autre part, des moyens nouveaux pour rendre l'aide sociale plus équitable et mieux adaptée au nouveau contexte de relance économique que connaît le Québec depuis 1982.

Le Conseil du patronat se dit immédiatement généralement d'accord avec I'analyse que propose le document des insuffisances du système actuel, tout comme avec les nouveaux objectifs et les moyens envisagés pour remédier à ces insuffisances. Le CPQ croit, en effet, que ce projet de réforme correspond assez bien à des principes à la fois compatibles avec la justice sociale et, d'autre part, l'efficacité économique.

Le CPQ croit, de plus que la réforme proposée s'impose notamment à cause du changement de contexte socio-économique qui, en quinze ans a fait passer l'aide sociale de programme de dernier recours pour inemployables et handicapés à un prolongement de l'assurance-chômage pour un nombre croissant de jeunes et de travailleurs.

Cette transformation de la clientèle de I'aide sociale s'est accompagnée en parallèle d'un resserrement des budgets de l'État qui le rend de moins en moins capable d'assumer le rôle d'État providence qu'on a voulu lui faire jouer. Elle s'est accompagnée également, au Québec, d'une certaine reprise caractérisée, entre autres, par une forte création d'emplois - de 60 000 à 100 000 par année depuis 1983. II n'était donc que logique que l'on veuille revoir la mission propre de l'aide sociale dans le contexte social et économique de 1988. Et le gouvernement mérite nos félicitations pour s'attaquer résolument à ce dossier, même s'il ne s'agit pas d'un dossier facile, les membres de l'ancien gouvernement se le rappelleront, et que son action lui vaudra certes de nombreuses contestations et réprimandes.

Notre brève analyse du document se divise en trois parties. Premièrement, nous commenterons les nouveaux objectifs de l'aide sociale, tels que proposés. Dans un second temps nous analyserons quelques-unes des mesures mises de l'avant pour atteindre ces nouveaux objectifs. Et,

dans un troisième et dernier temps, nous insisterons sur la nécessité de créer des emplois en tant que volet essentiel d'une politique de retour au travail des assistés sociaux employables.

M. le Président, parlons, d'abord, des nouveaux objectifs. Le document nous propose une lecture du nouvel environnement socio-économique de l'aide sociale, accompagnée d'énoncés de principes et de mesures tels les critères d'admissibilité, la variation des barèmes, la restructuration des programmes, etc., qui visent quelques objectifs majeurs. Pour nous, il y en a quatre qui ressortent davantage. II s'agit, premièrement, de la garantie que l'État assurera un soutien financier minimum à tout citoyen dans le besoin; deuxièmement, d'un objectif d'équité; troisièmement, de l'objectif d'inciter les gens à revenir au travail lorsqu'ils en sont capables; quatrièmement, de l'objectif de mettre en oeuvre des programmes de retour au travail. Quatre objectifs avec lesquels nous exprimons immédiatement notre accord.

Le premier objectif: un soutien financier minimum. Tout comme le document, nous reconnaissons que tout citoyen a le droit inaliénable d'obtenir un revenu minimum lui permettant de subvenir à ses besoins de base, quelle que soit la forme que puisse prendre ce revenu. Le CPQ reconnaît, de plus, qu'une attention spéciale doit être accordée aux personnes inemployables et qui dépendent exclusivement de l'assistance de l'État.

En ce sens, les diverses mesures proposées, qu'il s'agisse de la modification des barèmes, de l'harmonisation des programmes, des mesures fiscales, des avantages consentis en particulier aux personnes handicapées, sont autant de mesures visant à garantir et à faciliter l'accès à un revenu minimum sans que celui-ci ne se substitue à la capacité de travailler ni ne décourage de s'intégrer au marché du travail.

Le deuxième objectif: l'équité. Il nous apparaît qu'un régime d'aide sociale équitable ne saurait imposer un traitement différent aux bénéficiaires en fonction de critères autres que les besoins des individus. En ce sens, le principe de la parité ne saurait souffrir d'exceptions et c'est avec plaisir, M. le Président, que nous soulignons l'abolition proposée dans le document de la distinction entre les bénéficiaires de moins de 30 ans et les autres.

Bien sûr, plusieurs souhaiteraient que cette distinction soit abolie immédiatement, alors que le gouvernement suggère son abolition d'ici à deux ans. Pour nous, il s'agit là d'une question budgétaire une fois le principe de la parité acquis. Mais c'est le principe qui nous importe davantage. Nous suggérons, toutefois, au gouvernement de revoir ses possibilités financières afin d'accélérer le processus visant à mettre un terme à la discrimination actuelle.

Le troisième objectif: l'incitation monétaire au travail. Nous sommes tout à fait d'accord avec la variation des barèmes proposée dans le programme APTE, en fonction de la volonté des personnes considérées comme employables de s'intégrer au marché du travail.

D'une part, le barème moins généreux proposé pour ceux qui refuseront de participer au programme de retour au travail nous apparaît comme une mesure de découragement souhaitable. En effet, la société a-t-elle à récompenser ceux qui refusent d'envisager un retour au travail lorsqu'ils peuvent le faire? Inversement, la hausse des barèmes en fonction de l'effort fourni pour se recycler et s'intégrer au marché du travail nous semble à la fois une mesure juste et efficace. (10 h 15)

Je voudrais dire ici, M. le Président, en dehors du texte, que, bien sûr, on parle du principe, ce qui ne sous entend pas qu'il n'y aura pas et qu'il n'y a pas lieu de faire des exceptions. Je pense ici, par exemple, aux familles monoparentales. Mais nous voulons nous en tenir dans notre exposé aux principes et non aux exemptions possibles, convaincus que, s'il y a une commission parlementaire où vous entendrez 121 groupes, c'est, justement pour tenir compte des différentes représentations qui pourraient être faites autour de cette table.

Le quatrième principe: la mise en oeuvre d'un programme d'intégration au marché du travail. Nous croyons également que l'accent que met le document ministériel sur le retour au travail est tout à fait justifié et que cette orientation répond même aux désirs d'une grande partie de la clientèle actuelle de l'aide sociale, je vais y revenir un peu plus loin. Nous considérons, en effet, que les quelque 65 %, selon qu'on parle des ménages, ou 75 %, si on les regarde dans leur totalité des assistés sociaux aptes au travail sont en bonne partie le résultat de la mauvaise conjoncture économique passée et qu'il est nécessaire de tout mettre en oeuvre pour leur faciliter l'intégration au marché du travail.

Bien sûr, il faut être réaliste et accepter que ce processus d'intégration au marché du travail ne produise de véritables résultats qu'à moyen et à long terme. En effet, même si les emplois se créent au Québec à un rythme de 60 000 à 100 000 par année depuis 1983, il n'y a toujours pas d'emplois pour tous ceux qui en veulent. Mais ce qui est important, c'est le principe qui est mis de l'avant dans le document ministériel et qui, quant à nous, doit recevoir l'appui de la population il faut tout faire pour intégrer au marché du travail ceux qui sont vraiment en mesure de le faire.

C'étaient les objectifs. Maintenant, regardons les mesures proposées. Donc, pour atteindre les quatre objectifs auxquels nous avons déjà dit souscrire, le document ministériel propose toute une séne de mesures que nous commenterons dans les lignes qui suivent. II s'agit, d'une part, de mesures qui visent le soutien financier et,

d'autre part, de mesures qui visent l'intégration au marché du travail.

D'abord, les mesures de soutien financier. Désormais, l'aide aux assistés sociaux variera en fonction de l'intérêt manifesté à l'égard de l'intégration au marché du travail. II y aura croissance des. revenus allant d'un minimum (pour refus de participer) à un maximum incorporant le supplément au revenu de travail en vue d'encourager l'intégration au marché du travail. Et les inemployables verront leurs prestations augmentées automatiquement grâce au programme spécial de soutien financier.

Nous sommes d'accord, M. le Président, dans l'ensemble, avec cette proposition et ce, essentiellement, pour deux choses. Premièrement, elle vise à décourager ceux qui peuvent travailler et pourraient trouver du travail à demeurer bénéficiaires de l'aide sociale et, deuxième volet, elle vise à récompenser l'intégration au marché du travail, tout en assurant un revenu minimum, je le répète, convenable aux personnes inemployables.

Ces mesures-là appellent chez nous, quand même, un certain nombre de commentaires, six, et je les prends dans l'ordre. Premièrement, nous sommes d'accord avec l'ensemble des mesures prises pour répondre aux besoins spéciaux des inemployables et avec le projet de réévaluation des allocations spéciales auxquelles les ménages à faible revenu ne sont souvent pas admissibles.

Deuxièmement, nous sommes d'accord avec la hausse du plafond des gains mensuels non déductibles que peuvent réaliser les assistés sociaux grâce à de menus emplois. Cette source de revenus, actuellement très utilisées, tout le monde le sait parce qu'on voit un peu comment cela se passe dans le système, a tout intérêt à être reconnue par le gouvernement comme étant légitime. Sinon, on décourage, à toutes fins utiles, toute initiative personnelle positive. Ce paramètre du programme, on le reçoit de façon très positive.

Troisièmement, le maintien des exemptions pour certaines possessions mobilières et immobilières nous apparaît être une décision juste, n'obligeant plus les gens à s'appauvrir, d'une part, ni n'encourageant les gens riches, d'autre part.

Quatrièmement, plusieurs sources de revenus additionnelles peuvent s'ajouter à l'aide sociale de base, comme on le voit dans notre tableau. Le projet ministériel d'exempter les allocations familiales, tant provinciales que fédérales, les allocations de disponibilité, les crédits d'impôt foncier et les crédits de taxes de vente, quant à nous, est tout à fait équitable dans ta mesure où la plupart de ces programmes s'adressent à l'ensemble de la population. Comme l'indiquent certaines statistiques, les revenus non comptabilisés à l'aide sociale peuvent atteindre 14, 5 % du revenu total d'une personne seule, 18, 3 % du revenu total d'un parent seul avec un enfant et 21, 3 % du revenu total d'un couple avec deux enfants. Il s'agit, donc, de mesures qui aideront des familles et qui ne sont pas un facteur d'enrichissement lorsqu'on compare le revenu annuel total au seuil estimé de la pauvreté. Il nous semble, donc, tout à fait raisonnable de ne pas les comptabiliser à l'aide sociale et c'est ce que propose le document.

Cinquièmement, une autre mesure qui favorise à la fois l'efficacité économique et l'équité a été prise par le gouvernement du Québec dans son budget 1987-1988. Il s'agit de l'élimination complète de l'impôt à payer pour les familles à faible revenu. Il s'agit d'une mesure importante d'harmonisation des programmes de transferts. En effet, il est inutile d'accorder de l'aide sociale d'un côté si c'est pour la reprendre de l'autre par le biais de la fiscalité. Sur ce plan, la fiscalité peut, d'ailleurs, avoir un impact négatif sur la décision de retourner sur le marché du travail, comme on l'a vu dans le Livre blanc sur la fiscalité des particuliers, qu'on a appelé Parizeau-Duhaime.

L'élimination de l'impôt pour les bénéficiaires de l'aide sociale, M. le Président, ne peut donc que constituer une mesure positive supplémentaire en vue d'inciter les assistés sociaux à retourner sur le marché du travail.

Le sixième commentaire concerne le volet soutien financier. Le document ministériel prévoit la possibilité pour la catégorie des 50-65 ans de se définir comme non disponibles. Or, il pourrait se produire que les bénéficiaires de cette catégorie se prévalent massivement de cette option. Si tel était le cas, des personnes qui, dans le contexte actuel, sont fort peu employables, seraient pénalisées puisque le nouveau régime serait moins généreux à leur égard. Pourquoi ne pas maintenir simplement les modalités actuelles?

Parlons maintenant des mesures favorisant le retour sur le marché du travail. La réorientation la plus marquante du projet - et c'est ce qui nous fait y donner notre appui pour l'essentiel - c'est que le projet de réforme consiste à transformer un certain nombre de programmes et de services gouvernementaux actuels en instruments permanents de réintégration au marché du travail.

Cette nouvelle approche, d'inspiration néo-libérale, n'est pas unique au Québec, loin de là. Aux États-Unis comme dans les autres provinces canadiennes, on envisage de plus en plus de remplacer le "welfare" par le "workfare" depuis déjà plusieurs années.

D'aucuns dénoncent cette nouvelle approche comme étant irréaliste puisqu'il n'y aurait tout simplement pas d'emplois pour tous les assistés sociaux aptes au travail. Cette affirmation, on le reconnaît facilement, comporte une certaine part de vérité, mais nous n'avons aucun intérêt, non plus, à favoriser le statu quo. Alors que le Québec crée depuis 1983 un bien plus grand nombre d'emplois qu'il n'en avait perdu en 1982, il serait ridicule de vouloir cantonner les assistés sociaux dans un style de vie qui ne les intéresse

pas nécessairement.

Bien sûr, les nouveaux programmes visant à accroître et à encourager I'employabilité des bénéficiaires donneront surtout des résultats à long terme puisqu'il ne saurait être question de mettre tout le monde demain "au pic et à la pelle" comme certains nous I'ont suggéré. Mais il est essentiel de privilégier l'option intégration au travail des assistés sociaux, ce avec quoi le CPQ se dit pleinement d'accord d'autant plus qu'il s'agit la d'un désir exprimé par les assistés sociaux eux-mêmes.

Au Québec, en effet, quelques recherches ont été faites sur le désir de travailler des assistés sociaux. En 1984, dans une étude intitulée La situation des jeunes à l'aide sociale - c'était une recherche gouvernementale - on disait à peu près ceci: 25 % des jeunes cherchaient de l'emploi de façon systématique, 50 % en cherchaient de façon décroissante dans le temps et 25 % n'en cherchaient plus, non pas parce qu'ils ne voulaient pas travailler, mais parce qu'à un certain moment ils s'étaient découragés. Selon cette étude, les jeunes trouvaient en général l'expérience de recherche d'emploi très difficile. Ils blâmaient le peu de réceptivité des employeurs potentiels et la totale inefficacité des centres de main-d'oeuvre pour tout emploi autre que temporaire. Je ne sais pas s'ils parlaient des centres de main-d'oeuvre provinciaux ou fédéraux. Ils se plaignaient également du manque d'information sur les possibilités d'emploi et exprimaient leur scepticisme face aux bons d'emploi qui en faisaient une main-d'œuvre de seconde zone.

Par ailleurs, ils étaient majoritairement d'accord avec l'idée qu'on les oblige à travailler un certain nombre de jours par mois afin d'augmenter leur niveau de soutien financier. En ce sens, ils se disaient prêts à participer à des projets communautaires. Certains voulaient même qu'on les oblige à étudier. Voilà, c'est une recherche qui se différencie un peu du discours qu'on peut entendre sur la place publique à certains moments. L'attitude des jeunes était nettement favorable au travail. Ce qui leur manquait, c'était de véritables programmes d'intégration au marché du travail.

Pour les travailleurs plus âgés, l'étude des professeurs Bertrand Belzile et Viateur Larouche professeurs de l'Université Laval - intitulée "Les Québécois à faible revenu face au travail et à l'aide sociale: leur offre de travail et leur motivation à travailler", concluait: "II apparaît évident que les parents de familles à faible revenu sont encore incités à s'intégrer au marché du travail, bien que cette incitation soit faible". Selon ces auteurs, le rôle du travail chez les gens à faible revenu n'est pas d'assurer une carrière - je pense que tout le monde le savait - mais essentiellement de subvenir aux besoins essentiels par un revenu suffisant et régulier. La conception du travail chez les gens à faible revenu serait strictement pragmatique et fonction du revenu généré.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. Dufour, le temps est presque écoulé.

M. Dufour (Ghislain): Peut-être que le ministre va me donner cinq de ses minutes?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! M Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux et demie de Mme Harel, deux et demie du ministre.

M. Dufour (Ghislain): Merci, Mme Harel.

Mme Harel: Bon. C'est le temps d'une question.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, s'il vous plaît, si on pouvait procéder.

M. Dufour (Ghislain): Nous arrivons au troisième volet qui est la nécessaire création des emplois. Ainsi que nous l'avons déjà rapidement souligné, le principal reproche fait par d'aucuns est qu'il serait peu utile de mobiliser les assistés sociaux dans une campagne de recherche d'emplois, alors qu'il existerait peu d'emplois disponibles et qu'une armée de chômeurs réguliers serait prête à les combler de toute façon. On l'a déjà dit, cela comporte une certaine part de vérité, mais, quant à nous, c'est excessif. Mais on dit aussi qu'on ne rejette d'aucune façon la position des assistés sociaux, à savoir qu'il y a un problème de recherche d'emplois, de se trouver vraiment des emplois.

Nous en profitons pour dire qu'il faudrait se donner une politique de création d'emplois au Québec. Nous vous rappelons les principaux éléments dune telle politique. Je me permets, au moins, de citer le premier paramètre les emplois créés doivent être des emplois réels, des emplois productifs, des emplois permanents, des emplois rémunérateurs et non pas, tout simplement, des emplois que l'on crée parce qu'il faut mettre sur pied des programmes, comme on l'a vu trop souvent avec, par exemple, l'assurance-chômage et ses différents volets de formation professionnelle.

M. le Président, je conclus. Le projet de réforme, tel que proposé dans le document, quant à nous, remplit bien sa double mission qu'on a bien identifiée au début. Les différentes mesures proposées pour soutenir le revenu des assistés sociaux nous semblent traduire un sain équilibre entre la prise en charge par l'État des besoins de base et la promotion de l'intégration au marché du travail.

Donc, sous réserve de revoir le moment où serait atteinte la parité pour les moins de 30 ans, de revoir la possibilité automatique pour la catégorie des 55-65 ans de se définir comme non

disponibles, de possiblement - et je l'ajoute ce n'est pas dans le mémoire - revoir également, à la lumière des représentations qui seront faites devant cette commission parlementaire, certains volets précis de la proposition gouvernementale - on pense plus particulièrement aux familles monoparentales - sous réserve aussi de voir si les délais de mise en application qui nous sont proposés sont réalistes - il y aurait peut-être possibilité de l'étaler plus dans le temps et on pense qu'on devrait l'étaler plus dans le temps - nous donnons notre plein appui à ce document ministériel.

II nous semble qu'il faut être réaliste. On ne peut pas cantonner les assistés sociaux employables dans le statut qu'ils ont actuellement au Québec. Je vous remercie, M. le Président. (10 h 30)

Le Président (M. Bélanger): Merci, M. Dufour M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le Conseil du patronat et de son mémoire et de sa présentation, lui indiquant que l'ensemble des partenaires socio-économiques se présenteront devant cette commission dans le cadre des discussions engagées sur la politique de sécurité du revenu et qu'à ce titre le Conseil du patronat constitue un partenaire majeur et essentiel au succès de toute politique de sécurité du revenu.

Plutôt que de reprendre les points - ce serait peut-être trop facile de le faire - où vous semblez être d'accord avec la proposition gouvernementale, j'aimerais soulever quelques questions sur les quelques réserves que vous exprimez et engager la discussion sur certains de ces points.

Vous me permettrez, premièrement, d'être un peu surpris de l'endossement quasi total que vous accordez à la politique, compte tenu des coûts de ladite politique. Je tiens à souligner que les personnes qui sont considérées comme inaptes au travail, c'est un coût additionnel pour la société québécoise de 100 000 000 $ par année indexés. Pour la mise en place du programme APPORT. Aide aux parents pour leurs revenus de travail, qui remplace le programme SUPRET, c'est un coût additionnel de 40 000 000 $ par année. Quant au programme APTE, le gouvernement met sur la table, à la disposition des assistés sociaux aptes au travail, quelque 445 000 000 $ additionnels par année. Compte tenu des échanges que j'ai eus concernant les comités ministériels à vocation plus économique, pour mentionner le Conseil du trésor ou le ministère des Finances, je suis un peu étonné que le Conseil du patronat accepte que cet argent soit mis sur la table tout d'un coup et je vous inviterai à répliquer tantôt à cette affirmation.

Vous parlez de parité pour les jeunes de moins de 30 ans et vous dites: Cela devrait être accéléré comme application. Je pense que, lorsqu'on s'y est engagé lors de la dernière campagne électorale, nous avions l'intention de le faire dans les meilleurs délais Vous dites qu'il s'agit d'une question budgétaire et que peut-être le gouvernement devrait mettre la priorité sur le plan budgétaire Je vous dis, bien respectueusement - vous pourrez répliquer également - qu'il y a plus qu'une question strictement budgétaire dans cette parité. Au moment où nous nous parlons, les programmes et les montants d'argent sont disponibles pour tout jeune apte au travail qui se présente dans un centre Travail-Québec pour participer à une mesure d'employabilité, qu'il s'agisse de stage en entreprise, de rattrapage scolaire ou de travaux communautaires. Le jeune peut obtenir cette parité en se présentant et ce, immédiatement.

Maintenant, si vous accordez la parité pure et simple demain matin en injectant de l'argent sans appliquer le reste de la réforme, nous vous disons respectueusement que l'incitation pour les jeunes à quitter les études et à devenir des prestataires de l'aide sociale va être très forte. De ce côté-là, nous ne croyons pas que le risque vaut la peine d'être couru par la société québécoise. Nous aimerions vous entendre, vu que vous avez exprimé une réserve sur ce point.

Le troisième point sur lequel j'aimerais que vous précisiez vos interventions touche les travailleurs de 55 à 65 ans. Est-ce que l'analyse du document que vous avez faite - elle n'avait pas à le faire, je ne vous en tiendrai pas rigueur - tient compte de l'existence, jusqu'au mois d'août passé, d'un programme fédéral qui s'appelait PAT et des négociations fédérales-provinciales qui, entre autres, dans le cadre du libre-échange, tiennent à universaliser, pour les travailleurs un peu plus âgés licenciés collectivement, cette proposition? J'aimerais vous entendre davantage sur cette catégorie de travailleurs.

Quant aux autres volets plus précis, famille monoparentale, période d'application, etc, je pense que vous avez là des points qui vont être discutés peut-être davantage faute de temps, avec d'autres groupes qui viendront et qui représentent spécifiquement ces clientèles précises. Si vous souhaitez des réponses, nous sommes également là pour vous les apporter.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, votre premier volet, c'est la question des coûts. Je pense qu'on peut maintenant difficilement parler du programme APPORT, M. Levesque l'avait annoncé dans le dernier budget. II est en marche depuis le 1er janvier, alors je pense qu'on ne s'arrêtera pas à celui-là. C'est déjà dans la machine, et quand on avait réagi au budget de M. Gérard D Levesque, on avait reçu cela de façon positive.

Les mesures de soutien financier, cela représente 100 000 000 $. On a toujours pris une position que vous connaissez bien sur la question des assistés sociaux qui ont besoin d'aide, l'État doit leur donner ce dont ils ont besoin. Toute

comparaison gardée avec les nouveaux barèmes de besoins que vous établissez dans votre propre document - on a un peu laissé de côté les anciennes références qu'on avait dans le passé et qui étaient devenues trop basses - cela nous apparaît une concordance juste entre les besoins et ce que vous proposez comme formule de soutien. Cela peut paraître étrange du côté patronal mais le patronat aussi a une mission sociale et je pense que ces chiffres, on est d'accord pour les endosser. Peut-être que vous pourrez rattraper vos 100 000 000 $ dans d'autres dépenses Inutiles ailleurs ça ce sont vos arbitrages gouvernementaux. Mais, en ce qui nous concerne on est d'accord.

L'argent n'est pas là, il est dans le programme APTE. Vous-mêmes vous faites des échelles allant de je ne sais pas combien de millions de dollars à 500 000 000 $, selon que tout le monde va profiter ou non de 'ensemble du programme. Nous ne sommes pas de ceux qui voudraient que cela ne vous coûte rien. Nous voulons que le programme APTE fonctionne II faut regarder cela dans un ensemble. L'objectif global que nous avons - j'espère que c'est aussi celui du gouvernement - c'est de baisser éventuellement les 2 200 000 000 $ payés en aide sociale. Si on retourne un certain nombre de personnes sur le marché du travail, éventuellement, ce seront des gens de moins pour laide sociale. Ce seront des gens qui travailleront et qui auront des entrées d'impôt. II ne faut pas regarder seulement la page ou vous énoncez que cela peut coûter jusqu'à 500 000 000 $, il faut regarder cela dans une vue d'ensemble. Je sais qu'il y aura des groupes patronaux qui viendront vous dire que cela coûte trop cher. Ce n'est pas notre position parce qu'on est prêts à investir dans ce domaine pour donner de la formation professionnelle à nos assistés sociaux, pour les intégrer au marché du travail, de façon qu'éventuellement, en fin de compte, on réduise I'enveloppe globale de l'aide sociale. Je pense que c'est votre objectif, en tout cas, c'est le nôtre.

Quant à la parité pour les moins de 30 ans, notre position n'a pas changé là-dessus. Quand le débat se faisait avec l'ancien gouvernement, nous avons toujours maintenu la position qu'un jeune de 28 ans a les mêmes besoins qu'un jeune de 32 ans. On a toujours maintenu ce principe. On l'a appuyé quand on l'a retrouvé dans le programme du parti. Là, vous le faites mais sur une période de deux ans. C'est sûr que le genre de situation que vous décrivez peut se présenter. On reconnaît aussi que des jeunes peuvent avoir le plein montant s'ils s'inscrivent à certains programmes. Mais il reste que, sur le plan du principe, comme vous l'acceptez pour le faire d'ici à deux ans - pourquoi dans deux ans? jusqu'à un certain point, on partage la thèse des jeunes assistés sociaux là-dessus si vous avez les finances pour le faire, vous devriez probablement accélérer votre processus. Mais nous nous trouvons satisfaits que vous acceptiez le principe. C'est une question d'arbitrage interne des dépenses gouvernementales de savoir quand vous pouvez l'intégrer dans le système.

Pour ce qui est des 55-65 ans, vous leur donnez de façon automatique la possibilité de devenir non disponibles. Comme hypothèse, s'ils acceptaient, en mars, de devenir non disponibles cela leur donnerait moins que ce qu'ils ont comme possibilités aujourd'hui. Est-ce que c'est ce que vous voulez vraiment? Nous pensons qu'on devrait rester à peu près au statu quo et les considérer comme I'ensemble des autres assistés sociaux. On part d'un principe. Et ce même principe, on vous l'avait exprimé, M. Paradis, au moment des discussions autour de la loi 42. Actuellement il y a une disposition dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail qui fait que, si un accidenté a 55 ans, il peut se considérer comme inapte au travail pour le reste de ses jours et, si cest une maladie professionnelle, c'est pour 60 ans. Nous disons qu'à 55 ans il y a des gens qui sont en pleine forme et qui peuvent travailler. Pourquoi sortir ces gens du régime?Pourquoi leur donner un statut spécial? En tout cas, c'est ce que nous voulons soulever. Mais là, Vous les rendez non disponibles et, quand vous regardez votre échelle, ils baissent par rapport à aujourd'hui. En tout cas, nous maintenons que quelqu'un qui a 56 ans est souvent bien plus en forme qu'un gars de 40 ans et qu'il ne faut pas exclure ces gens du bassin de main-d'oeuvre de façon presque automatique il ne s'agit pas de tous, mais de certains.

Finalement, votre dernier point concernait les familles monoparentales et les délais. Je l'ai indiqué au tout début nous avons fait notre mémoire en partant du document. Or, depuis le document, on a eu un peu d'information à droite et à gauche. Ces données sont-elles exactes ou non? Ce serait à vous de le confirmer, M. le ministre. Sauf que je prends simplement un exemple si l'hypothèse de travail qui a été mentionnée sur la place publique, la semaine dernière, était vraie - et je suis très prudent avec mon "si" - que vous ne pouvez trouver des emplois qu'à 30 % des assistés sociaux et qu'il n'y en a pas plus que 22, 5 % qui peuvent retourner à l'école, il est évident que, là, on est pris avec les autres à qui on donne de faux espoirs. À ce moment-là, on serait mieux de faire une réforme par étapes et de dire: II y a un bassin de tant et, pour régler vraiment leur problème, il faudrait trois ou quatre ans. On frustrerait probablement moins de gens à la fin. C'est la question des délais.

Sur la question des personnes en situation monoparentale, j'ai vu un certain débat dans les médias par personnes interposées entre le ministre et les groupes, ou on vous pose la question suivante. Est-ce que vous voulez absolument m'envoyer travailler lorsque j'ai trois enfants dont je dois m occuper? Là, on lui dirait: Va-t'en conduire les enfants à la garderie. Mais

encore faut-il que la garderie existe. On sait bien qu'au Québec on a un problème de garderies. Alors, c'est le genre de dossier qui nous fait dire qu'il faut que cène réforme soit acceptée de la façon la plus globale possible et que les gens embarquent, qu'on ne les critique pas à tout jamais. On demande une ouverture pour au moins débattre ces dossiers.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Brièvement, j'aimerais revenir sur les points qui font l'objet de notre discussion. En ce qui concerne la parité, je souhaite que le Conseil du patronat du Québec ait compris que ce n'est pas la parité dans l'abstraction. Cela fait partie de l'ensemble d'une politique de sécurité du revenu. Là, nous avons le dilemme suivant: d'un côté, nous subissons des pressions pour la donner le plus rapidement possible et, de l'autre côté, nous subissons des pressions pour que la réforme de la sécurité du revenu s'applique le plus progressivement possible. Et là, il faut trouver le point d'arrimage, ce qui nous fait dire que, demain matin, on ne peut pas la donner sans des effets de distorsion négatifs envers la jeunesse québécoise, mais que la date que nous avons avancée nous semble, pour le moment, une date réaliste où il y aura suffisamment de pièces du casse-tête mises en place pour que les effets négatifs n'apparaissent pas chez la jeunesse québécoise.

En ce qui concerne les 55 ans et plus, j'ai cru percevoir de vos observations que vous teniez pour acquis que les gens étaient obligés d'être considérés comme des personnes non disponibles. Ce n'est pas une obligation.

M. Dufour (Ghislain): Ils ont un choix.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est une possibilité qui est offerte. Quant au niveau des barèmes, vous avez raison de mentionner qu'ils sont légèrement inférieurs aux barèmes de cette année indexés et reconduits en 1989, sauf dans certains cas où des enfants font partie du ménage. Là, ces barèmes seraient supérieurs à ce qui est présentement accordé.

En ce qui concerne le plafonnement des programmes mis à ta disposition des bénéficiaires aptes au travail, qui faisait partie d'un document qui a été rendu public et dont vous avez également pris connaissance, j'ai eu l'occasion de me prononcer sur certains éléments du document en disant que, oui, certaines des informations qui étaient contenues étaient exactes et que certaines informations étaient, par contre, erronées. En ce qui concerne le plafonnement - je répète en commission parlementaire ce que j'ai dit aux médias la semaine dernière - c'était une information erronée. C'est un peu comme dans le cas du salaire minimum, on reçoit de nos fonctionnaires des études qui nous disent pourquoi on devrait le geler et des études totalement contradictoires qui nous disent pourquoi on devrait l'augmenter. Il faut effectuer des choix et, sur le plan politique, nous avons effectué le choix de ne pas plafonner les entrées dans les mesures d'employabilité.

Quant à la question des familles monoparentales, vous suscitez là une question qui a déjà commencé à faire l'objet d'un débat et qui va sans doute continuer au cours de la présente commission parlementaire. Nous avons choisi ou retenu le barème de non-disponibilité pour les familles où des enfants entre 0 et 2 ans étaient présents. Serait-il souhaitable d'aller à l'âge préscolaire, à l'âge scolaire etc? Une argumentation nous dit qu'il serait préférable d'étirer cela dans le temps. Une autre argumentation nous dit que l'on créerait, si l'on agissait ainsi, une trappe de pauvreté. Les arguments sont ici pour fins de discussion et nous prenons acte que le Conseil du patronat se situe du côté des groupes qui voudraient que l'on étire cette période. (10 h 45)

M. Magnant (Michel): M. le Président, je voudrais seulement mentionner le fait qu'il semble que cette réforme soit tout à fait à propos en termes de marché du travail, si vous voulez. On parle de trappe de pauvreté. Si on regarde les statistiques du marché du travail eu égard aux assistés sociaux, on s'aperçoit qu'il y a un groupe qui est particulièrement en difficulté chez les assistés sociaux, c'est le groupe des 30-44 ans, qui ne cesse d'augmenter depuis 1981. Alors, s'il y a un groupe pour lequel le programme APTE serait en particulier bénéfique, il semble que ce serait ce groupe-là, car il y a probablement, dans ce groupe, un problème de réintégration au marché du travail. À ce moment-là, je ne pense pas qu'on partage complètement l'avis de ceux qui disent qu'il ne faut que de la création d'emplois. Nous croyons qu'il faut effectivement de la création d'emplois et nous en avons, mais nous pensons qu'un programme qui aide certains groupes qui semblent déplacés maintenant par la reprise économique est tout à fait à propos. Alors, en termes de marché du travail, je pense que les mesures qui vont aider les gens à se réintégrer sont probablement nécessaires.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je vous remercie. Messieurs, non seulement en lisant votre mémoire, mais en écoutant vos propos ce matin, je me demandais si, malgré vous, il n'y avait pas une confusion entre "réintégration du marché de l'emploi" et "participation aux mesures". Ce qui est contenu dans le projet tel que déposé jusqu'à maintenant, c'est une proposition de participation à des mesures, lesquelles, en soi, ne consistent pas à acquérir une formation professionnelle particulière. En effet, la mesure de rattrapage scolaire en est une pour terminer l'acquisition des connaissances générales. La mesure de

travaux communautaires en est une qui a des effets bénéfiques pour notre société, mais, à cause des dividendes quelle en tire et à cause de l'estime de soi qui est maintenue chez la personne qui rend le service. Quant aux stages en entreprise, il faut dire que, jusqu'à maintenant, les résultats sont peu concluants. Ce que nous souhaitons, nous, pour pouvoir nous prononcer, c'est que le ministre rende disponibles les études, les analyses et les résultats des programmes qui, jusqu'à maintenant ont été exploratoires et qui, dans bien des cas, nous ont permis de constater que c'étaient les terrains de stationnement qui en bénéficiaient.

Alors, je voudrais ce matin, M. le Président déposer pour le bénéfice des membres de la commission et de nos invités, une infogestion qui date de 1987 et qui résume, programme par programme, la participation actuelle d'une catégorie qui avait, d'une façon volontaire, accès à ces programmes et qui, pour le faire, avait une incitation qui n'était pas peu de chose parce que cette incitation lui permettait de doubler ses prestations. Donc, il y avait là une incitation qui était, disons, assez "sensitive", comme le diraient d'aucuns. L'informatisation du ministère nous permet de constater, en décembre 1987, qu'à peine 20 % des bénéficiaires de moins de 30 ans qui avaient une incitation du double, ont effectivement participé aux mesures.

Donc, la première question à se poser dans une commission qui a à examiner la possibilité que tout le monde, comme le dit le ministre, sans plafond, participe aux mesures c'est. Est-ce que c'est possible? Est-ce que c'est faisable? Par ailleurs, je pense qu'il faut aussi se poser la question. Comment se fait-il qu'avec le document qui est devant nous la participation aux mesures, par exemple, pour les jeunes de moins de 30 ans - vous applaudissez à la parité, dites-vous - aura, pour la majorité d'entre eux, l'effet de diminuer l'allocation qu'ils reçoivent actuellement pour participer aux mesures? J'ai un cas précis d'un jeune - je pourrais avec plaisir vous le distribuer - entre 18 et 30 ans qui fait actuellement du rattrapage scolaire et qui va voir sa prestation réduite parce que la contribution parentale exigée actuellement de l'ensemble des familles va venir diminuer sa prestation même en participant aux mesures.

Alors, la question que je vous pose est la suivante: Vous dites que vous êtes d'accord avec le principe pour faire disparaître, la discrimination selon l'âge. N'avez-vous pas l'impression qu'elle est réintroduite, la discrimination selon l'âge, par une série de critères introduits même dans la réforme qui vont faire en sorte que le groupe des moins de 30 ans va avoir une prestation réduite? Vous connaissez bien, j'en suis certaine, pour y avoir vous-même travaillé de près, la question de la discrimination systérnique. Ce sont, d'ailleurs, des mots qui ont fini par avoir un sens, notamment quand on s'est rendu compte - je le donnais comme exemple hier - qu'à la police de Montréal il n'était pas nécessaire d'avoir un critère qui disait que les femmes n'étaient pas admises ni les Vietnamiens pour qu'il n'y en ait pas. II fallait simplement comme critère, démontrer quavec une taille de 5'8" il n'y en avait pas de femmes, à peu près pas, ou de Vietnamiens.

On n'a pas besoin de lire qu'il y a une discrimination selon l'âge. Juste à voir les critères cest évidemment, ce groupe-là qui va être touché. Cette forme de discrimination systémique vous agrée-t-elle?

M. Dufour (Ghislain): II y a trois choses dans votre intervention, Mme Harel. II y a la question des jeunes de moins de 30 ans et le fait, notamment, même si vous ne vous y référez pas de façon précise, que, s'ils ne sont pas considérés comme dépendants, ils auront une baisse ou ils n'auront pas du tout droit, de toute façon à l'aide sociale. Je demanderais à M. Beaulieu de traiter plus particulièrement de ce sujet. Je ne suis pas d'accord avec l'interprétation que vous faites quand vous dites qu'on confond mesures d'incitation au travail, marché du travail, intégration au marché du travail, etc. Pour nous, une mesure telle que proposée dans le livre jaune ou blanc, dans le document ministériel, conduit automatiquement au marché du travail. Si c'est pour être désincarné, on ne marcherait pas.

On a l'impression que vous dites qu'il y a des jeunes qui n'ont pas la préparation académique pour embarquer sur le marché du travail. Mais ils n'embarqueront jamais s'ils n'en obtiennent pas un minimum. C'est la formation qui nous paraît conduire éventuellement à l'intégration au marché du travail. Je donne, d'une façon plus particulière, I'exemple des stages. Pour nous, c'est un outil, c'est une mesure d'intégration au marché du travail parce que de plus en plus, ce n'est pas possible pour un jeune d'entrer dans une entreprise sauf s'il est stagiaire. Je donne l'exemple des médias: il n'y a pas d'ouvertures sauf s'il entre avec un journaliste professionnel et, à un moment donné, parce qu'il y a un départ, il est intégré. Mais il est entré parce qu'il est stagiaire. De plus en plus, dans les entreprises, c'est comme ça que cela se passe. Selon moi, c'est une mesure d'intégration au marché du travail.

C'est la même chose pour la formation professionnelle plus pointue qui va se donner. Je ne parle pas des cours de macramé, mais, des bouchers, des pâtissiers. II y a de la demande sur le marché du travail. On lisait cela encore dans la Gazette, la semaine dernière: dans ces métiers-là, iI en manque. Il y a des assistés sociaux qui pourraient être formés. Je ne pense pas et je ne voudrais surtout pas que ce soit le rôle du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu d'aller dans les entreprises et de dire: Nous créons tels emplois. C'est de préparer les gens qui ne sont pas actuellement sur le marché

du travail.

En tout cas, je pense qu'on diffère de points de vue avec vous, Mme Harel. Nous sommes d'accord pour que les premiers mois ne soient pas payés au même titre que les mois où les gens acceptent de profiter des mesures de formation. C'est tout l'autre volet de la désincitation. Si on les paie de la même façon, il n'y aura aucune incitation à être formés, à aller en stage, à faire des travaux communautaires. Tout l'esprit de la réforme, c'est de jouer sur deux pôles: désincitation et incitation.

D'après le document, on nous dit que, de toute façon, les assistés sociaux se trouvent du travail dans une proportion de 40 % ou 45 % à l'intérieur des neuf premiers mois. C'est ce qui nous paraît être la référence pour tout le volet désincitation et incitation. Ça, nous, on l'appuie.

Finalement, pour tout le dossier des jeunes de moins de 30 ans, leur statut qui est modifié dans la politique par le fait que les parents devront maintenant s'occuper davantage de leurs jeunes, je vous dis qu'on appuie cela, nous autres. Pourquoi appuie-t-on cela? M. Beaulieu.

M. Beaulieu (Alexandre): On appuie cette politique, Mme Harel, parce qu'on pense que les parents doivent s'occuper de leurs enfants. On pense que c'est cela que vous vouliez dire tout à l'heure lorsque vous parliez de la diminution de l'allocation aux enfants de moins de 30 ans du fait qu'ils vont rester à la maison. Lorsque les parents en ont les moyens, ils devraient s'occuper de leurs enfants. On favorise cela. La politique qui est proposée ici, c'est l'Incitation. De la même façon, personnellement, je vous dirais que les enfants devraient aussi être responsabilisés quand ils sont sortis de la maison et que leurs parents sont en difficulté. Cela pourrait aussi jouer des deux bords. C'est trop facile de s'en aller dans une mesure qui uniformise automatiquement les contributions du gouvernement. On a des exemples frappants où c'est érigé en système. Si vous me le permettez, sans donner de noms, je vais vous parler d'un contremaître d'une de mes entreprises qui faisait au-dessus de 40 000 $ par année et, aussitôt que son enfant atteignait 18 ans, c'était l'assistance sociale. On lui a dit: Cela n'a pas de bon sens, tu es capable d'élever ton enfant, tu es capable de prendre tes responsabilités. Il répondait: Le système est là et, de toute façon, ce sont tous des voleurs qu'ils paient. Quand on ne fait pas le nécessaire pour responsabiliser les parents, j'ai l'impression qu'à un moment donné, riche comme pauvre, on dira: Tu es à la maison, tu y as droit. C'est pour cela qu'on pense que les parents doivent être responsabilisés le plus possible en tenant compte, évidemment, de leur revenu propre, c'est bien sûr.

Mme Harel: M. le Président, je demanderais que vous rappeliez à nos invités qu'ils doivent s'adresser à vous quand ils répondent à des questions, comme vous le faites habituellement.

M. Beaulieu: On ne connaît pas trop trop les procédures.

Mme Harel: Ce n'est pas grave. C'était au président de le faire et pas à vous, évidemment.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie beaucoup, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous dites: s'ils en ont les moyens. Le projet gouvernemental prévoit que, indépendamment du revenu, même s'il s'agit de famille assistée sociale elle-même, la contribution minimale sera de 100 $. Vous dites: II faut qu'ils s'occupent de leurs enfants, Vous concevez que ce sont là de jeunes adultes. J'aimerais avoir votre réaction en regard du point de vue unanime de l'ensemble des organismes familiaux du Québec qui considèrent que des mesures de ce type sont des facteurs de désintégration parce qu'elles ont des effets pervers, lesquels supposent des tests de dénuement. Vous savez sans doute que le projet du ministre prévoit un test de dénuement que l'enfant de votre contremaître, par exemple, pourrait passer devant un agent de bien-être dans n'importe quel bureau pour justement arriver à prouver à un agent qu'il est dans un dénuement total, ce qui l'incite à voler ou à se prostituer et, là, l'agent pourrait, en fonction des critères de dénuement que le ministre doit nous fournir, lui accorder des barèmes.

Les organismes familiaux disent: Est antifamiliale toute politique de l'État qui consiste à ne soutenir que l'abdication de la famille plutôt que de soutenir l'entraide. Le test de dénuement se multipliera dans la mesure où il y aura des critères. Ces critères seront utilisés pour essayer de justifier que la famille est désintégrée, il en sera donc de même dans un certain nombre de mesures où, finalement, l'aide accordée n'est pas lorsqu'il y a entraide, mais lorsque l'on prouve qu'il y a désintégration.

Par exemple, est-ce que vous êtes prêts à accepter que cette responsabilisation aille jusqu'à poursuivre le parent pour qu'il accorde la contribution minimale prévue par l'État?

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, nous nous situons ici au niveau des principes. Je pense qu'on a raison de soulever ce genre de problème là. Je dois dire que toute la question des tests ne nous plaît pas, ici et ailleurs. Je pense qu'on n'est pas entrés dans les modalités administratives et vous avez parfaitement raison de les souligner, tout comme je dois vous dire que, chez nous, il y en a qui sont inquiets de la susceptible désintégration de la famille face à ça parce que certains jeunes vont peut-être préférer aller ailleurs. Au plan du grand principe, il nous faut reconnaître la responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants. Là où on peut peut-

être aller un peu dans le sens ou vous le dites, c'est lorsqu'on regarde les définitions de ce quest un dépendant et de ce qu'est un indépendant, à la page 44, du document il y a quand même beaucoup d'exceptions: si le jeune a un diplôme universitaire, s'il a travaillé pendant deux ans, s'il a été marié etc. II y a toute une série d'exceptions qui en font un indépendant vis-a-vis de sa famille. (11 heures)

II y a peut-être des ajouts à cela. Nous sommes ouverts pour les regarder. Je suis sûrement d'accord avec vous pour que les tests soient les plus réduits possible - nous avons une espèce d'opposition de principe au "testing", nous aussi - sauf que, sur le grand principe, on ne peut pas ne pas accepter que la famille... M. Beaulieu la mentionné, cela pourrait jouer à rebours aussi: il se pourrait que les enfants soient impliques dans le soutien de leurs parents. Cela joue dans les deux sens.

Mme Harel: Est-ce que le grand principe n'est pas, en partie, respecté du fait qu'actuellement un très grand nombre de familles - les statistiques nous le prouvent - s'entraident en maintenant l'hébergement de leurs enfants, pourtant adultes, qui connaissent des difficultés, entre autres, parce que les caractérisques du marché du travail - vous le signaliez tantôt, avec raison - font qu'il y a forte création d'emplois, mais que, par ailleurs, cette création d'emplois a à peine fait bouger le taux de chômage? C'est ce qui est plus ou moins nouveau. On sait bien que tous les experts prévoient une sorte de récession dans laquelle on entre lentement et on connaît maintenant l'état cyclique du marché de l'emploi. On sait que cette forte création d'emplois est elle-même associée à une création de chômage, de sorte que, tout compte fait, avec la main-d'oeuvre nouvelle avec les pertes d'emplois, c'est finalement plus ou moins le même taux de chômage et il y a une concurrence sur le marché de l'emploi. La question est de savoir si on va rendre cette concurrence plus féroce entre les gens qui cherchent. Vous aviez raison de dire qu'il y a des attitudes favorables au travail et vous les notiez. Est-ce qu'on va rendre la concurrence plus féroce sur le marché de l'emploi ou est-ce qu'on va investir pour faire en sorte que l'emploi, le vrai emploi celui que vous souhaitez et que je souhaite, moi aussi, soit plus disponible?

Vous avez parlé d'une formation professionnelle plus pointue. II n'y a aucune formation professionnelle avec le projet actuel. La formation professionnelle, pour tout de suite, on n'en connaît rien. On ne connaît pas la politique du ministre en matière de formation professionnelle pour faire face aux problèmes du libre-échange. On s'attend qu'il en dépose une, ce printemps, et qu'il n'attende pas nécessairement après Ottawa.

J'ai peu de temps et je voudrais juste vous demander votre avis. Dans votre mémoire, à la page 6 vous applaudissiez au fait que I'ensemble des revenus additionnels puisse s'ajouter à l'aide sociale de base. Je crois que c'était pour vous un principe. Le barème actuellement est plafonné pour une famille de deux enfants. Souhaiteriez-vous que même pour les familles d'assistés sociaux, on tienne compte de familles qui ont trois enfants et quatre enfants pour additionner des montants d'allocation qu'elles ne recoivent pas présentement? Une famille qui a quatre enfants, à part les allocations familiales, reçoit le même montant qu'une famille qui en a deux. Les crédits d'impôt pour enfants, qui sont alloués par le fédéral sont réduits sur les barèmes d'aide sociale au provincial; souhaitez-vous, comme c'est le cas pour I'ensemble des autres revenus, qu'ils s'ajoutent à l'aide sociale de base?

M Dufour (Ghislain): En principe oui. On a dit que, quand iI s'agit d'allocations familiales - on a reconnu ce que M. Gérard D Levésque a fait l'année passée - il faut essayer d'intégrer cela dans le revenu de I'assisté social. On est d'accord avec cela. Je pensais que c'était exhaustif, M. le Président. Si ce n'est pas exhaustif, ce nest pas un problème de les ajouter.

Ce qui est important dans I'intervention de Mme la députée, c'est la fameuse question du chômage. Je pense qu'on partage tous, ici, les mêmes préoccupations, sauf que le taux de chômage a baissé au Québec. II est maintenant sous la barre des 10 %. C'est beaucoup trop, mais il a baissé quand même de 2 %, depuis à peu près un an et demi, deux ans. On crée des emplois à raison de 100 000 par année depuis 1983, 1984, ce qui change le tableau, si on veut, de la récession de 1982. On dit que, s'il y avait de l'aide, le taux de chômage de 9, 5 % pourrait aussi baisser. On connaît une série d'employeurs qui cherchent de la main-d'oeuvre et qui ne l'ont pas parce qu'elle nest pas tout à fait à spécialisation pointue. Alors, que cette spécialisation vienne... Là, j'aimerais poser la question au ministre: Dans les mesures, est-ce qu'on parle de formation professionnelle? Pour nous, oui. Ce n'est peut-être pas mentionné, mais cela nous apparaît, sinon explicite, tout au moins implicite. Nous, on accroche sur le fait qu'il y aurait de la formation professionnelle. Je vous pose la question, moi aussi: Est-ce qu'il y en a?

Mme Harel: Je pense que c'est une bonne question, mais ce serait disons, pour une autre occasion. Je pense que je vais lui demander à la première journée de la rentrée de la session quel est son programme, parce que, pour tout de suite, dans le document tel qu'il est devant nous, il n'y a ni plan, ni programme d'action ni argent qui serait investi dans ce projet proprement dit. II s'agit de faire participer les gens à des mesures et non pas de leur donner, pour autant, une formation professionnelle pointue comme

vous la souhaitez et comme on peut la souhaiter.

C'est un échange qui est vraiment beaucoup trop court. II demeure qu'il ne faut pas non plus confondre une politique de sécurité du revenu qui, elle doit couvrir les besoins de subsistance... Pensons que la clientèle à Montréal, par exemple présentement a 41 ans d'âge moyen. Pensons quelle est très majoritairement composée de personnes qui ont une scolarité qui est bien moins que la 11 e année et qu'il s'agit très souvent de femmes qui ont fourni une contribution à I'État en assumant des responsabilités parentales. Cela étant dit, M. le Président, est-ce qu'il me reste encore quelques minutes parce qu'il me surveille de près habituellement?

Le Président (M. Bélanger): C'est terminé.

Mme Harel: Cest terminé. Alors, je veux simplement vous remercier et vous dire que I'objectif, qui est le plein-emploi, est bien partagé. C'est très consensuel. La lecture des mémoires nous permet de voir que cest vraiment, comme société, un objectif qui est repris par l'ensemble des forces sociales. II ne faudrait pas dénaturer cet objectif en réduisant, pour un très grand nombre de nos concitoyens, la couverture de leurs besoins essentiels.

Le Président (M Bélanger): Merci. Mme la députée de Maisonneuve. Il reste trois minutes à la formation ministérielle M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Thuringer: Merci, M. le Président. Je suis bien heureux aussi que vous soyez d'accord avec la réforme. Cela prend un "partnership", iI me semble, pour créer des emplois. Je me demande, comme conseil et avec vos membres, quels sont les gestes très importants que vous pouvez poser pour aider cet emploi réel. La deuxième réflexion que j'ai est la suivante: Surtout dans la ville de Montréal, les coûts pour la location ont tellement augmenté, cela coûte entre 40 % et 60 % environ pour le logement. Avez-vous des réflexions sur les gestes qu'on doit poser dans ce domaine?

M. Dufour (Ghislain): Cela me permet de relier votre question à l'intervention de Mme la députée. Nous, on fait une distinction très nette, par exemple, entre politique de plein-emploi et politique de création d'emplois. Notre mémoire, je vous demanderais de le lire en termes de politique de création d'emplois et non pas de plein-emploi qui est un mot galvaudé qui ne veut strictement rien dire, de toute façon. Mais comment nous, on peut aider à la création d'emplois pour les assistés sociaux? Je pense que c'est, notamment, en termes de stages. Bien sûr, on est pris avec beaucoup de demandes. On est pris avec des demandes pour des étudiants. On est pris avec des demandes d'autres groupes. On est pris avec éventuellement, le ministère de la Sécurité du revenu pour les assistés sociaux. Les stages ne pleuvent pas et on l'a toujours dit. Ce n'est pas à Gaspé qu'on va en trouver le plus. Cest peut-être là qu'il y a le plus d'assistés sociaux.

Comment faire l'appartement entre les assistés sociaux et l'absence souvent d'entreprises ou on pourrait, justement, entreprendre des stages? Je dois vous dire de façon précise que ce n'est plus tellement vers les grandes entreprises qu'on se tourne lorsqu'on parle de stages. On se tourne beaucoup plus vers les PME. Il y a encore de grandes entreprises qui n'ont pas rappelé tout leur monde selon la liste d'ancienneté à cause de la récession. Alors, ce n'est pas tellement là que cela se passe; cest dans les PME. Et avec nos groupes, on essaie de dire que notre engagement face à cela, cest, justement, les stages. Les emplois communautaires, cela ne relève pas de nous de toute façon. Cela relève des municipalités et du gouvernement.

Quant au logement, écoutez, c'est un tout autre problème la question du logement. C'est vrai, mais ce n'est pas purement pour l'assisté social. Tout le monde trouve que les logements sont très dispendieux. À Montréal, c'est toute la politique d'urbanisation, finalement, et de logement et cela, je pense pourrait faire l'objet d'un autre débat.

Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, en conclusion, vous me permettrez de réitérer mes remerciements au Conseil du patronat pour la qualité de son mémoire et I'apport qu'il a fourni à cette commission. Je lui indiquerai, pour répondre à quelques-unes des questions qui m'ont été adressées indirectement, que la politique de sécurité du revenu ne se fait pas en vase clos. Les autres politiques, si on peut les appeler ainsi, de sécurité du revenu, qu'elles découlent de la CSST, de la Régie de l'assurance automobile du Québec, de la Régie des rentes ou des négociations que nous avons présentement avec le gouvernement fédéral pour les travailleurs âgés licenciés collectivement, on tente, dans la mesure du possible, de les ajuster et de les intégrer pour ne pas créer de distorsion dans le système.

Vous comprendrez qu'il en va de même quant à nos politiques de formation; cela ne se fait pas en vase clos, qu'il s'agisse des négociations avec le gouvernement fédéral que nous avons entretenues dans le passé et que nous continuons à entretenir, qu'il s'agisse de la collaboration essentielle dont nous avons besoin du ministère de l'Éducation pour que les cours qui y sont donnés répondent vraiment aux besoins du marché, pour qu'on forme des jeunes dans des secteurs d'activité qui sont en demande présentement. II s'agit strictement de vérifier

dans les pages du journal, le matin pour se rendre compte qu'il y a des secteurs ou il y a vraiment de la demande. Tout cela fait partie dune politique d'ensemble gouvernementale. Nous ne prétendons pas que dans le document de quelque 50 pages qui vous a été remis, vous retrouviez tout cela, mais nous tenons à assurer Mme la députée de Maisonneuve et nos partenaires que nous sommes conscients de cette problématique.

Je terminerai en vous disant que vous avez été pour le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu un conseiller très intéressant et que, peut-être, dans I'avenir, on aura la chance de siéger à des comités ou on pourra discuter à la fois de politique de travail, de main-d'oeuvre et de sécurité du revenu.

Le Président (M Bélanger): Alors, je remercie le Conseil du patronat et j'invite maintenant à la table la Confédération des syndidats nationaux la CSN, qui sera représentée par Mmes Monique Simard et Sylvie Morel.

Alors, on suspend les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 12) (Reprise à 11 h 15)

Le Président (M. Bélanger): La commission reprend ses travaux.

J'inviterais la porte-parole de la Confédération des syndicats nationaux à s'identifier et à identifier ses collègues. Comme règle de procédure, on a vingt minutes pour la présentation de votre mémoire. Je devrai vous interrompre à la vingtième minute. S'il vous plaît, veuillez procéder!

Confédération des syndicats nationaux

Mme Simard (Monique): Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, MM. et Mmes les députés, mon nom est Monique Simard. Je suis première vice-présidente de la CSN. Je suis accompagnée, ce matin, à ma droite, de Mme Nicole Madore, présidente du Conseil central des syndicats nationaux de la région de Québec, et, à ma gauche, de Mme Sylvie Morel, économiste, rattachée au service de recherche de la CSN.

Le mémoire qu'on va vous présenter ce matin, en résumé - parce que je pense que vous avez reçu un mémoire assez volumineux - se divise en trois parties. D'une part, on va réitérer ici les principes selon lesquels, à notre avis, devrait être élaborée une réforme juste et équitable de la sécurité du revenu. Ensuite, on va vous donner l'appréciation et l'évaluation qu'on fait de la réforme qui est proposée par le gouvernement. Par la suite, nous allons vous soumettre des propositions très concrètes de ce que nous voudrions voir contenu dans une réforme de I'aide sociale.

Je peux tout de suite vous dire que nous sommes d'accord qu'il y a nécessité et urgence de procéder a une réforme de l'aide sociale. Mais là s'arrête peut-être l'accord qu'il y a entre nous. Même si on peut être d'accord que depuis plusieurs années, il faut procéder à des changements majeurs, on est déçus et, je devrais même le dire tout de suite, en profond désaccord avec le projet qui nous est présenté par le ministre. Pour nous, la réforme de l'aide sociale doit se faire et elle doit aller de pair avec un réaménagement de notre régime fiscal et des autres programmes de sécurité du revenu. Je veux tout de suite vous dire que nous voyons cela d'une façon plus globale. C'est à partir de cela que nous formulons nos propositions.

À notre avis, il y a huit principes qui devraient être les bases d'une réforme qui intègre tous ces éléments. Le premier principe, c'est le droit a I'emploi. On est encore dans une société ou c'est par I'emploi et par l'exercice d'un emploi qu'on obtient une indépendance financière et une certaine forme de reconnaissance sociale. On sait encore trop aujourd'hui que les gens qui ne sont pas détenteurs d'emploi ont peu de reconnaissance sociale. C'est pour nous un droit et un principe fondamental sur lequel doivent s'appuyer toutes les politiques et tous les programmes.

Le deuxième principe: I'amélioration des assurances sociales. C'est bien beau, on a des emplois, on les occupe dans de bonnes conditions et avec de bons salaires, mais il faut aussi bonifier nos programmes d'assurance sociale qui peuvent nous assurer un niveau de vie décent.

Le troisième principe: le droit à un revenu minimum pour tous ceux et toutes celles qui, pour différentes raisons, sont privés d'un minimum vital. Les programmes d'assistance doivent donc pleinement satisfaire les besoins des individus dans cette société, tout en respectant leur dignité humaine.

Le quatrième principe: le droit à I'autonomie individuelle. Chaque personne a le droit d'être reconnue pour ce qu'elle est. Par conséquent, elle doit être considérée comme un individu à part entière dans les programmes de sécurité du revenu et de fiscalité, et je pense ici particulièrement aux femmes.

Le cinquième principe: la priorité à des mécanismes positifs d'incitation au travail et non pas à des mesures coercitives, donc, la promotion de mesures non coercitives. Par exemple, la réduction du taux d'imposition des revenus des prestataires de l'aide sociale peut valablement inciter ceux-ci au travail, à notre avis.

Le sixième principe: le renforcement du principe d universalité. L'universalité est une des assises de notre régime de sécurité du revenu et, d'après nous, il faut la protéger à tout prix parce que c'est le gage d'une collectivité plus juste, plus humaine, plus égalitaire.

Le septième principe: un soutien adéquat aux familles avec enfant. En raison de la con-

tribution inestimable que fournissent les parents à la collectivité en décidant d'élever des enfants, l'État doit soutenir adéquatement ces familles.

Le huitième et dernier principe: un soutien accru aux chefs de famille monoparentale, comme on le sait, qui sont très majoritairement des femmes. Ce type de famille requiert un soutien particulier dans la mesure où il s'agit de ménages qui sont les plus pauvres et qu'en tant qu'éléments dune stratégie d'accès à l'égalité économique pour les femmes, il faut être particulièrement attentifs à leur situation.

Quand on en arrive à l'évaluation du projet, à notre avis, en plus de ne pas satisfaire aux principes que nous venons d'énumérer, la réforme qui est proposée ne donne même pas suite aux promesses qui avaient été faites durant la période électorale, à savoir établir la parité pour les prestataires de l'aide sociale de moins de 30 ans. Au lieu d'accorder la parité à notre point de vue, le gouvernement introduit une nouvelle forme de distinction qui n'est peut-être plus basée sur l'âge, mais qui est basée désormais sur l'aptitude au travail. Cela constitue une nouvelle forme de discrimination. On discrimine selon un nouveau critère.

À notre avis, les trois quarts des assistés sociaux et des assistées sociales, c'est-à-dire ceux et celles qui, désormais, seront regroupés sous la rubrique des aptes au travail, verront très concrètement, pour la très grande majorité d'entre eux, leurs prestations diminuer, alors que les autres, ceux qui sont considérés comme inaptes au travail, vont connaître une hausse du montant de l'aide sociale qui leur est accordé, mais ils risquent du même coup - et là, je pense qu'il faut s'y attarder et y réfléchir - d'être classés à tout jamais comme des irrécupérables, comme des gens de troisième catégorie et qui, pour le reste de leur vie, n'auront plus de considération et seront donc marginalisés à tout jamais. À notre avis, ces distinctions sont inacceptables.

Là où fondamentalement notre désaccord s'exprime et s'articule peut-être le plus complètement, c'est que le document prône l'individualisme dans un monde de plein emploi qui est complètement fictif. Les principes qui sous-tendent le document ne sont peut-être pas tous clairement exprimés à la lecture - je vais vous dire que ce n'est pas une lecture facile, entre parenthèses - mais il y a quelque chose qui revient constamment, et cela a été exprimé par le ministre lorsqu'il l'a présenté. Le problème fondamental, c'est le manque d'incitation au travail des assistés sociaux et des assistées sociales et les contraintes du marché du travail sont secondaires ou de moindre importance. C'est comme si on présumait qu'il y avait suffisamment d'emplois et que le problème, c'est que les gens n'ont pas envie de travailler ou n'ont pas les qualifications pour travailler. Je vais tout de suite vous dire que, pour nous, il est clair et évident qu'il y a des personnes qui, pour diverses raisons, parce qu'elles ont été retirées du marché du travail depuis longtemps, pour x raisons, ont des problèmes d adaptation au marché du travail.

Ceci dit nous ne pensons pas que ce soit le problème principal. Pour nous le problème principal demeure qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois pour toutes les personnes qui désireraient travailler. On pourra les inciter, les former et les recycler, il n'en demeure pas moins qu'il y a un taux de chômage de 10 % au Québec et que le danger qui nous guette tous, comme société, c'est qu'on développe une tolérance à ces 10 % qu'on considère désormais comme normal, un taux de chômage qui, de toute évidence, à mon point de vue, est trop élevé et qui laissera toujours sur le pavé un nombre trop considérable de personnes.

Pour revenir au projet, on est en désaccord parce qu'il développe à notre avis une approche tout à fait individualiste. Les gens sont donc pas très incités ou pas intéressés à travailler. De ce fait, ils sont chacun responsables de leur situation et, s'ils sont dépendants de l'aide sociale ou des prestations de l'aide sociale, c'est leur faute, d'une certaine façon, c'est un phénomène volontaire parce qu'ils sont mésadaptés, paresseux, etc. Si c'est cela l'orientation et le jugement premier qui est posé, évidemment que cela décharge, d'une certaine façon, I'État de sa responsabilité à l'égard de la pauvreté de ces personnes et, donc, cela le désengage, à la limite, du support nécessaire que doit apporter l'État à un certain nombre d'individus dans notre société.

Inutile de vous dire qu'on n'est pas d'accord. On pense qu'il y a une erreur de diagnostic assez importante. Pour nous, la question prépondérante, ce n'est pas l'incitation au travail, malgré le fait qu'on va être d'accord avec certaines mesures d'incitation, mais l'insuffisance d'emplois. Je dois vous dire qu'il n'y a rien de plus "désincitatif" au travail que d'être d'accord pour se recycler et suivre des programmes pour, en bout de ligne, ne pas trouver d'emploi. Et cela, c'est le cas de milliers de personnes au Québec qui, volontairement, ont accepté de participer à des programmes plus ou moins adéquats mais elles se sont dit. Bien, je vais le faire. Elles ont suivi tout le processus avec tout ce que cela impliquait de sacrifices de leur part pour, en bout de ligne, ne pas trouver d'emploi. Je dirais que c'est le plus grand "désincitatif au travail existant au Québec.

En réduisant finalement à une dimension individuelle un problème qui est d'ordre collectif, on se trompe de cible, d'après nous. Je pense qu'il ne faut pas prendre cette orientation. Cela serait très dangereux pour le Québec. II n'y a pas assez d'emplois pour absorber toutes les personnes qui voudraient travailler et c'est vrai que les gens veulent, très majoritairement, travailler. C'est vrai, je pense, que la très grande majorité des gens veut être autonome.

veut être digne et veut avoir une reconnaissance sociale adéquate.

Le ministre prétend que la réforme va constituer une amélioration puisque, entre autres, les exemptions des gains de travail seront relevées. C'est vrai probablement mais encore faut-il que ces gains de travail existent. S'ils n'existent pas, ce sont purement des gains fictifs. Cet argent-là est absolument irréel. On se dit: Bon, on va peut-être en donner moins en prestations, mais, par ailleurs, on va permettre qu'on puisse en gagner plus. Encore faut-il qu'ils en gagnent plus pour en avoir plus dans leurs poches. Et là, une fois de plus, se pose la question de la quantité et de la qualité des emplois disponibles. Dans le document qui nous est présenté, on ne fait pas la distinction entre les gains réels donnés par des prestations et des gains fictifs, de l'argent présumément gagné. Dans les faits, très concrètement, la réforme, si elle est appliquée, va entraîner une misère accrue pour l'ensemble des personnes visées, c'est-à-dire à peu près les trois quarts.

Je m'arrête ici pour dire que, oui, il y a certains emplois. On sait qu'il y a eu création d'emplois, mais je tiens à rappeler au ministre - qui est aussi ministre du Travail - que les chiffres de son ministère le disent sans équivoque, la très grande majorité des emplois créés le sont dans le secteur des services. Ce sont des emplois à statut précaire à des taux de salaire extrêmement modestes. Alors, s'il y a des emplois disponibles, c'est généralement de ce type qu'il s'agit. Malheureusement, la réforme est dans la foulée, je dirais, d'amendements qui ont été présentés et adoptés depuis 1970 et qui tentent d'éroder un peu notre régime d'assistance. La distinction entre l'aptitude et la non-aptitude au travail tend à culpabiliser les individus et, jusqu'à une certaine limite, je dirais, va augmenter une part d'arbitraire très incontrôlable. On ne pense pas que la réforme réponde à un principe de base qui est celui de répondre aux besoins des personnes.

Je le répète, la création de la catégorie "inaptes au travail" nous inquiète beaucoup. Je pense qu'on ne soulignera pas assez que cela va, d'une certaine façon, à l'encontre d'un certain nombre de mesures et de principes que voue gouvernement et le gouvernement précédent ont tenté de mettre en vigueur. Je pense, entre autres, à toute la question de l'intégration des personnes handicapées au marché du travail, à d'autres types de programmes comme celui-là, destinés à donner la chance à chaque individu de pouvoir s'intégrer et d'être autonome au maximum, dans notre société. (11 h 30)

En ce qui concerne le programme APTE, je vais vous dire tout de suite qu'au départ on le trouve très compliqué. C'est très complexe. On n'est probablement pas les seuls qui vont vous le dire. Il y a, dans ce programme, un certain nombre de choses qui nous semblent inaccep- tables, par exemple, la période d'attente de neuf mois. Pourquoi avoir choisi cette période? Pourquoi neuf mois? Pendant cette période, les gens auront à débourser des frais et ce n'est pas logique que, durant cette période, ils aient moins d'argent.

Une autre mesure mérite d'être soulignée et c'est notre responsabilité, comme mouvement syndical, de le faire. Quels vont être les effets de ces programmes sur les conditions de travail et les salaires? On pense ne pas se tromper en disant que, si ces programmes sont effectivement retenus et mis en application, un des effets principaux sera d'exercer une pression à la baisse sur l'ensemble des conditions de travail et, évidemment, une pression pour ne pas hausser le salaire minimum, un salaire minimum qui, on le sait tous, aurait dû être augmenté davantage et depuis fort longtemps. Cela aura un effet très négatif sur les salaires et les conditions de travail. Si des milliers de personnes sont forcées d'accepter des conditions de travail et de bas salaires, il y aura inévitablement une pression d'exercée sur les conditions des autres.

Je comprends l'enthousiasme du Conseil du patronat à donner son accord à cette réforme. Sans que cela soit dit, tous ceux qui agissent dans le monde du travail, dans le monde des relations du travail, voient et sont capables tout de suite de comprendre l'effet concret qui se produira à très court terme sur le marché du travail sur l'ensemble des conditions générales du travail et des salaires. Il est aussi inexplicable de voir que les barèmes pénalisent des personnes qui sont admissibles, mais non disponibles. On prend la peine de vous le souligner. Entre autres, on parle des femmes enceintes. C'est tout à fait inacceptable comme mesure et, à la limite, un peu antifamilial.

J'accélère. Il y a des commentaires sur d'autres parties de la réforme. Il me reste très peu de temps pour insister davantage sur ce que nous voyons comme propositions. Comme je le disais au tout début, toute réforme de l'aide sociale doit se faire de façon intégrée avec une réforme du régime fiscal. Le tout devrait s'articuler autour de l'introduction de crédits d'impôt - donc, un changement majeur du régime tel qu'on peut le connaître jusqu'à maintenant - un crédit universel de 3000 $ qui serait versé à chaque adulte. Cela ne coûterait pas d'argent puisqu'il s'agit. d'une réforme de la fiscalité et juste de transferts d'argent, d'une certaine façon. C'est à partir de ces crédits d'impôt qu'on pourrait bâtir des programmes de sécurité du revenu ou des programmes d'aide. Ce n'est pas de la façon qu'on maintient, finalement, le système qu'on peut régler quoi que ce soit au chapitre de la pauvreté. Une formule de crédit d'impôt pourrait aussi s'appliquer aux enfants par une augmentation majeure des allocations familiales. Donc, un renversement complet du système qu'on connaît aujourd'hui.

En terminant, j'aimerais vous dire qu'on a

de la difficulté à concevoir une réforme du programme d'aide sociale en dehors d'une politique fiscale, en dehors d'une politique des services de garde et en dehors d une politique de désinstitutionnalisation, alors que des dizaines de milliers de personnes devront bientôt quitter les institutions ce avec quoi on est d'accord. Par souci de cohérence et aussi de démocratie pour I'ensemble des personnes concernées, il faudrait voir l'ensemble de tous ces programmes et de tous ces éléments avant de pouvoir arrêter un projet définitif. Merci.

Le Président (M Polak): Merci, Mme Simard.

Avant de donner la parole au ministre, je voudrais indiquer qu'à la suite de notre invitation la ministre déléguée à la Condition féminine est maintenant arrivée. Je présume, Mme la députée de Maisonneuve, quelle aura droit de parole de réponse si besoin est. Je donne maintenant la parole au ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie beaucoup la CSN de son mémoire et de la qualité de sa présentation. Je vais tenter, parce que nous aussi, croyez-le ou non, nous sommes un peu encadrés ou encarcanés par le temps de reprendre la deuxième partie de votre argumentation pour revenir à ce dont vous avez discuté au tout début, soit les huit principes d'une politique de sécurité du revenu, et tenter d'engager le dialogue sur ces sujets.

Vous avez souligné comme premier problème fondamental, la question de l'incitation au travail et le nombre insuffisant d emplois dans la société. Vous dites que le problème n'est pas l'incitation au travail, mais qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois dans la société. Vous avez, comme le Conseil du patronat l'a indiqué et comme nous l'avons indiqué également, raison en partie, parce qu'il nous faut sans cesse continuer à créer des emplois chaque jour davantage. On a un problème particulier et, hier, lors des auditions de cette commission, on a eu l'occasion d'échanger avec quelques groupes sur le problème typique de l'est de Montréal où le gouvernement s'était engagé, au cours de la dernière campagne électorale, à créer davantage d'emplois. Depuis deux ans, il s'est créé davantage d'emplois dans l'est de Montréal que dans les autres territoires de la grande région métropolitaine. Malheureusement, on n'a pas réglé le problème du nombre de chômeurs et du nombre d'assistés sociaux qui est supérieur à 30 000 parce que les emplois créés posaient des exigences d'employabilité auxquelles ne pouvait pas répondre la population de l'est de Montréal. Le gouvernement vient de réajuster son tir en commençant à investir dans l'employabilité de ces individus.

On vous dit, en vous proposant la réforme de sécurité du revenu, qu'on a le choix de ne rien faire ou de faire quelque chose. Ce n'est pas une réponse complète en matière de création totale d'emplois, mais c'est donner une chance aux gens qui ont été, par le passé, oubliés marginalisés, stationnés ou "parkés", selon le terme qu'on utilise à côté de la société ou en marge de celle-ci. Il nous faut donc donner à ces gens-là une chance égale de revenir dans le giron de la société.

L'autre choix que I'on a, c'est de faire comme on fait actuellement remettre des chèques en se foutant de l'employabilité, de la formation de base de ces gens-là qui, pour la plupart, n'ont même pas terminé leurs études secondaires, ce qui constitue un handicap important. D'ailleurs, je le soulignais hier, même l'ancien président de la CSN, Marcel Pépin, incitait les jeunes à demeurer aux études au moins jusqu'à la fin de leur cours secondaire.

Vous parlez de la question des gains de travail qui sont exemptés. Vous dites que c'est bien beau de permettre des gains de travail mais que rien ne garantit qu'ils seront là. Vous avez raison, mais, dans l'ancien système ou dans le système actuel tel quon le connaît, on les interdit, sauf 25 $ pour un individu et 40 $ pour un chef de ménage. On dit: Est-ce que le pas que I'on fait dans cette direction n'est quand même pas un pas qui vise à légaliser certaines situations de fait et à inciter le bénéficiaire d'aide sociale à aller chercher ces gains-la lorsqu'ils existent? Je ne pense pas qu'on puisse nous reprocher de relever les exemptions pour gain de travail des assistés sociaux qui étaient imposés à 100 % en bas du seuil de la pauvreté. Je ne vous dis pas que la démarche est complète, mais nous croyons effectuer ce qu'on appelle un pas dans la bonne direction.

Vous continuez, comme plusieurs autres groupes de la société - et c'est parce que cela s'est incrusté avec les années - à parler des nouveaux emplois créés dans la société québécoise comme étant, entre autres, des emplois temporaires. Depuis une douzaine de mois, cette situation a changé de façon draconienne au Québec. La très grande majorité des emplois créés dans la province de Québec depuis au moins une douzaine de mois sont, pour la quasitotalité, des emplois à temps plein. J'ai eu l'occasion de donner les chiffres hier. Je parlais des statistiques de janvier à janvier, soit les plus récents: 122 000 emplois créés; 116 000 à temps plein et 5000 à temps partiel. Mais vous aviez raison d'insister: traditionnellement les emplois créés étaient des emplois à temps partiel. Maintenant, cette tendance a nettement changé et il faut en tenir compte dans les politiques gouvernementales.

Un point que vous avez touché auquel plusieurs personnes, dans de nombreux comités au gouvernement, sont très sensibles, c'est toute la question de l'intégration des personnes handicapées au marché du travail. Vous avez souligné que le gouvernement précédent, de même que l'actuel gouvernement, avaient posé ce qui vous paraissait être certains gestes positifs et vous

reprochez à la politique de sécurité de revenu d'aller un peu à contre-courant de ces gestes positifs. Je vous indiquerai que nous avons été très prudents sur cet aspect du dossier. Nous avons voulu continuer dans le sillon qui avait été tracé par l'ancien gouvernement. C'est pourquoi le programme Soutien financier autorise, permet, rend disponible à toutes les personnes handicapées qui s'y retrouveront toutes les mesures du programme APTE d'amélioration, d'employabilité, etc., sans enlever aucun des avantages du programme Soutien financier et en conservant tes mesures incitatives d'allocations de participation et de frais de participation. Nous sommes conscients qu'avec l'évolution de la technologie de plus en plus de personnes qui ont un handicap vont pouvoir effectuer de plus en plus de tâches dans la société, et ce, de plus en plus facilement. Donc, cette porte - et. c'est peut-être un manque de précision dans notre mémoire - est conservée complètement ouverte.

En ce qui concerne les effets sur les conditions de travail des bas salariés dans la société, vous avez soulevé la question de l'effet possible de l'attraction à la baisse ou du gel - pour utiliser une autre expression - du salaire minimum. Je vous indiquerai que nous avons vécu une situation un peu paradoxale sous l'ancien gouvernement. Pendant cinq ans, le salaire minimum des bas salariés a été gelé. Au même moment, les prestations d'aide sociale, pendant la majeure partie de cette période, ont été indexées trimestriellement. Vous pouvez comprendre facilement la distorsion qui s'est produite. Il était plus lucratif d'être un prestataire de l'aide sociale que de travailler au salaire minimum. Dès l'arrivée de l'actuel gouvernement, nous nous sommes attaqués à la hausse du salaire minimum, le salaire des bas salariés dans la société, et ce, d'une façon plus importante que le coût de la vie. Il y avait là et il y a encore du rattrapage à effectuer. Si vous regardez le niveau du salaire minimum que vous retrouvez à la page 24, je pense, dans le cahier, vous le retrouvez - salaire minimum 1988 - à 689 $. Ce que nous tentons de faire, ce n'est pas de diminuer les barèmes des prestations, mais d'augmenter le seuil des bas salariés, de façon que cet incitatif demeure toujours mais que le tableau continue quand même à suivre. Vous pouvez prétendre aujourd'hui avoir raison. Je peux, aujourd'hui, prétendre avoir raison. Je vous invite tout simplement à juger les gouvernements sur leur bilan passé. Je vous indique qu'avec l'actuel gouvernement les hausses, depuis que nous sommes là, sont supérieures. Il est justifié qu'elles le soient et elles devraient continuer à l'être dans l'avenir.

Les barèmes des personnes non disponibles. Nous sommes conscients que nous avons besoin, pour cette catégorie de personnes qui vont passer une importante période de leur vie active à ne même pas être capables de gagner le salaire minimum, parce qu'elles sont affectées d'un handicap physique ou mental, qu'il est important pour ces personnes d'avoir des revenus garantis supérieurs aux autres individus dans la société, qui, à certaines périodes, peuvent gagner le salaire minimum et même plus, ce qui leur permet d'accumuler certains actifs, etc., et ce qui est très sain.

Pour en revenir rapidement aux principes qui sont contenus aux pages 1 et 2 du résumé de votre mémoire - votre mémoire est beaucoup plus complet - le droit à l'emploi. Nous souscrivons à ce principe. Nous nous y sommes attaqués, dès notre venue au gouvernement. Un des secteurs où c'était le plus évident, c'était dans l'industrie de la construction où les jeunes devaient détenir la fameuse carte à défaut de quoi ils en étaient exclus. Nous avons travaillé dans ce sens et nous continuons dans d'autres dossiers au ministère du Travail à travailler dans le but d'accorder à tout citoyen le droit à l'emploi. Nous vous savons gré de votre concours en partageant ce principe avec nous. (11 h 45)

L'amélioration des assurances sociales. Il y a toute la question de la distinction des assurances sociales et des assistances sociales. Bien que nous continuions à travailler nos dossiers d'assurances sociales comme tels, nous considérons, et nous l'avons indiqué dans le document, qu'il s'agit ici d'une politique d'assistance sociale qui elle aussi mérite d'être révisée et bonifiée.

Le droit à un revenu minimum. Nous avons étudié et évalué la possibilité d'instaurer une politique de revenu minimum garanti pour l'ensemble de la population. Je vous dirai que les prestataires des bénéfices de la Régie de l'assurance automobile du Québec, de la Régie des rentes du Québec, de la CSST, etc., manifestent certaines objections à l'établissement d'un revenu minimum garanti prétendant que les revenus peuvent être supérieurs lorsqu'ils viennent d'autres régimes gouvernementaux. C'est quelque chose qui est à l'étude, surtout au ministère des Finances, parce qu'il s'agit d'une mesure universelle qui touche plusieurs ministères.

Le droit à l'autonomie individuelle. C'est cette approche que nous privilégions dans l'actuelle politique de sécurité du revenu, la priorité à des mécanismes positifs d'incitation au travail. Nous disons oui à l'incitation au travail mais oui également à l'incitation à l'employabilité. C'est ce que vous retrouvez dans les barèmes que nous mettons de l'avant partout en tenant compte du sommet qui doit être le salaire minimum et de l'incitation au travail qu'il faut conserver. Nous avons même des incitations pour améliorer l'employabilité des travailleurs et des travailleuses.

Le renforcement du principe d'universalité. Là, vous pouvez nous attaquer et nous sommes ouverts à la discussion sur toute la question de la contribution alimentaire parentale. C'est la même que celle que vous retrouvez dans notre politique de sécurité du revenu, que vous retrou-

vez dans celle du système de prêt et bourse aux étudiants. Nous sommes, je vous le confesse, un peu liés par les politiques des autres ministères parce que, si nous avons un système d'aide sociale beaucoup plus attrayant que le système de prêt et bourse aux étudiants, nous risquons d'inciter beaucoup de jeunes à quitter leurs études et à devenir des prestataires de l'aide sociale, et nous voulons à tout prix éviter cet effet. Maintenant, si vous avez des mesures qui puissent nous rassurer, nous vous invitons à les soumettre.

Un soutien adéquat aux familles avec enfants. Je vous dirai que le ministre responsable de la famille est intervenu à chaque étape du dossier et que vous retrouverez dans chacun des barèmes, là où il y a la présence d'un enfant, une amélioration du barème, une aide accrue au chef de famille monoparentale. Je viens d'indiquer que, là où il y avait la présence d'un enfant, le barème était accru. Je vous indiquerai que nous avons pris acte, dans des mémoires que nous avons entendus jusqu'à maintenant ou que nous entendrons plus tard, des représentations assez sévères quant au fait de limiter à deux ans l'âge de l'enfant à partir duquel le parent ne peut se prévaloir du statut de non-disponibilité à cause du manque de garderies, etc. On nous a incités, chez certains groupes de femmes, et Mme la ministre déléguée à la Condition féminine a participé à ces discussions, à hausser cet âge. D'un autre côté, certains groupes nous disent: S'il faut le hausser jusqu'à l'âge de la scolarité, vous risquez de créer une trappe, un ghetto pour ces femmes qui auront plus de difficulté à réintégrer le marché du travail. Sur ce point aussi, nous aimerions vous entendre plus précisément. Quelle option favorisez-vous?

Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme Harel: Combien de temps reste-t-il?

Le Président (M. Bélanger): Il reste quelques minutes, pas trop. Le député de Sainte-Anne m'avait demandé tout à l'heure de lui réserver quelques minutes sur ce mémoire. Combien de temps reste-t-il pour votre formation politique? Sept minutes, M. le ministre. Donc, j'imagine que le député de Sainte-Anne aura une couple de minutes après. Pour le moment, on va donner la parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Non, non, non, pas du tout.

Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, vous voulez répondre à cette assez longue question?

Mme Simard: Écoutez, je vais tenter de reprendre un certain nombre de choses. M. le ministre, vous nous dites que le problème c'est l'adaptation au travail finalement, on convient que beaucoup de personnes ont besoin de pro- grammes pour pouvoir réintégrer le marché du travail. Comme je l'ai expliqué, il y a une foule de raisons. Il n'en demeure pas moins que, même si on recyclait tout te monde adéquatement et qu'on trouvait le bon programme pour toutes les personnes disponibles pour travailler, il en resterait des milliers sur le carreau. Je suis contente d'entendre les statistiques que vous venez de nous donner sur les nouveaux types d'emplois qui sont créés. Je n'ai pas pris connaissance de ces statistiques, mais on sait que la très grande majorité des emplois disponibles sont de mauvaise qualité. Ce sont des emplois précaires, qui se retrouvent dans des services où les gens ont, finalement, peu de chances de se maintenir longtemps, où les possibilités de promotion et d'avancement sont très faibles et où les conditions de travail sont généralement pénibles.

Si on ne s'attaque pas de façon vigoureuse - malgré ce qu'en pense le Conseil du patronat, à savoir que c'est une utopie et que le plein-emploi n'existe pas - à un programme qui ait un objectif, soit celui d'atteindre le plus grand nombre d'emplois possible, on se reverra, dans quelques années, avec exactement le même genre de problèmes et probablement des problèmes plus aigus. En effet, plus longues sont les périodes au cours desquelles un très grand nombre de personnes dans une société vivent dans un état de dépendance, plus les problèmes généraux de société deviennent importants et graves. Les premiers à en souffrir seront évidemment ceux réduits à cet état de dépendance, mais les membres de leur famille, leurs enfants, et tous les autres vont aussi en souffrir. Je pense que, là-dessus, on ne pourra jamais trop le répéter.

Vous dites que les distorsions, enfin, l'incidence sur les conditions de travail... Je vous soumets respectueusement qu'on est d'accord pour ce qui est de l'incitatif au travail, pour permettre, entre autres, que les gains gagnés soient conservés. D'ailleurs, dans le mémoire qu'on vous a soumis - on vous a d'ailleurs communiqué cela à maintes reprises - on était d'accord pour ne pas imposer à 100 %. C'est une mesure tout à fait injuste et qui s'applique encore. Cela dit, s'il y a un écart qui doit être maintenu, ce ne doit pas être un écart à la baisse entre le salaire gagné et les prestations. S'il faut maintenir des écarts, iI faut trouver les me-sures incitatives davantage à la hausse qu'à ia baisse.

Maintenant, en ce qui concerne les autres dimensions du programme, on est forcé de vous dire qu'on pense encore, malgré les explications que vous nous avez données, que c'est une réforme qui a pour effet de cibler davantage la responsabilité des individus. Elle risque fort de faire que ces individus se retrouvent dans une situation pire que celle qu'ils connaissent actuellement. Je n'invente rien quand je dis - c'est votre propre programme qui le dit - que les prestations des gens vont baisser, et ce, pour la très grande majorité d'entre eux. Or. on sait

déjà qu'ils ont des situations très pénibles à vivre. L'espoir d'améliorer leur situation est tellement utopique, dans les conditions actuelles, qu'on ne peut pas souscrire aux différentes formules que vous proposez; le risque y est beaucoup trop grand. Les gens vont se retrouver dans une situation pire que celle qu'ils connaissent actuellement.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président, une minute seulement - parce que je veux vous entendre le plus possible - sur la question de lest de Montréal et vous êtes bien placée pour en parler, Mme la vice-présidente de la CSN, compte tenu du dossier de la Vickers, de la fermeture du chantier naval que la CSN représentait et de la perte d'emploi pour 500 personnes qui sont maintenant sur l'aide sociale.

La très grande majorité d'entre eux ont épuisé leurs prestations d'assurance-chômage depuis 22 mois, notamment. Également, iI y a les difficultés qui se présentent au port de Montréal. C'est tout simplement pour rappeler au ministre que la création d'emplois dans l'est, il n'y en a pas eu. Cela a été essentiellement du transfert d'emplois dans de nouveaux parcs industriels aménagés et modernisés pour remembrer des terrains et permettre du déplacement d'emplois de secteurs plus vétustés de Montréal - l'avenue du Parc et d'autres - vers des secteurs qui se sont ouverts à l'infrastructure industrielle comme Pointe-aux-Trembles. Essentiellement, cela n'a eu aucun effet sur la diminution du chômage, à tel point qu'on en est encore, dans l'est, à quelque 12 % de chômage. Si c'est une situation qui va bien, qu'est-ce que ce serait si cela allait mal? Même avec cette création d'emplois dont parle le ministre, il n'y a pas eu de réduction. Je ne sais si cette confusion est entretenue volontairement ou non. J'imagine que c'est parce qu'il n'a pas encore pris conscience que ces programmes, ces mesures ne donnent pas une formation adéquate pour occuper ces nouveaux emplois créés. En matière de formation et d'apprentissage pour occuper ces emplois, iI n'y a rien présentement sur la table au Québec. On attend de lui qu'il fasse ses devoirs à ce sujet. Dans l'est, on ne sait même pas à quoi servira exactement le montant de 12 000 000 $ que vous avez annoncé la semaine dernière. Le milieu a été suffisamment vigilant pour exiger de vous, compte tenu de la situation particulière et assez tragique de l'emploi, un effort exploratoire, au fond, parce que c'est un projet expérimental. On s'attend à avoir une idée précise sur la façon dont cet argent sera dépensé pour permettre à ceux qui en ont le plus besoin d'en bénéficier.

Mme la vice-présidente et les personnes qui l'accompagnent, je dois vous dire que votre mémoire est sans doute l'un des meilleurs - je n'ose pas dire le meilleur - car c'est un mémoire qui, à tous égards, a une vision globale de ce que peut être un projet de société en matière de sécurité du revenu. Ce n'est pas comme le ministre le prétend dans son document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu" où vous savez qu'on ne parle que de l'aide sociale. On ne parle pas de sécurité du revenu présentement, on parle uniquement d'aide sociale comme si l'ensemble du problème de la sécurité du revenu ne devait pas avoir d'incidences à la fois économiques et fiscales en ce qui concerne le plein emploi d'intégration. On y reviendra avec vos propositions.

Vous avez entendu le ministre faire un peu l'interprétation des principes que vous énoncez au début de votre mémoire pour vous amener à constater qu'ils étaient respectés dans les orientations et les propositions qu'il fait. J'imagine que vous allez inviter le ministre à relire plus attentivement votre mémoire.

Je note assez vite les éléments qui sont novateurs notamment sur la question du droit à l'autonomie individuelle. Contrairement au ministre qui prétendait que son programme de sécurité, que sa politique respecte ces éléments de droit a l'autonomie individuelle, je veux vous rappeler - à la page 20 - que le statut de conjoint, pour les femmes, comme le statut de dépendant pour les jeunes... Ailleurs, vous posez même la question: À quand la contribution alimentaire filiale? Le statut de dépendant pour les plus âgés est un obstacle que dresse l'État face à une politique d'autonomie individuelle. Cet obstacle, avec la contribution parentale, s'additionne plutôt qu'il ne se soustrait au droit à l'autonomie individuelle.

Également, à la page 29, il y a un élément nouveau, vous appelez cela le renversement du fardeau de la preuve. C'est certainement un concept familier au monde du travail, mais c'est la première fois que je le voyais associé, à la page 29... Je pense que c'est fondamental. Vous dites: Jusqu'à maintenant, l'aide était diminuée si des gains supplémentaires étalent gagnés - des gains réels - au-delà de ce qu'on concevait être les besoins reconnus. Tandis qu'avec la proposition - le renversement du fardeau de la preuve - l'aide est tout de suite réduite, avant même qu'il y ait eu un gain d'emploi réalisé. On additionne un gain d'emploi fictif pour combler simplement ce qu'on reconnaît être des besoins essentiels. Ce renversement est fondamental. N'oubliez pas que tes 100 % d'imposition s'appliqueront pour tout gain supérieur aux besoins essentiels reconnus et que les seuls gains d'emploi consentis sont ceux qui permettront d'atteindre le niveau de besoins essentiels reconnus par l'État mais qu'il ne veut plus couvrir. C'est cela la mécanique, le coeur de la proposition. (12 heures)

À la page 36, vous nous rappelez avec raison ce que le rapport Boucher énonçait, à savoir que les besoins réels des personnes

devaient être couverts par I'État, quelle que soit la cause de leur handicap. J'inviterais donc le ministre à relire vos principes, et pas simplement dans le préambule, mais avec l'éclairage et les illustrations que vous en donnez.

Je voudrais profiter de votre présence. Vous avez une proposition substantielle à partir de la page 60. Vous avez fait l'effort non pas simplement d'analyser et de critiquer la proposition gouvernementale, mais vous faites, je pense, une importante contribution en nous apportant une proposition de réforme. Cette proposition de réforme, vous l'avez à peine ébauchée. J'aimerais, pour les fins de nos travaux vous entendre parler plus longuement de cette proposition de réforme.

Mme Simard: Je vais vous dire tout de suite qu'on l'a présentée ici, mais on a aussi travaillé cette proposition dans le cadre de tous les travaux qu'on a faits depuis maintenant deux ans sur la question de la fiscalité. Vous n'êtes pas sans savoir que beaucoup de présentations ont été fartes et au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial. Cela renverse, oui, complètement le système qu'on connaît, c'est-à-dire qu'on reconnaîtrait à chaque adulte dans notre société un crédit d'impôt qui lui serait versé. Nous proposons 3000 $ et on pense que cette somme ne coûterait rien puisqu'on sait que, si on calcule ces 3000 $ par nombre d'adultes et qu'on calcule les revenus des exemptions qui existent actuellement dans notre régime de fiscalité, ces sommes-là existent. Donc, 3000 $ à partir desquels, lorsque c'est nécessaire, se greffent des programmes de sécurité du revenu x. Les avantages d'un système comme celui-là sont, à notre avis, importants. Cela vient remplacer les exemptions, comme je l'ai dit, et le premier avantage, c'est que cela établit, à notre avis, d'abord, ce qu'on pense qui est fondamental, c'est-à-dire la jonction entre la fiscalité et les programmes de sécurité du revenu. Cela aurait aussi pour effet de concourir à la progressivité du régime fiscal parce qu'on sait que cela n'existe pas - on sait que les exemptions profitent toujours davantage aux gens qui ont des revenus plus élevés plutôt qu'à ceux qui ont des revenus plus faibles - et cela permettrait de verser à chaque personne - c'est là le principe de l'autonomie individuelle - un montant. Cela remplirait aussi autre chose, cela reconnaîtrait une valeur au travail domestique, par exemple. Enfin, cela remplirait un tas de fonctions qui, on le sait, ne le sont pas actuellement.

Par rapport à un régime d'aide sociale, cela ferait en sorte qu'une partie du revenu serait déjà assurée à tout le monde, par la forme du crédit d'impôt, et cela serait en dehors d'un contrôle spécifique. On pourrait ensuite ajouter un programme d'aide sociale pour ceux qui en ont besoin et ce programme... D'une certaine façon, on pourrait contribuer un peu plus à ces programmes et le faire de façon plus adéquate pour les personnes qui en ont besoin. Ce qui nous semble important, c'est qu'on propose que, par exemple, la récupération fiscale qui. On pourrait avoir le crédit d'impôt, on pourrait avoir une formule d'aide et admettons que les gens aient travaillé, eh bien, la récupération fiscale ne serait pas de 100 %, évidemment - je pense que les commentaires de la députée de Maisonneuve sont importants sur notre proposition - mais de 50 %.

Alors, ce ne serait pas une mesure fiscale trop lourde. On pense que, comme société, on serait capables de I'assumer, mais que ce serait un système conforme aux principes, M. le ministre, que nous avons inscrits et qui, je pense, sont des mesures qui sont beaucoup plus proches de cela. Je regrette, mais je ne pense pas que la réforme que vous proposez respecte ces principes-là, si ce n'est au chapitre de l'autonomie des individus, quand on voit la série de mesures qui, finalement, recrée des liens de dépendance x par rapport à d'autres personnes, de la famille par exemple.

On pense que le crédit d'impôt, ce n'est pas seulement pour les personnes qui ont besoin d'aide sociale. Le crédit d'impôt, c'est aussi une base de revenus pour les personnes âgées à partir de laquelle s'ajouterait le supplément de revenu garanti, etc., pour les étudiants. Oui c'est une formule qui est différente et qui, je le pense, est la solution - c'est ce que nous pensons à la CSN - à la situation qu'on connaît actuellement et je n'ai pas besoin de répéter devant cette Assemblée que, malheureusement, au Québec et au Canada, on a de plus en plus de personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté et que la richesse se répartit de plus en plus inégalement dans notre société, qu'il y a une façon de s'y attaquer comme collectivité et que c'est par la fiscalité. Je pense qu'une des bases serait justement l'application d'une formule de crédit d'impôt à partir de laquelle se grefferait un ensemble d'autres programmes de sécurité du revenu. Nous en serions tous gagnants. Je ne veux pas tomber dans trop de détails, mais on pense que si, effectivement, il y avait plus d'argent disponible, il y aurait une incitation à la consommation qui ne ferait qu'améliorer notre sort collectif comme société au point de vue économique.

Mme Harel: M. le Président, donc, essentiellement, on retrouve dans votre mémoire la mécanique. C'est un crédit d'impôt remboursable, suivant le niveau de revenu. C'est bien cela?

Mme Simard: C'est cela, de 3000 $

Mme Harel: Et ce crédit d'impôt serait également accessible aux travailleurs à faible revenu qui ont un gain équivalant au salaire minimum. Vous le proposez jusqu'au seuil de la pauvreté. Dans votre mémoire, vous dites qu'à aucun Individu dont le revenu est en deçà du

seuil de la pauvreté ne devrait payer d'impôt. C'est donc un autre élément j'imagine, qui s'dditionne au crédit d'impôt comme tel.

Mme Simard: Cest-à-dire que tout le monde, tout adulte dans notre société aurait la somme de 3000 $ payée évidemment ensuite en fonction des revenus gagnés, les gens pairalent des impôts. Actuellement, c'est I'inverse: vous retenez de I'argent par exemption que vous ne versez pas à l'état. L'État ne vous envoie pas d'argent On a des exemptions. Là, tout le monde aurait cette somme de 3000 $ et, suivant votre niveau de revenu, vous en remettriez une partie ou pas. Mais ce qui est important c'est que, quand on retravaillera les tables d'impôt... II y a aussi des propositions à cet effet-là, que les gens rendus à tel niveau ne paient pas d'impôt et que d'autres en paient à partir de tel niveau, mais indépendamment de I'activité de I'adulte... Entre autres, une forme de reconnaissance du travail domestique des femmes au foyer pourrait être concrétisée par la reconnaissance du paiement de ce crédit d impôt de 3000 $

Mme Harel: Cela vaudrait, à ce moment-là, pour les étudiants qui reçoivent actuellement des prêts et bourses.

Mme Simard: Entre autres, voilà.

Mme Harel: Donc, cela pourrait valoir pour l'ensemble...

Mme Simard: Pour les personnes âgées. En fait, c'est une formule de base à laquelle se grefferaient d'autres types de programmes

Mme Harel: Et, vous proposez que, dans la mécanique de cette formule de crédit d'impôt remboursable, le seuil en deçà duquel on ne paie pas d'impôt soit le seuil de la pauvreté...

Mme Simard: C'est cela.

Mme Harel:... pour qui que ce soit. Mais, à ce moment-là, quel est ce seuil de pauvreté auquel vous faites référence? Celui de Statistique Canada ou du Conseil canadien de développement social? Ce sont les deux seuils, si vous voulez Vous n'avez pas de mécanique là-dessus?

Mme Simard: Oui.

Mme Morel (Sylvie): Je pense que cela reste à discuter. L'important n'est pas vraiment le seuil de pauvreté qu'on retient en soi qui représente un objectif plus à moyen terme qu'immédiatement parce qu'on est conscients que cela entraîne des coûts également de dire que tous les gens vivant, ayant un revenu sous le seuil de la pauvreté, ne paient pas d'impôt. Cela entraîne des coûts. Alors, on pense que ça devrait être plutôt un objectif à moyen terme

Ce n'est pas tellement cela qui est important comme le fait d'apporter une formule qui remplace ce qu'on a actuellement.

Mme Harel: Vous savez que c'est peu connu dans notre société le fait qu'il y a beaucoup de gens qui paient de l'impôt tout en étant sous le seuil de la pauvreté. Le commun des mortels n'imagine pas habituellement qu'on puisse payer de l'impôt même si on est dans la pauvreté pourtant cest là une réalité qui est le fait d'une très grande majorité de nos concitoyens.

J'aimerais avant de terminer parce que le temps... Oui?

Mme Simard: Je tiens à insister sur cette question parce que souvent l'argument qu'on va opposer, cest de dire. Cela coûterait un argent fou, on n'a pas l'argent. En fonction des données que nous avons, et non pas de toutes les données sophistiquées que vous pouvez avoir au gouvernement, mais selon les données que nous avons concernant le coût des exemptions, eh bien cela serait un coût nul. Mais c'est une autre façon de répartir. Cela est très vrai et c'est d'ailleurs I'objectif de notre proposition. C'est une autre façon de répartir. Mais cela ne coûterait pas du nouvel argent, si je peux reprendre cette expression-là. C'est du vieil argent, mais qui est recyclé. Voila!

Mme Harel: Je ne sais plus combien de temps il me reste Trois minutes? Alors, rapidement. Vous dites également qu'il faut arrimer une politique d'aide sociale à des politiques sociales proprement dites. Vous nous parlez des services de garde etc. J'aimerais vous entendre là-dessus

Mme Simard: À la lecture même du mémoire et de toutes les classifications de différentes conditions qui peuvent se présenter, il me semble que, de toute évidence, une réforme de l'aide sociale au Québec doit se faire en harmonie avec les autres réformes en cours. Par exemple, on attend une politique des services de garde. On fait référence, évidemment, à maintes reprises, aux enfants, à la disponibilité, etc. Comment concevoir des barèmes avec des conditions de disponibilité ou non quand on est en voie d'adopter, dans quelques mois une politique des services de garde qui, je l'espère, va faire en sorte qu'on pourra avoir des services de garde adéquats qui pourront permettre à des femmes bénéficiaires de l'aide sociale d'avoir de meilleures conditions?

On est préoccupés par la question de la désinstitutionnalisation. II y a des milliers de bénéficiaires qui, dans les prochaines années, vont quitter les institutions et nous sommes d'accord avec cela. Ils vont quitter les institutions pour tenter de se réinsérer socialement. Est-ce qu'ils vont venir joindre les rangs des aptes ou des inaptes? Comment va-t-on composer avec cette nouvelle réalité de milliers de person-

nés qui ont vécu dans des institutions qui ont été nourries par des institutions, qui ont été hébergées dans des institutions? On est à la veille au Québec de procéder à une réforme des services de santé - enfin, on I'espère - à une nouvelle politique des services de garde, et laide sociale ne peut pas être conçue en dehors de toute cette globalité. On a dit la même chose à Mme la ministre Lavoie-Roux quand on a discuté du rapport Harnois en commission parlementaire. Vous ne pouvez pas concevoir une politique de désinstitutionnalisation sans savoir quelles seront les mesures d'aide sociale, quelles seront les mesures très concrètes de réinsertion sociale qui vont être offertes à ces gens-là.

C'est donc un appel global qui est transmis ici au gouvernement. Nous qui sommes préoccupés, au même titre que d'autres groupes, par ces questions-là - sur certains aspects, nous le sommes plus - pour être éclairés, pour être capables d'intervenir de façon cohérente et logique, on a besoin de tous les morceaux du casse-tête pour être en mesure de proposer un projet de société qui rejoigne nos principes et nos aspirations. Par exemple, avoir un programme comme celui-ci, mais, par ailleurs, dans quelques mois, se retrouver avec un programme de politique des services de garde qui ne tienne pas compte dun certain nombre de réalités des femmes assistées sociales, je dirais qu'on a manqué notre coup. C'est un peu le sens de notre intervention sur cette question. On sait bien qu'il y a des contraintes administratives. On sait bien qu'il faut procéder par étapes. Je vous entends déjà, M. le ministre, vous allez me le dire. II n'en demeure pas moins qu'il y a une logique qui doit sous-tendre toutes ces mesures à caractère social qui doivent être reliées les unes aux autres. Je n'ai pas parlé de la politique de la famille, c'est également un autre volet qui nous préoccupe.

Le Président (M. Bélanger): Merci. II reste deux minutes au parti ministériel M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Mme Simard, le ministre a mentionné hier que le but de la consultation était, entre autres, de bonifier le projet de loi. Je suis très content de cette affirmation parce qu'il y a des points sur lesquels nous avons aussi beaucoup de difficultés.

À la page 58 de votre mémoire, vous mentionnez le partage du logement. Vous savez que l'intention du document est de réduire l'allocation mensuelle de 115 $ dans le cas de ceux qui participent au programme APTE Avez-vous des statistiques? Dans mon comté, à Pointe-Saint-Charles, par exemple, je sais qu'il est impossible de trouver un appartement pour 25 % du revenu d'un assisté social. Le logement coûtera beaucoup plus que 25 %; dans certains cas c'est 50 %. En fait, il y avait un reportage là-dessus dans La Gazette en fin de semaine ou on mentionnait des chiffres, des noms, etc. Je me demande si c'est un problème local à Montréal où le pourcentage du logement est beaucoup plus élevé que les 25 % et où la mesure du partage du logement deviendrait vraiment une mesure punitive. Quelle est la situation ailleurs dans la province? Avez-vous des statistiques là-dessus? (12 h 15)

Mme Simard: Écoutez, je dois plaider que je n'ai pas les statistiques des coûts du logement ailleurs dans la province. Règle générale, il est assez connu que les Québécois sont encore très majoritairement des locataires et que le coût des logements est très élevé. Je pense avoir lu qu'à Québec, c'était plus cher qu'à Montréal, par exemple, mais je ne pourrais pas dire que dans telle région c'est plus aigu que dans une autre.

M. Polak: Quand vous avez rejeté ce principe du partage de logement, avez-vous fait ça...

Mme Simard: Je pense que là, on parle de deux choses. Le coût des logements, c'est une chose, et forcer en quelque sorte les gens à habiter ensemble, c'est autre chose. Si des gens habitent ensemble et voient une diminution d'une certaine façon, c'est autre chose. C'était davantage de ce point de vue-là qu'on en parfait, ce n'était pas tellement du coût hypothétique du logement qui peut varier d'une région à une autre et ou le problème peut être plus aigu. Je ne sais pas si tu veux ajouter quelque chose?

Mme Morel: On sait que le coût des logements a beaucoup augmenté ces temps derniers. Je pense que cela a fait la manchette des journaux. Entre autres, à Montréal, c'est un problème important. C'est intéressant que vous souleviez ce point-là parce que, compte tenu des revenus que touchent les assistés sociaux, il est clair que ces gens-là sont souvent forcés de partager un logement et, là, ils se voient couper leurs prestations de 115 $. À l'heure actuelle, on coupe les prestations de quelqu'un qui loue une chambre, par exemple, parce qu'il touche un revenu, on va couper sa prestation de 85 $, mais il a touché un revenu. On étend, un peu comme on le fait dans tout ce document-là, le principe d'un gain fictif, encore une fois, à des gens qui ne toucheront rien et qui tentent simplement de diminuer leur coût de vie parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent pour survivre carrément. On comprend mal que, compte tenu du coût des logements qui a été de plus en plus élevé ces dernières années, on introduise une telle mesure.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Harel: À la lecture de votre mémoire, avec le peu de délai qu'il y a eu entre le dépôt

de la proposition gouvernementale et le dépôt du mémoire le 8 février, il est évident qu'une telle proposition et l'ensemble de l'analyse que vous faites nont été possibles, je pense, que parce que vos travaux avaient déjà antérieurement abordé ces questions-là.

Je crois que la formule que vous proposez est suffisamment sérieuse pour quelle vaille la peine d'être chiffrée, mesurée et évaluée par l'État, et je souhaiterais que la contribution importante que vous apportez à nos travaux puisse donner lieu à une évaluation ministérielle des propositions qui nous sont faites Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je profite de la porte qui est ouverte, et c'est rare, par la députée de Maisonneuve pour vous dire que j'ai apprécié, je le répète, la qualité de votre mémoire et de votre présentation. L'approche fiscale que vous avez soulevée est inspirée en partie, entre autres, de la commission Macdonald. On y retrouve quelques traits communs. J'acheminerai une copie du mémoire au ministre des Finances ou au ministère des Finances, là ou les grandes politiques de fiscalité se décident et posent des contingences à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, à M. le ministre de la Sécurité du revenu et à combien d'autres.

Je vous demande de réévaluer votre analyse du document lorsqu'on parte de gain ou de perte pour les assistés sociaux en fonction des clientèles, en considérant le cas où les 100 000 - et si c'était le cas, on aimerait que vous nous le précisiez par la suite - ou les 100 000 personnes considérées comme inaptes pourraient perdre, ou la personne apte au travail et qui participe pourrait perdre. Si c'est le cas, on voudrait que ce soit indiqué ou spécifié dans un document que vous pourriez nous acheminer. Dans le cas du programme APPORT également par lequel on complète le revenu des familles et on paie les frais de garde, où perdent-ils ces gens-là? Ce que je retiens également, c'est votre détermination a parler de plein emploi, mais vous parlez d'un programme et le plein emploi ne peut s'obtenir qu'à partir de la mise en place de plusieurs programmes dans plusieurs secteurs d'activité. Merci beaucoup de votre témoignage.

Le Président (M. Bélanger): Nous remercions la Confédération des syndicats nationaux et nous appelons à la table la Fédération des femmes du Québec qui sera représentée par Mme Ginette Busque et Mme Charlotte Thibault.

Je demande à chacun de bien vouloir reprendre sa place. Nous recevons maintenant la Fédération des femmes du Québec. Je demanderais à la porte-paroie de bien vouloir s'identifier et de présenter sa collègue, et je vous rappelle que vous avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire et qu'il y aura 40 minutes de période de questions par la suite.

Alors, si la porte-parole veut bien s'identifier.

Fédération des femmes du Québec

Mme Busque (Ginette): Oui. Mon nom est Ginette Busque présidente de la Fédération des femmes du Québec. Je vous remercie M. le Président.

Mesdames messieurs, avant de plonger dans notre intervention proprement dite, j'aimerais faire une petite mise au point. La Fédération des femmes du Québec est heureuse de se présenter ici aujourd'hui. Elle aurait souhaité par contre avoir un peu plus de temps pour s'approprier ce dossier. Contrairement à certains groupes qui se sont déjà présentes ici, nous ne sommes pas des spécialistes, puis-je dire, de ce dossier de l'aide sociale. Par contre les préoccupations que nous portons et les revendications que nous faisons à la fédération depuis qu'elle existe font que cette problématique de l'aide sociale nous concerne au plus haut point sous certains aspects, même si nous ne sommes pas des spécialistes de l'aide sociale. Autrement dit, tout le dossier travail nous est très familier et c'est sous cet angle que nous sommes le plus intéressées d'intervenir ici aujourd'hui.

J'ai avec moi Charlotte Thibault qui est la coordonnatrice de la fédération, je dirais notre employée permanente, à temps plein. Donc, nous n'avons pas pu transférer ce dossier à nos avocats, à nos économistes et à un nombreux personnel technique Charlotte et moi avons travaillé à ce dossier.

La Fédération des femmes du Québec a été fondée en 1966. Depuis 22 ans, elle défend et fait la promotion des droits des femmes, dont leur droit à l'autonomie financière et à la sécurité économique. C'est un organisme féministe, non partisan sur le plan politique et pluraliste aussi.

La fédération regroupe 60 associations et quelques centaines de membres individuels appartenant à quatre conseils régionaux. Elle représente environ 45 000 femmes et à travers ses membres touche tous les champs d'intérêt en matière de condition féminine.

Plusieurs associations de la fédération sont très près de la problématique de l'aide sociale. Je donne quelques exemples. Le YWCA reçoit une clientèle de mères adolescentes, de femmes âgées démunies et de femmes en détresse pour toutes sortes de raisons. L'Auberge Madeleine accueille des femmes itinérantes, lesquelles sont de plus en plus jeunes et abandonnées par les institutions de l'État. Les centres de femmes, représentés par leur regroupement provincial, l'R des centres de femmes, côtoient aussi parmi les femmes qu'ils rejoignent un certain nombre de bénéficiaires d'aide sociale, alors que les maisons

d'hébergement pour femmes victimes de violence doivent fréquemment référer ces dernières à l'aide sociale. Finalement, les associations membres de la fédération qui travaillent à l'intégration des femmes au marché du travail, comme le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, comme COFFRE et qui travaillent aussi à l'amélioration des conditions minimales de travail, Au Bas de l'Échelle, savent très bien comment les choses se déroulent quand les bénéficiaires d'aide sociale font des démarches d'intégration au marché du travail.

La FFQ se sent donc, à juste titre, concernée au plus haut point par l'orientation que prend le gouvernement du Québec dans son projet de réforme de l'aide sociale.

Notre intervention portera donc sur l'analyse de l'idéologie qui se dégage du document d'orientation; le discours qui sous-tend ce document d'orientation et la récupération d'un certain vocabulaire utilisé par les groupes de pression; les mesures et les programmes proposés et leurs répercussions dans la vie des bénéficiaires d'aide sociale; et, enfin, quelques conclusions à tirer.

Mme Thibault (Charlotte): On aimerait aussi mentionner que nous appuyons le mémoire qui va être présenté d'ici quelques jours par le CIAFT, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au marché du travail. Ses recommandations par rapport à l'intégration des femmes au marché du travail correspondent aux souhaits que nous avons.

Mme Busque: Donc, l'idéologie et les grands principes de base. Pour nous, il ressort assez clairement de l'ensemble du document d'orientation que la préoccupation première du gouvernement est la réduction des coûts du système d'aide sociale. On ne sent pas une question fondamentale qui serait: Comment, en tant que collectivité, en tant qu'État, pouvons-nous maximiser notre aide aux plus démunis? Mais bel et bien: Comment pourrions-nous faire pour que cela coûte le moins cher possible?

L'idéologie qui sous-tend le document renvoie à l'individu la responsabilité entière de sa situation et la façon dont il doit y remédier. La solution au problème de la pauvreté ne semble plus, d'après cette orientation, relever de la collectivité. Elle est transférée aux individus qu'on prétend responsabiliser. Ce langage, ce mot "responsabiliser" est de plus en plus fréquent dans ta bouche de l'État; il n'est pas uniquement dans ce document d'orientation de l'aide sociale, il est ailleurs et il correspond généralement aux situations dont l'État veut lui-même se désengager ou se déresponsabiliser.

De plus, on peut dire qu'au lieu de corriger ce qui est considéré comme une des faiblesses du système de bien-être social au Canada le gouvernement du Québec s'oriente vers une amplification de cette faiblesse. En effet, en réduisant l'aide sociale pour la majorité des bénéficiaires et en multipliant tes contrôles et les catégories, nous n'échapperons probablement pas aux résultats décrits dans le rapport du Conseil national du bien-être social que je cite ici: "On a mis au point des procédures compliquées pour l'évaluation des besoins, qui aident à identifier les personnes méritant le plus qu'on les aide. Mais cette évaluation des besoins a elle-même entraîné divers problèmes, dont le renforcement de la pauvreté. Les taux d'assistance sociale ont été maintenus à des niveaux plutôt faibles à cause de restrictions budgétaires et, dans certaines provinces, pour éviter que les taux d'assistance ne dépassent le salaire minimum. " Nous, c'est vraiment ce vers quoi on se dirige, on ne veut pas dépasser le salaire minimum. "Mais ces niveaux d'assistance très faibles ont apporté une grande misère chez les bénéficiaires qui doivent survivre avec des sommes de beaucoup inférieures au seuil de pauvreté. "

Le document d'orientation "Pour une politique de sécurité du revenu" va ainsi à l'encontre de l'une des recommandations du rapport précité, les recommandations relatives aux éléments majeurs du système de bien-être. Il s'agit particulièrement de celle qui traite de la simplification du système et qui vise à ce qu'il y ait moins de règlements et de catégories.

Le système qui nous est proposé, avec sa soixantaine de cases possibles, est conçu de manière que la majorité des bénéficiaires aient énormément de difficulté à repérer les erreurs de classification et d'appréciation de leur situation. L'administration du système coûtera certainement très cher et peut-être plus que l'épargne recherchée.

Il y a enfin lieu de se demander si un système fondé sur l'orientation qui nous est proposée améliorera de façon générale le sort des bénéficiaires. Pendant les neuf premiers mois de prestation, tous les bénéficiaires seront perdants, en comparaison avec le système actuel. Après les neuf premiers mois, seules quelques catégories de personnes verront leur situation s'améliorer.

Le discours et le vocabulaire. L'introduction du document d'orientation est un petit chef-d'oeuvre en son genre. Le problème c'est que sous une forme aussi séduisante et prometteuse se cache un fond qui ne garantit pas le respect des objectifs que nous devons poursuivre en matière de politique sociale. D'une certaine manière, je pense qu'on pourrait dire, comme le Conseil du patronat, qu'on est d'accord avec les objectifs, mais c'est sur le "comment" qu'on se dissocie de cette orientation.

Le gouvernement, par la voix du ministre Pierre Paradis, se dit résolu à donner la parité aux jeunes et à favoriser l'incitation au travail, iI est même impératif, paraît-il, de procéder à la mise en place d'un nouveau système. Les mots "générosité", "solutions dynamiques", "outil efficace", "actions concrètes", ainsi- que les mots

dignité" "autonomie" "justice" et "équité" brillent de mille feux. Bref, on a les mots pour le dire. Le problème, c'est qu'on ne se donne pas les moyens pour le faire. (12 h 30)

Dans un organisme comme la Fédération des femmes du Québec la plupart de ces mots font partie du vocabulaire courant, particulièrement les mots "autonomie" et "incitation au travail" Pourrions-nous les désavouer? Certes non. Ce que nous désavouons, cependant, c'est plutôt I'utilisation trompeuse qui en est faite dans le document d'orientation et tout ce qui se cache derrière cette façade qui, aussi reluisante quelle soit, ne nous renvoie pas t image que nous souhaitons.

Je passe maintenant la parole à Charlotte pour notre Intervention portant sur les mesures et les programmes proposés.

Mme Thibault: La parité pour les jeunes. Un gouvernement qui se déclare résolu à accorder la parité de traitement aux moins de 30 ans n'attend pas jusqu'en 1990 pour passer à l'action. Reconnaître que le système actuel est inéquitable pour les jeunes et en même temps demander à ceux-ci et à celles-ci de patienter encore deux ans avant qu'on ne remédie à leur situation n'est ni logique ni acceptable.

Nous recommandons donc qu'on passe à la parité dès maintenant. Prétendre que l'aide sociale "ne doit pas remplacer les contributions et les formes de secours déjà existantes dans la famille" tient du sens commun. Mais derrière ce discours, empreint du sens profond que doit revêtir le mot famille, se pointe sans subtilité le désir du gouvernement de réactiver le concept d'obligation alimentaire de notre Code civil mis quelque peu en veilleuse par différentes politiques sociales. Cette réanimation de l'obligation alimentaire entre parents et enfants revêt cependant un caractère plutôt coercitif dont il faut se méfier, car elle pourrait bien un jour servir à réduire non seulement les bénéfices de l'aide sociale, mais aussi ceux d'autres programmes, par exemple, ceux qui sont destinés aux personnes âgées.

Mme Busque: J'aimerais même ajouter ici que ce qu'on semble entendre dans le discours qui se tient sur le document d'orientation, c'est que tout le monde prétend que cela ne vise que les jeunes. On entend même, à certains moments, que ce sont les 17-25 ans qui sont visés. Je pense que c'était dans le livre blanc sur la fiscalité du Parti québécois qu'il y avait cette classe d'âge, 17-25 ans.

Quand on parle de jeunes ici, on voudrait savoir à quel moment ça s arrête, parce que dans le document d'orientation, M. Paradis, il ny a pas de limite d'âge de fixée. Donc, on peut très bien imaginer, on pourrait déduire par la lecture du document que, même à 35 et à 40 ans, si on habite chez nos parents, on ne sera jamais considéré comme indépendant.

Ce n'est plus une question d'âge, mais une question de relation parents-enfants. C'est exact? Alors, je pense qu'il faudrait démystifier ce discours sur les jeunes. Le simple tait |e pense de sortir cette vérité montre très bien qu'il ne s'agit plus de demander à des parents de s'occuper de leurs jeunes enfants et de les mettre sur la voie, je dirais de l'âge adulte, mais bien de les accompagner pendant toute leur vie d'adulte.

Mme Thibault: Si on reprend au sujet de I'obligation alimentaire, déjà, les pressions sont énormes via, entre autres, les services sociaux et les services hospitaliers, pour demander aux enfants adultes de reprendre leurs parents âgés et de les garder chez eux pour éviter l'institutionnalisation des parents âgés. Donc, déjà, on voit des tendances par rapport à l'obligation alimentaire du côté des parents âgés.

Cet appel à l'obligation alimentaire des parents envers leurs enfants laisse entendre que les parents ne veulent pas assumer des responsabilités envers leurs enfants majeurs ce qui est tout à fait faux. On peut même observer dans notre société un phénomène qui prend de I'ampleur et qui est celui du retour des enfants majeurs chez leurs parents. II est donc tout à fait plausible de croire que les jeunes adultes qui se tournent vers l'État, pour assurer leur survie, sont dans une situation où ils peuvent difficilement compter sur leurs parents. D'ailleurs il serait Intéressant de voir comment on va évaluer que des parents ne donnent effectivement pas d'argent à leurs jeunes, à leurs enfants. Est-ce qu'on va se retrouver dans des situations comme on en a vu par rapport aux prêts et bourses où des parents qui voulaient permettre à leurs enfants de devenir indépendants devaient faire venir la police pour qu'elle les expulse officiellement de la maison et qu'il y ait un rapport de police? Est-ce qu'on va avoir des situations comme ça?

Ce serait intéressant de voir comment on devient indépendant vis-à-vis des parents Imposer une période d'attente de deux ans après te départ du domicile familial pour accorder de pleines prestations, c'est, en quelque sorte, demander une preuve de rupture d'avec la famille plus lourde que celle qui est requise pour prouver l'échec d'un mariage et ce qui est un peu étrange, c'est que l'échec d'un mariage, lui, mène à l'indépendance chez les jeunes. Je trouve cela assez spécial. Est-ce qu'on va se retrouver exactement comme pour les prêts et bourses avec des jeunes qui veulent avoir de l'aide sociale et être indépendants, donc, qui vont se marier et divorcer très rapidement pour pouvoir devenir indépendants?

Par crainte de voir certains et certaines profiter du système, on en force des milliers d'autres à vivre avec un revenu largement inférieur au seuil de la pauvreté. Cette déshumanisation a des effets désastreux à long terme et

coûte extrêmement cher dépression perte de confiance en soi, sous-alimentation, etc. Où est la rentabilité du système?

Maintenant, on va passer à des commentaires sur le programme de soutien financier. Étant donné que le document d'orientation propose qu'il y ait présomption d'employabilité et de disponibilité pour toute personne qui devient bénéficiaire de l'aide sociale, nous espérons que cela ne servira pas à retarder I'admissibilité à de pleines prestations pour les personnes qui répondent aux critères du programme de soutien financier. D'ailleurs, il faudrait se demander: Est-ce que, après avoir établi ce qu'est l'inaptitude - terme qu'on n'aime pas utiliser - il va y avoir un rétroactif de prévu pour ces personnes? Nous aimerions obtenir des certitudes à cet égard.

Dans un autre ordre d'idées, nous craignons que l'utilisation du terme "non employable" ne marque un recul dans la lutte que mènent les organismes représentant les personnes handicapées pour intégrer ces dernières au marché du travail. Pourquoi, risque-t-on de penser, chercher à développer des emplois pour des gens qui de toute façon sont classés "non employables"? Pensons, entre autres, aux personnes de 55 ans et plus aussi, aux femmes.

Enfin, le fait que l'inaptitude au travail soit évaluée en fonction d'un état altéré de santé physique ou mentale ne tient pas compte d'un certain nombre de situations qui relèvent d'avantage de ce qu'on pourrait qualifier d'inaptitude sociale ou psychosociale. Nous pensons, entre autres, aux femmes qui au moment d'un divorce ou d'une séparation traversent parfois une période extrêmement difficile. Tout en étant en bonne santé physique et mentale, elles n'en sont pas moins alors démunies au point qu'il leur faille une couple d'années pour retomber sur leurs pieds. Si la pension alimentaire fait défaut, pourquoi l'État ne leur viendrait-il pas convenablement en aide, jusqu'à ce qu'elles aient les ressources pour entreprendre les démarches qui les conduiront vers l'autonomie financière?

Mme Busque: Je voudrais ajouter la-dessus, ce qu'on sent un peu dans le document, c'est-à-dire qu'on ne veut pas que les femmes passent finalement de la dépendance du mari à la dépendance de l'État.

À la page 11 du document, au premier paragraphe, entre autres quand on fait remarquer à quel point les changements dans la famille ont occasionné une augmentation assez dramatique du taux de divorce, ce qui amène une fragilité des familles, on a l'impression maintenant que le jugement que l'on porte c'est que le système d'aide sociale a permis à un certain nombre de femmes d'acquérir une autonomie financière et qu'on ne voudrait plus que cela se passe comme cela dorénavant. Mais on sait très bien que les femmes qui, au moment d'un divorce ou d'une séparation, ont recours à l'aide sociale, ce sont des femmes qui n'ont pas pu obtenir, entre autres, un partage équitable de biens ou qui nont pas pu obtenir une pension alimentaire suffisante. On sait très bien aussi que, même lorsqu'elles obtiennent une pension alimentaire, iI n'y a aucune garantie actuellement que cette pension alimentaire-là sera payée. On n'a pas de système de perception automatique des pensions. Ces femmes-là sont donc très souvent dans une situation de désarroi total dont. II faut leur permettre de sortir et je pense que le facteur temps n'est pas étranger à cela.

Mme Thibault: Les femmes victimes de violence conjugale qui quittent leur foyer sont, elles aussi, dans une situation sociale et affective extrêmement fragile et précaire. Croît-on quelles sont en mesure de s'intégrer rapidement au marché du travail?

On aimerait faire remarquer qu'on appuie le mémoire du Regroupement provincial des malsons d'hébergement. D'ailleurs, on a beaucoup de questions relativement à tout ce qu'on appelle les besoins spéciaux et on aimerait vérifier si les 85 $ qui sont alloués aux victimes de violence conjugale qui sont dans des maisons d'hébergement vont continuer à être donnés. En plus, on aimerait aussi mentionner qu'on n'a pas étudié toute la question des femmes immigrantes. Ce n'est pas notre champ de spécialité. On espère que des groupes de femmes immigrantes pourront venir témoigner pour exprimer leurs besoins qui sont extrêmement spécialisés dans le domaine de l'aide sociale.

Le programme APTE. La notion d'aptitude au travail et le concept d'employabilité sont élaborés à partir de caractéristiques individuelles qui n'ont, de par leur nature même, aucun lien avec les caractéristiques propres à notre marché du travail. Le document d'orientation semble fondé sur la présomption qu'il y a des emplois disponibles pour chaque personne qui désire travailler. On se préoccupe beaucoup de savoir si les bénéficiaires d'aide sociale sont disponibles ou non, mais très peu de la disponibilité des emplois. À quoi cela sert-il d'affirmer d'un côté que le taux de chômage est encore trop élevé quand, de l'autre côté, on ne soucie pas d'en tenir compte?

En somme, le problème n'est pas tant de présumer que des personnes sont employables et disponibles et peuvent se trouver un emploi, mais de croire que toutes ces personnes peuvent se dénicher un travail. La politique de sécurité du revenu du document d'orientation se greffe à la participation au marché du travail, sans pour autant remettre en cause les politiques relatives au marché du travail et c'est là que le bât blesse.

Sans objectif de plein emploi, l'incitation au travail ne donnera jamais les résultats escomptés. Elle devient contrainte au travail et au travail précaire. De plus, le fait de ramener les bénéficiaires de t'aide sociale au niveau des travailleurs

et travailleuses à faible revenu semble corriger ce qui apparaît comme une aberration du système actuel, à savoir que certains et certaines bénéficiaires de l'aide sociale ont des revenus supérieurs a ceux de certains travailleurs et travailleuses. Nous ne nous opposons pas en principe à ce que des prestations d'aide sociale correspondent aux salaires des travailleurs et travailleuses à faible revenu. Cependant, au lieu de niveler vers le bas, nous devrions favoriser les mesures qui permettraient a tous et à toutes d'avoir accès à des salaires décents.

Notre organisme est très conscient de la précarité.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous interrompre. Le temps est terminé.

Mme Busque: Est-ce qu'on peut faire comme le Conseil du patronat et demander deux minutes supplémentaires?

Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a consentement? Allez. Deux minutes, s'il vous plaît.

Mme Thibault: J'imagine quon aura l'occasion de faire valoir ce que nous voulons dire ici au moment des questions. Je pense qu'on pourrait très brièvement faire des commentaires sur le programme APPORT ou notre principale critique est peut-être que sous une apparence de favoritisme aux familles - parce qu effectivement ça s'adresse à des travailleurs qui ont des enfants - on ne permet pas aux autres travailleurs et travailleuses d'atteindre un revenu qui est décent.

Donc, on garde encore au salaire minimum ou à des revenus inférieurs au salaire minimum parfois les autres travailleurs et travailleuses. On crée également, je dirais, chez tous ces travail leurs à bas revenu... On les rend, on les fait devenir bénéficiaires de l'aide sociale. C'est un peu la caractéristique de ce programme et, d'une certaine manière, c'est un statut de travailleur qui est moins intéressant et ils deviennent davantage bénéficiaires de l'aide sociale, peut-être, que travailleurs.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux remercier la Fédération des femmes du Québec pour son mémoire et sa présentation. Je prends bonne note de ce que vous nous avez indiqué, à savoir que vous l'avez fait à partir de votre expérience sur le terrain, sans avoir eu recours à vos avocats comptables ou économistes Je vous dirai que, dans un tel dossier, ça nous arrive un peu comme une bouffée d'alr frais et je souhaite qu'il y en ait d'autres qui nous partent un peu de cette façon-là.

Je pense que le regroupement des assistés sociaux nous a un peu parlé à partir d'exemples hier. Cela nous permet de vérifier si ce que I'on écrit, ce que I'on pense peut s'appliquer, est applicable ou est conforme a la réalité. Au lieu d'être gênés d'une telle approche, je pense que c'est une approche qui nous fait du bien, en tout cas qui me fait du bien comme ministre et è mes collègues parlementaires.

Je voudrais, rapidement, reprendre peut-être trois ou quatre points que vous avez soulevés de façon a laisser un peu de temps à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et à d'autres parlementaires pour s'exprimer. Vous parlez de la façon de maximiser laide plutôt que de la façon d'épargner. Je pense que c'est la première grande question que vous avez mise de l'avant. Je le dis et je le répète: Cette politique de sécurité du revenu a cheminé à travers le Conseil du trésor et le ministère des Finances, avec de multiples argumentations, et ce n'était pas parce que les économistes des divers ministères pensaient épargner qu'il est survenu des échanges importants entre les fonctionnaires et les ministres concernés. Je vous indique à nouveau les chiffres: pour la clientèle, 25 % de la clientèle, à peu près 100 000 personnes ou ménages considérés inaptes au travail, c'est un ajout par le gouvernement, indexé net, d'à peu près 1000 $ par année, par bénéficiaire. Cela peut ne pas sembler important pour des gens qui ont des revenus substantiels dans la société, mais, pour ces gens-là, il s'agit d'une augmentation importante de leurs prestations d'aide sociale. (12 h 45)

Quant aux personnes qui sont aptes au travail et qui participeront aux mesures, vous avez un bareme de 420 $, auquel vous ajoutez des allocations de participation de 60 $ et des frais de participation de 40 $ Cela fait 520 $ en termes de bareme comme tel s'il y a participation, de cela j'en conviens, et là aussi, à notre avis, il y a augmentation. Quant aux personnes qui seront bénéficiaires du programme APPORT... Oui, il y a annulation du programme SUPRET. Le programme SUPRET coûtait à peu près 25 000 000 $ par année, le programme APPORT, suivant nos estimations, coûtera 65 000 000 $. II y a 40 000 000 $ additionnels Donc, nous choisissons d'investir là. Et nous sommes prêts à discuter avec les groupes. Est-ce que nos choix d'investissement sont propices? Est-ce qu'on doit les modifier, est-ce qu'on doit les réarranger? Est-ce qu'on doit en ajouter? Mais de se faire dire comment on veut épargner en ajoutant ces montants, on se dit peut-être que. À un moment donné, lorsque vous aurez le temps de consulter vos économistes, ils vous diront non, le gouvernement a nettement ajouté.

Mme Busque: M le ministre, puis-je vous répondre à cela?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Busque: Vous nous avez permis de penser cela parce que vous dites dans te document que la plupart des bénéficiaires, de toute façon, dans les neuf premiers mois se trouvent de l'emploi. Donc, ce qui veut dire que la majorité des bénéficiaires qui sont aptes au travail vont effectivement voir leurs prestations diminuées, passant de 503 $ à 405 $. Donc, c'est une réduction de 100 $. Sur toutes ces personnes qui, pendant les neuf mois vont effectivement retourner sur le marché du travail, il y a une épargne correspondante, c'est sûr.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison pendant les neuf premiers mois, mais je vous demande de partager avec moi la difficulté que j'ai. À partir de votre expérience pratique, comment puis-je partir d'un barème qui se doit de conserver, comme vous l'avez indiqué - et je pense que vous l'avez dit, vous ne voulez pas que cela dépasse le salaire minimum - l'incitation au travail versus le salaire minimum et également I'incitation à partir du barème de base et la participation à des mesures d'employabilité? II y a deux niveaux d'incitation qui me rendent la vie compliquée. Je vous laisserai peut-être me suggérer une autre approche. Mais je voulais traiter de trois points précis qu'on retrouve en page 6 de votre mémoire et sur lesquels vous vous êtes attardées particulièrement. Toute la question des personnes non employables. Vous indiquez que vous craignez un recul pour les organismes représentant les personnes handicapées pour intégrer ces dernières au marché du travail. Sur ce point, nous vous demandons de reconsidérer l'approche que nous avons prise qui consiste, oui, à offrir le programme Soutien financier à ces personnes, mais en plus toutes les dispositions du programme APTE qui incluent les frais de participation et les allocations, et les frais de participation seraient également ajoutés de façon à ne pas les marginaliser dans la société. Je ne sais pas si c'est suffisamment clair dans le document, on ne l'a peut-être pas rendu de façon assez claire, mais c'est l'intention gouvernementale et on va clarifier cela.

Le deuxième point, la définition de l'inaptitude. Vous soulignez le fait que l'inaptitude sera évaluée en fonction d'un état altéré de santé physique ou mentale et que cela ne tient pas compte de l'inaptitude sociale. Je vous dirai que nous prenons en considération vos remarques à cet effet et que nous les analyserons.

Dans la même page - ils se retrouvent tous à la page 6 - la question des perceptions alimentaires. Vous nous suggérez de mettre sur pied un système de perception automatique pour perception alimentaire de façon que les femmes ne se retrouvent pas dans des situations que vous avez décrites. Sur cela aussi nous retenons votre argumentation. Sans nous compromettre d'une façon ou d'une autre, nous vous disons que vous avez là un élément de réflexion additionnel qui nous avait déjà été soumis par Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et sur lequel nous réfléchissons sérieusement présentement.

Au sujet des prêts et des bourses aux étudiants, c'est vrai que notre programme a toutes les vicissitudes du programme de prêts et bourses aux étudiants. Il est calqué. II a ses bons et ses mauvais côtés. Je vous dirai qu'on est un peu captif de ce programme, parce que nous ne voulons pas rendre l'aide sociale plus attrayante que le système de prêts et bourses aux étudiants de façon à ne pas inciter les étudiants à quitter l'école pour devenir des prestataires de laide sociale. Sur cela, si vous avez des recommandations à nous faire, elles sont également bienvenues. Ce sont les points que je voulais soulever en souhaitant que d'autres. Je sais que Mme la ministre déléguée à la Condition féminine va intervenir sur toute la question de l'âge des enfants, etc. Je veux vous laisser le temps d'en discuter.

Mme Thibault: Je voulais intervenir D'abord, je voulais savoir ceci, M. le ministre: Quand on parle des mesures d'employabilité, dans le fond, APTE peut être intéressant, est-ce qu'il va y avoir des limites du nombre de participants dans les programmes comme c'est le cas présentement ou est-ce qu'il y a une limite de 20 000 $ pour un des programmes, 1000 $ pour un autre et 7000 $ pour l'autre? Quelles vont être les priorités pour intégrer les participants à ces programmes-là? Va-t-on d'abord s'occuper des chefs de familles monoparentales, par exemple? Donc, les personnes handicapées et vues comme inaptes, ou non employables, seront-elles en bas de ligne et en attente?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de répondre le plus rapidement possible encore une fois. Y aura-t-il des limites? C'est non. Ce qui a été proposé, tant au plan des ressources humaines dont le ministère aura besoin qu'au plan des budgets, c'est pour pouvoir accueillir la totalité de la clientèle dite apte

En ce qui concerne votre deuxième question qui touchait...

Mme Thibault:... qui touchait les priorités Allez-vous d'abord donner priorité aux chefs de familles, entre autres les chefs de familles monoparentales? Ce qui ferait, par exemple, que des personnes jugées inaptes ou non employables, comme les personnes handicapées, seraient en bas de liste.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les clientèles auxquelles la priorité sera donnée seront strictement celles qui n'auront pas à subir ce qu'on appelle le délai de carence des neuf premiers mois, c'est-à-dire les clientèles dont on se rend compte, à partir d'une première évaluation, qu'elles ne font pas partie des 40 % qui,

pendant les neuf premiers mois vont sortir toutes seules de laide sociale. Au contraire, si on leur imposait une carence de neuf mois, on n'aboutirait à rien, finalement parce qu'on perdrait neuf mois. Ce sont les clientèles auxquelles la priorité sera donnée. Les clientèles qui, à première vue, selon l'expérience du ministère, sont condamnées à rester bénéficiaires de laide sociale pendant des années, si on n'intervient pas en leur offrant des mesures d'employable.

Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Je tiens à vous remercier et à vous féliciter pour la présentation de votre mémoire. Je connais le très peu de ressources qui sont mises à votre disposition pour préparer un tel mémoire dans un laps de temps relativement court.

Dans votre mémoire, vous avez exprimé, très brièvement, votre opposition à l'égard de critères de non-disponibilité temporaire pour les femmes ayant des enfants de moins de deux ans. Cela me préoccupe beaucoup moi aussi depuis I'annonce de la politique, et j'en ai discuté longuement avec mon collègue. Par contre, je voudrais connaître votre position. Et il faut être cohérent, je pense avec le discours qu'on tient à la condition féminine lorsqu'on parle d'autonomie financière, lorsqu'on parie de sécurité économique. Et il faudrait peut-être prendre en considération la quantité d'enfants. Mais il m'ap-paraît que, pour une femme qui a un enfant, par exemple, âgé de zéro à deux ans, qui pourrait facilement avoir la garde d'enfants, ce peut être normal. Mais dépassé deux ans, lorsqu'on sait, par exemple, que, si on n'est pas sur le marché du travail pendant une certaine période, c'est très difficile de revenir sur le marché du travail avec des conditions qui sont intéressantes, est-ce que cela vous apparaît normal? Et n'y a-t-il pas de problème, pas de danger? D'autre part, tout en ayant la garde de cet enfant de zéro à deux ans, il est tout à fait normal qu'on poursuive une certaine formation, peut-être pas au même rythme qu'on l'exigerait d'une personne entièrement disponible, mais n'y aurait-il pas lieu d'introduire des mesures pour qu'on puisse permettre une certaine formation? Si, par contre, on a plus que deux enfants, je pense, par exemple, à des enfants de zéro à six ans, si on avait deux ou trois enfants, à ce moment-là, je considère que c'est beaucoup plus difficile d'accéder au marché du travail ou de poursuivre une formation. Mais j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet par rapport au discours tenu à la condition féminine sur l'autonomie financière et au fait, par exemple, d'obliger pratiquement ou de subventionner ces personnes qui sont à domicile pour la garde d'enfants, sans les obliger à une certaine formation, par exemple, ou à une réintégration.

Mme Busque: Mme Gagnon-Tremblay, vous savez aussi que, dans ce discours sur la condition féminine et l'autonomie financière, on parle de congés parentaux, on parie de la possibilité pour les parents d'assumer des charges sociales et des charges parentales aussi. On sait très bien que, actuellement, le marché du travail est très peu bâti pour justement faire face à cette participation des femmes. Vous avez raison quand vous dites qu'il y aurait peut-être moyen d'adoucir un peu ce qui est présenté dans le document en incitant les femmes à poursuivre une formation, etc, c'est-à-dire à ne pas se couper entièrement du marché du travail. Mais ce n'est pas cela qui est dans le document d'orientation. Je vous avoue. Ce qu'on critique, c'est un peu le fait de forcer les femmes, finalement, à aller sur le marché du travail dans un contexte de marché du travail qui ne contribue pas à une amélioration de leur situation financière. Quand les femmes demandent d'avoir accès au marché du travail, elles veulent y aller pour améliorer leur situation financière. Ce n'est pas nécessairement le cas pour les femmes qui sont bénéficiaires de l'aide sociale. En même temps, ce critère de non-disponibilité sur le plan du vocabulaire est plus intéressant que ie terme "inapte", parce qu'une femme qui élève des enfants n'est pas inapte.

Elle est effectivement non disponible temporairement pour le marché du travail rémunéré. Qu'on ne lui reconnaisse pas le même revenu, entre autres, qu'on va justement accorder aux inaptes. Quand on parle de cohésion dans le discours, soyons aussi cohérents à ce point de vue. On est une société qui dit: II n'y a pas assez d'enfants, il faudrait en faire plus. Est-ce qu'on veut que seulement les femmes des milieux moyens ou aisés de notre société fassent des enfants?

Est-ce qu'on va refuser, par exemple, aux femmes plus démunies ce droit de faire des enfants et même, je dirais, de les élever? Parce qu'on parle également de choix. On ne veut pas qu'il y ait une contrainte au marché du travait, mais une possibilité, en étant parent, d'aller au marché du travail, toujours dans le but d'améliorer sa situation. Je pense qu'il ne faut pas perdre ça de vue.

Donc, les services de garde sont essentiels. Les congés de maternité sont essentiels, les congés parentaux sont essentiels, la politique fiscale devrait également être envisagée dans cette optique. Donc, c'est un ensemble de mesures qu'il faudrait effectivement considérer. Je pense que la conclusion que nous aurions voulu apporter à notre intervention, c'est peut-être que, justement, on nous force à nous prononcer sur un document qui est finalement très parcellaire en termes de politique de sécurité du revenu.

Mme Gagnon-Tremblay: Mme Busque, je suis d'accord avec vous lorsque vous mentionnez

qu'on a absolument besoin de concilier vie familiale et vie professionnelle, que ce soit pour toutes les femmes, pour tous les hommes ou pour tous les travailleurs et les travailleuses. Mais je reviens à ma question encore, parce que c'est très important. Étant donné l'autonomie financière, cette femme - je suppose qu'à ce moment-là il n'y ait pas de congé parental, parce qu'elle est seule, ou cela peut être une femme seule qui a la garde d'enfant - est-ce qu'il est normal - supposons qu'elle a un enfant - qu'on puisse l'obliger à poursuivre une certaine formation, peut-être pas au même rythme qu'une personne qui n'a pas d'enfant et qui est bénéficiaire de l'aide sociale à ce moment-là, ou bien si, d'après vous, les zéro à deux ans, il ne faut pas du tout toucher à ça?

D'autre part, je reviens encore avec la quantité d'enfants. Est-ce que, parce qu'on parle des zéro à six ans... C'est sûr que l'idéal, c'est qu'on puisse garder nos enfants de zéro à six ans. C'est l'idéal, sauf que, pour quantité de raisons que vous avez énumérées si, finalement, on est capable de concilier vie familiale et vie professionnelle, d'avoir des services de garde, d'avoir des aménagements de temps de travail, à ce moment-là, on va pouvoir concilier les deux.

Par contre, pour les femmes qui ont besoin d'aide sociale, qui ont plus de deux enfants, est-ce que cela vous apparaît très difficile ou si cela peut être conciliable si on leur offre d'autres services?

Mme Thibault: Pour ce qui est de la question des zéro à deux ans, je pense qu'il ne faudrait pas toucher à ça. En fait, ça correspond à un congé de maternité. Ce serait un peu aberrant qu'on travaille d'un côté à donner un congé de maternité convenable accompagné d'un congé parental à des femmes qui sont déjà sur le marché du travail et qu'on refuse à celles qui sont bénéficiaires de l'aide sociale de s'en prévaloir. De toute façon, il faut voir que les niveaux de revenus ne sont pas très intéressants. Ce n'est pas le paradis! Ha, ha, ha! Excusez-moi, en le disant, j'ai...

Je pense que, pour ce qui est de la catégorie d'âge de deux ans à six ans, iI faut, dans ia mesure du possible, Inciter tes femmes à réintégrer le marché du travail. Toute la question d'en avoir plus d'un est déjà un facteur qui modifie considérablement les choses. On a tendance à penser que les femmes qui n'ont qu'un enfant devraient normalement, après ses deux premières années, penser à réintégrer le marché du travail. Très souvent, elles ont peur de le faire. C'est vrai. Elles ont besoin de formation.

Plus on est sorti longtemps du marché du travail - je suis d'accord avec vous - plus c'est difficile de le réintégrer. Donc, il faut penser à des mesures de réintégration, probablement dès ce moment-là. Mais il ne faut absolument pas les concevoir en dehors - moi, je le répète aussi - de toutes ces mesures qui sont essentielles, comme les services de garde et des services de garde harmonisés aux besoins de ces femmes-là. Vous savez très bien qu'il n'y a pas de gardes de nuit, qu'il n'y a pas de gardes de fin de semaine, etc., et que les emplois actuels exigent une telle disponibilité.

Présentement, ils ne sont pas là, les services dont les femmes ont besoin pour retourner sur le marché du travail quand elles ont la responsabilité d'enfants en bas âge. (13 heures)

J'ajouterais juste qu'il y a une différence entre inciter et obliger, premièrement, et pour nous c'est très important. Aussi, il faut considérer qui sont les femmes chefs de familles monoparentales. Les femmes bénéficiaires de l'aide sociale qui, entre autres, voudraient garder leurs enfants entre zéro et six ans, ce sont souvent des femmes qui viennent de vivre un divorce, des situations très difficiles. Donc, les enfants sont beaucoup plus, je dirais fragiles, et ont besoin effectivement de la présence de leur mère. Donc, il faut en tenir compte et, si on prend aussi tous les cas de femmes victimes de violence, elles ont déjà, je pense, beaucoup de difficultés à se ramasser, à essayer de tenir la famille ensemble et tout. Donc, II faudrait respecter toutes ces femmes-là, peut-être les inciter à participer à certains programmes, mais sûrement pas les obliger.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que la ministre a souligné une confusion dans sa question. Elle a mis en lumière la confusion qui existe sur le plan gouvernemental entre des mesures d'incitation et des diminutions de barèmes. Par exempte, la ministre dit: Faut-il en fait soutenir les femmes dans une démarche où elles poursuivraient une formation? Je pense bien que tout le monde ici va répondre oui. La question est: Faut-il pour le faire les punir si elles ne le font pas? En définitive, quand on regarde les barèmes tels qu'on les retrouve dans le document d'orientation, on voit qu'une femme chef de famille monoparentale qui, actuellement - je reprends le chiffre du ministère - aurait 684 $ indexés, recevrait 585 $ - 99 $ de moins - parce qu'elle déciderait d'assumer l'éducation d'un enfant de trois ans et que cela correspond à la catégorie "refus de participation' sachant qu'en vertu même des propositions la garde après l'âge de deux ans est considérée comme un refus de participer. C'est donc dire qu'il y a là une punition de 99 $ par mois parce qu'un chef de famille monoparentale décide d'assumer l'éducation d'un enfant de deux ans et un mois et évidemment d'un enfant plus âgé. C'est exact.

C'est là où le bât blesse. C'est là où la

confusion s'est installée. Qu'il y ait des catégories de façon à permettre de donner priorité à des stages de formation, à un accompagnement, qu'il y ait des catégories à l'aide sociale, cela se soutient et cela peut finalement être très acceptable, mais que ces catégories donnent des barèmes qui réduisent les chefs de familles monoparentales, c'est cela, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, qui est inacceptable, parce qu'à ce moment-là l'État dicte un choix de vie à certaines de nos concitoyennes. Alors, je dois vous dire que votre mémoire, nous l'avons reçu comme vous le disiez, compte tenu des délais il y a peu de temps et ceci dit, c'est exact qu'il a apporté une sorte de rafraîchissement parce qu'en le lisant je me suis dit: Mon Dieu, que les femmes sont donc imperméables aux discours mystificateurs! Vous avez réussi avec un humour subtil à bien nous faire comprendre comment les mots eux-mêmes sont en train de nous piéger, comment ces mots qui représentent des valeurs surtout, je dirais, souvent dans la culture féminine, sont en train d'être dénaturés de leur sens.

Je pense entre autres à un point de vue que vous nous avez apporté qui est certainement extrêmement important et qui est celui considérant qu'il faut qu'il y ait un échec pour que l'État intervienne. Vous dites: C'est quand il y aura rupture du lien familial, il faudra qu'il y ait preuve de rupture pour qu'à ce moment-là l'État, par ses liens politiques, aide le jeune ou la famille. Je crois que c'est vraiment important de voir combien tout cela peut avoir des effets pervers. Vous demandez, quelle sorte de preuve de rupture avec la famille va-t-il falloir pour obtenir un secours? Je crois que c'est vraiment une question clé de l'ensemble de votre mémoire. J'aimerais vous entendre sur cette question du respect du choix de vie des femmes. Est-ce que, jusqu'à maintenant, vous avez envisagé ce que devait être le rôle de l'État à l'égard du respect du choix de vie des femmes?

Mme Busque: J'aimerais bien pouvoir passer cette question. Si vous me permettez, Mme la députée, je voudrais adresser, par le biais de M. le Président, une question. Vous avez soulevé un certain nombre de choses par rapport aux personnes qui se seraient déclarées non disponibles. Je transférerais, pour cette catégorie de personnes, la question que posait Mme Thibault au début pour les personnes qui sont inaptes: est-ce que leurs prestations seront rétroactives au moment de la demande? Est-ce que la personne qui est non admissible, c'est-à-dire qui, au moment où elle devient prestataire, a un enfant de six mois, par exemple, et pourrait être déclarée non admissible, va devoir attendre neuf mois pour avoir ce statut, c'est-à-dire pour passer à une prestation de 660 $ par mois, ou si elle va rester à la prestation de 585 $ par mois?

Pendant les neuf premiers mois, normalement la prestation est diminuée Une famille monoparentale avec un enfant à charge recevra 585 $ dit-on. Par la suite, une fois qu'elle aura montré, par exemple, qu'elle est non disponible, sa prestation passera à 660 $ par mois, mais est-ce qu'elle peut faire la preuve de sa non-admissibilité dès le début?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La réponse à votre dernière question, si vous me le permettez, M. le Président, je vais être très bref, c'est oui, la réponse à la première question, quant à la rétroactivité du statut est également oui.

Mme Busque: Je ferais encore un commentaire à savoir que, quand vous prétendez, M. le ministre, que l'État ne fera pas d'épargne par le biais de ce nouveau programme, il reste que la famille monoparentale avec un enfant recevra moins, même quand elle sera déclarée non-admissible, qu'elle ne reçoit sous le régime actuel. II y a donc là une épargne. Elle reçoit, sous le régime actuel, 684 $ par mois et recevra 660 $ avec le nouveau système. II y a là une épargne qui est nette pour le gouvernement.

Quant à la réponse à votre question, je pense que oui, le gouvernement doit respecter le choix de vie des femmes, mais il ne faudrait pas interpréter cela comme on est en train de le faire et dire que les femmes veulent rester dépendantes de l'État. Ce n'est pas vrai. Les femmes veulent intégrer le marché du travail. Les femmes veulent des emplois stables, elles veulent de la formation, elles veulent travailler à des salaires convenables, elles veulent des conditions décentes de travail. Ce vers quoi on les dirige ici: avec tous ces programmes d'employabilité, elles n'auront pas un statut de travailleuses quand elles vont intégrer le marché du travail ici, mais elles veulent être des travailleuses. Elles vont rester des bénéficiaires de l'aide sociale pendant toute leur durée de participation à ces programmes-là. Donc, les conditions minimales de travail ne s'appliqueront même pas à ces femmes.

Vous voyez donc que, d'une part, on fait lutte pour avoir des conditions minimales de travail qui aient de l'allure et, d'autre part, on dit aux femmes: Bien voilà, vous allez vous lancer là-dedans, mais cela ne s'appliquera pas à vous. Donc, je ne sais pas si on doit parler en termes de respect du choix des femmes, mais il y a, pour nous, un écart substantiel entre nos revendications et ce qu'on offre aux femmes pour répondre à ces choix de vie.

J'aurais aussi peut-être, si vous me permettez, une question sur les prestations d'APPORT qui, je pense, marquent une amélioration par rapport au programme SUPRET dans la mesure où, d'abord, c'est plus substantiel que le programme SUPRET, mais il semble que toute l'idéologie montre la compensation, en fait, des frais de garde Cela s'adresse à des familles qui ont des enfants.

Je voudrais donc demander pourquoi un

couple qui a un enfant se voit accorder des prestations supérieures, avant frais de garde, à celles qui sont accordées à la famille monoparentale avec un enfant du même âge. Cela laisse entendre que cela coûte plus cher à un couple d'élever un enfant qu'à une famille monoparentale. Si les prestations de garde sont plus importantes pour cette famille monoparentale qu'elles ne le sont pour le couple, il reste que les prestations avant frais de garde sont, elles, inférieures. Je trouve cela un peu étonnant. C'est donc comme si on tenait compte, non seulement de la présence de l'enfant, mais bel et bien de la situation de couple. Est-ce que vous pouvez répondre à cette question, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je peux répondre dans le sens suivant. Le programme APPORT a été annoncé l'an passé par le ministre des Finances dans le discours sur le budget. Il est en application et sera publicisé au cours des prochains mois, de façon rétroactive au 1er janvier de cette année. J'ai prévenu les gens, dès le début de la commission parlementaire, hier, que les présentes consultations ne portaient pas sur l'application du programme APPORT pour sa première année d'opération - parce qu'il est déjà en opération - mais pour les deuxième et troisième années. Ce que vous soulignez sera souligné au ministère des Finances.

Mme Busque: D'accord. Merci.

Mme Harel: M. le Président, cela va me permettre de demander au ministre s'il y a des formulaires disponibles, puisqu'il est déjà en application,

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, présentement, comme je vous l'indique, c'est en application de façon rétroactive.

Mme Harel: Fictive.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous voulons l'accompagner de la publicité adéquate pour faire en sorte qu'il ait plus de succès dans son application qu'en a eu un programme dit SUPRET que votre gouvernement avait mis de l'avant.

Mme Harel: Comment fait-on pour s'inscrire à APPORT, puisqu'il est déjà en opération? C'est une autre question que je poserai au ministre, mais on aura d'autres occasions pour la lui poser.

C'est à vous que je veux poser mes questions aujourd'hui. Vous disiez tantôt qu'il y aurait une économie, entre autres, pour la catégorie non disponible. Non disponible, c'est, entre autres, une femme, chef de famille, qui assume la garde d'un enfant de moins de deux ans. C'est une femme enceinte de plus de six mois, ce sont aussi des personnes qui sont inaptes temporairement, qui ont un problème, une maladie. Vous disiez qu'il y avait une économie.

Cette économie a été chiffrée par le ministère, dans un document qui a été rendu public par le front commun des assistés sociaux, et est de 33 000 000 $. Mais il y a également une autre économie, celte dont on n'a pas encore parlé, qui consiste à rendre des personnes admissibles sans les faire participer au programme. C'est la catégorie admissible.

Avec l'attitude que vous nous décrivez chez un bon nombre de femmes qui seront désireuses, même si cela ne leur donne pas nécessairement l'assurance d'un emploi, de participer, même avec un statut d'assistée sociale, à des mesures... Mais, même en se proposant de participer à ces mesures, elles seront dans une catégorie admissible qui ne leur permettra pas d'avoir le plein montant. Si on compare actuellement le montant que reçoit, disons, une chef de famille monoparentale avec un enfant, soit un montant 680 $, avec l'allocation qu'elle recevrait en étant admissible à des mesures, donc toute prête, toute disposée, fermement convaincue, même, que cela va l'aider à retourner sur le marché du travail, ses prestations vont être de 620 $, une réduction. M. le ministre, je vous réfère au tableau: Admissible à des mesures.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis familier avec cela.

Mme Harel: C'est donc dire que, présentement, même avec le discours mystificateur, dans le cas d'une assistée sociale - parlons en fait de l'ensemble - qui serait bien disposée à participer à toutes les mesures que le ministre a faites sans exception pour tout le monde, ses prestations seraient de 64 $, pour une chef de famille monoparentale, de moins que ce qu'elle reçoit présentement. J'ai fait les calculs. Une chef de famille monoparentale de deux enfants qui retourne terminer son secondaire et une chef de famille qui retourne au cégep avec trois enfants, huit ans, onze ans et treize ans - que je connais - en participant pleinement, notamment avec les retours aux études que l'on sait être quand même difficiles, que l'on sait ne pas se faire dans les meilleures conditions, ces femmes vont recevoir l'une et l'autre, avec une proposition de participation aux mesures, dans le document du ministre, moins que ce qu'elles ne reçoivent présentement, en participant aux mesures. Vous allez me dire que ce n'est pas considérable: 26 $, dans un cas, et 16 $, dans l'autre cas, en moins. Qu'à cela ne tienne, si tant est qu'elles partagent un logement toutes les deux, pour pouvoir, simplement, se permettre à l'occasion d'amener un enfant ou l'autre - pas les trois évidemment - voir un film ou participer à une autre activité qui n'est pas prévue dans les besoins essentiels. Alors là, chacune d'entre elles verrait ses prestations diminuées de 115 $ par mois et la perte serait de 131 $ de ce qu'elles reçoivent présentement, pour participer pleinement aux mesures par lesquelles le ministre

dit devoir les amener à réintégrer le marché de l'emploi. Ce document d'orientation qui est devant nous est une punition, actuellement, pour à peu près l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale.

Mme Thibault: J'aurais simplement un commentaire, Mme la députée. Moi-même, habitant dans une coopérative d'habitation, je regardais le coût du loyer que nous avons dans le centre-ville de Montréal. Ce sont vraiment des coûts très avantageux et malgré tout, avec les barèmes alloués prévisibles pour 1989, il faudrait qu'un couple soit bénéficiaire de laide sociale, comme on dit, avec deux enfants pour pouvoir se payer le logement où j'habite en ce moment. Et ce sont déjà des logements qualifiés presque de logements sociaux. J'avoue que je trouve cela assez inquiétant. Je trouve aussi un peu décourageant, effectivement, de voir qu'on va diminuer de 115 $ les allocations des personnes bénéficiaires de l'aide sociale parce qu'elles vont rester ensemble. Je pense à tous les chambreurs qui essaient de se regrouper à Montréal et qui essaient d'avoir des maisons de chambre intéressantes. Je me demande comment on va faire pour ces gens-là. J'espère que ces gens-là vont être entendus à la commission parlementaire.

Mme Harel: Je vous remercie. Je vais terminer ici. Je sais que J'ai encore un petit peu de temps, mais je pense que nous allons avoir l'occasion de rencontrer un ensemble de groupes avec lequel vous travaillez à l'échelle de la coalition. Les dix mémoires présentés par l'ensemble des organismes féminins du Québec sont, unanimement, extrêmement critiques à l'égard de ce qu'ils considèrent comme des mesures proprement odieuses. Alors, nous aurons l'occasion et je vous remercie de vous être présentées devant la commission.

Le Président (M. Bélanger): Merci. II reste deux minutes à la formation ministérielle pour une question et une réponse Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Legault: Merci, M. le Président. Si vous me le permettez, ma question fait suite à une réflexion personnelle sur l'avenir des femmes. Comme l'indique le document, les femmes ont accès aux emplois les moins bien rémunérés. Comme on pouvait le lire hier dans Le Soleil du 22 février, les femmes, à travail égal et études égales, subissent une diminution de salaire pouvant atteindre jusqu'à 20 % et 40 %. Dans une perspective de plein emploi, je vous demande ce que vous en pensez. Ma question est comme ceci Serait-il rétrograde et conservateur d'appuyer une politique qui favoriserait les femmes qui choisiraient - j'ai bien dit qui choisiraient - librement de demeurer au foyer afin d'élever leurs enfants et de s'occuper d'elles-mêmes et ce, pendant quelques années? Je vous demande ce que vous en pensez.

Mme Busque: Je pense qu'il faut donner le choix aux femmes de pouvoir faire cela et dire que la politique est pour leur permettre, je pense, d'intégrer le marché du travail, mais de le faire dans des conditions ou cette intégration va signifier qu'elles améliorent leur sort à court, moyen et long termes et non pas qu'elles vont s'en aller dans un emploi pour quelques mois et retomber a rien. Après cela, je pense que, par contre, il faut permettre à celles qui le veulent effectivement d'élever leurs enfants. Je pense qu'on est dans une société où on doit respecter ces choix individuels. Dans la mesure où on pense que les enfants sont un bien pour la collectivité, à ce moment-là il faut leur donner aussi un soutien de la part de cette collectivité II faut voir que c'est un gros travail, aussi, que d'élever les enfants. Je dirais qu'on a toujours vu cette production comme n'ayant pas de rapport avec l'économie. Elle a un rapport avec l'économie, il ne faut pas se le cacher, sauf qu'il ne faut pas prôner cela au détriment de l'intégration des femmes au marché du travail. C'est une question d'équilibre.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve, est-ce que vous désirez remercier le groupe?

Mme Harel: Oui Je pense que c'est fait en partie, mais, en fait, vous me donnez l'occasion de leur dire encore une fois combien c'est important qu'elles viennent, avec l'éclairage qu'elles nous apportent, qui est vraiment un éclairage de bon sens. Je pense que c'est sans doute un élément majeur pour nos travaux.

Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie et je vous dis que, même si je n'ai pas eu l'occasion ou le temps de répliquer, j'ai noté également un autre argument que vous avez mis de l'avant et qui concernait l'hébergement. Là-dessus aussi, nous comptons vous apporter des réponses. Merci beaucoup de votre contribution.

Le Président (M. Bélanger): Alors, nous vous remercions beaucoup et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures

(Suspension de la séance à 13 h 20)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de prendre sa

place pour que la commission des affaires sociales se réunisse aux fins de procéder à des consultations générales et de tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu". Nous recevons présentement à la table des témoins, le Conseil du statut de la femme qui sera représenté par Mme Francine McKenzie, Mme Jocelyne Olivier, Mme Micheline Boivin et Mme Francine Lepage.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je m'excuse auprès de nos invitées, quelques secondes pour connaître l'état de vos démarches concernant la télédiffusion de nos débats.

Le Président (M. Bélanger): Une lettre a été envoyée au comité responsable de la télédif-fiusion des débats et j'attends des nouvelles là-dessus. La lettre est partie hier. La demande est faite formellement. Alors j'attends une réponse.

Mme Harel: Très bien. Une deuxième...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Harel:... intervention concernant le déroulement de nos travaux et la possibilité pour les personnes qui veulent assister de le faire ici même, au salon rouge. On sait très bien que l'accès au salon bleu n'est possible que lorsque nous sommes parlementaires, mais le Salon rouge a toujours été considéré, d'une certaine façon, comme le salon du peuple. Et certaines personnes ont fait des représentations à savoir qu'elles se sentaient très isolées de devoir suivre nos travaux de l'extrémité des galeries. Alors, je souhaiterais, M. le Président, dans la mesure où il y a des sièges qui sont disponibles, dans la mesure où le calme est assuré dans cette salle, qu'on puisse y accueillir toutes les personnes qui veulent assister de plus près à nos délibérations.

Le Président (M. Bélanger): Alors, considérant l'importance des groupes qui peuvent venir - on a vu hier, par exemple, que les galeries étaient pleines - et que, éventuellement, on aurait pu loger la majorité de ces gens-là en bas, mais considérant aussi certains appels ou certaines informations qu'on a eues à indiquant que des groupes voudraient manifester dans la salie, on préférerait, pour des questions d'ordre, de bon maintien de l'ordre et de bonne organisation, voir les groupes ou une partie des groupes, en tout cas, assister de ta galerie, ce qui poserait moins de problème sur le plan de la sécurité et et de l'organisation. C'est la raison qui nous motivalt à cette décision.

Mme Harel: C'est une mauvaise raison, M. le Président, parce que c'est une sorte d'ap- préhension qui, tout compte fait...

Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas une appréhension, madame. Nos informations sont formelles. Les gens nous ont bien avertis qu'ils voulaient manifester.

Mme Harel: Quelle manifestation? De qui s'agit-il?

Le Président (M. Bélanger): Écoutez!

Mme Harel: Si vous avez des informations formelles, vous pouvez nous les communiquer, parce que ce n'est pas sur la base d'appréhension de manifestation...

Le Président (M. Bélanger): Je vous les communiquerai en privé après la réunion.

Mme Harel: Non. M. le Président. Je dois vous dire que je m'oppose catégoriquement à ce que des personnes ne puissent pas, tel même, suivre nos délibérations au moment où il y a - vous le voyez d'ailleurs - des sièges disponibles. Je crois qu'il est raisonnable, lorsque la salle est occupée, qu'on puisse leur indiquer d'autres accès dans les galeries pour suivre nos débats. Mais qu'on les y conduise systématiquement parce qu'on appréhende leur réaction, je trouve cela absolument inacceptable. Je n'ai jamais vu cela depuis sept ans que je siège en ce Parlement, avec pourtant, des débats controversés et tumultueux, je n'ai jamais vécu une situation comme celle-là.

Le Président (M. Bélanger): L'article premier du règlement dit formellement ceci: "Le Président de l'Assemblée nationale dirige les séances de l'Assemblée - et, par extension, les présidents de commission dirigent les séances de l'Assemblée - administre ses services et la représente, notamment dans ses rapports avec d'autres Parlements.

L'article 2: "Outre les pouvoirs que la loi lui confère, le Président: l'ouvre, suspend et lève les séances de l'Assemblée; 2° maintient l'ordre et exerce tous les pouvoirs nécessaires à cette fin. "

Nos informations sont suffisamment pertinentes et nous croyons que, des galeries, on peut fort bien suivre les débats aussi bien qu'en bas. Je ne vois pas en quoi les gens sont lésés ou quel problème cela peut soulever.

Mme Harel: M. le Président, je m'oppose formellement à cela et ma formation politique transmettra certainement notre opposition au président de l'Asssemblée.

Le Président (M. Bélanger): C'est votre privilège, madame.

Conseil du statut de la femme

Nous recevons le Conseil du statut de la femme. Je prierais Mme la porte-parole de bien vouloir présenter ses collègues. Je vous informe qu'on a seulement 20 minutes pour votre présentation ou le résumé de votre mémoire, question de gérer le temps efficacement car il y a 125 groupes à rencontrer. Vous connaissez nos procédures, vous êtes familière avec elles. À chaque fois que lune d'entre vous prendra la parole je vous demanderais de bien vouloir vous identifier pour les fins de transcription du Journal des débats. Je vous remercie et je vous prie de bien vouloir commencer.

Mme McKenzie (Francine): Je vous remercie, M. le Président M. le ministre, Mmes et MM. les ministres et députés de cette commission, 245 000 femmes, 245 909 femmes plus précisément, sont concernées par le projet de réforme de la sécurité du revenu. C'est donc le quart dun million. II n'est donc pas superflu que le conseil soit entendu ici et nous vous remercions de nous en donner l'occasion.

Tout d'abord, je dois dire que nous souscrivons aux principes qui sous-tendent ce projet, à savoir favoriser la réinsertion sociale des prestataires, l'atteinte de leur autonomie économique, le développement de leur potentialité d'emploi et le choix d'une approche personnalisée pour y arriver. Nous sommes d'accord aussi pour que l'on prévoie des mesures incitatives à I'emploi. Cependant, nous sommes en désaccord avec les mesures coercitives ou punitives envisagées, sauf pour les cas démontrés de mauvaise foi, de dissimulation ou de fraude.

Enfin, nous nous réjouissons des améliorations concrètes prévues au volet de soutien financier pour les personnes inaptes au travail. Nous croyons que c'est là un point fort positif qu'il faut maintenir. Malheureusement, là s'arrête notre acquiescement concernant la réforme, puisqu'en définitive le concept clé de cette réforme, le concept charnière qu'est la disponibilité à l'emploi renvoie à la question primordiale combien d'emplois seront disponibles?

C'est une bonne idée que de vouloir investir dans une approche personnalisée, mais c'est aussi une approche que l'on sait être coûteuse. Or, si on décide d'investir dans une approche coûteuse, il me semble qu'on doit avoir une idée de sa rentabilité. II faut se poser la question combien de prestataires parmi les quelque 300 000 présumés aptes et disponibles à l'emploi trouveront effectivement un véritable emploi? Est-ce qu'il faut prêter foi aux données publiées par les médias relatives à la capacité d'accueil? Il semble, en effet, que seulement 7000 postes d apprentissage soient disponibles en milieu de travail, que le rattrapage scolaire ne puisse absorber que 20 000 prestataires alors que le programme de retour aux études postsecondaires n'offre que 1600 places. Je vous pose la question Qu'adviendra-t-il des autres aptes?

Est-ce qu'on s'est vraiment doté, par ailleurs d'une véritable politique de recyclage et de formation de la main-d'oeuvre? Le moment n'est-il pas venu d'investir dans une politique de l'emploi de regarder sérieusement les possibilités de création d emplois nouveaux non seulement dans le secteur privé, mais aussi dans les secteurs communautaires et coopératifs en misant sur le développement d'activités utiles et rémunérées en réponse aux nouveaux besoins sociaux? (15 h 15)

Alors que I'on parle de désinstitutionnalisation, il faut penser à tous les biens et services qu'il faut offrir aux individus, qu'il faut offrir aux familles aussi et qui sont essentiels des services de garde et autres substituts familiaux, des services à l'endroit des personnes âgées, des personnes malades, des personnes handicapées, le recyclage des ressources matérielles la protection de l'environnement, la lutte contre l'analphabétisme, la promotion de la santé, et j'en passe.

Finalement, en matière d'emploi, est-ce quon n'essaie pas de se rendre à la l'une en montgolfière? Est-ce que le moment n'est pas venu de penser autrement le travail pour moduler les horaires améliorer, aménager le temps de travail, raccourcir sa durée, faciliter aux femmes comme aux hommes l'harmonisation de la vie professionnelle et de la vie familiale, alors que de plus en plus d hommes regrettent de ne pas avoir vu grandir leurs enfants et que de plus en plus de jeunes couples sont conviés au partage des tâches et des responsabilités parentales? Je crois que, si l'entreprise enregistrait dans sa culture les mutations culturelles qui marquent déjà notre entrée dans le XXIe siècle, si elle le recherchait résolument, on arriverait à générer des emplois nouveaux et ce ne serait pas toujours les mêmes qui travailleraient.

On nous dit que 100 000 emplois ont été créés cette année au Québec. Malgré cela, le taux de chômage est de 10 % et on peut se demander si, toutefois, en 1989, il y avait un ralentissement économique, ce taux de chômage ne risquerait pas de s accroître. En conséquence, le Conseil du statut de la femme recommande que la réinsertion des prestataires de l'aide sociale s'inscrive dans une politique dynamique de création d'emplois, de recyclage et de formation de la main-d oeuvre, et que les employeurs concernés par les mesures visées participent à ces mesures sans porter préjudice aux effectifs réguliers et offrent aux prestataires une véritable expérience de travail.

Quelles sont donc les femmes tes plus touchées par l'aide sociale? Je voudrais rappeler que ce sont d'abord les femmes seules, un contingent de 105 231 femmes seules. Les femmes de 55 à 64 ans sont au nombre de 25 000 et il y a également 25 000 jeunes de 25 ans et moins

Ensuite ce sont les femmes monoparentales, c'est-à-dire 76 225 femmes et leurs 115 000 enfants. Si on exclut les femmes de 65 ans et plus, je veux rappeler qu'au Québec une femme sur neuf dépend de l'aide sociale, que 55 % de la clientèle adulte à laide sociale est de sexe féminin, que les femmes demeurent deux fois plus longtemps que les hommes à l'aide sociale et, que parmi les aptes au travail, les femmes monoparentales sont celles qui demeurent le plus longtemps à laide sociale. II faut rappeler que les femmes monoparentales sont peu scolarisées et qu'à 86 % elles ont une onzième année ou moins d une onzième année. En fait, ces femmes sont passées, sans accéder à I'autonomie économique, directement de la dépendance du conjoint à la dépendance de l'État. La réforme, le projet actuel, présente à leur égard des failles sérieuses. Prenons I'exemple d'une responsable de famille monoparentale qui aurait un enfant de moins de six ans, qui serait prestataire depuis moins de dix mois et qui, par miracle réussirait à avoir un coût de loyer de 275 $, y compris l'électricité, le téléphone et le chauffage. En considérant la prestation de cette femme, les allocations familiales qu'elle touchera, de même que le crédit d'impôt qui lui sera versé pour son enfant, il ne lui restera que 13, 17 $ par jour pour satisfaire ses besoins autres que ceux du logement, c'est-à-dire la nourriture, les vêtements, les soins personnels, l'entretien ménager, le transport, le loisir, etc. Après que ces neuf premiers mois seront écoulés, cette prestataire ne disposera que de 14, 34 $ par jour en attendant de participer aux mesures de réinsertion. C'est presque de l'ordre du miracle. Plutôt que de miser sur I'effet dissuasif de prestations diminuées, il faudrait axer l'action gouvernementale sur une intervention rapide, offrir des encouragements financiers à leur réinsertion, offrir un appui continu durant la préparation à l'emploi et surtout des services de garde accèssibles et peu coûteux.

Je voudrais rappeler qu'actuellement. II y a en France une expérience en cours qui, semble t-iI, est rentable, une expérience d'approche personnalisée ou on prend, dès le début, les femmes qui sont dans cette situation de responsabilité de famille, qui doivent assumer cette responsabilité seule. On nous dit que les résultats sont fort étonnants, fort positifs, et que d'emblée deux femmes sur trois auraient effectivement trouvé un emploi avec une démarche personnalisée, qui est certes coûteuse mais qui est rentable. Je crois qu'on doit réfléchir à ces neuf mois qui ne sont probablement pas du tout porteurs de fruits.

II faut donc, pour ces femmes monoparentales, une allocation suffisante pour assumer le coût supplémentaire lié à l'apprentissage, les repas, le séjour, les transports, les vêtements et les services de garde. II faut un appui psychologique aussi, une aide pour solutionner les problèmes qui surgissent lors de la réinsertion et le maintien des prestations pour les besoins sociaux durant au moins les trois mois suivant le retour en emploi. Cela nous semble d'autant plus important qu'il y a, durant cette période, des occasions certaines d'endettement et que de maintenir les besoins spéciaux pendant trois mois ne nous semble pas exagéré.

Dans la même foulée, il faudrait que le programme de retour aux études postsecondai-res - et c'est un programme nous dit le ministère, qui est fort rentable et qui constitue un succès - eh bien il faudrait maintenir ce programme de formation et même voir dans certains cas à le prolonger de façon à permettre aux femmes qui pourraient le désirer d'entreprendre et de compléter des études supérieures. II me semble que l'on devrait au moins viser à ce quelles aient un diplôme, que ce soit un diplôme de cégep professionnel, donc, les trois ans ou alors, dans certains cas, un premier diplôme universitaire.

En ce qui a trait aux femmes seules maintenant. Le projet de réforme est synonyme de privations excessives pour les femmes seules qui, comme je l'ai dit, constituent le groupe le plus nombreux de prestataires féminines. En effet, celles qui réussiront à ne payer que 250 $ par mois pour leur loyer en 1989 - loyer, électricité, chauffage, téléphone - encore là, ne disposeront pour tous les autres besoins que de 5, 17 $ par jour, si elles sont prestataires depuis moins de dix mois et de 5, 67 $ après ces dix mois. Si, par souci d'économie, ces femmes songent à partager leur logement, leurs prestations seront réduites de 115 $ par mois. Je voudrais rappeler qu'au même moment, c'est-à-dire en 1989, le fisc québécois va accorder aux personnes vivant seules une exemption de 820 $ pendant ce temps-là, reconnaissant qu'il coûte plus cher de vivre seul. Est-ce qu'on doit vraiment pénaliser les personnes qui cherchent à réduire un peu leur coût de subsistance?

Pour les 25 000 femmes maintenant de 55 à 64 ans qui sont à l'aide sociale, je crois que l'on devrait user de souplesse, éviter de catégoriser ces femmes, éviter de présumer aussi quelles sont aptes ou pas et assurer à celles qui souhaitent se réinsérer le soutien requis et aux autres des prestations décentes. On pourrait voir, par exemple, pour ces femmes des emplois communautaires correspondant aux nouveaux besoins sociaux dont j'ai parlé, de même qu'à notre configuration démographique. Quant aux jeunes adultes, ce sont les forces vives de la société. Croyez bien que le conseil est inquiet au plus haut point de les voir aussi nombreux à l'aide sociale. Je crois qu'il faut intervenir pour ces jeunes dans les plus brefs délais pour les orienter vers le marché du travail, donc, réduire les délais prévus pour la parité de leurs prestations. Relever aussi sensiblement les seuils du revenu déterminant la contribution parentale présumée à I'endroit des enfants majeurs. II est inacceptable que ce seuil soit de 21 600 $. Si le seuil de

pauvreté est de plus de 10 000 $, imaginez, cela veut dire qu'avec un enfant majeur dépendant de ses parents on a tout de suite trois personnes qu'on essaie de faire vivre avec, finalement, les deux tiers de ce qu'il faudrait en réalité. De plus, les jeunes adultes considérés sous l'entière responsabilité financière de leurs parents devraient au besoin bénéficier de certaines mesures de réinsertion comme l'orientation, la formation, les allocations pour les frais afférents, s'il y a lieu. C'est cocasse, mais je crois comprendre, d'après la réforme, que les jeunes devenus majeurs devraient s'inscrire finalement à l'aide sociale trois ans à l'avance pour que puisse prendre fin leur période de dépendance financière envers leurs parents. Vous conviendrez qu'il y a sûrement des façons plus positives de développer leur sens de la planification. Quant aux femmes avec enfants et conjoint qui ont à concilier le travail gagne-pain et les responsabilités familiales, eh bien, ces prestataires, me semble-t-il, devraient bénéficier de services de garde accessibles sans frais ou à un coût minime. Par ailleurs, la vocation des SEMO, les SEMO qui existent déjà et qui sont ces services extérieurs de main-d'oeuvre, devrait être confirmée et ces services devraient demeurer accessibles non seulement aux prestataires de l'aide sociale, mais à toute femme qui éprouve des difficultés réelles d'insertion dans le monde du travail.

Je voudrais ajouter, en ce qui a trait aux conjointes, M. le Président, que, dans le régime actuel d'aide sociale, les prestations sont adressées à celui des conjoints qui a formulé la demande. L'examen de statistiques récentes démontre que les hommes, dans les couples ou dans les familles biparentales, reçoivent le chèque d'aide sociale presque cinq fois plus souvent que les femmes des mêmes unions, Eh bien, cela nous paraît assez peu conforme à l'article du Code civil qui porte sur l'égalité des conjoints et il serait souhaitable que ce chèque soit partagé à parts égales entre les deux conjoints.

Pour les femmes enceintes, les prestations ne devraient pas être réduites; elles devraient suffire à couvrir les besoins de base ainsi que les besoins particuliers résultant de l'état de grossesse, d'autant plus qu'il est démontré qu'une mauvaise condition économique chez les mères entraîne plus de mortalités et de morbidité chez les nouveau-nés. Or, on propose de leur accorder des prestations inférieures à celles que leur donnerait l'actuel régime d'aide sociale. Ce n'est pas le supplément pour grossesse de 20 $ par mois - en fait, de 0, 67 $ par jour - déjà attribué qui pourra leur assurer le litre de lait, les fruits et les légumes qui leur sont recommandés, notamment dans leur état!

En ce qui a trait au conjoint de fait, je rappelle que, dans le régime actuel, on considère que l'homme et la femme forment un couple dès que la vie maritale est constatée. L'homme en emploi est alors présumé assurer ta subsistance de la femme et de ses enfants sans délai, même si aucun engagement formel ne lie les deux adultes, même s'il n'a aucune responsabilité légale envers les enfants de sa compagne et même si le père biologique existe toujours Dans le projet de réforme, on propose de reconnaître comme entité familiale les conjoints de fait n'ayant pas d'enfants communs après douze mois de vie commune et cela, tant dans les programmes APTE, Soutien financier, que dans le programme APPORT. Dès ia cohabitation, cependant, la bénéficiaire subirait une réduction de prestation de 115 $ par mois pour partage de logement.

Dans le cas des familles reconstituées, le conseil est d'avis qu'il faudrait s'inspirer de l'usage qui prévaut dans les régimes de rentes du Québec, d'assurance automobile et d'assurance pour les accidents du travail ou la maladie professionnelle. Nous recommandons, en conséquence, qu'en conformité avec les programmes d'assurance sociale québécois l'on porte à trois ans, en l'absence d'enfants nés de l'union, la durée de vie commune entraînant la reconnaissance des conjoints de fait et que ce délai soit d'un an lorsqu'il y a un enfant commun. Nous reconnaissons également qu'il y a là des dispositions qui se rapprochent beaucoup de la directive récemment adoptée en Ontario, notamment.

Pour la pension alimentaire, parmi nos préoccupations, mentionnons celle du statu quo sur la pension alimentaire. Actuellement, la prestataire qui reçoit une pension voit ses prestations réduites d'autant. Par ailleurs, pour la travailleuse à faible salaire qui touche une pension alimentaire, le programme APPORT devient moins intéressant car le supplément auquel elle a droit est réduit, comme on le sait, du montant entier de la pension reçue. Alors, dans le but d'encourager la réclamation des pensions alimentaires et d'améliorer la situation des responsables de families monoparentales recevant une pension, le conseil recommande qu'on ne comptabilise pas à 100 % la pension versée au moment d'établir les prestations d'aide sociale ou le supplément au revenu de travail dans le programme APPORT. Une exemption pour revenu de pension ou un taux de réduction partielle pourrait alors être appliqué.

En conclusion, j'aimerais rappeler cinq éléments qui nous apparaissent essentiels à une politique d'aide sociale. Premièrement, l'État devrait prévoir pour les prestataires une garantie de ressources suffisantes, des encouragements positifs à l'emploi, une juste prise en considération des coûts de travail, de formation et de garde d'enfants, des possibilités de formation réelle de recyclage et, enfin, un soutien technique aussi bien que moral. Ce projet de réforme devrait s'inscrire également dans une politique de création d'emplois dynamique et imaginative, calquée sur la prospective de l'an 2000 qui nous attend, prospective qui est finalement a notre porte. Aussi, cette politique de dernier recours doit-elle briser le cycle de la pauvreté qui

engouffre bien des femmes.

On doit saisir enfin l'occasion de cette réforme pour simplifier l'impôt sur le revenu et pour le rendre vraiment progressif, en faisant porter le fardeau fiscal sur ceux qui ont des revenus supérieurs plutôt que sur les gagne petit, comme le rêvait Kenneth Carter dans les années soixante - un rêve de comptable agréé. Kenneth Carter était pourtant un comptable agréé, le président de la Commission de la fiscalité, à Ottawa, dans les années soixante. C'est un rêve qui ne s'est jamais réalisé, puisque les abris fiscaux pour les riches comme on le sait, ont continué à se multiplier au fil des ans.

Enfin, une politique de sécurité du revenu coûte cher, et nous en sommes conscientes. Nous faisons l'hypothèse qu'un impôt progressif et une réduction des dépenses fiscales constituent une façon intéressante d'en assumer les frais, en même temps qu'ils seraient source d'équité fiscale et d'équité sociale. Nous croyons que cette valeur d'équité a un poids collectif non négligeable dont il faut espérer les effets bénéfiques puisque, finalement, I'équité elle-même constitue une mesure incitative à l'emploi et à la productivité Je vous remercie. (15 h 30)

Le Président (M. Bélanger): Merci, madame M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme McKenzie, j'aimerais remercier le Conseil du statut de la femme de son mémoire et de la présentation que vous en avez faite. Dans un premier temps, je note que, dans son ensemble, l'un des volets de la politique de la sécurité du revenu ne semble pas poser, pour le Conseil du statut de la femme, de problèmes particuliers. Je me réfère ici - si ce n'est pas le cas, vous me reprendrez - au programme de soutien financier Je note qu'à un autre volet, le programme APPORT, il y a une question de pension alimentaire à propos de laquelle vous nous demandez non pas de prendre en considération les 100 % versés, mais de voir s'il y a des possibilités d'ajustement pour un pourcentage moindre.

En ce qui concerne le programme APTE, et je pense que c'est de cela que la majeure partie de votre mémoire détaillé traite, vous avez des questions. J'en retiendrai principalement deux, quitte à laisser la chance à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine d'intervenir, ainsi qu'à d'autres collègues. La première question que j'aimerais vous poser porte sur l'intervention que vous avez faite quant aux familles monoparentales aptes au travail et au barème proposé durant les neuf premiers mois. Vous savez que, sans les avoir identifiées, le gouvernement stipule dans fa politique de sécurité du revenu - et je l'ai indiqué verbalement au cours des travaux de cette commission - que, pendant ces neuf premiers mois, il a l'intention de privilégier certaines clientèles qui, si nous ne nous en occupions pas immédiatement, sur le plan de l'employabilité, risqueraient de demeurer à laide sociale pour une période beaucoup plus longue. On gaspillerait du temps et pour le gouvernement et pour la personne qui pourrait en bénéficier en imposant un carême de neuf mois. Est-ce que vous considérez, suivant votre expertise, que toutes les femmes chefs de famille monoparentale devraient faire partie de cette clientèle? C'est ma première question.

Mme McKenzie: Indépendamment de l'âge de leurs enfants, M le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme McKenzie: Je crois ici qu'il faut quand même faire la nuance, comme vous le faites dans le projet, entre les mères qui ont des enfants de deux ans et moins et les autres. En ce qui a trait au moment d'intervention, vous avez dû saisir à même notre mémoire que, lorsque nous recommandons une intervention rapide. J'ai donné l'exemple de la France parce qu'il me semblait qu'il y avait peut-être là, pour vos gens au ministère, quelque chose de fécond à considérer davantage. Mais, si les résultats sont aussi positifs qu'on le dit, je crois que cela mériterait d'être considéré. Donc, il semble bien qu'une intervention rapide, avant déjà que des habitudes ne se créent ou que les difficultés puissent s'accroître, mérite d'être faite.

En ce qui a trait aux femmes qui ont des enfants de deux ans et moins, je crois qu'il faudrait retrouver l'esprit des congés de maternité et accepter que ces femmes-là ont besoin d'être avec leurs enfants. Quand il s'agit d'une femme avec iI n'y a pas seulement l'âge, il y a le nombre d'enfants également, parce que cela peut devenir une corvée et tenir presque du miracle que de devoir se recycler, terminer des études et voir à deux, trois ou quatre enfants dans certains cas. Là, cela me semblerait impossible d'imaginer qu'il faille exercer une coercition à l'endroit de ces femmes-là parce qu'elles ont autre chose. Personnellement, je dois dire que le conseil ne s'est pas fait tout à fait une tête là-dessus, mais je crois pouvoir avancer qu'on n'est pas trop favorables à étirer la période durant laquelle la femme monoparentale est prestataire de l'aide sociale. II y a un danger, une trappe là-dedans. Quand on voit déjà les difficultés de réinsertion dans le monde du travail qui existent, je crois qu'il faut user de discernement, reconnaître que celles qui sont trop mobilisées à la maison, étant donné le nombre d'enfants qu'elles ont, ne le peuvent peut-être pas, mais elles pourraient terminer des études et là miser sur des choses comme la formation à distance qui leur évite de devoir sortir de la maison II y en a des moyens. Elle est là la technologie Je crois qu'il faut y songer sérieusement.

Pour les autres, je serais plutôt d'accord pour qu'elles puissent assez rapidement être

réinsérées, terminer leurs études et voir sérieusement à trouver un emploi pour ne pas éterniser ou prolonger indûment la période où elles sont à la maison et où, déjà, cela constitue toujours un obstacle de plus. On ne peut pas non plus tenir un discours complètement autre, en ce qui a trait aux femmes monoparentales, que celui que nous tenons pour l'ensemble des femmes en général. Nous voulons cette autonomie économique. Nous nous disons: Là, elle est en difficulté, mais d'autres aussi le sont et parfois c'est à 50 ans que d'autres le seront. Or, cette question de formation achevée et d'expérience de travail constitue à notre sens une excellente police d'assurance, si Je peux dire, pour l'autonomie économique, et je ne crois pas qu'il serait sage de dire au départ aux femmes monoparentales. Vous allez constituer une caste à part à l'égard de cet objectif d'autonomie économique. Je ne sais pas s! j'ai vraiment répondu à votre question, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non seulement vous avez répondu à la première question que je vous avais posée, mais votre réponse répondait également à la deuxième interrogation que j'avais en tête. Je vous en remercie. Peut-être que Mme la ministre déléguée à la Condition féminine ou que Mme la députée de Maisonneuve veut appliquer le règlement en ce qui concerne l'alternance, M. le Président.

Mme Harel: Allez-y!

Le Président (M. Bélanger): On cède la parole à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vous remercie et vous félicite, Mme McKenzie, pour la présentation de votre mémoire qui était d'une clarté, d'une limpidité. Ma question est la suivante: Dans votre mémoire, vous vous prononcez en faveur des mesures pour relever l'employabilité des bénéficiaires et vous suggérez que ces mesures soient offertes dès l'admission des bénéficiaires à l'aide sociale. Estimez-vous à ce moment-ci que les femmes ont des besoins spécifiques à ce niveau-là? Est-ce que vous estimez que les femmes ont des besoins spécifiques?

Mme McKenzie: Je crois que le premier besoin est celui d'une formation achevée d'études secondaires. À partir du moment où on dit que 86 % d'entre elles n'ont pas le secondaire V, c'est une donnée qui doit nous inquiéter, de même que doit continuer à nous inquiéter au plus haut point l'analphabétisme qui est très répandu, qu'il soit fonctionnel ou autre. Je crois qu'il faut s'y attaquer, et s'y attaquer de façon énergique, encore là, avec des moyens qui peuvent correspondre à leur situation.

Je reviens sur la question de la formation à distance parce qu'elle me semble une solution heureuse qui permettrait, sans trop de perturbations, à ces femmes d'achever leur formation. Vous aviez un autre élément dans votre question.

Mme Gagnon-Tremblay: Non, cela concernait surtout l'employabiiité des bénéficiaires.

Mme McKenzie: Pour ce qui est des autres besoins, je crois qu'on a parlé ici d'un soutien psychologique. Encore là, c'est une question de confiance et je crois que cette question de confiance, je ferais l'hypothèse qu'elle est plus facile à créer quand on intervient rapidement avant que commence à se détériorer l'espèce de tissu de l'individu qui doute de lui, qui se voit en marge, etc. Je crois que c'est un processus qui peut aller très vite où, me semble-t-iI, une intervention rapide serait souhaitable.

Les frais de garde, j'ai insisté là-dessus, Mme la ministre, et vous connaissez notre position tà-dessus. Ce sont des besoins qui demeurent Importants que ces services de garde à un coût minime ou gratuits.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme McKenzie, précisément sur la rapidité d'intervention qui est souhaitable dans plusieurs cas et indispensable dans certains autres, nous avons là aussi des problèmes qui sont dus à un système assez complexe, compliqué. Une grande partie de notre clientèle arrive à l'aide sociale après avoir passé 52 semaines à l'assurance-chômage. Même lorsqu'on intervient dans les neuf premiers mois, s'il y a eu des phénomènes, des distorsions qui ont pu se produire on en connaît déjà plusieurs lorsqu'on intervient.

Mme McKenzie: Oui. Je crois qu'à plus forte raison il ne faut pas trop tarder.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est un document qui nous donne vraiment un portrait assez saisissant de la situation des femmes pauvres. C'est une contribution importante parce qu'elle va nous permettre par la suite de suivre un peu révolution des propositions qui nous sont faites. J'entendais la réponse que vous donniez au ministre concernant les femmes chefs de famille monoparentale et le souhait qu'on peut formuler que des programmes d'intervention rapide soient mis à leur disposition; j'imaginais dans quel contexte, avec quelle référence vous faisiez cette réponse. Finalement, ce que le ministre avait omis de mentionner dans sa question, c'est: Faut-il des barèmes différents selon les catégories? Ce qui est en cause présentement, ce n'est pas tant qu'il puisse y avoir des catégories à l'aide sociale pour priviligier des clientèles. Par exemple, constatant que la durée joue contre tes femmes chefs de famille monoparentale, on pourrait fort bien envisager de

favoriser un accompagnement dès leur arrivée de façon quelles puissent trouver tout de suite des solutions adéquates à leurs problèmes. La question qui est posée dans le document d'orientation c'est. Faut-il des barèmes différents de manière à réduire d'autant les prestations pour en arriver à ça? J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous faites I'analyse des propositions contenues dans le document. À la page 40 vous posez une question simple: "Qu'offre donc le projet de réforme aux femmes responsables de famille monoparentale?" Vous posez la question et vous y répondez. Votre réponse cest ou bien au pire pour la presque majorité cela offre moins et au mieux pour les femmes chefs de famille qui participent pleinement vous nous dites: "Lorsque l'on pense aux coûts supplémentaires en transport - c'est à la page 44 - repas, vêtements, fournitures diverses qu'une participation aux mesures occasionne on doit se rendre à I'évidence que même pour les participantes, le programme APTE n'est pas avantageux sur le plan financier. Privées du temps domestique, les participantes subiront le poids de la double tâche et connaîtront ainsi que leurs enfants une baisse de leur qualité de vie". Vous évaluez à 36 $ au mieux la prestation régulière qui serait augmentée par rapport à la situation actuelle d'une femme chef de famille monoparentale avec un enfant et, au pire toutes les autres catégories sont réduites. C'est ce qu'offre le projet de réforme aux femmes responsables d'une famille monoparentale.

La vraie question n'est pas de savoir si l'État, dans le document d'orientation, va offrir des programmes plus rapides. La question est celle-ci: Va-t-il baisser plus rapidement certaines que d'autres? C'est un peu à cette question là qu'on trouve réponse dans le document et aussi dans votre mémoire parce que vous le chiffrez. Dans votre document - c'est la première fois que je vois ce point de vue exprimé - vous craignez beaucoup, compte tenu de la clientèle, vous lavez décrite... J'ai vu, entre autres que dans des régions comme la Gaspésie et le Bas-du-Fleuve, une femme sur six reçoit de l'aide sociale. Compte tenu du grand nombre de personnes seules, j'ai noté que le nombre de femmes seules qui reçoivent de laide sociale est imposant. Combien dites-vous?

Mme McKenzie: 105 000.

Mme Harel: 105 000. Vous dites que le danger, c'est qu'après une tentative sur le marché de l'emploi, une tentative qui n'a pas toujours le succès souhaité, étant donné les ghettos d'emploi, la situation précaire, etc, elles reviennent dans un régime ou elles auraient neuf mois à vivre le carême. Le ministre dit: On va faire vivre le carême seulement à ceux. Comme si on devait séparer l'ivraie du bon grain. Dans les neuf premiers mois, dit-il, on va mettre en place un système de façon que les personnes qui peuvent rapidement passer à travers en se trouvant un emploi soient écartées des barèmes de plein montant.

Comment ferez-vous pour séparer I'ivraie du bon grain durant les neuf premiers mois? II y en a 40 % qui se trouvent un emploi dans les neuf premiers mois, mais il y en a 61 % qui n'en trouvent pas. À elles, vous ferez vivre un purgatoire. Ce ne sera pas le carême, mais un purgatoire avant d'arriver à des barèmes d'admissibilité, à des mesures qui ne leur sont pas offertes. Le ministre a beau dire, et il l'a répété ce matin, qu'il n'y aura pas de plafond, que toutes les mesures seront ouvertes à la demande, il se contredit lui-même dans son document parce qu'il y a une catégorie qui s'appelle "admissibles" et c'est la catégorie des personnes qui veulent beaucoup mais à qui on n'offre pas les mesures. Si tant est que les mesures étaient offertes sur demande, c'est bien évident que la catégorie "admissibles" disparaîtrait car elle n'est là que parce que l'État ne va pas tes offrir à ceux qui en demandent.

Cela dit, j'aimerais vous entendre sur la question des barèmes. Concevez-vous, comme le fait le document d'orientation, que les barèmes à la baisse sont une incitation à participer à des mesures de prise en main de son autonomie? (15 h 45)

Mme McKenzie: Non. Je crois avoir dit très clairement dans ma présentation tout à I'heure qu'autant nous étions sensibles aux mesures incitatives, autant les mesures coercitives et punitives nous semblaient inacceptables. Je crois qu'on aurait la un exemple où, durant ces neuf mois en faisant lever la période ou les barèmes prévus seraient inférieurs, on verrait disparaître des mesures presque punitives. Je crois qu'autant on a intérêt à maintenir les mesures incitatives, autant on ne devrait pas, par ailleurs, pénaliser pour finalement compromettre les besoins de base et même les besoins à long terme.

Deuxièmement, Je répondrai à Mme Harel en lui disant que, tant dans le mémoire que dans la présentation, on a bien insisté pour dire qu'à nos yeux les besoins de base et les besoins à long terme devaient être garantis. C'est ce qui nous amenait à dire en conclusion tout à l'heure quune politique de sécurité du revenu devrait prévoir des ressources suffisantes. C'est ce que nous entendions par ressources suffisantes.

Mme Harel: Merci.

Mme McKenzie: Je ne sais pas si cela répond à votre question?

Mme Harel: Merci. C'est déjà, si vous voulez, vraiment bien formulé et articulé dans votre mémoire, mais je crois important que l'ensemble des membres de la commission aient une vision de ce que vous préconisez. Vous préconisez finalement que les besoins essentiels soient couverts pour toutes les catégories et que

des programmes rapides d'intervention soient offerts.

Mme McKenzie: Oui. Nous avons également ajouté que les besoins spéciaux puissent être assumés durant les trois mois suivant la rentrée au travail.

Mme Harel: Vous faites cette recommandation pour l'ensemble des personnes qui auraient une réinsertion sur le marché de l'emploi.

Mme McKenzie: Pour les femmes monoparentales. II s'agissait des femmes chefs de famille à ce moment-là.

Mme Harel: Des femmes chefs de famille. Sur la question du conjoint de fait, je crois que c'est la première fois que nous abordons cette question avec un organisme depuis l'ouverture de nos travaux. Vous recommandez, dans le cas de couples sans enfant, que la notion de conjoint de fait soit portée à trois ans. J'ai tout simplement tenté dans diverses lois, ici même, à la bibliothèque de l'Assemblée, de voir quelle était la définition de conjoint de fait au sens des lois du Québec. Je ne sais pas si vous avez pu faire cette recherche. Je sais par exemple que la Loi sur l'assurance automobile, la Loi sur les accidents du travail, de même que la Loi sur le Régime de rentes du Québec, au moins toutes trois ont une notion de conjoint de fait de trois ans, d'au moins trois ans de vie commune. Est-ce la conclusion à laquelle vous en êtes arrivée à partir d'une étude comparative de cette notion dans les lois du Québec?

Mme McKenzie: Je dirais plutôt que c'est la prémisse à une étude à venir parce qu'on n'a pas approfondi la question. Quand je lance l'idée d'une disposition qui ressemblerait à celle de l'Ontario, c'est parce que je la trouve intéressante et que les membres du conseil, jusqu'à preuve du contraire, parce qu'on n'avait pu fouiller la question, ont souscrit à cette hypothèse que je leur ai soumise lors de notre dernière réunion. II y a quand même une exception, c'est-à-dire qu'on reconnaît que, s'il y a enfant de l'union commune, ce serait après un an de vie commune que l'on pourrait parler de conjoint avec les responsabilités s'y rattachant.

Mme Harel: Dois-je comprendre, Mme McKenzie, que cette notion de conjoint de fait a trouvé réponse en Ontario que la durée de vie commune devrait être de trois ans?

Mme McKenzie: Oui.

Mme Harel: C'est finalement conforme à un certain nombre de lois québécoises et cette proposition aurait intérêt à être étudiée attentivement par le gouvernement.

Sur la question des pensions alimentaires, vous préconisez d'établir une prestation d'aide en tenant compte de la pension. J'aimerais vous entendre là-dessus. Présentement, chaque montant versé pour ia pension est automatiquement déduit d'autant.

Mme McKenzie: Oui.

Mme Harel: Donc, iI n'y a pas tellement d'incitation à verser la pension Pensez-vous qu une telle mesure aurait un effet incitatif?

Mme McKenzie: Je fais l'hypothèse qu'elle pourrait avoir un effet incitatif. II ne faut pas oublier, et des avocats me l'avouaient encore récemment, des avocats de l'aide juridique, notamment, qui n'hésitent pas à donner le conseil à des hommes dont le revenu n'est pas très élevé de ne pas verser de pension alimentaire. Ils leur disent. Vous n'avez pas à vous soucier de votre femme. L'État va la prendre dans ses bras, elle va devenir une assistée sociale. Pourquoi vous priver d'une caisse de bière par semaine? II s'agit là de petits revenus de 12 000 $ ou 14 000 $. Ce sont des pensions alimentaires qui ne sont pas versées effectivemen.

II faudrait regarder de plus près l'étude faite par le ministère de la Justice. II semble que, dans cette étude, on ait constaté qu'un Québécois sur deux verse effectivement la pension alimentaire et, quand le percepteur intervient, ce sont deux sur trois qui deviennent non-payeurs. Donc, les pensions seraient payées ou versées à 64 % quand le percepteur est intervenu auprès du mari. II y a notamment des femmes monoparentales qui ne veulent pas - je pense qu'il faut nuancer la position là-dessus et je vous avoue qu'on n'est pas au fait - qui ont peur des représailles du mari et qui vivent parfois dans la crainte du mari, de l'ex-mari. Il y a cet élément qui est apporté dans le décor. Je pense que cela mérite examen. Mais là où cela nous semblerait intéressant, ce serait de ne pas déduire la pension en entier de la prestation versée à cette femme. Ne pourrait-on pas examiner quelque chose comme 50 % ou 60 %? Cela me semblerait assez intéressant.

Mme Harel: Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance d'un document qui a été préparé au ministère de la Main-d'oeuvre et de ia Sécurité du revenu et qui aurait été rendu public grâce à une fuite du front commun la semaine dernière. Je crois que dans ce document on signalait notamment que 84 % des pensions alimentaires des bénéficiaires de l'aide sociale n'étaient pas versées. Je ne sais pas si le ministre peut infirmer ou confirmer ce pourcentage.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À quelques pour-cent près.

Mme Harel: Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): A quelques pour-cent près.

Mme Harel: À quelques pour-cent près. C'est donc dire qu'actuellement il y a peu d'incitation puisque 84 % des pensions ne sont pas versées malgré l'obligation qu'a tout bénéficiaire de l'aide sociale d'entamer des procédures et des poursuites contre son ex-conjoint. C'est donc un échec d'une certaine façon. Je trouvais quand même séduisante cette idée d'introduire un avantage à la verser. Finalement, la question posée par rapport à ce problème, comme par rapport à la contribution parentale ou par rapport à n'importe quelle autre mesure maintenant envisagée, c'est: Dans quelle mesure penser une politique lorsqu'il y a échec, lorsqu'il y a rupture des liens familiaux - à ce moment, l'État intervient - lorsqu'il y a non-paiement des pensions alimentaires, lorsqu'il y a abandon des responsabilités familiales ou parentales? Dans qu'elle mesure cela n'a-t-il pas des effets pervers de désintégration puisque les tests que I'on fait passer pour aider sont ceux qui consistent à abandonner ses responsabilités? C'est juste au moment de I'abandon que l'État se substitue plutôt que d'intervenir pour soutenir la prise de responsabilité. Je ne sais pas si vous avez un point de vue sur I'ensemble de l'économie générale de la politique sociale.

Mme McKenzie: Je pense que madame.

Mme Olivier (Jocelyne): Ce serait plus une interrogation quant à la perception des pensions alimentaires. En fait, diverses hypothèses peuvent être envisagées. On pourrait penser à une perception automatique dans le cas des bénéficiaires de l'aide sociale. Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu assurerait la prestation à la bénéficiaire, chargeant le percepteur d'aller par ailleurs chercher la pension alimentaire.

Par ailleurs, certains pourront évoquer qu'on pourra se montrer plus sévère à l'endroit des mauvais payeurs qui ont de petits revenus, posant l'hypothèse que les conjoints des bénéficiaires de l'aide sociale ont de petits revenus, et que dans ces cas nous serions donc plus sévères qu'envers les mauvais payeurs qui ont un meilleur revenu. Alors, faudrait-il penser à une perception automatique pour l'ensemble des conjoints? En fait, le conseil n'a pas encore statué sur ce sujet.

Mme Harel: Merci. Quant à la question des jeunes adultes, votre position est très ferme. Vous considérez comme non avenue la mesure envisagée par le gouvernement de contribution parentale. Peut-on vous entendre plus longuement là-dessus?

Mme McKenzie: Le seuil à partir duquel la prestation est nulle nous apparaît beaucoup trop bas, 21 600 $. J'ai fait valoir tout à l'heure qu'il s'agissait là. Si vous avez au minimum un enfant, donc trois personnes qui doivent vivre avec ce qui représente un montant bien en deçà du seuil de la pauvreté, il me semble qu'on aurait intérêt à l'augmenter. Je ne suis pas contre une collaboration et une contribution des parents. Je crois que le seuil qui annule la prestation mérite d'être relevé sensiblement.

Mme Harel: Êtes-vous informée que la contribution parentale envisagée est une contribution minimale de 100 $, quel que soit le revenu de la famille? Indépendamment du test de revenu des parents, une contribution minimale de 100 $ serait exigible ou exigée ou, en fait, prévue. Exigible, c'est autre chose, parce que comment peut-on envisager qu'un enfant poursuive ses parents pour le paiement de montants? Cette contribution minimale de 100 $, quel que soit le revenu ou la situation de la famille, même les familles bénéficiaires d'aide sociale, avez-vous un point de vue là-dessus?

Mme McKenzie: Je n'étais pas informée de ces 100 $. Vous aviez entendu parler de ces 100 $?

Mme Olivier: Cela n'a pas été publié, je crois, dans la politique elle-même Non?

Mme Harel: Non. Vous savez, c'est un peu par des fuites d'information que nous obtenons les chiffres réels. C'est une politique où il y a beaucoup d'omissions, mais le fait est que cette contribution parentale minimale de 100 $ est maintenant connue et n'a pas été infirmée par le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si je peux intervenir, M le Président, on semble vouloir imputer des motifs au ministre. Je vous dirai que ce que l'on a établi dès le début, c'est que la politique de contribution alimentaire qui a été mise sur pied - et cela implique les critères d'indépendance ou de dépendance et, également, les critères de revenu maximum inférieur et de contribution alimentaire - est identique au système de prêts et bourses aux étudiants et que les 100 $ dont vous parlez se retrouvent dans le système de prêts et bourses aux étudiants. On peut partager l'opinion de Mme McKenzie que cela semble bas comme montant maximum, que les 100 $ ne devraient pas être là, etc., mais ce que l'on a dit, et on ne l'a jamais caché, c'est que c'était identique au système de prêts et bourses aux étudiants.

Mme Harel: Donc, les bénéficiaires se verront maintenant soumis à une contribution minimale des parents de 100 $, quel que soit le revenu de la famille. Le motif invoqué est celui

qu'énonce le ministre d'être concurrentiel avec le système de prêts et bourses. Quel est votre point de vue là-dessus?

Mme McKenzie: Mme Lepage aurait quelque chose à dire au sujet des prêts et bourses.

Mme Lepage (Francine): Sur les prêts et bourses, on nous a dit que, même si on présumait une contribution parentale, il arrivait souvent que dans les faits les parents contribuaient moins ou ne contribuaient pas du tout. Peut-être qu'il ne faudrait pas s'harmoniser totalement. Ce serait dangereux de présumer que le parent contribue d'après l'expérience ou l'enquête qui a été faite sur les prêts et bourses, selon nos informations.

Mme Harel: Oui. Par ailleurs, même si le parent ne contribue pas, le montant est quand même...

Mme Lepage: Présumé payé.

Mme Harel:... présumé. Alors, cette présomption serait du même ordre, bien que les prêts et bourses soient un investissement pour l'avenir, sachant très bien que la possibilité de chômage est inversement proportionnelle au niveau de scolarité et que les prêts et bourses sont versés pour des études de niveaux postsecondaire, collégial et universitaire, tandis que l'allocation de rattrapage scolaire l'est simplement pour terminer des études secondaires. Sur le plan des principes, cela vous semble-t-il compatible avec les principes du conseil que les familles soient soumises, non pas aux enfants, mais à tout adulte dépendant, puisque l'âge maintenant n'a plus d'importance et que tout adulte, quel que soit son âge, pourrait obtenir une telle contribution minimale des parents?

Mme McKenzie: Écoutez, le conseil vient tout juste de faire parvenir son avis sur les prêts et bourses au ministre concerné. Je serais plus à l'aise d'examiner cette question en regard de ce qu'on a pu élaborer pour les prêts et bourses parce qu'on vient d'apprendre cette donnée et je ne suis pas prête à articuler quelque chose d'essentiel là-dessus.

Mme Haret: Ce serait vraiment avantageux, je pense, que les membres de la commission puissent recevoir cet avis. Est-il public? Je pense que nous l'apprécierions beaucoup. Vous devez sans doute suggérer au ministre de l'Éducation quelques améliorations au système des prêts et bourses. Alors, comme le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu s'apprête à harmoniser à la baisse son système avec celui que vous proposez de bonifier, nous nous en servirons certainement pour harmoniser en le bonifiant, bien que le principe d'harmonisation ne soit pas celui qui serait souhaitable dans les circonstances et on aura l'occasion d'en discuter plus longuement ici durant cette commission avec des organismes qui représentent des personnes qui retournent aux études.

Alors, j'aimerais examiner avec vous, entre autres, la question des personnes seules. Vous nous avez dit que le nombre total de femmes seules sur l'aide sociale était très considérable, qu'un grand nombre d'entre elles, presque une sur trois, n'avait pas complété le secondaire, que l'âge était assez élevé. L'âge moyen des personnes seules, me le rappelleriez-vous?

Mme McKenzie: II y a 25 000 femmes de 55 à 64 ans et il y en a 25 000 également de 25 ans et moins, ce qui veut dire que la majorité ont entre 25 et 55 ans

Mme Harel: Concevez-vous...

Le Président (M. Bélanger): Je suis obligé de vous interrompre, Mme la députée, votre temps est complètement écoulé.

Mme Harel: Bon! M. le Président, cela va me permettre de remercier...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Harel:... Mme la présidente du Conseil du statut de la femme, de même que les personnes qui l'accompagnent, en lui disant personnellement combien ses contributions sont toujours bien reçues de ce côté-ci de la Chambre et combien le conseil, avec la meilleure connaissance qu'il nous permet d'avoir de la situation des femmes, joue un rôle utile. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, i! reste quelques minutes à la formation ministérielle. Est-ce qu'on désire s'en prévaloir? Mme la députée de Châteauguay.

Mme Cardinal: Merci, M. le Président, Je dois vous féliciter pour votre mémoire que j'ai trouvé des plus intéressants. Il y a justement une catégorie de personnes qui m'intéresse tout particulièrement, à savoir les personnes... J'aimerais connaître votre opinion quant à la reconnaissance des acquis et du vécu des femmes de 40 ou 50 ans - vous mentionnez 55 ans, mais je dois dire 40 ans - qui se réveillent, du jour au lendemain, assez souvent abandonnées, seules, et qu'on ne reconnaît pas quand même. Elles ont un vécu; assez souvent, elles se sont impliquées dans leur communauté ou même dans les commerces ou les affaires de leur mari. Lorsqu'elles sont devant le choix d'un travail, on ne leur reconnaît en aucune façon leurs acquis. Peut-être qu'avec une formation complémentaire, on pourrait quand même leur donner une chance de trouver un travail décent. J'aimerais avoir votre opinion en ce qui concerne cette catégorie de femmes qui

est vraiment.

Mme McKenzie: Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous apportez parce que la dimension de la reconnaissance des acquis, tant les acquis de formation que d'expérience, me semble être une pièce de départ un très bon pion pour démarrer, si je peux dire, ou pour faire ce second départ. Je ferais une différence entre les femmes de 45 ans et celles de 55 ans. Je crois qu'il y a quand même un éventail plus grand, je pense aux épouses d'artisans, de commerçants ou d'agriculteurs qui ont 45 ans qui entreprennent de retourner ou d'aller sur le marché du travail. Je crois qu'on compte chez ces femmes plus de femmes qui ont tendance à se lancer du côté de l'entreprise. D'ailleurs quand on regarde la courbe et le succès de I'entrepreneurship au féminin, on est étonné parfois de voir que l'âge est un peu plus.

Alors, c'est un succès à la fois chez les jeunes à l'orée de la trentaine et chez ces femmes-là, tandis que ce n'est pas toujours le cas chez les femmes de 55 ans. Là on voit apparaître un phénomène intéressant - j'en ai vu lors de réunions de la Fédération des femmes monoparentales - chez les femmes qui n'ont pas encore atteint l'âge de ta retraite, donc, qui ont entre 55 et 65 ans et qui veulent s'occuper des besoins sociaux. C'est pour cela que, tout à l'heure, je disais. Pourquoi ne pas créer ou penser à elles? On va être obligé de le faire avec le vieillissement de la population, avec tout ce qui nous arrive et tous nos malheurs de fin de siècle. On va être obligé de créer des emplois nouveaux à caractère communautaire, à caractère social, parce qu'il y a des besoins sociaux nouveaux. Je crois que ces femmes-là, d'emblée, à cause de leur expérience de vie - elles ont élevé des enfants, elles ont eu leur famille et tout - sont attirées par ce genre de travaux. J'ai personnellement des témoignages. Des femmes me disent: J'aimerais m'occuper des femmes sans-abri. Ou alors elles ont un engouement pour le recyclage - on en parlait - pour les choses de l'environnement. Bref, je crois que ce secteur devrait être investigué en ayant à l'esprit, pour cette catégorie de femmes - je parle de celles qui attendent la retraite et pour qui il serait difficile de retourner, en bonne et due forme, sur le chemin bien formel de l'emploi - qu'elles peuvent être utiles et, en même temps, qu'elles peuvent devenir économiquement autonomes.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le ministre, en conclusion?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais une question en conclusion qui porte également sur le sujet qui a été soulevé par Mme la députée de Châteauguay. Est-ce que vous ne risqueriez pas - j'ai écouté attentivement votre réponse - d'être accusées, quel que soit le gouvernement, d'utiliser de la main-d'oeuvre bon marché pour répondre à des problèmes sociaux dans le système, si on mettait de l'avant l'approche que vous préconisez pour ces dames âgées de 55 à 65 ans?

Mme McKenzie: II pourrait y avoir un danger de dérapage comme celui-là et de se dire. Enfin, on a du "cheap labor" et on va en profiter. Je crois qu'il faut démarrer sur un bon pied, de bonne foi, en se disant que ces gens ont droit à des conditions de travail décentes et qu'il n'est pas question d'user d'exploitation à leur endroit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup de votre présence et de la qualité de votre mémoire, ainsi que des remarques que vous nous avez transmises.

Le Président (M. Bélanger): La commission remercie les représentantes du Conseil du statut de la femme. J'appelle à la barre. Non pas à la barre, mais à la table des témoins, excusez-moi Lapsus linguae!

Nous appelons donc à la table des témoins l'Association des hôpitaux du Québec, qui sera représentée par M. Jacques-A Nadeau, M. Jean-Pierre Montpetit, le Dr Richard Lessard, le Dr Gilles Julien et le Dr Christine Colin.

Nous suspendons nos travaux une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre s'il vous plaît! Vous êtes priés de bien vouloir reprendre votre place. Alors, nous recevons la délégation de l'Association des hôpitaux du Québec. Je prierais le porte-parole de bien vouloir s'identifier et de présenter son équipe afin que nous puissions procéder. Vous avez 20 minutes, au maximum, pour présenter votre mémoire et, à chaque fois qu'un d'entre vous veut intervenir, je le prierais de bien s'identifier auparavant pour la transcription du Journal des débats pour qu'on sache qui est intervenu. Alors, je vous prierais donc de présenter votre équipe et de procéder. Je vous remercie.

Association des hôpitaux du Québec

M. Montpetit (Jean-Pierre): M. le Président, mesdames, messieurs les commissaires, tout d'abord, je me présente Jean-Pierre Montpetit, directeur général de l'hôpital Charles-Lemoyne, président de la division de santé communautaire et membre du conseil d'administration de l'Association des hôpitaux du Québec. Je vous prie d'excuser M. Jacques Nadeau, vice-président exécutif, qui a été retenu d'urgence à Montréal, aujourd'hui, et qui est actuellement en route.

Je présente donc les personnes qui m'ac-

compagnent À ma droite, le docteur Richard Lessard, chef du département de santé communautaire de la Cité de la santé, à Laval, et vice-président de ta division de santé communautaire de l'association; à sa droite, le docteur Gilles Julien, chef du département de santé communautaire de l'Hôtel-Dieu de Montmagny; à ma gauche, le docteur Christine Colin, chef adjointe du département de santé communautaire de l'hôpital Saint-Luc.

L'Association des hôpitaux du Québec vous remercie de lui avoir accordé une audition permettant ainsi de faire valoir le point de vue de ses membres sur le document d'orientation sur la politique de sécurité du revenu. L'Association des hôpitaux du Québec regroupe 200 centres hospitaliers oeuvrant sur tout le territoire du Québec, dont les 32 centres hospitaliers ayant un département de santé communautaire. Ce sont les départements de santé communautaire qui sont à l'origine de la réflexion qui amène l'association à se prononcer sur les enjeux qui sous-tendent une politique sur la sécurité du revenu. Les représentants du réseau de la santé communautaire présents à mes côtés sauront vous dire, dans quelques instants, à quel point la mission, le rôle des DSC, en font des intervenants privilégiés pour observer l'état de santé d'une population donnée et saisir toutes les interactions qui se manifestent dans une approche de santé globale.

Déjà, à l'automne 1987, l'Association des hôpitaux du Québec avait transmis un avis au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sur des orientations à retenir dans le cadre de la réforme du système d'aide sociale. Nos propos s'articulaient autour de deux notions, à savoir que les inégalités sociales se traduisent par des inégalités de la santé et que l'approche intersectorielle s'impose puisqu'un système d'aide sociale ne peut, à lui seul, intervenir sur les problèmes de pauvreté et tes problèmes de santé qui en découlent. Le mémoire que nous présentons à votre commission reprend essentiellement ces propos, lesquels, à notre avis, demeurent fondamentaux.

Nous avons pris connaissance avec intérêt du document d'orientation sur une politique de sécurité du revenu. D'emblée, nous vous mentionnons que nous ne cherchons pas à entrer dans l'analyse systématique des différentes modalités des programmes annoncés, mais plutôt à renchérir sur l'affirmation énoncée dans le document d'orientation selon laquelle les personnes vulnérables dans la société ont des besoins importants et diversifiés. À cet égard, M. le Président, notre présentation se veut concrète. Nous vous illustrerons, quelques exemples à l'appui, une vision de la réalité telle que perçue par ces observateurs des mouvements de l'état de santé des populations que sont les départements de santé communautaire. C'est à partir d'un regard sur cette clientèle pour qui la pauvreté matérielle est trop souvent associée à une pauvreté des moyens personnels, à l'isolement, donc, aux besoins multiples, que nous mettons en évidence la nécessaire intersectorialité dans une politique de sécurité du revenu.

Idéalement, votre politique de sécurité du revenu s'inscrirait dans le cadre plus large d'une politique sociale pour les citoyens du Québec. Les services de santé, les services sociaux, les programmes de sécurité du revenu se côtoient sous le vocable de la mission sociale de l'État. La nécessité de l'interaction entre ces éléments devient évidente tant dans les orientations que dans l'application des programmes et services. À ce sujet, cependant, je me permets une mise en garde. Nous n'arrivons pas, aujourd'hui, avec un moyen facile et éprouvé pour réaliser l'intersec-torialité. Par analogie, dans le réseau de la santé, notre discours fait toujours une large place à la concertation, à la complémentarité, et nous savons fort bien les efforts que ce discours exige. Mais nous sommes tout aussi convaincus que, pour atteindre des résultats, ces concepts d'intersectorialité, de concertation et de complémentarité doivent être énoncés clairement dans les orientations et soutenus par une ferme volonté de les rendre applicables et effectifs. L'impact des inégalités sociales sur la santé et la nécessaire intersectorialité, voilà les messages que l'Association des hôpitaux du Québec désire livrer à votre commission.

Sans plus tarder, je cède maintenant la parole aux représentants du réseau de la santé communautaire qui m'accompagnent aujourd'hui et qui sauront développer la vision de la santé communautaire en rapport avec une politique de sécurité du revenu. J'inviterais, M. le Président, avec votre permission, le Dr Julien à étoffer la présentation.

Le Président (M. Joly): M. Julien.

M. Julien (Gilles): Je suis pédiatre, intervenant clinique et également directeur du département de santé communautaire, donc, intervenant en santé communautaire. Je vais aussi vous livrer quelques commentaires par rapport à mes préoccupations.

Aider les citoyens en difficulté, comme il est dit dans te rapport, redonner l'espoir aux jeunes et mettre fin aux changements à la pièce, on ne peut que partager ces orientations nouvelles du gouvernement du Québec dans son document, "Pour une politique de sécurité du revenu". Que ces orientations s'expriment par des actions concrètes pour permettre à ceux dans le besoin de retrouver l'espoir, la dignité et l'autonomie, que les jeunes et les familles soient au centre des préoccupations et que le travail et le revenu minimum soient plus accessibles et valorisés, on se sent sur la bonne piste. Ces orientations et les actions envisagées concordent donc avec l'objectif de l'Organisation mondiale de la santé, la santé pour tous, et aussi avec une certaine approche globale de la santé où l'on reconnaît à

tous les chances égales de vivre en santé par le moyen d'une somme de conditions minimales. La sécurité du revenu, le logement adéquat et la nourriture de qualité font partie de ces conditions minimales comme l'est l'accès aux services de santé, aux services sociaux et à l'éducation.

Il ne s'agit donc pas uniquement d'un choix de gouvernement, mais bien d'un choix de société dont le gouvernement se fait le promoteur et l'initiateur. Le plan doit, par conséquent, associer différents partenaires pour réaliser ce choix: les divers ministères concernés dans un effort commun, celui du Revenu, de la Santé et des Services sociaux, de la Famille, de l'Éducation et autres; les gouvernements locaux - il faut penser aux municipalités, aux commissions scolaires - les groupes communautaires et les intéressés eux-mêmes, particulièrement les deux cibles mentionnées, c'est-à-dire les jeunes et la famille.

La nécessité d'un plan d'ensemble, où chaque élément gouvernemental ou communautaire agit avec le même objectif et non isolément à la pièce, sera donc essentielle, sinon chacun risque, malgré sa bonne foi, de nuire ou d'annuler l'effet de l'autre. Je voudrais procéder de façon simplifiée, mais à l'aide de deux exemples concrets qui font partie de notre pratique courante et communautaire, pour illustrer notre préoccupation santé et le lien avec la politique de sécurité du revenu.

Le premier exemple est celui d'un jeune couple, marié ou non, qui désire un ou plusieurs enfants. C'est une situation très courante. Le père ne trouve que des emplois très occasionnels. II n'a pas de sécurité d'emploi. Du jour au lendemain, il peut d'ailleurs perdre cet emploi. Les besoins minimums sont satisfaits à la condition d'être une famille modèle. Cela veut dire: pas de sortie, pas d'alcool, pas de cigarette, pas de luxe. Cela veut dire aussi qu'à un seul écart à la fin du mois on se trouve dans le rouge. La mère, elle, n'a pas d'emploi et a des problèmes de santé. Les médicaments grugent une bonne partie de son budget de nourriture parce que le loyer n'est pas compressible et, à moins de se passer d'eau chaude, de chauffage ou de bains, on a des problèmes. L'arrivée du premier bébé, qui était voulu, n'a pas été facile et c'est pourtant un droit fondamental que de vouloir un bébé. On a dû couper certaines conditions dites minimales, mais le bébé va bien et est en santé, heureusement, mais grâce au soutien de la famille qui z. fait un effort dans ce cas-là. Par contre, le deuxième et le troisième bébé furent accidentels, quoique inconsciemment souhaités. On a bien pensé à l'avortement et, d'ailleurs, c'était la raison de la consultation, mais moralement ce jeune couple ne pouvait pas se le permettre. Alors, les problèmes sérieux ont commencé: la fatigue et le manque à gagner n'ont pas favorisé une grossesse saine comme on la désire et c'est une mère plutôt dépressive et seule qui est venue accoucher d'un bébé de petit poids, qui était trop petit pour son âge, qui a connu, par la suite, des problèmes importants de développement, de causes probablement multiples, mais particulièrement reliées à la mauvaise alimentation, à une relation parents-enfant qui s'était détériorée, à des hospitalisations fréquentes, justifiées ou non, de la mère et de l'enfant.

C'est un peu ce genre de préoccupations qui nous concernent en santé et qui nous relient aussi à une politique de sécurité du revenu, mais qu'on veut un peu plus globale. L'exemple donné n'est pas un exemple alarmiste, c'est un exemple qu'on retrouve chaque jour dans nos bureaux et cliniques d'urgence même. C'est une partie de l'encombrement de l'urgence.

Je vais laisser au Dr Colin le soin de donner le deuxième exemple et de commenter un peu plus.

Le Président (M. Joly): Mme Colin.

Mme Colin (Christine): Merci. L'exemple que je vais vous soumettre ici est tiré de ma pratique en clinique et en santé communautaire puisque je suis moi-même médecin spécialiste en santé communautaire au centre-ville de Montréal, donc, dans un des territoires les plus défavorisés de la province et le plus défavorisé de Montréal.

Je repense à Monique, qui est une jeune femme dans la trentaine qui arrive dans mon bureau. Docteur, me dit-elle, ce ne sera pas long, je n'arrive pas à dormir, ça me prend juste des pilules, ce ne sera pas long. Évidemment, je cherche à savoir ce qui se passe parce qu'on n'a pas l'habitude de donner des pilules comme ça. J'apprends donc qu'elle est seule avec son fils de douze ans, qu'elle est prestataire de l'aide sociale, "sur le BS", comme elle me dit Elle cherche du travail depuis des semaines. Elle est venue d'abord à Montréal pour en trouver parce que, dans sa région d'origine, il n'y en avait pas et elle passe ses journées à aller voir les restaurants et les bars pour trouver un emploi de serveuse parce qu'elle n'a pas de formation professionnelle et elle ne voit pas quelle autre profession elle pourrait exercer. Partout, on lui dit: Laissez-nous votre numéro de téléphone et on vous rappellera. Alors, les jours où elle ne passe pas son temps à chercher des emplois, elle reste chez elle à côté de son téléphone, sans sortir de peur que le téléphone ne sonne.

Donc, comme vous pouvez vous en douter, iI ne sonne pas souvent, en tout cas pas pour un emploi et, depuis des mois que ça dure, elle en a perdu le sommeil. Elle s'inquiète aussi beaucoup parce qu'avec ses indemnités de bien-être social elle n'arrive pas à payer ce qui n'est pas strictement prévu, ce qui n'est pas strictement habituel. Or, c'était la rentrée scolaire, son fils avait besoin de fournitures scolaires et elle n'était pas en mesure de les payer, ce qui lui donnait beaucoup d'angoisse et, aussi, une certaine humiliation. De plus, elle m'avoue, après mes questions, qu'elle est aussi obligée de couper

sur sa nourriture, mais, me dit-elle, "surtout pas sur celle de mon fils".

Les deux exemples qu'on a donnés illustrent, en quelque sorte, des situations de pauvreté qui, une fois encore, ne sont pas rares et ne sont pas extrémistes, mais qui nous semblent, en tout cas, le quotidien de bon nombre de prestataires de l'aide sociale. Dans la grande majorité des cas il nous semble aussi qu'on ne devient pas pauvre, qu'on nait pauvre, qu'on l'est dès la naissance et, pour beaucoup, c'est un cercle vicieux qui commence à partir de la naissance dans une famille où manque l'argent et où il s'ensuit une insécurité chronique. L'échec scolaire va vite arriver puisque dans le système d'éducation, on retrouve souvent une mauvaise préparation pour ces enfants-là qui sortiront en partie analphabètes, en tout cas mal préparés pour l'exercice d'une profession et sans qualification professionnelle.

Donc, les chances de sortir du milieu sont assez pauvres et on observe en plus, avec les crises dont on sort, beaucoup de familles qui ont rejoint les rangs de ces gens très défavorisés. Dans ce contexte-là, est-ce que les gens sont coupables de leur pauvreté? Notre expérience clinique et quotidienne nous porte à dire que non. Au contraire, on les conçoit comme des victimes d'un système dont ils ne peuvent sortir. À ce titre-là, on peut donc penser qu'ils ont moins besoin de mesures coercitives que d'emplois disponibles qu'ils passent, comme on le volt, leur temps à chercher, du moins au début.

La politique d'employabilité développée dans le document nous apparaît certes bonne et nécessaire, mais probablement sûrement Insuffisante s'il n'y a pas, en même temps, création de suffisamment d'emplois pour tous.

Comme on l'a vu aussi, Monique arrive chez le médecin pour un état de santé qui est conséquence de sa pauvreté et les conséquences de la pauvreté sur la santé sont très bien illustrées dans des documents au Québec comme ailleurs. Je n'en présenterai ici que quelques-unes plus ponctuelles, les autres sont dans notre mémoire.

Dans la population en général, la différence d'espérance de vie entre un habitant de Saint-Henri à Montréal et un habitant de Westmount est de neuf ans. Si l'on tient compte de l'espérance de vie sans restriction d'activités, la différence est de quatorze ans. (16 h 30)

Les enfants des familles pauvres meurent près de deux fois plus que ceux des familles riches dans la première année. En périnatalité les bébés, à la naissance, sont deux à trois fois plus atteints de prématurité ou d'un poids trop faible pour leur âge. Ceci est pour la naissance et c'est d'autant plus inquiétant que cela va compromettre leur croissance et leur développement.

Revenons, si vous voulez bien, au document d'orientation. Regardons ce qu'il propose, en fonction de recommandations nombreuses qui ont été faites au gouvernement par différents groupes de professionnels, notamment des milieux de la santé et des institutions, dont l'Association des hôpitaux du Québec dans son avis remis à l'automne dernier. En conséquence de ce qui précède, la première suggestion concerne la nécessité de rapprocher le plus possible les barèmes de l'aide sociale du seuil de pauvreté. Or, on constate que le projet vise plutôt une diminution du plancher des prestations de base. En l'absence d'emploi, même à temps partiel - les emplois ne sont pas faciles à trouver - il est probable que le seul revenu de base seront les prestations totales d'une grande majorité des prestataires. Beaucoup d'entre eux n'arriveront pas à le compléter par un revenu de travail. Cela nous semble très préoccupant. En santé, l'isolement des personnes est considéré comme un facteur de mauvaise santé, en particulier dans le domaine de la santé mentale. On a donc recommandé à plusieurs reprises de ne pas pénaliser la cohabitation chez les bénéficiaires, ne serait-ce que pour favoriser leur santé mentale et aussi, peut-être, pour encourager la débrouillardise, qui est souvent favorisée dans d'autres contextes. Dans le document d'orientation, on note une coupure de 115 $ sur les prestations de chacun. Cela ne nous paraît pas aller dans le sens souhaité.

Les jeunes. Sans entrer dans les détails, la parité a été réclamée par de nombreuses personnes et depuis fort longtemps pour les jeunes de 18 à 30 ans. Dans le document, on retrouve un report de la parité à 1989. Cela nous inquiète, de même que la mesure qui rend nécessaire la contribution parentale, ce qui, à notre sens, va augmenter la dépendance de jeunes adultes ou même d'adultes plus âgés et qui risque aussi de jeter un grand nombre de jeunes à la rue, où les attendent délinquance, violence, drogue, prostitution, etc. La liste est longue et vous la connaissez aussi.

Venons-en à une autre population, celle des femmes enceintes. Au Québec, II y a 13 000 femmes enceintes, par année, qui vivent du bien-être social. On sait aussi que les taux de natalité sont plus élevés en milieu défavorisé. Cela rejoint sûrement un désir d'enfants très fort. C'est souvent la seule solution qu'ont ces jeunes femmes ou ces jeunes couples pour répondre à leur désir profond, au-delà de tous les échecs rencontrés, d'aimer, d'être aimés et respectés. C'est pourquoi on comprend les réticences à l'avortement qui étaient signalées dans l'exemple du Dr Julien. On remarque, dans le rapport, une mesure qui nous semble positive par rapport aux femmes enceintes ou aux femmes en général, d'ailleurs, c'est le fait qu'on attendra un an avant de décider qu'un couple cohabite et donc, avant de couper les prestations ou de réaménager les prestations pour ce couple-là. Là encore, comme le citait Mme McKenzie tantôt, on peut faire référence à l'Ontario qui, lui, a mis sur place un délai de trois ans. L'augmentation des revenus, pour les ajuster aux besoins des femmes

enceintes, ne semble pas retenue non plus dans le document d'orientation. Jusqu'à présent, il y a donc une allocation supplémentaire de grossesse de 20 $ qui est versée à chaque femme enceinte, pour autant qu'elle prouve sa grossesse. Les spécialistes de la nutrition, en particulier, estiment que le coût de l'alimentation supplémentaire requise en temps de grossesse est d'au moins 29 $. Donc, les 20 $ n'ont pas été indexés. La recommandation de plusieurs spécialistes est de verser au moins 30 $ supplémentaires par mois pour les femmes enceintes. Dans le document d'orientation, on ne retrouve rien de tout cela puisque cette allocation, qui correspond à un besoin très concret, un besoin à la fois pour le bien-être et la santé de la mère et de son futur enfant, cette allocation est donc supprimée. On s'inquiète aussi du changement de statut d'une femme enceinte à la 24e semaine puisqu'on comprend, dans le document, qu'elle deviendra à ce moment-là employable non disponible, ce qui lui ferait perdre jusqu'à 60 $, à un moment où ses besoins sont, au contraire, accrus, puisqu'elle passe du statut participant à un statut employable non disponible, où les prestations sont moins élevées.

Enfin, certains groupes ont aussi demandé la prise en charge de suppléments vitaminiques ou de fer, qui ne sont actuellement pas payés pour les prestataires de l'aide sociale et qui sont des éléments extrêmement nécessaires pour la bonne santé du nouveau-né. Là encore, nous sommes inquiets que cette mesure n'ait pas été retenue.

Donc, sur tous ces points, M. le Président, mesdames et messieurs, nous demandons au ministre de revoir le projet de réforme pour éviter la détérioration de la santé de toutes ces personnes, ce qui représente non seulement des coûts humains, mais également des coûts sociaux très importants et probablement inutiles.

Je vais maintenant...

M. Montpetit: Avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Joly): II vous reste deux minutes, s'il vous plaît.

M. Montpetit: D'accord. Le Dr Lessard va conclure.

M. Lessard (Richard): SI le gouvernement envisage d'aider les individus et les familles avec des mesures concrètes, tels le soutien financier, la formation, l'information, l'encouragement concret aux groupes d'aidants naturels et communautaires, un grand pas sera fait. Si les mesures de la nouvelle politique d'aide sociale ne sont pas de nature à tout autant prévenir que réparer les dégâts déjà faits, si elles visent à discriminer, à culpabiliser, à étiqueter ou à blâmer cette famille, un recul sérieux sera réalisé, probablement, d'ailleurs, dans un seul but d'économie. Si le gouvernement, par ailleurs, envisage une politique visant à faciliter et à favoriser la natalité, le développement optimal de l'enfant, la relation parents-enfant, la saine nutrition, l'éducation et le rattrapage scolaire des jeunes, la sécurité d'emploi et de revenu et l'autonomie pour tous, on pourra alors espérer assister les bonnes personnes et les vrais besoins et leur garantir des chances égales de vivre en santé. C'est plus qu'un simple programme de dernier recours, nous en convenons, mais c'est plus juste. Cette approche, qui peut être progressive, aurait l'avantage, en outre, d'éviter de marginaliser ou d'ignorer des clientèles dans le besoin.

Nous allons conclure. La mission des départements de santé communautaire est de protéger et d'améliorer l'état de santé de la population en identifiant les problèmes de santé qui l'affectent, en élaborant et en évaluant les programmes de santé communautaire. Les DSC entendent aussi poursuivre une démarche de recherche et de planification afin de promouvoir la santé dans toutes les catégories sociales. Pour ce faire, ils estiment, avec le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, que chacun doit pouvoir compter sur des conditions de vie à partir desquelles il sera possible, ici au Québec comme ailleurs dans le monde, d'atteindre un objectif si cher à l'Organisation mondiale de la santé: "La santé pour tous en l'an 2000. "

Puisque la réforme de la sécurité du revenu doit viser à réduire la pauvreté et à favoriser les actions collectives, puisqu'elle doit reconnaître les impacts sociaux et sanitaires des autres politiques gouvernementales, puisque les départements de santé communautaire visent à analyser les causes des inégalités de la santé, à encourager les actions qui créent des milieux favorables à l'adoption de comportements de santé, l'Association des hôpitaux du Québec offre toute sa collaboration dans les activités qui viseront t'approche intersectorielle et qui partageront les responsabilités entre les intervenants.

Encore une fois, nous insistons sur le fait qu'il est impératif de ne pas faire porter le poids des responsabilités sur les personnes qui sont les victimes du système. Une politique de sécurité du revenu devrait, à notre avis, annoncer aussi les moyens qui seront mis en oeuvre pour favoriser l'implication des divers partenaires du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du gouvernement du Québec et surtout, des assistés sociaux.

M. Montpetit: Voilà, M. le Président. La présentation est terminée.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie l'Association des hôpitaux pour le mémoire et la présentation verbale, ainsi que les gens qui se sont déplacés pour nous en faire part. J'adres-

serai mes questions à M. Montpetit, mais s'il peut les réadresser, s'il se sent un peu mal pris avec la question ou s'il se sent accompagné par un spécialiste plus précis dans un domaine particulier et si jamais il y avait une question générale avec laquelle il aurait de la difficulté, je lui souligne que M. Nadeau est arrivé également. Ce n'est pas parce qu'on doute de vos compétences, M. Montpetit, c'était pour souligner l'arrivée de M. Nadeau.

Je vais peut-être commencer mon intervention en vous demandant d'indiquer si, à votre connaissance, parmi les cas difficiles que vous avez à traiter ou dont vous avez connaissance dans vos départements de santé communautaire - vous avez parlé des cas qui étaient issus de clientèles de l'aide sociale - c'est le même niveau de difficulté ou s'il existe une difficulté aussi frappante dans le cas des prestataires d'assurance-chômage ou de bas salariés dans la société québécoise, des gens qui travaillent au salaire minimum ou un peu en haut du salaire minimum, autour de 5 $ l'heure.

M. Montpetit: Si vous le permettez, M. le Président, nous avons deux représentants des départements de santé communautaire qui sont également cliniciens. Je pense que c'est peut-être eux qui seraient les plus aptes à y répondre: Dr Julien ou Dr Colin.

M. Julien: Je pourrais peut-être amorcer une réponse. C'est sûr qu'il y a une zone grise dans ce type de clientèle. C'est difficile de départager parfois les prestataires de l'aide sociale, les gens bénéficiant d'assurance-chômage, etc. Il y a plusieurs programmes qui peuvent contribuer à améliorer le sort d'un individu. Ce sont des programmes qui remplissent, dans une certaine mesure, des besoins minimaux. Ce qu'on veut souligner aujourd'hui, c'est l'impact des mesures minimales qui sont fragiles sur. la santé lorsque ces mesures minimales, pour une raison ou pour une autre, sont diminuées. Je pense que c'est difficile de départager la zone grise, mais ce qu'on voulait souligner aussi aujourd'hui, c'est l'importance de faire concorder différents programmes: le programme de la sécurité du revenu, le programme de politique familiale et d'autres types de programmes. On a comme l'impression que ces programmes ne concordent pas toujours ensemble.

La difficulté vient souvent du fait qu'un programme, comme on l'a mentionné, va parfois nuire à un autre, va oublier certaines clientèles, ou va nuire carrément à certaines clientèles, comme les femmes enceintes dans le cas qui nous préoccupe. On voudrait voir un peu plus de cohésion entre les différentes politiques qui sont déposées. Je ne sais pas si cela répond à la question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais être honnête. Je vais vous répondre: malheureusement pas. Je conçois que le problème que vous soulevez est un problème important. On parlait de l'intersectorisation entre les départements. Je vous dirai que cette politique a cheminé, oui, bien sûr, chez la ministre déléguée à la Condition féminine, chez le ministre délégué à la famille, au ministère de la Santé et des Services sociaux, au ministère de l'Éducation. Tous les ministères qui ont une vocation sociale au gouvernement ont été mis à contribution. Même les ministères qui font partie de la vocation économique, dans la deuxième phase, sur le plan des coûts.

Ma question avait pour but de vérifier, dans votre pratique ou selon l'expérience pratique de vos collègues si vous éprouvez le même type de problèmes, et sociaux et de santé, avec les travailleurs à faible revenu, parce que ce qu'on a utilisé comme plafond, si vous me permettez l'expression, c'est le travailleur au salaire minimum, en conservant un incitatif pour qu'il travaille dans la société. Si vous nous indiquez, et je vais être très transparent en vous le disant, qu'au niveau du salaire minimum vous avez une clientèle importante, qu'à ce niveau il y a quand même des problèmes de santé et sociaux découlant du fait que des besoins essentiels tels que le logement, la nourriture ou la sécurité du revenu ne sont pas satisfaits chez l'individu, on a comme société un problème encore plus grave que celui strictement de t'aide sociale, et je ne veux pas oublier ce problème non plus.

M. Montpetit: M. le Président, si vous permettez, Dr Colin pourrait tenter au moins une réponse.

Mme Colin: Je voulais dire que souvent, effectivement, notre clientèle de très petits salariés est aussi démunie et présente les mêmes problèmes de santé que la population du bien-être social. Mais il y a quand même quelque chose de plus chez tes petits salariés. Je crois qu'il y a la fierté du travail. Même quand il s'agit d'emplois sans qualification ou sans reconnaissance tellement, je pensais par exemple à une famille où le père est livreur dans une épicerie, il s'ensuit que la maman est quand même fière de pouvoir dire: Mon mari travaille, je ne reçois pas de bien-être social. Ça, c'est comme quelque chose qui est important et dans ce cas on ne peut que souscrire à votre désir de permettre à chacun de trouver un emploi. C'est évident que c'est très important pour la dignité de tout individu. Cependant, c'est sûr que le niveau de revenu des petits salariés les met dans des conditions très proches de certaines personnes sur l'aide sociale. Cela pose d'autres problèmes de santé aussi, c'est certain.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si on peut l'exprimer à partir d'un exemple que vous donnez à la page 6 de votre mémoire - au bas de la page 6 et au haut de la page 7 - vous parlez du

nombre de naissances de bébés de poids insuffisant qui est deux a trois fois supérieur dans les territoires de CLSC caractérisés par le faible revenu des ménages et par l'incidence élevée de mères faiblement scolarisées ou en situation de monoparentalité, etc. Je ne sais pas si ces statistiques sont disponibles chez vous, mais les avez-vous concernant les catégories que j'ai indiquées prestataires de l'aide sociale, prestataires de l'assurance-chômage ou bas salariés, de façon à pouvoir les subdiviser?

Mme Colin: À un niveau global, évidemment, il y a une confidentialité par rapport aux bénéficiaires de l'aide sociale. Actuellement, on n'a pas réussi à aller aussi en détail que cela. Par contre, on a des données concernant la province qui dans un document actuellement remis au ministère de la Santé et des Services sociaux, font état de toutes ces différences. II y a des recherches en cours, si vous voulez, qui cherchent à aller plus loin dans le sens de ce que vous proposez. Actuellement, cela n'a pas pu être fait à cause de circonstances essentiellement de confidentialité. (16 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne la clientèle de l'aide sociale considérée non employable - environ 100 000 individus - il y a une augmentation globale des barèmes de 100 000 000 $, donc 1000 $ par personne.

Est-ce que, pour ces personnes-là compte tenu de votre expérience, en tenant pour acquis qu'elles conservent tous les besoins spéciaux actuellement reconnus. Je tiendrais à vous indiquer qu'il n'est pas question de I'abolition des éléments dont vous avez parlé tantôt, ce n'est peut-être pas suffisamment explicite dans le document, mais en maintenant les besoins spéciaux dans leur ensemble pour cette catégorie de bénéficiaires et les besoins spéciaux reliés à la santé pour l'autre catégorie, on n'en arrive pas aux coupures que vous avez mentionnées tantôt. En tenant pour acquis que l'allocation pour partage de logement ne s'applique pas non plus dans le cas des personnes incapables de travailler, parce qu'on comprend le soutien qu'elles doivent se donner et qu'on irait à l'encontre d'une politique de désinstitutionnalisation s'il fallait appliquer un partage de logement, et en tenant pour acquis que l'élément contribution alimentaire parentale ne s'applique pas non plus au programme de soutien financier comme tel, quelles sont les critiques précises que vous auriez à adresser à ce volet de la politique de sécurité du revenu?

M. Montpetit: Dr Colin, s'il vous plaît.

Mme Colin: Merci En ce qui concerne le programme Soutien financier, c'est vrai que c'est un programme qui apporte, je pense, un progrès très net pour les bénéficiaires qui ne sont pas employables ou qui ne sont pas aptes au travail

Cela on le note effectivement comme un progrès pour cette catégorie de personnes

Maintenant, ce qui nous dérange un petit peu dans cela, ce sont deux choses. D'abord la catégorisation qui finalement, donne à certains en reprenant à d'autres. On a l'impression que dans la mesure où notre analyse est que les gens sont tous plus ou moins victimes - enfin disons la majorité - d'une situation, d'un engrenage dans lequel. Ils sont pris, c'est peut-être injuste, à ce moment-là, de faire des catégorisations sur les barèmes donnés.

L'autre aspect - je sors peut-être un peu du mémoire - qui est un peu inquiétant aussi, ce sont les critères qui vont nous permettre très clairement de définir qui est apte au travail ou qui ne l'est pas. On pense, en particulier... Vous mentionnez dans le document la pathologie physique et la santé mentale, mais on pense souvent à des populations qu'on voit dans nos services et qui ont une pathologie un peu psychosociale, c'est-à-dire qui représentent en fait une grande partie des bénéficiaires. Ils sont peut-être aptes au travail, mais avec énormément de mesures très précises qu'on ne sent pas encore vraiment dans votre document d'orientation.

M, Paradis (Brome-Missisquoi): Vous ne sentez pas cette dimension parce quelle n'y était pas inscrite, mais je vous dirai que vous n'êtes pas le premier groupe. Vous faites partie des groupes qui intervenez en faveur d'une prise en considération, par le gouvernement, de ce facteur. La décision gouvernementale n'est pas arrêtée, mais vos remarques sont prises en considération quant à cet aspect.

Le programme APPORT, quant à lui, quelles sont les critiques spécifiques que vous lui adressez?

M. Montpetit: Dr Colin.

Mme Colin: Pour le programme APPORT, là encore, on ne peut qu'être d'accord avec une augmentation des revenus de ces familles, puisqu'il s'agit essentiellement de familles qui vont voir leur niveau de revenus amélioré. Là encore, ce qui nous inquiète, c'est toujours un peu cette catégorisation qui met des minorités dans des catégories un petit peu plus favorisées et qui met une grande majorité de bénéficiaires dans une catégorie plus démunie. L'autre aspect aussi, c'est qu'on redoute un petit peu un contrôle, disons qu'on ne voit pas très bien comment va se faire le contrôle pour ces familles dans le programme APPORT puisqu'elles vont avoir à justifier, enfin assez souvent - si j'ai bien compris, c'est une fois par mois - l'état de leurs revenus. Là aussi, on peut avoir un petit peu d'inquiétudes sur le contrôle qui met beaucoup de pression et qui produit du stress dans des familles qui sont un peu "borderline", en fait, qui sont souvent en risque de rupture. Alors, là

aussi on aimerait avoir des précisions et peut-être être rassurés par le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne sais pas si je vais vous rassurer, mais comme on vous met souvent à contribution, l'Association des hôpitaux du Québec si vous avez une formule administrative à nous suggérer, qui serait la plus simple possible, nous sommes preneurs. Nous ne disons pas que la formule administrative que nous préconisons est la plus simple au monde et nous faisons appel à la créativité de nos partenaires. S'il y a des améliorations à apporter, je l'ai indiqué, quant à l'administration de ce programme, non pas pour I'année 1988 parce que, de façon rétroactive, il est déjà en application, il a été annoncé dans un discours sur le budget, etc, la marge de manoeuvre de celui qui vous parle est inexistante. Mais, en ce qui concerne l'application du programme pour les années 1989 et 1990, si vous remarquez la lourdeur administrative et st vous avez des trucs ou des solutions pour I'alléger, nous vous Invitons à nous en faire part.

En ce qui concerne le programme APTE, c'est peut-être là où la discussion s'élargit davantage. Ce programme touche une clientèle qu'on évaluait, en mars 1987, à quelque 300 000 bénéficiaires. II y a une partie de ces gens qui sont, pour des raisons temporaires - un accident de ski par exemple - considérés non disponibles, bien qu'ils puissent accomplir des oeuvres utiles. Dans le cadre de ce programme, nous ajoutons 445 000 000 $ frais et nouveaux que nous mettons sur la table pour les participants qui veulent améliorer leur employabilité. On se rend compte que la clientèle de l'aide sociale est formée de gens qui, généralement, ont une faible scolarisation - ce qui veut dire qu'ils n'ont pas terminé le secondaire - d'analphabètes, de gens qui n'ont aucune expérience de travail, etc.

Au lieu de maintenir la politique actuelle, qui consiste à les oublier et à leur envoyer un chèque mensuel, nous souhaitons améliorer leur employabilité dans le but de leur donner une chance égale pour se décrocher un emploi. Présentement, même lorsque les emplois existent, ces gens n'ont pas la chance d'en obtenir, parce que leur employabilité ne correspond pas à la demande des employeurs. En ce sens, nous proposons des barèmes qui vont assez loin, jusqu'à 89 $ de différence relativement à un salarié au salaire minimum en 1988, même augnenté. Dans le réaménagement du tableau que vous avez là et que vous retrouvez dans notre document d'orientation, s'il y a des réaménagements que vous souhaiteriez, mais qui conserveraient notre incitation à participer aux mesures d'employabilité et l'incitation à obtenir un emploi régulier et à sortir de l'aide sociale pour toujours, si possible, je pense qu'on aimerait les connaître.

Avant de vous demander des précisions qui pourraient améliorer le tableau, est-ce que vous acceptez qu'un barème d'aide sociale doive contenir ces deux degrés d'incitation incitation à sortir de l'aide sociale en devenant un travailleur régulier sur le marché du travail et, également, incitation à profiter de mesures d'employabilité mises à la disposition des gens, à la condition qu'elles soient vraiment mises à la disposition des bénéficiaires, que les ressources financières et que les ressources humaines soient là?

M. Lessard: Je pense que ce qu'on dit dans le document, M. le ministre, c'est que ce n'est surtout pas par les mesures qui sont proposées que vous allez atteindre l'employabilité souhaitée. On pense qu'au-delà des mesures qui sont là il y a beaucoup d'autres mesures qui devraient accompagner le projet qui est sur la table pour pouvoir atteindre I'objectif que vous souhaitez. II est évident que, s'il n'y a pas d'emplois disponibles, l'objectif ne sera pas atteint, même si on triture les gens pour qu'ils prennent les emplois. On peut souhaiter qu'il existe des barèmes dans une société, pour être juste envers tout le monde, mais, lorsqu'on souhaite l'employabiltté ce n'est pas juste avec de l'argent qu'on peut y arriver et ce n'est surtout pas avec les petits montants qui sont sur la table qu'on va y arriver.

Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous avez une question, M le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, cela va.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Pour une des premières fois, non seulement en commission parlementaire, mais au Parlement, je crois que votre mémoire nous permet d'avoir une sorte de vue d' ensemble des coûts engendrés par la pauvreté. Et ce n'est pas un discours fréquemment entendu ici. On va entendre des personnes qui viendront nous parler de leur problème d'indigence. On peut ou non avoir de la compassion. On peut, malgré tout, chez certains, toujours garder cette idée qu'à leur place on ferait mieux, quon ferait autrement et qu'on s'en sortirait mieux. Ce qui est extrêmement précieux dans ce que vous nous dites, c'est que vous avez chiffré pour la collectivité, d'une certaine façon, en termes de coûts sociaux. On ne les connaît pas encore en termes de coûts économiques, et sans doute est-ce une prochaine étape qu'il faut franchir, que de chiffrer en termes de coûts économiques ce que coûte au système de santé la pauvreté, le chômage ou l'indigence.

Auparavant, j'étais critique de l'Opposition en matière de transport et j'ai eu l'occasion de constater le travail réalisé par le département de santé communautaire, dans une sorte de campagne contre les coûts engendrés par les

accidents automobiles. Vous les avez chiffrés. Vous nous avez dit exactement combien cela coûtait à l'ensemble de la société, ce qui a eu comme conséquence de nous mettre devant notre responsabilité d'adopter un Code de sécurité routière qui est très sévère, mais qui espérons-le, aura des effets, disons sur le changement des comportements.

Vous savez, depuis hier en écoutant les différents mémoires, j'ai décidé de me munir d'un cahier noir - eh oui! paraît-il que c'est vrai, le ministre de l'Éducation M. Ryan, le fait - et je me suis dit que cela allait être totalement important puisque cette commission allait durer presque jusqu'à Pâques et qu'à la fin je me ferais pour moi-même, pour ne pas l'oublier, le portrait des coûts engendrés par la pauvreté au Québec. Pour ne pas I'oublier moi-même et pour pouvoir le rappeler au gouvernement, puisque vous nous dites dans votre mémoire l'impact des inégalités sociales sur la santé et la nécessité que tout le monde agisse ensemble et au même moment.

Je passe sous silence le fait que le ministre a laissé entendre que tous les autres ministères avaient été mis à contribution parce que je ne peux pas comprendre que le ministre délégué à ia Santé demandait ou il pouvait retrouver vos chiffres. II y a un document qui s'appelle Naître égaux et en santé au Québec, qui date de décembre 1987, et ce document permet de connaître le sort réservé aux femmes chefs de familles assistées sociales et aux enfants qui naissent d'elles et qui sont en difficulté. Lesquels avez-vous demandés? Il faut que j'essaie de vous les avoir, non?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai demandé aux praticiens, à partir de leur expérience, s'ils avaient, de façon départagée, les chiffres de la clientèle de l'aide sociale, également les chiffres de la clientèle prestataire de l'assurance-chômage et ceux des bas salariés. Ce sont les trois éléments. Et on m'a dit qu'à cause d'une certaine confidentialité on ne pouvait pas les avoir de façon très précise, mais qu'on regardait au niveau de ia province si on ne pouvait pas les dégager.

Mme Harel: Oui, mais la seconde question portait plus - et c'était là la réponse que je faisais en vous référant au document Naître égaux et en santé au Québec - sur la périnatalité en milieu de pauvreté. Pour cela, nous avons les chiffres selon les catégories. Et, notamment, on peut savoir... Je pense que dans votre document vous nous renvoyez au fait d'une réduction de barèmes pour des femmes qui seraient dans la catégorie "non disponibles", c'est-à-dire celles enceintes de plus de six mois et avant la cinquième semaine d'accouchement, ou encore pour des personnes qui sont malades, puisque la catégorie "non disponibles" comprend aussi les personnes temporairement malades ou affectées physiquement par une maladie. Cette catégorie-là vous nous rappelez quelle a une réduction de barèmes et, chiffrée cette réduction fait actuellement 33 000 000 $ qui vont être économisés a la suite d'une modification des barèmes pour les personnes non disponibles. Cela nous renvoie donc aux personnes malades, ou enceintes de plus de six mois ou encore qui ont un enfant de moins de deux ans. Alors, c'est la situation devant laquelle on se trouve présentement.

Le ministre vous demandait: Essayez de me réaménager mon tableau pour qu'il donne des résultats plus adéquats. C'est un peu la question qu'il vous posait à la fin. Avez-vous des suggestions à faire, disait-il, pour réaménager mon tableau de manière que, finalement, cela ait peut-être moins d'impact? C'est la question que j'ai comprise. Alors, je vous la renvoie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le plus d'impact positif possible. (17 heures)

Mme Harel: Je vous la renvoie. Pensez-vous possible de réaménager ce tableau de manière à réduire l'impact sur la santé que vous appréhendez? Et peut-être juste un élément, c'est que le tableau n'est pas complet. II devrait y avoir, en haut, le taux du seuil de la pauvreté, selon Statistique Canada, qui est de 999 $ par mois pour une personne seule. Je ne vous ai pas parlé du taux de pauvreté pour le Conseil canadien de développement social, ce serait du luxe ou presque. Je m'en tiens simplement au taux de pauvreté de Statistique Canada. Croyez-vous qu'en deçà du taux de pauvreté de Statistique Canada - ou avez-vous fait des études à cet effet-là - il y a des impacts sur l'état de santé au Québec présentement?

M. Lessard: Généralement, ce qui est observé avec les statistiques auxquelles on a accès, plus vous êtes au bas de la courbe du revenu, c'est dans cette partie-là qu'on trouve le plus de personnes malades. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Aussi, on pourrait reprendre la boutade de tout à l'heure il y a des emplois et il y a des formations qui nous permettent, même avec des formes de handicap temporaire, de performer quand même, alors qu'avec une 7e année et un revenu minimum, avec une jambe dans le plâtre, on ne peut pas faire le travail. Effectivement, il n'y a pas que le revenu qui est important et c'est une grosse partie de ce qu'on est en train de dire, c'est qu'il n'y a pas que cela. Comme mesure sociale, il faudra injecter autre chose.

L'autre chose dont on parle, c'est que l'argent, ce n'est pas toujours une dépense pour un gouvernement, c'est souvent un investissement. Je pense qu'on peut appliquer à la pauvreté le même raisonnement que vous appliquiez tout à l'heure à la prévention des accidents de la route. II y a moyen d'investir dans la pauvreté

pour que cela rapporte non pas en termes de pauvreté mais pour la société. On est extrême ment craintifs actuellement d'investir dans des mesures sociales parce qu'on les considère comme des dépenses inutiles et quon encourage la stagnation ou on.

Mme Harel: La paresse.

M Lessard: Il y a peut-être des cas, et je suppose qu'on ne les retrouve pas tous chez les assistés sociaux non plus. Ce qu'on vous dit, c'est que, comme départements de santé communautaire très axés sur la prévention, il y a probablement moyen de voir les dépenses en éducation, les dépenses en logement et les dépenses d'aide sociale, telles que vous les présentez, comme des façons de prévenir des problèmes qui, quand ils arrivent dans les hôpitaux, coûtent bien plus cher que ce qu'il y a sur le tableau. Une journée d'hospitalisation, c'est autour de 350 $ à 400 $ par jour. Je pense qu'il y a de quoi regarder, de façon importante, le revenu coûts-bénéfices pour les assistés sociaux.

Mme Harel: Vous dites dans votre mémoire que, très souvent, vous êtes une sorte de goulot où se retrouvent les personnes en difficulté parce quelles font de I'angoisse ou parce quelles sont seules. L'hôpital devient le lieu ou se retrouvent des personnes qui dans notre société, ne voient pas leurs besoins psychosociaux comblés. Est-ce qu'il y a eu des études qui ont permis d'en évaluer l'impact? Je vous pose la question parce que vous parlez également des hospitalisations pour carence alimentaire. Je crois que c'est à la page 8. Les carences nutritionnelles et d'autres affaiblissent l'état de santé. En fait, le niveau d'hospitalisation, c'est au département de santé communautaire de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. J'ai les chiffres pour le quartier Maisonneuve que je représente ici à I'Assemblée nationale. Les chiffres de janvier, pour I'année qui se terminait, permettent de constater que 25 % des hospitalisations sont dues à des carences alimentaires. Je ne sais pas si cela a été chiffré pour I'ensemble des départements de santé communautaire.

Une voix: Dr Colin.

Mme Colin: Je peux répondre sur un point. On n'a pas encore chiffré cela pour toutes les maladies, pour toutes les causes de manque de santé physique ou mentale. Mais si on regarde, par exemple, les bébés de poids insuffisant ou prématurés, si on estime qu'il y a 13 000 bénéficiaires de l'aide sociale qui, actuellement, mettent au monde un enfant à chaque année et que leur taux de naissance est deux à trois fois plus élevé que dans la population on pourrait, avec des mesures appropriées, sauver pratiquement 1000 bébés de poids insuffisant. Quand on dit poids insuffisant, cela veut dire hospitalisation prolongée au taux dont parlait le Dr Lessard tantôt coupure avec les parents, ce qui amené d'autres angoisses, d'autres problèmes. Cela conduit à des retards de développement chez I'enfant. Cela conduit a des difficultés aussi dans les relations parents-enfant. Donc, plus tard c'est une porte ouverte sur la nécessité de services sociaux. 1000 enfants par année qui naîtraient en santé au lieu de naître avec un petit poids il me semble que cest déjà quand même quelque chose!

De plus on bénéficie, pas au Québec mais à l'étranger, d'études coûts-bénéfices sur la périnatalité. Avec des documents issus d'institutions très respectables des États Unis, on voit qu'en principe. II y aurait - évidemment, il y a beaucoup de différences d'une étude à l'autre - entre 2 $ et 5 $ d'économisés pour chaque dollar investi dans une campagne d'aide aux femmes enceintes défavorisées par exemple pour la nutrition.

Je voudrais quand même ajouter aussi que notre perspective, c'est vraiment... On pense que c'est sûr que les services de santé ont un rôle à jouer et cest très important dans ce domaine-là, mais, comme c'est multifactoriel, c'est évident qu'il faut aussi jouer, comme on la dit tout au long de cet exposé, sur la scolarité, le logement. La pénurie dans le logement oblige les femmes à comprimer leurs dépenses de nourriture et donc, c'est évident qu'il y aurait sûrement des économies à long terme et on pourrait sûrement encore documenter plus cela. C'est ce vers quoi on sen va, en tout cas, dans nos départements de santé communautaire.

Mme Harel: Je crois que vous recommandiez tantôt dans votre exposé que les personnes bénéficiaires puissent avoir accès à des suppléments vitamniques en fer, par exemple.

Mme Colin: Soit le fer, soit les vitamines.

Mme Harel: Ah bon! d'accord. Je dois faire partie de la catégorie... Quand vous dites que l'impact, d'année en année, de décade en décade, on soulève de façon répétitive les mêmes relations entre les classes sociales et l'état de santé, cest évident qu'il y a des classes dans la population qui ont, d'une façon endémique, un problème de santé, nous démontrez-vous. Actuellement, je dois comprendre que les besoins spéciaux ne reconnaissent pas les suppléments vitamniques. C'est bien cela?

Mme Colin: C est bien cela.

Mme Harel: Sur la question du lait maternisé, il y a des représentations nombreuses et répétitives qui ont été faites. Est-ce que vous avez fait des études sur le fait que le lait maternisé est coûteux et qu'il ne semble pas encore être accessible à partir de la carte

d'assurance-maladie? C'est bien le cas?

Mme Colin: Oui. Disons que, dans le réseau de santé communautaire, il y a eu certaines institutions où on a effectivement développé une campagne pour essayer d'améliorer l'alimentation du nouveau-né. Je dois dire d'abord qu'en santé communautaire on favorise essentiellement l'allaitement. On estime que c'est autant nécessaire pour les femmes défavorisées que pour les autres, sauf que, comme les femmes défavorisées prennent toujours les habitudes ou les changements de comportements avec retard, actuellement c'est là que les taux d'allaitement sont les moins élevés. Comme aussi les revenus manquent pour acheter du lait maternisé, qui est quand même relativement cher, on s'aperçoit qu'il y a énormément de problèmes d'alimentation. Les enfants sont nourris avec du lait de vache coupé et souvent, cela entraîne encore d'autres problèmes parce qu'ils seront beaucoup plus irritables. Par exemple, ils dormiront moins bien et souvent, quand ils arrivent au bureau, ils sont très irritables, on leur donne un biberon et tout se calme, l'enfant devient charmant.

Dans cette optique-là, en santé communautaire, on se disait que fournir aux gens le lait maternisé pour l'enfant, sous forme d'un bon ou d'une allocation, serait sûrement une mesure de santé publique et de prévention très intéressante.

Mme Harel: Considérez-vous que les mesures que vous envisagez en matière de santé publique, de manière à investir dans la pauvreté, disiez-vous, de manière à s'enrichir collectivement et à hausser le niveau de qualité de vie de l'ensemble de nos concitoyens, devraient s'adresser aux personnes bénéficiaires de l'aide sociale ou à celles qui sont sous le seuil de la pauvreté?

Mme Colin: C'est sûr qu'on a tendance spontanément à vous dire sous le seuil de la pauvreté, parce que ce sont des populations qui sont... Quand je parle de femmes défavorisées, il y en a beaucoup sur le bien-être social et il y en a aussi qui sont femmes de petits salariés ou qui sont elles-mêmes petites salariées. En tout cas. ce sont des populations qui sont souvent très proches l'une de l'autre. Jusqu'à présent, les bénéficiaires de l'aide sociale sont encore loin du seuil de la pauvreté, selon leur catégorie de ménage, mais, dans une perspective de santé publique et de prévention, je pense qu'on souhaiterait évidemment que les mesures puissent être mises de l'avant pour tous les gens qui sont sous le seuil de la pauvreté.

Mme Harel: J'avais des chiffres récents de Statistique Canada qui démontraient que les dépenses moyennes effectuées par les familles canadiennes - c'était une étude canadienne, en 1984 - indiquaient que les ménages faisant partie des 20 % les plus pauvres avaient accru leur niveau d'endettement, c'est-à-dire de réduction de dépenses, si vous voulez, de 858 $ en moyenne, comme si le niveau de paupérisation allait en augmentant. Avez-vous la possibilité d'évaluer s'il y a des effets de paupérisation qui ont présentement des rebondissements sur vos services? Vous nous en avez indiqué un, quelque part dans votre mémoire, en disant que, depuis quinze ans, vous concevez qu'il y a une amélioration de la qualité de vie des personnes âgées qui serait en partie due à l'augmentation de leurs revenus. Est-ce que c'est une donnée intuitive ou s'il y a eu des études là-dessus?

Mme Colin: Je faisais référence à des études démographiques. M. Wilkins qui avait travaillé dans l'agglomération de Montréal avait classé les populations selon le seuil de la pauvreté de Statistique Canada et aussi, selon un seuil de la grande pauvreté qui était estimé à 60 % du seuil de Statistique Canada. Il avait remarqué que les personnes âgées étaient en grand nombre sous le seuil de la pauvreté, mais en très petit nombre, moins de 3 %, sous le seuil de la grande pauvreté. Donc, avec les mesures qui ont été mises en place pour les personnes âgées, on avait remonté la barre pour elles et ceci, sans distinction de leur catégorie sociale, de leur provenance sociale ou de leur appartenance à quelque groupe que ce soit. On en avait fait un peu une comparaison en se disant que ce serait vraiment bien de pouvoir faire ia même chose pour les enfants parce que, dans ces mêmes études, on s'aperçoit qu'il y a énormément d'enfants sous le seuil de la grande pauvreté et, dans les territoires où je travaille, cela peut aller jusqu'à 20 % ou 25 % des enfants qui sont sous le seuil, non pas de la pauvreté, mais de la grande pauvreté, dans certains territoires. C'est évidemment très inquiétant pour l'avenir de ces enfants, de leur famille et pour celui des Québécois.

Mme Harel: Le ministre nous indiquait, durant cette commission, qu'il avait eu en tête, dans la préparation de son document d'orientation, le souci des enfants et que, chaque fois que des enfants étaient en cause, il avait bonifié sa proposition. Partagez-vous cette opinion?

M. Julien: Je pense qu'il y a des mesures intéressantes concernant l'enfant, mais on voudrait que l'ensemble du développement de l'enfant soit considéré. L'ensemble du développement de l'enfant ne commence pas à un jour ou à une heure de vie, cela commence avant aussi. Alors, quand on regarde les femmes enceintes, par exemple, qui, après un certain nombre de mois, sont défavorisées et subissent une perte de revenu, je ne vois pas en quoi cela favorise, à ce moment-là, le développement de l'enfant. C'est ce genre de lacune qu'on aurait pu espérer voir éviter dans un document de concertation.

On parlait aussi tantôt - je reviens un peu en arrière, mais je trouvais important de con-

sidérer ce fait - des hospitalisations de l'enfant. C'est de pratique courante de voir chaque jour, dans notre clientèle, des enfants qui sont mal nourris, dans une certaine mesure soit qu'ils sont carences en fer, parce que le fer n'est pas gratuit, ou carences en vitamines ou en protéines. Cela ne va pas dans une mesure comme on le voit dans les pays africains où les enfants ont de gros ventres et des pertes de cheveux, c'est sûr, mais on peut déceler des indices qui font qu'on est parfois portés à hospitaliser des enfants pour des besoins d'ordre nutritionnel. Cela coûte extrêmement cher, comme on l'a mentionné tantôt, et ce n'est qu'une solution tout à fait de cataplasme parce que, dès le retour à la maison, il n'y a pas de solution. Souvent, au départ de l'hôpital, on est obligés de se retenir de prescrire des médicaments comme des vitamines ou des laits maternisés parce qu'on sait très bien que les gens sont incapables de se les payer. C'est ce genre de considérations qui nous préoccupent vraiment et qui ont un impact extrêmement important sur le développement de l'enfant, tout comme la relation parents-enfant aussi qui est perturbée par toutes sortes d'autres raisons d'ordre économique.

Mme Harel: Je vais vous remercier. Je crois que c'est tout le temps qui m'était imparti. Je voudrais vous remercier énormément pour les travaux que vous avez réalisés jusqu'à maintenant et vous dire qu'ils seront certainement extrêmement utiles pour qu'on évalue, d'un côté comme de l'autre, l'impact d'une réforme comme celle qui est déposée par le ministre. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. le député de Fabre, vous avez une question? (17 h 15)

M. Joly: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu votre mémoire. Le même intérêt s'est manifesté à vous écouter. Je vois que vous êtes entièrement fidèle à votre ligne de pensée pour vous avoir aussi écouté lors de la dernière commission parlementaire sur la santé mentale. Je vois que vous misez beaucoup sur la prévention. Je pense que c'est tout à fait juste de faire en sorte qu'on s'y attarde tous.

J'ai senti dans votre document qui était un document un peu de mise en garde et qui nous fait valoir aussi les conséquences de déplacer un problème... Je pense que c'est entièrement justifié d'avoir les appréhensions que vous pouvez avoir, si c'était le cas. De là votre notion pour développer l'idée de l'investissement dans la santé au lieu de la dépense.

Il y a un endroit, à la page 3 de votre document, où vous semblez en désaccord - c'est concernant le partage du logement ~ bien que, dans l'ensemble, à vous écouter tantôt, vous semblez assez à l'aise avec le document que nous, du gouvernement, avons présenté. Mais, concernant le logement, vous semblez en total désaccord. Pourriez-vous expliciter ce que les 115 $ de moins ou de plus feraient si telle était l'application? D'après vous, si on donnait 115 $ de plus à certaines gens, est-ce que cela créerait automatiquement une meilleure alimentation et est-ce que la meilleure alimentation est entièrement rattachée à de l'argent et non pas à de l'éducation? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Montpetit: Avant de permettre au Dr Lessard de prendre la parole, je voudrais quand même qu'on comprenne très bien qu'il n'est pas question d'automatisme. Ce n'est pas parce qu'on donne de l'argent que nécessairement l'argent sera utilisé à ces fins. Je pense que c'est là une condition compréhensible dans n'importe quelle société. Je ne voudrais pas qu'on prenne notre réaction où on met une certaine pédale douce comme voulant dire... On décrit évidemment le type de clientèle à laquelle on s'adresse, qui a peut-être des priorités qu'elle va décider de mettre ailleurs.

Mais, pour répondre à votre question d'une façon plus explicite, c'est le Dr Lessard qui va y répondre.

M. Lessard: Oui. Il me fait plaisir de reconnaître le député de Fabre également dans cette commission parlementaire.

Dans une politique où on dit qu'on va faire confiance aux gens pour se trouver un emploi, il est difficile de ne pas leur faire confiance en même temps sur la façon dont ils vont dépenser l'argent, compte tenu du fait que l'argent dont on parte ne représente pas de gros montants.

Cela dit, ce serait intéressant de faire un tour de table pour savoir qui ne dépense pas un peu de sous de façon un peu farfelue de temps en temps, ne serait-ce qu'un paquet de cigarettes à l'occasion. Une somme de 3 $ sur le salaire d'un député comparativement à 3 $ sur les revenus de l'aide sociale, les proportions ne sont évidemment pas les mêmes. Mais est-ce qu'on peut blâmer un bénéficiaire de l'aide sociale de fumer quand les députés le font ou quand d'autres corps dans la société le font également? Cela m'apparaît difficile d'emblée de s'en servir comme principe à la base d'une loi.

M. Joly: Je pense que mon point n'était pas de condamner la façon selon laquelle Ils dépenseraient le supplément, mais plutôt de regarder si c'était nécessairement une garantie quasi absolue qu'on ne retrouvera pas tout ce dont vous parliez dans votre document: engorgement dans les hôpitaux, suicide, nécessairement santé mentale, mortalité, morbidité et ainsi de suite. Avec cet investissement dont on faisait mention, est-ce une quasi-garantie? Ce n'est pas que je condamne le fait qu'ils fument. S'ils veulent fumer, s'ils veulent se détruire, je n'ai rien contre cela. Je ne fume pas. Je n'ai jamais fumé. Pour votre information, il y a 74 % de la

députation qui ne fument pas. Une voix: Bravo!

M. Joly: On a compris qu'on n'avait peut-être pas nécessairement les moyens de fumer.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: II y a des médecins qui fument.

M. Joly: Les moyens sur le plan de la santé. C'était là ma question. Ce n'était pas que je voulais enrégimenter, si vous voulez, le montant Ce n'était pas mon objectif dans ma question.

M. Montpetit: Si vous le permettez, M. le Président, le Dr Colin pourrait quand même répondre de façon plus spécifique.

Le Président (M. Bélanger): Bien sûr.

Mme Colin: Sur les 115 $, ce qu'on a l'impression, c'est que, du fait de cohabiter, souvent des gens qui ne sont pas en couple, par exemple, deux gars ou deux filles ou, en tout cas, des gens qui veulent s'entraider finalement et qui considèrent que leurs revenus de l'aide sociale ne leur permettent pas de vivre aussi décemment qu'ils le voudraient, vont essayer d'économiser sur leurs frais de logement qui sont très importants. Il y a une pénurie de logements à prix modique. Je pense que c'est connu de tout le monde ici. À ce moment, on va essayer de se regrouper pour pouvoir économiser sur le logement. On a l'impression qu'avec le projet de loi cette débrouillardise qui est plutôt un bon facteur, qui me semble quelque chose de positif, est pénalisée puisqu'on va supprimer 115 $, ce qui est, encore une fois, vraiment fort, semble-t-il, pour des budgets très limités sur chacune des prestations.

À notre sens, c'est quelque chose qui ne favorise pas le bien-être des individus et, en partant, ne favorise pas la santé. On a aussi des exemples dans le domaine de la santé, comme on le disait tantôt, où l'isolement, le repli sur soi d'individus est facteur de mauvaise santé. On ne peut pas vous répondre avec des données chiffrées sur l'impact que ces 115 $ auraient ou pas sur la santé mentale à long terme, mais on est persuadé que, de toute façon, cela aurait un impact; cela est certain.

M. Joly: Ce que je recherchais, c'est la réponse au plan de l'isolement qui, pour mol, est extrêmement important. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, en conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, une très brève conclusion. C'est qu'on a une conclusion qui sera précédée de remerciements pour vous être déplacés, pour la qualité de votre mémoire, la qualité de vos représentations. Je vous dirai qu'à un moment donné j'ai été un peu inquiet et que les derniers propos de M. Montpetit, du Dr Lessard m'ont rassuré parce qu'il a déjà été question, à l'aide sociale, d'avoir des bons d'alimentation, si je peux utiliser l'expression. Vous avez exclu cette possibilité. Votre échange avec Mme la députée de Maisonneuve m'a ramené dans ce débat à un moment donné parce que, dans chacun des barèmes, à chaque endroit, on s'est assuré que les dépenses de consommation des faibles salariés en matière d'alimentation soient au moins versées à tous les prestataires de l'aide sociale en tout temps.

Maintenant, il y a une question, comme vous l'avez indiqué: Si on leur fait confiance un peu en matière d'employabilité, est-ce qu'on leur fait confiance en matière de budget familial? Votre réponse semble aller dans la même veine que le choix gouvernemental effectué. Sur ce...

Mme Harel: M. le Président, je pense que la formation ministérielle a pris plus de temps qui lui était alloué. C'est bien le cas, je crois. Je vous demanderais, M. le Président, votre consentement pour prendre la moitié du temps supplémentaire qui leur a été alloué, c'est-à-dire une minute de plus.

Le Président (M. Bélanger): Madame, on ne coupera pas les minutes en deux. C'est au niveau des remerciements des membres de la commission.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je jouissais de mon droit de parole.

Le Président (M. Bélanger): Je pourrais vous dire, madame, qu'à l'occasion vous avez aussi débordé d'une minute ou deux. Je peux vous en donner la preuve.

Mme Harel: Donc, le ministre consent. Je constate que le ministre consent.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une minute, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Consentement. Vous yallez, Mme la députée, une minute.

Mme Harel: M. le Président, je ne voudrais pas qu'on se quitte sur un malentendu. Je crois comprendre qu'il y a eu une recommandation qu'il y ait, par exemple, admissibilité à des suppléments vitaminiques ou de fer et que cette recommandation n'était pas dans le sens qu'on oblige les personnes, évidemment, mais, bien au contraire, qu'on les rende accessibles. J'imagine que cela pourrait être sur la carte d'assurance-maladie. Comme elles peuvent avoir des médicaments pour le système nerveux, on pourrait certainement leur rendre disponibles des médica-

ments des vitamines ou du lait maternisé. Je dois donc comprendre que c'est plus dans ces termes que la recommandation était faite. Je comprends également et je conclus que, quelles que soient les réductions, elles auront comme effet de renvoyer des familles dans le seuil de la très grande pauvreté dont nous a parlé le Dr Colin. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, en conclusion.

M Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais cédé mon droit de parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Le Président (M Bélanger): La commission remercie I'Association des hôpitaux pour sa participation. J'invite à la table des témoins le Comité des bénéficiaires de I'hôpital Louis Hippolyte Lafontaine, qui sera représenté par M. Martin Hurtibise, M. Lucien Landry, M. Benoît-Marc Boyer, M. Daniel Saint Onge.

J'inviterais chacun à reprendre sa place s'il vous plaît. Vu I'heure tardive, il faudrait. Je demanderais à tout le monde de bien vouloir prendre sa place, s'il vous plaît. À I'ordre, s'il vous plaît! À I'ordre!

Nous recevons présentement le Comité des bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. Alors, Je prierais le porte-parole du groupe de bien vouloir se présenter de présenter ses collègues et, lorsque vous aurez à intervenir ou à répondre à une question, de bien vouloir, auparavant, donner votre nom pour les fins de I'enregistrement du Journal des débats. Je vous prierais donc de procéder.

Comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine

M. Hurtibise (Martin): Bonjour. Mon nom est Martin Hurtibise, président du Comité des bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. J'ai, à ma droite, M. Lucien Landry, secrétaire du comité, à ma gauche, j'ai M. Daniel Saint-Onge, étudiant en droit à l'Université de Montréal et personne-ressource, j'ai aussi, à I'extrême droite, Mme Josée Frigon, de I'Université McGill qui est une personne-ressource pour nous, également, nous avons M. Georges Charbonneau, personne-ressource. En outre vous me permettrez, M. le Président, de mentionner les autres membres du comité qui ne sont pas présents mais qui sont des bénéficiaires et membres du comité, en I'occurrence, Mme Diane Huard, qui est vice-présidente du comité des bénéficiaires, qui est une personne multi-handicapée et également en fauteuil roulant, aussi, j'ai M. Claude Panet, qui, à compter de ce jour, est bénéficiaire en externe.

Cela étant dit, je vais demander à mon collègue, M. Landry, de donner l'exposé.

M. Landry (Lucien): Alors, M. le Président, pour la deuxième fois, cest avec plaisir que nous passons devant cette commission. Nous nous étions présentés lors de I'étude du rapport Harnois et, à la deuxième occasion, nous nous présentons dans le cadre de l'étude du document - |e vais lire cela d'une façon très claire - "Pour une politique de sécurité du revenu"

Qu'il nous soit permis peut-être en premier lieu de vous souligner toute notre appréciation à l'endroit du ministre qui a su, d'une façon très claire, se tenir debout, comme on dit dans notre langage, en présentant une réforme dans le cadre de sa politique sur l'aide sociale. Pour nous, c'est important que cette démarche soit entreprise au Québec. II faut vous dire aussi, d'une façon très claire, que nous représentons au-delà de 7000 bénéficiaires qui reçoivent des services à I'intérieur de I'établissement qui est Louis-H-Lafontaine.

La composition du comité des bénéficiaires... En somme, il est représenté par trois bénéficiaires, comme notre président la souligné, et il est aussi composé d'un parent et d'un bénévole. Nous avons aussi contacté des représentants du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui nous ont demandé, d'une façon très claire, d'expliquer brièvement ce que sont les objectifs du comité des bénéficiaires parce qu'on est plus connus au ministère de la Santé et des Services sociaux qu'au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Nos contacts, de façon permanente, sont ceux que nous avons avec ie ministère de la Santé et des Services sociaux, la Commission des droits de la personne et les différents organismes qui touchent I'aspect social et de santé. Étant donné que l'approche pour la politique de sécurité du revenu avait un point lié directement avec les bénéficiaires qui reçoivent des services, on a quand même cru bon de se présenter devant cette commission afin de vous faire la présenta tion du comité.

Alors, l'un des plus grands objectifs du comité des bénéficiaires - il y a quatre points bien spécifiques - c'est de défendre les intérêts collectifs des bénéficiaires ou, à la demande d'un bénéficiaire, ses intérêts en tant que bénéficiaire auprès de l'établissement, auprès de toute autorité compétente. Quand on parle d'autorité compétente, cela peut aller au-delà de l'établissement, c'est-à-dire autant au ministère et aux organismes qui touchent de près à ce qu'on appelle la défense des intérêts des personnes qui vivent en milieu hospitalier. Notre deuxième rôle, c'est de représenter et d'assister, sur demande, un bénéficiaire qui désire porter une plainte prévue à I'article 18 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux; troisièmement, de participer à I'organisation des activités de loisir et conseiller le conseil d'administration de l'établissement sur toute question relative aux loisirs, aux conditions de séjour des bénéficiaires; quatrièmement, de renseigner les bénéficiaires

sur l'administration générale de I'établissement.

Il est important de vous souligner aussi que le comité des bénéficiaires regroupe des sous-comités qui travaillent en collaboration avec nous, le comité des parents, le comité de publicité, le comité des plaintes, le comité des activités récréatives; actuellement, on a aussi instauré une démarche pour créer un comité des personnes âgées et des personnes handicapées physiques, même s'ils ont une pathologie psychiatrique ou une déficience intellectuelle. Comme vous le savez, l'hôpital Louis-H-Lafontaine regroupe au-delà de 2200 bénéficiaires dans les services internes. Cela fait une grande famille. (17 h 30)

Ce sont un peu les grandes lignes du rôle du comité des bénéficiaires. Je vais laisser la parole à notre ami Daniel Saint-Onge de l'Université de Montréal.

M. Saint-Onge (Daniel): Je voudrais tout d'abord préciser, M. le Président, que le but de nos représentations n'est pas de critiquer le programme de soutien financier qui concerne plus particulièrement la clientèle de Louis-H-Lafontaine, non plus de dénoncer la philosophie de la politique que le comité adopte intégralement, mais simplement d'exprimer notre désaccord sur quatre lignes de la page 39 du document soit: "Enfin, le montant couvrant les besoins ordinaires d'une personne seule ou d'un adulte membre d'un ménage hébergé dans un centre d'accueil ou dans un centre hospitalier passera de 115 $ à 125 $ par mois. Ce montant cherche à combler les besoins non couverts par le centre d'hébergement. " Concrètement, le comité désire que ce montant passe plutôt à 190 $ par mois et, pour justifier une telle demande, nous voulons, par ce mémoire, vous familiariser à la situation de bénéficiaires d'établissements hospitaliers.

La réforme proposée de l'aide sociale touche aux grandes catégories d'assistés sociaux, mais mentionne à peine, et de façon laconique, les plus nécessiteux d'une aide versée par I'État, ceux vivant en centre hospitalier à longueur d'année le comité croit que, si une telle réforme veut être plus équitable en favorisant les personnes inaptes au travail, à plus forte raison des mesures d'aide accentuée devraient être implantées pour ceux qui vivent littéralement en centre hospitalier. À Louis-Hippolyte-Lafontaine, des bénéficiaires reçoivent le même montant d'argent depuis janvier 1985. Pour ceux qui vivent à l'interne, ce montant s'avère insuffisant. Et il l'est d'autant plus à l'externe ou les besoins sont encore plus grands. En six ans, de 1975 à 1981, les montants ont augmenté de 100 %. Même si cela a marqué une période de rattrapage financier au Québec, il est stupéfiant de constater que, pour une même période de temps, de 1981 à 1988, ces montants n'ont augmenté que de 27 %, près de quatre fois moins

Les bénéficiaires sont donc plus pauvres pour deux raisons a cause de l'inflation et à cause de la capitalisation de leur argent.

Concernant l'inflation, supposons que depuis six ans, l'inflation a été d'au moins 4 % annuellement. C'est donc dire que chaque année alors que tous les produits augmentent de 4 %, le bénéficiaire a toujours le même montant d'argent pour acheter les biens sur le marché. Son pouvoir d'achat s'érode donc d'année en année. C'est de 4 % et de 4 % de 4 % que les prix sont augmentés.

En ce qui a trait à la capitalisation, une personne qui voit son revenu indexé annuellement, si peu soit-il, est souvent plus riche qu'une personne qui reçoit un pourcentage plus élevé dans une période de temps plus grande. Ainsi, une personne dont le revenu est augmenté de 3 % annuellement reçoit 3 % la première année, 3 % plus 3 % de 3 % la deuxième année et ainsi de suite. Cette capitalisation d'argent lui permet donc, annuellement, de comparer son revenu à I'inflation. Or un bonbon de moins de 9 % après plus de trois ans d'attente - depuis janvier 1985 - ne comble donc que très partiellement la perte de pouvoir d'achat annuelle des bénéficiaires.

Peut-on faire le choix et veut-on choisir de continuer, par la paupérisation, à marginaliser ceux que, par autonomie I'on voudrait voir désinstitutionnalisés? Est-il normal qu'une personne malade doive payer ses vêtements avec 115 $ par mois pendant qu'un détenu payant sa dette envers la société soit vêtu par I'État et rémunéré au salaire minimum pour ses travaux? M. le ministre, j'aimerais savoir quels choix équitables doivent être faits entre les malades mentaux et les prisonniers.

Le manque de ressources maintient le bénéficiaire dans un état de dépendance. Avec un meilleur partage, on contribue à sa socialisation et à une plus grande équité sociale envers les plus démunis du système. Merci.

M Landry: Avant de procéder à la période des questions, on voudrait peut-être, M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M Bélanger): Je vous en prie.

M. Landry:... déposer... Malheureusement, on n'a pas de copies pour tout le monde. Par contre, nous avons fait un petit caucus auparavant et on a rajusté nos chiffres. Nous vous présentons d'une façon très claire le budget annuel des bénéficiaires dans une colonne, et, en une deuxième partie, le budget suggéré. On a fait des consultations, avant de vous le présenter, auprès des différents départements à l'intérieur de l'établissement. À la page 5 du budget, on doit lire - attention, il y a deux colonnes distinctes - au poste des vêtements, au lieu de 60 $, le budget actuel c'est 55 $; sorties, 20 $; articles de toilette, 15 $; menues dépenses, 25 $;

ce qui fait au total: 115 $. C'est le budget actuel du montant des allocations qu'ils reçoivent mensuellement. Maintenant, ce que nous demandons, c'est de passer de 115 $ à 190 $. Et nous avons présenté un budget suggéré où le montant pour les vêtements est de 60 $, une augmentation de 5 $; pour les sorties, 30 $ - plus 10 $ - pour les bénéficiaires qui vont de l'interne à l'externe; pour les articles de toilette, 30 $ plus 15 $; pour les menues dépenses, 30 $ plus 5 $; divers: cigarettes et autres, 40 $. Ce qu'on voudrait ajouter aussi c'est qu'il est bien clair que ce n'est pas uniquement pour les cigarettes. On voit dans le texte seulement la mention cigarettes. Il faut bien ajouter autres choses: des frais de transport, des frais d'achat d'équipement personnel, parce que, de plus en plus, dans les établissements, on ne fournit plus d'effets personnels aux bénéficiaires; on demande donc davantage la participation des bénéficiaires, soit pour leurs effets personnels. Voilà ce sont les corrections, M. le Président. Est-ce que c'est clair pour vous, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Aucun problème. M. Landry: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, parfois trop clair. Je tiens à remercier M. Hurtiblse et son groupe.

Je vais aller directement au but. Vous avez raison. Dans la politique de sécurité du revenu, à la page 43, nous proposons que le montant qui couvre les besoins ordinaires d'une personne seule ou d'un adulte membre d'un ménage hébergé dans un centre d'accueil ou centre hospitalier passe de 115 $ à 125 $. On dit bien que ce montant cherche à combler des besoins non couverts par le centre d'hébergement.

Je vais vous donner la ventilation que font les fonctionnaires au ministère pour arriver à 125 $, de façon à vous donner les munitions pour discuter avec le ministère, s'il y a lieu. Le ministère calcule ces 125 $ de la façon suivante: pour les soins personnels, 21 $; pour l'habillement, 43 $; pour le transport, 18 $; pour les loisirs, 16 $; ce qui donne 98 $. Maintenant, on ajoute à ces 98 $ l'allocation de non-employabilité, que nous avons allouée aux bénéficiaires considérés comme incapables de travailler dans le programme Soutien financier, qui est de 25 $, ce qui donne un sous-total de 123 $ et, afin de ne pas couper les cheveux en quatre, on a arrondi à 125 $. C'est la position de base du ministère, mais je dois la situer dans te contexte historique où vous nous la situez. Je me souviens - je pense que c'était le docteur Laurin qui était, à l'époque, ministre responsable de la Santé et des Services sociaux - nous étions dans l'Opposition, de ce côté-ci de la Chambre, et nous reprochions à l'ancien gouvernement d'avoir oublié les personnes hébergées. Aujourd'hui on peut peut-être nous renvoyer la balle, bien qu'il y ait une pensée dans le document de politique de la sécurité du revenu, une pensée que vous ne trouvez peut-être pas suffisamment monnayée. Sur ce point, je suis sensible aux arguments que vous nous apportez, mais je vous dirai que je ne suis pas en mesure de prendre une décision sur le coin de la table, ici. Je vous donne les chiffres du ministère. Vous nous avez donné vos chiffres. Il y a peut-être une position de compromis. Je suis également ministre du Travail. On pourrait vous inviter comme groupement, comme association - parce que c'est là un des objectifs que vous avez cités - à rencontrer un groupe de fonctionnaires, afin de tenter d'en arriver a une solution qui soit acceptable et juste, tant pour les gens que vous représentez que pour le gouvernement du Québec.

M. Saint-Onge: Est-ce que vous pourriez justement répondre à la question que je vous ai posée au sujet de la comparaison avec le système carcéral?

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Une bonne question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais répondre, mais je ne suis pas certain que vous apprécieriez ma réponse ou que vous la trouveriez logique. Dans les circonstances, je préfère m'abstenir. Je suis le ministre responsable de la politique de sécurité du revenu. Je me dois de regarder la situation des gens qui sont, sous une forme ou sous une autre, prestataires de l'aide sociale et je tente d'être le plus juste possible envers eux. Quelquefois J'invoque des systèmes extérieurs pour justifier que je ne peux aller plus haut. Je ne vous blâme pas d'invoquer des systèmes extérieurs qui devraient rn'autoriser à faire preuve de plus d'équité ou de justice envers les gens que vous représentez, mais la logique entre les deux systèmes, moi, je ne la vois pas.

M. Hurtibise: M. le Président, je vais m'adresser encore au ministre, mais de façon plus explicite et plus concrète. Si on a fait la comparaison avec les établissements de détention, c'est simplement et uniquement parce que, dans les travaux que ces gens-là font, il y a eu ce que j'appelle - qu'on me corrige si je fais erreur, mais j'ai pour preuve des documents... J'ai présentement des documents qui disent et prouvent qu'une personne dans un milieu carcéral, qui est logée, nourrie, dont les soins dentaires et les lunettes sont payés, et tout l'aspect médical compris, que cette personne, si elle lave ou essuie la vaisselle, reçoit le salaire minimum. Dans un deuxième temps, toujours en comparaison, le bénéficiaire qui est à la chauf-

ferie de l'hôpital, de l'établissement, ou qui fait des commissions ou autre chose, reçoit un pauvre petit 0, 40 $ l'heure. Le bénéficiaire qui fait cela, le fait dans le but de sa réinsertion sociale parce qu'il a été probablement malade.

M. le ministre, ma question est la suivante: S'il vous plaît, serait-il possible de votre part de m'expliquer, ici, devant la commission, et pour les personnes que je représente très humblement, pourquoi on donne un salaire minimum à ces gens-là tandis que pour des pauvres vulnérables on doit tolérer la situation telle qu'elle est?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez! Quelqu'un - c'est un député autour de la table - m'indique que généralement ces politiques sont à l'intérieur d'établissements fédéraux, mais ce serait une réponse trop facile à vous donner. Je vous dirai que la personne qui participera, dans le cadre de la politique de sécurité du revenu, à des mesures d'employabilité pour se perfectionner, etc., ne recevra pas, elle non plus, le salaire minimum. La politique dont j'ai la responsabilité, à titre de ministre responsable de la sécurité du revenu, est la politique qui s'applique à ceux et à celles qui sont vraiment au bas de l'échelle dans la société. Dans cette politique, on tente d'être le plus juste et le plus équitable possible tout en essayant - c'est ce que propose la politique de sécurité du revenu - d'aider les gens à s'en sortir, pour que, dans la société ou dans le monde normal, ils travaillent, peut-être en commençant au salaire minimum, ou plus haut, si possible, mais qu'ils puissent gravir les échelons et qu'ils réussissent à s'en sortir, et qu'au lieu de vivre aux crochets de la société ils soient en mesure de contribuer à cette société.

Dans un de nos programmes, celui du Soutien financier, nous avons tenté, pour les personnes qui sont inaptes au travail, de hausser les contributions de façon à tenir compte de la situation de fait dans laquelle ces personnes sont placées sans que ce soit leur faute, à cause d'un handicap physique ou mental; aussi, les barèmes que nous mettons de l'avant augmenteront d'à peu près 1000 $ par année les revenus de ces gens-là. Dans d'autres cas, nous avons le programme APTE et le programme APPORT. (17 h 45)

En ce qui concerne les gens que vous représentez, nous étions aux prises avec un montant pour dépenses extraordinaires de 115 $. Cette somme n'avait pas été augmentée depuis le 1er janvier 1985, et lorsqu'elle l'a été le 1er janvier 1985 ça faisait déjà un bon bout de temps. Donc, on est toujours en situation de rattrapage. Nous avons mis sur la table 125 $ et nous vous le ventilons avec le plus de transparence possible. Vous nous mettez sur la table des chiffres et vous dites que ça devrait être plutôt aux environs de 190 $ qu'autour de 125 $. Finalement, ce que je vous dis, comme ministre, c'est que je suis prêt à mettre à votre dispo- sition des fonctionnaires qui pourront rencontrer vos gens et tenter d'en arriver à un compromis qui soit acceptable pour vous et qui soit juste également pour le contribuable.

Quant aux travaux qui sont effectués par des membres de votre organisme, je ne sais même pas d'où vient ce montant de 0, 40 $ l'heure; vous pouvez peut-être m'éclairer. Est-ce qu'il s'agit du fonds de la curatelle ou du fonds d'administration générale du centre hospitalier?

M. Hurtibise: Ces 0, 40 $ sont versés par l'institution. C'est en vue de ce qu'on appelle la réinsertion sociale, pour l'éventuel retour dans la communauté. Par rapport à ça, vous conviendrez avec moi que c'est très minime. Je n'ose pas élaborer là-dessus, mais ce que je dis et qui est important par rapport à la désinstitutionnalisation, si on regarde l'enveloppe budgétaire, c'est que le ou la bénéficiaire qui doit se préparer à sortir dans le cadre de ce budget-là a de la difficulté. Je cite quelques exemples: Premièrement, il doit économiser un peu d'argent pour commencer à payer son hébergement. Deuxièmement, prévoir l'acquisition des choses qu'il doit avoir dans la communauté et qu'il n'a pas à se procurer lui-même dans l'institution. Je n'ai pas l'intention de vous faire la nomenclature complète de ça, mais je pense que vous comprenez un peu le sens.

Je ne veux pas revenir sur le point un, qui concerne la chose carcérale, je veux juste dire que la référence que j'ai est au niveau provincial et non fédéral. Quand on a parlé, M. le ministre et MM. les membres de la commission, de 190 $... Il faut arrêter de se conter des histoires. Les bénéficiaires paient le plein prix pour tout à l'intérieur. Il faut me croire. Je vais aller plus loin que ça. Je suis certain qu'il y en a qui mettront mes propos en doute, mais je défie n'importe qui de la commission, je n'ai pas le droit de mentir à l'insu de 7000 bénéficiaires. Je peux vous dire que ces bénéficiaires, qui sont chez eux dans ces institutions, malheureusement, s'ils veulent se servir du téléphone, ils doivent payer. Ce n'est pas facile. C'est à ce point-là, lis doivent tout payer: la tasse de café qu'on paie dans un hôtel 0, 70 $, ils ne l'ont pas à 0, 25 $ parce qu'ils sont bénéficiaires, car ces revenus-là vont à l'institution. Si le comité de bénéficiaires demande un montant de cet ordre-là pour te bénéficiaire, si nous, avec la connaissance et l'expérience que nous avons avec chacun des bénéficiaires qu'on traite quotidiennement, on en est venu à ce point-là, c'est parce que les bénéficiaires doivent payer pour tout. Il n'y a rien qu'ils ne paient pas.

Je peux même vous dire, et vous allez peut-être trouver cela exorbitant, qu'il y a des personnes incontinentes qui, au-delà d'un certain nombre de couches par mois, doivent payer la différence. Dieu sait que les couches coûtent chert C'est à ce point-là! C'est pour cela que je vous demande - et je suis content que vous

m'ayez ouvert une porte, à savoir, la possibilité d'échanger avec des fonctionnaires - d'avoir un montant plus équitable. Je pense que c'est une bonne porte que vous nous avez ouverte là-dessus,

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me le permettez, à la suite des propos que vous venez de prononcer, je suggérerais même un comité - je ne veux pas qu'on se renvoie la balle de Sécurité du revenu à Santé et Services sociaux, et que vous fassiez la navette entre une équipe de fonctionnaires d'un côté ou de l'autre - formé d'une équipe de fonctionnaires des deux ministères de façon qu'un ne vous dise pas: Ce n'est pas à moi de payer cela, c'est à l'autre, et que l'autre ne vous dise pas: Ce n'est pas mol, c'est l'autre. Pour un citoyen, cela devient un peu ardu et pénible. Donc, ce comité, - et je vais en parler à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux - à mon avis, devrait comprendre des fonctionnaires des deux ministères.

Le Président (M. Bélanger): M. Landry.

M. Landry: M. le Président, j'aimerais seulement préciser que nous prenons très bonne note de la suggestion du ministre Paradis et, encore une fois, je vois très clairement son audace et sa ténacité à vouloir nous impliquer. On l'a dit, lors de la dernière commission, nous nous sommes présentés devant vous non pas dans le but de vous demander ce que vous pouvez faire pour nous, mais plutôt comment nous pouvons nous asseoir avec vous pour vous aider d'une façon très précise. Nous sommes sur les lieux mêmes, nous côtoyons quotidiennement 2000 bénéficiaires et nous connaissons leurs besoins.

Ce qui est encore plus enrichissant, c'est que s'associent à nous également les différents intervenants de l'établissement, tant du côté du nursing, du côté médical et autre, qui collaborent avec le comité de bénéficiaires. Ce n'est pas seulement la position du comité, mais bien celle des bénéficiaires et aussi de tout le personnel qui les encadre. Nous avons le devoir de parler en leur nom. Je puis vous dire avec fierté, M. le Président, que des bénéficiaires seraient heureux de venir ici et de parler d'un tas de choses, mais nous avons le devoir de les représenter. Beaucoup de bénéficiaires n'ont pas la possibilité ni la capacité de tout comprendre, alors, c'est un petit peu notre rôle. On est très fier de s'associer avec vous et nous nous montrerons disponibles. Nous avons aussi des personnes-ressources, des gens de l'Université de Montréal et de l'Université McGill, qui travaillent avec nous, M. le Président, et c'est une première que des comités de bénéficiaires s'adjoignent sans que cela coûte un sou à qui que ce soit, des gens comme ceux-là, qui collaborent réellement à élaborer des solutions concrètes et non des demandes et des critiques. On n'entend, ces derniers temps, dans les médias, que des criti- ques et des critiques. Nous, nous voulons des solutions et des positions claires, et on est prêt à s'asseoir avec vous.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. À cause du temps imparti, je n'aurai pas beaucoup de temps à ma disposition parce qu'on avait convenu qu'il fallait terminer nos travaux à 18 heures. Mais je trouve d'autant plus important cet échange que vous avez eu...

M. Landry: On a droit à une heure. On est entrés à 17 h 25, on a droit jusqu'à 18 h 25.

Mme Harel: C'est vrai.

M. Landry: C'est exact, M. le Président?

Mme Harel: Vous avez raison.

M. Landry: Deuxièmement, M. le Président, il faudrait demander à vos membres de la commission de nous entendre et non pas de faire des discours parce qu'on est venus parler. On n'est pas venus pour écouter.

Le Président (M. Bélanger): D'accord, M. Landry. On va écouter la question de Mme la ministre et vous aurez le temps de répondre. Mme la députée de Maisonneuve. Excusez-moi.

Mme Harel: Ce n'est pas grave, M. le Président.

Remarquez que votre exposé est clair. Ce dont vous nous pariez d'une certaine façon, c'est de vos besoins dans l'institution. L'échange que vous avez eu avec le ministre nous a sans doute permis, comme membres de la commission, de prendre connaissance du fait que ce n'est pas parce que vous étiez bénéficiaires hébergés qu'il n'y avait pas pour autant des dépenses qui vous étaient occasionnées par la vie de tous les jours.

D'autre part, j'aimerais que vous preniez conscience - je ne sais pas si vous en êtes conscients... Tantôt vous avez fait votre exposé sur l'ensemble de la réforme en disant: Tout ce que nous touchons, c'est notre situation. Mais la vôtre, votre situation, est aussi dépendante des besoins essentiels qui seront définis, qui seront reconnus et qui seront couverts par l'État pour les personnes qui reçoivent de l'aide sociale.

Les chiffres que le ministre vous a donnés sont des chiffres qu'on retrouve dans un tableau qui s'intitule "Besoins essentiels". Si vous voulez, tantôt, on va vous remettre une copie de ce tableau. C'est le Front commun des assistés sociaux et assistées sociales du Québec qui l'a rendu public la semaine dernière, parce qu'il l'avait obtenu de la grâce divine; heureusement, parce que cela nous permet de comprendre la réforme... Sans les chiffres de ces tableaux, il y

aurait comme des grandes omissions qui ne nous permettraient pas vraiment de comprendre quelles vont être les mesures et combien cela va coûter et combien on va donner, plus exactement.

Vous demandez, dans le fond, une redéfinition des besoins essentiels. Vous dites que 125 $, ce n'est pas assez. D'une certaine façon, il faut que vous preniez conscience que 125 $, c'est quand même, pour ces besoins, plus que ce que les autres reçoivent pour tes mêmes besoins. À part l'alimentation, c'est 137 $ pour une personne seule, disons, qui vit en appartement. Le logement, c'est 277 $. À part ces deux points, je pense que tout le reste, ce dont nous a parlé le ministre, ce sont les besoins essentiels, que le ministre reconnaît à vous comme aux autres. S'il vous en donne à vous, en vous reconnaissant des besoins essentiels sur le plan, par exemple, des soins personnels, de l'habillement, il va falloir qu'il les reconnaisse aux autres. Ceux qui, à votre place, étaient là avant et ceux qui vont sans doute continuer à venir jusqu'à Pâques, ils viennent aussi nous dire que leurs besoins sont plus importants que ceux qui sont couverts présentement.

Disons que je voulais simplement vous le dire parce que c'est important que vous sachiez que ce que vous demandez, c'est un changement à la définition des besoins essentiels telle que la propose le ministre présentement.

M. Hurtibise: Je voudrais commenter deux points. J'ai très bien compris votre point de vue, madame, et - si je fais erreur, on me le dira-il me semble un peu différer des propos du ministre, légèrement. Mais, pour l'essentiel, je vous dirai, Mme la députée, qu'on touche quatre gammes de clientèles, Nous touchons aussi une clientèle qui est celle des orphelins des années trente et des années quarante et cette clientèle a été oubliée, pour ne pas dire négligée, par l'État. On les a sortis des orphelinats et on les a mis dans des institutions parce qu'on ne trouvait pas de ressources. Deuxièmement, on a institutionnalisé des déficients intellectuels, parce qu'ils avaient un retard mental qui n'est pas une maladie, on les a mis à Saint-Jean-de-Dieu, Saint-Michel-Archange, etc., dans ce qu'on appelait à l'époque des asiles. Troisièmement, on a casé aussi - permettez-moi l'expression, elle est vulgaire - certains de nos parents pour s'en débarrasser.

Aussi, on a mis dans ces institutions, que j'appelle des institutions psychiatriques aujourd'hui, des gens qui n'auraient jamais dû entrer là, pour les motifs que je viens de vous citer, madame. Pour ces carences, la société doit payer une certaine dette et doit bien le reconnaître de façon aussi humaine que pécuniaire. Si on parle d'environ 190 $ pour faire en sorte qu'on leur prépare une réinsertion sociale pour qu'ils rentrent dans la communauté, je vous dis que ce n'est pas cher. Je peux vous dire une chose, et je continue encore ma comparaison, c'est que, premièrement, une personne qui est en institution carcérale et qui, dans les 48 heures, n'a pas ses bonbons, pour ne pas dire qu'elle n'obtient pas satisfaction par rapport à l'agent de la paix ou à l'agent de probation, c'est "dring, dring, dring", le téléphone et les avocats rentrent dans le portrait, ce n'est pas long. Si un détenu se fait brûler au moyen d'une tasse de thé, ce n'est pas long, les poursuites judiciaires viennent, mais vous ne voyez jamais de poursuite et vous n'en avez jamais vu de la part de bénéficiaires résidant dans des endroits comme Louis-H. -Lafontaine et Saint-Michel-Archange. Je dis que, par conséquent, si nous demandons ce montant-là, c'est parce qu'ils en ont réellement besoin. S'il faut faire classe à part là-dessus, je suis prêt à rester debout devant la société et devant quiconque qui pourra me faire face pour dire: Oui, Ils en ont besoin et, oui, la société doit prendre ses responsabilités là-dessus.

Mme Harel: Je vous remercie, M. Hurtibise. M. Hurtibise: Bienvenue.

Mme Harel: Je vous remercie aussi, M. Landry, je crois...

M. Landry: Oui.

Mme Harel: M. Hurtibise, qui êtes président, et M. Landry, vous défendez très bien les personnes qui vous ont élus aux fonctions que vous occupez. Je pense que l'argumentation que vous développez et l'énergie que vous mettez à la développer sont assez exemplaires. Mais vous allez convenir aussi que d'autres personnes pourraient vous remplacer et plaider aussi, comme vous, avec autant de crédibilité et de légitimité, que leurs besoins essentiels doivent être couverts et ne le sont pas. Alors, ce qu'il faut espérer, c'est que vous, comme d'autres, réussissiez a convaincre le ministre. Je vous remercie. (18 heures)

M. Landry: Je veux seulement rajouter un point à ce stade-ci. D'une façon très claire, notre mémoire a été présenté à différentes tables de concertation, par exemple, l'association des droits sociaux, la Table provinciale des ressources alternatives en santé mentale, la Ligue des droits et libertés. On a présenté notre mémoire à ces différents organismes pour qu'on puisse avoir une forme de coalition. Mais nous avons apporté devant vous, d'une façon très claire, notre spécificité de personnes qui sont en milieu institutionnel à vocation psychiatrique. On avait tendance à regarder l'ensemble du problème, mais il va de soi qu'on partage aussi l'opinion sur les besoins. Encore une fois, M. le Président, je réitère à titre personnel notre profonde gratitude, notre reconnaissance à l'endroit du ministre, quel que soit le parti, pour avoir pris l'engagement de faire une réforme formelle de l'aide

sociale, nous en avons besoin. À titre individuel, j'ai appris qu'un homme doit avoir ses propres valeurs. Ces valeurs sont la confiance et le travail et je pense que cette réforme dit beau coup là-dessus.

Le Président (M Bélanger): Je me permettrais un commentaire, M le ministre. Je pense qu'il y a deux éléments dans ce que vous amenez. Je me permets cette intervention parce que je connais bien les deux systèmes. Je ne parlerai pas du système carcéral, où j'ai été consultant Vous êtes un peu mal informés là-dessus. Ce sont seulement les gens en fin de sentence qui peuvent travailler dans des contextes très particuliers et il est vrai que c'est au salaire minimum à la suite de grèves de prisonniers.

M. Hurtibise: Je m'excuse, je n'ai pas compris comme il faut le début de votre point.

Le Président (M. Bélanger): Je dis que, dans les prisons, ce ne sont pas tous les prisonniers qui ont droit au travail. Ce sont seulement ceux qui sont en fin de sentence, qui présentent des caractères de non-dangerosité, etc. En tout cas, il y a toute une série de critères. C'est pour qu'ils se fassent un pécule avant de sortir. II est vrai que cest au salaire minimum. Je me rappelle, iI y avait eu une grève des prisonniers et cela avait été obtenu à ce moment-là, aussi drôle que cela puisse paraître.

Mais là ou je veux en venir, c'est que, dans votre argumentation, il me paraît y avoir deux éléments très distincts. II y a l'aspect de l'aide sociale où M le ministre vous a donné une ventilation de 125 $l Je pense que Mme la députée de Maisonneuve vous a fort bien démontré que c'est ce qui est acquis pour tout le monde. On peut contester cette base en se disant: Cela prend plus que cela, le seuil de pauvreté est plus élevé. II y a une autre partie qui s'appelle les besoins de votre situation spécifique, qui s'appelle votre réinsertion sociale et qui relève du ministère des Affaires sociales. Lorsque M Paradis vous propose un comité conjoint des deux ministères, je vous recommande de sauter là-dessus. II est rare qu'on réussisse à les avoir à une même table et de façon décisionnelle Là, vous pourrez régler vos problèmes. Et je suis sûr que M le ministre va tenir son engagement. Si cela se réalise dans les meilleurs délais, je pense qu'aujourd'hui vous êtes de loin le groupe qui aura gagné le plus pour les intérêts qu'il défend.

M le ministre en conclusion.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En conclusion, je noterai les propos des groupes avec lesquels vous faites coalition et qui touchent les autres aspects du programme en portant une attention tout à fait particulière au volet du soutien financier de la politique de sécunté du revenu. Une fois désinstitutionnalisés, vos gens vont former une partie importante de cette clientèle et tous les barèmes, tous les besoins qui y sont reconnus se doivent de tenir compte des besoins essentiels de cette clientèle une fois quelle est sortie de l'institution. Je vous indique immédiatement que, dans le cas de cette clientèle, nous n'avons pas retenu des éléments qui ont été retenus dans le cas d'autres clientèles. Entre autres, il ny a pas de diminution de prestation pour le cas de partage de logement parce qu'on irait à I'encontre d'une politique de déssistitutionnalisation chez ces gens s'il fallait inscrire cette notion de partage de logement. II n'y a pas non plus de notion de contribution alimentaire parentale, un peu à cause de ce qu'ont vécu ces gens et de la situation dans laquelle ils se retrouvent. On pense que c'est faire preuve d'un peu plus de justice et d'équité à leur endroit en haussant la prestation d'à peu près 1000 $ par année et en faisant en sorte qu'elle ne soit pas diminuée de façon indirecte par de tels critères

Le Président (M. Bélanger): M le ministre je vous remercie beaucoup Vous aviez un dernier commentaire?

M. Hurtibise: Oui.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Hurtibise: Sur une note plus positive. Mme Harel, je vous remercie de votre intervention. Quant à vous, M le ministre, j'aurais le goût de vous souligner un point beaucoup plus positif. Quand nous sommes entrés au comité des bénéficiaires, il y a trois ans. on ma dit: Hurtibise, on a le cas d'une dame, un cas de schizophrénie et elle a aussi un multihandicap, elle est sourde et muette. On m'a dit: Écoute, elle est hospitalisée ici et elle veut sen sortir. Alors, on a pris une initiative, nous, le comité des bénéficiaires. On a pris cette dame et nous l'avons amenée au bureau faire des petits travaux légers. Si ce n'est que commencer à aller chercher notre courrier Deuxièmement, découper des articles de journaux de nos ministres vedettes, troisièmement, faire en sorte aussi qu'elle puisse ramasser des articles qui arrivent et faire un petit album de coupure pour nous aider dans certains dossiers. Par la suite, elle s'est motivée à un point tel qu'elle a voulu apprendre à faire de la dactylo et nous l'avons amenée à cela. Le gros handicap quelle a rencontré et que nous avons rencontré, c'est que, quand quelqu'un frappait à la porte, elle ne pouvait pas répondre parce qu'elle était sourde et muette. À part cela, elle a acheminé un travail tel qu'elle a trouvé un emploi à I'extérieur et, maintenant, elle est hébergée à l'extérieur.

Par rapport au dossier qu'on traite aujourd'hui, cette bénéficiaire-là a pu travailler à I'extérieur durant un an et demi, malheureusement l'entreprise pour qui elle travaillait a fermé

ses portes. Cette personne, par rapport à son multihandicap, ne peut pas arriver aujourd'hui ou demain matin et s'en aller à ce qu'on appelle l'assurance-chômage pour aller chercher, sur le tableau, un emploi. Ce serait réellement très lourd pour cette personne-là. Je pensais que c'était bon de vous donner ce petit tableau-là. Elle est très contente aujourd'hui d'être désins-titutionnalisée, sauf qu'elle a ce problème-là et je pense que c'était bon qu'on vous le souligne.

Mme Harel: Est-ce qu'elle serait...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais non, elle serait automatiquement dans les inaptes, de la manière qu'il la décrit.

Mme Harel: Mais, si elle veut se retrouver un emploi?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Même si... On pourrait peut-être engager la conversation plus haut.

M. Hurtibise: Oui, c'est bon.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cette personne-là serait, suivant toute probabilité, considérée comme étant incapable de travailler et elle recevrait le barème augmenté à cet effet du programme Soutien financier, mais elle demeurerait quand même admissible aux mesures de participation du programme APTE et pourrait supplémenter son revenu de l'allocation de participation de 60 $, des frais de participation de 40 $, ce qui lui donnerait, en plus du barème du programme Soutien financier, 100 $ additionnels. Si elle est vraiment capable de travailler comme l'a indiqué le président du comité, elle pourrait aller chercher même des exemptions pour gain de travail éventuellement, même se sortir de l'aide sociale, en espérant que, cette fois-là, elle ne tombera pas sur une compagnie qui fermera ses portes un an et demi après.

M. Landry: M. le Président, seulement un petit point à ajouter. Est-ce qu'on pourrait recommander aussi au ministère de la Sécurité du revenu que les comités de bénéficiaires soient considérés aussi comme des plateaux de travail, parce qu'on en a de l'ouvrage? Pour être franc avec vous, si on est allés chercher des étudiants en droit, c'est qu'on a des dossiers à traiter et on pourrait accueillir des stagiaires qui sont sur l'aide sociale. On pourra vous présenter trois ou quatre personnes qui pourraient venir travailler à l'intérieur du comité et nous aurions une forme d'animation, d'intégration et, avec ces pairs, il y aurait des possibilités de réintégration. Comme M. Hurtibise a très bien mentionné l'expérience d'une personne qui a subi un stage de travail chez nous et qui était apte à s'intégrer, on pourrait certainement, je ne sais pas, suggérer au ministère que les comités de bénéficiaires soient pris en considération comme plateaux de travail, parce qu'au lieu de demander à l'établissement de fournir tous les éléments nécessaires de soutien on va chercher nos propres soutiens. Il n'y a rien de mieux que de conscientiser la personne qui dépend de la communauté, d'en faire un sujet autonome et respectueux.

Le Président (M. Bélanger): Bien, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me demandez s'il y a moyen de le demander. Je pense que vous venez de le demander. Je regardais du côté de mes fonctionnaires pour voir si c'est le genre d'expérience à laquelle la mécanique actuelle permet de donner ouverture et la réponse me semble positive.

M. Landry: À l'intérieur des organismes communautaires, quelque chose comme cela; on est un organisme à vocation communautaire et institutionnelle.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie infiniment de votre participation. C'est notre deuxième rencontre. Cela a été comme la première fois.

M. Landry: Jamais deux sans trois.

Le Président (M. Bélanger): Souhaitons-le, cela a été très intéressant, et continuez l'excellent travail que vous faites. Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 10)

(Reprise à 20 h 4)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques afin d'étudier le document intitulé "Pour une politique de sécurité du revenu". Ce soir, nous recevons, en premier lieu, la Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec, les ACER C'est bien cela? Elles sont représentées par M. Bertrand Rainville, Mme Louise Blain, Mme Ninette Plou et M. Vincent Roy.

Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour présenter votre mémoire ou son résumé: on ne peut excéder ces 20 minutes. Ensuite, les parlementaires ont 40 minutes pour procéder à la période de questions, de compréhension et de discussions avec vous sur ce mémoire. Avant de commencer, je vous prierais d'identifier votre porte-parole et de présenter vos collègues. Chaque fois que vous

aurez à intervenir pour poser une question ou pour donner une explication, s'il vous plaît, donnez votre nom auparavant pour les gens de la transcription du Journal des débats. Ils ne vous volent pas et si vous ne dites pas votre nom, ils ne reconnaissent pas vos voix non plus. Je vous prie donc de procéder, s'il vous plaît!

Fédération des associations coopératives

d'économie familiale du Québec

M. Rainville (Bertrand) À ma droite, il y a Louise Blain, qui travaille particulièrement à l'ACEF du nord de Montréal et, à ma gauche, Vincent Roy, qui travaille pour la Fédération des ACEF comme telle. Je suis Bertrand Rainville. Je travaille quotidiennement dans une ACEF en Mauricie, à Trois-Rivières.

Avant de présenter mon laïus, j'aimerais mieux comprendre la démarche. Ce matin, je lisais La Presse - semble t-il que j'aurais pu lire Le Devoir et que cela aurait été la même chose - et constatais que Mme Harel avait expliqué aux journalistes ce qu'il y avait dans l'ensemble des mémoires et que M. Paradis... En tout cas, La Presse titre: "Réforme de l'aide sociale Paradis ne reculera pas". J'aimerais comprendre ce qu'on fait ici ce soir. Si. les dés sont pipés d'avance, je comprends mal. Si vous avez lu notre mémoire, vous avez dû constater qu'on est essentiellement contre la réforme et contre les fondements de la réforme. Est-ce que je dois comprendre, à la suite de ces sorties publiques, qu'effectivement les fondements de la réforme ne sont pas attaquables et que, dans le cadre d'une discussion ouverte, dans le cadre d une discussion de fond - c'est pour cela qu'on vient ici - si on arrivait à constater que les fondements de la réforme proposée ne sont pas corrects, cela signifierait que, quoi qu'on dise, il ne se passe rien? Je pose la question. Je n'ai pas d'intervention écrite, donc, mon intervention sera différente, évidemment, selon la réponse.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, si vous me le permettez, M le Président. Le titre du Devoir que vous auriez pu lire ce matin.

M. Rainville: De La Presse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais faire le tour.

M. Rainville: D'accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... parce que chaque journaliste a une interprétation différente. C'est ce qu'on appelle la liberté de presse et la liberté d'interpréter les représentations qui sont faites de part et d'autre. Généralement, les titres ne sont pas faits par les journalistes, ils sont faits par les chefs de pupitre. C'est comme cela que la presse écrite fonctionne au Québec. Si vous voulez vous limiter aux titres, Le Devoir titrait ce matin: "Paradis prône I'éducation. Les assistés sociaux doivent être qualifiés pour avoir un emploi". The Gazette titrait: "Quebec is going wrong way on welfare reform activist". Le Soleil à Québec titrait: "Pour les jeunes assistés sociaux, Paradis tient à laide des parents". Dans La Presse, que vous mentionniez, c'était: "Réforme de l'aide sociale Paradis ne reculera pas". Dans le Journal de Québec que j'avais ce matin - je n'avais pas le Journal de Montréal parce que j'étais à Québec: "À l'aide sociale, Paradis est immuable sur certains principes ".

Pour revenir à votre titre de La Presse. "Non nous ne sommes pas ici pour reculer. Nous sommes ici pour avancer et les groupements qui vous ont précédés ont réussi à mettre en relief certains éléments que nous avons pris en note et que nous considérons de façon sérieuse et au mérite des argumentations qui sont avancées. "

M. Rainville: Je ne pense pas que vous ayez répondu à ma question. Comme je le disais vous avez sûrement constaté que dans notre mémoire on attaque les fondements de la réforme, on attaque la réforme à sa base indépendamment du titre de La Presse, ce qui est dit dans I'article et vous êtes cité, c'est que ces bases-là sont inattaquables. Si tel est le cas, évidemment, on va intervenir différemment que si on s'aligne dans une discussion, dans le temps qui nous est consacré... qui peut faire évoluer ce dossier-là. Manifestement ce dossier-là passe à côté de la plaque, du moins, c'est ce qu'on pense.

M Paradis (Brome-Missisquoi): C'est votre opinion. Vous êtes ici pour la dire.

M. Rainville: Mais ce que je pose comme question, c'est: Est-ce qu'on peut discuter et est-ce qu'on peut penser que la discussion va évoluer? Vous voulez me prendre dans vos procédures?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, je ne suis pas mal pris.

M. Rainville: Alors, je pose une question. II me semble que ma question est claire. Ce que je demande, c'est: Est-ce que ce qui est cité dans La Presse. Posons la question différemment Est-ce quon peut toucher aux fondements? Est-ce qu'on peut espérer discuter et toucher aux fondements ou, contrairement à ce qui est dit dans La Presse, est-ce que cest intouchable?? C est cela que je pose comme question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des groupes qui ont choisi de toucher aux fondements, d'autres ont même choisi de toucher à des éléments qui, bien que ne relevant pas de I'autorité de celui qui se trouve devant vous, comme la fiscalité, ont touché à des éléments de

fiscalité; d'autres ont choisi de toucher à des éléments relevant du ministère de l'Éducation. Le processus démocratique d'une commission parlementaire veut que les intervenants soient libres d'aborder la question, pour autant que cela conserve une certaine pertinence, de la façon qu'ils jugent ou qu'il souhaitent la plus appropriée. Cela fait sept ans que j'assiste à des commissions parlementaires, d'un côté comme de l'autre de la table, et, soit en vertu de l'ancien règlement, le règlement de l'époque, ou en vertu du nouveau règlement, c'est toujours comme cela que nos débats démocratiques sont tenus et se tiennent. J'ai vu des commissions parlementaires s'avérer fort utiles. On n'en est pas au processus de législation, mais, si vous voulez le bilan législatif de celui qui vous parle, même après le dépôt d'un projet de loi - cela n'a pas été facile dans certains cas: l'industrie de la construction, des lois spéciales, etc. - jamais la loi finale n'a été adoptée telle que déposée parce qu'il y a toujours des individus ou des groupes qui se sont présentés ici avec des attitudes constructives qui ont réussi à faire valoir certains points qui méritaient considération et qui nous ont amenés à apporter des changements.

M. Rainville: À ce moment-là, je vais présenter le discours que j'avais préparé parce que je dois comprendre qu'on se dirige, dans une certaine mesure, si on attaque les fondements de cette réforme qui est proposée, vers un affrontement où il faudra attaquer très fortement, en ce qui concerne les principes et la mécanique de cette réforme. Ce n'est pas véritablement notre intention. On s'en venait pour avoir une discussion constructive dans le but non pas d'améliorer, parce que je ne crois pas, et vous allez comprendre quand je vais intervenir tantôt, que cette réforme est réformable. On s'en venait dans le but de discuter assez largement des principes qui doivent régir une politique sociale. Il me semble que c'est de cela qu'on parle. À moins que je ne me trompe, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est d'abord et avant tout, puisqu'il a à traiter le dossier des assistés sociaux, un ministère à vocation sociale et non à vocation économique. Dans ce sens-là, on va placer, au cours de mon intervention, les grands principes qui devraient normalement régir une réforme de type social. Mais, auparavant, puisqu'il semble qu'il faille sortir tous nos arguments, on va donc essayer de placer la discussion à partir des arguments premiers.

D'abord, je voudrais vous expliquer pourquoi la Fédération des ACEF... C'est déplaisant! Je ne suis pas habitué à vos procédures. Habituellement, quand je suis assis à une table et que je parie, les gens m'écoutent et je fais la même chose quand ils parlent; c'est absolument déplaisant ici.

La raison de notre présence, ce pourquoi on intervient, vous savez que la Fédération des

ACEF n'est pas un organisme de défense des droits sociaux telle, par exemple, la Fédération des assistés sociaux du Québec. La Fédération des ACEF intervient auprès des assistés sociaux dans le cadre de son service de consultation budgétaire et cela ne concerne qu'à peine 15 % ou 20 % de l'ensemble de la clientèle qu'on peut rencontrer. Donc, ce n'est pas à titre de défenseur des assistés sociaux qu'on se présente ici ce soir; c'est à titre d'acteur social important. Je pense qu'au Québec la fédération a une longue histoire, surtout au nom d'une simple justice sociale. En tant qu'acteur social, c'est sur cette base de justice qu'on interviendra tout au long de notre intervention.

Quand on parle de justice, surtout quand on pense à ce qui a provoqué ou ce sur quoi s'est appuyée cette réforme, on pense immédiatement, et je ne suis pas le seul à l'avoir décriée, à l'opération Boubou macoutes. Ce qu'on doit comprendre ou ce qu'on comprend quand on n'est pas des parlementaires et quand on ne vit pas dans un parlement, donc quand on reçoit les nouvelles par les journaux, c'est que l'opération Boubou macoutes a été mûrement réfléchie dans le but de conditionner l'opinion publique contre les assistés sociaux. C'est ce qu'il faut comprendre. (20 h 15)

Je vous rappelle ici que la Fédération des ACEF, et je parle en son nom étant dûment mandaté, n'est pas un groupe reconnu comme étant gauchiste ou du même acabit. La Fédération des ACEF n'intervient que très rarement sur le plan politique. Il faut que ce qui se passe actuellement soit grave pour que je sois mandaté pour venir tenir le discours que je vais vous tenir ce soir. Les mots que j'utiliserai sont tous bien pesés. C'est ce que je veux dire.

L'opération Boubou macoutes est donc une opération mûrement réfléchie dans le sens de détruire la crédibilité des assistés sociaux. Ce qu'il y a de plus grave dans tout cela finalement, c'est que cela a été mené par un ministère supposément en charge de cette clientèle que sont les assistés sociaux et qui devrait donc, normalement, protéger cette clientèle, entre autres, contre les préjugés populaires. Au contraire, on utilise les préjugés populaires pour baser toute une campagne mensongère contre les assistés sociaux, et je m'explique. Les journalistes, et je ne sais pas s'il y en a dans la salle. Une voix: Non.

M. Rainville: Non? Bon. Espérons que cela viendra à leurs oreilles. Ils ont fait une très mauvaise job sur ce point. Les journalistes ont purement et simplement fait écho aux propos du ministre. On a titré - La Presse encore, je suis un lecteur de La Presse: Vingt pour cent des assistés sociaux, des ménages, des coupures dans 20 % des ménages visités, ce qui est une fausseté d'abord, et tous les journaux, tous les médias ont

dit, ont laissé croire que 20 % des assistés sociaux fraudaient l'aide sociale. Jamais aucun journaliste, et très peu d'intervenants sociaux j'en conviens, n'a relevé la fausseté de tels chiffres. D'abord, il ne s'agit pas de 20 % qui ont été coupés, il s'agit de 5 %. Convenons de 10 % en tenant compte des différentes catégories.

D'autre part, ce que les journalistes, ce que la population n'a pas compris et, à moins que le ministre n'accepte de discuter des fondements de sa réforme, ce qu'on s'emploiera à expliquer au public dans les mois à venir, c'est que cette opération est essentiellement mensongère. Pourquoi? Parce que les chiffres fournis par le ministre, s'ils avaient été scrutés correctement, entre autres, par les journalistes dont c'est la job, loin de démontrer que les assistés sociaux fraudent, on se serait rendu compte qu'ils démontrent exactement l'inverse.

En partant des chiffres du ministre - dans mes calculs, à tout le moins - j'arrive à 0, 6 % des dossiers d'assistés sociaux qui seraient frauduleux, pour utiliser les termes du ministre. Je préférerais dire erronés. Un pourcentage de 0, 6 % et non de 20 %. Bien que ce soit son rôle de protéger cette clientèle, le ministre a laissé dire publiquement que 20 % des assistés sociaux fraudaient. Il a laissé dire publiquement, comme on le dit dans tous les foyers du Québec depuis des années, que c'est toute une gang de paresseux, et on a appuyé une réforme là-dessus. Juste cela, c'est extrêmement grave.

Maintenant, si on regarde la réforme comme telle, évidemment, en commission parlementaire, vous aurez à de multiples reprises à entendre les mêmes arguments. On critique un document de 50 pages. On va être 120 à critiquer un document de 50 pages Vous n'avez pas fini d'en entendre, c'est-à-dire que vous n'avez pas fini de vous ennuyer. Malgré ces 50 pages et tout le verbiage qu'il y a là-dedans, on peut identifier - tout le reste est discours creux - le discours gouvernemental. Par exemple, à la page 5 du document, on nous dit: Ce programme offrira des mesures incitatives au travail et au perfectionnement, car le gouvernement ne peut présumer, malgré un taux de chômage qui demeure encore élevé, que les personnes employables ne pourront retourner sur le marché du travail ou ne sauront se créer de l'emploi. Une affirmation semblable est à tout le moins extrêmement volontariste, mais c'est un peu le fin mot de cette réforme. Toute la réforme est appuyée sur cette affirmation.

Une autre, du même acabit, à la page 11 du document. J'ai le document avec la couverture plastifiée, parce qu'on l'a publié généralement avec une couverture en papier, mais, moi, j'ai le document avec une couverture plastifiée. Donc, on n'a pas les mêmes pages nécessairement. II est dit a la page 11 du document. Le régime actuel de l'aide sociale n'est certes pas adapté aux besoins et aux attentes de tous les bénéficiaires et, notamment, à ceux des personnes aptes au travail qui font face à des problèmes de formation et d'acquisition d'expérience. Une phrase semblable, on appelle ça "une tourniquette" qui conduit très facilement à de la démagogie réductrice. Réduire les problèmes de cette façon, c'est extrêmement grave quand il s'agit d'un ministère qui a la charge d'administrer un programme d'aide sociale. Extrêmement grave.

Le fin mot de l'histoire, on le retrouve à la page 25 où là on a droit à de l'utopie pure et simple. La confiance des investisseurs s'affirme et les achats de biens durables augmentent. L'assainissement de l'administration de l'État, un meilleur partage du fardeau fiscal, la déréglementation, l'amélioration de la compétitivité des entreprises québécoises favorisent de nouveaux investissements et créent un climat favorable. Une telle évolution positive de la situation économique doit se traduire par la création d'emplois. Ce n'est pas d'aujourd'hui cela. On est pourtant encore à 10 % de chômage et on a une économie qui dépend à 70 % d'un pays, nos voisins du Sud, qui cumule une dette de sept mille milliards de dollars sept fois plus que l'ensemble de l'endettement international de mille milliards de dollars des pays du tiers monde. On est dépendant de nos voisins du Sud qui sont un pays presque en faillite et on vient tenir un discours semblable. Mes amis, les économistes, tous les économistes prévoient une récession Soyons sérieux!

Donc, c'est un document où l'on retrouve une approche essentiellement économiste, où iI n'y a aucune place pour l'analyse des vrais problèmes sociaux vécus au Québec par des êtres de chair et d'os. On tient un beau discours, mais où cela se manifeste-t-il concrètement dans les réformes? Où?

Soyons encore plus concrets. Dans ce document, on nous parle constamment, quand on parle de personnes seules, d'un revenu de 570 $ par mois qui semble être la norme, la norme de ce qu'on appelle - écoutez-moi bien, c'est grave! - le confort minimum. Tout être de bon sens qui travaille dans le domaine social actuellement au Québec a une seule norme pour analyser ce que les pauvres, parce que c'est de cela qu'il s'agit - c'est un terme qu'on n'aime pas employer, les pauvres, les plus pauvres d'entre nous - le seul critère qui prévale chez tous les organismes qui travaillent sur le terrain de l'aide sociale, c'est le seuil de la pauvreté. Le seuil de pauvreté, selon Statistique Canada, est de 687 $ par mois. Personne au Québec, surtout quand on gagne des salaires comme nous tous ici ce soir, n'a le droit de dire qu'on ne vit pas dans la misère quand on est en bas de cela. C'est donc un euphémisme que de parler de confort minimum quand on parle de 570 $ par mois. Si, au moins, ces 570 $ étaient assurés, si, au moins! Mais non, pas du tout!

On parle aussi de retour à l'emploi. Je n'ai pas remarqué l'heure où j'ai commencé, M. le

Président

Le Président (M. Bélanger): Je suis en train de vérifier. II vous reste quatre minutes.

Une voix: six.

M. Rainville: Six, je vais en prendre six merci. On parle donc d'incitation au travail et, dans un document interne qui vient d'être publié - par inadvertance, j'imagine - on prévoit en tout et partout dans ce programme dans le programme de réforme, 63 659 possibilités - je n'ai pas trop bien compris finalement - de placement. On en reparlera, lorsque ce sera le temps des questions.

Le problème qu'on a à résoudre, on a minimalement - parlons de dossiers - environ 257 000 dossiers ou les personnes sont aptes au travail et on a en plus de cela - on vous l'a dit et d'autres groupes vous l'ont dit avant nous - 312 000 chômeurs. II n'est pas mal de baser une réforme sur l'incitation au travail. On ne vient pas vous dire que les assistés sociaux ne devraient pas travailler, loin de là. II faut que les assistés sociaux travaillent. II faut que chacun travaille pour gagner son pain, c'est tout à fait normal et logique. Ce n'est pas cela qu'on vient vous dire.

Finalement, ce qu'on vient vous dire - je vais résumer, car j'ai encore quelques cartons et il me reste seulement trois minutes à peu près - c'est que les problèmes ne peuvent pas être réduits à ce que vous les réduisez, M. le ministre. Les problèmes qu'on a à résoudre dans une réforme de l'aide sociale, ce sont des problèmes de type social, c'est-à-dire des problèmes de pauvreté, de misère psychologique et matérielle de délinquance, de mauvaise organisation aussi, mais ce n'est certainement pas en basant une réforme sur un appareil répressif, parce que c'est de cela qu'il s'agit. Quand on parle d'incitation, on parle d'une incitation économique à la baisse et on amène - oui, monsieur - dans une situation moyenne ce qu'un assisté social seul va recevoir avec cette réforme. Moi, je vous parle de la pratique, je ne vous parle pas de modèles qui ont été construits à partir d'ordinateurs. Je vous parle de la pratique. Les assistés sociaux n embarqueront pas dans vos affaires et la moyenne qu'ils vont recevoir au Québec, quand ils vont être seuls, c'est 420 $ par mois avec votre nouvelle réforme. Ce que vous allez réussir à faire. Parce que c'est cela votre objectif, c'est économiser de l'argent. Bravo, bravo! Ce n'est pas cela, l'objectif d'une politique sociale. Une politique sociale doit tenir compte des problèmes humains vécus sur le plan social. Nommez-moi une seule page ou l'on parle de problèmes humains, une seule page, un seul paragraphe, une seule phrase ou on nous parle des problèmes de délinquance, des difficultés énormes que rencontrent ces populations". C'est une seule phrase que je vous demande et il n y en a pas il n'y en a pas!

Donc j'avais sur mon petit carton, pour terminer, une série de critiques détaillées que vous avez dans notre mémoire de toute façon sur chacun des points du programme ou du moins sur les points qui nous semblaient les plus importants. Je n'ai pas eu le temps de le faire à cause de mon discours. Je suis prêt à répondre aux questions là-dessus et mes camarades devraient normalement, m aider à le faire mais j'aspire fondamentalement. Je suis venu ici personnellement, parce que depuis deux ans, vous ne savez pas comment je réagis à tout ce qui est publié dans les journaux, vous ne savez pas comme cest triste ce qui se passe actuelle ment. II faut avoir une conscience sociale quand on traite de ces problèmes, il faut en avoir une.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous remercie M. le Président. Je voudrais remercier la Fédération des Associations coopératives d'économie familiale du Québec pour la présentation de son mémoire, ainsi que M. Rainville pour sa présentation. (20 h 30)

Je vais tenter, parce que, quand on établit un dialogue ou qu'on veut discuter, cela prend.

M. Rainville: Je n'entends presque rien.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi! Quand on veut établir un dialogue et discuter, le choix des mots que I'on utilise et le degré de confiance qui doit s'établir entre les individus ou les porte-parole de regroupements sont importants. Je tiens à vous dire que, jusqu'à présent, nous avons réussi, à cette commission parlementaire, même si nous n'étions pas toujours d'accord d'un côté comme de l'autre, à établir, avec l'ensemble des groupes et des représentants des groupes qui se sont présentés devant nous, au moins un échange de points de vue qui s'est révélé, dans la quasi-totalité des cas, sinon dans tous les cas, constructif.

Vous avez prononcé des paroles sévères envers la réforme de politique de sécurité du revenu mise de l'avant et proposée par le gouvernement et c'est votre droit te plus strict de vous exprimer ainsi. Maintenant, si vous prenez cette politique élément par élément, il y a trois programmes principaux. Si vous regardez objectivement le programme qui s'intitule "soutien financier" et qui s'adresse à 25 % de la clientèle actuelle de l'aide sociale, mathématiquement pariant, pour prendre une approche dite économiste, vous devrez constater qu'il y a une injection additionnelle globale de 100 000 000 $, annuelle et indexée, ce qui représente pour ces individus une augmentation moyenne de leur revenu annuel de 1000 $ par année. Cela peut paraître peu pour des gens qui sont dans d'autres fourchettes de revenu, mais, pour des gens

qui sont au bas de l'échelle et qui sont affligés d'un handicap physique ou mental qui les prive de travailler pendant de longues périodes, cela représente une augmentation importante et substantielle de leur revenu. Peut-être le temps vous a-t-il manqué - nous aussi, nous sommes pris par cette contrainte du temps - mais je n'ai pas entendu de propos quant à ce programme comme tel, bien que, dans votre mémoire écrit, nous retrouvions des critiques à son endroit.

C'est un peu la même situation pour l'autre volet, le programme APPORT. Ce programme vise à inciter les chefs de famille à faible revenu à demeurer sur le marché du travail en augmentant leur revenu sur une base mensuelle et en couvrant jusqu'à 50 % des frais de garderie, de façon que la présence d'enfants dans le ménage ne constitue plus une barrière à l'acceptation ou à la rétention d'un emploi. C'est un programme qui remplace le SUPRET actuel. Il coûtera, en argent additionnel, suivant les estimations que le gouvernement a faites, quelque 40 000 000 $ par année. Sur ces deux programmes, j'aimerais que vous m'indiquiez si, quelque part, vous trouvez un élément positif.

M. Roy (Vincent): En ce qui concerne le programme APPORT, on ne s'y est pas arrêté, parce que, d'une part, il y avait énormément de lacunes au niveau de la documentation disponible dans le document d'orientation - cela nous apparaissait relativement complexe - et surtout parce qu'on tenait à axer notre intervention davantage sur le programme APTE qui nous paraissait davantage porter à la critique. Je ne dis pas que, par conséquent, on approuve le programme APPORT. Je dis tout simplement que, faute de temps et faute de documentation, on ne s'y est pas vraiment arrêté.

En ce qui concerne le programme de soutien financier, il y a une chose qu'on ne dit pas dans notre mémoire et qui s'est dite, par contre, lors d'interventions précédentes. On peut remettre beaucoup en question le partage qu'on fait entre l'inaptitude et l'aptitude au travail, en ce sens que, jusqu'à preuve du contraire, à moins d'être légume, les gens sont aptes à remplir des tâches dans la société. Qu'ils aient un handicap physique ou un handicap mental plus ou moins lourd, les gens devraient être en mesure, dans une société - un peu comme le dit la réforme - qui a le souci des droits humains, de trouver leur place. On ne devrait pas parler de l'inaptitude de ces gens, mais davantage de l'inaptitude de la société à les intégrer.

Pour répondre plus concrètement à votre question concernant la bonification des prestations de ces gens-là, les 570 $ par mois plus les 25 $ supplémentaires que le programme accorde, ce que Bertrand disait tantôt - ce n'était peut-être pas clair ou ce n'était peut-être pas suffisamment expliqué - c'est que nous remettons fondamentalement en question le concept des 570 $ par mois que nous qualifions, dans le document interne qui a été rendu public, de confort minimum. On en était arrivé, en se basant sur les chiffres de Statistique Canada, à des chiffres qui... D'ailleurs, en ce qui concerne les ACEF, quand vient le temps de faire une consultation budgétaire - je ne vous ferai pas un long exposé sur ce que c'est - il y a des rencontres qui, pour la première fois, durent entre trois et quatre heures et où l'on entre vraiment dans l'intimité des gens en ce qui concerne leur budget, où l'on va chercher la moindre dépense, parce que la question est souvent de régler un problème d'endettement ou de régler un problème budgétaire grave

Alors, il y a là-dedans beaucoup de données qu'on n'est pas capable d'aller chercher concrètement. C'est facile de déterminer le coût du logement des gens, le coût de leur téléphone, le coût du chauffage. Quand vient le temps de parler d'habillement, de loisirs, de soins personnels, du coût de l'éducation et de tous les frais parallèles à cela, on a énormément de difficultés à avoir des chiffres exacts.

Donc, ce qu'on remet fondamentalement en question, à la limite, c'est l'enquête de Statistique Canada qui, par des moyens, soit des sondages téléphoniques ou des sondages écrits, arrive à faire dire aux gens qu'ils vont dépenser, par exemple, 18 $ par mois pour le transport, ce sur quoi on s'est entre autres basé dans la réforme pour la question du transport. Il faut comprendre que, dans beaucoup de régions du Québec, il n'y a pas de transport en commun. Il faut comprendre qu'il y a beaucoup de gens à faible revenu qui n'ont pas d'automobile.

Une voix: À Montréal aussi.

M. Roy: II faut comprendre qu'à Montréal le coût du transport mensuel est de 30 $ par mois. Alors, déjà, en partant, fixer d'une façon que nous qualifions d'arbitraire à 570 $ par mois le confort minimum, on ne peut pas concevoir cela. Donc, pour répondre plus concrètement à votre question, on ne pense pas que 570 $ par mois, ce sort un montant suffisant pour les gens. On ne peut pas dire autre chose que, si on veut se fier à un chiffre, c'est le seuit de pauvreté qui devrait être la norme minimale, et on ne devrait pas permettre d'aller en bas de ça. Sur la façon dont cela devrait être accordé aux gens, il y a plusieurs avenues possibles: les méthodes d'incitation au travail les stages en milieu de travail. Il y a une multitude de possibilités, sauf que, pour nous, iI est inacceptable que tout cela soit relié.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre réponse provoque une question. Certains regroupements nous ont fait des représentations sur la définition telle qu'elle apparaît de la personne inapte ou admissible au programme de soutien financier et nous avons pris note de certaines recommandations que certains regroupements nous

ont adressées quant à cette définition. Maintenant, le fait d'augmenter substantiellement, toutes proportions gardées, en tenant compte du niveau de revenu auquel ces gens-là sont habitués, les prestations de ces 100 000 bénéficiaires de l'aide sociale, est-ce un geste condamnable pour le gouvernement? On peut prétendre que le gouvernement devrait ajouter un autre montant de 100 000 000 $. Mais est-ce qu'à ce gouvernement, qui s'oriente ou se dirige dans cette voie-là, on dit: Vous faites fausse route, vous n'êtes pas dans la bonne voie? C'est un peu ce que j'ai compris des propos qui ont été tenus.

M. Rainville: Ce que je comprends, M. le ministre, c'est que vous essayez de nous faire dire, sous le couvert de quelques améliorations, très mineures, vous essayez de nous amener à dire oui à quelque chose qui, fondamentalement, est inacceptable. Qu'une personne qui est complètement inapte au travail reçoive les montants qu'on se propose de lui donner, ce n'est pas cela. Ce dont iI faut parler principalement, c'est de l'enjeu pour la majorité des assistés sociaux et la majorité, elle, est apte au travail et elle fera l'objet de mécanismes de répression que vous prévoyez dans votre réforme. C'est de cela qu'il faut discuter principalement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non...

M. Rainville: C'est aussi une approche qui est quand même rétrograde à beaucoup de points de vue. Si on veut parler des points concrets de la réforme, prenons la question des jeunes dépendant de leurs parents. Où s'en va-t-on avec cela? On parle des prêts et bourses. On dit qu'il ne faut pas que cela soit plus avantageux que les prêts et bourses. M. le ministre, cela fait des années que les étudiants contestent la politique des prêts et bourses à ce niveau-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je l'ai contestée moi-même.

M. Rainville: Est-ce que c'est progressiste? Pas du tout. Vous prenez ce qu'il y a de pire et vous dites: Bien, ce n'est pas pire que l'autre; ne dépassons pas cela; le salaire minimum, ne le dépassons pas. Évidemment! Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Est-ce qu'on peut parler de ce qu'on peut faire ensemble pour améliorer ta situation? Quoi que vous en disiez, et j'aimerais que vous me disiez le contraire d'ailleurs, dans l'ensemble, tout le monde - pas tout le monde, excusez-moi - mais pour une majorité d'assistés sociaux, au moment de l'application de la réforme, iI y aura une coupure généralisée. Pour tout le monde, c'est cela la réalité.

Une voix: C'est complètement faux.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez! Vous avez droit à cette opinion, mais ce n'est pas...

M. Rainville: Vous avez 63 000 éléments dans votre programme. Il y a environ 63 000 places à donner dans vos programmes de réinsertion au travail...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez-moi. Est-ce que je peux vous indiquer que c'est faux?

M. Rainville:... et iI s'agit au moins de quelque 200 000 personnes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux vous indiquer que c'est faux?

M. Rainville: Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne vous blâme pas d'être fâché et de nous crier après quand vous pensez que c'est vrai. Est-ce que je peux vous indiquer que le chiffre que vous venez de mentionner est faux et que nous avons déjà eu l'occasion, en commission parlementaire et dans les médias, d'indiquer qu'il n'y avait pas le plafonnement que vous mentionnez au sujet des places qui sont disponibles?

M. Rainville: M. Paradis.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous prétendez cela et si vous croyez que vous avez raison, vous avez plus d'information que le ministre, que le sous-ministre, que le Conseil des ministres et que le gouvernement. Vous devez avoir la vérité et cela vous autorise à critiquer le reste du programme.

M. Rainville: M. Paradis, il ne s'agit pas d'avoir la vérité. Il s'agit d'une simple observation de la réalité. Personnellement, cela fait 20 ans que je travaille dans le domaine social. D'accord? J'en ai vu de toutes les couleurs. On est capable d'observer la réalité et on sait très bien que le gouvernement ne pourra pas produire 215 000 emplois demain matin. On sait très bien cela, même à temps partiel, même avec des programmes de réinsertion au travail. 215 000, y pensez-vous? Qu'est-ce que vous faites des 312 000 chômeurs? C'est un problème qu'aucun gouvernement avant le vôtre n'a réussi à régler et vous ne réussirez pas plus sur le train que vous êtes partis. C'est cela la réalité des faits.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous savez c'est quoi la réalité vécue? Cela fait plusieurs fois que je cite cela en commission parlementaire. La réalité des faits, cela se situe, c'est vécu - le gouvernement vient de le vivre et la population le vit encore - dans l'est de Montréal où l'on enregistre un taux de chômage et un taux de bénéficiaires de l'aide sociale qui...

M. Rainville: Vous avez servi cette sauce-là

à un autre groupe, M. Paradis. Je l'ai entendu, je le sais On ma rapporté vos propos à ce sujet. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit encore une fois. Je vous rappelle, je vous dis.

Des voix:

M Rainville: Non, je ne veux pas être effronté. II me reste dix minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'avais la parole. C'est simplement cela, mais cela va. II n y a pas de problème.

M. Rainville: Je comprends cela. La Fédération des ACEF n'est pas en désaccord avec la question de I'incitation au travail. Je ne suis pas venu ici me faire endormir par des choses administratives. On est venus discuter du principe même de la réforme. C'est de cela qu'on veut discuter. Oui, j'ai fait des accusations graves et on n'a pas fini parce que, si je sors d'ici sur le même ton que présentement. Je ne suis pas venu vous engueuler, je ne suis pas venu engueuler le monde. J'aspire profondément, vous ne pouvez pas savoir, à une amélioration des choses. J'y aspire profondément, comme tous mes camarades de travail. II ne s'agit pas de cela. Je viens vous dire, moi que votre réforme va donner de la misère à une majorité d'assistés sociaux, va empirer leur situation. Je vous demande finalement, quels sont les principes sociaux humains sur lesquels vous appuyez cette réforme. Tout ce que je retrouve dans ce livre M Paradis, ce sont des chiffres. Ce sont des chiffres qui sont tous axés. On peut faire dire ce qu'on veut à des chiffres, vous le savez très bien. S'il y a des gens qui le savent, c'est bien vous autres dans les parlements. Vous passez votre temps à vous "garrocher" des chiffres par la tête. Nous autres, on ne vit pas comme cela. À part les chiffres, quels sont les principes sociaux? Quelle est la lutte à la pauvreté? Ce dont il s'agit finalement, c'est qu'on doit ensemble s'organiser pour lutter contre la pauvreté, contre ce que certains appellent le quart monde. (20 h 45)

Je ne sais pas si vous connaissez cette notion, j'imagine que oui, vous êtes tous très bien informés ici. Que signifie cette notion? Elle signifie qu'il se crée dans les pays occidentaux, au Québec comme ailleurs, une catégorie de population de pauvres, de tiers monde, donc, au sein de nos propres populations dans des pays riches. Je vous demande, M. Paradis: Quand est-ce qu'on va se mettre ensemble pour régler cela et qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour régler cela? Vous aurez beau tenir les plus beaux discours, M. Paradis, on a étudié cela sous toutes les coutures. S'il y avait eu une quelconque amélioration pour les clientèles dont on parle, on vous l'aurait dit. Que vous donniez quelques milliers, quelques centaines de piastres à cer- taines catégories on embarque, c'est une amelioration. Mais ce qu'on vous dit, cest que les résultats concrets de l'application de cette réforme vont amener une majorité d'assistés sociaux, si on prend toujours I'exemple des personnes seules, il y en a une majorité qui en fin de compte recevra 420 $ par mois plutôt que les quelque 500 $ auxquels elle aurait normalement droit en 1990.

Le Président (M. Bélanger): Alors, monsieur, je vous demanderais de conclure, puisque nous devons maintenant céder la parole à Mme la députée de Malsonneuve.

M. Rainville: Conclure quoi? Je réponds à une question et j'en pose une autre. Je n'ai pas de contrôle ici.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous savez, M. Rainville, on dit qu'il n'y a pas plus grand aveugle que celui qui ne veut pas voir et qu'il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Quand j'écoutais votre exposé d'ouverture, je pensais que vous vous exprimiez avec une certaine colère, le ton de la colère, sans doute la colère du juste, parce qu'il y a une colère qui est juste dans l'Évangile. Mais jai pensé que ce serait peut-être, dune certaine façon, une dépense d'énergie parce qu'il n'est pas évident que vous puissiez convaincre ici. Je souhaiterais que cette colère se transforme en campagne d'information pour que I'opinion publique, elle, qui sera finalement l'arbitre de cette proposition, puisse en connaître le caractère.

M, Rainville: Est-ce que je peux ouvrir une parenthèse pas très longue sur ce que vous venez de dire? J'ai amené ma fille avec moi ce soi. Elle a seize ans. Je lui ai dit: Viens voir cela. Ici, on est dans un parlement. On est dans le haut lieu de la démocratie. Vous êtes en train de me dire que ce n'est pas ici qu'il faut régler les problèmes. Ou? À mon point de vue, un parlement, quand on vit dans une démocratie, c'est le lieu des plus grandes choses qui peuvent s'accomplir. C'est aussi le lieu des plus grandes bassesses, il faut le constater. Non, je ne suis pas colérique, pas du tout. Je suis juste un citoyen en "beau maudit", d'une part, mais, d'autre part qui est capable de s'exprimer en public, c'est certain, mais qui est appelé à s'exprimer sur une réforme, et je vous dis ce que j'en pense.

Je ne suis pas en colère, mais je ne sais pas ce que ma fille va en penser. Quand on va revenir ce soir, on va en discuter dans l'auto, mais j'espère que ce qu'elle va retenir, ce n'est pas ce que vous venez de dire. Si ce n'est pas ici qu'on règle les problèmes, ou est-ce? Les conséquences des gestes que vous posez ici sont

énormes et j'espère que vous en avez conscience. La signature d'un ministre est autrement plus importante que la signature de Bertrand Rainville sur un document de l'ACEF de Trois-Rivières, c'est évident. Il y a 700 000 personnes en cause quand le ministre signe.

Mme Harel: Mais, M. Rainville, pour convaincre le ministre de changer d'avis, ce n'est pas nécessairement, malheureusement, par la démonstration que vous pouvez faire de l'aggravation de la pauvreté de centaines de milliers de nos concitoyens. C'est bien plus une démonstration que l'opinion publique ne va pas le suivre dans cette voie et que la solidarité québécoise va jouer contre son projet.

Je reprends un des éléments de votre mémoire. Vous nous avez dit dans votre discours d'ouverture que ce sont les fondements mêmes. Dans votre mémoire, je retrouvais un exemple qui m'a convaincue, de la façon qu'il est amené, qu'effectivement c'est le fondement même. Vous dites dans votre mémoire qu'il est très injuste que, par exemple, les personnes temporairement non disponibles - vous les décrivez en disant qu'on les connaît, qu'il s'agit des personnes malades, des personnes enceintes de plus de six mois et de celles qui assument l'éducation d'un enfant de moins de deux ans - vous dites que c'est très injuste de considérer ces personnes comme temporairement non disponibles, puisque c'est généralement pour des raisons indépendantes de leur volonté. C'est d'autant plus injuste que cette considération justifie une prestation moindre. Mais le fondement de tout cela, c'est qu'on n'est plus devant une politique de sécurité du revenu, on est devant une politique qui se veut incitative à l'emploi. Donc, dès qu'on n'est plus dans cette catégorie, même si on est enceinte, qu'on a la garde d'un enfant de moins de deux ans ou qu'on est malade, on est donc en défaut par rapport à la règle, par rapport à la norme. Les barèmes le révèlent bien.

D'autre part, j'ai trouvé un autre exemple. Si tant est que les mesures sont un bar ouvert et que toutes les personnes qui voudront en profiter pourront le faire, pourquoi la catégorie dite admissible qui impute un barème moindre à des personnes qui veulent participer, si tant est que la participation sera automatique et ne sera pas plafonnée? Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est un grand paradoxe, le paradoxe étant une apparence de contradiction. Mais la contradiction, c'est que c'est théoriquement un programme qui n'est plus un programme de sécurité du revenu. Le glissement dans notre société, c'est que les chômeurs qui bénéficient de t'aide sociale, quand ils sont chômeurs, on pense qu'ils sont un peu victimes du fait que notre situation économique collective ne leur permet pas de trouver un emploi, mais, quand ils deviennent aptes au travail, on n'a plus aucune compassion à leur égard et on ne se sent plus de responsabilités à leur égard, parce que de chômeurs ils sont devenus aptes au travail. Je pense que c'est un peu la logique, le fondement de ce qu'on peut constater dans ce projet qui est devant nous.

Vous êtes connus pour votre service budgétaire à l'ACEF, un service offert à un grand nombre de nos concitoyens à faible revenu, je pense, pas seulement dans les quartiers de Montréal, mais, comme vous venez de la Mauricie, dans bien des régions. Je voudrais profiter de votre présence pour aborder un point qui ne l'a presque pas été depuis le début de nos travaux soit le panier de provisions, les dépenses de consommation des travailleurs à faible revenu qui a servi de base à la définition des besoins essentiels.

Vous disiez tantôt, et vous le dites beaucoup dans votre mémoire, qu'il vous semble que ce panier de provisions... En fait, il ne s'agit pas d'un panier de provisions, mais plutôt des dépenses de consommation générale. Vous dites qu'elles sont injustement évaluées. J'ai retrouvé un article qui a été publié dans le journal du ministère et qui fait état... Contrairement à ce que vous pensez peut-être, cette étude qui définit les besoins essentiels n'est pas une étude réalisée par Statistique Canada. C'est une étude du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui propose une nouvelle façon d'établir un revenu minimum au Québec et qui, je crois, n'a pas été validée par Statistique Canada, parce que Statistique Canada ne valide aucune étude en bas d'un échantillonnage d'au moins 100 personnes et que l'échantillonnage de l'étude qui sert de base et qui servira de base à la définition des besoins de centaines de milliers de nos concitoyens est fait à partir d'un échantillonnage de 62 familles, de 62 ménages. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'étudier plus amplement toute cette question. J'aimerais vous entendre sur la définition des besoins essentiels, puisque, d'une certaine façon, c'est là votre champ d'expertise le plus connu.

M. Rainville: Oui. Notre champ d'expertise est le domaine social. Dans ce sens, la Fédération des ACEF est un des organismes importants dans le champ de l'intervention sociale aussi. En ce qui a trait aux questions de budget, ce qu'on peut reprocher entre autres à ces chiffres, d'où qu'ils viennent c'est que, par exemple, on sait, nous - c'est la réalité - que ce qu'on peut observer - et ce que je vais vous dire là va me nuire dans mon discours politique, mais c'est la réalité, donc je vous l'amène comme cela - on sait que, quand on manque d'argent, admettons, pour les cigarettes, pour quelqu'un qui fume, parce que c'est défendu de fumer avec les chiffres que vous m'avez cités... Admettons qu'on fume. Où prend-t-on l'argent? Où coupe-t-on? Parce que, dans ce budget, les cigarettes ne sont pas prévues. Où pensez-vous qu'on coupe? Dans ta nourriture, c'est là que l'on coupe. Je vous le dis par expérience. On voit cela tous les jours,

nous autres Les gens aiment mieux fumer que se nourrir. C'est la réalité. Quand on parle de misère on parle aussi de choix que les gens font et qui, d'un point de vue rationnel de gens à cravates comme nous, est impensable. Mais la réalité cependant qu'on voit sur le terrain n'est pas celle-là. Moi, je fais des interventions budgétaires à pochetée et une des choses que je fais le plus souvent, c'est de rencontrer des groupes pour leur parier de budget. Et, chaque fois, je dis: "II faut avoir une grande admiration pour les assistés sociaux. Ce sont les gens qui, au Québec, s'organisent le mieux d'un point de vue budgétaire. Moi, quand je rencontre un assisté social à mon bureau, la première chose que je fais généralement, parce qu'il y a des cas d'abus là comme ailleurs, c'est de lui donner un certificat. Je me suis inventé une petite médaille. Je lui dis: Non, ce n'est pas ta faute si tu n'arrives pas. Dans la majorité des budgets d'assistés sociaux qu'on peut regarder, il y a de petits surplus de 10 $, 12 $ par mois et ce, pour une personne seule, avec 487 $.

Mais, quand on compte tout, là, par exemple, on n'a plus de surplus. Quand on voit ce qu'on appelle, nous, la grande débrouille, cest quoi? Vous savez qu'un assisté social, non, neuf assistés sociaux sur dix n'accepteront jamais, par exemple, de paniers de Noël, de chanté publique. C'est inacceptable pour la majorité. Cela veut donc dire que chacun va essayer de s'organiser à partir de ses propres bases pour combler son revenu. Donc, on peut évaluer qu'une bonne partie - je ne dirais pas la majorité, je n'ai pas de chiffres réels là-dessus - des assistés sociaux, à l'étape actuelle, fraudent la loi, ont des "sidelines". Je vous dis cela par expérience. Cela ne me sert pas de vous dire cela, mais c'est la réalité.

Il y a plusieurs assistés sociaux. Vous savez comment fonctionne un assisté social. II emprunte au dépanneur du coin, parce qu'il y a des dépanneurs qui sont dans les quartiers pauvres pour prêter des épiceries, et, quand le chèque arrive au début du mois, il paie avec le chèque et il vit avec le reste dans le mois. Un assisté social, son budget, finalement, c'est de garantir ses "fixes", qu'on appelle, nous, dans notre langage, et de vivre avec le reste. Mais ce n'est pas possible. II s'agit de fumer pour que cela n'arrive plus. II s'agit de sortir un peu Quand on parle de personnes seules, on parle de personnes qui sont isolées souvent dans leur appartement ou dans leur logement. II faut que ce monde sorte. Combien est-ce qu'on leur octroie? Vous avez la liste? Combien est-ce qu'on leur octroie pour cela? C'est 20 $ par mois, je pense.

Une voix: 16 $.

M. Rainville: 16 $, c'est encore pire. Quand on est seul, 16 $, et qu'on veut se rebâtir une vie parce qu'on vient de divorcer ou autre chose 16 $ pour sortir, pour aller prendre un verre au bar, cela fait partie de la réalité. On va prendre cet argent, on va dépenser cet argent, quon n'a pas prévu dans vos critères, et on va se priver de manger plutôt. On va fumer, pour ceux qui fument, et on va se priver de manger plutôt. C'est ça la réalité.

Cest pour cela quon dit que les problèmes sont beaucoup plus complexes que ce qu'on pose là-dedans et quon ne peut pas entrer là-dedans à coups de hache, sous le simple prétexte d'incitation au travail. Je ne viendrai pas vous dire que tous les assistés sociaux voudraient travailler demain matin. Non. Il y a des problèmes énormes, les problèmes des jeunes, les problèmes des femmes qui, pour une raison ou pour une autre, préfèrent rester à la maison, éduquer leurs enfants plutôt que d'aller, travailler. Les problèmes - vous avez oublié une catégorie tantôt, Mme Harel - des 55 ans et plus, à partir de 40, 45 ans, donc, même le problème des femmes de 40 ans et plus qui n'ont jamais travaillé à I'extérieur ou qui n'ont pas travaillé à l'extérieur depuis 20 ans. (21 heures)

On va amener ce monde-là à des incitations au travail. Je ne suis pas contre les incitations au travail. Là où je suis contre, c'est quand on utilise une politique répressive, quand on menace de couper de l'argent dans la base minimum, même pas la base minimum, ce qui n'est pas assez déjà, on menace de couper là-dedans. C'est cela, la réforme, quot que vous disiez, c'est ce que vous faites. On menace de couper dans ce qui est moins que vital, ce qui est socialement. On n'est pas en Haïti ici. On a parlé tantôt de Ninette Plou. Elle n'est pas avec nous ce soir, c'est une Haïtienne, elle connaît bien la situation d'Haïti. On n'est pas en Haïti au Québec quand même. Le minimum vital au Québec est différent de celui d'Haïti. On coupe dans ce qui n'est pas assez déjà pour inciter au travail. C'est cela qui est grave, c'est cela qu'on dénonce principalement. Cela ne rend pas - il y a peut-être quelques bonnes affaires là-dedans, il faudrait observer comme il faut, sûrement même - mais, dans l'ensemble, parce que cela concerne une majorité ce que je viens de dire, votre réforme est très grave d'un point de vue social. C'est un recul généralisé pour les assistés sociaux, c'est certain. Dans ce sens, du point de vue du budget d'un assisté social, on est placé pour vous dire qu'il n'y a personne au Québec - ou que très rares sont ceux qui peuvent vivre avec 570 $ par mois. Les problèmes de "shylocklng", par exemple - je ne veux pas tomber là-dedans nécessairement, ils ne sont pas tous à faire brailler, les cas d'assistés sociaux - mais, nous, on en rencontre, parce qu'on travaille dans ce domaine, des problèmes de "shylocklng". Ce qu'on appelle dans notre langage les cas "poqués", ce sont tous des cas d'assistés sociaux, des cas à problèmes multiples. Vous allez essayer d'inciter ces gens-là au travail alors qu'ils sont à cent

lieues d'être rentables pour un emploi.

Tout ce qu'on va réussir à faire avec une réforme semblable, ne prévoyant pas par ailleurs autre chose qu'une véritable politique de réforme sociale, c'est de faire des misères à ce monde-là Moi, je vous dis ce soir... Et c'est cela mon ton. Je ne suis pas fâché du tout; quand je vais m'en retourner, je vais bien rire. Mais qu'est-ce qu'il dit, mon ton? Il dit que ce que vous êtes en train de faire est très grave. Je vais rire parce qu'il ne faut pas que je fasse d'ulcère avec cela; je dois rester en forme pour combattre votre réforme jusqu'au bout. Votre réforme, je vais la combattre jusqu'au bout, M. Paradis, parce qu'elle est injuste et qu'elle signifie plus de misère pour les assistés sociaux; c'est cela que cela veut dire. Aujourd'hui, au moment où on se parle, déjà, cette population est dans la misère, et dans une misère croissante, parce qu'elle doit être calculée eu égard au reste de la population. C'est cela, la réalité de votre politique, M. Paradis.

Mme Harel: M. le Président, il me reste quatre minutes. J'aimerais reprendre avec vous la question de l'incitation au travail. Vous faites valoir dans le mémoire que, s'il ne fait pas de doute que la répartition des nouveaux barèmes constitue une incitation au travail, il se peut qu'il en soit autrement si l'on parle d'incitation à l'emploi, et vous faites une distinction entre l'incitation à l'emploi et l'incitation au travail. Je crois comprendre que vous critiquez notamment le fait que l'incitation au travail, pour un assisté social, se limite à combler ses besoins essentiels, puisque, au-delà des besoins essentiels des 570 $, c'est une réduction des prestations pour chaque dollar gagné.

M. Rainville: On va plus loin que cela. La réforme - c'est un des éléments qu'on aurait aimé faire ressortir si on avait eu plus de temps ou si j'avais été moins...

Mme Harel: Disert.

M. Rainville: Oui. On dit même que la politique telle qu'elle est conçue actuellement est une politique qui va désinciter. On a fait un calcul, je ne sais pas si ce calcul apparaît de façon directe dans le mémoire. Oui? On a évalué, après avoir calculé exactement les réalités de cette réforme, que, pour une personne seule, par exemple, en fonction du montant de 570 $, il n'était absolument pas rentable de travailler après huit heures.

Mme Harel: Oui, à la page 20.

M. Rainville: Ce sont les huit premières heures qui seront rentables - entre guillemets -qui vont lui donner quelque argent de plus...

Mme Harel: C'est-à-dire qui va lui permet- tre de combler ses besoins essentiels tels que définis, qui ne sont plus couverts maintenant.

M. Rainville: D'accord, le montant de 570 $.

Mme Harel: C'est cela, des besoins reconnus non couverts.

M. Rainville: Mais ne venez pas me parler de besoins essentiels. On ne comble pas ses besoins essentiels au Québec avec 570 $ par mois.

Mme Harel: Oui. Statistique Canada dit 999 $, mais les besoins essentiels reconnus, qui ne sont plus couverts.

M. Rainville: Reconnus par qui?

Mme Harel: Par un ministère dans son étude avec 62 personnes.

M. Rainville: Oui, c'est vrai. Mme Harel: Oui. Bon.

M. Rainville: C'est vrai, c'est le ministère qui mène, c'est vrai.

Alors, dans ce sens-là, ce qu'on dit, c'est que loin d'être une politique incitative, on décourage les assistés sociaux à travailler plus que huit heures par semaine ou on les amène dans un entonnoir qui fait que le seul intérêt réel qu'ils peuvent avoir, c'est de travailler à temps plein pour sortir du régime, parce qu'on soupçonne que c'est là, finalement, la finalité.

Mme Harel: La finalité, ce serait de passer aux pointillés rouges dans le tableau parce que cela est le salaire minimum.

M. Rainville: Bien sûr.

Mme Harel: Le salaire minimum...

M. Rainville: Mais même le salaire minimum - j'ai les chiffres ici - ce n'est pas suffisant en regard des seuils de pauvreté.

Mme Harel: Oui. Et, d'autre part, le salaire minimum...

M. Rainville: II manque quelques cents dollars par mois.

Mme Harel:... qui est indiqué doit être diminué d'un montant d'impôt qui est versé par une personne seule qui travaille au salaire minimum; en l'année 1987, elle aura un minimum, une fois déduit le crédit d'impôt...

M. Rainville: Oui, entendons-nous, là.

Mme Harel:... pour la consommation, etc., à -

payer d'au moins 245 $...

M. Rainville: Mais c'est là, M. Paradis... Mme Harel:... en moins.

M. Rainville:... et Mme Harel, que j'aimerais qu'on travaille. On a de sérieux problèmes. C'est vrai que si on approche trop du salaire minimum, il va y avoir des injustices encore très graves; c'est vrai. Les gens qui charrient les préjugés les plus forts à propos des assistés sociaux, ce sont les gens au salaire minimum, les gens à bas revenus; ils sont en maudit parce qu'ils ont l'impression que les assistés sociaux en ont plus avec leur carte d'assurance-maladie, entre autres, avec leur carte d'assurance-médicaments. Ils n'ont pas tort, dans une certaine mesure, d'être en maudit parce que leur travail est aussi valable que celui de n'importe lequel d'entre nous. Alors, on a des problèmes.

Cependant, augmenter le salaire minimum, ce n'est pas quelque chose qui est facile non plus, parce que là on doit se situer dans une économie compétitive. Ce sont ces problèmes qu'il faut poser. Cela devient intéressant quand on commence à parler de cela, parce que là on parle en fonction d'objectifs. Idéalement, il faut viser à augmenter le salaire minimum, dans la mesure où on le peut, en fonction de l'économie dans laquelle on vit. Idéalement, il faut viser à augmenter les chèques de l'aide sociale, dans la mesure où on le peut et dans la mesure où on conserve les mesures incitatives, donc, dans la mesure du possible.

Est-ce qu'on s'aligne là-dessus? C'est cela, ma question, Est-ce qu'on s'aligne là-dessus? Quand on lit la réforme, non, on ne s'aligne pas là-dessus. Au contraire, on s'aligne sur une politique qui va avoir comme effet de couper une majorité d'assistés sociaux. C'est cela, la réalité. Alors, on dit non. On est prêt à discuter, mais dans les perspectives qu'on vient de placer. On travaille ensemble pour un mieux-être social. C'est cela qu'il faut faire. C'est à cela que je vous appelle, en terminant. Là-dessus, soyez certains qu'on va embarquer à cent milles à l'heure.

Le Président (M. Bélanger): Alors, en conclusion, Mme la députée de Malsonneuve, si vous voulez remercier. Il ne reste plus de temps, M. Polak.

M. Polak: Regardez donc votre montre, madame, s'il vous plaît, de temps en temps...

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, M. le député de Sainte-Anne, s'il vous plaît! Àl'ordre!

Une voix:...

M. Polak: Oui, oui, je vais vous rencontrer dans le corridor; j'ai des choses à dire, par exemple.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Sainte-Anne, s'il vous plaît, à l'ordre! Alors, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, M. Rainville et les personnes qui vous accompagnent, merci pour ce mémoire et pour, d'une certaine façon, la confiance que vous mettez dans nos institutions, dans notre institution parlementaire, en espérant que la déception ne soit pas trop grande et que l'objectif que vous appelez celui de la lutte contre la pauvreté pour l'ensemble de nos concitoyens dans une vraie politique de revenu, de sécurité du revenu, que ce ne soit pas qu'une politique de réforme à la baisse de l'aide sociale. Je souhaite que vos espoirs soient reconnus.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je tiens à remercier la Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec et ses porte-parole. Les échanges quant à deux des volets de la politique m'ont indiqué qu'il y aurait matière à poursuivre les pourparlers. Quant au troisième volet de la politique, il faudrait qu'on accepte mutuellement de prendre la parole, comme quand quelqu'un dit qu'il n'y a pas de plafond, qu'on ne dise pas que ce n'est pas vrai, etc. Il y a une dose de confiance minimum qui doit s'établir. Lorsqu'on parle du cheminement d'une personne apte au travail, vous constaterez, à une lecture attentive - ce n'est pas un document de 200 pages ni de 800 pages, c'est un document de 54 pages - de la page 32, les neuf premiers mois, l'évaluation de l'employabilité. On parle de personnes qui ont des problèmes d'alcoolisme, de toxicomanie, d'endettement chronique, de délinquance, etc. Cette évaluation sociale est faite dès le début du cheminement. Et, si on a réussi à vous convaincre qu'on a porté attention à cet élément social, vous pourrez, si vous grattez, en découvrir d'autres. C'est la grâce que je vous souhaite. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de votre présentation.

J'invite à la table des témoins la Confédération des organismes familiaux du Québec, qui sera représentée par Mme Pierrette Godbout-Perreault et par M. Robert Sylvestre.

Mme Godbout-Perreault et M. Robert Sylvestre, je vous souhaite la bienvenue. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour faire la présentation de votre mémoire, il y a 40 minutes d'échanges, réparties entre les deux factions politiques, pour ta compréhension et la discussion de votre mémoire. Je vous prierais, à chaque intervention, de bien vouloir vous identifier afin de permettre à ceux qui font la transcription des débats de pouvoir

consigner vos noms au Journal des débats. Je vous prie de procéder à la présentation de votre mémoire, s'il vous plaît.

Confédération des organismes familiaux du Québec

Mme Godbout-Perreault (Pierrette): Bonjour, M. le Président. Je suis Pierrette Godbout-Perreault, j'imagine que c'est évident dans les circonstances.

Le Président (M. Bélanger): On l'avait présumé.

Mme Godbout-Perreault: Oui. Je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre. M. Sylvestre, qui m'accompagne, débute la présentation de notre mémoire.

M. Sylvestre (Robert): M. le Président, mesdames, messieurs, nous allons commencer en présentant rapidement la COFAQ pour dire que c'est une confédération d'organismes familiaux qui regroupe à l'heure actuelle 16 organismes ou fédérations membres répartis dans la province et qui, eux-mêmes, rejoignent plusieurs centaines d'organismes familiaux ou parafamiliaux. La majeure partie de ces organismes sont des organismes de services à la population. Ils sont réunis au sein de la confédération, notamment autour d'une grande idée qui est celle d'une politique familiale axée sur la qualité de vie des familles.

Si la COFAQ a décidé de se pencher sur le projet de réforme de la sécurité du revenu aujourd'hui à l'étude, c'est pour deux raisons principales: d'une part, pour représenter et défendre les intérêts des quelque 141 000 familles avec enfants qui sont actuellement bénéficiaires de l'aide sociale, qui représentent, je pense, environ 170 000 enfants et qui ont besoin, comme toutes les familles, d'être représentées par des organismes. D'autre part, vous savez tous que le gouvernement a déposé au mois de décembre dernier un énoncé d'orientation en matière de politique familiale, énoncé qui a déçu assez unanimement dans la mesure où il n'était accompagné d'aucun plan d'action. Dans ces conditions, nous nous sommes dit: Bon, alors, les plans d'action vont devenir clairs et évidents quand les projets de politique sociale vont sortir. Il est, d'ailleurs, mentionné dans l'énoncé d'orientation de politique familiale que les projets à développer vont dépendre de l'initiative de chacun des ministères sectoriels. Nous avons donc tenu à étudier ce projet de politique de sécurité du revenu dans la mesure où il pouvait également illustrer les orientations concrètes du gouvernement en matière de politique familiale. C'est donc le point de vue que nous nous sommes particulièrement attachés à développer.

Le premier point sur lequel nous voudrions intervenir rapidement - je vais essayer de résumer ce qui est dans notre mémoire - c'est le changement du critère de soutien du besoin quelle qu'en soit la cause, qui était là depuis le début des années soixante-dix, pour le lier à la participation ou non au marché du travail. Rapidement, sur ce changement, nous dirons que c'est une modification qui, à notre avis, touche le principe même de la solidarité collective qui fonde l'ensemble de nos politiques sociales depuis une trentaine d'années et que c'est à ce niveau qu'il faut d'abord analyser le projet de réforme de la sécurité du revenu. À notre avis, c'est un projet de réforme qui va beaucoup plus loin que la simple sécurité du revenu; il touche l'ensemble de nos politiques sociales. (21 h 15)

Sur ce même point du critère de soutien, nous voudrions dire que nous y trouvons une définition extrêmement étroite du travail. Le travail tel que défini dans ce document se résume à la participation ou non à la machine de production de services ou de biens monnayables dans notre société. Ce que cela veut dire c'est que cette seule activité de production dans la société est reconnue comme socialement utile. À notre avis, cela rejette dans l'insignifiance, c'est-à-dire dans l'inutilité sociale, une foule d'activités humaines et, notamment, la mise au monde d'enfants, leur entretien, leur éducation. Cela rejette dans l'inutilité sociale toute activité bénévole d'entraide, de prévention, d'éducation populaire, d'organisation communautaire et ainsi de suite. La vision du travail telle qu'incluse dans le document sur la sécurité du revenu, est une vision extrêmement étroite de l'utilité sociale des activités humaines. La COFAQ se déclare tout à fait opposée à ce changement du critère de soutien fondamental et à la catégorisation des personnes en aptes et inaptes, qui découle de ce changement.

Le deuxième grand point sur lequel on voudrait intervenir, c'est le traitement réservé aux familles dans ce projet de réforme, pour la raison que nous avons évoquée tout à l'heure. Qu'arrive-t-il effectivement aux personnes ayant charge d'enfants dans la proposition de réforme? Le premier point que nous voulons relever: les femmes enceintes et le parent d'enfant de moins de deux ans sont qualifiés d'employables non disponibles. Le "moins de deux ans", à notre avis, signifie que les tâches parentales de mise au monde, d'entretien et d'éducation des enfants ne sont reconnues comme socialement utiles que pendant cette courte période de deux ans de la vie des enfants. Et ce, quel que soit l'enfant et ses besoins propres et quels que soient les parents et leurs aspirations et leurs convictions.

Deuxième élément qui permet de voir comment les familles sont traitées dans ce document: ces personnes qui s'occupent des enfants - c'est-à-dire ces personnes employables non disponibles - recevraient des prestations inférieures à celles versées aux personnes relevant du volet Soutien financier. À notre avis,

il y a là de façon très nette, une pénalisation au travail parental et une pénalisation au sens strict, c'est-à-dire un désavantage imposé à des personnes qui ont contrevenu à une règle. Une règle qui, à notre avis, est inavouée dans le document, mais qui revient à dire que les prestataires de l'aide sociale ou les personnes susceptibles de le devenir - et, dans la situation économique actuelle, cela peut faire beaucoup de monde - ne devraient pas concevoir d'enfants. Ils sont pénalisés s'ils ont des enfants. On réduit leurs prestations s'ils ont des enfants. C'est très clair. Ces prestations, en plus, ne couvriront que leurs besoins essentiels à court terme. Cela n'est pas clair dans le document d'orientation. Les documents qui ont été rendus publics dernièrement le démontrent et I'affirment clairement.

Donc, on dit: Reconnaissance très réduite des tâches parentales pénalisation au travail parental, besoins essentiels à court terme seulement et ce n'est malheureusement pas tout. Qu'arrive-t-il si ce parent qui s'occupe d'un enfant de moins de deux ans décide, au terme de ces deux années ou avant, selon son choix, d'aller s'inscrire aux programmes de réintégration ou aux programmes scolaires? Logiquement, par exemple, dans le cas d'une famille biparentale, les sommes dites de besoins spéciaux et d'allocations de participation devraient doubler, sauf que ce n'est pas cela qui arrive. Dans le cas d'une deuxième participation à l'intérieur dun même ménage, ce ménage ne reçoit que 35 $ de plus; 35 $ par mois pour couvrir l'ensemble des coûts d'une deuxième participation à des programmes de réintégration

On avait tout a I'heure une pénalisation très nette à l'égard des tâches parentales, on a maintenant une pénalisation très nette à l'accès au travail pour le deuxième conjoint d'une famille biparentale. C'est un mépris complet, à notre avis, du principe de l'égalité des parents à l'intérieur de la famille et c'est une intervention directe de l'État dans les choix de modes de vie familiale, parce qu'on encourage très fortement, à ce moment-là, un type de famille, c'est à-dire une famille avec un conjoint seulement allant sur le marché du travail

Par ailleurs, toujours sur cette question de la famille, on remarque que le document d'orientation est muet, dans les volets APTE et Soutien financier, sur l'aide à la garde apportée aux parents. Tout nous porte à croire que les personnes relevant du programme Soutien financier n'auront droit à aucune espèce d'aide à la garde. Qu'est-ce qui arrivera des personnes qui feront partie du programme APTE? Ce n'est pas très clair, non plus. Ce qu'on en voit c'est qu'elles ne disposeraient que des 60 $ d'allocation et des 40 $ de "besoin spécial". Cela fait partie, cependant, des informations qui nous manquent

Je vous vois hocher la tête, M. le ministre. Vous allez peut-être me répondre que cela va venir avec la réforme que Mme Gagnon-Tremblay prépare, mais tout cela nest pas clair à ce moment-ci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pour cela que je hochais la tête. J'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet. Je hochais la tête parce que c'est contenu dans ça.

M. Sylvestre: Abordons rapidement le dernier volet, qui est le volet APPORT. On a beaucoup de questions à poser sur APPORT. La première question concerne les familles admis sibles au programme APPORT. Dans le budget 1987-1988 on disait que les gens qui seraient admissibles au programme APPORT seraient les familles chargées d'enfants de moins de 21 ans. Dans le document d orientation, on dit Familles d'enfants de moins de 18 ans. II faudrait qu'on sache ce que c'est parce que c'est très mélangeant. De plus, dans le document d'orientation, vous dites que vous allez, quand même, atteindre le même nombre de familles et que le coût demeure le même soit 65 000 000 $. Pourtant, de facto, il y a un grand nombre de familles qui ont été exclues. C'est un problème qui n'est pas clair à ce moment-ci

II y a un deuxième problème que nous n'avons pas réussi à régler concernant le programme APPORT, et on a parlé à plusieurs économistes qui ne se sont jamais clairement entendus entre eux. Est-ce qu'il est possible pour une famille d'accumuler, d'être à la fois bénéficiaire de l'aide sociale, du programme APTE et du programme APPORT? Il y a des économistes qui m'ont répondu oui et non. Je ne le sais plus du tout et ce n'est pas clair dans le document d'orientation. J'aimerais qu'on y revienne tout à l'heure parce que cela ne fonctionne pas du tout.

La troisième chose qui n'est pas claire concernant le programme APPORT et qu'on voudrait clarifier, c'est quand le remboursement des frais de garde intervient-il? Si les prestations du programme APPORT sont mensuelles, effectivement c'est une amélioration sur le SUPRET, mais si les prestations mensuelles n'incluent pas le remboursement des frais de garde, c'est un problème énorme. Cela n'est pas clair dans le document. D'après le tableau, on a l'impression que cela va venir avec la déduction pour frais de garde, donc avec le rapport d'impôt l'année suivante, même si cela n'est pas évident.

Toujours du point de vue de la famille et, en élargissant un peu le débat de la sécurité du revenu jusqu'à la politique familiale, parce que c'est cela qui, en bonne partie, est en cause pour nous aussi, on voudrait savoir ceci. Au moment de son budget, le ministre des Finances a annoncé que, par le programme APPORT, il injectait 65 000 000 $ de plus dans le soutien aux familles. Ce quon aimerait savoir, c'est qu'est-ce qui est vraiment injecté de plus et y a-t-il quelque chose d'injecté de plus pour les familles, si on prend les 65 000 000 $ du pro-

gramme APPORT qui ne peuvent plus être 65 000 000 $ de toute façon parce qu'on a changé l'admissibilité, quon enlève ce que vous allez économiser par la contribution alimentaire et ce que vous allez économiser par la réduction? Nous le prenons au plan de la politique de soutien aux familles dans la société québécoise actuellement... On donne 65 000 000 $ aux familles par le programme APPORT, théoriquement. Combien va-t-on économiser avec l'introduction de la contribution parentale? Combien va-t-on économiser avec la réduction des prestations aux personnes chargées d'enfants par cette catégorie des non disponibles? Combien va-t-on économiser avec les autres mesures du type partage de logement pour les 18 30 ans et pour les familles monoparentales?

D'après les informations qui ont été rendues publiques la semaine dernière, il semble que le gouvernement prévoie faire, en 1990, des économies de 216 000 000 $ par ces trois ou quatre mesures. Ce qui va réellement aux parents est-ce que c'est 65 000 000 $ de plus ou 65 000 000 $ moins 216 000 000 $?

Là, je ne m'adresse pas simplement au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu; je m'adresse aussi à M. Dutil en tant que ministre délégué à la Famille, au gouvernement et à M Levesque. On nous a dit: Voilà 65 000 000 $ pour les familles, mais ici, on a l'impression qu'on nous reprend 215 000 000. $ II faudrait qu'un jour ou I'autre on mette les vrais chiffres sur la table.

Enfin, un dernier élément que nous aimerions souligner sur ce document, c'est qu'il est conçu de telle sorte que, pour les familles biparentales, il n'y aura de remboursement de frais de garde que si les deux parents sont sur le marché du travail. En d'autres termes, le gouvernement intervient encore une fois directement dans les choix de vie familiale et il impose ou incite fortement économiquement à certains types de familles.

Bref, si vous voulez, ce que notre conseil d'administration a vu dans ce projet et dans ces trois volets, c'est, d'abord, une négation de la complexité et de la diversité des besoins des personnes. On traite toutes les personnes chargées d'enfants et tous les enfants de la même façon, indépendamment de leurs besoins propres, de leurs convictions et de leurs aspirations. II y a, on la vu, pénalisation à la conception d'enfants. Il y a réduction des prestations à cause de la présence d'enfants. II y a mépris de I'importance des rôles parentaux; les rôles parentaux sont considérés implicitement comme étant socialement inutiles et ne valant pas d'être soutenus. II y a intervention directe de l'État dans les choix de modes de vie familiale et il y a non-respect par l'État de l'égalité des parents à l'intérieur de la famille.

Tout cela, à notre avis découle en droite ligne du premier point quon a mentionné ce soir, c'est-à-dire l'établissement de la participa- tion au marché du travail comme seule activité socialement utile. C'est tout à fait logique et cohérent. Quand on définit le travail de cette façon là et qu'on I'impose comme critère fondamental de nos politiques sociales, tout le reste est rejeté dans I'insignifiance. C'est pourquoi ce soir nous voulons poser une question qui s'adresse au ministre de la Sécurité du revenu et à I'ensemble du gouvernement: Est-ce la politique familiale du gouvernement, est-ce la reconnaissance de I'importance de la famille dans la société québécoise? Est-ce le soutien à la famille qui est donné comme orientation du gouvernement en matière de politique familiale? Est-ce cela - et je cite le document d'orientation sur la politique familiale - "relever le défi du soutien à la famille", défi qui met en cause non seulement les familles elles-mêmes, mais I'avenir du Québec? Du point de vue familial, du point de vue dune politique familiale, il nous apparaît que ce projet est totalement incohérent et contradictoire avec les orientations d une politique familiale.

Je vais maintenant céder la parole à Mme Perreault qui va poursuivre sur d'autres points.

Mme Godbout-Perreault: Nous croyons qu'une politique familiale doit être pensée dans une tout autre perspective et, notamment, reposer sur une vision fort différente de l'évolution de la famille québécoise au cours des dernières décennies. Nous sommes frappés, en effet, et inquiets de relever des grandes similitudes dans la vision de la famille qui se dégage du document d'orientation et de l'énoncé de politique familiale, une vision qui ne relève que des éléments tels le nombre de divorces ou de séparations, l'augmentation du nombre des familles monoparentales, des unions de fait. Bref, c'est une vision selon laquelle la famille ne se serait que détériorée depuis les années soixante.

La COFAQ tient ici, aujourd'hui, à dénoncer avec la plus grande vigueur cette vision récurrente dans les documents gouvernementaux, une vision qui, à notre avis, relève d'une analyse courte, erronée et, dans le document sur la sécurité du revenu, profondément insultante pour I'ensemble de ceux et de celles qui ont charge d'enfants au Québec. Une analyse erronée qui fait, par exemple, résulter la fragilité économique des familles du nombre croissant de divorces, alors que, d'une part, bien souvent, à l'inverse la fragilité économique a précédé les ruptures et que, d'autre part, un meilleur partage des revenus familiaux, avant comme après les ruptures, aurait pu éviter celles-ci. Souvent aussi, on associe monoparentalité à pauvreté à cause de cela. Cette analyse est insultante pour les chargés d'enfants puisque le document d'orientation va jusqu'à soutenir qu'un "effritement des notions traditionnelles de responsabilité familiale" serait à mettre au nombre des causes de l'augmentation du nombre de prestataires. Nous croyons qu'il serait beaucoup plus pertinent de s'interroger sur I'absence d'une politique fami-

liale axée sur la qualité de vie familiale durant les dernières décennies. Le ministère trouverait sûrement là de nombreux facteurs explicatifs du nombre croissant de ruptures et de la fragilité économique des familles. (21 h 30)

Maintenant, on voudrait aussi vous parler d'un autre point de vue qui nous semble fondamental. C'est celui de la contribution alimentaire parentale. Cette question de la contribution alimentaire n'est pas nouvelle pour nous puis-qu'en 1984-1985 nous avions procédé à une analyse du régime des prêts et bourses dans lequel il est aussi question de la contribution parentale.

Au terme de cette étude, un document a été soumis à la consultation de nos membres dans la plupart des régions du Québec par des groupes de parents. L'une des questions centrales soulevées par ce document de consultation, c'était précisément la reconnaissance ou non de l'autonomie des personnes à 18 ans. C'était lié directement à l'acceptation ou au refus de l'application du principe de la contribution parentale.

D'une façon fortement majoritaire, les parents consultés optèrent en faveur de cette reconnaissance d'autonomie et en toute conséquence du refus d'une contribution parentale.

Maintenant, la reconnaissance effective de l'autonomie des 18 ans et plus et le refus conséquent de cette contribution alimentaire reposent sur les considérations suivantes. Quand les jeunes atteignent l'âge de la majorité légale, la famille a déjà largement fait sa part. Les parents sont favorables à la poursuite d'études supérieures pour ceux et celles qui le désirent, mais ils estiment que les coûts engendrés par ces études devraient être pris en charge par l'ensemble de la société, car cette nécessité d'études supérieures correspond à un choix de société, particulièrement aux besoins du marché du travail et non pas nécessairement aux besoins des parents.

De façon analogue, si les parents sont favorables à ce que les jeunes participent au marché du travail, il ne saurait être question - nous l'avons dit plus haut - de tenir les familles responsables des hauts taux de chômage et du manque d'emplois pour les jeunes.

Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez, en conclusion, madame. Le temps est écoulé maintenant. Si vous voulez prendre quelques minutes pour conclure.

Une voix: Consentement pour cinq minutes.

Le Président (M. Bélanger): Consentement, oui. On vous accorde cinq minutes pour terminer.

Mme Godbout-Perreault: Vous nous accordez cinq minutes? Je vous remercie.

Pour nous, une autre des raisons, c'est que l'âge de la majorité légale marque, autant pour les parents que pour les jeunes, une étape dans la vie. Les attentes des uns et des autres changent et la perception de leurs responsabilités mutuelles se modifie à 18 ans. Donc, le régime des prêts et bourses - et ici c'est la réforme dont il est question - ne tient pas compte de ce fait.

Il y a aussi une contradiction dans le fait que les jeunes sont considérés comme majeurs à d'autres points de vue lorsqu'ils atteignent 18 ans, mais ils restent dépendants des parents sur le plan financier. L'indépendance économique est une aspiration générale pour les jeunes adultes. Elle est pour eux une reconnaissance effective de l'autonomie légale que leur confère l'âge de la majorité. Aussi se sentent-ils davantage autonomes et développent-ils un meilleur sens des responsabilités lorsqu'ils administrent eux-mêmes les sommes dont ils ont le contrôle plutôt que lorsqu'ils reçoivent des services de leurs parents.

Je voudrais aussi souligner que l'introduction de la contribution parentale découle en droite ligne de l'abandon au point de départ du principe de la solidarité collective dont nous parlait Robert tout à l'heure. Le ministère semble conscient du fait que le filet de sécurité sociale dont s'est doté le Québec depuis deux décennies est aujourd'hui bien lâche et qu'il se relâchera sûrement davantage advenant l'adoption du projet. En conséquence, nous constatons que c'est la famille qui, semble-t-il, qui va ramasser les pots cassés.

J'essaie de faire rapidement et cela semble difficile.

Le Président (M. Bélanger): Soyez sans crainte. Allez-y calmement. Il n'y a pas de problème.

Mme Godbout-Perreault: Est-ce là encore le soutien à la famille? D'une part, on l'a vu, le document d'orientation met fortement en doute le sens des responsabilités et la compétence des parents. D'autre part, il exige de ces mêmes parents qu'ils assument la charge entière des jeunes adultes alors que le même gouvernement, par ailleurs, retire aux parents les allocations familiales versées pour les moins de 18 ans, alors que le même gouvernement a aboli les exonérations d'impôt pour enfant à charge, si bien que toute somme gagnée par les jeunes adultes vient immédiatement réduire les exemptions des parents.

Ce que nous pouvons conclure, c'est qu'il y a une augmentation de la responsabilité financière et une réduction du soutien. C'est sur une telle base que l'on pourrait même venir à penser que les prestations aux personnes de 55 ans et plus peuvent être réduites en fonction des revenus de leurs enfants puisque, actuellement, on parle beaucoup d'obligations filiales.

Compte tenu de cette introduction de la contribution parentale, fi est tout à fait abusif, à notre avis, de soutenir que cette réforme accor-

dera la parité de traitement aux 18 30 ans. Nous savons d'ailleurs, depuis la publication du document, qu'un grand nombre de 18-30 ans ne recevront plus aucune prestation et que tous les autres verront leurs prestations réduites. Quarrivera-t-ll des 17 000 18-30 ans qui sont exclus du programme?

Seront-ils exclus également des mesures d'amélioration de I'employabllité? II semble que oui et le choix que le projet de réforme leur laisse est clair: la dépendance de la famille, le mauvais emploi, la rue, la prostitution et aussi parfois même malheureusement, dans certains cas, le suicide puisqu'ils ne voient pas de débouchés.

Ce que nous avons tenté de démontrer dans ce mémoire, c'est que le document propose une orientation de sécurité du revenu qui, si elle était adoptée, apporterait dans la société québécoise des changements fondamentaux. Les propositions qui sont faites, tels le changement du critère de soutien, la catégorisation des personnes employables et non employables, l'application d'un précepte de contribution parentale, induisent enfin une transformation radicale des valeurs sociales qui ont animé le Québec depuis des décennies. La réforme proposée repose, en effet, sur une conception qui réduit la personne humaine à la seule valeur économique de la production des biens monnayables et, pour nous, ce n'est pas acceptable puisque, comme familles, nous croyons que nous avons eu un rôle très important au sein de la société en nous préoccupant de l'éducation de nos enfants.

Le Président (M. Bélanger): Merci, madame M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. J'aimerais remercier l'organisme la Confédération des organismes familiaux du Québec pour le mémoire, ainsi que Mme Perreault et M. Sylvestre pour la présentation. Je répondrai, d'abord, aux arguments avancés par M. Sylvestre et j'engagerai le dialogue, quitte à revenir en conclusion avec vous, Mme Perreault.

M. Sylvestre a mentionné au début qu'il y avait des besoins de représentations de la part des familles, que peut-être depuis quelques années, pour ne pas dire plusieurs années, les gouvernements ont pris, consciemment ou inconsciemment, des mesures sur le plan fiscal, entre autres, ou sur d'autres plans qui n'ont pas eu pour conséquence de favoriser le concept de la famille dans la société québécoise. Je vous dirai que, si on regarde ce qui détermine finalement le partage des richesses dans une société, la fiscalité, oui, la famille a besoin de représentations chaque fois qu'une politique gouvernementale est mise de l'avant, et je vous félicite de faire ces représentations au nom des familles.

Je vais tenter de reprendre - et moi aussi, je suis un peu "encarcané" par le temps - quelques-uns des éléments que vous avez mis de l'avant et tenter de vous apporter quelques précisions et clarifications. Vous débutez en parlant de la notion de travail telle que contenue dans le document "Pour une politique de sécurité du revenu". Je vous dirai que, personnellement, je ne peux pas partager l'idée que vous avez mise de l'avant que nous avions une définition étroite du travail comme étant limité à la production de biens. Je ne pense pas que le fait d'offrir un programme de rattrapage scolaire à une personne qui est bénéficiaire de l'aide sociale et qui n'a pas complété son cours secondaire puisse être assimilé à une production de biens. Je n'ai pas l'impression non plus que la quasi-totalité des programmes de travaux communautaires que nous avons expérimentés chez les jeunes de moins de 30 ans au cours des dernières années avait pour but la production de biens.

Je n'ai pas, non plus, l'impression que le type de programme stage en entreprise - et c'est spécifiquement convenu dans la convention qui est signée avec l'entreprise - a pour but la production de biens. Au contraire, il s'agit de la formation de l'individu. Toute cette politique dans le cadre du programme APTE est orientée plutôt vers l'amélioration des caractéristiques d'employabilité pour, sans doute, qu'un jour l'individu devienne soit un producteur de biens ou quelqu'un qui donne des services à la société. C'est un peu ce que nous faisons tous. Nous produisons des biens ou nous rendons des services à nos concitoyens et c'est de là qu'on retire une rémunération. Mais, à ce moment on n'est plus sur le programme de l'aide sociale ou de sécurité du revenu. Je voulais simplement vous soumettre cette argumentation là parce que vous avez tiré beaucoup de conclusions à partir de cette définition qualifiée d'étroite.

Je vais tomber dans ce qu'on appelle la problématique ou le vécu quotidien avec la première question que vous avez soulevée et que j'ai notée et qui vise vraiment - vous avez raison - l'orientation que le gouvernement va choisir en matière de famille, lorsque vous avez parlé de la femme enceinte et de la période de deux ans. Aujourd'hui, nous avons entendu des témoignages d'organismes et je pense pouvoir citer correctement, entre autres, le Conseil du statut de la femme qui, sauf dans le cas ou il y aurait une multiplicité d'enfants dans la cellule familiale, opterait pour une limite de deux ans de façon à ne pas créer un ghetto de pauvreté, que la femme ne soit pas retirée du marché du travail pendant trop longtemps, etc. C'est un point de vue. Nous avons eu des points de vue d'autres organismes qui nous ont dit: Aussi longtemps que l'enfant n'est pas d'âge de fréquentation scolaire, vous devriez permettre le barème de non-disponibilité. Moi je veux que vous nous signififiez clairement quelle est votre orientation en vous disant que, si le gouvernement, dans un document qui s'appelle "Pour une politique de sécurité du revenu" a choisi de

présenter deux ans, c'est probablement la mesure qui sera retenue, mais que possiblement nous pouvons être convaincus par d'autres groupes qu'il y aurait des modifications qui seraient souhaitables pour la société et qui seraient plus à tendance familiale. Mais nous devons tenir compte de l'ensemble des éléments. Sur cette question, j'aimerais avoir une précision de votre part, la plus directe possible.

M Sylvestre: Immédiatement ou si vous voulez poursuivre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Immédiatement, on va le régler avec vous.

M. Sylvestre: II faut dire d'abord que je ne peux pas vous répondre dans votre logique parce que, dans notre logique, nous refusons, de toute façon, la catégorisation en aptes et inaptes, en employables et inemployables. À notre avis, on ne peut pas qualifier - parce que cela revient à cela un peu, le projet - une personne qui s'occupe d'un enfant de personne inemployable ou de personne inemployée ou de personne qui ne fait rien. À notre avis, il y a une contribution à la société qui est extrêmement riche.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que, sur le vocabulaire, on pourrait argumenter, mais, sur le concept, qu'on aboutisse au vocabulaire ou à la catégorisation qu'on voudra, la présence ou la non-disponibilité pour le marché du travail traditionnel ou pour des programmes d'employabilité est affectée par la présence d'un enfant. Est-ce qu'on doit la considérer, comme gouvernement, jusqu'à deux ans, jusqu'à l'âge scolaire, etc? C'est la limite dans le temps qui est le concept qui.

M. Sylvestre: Moi, je pense qu'il faut considérer que les personnes qui ont des enfants travaillent. Point.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cela va. Je pense que c'est une.

M. Sylvestre: Qu'on ne les place pas en opposition quand il s'agit de leurs tâches parentales et d'un autre travail. C'est là que je reviens à votre définition du travail. Quand vous parlez de travail, vous pensez participation au marché du travail au sens restreint du terme. Ce n'est pas cela, la question. Les gens qui s'occupent d'enfants travaillent, font des activités socialement utiles. C'est pour cela qu'on ne peut pas embarquer dans votre logique.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne vous demande pas d'embarquer dans la logique. Je vous demandais, et vous me l'avez exprimée, une opinion sur la limite d'âge. À supposer qu'on retienne la logique qui vous satisferait, la limite d'âge ne serait pas de deux ans parce que vous considérez que, sur le plan familial, il ne faudrait pas mettre de limite d'âge comme telle ou si on peut en mettre une jusqu'à l'âge scolaire?

M. Sylvestre: Non, il n'y a pas de limite à mettre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas de limite du tout, ouvert?

M. Sylvestre: II n'y a pas de limite à mettre. D'accord?

Mme Godbout-Perreautt: Pour nous, M. le ministre, nous considérons le libre choix des parents si un parent considère que c'est important pour lui d'être présent à ses enfants. Même si ces enfants-là ont sept ou huit ans, cela ne veut pas dire que l'enfant a moins besoin du parent que lorsqu'il avait deux ou quatre ans. La présence du parent auprès des enfants est importante et c'est ce libre choix que nous défendons.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous savez, le libre choix, vous pouvez le défendre, mais moi, lorsque je fais l'inventaire, non comme ministre responsable de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais comme ministre responsable du Travail, des conventions collectives qui sont négociées entre les plus grandes entreprises et les plus puissants syndicats, et qu'on traite de la question, sauf si ma mémoire me fait défaut la personne n'est jamais placée devant un choix complètement libre. II y a des contraintes économiques qui jouent et les plus longs congés sans solde - je dis bien sans solde - que l'on a réussi à négocier sur le plan des relations du travail, au moment où nous nous parlons, sont d'une période de deux ans. La personne qui effectue ce choix, c'est un congé sans solde. II y a une période couverte par l'assurance-chômage, quinze semaines, supplémentée par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour les deux semaines de carence du début de l'assurance-chômage, mais le reste, c'est du sans solde. Donc, c'est un choix qui est effectué, mais pas en totale liberté, sans pression économique.

Mme Godbout-Perreault: Je remarque, M. le ministre, que vous faites toujours référence au marché du travail rémunéré.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Godbout-Perreault: Pour nous, ce n'est pas le principal point. On trouve que, si une société considère que des enfants, c'est important et qu'on doit leur consacrer du temps, le travail que l'on fait auprès de ces enfants doit être reconnu tout autant que si nous avions un salaire rattaché à ce travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La même chose, à ce moment-là, pour la femme qui est bénéficiaire de f'aide sociale, pour celie qui reçoit des prestations d'assurance-chômage, qui est travailleuse au salaire minimum ou qui est travailleuse professionnelle ou dans une grande entreprise. (21 h 45)

Je suis, non pas comme ministre du Travail cette fois-là, mais comme ministre responsable de la Sécurité du revenu, responsable de celles qui se trouvent au bas de l'échelle, qui éprouvent les plus grandes difficultés. Je peux tenter des élargissements, des ouvertures, mais je ne pense pas que je puisse bâtir une politique incitative vers l'ensemble de meilleures conditions de vie pour la mère et pour l'enfant en visant le bas. C'est pour cela que j'invoquais les meilleures conventions collectives où les gens sont placés dans une situation monétaire généralement beaucoup plus favorisée et exercent un choix un peu plus libre.

Mme Godbout-Perreault: Mais c'est toujours en fonction du marché du travail que vous faites votre intervention, M. le ministre. Vous parlez comme ministre de la Sécurité du revenu, mais vos comparaisons sont en fonction du marché du travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, on a des représentations qui demandent au gouvernement - on en a constamment de différents groupes - de reconnaître le travail au foyer, pour donner un exemple, de le rémunérer, pas simplement pour les gens qui vivent de l'aide sociale, pour que les femmes dans la société puissent effectuer un choix plus libre, occuper un emploi rémunérateur sur le marché du travail. Les demandes de tous ces groupes sont toujours faites en fonction du marché du travail: Reconnaissez la valeur économique de notre rôle dans la société de nous occuper d'enfants.

M. Sylvestre: À ma connaissance, les mêmes groupes demandent aussi de reconnaître la valeur sociale et économique des tâches parentales.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est exact.

M. Sylvestre: Alors, ils ne font pas une différence, ils ne mettent pas les valeurs l'une au-dessus de l'autre. Je vous rejoins, M. le ministre, quand vous dites que vous ne ferez pas une politique de sécurité du revenu plus avantageuse pour les parents à bas revenu. Ce que nous demandons, c'est une politique familiale. Nous pensons que vous ne pouvez pas faire une politique de sécurité du revenu si elle n'est pas encadrée par une politique familiale cohérente qui s'adresse à l'ensemble des familles du Québec. Sauf que, si ce sont les orientations de la politique familiale du gouvernement - on est forcé de le présumer, compte tenu du fait qu'il n'y avait pas de plan d'action concret dans l'énoncé d'orientation publié en décembre - c'est vraiment le travail au sens restreint du terme. J'y reviens parce que je pense que c'est cela Les services de garde ne sont donnés que s'il y a travail. Les services de garde ne sont pas donnés aux personnes qui sont sur le Soutien financier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. On peut corriger cela immédiatement. C'est peut-être une mauvaise perception ou un manque d'indication. Les services de garde sont offerts aux gens qui sont sur le programme Soutien financier, de même qu'aux gens qui participent au programme APTE.

M. Sylvestre: Ils sont offerts sous quelle forme?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un per diem équivalant, au moment où l'on se parle, à 10 $ par jour.

M. Sylvestre: C'est l'exonération pour frais de garde.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. C'est déboursé. C'est payé par le gouvernement sur une base mensuelle et c'est...

M. Sylvestre: Versé directement aux services de garde.

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... versé directement au bénéficiaire qui choisit le mode de garde qu'il juge approprié.

M. Sylvestre: Y inclus pour le Soutien financier et pour APTE.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Y inclus pour le Soutien financier et le programme APTE.

Mme Harel: S'il y a participation aux mesures.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Seulement s'il y a participation.

Mme Harel: Seulement s'il y a participation aux mesures.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, parce que...

M. Sylvestre: Dans le Soutien financier, il n'y a pas participation aux mesures.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, il y a participation aux mesures si la personne désire... On sait qu'il y a des gens qui, aujourd'hui, ont des handicaps sérieux, mais qui, à cause de révolution technologique, peuvent accomplir des

tâches, etc. Le programme APTE est également ouvert, pour fins de participation, aux gens qui sont sur le Soutien financier, sans perte d'aucun bénéfice au Soutien financier, en ajoutant les allocations de participation, les frais de participation et les frais de garderie.

M. Sylvestre: Ce n'est pas clair. Ce qui me paraît demeurer là, c'est que les services de garde sont liés à une participation. Par exemple, si on prend APPORT, il n'y a de services de garde que si les deux parents sont sur le marché du travail. La référence demeure toujours le travail à l'extérieur du foyer. En d'autres termes, on ne tient pas pour acquis, on ne conçoit pas qu'un parent qui s'occupe de son enfant ou de ses enfants à temps plein puisse avoir besoin, à un moment donné, de prendre du repos, puisse avoir besoin de faire d'autres types d'activités et, donc, puisse avoir besoin des services de garde. Nous ne demandons pas un traitement particulier pour les gens qui retirent de l'aide sociale. Nous disons que c'est le genre de mesure qui devrait être appliquée dans l'ensemble de la société et pour l'ensemble des parents. Et cela implique une reconnaissance de la tâche parentale et du besoin de services de garde, par exemple, pour l'ensemble des parents.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pourrait continuer longtemps sur les services de garde. Moi aussi, je vais bientôt me faire couper la parole par le président. J'aimerais vous parler du programme APPORT. Je crois que vous avez fait une bonne analyse du programme APPORT. Vous avez décelé des éléments et vous êtes les premiers à nous les apporter: la question des 21 ans, 18 ans, etc. Vous avez raison, dans le discours sur le budget, c'était 21 ans. Lorsque nous avons tenté d'arrimer le programme APPORT avec les autres politiques de sécurité du revenu, nous avons choisi 18 ans pour que l'âge soit uniforme. Maintenant, l'arrimage n'est pas complet. Vos économistes qui vous disent, à un moment donné, qu'il y a une possibilité de trou ont raison. Sauf que cette possibilité de trou entre APTE, le salaire minimum et APPORT que vous trouvez pour 1988 n'a pas de conséquences pratiques parce que le programme APTE, entre autres, n'est pas en fonction. Vous avez raison de dénoncer ce trou. Il y aura des ajustements qui devront être faits pour l'année financière 1989-1990.

M. Sylvestre: II y avait un autre trou: APTE et APPORT ne peuvent pas être additionnés dans une même famille.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le trou était là et vous avez raison. Nous l'avons constaté. Nous ne l'avons pas corrigé au moment où nous nous parlons parce que, le programme APTE n'étant pas en vigueur pour l'année présente, cela ne porte pas à conséquence.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, M. Sylvestre, madame, c'est vraiment important que nous ayons cet échange avec vous. Si cela peut vous rassurer tout de suite, le ministre s'est référé aux propos de la présidente du Conseil du statut de la femme. Je dois vous dire que les propos que Mme McKenzie a eus ne sont pas exactement ceux rapportés par le ministre. Le ministre nous disait qu'elle avait opté pour une limitation à deux ans, enfin, je reprends ses propos textuels. Je dois vous dire que, pour la présidente du Conseil du statut de la femme, jamais une mesure ne devait être obligatoire, mais incitative. Et elle a répété que, dans son esprit, il fallait peut-être inciter, mais sans jamais obliger. Elle signalait simplement que cette catégorie de personnes qui avaient une charge de famille monoparentale devaient peut-être être invitées à participer assez rapidement à des programmes vu que la durée parfois de l'absence du marché du travail est un handicap, mais que le choix devait être respecté et jamais cette invitation qui devait être faite ne devait, en conséquence, être assortie d'une réduction de barèmes comme ce qu'on retrouve dans la proposition du ministre. Alors, je pense que c'est important de rappeler...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est dans les transcriptions, on verra.

Mme Harel:... les propos de la présidente du Conseil du statut de la femme parce qu'il s'agissait donc de catégories pour favoriser des personnes et jamais de catégories pour réduire des barèmes.

Je crois que l'absence du ministre délégué à la Famille en dit beaucoup sur l'état des préoccupations du présent gouvernement en matière de véritable politique familiale. Vous savez, quand on a reçu, aujourd'hui, les groupes en matière de condition féminine la ministre déléguée à la Condition féminine a eu cette responsabilité d'être présente et de faire la discussion avec les représentantes des deux organismes concernés. Elle nous a indiqué qu'elle entendait faire de même pour tous les autres organismes qui ont une responsabilité première en matière de condition féminine. Je ne peux pas m'expliquer, depuis le début de nos travaux, l'absence du ministre délégué à la Famille, à moins qu'il ne soit à l'extérieur du Québec.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II est au Conseil du trésor, aujourd'hui, pour obtenir des budgets.

Mme Harel: Je dois vous dire que c'est maintenant. Ce n'est pas dans ce projet de loi déposé avant Noël, qui ne concernait que la structure d'un Conseil de la famille. C'est

maintenant. Et vous le dites à raison dans votre résumé de mémoire, à la page 2: Voici, justement, un projet de réforme de la sécurité du revenu qui a été discuté à plusieurs reprises au Conseil des ministres. La façon dont les familles seront traitées sera révélatrice des orientations du gouvernement en matière de politique familiale. Vous justifiez, finalement, tout I'intérêt que vous apportez à I'étude de cette politique de sécurité du revenu. C'est un test. C'est certainement un test important pour le gouvernement. C' est un test de crédibilité.

II ne suffit pas de faire des discours qui peuvent mystifier. II faut, à un moment donné, mettre de lavant des moyens pour réaliser les politiques que l'on dit vouloir appliquer au Québec. Dans l'échange qui vient d'avoir lieu avec le ministre, vous avez certainement permis de mettre en lumière un aspect essentiel. C'est une sorte de logique implacable. Dune part, il y a celle qui est énoncée par le ministre et qui est totalement parallèle à celle que vous énoncez. Cette logique implacable du ministre, c'est que toutes les activités sont subordonnées à la non-participation ou à la participation à des mesures d'employabilité. Assumer la charge d'un enfant, même de moins de deux ans ou de plus de deux ans, se mettre en congé parental, c'est comme se mettre en congé de la participation aux mesures. C'est une logique qui se tient. En fait, c'est un édifice. On peut penser qu'il repose sur de la vase, mais il se tient en tant que tel. Comparer le congé parental d'une convention collective avec un congé de personnes qui n'ont aucun autre moyen de subsistance, qui sont au seuil des minimums que l'on considère non pas comme la pauvreté, mais comme la misère dans notre société - la pauvreté, on le sait maintenant, c'est beaucoup plus élevé - c'est donc ne pas reconnaître aux femmes pauvres le choix de leur mode de vie familiale.

Le ministre nous dit: Nous sommes souvent sollicités à reconnaître le travail ménager ou le travail parental des femmes qui restent à la maison. Nous avons eu, aujourd'hui, un organisme important, la CSN, qui est venu faire une proposition de crédit d'impôt remboursable qu'obtiendrait tout adulte de 18 ans et plus sur une base individuelle et qui permettrait, à partir de ce point de départ, non plus de catégoriser des personnes, mais d'envisager un début de politique de revenu garanti avec différents programmes qui, selon les choix de société faits, viendraient se greffer. Avez-vous eu I'occasion de discuter ou d'envisager ce que serait, pour vous, la Confédération des organismes familiaux du Québec, une politique de sécurité du revenu qui, selon vous, serait adéquate pour les familles du Quebec?

M. Sylvestre: Pas en détail, non. On a regardé certaines hypothèses qui circulent effectivement dans divers milieux. Ce que nous voudrions surtout souligner, c'est le lien qui doit être fait entre cette politique comme dans toutes les politiques et la politique familiale. À ce moment-ci je le prends pour le projet du ministre, même dans la perspective du travail, je pense qu'il est absolument incorrect de présenter un projet orienté sur le travail sans présenter, en même temps, des mesures qui permettraient aux parents de concilier vie parentale et travail à l'extérieur du foyer. C'est tout à fait absent de cela et c'est absent, à notre connaissance, des propositions du gouvernement pour les prochains mois; ce n'était pas dans la politique familiale non plus.

L'autre élément qui nous apparaît fort important, c'est de faire le lien au plan préventif entre une politique de sécurité du revenu et d'autres politiques, notamment la politique de l'éducation. À notre avis, de la façon dont les budgets de l'éducation sont réduits et les budgets dans certaines écoles, principalement secondaires, pour tous les professionnels de soutien aux étudiants, on crée la prochaine clientèle de l'aide sociale actuellement. Avec les décrocheurs qu'on laisse aller, avec le programme professionnel court, etc., on est en train de créer la prochaine clientèle de l'aide sociale actuellement. Cela nous apparaît tout à fait incohérent. II n'y a aucune prévention qui se fait. (22 heures)

Dans ce sens, nous voudrions revenir sur la question de la contribution alimentaire parentale, qui nous apparaît une mesure extrêmement dangereuse parce que c'est une mesure qui va toucher des adultes. En effet, à partir de 16 ans, on n'est déjà plus des jeunes, on est vraiment des adultes, des jeunes adultes, si vous voulez, mais des adultes quand même. On va forcer ces gens à vivre dans leur famille, c'est-à-dire qu'on impose à ce moment-ci une contrainte très nette sur la famille pour que les gens, à l'intérieur d'une famille, soient forcés de vivre ensemble non pas par choix, non pas parce qu'ils en ont le besoin affectif, mais simplement par contrainte économique, ce que ce projet crée.

C'est pourquoi nous redemandons au gouvernement - et vous transmettrez, s'il vous plaît, la question à M Dutil - Est-ce que c'est ça la politique familiale? Si c'est cela, vous êtes en train de créer une famille-prison ou les gens vont être forcés de vivre ensemble. Forcés parce que les jeunes ne pourront pas aller vivre ailleurs dans la situation de chômage qu'il y a actuellement. Forcés parce que tout gain de travail qu'un de ces jeunes pourrait faire va nécessairement réduire les exemptions auxquelles son père ou sa mère peut avoir droit dans la fiscalité. II faut faire le lien entre votre politique et les politiques fiscales. On ne peut pas regarder la façon dont vous traitez la famille sans tenir compte du premier budget qui a été celui du gouvernement qui supprimait les seuils d'exonération d'impôt. On ne peut pas le faire sans tenir compte de ce qui se passe effectivement dans les prêts et bourses ou les jeunes qui

font des vrais travaux rémunérés, pas du travail au noir, voient leurs prêts et bourses réduits à cause de ce qu'ils gagnent pendant la période estivale. Non seulement cela, mais les parents sont pénalisés en plus parce que ce que gagne ce jeune vient réduire aussi les exemptions que les parents ont.

Des parents se retrouvent avec des jeunes aux études. Je vous le dis parce que vous disiez I'autre jour que ce que vous faisiez pour les jeunes était pour les pousser à aller aux études. D'accord, mais je vous dis que cela se retourne contre les familles. II y a des parents qui se retrouvent avec des jeunes de 20, 21 ans. Les jeunes se voient offrir un emploi. Ils s'assoient, ils font leurs calculs et se rendent compte qu'ils n'ont pas intérêt à prendre l'emploi parce que cela va trop réduire leurs prêts et bourses. Le parent s'assoit à côté et se rend compte qu'il va lui-même perdre 1000 $ ou 1200 $ si le jeune travaille. C'est un fait mathématique. Mettez-vous dans la peau d'un parent d'un jeune de 21 ans qui est aux études et qui travaille. C'est un fait. Le parent doit avoir assez de responsabilité, et ce n'est pas toujours facile, pour enseigner à ce jeune qu'il doit aller travailler même si c'est économiquement totalement incohérent. C'est cela, la responsabilité parentale. C'est cela, la responsabilité que les parents appliquent au Québec et ont appliquée dans les 30 dernières années. C' est un point extrêmement important.

Vous semblez dire dans votre document que la famille est irresponsable. Cela nous fait peur parce qu'il y avait le même type d'analyse implicite dans le document sur la politique familiale. C'est absolument inacceptable. Depuis 30 ans, les familles n'ont pratiquement pas été soutenues et ont néanmoins passé à travers une période de bouleversements sociaux extrêmement importants. Ce n'est pas nécessairement ta famille qui a éclaté depuis 30 ans et les analystes le disent. La famille a, tout simplement, subi une fouie de bouleversements sociaux qui touchaient d'autres secteurs de la société et qui se répercutaient sur la famille.

Mme Harel: Oui Vous voulez ajouter?

M. Sylvestre: Non. C'était simplement pour le rappeler. On n'a pas le temps d'en parler beaucoup. II faudrait qu'on revienne sur cette question de la contribution alimentaire parentale. Nous l'avons dit: II y a quatre ans, alors qu'on ne savait pas que votre projet s'en venait, on a fait une étude sur la question des prêts et bourses, on a consulté beaucoup de parents de la province. La réponse a été très claire: quant aux prêts et bourses, nous avons depuis une revendication qui refuse cette contribution alimentaire parentale. Nous n'allons pas l'accepter ici, non plus, très clairement.

Mme Harel: Vous avez dit tantôt que vous avez préparé un avis concernant les prêts et bourses Serait-il possible de nous le faire à la commission? Je crois que ce serait utile pour l' ensemble des membres d en recevoir copie.

Le temps presse, mais tantôt je vous entendais dire qu'il était utile à I'occasion, par exemple, de penser à un service de garde non seulement exclusivement en regard du retour à I'emploi, mais aussi en tant que tel pour soutenir la famille pour ce qu'elle vaut d'être soutenue. Le ministre nous faisait part que la seule participation aux mesures donnerait droit aux services de garde. Donc, les personnes dites admissibles qui attendent les bras croisés, semble-t-il, dans une catégorie de barèmes moindres que les mesures qui seront totalement accessibles leur soient données, encore là, c'est une contradiction parce que, si toutes ies mesures sont accessibles, pourquoi attendraient-elles pour entrer dans une catégorie moindre?

M. Sylvestre: Dans cette logique en plus, les personnes qui sont parents, c'est-à-dire employables non disponibles, n'auraient probablement pas droit aux services de garde.

Mme Harel: Sûrement pas Notamment, comme vous le disiez tantôt, dans le programme APPORT, d'après ce qu'on en sait, en tout cas, pour tout de suite et on en connaît plus parfois par les fuites que par les admissions du ministre, lorsqu'il y a deux parents, il faudrait que les deux parents travaillent pour avoir droit aux services de garde. Mais la logique, c'est que, s'il n'y en a qu'un seul, c'est à la personne qui est à la maison de faire la garde. Les frais de garde dans APPORT vont être remboursés pour tous seulement jusqu'à 50 %. Si on revient à cette logique, finalement, la logique que vous contestez dans votre mémoire, c'est celle qui consiste à n'aider la famille que lorsqu'elle échoue. Par exemple, à n'aider la famille que lorsqu'il y a un test de dénuement de la part d'un jeune qui est mis à la porte par ses parents. À n'aider la famille que lorsque la bénéficiaire de l'aide sociale va chercher un certificat médical comme quoi elle n'en peut plus et que la garde d'enfants deux ou trois jours par semaine est indispensable. Finalement, c'est une politique qui consiste à se substituer à la famille lorsqu'elle se désagrège ou se désintègre plutôt qu'à penser à un ensemble de mesures qui vont venir soutenir la famille dans le rôle qu'on voudrait lui voir pleinement jouer.

M. Sylvestre: À notre avis, le traitement de la famille est à la fois logique et à la fois illogique dans le document. II est logique parce que la raison pour laquelle on accorde si peu d'importance à la famille dans ce projet de réforme, c'est parce que tout est évalué en fonction du travail, d'une part. Sauf que, d'autre part, on se rend compte que même cette logique de travail ne tient pas toujours quand il est question des familles. La preuve, c'est ce qu'on

disait. Dans le programme APTE, si les deux parents deviennent participants, il n'y a pas doublage des besoins spéciaux, de l'allocation de disponibilité et pour les services de garde, l'on verra, ce n'est pas encore tout à fait clair pour moi. D'accord? Ainsi de suite. Dans APPORT, il faut absolument que les deux parents travaillent, ce qui veut dire que, si les deux parents travaillent, cela va coûter plus cher en prestations au gouvernement. Il y aura peut-être quelque part une Incitation à ce que l'un des parents reste à la maison.

En d'autres termes, on leur dit: II faut que vous alliez travailler. Mais on dit: Si vous avez des enfants, ce serait mieux qu'un de vous deux reste à la maison, cela coûterait moins cher.

Mme Harel: N'oubliez pas que vous-même, vous utilisez une notion de travail, mais c'est une participation à des mesures. Il ne faut pas confondre.

M. Sylvestre: Participation à des mesures, pour cela je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous.

Mme Harel: Parce que ce n'est pas le travail, la participation à des mesures.

M. Sylvestre: Ce n'est pas le travail sauf que...

Mme Harel: II ne faudrait pas glisser de chômeur à apte au travail, et de participation à des mesures au travail.

M. Sylvestre: Oui, sauf qu'il n'est pas évident, non plus, que beaucoup de monde va participer à des mesures d'employabilité à ce moment-ci. Donc, l'orientation de fond, elle est vers le marché du travail, mais sans emploi. Je suis d'accord avec vous: il n'y a pas d'emploi disponible.

Mme Harel: Dans le programme APPORT, les revenus autres que les revenus de travail seront pris en compte dans le calcul des prestations. Je lis la note au bas de page du programme APPORT dans le document confidentiel qui a été rendu public par le Front commun des assistés sociaux. Je ne comprends pas comment il pourrait y avoir intégration de APTE et APPORT puisque les revenus autres que les revenus de travail seraient pris en considération dans le calcul des prestations, donc viendraient d'autant réduire le calcul des prestations. De toute façon, on va laisser le ministre nous faire le plus tôt possible état de ce qu'il entend parce qu'il nous répète aujourd'hui que ce programme est déjà appliqué depuis le 1er janvier.

M. Sylvestre: Ce rapport - je voudrais vous le rappeler, M. le ministre - est urgent. Ce projet est annoncé depuis avril de l'année dernière. Moi, je suis recherchiste pour une organisation familiale. On me réclame des informations sur le rapport. Je ne cesse d'appeler aux centres Travail-Québec. Je ne cesse d'appeler à votre cabinet. Je ne parviens jamais à avoir des réponses claires à mes questions. Ce n'est pas possible.

Mme Harel: La dernière chose que j'aimerais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que je peux répondre?

Mme Harel: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quand la politique de sécurité du revenu a été autorisée par le gouvernement, il fallait faire des arrimages pour l'âge, par exemple, avec le programme APPORT dès le début. Si on avait admis une clientèle jusqu'à 21 ans et si on avait coupé après, cela aurait représenté des difficultés pour ces familles. Nous avons pris le temps de faire les arrimages qui étaient absolument essentiels, sans les faire tous parce que nous considérons qu'ils devront tous être faits à partir du moment où le programme APTE entrera en vigueur pour qu'il y ait vraiment un passage entre APTE et APPORT. C'est la raison qui explique les retards.

M. Sylvestre: C'est étrange. Moi, j'ai appelé depuis janvier au Secrétariat à la politique familiale, j'ai téléphoné au Conseil du statut de la femme, j'ai placé un appel à votre cabinet, à une Mme Dussault, qui ne m'a pas rappelé et je n'arrive pas à savoir.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme Dussault, si vous voulez...

M. Sylvestre: Certains me disent: Oui, les programmes APTE et APPORT peuvent s'additionner à l'intérieur d'une même famille et d'autres me disent non. Il faudrait qu'on le sache.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que j'ai des renseignements de dernière main et je viens de vous les transmettre.

M. Sylvestre: D'accord.

Mme Harel: Alors, un dernier aspect qui est peu examiné et qui est pourtant important, c'est celui des besoins spéciaux. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de cette information, à savoir que l'ensemble des ménages qui se retrouvent dans le programme APTE se verraient totalement écartés de l'application des besoins spéciaux pour d'autres allocations que celles de la santé. C'est donc dire qu'au programme Soutien financier il y aurait une admissibilité à

l'ensemble des besoins spéciaux, mais I'ensemble des ménages - et on salt que les familles avec enfants, à 85 %, se retrouvent dans le progrmame APTE - se verraient totalement écartés de l'application des besoins spéciaux administrés par l'aide sociale.

Mme Godbout-Perreautt: Ce à quoi vous faites référence, c'est aux montants supplémentaires pour les dépenses scolaires, les dépenses en cas de déménagement. Est-ce à cela que vous faites référence?

Mme Harel: Cest-à-dire l'ensemble de ce qu'on retrouve comme besoins spéciaux qui ne sont pas liés au programme d'assistance-maladie: le transport médical, les lunettes, les suppléments, diabète, paraplégie, orthèses, prothèses, en cas de sinistre, les frais funéraires, de déménagement, les suppléments de grossesse, de lactation maternelle, l'hémodialyse, etc. Le document d'orientation dit ceci: "Les besoins spéciaux couverts. Les bénéficiaires du programme APTE obtiendront gratuitement, par l'intermédiaire d'une carte-santé, les médicaments reconnus et autres services de santé (... ). Les autres allocations spéciales - celles que |e viens de vous énumérer - qui favoriseraient les bénéficiaires employables au-delà des conditions dont jouissent habituellement les personnes à faibles revenus seront éliminées. " C'est donc dire que les bénéficiaires du programme APTE, donc, majoritairement les familles, ne pourraient plus bénéficier des allocations spéciales.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce sont des personnes seules majoritairement dans le programme APTE.

Mme Harel: Cest-à-dire que majoritairement les familles sont dans le programme APTE.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non.

Mme Harel: Plutôt que d'être dans le Soutien financier, 85 % des familles sont dans le programme APTE.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord, oui. Comme on le disait, vous pouvez faire dire n'importe quoi aux chiffres.

Mme Harel: Mais les chiffres sont plus têtus que l'interprétation qu'on en fait.

Mme Godbout-Perreault: C'est cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pas plus que vous.

Mme Harel: Nous avons devant nous la Confédération des organismes familiaux du Québec et, quand on parle des familles, je crois constater, comme le fait votre document, que les familles bénéficiaires de l'aide sociale se retrouvent majoritairement dans le programme APTE.

Le Président (M Bélanger): Votre temps est écoulé, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Puisque j'avais permis au ministre d'en prendre un peu, on va peut-être demander au chargé de recherche de la COFAQ de nous signaler si cette question des allocations spéciales a été examinée par son organisme.

M. Sylvestre: C'est l'un des éléments qu'on n'a pas beaucoup développés, notamment par manque de renseignements, parce que c'est très rapidement dit dans le document d'orientation et cela fait partie des choses qui sont à voir plus tard. On dit que cela va venir plus tard. Ce n'est pas un élément qu'on a eu le temps de regarder beaucoup comme plusieurs autres éléments, on est passé à ce qui nous paraissait le plus directement essentiel, donc, il est évident qu'il y a des éléments qu'on n'a pas étudiés à fond. (22 h 15)

Mme Godbout-Perreault: J'aimerais ajouter que ces montants-là seraient sûrement très importants pour les familles si on considère qu'actuellement les besoins ne sont pas vraiment couverts. Si on regarde aussi les chiffres qu'on utilise et qui sont des chiffres de cinq ans passés, le coût de la vie augmente continuellement et, à ce moment-là, ces besoins ne sont pas disparus, les gens continuent d'avoir besoin de payer ces coûts. Alors, ce n'est pas parce qu'on changerait de programme que les coûts disparaîtraient pour les familles.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. II reste trois minutes à la formation ministérielle Alors, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai manqué mon coup tout à l'heure, donc, je me reprends maintenant, en trois minutes.

Cela me surprend un peu que la Confédération des organismes familiaux du Québec - pour vous, le mot "famille" veut tout dire - à la page 26, au chapitre de la contribution alimentaire, nous parle d'une analyse qui a été faite en 1984-1985 et de ses résultats. Personnellement, je crois que la situation n'est plus la même maintenant. Je pense vraiment qu'il y a une évolution dans la société. Ce soir, j'ai mangé avec trois ou quatre députés et on parlait, justement, de cela. Pour nous, on trouve bien normal que le lien parental ne se coupe pas à 18 ans, comprenez-vous?

Vous dites: "Quand les jeunes atteignent l'âge de la majorité légale (18 ans) la famille a déjà largement fait sa part". Donc, chacun cherche son chemin. Pour nous, c'est tout à fait normal. Ce matin, on a parlé d'un contremaître qui gagne 45 000 $ par année; je trouve cela un

peu aberrant que son fils de 21 ans soit sur l'aide sociale. Je pense que I'argent qu'on pourrait épargner avec cela on devrait le donner à ceux qui sont vraiment dans le besoin, par le programme Soutien financier par exemple.

Tout à l'heure, on a parlé d'un centre de jeunes encore dans le domaine de la famille on parle des enfants de douze ou treize ans. Les travailleurs sociaux disent, de temps en temps: Voici, si tes parents t'écoeurent - excusez I'expression qui a été utilisée - viens nous voir. Nous nous pensons qu'on est allé un peu loin. On s'est éloigné un peu de certains principes de base. Je comprends très bien que dans une famille avec de petits revenus, il faut être très prudent avec cette contribution. Je trouve cela totalement acceptable et je pense que cela va même fortifier le lien familial s'il y a des obligations de part et d'autre.

Cela me surpend un peu que, dans votre document, étant un organisme spécialisé dans les problèmes de la famille, vous sembliez accepter un peu cette philosophie que j'appelle pessimiste de la famille. Qu'est-ce que vous pensez de cela?

M. Sylvestre: Je pense que vous avez mal compris ce qu'on voulait dire. Nous ne disons pas que les jeunes de 18 ans doivent quitter les parents à 18 ans. À Radio-Canada, vendredi dernier, il y avait une ligne ouverte ou on posait, justement, cette question: Les parents doivent-ils faire vivre leurs jeunes qui sont des assistés sociaux? À une question comme celle-là la première chose que je répondrais c'est qu'il ne faut surtout pas oublier que, de toute façon, effectivement, les parents les ont fait vivre pendant 18 ans. Là, on pose la question comme si les parents les laissent tomber au bout de 18 ans, mais n'oublions pas, d'abord, en préalable, qu'ils les ont au moins fait vivre pendant 18 ans. D'accord.

Quand ils atteignent 18 ans, qui est un chiffre un peu arbitraire et cela varie selon les individus, il y a quand même un besoin d'autonomie qui est réel chez les jeunes adultes. Ils ont besoin de s'affirmer et d'être à l'extérieur de la famille. Ce phénomène-là, il faut absolument le permettre parce que vous n'aurez pas des adultes autonomes si vous ne leur permettez pas de le devenir et de vivre selon leur pleine dignité quand ils sentent le besoin de le faire. C'est de ce point de vue que c'est très important de leur permettre de quitter la famille de façon correcte

Ce n'est pas exact, à notre avis, de dire qu'il y a beaucoup de familles qui ne se préoccupent pas de leurs jeunes de 18 ans ou qui ne les soutiennent plus Pardon? Y a-t-il...

M. Polak: Le ministre me dit qu'il a un point d'interrogation: quitter par le biais de l'aide sociale.

M. Sylvestre: Je m'excuse.

M. Polak: Parce que quitter la famille à 18 ans... D'abord on quitte la famille, mais, pour moi, I'obligation continue. Si mon enfant de 18, 19, 20 ou 21 ans réside en dehors de ma résidence, cela ne veut pas dire que le lien est coupé, que je lui retire tout mon appui. Pour moi, l'obligation continue. D'ailleurs, le Code civil en parle. Mme la députée de Maisonneuve connaît bien le Code civil, on a travaillé ensemble là-dessus. Elle était au gouvernement et moi dans l'Opposition quand on a révisé cela. On a justement parlé de cette section. Cette obligation, ce n'est pas une chose que M. Paradis a conçue. Cela existe depuis longtemps. II est à peu près temps quon réinvoque ces principes qui sont bien naturels.

M. Sylvestre: Cela existe depuis longtemps dans le Code civil. Ce n'est pas appliqué dans nos politiques sociales, sauf pour les prêts et bourses. Nous disons que les parents que nous avons consultés l'ont refusé pour les prêts et bourses. Si le jeune se retrouve à l'aide sociale un bout de temps après avoir quitté sa famille, si c'est le choix qu'il a fait, ce n'est pas à cause de sa famille. C'est parce qu'il n'a pas d'emploi, c'est parce qu'il ne réussit pas à en trouver, c'est pour des raisons comme celle-là. II a le droit de vivre sa propre vie. On ne doit pas exiger de lui qu'il dépende continuellement de sa famille.

M. Polak: S'il est à l'aide sociale, n'est-ce pas, à ce moment-là, I'obligation du père, contremaître, à 45 000 $ par année, de dire: Aie, mon petit gars, qu'est-ce qui se passe? Je vais aller chez toi, je peux t'aider, j'ai une obligation vis-à-vis de toi avant que tu ailles voir à l'aide sociale. C'est cela que je veux dire par le lien qui se continue.

M. Sylvestre: Oui. II s'entendront entre eux.

C'est un choix qu'ils feront. S'ils ont des relations qui leur permettent cela, ils feront le choix.

M. Polak: Malheureusement, mon temps est expiré. Je peux continuer dans le corridor, comme tout à l'heure, mais...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de

Sainte-Anne fait du bureau à côté, j'en ai l'impression. La commission des affaires sociales vous remercie.

Mme Harel: Est-ce quon peut les remercier? Bien oui! Je voudrais profiter de I'occasion, M. le Président, pour remercier les représentants de la COFAQ et pour leur dire qu'ils ont sans doute pu constater que, lorsqu'on brandit l'obligation alimentaire du Code Napoléon pour tenir lieu des relations familiales, il y a beaucoup à faire pour défendre les acquis sociaux au Québec. Je pense que vous avez réussi à faire la promo-

tion des familles au Québec, mais il va falloir que vous veniez faire ce travail à I'Assemblée nationale. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la Confédération des organismes familiaux du Québec, à Mme Godbout-Perreault et à M. Sylvestre pour la qualité de la discussion, merci.

Le Président (M Bélanger): La commission des affaires sociales vous remercie et, compte tenu de l'heure, ajourne ses travaux à demain, 10 heures

(Fin de la séance à 22 h 23}

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